Contre-mémoire du Gouvernement de la République du Tchad

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6693
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COUR INTERNATIONALEDE JUSTICE

I>IIiFTERRITORIAL
(JAMAHIRARABELIBYECITCHAD)

CONTRE-MEMOIREDU GOUVERNEMENT
DE LAREPUBLIQUE DU

TCHAD

LIVRE 1

27 MARS1992Chapitre 1.
-La stratégie judiciaire de la Libye

- Les conclusionslibyennes
- Lesgrandeslignesde l'argumentation libyenne

lère ~artie - J edr0itaWhM.e

Chapitre 2.
-Un conflit portant sur la délimitation du tracéde la frontière

Chapitre 3.

- La revendication libyenne au regard du droit intertemporel

Chapitre 4.
- Lesrevendications libyennes A la lumibre des principes de droit
international contemporain

- La primautédes principesde l'intégritéterritorid,e I'uti
possidetiset de l'autodéterminationdespeuples

-La non-conformitédes revendications libyennesaux
objectifsproclamés et auxprocéduresen vigueuren
matièrede décolonisation nt et la conçolidation titre froNalw

Chapitre 5.

-La non-pertinence du titre originaire

-Lathèselibyenne sur leprétendu titre souverain

-Lesprétendusdroits souverainsdesTurcs sur le B.E.T.
-Lesprétendusdroits souveraind se la Senoussiasur le
B.E.T.

-La naturedesdroitsdespopulationsindigènessur le
B.E.T.

Chapitre 6,
-L'6tablissement de la souverainetéterritoriale française

-L'achèvementde laconquête française en 191 4
-L'occupationfrançaise

Chapitre 7.
-La prétenduesuccession de la Libye aux droits de la Turquie

Chapitre 8.
-Les délimitations conventionnelles de la frontibreB la lumiéredes
effectivitbs

-La nature juridiqude sdélimitationconventionnelles
-Letracé conventionne dle lafrontière

Chapitre 9.
- L'exercice continu de la souverainetéterritoriale française puis

tchadienne sur le B.E.T.

-Les effectivités françaises et tchadiensurle B.E.T. -Leseffectivitéfrançaisesettchadiennesdansla bande
d'Aozou

-L'attitudede la Libye

Chapitre 10.

-Les cartes

-Remarques générales su lrvaleur juridique desCartes
-Inutilitédescartes pourdéterminerle tracéexactde la

lignefrontiereentreleTchadet la Libye
- Présentationglobaledu matériaucartographique

- e Traitéde 1955

Chapitre 11.
-LeTraitéde 1955 et leprincipe "PactaSuntServanda"

- LeTraitéde 1955est untraitéde délimitationde la

frontiereentreleTchadet la Libye
-LeTraitéde 1955fait droit entreles Parties

Conclusion du Contre-Mémoire

Conclusionsde la Républiquedu Tchad

Atlas cartographique : LivreII

Annexes

-LivreII1:annexes CMfr 1à 76
-LivreIV :annexesCMn 77 à 144 SIGLESETABREVIATIONS

ANNUAIRES - RECUEILS - REVUES
I
&EsLL : Annuairefrançaisdedroitinternational
&LLL : AmericanJournalof InternationalLaw
- : Annuairedel'Afriquedu Nord
AflLLQL : Annuairede!a Commissiondu Droit
Droit international
EGAf. : BulletinduComitéde l'AfriqueFrançaise
ELY.Eu. : BriiishYearbookof InternationalLaw
C.P.J.I.,série A : Arrdts
C.P.J.I.,seriB : Avisconsultatifs
C.P.J.I.,sérieAB : Arrets,aviswnsultat~s.etordonnances(depuis1931)
L!& : InternationalLaw Reports
J.O.A.E.F. : JournalOfficieldel'AfriqueEquatoriale Française
Jm3.E. : JournalOfficieldelaRépublique Française
ru..&L : NouveauRecueilGénéra dlesTraites(Mariens)
B&eL : RevueBelgede DroitInternational
PL.u.u : RecueildesCoursde I'Academiede DroitInternational
de LaHaye
Et% : Recueildesarrêts de laC.I.J.
Bec. TrM : Recueildes Traitéde la Soci6tédesNations
l%L&kmk : Revuepolitiqueet parlementaire
FG!z!L : Revuegénérale dedroitintemationalpublic
EsA& : RecueildesSentencesarbiirales
lsLc.ku : RecueildesTraités des Nations Unies
SE. : StatesPapers

II ORGANISATIONS INTERNATIONALESET SIGLES DIVERS

A.E.F. : Afrique équatorialefrançaise
A.O.F. : Borkou,Ennedi,Tibestiçaise
C.D.I. : Commission,duDroitinternational
C.I.J. : Cour internationadeJustice
C.P.A. : Cour permanented'arbitrage
C.P.J.I. : Cour permanente deJusticeinternationale
G.N.N. : Gardes nationaux nomades
0.A.C.I : Organisationde l'Aviationcivile internationale
O.N.U. : Organisationdes Nations Unies
O.U.A. : Organisationde l'Unit6africaine
S.d.N. : Soci6l6desNations111 DIVERS

Pour la commoditéde la lecture, dans letexte du Contre-Mémoire, il sera
renvoyéauxannexesde la manière suivante :

-annexesdu MémoireduTchad:annexeMTT x...
-annexesdu Mémoirede la Libye:annexe MIL x...
-annexesdu Contre-Mémoire duTchad:annexe CMTTx...

de la mêmemanière, les références aux Mémoirestchadien et libyen ainsi
qu'auContre-Mémoire tchadienserontindiquées commesuit :

- Mémoiretchadien: Mn
- Mémoire libyen :MIL
- Contre-Mémoire tchadien :CMTT CHAPITRE 1.

LASTRATEGlEJUDICIAIREDE LA LIBYE 1.O1 Les valeurs fondamentales de la sociétinternationale
ont étérudement mises à l'épreuveau cours des dernières années.Qu'il

s'agissedu respectde l'intégrité territoret de l'indépendance politique,du
rôle fondamentaldu principecardinaldu non recoursà,la force pour modifier

des situations territoriales, la guerre du Koweit et, plus récemment, les
soubresauts politiques en Yougoslavieet dans l'ancienne Union Soviétique
montrentletour dramatique que peuvent prendre les évènemen dss lorsque

ces principes sont bafoués. Ironiede l'histoire, c'est aujourd'hui la vieille
Europequi apprendà son tour, aprèsl'AmériqueLatineet l'Afrique,le prix du

respect des frontières héritéesde la colonisation.La stabilitédu règlement
territorialapparaît donc aujourd'hilusquejamaiscommelegarant dela paix

mondialeet régionale. C'est dire que l'arrêt repar la Cour internationale de
Justice dans la présenteaffaire sera examiné avecun intérêt particuliee rn

raison de sa portéejuridique, maisaussi de ses conséquences politiques
considérables.

1.O2 Danslechapitre liminairdesonMémoire,"importance
de l'enjeu",la République du Tchad précisait ses craintes quaà la présente

procédureen cestermes:

"16. 1nefait guère dedouteque lapartie libyenne s'efforcera duralt
procéduredevantla Cour,de dissimulersonexpansionnisme sous les
apparences d'une discussion juridique de caractère technique.
Convaincue du bien-fondéde son argumentation,la Républiquedu
Tchadentendse placersurle même terrain dépassionné ; maiselle se
doit de souligner,en ce début de procédure q,ue c'est son intégrité
territoriale qui est en cause,et, au-delà, son indépendanceet son

développement,lourdementhypothéqués par l'effort militairq eue la
situation actuelle luiimpose." p. 14,par.16). 1.O3 En s'exprimant ainsi. le gouvernement de la

République du Tchad ne croyait pas si bien dire : les conclusions de la
Jamahiriya arabe libyenne sont proprement injurieuses pour la partie
tchadienne (section1). Le "raisonnement"qui est supposél'étayerrepose sur

une réécriturede l'histosansrépondreauxexigences Blémentaired su débat
judiciaire. L'argumentationde la partie libyennedéguisesous un mince voile

juridique un appétitterritorial féroce quiporte atteinte fondamentalementaux
principesde base dudroitinternationalpublic (section

SECTION 1. LES CONCLUSIONSLIBYENNES

1.O4 Les conclusions de la Jamahiriya arabe libyenne

mettent en question nonseulementl'intégrité territorde la République du
Tchad, mais l'existencemêmedu Tchad comme Etat. Si le Gouvernement

libyen daigne laisserà la Républiquedu Tchad l'administration du "Tchad
utile", c'est par pure bienveillance.La partie libyennene cache pas en effet

qu'elle considère avoirun titre juridiquesur l'ensembledu Tchad. Elledéclare
ainsi:

"6.82 On the basisof successionto the OttomanEmpirealone, Libya
would have had a legitimateclaimto a very large area, CO-extensive
with the Ottoman rights andtitles. This area is shown on Map no69,
togetherwith Italy'smaximumpositionas set out bythe ltalianColonial
Ministryin1920."(m ,. 475,par.6.82).

1.O5 Lacarteno68 du M.é. mo ibyen, reproduiteci-après,

indiquebien lafrontièrede l'EmpireOttomanà laquelle la Libyeprétendavoir
un droit légitimesuccession,frontihrequiinclutnonseulementl'ensemble

du territoire dela RépubliqduTchad,maisunebonnepartieduterritoire de
la RépubliqueCentrafricaine, du Camerounet même du Nigéria.Certes, la

Libyeconcèdeque desévènementsse sontdécoulés depuis ,uila conduisentMapno68 à limitersa revendicationà uneligne suivant pourl'essentiel le15ème
parallèle.Maisla nostalgies'exprimefortement.

1.O6 Déjà, dans son m, le gouvernement de la
République duTchad avaitsoulignéla politiquedu fait accompli pratiquéepar

la Libye en occupant militairement la bande d'Aozou aprhs 1973, en
contradiction avec le principe fondamental de l'interdiction du recours à la

force.

1.O7 La revendication présentede la Libye va très au-delà

de la bande d'Aozou. Les conclusions libyenneont pour effet de prétendre
l'annexion de I'ensemble des départements du Borkou,de I'Ennedi et du
Tibesti avec leur préfecture,rdaï,Fayaet Fada,mais encore une part non

négligeabledu Kanem,du Bathaet du BiltineavecArada.Ceci représenteplus
de la moitiéde la superficie de la Républiquedu Tchad. Le Mémoire libyen

s'expliquetrès clairementsur l'intentionqui l'anime

"Attributingto Libyathe regionsdescribedin its Submissionsto which
Libya claims to have clear title, would take full account of Libya's
security interests,hile at the same time leaving an extensive land
area between such a Libyan frontierand the strategic and economic
heartlandof Chad -whatthe Frenchhavecalled"le Tchadutile". (m,
p. 68, par.3.110)

II s'agitbien de s'emparerde l'essentielduterritoirede la Républdu Tchad
et de réduirecelle-ciau statut d'écroupion sinonde protectorat.

1.O8 A l'appui de ces conclusions extravagantes,la Libye
avance un certain nombre d'arguments qui sont fort peu juridiques, mais

encore qui présententun caractère politiquementdéstabilisantde nature à
remettre en cause l'ensemble du règlementterritorial en Afrique. Qu'on en

juge! .,

1.O9 Le ue libyenporteatteinteau principede l'égalité

souveraine entreles Etats en insistant lourdementsur la différencede nature
entre la Libyeet le Tchad.A en croireson Mémoire,la Libyeest un ancien Etat

qui a droit à l'ensemble des attributs de la souverainetéen raison de sa
noblesse historique.LaLibye insisteen déclarant "1.31 Libyagainedinternational recognitioas an independentState
in quitedifferent circumstancthan Chad."(m, p. 12,par. 1.31)

La partie libyenne insistelourdementsur cette différence nature entre les
deux Etats en soulignante caractère purement artifil u Tchad,créationdu

colonisateur (u, pp. 12 etS.,pars. 1.33- 1.36). LeMémoire libyen cite
longuementles propos pourle moins désobligeants de WRIGHT c,onsidérant

le Tchad comme un sous-produitet un reliquat de l'empirefrançais(ML, p.
411-412, par.5.532).

1.10 Le Tchads'élève contre cette présentatiqui dénigre
son identitéet porte atteintesa dignité.Le Tchad. commela Libye, a subi
l'oppression coloniale.Les déportations de main d'oeuvrel,es pratiques de

travail forcé s'apparentantl'esclavage, les exactions de l'armée cololuaa
Tchad peuvent êtrecomparéesaux atrocités commises par les colonnes du

GénéralGRAZIANI lors de la colonisation italiennedu Sud libyen. Les deux
nations ont été meurtriesans leur chair; elles ont droit égalrespect. Le

Tchad ne tolèrepas pour sa part les insinuationsMémoirelibyentendant à
le considérercomme une créationartificielle donton pourrait distraire sans
difficultétel ou tel élément,alors que la nationtchadiennes'est forgée avec

difficulté aulongdes décennies écouléeet malgré les manoeuvres de division
du colonisateur dans un premier temps, les ambitions territoriales de ses

voisins dans un second temps, y compris le recours à la force contre son
propre territoire. La République du Tchad attendaite la Jamahiriya arabe
libyenne, si prolixe en déclarations anti-colonial,n minimumde respect

vis-à-vis d'un petit Etat qui a souffert comme tant d'autres du fait de la
colonisation. Elle affirme avoir gagné le droità la dignité età l'égalité

souveraineau même titre que tout autreEtat.

1.11 Les conclusions libyennes s'appuienten second lieu

sur la théoriedes "frontières naturelles". Tla troisième partie duoire
(pp. 25 et S.)est consacréà cette longuedémonstrationsuivant laquelle la

natureauraitpartagéen deux leterritoire du Tchadle long du15èmeparallèle,
ce qui ouvrirait une aire naturelle d'expansiolr Libye.Lathèse libyenne
est résuméeen fin deMémo dians lestermes suivant: "6.05 The line 15ONhasnotbeenpickedoutof the air: itcorresponds
to realities.It is a naturalline of divisionto whichthe facts of this case
point, including not only the historical events, but also geographical
factorssuch as the physicalfeaturesand the underlyinggeology, the
chan ge in climatic zones, the contrastingeconomic factors and the

ethnic mixof the inhabitants. Thisis notmerelya foriuitouscoincidence
:for suchgeographical factorshad a direcî bearingon the makeup of
the peoples of these regions, their economic lives and their long
history. A geographical-geologicalfeature suchas the Tibesti-Ennedi
Divide,for example,is relevantto this dispute,notas a featurein itself,
but as a confirmation of a basic'division between the Libya-Chad
borderlands and the regionsto their south and of the linkage of the
borderlandsto the regionsandpeoplesto the north." (W, p. 442, par.
6.05)

1.12 On connaît la fortune de la théorie des frontières

naturelles au XVlllème et au XIXemesiécleset l'on se Souvriendraque cette
théorie a alimenté toutes lesvisées expansionnistes de l'Histoire depuis

DANTONet NAPOLEONjusqu'àCarl SCHMITTet son Grossraum.Lathéorie
des frontières naturelles,si elle était consacear la jurisprudencede la Cour

internationalede Justice,aurait des conséquencer edoutablespour la stabilité
du règlement territorial dans i'ensembledu continent africain et au-delà. Le

propre des frontières coloniales étantd'êtreartificielles, la recherche d'une
ligne naturelle ne manqueraitpas de provoquerd'immensescontentieuxavec
toutes les potentialitésde conflitsqui endécouleraient.

1.13 Parmi les diverses considérations avancées par la

Libye à l'appui de sa revendication,il en est une dontle cynisme est patent :
celle relative aux menaces que ferait peser sur elle une frontière qui ne lui
assurerait pas la souverainetésur le Tibesti. Les paragraphes3.91 à 3.110

(m, pp. 62-68) ne manquent pasde sel.L'argumentationlibyenneestsimple :
des lors que la Libye est devenueun Etat richedu fait de la découverte du

pétrolesur sonterritoire, sa vulnérabilis'enest trouvéeaccrue ; elle a donc
droità une protection militairecontre les invasionsqui pourraient provenir de

ce château-fort qu'est leTibesti alors que le Tchad, pays pauvre,ne risque
rien. LeMémoi lieyens'exprime dansles termessuivants :

"3.94 When Libyagainedits independencein 1951,considerationsof
security were not in theforefront of its worries; iwas a very poor
country, strugglingto survive,with not muchbeside its sovereignty to
defend. And the continuing French occupation otfhe southern partof the country was a threat even to that. After the early 1960s, this
situationtotallychanged. With tturnin Libya'sfortunes resulting from
the discoveryof oil, Libyabecame a relatively wealthy Sta(in terms
of GNP) and very much at risk, unlike its less fortunate neighbour
Chad,from morepowerfulStates that might seekto gain control of its
oil resources.Of course,underthe principleof the equality of States,
this situation gave Libyanospecial rightto securityor to the protection
of its sovereignty not availabletohad, but it did create for Libya a
heightened awareness of its vulnerability and of the need to take
adequate measures of protectionu, p.63, par.3.94)

1.14 Cette argumentation libyenneprêteraità sourire si

l'histoire récenten'avait pas témoigné ducontraire, c'est-à-dire de légions
libyennes déboulantdu Tibesti pour occuperà plusieurs reprises le territoire
tchadien, notammenten 1980, puisen 1983et de 1984 à 1987. En l'espèce,et

contrairementà ce qu'affirmelMémoi lbyen, c'estbienleTchadet non pas
la Libye qui s'esttrouvémenacé"frommorepoweriul Statesthat might seekto

gain control".

1.15 Le Tchad ne peut manquerd'interprétercomme une

véritable apologiedu recoursà laforce l'utilisation qui est faite palra Libye de
l'argument relatifl'opérationManta(pp.431et S.,pars. 5.568et S.).La Libye

n'hésite pas à tirer argument de la "ligne rouge" établie par les forces
françaises pour assurer laprotectionde N'Djamenacontre l'agresseur,en y

voyant une sorte de reconnaissancede la souverainetde la Jamahiriyaarabe
libyennesur leterritoire situé au Ndud15èmeparallèle:

"5.568 In earlyAugust 1983,Franceintervenedonce morein a major
way throughwhat was called"OpérationManta".The FrenchOperation
announcedthe drawingof a line acrossChad,the "ligne rouge",which
initially followed 15"N latitude ; it was intended to act as a sort of
"cordon sanitaire". The French Governmenttook the position that its
militaryforces were therenotto be directly involvedin fighting but as a

show of force. The "ligne rouge" wasto bethe southernlimit of action
that wouldbe permitted fromthe north. The deployment fforces below
this lineis shown on~Dno102,the reproductionof a sketchmapin a
bookof a certain "ColonelSPARTACUS. It is significant thatthe "ligne
rouge"followed the lineof latitudeN (subsequentlymovedto 16ON),
for it was a reflection of the uncertain and unresolved statusof the
regionslying northof there(m, pp. 431-432,par. 5.568;v. ci-après
la carteo103du Mlb issue dumême ouvrageet qui illustre également
cettethèse).Map. no 103

Janvier 1984
Map No. 103 j 1.16 L'utilisationaux fins d'une démonstration juridique du

croquisd'opération militaire présenté p arColonel SPARTACUSen insinuant
ce que cela pourrait comportercommereconnaissanceaveclesconséquences

territoriales de l'invasion libyenne est inacceptable. A cet égard, le
gouvernement du Tchad s'en tient à la position formulée par leprofesseur

JENNINGS,cité parle gouvernementlibyen dans sonMémoire :

"This question has been the subject of somedebate ; but reason
suggestsonly one answer. To brand as illegalthe use of force against
the "territorial integrity" of a State, and yet at the same time to
recognize arape of another's territory byillegal force asbeing itself a
root of legaltitleto the sovereigntyover it,is s.l..o risk bringingthe
law into contempt." (JENNINGS,R. : The AcQLblSLtin of Territo~ in
InternationalLaw,Manchester,UniversityPress, 1963, p.54)

1.17 La naturedes arguments utilisés par la partie libyenne
et l'ampleur des revendications territoriales affirméesdans sa conclusion

remettent en cause la notion même de règlemen ptacifique du différend.La
République du Tchad constate qu'elle est prise à contrepied par une

revendication quin'a jamais été avancée pla arJamahiriya arabe libyenneau
cours des procédurespassées.Ni devantl'organisation des Nations Unies,ni

devant l'organisation de l'Unitéafricaine,ni lors de la conclusionde l'Accord
cadre soumettantle présent procès à la Courinternationalede Justice,la Libye

n'a indiqué qu'elleentendait réclamep rlus de la moitié duterritoire du Tchad.
En dévoilantbrutalement une ambition exagéréle e,gouvernementlibyenfait
sortir le différend de la catégoriedes différends juridiquesoù il avait été

cantonné jusqu'alors pour le transformer en différend politique majeur,
touchant la suivie même d'une ded seux parties,le Tchad. Le gouvernement

de la Républiquedu Tchad considère cet ensemble d'arguments comme
irrecevable sur le fond comme en procédure. II serait en droit d'exiger

l'interruptionde la procédure engagée devan lt Cour internationalede Justice
si profondémentdénaturée par l'extravagance des demandes libyennes. II se

gardera cependant de céder à ce qu'il considère comme une provocation
politique.Le gouvernementduTchad faitconfiance à lajustice internationaleet

à l'application impartialedes règles du droitinternational public.II demande
justice, rien de plus. SECTION 2. LES GRANDES LIGNES DE L'ARGUMENTATION
LIBYENNE

1.18 La Libye est un pays riche et s'entargue à plusieurs
reprises(v.parexemples U, pars.3.7ï-3.78 ou5.548)Ses écrituresreflètent

les moyensfinanciersdont elle disposeet dont le Tchad estdépourvu :à un
concoursde beauté,son Mémoiregagnerait, assurémentu ,n prixauquel celui

de la République duTchad ne saurait prétendre et ne prétendpas. Les 109
cartesqui l'illustrentluidonnentuncaractère "attrayaqui,pourtant, n'estpas

innocent : il s'agit de faire naître l'idée, par la répétitionde "limites"
soigneusementconçuesen vuede leurprésentation à la Cour,que ceslimites

constituentla frontière (v. infra,chapitre10).Ce genrede procédne saurait,
pourtant, tenir lieu de raisonnement juridique.Pasdavantageque ne le peut

l'accumulation de "données" économiques, historiquesou politiques qui
constituent90 % du Mémoire libyen (pp.1-19 et 25à 434).

1.19 L'un des traits les plus frappants de celui-ci, qui
apparaît à la seule lecture de la table des matières, tient en effet à la
disproportion manifesteexistantentrel'exposédes règlesde droit pertinentes

et celuides faits auxquelscelles-cisontcenséess'appliquer. Paradoxe devant
la Cour mondiale : le droit est réduità la portion congrue tandis que,

démesurémeng tonflés, ré-arrangés, orientés -parfois naïveme nt-,aits, ou
les éléments quien tiennent lieu, font l'objetde tous les soins de la partie

libyenne.
. .
1.20 II ne fait aucundoute que le droit ne s'appliquepas

"dans le vide" ; "il est inhérenà la vie sociale" (MohammedBEDJAOUI,
"Introduction générale"in M. BEDJAOUIdir., Droit international - Bilan et

gersoectives,Pedone-UNESCO, Paris, 1991 p,.4). Encorefaut-ilquela réalité,
à laquelle il s'appliqueet dont il est issu, ne soit pasdéfoet contrainteà

des fins de démonstrations, anségard pourla véritéet, parfois,pourla simplevraisemblance (§ 1). Encore faut-il aussi ne pas confondre raisonnement
juridiqueet affirmations d'évidences qnie le sontque pour leurs auteurs2).

1.21 LeMémoir lbyen est constamment marqué par un
certain lyrisme anti-colonialiste. Est-il besoin de peure la Libye n'apas le
monopole de l'anticolonialismeet que la Républiquedu Tchad partage son

aversion pourla colonisation?

1.22 Maiscette aversion partagée ne constitue assurément
pas un motif suffisant pour mettre la période coloniale"entre parenthèses".

Aussi dramatiquequ'elle aitété,aussi critiquables qu'en soient les résulta,ls
colonisationa existé; a des conséquencesde tous ordres, y compre in

droit.II ne suffit pas, commele fait la Libye, de dénoncerles "policies and
practices accepted by membersof the "Great Power Club at the time" (m,

par. 1.38) et de constater queces politiqueset pratiques "are notacceptable
today" (ibid.) pour nier l'existencedes règles juridiquesqui en sont résultées.
Le principemême de l'héritag desfrontières coloniales,auquella Libye n'ose

pas s'opposer "de front"(v. infra, par. 1.56), serait dépourvude sens et de
portéesi l'onen venait,à dénier,auxpuissances coloniales,ledroit de fixer les

frontières de leurs empires respectifs conformémentaux règles alors en
vigueur, au prétexteque leur présence dansces régionsdu monde était

illégitime, si, en tous cas, on la jauge l'aune des principes, assurément
préférablesa,ujourd'huiadmis.Dela même manière c,ommela Républiquedu
Tchad le montrera ci-après (chapitre 3), on ne peut plaquer sur la période

antérieure à la première guerre mondiale des règles juridiques et, en
particulier, le principe de l'interdiction du recoàrla force des relations

internationales,qui n'ont accéau droit positif qu'ultérieurement.

1.23 Ces constatationsde simple bon sens n'impliquenten

aucune manière,que leTchad si douloureusementéprouvé pla ercolonialisme
français (vsupra,par. 1.OB),en prenneladéfenseou en fasse l'apologie.Ellessignifient simplement que le droit n'est pas fait de bons sentiments ; il

s'appliquedansdes circonstancesdonnéesà des situationsparticulièreset ce
n'est pas en donnant desuneset desautresune représentation erronnée ou
"sublimée",commela Libyes'yefforce,en vain,qu'elle peutespérer établir le

bien-fondédesathbse.

1.24 La Républiquedu Tchad rétablira,tout au long du
présent -, la vérité historique eliaison avec les diffbrents
éléments de son argumentationjuridique.Elleseborneraci-après à mettreen

évidence certains aspects particulièrement frappants de la réécriturede
l'histoiàelaquellese livrela Libye.

"TheUniaueRole of theSenoussi "
a)

1.25 La Libye est prospère (v. surpa, par. 1.18). Etat

nouveau, issu,comme le Tchad, de la décolonisation,elle n'en cherche pas
moins, comme un bourgeois qui se veut gentilhomme, à acquérir,

artificiellement, des lettres de noblesse historique, en réécrivanten une
successionde pages glorieuses l'histoirdouloureusede la colonisation qu'elle

transformeainsien unevéritablechansonde geste à la gloiredu senoussisme
dont le régimelibyen actuel, issu pourtantd'un coup d'Etat contre le dernier

émirsenoussiste,se veut l'héritier direc-tcomme Rome,à travers I'Enéide,se
posait en successeurde Troie-. La réalité est plus banale-ce qui ne signifie
nullementqu'ellesoit infamante: la Libyecommele Tchadont étécolonisés;

dans les deux cas, lespeuplesindigènesonttentéde luttercontrel'occupant;
dans les deux cas, ils sont sortis meurtris et profondémetransformésde la

colonisation; dansles deuxcas,ils se sontefforcésde gérerle legs colonialet
de construireun Etat moderne.

1.26 . Selon la Libye,

"[Olne ofthe uniqueaspectsofthiscase concerns the Senoussiorder -
its leadership of the Senoussi tribes throughout the Libya-Chad
borderlandsand its relationshipto the OttomanEmpire,to the French
andto the Italians(m, par. 1.30).Ainsi la Senoussia

-se serait implantée profondément dan "a région frontalièrtchado-libyenne"

("theLibya-Chadborderlands");

-aurait héroïquement résist él'avancefrançaise,

-avantde se retourner contrel'Italie,

-et d'êtreà l'origine de l'indépendancedla Libye,

-avec laquelle elle a "fusionné" ("mergered ",L,pars. 1.28et 1.29).

1.27 II y a de I'Açtérixl dans cette présentation : toute
l'Afrique est colonisée; mais une région peuplée d'irréductiblSeesnoussistes

résiste encoreettoujours à l'envahisseu ..

1.28 II n'entre nullement dans les intentions de la

Républiquedu Tchadde nier les apportsdu senoussisme, dontcertainsfurent
positifs.La réalité, pourtant,st plusprosaïque:

- la Senoussia est d'origine maghrébine ; il s'agit d'un mouvement de
renouveau religieux islamiquefondé parle MaîtrealgérienMohammedBEN

ALI ESSENOUSSI à la Mecque en 1837;

- son fondateur s'installaen Cyrénaïqueen 1841 ; d'Al Baida, son siège fut

successivement transféré à Djararoub(1856),puis à Koufra (1859) et Gouro
(1898),avant de revenirà Koufra (1902);

-de religieuxet mystique qu'il état l'origine,le mouvement devint également
politique, militaireet commercial, contrôlantles routes descaravanes dansle

Saharaoriental ;

dessin6esqui raillele traverspauxFrançaisde transformeen victoiresles defaites
subiesaucoursde leurhistoire.- principale force organisée dans la région, la Senoussia lutta en effet

successivement contreles Français-qui entendaientlui interdire de se livrer
aux commerces lucratifs des esclaves et des armes, qui fondaient sa
prospérité-,jusqu'en 1914, puis contre les Italiens ; dans les deux cas

cependant,ellefut défaite, t, commela Libyele reconnaa, par.6.65), elle
le fut sansuhreopposerde résistance armé;e

-toutefois, le mouvementperduraet, son chef, longtemps réfugiéen Egypte,

devint, en 1951, Roi du Royaume-Unide Libye avant d'êtrechassé deson
trône en1969parle colonelKADHAFI.

1.29 La Républiquedu Tchad tirera des conclusions plus
précisesde ces faitsdans les chapitres quisuivent.Leursimple énoncé suffit

établir

- qu'il paraît quelque peu tendancieux d'insister sur le caractère
fondamentalement "libyen"du "leadership"senoussiste (cf. m, pars. 1.23,

1.30 ou 5.200) (commeil l'est,d'ailleurs,de qualifierde "libyennes"les tribus
arabes du Tchad - cfibid.pars.4.84 ou 6.05);

- que si le senoussisme constitua,pour les populations du nord du Tchad,
l'occasion d'un renouveau de la foi musulmane, la Libye n'a aucun titreà
confisquercet héritage culturl t religieux;

- qu'en revanche,la prospéritdes Senoussistesde Cyrénaïquefut largement
fondéesur une exploitationde certainestribus tchadiennes, décimées par le
commercedes esclavesauquelse livraitla Senoussia ; et, surtout,

- que le titre juridique qu'elle pouvait avoir sur la région septentrionaledu
Tchad actuei a étédéfinitivementsupplanté parle titre colonial français,

comme il l'aéten Cyrénaïque,parceluiacquis parl'Italie.

1.30 La déterminationde la naturede ce titre est, dès lors,

quelque peu académique puisqueq , uelqu'ilait pu être,n'a pas survécuà la
colonisation. 1.31 La Républiquedu Tchad doit cependant reconnaître
avoir, elle aussi, pêché par imprudence à ce sujet dans son Mmoire,
lorsqu'ellea laisséentendreque "à i'époque[en 1899-19021,et jusqu'en 1912,

c'étaitla Senoussia qui exerçait de tels droits [souverains]sur la région"du

B.E.T. (u, par. 1.77,p. 254)z. Une Btude plus approfondie montre quela
réalitéest plus nuancée: la confrérie est,sans aucun doute, sortie du rôle
purementreligieuxque luiavait impartisonfondateur. II n'en résulcependant

pas qu'elle ait exercéun pouvoir souverainsur leterritoire et les populations
des régions septentrionaledsu Tchadet méridionales de la Libye:commecela

est établici-après (pars.5.98 et.),son influencese superposaaux pouvoirs

locauxqu'elle ne supplantajamais sice n'estau sudde la Cyrénaïque,durant
une brèvepériode, quipritfin en 1931avecla prisede Koufrapar lesItaliens.

1.32 La Libye,pour sapart, ne contribue guèreà éclaircirle
débaten Bvoquanttantôtla"souveraineté partagée (""sharedsovereignty")des

Turcs et des Senoussistes (v. par exemple, u, par. 6.28), tantôt la
persistance de titres éparpillésentre ces deux entitéset les "populations

indigènes"(v. par exemple, ibid.,par. 4.134).

1.33 Lavérité historiquest assezdifférente: le contextede
l'époque interdit,en réalitde parler de souveraineté,au sens contemporain

du mot. Lorsque les Françaisentreprennentl'occupationdu B.E.T.,celui-ci est
peupléde tribus éparseset clairseméesqui subissentde façon plusou moins

intense l'influencesenoussiste; quantaux Turcs, ilsfirent, entre 1908et 1911
une brèvetentative pour s'implanter dansla région,mais leur défaiteface aux

Italiensdans le nordmit untermeà leursambitions.

1.34 La "geste senoussiste" chantée par le Mémoirede la

Libye peut présenterdes vertus pouraffermir lesentimentnationallibyen -tout
Etat nouveau cherche, dans I'histoire,des'motifspour renforcer la cohésion

nationale-, mais cette histoire officiellene peut se substàtl'histoire "tout

2 commed'ailleurlorsqu'ea concédhu.npeusommairemend t,ansleparagraphesuivant,
l'existend'une"brève parenthèse"dans l'exdiee'autoreffectivefrançaise denls
Tibesti(ibid..par.:v. infra,pars.6.77et S.).court" pas plus qu'il ne saurait, devant la Cour mondiale, être question
d'accepterI'histoire"sousbénéficed'inventaire".

1.35 Tel est, pourtant,le traitement que la Libyeserve à

l'histoire des relations tchado-libyennesdepuis les indépendanceset au rôle
qu'atentédejouer I'0.U.A.dansle règlementduprésentconflit frontalier.

1.36 II est, par exemple, toutà fait extraordinaire que la

Libye invoque avec insistance la menace queles frontières actuelles et le
Tchad lui-mêmeferaient peser sur sa sécurité.Si on la comprend bien, la
puissante et riche Républiquedu Tchad, bien caléederrière le rempart des

montagnesdu Tibesti,auraitdes viséesimpérialistes surson voisindu nordou
favoriseraitles ambitionsde tierces puissances(v.pra. par. 1.10et S.).C'est

reconstruire"le monde à l'envers".

1.37 Lavérité estévidemment toute autre.

1.38 Alors que durant la dizaine d'années qui ont suivi
l'indépendance du Tchad, les relations entre les deux pays, sans être

particulièrement chaleureuses, ont été convenables, elles se sont
considérablementdégradées dès le débutdes années 1970. Une tentative de

coup d'Etat pro-libyen,le 27 août 1971,conduisit le Président TOMBALBAYE,
qui dénonça aussitôt l'intentiondu Colonel KADHAFI d'annexer le nord du

Tchad (cf.LeFiaar oseptembre1971), à rompreles relations diplomatiques
avec la Libye. Ellesfurent reprisesleavril 1972.

1.39 Le coup d0Etatmanquéde 1971 n'en avait pas moins
constituéle révélateudres ambitions "tchadiennesde la Libyequi, depuis lors,

s'est constammentingéré dans les affaires intérieude sonvoisin dusud. La
simple chronologiedesfaitsessentiels est,à cetégard, éloquente:- en décembre1972, TOMBALBAYE, obtienlta promesse del'arrêt de i'aide
libyenne aux rebellionsdu nord en échange d'un spectaculaire renversement

d'alliances;

-en 1973,la Libye envahit Aozouet y installeune base militaire;

- le régime finissantde TOMBALBAYE -quisera renverséet tué le 13 avril

1975- doit,dans i'espoirde l'appui libyen contre les contestataireseornerà
des protestationsdiplomatiques discrètes (cf. notammentla missionBOHIADI-

YAKOUMAI à Tripolienaoût 1974);

- le successeur de TOMBALBAYEl,egénéral MALLOUM n,'eutpas lesmêmes

prudences et dénonça publiquement,dèsseptembre 1975(cf. M/L, par. 5.561)
l'occupation de la bande d'Aozou puis, après une offensive armée fortement

appuyée parla Libye dansle norddu Tchad, saisitla XIV~~~Conférencedes
Chefs d'Etat et de Gouvernement de l'O.U.A. en juillet 1977 (Sommet de

Libreville)et leConseil de sécuritdesNations Unies en févrie1 r978 ;

- il en résultades pressions accruesde la Libyesur le terrain qui intensifiason
aideà l'opposition armée au pouvoir central danlsnord du pays, contraignant
le général MALLOUM à participerà uneconférence de réconciliation nationale

età retirersa plainte au Conseilde sécurit;

-une guerre civile intermittente, massivement attisée plarLibye, endeuillale
Tchad de février1979 à juin 1982et est marquée par une expédition militaire

libyenne jusqu'à N'Djamenaen décembre 1980 (à la suite de quoi,la Libye
s'empressed'imposer auTchad un accord ambigü prévoyant à terme "l'unité

complèteentre les deuxpays"-6 janvier 1981, MIL International Accordsand
Aareements Annex no 38) ; la Libye ne se retira que sous la pression
internationaleet pour couper courtà l'envoid'une force africaine demaintien

de la paix en novembre 1981 (v. Jean-Claude GAUTRON, "La force de
maintiende la paix au Tchad :Eloge ou requiem?", Annéeafricaine 1981, p.

178) ;

3 BN~OBOHlADlBtantMinistredesAffairesétrangèresduTchadet MohamatYAKOUMA,
Secrétaid'Etaà laPrbsidence.- en juin 1983, une nouvelleattaqueest fomentéepar la Libye et menéepar

ses protégés ; elle sera stoppée avecI'aidede la France("opérationManta").
Quatre ans plustard, lesForces armées nationalechadiennesont à nouveau
libéré le B.E.T., y compris Aozou, que les troupes libyennes reprirent

cependantle ler septembre 1987.

1.40 Laconstatationd'uneexcellente spécialisde la Libye,
Mme Mary-Jane DEEB,paraît dès lors, au regardde ces faits, en-deça dela

réalité:"Thus,everytimean anti-Libyangovernment,or evenonethat wastoo
independant from Libya, came to power in Chad, QADHAFI engaged in a

conflictualforeign policyof supporting, armingand training groups opposing
that government" (Libva's ForeianPolicv in North-Africa, Westview Press,
Boulder, 1991, p. 132). C'est l'avènement à N'Djamena d'un régime

inconditionnellement pro-libyenque le Gouvernementde Tripoli semble s'être
fixé commeobjectif,prélude d'une union inégalentrelesdeux pays.

1.41 Certes, il est résulté longtede cette politique une

instabilité politiquechronique au Tchad. Mais la Libye est bien mal venue
s'en plaindre : "Si la frontièrede la Libyeest peu sûre,c'est d'abordparceque

les Libyens l'ont déplacée d'uncentainede kilomètressans consulter leurs
voisins tchadiens"(RobertBUIJTENHUIJS,Le Frolinatet lesauerrescivilesdu
Tchad 11977-1984),Karthala,Paris, 1987,p. 382).Quantà s'indigner, comme

le fait la Libyeque despuissances étrangères soient intervenusour aider le
Tchad àmaintenirson indépendance (v. parexemplea, pars. 3.07ou 3.93),

c'est, là encore, tourner"l'arroseur arr: lorsqu'onallume desincendieson
ne peut guères'étonnerde I'intewentiondespompiers.

1.42 La politique de la Libye a, du reste, constamment

consisté às'efforcerd'enfermer le Tchad dansun "tête-à-têtavec elleet, en
rejetant tout recoursun tiers, de tenter de profiterde sa supériorité évidente
au plan économique et, quoiqu'elle soit moins avérée(cf. les victoires

tchadiennesde Fadaet doOudi-Doum en 1987),militaire, pourtenter d'imposer
sa volonté.L'attitude libyenne face aux efforts de règlement du différenddel'organisation de l'Unitéafricaine est particulièrementrévélatde cet état

d'esprit.

1.43 D'une façon générale d'ailleura,Libye semontrefort
discrète sur le rôle qu'ajoué'O.U.A.pour réglerle différendou, plutôt, pour

tenter de le régler, puisquela partieibyennes'est constamment ingéniée à
paralyser son action (v. m, pp. 37-41). L'un de ses silences les plus
éloquents concerne les rapports du Sous-Comité des experts juristeset

cartographes du Comité ad hoc de l'O.U.A.qu'elle seborne à mentionnerau
paragraphe 5.574 de son Mémoire pour relever qu'ils ont commencéà

collecter le matériaudocumentaire pertinentet appeléà la saisine d'une
juridiction internationale.

1.44 En réalité, les enseignements qulonpeut tirer de ces
documentsvonttrès au-delàde cesconstatations.

1.45 En premier lieu, les rapports démentent l'affirmation,

maintes fois répétée palra Libye, selon laquellele présentlitige serait un
différendterritorial, portantsur l'attributiond'unterritoire, par opposition

différendfrontalier, concernanttracé d'une frontière (v.ra,chapitre2). Dès
la première phrase deson premier rapport,le Sous-Comité, dont lesvues ont

étéreprises à son comptepar le Comité ad hoc,indique:

"Le ditférend fronw entre le Tchad et la Libye est un différend
colonial" (annexeMa: P 81, p. 272- souligné parla Républiquedu
Tchad, :v. aussi, parexemple, annexeP82, p. 394)

conformémentd'ailleursauxtermesde la résolution1 (1)du Comité ad hoc qui

l'avaitcréé(v.ibid.p. 277).

1.46 Pour le Sous-Comité,il ne fait aucun doute que ce

différendporte sur I'appartenancede labanded'Aozou etqu'un choixdoit être
fait entre la frontière actuelle et celle prévue par le Trfranco-italien de

1935:

"En l'espèce,il y a différend puisleTchadet la Libye secontestent
mutuellement I'appartenancede la bande d'Aozouà chacun de leur territoire : chaque Partie contesteà l'autrele droit de se réclamerde
cettebandecommetitre d'exercicedesescompétences juridiques.
En i'espéce, i'objet du différendest la situationde la bande d'Aozou
telle qu'elle résultedes accords internationauxpertinents. Autrement
a la frontière nord du
dit, laonte- i n
Tchad et sud de la Libye"(annexe P 81, p. 303 -souligné parla
République du Tchad -v. aussip. 300).

1.47 La Libye -qui n'avait pas participéaux réunionsdu

Sous-Comitéayant donnélieu à l'élaborationde ce premier rapport non
seulement n'a nullement protestécontre cette définition du diffél'année
suivante lorsqu'elle a pris part à la réunionde Libreville qui conduisit à

l'adoption du second, qui, lui aussi, utilise constamment l'expression"bande
d'Aouzou"(v. par exemples annexe P82, pp. 365 ou 376), maisencore,

elle s'est, en mars 1990,félicidu projetde protocolede miseen oeuvrede
l'Accord-cadred'Algerprésentéparle Gabon(annexe 143). Ordansson

articlee', cetexte dispose:

"Toutes les forces militaires et paramilitaires stationnéesdans la
localitéd'Aozouou en tout autrepoint de part et d'autredeareaion
litiaieuse aooelée Bande d'Aouzou doivent se retirer de leur point
d'appuiactuel...(soulignéparla RépubliqueduTchad).

Les négociations échouèrent, mais podursraisons tenantà la miseen Œuvre
des "mesures d'accompagnemente "t nullementà ladéfinitiondudifférend.

1.48 Les rapports du Sous-Comité donnent égalementde
précieux renseignementssur les sources de la délimitationde la frontière

(qu'ilsopposentà justetitre à sa démarcati-v. annexe Mn P 81,p. 304) et
les thèses soutenues par les parties à cet égard.Quelques pointssaillants

méritent d'être mentionné:

i) Le Sous-Comité estime que "l'action conjointe franco-britannique" a
déterminé la frontièreséparantle Tchadet l' ibye"par la Déclaratifranco-

britanniquedu 21 mars 1899et la Convention supplémentairdeu 8 septembre
1919 (ibid.,p. 272).

ii) S'ilest vraique la Libye,niimplicitement(ibid.,pp.301-302),ni explicitement
par la suite (annexeMa: P 82, pp. 387-389),n'a admis l'opposabilitéde cesaccords, ellen'a en revanche, nullement contesté la validité duTraiiéfranco-
libyendu 10 août 1955,se bornant à mettre endoutesa pertinence devantle

Sous-Comité, qui relève expressément :

"Ce traité posedeuxproblémes defond.
"1" Celui de sa validité.Flle n'econteçtée des Partles II
(Ibid., p. 400-soulignéparla Républiquedu Tchad).

Ceci contraste singulièrement avec l'attitude adoptée e plaidoirie devantla
Courpar la Libye.

iii)I en va de même, de maniére enco rlus nette s'il sepeut, dlaposition

de la partie libyenneen ce qui concerne "la validité dla frontière fixéepar le
Traitéde Rome du7 janvier 1935"(ibid.,p. 389). Alors qu'elle voit aujourd'hui

dans ce texte un pactum sceleris qui imposait à la Libye des sacrifices
insupportables et n'est, fort heureusement, jamais entréen vigueur (U, v.

not.pars.5.351à 5.353),elles'enestabondamment prévalue devan lt Sous-
Comitéqui, résumanltathèselibyenne surce point, indique:

"La validitéde cette frontière fixée pae Traité de Rome du 7 janvier
1935résulte de
"- lavaliditéduTraitéde Rome,
"- la pertinencedu Traité,qui constitue la première délimitation des
frontières faite par dEtatsayant compétence pour ce faire,
"- la non-dénonciationdu Traitéde Romepar l'échangede notes
franco-italien de 1938,
"- la déclarationfrançaise de débutd'exécutiondu Traitéde 1935"
(annexe Mn P 82,p. 389).

IIest difficilede se contredire davante..

1.49 La République du Tchadreviendra tout aulongde son
contre-Mémoire,de façonplusprécisesur lefond des problèmes abordéspar
le Sous-Comité.IIsuffiticide faire deuxconstatations:

i) d'une partla Libye, quia pourtant insisté fréquemment slu arnécessité de

régler le litige dans un cadre africain, ne fait strictement aucun cas des
positions, pourtant fort raisonnabls,risespar leComitéad hocde l'O.U.A.et

par son Sous-Comité,positions que, dans son Mémoire, la Libye ignoresuperbement, confirmantainsi sa propension A faire un tri fort subjectif entre
les faits historiques selon qu'ilsluiparaissentjouerou nonen sa taveur,

ii) d'autrepart, l'extraordinaire contrexistant entreI'argumentationqu'ellea
développéedevant le Sous-Comitéet celle qu'elle présente devantla Cour

laisse planer des doutes sur sa volontéréelle d'aboutir à un règlement du
différendfondésur ledroit.

1.50 Réduiteà ses élémentsessentiels, I'argumentation
développée par le Mémoirelibyenpeutêtre résumée ainsi:

i) La frontière séparant le -Tchad de la Libye n'a jamais fait l'objet de
délimitation:

- les accords franco-anglais de 1898, 1899 et 1919 délimitaient de simples
zones d'influence ;

- l'Italie, par ses traitésavec la France,s'est vue,à son tour, reconnaître par
celle-ci une zoned'expansionen Tripolitaine ;

- lorsqu'elles'y est implantée,en 1912,elle est devenueI'héritiére des droits
combinésdes Turcs sur l'hinterlandde la Tripolitaine, des Senoussistes sur

leur zonede "souveraineté" et despeuplesindigènes;

- le Traitéfranco-libyende1955n'apasdavantageprocédé à ladélimitationde

la frontièreque les accords auxquelsilrenvoie;

- la frontière reste dès lors hypothétiquecomme l'Assembléegénérale des

Nations Unies l'avait constatépar sa résolution 392V)du 15 décembre1950.

ii)La frontière n'étantpas délimitéei,l n'ya pas lieu d'appliquerle principe de

I'utipossidetisjuriset la Cour doitprocéder à cettedélimitationen se fondantsur une sériede considérations fondées sur l'histoire,lagéographie (frontières

naturelles), l'économie,des considérationsethniques. de sécuritée .tc..(v.
supra, pars. 1O9et S.).

1.51 Lesdeux"temps" de ce raisonnementreposen stur des
postulats, non explicités, maiomniprbsentsdansle de la Libye dont,

poursa part, la RBpubliqueduTchad,ne saurait,enaucune manière, admettre
le bien-fondé.

1.52 Peut-être est-cela forcede i'habitude(cf. les arrêde
la Cour du 14 avril 1981 (&& 1981,p. 3), du 24 fBvrier1982 (Rec. 1982, p.

18) et du 10 décembre1985 (W 1985, p. 190) dansl'affaire du Plateau
çontinental (TunisieILibye)ou du 21 mars 1984@c& 1984, p. 3)et du 3 juin

1985 (Rec 1985, p. 13) dans celle du &&&au continentd (LibyelMalte)) : la
Libye,en tout cas, se trompe d'exerciceet plaideici une affaire de délimitation

maritime, domainedans lequel, incorporée au droit lui-même ( Cc.fI..J., arrêt
du.20 février1969, Plateau continentad l e la merdu nord, Rec.1969,p. 46),

l'équité joue un rôle fondamentaM l.ais il s'agit, en la présente espèce,de
frontière terrestre; I'Bquitéici peut, peut-être, intervenirau stade de la

démarcation ; elle peut aussijouer un rôle en matière de délimitationsi les
partiesen sont d'accord ; mais elle n'en a aucun en tant ue substitut au droit

(v.M, pp. 57-60).

1.53 Et pour une raison simple : le problème se pose de
façon radicalement différente dans les deux "milieux" fondamentalement
distincts que sont les eauxmarineset les espaces terrestres ; les premiersne

sont pas susceptibles d'occupation humaine permanente ; les secondsle sont
et il n'en est pas qui ne soit, peu ou prou, effectivement occupé par les

hommes -ce qui veut dire que tous les espacesterrestres sont, aujourd'hui,
soumis à l'emprise effective d'un Etat car'.vènement du "monde fini" et la

"clôture du système international" (R.-J. DUPUY)ont entraînéleur division
intégrale entreles Etats. Dès lors, tous les litiges territoriauxpeuvent trouver

une solution sans qu'il soitbesoin de se rabattre surl'application, toujours
hypothétiqueet subjective, de l'équitél'occupationeffective constituet,oujours

et partout, un principe applicable permettant de procéder, sur une base
juridique,à l'attribution des territoires terrestres, étant entendui) qu'en cas de prétentions concurrentes,le Juge recherchera laquelle des
parties en présenceest en possessiondu "meilleurtitre" (cf. la sentence de

Max HUBER en date du 4 avril 1928 dans l'affaire de r'-,
R.G.D. I935,p. 164);

ii) le titre tiré de I'effectivité dappréciédifféremment "suivant les
conditions de temps et de lieu" (ip.165)et leJuge sera moins exigeant
lorsque, comme en l'espèce, les revendications portent sur des territoires

désertiqueset peu peuplés(v., pp. 242-246);

iii) en revanche, unEtat ne sauraitse prévaloird'une occupation résultantde

l'usagede laforce armée contraiau droitinternationalen vigueurau moment
de la prise de possession (ce qui signifie en la pr6senteoccurrence que la
Libye ne peut se fonder sur I'occupation militairede la région d'Aozou depuis

1973 -v.m, pp. 71-73).

1.54 Au demeurant, le recours au titre fondé sur les

effectivités deI'occupationne présentequ'uncaractèresubsidiaire parrapport
aux titres conventionnelsqui témoigt e lavolontédesparties-ou des Etats
auxquels ellesont succédé-uantautracédelafrontière.

1.55 Or,à cet égardégalement,la Libye part d'un postulat
erronné :tout son raisonnement (v.supra,par. 1.50)est fondé sur l'idée,

fausse, que les incertitudes -d'ailleurslargementartificielles- que les traités
fixant la frontière pourraient laisser subsister conduisent admettre
l'inexistencede ladélimitation.C'estla présomptioninqui vaut

"[1]1est naturel que tout article destinéà fixer une frontière soit, si
possible, interprétéde telle sorte que, par son application intégrale,
une frontière préci,omplèteet définitivesoitobtenue"(C.P.J.I., avis
consultatif du 21 novembre 1925, Inter~rétation de l'article 3,
par ex., RobertJENNINGS,The acauisitionof Territorvin International

h, ManchesterU.P.,1963,p. 70).

Cette présomptions'applique tantaux conventionsde partage colonial qu'au
Traité franco-libyende 1955 et ne saurait, bien évidemment, eenue enéchecpar la résolution 392(V) de l'Assembléegénérale dont le texte mérite
d'êtrecitéànouveau; les Nations Uniessebornaient ày recommander

"que la frontière de la Libye avec lesterritoires français,gour
gu'elle ne se trouve pas délimitée Dar des arranaements
internationaux,soit délimitéeors de I'accessionà l'indépendancepar
la voie de négociations entre le gouvernement libyen et le
gouvernement français ..." (annexe 308 - souligné par la

République du Tchad).

L'Assemblée générale ne décn iine constatequoique ce soit :elle seborne
à poser en principe que a une délimitation conventionnelle se révélait

inexistante, des négociations devraient allier cette lacune. En réali,ette
délimitationexistant, la France et la Libye purent se bornerà en prendre

solennellementacte dans le Traité de 1955 qui est,à tous points de vue, un
traitéde délimitation, même sn'i'lestpas seulementcela (v.fra,chap. 11).

1.56 La Libye l'a du restebien vu qui relève "en passant",

que

"an analysis of the historical backgroundof the dispute might have
begunwiththe (...)the 1955Treaty and then haverevertedto a review
of the "actes internationaux" listedin Annexo the Treaty(m, par.
5.03).

Cette démarches'imposait doublement : d'abord parce que ce traité, qui

énumère formellementles actes internationaux établissanlta frontière, a été
librementacceptépar la Libye indépendante et se suffitdès lorslui-même ;
ensuiteparceque, conclupeuaprès I'accession de ce pays à la souverainetéil

dresse, en quelque sorte, l'inventairedu legs colonialet constitue lepoint de
départ obligépour la miseen oeuvredu principeutipossidetis jurisauquel la

Libye rend un hommagepeu convaincu (v. not. M,L, pars. 5.562, 6.08etS.,
6.18 et S.)avantde le vider de toute substance.

1.57 . Ce n'estpas la moindredes incohérences des écritures
de la partie libyenne dont le Mémoire fourmille de pétitions de principe,

d'affirmations inexactes ou tendancieuses, de contradictions internes et
d'amalgames abusifs. L'objet de ce chapitre introductifpats d'enprésenterun recensementexhaustif; certainsexemplespeuvent cependantillustrer ces
procédés :

. .
1.58 . Trois exemples sont
particulièrementéclairants:

- nonsans outrecuidance,la Libyeécarted'unreversde mainla pertinencede
toute considérationrelativeaux Toubbous.(~, par. 3.34)-qui sont les seuls
habitants effectifs du territoire qu'elle revendique-alors qu'elle accorde au

senoussisme,fait culturelexogène,uneimportancedisproportionnée (v. supra,
pars. 1.25à 1.33) ;

-au paragraphe3.102de son Mémoir le,ibye affirmeque "asa result ofthe
discovery of oil, gas and water", Yhe needto secure Libya'sfrontiers on the

south as well as the north has increased proportionately-on ne voit pas en
quoi cette affirmationd'une arroganceet d'uncynisme extrêmes es ptertinente
aux fins du règlement du litige soumis à la Cour (v. aussi l'extraordinaire

paragraphe3.106) ;

-il n'est pas moinsextraordinairequela Libye affirmeque le Traité du10août

1955"constitutesfurther evidenceof the absenceof a conventional boundary
today betweenLibya and Chad" (MLL,par. 4.64) alors que, par l'article 3de

celui-ci, les Parties "reconnaissaient" expressément quela frontière résulte
d'actes internationauxquel'annexeI énumère.

1.59 . Le

paragraphe 5.268 du Mémoir libyen illustre très remarquablement la
propensionde la Libye à accommoderles faits à sa maniére(v. aussi supra,

par. 1.55 en ce qui concerne l'interprétationde la résolution 392 (V) de
l'Assembléegénérale) :elleinterprèteune noteinternefrançaise selonlaquelle
les "tr8sorschachés[duTibesti]fontpartiede la mystiquecoloniale"comme ...

confirmant "the factthat as October1929Francehad noteffectivelyoccupied
the regionof Tibesti" ! Ledécalage existanet ntre le texte dudocumentcitéet

la "traduction",fort librequ'en donnela partie libyenneest énor!e 1.60 Contradictions internes. Ellsont si nombreusesque

la République duTchad ne peut enciter que quelques-uneschoisies presque
au hasard :

-comment revendiquertout le B.E.T.et inclureen même temps ses habitants
dans les statistiquesconcernant la populationtchadienne par.3.83) ?

-comment affirmerque les accordsfranco-italiensde 1900-1902n'imposaient
aucune obligationà I'ltalie tout en reconnaissant,en mêtemps, que ces
accordsétaient des traitsréantdeszonesd'influence (u, par.5.148,v)) et

que de tels traitésfont droit entre les parties (cf.ars. 5.113, 5.116 et
5.117) ?

- comment peut-on, à la fois, s'insurger contre l'utilisation de la force par la
Francepour occuper leterritoirelitigieux etdéfendrela validitéde cette même
utilisation par I'ltalie-dontla Libyese reconnaîtle successeur-biendes années

plustard ? Et...

1.61 Amalaamesabusifs. L'assimilatiode la Senoussiaà la

Libye est tendancieuse ; l'assimilation de la Senoussia aux "populations
indigènes" I'est aussi; l'assimilation de la Senoussia et des populations

indigènes à laTurquieI'esttout autant(surcespoints,supra, pars. 1.25etS.
et infra, chaps. 5 et 7)est égalementabusif devouloir mettre sur le même
pied le Protocole franco-anglaisde démarcationde 1924et leTraitéLAVAL-

MUSSOLINIde 1935(comp. MIL ,ars.5.475et5.501) qui ont pourseul point
commun de ne pas figurer dans l'énumération des "actes internationaux en

vigueur"donnée à l'annexeI duTraité franco-libde 1955.

1.62 La Républiquedu Tchad ne conteste nullement que,

dans tout procès, il appartient aux parties de faire valoir "tous les moyens
qu'[elles] jugent utiles" (cf. l'article 54 du Statut de la Cour). Elle considère
cependant qu'ellesne doivent pas abuserde cette libertéet que les Etats qui

se présentent devant la Cour doivent en user avec d'autant plus de
circonspectionqu'ils'agitde la plushaute juridiction mondiale. 1.63 De l'avisde la Républiquedu Tchad,la partie libyenne
a largement perdu de vue ces principes tant du fait des procédés

d'argumentationqu'ellea utilisésquedes conclusionsextravagantes à laquelle
celle-ciconduit : la revendicationpar la Libyede la moitiédu territoire du Tchad
porte atteinte à la dignité non seulement de celui-ci mais de la justice

internationaleelle-même.

1.64 Si, pour sa part, la partie tchadienne avaittilis6 les

mêmes procédés, nd ul ute qu'elle auraitabouaides conclusionsde même
nature qui l'auraient conduiteà revendiquer des portions considérablesdu

territoire libyen.

1.65 Le synopsisde cette autre chansonde geste aurait pu

êtreconçu de la manière suivante :

.A l'origine étaientles Toubbous,peuplenomademaîtredu désertdu
Fezzan à Koufra - 'voire mêmeplus au nord (v. not. Virginio
THOMPSON and Richard ADLOFF, Conflict in Chad, C. Hurst,
London, 1981, p. 5 ou John WRIGHT, Lb-d
-, Hurst,London,1989,pp. 19-23).

.Selon les historiensarabesdu MoyenAge,lafrontière entrele monde
africain et le Maghreb arabeétaitsituéea la hauteur de Zawila (aux
environs du 26èmeparallèlenord - v. J. WRIGHT,ibid.0p.. 29 etS.et
R. DOZY et M.J. de GOESE eds., Descri~tion de IAfriaue et . .de
I'EçDaane, Leiden,1866,p. 168ou AL-BAKRI, C)eçcriDtion
de, Paris,1965,pp.28-29).

.L'arrivéetardive de la Senoussia(à Koufraen 1859)n'a pas modifié
la composition ethnique traditionnelle de la région, tchadienne par
essence.

. La Libye est constituée d'une étroite bande côtière ayant une
végétationméditerranéenne ou d'unesteppesub-désertique à laquelle
succède le désert,qui est la caractéristiquede tout le nord du Tchad
(cf.. cartes no6 et 8). . .

."Un coup d'Œil"jetésur les cartes no7, 10, 11 et 13, du Mémoire
libyen témoigne d'ailleursde la profonde affinité existant entre les
territoires incontestablement tchadiens du B.E.T. et la région
improprement appelée "désert libyen" quin'est, en réalitéque le
prolongement du Tchadaux points de vue du relief etde la géologie.
Cette limite remonteà peu près, de manièrefrappante et constante,

jusqu'au30èmeparallèle nord. .Payspauvre,le Tchada un besoin vitalde sécurité pour assurer son
développement.Celle-ci ne peut être assurée que si la Libye est
confinée dansses "frontières naturelles" ainsi décrites, grâcecette
largezone-tampon désertique.

. Du reste, telle avait étéridéede la Franceau moment du partage

franco-britanniquede 1899(cf. annexe Mn 32) et telle étaitaussi sa
positionau sortir delaseconde guerremondiale.

. Au surplus, partiedu Tchad, I'epopéeglorieuse de LECLERC a
conduit la France à occuper, dansun premier temps, l'essentiel du
"désert libyen"(y compris Koufra) puis, à partir de 1943 et jusqu'en
1955,à conserverl'ensembledu Fezzan.

. De tout cela, il résulteque le Tchad serait en droit derevendiquer
l'intégralité du Sahara oriental jusqu'au 30ème parallèle nord.
Néanmoinsces considérations doiventêtrequelque peu nuancées
pour tenir compte de l'évolution quis'est produite depuis que les
Toubbousétaient seuls maîtres de la région, "includthe cominginto
existence of other new States, as well as [Libya],that must be taken
into account" (cf.m, par. 6.83). C'est pourquoi la Républiquedu
Tchad considère que la ligne frontière suit approximativement le
26ème parallèle, toutela "Libye utile", celle oùsetrouvent les puits de

pétrole,restant libyenne.

1.66 Un tel raisonnement ne serait ni plus ni moins
convaincant, ni plus nimoins indécent que celui développpar la Libye toutau

long de son Mémoire ; et, de l'avisde la République Tchad, il ne serait,à
vrai dire, nullement convaincant, mail serait,totalement indécent.

1.67 En l'esquissant, ellea souhaitémontrer à la Cour les
sentiments d'indignation quene pourrait manquer de ressentir tout citoyen

tchadien, à quelque ethnie qu'il appartienne, dequelque sensibilitéqu'il se
réclame, à la lecture du Mémoirelibyen. Commel'a écritl'un des meilleurs

connaisseursdes questions tchadiennes :

"Aujourd'hui,Aozou est pour certains Tchadiens ce que l'Alsaceétait
pour la quasi-totalitédes Français quand ceux-ci avaient, à une
époquepas si lointaine, lesyeuxfixéssur la lignebleuedes Vosges. II
ne faut ni négliger, ni mésestimerla force et la sincéritéde tels
sentiments"(R.BUIJTENHUIJS, op.cit.,par. 1.41,p. 318).Peut-onimaginerce qu'ils seraient sila véritableagressionjuridiqueà laquelle
se livre la Libyeétaitconnuede l'opinion publiquetchadienne?si les hommes

et les femmes dlOunianga,de Faya ou de Fada, apprenaientque la partie
libyenne revendique la ville où leurs ancêtres onv t écu? si ceux d'Arada

devaientimaginerleurcitécommeposte-frontière?

1.68 La Libye a dépassé les 'limites du raisonnable et
transgressé lesprincipesqui sontà la basede tout contentieuxinternational.
Elle serait mal venue à s'indigner de la vivacitéde la réponsequ'appelle

inévitablementtantd'extravagance,dès lors qu'elleporte atteinteà la dignitéet
aux sentimentsles plus profondsdetoutunpeuple.

Plan du Contre-Memoire

1.69 Le Gouvernementtchadienquiseraiten droitde mettre

finà la procédureque la Libyetente de détournerde son objet,a néanmoins,
par respectpour la Couret par soucidevoir enfin réglé définitivementle litige

de la bande d'Aozou, -forgéde toutes pièces par la Libye-, décidéde la
poursuivre jusqu'à son terme, sans répondreaux provocations de la partie

libyenne qui, à tout prendre,sont moinsdramatiquessur le papier que sur le
terrain.

1.70 S'entenant à la lignede conduitequ'elle avait définie
dans son Mémoire,la République du Tchadseplaceradoncexclusivementsur

leterrainjuridique et montreraci-après,quesesdroitssurla banded'Aozoune
sont nullementremisenquestionparl'argumentationdéveloppé ear la Libye.

1.71 Dans une première partie, ellereviendra sur le droit
applicable,auquel la Libyeaccorde si peu d'attentio,t montreraque

- le différend soumis à la Cour porte sur la délimitationde la frontière
(chapitre2)

- les revendications libyennesdoivent être appréciée àsla lumière du droit

intertemporel(chapitre3)- et des principes fondamentaux du droit international contemporain

(chapitre4).

1.72 La deuxième partiemontreracomment s'estétabliet

consolidéletitre frontalierduTchaddu faitde

- la non-pertinence du"titre originaire" (chapitre5),

- l'établissementde la souveraineté territoriale française parl'occupation
(chapitre6)

- la manière dont se pose véritablementle problème de la succession aux
"droits"de la Turquie (chapitre),

- la délimitationde la frontière parles divers accords conclus par la France

avec la Grande-Bretagneet l'Italie(chapitre8),

- l'exercice continude la souverainetéfrançaisepuistchadiennesur l'ensemble

du B.E.T.(chapitre9) et

- laconfirmation cartographique de lafrontière (chapitre10).

1.73 La Républiquedu Tchad montrera enfin, dans une
troisième partie,que, conformément au principe pacta sunt servanda,leTraité

franco-libyen de 1955 constitue un titre indiscutable fixant définitivementla
frontière litigieuse en dehors mêm deetoute autre considération (chapitr1e1). 1EREPARTIE

LE DROIT APPLICABLEUN CONFLITPORTANTSURLA DELIMITATIONDU

TRACEDE LA FRONTIERE 2.01 Dansson Mémoire,la Libyeprétendqu'iln'existepas

de frontière entre elle-même etla Républiquedu Tchad, et que le rôle de la
Cour est de se prononcersur la revendicationlibyenned'untitre sur plus de la

moitiédu territoire duTchadet de tracer unefrontièreinternationalequi tienne
compte de ce titre. La Libye présente ainsile différendsoumis à la Cour

comme un différend territorial,plutôt que comme un différend portantsur le
tracéd'une frontière.

2.02 Dans le présent chapitre,la République du Tchad
démontreraque la Libye a toujours reconnuI'existenced'une frontière, bien

qu'elleait, certainsmoments,insisté surle fait que celle-ci suivaitle tracédu
Traité LAVAL-MUSSOLINd I e 1935, et qu'àd'autresmoments elleait accepté

le tracéde la frontière confirmépar le Traité conclu avela Franceen 1955.
Tout différendqui pourraitexisterporteraitsurcettealternative etdoncêtre

qualifiéde différendfrontalier.

2.03 Le Tchad démontrera à la Cour que l'O.U.A. et les
Nations Uniesont toujoursconsidéré que ledifférend portaitsur la localisation

d'une frontièreexistante. De plus,bien que la Libye ait fréquemmenstoutenu
que sa frontière suivait le tracé mort-néde 1935, ses relations bilatérales
avecla République du Tchad constituent une preuve manifeste qu'elle

reconaissaitI'existenced'une frontière. Enréalité,ledifférenda toujours porté
sur letracé delafrontière quellequesoit l'inconséquence delapartielibyenne

qui a parfois reconnuletracéde 1955et a parfois invoqué celui de 1935. Ces
positions fluctuantes ont des conséquences juridiques, en particulier la

dernière modificationde la positionde la Libyeen vertu de laquellecelle-ci ne
revendique plus le tracéde 1935, mais la moitiédu territoire tchadien, doit

évidemmentêtrerejetée. 2.04 Dans son ue la RépubliqueduTchad a demandé
à la Cour de dire et jugerque sa frontibreavec la Libye estconstituéepar la

ligne suivante: du point d'intersectiondu24ème degré delongitude est de
Greenwich avec le parallèle 1gQ30de latitude nord, la frontière se dirige

jusqu'au point de rencontre du Tropique du Cancer avec le 16e degréde
longitudeest de Greenwich ; de cedernierpointelle suit uneligne se dirigeant

vers le puitsdeToummojusqu'au15èmedegréestde Greenwich.

2.05 La Libye demande à la Cour de dire et juger qu'il
n'existepas de frontière entre laLibyeet le TchadI'estde Toummo,en vertu

d'aucun accord internationalen vigueur; maisque la Libye possède un titre
indiscutablesur la régiondélimitée par unligne quipartde I'intersectionde la

frontière orientaledu Niger etdu8émedegréde latitude nord,qui continue en
direction du sud-est jusqu'au 15ème degréde latitude, et qui suit alors ce
parallèle vers I'estjusqu'àsa jonction avecla frontière actuelleentre le Tchad

et le Soudan.

2.06 La revendication de la Libye est sans aucun doute
conçue d'un point de vue tactique afin de sefvir plusieurs objectifs, que la

Républiquedu Tchadprésume êtrle es suivants:

i) La Libyeconnaît, ou préjugede, la réticencede la Couà ne tien accorderà
des États souverains qui acceptent de régler leurs différendspar la voie

judiciaire. Dès lors, la Libye exprimeune revendicationd'une démesurequi
frise le grotesque, misantsur la possibilitéque la Cour.tout en rejetant cette

revendication, souhaitenéanmoins démontrelr'utilitédu règlement judiciaire
des différendset soitalors enclineàlui accorderunepetite partie du territoire

qu'elle revendique. Toutefois, cette "petite partie" -la bande d'Aozou-
correspond à l'intégralide ce que la Libye revendiquait jusquprésent.

ii)La Libye cherche à détourner l'attention des engagements qu'elle a

contractés en1955en formulant une vasterevendicationterritorialefondée surun prétendu titreantérieurà la colonisation. La position du Tchad sur ces

tactiquesest développéedans le Chapitre 1.du présentContre-Mémoire.

iii)a troisièmetactique consistedanslatransformationdu litige,d'undifférend

frontalier en un différendportant sur devastésétenduesde territoire, cequi
non seulement detournel'attentiondu Traitéde 1955, mais fait aussi appelà

l'applicationderègles différentede droitinternational.

2.07 Dans son MBmoire, la Républiquedu Tchad admet
volontiersqu' "unedélimitationa toujoursnécessairemenp t oureffet de répartir

le territoire contesté. Et I'attributiond'un territoire entraîne l'établissement
d'une frontière"(Mn, p. 50, par.15). Maisle Tchad souligneaussi que "cela

ne revient pas à assimiler l'attributiond'un territoàrl'établissementd'une
frontière"(ibid.). Bienque l'onne puisseétablirune distinctionrigide entre un

différend frontalieret undifférendterritorial,emeureimportantde savoirsi la
Cour est confrontéeà un litige essentiellementterritorial, ou ouà un litige qui

porte essentiellement sur une frontière. Dans un différend essentiellement
territorial, la question quise pose est de savoir qui est titulaire du titre sur le
territoire revendiqué.Afin d'identifierle titrea datecritique, il sera souvent

nécessairede remonter dans le temps, et d'évaluerles faits historiques à
l'aune des règles de droit international relatives à l'occupation ou à la

prescription. (Comme la République du Tchad l'établira dansle Chapitre 3.
l'application des règldudroit intertemporelauxeffectivitésfrançaisesdans le

B.E.T constitue un problème énorme,que la Libye essaie de contourner en
proclamant que les exigences traditionnellesdu droit relatif au titre sur un

territoire sont contrairesaujus cogens). Dansun différend frontalier, l'accent
sera mis sur la preuved'unaccordsur untracé;commedans le cas présent,il

s'agira très souvent d'établir l'existence de Traités. De plus, les règles
relativesà la stabilitédes frontières, et le rôle jouépar I'uti possidetis pour

promouvoircette stabilité, seront e premiéreimportancepour la résolutionde
toute incertitude. Par ailleurs, dans le cas d'un différend frontalier, soit il y

aura eu un accord sur un tracé particulier,à un endroit particulier, soit il n'y
aura pas eu un tel accord. La question n'est pas de savoir ce qui, dans un

mondeidéal,aurait constituéo , u non, untracé désirable. 2.08 Lorsqu'un Traité obligatoire portant sur une telie

matière détermine clairement un trac6frontalier, mais qu'un État a pendant
plusieursannéestenté de se soustraireà l'obligationqu'il contit n invoquant

un tracé conventionnelantérieur supposé,il est particulièrementdifficile pour
cet Étatd'insistersur lefait quele différendest essentiellementterritorial plutôt

quefrontalier. La Libyetente maintenant d'écarter cetteifficultéfondamentale
en soutenant qu'aucune frontière n'a jamais existéentre elle-mêmeet le
Tchad;et en ajoutantà cette prétentionunerevendicationqui portesur près de

la moitiédu territoire tchadien. En formulant cette nouvelle revendication
extraordinaire la Libye invite la Courà appliquer des règles différentesde

celles qui s'appliquentà la r6solutionde différends frontaliers, et profite du
contexted'unlitigejudiciairepour promouvoir des objectifs expansionnistes.

2.09 II est bien entendu qu'une frontiéreexiste entre les

deux pays, à la fois en droit, et en fait, commel'ont reconnules deux parties
dans le passé. Avant de se pencher sur cette question, la République du

Tchad désire souleverun point préliminaire important. II revienà la Cour de
qualifier la naturejuridique d'un différend (etdonc de déterminerles principes
et règles qui lui sont applicables). Les parties peuvent évidemmenltvoir des

positions divergentes sur ce point (v.m, pp. 48 à 52). Une partie ne peut
toutefois, par le biais des actes qu'elle accomplit aprèsavoir soumis son

différendà la Cour, imposerà celle-cilaqualification qu'ellesouhaite. Or, c'est
ce que la Libye cherche à faire. En invoquant un "titre clair" sur près de la

moitiédu Tchad, elle tentede transformer unilatéralemenlta nature juridique
du différendque les parties ont soumis à la Couren vertu de l'Accord-cadre

d'Alger de 1989, par lequel il lui est demandéde "statuer sur les limites de
leursterritoiresrespectifs". La RépubliquduTchad soutient respecteusement

que la Cour doit qualifier le différenden se référaaux questionsqui lui ont
étéadressées parla notificationde la Libyedu 31 août1990etla demandedu
Tchad du 3 septembre 1990, qui doiventtoutes deux être interprétéeà sla

lumière de l'article 2 .del'Accord-cadrede 1989. La formulationpar laLibye,
dans son Mémoire, devastes revendications territorialesnon-fondéesne peut

modifier la nature du différendsoumisà la Cour. II ne saurait se transformer
d'undifférendportantsur la localisationde la frontière (avec desrépercussions

incidentes sur la souveraineté territoriale) en un différeportant sur le titreterritorial sur une grande partie du Tchad (avec des répercuiscidentes
sur l'endroitoù la"nouvelle" frontiere devrait être tracée).

2.10 La première tâche de la Cour est de qualifier le

différend. Jusqu'à ce que cela soit fait, elle ne sera pas en position de
déterminer lesrègles applicablescar, même si la distinction entre différend

territorial et différendfrontalier n'est pas rigide, des dsignificatives
demeurent et la différence entre les règles applicablesêetl'importance.

La Libye prétendque le différendest territorial, parce qu'aucunTraitéde
frontiere n'existe. Pourstatuer sur cette question, la Cour doit toutd'abord
déterminersila frontière a déjàété délimitée, soitar tracé unique (bien

que non démarqué), soit par detracésalternatifs inconciliables. Dès lorsl,a
Cour doit commencer son examen par leTraitéde1955,pour déterminer s'illie

les parties et s'il aamais établiune ligne frontiere. Si c'est le cas, tout
différend ultérieur est un différend frontalier, avecles conséquencesqui

s'ensuiventen ce qui concernele droit applicable. La Libye nepeut [dès lors]
soutenir qu'aucunefrontière n'existeet que la Cour doitappliquerdes critères

juridiques entièrement différents à une revendication territoriale qui lui
accorderaitla moitié du Tchad.

2.11 La République duTchad souhaite aiderla Cour dans
cette premièretâche essentiellequi consistetudierle Traitéde1955,à la

Icimière des affirmations contenues 'danleMémoire de la Libye (infra,
ChapitreIl. ,ars.11.06-11.1 51,85-11.130).

2.12 II faut souligner que, mêmesi, contrairement aux

prétentions du Tchad, le Traité de1955 n'avait pas institué de frontière
internationale, il ne s'ensuivrait nullement qu'frontière n'existe. Sila

Cour devait répondre par lanégativeà la question desavoir si le Traitéde
1955 a institué unefrontière, elle devrait ensuite déterminersi les Traités

auxquels il fait référeont établila frontière. La République duTchad amontré dansson Mémoi remment untracé frontalier avait ée, fait, établi

par les textes internationauxde référe(Mn, ChapitreVI) ; et elle présente
desanalysescompl6mentairesde la questiondansle présentContre-Mémoire

(supra, Chapitre1.).

2.13 Même si la Courconcluaitque lesTraités de référence

n'ontjamais indiquéla frontière (oudes lignes-frontiéresalternativesne on
pourrait prétendrqu'aucunefrontière n'aexistéà moinsd'établirque

i) la France n'ajamais eu le pouvoir d'imposerson autoritéjusqu'aux points
indiquéspar le Tchad comme constituant'le tracéde la frontière, dans la

mesure requisepar la configuration particulduterrain,et

ii) quecette lignen'ajamais été acceptée ers partiesconcernées,defaçon
expresseou implicite. La République du Tchad a Traitéces questions dans

sonMémoire w, pp. 181-184,235-288et 241-292)et les examinede façon
plus approfondiedans le présent ontre-Mémoire(infra,pars.4.51et 4.52).

2.14 Dans son Mémoire, laLibye prétendque la Cour ne
peut tenir compte de ces effectivités pour détermir'il existe une frontière

internationale-dansl'éventualioùcelle-cin'auraitpas étdéterminée par le
Traitéde 1955 ou par les instruments internationaux antérieurs.La Libye
fonde cet argument sur l'article 3 du Traitéde 1955 danslequel les parties

"reconnaissent que les frontières ..sont celles qui résultentdes actes
internationaux en vigueurà la date de la constitution du Royaume-Uni de

Libye..."(m, par. 1.15 et 6.68). La Libye affirmeque le Traitéde 1955
préciseque la frontière serait celle indiquéedans les actes internationaux,
mais que ces instrumentsne contenaient aucuntracé. Selon cet argument

manipulateur de la Libye, le Traité de 1955 doit êtreconsidéré comme
dépourvude sens en ce qui concernele renvoi qu'il fait aux instruments de

référence, maiscommejuridiquement contraignan tn ce qu'illie les paraies
cette "référencvide",ou ne les lieen rien. Indépendammen dtu cynismede

cette prétentionlibyenne,la réponseest simple.Le Traitéde 1955 était un
accord entre deux partiesfort conscientesdu fait qu'elless'entendaientsur un
tracé (celui indiqué dans les instruments internationaux qui y étaient

énumérés)p , lutôt que sur un autre (celuide 1935), qui avait étél'objet demaintsdébats. Deplus,si l'intentiondes auteursduTraitéde 1955 n'avaitpas

été réalisée -cqeui n'estpas le cas-la situation juridique auraitconsisté dans
un simple retour austatuquoante, en vertu duquel à la fois les instruments

internationauxet les effectivitésde la Franceindiqueraient,en soi,. l'existence
d'une frontiére.

2.15 Ce n'est donc que si la Cour concluait qu'aucune
frontiére n'ajamais existé,que ce soit en vertu de l'Accord de 1955, des

instruments internationaux antérieurs eux-mêmes,ou des effectivités
françaises qui s'étaient manifestéejusqu'à cette frontière, qu'elle pourrait

commencer à considérer la revendication exhorbitaee la Libyeconcernant
sontitre sur la moitiédu Tchad.

2.16 La réalitéjuridique est qu'une frontière existe. La

réalitéhistoriqueet diplomatique consistebienen un différendfrontalier,ce qui
présupposel'existenced'unefrontière. Toute la longuehistoirede ce litigeest
une histoire defrontiere. Les négociationsfranco-britanniqsnt portésur la

frontiere ; tout comme l'intérêittalien, et les instruments internationaux de
1899, 1902 et 1919, qui jouent un rôle si proéminent danscette histoire,

visaient letracéd'une frontiere, pp. 151-155,174-175, 181-184, 185-188).
Quant à I'histoiredes divergences entre laFranceet I'ltalie au sujet du Traité

LAVAL-MUSSOLINI de 1935 (voir m, Chapitre VII) elle constitue sans
conteste I'histoired'unetentative d'accord dansle but de remplacerun tracé

frontalier parun autre. Les revendicationsformuléesar la Libyesur la bande
d'Aozou ne se sont jamais appuyéessur un argument juridique autre de
I'invocationdutracéde 1935commefrontière internationale.

2.17 La décolonisation de la Libye s'est accompagnée

d'efforts majeurs des Nations Uniespour réglertoutproblémefrontalier non
résolu. Le Traitéde 1955 entre la France etla Libye prévoyaitla résolution

définitivede tout différend frontalierqu'une partie ou l'autre auraitencore pu
considérercomme en restant en suspens. LeTchad a démontrédans son

Mémoire (Chapitre VI, pp. 320-322) et dans le présentContre-Mémoire
(Chapitre9) qu'il avait accédà l'indépendancesans qu'aucuneprotestation
significative ait étéexpriméepar la Libyeau sujet de leur frontiere commune.Les espoirs de I'ltalie d'accroître ses possessions coloniales, exprimésen

1935, semblaient alorsavoirété définitivementmisau rancart.

2.18 Le Tchad a étéadmis aux Nations Unies le 20
septembre 1960. La Francea, à ce moment,décritle territoiredu Tchad dans

des termes qui comprenaient la bande d'Aozou. La Libye n'a pas soulevé
d'objection et a encore moinsexpriméde revendication à l'égard duterritoire

tchadien.

2.19 Toutefois,à partirde 1969,la Libyes'est engagée dans
une politique expansionniste constituée dedeux élémentsessentiels. Le

premiercomportait des effortsde déstabilisatiode sesvoisinsdans le but de
créer un vaste Empire du Sahel. Dans ce contexte, la Libye a arméet

entraîné des groupes d'oppositionau Tchad et leura mêmep , lus tard, fourni
un appui direct qui consistaiten des bombardementset desactivités militaires.
La seconde consistait en une occupation militaire de la bande d'Aozou,

insidieuseau début,et nondéguisée à partirde 1973.

2.20 Lesaccusations formulées pa r Tchad à l'encontrede
la Libye,à la fois aux NationsUnieset à l'O.U.A.,visaient cesdeux éléments.

La qualification correctedu présentdifférenddevant la Cour Internationalede
Justice exige que l'on comprenne bien ce qui suit. Premièrement, les

dénégations initialede la Libyequant à ses activitésdans labande d'Aozou,
ont été suivies pardes affirmations -baséessur le TraitéLAVAL-MUSSOLINI

de 1935- de ses droits sur ce territoire. En ce qui concerneles activités de
déstabilisationdu Tchad, la Libyen'ajamais, jusqu'àaujourd'hui,avancé une

quelconque revendicationsur leterritoiresituéau-delàdu tracé envisagé dans
le Traité LAVAL-MUSSOLINq Iui n'ajamais étératifié.Elles'estcontentéede

nier sa présenceà l'extérieurde la bande d'Aozou, et de condamner les
autorités duTchadet d'autres États.

2.21 Depuis 1971,les entreprises répétée dse la Libye,ont

donné l'occasionau Tchad d'accusercelle-ci de contrevenirà la Charte des
Nations Uniesen fomentant destroubles. Toutefois,le seuldifférendterritorial

entre les deux parties concernait la banded'Aozou -etmême cela n'était pas
véritablement, en soi, un différend territorial, mais un différend sur lalocalisation de la frontière, ce qui, selon la terminologie de la Chambre dans
l'affaire du Différend frontalier(C.I.J.b, 1986, p. 554) entraîne

nécessairementle partaged'unecertaine quantitéde territoire.

2.22 A l'automne 1976,la Libye a occupé 43.443km2 dans
la bande d'Aozou et les cartesofficielles libyennes qui décrivaientla frontière

méridionaleont étémodifiées afin d'inclure 83.668m2 qui faisaient autrefois
partie del'Algérie,du Tchad et du Niger. Toutefois, le Premier ministrelibyen

a niéla prise de possession de terres dans la région frontalière (Keesina's
Contem~orarvArchives, 7 janvier 1977, p. 28136 ; annexe 124).Toutes
les cartes établies par la Libye depuis 1971 montrent une frontière qui

correspond à celle du Traité de 1935(v. carte no148 de 1978, carteno150 de
1980, carte no 164 -non datée-m, livre II, atlas cartographique). A la fois

par ses cartes et par ses déclarationsla Libye a proclamé l'existence d'une
frontière le long du tracéde 1935 (voirra,par. 2.82 etS.).

3. LA POSITION DE LA LIBYE DEVANT

i'ORGAWTION DE L'UNITEAFRICAINE

2.23 Le différend opposant le Tchad et la Libye devant
l'O.U.A. a toujours portésur la localisationde lafrontière.

2.24 Le Tchad a d'abord tentéen vain de résoudrele litige

en recourant à des négociationsdirectes et à la médiationd'États africains
voisins.

2.25 En 1977, lorsde laXlVe session de la Conférence des

Chefs d'États et de Gouvernements de l'O.U.A.à Libreville, au Gabon, le
Tchad a formuléune plainte à l'encontrede la Libye au sujet de "l'occupation

par la Libye de la bande la bande d'Aozou"et de "l'aide massiveapportéepar
la Libyeà la rebellion tchadienn(M/T, Chapitre 1, p. 38). L'0.U.A. a adopté la résolutionAHGIDEC.108(XIV),quicrée un comitéadhoc chargéde trouver

une solution ce litige,et qui prendnotedu fait quel'affaireavait étésoumise
au Conseil de Sécuritéqui l'avaittransmià l'O.U.A.(annexe M 285). Ce
comitéa étéintitulé"le Comitéad hoc sur le différend frontTchad-Libye".

Lors de sa première réunion enaoût 1977, le comitéad hoc a constituéun
Sous-Comitéde juristes et de cartographes, et a envisagéd'entreprendre"la

visite des frontières" (O.U.A.,Cttee.6lLIBKCH.REC. l(1); annexe!&I 286).
.Cela n'aurait assurément pas étéune façon adéquate deprocéder si la

revendication de la Libye avait étécelle avancée aujourd'i evanta Cour.
Devant le Comité sur la libérationde l'O.U.A., en fbvrier 1978, le Colonel

KADHAFI a nié laparticipationde son paysdansces événements (Keesina's
ContemoorarvArchives,12 mai1978,p. 28976; annexe 125).

2.26 Dèsle printemps1980,la questiondu rôledes troupes

et des armes libyennes l'intérieduTchad étaitsoumise à l'O.U.A. L'0.U.A.
a exploréla possibilitéd'uneforced'interposition afridéjà envisagée par

les accords de Lagos de 1979 (Voir: Africa Research Bulletin, mai 1980,
p.5674 ; annexe 126). Loin d'exprimerdes revendicationsterritoriales,
le Colonel KADHAFIa insistésur le fait que la Libye n'interviendrait pasdans

les affaires intériedu Tchad(ibid.,p.5710).

2.27 A l'automne 1980, les forces armées libyennes ont
établi leur contrôlesur une grandepartie Tibesti (Africa ResearchBulletin,

novembre 1980, p.5859 ; annexe CM/T 127). Des négociationsse sont
déroulées sousl'égidede l'O.U.A. "TheOAUheadsof stateon the negotiating

commission also called for theithdrawalof foreign troopsfrom the wholeof
Chad, a clear referenceto the Libya...(Africa ResearchBulletin,décembre

1980,p. 5904 ;annexe 128). La Libye n'a expriaucune revendication
territoriale, mais a décle 21 décembre 1980 que laConferencedes Chefs

d'États africains prévuepour le 23 décembreà Lagosétaitinutile, puisque la
guerre étaitterminéeet que le Tchad avait retrousa sécurité.Toutefois, la

Conférencea eu lieu, et le communiquéfinal insistait pour qu'aucune troupe
étrangère nesoit stationnéesur leterritoire nationaldu Tchad,sauf sis'étaiten
conformitéavecl'accordde Lagosde 1979 (Keesina's ContemoorarvArchives,

30 octobre 1981, p. 31160 ; annexe CMlT 131). Cet accord proposait un
gouvernement d'uniténationale,quiavaitalorsétéconstitué. 2.28 Enjanvier 1981,on a annoncé que la Libyeet leTchad
avait acceptéde s'unir dans un seulÉtat. Douze autresChefsd'Étatafricains

ont fermement dénoncé cette unio commeune tentative dela Libye d'annexer
le Tchad par d'autres moyens que laforce, et d'étendre ainsi la domination
libyennejusqu'au coeur del'Afriqu(Afnca, janvier 1981,pp.

5930-1et 5933 ;annexe ÇMLI 129;pourletexte dececommuniqué de Lomé,
voir: Keesina'sContem~orawArchives, 30 octobre,1981,p. 31160; annexe

131). 1est révélateur quela Libye n'ait pas fait valoir de droits sur le
territoire du Tchad jusqu'au quinzième parallèle; eltentéde réaliserses

ambitions territoriales imperialister biaisd'untraité d'union.

2.29 Par ailleurs, au cours de l'anne980, la République
Centrafricaine, le Sénégal,la Gambie et le Marocont rompu leurs relations

diplomatiques avecla Libye (Keesina'sContem~orarvArchives, 30 octobre,
1981,p. 31159; annexe 131).

2.30 Faceà cette oppositionafricaine,la Libye acommencé
à faire machinearrière. Enfévrier 1981, un Traité de défene st d'amitiéen

huit pointsa été conclu entrla Libyeet leGouvernement transitoire Tchad
(quoique certains membres de cegouvernement aient refusé de reconnaîtrce

Traité)(Keesina'ss, 6 février 1981, p30694, annexe
ÇMIL 130). De toute manière,la Libye ressentaitle besoin d'une certaine

couverture juridique pour justifier son nouvel engagement militaire. En'a
offert aucun autre prétexte pour justifierla légalitéde son autorité sur le

territoire tchadien.II est intéressantde noter que ce Traité de défense
prévoyaitl'ouverture de la frontière entre les deux pays afin de promouvoir

l'interaction fraternelle entre les peuples -ce qui constitue clairement une
reconnaissancede l'existence delafrontière parla Libye (annexM/L 30, vol.

2). Bien que l'expansionnisme libyen au Tchadait étél'objetde critiques lors
de la réunionde l'Assembléede l'O.U.A.du 7 juin 1981, la Libye n'y a pas
rétorqué palraformulationd'unerevendicationterritoriale.

2.31 De nouvelles discussionssur la présence libyenneau

Tchad ont eu lieu en 1981 au Conseil des ministres et au cours de la
Conférence desChefs d'État. Aucunerevendication parla Libye n'y a étéexpriméeà l'égardduterritoiretchadien. Les premiers membres de la forcede

l'O.U.A. (composéede 700 parachutistes zaïroissontarrivésà N'Djamenale
15 novembre 1981.Lestroupes libyennes(qu'onestimaitcompterde 10 000 à
15 000 membres)se sont retiréesdu territoiredu Tchad, à l'exceptionde la

banded'Aozou. 600 soldats s6n6galaisontcommencé à arriverauTchadle 27
novembreet 2000 soldatsnig6riansle 7 d6cembre. Cetteforce de l'O.U.A.a

connu d'importants problèmes financiersdès le débutde 1982, et a dû se
retirer (Keesina's Contem~orap Archives. 3 se~tembre 1982. 0.31677-9,

annexe 132).

2.32 Le 20 septembre 1983, la Libye a, pour la première
fois, clairementdéclaréque la banded'Aozouétait libyenne (v.M, p. 333).

Dans sa résolution AHG/Res.lOG(XIX),l'O.U.A.avait de nouveauexhortéle
Comité de médiation ad hoc à renouveler ses efforts, étant donnée

"l'aggravationde la situation"entre la Libyeet leTchad "ausujet de la région
du Tibesti" (v. annexe-111 287 et annexe 134). Toutefois, aucune
revendication territoriale, hormis celle relative à la bande d'Aozou, n'a été

formulée parla Libye,.

2.33 II a fallu dix ans avant que le Comitéad hoc puisse
tenir sa deuxième réunion,à causede I'oppositionde la Libye"qui a toujours

nié l'existencede ceconflit"(Cttee6ILIB-TCH/Rappt.Rpt(Il), 28-29avril 1987,
p. 3, par. 14, annexe CM/T 135). Après avoir entendu le Présidentde la

Commission ad hoc, M. Omar BONGO,s'exprimerau sujet de ces difficultés,
la XXlle session ordinaire de la Conférence des Chefs d'État et de

Gouvernementde l'O.U.A.a adoptéen 1986la résolution AHG/Res.l58(XXII)
(annexe 288). Celle-ci encouragait leComitéad hoc à poursuivreses

efforts et "réaffirmaitl'intégterritoriale du Tchad et l'inviolabilitéde ses
frontières nationalesconformément à la résolutionAHG/Res.lG(I)de l'O.U.A."

(annexe 282). Cette dernière résolution avaità son tour souligné
l'importance de l'intangibilitédes frontières des États africains nouvellement
indépendants :

"La Conférence des Chefsd'Étatet de gouvernementde I'0.U.A ...2.
Déclaresolennellement que tous les Etats membres s'engagent à
respecter les frontières existant au moment ou ils ont accédéà
l'indépendance".Finalement, afin de maintenir sa crédibilité,celle-ci a décidéen 1987 de
réactiverson Sous-Comitéd'experts juristeset cartographesdans le but de

trouver "une solution pacifiqueet africaine au différend frontalier"lLIB-
TCHlDoc 1 (II); annexe 289). La Libye n'apas assisté à laréuniondu

Sous-Comité d'experts à Libreville en mai'l987. Le dossier indique
clairement que le Sous-Comité disposait de documents relatifs frontières

internationales du Tchad, de textes traitantde la délimitationdes frontières
héritéesde la colonisation, ainsi que de discussions relatives atéort-né
Laval-Mussolini. Aucune autre revendicationterritoriale n'a été forar la

Libye ou n'a étéconsidérée comme inclue dansle mandat du sous-comité
(O.U.A.,Différend, Rchad-~ dbvsous-comité desexoerts

bristes et cartoaraohes, 1987 ; production MIT 81). En effet, laLibye a
simplement fait parvenir une note verbale signalantque sa participation aux

travaux du Sous-Comité dépendrait d uépartdestroupes françaises duTchad
et de l'existenceà l'avenir d' "un Tchad neutreet sans la présencesur son

territoire de bases ni de forces étrangères."(O.U.A., Différend frontalier
Tchad-Libve, Raooort du sous-comitédes exoerts iuristes et cartoaraohes,

1987, p.8; production 81). Ledossiermontreque,reprenant ses activités
quelquesjours plustard, leSous-Comité d'experts examinait[Ilesimplications
de la présence de la Libye sur la bande d'Aozouwet les revendications

respectives des parties sur ce territoire. Aucune question territoriale, plus
étendueou distincte, n'a, aucun momentété soulevéo eu discutée(O.U.A.,

Différend frontalier Tchad-Libve. Sous-comité d'experts iuristes et
cartoaraohes,Journée du19mai 1987 ;annexe M 136).

2.34 Dans son rapport, le Sous-Comité a adopté "les

grandes lignes du rapport" et a identifié certain autextes qu'il souhaitait
examiner, dont deux Traités tchado-libyens de coopératidatésdu 2 mars

1966et du 23 décembre1972. 11 est à nouveau évidenqt ue c'était la frontière
et la bande d'Aozouqui étaient visées(O.U.A. Différend frontalierTchad-
r phes,Journéedu 20 mai 1987,
Li
Adoption du Rapport du Sous-Comité; annexeM 137).

2.35 En juin 1987, la Libye a affirméà une Commission
politique constituéepar le comité hoc de l'O.U.A.que "la bande d'Aozouétait libyenne"et qu' "il nBexist] as de problèmes frontalierentre les deux

pays". Pourcette raison,la Libyeestimait qu'une rencontrne seraitd'aucune
utilité. Alorsqu'elledénonçait certains acde la France,du Zaïre, desÉtats-

Uniset d'Israël, la Libye nàaaucun moment,expriméune revendicationplus
importante ou distincte (--rendu de lamission de la Commission
golitiaue du comitéad hoc de médiationTchad-Libve,Libreville,5 juin 1987 ;

annexe 138).

2.36 Le Sous-Comité des experta srenduun rapportdétaillé
et prudent, qui couvrait également les travauxqu'il avait réalisés entrele 30
juin et le 9 juillet 1987, à la troisième session du Comitéad hoc, qui se

déroulaità Addis Abeba le 22 juillet 1987. LeSous-Comité étaic tonfrontéà
"l'inexistencede tout mémorandum libyen",maiss'estfondésur certainstextes
. ,
publics "pour rendrecomptede l'atti.,de libyenne"(. ..A.,
e. BâpOortdu sous-GQIR&des exo-istes et camgm@s,
1987, pp.27-28 ; production a 81). Ces documents annexés ne

concernaient que la frontiere liéeau litige sur la bande d'Aozou.e rapport
énonce qu' "il y a différend puisque le Tchad et la Libye se contestent

mutuellement l'appartenancede la banded'Aozou à chacunde leurterritoire".
Ce différend"résultedes accords internationaux pertinents. Autremen dtit,
..
P t de lafrontiere Norddu Tchad et Sud &
W. Le Sous-Comitéa de plus estiméque les caractéristiquesde la

frontièrecorrespondaientà celles d'une frontière conventionne(ibid.,pp. 32-
2, soulignépar la Républiquedu Tchad - v. aussi supra, pars. 1.44 et S.).
L'analyse duSous-Comitén'a,à aucunstade,porté surd'autresquestionsque

celles du véritable tracde cette frontière particulière,et des règles de droit
internationalqui lui étaient applicables.

2.37 La Confértencedes Chefs d'Étatet de Gouvernement

de l'O.U.A., réunieà Addis Abeba en juillet 1987, a adoptéla résolution
AHGIRes. 167 (XXIII):

"Rappelantles diverses résolutionde l'O.U.A.relativesaux différends
entre Etats africains,et en particulierla résolutiones.l6(1) qui
déclare solennellement, entre autres,que tous les Etats membres
s'engagent à respecter les frontières existant au moment ou ils ont
accédé à leur indépendance nationale, considérant la décision
AMG/DEC/108(VIV)portant créationdu Comitéad hoc de médiation sur le différend frontalier TchadILibye, considérant la résolution
MMG/Res.l58(XXII) réactivant le Comité ad hoc sur le différend
frontalier TchadlLibye et invitant lesdeux parties en coàfcoopérer
pleinement et sincèrementavec le Comité, consciente quele différend
territorial entre le Tchad et la Libye est de natureà mettre en périlla
paix et la sécurité dala région,ayant entendule rapportdu Président
du Comitéad hoc de l'O.U.A. sur le différend frontalierTchadlLibye"
(annexe 139).

qui se terminait sur un appel toutes les parties concernéespour qu'elles
renouvellent leurs efforts. IIest clair que l'O.U.A. croyait êtreconfàounée

différend frontalier, qu'elle considérait déjà comme assez négatif et
déstabilisateur pourla région. On imagine fort bien qu'une affirmation par la

Libye d'un droit sur près de la moitiédu Tchad aurait trouvéun échodans la
résolutionde l'O.U.A. dansdes termes sensiblement différents.

2.38 En janvier 1988,le Sous-Comité apréparéun second

rapport (production 82). Les diverses "observations" émisesà l'égardde
Traités particuliersillustrent clairementle fait que l'O.U.A.considéraittoujours
que le différendportait sur la zone frontalière de la régiond'Aozou. Les-

comité ne croyait de toute évidence pas que la Libye avançait des
revendications encore plus extravagantes sur le territoire du Tchad. Toute

l'analyse des experts était consacrée à la résolutionde cette question de
frontière. Elle comprenait un examen delavaleur juridiquedu Traité de Rome

de 1935, et leSous-Comité y qualifiaitd'"acte unilatéral" une lettre dela Libye
du 28 novembre 1972 qui déclarait "l'appartenance dela bande d'Aozou au

territoire libyen sans cependant se référerà des fondements juridiques à
l'appuide la déclaration"(ibid.,p.45). Le Sous-Comitéa notque la validitédu

Traitéfranco-libyen du 10 août 1955 n'était contestépar aucune des parties
au différend, et leur a recommandé de rechercherune solution auprès de la

Cour internationale de Justice conformément à l'article 8 de ce Traité
(production MLL 82).

2.39 La quatrièmesessiondu Comitéad hoc s'estdéroulée
à Libreville les ler et 2 février 1988,et avait pour but l'examendu rapport des

experts. La Libye et le Tchad y participaient tous les deux. Durant sa
cinquième session, toujours à Libreville, les 13 et 14 avril 1988, le comitéadhoc a étudié une synthèsedes rapportsdu sous-comitéqui soulignaitque les
"argumentsjuridiques [étaient]notammentfondéssur:

- la notionde droitshistoriques
- leTraitéde 1935
- leTraité de1955

- le principede l'intangibidesfrontières
- les actes juridiquespassés entrle Tchadet la Libye"

(1h' d R rt le Il
différendfrontalierTchad-Libvg,OAUIAD-HOCIMINICTTEEICHAD-LIBYE (V) ;

annexe 293). Bien que tout l'éventaildes arguments libyens ait été
mentionné,il n'était suggéré nulplart quela Libye étaithabilitéeà revendiquer

plus que la bande d'Aozou,et cecide l'avisde la Libyeelle-même. De plus, la
synthèse soulignel'importancepourla Libyedu Traitéde 1935:

"12. Pourla Libye,ceTraitén'ajamais été dénoncé par les parties. En
outre, il a fait l'objetd'undébutd'exécutpar la France. Et, bienque

n'ayantpas étératifié,il n'en cessepas moinsd'existeren tant qu'acte
juridique" (ibid..,par. 13).

2.40 La Libye n'a,à aucun moment,informéle Comitéad

hoc du fait que son argument relatifà la frontière,loin de reposer sur letracé
du Traitéde Rome de1935,était totalement différent qu lii donnait droitla

moitié du Tchad, et pour lequel le Traité de 1935 ne possédait aucune
pertinence. Le Comitéa entériné la position du Sous-Comitéd'expertsselon

laquelle,sil'O.U.A.ne parvenaitpas à dégager unesolutionpolitique,l'affaire
devrait êtresoumise à un règlement judiciaire.IIa noté,luiaussi,que les deux

parties reconnaissa.e,t la. ,.idité du Traité franco-libyen de 1955
(Communiqué~rmel i Ad-Hoc de l'O.U.A.sur ledifférendfrontalier

-, Cinquièmesessionordinaire,Libreville, Gabon,13-14avril 1988,
OUAIAD-HOCIMINTTCHAD-LIBYE (V) ; annexeÇMLT 141).

2.41 La Conférence des Chefs d'État et de Gouvernement
de l'O.U.A., réunie lorsde sa XXVe session à Addis Abeba en mai 1988, a

reçuet adopté le rappordt u Comitéadhoc (AHGIRes.l74(XXIV);annexe
294). Le mandat du Comité ad hoc a été renouveléa ,ccompagné d'une

recommandationinvitant les partiesà rechercher unesolutionpolitique. 2.42 En juillet 1989, M. Omar BONGO, Président de la

République gabonaise et Président duComité ad hoc, informait le XXVe
Sommet de l'O.U.A.du fait que les relationsdiplomatiques avaient été rétablies

entre N'Djamenaet Tripoli et que de nouvelles tentatives de normalisationdes
relations étaienten cours. Aucune mention n'a étéfaite d'une revendication

libyenne distincte ou plus étenduemooort de son Excellence ElHadi Omar
BONGO. Président dela RéoubliaueGabonaise. Présidentdu Comitéad hoç

de médiation de l'O.U.A. sur le différend frontalier Tchad-Libve au XXVe
Sommet de l'O.U.A.,25juillet 1989,AHGl168 (XXV)annexeÇMLI 142).

2.43 Le 31 août 1989, un Accord-cadre sur le règlement
pacifique du différendfrontalier entre la Républiquedu Tchad et la Grande

Jamahiriya arabe libyenne populaire socialiste a étéconclu à Alger. II a
institué une Commission mixte qui s'est réunie à quatre occasions

alternativementà Tripoli et à N'Djamen(a, Chapitre1,pp. 41-42 et annexe
MD 17). Le Présidentdu Gabon, ensa qualité de Présidentu Comitéadhoc

de l'O.U.A. sur le différendfrontalier Tchad-Libye, a convoqué une réunion
tripartite (c'était,en fait, latroisième) entreleTchad, le Libyeet le Gabon du 26

au 28 mars 1990. Le rapport du Rapporteur, M. PAMBOU TCHIVOUNDA,
illustre clairement le fait queU.A.percevait toujours le différendcomme un

différend relatif à la frontière dans la bande d'Aozou. Le rapport, comme la
plupart des documents de l'O.U.A., utilise de façon interchangeable les
expressions "différend territorial" et "différend frontalier". Néanmoins, son

contenu ne laisse aucun doute sur le fait que le seul différend territorial
envisagéétaitcelui qui résultait nécessairemendt'un différend portant surla

localisation de la frontière au nord ou au sud de la bande d'Aozou (O.U.A.,
Comité ad hoc sur le différend frontalier Tchad-Libye,Raooort de la troisième

réuniontrioartite (Tchad-Libve-Gabon) convoauéeDarle Présidentdu Comité
ad hoc, Libreville, 23 mars1990,annexeçM11 143).

2.44 Ainsi, l'article ler du projet gabonais envisageait le

retraitune distancede vingt-cinq kilomètresde "toutes les forces militaireset
paramilitaires stationnées dansla localité d'Aozou ouen tout autre point de

part et d'autre dela région litigieuse appelée d'Aozouuafin de permettre
la démilitarisation"de la zone litigieuse". L'article 2 traitait del'obligation des
parties de faciliter de bonne foile travail des observateurs africains quisupervisaient le retrait militaire de "la dite zone". L'article 3 envisage

"parallèlementaux opérationsde démilitarisation de la zone litigieuse".la mise
sur pied d'un Sous-Comitétechnique "chargéde délimiter, conformément au

droit internationalgénérall,afrontière quisépare ledeux Parties dansla zone
litigieuse". Envertude I'aiticle6, le Comitéad hoc et laConférencedes Chefs
d'Étatet de gouvernementde l'O.U.A.adopteraient lespropositions dusous-

comité technique "pour la délimitationde la frontière qui sépare les deux
Parties dans la zone litigieuse" et prendraient des dispositions pour "la

démarcation spécifique de cette frontière"(v. ibid., p6-7).

2.45 LIO.U.A.,agissant par l'entremise de son Comitéad
hoc, n'aurait pu énoncerplus clairementle fait que le ditférend concernaitle

tracé d'une frontière dans la zone litigieuse d'Aozou. Pas un seul mot ne
suggèreque l'organisation était confrontée à une démilitarisation généralisée

de la moitiédu Tchad et à la délimitationd'une frontière dans la régiondu
quinzième parallèle. Le résumé des obsewations de la Libye sur le projet

gabonais ne contientaucuneallusionnon plus à une revendicationterritoriale
massive,et largement différente de celle portant surla banded'Aozou. Après

avoir constaté certaines divergences de position entre les parties
(particulièrement au sujet des prisonniers de guerre), le rapport mentionne

comme un "Point d'accord" le fait qu'uneSous-Commissiontechnique serait
établieet "chargéede délimiter,conformémena t u droitinternationalgénérall,a

frontière qui sépareles deux Partiesdansla zone litigieuse". Lesconclusions
de la réunion tripartite(par.) ont confirméque cette "zone litigieuse" étaient

"la zone litigieusede la banded'Aozouu(ibid.p. 17).

2.46 En juillet 1990, lors duXXVle Sommet de l'O.U.A.,
l'organisation a adopté le rapport du Président du Comité ad hoc

(AHG/Res.200 (XXVI); annexe 298). Cetterésolutionuti\isesans doute
l'expression "différend territorial Tchad-Libye" (y compris lorsqu'elle fait

mention du Comitésur le différend frontalierTchad-Libye),mais son contenu
montre clairement qu'il s'agit encore une fois d'une résolution relative au

différendexistant, c'est-à-direle différendqui porte sur la frontière dans la
bande d'Aozou. 2.47 La Républiquedu Tchad conclut sur Cet aspect en

soulignant que ces revendications étendues, qualifiéesde "territoriales" et
touchant près de la moitiédu Tchad, ne sont, en l'espèce,que le produit d'une

stratégiejudiciaire. Elles n'ont jamais étéexpriméesdevant.U.A., qui a
adoptédes résolutionsdans le cadre d'un différend frontalier dansla bande
d'Aozou. Et la décision de soumettre l'affairea Cour contenue dans

l'Accord-cadre également été prise crene base.

LlRYFDEVANTLFS N-
5 4.
!+!MES

2.48 Les archives des Nations Unies confirmentégalement

que le différend est un différendfrontalier relatifnde d'Aozou, basé
essentiellement sur la volontéde la Libye de bédu tracéde 1935.

2.49 Le Tchad a formulé sa premièreplainte à l'Assemblée
généraleen 1971 (Mn, chapitre VI, pp. 323-324, par. 124-27). La Libye a

réfutél'allégationselon laquelle elle avançait des revendicationse la
bande d'Aozou, et a, en particulier, niéqu'elle s'appuyait sur une carte qui

laissait croire que celle-ci étaitlibyenne.

2.50 En février 1978, le Tchad a informé le Conseil de

Sécuritédu fait que la "Jamahiriya Libyenne[vait] jusqu'à ce jour fourni
aucun dossierà l'O.U.A. pour justifier ses prétentions sur Aoz(m,
Chapitre VI, p. 325 et productMU: 194). II a demandé au Conseil de

Sécuritéde se réunird'urgence pour discuterde "l'agression libyenne et du
problème frontalier Tchad-Libye" Chapitre VI, p. 326 et ProducMnon

194). Lors de la réuniondu Conseil de Sécurité,le représentantdu Tchad a
accuséla Libye d'occuper la bande d'Aozouet a présentéla position juridique
du Tchad (u, Chapitre VI, p. 326). La réponsede la Libye, loin d'êtrel'expressionde sa revendication actuellesur la moitié du Tchad, a eierd
avoirjamais occupéla bande d'Aozou(m ChapitreVI, p. 329).

2.51 A l'automne 1978,le Tchad a signaléà l'Assemblée
générale 1'"occupation par la Libye d'Aozou, partie intégrantede notre

territoire". La Libyes'est de nouveau contenténieravoir envahila région
(Mn, ChapitreVI, pp.330-331et ProductionML T00et 201).

2.52 Le 30 avril 1982,le Conseil de Sécuritadoptépar
consensus la résolution504 (1982) qui prévoyaitla création d'un fonds

d'assistanceà une force de maintien de la paix de l'O.U.A., au Tchad. Le
représentant libyen némis aucune revendicationterritoriale.

2.53 En mars 1983, la République duTchad a une fois de
plus dénoncé devantle Conseil de Sécurité l'occupation du TibelarLibye

(m, ChapitreVI, pp. 332-333et Production 205). Defaçonsignificative,
le représentantpermanent dela Libye "affirme qu'elle n'occupe aupartie
du territoire tchadien", mais que toutefois "la bande d'Aozou fait partie

intégranteduterritoire libyen" (Documedu Conseil deSécurite,38e année,
Suppléments,document Sl15645, 17 mars 1983. V. aussim, Chapitre VI,

pp. 334-335 et Production M/T 207). Mêmesi la Libye avançait une
revendicationà l'égard d'Aozoul,a conséquence évidente eette déclaration
était qu'ellen'enavançait aucunel'encontre du Tibesti ou d'un autre territoire

tchadien. Les membresdu Conseil de Sécurité qui participaient auxdébats
estimaientà l'évidenceêtre en présencde'un litigefrontalier dans la bande

d'Aozou. Ainsi,leZaïreet leBéninonttousdeuxparléd'undifférend frontalier.
Le Gabon, commed'autres paysqui soulignaient l'effetdéstabilisateurde ce
différend frontalier, a déclaré quela revendication libyenne ne pouvait se

fonder sur le Traité LAVAL-MUSSOLINd Ie 1935 ( P m
Sécurité, 38année,2419eséance,23 mars 1983,p.33 :Production 207;

et ibid.,2428eséance, 31mars1983,pp.36 et44-46: productionMLI .08).

2.54 En octobre 1984, le représentant libyen a énoncé
clairement devantl'Assembléegénérale qu'un différend frontalier exiauait
sujet de la bande d'Aozou,et que la revendication libyennereposait sur une

carte illustrant le tracé quiavaiprévuen 1935, maisqui n'avait pas étéapprouvé :"..le district d'Aozou faitpartie intédu territoire libyen hérité

du colonialisme italiencomme le montre la carte utilisée lorsde l'octroi de
l'indépendanceà la Libye" (pocuments de l'Assembléeaénérale,39ème
session, séances plénières, 27ème séance (Ai39/PV.27, provisoire), 1 1

octobre 1984,pars.93-95 ;v. aussi m, ChapitreVI, p.337).

2.55 Comme le démontie leMémoire du Tchad, chaque

revendicationformulée parla suite devantle Conseilde Sécurité concernailte
titre sur la bande d'Aozou, et étaitbaséesur la carte erronée annexée au
premier rapportde la Commission. Voirla déclarationlibyenne du 11octobre

1985 à l'Assembléegénérale (citée danls em, ChapitreVI, p. 338) ; et de
janvier 1985au Conseilde Sécurité(ibid.,p.339).

2.56 Le statut des revendicationsprésentées la Libye aux
Nations Unies peut être résumé comme suit. Pendan ptlusieurs années,la
Libye n'a avancé aucune revendication sur la bande d'Aozou, niant sa

présence militaire dans cetterégion. Lorsque lesdimensions atteintes par
cette présencene lui permettaientplusde la nier,la Libyea alors affirmé être

titulaire d'untitre sur la bande d'Aozou,en appuyantclairementsa position sur
la "carte-fantôme" qui, elle-mêmer,eposaitsur le Traitéde 1935. Du reste,

aucune revendication n'a -à quelque occasion que ce soit- étéexprimée
précédemmentsur une autre partie du territoire tchadien. Aucune carte n'a
jamais étéinvoquéedevant les Nations Unies ou l'O.U.A.à l'appui de cette

revendication. Les seulescartes produitesaux Nations-Unies. ou à l'O.U.A.
prenaientappuisur leTraitéLAVAL-MUSSOLINI.Le recoursà de telles cartes

est totalement incompatibleavec les prétentions avancéesujourd'hui pourla
premierefois selonlesquelles~IC~ICTraitéde frontière -de quelque origine que

ce soit- n'existe,et que la Libye a -en l'absenced'une quelconquefrontière-
des revendicationslargement supérieure s faire valoir. 5 5- LA PRFIIVE DFSTRAITEÇX FNTRE LA

LlukELEW

2.57 Les Nations Uniesont conduit la Libye à
l'indépendanceen 1951. 11 a étédémontré à la Cour queI'ltalie n'avait pas

contestéles objectionsde la Franceau tracédu Traitéde 19(m, Chapitre
VI, pp. 324 à 342) ; et I'ltalie n'a certainementpas réponduaux objections

émisespar la Franceà l'encontredescartes desNations Uniesqui indiquaient
à tort ce tracécomme frontiere internationale. De 1951à 1955, la Libye n'a

soulevé aucune objectioau sujetde sesfrontièresm, ChapitreVI, p.323).
Elle n'a, non plus, émis aucunavertissement concernant sesrevendications

territoriales devant les instances idoines au moment de I'indépendancedu
Tchad. En 1955, en tant qu'État indépendant souveraia Libye a consenti,
conformément aux attentes de l'Assembléegénérale,à régler tous les

problèmes potentielsnon résoluspar le biaisde la conclusiond'unTraitéavec
la France. Les détailsau sujet desnégociationsde ceTraité ontétéfournis

dans le chapitreII du Mémoiredu Tchad (pp.93 et S.).

2.58 En 1966, la Libye et le Tchad ont conclu un Traité
d'amitié(l'Accordde bonvoisinage etd'amitié enla Républiquedu Tchad et

le Royaume-Uni de Libye) (annexe 15). Ce Traité constitue un
témoignagesupplémentaire du fait que lafrontièreentrela Libyeet leTchad (y

compris celle se trouvantl'estde Toummo)avait définitivement téfixéeen
1955 par référenceau tracé désigné dans les instruments de référence
énumérés à l'Annexe1du Traitéde 1955.

2.59 Le Traitéde 1966démontre clairemenqt ue la Libyeet

le Tchad croyaienttous deuxà I'existenced'unefrontiere. Rien dansle Traité
ne suggère l'existence d'un différ, ême au sujet de la bande d'Aozouou

de la localisationde la frontiere danscette région. De plus, leTraité de1966
fournit une preuveincontestableque la Libyen'estimait certainementpas être

titulaired'un titre sur l'ensembledu B.E.T. 2.60 L'article1er du Traité de1966 dispose que:

"[slur la frontière séparantle territoire du Royaume-Unide Libye et
celui de la République duTchad,les gouvernements libyen ettchadien
prendronttoutes mesuresen vue d'assurerle maintien de l'ordreet de

la sécurité parune liaison et une coopérationde leurs services de
sécurité...".

2.61 Les parties auraient pu choisir de dire que le Traité
étaitconçu pour assurerla sécurité dans l'ensemble dB uET,ou dans toute la

régiondu Tibesti. Ou elles auraientpu définirla zone à laquelle seréféraient
les dispositionssur la sécuritécommeune zone s'étendand t'un point qu'elles

auraient spécifiéà un autre. Elles ont plutôt choisi la phrase "la frontière
séparantle territoire du Royaume-Unide Libye de celui de la Républiquedu
Tchad".

2.62 De plus, l'article ler prévoit la coopération des

services de sécurité sur la frontière. Les forces de sécurité représentent
nécessairement des symboles essentiels de la souveraineté étatique et

l'accord instituant une coopérationsur la frontière met en relief à la fois
l'existence de la frontière, et le fait qu'elle était perçue comme réelle et

importante.

2.63 L'article2 prévoitque lesdeuxgouvernements

"s'engagent à accorder des facilitésde circulation aux populations
installées de part et d'autre de la frontière à l'intérieurdes zones
géographiques délimitées par les points ci-dessous :
- En cequi concernele Royaume-Unide Libye:
Koufri, Gatroum, Mourzouk,Qubari, Ghat.
- Ence qui concernela Républiquedu Tchad :

Zouar,Largeau,Fada."

L'utilisation de l'expression "populations installéede part et d'autre de la

frontière" constitue une reconnaissance nonéquivoquede l'existenced'une
frontière. De plus, la délimitation géographique dle a zone d'applicationdes

arrangements était detoute évidence ciblée sur la frontière comme sur une
sorte de lignede base. 2.64 DanslecadredesarrangementsduTraitéde 1966pris
en matière de sécurité pour "la frontière séparant"la Libye et le Tchad, ces

emplacementsque I'onindique appartenirauTchadse situent bienau nord de
ce que revendique aujourd'hui la Libye. En d'autres termes, la Libye

revendiquemaintenant (u, par. 1.09)unterritoire qui s'étau sud de Fada
(le point le plus méridionalindiqué l'article2) sur unedistance plus de deux
fois supérieure à la distance quisépareraitFada de la frontière,

c- 1935. La voracité révélée palra nouvelle
revendicationlibyenneest évidente.Même au regardde la frontieredéfinie en

1955, Fada se trouve à 250 kilomètresau nord de la frontière de ce que I'on
prétendmaintenant être unterritoirelibyen.

2.65 L'articledu Traitéde 1966énumère certainesroutes
et pistes pour le trafic commercialet caravanier entre lesdeux pays. Quatre

voies ont étéretenues:

-PisteZouar,Bardai,Aozou,Koufra(etvice-versa)

- PisteLargeau,Zouar,Wour,Korizo,Gatroum (etvice-versa)
- PisteLargeau,Ounianga, Tekro, Koufra(etvice-versa)
- Piste Fada, Ounianga, Koufra(et vice-versa).

II est clair que ces itinérairesonttracéspour menervers la Libye, en dépit

de I'utilisationde l'expression"et vice versa". Un coup d'oeil carte révèle
que chaque itinérairecommeau Tchadse termine dansune ville libyenne,qui
est reprise comme destinationfinaledans chaqueliste.

2.66 L'article 4 du Traitéde 1966 prévoit la productionde

"cartes de circulation frontalière" par les "autorités administrativesincluses
dans les zonesfrontalières". Soulignant lesdroits légitimesde la Libye et du
Tchad de chaque côtéde "la frontière séparant"les deux États, l'article 6

déclareque les possesseursde cartes de circulation frontalière "doivent se
soumettre aux lois et règlementsqui sont en vigueur dans le pays ou ils se

trouvent...".II s'agit là d'une affirmation claire duprincipe fondamental de la
compétence territoriale,qui confirme lefait que les deux parties s'entendaient
pour dire qu'il existait bel et bien une frontiere dont elles avaienttoutes lesdeux connaissance. Sila Libyeavaitestiméque ces zones étaient libyennes,

de telles dispositions eussenttésuperflues. Et même slia Libye avait estimé
que la question de la frontière devait toujoursêtrerésolue,ainsi qu'elle le

soutient aujourd'hui, les deux États auraient sûrementopté pourune autre
formulationde leurs compétences respectives.

2.67 De plus, I'article 7, qui prévoit que le contrôlede la

criminalitéserait opéré par "les autorités frontalières libyet tchadiennes",
souligne aussi l'ententecommune desparties sur l'existenced'une frontière

délimitée. Toute difficulté d'applicationl'eccorddevaitêtre résolup ear des
commissions mixtes se réunissant "alternativement en zone frontaliere

libyenne et en zone frontalière tchadienne" (article8). Cette disposition
suppose évidemmentque les parties pouvaient distinguer les deux zones (ce

qui présupposeaussi l'acceptation dutracéfixéen 1955). Et, assurément,
cela présupposeque la Libye ne présumaip tasque l'intégralité dla région (et

une superficieencore une demie foisplus grande dansle sud) était libyenne.
C'est pourtantlà ce que la revendication actuelle signifie.

2.68 Confrontée, une fois encore, à des documents qu'elle
avait contribué à rédiger,ou sur lesquels elle s'est appuyée,et qui sont

totalement incompatibles avec les revendications grotesque qsu'elleavance à
présent,la Libye a dû, pour fournides explicationsà la Cour, faireà nouveau

montred'unesingulière imagination juridique.

2.69 Les "explications"de la Libye sont les suivantes : le
Traitéde 1955 n'a pas délimitéla frontière entrele Tchad et la Libye. Les

références faites par le Traitéde 1966à une "frontière" nepeuvent dès lors
être comprises comme telles. Ence qui concernele Tchad, elles doivent être

comprises comme desréférences aux "territoires dontla France assumela
défense". La raison en est que l'articl1er du Traité de1955traite également

de la sécuritéfrontaliere, et comprend une référence aux "frontières ...
séparantle Royaume-Unide Libye desterritoires dont la France assumela

défense". IInefaut pas tenir compte du faiqt ue les termes de cette phrase de
l'article leconcernent la Tunisie, l'Algérie, 1'A.O.F. et 1'A.E.F. Ainsi, le

Traitéde 1966 ne constituaitqu'unarrangement pragmatiquequi régissaitlesresponsabilités enmatièrede sécurité, fondé sur la situationqui prévalaità

l'époque.II n'a rienà voiravecla questionde tit(m, pars.5.540-5.546).

2.70 II suffit de citer les arguments libyens pour constater
combien ils sont peu convaincants. Ils trouvent bien entendu,leur point de

déparldans la théorie selonlaquelle,en ce qui concernela frontière situàe
l'est de Toummo, leTraitéde 1955 n'exigeait simplemend t e la Libye etde la
France "to sit down to negotiatethatpart of theboundary,as they werecalled

on to do by Resolution392(V)" (u, par. 5.542). L'argumentationlibyenne
traite avec dérisionles termes clairsdu Traitéde 1955,et considère le renvoi

aux instruments de référencecomme un geste de folie, que les parties ont
posésans raison. Elle ignoreégalementle rôle joué parle Traitéde 1955

dans la réalisationde la volontéque l'Assembléeavait exprimée dansla
résolution392(V). 11faut aussi rappeler que,pour la Libye, l'un des objectifs
majeurs du Traité de1955 étaitd'assurerle retraitdes troupes françaisesde

son territoire. Mais la Libye n'a, à aucun moment,soulevéla question de la
présence des troupesfrançaises dans le BET, puisqu'à l'évidence,elle ne

considérait pasque le BETfaisait partiede sonterritoire(voir chapitre III,
pp. 97-101).

2.71 La tentative libyenne d'écartelr'accordde 1966 exige
également que l'on considère que les articles 1 et 3 de cet accord

"remplacent"les articles 1et 9 du Traitéde 1955m, par.5.542). Toutefois,
une telle substitutionn'estpasjustifiéepar le moindreélément e preuve Les

articles 1 et de I'accordde 1966 visentàI'évidence desmatièresdifférentes
de celles visées parles articlest 9 duTraitéde 1955. Les deuxinstruments

sont cumulatifs,le secondvenantrenforcerlepremier.

2.72 La seule affirmation de la Libye au sujet du Traitéde

1966 qui puisse êtrejugéecorrecte, est le commentaire selon lequel "[tlhe
1966Accord containednoprovisionpurportingto delimittheboundarybetween

Libyaand Tchad' (&&, par.5.540). 11n'avait aucunbesoinde le faire,puisque
la frontière avaitédélimitéeen 1955. Naturellement,donc:"if waspreceded

by no boundarynegotiations;and afterienteredinto effect, it wasfollowedby
no boundarynegotiationsto delimitor demarcatea boundar)" (ibid.). Puisque
la frontière avait déjàéfixée,celaétait entièrementuperfluet aurait étoutà fait inopportun. II est faux d'affirmer, comme lefait la Liby(W, par.

5.544),que la Convention de 1955 ne concernait palaquestion de I'existence
d'une frontière conventionnelle,ou l'emplacement decelle-ci. LeTraitéde

1955a lui-même détermin éfrontiere tchado-libyenne, n référencau tracé
indiqué dans des instruments de référence,et contenait de plus d'autres
dispositions relatives la frontiere. L'Accord de 1966,ui traite uniquement

de la frontière entre le Tchad et la Libye, présupposede toute évidence
I'existencede cette frontiere, qui ne pouvait être situau sud des points

géographiquesde Zouar, Largeau et Fada, lesquels marquaientles limites
extérieuresde la zone frontalière tchadienneau-delàde la frontiere séparant

le territoirede la Libyeet du Tchad.

2.73 Les Traitésdoivent être interprétés suivant s lens
ordinaire de leurstermes (Conventionde Vienne surle droit des Traitésde

1969, article 31). Ces termes clairs ne peuvent êtreméconnuspar une
interprétationqui fait montre d'une ignorance méprisante des réalités factuelles
et juridiques.

2.74 En 1966,la Libyeet le Tchadont égalementconcluun

Accord sur les échanges commerciaux.Cet accord (MIL vol. 2, Internationci!
Accords and Aoreements Annex, no33) qui prévoyaitl'octroi réciproquedu

traitementde la nationla plus favoriséeainsi quedes échanges commerciaux
de biens spécifiques,ne contenaitaucune indicationdu fait que la Libyese

croyait titulaired'untitre sur l'ensemble duBET.

2.75 En 1972, le Tchad et la Libye ont conclu un Traité
d'amitié,de coopération etd'assistance mutuelle (annexe 16). e Traité
proclamaitl'intention dela Libyeet du Tchad de promouvoila "confiance entre

les deux pays". Rien n'indiquait qu'un problde confiancese posaità cause
de l'absencede frontiere.

2.76 En 1974, un accord entre les deux pays mentionnait

que "lhe frontiersbetweenthetwocountries"étaient"[a] colonialconceptionin
which the two peoples and nations had no band' (ML, vol. 2 International

Accords and Aareements, annexe no 35 ; souligné parla Républiquedu
Tchad). La Libye n'envisageaitpas de remédier à cette réalitindéniableenproposantla relocalisationde lafrontiére letracéde 1935,et moins encore
sur un tracésuivant lequinzièmeparallèle. Au lieu de cela,ccord prévoyait

que "there shall be coordinationbetweenthelocalauthoritiesin both countries
toprovide the necessaryservicestotheinhabitantsof theborderareas"(article

3). L'article envisageait la création d'un comitéconjoint chargé de la
règlementationdela circulationdeshabitantsdesdeuxpays,et qui se réunirait

alternativementà Tripoli et à N'Djamena. Cetaccord prouveI'existenced'une
frontière et la reconnaissancedu fait qu'il est préférable d'aberoblème
des frontières héritéede l'époquecoloniale,en admettantcette réalitet en

prévoyantla coopérationetla librecirculation des peuplesconcernés.

2.77 UnautreTraitéd'amitiéet d'alliancea étéconclu le15
juin 1980(m, vo1.2,InternationalAccords andAareements,annexeno37). 11

ne mentionne aucune revendication territoriale. Au contraire, le Tchad
s'engage à n'admettreaucune"foreignbase orimperialistcolonialistforceson

its territor)", et se réserveledroitde faire appelà la Libyedansl'évenoùalité
son intégrité territorserait menacée (article7), ce qui présupposeque les
deux parties considéraientque leterritoiredu Tchad lui appartenait vol.

2, International Accords and Aareements,annexeno38). A l'instardu Traité
de 1974 et du Traitéde défensede 1981 (v. supra, par. 2.30), il comporte

égalementdes garanties de libertéde circulation entreles deux pays, ce qui
présupposel'existenced'unefrontièreet d'une autorité souverainde chaque

côté decette frontière.

2.78 Toutes les parties intéressées considéraient que
I'Accord-cadrede 1989 visait un différendrelatàfla frontière dans la bande
d'Aozou. Cela ressort à l'évidencedes divers projets de mise en Œuvre

élaboréspar le Gabon, ainsique des compte-rendusdes réunionstripartites
convoquéespar le Président gabonais du comitéad hoc. La référence à "la

mise sur pied d'une sous-commissionchargéede délimiterla frontière qui
sépare lesdeux Parties dans la zone litigieuse de la bande d'Aozou ou de

toute autre instance aux mêmesfins que le Président duComité ad hoc
instituera...contenue dans un communiquéde presse officiel émispar les

deux partiesest,à cet égard,caractéristiq(Communiqué communde presse
sur la mise en oeuvrede I'Accord-cadresignéà Alger le 31 août 1989,O.U.A.,
Comitéad hoc sur le différend frontalir chad-Libye, eréunion trioartite[Tchad-Libve-Gabon) convoauéear le Présidentdu comité

adhoc, Libreville, 23 mars 19;annexe 143).

2.79 Tous les Traités bilatéraxonclus par les deux pays
prouvent que tousdeux croyaientà l'existenced'une frontièreinternationale,
ainsi qu'au fait que le différendse limitait à la bande d'Aozou. Les Traités

démontrent,par ailleurs, quel'on peut venir à bout de tous les problèmes
humains, économiqueset sociaux (sur lesquelsla Libye placeun tel accent

dans son Mémoire) parla voie d'unecoopération intelligente danle respect
des frontières existantes.

56. LA COMPETENCEDF LA COUR DANS LE CADRE
DEL-

2.80 La République du Tchada démontré comment, tout au

long de son examen du différend l'opposantà la Libye ,l'O.U.A. a été
confrontée à deux catégoriesde réclamations. La première, continue et

toujours non résolue, concerne l'occupation a bande d'Aozou parla Libye.
La seconde comprend des dénonciations périodiques d'actions militaires

libyennes, mêmeau-delà de de l'Aozou, jumelées à des interventions
libyennes dansles affaires intérieures du Tchad.a aussiétédémontréque

les revendicationsjuridiques quela Libyea choisi de formuler aucours de la
période 1975-90ne portaient que surla bande d'Aozou. En 1988,la situation

militaire ayant changéen faveur du Tchad (v., Chapitre VI, p. 341) le
rétablissement des relations diplomatiquesentresuxpaysétait possibleet
l'O.U.A. pouvait se concentrer sur le problèmede la bande d'Aozou. La

résolutiondel'O.U.A.AHGIRes.174 (XXIV)(annexe MLI 294) qui indiquait la
voie à suivre, était fondée sulre rapportdu comitéahoc sur le différend

frontalier. Ce rapportnetraitaitd'absolumentaucune autre question.

2.81 Le représentant tchadien avait exprimé devant
l'Assembléegénérale l'intention du Tchad de recheruenr"règlement justeet

durable du différend qui l'oppose la Libye sur la régiond'Aozou" (M/T,
ChapitreVI, p. 341)et s'était réélarésolutionAHGl174(XXIV)de l'O.U.A..L'Assemblée générale a été informée del'Accord-cadre du 31 août 1989
(annexe 17) en vertu duquel le différendau sujet de la bande d'Aozou

allait êtrsoumis à la Cour(M, ChapitreVI, p. 341). Le représentantde la
Libye n'a, à aucun momentau cours des débats à l'Assemblée généralen ,ié
que la résolutionAHGl 174 (XXIV)de l'O.U.A.,ou quel'Accord-cadre,visaient

à résoudrele problèmede la frontièredans la bande d'Aozou. La Libye n'a, à
aucun moment, insistésur le fait que sa revendication était d'une nature

entièrement différente, c'est-à-direqu'elle consistait en une revendication
territoriale qui portait sur près de la moitiédu territoired'un autre membre des

Nations Unies.

2.82 LeTchada recouru à l'article2(a)de l'Accordde 1989,
ainsi que, subsidiairement,à l'article8 du Traitéfranco-libyende 1955 pour

fonder la compétencede la Cour. La Libye a notifié auGreffierun compromis
constituépar I'Accordde 1989. L'Accord-cadrede 1989n'existepas dans un

vacuum. II doit être compris dans son contexte historique et diplomatique.
Ainsi, lorsqu'il dispose que les deux parties "s'engagentéglerd'abord leur

différendterritorial"et, à défautd'arràvune solutionpolitiquedans l'année,
"à soumettre le différendau jugement dela Courinternationalede Justice", le

"différend territorial"vise la détermination d'untracé adéqt e la frontière
dans la région d'Aozou, et, ar conséquent, celdutitulairede la souveraineté

sur ce territoire. Aucun autre différend territorialn'avaitjamaisoumis à
l'O.U.A.. L'Accord-cadrede 1989n'ajamais eu pour objet de demanderà la

Courde trancher undifférendterritorialpré-existaqui aurait portésur plusde
la moitiédu territoiredu Tchad.Entermessimples,la Coura compétencesur
le différendfrontalier dansla bande d'Aozou. Aucun comprominse demandeà

la Cour de connaître d'unerevendication différente, formuleour la première
fois dansle Mémoirede la Libye.

2.83 Non seulement l'extraordinairerevendication nouvelle

de la Libye soulève-t-elle de graves questions d'abus et de bonne foi
(lesquelles sont examinées plus loin, elle remet aussi en cause la notion

mêmede règlement pacifiquedes différends.Ces demandes extravagantes
sont assurément inacceptables, tant d'un pointde vue procédural, quesur le

fond. § 7. LF RFCOU PAR LA LlBYF AU TRACF ISSU DU

TRAITF DF 1935

2.84 Ladécisionde la Libyede profiter du litigesoumisà la

Cour pour avancer une nouvelle revendicationterritoriale considérable,lui
cause de grandesdifficultés liéesu Traité deRomede 1935. L'historiquedu

différenddémontreque laLibyen'ajamais, jusqu'àaujourd'hui, revendiqué de
territoire au-delàde la bande d'Aozou. Lorsqu'il ist devenu impossiblede

continuer à nier son occupation d'Aozou,la formulationd'une revendication
"juridique" estapparue inévitable.omme ceciest établisupra (pars. 2.54-

2.55), ces revendications -bien qu'elles comprennent la présentations
d'argumentsjuridiquesfort peu sérieux-faisaient invariablement référecex

anciennes cartes des Nations Unies qui étaienterronément fondées sulre
tracédu Traitéde 1935.Et la Libye produisit sespropres cartes montrant sa

frontièrecommesuivantla lignede 1935(supra,par. 2.22).

2.85 Comment profiterde l'occasionpour revendiquerprès
de la moitiédu Tchad, alorsqu'une telle revendicationest nécessairement

incompatibleavecleTraitéde 1935? Lasolutiontactique adoptée palra Libye
consiste en la décision d'utilile Traité de 193non pas comme fondement

d'une revendicationsur la bande d'Aozou, mais plutôt omme une prétendue
preuve qu'en 1935, on avait reconnu l'absence d'une frontière à l'est de

Toummo. Ainsi, d'un mêmemouvement,la Libye tente de faire usage du
Traité de 1935, et de s'en distancier, afin de ne pas être liéepar une

revendicationfondée surletracé défini par celui-ci. Elle estime apparemment
que cette tactiqueposséde l'avantage additionnel de permettre l'expresoen

revendications encore plusexpansionnistes à l'égarddu territoire du Tchad.
Dans cette nouvelle stratégletracé de 1935 est, semble-t-il,onçu non pas

comme lefondement dela nouvelle revendication, mais comme une restriction
inacceptableapportée à des revendicationsencoreplusimportantes.

2.86 II importe d'insister surle fait que l'Accord-cadre de

1989 étaitfondé surtout ce qui s'était déroulé auparavaIt.dépendamment
des questions de bonne foi et d'abusde procédures devantla Cour, la Libyeavait, aucoursdes ans, perçu ledifférendcommeun différendfrontalier relatif
au tracé de1935.

2.87 En 1971, alors que la Libye niait toujours avoir des

ambitions sur la bande d'Aozou, elle avait néanmoinsprbsentéune carte
routière basée sur le tracé du Traitéde 1935 (v. infra, par. 9.116). Des

commentateurs impartiaux de cette période ont rapporté que les cartes
officielles émises parla Libyeen septembre1976 "showed that the country's

southern border had been movedso as to includeabout52,000 square miles
which had previously formed parts of Algeria, Chadand Niger...(Keesina's
Contem~orarv Archives, 7 janvier 1977, p. 28136 ; annexeç-11L 124). Lors

d'une Commissionmixteà Tripolià lafin de juillet 1976,la délégatlibyenne
présenta une carte incluant Aozou dans le territoire libyen : "la délégation

tchadienne s'étonne alorsde la remiseen causede cette frontière après vingt
ans d'indépendance libyenne et treize ans après l'indépendandu Tchad, et

ce, en violationflagrantede la Déclaratidu sommetde l'O.U.A.du Caire de
juillet 1964sur l'intangibilitédes frontières lsar la colonisation.Sur ces

entrefaîtes, la délégationde la République arabelibyenne a réponduen
invoquant la Convention LAVAL-MUSSOLINI de janvier 1935. Argument
contesté parla délégationtchadiennequi rappelleque ladite Conventionn'a

jamais étératifiée." (annexe 283).Dansle même sens, leprocès-verbalde
la Commission mixtede juin 1977 montre que la Libye prétendde nouveau

que: "les limites actuelles de la Jarnahiriya sont conformes aux accords
internationaux,notamment l'AccordLAVAL-MUSSOLINI de 1935" (annexe M/T

283).

En octobre 1977,le représentantlibyen à l'Assemblée
2.88
générale aaffirmé "quela carte annexéeau rapport du Commissaire Pelt
révél[aitla vraie situati(v" féeoénérale3, 2e

Session, Séancesplénières,25e séance,7'octobre 1977, par.238 (v. infra,
par. 9.117).

2.89 En mars 1983,l'Ambassadeurde Libye, déclarait au

Conseil de Sécuritée, n réponse de nouvelles dénonciationspar le Tchad de
l'occupationlibyennede la banded'Aozou, "thatthe 1936(sic)conventionwas

apparent& to be regardedas null,becausethe TchadPrimeministerso wishedifbut the 1956 (sic) treaty [dont il était dit d'unemanière mystérieusequ'il
avaitétérejeté par le Parlement libyen] was apparentiy to be treated as
binding". Comme le souligne le MémoireduTchad, ChapitreVI, par. 160, les

Traités mentionnés étaient assurémentceux de 1935 et de 1955. Mais
l'intentionde s'appuyersur celui de 1935était évidente.

2.90 De plus, à la mêmeoccasion, l'Ambassadeur a de
nouveau attiré l'attention surla "carte-fantôme"hapitreV, pp. 229-230),

c'est-à-dire la carte de 1950, produite par les Nations Unies, erronément
fondéesur le tracéde 1935,qui n'a pasétéreprise parla suite et est reconnue
partous comme étant incorrecte(v., chapitre VI, p. 334).

2.91 En 1984, devant la 39e session de l'Assemblée
générale,la Libye s'est une fois de plus appuyéesur le tracé du Traité de

1935: "le district d'Aozou fait partie intégr] u territoire libyen héritédu
colonialisme italien comme le montre la carte utilisée lors de l'octroi de

l'indépendance à la Libye(u, 39e
Session, Séances plénières, 27e séanc1,1octobre 1984, par. 93-95).

2.92 En 1985, la Libye a affirmé à nouveau devant
l'Assemblée générale qu'elle'appuyait surle tracé duTraitéde 1935 (v.
Chapitre VI, p. 338 et Documents officiels de l'Assemblée aénérale,40e

Session, Séances plénières, 29e séance-,10 octobre 1985, par. 2-10).

2.93 Devant le Conseil de Sécuritéégalement, la Libye a
fondéla revendication d'un titre sur la bande d'Aozou surdes droits "hérité[s]
du colonialisme italien conformément à la carte jointe au rapport du

Commissaire des Nations Unies en Libye...(Documents officiels du Conseil
de Sécurité,40e année, Suppléments2,567eséance,30 janvier 1985, par.28-
30 etm, ChapitreVI, p. 339).

2.94 Le Mémoirgde la Libye renvoieaussi à des cartes qui

reprennent le tracé propopar le Traitéde 1935m :S.3777, carte no87 et
Cartes des Nations Uniesno256, 256A et 256ev.1.). 2.95 IIest donc permis de conclureque non seulement la
Libye a, en tous temps, perçu que ledifférend portait surla bande d'Aozou
mais aussique, dansla mesureoùelle s'estsouciée d'élaborer dea srguments

juridiques, elle a fondé sa revendication sur les frontières héritéesdu
colonialismeitalienenvertudu Traité de1935. Trois conclusions découlent de

ce recours continuau tracé de1935. Premièrement,le différendque les deux
parties ont, parl'Accord-cadre de 1989,convenu de soumettrà la Cour, porte

sur la localisation exacte de la frontière dans la bande d'Aozou.
Deuxièmement, la Libye a, jusqu'à présent,insistésur le fait que le tracé

correct est celui du Traité de 1935. Et, troisièmement, aucun différend
territorialplus étendun'atésoumisà laCour.

2.96 Le Tchad soutient que la Libye a étémenéevers
l'indépendance à l'intérieurde sesfrontières colonialeset que, par l'application

du principe de I'uti possidetis, les ~tats nouvellement indépendants, afin
d'assurer la stabilité, se sont entendus pour considéreru'ils héritaientdes

frontièrescoloniales. Ces dernières ne doivent être sujettesdificationque
par accord. LeTchad soutient de plus que l'Assembléegénéralea mis sur

pied des mécanismespour résoudre touteincertitude qui pèseraient sur la
localisationprécise des frontièrde la Libye. II soutientenfin quela Libye et

la France, par leur accord de 1955, ontfixéle tracéde la frontière, auquelle
Tchada finalement succédé.

2.97 Dans son J!Aemoire, et dans le présent contre-
Mémoire,la République du Tchad a analysé l'histoire diplomatiqe utele Traité

de 1955 (Mn, ChapitreIII m, Chapitre 6).Toutefois,une autre question
d'importancedoit être abordée, celd le l'incohérence du comportement dlea

Libye en ce qui concernele présent différendet les conséquences juridiques
qui doiventen êtretirées. 2.98
La Libye n'a pas seulement adopté une position
inconciliableavec une autre position adoptéene époque antérieurec,omme
c'est parfoislecas dans les différends interétatiques, mais a plutôutéeop

multiplicité de positions incompatib.llea avancéunevariété d'arguments,
tous irréconciliables.La Républiquedu Tchad attire l'attentionde la Cour sur

ces positions en constante évolution ainsisur les comportements quiles
ont accompagnées,et examine ci-après les conséquences juridiques dcette

inconstance.

A. - LA LIBYE ACCEPTE A LA FOIS L'EXISTENCE D'UNE
FRONTIERE ET LA LOCALISATION DE CELLE-CI SUR LE

TRACE DE 1899-1902

2.99 Au cours de la période allant de sa propre

indépendance à celle du Tchad,la Libyea, par soncomportement, reconnuà
la fois l'existence de la frontière entre son propreterritoire et celui qui allait

devenir leTchad,et le fait que lafrontière suivaitletracédéfinipoquepar
la France. Le comportementqu'ilfaut prendreen compteest celuide la Libye

devant les Nations Unieset devant l'organisationl'Unitéafricaine.

2.100 Lors de son accessionà l'indépendance,la Libye n'a

pas signaléaux Nations Uniesqu'ellejugeait que sa frontière avec le Tchad
posait problème,et moins encore qu'elle considéraitue cette frontière était

entièrement indéterminée. Le Tchad a rappelél'absence d'animositéde la
Libyeà ce sujet, ouà tout autre ég(m, pp.227-228, pp.229-238, pp3. 20-

22). Entre I'indépendance dela Libye en 1951et celle du Tchad en 1960, la
France a continué à faire rapport sur son administration du Tchad à

l'Assembléegénérale. A aucun momen et, bien qu'elle aiteu de nombreuses
occasions de le faire (v. infra, par. 9.1 la Libye n'asoulevéde question

quant à sa frontière avecle Tchad, quoique les renseignemesournis par.la
Franceindiquassent clairement que cette dernière considérait aefrontière
se situait au nord dela banded'Aozou. 2.101 De plus, lorsque le Tchad est devenu membre des
Nations Unies, la France avait fournià l'organisation unedescriptionprécise
des dimensionsterritorialesde son ancienne coloni(w, Chapitre VI,p. 320-

321). La Libye n'a alors soulevé aucuneobjection, mais a, au contraire,
chaleureusementacceuilii le Tchad dans la famille des Nations Unies (ibid.,

par. 120).

2.102 11faut aussi noter que, par son comportement à
l'organisationde l'Unitéafricaine,la Libye n'ani prétenduque sa frontièreavec

le Tchad n'étaitpas fixée,ni que cette frontière suivaitalors un tracéinexact
qu'elle refuserait d'accepter.Parailleurs,la Libyes'estabstenue d'émeunee

réserve à la Déclarationdu Caire de 1964, qui confirmait pour l'Afrique
l'intangibilitédes frontières hérisu colonialisme. Cescomportementssont
pertinents non seulement ence qu'ils révèlent l'acceptationlr Libyede ce

principede droit internationalmais égalemenpt our déterminersi, en 1964, la
Libye estimait que sa frontière avecle Tchad posait problème. Si elle avait

estiméque sa frontière suivait untracédistinct de celui que la Franceavait
définicomme le tracéqui seraittransmis au Tchad lorsde son indépendance,

la Libyese serait sûrement jointeceux qui,pourdes raisons du même ordre,
mais quileur étaient propres,ntémis des réseivesà la Déclaration du Caire.

6. - LA LIBYE ACCEPTE L'EXISTENCE D'UNE FRONTIERE

INTERNATIONALE

2.103 Le Traitéde 1955 consignait le consentement de la
Libye à un tracéfrontalier, défini par rài celui indiqué dans instruments

de référence quiy sont énumérés.De même, la rédactiondu Traité de
coopérationde 1966 (v. supra,par. 2.58),avec ses nombreusesréférences à

la frontière etaux compétences de chacune dedseuxpartiesde part et d'autre
de cette frontière, montre qla Libye reconnaissait l'existence d'une frontière. c. - LA LIBYE AFFIRME QU'UNE FRONTIERE EXISTE, MAIS
QU'ELLESUITLE TRACEDE 1935

2.104 Au cours de la période1951-1956, la Libye estimait
clairement qu'une frontière existait, et qu'elle suivaitle tracéde 1899-1902-

1919. Mais après 1966, la Libye a commencéà affirmer, implicitementdans
un premier temps, puis de façon expresse, que la frontière internationale

suivait le tracéde935.

2.105 Dansce contexte,la Libye a invoqué de façon répétée
une ancienne carte des Nations Unies (la "carte-fantôme"ui indiquaitletracé
LAVAL-MUSSOLINI, lequeln'avait jamaisétémis en vigueur (v. supra, pars.

2.55 etS.,et lem, ChapitreVI, pp.337et 339).

2.106 La Libye a, par ailleurs, publié elle-même de
nombreuses cartes qui tendaient à illustrer le fait que sa frontière avec le

Tchad avait été fixée sulr base du Traité de 193(v.supra,par.2.22 etpour
la signification accordéaux cartes,v. infra,Chapitre10.). A la fin desannées

1970, lorsqu'elle a cessé dese contenter denier sa présence dansla bande
d''Aozou, la Libye a proclaméses droits sur ce territoire, mais les seuls

fondements juridiques auxquels elle ait jamaisfait allusion étaientces cartes
qui reprenaientletracéde 1935..Auncun autrefondement-que ce soit i'ongine

ethnique, la culture, ou l'histoire pré-colo-'a jamaisétéavancé.

2.107 Ce comportement était essentiellemenlte mêmeque

celui adopté devant I'0.U.A. La Libye a affirmé sesdroits sur la bande
d'Aozou, lorsqu'elle a finalement été forcée de fournir une explicationaux

dénonciations que formulait périodiquementle Tchad contre l'agression
libyennedont iétait victimà Aozouet ailleurs. Dansses réponsesà l'O.U.A.,

les références expressesau tracéde 1935font en généra dléfaut,simplement
parce que la Libye a refusé de coopérer aux efforts de médiation de

l'organisation et s'est contentéede faire des déclarationscatégoriqueset non
motivéesoccasionnelles selon lesquellesla bande d'Aozou lui appartenait.LaRépubliquedu Tchad a démontréque l'O.U.A., sur la base des informations
dont elle disposait, a toujours considque la revendicationportaitsur letracé
de 1935. La Libye n'a, à aucun moment, rectifié cetteopinion des instances

concernées de l'O.U.A. Elle s'est contentée de laisser croire que sa
revendication juridique étaitfondéesur ce tracé(infra, pars. 2.33, 2.39-2.40).

Et elle invoquait évidemment à ce moment-làce même fondement devant les
Nations Unies.

2.108 Pendant la périodeau cours de laquelle la Libye n'a

soulevé aucun différend frontalier, mais où elle acceptait plutôt la frontière
internationale qui suivaitle tracé colonial français, ellen'aévidemment formulé

aucune revendication territorialeincidente. Maismême lorsqu'ellea exhuméle
Traité mort-néde 1935,en fondant une revendicationsur la bande d'Aozou sur
des cartes qui reprenaient le tracé prévu parce Traité, la Libye n'a jamais

revendiqué de territoire au sud de celle-ci ; elle ne pouvait à la fois avoir
recours au tracé de 1935 et revendiquer davantage que ce que ce tracé

permettait. La Libye a démontré de diverses façonsqu'elle n'ajamais cru avoir
droità l'ensemble du B.E.T. Le comportement passéde la Libye esttout à fait

incompatible avec ses revendications actuelles à i'égardde "Tibesti, Erdi,
Ounianga, Ennedi, Borkou et northern Kanem generally lying north of 15QN

latitude"(U, par. 1.09). L'attentionde la Cour est attiréesur l'absencetotale
d'expression de telles revendications devant les Nations Unies, lors des
nombreuses occasions où celle-ci s'est penchée sur lesdénonciations par le

Tchad de l'occupation et de l'intervention libyennes (CM/T, Chapitre 9 et
supra, pars. 2.49-2.56) et devant l'O.U.A.. De plus, en acceptant les termes

du Traitéde coopérationde 1966avec leTchad, la Libyea montréqu'elle avait
accepté l'autorité duTchad sur les zones situéesau sud de la bande d'Aozou-

et ce, jusqu'au quinzième parallèle- qu'elle revendiqueaujourd'hui.

2.109 La République du Tchad a montré le caractère
incohérentet versatile de la positionde la Libye. Les conséquencesjuridiques

de cette inconstance peuvent êtrerésumées comme suit : 2.110 (i) :La Libye a explicitement accepté letracéque le
Tchad affirme représenterla ligne frontière. Elle l'afait en adhérantau Traité

de 1955 (qui ne reposait pas sur la validité préalablede cette frontière, mais
prévoyait plutôtque le tracé indiqué par les instrumentd se référence-queq l ue

soit son statut antérieur-seraitdorénavant reconnucommetracéfrontalier).

2.111 (ii) :Cela suffit amplement à régler la question.
Comme l'écrivait SirGerald FlTZMAURlCEdans son opinion dissidentedans

I'affaire duTem~le de PréahVihéar".,.dans les cas ou il peut êtreprouvépar
sa conduite ou de toute autre manière qu'une parties'est engagéeou est liée

par une obligation, il n'est strictement pas nécessaire ni mêmeapproprié
d'invoquer le principe de la forclusion ou de I'eçtoDDel"(Affaire du TemDle de

I d , C.I.J.,.J., 1962, p. 63).

2.112 (iii) : Mais de toute manière, la Libye avait,

indépendamment de l'accord de 1955, acquiescéà l'affirmation française
relative à la localisation de la frontière entre la Libye et le Tchad. II est bien

connu que le silence peut constituer un acquiescement. Lorsqu'un État est
conscient qu'un autre État adopte certains comportements ouémetcertaines

déclarations,sans contester ces comportements ou ces déclarations de droits,
il acquiesce à la position juridique que représententces comportements ou

ces déclarations de droits par l'autre État, c'est-à-dire qu'il les accepte
tacitement. Le silence "atteste que ceux-ci ne l'ont pas considéréecomme

étant contraire au droit international" (Affaides PêcheriesC , .I.J.,&. , 1951,
p. 139). Cette affirmation de la Cour portait sur le droit international général,

mais elle s'avère également applicableaux accords internationaux contenus
dans des Traités. Ainsi quele déclarait succintementla Chambre dans I'affaire

du Golfe du Maine "L'acquiescement [est] équivalent à une reconnaissance
tacite manifestée par un comportement unilatéral que l'autre partie peut

interpréter comme un consentement" (Délimitationde la frontière maritime
dans la réaion du Golfe du Maine, C.I.J., &, 1984, p. 305). Et ce

comportement unilatéral peut êtrepositif ou passif. Dans ce contexte, voir
aussi la discussion de l'affaire duTem~lede PréahVihéar(C.I.J.,Rec., 1962,
pp. 30-31) au chapitre 11., par. 11.71). 2.113 Bien entendu, touteabsencede protestation faceà un
comportement ou à 1'affirmationde droits ne constituepas un acquiescement.

II est nécessaire que la partie dont on peut attendre des protestations ait
connaissance du comportement ou des affirmations de l'autre. et que plus

qu'un bref délaise soit écoulé depuices actes. Dans l'affaire du Golfe du
Maine. la Chambrea concluque même s'ily avait"eu auelaueimarudencede
la Dartdes Etats-Unisà aarder le silence"aucune conséquence juridique ne

découlaitde cequi n'avaitété,dans les faits qu'un "silencede courte durée"
(op. cit.,p. 305,Rec. 1984 - souligné par la République du Tchad).

Cependant, en l'espèce,de réunionen réunionde I'Assembléegénéralea, lors
que d'autresformulaientdes revendicationscomparables,la Libyen'a rien fait.

Sa passivitéétait délibéréd,ans des circonstancesoù il eût é"naturel qu'
[un État] soulèv[e] la question" (affaire du Tem~le de Préah Vihéar

(Cambodaec. Thailande), w, C.I.Jm, 1962,p. 22).

2.114 Quellessontles conséquences de cet acquiescement?

En principe, la Libye ne peut soumettrela Cour sonargument,fondésur le
tracé de 1935. Dansun espritde coopération africainel,e Tchad a consentià

la proposition de l'O.U.A. selon laquelle le différenddevait êtrerésolu, si
nécessaire en le soumettant à la Cour. Le Tchad était conscientque la
soumission du différendentraîneraitun changementde position de la Libye,

qui reviendrait probablement sur son acquiescement général et son
acceptation spécifiqueen 1955du tracé indiqué dans les anciennstruments

de référence. Toutefois,lorsque la Cour aura à évaluerles élémentsdu
dossier, elle devra tenir compte de cecomportement. La Cour peutprendre

note du fait que la Libyetented'échappersonacceptation explicitepar Traité
d'un tracé frontalier, et la reconnaissance implicite de celui-ci par
acquiescement. La Libyea initialementnié avoir en fait changé de position,

puis a expliquésommairementce changementen invoquantuntracé frontalier
qu'elle avait euà maintes reprises la possibilitéd'invoquer plus tàtun

moment plus approprié,si elle avaitsérieusementcru qu'il pouvaitjustifier sa
revendication. Bref, l'histoirede l'acquiescementde la Libye, son acceptation

explicite et la manière subséquenteavec laquelle ellea tentéde revenir sur
cette position,soulèventla questionde sa bonne foi. Au coursde ses nombreuxchangementsde position,la
2.115
Libye a fait certaines représentati.'onpeut en toutejusticedéduire de ses
diverses déclarations devant[es Nations Unies etl'O.U.A., que sa nouvelle

revendicationportaitsur la banded'Aozou,et qu'elle était fondsur le tracé
de 1935. La Libye n'a absolumentjamais, jusqu'au dépôt de son Mémoire

dans la présenteaffaire, avancéune revendication à l'égarddu territoire
tchadien jusqu'au quinzièmeparallèle. Pourtant, de 1950à 1990 devant les

Nations Unies,et de 1970à 1990 devantl'O.U.A.,une multituded'occasions
auraient pu permettrel'expression detelles revendications.Ces organisations
ont tenu des dizaines de réunionsau cours desquellesil eût été à la fois

approprié et nécessaire que la Libye fasse état de l'existence d'une
revendication aussi importantsur leterritoire du Tchad. Les déclarationa dle

Libyeau sujet dela bande d'Aozouetde lacartede 1935,et son silence quant
à des revendicationsplusétendues, constituent des expressions sa position

et du fondement juridique de cette position. Dans I'affaire du Différend
frontalier, la Cour a recommandéla prudence à l'égarddes déclarations

effectuéesà l'extérieurd'uncontexte de négociation ou de discussion entre les
parties, et faites plutôt, selon les termes du Mali cene simple "boutade

du type de celles que l'on lance dans une conférencede presse" (Différend
frontalier, C.I.W,, 1986,p. 573). De toute évidence l, s représentations

de la Libye quantà l'étendueet au fondementde ses revendications sontd'un
tout autre ordre. Elleont été faites précisément lorsqedifférend entre les
deux pays étaitdiscutéaux Nations Unieset à l'O.U.A.,qui sont toutes deux

des organisations chargées de résoudre de façon pacifiqules différendsqui
opposent leurs membres. La présentationde sa position devant une telle

instance, en réponse à une accusation, ne correspond pas à un simple
"casualwitticism"o,u à de vagues commentaires faitsà l'extérieurd'un cadre

institutionnel ou de négociationspertinents. Ainsi que la Cour le soulignait
avec justesse dans l'affaire des Essais nucléaires: "Les États intéressés

peuvent donc tenir compte des déclarations'unilatéraleset tabler sur elles"
(Affaire des Essais nucléaires, C.I.J.Rec. 1974, p. 168). Ce principe

s'applique sûrement aux déclarations faites devant des instances
expressémentmandatées pourrésoudredes différends etpour maintenir la
paix internationale. 2.116 La Libye a rétracté sonacceptation initiale de la
frontière internationale. Elle a modifiésa revendication. On ne peut lui

permettre de revenir à nouveausur cetteposition qu'elle a déjà modifiée et
d'avancerdes arguments entièrement incompatibles avec celle-ciL .a Cour a
déclaré dans l'affairedu Plateau continental qu'une situation, c'est-

à-dire une impossibilité de nier une attitude antérieure, pouvait surven,si
partie, en raison d'un comportement ou de déclarationp sassés, avaitincité

l'autre partie s'appuyersur une telle conduiteet que cette dernièreen avait
vu sa position juridique affectée ou en avait souffert un quelconque

désavantage (Affairedu Pl C.I.J.,m,
1969, p.21). Non seulement le Tchadétait en droit des'appuyer sur les

représentationsde la Libye en ce qui concernait son changement dp eosition,
mais il s'est, en fait, appuyésur celles-ci. Et les positions desparties ont été

affectéespar ce fait. Le Tchad, se fiant aux déclarationsde la Libye selon
lesquelleselle n'avançait aucune revendicationterritoriaeu-delàde la bande
d'Aozou,et croyant également que sa revendicationétait fondéels etracéde

1935, s'est contentéede chercher à résoudrece problème dans un cadre
institutionnel, principalementpar le biais des mécanismesofferts parl'O.U.A.

Le Tchad a, de plus, consentià la soumissionà la Cour d'un différent relatfà
la bande d'Aozouet à la frontière quil'encadre,et son Mémoireest rédigé en

conséquence. LaRépublique du Tchad n'a pasdemandéà la Cour de juger
des interventions intermittentes et illicites de la Libye au-delà de la bande

d'Aozouet a, en fait, été surprisear les nouvelles revendications dla Libye.
Au cours des années, laLibye a souffléle chaud et lefroid -mais l'ampleur

inéditede ses nouvelles revendications présentd ee grands dangers.

2.117 Dans I'affaire dela Sentence arbitrale renduDarle roi

d-, la Coura décidé que le Nicaragua,à la suite
d'un comportement explicite et de son attitude qui équivalait à une

reconnaissance de la sentence, "n'[était]plus en droit de revenir sur cette
reconnaissance"(C.I.J., &&, 1960,p. 213). La Libyeestdéjàrevenue sursa

position initiale, qui étaitla reconnaissance dela frontière qui la séparedu
Tchad. On ne peut maintenant lui permettre de s'appuyer sur des fondements

encore une fois différents,et incompatibles avec la série de déclarations
émisesen relation avec sa deuxième position. 2.1 18 Au-delàdes inconstanceset de la fâcheuse propension
de la Libye à souffler le chaud et le froid, une considérationplus générale a

traità la bonne foi. Bien que celle-ci ne soit pas, en soi, une source
d'obligation juridique (Actions armées frontalières et transfrontalières

1Nicaraaua c. Honduras), (Çom~étence de la Cour et recevabilité de la
reauête),C.I.J.,m, 1988,p. 105),elle demeure "l'un des principesde base

qui président à la création età l'exécution d'obligationsjuridiques"(Essais
nucléaires, C.I.J., &, 1974, p.268). ~a Libye et le Tchad ont conclu, en
1989, un Accord-cadre qui constitue le fondement de la compétencede la

Cour. Des considérations de bonne foi exigent qu'en application de cet
instrument, la Libye soumetteà la Cour ledifférendrelatifà la délimitation dela

frontière dans la bande d'Aozou. Les innombrables changementsde positions
de la Libye sont abusifs.

2.119 Le Tchad est un État souverain, membre des Nations
Unies et de l'Organisation de l'Unitéafricaine. Seuls les États peuvent être
admis aux Nations Unies, et l'un des attributs de l'État est que l'entitéqui en

revendique le statut doit existerà l'intérieurde frontières définies. La pratique
des Nations Unies au cours des années afait montred'une certaine souplesse

en ce qui a trait au degréde précision que doivent présenter les frontières d'un
candidat à l'admission. Mais il est inconcevable que le Tchad ait étéadmis

comme État-membre des Nations Uniess'il existait une quelconque possibilité
qu'un autre membre des Nations Unies soit titulaired'un titre sur la moitié de

son territoire. Depuisplus de trente ans, letitre du Tchad sur son territoire est
certain, mêmesi la Libye, après un silence de plus de quinze ans après
I'admission du Tchad aux Nations Unies, a émisdes revendications sur la

bande d'Aozou ense fondant sur le Traitéde 1935. 2.120 Une frontière entrela Libye et le Tchad existe déjà.
Les parties ont toujoursreconnu l'existence de ce tracéLatâche de la Cour

n'est pas de tracerde novo une ligne qui accorderait à la Libye -qui occupe
déjà illégalementAozou- la moitiédu territoire d'un membredes Nations
Unies. II incombe maintenantà la Cour de direet de juger quel est le tracé

précisde lafrontière.LA REVENDICATION LIBYENNAU REGARD

DU DROITINTERTEMPOREL 3.01 Comme onpeut s'y attendre, le droit international a
évoluéau fil du temps. II est dès lors important d'évaluer la question

maintenant soumise à la Courà l'aunedu droit intertemporel applicable. Le
droit applicableaux événements qui se sont produitsau momentoù la France

étendaitsonoccupationsur leterritoirede ce quiestaujourd'huile Tchadest le
droit qui étaiten vigueurcette époque,et non, ainsi quele soutientla Libye,

les principesjuridiquesdéveloppéssubséquemmene t t qui interdisentde telles
acquisitions. Parailleurs,ledroit qui s'appliquaitpériodeoù le Tchad et la

Libye sont devenus des Etats indépendants g,râceà la décolonisationmenée
avec l'appui des Nations Unies, est le droit moderne. C'est ce droit

contemporain,et non pas le contenu aujourd'hui périméde 'Yitreshistoriques"
éteints depuislongtemps,et que la Libye tente d'exhumer,qui doit déterminer

les conséquencesjuridiques de ceque la Libye a fait, ou a négligéde faire,
avant, pendant, et après son accessionà l'indépendanceet celle du Tchad.

C'est le droit moderne de la décolonisation qui doit être appliquéafin de
déterminersi la Libyea abandonnétoute revendication qu'elle auraitpu avoir

sur de vastes portions du territoireque la France, en tant que puissance
coloniale, aléguéà la RépubliqueduTchad.

5 1. La_BEVENDIWON LIBYFNNF CONTREVIENT

INTERTFMPQEL

3.02 La Libye élaboreun argumentcomposé d'un nombre

illimité d'alternatives,en réponsela difficultéengendréepar l'accordqu'elle
avait librementconclu avec laFranceen 1955au sujet desa frontière avecle

Tchad; à la réalité des instrumentsde 1899 et 1919auxquels cet accordse
réfère; ainsi qu'à l'occupation effective du Tpar la France. En premier

lieu, elle prétendque l'avisconsultatifconcernantle Sahara occidenta!(C.I.J.
-ec., 1975,p.12) doit être interpréomme niantla possibilitéque le titre aitpu être conférpéar occupation, parce que les Senoussistes étainrésentsà

plusieursendroits. Ellesoutient ensuite qu'aucune effectivité pertinenn'ae
fait pu permettreà la France d'acquérrn quelconque titre. Puis, lle affirme

quesi de tels actesont étposés,ilsdoivent être considérés comd mesactes
de conquête,et non dooccupationeffective. Elle soutientensuite que la
conquête et l'occupation étaient illégaàel'époque, envertu du Pactede la

Société des Nationset du Pacte deParis. Puis,elle déclare que mêmescs eis
Pactesn'avaientpas rendula conquête illégaleà l'époque, ette illégalia té

affirméeplustard par la Charte des NationUnies. Elleprétend enfin que tout
cela prive de validitétout titre acquis à l'époque, puisqu'untitre doit être

conservéen conformité avecles impératifsdudroit internationalenévolution.

3.03 Ce tissu complexed'arguments visebien entendu à
persuader la Cour d'ignorerle fait juridiquefondamentalqui les privetous de

pertinence, c'est-à-dire qu'en1955la Libyea librementacceptéle fait que sa
frontièreavec le Tchadsuivaitletracé défini pares instruments deréférence

plus anciens. Lequestion du statutprécisde ces anciens instruments, au
moment de leur élaboration,n'est donc pas pertinente d'un point de vue

juridique, pas plus que laquestion des effectivités françaises(.LeTchad n'a
fournià la Cour une argumentationsurces questions que pour démontre qrue

le résultatserait identique,mêmesi le Traitéde 1955 n'existait pas).Tous les
arguments juridiques de la Libye -qui apparaissent presque comme une

réflexionaprèscoupdans son Mémoirev -isentà contourner les conséquences
désagréables du Traitéde 1955. C'estlà,toutefois,lecŒurdu litige.

3.04 De toute manière, l'échafaudage d'arguments
alternatifs n'est pas seulementpeu convaincant de manière générale, ma ilis

s'avère, en fait, inexact à chaque niveau de cette précaire structure
entrecroisée.L'analysede l'avis consultatif refuSahara occidental(C.I.J.,

m, 1975, p.12), et les conclusions qu'entire la Libye sont incorrectes.
L'occupationétaità la fois licite au regarddu droit en vigueur à l'époqueet

effective: les principes ultérieurs du droit international n'ienttitreainsi
obtenu nidirectement,ni par l'applicationdudroit intertemporel.La République

du Tchadtraitera tourà tour de chacundeséléments de l'argumentation dela
Libye. 3.05 Dans son Mémoire, la République du Tchad a

démontré commentla Déclarationfranco-britanniqud ee 1899 avait délimité les
sphères d'influencede la Franceet de la Grande-Bretagne;et comment, au

moment de la Convention franco-britannique de1919, le tracé de1899 était
devenu une frontière internationale,en conséquence del'extension jusqu'à

cette limite de l'autoritéeffective dela France sur I'arribre-pays. Ces
événements doivent évidemment être appréciés en fonction ladeoctrine du

droit intertemporel:"un actejuridiquedoit être appréciélumièredu droit de
l'époque,et non à celle du droit en vigueur au momeotu s'élèveou doit être

régléundifférendrelatifà cetacte" (Sentencede MaxHUBER,Différend relatif
B la souverainetésur I'lle de Palmas (ou Mianaas),R.G.D.I.P., 1935,no.1,

p.172). En concluant l'accord franco-italien de 1902, I'ltalie a accepté le
partage franco-britanniquede 1899. LeTraité de 1955 entre la France et la

Libye, a fait référenaux textes internationaux, notammentà ceux de 1899,
1902et 1919.

2. LA QUFSTION DU TITULAIRE DFS !lB.QUS

SOUVERAINSET LE DROIT INTERTEMPOREL

3.06 Mêmesi le Traitéde 1955 ne reposait pas sur une
référenceau tracé déterminé par les intruments plus anciens, mais sur les

instrumentseux-mêmesl,a Libye doit éviter l'application du drttertemporel
à ces ancienstraités, ansi qu'aux événementq sui les soutendent. Elletente

d'y parvenir en prétendant que les Senoussistesexerçaient leur autorité
souverainesur l'ensemble de ce qu'ellnommetendancieusement"the Libya-

Chad borderlands".Puis, elle soutientqu'envertu de l'avis consultatif sur le
Sahara occidental (C.I.J&, 1975,p.12),il n'yavaitpas de terranulliuset,

par conséquent,pas de possibilité juridique d'occupaenn l'absenced'accord
avec les Senoussistes. 3.07 AinsiqueledémontreleChapitre5.du présentÇontre-
Mémoiresur la question du titre originaire surle B.E.T, les Turcs n'ont pas

acquis de souverainetéau coursde leur brève présence la région.Iest
intéressantde noter que lasource citée pour cette afnans le Mémoire
de la Libye est J.M. WRIGHT, danssonouvrage,bva. Chadandthe Centra!
Sahara, Barnes & Noble, Totowa, New Jersey, 1989, p. 118, où l'auteur parle

de la reconnaissance de la souveraineté turquesur "Borku,nnedi and
Tibesti.now thethree northernmost provinof Chad. Detoute manière,en
1902, I'ltalie avait abandonné paravance touterevendicationfondée surla

succession à la Turquie. L'on ne peut conclurenon plus que la population
indigène, particulièrement les Toubous, était suffisammentstructurée et
organisée pour exercer une souverainetésur le B.E.T. Les Senoussistes
possédaientune certaine structureet un certain degréd'organisation sociale.

Cette structure sociale et politique était surtoutdéveloppéeen Cyrénaïque.
Toutefois, leur organisationn'étaitni suffisamment gé,i suffisamment
ancrée,pour leur conférer un tde souveraineté sle B.E.T. La réalité est

que la Francea graduellement étenson autorité sutroute la région.leans
sud, quelquesaccords ont été concluscette fin avec lespeuplesindigènes.
Ailleurs, I'effectivité de la présence française dénote l'acquisition de
souveraineté(v. infra,Chapitre9.).

§ 3. L'AVIS CONSUITATlF CONCERNANTLE SAHARA
DCCIDFNTALE DU POINT DE VUE Dl!

-

3.08 Au paragraphe6.22 de sonMémoire,la Libye soutient
qu'en vertu de l'avis consultatif concernanlte Sahara occident&l(C.I.J.,
1975, p.12), le territoire de ce qui constitue aujourd'hui leTchad n'étaitpas

terra nulliusau momentpertinent et que, la France nepouvait avoir acquis
aucun titre par occupationeffective. L'on ne peut rendraux principes
juridiques énoncés palra Cour danscet avis par descitations occasionnelleset glanéesau hasard. IIimporte de placer ces citations,ontla Libye faitgrand
usage, dans le contexte plus généralde ce que l'Assemblée générale

demandait à la Cour. L'Assembléegénérale a pod seuxquestionsà celle-ci :

"1.Le Sahara occidental (Rio de Oro et Sakiet El Hamra) était-il,au
moment de la colonisation par I'Espagne,un territoire sans maître
(terranullius)?

Si la réponseà la premibrequestionest négative,

II.Quelsétaient les liens juridiqse ce territoire avecle Royaumedu
Marocet l'ensemble mauritanien ?"

3.09 Dans ce contexte, la Cour a indiqué qu'à l'époque
pertinente,soit au débutdesannées 1880,la pratiquedémontraiq tue

"les territoires habités par des tribus ou des peuples ayant une
organisationsocialeet politique n'étaientas condidérés comme terra
nullius. On estimait plutôt en général qlesouverainetéà leurégard
ne pouvait s'acquérir unilatéralement par l'occupatienlaterra nullius
en tant que titre originaire, mais au moyen d'accorsonclus avec les
chefs locaux" (Avisconsulwif sur Wra occidental,C.I.J.,5,
1975,p. 39).

D'une façongénérale et succinte,la Cour faisait ici clairemétatde l'histoire.

Elle ne décidaitpas que, sauf à l'égardde territoires réellement "déserts",
aucunacte d'occupation effectivene pouvait légalement conféreu rntitre, bien

que "généralement" l'acquisitio du titre s'effectuât parle biais d'accords.
Cour n'avait pas à répondreà cette question,et n'a pas eu l'occasion des'y

intéresser. L'avisne suggère pas nonplus que le titre de l'Espagnesur le
territoire qu'ildéclaraitpasêtre terra nullius, aurait été vicié'exceptionde
celui acquis en vertu de certainsaccordsconclus avec deschefs locaux. Le

titre colonial de l'Espagne n'était,spécifiquement,pas remis en cause. La
question devant la Cour n'affecte pas : "Les droits que l'Espagne possède

actuellementen tant que puissance administrante [en t e sont] aucun degré ...
compromis par les réponses quela Cour pourrait faireaux questions qui lui

sont posées" (ibid.,p. 27-28).

3.10 De toute évidence, la Cour n'a pas décidé que
l'occupation effective,à moins de résultd'unaccord, ne confèrait aucun titrecolonial. Une telle conclusion aurait nécessitde prendre un grande liberté
vis-à-vis des principesessentiels du droit intertemporel. Ou alors elle aurait

impliquéque le statut actuel reconnu à juste titre aux peuples indigènes
constitueune exception majeureaufonctionnement normal des règled su droit

intertemporel.

3.11 En 1963, le ProfesseurJENNINGS a souligné que
l'occupationétait "the appropriatiby a state of a territory whichis not at the

time subjectto the sovereigntyof any state. This isno1to Say,of course, that
the territory need be uninhabited. Natives livingnder a tribal organisation
were not regarded as a state for this purpose, and though force, even

considerableforce, might beusedfor the establishmentof the settlement,the
result in law was not conquest but occupation" (JENNINGS, R.Y., The

Acauiçition, Manchester University Press,
Manchester, 1963, p.20). Ceci a étéécrit longtempsaprès que la Cour

permanenteeut établila relation entre occupatioet terra nullius dans I'affaire
du Statutiuridiaue du Groënlandoriental(C.P.J.I.,SériesNB, no.53, pp.44et

S. et 63 et S.). Cette relationavait étéétabliedans le contexte de I'affaire
soumise à la Cour,tout comme lesobse~ations de la Cour internationale de

Justice dans I'avis consultatif concernant le Sahara occidental, rendu
ultérieurement(C.I.J.,&, 1975,p.12) ont été émises danls e contextedes

questions spécifiques(et différentes)auxquelles elle devait répondre. Tout
comme les commentaires de la Cour permanente dans I'affairedu

iyridiaue du Groënland oriental ne contredisepas la validitéde la déclaration
de principe généraclitée ci-dessus, celle-ci demeure valide fau regard de

l'avis de 1975 relatif auSm. La Cour devait traiter de la
question de la terra nullius uniquement, selon le Juge DILLARD, pour

"déblayer le terrain pourla QuestionII", (celle relativeaux liens prétendusdu
Maroc et de la Mauritanie avecleterritoire;116). Toutefois,ni l'Espagne,ni

le Maroc, nila Mauritanie, n'onteu recours au concept deterra nullius. Même
s'il existait des preuves de certainsaccords conclus entrel'Espagneet des

chefs tribaux au moment de la colonisation, letitre originaire de l'Espagne
n'était simplement pas miesndoute.

3.12 La France a,en fait, conclucertains accordsavec des
chefs dans la partieméridionale dece qui est aujourd'huile Tchad (même sices accords n'ont pas étérespectés). Toutefois, ailleurs, ellea établison

autorité par voie d'occupation, parfois par usagleforce. Dans I'Ennedi,la
Francen'a pas eu à recourirà la force pour établir uprésencepermanente.

Relativement peu d'activités militairesont eu lieu dans le Tibesti. Mais la
Francea eu recours àla forcede façon substantielle afin d'établinontrôle
sur le Borkou. Lecritèrequi veutque les faits juridiques soient appréciés

lumièredu droitqui leurest contemporain exige quel'onadmettedeux réalités
: l'une généraleet i'autre particulière. La première reconnaît que "[tlhis

somewhatloftyattitudetowardspeopleswhodid notenjoy'n'vilization i' the
senseof livingundera Stateorganised afterthemanneiof Statesof Europe

seemed naturalenoughinthelatenineteenth centurf (JENNINGS,R.Y., Lhr:
Acauiçition,op. cit. par. 3.11, p.20). La

seconde est quela France effectivement occupé toult territoire. En
réalité,en 1919, la Franceexerçait la souveraineté danstous ses éléments,

essentiellementsur le Borkouet sur I'Ennedi,et sur leTibesti dans la mesure
requise par ledroit internationaldans un territoire sipeu peuplé. Lorsquela

France quin'ajamais quittéle Tibesti a réaffirmé son autorité erTibesti en
1929,elle reprenait sa position antérieuet n'avaitpas la prétentions d'établir
de nouvelles effectivités. L'affirmation dela Libye selon laquelleil n'y avait

aucune effectivitéavant 1929 est simplement indéfendableD. e plus, la Libye
ignore totalement la relativitédes effectivités, puini les Senoussistesni

les Turcs -par l'entremisedesquels la Libye élabore sesrevendications, en
faisant assezlégèrement appel à un prétendu type de souverainetéartagée-

n'ont exercé d'autoritpluseffectivedansla région.

3.13 La Libye soutientque la notion du droitintertemporel

"[als developed by Judge HUBER in the Palmas Islands Case, and now
generally accepted,..requires astateasserting title over territomaintain

that title in accordancewith the changing requirementof the law"(m, par.6.66). Aucune référence précisen'estfournie, hormisun renvoigénéraa l ux
pp. 845-846' de la sentencesur le Différendrelatifà la souverainetésur I'lle

de Palmas (ou Miau. La Libyefait vraisemblablement allusionà la phrase
de l'arbitreMax HUBERdans laquelleil distingue "entrela création d'un droit t

la maintiende ce droit"et'oùil parle du principe en verduquel"l'existence de
ce droit, en d'autres termes, sa manifestation continue, suit les conditions

requises par l'évolutiondu droit" (R.D.G.I.P., 1935, no.1, p.172). Analysée
dans son contexte, toutefois, cette phrase ne donne absolument pas A la

notionde droit intertemporella significationque lui prêla Libye.

3.14 La question à laquelle Max HUBER devait répondre
n'était pas de savoir si l'Espagne avait perdu sa souveraineté sur I'lle de

Palmasen agissant à son égarden violation du droit internationeln mutation.
II s'agissait plutôt de déterminersi sa simple découverteavait permis à

l'Espagne d'acquérirun titre, et de le conserver. La créationdu titre devait
être appréciée à la lumièredu droitenvigueur à l'époque :au seizième siècle,

lorsque l'Espagne a découvert les Iles Palmas,la seule découverteconférait
probablement un droit de souveraineté. Toutefois l, découvertene donnait

pas un titre pour toujours, car "il faut aussi démontrerque la souveraineté
territoriale a continué d'exisrt existait aumomentqui, pourle règlementdu

litige, doit être considéré comme décisif" (R.G.D.I.P., 1935,.1, p.164). Or,
en vertu du droit international telqu'ilavaitévolué entretemps, l'existde ce

droit au moment critique, devait être démontrée lp aar anifestation continue
"des activités étatiquestel qu'il appartientla seule souveraineté territoriale"

(ibid.).

3.15 Ainsi,Max HUBERdéclarait simplement qu'en vertu du
droit international,tel qu'il s'était dévelu, droitinitialne suffisaitpas pour

démontrerI'existence continued'untitre au momentde la revendication. La
perpétuation de ce droit, démontréepar .une occupation effective était

nécessaire. Il convient donc d'interpréter la sentencede 1928 en disant
qu'en vertu des principes du droit international intertemporel un État doit

continuer de maintenir son titre de façon effective. Maiscela n'équivaut

LememoiredelaLibye renvoieà "III,U.N.R.I.A.A."pourletexte ade cette affaire.
alorsQu'ilsetrouvedansII, U.N.R.I.A.A..absolument pas à affirmer qu'en vertu de la doctrine élaboréepar Max
HUBER,il est "généralemen tccepté" qu'unÉtata l'obligation"tomaintainthat
titlenaccordancewiththechanging requirements of thelad (MIL par. 6.66).

Même siI'onpouvait leur attribuerlesens que suggèrela Libye,ces précisions
ne seraient pertinentes qu'ecequi a trait la périodepostérieureà 1919. Le

maintien de son titre par la France depuiseti'edate s'est conforméau droit
international,ainsi qu'il aévolué.Et, en accord avec lesprincipes quiont été

élaborés en vertu dela Charte des NationsUnies,la Francea mené leTchad à
l'indépendance,par la voie du processusde décolonisationprévu par ledroit

internationaldel'après-guerre.

3.16 L'absencede manifestation continue de ce titre, et une
manifestation ultérieuredu titre par autrui, constituent des "faits nouveaux"
dont il faut tenir compte. Ainsi, dans l'affaire desMinauiers et Ecrehou~

(C.I.J.&, 1953, p.56), la Cour internationale deJustice a noté que, quoi
qu'il se soit passé une "époque féodale éloignée", tout titre fédéatlenupar

le Roi de France

"..a dû cesser d'exister comme conséquencedes événementsde
l'année1204et des années suivantesU . ntel titre féodal originaire des
rois de Francesur les llesde la Manchenesaurait aujourd'hui produire

effet juridiqueà moins qu'un autre titre, valable d'après le droit
applicableà l'époque considérée,ayit étsubstitué."

Ainsi, si letitre français surle B.E.T. avaiétabli d'une manière précaireet
incertaine,quoique potentiellement suffisante seloe droit de l'époque;et s'il
n'yavait eu aucunemanifestationde la souveraineté française, mais plutôdtes

manifestations de souveraineté, conformesaux exigences du droit d'une
époque ultérieure, parla Senoussiaet les Turcs -dont la Libye revendique

I'héritage-alors, en effet, la doctrinedu droit intertemporel s'opposeraità une
revendicationfrançaise puistchadienne. Mais la situation soumise à la Cour

en l'espèce estfort différente.La souveraineté française s'est anifestéede
façon continue durant toute la période pertinente. Et aucune effectivité

sénoussisteou turque ne constitueun "fait nouveau"qui pourrait remplacerle
titre françaisantérieur, ou fonder une revendicationasuited'un abandonde

titre parla France. 3.17 Ces conclusions sur les exigences du droit
intertemporel ne sont pas seulementconfirmées par une lecture attentivedes
questions débattues dansl'affairedeI'lb de PalmaS.et parl'enchaînementque

suivent les raisonnements de Max HUBER en réponse aux différentes
questions. Elles découlent également de la nécessitéde toujours bien saisir le

sens de la règle fondamentale du droit intertemporel(v. supra,par. 3.05), à
savoir que les faits juridiques doivent être appréciàsla lumière du droit tel

qu'il existaitl'époque. En conformité avecle droit internationalen mutation,
le titre doit continuer de se manifester, au risque d'être abandonou cédé.

Cependant, s'il l'on étendplus avant cet aspect du droit intertemporel "the
resultis notonlythattitleceasesto havesignificancei,t alsomeansthat the

firstpart of theruleis itselfvirtuacancelledofitseffect. It meansthat title
bas to speak to be earned again at every moment of time. Under these

conditions notitlewouldbe secureand thesupposed aimofthelaw -stability-
would be utterly defeated'(JENNINGS, R.Y., Acauisition of Territorv in
International Law, op. cit.,par. 3.11, pp. 30-31). Comme l'a souligné Philip

JESSUP : "Such a retroactive effectof law would be highlydisturbing. Every
State would constantly be under the necessity of examining its title to each

portion of its territory iner to determine whether a change in the law had
mecessitated, as it were, a reacquisition" ("The PalmasIsland Arbitration",

m, 1928, p. 740 ; v. aussi P. TAVERNIER : Recherches sur I'aoolication
dans le temDs des actes et &s rèales en droit international ~ublic, L.G.D.J.,

Paris, 1970, pp. 268 etS.).

3.18 Un autre élément important expliquele rôle que joue le
droit intertemporel dans le différend entre le Tchad et la Libye. Dans le

différend relatif la souverainetésur I'lle de Palmas (ou Miana&, ou dans
I'affaire des Minauiers et desEcrehous, on a appliquéle droit intertemporel
espèce, on ne saurait
uniquement aux effectivités. Mais, dans la présente
ignorer l'existence des traitésde 1899 et 191.9,et la référence quiy est faite
dans le Traité de 1955 entre la France et la Libye. L'application du droit

intertemporel auxtraitésmériteun examenparticulier. 3.19 L'application de ce que l'on peut appeler la règle
centraledu droit intertemporel estun fait acquis en matière de traités.Ainsi, la

validitéd'un traité doit êugée à la lumière des circonstanceset du droit qui
prévalaient au moment de sa conclusion (Voir: LAUTERPACHT, H.,

"International Law - The General Part", in LAUTERPACHT, E., ed.,
International Law. vol. 1. The GeneralWorks, Cambridge University Press,

1970,p.172.). Comme l'énonçaitla Courdans I'affairedu Droitde Dassaoesur
brritoire indien :

"Qu'il suffise de dire que la validitéd'un traitéconclu à une époque
aussi lointaine quele dernier quart du dix-huitième siècle, dans les
conditions qui régnaient alorsdans la péninsuleindienne, ne doit pas
êtreappréciée sur la basede pratiqueset de procéduresqui ne se sont
développées depuis lorsque graduellement."(C.I.JRec. 1960,p. 37).

3.20 Fondamentalement,la doctrine du droit intertemporel

exige aussi que l'interprétationdes dispositions d'untraité tienne comptedu
sens attribuéà ses termes au momentde sa conclusion (-
Uts-Unis au Maroc, (C.I.J.,&, 1952,p.189). IIs'ensuit qu'un traité ne doit

pas êtreinterprétécomme ayant réglé desquestions inconnues du droit à
l'époque(v. Arbitrationeen Petroleum Develmnt (Trucial Coau

& the SWkh of Abu Dm, Int a.d Cu Law Q., vol. 1, 1952, p. 252).
Cette approche a été confirmée dans I'affaire Gu~nee-Bissau c.Sénéaal,

(B.G.D.I.P. 1990, no 1, p. 269) dans laquelle le Tribunal arbitral a décidé,en
référence à un "principe bien établi",qu'un accord datant de 1960 devait être

interprétéà la lumièredu droit envigueurau momentde sa conclusion et que,
par conséquent, il ne pouvait avoir délimdes espaces maritimesignorésdu
droità cette époque.Bien sûr,rien dansi'arrêt e la Cour relaàiI'affairede la

Sentence arbitrale du 31 iuillet 1989 (C.I.&., 1991, p. 53) ne permet de
douter du principedu droit intertemporel. 3.21 Dans certaines circonstances exceptionnelles, les

traités doivent étre interprétésconformément audroit international en
Bvolution, plutôt qu'au droit tel qu'il exàsl'époque. Lorsque l'obligation
présente"un caractèregénérique" alor" sil faut nécessairement présumeqrue

son sens était censé évoluer avec ce.droitet revêtir & tout moment la
significationquepourraient luidonner lesrbglesenvigueur (Affaired&&~LJ

continentalde la MerEaée (Grèce c. Turauig,C.I.J&, 1978,p.32). IIfaut
noter qu'icilefacteurintertemporeldBcoulede i'intentionprésumbedesparties

à l'origine. C'est Bgalement ce qu'en dit la Cour dans l'avis consultatif
concernant les ~quences iuridiaues Dour les Etats de la présence

~ontinue de I'Afriauedu Sud en Namibie (Sud-OuestAfricaia. &, 1971,
p.31). Danscetteaffaire laCoura été appeléà einterpréter,en 1970,le sens

du concept de "missionsacrée"formulépar les parties au Pactede 1919. La
Cour a affirméqu'elle devait

"tenir compte de ce que les notionsconsacréespar l'article 22 du
Pacte- 'lesconditionsparticulièrementdifficilesdu mondemoderne'et
'le bien-êtreet le développementd' es peuples intéressés-n'étaient
pas statiquesmaispar définitionévolutiveset qu'il en allait de même
par suite de la notionde "missionsacréede civilisation". On doit donc
admettreque lespartiesau Pacte lesontacceptées commetelles."

3.22 Mais dans la présente affaire la Cour n'a pas à
interpréterune obligationgénérique découlant d'utraité. Le Tchad soutient

que l'accordde 1919a confirmé le tracéde 1899;ce que nie la Libye. Cette
dernière nie également I'applicabilée tous ces traités au tracé.C'est là la
seule question qui demandeure interprétation.Les règles normales dudroit

intertemporel s'appliquent. En effet, le Traitéde 1955 renvoie à ces dates
antérieures. 3.23 La Libyeévoquele principedujus cogens pour éviter
l'application dudroit intertemporel.euxreprises leMémoirede la Libyefait
allusion au conceptde jus cogens.Dansle paragraphe 6.11, la Libye affirme

que "the principleof stabilitycannot override theprincipleof the prohibitionof
the use of force" qu'elle caractérisecomme une norme de jus cogens. Elle

revient sur cette idée au paragraphe 6.43 en faisant valoir que "neither
occupation nor conquest could grounda legal title if contrary to rules of jus

cogens.

3.24 Pour évitertout malentendu,la République du Tchad

tientà préciserqu'elle ne contestenullement I'interdictiondu
recours à la force dans les relations internationales "soit contre l'intégrité

territoriale ou l'indépendance politde tout Etat,soit de toute autremanière
incompatibleavec les butsdes Nations Unies"constitueune normeimpérative

du droit internationalgénéral. L'une des conséquenc esest que, m,
"nulle acquisition territorialeobtenuepar la menaceou l'emploi dela force ne

saurait êtrereconnuecomme légale(Cf. le premier principe proclamépar la
résolution 2625 (XXV) de l'Assemblée généraleD , éclaration relative aux
principesdu droit internationaltouchant lesrelations amicaleset lacoopération

entre lesEtats, conformémentà la Charte desNationsUnies). En revanche,il
n'en résultenullementles conséquences que,pour sapart, la Libyetente d'en

tirer.

3.25 La Républiquedu Tchad a montré, dansle chapitre

précédentdu présent Çpntre-Mémoire (pars. 2.10 et S.)que la survenance
d'une nouvelle norme impérative dudroit internationaln'entraîne évidemment

pas la nullité rétroactides traitésqui ont établises frontières avec la Libye.
Cette constatation s'étendaux effets de ces traités.A proprement parler, la

seule référence à un élémentintertemporelse trouve dans l'article 64 de la
Conventionde Vienne surledroit desTraitésqui prévoitque : "Si une nouvellenorme impérativedu droit international survient, tout
traitéexistant qui est en conflit avec cette normedevient nul et prend
fin."

3.26 Même si unélémend t estraitésde 1899,1919 ou 1955
contrevenait vaguement à une normeimpérative dudroit internationalactuel

(et ce n'est pas le cas), l'effet de l'article 64 de la Conventionde Vienne ne
serait pas rétroactif. Commele Rapporteurde I'lnstitutde droit internationalle

dità trbs justetit:e

"...une nouvellenormedejus cogens nepourraitpas mettreen cause
la validité initiale d'un traité,mais seulement mettre un terme à sa
validitécontinue. Autrement dit, une nouvelle norme de jus cogens
s'applique à tout traitéconclu après qu'ellea ététablie,ainsiqu'àtout
traité existant, maisdans ce dernier cas sans effet rétroactif sur la
validitédu traitépendantla période antérieure" (SDRENSEN, M.M.,
Annuaire de I'lnstitutde droit international,1973, Rapport provisoire,
p.39).

3.27 Ceciest confirmépar le paragraphe2 de l'article71 de

la Conventionde Viennesur ledroitdes traités.

"Dans lecas d'un traitéqui devientnul et prendfin en vertu de l'article
64 [survenanced'unenouvellenormedejus cogens,la fin du traité
"a) Libèreles Partiesde l'obligationde continuerd'exécuterletraité;
"b) Ne porte atteinte a aucun droit, aucune obligation, ni aucune
mation iuridiauedes Parties, créés par l'exécutiondu traitéavantqu'il
ait pris fin ; toutefois, cesdroits, obligationsou situations ne peuvent
êtremaintenuspar la suiteque dans l'hypothèseou leur maintienn'est
pas en conflit avec la nouvellenormeimpérativedu droit international
gbnéral"(soulignépar la République du Tchad).

3.28 IIen résulteque même si l'on admenaitque les traités
de délimitationétaient contraires à une règle nouvellede jus cogens -ce qui

n'est, l'évidence, pasle cas-,les situationsqui en résulteraient n'en devraient
pas moins être maintenues :la frontière ainsi établien'est, en elle-même,

nullement en conflitavec une quelconquenormeimpérative,qu'il s'agisse de
l'interdictiondu recourà la forcedans les relationsinternationalesou dudroit

, des peuplesà disposer d'eux-mêmes. 3.29 Ce respect du droit intertemporel est bien qûr
entièrementconformeaux dispositionsde la Conventionde Viennetraitant du

changement fondamentalde circonstances, qui soulignent l'importancede la
stabilité. L'artic62 (paragraphe 2) dispose qu'un tel changement de

circonstances ne saurait être invoquéour mettre finà un traité,ou pour le
dénoncer,si ce traitéétablitunefrontière.

3.30 La Convention de Vienne est sans Bquivalent en
matibre de droit coutumier, mais les principestrbs clairs qui s'en dégagent

peuventêtre transposéssansgrandedifficuité àla présentesituatio:

i) il n'est pas douteux que la France a imposé parla force sa domination

colonialeaux populations indigènede la région aujourd'hrievendiquéepar la
Libye ;

ii) à l'époqueoù ces faits se sont produits, ils étaientconformes au droit

internationalalorsenvigueur;

iii) la situationjuridique quien est rés(l'établissement e la souveraineté

territoriale dela FrancepasséeauTchad à lasuitede l'indépendanced)oitêtre
maintenue,

iv) w-iourd'hui, ces mêmesfaitç ne pourraient justifier aucune acquisition

territoriale.

3.31 La Libyea raisonde soutenirque l'on ne succèdepas

à un titre illégit(u, par. 6.12). Maisà l'époqueoù la Francea acquis le
titre auquel le Tchada succédéc,elui-cin'était entaché d'aucllégitimit.a

conquête coloniale était considéréecomme pleinement admissible et
l'occupation etfective qui en rbsultait était à l'origine d'un titre juridique

opposable aux autres Etats(v. U, pp. 241et S.).On peut le regretter ; le
Tchad le regrette; tel était le droit.

3.32 II est bon que ces règles aient étéremises en cause
dans le droit contemporainmais cetteremiseencausen'apas d'effetrétroactif

et ne saurait en avoir. II suffit, pour s'en convaincre, de songer auxconséquences dévastatricesqu'aurait en pratique la tr&s singulière théorie

libyenne, indépendamment mêmede sa contrariété avec lesprincipes
fondamentauxde l'ordrejuridiqueinternational.Lesfrontibresde tous les Etats

se trouveraient remises enquestion,car il n'enest pas qui ne doive quelque
chose au recours à la force. De proche en proche, la France éclateraiten

multiplesvillages gaulois-enadmettantquel'onpuisseretrouverleurs limites!-
, les Arabes seraient renvoyésàla péninsulearabiqueet les Normands à la
froide Thulée. Toutesles frontièresrésultantd'uneguerre et prévues dans un

trait6 de paix seraient contestables.Tous les inconvénientsde l'application
rétroactive du droit, dénoncéepar exemple par les Juges JENNINGS et

JESSUP (v. supra, par. 3.17), se feraient sentiret leprincipefondamentaldu
respect des frontieres existanau moment dela décolonisationq, ue la Libye,

sans grande conviction,assure soutenir (cMA, pars.6.08 et S.),volerait en
éclats.

3.33 Le principede l'interdictiondu recoursà la force dans
les relations internationalesconstituecertes une normede jus cogens celui

de I'utipossidetisjuris, aussi. Ils ne s'opposent pas; ils se complètent.Comme
le déclare fort bien la Libye, contredisant ainsi ses propres conclusions,

"territorialtegrityandthe prohibitionof the useof force areinsepara(u,"
par.6.11).

3.34 La Chambre de la Cour, appelée à trancher le
Différendfrontalier entrele BurkinaFasoet le Mali,s'est demandée

"comment le principe ancien de I'uti possidetis a pu survivre aux
conceptionsnouvellesdu droitinternationa..(& 1986, p.566),

et, notamment, à celui du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.En
réponse à cetteinterrogation, ellea rappeléqu'

"en réalité,le maintien du statu quo territorial en Afrique apparaît
souvent,comme unesolutionde sagesse visant à préseiverles acquis
des peuples qui ont luttépour leur indépendancetà éviterla rupture
d'un équilibrequi ferait perdreau continentafricain le bénde tant
de. sacrifices. C'est le besoin vital de stabilité pour survivre, se
développer et consolider progressivement leur indépendancedans
tous les domaines qui a amenéles Etats africains à consentir au
respect des frontieres coloniales, et à en tenir compte dans
l'interprétationduprincipede l'autodéterminatdes peuples. "Le principe de I'utipossidetis s'est maintenu au rangdes principes
juridiques les plus importants, nonobstant I'apparentecontradiction
qu'impliquerait sa coexistenceavec les nouvelles normes. En effet,
c'est par un choix délibéque les Etatsafricains ont, parmi tous les
principes anciens, retenu celuide I'utipossidetis. C'estune rquiité
ne saurait Btre contestée"(ibid., p567 ; v. aussi l'avis no2 de la
Commissiond'Arbitragede la Conférenceeuropéennepour la paix en
Yougoslavie,Il janvier1992 ,nnexe 144).

3.35 Ces considérationssontd'autantplus pressantesen la
présente .espèce que, par définitionmBme, la domination coloniale a été
imposée par laforce aux peuples quien ont étles victimes.Sil'onen venait

au nom du principe de l'interdiction du recours la forceà contester les
situations engendréespar le colonialisme, le principe de I'uti possidetis ne

seraitpas seulement tenuen échec :il disparaitraîtpurementet simplement.

3.36 La République duTchad a d6jà démontré que le
deuxibmevolet du principe intertemporelexigeune manifestation continuede

souveraineté :il ne dit rien à propos des normesdu droit internationalqui ne
sont pas liéesaux manifestationsde souveraineté. De plus, la souveraineté

étatiqueentrainerala possibilde recourir exceptionnellementla forcedans
la mesurenécessaireau maintiende l'ordre.La réalitne permetpas nonplus
de définirleseffectivitésde la Francejusqu'àla conclusiondu Traité1955,

puis celles du Tchad comme"alien control over another'çterritory maintained
by force"(m, par.6.67) .écrireavecdésinvolturece territoirecomme étant

celui "d'unautre"élude simplement la questide droit.

3.37 Une dernière questionimportante doit être examinée.

Mêmesi un État continuait de manifesterson titre au moyen d'actes qui, en
eux-mêmes, contrevenaientau droit international contemporain. cela ne
suffirait pas pour priver sontitre de validité. IIs'agirait biensûrla de violations

du droit international.Par exemple, si un État, lors de son indépendance,
succédait à un régime colonialsur un territoireparticulieret, des années plus

tard, entamait le génocide d'un certain groupe ethnique, il serait coupable
d'une violation majeure du droit international,maise perdrait pas son titre

sur le territoire, etserait impossiblede rechercher un titulaire alternatif du
titre, dont la revendicationserait perdue dansla nuit destemps. Ni le conceptdu droit intertemporel, ni la pratique des États, ni le bon sens n'appuient

l'affirmation selon laquelle un titre valable en vertu du droit applicableà
l'époqueest privéde validitépar des actes ultérieursqui violeraient le droit

international.

3.38 Dans son Mémoire, la Libye insiste sur le fait que la
seule revendicationque la Francepuisse avoir formuléeserait fondéesur la

conquêtedu territoire en litige (disputed area), en premier lieu parce qu'il
n'existe aucune frontière conventionnelle sur laquelle une revendication
pourrait reposer, et en second lieu parce que l'organisation politique des

Senoussistesexclut la possibilitéd'untitrejuridiquefondésur l'occupation.[ut
follows thaatnyclaimtotitleintheterritory ofFrancemustrelyonconques .."

(Mlh, par. 6.31). LeTchada déjà démontré que lestraités pertinents avaient
l'époque,effectivement créé une frontière,et que, de toute manière,un traité

ultérieuravait reconnuce tracépar référenceà cestextes (v.u, chapitreIV).
Le Tchad a aussi soulignél'inexactitudede l'affirmationselon laquelle dans

l'avis consultatif concernant le Saharaccidenta!la Couraurait estimé qu'au
début du vingtième siècle, il était juridiquement impossible d'occuper un
territoire,lorsque des tribus qui disposaient d'une organisation sociale et

politiques'ytrouvaient.

3.39 La position du Tchad -telle qu'elle est résuméepar
commoditéaux pp. 375-382de son Mémoire-est que, parle Traitéd'amitiéet

de bonvoisinagede 1955,la Franceet la Libyeontdéterminé avec précisionle
tracéde lafrontière. Quandbien même la frontièren'auraitpas éfixéepar le

Traitéde 1955,sontracén'en serait pasmoinsceluiqui résulte des accords de
1899, 1902 et 1919. Et même si ces actes n'établissaientpas où se situe la
frontière-quodnon-la frontièresuivraitnéanmoinscettemême ligne,du fait de

la présence effective et non-contestéede la France d'abord, et du Tchad
ensuite, jusqu'à ce que la Libye l'en déloge parla force, dans le territoire

concerné. 3.40 IIn'estdbs lorspasexact de prétendrque leTchad se
prbvaut, en tant que successeur dela France, dela "conqu6te"effectuée par

celle-ci. Certes, celle-ci s'est emparde par la force des territoires que
revendique la Libye et, en ce sens, on peut parler deconquête. Mais cette

action, parelle-même, ne créapt sdetitre territorial dansle cadre colonial.La
formation du titre nerdsultait pas de la prise de possession du fait de la
"conquête",mais de i'occupation effective subséquente (cf..JENNINGS,

, op.cit.,par.3.11, p.20).

3.41 Quoi qu'il en soit ayantdbcidéque, à la suite de la

France, le Tchad se prévalaitde la "conquête"du territoire que la Libye
revendique (m, par. 6.41), celle-ciaffirme qu'il est contrjusecogens

qu'une conquête puissefonder un titre juridique (u, par. 6.43). Au
paragraphe 6.43 du Mémoire de la Libye, I'occupation estcomparée à la
conquête. Toutefois. dans les paragraphes suivants, les alternatives

"occupation" ou "conquête"sont remplacées par l'expression "force or
conquest". Ayant ainsi assimilé l'occupatioà la force, (ce qui n'est pas

toujours le cas), la Libye soutient ensuite que le Pactede la Sociétédes
Nations et le Pacte BRIAND-KELLOGde 1928 avaient rendu illégaltout titre

fondésur cette dernière alternativ(m, pars. 6.44-6.48). L'argument est
ensuite enjolivépar des référenceà l'"agressionu,aux "fruits accruing to the
aggressof età d'autres questions sans lien avec les faits de la présente

affaire, ou au droitqui y est applicable.La phrase suivante estcaractéristique
de latechniqueemployée :

"[Tlhe logical linkage between the prohibition to use force, the
guarantee of territorial integrity and the requirement to refuse
recognition to the effect of the use of force, on thel of law, in
relation to the territorial statusof the area subjectssion, was
clearly recognisedbythe leadingcommentatorsduringthe existenceof
the Leagueand subsequently" (u, par.6.46).

3.42 Un examen plus serein montre que cette
argumentation repose sur de nombreuses confusions et estinexacte, ni le

Pacte de la Sociétédes Nations, ni le Pacte BRIAND-KELLOG n'ayant la
portée queleur prêtela Libye. A. - LE PACTE DE LA SOCIETE DES NATIONS ET LE DROIT

INTERTEMPOREL

3.43 Selon la Libye, l'article X du Pacte la Sociétédes
Nationsempêche que les "borderlandsregions"aientpu être "eitheroccupied

orconquered ...a, par.6.44). Letextecompletde I'articleX disposeque :

"Les Membres de la Sociétés'engagent à respecter et à maintenir
contre toute agression extérieure I'intégrité territorialeet
l'indépendance politique présente dteus les Membresde la Société.
En cas d'agression,de menaceou de danger d'agression,le Conseil
aviseaux moyens d'assurerl'exécution de cette obligation."

3.44 Le texte lui-même expose de façon absolumec nltaire
que l'obligationvise la protection de l'intégrité terrilt de I'indépendance

politique présentede tous les membres de la Société. II s'agissait tout
simplement d'unengagement entre États souverains.Le B.E.T.n'étaitpas un
État souverain et, sous les Senoussistes,ououstout autre pouvoir indigèneil

ne jouissaitpasd'une"existing politiclndependence(" v. infra,chapitre5.À.
la page 48 de son ouvrage de référence of theI-,

vol. 1, Oxford University Press, Londres,1952), F.P. WALTERS, ancien
Sous-Secrétairegénéraladjoint, fait le commentaire suivant surI'article X :

"ThisArticle was forPresidentWilson the keyarticleof theCovenant. In his
mindtheprimarypurposeof theLeaguewastogive protection andsecurityto

the small countries against the ambitionsof the greai'. La France avait
résolumentappuyé cette clause, allant ainsi l'encontre de l'opposition initiale
de la Grande-Bretagneet des Dominions (ibid.,p.49).

3.45 Letexte del'articleX rend éminemment clailefait qu'il

ne s'applique qu'aux membres de laSociété des Nations. IIn'a rienà voir avec
de futures acquisitions de titre sur des territoires qui n'avaient pas encore

acquis I'indépendance,et moins encore avec les titres déjà acquis par
occupationeffective. Riendans lesTravauxpréparatoires ne permet nop nlus

de croire que, contrairement au sens premier du texte, l'article X veit fait
cette question toute différente. Les articlesVlllà XVll étaientconsidéréscomme de nouvellesdispositions, dontl'objetétait lapréventionde la guerre.
L'articleX a étédécrit dans leBritish ForeianOffice Publication Presentedt~

Parliament in June 1919 comme: "A mutual guarantee of territory and
independence" (çpmmentarv on the Leu e of Nations Covenant: Briliçh

Foreian Office Publication. Presented to Parliament bv Command of His
Maieçtv, juin 1919, Miscellaneous, No. 3 (1919), Cmd. 151, reproduit dans

Pmerican Journal of InternationalLaw. vol. 14, 1920, p.411 ; RAUCHBERG
(H.): "Les obligationsjuridiquesdes membresde la Société des Nations pour

le maintiendela paix",J3.C.AIll,, 1931-1,Vol.37, pp.95 et 160).

3.46 C'està i'articleXXll que les célébres dispositionssur
le mandat ont été introduites.Alors qu'ellesdisposaient que les "pays non
encore capables des'administrer eux-mêmes" devaien êt tre administrsour

le bénéficede leurs habitants, ellesne prétendaientpas traiter de la question
de l'occupation future oupasséedes territoiresqui -selon les conceptions de

l'époque- n'appartenaient pas à d'autres États membres. Le respect des
r6alitésintertemporellesimposed'admettre qu'en1919 le colonisalisme était

toujours considérécomme la norme; le Pacte envisageaitun régimecolonial
plus éclairé,et responsabledevant la communautéinternationale. Prétendre

que l'articleX visaàtprohiber l'occupationeffectivede territoires qui n'&aient
pas encoreconsidérés comme Étatsindépendants ou comme"appartenant"à

de tels États constitue unerévisionde l'histoire. L'argumentde la Libye est
encore plus irréalistedu fait qu'à cette époque, la France avaitdéjà occupé

effectivement l'ensemble du Tchad, y compris l'immense région aujourd'hui
revendiquéeparla Libye.

3.47 Comme le maintient le ~emoi~ de la Libye, l'un des

buts de I'articleX était,en effetto] protect existing boundaries against any
efforts to change them by force" (ML, par. 6.48). Le texte, les travaux
préparatoires ainsi que les Commissions de la Sociétédes Nations

ultérieurementchargéesd'étudier lespossibilités d'amendement, confirment
tous que cette dispositionvisaitinterdictionpourlesmembresde la Sociétéde

recourirà la force à l'encontredu territoiredes autres membresde la Société.
En 1923, l'Institut de droit international a adoptéla résolutionsuivante sur

I'articleX du Pacte: "Par I'article 10 du Pacte, les Membres de la Sociétédes Nations
s'engagent collectivementet individuellement les unsà l'égarddes
autres:
"1. A respecter l'intégrité territorialeet l'indépendance politique
présentedetous lesMembresde la Société;
"2. A maintenir cette intégrité territorialeet cette indépendance
politiquecontretouteagressionextérieure."

La r6solution de l'Institut poursuivait en expliquant quecela signifiait que
chaque membre de la Société avait l'obligationde prêterassistance à tout
autre membre de la Société victime d'uneattaque;et d'adopter lessanctions

prévues à I'articleXVI du Pacte (Voir: "Lagarantiede l'intégterritoriale et
l'indépendance politiquedes Membresde la Société des Nations: Résolution

concernant I'interprétationde l'article 10du Pactede la SociBtédes Nations",
11août1923,RéçolutionsdeI- I . . . , 1873-1956,p.166).
On notera à nouveau l'absence totale de renvoi au type de problèmes

juridiques soulevés dans lprésente espèce.

3.48 Confrontée à I'inapplicabilitécomplde l'articleX à la
présente situation,la Libye prétend quloit êtrlu -en dépitde sa formulation

claire- comme commes'il traitait de cette questiondistincte, carautrement les
fruits de l'agressionwill accrue to the aggressot'(MLL par. 6.45). Cette
affirmation est à la fois tendencieuseet inopportune. La revendication du

Tchad ne reposepas sur la conquête opéré par la France. Detoute manière,
la conquête qui était interdite, t qui, avec la formulation ultérieurede la

doctrineSTIMSONmènera à interdirela reconnaissanced'unesituationcréée
illicitement, était laconquêted'un État indépendantpar un autre. Tous les
textesqui font autoritésur le problèmedutitre territorialet de la règle ex

jus non oritur, traitent d'exemples comme ceux de l'entrée des troupes
italiennes en Éthiopieen 1936,de l'invasion allemandedel'Autricheen 1938,

de l'action japonaise en Manchourieen 1931. (v. GARNER, J.W., "Non-
Recognition of lllegal Territorial Annexations and Claims to Sovereignty",
,vol. 30, 1936,p.679; CHEN,J.W. Ihe

of Re-, Stevens, Londres, 1951; WHITEMAN, M.,
st of Inter-, vol. 2, United States GovernmentPrinting Office,
. ..
Washington, 1963,pp. 1124-24;JENNINGS,R.Y.,Then of Terrw
in.lnternati oo.catlpar.3.11,Ch.4 ; SCELLEG., : "Règles générales

du droit de la paix",C.A.D.I 1, 33-IV,Vol.46, p.390). 3.49 II s'agit, dans tous les cas de conflits entre Etats

souverains et il est significatif que les réactionsde la S.DàNla guerre
d'Ethiopieaient étexpressément justifieespar lefait qu'enI'occurenceil avait

étéfait usagede laforce contreun Etatmembre dela Société. l'inverse,il n'y
eut pas de réactionsà ce que la Libye appelle"The ltalian War Against the

Senoussisandthe IndigenousPeoplesfrom 1923 to 1932 m, pars.4.176et
S.) alors mêmeque, selon la Libye, cette "guerre" a étédéclenchée aprés

I'adoption du Pacte de la S.D.N. et s'est poursuivie apréscelle du Pacte
BRIAND-KELLOG.

B. -LE PACTE BRIAND-KELLOG ET LE DROITINTERTEMPOREL

3.50 Contrairement à l'affirmation de la Liby(U, par.
6.58) selon laquellece nouveautraiténe créeraitpas une obligation nouvelle

pour la France, puisquele Pactede la Société dNationscontenaitdéjàune
interdiction claire de recourir à la guerre, le Pacte de 1928 entraînait de

nouvelles obligations précisément parceque le Pacte de la Société des
Nations necomportait aucune interdictigénérale de recourir la guerre. En

effet, des debats importants ont eu lieu, à la fois dans les milieux
gouvernementauxet universitaires,au sujetde la maniérede concilierle Pacte
de la Sociétédes Nations avec le Pacte de 1928. Parl'article premier, les

Hautes parties contractantes condamnaient le "recoursà la guerre pour le
règlement des différends internationaux" et y renonçaient en tant

qu'"instrumentde politiquenationale dansleurs relations mutuelles".cecis
n'étaitpas une prohibitiontotalede laguerreet, laGrande-Bretagneen 1929a

proposé des amendements au Pacte, précisément parce que, nonobstant
l'article 10 de celui-ci,le recours à la guerre est. en effet, admis par les
articles 12, par. 1.13,par. 4.15, pars.7 du Pacte"("Desamendementsau

Pacte de la S.D.N. en vue dele mettreen harmonieavec le Pactede Paris",
R.G.D.I.P,, 1930, no 4, p. 15). La proposition britannique a soulevé de

nombreuses objections, soit parce que les amendements étaient jugés
insuffisants, soit parce qu'ils ne prévoyaientpas d'arbitrage obligatoireou de

possibilité de recourir à des sanctions (v. aussi MANDELSTAM A. :Js v m

sianataires, Pédone,Paris, 1934).Ceci n'avait,de nouveau,rien à voir avec
l'acquisitionde titre surunterritoire (réale,n fait, depuis longtemps)qui,

I'époquene constituaitpasun Etatindépendant.

3.51 Dans une déclaration extraordinaire,laLibye affirme

que la "FranceditnotchoosetotreatitshostilitieagainSr theSenoussp i eople
as a 'disputetobe referredtoeither legal rpolitil eitlementunerArticleXlll

of the League Covenanr (MIL, par. 6.60). Mêmeen acceptant que les
inévitablesincidencesmilitaires d'une occupatioentaméesau débutdu dix-

neuvième sibcle puissent êtrequalifiéesde "différend",les articles Xlll du
Pacte de la Sociétédes Nationset II du Pactede 1928 concernaienttous les

deux les différends entreles Hautes parties contractantes chacun de ces
instruments. LesSénoussistes ne constituaient pale gouvernementd'un Etat
indépendant, partiecontractanteà l'un de ces traités.La Libye poursuit"The

hostilitieswere illegalwse, under both instruments" (M.& p,ar.6.60),
apparemment parce que le Pacte de Paris et le Pactede la Sociétédes

Nations déclaraienttous deux illégale"anarmedincursion intotheterritoryof
anotherstate" (MIL par.6.61).Qualifier l'activité militaire franç'époquee

de "armedincursionintothe territoryof anotherstate"constitue une totale
falsification de la réalité historde I'époque.Peu importe les tentatives
libyennes d'assimiler lasituation duB.E.T.au débutdu vingtièmesiècleà un

différend interétatique entpartiesà ces Pactes, l'histoire toute autre. Et
l'on ne peut réécrire l'histodansle but de profiter de normes ultérieures,

applicablesà d'autres parties, dans des circonstances entièrement différentes.

3.52 Comme pour le Pacte de la Société des Nations, non

seulement le textedu Pacte de 1928 indique clairemenqtu'il ne visait pas du
tout les circonstances dela présente affaire, mais eneela est confirmépar

lestravaux préparatoires.aseuleallusionauxterritoires dépendants dans ces
travaux préparatoires. peut tre trouvée dana crainteexpriméepar certains

Etats que le Pactede 1928 ne restreignele droit dedéfendreces territoires à
l'encontredes signataires commedes non-signataires(v.Pocumentson British
Foreian Policv 1919-1939,Series1A, vol. V 1928, Londres, HMSO,1973, pp.

738-39 ; et Pa~ers Relatina to the Foreian Relations of the United States,
1928,Vol. 1, Washington,United States Government Printing Office1,942,p.14 ; MANDELSTAM (op.cit.), pp. 39-86,101-108et 120-122; et WEHBERE
H.: "Le problèmede la misede la guerrehors laloi",R.C.A.D.I,, 1928-IV,Vol.

24, p. 151).Aucune desparties ne croyait que le Pacte avaitun quelconque
rapport avec la question du titre sur un territoire dans des circonstances

semblables à celles de la présente affaire.Cet aspect n'a d'ailleurs Bté
mentionnéau cours d'aucune desprocédures nationalse ratification.

3.53
Le Pacte de 1928 a bien entendu suscitéun large
débat doctrinal. Mais celui-ci portaitsur la mesure dans laquelle le Pacte
limitait le droit de légitime da,insique sur son effet sur les droits et les

devoirs traditionnels des belligérants etdes neutres (v. WRIGHTQ., "The
Meaning of the Pact of Paris"A.J. vol.L7, 1933, p. 39 ; v. également
RUTGERS,V.H., "La mise en harmonie du Pactede la Sociétédes Nations

avec le Pactede ParisR, vol. 38,1931-IV,pp.28-79,qui n'inclut pas
dans la categoriedesguerresillicitesen vertudu Pacte, lesactivités militaires

accessoires à l'occupationdans des circonstances similaBrcelles de la
présenteaffaire). Ladoctrine,commelestextesdes Pacteseux-mêmes, place

surtout l'accent surlesobligations interétatiques.

3.54 Enréponseà la désagréableréalité qui tue l'article
X du Pactede la Sociétdes Nationsn'apastransformél'activité militairedans

le B.E.T.en un acte d'agressionà l'encontredu territoired'un membrede la
Société des Nations,la Libye tentede soutenirqu'il seraitnsistenr' que

l'usage de la force soit permià l'égardde certains territoires et pas à
l'encontrede certainsautres; etque"rules fundamental10the legalorderitself,

have a binding nature@ruaornnes"(m, par.6.56). Cette affirmation ignore
une fois de plus les exigencesdu droit intertemporel, ainsique les différents
fondements historiquesdes normes régissant titre sur les territoires qui ne

sont soumis àla souveraineté d'aucun autre gouvernement,'une part, àt
l'interdictionde recouàila forceentre États indépendants d'autrepart. Le

droit intertemporelexige que les faits juridiques soientapen fonction
des circonstancesde l'époque.Lefait queplustard, unefois indépendant,les
Etats doiventêtprotégéscontreles agressionsqui pourraient être commises

par d'autresÉtats, ne prive pasde sa validitéletitre originaire acquis par une
méthode quiétait valideà l'époque, ni latransmission de ce titre, lors de

I'accessionà l'indépendanc, un Étatqui bénéficieaujourd'ies principesde non-agressionproclamés dansles Pacteset dans la Charte desNations

Unies.

3.55 Finalement, la Libye cherche à Btayer sa position
insoutenable par deux arguments supplémentaires. En premier lieu, elle

suggère quemême slia France avaitacquisuntitrevalide avant 1920, ellen'a
pu le maintenir en conformitéavec le droitinternational,ainsi que l'exigece

qu'on peut appelerle deuxième voletdes remarquesde I'ArbitreMax HUBER
dans le DifférendrelatiA la souverainetésur I'lle de Palmas (ou Mianw,

(P.G n.l.P,, 1935, nO1,.156,ML, par.6.66).La Francea administr6leTchad
avec les moyens utilisés par les présences coloniales de l'époque

conformémentaux règlesde droitexistantes.Ellea ensuitereconnuau Tchad
le droit de s'autodéterminer,puis I'indépendance enréponse aux vŒux
exprimés parla populationdu Tchad (directementen 1958, puispar la voix de

ses représentantsélus en 1960).Enfin, lesforces françaisessont restéesdans
le B.E.T. jusqu'en 1965 à la demande du Gouvernement légaldu Tchad.

Aucunede cessituationsn'esten contradictionavec lesprincipesexprimés par
Max HUBER.

3.56 La Libye attache suffisamment d'importance aux

problèmesévoqués dans le présent chapitrpour leurconsacrer onzedes 28
seules pages deson Mémoiredans lesquelles elletraite du droit ("The law",

pp. 4.47 et S.). Cependant ce passage reposesur une série depostulats
entièrement inexacts:

i) la France a Btabli sa domination coloniale sur l'ensemble du B.E.T., y
compris la bande d'Aozou, non pas "en 1929-193OUm , ais en 1914, date à

laquelle cetterégionestentièrement conquise;

ii) aussitôt après elle occupe effectivement toute la régiondont elle ne se
retireraqu'aumomentde l'indépendance duTchad,et non en1916 ;

iii) il en va ainsi du Tibestiaussi bienque du Borkouet de I'Ennedi,même si

l'occupation du premier,extrêmemenp teu peuplé,se traduit, à partir de 1916
et jusqu'à son rattachement au Tchad, par des tournéesde méharistes,

suffisantespoury faire régner l'or;reiv) dans ces conditions, peu importele senset la port6edes règles limitantle

droit des Etats de recourirà la force : de toutes manières,contrairementaux
affirmationsde la Libye,I'occupationdetout leterritoireaujourd'hui revendiqué

par elle, était réaliséavant leur adoptionet elles ne sauraient avoir d'effet
rbtroactif;

v) au demeurant, ni le Pactede la S.D.N., ni celui de Paris de 1928, n'ont la
portéeque leur imputela partie libyenne : s'appliquantexclusivementdans les

relationsentreles Etats parties,ils neconcernent pasl'appropriation coloniale

vi) en dépitde son caractère aujourd'hui impératlf principede l'interdictiondu
recours à la force n'a pas non plus d'effet rétroactif,et les situationsBtablies

avant qu'ilait acquisce caractèredoiventêtre maintenues,

vii) faute de quoi le principe, lui aussi impératif,de I'uti possidetis juris, se
trouveraitvidéde toute substance.

3.57 Peuimportedoncquela Francesoit entréepar laforce

en possession de la bande d'Aozouet, plus largement,du B.E.T., objet des
convoitises libyennes :à i'époquede la conquête françaiseremploi de la force

arméedans les relationsinternationales n'était nullement prohibée. Davantage
même :I'occupation coloniale effective qui en résultaitconstituait un titre

territorialvalide et pleinementopposableauxtiers.

3.58 Ceci n'estplus exact aujourd'hui: depuis l'adoptionde
la Charte des Nations Unies, il ne fait aucun doute que l'acquisition d'un
territoire par la force ne peut produire aucun effetjuridique. en résulteque

l'occupation militaire de la bande d'Aozou par la Libye depuis 1973 et ses
incursions occasionnelles,plus avant dans le territoire tchadien,ne sauraient

lui conférr quelque titre que ce soit. Et la Républiquedu Tchad ne peut
s'empêcher de soulignelre paradoxe, qui seraitassez plaisant si le contexte

n'étaitsi dramatique,de la dénonciationd'une "agression",vieille de quatre-
vingts ans commise à une époqueoù la licéitéde la guerre était admiseen

droit international, parun Etatqui n'hésite pasà utiliser la force militairepour
satisfairesesappétitsterritoriaux. 3.59 En second lieu, la Libye soutient qu'uneconquêtene

peut fonderuntitre juridiqueque si uneannexionformelleest prononcée(ML
par. 6.68). Le Tchad ne base pas sa revendication surla notionde conquête
mais sur les traités. L'annexioncomme concept juridique a toujours été

considérée dans le contexte des conséquences d'uneconquête interétatique.
Dansnotrecas, il n'ya pasde conquête interétatique. D'autres soulignqtue

l'élémentessentiel de la conquêten tant que source d'un titre est l'intention
de s'approprier le territoire, et de le conserver. Un acte d'annexion peut y

contribuer, mais il n'est pas indispensable(LINDLEY,M.F., The Acauisition
and Go e rnm ent Of Backward Territories in International Law, Longmans,

Londres,1926,p. 161).

3.60 La doctrine contemporainede l'autodéterminationest
appatue avec la Chartedes NationsUnies, puisa étéformuléeen droit dans la

résolution1514(XV) de l'Assemblée générale en 1960 et reprise dans une
dispositioncommuneau Pacterelatifauxdroitscivilset politiqueset au Pacte

relatif aux droits économiques et sociaux en 1966. En 1971, la Cour
internationalede Justice a affirméqu'il s'agissaitd'un droit reconnu les

territoires non-autonomes (et non, commecertains États l'avaient soutenu,
d'une simple aspiration d'unordrepolitique)(v.çBouencesiuridiauesPQLC!

les Étatsde la rése en centinuede I'Afriauedu Suden Namibie(Sud-Ouest
Africain) nonobstant la résolution276 11970)du Conseil de Sécurig, Avis
consultatif,C.I.J., 1971,p.31).

3.61 Bien que ces développements soient extrêmement

positifs, la réaest que le droitl'autodéterminatiétaitinconnuau moment
où la France étendaitson autoritésur l'ensembledu B.E.T. Le Pacte de la

Société des Nations envisageait clairement la poursuite du colonialisme,
quoique sous une forme moinsbrutale et plus compréhensive.L'articleXXll

prévoyait"une missionsacréede civilisation"pour lespeuplesdes coloniesetterritoires qàila suitede la PremièreGuerreMondiale, n'étaietlussoumis
à la souveraineté des États qui les administraient prédédement. actelui-

même, toutefois, ne contenait pas de disposition générale sur
l'autodétermination, au-deàe cequecomportaitlesdifferendsmandats(dont

le contenuvariait selonqu'ils appartenaient aux catégoriesB, ou C). De
toute manibre, rien dans le droit issu du Pacte de 1919 ne rendait le
colonialisme illégaldu fait d'un droit à I'autodéterminaqui n'était alors

nullement reconnu par le droit positif, que ce soit dans le sens d'une
interdictiond'acquérirde nouveauxtitres coloniaux,ou d'un devoir d'accorder

l'indépendance(v. lles de Aaland,Rapportde la Commissioninternationalede
Juristes, Journal Officielde la Socdes Nations, supplémens tpécial,no3,

pp. 5-6). Tout celaneviendraitque beaucoup plutard.

3.62 II paraît donc6videntque le peupletchadieàtravers

l'exercice de son droià I'autodéterminationa, de tout temps, montré une
volontéde rester uni. Les élections de 1959ne produisent pas une volonté

secessionniste. Et,à travers toutesles difficultésque le Tchad a traversées,
personnen'aexprimé lesouhaitde devenirlibyen.

3.63 Lesargumentsde la Libye surle Saharaoccidental,le

recours à la force et l'autod6terminationvisent tous à éviter ledilemme que
pose l'applicationdu droitintertemporel.

3.64 La Républiquedu Tchad admet volontiers que les
règles de la successiond'État "cannotconverta bad title into a good title", ou

"create a boundary wherenone was ever agreed or fixed befora, par.
6.16). Cependant,en dépitde sonargumentation pour lemoinssurprenante

sur la terranullius,le recoBrlaforceet I'autodéterminatil, Libye ne peut
espérer que la CourignoreleTraitéde 1955. Cetraité,conclu avec la Franceet auquel a succédé le Tchad, prévoit qula frontièreest celle "resultantdes
actes internationauxen vigueuràladatede laconstitution du Royaume Uni de

Libye"(Annexe 1du Traité).

3.65 Forcéede dire~laue chose sur leTraité de1955,la
Libye affirme dansun court paragraphe de sonMémoireque la réferenceaux

actes internationauxénumBrés , laquelleelle avait librementconsenti, était
totalement dépourvuede signification, puisqueces actes ne fixaient aucune

frontièreà l'est de Toumrno. De cette façon, elle espèreécarter le Tradeé
1955. L'argument est manifestementabsurde puisque les Éta stsntprésumés

agir dans un certain butet conclure des traités avec l'intentes exécuter
de bonne foi. Et, le fait que la Libye ait négligéde produire des preuves

provenant de ses propres archivessur la conclusiondu Traité estdes plus
Bloquents. LES REVENDICATIONSLIBYENNESA LA LUMIERE DES

PRINCIPES DU DROIT INTERNATIONALCONTEMPORAIN SECTION 1. LA PRIMAUTE DES PRINCIPES DEL'INTEGRITE
TERRITORIALE. DE L'UT1 POSSIDETIS ET DE
L'AUTODETERMINATION DES PEUPLES

5 1. LF PRlNClPE DE L'IN-
ET DF L:UTl POSSIDETIS JURlS

4.01 Le Mémoire de la Libye retrace le "Unique role of the
Senoussi" et de l'empire ottoman, dans diverses régions de ce qui est
maintenant le Tchad, afin de formuler une revendicationterritoriale à l'égardde

celles-ci, fondéesur des titres historiquesrs. 1.22-1.30,3.12-3.19, 3.51-
3.71, 4.78-4.88 et 6.74-6.77) ainsique sur desconsidérations d'ordre ethnique

et stratégique. La Libye chercheainsitenirI'appuide la Cour afin de recréer
ce qu'elle considéra comme son empire historique, s'étendant presque
jusqu'aux rives du Lac Tchad etau coeurde l'Afriquecentrale. Elle soutientque

le droit international imàola Cour dedémembrerla République duTchad,
une nation que le Mémoirede la Libye décritavec mépris comme"anartificial

by-product of Frenchpolitical and strategicprioritiesel(m,hepar. 5.532,
citant avec approbation FI. WRIGHT, note 567). La Libye invite la Cour a
recréer à sa place la prétendue unité historique de l'Afrique équatoriale et

septentrionale,sous la suzerainetéde la Libye. Plusieurscartes, spécialement
fabriquées, fournies par la Libye donnent un aperçu non-déguiséde cette
(m, cartesno.69 et 105 ; par.6.82et 6.83).
revendication

4.02 Cet appelà la reconstitutionde I'imperium historiquede

la Libye est totalement contrairea lettre et à l'esprit du droit modlane de
décolonisation. Ce droit pose la primautédes principesde l'iterritoriale,de I'uti possidetiset de I'auto-détermination.Tout en reconnaissant le rôle

primordial joué parces préceptesdu droit moderne de la décolonisation, la
Libye prétendpourtant qu'ilsne doivent pas s'appliquerdans le cas du Tchad.

Une requête aussi extravagantdeevrait imposer un lourd fardeaude preuve au
Gouvernementlibyen, puisqu'ils'agitde démontrerla non-applicabilitéde règles
de droit qui -sauf dans des situattrès exceptionnelles-ont été appliquése

façon uniformeà la décolonisatiosous i'égidede la Couret desNations Unies.

4.03 La République du Tchad,au contraire, soutient quesa
décolonisation et celle de la Libye doivent obéir aux principes du droit

intertemporel et, par conséquent,êtrejugées enfonction des principes en
vigueur du droitcontemporain.La Libyene peut ainsi choisir entreun ancien et
un nouveau droit selon l'issue souhaitée pour stratégie juridique. Dans son

Mémoire, la Républiquedu Tchad démontreque la légitimitéde ses droits
territoriaux découledes principesjuridiquesqui régissent lasuccession autitre

colonial (m, pp. 88-92). 1établitpar ailleursque le principe juridique de I'uti
possidetis s'applique afin de protéger l'intégriterritoriale d'États issus
d'empires coloniaux, y comprisleTchadet la Liby(w, pp. 73-84).

4.04 A première vue, la Libye semble entériner ces

assertions. Son Mémoire ne remet pas en cause le droit moderne de la
décolonisation. Ainsi, il contient des affirmationsselon lesquelles le principe

de l'intégrité territorialeconstitue "oneof the mostfundamepreceptsof the
law " et cite l'affaire du Temole de PréahVihéarcomme un exemple de la
reconnaissance parla Cour del'importancede ceprincipedans laprotectionde

la "stabilityand finality of boundaries(MA, par. 6.08). La Libye semble
également admettreque la convention de Vienne de 1978 énonce lathéorieet

la pratique des États à l'effet "that uponratificationof a boundarytreaty, the
agremeement becomes executedand thereafter operates as a kind of
conveyance" (m, par.6.15). Deplus,elle affirme approuver le faitque le droit

moderne de la succession d'États prévoitque "a successorState inheritsthe
territoryof its predecessoras it stands" et que le droit renforce dès lors "the

principleofstabiityandfinalityofboundari"s(MLL ;ar.6.13). 4.05 Ainsi, la Libye dit accepter, de façon générale,ces
préceptesfondamentaux du droit moderne de la décolonisation. Elle affirme

même que ces principessont renforcés par la résolution sur les frontières
adoptée en 1964 parla Conférenceau Sommetdes Chefs d'État africains dans

laquelle"al1member Statespledge themselvesto respect the borders existingon
their achievement of national independenca, par. 6.09, citantle document
AHGIRes.lG(1) de l'O.U.A.). Implicitement, la Libye reconnaît comprendreet

accepter que le principe de I'utipossidetis s'applique non seulement à
l'Amériquelatine mais partout,y compris, etsp6cifiquement,à I'Afu,quepar.
6.09, note 6) etque la force ne peut en aucun casêtreutilisée pour modifierles

frontières.

4.06 La Libye semble égalementprête à reconnaître que le
principe de I'autodétermination constitue un élémentessentiel du droit
moderne de la d6colonisation,allant mêmejusquà admettrequ'il s'agitlà d'une

regledejus cogens (m, par.6.79).

4.07 La Libye parait donc partager I'avis de la Républiquedu

Tchad selon lequel le droit moderne de la décolonisationembrasse les règles
fondamentales de la succession d'États aux frontières, de l'intéterritoriale

de i'uti possidetis et de I'autodétermination. Toutefois, cette approbationdes
propositions du Tchad rappelle l'essai d'Emmanuel KANT "sur l'expression
courante : il se peut que ce soit juste en théorie, mais enpratique cela ne vaut

rien".

4.08 Plus spécifiquement,la Libye prétendque les principes
de la succession d'États , de I'intégritéterritoriale et de I'uti possidetis
s'appliquent enthéorie, maisnon dans le cas concret de la frontière qui sépare

le Tchad et la Libye parceque "there wasno border east of Tuommo,existingat
the date of Libyan independance" (U, par. 6.11). Le Tchad établira ci-après
que cette position montre que la Libye refuse de comprendre et, plus encore,

d'appliquer les principesjuridiques de l'intégrité teret deialeti possidetis.La Libye, en présentantses arguments au sujet de I'autodétermination,tente,

d'une façon assez étrange, d'éviter l'applicationdroit intertemporel. Celui-ci
démontre clairementqu'au moment dela conclusion destraitésde 1899 et 1919,

le droit international n'avait pas encore reconnule droit à I'autodétermination,
qui aurait pu les priver de validitéabtio et par là, effacer la frontibre, comme

s'il n'y avait jamais eu d'accordson sujet. La Libye suggbre -en reprenant
hors de son contexte une remarquedu Tribunal arbitral constituédans l'affaire

Çuinée Bissau/Sénéoal - que les Sénoussisétaient titulaires d'un droit à
I'autodétermination.des 1919au moins. Mais,même s'il était exact-et ce n'est
pas le cas- qu'à cette date les Sénoussis étaient"[a] de facto government and

virtually sovereign powei' u, par. 6.80) ce fait seràila fois dépourvude
pertinence et des conséquences juridiquesque lui prête laLibye. II serait

dépourvu de pertinence, parce que le droit à I'autodétermination appartient
précisémentaux peuples. Cela n'a rien àvoir avecdesNde fat@ governments"

ou avec le fait d'être"virtually a sovereignpowei'. Par ailleurs, cetteaffirmation
ignore entièrement le principe du droit intertemporel. est vrai que le droit à
I'autodétermination,tel qu'il est reconnu par le droit international contemporain,

est celui des peuplesindigènes. Néanmoins, déclareq ru'en 1919 ces peuples
étaient"virtually a sovereignpowef ne leur confère pas un droit qàil'époque,

n'avait pas encore étéformuléen droit international. La doctrine modernede
I'autodéterminationn'est d'aucune assistance pourla Libye en l'espèce. La

libertédont elle jouissait et qui lui a permis de consentir en 1955 à renvoyer au
tracé contenu danslestextes de référencecités dansletraité franco-libyen,n'est

d'aucune façon contraireà cette normeimpérative,et ne doit doncpas êtremise
à l'écart. La manifeitation continued'untitre par la France,puis par le Tchad, ne
contrevient pas davantage au principede I'autodétermination.L'avbnementde

I'indépendancede la Libye til'intérieurde frontières stables a constituél'un des
premiers exemples de décolonisationpar les Nations Unies, etrespectait le droit

du peuple libyen à I'autodétermination.A son tour, le peuple tchadien a exercé
son droità I'autodétermination lors de l'accessiànI'indépendance. La France

a joué sonrôle dans ce processuset étaitparfaitementen droit de transmettreau
Tchad nouvellement indépendant la sécuritéqui résultait des arrangements

conclus en vertudu Traitéde 1955avec la Libye. 4.09 La Libye soutient que, dansson avis consuiîatif relaàif
I'affaire du Sahara occidentd, la Cour définit le droit moderne de I'auto-

détermination,et estimeque la déterminationdesdroits historiques, résultt e
l'exercice dela souveraineté au coursde la période pré-coloniale,en constitue

le facteur principaa, par.6.30). Cetteprétention fait montre d'udéfautde
compréhension dela significationdu conceptdu droit à l'autodétermination,et
de l'avis consultatif de la Cour dans l'affaire du comme la

République duTchad l'établira ci-aprés.

4.10 L'interprétation erronnée que réserve la Libye aux
principes de I'intégrterritorialeet de I'utipossidetis la conduità affirmer qu'ils
ne sont pas applicables en I'espéce,puisqu'il n'existait pas de frontière.

L'interprétationlibyennedu droià l'auto-déterminatio,u'ellefonde sur I'affaire
du Sahara occidentgl, I'améne à conclureque "this right of these peoples, who

were led by the Senoussi Order,began to take effect..at least by 1919'(U,
par. 6.80). Cesdeuxinterprétationssont inexactes.

4.11 En pratique, l'acceptationpar la Libye des principes de
l'intégrité territoriale,de I'uti possidetis, du non recoursà la force et de I'auto-

détermination est si perverse qu'elle ne saurait constituer une véritable
acceptation. II appertque la Libyetente plutôtd'établirla primautéde cequ'elle

prétend êtreses droits territoriaux historiques sur le droit moderne de la
décolonisation. L'INTEGRITE TERRITORIALE ET L'UT1 POSSIDETIS

DANS LA PRATIQUE DES NATIONS UNIES

4.12 La Libye affectede nepas comprendre pourquoi la Cour
et les Nations Unies accordent une si grande prioritéet une telle importance

aux principes du droit moderne de la décolonisation. Les raisonsen sont
pourtant énoncées clairement palra Cour dans l'affaire duDifférend frontalier,

Arrêtdu 22 décembre1986, , 1986,p.565) :

..la Chambre ..désiresouligner la portéegénerale[de I'uti possidetis
juris], en raison de l'importance exceptionnelle qu'il revêt pour le
continent africainainsi que pour lesdeux parties.Ce principe ne revêt
pas pour autant le caractbre d'un rbgle particulibre, inhérenteà un
système déterminé de droit international.constitueun principe général,
logiquementliéau phénomhnede l'accession à l'indépendance,où qu'il
se manifeste. Son but évident est d'éviter que l'indépendanceet la
stabilité de nouveaux États ne soient mises en danger par des luttes
fratricides néesde la contestationdes frontièresla suite du retraitde la
puissance administrante."

4.13 C'est précisément pour empêcherque les frontières ne
soient remises en cause àla suite du départde la puissance administranteque

la Cour a souligné que "le fonctionnement normal des mécanismesde la
succession d'Etats" s'appliquaitaux frontières. Ainsi, la Cour déclare: "IIest

applicable en l'état, c'est-à-direl'instantané"du statut territorial existant à ce
moment-là" (ibid.p. 568). 11faut souligner qu'unephotographie duterritoire ne

comporte pas les réserves mentales de la part des personnes ou des
gouvernements se trouvant sur ce territoire, ou près de celui-ci. La
photographiecapte la frontibre tellequ'elle étaitau momentoù elle aétéprise,-

la date critique-, et non pas commeelle auraitpu êtreimaginée à une période
antérieure.

4.14 La Coura fait montred'une grandesagesseen soutenant

que les principes modernesde la décolonisationsont essentiels à la préventiondes "luttes fratricides".II est évidentque le principe de I'uti possidetis doit
nécessairement s'appliquer à la situation de faits telle qu'elle existait à

I'indépendance. C'est à ce momentque "l'instantané"de la situation territoriale
est prise. Lorsqu'ellea definiet appliquéla rbglede I'utipossidetis, la Cour était

trbs consciente du problhme précis que la règle devait résoudre. Elleavait
prévu "la contestation des frontibres à la suite du retrait de la puissance
administrante" (ibid., p. 565). Le principe cherche précisément à éviterces

remises en cause, capablesde détruirela structure fragilede stabilitéet de paix.
II est illogique de suggérerque cet ensemble de principes, qui "gèle le titre

territorial"(& 1986, p. 568) au moment de I'indépendance, pourrait être
invalidé par desrevendications ultérieures à la dbcolonisation fondéessur des

activités antérieures aurégimecolonial. C'est précisément pour empêche dre
telles revendications que la Cour, le système des Nations Unies en tant que

superviseur du processus de décolonisation, et l'organisation de l'Unité
africaine ont accordéune telle importanceà ces principesmodernesdu droit de

la décolonisation.

4.15 Au cours de de la récente périodede décolonisation,les
résolutionset activitésdes Nations Unies ontconfirmél'importance primordiale

que la Cour accorde aux principesde l'intégrité territoriaet de I'uti possidetis,
ainsi que le contenu qu'elle leur attribue. La Déclaration de l'Assemblée

généralesur l'octroi de I'indépendanceaux pays et aux peuples coloniaux
(résolution 1514 (XV), 14 décembre 1960) affirme que la préservation de
I'intégrité territorialeconstitue une tâche de toute première importance dans le

processus de la décolonisation :

"Toute tentative visant à détruire partiellement ou totalement l'unité

nationaleet l'intégritéterritorid'unpays est incompatibleavec les buts
et les principesde la Charte desNationsUnies" (art.6).

4.16 L'Assemblée a réitéré cette position avec vigueur en

adoptant à l'unanimitéla Déclaration relativaux principes du droit international
touchant les relations amicaleset la coopération entreles États (résolution2625(XXV), 24 octobre 1970).Dans ce nouvelénoncé,décisif, du droitapplicable,

l'Assembléeexprime sa conviction selon laquelle

"que toute tentative visantétruire partiellementou totalement l'unité
nationale et l'intégrité territorialed'un Etat ou d'un pays outer
atteinte son indépendance politiqueest incompatibleavec les buts et
les principesde la Charte" (Préambule).

4.17 A cette époque, en 1970, la Libye appuyait cette
résolution,et aemefait des déclarationsen sa faveur (Voir les remarquesde

M. LAYAS, A& Doc. Ok, 25e Sess.,6e Comité,1182e Séance,25 septembre
1970, pars. 46-47). Si la Libye souscrit aujourd'hui avecla mêmeconviction
aux principes de l'intégrité terret de I'utipossidetis,elle ne peut chercher,

avec l'ardeur qu'elle y met pourtant,à modifierla "photographie" duterritoire du
Tchadtel qu'il était en1960.

4.18 La pratique des Nations Unies relatiàela supervision

du processus de décolonisation illusla perception par les États du contenu
des principesde droit applicables. Lesefforts déplpar les Nations Uniesde
1959 à 1962 pour maintenir l'intégterritoriale du Ruanda-Urundi,au coeur

mêmede la périodede décolonisation,et face à l'opposition de plus en plus
convaincante des peuplesde ce territoire adminispar la Belgique, constitue

une exemple particulièrement illustf e cette pratique. Cet exempledémontre
la ténacité aveclaquelle les membresde I'0.N.U. ont adhéàéun principe qui
ne présentait passeulement un intérêt théoriqe,ais une importance pratique

pourtous.

4.19 L'0.N.U. s'intéressait grandement à l'évolution du
Ruanda-Urundi, comme celle de tous les territoires non-autonomes. De

fréquentesmissions d'observation pardes membresdu Conseil de Tutelle ont
examiné la situationau Ruanda-Urundi,et des observateursde 1'O.N.U. ont
surpervisé les électionsqui s'y sont déroulées (VoBapport du Conseil dg

m, 7 août 1959-30juin 1960,A.G. Doc.off 15, Sess.,Supp. no4 (Al4404)
1960, pp. 67-71, annexe 108). Malgré le fait que les missionsd'observationdes Nations Unieset le résultat électionsaient démontrque
"il existe dansle Territoireun sentimentprofondde la nécessité de respectelres
personnalités distinctes du Ruanda et de l'Urundin (ibid., p. 68) en leur

permettant de se séparer endeux nations, le Conseil de Tutelle a longtemps
préféré une autresolution, baséesur l'intégrité territoriale. II affirmait être

"persuadéque le meilleur avenir du Ruanda-Urundirésidedans la formation
d'un seul et mêmeEtat, uni bien que composite..."(ibid., p. 69). A l'Assemblée
gbnérale,les États africains insistaientparticulibrement pour que le territoire

"sUIBverontau-dessusde leurs querellespartisanesou tribales pour travaàller
un seul et mêmeEtat, uni bien que composi...(Remarquesde M. BRAIMAH

(Ghana) : A.G. Doc. off,, 15e Sess., 4e Commission, 1080e Séance,9
décembre 1960,par. 18, annexe 112). En 1960, I'Assembléegénérale a
appuyéla créationd'un "seulet memeEtat, unibienque composite"du Ruanda-

Urundi (A.G Rés.1579 (XV), 20 décembre1960, annexe = 113). Ellea
réitéré cette positien 1961 (A.G. Rés.1605 (XV), annexe M 117). En

février 1962encore, l'Assembléa exprimé sapréférence marquée pour "un
Etat unique" (A.G. Rés. 174(XVI),23 février1962).Les membresafricains de

l'Assemblée refusaientde rompre avecle principe de l'intégrité territoriale,en
dépit des preuvesmanifestes du faitque les électeurs avaientoptépour une
accession à l'indépendanceen tant que deux États distincts (M. YOMEKPE

(Ghana) : A.G. Doc. Off,, 16e Sess., 4e Commission, 1258e Séance, 15
janvierl962, par. 20 ; M. ACHKAR (Guinée) : A.G. Doc. off,, 16e Sess., 4e

Commission, 1259e Séance,16 janvier 1962, par.16 ; M. MESTlRl (Tunisie:
A.G. Doc.Off., 16eSess.,4e Commission,1276eSéance,31 janvier 1962,par.
7, 9 ; M. Abdel WAHAB (République arabeunie):A.G. Doc.Off., 16e Sess.,4e

Commission,12800Séance,5 février1962,par. 11).

4.20 C'est avec une grande réticence que I'0.N.U. s'est
inclinéedevant ce que sa Commissionpour le Ruanda-Urundi avait tristement
nommé"la psychose de méfiancemutuelle" (Questionde l'avenir du Ruanda-

Urundi, qâggort de la Commission desNations Unies,Doc. O.N.U. A15126,30
mai 1962,par.308, annexe 119). A la suite desélectionssuperviséespar

I'O.N.U., qui avaient reconfirmé le désirdes deux peuples de se séparer,l'Assembléea accepté,avec beaucoupde regrets, au milieu de 1962, que le

Ruandaet le Burundideviennent "deux États indépendants et souverains"(A.G.
Rés. 1746(XVI), 27 juin 1962); maiselle ne l'a fait qu'aprbsque la Commission

des Nations Unies ait "conclu quela journéedu 25 septembreavait permisà la
populationdans son ensemblede.s'exprimercommeelle levoulait, entouréede

garanties matérielleset légales suffisante(Baooortdu Conseil Tutelle, 20juillet
1961 -20 juillet 1962,A.G. Doc. off., 17e Séance, Supp.no4 (A/5204), par. 8 ;

voir aussi ibid.,par.2).

4.21 L'on peut imaginer la réactiondes Nations Unies si l'on
avait proposé,avant 1960,de partagerle territoire duTchad et d'en rattacherla

moitié à la Libye. Fort heureusement, l'évolutiodnu Tchad vers l'indépendance
ne comportait aucun mouvement populaire schismatiquesimilaire à ceux qui

avaient marquél'histoire du Ruanda-Urundi. Les électionsdu 31 mai 1959,
organisées par les autorités françaises,n'avaient révélé aucun sentiment

sécessionistedans aucune des régions dupays ("Résultatset conséquences
des élections législativesdu 31 mai 1959 au Tchad", Woectives africaines:

~vnthèses ~olitiaues et économipLLes1 ,6 juin 1959, annexe 107). Le
précédentdu Ruanda-Urundi est néanmoinspertinent puisqu'il illustre avec

éloquence laforce de l'engagement des Étatsmembresen faveur du principe
de l'intégrité territoride même que leur rejetde la succession, mêmedans

des circonstances où les forces séparatistes s'étaient clairemen fait entendre
dans le cadred'un processusdémocratique de consultation de la population du
territoire. Ceci suggère fortement que si la Libye avait, dans la période

précédant l'accession du Tchad à I'indépendancet,enté d'obtenirla scission du
territoire tchadien administrépar la France, elle auraiteu à affronter l'opposition

tenace de la plupart des États qui défendaientardemment les principes de
l'intégritéterritoriet de I'utipossidetis. Au minimum, ces Étatsauraient exigé

des preuvesdu fait qu'unetelle partitioncorrespondaitau désirde la population
du territoire. Untel désirne s'est jamais manifes:éni à l'époque, i ujourd'hui.

4.22 La résolution du Conseil de s6curit6, adoptée sans

opposition, en 1961 et qui affirme sa "résolutiond'aider ce gouvernement [duCongo, Léopoldville ]..à maintenir...I'intégrité natione..face aux poussées
sécessionnistes au Katanga et dans d'autres régions del'ancienne colonie

belge (CS., 98e séance, Sl5002, 24 novembre 1961) constitue un autre
exemple frappant de la primautéaccordéepar la communautéinternationaleau

principe de I'intégritéterritoriale.La cornmunaut6internationaleest même allée
jusqu'à déployerune assistance militaire,économiqueet politique massive afin

de protégerI'intégrité territoridu Congo (Zaïre). II importe égalementde
rappeler que le fondement des critiques persistantesde I'0.N.U à l'égardde
l'occupation illégalede la Namibie par I'Afriquedu Sud, et le fondement de

l'action collectiveengagéepour mettrefin à ce rbgime étaient "sapolitique et
ses actes qui visent à détruirel'unité nationaleet I'intégrité territorialede la

Namibie, contrevenant ainsi avec persistance aux principes de la Charte des
Nations Unies et aux obligations qu'elle impose" (Résolution 2517(XXIV), ler

décembre1969, art.3 ; au même effet,v. C.S. Rés.264 (1969) art.4,qui déclare
l'illégalides actesde l'Afriquedu Sud). De 1973(AG, Rés.3161 (XXVIII) du14

décembre 1973) jusqu'ànos jours (AG, Rés.45/11du ler novembre 1990),
l'Assemblée générale a insisté sur l'application des principes de I'intégrité
territoriale et de l'autodéterminatà l'intégralide I'anciennecolonie française

de l'archipel des Comores, et sur la réintégrationde l'île de Mayotte à la
République indépendante des Comores(V. aussi,AG, Rés. 3385(XXX) du 12

novembre 1975).En résumé,I'intbgritéterritoriale constitueun élémentcapital
du développement du droit de la décolonisation et chaque nation,

particulièrementles nationspossédantun passécolonialentendentdéfendre ce
principe pour l'intégreà leur héritage juridique.Ceci impose un fardeau de la

preuve énorme à ceux qui invoquentI'inapplicabilité du principe dans un cas
particulier.

4.23 C'est à la lumièrede l'engagement non-équivoque de
I'0.N.U. à l'égarddes principes de I'intégriterritorialeet de I'uti possidetis que

la Cour doit juger la prétention libyenne selon laquelle ils ne sauraient
s'appliquer dans le cas du Tchad. La revendication libyenne repose

essentiellementsur la d6monstration,par la Libye,des activitésdes Senoussiet
des Ottomansdans la régionavant la colonisationdu Tchad par la France. LaLibyeaffirme,en faità l'encontrede toutes lespreuves fourniespar le Tchad,et
particulibrement du Traité de1955 (voir infra, pars. 11.141 et S.)qu'il ne peut

exister d'"instantanéu du territoire tchadien en 1960, soit à l'époque de
I'indépendance.La Républiquedu Tchad reviendraplus loin, dans la Section II

du Chapitre 4., sur cette question de preuve, car elle affecte le caractère de
sérieuxet le poids qui doit Btre attribuéaux revendicationslibyennes. II suffit
d'énoncer ici que la pratique de 1'O.N.Utraduit une présomption quasi-

irréfragableen faveur de I'applicabilitédes règles de la succession d'Étatsaux
frontières, de l'intégrité territorialeet de I'uti possidCette présomption,

appliquée en pratique par les organes de IIO.N.U., n'a jamais étéaisément
écartée lorsqu'onla prétendait inapplicable,et elle l'a été seulementà la

lumière de circonstances spécialesclairementdémontrées.En effet, l'intégrité
territoriale et l'autodéterminationintérieurde l'intégralitterritoire sont les

seuls principes applicablesdu droit modernede la décolonisationet ils ne sont
pas seulementcompatiblesmais aussi inséparables et virtuellementirréfutables.

Ils ne peuvent certainementpas être réfuté par des revendications exprimées
longtemps après I'indépendance,et à l'initiative non pas des populations du

territoire maisde gouvernementsd'Etatsvoisins.

B. - L'INTEGRITE TERRITORIALE ET L'UT1 POSSIDETIS
DANS LE CADRE DE ~'0.u.A.

4.24 Les nations africaines, par l'entremise de leur
organisation régionale, placent autant l'accent sur cesprincipes du droit

moderne de la décolonisationque la Cour et les Nations Unies. La pratique
pertinente de l'O.U.A. aété discutée dansle chapitre 2 du présentÇontre-

Mémoire(v. supra, pars. 2.23 etS.).II sera simplement rappelqu'à la première
séancede la Conférencedes Chefsd'État et de Gouvernementafricains,tenue

au Caire en 1964, la Conférencedéclarait"solennellement quetous les Etats
membres s'engagent à respecter les frontières existant au moment ouils ont
accédé à I'indépendance"(A.H.G.1Rés. 161,annexe 282). La Cour asoulignéi'importance juridiquede cette résolution dans son arstr le pifférend
frontalier (Burkina FasolMali) (supra, par. 4.19). A travers la résolutionde

l'O.U.A., les dirigeants africains y réitèrent les positions fermes des États
d'Afrique au sein des Nations Unies en faveur de l'intégrité territoriale,

expriméestout au long de la supervision par l'organisation du processus de
décolonisation.Le mot-cléde la résolutionest "existantes". C'estB-e des

frontières qui constitue le fondement de leur reconnaissance collective et les
protège de remises en cause subséquentes:et non pas leur conformité à
l'histoireà la géographie ou à des concepts discutables de légitimitéou

d'bquité.

4.25 Dans l'affaire du Ruanda-Urundi décrite plus haut,
I'0.N.U. étaitconfrontée, ensubstance,à ce qui auraitpu êtreconsidérécomme

un conflit entre, d'une part, les principes de l'intégrité territorialeet de I'uti
possidetis, et d'autre part, celui du droit à l'autodétermination. Néanmoinsl,a
Cour a estiméqu'il n'y avait pas d'oppositionentre eux et s'estprononcéesur la

dissonance potentielle entre les aspirations séparatistes librementexprimées
par la population du territoire et la présomptionjuridique en faveur du maintien

de I'intégrité territoriale. Dans I'affaire du Différendonm, la Chambre
déclare:

"A premièrevue en effet ce en heurtede front un autre, celui du
droit des peuplesà disposer d'eux-mêmes. Mais en réalitéle maintien
du statu quo territorial en Afrique apparaît souvent commeune solution
de sagesse ...C'est le besoin vital de stabilité pour survivre, se
développer etconsolider progressivement leur indépendance dans tous
les domaines qui a amenéles Etatsafricains à consentir au respectdes
frontières coloniales, età en tenir compte dans l'interprétation du
principe de I'autodéterminatides peuples"(& 1986, p. 567). 4.26 Cette approche, établissantque l'autodéterminationest

conciliable avec la notion d'intégrité territoet que, de toute manière,l'on
doit tenir compte de l'intégritéterritoriale en interprétant le principe de
I'autodétermination, s'accorde entibrement avec I'avis consultatif de la Cour

dans l'affaire du Sahara Occw (Avis consultatif du 16 octobre 197m.
1975, p. 12). Malgréles efforts de la Libye pour démontrerle contraire(u,

pars. 6.29-6.31), cet avis n'établitpas la supérioritrevendications fondées
sur un titre historique.I n'accordepas de prioriàéces revendicationssur les
principes du droit moderne de la décolonisation. Dans cette optique, il est

instructif de noter que la Libye a apparemment déjà partagé cette opinion,
jugeant les revendications fondéessur un titre historique essentiellement non

pertinentes. A I'O.N.U.,la délégation libyenne aviefuséde participer au vote
demandant I'avis consultatif sur le Sahara espagnol. Elle mettait en doute la

pertinence de poser des questions sur 1' "aspect secondaire" des titres
historiques plutôt que dese concentrersur ce quele délégulibyen a appelé"le
principe de la décolonisation du territoire et du droit de son peuple à

I'autodétermination" (A.G. Doc. off., 29e Session, 4e Commission, 2131e
Séance,11 décembre 1974,par. 88, annexe CM/T 123). Cette position tranche

radicalementavec l'énorme effort ue fournit actuellement la Liafin de mettre
en évidenceces "aspects secondaires"et de prétendre queI'avis de la Cour
leur a accordéune importance majeure. Elle nel'a pas fait. II est vrai que la

Haute Juridiction a accepté de repondre à deux questions relatives au titre
historique parce que l'Assembléegénéralele lui avait demandé. La Libye a tort,

toutefois, d'affirmer queles "factorsidentias relevantbythe Courtin relation
tothe Western Saharaé "taient limitsu titre histori(m, par. 6.30).

4.27 Au contraire, la Cour s'est employée à préciser son
opinion selon laquelle "le droit des populations du Sahara occidental à

I'autodétermination n'était ni atteint ni modifié par la requête pour avis
consultatif"(Sahara occidental,& 1986, pp.67-68). Bien que le Maroc ait

fourni des preuves de ses liens historiques avec les peuples du Sahara
occidental -liens qui étaientdu mêmeordre que ceux maintenant fabriquéspar
la Libye relativementauB.E.T.- la Cour a égalementconclu qu'ils n'étaientpas"de nature à modifier l'application de la résolution 1514(XV) quant à la

d6colonisation du Sahara occidental et en particulier l'application du principe
d'autodéterminationgrâce à l'expression libreet authentiquede la volontédes

populations du territoire" (ibid., p. 68). L'on peutdire qu'en ce sens, la Cour a
soutenu la position libyennede 1974 relative à ce qui est réellement important

dans le processus de décolonisation,une position raisonnable que la Libye
semble répudier aujourd'hui.

4.28 En d'autres termes, l'avis de la Cour sur le Sahara

~ccidentai a reconnu le droit de l'Assemblée générale de prendre en
considération tousfacteurs qu'ellejuge pertinent dans lecadre de la supervision
de la décolonisation, maisila pris un soinparticulier pourprotéger1) le droit des

peuples colonisés à disposer d'eux-mêmes,et 2) leur droità voir cette
expressionlibre et véritable se rbaliserdans le cadrede l'entitépolitique établie

durant l'époque coloniale. De cette façon, la Cour sauvegarde a la fois les
principes d'intégritterritorialeet de'otipossidetisà l'autodéterminationet leur

accorde une importancemajeure.

4.29 Ce n'est pasétonnant. Dans son avisconsultatifde 1971
sur la Namibie(Conséouences iuridiauesDourles Etatsde la ~résencecontinue

de I'Afriauedu Sud en Namibie(Sud-OuestAfricain), nonobstant la Résolution
276 11970)du Conseil de SécuritéA , vis consultatif,&, 1975,p. 16), la Cour

avait déjà préciséque "[le] droit international à 1'6garddes territoires non-
autonomes, tel qu'il est consacr6 par la Charte des Nations Unies, a fait de

l'autodétermination un principe applicableà tous cesterritoires" (ibid.,p. 19).

30. Dans plusieurs de ses avis établissant la primautédu
principe d'autodétermination,la Cour a étésensible aux pratiqueset aux textes
des Nations Uniesqui ddfinissentle droit. Le plus importantde ces textes est la

Déclaration sur l'octroi de l'indépendanceaux pays et aux peuples coloniaux
adoptéepar I'Assembléegénérale(A.G. Rés.,1514 (XV), 14 décembre1960).

En son article 2, elle déclare que tous les "peuples ont le droit de libre
dbtermination;en vertu de cedroit, ils déterminent librement leur stattolitiqueet poursuivent librement leur développement économique, social et culturel".
Par la suite, ce principe a acquis une valeur juridique obligatoire, de par la

pratique universelle et son incorporation dans l'article premier du Pacte
international relatif aux droits civils et politiques (A.G. Rés. 2200 (XXI), 16
décembre 1966,21 A.G. Doc.off, Supp. (No.16)52, Doc. U.N.Ai6316 (1967)et

dans l'article premier du Pacte international relatif auxroits~économiques,
sociaux et culturels (ibid.,21 A.G. Doc.oft, Supp. (No.16)49, U.N. Doc. Ai6316

(1967)).

4.31 Tout aussi pertinentes sont les résolutions traitant des
procédures par lesquelles un territoire. non autonome est décolonisé. La

résolution1541 (XV) de l'Assembléegénérale,adoptéele 15 décembre1960,
soit juste au moment de I'indépendancedu Tchad et de son admission aux

Nations Unies, dispose qu'il existe trois façons acceptables pour un territoire
non-autonome d'accéder à l'autonomie: (1) par I'indépendance;(2) par une

association libre avecun autre Étatindépendant;et (3) par'intégrationà un État
indépendant. La troisième de ces possibilitésest définie au Principe IX de

l'Annexe à la Résolution 1541 qui dispose que dans l'éventualité d'une
intégration, cechoix "doit résultdu désir librement exprimé desopulations du

territoire, pleinement conscientes duchangementde leur statut, la consultation
se faisant selon des méthodes démocratiques et largement diffusées,

impartialement appliquées et fondéessur le suffrage universel des adultes.
L'Organisation des Nations Unies pourra, quand elle le jugera nécessaire,

contrôler l'application de ces méthodes". Cette formulation rappelle une
résolution antérieureadoptée parl'Assembléegénérale en1952, qui précisait

qu'un facteur essentiel de I'évolution d'un territoire colonialdevait être
"[l']opinion des populationsde territoire, librement expriméeen connaissancede

cause et par des voies démocratiques,en ce qui concerne le statut ou le
changementde statut qu'elles désirent" (A.G.és.567 (VI), 18janvier 1952).

4.32 Si, au moment de l'indépendancedu Tchad, la Libye

estimait, comme elle prétendle faire aujourd'hui,que tout ou partie du territoire
tchadien alors sous administration française, devait être intégréau territoire libyen, cette résolution montreclairement quelle procédure lui auraitpermis de
proposer aux Nations Unies un acte d'autodétermination des peuples

concernés,à un momentou l'organisation étaittoujours en position d'influencer
le processusde la d6colonisationdu Tchad. Nila Libye, ni un autre membrede

l'organisation n'aA aucun moment, suggéré de faire une telle demande en ce
qui concernait le Tchad. II est inconcevableque, trente ans plus tard, la Cour
puisse accepter de rendre une décision qui nécessite qu'ellese substitue au

peuple du territoire,la requêtef,orttardive,de la Libye.

4.33 A quelques rares occasions, .cet exercice du droit à
I'autodétermination d'unterritoire non-autonomeétaitconçu, avec l'approbation

des Nations Unies, afin de permettre à la population dans une partie d'un
territoire colonial de choisir de se joindre autre État indépendant (3e option,

prévue dans la résolution 1514 (XV) de l'Assembléegénérale). Toutefois,
l'Assembléea bien pris soin de prescrire des procéduresrigoureuses dans ce

but. Un exemple de cette exception à la règle réside dans les plébiscites
organisésavant la décolonisationdu Camerounbritannique. A cette occasion,

la façon dont I'0.N.U. a résolu la contradiction apparente entre l'intégrité
territoriale et I'autodéterminationconfirme le fait qI'intégritbterritoriale, I'uti

> possidetis sont la règle dominante,que I'autodéterminatioest presquetoujours
appliquée a l'intérieur des territoires existant, et que ceux-ci constituent

ensemble les principes dominants du droit modernede la décolonisation. De
manière encore plus nette, l'approchede I'0.N.U. renforce la théorie dérivée du
précédentdu Ruanda-Urundi : une remise en cause de l'intégrité territoriale

d'un territoire n'est acceptable que dans le seul cas où elle s'appuie sur
l'expressionclaire des aspirationsdu peupledu territoire colonisé au coursde la

décolonisation.

4.34 Dans le cas de la décolonisation du Cameroun
britannique, une mission de visite de I'0.N.U. a conclu que la population du

Cameroun septentrional, sous administration britannique, souhaitait de toute
évidence accéderà l'indépendancenon pas dans le cadre de l'entitécoloniale,

mais, plutôt en tant que partie du NigériaRaooorl de la mission de visitedesCameroun britanniaues discutélors de : NC.4lSR.846, pars. 11 et 19). La
solution étaitmoinsclaire pourle Cameroun méridional.La missionde I'0.N.U.

Conclut à la nécessitd'un plébiscite pour déterminerlasipopulationsouhaitait
l'intégration avec la République du Cameroun, ancie'nnement sous

administration française;mais devenue indépendantd eepuis lors(ibid., par.20).
Lors de l'examen du rapport par l'Assemblée générale, de nombreuses

revendications de titre historiqueont étéprésentées par des États voisins et
rejetées, ycompris des revendications fondées suurn titre allemand antérieur,
sur le titre pré-colonialde l'ÉmiratdqAdamawa, t sur des facteurs linguistiques

et ethniques(Voir,par exemple, A.G.Doc.oft, 13eSess.,4e Commission,847e
Séance,23 février 1959,apr. 2,3, annexeçM11 105 ; ibid., 850e Séance,25

février1959.par. 12 ; A.G. Doc.off., 15eSess.,4e Commission,1142e Séance,
13 avril 1961, débats entrM. HOLLIST(Nigéria)et M.OKALA(Cameroun),par.

11, 14,annexe GUI 115).

4.35 L'Assemblée générale a judicieusement refusé de
donner effetà ces revendications séculairesEn fait, une fois deplus, la Libye

occupait une place proéminente parmiles membres qui insistaient sur le rôle
exclusif du droit moderne de la décolonisation,et sur la primauté quece droit

reconnaît à l'autodétermination dansle cadre des frontières coloniales. M.
FEKINI, représentantde la Libye,déclarait que "quan àt la volontéd'union qui
anime le Cameroun, il faut qu'elle s'exprime librement.La délégation libyenne

est d'avis que l'on organise un plébiscite" (A.G. Doc. oft, 13e Sess., 4e
Commission,868e Séance,6 mars1959, par.4). Finalement,son raisonnement

a été adopté et mis en oeuvre sans opposition(A.G. Doc.off,, 13e Sess., 794e
Séanceplénière, 13 mars 1959, p. 120-123). La résolutionde l'Assemblée

générale prévoyait des plébiscites séparés, slausupervisionde I'O.N.U.,dans
le Cameroun britanniqueseptentrional d'une part,méridionalde l'autre "afin de

déterminerles aspirations des habitantsdu Territoire au sujet de leurave..."
(A.G. Rés. 1350 (XIII), 13 mars 1959, annexe ÇMIL 106). Les résultatsdu

plébiscitetenu dans le Cameroun septentrionaol nt étéjugéspeu concluants,et
un autre plébiscite aété organisé sous les auspices I'0.N.U. (A.G. Rés.1473

(XIV), 12décembre1959). 4.36 L'Assembléen'a endosséle résultatque lorsqu'elle a
étéconvaincue, en avril 1961, que la population du Cameroun septentrional

avait eneffetvoté defaçon probante pouruneunion avecle Nigéria,et celle des
Cameroun du Sud pour une union avecla Républiquedu Cameroun (Rapport

de M. ABDOH. Commissaire des plébiscitesde I'O.N.U., A.G., 15e
Sess., 4e Commission, 1141eSéance, 13avril 1961,par. 10-17,annexe I;MII

114). Cela n'a pas été effectuéà la legère. Devant l'Assemblée générale l,
représentant du Cameroun a décrit la décision d'accepter le choixdu

Cameroun septentrionalde se joindre au Nigériacomme"[un enterrement]pour
le peuple du Cameroun, mortifié dansonâme,ensanglanté dans sa chair"(fi

Doc. off., 15e Sess., 994e Séance plénière, 21 avril 1961, par. 235).
L'Assembléea néanmoinsapprouve lesrésultatsdu plébiscite, modifiant ainsi,
dans ce cas exceptionnel, le principede l'intégterritoriale. nonpas en faveur

de revendicationsde titres historiquesmaisface à un acte d'autodétermination
valide et clair, émanantde la population du territoire, immédiatementavant la

décolonisation. L'Assemblée a conclu que les "décisions qu'elles [les
populations] ont prises par des moyensdémocratiques,sous la surveillance de

l'organisation des Nations Unies,doiventimmédiatement être miseen Œuvre ...O
(A.G.Rés.1608 (XV),21avril 1961).

4.37 Le fait qu'en 1959 le Cameroun britannique constituait

un territoire sous tutelle, alors que le Tchad était une colonie française, ne
diminue pas la pertinence de l'enseignement quel'on peut tirer du precédent

camerounais. II a étéconfirmé en 1973, par l'adoption par l'Assemblée
genéraled'une résolutionselon laquelle un plébiscitesur l'autodétermination,

supervisé par I'O.N.U., constituait le moyen approprie pour menerà bien la
décolonisationdu Sahara occidental, en réponse aux affirmations du Maroc

selon lesquelles la populationdu territoire préférait accéderà l'indépendance
par voie d'intégrationà ses voisins du nord (A.G. Rés. 3162 (XXVIII), 14

décembre 1973,art.4). 4.38 II est particuli&rementremarquableque la Libye ait joué

un rôle actif dans la promotiondes pl6biscitesau Camerounbritannique,qui ont
prdcédéla partition du territoire et le rattachementde ses composanteà deux

voisins déjàindépendants. Si la Libyeestimait que1'8mergence du Tchad de la
période colonialedevait se réaliserà la suite de la tenue d'untel plébiscitedans

l'ensemble, ou dans une partie dela région sousadministrationfrançaise, son
gouvernement était bienau fait de la procédure à suivre, dans le cadre des
Nations Unies, pour atteindrecet objectif. Toutefois,à aucun momentau cours

de cette période, laLibye n'a expriméle d6sir de mettre en place au Tchad le
processusen cours au Camerounbritannique,et qui sera proposé plustard par

I'Assembl6epour le Sahara espagnol. Le fait que la Libye énonce aujourd'hui
une revendication fondée,en partie, sur l'autodétermination, par laquelle la

Libye exprime son assentiment à la colonisation senoussiste ou ottomane,
indique une sérieuseincompréhension du contenuet de la portéede ceprincipe

(m, par.6.80) qui exige

i) un vote conformeaux principesdes Nations Uniesqui prouve clairementune

volonté indéniablede sécessionde la partde la population,

ii) que ce vote intervienneau moment dela décolonisatio, t,

iii) qu'il ait lieu dans le cadre du territoire en coursde d6colonisationdans son
ensemble. Le fait que la Libye demande aujourd'hui à la Cour, en dépit de

l'absence manifeste du respect de ces exigences, de lui transférerde larges
étendues d'un territoirequi, en 1960, n'étaitni réclamé, i dministré parelle,
confirme l'impressionque la Libye ne comprendpas,ou rejette implicitement,les

principes modernes dudroit de la décolonisation. SECTION 2. LA NON-CONFORMITE DES REVFNDICATIONS

LIBYENNES AUX OBJECTIFS PROCI AMES ET
AUX PROCEDURES EN VIGUEUR EN MATIERE

PE DECOLONISATION

4.39 La pratiquedes Nations Unies confirmequ'à défaut d'être

expriméespubliquement, devant l'instanceinternationale idoine, et au moment
critique, les prétentions de non-applicabilité du droit moderne de la

décolonisationne sauraient êtresesde bonnefoi.

5 1. LA MECONNAISSANCE PAR LA LIBYE DES
DBJECTIFS DU DROIT MODERNE DE i.A
PECOLONISATION

4.40 Le Gouvernementlibyen tente d'amener la Cà rétablir
un prétendu titre historique libyen sur le territoire qu'il revendique, en déclarant

que les principes de l'intégrité territoriale et deti possidetis et de
l'autodéterminationne s'appliquentpas en l'espèce.

4.41 L'appel adressépar la Libàela Cour pour que celle-ci

l'exempte de l'application du droit moderne de la décolonisation revient
affirmer que ce droit n'est pas applicable dansune situation où la frontière n'est

pas établie. Sans doute est-il logique que le principe de la succession d'État
aux frontières n'ait aucun sens pour des États qui ignorent où se trouvent leurs

frontières. L'intégrité territorialeest un principe inutile pour les États qui n'ont
aucune idéede ce qu'est leurterritoire. L'autodétermne peut s'appliquer

aux peuples d'un territoire sin ne sait pas quels peuples se trouvenà
l'intérieur "du territoire"ou s'il existe une incertitude quantaux "peuples" comprisdans le territoire. Est-ce là la situation qui prtu momentperîinent, lorsque

la Libye ou le Tchad, sous la tutelleet la supervision desNations Unies, dustatut
de territoire non-autonomeà l'indépendanceet à l'admissionà I'0.N.U. ?

4.42 La Républiquedu Tchad estime que ce n'étaitpas là le
cas à aucun des moments critiques où le droit moderne de la décolonisation

serait normalement devenu applicable à ces deux nouvelles nations. Aux
moments critiques, les deux parties-ainsi que la communauté desÉtats- étaient

parfaitement conscientes du tracégénérad l e leur frontière commune, mêmesi,
comme c'est souvent lecas entre nouveaux États, elle n'avait pas encore été

démarquée sur le terrain. Les deux parties connaissaient l'étendue de leur
souveraineté territorialerespective.I n'y avait pas, entre elles, de difàécend

sujet.

4.43 L'accord existant sur ce point a été démontré dans le
Mémoiredu Tchad ainsi que dans le présent Contre-Mémoire, particulièrement

en référenceau Traité franco-libyende 1955, ainsi qu'aux "silences" de la Libye
en 1950 et 1951, devant les Nations Unies,face à des affirmations clairesde la
Francesur ces questions (v. m, pp. 30-33 et pp. 228-235).

4.44 La République du Tchad soutient également qu'un

membre des Nations Unies quiprétendque les principesdu droit modernede la
décolonisationsont inapplicablesà un territoiredont l'évolutionvers l'autonomie

s'effectuait sous la supervision de I'O.N.U., avait l'obligation d'énoncer les
fondements juridiques de telles prétentionsaux organes pertinents deI'O.N.U.,

et à ses sous-comités subsidiaires, aumomentde la décolonisationdu territoire.
Le fait que la Libye ait manqué d'avancerde telles affirmationset l'absencede

désaccord entre la Libye et la France ou entre la Libye et le Tchad à ces
moments critiques, contrastent de maniére flagrante avec la conduite aux

Nations Unies d'autres États qui ont, de bonne foi, énoncédes revendications
fondéessur un titre historiqueou sur d'autres facteurs. Le contraste marquéqui
existe entre la conduite de ces États et les silences de la Libye soulève desdoutes sérieux sur les revendicationsqui sont expriméesaujourd'hui, plus de
trente ans après la datecritiqueultime.

4.45 Plus précisément, la Libye aurait pu soulever une

réserve,maisne l'apas fait, à quatre momentscritiques:

i) Lors de l'accession de la Libye à I'indépendanceet de son admission aux
Nations Unies, les représentants libyens auraient pu souligner leur désaccord

avec la façon dont les représentantsdu Gouvernementfrançais avaient décrit la
frontière devant les NationsUnies,en 1950-52,maisil ne l'a pas fait.

ii) Lors de la conclusion du Traité de1955, le Gouvernementlibyen aurait eu
l'occasion de soutenir que le tracéde sa frontière méridionale restait encoreà

définir, maisil ne I'apas fait.

iii) Au moment de I'indépendancedu Tchad et de son admission au sein des
Nations Unies, les autorités libyennesauraient pu soulever une revendication

territoriale l'encontrede leurvoisin du sud,mais ne l'ont pas fait.

iv) En 1964, le Gouvernement libyen auraitpu voter et se prononcer contre la
Déclaration du Caire de l'organisation de l'Unité africaine qui prevoyait le

respect du statu quo relativementaux frontièrescoloniales en Afrique. II ne l'a
pas fait. Les implications de cette conduite en rapport avec la bonne foi, le

consentementet 1'- ont déjàété discutées(v. supra, pars.2.96 etS.).

4.46 A la lumière des pratiques et principes dominants des
Nations Unies relatifs à la décolonisation, ces silences éloquents du

Gouvernement libyen sont dépourvusde toute ambiguïté. Au contraire : le fait
qu'aucune revendicationn'ait étéémiseest unepreuve manifeste,qu'en fait, la

Libye n'avaitaucune revendication.

4.47 La Libye n'est certainement pas la première nation à
affirmer qu'un voisin nouvellement indépendant ne peut bénéficier del'application du droit moderne de la décolonisation, qui garantit le droit à
l'autodétermination des peuples B l'intérieur des frontières héritées de la

décolonisation. Elle n'est pas le premier Étatà affirmer que l'"instantanéuest
flou, ou trompeur. ou bien qu'il montre une frontière qui doitbtre réviséeen
fonction d'autresacteurs. Plusieurs Étatsont effectuéde telles remises en cause

de I'applicabilité du droit moderne de la décolonisation au moment où ils
revendiquaient -habituellement sur la base d'un titre historique etlou de

I'ethnicitéet de la géographie- toutou partie d'un territoire voisin, en voie de
décolonisation. Toutes les nations dont émanaientces revendications, sauf la

Libye, avaient une chose en commun. Chacunea affirméI'inapplicabilitédu
droit moderne dans les termes les plus clairs et les plus directs devant les

instances politiques et juridiques du système des Nations Unies, toujours aux
moments critiques, lorsque de telles affirmations étaient perçues comme

essentielles pour empêcher qu'une revendicationterritoriale ne devienne
caduque. Ces moments critiques, étaient,plus particulièrement, I'accession de

l'État revendicateur à I'indépendance,etlou le moment où I'indépendance du
territoire non-autonome voisin I'encontreduquel la revendication était formulée
était imminente. Quel que soit le méritede sa revendication particulière, la

conduite de chacunde ces États prévenaitles NationsUnieset les États voisins
que cette revendication,fondée sur desfacteurs historiques, géographiques ou

ethniques, étaitfaite de bonne foi, et qu'elle étaitmaintenue facela nouvelle
situation politique générée parla décolonisatioet I'indépendance.

4.48 Bien que de telles revendications n'aient que très

rarement été acceptées, la manière énergique avec laquelle les Etats
concernés les défendaientdevant I'O.N.U., au moment précis où le Tchad

accédait à I'indépendance, n'a pu échapper à l'attention du gouvernement
libyen. Le fait que la Libye n'ait pas tenté deformuler de revendications à

I'encontre de son voisin du sud aux moments critiques -lors de sa propre
indépendanceou de celle du Tchad, et, en fait, jusqu'à plusieurs annéesplus
tard - indique assurémentque la Libye ne considéraitpas, à ce moment-là,

pouvoir prétendre à une telle revendication, affirméà I'encontredes principes
fondamentaux de l'intégrité territorialede I'uti possidetis et del'autodétermination. Une telle revendication, formuléeplusieurs années après
les momentscritiques où elle aurait dû l'êtreen vertu de la pratique coutumière

des Étatsdont émanaientce type de revendicationsne saurait,évidemment,être
admise.

4.49 Le fait que la Libye n'aitpas suivi la pratique coutumière
de ces États revendicateurs doit êtreappréciée dans le contexte des prises de

position répétéesde la Cour et de l'Assemblée sur l'importance du droit
moderne de la décolonisation, auquel cesEtats souhaitent d6roger. Le droit

moderne de la décolonisation,en effet, a recours aux traitésde frontières ainsi
qu'aux comportements parlesquelsles États exprimentleur acquiescementsur

des questions territoriales, pour créerune forte présomption de permanence en
faveur du statu quo des frontières et de la souverainetéterritoriale au moment

de la décolonisation du territoire. Dès lors, ceux qui désirent démontrer
l'absence d'un statu quo en raison d'un différend frontalierirrésolu, doivent,au
minimum, attirer I'attention'sur ce différend et formuler leur revendication

juridique au momentopportun, avantque le processus de décolonisationne soit
achevé à la satisfactiondes NationsUnies.

4.50 Dans l'Affaire du Tem~le de Préah Vihéar, la Cour a

souligné I'importancede la stabilitédes frontièrespour la paix. Selon la Cour:
"d'une manière générale, lorsquedeux pays définissententre eux une frontière,

un de leurs principaux objectifs est d'arrêterune solution stable et définitive.
Cela est impossible si le tracé ainsi établipeut être remis enquestion à tout

moment, sur la base d'une procédureconstammentouverte ...La frontière, loin
d'êtrestable, serait[alors]tout fait précaire" (AffaireduTemolede Prbah Vihéar
(CambodaelThaïlande~, SMl;l, w, 1962, p. 34). En d'autres termes, toute

objection doit êtresoulevée au moment opportun, sous peine de devenir
caduque.

4.51 Les principes de I'uti possidetis et de l'intégrité

territoriale, auxquels s'ajoutent celui de la succession d'États aux traités de
frontières et la présomptionde leur irrévocabilité, existent précisément afind'assurer la stabilité qui est essentielleà la paix entre de fragiles États
nouveaux. Ils excluent toute remise en cause juridique du statu quo après la

dBcolonisation si,à la date de I'indBpendance,la ligne frontière ne faisait pas
l'objet d'unecontestation.La Républiquedu Tchad soutientqu'il n'existaitpas de

désaccord -en tout cas, pas d'expression de désaccord- à l'époque de
I'indépendancedela Libyeou du Tchad,ou à une Bpoque proche de ces dates.
La frontière conventionnelle,noncontestéeaux datescritiques, doitdès lors être

reconnuecomme établissantles pointsde référence qui continuent de décrirele
tracé dela frontière.

5 2. L'ABSH~ DF PROTFSTATION LIBYENNF AU

T C R l T m

A. - LA LIBYE N'A PAS REMIS EN CAUSE SA FRONTIERE

AVEC LE TCHAD AU MOMENT DE L'INDEPENDANCE

4.52 La date critique à laquelle I'uti possidetis et l'intégrité

territorialetrouvent à s'appliquer est "au moment de l'accession . , à
I'indépendance" ,ainsi que le déclarait la Cour dans l'affaire du

frontal (&ier 1986, p. 570). C'est à ce moment que "le principe de I'uti
possidetis..est applicableau nouvelEtat (en tant qu'Et..en Mat, c'est-à-dire
à l'"instantanédu statut territorial existant à ce moment-là.Le principe de I'uti

possidetis gèle le titre territorial;rêtela montre sans lui faire remonter le
temps" (ibid.,p. 568).

4.53 Sil'on examinait cet"instantané"que révéleraitl u sujet

des Libyens et des Français en 1951-52, quand la Libye est devenue
indépendante, ou en1955 ? Que révélerait-ilau sujet des Libyens et des

Tchadiensen 1960, quand le Tchad estdevenu indépendantet a été admisauxNations Unies ? Untel instantané montrerait-il es contradicteurscourroucésqui
se lancent mutuellement des revendications à la tête dansun climat de

controverse intense ? Au contraire : elle révélerait d'aimablesexpressions de
bons voeux, sans trace de désaccord,sans l'ombre d'une controverse irrésolue

ou d'une animositémal rbprimée(Cf. MD. pp. 227-228, pars. 80-85 ; pp. 229-
238, pars. 87-114 ; pp. 320-322,pars. 115-122). La stabilitéet la bonneentente

seraient les caractéristiquesBvidentes de cet "'instantanéterritorial la date
critique", pour citerla Cour unenouvellefois (ibid.,p.568).

4.54 L'absence de protestation ou de réserve d'une
revendication de la part de la Libye constitue la preuve de I'absence d'un

différend frontalier;et s'il n'existait pas de différend alors, la revendicationne
peut être accueillie aujourd'huit la Cour ne peut lui donner effet. Ainsi que la

Cour l'énonce dans son arrêtdu 22 décembre 1986 : "...sous son aspect
essentiel, ce principe[uti possidetis} vise, avanttoutà assurer le respect des

limites territoriales au momentde l'accession l'indépendance"(ibid., p.566).

4.55 Aux dates critiques, des revendications antagonistes
auraient pu être expriméep sar lesparties,à l'encontredu principe du respectdu
statu quo. En l'absencede telles revendications,cependant,le principe de I'uti

possidetis s'appliqueici, comme ailleurs. Le fait que la Libye et leTchad aient
vu le jour à différentes époques, et qu'ilssoient issus d'empires différents

importe peu. L'uti possidetis s'applique malgrétout. Ainsi que la Cour le
soulignait: les "limites territoriales dont s'agit d'assurer le respect peuvent

également résulter de frontières internationalesyant formé séparation entre la
colonie d'un Etat et la colonie d'un autreEtat, ou entre le territoire d'une colonie

et celui d'un Etat indépendan....(ibid., p. 566).

4.56 Avant l'indépendance du Tchad,l'Assemblée générale
supervisait l'administrationpar la France de ses territoires non-autonomes. De
1947 à 1959, conformémentaux exigences de l'article 73(e) de la Charte des

Nations Unies, la France transmettait régulièrementdes renseignements au
Comité des renseignements relatifs aux territoires non-autonomes, paraffirmé nonplus qu'une partie quelconquedu territoire que la France menait
l'indépendancedevait lui êtretransférée, oque l'on aurait dû demanderà la

population d'une partie du territoiresi elle souhaitaitsA la Libye.

4.58
La Libye avaittoutes les occasionsde présenterde telles
revendications devant les instances appropriéesde I'0.N.U. En avril 1959, la
France a signifiéau Comit6 des renseignements relatifs aux territoires non-

autonomes qu'elle ne transmettraitplus d'informationsur divers territoires, dont
l'Afrique équatoriale française(Roc. O.N.U, N4096. Voir aussi: Rapport du

Secrétaire général :Progrès des territoires non-autonomes Doc. 0,N.U. no
STKRI/SER.NlS/ Vol.1, p. 16). Cette décisiona de nouveau engendréun

importantdébatau cours duqueldes membres ontmis en questionla prétention
de la France selon laquelle, aux termes des lois créant la Communauté

française, les membres de la Communauté, dontle Tchad, étaient devenus
autonomes (poc. O.N.U.noNC.4ISR. 981-984).L'Inde(ibid.,SR. 981, pars. 33,

37, 41), I'lraq(ibid., SR.982,par.3) et la Guinée(ibid.,SR.984, pars.6-8,ll) ont
traitéde façon passablement critiquede l'étatde développementpolitique des

territoires français et ont insisté pourque la France demeure soumiseà la
supervision de I'Assembléegénérale,jusqu'à ce que chaque territoire colonial

ait atteint sa pleine indépendance.La Libyea gardéle silence. Tout au long de
cet intensedébat, lesujet desfrontièresdu Tchad n'apas étévoqué une seule

fois nipar la Libye, membredeI'O.N.U.,ni par aucun autre représentant.

B. - L'ATTITUDE LIBYENNE CONTRASTE AVEC CELLE DES
ETATS QUI SE SONT TROUVES DANS LA MEME

SITUATION

4.59 Entoutes circonstances, le silence de la Libye serait
remarquable ; il devient incompréhensible,si on le compare au comportement

de tous les autresEtatsqui onttait valoir des revendications similaires.Tous ont
réservéleur position devantles instances approprises Nations Unies. 4.60 Quelquesexemples suffiront.Ces cas sont cités ici,non

pour prendre positionsur leur valeur mais, plutôt, rémontrer clairementles
procédures applicablesque le système des Nations Unies adéveloppées.La

Somalie offre une étude de cas révélatrice; d'unenation qui, sur le point
d'atteindre l'indépendance sou1'6gidede I'O.N.U.,procèdeavec methode pour
réserverses revendicationsjuridiques surun territoire voisin.Les revendications

de la Somalie, contrairement à celles de la Libye, ont Btévigoureusement
exprimées devantles Nations Unies A la fois avant et après son accession à

I'indépendanceet égalementavant, et après, son admission à l'organisation.
En tant que membrede la délégation italienne, le délégu de la Somalie s'est

adressé à maintes reprises à la quatrième Commission de l'Assemblée
générale, affirmant quela frontière avec l'Éthiopie imal définie" etrejetant

"arbitrairement","catégoriquementle statu quo territorial(M. OMAR. A.G. Doc.
u, 12eSess.,4e Commission,734eSBance,6 décembre1957,par. 36, 41).

4.61 Plusieurs des questions soulevépsar la Somalie étaient

similaires à celles soulevées aujourd'hiar la Libye. ~'Éthiopiesoutenait que
sa frontière avec laSomalie avaitétéfixée par traité (.LAMAYEHOU, &&

Doc. off., 13e Sess.,4e Commission,836e Séance,9 décembre 1958p , ars. 14-
31) alors que le représentant somalien rétorquaeitn invoquant une "solution
équitable"(M. OMAR, ibid., par. 45)et remettait fortementen cause I'applicabilité

et l'irrévocabilde ce qu'il considérait rntraiténon-déterminant.

4.62 Ces protestations publiques émises par la Somalie à
l'encontre de l'application des principes de l'intégritéterritoriale et de I'uti

possidetis àsa frontière avec l'Éthioont incitéI'0.N.U. à déployerrapidement
des efforts de médiation avant la date prévue pour son accession à

I'indépendance (Déclaration du Secrétaire général, ibid., 842e Séance, 11
décembre 1958, pars6 . 7et 71). La Somaliea également faallusionà plusieurs

reprises au fait que l'Éthiopie n'agissaitpas en conformitéavec la résolution
392(V) qui avait pourtant été adoptée principalemenp tour s'appliquer aux

frontières entre la Somalie, l'Érythréeet l'Éthiopie(voir parexemple, M. OMAR,A.G. Doc. off,, 14e Sess.,4e Commission,990e séance,7 décembre1959, par.

10). Les représentantssomaliensont égalementlancé un appel pourla tenue
d'un plébiscitedans les régions sousadministration éthiopiennerevendiquées

par la Somalie (M.HAMUD, ibid.991e Séance,7 décembre1959,par. 1).

4.63 Après l'admission de la Somalie à I'O.N.U., son
représentanta profité de l'occasion pour attirer I'attention une fois de plus

l'attentionsur le problèmede sa frontièreavec I'Ethiopie.Bienque la positionde
la Somalie n'ait pas changé,il ajouta toutefois, que "Tout en espérant une

solution équitable, leGouvernement somalise sent tenu de respecter la "ligne
administrative provisoire"."(A.G.Doc.off., 15eSess.,866e Séanceplénière,21
septembre 1960, par.59, annexe 110;voir aussi :A.G. Rés.1479(XV),20

septembre 1960).

4.64 L'utilisationdes forums deI'0.N.U. par la Somalie n'est
qu'un exemple de la pratique dominante,une pratique dont la Libye étaitun

témoin constant. II estinstructifd'examinerle contextedu mutismede la Libyeà
I'0.N.U. au cours des cinq années précédan l'tindépendanceet l'admission à

I'0.N.U. du Tchad. Tout au longde cette période,d'autres nationsnouvellement
indépendantes ont réservédes revendications territoriales à l'encontre de

territoires coloniaux voisins sur le point de devenir indépendants parvoie de
déclarations publiquesrépétéed sevant lesNations Unies.

4.65 En 1955, le représentant duYémen, M. CHAMADI, a

objecté au nom de son pays contre la transmission aux Nations Unies de
renseignements concernant la colonie d'Aden, par le Royaume Uni. "Le

Royaume Uni continue de fournir des renseignements sur une régionqu'il
occupe en vertu de certains accords vagues, conclusil y a de nombreuses
années.dans des circonstances Bgalementimprécises. LeGouvernement du

Yémenn'a jamais reconnu ces accords, qui n'ont aucune validitésur le plan
international...(A.G. Doc. off., 10e Sess., 4'3 Commission, 472e Séance.6

octobre 1955,Doc.O.N.U.noAIC.41SR4 . 72,par.29,annexeW99). Au cours
de la mêmeséance, le représentantde l'Argentine s'est insurgé contre latransmission britannique de renseignements au sujet des "îies Malouines,

désignéesimproprement sous lenom d'îles Falkland. II tient expressémentà
réserver la position de son gouvernement dans cette affaire. Le fait de

communiquer ces renseignements et de les inclure dans le document [de
I'O.N.U.1 en question n'affecte aucunement le droit de souveraineté de

l'Argentine sur cette région, quele Royaume-Uni aoccupéepar la force" (ibid.,
par. 32, M. CORTINA). Lorsde la même séance encore, M. Rolz BENNETT,

représentantdu Guatémala, déclarait: "le fait que le Guatémala assiste,à la
Quatriéme Commission, à l'examen du rapport présentépar le Comité des

renseignements relatifs aux territoires non autonomes, et que sa délégation
participe au débat sur ces questions n'implique nullement que ce pays

abandonne, même partiellement,ses droits et ses revendications sur cette
région quifait partie intégrante de son territ.e Guatémalane reconnaît aux

RoyaumeUniaucundroit surleterritoire de Bélize."(ibipar. 37).

4.66 Au débutde l'année 1957, des réserve similairesont été
émises( A.G. Doc. off., lle Sess., 4e Commission, 600e SBance, 15 janvier

1957, U.N. Doc. noAlC.41SR.600, annexe 103). L'Argentine(ibid., par.
26), l'Indonésie(ibid., par 28) et le Guatémala(ibid., par. 34) ont réileurs

positions. L'Espagne a exprimé une réserve similaire, fondéesur un titre
historique,à l'égard de Gibraltar (ibid.3r7). Faceà tout cela,et en dépitdes

rapportsde la France à I'0.N.U. sur le BET,la Libye, représentau Quatrième
Comitépar M. Ahmed F. BEN SAOUD,a maintenuson silenceau sujet d'une

quelconque revendication sur la partie tchadienne de l'Afrique équatoriale
française.

4.67 Cette pratique persista, année après année.Tous les

Etats ayant des revendicationsexprimaient celles-ci publiquementchaque fois
qu'une puissance coloniale faisait rapportsur un territoire revendiqué. La Libye

n'en fit rien. A la session suivantede l'Assemblée généraleà l'automne 1957,
les mêmes réserves ont étéémises pardes Étatsqui, pour des raisons de titre
historique ou de sentiment populaire, s'opposaient à l'évolutionde territoires

voisins vers l'autodéterminationl'intérieurdes frontières coloniales. Le Yémena réitéréencore plus longuement, et avec encore plus de vigueur, ses
allégationsde titre sur la colonie d'Aden(M. CHAMANDI.A.G. Roc. off,, 12e
Sess.,4e Commission,670eSBance,14octobre 1957,Doc.O.N.U. noAIC.4lSR.

670, pars. 34-36), s'attirant cette fois-ci une réfutation fermede la Grande
Bretagne (SirA. COHEN, ibid., par. 37). Le Yémen a réponduaux prétentions

territoriales britanniques en déclarantque "on ne saurait considérer comme
fondées des revendications qui ne s'appuient pas sur les aspirations des

populations intéressées" (ibid., par. 38). Des dialogues du m6me ordre,
réservantdes revendicationsde titre historiqueont de nouveauétéengagéspar

l'Argentine (M. GUYER, ibid., pars.39, 41), le ~uatemala (M. Rolz BENNETT,
ibid., par. 46) et I'lndonésie(M. HARJONO,ibid., pars. 48-50). Le Maroc a

protesté contre l'inclusidu Sahara occidental dansla liste des territoires non-
autonomes pour lesquels I'0.N.U. recevait des rapports sur l'évolution vers

l'autodétermination,en affirmant que le territoire faisait partie "intégrante"du
territoire marocain(M. FILALI,ibid., par.56).

4.68 En 1958, à la 819e Séancede la quatriéme Commission,

l'Argentine, toutcomme le Royaume Uni,a, unefois de plus réservé sa position
relativement à la souveraineté sur les Malouines/lles Falkland et sur les

dépendancesde celles-ci (AlC.4lSR. 819, pars. 19-21,annexe S;MU: 104). Le
Chili a de même réservs ées droits sur les dépendancesdesIles Falkland (ibid.,

par. 22). L'Espagneet leRoyaumeUniont tous les deuxréservé des droits sur
Gibraltar (ibid., pars. 24-25). Le Marocet la France ontréserdes droits sur la

Mauritanie (ibid., pars. 26-27). Le Yémenet le RoyaumeUni ont tous deux
affirméleur souverainetésur Aden, alors que le Guatémala,le Mexique et le

Royaume Uni affirmaient leur souverainetésur le Honduras britannique1Belize
(ibid., pars. 32-34, 41, 43-44, 47). Le représentantde la Grécea réservéla

position de son pays relativementà la souverainetésur Chypre (ibid., par. 48).
L'Indonésieet les Pays-Bas ont tous les deux réservé des droitssur I'lrian

occidental (ibid., pars. 51 et 57). Les pays revendicateursont invariablement
décritle territoire sur lequel ils souhaitaientaffirmer leur souverainetécomme

faisant partie intégrante de leur territoire national (Voir, par exemples,
l'Argentine,ibid.,par.20 le Maroc,ibid., par.26; I'lndonésie,ipar.51). 4.69 En 1959,à la 967eséance dela quatrième Commission,

l'Argentine, le Chili et le Royaume Uni ont réitéréla position qu'ils avaient
adoptéeau cours de l'annéeprécédente relativement auxMalouinesIFalklands

et à leurs dépendances(NC.4lSR.967, pars. 31-33, annexe 109). Le
Yémenet le Royaume Uni ont denouveau réservéleurs droits sur Aden et le

protectorat d'Aden(ibid., pars. 34,36). L'Espagneet le Royaume Uni se sontà
nouveau oppos6s sur la question de Gibraltar, à l'instar du Mexique, du
Guatémala etdu RoyaumeUni,au sujetdu Honduras britannique (ibid.p ,ars.37-

40, 43). Le Maroc etla France ont tous lesdeux réservé leuprosition quantà la
souveraineté sur laMauritanie (ibid., pars.45 et 47). Le représentant indonésien

a de nouveau protestécontre le rapport des Pays-Bas à I'0.N.U. sur I'lrian
occidental (ibid.,pars.57 63 et 67).

4.70 En 1960, à la 1005eséancede la quatrième Commission

(NC.4lSR.1005., annexe 11l), les mêmes pays ont réitéré leu ésserves
des annéesprécédentesl:'Argentinesur les Malouines/Falklands(ibid.,par. 38) ;

le Chili sur les MalouineslFalklands (ibid., par. 39) ; le Guatémala sur le
Honduras britannique (ibid., pars. 41-42) ; le Mexique sur le Honduras

britannique (ibid., par. 43); le Maroc sur la Mauritanie (ibid.,' pars. 46-47) ;
l'Indonésiesur I'lrian occidental(ibid., pars.52-60) ; et les Pays-Bas sur I'lrian

occidental (ibid., par. 61). De plus,le Maroca affirmésa souveraineté surles
territoires deSidi, Ifni, Saguia-el-Hamra, Ceutaet Melilla (ibid., par 46). A la

1006e séancede la quatrième Commission, l'Espagnea réservéses droits sur
Ifni, Saguia-el-Hamra,Ceuta, Melilla,et sur Gibraltar.4lSR. 1006, pars. 1-2).

Le Yémena de nouveau affirmé sa souverainets éur Aden (NC.4lSR. 1006, par.
6).

4.71 Si ces faits sont énoncés de façon aussi détaillée, c'est

parce qu'on trouve dansces détails une preuve évidente et claire de la pratique
établiedes Nations Unies au cours de la période dela décolonisation. II est

remarquable quelors d'aucun des examens des rapports de la France, au sujet
du progrès de ses territoires de l'Afrique équatoriale vers l'autodétermination,par la quatrième Commission, la Libye n'a soulevéune objection similaire à

celles mises en avantavec une telle détermination par tant 'autres États. Son
silence ne s'explique pas par son ignorance de l'importance qu'il y avait à

soulever de telles objections. Lors dela session de1959(4e Commission,967e
Séance, AIC.4ISR. 967, par. 78) et de la session de 1960 (4e

Commission/1006~ Séance, NC.4lSR. 1006, par. 51), la Libye a appuyé
activement les revendications marocainesde souveraineté sur la Mauritanie

sous administration française. Pourtant, la Libye n'a pas exprimé de
revendicationsimilairevis-à-visde sonvoisin du sud.

4.72 Pendant des annéesl,a Libyea assisté passivement à la

présentation àI'0.N.U. des rapports français sleTchad, et plus spécifiquement
sur son administrationdu B.E.T et sur l'évolution dela région vers l'autonomie,

alors que plusieurs États énonçaientdes revendications territoriales. Cette
proc6dure se produisait en effet normalement deux fois par session de
l'Assemblée: une fois au sein de la quatrième Commission, et une fois en

seance plénière (Voir, par exemples. A.G. Doc. off,, 13e Session, 4e
Commission, 819e Séance, 27 novembre 1958 (Doc.0.N.U.. noNC.4/SR. 819) ;

A.G. Doc. off., 14e Sess., 4e Commission, 967e Séance,24 novembre 1959
(Doc.O.N.U. noNC.4lSR.967) ; A.G. Doc.off,, 15e Sess.,4e Commission,1005e

Séance,7 octobre 1960 (Poc. O.N.U. noAIC.41SR.1005) ; A.G. Doc. off,, 15e
Sess., 4e Commission, 1006e Séance, 10 octobre 1960 (Poc. O.N.U. no

NC.4lSR.1006)). Le fait que la Libye n'aitpas expriméla moindrerevendication
à l'égardd'une partie du Tchad sous administrationfrançaise, à l'une ou Vautre

de ces occasions, démontreque son gouvernement nepouvait avoir cru -à la
période critiqueprécédantla décolonisation- que ce territoire devait lui revenir.

Le contraste entre le mutismede la Libye et les déclarationsvigoureuses des
États qui revendiquaient des territoires coloniaux estfrappant. II permet de

conclure qu'aux dates critiques, la Libye n'avait aucune revendication de cet
ordre.

4.73 Une telle conclusiose trouve renforcéepar le contraste
existant entre l'accueil réservi par la Libye au Tchad, au moment del'admission de celui-ci aux Nations Unies, et la vigueur avec laquelle d'autres
membres de l'organisation ayant des revendications historiques,territoriales ou

frontalières à l'encontre d'un nouvel État, s'opposaient à la demande
d'admission de cet Étataux Nations Uniesusqu'àce que le différendsoit résolu

à leur satisfaction. Le Tchad a déjàindiqué dansson Mémoir~ a, pp. 320-
321) que, lors de son admissionen 1960, la France avait faitdes affirmations

définitives I'0.N.U. quantà la superficie duterritoire tchadien. La Libye n'a
alors formulé aucune objection. Le Mémoire du Tchad relève également
l'accueil très chaleureux que lui aréservéla Libye à cette occasion (ibid., p.

322) ; en particulier, le représentantde la Libye (M. FEKINI) n'a accueilli
I'admissiondu Tchad à I'0.N.U. qu'avec "les félicitatioslus chaleureuse..."

et une expression de "toute son appréciation"pour "l'esprit" dans lequel la
décolonisation françaises'était déroulée (ibid.).

4.74 II est révélateur de metten parallèle cette bénédiction

du Tchad par la Libye à la date critique avec un événement similaire.
Exactement au mêmemoment, la Mauritanie était égalemens toutenue par la
France, en tant qu'ancienne puissance administrante, dans ses démarches

d'admission à I'0.N.U.. Le Maroc, qui présentait unerevendication territoriale
fondée sur un titre historique pré-colonial, deêmeque sur des facteurs

géographiques et ethniques, s'opposait activement à I'admission de la
Mauritanie et profitaitdes débatsqui se déroulaient'0.N.U. pour réaffirmersa

revendication. En fait, la Libyea même voté ave Maroccontre I'admission de
la Mauritanie (United NationsYearbook, 1961, p. 171).Si la Libyeavait défendu
une revendication similaire, précisément au même moment, il serait

inconcevable qu'elle ne se soit pas opposée I'admissiondu Tchad, alors que
le Maroc (et elle-même)s'était opposéeà I'admissionde la Mauritanie. Ou, du

moins, l'on se serait attenduà ce quela Libye profitedu débat sur I'admission du
Tchad pour.réserversa revendication,toutcomme le Maroc l'avait faià l'égard

de la Mauritanie.

4.75 Le Maroc était conscientde l'importance de réserversa
revendicationà ce moment-là, et soulignaità l'Assembléegénérale que"poursauvegarder notre positionsur le plan international,les représenantsdu Maroc
ont eu àmaintes reprises,devantles organismesintéressésdes Nations Unies,

l'occasion defaire lesplusexpresses réservsurcette partiede notre territoire.
Les documents officiels de l'organisation en témoignen(A.G. Doc. off., 15e

Sess., 988e Séanceplénière,19 avril 1961, par. 176,annexe çM11 116). En
1960et 1961,le Maroc est intervenude façon répétédeans les débats; la fois
au Conseil de SBcurité et à I'Assemblée générale,afin d'exprimer une

revendicationjuridique précisesur leterritoirede la Mauritanie (VoirDoc..
a, 15e Année,91le Séance,3-4 décembre1960 ; p.G. Doc. off., 15e Sess.,

954e Séanceplénière, 18décembre1960 ; P.G. Doc. off., 15e Sess., 988e
Séancepihière, 19 avril 1961 ; Ç.S. Doc. off., 16e Année,971e Séance,25

octobre 1961 ; A.G. Doc. off., 16e Sess., 1043e Séanceplénière,27 octobre
1961). Ces revendications constituentdes parallèles quasiment parfaits avec

celles exprimées aujourd'hui parla Libye à l'encontredu Tchad, mais la Libye
ne les a nullementformuléesà la datecritique.

4.76 On sait qu'endernièreanalyse, ces réserves marocaines
n'ont pas emporté la convictionlors du vote à I'Assembléegénéralesur la

résolution proposée par treiÉtatsafricainset par la France, visantà admettre
la Mauritanie en tant que membre (A.G. Rés. 1631(XVI), 27 octobre 1961).

L'Assembléea admis l'impétrantpar 68 voix contre 13, avec 20 abstentions
(United Nations Yearbook, 1961,p.171). Tout au longdu débat,le Maroc avait

prétenduque les Nations Unies "nedevaient pas prendre parti sur le fond du
problème", en votant en faveur de l'admission de la Mauritanie "avant qu'un
règlement des revendications marocaines ait étérecherché"(United Nations

barbook, 1960, p.200). Ainsi que l'exprimait le représentant marocainà
l'Assemblée générale: "nous pensons que ce serait, de la part de ImO.N.U.,

prendre parti sur le fond du problème"si elle admettait la Maurit(M.eBEN
ABOUD (Maroc): A.G. Doc.off., 15eSess.,988e Séanceplénière,19avril 1961,

par. 178). Face à une déclarationaussi claire quantà l'importancejuridique du
vote de I'Assembléequi décide d'admettre unouvel État, la Libye pouvait-elle,

précisémentau mêmemoment, estimer que la décision de I'Assemblée
d'admettre le Tchad en tant que membre n'aurait aucun effet sur ses revendications territoriales potentiellesSûrement pas. Si, à ce moment, la
Libye estimait avoir une revendication, elle en aurait sûrement informé

l'Assemblée.

4.77 Il est égalementintéressantde noter en passant que le
débat sur l'admission de la Mauritanie a vite constitué une occasion pour
plusieurs autres États africains d'exprimer leuropinion sur i'applicabilitéde I'uti

possidetis. La position d'une grande majoritéd'entre eux transparaît dans les
remarques faitesau Conseilde sBcurit6,parM. DIOP,représentantdu SBnBgal .

II a rappel6 au Conseil que "...le ministre desAffaires Btrangèresdu Sénégala
déclaré ici que,lorsque les anciens pays colonisés devenaientindépendants,

leurs limites territoriales devaient rester telles qu'elles étaient sous l'époque
coloniale. C'est une sage jurisprudencequi a étéétablieavant nous, par les

anciennes coloniesd'Amériquelatine" (CS. Doc.off., 16e Année,971e SBance,
25 octobre 1961, par. 161). Lereprésentantde la Côte d'Ivoire a souligné plus

nettement encore l'opposition de l'Afrique à la résurrectiondes revendications
historiques. "Si les pays africainss'avisaientde refaire lesfrontièresBespar
la colonisation lors de leur accessionl'indépendance,"dit-il 71ss'installeraient

dans des guerres intestines qui polariseraient l'Est et l'Ouest et troubleraient
rapidement la paix et la sécuritéinternationales. L'Afriquea besoin de la paix.

Elle n'a pas le droit d'ajouter à la tension internationale" (ibid., par. 183).
Plusieurs autres représentants,provenantd'autres partiesdu monde, ont pris la

mêmeposition, en précisant i'intérê qute leur pays voyaientdans la primautéde
I'uti possidetislintégrité territorialeet de l'autodétermination sur les

revendications historiques (Voir, parexemple, lescommentaires de M. Benites
VINUEZA (Équateur), ibid.,pars. 216, 219). M. lgnazio PINTO, représentantdu

Dahomey, l'a fait de la manière la plus directe, en rappelant à l'Assembléeque
"mon paysest un petit paysperdu au borddu golfe du Bénin ...le Dahomeya fait

partie autrefois de l'ancien empire du Bénin -et voici, selonla thèse soutenue
devant vous aujourd'hui [au sujet du titre historique],qu'il est bientôt sur le point
de réclamer une bonne partiede la Nigéria,tout au moins jusqu'à l'embouchure

du Niger, ce qui pourrait me faire déclarernéo-empereur duBénin" (A.G D.oc.
off.,15e Sess., 988e Séanceplénière,19 avril 1961, par. 241). 4.78 Ces débats sont résumésici, non seulement pour
rappeler le contenu du nouveau droit international de la décolonisation,mais

aussi et surtout pour illustrer les circonstances qui ont entouré l'accession du
Tchad à l'indépendanceet son admission i'0.N.U. en 1960. La Libye avait

observéce processuset y avait participé. Elle ne peut avoir ignoréla pratique
dominante, suiviepar la Somalie,le Maroc et d'autres, en vertu de laquelle les

revendications territoriales -qu'elles soient fondées sur une démarcation
incertaine, untitre historiqueou l'ethnographie- formulées en contradiction avec

les principes de I'uti possidetis, de l'intégritéterritoriale et du droità
l'autodétermination,doivent l'êtrede façon préciseet convaincante, à la date

critique, sous peine de perdre leur valeurjuridique. Cesinactions de la part de
la Libye ont des conséquences quant à l'importance qu'il faut donner aux

revendications désormaisprésentées tardivement devant lC aour.

4.79
La pratique dominantequi consiste à préserver detelles
revendicationsen les affirmant publiquement devantl'instance appropriéeet au
moment opportun est égalementdémontrée dans le contexte de la réunion des

Chefs d'États et de gouvernements africains, tenue en 1964 au Caire. La
Déclaration du Caire, issue de cette réunion,a confirmé les règles de I'uti

possidetiset de l'intégritéterritorpourles frontièresdes Étatsafricains. Ellea
reçu l'appui de 32 membres, mais la Somalie et le Maroc s'y sont opposés.

L'opposition solitaire de ces pays est cohérente,eu égard à leurs importantes
revendications territoriales non satisfaites, semblables, en fait, à celles

exprimées aujourd'huipar la Libye. La Libye, toutefois,a appuyéla Déclaration
du Caire. Ce consentement tranchenettement avecle communiquédu Ministre

somalien des Affaires étrangbres,rendu publiclors d'une conférencede presse
tenue immédiatementaprès la première réunion duCaire, dans lequel il rejette

la Déclarationdu Caire et ajoute: "we read to the conference our President's
message which said that resolutions reached by the conference on border

disputes..werenot acceptableto theSomaliRepublic"(Africa ResearchBulletin,
vol. 1,no7, juillet 1964, p. 108, annexe 120). Immédiatementaprès la
Conférence, l'Assembléenationale de la Somalie adoptait à l'unanimité unerésolution affirmant que laDéclaration"should not bind the Somali Governmenr'

(pfrica Research Bulletin, vol. 1, no9, septembre 1964, p. 146, annexeçM11
121). La Libye, par contre. bien que représentéau Caire par le Prince Hassan

MOHAMMED,n'a soulevé aucuneobjection à la Déclaration,alors qu'elle avait
contribué activement aux travaux de la conférencedans d'autres matières
(annexe 282).

4.80 Si la Libye avaitpartagéla position de la Somalie et du

Maroc - soit que la Déclarationétaitinacceptabledans la mesure où elle vise
des frontiéresactivement contestéessur la base du défautde validitédu titre de

l'occupantactuel - 1964 aurait représenté une autre dactritiqueà laquelleelle
aurait pu affirmer sa revendication,à la fois par des commentaires et par son
vote. Bien quecela n'eûtpas nécessairement conduit à la reconnaissance dela

validitéde la revendication, plutôtqu'à l'application du droitcontemporainet des
principes de I'utipossidetis et de l'intégrité territorielle attitude aurait du

moins servi à souligner la bonnefoi de la revendication. Puisque, contrairement
à la Somalie et au Maroc, la Libye n'ani soulevé d'objectà la Déclarationdu
Caire, ni réservésa revendicationterritoriale, uneconclusions'impose: elle ne

nourrissaitaucune revendication decet ordre.

4.81 L'attitude passivede la Libye et le fait qu'elle n'ait pas
soulevé d'objections niormuléde revendicationaux quatre dates critiques-soit

lors de son indépendanceet de son admission à IIO.N.U.,lors de la ratification
du Traitéde 1955, au moment de l'indépendance dT uchad et de son admission
à I'O.N.U.,et lors de la Conférence du Caire 1964- pose lesmêmes questions

que celles que la Cour a estimé êtresoulevées par l'absence prolongée
d'objection dans l'affaire duemDle de PréahVihéar(affaire du Temole de

préahVihéar, m), & 1962, p.6).

4.82 Les règles et pratiques dominantes du système

international requéraientune telle déclarationde revendication, effectuée de
manière non-ambigüe, et en temps opportun. La communautédes États a

élaboréun droit moderne de la décolonisation avecl'intention de lui accorderprioritéface à des revendications territoriales potentielles. Elle a aussi établi

une pratique coutumière qui permettait néanmoins aux États, dont les
revendications territoriales avaient Btégelées par ce droit moderne de la

d6colonisation, de maintenir ces revendications, dans l'optique d'éventuelles
n6gociationsfutures. Le silenceconstammentgardépar la Libye montreque ce

pays n'avait, ni n'a, aucune revendication valide. La France avait conduit un
processus de décolonisationque i'O.N.U., à laquelle elle rendait des rapports

rbguliers, jugeait conforme aux critères d'intbgrité territoriale et
d'autodétermination. Si la Libye avait estimé n6anmoins avoir une

revendication territoriale, elle savait comment, dans deellei circonstances, en
préserverle caractère de bonnefoi. Le fait qu'elle ait choiside nepas le faire,
constitue une preuvemanifeste qu'ellen'avaitpas de revendication decet ordre.

De plus, si la Libye entretenaitsecrètement unetelle revendication, elle n'a pas
suivi les étapesnormalementjugéesnécessaires à sa pr6servation. Permettre

la résurgencede pareilles revendications à une date aussitardive équivaudraità
remettre en cause l'impératifessentielde certitudeet de stabilité.qui se situe au

coeur du droit à l'intégrité territoriale.Révisercette frontière longtemps
incontestée, afind'attribuerune partiequelconquedu Tchad à la Libye, détruirait

l'essencedu principe de l'autodétermination tel qu'il est aujourd'hui entendu. II
est inconcevableque la Cour opte pour l'uneou l'autre de ces possibilités,ou

pour les deux, car, quellesqu'en soient les conséquencespour le Tchad, elles
auraient poureffet de semerle chaos dansla communautédes États. 2EME PARTIE

L'ETABLISSEMENT ET LA CONSOLIDATION DUTITRE
FRONTALIER CHAPITR5 E.

LA NON PERTINENCEDU TITRE ORIGINAIRE SECTION 1. LA THESE LIBYENNE SUR LE

PRETENDU TITRE SOUVERAIN
ORIGINAIRE SUR LE B.E.T.

5.01 Dans sonm, la Libye affirme qu'entre
1890et 1912, date du Traitéd0Opar lequell'Italieacquit la souverainetésur
la Libye, lesterritoiresau sudde la Tripolitaine.notammentle Borkou,I'Ennediet

le Tibesti, ne constituaient pas des terr(u,ulpars. 6.24-6.31). Ils
n'étaient doncpas susceptiblesd'être osar un Etat comme laFrance et
soumisà sa souveraineté.En réalité, leMémoir lbyen, ces territoires
étaientsoumis à la "souveraineté p(medgéesm) de la Turquieet

des populationsindigènesguidees par les Senou(ibidpars. 6.28-6.39).
Toujours selon lMémoir libyen, la Turquie et les Senoussistes (ou les
populations indigènes sous l'autoritédes Senoussistes) partageaient un
oriain sarcrsterritoires,du fait qu'ils y avaientexercédes droits souverains

pendant un lapsde temps considérable.

5.02 La conséquence que leMémoire libyen tire de ces
affirmationsest que. lolaFrance s'emparaB.E.T.elle n'occupa pasune
terra nullius, maisaccomplitune acconoude (iid, par.6.31), interdite,
aux dires de la Libye, par le droit internationalen vigueur après1920 (ibid., par.

6.57). 5.03 La République duTchad mettra, tout d'abord,en lumière
les apories et les contradictions de la thèse libyenne que nous venons de

résumer ; elle démontrera ensuite que cette argumentation est également
contraireà laréalitéhistorique et juridique, car .ellefausse les donnéesde fait

qu'on peut tirer des documents historiqet diplomatiques pertinents.

8 2- ICTIONS ET APORIFS DF 1A Tm
LlBYENNE

5.04 La thèse libyenne est radicalementérronéesur le plan

logique et juridique.

5.05 Avant de souligner seserreurs juridiques.l convient de
releverd'emblée-quitteà revenirsur laquestionplus loin, dans les Sections2, 3

et 4 de ce Chapitre- que la thése libyenne de la "souveraineté partagée"
(turque-senoussiste) sur le B.E.T. est radicalement contraire aux données

historiques. En effet, l'histoire démontrequ'à l'exception de courtes périodes.
['Empireottoman et l'Ordre Senoussise considéraient avecméfianceet étaient

fréquemment en conflit (voir, par exemple J. WRIGHT, libva. Chad and the
.Central Sudan, Barnes and Noble, Totowa, NewJersey, 1989, p.118 et E.E.

EVANS-PRITCHARD, TheSanusi Clarendon Press,Oxford, 1949,
Chap. IV).Comme le note G. CIAMMAICHELLA(Libvenset Francais au Tcha

(1897-1914), C.N.R.S., Paris, 1987, pp. 119-120), "une sériede rapports du
Consulat d'Italie à Tripoli nous indiquentque l'oppositionsenoussi a l'installation

turque au Borkouest très nette encoreen 1908". 5.06 II n'estguèreétonnant queleMémoir lbyen n'arrivepas

à montrerdans quelsenset selon quelles modalitélsa souveraineté sulre B.E.T.
était entre deux entités diverses (l'Empire ottoman et les

Senoussistes). En effet, la distinction entre"j~intcontr~y et "Sharedauthori&"
n'est jamais élucidée, maoin nous assurequ'en réalité"it matters not whether

sovereignty lay with Turkeor withthe Senoussi.Realistically,the situationmight
best be viewedas one shared sovereignty"a, par.6.28).

5.07 Cette affirmation de souveraineté partagée est
confusémentnommée"mutualaccomodation"(ibid., par. 6.27)et "communityof

title" (ibid., les conclusions quisuivent le par.6.87). La nature de ce présumé
arrangement à deux, ou même à trois (Empire ottoman, Senoussistes,

populations indigènes),à 1'Bgardu titre sur le territoire estrendue encoreplus
complexe par l'affirmationde la Libye selonlaquelle "[tlhe fact that they [les

peuples indigènes et les Senoussistes d'une part, et les forces militaires
ottomanes d'autre part]remained as distinct groupreflected thefact that in the
pastthey hadseparatetitlesto the territory"(ibid.,4.134).

5.08 La nature de ce fouillis de souverainetés est peu
explorée, et le Mémoire parle, dans une autre partie, de la souveraineté

ottomane commeétant"a paralleland compatible title" (ibid., par. 6.76). eue
cela peut vraisemblablement signifir 'estjamais Bclairci.En effet, on netrouve

aucune discussionou analysede la manière dontce concept -qualifiéde façon
confuse et variéede souveraineté conjointeou partagée, d'accommodement

mutuel,de communauté de titre, oude titre parallèle-opérait.

5.09 Pour souligner le caractère fallacieux du concept de
"souveraineté partagéea "vancépar la Libye,il convient denoter que l'exercice

de la souveraineté peutêtrepartagési deux Etats ou entités souveraines
conviennent par un accord international,même tacite, d'exercer ensembledespouvoirs souverainssur un certainterritoire.Or, le libyen ne mentionne
aucun arrangementinternational,même tacite ou implicite,entre les deux entités

à qui, d'aprbsses dires, revenait la souverainetésur le B.E.T.

5.10 Mais mêmeen faisant abstraction d'unéventuel accord

entre les deux parties, leMémoir lbyenest mal fondé A un autre égard.Si I'on
veut parler de "souverainetépartagée"entre deux sujets de droit international,il

faut indiquer de quelle manibre cette souverainetéBtait partagée: les deux
parties avaient-elles le droit d'exercer les mêmesattributs souverains? Dans

l'affirmative,pouvaient-ellesles exercerd'une manibreconcurrente, ou devaient-
elles les exercer de façon alternative? Si, en revanche,il y avait une distinction

de compétences, quelspouvoirssouverains pouvaient étre exercés par unedes

parties, et quels autres pouvaientétreexercéspar l'autre?

Voilà de nombreusesquestions fondamentales auxquelles il faudrait répondresi
I'on veut parler correctement de "souveraineté partagée", mais précisémeln et

Mémoirelibyen ne donne aucuneréponseà ces questions.

5.11 De plus, tombant dans une contradiction évidente, le

Mémoirelibyen affirmeque

"[...in 1908 the Head of the Senoussi Bcoanised Turkish
mvereianty over thethree northernregionsof the borderland" (par.

6.27 ; soulignépar la Républiquedu Tchad).

Cela veut dire que les Senoussistes,qui en fait déployaient dansla régionune
autoritéde contrôle,se soumettaient à la souveraineté turque :donc, .o .

pibS eux--. 5.12 Une autre contradiction duMémoirelibyen qui sauteaux
yeux réside ence qu'il est affirmé tantôtque l'entité partageantla souveraineté
avec l'EmpireottomanBtaitles Senoussistes (u, pars.6.28-6.39),tantôt que la

souveraineté revenait,àcôté desTurcs, aux go~ulationsindiaènes (pars. 6.35,
6.40), et tantôt que cette souveraineté appartenaitaux go~ulations indiaènes

diriaéesDarles Senoussa (pars. 6.32,6.34).

5.13 Ces oscillationsne sontpasfortuites.Ellestémoignentde

la difficultd extrême,à laquelle s'est heurtéela Libye dans sa tentative de
concilier la réalitéhistorico-juridique du B.E.T.(à savoir, le fait que les

populations indigènes du B.E.T. n'avaientpas unestructure politiqueet sociale
bien organisée ni, enrègle généraled,e chefs compétentspour les représenter)
avec le prononcéen matière de populations et tribus nomades de la Cour

internationale de Justice dans l'affaire du Sahara Occidental. Or, cette
jurisprudencedont le Mémoirelibyenessaiede tirer parti, ne saurait s'appliquer,

comme la Républiquedu Tchad l'adémontré ci-dessus(voir pars. 4.26 et S.),en
dehors du contexte spécifiquesur lequel la Cour a statué dansson avis sur le

Sahara Occidena.

5.14 D'une manière plus générale, on peut affirmer que ce

concept confus et imprécisde "souveraineté partagée" inventépar le Mémoire
libyen n'est en réalitéqu'un moyen maladroitpour servir le but irrédentiste
actuellement poursuivipar la Libye.

5.15 En réalité niles Turcs, ni les Senoussistes, ni les
populations indigènes n'avaient de droits souverains sur le B.E.T. avant

l'occupation effectivede la régionpar les Français. 5.16 Comme ceci est rappeléci-dessus, le Mémoire libyen

affirme -sans pour autant fournir aucune preuve juridique à I'appui- que les
Turcs et les populations indigènes auraient posséd6 conjointement un titre

territorial Jelevantdu droit internationd. C'estcettethèse, relatàvun prétendu
titre souverain sur le B.E.T., qui aurait appartenuaux Turcs et aux populations

indigènes guidéespar les Senoussistesque critique le présentparagraphe.

5.17 Cette critique n'implique cependant pas qu'il faille nier
l'existence d'un fitreerritorid des gp~ulations indiaènes sur la zone qu'elles

occupaient. II serait en effet peu réaliste d'affque ces populations n'avaient
pas de droits sur le territoire ou elles vivaient. II découle des documents

historiques pertinents et des ouvrages des spécialistes modernes, que les
populations en question considéraient posséderdes droits exclusifs sur le

territoire qu'elles occupaient de manière plus ou moins stable. Ces droits
exclusifs impliquaient entre autres que d'autrestribus ne pouvaient pénétrer

dans les territoires en question sans le consentement despopulations qui les
occupaient.

5.18 Ce titre territorial relevait du droitcoutumier des tribus. II
est probable qu'il fût assez proche, du moins à certains égards, du droit de

propriété dans les droitseuropéens.Quoi qu'il en soit, il est certain qu'il ne
relevait pas du droit international public en vigueur à l'époque. Autrementdit, il
s'agissaitd'un titre territorialnettementdifférentdu titre souverainsur un territoireque le droit international de l'époque r, certaines conditions bien
précises, aux seuls Etats souverains (voir,o932, E-et Section4,
§3).

SECTION2. LES PRETENDUS DROITS SOUVERAINS
DES TURCS SUR LE B.E.T.

5.19 Contrairemeàtce qu'affirmele Memoire libyen, jamais
l'Empire ottoman, ni seul ni conjointement avec lesSenoussistes, n'acquit de
droits souverains sB.E.T.Cela tient aufait que l'empriseturque sur cette
région fut limitée dans le temps (1908-1912), dépourvue d'effectivité et de

caractère exclusivement militaire, ne comportant pas de contrôle sur la
population. De plus, elle futcontestée par lesFrançais.

5.20 Les paragraphes suivants, esquissent une description
des caractéristiqueset des limitesde l'autoritéturquesur le B.E.T.

1. L'ABSENCE D'EMPRIGF EFFECTIVE TUROIiF
-

5.21 Que la Turquie n'exerçait au début due siècle
aucun pouvoir effectif au sud de la Libye, ressort de plusieurs documents
anglais. 5.22 Par exemple, dansle Mémorandumdu 26 février 1902,

du Départementanglais des Services Secrets (Section "NorthEast Africa and
Soudan"),on note que:

"As regards the southern boundary of Cyrenaica,lthough Turkey has
made vague claimsto an almost unlimitedhinterland,Turkish authority
has never been exercised south of the oasis of Jalo and Aujila, and
since by the Anglo-French Declaration of the 21st March 1899, the
country south of Tripoli and Cyrenaica now falls within the British
sphere,the pointis of importance" (annexe&I 4).

5.23 D'autres documentsanglais de la mêmeannéemettent
en exergue que les autorités ottomaness'efforçaient, en vain, d'étendre leur
autoritésur les Senoussistes, au Sud dela Libye.

5.24 Ainsi, par exemple, dans une dépêche du 6 mars 1902
au Ministre des Affaires étrangèrele ConsulGénéral britannique à Tripoli note

ceci:

"The Turkish authorities at Murzuk have failed toinduce the people
(Tibboos)of Kawarto hoistthe Turkish flag" (annexe 5, n0140).

5.25 Et dans des "Notes on the Southern and Eastern
Frontiers of the Tripoli Vilayet" du 28 avril 1902,l'attaché militaire briàannique

l'Ambassade à Constantinople,le lieutenant-colonelF.R. MAUNSELL, rapporte
ceci:

"It is reported that the Turkish troops have pushed south along the
caravan route and occupied Yat and Kawar, where they come in
contact withthe French; other reports saying thatthe people of Kawar
(Tubbas)have refusedto hoistthe Turkishflag.
It does not seem certain whether the Turks still maintain the
occupation, evenif they carnedit out. It seems clear that the French have in some wayoccupied the Bilma
Oasis, south of Kawar, and have raised diplomatic objections to the
presenceof the Turks inKawar.
The Turks have neither the means nor the inclination at present of
supportingtheir occupationof Kawar by an expeditionof any size; and
the prevailing idea seems to be to defend the Coastagainst probable

anacksby the Italians.
Senussi'szone of activity in CentralAfrica is too far removed frorn the
possibility of Turkishintetierenceor pressurein any direction, which he
would neverpermitor accept" (annexe 6, p. 2).

5.26 En 1908 encore, les Turcs n'avaiena t ucune autoritésur

l'oasis de Koufra (qui, on le sait, est situéebs au Nord du B.E.T.). Cela est
prouvépar une sériede dépêches des autoritésbritanniques à Benghazi, qui

rapportent qu'une mission turque à Koufravisant à demander aux Senoussistes
et aux Arabes de cette oasis d'arborer le drapeau turc, s'était soldéepar un
échec: en effet, "les Senoussistes et les Arabes" de l'oasis avaient refuséde

permettreque le drapeau turc soit arboré(voir les dépéchedsu 15 mars 1908,6
avril 1908,et 18juillet 1908annexe
9).

5.27 Cette information est confirmée par une dépéchedu
Consul italienà Benghazi au Ministreitalien des Affaires étrangères,du 23 juin

1910, dans laquelle le Consul indique qu'en 1910 les Senoussistes de Koufra
permirent aux Turcs d'arborer leur pavillon, ce qui n'avait pas étéautorisé

auparavant (annexe 13).

5.28 Le manqued'emprise effectiveturque au Sud de la Libye

est confirme par les échangesdiplomatiques entre la Sublime Porte et les
autoritésfrançaises, britanniqueset italiennes. 5.29 Après la conclusionde la Conventionfranco-anglaise du

5 août 1890, la Sublime Porte protesta par une note du 30 octobre 1890, en
affirmant qu'en vertu de la théoriede l'hinterland. le territoire ottoman englobait
entre autresle Borkouet le Tibesti(v. anneMes 20-21).

5.30 L'invocation de la théorie de l'hinterland de la part de
l'Empire ottoman constituait déjà,en elle-même,un aveu clair du manque de

contrôle effectif sur la région.La théoriedeinterld Btaiten effet une notion
extrêmementconfuse et vague, quise prêtait à de multiples interprétations,la

seule chose sûre étant qu'elle couvrates viséespolitiques et territoriales non
assorties d'un contrôle réelsur la zone par rapport laquelle la théorie était

invoquée.

5.31 II est donc naturel que la protestation turque ait été
rejetée parla Grande-Bretagneet la France,comme dureste le note le Mémoire

libyen (voir pars. 5.11-5.12).

5.32 La Grande-Bretagneréponditen remarquant simplement

que pour ce qui était du sud de Baroua, elle rejetaitles prétentions turques,
tandis que pour les territoires au nord de Baroua, la question ne la concernait

pas, car elle regardaitla France.

5.33 Quant à la France, elle releva d'abord que la théoriede
I'binterland était fort discutable, et qu'ensuitela région en contestation

"paraissait, jusque-là être rescomplètementen dehors de l'action régulière
du Gouvernement ottoman" (voir la Note pour le Ministre français des Affaires

Btrangères,de février1899, danshlL1a,nnexesfrançaises,pp.27-28).5.34 II convient d'ajouter que, comme le releva le Ministre

britanniquedes Affaires étrangéres, LordALISBURY, à l'Ambassadeurfrançais
à Londres, les notes par lesquelles les deux pays rejetérentla protestation

turque, avaient étérédigées"pour faire plaisir au Sultan" (ibid.,p. 27). Certes,
ces propos témoignentde l'arrogance des deux Puissances européennes par

rapport à l'Empire ottoman. Mais ils confirment aussi -et c'est le point qui doit
retenir l'attention-que la Grande-Bretagneet la France repoussaient nettement

les revendications turques et donc estimaient que la Sublime Porte n'étaitpas
fondée à invoquerdes droitsqui ne lui appartenaient pas.

5.35 II convient d'ajouterque, commele souligna en 1929 un
historien italien que le Mémoire libyen cite à plusieurs reprises, la note de

protestationturque

"n'empêcha pas la France d'obtenir libertéd'action en Afrique
équatoriale tout d'abordpar I'accordde 1894 avec I'Etat indépendant
du Congo belge, ensuitepar I'accordfranco-anglaisde 1899 qui suivit
l'incidentde Fachoda;se faisant prbcéderpar des missionsd'étudeset

d'exploration et par des reconnaissances armées, la France
commença à avancer dans la rbgion du Lac Tchad. La Note de
protestation de la Turquie restait lettre morte pour la France et la
Grande-Bretagne" (E.ROSSI, "Per la storia della penetrazione turca
nell'interno della Libia e per la questione dei suoi confini",
Moderno,IX, 1929,p.162 ;annexe ÇbnLT 62, p. 162)1.

5.36 II paraît important de faire ressortir que le peu
d'importance attache par la France (et laGrande-Bretagne)aux revendications

l Tr"La Notaturcanonimpedialla Franciadi ottenerelibertadi azionenell'AfricaEquatorialeprima
con I'Accordodel 1894con Io Stato indipendentedel Congo Belga.poi con I'Accordofranco-
inglesedel 1899che segueall'incidentedi Fashoda; facendosida rnissionidi studio
e diesplorazioneeda ricognizbniinarrni,laFranciapreseaavanzarenellaregionedel lagoCiad.
LaNotadi protestadellaTurchiarestavafomwlavanaperla Franciae I'lnghikerra".ottomanes sur le sud de la Tripolitaine, de même quele manque d'emprise
effective des autorités turquesdans la région, furentdûment relevés par les

autoritésitaliennes, qui suivaientavec beaucoupd'intérbtet d'attention cequi se
passait au niveau international par rapport à la Tripolitaine -régionsur laquelle

I'ltalie avait depuis longtempsdes visdes-.

5.37 Déjà aulendemainde la signaturede la Dbclarationdu 5

août 1890, I'ltalie avait manifestéson scepticisme au sujet des protestations
turques, d'un côté, etde I'effectivide l'occupationturque, de l'autre.

5.38 Quant aux doutes italiens au regard des protestations

turques, ilsuffit de mentionner une longue dépêche, du 5 juin 1894, de
l'Ambassadeur italien à Londres, TORNIELLI, au Ministre italien des Affaires

étrangères. IIy relate un entretien avec le Ministre anglais des Affaires
étrangères,Lord KIMBERLEY, au sujet de l'hinterland tripolitain et des soucis

italiens concernant les visées françaiseset rappelle avoir eu l'opportunitéde
faireObserverau Ministreanglaisque :

"Sans aucun doute si la Porte ottomane avait agi elle-mêmepour
protéger ses régions, il aurait étédans notre intérbt commun de
l'encourager à les préserverdes dangers prévus. Maisa , près avoir fait
en 1891 certaines réserves généralesau sujet de ses droits, le
Gouvernement du Sultan s'étaitmontrétrès peu soucieux de faire
valoir ces droits"(annexe 22) 2.

Traductiodu Gouvernemend te laRBpubliqueuTchad.Texteoriginal:
"...Rispoihecedamentesela Portaonomanaavesseagitoessastessaper latuteladellesue
pericoli.Ma dopodi averfano ne11891 certegeneraliriservedei suoidiritti, ilGovernodel
Sultanosieradimostraassaipocoairantedifarlivalere". 5.39 Au sujet de I'effectivité de l'occupation turque, I'ltalie
souligna dès 1895 que les protestations turques n'étaientpas assorties d'un

comportement6quivalentdans les faits, puisquela Turquie n'occupaitpas d'une
manière effectiveles territoiresqu'elle revendiquaitcommeétant turcs.

5.40 A cet égard,on peut mentionnerune longue dépêche du

23 août 1895du Consul italien A Benghaziau Consul italien à Tripolià propos
de I'occupationturque de Koufra. IIy observaque :

"La Sublime Porteaura occupéKoufra(si cela peut êtredéfinicomme
une occupation)et y sera représentéep ,roform, par un commissaire.
Ici l'opinion générale est ue le Gouvernementottoman s'est décidéà
mener à bien cette occupation platonique suite à l'insistance,
manifestée à maintes reprises, par le Gouvernementbritannique, qu'il
se décideune fois pour toutes ou bien à occuper Koufra ou bien à
renoncer à ses prétentionssur ce territoire"(annexe 23) 3.

En transmettant cette dépêche au Ministre italien des Affaires étrangères, le

Consul italien à Tripoli dans une dépêche du 28 août 1895 relève à son tour
que:

"Maintenant Koufra, choisie comme résidence par le Sheik des
Senoussistes, a acquis une nouvelle importance et la Turquie s'est
décidée à sortir de sa torpeur et à y installer d'une manièredéfinitive
sa souveraineté, .jusqu'à présentpurement platonique et nominale,
voire même discutable et discutée. Nousverrons si les paroles seront
suivies par les faits. Entre-temps,je partagetotalement l'avis duVice-

Consul de Benghazi, selon laquelle lepeu de force et l'autoritémorale
du nouveau moudir ne suffisent pas à contrebalancer la puissance
moraledu Sheikdes Senoussistes" (annexe 23) 4.

-
Traductionde la RBpubliqduTchad.Texteoriginal:
'La SublimePortaavraperbocwpatoKufra(sequellapubchiamarsiunaocwpazione)evi sarA
rappresentatacosi pro-forma,da un su0 commissario.Qui 6 generaleI'opinioneChea tale
platonica occupazionilgovernootlomano siasi risolutoin seguito alle insistenzeche gli
avrebbe fanea varieripresigovernobritannico.afiinchési decidesseuna buonavoltaad
occupareKufraowero a rinunciareallesue presovradiesse".
Traductiondu Gouvernement e laBpubliquduTchad.Texteoriginal: 5.41 L'Italie prit également ses distances à l'égard des

revendicationsde la Turquie après la conclusionde la Déclaration additionnelle

de 1899. Ainsi, par exemple, dans une dépêche du 16 mai 1899 au Ministre
italien des Affaires étrangères, l'Ambassadeuir talien à Constantinople, PANSA,

après avoir informé Rome des démarches faites par le Gouvernement turc

auprbs de la Grande-Bretagne et de la France pour exprimer ses r6serves
concernant la Déclaration, note :

"Les territoires revendiquéspar la Sublime Porte en 1890, comme il

est bien connu, étaient très étendus, carils comprenaienttout le bassin
du Tchad, au-delàde toute présomption juridique raisonnable .'après
ce qui résulte des instructions ci-dessus relatées, la Turquie a
maintenant limité sesprétentionsaux régionssituées le long de la
route caravanièrejusqu'au lac susmentionné ...La communication que

[le Gouvernement turc] vientde faire à Pariset à Londres[concernant
les réserves ottomanes]est le résultatde longues hésitations du
Sultan, à qui, jusqu'à la publicationde I'accorddu 21 mars avaientété
soumis par ses ministres divers projetsde protestation non avalisés
par sa Majesté.II s'y est maintenant résolu , ce qu'il paraît, suite à

l'avertissementde son Ambassadeur à Paris au sujet de l'approbation
de l'accord conclu avec la Grande-Bretagne,que le Ministre francais
des Affaires étrangères était su lr pointd'obtenir du Parlement.
Mêmede ce point de vue, l'actiondiplomatique de la Turquie arrive

désormaisen retard" (annexe 61) 5.

"Ora Kufra.scella a residenzadelloSceikdegli Snussi,ha acquistato novellaimporlanza e la
Turchiasidecidea scuotereil suotorporeeda irnpiantacolàinmododefinitivo lasua sovranità,
sinora puramente platonicae nominale,anzi discutibile ediscussa. Vedremose i fatti terran
dietro alle parole. lntantodividopienamentela opinionedel ViceConsoledi Bengasi,che non
bastanolepoche forzee l'autoritàmoraledel nuovo mudir a controbilancila Potenzamorale
del Sceik degliSnussi".
5 Traductiondela RBpubliqueduTchad. Texteoriginal:

"1territori rivendicati dallaSublime Portane11890;combnoto. assai estesi, comprendendo
I'interobacinodel Ciad,al di là di ogni ragionevole presunei diritto.Secondorisulta dalle
istruzioni piùsoprariferite,essahaoralimita10lesuepretesealle regioniposteggiantila strada
carovanierafinoallagosuddetto". "La comunicazione ofanaa Parigieda Londrae il nsunatodi
lunghe esitazioni del Sultano,al quale. fino dalla pubblicazionedell'accordo del 21 marzo.
vennero.comegià ebbi adaccennarlo,sottopostidaisuoiministndiversiprogettidi protestanon
sanzionatida SuaMaestà.Eglivi sib orarisolIo,a quant0pare.inseguitoall'awerlenzafattada1
.-o~~mbasciator-in Pari-,.~h~.~se il moment0dell'a~orovazionCheil ministrofrancesedeali
aftariesteristavaperottenereda1Parlamentocirca~'akordostipula10co~l'ln~hinerA.nchepër
questorispeno,I'azionediplomaticadella Turchiagiungeormaiinritardo". 5.42 En outreet surtout, le discoursprononcéle 24 avril 1899
par l'AmiralCANEVARO,Ministreitaliendes Affairesétrangéresd , evant leSénat

italien reconnaîtde façon particuliérement nque la Franceet l'Angleterre"ne
pouvaient attacher d'importanceaux prétentions turques"et qu'"il était naturel

que le Soudanfrançaiset le Congofrançais cherchassentà se r6unir du Nord et
de l'Est sur le Tchad, en étendantainsi l'influence françaàstout l'hinterland

tripolitain" (annexe 60 ;traduction publiépar le R.C.A.F.de 1899).

5.43 Ces déclarationset commentairesitaliens confirment ce
qui découlait déjà de l'analyse historique et de l'examen des échanges

diplomatiques entre la Grande-Bretagne,la France et la Turquie : malgréses
revendications et protestations, l'Empire ottoman n'exerça aucune autorité

effective sur le B.E.T.squ'auxderniéresannéesde sa présenceen Tripolitaine.

5 2. LEÇTIQUFS ET LEÇ LIMITES DF
J A PREsFNCF TURQiIF AU B.E.T. ENTRE

1908 FT 1912

5.44 La présence turque au Tibesti demeura théorique
jusqu'en 1908, quandun petit contingentmilitairese rendàtBardai.

5.45 Les raisonset les modalitésde l'actionturque au Tibesti

furent relatées d'une manière détaillée dans unenote du 18 mai 1911 du
Capitaine DUCLA, commandant le cercle de Bilma, au Lieutenant-Colonel

commandantle territoire militairedu Niger(annexe 22). 5.46 Le Capitaine relevatout d'abord qu'avant 1908la région
était restée longtempssous le contrôle des Toubous, "véritables flibustiers",qui

rançonnaient les caravanes allant de la Tripolitaine au Bornou ou au Ouadai.
Les tentatives des "gouvernantsde Mourzouck de "réduire cespillards à l'état

de tributaires" étaient restées infructueuses. Les raisons ddésintéressement
ottoman pour le Tibesti sont indiquéescommesuit:

"Quoi qu'il en soit, sous le régime Hamidien,le gouvernement de
Starnboul (sicse désintéressaidt e la questiondu Tibesti; il ne voyait
dans la Tripolitaine qu'un lieu de déportation commode pour les
Jeunes Turcs. Aussi dès 1906 l'administration de la Tripolitaine,
depuis le vali de Tripolijusqu'auMoutassarifdu Fezzan,étaitentre les
mains du parti'Jeune Ottoman"'

5.47 Les choses changèrentjustementà la suite de la prise du

pouvoir par les Jeunes Turcs. Eneffet, ils essayèrentd'étendrel'autoritéturque
sur des régions qui jusqu'alorsn'avaient pas étésoumises à la souveraineté

effective del'Empireottoman.

5.48 Le récitdu Capitaine DUCLAcontinueainsi:

"L'arrivéede ces nombreux fonctionnaires [turcs] coincida avec une
pousséede panislamisme marquéepar la tentative d'occupation de
Djanet [en 19061et par l'organisation d'une mission étrangère qui
détermina le gouvernement français à occuper le Kaouar. A notre
arrivéeà Bilma, des ouvertures pacifiques furentfaites au Dardai du

Tibesti, MAI-CHAFFAMI,chef de Bardai.Ce chef indigènequi jouissait
dans son pays d'une très faible autorité, mais qui était alors
indépendantdes Turcs,ne daigna pas répondreà nos propositionsde
paix. Cependant, lorsque leraid du capitaineBORDEAUX nous rendit
maître d'Ain-Galakka, MAI-CHAFFAMIse rendit à Mourzouck pour y
demanderdu secourscontre les Français.
DJELAL bey l'accueillit volontiers, lui donnale titre de Kaimakan du
Tibesti, aux appointements mensuelsde vingt medjedis,120 francs, et
lui confia un pavillon turc et quatre garde-pavillon qui s'établirent
Bardai. Dans la suite la garnison fut élevéeà quinze miliciens et la
constructiond'unposte militairefut décidée". 5.49 Ce récit,qui est confirmépar d'autresrapports antérieurs
des autorités françaises (voir, par exemple,la Note des autorités coloniales

françaises à Dakar au Ministre des Colonies, du 10 novembre 1908,annexe
ÇMn 1O),montrebienque

i) l'occupation militaire tudu Tibesti se produit seulementen 1908; et que

ii) du moins pendant les toutes premières années, cette occupation fut
symbolique, étantdonné que le nombredes militaires turcs envoyésdans la

regionfut fort r6duit.

5.50 C'est seulement en 1911, donc après l'invasion de la
Tripolitaine par les armées italiennes, queles Turcs décidèrentde renforcer

leurs effectifs militaires au Tibesti. D'aprèsle Rapport politique pour mai 191
des autoritésfrançaises du Cercle de Bilma, leTurcs avaient porté"leur effectif

au Tibestià 50 hommes" (annexe W 23, p.2).Etce Rapport d'ajouter:

"[Lles derniers rapportsde nos émissaires annoncentla création d'un
poste turc Zaouar;c'estl'occupationtotaleet effectivedu Tibesti ques

les Turcs préparentpour nous rappeler sansdoute que les droits que
nous tenons de la convention franco-anglaisede 1898 et de I'acte
additionnel du 21 Mars 1899 ne valent qu'auregard de l'Angleterreet
que vis-à-vis des autres puissances,d'après l'actede Berlin qui règle
le droit public africain, une occupation effective estnécessaire pour
rendrevalable une acquisition de territoire".

5.51 II ressort clairement dece Rapportque ce fut seulement
vers la moitié de 1911 que les Turcs s'apprêtèrent à mener à bien une

occupation effective du Tibesti. Mais ils n'en eurent pas le temps, car le conflit
arméitalo-turc aboutitrapidement à sa conclusion: l'Italieprit le dessus, et déjà

le 5 novembre 1911 le Roi d'Italie promulgaitun décret portant annexionde la
Libye (le Traitéde paix nefut formellement conclu quele 18octobre 1912). 5.52 Les forces arméesturques ne restèrent,en tout cas, au

Tibesti que quelques années. Déjà versla moitié de1912, suite aux revers
causéspar les forces italiennes dans la partie septentrionale de la Libye, les

troupes turques commencèrent l'évacuation du pays. Cela ressort entre autres
d'un telégrammedu 8 juin 1912 du Gouverneur généra dle I'A.0.F. au Ministre

des Colonies, où il signale entre autresque "Réguliers turcs ont également
commencé évacuation Tibesti.II ne reste plus que dix miliciens à Bardai;

garnison régulièreturque serait en instancedépartpour Mourzouck (annexe
GMD 27).

5.53 Que le gros desforces turquesaientquittéla régionavant
la fin de 1912 ressort d'une dépêchede l'Ambassadeur français à

Constantinople auMinistre françaisdes Affairesétrangères,du 24 janvier 1913:

"Gabriel Efendi que j'ai entretenude cette question [lesmesures qui
auraient été prisespar les autorités ottomanes pour faire acte
d'occupation sur I'Ennedi] m'a déclaréqu'à la suite du Traité de
Lausanne, le Gouvernementottoman avait donné l'ordre à tous ses
officiers et soldats en Tripolitaine et en Cyrénaiquede rentrer en

Turquie. Tous ceux qui résidaienten Tripolitaineont obéicet ordre.
Mais un certain nombrede ceux, environ trois cend'aprèsle ministre
des affaires étrangères, quise trouvaienten Cyrénaique n'opas cru
devoir répondre à cet appel: ils sont considérés commerayésdes
cadres de l'armée.
Dans ces conditions, le gouvernement ottoman estime que sa
responsabilitén'est plusengagée par desfaits quise passentdans un
paysdont il s'estcomplètementdésintéressé" (annexe 86).

5.54 L'occupation turque du Tibestifut non seulement brève,

mais encore très précaire. Cela fut souligné maintes foispar les autorités
françaises. 5.55 Par exemple, dans une note du 18 octobre 1910 au

Ministredes Affaires étrangères, le Ministees Colonies mettaiten exergueque
les "interventions"turquesau Tibesti étaient "intermittent"t concluaitque

"II semble donc que l'influence ottomane surle Tibesti a étéjusqu'ici
fluctuante et contestéeet que la Turquie s'estpréoccupée surtout de
créer en vue d'une délimitation éventuelledu
Saharm 2 ; souligné pala Républiquedu Tchad).

5.56 Comme cela ressort de ces documents, l'occupation
turque du Tibesti fut exclusivementmilitaire. En d'autres termes, les Ottomans

n'établirentpas une administrationcivile, ni ne confièrentaux autoritésmilitaires
des tâches civiles (administrationde la justice en ce qui concerne les différends

de droit civil ou les crimes relevant du droit pénal,recouvrement de l'impôt,
recensementde la population,etc.).

5.57 Au demeurant, que l'occupation turque du Tibesti

(comme d'ailleurs du Borkou et de I'Ennedi) eut un caractère exclusivement
militaire, est admis par leémoir lbyen (pars. 4.126-4.131; voir aussi pars.
4.121-4.125 et 4.131-4.134).

5.58 L'occupation turque du Tibesti ne fut pas seulement

prhcaire et exclusivement militaire :elle fut aussi contestée, sur le plan
diplomatique et juridique par les Français. En effet, entre 1908 et 1911 les

Français protestérent à maintes reprises contre cette occupation, en affirmant
que, d'aprés les accords franco-anglais,la régionen question relevait de la

sphéred'influence française.

5.59 Déjàle 10 novembre 1908, les autorités françaises de

Dakar, dans une lettre au Ministre des Colonies concernantI'occupation militaire
turque du Tibesti et de Bilma, notaient "l'effort d'organisation tenté par les

fonctionnaires ottomans pour assurer leur influence nationale dans une régionque la Convention de1898 a placédans lazone d'influencefrançaise" (annexe
10,p.l),et concluaientqu:

"[1n'est pas douteuxque celle-ci [la Porte]a it nous évincer de
l'hinterland Tripolitain et les initiatives de la nature de celles que je
vous ai exposéestendentà rien moinsqu'à méconnaîtrformellement
je lerépételes droits que la Convention Franco-Anglaise d1898
nousa reconnussur une partiede ce pays"(ibid.7).

5.60 Les tentatives continuelles des Turcs de renforcer leur
occupation duTibesti amenérentle Ministrefrançaisdes Colonàeproposer au

Quai d'Orsay une protestation formelle 24ljanvie1910, dans une dbpbche
au Gouverneur généralde l'Afrique occidentale française, le Ministre des

Colonies rappelle qu'ila insistéésdu Ministredes Affaires étrangères

"sur la nécessité,pour le Gouvernementfrançais de prendre position,
d'une façontrésénergique,en prévisiond'un réglernentde la question
du Sahara Oriental, et de ne pas tolérer que notre influence sur le
Tibesti et spécialement sur les oasis de Kaouar soit contestée"
(annexeç;Mn 11,p.2).

Dans une autre dépêche du27 juin1910,le même Ministre,après avoir signalé

la nomination d'un "Caimakam" du Tibesti, le mai 1910,par les autorités
ottomanes, rappelleencore une fois qu'il a insisté auprès du Quai"pour

qu'une protestation formelle soit adressée au Gouvernementottoman contre
cette nouvelle tentative de mainmise sur une région qui, au moins jusqu'à

l'établissementd'une délimitation,doit être réservée" (annexe,p. 1).

5.61 Cette protestationfut sansaucundouteeffectuée;comme
cela ressort d'une dép6che du 18 octobre 1910 adressée au Ministre des
Affaires étrangérespar le Ministre des Colonies qui proposait "une nouvelle

protestation contre les empiétements rou simulésdes Turcs au Tibesti,dont
nous revendiquons,àjustetitre, la possession"(annexeÇM16,p.3). 5.62 Le Gouvernementfrançais protesta de nouveau auprès
de la Sublime Porte quelques moisplus tard, ainsi que le prouve une10te du
octobre 1911 du Gouverneur généralde l'Afrique occidentale et équatoriale

française. Dans cettenote, le Gouverneur6ralaccuse réception d'une lettre
de Paris du7 septembre,transmettant une copiede la réponsede la Sublime

Porte "aux communications quenotre Ambassadeur à Constantinople lui avait
adressée pour protestcontre l'action des autorsttomanesde la Tripolitaine

en dehorsdes frontières quisontassignéesce pays" (anneÇMn 26,p.1).

5.63 II faut ajouter que5eavri1911, parlant à la Chambre
des Députés de l'occupation turquedu Tibesti et du Borkou,le Ministre français

des Colonies,M. MESSIMY,dit ceci:

"Nos droits sur ces pays me paraissent évidents,il résulte(sic) des
traitésde la façon la plus claire et je considère que s'il doit intervenir
une discussion diplomatique, nos plénipotentiaires auront entre les
mainstous les moyens de faire valoir nos droitdans le Mémoire
du Capitaine SCHNEIDER, de 1934,transmis l3 janvier1935à M.
LAVAL, annexe U 21, Exhibitsannex, 1,Vol6,p.88).

5.64 En outre, quand le Gouvernement ottoman accepta
qu'une Commission franco-ottomane se réunisse en automne 1911 pour
démarquer la frontière entre la Tripolitaine et le Sahara français, le

Gouvernement françaisfit savoiraux autorités ottomanes que

"Les Commissaires françaisse refuseronà considérer les mesures
prises par les autorités turques pour étendre la dominttomane
sur le Tibesti etle Borkoucomme constituant destitres en faveur dela
Turquie"(B.C.A.F. ,911,no9, p.320,annexe QdLI 25et production

W1). B. - LE BORKOU

5.65 La présence turqueau Borkoufut plus éphémbreencore
qu'au Tibesti. En effet, les Turcs n'occupbrentcette région qu'en1910, pour y
rester jusqu'en1912, lorsqu'ilsla quittbràla suite de la conquête italienne de

la Libye. Comme il découle d'un document cici-dessus,déjA,au débutde juin
1912, les "r6guliers turcs" avaient "évacué définitivementle Borkou" et ne

restaientà Ain Galaka que "quinze miliciens fezzanais" (annexe CMlT 27 ; v.
aussi annexe 86 et annexeÇMn 44).

5.66 A ce sujet, il est intéressantde rappeler un échange de
notes entre le Lieutenant d'ARADA commandant le Détachement des

Travailleurs français et le Commandant des troupes turques de Baki (qui
dépendaitdu Kaimakan d'Ain-Galaka,dans le Borkou). Au mois de Décembre
1912, l'officier français "donnal'ordre"aux troupesturques d'évacuerla zone. Le

commandant turc accepta cet "ordre" mais demanda un délai de 20 jours.
Comme il écritdans une notedes premiersjours de janvier 1913 :

"Vous nous donnez i'ordre d'évacuerle djebel; nous en avons pris
note. Cependantnos chameauxse trouvent éloignés et une partie de
nos soldatsest absente.
Nous espéronsque vousnous accorderezun délaide vingt jours [...].
I...En raison du traitéqui existe entre nous, nousétions venus ici; et,
du moment que cette partie vous appartient, nous décampons"
(document reproduit par G. CIAMMAICHELLA,op. cit., pp. 165-166,
annexe 42).

Cette note, qui fut suivie par d'autreséchangéepar les deux parties (annexe
43), est significativecar, non seulementelle confirme le retrTurcs de
la zone, maisencore ellemeten lumièrela nature desrapportsentre Françaiset

Turcs :ces derniers, en acceptant des "ordres" des Français, admettaientimplicitementqu'ils étaientsoumisà leurs injonctionset ne pouvaient faire valoir

aucuntitre souverain (v.aussi supra,pars. 6.42et S.).

5.67 La présence turque au Borkou fut encore plus
superficielleet plus dépourvue d'effectivitéque celle qu'ils eurentau Tibesti.

5.68 Comme le relate un télégramme du25 janvier 1911 du

Gouverneur gén6ralde I'A.0.F au Ministre des Colonies, à Paris, d'aprbs les
renseignements les plus récents venant de Bilma "à Ain-Galaka seraient

installésun officier avec une dizainede soldats" (annexe 18). On voit bien
qu'il ne s'agissait doncpas d'effectifs militaires importants

5.69 D'autres documents français montrent nettement que

l'autorité turque auBorkouest simplementsymbolique,et qu'en réalité le pouvoir
effectif est exercé dansla régionpar les Senoussistes.

5.70 Ainsi, par exemple, dansune lettre du 30 avril 1911 au
Gouverneur généralde I'A.O.F., le Gouverneur des Colonies, Lieutenant-

Gouverneur du Haut Sénégal Niger, affirme que les autoritésturques n'ont rien
fait pour empêcherou entraver les rezzous organiséspar les Senoussistes, et

qui ont comme base d'opérations Ain-GalakaA . près quoiil ajoute:

"II est difficile de se prononcer, mais il semble que les agissements

ultérieurstélégraphiés palre Colonel SOAL qui signale la présence
d'un officier turc Ain Galaka permettraient d'affirmerque les autorités
Ottomanes de Tripolifont plus qu'ignorerles agissementshostiles des
Senoussias a notre égard et les favorisent dans une assez large
mesure. En admettant mêmeque cedernier fait puisse êtrenié, il ne
résultepas moins des dépositions aussibien que de l'ensemble des
incidents qui se sont reproduits depuistrois ans, que la Turquie est
incapable en Tripolitaine de satisfaire à l'obligation qu'a tout Etat
civiliséd'empêcher ses nationauxde se livrer des agressions contre
des Etats étrangers et amis" (annexe S;MLT 21, p.2). 5.71 Le manque d'autorité effective des Turcs sur les
populations locales est soulignéà nouveau dansla lettre du 27 juillet 1911 du

Capitaine de BARBEYRAC, commandantle Cercle de N'Guigmi,au Lieutenant-
Colonel commandant leTerritoire militaire duNiger. LeCapitainenote que :
, .

"II est au moinsdtrangeque les autorités turques qui noont souvent
demandé d'assurer la sécuritbde leurs sujets tripolitains contre les
Toubous, se fassent auprbs de nous les porte-parolesde
elles n'ont ni en fait. ni en dr-
m. [...]Les maîtres actuelsdu Borkousont les KhoansSenoussis
dont le Chef, SlDl ABDALLAH TANER reconnaît pour unique
supbrieur ..[illisib...Les officiers turcs venusà Ain-Galakha pour
offrir la protection des autorités turquesont étéinvités ironiquement,
par les Senoussis, à s'emparerdu Kanemfrançais: ainsi pouvaient-ils
satisfaire leur désirde possessionafricaine.
IIsemble bien certain, en cette occurrence, que les Toubous, qui
reçoivent leur mot d'ordre des Senoussis et leur obéissent
aveuglément,ont eu recours à l'autoritéde la Porte uniquement pour
nous créer de nouvellesdifficultéssur nos confins du Centre-Afrique"
(annexe 24 ; soulignépar la Républiquedu Tchad).

5.72 Enfin, comme dans le cas du Tibesti, l'occupation du
Borkou par les Turcs fut exclusivement militaire. De même,les Français ne

manifestèrent aucun acquiescement à la présence (mêmesymbolique) des
Turcs au Borkou, mais s'empressèrentde protester aussitôt qu'elle devint plus

consistante.

5.73 Dans une note du 10 mai 1911, le Colonel LARGEAU,
commandant le Territoire militaire du Tchad, écrit ceci au représentant du
Gouvernementottoman à Ain-Galaka:

"J'ai l'honneur de vous faire connaître que la nouvelle de votre
installation au Borkoum'estparvenue depuis quelquetemps.
Au nom du Gouvernementde la Républiqueje proteste contre votre
présence dans ce pays qui, par des accords diplomatiques rendus
publics, rentre dans la sphbre d'influencede la France" (annexe
83).Cette protestation montre clairementque la France n'entendaitpas accepter des
empiètements Btrangers dansune région qu'elle considérait commre elevant de

sa sphère d'influence. Bien sûr, à I'Bpoquela France ne pouvait encore se
rBclamer de droits rBsultant d'une occupation effective. Toujours est-il qu'elle
tenaità manifester expressément qu'ellen'acquiesçaitpasà la pr6senceturque

dans la r6gion.

5.74 II convient d'ajouter que les autres protestations

françaises concernant le Tibesti, citées ci-dessus ipar. 5.63) se référaient
Bgalementau Borkou.

5.75 L'emprise turquesur I'Ennedifut encore plus limitéeque
dans les deux autres régions. Celatient peut-êtreen partie au caractère

désertiquede la zone, au manque de ressources agricoles et au nombre très
réduit deshabitants.Toujoursest-il que les Turcs ne restèrentdans I'Ennedique

deux ans (en 1911 et 1912), comme cela ressort entre autres de deux
documents français, respectivementdu 11 janvier 1911 (annexe ÇMn 17) et du

27 décembre1912 (annexe ÇMn 41).

5.76 Au sujet de l'occupation turque de I'Ennedi -qui, elle

aussi, fut exclusivement militaire- les Français protestèrent, affirmant que la
region relevait de la sphère d'influence française (voirMnnne83). 5.77 L'exposéci-dessus montre bien que la présence turque
dans le norddu B.E.T.fut éphémère et superficielle.

5.78 La situation générale futsynthétiséeavec beaucoup de
perspicacitb par le Ministrefrançaisdes Colonies,dans une note qu'il envoya le

30 janvier 1934 au Ministre français des Affaires étrangères, concernant "les
relations de Koufra et du Fezzanavec le lac Tchad et la régionintermédiaireet

l'établissement turc au Tibesti, Borkouet dans I'Ennedi".Cette longue note se
concluait par cesmots:

"L'occupation turque du Tibesti, du Borkou et de I'Ennedi apparaît
çomme extrêmement ~récaire.A aucun moment. ellene ..est.étendu?
nement à ces trois réam. Jes em derisoires dont
disposait le chef de l'expéditionne l'auraient d'ailleurs pas permis.
Plutôt que d'une occupation, il s'est agi d'un uid audacieux qui a
touchésuccessivement deux ou trois Dointsfort eso- où les Turcs
ont résidélorsque leur présence étaittolérée parles tribus locales".
(annexe ÇMn 74. p. 7 ; souligné pla Républiquedu Tchad).

5.79 II est donc tout à fait justifié de réitérer ce que la
Républiquedu Tchad a déjàaffirmédans son Mémoire (pp.179-180), à savoir

que la présence turqueau B.E.T.fut si brève, superficielleet éphémère, qu'elle
ne put pas fonder un titre territorialvalable pour la Turquie. Eneffet, pour qu'un

titre juridique souverainse créesur un territoire, est nécessaireque l'emprise
d'un Etat sur ce territoire soit "effective, non interrompueet permanente", et se

traduise par "une prise de possession réelle et durable dans un délai
raisonnable" (voir la jurisprudence internationale citée dansle p.180, par.

136). Or, ilest évident qu'àaucun moment l'occupation turque du B.E.T. ne
remplit ces conditions. 5.80 Au surplus,il convient de souligner encore unefois que

l'occupation turque fut deractbre exclusivement militaire : les Turcs se
rendirent au B.E.T. (à la demande desSenoussistesou d'accord avec eux), pour
défendre la région contre les attaques françaises.s'agit donc pas de

l'occupation paisible, continueet effective d'un territoire,pour y exercer toutes
les prérogativessouverainestypiquesdeEtat(activit616gislative,administration
de la justice civile et p6nale, perception des impôts et autres activités

administratives, etc.). La présence ottomane consista plutôt en une brève
occupation militaire, dont le but ne fut pas de faire preuve d'une véritable

emprise souveraine,maisd'empêcher les Françse s'emparerdu territoire.

SECTION^. LE VERA NS DE

k~ SENOUSSIA SUR LE B.E.T.

5.81 D'après le Mémoire libyen, au moment où les Français

commencèrent à occuperle B.E.T.,le titre souverainsur ce territoire-appartenait
conjointementà I'Empire ottoman- aux populations,organiséeset dirigéespar

les Senoussistes,qui habitaient la régionars.3.36ou4.188).

5.82 Quel fut le rôle des Senoussistes par rapport aux
populations indigènes? D'aprèsle Mémoire libyen, "On the eve of the colonial expansion, there existed in this region
political entities and organized societies such as the Sudanic
Kingdoms or Sultanates; tribes or confederations of tribes, like the
Tuareg and the Toubou;andthe AwladSulaimanandother Arabtribes
that had penetratedsouth from Tripolitania andCyrenaica. Inthe face
of the colonialexpansion, therecame tothisegionan organizing force
to mobilize the local societies against the Frenchcolonial onslaught.
This was the Senoussi Order, whose activities extended from the
Mediterranean to Kanemand Ouaudai"(par. 4.03 ; voir aussipp. 443-
444).

Aux dires de la Libye, le rôle des Senoussistesfut donc celui d'organiser et

diriger les différentes tribuset populationsindigènes,entre 1902 et 1914. Et le
MBmoir d'ajouter que,du fait de la pénétration senousst,utes ces tribus et
populations indigènesacceptèrentl'autoritéet leleadershipde la Senoussia et

donc devinrent des tribus et populations senoussist(m, pars. 1.24, 3.35 et
3.38).

5.83 Pour prétendreà des attributs pouvant l'assimiler à un
sujet douéde capacitéjuridique internationale, un Ordre religieux tel que la

Senoussia devrait faire preuve d'une structure et de pouvoirs,d'organisation
identiques ou, en tout cas, peu différentsde ceux d'une entité état. cette
fin, le Mkrnoire libyen affirme que la Senoussia exerça des tâches quasi-

étatiques: outre l'organisationet la direction de la résistancedes populations
indigènes aux Français, l'autoritédes Senoussistesse serait manifestéede la
manière suivante:

-arbitrage de différends inter-tribaux;
-protectiondu commercesur les routescaravanières;

-organisationde l'éducation dans lemonastèresou w;
- recouvrementdes aumônespour le fonctionnementde ces monastères (m,
p.444). 5.84 Sur toutes ces fonctions l'emportait, cependant, le rôle
religieux et éducatif:selon le Mémoire libyen (pars. 3.59 et 5.55) la mission

primairede la Senoussia étaitle renouveauspirituel, moralet éducatif.

5.85 Pour terminerce bref résumé de la théselibyenne,il faut

ajouter que d'après la Libye, les Senoussistes,une fois acquis un titre juridique
sur leB.E.T. -titre que, d'ailleurs, ilsauraientpartagé aveTurcs (v. ci-dessus,

pars. 5.01-5.10)- ne l'auraientjamais perdu, même après la conquête militairet
l'occupationfrançaise de la région.Commele précisele Mémoirelibyen

"The indigenous peoples,the Senoussitribes, were never subjugated
or 'pacified'; and their title to the borderlandswas never acquired by
the French. The Senoussi leadership may have been forced to
withdraw to the north again after the French had destroyed their
zawivaç and confiscated or destroyed the libraries of the zawivaç,
which had been centresfor the teachingof Islamand for bringing Arab

culture to this remote areaas well as focal pointsof administration and
arbitration.
But the Senoussitribes remainedto continuethe resistence to foreign
occupationof their lands.And in the periodafter World War1,the focus
of this fight to defendtheir landsshiftedto the northagainst theItalians"
(par.4.02 ;v. aussipar.4.188).

5.86 La thèse libyenne est, dans tous ses éléments,

totalement dénuée de fondement. A. - LES LIBYENS BROSSENT UN PORTRAIT IDYLLIQUE DE
LA SENOUSSIA

5.87 Le Mémoire libyen dbcrit les Senoussistes comme un
Ordre religieux adonnà la culture et au prosélytisme,un Ordre complètement

absorbé par la diffusion de l'enseignement et la protection des routes
caravanières. Ce lyrisme historique trouveson couronnementdans l'affirmation
que les Senoussistes Btaient des"missionaries andcivilis(m," p. 446) et

qu'en tout cas ils attachaient plus de prix civilisation que les Français,
comme le démontrerait le fait qu'en 1911-1912, le Chef de la Senoussia
demanda aux forces armBesfrançaises la restitutionde 700 livres pris par les

Françaisdans leuzawiva (m, par.5.55).

5.88 II convient de relever qu'à cette occasion, les

Senoussistes demandèrent aussiaux Français qu'ils leur rendent 3.000 fusils
(voiMIL ,nnexes contenant les documentsanglais, p.122), ce qui montreque
les Senoussistes ne s'adonnaient pas seulement aux pratiques spirituelles et

culturelles, mais qu'ilsavaient aussiun penchanttrès marqué pour les(v.mes
infra,pars.5.92et S.).

5.89 En réalité, les Senoussistes constituaient un Ordre
religieux qui ne dédaignaitpas de se livdes activitéstrès prosaïquestelles
que la traite des esclaves, la contrebandedes armes,les exactions contre les

populationssédentaires oules caravanes.En outre, dans de nombreuxcas, les
Senoussistes fournissaient des armes aux tribus indigènes qui pillaient des
oasis ou des caravanes. 5.90 Pour ce qui est de la traite des esclaves, il convient de
rappeler que dans sanotedu 3 août 1902,annexéeaux "Noteson the Historyof

Senoussiism" préparées pour le Comitéd'Etat-Majordu Ministère britanniquede
la Guerre, le Colonel GLEICHEN, "Director of Intelligence, Egyptian Army"

Bcrivaià propos des Senoussistesque

"Many of them are themselves merchantsand slave traders" (annexe

M7, P. 13)

Et le "Sudan Intelligence Report" d'avril1914, rédigé par les Services Secrets

britanniques,note :

"ColonelLARGEAUsincetakingover Borkuin Decemberlast, has sent
the chief of theenussibrotherhooda message sayingthat, if he puts

a stop to slave trading,the Frenchwill guaranteea safe passagefor his
caravans"(annexe 49,p. 7).

II convient enfin de rappeler la déclaration faiteen 1913. après I'occupation
finale d'Ain-Galakka(dans le Borkou)par les Français,par MERLIN, Gouverneur

généralde l'Afrique équatoriale françai:e

"Avec la chute d'Ain-Galakka, ce n'est pas seulement le dernier
marchéd'esclaves quidisparaît,c'est aussi le dernierentrepôtd'armes
à tir rapide,ou s'approvisionnaientnos ennemis"(annexÇMn 45).

5.91 Que les Senoussistes pratiquaient activementla traite
des esclaves, mais que le déclinde ce commerces'amorça audébutdu XXème

siècle et s'accentua à partir de la conquête française d'Abéché (1909 et de
I'occupation italienne de la côte de la Cyrénaique (1912), est montré d'une

manière détailléepar un spécialistemoderne,G. CIAMMAICHELLA, dans son
ouvrage ws et Fw au Tuad (1897-1914), (Paris, C.N.R.S., 1987,
pp.113-114). 5.92 Pour ce qui est de la livraison d'armeà des tribus ou

bandes de pillards -quimontrebienque les Senoussistes n'avaienp t as comme
souci exclusif celui de préserver l'ordre dla région,mais visaient souventà

fomenter des razziaset des actesde brigandage-on peut mentionner lerapport
envoyé le 12 décembre1906 par le Résidentbritannique du protectorat du

Nigériadu Nord, VISCHER, au Résident dle a Province de Bornou,au Nigériadl;
Nord, et concernantun voyage deTripoli au Bornou.Celui-ci notela présence
d'une bandede 250 pillardsarabes de Borkouet Koufra(annexe ÇMn 8, p.459)

et indique que les armes et les munitions leur avaient étéfournies par les
Senoussistes(ibid.,p. 465 ; v. aussip. 468).

5.93 Que des centressenoussistesorganisaientdes attaques

arméeset des actes de pillages, est rappeléaussi par MERLIN, Gouverneur
général del'Afrique équatoriale française, dans la déclaratiomnentionnéeci-

dessus :

"C'est à Ain-Galakkaque s'organisaient, sousla directionde Abdallah
Tooer ou Tsouir,tous les rezzousqui venaient piller notre région. Leur
repaire occupé[par les Français], les pillards auront maintenant à
remonter trop loin dans le nord pour devenir dangereuxpour nous"
(annexe ÇMa: 45).

5.94 En bref, au lieu d'exercer une fonction exclusive de
maintien de l'ordre et de civilisation -commele prétend Mémoir ebyen- les

Senoussistes constituaient souvent une force d'instabilité. Leur action est
lucidement synthétisée dans une dépêch du 3 juillet 1910 du chargé de

l'Agence diplomatique au Consulat généralde France en Egypte, au Ministre
français des Affaires étrangères,dans laquelle il expose, à la demande du

Ministre, son opinion sur la question de savoir si la secte des Senoussis, en
présencede l'expansion françaiseau Sahara, n'envisageaitpas la nécessité
d'établir avecles Françaisun modus vivend :i "J'inclineà croire que les Senoussisen viendrontun jour ou l'autre,et
ce jour peutêtre prochain,composer avec nous. Mais, pou qrue cette
éventualitése réalise, pour que la secte qui, dehors des dons
volontairesde ses adeptes,a tiréjusqu'ici . . les ressqlbL(;eS
des -élevés par la force sur les cwanes ou su
les oooulations sédentaireset de la contrebande des armes. se
résioneà se transformer enun ordre reli-, relativementpaisible,il
est indispensable qu'ellese vo(sic)cernée detoutes parts" (annexe
W 15, p.6 ; souligné pla Républiquedu Tchad).

5.95 Est-il nécessaire d'ajouter, face aux fréquentes
remarques du Memoire libyen visant à minimiser i'importancedes documents

diplomatiques françaisconcernantles Senoussistes, qu'on ne voit as pourquoi
un agent diplomatiquefrançais aurait dû cacheru déformerla réalité historique
et politique, dans une dépêche secrète et interne, dont nul -si ce n'est le

destinataireà savoir le Ministredes Affaires étrangères- n'était censé prendre
connaissance.

5.96 Certes, il ne manqua pas des cas où les autorités
françaises eurent intérêtà "maquiller" la vérité,du fait qu'elles faisaient des
déclarations destinées à d'autres Puissances européennes. De même,

quelquefois les organesfrançais oeuvrantsur leterritoire, essayèrent d'amplifier
la réalitédes choses (par exemple, en exagérant l'importancede l'action

militaire senoussiste), essentiellement pour pousserles autoritésde Paris à
intensifier et renforcer leur action coloniale. L'historiographie aefait état

de ces exagérationsdes milieux coloniauxet met en gardecontre une lecture
non critiquedes documents historiques.

5.97 Cependant même s'f ilaut considéreravec la prudence

nécessaire les documentsportant sur la Senoussia, il découlede nombreux
élémentshistoriques concordantsque cet Ordre religieux neprésenta pas les

caractbresqui luisont attribués palMémoi riyen. B. - LA STRUCTURE, LE FONCTIONNEMENT ET LE S
MISSIONS DE LA SENOUSSIA

5.98 Si l'on regarde deprès la réalitéhistorique,on s'aperçoit
que le Mémoirelibyen a de toute évidencegonfledémesurémenlt'importanceet
le rôle de la Senoussia, pour lui attribuer les caractères d'une entité quasi-

souveraine, capable d'organiser et de diriger les tribus indigénes et de les
représenterau niveau international.

5.99 En réalit6,la SenoussiaBtaittoute autre chose. En bref,

elle constituait un Ordre religieux dont les manifestations "temporelles" se
bornaientà l'érectionde monastères (zawi\la lç)ong des routes caravanières.
Ces monastères constituaient des lieux d'enseignementreligieux et de repos

pour les caravanes quise livraientau commerce. Enoutre, les Senoussistesdes
zm se livraient eux-mêmesau commerce, surtoutà la traite des esclaveset

au trafic des armes.

5.100 Les Senoussistes n'exerçaient donc aucune forme
d'autoritécivile ou administrative sur les populations indigènesdehors de
l'arbitrage de différends entreindigènes (surcette "fonction" voir cependantles

remarques infra, par. 5.107), les Senoussistes n'at as, ni n'exerçaient,des
pouvoirs d'administration, d'organisation civile ou autres, sur les populations

habitantleB.E.T.

5.101 Pour cequi est des activitésmilitaires,comme l'admet le
Mémoirelibyen, ce fut seulementà la suite de l'avancéegraduelle des Français

que les Senoussistes commencèrent à armer les indigènes pour attaquer les
Français etqu'ils procédèrenàlafortificationde certaineszawivas. 5.102 La conclusion est donc claire: les Senoussistes
n'aboutirent iamais à constituer une forceunificatrice. sur ledan administratif.

plganisationnel. ~olitiaue.des différentestribus et Dooulation~résidantdans le
B.E.T. Le fait qu'à partir de 1908 ils se virent obligésde demander l'aide

militaire deI'Empireottoman contrela poussée militaire françaised,émontre au-
delà de tout doute, que mêmesur le ~lan militaire lesSenoussistes ne furent
. .
bmais à même deconstituer une force unif~catrice caoable de diriau
kgzpositionarméecontre lesFrancais.

5.103 L'influence qu'indiscutablementla Senoussia exerça sur
certaines populations indigènes fut donc d'ordre religieux, et idéologique

(l'aversion pour les Européenschrétiens, queles Senoussistes fomentèrent
chez les indigènes, contribuaà renforcerla volonté deces derniers de se battre

contre les Français d'abordet les Italiens ensuite).

5.104 11convient d'ajouter une remarque importante : I'Ordre
senoussiste n'étaitpas originaire des régionslibyennes ou tchadiennes, mais

créé à La Mecque par un Algérien,il fut "importé" versla moitiédu XIXème
sibcle, quand le siège de la Senoussiafut transféréà Djaraboub (1856). C'est

dire qu'en réalitéI'Ordresenoussiste présenta toujoursun caractère d'extranéité
par rapport aux populationsautochtonesde la région,notammentdu B.E.T. :il

constitua une force exogène par rapportà ces populations.Et cela, malgréle fait
que petit a petit l'efficacitéde son action de prosélytisme religieuxet de son

activit6 marchande lui permit de s'acclimater dans la région et de se faire
accepter parces populations autochtones.

5.105 De nombreux documents permettent d'aboutir à la

conciusion ci-dessus.

5.106 Pour un tableau généralde la structure de la Senoussia
et de ses fonctions principales, il convient de se référertout d'abord à undocument britanniquedéjàcit6, la noteque le 3 août 1902 le chef des Services

Secrets de l'armée Bgyptienne envoya A Londres :

"The Senussiite confraternity is [...a powerful but peaceful
organisation covering a vastamountof territory. Besides,however, its
religiousaspect,its commercial aspectmustbe dealt with.
Out of the hundredsof senussiZawias dottedover the country, those
on the main caravan routes are to a great extent depots and rest-
houses for the slave and other caravans passing northwards and
southwards. Thebrethrenof these Zawias underthe administrationof

Sidi-el-Mahdi act as guides, transport providers,and escorts for the
caravans,and make therefrom a respectable income for'the order.
Many of them are themselves merchants and slavetraders, and charge
fees in money or kind for the honourand protection they bring to the
caravan with which they may be travelling; in fact, the holier the
person, the more he charges; in some cases considerablesums are
paid for the blessing of particularlyholy sheikhs, alarge proportion of
which money goesto swellthe general coffers.
The Senussi himself fills the role of a highly venerated Pope and
Oracle conbined. Tohim the potentatesof the desert apply for advice
in politicaland religious matters,and each application is,as a matterof
course, accompanied by valuablepresents. The reputation of the great
Sheikh for sanctity and preternatural wisdom is enhanced by the
mystery in which he veils his pronouncementsand his movements. He
has thus obtained a moral influence over the whole of North Africa
which is worth to him many thousandsof men, and which in his own

interests, financialand otherwise,he is bound to keep up. Were he to
quit his sanctuaryand his characterof Pope,and take the field merely
as an ordinary mortal leader of men, his almostsupernatural prestige
would quickly decline, and he would have tostand or fall, as so many
others have done, by his militarysuccessesalone" (annexe 7, p.
13).

II ressort très clairement de ce documentque l'influenceet l'autoritédu Chef de
la Senoussia furent presque exclusivement religieuseset morales. Le pouvoir

des Senoussistes ne s'étenditpas aux affaires strictement administratives ou
politiques, encoremoins à l'organisation dela vie des populations indigènes.

5.107 En particulier,il faut tirer au clair une questionimportante.

La seule fonction "administrative" des Senoussistes allant au-delà del'organisation et de l'administration de chaque monastère ou mwiva, et sur

laquelle le Mémoire libyen insiste tellement, savoir la solution de différends
entre indigènes, n'eut pas en réalitéle caractère que la partie libyenne lui

attribue. Eneffet, cette fonctionne consistapas dans l'administration deustice
par une autoritéhiérarchiquement supérieura eux parties au différend,ni ne fut

assortie de la sanction revenant normalement à tout organe qui administre la
justice,B savoir lepouvoir d'émettre une sanctionn cas de non-observationde

la sentence. En rbalité,la "sup6riorité"des Senoussistes qui résolvaientces
différendsétait exclusivement moraleet religieuse,et par voie de conséquence,
la seule sanction dontils disposaient était,elle aussi, exclusivement moraleet

religieuse.

5.108 Cela est confirmé par les remarques d'un des plus
éminents experts en la matière, le fameux anthropologue britannique E.E.

EVANS-PRITCHARD,auteurd'un ouvragequi fait autorité.II observeque le chef
de chaque pouvait disposer de "sanctionsspirituelles" pour amener la

partie perdante à se conformerà ses "sentences",au cas où cette partie aurait
essayé de s'y soustraire (voir E.E. EVANS-PRITCHARD, The Sanusi of

Cvrenaica, Oxford, Oxford University Press, 1949, p.26.). II y a loin de cecà
l'exercice véritablede pouvoirs étatiques ou quasi-étatiques.

5.109 Les limites de l'autorité dela Senoussia ressortent très
clairement d'une autre source, cette fois-ci italienne. s'agit de la description

détailléedes fonctions de la Senoussia, effectuéeen 1917 par le Lieutenant-
Colonel italien SANI, directeur duBureau Politico-Militaire duGouvernementde

la Tripolitaine, dansun livre écrit en italien.La partie pertinentede cet ouvrage
fut résumée parle Consul général britannique à Tripoli, dans une note qu'il

envoya le 21 novembre1917au Ministère des Affaires étrangèresà Londres :

"The Senussi organization [...]is a simple one of Zavias, each
inhabited by brethren under a Sheikh, and of groups of Zavias each
under a member of the Senussi family, there being some tendency
towards groups becoming independent of the supreme central
authority. The permanent inmates of a Zavia are, besides the Sheikh and his assistants, students of Koranic lore seeking diplornas as
teachers with whichto leave for their respectivecountries, or seeking
diplomasenablingthemto remain as regular members of theorder.
The Zavias also give hospitalityto Senussite travellers, and to poor
travellers, and distributems. The revenuesare derived in part from
landedproperty, but consist,o a greaterextent,of gifts and of more or
less regular tributes of labourand of cattle. The Zavias of Tripolitania
proper seem, says Colonel Sani,to contributeto the support of Ahmed
es Sherif, and those of Fezzan to that of Mohammed al Abed. The
Zavias, besides being educational and religious institutions, are
caravanstationsand commercial centres" (annexe M 53, p.8).

5.110 La faiblesse du système senoussiste ou, plus

exactement, l'incapacité de la Senoussia de mettre en. place un appareil
"administratif" idoineà gérer les affaires non religieuses des populations

indigènes, fut mise en exergue, d'une manièrepeut-être quelquepeu naïve,
mais efficace, par le Consulbritanniqueà Benghazi,M. CAMERON,-qui pouvait

se vanter de surveilleret donc de connaître depuis vingt ansqui se passaità
Jaraboub (annexe ÇMn 3, p.224)- dansun mémorandum sur la Senoussiaqu'il

envoya à Londresen 1889. Après avoir décrit l'activées Senoussistes guidés
par le Grand Senoussi AL-MAHDI et parléde ce qui se passait à l'oasis de

Jaraboub -àI'époquele siège centralde la Senoussia (cefut seulementen 1895
que ce siègefut déplacéà Koufra)-il note :

"There are no soldiers, no trained body-guard, no cannon, no
Ministries of War, Commerce, Religion, etc. Thsmall bazaar liveson
the pilgrim traffic. There is a certain amount of gunpowder for sale,
smuggled on the coast or brought in small quantities from Derna or
Benghazi. Thereare no Bedouin tribes formiles around. The 'arsenal'
is a fiction, orat leasta misnomerin a civilizedsense"(annexe 1,
p. 216)

Mêmes'il faut faire abstraction de l'approche typiquemeotccidentale qu'adopte
l'auteur de cette note, demeure néanmoins vrai que cettdeescriptiondu centre

le plus important -à I'époque-de l'expansion senoussiste, montre bien les
limites du "pouvoirtemporel"de la Senoussia. 5.111 CAMERON réitéra sonopinion quelques jours aprés,
dans une dépêchedu 13 mai 1889 au Ministre britannique des Affaires
étrangbres,le Marquis deSALISBURY. II y indique :

"Senoussi is a local saint of North Africa. His influence here is due
solely to Turkish misrule. He has no temporal power; his strength
consistsinthe generalhatredandmistrustofthe Turksbythe Arabs.[ ...]
A 'zavia' is a corner, a cell, a small prayer-house,generally nearthe
tomb of a local saint ('marabut').Near the 'zavia' lives an old Sheikh
with hiswife and childrenand slaves.Heis the centre notof a sect, but
of a group offnends who cometo the 'zavia'00 Fridaysto pray and to
join in the monotonouschant of the 'zikr' Being poor he is dependent
on the scant bounty of the bedouins,who refer
s to bim. He does not lnterfere in their
levv taxes or . . ' . I doubt if he preaches at
ail...]

Jarabub is not the 'seatof government'.It is situated in a small oasis
with Wellsof brackishwater,and a few cisterns speciallyexcavatedby
the elder Senoussi. It is in this Turkishprovince. The larger Oasis of
Siwz,one or oneand a halfdaysto the south-east,is Egyptian.
There are no Ministries, no guard,no cannon, no arsenal,no taxation,
no secular rule" (annexe 3, pp. 224-225 ; souligné par la
Républiquedu Tchad.).

5.112 Cette analyse des limites dela Senoussia est confirmée
en substance par l'examenfait, de nombreusesannéesplus tard, par l'éminent

anthropologue britannique que nous avons déjàcité: M. Edward E. EVANS-
PRITCHARD. En parlant de la période dominée toutd'abord par le Grand

Senoussi SAYYD AL-MAHDI (1859-1902) et ensuite par son successeur
AHMAD AL-SHARIF (1902-1933),le savant britannique note:

"The economicand politicalorganizationof the Order was crude, even

when elaborated in the days of Sayyd AL-MAHDI in response to
increasedtrading activitiesand to the needof maintainingpeace in the
petty and barbarous States that had come under its influence.
administrative machinervwas at no time adeauatefor effective control
ovr D rhwi
manifold tribal. racial and culturaldiveraenc-
ded. a&r Savvid AL-MAHDI'S deatmal rivalries
on the Iinesof which c r v in the loose emoire. and it is orobable that even if it had not been
aîtacked bv the Powers of Eurooe it w. .d have broken uo into a
S. or meres of rinfluence.d bv
ers of thefan&, lt mi-ed be D-
was t h e n of l ~bva- ?
the com~letebreak-upof the Order bv rallvinathe outraaed sentimenî
of the Beduointo its side as the svmbolof their common resistancet~
çonauestand alien rule"(E.E.EVANS-PRITCHARD ,p.ci?.,ar. 5.108,
p. 26 ; souligné parla République du Tchad).

5.113 11faut ajouter que, surtoutaprésla mort de SAYYID AL-
MAHDI et le transfert du centre senoussistede Gouro, au Borkou, à Koufra, au

sud de la Cyrénaique, lecontrôle du centresur la périphérsenoussiste déclina
toujours davantage. Cela a été notépar le Colonel SANI, dans le passage cité
ci-dessus (par. 5.109), de mêmeque par EVANS-PRITCHARD, qui fait la

remarque suivante :

"The Shaikh of a lodge [Lw was appointed by the head of the
Order and was responsible to him. J-!
çentralized olanning that newlodges seem occasionallyto have been
founded by the initiative of influentialfamilies without the head of the
Order hearing of the new foundation till its completion. In the more
distant parts the lodges were largely autonomouso, r came under the

control of a local Mother Lodge,such as Mizdain Tripolitania and Abu
Qubais in Arabia. After the death of Sayyd AL-MAHDI [1902], a
member of the Sanusi family sometimesinstalled himself as local
director of the affairs of the order, as Sayyd Muhammad'ABID did in
Fazzan. Without going intofurther detail it mav be said that thouah
. . d it was cumbersome aod there was
oraaryâtL0n it was roadeaua e deal with situations such as that
which faced the Order on the death of Sayyd AL-MAHDI, which
demanded a rapid marshalling of its dispersed resources"(E. E.
EVANS-PRITCHARD, op.ci?.,par. 5.108, pp.26-27 ; souligné parla
RBpubliquedu Tchad).

5.1 14 11paraît donc évident que leSenoussistesne parvinrent
pas à exercer un pouvoir effectif, d'ordreadministratif,civil et politique et furent

incapables de diriger et contrôler les populationsigbnes. 5.115 Cette analyse est celle substantiellement avancée non
seulement par EVANS-PRITCHARD, mais encore par un autre éminent
sp6cialiste moderne,Jean-LouisTRIAUD.Celui-ciadmet que la Senoussia avait
un appareil politique hiérarchiseet centralisé,avec certains "signes" lui donnant
"la configurationd'une formationique".Cependant,il conclut qu'en réalitéla

Senoussia n'acquit les caract6ristiques d'une formation quasi-étatique qu'en
Cyrbnaique,et seulement face l'occupation italienne:

"Ce pouvoir [de la Senoussia] comporte cependant des
caractéristiquesparticulieresII n'est pas le produit d'un
développement local, maisleesultat de l'implantation d'un groupe
dirigeantexogène.I ne s'appuie passur uneforce arm6e propre, mais
nature ou en espèces auxquelsil procède proviennentde dons et non
de prédations.Le groupedirigeant ne s'érigepas lui-même enEtat: la
titulature du Muhammad al-Mahdi est celle d'un descendant du
Prophète, investi d'une fonction d'enseignement mais non d'une
autoritépolitique. Le chef de la confrérieesetm, et non
mou m. A aucun moment, laSanûsiyya ne se départitde sa
fonction de médiatet de conciliationpour se substitueraux pouvoirs
locaux: l'ingérencequ'ellepratique n'estpas une sub...Peut-n.[
on, dans ces conditions, envisager un passage de -. (voie
hukûmarique.a.ada (gouvernement senoussiste) est né, dans les
années 1910-1920, en Libye, de la défaillance de la puissance
ottomane face à une occupation étrangère et chrétienne, celle de
l'Italie. La confrériea alorspris le relaisde I'Etatin absentia (maisavec
une délégationformelle turque) et elle s'est érigéeen Etat, doté de
signes extérieurs tangibles, d'une armée et d'un territoire (la
Cyrénaique)" (Jean-Louis TRIAUD, Tchad900-1992 - Une au=
libvenneou, Paris, 1987, pp.73-74).

5.116 L'autorité de la Senoussia fut limitée aux routes

caravanières le long desquellesient établiesles zawivaç, de même qu'aux
personnes résidantdans ces monastères ou autour d'eux. Cette autorité ne
s'btendit pas aux populations habitant lesdifférentes oasisou aux populations
nomades ou semi-nomades:elles demeurèrentsoumises àl'autorité deschefs

de chaque groupeou tribu. 5.117 La seule influence senoussiste qui eut un caractbre

généralfut celle religieuseet morale qui, au fur et à mesure que les Français
approchaient du Sudet les Italiensdu Nord, devintune influence militaire.

5.118 Les caracthres et la succession temporelle de cette

double influence des Senoussistes sont mis en exergue par M. G.
CIAMMAICHELLA, qui noteque

"On peut [...distinguer deux phases dans la pénétrationsenoussie:
celle de la oénétration oacifiaue. liée essentiellement eà des
exigences du prosélytismereligieux eà des intérêts économiques;
celle liée à la résistance anti-française, où les tribus et la main-
d'oeuvre servile locale ont aussi une fonction militaire" (G.
CIAMMAICHELLA, op.cit.,par.5.91,p. 13).

c. - L'INCAPACITE DE LA SENOUSSIA A MAITRISER LA
TURBULENCE DES POPULATIONS ET TRIBUS

INDIGENES

5.119 Le manqued'autorité effective,caractère temporel,des
Senoussistes sur les populations dB.E.T.s'expliquefacilement si l'on songe,

d'un côté,au fait que la mission primordialede la Senoussia étaitreligieuse et,
de l'autre côté, au fait que dans la région vivaientdes tribus indigénes qui

luttaient entre elles et dont aucunen'arrivajamaisercer une emprise allant
au-delà d'un petit territoire.Qui plus est, chacunede ces tribus était réfractaire

toute domination par quelque organisation extérieure que ce soit, ce qui
contribueà expliquer pourquoiles Senoussistesne purent pas agir comme force

de ralliement, unificatrice -sauf sur le plan religieux puis, pendant,quelques
années entre1905 et 19010, surle plan strictementmilitaire. 5.120 Lestraits caractéristiqudes populations indigènes sont

examinés ci-aprèsdans la Section 4 du présent chapitre.

5.121 Dans i'immédiat, il suffit de souligner que ces tribus
étaient amenées en raisondu caractère désertique dela régionet de la pauvreté

du sol, à se livrer, plutbt qu'à l'agriculture ou à l'élevagedu bétail,au pillage
d'animaux (notamment chameauxet boeufs), et des membres d'autresclans :

comme le nota en 1935 le capitaine français SCHNEIDER dans un Mémoiretrès
fouillé surla questiondu B.E.T.,transmispar le Ministre des Finances auMinistre

des Affaires étrangères, toutes cestribus et clans "avaient le goût du razzi
profondémentancré dansleursmoeurs" (ML, annexe21. p. 83).

5.122 11s'ensuit que les luttes enttribus étaientinévitableset
que donc toutes ces populations vivaient dans une condition permanente

d'instabilité etde conflit. Dans cescirconstances, il devenait impossible que
s'établisseune autorité cenirale douéede pouvoirs administratifs et coercitifs

efficaces.

5.123 La condition prévalant dansla région entrele XVlllème et
la fin du XIXème siècle est efficacement synthétisée par le Capitaine

SCHNEIDERpar les mots suivants: il y avait un "commencement d'une société
féodaleoù lestribus suzeraines [étaient] sans autorité effecdeevant l'anarchie

des clans" (Ibidp. 82).

5.124 L'absence de contrôle effectif des Senoussistes sur les
différentespopulations indigènesest prouvé par différents éléments.

1suffit de mentionnerà cet égardunedépêche du Consul
5.125
italien à Benghazi, envoyée le23 juin 1910 à Rome,dans laquelleil relate que
le nouveau Kaimacam de Koufra, le Cheikh KElLANl EL-ATEOUSE, à son

arrivée au centre Senoussiste, n'avait pu arborer le drapeau turc, malgrél'accueil favorable des chefs senoussistes "àcause de l'habituelle opposition

des tribus Mogarba et Zueia,qui ne supportaientpas lejoug ottoman".Toutefois,
"plus tard, ces tribus, renduesinquiètespar les événementsdu Ouadai, cédèrent

au conseil des Senoussis de reconnaître la souverainetéturque sur l'oasis de
Koufra et firent cadeau au nouveau kaimacam d'un terrain, destiné à la

construction d'une maison pour son logement, surlequel fut arboréle drapeau
ottoman" (annexe 13) 6. 11ressort de ce document que les chefs

senoussistes n'avaient donc pas assez d'autorité pour imposerleurs décisions
aux chefs des différentestribus.

D. - L'APPEL DE LA SENOUSSIA AUX TURCS

5.126 Aprés 1902commence le retrait des Senoussistes du

B.E.T. Les raisons principalessont au nombrede deux :

i) le déplacement, en1902,du siège principalde la Senoussia de Gouro, dans
le Borkou, à Koufra,à mi-cheminentrele B.E.T.et lenordde la Cyrénaique;

ii) le déclinde la traite des esclavescausé parl'action militaire progressivedes

Français vers le nord, où leur occupation finitpar tarir la source principale des
razzias senoussistes.

5.127 Une manifestation éclatante de la perte graduelle

d'importance de la Senoussia est constituée parle fait qu'en 1908, quand les

6 Traductiondela RBpubliquedu Tchad. Texteoriginal:
("[...] [Ili nuovo cairnacarndi Kufra[...] al su0 arrivo nella residenzadei Senussi. non pot6
inalberarela bandieraoftomana.in causadellasolitaopposiztrib'Mogarba'et 'Zueia'
insofferentidel giogoturco.[...]Piùtardilesuddenetribu,allarrnatedagliawenimenti del Wadai,
cedenero al consiglio dei senussidi riconoscere lasovranitadella Turchia nell'oasidi Kufra e
offrirono in regalo al nuovo cairnacarnun terreno.destina10allacostmzionedi una casa per la
propriaabiazione, su1qualefu inalberatalabandieraoîtornana".Français commencèrent à avancer toujours davantage vers le nord, les
Senoussistesse virent obligésde se tourner vers lesTurcs et de leur demander

une aide militaire.

5.128 Ces deuxderniers éléments mériteu nt bref examen.

5.129 Le fait que l'influence des Senoussistes étaitlargement
fondéesur le commerce,notamment surla traite des esclaves, estconfirmé par
le déclin progressif de la Senoussia au fur et à mesure que les Français

avançaient vers le nord (tandis que, entre 1910 et 1911, les Italiens
progressaient versle sud).

5.130 Les conséquencesde cette double poussée (françaiseet

italienne) sont ainsi relatéesdans unjournalfrançaisdu0 août 1912:

"Aujourd'hui, le Senoussisme,s'il garde sonpouvoir religieux, a perdu
ses moyens pécuniaires. La traite n'existe plus: tout d'abord notre

occupation du Ouadai interdit dorénavantla capture des esclaves;
puis, le marché ouétaient conduitsces esclaves destinésaux soukhs
et aux harems de Turquie, Tripoli, est aux mains des Italiens et
pratiquement, en tant que marchéspécial,a disparu" (annexe CM/T
28, p. 82).

5.131 Plus détailléest la dépêche envoyée le6 mars 1911 par
le Vice-Consul françaisà Benghaziau Ministredes Affaires étrangères, à Paris.

Aux différentesquestionssur la "situation actuelledes Senoussis" posées parle
Consul généralde France à Tripoli, le Vice-Consulrépondcomme suit:

"Le Senoussisme progresse-t-il? On peut le nier. Sa période de
propagande est arrêtée; l'Européenqui le cerne par le Nord le cerne
aussi par le Sud, parl'Est et par l'ouest. La situation militaire de la
France dans le Soudanoccidentalet central et de l'Angleterre dansle
Soudan oriental ne permettent pointla réalisationde l'Empire religieux
africain; peut-être le Senoussisme peut-il gagner parmi les
musulmans sujetsde ces puissances,mais il y demeurera une forme
religieuse. La propagande aboutira, mais les visées ne seront pas
atteintes. Le commerce des Zaouias est faible; elles ne cherchent point leurs
ressources dans les caravanes, et se contentent de percevoir sur
celles qu'organisent les négociantsde Sokoto, de Benghazi ou
d'Abecher, une dime qui constitue un véritable tribdû aux maîtres
des routes à traversledésert. D'autpart,il est exactde noterquedes
caravanes ravitaillentles zaouias en esclaves. Lorsque la traite était
encore importante, le surplus d'esclaves Btait expédie en Turquie,
mais la diminution continue du trafic d'esclaves a supprimé Cette
branchedu commerce desKhouans.II leurreste surtoutles ressources
agricoles: chaque zaouia, selon son importance, estpropriétaired'un
domaine plus ou moins considérableque cultivent des esclaves ou
des affili6s et sur lequel vivent des troupeaux. Naturellement,ce qui
excède la consommationde la zaouia estexporté" (annexe CUI 19,
pp. 208bis-209).

5.132 Une preuve importante du déclin de l'influence de la

Senoussia dans le B.E.T. est fournie par le fait que, faceà la pousséedes
troupes françaises, les chefs senoussistes du B.E.T. estimèrent utile et

nécessairede demander l'aide militaire des Turcs. Ce fut cette demande qui
poussa les autoritésottomanesà envoyerdes troupes dans la région. Biensûr,

l'avancée françaisese heurta à la présencedes Turcs et à l'action arméedes
Senoussistes. Toujoursest-il que, sans les Turcs, les Senoussistes n'auraient

pas étéà mêmede résisterà la pousséedes troupes françaises. Cela est
confirmé par une circonstance importante: aussitôtque les ~'"rcs, après la

conclusion dutraitéde paixavec l'Italie,commencèrentà se retirer de la région,
les Français réussirent très rapidement,entre 1913 et 1914, à l'occuper, en

neutralisant toutelesforces hostiles senoussistes.

5.133 La manière dont les Senoussistesse tournèrent versles
Turcs pour demander leur assistance militairea Btérelatéemaintes fois, et de
façon détaillée, ar les depêcheset notesque les autorités françaises au Tchad

envoyaient à Paris. II suffiraici d'en mentionner quelques-unes. 5.134 Dans son Mémoire,déjà cité, de 1935, le Capitaine
SCHNEIDER relate comment en 1910,"renonçantàla politiquetraditionnellede

son ordre", le chef senoussiste SIDI AHMED CHERIF, après l'occupation
d'Abecher par les troupes françaises en ju1909, demanda l'assistance

militaire turque(annexe 21,Exhibits annexm, ypLG, pp. 86-87). Cette
demande d'assistance est aussi rapportée dansune dépêche duConsul
français à Alexandrie au Ministre françaisdes Affaires étrang3rmarsu

1910 (annexeÇMn 12).

5.135 Une autre dépêche françaieu Vice-Consulde France
à Benghazi au Quai d'Orsay, du 7 mar191l)en relatant l'envoi du drapeau

ottomanà Dour,dans le Borkou, 1911,ajoutaitcescommentaires:

"Ils [les Senoussistes]avaient éle Turc jusqu'à présentde cette
régionoù ils sont en fait les maîtreset qu'ils ontplacé provisoirement
horsdu droitdes gens. Mais les Français approchenti:ls adaptent leur
politique une orientation nouvelle: ils ne veulent peut-être pas
encore des troupesturques au Borkou, mils tolérerontun employé
du caimacanat et demandent un drapeau ottoman; ils subiront une
'diminutio capitis'! Soit ! mais le Borkou, I'Ennediet Bideyat où se
trouve le Dour échapperont au chrétien" (annexe0,p.213bis). LE PRETENDU TITRE JURIDIQUE DE LA SENOUSSIA
AURAIT, DE TOUTES MANIERES, PRIS FIN AVEC LA

CONQUETE FRANÇAISE (1913-1914)

5.136 Comme ceci est 6tabli ci-dessus la Senoussia ne

constituait pas une organisation politique et sociale centraliséecapable d'être
titulaire de droits et d'obligations internationales. Elle ne pouvait donc pas

poss6der un titre juridique international -autrement dit, des droits de
souverainet6-sur le territoiredont il est question.

5.137 Cependant, mêmesi I'on poulait conceder que les
Senoussistes possédaient ce titre juridique -thèse à vrai dire impossible à

admettre, en raison du contenudu droit internationalde l'époque- onne pourrait
en tirer aucune conséquencec.ar ce titre seraiten tout cas passéa France,en

vertu de l'occupationfrançaiseduB.E.T,entre 1913et 1914.

5.138 Si I'on voulait adhérerà la thèse libyenne selon laquelle

les Senoussistes étaient titulaires du titre juridiquementionn6, il faudrait
surmonter bon nombre d'obstacles d'ordre juridique et logique comme le

montrent les considérationsci-après.

5.139 Tout d'abord,pour établirsi, avant 1913,un groupe social
à caractère non-étatique tel que la Senoussia, avait une capacité juridique

internationale,et, en particulierun droit deverainet6sur le B.E.T., il faudrait
appliquer le droit en vigueuà I'Bpoque.Comme le dit à juste titre l'arbitre M.

HUBERdans la sentence sur Ilde Palmais, "un actejuridique doit être appréàila lumièredu droit de l'époque,
et non à celle du droit en vigueur au momentoù s'élève. oudoit être
régléu, ndifférendrelatiCG acte"(R.G.D.I. P9.35,p. 171,Traduction
C. ROUSSEAU).

Le mêmeprincipe a étéappliquépar la Courinternationalede Justice dansson
avis sur le Occiu (C.I.JBB(L 1975,pp. 38-39, par. 79) (voir sur ces

principesjuridiquew, pars.3.08et S.).

5.140 Or, la pratique internationale duXlXème et du début du

XXème siècle montre que certains groupes sociaux non-étatiques (tribus,
populations nomades) concluaient parfois des accords avec les Puissances
colonisatrices, accordsnormalementappelés"de protectoratcolonial". Parmiles

Etats et la doctrine juridique,l'opinion n'étaittoutefois pas unanime quant à la
qualification juridique de ces accords: pour certains, il s'agissait de "contrats"
dépourvusdes caractères typiquesdes traités internationaux;pour d'autres en

revancheces accordsrelevaientdu droit international.

5.141 En général,il existait une nette divergence, dans la
doctrine juridique, sur la question de savoir si les organisations en question
pouvaient acquérir desdroits et pouvoirs internationauxet êtreliées pardes

obligations internationales, et donc constituer des véritables sujetsde droit
international.On peut mentionnerdeux courantsd'opinion.

5.142 Pour un groupe de juristes qui se fondaient sur des
principes de droit naturel, les tribus et autres groupes nomadespouvaient être
considéréscomme douésde la personnalité juridiqueinternationale (voir par
. .
exemple H. WHEATON,Elémentçrnatiord ,Vol.1,Leipzig 1852, pp.
48-52 ; C. CALVO,-theonauee . de droiinterna tiarisa1888,
. . ..
p. 281 ss. ; R. PIEDELIEVRE,Princioeç dentenation-w, Paris, 1894,
p. 336 ss.;F. DESPAGNET,mi surlesProte-, Paris,1896,p. 254 ss. ; P.
FIORE, . . 'onale comto e la . .. ,Torino,

1897, p. 46 ss. Pourun autre groupedejuristes, quien majorités'inspiraientdes
principesdu positivisme, cesethnies n'avaient,au contraire, pas de personnalitéjuridique internationale,du fait que celle-ci appartenaitaux seuls ~tats (voir par
exemple F. de MARTENS,Traitéde droitinternation& (trad.LEO), 1,Paris, 1883,

p. 238 ; P. HEILBORN,Pas v. .kerrechtlicheProteMora, Berlin, 1891. p. 7 ss. ;
J.C. BLUNTSCHLI, droit internationalcodifi6, (trad.LARDY),Paris, 1895,par.
280 ; G. TRIONE, Gli Stati avili nei loro ramorti aiuridici coi ~qgoli barbare

wnbarbari - Studio di diritto internazionale,Torino, 1899, p. 15; D. ANZILOTTI,
Corso di diritto internazioa, 1,Roma,'1912-1914,pp. 69-71 ; F. von LISZT,
. .
it international, (trad. GIDEL), Paris, 1928, pp. 47-48). Une opinion
intermediaire fut avancée par ANZILOTTI, dans la troisième Bdition de son
célèbre cours,où ilaffirma que "du momentoù une tribu conclut volontairement

et consciemmentun accord [pactede protectionou protectoratcolonial] avec un
Etat, l'on ne voit pas pourquoi cet accord serait soustrait à la règle pacta sunt

servanda" ; "en dehors de ces cas,les rapports avec lespopulations sauvages
(sic) sortent du droit, mais ils restent soumis à la morale" (Cours de droit

international, (trad. GIDEL),,Paris, 1929,p.130). Dans le mêmeordre d'idées,
une capacitéjuridique très restreinte,à savoir limitee au pouvoir de participer à
la conclusion d'accords internationaux, fut attribuéeaux "tribus nomades ou

sauvages" (sic)par P. FEDOZZI (Introduzioneal diritto internazionale e wam
generala, Padova, 1933,pp. 173-1 74).

5.143 11est donc évident que l'affirmation libyenne d'après

laquelle les Senoussistes possédaient un titre juridique international -en
d'autres termes, des droits souverains-sur le B.E.T., présente detrès lointains

rapports non seulement avec l'opinion sur la personnalité juridique
internationale des tribus et populations indigènes, prédominante parmi les
juristes positivistes de l'époque,mais encore aveccelle, pourtant très nuancée,

de D. ANZILOTTI(deuxièmeversion).

5.144 Toutefois, mêmeà supposer que cette affirmation

libyenne soit correcte, et que les Senou~sistesaient dès lors possédéun titrejuridique sur le B.E.T.,il n'en demeureraitpas moinsvrai que ce titre serait remis
en cause par I'occupationmilitairefrançaise. En effet,st incontestablequ'en

1913-1914, a savoirA l'époquede la prise de possession française du B.E.T.,
I'occupation militaire d'un territoireétranger, accomee l'emprise effective

sur ce territoireossessio corpore)et de i'intentionde le soumettreà sa propre
souveraineté (animus possidendl) compoitait le transfert du titre territorial de

l'ancien titulaire au sujet internationalqui s'en étai(voir par exempleF.
de MARTENS, -aJ op. cit., 1, pp. 468-469 L.
OPPENHEIM - H. LAUTERPACHT,hternatioml law -A Trm, 1,London,

1955, pp. 566-573).

5.145 A l'appui de la thèse on peut ajouter que le
Gouvernement libyen se trompe complètement lorsqu'il affirme dans son

Mémoireque les populationsindigènes,guidées parles Senoussistes.ne furent
jamais assujetties ou "pacifiées" parles Français et que mêsi le leadership
senoussistedut se repliervers le nordfacela poussée française,la lutte aurait

continué,cette fois-cicontre lesItaliens pars.4.02 et 4.188).

5.146 Ceneaffirmationest totalement erronée; en plus, elle est
toutà fait gratuite, comme cela est demontrépar le fait que le Mémoire libyen

n'avance aucun élémen dte preuveàson appui.

5.147 En réalité, commececi est établidans le Chapitre6 (par.

69 et S.), I'occupation française du B.E.T., entre 1913 et 1914, annula la
résistancedes tribus indigèneset des Senoussistes:une fois la régionoccupée

par les forces militaires françaises, les Senoussistes,battus, se déplacèrent au
nord, d'où ils continuèrent momentanémentla lutte contre une autre Puissance

européenne : l'Italie. Au B.E.T., l'appareil militaire français, qui commença
rapidement à exercer aussi des fonctions civiles (application des lois et
rbglements portant sur le Tchad, promulgués par les autorités françaises;

recensementdes habitantset du bétail; recouvremendte i'impôt ; exercice de la
justice suivant lesrèglementslocaux,etc.), ne permit plus aux Senoussistesdedéployerd'activitésautres que religieuses. Tous lesrapportsinternes envoyésà
Paris par les autorités françaisesau B.E.T. font étatde l'absence de résistance

de la part des Senoussistes,et relatenttout au plus l'activitéde.bandes isolées
de pillards venantde différentestribusirMn, p. 246 ss.,pars. 146ss.).

5.148 Cela est confirmé parles remarquessuivantes de M. A.

MARTEL("Souverainetéet autorité ottomaneL : a Provincede Tripoli du couchant
(1835-1918)",in Annuairede I'Afriauedu Nord,1983,p. 84) :

"La perte de cette positionavancée [BirAlali, au Kanem] imposeà la
Confrérieun repli sur le Tibestirkou Ennedique quitte Mohammed
EL-MAHDI pour Koufra(1902). C'estde là que sonsuccesseurAhmed
ECH CHERIF dirige la résistance.Après divers échecs,les Français
s'emparent dlAbécher en 1909 mais hésitent devant les massifs
montagneux où la Senoussiya a symboliquement appelé des
fonctionnaires ottomans. La fin de la guerre italo-turque facilite et
impose l'occupationde cette zoneB laquelleprétendla France. Le 27
novembre 1913. la Zawia d'Ain Qalakkatombe après une héroïque
résistancedes Khouansde MohammedBEN ABDALLAH ES SUNNI.
Dans les quinze jours qui suivent, El Faya et Qouro sont enlevées.
T r m riII i la fro tièr
estbalavé Me.insd'un an plustard, Bardaiest occupé pardes forces
venues du Niger" (annexe CMlT 37 ; soulignépar la République du
Tchad).

5.149 Dans son ardeur à exagérer l'importance des
Senoussistes, la Libye va jusqu'à soutenir qu'ily eut une continuité juridique

entre les Senoussistes occupant le B.E.T., ceux quiuttérentensuite contre les
Italiens et'Etatindépendantde Libye. Comptetenu du caractère "irréel"et fictif

de cette thèse,l convientde citer les propos pertinentMémoi ieyen, avant
d'en démontrerle manquede fondement :

"[l]n the instruments making up the Treaty [d' Ouchy, de 19121ltaly
undertook in administeringLibyato respectthe autonomyof the Libyan
peoples;this was a recognitionof the personalas well as the territorial
dimension of the rights andtitles of the Ottoman Empire and of the
indigenous peoples ; it was the Libyan peoples, led by the Senoussi,
that fought the ltalian occupation leading the way ultimately to independence under a constitutional hereditarymonarchy, with the
Head of the Senoussi as the first king of Libya ('an independent
SenoussiKingdom') ;thus in additionto inheritingvia ltaly the Ottoman
rights and titles, Libya inheritedsuch rightsand titles asthe peoples of
the hinterlandç of Tripolitania and Cyrenaica had held ; and the
evidence points to the fact that this included a major part of the
borderlands and their peoples -theindigenoustribes ; finally,itwas

the riahts and titles of the indiaenous tribesand tribal confederations-

..
-t ale- the
ypyiiae toward the inde~endenceof Libva --which coalesced intoth?
sovereian riahts and titles of the new Stateof Libva.inherited fromth?
Ottoman Emoireand ~assedon bv Italv" (u, par. 6.06 ; souligné par
la République du Tchad).

5.150 Cette affirmation est absolument erronée car les
Senoussistes non seulement perdirent toute autorité au B.E.T., après

l'occupationeffective de la France, mais même en Libyeils furent absorbéspar
I'Etat italien et à partir de 1919 tout rôle international de lSenoussis -à
supposer quecelle-ciait jamais rempli ce rôle-fut en tout cas écapar les trois

Etats concernés :I'ltalie,la Franceet la Grande-Bretagne.

5.151 En effet, en 1919le Gouvernementitalien,'ayantconstaté
que la présence de quelques prisonniers français à Koufra avait amenéles

autoritésfrançaises à se mettre en contactavec le chef des Senoussistes de
l'oasis, envoya une caravane à Koufra, qui libérales deux seuls prisonniers
français dans les mains des Senoussistes et les remit au Consul français à

Benghazi. Après quoi, I'Ambassadeur italien à Paris demanda au Ministre
français des Affaires étrangèresde ne plus entretenir à l'avenir de rapports

directs avec les Senoussistes, mais de toujours passprar l'entremise de I'ltalie.
En effet, les Senoussistes ne constituaient pas une entité indépendantede

I'ltalie, mais des sujets italiens.

Voici la partiepertinente dela note italienne "Cette question intéressanteau plus haut degré[à savoir, celle des
deux prisonniers français]ayant été ainsiréglée, le Gouvernemendtu
Roi croit ce moment opportun pour prier le Gouvernement de la
Républiquede vouloir bien noterque c'est par un simple sentiment
d'humanité eten vue de ne pas risquer deretarder d'un seul jour la
libérationde ces prisonniers,qu'il n'apasfait d'objectionsque les
autoritéscoloniales françaisesentrassenten rapportdirect avec le chef
des Senoussis. II est cependant nécessairdans l'intérêt générdal s
puissances européennes possessionnéesdans l'Afrique du Nord
d'$viter toute rel- directe d'un 8. '
avec le chef de l-, dont l'importancese trouverait
sensiblement accrues'il entrait avec les Gouvernementsfrançais et

britannique en des rapportsdirectsui lui donneraientI'odnion d'être
yn Dotentat indé~endant protégé et appuyé par les trois
gouve...mentsavoisinants,tand.s. qu'il n'esti-
mlon~al IWEXI,~ e Dar lu1habit aéété
ledécretdu 5 noverdue 1911 oui a étérecow par les
deux autresouissances récité es,
Le Gouvernementdu Roi a partant l'honneurd'avoir recours parmon
entremise à l'obligeancedu Gouvernementde la République pour -:

n ou'elles désireraient faire dorén oarvenir au chef
des Senoussis Cette procédureest d'ailleurs%?seuleadmise par
l'esprit de l'accordglo-italien,auquel la France a adhéré en février
1917, et en effet leGouvernementbritanniauevient de faire connaître
au Gouvernementdu Roi QU des 1rlrtuctionsdans ce sens vienm
aire arlglaisen EW' (annexe W
58 ; souligné parla Républiqudu Tchad).

II ressort trésclairementde cette noteque l'Italieestimait que les Senoussistes

ne pouvaient être considéré qsue commedes sujets italiens, et donc n'étaient
pas légitimés à être traitécomme des interlocuteurs directs des Puissances

européennes.

5.152 Qui plus est, la France déféraà la demande italienne,
comme cela découled'une note du 25 juillet 1919du Ministredes Colonies au

Ministredes Affaires étrangère(annexe 59). 5.153 La même démarche, fait par I'ltalieauprèsde la Grande-
Bretagne, aboutit au mêmerésultat, commecela ressort non seulement de la

note italienne citée ci-dessus (par. 5.151), mais encore de documents
britanniques (v. le Mémorandum italiendu 2 avril 1919, traduit en anglais,

annexe S;Ma: 54 ; les instructions envoyéespar le Ministre des Affaires
Btrangèresanglais, le 24 avril 1919, annexÇMn 55, no233 ; de même que la
note du mêmeMinistreau Chargé d'Affaires italien à Londres,du 29 avril 1919,

annexe W 56, no265).

5.154 11est donc fondé d'affirmerue, mêmeà supposer que
les Senoussistes aient pu jouir entre la fin duXème et le débutdu XXème

siècle d'une certaine capacité juridique internationale,eapacitéen tout cas
prit fin en1919, du fait que les trois Puissances européennes concernées

s'accordèrent à considérerles Senoussistescomme des particuliers soumis à
l'autorité souveraine I'ltalie,et, en fait, les traitèrenten tant que tels.

5.155 La prétendue continuité juridique internationale des

Senoussistes,de 1902 jusqu'en 1950,est donc une purefiction.

5.156 Comme ceci est établii-dessus,au B.E.T.,la Senoussia
ne constitua pas, avant la pousséemilitaire française, uneorganisation politique

et sociale capable de dominer et d'unifier les différentestribus et populations
indigènes de la région,d'exercerun contrôle social,politique et administratif sur

elles, et de les représenàel'extérieur.

5.157 En effet, les Senoussistes constituaient essentiellement
un Ordre religieux qui exerçait soninfluencegrâce à un réseaude monastères(mwiv~) fonctionnant comme lieux de prière, relais caravaniers, écoles,
hospices et centres de commerce. Ceréseaupermettait aux Senoussistes de

répandre toujoursdavantage leur influence religieuet "idéologique".

5.158 En dehors des activités religieuses, l'action des
Senoussistes dans le domaine "temporel"se bornait au commerce (surtoutla

traite des esclaves) et à la perception d'une dime sur les caravanes qui
passaientpar lesmwiva.

5.159 1est également étabq liue les Senoussistes n'exerçaient
pas d'autorité non-religieusesur les tribus ou populations du B.E.T.: ils ne

percevaientpas d'impôtsdes tribus ouclans,n'administraientpas lajustice et ne
remplissaientpas de fonctions de police.

5.160 Au surplus, leschefs des différenteszawivs exerçaient

un faible contrôlesur les populationsindigènes(v. supra, pars. 5.119 et 5.124-
5.125) ; ceci s'explique aisément,si l'on songe aux conflits continus entre

groupes et tribus, notamment parceque l'activitéprincipale de ces groupes
consistait dans le pillageréciproquede personneset de bétail,d'où une grande

animosité entreeux. Et le manquede contrôle effectifest confirmé parle fait que
souvent le chef senoussiste devait s'incliner devantla volontédes chefs des

tribus ou populationsindigènes, ne pouvant donc imposesra propre décision(v.
supra, pars.5.124-5.125).

5.161 En outre, il faut souligner qu'en fait il n'existait pas

d'organisationhiérarchique entre les chefs des différmonastèreset le Grand
Senoussi : le contrôle centralétaitsi faible que souventdes nouvellzm

étaient établieà l'initiative dechefs locaux, sans quele Chef dela Confrérie en
fût informé(v. pars.5.113-5.114).

5.162 Les limites de l'emprise senoussissur les populations

en Libye et au Tchad ont étémisesen exergue, d'unemanière succincte maisefficace, par un spécialiste modernel,e ProfesseurA. MARTEL(Uibve 1835-
1990 -Essai dep2o~olitiouehistoriou~,Paris, 1991, p. 49). Après avoir rappelé

que "l'influence spirituelle et économique"e la Senoussia s'étendaitjusqu'au
bassin du Tchad, il se demande: "Peut-onparler d'un empire ?". Et il répond

comme suit : "Structure religieuse, la confrérie organise et exploite
temporellementun espace, mais neprétendpas à un pouvoirBtatique".

5.163 Ce ne fut que lorsque les Français commencérent à

s'approcher du B.E.T. que l'Ordre senoussiste -dont le déclin avaitcommencé
déjà en1902, à la suite dela mortdu Grand Senoussi AL-MAHDe I t du retour du

siège principal de la Senoussia de Gouro à Koufra, plus au nord- acquit une
nouvelle dimension : celle de la lutte armée.Celle-ci fut une nouvelle fonction
qui vint s'ajouterà celle de leadership religieuxet moral. Mais là aussi les

Senoussistes prouvèrent qu'ilsdisposaient de moyens militaires très limitéset
surtout qu'ils étaient dépourvus de l'organisation et des infrastructures

nécessaires pour s'opposer efficacement à l'avancéefrançaise. En effet, ils
eurent recoursaux autorités ottomanes, qui donc commencèrent à envoyer leurs

troupes arméesau B.E.T. à partir de 1908.

5.164 Même à supposer que vers la fin du XIXème siècle les
tribus organisées aient pu êtreconsidérées commetitulaires de droits et

pouvoirs relevant du droit international, découledes remarques précédentes
qu'en tout cas les Senoussistes ne pouvaient pas êtretitulaires d'un titre
juridique international opposable aux tiers sur le territoire du B.E.T.oit en

vigueur à l'époque permettait en effet d'invoquer un titre de souveraineté
territoriale seulement aux entités capablesd'exercer une emprise effective,

stable et permanentesur un territoireet sur les populationsésidant.

5.165 Or, les Senoussistesne remplissaientpas ces conditions.

5.166 Cependant, mêmeen supposant que les Senoussistes
aient pu devenir titulairesd'un titre juridiquesur leB.E.T., ce titre aurait en toutcas pris fin avec l'occupation militaire frla région.Cette occupation a
entrainél'acquisitiondu titre par la France,en vertu des règles et principes de

droit internationalen vigueur à l'époque.

SECTION 4. LA NATURE DES DROITS DES
POPULATIONS INDIGENES SUR LE

B.E.T.

§ 1. US CONTRADICTIONS DU MmOlRF LIBYEN

5.167 Les incohérences etles oscillations du Mémoire libyen
ont déjà étsoulignées(v.upra, Section15 1). IIconvientd'y revenir, pour en

soulignertout particulièrement les conet contradictionsau sujet du rôle et
du statut juridique des populations autosu B.E.T.

5.168 En effet, le Mémoire libyen traite d'unemanière
extraordinairement confuse dela question des populationsindigènes du B.E.T.

et de leurs relations avecrdre Senoussi et l'Empire ottoman au cours de la
période antérieurel'acquisitiondu titre parla France,et postérieureà celle-ci.
En particulier, l'argument libyen quantimportance et aux conséquences

juridiques des relations qui ont existé entrela Senoussia et les populations
indigènes,est l'objet de revirements constants.

5.169 LeMémoir ibyen affirme, par exemple que "[wlhat the

facts show is that the indigenous peoples possesnxisting legal title based
on their long-establishedpresenceand effective administrationand settlementin
the disputed areas(m, par. 6.39). Au paragraphe4.188, on note que "thepeoples inhabiting these regions ...held title to them as politically organised
societies". D'un autrec6té,la Libye affirme que"[tlhe territory and peoples over

which the ottoman Empirehad sovereignty wastransferredto ltaly by the Treaty
of Ouchy ...The sovereigntyas transferred embraced the territory and peoples of

Tibesti,Borkou, Ounianga,Erdi and Enedi"(ibid.). Les peuplesen question sont
identifiésen mêmetemps comme "the indigenoustribes led by the Senoussi"

(ibid.).

5.170 Les conclusions du Mémoire de la Libye révèlenttoute

l'étendue desconfusions libyennes (ces conclusions suivenlte par. 6.87). Elles
affirment que :

"the title to the territorywas, atal1relevanttimes,vested in the peoples
inhabiting the territory, who were tribes, confederations of tribes, or
other peoplesowing allegiance tothe Senoussi Order"

et que

"on the internationalplane,there existed acommunityof title between
the title of the indigenous peoples and the rights and titles of the
OttomanEmpire, passedonto ltalyin 1912".

5.171 Outre cette confusion entourant le titre détenu par

l'Empire ottoman et les rapports entre celui-ci,les peuples indigèneset I'Ordre
Senoussi, le lien qui existait entreles peuples indigènes et I'Ordre Senoussi

n'est pas évident. Trois formulationssont avancées, qui ne représentent
aucunement lamême idée. A un certain moment,la Libyeaffirme quele titre était

détenupar les peuples indigènesdirigés pendantune certaine période parles
Senoussistesau coursdes conflits contrela Franceet I'ltalie (ibid., par. 6.80).En

d'autres termes, il faut inférer que les Senoussistes dirigeaien simplement des
tribus particulièresau coursde conflits particuliers. 5.172 La partie libyenne affirmeen deuxièmelieu que les tribus
prêtaient allégeanceà I'Ordre Senoussi, ce qui suggère une relation plus

serieuse et formelle (ibid., les conclusions qui suiventle par. 6.87). Elle soutient
ensuite que les tribus elles-mêmes pouvaient êtrq eualifiéesde "indigenous

Senoussi peoples", une formulefort différente desdescriptionsantérieuresde la
relation en question (ibid., par. 6.71 et 6.77). Lanaturedu lien entre les tribus et

I'Ordre Senoussiest d'un grand intérêt. Toutefoila, manière dontil est présenté
dans le Mémoire de la Libyene soulèveque desdouteset de la confusion.

5.173 L'argumentation contenue dans le Memoire libyen
progresse donc d'une déclaration de l'incapacitépour les Français d'acquérir un

titre en vertu de la notionde terraullius,arceque le territoire était occupé par
des sociétésorganisées politiquemen( tinfra, pars.184-5.185), à une assertion

selon laquelle la souveraineté appartenaiat ux peuples indigènes dirigés parles
Senoussistes, ou qui prêtaient allégeance a I'Ordre Senoussi, ou qui étaient

eux-mêmesSenoussistes,ou encore à I'Empireottoman,ou à une combinaison
de peuples indigènes dirigéspar les Senoussisteset I'Empire ottoman.

5.174 Ces oscillations seraient une simple curiositési la Libye

n'en déduisait passon titre sur le B.E.T. invoquantnon seulement la succession
aux "rights and titles of the Ottoman Empire, passed on to ltaly in 1912 and

inherited by Libya in 1951"(ibid., Conclusions), mais égalementsa succession
aux peuples indigènes("at al1relevanttimes, religiously,culturally, economically

and politically part of the Libyanpeoples"; ibid.) et par l'entremise de IOrdre
Senoussi (qui aurait fusionnéavec le nouvel Etat libyen en 1951, le chef de

I'Ordre Senoussi devenant leRoi de Libye, ibid., pars. 1.28-1.29). Ce prétendu
processus de succession tripartite expliqueles tentatives naïveset maladroites

de la Libye de transformerles liensqui existaiententre I'Empire ottoman,I'Ordre
Senoussi et les populationsindigènes-peu importeleur véritablenature- en une

revendication de souverainetésur de vastes étenduesde la Républiquedu
Tchad. 5.175 11est indiscutable, c'est que le B.E.T. est un territoire
inhospitalieret que sa populationest clairsemée, Chapitre1, pars. 45-47,p.

27 ; eU, pars. 3.29-3.35). Cette population est nomadeou semi-nomade, le
territoire comptant relativement peu d'oasis (voir aussi,par exemple, Notes on

the Historv of Senussiim, WO 10611531(1906)et French EquatorialAffica and
Çameroon~, B.R. Geographical Handbook Series, Naval Intelligence Series,
Londres, 1942, pp. 194-95). Ainsi que le note, entre autres, le rapport du

Capitaine SCHNEIDER au Ministre françaisdes Affaires étrangèresdaté du3
janvier 1935 (annexe 21,Exhibits Annex, Vol.6, p.79),la régionétait

habitée par un ensemble de tribus. Le rapport du Capitaine SCHNEIDER
estimait qu'en 1934 la population atteignait 24.614 habitants (annexe 21,

ExhibitsAnnex, Part1,Vu, p. 111).

5.176 Parmi lestribus habitant le.E.T., les plus importantes

étaient très nettement celles forméespar lesToubous (diviséesà leur tour en
deux groupes :Teda et Daza).Chacunde ces groupesethniques,nommés aussi

"clans" dans certainsdocumentsoccidentauxde l'époque,avait normalementun
chef, appelé d'habitude, et parfois"sultan".

5.177 Les relationsqui existaiententre les différentestribus et
factions étaient difficiles et instablesà certaines époques antérieuresà

l'établissementdu contrôle français, plusieurs d'entre elles "restaient sous la
dépendance des sultans du Darfou à qui [elles] payaient une redevance
annuelle" (annexe 21,Exhibits Annex,m, Vol. 6,p. 82). 1est difficile

d'affirmer avec précisiondans quelle mesurel'on pouvait considérerque ces
tribus, factions et clans jouissaient d'une organisation politique et sociale.

SCHNEIDER a décrit comment "les tribus suzeraines, sans autorité effectivedevant l'anarchie des clans, allaient rechercherdans les influences extérieures
l'appui moral qui leur manquait"(ibid.).

5.178 Dans Libva. Chad and the Central Saha@ (BARNES et

NOBLE,Totowa,NewJersey, 1989,p. 19),M.J. WRIGHT noteque "[a] peopleas
diffuse as the Tebu, without effective political, religious or military leaders, and

with no identifiable politicalcentre" ne pouvait être aisémeatssimiléou éliminé,
et ilsouligne que le clan des Toubous "is not like a traditional nomadic tribe,

living and moving underthe authorityof a chief.All membersof a clanare equal",
bien qu'il ait existéun certaindegréde stratification sociale avec,son sommet,

les clans guerriers, et à l'autre extrêmitéles esclaves originaires du Soudan
(ibid.,p. 19). Les Touboussont répartissur l'ensembledu Sahara central et des

savanes méridionales, mais ils n'ont jamais constitué leur propre structure
étatique,contrairementaux sultanats du Ouaddai, Darfoue rt Kanem (ibid.,p. 21).

5.179 Bien qu'il soit impossible d'estimer le degré
d'organisation des diverses tribus, factions et clans qui habitaient leB.E.T. au

cours de la périodeantérieure à l'acquisition dela souverainetépar la France,il
ne fait aucun doute que rien de comparable à une structure unifiée n'existait,

qu'une diversitéde groupes s'entremêlaiens tur un territoire inhospitalieret peu
peuplé, et que certains d'entre eux ont probablement prêté unecertaine

allégeance àdes autorités situéeàs l'extérieurde la région immédiate.

5.180 Au sujet de cette allégeance,il est intéressantde noter
que dans son Mémoire,déjà citéd , e1935,le Capitaine SCHNEIDER relate de la

manière suivante commenten 1908 le "derdé"du Tibesti adressa aux autorités
ottomanesde Mourzoucksa demande d'assistance militaire :

"En 1908, DJELAL BEY, Moutessarif de Mourzouck, écouta les
doléancesdu DerdéCHAAI, sultan actuel du Tibeste i t fut amenésans
ordre de son gouvernement à intervenirau Tibesti.
Ce chef, ayant consolidé son autorité dan lsmassif grâceà l'influence
de SI AHMED CHERIFdont il était l'ardentpartisan, craignaitl'arrivée
des Françaisde Bilma. D'autrepart, ses bandesqui, en 1906 avaient enlevé 1500chameaux, tué ou blessé65 Tuaregs à Fachi étaient
passées à la solde de GUETTI KUENlMENl razzieur réputé, dont
l'influencetendaità s'btendreau sud du massif.
C'est ainsi que ne pouvantplus compter surla puissance deSi Ahmed
Chérif, retiré Koufra, il se rendit auprès des autorités turquesde
Moursouksolliciter leurappui.
DJELAL BEY le reçut fort bien et pour appuyer sonautoritémis à sa
disposition un Kaimakam nomméOsman EFFENOI et six goumiers
fezzanais irréguliersTurcs, quileur arrivéeà Bardai hissèrent les
couleursottomanes surla case duDerdé.
Mais GUETTI riche et puissant, aidé d'une nombreuse famille,
continuantàrazzier, fit craindreaux autoritésturquesde Mourzoukdes
difficultés avecla France. Aussi, aprèsvoirconvoquà Mourzoukà
fin 1910, DJELALBEY lui donna le commandementdes régionssud
du massif et, pour mettre fin aux rezzousa, envoya au débutde
1911, une compagnie de 100 réguliers Turcsavec un officier, un
mddecin, sous les ordres du capitaine RIFKY, occuper Bardai et
Sherda. Par la suite, le CapitaineFKY partit en octobre 1911,
accompagnéde deux soldats turcs,à Ain Galakaoù, sur la demande
d'AbdallahTOOUEURil fit hisser les couleurs ottomansur la Zaouia
senoussiste" (annexe 21,mibits Annex, m, W, pp 87-88).

5 3. FS POPULATIONS INDIC-NT PAS
DlQUE SOUVFRALN

ziuusAL

5.181 De façon préliminairei,l faut rappelesupra, chap. 3)

que le droit international interdit évidemmentla projection dans le passéde
règles adoptées ultérieurement. Cela signifie que les principes qui guident
aujourd'hui le traitement réservée que l'on nomme les"peuples indigènes"

(un sujet, en soi, non dépourde controverses),ne peuvent êtretransposésà
des époques historiques reculées afin de redéfinir des notions juridiques

acceptéeset de modifierla qualification de situations juri. ette projection
vers le passéde règles adoptéespar la suite ne serait pas seulement erronée

sur le plan des principes juridiques. Elleaurait aussi une forced6stabilisatriceconsidérable, car il en découlerait qu'un nombre important de frontières
existantes etacceptées serait remisen question.

5.182 La nature et les implications des règles du droit
intertemporel ont étéanalyséesau Chapitre 3 du présentContre-Mémoire.

Néanmoins, il convient d'y revenir,pour ajouter quelquesremarques spécifiques
relatives au statut juridique des populations autochtones.

5.183 Comme ceci est soulignéci-dessus (Pars. 5.16 et S. et
Pars.5.136 et S.)ces populations,quelsque fussent leurstitres sur le territoireoù

elles vivaient, n'étaient en tout cas pas titulaideroits souverains-c'est-à-dire
de droits relevant du droit international public-sur ces territoires, car le droit

international de l'époque n'accordadite droits souverainsqu'aux Etats.

5.184 Le Mémoi ieyen setrompe lorsqu'ilessaie de tirer parti
sur ce point de l'Avis consultatif de la Cour internationale de Justice sur le
Sahara Occidentgl.

5.185 Dans cet Avis (C.I.J.w, 1975, p. 39), .la Cour a noté

qu'"il ressort de la pratique étatiquede la période considéréeue les territoires
habités pardes tribus ou despeuplesayant une organisationsociale et politique

n'étaientpas considérés comme terra nullius" et que la souverainetésur ces
territoires "en généralne pouvait s'acquérir unilatéralement par I'occupation de
la terranullius en tant que titre originaire,au moyen d'accordsconclusavec

des chefs locaux". En d'autres termes, lorsque la puissance coloniale avait
conclu des accords avecdes chefs locaux, elle ne pouvait, plus tard, prétendre

avoir acquis le titre par I'occupation d'uneterra nullius. C'est donc dire que
l'existence de tribus organiséessur un territoire particulier,telle que reconnue

par la conclusion d'accords par la puissance coloniale particulière, interdità
cette puissance d'affirmer avoir acquis la souveraineté par le biais de
I'acquisitiondu titre originaire découlant de I'occupation d'unea nulliusAinsi

que la Cour le précise: "onvoyait dans ces accords avec les chefs locaux,interprétésou non comme opérantune cessioneffective du territoire, un mode
d'acquisition dérivéet non pas des titres originaires acquis par l'occupation

d'une terra nullius"(ibid.).

5.186 Comme la Républiquel'a établidans le Chapitre 3 du
présent Çontre-Mémoire, ilserait erronéde déduire del'affaire du Sahara
Dccidental une doctrinegén6raledu statut juridique despopulations indigènes.

Cet avis ne vaut quepour lecontextehistorique spécifiqusur lequelil porte.

5.187 En particulier, ce serait lui donner une interprétation
beaucoup trop large que d'en extrapoler une proposition selon laquelle

l'existence de tribusorganiséessur un territoiresignifieque ces tribus détenaient
elles-mêmes un titre souverainsur ceterritoire,qui ne pouvaitêtresupplantépar

une occupation effective.

5.188 De plus, mêmeen présumant qu'il soit possible de
démontrer qu'un degré suffisant d'organisation avait été atteint par les
populations du B.E.T. (ce qui n'est pas évident pour les raisons

susmentionnées), il serait nécessairede surmonter une autre difficulté et
d'établir,pour des régions tellesque le B.E.T., un lien entre la souverainetésur

un territoire et une gammede tribus nomades,entremêlée et querelleuses.

5.189 Par conséquent,les généralisations présentéesdans le
Mémoire dela Libyene sont pas fondées.

5.190 Le Mémoire libyen fait bien plus qu'affirmer que les

peuples indigènes (dirigés parles Senoussistes,ou leur prêtant allégeance, ou
en faisant partie...) détenaientun titre souverainsur le territoire en question au
moment de l'acquisitionde la souverainetépar la France: il tente égalementde

soutenir que "theirtitle to the borderlandswas never acquired by the French"
(u, par.4.02) et que ce titre a étémaintenujusqu'à ce qu'il soit acquis parla

Libye en 1951 (ibid.,par. 6.82).La Libyeprétendnon seulement avoir hérité desdroits et titres ottomans, par l'entremise del'Italie, mais qu'elle a également

hérité des droitset titres des peuples des "borderlands" (c'est-à-dire la région
revendiquéepar la Libye et qui s'étend fort loin i'intérieurdu Tchad) (ibid., par.

6.06).

5.191 Or, il paraît extraordinaire de postuler la continuation
jusqu'en 1951 du titre prétendument détenu par les populations indigènes

(conjointement avec les Senoussistes!). Ce serait ignorer totalement les droits
souverains acquis par la France en conformité avec les rhgles du droit

international en vigueur à l'époque, aussi critiquablesque celles-ci paraissent
aujourd'hui.

5.192 Dans l'affairedu Sahara Occidenta (& 1975, p. 43) la

Cour a examinéla question de la transmission de droitshistoriques entre une
entité et une autre, et a déclaré quel'élément-clé sont "les preuves qui se

rapportent directement à un exercice effectif d'autorit... au moment de la
décolonisation". L'existence d'unlien juridique d'allégeanceentre le Sultan du

Maroc et quelques-unes des tribus occupant leterritoire, et une démonstration
manifeste de l'autoritédu Sultan sur ces tribus n'ont pas étéjugé suffisantes
pour fonder un lienjuridique de souverainetéterritoriale (ibid., pp.56-57). Mais

mêmesi l'on reconnaissait l'existence de liens quelconques entre les tribus
indigènesdu B.E.T. et les Senoussistes,il faut noterque la Libye n'est pas dans

une position comparable à celle du Maroc dans l'affaire du Sahara Occidental.
Certes, il existait bien,dans la région, cette époque,une autoritésouveraine :

l'Empire ottoman, mais son emprise n'atteignait pas la Libye méridionaleet,
moins encore,le nord duTchad (v. supra,Section2). 11est pour lemoinstortueux

de prétendreque le titre des peuplesindigènes était détenu conjointement avec
l'Ordre Senoussi, que ce titre a pu être attribà l'ordre Senoussi plutôt qu'aux

peuples du B.E.T. eux-mêmes,et qu'il a ensuite ététransmis d'une façon
quelconque à la Libye. 5.193 Detoute manibre,l'élément déterminan du processusde
décolonisation estla libre déterminatiode la volonté deshabitants d'une entité

coloniale, territorialement définie par le colonialisme au moment de la
décolonisation,et non pas la résurrectionde revendications historiquesd'une

Bpoquepré-coloniale,quelle qu'aitpu en être la solidit6.

CONCLUSION

5.194 Ce chapitreétablitle manque defondement de la thèse

libyenne d'après laquelle avant l'occupation françaisel,e B.E.T.était soumisla
"souveraineté partagéed "e la Turquie et des populationsindigènes dirigéespar
les Senoussistes (avec la conséquence que, une fois la souveraineté italienne

établiesur la Libye,en 1912,le titre juridique surle B.E.T. seraitpassél'Italie,
par droit de succession).

5.195 En premier lieu, les aporieet contradictionsde la thèse

libyenne ont été mises en évidenc eet il a été établi que Tsurcs ne devinrent
jamais titulaires d'un droit de souverainsur le B.E.T.En effet, leur occupation

de la régionfut en réalitétrès éphémère (1908-1912 )t dépouivued'effectivité.
En plus, cette occupation fut de caractère exclusivement militaire:en d'autres

termes, les autorités ottomanesn'établirentpas au B.E.T. une structure ou une
organisation civile, nine confièrent des tâches civ(telles que lerecouvrement

de l'impôt, l'administrationde la justice, le recensementdes habitants) à leur
appareil militaire.

5.196 Les différentsdocuments analysés démontrentque les

Turcs se rendirent au B.E.T. à la demande des Senoussistes, quand ceux-cis'aperçurent qu'ilsn'étaientpas à mêmede résister, sansle soutien turc, à la
pousséemilitaire française.Les Turcs ne resthrentdans la régionque quatre ou

cinq ans.

5.197 11s'ensuit que l'emprise de l'Empire ottoman, qui fut
constamment contestée, sur leplan juridique, par les Français, ne put pas
remplir les conditions exigées par ledroit international pour l'acquisition d'un

titre territorial,voir la prisede possessionrbelle,effectiveet permanente d'un
territoire, assortiede l'intentiond'exercerdes droits souverains.

5.198 En outre, l'entitéavec laquellel'Empireonoman, selon le

Mémoirelibyen, aurait partagéla souveraineté territorialsur le B.E.T. (à savoir
les populations indigénes guidées par les Senoussistes, ou les Senoussistes

eux-mêmes),n'exerça, en réalité, jamais, un pouvoir effect sur les différentes
populations nomades ou semi-nomades de la région.Toutes ces populations

étaienten conflit permanent entre elles,et aucun de leurs chefs ne réussit à
s'imposer aux autres.Les Senoussistesne réussirentpas davantageà dominer

ces populations. Ils établirent un Ordre religieux qui exerça une importante
influence sur la région, maisseulement dans le domaine religieux (l'influence

militaire de la Senoussia se manifesta seulement dans une deuxième phase,
lorsque les Français commencèrent à avancer et à remporter les premières

victoires). En revanche, lesSenoussistesn'arrivèrent jamais à mettre en place
une organisation sociale et politique dans le domaine "temporel". Par

conséquent,ils ne purent devenirtitulaires de droitset pouvoirs relevantdu droit
international.

5.199 Cependant, même à supposerque I'on puisse surmonter
les nombreux obstaclesjuridiqueset logiquesqui s'opposent à l'attribution d'une

capacité juridique internationale à la Senoussia, et que I'on puisse ainsi
considérer que cet Ordrereligieux acquitun titre juridiquesur le B.E.T., la Libye

ne pourraiten tirer aucun avantage devantla Cour.Eneffet, ce titre auraiten tout
cas pris fin avec la défaitedes Senoussistes et des Turcs et l'occupation duL'ETABLISSEMENTDELASOUVERAINETE
TERRITORIALEFRANçAISE 6.01 Analysant "the basisof Frenchclaims in the disputed

area", la Libye défendsuccessivement deuxidéesqui, prima facie, ne sont
guèrecompatiblesentreelles :

-en premier lieu, ,la France n'auraitpas acquis le "territoire
contest& parvoiede conquête (par.6.40à 6.43du MIL) ;et,

-en second lieu, la France ne pouvait procéder à une telle
acquisitionparvoie de conquête (pa6 r..4à 6.68).

6.02 II est vrai que ces deux propositions contradictoires
peuvent, peut-être,être conciliées si'on admet que la première porte sur la

périodeantérieure à 1919et la seconde sur celle commençana t prhs l'entrée
en vigueur du Pacte de la Société des NationsM . ais la Libye ne le précise

nullement et s'ingénieà entretenir le doute et,quoi qu'il en soit, ni l'une, ni
l'autrede ces affirmationsn'est exacte.

6.03 Quelles qu'aient pu être le fondement des
revendicationsfrançaises, la Républiquedu Tchad attire l'attentionsur le fait
que, si elle a succédéaux droits de la France, il lui appartient de définir

l'argumentation propre à établir sontitre sur le territoire querevendique la
Libye. De l'avis dela République du Tchadl,e problème ne se posepas dans

cestermes.

6.04 Enpremierlieu, letitre colonial est fondé pas sur la

"conquête" au sens étroitdu terme,maissur I'occupation(v. supra par. 4.10).
En second lieu, la Libye méconnaît la notionde droit intertemporelet fait une

applicationinexacte des principes applicables au recourslaforce (àl'époque
considérée)ou à son interdiction(à l'heure actuelle). Enfin et de toutes

manières,la France avait parachevé I'occupationde l'ensemb des territoires
formant la Républiquedu Tchad actuelle, y compris la bande d'Aozou, en
1914. Les deux,premierséléments de lathèse libyenneont été examinéd sans

le chapitre 3 du .Contre-Mm. Seul le troisième fera l'objet du présent
chapitre. 6.05 Par l'un de ces raccourcis saisissants,dont elle a le
secret,la Libyeaffirmeque :

"ln as muchas the borderlandsregionscould not havebeen said to
have beenconqueredby French forcesbeforethat time[1920]" (...)
avalid Frenchtitle to the areain disputedit notexist.The burden of
proofto showotherwisefallson Chad.

"The dates concernedhere are important. Asnoted above, it was
only after 1912 that Frenchmovedinto the borderlands,destroying
the greatzawiva at AïnGalakkain 1913.TheyseizedFadain Ennedi

in 1914. Ounianga (Ounianga Kebir) was taken in 1913 ; but the
Frenchleft thategionin 1916. Bardaïin Tibesti wasseizedin 1914,
but the French left Tibesti in 1916,and did notreturn until 1929.At
no stage did France introduce civil administrationor, indeed, any
territorialadministrationinthe truese.Thusit cannotbe saidthat,
prioro 1929, there had been anything morthan a defensivemilitary
incursion intothe borderlands; certainly nothing thatcould be called
eithereffectivig or even conquestu, par.6.41et 6.42).

6.06 Ce bref passage a été citiéntégralement car c'est le

a de tout leMémoirede la Libyequi soit consacré à ce point qui, s'il était
avéré, pourrait avoir une certaine importance. Cette extrême concision

témoignedu peu de crédit queles auteurs du Mémoire leur accordent et
montrequ'ils nesontpas dupesde leurs propres allégations.

6.07 Celles-ci sont, au demeurant, significatives de la
"stratrégiejudiciaire" choisiepar la Libyenvocation de quelques faexacts

isolésde leur contexteet mêlés à d'autres,qui ne le sont pas ; affirmationde
principes "juridiques"dont aucun début e démonstration n'établit l'existence
contradictionsinternes.

6.08 Enla présente occurrence,

- les faits exacts sont constituéspar les dates de quelques étapesde la
conquête française;-ceux qui ne le sont pas sont résumépar la forte affirmation selonlaquelle
"the Frenchleftthat regionin 1916",

- la contradiction tient, bien Bvidemment,au fait que I'on nà la fois,
Bnumbrerlesdatesde laconquête et nierquecelle-ciait eu...u

- le seul principe "juridique" invoquesans le moindre commencement de
dBmonstration,concernela chargede lapreuve.

6.09 Quoiquele rejetsurle Tchadde la chargede la preuve
n'ait aucun fondement (Section 1) celui-ci n'éprouveaucune difficultéà s'en

acquitter(Section).

SECTION 1. L'ACHEVEMENT DE LA CONQUETE
FRANCAISEEN 1914

6.10 Si l'on comprend que la Libye préfère rejetersur le
Tchad la charge de la preuve, cette attitude ne répondà aucun impératif

juridique.Au surplus, ellenetire pas de ceprétprincipelesconséquences
qui s'imposeraient en cequi concerneI'onusprobandi lui incombantà elle-
méme.

a) Lescontradictions de la théselibyenne

6.11 II ressort clairementde l'extrait précité..05) du
Mémoirede la Libye que celle-ci reconnaîtl'occupationpar la Francede ce

qu'elle appelleles "borderlands"en 1913 et 1914-reconnaissancequi, à vrai
dire, pourrait dispenser le Tchad d'établirla réalitéde celle-ci. Comme l'a
relevéla Cour, les Blémentsde preuve invoquéspar l'"un des plaideurs qui

vont à l'encontrede ses propresintérêt"ont "dansla pratique générades
tribunaux", considéré"comme ayant a priori une valeur probatoire élevée"(C.I.J.,arrêdu 27 juin 1986,affaire des Activités militasoaramilitaires au
Nicaraauaet contre celui-d, 1986,p.43).

6.12 II est vrai que la Libye soutient également queles

Françaisse sont retirésde"cetterégion" ("tharegion"- il semblequ'ils'agisse
de I'Ouniangaet duTibestien 1916.

6.13 Maissi tel est le cas, d'unepart,en vertude la "règle"

mêmequ'elle avance(et qui n'est nullementBtabiie,(v. a) supra), c'est à la
Libye d'établirla réalitéde ce retrait ; d'autre part, c'està elle a fofiiori qu'il
incombede démontrer parqui la prétendue reconquê teétéfaite. Or, elle ne

prouve l'exactitudeni de l'une, nide l'autrede ces allégations. Supremier
point sonMémoirese borneà deuxaffirmationstrésgénérales et inexactes(v.

infra,par. 6.76). Surle second,il est absolument muet, la partie libyenne,à
laquelle, en vertu du "principe" mêmequ'elle avance, incomberait I'onus

probandi, se gardant de faire la moindre allusion au bénéficiaidu "retrait"
allégué.II est vrai qu'il y avait là une tâche impossi:lla France ne s'est

nullementretirée.

b) Le fardeau de la preuve est partagé entre les
Parties.

6.14 Comme l'arappeléavec beaucoupde force Sir Hersch

LAUTERPACHT dans l'opinion individuelle qu'ia l jointeà l'arrêtrendu par la
Courdans l'affaire relatiàecertains em~runtsnorvéaieng,

"d'une maniéregénéralei,l n'y a pas grandeassistance à attendrede
l'argument visant le fardede lapreuve" (C.I.J., 1957,p. 39).

6.15 C'est là, en vérité,le refuge commode desplaideurs

qui se trouvent eux-mêmes à court de preuve. Et il est très frappant en
l'espèce quela Libye,fort prolixesur la présence ottomanou senoussiste-onne saittrop- dansla région entre1900et 1913, soitentièrementmu'ettesur ce
point pourla période suivant cette da1.

6.16 Quoi qu'il ensoit,l'affirmation,deuxfois répétsar la
Libye (par.6.42 et 6.43), selon laquellela charge dela preuve pèseraitsur le

Tchad,netrouveaucunfondementdansle droitpositif.

6.17 II peut exister, dans certains domaines, sinon des

règlesprécises,du moinsdesorientations générales en matièd re preuve(v.
par exemple les "considérations" mentionnée par le Juge LAUTERPACHT

dansl'opinion individuelle précieence qui concernelapreuvede l'inefficacité
des recours internes, ibid.). Mais les différendsfrontaliers (et d'ailleurs,
territoriaux)constituentl'exempletype d'affairesdans lesquellesil appartientà

chaque partied'établirle bien-fondéde ses propres prétentions, fardeaude
la preuve y est égalementpartagé. Comme l'a écritl'AmbassadeurShabtai

ROSENNE,

"If, in the final submissiboth parties layclaimsto the sameobject,
for, eachwill haveto establishits caseu(-
Law and Practiceof the International Court, Niijho, ordrecht,1985,
p. 580-souligné parla République duTchad).

6.18 Lajurisprudence delaCour confirme entièrement cette
opinion.

6.19 Ainsi, par exemple, dans l'affaire dsinauierset &

m, la Coura estimé qu'il lui appartenite

"rechercher laquelle des Parties a produit la preuve la plus
convaincante d'untitreàl'unou à l'autrede ces groupes,ou aux deux
à lafoisa 1953,p.52 ;v. aussip.67).

6.20 De même,la Chambre de la Cour constituée en

l'affaireduDifférend entrele BurkinaFaso etla République du Mali a
considéré que

Sur la prbsencedes Senoussisv,&l!Lpp. 11à 126, 142à 150et 153-1;surcelle
desOttomans,v. ibid.,pp.126-142. "la solution ne peut êtrcherchée dans une application systématique
de la règle relativela chargede la preuve. Parexemple, à proposde
certains villagesdontl y a lieudedéterminerla situation administrative
entre 1927 et 1935, le Mali prétendqu'il appartientau Burkina Faso
d'établirle caractèrevoltaïquedesvillagesà l'époque. Or,s'il est vrai

que "c'est en définitive au plaideur qui che..h. à Btablir..n.fait
qu'incombelachargede la preuve"(Activitéçres et Daramilitaireç
et contre, Ç.I.J. Wl 1984,p. 437, par. 101),
le Mali aussi doit établirles faits servant de base à ses prétentions,
c'est-à-dire enI'espbce démontrerle caractère soudanais de ces
villagespendant la périodesusmentionnée (...).Quoiqu'ilen soit, dans
un différendcomme celui-ci, le rejet éventuel detel ou tel argument
motifprisde ce queles allégationsde fait surlesquellesl reposen'ont
pas 616prouvBes,nesuffit pasen lui-même pourquela thèse contraire
puisseêtre retenue"(& 1986,pp.587-588).

6.21 Ces orientationssont en tous points transposables en

la présenteespèce, en cequi concerneles "faits" qui se sont produits entre
1912et 1920et qu'invoquele Mémoi ieyen(v. supra,par.6.05) :

-chacunedespartiesdoit établir la réalidesfaits qu'elle allègue;

- le Tchaddoit prouver l'existence effectde I'occupationfrançaise;

- la Libyedoit démontrerle retraitde la France

- et I'effectivitédu titre "libyen" sur leterritoire qu'elle revendique durant la
périodesusmentionnée,

- et, au vu des éléments fournis par les Parties,la Cour déterminera laquelle
d'entreelles "a produitla preuvela plusconvaincante".

6.22 Alors que,danssonpropre Mémoire, le Tchad a établi
à suffisance la matérialitde I'occupation parles Français de la zone qu'ils

revendiquaient, jusqu'àla limite prévue parla Déclarationadditionnelle du21
mars 1899, et de leur présence continue dans cette zone jusqu'à

l'indépendance,la Libye, quireconnaîtla réalitéde l'occupationpar la France
(v.supra, par. 6.11), n'établit nullementson retrait et, moins encore, le
caractère libyen du territoire qu'elle souhaite s'appropridans les années

postérieuresà 1916. SECTION 2. L'OCCUPATION FRANCAISE

6.23 Bien qu'il ait largement abordé la question de

l'occupationfrançaise dansonMémo v.enotammentpp.246-289)leTchad
n'entendpas poursa pan,se dérober à lachargelui incombantd'établir que la

France est, dbs 1914, en possession de l'ensemble du territoire que la
Déclaration de 1899 reconnaissaitcomme relevantde sa zone d'influence

(51)et qu'elleest restéeen cettepossessionsansinterruption parla suite (52).

1 LA PROGRESSIONWJJAlRF FRANCM

A. - LA SITUATION AU MOMENT DE LA PENETRATION

FRANÇAISE

6.24 La Libye a raisonlorsqu'elle reléveque, lorsque fut
signél'accord CAMBON-SALISBURY du21 mars 1899, nila France, ni la

Grande-Bretagne, n'occupaient effectivemenlts zonesd'influence qu'ellesse
reconnaissaient mutuellement (cf.m, par. 4.06). Le Tchad n'a nullement
prétendule contraire, et c'est le propre d'unetelle zone que de n'êtrepas

occupéepar I'Etatintéressquientendseulementvoir reconnaîtresa vocation
à y établirsa domination coloniale(m, chap. IIpars52 et S. ou chap.IV,

pars22 et S.).Mais, alorsquela Grande-Bretagnemettrapeud'empressement
à occupereffectivement les territoires situés au nord-eleligne délimitée

par l'article 2de la Déclarationl,a France ét n une quinzained'annéessa
domination effective sur l'ensembeela zonequi luiétaitreconnu2.

2 Cqu'elles réagirent différent,oiquede façon compatibleaux revendications
italiendurantrentre-deux-gue(v.notm. pp 193-197etinfrpars.8.65 et S.) 6.25 Bienque l'histoire pré-colonieu Tchadresteencore
largement à écrire, les spécialistes s'accordent pour considérer qu'il

connaissait, avant la conquête française,eux modesd'organisationsociale
assez contrastés.AuSud,et, en particulier,à I0Ouest u fleuve Chari, vivaient

des populations lignagèreset claniques,formant dessociétés extremement
décentralisées,aux croyances animistes. Plus auNord, de grands empires

islamisésse sont imposés depuis le Xllème siècle :le Kanem-Bornou, le
Baguirmi et le Ouaddaï, maisaussi celui, plus petit, du Bilala de Fitri, qui

entretiennent entre eux des relations complexes, chacun exerçant
successivement, une certaineh6g6monie(v. GALINGOTHEGatta, Tchad -

Guerre civileet dés&oation de l'Fia, Pr6senceafricaine,Paris,1985,pp.25
et S.; et AbderhamanDADI,Tchad. I'Etatretrouva,L'Harmattan, Paris,1987,

pp. 29 et S.).Au momentde i'arrivéedes Français, leSultan du Ouaddaï,
établià Abéché,étaitsans aucundoute le souverainle plus puissant de la

régionet exerçait une influence qui allait très au-delà des limites de son
territoire traditionnelet se traduisaitpar le tribut annuelque lui versaientses
vassaux du Baguirmi et jusqu'au Kanem. Au début duXXème siècle, il

entretenait des liens avec la Sennoussia mais ceux-ci ne se traduisaient
nullementpardes rapportsde domination(cf. John WRIGHT, Jibva.Chadand

the CentralSahara, Hurst, Londres1, 989,p. 87).

6.26 L'opposition,ci-dessusrappelée,entre les sociétnon
centraliséesdu Sud et les empires islamisésdu centre doit cependant être

relativisée.

6.27 D'uneparten effet,ces populations avaiententreelles
de nombreux contacts, quinese limitaientpasaux razziasd'esclavesdestinés

à alimenterl'odieuxtraficqui fonda la prospéde la Senoussia(v.supra,par.
3.53). Comme le résumebien M. René OTAYEKdans l'~ncvclooædia

yniversalig(corpus22, 1990,p. 87) ,il seraitcependanterronéde penserque
les rapports entre les peuples dans le Tchad précolonialfurent uniquement

faits de violence; la coopératéconomique, leséchangesrituels,latolérance
sinon l'indifférencey avaient aussi leur paCertains spécialistes soulignent

mêmeque si ces populations étaient, certes, d'originetrès disparate, on a
assisté, au moinsau Norddu dixième parallèle, à une"fusiond'ethnies"d'où"est néeune civilisation homogène" (AnnieM.-D.LEBEUF,Les ~o~ulationsdu

Tchad(norddu 10ème~arallèla),P.U.F.,Paris,1959,p. 1).

6.28 D'autre partet surtout, l'existence de graroyaumes
dotésde tous les attributs étatiques. n'excluait as la présencede tribus à
l'organisation sociale décentralisbe,qui nomadisaientdans les mémesaires

géographiques : ArabesOuladSliman,Toubous,etc ...(v.supra, pars.3.99).

6.29 Souvent présentés comme "the mostenigmatic of al1
Saharan peoples"(JohnWRIGHT, op.cit. par.5.25,p. 19) carl'onignore leur

origine exacte,les Toubous n'étaient nullement, contrairement ce qu'indique
leur nom ("habitantsde Tou" -la montagne), confinés aux massifsdu Tibesti,

où n'ont jamais vécu plusde quelques milliers d'entre euxE. n réalitdivisés
en deux groupes linguistiques, les Daza au Borkou et au Sud, lesTeda au
Nord, ils étaient-et demeurent- largement disséminés entre le 13ème et le

23èmeparallèlesNord, contrôlant grâce à leur endurance,leur frugalitéet leur
extrêmemobilité d'immenses espaces désertiques(v. Jean CHAPELLE,

Nomades noirs du Sahara, Plon, Paris, 1983, passim ; v. aussi Guy LE
RUMEUR, Méhariste et chefde oosteauTchd, L'Harmattan, Paris, 1991p , p.

179-185). Avant la conquêtearabe, qui n'intervint qu'auXVlllème siècle, ils
contrôlaient l'ensemble des oasisdu Sud de la Cyrénaïqueet, probablement,

du Fezzan. Entout cas, écriM t .J.RIGHT :

"Tebu had from time immemorialbeen in Kufra, whichseemsto have
been a centreof Tebu attractionand dispersionuntil itsArab conquest
and Islamisation inthe eighteenth century (...) other oases within a
rangeof 200 kilometers - Taiserbo,Bou-Zeima,Ribianaand Kebabo -
were alsoTebuoutposts." (op.cit.,p. 22).
"A chain of oasesas remoteas Kuframay have longremainunknown
to the outside world, but to the Tebu it was a centre from which
contactsweremaintainedwith Cyrenaica,Tripolitaniaand Fezzan, with

the Westdesertof Egypt,Borl<u,EnnediandTibesti,andwith Kawarad
and the main trans-saharan routesleading to Niger Valley and Lake
Chad (ibidp. 23).

6.30 L'oasis de Koufra, qui fut l'un des centres de

rayonnementdes Toubous Teda, n'aétéinvestie parla confrérie sénoussiste,
arrivéeen Cyrénaïque en 1843 q,u'à la fin duXèmesiècle. D'abord établià
Djebel Akhdar, le siège de la Senoussia fut en effetdéplacéà Djararoud en 1856 et installé éphémèrement à Koufra en 1895, avant d'y revenir,

partiellementen 1903et définitivemenet n 1913 aprèsla prise dela zaouiade
Gouropar les Français.

6.31 Ce n'est qu'après la première installation de la
Senoussia à Koufra que celle-ci commençaà envoyer des dignitaires au

Borkou,dans le Kanem,leOuaddaïet le Tibestioùplusieurs zaouias,centres
à la fois religieuxet commerciaux, furcrééesA. u momentoùlespuissances

européennesse lancent dans la course vers leTchad, l'implantation des
Senoussistesdans ces régions estdonc très récenteet leurinfluence,même si

elle connaît une extension rapideet spectaculaire qu'explila nécessitéde
présenterun front aussiuni que possible facà la menacecolonialistequi se

précise, demeure superficielleet beaucoup plusrécenteque I'impressionque
cherche à donner le Mémoir~ de la Libye (par. 4.87 et S.). Au mieux
commence-t-elle à sefaire sentià partir des années 1870 (cf.. WRIGHT,op.

cit.,p. 96) mais les principales zaouias fortifiéefnitt étatla Libye(v. not.
la carte no34, p. 126),ne sontétabliesqu'à lafin des années1890 (cf. André

MARTEL, La Libve. 1835-1990 - Essai de aéowolitiouehistoriaue, P.U.F.,
1991, p. 76) et les historiens s'accordent pour estiqrue, dans le territoire

actuel du Tchad, i'enracinementde la Senoussia"est restéprécaire"(Jean-
Louis TRIAUD,Tchad 1900-1902 -Uneauerrefranco-libvenne oubliée ? (Une

confrérie musulmane.la Sanusivva.face à la France), L'Harmattan, Paris,
1987,p. 75). La Libye reconnaît d'aillquetoutela hiérarchie del'ordreétait

étrangère et que "the Senoussi leadership,including the sheikh~ of the
~awivas,was Libyan"(Mlh, par.l.23) et, comme l'écrit . BOUQUET,

"La Senoussiyan'a pas gagnéun grand nombre d'adeptesdans ces
régions, maisa parfois sucontrblerles autoritéslocales(...). L'impact
populaire du mouvement senoussiste étad itifficileesurer. Dans
l'hypothèse selon laquelunmouvementde résistance anti-colonialiste
aurait pu cimenter l'unité nationale, setenonspas là un élément
bien solide. Car les pasteurs du Sahel acceptaient la rigueur les
armes que leur fournissaitla Senoussiya, maisaimaient autants'en
servir pour être simplementmaîtres de leurs pâturages" (Tchad.
genèsed'unconflit,L'Harmattan,Paris, 1982, p. 85).

Au demeurant, comme cela a étéétablici-dessus (pars. 3.56 et S.), ordre
religieuxet commerçant,la Senoussia n'avaipasvocationà la souverainetéetne jouissait en effet d'aucune souveraineté surles territoires auxquels

s'étendait son influence. Les péripéties divede ses rapports avec les
Sultans successifsdu Ouaddaï lemontrentbien (v. Notes on the Historv of
Senoussiismand its Relationto the African Possessiof Euro~eanPowers,

m, BritishArchivesAnnex,not.p. 86).

6.32 IIreste que l'approchemenaçantedes Européens,et

singulièrementdes Français, conduisitla Senoussiatenter d'intensifierson
implantationvers lesud(v.bid.).

6.33 1899constitueà cet égard unedate-clé puisqueC'est
dans lecourant de cette année qulesiègede la Senoussiaet la résidence de

son chef furent déplacés de Koufraouro, petite oasisdu Borkou,et que fut
crééela zaouia foritfiée deBir-Alali (rebaptiséeplus tard Fort-Pradié parles

Français), point d'avancéeméridionale extrême dea confrérieà quelques
dizainesde kilomètres aunorddu LacTchad.

6.34 Ainsi, "Françaiset Senoussistes étaientarrivés aux
bords du lac Tchad à peu près en même temps("J.-L.TRIAUD, op.cit.,par.

6.31, p. 17). Les premiers y restèrentet refoulèrent les secondsbien au nord
des montagnesduTibestietde I'Ennedi,ouils ne reprirentjamais pied.

6.35 Quant aux Turcs, leur présence dans la régionfut
encore plus tardive, éphémèret ineffective, commela Républiquedu Tchad

l'aétabli dans lechapitre 3 du préCtontre-Mé muoicrad (par. 3.07et
S.) : symbolique à partir de 1908, elle fut plus réelleen 1911 du fait de
l'établissementde petitesgarnisons militairesrdaï,Ain-Galakkaet Oum-

Chalouba, "the most southerly extension of Turkish power in the central
Sahara"(J.WRIGHT, op.cit.,par.5.25,p. 119)maisladéfaite dela Porte face

à I'ltaliel'obliàévacuer intégralement ces postes, comme l'ensemdbleia
Libye,dès l'année suivante.

6.36 Ainsi,à la veille de la pénétration frane tableau
de la situation apparaît assez fondamentalement différent de celui qu'en

dresse le de la Libye. La Senoussia exerce, certes, ucertaine
influence spirituelleet contribue au commerce, y cocelui des esclaves,mais elle ne contrôle pas le territoire septentrionaTchad et ne paraît pas
nourrir une telle ambition mêmesi, peut-être dans la perspective défensive

soulignée parla Libye, elle se prépare faire facà l'avancéede la Franceet
s'intéresseen tout cas vivement à la contrebande desarmes (v. supra,par.

3.54). Pourfaireface àla menacefrançaise, ellefait du resteappelà I'aidedes
Turcs qui, "sous la forme d'une poignée d'enfantsperdus et faméliques"

(Lieutenant-colonel Jean FERRANDI, Le Centre-Afriaue francais. Tchad.
Borkou. Ennedi - leur conauêk, Lavauzelle, Paris, 1930,p. 32), durent

déguerpir à peine installés(v. infrapar. 6.55). Le véritablepouvoir temporel
était exercéau centre par les Sultans islamisés du Ouaddadïu Baguirmi etdu

Kanem, auxquels s'ajoute, à l'extrêmefin du XIXème siècle, l'Empire de
Rabah,cet "impitoyable aventurier degénie"(A. MARTEL,op.cit. par. 6.31, p.
74), qui fut le premieret plus grave obstacleà la pénétration frança.e sud

de cettezone est occupépardes tribus auxquellesleurorganisation fortement
décentralisée ne permit guère d'opposerde résistance véritablaux Français.

Toute la régioncentrale et septentrionaleest, en outre, parcourue par des
tribus nomades qui tiennent entièrement les espacesdésertiquesdu Nord,

domaineincontesté des Toubbous Teda.

B.- LES OPERATIONS MILITAIRES FRANÇAISES

. . .. . 0 .
6.37 Comme le souligne l'-militaire de IAfri~
matoriale francaiz rédigéeà l'occasion de l'Exposition coloniale

internationale quis'esttenueà Parisen 1931,"la conquête duTchad présente
plus d'unité[que celle des autres territodeesI'A.E.F.,Gabon,Moyen-Congo,

Oubangui-Chari](...) On peut y retrouver les éléments d'une action continute
progressive partant des rives du lac pour soumettre successivement les
groupements ennemis menaçant la sécuritédu territoire. Occupation du

Kanemet hostilités avecle senoussisme,occupation du Ouaddaï, 1909 à191 2
; occupationdu Borkou, 1913-1914;tels sont les faits marquants" (Imprimerie

nationale, Paris, 1931p. 18). 6.38 C'est doncà partir du lac Tchad,où les trois colonnes

commandéespar JOUALLAUDet MEYNIER,FOUREAUet LAMYet GENTIL
font leur jonction audébutde l'année 1900, que les Français vontessaimer

pour coloniserle territoireactueldu Tchad. Rabahest battuet tu6 à la bataille
de Koussérile 22 avril 1900,permettant l'implantatfrançaisedans le Suddu

pays. A l'est et au nord du lac Tchad la Francese heurtera à des sociétés
mieux organisées(v. supra par. 6.25)et devra faire facedes difficultésplus

grandes.

6.39 Quatre précisions doivent Btre données avant de

relater brièvementl'histoire desopérations:

i) Ouelle qu'ait pu êtrela soliditédes structurespolitiques des sociétésdu
centre tchadien, celles-ci ne pouvaient espérer opposer longtemps une

résistance victorieuseà des forces qui, même si le terrain leur était étranger
étaient, à l'évidence, infiniment mieux équipéeset armées malgréleur
inférioritnumérique;

ii) Du reste, comme le rappelle à juste titre la Libye, malgré unecertaine
imagerie populaire entretenue par la propagrande coloniale française, les

forces en présencerestèrent constamment fort modestes" .Manifestationsof
military strength or of sovereignty were ona very small scale by European

standards" (M-, par.3.17).

iii) Si la populationdes régionsméridionaldu Tchadest relativement dense,
ilen va tout à fait différemmentau Nord où quelques oasis constituent des
points de ravitaillementindispensables la surviedestribus nomades.Ceci a

une incidencefondamentalesur la stratégiede l'implantation françaiseil suffit,
pour s'assurer le contrôle d'immenses étenduesdésertiques,de tenir ces
. .
centres vitaux. II est fort significàtcet égardque I'&oire m ilitair&
J'A F F ,après avoir fait étatde nombreuxrezzous dans leB.E.T. en 1912 et

1913,signaleque "la chuted'Aïn-Galakka[le 27 novembre19131dissocied'un
coup toutes ces bandes" (ibid., p. 433 ; v. aussi infra, par. 6.70, les

déclarationsdu Gouverneurgénéra dle 1'A.E.. prèsla prised'Aïn-Galakka).iv) II ne faut pas oublier enfin que le contrôle du Tibestis'est opérédesr

voies différentesde celles empruntéespar la pénétration française dans le
Borkou et I'Ennedi. Du reste,ce n'estqu'en 1930que le Tibesti, auparavant
partie intégrante du Nigeret relevant doncde l'Afrique occidentale française,

fut rattachéauTchad,c'est-à-direaugroupede l'Afriqueéquatoriale française.

6.40 Cette dernibre considération conduit à distinguer
l'occupation du Borkou, de I'Ouniangaet de I'Ennedid'une part, de celle du
Tibesti d'autrepart.

6.41 Dans les deux cas, la Républiquedu Tchad s'en
tiendra a un rappel (v. u, pp. 246 et S.) chronologique des principales

étapes des avancées françaises, qui apparaissent sur la carte jointe,
puisqu'aussi bienil ne semble pasexister de désaccordentre les parties sur

les faits pertinentsmêmesi la Libyeentreprend manifestemend te les agencer
en épopée à la gloirede la Senoussia (Cu, par.4.81et S.et 4.151et S.).

a) L'occupation du Borkou, de I'Ounianga et de

I'Ennedi

6.42 Lepremieractedecette occupationfut constituépar la

prisede Bir-Alali,déjàattaquéeenvainennovembre 1901 (cfJ ..-L.TRIAUD,
op. cit.par6.31, p. 18etMA. ,ars.4.104et S.,quiattache à cet épisodesans

lendemainune extrême importance l),20janvier 1902.Bienque cette zaouia
récemment fortifiée(supra par.6.33) fût situau Suddu Kanem, sachute

revêu t negrande significatio:d'unepart,elledonne uncoup d'arrêd téfinitifà
l'expansiondela Senoussiaversle sud ;d'autrepart,après unevainetentative

de reconquête par lesSenoussistesen juin1902,elle placeceux-cisur la
défensiveet ouvre lavoieà la progressionfrançaisevers le nordde ce qui
allaitdevenir leTerritoire duTchad (sur laprisede Bir-Alv.Ch.BOUQUET,
. .
op. cit.par.6.31, p. 70etHiçtoireire de l'AFF,, par. 6.37,pp.257
etS.).C'estd'ailleurà la suitede la prisede Bir-Alalique le siègede laSenoussis fuà nouveautransféré de Gourà oKoufra(cf.w, British Archives
a, p.93).

6.43 C'est aussien 1902 que LARGEAU,commandant du
territoire, créeun peloton méhariste "qui devient opérationnersmoitié de

1904 : partir de ce moment-là, les Français vont êremême de lancerdes
opérations en profondeur vers le Borkou et le Ouaddaï" (Glauco

CIAMMAICHELLA, mens et Fr- au T&& (1897-19441,C.N.R.S.,
Paris, 1987,p. 91).

6.44 Ils le feront, en effet, avecdes fortunes diverses,mais

leurs échecstemporaires ne les empêcheront poind t'établirleur domination
effective tant sur le Ouaddaï que sur le Borkou,'Ennedi et I'Ounianga en

moinsde quinzeans.

6.45 L'histoire, mouvementée, dl'occupationdu Ouaddaï

ne présentepas un intérêt direct poulra présente affaire (encoreque les
extraordinairesrevendications libyennes englobenlta partie septentrionale de

l'ancien sultanat). Toutefois, la pr.se.d'Abépar les Français (Capitaine
PIEGENSCHUH),le 2 juin 1909 (v. &foirem ilitaire de F'F., préc.,par.
6.37, pp.331 et S.)présente,a l'est, la mêmeimportanceque celle revêtue

sept ansplustôt parla chute de Bir-Alali'ouest.Désormais, les Français qui
avaient déjà pris etdétruitla zaouiade Woum(prèsde Faya)le 30 mai 1906

(v.ibid.p. 276),ont leurs arrières bien assurés.

6.46 Au printemps 1909,le LieutenantFERRANDIeffectue

un raid sur Oum-Chalouba(v.son ouvrage, & par.6.36,p. 23), à nouveau
visitépar les méharistesen 1909 (cf.G. CIAMMAICHELLA,op. citpar. 6.43,
p. 110)avant de faire l'objet d'une occupation permaneepartirde 1913 (cf.

l'Histoire militaire deI'A.E.F.,préc. par.6.37,p.423).

6.47 En mai 1911, le chef de bataillon HILAIRE,
commandantde la circonscription du Ouaddaï, défait leroupes de Si Saleh

Abou Kreïmi,senoussiste dissident (v.bid.pp. 112-113 ;J.FERRANDI,op.
cit.par. 6.36, p. 28;&&ire. militairede l'A FF., préc. par.6.37, p. 243). Sadéfaite donne définitivement à la France, I'Ennedi où "le commandant
COLONNA DE LECA peut (...) effectuer de juin à août [1911] une tournée

pacifique"(ibid.)qui lemènejusqu'à"la lisière septentrionade I'Ennedi".

6.48 Commele noteFERRANDI,"danscette direction,nous
les Français étionsarrivés à la limite desterritoires que les accords franco-

anglais de 1899 nous avaient reconnus"(ibid.,p. 31). Ce n'étaittoutefois pas
encorevrai s'agissantdu Borkouet de I'Ounianga.

6.49 Le 21 avril 1907,le capitaine BORDEAUXavait pris la
zaouia senoussisted'Aïn-Galakka(v. Hiçtoirere .. . de l'AF F,, préc.par.

6.37, pp. 239 et 276 et S.et G. CIAMMAICHELLA,op. ci!., par. 6.43, p. 91)
mais, bien que les SenoussistesI'eussentévacuée,il avait dû l'abandonner

aussitôt, les liaisons avec le Kanem étantdifficiles à assurer et le Ouaddaï
n'étant alors pas encore enlevé (v. supra, par. 6.45) 3. Ils ne purent la
. . .. .
reprendre l'année suivante(v. Hiçtoirere de l'AF F., pp. 285 etS.)et
durent attendresix ans pour y revenir; maisce fut définitivement.

6.50 Ce piétinementest dû, pour partie, à la priorité qui
s'attachaitalors à l'occupationduOuaddaï(v. supra,par. 6.45)et, pour partie,

aux réticencesde Paris où le Parlementet le Gouvernementse consacrent à
dénoncerla crise marocaineet ne sont guèreempresséspour satisfaire les

demandes de renforts formuléespar LARGEAU(v. A. MARTEL, op. cit.,par.
6.36, pp. 77-78).

6.51 Un autre obstacle, temporaire,a surgi: l'apparitiondes
Turcs dans la région, à laquelle la Libye semble attacher une importance

extrêmeen insistant sur le modus vivendi qui serait intervenu entre les
Françaiset les Ottomans,et qu'elle présente commeunvéritable arrangement

frontalier(u, pars.4.135 et S.).Leschosesse présentent, àvrai dire, assez
différemment.

6.52 II ne fait aucun doute que les militaires présentsau
Tchad ont étéembarrassés parl'arrivéetardive dans la région des Turcs

C'estcependantàtoit que Mémoi lreyen prhsent'atlaqde 1907comme un hchec
(par.4.110).Les Françsrirentbeletbienlazaouia.auxquelsla Franceest liée pardes liens pluriséculair. etembarras estbien
reflété pala lettreque leColonelLARGEAU,commandantleterritoire militaire

du Tchad, a envoyée,le 19 mai 1911, au représentantdu Gouvernement
ottoman à Aln-Galakka.Luifaisantpart de ses protestationsi,l lui précise:

"malgré mon désir devivre avec vous en bon voisinage, mes
détachements continueront à donner la chasse aux rezzous qui
pourraient venirde Borkou,en lespoursuivantjusquedans ce pays s'il
est constatéqu'ilss'y réfugient"(annexeD 83).

De même, le Lieutenant-colonel FERRANDI, l'undes artisans dela conquête
du Tchad, noteque

"la venue des Turcs au Borkouet au Tibesti, même sous la forme
d'unepoignée d'enfants perdue stfaméliques nous otailta possibilité
d'agirpar laforce contre les Senoussistessans nous donne arucune
garantie contrele renouvellement de leurs agression; de plus, ces
deux provinces étaient placées dans la zone française, en vertu
d'accords queles Turcs considéraient comme inexistants puisqu'ils
ne les avaient pas signés.Lasituation aurait pu devenir rapidement
intolérable si les Italiens, en débarquant Tripoli, n'avaient pas
obligé tousles contingents ottomansà se rapprocher dela mer"(op.
cit.,par. 6.36,p. 32).

En d'autres termes, ce n'est pas la puissance des Turcs qui inquiète les
Français, mais,au contraire, leur faiblesse,qui les laisse démunisface la

Senoussia que la France considkre,à tort ouà raison, commeun fauteur de
troubles etunfacteur d'insécurité dals région.

6.53 II est d'ailleurs hautement signifif ue les Français

s'emploient, autant qufairese peut,àrenforcerlesTurcsface àla Senoussia.
Ainsi, dans une lettre adresséele 4 novembre1912au Kaimakanturc d'Aïn-

Galakka, le Chef de bataillon JANNOT, commandant dela circonscription
dlAbbéché, écrit : "J'ai pour les chefs senoussistes la plus grande
considération,mais je ne puis admettre que, sur le terrain politique, ils se

substituentà vous" (cette lettre écriteen arabe est traduite et reproduiteen
annexede l'ouvrage deG. CIAMMAICHELLA, Q& par.6.43,p. 161 -v. aussi

le télégramme de LARGEAUau Gouvernementgénéral à Dakar,en date du 30
mai 1912,dans lequelil se plaint que Si Abdallah TOOEURm , oqqademde la

confrérie senoussisteà Ain-Galakkaparaisse "complètementignorer l'autoritéottomane etne se réclame que de Si AhmedCherif",chef dela Senoussia -

ibid., p. 153).

6.54 Dansla même lettreJANNOT proteste vigoureusement

commel'avaitfait LARGEAU lui-même en mai 1911 (v.supra,par.6.52) contre
"l'occupation de ce pays" (le Borkut le djebel) etil précise:

"II nous appartiet ar (ibid.,p. 160)
(v. aussi supra, par. 3.29 eS., 3.37 etS.et 3.41 ; soulignépar la
Républiquedu Tchad).

6.55 Ceci conduit aux constatations suivantsles Français
sont freinés dansleur progression dans leBorkou, non pas par la force

ottomane -qu'ils savent modeste- ni pardes considérations juridiques-ils
réserventconstamment leurs droits faceaux prétentionsturques-, mais par le
souci, purement diplomatiqued,e ménager un allié en difficulté. Ces attentions

ne suffiront évidemmentpas à sauver la Turquie dela déconfitureface aux
Italiens,ce qui conduitau retrait des troupes turques symbolenvoyéesau

B.E.T. et permetà la Francede paracheverson occupationcomme l'écritla
Libye elle-même, "thus,the situationhad suddenlyshiftedin France'sfavour"
(ML, par.4.164).

6.56 Les Français en tirent immédiatement parti.Le 27
novembre 1913, une colonne, partie de Mao et conduite par le colonel

LARGEAU,enlève, définitivement , zaouia fortifid'Aïn-Galakka(v.Hiçtoire
ire del'A F'F.u, par.6.37,pp.243 et 434 etS.,et J. FERRANDI,op.

cil., par. 6.36, pp. 67 et S.).La Libyese monired'unediscrétionremarquable
sur cet épisode qu'ele'évoque qu'en passant(m, par.4.173). 1est pourtant

fondamental; grâce àcette actionla conquête du Borkou peut être complétée
en quelquessemaines :

- le 3 décembre1913, LARGEAU est à Faya. où il laisse-un détachement
commandé par TlLHOavecletitre de"commandantprovisoiredu ~orkou",

- le 14 décembre, aprèsun bref combat,il prendla zaouiade Gouro,ancien
siège de la Senoussia, d'où son chef, Mohammedal-Mahdi el Senoussi,

réussità fuir dejustesse;- le 24 décembre, un détachement entre à Ounianga, désertée par le
moqqadem senoussiste.Abd Rabbih,qui seracapturéle29 décembre;

-d'ounianga, le colonelDUFOURreconnaîtTekroet Arouelléenjanvier 191 4 ;

-quelquesjours plustard est créé lepostede Fada.

(Sur tous ces points v. l'Histoire militaire de 1'A.FF.pp. 450 et S. ; et J.
FERRANDI, op. cit.,pp. 99et S.).

b) L'occupation du Tibesti

6.57 A la différencdu Borkou,de I'Ennediet de I'Ounianga,
le Tibesti,occupéà la même époque,l'estpar destroupes relevantde l'Afrique

occidentalefrançaise(v. supra,par. 6.39,iv)) ; partiesde Zinderau Niger,elles
sont commandéespar lechef debataillonLOEFLER.

6.58 Lacolonnenerencontreque l'opposition sporadiquede
Toubboustrop isoléset insuffisammentarméspourpouvoir lutterefficacement.

Malgré l'environnement inhospitalier,elle progresse rapidement et réalise
l'occupationdu Tibestien quelques mois :

-Zouar est atteintle 10décembre 1913 ;lacolonne reçoit l'ordred'y stationner;

-enjanvier 1914,le lieutenantROUCAUDreconnaîtYooet Kayougué;

-enjuin, il esà Wour ;

-partiede Zouar le12juin, lacolonneinvestitBardaile 23 ;

-le9 juillet, le capitaineFIGARET,défaitlederdéMAYCHAFFAMI à Aozou (v.

le récitde cet épisodedans le rapport du Chef debataillon TlLHO - annexe
52 et Production 2) ;-en août,le lieutenantCAMPENONserendà Yebbi;

-le même mois,le lieutenant ROUCAUD reconnaît Goubon où il procèdeau
desarmementde lapopulation.

. . .. . I '
(Surces actions,v. Hiçtoire de lIAfrioue, Paris,
Imprimerienationale,pp.794-795).

5.59 L'Histoire militaire de I'A.O.F, peut constater
laconiquement "leler octobre 1914, l'occupationdu Tibesti est réalisée,la
colonned'opérations est dissout..."w, p.795).

6.60 La Libyenenie pasla réalité dela prise depossession
du B.E.T.par la France, mais elles'ingénià en limiterla portée.

6.61 Sa thèse est assezbien résumée au paragraphe6.06
de son Mémoire(p.445) :

"When, afterthe Treatyof Ouchy, Frenchforces advancednorth into
Borkou, Ennedi,TibestiandOunianga, itwasa defensivemilitarymove
to protectthe regionsactuallyoccupiedbythe Frenchinthe LakeChad
regionand in the regionslyingsouthof there; in the northernsectorof
the borderlands, and in particular Tibesti, French forces were
withdrawn starting in 1914, and did not return until 1929-1930,and
then, once more, only for defensivmilitarypurposes-in the light,this
time, of ltalianadvancesfromthe north".

6.62 Cette présentation appelleeuxséries d'observations

i)il n'est pas inexact que l'occupation françaiait étéinspiréeen partie par
des considérationsstratégiques défensives mais cec nie constitue qu'une
explication partielle et,en tout état de cause,n'a aucuneincidencejuridique

sur le problémeen examen ; quelles qu'en aient étéles raisons, I'animus
occupandi de la Francenefaisait aucun doute;ii) il n'est,en revanche,pas exact, quela France se soit "retiréégions
conquises,tout au pluspeut-onsoutenir quela forme desonoccupation aété

différente dans Borkouet I'Ennedid'unepart,dansleTibesti, d'autre part.

A.- LECARACTERE DE L'OCCUPATION FRANCAISE

6.63 II est exactque l'avancée françaisvers le Nord du

Tchad a été motivée ,n partie au moins, pades considérationsdéfensives
qu'exprimaitdéjà, parexemple, Paul CAMBON lors de ses négociationsavec
Lord SALISBURYqui ont conduità l'adoptionde la Déclarationdu 21 mars

1899. Ainsi, par exemple, dans une lettre adressée le25 janvier 1899 à
DELCASSE, Ministre desAffaires étrangères, l'Ambassadeur de France à

Londresécrit:

"J'ai penséqu'il était préférable d'englober complèteentibesti et
le Borkou dans notre zone d'influence. II serait difficile en effet et
nuisibleà nos intérêts autant que dangereux d'abandonner upaertie
des oasis decesrégionset de laisserdans notre voisinage des centres
qui pourraient devenir facilemetes foyers d'agitation" (annexe
31 ;v. aussi annexes32et 47, ibid.).

Les mêmes préoccupation sont exprimées, par exemple d,ans l'exposé des
motifs du projet de loi autorisant la ratification dela Déclaration soumisau

Parlementfrançais :

"En outre, l'incorporation dans notre de I'Ennedi,de I'Ounyanga,
du Borkou et du Tibesti couvre d'une sortede rempart naturel notre
lignedejonction du Tchad avecla Méditerranée" (annexe 332).

6.64 Les mêmes arguments "défensifs" furent invoqués par
les officierscoloniaux français pour obe "feu vert"de Pariàla conquête

ou lajustifieraposteriori (v.les pagessévèresde J.-L.TRIAUD,consacréeà
DESTENAVE, op. cit., par.6.31, pp.30 et S.)et le Tchad atrop souffert dela
division attiséepar certains milieux coloniaux française Sud-le "Tchadutileu-et le Nord -le "Tchad rempartv-(cf.A. DADI,op. ci?.,par. 6.25, pp. 34et
S.)pour songer à contesterles préoccupations "défensives"qui ont inspiréla

conquetedu B.E.T.par la France.

6.65 Encorefaut-ilpréciseret nuancercettevision.

6.66 En premier lieu, les intérêts"défendus" par le
colonisateursont, en réalitétrès divers.I s'agissaitcertes de mettre un terme

aux visées temporelleset expansionnistes-réellesou supposées, peu importe-
de la Senoussiad'abord,des Turcs ensuite,et au harcèlementdes Toubous.

Mais les Françaisentendaientégalement s'opposer à latraite des esclaveset
à la contrebandedes armes, traficsqui fondaientla prospérité senoussiste (v.

supra, par.3.52et S.).

6.67 En deuxiéme lieu, si lems otivations"défensives",ainsi
entendues, de la France étaientsans aucun doute réelles, elles n'étaient

nullement exclusives d'autres, plus "offensives", qu'il s'agisse du souci de
réaliserle rêve colonialfrançais de relier les possessionsde l'est africainà

celles du Soudan et de la Méditerranée, ou,et peut-être surtout, de
transformer, par une présence effectivesur le terrain, la zone d'influence

reconnue par la Grande-Bretagne en 1899 et par l'Italie en 1902, en une
véritable possession coloniale,opposable erga omnes (v. Mn, pp. 241 etS.).

6.68 Entroisiéme lieu et detoutes manières, les motivations

profondes de la Francen'ont,en la présente occurencea ,ucune conséquence
juridique. Quelles qu'aient pu êtreces raisons, il est clair qu'elle entendait

s'approprier ces territoireset établir sa dominatiocoloniale; ce qu'ellefit. B. - LESCONSEOUENCES DEL'OCCUPATION FRANÇAISE

6.69 Loin d'avoir constitue une simple "incursion" sans
lendemain, commele prétendla Libye(v. m, pars.4.173et 4.174 ou 4.185).

la conquête duB.E.T.par la Francemarquaeneffet ledébut d'une domination
colonialequi necessaqu'avecI'independance duTchaden 1960.

6.70 Les contemporainsne s'y sont dureste pas trompés.
Cela ressort clairement, exemple parmi beaucoup d'autres, d'une lettre

adresséepar LARGEAU "aux Maîtres de la Confrériesenoussiste", le 31
decembre1913,au lendemainde laprised'Aïn-Galakka; aprèsy avoir rappelé

la prisede possessiondu Ouaddaï parla Franceen 1911, la défaiteet la mort
d'Abdallah TOOEUR, la conquêtede Galakka, Faya, Gouro et Ounianga,
I'occupationde Bardaïpar lestroupesde Zinder, leCommandantdu Territoire

du Tchadajoute :

"Et derrièrece déploiementde forces,il y a les immensesressources
du Gouvernementfrançais.
"Dans lu sieurde vos lettres. vous recommandezau'on cesse les
rezzous contre les ~ebachiches, parce que ~ord Kitchener,

représentanten Egyptedu Gouvernementanglais,a les moyensde se
faire respecter.
"Avez-vous compris maintenant que les représentants de la
République françaiseont aussi les moyensde se faire respecter ?"
(annexe ÇMn 46).

Quoique l'on puisse penserde ce ton paternaliste,ce n'estpas là, malgréce
qu'affirmela Libye(cf. pars.4.78,4.151et S.ou 4.184),un langageusuel
dans les relationsde puissance puissance, d'égàl égal.IIfaut y voir,en tout

cas, la confirmationdu caractère définitifde I'occupationaux yeux de l'un de
ses principaux artisans.

6.71 Les journaux français de l'époque traduisent les

mêmes sentiments.Annonçant la prise d'Aïn-Galakka, le du 12
décembre1913 reproduit les déclarationsu Gouverneurgénérad l e1'A.E.F.: "La prise d'Aïn-Galakka est la dernière opérationqui assoit notre
souveraineté dans la zone d'action qui noa étédévolue par le traité
de 1899. Cette opérationétaitdevenue néanmoinsnbcessaire par
suite de notre pénétration avancée dans lreésgionsdu Tchad et du
Ouaddaï (...)
"II en est des oasis au milieudu désert commedes îles au milieu de
l'océan.Si l'on veut empêchelre corsairede battre la mer, il suffit de
tenir lesîles ; pourarrêter les entreprsespillards du déserti,l suffit
detenir les oasis...)
"A ces raisons d'ordre intérieur, vient s'ajouter un motif d'ordre
international qui rendait urgente l'occupation du Borkou. II est
nécessaire,en effet, de mettre la frontière de la Tripolitaine en face
d'uneoccupation régulière par une nation civiliséed'empêcheq rue
s'organisent des bandes de pillards qui auraientpu nous créerdes
difficultés avec une nation voisine [l'Italie] avec laquelle nous
entretenons les meilleures relations" (annexe 45 ;v. aussi
annexe 47).

De mêmed , ans le numéro de janvier1914,du Bulletindu Comitéde I'Afriaug

francaise,Auguste TERRIERconcluaitun longarticle consacré "auterritoire du
Tchad avantet aprèslaprise d'Aïn-Galakka"en écrivant:

"C'est ainsi tout le Borkou et déjà la partie orientaledu Tibesti qui
tombent sous la surveillance efficace de la paix française" (annexe
48.

6.72 De son côté, dans l'ouvrage qu'il a consacré à la

conquête du Borkouetde I'Ennedi,le lieutenant-colonelFERRANDI, prochdee
LARGEAU,note, à la date du8 janvier 1914 : n'y a plusun Senoussiste au
.. .
Borkou" (op. cif.par. 6.36, p. 204). De même,l'Histoire militaire deFlF,
reléve qu'avec les succès remportés par la colonne commandée par
LARGEAU, "l'occupation dela totalité des territoiimpartisà la Francepar

lestraités estdésormais réaliséLe'.épopéduTchad,commencée à Kousséri,
s'achève à Aïn-Galakka" (a par. 6.37, p. 243 ; v. aussi p.450). De même

pour I'A.0.F. avecla prisede possessionduTibesti(v. supra,par. 6.59).

6.73 Les spécialistes actuels partaget même avis.M. G.
CIAMMAICHELLAécrit qu'avec l'occupationd'Aïn-Galakkaen 1913,du Tibesti

et de I'Ennedi en janvier 1914, "la présenceéconomiqueet politique de la
confrérie [senoussiste]au Tchad a été ainsi complètemen etffacée"(op. cit.,par. 5.43, p. 129).Le professeurAndré MARTEL relève,lui aussi,"la défaitede

la Sanusiya"et son départdéfinitifde la région 4ainsi que celuidesTurcs (op.
cit.,par 5.31, pp. 76 et S.).

6.74 Enpossessionde l'ensembledu Borkou,de I'Ennediet

de I'Ounianga,le colonel LARGEAU constate,dans un rapport en date du 8
janvier 1914,que ces avancéesmilitaires"ont abouti au resultat recherché :

l'Afriqueéquatorialefrançaise atteintmaintenant auNordses limites naturelles
et les couleursnationales flottentjusqu'auxconfinsdu désert" (cité in

militaire de I'A.E:F,Q& par.6.37, p. 454)et il s'emploieaussitôtà organiser
les nouveaux territoires :un bataillondu régimentdu Tchad est stationnéà

Mao ainsi que la 4ème compagnie, chargéed'escorter les convoisvers le
Borkou ; la 7ème compagnie est affectée à Faya, avec des postes à Aïn-

Galakka et Gouro ayant mission d'occuperet de défendre le Borkou; et la
8ème compagniea son centre à Fada, postenouvellementcr6é(v. supra par.

6.56) et un poste à OuniangaKébiren vue d'assurerla policede I'Ennedi(v.
annexe çM1I 70).

6.75 Demêmee ,n octobre 1914,leTibesti

"reçoit l'organisationsuivante:
"Le secteur du Tibestidépendde Bilma.Le postede Bardaïest chef-
lieu de secteur. Sagarnisonest ainsi constituée :1 lieutenant.3 sous-
officierseuropéens,80tirailleursdont 1section demitrailleuses.
"Le blockhausde Zouarest occupépar un détachementcomposé de:
1 lieutenant, 2 sous-officiers européens, 1 section méhariste, 1
détachementde tirailleurs.
"Surveillé par nos troupes, ajoute I'Hiçtoirere .. . de I'A.O.F., le
Tibesti devient alors un repaire difficilement accessibleaux Toubbous
turbulents,grands pourvoyeursde rezzous" (op. cit.,par.6.57, p. 796).

6.76 D'emblée, lesterritoires occupés font l'objet d'une
exploration méthodiquepar les militairesfrançais (cf. annexe ÇMn 52) sans

qu'ils paraissents'être heurtésà unerésistance quelconque.

4 Enréalitép.rofitadu déclenchemednet laguerreen Europe,lesSenoussisttentent, en
vain,de reprendreGouroen novembre 1914 el s'infifft..s.e Tibestien 191maisib
s'enretirentdans lespremiersjoursde 1918 (v.Hiçtoiree de l'AFI.,pp. 461 et
479). 6.77 La Libye affirme que "the French occupation was

precarious and short-lived"et elle en voit la preuve dans le fait que "French
forces abandoned Tibesti after the out-break of World War I in Europe,
withdrawing to Borkouin august 1916"(m, par. 4.174) ; et d'ajouter quede

1916 à 1929,"therewas no French presencein the region"(ibid., par. 4.175).
Enfin, allant plus loin encore, elle affirmein the northern sector of the

borderlands, and in particular Tibesti -ce qui laisse entendre qu'il en alla
égalementainsiailleurs-Frenchforceswere withdrawn startingin 1914and did
not return until 1929-1930"ibid., par. 6.06,p. 445). S'il y a une part de vérité

dans la première de ces propositions,n'yen a aucuneni dans la deuxième
ni dans la troisième. qui relèventde l'imaginationou des seuls espoirs de la

partielibyenne.

6.78 II est exact que, le 21 juillet 1916, le lieutenant

LENOIRévacue Bardaï(probablement,commel'écrit laLibye-MIL par.4.174-
du fait des besoinsde la lutte contrel'Allemagneau Cameroun)puis Zouaret
se retire Faya(v. PierreGENTIL,Late duTchad (1894-19161, t.1,&

FNTII (1894-19021,Service historiquede l'Arméede terre,
Paris, 1971,p. 279). Mais il ne l'est pas qu'il en est résulté une abdence

toute présence française dans le Tibesi.npremierlieu, le poste de Zouarfut
réoccupé peu après (ibid.) et,en secondlieu,commela République du Tchad
l'avait indiqué danssonMémoir (ear. 149, p. 248), le Tibesti est l'objet de

tournéespériodiques fréquentee st qui semblentavoirétéefficaces caraucun
trouble important n'est signalé dans régiondurant la période 1916-1929.

Certes, quelques rezzous s'y produisent de temps à autre ; mais comme
l'écrivaitF.AVIT,lieutenant-gouverneurdu Tchad,à proposdes "évènements

politiques survenus en 1921 et 1922", "ces rezzous n'ont plus aujourd'hui
aucune importance politique depuis que les Senoussistes, nos vieux
adversaires du Nord,ont abandonné le Tibestisous la pressionde nos forces

et se sont orientésvers la Tripolitaine). Quantaux bandesdu Tibesti, elles
relèvent uniquement de la police courante de nos méharistes agissanten

liaisonavec leurscamaradesdu Kahouar" w, avril 1924,pp. 127-128). 6.79 Eneffet, commepartoutau Nigerauquel le Tibesti est
alors rattaché 5, ce territoire bénéficied'une "police du désert à grande

distance", assuréepar les méharistese ,t qui suffàtassurerla sécurité de ces
confins très peu peuplés.IIs'agitlà, du reste,d'unrnode.decontr6leterritorial

systématiquement pratiqué par laFrance dans les immenses territoires
désertiquesqu'elle s'était appropriéest que I'onretrouve dansle Sud-algérien

ou au Soudan.

6.80 Le lieutenant-colonel FERRANDI signale d'ailleurs
l'existenced"'instructionstrès fermes"de Paris à nos méharistes

de nomadiser àoutrancedans I'Ennediet d'y assurerla police" (op. cit.,par.
6.36, p. 215) ; mais dans cette région,comme au Borkou, l'occupation

colonialefrançaisesetraduit également par le maintien constantde garnisons
fixes, notamment à Fayaet à Ounianga(v. supra,par.6.73).

6.81 Plusieursconclusions peuvent êtretiréesde ces faits:

i) la Francea été constamment présente da lnTibestide 1916 à 1929, aussi

bien qu'après cette date, à laquelle, en liaison avec une importante
réorganisation administrative,undétachemenm t ilitairepermanent futréinstallé

à Bardai ;

ii) cette présence françaises'est traduite par le maintien d'un posteà Zouar
(temporairement évacué en 1916 pourdes raisons qui n'avaient rien à voir

avec la situation dans la régionproche) et par de constantes tournéesde
police assurées parles méharistes ;

iii) cette organisationa permisdefaire régnerle calmeet d'assurerla sécurité

dans tout leTibesti ;

iv) et la gén6ralisationau Borkou et à I'Ennedi, que tente la Libye, des

constatations,de portéebienlimitée,queI'onpeutfaireà proposduTibesti,ne
reposesur aucunfondement.

- - -

5 II neserainclusdansleTchadqu'en1930.peuaprèslarbinstallan'unposte permanent
ABardaï. 6.82 Commela République duTchadl'amontré àsuffisance
dans son MBrnoirs (pp. 241-292), la France s'est comportée,dans tout le

B.E.T. comme le seul souverain territorial et ce jusqu'aux limites
septentrionales de la zone d'influence que lui reconnaissaitla Déclaration
franco-britannique du21 mars 1899,c'est-à-direjusqueset y compris dansla

bande d'Aozou.Cene occupation effective estintégralemenréalisdeen 1914
et n'a cess6 qu'en 1960 avec l'indépendancedu Tchad. La Libye n'a pas

administrela preuvedu contrairedans sonMémoir~et nele peutévidemment
pas. Chapitre7.

LA PRETENDUE SUCCESSION DE LA LIBYE
AUX DROITS DE LA TURQUIE 7.01 Selon la Libye, en vertu de Traité d' Ouchy de 1912,
I'ltalie succédaI'Empireottomanpour ce qui est desdroits de souverainetésur

le territoire libyen; en vertu de ce Traité I'ltalie aurait acquis la pleine
souverainetésur leterritoire libyendans l'étenduequi étaitla sienne au moment
de la conquête italiennde la Libye.ene succession juridiqueaurait impliqué,

entre autres, que I'ltalie serait devenue titulaire de tous les droits et titres
juridiques sur le territoire libyen revenant avant le Traitéhy à l'Empire

ottoman. Plus précisémentc,omme-d'aprèsle Mémoirelibyen- le titre originaire
de souverainetésur la Libye aurait appartenuconjointementa la Turquie et aux
populations indigenes, la succession de I'ltalie aurait portésur un fitre conioint

("ln so far as title to territory had been held by the Ottomans with the
peoples, ltaly succeededonlyto ioi ttlt"u, par.5.141; v. aussi par.5.145).

Or, commetoujours selon la Libye,sa frontièreméridionale,en 1912, n'étaitpas
déterminée : après le Traité d'Ouchy, I'ltalie acquit (conjointement avec les
populations indigenes) aussi bien les titres juridiques sur la partie méridionale

du territoire libyen, qui auparavant avaient appartenumpireottoman (et aux
populations indigènes),que le droit d'invoquerces titres juridiques au sujet de la

délimitationde la frontière en question; pars. 4.168, 5.118, 5.141- 5.149,
pp. 445 et 447). 7.02 Cette thbse est radicalement mal fondée, pour trois
raisons essentielles:

i) la Turquie n'avait pas acquis de droits souverains surle territoire en question,
du fait de l'absenced'occupation effective dla régiondu B.E.T. (v.supra, pars.

5.19 etS.);

ii)même à supposer que la Turquie ait possédé -conjointementavec les
populations indigènes dirigées par les Senoussistesd -es droits souverains sur

le B.E.T. avant 1912, I'ltaliene succéda pasà l'Empireottoman pource qui est
de la frontiere méridionalede la Libye, carI'ltalieréipar I'accordPOINCARE-

TlTTONl de 1912 sa reconnaissancede la frontière méridionale de la Libye telle
qu'elle avaitété établie paI'accord franco-anglais de1899 reconnu par I'accord

franco-italien de 1902. Donc, même à supposer quela Turquie ait eu des droits
souverains sur la région,ou des droits concernantla délimitationde la frontière

méridionalede la Libye,I'ltalierenonçaà ces droits du fait qu'elle conctvec la
Franceun accordportant surla frontierede 1899.

iii) après 1912 (et jusqu'en 1935,c'est-à-dire jusqu'à la conclusion du Traité

LAVAL-MUSSOLINI), I'ltalie tint une attitude cohérente par rapport à la
conclusion de I'accord POINCARE-TITTONI: en effet, ellen'invoquajamais des

droits de succession àla Turquie en matièrede frontière méridionale dla Libye,
mais se fonda plutôt sur l'Accord de 1902 et surtout plus tard, sur l'Accord de
Londres de 1915, pour avancerdes réclamationssur la bande d'Aozou ou, en

générals , ur le B.E.T.

7.03 La question de savoir si la Turquie pouvait revendiquer

des droits souverains sur le B.E.T. avant 1912, ou si ces droits revenaient
conjointement à la Turquie et aux populations indigènes dirigées par lesSenoussistesa étéexaminéedansle chapitre5 ci-dessus.II resteà examinerrla

question de la prétenduesuccessionde I'ltalie à l'Empireottoman en vertu du
Traitéd'ouchy.

7.04 II convient tout d'abord de relever que, dans ce cas
également,le Mémoire libyen se limità avancer une affirmation (I'ltalie aurait

succédé à la Turquieen vertu du TraitédlOuchy)sans apporter lemoindredébut
de démonstrationjuridique. Comme cela se produit d'ailleurs tout au long du

Mémoire, la partie libyenne se borneà poser un postulat, sans prendre en
compte les principes juridiques généraux régissanlta matière ni démontrer

comment leTraitédOuchy aurait donnéà I'ltaliedesdroits successoraux.

7.05 Pour procéderà un examenapprofondide la question, il

paraît donc opportunde rappelertout d'abordles principesgénérade droit de
l'époque, en matièrde successiond'Etats.

5 1. ATIONAL RFGISSANT IA
SION FNTRE ETATS A L'FPOQUF D F

LA CONQUETF ITWF DE LA LIBYE

7.06 D'aprés le droit international général en vigueurà

l'époquede la conquête italiende la Libye,en cas d'annexiond'une partie du
territoire d'un Etat souverain par unautre Etat souverain, I'Etat successeur se

substituait à I'Etatprédécessereulementà certainségards.Cene substitution
toutefois se produisait pour ce qui est du territoire de I'Etat annexé : la

succession d'Etat ne portait atteinteni aux frontièresni aux droits et obligations
se rapportant aurégimedu territoireannexé. Teétaientles principesdécoulant

du droit internationalgénérlvoir F. de MARTENS,Trait6 de droit internation4(trad. LEO),1,Paris, 1883, pp.367-369;RIVIER, Princioes du droit des aens,

1896, Vol. 1, pp.69-75; II, p.141, M. HUBER, D- i
[Voelkerrechtliche und Staatsrechtliche Praxis im 19. Jahrhunderu, Leipzig,

1898, p.2ss. ; J. WESTLAKE, -w, Cambridge,1904.p. 60 ss. ; L.
OPPENHEIM, JnternationalLa@,1,London, 1905, pp.121.122 ; W.E. HALL, A

Treatise on lnternationallaw, Oxford, 1924, p.115 ; D. ANZILOTTI, Corso di
diritto internazionale,Roma, 1912-194, pp.286-293;M. UDINA,"La succession
des Etats quant aux obligations internationalesautresque les dettes publiques",

R.C.A.D.I.,1933-1,p.675etS.).

7.07 II va sans dire que I'Etat successeur pouvait toujours

déroger à ces principes soit d'une manière unilatérale (par exemple en
renonçant en faveur d'autres Etatsà des droits qui lui auraient appartenu en
vertu des principes en question), soit en vertu d'accords bilatéraux ou

multilatéraux.

7.08 II convient d'examiner, à la lumière de ces principes

généraux,comment se réalisala successionde I'ltalieà l'Empireottoman, pour
ce qui est de la frontière méridiode la Libye. 8 2. J-E -E DF PFRTlNENCF DU TRAlTF
p'OUCHY DU 15 OCTOBRF 1912 FNTRE

UTALIF FT 1A TUWUL

7.09 II faut noter tout d'abord que, mêmà supposer que le
Traité d'Ouchy ait eu une incidence en matière de succession territoriale de

I'ltalàela Turquie, ce Traitén'auraitpu être opposabà la France pour ce qui

est de la frontière méridionalede la Libye. En effet, la France et I'ltalie avaient
conclu en 1902 un accord (voir supra, pars. 8.31 et S.) par lequel I'ltalie

reconnaissait la frontière méridionalede la Tripolitaine indiquéesur la carte de
1899. Dès lors, le Traité d'Ouchy étant pour la France res inter alios acta,

l'éventuelle 'succession de I'ltalià la Turquie par rapport à une ligne
méridionaleautre que celle de 1899 n'auraitpu lier la France. Entre la Franceet

I'ltalie restaiten vigueurccordde 1902.

7.10 En tout cas, etcontrairementà ce qui a étéaffirmépala

Libye, le Traitéd'Ouchydu 15 octobre1912ne revêa t ucune importanceaux fins
de la question des limites spatialesdes droits successorauxde I'ltalie en Libye.

En effet, ce Traitése borneà établirque I'ltalieacquiert desdroits souverainssur
la Libye,sans préciserlesfrontièresde ce pays.

7.11 Au demeurant,que le Traitéd80uchyn'ait pas préciséles
limites du territoire auquel il s'appliquait,est admis par le Mémoire libyen. En

parlant du Firman prévu par l'articleler du Traité,la Libye est contrainte de
relever que "Thus, the Porte admitted thatltaly would thereafter replace Turkey in
the exercise of sovereignty (if not inheriting its title) over the Iwo
provinces [Tripolitaineet Cyréanique],yhose . . .. were MI
of the Trf&y"(m, par.5.135 ; souligné par
la Républiquedu Tchad).

Et plus tard, parlantdu "Traité pubprévu à l'artic5edu Traitéd'Ouchy,"Traité

public" qui entre autres prévoyailte retrait des forces ottode la Tripolitaine
et de la Cyrdnaîque,le libyend'ajouter:

"Here -in. there is no definition of the extent of the Libvan territory
from which the withdrawal was to take Dlace. However such territory

could have been no differentfromthat which was legitimatesubjectto
the sovereign rightsof the Ottoman Empireat the beginningof the war
and inhabited by peoples who wereunderOttoman sovereignty" (ML,
par. 5.138 ; souligné parla Républiqudu Tchad).

7.12 Ce manque deprécisiondu Traité d'Ouchy n'étaitpas
fortuit. II est bien connu que le Traité en quefut délibérémenvtague, obscur

et contradictoire maints égards,ce qui poussaun éminenthistorien à écrireà
l'époquede la conclusiondu Traité que celui-ci

"nous rappelle les oléographiesqui se trouvent dans certains bistrots
de campagneet qui représentent une femme de petitevertu, effrontée'
à l'Œil souriant et insinuant, laquelle, de quelpoint de la salle où
vous vous mettez à l'observer, semble toujourvous suivredu regard
et ne sourire qu'à vous; et si vous êtestrois la regarder en même .
temps de trois anglesdifférents, elle vous sourtt vous flatte tous les
trois à la foi..A qui sourit le Traitéde Lausanne, à la Turquie? à
l'Italie? aux Mahométansde la Libye? à tous? à personne? Nous
avons la vague impression, presque instinctive, que le Traité de
Lausanne est destiné à rester dans l'histoire des relations
internationales comme un des leurres diplomatiquesles plus raffinés.
Le leurre estsi exquiset parfaitqu'il seratoujours extrêmement difficile
même dedéterminer qua i été précisément leurrUén.chef d'oeuvre du
genre" (G. SALVEMINI, "II decreto della sovranità e la Pace di Losanna", dans Çorne siarno andati in Libia e altri scritti da11900 d

w, Milano,1973,p.251, annexe 122) 1.

7.13 D'ailleurs, la Libye est consciente des ambiguités

fondamentales du Traité dOuchy et elle invoque le Traitéde paix de Lausanne

du 24 juillet 1923,pour noter que ce dernierTraité dissipatoutes les arnbiguités

du Trait6 d0Ouchy:

"Thus, al1the arnbiguities and compromises of the Treaty of Ouchy
were elirninatedin favour of Italy, whose legal status as successor to

Turkey as to al1 rights and titles concerning Libya received full
recognition u, par.5.145).

7.14 En réalitél,e Traitéde Lausanne ne règlepas davantage

le problèmedont il s'agit. La seuledispositionpertinente de ceTraitéest l'article

22 :

"Sans préjudicedes dispositions générales dle 'article 27, la Turquie
déclarereconnaîtrel'abolitiondéfinitive detous droits et privilèges de
quelque nature que ce soit, dont elle jouissait enLibye en vertu du

Traitéde Lausanne du 18 octobre 1912 et des Actes y relatifs") 2.

Traductiondu Gouvernementde la République du Tchad. Texteoriginal:
"IItrattatodi Losannaci ricordaquelleolegrafie,Chesitrovanoincerteosteriedi campagnae
che rappresentano unadonninasfacciatella.dall'occhiosorridente e insinuante,la qude da
aualunaueounto dellastanzavi Donetead osservarlaDarechevi seauasemorecon Iosauardo
~. ~ -~-. ~ ~ ~ ~~ ~ ~ ~ - .. ~ ~ ~ --~ ~ ~~
e sorrida solo avoi;e sesieteinire a guardatiaconternporaneamentd ea tre angolidiversi,essa
vi sorridee vi lusingainsiemetutti etre...A chisorrideiltrattatodi Losanna:allaTurchia?all'ltalia?
ai maomettanidella Libia? a tuni? a nessuno?Noi abbiarnoun'impressionegenerica, quasi
istintiva.che iltrattatodi Losannasiadestinatoarimanerenellastoriadellerelazioniintemazionali
corneuna dellepiu ratfinatecorbellaturediplomatiche.Lacorbellatura6cosi squisita epeiietta

che s- --~s~mor. ~st~ ~arnenteditficile finanche il determinare chi orecisamente 6 ~ta~ ~ ~ ~~
corbellato.Uncapolavorodel genere".
2 Cette disposition reprendl'article121du Traitéde Sbvresdu 10 août 1920,en vertu duquella
Turquie renonçit "définitivement A tous les droitset privilegesqui avaient616laissésau Sultan
en Libye parleTraitéde Lausannedu 18octobre1912".Or, il est évidentque cette disposition ne porte nullement sur l'étenduede la
succession italienne à la Turquie en Libye maisse borne à abolir une sériede

privilègesqui étaientrestésà la Turquie.

7.15 Le Traitéde 1923 n'a donc, lui aussi, aucune pertinence

en matière de droits successorauxde I'ltalie.

7.16 IIs'ensuitque, pour résoudre la questiodes limites dans

lesquelles I'ltalie succédaaux droits souverains de la Turquie en Libye,il faut
recourir aux principesgénéraux de droitréglantla matièreà cette époque.Si, du
moins, il s'avérait queles deux parties intéressées (Italiet France) n'ont pas

régléla question de la frontière méridionalde la Libyepar voie consensuelle.

7.17 Or, quelques jours aprèsle Traitéd'Ouchy, I'ltalie et la
France conclurent un accord visant a trancher, entre autres,la question dont il

s'agit. Tel est l'objet de l'Accord POINCARE-TITTONIdu 28 octobre 1912, qui
rend donc superflule recoursaux principes généraux. 7.18 Par cet Accord l'Italie renonça à toute prétention ou

revendicationqu'elle auraitpu éventuellementavancer par rapport à la frontière
sud de la Libye en vertu des principes générauxde droit concernant la

succession entre Etats. Par cet Accord, I'ltalie réaffirma d'une manièreclaire et
indiscutable, comme constituant la frontière méridionale dela Libye, le tracé

convenuen 1899 parla Franceet I'Angleterreet reconnuen 1902par i'ltalie.

7.19 Comme la Libye, dans son Mémoire, a présent6d'une

manière tendancieuseet erronée les négociationq sui aboutirenà cet Accord (v.
pars. 5.117-5.119 ; v. aussi par. 5.142), il convient de se pencher sur ce

point, pour ensuite indiquerle contenu essentielde l'Accord.

7.20 Les laborieuses tractations entre la France et l'Italie

peuvent êtrediviséesen trois étapes:dans un premier temps,I'ltalie demande à
la France de reconnaître la souverainetéitalienne sur la Libye, mais la France

hésiteen raison des problèmes concernant la frontière algéro-libyenne;dans
une seconde phase la France propose à I'ltalie la conclusion d'un accord
réciproquede reconnaissance, et I'ltalie suggère à titre de contre-proposition

l'insertion d'une référence l'accord de 1902 ; dans unetroisième phase I'ltalie
réitèreson attachement à I'accordde 1902.

7.21 Chaque phase doit être examiné séparément. 7.22 Quelques jours avant la signature du Traité dlOuchy,
l'Ambassadeurd'Italieen France, TITTONI,eut un entretienavec le Président du

Conseil français, POINCARE,au cours duquel il lui demandade reconnaître la
souveraineté italienne sur la Libye. POINCARE avança des objections en

matière de capitulations et sur les questions économiques, objections qui
d'après les propos de TlTTONl pouvaient être facilementsurmont6es. Resta

l'obstacle de la frontihre algéro-tripolitaine, comme l'atteste une "Note du
Département" duQuai d'Orsaydu 16 octobre1912 relatant l'entretien:"En ce qui

concerne la délimitationencore en suspensde la frontière algéro-tripolitaine,M.
POINCAREa dit qu'il lui reparlerait"(annexe 29, no179).

7.23 Ce problème fut repris par l'Ambassadeur de France à
Rome, BARRERE, dans un télégrammedu 17 octobre à POINCARE. II y

suggérait de ne pas assortir la reconnaissance de la souveraineté italienne
d'une réserve relative à la frontière algéro-tripolitaine; des considérations
politiques importantes déconseillaient cette démarchet en tout cas la France

demeurait librede discuterà l'avenirla délimitationde la frontière en question.II
convient de citer le passage pertinentde cetélégramme:

"Le marquis de SAN GIULIANO [Ministre italien des Affaires
étrangères] me dit que dans sa dernière conversation avec Votre
Excellence, M. TlTTONl a cru comprendre qu'en raison d'objections
faites par le Ministre des Colonies vous deviez subordonner la
reconnaissance de la souverainetéitalienne à Tripolià une réserve
portant sur la fixation de la partie de notrefrontièrecommune qui n'est
pas encore délimitée.
Le Ministre des Affaires étrangères insiste beaucoupsur l'effet grave

que produirait cette réservesur l'opinion publique italienne, et m'a
paru que cette perspectivele préoccupait sérieusement J.e ne sais si
la réservesignaléeporte sur unequestion d'intérêp tolitique général.
Mais s'il s'agit seulement de la question de frontihre, je verrais un
intérêtde tout premier ordre à ne pas la confondre avec la
reconnaissance de.la souveraineté.II n'est pasdouteux pour moi que
cette reconnaissance accouplée à une réserve aurait en Italie une répercussion considérable quenous avons toutes raisons d'éviter
dans les conjoncturesactuelles.
II me parait que nous ne risquerions rienà reconnaîtrela souveraineté
italienne sans viserla questionde la fixation de frontière.Celle-ci reste
intacte (les Italiens le reconnaissent sans difficu. ous demeurons
maîtresde n'acceptersous ce rapport quece que je considèrecomme
conforme à nos intérêts et à nos droits. Cette délimitation pourrait
d'ailleurs mon sens devenir le prétextede la remise au point de nos
accords antérieurs avecI'ltalie,commela partie fixéepar la convention
franco-anglaise de 1899 fut le motif des accords franco-italiens de
1900et 1902"(annexe QylLt 30, no188).

7.24 Le Premier Ministre français ne fut toutefois point
convaincu par les argumentsde l'Ambassadeurà Rome. Dans un télégramme
du 18 octobre, il repoussa ces arguments et insista sur la nécessitéd'une

réservefrançaise à la reconnaissance dela souverainetéitalienne surla Libye. II
affirma:

"Je regrette que vous n'ayez pas fait remarquer au Gouvernement
italien que la France n'est dans le cas d'aucune des Puissances qui
sont disposées à reconnaîtrela souveraineté sans réserve L.'Italie va
devenir, en effet, notre voiset nous ne pouvonslui reconnaître cette
souverainetésans préciserle territoire auquel elle doit s'étendre et
sans sauvegarder nos droits. Nous ne pouvons nous assurer 'u
mation hors oair en Italie', aux dépensdes intérêtsfrançais; notre
amitié pourI'ltaliene doit pas tourner en duperie.
La Conventionanglo-françaisede 1899 part duTropique du Cancer et
laisse par conséquent indéterminée la frontière sur plus de douze
cents kilomètres. II dépenddu Gouvernement italien de formuler sa
demande de reconnaissance dans des termes qui réservent

entièrement nos droits" (annexe&lQ 31, no193).

Malgré cette positiontrès dure et nette, POINCAREchangea rapidement d'avis,

et décidade ne plus insister auprèsdes Italienssur la question de la frontière
algéro-tripolitaine. Sa nouvelle position fut de reconnaitre la souveraineté

italienne, tout en concluant en même tempsun accord avec l'Italie sur des
questions autresque lafrontière susvisée(v.infra,par.7.27). 7.25 Quelles que puissent avoirétéles raisons politiques qui

amenèrent POINCAREà changer d'avis sur la question de la frontiere algéro-
tripolitaine, il ressort clairement des notes diplomatiques précitéeset de la

position française et italiennequ'elles reflètent,que :

i) La France ne songeajamais à soulever la questionde la frontière méridionale
de la Libye. Comme d'après les mots de POINCARE,la &serve éventuelle dela

France au sujetde la frontièrealgéro-tripolitaineétaim t otivéepar le souci de ne

pas reconnaître la souverainet6italienne sur la Libye "sanspréciserle territoire
auquel elle doit s'étendreet sans sauvegarder nos droits", il en découle quela

France considéraitqu'en revanchela frontière méridionale de la Libye ne prêtait
pas à discussionet point n'étaitdonc besoin de préciserles droits français enla

matière. La raison pour laquelle POINCARE omit de poser la question de la
frontiere méridionaleest évidente : les accordsde 1902,par leur référenceà la

carte de 1899 établissaientd'une manièreclaire cette frontière (l'importance de

I'accordde 1902 résulte aussid'une annotationdu Ministre françaisdes Affaires
étrangères surune dépêche de l'Ambassadeur de France à Constantinople, du

19 octobre 1912) 3.

ii) L'Italie non plus ne crut bon de soulever la question de la frontière
méridionale.II paraît évidentque pour I'ltalie,aussi,jouait I'accordde 1902.

7.26 Durant la deuxième phase des tractations franco-

italiennes, phase pendant laquelle les deux parties négocièrent I'accord qui
devait accompagnerla reconnaissance françaisede la souveraineté italienne.

3 Danssadépêche l',Ambassadeufrrançais,M.BOMPARD,notai:
"La Russieet I'Autrichen'oniest vrai, aucunintért n Libye;il n'enest pas demêmede
l'Angleterreetdela France.LaFranceenestlimitrophesur desmilliersde kilom8tres;il importe
doncquetout d'abord I'ltalie accepte les limiteesr la conventionfranco-angladu 21
mars 1899et par la convention franco-turquedu 19 mi910 avecI'addiion relative aupoint
d'eaude SanietSmeida,puisque desdispositionssoientconvenuesen vuede la délimitation
entre les pointsxtr6mes des lignes de démarcation tracéepsar ces deux conventions".
POINCARE écritl'annotation suivanteres ligne"M.BOMPARD ignore-1-liel s accordsde
1902 ?"(annexem32, no205). 7.27 Le 20 octobre, POINCARE déclara à l'Ambassadeur

italien, TITTONI, que la France était prête à reconnaître "la souverainetéde
I'ltalie sur la Tripolitaine et la Cyrénaique", maisproposa en mêmetemps un

accord portant sur un échangeréciproquede "facilitéet appui" au Maroc et en
Libye de même que sur le traitement réciproque de la nationla plus favorisée 4.

Le Premier Ministre italien, GIOLITTI objecta toutefoisque I'accord étaittrop

général,et proposa aussi qu'il reste en tout cas secret (cela surtout car il
redoutait que l'opinion publique italienne finissepar considérerI'accordcomme

une conditionde la reconnaisance française) 5.

7.28
II s'en suivit un échange intensede notes diplomatiques,
dans lesquelles la France insistaitsur I'importancede I'accordde 1902, surtout

pour ce qui étaitdu concours italien à l'action française au Maroc, tandis que
I'ltalie tenaià ce que I'accord reste secret ou, en tout cas, nf ût pas liéà la

reconnaissance française. Puis, I'ltalie à son tour réitérason attachement à
I'accord de 1902 et GIOLITTI proposa d'introduire des précisions (voir les

télégrammeséchangésentre Paris et l'Ambassade française à,Rome, du 21

octobre, no695-697 ; n0593; no698 ; no595 ; du 22 octobre, no699 et 599,
annexe 35). Successivement SAN GIULIANO, le Ministre italien des

Voiciletextede l'accordpropose parlaFrance,telqu'ilreçuned'untelegrammede POINàARE
BARRERE du20 octobre 1912:
entendul: Gouvernement de laRepubliquefrançaiseet le Gouvernementroyal d'ltalie, il est
1) Que le Gouvernement royal d'ltalie et le Gouvernement dela République française
s'accorderonlr6ciproquement,au Marocet en Libye.toute faciliteet tout appui pour realiser,
dans l'un et l'autre de ces pays. les mesures d'orpolitique, administratif, judiciaire.
dconomiqueet financier que lesditsGouvernemejugeronà proposd'edicter;
2) Que le traitement dela nationla plusfavoriseeserareciproquementassureà la France, en
Libye,età l'Italieau Maroc, ledittraitement devant s'r,e la manibrela plus large,aux
nationaux,aux ressorlissants,aux produits,aux Btablissementset aux entreprisesde l'un et
l'autreEtat"(anneGMfI 33).

Voir letelégrammde BARREREà POINCARE du 20 octobre1912.(annexem34)Affaires étrangeres,proposa d'insérerdans I'accord un r6férenceexplicite à
I'accordde 1902:d'aprèsuntélégramme de BARRERE àPOINCARE,

"..le Ministre [italien] m'a dit qu'afin drux yeuxdu public italien
une corrélationentre notre reconnaissance dela souverainetéà Tripoli
et aussi pour affirmer la continuité et'efficacitéde nos accords, il
proposait de faire dériver explicitement l'arrangementà signer des
accords de 1902" (annexe 36 no241).

7.29 La proposition italiennefut acceptée parla France, et le

28 octobre POINCAREet TlTTONlsignèrent à Pans I'accordsuivant:

"Le Gouvernement de la République française et leGouvernement
royal d'Italie, désireux d'exécuter dansl'esprit le plus amical leurs
accords de 1902, confirment leur mutuelle intention d n'apporter
réciproquementaucun obstacle à la réalisation detoutes les mesures
qu'ils jugeront opportun d'édicter, la France au Maroc et I'ltalie en
Libye.
Ils conviennent de mêmeque le traitement de la nation la plus
favoriséesera réciproquement assuré, à la France enLibye et à I'ltalie
au Maroc, ledit traitement devants'appliquer de la manière la plus
large aux nationaux, aux produits, aux établissements et aux
entreprises de l'un et l'autre Etats, sansexception" (v. le télégramme
du 29 octobre1912, annexe ÇMa: 37 etv. l'Accord, annexMn 6).

7.30 II est facilede dégager des négociatiosui amenèrent à
la conclusion de I'accordde 1912,et notamment despropositionsformulées par

I'ltalie, que cet Accord visaréitérer et renforcer I'accode 1902. En 1902,
quand I'ltalie ne pouvait encore avancer aucune autorité effectivearLibye, le

but des arrangements entre les deux Pays était de délimiter les zones
respectives d'influence et d'établirla limite au-delà de laquelle chacune des
Parties n'aurait pu aller, dans son action politique et militaire future. En 1912,

une fois que I'ltalie eut occla Libyeet acquis des droits souverains sur elleil,
apparut tout à fait normal et évident aux deux Parties de réaffirmer lesengagementspris en 1902,y comprisdonc ceuxconcernantla limite spatiale de
leur actionréciproqueau sud dela Libyeet au norddu Tchad.

7.31 De ce fait, le tracéde 1899,accepté parl'Italie en 1902,
fut transforméen frontihfe réciproquement reconnue par les deux Etats.

7.32 La troisième phase des négociationssuivit la conclusion
de I'Accordsusmentionné. Comme les contacts entre I'ltalieet l'Allemagne et la

possibilité de renouvellement de la Triplice suscitaient des soucis chez les
Français,le Ministre italiendes Affaires étrangères, NIULIANO tintà donnerà
la France l'assurance que I'ltalie aurait toujours scrupuleusement respecté

l'accord franco-italien de 1902 (qui,en plus de la partie "territoriale", contenait
une clause obligeant chacune des parties contractante à garder une stricte

neutralitéau cas où l'autreferait l'objet d'une agresdirecte ou indirecte): les
assurances formelles italiennesfurent relatéesà POINCARE par BARRERE dans

un télégramme du ler novembre 1912 (v. annexe S;MII 38, no308) et dans une
dépêche successivedu 12 novembre(v. annexe 39, no437).

7.33 La mêmeassurance fut renouvelée parI'ltalie face aux
craintes françaises concernant l'attitude italienne en cas de conflit entre

l'Autricheet la Russie:le Premier Ministreitalien,'G10~t1, à assurer la France
que "les accords de 1902, quelles qu'en soientles dispositions, [...] seront

toujours O~S~N~S [par I'ltalie] avec la plus scrupuleuse loyauté"(voir annexe
40, no560).

7.34 II résultede cet examen del'Accordde 1912 que par cet
Accord I'ltalieet la Franceont délibérémen cthoisi de s'entenir aux accords de

1902, aussi bien dans lapartie politique (concernant l'engagementgarder unestricte neutralité en cas d'attaque contre l'autre partie) que dans la partie

territoriale(concernant "la limite de l'expansion française en Afrique
septentrionale").

7.35 En souscrivant à l'Accord de 1912, l'Italie s'engageait
donc explicitementà considérerle tracéde 1899 commela frontière méridionale

de la Libye. Par voie de conséquence,I'ltalie s'engageaite pas avancer de
prétentionsfondéessur ses droits de succession l'Empireottoman.

7.36 Cet engagementitalien inspira, d'une manièretrès nette

et évidente,la conduite du Ministère italien des Affaires étrangères,dans les
annéessuivantes.

§ 4. LAR

L'ACCORDPOINCARF-TITTONL.

7.37 Un examen minutieux del'attitude que l'Italie adopta au

fil des annéesau sujet de la frontière méridionalla Libye montre clairement
que, -malgréles efforts des milieux colonialistes italiens, dont se faisali'téchole

Ministère italien des Colonies, visantinsister sur les droits successoraux de
I'ltalie à la Turquie-, le Ministèredes Affaires étrangères italiendemeura ferme

dans son "attachement"aux accords de1902 et de 1912.Autrement dit, quand
I'ltalie décidade protester,entre 1921et 1934,ntre.l'occupationeffective, par

la France, de la régionau sud de la frontière de 189911919,elle fonda ses
protestations sur la prétendue violation, parla France, de ses engagementscontractuels avec I'ltalie, et non pas sur d'éventuelsdroits de succession de

I'ltalie.

7.38 L'attitude des autoritésitaliennes se manifeste sur trois

niveaux:

i)à celui, -le plus important,sans aucundoute-,des rapportsinterétatiques;

1
ii)àcelui des déclarationssolennellesdevant le Parlementitalien ; et

iiià celui des notesinternesdu Ministèredes Affairesétrangèreset du Ministère

des Colonies.

7.39 Les trois niveaux ferontl'objet d'examenssuccessifs.

A. - LES NOTES ITALIENNES DE PROTESTATION CONTRE
L'ACCORD FRANCO-ANGLAIS DE 1919.

7.40 Entre 1921et 1934, Romeenvoya au moins cinq notes
diplomatiques au Quai d'Orsay pour protester contre le fait que l'Accord anglo-

français de 1919 établissait au sud de la Libye une frontière que I'ltalie
n'entendaitpas accepter.(V. les notesdu 12décembre 1921a , nnexe 98-99;

du 27 mars 1924, annexe Ma: 104 ; du 19 mai 1930,annexe Ma: 125 ; du ler
juillet 1932, annexe 72; du 9 juin 1934, annexe 140). 7.41 Dans toutes ces notes, I'ltalie n'avança aucune

revendication juridique sur la base de sa succession à la Turquie en ce qui
concerne la frontière sud. D'une manière constantet cohérente,I'ltalie s'en tint

aux droits lui appartenant en vertu de la Convention franco-anglaisede 1899
reconnue par I'ltalie en 1902 (de mêmeque, ultérieurement, à l'article13 de

l'Accord de Londresde 1915).

7.42 II suffira de citer les passagespertinents de trois de ces

notes diplomatiques,-les plus exhaustiveset significatives.

7.43 Dans la note du 12 décembre 1921 leMinistère italien

des Affaires étrangères, après avoir préciéu'à son avis la Conventionde 1919
modifiaitcomplètementle texte de la Déclaration de 1899, conclutinsi:

"II résulte,de ce qui précède,que le Gouvernement Royal se trouve
dans l'impossibilitéde reconnaître la Convention franco-anglaise de
1919 et regrette n'avoir pas été appeléprendre part à la stipulation
(sic)de cet accord, qui, dansla forme actuelle, nuitaux intérêts italiens
et augmente la sphère d'influence quele Gouvernementfrançais avait
précisé, aprèsla déclarationdu 21 mars 1899, de ne vouloir pas
dépasser"(annexe 98-99).

7.44 Dans la note du 19 Mai 1930, après avoirprotestécontre
l'occupation française de certains centres du Tibesti, le Gouvernement italien

"En conformitédes instructions qu'ellea reçu de son Gouvernement,
l'Ambassade Royaled'Italie a l'honneur derappeler au Ministère des
Affaires étrangèresde la République[française] quepar l'échangede
notes du 14/16 décembre 1900 et du ler novembre 1902, le
Gouvernement de la Républiquea reconnu que la convention du 21
mars 1899 entre la France et la Grande-Bretagnemarquait pour la
sphère d'influence française par rapport à la Tripolitaine et à la Cyrénaique, une limite qule gouvernement dela République n'apas

l'intentionde dépasser.
Elle a égalementet en même temps l'honneur derappeler que dans
plusieurs occasions déjà le Gouvernement Royal a fait savoir au
Gouvernement de la République l'impossibilité dans laquelle il se
trouve de reconnaître la convention Franco-Anglaisede Paris du 8
septembre 1919 qui a profondément modifié la DéclarationFranco-
Anglaise du 21 mars 1899 aussibien dans son contenujuridique, en
transformant en ligne frontière définitiveune ligne qui n'était qu'une
indicationde sphbresd'influence,que dans soncontenuterritorial par
le fait de déplacerlers acauisitionsde territoire au Nord de la limite
indiquée dansla ~éclarationdu 21 mars 1899, au préjudicede la
Tripolitaineet de la Cyrénaique" (annexe 125).

7.45 Enfin, dans la note du ler juillet 1932, le Gouvernement
italien reprenaitles arguments traditionet y ajoutait une référenàel'Accord

de Londresde 1915.La partie centralede la note était aiiédigée:

"Quant à la frontière de la Tri~oiitaine elle a étésommairement
indiquee dans la carte mentionnée dansles notes Prinetti-Barrère
échanaées à Romele ler novembre1902.Elle a étéensuite détaillée
jusqu'a Toummo dans les notes italo-françaises du 12 septembre

1919, mais ellen'a pas encoreété, à l'Est de Toummo, l'objet d'une
égaleindication bilatérale.D'après la déclarationnglo-française du
21 mars 1899 et d'après i'échange de notes franco-italiennesdu ler
novembre 1902, la limite de l'expansion françaiseatteintà l'est de
Toummo sonpoint le plus septentrional àla rencontredu Tropique du
Cancer avecla [sic]méridien14 Greenwichet tourne ensuite vers le
sud-est. Toute indicationou question concernant la frontièreripolo-
cyrénaiqueau-delàde ce point de rencontre et en-delàde cette ligne,
ne peutplus intéresserle Gouvernementde la République.
Telles étantla base et la situation, juridiqueset conventionneles,des
limites entrela sphère d'influence ou les possession]française[sic]
du Nord Afrique par rapport à la Tripolitaine-Cyrénaique, le
Gouvernment italienregrette de ne pouvoirmodifier les conclusions
des communicationsde l'Ambassade Royale au Ministèredes Affaires
étrangèresde la République, du 3 mars 1930 et du 19 juin 1930. Le

Gouvernement Royal renouvellesa déclarationque ces conclusions
sont rédigées sanspréjudicedes négociationsen cours découlant
aussi bien de i'art.13 du Pactede Londres quede l'examen d'autres
points prévus parles notes échangéesà Parisle 12septembre1919.1 ç s ei l' i n r n
eul le ment de la Dartie des notes franco-italiennes du 14-12
mbre 1900 et du ler novembre 1907 oui se refere aux . .
riales de I'wnsion françâise en Afrioue S~D-
rt A la Triomine-Cvréw , mais égalementde celle qui
concerne les communications commercialesétablies par les voies
caravanihres de Tripoli avec les régionsvisées par la Convention
franco-anglaise du 21 mars 1899" (annexe 72 ; soulignépar la

Républiquedu Tchad).

7.46 II paraît difficile de trouver une formulation plusclaire et
explicite de la thbse italienne écartant le droitde succession et fondant les

revendications italiennes exclusivement sules engagements contractuels entre
la Franceet I'ltalie.

B. - LA DECLARATION DE TlTTONl A LA CHAMBRE DES
DEPUTES ITALIENNE (1919)

7.47 La mêmeposition fut prise par le Ministre italien des
Affaires étrangères, TITTONId,ans lediscours qu'il tintle 27 septembre1919à la

Chambre des Députés.

7.48 Evoquant les suitesdonnées à l'article 13de l'Accordde

Londres et donc la mesure dans laquelle on avait octroyé à I'ltalie des
compensations coloniales, TlTTONl évoqua les trois régionsdu Tibesti, du
Bourkou et de I'Ennedi,ajoutantqu'on en avait parléà Paris à la Conférencede

la paix. Puisl donna la précisiosuivante: "Je me souviens que, quand, au commencement de la guerre de
Libye,le public italien sut que, déjà danscordPRINETTI-BARRERE
du ler novembre 1902, nous avions reconnu la frontière de la
Conventionfranco-anglaise du15 [sicjuin 1898,qui avait assigna la
France leTibesti et le Borkou, dans les journaux,dans les opuscules,
dans les conférences s'éleva un seul cri: nous devionsà tout prix
exiger le Tibesti et leBorkou, qui constituaientle necéssairehinterland
de la Libye" (annexe 337).

Voilà, encore une fois, une affirmation,qui fait autoritéet montrequ'aux yeux de
I'ltalie l'occupation italienne de la Libye en 1912 ne mettait pas enBchec

l'engagementpris en 1902 par I'ltalievis-à-visde la France. II nàenouveau,
fait aucune allusionà un prétendu droitde succession de I'ltalieà l'Empire

ottoman, pour cequi est de la frontière méridionalela Libye.

c. - LES NOTES INTERNES DES MINISTERES ITALIENS DES
AFFAIRES ETRANGERES ET DES COLONIES.

7.49 Entre 1924et 1932,on assiste à un bras de fer entre les
milieux colonialistesitaliens, avec pour porte-pale Ministèredes Colonies,et

le Ministère des Affaires étrangères.Le Ministère desColonies, et les cercles
dont il était l'expression politique,poussaient un rejet radical des thèses
juridiques françaises concernant lafrontière méridionade la Libye, età cette

finil soutenait la nécesside faire valoir l'argumentde la succession de I'ltalie
aux droits de l'Empireottoman.Le Ministèredes Affairesétrangères, parcontre,

rejetait cette position, en soulignant le fait que l'accord franco-italien de 1902,
réaffirméen 1912, avait pour effet d'exclurela possibilité pourI'ltalie de se

fonder surd'éventuels droits dsuccession. 7.50 Ce qui estfrappant,c'estque chaque foisle Ministèredes

Colonies dut s'incliner devant les thèses du Ministère des Affaires étrangères,
thèses qui en effet, furent les seules avancéesdans les notes diplomatiques

italiennesadressées auQuai d'Orsay(v. supra B.). Mais lefait de devoir chaque
fois céder à l'avis du MinistBre des Affaires étrangères n'empêcha pas pour

autant le Ministèredes Coloniesde revenir à la charge. Le tiraillement entre les
deux Ministbres se poursuivit donc pendant plusieurs années, mêmesi le

Ministèredes Affairesétrangèresen sortit toujours victorieux.

7.51 Une esquisse rapide des échanges entre les deux
Ministères permetde saisir lesargumentsinvoquésde partet d'autre.

7.52 Au début, leMinistère des Colonies semble partager la
thèse des Affaires étrangères, axée exclusivementsur la référenceà la

Convention de 1899 (v. télégramme du 17 avril 1924, annexe çM11 60). Mais,
quelques mois plustard, le Ministèredes Colonies avance lapossibilitéde faire

appel aux droits de succession. Dans une note au Ministère des Affaires
étrangères du 18 juillet 1924, le Ministère des Colonies observe entre autres

ceci :

"II peut surgir le problème,que je prie votre Ministèrede bien vouloir
examiner attentivement, de savoir si la formule acceptée par nous
dans l'échangede lettres PRINETTI-BARREREayant eu lieu le ler
novembre 1902(...'par limite de l'expansion française.on entend bien
la frontière de la Tripolitaine indiquée par la carte annexée à la
Déclaration du 21 mars 1899')impliquede notre part le renoncement
aux droits de souverainetéque la Turquie exerçait effectivement sur
les territoires compris dans la zone d'influence français[...De tout
cela l'on pourrait donc tirer peut-êdes argumentsnon dépourvusde
contenu juridique afin de soutenir que les droits territoriaux deltalie
sur ces régionssont restés entiersà travers les différentes stipulations
internationaleset nos adhésions [...]

Je me limite en tout cas Ctposer le problème, digne certes de
développements plusvastes et duquelje neme cache pas les aspects attaquables, reconnaissanttout de suite qu'il n'est pas question de le

soulever maintenant, à I'occasion d'une protestation contre la
déclaration franco-britannique du21 janvier 1924 [...] (annexe W
61)6.

7.53 Ces propos n'aboutirenttoutefois pas. Le Ministère des

Affaires Btrangèresne changeapasd'avis.

7.54 Le Ministre des Colonies reprit son "attaque" quand,à

l'occasion de l'occupation française du Tibesti, en1929-30, l'Italie décidade
protester à nouveau. Le Ministre De BON0 envoya donc au Ministére des

Affaires étrangères unenotedans laquelleil avançait à nouveau les arguments

chers aux milieux colonialistes italiens(voirla note citée dans la dépêche de
GUARIGLIA, Chef du Département pourl'Afrique du Ministère des Affaires

étrangères,à l'Ambassadeuritalien à Rome,MANZONI,annexe Ma 117).

7.55 Cependant, GUARlGLlA rejeta un par un tous les

arguments du MinistreDe BON0 dans une note qu'il envoyaà l'Ambassadeur

italienà Paris. IIconvientd'enciterlespassages pertinents:

-
Traductiondela RépubliqduTchad. Texteoriginal:
"Pu6 sorgere fin da ora il quesito. Cheprego codesto on. Ministerodi volere attentamente
esaminare,se laformulada noiaccettatanello sdiletterePRINETTI-BARREREawenuto
il 1" novembre1902(... par limitede l'expansionf..on entendbien la frontièrede la
Tripolitaine indiquée palra carte aànla DBclarationde 1899)implichida parte nostra
rinunciaa quei diritti di sovranitàche la Turcheffettivitavaamierrtoicompresi
nellazonadi influenzafranc[...Datuttocibpertantopotremmoforsetrarre argomenti non
prividi giuridico contenuto persostenereche i diritti territorialidell'ltaliasu quelle regioni,sono
nmasti integriattraversolevarie pattuizioni intestesse nostreadesi[...MIlimito
comunque a porre iproblema, degnoceflo di più ampia trattazione,e del quale non mi
nascondoi lati impugnabili riconossubitoChenonB il caso di sollevarloora, in sededi
protestacontroladichiarazionetrancese-bridel21gennaio 1924[...].
L'argumenten question fut repris rapidementun 'Mémoire"du5 février 1925,sur "La
frontière méridionet occidentale dela Libye"dont on ne connaîtpas l'origine,matsqu'on
trouve dansles archivesdu Ministère des Btrangèreslalien (v.annexe109,p.10). "[...] J'ai dejà fait personnellement observeà Son Excellence De
BON0 les inexactitudes existantes dans ces affirmations [par De
BONO].C'est-à-dire:
1) Quel que soit l'état dela controverseentre nous et les Français
propos de l'interprétation donnée palra Convention anglo-française
de 1919 A celle anglo-françaisede 1899,il est sûrque la ligne la plus
favorable reclaméepar nous ne nous attribue de toute manierequ'une
petite partie du nord-estdu Tibesti...Cette cas QUS

nous nous
l'accordPRINFTTI-BARRFRFde 1907 [...].
2) Egalement, iln'est pas appropriéde se référer auxsouvenirs
historiques des garnisons ottomanes établiesau Tibesti, puisque ces
argumentations nous sont interdites par l'échangede notes Prinetti-
Barrère; ou mieux encore, par la manière dont les Colonies les ont
interprétéesdans les notes qu'ils nous ont faitécrire la France en
décembre 1921et en mars 1924.
Toul ce que nous pouvons contester concerne seulement --je le
repète-- cette petite partie du Tibesti nord-est sur laquelle porte
I'interprétationde la Convention anglo-française 1899 [...]
4) C'est pourquoi nous avons poséles dernières négociationsitalo-
françaises uniquement sur la base du Traité de Londres et de
compensations territoriales qui n'ont pas été jusqu'à présent
acquittées d'unemanière satisfaisante.
Le Ministre des Colonies semblait convaincu par de telles objections,
et je ne doute pasque Votre Excellencesoit aussi de cet avis" (annexe
117 ; soulignépar la Républiqudu Tchad).

7.56 L'Ambassadeur d'Italieà Parisfut tout à fait d'accord avec

GUARIGLIA. Dans une note du 6 mars 1930.il affirma:

"II faut ç'ens de 1902et à I'art.13du Pacte de Lord~.~,
tout en donnant aux uns et à l'autre l'applicationla plus favorable à
notrethèse, car ces actes furent conclus dacet esprit.
Je déconseilled'abandonner ces indiscutables bases iuridiaue~[...]
Vouloir agir d'une maniere différente et contester la souveraineté
française au sud de notreligne de 1899 serait à mon avis agir
fpndement iuricluueet en désaccord avec nos actes orécédem.Nous
nous wns en dewcord avec nos du 29 juin et [illisible] octobre 1929 à l'Ambassadede France, notesqui incluent le Tibesti
dans la souverainetéfrançaise" (annexe 64; soulignépar la
Républiquedu Tchad) 7.

7.57 Encore une fois, le Ministre des Colonies dut donc
s'incliner, mêmes'il le fit à contre-coeuret s'empressa desouligner que lathèse

officielle italienne représentait "déjun compromis parrapport aux prétentions
du milieu colonial italien, lequel refuse aux lettres PRINETTI-BARREREune

interprétationsi largeà conduire au renoncement de tous ces droitsde caractère
territorial qui ont ésans conteste reconnus à la Turquie et qu'elle avait, aussi,

de fait exercés" (Notedu 3 avril 1930, annexe 65).Mais le Ministèredes

Affaires étrangèresne tint aucun compte de ces contestations résiduelles,et
estima que le Ministre des Colonies avait fini en substancp ear appuyer la thèse

officielle italienne (voirla note du 18 avril 1930 du Ministère italien des Affaires
étrangères a l'Ambassade italienneà Paris, dans laquelle ceMinistère réaffirme

les thèses officielles italiennes, et ajoute que le Ministère des Colonies se
déclaraiten substance d'accord : annexe M 66).

7.58 LeMinistèreitalien des Affairesétrangères réaffirma ses

thèses dans une réunion nocturne interministérielle d 16 juillet 1930, au cours

de laquelle GUARlGLlA illustra les arguments principaux avancésdans le passé
par I'ltalieet rejeta encoreune foisla thèse de l'héritagitalienen Turquie 8.

Traductionde la RBpubliquedu Tchad.Texte original:
"Bisognaattenersi agli atti del1902ed all'arl.13del ~ani di Londra, agliuni ed all'altrodando
I'applicazione la più favorevolealle nostre tesi perche furono stipulati con questo spirito.
Sconsigliouscire da queste nostreindisculibilibasi giuridiche[...]. Voler agire diversamente,
agire senzabase giuridica ein contrastocon gli stessinostriprecedentiatti. Ci metteremmoin
contrasto colle stesse nostre notedel 29 giugno e [illisible]oilobre 1929 all'Ambasciatadi
Francialequalimmprendonoil Tibestiinsovranitàfrancese".
M. GUARlGLlA observa entre autres ceci: "Nous avofondb notre demandeau sujet des
frontihres m6ridionales de la Libye, au cours des nbgociationsitalo-françaises, sur des
compensationsqui nous revenaientsur la base de l'art.13 du Trait6 de Londres(et sur les
rbse~esque nousavonsfaites àl'égardde la Conventionanglo-franeaisede 1919 [ajout6à la
main];et cela pourdafbrentesraiso:soit parce quenousdemandionsdes rectifications de
frontierenonseulementdans lazoneorientalemaisaussidans la partie occie,tdoncafin
de modifier les dispositions del'Accord BONIN-PICHON de 1919,soit parce que certains
argumentsavaw6s par nous a proposde Cettequestion desfrontihreslibyennes 7.59 Mais les milieux coloniaux nerenoncèrent pas pour

autant à leurs demandes.Le Ministredes Colonies revint à la charge le 13 avril
1932, avec ses argumentshabituels, maisencore une fois ils furent repoussés

par le Ministère des Affaires étrangères (voirla dépêche de GUARlGLlA à
l'Ambassadeur italien à Paris,du 12mai 1932,dans laquelleil reproduit le texte

d'une note du Ministre des Colonies du 13 avril, et ajoute ses commentaires
critiques: annexe UyU 71). Qui plus est, dans les notes de protestation

successivement envoyées par Romeau Quai d'Orsayle ler juillet 1932et le 9
juin 1934, on ne fitguère état des arguments chers au Ministredes Colonies

(pourle texte de ces dernibresnotes,voir les références,supra,par. 7.40).

7.60 Les profondes divergences, voire même l'affrontement

non épisodique,entre le Ministère des Colonieset le Ministère des Affaires
étrangères sur la question du fondement juridique à donner aux prétentions

italiennes, et le fait que l'attitudedu Ministère desAffaires étrangères l'emporta
toujours, montrentde la manièrela plus éclatante que la thèse de la succession

de I'ltalie la Turquiepour ce qui étaitde la frontibre méridionade la Libye, ne
fut jamais embrassée par les organes italiens derelations internationales.

commeétantcontraireaux engagementscontractuelsitaliensavec la France.

pui sont fondés sur notre succesn la souveraineté turaue. ne sembDtastro~ sûrs'*
w, Annexe68.p.1; soulignéparla Républdu Tchad).
Traductionde la RépubliduTchad. Texteoriginal:
"Noi abbiamobasato lenostrerichiestecircai wnfini meridionalidella Libia,in sededi negoziati
ilalo-francesi, sulla basedei wmpensi spettantici giustaI'Arl.13del Patto di Londra (e sulle
riserveda noifaite nei riguardidella Coilalo-francesedel 1919):e cio pervarieragioni:
sia perchenoi domandavamodelle rettifichedi fronlieranon solonellazonaorientale maanche
in quella occidentale, a modificazionielle stipulazionidell'AccordoBonin-Pichondel
1919, sia perché alcuni argotia noi avanzati apropositodi questa questionedei confini
libici, quali quelli basantisi sulla nostrasuccessionealla sovranitaturca, non sembrano molto
sicuri". 7.61
II va sans dire que la France ne pouvait pas accepter la
thèse de la succession italienàel'Empireottoman.En effet, dansle seulcas où
cette thèse fut avancée, -d'ailleursen termes prudents et hypothétiques-,aux

autorit& françaises,elles la repoussbrentsansambages.A cet égard,il convient
de rappeler l'entretien que MUSSOLINI eut le 31 mai 1929 à Rome avec

l'Ambassadeur de France à Rome, BEAUMARCHAIS,tel qu'il est relaté par
l'Ambassadeur dansune notede 1929:

"M. MUSSOLINI me fait savoir qu'il n'a pas encore eu le temps de
terminer l'examen des projets que je lui avais remis. Sesbureaux ne
négligent rien pourlui montrerqueI'ltalieest l'héritièredes droits des
Turcs et doit revendiquer, parvoie de conséquence,le Tibesti et le
Borkou.
J'ai réponduque, la situation étant régléepar les accords franco-
britanniques de 1899 et italo-françaisde 1902, des revendicationsde
ce genre étaientsansfondement"(annexeÇMLT 63, p.7).

7.62 II découlede la notede BEAUMARCHAIS,ainsi que des
notes officielles envoyéespar Romeà Parisau sujet de la frontière méridionale

de la Libye, que les propos deMUSSOLINIfurent simplementun ballon d'essai,
et que les autorités italiennes chargées des relations internationales

n'essayèrentplus de reprendrel'argumentdel'héritageturc. CONCLUSION

7.63 Ce chapitre établit l'inconsistee la thèse libyenneau
sujet de la prétenduesuccession de I'ltalie à l'Empire ottoman en matière des

droits et revendications sur la frontière méridionalede la Libye. D'après cette
thèse, le B.E.T. étant soumis, avant l'occupation française (1913-1914)à la

"souveraineté partagéed"e la Turquie et des populations indigènes dirigées par
les Senoussistes,en 1912 le titre juridiqueturc sur la régionpassa'ltalie, par

droit de succession, en vertudu Traitéd10uchy(1912).

7.64 Comme la Républiquedu Tchad l'a démontrédans le

chapitre 5, les Turcs (de mêmeque les populations indigènesdirigées par les
Senoussistes) n'acquirent jamais de titre souverain sur le B.E.T. La prémisse

fondamentale de la thèse libyenne est donc radicalement fallacieuse. Mais,
même à supposer que les Turcs aientpu acquérirun titre souverain (ou une

partie de ce titre, l'autre partie revenant, d'après le Mémoire libyen, aux
populations indigènes), ce titre, et le droit conséquent de revendiquer une

frontière autre que celle de 1899, ne passèrent pas à I'ltalie, car celle-ci
s'engagea en 1912 à respecter son accord de 1902 avec la France et par

conséquent égalemenlta frontièrede 1899.

En effet, en 1912,quelques joursprès le Traitéd'ouchy,
7.65
les Italiens réaffirmèrent,par un accord avec la France,qu'ils restaient liéspar
I'accord franco-italien de 1902 portant, entre autres, sur la frontière méridionale

de la Libye. Autrement dit, les Italiens renoncèrent à d'éventuels droits
successoraux à la Turquie en matièrede confins méridionaux dela Libye, et

s'engagèrentà s'en tenirà I'accordde 1902. 7.66 Donc, mêmeà supposer que les Turcs et les

Senoussistes fussenttitulaires d'un titre origiierle B.E.T.,-ce qui, comme
nousl'avons démontré e,t tout faiterroné-,'ltalien'auraitentoutétatde cause

paspu "hdritet'decetitre.LESDELIMITATIONSCONVENTIONNELLESDELAFRONTIERE

A LALUMIEREDESEFFECTIVITES 8.01 Comme la République duTchad le montrera dans le
chapitre 11 du présentContre-Mémoire,le litige qui oppose le Tchad et la

Libyepeut être réglépar laseule applicationduTrait6 franco-libyendu 10août
1955. 1constitue un titre clair qui ne laisse aucun doute sur letracé de la
frontière contestée. Toutefoe,n même temps qu'il constitue,par lui-même,n

titre frontalier indiscutable,il confirme les titre antérieurs doprévaloir
leTchad.

8.02 Ceux-ci sont, en premier lieu, de nature
conventionnelle : le tracéde la frontière aét6établipar les accords franco-

britanniques de 1899 et 1919 et franco-italien de1902, confirméen 1912. A
leur tour, ces accords sont confortés par l'exercice effi, isible et continu

par la France de la souverainetéterritoriale surla zone revendiquéepar la
Libye etces effectivités suffiraientabliruntitre territorial valable, opposable

à la partielibyenne,enfaveurde la Républiquedu Tchad..

8.03 Ces points ont été longuement établis dans les

chapitresIV, V et VI duMémoireduTchad (pp. 141-344)et ne fontpas l'objet
d'une réfutationsystématique dela part de la Libye. Le présent chapitren'y

revientbrièvementque dansla mesure nécessaire pour montre qrue c'est bien
à tort que laLibye paraît mettre endoutela portée des accorpré-mentionnés

de 1899,1902 et 1919.

8.04 Dans l'unique chapitre qu'elle consaàe la discussion
du droit applicable (chapitreII de la partie VI), la Libye se borne, en deux

phrases laconiques, à affirmer:"Firstand foremost, France'sclaim hingedon
the allegedexistenceof a conventionalboundary.Thistheoryhas already been

shownto be wrong" (M/L , ar. 6.40). Ces affirmations énigmatiques semblentd'une part renvoyer aux longs développements "factuels" de la cinquième
partieduJviémoire de laLibyeet,d'autre part, viserà lafois le Traité d'etitié
de bonvoisinage de 1955et les accordsantérieurs.

8.05 Une remarque générale s'impose : il est assez

paradoxalde voir la partielibyennenieren blocleurpertinence alors que,dans
la notificationdu Compromis qu'elle a adresséelaCour,elle avait admis,non
sans précautions il est vrai, que, "pour déterminelres limites des territoires

respectifs des Parties dans la région, il faut notamment prendre en
considération une série d'accordisternationaux..Dans son m, elle ne

les "prenden considération" que pouern écarterl'application.

8.06 En réalité, comme la Républiquedu Tchad l'a déjà

démontré (m, chapitre IV, pp. 141-203), ces instruments ont une triple
fonction :

i) par eux-mêmesi,ls constituent des accordsde délimitationqui établissentle
tracéde lafrontière contestée;

ii) si un doute existait sur leurportéejuridiqueau moment deleur conclusion,
celui-ci est entièrement levépar leur combinaison avec les effectivités,

françaises puis tchadiennes, dans les régions qu'ilsreconnaissaient à la
France ;

iii) instrumentsde référence retenus par les parties au Trait0uaoût 1955,
ils ont, de ce fait, reçu une nouvelle consécration forlt ont étélibrement

acceptés parla Libyecomme constituant des "actes internationauexnvigueur"
d'où "r6sultent" "les frontièress6parantle territoire de la Libye d'unepart" de
celui de l'Afriqueéquatoriale française (dcu Tchad), d'autre part.

8.07 Ce dernier aspectayantété largement abordé dans le

chapitre précédent,il reste à évoquerla significationet la portéedes accords
franco-britanniques d'une part et franco-italiens d'autrepart, tant en eux-
mêmesqu'en liaison avec les effectivitéssur le terrain, et aussi bien au

moment de leur conclusion que dans la période qui'a immédiatement suivie.
Cette étude sera effectuéeen deux temps ; en effet, la Libye fait porterl'essentielde ses "effortssur la naturejuridiquede la délimitation rteultand

ces traités (Section 1) ; plus accessoirement, elle s'efforce de créer la
confusion en cequiconcerneletracéen résultant(Section2).

SECTION 1. LA NATURE JURIDIQUE DESDELIMITATIONS

CONVENTIONNELLES

8.08 La Libyenecontestepasque les "actesinternationaux
en vigueur"auxquels faitrbférencel'annexeI au Traitéfranco-libyen de1955

soient des traitésde délimitation, maiselle sembleattacher une importance
toute particulière au fait qu'il se serait agi d'une délimitation entrezones

d'influenceet non d'unefrontière entre terrcoloniaux.

8.09 A vrai dire, le problème est tranché par les termes

mêmes de l'échangede lettresannexéau Traitéde 1955 : les deux parties y
"reconnaissent"que la frontièreentrela Libyeet 1'A.-à laquellele Tchada

succédé- résulte des instruments énumérés C.eci dispose de la question :
quelle qu'aitpu être naturedeslimitesfixées paces accords aumomentde

leur conclusion, celles-ciacquièrentla qualitéde frontièresinternationalespar
la volonté expressedes Etats concernés(v. chapitre11. infra pars. 11.19et
S.).

8.10 Néanmoins, poursurplusde droit,il est intéressantde

relever que le Traitéde 1955 ne réalisenullement une novation juridique ;
celle-ci s'étaitopérdurant lapériodede vingt ansqui séparela conclusion

du premier accord franco-britannique, en1899,et celle du second, en 1919.
Les étapes essentielles de cette évolution, marquées chacune parla

conclusiond'un accordde délimitatiosont lessuivantes:

-en 1899,la Franceet la Grande-Bretagneprocèdentàla délimitationde leurs

zones d'influence respectives1) ;- en 1902,I'ltaliereconnaîtà la fois lesfrontièresde la Tripolitaineet les zones
d'influencefrançaise et britannique au-ddecesfrontières (§ 2) ;

- en 1919, les limites fixéesen 1899 et reconnuespar I'ltalie en 1902, sont
confirméeset acquièrent,en ce qui concernela Franceau moins, lecaractère

d'une vbritable frontière puisqà cettedate,ce paysavaitrbalisél'occupation
effective dela zonelui revenantauxtermesdesaccords précédents (§ 3).

1. LA DELIMITATIONDES ZONES D'INFLUENCE
FRANCAISE ETBRlTANNlOUF

8.11 Aux termes d'une longue dbmonstration, la Libye

conclut :"ln sum,the 1899Declarationcannotbe regardedas havingdelimited
an international frontier of any kind north of 15' N latitude. Article 3 of the
Declarationhadbeenwordedina negativeway inorderto prevent Francefrom

acquiring territoryor extendingits sphereof influenceto the northeastand east
of the lineu, par.5.62).

8.12 Ceci constitueune façon bien compliquéede dire une

chose simple : l'article 3 de la Déclaration additionnelledu 21 mars 1889
reconnaît à la France une zone d'influence dont il préciseles limites. Cela
ressort clairementde sestermesmêmes :

"II est entendu en principe qu'au nord du 15ème parallèle la zone
française sera limitéeau nord-estet à l'estpar une ligne quipartiradu
point de rencontre du Tropique du Cancer avec le 16ème degréde
longitude est de Greenwich(13'40' est de Paris), descendra dans la
direction du sud-est jusqu'à sa rencontre avec le 24ème degréde
longitudeest de Greenwhich(21°40'est de Paris),et suivra ensuitele
24ème degré jusqu'àsa rencontre au nord du 15eme parallèle de
latitude avec la frontière du Darfour,telle qu'elle sera ultérieurement
fixée"(Cf.annexe 3 ).

8.13 IIrésulteclairementde son Mémoire(pp. 148-149)que
la RépubliqueduTchad ne conteste nullement cela, pas davantage qu'ellenenie que l'existence d'une telle zone n'est pas opposable aux Etats tiers par

rapport autraitéqui la crée, quidemeure resinteraliosacta.II y a là un point
d'accordentre les parties.

8.14 On peut, dès lors, se demander pourquoi, au lieu de
constater clairement ce fait d'évidence-la reconnaissance par la Grande-

Bretagne de la "zone d'influencefrançaiseu-la Libye utilise des périphrases
obscures et fait de l'articleprécitéune présentation négative (v. aussML,

par.5. 36) qui,au surplus,necorrespondpas à sa rédaction:cette disposition,
contrairement à l'articleler de la Déclaration, défitout-a-fait"positivement"

les limitesde la"zone française", expressioque lapartielibyennese gardede
reproduire.

8.15 En réalité, les intentionsde la Libye sont assez

transparentes. A la fin du XIXème siècle, le droit applicable aux zones
d'influence était eneffet bienfixé: si leur reconnaissanne constituaitpas un
titre territorialopposableauxtiers,ellesn'enétaientpas moins,dans l'immense

majorité descas, le prélude à l'établissement,de pan et d'autre de la ligne
convenue,de la domination colonialedespuissancessignataires.Dansce cas,

comme le rappelle leMémoiredu Tchad, "desdroits souverains s'ensuivaient
et les lignes délimitant les sphères d'influence devenaient des frontières

internationalesacceptéescommetelles, conformémentaux principes alorsen
vigueur, tant par les parties au traitéque par les Etatstiers". 61, par. 56).

C'est en effet ce qui s'est produit en l'espèce (v.infra,$ 3). Et c'est pour
échapperà ceneconséquence inéluctableque-laLibyes'efforcede faire planer

un doute sur la réalitéde la zone d'influence française :pas de zone
d'influence, pas de limites de zones, et, dès lors, pas de transformation de
celles-cien frontières internationales

8.16 Le calcul,à vrai dire, est asseznaïf car, s'il ne s'était

pas agi de délimiterdes zonesd'influence,on voit mal quel eût étéle but des
négociationsmenées parCAMBON et Lord SALISBURY et l'objet de leur

accord. Du reste, la Libye ne peut maintenirsa ligne de raisonnementet ne
rBussit pas à Bviter de parler, à plusieurs reprises, de la "zone" ou de la"sphère d'influence"française, y compris sur certaines des cartes qu'elle a

préparées pourillustrersathése(v.,parexemple,lacarteno47,p. 181).

8.17 Un autre élémentde la thbse libyenne mérite d'être
relevé.II concerne le fait que la France et la Grande-Bretagnese seraient

entendues pour tracer une véritable frontiére entre leurspossessions
colonialesau sud du15èmeparallèle,et seulementdesimplesdélimitationsde
"sph8resd'influence" au nordde celui-ci (cf.par.5.'26;v. aussipar.5.31). Elle

s'appuiepour ce faire sur certains élémendtestravauxpréparatoiresmais,à
vrai dire, elle eût pu,tout aussi bien, invoquerletexte mêde la Déclaration

et comparer les mots utilisésdans les articles 1 et 2 d'une part, et 3 d'autre
part...

8.18 Plusieurs éléments contribuent à expliquer cette

apparente contradiction. Le premier -qui est probablementdéterminant-est
que laterminologiede l'époque est mal fixée: lestraitésportantdélimitationde

zones d'influence utilisent indifféremmentles mots "frontières" (frontier ou
boundarf) et "limites" (v. les exemples donnés dans le pp. 149 et 150,

notes 2 et 3) ; il ne faut, déslors, sans doute pas accorderune signification
trop préciseau vocabulaire employé,que ce soit dans la Déclaration elle-

même ou durant les travauxpreparatoires.Le secondest que, cependant,la
situationest partiellementdifférenteau nordet au sudde la régionsur laquelle

porte l'accord : la Grande-Bretagneest déjàen possessiond'une partie du
Darfour et du Bahr Al Ghazal, alorsque ni elle ni la France n'ont établileur

dominationsur les zones plus septentrionales; la nuancede vocabulairepeut
s'expliquer ainsi,ce qui confirmeque, conformémena tu droitalors envigueur,

l'occupation effective constituait un titreterritorial valable et qu'il en résultait
que les limites des territoires qui en étaient l'objet étaientde véritables
frontières.

8.19 Cet élémene t n rejoint un troiséme,qui présenteune

importance plus grande: il n'est pas douteuxque les partiesont attaché plus
d'importance à la délimitationdu secteur méridional qu'àcelle des régions

situéesplus au nord-tellementplus d'importanced'ailleurs qu'elles remetteàt
plustard letracéde la ligne frontiére définitarticle4). Maisil y a à cela uneraison, qui s'ajouteau caractèrequasi-désertde la région: "alors que la

Grande-Bretagneentend paracheverla colonisation du Darfouret du Bar Al
Ghazal,elle n'esà,l'évidence -tontrairementà la France-, guèreintéressée
par lesterritoiressetrouvant plus auNord.Leseul soucide LordSALISBURY,

que relèveleJWmoirede la Libye, estde réserverlesdroits,très éventuels,de
la Porte et de ménagerl'Italie ; il y parvienten incluantdans la Déclarationla

mentiond'une limità l'expansionfrançaise.

8.20 Le manque d'intérêdte la Grande-Bretagne pour la

partie septentrionale de la régionapparaît à maintes reprises durant les
négociations. Le 9 février 1899,Lord SALISBURY écrit à propos de la

concessionfaiteà CAMBONde laisser àla Francel'ensembledes montagnes
du Tibest:

"1admitted that it was not so muchof an object to us, as we did not
attachmuch importanceto any arrangementsthat were madeto the
northofthe 15' parallelof lat...(MA ,ritish4rr;bivesAnna, p1
-v. aussi par.5.59).

Ce manque d'intérêt.qui se traduit par la facilité avec laquelle Lord
SALISBURY cède aux exigencesfrançaisesconcernantle Borkou, I'Ennedi,

I'Ouniangaet le Tibesti -donMémoi reela Libye montre qu'ellesse firent
de plus en plusvastesà mesurequ'avançaient lenégociations(v. pars. 5.23

ou 5.25)- expliqueégalement l'absenee réciprociqui caractérisel'article3
de la Déclaration: la Grande-Bretagnereconnaîtl'existenceet leslimites d'une
zone française mais la France n'acceptepas expressément I'existence d'une

sphère d'influence britannique de l'autre côté de la ligne. Certes, ceci
s'explique par I'obsessionde DELCASSE d'éviter toute formule pouvant

impliquer la reconnaissancedes droits de la Grande-Bretagneen Egypte,(v.
parexemplela lettrede DELCASSE à CAMBON, m, FrenchArchives Annex,

p. 23), mais la facilitéavec laquellecette formule de compromisfut trouvée
témoigneausside l'indifférenbritannique.

8.21 Celle-ci éclaire d'un jour trbs particulier l'attitude
ultérieurede la Grande-Bretagne,qui contraste avec celleadoptée par la
France, que ce soit face aux protestations ottomanes ouaux inquiétudes

italiennesou, plustard, lorsde l'abandondu "trianglede Sarrauen 1934. 8.22 Dans l'immédiat,il n'en reste pas moins que, par la
Déclarationdu 21 mars 1899, la Grande-Bretagnereconnaissait à la France

une zone d'influencedans deslimitesqueprécisaitl'articleour ce qui est de
sa partieseptentrionale. Onpeutconsidérerqu'l n résultait,par a contrario,la
création d'unezone d'influence britanniau nord-estetà l'estde cette limite,

m6me si la sensibilitéfrançaisesur tout ce qui touàhla questiond'Egypte
avait entraînél'absence de toute reconnaissance expresse dela part de la

France. Quoi qu'il en soit, dans les deux cas,s'agissait de simples zones
d'influence; leurs limites deviendraientfrontibresinternationalessi les deux
Etats prenaient effectivement possessionde ces territoires et quand ils le

feraient. Cefut le cas de la Franceen 1914(v. chapitre 6).

52. 1902 :LA RECONNAISSANCEPAR L'ITALIE
E

A. - L'ACCORDPRELlMlNAlREDEDECEMBRE 1900

8.23 Comme la Républiquedu Tchad l'avait indiquédans
son Mémoir e,p. 168-169), les lettres échangéentre l'Ambassadeur de

France à Rome,BARRERE, et le marquisVISCONTI-VENOSTA,les 14et 16
décembre1900,n'ont paspour principalobjet lesfrontièresde laTripolitaineet
elles sontrédig6esdans des termes distincts.La Libyetire de cedécalagela

conséquence qu'il n'existait pasde véritableaccord sur ce point entre les
parties(MIL pars. 5.67à5.69).

8.24 Ce n'est pas exact. L'échange delettres de 1900
presente toutes les caractéristiquesd'un trait6, valide au regard du droit

internationalde l'époque

i) Peu importe sa forme ; I'informalisme du droit international n'est plus à

souligner ; seuleimportelavolonté departiesde s'engagerjuridiquement.ii) En l'espèce,cette volonténe fait aucundoute. Elle est attestéepar le soin
apporté à la rédaction,donttous les termesont étmurementpesés au cours

de négociations quifurent, comme le souligne BARREREdans sa lettre à
DELCASSEdu 10janvier 1901, accompagnantl'envoidu texte authentiquede
l'accord,longue[s]et laborieuse[s]"(annex.f&I69).

iii) Par la suite, aucunedes deuxparties n'ajamais mis en doute le caractère

conventionnel de leursengagements que I'ltaliea, dès l'annéesuivante, voulu
rendre publics(v.Mn, par. 102, p. 170)et qu'elles ont,au contraire,invoqués
à maintesreprises.

iv) Le caractère secret de I'accordne constitue évidemmentpas un prétexte
pouvant conduire à mettre en doute sa validité.II corresponà une pratique

courante à l'époque,c'onsacréeindirectementpar les dispositionsde l'article18
du Pacte de la S.d.N. qui n'impose l'obligation d'enregistrement et de

publicationque pour "touttraitéou engagementinternationalçonclu à I'avenir
par un membrede la Société" (soulignpéar la Républiquedu Tchad).

8.25 Cet accord figure dansdeux "instruments connexes"
(ce qui n'exclut évidemmenp tas sa natureconventionnelle cf. l'articl321.

a), de la Conventionde Vienne quinefait quecodifierune pratiquefermement
établie)mais il forme un traitéuniquequi doit êtreinterprécomme un tout.

Sans doute, le Ministre italien des Affaires étrangères ne reprend-il pas,
expressis verbis,dans sa lettredu 16 décembre1900, lestermes de la lettre
que lui a adresséedeux jours plus tôt, l'Ambassadeurfrançais ; mais il prend

acte de ses "explications"et reconnaîtqu'ellessont denatureà renforcer "dans
le présentet dans I'avenir la bonne entente mutuelle" (annexeJ&I 67/68).

L'Italie se montre donc satisfaitedes assurancesdonnées parla France, qui
font partiedu"quidpro quo".

8.26 Quoi qu'il ne porte pas exclusivement surla question
de laTripolitaine, celui-ciconsistedansla doublereconnaissance suivante

- I'ltalie prendacte du fait que "la Conventiondu 21 mars 1899,en laissanten
dehors du partaged'influence qu'elle sanctionne lelayet de Tripoli, marquepour la sphère d'influence française une limite que le Gouvernement de la

Républiquen'apas l'intentionde dépasser" (annexe65166) ;

- de son ~616,la France reconnaît qu'en cas de "modification dans l'état

politique ou territorial au Maroc, I'ltalie se rbserverait, par mesure de
réciprocité, le dite développeréventuellemenstoninfluenceparr'apportà la
Tripolitain-Cyrbnaïque"(annexe67/68précitée).

8.27 In'est pas indifférentde préciserque le membre de
phrase "en laissant endehorsdu We d'influenceau'ellesanctionng"a été

inclus dans la lettre de BARRER€ à la demande expresse de VISCONTI
VENOSTA(cf. u, FrenchArchivesAnne?,p.85). Cecilbvetouteincertitude:
I'ltaliereconnaît le "partage d'influ,bjetde l'accordfranco-britanniquede

1899. Resinteralios actaà i'égardde I'ltalieau moment desa conclusion,il ne
l'estplusen 1900.

8.28 Telle est d'ailleurs bien l'interprétationquealie a
donnée de la formule. Elle apparaît clairement durant les négociations
préalables à l'adoption de ce que la Libye appelle "the Secret Anglo-ltalian

Accord" a, p. 211).A cette occasion,I'ltaliea tenté d'obtenirdela Grande-
Bretagne un accordsimilairedanssonesprit,sinon identiquedans sestermes,
à l'échangede lettres franco-italiende décembre 1900Aux termes du texte

proposéen janvier 1902par PRINETTI, nouveauMinistreitalien des Affaires
étrangères,la Grande-Bretagneeûtdéclaré que la Conventionde mars 1899

"lays down in the region in question, and more particularly in the
direction of the Vilayetof Tripoli, an extreme limit of expansion which
they do notintendto overpassin anyeventualit(m,
a, pp.53-54).

Selon PRINETTI, dont tes propos sont rapportés par Lord CURRIE,
Ambassadeur de Grande-Bretagne à Rome, à Lord LANSDOWNE,Ministre
britanniquedes Affaires étrangère,netelle déclaration

"would in his opinion be of greatvalueto al1three Governmentsin the
event of any disturbance of the present state of affairs in Tripoli
makina ltalv a Dart..to the Analo-French Conventionof 1899"iibid.of
pp. 52-53,soulignépar la RépubliquduTchad).L'Italieconsidbraitdoncque, par sonaccordde 1900 avecla France,-accord

qui, sur lepoint pertinent,reposaitexactementsur la mêmidée quele projet
PRlNETTl précité-,elle s'étaitvue reconnaîtreune sphère d'influenceet, du
mgme coup, reconnaissait cellesqui rhsultaientpour la France etla Grande-

Bretagnede la Déclarationde 1899 àlaquelleelle Btait,en fait, devenuepartie,
au moins à l'égardde la Francedont la zone d'influencelui était,de ce fait,

opposable.

8.29 Ceci laisse, certes, entièrela question dutracéde la

limitedes zones d'influenceainsi reconnues.Toutefoisi'échangede lettresde
décembre 1900amorce,sur ce point égalementl,a solutionque concrétisera

l'accord de 1902. En effet, les instrumentsqui composentle traitéde 1900
Bvoquent,l'unet l'autre,"laTripolitaine-Cyrénaïque"qui constitue donc la zone,

potentielle et conditionnelle, d'influence italienne.En revanche, la lettre de
BARREREvise, en une seule formule dense,non seulement"la Tripolitaine-
Cyrénaïque"mais aussi"le Vilayetde Tripoli",et ceci à la demandeexpresse

de la partie italienne(v. supra, par.7.2en résulteque I'ltaliene reconnaît
pas seulement l'existencd'unezonefranco-britanniqueinformeen dehors des

limites de la Tripolitaine-Cyrénaïq, ais aussi qu'ellea conscience quela
zone française, telle qu'elle est déterminée pla Déclaration de1899, ne

touche qu'au seul Vilayetde Tripoli (dans le secteurallant de Toummo au
Tropique du Cancer) et c'est très probablement pour ménager les

susceptibilitésbritanniques, auxquelil estfort sensible(v. par exema,e
French Archives Annex, p.73), que le marquisVISCONTI VENOSTAimpose
cette précisionqui, comme le relève àjuste titre BARRERE"n'ajoute et ne

retire rienaux constatationsconsignées dance projet"(ibid., p. 83) puisque,
detoutes manières, laFranceestengagéesurce point à l'égardde la Grande-

Bretagne.

8.30 L'accord secret franco-italiende 1902 confirme cette

analyse. B.- L'ACCORD PRINETTI-BARRERE DE 1902

8.31 L'échangede lettres BARRERE-VISCONTV I ENOSTA
des 14 et16décembre 1900 n'est qu'uneétapedans le rapprochemefranco-
italien. IIse renforcel'annéesuivanteavecles déclarationen décembre

1901 et janvier 1902par les Ministresdes Affairesétrangdes deux pays
devant les Chambres des députés italieet française(v., pp. 170-172).

La Libye se montred'une grande discrétionsur cetépisodepropos duquel
elle se borneà mettre en exergue l'extrait du discours de PRlNETTl du 14
décembre 1901 dans lequel il Bvoque les assurances françaises selon

lesquelles

"la Convention franco-anglaise du 21 mars 1899 marquait pour la
France, par rapport à la région contiguë à la frontière de ses
possessions africaines,et précisément) par rapport au
Vilayet de Tripoli une limite qu'ellen'avait pasl'intentionde dépasser"
(Annexe M 333).

8.32 Prenantprétextede l'expression"frontiére orientale",la

Libye en déduitque : "This statementis significantin that it reveals that what
ltaly and France had been discussingrelatedto the eastern limitsof France's
African possessions in relationtothe Vilayetof Tripoli"ar. 5.75).est

vrai que, dans le secteur Toummo-Tropique du Cancer. la Tripolitaine se
trouve plutôt l'ouest qu'à I'estde la limite de la zone françaiàvraiis,

dire, on ne peut s'attendre que, dansune déclaration aussi géo,us les
méandresdu tracé puissentêtrepris en considérationet un coup d'Œilla
carte montre bien que, globalement,les possessions françaisesse trouvent

plutôtà l'ouest qu'à I'est de la limite ce qui autorise à évoquerla "frontiére
orientale". En outre l'interprétationlibyenne ne tient compte ni des travaux

préparatoiresà cette déclarationni du discours paralléleprononcé par le
Ministre françaisdes Affaires étrangsn moisplustard.

8.33 Comme la Républiquedu Tchad l'a indiqué dansson
MBmoire (par. 105, p. 171), les termes du discours de PRlNETTl ont été
soigneusement négociés entrela France et l'Italie. Deux traits de ces

négociationssontintéressantsi) c'eàtla demandedu MinistreitaliendesAffaires étrangèreque la mention
du Vilayet de Tripoli fut substiàcelle, initialement préde "Tripolitaine

et Cyrénaïque" (v. annexe MIL 71) ; cette insistance appelle les mêmes
remarquesque celles faitesA propos de la précision imposépar VISCONTI
VENOSTAdeux ansplus tôt (vsupra ,ar.7.29) ;

ii) par ailleurs DELCASSE assortit son acceptation de cette mention de

l'exigence expressede l'adjonctionde l'adverbe"notamment"("precisamente"
?) pour signifier "qu'ily a d'autres pays etrégionsque laTripolitaineàattenant
lafrontièreorientalede nospossessionsafricaines" (anneh?a 72, ibid.).

8.34 Ceci est confirmé par le discours prononcé par
DELCASSEle 21janvier 1902devantlaChambredesdéputés française :

"[Lla convention africaine du 21 mars 1899 qui, enveloppant
définitivementdans notre sphèred'influence lesterritoires du Borkou,
du Tibesti, du Kanem, du Baghirmi et du Ouadaï, a relié la rive
française du Congo à la rive algérienne et tunisienne de la
Méditerranée, forme ainsi pour nous,par rapport aux autres pays et
régionsattenant àla frontière orientalede notredomaineafricain, une
limiteque nousn'avons pasl'intentionde dépasser."(annexe 334,
ibid.).

8.35 Le sensde tout ceciest clair'Italie,par lavoix de son

Ministre des Affaires étrangèresa réïtér,n an après l'échangede lettres
BARRERE-VISCONTIVENOSTA,son acceptationde la Déclarationfranco-

britannique. Elle le feraouveau, plus explicitementencore, quelques mois
plus tard par l'accord secret PRINETTI-BARRERE qui se présente

expressément comme conclu en vue "de prbciser les engagements qui
résultent des lettresBchangéesà ce sujet les 14 et 16 décembre 1900"
(annexes 78/79 et 80,ibid.), ce qui, d'ailleurs, confirme le caractère

indiscutablement conventionnelde ces engagements (v. supra pars. 7.24 et
7.25).

8.36 La Libye qui ne peut, à l'évidence, contester que
l'échangede lettres de juilletJnovembre1902constitueun accorden bonne et

due forme, (vm, par. 5.87) s'efforce de le vider de toute substance qu'ils'agissede sonobjet même ou du tracédeslimites acceptéespar l'ltalie,point

qui seraexaminéci-aprhs(v.section2, infra).

8.37 IIest trbs remarquable que le Mémoir ee la Libye

fasse totalement "l'impasse" sur deux éléments del'accord de 1902 qui
présententpourtantuneimportanceconsidérabla euxfinsdu présentlitige:

i) en premier lieu, la Libyeomet de citer le premierparagraphe, répété dans
chacunedes deux lettres :

"A la suite des conversations que nous avons eues touchant la
situation réciproque de I'ltalie et de la France dans le bassin
méditerranéene , t touchant plus spécialementles intérêts respectifs
des deux nations en Tri~olitaine-Cvrénaïaueet au Maroc, ilnous a
paru opportun de préciserles engageme& qui résultentdes lettres
échanaées à ce suiet entre Votre Excellencet leMarquisVISCONTI
VENO~TA,les 14 et 16décembre1900,en ce sensque chacune des
deux Puissancespourra librement déveloooersa sohère d'influence
dans les réaions susmentionnées..,"(annexes MIT 78179et 80 -

soulignépar la République duTchad).

Cela signifie que la France reconnaît à I'ltalie une sphère d'influence en
Tripolitaine,dans les limitesqui sontprécisà la phrase suivante;

ii) celle-ci -qui est citéepar la a,bye par. 5.84) précise un secondpoint
important : la limite de la sphère d'influence ainsi reconnue à I'ltalie est

constituéepar "la frontièrede la Tripolitaine indpar la carteannexée à la
déclaration du21 mars 1899additionnelle à la Conventionfranco-anglaisedu

14juin 1898" (ibid- soulignépar la Républiquedu Tchad).Le mot"frontière"
est important: la Tripolitaine,intégràeI'Empireottomana une frontière ; la
Franceaccepte,par avance,que I'ltalieen prennent possession,maisdans le

cadrede limites bienprécises qui ont,auxyeuxdesparties,celles, existantes,
de la frontibrefigurantsurla carte.

8.38 Pour le reste -et misà part laquestion du tracédes
limites(v. section2infra)l'échangede lenresde 1902confirmeceluide 1900.

Leur combinaison constitue une reconnaissance par I'ltalie de la zone
d'influencefrançaise prévueparla Déclarationfranco-britanniquee 1899. LES NEGOCIATIONS DE 1902 ENTRE LA GRANDE-
BRETAGN ETL'ITALIE

8.39 La Libye sembleattacherune grandeimportance à ce

qu'elle appelle "theSecret Anglo-ltalianAccord"de 1902 sur lequel elle s'est
procuré une documentation pluscomplète que celle qu'avait pu réunir la

Républiquedu Tchad(v. leMn, pp. 169-170, pars.100-101).

8.40 Selon la Libye, "it may be noted in passing that since

Great Britain was one of the parties to the 1899 Declaration, any accord
betweenit and ltaly asto the meaningandetfectof the Declarationwould have

a significance equalto any Franco-ltalianaccordon the sarne subj(ML,
par.5.103). Cette opiniondoitêtnuancéeà deuxpointsdevue : d'une partla

Déclaration britannique du1 mars 1902 (v.U, International Accords and
bareement Annex, no6) s'apparentedavantageà un acte unilatéral qu'àun
accord bilatéral d'autre part et surtout,il n'estpas exact que la France et la

Grande-Bretagne aientété dansuneposition identiquealorsque, en 1902, la
France commençait à prendre effectivement possession de sa zone

d'influence, tel n'était pasle cas de la Grande-Bretagne,au moins dans la
régionen cause ; en outre Londresavait,dbs 1899,marqué sonpeu d'intérét

pour cette région (v. supra,pars. 7.19 et 7.20). Quoi qu'il en soit, cette
déclarationet les négociatiqui l'ontprécédéne'enprésententpas moins un

intérêtréel pourdéterminerles positionstant de la Grande-Bretagneque de
I'ltalie.

8.41 Ces positionsressortent moinsde la note britannique
du 11 mars 1902 (MLL -ives m, p. 80), que de ses travaux

préparatoireset des documentsqui y sontannexés.La Déclarationelle-même
est en effetfort vagueet seboràeindiquerque

"The agreementbetweenGreat Britainand France of the 21st March

1899 laiddowna lineto the eastandwestof which respectivelythe two
Signatory Powersboundthemselvesnotto acquire tektory oi political
influenceinthe regionstraversedbythe saidline,butthe Agreementin
no way purportedto deal with the iights of other Powers,and that, in particular, as regards the Vilayet of Tripoli and the Mutessariflik of
Benghasi,al1such rights remain entirely unaffecby it".

8.42 La Libye interprète cette déclaratcomme signifiant

que la Grande-Bretagne entendait marquer que la Déclaration de 1899
n'affectaitpas l'hinterland tripol(u,inpars.5.106 et 5.110). Ceci estpure

spéculation: ni le mot,ni l'idéed'hinterland ne figurenladnote britannique
et la dépêche adressée par LordLANSDOWNE à Lord CURRIE le 3 février

1902 marque les réticencesde la Grande-Bretagneà cet Bgard : le Foreign
Office y témoigned'une certaine perplexité faceaux demandes italiennes et
indique :

"His Majesty's Governmentwere unableto understandthe bearing of
this assurance uponthe Vilayet of Tripoli, which,as far as they are
aware, lies wholly, or almost wholly, to the north of the Tropic of
Cancer, and may, therefore, be said to be outside the scope of the
Anglo-French Agreement (Mlh,BritishArchives Annex,p. 74).

Quelques lignes plus loin, Lord LANSDOWNE rappelleque la province de

Tripoli est, dansson intégralité ("the wefwhich")

"believedto lieto the northof the pointat whichthe Anglo-Frenchline
commences"(ibid.).

8.43 La Déclaration -dont l'Italie avait tenté en vain
d'infléchirla portéeen ce qui concernesa libertéd'actionen Tripolitaine-doit

être interprétée la lumièrede ces explications britanniquequi ne semblent
pas contraires à la positionde I'ltalie.II est significatifà cet égard quele jour
mêmeoù Lord CURRIE lui remit la note du 11 mars 1902, PRlNETTl

communiqua en échange à celui-ci le texte de la lettre de BARRERE à
VISCONTI VENOSTA, marquant ainsi sa conviction que les deux

engagements,de la Grande-Bretagneet de la France, loin d'être incompatibles
ou divergentsse complétaientet devaient êtreinterprétésà lalumière l'un de

l'autre(v. ibid., p. 80).

8.44 A l'issue deces nombreux accordset engagements,la

situationétait doncla suivant:- la Grande-Bretagneavait reconnuune zoned'influence à la Francepar la

Déclarationde1899 ;

- implicitement,la Franceavaitfait de même enfaveurde la Grande-Bretagne

bien que celle-ci manifestâtpeu d'intérêp tour la partie septentrionalede la ~
régionconcernée;

- I'ltalie s'était vuereconnaître parla France unesphhre d'influenced'abord
conditionnelle,en1900,puissansconditions,en 1902,surlaTripolitaine;

- en échangede quoi elle se considéraitcomme virtuellement partie a la
Déclaration franco-britanniquede 1899 et reconnaissaitles zones d'influence

qui y étaient prévues;

- la Grande-Bretagne avait, parla notede LordCURRIEen date du 11 mars

1902, déclaréque ces zones ne portaientpas atteinte aux droits des autres
Puissances, en particulier en ce qui concerne le Vilayet de Tripoli et le

Mutessariflikde Benghazi.

8.45 Toutefois, A cette époque, aucune de ces trois
Puissancesn'étaip t résentedanslazoneconsidérée :la Grande-Bretagnes'en
désintéressaia t ssez ostensiblement; la Franceentamait sonoccupationqui

ne sera parachevéequ'en 1914 ;la Tripolitaineet la Cyrénaïque, objetsdes
convoitises italiennes,étaientaux mains desTurcs qui protestèrent contreles

accordsprécités qu'ilsjugeaientmenaçantset entreprirentmêmea , près 1906,
une tentative d'implantation dansdes régions plusméridionalesque celles

qu'ils contrôlaient auparavan(tvsupra, pars.3.08 etS.et 4.24 et S.). 5 3. 1919 : LA CONFIRMATION D'UNE
FRONTlERE

A.- L'EVOLUTIONDE LASITUATION DE1902 A 1919

8.46 Cette situations'est profondément modifiée duranlta
douzaine d'annéesqui asuivi: si la Grande-Bretagne n'atoujours pas pris

possession de la zone d'influence que lui reconnaissait la Déclaration
additionnelledu 21 mars 1899, il n'enva pas de mêmede la Francequi, en

octobre 1914, est arrivéàl'extrême limite septentrionle la zone que lui
reconnaissait la Déclarationde 1899 acceptéepar I'ltalieen 1902supra,
chapitre 4, pars. 4.à44.59) et s'étaitméthodiquementemployéàe l'occuper

effectivement eà l'administrer,dans la mesuredu moinsoù la raretéde la
populationet lecaractèredésertiqude la régionl'exigeaientet lepermettaient

(v. ibid., pars. 4.60 à 4.8MIL, pp. 254-261) ; quanà I'ltalie, elle était
parvenue à ses fins et avait délogéles Turcs de la Tripolitaine et de la
Cyrénaïquemais, mise à part une brève incursioninitiale qui ne l'avait pas

conduite plus au Sudque Mouzrouk, ellenetenait qu'uneétroitezone côtière
et n'occuperala partie septentrionalede la Libye quede nombreuses années
plus tard (cf. Jean PICHONo a

m, Peyronnet, Paris, 1945, pp. 130 eS.;J.-L.MIEGE, L'im~érialisme
çolonial italien de 1870 à nos iourg,SEDES, Paris, 1968, pp. 12S.e; ou

Juliette BESSIS,Ja Libvecontem~oraing,L'Harmattan,Paris,1986, pp. 35 et
S.).

8.47 On ne réécrit pa'histoire.La Libyetentede le faireen
attirant l'attention sur les préliminairesde négociationsfrontalières franco-

ottomanes de1910-1911 u, pars.5.111et S.)et en insistantsur le fait qu'à
cette époquela frontière n'étaitpasétablie(v. not. par.5.113). Ceci est exact
mais rien nepeuten être inféré polerréglernet e laprésenteaffairecar :- d'une part la France n'avait pas,au moment oùles négociations devaient
s'ouvrir, occupéeffectivementl'intégralide la zone que lui reconnaissaitla

Déclarationfranco-britanniquede 1899 dontles limitesn'étaient, dbs lor, as
devenuesdesfrontibresopposablesauxtiers ;et

- d'autre part, cet accord n'était,en tout étatde cause, pas opposable à la

Turquie. II se serait donc pu quesiles négociationsavaient eu lieu etsila
Porte avaitpu faire prévaloirses vuesen invoquantsonétablissement dans la
rbgion, pour récentet superficiel qu'il fût, la frontibre eût, finalement été

différente de cellequi,finalement,a pr6valu.Mai..les négociations n'eurent
pas lieuet I'ltalie pritpossessionduVilayetdeTripolidont,à ladifférence dela

Turquie, elleavait reconnula frontière dans l'accconcluavec la Franceen
1902.

8.48 Lorsqu'elleenvisageade procéder à une délimitation
définitiveavec la France, en 1914, I'ltaliese trouvait dans une situation, tant

juridique que sur le terrain, toute différente de celle del'Empire ottoma:
contrairement à lui -au moins la brbve périodequi a précédé sa défaitd ee

1912-,elle n'était nullemenpt résenteeffectivementdans la régionalors qu'à
cette date la Frances'y étaitimplantée définitivementtr,ansformant ainsi une

zone d'influence enpossession coloniale effectiv; et, surtout,I'ltalieétaitliée
par l'échangede lettresde 1902, confirmé par l'AccordPOINCARE -TlTTONl
du 28 octobre1912(annexe han 6).

8.49 Les deux parties avaient d'ailleurs clairement

conscience d'être liées pa lrurs engagementsantérieurs.La preuve en est
donnée parla missionqui devait êtrc eonfiéeaux commissionsde délimitation

chargées,selon lestermesdu rapporteurLouis MARIN devant la Chambre des
députésfrançaise, que la Libyecite imparfaitement dans son Mémoire(par.
5.120) ,onpas "d'engagerdes pourparlersdiplomatiques,mais de . .
Wrain une frontiére (annexe 336 -soulignépar la

République duTchad ;v. aussii'annexMn 335)'.

Au surplus, le fait que cette "délimitation" (qui n'était,en réalité, qu'une

dbmarcation),s'arrêtâ t l'intersection duTropiquedu Cancer etdu seizième
méridienest de Greenwichconfirme,s'ilenétaitbesoin,quela Franceet I'ltalie
se bornaient àappliquerles accords antérieurs:àpartir de cepoint,elles ne

sont plus voisines : toute la régionplacbeau nord-ouestde la ligne de 1899
relève non plusde la zonefrançaise, maisde la sphbred'influencebritannique,

ce que confirmepleinement LouisMARINlorsqu'il ajoute

"que les ententestalo-anglaisesrécentesprolongerontpeut-êtrevers
l'est et jusqu'au Soudan égyptien la frontière commune aux
possessionsfrançaises et italiennes"id.).

8.50 La démarcationn'eut pas lieu, mais pour des raisons
qui netiennent nullementà un désaccordentre lesdeuxpays : l'éclatementde

la Première Guerremondialeexcluaitquel'ony pût songer.

8.51 Leprojetnefutpasnonplus repris aprèslaguerre, non
pas parce que la situationjuridique s'étaitmodifiée mais parcequ'un nouvel

élémentrendait, pensait-on.la démarcationinutile. Entretemps étaiten effet
intervenu le Pacte de Londresdu 26 avril 1915 dont l'article 13 prévoyait

"quelquescompensations équitablese "n faveurde I'ltalie,"notammentdans le
règlementen sa faveur des questionsconcernantles frontieres"de la Libye(cf.

&&, InternationalAccordsand AareementsAnnex,no12). Bien qu'unaccord
complet n'eûtpu être trouvésur ce point lors de la Conférencede la Paix (v.
MIL, pp 198 et S.et MLb, pars. 5.150 et S.), il fut décidé quela question

resterait ouverte (elle le restera jusqu'en 1947 du fait de la non-entréeen
vigueur du TraitéLAVAL-MUSSOLINIde 1935). Dansces conditions,il n'eût

Bvidemmentpas étélogiquede procéder à la démarcation sur lterrain d'une
frontièredont la délimitatdevait êtrmodifiée.

1 Alapage183(par.152)desonMemoir eaRBpubliqueuTchadrenvoie improprement
I'annexe6. alorsqu'ellecite I335. Ellepriela Couret la partielibyennede bien
vouloirexcusercetteerreur. 8.52 En attendant qu'elle lsoit -et, en réalité,ne le fut

pas-, I'ltaliedemeurait pleinement lear I'Accordde 1902commele reconnut
TITTONI, Ministre italien des Affaires étrangbres,devant la Chambre des

DBputés, dansson discoursdu 27 septembre1919-dontla Libyecite un autre
extrait qui ne fait que rappeler l'écdes négociationsde paix sur ce point
(&ILL ,ar.5.170):

"...déjà,dans I'AccordPRINETTI-BARRERE du ler novembre 1902,
nous avions reconnula frontière dela Conventionfranco-anglaisedu
15 juin 1898 (sic), qui avait assignéà la Fr.ancele Tibesti et le
Borkou...(annexe 337 ;traductionfrançaisein LivreV, p. 176).

La partie libyenne attribueà un simple lapsus("a slight lapse") (m, par.

5.171)ce qu'ilest difficilede nepas considérrommelaconfirmationformelle
d'une reconnaissance antérieure indiscutabl(ev. supra, par. 7.36) ; puis elle

indiqueà nouveauque,dansunarticlepubliéen 1927,le même TlTTONl -dont
il n'est pas inutile de rappeler qu'il est un membreinfluent du parti colonial
italien- revient sur le fait que I'ltalie n'a pasabandonné la"quittance" que le

Pacte secret de 1915lui donnaitsur la France. Cepoint n'est pas discutable
mais ne corrige en rien le prétendu"lapsus" commis huit ans plus tôt :

politiquement, I'ltalies'estimefondéàcontesterla frontière septentrionaledu
Tchad ; juridiquement, ellesait êtreliéepar l'accord donné en 1902a , ussi
longtemps qu'il n'aura pasété modifié pau rn traité contrair- et elle l'est

d'autant plusque la Francea maintenuet consolidé, son empriseeffectivesur
son anciennezoned'influencedevenuepossessioncoloniale"à partentière"et

dont les limites se sont dès lors transformées en véritables frontières
opposablesergaornnes. B . - LA CONVENTION FRANCO-BRITANNIQUE DU 8

SEPTEMBRE 1919

8.53 Les parties ont d'ores et déjàlonguement développé
leurs thèses respectivessur la Convention supplémentaifranco-britannique
du 8 septembre 1919 dans leurs Mémoires (cf. pp. 184etS.;MIL pars.

5.256 et S.)et, faute qu'elles aient pu, l'une et l'autre,retrouver les travaux
préparatoiresà ce texte (cMn, p. 185, par. 163eU, par. 5.179), il n'est

guère possibled'y ajouter grand-chose(saufen ce qui concerne letracéde la
frontière lui-mêmev. infra,pars.8.114et S.).

8.54 Le seul point sur lequel la Républiqdu Tchad croit
utile d'attirer à nouveau l'attention, concerne le glissement de vocabulaire

intervenu entre la Déclarationde 1899 et la Convention de 1919 et dont la
Libye affecte de s'offusquer (cf. par. 5.187). A vrai dire, il n'y a rien
d'étrangeà ce que les incertitudes terminologiques qui caractérisaient les

accords de 1898et de 1899 (pars.7.17 etS.)aient étdissipés dans ltexte
de 1919qui n'utilise quele mot "frontière"undan ;/lors quela Grande-

Bretagneétait, en1899,fort peuprésentedanslazone quelui reconnaissait la
Déclarationet que la Franceen étaitcornplétement bsente, lasituation s'est
entièrement modifiéesur leterrainen 1919: la Francea occupél'intégradeté

sa zoned'influence; quantà la Grande-Bretagne,s'il n'estpas douteuxqu'elle
a intensifié sa présencedans la partie méridionalede la sienne, qu'elle

contrôle effectivementet complètement,l n'enva pas de même plus au Nord
et, comme le fait remarquer le Gouverneur général du Soudan dans une

dépêche adressée aV uicomte ALLENBY,le 4 décembre1919,peu de temps
après la signaturede la Conventi:n

"To the northof Wadi Howa(...)the French sphereis here bounded to
the East and North by sheerdesert, and consequentlythe matter [la
délimitationenvisagéeis susceptibleof someelay"(annexe 96).

8.55 On trouve là une nouvelleexpressionde l'indifférence
britannique pour ces régions, indifférence qu'avaitdéjà exprimée Lord

SALISBURY vingtans plustôt (v.supra,par.8.20)et quitraduit l'intention bienarrêtéede la Grande-Bretagnede nepas occuper une zone constituéed'un
"désertpur et simple""sheerdesa").

8.56 Lacombinaisonde cette indifférenc-quitranche avec
i'intértrès grand manifestépar les Françaispour leur proprezone- et de son

absence sur le terrain -qui contraste aussi avec la présence française-va
conduire la Grande-Bretagne à réagir différemmentde la France aux
protestations italiennessans, toutefois,que les réactiondeuxpays soient

incompatibles.

C. - LES REACTIONS BRITANNIQUES ET FRANÇAISES AUX

PROTESTATIONSITALIENNES

8.57 La conclusion de la Convention supplémentaire du8
septembre 1919 va fournir à l'Italieun prétextepour réagir-tardivement-à la

délimitation qui fait l'objet de son dernier paragraphe. Faute de pouvoir
remettre en cause la limite résultantde la Déclaration de1899, qui lui était

opposable dufait de l'accordPRINETTI-BARREREde 1902, il lui fallait, pour
donner uneapparencede fondement àsa protestation, affirmerque letracéde
la frontièrede 1919était différte celuide 1899,ceà quoielle s'employa.

8.58 II n'est pas nécessairede s'attacher pour l'instaàt
établirque, siletracéde 1919 diffèrede celuide 1899-1902, cen'est quedans

des proportions très minimes qui restent dans les limites admissibles d'une
interprétation.Cet aspectduproblèmeseraétudié ci-après (pars. 8.138 etS.).

II n'est pas non plus utile d'analyser par le menu les notes italiennes et les
réponses britanniques et françaises, ceà quoi les deux parties se sont

longuement employéesdans leur Mémoi respectif(cMn, pp. 190 eS. et
ML, pars 5.188 etS.).

8.59 Deux points seulement méritent quel'on s'y arrête
quelquepeu :i) quand bien mêmeles tracésde 1899 et de 1919 eussent divergé de

manibresignificative-quodnon, I'ltalie n'aurt aseu detitreàprotester,et

ii) malgr6ce qu'affirmela partie libyenne,il n'ya pasde contradictionentreles

réponsesbritanniques et françaisesaux protestationsitaliennes,

L'absence de fondement des protestations
italiennes

8.60 Indépendamment de tout problèmeliéau tracé dela

délimitationfranco-britannique,il ne peut être sérieusemecontestéque les
accords franco-italiensde 1902 visaientd'unepart à reconnaîtrà I'ltalieune

sphbre d'influence en Tripolitaine en échange dequoi, d'autre part, elle
admettait quela France pouvait "librement développer sa sphbd r'influence"

sous la seule réservede nepas l'étendre au-delàdes limites du Vilayet de
Tripoli (v. supra not. pars.8.26et 8.37). Dès lors,ce qui se paàsl'Est des

limites du Vilayet de Tripoli (tellesqu'elles apparaissentsur la carte qu'elle a
expressément acceptée en 1902-v. infra pars. 8.144 et S.)ne concerne pas

I'ltaliequis'est,par avance,engagéeà laisser lesmainslibreà la France. Elle
ne peutdonc,en droit,protestercontrel'usagequecelle-cifait de cette liberté,

quand bien même ce serait au détrimentde la zone britanniquesur laquelle
elle n'aaucun droit.

8.61 IIest vrai que l'Italien'apas pris, en 1à0l'égardde
la Grande-Bretagne,lesmêmes engagement qsuevis-à-visde la Franceet n'a

fait que bénéficierd'une déclaration britanniquunilatéralelui donnant des
assurances(v. supra, par.8.41). Rien,donc,ne l'empêchad itetenir en échec

l'influencebritanniquedanscettezone.

8.62 Encore eût-il fallu, pour cela, que I'ltalie y fût

effectivementprésente. Or ce n'estnullement lecas en 1919,date à laquelle
elle est encore très loin d'avoirimposéson occupationeffectivà l'ensembledu Vilayet de Tripoliet du Mutessariflikde Benghazi (Mn, p. 196,p. 206 et
les références données supra,par.8.46).

8.63 Le ForeignOfficene prenddès lors guhrede risque en
rbpondant,le 5 février 1923,à la protestation italienne,non sans une certaine

ironie:

"The questionwhetherany of this areais ltalianterritory is one of fact,
in whichthe onusof prooflieson the ltalianGovernment" (annexe
101).

L'humour britannique s'exerce un an plustard plus cruellement encoreaux

dépens de I'ltalieà;propos d'une nouvelle protestation de ce pays, trois
fonctionnaires du Foreign Office signent une note, interne il est vrai, dans

laquelleils écrivent:

"ln paragraph15[de la note italienne]we areinformedthat the ltalians
"refuse to recognise the existenceof the new convention in its reflex
effects". The ltalian attitude may become interesting when they
succeedin penetrating700 milesfromthe Coastof Tripoli ; so ithas
taken them 12 years to get . .miles so that there is no likelihood of
early developments" (m, Bntishives Am, p. 185).

Les Britanniquesavaientprobablement tortd'ironiser :
8.64
l'avancedes Italiensleurpermettra,dix ansplus tard,de supplanterla Grande-
Bretagnedans toutela zone queleurrésewaitla Déclaration de 1899au Nord-

Ouest de la limiteaveclazone française.IIrestequ'au momentde la signature
de la Convention franco-britannique en1919 et des protestations italiennes,

quelques années plus tard,les remarques précitées correspondent à la
situation sur le terrain. Faute d'y avoir établila moindre présenceeffective,
I'ltalie ne peut revendiquer aucun droit territorial qui justifierait ses

protestations. La compl6mentarit6 entre les r6ponses
britanniques et françaises

8.65 La Libye fait grand cas des attitudes différentes
adoptéespar la Franced'unepart etla Grande-Bretagned'autrepan face aux
protestations italienne(M, pp. 255-268). En réalitéla position des deux

Etats est, fondamentalement, identiquemême si les raisons invoquées nele
sont pas entièrement, mais cesdivergences apparentes s'expliquetar leur
situationrespectivà,lafois surleterrainet endroit.

8.66 Non seulement il n'existe aucunecontradiction entre
les thèses soutenues parla Franceet par la Grande-Bretagne, mais encore

elles sont entièrement convergentes dansleur conclusion : les protestations
italiennes nesontpasfondées.

8.67 Cela ressort des réponses britanniques et des
documents préparatoiresinternes à celles-ci. Ainsi, reprenantpresque mot
pour mot les termes d'une note adressée à l'Ambassadeur de France à

Londres par Lord CURZON le21 août 1920 (m, British Archives Annex p.
161),la réponsebritanniqueà la notede protestation italdu 18décembre
1921 indique:

"The French Government,it has been ascertained,entirely share the
view of HisMajesty'sGovernmentthat the argumentsput forward in
Monsieur Taliani's noteunder referencecannot be regarded as well
founded"(annexe Mn 101) ;

de même, une note interne britannique -dont il est intéressantde relever

qu'elle estCO-signépar MALKIN,dontla partie libyennevante lclairvoyance
(m pars.5.202 et 5.203)-estimàproposd'une nouvelle noteitaliennedu 28
février1924 (cm, Pntish/abives AQJ.EJ,p. 178):

"This long winded protest need not, I think, betaken very seriously.
The ltalian claim, which wasevera aood one, can hardlybe said in
present circumstanceseven to beacademic...(ibid.,p. 18-souligné
par la RépubliquduTchad). 8.68 Les Françaisn'ont pas non plus le sentimentque les
positionsdes deux Etatssoient incompatibles.Désles premiers échangesde

vues sur ce sujet, le Comtede SAINT-AULAIRE,Ambassadeurde France à
Londres,relbve

"que le Gouvernement français est d'accord avec le Gouverneme dnt
Sa Majestébritannique pour considdrercommedénuées defondement
tes revendications italiennes sur les territoires situésau Sud de la

Tripolitaine"(lettreau Comte BALFOUR, 29 juillet 1922,id p.151).

8.69 Identiques quant aux conclusions, les positions

britanniqueet françaisene le sont pas quantaux motifs ou,plus exactement,
les Français prolongent et complétentles raisonnementsesquissés par le
ForeignOffice en fonctiondes engagementsde I'ltalieà leur égardet de leur

situation particulière sur le terrain. Londres en est d'ailleurs conscient et
d'accordcommele montreletexte même de la réponseprécitée (par8..67) du

5 février1923à la notede protestation italiedu 18décembre1921 :

"His Majesty'sGovernmentunderstand that the French Government
have in addition particularreasonsfore-ardi-gthe ltalian standpoint
as untenable"(annexe 101).

8.70 La positionfrançaiseet les raisons du "dépassement"
de la thèse britannique sont expliquéestrès clairement dans une note de

l'Ambassadeurde France àLondresdu8 décembre1922 :

"Si le projet de réponsedu Gouvernementfrançais est différentde
celui du Gouvernement britanniquec, e n'estpas qu'il méconnaissele
bien-fondédes argumentsdu ForeignOffice,c'est quela situationde la
Franceen Afriquevis-à-visde I'ltalieestdiffére:elle estdéterminée
par lesaccords franco-italiede 1900-1902 (...).
"Grâceauxaccordsde 1900-1902,la position de la France, dans cette
question, est particulièrementforte,puisque le Gouvernementitalien,
en reconnaissant n'avoirde vues que sur uneTripolitaine nettement
délimitée,s'interdisait deréclamerultérieurementtout autre territoire
situé au Sud de cette Tripolitaine et ayant pu faire partie des
possessions réellesou fictivesdel'Empireottoman en Afrique" w,
ntainArchives m, pp. 161-162).

Contrairement à la Grande-Bretagne qui,par sa déclarationunilatéraledu 11
mars 1902(ibid.,p. 80-v.supra, pars.8.30et S.),avaitdonnédesassurancesà I'ltalie sans en recevoiren retour,la Franceavait obtenu la reconnaissance

par celle-ci la fois des frontièresde la Tripolitaineet du libre développement
de sa sphhre d'influence au-delàde ces limites (v.supra, pars. 8.23 eS. et

8.31 et S.).La FranceBtait,dès lors,fondéeà invoquerles engagementspris
par I'ltaliesonBgard,ce queles Britanniquesnepouvaientpas faire.

8.71 Au surplus, la Franceavait effectivementprofitéde la
liberte de "développer sasphhre d'influenceW2c ,e que la Grande-Bretagne

n'avaitpas fait. En 1919 -et a fortiori après1921,lorsque Pariset Londresont
réponduaux protestations italiennes-elle occupaiteffectivementI'intBgralitBde

la zone d'influence que lui avait reconnue les accordsfranco-britanniques de
1899 et 1919.(v. supra, chapitre6). Ce qui demeuraitpour les Britanniques

une simple zone d'influence étaitdevenu pour lesFrançais une possession
coloniale"à part entière" ; les limitesde celle-ciBtaientune véritable frontière.

Des lors, la Francedonne,commel'écrivaitBARRERE,Ambassadeur a Rome,
dans une lettre à POINCARE, Président du Conseil et Ministre des Affaires

étrangères, "àl'expression ligne-frontièreson senstechnique" quiimplique "la
souverainetéde l'un ou l'autre pays s'étendant jusqu'àla ligne en question"

(MA b,ench ArchivesAnw, p. 351).

8.72 Selon la Libye, "Thus, at the end of the day, France

and Great Britain went their separateways in respondingto Italy's protest of
the 1919 Convention,each rejectingit for entirelydifferentreaso(m, par.

5.214). En réalité,l est exactque ces raisonssontdifférentes, maisles motifs
invoquésne sontnullement contradictoires;ceux de la Francevont au-delàde

ceux avancés par la Grande-Bretagne : la première peut exciper de la
reconnaissanceitaliennede 1900-1902; la secondene le peutpas ; la France

occupe effectivement la régionoù les accords de 1899 et 1900-1902 lui
reconnaissaientle droitde s'établ;ce n'estpas lecasde la Grande-Bretagne.

8.73 Et c'estaussi pour cela que, durant les années1930,
ce pays ne fera pas grande difficulté pour s'effacer au prode I'ltalie dans

l'hinterlandde la Cyrénaïque quicommele relève à justetitre la Libye,"was in

2 1n'estpassuperflude rappelerI'ltaliea recAlaFrancecenelibertede
"d6velopprasphered'influences.anslimitatgeographiquea,u-delAdesfrontieresGreat Britain's sphere of influence under the 1899 Declaratio(m, par.

5.214) : si un Etatavait pu s'opposeraux prétentions italie,e n'auraitpu
6tre que la France à laquelle I'ltalie avait reconnuen 1900-1902 une zone
d'influence s'étendanB l'ensemblede la régionen dehors de la Tripolitaine-

Cyrénaïquestricto sensu.Au contraire,les droitsde la Grande-Bretagnesont
fermement établispar rapport à la France,ils ne le sont qu'indirectement à

l'égardde I'ltalie'(v. supra pars. 8.39et S.)et elle ne peut faire valoir à son
encontre I'occupationeffectivede la zone d'influenceque lui reconnaissaitla
Déclarationadditionnellede 1899.

8.74 Ces considérationsexpliquent la facilité relative avec
laquelle la Grande-Bretagne renoncera par l'accorddu 20 juillet 1934LL,

InternationaAlccordsmareementç no24) à toute prétentionsur le
triangle dearra (cfMn, pp. 196-197et MLL pars. 5.284 etS.).Encorefaut-il
noter que, durant toutes les négociations qui y conduisirent la Grande-

Bretagne prit grand soin de nepas porter atteinteaux droits de la France (v.
ibid.,not. pars.5.294à 5.298et 5.302).Renonçanà ses propresdroits, ellene

pouvait, transférer I'ltaliedesterritoiresou destitres qui ne lui appartenaient
pas.

8.75 Dés lors, en admettant mêmeque la Convention
supplémentaireeût modifiéde façon significativeletracéde 1899 (quodnon-
v. infra pars. 8.138 et S.),la Grande-Bretagnen'a fait que céàela France

une partie de sa propre zone d'influence.Et I'ltaliene pouvait, en tout étatde
cause, se prévaloird'untitre quelconqueelle se l'était interdit paravance par

les accordsde 1900-1902et,contrairement à la France,elle n'étaiti n 1919,
ni en 1921,ni en 1934, présente danla régionet ne pouvaitopposerà celle-ci
aucuntitre tiré del'occupation. SECTION 2. LE TRACECONVENTIONNELDELA FRONTIERE

8.76 Les plus importants des' "actes internationaux en

vigueur 3 la date de la constitution du Royaume Uni de Libye" auxquels
renvoiel'annexe I auTraité d'amitié te bonvoisinageconclu le 10août 1955
entre la France et la Libye sont, sansaucun doute, aux fins de la solution du

différendsoumis à la Cour:

- la déclaration du 21 mars 1899 additionnelle 5i la convention franco-

britanniquedu 14juin 1898,

- les accords franco-italiens du ler novembre 1902 (indissociables de

l'échange de lettres des 14 et 16 décembre 1900 auquel il renvoie
expressément).et

-la conventionfranco-britanniquedu 8 septembre1919.

8.77 Entre les deux dates extrêmes de 1899et 1919, la
situation sur le terrain avait été fondamentalement modifiée: en 1899, la
France se voit reconnaître une sphère d'influence dans une région qui

constitue l'objet de ses convoitises coloniales, mais où elle n'est pas
effectivement présente; en 1919 au contraire,ellea parachevé l'occupatide

l'ensemblede cette zone où elle est complètementet définitivementimplantée
à partir de 1914 (v. ci-dessus, chapitre 6 et ci-dessous chapitre 9). Ce qui

n'était, l'origine, qu'unefaculté d'expansion virtuelle, reconnue la seule
Grande-Bretagne, est, au point d'aboutissement, devenu une veritable

possessioncoloniale, opposable à tous conformément aux principesgénbraux
du droit des gens alors envigueur, et plus spécifiquemen5iI'ltalie du fait de
l'acceptation expresse par ce pays du droit pour la France de développer

librement sa sphère d'influence dans les régions enquestion (cf. l'accord
PRINETTI-BARREREde 1902).

8.78 Du même coup, les limitesde l'expansion françaiseont
égalementchangéde nature :de simplesdélimitations entzonesd'influence,elles sont devenues les frontières, au sens strict du mot, de territoires
coloniaux, valables erga omnes et, en tout cas, opposables à la Grande-

Bretagneet à l'Italiequi ont expressémereconnu le droitde la Francede s'y
Btablir.

8.79 Le tracé de cette frontièrea 616acquis d8s 1899 et

confirme en 1919 en ce qui concerne la portion allant de l'intersection du
Tropique du Cancer avec le 16èmemeridienest de Greenwich d'unepart et
celle du 248me meridienest avecla parallele 19' 30' nord d'autre part(5 1).

Bien qu'il fût, lui aussi, en germe dans la déclarationfranco-britannique de
1899, ce tracén'est conventionnellement consacré que par l'accordfranco-

italiende 1902 pource qui estde la partiede la frontière allantdemmo au
Tropique duCancer (52).

8.80 Malgré sacurieuseconclusionfinale, qui conteste non

seulement le tracéde la frontière, mais son existence mêmel,a Libye ne nie
pas sérieusementqu'il existe bel et bien une frontière entre son territoire et

celui du Tchad. Ceci non seulement résulte de son attitude antérieure
constante(v. supra,chapitre2) mais peutaussiêtre déduitde son Mémoirelui-

même dontplus de la moitiéest, en réalité, consacrée à contester le tracé
existant par une déformation systématiquedes textes et des travaux

préparatoiresayantconduit à leur adoption.

Puisquetoute I'histoirede la délimitationentre leTchad
8.81
et la Libye remonte à la Déclarationfranco-britannique du 21 mars 1899
additionnelleà la ~onbentionconcluel'annéeprécédentei,l convientde partir

du tracédes limites des zones d'influence britanniqueet française fixéespar
cet instrument, de façonà examiner ensuite laquestion de savoir si et dans

quelle mesure cette ligne coïncide avec celle retenpar les accords franco-italiensde 1900et 1902etpar laConvention signée le8 septembre1899entre
la Franceet la Grande-Bretagne.

8.82 IIconvient cependantde remarquer,à titre prbliminaire,

que, quand bien même ces tracésdivergeraientrien n'enpourrait êtrinféré
aux fins du pr6sent liti:le Traité franco-libyrenvoieà i'ensemblede ces

instrumentsmais,conformémentaux règlesrelativesà l'application detraités
successifs portant sur la mémematière (cf. I'article30 de la Convention de
Vienne sur ledroit des traités)eà la successiondans le temps des normes

conventionnelles,letracéretenuparla Conventionfranco-britanniquede1919,
formellement accepté parla Libye en 1955, ferait de toutes manihres droit

entre les parties au différsoumisà la Cour.

8.83 Peuimporteau demeurant: ilressorttant des travaux

préparatoiresà la Déclaratiode 1899quede ses suitesque la limitedécidée
alors a étéconsacréeen 1919 et correspond à celle figurant sur la caràe
laquellese réfère l'échangee lettresfranco-italiende 1902.

A- LE TRACEDES LIMITES ENTRELESZONES D'INFLUENCE
BRITANNIQUEET FRANÇAISE DE 1899.

8.84 La Libye ne conteste pas que, dans la région
considéréel,a Déclarationfranco-britanniquedu 21 mars 1899avaitpour objet
.. .
la "delimitation.....) of spheres of influence to the No(ML, par. 5.26-
souligné parla Républiquedu Tchad) ; "Article3 dealt (.....)Iimitati tonç

the "Frenchzone"to the Northof 15' N latitude"(ibid.,par.5.-8soulignépar
la Républiquedu Tchad). La République duTchad ne contestant pas qu'il
s'agissait,à l'époque, dela délimitatde simples zonesd'influence(v. supra

pars.8.11et S.),les partiessontd'accordsurce point. 8.85 En revanche elles semblent en désaccord sur
i'orientationde la ligne constituantcettelimite.SelonlaLibyeen effet,"it clearly
emergesfrom the travauxthat the directionof the southeast linewas intended

to be, and would inevitably resultin beingalmostan exact southeastline, for it
was meantto intersect4' E longitudeat approximatively1N'latituda,

par. 5.42). En réal,elle n'étaitpas l'intentiondes partiescomme l'a montré
la République duTchad dans son Mémoire(pp. 147 et S.)et ainsi que cela
résultedes travaux préparatoires,du texte de la Déclaration etde la conduite

subséquentedes parties.

a) Lestravaux préparatoiresàla Déclarationde1899

8.86 Les négociations prbalables à l'adoption de la

Déclaration franco-britannique du 21 mars 1899 ont fait l'objet d'une
présentationdétaillée danleMémoi deela Républiquedu Tchad (pp. 153-

159). 1n'est utile d'y revenir que dans la mesureoù la Libye en donne une
interprétationincompatibleavecle déroulement pourparlers.Tel est le cas
surtouten ce qui concerne

- uneallusionà une possible "ligneen ferà cheval"faitepar LordSALISBURY,

- le rôle joué dans la négocinar le 15èmeparallèleNord,et

- la volontédes partiesd'inclurel'ensembledu B.E.T.dans lazonefrançaise.

i) La"ligne enfeàcheval"

8.87 Rapportantune conversationdu 18janvier 1899 avec

Lord SALISBURY,CAMBON,Ambassadeurde Franceà Londres,écrit, dans
un télégrammedu mêmejour adressé A DELCASSE,Ministre français des
Affaires étrangères,qu'enréponse sa suggestionde "laissàrla Tripolitaine

un certainhinterland". "Oui,dit LordSALISBURY, on pourraittraceruneligneen fer à cheval"
(M11 M,ch Archivesm, p. 6).

8.88 Sefondantsurcetteremarque,la Libye échafaudeune

construction suffisammentextravagante pourque le paragraphedans lequel
elle est "expliquée"soitintégraleteprodui:

"If there is superimposedon a mapof Africa, northof LakeChad, the
shapeof a horseshoe(Maono 43),withits openendto the north,then
to the Westof the horseshoewould be Tunisia and Algeria,the open

center would be the Tripolitanian hinterland, to its would be
France's Congo-Oubangui possessions, and to the east of the
horseshoe wouldbe the Nile Valley, Sudan and Egypt, in the British
sphere.This would leaveTripolitaniawith "unavenir suffisant"and "un
certain hinterland",to use Cambon's expressions.uld alsoprovide
ample communication between al1of France's Africanpossessionsas
of 1899. which Cambon had said was the principal objective. In this
regard,it maybe notedthatAmbassador Cambon madeno mentionof
a possessionnamed"Chad"." (m, par.5.22).

8.89 L'allusiànune"possessionnomméeTchad" n'estpas

la moindre des incongruitésde ce passage singulier ; sauf à être ddeé
double vue,il étaitpeu probableque l'Ambassadeur CAMBON enfit mention:
le Tchad ne devint un territoiremilitairequ'en 1915 et ne fen colonie

qu'en 1920...(Ce qui, n'en déplaisàla partie libyenne, ne signifie ni qu'il
n'étaitpeuplé.avant sa colonisation, que de sous-hommes, ni qu'il existe

moinsque la Libyeentant qu'Eta-v. m, pars.1.31à 1.37).

8.90 D'autresaspects de la thèse libyenne, révélés par le

passage citéci-dessus (par. 8.88), sont, au demeurant,plus inquiétants.La
carte no43à laquelleil renvoieet qui figureaprèsla p. 148du Mémoire dela

Libye englobeà l'intérieur dutracéen àcheval imputéà LordSALISBURY
non seulementles deux tiers duTchad actuel,maisencoreune bonnepartie
du Niger et des portionsdu Soudan,de I'Egypte,de l'Algérieet de la Tunisie.

Ceci correspondpeut-êtreaux rêves un momentcaressés parla Porte ou à
ceux desdirigeantslibyens actuels,maisassurémenpas à la penséede Lord

SALISBURY!

8.91 La République du Tchad hésite à prendre

sérieusementdes affirmations aussiclairementdénuéesde fondement et ilsuffit peut-êtde rappelerque la remarquedu PremierMinistre britannique

avait étéfaite en réponseaux préoccupations exprimées par CAMBON afin
que la France puissegrouper ses "possessionsdu Congo,de l'Oubangui, du
Niger, du Sénégald,e l'Algérieet de la Tunis(m, French ArchivesAnnex

p. 6) ; un coup d'Œil jetéà la carte libyenneno 43 suffit à montrer que la
curieuse "ligne enfer à cheval" imaginpar la Libye auraiteu l'effet inverse

de séparer, presquecomplètement, ce qui serait restéde 1'A.E.F.de I'A.0.F.
Du reste les Britanniquesavaient rejeté les protestaturques à l'encontre
de la conventionfranco-britanniquede 1890 (v.Mn, par. 1.24, p. 177), qui,

comme le relèvela Libye,portaientsurun"hinterland assezbienillustréparla
carteno43 (v.m. par.5.21).

8.92 Quevoulait direLorsSALISBURY? II est difficilede le
savoir avec certitude. Peut-être songeaitiléjàau tracéqui serafinalement

retenudeux moisplustardet dans lequel,si I'onse reportàla fameuse "carte
duLivre i-" (v.m, p. 162),on peutdistinguer une forapproximativede
ferà cheval, ouvert vers le nord et dont I'extrêsud arriveà Toummo ; à

moinsque I'onnevoie unfer à cheval, ouvertvers lesud cenefois, ausud de
la Cyrénaïque ? La Républiquedu Tchad concèdebien volontiersque, dans

les deux cas, il y faut unecertaine imagination, mais certainet oins qu'il
n'en a fallu à la partie libyenne pour concevoir la carte n...Ce qui est

certain,c'estque les négociateurde l'accordde 1899entendaientfacilitàrla
France les communications entreses différentespossessions et que, pour
cela, il importaitque la zonefrançaiseremontât assezconsidérablement vers

le nord.

ii) Le rôlejouépar le5èmeparallèle norddans lesnégociations.

8.93 La partie libyenne attacheune valeur aussi extrême

qu'artificielleau 15èmeparallèlenord, limite dont elle faitun élémentcentral
des négociationsCAMBON-SALISBURY de 1899. La lecture des travaux
préparatoiresparla partie libyennemérite d'ê"contée":

-le 12 janvier 1899,CAMBONinforme DELCASSEqu'à son avis un accord
pourrait facilement être atteitur "uneligne de démarcationqui, partant duSud de la Tripolitaineet touchantau Darfour,traverserait obliquement le Bahr
El Ghazal en suivant la ligne de partagedes eaux entre le Nil et i'0ubanguiv
(UV French Archives Annex, p. 3). 1n'y a ici pas la moindre allusion au

15èmeparalléleni,d'ailleurà uneligne droite (cequen'estassurementpas le
cas de la ligne de partagedes eaux entre le Nil et l'Oubangui); la Libye n'en

trace pas moins (surla carte no42 de soM&, p. 168),une lignedroite qui
"descends from the southernmost point of the Tripolitania boundary in a
southeasterly directiontouchingthe northeastcornerof Darfourat about 24" E

longitude-15' N latitude,andthencontinuessouthto the Bahral Ghazal"(par.
5.20, soulignépar la RépubliqduTchad);

- aussi approximatif que soit le croquis illustrant la "ligne en fer à cheval"

évoquée par LordSALISBURYle 18janvier 1899 (vi.) supra),il est intéressant
de constater que la partie septentrionaledu "fer" coïncideapproximativement

avec le 15èmeparallèle(m, carteno43) ;

- après avoir mentionnéun projet britannique prévoyant une ligfrontiére

globalement orientée Nord-Sudjusqu'au parallèle (sansqu'il y soitfait
la moindre mention du 15ème...) avant de s'infléchir"dans la diràcpeun
près du Nord-Ouest"(UV FrenchArchiveç, p. 39),la Libyes'interroge:

"Howthe line wasto continue Northto 18' N was unstatedand is confusingin
ambon summary" (par. 5.35)ce qui la conduit à prbsenter un nouveau
croquis dans lesquel des points d'interrogationjoignent le18ème au 15ème

parallèle tandis qu'une ligne en trait plein joint le Tropique du Canàer
l'intersectiondu23èmemeridienEstet du..15èmeparallèle,auquelil n'estfait

nulle allusion dansle projetde LordSALISBURY(carteno46MIL ,. 177);

-enfin, la partie libyenne insisteà maintes reprisessur le fait que le 15ème

parallèleest mentionndans l'article3 finalement adopté.

8.94 Ce dernier élémentau moins n'est pas douteux : le

15émeparallèlede latitudenordy est même mentionné à deux reprises,point
qui revêt une certaine importance(v. b) infra). Mais la Libye donne une

interprétationentiérement erronédes circonstancesqui sontà l'origine de
cette double mentionet, parvoie de conséquence, e la significationde celle-
ci. 8.95 Les partiess'accordentpour considérer qu'elle apparaît
le 19 mars 1899(cf.lMn, pars.45 et 46, p. 154etm,e par.5.41). Elle fut

insérée dansles circonstancessuivantes:

1" Ce jour-là, les Britanniques proposèrent untexte en vertu

duquel :

"A partir du point où la ligne frontièrerencontrele 18" parallèle, une
autre ligne sera tracéedans la directioneu prbs du nord-ouest
jusqu'au point où le Tropique du Cancer coupe le16" degré de
longitudede Greenwich"(annexeMn 54) ;

2" PaulCAMBON cetracéet fiobserver

"qu'ilétait imposside pousser la délimitation jusqu'aurallèle,
que ce serait nous [aux Français] enlever unepartie notable des
territoiresquenousrevendiquonsau norddu Darfour.(ibid.).

3""Après une assez longue discussion",Lord SALISBURY se
ralliàune contre-propositide CAMBONquiprévoyaitque

"cette ligne partiradu point de rencontredu Tropiquedu Canceravec
le16" degréde longitude est, descendra ensuite danairection du
sud-est jusqu'à sa rencontreavec le" degréjusqu'à sa rencontre
avec la frontière du Darfour telle qu'elle seraultérieurement fixée"
(ibid.).

4" L'abandon par le Premier ministre britannique de sa

proposition initialeest attestéeparla mention"notused"qui figureen hautd'un
projet britannique du19 marsque la Républidu Tchada retrouvédans les
archives du Foreign Office,qui constitue probablementle texte initialement

proposé(et qui lui-même porte esurcharge18"au lieu de 14" 20) (annexe
w 2).

..
5" Le document reproduiàla p. 35 des ArchivesAm
jointes aMémoi rela Libye ported'ailleurslatrace de I"'altrelevéen
par la Liby(u, par. 5.41) puisquele 18èmeparallèley est barré pourêtre

remplacépar le15ème. 6' La combinaison de cette "altération" avecla proposition de
CAMBON aboutitau textefinalementretenude l'article3 de la Déclarationqui

évoqueà la fois la "lignesud-est"suggérée pal'Ambassadeurde France etla
mentiondu 15bmeparallblefigurant dansle texte britannique "altéré".

8.96 Les yeux fixés sur la ligne mythique du 15bme
parallble,la Libyene réussitpas-ou se refuseà assemblerles "morceauxdu

puzzle"qui, pourtant,s'emboitent parfaitemet sunsauxautressi, du moins,
l'on ne part pasdu présuppos6,aberrantausensmathématique du terme, que

la "ligne sud-est"aboutitau 15bmeparallble.

8.97 Rien n'autorisuntel postulat,pourlequel le dossierne

contientpas le moindre indice.Tout lecontred:le textede la Déclarationelle-
même et la conduitesubséquente desparties,commececi seradémontrée ci-

dessous,maisaussi,et defaçontrèsévidente, les travauxpréparatoireset, en
particulier,les négociatio,ésumées ci-dessus(par.8.95),du 19 mars 1899.

8.98 Le point essentiel est que CAMBON refuse que le
secteur réservéà uneaélimm future remontejusqu'au18èmeparallèleet

que && une ligne droite soit tracée jusqu'au dte rencontre duTropique
du Canceret du 16èmeméridiencar il en résulteraitune notable

des territoires revendiquéspar la Franceau du Darfour (v.supra par.
8.95, 2'). est doncexact que,commel'écrit la Libye,ufait de l'oppositionde

la France, "the referento 18' N latitude(...)haddisapeare(m, par.5.36),
mais il en est allé ainsinon pasparceque la France auraitconsidérque ce

parallbleétait"too far northfor the end pointof the line" (ibid.),si par "line"on
entend la lignetrac6e depuis le Tropiquedu Cancer,mais,au contraire, parce
qu'une telle ligne aurait "enlevé"à la France les territoires qu'elle voulait

s'approprierau nordde celle-ci.

8.99 II est donc parfaitementillogique de déduirede cet
épisode crucialque :"thisalonewouldleadto the conclusionthat the endpoint

of the linewas intended to intersect24E longitude considerablyto the south
of 18ON" (ibid.). C'estl'inversequi est évidemmvtrai : la ligne"sud-est"doit
aboutir nord du 18ème parallèle de façon à laisser aux Français les

territoiresqu'ilsrevendiquaient. 8.100 Cette solution laissait subsistelra questiondu tracéde

la limite au sud de l'intersectionde la ligne sud-estavec le 24ème parallèle.
Unesolutionaurait consistéà réserver cecài lafuturedélimitation, prévpar

les articles 2 et 4 de la Déclarat:oc'est ce qu'avaitpropos6 CAMBON(v.
supra par.8.95,3O)mais,étantdonnélemanqued'intérê dte LordSALISBURY
pour toute la région situéau nord du 15èmeparallèle (v. supra par. 8.20),

"pousserla délimitatiojusqu'au18èmeparallèle"-pourreprendreI'expression
de l'Ambassadeurde France -étaitinutile.Le choixd'une ligne géodésiquy
suffisait : il se porta sur le 248meméridienest, intermédentre le 25ème,

soutenu par les Français(Cf. annexeu51), et le 23ème,défendupar les
Britanniques(Cf.annexe 52).

8.101 Contrairement à l'impressionque veut créerla Libye-
notamment en multipliant des croquis dessinésde façon arbitraire (cf. les

cartes no42, 46 -reprisedeuxfois,pp. 181et 246 !-,47,50,55, 57, 61et 62), il
ressort clairement des travaux préparatoires et, enparticulier, de la phase

ultimedes négociations

- que la France et la Grande-Bretagne n'ontullementdécidé de faire aboutir

la "ligne sud-est"au15èmeparallèle;

- qu'elles ont au contraireentendu faire aboutircette liànl'intersectiondu
24ème méridien,

- et au norddu 18èmeparallèle,

- de façon àlaisserà la Francelesterritoiresqu'ellerevendiquait,c'est-à-dire
l'intégralidu B.E.T.

iii) L'inclusionde l'ensembleduB.E.T.danslazonefrançaise

8.102 La volonté de la France d'obtenir l'intégralité du

Borkou, deI'Ennedi,de I'Ouniangaet duTibestidanssa zoned'influence s'est,en effet, manifestéeconstammenttout au long des négociationsCAMBON-
SALISBURY et ellen'aguère rencontré d'oppositiondu côtébritannique.

8.103 La partie libyennese montre d'une&range discrétion
sur ce point pourtantfondamental.Le silenceest d'autantplussurprenantque

de très nombreux documentsversésau dossierpar la Libyeconfirmenttant le
souci de la France de se voir reconnaître ces régions quel'accord de la

Grande-Bretagne.

Cet accordest acquisdBsles toute premières étapes
8.104
de la négociation puisque,dès le 21 janvier 1899, CAMBON se montre
optimiste sur l'acceptationpar Lord SALISBURYde son projet de tracé qui

assureraità la France

"la possession des oasis du Tibesti et du Borkou, le Ouadaï et une
partiedu Darioui"(MIL Exhibit37).

Le 8 février, le Premier ministrereconnaît qu'uneexception au principe du
tracé d'après laligne de partage des eaux pouvait êtrfaite au profit dea

France "pour le Tibesti et leBorkou"(Ml1 FrenchArchiveç p. 13 et
BritishArchives Annex,p. 1). Dixjoursplus tard,DELCASSEinsiste:

"[EJnarrièrede la Tripolitaine s'étendtes paysque nous réclamons

comme devant être comprd isans notre sphèred'influence,le Borkou,
le Tibesti,leOunianga,leOuadaï,le Kanem, ...(ML F,rench Archives
Annex, p. 10, note 1 ; v. aussi la dépêchde CAMBONdu 2 mars,
ibid.,p. 30).

8.105 Comme l'a montré la Républiqud eu Tchad (Mn, pp.

155-156), Lord SALISBURYne s'estjamais opposé à ces prétentionsqui ont
étéreprises expressément dans de nombreux projets tant français que

britanniques et c'est pour y faire droit que la "ligne sud-est" fut finalement
"remontée" aunorddu 18èmeparallèlepour éviter d'enleveà r la France "une
partienotabledesterritoires"qu'ellerevendiquait(supra,par.8.95). b) Le texte de la Déclaration

8.106 11est extrêmemenr tévélateurque la Libye n'accorde
qu'uneattentionpour le moins limitautextemême de la Déclaratioau sujet
duquel elle ne formule d'observations qu'en relation avec les travaux

préparatoires(MLL ,ar.5.38).

8.107 Conformément à la "rbgle générale d'interprétation"

des traités(cf. l'article 31 de la Conventionde Vienne du 23 mai 1969), c'est
cependant du texte qu'il faut partir. Et si celui de la Déclarationfranco-

britannique du21 mars 1899ne suffit pasà en dégagercomplètement le sens
-ce qui impose, en effeà,recouriraux travaux préparatoireset au contexte-,
son examen montre en tout cas qu'il ne peut, en aucune manière, être

interprétcommelefait la partie libyenne.

8.108 L'interprétation qu'elle propose de l'article 3 de la

Déclarationde 1899renden effet cettedispositioninintelligible.encroire, la
ligne décrite par cette disposition ne pourrait être qu"'almost a true

northwest/southeastline"(m, par.5.48 ;v. aussi,parexemple,par. 5.40).

8.109 11est révélateurque la Libye doive préciser qu'il ne

s'agit que d'une orientation "presque" (almost) exactement sud-est :
exactement, elle nesauraitl'êtrcar une ligne partantde l'intersectionentre le
16èmeméridienet leTropiquedu Cancer -et faisantaveccelui-ciun anglede

45One rencontrerait le 24ème méridienqu'au sud de la zone àdélimiteren
vertu des articles 2 et 4, comme'ontremarquéles négociateursbritanniques

de la Conventiondu 8 septembre1919 (v. m, p. 152,par.37).

8.110 La partie libyenne néglien outre un autre argument

de texte tout à fait important : contrairemeàtce qu'elle écrià maintes
reprises (v. par exempMIL pars.5.40 à 5.42)età ce qu'elleindique sur les

nombreux croquisdont elle a jugéutile d'agrémenteson Mémoir larticle 3
ne vise nullement le 15ème parallèle W. A deux reprises il
mentionneun point situ" U j " : - "II est entendu en principequ'au nord du 15èmeparallèle, la zone
françaisesera limitéau nord-estetàl'es..."
-"..et suivra ensuitele 24èmedegréjusqu'àsa rencontre aunord du
15ème parallèle de latitudeavec lafrontière du Darfour,telle qu'elle
seraultérieuremenftixée".

8.111 11n'en résulte évidemmentpas qu'il y ait là "une
discontinuité inévitabl("-1 dans la délimitatio(MLL par.

5.175 ;v.aussi par. 5.42 et carteno47). Bien aucontraire,i'aiticle 3 préciseà
cet égardl'article2 et indiqueclairementque ladélimitationpràvl'article4
devra se prolongerjusqu'àce point situénonpasw le 15èmeparallèle mais

gu de celui-ci. C'est d'ailleurstrès exactementainsi que les parties à la
Conventionadditionnelleontinterprétcelle-ci(v.infra, pars.8.114et S.).

8.112 Nonseulementl'interprétation avancépear la Libyeest
contraireaux intentionsclairesdesparties, mais encore, elle aàopriver la

mention du 24ème degré -quela ligne doit suivre "jusqu'àsa rencontre (...)
avec la frontière du Darfouru-de tout effet utile. Une telle disposition peut

d'autant moins être considéréommeétant "sans portée et sanseffet" (C.I.J.,
arrêtdu 9 avril 1949, Détroit de Corfou,& 1949, p. 24) qu'elle peut
parfaitementêtre conciliée avec butpoursuivipar lesparties(cf. C.I.J.,avis

consultatif du18juillet 1950, ationdesTraitésde oaixconclusavec Lê
we. la Honarie et la Roum, 1950, p. 229). Enrevanche la

confusion, qu'opère la Libye, entre le point d'aboutissementde la ligne et
l'intersectiondu 24ème méridienet du 15èmeparallèleet sa négligence pour
l'insistance mise par les parties sur le fait que lazàndélimiter s'étend

jusqu'au Nord de ce parallèle ne sont compatibles ni avec l'intention des
parties (v. pars.8.93et 8.102et S.),niavecletexte clairde la Déclaration. C) La conduite subséquentedes parties

8.113 La France et la Grande-Bretagne ont, par la suite,

constamment confirméleur accord de 1899 et en ont préciséle sens d'une
manière qui démentl'interprétationque prétenden donner la Libye mais
confirme en tous points celle avancépar le Tchad. Ceci résulte surtoutdes

accords franco-britanniquesde 1919et de 1924 quiétablissentl'un et l'autre
l'importance,aux yeuxdes parties,de la portion defrontière suivantle 24ème

meridienet le caractère approximatfe la direction "sud-est" mentioeans
l'article3 de la Déclaradu21 mars 1899.

i) LaConventionsupplémentaire du8 septembre 1919

8.114 Commela République duTchadl'adéjàindiqué(supra
par. 8.53), ni la Libye ni elle-n'ont,jusqu'àprésent,retrouvélestravaux

préparatoiresà la Conventionfranco-britannique. Dors,toutehypothèsesur
les objectifs poursuivispar lespartiesest purespéculation. Elle tu reste

totalement inutile : à la différencedu texte de l'article 3 de la Déclarationde
1899,celui duparagraphefinalde laConventionde 1919est clair, précis,et se

suffità lui-même.

8.115 Lorsque tel est le cas, conformément à une

jurisprudence constante et bien établie, lapremière des règles normales
d'interprétatidestraitésest

"qu'il faut interpréter lesmots d'après leur sens naturel et ordinaire
dans le contexteoùils figurent".I.J.,arrdu 26 mai 1961,Tem~Ie
de PréahVihéar[Exce~tionsoréliminaires] , 1961,p. 3. ... aussi,
not., C.P.J.I.,avis consultatifdu 12septembre1923,w n de la
mnalité oolonai séeri8, no7,p.20 ouC.I.J.,avisconsultat. .u 3
mars 1950, de l'Assemblée&néraIe Dour 1'-
d'un Etataux Nations Unies& 1950,p. 8).

8.116 Or il est très remarquable que la partie libyenne

n'attachepas la moindre importanceautexteclairde la disposition pertinente,qu'ellecite "en passantw, par.5.179),alorsqu'elles'interrogelonguement-
et sans espoir deréponse(v. supra, par.8.114)-sur les raisons "mystérieuses"

qui auraientpousséla Franceet la Grande-Bretagne A l'adopter. Peuimporteà
vrai dir:

- letexte est cla:r

-il Bnoncelui-même son but(I'interprBtatide la Déclaratiode 1899);

-et décrit, sans aucuneambiguïté, letracéde la délimitationarrêtée par les
parties:

"elle prendraune direction sud-estjusqu'au24emedegréde longitude
est de Greenwichau point d'intersectionduditdegréde longitude avec
le parallèle9O30d' e latitude".

8.117 Tel est le tracéde la frontière. II vaut par lui-même.II
vaut par le renvoi que faàtcettedispositionI'annexeI au Traitéfranco-libyen
de 1955.

8.118 Ce dernier pointest essentielet, commela République
du Tchad l'a montré (v.supra par. 8.82) cette référense suffit à elle-même

sans que, pour la portion de lafrontibre concernée,il soit nécessairede se
reporter à d'autres actes internationaux antérieurs : il s'agit du dernier
instrument pertinent et, en vertu du principe/ex posterior priori derogat, il

l'emporteraitsur lestraitésantérieursen admettantqu'illeur soitcontraire.

8.119 Tel, au demeurant,n'estpaslecas.

8.120 Ceci, à nouveau, ressortdutexte même du paragraphe
final de la Conventiondu 8 septembre 1919 auxtermesduquel :

"II est entendu que la présente Convention -a . . en rien
n donnde a la Dé&&awn du 71 mars 1899 ..."(annexe
mgné par la Républiquedu Tchad).

La France et la Grande-Bretagneentendentconfirmer leur accord de 1899,
non le modifier ; et elles s'en tiennàl'interprétatiqu'elleslui ont donnée

auparavant. 8.121 Dureste, letextede la Conventionde 1919,plusprBcis
que celui de la DBclarationde 1899, confirmeen tous points les conclusions

qu'appellel'étudedestravauxpréparatoires el dutextede celle-c:

-entre le Tropique duCanceret le 24ème méridien,la limite a une direction

générale "sud-est" maison ne saurait donner à cette expression un sens
mathématique ;

- cette ligne coupe le24ème méridiennettementau-dessusdu 16èmedegr6
de latitude nord,faute dequoilesmontagneset lesoasisduB.E.T.ne seraient
pas incluses dans la zone française, contrairement à l'intention clairement

affichéepar les parties:

-elle suit ensuite ce24ème méridienjusqu'àsa rencontre avecla frontièredu

Darfour;

- celle-ci est constituéepar l'oued Howaqui coupe le 24ème méridien à

environ 15'40' de latitudenord,c'est-&-dire,commele décidaitl'article3 de la
Déclarationdu 21 mars 1899"au norddu 1Sèmeparallèle".

ii) Le protocoleet I'échande lettres franco-britanniqde 1924

8.122 Comme l'a montréla Républiquedu Tchad dans son

Mémoire (pp. 188-189),I'échangede notesfranco-britannique du21 janvier
1924[M/L, InternationalAccords andAareementsAnnexno21)qui "ratifie"le

Protocole du 10 janvier précéden(tannexe 10) se borneà confirmer la
démarcationsur leterrain de la délimitationeffectuéepar la Convention du8
septembre1919.

8.123 La Libyevoitdanscefaitun nouveau"mystère"carelle
ne s'explique pas "how the BritishGovernment could have authorized this

actionby its commissionerandatthe sametime havegiventhe response idid
on 5 february 1923to this ltalian protest"(m, par. 5.216).Le "mystère",
comme tous ceux que relève la partie libyenne, ne tient pas,à vrai dire,àI'attitude du Gouvernement britannique maisaux postulats sur lesquels se
fonde la Libye.

8.124 Si on le comprendbien,l'"étonnement" dela Libyetient
à ce que, dans la note du 5février1923, le ForeignOfficeavait indiquéque ni

la DBclarationde 1899, ni la Convention supplémentaire de 1919 ne portaient
atteinte aux droits d'unEtattiers. Etant donné que la Libye poseen principe

que I'ltalieavait desdroitssur leterritoireenquestion, ellevoit dans le faitde le
délimiter une incohérence.Mais c'est déformer entièrementle sens de la
réponse britanniquedont la conclusion très ferme est que les arguments

italiens "cannot be regarded as well founded" et qui constate que I'ltalie n'a
nullement apportéla preuve du bien-fondéde ses prétentions (annexe

101). En outre, la Grande-Bretagney renvoieaux argumentscomplémentaires
que la Francepeutfaire valoir(v.aussisupra pars.8.60 et S.).

8.125 Puisqu'elleconsidéraitque les protestationsitaliennes
étaient sans fondement, on ne voit pas en quoi l'attitude de la Grande-

Bretagne était"mystérieuse":elle procédeà la démarcation sur leterrain de la
frontièrequi séparele Soudandu Tchadoùelle considèreque la France estle

légitime souverain territorial, conformémentaux accords de délimitation
antérieurs.

8.126 Ainsi, il apparaît que la "séquence"des accords de
1899, 1919 et 1924était parfaitemenc tohérente :

- en 1899 la.Franceet la Grande-Bretagneprocèdent à la délimitationde leurs
zones d'influence respectivesavec la précision,très relative,rendue possible

par leur mauvaise connaissance de la régionet par l'urgence d'un accord,
quelques mois aprèslegraveincidentde Fachoda;

- en 1919, elles précisentletracéde la lignequi, entretemps, estdevenu une
véritablefrontière entre possessionscolonialesrelevantde deux puissances

administrantes distinctes qui se sont, l'une et l'autre, partiellement pour la
Grande-Bretagne, totalement pour la France, solidement implantées sur le

terrain ;-en 1924,ellesprocèdent à la démarcationde cette frontière,à l'exceptionde
la portionallantdu24èmeméridien auTropiqueduCancerqui,par rapportà la

partie plus méridionale, préseneeux caractèresparticuliers : d'une part ce
tronçon de la frontière traverseun désert puret simple supra,par. 8.55),
d'autre part,si la Franceest présenteau sud-ouestde la ligneet y exerce une

occupation coloniale effective -autant du moins que le permettent les
caractères particuliersdela régiotel n'estpasle casde la Grande-Bretagne

au nord-estde cettemême ligne.

8.127 Celle-ci, qui est une frontière délimitée mais non

démarquée sur lt eerrain, consisteen une ligne droitequi, partant du point de
rencontre du Tropique duCanceravec le 16èmedegréde longitude est de

Greenwich, aboutit à l'intersection du 24ème degré delongitude avec le
parallèle19'30' de latitude.

8. - LA CONFIRMATION DU TRACE PAR LA CARTE PUBLIEE
DANS LELIVRE JAUNEFRANÇAIS.

8.128 1est importantde noterque la conclusionqui précède

(par. 8.127)est fondéesur desraisonnementsquine s'appuient nullementsur
la carte que I'Acord franco-italien de 1902 présentecomme "annexée a la

déclaration du21 mars 1899,additionnelleà la conventionfranco-anglaise du
14juin 1898 (cf.annexes 78/79et 80).Qu'unetelle carieexisteou non,et
quel que soit sonstatut juridique,le résultale même : la frontièreest celle

qu'établissent lesaccords de 1899 et 1919 (auxquels renvoie l'annexeI du
Traité franco-libyendu 10 août 1955) et dont le tracéest confirmé par la

démarcation enregistrée par l'accordde 1924, au moins en cequi concerne
son point d'aboutissemenat usud-est.

8.129 11restecependant que, comme la RépubliqueduTchad
l'a montré dansson Mémoi rpp. 159-165),la carte reproduite dansle

publié parle Gouvernement français immédiatement après la signature
de la Déclarationadditionnelle présenun certain intérêt défautd'établirle

tracé dela frontière, ellele confirme.i) Lacarte duLivre et la Déclaratide 1899

8.130 Elle est en effet en tous points conforme au texte
mêmede la Déclaration et aux intentionsdes parties telles qu'elles se
dégagent des travaux préparatoire:

- entre le Darfouret leOuadaïfigureunezone quela légendedésigne comme
étant "àdélimiterultérieurement",

- cette zone remonte"au norddu 15èmeparallèle"(jusqu'àenviron 15'40' de
latitudenord) ;

- la limitedes possessionsfrançaisesy est alors traentrait plein, le longdu
24èmeméridienjusqu'auxenvironsdu 19èmeparallèle;

-au-delà de celui-ci,la ligne,indiqen pointillés,remontevers lenord-ouest,

jusqu'au pointde rencontreduTropiquedu Canceret du 16èmeméridien,

- point où elle rencontrela frontièrede la TripolitaML, (carte no40, pp.

165-16.).

8.131 Sans doute,cettecarte ne constitue-t-ellepas,en elle-

même, un titre frontalierdont leTchad pourraitse prévaloiren tant quetel (cf.
C.I.J.arrêtdu 22 décembre1986,Différend frontali&r, 1986,pp.582-583,
etu, p. 164, par. 80). Mais, dans la mesureoù elle illustre le texte de la

Déclaration,elljoue un rôle confirmatifnonnégligeable.

8.132 Son importance est accrue par le fait qu'il n'est pas

douteux que les Britanniquesont pris connaissancede cette carte française,
quasi-officielleet largementdiffusde,dès sa publication.II en est ainsi d'abord
parce que, comme le MBmoir tehadien l'a montré,ilne pouvait en aller

autrement ( pp. 161-163,pars. 73-76).En outre,la partie libyenne a veaué
dossier un élémentimportant, que la République duTchad ignorait :"the
British Ambassador in Paris, Lord Sanderson,obtained a copy of the IJYE containing textofthe 1899 Declaration andthe map,which heforwarded
to Lord Salisburywiththis handwrittenstatement:

"The French have drawnthe line frornthe Tropic of Cancerto E.S.E.
insteadof S.E.
"1do not knowthat it mattersmuch
"Otherwisetheir lineseemsfait" [LordSanderson'shandwritten Noteof
27 March1899,FO2713456, ArchivesAm, p. 37)(MIL ,ar.
5.98).

8.133 Cecine laisse pas subsisterle moindre doute sur lefait

que moinsd'unesemaineaprèsla signaturede la Déclarationles Britanniques
connaissaient la carte duLivre Jaum. Celle-cia été adressée directemen t

Lord SALISBURY, le principal (et presqueexclusif) négociateurde l'accord
pour la Grande-Bretagne.Son attentiona étéattiréesur ce qu'une personne

qui n'avait pas suivi les négociations,comme Lord SANDERSON, pouvait
trouver étrange dans l'orientation de la ligne tracée sur la carte par

comparaison avec le texte mêmede la Déclaration. Malgré cela,Lord
SALISBURYn'apas réagi.

8.134 Or il est impensableque le Premierministre,Secrétaire
d'Etat, qui avait directementet effectivementmenéles négociationset conclu

un accord revêtanu t netrès grandeimportance politique,soit restésans réagir
s'il avait eu le sentiment que la carte française déformaitles intentions des

parties. Elle les reflét onc.

8.135 La mêmechose peut d'ailleurs être dite de Paul

CAMBONqui, lui non plus,n'a pasignoré lacarteduLivre iaunene fût-ceque
parce que DELCASSEl'a expressémentconsultésur cette publication le 25

mars 1899 (v. annexe MLI 57). Or, bienque la Républiquedu Tchad n'ait pu
retrouver sa réponse,il est clair qu'il n'a pas davantageprotesténi fait valoir

les risques d'une publication alors qu'il a, très probablement, consulté les
autorités britanniques, puisque, deux jours plus tard, DELCASSE faisait
procéderà la diffusion de cette brochure, qui,à l'époque,revêtaune grande

importance.

8.136 On ne peut qu'endéduireque la carte publiée dansle
)ivre iaum reflétaitfidèlementles intentionsdesparties.ii) Lacarte dLivre et la Conventiondu8 septembre 1919

8.137 La Libye considère par ailleurs que la Convention

supplémentairede 1919 aggravela déforamtion quela cane du bivre iaune
aurait fait subià la Déclarationde 1899. Selon elle, "the effect of this
"interpretation"of the 1899Declaration(...)wasto swingthe southeastline set

out in Article3 of the Declarationfurther Norththanit hasalreadybeenpushed
on theLivre iaungmap"(MLh,par.5.179;v. aussipar.5.98).

8.138 1faut, à vrai dire,de très bons yeux pour déterminer
que le coude de la ligne de délimitationse produit exactement sur le19ème

parallèle qui n'estpas tracésur la caàttrès grandeéchelle(1:12000 OOO),
du Livre (v.m, carte no40). Néanmoinsi,l est sans douteexact que le

point d'intersectionde la ligne qui sépareles zones française et britannique
avec le 24ème parallèle est probablement situun peu au sudde la latitude
1g030'.

8.139 Dans cettemesuretrès limitée,on peutadmettreque la
Convention de 1919 "élargit légèrementla zone d'influence française au

préjudicedu domaine anglo-égyptien"(cf. annexe 102). "Mais, comme
l'indique la note française du 7 février 1923 en rkponseà la protestation

italienne du 12décembre 1921, l'esprite la Déclaratiode Londresde 1899
est respectéet son texte faisaitdéjàprévoir ceinterprétation"(ibid.),ne fût-

ce qu'en précisant,dans son article 3, que le tracé prévu ne l'étitu'"en
principe" et parce que la carte du Livre iauna indique la limite allant du
Tropique du Cancerau 24èmeméridien(et même la portionseptentrionalede

la ligne qui suit celui-ci) en pointilléque la frontièreétabliene varietur
esttracée en traitplein.

8.140 Audemeurant simodificationily avait,celle-cineserait
établieque par rapportà la carteet non autexte de la Déclarationelle-même,

qui est moins précise,et dont la rédactionet lestravauxpréparatoiresexigent
seulement que la ligne partant du Tropique du Cancer coupe le 24ème

méridien au Nord du 18ème parallèle et de façon à laisser à la Francel'ensemble duB.E.T. Et, de toutes manières,tant la carte que les accords de

1899 et 1919 concernaientexclusivement lesrelationsfranco-britanniques;
I'ltaliepour sa part avait par l'écde lettresde 1902 reconnu àla France
le droit de développelibrement sasphèred'influencedans toutesles régions

situées au-delàdes frontières de la Tripolitaine-Cyrénaïque(vsupra, par.
8.37).Au surplus, et peut-êteurtout,la Conventionde 1919 étantpostérieure

et plus préciseque la Déclarationde 1899, c'est letexte de 1919 qui doit
prévaloir encasde doute concernantlaportéede celuide 1899.

8.141 En conséquence, il résultesans-doute possible dela
~éclarationdu 21 mars 1899 et de la Convention du 8 septembre 1919,
auxquelles renvoie l'annexeI du Traité franco-libyen du10 août 1955, que,

depuis le point de rencontredu Tropiquedu Canceravec le 16èmedegréde
longitudeest de Greenwich,la frontière entrele Tchad et la Libye prend une

directionsud-estjusqu'au24èmedegréde longitude estde Greenwichau point
d'intersectionde ceméridienavecle parallèle19O30'e latitude.

5 2- LE TRACE DE LA FRONTIERE DE TOUMMO AU
TROPIQUEDU CANCER

8.142 Le tracéde la partiede la frontière allantde Toummo
au point de rencontredu Tropiquedu Canceravec le 16èmeméridien résulte

de trois "actes internationaux" auxqurenvoie égalemenIt'annexeI du Traité
d'amitiéet de bonvoisinagede 1955 :

- l'échangede lettresfranco-italiendat6du lei novembre1902,

- la Déclaratiofranco-britanniquedu21 mars1899,

- et l'arrangementfranco-italiendu 12septembre1919.

8.143 Le premier des accords cités détermine la ligne

frontière dans son ensemble alors que les deux autres confirment
l'emplacementdu pointde départet dupointd'aboutissementde celle-ci. A.- LE TRACERESULTANT DEL'ACCORDFRANCO-ITALIEN DE

1902

8.144 Ainsi que cela ressort de la section 1 du présent

chapitre (par.8.37), i'effet de l'accordPRINETTI-BARREREdes 10juillet-ler
novembre1902est double(v.aussi m, pp. 176-184).D'unepart,la Franceet
l'Italie, par cet échangede lettres, se reconnaissent mutuellement des zones

d'influence. D'autrepart, et c'estce qui importeici, elles indiquentla limite de
celle-ci,qui est constituéepar

"la frontière de la Tripolitaine indiquéepar la carte annexée à la
déclarationdu 21 mars 1899, additionnelle à la Convention franco-
anglaisedu 14juin 1898"(annexes 78/79et 80).

La Libyefait remarquer avecinsistanceque "no mapof
8.145
any sort had either been referredto in the textof thelarationor annexed"
(MIL ,ar.5.85)et elle fait de cette"strangestoryof the 1899Declarationmap,

a mystery [un de plus] that has hung overthe historyof this
from its first mention in 1902 until the present time" (-bsoulignépar la

République du Tchad) 3.Ceci lui paraît tellement importt u'elleen fait l'un
des éléments centraux,et peut-êtremême le point focalde sonargumentation.

8.146 Le "myst8re",à vrai dire, est minime et ne mérite

probablement pas que l'on s'y arrêtelonguement. Comme l'a indiqué la
RBpubliquedu Tchad dans son Mémoire,"aucune carte n'est formellement

annexée au texte de la Déclarationde 1899" (p. 163, par. 77) ; mais la
référence à une telle carten'a,pour autant, riende "mystérieux": il s'agit de la
carte publiée dansleUvre iaunefrançaisde 1899.

3 Lamentiond'un"difiérdrontali("aboundatdispute")mérie'étre releev.supra,
chaDitre2. 8.147 11n'estpas indifférentque ce soit PRlNETTlqui, le22
juin 1902,demanda

"qu'il soit mentionné que les frontières de nos [de la France]
possessions africaines dubtéde Tripoli sont celles indiquéespar la
carte annexéeà la conventionanglo-françaisede 1898U, French
Archiveç, p. 121).

BARREREse contentade répondre :"aucunedifficulté"(ibid.).Ceci fait justice

de I'argument,maintesfois avancé plapartie libyenne (m,. pars.5.94ou
5.189 ou5.214) selonlequel la Franceaurait trompéI'lta:c'est PRlNETTl
qui exige cette précisi, onBARREREqui la luisuggbre.

8.148 Cecirendtout fait invraisemblable i'argument avancé
par la Libye, selon lequel "thereis evidencethat PRlNETTl hadnot seen any

map when he signed the 10 july 1902letter(fi, par. 5.93). Si le Ministre
italien des Affaires étrangèresa pris cette initiative,c'est, évidemment,qu'il

avait vu une carte, que les frontières de la Tripolitaine y figuraient, et que
celles-cilui semblaient satisfaisantes.

8.149 Ce nepouvait,bien sûr,êtrlecasde la carte annexée
à la Conventionfranco-britanniquede 1898qui concernaitune région située

bien plusau sudet il est possiblequeladépêchee BARRERE à DELCASSE
en date du 22 juin, dont la Républiquedu Tchad n'a pas retrouvéle texte,
comporteunesimple erreurdefrappe.

8.150 Au reste, cetteerreura été corrigée ,ésle 27 juin,
BARRERE etPRlNETTiavaientarrêté letexte définide l'échangede lettres

qui se réfhrenonà la Conventionde 1898 maisà la Déclarationadditionnelle
de 1899 (cf., French ArchivesAnnex,p. 122).On ne sauraità i'évidence,

supposer que le Ministre des Affaires étranghresd'un grand pays signe un
texte de cetteimportancecomportantunemodificationeffectuéàsoninitiative

dont il n'ait pas vérifiéqu'elle correspànses intentions.II a bien vu une
carteet ce nepouvait êtrquecelleduLivre iw -neserait-cequeparcequ'il
ne semblait pas exister de canes italiennes satisfaisantes aux yeux du

Ministre. 8.151 Ceci peut être dédu it'unedemandeadresséepar le
Ministère italien des Affaires étrangà l'état-majordes armées, quelques
jours après la conclusion de l'Accord en vue de faire modifier un tracé

défectueux(cf.MA, blian Archives Annex,p.7).

8.152 C'est doncbien la carte Jam que PRlNETTl

avaità l'esprit et probablement en mains. De même,on imagine mal que
BARRERE,qui travaillaitsans aucun doutesur la basede ce document,n'ait

pas demandéà son interlocuteurà quelle carteil faisaitallusionet ait accepté
de se fonder sur une cartedifférentealorsquecelle-ciavait,en France, valeur
officielle.

8.153 Du reste, comme le relève la partie libyenne, la
frontière portéesur la carte publiéedanL me "wasthe boundaryof

Tripolitania traditio;shown onmapsatthattime" w, par.5.94).

8.154 11résultede ceci une conséquencefondamentale : le

fait que la carte de référait été annexéoeu nonà la Déclarationde 1899
ne revêtait,aux yeux des parties, aucune importance particulière.Le "statut

juridique" dela carte n'entraitpas en ligne de compte ; seul importaitle tracé
des frontièresde la Tripolitaine.Ellesauraient, tout aussibien, pu renvoyerà
"la carte publiée danslLivre, l'effet de ce renvoi eût étéle même.

L'expression utiliséeest impropre, certes. Ellen'est nullement de nature à
vicier le consentiementdes partiesqui savaientpertinemmentce à quoi elles

s'engageaient.

8.155 11est d'ailleurstrès frappantqu'à aucunmomentI'ltalie

n'ait, par la suite, invoquécette prétendue "erreur" pourse dégagerdes
obligationsque lui imposaitI'accordde 1902,alors mêmqu'ellea cherchéà

en limiterla portée(surce pointMD, pp.182-184).

8.156 Elleen aurait pourtanteu une occasionmanifestetrès

peu de temps apr6s la conclusion de I'accordpuisque, commel'indique la
Libye, "on 12 september 1902,the ltalian Foreign Ministry askedthe ltalian

Ambassador to send to Rome copies of the "yellow book" (Livre jaune),includingmap" m, ualianArchives Annexp, . 121.Thesewere sentfrom Paris

on 22 septemberand receivedin Rome,as acknowledgedon 6 october"[Ibid.,
pp. 14 et 161(MIL, par. 5.93).PRINETTIne pouvait pasà ce momentlà, ne

pas réaliserson "erreur"s'il avait eu le sentiment d'avoirétécirconvenu par
BARRERE etil étaitd'autantplus normalqu'il réagiseue I'accordétaitsecret

et post-daté(v.m. pp. 173-174).Or le Ministre italien n'a pas réagi,pas
davantagequene I'ontfaitses successeurs palra suite.

8.157 DBslors il apparaîtque si la carte duLivre imn'a,
vis-à-visde la Grande-Bretagne,qui I'atacitementacceptéemaissansen faire

l'objetd'une dispositionde sonaccordde 1899avec la France, qu'une valeur
indicative et confirmative supra, pars. 8.131 à 8.136), il n'en va pas de
même s'agissantde I'ltalie. Alors que cette carte n'est pas annexéà la

Déclarationde 1899 -ce qui n'a pas d'effetjuridique en ce qui concerne les
relations franco-italienn,lleestintégré"parmi lesélémentsquiconstituent

l'expression de la volont6 (...) des Etats concernés"(C.I.J., arrêtdu 22
décembre 1986,!&ff&end fro-. & 1986, p. 582). De ce fait. elle a

acquis, pourla France etI'ltalie,"une valeurjuridique intrinsèqueaux fins de
l'établissement es droits territor(ibid.).

8.158 Ceci s'appliquedonc à "la frontière de la Tripolitaine
indiquéesur la carte" du,Livreiaune, dont i'échangede lettres PRINETTI-
BARRERE indique improprement (mais sans qu'il s'agisse d'une erreur

substantielle ayant une quelconque conséquence juridique) qu'elle est
"annexée à la déclarationdu 21 mars 1899, additionnelle à la Convention

franco-anglaisedu14juin 1898".

8.159 L'examende cette carte (vM11, carte no40) montre

que la frontièrede la Tripolitaine quiy est portée partde Ghadamès, comporte
un angle rentranttrès prononcéàl'intérieurdu Vilayetavant d'englober Ghat,

de faire à nouveau une ample boucle en direction de Mouzrouk et de
redescendreversToummo,qu'uneligne droitejoint à l'intersectiondu Tropique

du Canceret du 16èmeméridien. et continueversle nord-est.

8.160 Le segmentallant de Toummoau Tropiquedu Cancer

n'a jamaisété modifidepuis 1902.La partiede celui-ciallantde l'intersectionde cette ligneavec celle fixéepar l'ardu Gouverneurde 1'A.E.F.fixant la
limiteentrelescoloniesdu Nigeret duTchad(v.m, pp.201et 203)constitue

la limite entre celui-ciet la Libye.

8.- LA FIXATION DES POINTS EXTREMESDU SEGMENT
ALLANTDETOUMMOAUTROPIQUEDU CANCER

i) Toummo

8.161 Comme la République du Tchad l'a montrédans son
-(pp. 200-201), I'arrangementfranco-italiendu 12 septembre 1919

("accord BONIN-PICHON")a une portée "territoriale"ece sens qu'il précise
que la frontiére occidentade la LibyeprendfinàToummo, confirmantainsi

que c'estàce pointque la frontièrefait un coudepour remonterle nord-.st.

8.162 Defaçonfort révélatrice, la Libd,ans lestrois pages

qu'elle consacre à I'arrangementde 1919 (m, pp. 242-245), se garde de
mentionner Cetaspect.

8.163 La République du Tchad se permet doncde renvoyer
respectueusement laCouraupassageprécité deson Mémoire.

ii) L'intersectiondu Tropiquedu Canceret du 16émeméridien

8.164 Ence qui concerne l'extrémité nord-est segmentde
la frontière en examen,il suifit de remarquerquele point figurantsur la carte
du LivreiaunA e aquellerenvoieraccordfranco-italiende 1902correspondau

point de départ de la délimitation prévueà l'article 3 de la Déclaration
additionnelle du21 mars1899.

8.165 11est trés révélateurque la France et la Grande-
Bretagneaientfixéce pointà cet endroi:iln'aà l'évidence, as étchoisi auhasard ; ceci montreen effet que ces deux pays avaient laconviction qu'au-

delà, ils eussent empiétsur lesdroitsappartenantà la Portepuisquece point
est fixà lafrontibremême du VilayetdeTripoli.

8.166 Du même coup,ceciexpliquepourquoila France etla
Grande-Bretagneont constammentaffirméque leurs accords de 1899 et de

1919 ne portaient pas atteinte aux droits du Sultan, puis de I'ltalie : la
délimitationdontellesétaientconvenues commençait là où finissaient ceuxde

la puissance exerçantsa souveraineté territorialesur la TripolitaMutatis
mutandis, il y a là une situation assez comparable à celle décrite parla

Chambrede la Courqui a réglé leDifferend entre leBurkinaFasoet
la République du Mali(& 1986,p.579) :les Etatspartieà l'accordde 1899

ont constaté quelafrontiéredu Vilayetde Tripolis'étendajusqu'àce point,ce
qui, pour paraphraserla Chambre, "impliquaitcomme corollaire, à la fois la

présenceduterritoire tripolitain au-delàde cepointterminalet l'exclusidesé
droits de la Porte jusqu'à ce point (...). Cene présomptionne constituait pas

pourautantunecaused'opposabilité lTurquiepuis à I'ltalie"; et c'estce qui
explique pourquoi, dansses réponsesaux protestationsdeces deux pays, la

Grande-Bretagnea toujours pris soin de réserverles droits éventuels de ces
pays, à chargepoureuxd'enadministrer lapreuve(v. supra,par. 8.63).

8.167 La France se trouve dans une position différente(v.
supra, pars. 8.65 et S.) car elle peut se prévaloir,vis-à-vis de I'ltalie, de

l'opposabilitéde la frontière (et donc du point triple entre les possessions
françaises et italiennes et la zone britannique,situé surcette frontière) que

I'ltaliea acceptéeen 1902.

8.168 Ces considérationsn'ont d'ailleursqu'une importance

secondaire en cequi concerneletracéde la frontiére propremend tit:quand
bien même l'accordfranco-italiende 1902n'eût pasétéconclu,il n'enresterait

pas moins que l'intersectiondu Tropiquedu Canceravec le 16eme méridien
est de Greenwichd'une partet Toummod'autrepari,auraientété fixéscomme

les pointsextrêmes des possessions coloniales françaises,ans lesquellesla
France exerçait une souverainetéterritoriale effective. Conformément à la

pratique habituellede l'époque,au moinsdans desrégionsdésertiqueset peupeuplées,la frontièreest, dès lors,constituée parune lignedroite reliantces
deuxpoints.

8.169 La Républiquedu Tchadne pr6tendpas qu'il y ait là
une présomptionirréfragableen soi.Mais elleconstateque la Libye n'a pas

apportéledébut d'une preuve contraire. Ademeurantlecaractère irrefragable
de la preuve découlede la doubleacceptation du tracé de la frontière entre
Toummo et le Tropique du Cancer,par I'ltalie en 1902 ; par la Libye elle-

mêmee ,n1955.

8.170 Enconcluçion iapparaîtque

i) la partiede la délimitationallantdu Tropiquedu Cancerau 24èmeméridien
estfixéedès 1899,

ii) et qu'ellen'a subi aucumodificationdepuis lors;

iii) d'abordsimplelignedepartageentreleszonesd'influencequela Franceet

laGrande-Bretagnes'étaientreconnuesmutuellement,

iv) cette limite s'est cristalliséeen une véritable frontière internationale,

opposableà tous, dufait de l'occupation effectivpar la Francede la zonelui
revenant ;

v) la Franceétaitd'autant plusfondée aseprévaloirdecette frontièrevis-à-vis

de I'ltalie quecepayslui avait reconnparles accordsde 1900 et de 1902 une
zone d'influence susceptibldes'étendre jusqu'auxfrontièresde laTripolitaine,

vi) tellesquecelles-ciétaienttracéessurlacarteduUvre iaune,improprement
mentionnéecomme étant "annexée" à la Déclaratiofranco-britannique du21

mars 1899,maisquin'enreflétait pasmoinsl'intention claire departies,

vii) du même coup, s'es touvé déterminé le secteurde la frontière allantde

Toummo au Tropique duCancer,qui lui aussifiguresur la carte acceptée par
I'ltaliecomme fixant les frontièdelaTripolitaine;viii) ces points résultent en outre de l'arrangement franco-italien du 12

septembre 1919et de la Déclarationadditionnelld ee 1899 ;

ix) au contraire, la Grande-Bretagne, qui n'a jamais conclu avec I'ltalie
d'accords Bquivalents à ceux sign6s par celle-ci avec la France, n'a jamais

procédé à I'occupationeffective de la zone qui lui avait été reconnuepar la
Déclaration;

x) cette différencede situation, à la fois juridique et sur leterrain, entre la
France et la Grande-Bretagneexplique la différence des motifs invoqués par

ces deux Etatspour rejeter les protestationsitaliennes

xii) en tout étatde cause, I'ltalie n'ayant pasprocédà l'occupation effective

des régions méridionales de la Libye ne pouvaitse prévaloird'aucun titre de
nature à remettre en cause celuique la Francetenait tant des délimitations

conventionnellesque desa présence effective surle terrain,

xii) présence qui avait, d'ailleurs, transformé la nature juridiquede ces

délimitations.L'EXERCICE CONTINU DE LA SOUVERAINETE FRANCAISE,
PUIS TCHADIENNESUR LE B.E.T. 9.01 Dans son Mgmoire, la République du Tchad a déjà
amplement et exhaustivement démontréque les titres conventionnels sur

lesquels se fonde la souverainetéfrançaise, puis tchadienne,sur lB.E.T. sont
renforcés et confirmés par I'effectivitéde l'exercice exclusif d'attributions

souverainesfrançaises, ensuite tchadiennesd, ansla zone (vm, pp. 241-320).

9.02 La Républiquedu Tchad avait alors souligné que les
effectivités françaises, en particulier, sont importantes pour deux raisons

principales:

i) le déploiement effectde l'autoritésouveraine françaisesur le B.E.T.témoigne
du fait que graduellementles accords de 1899 et 1902, conclus comme actes

internationaux visantà prévoir un partagede sphères d'influence, finirent par
être conçuset interprétéspar les Parties intéresséescomme accords de
délimitationde frontières;

ii) à côté et en plus de ce titre conventionnel, la France acquit des droits

souverains sur le B.E.T. en vertu du principe de droit international coutumier
régissant l'occupation de territoires par la possession effective d'une zone

assortie de l'intention d'y exercer des pouvoirs souverains. Les effectivités
françaises montrent que ce titre juridique de droit coutumier portait sur un

territoire, le B.E.T., dont les limites spatiales coincidèrent,pratique, avec
le tracé indiqué dansles accordsde 1899-1919. 9.03 II convient d'ajouter que les effectivités françaises (et
ensuite celles du Tchad) sont très significatives à un autre égard : elles

confirment que le Traité franco-libyen de 1955 établissait une frontière
internationale, car c'estuqu'à cette frontière, dans leB.E.T., y inclus la bande
d'Aozou, que les autorités françaises (et,après 1960,tchadiennes) ont exercé

leur autorité gouvernementale exclusive et tous les autres attributs de la
souveraineté. De ce point de vue ces effectivités,du fait qu'elles témoignent

d'une application pleine, constante etincontestee du Traitéde 1955 et de la
frontière qu'il établissait,corroborentla thèse d'aprhslaquellece Traité constitue

le texte international fondamentalauquel il faut se référerpour ce qui est de la
frontière entreleTchad et la Libye.

..,
9.04 En particulier, les effectlvites tchadienneç (depuis
l'indépendance du Tchad jusqu'à 1968)confirmentque

i) les droits souverainsque la Républiquedu Tchad acquitde la France à titre de
succession portèrent sur les mêmes zones que celles sur lesquelles la France

avait exercé des attributions souveraines, notamment le B.E.T., et dans les
mêmes limites spatiales;

ii) ces droits souverains furent exercéspar la République du Tchad d'une

'manière effective, exclusive et paisible, et furent toujours assortis de l'intention
d'exercer les attributs de la souveraineté(animus possidendi). II serait donc

impossible de soutenir que le Tchad abandonna ou céda ses droits, ou y
renonça, ou acquiesça à un éventuel exercice des droits en question par
d'autres Etats.

9.05 La République du Tchada déjà passé enrevue, dans
son m, les très nombreuxélémentsqui prouvent, au-delà de tout doute

raisonnable, les effectivitésfrançaises et ensuite tchadiennes dans le B.E.T.
Dans ce mntre-Mémoirc, la Républiquedu Tchad se bornera à mettre enexergue certaines donnéesdéjàrapidement exposéesou bien à ajouter des

éléments quirenforcent leshhses énoncées dansle Mémoir en examinant
successivement les effectivitésfrançaises puis tchadiennessur l'ensemble du
B.E.T. d'une part (Section et, plus particulièrement, dansla bande d'Aozou

d'autre part (Section) puis en établissantque, par sa propre attitude dans
diverses enceintes internationales,la Libye a confirmé pleinement la

souveraineté du Tchadsur la région qu'elle reven(Section3).

SECTION 1. L ES EFFECTIVITES FRANCAISES ET
TCHADIENNES SUR LE B.E.T.

5 1. LFS DFCLARATIONS OFFICIELLES

s DF 1919

9.06 Divers documents italiens et français témoignent

clairement qu'en 1919a .rance occupaitd'une manière effective et incontestée
le B.E.T., et I'ltalie en était pleinement consciente et reconnaissait
souverainetéfrançaise.

9.07 Commele Mémoire de la Républiquedu Tchad l'a déjà
souligné (pp.199-202),le 16 juillet 1919 la délégation iaala Conférence

de la Paix, invoquant l'article13 dde Londresde 1915,demandaque "La
France cède [..à I'ltalie les territoires sahariens du Tibesti, du Borkou et de
I'Enneditous (sic) entiers, dans leurs délimitations géoget ethniques"

(annexe 92, p. 92.6). 9.08 La France rejeta nettement cette demande.Le refus le
plus net fut suggéré parBERTHELOT dans une note du 25 juillet 1919 à

CLEMENCEAU (v. annexe 94). Ce refus fut réitéàéla Chambre des
Députés et au Sénat,en 1920 eten 1921.

9.09 En 1920,au Sénat,lors d'une discussion sur la politique
étrangère (séance du27 février1920),BERTHELOTdéclara :

"Les prétentions italienness'étendent jusqrégions du Kanem, du
Borkou et du Tibesti. II paraît impossible d'envisager une cession
quelconque d'une parcellequelconquedu territoire africain français
titre de compensati[...]
II est donc impossiblede songàrdiminuerd'une surface quelconque
sur la carte, sur cette cart. .ui se trouve dans le cabinet du Ministre
des Colonies,l'étenduedes
Les territoires cédés en19m;ritoires de la régionde
l'Oubanguiqui avaientétéacquis partraité, tandisque le Borkou et le
Tibesti, aujourd'hui en question, on étéconquis au prix de durs
combats [...et les noms de ces bordjs ensanglantés évoquentle
souvenir de quelques-unsdes plushéroiquesexploits de notre armée
coloniale.e sont desterritoires i ne euv veoas être démembrés
ire franw (annexe MII 339 ; soulignépar la Républiquedu
Tchad).

9.10 Le net refus français fut confirmé la Chambre des

Députésle 22 décembre1921, lors du débatsur la loi portant approbation de
I'accord du 12 septembre 1919 entre I'ltalie et la France. Le Rapporteur E.
SOULIER,parlant au nom dela Commission desAffairesétrangères,après avoir

exposéle contenu de l'accord, relevanotamment

"Par contre, il nous a étéimpossible d'accédeà la demande di$
a! i n T. . i r l
uvernem italiek IIs'agit là de territoires montagneuxoccupés par
BU et qui servent de rempart notre colonie de IuOubanghi-Chari-
Tchad" (Production 245 ; soulignépar la Républiquedu Tchad). 9.11. IIrésultede ces déclarations que:

i) En 1919la France exerçaitdes souvw sur le B.E.T.;

ii) L'Italieen prenait acte, et demanlaitsçio de ceterritoire;

iii) La Frances'y opposa,pourgarderson entière souverainetésur la zone.

9.12 La situation juridique et de fait résultant de ces
documentsfrançaisest confirmée par les autorités italienneA cet égard,il suffit

de mentionner la déclaration faiteà la Chambre des Députés italiennepar le
Ministre des Affaires étrangères,TITTONI,le'27 septembre 1919. Commentant

les négociations deVersailles et les résultatsdes tractations entre la France et
I'ltalie pour l'applicationde l'article13de l'Accordde Londresde 1915, TlTTONl
appela :

"On a parlé du Tibesti,du Borkou et de I'Ennedi. II s'agit de régions
sauvages, peu connues,habitéesde pillards, loin de 2000 kilomètres
de la côte, constituées par un haut-plateau volcanique qui peu de
valeur agricole et commerciale, mais dont on ignore les richesses
minières.
Cependant, en Italieles choses qu'onne peut pas avoir excitent une
grande cupiditéet peu de satisfactionquant on lesobtient..]
Je me souviens que, quandau commencement dela guerre de Libye,
le public italien sut que, déjàdans l'Accord PRINETTI-BARREREdu
ler novembre 1902, nousavions reconnula frontière de la Convention
franco-anglaise du 15(sic)juin 1898,qui avait assignéà la France le
Tibesti et le Borkou, dans les journaux, dans lesopuscules, dans les

conférences, s'éleva un seul cri: nous devionsà tout prix exiger le
Tibesti et le Borkou qui constituaient le nécessaihinterland de la
Libye. Et aujourd'hui, des qu'on a su que probablement nous les
aurions obtenus, s'est élevéle cri opposé contre une acquisition
dénoncée comme inutileet hon6reusepour nous[...].
La question du Tibestiet du Borkou, oud'autres compensationsau lieu
de ces régions,reste ouverte etsera l'objetultdrieuresnégociations"
(annexe Mn 337). 9.13 IIdécoulede cette déclaratioque

i)L'Italie reconnaissaitsans conteste que le B.E.T. relevait dela souveraineté
exclusivefrançaise;

..
ii)L'Italie en avait demandBla cessionnon pas sur la base d'un
portant sur le territoire en question, mais exclusivement au titre des

"compensations Bquitables" prévuespar I'Accord de Londres. En d'autres
termes, I'ltalie admettait n'avoir aucun titre juridique sur lB.E.T. sauf la

revendication gBnBralede "compensations" fondéessur I'Accord de Londres
-revendication qui,comme M.TlTTONl l'admitexpressément, pouvait avot irait à
n'importe quel territoire africain de la France, compte tenu de la rédaction

générale de l'article13de I'Accordde Londres;

iii) L'Italie admettait que, commesa demandeavait étérejetée parla France, le
B.E.T. restaitsoumisà l'autoritéexclusiveet souverainede la France.

9.14 Commed'ailleursle Mémoi liyen lui-même le souligne
clairement (pars.5.251-5.257et 5.264-5.268),entre 1928 et 1934I'ltalie fit à la

France plusieurs propositions,fondéessur l'article 13de I'Accord de Londresde
1915 et visant à obtenir la cession, par la France, de portions plus ou moins
vastes de territoiretchadien.Dansla notedu 30 mars 1928,I'ltalieformulait trois

plans: un plan maximal,un planintermédiaireet un plan minimalcommeformule
de repli (v. annexes italiennesaum, p.46). Un plan plus réduitfut préparen

1930 (ibid.p.72). 9.15 Tous ces plans envisageaient la cession à i'italie de

territoires tchadiens appartenantà la France, territoires dont l'étendue variait,
mais qui tous concernaientle B.E.T. L'Italie partait donc du princip,toutà fait

exact-, que le B.E.T. Btaitsoumisà la souveraineté françaisec. ela est confirmé
entre autres par ce qu'écrivait plus tard, le 28 septembre 1934, le Sous-

Secrétaire d'Etat italien SUVlCH au sujet d'un entretien avec l'Ambassadeur
français à Rome : à propos des compensations coloniales demandées par

I'ltalie, il indiquait que "L'Italie, qui avait proposé en 1928 la cession d'un
territoire au sud de la Libye compris, ayant rencontré desppositions, propose

maintenant (ibid.p.160).

9.16 La France repoussaa nouveau, et en termes très nets,
ces propositions italiennes, confirmant ainsitant son emprise sur le territoire

tchadien en question que sa fermeintentionde ne pasle transférer à I'ltal(v.
par exemple la note du23 avril 1928 par laquelle l'Ambassadeuritalien à Paris

informait MUSSOLINI que lademande italienne était considérée à Paris comme
"inadmissible":ibid.p.53).

9.17 Au fil des annéeset jusqu'en 1934, l'Italie réitérases
demandes territoriales, tout en réduisant l'étenduedu territoire dont elle

demandait lacession. Mais la France rejeta toujours les demandes italiennes.
L'aboutissement de.ces longues tractationsfut la solution minimale représentée

par la cession territorialeenvisagée dansle Traité LAVAL-MUSSOLINd I e1935
(le transfert de la banded'Aozou).

9.18 A ces échanges entre I'ltalie et la France à propos de la
cession du B.E.T. à I'ltalie, il faut ajouter une note du Ministre français des

Finances envoyée le 3 janvier 1935au Ministredes Affaires étrangères,LAVAL,
où le premier, confirmant les indications qu'il avait donnéesau second au
Conseil des Ministres du 2 janvier, se prononçait encore une fois contre lacession du Tibestià I'ltalie, et joigàasa lettre un long rapport sur le B.E.T.

rédigé parle CapitaineSCHNEIDER.Ce rapport,très détaillé, avaipt our but "de
montrer l'importance des pays du Borkou-Ennedi-Tibesti pour la colonie du
Tchad, et la sécuritdu Saharaoriental qui soude notreempirecolonial africain"

(U, 21, p. 50).

9.19 Une des conclusions du rapport du Capitaine

SCHNEIDERvisait à soulignerl'importancede nepas céder à I'ltalie le Tibesti,
car cela aurait pu avoir des conséquences négatives pour l'emprise française

sur le Borkouet I'Ennedi:

"Tels sont les points sensiblesde la situation politique actuelle du
Borkou-Ennedi-Tibesti où l'influence française serait
irrémédiablementcompromise par une cession de territoire qui
permettraità I'ltaliede s'installerau Tibesti"(ibid., p.110).

9.20 Le rapport du Capitaine SCHNEIDERest important non
seulement parcequ'ilconfirme lefait que le B.E.T.étaitsous le contrôle effectifet

exclusif de la France, mais encore parcequ'il contient un exposé minutieuxde
l'"histoire politique" de la région(ibid., pp.81-99), un aperçu de l'organisation

administrative française du B.E.T. et la mise en valeur des ressources
économiques par I'administration française (pp.100-110), de mêmequ'un

chapitre sur l'"importance militaire [pour la France] du Borkou-Ennedi-Tibesti"
(pp.111-116).

Particulièrement intéressantes sont les pages du rapport concernant les

modalitésde répressiondes crimes,par les forcesde l'ordrefrançaises (p.102),
I'administration de la justice (pp.102-103), I'organisation de l'assistance

médicaleet de l'éducationdes habitants de la région(p.103), de mêmeque
l'agencement de l'appareil administratif français, y inclus le système pour le
recensementde la populationet pour la perception destaxes et des impositions

(pp.104-107). 9.21
L'exposéprécis et méticuleux contenu dans les pages
précitéesdémontre sansnul doute que la France exerçait de manière stable,
constanteet effective des fonctions gouvernementaau B.E.T.

9.22 Dans son Mémoir leRépublique du Tchad a déjhtraité,

d'une manièretrès détailléel,a questiondeseffectivités françadans leB.E.T.
depuis l'occupation française de la régionjusqu'à l'indépendancedu Tchad
(u, pp.241-302). Elle a notamment mis en exergue les différentes

manifestations de l'emprise française sur la zone: les actes de législation,
d'administration civile et militaire, les actions de police et de sûreté,

l'organisation et la gestion des activités économiques, notammenl'tutilisation
des ressourcesagricoleset minérales.

9.23 Dans le présentContre-Mémoire,il convient de revenir
sur certains aspects des attributionsgouvernementales dela Franceau B.E.T.,
pour montrercomment ces attributions s'étendaieantx domainesles plusdivers

de la vie du B.E.T.

9.24 Ainsi, les autorités françaises ont procédé à

l'organisation, parles autorités françaises, d'élections locales. 9.25
La Républiquedu Tchad a déjà noté dans son Mémoire
(pp.296-298)que,face au manqued'intdrêp t olitiquedes habitants duB.E.T., les

autoritésfrançaisesdéployhrent certains efforts pourles pousser à participeraux
élections législatives. Petà petitceseffortsfurentcouronnésde succhs.

9.26 Cela se manifesta clairementlors de l'organisationet la

tenue du referendum du28 septembre1958 surla créationde la Communauté.
Les autoritésBtudihrentl'implantation desbureauxde vote de façon à toucher le

maximum de nomades et réduire le plus possible les déplacements ; le
nombre des bureauxde vote fut égalemena t ugmenté (23 en 1958contre 19 en

1957). La participationdu corps électoralfut très importante,ce qui amena le
chef de la circonscription à conclure que cetteparticipation fut "de loin la plus

massive que nous ayons jamais constatée"et vraisemblablement difficile à
dépasser(Production 117, p.3) j.

9.27 Comme la République du Tchadl'a déjà soulignédans
son Mémoire (p. 278), les Français avaient créé,à côté de la structure

administrativecentralisée,substantiellement calquée sur l'appareil militaire, une
structure politico-administrative "locale", qu'ils utilisaient pour pénétrerplus

facilement dans les milieux indigènes. Cette structure avauitn rôle auxiliairepar
rapport aux autorités françaises. En son sein, émergeaient le Conseil des

Notableset les Chefsde cantonset de fractions.

1 Dans le rappoit politique pour 1958 sur le B.E.T. on note en outre ceci: "L'annonce du
Referendumn'avait d'abordsembléavoirque peu derépercussions sa populationdontla
majorité,en nomadisation,est d'ailleurs toujours toavec un certain retard par les
nouvellesdu Chef-lieu.Toutefois tous les reprétcaux despartispolitiquesse miàent
faire unepropagandetrésactiveavecensembleet surlethéme:'Veniren masseauxurneset
répondre OUI'. Non seulement la population du Borkou-Ennedi-Tibesti a &pondu
participants, ce qui n'avait pasétédétectéd'une façon aussi généraleà l'occasion des
précbdentesopérations électoralL.a participationne fut jamaisaussi nomb[...La
populationa accomplison devoir avec beaucoupde dignité et deieux; aucun incident,
même minime n,'aétéignal6"(ProductiMn 117.p.1). 9.28 Pour ce qui est du Conseildes Notables, il se réunissait

dans les trois régions.II convient de rappeler que,d'aprésle rapport politique

annuel pour 1956,au Tibesti,le Conseil s'estréunideuxfois 2.

9.29 En 1957, leconseil se réunitdu moins une fois, en tant

que Conseil pour la régiondu B.E.T.,et discuteles questionsdes modifications
survenues dansla structure gouvernementale du Territoire duTchad, du forage

de puits,des redevanceset de la rémunérationdec shefsde cantons (Production

Mn 108). En 1958, le Conseilne serbunitpas à l'échelonde la région pas plus
que dans les districts de I'Ennediet du Borkou. En revanche,il se réunitdeux

fois au Tibesti, pour traiter les questions du recouvrement des impôts, du

rencensementet du règlementdespalabres (Production u,117, p.17).

9.30 En ce qui concerne leschefs africains agissant comme

autoritésadministratives auxiliairesdes autorités françaises,le rapportpolitique
annuel pour 1958sur leB.E.T.fait état des problèmesqu'ils rencontrent 3 .

* "Le but essentielde ces réunionsest d'expliquerles principales désrises parle chefde
district et d'en élaborer de nouvelsn tenant compte des remarqueset suggestions des
habitants les plus avertis. Laodeestfructueuse àconditionde ne faire porterles débats
que sur des questions simpleset pratiques et de les limiter à la discussion de solutions
préalablement élaboréaevsecleschefsdecanton.
L'intelligenceet le sensde I'intkretgenéralque manifestentcertains Toubbous au cours des
réunionsfait d'oreset déiàde ce conseilun lien utile~n~ ~l- -hef de d~st~,~, et la ~o~ulation.
trop disperséepour quel'actionpersonnelled'un seulhommepuissesefaire sentir directemeni
sur tous. Avec le temps, on peutespererfaire de cette assemblbeun auxiliaire efficace de
l'administration" (Producm107, p. 3).

3 "11y a peu de Chefs de canton qui n'onta combattre une certaine opposition, larvéeou
sporadiquement agissante.La modiiit6 de leur traitement. la suppression des redevances
coutumieres et d'autre part la necessitede vivre 'en Chefs'les entraàncommettre des
exactionsde moinsen moinstolhréesparceuxqui lessubissent.
Les Chefs de villageset de fractionsnomadesOntune situation peu enviable. occupéune
bonne partie del'annbepar la collectede i'impôtet n'étantqu'insuffisammentr6mupar la
remise qu'ils perçoivent. Certains d'entre eux, il est vrai, auraient aussi tendanAe
commettrequelques exactionsquifont naîtreausslôt uneopposition.
Les Chefs de fractions restentencore desauxiliaires indispensablesdel'Administrationalors
que bienpeu de Chefsde cantonssaventse rendreutiles" (Productiml 17.p.8). 9.31 II est intéressant de rappeler que l'administration
française s'occupait ausside la gestiondes prisons civiles.y en avait une dans

chaque chef-lieu de district (Largeau, Fada, Bardai) et elles comptaient un
nombre considérablede détenus ...

9.32 Ces prisons posaient bien des problèmes, dont le

nombre insuffisantde gardes régionaux et territoriaux,dû l'insuffisance de leur
traitement et au manque de main-d'oeuvre. Ce probléme avait pour

conséquenceque la charge d'assurer la garde des prisons retombait sur les
goumiers et les militaires, "dont ce n'était pasla mission normale". Un autre

problbme sérieuxétait liéà l'entretiendes détenus,que les autorités françaises
considéraient d'un coût élevé; par conséquent ellesestimaient "judicieux

d'essayer d'obtenir des condamnés la meilleure rentabilité" en les utilisant
comme "main-d'oeuvrep6nale" (Production 103, p5 ; Production 107,
p. 12; Production 111,p. 7 ; ProductionM 117, pp. 26-27).

9.33 Une autre fonction administrativeassuméepar l'autorité

française était celle concernant l'éventuelleaffectation de terrainsdes fins
militaires. cet égard,il convient de rappeler les actes relatifs à la procédure

d'affectation -en956-1957- à l'autoritémilitaire, par le Chef dela Région,d'un
terrain sis dans le district de Zouar et d'un terrain sisà Bardai (ProduMnion

110).

9.34 L'activitégouvernementalede la France couvranttous les
domaines de la vie publiquedes habitants du B.E.T., elle portait, naturellement,

aussi sur l'organisationde'enseignement.En effet, les Français s'occupèrede
l'établissement d'écolesdu B.E.T. Leur but n'était passeulement strictement

pédagogiqueet social, il étaitégalementpolitique : comme le notait le Rapport
politique annuel pour 1956 relatif au Tibesti, la carence d'une école était

regrettable "l'enseignement français étantle seul moyen de combattre, sur le
plan culturel, l'influence islamique" (Production 107, p. 9 ; v. aussi,

Production 111, p. 15). 9.35 En 1958,il existaitau B.E.T.trois écoles: uneà Largeau,
avec 7classes, uneà Fada, avec3 classes,et une à Bardai (ouver1958),
avec une classe(ProductiMn 17, p.11).

9.36 Il découlede plusieurs documentsportant sur la période

1958-1960 et incluant les bordereaux d'envoide marchandisesaux écolesde
brousse, une note du directeur de l'écolede Bardai, des rapports de rentrée
scolaire et des fiches sur l'étatde fréquentationscolaire de l'écolede Bardai

(Production 118)que les écolesfrançaises &aient fréquentées parun
nombre grandissantd'élèves.

9.37 A côté de ces manifestations d'activité politique et
administrative, il faut mentionnerque les autorités françaisesexerçaient aussi

leurs attributionsgouvernementales dansune autre domaineimportant: celui de
l'activitéjudiciaire.

9.38 La Républiqudu Tchad,dans sonMémai re.263,par.

210), a déjà mentionnéque les magistrats locaux, appelés"assesseurs des
tribunaux indigènes du premier et du second degré" étaient nommés ler
Gouverneur duTchad déjàau début del'occupationeffective française.

9.39 Or, jusqu'à la fin de l'emprise françaisesur le Tchad, la

nomination des membres des tribunaux du premier et second degrécontinue
d'être effectuée pale Chef du Territoire du Tchad. A cet égard, on peut
mentionner l'arrêtdu 28 févrie1958,nommant entre autres les présidents

suppléants, lesassesseurs titulaires,les assesseursadjoints et les secrétaires
auprès des tribunauxdu premieret du deuxièmedegrédans les trois régionsdu

B.E.T.(ProductiMn 114, pp4-6).

9.40 Tous les Rapports politiques disponibles font, en outre,
état de'activit6 déployée parles différents tribunauxdes régionsen question

(Production 103,p.5 ; ProductiMn 105,p.4 ; Productim107, p. 4 ;Production Mn 111, p. 7 ; Production 117,Annexe Mn 9).11en ressort que,

par exemple, en 1958, 168 affairespénales avaientété enregistrées au Parquet

(dont 137 -àBorkou,26 en Ennediet 5 au Tibesti)et 89 arrêts avaienét térendus;
pour ce qui est des affairesciviles,718 plaintesavaient été reçues (dont 296au

Borkou, 114 en Ennedi et 308 au Tibesti), 119jugements avaientété renduset
349 affairesconcilides(dont 276au Tibesti) (Production Mn 117, Annexe Mn 9).

9.41 Deux problbmessemblentretenir en particulier l'attention

des autorités françaises:

i) la coexistence entreles tribunaux appliquantla loi françaiseet ceux appliquant
la coutume localeet

ii) le fonctionnementdes tribunaux indigènes 4.

Au sujet du premier probléme,dans le Rapportpolitique annuel pour1955, surle Tibesti, on
note:
"Deuxsortesde tribunaux existentau District:une justicede paixà compétencelimitéequijuge
suivant laLoi Française;destribunaux cousuijugentselonlacoutume.
Dans le domaine de l'organisation. une liaison existe entre ces (sic), tribunale
coutumierde ler degréétantprésparleChefde District.
IIn'enestpas demêmeauxyeuxdes habitants pour lesqlseulela coutumecompte.Cetétat
d'esprit imposesouventde rendre deuxjugementsdans unemémeaffaire: par exemple,les
peines [illisible]sont (sic) infligéespourmeurlrenedispensant pare payerla dia"
(ProductioMn 105,p.4).
Quant au fonctionnement dela justice indigène, le tolitique annuel pour1956sur le
"La reformede la justice indigènea eu d'heureux effets.En rendantobligatoirela tentativede
conciliation avant le dépôt d'une plainte, elle a déchargéle tribunal du ler degré; par
l'enregistrement de ces conciliationa,cependant maintenu un contrôle suffisant de
l'activitédes chefsautochtones dans ce domaine. Bede différendspouvant étreréglés
paratbiirage,lamiseenapplicationdelareformeaBléfacile.
Sur un point toutefoisaéchouéI.Is'agit desfraisdejustice.II est pratiquementimpossible
de les recouvrer puisqu'aucunmoyende contrainten'existeet que le perdant ne met aucun
empressement à payer pour se voir delivrer un papierqui consacre la défaitede sa cause"
(ProductioMn 107.p.4). 9.42 La République du Tchad a déjà illustré, dans son

M&.n& (pp. 303-320), la manièredont le B.E.T.fut administré,par les autorités
tchadiennes jusqu'en 1968, quand commença, aidéepar l'extérieur,la rébellion
de certains secteurs de la population. Cetteadministration, confiéejusqu'en

1965 à des officiers français en vertudes accords de défenseet d'assistance
technique et militairesignéspar le Tchadet la Franceen août60, fut continue

et pacifiqueet englobales différentsdomainesde l'activitégouvernementale. En
effet, les autoritéstchadiennesexercèrent desactivités administra, e police

et de sûreté. Elles s'occupèrent aussi, activement, de l'exploitation des
ressources naturelles, et à cette fin autorisèrent des missions scientifiques
d'explorationdu sol et du sous-sol.

9.43 Parmi les manifestations d'attributs souverains il faut

aussi indiquer, comme étant d'importanceprimaire, l'activité légisexercée
par les autoritéstchadiennespar rapportau B.E.T.

9.44 Commeauparavant, leB.E.T.fait toujours l'objet d'actes
législatifs promulguéspar les autorités centrales(avec bien sûr, la différence

qu'au lieu du GouverneurGénérad l u Tchad, ces actes sont maintenantédictés
par l'Assembléenationaleou par le Présidendu Tchad).

9.45 Comme par le passé, certainsdes actes concernant le

B.E.T. ont trait à tout le territoire tchadien, tandis que d'autres actes (lois et
décrets) portent exclusivement sur le B.E.T. Parmi ces derniers, on peut
mentionner le décret no 177 du 25 septembre 1963 du Président de la

Républiquedu Tchad, qui créeun poste temporairede gendarmerie a Tekro
. . , 15 octobre 1963, p. 567). Ce poste,
~JQurna lw de laRiublkw-
qui relevait de la compagnie de gendarmeriede Fort-Lamy, fut placé prèsde
l'aérodrome prive de la sociétéfrançaise Petropar, titulaire d'un permis derecherchespétrolièressur une zone sitàél'extrémité nord-esI'Ennedi(v.
Ma, pp. 313-315).

9.46 Quoi qu'il en soit, l'essentiel est que la législation
tchadiennes'&end àtout le B.E.T.,y inclusla banded'Aozou.

SECTION2. LES EFFECTIVITES FRANCAISES ET

TCHADIENNES DANS LA BANDE
D'AOZOU

LF TRAITF LAVAL-MUSSOLINI DF 1935 FT
9 1.
LA CONFLBMATlON DE LA SOUVFRAINETF
ISF SUR LA BANDF D'AOZOU

9.47 Le Mémoire libyen affirme que le Traité de 1935 de
mêmeque ses travaux préparatoiremontrentqu'avant 1935il n'existait pas de

frontière à I'estde Toummo.A cettilcite, entre autres (par.5.324), une note
interne du Quai dSOrsaydu ler janvier 1935,d'après laquelle "Sur les confins

sud de la Libye il ne s'agissait pas de cession de territoire, ni àême
proprement parler de rectification de frontiére,car à I'est de Toummo, point
terminal de la ligne définie parl'Arrangementde 1919, il n'y a pas jusqu'ici de

frontidre déterminéed'un commun accord entre les Gouvernements italien et
français".

9.48 Cetteaffirmation libyenneest éràotrois égards.Tout

d'abord, elle ne tient pas compte du fait que l'Italie, par l'accord de 1902, avait
accepte la ligne de 1899. Ensuite, elle ignore qu'en tout cas la France avait

exercésa souveraineteeffectivesur le B.E.T.-y inclus la bande d'Aozou-depuis1914. Enfin, elle fausse laréajuridique et factuelle, car elle ne prend pas en
considérationle fait que la Franceet I'ltalie considéraient d'uncommun accord
que le Traitéde 1935 prévoyaitune véritablecession territoriale de la France à

I'ltalie au sud de la Liby: ce Traité était donc fondésur l'idée -acceptée
pleinement par les deux parties-qu'avant l'exécudu Traitéla bande d'Aozou

étaitsoumise à la souveraineté française exclusive.

9.49 Les deux premiers points ayant déjh 616examinés ci-

dessus, il sufiira de s'étendrle troisibmequi, au demeurant,a étédéjàtraité
dans le Mémoir de la Républiquedu Tchad (pp. 207-210). 1apparaît que le

document diplomatique français,dont la rédaction s'expliprobablement par
une confusionentre "délimitatioet "démarcation", cpar leémoi reyenest
le seulà exclure que le Traité LAVAL-MUSSOLINIenvisageait unecession de

territoire, etl est contredit par de nombreux documents diplomatiques et
parlementaires français de la mêmeépoque(ainsi que par le texte du Traitéet

par les documents diplomatiques et parlementaires italiens). Cela n'est pas
surprenant,comptetenu du fait que le documenten questionest une simple note
interne, non signée,émanantd'un bureau du Quai d'Orsay. Quoi qu'il en soit,

elle est nettement démentipartous les autres documentsdisponibles.

A. - LES DOCUMENTS DIPLOMATIQUES AYANT PRECEDE

LA SIGNATURE DU TRAITE.

9.50 Déjà au cours des négociations relatives au Traité
LAVAL-MUSSOLINI,les deux parties étaientconscientes que le Traitévisait à

a une portion de territoire françàiI'ltalie. Ainsi, par exemple, dans un
télégramme que LAVAL envoya le 5 décembre 1934 à CHAMBRUN,
Ambassadeurde France à Rome,il notait:

"D'autre part, vousaurez eu l'occasion de fairevaloir, commevous le
prescrivaient vosinstructions,que l'importancepolitiquedes nouveaux sacrifices auxquels nous 6tions disposés ne se mesurait pas

seulement à l'étendue, cependant appréciab( l110.000 km2), et à la
valeur économique intrinsèque du territoire auauel nous renoncions"
(Documents diolomdiaues francais 1937-1939,lère Série,1932-35,
TomeVIII, p.300 ;soulignéparla République duTchad).

9.51 La mêmeattitude était suivie parl'Italie; cela découle
entre autres d'un telégrammede CHAMBRUN à LAVAL, du ler janvier 1935,

dans lequel l'Ambassadeur français à Rome, en relatant les demandes du
PremierMinistre italien,écr:t

, ., .
"M. MUSSOLINIdemande: 1) L'inclusion la zone cédeea 1kih.e
Sur la frontière dla m, zone dont il accepte le tracé générald, e
quelques-unsdes points habités qui, dans leprojet communiqué par le
Département,restenttous dans la zonefrançaise.IIsemblequ'unetrès
legéreconcessionsur ce point,marquantnotrebonnevolonté,suffirait"
(Documents di~lomatiaues francais op. cit.,p.546 ; soulignépar la
Républiquedu Tchad).

6. - LE TEXTE DU TRAITE

9.52 Le préambule du Traité mettait en exergue que les

cessions territoriales envisagéespar le Traité constituaient l'exécutionde
l'article 13 de l'Accordde Londresde 1915. En effet, le préambule disposaitque

les deux pays étaientdésireux"de réglerd'une manièredéfinitiveles questions
pendantes au sujet [...de l'accord de Londresdu 26 avril 1915, en son article

13.

9.53 En se plaçant dans l'optique de l'article 13, le Traité

LAVAL-MUSSOLINI visait donc explicitement à accorder à I'ltalie les
"compensations" territoriales en Afrique envisagées parcette disposition. Par

conséquent,le Traitéaffirmait explicitementporter sur descessionsterritoriales,et plus précisémenst ur descessionsprévues, en termesbien sûr générauxe, n
1915.

9.54 Si, donc, leTraité lui-même faisait réféà des cessions
ou compensations territoriales, cela veut dire qu'il partait du principe que les

territoirAstransférerà I'ltalieappartenaientà la France.

c. - LE DEBAT PARLEMENTAIRE EN FRANCE

9.55 Lors du débat parlementaire, en Frances,ur la loi portant

approbation du Traité LAVAL-MUSSOLINI, il fut unanimement affirmé,par les
parlementaires et par le Ministre des Affaires étrangères,que le Traité visait,

entre autres, laeççio d'unterritoire françaisà I'ltalie,au sud de la Libye.

9.56 Déjà,dans l'"Exposédes motifs" duprojet de loi soumis à

la Chambre des députés le 25 février 1935,on précisaitque la ligne définie par
le Traité

"[mie les contrefortsNorddu Tibesti peuplés pardes tribus
[...]. Elle laisse en toutes les tribus qui nomadisent
régulièrement versle Sud [...] (Soulignépar la Républiquedu Tchad,
annexeÇMLI 75, p.374).

9.57 Encore plus explicitefut le député SOULIER dans le
Rapport qu'il présenta le 19 mars 1935 au nom de la Commission Affaires
étrangères à l'Assembléeplénière. Après avoirrappelé qu'en1919 il avait été

impossible à la France "d'accéder à la demande de cession du Tibesti, du
Borkou et de ['Ennedi, formuléepar le Gouvernementitalien", il releva qu'en

revanche, en 1935, la France avait estimé possibleet opportun d'en terminer
avec l'application de l'article 13 de l'Accord de Londres de 1915 et, donc, de
céderune partiedu territoire I'ltalie.Enparticulier,il insistasur le fait qu' "En ce qui concerne les114.000kilomètres carréqlbe nous cédonç
~JJ Sud de la Iib, nos concessions ne touchent à la ligne de
crêtes du Tibestiuesurun parcours réduit" (annexe 76, p. 6,

et ProductionUU 3 ;souligné parla Républiquedu Tchad).

9.58
La même positionfut priseau Sénatpar le SénateurH. de
JOUVENEL, dans le Rapport qu'il soumit le 22 mars 1935 au nom de la
Commissiondes Affairesétrangères.II nota entre autresque parmi les différents

actes dont LAVAL etMUSSOLINIétaientconvenus,seul leTraité étais t oumisà
la ratificationdes Chambres.

"[Plarce que, commel'a expliquéM. Edouard SOULIER, lerapporteur
de la Chambre,dans son substantiel discours, 'seul,il comporte une
çession de territoireg"' (annexe 77,p.2, et ProductionCMlT 4 ;
souligné parla République du Tchad).

9.59 Ces idéesfurent réitéréedsans le débatqui eut lieu à la
Chambre des députés et au Sénat.II suffira de rappelerqu'à la Chambre, le 22

mars 1935,dans son interventionle RapporteurSOULIERinsista non seulement
sur le fait que la France cédait desterritoires qui lui appartenaient, mais aussi

que cette cession, accomplie en vertude l'article 13 de l'Accord de Londres,
"épuisaitdéfinitivement""le créditterritorial de I'ltalie" dérivantde cet article 13

(annexe 78, p.1202, et Production 5). Toujours dans la même
séance de la Chambre, LAVAL, Ministre des Affaires étrangères souligna lui

aussi ces deux points. II remarquad'abor:

"En Libye, où la frontière, d'ailleurs, n'était pas très certaine,nous
avons fait une concession qui représente--M. le rapporteur de la
commissiondes Affaires étranghresle disaià i'instant--yn sacrificede
114.000 kilomètrescarrés. cédé sI'ltalie"(annexe 78, p. 1208;

souligné parla République du Tchad).

Puis, après avoir rappeléles précisions qu'il avait échangevsec MUSSOLINI,

il nota: "Enfin, j'ai considéréque, -n .. . étanlfata. cette ce-

lm, j'avais ainsi satisfaitaux clauses du traitéde
1915" (annexe 78,ibid.; soulignépar la Républiquedu Tchad).

Ce dernier passage est très important, car il montre clairement que pour la
France il s'agissait de rectifier la frontière existante en cédant une partie de la

zone frontalièreà I'ltalie. II confirme doncque pour la France,il ne faisait pas de
doute que

i) avant 1935une frontière entrela Libye et le Tchadexistaitdéjàet

ii) le Trait6 de 1935visaità modifiercette frontièreen transférantune partie du

territoire français I'ltalie.

9.60 LAVALconfirmacette positionau Sénat,le 26 mars 1935:

"C'est ainsi que nous avonsfait cette rectificationde frontière, ou plutôt
cette délimitationde frontières. On a dit souvent que la cession que

j'avais consentie au nom de mon pays, en Afrique équatoriale,
représentait 114.000 kilomètres carrés.Je ne veux pas essayer de
minimiser les sacrifices que la Francea faits à I'ltali[...Je me suis
efforcé, cependant, résistantaux prétentions italiennes, de ne rien
céderqui eût coupéla routedu Tchad" (B.C.A.F., 1935,no4 ; annexe
80, p. 219,et ProductionÇMn 6).

9.61 Les autorités italiennes aussi étaient pleinement
conscientes du fait que le Traitéde 1935 visait entreautres à transférerà I'ltalie

un territoire, au sud de la Libye,appartenantà la France. Cela ressort clairement
de plusieursdéclarationset documentsofficiels. 9.62 D'aprks la loi italienne en vigueur à l'époque,le Traité

devait être soumisà l'approbationdu "GrandConseildu Fascisme"avant d'être
discutéet approuvépar le Parlement.Le rapportsur le Traitésoumis au "Grand

Conseil" précisait asujetde la frontièresud de la Libye:

"En effet le Traité du 7 janvier 1935 détermine, d'une manière
dbfinitive, les ultérieurescompensationsque la France a consenti à

céder à I'ltalie en application de l'article13 du Pacte de Londres [...].
La zone gui nous a Rtécedégs'étendsur environ 114.000 kilomètres
carrés"(annexe 82 ; soulignéparla Républiquedu Tchad) 5.

9.63 La même position fut prise parles autorités italià las

Chambre des députés et au Sénat. A la Chambre desDéputés, I'exposé des
motifs du projet de loi portantautorisationa ratification duTraité,soumis par

MUSSOLINIle 22 mars 1935,indiquaitnotamment:

zone oui nous est ca , s'étendsur environ 114.000 kilomètres

carrés"(annexe rn 79, p.2 ; souligné pala Républiquedu Tchad)6.

La même terminologieétaitemployéepar MUSSOLINIdans l'exposédes motifs
du projet deloi soumisau Sénatle 25 mai 1935(v.annexe rn 81, p.2).

5 Traduction dela RBpublduTchad. Texte origina:l
"IItrattato7gennaio1935determinainfatti,inviadefinitiva.gli unerioriwmpensi che la
Francia haconsentit0a cedereall'ltaliain applicazionedell'art.13de[...La.di Londra
zonacedutacihaun'areadicir114.00chilometriquadrat[i...].(MinistèreitaliendesAffaires
Btrangères,Archivessecretesdu Bureaupour la coordination(Archivio~I-
Coordinamrt n.C.P,remierepartie,ca1).n
6 Traduction delaRBpubliduTchad.Texteoriginal:
"La zonacedutaciha undicirca114milachibmetnquadrati". E. - LES ACTES DIPLOMATIQUES FRANÇAIS POSTERIEURS

A LA SIGNATURE DU TRAITE

9.64 Plusieurs documents diplomatiques français soulignent,

en termes clairs et non équivoques, que le Traité prévoyau itn transfert de
souverainetéde la France à l'Italie.

9.65 Dans une note du 9 avril 1935au Ministre des Colonies,

LAVALtenait à préciserque

"Le .ou.ernementfrançais a entendu [...] ne conçentir des cessiqns
rritori- que moyennantla levéede I'hypothéqueitalienne sur la
Tunisie" (annexe 154 ; soulignépar la Républiquedu Tchad).

9.66 Dans une note du 3 juin 1937 au Ministre des Colonies,

le Ministre desAffaires étrangérspécifiait que, comme les deuxtats n'avaient
pas encore procédé à l'échangedes ratifications,

"[Lles stipulations qu'il [leTraité] contient eten particulierles cessions

territoriales qu'ilcomportede notre part ne sont,qu'à nouvel ordre,
susceptiblesde produire aucuneffet" (annexe 174).

9.67 La même position était réitérée dans les notes
diplomatiques du 11 avril 1938 et du 5 décembre 1938, déjà,citées par la

République du Tchaddans son ld&u~~~ (pp.208-209). F. - LES DOCUMENTS DIPLOMATIQUES ITALIENS

9.68 Commececi a déjà été souligné,les autorités italiennes

Btaient tout à fait convaincues que, la bande d'Aozou étant soumise à la
souverainetéfrançaise, tout Traité portanstur cette bande ne pouvait que viser

une cessionterritorialede la Franceà l'Italie.

9.69 Cela ressort clairementde certains documents italiens

précédanlta conclusiondu Traité LAVAL-MUSSOLINT I.el est le cas d'une lettre
du Ministre des Affaires étrangères,GRANDI, au Ministre des Colonies, De

BONO, sans date (mais de la mi-octobre 1930). Dans cette lettre (qui ne fut
jamais envoyée -circonstance qui n'a cependant aucune importance en

l'espèce), GRANDIfaisait étatd'unentretien ayanteu lieu le jour précédant vec
MUSSOLINI au sujet des revendications territorialesitaliennes en Libye, et il

résumait ainsi la pensédee MUSSOLINI:

"'L'éventuellecession territoriale de la part de la France de tout ou
d'une partie de la zone nommée Tibestiest préjudiciable nos intérêts

africains"' (annexe 69 ; soulignépar la Républiqudu Tchad) 7.

9.70 II est possible de trouverune autre référenceà l'idéede

cession dans une lettreque le diplomateitalienle plus compétenten la matière,
GUARIGLIA, envoyale 19 février 1932 au Ministrd ees Affaires étrangères, et

dans laquelle il notait entreautresque les propositions françaises concernant le

7 Traduction de la RBpubliquedu Tchad.Texteoriginal:
"L'eventualecessioneterritorialedapartedella FranOparte della zondenominata
Tibestidannosaai nostninteressiaffricani".sud de la Libye se bornaien"àla cessiondes oasis libyennes, déjàenvisagée,

un peu plus ou un peu moins, dans les derniéres négociationsofficielles"
(annexe W 98, p. 165)8.

9.71 Il est encore plus significatifque le Gouvernementitalien
ait précisé à maintes reprises, aprbs la signature du Traitéde 1935, que ce

Traitévisait une cessionde territoirefrançaisà I'ltalie.Le Ministbreitalien des
Affaires étrangèresadopta cette position dans les divers documents de 1937,

déjàmentionnés parla République du Tchad danssonMgmoire (pp. 209-210).

9.72 Tous ces documents, tantfrançais qu'italiens permettent
de conclure à juste titre que le Traité LAVAL-MUSSOLINIe 1935 visaitàune

cession de la bande d'Aozou à I'ltalie et que, des lors, cette bande était
considérée par la Franceet par I'ltalie comme soumise à la souveraineté

française, dansles limites indiquen 189911919.

§ 2. A PRATIQUE POSTERIFURF AU TRAITF
J AVAL-MUSSOUNI

9.73 Dans sonMémoire, la République duTchad a montré

que, mêmeaprès la non-entréeen vigueur du Traité LAVAL-MUSSOLINI, la

France continua à exercer sa souveraineté effectivesur la bande d'Aozou, et
I'ltalie dut reconnaîtàeplusieurs reprises cette souveraineté, ainsique ses

8 Traductiode laRepubliqduTchad.Texteoriginal:
"Leoffertefrancesi.] siconcr[...] nellacedelle oasilibichegihprosinpiOta
inrnenonelleuiiirnetranativeufficiali".limites spatiales, c'est-à-dire la frontière 9 (vMn,1 pp.211-218 et 261-

292).

9.74 LeMémoir ee la Républiqudu Tchad a notammentmis
en exergue l'incident diplomatiquede Jef-Jef (1938),qui donnaàlune série
de notes et documents internes,de part et d'autre, etn Bchange de notes

diplomatiques entre les autoritésfrançaises et italiennes (v.p.211-218).
Cet incident fournAtla France l'occasionde réaffirmer entermes très nets et

vigoureux sa souverainetésur la bande d'Aozou; I'ltalie, qàaelle, s'inclina
devant ce fait. En mêmetemps, I'incident montraque la France réaffirmaitla
frontière de 1899-1919et que I'lta-Aeune époqueoù il était devenuclair que

le Traité LAVAL-MUSSOLINn I e seraitjamais ratifié-acquiesça.

B. - LA CONVENTION D'ARMISTICE FRANCO-ITALIENNE DE

1941

9.75 Le libyen affirme qu'en 1941 la délégation
italienneà la Commission d'armistice rejeta la thèse française relative à la

frontière899-1919,en ajoutant que la délimitation dela frontière au sud de la
Libye était une question ouverte, et dont la définition n'appartenait pas

Commission d'armistice(Mlh, pars.5.360-5.361).

9.76 Un examen fouilléde toute la documentation pertinente

permet, au contraire, de démontrerqu'en substance l'affirmation libyenne est
dénuéede fondement, car aprésavoir rejetéla thèse française, I'ltalie finit par

renoncer àla contester.Qui plus esidécoulede la documentation en question
qu'en effet, même pendantcette période,c'était la France qui exerçait d'une

manière effective des pouvoirssouverainssur la banded'Aozou. 9.77 Cette documentation mérite d'êt ereaminéeen détails.

9.78 L'article3, alinéa3, de la Conventiond'armistice entrela
France et I'ltaliedu 24 juin 1940stipulait que:

"En Algérie ainsi que dansles territoires de l'Afrique françaisesitués
au sud de l'Algérie etconfinant à la Libye (sic), une zone comprise
entre la frontiérelibyenne (sic)et une ligneparalléledistante de 200
kms sera démilitarisée pou lr même durée"(v. annexe ÇMn 84).

Pour appliquer cette disposition, ilfallait établir d'oùpartait la zone de 200
kilométres et, parvoie de conséquence, quelle éta itfrontière méridionalede la

Libye.

9.79 La Délégationitalienne à la Commission italienne
d'armistice (C.I.A.) proposa de prendre commeligne de base letracé établipar

le TraitéLAVAL-MUSSOLINI. Le12 mars 1941le Général GROSSI, Président
de la Délégationitalienne, envoya au Présiden dte la Délégation françaisune

note dans laquelleil avançait sa proposition dans les termes suivants:

"Mêmesi, à la suite de la dénonciationitalienne du traitédu 7 janvier
1935, la question de la frontiéreest restée suspendueet si, par suite,
son tracé peutêtre considéré e,n droit strict,comme discutable,l est
évident que la Partie italienne, lorsqu'elle a fiàél'article III de la
Convention d'Armistice, la limite extérieure la zone démilitariséeà

deux cents kilométresdes confins de la Libye méridionale,elle ne
pouvaitconsidérer comme ligne de base que celle qui, selo sa propre
interprétation, devaitêtrela frontière, certainementpas celle résultant
d'untraitéqui ne portait pas sa signature.
Je tiens donc à vous confirmer que, dans l'établissement de la
profondeurde la zone adjacenteaux confins méridionaux de la Libye,
la C.I.A. considère comme base la ligne frontière indiquéedans le
second alinéade la présente [àsavoir, le tracéindiquédans le Traité
Laval-Mussolini]. Ceciévidemmentsans préjudicede la délimitation
définitivede la frontiére, question qui dépasa compétencede cette
Commission" (annexe 85).II découle clairement de la teneur de cette lettre que les Italiens voulaient
imposer aux Français, par un acte de force, le tracé prévuen 1935, tout en

reconnaissant quece tracéne liait pas juridiquementla France.

9.80 II va sans dire que l'attitude arrogante des autorités
italiennes non seulement déconcertales Français, mais provoqua également

une vive réaction. II s'ensuivit une correspondance serrée entrela Délégation
française à la C.I.A. et les autoritésgouvernementalesde Vichy (le Ministre des

Affairesétrangbres,le Ministre de la Guerreet le Ministre des Colonies). Tous
ceux qui prirent part à cette correspondance étaientd'accord pour dire que la

thèse italienne devait êtrerejetBe. Mais une fois Btabli ce point de départ, il
s'agissait de trouver des arguments juridiques pourréfuterla thèse italienne et
lui opposer une thèse baséesur la frontière 1899-1919.

9.81 Les autorités françaises aboutirent graduellementà une

réponseferme et juridiquement inattaquable.

9.82 Le 17 mars 1941le Présidentde la Délégation française
à la C.I.A., le GénéralPARISOT,transmit au Ministrede la Guerre la lettre du

GénéralGROSSI,avec un commentaire (lesItaliensavaient tort,car le Traitéde
1935, ayant été"formellementdénoncé" par I'ltalie, ne pouvait lier la France) et

une demande : le Ministère français des Affaires étrangèrespouvait-il indiquer
"si I'ltalie n'[avait] pas reconnu, au moins implicitement, la frontière de fait

rbsultantdes accords franco-anglaisde 1899et de 1919"?(v. annexe 86).

9.83 Cette lettre trouva les autorités de Vichy plutôt
désemparées.Dansun premieréchangede notesentre le Ministredes Colonies

et le Ministre des Affaires étrangères,apparut évidentque ces autorités. faute
d'un approfondissement des aspects historiques et juridiques du problème,
répondaientsur un plan plutôt politiqueet avec des argumentsdont elles-mêmes

n'apparaissaient pastrop convaincues. Ainsi, dansune longue note du ler avril
1941 au Ministredes Affaires Btrangéres,le Ministre des Coloniesconcluait qu'à

son avis le tracé 1899-1919 était valide car le Gouvernement italien avaitacquiescé, "à l'époque","aux actes de 1899 et 1919" (annexe GM!I 88). Le

Ministre des Affaires étrangères, uantà lui, affirmatout d'abord, dansune lettre
du 28 mars 1941 que"lafrontièreen causenepeut [...6tre que cellequi résultait
des accords antérieurs au 7 janvier 1935" (annexe BdLI 87) et ensuite, dans

une lettredu 5 avril 1941,aprhsavoirnotéqu'ilétaitdifficilede pretendreque les
Italiens aient acquiescéaux accords de 1899 et 1919, conclut que toutefois il

fallait s'en tenires actes, "puisqueceux-cisont les seuls actes qui, ayant une
portéeinternationale,se refhrentà la question" (annexe 89).

9.84 A cette périodeinitiale d'égarementet d'incertitude, que

la désorganisation des services due à l'occupation de Paris explique
Bvidemment,succéda toutefoisune mise au point par le Ministre des Colonies,
qui marqua un tournantdans l'attitude dela France.

9.85 Le 26 avril 1941, le Ministre des Colonies envoya au

Ministre des Affaires étrangères unelongue note dans laquelle il appela son
attentionsur trois faits :

i) "L'Italie [avait] en effet reconnu la frontière résultantde la convention franco-

anglaise du 12 mars 1899 par les accords du 14 décembre 1900 et ler
novembre 1902" ;

ii) cette reconnaissance avait étéréaffirméepar le Ministre italien des Affaires
étrangères, TITTONI,au cours de son discours à la Chambre italienne le 27

septembre 1919;

iii) "c'est justement parce qu'il ne mettait pas en doute la validitéde cet accord
[de19021qu'en juin 1913 le Gouvernementitalien demandaitau Gouvernement

Français de hâter la constitution d'une commission mixte qui serait chargée
d'établirsur leterrain untracédéfinitif"(v.annexe 90).

II concluait donc que, comme l'Italie avait acceptéla ligne 1899-1919, il fallait
insister sur cette lignerèsde la Délégation italienneà laC.I.A. 9.86 Ces arguments furent immédiatement retenus par le
Ministre des Affairesétrangbres,qui, dans une note du 2 mai 1941 au Ministre

des Colonies (v. annexe (J&I 91) et une note du 6 mai 1941au Ministre de la
Guerre (v. annexe 92), reprenait l'argument basur raccord franco-italien

de 1902et insistait sur la ligne de 1899. Dansces deux notes, il proposaitaussi
un projet de réponseaux autoritésitaliennes (un second projet, du 6 mai, fut
rédigéen des termes plus nets et fermes).Pourdes raisonsde temps, ces deux

projets de réponsene purenttoutefois êtrepris en comptepar le Présidentde la
Délégation française A la C.I.A., -cornme cela découle d'unenote du Général

HUNTZIGER, Ministrede la Guerre,du 22 mai 1941 (v. annexe 94)-, lors
de la rédactionde sa reponse au GénBralGROSSI, réponse qui cependant

reprenait la substancedes arguments juridiques français.

9.87 La réponseofficielle de la France I'ltalie fut envoyéele

14 mai 1941(v. annexe 93). En bref, la France rejetait lathèse italienneet
insistaitsur la frontière 1899-1919. 11convient de reproduire les passages

pertinentsde la note française:

"En réponse à votre lettre citéeen référence,j'ai l'honneur de vous
faire connaîtrequ'il n'apparaîtpas possible mon Gouvernementque
la base servant àdélimiterla zone démilitarisée voisiàela Libye,soit
le tracéd'unefrontiere résultantd'accordsque le Gouvernementitalien
a, de lui-même, récusés.
En l'absencede convention ou traité,fixant bilatéralement avecI'ltalie
le tracé de cette portion de frontière, les arrangements franco-
britanniquesde 1899et 1919 restent les seuls actes ayantune portée
internationalese rapportantà la question.
Or, le Gouvernementitalien bienque cesaccordseussent été conclus
sans sa collaboration, n'apas moins reconnula validité du tracé qu'ils
donnaientde la frontièrede la Tripolitaine.
[La note cite ensuiteles accordsfranco-italiensde 1900et de9021.
IIrésulte des considérations qui précédent que dès 1902 le

Gouvernementitalien a formellement reconnula ligne de frontiere telle
qu'elle avait été définie entrle Soudan Anglo-Egyptien et Toummo,
par les notes franco-britanniquesde 1898et 1899. ..
e. le Gouv*
e dans la wstion Wlle de la bas&& de lardémilitarisée. des confins Iibvenç"(souligné par
la République du Tchad).

9.88 Compte tenu de l'âpreté et l'arrogance de la note

italienne du 12 mars 1941, mentionnée ci-dessus, on aurap itu s'attendreà un
rejet radical, dela part des Italiens, de cette note françB.ienau contraire, les

Italienspreférèrentcapituler, en alléguanqtue finalementla question ne relevait
pas de la compétencede la Commission d'Armisticeet qu'en tout cas, elle ne

soulevait pas de problèmes,en pratique.

Voici la réponse italienne:

"La question de la frontière méridionale de la Libye dépasse la
compétence de la Commission d'Armistice et trouvera place,
évidemment, parmiles problèmes a régler entre I'ltalet la Franceau
traitéde paix.
En ce qui concerne l'application de l'Armistice la question n'a pas
d'importance pratique et par conséquentpeut pour le moment rester

sans solution.
Dans chaque cas particulier seront examinés les problèmes
armisticiels éventuels qui se rattacheraient au tracé de la ligne
frontièreau Sud de la Libye" (annexe 95).

9.89 On pourrait soutenir que par cette position "à la Ponce
Pilate", I'ltalie évita de prendre position sur le fond pour laisser la question

ouverte. Toujoursest-il que la réponse italienne prouve clairement deu choses:

i) L'Italie,face aux arguments juridiquesprécisavancéspar la France, renonça à
insister sur le tracéde 1935;

ii) L'Italie necontestapas la valeuret lebien-fondé dela thèse françaised'après

laquelle seule comptaitla frontière 1899-1919.

II est légitimede conclure cet examen de l'échangede
9.90
notes intervenu en 1941 entre les autoritésitaliennes et françaises par deux
observations:i) La France ne s'éloignapas du tout de sa position juridique concernant la

frontière méridionalede la Libye

ii) Cette posit-ànlaquelleI'ltalies'opposadans un premier temps, mais qu'elle
ne contesta plus par la suite- reflétait l'exercice effectif de la souverainete

française sur la bande d'Aozou(m6mesi, en vertude la Convention d'Armistice,
la France était tenue de démilitariser une partie de cette bande, jusqu'à la

conclusion d'un traitéde paixavecltalie).

c. - L'EXERCICE DE LA SOUVERAINETE FRANÇAISE
JUSQU'A L'INDEPENDANCE DU TCHAD (1960)

9.91 La République duTchad a déjà démontré, dansson

Mémoir qu,e la France exerça,de manière constante et sansinterruption, des
attributions gouvernementales et souveraines dans la bande d'Aozou, et cela

jusqu'à l'indépendancedu Tchad, en 1960 (v. pp.274-292,pour la période
1945-1955, et pp.295-303, pourla période 1955-1960).

II n'est nul besoin de revenir sur ces questions, qui d'après la Republique du
Tchad sont indiscutables,la thèse tchadienne étantétpar une riche, solide,
concordanteet incontestabledocumentation.

9.92 II convient néanmoinsde se pencher brièvement sur

deux incidents de 1955, auxquels Mémoir lbyen fait allusion, pour en tirer
des conséquencesabsolument erronées.

9.93 Le premierest l'incident d'Aozoudu 28 fevrier 1955, que
leMémoir ee la République duTchad a décritdans tous ses détails(m,pp.284-289) et qui donna lieuà des protestationsfrançaises et, successivement,
à des assurances de la Libye qu'elle respecterait à l'avenir la souveraineté

française sur la bande d'Aozou.

9.94 Cet incident se produisit lorsqu'une mission libyenne

pBnétra,sans en avoir 616autoriséepar la France,dans la bande d'Aozou. La
missionfut arrêtBepar un détachementmilitaire françaàsMoya,à 10 kilomètres

au nord d'Aozou. et reconduite la frontière.

9.95 Comme la Républiquedu Tchad l'a montré dans son
-, l'échangede notes qui s'ensuivit entre la Franet la Libye confirma
indiscutablement qu'en 1955 le poste d'Aozou Btait sous la souveraineté

effective de la Franceet que la Libye reconnaissait pleinementet sans conteste
cette souveraineté.

9.96 Le Mémoi ieyen ne cite aucundes documents officiels

français concernant I'incident, savoir ni la déclaration faità l'Assemblée
nationale par le Ministre des Affaires étrangères,M. PINAY, ni les notes et

protestations officielles envoyéespar l'aFranceTripoli, ni la note diplomatique
française d'où découlent les assurances libyennes que I'incident ne se
reproduiraitpas, la bande d'AozouBtanten territoire français.

9.97 Le Mémoire libyen se borne à citer un seul document

français, assez postérieur d'ailleurs'incident,à savoir une "note d'information"
du Ministère d'outre-mer du 12 avril 1955, dans laquelle un bureau de ce

Ministère dresse un tableau politique générles "visées étrangèresaux confins
de l'Afrique française" et place I'incident d'Aozoudans son contexte général, en
soulignant entre autres que les viséesterritoriales britanniques et libyennes

Btaient favorisées "par l'imprécisionde notre frontière" (m, pars. 5.512-
5.517).

9.98 La conclusionque le Mémoir lbyentire de cedocument

est que, sur le plan interne, c'est-à-dire dans les rapports entre autoritésfrançaises, la FranceBtaitmoinscertaineau sujet de sa frontière méridionalede
la Libye qu'elle ne lentratsur le plan des rapportsinter-étatiques.

9.99 Cette conclusion libyenne se heurte à trois objections

Bvidentes :

i) Même à supposer que cette conclusion soit exacte, on voit mal quelle
importance elle pourrait revêtirsur le plan juridique: quelles que soient les

opinions et analyses des bureauxd'un Ministèred'un Etat donn6, il est Bvident
que sur le plan international,ce qui compte, ce sontésdéclarations, lesnotes

verbales et autres démarches officielles qu'un organe de relations
internationales d'un Etat communiqueou, respectivement, accomplitauprès des

organes d'un autreEtat. Dansle cas présent,ce qui comptece sont les noteset
déclarations officiellesdes autorités françaises concernl'tincident en question,
que la Républiquedu Tchada citées dansson Mémoire.

ii) Ici encore, l'auteurde la noteen parlantde I"'imprécisde la frontière visait

tres vraisemblablement l'absencede démarcation.

iii) En tout cas, la position prisedans le documentfrançais cité parla Libye (la
"note d'information" du 12 avril 1955 mentionnée ci-dessus) est démentie

radicalement par un autredocumentinterne français citélui aussi par la Libye (et
mentionnant en passant l'incident enquestion),à savoir la lenre du 2 mai 1955

du Gouverneur généralde la France d'outre-mer au Ministre de la France
d'outre-mer (v.MIL p.5.514).Cettelettre,en raisonde son auteur mais aussidu

caractère détailléde l'analyse juridique qu'elle entreprend, est beaucoup plus
importante et significative quela "note d'information". Elleaffirme tres nettement

que la frontière méridionalelibyenne est bien celle Btablieen899-1919,et ne
laisse planer aucun doute sur la positionjuridiquefrançaisee sujet.

9.100 L'argument libyen se rBvèle donc specieux et
inconsistant. 9.101 L'autre"incident"de 1955, relaté dans leir lbyen
a trait aux craintes que l'éventuade manoeuvres militaires anglo-libyennes

près du Tibestiaurait suscitédu côtéfrançaiMA,.pars.5.518-5.519).

9.102 La Libyeciteàcet égard undocumentbritanniqueoù l'on
fait étatde ces craintes commeétantliéàsl'incertitudefrançaise au sujet de la
frontière meridionalede la Libye. EMémoi liyend'en tirer encore une fois

la conclusion qu'en effet les Français, au plan interne, montraient beaucoup
moins d'assurance au sujet de la frontibre en question, que sur le plan

international.

9.103 Cette thèse se heurte aux mêmesarguments que ceux
qui valentàl'encontreles remarques libyennes concernant l'incit'Aozou (v.

supra, par.9.99).

8 3- DE LA SOUVERAINFTF

NNE EFFFCTIVF APRFS 196Q

9.104 Dans son Mémoire, la République du Tchad a déjà
amplement prouvé que, après son indépendance, le Tchad exerça des

compétenceset pouvoirs gouvernementaux exclusifs dansla bande d'Aozou(v.
MIL, pp.303-320).Parmi les preuves irréfutables de l'emprise effective des

autorités tchadiennes sur la bande d'Aozou, la Républiquedu Tchad a cité
diff6rentes manifestations de compétence administrative, et notamment la

promulgation du décret de 1961 duMinistre tchadien des Travaux Publics
octroyant un permis exclusif de recherchesd'hydrocarburesliquides ou gazeux
dans la bande d'Aozou, décretsuivi en 1962par deux arrêministériels. 9.105 Point n'estdonc besoinde revenirsur cette question,sur

laquelleau demeurant leMémoi liyen n'apporte aucunélément contraireà la
thèse de la Républiquedu Tchad.

9.106 A l'origine, la Libye n'a exprimé, devant les Nations

Unies, aucun désaccordavec les affirmationsclairesde la France relativàsla
localisation de la frontière séparantla Libye et l'Afrique équatorialefrançaise

Tout au long de la périodede décolonisationde la Libye, soitde 1948à 1951,
la France a. à maintes reprises, décrit les limites du Tchad, dans diverses
instances des Nations Unies. Dans un discoursdétaillédevant la Commission

politique de l'Assemblée, la France a tenu à corriger une erreur non-
intentionnelle relative au tracé de la frontière sur les cartes du Secrétariat, en

précisant le tracéde la frontière méridionde la Libye (v.a, pp. 227-228).
Aucun membre de l'Organisationn'a réfutéces précisions.

9.107 La Libye soutient pourtantque les résolutions289 (IV) et
392 (V) démontrent clairementque l'Assemblée générale jugeait qu'à cette

époque, la frontière méridionalede la Libye était indéterminée. Une telle
affirmationdécouled'uneinterprétatioinexactedestextes, desrésolutionset du

contextede leur adoption. 9.108 La Libyesoutientque la résolution 289 (constitue une
"recognition of the need for a delimitation"de cette frontière et une acceptation
par l'Assemblée du fait que "there was no border east of Toummo(U, par.

6.11). La Libye affirmeégalement quela résolution392(Villustrlaconviction
de l'Assembléeque "this-boundaryhadyet to be delimite(MA ,ar. 1.36). Ces

deux assertionsconstituent des interprétatsrron6esde la résolution.

9.109 La résolution289 (IV) prévoitque l'Assembléepuisse
tenir compte des "droits et revendications de I'Ethiopie fondés sur des

considérations géographiques, historiques, ethniques ou économiques, et
notammentle besoin légitimequ'a I'Ethiopied'un accès adéquaà la mer" (A.G.
Rés. 289A (IV) du 21 novembre 1949, sectionC, art. 2(c)). La résolution

n'évoque cependant aucune revendication libyenne. La résolution289C (IV),
adoptéele même jour, invitela Commissionintérimaire procéderà l'examen

de la procédure à adopter pour délimiterles frontières des anciennes colonies
italiennes,pour autant qu'elles ne se trouvent pas déjà fixées par des

arrangements internationaux" Toutefois, la résolution89C ne mentionne
aucunement la Libye et encore moins l'absence dedélimitationde sa frontière

avec leTchad.

9.110 A l'occasion de la préparation d'un rapport pour la
Commission intérimaire, qui devait permettre à celle-ci d'émettre une
recommandation à l'Assemblée généralea,ux termes dela résolution289(1V),le

Secrétariat aclairement admis qu'ile pouvait seprononcersur la question et
a affirmé que la Commission "aura[it]besoin de renseignements

complémentaires pourpouvoir déterminer si la frontière est fixée,au sens de la
résolution del'Assemblée générale,et, dans la négative, pour étudier la

procédurede délimitation"(annexe Mn 309, examen dela procédureà adopter
pour délimiterles anciennes colonies italiennes,7). 11est tout à fait erroné

d'imputer à la Commissionou au Secrétariat unequelconque conclusion quant
à la nécessitéde délimiterla frontière tchado-libyenne. Pour répondreà cette

question, il faut examiner les positions desGouvernements français et libyen,
telles qu'elles sont exprimées définitivement dans leur Traité de 1955. 9.111 La référence susmentionnéeà la résolution392 (V) faite
par la Libye danssonMémoi ret égalementtrompeuse. La résolutionne règle

absolument pas la question. En ce qui concerne la Libye, elle recommande
simplementque "la frontibrede la Libyeavec lesterritoires français,pour autant
qu'elle ne se trouve pas délimitée pardes arrangements internationaux, soit

délimitée, lorsde l'accession de la Libye à l'indépendance, par lavoie de
n6gociations entre le Gouvernement libyen et le Gouvernement français ..."

(article 1(a)). Cetteréférence vtoutes lesfrontièresde la Libyeavec l'Afrique
équatoriale française et l'Afrique du Nord, et ne permet pas de conclure à
l'absencede délimitation dela frontière tchado-libyenneeffet, l'Assemblae

adopté cetterésolution,avec l'appuide la France,immédiatementaprès avoir
entendu le représentantfrançai(M. NAUDY)décrireavec précision le tracéde

la frontibre. II déclarait alors que d'après "l'Accord franco-italien du fer
novembre 1902, la frontière dont il s'agit était la frontièrede la Tripolitaine
indiquéepar la carte annexéeà la Déclarationdu 21 mars 1899,additionnelàe

la Convention franco-britannique du 14 juin 1898. Cette Déclaration
additionnelle a été complétée par une Convention franco-britannique

supplémentaire signéele 8 septembre 1919 ainsi que par une Déclaration
franco-britanniquedu 21 janvier 1924relatiàeun protocoledu 10 janvier de la
même année." II a ensuiàenouveauexpliquéque l'AccordMUSSOLINI-LAVAL

de 1935 n'étaitjamais entréen vigueu(A.G., Se session, Commission
politique spéciale,81e séance,13 décembre1950, par. 129-130 ; v. MIL, pp.

227-228).

9.112 Par contre,au coursdu débat surla résolution392 (V), la

France avait soulignéses revendications sur une partie du territoire dans la
régionde Ghat et Serdeles sur la frontière entrel'Algérieet la Libye, et affirmé

qu'elle "seréserv[ait]le droit de r6glercette question, dansun esprit amical, par
voie de négociationsdirectes avec le Gouvernementlibyen...(ibid.par. 128).
Personne n'a soulevé d'autre revendication relativeaux frontières franco-

libyenne lors de ce débat et c'est à la lumibre de ces affirmations que
l'Assemblée a adoptéfa résolution 392(V) (u, p. 227). Si un membre desNations Unies avait contestéla description de la frontière méridionalede la

Libye faite par le représentant franç.'eûtalors étéle moment d'émettre une
réserve, ainsi que l'avait fait la Franceà l'égard de frontièreoccidentale de la

Libye. Si une majoritédes membres de l'Assemblée avait jugié ncorrectes les
explications françaisesrelativesla frontière méridionde la Libye, elle aurait

assurément tentéde clarifier la situation en amendant ou en interprétant la
résolution 392 (V) afin que celle-ci reflète cette différence d'opinion. Un tel
amendement, s'iavait étéadopté, aurait naturellementntraîné l'oppositionde

la FranceA la résolution 392(V). Toutefois,il n'y a eu aucun mouvement en ce
sens. Deplus, les autoritéslibyennesen Cyrenaïque n'ontaucunement tenté

de réfuter les déclarations de la France, alors qu'elles s'étaient opposé
ouvertement aux revendicationségyptiennes surle territoire situéla frontière

orientalede la Cyrenaïque(v.M, pp. 233-234).

9.113 La Libye affirme maintenant qu'il n'existait pas de

frontière entre elle-mêmeet l'Afrique équatoriale française",only the myth of a
boundary ..."(ML, par. 1.38). Étantdonnéesles discussions approfondiesau

sujet de cette frontière lorsdes débats del'Assembléegénéraleet l'acceptation
ultérieurepar la Libye, dans le cadre'du Traitéde 1955, dutracéde frontière

présenté par laFranceet accepté sans opposition pal'Assemblée générale, il y
a lieu de se demander où, pour la Libye, commence le mythe et s'arrête la

réalité. Sciette frontière n'estqu'un mythe, quepourra-êl'attitude dela Libye
à l'égardde la majorité des frontières africaines certaines reposent surdes
assises infiniment moins solides- qui sont les garantes de la paix et de la

stabilitéen l'Afrique

9.114 Le tracétextuel dela frontière tchado-libyenne,tels qu'il a
étéprésentépar la France à l'Assemblée générale en 1950 et en 1951, a été

confirméprécisément palr e Traitéde 1955, conclupar la Franceet la Libye. Le
MBmoir ee la Libye déplorenéanmoinsque le Traité franco-libyende 1955
"contained no indication in Article 3, or Annex 1, or elsewhere, that these

provisions [specifying the ""actes internationaux" establishing the Libyan-
Chadian boundary] werein implementationof Resolution392(V) and constitutedthe result of negotiations between Libyaand France with respect to 'thatporfion

of [Libya's] boundary with Frenchterritory not already delimitedby international
agreement' "(MLL, par. 5.469). La Libye demande à nouveau à la Cour de

présumer qu'en adoptantla résolution 392 (V), l'Assemblée générale avait
conclu à la nécessitéde fixer le tracé de la frontière tchado-libyenne.
Cependant, l'Assembléen'enfit rien. Si lespartiesen cause ne voyaientpas la

nécessitéde redéfinirentièrementla frontière,la résolution n'exige sûretas
d'elles qu'elles négocient cet effet. Pourtant,la Libye semble proposeà la

Cour de présumerque l'Assembléeaurait exige que deux États souverains -
qui,à l'époque pertinentes'entendaient surle tracéde leur frontiere- négocient

une nouvelle -et différente-frontière. De plus, la Libye propoàela Cour de
conclure à l'invaliditédu Traitéde 1955, pour l'étrangeraison que les parties

s'&aient entendues sur leur frontiere commune. La Libye suggère qu'une telle
entente entre les parties, rendant les négociatsuperflues, contrevient d'une
certaine manière à l'esprit de la résolution3(V);et que, par conséquent, la

Cour devrait maintenant inventer une frontière entièrement nouvelle,
radicalement distinctede celle négociée pes parties.

9.115 Aucun problème spécifique liéà la Libye n'a figuré à

l'ordre du jour des Nations Unies pendantles deux décennies qui ontsuivi son
accessionà l'indépendance.Au coursde cette période,le Traité franco-libyea

étésignéet ratifié,et leTchad est devenu indépendant. Toutefois, ni l'un ni
l'autre de ces évènementsn'ont amenéla Libye a signifiea l'organisation
qu'elle avait des revendicationssur leterritoire de son voisin du sud. Ce n'est

qu'à la suite des dénonciations d'agressionlibyenne faites par le Tchad, au
départ dansun cadre bilatéral,puis devant les instances régionales,et enfin

aux Nations Unies, quela Libyea modifiésa position. Et mêmeà ce moment-là,
la Libye n'a initialement exprimé aucunerevendication territoriale. Lorsque

finalement elle en a émis cesrevendications étaient juridiquement très
différentes,et beaucoupplus limitées géographiquemen qt, e les revendications

extravagantesqu'elle formule danssonm. 9.116 En 1971, le Tchad condamnait l'expansio'nde la Libye

aux dépensde sesterritoires septentrionaux devant l'Assembléeénérale(Mn,
pp. 323-324). Pour appuyer ses accusations, leTchad a produit une carte

routière libyenne reprenant la frontière tchado-libyennecontenue dansccord
franco-italien -non-valide- de 1935. En r6ponse à ces dénonciations, le

représentant libyena déclar6 à l'Assemblée générale que cette carte n'était
qu'un vestige colonial italiensans valeur actuelle et que "cette carte ne fixait
aucunementles frontièresentre nospays" (A.G.Doc. a, 26e Session,Séances

pléniéres,1963e séance,12 octobre 1971, par. 208). Jusqu'à ce moment, au
moins, la Libye ne défendaitaucun projetd'annexion. Au contraire,elle niait

vivement avoirde telles intentions.

9.1 17 Commececi a étémontréplus haut (v.chapitre 2., pars.

2.57 et S.) il s'ensuivit unepériodeau cours de laquelle le Tchad a tenté de
résoudre ses différends pavroie de négociationbilatéralesavec la Libye. En

1977, lorsque l'échecde cette approcheest apparu évident, leTchad s'est de
nouveau adresséaux Nations Unies. Plus précisément, le Tchad a protesté

contre "l'occupation militaire de la bande d'Aozou."(A.G. Doc. off., 32ème
Session, Séancesplénières, 25e séance 7, octobre 1977, par. 45). C'eàtce
moment que le représentant libyen a énoncé les premières contre-

revendications formelles d'ordre territorial de la Libye, tout en niant que son
gouvernement caressât desambitions territorialesau Tchad. II a alors affirmé

"que la carte annexéeau rapport du Commissaire PELT révéla lvraie situation"
(ibid.par. 238). L'histoirede cette carte-fantôme, erronémentasée sur une
carte du gouvernement italien datant de 1937 - qui présumait la validité de

l'Accord franco-italien de 1935- a étélonguement exposédans le Mémoiredu
Tchad (Mn, pp. 221,226,229 et 230). Cette carte-fantômconstitueune source

de droit aussi inexistante que le Traité non-valide sur lequel elle est basée.
Néanmoins, il est significatifqu'en1977, les prétentiola Libye sur le Tchad

visaient exclusivementune bandede territoire dans la partie nord du B.E.T, en
contraste flagrant avec les revendications énoncées dans sonmoir pe,rtant
sur la moitiédu territoire tchadien. "L'aitienten mangeant." 9.118 Au coursdes annéesqui ont suivi, la positionde la Libye

devant les Nations Unies a aiîernéentre les dénégations es revendications.
En 1978, le représentantdu Tchad, M. KAMOUGUE,a expliquéen détailau

Conseil de Sécuritéles fondements juridiquesdu titre du Tchad sur la bande
d'Aozou (&IL(pp. 327-328). En réponse,le représentant libyenM. KlKHlA a
admis ouvertement que "les territoires sahariensde Borkou, Ennedi et Tibesti

sont ...demeuréssous administration militaire française jusqu'en196(U
Doc. off., 2060e séance, 17 février1978, par. 52)9. 11a également nié

l'occupation d'Aozou par son gouvernement en 1973, en ajoutant: "nous
n'avons rien occupé"(ibid.,par. 65). Cene dénégatioa étérépétée duranlta

33e session de l'Assembléegénérale.La Libye ne collectionnepas les déserts,
déclarait avecméprisle représentant libyen en1978 (AG. Doc. a, Séances

plénières,34e séance, 13 octobr1978, par.34).

9.119 Ce n'estqu'en 1982,suite àde nouvelles dénonciations

par le Tchad au Conseil de Sécurité,que la Libye a cessé de nier ses
aspirations et commencé à mettre l'accent sur ses revendications, en

n'évoquant, cependant, que desarguments juridiques très sommaires. Le
représentantlibyen (M. TREIKI)a soulignél'importance accordpar son paysà

l'Accord franco-italien de 19(ME, p. 333). Eût-ilétéen vigueur, cet Accord
aurait peut-etre pu justifier une revendication libyennesur la bande d'Aozou,
mais sûrementpas sur tout le B.E.T. Le représentantlibyen fondait encore une

fois les revendications de son pays sur la "carte-fantôme" prépar6e par le
Secrétariat (carte no. 256 ;MIL, p. 334). En 1982, les revendications et

ambitions de la Libye se limitaientdonctoujoàrce territoire bien délimité.Ce
n'est qu'avec le dépôtde soMémoi ere.1991que la Libyea revendiqué tout le

B.E.T, et mêmedavantage. En 1984, le représentantlibyen (M. ADDABASH)
fondait toujours entiérement les revendicationsde la Libye sur la carte du

Secrétariat (AG, 39e Session, Séances plénières, 27e séance
(Al39IPV27, provisoire), 11 octobre1984,pp. 93-95). La République du Tchad

ne comprend pas commentla Libyese basait alors,et se basetoujours, sur les

*
9 Les forcfrançaissetrouvaiea enaccordavecleGouvernemetuTchad.cartes erronnées du Secrétariat, pour soutenirdans son Mémoire des
revendicationsterritorialesqui n'ontaucune commune mesure avles données

de ces cartes, et sonten contradiction flagrante avec ce(m,s-par. 5.377,
carte no87, et Cartes deI'0.N.U. no235,256,256A et 256 Rev.1,placées entre
les pages 356 et 357 du Mémoirede la Iibya). Le recours à ces cartes est

étrange . En premier lieuparceque les nombreusescorrections dont ellesOnt
étél'objet, par les représentants françaisdevant les Nations Unies, puis par

I'0.N.U. elle-même dans plusieuses cartes qu'ellea publiéespar la suite, en
font un élémentde preuve bien tén(Mn, pp. 342-343). Ensecond lieu, et de
façon encoreplus évidente,à cause de l'entière contradictionqui existe entre

l'étenduedes revendications territorialesfondées,d'une part, sur le Traitéde
1935 et les cartes du Secrétariat,et d'autre part,les revendicationsbeaucoup
plus étenduesque la Libye avance danssonMémoire.

9.120 Entre 1982 et le dépôtde celui-ci, la Libye n'a jamais
réclamé lesvastes étenduesqu'elle revendiqueaujourd'hui. Lors des débats

devant le Conseilde Sécurité en mars 198p3, r exemple,les discussions n'ont
porté quesur les accusationsd'agression libyenneémisespar le Tchad et sur

les différendsrelatifsau titre surla bande d'(Mn,u pp. 332-335). D'autres
représentantsafricains partageaient cetteperceptionde la nature du différend
(Sénégal, Togo,Egypte, Gabon, Côte d'Ivoire et Zaire; pour discussions

complètes, voirMa, p. 335). En 1985, les Libyens àt nouveau entièrement
fondé leurs revendicatiosur les carteserronées du Secrétar(A.G. Doc.Dff.,
40e Session, Séances plénières3 ,1e séance,11 octobre 1985 (N40lPV.31,

provisoire) p.46. II en est alléde même e1985 (C.S. Doc. oL, 40e année,
2567e séance,DocumentSlPV.2567(provisoire)30 janvier 1985,pp. 28-30. V.
également lem, p. 339). Miseà part la faiblessed'une argumentation fondée

sur un Traitéinexistant, lerecourses cartesdémontreque ce n'estque très
récemmentque la Libye a embrassé de nouvelles revendications,baséessur

I'imperium historique Senoussi-Ottoman. Assurément,aucun effort n'a été
déployé afin deprésenterde telles revendications aux Nations Unies. Au
contraire, les revendications quela Libye exprimait alors contredisenttotalement
.
ses revendications plusrécentes surla moitié du Tchad. § 2. LAYF N'A JAMAIS TENTE D'OBTENIRA
NCF -DF SES REVWICATIW

SILR LE BFT NI DF SFS
TIONS BlLBIEBPLFS NI AU Sl3.N

D'ORGWIONS RF-

9.121 La réactionde la Libye a évoluédepuis que le Tchad a
portél'agressiondontil a étévictimede la partde la Libyeà l'attentiondu monde

en 1971,et de façon plus urgenteen 1977. Ellea commencépar prétendreque
ses troupes n'étaient pas engagées et qu'elle n'avait aucune ambition

territoriale, puis elle soutenu que ses forces ne faisaient qu'occuper un
territoire appartenantla Libye, comme le montraientlerai téanco-italien de

1935et la carte-fantômedu Secrétariat.Ellea ajoutéque dans la mesureoù les
forces libyennes se trouvaient ailleurs au Tchad, ce n'étaitque pour rétablir

l'ordre, et ce,'invitationdes autoritéstchadiennes. Entre 1971et 1991, devant
les Nations Unies, les arguments de la Libye n'allaient pasplus loin. C'était

également le cas dans le cadre des relations bilatéralesentre la Libye et le
Tchad et au sein de l'organisation de l'Unitéafricaine.

9.122 Au cours de cette période, l'O.U.A. croyait tenter de
résoudre un litige frontalier,et certainementpas une revendication libyennesur

la moitié du territoiredu Tchad. En réponseaux effortsde médiationde.U.A.,
la Libye poursuivait généralement une politiquede la "chaise vide" (Voir

telégrammedu Chef d'Étatdu Tchad au Conseilde Sécurité:C.S. Doc. pff.33e
année, Suppléments, Document,Sl12555, 9 février 1978 ; voir aussi la

dénonciation de non-coopération libyenne par le Président O. BONGO du
Gabon, responsable de l'équipede médiationde l'O.U.A. (32 Reoou,

Septembre-octobre 1987, p. 23 ; voir également The New YorkTh, 27 mars
.1988, sec.1, lere partie, p.22, 3ecol). La Libye n'avaitjamais exprimé les
revendicationsqu'elle présente maintenant danssonm.

9.123 Au cours des nombreuses séances des organes de

['O.U.A. saisis du différendopposant le Tchad et la Libye, cette dernière n'a
jamais affirmé sa souveraineté sur toutela moitié septentrionaledu territoire

tchadien. Le Tchad avait informé l'O.U.A., et les comités créspécialement
pour se penchersur le différend, que ses griefs portaient sur l'agrlbyenne

à l'encontre de vastes portionsde son territoire, dépassantlargement la région
frontalière.Toutefois, même le Tchad ne soupçonnaitpas que la Libye allait
formuler des revendications juridiquessur cesvastesétendues. Eneffet, lorsque

les forces tchadiennes ont rétabli leur contrôle res zones, le Tchad croyait
toujours que le conflit se limitait désormaisrégion frontalière.Au sommetde

l'O.U.A.à Addis Abeba, le Chef d'État duTchad (M. H. HABRE) ainsi que le
Ministre des affaires étrangères libyen (M. JADALLOUS AL-TCHILI) se sont

limitésà revendiquer un titre juridique surla bande d'Aozou(32Africa,
Septembre-octobre1987, p.23,annexe 140). Letitre juridique surle reste

du 6.E.T n'ajamais été l'objete discussion.

9.124 Plusieursindicesconduisent à la même conclusion. Par

exemple, à partir d'octobre 1982, la Libye a appuyéles forces dirigées parM.
Goukouni OUEDDEI, dont le "Gouvernement d'union nationale de transition"

avait établison siège dansla ville de Bardai,juste au sud de la bande d'Aozou,
dans le nord du Tibesti (Keeçina'sConterno-, Décembre 1983,p.

32591). Si la Libye avait déjà, en 1982, formulé sersvendications territoriales
actuelles, ces forces rebelles tchadiennes auraient viséà libérer le territoire

réclamépar laLibye. La Libye aurait-ellereconnuet appuyéun gouvernement
du Tchad établisur un territoire qu'elle revendiquait?De toute évidence,en

1982, les revendicationsde la Libye n'englobaient pasencore Bardai etle reste
du B.E.T. Eneffet, on rapportequ'enfévrier 1988,le Président libyenle colonel
KADHAFI, a déclaré préférer M. OUEDDEI comme dirigeant du Tchad, parce
, 0
qu'il était "leSultan du Tibesti" IKeeçiContempora~ A m, Mai 1988, p.
35876) ; un commentaire peu conforme à une affirmation selon laquelle leTibesti appartientà la Libye. Dans la réclamation qu'ellprésenteà la Cour, la
Libye semble vouloir appuyer une revendicationjuridique faible sur une petite

fraction du territoire, en l'incorporant dans une revendicationtibrement non-
fondée-et jusque-la non-exprimée- sur un vasteterritoire,dans l'espoir d'oblenir

ainsi un jugement de Salomon.

9.125 1apparaîtdonc avec clartéque les effectivités françaises

puis tchadiennes sur le B.E.T. sont incontestables. Depuis les déclarations
françaises et italiennes de 1919 jusqu'à la périodede l'indépendance duTchad

et aprés ; la Libye ne peut à aucun moment prétendre prouverune absence
d'occupation dela Francepuis du Tchad.La preuveultime réside dans l'attitude

de la Libye,devant les NationsUnieset l'O.U.A.,qui n'a jamaistenté d'obtenirla
reconnaissance de ses revendications sur le B.E.T. Est-ce pour masquer ce

"vide" que la Libye avancedésormaisune revendication aussi démesurée ?CHAPITR E0.

LESCARTES 10.01 Le gouvernementde la Républiquedu Tchad n'a pas
cm nécessairede consacrerun chapitreparticulier aurôle descartes comme

élémentde preuve dans son m. II a présentéet discutéun certain
nombre de cartesqui ont pu jouer un rôle dansles négociations examinées.

Mais il n'a pas considéréle matériau cartographique disponible comme un
élément autonome de preuve. Il présenteun titre conventionnàll'appui de

ses conclusionset ne considère lescartesque commeun élé.e,d t e .re.ve
"à caractère auxiliaire ou confirmatif" (C.I.J., affaire du Differend territorial
(ukina Fasolme du m), & 1986,p. 583). 1constate en outre

que les cartes ne peuvent servir, dansla présente espècà préciserle tracé
de la ligne frontière, puisque celui-ci est définipar référàntrois points

situés surdeux lignes droiteset n'ajamaisématérialisésur leterrain.

10.02 Aussi la production spectaculaire d'un abondant

matériau cartographiquepar la partie libyenne a surpris la Républiquedu
Tchad. L'utilisation fort habile de cartes nombreuses et attrayantes
confectionnées pour les besoins de la cause donne une impression

d'ensemble erronée qu'ilconvientde dissiper en présentantet en discutant
l'ensemble descartesgéographiques disponiblea syanttraià la frontière entre

le Tchad et la Libye. Pour allégersa démonstration, lgouvernementde la
Républiquedu Tchad présente en annexe la reproductiode toutes lescartesa

qu'il a pu recenseret qui seront déposéesommeproductionau greffe de la
Cour. 10.03 Lathèse libyennepeutse résumeren quelquesmots :
il n'y a jamais eu de frontière tracée entrela Libye et le Tchad ; la Cour

internationalede Justice est donc priéede tracer une ligne frontière suivant
approximativementle 15èmeparallèle,coupantainsi la République du Tchad

en deux.Pourappuyer cettedémonstrationl,apartielibyennesegarde bien de
présenteretde discuterle matériau cartographique existanE t.lle procède par

confection d'un grand nombre de cartes destinées à suggérer unecoupure
naturelle le long du 15ème parallèle et par le choix arbitraire de quelques
caries originalesqui peuventcréerlaconfusion.

10.04 Plusde la moitiédescarteset croquisprésentés dans

le Mémoire libyenont étéréalisés de toutes pièces. L'idépremièrequi sous-
tend cet ensemble est l'absencede toute frontièreconventionnelle entre la

Libyeet le Tchad.La cartede baseA (BaseMapA), reproduiteface à la page
26 du Mémoirelibyen et en annexe (UV no11, Vol. 6),est caractéristique.
Toutes les frontières politiquesde l'Afriquey sont reportéesavec certitu...

sauf les frontières méridionalesde la Libye. Et encore, s'agissant deces
dernières, les flèches terminant les frontières "incertaines" ouvrent un

entonnoir dans lequella démonstration libyenneest invitéeà s'engouffrer.La
carte no1, reproduite faceà la page 4 du Mémoirelibyen, accentue encore

l'effetavecl'agrandissementde cequele Mémoire désigneparailleurssous le
nomde "confins Libye-Tchad"("Libya-Chadborderlands") w, par. 1.09).

10.05 L'effet d'absence de frontière est confirmé par
l'abondancede cartes produiteset ne portantaucun tracé frontalier.II s'agit

pour une bonne part de cartes confectionnéespar la partie libyenne à cette
intention(Cf.les cartesno1,2, A, 6,7, 14, 16,20,21 (reproduitetrois fois), 24,

25, 26, 27, 28, 30, 31, 32, 34, 41, 53, 66, 98, 99). La Libye ajouteun certain
nombre de cartes géologiques,climatiquesou historiques,tir6es d'atlas et

d'articles divers, qui n'ont évidemmentpas à illustrer la frontièro litique.
Chacunedes cartes ainsireproduitea uneraison légitime de ne'pasfiguigr la

frontière entre la Libye et le Tchad. L'accumulation de ce matenau
cartographique,fort bien présentée,st évidemment destinée à conforteri'.id6em

d'uneabsencede frontière(Cf.lescartesno4, 8, 9, 11, 12, 13,15, 17, 33,'79,
81).BaseMapA

Base MauA -411 -

Mapno1

Mao NO. 1 10.06 Le second effet accumulé des cartes confectionnées
par la partie libyenne estde démontrer l'absurdité d'urontièretrac6e à la

latitude du Tibesti. La cinquantaine decaltes ou de croquis, parfois r6pétés,
assène cette "vbrit6"à partir de considérations relativesaux mouvements

g6ologiques ou tectoniques, aux conditions climatiques,aux moyennes de
prbcipitations,aux limitesde v6gétatioet deculturesà l'occupationdessols,

aux lignes de p6nbtration, aux différencesde populationset d'ethnies, aux
densit6s et mouvements de population,aux limites religieuses,aux limites

d'influencedes royaumes locauxa ,uxdonn6esstratégiques, et c..

10.07 En d'autrestermeset sansvouloir l'avouerpour autant,

la Libye chercheà montrer,par l'accumulationde cartesconfectionnéesà cet
effet. l'existenced'une frontière naturelleà la hauteurdu 15èmeparallèle et,

corrélativement, l'arbitrairede toute ligne tracéedans le Tibesti. La partie
tchadienne n'entend pasréfutersur lefond l'argumentationlibyenne dansce

chapitre consacréaux cartes. Ellese contente à ce stade de souligner l'effet
cartographiquerecherché.

10.08 Parailleurs, laLibyeproduitun petit nombrede cartes
qui peuventêtreinterprétées en sa faveur.On observeraqu'ils'agitd'unchoix

arbitraire et limité. Le Mémoire libyen n'hésite pas, le cas échéant,à
interrompreune sériede cartessi elle lui devientdéfavorable. Ainsi, partie

libyenne fait grand cas de quatre cartes publiéespar l'organisation des
Nations Unies, annoncées comme production exceptionnelle (Special

Attachment)et reproduites faceà la page356du Mémoire(Cf.aussi p.i de la
table des matièreset p. 19 du m. Le gouvernementde la République du

Tchad s'est expliqué dans son Mémoire sur les origines de l'erreur
cartographiquecommisepar Wrganisation (MTT,pp.229-230,pars.87 à92).
Mais la partie libyenneomet designalerque l'organisationdes Nations Unies

a notifiel'erreuraprès 1955ettirélesconséquences de la conclusionduTraité ,,
du 10 août 1955 dansles cartes no141et 149 publiéesen 1963, 1968,1978

et 1981 (Cartesno128,135,Cf.Atlas cartoara~hiaue,Cartesno141et 149et
infra,par. 10.33). 10.09 Dans le mêmeesprit, la partie libyenne présenteun
croquis annexé auréglernentpétrolierno1 du 16juin 1955. Elle souligneque
la frontiérey reportée"resemblethelineshownon UnitedNationm saps"(MLL

par. 5.525 et infra, par. 8.31), tout en admettant que l'échelle adoptéene
permet qu'une approximationgénérale de la ligne frontiére. s'étonne de

i'absence de réaction françaiseà ce croquis publié quatrejours après la
signature du Trait6 du10 août 1955. Mais lapariie libyenne segarde bien

d'évoquerla carte officielleet beaucoup plusprécise pubsousi'autontédu
gouvernement libyen lui-mêm een 1962et relatifaux recherchespétroliéqui
porteavecprécisionla frontière internationtellequ'ellea été précisear le

Traité du10août1955 ( Cf.supra,pars.11.10et S.).

10.10 Surtout, l'abondance et la qualité des productions
cartographiquesdans le Mémoi ieyena pour objetde masquerl'essentiel:
l'existence d'un nombre important decartes d'origineet de nature diverses,

mais qui ont en commun de figurer une ligne frontière précise. A lire le
Mémoi ibyen, ona l'impressionque ce matériaucartographiqueest absent

ou, plus exactement, qu'il se limite à quelques canes préparatoires aux
négociationsinternationalesfigurant diverses hypothèsentre lesquellesles

parties n'ontpas su choisir.Or legouvernementde la Républiqudu Tchad a
recenséet présente162 cartes qu'il s'agit maintenat'analyserà la lumière
de quelques remarques préliminairessur le caractère probatoire de ce

matériau.Certainesde ces cartesontfait i'objetde rééditions, indiquées dans
lecommentaire.Saufmodification pertinenteil n'a pasparuutile d'annexerces

rééditions.Pour la commoditédes membresde la Cour, le tracé dela ligne
frontièrea étsurchargéencouleur dansI'F. SECTION 1. BEMARQU EESNERALES SUR LA VALEUR

JURIDIQUE DES CARTES,

10.11 Lajurisprudence internationalerelativeà la valeur des
cartes, après avoir été longtemps réticquant à la portéejuridique des

cartes en droit international,s'estenrichieces dernièresannéesd'un nombre
de précédents quipermettent de mieux définirleur valeur probatoire. Sans
entrer dans le détail, onse contenterade résumerici les indicationsgénérales

qui en ressortent.

10.12 La carte peut êtrel'expression de la volonté des

parties. IIpeut en effet apparaîtreque les parties contractantesà un traitéont
mieux expriméleur intentiondans la carte dreà cette occasionque dans

letexte même du traité,cecien casde contradiction entrela lignepar lete
texte et celle portéesur la carte. On sait qu'il en a étéainsi dans l'affaire du
de, . , où la Courinternationalede Justicea fait prévaloirla

carte sur letexte. On se trouve dans un cas semblablelorsque la carte, bien
que n'ayant pas étéannexée initialemeau texte du traité, faitl'objet d'une

reconnaissanceformellepar la suite.Le droitinternationaln'estpas formaliste.
II admet donc que la carte puisse un desmoyens parlesquelsles parties

exprimentleur volonté.

10.13 Lorsqu'une carteest officiellement anau traitéet
qu'elle a fait l'objet d'un levécommun, elle présente le caractère d'un

instrumentumau même titre que les autresdispositionsdu traité.Ceci ne veut
pas dire que la carte l'emporteradans tous les cas sur les autres éléments

permettantde définirl'intentiondes parties.Maisce caractèreofficiel lui donne
une valeur probatoire supplémentaireincontestable.

10.14 Lorsque la carte n'estpas officiellement annexée au
traité et qu'il y est simplement fait mention ou lorsque le matériaucartographiquea été utiliparles partiesdansla préparatiodutraité, lacarte
doit être considérécommerelevantde la catégorie destravauxpréparatoires

et prise en compteà ce titre commemoyensupplémentaired'interprétation.
Les cartes postérieureà la conclusiond'untraitépubliées parl'uneou l'autre

partie et provoquant des réactionsde part et d'autre relèvent, elles, de la
catégoriede la conduite subséquente desparties au traité. Sans jeterune
lumièresur i'intention initialedesparties,ellespeuvent contribuer établirdes

situations dereconnaissance,d'acquiescementd'eçtooDel.

10.15 Enfin, les cartes publiées parles Etats tiers ou des

organismesprivéscontribuent A lareconnaissancegénérale de l'alignementet
à son caractère notoire etpublic. S'agissantde l'impératifde la stabilitédes

frontières,cecaractèrenotoire présentunintérêctertain.

10.16 LeTribunalarbitraldans l'affaire&ml de Re& a

préciséla valeur probatoired'unensemblede cartes accumulées, notamment
lorsqu'ellessontétabliespardes Etatstiers,voireparla partieopposée:

"Wherethereis a definitepreponderanceonthe oneside-particularly
if it is a very markedpreponderan-and whileof courseeverymap
must be assessed on its own merits- the cumulativeimpact of a
large number of maps, relevant forthe particularcase, that tell the
same story - especially where some of them emanate from the
oppositeParty,or fromthirdcountries, cannotbut be considerable,
either as indications of general or at least widespreadpute or
belief, orelse as confirmatory of conclusions reached,as in the
present case, independentlyof the maps." (3enîence du 18 avu
m, par. 139,p. 84).

10.17 L'exactitudedes cartes est la première condition de
leur valeur probatoire,commele soulignaitax HUBERdans l'affairede I'lle

de Palma :

"La premihre condition que l'on exige des cartes, pour qu'elles
puissent servirde preuvesurdes pointsde droit, estleur exactitude
géographique". (R.G.D.I.P.1935, p. 180 ; Traduction de Charles
ROUSSEAU))

La notion d'exactituded'une cartedoit s'entendred'abordde son exactitude

géographique, celava de soi. Mais il faut aussi comprendre par là sonexactitudejuridique. Lorsque le trd'uneligne frontièreportésur une carte
découle d'uneerreur juridique évident, caractèreprobatoirede laditecarte

devienttrbs faible.

10.18 La r6serve exprimée etindiquéesur la carte même

("disclaimer")a pour effetjuridiquede ne pasrendre opposableà l'organisme
qui publie la carte (Etat ou organisationinternationale)la lignefrontière qui y

est indiquée. Elleévitela miseen jeudes concepts juridiquesd'estoppel, de
reconnaissance ou d'acquiescement (Sakeus AKWEENDA, "The Legal

Significance of Maps in BoundaryQuestions : a Reappraisalwith Particular
Emphasiseon Namibia".B.Y.B.Y.L.,1989, pp.211-212).La réserveconstitue

en outre unavertissementà destinationde toutes les parties sur le caractère
disputéde telle ou telleligne frontière. En revanchel,a réservene réduitpas la
valeur d'unecartecommeélémend tepreuve géographique.

10.19 Commele note lan BROWNLIE(Pfrican Bou-,

Hurstand Co., Londres, 1979, p.5)en matièrede preuve, la logique et lebon
sens sont les meilleursdes guides.A cet égard, les carsont des éléments
de preuve matérielldontl'importancepeutvarierconsidérablementsuivant les

donnéesde I'espbce.

SECTION 2. JNUTILITEDESCARTESPOURDETERMINERLE

TRACE EXACT DE LA LIGNE FRONTIERE
ENTRE LE TCHAD ETLa LIBYE.

10.20 Les traitésinternationaux,en particulierceux auxquels

se réfèrel'annexe1duTraité du10août 1955, donnenu tn ensemblede points
qui définissentla frontiéreentre le Tchadet la Li:cette frontière suitune.

ligne droite tracée entrele puits deummoet I'intersection du Tropique du
Cancer avec le seizibme méridien.Elle part plus précisémendtu point triple

situésurcetteligneà la frontière entrele Nigeret leTchad.DeI'intersectionduseiziémeméridienet du Tropiquedu Cancer,la secondeligne droite conduit

jusqu'à l'intersectidu vingt-quatriéme méridiea nvec le paralléle19"30', qui
constituele pointtripleentreleSoudan,la Libyeet leTchad.

10.21 Aprés1919,la seule lignealternative présentesur les

cartesest celle décritedansleTraitéde Romedu 7 janvier1935par référence
à un certain nombre de points. Cette ligne, dite des Accords LAVAL-

MUSSOLINI, ne fait pas i'objet d'une contestation quant à son tracé
géographique.Au demeurant, il n'y a pas d'intérêp tarticulieà préciserun

tracé frontiérqui a été palra suite aussinettementabandonnépar les parties
et qui ne peut donc apporter aucuneindicationpourla définition dela frontiére

entre lesdeux Etats.

10.22 En I'espéce,les cartesne peuventdonc pas avoirpour
effet de préciserune lignefrontibreparfaitementdécrite par référencà e des

pointsprécis. Lafrontiéren'ayant pasfait l'objetd'un abornementsur leterrain
en raisondu caractèreinhospitalieret désertiquedesrégionsconcernées,il ne

saurait y avoir de divergencesentre la ligne décritepar les traités,la ligne
portéesur les cartes et la ligne quin'apas été bornéseur leterrain. Cela ne

veut pas direque lescartesnejouentpasun rôledansla présenteaffaire,bien
au contraire. La Républiquedu Tchad, pour sa part, a produit un certain

nombrede caries et lesjoint auprésent contre-Mémoire.Maisles caries n'ont
pas de fonctionautonomeà remplirdansles démonstrations des parties.Elles

sonten revanchedesindications précieusep sour cernerleursintentions. SECTION 3. PRESENTATION GLOBALE DU MATERIAU
CARTOGRAPHlQUE

S 1 .PFs CARTES CONSI,DE.RFFS COMm

10.23 L'Accord BARRERE-PRINETTI de 1902 se réfère
expressément à une carte pour definir l'accord entreles deux parties. Cette

carte, publiéeà plusieurs reprises en 1899 (cartes no 11 et 12) exprime la
volontédes parties de préciser la notde "direction sud-est"aquelle se
réfère la déclaration franco-britadu21 mars1899.

10.24 Le protocole franco-britannique de Londres du 10

janvier 1924 comprend une carte annexée quia 616dresséepar les deux
parties. Cettecarte,finissantlafrontière entreI'Afriqueéquatorialefrançaise
d'une part,le Soudananglo-égyptien d'autre part, sae pointdéfinipar la

latitude9' 30' et la longitude24", conformét u texte même dprotocole.
II s'aglàd'un instrumentjuridique confirmant le textedu traité entreles deux

partieset qui s'ytrouve annexé(carteno27).

5 2 . DES CARTES CONSIDEREESCOMME TRAVAUX

PREPARATOIRES DES ACCORDS
JNTERNATIONAUXCITES,

10.25 Bon nombre de cartes produites peuvent être'

considéréescomme faisant partie des travaux préparatoires et comme
permettant de mieux définir l'intentiondes parties, quant au tracé (jusqu'en

1919) et quantau consentementàêtreliéparuntracé déterminé. 10.26 Les cartes no1 à 9 sont prbalablesà la déclaration
additionnelledu21 mars1899. Elles n'indiquent pasefrontibre,présentantun
caractbre probatoire limité quant au trac6 Elles donnent cependant des

indicationssuri'Btatdes connaissances géographique de i'époqueet la notion
de zoned'influence.

10.27 Lescartesno10Ci23 peuventêtre considérées comme
des travaux prbparatoires de l'accordfranco-britanniqde 1919. Lacarte de

rbférence de I'AccordBARRERE-PRINETTIl,iantla Franceet i'ltalie,entre par
ailleurs au titre d'élément des travaux préparatoires nsttecatbgorie. Cet

ensemble de cartes est encore hésitant sur le tracé exact, bien que se
rapprochant davantagede la directionest-sud-estque dela direction sud-est
proprementdite. On noteraquetoutes lescartes decette époquetiennent pour

acquise la ligne qui va du puitsde Toummojusqu'àI'intersectiondu Tropique
du Canceravec le seizibme méridienL . a lecturede ces cartes estpar ailleurs

compliquée par l'absence d'accord généralsur le méridiende Greenwich,
auquelcertainescariessubstituent leméridiende Paris.

10.28 On noteraen particulier queles cartesse gardentpour
la plupart d'affirmerune souverainetéitaliennesur la zone dite du "désert de
Libye"qui s'étend auSudde l'Oasisde Koufra.Autantla zoned'influence,puis

la souveraineté italienneest reconnuesur laTripolitainejusqu'à la ligne allant
du Puits de Toummo à I'intersectiondu 16bmeméridienavec le Tropique du

Cancer, autant le statut du désert de Libye reste incertain dans les
représentationscartographiques: cette zone est tant61rattachée au Soudan

anglo-égyptien(Cf. par exemple la carte no43 du (faceà la p. 168), les
cartes no13,15,19,21,22 et 23 dei'l\tlasa- de la Républiquedu
Tchad) tantbt figuréecomme une sortede noman'sland. Oncomprendcette

hésitation lorsqu'onsait que les droitsde i'ltaliesurisde Koufrane furent
reconnus qu'en 1924et que le triangle de Sarra ne fut cédépar la Grande-

Bretagne qu'en 1934. Quant Ci l'occupation effective de ces espaces
désertiques,il n'ena jamais été question. .

10.29 A partirde 1919,plusaucunecarte n'hésitesur letracé
de la ligne frontibre entre le Tropique du Cancer et l'intersection avec lafrontibre soudanaise.Toutes les cartes suiventla ligne frontiére décritepar

l'accordde 1919. Lorsqu'unecarte s'éloignedu tracéde la déclarationranco-
britannique de 1919, c'est pour avancer une autre revendication. Ainsiles

cartes italiennesde 1931 (cartesno68 à 72 du comprennentl'ensemble
du massif du Tibesti dans le territoire de la Libye et affirment donc une

pretentionnouvelle,mais ne se rattachenten aucunemanibre à la déclaration
franco-britannique de 1899. Ces cartes -ou plutôt, ces croquis de
démonstration-restbrent internesà l'administration italienne,reflétantl'attitude

expansionnistedu Ministbredes Colonies. Ces vues furent contrecarréespar
le ministbre des Affaires étrangbres et que la Farnesina l'emporta. Le

gouvernementitalien ne repritpas les thbses du Ministbre descolonies dans
les négociationsengagéesavecle gouvernementfrançais.Au total, la période

préparatoiredu Traitéde Rome de 1935 ne semble pas avoir fait l'objet de
contestationcartographique, maisbiend'undébatpolitique puisqu'ils'agissait

pour la France de céderune parcelle de territoire par application du Traité
secret de Londres de 1915. Le tracéde la déclarationfranco-britanniquede

1919 est en particulier reprisdans lescartesfrançaisesno29, 33, 34, 35, 36,
37, 38et 39.

10.30 La période 1935-1950est marquée parla contusion
quant à I'applicabilide l'AccordLAVAL-MUSSOLINI. Les cartespubliées par

les deux partiesentre 1935et 1938portentletracédu Traitéde Rome(cartes
no51 à 70). En revanche,les cartes françaisessont rectifiéesà partirde 1938

pour la plupart, la France ayant pris acte de la décision italiennede ne pas
procéder à l'échangede ratificationdu Traitéde Romeet considérant dès lors

qu'il convient de revenir au statu quo ante. La carte no 68 souligne
explicitementce changementde position.En revanche, lescartes américaines,

britanniques, italiennes, ainsique les cartesde l'Allemagnenazie pendant la
guerre portent le tracé du Traitde Rome(cartes britanniquesno69 et 70 ;

cartesallemandesno72,73,76,79,81,82 et83 ; carteitalienneno65 ; cartes
américaines no 84 et 87). Pendant cette période, les cartes françaiS&

reprennentletracéde 1919 (cartesno71,74,75,80 et 86). Lacarte no85 &S.
routesafricainesfrançaisesporte letracédu Traitéde Rome,mais la frontiére'

est modifiéesur la feuille no3 (carteno86). Entre 1945et 1950, la confusion
subsiste quant au tracéde la frontière et l'entréeen vigueur du TraitédeRome. Les cartes françaisesen restentau tracéde 1919(cartesno75, 80 et

82). En revanche, les cartes britanniques no69 et 70 et américaineno 87
portent le trac6 du Trait6 de Rome. Cequi n'empêche pas le War Office de

publieren 1948une carteportantletracéde l'accordde 1919 (carteno95).

10.31 C'estdans cette périodede confusionqu'il faut placer

la carteà laquelle fait r6férencele Mbmoir~ libyen, annexée aurèglement
petrolierno1(Cf pars. 5.524-5.526et cartesno96 et 97 ; cf. aussupra,

par. 10.09).La partie libyenne faitgrandcas de cecroquis, sommairede son
propre aveu et dont la ligne frontibre suit approximativementla frontière de
1935. Rappelonsque ce croquisest annexeau règlementpétrolierdu 16juin

1955, publiéle 14 août 1955.La partie libyenne estime que le croquis est
révélateur dela conviction libyennequantau tracéde la frontieremeridionale

de la Libye. Mais à la date de l'adoptiondu règlementles termes précisde
rbfbrencede la frontièren'avaient pas éintroduits dans le prode traitéqui

devait aboutir au Traité du10août 1955et àsonannexe I (Cf. Mn, pp. 116-
117,pars.57 -59).

10.32 Les cartes publiées par l'Organisationdes Nations
Unies présentent unintérê ptarticulier.On ne reviendrapas sur I'erreurinitiale

de l'organisation des Nations Unies,erreur résultantde I'erreurportéesur la
carte annexée aurapport des quatre puissances en 1948 et soulignéepar le

mémorandumdu Secrétariatdes Nations Unies du 27 janvier 1950. Cette
hésitationsetraduit danslescartesno108, 109, 110, 11.Onnoterasurtoutici

que la réserve("çiisclaimeattachbe par leNationsUnies A toutescescartes
devait attirer l'attention des parties au Traité de 1955 sur l'incertitude

qu'éprouvaientles Nations Uniesen ce qui concernela frontière méridionale
de la Libye et qui tenait aux erreurs commises initialement. Ceci est
particulièrement vraidu croquisannexeau mémorandum du Secrétariat du27

janvier 1950.En revanche, après1960, lescartesde I'0.N.U. portent toutesle
trac6 de la frontierede 1919(carte publien 1963no141,canes publiéesen

1968, 7978 et 1981 no149). L'organisationdes Nations Unies a visiblement
tiré la leçon du Traité du10 août 1955. Elleconsidère pour sa part que la

frontière entre la Libye et le Tchad est bien fix6e par les instrumentsinternationauxcités enréférenc,t notamment parl'accordfranco-britannique

de 1919. Elle maintientcependantla réser("e) d'usage.

10.33 Cet ensemble cartographique est la disposition des
parties lors de la négociationdu Traité du 10 août 1955. On sait par la

correspondance diplomatique que la Libye s'est référée explicitemet ux
travaux de l'organisation des Nations Unies pour réclamerdes frontières

héritéesde la colonisation. Ellea donc dû prendreenmpte les travaux de
I'0.N.U. et notamment ceux de la Commission intérimairede l'Assemblée
générale des~ations Uniesavec le mémorandum du Secrétariatdu 27 janvier

1950. Elle a donc étéavertie, notamment par la carte, du problème de la
frontibre duTibesti. On sait parailleursque le Gouvernementdu RoyaumeUni

de Libye a dépêché son Ministre des FinancesA Rome pour recueillir des
éléments d'informationitaliesur la frontièreet que le gouvernementitaliena
préciséque le TraitéLAVAL-MUSSOLINIn'était plusen vigueur (Mn, p. 123,

par. 83 et annexe 258). On sait enfin que, lors desnégociationsultimes, les
officiels libyens ont produitune carte comportant commetracéde frontière la

ligne des Accords LAVAL-MUSSOLINIet que les négociateurs françaisont
immédiatementélevé uneobjection,ce qui a conduitle Premierministrelibyen
le lendemain à consacrer définitivement la ligne frontibre de 1919 en

constatant qu'Aozourelèvede la souveraineté françaisem, pp. 135- 136,
pars. 115 - 119 ). Les éléments cartographiques viennentinsi abonder la
documentation redéfiniepar ailleurs touchant les travaux préparatoiresdu

Traitédu 10 août 1955. On observera cependant que, le Traité du10 août
1955 étantparfaitement clairet renvoyana des textes de référencequi ne

souffrent d'aucune discussion, le recours aux travaux préparatoires etdonc
aux cartesest superflu. -423 -

Carteno141 -424 -

Carteno149 - (A)

I
IS* \ 10. 1a.
A ERlA 1 LIBYA I i UNITED
,4"O-.,. #**. i ARAB
'<@ .!* +*+. - REPUBLIC
1 *.+.*. I.m.-.-.I.-.-g-
a
\5 +*..+ +. I
+.+. i -m.
m.- >* .* *ir.
i +.i
NIGER/. .OuniangaKibir i
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i Largeau i SUDAN
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0.0. KomTom 1
0' ,*-*-- -
11.- i' C H A D .e"i 13.
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,.+{',L--- AbCch•C \* O 100 am YD
'-4 *.:\. r*i O ië~Uam WP
\.~5:' ..( IILOICTnU
'.1 FORTLAMY f r)rW.kirir**ri)
NIGERIA i ..-k&wN-kwrirrir
.. r.@' ; Am Timan '0, I
i i \
10'- 0' ["':& c*; 210.m
0' ~tArchambaull /*0'
i '. irari
,aJ ' \ Moundou '3
).-.- r'
I.'cAMERoo~~?.~*@*** CENTRAL
, 0. AFRICAN REPUBLIC
e8i
'1 1 I AFRlCA
la' 20.Carteno149- (6)Carteno149-(C) -427 -

Carteno149 -(D) 10.34 La trbs grande majoritédes cartes produitesreprend
depuis1955 le mêmetrac6. Pourla France,I'ensembledescartes pubpares

l'InstitutGéographique Natil partir 1955reprendla ligne 1919 (voir
notamment cartes114à 134) .our les Etats-Unis,il s'agitde la 135te no

publiéeen1961 avec commentaires par "The GeographeII.en est de même
des cartes italiennes59 et160,des cartes américainos135et136,des

cartes allemandeso 146 et147,enfin de la plupart des différentsatlas et
cartesroutiéresqui vont dans le même sen. n notera en particulier les
cartes no 121, 122, 123, cartes aéronautiques du monde (O.A.C.I.)

considérées parle Département d'Etat américain dansson étude sur la
frontière TchadLibye de1961 comme étantla meilleure source existance

pour le tracé de la frontière, ainsi que la carte noiéeen 1985à
Moscoupar la Direction Générale a géodésiet de la cartographieprès le

Conseildes Ministres del'unionSoviétique.

10.35 Dans l'unanimité constatdepuis la signature du

Traité du10 août 1955 les cartes libyennes récentes sontseuàefaire
exception. Celles éditées depuisla chute de la monarchie revendiquent,
semble-t-il, lafrontièreduTraité deRomede (cartesn148 et162).

10.36 En revanche, une carte topographique du Royaume
Uni de Libye, datéed1962,porte la frontière1919(carte n142) . ette

cartepr6sente plusieurs traits intéressants. Elle estpréparéeILS.le
GeoloaicalSurvey sous l'autjointedes ministèresdeI'Economienationale,

des Affaires Pétrolièreset dedustriedu RoyaumeUni de Libye d'une part,
du Département d'Etat des Etats-Unisd'autrepart. Elle est le résultatd'une

compilationde cartes de provenancestrès diversesS.Army Map Service
P-502 et P 502 series au 1:250.00 0Carta Dimostrativa della ~ibia au

1:400.00 0Carte aéronautique du Monde a1:1.000.0 00.S.A.F. World
AeronauticalCharts au1:1.000.0 00ritish M.D.R. a1:500.000E lle estcomplétée parla documentation recueilliesur le terrain par les expéditions

ainsi que par le concessionnairesde pétrole. Ea pour vocationde servir de
fond de carteà une cartegéologiqueen prdparation.Les autorités libyennes

assocides à l'élaborationde la carte ainsi que sa vocation opérationnelle
conduisent à lui accorder une importance particulibre. Certes, la réserve

d'usage ("m) suivant laquelle "International Boundaries llustrated
herein are neitherfinal norbinding on theLibyan Government"interdit d'yvoir
un acquiescement formel. Mais les autorités libyennesassociées à la

pr6parationde lacarteauraient certainement objectéutrac6de lafrontibredu
Tibestisi ellesavaient entendu remettren causelesaccords internationauxy

afférents (Lalaborieuse explicationde la partie libyenne surla prudencedes
cartes géologiquesu, par. 5.552)n'estguèreconvaincante.Si les autorités

libyennesétaientsi attentives, ellesn'auraientpasinclusle croquis annexé au
réglementpétrolierno1.L'explicationsemblebeaucoupplus simple :le Tibesti

n'intéressaipas les pétrolie!).

10.37 Parmi les cartes de la période contemporaine,on

retiendra en particulier les cartes publiées par les anciennes puissances
coloniales, que les archives et la tradition cartographique mettentà même

d'exprimeruneopinionautoriséesurle sujet.

10.38 Les cartes italiennes'obstinentà figureraprès 1938le

tracédu Trait6 de Romede 1935 malgréles distancesprises dès lors par le
Gouvernement italien avec ce texte. Mais à partir de 1955, les géographes

italiens enregistrent le tracéindiqué parle Traité d'amiet de coopération
franco-libyen (Cartes no159 et 160). Ce revirementde l'opinion spécialisée
italienne mérite d'êtrsignalé.II correspond au demeurantaux indications

données par les autorités italiennesaux négociateurs libyens lorsde la
conclusion du Traitédu 10août1955(cf. supra, par.10.33).

10.39 Lescartesfrançaises montrena tvec constanceletracé
indiquépar l'annexe1du Traitéde 1955.Elles dérivent toutes des travaux de

I'lnstitut géographique national(I.G.N.), Btablissernentpublic indépend.nt
placé sous l'autorité du Gouvernement français, dont la compétence et

l'impartialitésontgénéralement reconnues. 10.40 11est exact que ce service, relevant des autorités

françaises, étaitjuge et partie avant 1960. Mais son indépendanceet sa
rigueur lui interdisaient tout tracé de complaisance, notammentpour les

frontibresinternationales.

10.41 La négociation de l'accord complémentaire franco-

libyen du 26 décembre 1956 sur les frontibresen offre une bonne illustration.
Dansce cadre, le Ministère des Affaires étrangères françaisp,our renforcerla

positionde négociation, demanda à ['I.G.N.de rectifiersa carte au 1:1.000.000
en déplaçantla frontibre algéro-libyenne "pour assurerla sauvegarde des

intérêts français"L.e directeur del'I.G.N. réagit vivementà la demande par
lettre du 6février1956en cestermes :

"J'estime que I'lnstitut GéographiqueNational n'a pas qualité pour
procéder,sansvotreaccord, à undéplcement d'un tracéde frontibre
sur ses cartes. Quels que soient les intérêtsen jeu, I'lnstitut
Géographique Nationan le pourramodifierletracé actuel indiqué sur
la carte de Fort Charlet que si votre Département l'y invite et lui
précise.par un documentofficiel, le nouveau tracéde frontière qui
doit êtreporté".(Lettre no509 I.G.N./Cdu 6 février1956, annexe
CLMI 100)

et il ajoute :

"L'Institut Géographique National,Service Scientifique chargé de
l'exécution des cartes généralespeut, si on le lui demande,
améliorerles documents existants,en particulier dansla zone où se
font les recherchesde pétrole.II estbien placé pourle faire car il a
procédé à une couverture photographique au 1:50.000de toute la
zone frontièreentre Rhadamèset Fort Tarat.Maisil ne lui appartient
pas de se prononcersur le tracéde la frontière. II ne peut, en cette
matière,quedonnerunavistechnique.

II est prêt à désigner un technicien pour faire partie d'une
Commissionde délimitationfranco-libyennes'e iln estconstituéune.

Dans l'immédiat,il se conformeraaux instructionsqu'il recevra de la
Directiongénérale des Affairespolitiquesetéconomiques."

La Directiondes Affaireséconomiques et financièresdu Ministèredes Affaires

étrangères ayant relancéla demande, le directeur de l'I.G.N. maintint sa
positionet conclut: "Pour conclure,je suisconvaincuque la seuleopération quidonnera
une solutionsatisfaisanteaux importants intéresn jeur6sidedans
une délimitation officielle de la frontière sur le terrain par une
Commissionfranco-libyenne àconstituer"(Lettreno563 I.G.N.IC du
8 février1956,annexe 101)

10.42 Si le Gouvernementfrançaisavait souhaitéinfluencer
I'lnstitutgeographiquenationalsur letracéde la frontièredu Tibesti,il se serait

sans aucun doute heurtéau meme refus, qui souligne l'indépendanceet la
rigueurde l'institution.

10.43 On observeraque la frontièreLibye-Tchadest figurée
par des croisillons discontinus, ce qui peut signifier soit une frontière non

démarquéesur le terrain, soit unefrontière contestée. En'espèce, on peut
penser que la première explication est la bonne, puisque ces croisillons

discontinus apparaissent dès la première éditionde la carte de['I.G.N. au
1:5.000.000alorsque personnenecontestela lignefrontièreet la souveraineté

de la France,puisduTchad,sur la banded'Aozou.

10.44 Plusimportant encoreau regarddescritères posés par

la jurisprudence internationale est le jugement porté par des services
géographiquesinternationauxqui n'ontjamais étmêlés à lacontroverse.

10.45 On examineraen premier lieula position prise par les
servicescartographiquesdépendantdu Gouvernementdes Etats-Unis.

10.46 LeMbrnoirelibyencherche àtirer argumentde la carte
reproduite par l'ambassadeur des Etats-Unis à Tripoli en 1955, Henry S.

VILLARDen ces termes :

"At that bright momentinU.S Libyan relations,when Ambassador
Villard wrote his book, a book that revealed an understandingand
sympathetic interestin this new State, he included a map.The map
showed the 1935 Franco-ltalianTreaty line as the Southern Libyan
boundary-notthe southeastlinethat emanated formthe 1899 -1919
Anglo-Frenchagreements. This apparentlyreflectedthe view ofthe
boundary questionheld by the U.S.Governmenta1the time". (UV.
pp. 360-361, par.5.408). 10.47 LeMgmoire libyense gardebiende reproduire ce qu'il
appelle une "carte" et qui apparaîtcommeun croquistrès sommaire,au

1:17 500 000 environ, reprenantun trace qui suivraià peu prbs la ligne du
TraitéLAVAL-MUSSOLINIde 1935. Letexte en regard du croquis comporte

des considerations sympathiques sur la suite du Ministre des Etats-Unià
Tripoli, compose pour l'essentielde sa petite famille. Ony chercheen vain la

moindre remarque sur la frontibre meridionale de la Libye. On n'en trouve
aucune, ni à cette occasion, ni dans le reste de l'ouvrage. Au demeurant,
l'auteurpr6cisedansson avant-proposque lesvuesexpriméesdans I'ouvrage

n'engagent pas le Gouvernement des Etats-Unis. Pour être rituel, le
8diçclaim een"est pas moinsnet(Cf.croquisjointet annexeÇIMI 102).

10.48 Présenter le croquis annexé par Henry VILLARD

comme l'énoncé d'unp erisede position officielledu Gouvernement desEtats-
Unis est d'autant plus abusif que ce dernier prend officiellement position

quelquesann6esplustard,ce quele MBmoi lbyense gardebien de signaler
explicitement.

10.49 lanBROWNLIE@fricanRound-, op.cit., pars. 10-
19, page5),fait observer:

"Variouscategoriesof evidencemayoverlap.Thus the Geographer
of the United States Department of State publishes material
(InternationalBoundarvStudies),whichis bothofficialin provenance,
since he is an authorized government agency, and also export
evidencein termsof itstechnicalprovenance.Evidenceof the views
of third States is relevant not only when the location of tripoint
boundaryjunctionsis in issue,but in generalas evidenceof general
recognitionof an alignmentandof its notoriousandpubliccharacter.
Thus official maps produced by United Kingdom, French and
Americaingovernrnent agenciesprovideevidenceof the alignments
of Africanboundaries." \%'Iicthcrtlic Libyan peoplc werc ready for seit-
As\\.cniadcprcpantionstolandin the Africathat was govcriinicntafter ccnturics of alien rul15- .......-.,
to beour Iionicfortlicncst twoor tlirceycars,asenseof
adventurccrept overal1ofusinthe cabin of the C-47- pointlcsscontrovcrsy today. The fact is that after ex-
mywifeTamara,oursonDimiwi,aged nine,our daugh-

ter Sandra,sixandahalf, andtheNorwegian nurse from
our 1st post, Kirstcn Jorgensen.The unknown and the
unfamiliarawait most travclen; but as we approaclied
Libya,our cxpectaiicywas licightenedbv tlie fact tliac
our arrivai Iiadbccn postponcdbccauscof the violcricc

of the elcctioiisin Tripoli. Tlie birth pangsof a nation
arc not witliout bloodslicd,aiid rioa aiid disordcrs
rockedtheyounggovernmcnt.It had bcensuggested tliat
1wait until proper attention coube givento the diplo-
maticreprescntativeof the UnitedStates 06Arnerica.

No more bafflingproblcm wasever brought up for
dscnir~î~~+y~tbv~ir;ta~dLfheM Wd &?lushan
the future of rhat hugc, barrcn slice of Saharan dcscrt

known asthe Italiaiicolony of Libya. hlussolini'sgran-
diosedrcam of turning the Mediterraneaninto a h.lare
Nostrurnreminisccntof Roinandays hadshattcred; the
liberationof chatunproductivebut strategicallyimpor-
tantsectorof theFascistempirehadfocusedattentionon
Libyaandsurroundingarca.
what wasin tmtli an Arab land,and the questionof its
ultirnatedispositionhad arouscdthe keenestintercst in
al1Arab countries. Ko one could have foretold ar the haustiveargument aiid esaininationof other proposals,
closeofIiostilitics,Iiowcvcr,that tlicfinalsolutionfor clic clicUiiitcd Nations dccrccdrliat tlie cspcrimentsliould
inhabitantsof tliat sun-scorchedterritory W;LF to bc a go iiicocflcct ilor latcr tliaii JaiiuI,1952. With a
scant wcck ro sparc, the iiidepci~dcnce of the United
decisionby the unitcd Nationson November i7, 1949, I<ii~gdoni f Lit~~a\!.aproclaimcdon Christmas Eve,
that Libya should bccomeafully sovereigncountry.

1x1 10.50 La note publiée par"The Geographer" dans la série
Lnternationalûoundarv Studie~no3 May5, 1961sur la frontiéreLibye-Tchad

(annexe ÇMa: 118 et Atlas cartoaraohia~, carte no135) représenteà Cet
égard une prisede position autoriséede l'Institut géographiqueaméricain,
sous l'autoritédu Département d'Ela1des Etats-Unis.On ne saurait 6tre plus

clair:

"For purposes ofcartographicpresentationof the boundary,it is the
policy of the UnitedStates Governmentto consideras authoritative
the Chad - Libya boundary as determined by the conventional
boundary(in accordance withthe agreementsof 1898, 1899 and
1902) between the Nigertripoint and the Tropic of Cancer and as
determinedby the Anglo-Frenchacordsof 1899 and 1919 between
the Tropicof Cancerand the Sudantripoint.These segmentsof the
boundary were approvedby the Franco-LibyanTreaty of 1955 and
constitutethe presentChad - Libya boundary. Theboundaty of the
unratified Franco-ltalianAgreementof 1935 should not be used in
authoritativerepresentationsof thisboundary."

10.51 La noteest accompagnée d'une analysede la situation

et de la carte jointe. Elle représendonc uneprise de position formelledes
autoritésgéographiqueset politiques américaines à ce sujet,avec le poidsqui

s'attacheà cetteappréciationcartographique.

10.52 Cherchant par avance à disqualifier les positions du

"Geographer",le Mémoi ieyenexpédiecette analyseen ces termes :

"The views concerning the Libyan boundarielsaterexpressedby the
Geographerof the U.S.State Departmentregrettably appearto have
been morea reflectionof the U.S.Government'schangesin policyin
respect to Libya rather than an impartial view of the boundary
question".(Mil, par.5.408,note468)

Cene affirmation désobligeantevis-à-visdu servicegéographiquedes Etats-
Unisapparaîtcommepurementgratuite.En 1963,le Gouvernementaméricain
n'avait aucune raisond'avoir changéd'attitudevis-à-vis du roi IDRISS et de

son gouvernement. .Croquis publiear"The GeographeI"ternatioBloundarStudies,May5,
1961 10.53 Enfin, on notera la carte no 151 Btablie par les
géographes soviétiques sous l'autorité duConseil desMinistres del'U.R.S.S.

en 1985,c'est-à-direà unedatepostérieure à la naissancedu litigeet marquée
par l'occupation libyenne de la bande d'Aozou comme par les débats à

l'organisation des Nations Unies. Les autorités soviétiques n'auraient
certainement pas laiss6 publier une telle carte sans aucune r6serve
("disclaimer") si elles avaient nourri le moindre doute sur le trac6 de la

frontière.

10.54 En somme,il faut noter, depuisla cristallisationde la

situationpar le Traité du10août 1955,"l'impactaccumu16 d'un grandnombre
de cartes, pertinentes par le cas d'espèce, établissantla mêmev6rité ...

révélateudr'unenotoriété oud'uneconvictiontrèsgbnéralement partagée"(Cf.
supra, pars. 10-16, Sentencedumal de Bw). Ceciest particulièrement

vrai des cartespubliéespardes Etatstiers quin'ontaucunint6rétdans I'affaire
et dont les servicesgéographiques ont uneautoritéreconnue. Pourreprendre
i'expressiondutribunalarbitraldansI'affairedu :

"Whilemapscomingfrom sources other thanthoseof the Partiesare
not on that accountto be regardedas necessarilymore correct or
moreobjective, they have,prima facie,an independent status which
can give them great value unless they are reproductions of - or
based on originals derived from maps produced by one of the
Parties,-or elseare beingpublishedinthe country concerned by, or
on behalf, or at the requestof a Party, or are obviouslyolitically
motivated.Butwheretheirindependentsatusis not opento doubton
one or otherofthese grounds,theyare significantrelativeto a given
territorial settlementwhere they reveal the existenceof a general
understandingin a certain sense,as to what that settlementis, or,
where they conflict, thelack of anyuch generalundestanding" (p.
38). (Affaire du Canal de Be&, sentencedu 18 avril 1977, par.
142-2,p. 224)

10.55 En l'espèce,les cartes établiespar les Etatstiers qui
n'ontjamais étéimpliqu6sdansleconflit -en particulilacarteaméricaineet la

carte soviétique- révèlent l'existence d'unçonsew international sur la
frontière. - 437 - ,

§ 4. PE L'ERREURCARTOGRAPHIQUE

10.56 Les cartes n'ont de valeur en tant qu'instrument de

preuve que dans la mesure où elles sont précises,c'est-à-dire où elles ne
comportent pas d'erreur. Maisla notion d'erreurne se limite pasI'erreurde
fait. Elle comprendaussi I'erreur dedroit.A cet égard,on peuttransposertrès

directementles observations faitespaMax HUBERà la catégorie deserreurs
de droit. Unecarte comprenantune erreur de droit évidenten'a qu'une faible

valeur probatoire.

10.57 En I'espéce, I'erreur de droit majeure provient de

I'incertitudetouchantl'entréeenvigueurou nonduTraitéde Romedu 7 janvier
1935. On ne peut pas dire que lescartes publiées entre 1935et 1938 soient

erronées, dansla mesureoù elles préparent l'applicatiodu Traitéde Rome.
En revanche, à partir du moment où le Comte CIANO et l'Ambassadeur

FRANÇOIS-PONCET constatèrent en 1938 que l'échangede ratification
n'aurait pas lieu et donc que les accords de Rome étaient"historiquement

dépass4s" pour reprendre l'expression du Comte CIANO, la situation est
juridiquement clarifiée. L'accordde Rome n'existe pas. Dèslors, toutes les
cartes postérieures à 1938 qui portent le tracé de l'accord de Rome sont

entachées d'erreur. Ceciest particuliérement vraides cartes publiées par
l'organisation des Nations Unies en 1950. Ceci l'est tout autant des autres

cartes publiéessoità titreofficiel,Botitreprivéaprès 1938.

10.58 Comme la Républiquedu Tchad l'a établi, les cartes

ne peuventavoir qu'un rôle limidans lecadred'un litigoù existent destitresjuridiques. On peut néanmoins observer que l'ensemble du matériau
cartographique reflètefidèlement l'évolutide la situation. La ligne frontière

est stabilisée partirde 1919 conformémena tux indicationsqui résultent des
deux accordsconclusen 1919 parla France avecl'Italied'unepari sur le puits

de Toummo, avec la Grande-Bretagne d'autre part sur la ligne allant du
Tropique du Cancer à la frontière du Soudananglo-égyptien.Cette ligne ne

bougera plus par la suite. Les seules hésitationsqu'on relèvesultentde la
signature du Traité deRome le 7 janvier 1935et de I'absenced'échangede

ratificationsconstatéepar les deuxpartiesen 1938. LeTrait6 du 10août 1955
met unterme à cetteambiguïté.Depuiscenedate,pas plusl'organisation des

NationsUniesque les Etats membresde l'organisationn'ontremisen cause la
ligne frontière6sultantdutraité,à la seule exception dela Libye.On se trouve

donc en présence d'une ligne frontière incontestablement reprise par
l'ensembledu matériaucartographiqueavec uneunanimité insigne depuisle
Traitéde 1955.La Communaut6internationaledans son ensemble considère

la frontière entre le Tchad et la Libyecommedélimitéde manièrepréciseet
notoire. Tel est l'enseignement que l'on peut tirer des éléments

cartographiques.

10.59 En revanche, la République du Tchad constate que,
malgrétout le talent et l'ingéniositédéployés parle Gouvernement de la

Jamahiriya arabe libyenne, aucune carte n'a été produitequi reprenne les
conclusionsde la Libye.Quelquescroquis prbparatoireà des négociationsont

pu esquisser des lignesse rapprochantde celle préconiséear les conclusions
libyennes. Aucune carte mise en circulationpar quelque autorité quece soit,
française ou tchadienne bien entendu, mais encore turque, italienne ou

libyenne, n'ajamais avancéune telle prétention.Si les cartes ne constituent
pas à elles seules un titre territorial, l'absencetotale de toute carte à l'appui

des conclusions d'une partie -alors que la production cartographique
internationale pertinente est abondante-est de natureA mettre en doute le

sérieuxde la prétentionexposée.

10.60 La Républiquedu Tchad nefonde pas ses conclusions
sur un titre juridique découlant des matériauxcartographiques produits.Comme l'a dit la Chambre dela Cour dansi'âtfâldu Différendterr- .

:

"54. La Chambre peut se borner au stade actuel de son
raisonnementA formulerun principe. Enmatiérede delimitationde
frontièresou deconflitterritorialinternatcariesne sontque
de simples indications,su moinsexactes selon lcas ;ellesne
constituentjamais-àelles seuleset duseul faitde leurexistence-un
titre territorial,c'est-à-dire undocumentauquelle droitinternational
confbreune valeurjuridiqueintrinséauxfins de 1'6tablissement
desdroitsterritoriaux".(C&I.J.1986,p.582)

La Républiquedu Tchadconsidére cependantque les cartesproduitesOnta
valeur de "preuves à caractére auxiliaireou confirma(ibid.p. 583) et

qu'ellesconfortentletitreterritorialétabliparailleurs.

SECTION 4. AN L
PARLE GOUVERNEME N TLAREPUBLIQUE

DU TCHAD AU GREFFE DE LA COUR ET
-L'ATLAS (CMm. LIVRE 11)

1 CorteoUemanau 1:OW000encouk-ur,ditCeJusluPERTHES en1892(FeuiUe

n03)
Cette carte fait partie d'une séralel'Afriqueen 12 feuillespubliée par
1'EditeurallemandJusPERTHES àGOTHA.Aucunefrontikren'apparaîtsur

ces cartes,mais certaineslignesen griseouen tiret6indiquenttrlacertainement
limitede zones d'inflanglaises,françaises,italiennesouturques.

Cettefeuillenecouvrepas la zone quinousimaisfaitapparaîtretoutes les
mentionsutileset la liste des signesconventiodansles autres feuilles.2 Carleallemandea1:4000000encouleursIditIe parJusPERTHES en 1892(Feuille

n02)
Cette cartefait partie d'unesériegénérale de l'Afren 12feuilles publiée par

I'EditeurallemandJustusPERTHES àGOTHA.Aucunefrontièren'apparaîtsur
cescartes, mais certaineslignengris6ouentiretéindiquent très certainemenlta

limitede zonesd'influenceanglaises,françaises,italieouturques.

LapartieSudde cette feuillecouvreunepartie dela région du Tibesti.

3 Carreallemandea1:4000 000encouleursidilCeparJusPERTHES en 1892(FeuiUe
nos)

Cene carte faitpartied'uneskne générale de'Afriqueen 12feuillespubliéepar

I'EditeurallemandJustusPERTHESàGOTHA.Aucunefronti2ren'apparaît sur
cescartes, mais certaineslignesengriséouentiretéindiquent très certainemenlta

limitede zonesd'influence anglaises,françaises,italiosuturques.
Le Norddecettefeuille couvreunepartiede lazonedu Tibesti etdu Borkou.

4 Tableaud'assembïage'unecarrefrancais1:2000000ennoirpubliépar leDtp6r de
la Guerrepartir d1881ercommencieen 1875parle

BlSSY
Cette cartecomprend63 feuilles et aétpubliéeen deux éditions,la premièrene

comprenantquelaplanim6aieet la seconde, en deux couleurs avec l'orographie.

Les originauxde la deuxième édition onété retrouveset sont présentésous les
numéros5,6,7,8 et 9.

5 CartefrançaiseaI:2000O00ennoirpubliteparleDépôr a Guerrdpartirde1881et

réaliséeparleOY DEBISSY.

La feuille"MOURZOUK no12présentée ici,éatérévisée et compléteéne1895.
Aucun trace de frontikre~n'apparaît, mais seulemendtes limites amorcées en

tiretés.
Il n'ya pasde légende explicitanlta cane, qui nedonneaucun renseignement sur

l'appartenancedesrégions,àla Franceou àlaGrande-Bretagne.

Cette carte, commeles cartes6,7, 8 et 9,appartientàla premièresériecomplète
française couvrant toute l'Afrique.Elle n'a été retenuque pour son interêt

historique.6 Cartefrançaiseau ODO000 ennairpublitepar leDtpôrdela Guerredpartirde1881er

rkalispar le
La feuille "KEBABO"no 13 présentée ici étéréviséeet complétée en 1896.

Aucun n'apparaît,mais seulementdes limites amorcées en

tiretés.
Il n'ya pas de l6gendeexplicitantla carte, quinedonne aucun renseignement sur

I'appartenancdesrégions,àlaFranceouàlaGrande-Bretagne.
Cettecarte,commelescane no 5.7. 8et 9, appartientàla première série complète

couvranttoute l'Afrique. llen'aéretenueque poursonintérêt historique.

7 Carlfrançaiseau 1000000 ennoirpublitepar leDtpbtdela Guerredpartirde1881et
rlalistepar le

La feuille "AGADEZ no 19 présentée ica i étéréviséeet complétée en1896.
Aucun tracéde frontièresn'apparaît, mais seulemendtes limites amorcéesen

tiretés.

Il n'ya pas de légende explicitanlta cane, qui nedonne aucun renseignementsur
I'appanenancedesrégions. àla FranceouàlaGrande-Bretagne.

Cettecarte, comme les cartes 56, 8 et 9, appartiàla premièresériecomplète
couvranttoutel'Afrique.Ellen'aétéretenuequepoursonintérêt historique.

8 Carrefrançaiseau 000O00 ennoirpublilepar leDPpBtdela Girerredpal88Ief

rtalisPepar le I R.NQUi3LSZ
La feuille "YAYO"no 20 présentéicia étérévisée et compléteéne1896.Aucun

tracéde frontièresn'apparaît.maisseulementdes limitesamorcéesn tiretés.

Il n'ya pas de légende explicitanlta carte, qui nedonneaucunrenseignement sur
l'appartenancdesrégions,àla Franceou à laGrande-Bretagne.

Cettecarte,commeles cartes5, 6.7 et 9. appartientàla premièresériecomplète
couvranttoutel'Afrique.Ellen'aétéretenuequepour sonintérêt historique.

9 Cartefiançaiseau1000000 ennoirpublileparIeDkpÔldela Guedpartirde1881er

rkalislepar le

La feuille "ELFACHER" no 27 présentée iaiétérévisée et compléteéne1895.
Aucun tracéde frontièresn'apparaît, mais seulemend tes limites amorcées en

tiretés.Il n'ya pas de légende explicitala cane, qui nedonne aucunrenseignement sur
l'appartenancedesrégions, àla Franceou à laGrande-Bretagne.

Cette carte, commeles canes 5, 6 7 et 8, appartieàtla première série complète
couvranttoute1'AfriqueE . llen'ttéretenuequepour sonintérêt historique.

10 Car&françaiseau1:JS000000 enmir présenté en1899 dansle "BulleîinduComiide

114friquFrançaise"
Cettecarte àpetite échellreproduitle tracede la limitedes possessions françaises

d'aprèsla Declarauon additionnelle du 21 mars 1899 à la Convention franco-
anglaise du 14juin 1898.Cette limitepasseau Norddu massif duTIBESTI ;elle

est representéepar unedroitequipan de l'intersectionduTropiquedu Canceravec

le méridien16',pourrejoindreI'intersectiondu meridien24' avec le parallèle19'
(Frontière 1899)- La conventionde Parisdu 8 septembre 1919montera cedemier

point au parallèle19'30'.

11 Cariefrançaiseau192 000WO ennoirpréseniéen 1899dans le"BulletinduComifPde
l'AfriqueFrançaise"

Cettecarte àpetite échellereproduilte tracde la limitedes possessions françaises
d'aprèsla Déclaration additionnelledu 21 mars 1899 à la Convention franco-

anglaisedu 14juin 1898.Cette limitepasse au Nord du massif duTIBESTI ;elle
est représentépear unedroitequi pande l'intersectionduTropiquedu Cancer avec

le méridien 16'.pour rejoindreI'intersectiondu méridien24' avec le parallèle19'
(Frontière 1899)- Laconventionde Parisdu 8 septembre 1919monterace demier

point au parallèle19'30'.

12 Car&françaiseau1:12000000ennoirprtseniée en1899dansle "BulletinduCornif4de

I'qfriqueFrançaise"
Cettecarte à petite échelle reproduilte tract de la limitedes possessions françaises

d'aprèsla Déclaration additionnelledu 21 mars 1899 à la Convention franco-
anglaisedu 14juin 1898.Cette limite passeau Norddu massifdu TIBESTi ;elle

est reprtsentéeparunedroite qui partde I'intersectidu Tropiquedu Cancer avec
le méridien 16".pour rejoindrel'intersectiondu méridien24' avec le parallèle19'

(Frontière 1899)-La conventionde Parisdu 8 septembre 1919monterace dernier
point au parallèle19'30'.13 Cartefrançaiseau1:000MOennoirprésentdeen1899dansle "BulietinduComitdde
l'AfriqueFmnçaise"(R0UARDDE CARD)

Cettecarteà petite échelreproduit le trdelalimitedespossessionsfrançaises
d'aprèsla Déclaration additionneldu 21 mars 1899 àla Convention franco-

anglaisedu 14juin 1898.Cette limite passeau Norddu massifdu ïïBESTi ;elle
estreprésentée parnedroite quipartdel'intersectduTropique duCanceravec

le méridien16",pour rejoindrel'intersectiondu méri24'navecle parallèle19'
(Frontière 1899-La conventionde Parisdu8 septembre 1919monteracedernier

pointauparallèle19'30'.

14 CarieextraireduJOU~"LEFIGARO"du23 mars1899
La frontière tracée est cee 1899.

15 Cartefrançaiseau1:100000-Ediieur: EmileLAROSE,Pans

Cette carte a et6 établieen 1912 pour le Projet français du Chemin de Fer
Transafricain (Etudedes Régions Sahariennes).La frontière ptntre l'Afrique

EquatonaleFrançaiseUerritoire MilitaireduTchad)et le SoudanAnglo-Egyptien
est celle de 1899. Attention. lesmkridiensde cette carte ont pour ongine 0' le
Méridien de Paris, ils sontdonc déplacés'e0'approximativementversl'Est.

16 cartefrançaiseau1oooooo

Cette carte d'Afrique Equatoriale Française a étédresséeen 1911 pour le
Gouvernement gknéradl e 1'A.E..arleMinistèrefrançaides Colonies.

Annexée àl'Annuairede 1'A.E.Fde 1912,elle a kt6utiliskepour matérialiserle
tracéde la limite défiparl'Accordfranco-allemanddu4 novembre1911.

Cettecarte,au Nord dutemtoiremilitaireduTchad.indiquelafrontièrede 1899.

17 cartefrançaiseau1:io ooo
Cette cane étaitjointe à la Note dunovembre 1911 (Livre Jaune de 1899:

Archives françaises).Le tracédela frontièredel'AfriqueEquatoriale Françaiseau
Nord, mentionne"Déclarationaddelledu 21 Mars1899".

(Les méridiensponés deux fois ont pour ongine le Méridiende Paris et le
Méridiende Greenwich).

18 Cartefrançaiseau1:s000O00Cettecane du Saharaûriental de 1913est extraitedes archivesdu Gouvernement
Géntralde 1'A.O.F( .Dakar).

La frontière entrleTibestiet le Soudananglo-égyptienest cellede 1899.

19 Cariefrançaisea1:IS000O00 CdirCeariaLibrairieHashcaParisen 1913
La frontièrestparant leNorddutemtoiremilitaireduTchad(Tibesti)et le Soudan

anglo-égyptien est cellede 1899,mais débute?il'Est, (sans explication apparente)
au parallèle20'. au lieu de 19'.Le méridien origineest celui de Paris, comme

pour lescanes précédente nso16et 17.

20 Cariefrancaisea1:4000000

Cettecartedu SAHARACENTRAL akt6dresste par A. MEUNIER, géographe
au MinistèredesColoniesen 1917 l'échelld eu 1:4000 000.

LafrontièreNordduTibesti est celle de1899(représentation ern aits continus).

21 Cariefrançaisea1:lSO00000
Intitulte "Programme Colonial Italien" cettecane en couleurs ttt éditteparle

Service gtographique des Colonies. La limite entre l'Afrique Equatoriale
Françaiseet la zoneponte sur la cane comme "Territoiresrevendiquespar les

Italiens" est la frontièrede 1899. Cette carte etait annexte au rapport de la

CommissionInterministtriellede 1918.
En surcharge sontmentionntes les zonesdes possessionsdiverses nouvelleset

anciennes.

22 Cariefrancaisea1:30000000 encouleursi,nfifuide"infCanglais enAfrique".
Cette cartea ttéédittepar le Servicegtographique desColonies. La limitenord

de l'AfriqueEquatorialeFrançaise estla frontièrede 1899(mais passeauparallèle

20'). Elle aétéannexte aurappondela Commissioninterministérielld ee 1918.
Dans certaineszones,les limitesde possessionsdiversesanciennesou actuelles

ontBk mentionnées.

23 Cartefmnçaiseau I:30 O00000.

Cettecarted'Afriquepolitique "aurait"616annexeeaurappon de la Commission

InterministMellede 1918.Elle a tttpubliéedansl'Atlasde Gtographie Modernede la librairie Hachette(Paris)La frontière estcelle de 1899 (mais passe au

parallèle0').

24 Carteanghiseau1:3000000(WADAI-DARFURJ.

Elle a étetablie par la "Geographical Section, Peace Congress" etjointe au
rapport de la Commission franco-britannique de délimitation OUADAI-

DARFOURde 1919. La frontièreportéesur ce document officiel suilte méridien
24Ojusqu'au parallèle19'30'(lèreapparitiondece point)et dela, reprendle tracé

de 1899versle TropiqueduCancer.

25 Cartefrançaiseau1:2000O00

Cette carte provisoire dessinpar le Service Géographiquede l'Armée en 1920
concerne la régionTibesti, Borkou, Erdiet Ennedi. Elle a étédresséepar le

Lieutenant-ColonelTILHOlorsde la missionde l'Institutde France réalisée entre
1912et 1917.

Apparaîtsur cettecane unepartie dela frontière(mentionnée commethéorique)
de 1899.

26 Carrefrançaiseau1:SOOOO(leuiUe09J

Elle est extraitede l'expodes travauxde la missionde délimitation faite entre
1'A.E.F.et le Soudan anglo-égyptienpale Lieutenant-ColonelGROSSARDentre
1921et 1923(EditionsLarose,Paris).

Cette carte montrele tracé qui sule méridien24' Est de Greenwichàpartirde
l'OuedHowa(un peuauSudduparallèle16O) et qui sedirige ensuiteversle Nord.

27 Carleanghiseau1:1000000(1924)

Extrait montrantle titrécrienanglais eten français "Cartede la frontikreentre
l'AfriqueEquatoriale Françaiset le Soudananglo-égyptien pour accompagne lr
Protocole signé Londresle 10janvier 1924".Figure également un extraitde la

feuilleno2 quimontrele tracédelafrontière suivanteméridien24'. s'arrêtanatu
Nord,àlarencontre avecIeparallèle19' 30'Cepointest matérialisésurle terrain

par un "signal; il consacre officiellemenltareconnaissance anglaisede la limite
Nord-EstduTchad.

28 DeuxcroquisannexesaurapportduCapùoineROTTIERa) Le premier. à l'échelle approximativee 1:4000 000, concerne les contre-
rezzous effectuésdans la région d'Aozou efévrier et mars1922 (annexe 15du

chapitreV de sonrapport).
b) Le deuxième,àl'échelleapproximativede 1:1000 000,est uncroquis, semble-

t-il.de la même source.

29 Carteau1:2O00000(iddionproviîoire)duServiceGfogrophdel'Arméede1924
La frontièreentre l'A.O.F.(colonie du Niger)et la Libye (Fezzan)dans la partie

qui nous intéresse estelle de 1919;le signefrontièreutilisé estcelui "limites

internationalesnondéterminée sur le terrain".

30 CarieprovisoireauI:I ow0 (coupurespéciTIBESTI)

Réalisée àpartir de levés d'itinéraires its 1912par le Lieutenant-colonel

TILHO et ses opérateurs. Publiée avec l'appui de'Académie des Scienceset la
Société de Géographie de Paris. Imprimé ee 1925par le Service Géographique

(français)de l'Armée.
Pasde frontière.

31 Carteprovisoueou1:I 000000de1925(CoupurespfcialeBorkou-Ennedi)

Réalisée à partir de levés d'itinéraires s 1912 par le Lieutenant-Colonel
TILHO et ses optrateurs. Publiéeavec l'appui de l'Académd ies Scienceset la

Sociktt de Géographiede Paris. Imprimée en 1925par le Service Géographique
(français) del'Armée.

Pasde frontière.

32 Carteannerfe au documentüalien "1confinimeridio~li dellaLibia" du 5fivrier 1925
(annexe59 duChapirreV,secr2)n

Cette cane porte la mention"cartaannessa alla dichiarazioneaddizionaledel 21
Marzo 1899alla convenzionefranco-inglesede1 l4Giugno 1898".

La frontière tracéeest celle de 1899 avec le signe "Limite des possessions

françaises".

33 Croquisau 1:1000 000duServiceGfogrnphideeI1Armdde 1925

Etablià partir de levés itinéraisu de cartes datant de 1855 à 1925 (feuille

DJADO).
La frontière est celle1919.34 Croquis a1:1 000 000du Service GCographiquede l'Armé1926 , rabdipartir de

carteslde levésd7rinérasatantde 1923d 1926.(feuillePUITSdeSARRAl
Lafrontièreestcellede 1919.

Attention,les nomsgtographiquestrèsapparents(TIBESTI, DESERTde LIBYE)

correspondentàdes régionsphysiquee st nonauxpays.

35 Croquis o1:l 000000du ServiceGdogrophiqucde l'Arméed1926 feuille de FAYA).
etablipartide cariesfran~aisesde1924et 1925erd'unecarred'itiréalistepr le

"DeseriOfice" duCairee1923Tiraged'avril1930.
La frontière est cede 1919.

36 CarieauI:8O00O00 du Service Géographi&uI'Armte, tirag1929

Cartographiettablieà partirduMéridien de Paris.
La frontièreentre 1'A.E.Fet la Tripolitainen'estpas conformà celle de 1919 ;

apparaîtuncoudenonexpliqutàla frontièreentre 1'Egypteet la Tripolitaine(près

du MLridien16O).

37 Carre au1:IO00O00 des Confins Tripolilains (dispositif de surveilhnre de I'A.E.F.),

dresste par lesmiliiairesfrançais en 1930.
Lafrontière est celle 1919.Lamention"Frontière théoriquede 1899"estponée

le longdu tracé.

38 Croquis a1:2 000 00de kvCs d'itinlraires effectuéspar les mililniresfrançais en mars

1928d parrirde Bllmn(anuellenenr auNiger).
Ces itintraires attestent dela présenceet de I'occupafrançaisesdansla region

de Bardaï etd'Aozou.

Amorcede la frontièrede 1899.

39 Craqub & levls d'itinéraireseffectudspar lesmilitairesmarsç1928dpartir de
Bilmn {acrueilemenrau Niger) qui orrestede laprésenceerde i'occupationfrançaises de la

régiondeBardaïet &Aozodceirekpoque.

40 Croquisau1:2000000 de reconnaissancedu Tikst1929.La frontière de 1899estamorcée.

41 CroquisdI'kcheiieapproximativedu 1:lS 000 000de 1930indiquant I'emphcemenl des

@oupessrarionntesou confinsdela Tripoliraine.
La frontièrede 1899est tracée.

42 Peiiî''carschématiqudesvoiesd'accdsoLcr echad" au 1:20000000,krabliepar le

L'eurenanr-ColonelJean FERRAND1er publiee dans une revuefran~oise en 1930. LO
froniiere Tchod-Libye-Snnglo-tgyprienes1cellede1919.

43 Croquisau 1:s O00000"Occupationdesconfinshipolitains ".30-31
Etabli les militaires français. La frontière est celle de 1919. Des points

montrent l'occupation françaidans les postes d'Aozou-Kayougué - Guézenti -

oun ...

44 Carteau 1:2 700000dis "liaisonsmdio1PIPgrapesnA.E.F." rransmisepor leCabi~ier

miliraireduServicegkographiquede1X.O.F.dDakor.le20octobre1931.
La frontièrede 1919apparaît.

45 Carteau 1:s 000000du lerjuillet 1932desconfinsde1'A.E.F.

Cette carte a étdresséeet impriméepar le Service Géographique de 1'A.O.F.de
Dakar.

La frontière de 1919est tracée.

46 SehPmadu disposii~fmililoire(1932-1933)ovec:onesdesurveillanced'hl eld'hiver.

La frontière de 1919esttracée.
47 Car# française au 1:s000O00dresskeetpublite par le ServiceGkographiquedeIXrniPe

en1931. tdirion deJuin 1932(feuilleAFRIQUE NORD-EST).

La frontière tracée est celle de 1919.

48 Croquisau 1:1000 OWdu ServiceGkographiqdeI'Armke,2dmetdition 1932.(feuillede

DJADO).
La frontière estceliede 1919.

Ce sont lesnomset leurpositionsurcettecartequi ont servi vraisemblablemenà
définirle texte du Traité de Romen 1935. Voir enparticulier E. Domar Doba,

EhiDogologaet Ehi Madou.49 Carleau 1:sOooOoo du ServiceGCographigude llArmCequi menrion:"&e&u~
19ïq mais elleestimprimenAoûr1938 (dore8.38 en bds

droire)cguilaisseplaner undoue surladbrlaquellelafronti8rea 414rcctifiCe(feuille
AFRIQUE NORD-EST).

La frontière esceliede 1919.

50 Croquisau 1:1000000duServiceGdographiqudeI'Armde(3he ddifion1935).(Feuille

PUITSdeSARRA).
La frontière est cede 1919.

51 Croquisau 1:1000 000duServiceGdographigudeI'ArmCe(3Pmeidilion 1935). (feuille

PUITSdeSARRA).
La frontière est celduTrait6deRome1935.

La frontièreponéesur cettecarte n'estpas lamémeque celleponéesur la carte
précedente no 50 bien qu'ellessoientl'uneet l'autre imprimées la mémedate.

Nousn'avonspu expliquercette différence.

52 Croquisau 1:I 000 000 (Phoioco~ieprovenanrde 1711sriographique d'lralie)du
SenliceG6ographiq(francais)deI'ArmT.iraged'avril1940,2#mePdiii935.(Feuille

deFAYA).
La frontière est celle1919.

53 Croquisau1:I O00O00(Phorocopieproi'endi I'lnsrrCogrophique'llolie)duSenice

gtogrophique(francois)deI'ArmPei.mprimPenjuillel1935 (dare071193ddroire).
2kmetdirioflde 1932.(FeuilDJADO).

La frontière figurant srettephotocopieestcelledu Trait6deRomede 1935.
54 Carreou 1:s O00000 du Service GCographique(français)de llArmCede 1931 (feuille

AFRIQUE NORD-EST).
La frontièretracte est ceiiede 19;apparaîtaussiunesurchargemanuscritede la

frontière issue des Accords de Rome du 7 janvier 1935et d'autres mentions
manuscritesde 1935.

55 Carie au 1:s O00O00du Service Gdographique deI'Armde. Ediiion 1935, (feuille

AFRIQUE NORD-EST).La frontièretracée est ceee 1935avectampon"traitéfranco-italien du 7janvier

1935".

56 Photocopied'un croquissur calqueau J:1000 000posdé1935.
Assemblage de 4 croquis au 1:l 000 000 (origine française non précisée).Ce
document portetrois tracés de frontiela frontière actuelle (ctellede 1919),

la frontière envisagear les accordsLaval 1935,la frontière "diteproposée"(par
qui ?).

57 Cam au J:2 500O00des"PrincipalesRoutes etPisesdel'Afrique Fmqaise" (FeuiUeno

6),publiéeenJ935par IeSeniceGéographieeIArmPe(impriméeen1936).
La frontière est celledu TraitédeRome de 1935.

58 CarteauJ:2 500O00des"PrincipaiesRoutes etPisiesdel'Afrique Française" (FeuiUeno

3),publiéeen1936par leServiceGtographiquedeI'Armke.
La frontière est celleduTraité de Rome de1935.

59 Deus schémas issusu "Mémoirede l'AcadémiedesSciencesde I'Jnstitut de France"
(Pari-Gourhier-Villars1934.pageet21del'Annexe29bisduchapitreV).

Cesdeux schémas ont étérkaliséparleCapitaineH. SIMON.
- Le premier schéma situant la zone du Tibesti donne les points astronomiques

observéspar J. TILHO au cours des missionsde 1931et les pistes se dirigeant
vers le Tchadou laTripolitaine.

- Le secondschkmafournitunecartemagnétique du Tibestiet préciseles sections
où ont étkfaites les observationsmagnétiques.

60 Cam au J:8 O00O00environde1934,issuedel'AtlasdesColonies Françaises.
Cette carte de G. GRANDIDIER porte un certain nombre d'indications

hypsomkmques.
La frontièreest cellede 1919.

61 Ceaecarteau J:8 O00000environestd'origine italienne(1935).Elle précise les régions reconnues pIa'rItaliecommeses temtoires militaireset

prCcisele long du tracé dela frontière"a confine mendionale, secondo il
trattetoitalo-france7eGenn.1935-XIII".

62 Croquis de lournfer chefsde suùdivision(provieni du dCp6ld'archivesdu -chad

DkpartementBE.T.-2tmetrimestre1937-Rapport poli1937).
La frontikretracéeestcellede 1899.

63 Croquissimihirrauprdcddenl(Ier seme1938)

Cecroquis faitCtatdestournées duchefdedépartementde sonadjoint,du chef de
subdivision, du médecin-chef et mentionne quelques itinérairesde groupes

nomades français.

64 Carieiiniiennc 190 000000de1937.

Cettecarte "AFRICA"a été réalisé paerle Service Cartographique du "Ministère
de l'Afriqueitalienne" (Dardano).

65 Caneitaiienneau1:3000mode 1937.

Cette carte "LIBIA, e regioni limitrofe" a étédressée par le Service
Cartographiquedu Ministère italiendes Colonies (Dardano). Surun schéma du

tracéde la frontière(1935).et conformémenà t la légende, auraitdû apparaître,
"limites dktemiinéessur le terrain et... non dkterminkes".En fait, la mauvaise

qualit6du documentnepermetpas dediffkrencierce qui estdéterminé de ce qui
ne l'estpas.

66 Corîeenambeau I:6O00O00de1937 (origineDirectiongtntrale desaffairespoli~iques).

Le tracé est celie 1935.

67 Carteau1:lOOOO00 duServiceGCographiqudel'Armée,hprimte enJanvie1938(dore

01:1938.inscrite sur ledu6cadreen basddroite). 2ème4dirionde 1935.(feuille de
FAYA).

La frontiéreest celle du Traitéde Rome de 1931.Une surcharge bleue a kt6
apposée avec untampon surcette frontière;le texteenestle suivan:"Entrele Puitsde Toummaet le Soudananglo-égyptienl,a frontièreA.E.F.-Libye

figurant surla cane est celledefiniepar le Traitefranco-italiendu 7janvier 1935
non encoreenvigueur".

Cette cartea et6dresséeàpanir des documentset des levCsdes missionsTILHO
(1935). GROSSARD(1924)et des levksd'itintrairesde HASSANEINBEY de

Solloum àEl Obeïd (Le Caire,1923).

68 Cane au 1:lû01IO00du Service GCographiquede I'ArmCe,imprime en Novembre 1935
(dore1111935inscrire surle c6rtdu cadreen basd droire).2)me édirionde 1932.(leuillede

DJADO).
La frontièreimprima est celle du Traite de Rome de 1935,mais des mentions

manuscrites fontCtatde "correctionsdu Ministkredes Affaires Etrangères (Note
no3161du 25juillet 1938)".

Le document en notrepossessionest un document de travail ; il porte certaines

mentionsmanuscritesen vue demises à jour futures.

69 Carte anglaise au 1:2 000 000 publiéepar le War Office en 1939 d'aprPs des cartes

anglaises,fran~aiseseriraliennesdaranrdd1934.(leuilleUBYANDESERT).
La frontière est celle du Traite de Rome de 1935. Le tracé portela mention

"delimited1935".

70 Carte anglaiseau 1:2000 000publiéepar ieWar Office en 1939. (28n1eediiiori).D'ayrés
descarresfrancaises eranglaisespublites en1935:1936.(leuilleDARFUR).

La frontièreestcelledu Traitede Romede 1935.

71 Cane au 1:2 000 000 (Cditionprovis-iTirage de dkcembre 1940) CdiiCepar 1'I.G.h'.
d'aprPsla carredu Service GéographiqI'Armtede 1924(misdjour en 1931).(feuille

FErn).
La frontière est celle de1919,dessinCeavec le signe "Limitesinternationalesnon

determinéessur le terrain".

72 CarteaUemandeau 1:1000 000publiéeen 1940d'aprksle Croquisde l'Afriquefrançaise
de 1932du ServiceGtographique deI'Arnttefrancaise(feuillede DJADO).

La frontière est celle du Traite de Rome de 1935 avec le signe "Landes-
(Kolonie1zebiets)-Greuze".73 Cartealkmande au 1:1000000publiCeen Novembre 1940d'aprPsle Croquisdu Saerra

despays limilrophes(fedelFAJA) rkaliséedparrir decarresfrançaises de 1923d 1936.

La frontièreest ceUedu TraitédeRomede 1935.

74 Carieau 1:lO00O00du Service G4ographiquede l'ArmCe,tirage d'avril1940, d'après

i'éaïride 1935.(feuilledcFAYA).

La frontière estcelle de 1919.C'estle fond de cette cane qui a éutilisépar les
Allemandspour imprimerla carte précédente : ils n'ontchangéque le tracéde la

frontiére.

75 Croquis au 1:I O00O00de l'I.G.N. Tiragede décembre 1940dBprPsl'kdirionde 1935 du

Servicekographiquede I'Arm(IcuilledePUITS deSARRA).

La frontière estceUede 1919.

76 Cane allemande au 1:l 000 000publiéeen1940por les AUemands d'aprésle croquis de

l'Afriquefrançaise de 1935 du Service GPographique(Iran~aislde I'ArmPe,(feuille de

SARRA).
La frontière estcelledu TraitédeRomede 1935.

Carte identiqueà la précéùente aisfrontièredifférente.

77 Carreitalienne au J:J 000 OOOpubear l'llalie en 1940 (ComntandoSuperiore For:e

ArnioleA.S.).CarradirnoslrdellaLibiaFoglio-EL GATRUN-VAU.
La frontière n'estpas tracée surcette cane (seule celle de 1935figure dans le

cartouche placéen haut àdroite delacarte).

78 Carie italienne au 1:I 000 O00publiéepar l'ltalie en 1941 (Commando Superiore Forre
Armatc Africa Settentrwnale). (Photocopie).Cari4dimosîraliva della Libia- Foglio 10

TIBESTI.
La frontièreest celledu Trait6de Rome 1935.

79 Carte allemande au 1:l 000 000 publiéeen 1941 (Ediiion 1942, d'aprésle croquis du

Sahara du Serviceographique(francah)de I'ArmCe,(feuillede FAJA).
La frontière estcelledu Traité deRome 1935. Pourla premièrefois, la toponymie

a 616modifiéeet portéeen allemand.80 Carrede l'Afriquefrançaise1:1000000 publikepar l'I.G.N1941,d'aprés lecroquis
du ServiceeographiquedeI'Arntde 1939(feuilledeDJADO).

La frontièreest ceiiede 1919.

81 Cartealkmande au 1:3000000de 1941trablied'aprunecarteitaliennede 1937,(feuille

UBYEN).
La frontièreest celledu Trait6de Romede 1935

82 Carteallemandeau I:3000000de 1941,etablied'aprunecarreitaliennede1937.(feuille
UBYEN).

Ce document identiqueau précédenn to81 provientde la Cartothèque nationale
française; il comporteen surchargemanuscrite lafrontièrede 1919.

83 Carieollemondeou1:I000000pubiiéeen 1942d'oprtslCroquirde I'AfriqueFroncaise
au 1:1000000itabli en1939.par leServiceGiographique(français)de I'Arntke(feuillede

DJADO).
La frontière est celledu Traité deRome de 1935.La toponymie a été en partie

uansforméeet traduiteen allemand.

84 Carte au1:I O00O00 pubfite par le War Office angla1942,d'aprPsdes docunieiirs

fronçais. iraliener onglais datant de 1938 d 1940. correcopiie er inI'duueee par
. .
QU&KUK et11942avecsurchargeoProi~aurief.euilledePUITSDE SARRA.).
La frontière est celledu TraitédeRomede 1935.

85 Croquisau 1:2500000 des "PrincipalesRoules el Pisiesde l'AfriqueFrangaise" (Feuille

no6). riragede Novembre1942 par 17.G.N..d'aprés leCroquis dresse et pub114par le

ServiceGeographiquedel'Arméen 1935.
La frontière est celle du Traité de Rome 1935 avec le signe "Limites

internationales".Remarquerquece document à unegrandesurface commune avec
le document no 86, et même kchelle,même factureet impriméà la mêmedate :

novembre 1942. Cependant, le tracéde la frontière Tchad-Libye n'est pas le

même. Cette cane a probablementété impriméeen omettantde modifier le tracé
frontalier.86 Croquisau 1:2500 000des Trinc~ales Routes et Pistes de l'Afrique Française"(Feuille

n03), tiragede Novembre1942par 17.G.N.d'oprPsle croquisdresseen 1932par le Service
Géographiquede l'Arm(éditionde 1936).

La frontière est celle de 1919 avec le signe "Limites internationales non
déterminée sur le terrain".A noter quesur les cartesdu même typeno 57, 58 et

85. la frontière était cellede 1935, sans qu'une explicationplausible ait pu
expliquerlechangement.

87 Petilccarteadrieaine "LIBYA PoliricalSubdivisionsand CommunuariOns"au

1tl2000000environ.publite dans "The Geogropaux"Etats-Unisen 1943.
Tracéde la frontièred'après lTrait6de Romede 1935.

88 Corte anglaise au 1:5 000 000 "Fronfiers of Libya" publiéeen mars 1944 par "Foreign

Office ResearchDepartment".O.R.D.).

Cettecane portedeuxtractsde frontières mentionné esn légende "1935 frontier"
et "Pre-1934frontier".Le trac6de cette dernière eerroné;il commenceau point

défini par l'intersectinuméridien 24' etduparallèle18'45'.alorsquedepuisla
Conventionde 1919,cepointpasseauparallèle 19'30'.

89 Carîeonglaisau 1:7000000WBYA publiéepr ResearchDept.F.O. en avril 1946.

Le tracéde lafrontière est celi uTraité deRomede 1935.
Autour de "Kufra" en Cyrenaica. la mention suivanteest impnm6e :"French

Military Post here although outside French administeredArea". De même, le
Fezzanest compris dans lestemtoiresadministréspal ra France.

90 Croquis joinau compte-rendu du Lieutenant BARTHELEMY, chef de posrdBardai'

(28191145).

La frontière mentionnéeest celle d1e919.

91 Carie de l'.@igue française au 1:I 000 000 dresséet publiépaen1943 d'aprt's
desdocumentsfrancais et anglaisétablisentre1924 et1939, (feuilledeLARGEAUJ.

La frontière estceliede 1919. 92 Carieau1:2O00000de 1945 dressispubliéepar l'I.G.N.d'aprtsles Croquisde l'Afrique
Francaiseau 1:1000000 du Seriice Gtographiquede I'Armteentre1938er1943.(feriille

deFEZZAN).
La frontière est celle de 1919. Elle est uacke avec le signe correspondantà

"Limites internationalesnondktenninks surle terrain".

93 Assemblagede quairecaries(pariiell1945eau1:2000000surcharged'iiiniraues (il

semble que ce sonrdes irintrairesrvolutrien. compreienu des diserdes dores

porrtes).
La frontièreest cellede 1919.

94 Carreau 1:2 O00O00rtalisie par le War Olfiee anglai1928 ,ublite par l'I.G.N.
français en1917 "(BritishCrowncopyrightresened)". Tiragede mai1917enbasd droitede

lacarre,(feuilledeDARFUR).
La frontière est celleduTraitéde Romede 1935.

95 Carreau 1:2 O00000 rialiste par le War Office anen 1928 ,ublite par l'I.G.N.
fraii~aisen 1947 "(BririshCrou,iicopyrightreserved)".Tirage deniors1948en bas ddroite

de la carre.(feuillede DARFURJ.
La frontièreest celle de 1919.(seule différence avecle document précédent de

1947).11y a égalementunesurchargeaéronautiquesur ce tiragd ee 1948.

96 Carie auI:2 O00O00réaliséepar le War Office anglai1935 (Third Edilion 1912).

publiPepar 1'I.Ghrf.rançais en 1917 "(Bririscopyrighrreserved.Reproduit avec

I'aurorisardu Conrrollerof His BriranriicMajesry'sSrarioneryOffice)".(feuilleLIBYAN
DESERT).

Lafrontière est ceiledu TraitédeRomede 1935.

97 Carreau1:2O00O00rialiste par k WarOffue anglai1935 feuilleLlBYANDESERTJ.

Ce document estirèssemblableau précéden(tno96) maisla date d'impression est
- diffkrente (novembre 1956)et il comporteune mise &jourpartielle faiteen 1948.

Cette miseàjour a concemk certaines surcharges akronautiqueest le changement

de positionde la frontière(1919).98 Croquisde l'Afriquefmnçaise au 000000publiéporI'J.G.N.en 1948aprts midjour

parrielle de l'éditionde 1939 du Service Gtographique de I'Arnite. impression de 1955.
(,feuillede DJADO).

Lafrontière est ceilede 1919.

99 Carle del'Afriquefrançaise au 1:I O00000pub/& par I%Gff. en 1948 aprtdjoure

parrielle de l'dditionde 1939 du Service Géographiquede I'Armde,impression de 1948,
(feuilledeDJmO).

La frontièreestcelledede 1919.
Ce document identiqueau prkedent (no98) comporteen surchargemanuscritele

tracéde la frontièrede 1935, (voir la positidu wcéàpartirde Ehi Madou vers
l'Est)et aussien margeune annotationsignalant le changementde position -àla

suite de levkssur le terrainen 1942et 1946 - du sommetEhi Dohar Dobade 12

km versle Sud.

100 Carle de l'Afriquefrançaise au 1:1000 000publite eit1918par lt1.GN.par contpilaiion
de docunlentser de levésdïtinkraires de milirairesfrançaid 1946. (impression

1958),(feuillePUITS DESARRAI.
La frontière est cellede 1919dessinéeavec le signe correspondant à une "Limite

internationalenondélimités eurle terrain".

101 Carieanglaiseau 1:I 000000publiéeen 1948parWar Officeanglaispor reproditclioii

de la carrertaliséeen 1913par 17.G.N.(feuilledeFAYA).
Lafrontière estceilede 1919.

102 Carte auI:2O00O00rdalisie parleWar Office anglais en 1935 (Third Edition 1912).

publiéepar 1'I.GN.francais en 1947 "(BritishCrown copyrightreserved. Reproduit avec

l'aurorisariondu Controller of his BriraniticMajesry'sSrarioneryOffice)". Mise d jour
porriellepar 17.GH.en 19ersurchargeatronoutique.(ieuilleUBYANDESERT).

Cette carte esuès voisinedecellesno96et 97,maiselle akt6impriméeen 1949.
Lafrontièreest cellede 1919.

103 Croquis britannique,iUustmnllesdemandesfrançaises de1948.104 Cane auI:2 500 O00des "PrincipalesRoureset Pistes del'AfriqueFmngaise" (Feitille
n03), publiéeen 1949par I'I.GN.Misedjour parrdecettedate.d'uncroquispublii en

1936par leServiceGéographiquedeIArmée.
La frontièreestceUede 1919.

105 Carreau 1:2 500 O00des "PrincipalesRoutesd Pistesde l'Afrique Française" (Feuille
no6) publie en 1949par 17.GN.Midjour partielleen 1919.d'un croquispublie en 1935

par le ServiceGeographiquede l'Année.
La frontièreest celle de 1919.

106 Carteau 1:2500O00LIBYA /rablit par "BriliFhOrdnnnceMapl:

Publiée parla "Commissiond'enquêted ses Quatre Puissancesdans les anciennes
Colonies italiennes" (France. Royaume-Uni. Etats-Unis et U.R.S.S.), cettecane,

classée"Resmcted en 1949a été archivéeàla Bibliothèquedes Nations Unies à
New York. La frontière figurantsur lacane est celledu Traité de Rome de1935.

Une notejointe annexée audocument émanant dl ea Délégationfrançaise indique:
"La frontièrede cettecane est basée sur l'accordranco-italiendu 7janvier 1935..

Cet accord n'est jamaisentréen vigueur car il n'ajamais étératifié et

formellement dénoncé ~arleGouvernementitalienen 1938."

107 Photocopie partielle d'une carte '!4fricaond ihe Arobic Peninsulo" ou I:I2 000 000
pubI2e par "NatianaIGeographicSocietaWahington en 1950.

Frontière tracéesuivant leTraité deRomede 1935.

108 Petùe cartede LibyeCtnblieparlesNations Uniesen 1950pow monrrerI'ivoie la~d

siruarionpoliriqueinrernationoleau coursde cerreannke1950surleproblenzede lafronriPre
rchado-libyenne.

La frontière portée est celeuTraité deRomede 1935.

109 Petitcartede Libye4taùliepar lesNations-Uniesen 1950,versionfrancaise

(agrandissementde Incarreprécedent108).
La frontière portée est galemencelleduTraitéde Romede 1935.110 PslilrcartedeLibyedatde1950Ptablicpar lesNationsUnKspourla mêmraison
quelescartes108et111.

Elle donne le trac6de la frontière d'après le Trai6e Rome,mais elle pone une
successiondepoints d'interrogationjm~rimés le longdu signedela frontière.

111 Carte annrrte au "RapportdesQuairePuissansur lesanciennes Colonies
imücnnrs: rPsoluci289du22septembre 1950".

La position de la frontière est cellede 1919 (position qui seretrouvera dans
presque touteslespublicationsinternationales).

112 "Car& GPologiqudel'Afrique EquntoriaieFrançaiseel du Cameroun"au
1:8000000,.!dirPeparInDireciion desMineseldela Gtologiedel'A.E.F.en1952

(irnprirdkParis).

Lafrontièredu nord duTchadestcellede 1919.

113 Carteau 1:I O00000préparWr leGeographicalSection-General lqff publiée parO
le WarOfficeanglaisen 1953d'aprPslesCroquisdeI'AjriqueFrancaisede1948de

17.GN.(feuilledePUITSDESARRA).

Le tracéde la frontièreest celuide 1919.11est mentionneen marge "This mapis
NOTanauthonty on thedelimitationof internationalboundaries".

114 Carreau 1:2000000 réalispear 1XG.N.en1944,misàjour en1954d'aprprss
CroquisdeIXfriqite Francaiseau000 WO de17.GN.(feuilledeFEZZAN).

La frontière estcellede 1919.Elleest dessinte en traits discontinus indiquantque
les limitesinfernationalesn'ontpas6tédétenninkes surle terrain.

115 Car& gPolagiqueau I:I 500000dressparloDirectiondesMinesetde& GPologie
de1'A.E.F.en 1954-195(d'apresleslevksdereconnaisseesgkologues).

imprirnkeauServiceGtogrophiquedeI'A.EF.en1956.(feuilleBORKOU-EWNEDI-

TIBESTI).
Le trac6de la frontièreestceluide 1919.

116 CroquisphotogrammPlriqumonochromeauIR00 000de1956dresseà InDirection

desMinesetdeInGPologiede1'A.E.F. (feuilleNF-34-XIII).La frontière tracée est celle1919.
Remaraue : ce croquisaCtCCtablid'après les photographieatriennes existanteà

cette Cpoque. Ces photographies n'ontpas Ctt restituees dans un appareil de

restitution mais assembléepar la mthtode de mangulationàfentesradiales.
La planimtaie est certainementtrèsvalable maisle relief n'apparaîtpas.

117 Croquisphofogrammifriqou 1:200000de1957dressidloDirecriondesMinesel

deloGfologkde 1'A.E.F.(feuilleNF-33-XIEDRI).
Pas de frontièretracte, seulecellede 1919apparaîtdqs le cartouchede situation.

Remaraue :ce croquisattCCtablid'aprèsles aériennesexistantesà
cette Cpoque. Ces photographies n'ont paskt6 restituees dans un appareil de

restitution maisassembltespar la mthtode de mangulationà fentesradiales.

La planimkme est certainementtrèsvalable maisle reliefn'apparaît pas.

118 Croquisphofogramminiqueau1:200000de1957dressidlaDirectiondesMineser
delaGiologiede1'A.E.F.(feuilleNF-33IIOZOU).

Aucune frontièren'esttracte, seule celle de 1919 apparaît dans le cartouche de
situation.

Remarque :ce croquisattt ttabli d'aprèsles photographiesaknennes existantàs
cette Cpoque. Ces photographies n'ontpas Ctk restitukes dans un appareil de

restitutionmaisassembltes par la mthtode de mangulationà fentes radiales.

Laplanimeme est certainementtrèsvalable maisle relief n'apparaît pas.

119 CroquisphotogramrnifriqeuJ:2OO000dressiblaDirecriondesMinesetde lo
Gkologiede 1'A.E..feuilleKIBEI-MAIOKMAF-33-XXll).

Aucune frontièren'esttracte seule celle de 1919 apparaîtdans le cartouche de
situation.

Remaraue :ce croquis aCtCCtablid'aprèslesphotographiesatnennes existantes à

cette tpoque. Ces photographies n'ont pas Ctt restituees dans un appareil de
restitution mais assembléepar lamthtode de mangulation fentes radiales.

Laplanimtme est certainementtrèsvalable mais lerelief n'apparaît pas.120 Cmquisphotogrnmrnttriqueen deux couleun ou 1:2000004di14en 1959por

I%G.h'.d'aprt'scelui41abliporlaDirectiondesMineselde la Gde /XE+. en
1956(feuilleNF-34-XII/).

Le cenue I.G.N de.Brazzavillea complété ce documentavec un certain nombre
d'indicationset detoponymes. Letracédelafrontièreest celuide 1919.

Remaraue :ce croquisa ététablid'après les photographiesaérienn eeistantesà

cette époque.Ces photographies n'ont pasétérestituéesdans un appareil de
restitution mais assembléespala méhtode de aiangulationàfentesradiales.

Laplanimétrie est certainementtrès valabmleais lereliefn'apparaît pas.

121 Les trois "Cartesotro~uriques du Monde(EdilionprovOACJ.au
1:l 000000)"numérol(esde 121d 1:3

feuiUe TIBESïl OUEST(2570),enregard

feuille TlBEESï 1 2569)
feuille BORKOENhEûi (2664),

donrlefond lopographiquea &&puben1957por ïi.GN. Froncesoiifrevêts'une
surchargeatronautiqueeronrPimpriméeCI1959.

La frontière entrelaLibye etle Tchadest cellede 1919.
Cescartesont servide référence àl'étude"CHAD-LIBYABOUNDARY" publiée

dans "InternationalBoundaryStudy" no 3 de Mai 1961,faite par le "Department
of State-UnitedStatesof Amenca (Issuedby :the Geographer)"où il est kcrià

propos deces trois canes "Arerecommendedas the best sourcesavailableat the

present timeof the alignmentof theoundary".

122 Lostrois "Carieso4ro~utigues du Monde(EditwnproviO.A.C .I.
1:1000 000)''numhroiéde121 d123:

feuille TIBEOUEST (2570)
feuille TIBESTIEST (2569), en regard

feuille BORKOENNEDI(2664).

dont lefond topographiquea éréen1957par 1'i.GN.Franceson1revêrus'uiie
surchargeaeronautiqueelont 616impriméesen1959.

Lafrontikreenue laLibye etleTchadest cellede 1919.
Cescanes ont servide référence àl'étude"CHAD-LIBYABOUNDARY" publiée

dans "InternationalBoundaryStudy"no 3 de Mai 1961, faite parle "Depanment
of State- UnitedStatesof America(Issuedby :the Geographer)"où ilest kcntàpropos de ces trois cartes "Arerecommended asthe best sources availableat the
present timeof the alignmentof theboundary".

123 Les@ois"CartesaCronautiquesuMonde(Edifionprovisoir0A.C.i.au

1:J000000)"nudroiées & 121à123 :
feuillTIBESTOIUEST(2570)

feuilleIBESTIEST (2569).

feuillBORKOUENNEDI (2664).enregard
dontlefond topographiuettepublieen1957parI'I.GN. Francesontrevérs'une

surchargetronauriquetontkrkimpriméesn1959.
La frontièreentre laLibye etleTchad est cellede 1919.

Ces cartes ont servide référence I'ttude"CHAD-LIBYABOUNDARY" publiée
dans "International Boundary Study" no 3 de Mai 1961, faite parle "Depanment

of State- United Statesof Amenca (Issuedby :the Geographer)"où il est écrità

propos de ces trois cartes"Arerecommended asthe best sources availableat the
present time ofthe alignmentof the boundary".

124 Cartesau 1:200O00
Un cenain nombre decanes à cette échelleont étttablies pour cette région,par
l'Institut GéographiqueNational français de 1959 à 1967. Elles sont conformes

aux normes de précision retenues à cette époque pour l'établissement d canes
régulières.
Réalisées par exploitationdes photographiesaériennes, leur facture vaernpartie
du fait du complètement réalisé qu peut êtretotal ou partiel. Ceci a condàiles
classifieren:
- croquis saharien (sanscomplètement)
- fond topographique (sanscourbes deniveau)
- carte régulièr(ayantété restituie et complétéetotalement).
Dans la région intéressél e, délégation tchadienne n'a retenquue les cartes au
1:200000 sur lesquelles figureun tracé de frontièrequi est celle de 1919. Sont
donc présentées leh suitcanes suivantes:
NE-34-XVIII 1959 Croquissaharien
NE-34-XXIV 1959 Croquissaharien
NF-34-IV 1959 Croquissaharien
NF-34-V 1959 Croquissaharien
NF-34-lX 1964 Fonds topographique
NF-33-XVII 1967 Fondstopographique
NF-33-XXII 1967 Fonds topographique
NF-33-XXIII 1967 Fondstopographique

La carte en regard estla cane NE-34-XVlll (AGOZA)que vous pouvez localiser
dans le tableaud'assemblageci-dessous. 125 carlesaI:ZOOO#
Un certain nombre de cartàcette échellontétéétablies poucetterégion, par
l'InstitutGéographiqueNationalfrançais de 19à91967. Elles sontconformes
aux normesde précision retenues cette époquepour l'établissemete cartes
régulières.
Réalisées par exploitationesotographiesaériennes,leur facture ven partie
du fait duomplktementréalisé quieutêtretotaloupartiel.Cecia conduià les
-croquis saharien (scomplktement)
-fondtopographique (sanscourbesdeniveau)
-carterégulièr(ayantétérestitueeetcomplétéetotalement).
Dans la région intéresséa, délégation tchadiene'aretenu que les cartes au
1:200000 sur lesquelles figureun tracéde frontièrequi est celle de 1919. Sont
doncprésentées lesuitcartes suivantes
NE-34-XVIII 1959 Croquissaharien
NE-34-XXIV 1959 Croquissaharien
NF-34-IV 1959 Croquissaharien
NF-34-V 1959 Croquissaharien
NF-34-IX 1964 Fondstopographique
NF-33-XVII 1967 Fondstopographique
NF-33-XXII 1967 Fonds topographique
NF-33-XXIII 1967 Fondstopographique
La carteenregardest lacarteNE-34-XXIVque vous pouvez localisdansle
tableau d'assemblage ci-dessous.

126 CarlesoI:ZO Ooo
Un certain nombrede carteàcette échellontétéétablies poucette région, par
aux normesdeogprkcisionretenueàrcette époque pour l'établissemnt caness
régulières.
Réaliséepsarexploitationdesphotographiesaériennes,leur facture en partie
du fait duomplbtementréalisé qui peêt ttotalou partiel.Ceci a condàiles
classifieren
-croquis saharien(sanscomplètement)
-fond topographique (sanscourbesdeiveau)
. -cane régulièr(ayantété restiteecomplktée totalement).
Dans la région intéresséa, délégation tchadienne n'a reque les cartes au
1:200000 sur lesquelles figureun tracéde frontière quiest celle de 1919.Sont
doncprésentées lesuitcartes suivantes
NE-34-XVIII 1959 Croquis saharien
NE-34-XXIV 1959 Croquissaharien
NF-34-IV 1959 Croquissaharien
NF-34-V 1959 Croquissaharien
NF-34-IX 1964 Fondstopographique
NF-33-XVII 1967 Fondstopographique
NF -33-XXII 1967 Fonds topographique
NF-33-XXIII 1967 Fondstopographique
Lacarteen regardestlacarteNF-34-IVquevouspouvez localiserdans letableau
d'assemblage ci-dessous.127 caricsauln00 0011
Un certain nombrede cartesàcetteéchelle ontété établiespour cette région, par
l'InstitutGéographiqueNationalfran~aisde 1959 à 1967. Elles sont conformes
aux normes de précision retenuesà cette .-oque -our l'établissemendte cartes
régulières.
Rkaliséespar exploitationdesphotographiesaériennes,leufracturevarie en partie
du fait du complètement réalisé qui peutretotal ou partiel. Ceci acondàiles
classifieren:
-croquis saharien (sanscomplètement)
-fondtopographique (sanscourbesde niveau)
-carte régulière (ayantt6restituCeetcompl6tketotalement).
Dans la région intéresséel, délégation tchadiennne'aretenu que les canes au
1:200000 sur lesquelles figureun macéde frontièrequi est celle de 1919. Sont
donc présentées les huit cartes suiva:tes
NE-34-XVIII 1959 Croquissaharien
NE-34-XXIV 1959 Croquissaharien
NF-34-IV 1959 Croquissaharien
NF-34-V 1959 Croquissaharien
NF-34-LX 1964 Fondstopographique
NF-33-XVII 1967 Fondstopographique
NF-33-XXII 1967 Fonds topographique
NF-33-XXIII 1967 Fondstopographique
La carteen regardest la carteNF-34-Vquevous pouvezlocaliser dansle tableau
d'assemblage ci-dessous.

128 carieauln00 ooo
Un certain nombre de cartesà cette échelleont été établies pcette région,par
l'InstitutGéographiqueNationalfrançais de 1959 à 1967. Elles sont conformes
aux normes de précision retenues à cette époque pour l'établissemendte cartes
régulières.
Réalisées par exploitationdepshotographiesakriennes,leur facture varieen partie
du fait du complètement réalisqui peut êtretotal ou partiel. Ceci a conduit
classifieren:
- croquis saharien (sanscomplètement)
- fond topographique (sanscourbesdeniveau)
- carterégulière (ayant trestituéeet complétéetotalement).
Dans la région intéresséle, délégation tchadienne'aretenu que les canes au
1:200000 sur lesquelles figureun racé de frontièrequi est celle de 1919. Sont
donc présentées lehsuitcartes suivant:s
NE-34-XVIII 1959 Croquis saharien
NE-34-XXIV 1959 Croquis saharien
NF-34-IV 1959 Croquissaharien
NF-34-V 1959 Croquissaharien
NF-34-LX 1964 Fondstopographique
NF-33-XVII 1967 Fondstopographique
NF-33-MI1 1967 Fonds topographique
NF-33-XXIII 1967 Fondstopographique
La carte en regardestla carteNF-34-IXque vous pouvezlocaliserdansle tableau
d'assemblage ci-dessous.129 carteau 1:20o0oo
Un certain nombre de carteàcetteéchelleontétéétablies poucette région, par
1'InstitutGéographiqueNationalfrançaisde 1959?i1967.Elles sont conformes
aux normesde précision retenues?icette époque pouri'etablissementde canes
régulières.
Réaliséepsar exploitationdes photographiesaériennes,leur factureen partie
du fait du complktementréalis- -ui peut ttraioupartiel.Ceci a conduiàles
classifiere:
-croquis saharien (sanscomplètement)
-carterégulière (ayaett6restituetcomplététeotalement).
Dans la région intéresséla,délégation tchadiennne'aretenu que les cartes au
1:200000 sur lesquelles figureun tracéde frontikrequi est celle de 1919. Sont
doncprésentées lehsuitcartes suivantes
NE-34-XVIII 1959 Croquissaharien
NE-34-XXIV 1959 Croquissaharien
NF-34-IV 1959 Croquissaharien
NF-34-V 1959 Croquissaharien
NF-34-LX 1964 Fondstopographique
NF-33-XVII 1967 Fondstopographique
NF-33-XXII 1967 Fondstopographique
NF-33-XXIII 1967 Fondstopographique
Lacarteen regardestlacarteNF-33-XVII(BARDAI NORD) quevous pouvez
localiser dansle tableaud'assemblageci-dessous.

130 cartesau1:200ooo
Un certain nombre de carteAcette échellontété établies poucette région,par
l'Institut Géographique ationalfrançaisde 1959 1967.Ellessont conformes
aux normesde précision retenuesà cette époque pour l'établissement canes
régulières.
Realiséesparexploitationdesphotographiesaériennes,leur facture vaen partie
du faitdu complètement réalisé qui peut totelou partiel. Ceci a conduits
classifieren
-croquis saharien (sans complètement)
-fondtopographique (sanscourbesde niveau)
-carterégulière(ayantttérestituet cornpl&&totalement).
Dans la région intéresséla,délégation tchadiennne'aretenu que les canes au
1:200000 sur lesquelles figureun tracéde frontikrequi est celle de 1919. Sont
doncprésentées les huit cartes suivantes
NE-34-XVIII 1959 Croquissaharien
NE-34-XXIV 1959 Croquissaharien
NF-34-IV 1959 Croquissaharien
NF-34-V 1959 Croquissaharien
NF-34-LX 1964 Fonds topographique
NF-33-XVII 1967 Fondstopographique
NF-33-XXII 1967 Fondstopographique
NF-33-XXIII 1967 Fondstopographique
Lacarteen regardestlacarteNF-33-XXIIque vous pouvez localiserdans le
tableau d'assemblage ci-dessous.131 c~lrs OU1:2w 000
Un certain nombrede cartesà cetteéchelle ont éétabliespour cette région, par
l'InstitutGéographiqueNationalfrançais de 1959à 1967. Elles sontconformes
aux normes de précision retenuesàcette tpoque pour I'ttablissement de canes
rtgulières.
R6alistes parexploitationdes photographiesatnennes, leur facture varieen partie
du fait du complètementrtaliséqui peutêtretotal ou partiel.Ceci a conàles
classifieren
-croquissaharien (sanscomplètement)
-fond topographique(sanscourbesdeniveau)
-carte rteulière(avantétrestitute et com~lttéetotalement).
Dans la ;kgion initressée,la dtltgation ichadienne.n'aretenu que les canes au
1:200 000 sur lesquelles figureun tracéde frontière.quiest celle de 1919. Sont
doncprésentées lehsuitcartes suivant:s
NE-34-XVnI 1959 Croquissaharien
NE-34-XX1V 1959 Croquissaharien
NF-34-IV 1959 Croquis saharien
NF-34-V 1959 Croquissaharien
NF-34-Y( 1964 Fondstopographique
NF-33-XVII 1967 Fondstopographique
NF-33-XXII 1967 Fonds topographique
NF-33-XXIII 1967 Fondstopographique
Lacarte en regardest lacarteNF-33-XXIIIque vous pouvez localiserdans le
tableau d'assemblageci-dessous.

132 Carteau1:s O00O00r4alis4eparI'1.G.N.France,(feuilleNORD-EST -
ARABIE).

Le fond de cette carte est celui dresséen 1931par le Service Gtographique de
l'Année.

L'impression faiteen 1960donnele tracéde la frontièrede 1919.

133 CarteaâminisbaIivedelaRCpubiiduTchad,au1:7500000.
Etablie par l'I.G.N.France (Servicegtographique à Brazzaville) en 1960,juste

aprèsI'indépendancdeu Tchad.
La frontière avecla Libyeest cellede 1919.

134 CartepoliîiqucdeI'qfnqueau1:lO000(à I1Equafeu),ublitepar 17.en.

I%O.
L'exemplaireprtsentk est celui qui comporte les limitesd'Eut ou de Temtoire au

ler janvier 1960.Les éditions successivse cette carte, dont la dernièredate du
10août 1984,comportentle même ûacéde frontièreTchad-Libye, qui est celde

1919.135 Eh& etcarledIafrontiLreTchad-Li"CHAD-UBYABOUNDARYVpubliées dans

"lnrernatioloundatSludyn'3 deMai 1961.parleDeparrmerfStar-s

U.S.A.(IssubyTheGeographer).
Lacane fait apparaîtredeux tracés,ainsi libellélnlégende:

-"Presentboundary"(c'estle tracéde 1919).
- "Boundaryagreed to by Italy and France in 1935;agreement never ratified"

(c'estle tracéde 1935).

136 PetitecaneadministrateuTchadauI:7 500000LîablieparlesU.SA.en1961.
La frontikreest celle de 1919.

137 CariesdeI'Afriqueou1:1000000delSC& "CarieinternaiioduMonde".

Plusieurs cartes françaises à cette échelle ont étéétablies par l'Institut
GéographiqueNational, pourla République du Tchadà , partir de 1959, par

exploitation directe des photographies aériennesou, lorsqu'ils existaient,par
généralisationdes cartes, fonds topographiques ou croquis sahariensau

1:200 000. Ces cartes ont étCimpriméesde 1961 à 1985 et classées selonle
découpagede la Carte internationaledu Monde au 1:l 000 000. Chaquefeuille

couvre un rectangle de6'en longitude Est-Ouest et4' en latitudeNord-Sud.ce
qui donnepour leNordduTchad,lesfeuillesau 1:1000000ci-dessous :

feuilleNE 34 LARGEAU1961,frontikrede 1919entracécontinu.
feuilleNE34 LARGEAU1975,frontièrede 1919avec le signe

"Limiteinternationalenonabornée".
feuillhF 33 DJADO,frontièrede 1919 en tracdiscontinu.

feuilleNF 34 TIBESTIEST,frontièrede 1919en tracé
discontinuavecle signe "frontikreinternationale",

Lacarteen regardestla feuillNE 34LARGEAU(édition 61).

138 Cariesdel'Afriqueau1:1000000delaserie"Carreinternatdu Monde".

Plusieurs cartes françaises à cette échelle ont étéétablies par l'Institut
GéographiqueNational, pourla République duTchad, à partir de 1959, par

exploitation directe des photographies aériennesou, lorsqu'ils existaient, par
généralisationdes cartes, fonds topographiquesou croquis sahariens au

1:200 000. Ces cartes ont étéimpnmkes de 1961 à 1985et classéesselon le
découpagede la Carte internationaledu Mondeau 1:l 000 000. Chaque feuillecouvre un rectanglede 6'en longitude Est-Ouest et4' en latitude Nord-Sud,ce
qui donnepourle NordduTchad, lesfeuillesau 1:1000000ci-dessous :

feuilleNE34 LARGEAU1961,frontièrede 1919en trac6continu.
feuilleNE 34 LARGEAU 1975f,rontièrede 1919avec le signe

"Limiteinternationalnonabornée".

feuilleNF33 DJADO,frontiére de 1919entract discontinu.
feuilleNF 34 TiBESTiEST, frontière de 1919en trac6

discontinuaveclesigne "frontièreinternationalew.
Lacarteen regardestlafeuilleNE 34LARGEAU(édition1975).

139 Cariesde['Afriqueau1:100000deh sCrie"Ca- inrernntwnncuMonde':

Plusieurs cartes françaises à cette 6chelle ont kt6 6tablies par l'Institut
Gkographique National, pourla Républiquedu Tchad, à partir de 1959, par

exploitation directe des photographiesaenennes ou. lorsqu'ilsexistaient, par
gén6ralisationdes cartes, fonds topographiquesou croquis sahariens au

1:200 000. Ces cartesont étkimpriméesde 1961 à 1985et class6es selon le
découpagede la Cane internationaledu Mondeau 1:l 000 000. Chaque feuille

couvre un rectangle de6' en longitude Est-Ouestet 4' en latitude Nord-Sud.ce
qui donnepourle NordduTchad, les feuillesau 1:1000000 ci-dessous :

feuilleNE 34 LARGEAU 1961f ,rontièrede 1919entracé continu.
feuilleNE 34 LARGEAU1975,frontièrede 1919aveclesigne

"Limiteintemationalenonabornée".
feuiilNF 33 DJADO,frontière de 1919en trac6discontinu.

feuilleNF 34 TIBESTI EST, frontièrede 191e n tracé
discontinuavec lesigne "frontièreinternationale".

Lacane en regardestla feuilleNF33DJADO (édition 1961).

140 Cariesdel'Afriqueau1:1000000deh strie"Carleinrern<rrJeMonde".
Plusieurs cartes françaises à cette kchelle ont 616 ttablies par l'Institut

Gkographique National, pourla Rkpubliquedu Tchad, à partir de 1959, par
exploitation directe des photographies atnennes ou, lorsqu'ilsexistaient, par

généralisatiodes cartes, fonds topographiquesou croquis sahariens au
1:200 000. Ces cartes ont étimpriméesde 1961 à 1985 et classees selon le

découpagede la Carte internationaledu Monde au 1:l 000 000. Chaque feuillecouvre un rectanglede 6' en longitude Est-Ouestet 4' en latitude Nord-Sud,ce
qui donnepourle NordduTchad,lesfeuillesau 1:1 000 000cidessous :

feuilleNE 34 LARGEAU1961.frontière de 1919en tracécontinu.
feuilleNE34 LARGEAU1975,frontiére de 1919avec le signe

"Limite internationanonaborna".

feuilleNF 33 DJADO,frontièrede1919enmcCdiscontinu.
feuilleNF 34 TIBESTI EST, frontièrdee 1919en @acC

discontinuavecle signe"frontikreinternationalev.
Lacane en regardestla feuillNF 34 TIBESTI-EST(édition 1963).

141 PetitecarieadministraeeIBLibyeau1:8WO 000dioblipar 1'ON.U. en1963.
Lafrontièreenue laLibye etle Tchadest cellede 1919.

142 'TopographiMapof UniledKingdomofLibya",carteaI:2000000rdalirdpar

U.S.Geologicai urve(USA.)en1961surdenurnddeitMiriisclibyende

ïEconomie.duPerroleerdeI7ndusrrie.
Cette carte est une compilation faite en 1959 de cartes aeronautiques,

administrativeset géologiques,américaines,italienneetsfrançaises.La frontière

uackeestcellede 1919,maisunemention,en rougesurlacarteprécisee ,n anglais
et enarabe :

"Internationalboundariesas illusuatedhereinare neitherfinal norbindingonthe
LibyanGovemment".

Cettecane étaitet estpeut-EueencorevendueparU.S.GeologicalSurvey.

143 Car& gdologiqudelaRCpubliqueuTchadau I:500000UeuiUeNord)rdalisde en

1964parleBureaudeRecherchesGCologiqueeslMinières(B.R.G.M.)avecle
concoursfinancidruFondsd'AiderdeCooplroridelaRlpubliqufranpise.

Lafrontièretracéesurlacarteestcellede1919. Les travauxde rkalisationdecette

carte montrent que des services françaisont fait des investissements financiers
pour le comptedela République du Tchad, ycomprisdansla zonecontestée.

144 Carterouti8reau 1:150000deh RCpubliqueu Tchad(/euilleNord).

Cette carte aCtpublikeen 1968parle Centredel'InstitutGeographiqueNational

de Brazzaville.145 Carteadminitbalive au1:s000000itsuedel'"Allas pmriquedu Tchad"publiéen1971

par I'lnsliîul naiwnal tchadien pour les scienceshumaines". ImprenFrance par
U.GN.

La frontière est cellede 1919.

146 Les deux caries au1.50 000 no146 el 147sont extrailesde dossiers"en allemand"

réalis6spar une missionde I'lnslilul de GkographiePhysiquede I'UniversitC Libre de
Berlin enlre 1970el1972.

Le travail sur le terrain a 6t6 fait pendant l'hiver 1966-1967 en utilisant des
photographies a6riennesprises par l'I.G.N.français. Les travaux scientifiques sur

le terrain ontkt6financ6spar l'Allemagney comprisdans la zone contestée.

La frontière apparaîtdansle tableaud'assemblage des cartes ;c'estcelle de 1919.

147 Les deux carresau 1:50 000 no146 el 147 sont exirailes de dossiers "en allemand"

riafisis par une missionde l'lnslilul de GkographiePhysiquede I'UniversitC Libre de
Berlin entre1970el1972.

Le travail sur le terrain a kt6 fait pendant l'hiver 1966-1967 en utilisant des
photographies a6riennesprises par l'LG.N.français. Les travaux scientifiquessur

le terrainontkt6financkspar l'Allemagney comprisdans la zonecontest6e.

La frontière apparaitdansletableaud'assemblagedes cartes ;c'estcelle de 1919.

148 Caries tirdesdu "Notional Allas of Ihe Socialisl People'sLibyan Arab Jarnahiriya"
prépar4elLnprimCparlaSuéde (SociétESSELTE)en1978pour leSecrkrariarduPlaride

laamhiriya arabelibyenne.Lesiexreserla toponym'esontenarabe.

Les frontières avecle Tchadportéessurles cartesde cet atlas sont celles du Trait6
de Rome de 1935.

149 Quatrepelilescaries duTchadpubliéepar 1'O.N.U.en1968,1978 el 1981(deuxcarres)

monrranrlesdivisionsadminisrrativesl,esvilleserlesvoiesdecommunidu Tchad.

Surces quatre cartes,la frontièreavecla Libyeest celle de 1919.150 'SocialistPeoplLibym Arablamahiriyu':carteanglais1980au 1:3 500000
pliCeaveccouverture en couleurlse.gendeenanglais.

Date (récente?)d'kditioninconnue.Cartedaliséepar GE0 projects (U.K.)avec
l'autorisationde MALTInternational (Liban).

EditeurPr.SalemAliHajaji, Université Al Fatah(Tripoli).
La frontière estcelledu TraitédeRome 1935.

151 Cartel~LIBYA''oI:2500ûûû,pubWeen1985palr 'U.R.S.S.(Directionginirale de
laGiodksieadela Cartographerts leConseildesMinistresde1'UR.S.S.-Moscou).

Pliie souscouvertureerjaquette en li.gendeenanglais.
La frontièreavecleTchadest cellede 1919.

Cette carte, publiéepar un organisme officiel soviétique, est commercialisée (cet
exemplaire a été achetàPari chezJoseph Giben) et montrelareconnaissancede

l'U.R.S.S. pour le tracéde 1919. Aucune mention restrictive sur le tracédes
frontièresne figuresurla carte.

152 Extraitdeh CarrefrancaiseMicheli1:4O00000 qfriqueNordetOues- n"953

idifio1988-1989.
La frontièreest celle de 1919.

153 Carleadrieaine "AFRICA"au 1:14000 00dedicembre1990(NatiO~l

GeographicSociery).
La frontière est cellede 1919.

La bande d'Aozouest signaléeet une limite sud de cette bande est marquéeen
pointillés rouges.

154 CroquisfronçaisNONDATEau 1:1000000indiquanh limiteentreI'A.0.F.el
1'A.E.F.(archivesde1'exA. Dakar).

La frontière estcellede 1919.

155 CroquisfrançaisNONDATEau 1:1000000environd0IUIUnlfedispositifmiliraire
françaisjusqu'auxabordsdeAowu etdeYedri

La frontièreest cellede 1919.156 CaneanglaiNON DATEE au 1:WO 000

illustrant les demandes françaisesde 1948.Ce croquis est semblableau no 103
mais ilest dessine surunfond cartographique.

Lesfrontièresde 1919et de 1935sontesquissées.

157 CariaméricaiNON DATEE au 1:000000

Exuait de"TheNewInternationalAtlas"édiparRandMcNally.U.S.A.

158 CartanglaiNON DATEEau I:000000

Exuait de "Atlasof the World".ComprehensiveEdition,TimesBook,Londres.

159 Cm ilolienNON DATEE au1:5000000
Extraitde "AtlanteInternazionaledelTounng ClubItaliano",Milano.

La frontièreest ceUede 1919.

160 Car&ilolienNON DATEE au1:IOOW 000

Extraitde "Atlante InternazionaledelTounng ClubItaliano",Milano.
La frontière estceUede 1919.

161 CarisoviétiqeON DATEE au1:7500000
Extrait de "TheWorldAtlas", secondekdition. rkaàMoscou.

La frontière est cellede 1919.

162 Car& fouristlibyennea1:3000000don,la dated'tdirionesrincerrai~ie.

Elle akt6rkaliséeparle Cornit6G6nkraldu Tourismeet des Expositions.
Sur la carte, la frontièreatiskeest celle de 1;dans le cartouche de la

couverture,c'est lafrontièrede 1919quiapparaît. 3EME PARTIE

LE TRAITE DE 1955 LE TRAITEDE 1955 ET

LE PRINCIPE"PACTA SUNT SERVANDA" 11.01 Malgré les efforts déployéspar la partie libyenne qui,
comme la RBpubliquedu Tchad le montrera, s'efforcedans son Mgmoire de la

compliquer, cette affaireest extrêmement simple su lr planjuridique.

11.O2 Le présentdifférendest constituéde deux revendications

contradictoires :la partie libyenne prétendque la frontiére passe au sud du
B.E.T. sur base des critéres examinés par ailleurs,tandis que la partie

tchadienne affirme que cette mêmefrontière se situe beaucoup plus au nord,
conformémentaux conventionsconcluesde 1898 à 1919déjàanalysées. Or, la

solution de ce différendse trouve dans un traité conclu en bonneet due forme
par la Libye et la Francele 10 août 1955,l'article3 de cet instrumentconsacrant

la ligne désignée parla Républiquedu Tchad.

11.03 La Républiquedu Tchad ne fait donc, dans le cadre du
présent litige,qu'exiger de la partie libyenne qu'elleremplisse aujourd'hui des

engagements qu'elle a librement souscrits au préalable. A cet égard, cette
affaire se distingue de manière fondamentale d'autresprécédents où les parties

s'opposaient à propos d'une frontière qu'elles n'avaient pas directement
reconnue, mais dont la force obligatoire résultaitde divers engagements des

puissances coloniales. Dans ces hypothèses, les principes générauxde droit
international applicables tournaient autour du mécanisme de la succession

d'Etats ou de la regle de I'uti possidetis juris. Dans la présente espèce
également, un titre de souverainetéterritoriale résulte del'application de ces

principes généraux, titre déjà examiné dans les chapitres précédents.
Cependant, la particularitéde cette affaire est qu'on peut la réglerde manière

beaucoup plus simple et directe en se référant à un autre titre, autonome par
rapport au premier, la Libye ayant elle-même conclu un traitédont elle conteste
Le différend pendant devant la Chambre est donc
aujourd'hui les effets.
extrêmementsimple : ils'agit de déterminersi un Etat est tenu d'exécuterde
bonne foi ses engagements internationaux conventionnels. 11.04 Le principe de l'exécution de bonne foi de ses
engagements internationaux par un Etat est sans doute la regle la plus

fondamentaleet la mieuxétablie endroit international public.De grands auteurs
classiques,tels GROTIUS,en avaientdéjà soulignél'importanceiy a plusieurs
sihcles. En réalit6, on peut mêmeaffirmer que l'existence m6me du droit

international suppose le respect du principe. Comme le soulignait Michel de
TAUBE, Pactasuntservandaest

"de temps immémorial, l''axiome',le 'postulat',l''impératifcatégorique'
de la sciencedu droit desgens,de toutevie internationaletant soitpeu
organisée,...("L'inviolabildestraitésR.C.A. DolI3.,1930 - II,
p.295.)

Plus récemment,Sir lan SINCLAIRle qualifiait de "basicrinciple" (SINCLAIR,

Sir lan, The Vienna Conventionon the Law of Treatie~, Manchester University
Press,2nd edition, 1984,p.83).

11.05 On retrouve ce "pilier essentiel du droit internati-nal"
pour reprendre l'expression du juge de CASTRO (&IL 1974, p. 383). dans

plusieurs conventionsprésentantun caractèreuniversel. Dans le préambule de
la Chartedes NationsUnies,à laquelle laLibyea adhéré, n retrouvele principe

du "respect des obligations nées des traités et autres sources du droit
international". Par ailleurs, la Conventionde Vienne de 1969 sur le droit des
traités codifie lemêmeprincipe en son article 26 (Pacta sunf servanda), qui

dispose : "tout traitéen vigueur lie les parties etdoit être exécuté fei".nn
Dans son commentairede la dispositionde son projet qui allait devenir l'article
26, la Commissiondu droit internationalremarqu:it

"Pacta sunf servanda-la rbgleselon laquelleun traitélie les parties et
doit être exécutée bonne foi- est le principefondamental du droitdes
traités". (Conférence des Nations Unies sur le droitdes traités,
pocuments de a Conférena, Nations Unies, New York,1971,p. 33.
w n s des membresde la Commission.dont
M. PAL, pour qui "Pacfa sunf servandaa la valeur d'un axiome et est
aux fondements de l'ordre international",n., 1964, 1,p. 29,
par.5.) 11.O6 C'est sansdoute pourquoion retrouvedans lepréambule
de la Convention de Vienne le constat selon lequel "les principes du libre

consentement et de la bonne foi et la règle pacta sunt servanda sont

universellementreconnus". On pourrait multiplier lescitations en cesens au sein
de la doctrine, unanimesur ce point 1.

11.O7 Ce rappelde l'existenceet de l'importancede la regle du

respect des engagements internationauxn'a rien de gratuit. La République du
Tchad considère en effet que cette question constitue l'enjeufondamental du

différend portédevant la Cour. La Libye a reconnu conventionnellement une
ligne frontalière, et tente aujourd'hui d'échapper aux effets de cette

reconnaissance. La question posée à la Cour se résumedonc à déterminersi
un Etat peut échapper à l'exécution d'un engagement international qu'il a

souscrit. La r6ponse qui sera donnée aura à cet égard des répercussions
substantielles sur d'autresproblèmes frontaliers. II ne s'agit rien de moins que

de se prononcer, même indirectement,sur la pertinencedu mode conventionnel

de règlementdes litigesfrontaliers.

11.08 La partie libyenne ne conteste évidemment pas de
manière directe la règle du respect des engagementsinternationaux. Elle tente

plutôt d'en atténuerles effetsà l'extrêmeA. ce sujet, il convient de remarquerle
caractère flou et imprécisde l'argumentation libyenne. Par exemple, on peut lire

dans le Mémoirede la Libye :

"Before proceedingto an analysisof the 1955Treaty, it is again to be

observed thatthis case is not a disputeoverthe meaningof this Treaty
or of a boundaryline alleged to haveemanatedfrom the Treaty; iis a
territorial dispute in circumstances where no conventional boundary
east of Toummo exist. The 1955 Treatyis a part of the history of the
relevant events; and like other eventsmentioned earlier, ficonstitues
mer evidence of theabsence of a conventional bound~ today

1 V.A cetBgardlesrBfBrencesonneesparHumphrey WALDOCKr ,apporteurpBcial elaC.D.I.,
de laC.D.I.ux de salô&ne sessku A,.G.Doc.off.,198mesess.,Supplt
n09(A/5809),p.5,note6. between Libya and Tchad". par. 5.464 ; souligné par la
RBpubliquedu Tchad.)

La Libye prbtend donc que le diffbrendne porte passur la significationà donner

au Traite de 1955. Pourtant, alors que l'article 3 contient explicitement une
reconnaissance de frontibres, elle qualifie ce traitéde "preuve supplémentaire
de I'absence de frontibre conventionnelle"! Il faut donc concluàel'existence

d'un problème d'interprétationde l'instrument,problème que le Tchad traitera
dans la section 1 du présent chapitre.

11.09 Mais, dans d'autres parties de son Mémoire, la Libye
semble vouloir placer le litige non plus sur le plan de l'interprétation mais sur

celui de la validitédeseffetsduTraité de1955. Ainsi, selon cetEtat,

"..itis necessaryto point outthat the Treatywas entered intoby Libya
under conditions of duress and of the basisof misrepresentationsby
France" (u, par. 5.503)

La Libye se garde cependant bien de prétendre expressément à la nullitédu
traité. Quoi qu'ilen soit, ces allégationsseront analyséeset réfutdans une

seconde section. Section 1. LE TRAITE DE 1955 EST UN TRAITE D E

PELlMlTATlON DE LA FRONTIERE ENTRE LE
TCHAD ET LA LIBYE

11.10 Le traitéd'amitié etde bon voisinage entrela République

française et le Royaume-Unide Libye du 10 août 1955 contient un ensemble
d'obligations réciproques et équilibrentre les parties qui concernent des
domaines divers. Le Tchad ne reviendra pas sur ces obligations, qui ont été

détailléesdans le cadre de sonMémoir (v.MIL, pp. 94 etS.).Pour ce qui
concerne les frontibres, par contre, il convient de rappeler le texte de l'article3
du traité,en vertu duqu:l

"Les deux Hautes Parties contractantes reconnaissent que les
frontières séparantles territoiresde la Tunisie,derie,de l'Afrique
équatoriale française,d'une part, du territoirede la Libye d'autre part,
sont celles qui résultentdes actes internationaux en vigueurate
de la constitution du Royaume-Uni de Libye tels qu'ils sont définis
dans l'échangede lettres ci-jointes".

11.11 Cet échangede lettres constitue l'annexe I du traité et

contient essentiellement la précisionsuivante

""L'article3 du Traitéd'amitiéet de bon voisinageentre la France et la
Libye disposeque [... suit letexte reproduit ci-dessus].
II s'aait destextessuiva:ts
- la knvention franco-britanniquedu 14 juin 1898;
- la déclaration additionnelle, du 21 mars 1899à la convention
précédente;
- les accords franco-italiensdu ler novembre1902; - la conventionentre la Républiqufrançaiseet la SublimePortedu 12
mai 1910;
- la conventionfranco-britanniquedu8 septembre1919;
- l'arrangementfranco-italien du12 septembre1919.
En ce qui concerne ce dernier arrangement et conformémentaux
principesqui y sont énoncés,il a 616reconnupar les deux délégations
qu'entre Ghât et Toummo la frontihre passe par les trois points
suivants,B savoir :la Trou6e de Takharhouri,le Col d'Anaiet le point
c6té1010(CaretDerouetet Djemel).
Le gouvernement français est prêtà désigner des experts qui
pourraient faire partie d'une commission mixte franco-libyenne
chargée de procéder à I'abornement de la frontière partout où ce
travail n'a pas encoretéeffectuéet où l'undes deux gouvernements
l'estimeraitnbcessaire.
En cas de désaccordau cours des opérationsd'abornement,les deux
parties désigneront chacune un arbitre neutreet, en cas de désaccord
entre les arbitres, ces derniers désigneront un surarbitreneutre qui
tranchera le différend[...(V. le texte complet dutraité dansannexe
Uno 14).

11.12 Du point de vuede la Républiquedu Tchad, une simple
lecture de ces dispositionssuffàtrésoudre définitivemenlt différend frontalier.

Celles-ci reprennent en effet une délimitation ense référanà certains textes
internationaux en vigueur en 1951, textes énumérés dans l'annexeet précisé,

pour le dernier d'entreeux, par la référenAetrois points. II n'y a donc pas lieu
de compliquer inutilementle litige il suffit de consacrerun texte conventionnel

parfaitementclair et de lui donnerson sensordinaire.

11.13 La Libye ne semblecependantpas de cet avis, puisque

cet Etat développeune interprétationpour le moinsparticulièredes dispositions
pertinentes, interprétation qu'onpeut résumer enreproduisant ce passage

du MBmoir ebyen :

"For with the exceptionof the Ghat-Toummosegment,al1that Article 3
and Annex I accornplished was a renvd to certain 'actes
internationaux' in force at the time of Libya's independence. The
words of Article 3 that Libya and France 'reconnaissent ..que les
frontières ...sont celles qui résultentdes actes internationaux en
vigueur' on the date of Libya independence were a reflection of
France'sconfidencein its'thesis'that a conventional boundaryalready existed in 1951. This Yhesis'had not been accepted by the United
Nations; if it had, Resolution 392 (V) would have been superfluous.
Nor had this Yhesis'been acceptedby Libya, wich had made no study
of the texts and consideredthequestionofboundarydelimitation to be
a quite separate exercice outside the scope of the 1955 Treat[...lu
UylLL par.5.470)

II ressortde ces termes,ainsi que de plusieurs autrespassagesMémoir que
le traité, toujours selon la partielibyenne, ne consacrerait aucune délimitation
frontalière. II ne fournirait qu'une sortcaveat,une base de discussion qui

devait permettre aux parties de procéderultérieuremenB une délimitation. Le
traitédu 10 août'1955ne règleraitdès lors aucunementla question frontalière.

11.14 11 existe donc une divergence fondamentale

d'interprétationentre les parties à propos du texte conventionnel de référence
dans la présence instance. La Républiquedu Tchad s'efforcera dansles lignes

qui suivent de répondre aux arguments développés par lapartie libyenne.
A cette fin, la Républiquedu Tchad utiliserales règles générales d'interprétation
reprises aux articles 31 et 32 de la Conventionde Vienne de 1969 sur le droit

des traités qui, si ellesne sont pas d'applicationsur un plan conventionnel, le
sont au titre de codificationdu droit coutumierpréexistant. On distinguera dans

ce cadre les arguments selon qu'ils constituentdes règles général(article 31)
ou des moyenscomplémentaires (article 32d )'interprétation.

11.15 Cependant, avant d'entrer dans le détail de cette
argumentation, la Républiquedu Tchad tient à exprimer une remarque d'ordre

général,qui doit présider l'examendu Traitédu 10 août 1955.

11.16 Comme on l'aura remarqué à la simple lecture des
dispositions pertinentesde l'instrument, lesensestpriorextrêmemenc t lair, et

consacre la délimitationfrontalière réclampar la Républiquedu Tchad. Or, il
est unanimement reconnu qu'unsens clair doit être consacré par préférenceà

tout autre. Comme la Cour permanentede Justice internationalel'a relevé, "Le devoir de la Cour est nettement tracé. Placéeen d'un
texte dont la clarténe laisserienésirer, elle est tede l'appliquer
tel qu'il est" (C.P.J.I.,Affaire deisitionde la nationalité~olonaise,
1923,SBrîeB, n07,p. 20.)

En i'espbce,on devrait donc s'en tenirau sensordinairedestermes des article 3
et de l'annexe 1. Cette regle d'interprétation a616dégagéepar la Cour elle-

mêmeen plusieurs occasions. Ainsi, dans l'affaire de larnDétenCede
J'Assembl6eaénéraleoour l'admission d'un Etat aux Nations Unies, la Haute
Juridiction affirme que

"...le premier devoir d'un tribunal appàlinterpréteretà appliquer
les dispositionsd'untraité,est de s'efforcerde donner effet,selon leur
sens ordinaireet naturel, ces dispositions prises dansleur contexte.
Si les mots pertinents, lorsqu'on leur attribue leur sens naturel et
ordinaire,ont un sens dansleur contexte, l'examen doit s'arrêtern
revanche,si les mots, lorsqu'onleurattribue leur signification ordinaire
et naturelle, sont Bquivoques ou conduisent à des résultats
déraisonnables, c'est alors -et alors seulement- que la Cour doit
rechercher par d'autresm6thodes d'interprétationce que les parties
avaient en réalitédans l'esprit quand elles se sont servies des mots
dont is'agit"(C.I.J.,Avisconsultatifdu 3 mars195Q,Rec. 1950,p. 8. V.
aussi C.I.J.,Affaireduem~ie de PréahVihéa,Bec. 1971,p. 32. Pour
la C.P.J.I., v. l'affaire du Service ~osta. .. , SérieB,
nO1 1, p. 39, Affairponcwte du Groenbqi
orient Sa ieAB, n053,p. 49, Affaire de la C-e de l'O.I.Ta
p,. r SérieAB, no50, P.373.)

11.17 Le Traitédu 10 aoUt1955 n'aboutiten rien à une solution

absurde ou déraisonnabled , ans la mesureoùilconsacrela stabilitéd'une ligne
frontalière déterminéà l'époquecoloniale,ce qui constituela solutionclassique
aux différendsfrontaliers. II conviendraitdonc, en fonction de la jurisprudence

internationale, de ne pas rechercher d'autres significations. C'est de cette
manière que la Républiquedu Tchad demanderespectueusement à la Cour de

procéder.

11.18 Toutefois, la Libye ayant, dans le cadre de la présente

procédure, contesté le sens clair des termes du Traité de 1955, le Tchads'emploiera à répondreà son argumentationen distinguant règles générales et
moyens complémentairesd'interprétation. Mêm si une telle démarchen'est

pas, en soi, indispensableau reglementdu litige,elle sera suivie dans un souci
de clarté.

8 1- D'INTFRPRFTATION

11.91 La Républiquedu Tchad commencera par examiner le
texte mêmedes dispositions pertinentes, dans leur contexte, avant de les
analyser par rapport l'objet et au but du traité. La pratique subséquentedes

Partiessera envisagéeinfine.

A.- LE TEXTE

11.20 Le texte de l'article3 et de I'annexeI a déjàétéreproduit

(V. supra, pars11.10 et11.11). Commeon l'a souligné,il ne soulèva priori
aucun problèmeparticulier. Par ces dispositions, lesxarties reconnaissent

que la frontière doit être déterminéel'aide de certains actes, ceux-ci sont
précisés dansI'annexeet, quant au dernier deces textesarrangementfranco-
italien du12 septembre 1919 - on précise encorela ligne en décrivant trois

pointsexpressisverbis. II s'agit doncd'unetechnique dedélimitation partantdu
généralpour aboutir au particulier en passant par trois étapes intermédiaires,

qu'on peut synthétiser commsuit :
Io. La frontière ne peut être déterméee parrapportaux actes internationaux
en vigueur à l'indépendancede la Libye. On a ici une double limita:sont

exclus, d'une partles actes non internationaux,comme par exemple des actes
administratifs internes aux puissances coloniales et, d'autre part, les actes

internationaux quine seraientpas ou plusen vigueur le6cembre 1951,date
de I'indépendance libyenne.2'. Parmicesactes internationauxs,euls sontprisencompte
- la convention franco-britanniqdu 14juin1898;

- la dBclarationadditionnelle,21 mars 1899, à la convention précédente;
-les accords franco-italiens duter novembr1902;
- la convention entre la République françaiseet la Sublime Porte du 12 mai

1910;
-la conventionfranco-britanniquedu8 septembre 1919;
- I'arrangementfranco-italiend12 septembre 1919.

Sontdonc exclus tousles actes internationauxen vigueurle 24 décembre 1951
maisnon reprisdanslalisteannexbeà l'article 3. Lecaractèrelimitatifde la liste

rBsulteclairement du texte de l'annex1,et plus particulièrementdes termes"il
s'agitdestextes suivants":ceuxqui suiventletextede l'artic3,reproduitsdans
ladite annexe. Cestermes marquent indéniablemen utne précisionde la notion

à laquelleils se rapportent.

3". En ce qui concerneI'arrangementfranco-italien du12 septembre 1919, une

dernièreprécisionest apponbesousla formed'unedélimitation par référencesà
des points, assortied'uneprocédure d'arbitragen cas de litige. Cette dernière
étapene concernecependantpas l'affaire enexamen,puisqu'ellese rapporteà

une partiede la frontièrene faisantpas partiede l'objetdu différend. Mais elle
fournit une indication: si les Pariies avaient considéinsuffisante la simple
référenceaux conventions Bnumérées dans I'annexe 1,elles n'auraient pas

manqué de procéder à leur interprétation comme elles l'ont faitpour
I'arrangementfranco-italiendu12 septembre 1919..

11.21 La position libyenne à propos du texte mêmedes
dispositionspertinentesestassezdifficile définir.

11.22 Le plus souvent,la Libye se contente de procéderpar
affirmation. Par exemple, selocet Etat, "there is no evidenceat al1to showthat Article3 itself was intendedto
delimitthe boundaryeastof Toummo" (m, par.5.477)

De mêmeo ,n parle un peuplus loind'une

"..general ambiguityof Article 3 and Annex 1-for they can hardly be
regardedas the sort of boundaryprovisions that oneould expect to
find in a treaty that purported to delimit a bound..."(MIL ,ar.
5.478.)

On peut aussi relever l'allégatselon laquelle

"..al1that Article 3 and Annex I accomplishedwas am to certain
'actes internationaux' in force the time of Libya's independence"
(U, Par. 5.470)

Enfin,la Libye prétenen se référanà la listecontenuedans I'annexeI:

"...That the listing was not exclusive seemsclear enough from the
words 'tels qu'ilssont définis'in Arti(MLL",ar. 5.475)

11.23 Malheureusement, la partie libyenne ne croit pas
nécessairede motiver ses affirmations par une analyse sémantiquedu texte

mêmede l'article 3 et de I'annexe 1. IIaurait pourtant Bté indispensable
d'expliquercommentun texte qui consacre,en tout casa priori,une délimitation
frontalière, peut être interpéomme ne réglant aucunequestion de frontière.

On netrouve nulletrace d'unetelle explication dansMémoi lbeyen.

11.24 En réalité,toute l'argumentation libyenne relative à

l'interprétation du traité de 1955 semble reposer sur des circonstances
extbrieures au texte lui-même,et notamment sur l'allégation selon laquelle la

Libye n'aurait pu accepter une délimitationBtant donnée son ignorance,au
moment de la conclusion dutraité, des donnéeesxactes du problème frontalier.
La République duTchad répondra ultérieurement à cette allégation. A ce stadedu raisonnement,qu'il suffise de releverqu'aucunargumentportant directement
sur le texte n'estprésenté pla partie libyenne.

11.25 La République du Tchad tienttoutefois d'ores et déjàà
r6pondre aux affirmations jusqu'ici non motivéesde la partie libyenne, qu'on

peut synthétiseren deux propositions:
-d'une maniéreganerale,le Traitéde 1955ne concerneraitpas le réglementde
la questionde la frontibreentrela Libyeet le Tchad,

- plus particuliérement, la liste mentionnéedans l'annexe I ne serait pas
limitative.

11.26 Pour r6pondre à la premibre d'entre elles, il suffit de
reprendre dansl'ordre les termesmentionnés dans l'articledu Traité.

11.27 11convient toutd'abordde releverque l'objet principal de
cet article est une reconnaissance : "les deux Hautes Parties contractantes

reconnaisçent...". Cette formulation n'est pas innocente. Elle marque la
volonté desses auteurs de mettre fin à une situation encore marquéepar le
doute ou I'inceriitude.

11.28 On peut généralement défin ir reconnaissancecomme

"..leprocédé par lequelun sujetdu droit international, enparticulierun
Etat, qui n'a pas participéa naissance d'unesituation oà i'édiction
d'un acte, accepteque cette situation ou cet acte lui sm,t
c'est-à-dire admet que les conséquencesjuridiques de l'une ou de
l'autre s'appliquent lui" (NGUYENQUOC Dinh, DAILLIER Patrick,
PELLET Alain, Droit internationoubli^3émeédition, Paris,L.G.D.J.,

1987,p. 490,par. 367 ; soulignépar la Rapubliquedu Tchad).

11.29 En I'espbce, la Libye a, en acceptant les termes de
i'articl3du Traitédu1Oaoût 1955,reconnuque la délimitationfrontaliére quiy

est décrite, eà 1'6laboratide laquelleelle n'avaitpas directementparticip6,lui
est opposable. II s'agissait donc bien de mettre fin à toute possibilité dediscussion, et non de fournir unebase pour sa réouverture. Comme le souligne
le Professeur Joe VERHOEVENu , ne reconnaissance réciproque dferontières

"...doit s'analyser en un engagement de ne point compliquer des
relations Dar un contentieux territorial dont la solution commanderait
éventuellement la conclusion d'un nouveau tracé de frontiéres"
(VERHOEVEN Joe, ]a reconnaissance internationale dans la or-
-, Paris, Pedone,1975,p. 318)

11.30 On constate d'ailleursla reconnaissancea souvent étéla
notion utilisée par la jurisprudence internationalepour considérer qu'un litige

frontalier avaitéfinitivementété réglé. Ainsi, danImre du Temple de Préah
w, la Coura'basé son arrêt su lr circonstance que

"Les deux Parties ont, par leur conduite reconnu la ligne et,&
même, elles sont effectivement convenuesde la considérer comme
étantla frontière" (C.I.J., Rec. 1962,p. 33 ; soulignépar la République
du Tchad).

La reconnaissance mutuelle est donc bien assimiléeau réglementdéfinitif du
différend. On peut aussi citer en ce sens l'me du Droit de

ien, dans laquelle la Cour fonde la souverainetédu Portugal sur
certains villagessur le fait que

"L'autorité des Portugais sur les villagesne fut jamais remise en
question. Ainsi, la souverainetédu Portugal sur les villages fut-elle
reconnue par les Britanniques en fait et par implication; elle le fut
ensuite tacitement par I'lnde. En conséquence, les villages ...
acquirent le caractére d'enclaves en territoire in(" .I.J.,Rec. 1960.
p. 39; soulignépar la République du Tchad).

11.31 On pourrait multiplierles exemples. Dans la plupart de
ces précédents,il s'est certes agi de reconnaissances tacites,fondéessur un

silence ou une abstention. Mais leurs enseignementssont a fortiorivalables
dans le cas d'une reconnaissance expliciteet conventionnelle. 11.32 La seule utilisation des termes "reconnaissent que ..."
contreditdonc déjà totalemenlta thèse libyenne selonlaquelle cettedisposition

ne contiendrait aucunreglementdéfinitifduproblème frontalier.Sitelle avaitété
véritablement l'intentiodes parties, elles auraienà 1'6videnceutilisé d'autres
termes et n'auraient certainement pas eu recours à l'institution de la

reconnaissance.

11.33 11est donc acquis que les parties entendaient régler la
question frontalihre. Encore faut-il déterminer dansquelle mesure l'article3
regleprécisémenc tettequestion. C'esttout le problbmede la déterminationde

l'étenduede la reconnaissance.

11.34 En vertu de l'artic3, les Parties reconnaissent queles

frontières"sontcellesqui résultent des actes internationaen vigueur à la date
de la constitution du Royaume-Uni de Libye tels qu'ils sont définis" dans

l'annexe 1. Cette formulation représente une technique de dalimitation
particulière: la référenà destextes internationaux antérieurs. Cet technique
permetaux Partiesde faire l'économie d'unedescriptionde la frontière point par

point. La délimitationexacte reste cependantfacile à opérer: ilsuffit de se
rapporteraux textes pertinents pouren déduireun tracé particulier.C'esten ce

sens que la frontière "résulte"de ces textes. Cette technique remplace
avantageusementla reproductiond'unecarte,qui risqueparfoisde susciterdes
problèmes d'interprétationou de compatibilitéavec le texte lui-même. La

jurisprudence internationaledonne d'ailleurs la préférence autexte d'un traité
par rapport à une carte y annexée. Elle a aussi l'avantagede la stabilité,

puisqu'elleconsacreune solutiondéjàétablie.

11.35 A cet égard,la valeurou l'opposabiliaux Etatsparties à

ta convention des textesinternationaux auxquelsil est fait référence esstans
importance. La reconnaissanceopérée aprécisément pour objet de rendre

définitivement opposable à ces Etats une ligne frontalière déterminée,elle-
mêmetracée à l'aide d'instruments dontla nature importe peu. Comme le
soulignele ProfesseurJoe VERHOEVEN, "Semblable reconnaissanceest indifférenteà la validité d'une frontière
régulièrementétablie;elle concerne lesrevendications ou diff6rends
qu'un tracéprovoque dans les relations entre Etatsvoisins, pour des
motifs divers très souvent liésaux circonstances dans lesquelles est

intervenuela délimitation originel(Op.cit.,par. 11.29,p. 318).

Les Parties auraient pu s'entendre sur une ligne tracée arbitrairement, sans
critèredétermin6. A fortiori pouvaient-ellesle faire sur une frontière résultantde

textes internationaux,quelleque soitla valeurde ces derniers.

11.36 D'autre part,il faut remarquer que la délimitation par
référence à des textes internationaux est une technique courante et répandue
dans la pratique internationale.

11.37 Ainsi, lorsquel'organisation des Nations Unies a conclu

des accords de tutelle concernant certainsterritoires, ceux-ci ont été définis par
référence à des textes antérieurs. Parexemple,on peut lire dans I'article1er de

l'accord de tutelle pour le territoire du Togo sous administration britannique,
approuvé par l'Assemblée générale des Nations Unies le 13 décembre 1946,

"Le Territoire auquelcet accord s'applique comprendla partie du Togo
qui se trouveà l'ouestde la frontièreétablie parla Déclarationfranco-
britannique du 10 juillet 1919, définieet modifiéepar le Protocole du
21 octobre 1929 qui a été misa exécution par les commissaires
désignésen applicationde I'article2 (1) de la Déclaration"(R.T.N.U.,
vol. 8, p.153).

De même,I'article ler de I'a,ccordde tutelle relatif auterritoire du Tanganyka

dispose :

"Le Territoire auquel cet accord s'applique comprendla parfie de I'Est
Africain qui se trouve entre les frontières définiespar I'article ler du

mandat britanniquesur I'EstAfricainet par le Traitéfranco-belgedu 22
novembre 1934, relatif à la frontière qui sépare leTanganyka et le
Ruanda-Urundi" (R.T.N.U,,vol. 8, p. 93).On pourrait multiplier les exemples :l'immensemajoritédes accords de tutelle

reprennent la technique de la référence aux textes antérieurs2,ce qui marque
une volonté de i'0.N.U. d'éviter tout litige frontalier relatifs aux territoires

envisagés.

11.38 Cette pratiquen'est évidemmenp t as limitéeaux accords
conclus parI'O.N.U.,mais se retrouvedans les traitésbilaterauxde délimitation

de frontihre. Ainsi, en vertude l'artiler du Traité d'amitiet de bon voisinage
entre I'lrak et LaTurquiesignéen 1946,

"Chacune des Hautes Parties Contractantes s'engage à respecter leur
intégrité territorialeet leurs frontières communeselles qu'elles Sont
di in6 i lu en "(ai.. vo. 37, p.
282 ;soulignépar la République du Tchad).

De mëme. le Protocolede Gao du27 février 1962 conclu entrele Maliet le Niger
dispose :

"The boundaries between the Districts of Ansongo and Ménaka
(Republic of Mali) andthe Districtsof Tillabéry,Filingué,and Tahoua
(Republic of Niger) are and shall remain jhose established by the
çonvention of A~rii 3. 1939, concluded at Niamey by Governors
RAPPENNE (Niger) and DESANTI (Sudan)" (texte reproduit dans
BROWNLIE lan, mn Bouf&&s, London, C. Hurst & Company,
1979, p.418 ; soulignépar la République du Tchad).

11.39 La référence ne se fait pas toujourà un seul texte,triais

concerne souvent plusieurs accords, comme en témoignel'article 1, par. 1, du
Traitérelatif au régimede la frontière d'Etatfinno-soviétiquetel que modifiépar

le traitédu 23 juin 1960:

"La frontière d'Etat entre la République deFinlande et l'union des
Republiques socialistes soviétiques, telle du Traitéde

2 V. notammenltesaccordsdetutellerelatauCameroun britanniq(articleleR.T.N.U .ol.
8, pp. 121-122),français(articlelep.137),auTogo françaarticleler. ibp.167)ou
auRuanda-Unind (iarticleter.p.107). paix entre la Républiquede Finlande et la République socialiste
fédérativede Russie, en date du 14 octobre 1920, du Traitéde paix
entre la Républiquede Finlandeet I'Uniondes Républiquessocialistes
soviétiques,en date du 12 mars 1940,du Traitéentre la Républiquede
Finlande et I'Union des Républiques socialistes soviétiques
concernant le transfert à I'Union soviétique d'unepartie du territoire
d'Etat de la Finlandesituée ...en date du 3 février1947, du Traité de

paix entre les puissances alliées et associées, d'une part, et la
Finlande, d'autrepart, en date du 10 février1947,et de l'Accordentre
le Gouvernementde la Républiquede Finlandeet le Gouvernementde
I'Union des Républiques socialistessoviétiquesconcernant les limites
des zones maritimes etdu plateaucontinentaldugolfe de Finlande,en.
date du 20 mai 1965,est constituéepar la ligne.ayant,sur le terrain&
tracé défindi ans les Protocolesdescriptifs relatifsà la frontière, cartes
de la frontière, Protocoles relatifs aux marques frontières et autres
documents de démarcation signésles 28 avril 1938, 18 novembre
1940, 26 octobre 1945 et 7 décembre 1947par les Commissions

mixtes de démarcation dela Républiquede Finlande et de I'URSS,
ainsi que le 5 avril 1967 par la Commissionmixte finlando-soviétique
pour la déterminationde la frontière maritime entre la Finlande et
I'URSS dans le golfe de Finlande au nord-est de l'île de Hogland
(Suursaari)"(R.T.N.U.,vol. 717, p. 367 ; soulignépar la Républiquedu
Tchad).

De même, en vertu de i'article ler du prochs-verbald'accord entre le Koweïtet

I'lrak,daté du4 octobre 1963,

"La République d'Irak reconnaît l'indépendance et la pleine
souverainetéde I'Etatdu Koweït, délimité de la manière qui se trouve

indiquée dans la lettre du Premier Ministre de I'lrak en date du 21
juillet 1932et qui a étéacceptéepar le souveraindu Koweït dans sa
lettre du 10 août 1932''(R.T.N.U., vol. 485, p. 329 ; soulignépar la
Républiquedu Tchad).

Cette technique de délimitation est d'ailleurs très ancienne. Elle était déjà

utiliséeau siècle dernier3.

3 V.par exemplelTraléentreles Etats-UnstlaGrande-Bretagneu9 août1842. Textedans
de MARTENS Charleset de CUSSY Ferdinand, Eaujl. Manuel des t-

Flats-uis 1760 i v ,,
m, Leipzig,F.A.Brockhaus,846, vol.V, pp.200ss. 11.40 On constate doncque, lorsque les Etats entendenrtkgler
un litige frontalier en determinantconventionnellement uneligne, ils adoptent

parfois la techniquede laréferenceà des textes anterieurs. L'allegationde la
Libye selon laquelle celle-cin'estenalit6qu'un simple"renvoi"sansveritable
rbglement, outre qu'elle ne peut se fonder sur aucun argument d'ordre

strictement semantique,est complbtementcontreditepar la pratique g6nbrale
des Etats.

11.41 Reste à determinerprécis6ment à quels actes renvoitla
reconnaissance opbréedansl'article3 du Traité du10 août1955. Si on en croit

la Libye,ilpourrait s'agir de n'importequel acte. En particulier, le Traitéde
Romede 1935 neseraitpas6cartéparcenedisposition. Ainsi,on peut lire dans
le de la partielibyenneque

"From thestandpointofthe Libyanteam,who hadnot lookedintowhat
'actes internationau' ere in force-theyhad not evenseencopies of
the relevant documents- the Arti3lformulationinvolvedno riskat the
time. Forafter the 1955 Treaty was signed,the LibyanGovernment
could then conduct the necessary researchto find out just wich
agreements were in effect in 1951. If,for example, the Libyan
Governement concludedthat the 1935 Treaty boundary applied,
contraryto whatthe French negociatorshadtoldthe Libyanteam,then
that boundary wouldapply. The omissionof the 1935 Treaty fromthe
list set out in Annex I would, in such circomstances, be of no
consequence" (u, Par.5.473).

De même, la Libye poselaquestionsuivante:

"If Francewas so anxiousto haveconfirmedthat the boundary fixedby
the 1935 Treatywas not recognizedby Libyaor Franceto apply,why
did Articl3 or Annex Inot includea specificrenunciationof th1935
boundary ?" (m, Par.5.471).

11.42 Une fois encore, la Libye se contente d'expliquer sa
propre interprbtation du Trait6 d1955, mais sans se r6férerdirectement au
texte, qui condamne sans appelunetelle interprbtation,particulièrementen cequi concerne le Traitéde 1935. Commela République du Tchad l'a déjà relevé,
I'article3 du Traitécontient lui-mune premibre limitation. Eneffet, les actes
internationaux dont "résulte"la frontibre doivent, poueris en compte, avoir

616"en vigueur au momentde la constitutiondu Royaume-Unide Libye". II est
Bvidentque, sur cette seule base, on peut déjhexclure le traitéde Rome qui, et
cela ne semble pas contesté par la Libye, n'est lamais entré en vigueur.

Autrement dit, même soi n se place dansla logiquede la partie libyenne etqu'on
considérequ'un examen ultérieur devait être pitr les Partiesau Traitéquant à

la détermination des "actes internationau" dont fait mention l'article 3, cet
examen est limitépar la circonstanceque les actesen question devaient êene
vigueur le 24 décembre1951, cequi n'était pale cas du Traitéde 1935.

11.43 Ce dernier est doncexcluh la seule lecturede I'article3,

et sans mêmeexaminer la liste reproduite dans l'annexe 1. L'exclusion est
évidemmentplus évidenteencore lorsqu'onanalysele texte de cette dernière.

11.44 Selon la Libye, la liste ne serait pas limitative mais
indicative. Le seul argument sémantiqueprésentéest le suivant :"That the
listing was not exclusive seems clear enough from the words 'tels qu'ils sont

définis'in Article 3" Par. 5.475).

11.45 De maniére générale,les dictionnaires usuels de la
langue française indiquent que le terme "définir"marque un souci de précision.
On retrouve en effet les formulations suivantesndiquer avec précision(.&U

usse iIlus 19t68é paris,' Librairie Larousse, 1967), "déterminerpar une
formule précise...(ROBERT Paul, Dictionnaire & ana-e de la

lanauefrancaiç Paris, 1967), "préciser"(petLarousçe 1991, Paris,
Librairie Larousse,990),"fixer(Ibid.)Les mots "telsqu'ils sontdéfinis"accolés
aux "actes internationauxen vigueur au momentde la conclusion du Royaume-

Uni de Libye" servent donc incontestablement à préciser cette dernibre
expression, et non simplement A l'illustrer. La liste de texàeslaquelle ils

renvoient doit donc être considércommelimitative. 11.46 Ceci se conçoit parfaitementà la lecturede l'ensemble
de I'articl3 et de I'annexe1. Latechnique de délimitation par référen cedes

textes antérieursétandtestinéeà obtenirune ligne aussiprécise que possible l
était souhaitablede citer expressémentles textes à prendre en compte. On

rappellera par ailleursque, pourle dernier d'entre eux,les Parties ont tenuà
pr6ciserencorela ligneen determinantgeographiquementtrois points. Ellesne
l'ont pas fait pour lesautres conventions, qu'elleconsidéraient donccomme

non susceptiblesd'engendrerdes contestationsfutures. Dans le meme sens,
elles n'ont pasinsér6certains textestelle la Conventionde1935. Le caractère

limitatif de la liste annexée ressort égalemendtes termes "il s'agit des textes
suivants"quila précédent et que i,uxaussi,marquentunsoucide pr6cision.

11.47 Pourtoutes cesraisons,on conçoitque les Parties n'ont
pas explicitement indique que le Traitéde 1935 ne devait pas 6tre pris en
compte. A partirdu momentoù celui-ciétaitexclutant par l'articl3 de celuide

1955, qui limite lestextesà prendreen compteauxactesen vigueur,que par la
liste limitativede I'annexe, uneroisiémeexclusion,explicite celle-là,devenait

sansobjet.

11.48 A cet Bgard,on pourrait reprendre l'argumendte la partie

libyenne en lui posant la question suivante: si les Parties au Traitéde 1955
avaient réellement voulu, tipropos de la frontière litigieuse, se réserverla

possibilité de négocier ultérieurementsans régler définitivement le litige,
pourquoine l'ont-elles pas indiquéexpressémen- tou même implicitement-dans
les dispositions pertinentes

11.49 Lorsque les Etats souhaitent simplementexprimer leur

désirde réglerultérieuremenu t n problèmependant,ils emploientde tout autres
termes que ceuxreprisdansle Traitédu 10 août 1955.Un premier exempleest

fourni par l'arti3,eparagraphe 2, du Trait6de Lausanne,traitéde paix avec la
Turquiedu 24 juille1923, ayant donné lieuà un avisde la Courpermanente de
Justice internationale: "De la mer Méditerranéeà la frontière de Perse, la frontière de la
Turquieestfixéecommesuit :
...
2. Avec I'lrak:
La frontièreentre la Turquieet I'lrak serateWe à l . entre
la Turquie etla Grande-Bretagnedansun délaide neufmois.
A défautd'accord entre les deux gouvernementsdans le délai prhvu,
le litige sera portédevant le Conseilde la Sociédes Nations.
Les Gouvernementsturc et britanniques'engagent réciproquementà
ce que, en attendantla décisionà prendreau sujet de la frontière, il ne
soit procédé à aucun mouvement militaire ou autre, de nature à
apporter un changement quelconque dansl'étatactuel des territoires
dont le sort définitifdépendrade cette décision"(, cité dans1'-
J'Article3. ~araara~he2. du Traitéde Lausanne(frontière entre I'lraket
la TurquieL C.P.J.I., sérieB, no12, p. 18-19.Texte du traitédans LE
FUR Louis et CHKLAVER Georges, Recueil de textes de droit
u&rnatio-, Paris, Dalloz, 1934, 2ème éd.,pp. 752 et ss. ;
souligné parla République du Tchad).

Autreexemple, l'article3 du traitéindo-pakistanaisdu 30 juin 1965 :

"Etant donné ...qu'au cours des discussions de janvier 1960, les
Ministres des deux Gouvernements avaientdécidéde rassembler de
nouveaux renseianementssur la questionde la frontièreentre le Kutch
et le Sind et d'avoir ensuite de nouvelles discussiong en vue de
parvenir à un règlementdu litige ; nouvelleréun- ...en
vue de parvenir à un accord sur le tracéde la frontière compte-tenu

des prétentionsdes deux pays et sur les dispositionsà prendre pour
en effectuer I'abornement"(&LN.L, vol. 548, p. 281 ; soulignépar la
République du Tchad).

Par ailleurs, l'article 6 de l'accorddu 2 juillet 1972 entre les deux mêmesEtats
prévoitque :

". . deux Gouvernements décide dn'n commun accord
ants reçoectifs se rencontreroni à nouveau à la date dont ils
%ont convenir et que les représentants des deux parties se
rencontreront entre-temps pour continuer à mettre au point les
modalitéset les arrangementsen vue d' ..un règlementdéfinitifde la
question de Jammu et Cachemire ..."(R.T.N.U., vol. 858, p. 75 ;
souligné parla Républiquedu Tchad).Comme on le constate, on est loin de l'utilisationd'une reconnaissance ou du
renvoi à une liste exemplative. II ne sembled'ailleurspas exister d'exemples de

traités contenantune liste non limitatived'accordsstindeà servir de base à un
reglement ultérieurde frontiéres.

11.50 En définitive,si les Parties au Trait6 du 10 août 1955

avaient réellement eu les intentions qui leur sont prêtées aujourd'hui par la
Libye, ils auraient formulél'article'une manidresimilaire celle-ci:

"Les deux Hautes Parties contractantes s'enaaaent les
frontières separantlesterritoires dela Tunisie,de l'Algérie,de l'Afrique
équatorialefrançaise, d'une part,du territoire de la Libye d'autre part,
sur base des actes internationaux à definir. et dont certains sont
mentionnéç dans l'échangede lettresci-jointes"(annexe1).

L'annexe I aurait étéredigéede la même manihre,à la différenceque, après la
reproduction du texte de l'article 3, on aurait trouve l'expression : "II s'agit

OOtammen dtestextessuivants...".

11.51 On peut conclure à propos du texte des dispositions
pertinentes que la clart6 de la première lectureest loinde s'estomperà l'analyse
du détail des termes utilisés. Ce texte ne fournit strictement aucunebase à

l'interprétation défendue par la Libye : l'utilisation de la "reconnaissance",
conjuguée avec la technique de la référence à des textes antérieurs, et

complétéepar une annexe comprenant une liste exhaustive deces derniers,
marquent clairement la volonte des deux Etats parties au Trait6 de 1955 de

r6gler cicifinitivement la question de la frontibre sud de la Libye. Cette
conclusion se verifie si on prend en compte le contexte des

dispositions pertinentes. B. - LE CONTEXTE DE L'ARTICLE 3

11.52 Comme le souligne l'article 31, Paragraphe 2 de la
Conventionde Vienne surle droit des traités,

"Aux fins de l'interprétatid'un traité,le contexte comprend, outre le
texte, préambule etannexes inclus :a) tout accord ayant rapportau
traité et qui est intervenu entretoutes les partieà I'occasion de la
conclusiondutraité,...".

L'annexe pertinente du traité ayandtéjàété analysée il,restà examinerle texte

et les accords intervenus à I'occasion dela conclusiondu traité, lepréambule
étanttraitédans le cadre de l'analysede l'objetet du butdutraité.

11.53 Le texte du traité dans son ensemble confirme
indiscutablement que l'article 3 du traité règlele problème frontalier. En effet,

son article5 dispose :

"Au cas où l'une des Hautes Parties contractantes se trouverait
engagée dans un conflit arme affectant les territoires du Continent
africain situésdans l'hémisphère Nord,du fait de l'agression d'une
autre Puissance ou en cas de menace imminente d'une telle
agression, les Hautes Parties contractantesse consulteront en vue
d'assurer la défensede leurs territoires respectifs.En ce qui concerne
la France, il s'agit des territoires dont elle assumela défenseet qui
sont limitrophes de la Libye,à s'avoir:la Tunisie, I'AlgBrie,l'Afrique
occidentale française et l'Afrique équatorialefrançaise. En ce qui

concerne la Libye, il s'agit du Erritoire libven. tel au'il est déàini
micle 3 du traite" (Pourle texte completdu Traité,v. annexeMn 14 ;
souligné parla République du Tchad).

Le passagesoulignéindique bienque l'article3 "définit"le territoire libyen, etne
fait mention d'aucun doute qui resterait pendantsur ce point.. A cet égard,on
remarquera l'absence d'uneformuletelle que :il s'agitdu territoire libyen, "dansla mesure où il est définià I'article3 du traité",ou "tel que défiài I'article3 du

traité,sous réserved'aménagements ultérieurs".Laformulation adoptee marque
bien la convictiondes Partiesque le territoire libyenest, danscet article, délimité
avec l'ensembledes territoires limitrophes.

11.54 Quant aux accords intervenus & l'occasion de la

conclusion du traité,une sériede conventionsont été conclues par la France et
la Libye le mêmejour que celui de la conclusion du Trait6 d'amiti6 et de bon

voisinage, auquel elles se rbferent expressément dans leurs préambules
respectifs.

11.55 Parmices conventions,la "Conventionde bon voisinage"
est particulièrementintéressanteen tant qu'instrumentconfirmant l'interprétation

de I'article du traité.Son article1 prevoiten effetque :

"Sur les frontières,ws aue . . I ' 3 du Traitéd'-

de bon voisinaaa, séparantlewerritoires
dont la France assume la dbfense,tels que définis à I'articl5 dudit
traité, les gouvernementsfrançais et libyenprendront toutes mesures
en vue d'assurerle maintiende l'ordreet de la sécuritépar une liaison
et une coopérationde leurs services de police ..." (Souligné par la
Républiquedu Tchad).

11.56 Les mêmesremarquesque celles opérbes à propos de
I'article du Traitésont valables, mutatis mutandis, pour cette disposition. La

Libye remarquecependant à ce sujetque :

"East of Toumrno, ...,there was noconventionalboundary,and Article
3 of the 1955 Treaty didnot alter that situation. Whenthe 1955 Treaty
took effect, Libya and Francehad still to sit downto negociate that part
of the boundary, as they were called on to do by Resolution 392 (V).
So far as Libya's southern frontier was concerned, therefore, this
reference in Article 1 of the 1955 Conventionto Article 3 of the 1955
Treaty was necessarily to a boundary that had never been fixed by
international agreement and, thus, had yet to be delimited (m, par.

5.542).Une fois encore, la Libye procèdeuniquementpar affirmation. L'articleler de la
convention se réfèretrès généralemena tux frontières de la Libye, sans faire de
distinction entre un segment délimitéet un autre qui resterait à définir. Au

contraire, cet article confirmeque toutes les frontièressont définiespar l'article 3
du Traité. Ici encore, si l'interprétationlibyennecorrespondait à la volontédes

Parties, celles-ciauraientbien évidemment adopteune touteautre formulation.

11.57 A cet égard, le terme"défini"a déjàétéconsidéré parla
jurisprudence internationalecommereflétant le règlemend t éfinitifd'un problème
frontalier. La Cour permanentede Justice internationale,dansson avis relatif .a.
. ,
? 8. du Traite ,a interprétéla dispositionsuivante :

"De la mer Méditerranée à la frontière de la Perse, la frontière de la
Turquieest fixéecomme suit :
l0 Avec la Syrie :la frontièredéfiniedans l'article8 de l'Accordfranco-
turc du 20 octobre 1921.
2OLa frontière entre laTurquieet I'lrakseradétermi n 'amiable ..."
(C.P.J.I., SériB. n012,pp. 18-19. Texte du traité dansLE FUR Louis
et CHKLAVER Georges, op.cit., pp. 752 et ss. ; souligné par la

République duTchad).

La Cour a fait la distinctionentre lesdeuxsegments delafrontière :

"[La disposition]...distingue entre deux sections différentesde cette
frontihre :Io celle qui séparela Turquie de la Syrie, frontibre déjà
definie par l'Accord franco-turc du 20 octobre 1921,dont le trac6 est
maintenu; 2O celle qui séparera la Turquie et I'lrak, frontière à
déterminerà l'amiable ...(Ibid., p. 19).

Le terme "défini"mettait donc fin à toute possibilitéde contestation, au contraire
de l'expression "à déterminer". Cetteconclusionest parfaitementtransposable
au cas d'espèce. La Conventionde bon voisinage énonce quela frontière est

"définie" l'articledu Traité,et non qu'elle reste à détermineren vertu de ce
dernier. On doit donc considérerque Cetarticle règle le problème. 11.58 On peut ajouter à cela que la convention de bon

voisinageinstaure dansson ensemble touteune séried'obligationsréciproques
qui supposent quela frontière soit définie avec une certaine précision c, mme
par exemplele maintiende l'ordre etde la sécurité (articleler) la répressionde

la contrebande (article 20). Si, comme le prétend aujourd'hui la Libye,
l'ensemble de la régiondu B.E.T. échappaità la delimitation frontalière de

I'articl3, la Conventionde bon voisinage auraitétéen pratique impossibleà
appliquer.

11.59 Maisd'autresdispositionsde cette convention confirment
encore l'absencetotale de fondementd'une telle affirmation.Ainsi, sonarticle9
prévoitque :

"Le gouvernement françaiset le gouvernementlibyen s'engagent à
accorder des facilités de circulation aux nomades des tribus
commerçant traditionnellement de part et d'autre de la frontière
séparant d'une part, l'Algérie, I'Afrique occidentale française et
l'Afriqueéquatoriale française, d'autpart laLibye,afin de maintenir
les courants caravaniers traditionnequi existent entreles régionsdu
Tibesti, de I'Ennedi, du Borkou, de Bilma et des Ajjers d'une part,
celles de Koufra, Morzouk, Oubari,Ghat, Edri et Ghadamès d'autre
part".

Envertu de l'article10,

"A cet effet, de part et d'autrede laontibre,une zone est ouverteau
trafic caravanier pratique par les nomades visés à l'article11 ci-
dessous, titulaires d'une cartede circulation pourtrafic caravanier;
Cettezone estlimitée :
Enterritoirefrançais:paruneligne qui, partandt e lafrontiéreOuestde
Ghadamès. passe par Tinfouchaye, Timellouline, Ohanet, Fort
Polignac,Fort Gardel,Blima,Zouar,Largeau, Fada et se prolonge en
ligne droitejusqu'àla frontièrefranco-soudanaise.
En territoire libyen: par une lignequi partantde Sinaouen,passe par
Derj, Edri, El Abiod, Ghoddoua,Zouila,OuaouEn Namous,Koufra et
se prolongeen ligne droite jusqu'à la frontièibyo-égyptienne".Enfin, I'article11 est ainsi libellé:

"Des cartes de circulation pourle trafic caravanier serontdélivrées,à
leur demande, aux nomades relevant des autorités administratives
suivantes, etpar cesdernières :
En territoire français : autorités administrativesde Fort Flaners, Fort
Polignac, Djanet,Bilma,Zouar, Largeau,Fada.

En territoire libyen: autoritésadministratives de Ghadamhs, Ghat,
Mourzouk, Koufraet desTouaregsOraghen".

11.60 Ces trois articles se révèlentextrbmement intéressants
dans le cadre de l'interprétationdeI'article3 du Traité. On peuten effet en tirer
deux enseignements principaux.

11.61 D'une manière génbrale, les formulations adoptées

confirment que I'article3 contient une délimitationde toutes les frontières de la
Libye. Si le régime relatifaux populations nomadesconcerne bien des zones

géographiques,I'article 9 préciseque ces tribus commercent "de part etd'autre
de la frontière", tandis que I'article oblige les Parties à ouvrir une zone "de

part et d'autrede la frontière". II existe doncbienune lignedivisant les zones en
question. A cet égard,les articles 9 et 10 ne font aucunement mention d'une

différencequi existerait entreles différentssegmentsde cette frontière,dont celui
se situant à l'est de Toummo resteraità délimiter. II faut plutôt constater quela

frontière dont il est question est unique et, conformément à I'article 1 de la
convention,est celle déterminée par I'articledu Traité.

11.62 De manière plus particulière, on remarquera que les

points mentionnés dansles articles 9 à 11 confirment aussil'emplacementde la
frontiere obtenu à I'aide de I'article3 du Traitéet de son annexe 1. L'article 9

préciseque le régimede coopération transfrontièreest destinéà maintenir les
flux entre les régions"du Tibesti, deI'Ennedi,du Borkou,de Bilma et des Ajjers

d'une part, celles de Koufra, Morzouk,Oubari, Ghat, Edri et Ghadamès d'autre
part". Et on constate en effet que, sion prend en comptele tracé déterminé à

I'aide de I'article3 du Traité,ces régionssont bien situées"de part et d'autre"dela frontibre. La mêmeoperation peut Btreeffectude en replaçant sur une carte
les localit6s mentionneesdans les articles10 et 11 de la Convention: elles Sont

aussi situees"de part et d'autre"de lafrontibre issuede i'article3 du Traité.

11.63 La partie libyenne opbre une lecture sensiblement
ditferente des articles9à 11 de la Convention. Seloncet Etat, la Conventionde

bon voisinage ne pourrait êtreprise en compte pour determiner la frontihre, car
ses dispositions

"..where only concerned with the practical rneasures necessary for
assuring frontier security and for assisting cross-frontier circulation.

Phere was no question that the Libya-Chad borderlands were
territories for whose defense France wasresponsible,just as France
had been responsible for the defence of Fezzan prior to the 1955
Treaty; but being responsible for thedefence of a region and having
legaltitle to itwere entirelyseparatematterm, Par.5.544).

Par ailleurs, toujoursselon laLibye,

"The areas designated as being Libyan and French ...were based on
the situation prevailing at theime relating to responsability for their
defense, not the respective rightsandtitles to the areas. .ln 1955, the
Frenchforces were in Fezzan, Tibesti,Ennediand Borkou. They were
preparingto evacuateFezzan, wichthey also had occupied,although it
was uncontestably Libyan territory. None of this bore on the question
of where the boundarywas located;it only concerned the creationof a
security zone.
Where the Frenchmilitaryforces werelocated hada direct bearing on

the practical measures to be taken to assure frontier security and to
facilitate circulation across frontiers. The geographic zones and the
points said to fall within the territory of one Party or the other were
defined solely for that purpose and not in order to define a boundary
that Article3 of the 1955 Treaty -wich did concern the matter of
boundaries-hadfailedto do" (ibid.,pars.5.544 et 5.545).

11.64 De tels propos font totalement abstraction d'une lecture
des termes du Traite d'amitiéet de la Convention de bon voisinage dans leur

ensemble. La Convention n'avait dvidemmentpas pour objet de ddlimiter lesfrontières. cependant, sa mise en oeuvre supposait que les frontières soient

définies. Et c'est pourquoi I'articleler commencepar renvoyer à l'article 3 du
Traité, quiconditionne donc toute la Conventionde bon voisinage. Lorsque les

points précissont indiquésaux articles 9 à 11 de cette dernière, il est évident
que le but n'est pas de délimiterla frontière, ce qui a déjà été fait, mais de

faciliter la mise en oeuvre desobligations mentionnées. II n'en reste pas moins
que ces points sont situés"de part et d'autre de la frontière" et que celle-ci est
ainsi indirectement précisée.

11.65 Quant à l'allusion selon laquelle la Convention de

voisinage ne règleraitque des relationsentre desoccupantsde fait de certaines
zones, sans qu'aucuntitre juridique n'enrésulte,elle fait elle aussi abstraction

des liens existant avec leTraitéd'amitié. La Conventionutilise bien les termes
de "territoire français" ou de "territoire libyen" pour replacer les localités

mentionnées aux articles 9 à 11. On ne parle donc jamais de zones
d'occupation, et aucun régimedistinct n'est prévu à ce sujet. Au contraire,

I'article ler de la Convention, tout en évoquant les frontières séparant le
Royaume-Uni de Libye des territoires dont la France assume la défense, se

réfèrepour le tracéde cette dernièreau titre juridiqueissu de I'article Traité.
L'article du Traitéd'amitié doitêtrelu conjointement avec laconventionde bon
voisinage,qui illustre le tracé quist contenu.

11.66 Pour clôturer l'examendu contexte du Traitéde 1955, il

faut encore mentionner l'Annexe III à la Convention particulière, qui concerne
essentiellement l'évacuationdes troupes françaises du Fezzan. En vertu de

I'articleI de ladite annexe,

"La piste n05est l'itinérairequi, venant de la régionde Romada en
Tunisie, passe par le point nomméTouil Ali ben Amer à environ 30

kilomètres au Nord-estde Bir Zar, puis se dirige vers Sinaouen, Derj,
Bir Ghazeil, la région d'Aouinet, Ouenin, Serhir Ben Afian, Kneir,
Sebha,Oum ElAraneb,la régionde Mejdoul,Gatroun, UighEl Kébiret
pénètreen territoire duTchad dansla réaionde Muri Idie, ...(Souligné
par la Républiquedu Tchad).Une fois encore, onconstate que la region indiquéese trouve bien du côté
tchadien de la frontière établie dans l'articleu Traité. Par ailleurs,les

revendications libyennesur l'ensembledu B.E.T.se heurtentégalement B cette
disposition.

11.67 L'examendu contextedu Traitéde 1955 confirmedonc
de manièreéclatantel'interprétatioobtenueAla seule lecturede son texte. II
condamne aussi définitivement les prétentions libyennes sur l'ensembld eu

B.E.T.,qui comprendun ensemblede localitéssituéesexplicitement enterritoire
tchadien parla Conventiondebonvoisinagedu 10août 1955.

11.68 Le Traitédu 10août1955est un "traité d'amitiet de bon
voisinage"entrela Libye etla France. Comme le Tchad I'adéjà relevé danson

w, il se présentecomme un ensemblede dispositions concernantdes
matières fort diverses présencedes troupes françaisesur le territoire libyen,
coopérationéconomique, financiére et culturelle,régimefrontali..Son objet

est très généralemendte faciliterles relations entreles Partieset d'établir entre
elles une coopération. Iressort notammentde son préambule,par lequelles

deuxpaysse déclarent

"Convaincusqu'untraitéd'amitié etde bon voisinage conclu dans un
esprit de compréhension réciproqueet sur la based'uneégalit, 'une
indépendance etd'une libertécornpl8tesfacilitera le rèalementde
Butes les auestions aue DosentDour les deux oavs leur situatiorl
aéooraohi etuleurs intérêten Afriqueet en Méditerranée .."
(Souligné par laRépubliquedu Tchad).

L'objet du Traitéest donc,entre autres,derbgler les problèmesqui pourraient

nuireaux relations entrelesdeuxpays. On peut rangerparmieux les questionsde frontières. Un des objets de la conventionest donc de prévenir tout litige
frontalier.

11.69 On peut d'ailleurs retrouver dans la pratique générale

des Etats plusieurs traités d'amitié oude bon voisinage qui contiennent des
dispositions réglantdes problèmes frontaliers. Ainsi, untraité d'amitié entre
l'union sud-africaine et le Portugal du 11 décembre 1875, qui couvre les

matières les plus diverses,aborde le régime frontalierentre les deux pays en
son article XXI (Texte dans HERSLET Sir E.,The MaD of Afrb bv Treaty,

vol.1,Franck Cass & CO Ltd, 1967, p. 246). De même,l'article ler du Traité
d'amitiéet de bon voisinage entre I'lraket la Turquie sign6 en 1946, déjàcité,
comprend une disposition relative aux frontièr(R.T.N .o. .7, p. 282).

Enfin, l'accordentre le Koweïtet I'lrakconcernant ler6tablissementdes relations
amicales, la reconnaissancet des questionsconnexes,datédu 4 octobre 1963,

contientla reconnaissancede la frontière entrelesdeux pays (R.T.N.U.,vol. 485,
p. 329).

11.70 Les exemples plusanciens foisonnent : on peut citer le
Traitéde paix et d'amitié entrel'Espagneet lePortugalet I'Espagnedu 11 mars
1778 (Texte dans de MARTENS Charles et de CUSSY Ferdinand, Recueil.

Manuel ~ratiaue des traités. conventionset autres actes diplomatiaues sur
lesouels sont établisles relations et les rapports existant auiourd'huientre les

divers Etats souverains du G lobe. depuis 1760 iusau 'àI'é~oaueactuelle,
Leipzig, F.A. Brockhaus, 1846,vol. 1,pp. 157et S.),le Traité déde paix et
d'amitiéentre la France, la Grande-Bretagneet l'Espagne du 10 février 1763

(Ibid., pp. 30 et S.), le Traitéd'amitié, decommerce et de navigation entre la
Grande-Bretagneet les Etats-Unis du 19 novembre1794 (Ibid.,vol. II, pp. 75 et

S.)ou le Traitéde paix,d'amitiéet d'allianceentreles Etatsde I'Equateuret de la
Nouvelle-Grenadedu 8 décembre1832(Id., vol. IV,pp. 364 etS.). De manière

plus générale,il faut relever que le règlementconventionnel deproblèmes de
frontihres est loin de s'opérer uniquementdans des traités qui concernent
exclusivement les frontières. Les accords de tutelle conclus par les Nations

Unies sont exemplairessur ce point. De même, on nceompte plus les accordsconclus au lendemaind'unconflit armé, parfoisqualifiésdaccords de paix", qui
comprennent des dispositions relatives aux frontibre(V. par exemple les
traites de paix conclus entre les Puissances allibes et la Bulgarie

(R.T.N volU4.,,p. 21 et S.),la Hong(fl,I&U., vol.41, pp. 136et S.)ou la
Roumanie (R.T.N .o. 2,,pp. 3 et S.). Dans toutes ces hypothbses, l'objet

genéraldu trait6 est de mettrefin ou prévenirun conflitBventuel,et un des objets
particuliersesdeprocederde la sorteen matibredefrontibres.

11.71 Or, il existe une rbgle d'interprétationparticulibre des
instruments dont l'objetest de résoudreun problbmefrontalier.Cette rbgle a été
formulée parla Cour dansl'me du Tm de PréahVm:

"D'une manibregénérale, lorsqudee.x .ays définissententre eux une
frontièreyncleurç est d'arrêter unesolution
remis en questionveà tout moment, sur la base d'une procédurei peutêtre
constamment ouverte, et si la rectification peut en Btre demandée
chaque fois que l'on découvre uneinexactitude par rapport à une
dispositiondutrait6 de base. Pareille procédpourrait se poursuivre
indéfiniment et on n'atteindrait jamais une solution definitive aussi
longtempsqu'il resterait possiblede découvrirdeserreurs".J.&
1962,p. 35 ;soulignépar la Républiqudu Tchad).

11.72 La Cour permanentede Justiceinternationale l'avait déjà

proclamée lorsqu'elle avait eu à interpréter une convention, leTraité de
Lausanne, qui ne traitait pas uniquement de problèmes de frontiéres mais
contenaitune dispositionsurce point (pourletextede cettedisposition,v. supra,

par. 6.32) :

"...il est évident que cet article a pour but d'établir une situation
définitive; il résul..de la naturemBmed'une frontibre et de toute
convention destindeà établir lesfrontibres entre deux pays, qu'une
frontibre doit êtreunelimitationprécisedanstoute so. ét.ndue..j!
unefrontière

" (C.P.J.I.,Sér6,n012,p.
20 ;soulign6par la Républiqudu Tchad). 11.74 Si on applique ces principes au Traité de 1955, il est

Bvidentque la thèse libyennedoit être complètemené t cartBe. Le but et l'objet
du traité Btant notamment de rbgler et prévenirun problème frontalier, il faut

l'interpréter dansle sensde sa rbalisation. Tel n'estévidemment'pasleSiOn
considbreque l'article3 et I'anneIne font quefournir unebase de discussions
pour un reglementfutur.

11.75 En r6alit6, l'interprétation libyenneengendre un facteur
d'instabilit6 important, ce qui est fondamentalecontraire au but du traitéde

1955 et aux règles gBn6rales d1interpr6tationdes dispositions relatives aux
frontihres.

D. - LA PRATIQUE SUBSEQUENTE DES PARTIES

11.76 La RBpubliquedu Tchad ne reprendrapas en detail les

innombrables actes et situations décritsdans son Mémoirequi demontrentque
le Traitéde 1955 a étéappliquédans le respectde la ligne frontalière résultant
des traitésmentionnés àI'annexe1,tracépassantau nordde la "banded'Aozouu

(v.m, pp.293 et S.). On rappelleraque la France d'abord, puis le Tchad à
partir de son indépendance,ont exercé dansla zone litigieuse l'ensemble des

compétences réservées à un Etat souverain, parmi lesquelles on peut
notamment relever l'activité législativea perceptionde I'impbt. Par ailleurs,
l'examendu litige frontalierdans le cadre desNations Unies etdeO.U.A.révèle

que la Libye n'a jamais manifesté un désaccordA propos de I'interprétationdu
Traité du 10 août 1955 (v. supra, pars. 9.106 et S. et, pars. 9.121 et S.).

L'ensemble de ces circonstances représente assurément une "pratique
ultdrieurement suivie dans l'application dutraité parlaquelle est établil'accord

des partiesà l'égardde l'interprétation dutraité",pour reprendre les termes de
l'article, 53 de la ConventiondeViennesur le droitdestraites.

11.77 La Libyeadoptedansson Mémoireuntout autre point de
vue. D'abord, elle conteste I'effectivit6 des souverainetés française ettchadienne sur l'ensemble du B.E.T.(u, pp. 410 et ss.). La République du
Tchad a réponduen détail à cette allégation dansle cadre du chapitre 9 du
présentcontre-m, et a établile caractère incontestabledes effectivitéssur

cette zone (v. supra, pars. 9.06 et Ensuite,la Libye évoque desinstruments
ultérieursau Trait6 de 1955et les interprètecommeconférantce traitéle sens

particulier qu'elle lui abu6. II s'agit essentiellement desaccords de 1956 et
1966, et de la requête du Tchadevant la pr6senteCour du 3 septembre 1990.
Le Tchad examineraces instrumentsun A un.

a) L'Accord du 26 décembre 1956

11.78 La Libye a longuement analysé dansle cadre de son
Mémoir leéchangede lettresconstituantun accordde délimitationde la frontière

franco-libyenne du 26decembre 1956. Cetteconvention concerne la partie de
la frontière situéeentre Ghat et Ghadamès, quipare aujourd'huiles territoires

de l'Algérieet de la Libye. La Libye la meten rapportavec le passage déjà cité
de I'annexe Idu Traitéde 1955 en vertu duquelest pr6ciséle même segment
frontalier par référencetrois points. Si on en croit cet Etat, tant ledit passage

que l'accord de 1956 contiendraient non pas des précisions de la frontière
contenue dans l'arrangement franco-italien du 12 septembre 1919, mais de

véritables rectifications.On aurait ainsiune modificationde la frontière contenue
dans un des instruments mentionnés dans la liste de I'annexe 1, ce qui
démontrerait que celle-ci ne constituait qu'une base de discussion pour

d'éventuelles négociations futures. C'estce qui résulte de ce passage du
Mémoi riyen :

"ln doing so [en procédantà des rectificationsdu segment frontalier],
France disregardedthevery standardit had proposedin Article 3 of the 1955
Treaty : that the boundaries were those that emerged from the 'actes
internationaux'in force the time of Libya's independence. TheAccord of 12
septembre 1919 was one of those 'actes' listed in Annex 1, and France
hastened to have the boundary delimited in this Accord changed in two
respects, asjust noted"IL par. 5.490).Pour arriverà la conclusion que des rectifications ont BtéopérBes,la Libye
analyse en detail les accords de 1956et de 1919 etàraide de la reproduction

de plusieurs cartes, tente de demontrer la contradictionqui existerait entre les
deux instruments.

11.79 11n'est Bvidemrnentpas question dans le cadre de la
presente procedure de faire porter le litige sur une partie de la frontibre qui

concerne un Etat qui n'y participe pas. La RBpubliquedu Tchad ne repondra
donc pas aux allbgations de la partie libyenneselon lesquelles la frontibre en

question a Btérectifibe par des accords touchant directement laRBpublique
d'Algérie. Cela n'estd'ailleurs nullementnecessairepour interpréter l'art3cle
du TraitBde 1955en ce qu'il regle le litige frontaliertchado-libyen. L'Accordde

1956 ne doit êtrepris en compte que dansla mesureoù il rBv6leun accord des
Partiesau Traité portantsur ce sujetpafiiculier.

11.80 A cet Bgard, les termes de l'Accord sont très clairs,

puisqu'on apprend dans son prbambule que les Gouvernements français et
libyen

"...ayant décidéde proceder à la délimitationde la frontibre algér0-
libyenne entre Ghat et Ghadamès, telle au'ellea étéindiqu-
I'arranaementdu 19 se~tembre1919, ...(Soulignépar la RBpublique
du Tchad)

De même, la partiede l'annexe I du Traité de 1955invoquée par la partie
libyenne préciseque les trois points sont choisis "ence qui concernece dernier
. .
arrangement [celui du 19 septembre 19191
sonl (Soulign6par la RBpubliquedu Tchad). Enconcluant l'Accordde
1956, les deux Parties au TraitB de 1955 ont donc expressément confirmé le

sens donne àI'articl3du TraitB,à savoir que les frontibresdevaientêtrecelles
rBsultantdes actes internationauxlimitativementBnumBrés. 11.81 La Libye prétendque les termes citésne reflétaient en

réalité pas l'intentiondes parties, qui étaitde rectifier la frontibre et non de la
préciser. Sans qu'il soit nécessairede se prononcer sur l'existenceéventuelle
d'une rectification,la positionlibyennene prouve rien. Soit il n'y a en réalité pas

eu rectification,et I'Accordde956 précisebien le Traitéde 1955. Soit les deux
Etats ont proc6d6 B une rectification en proclamant que tel n'étaitpas le cas.

Dans cette hypothbse, cetteattitude montre plutôt qu'ellesinterprétaient l'article
3 du Traitéde 1955 comme devant contenir le tracéde la frontibre en cause,

tracédont elles ne désiraientpas s'6carter. Dans les deux cas d'école, onne
peut qu'interpréterI'Accord de 1956que commeune confirmationdu sens initial

du traitéde 1955:

11.82 Pour clôturer cette question, il faut relever généralement
que la conclusion de I'Accord de 1956 démontrel'absence de cohérencede

l'interprétationlibyenne du Traité de1955. Selon la Libye, ce dernier contenait
le rbglement du seul litige frontalier entrel'Algérieet la Libye, mais pas de celui

avec le Tchad, qui devaitfaire l'objetd'un accordultérieur. Or, dansla pratique,
on a assisté à un scénario exactement inverse. Les deux Etats parties ont

considéréque le segment algéro-libyenn'étaitpas délimitéavec suffisamment
de précision parle Traité,et ont conclu un nouvel accord cet effet, celui du 26

décembre 1956. Par contre, elles n'ont pas jugé utile, alors qu'elles se
réunissaient pour négocier à propos d'une partie de la frontiere, d'aborder la

question la frontière sudde la Libye. On doit donc considérerque cette question
étaitsuffisamment réglée par l'article du Traité,et qu'elle ne nécessitaitpas,
contrairement aux allégations libyennes, unenouvellediscussion.

11.83 En réalité,la conclusion de I'Accord de 1956 s'explique

pour des raisons techniqueset politiques. Surun plan technique, la partie de la
frontière en cause n'est, contrairementau segmentméridional,pas constituéde

lignes droites, ce qui est de natureusciter davantaged'incertitudes. Dansce
contexte, la France désiraitévidemment mettrefin àtoute possibilitéde différend

concernant le tracé de la frontière avec l'Algérie,qu'elle considérait comme
partie de son propre territoire. b) L'Accorddu 2 mars 1966

11.84 La deuxihmeconventionexamin6epar la Libye dansson
Mgmoire est l'Accordde bon voisinage etd'amitiéentre le Tchad et la Libye,

signéle 2 mars 1966. Plusieurs dispositionsconfirmenten effet le sens de
l'Article3 du Trait6 de1955. Envertude l'articleler,

Sur la frdre séoarantt-m . .
celui de la Réoubliouedu Tcm, les Gouvernements Libyen et
Tchadien prendront toutesmesuresen vue d'assurer \e maintien de
l'ordre et de la sécurit6par une liaison et une cooperationde leurs

servicesde securit6"(Soulignepar la Républiquedu Tchad).

L'article disposeque :

"Le Gouvernementlibyen et le Gouvernementtchadien s'engagent à
accorderdes facilitesde circulationaux populationsinstalléesde Dari
et d'autre de la frontièreà l'intérieur des zones géographiques
delimiteespar lespoints ci-dessous:
En ce qui concerne le Royaume-Unide Libye : Koufra, Gatroum,
Mourzouk,Oubari,Ghat.
Ence qui concerne laRépublique du Tchad:Zouar,Largeau, Fada".

Enfin, l'arti3lse lit :

"Le trafic commercialet caravanierentre lesdeu~âys, même de type
traditionnel, devra utiliser les routeset pistes légales ci-dessous
designées:
Piste Zouar,Bardai,Aozou,Koufra(etvice-versa)
PisteLargeau,Zouar, Wour,Korizo,Gatroum(etvice-versa)
PisteLargeau, OuniangaT , ekroKoufra(etvice-versa)
Piste Fada, Ounianga, Koufra (et vice-versa)" (Souligne par la
Républiquedu Tchad).

11.85 Ces trois dispositions nepeuvent-elles aussique se lire
en parfaite harmonieavecl'articl3du Traite de1955. 11.86 L'article 1 de la Conventionde 1966 rappelle qu'il existe

bien une frontière relativementprécisepuisqu'ellesépareles deux territoires de
manière à permettre aux autorités respectivesdes Parties de maintenir l'ordre

sur chacun d'entre eux. Si on devait adopter l'interprétation libyenne selon
laquelle l'ensemblede la frontibreentre la Libyeet leTchad restaità délimiter,il
est évident que l'accord de 1966 serait tout autrement rédigé: soiton y

délimiteraiteffectivement la frontière, soit on prévoiraitun règlement futur. En
tout cas,il ne paraît pas possible d'établirune coopérationtransfrontière entre

les autoritésdes deux pays en l'absencetotale de délimitation. L'absence de
référence B une délimitationfrontalièrene peut doncêtreinterprétée qucomme

reflétantla convictiondes Partiesque la délimitation avt éjà étopérée.

11.87 Les articles 2 et 3 de la Convention de 1966 confirment

d'ailleurs la frontibre établiepar I'article3 du Traitéde 1955. QàaI'article2,
on peut constater que ladite frontibre sépare bien les zones placées

explicitement danschacun des deux pays. Ence qui concerne I'article 3, cette
frontière coupe effectivement les pistes qui doivent relier les deux pays. Par

ailleurs, ces dispositions sont totalement inconciliables avecles revendications
actuelles de la Libye, qui portent sur l'ensembledu B.E.T. et comprennent des

points situés par ces articles en territoire tchadien.En particulier, si cette
revendication était justifiéel,es pistes mentionnées dansI'article relieraient
pas les deux pays mais seraient situéesàl'intérieurdu seul territoire libyen!

11.88 La Libye conteste radicalement ce point de vue, et

considère que le Traitéde 1966 ne doit pas êtrepris en compte, pas plus que la
Convention de bonvoisinagede 1955. On peut lire dans lMémoir de la partie

libyenne que :

"The 1966 Accord contained no provision purposing to delimit the
boundary between Libyaand Tchad; it made no referenceto Article 3
or Annex I of the 1955 Treaty; it was preceded by no boundary
negociations; and after it entered into effect, it was followed by no
boundary negociations to delimit or demarcate the boundary. Its purpose was to deal with problems of security and cross-frontier
circulationof thepopulationof eachState"Mlh, par.5.540).

11.89 Comme on I'a rappel6, si on ne trouve aucune
delimitationdans la conventionde 1966,c'estque celle-ciavait d6jà 616op6rée

10 ans auparavant. Quantà l'objetdu trait6,qui ne concerneeffectivement pas
la question frontalihre, la mêmerbponsequ'au sujet dela Convention de bon
voisinagede 1955 s'impose :cetrait6nefait qu'utiliserunedelimitationexistante

dans lecadre d'unecoop6rationtransfrontiere.

11.90 La Libyereprendaussiun autreargument,déjhBvoquéà

proposde la Conventionde bonvoisinage, en vertuduquel,

"The 1966 Accord, though itnarrowedthe focus and changed the
emphasis of the 1955 Convention,was not entered into essentially
differentcircumstances. The practicalitiesof the situationnecessarly
hadto govern thesesadministrativearrangements forassuringfrontier
security and cross-frontier circulation. The creation of certain
geographic areas as security zones and making certain territorial
allocations forpurposes of carrying out the security and circulation
provisionof the 1966 Accordhadno moreeffecton the delimitationof
the internationalboundarybetween Libyaand Chadthan did the 1955
Convention de bonvoisinage. SinceLibya and Francehadnot agreed
on theses boundaries -and Libya and Chad had not yet even
discussedthe mattertogether-a practicalsolutionwas requiredto deal
withthe realproblemsofthe moment" (m, par5.546).

11.91 Unefois encore, toutle raisonnementlibyen reposesur la
supposition quela frontibren'avaitpas6t6délimitbeen 1955.Mais, dans ce cas,

pourquoi n'avoir jamais entame les discussionsà ce sujet ? A cet Bgard,on
remarqueraque le Trait6de 1966 a 616conclu plusde dix ann6esaprèsceluide
1955. On peutdifficilement imagineque la situation concernant unzoneaussi

Btendueque le B.E.T. reste aussilongtemps provisoireet que le Trait6 d1966
reconduiseen quelque sorte le règlement dela situationde fait qui aurait été

instaur6 par la Convention de bon voisinage en 1955, et ce sans même
mentionner la perspective d'un règlement definitif du problème frontalier oumême son existence. Unefois de plus,ceci ne peut s'expliquerque sion admet

que les Partiesconsidéraientce problèmecommeréglé depuis longtemps.

C) La requQte du 3 septembre 1990

11.92 La Libye Bvoque à l'appui de son argumentation un

dernier instrument, qui démontreraitque la liste mentionnéà l'annexe l n'est
pas limitative. Pourreprendre les termesduMémoi ieyen :

"That the listingwas notexclusiveseemsclear enough from thewords
'tels qu'ils sont définis'in Article 3. But anydoubt on this score was
resolved by Chad in its Application to theCourt filed on 3 september
1990, for in listing the series of agreementsfrom wich the 'tracédes
frontières'was allegedto have been inheritedby Libya and Chad,two
agreementsnot listedin Annex I maketheir appearance:the Protocol
of 10 january 1924 and the Declarationof 21 January 1924. This fact,
in and of itself, establishedthatno boundarydelimitationwas intended
to emergefrom Article3 andthat the Articlewasonly meantto indicate
the basis for a subsequent,and quite separate,boundary delimitation
wich, forthe portionof the boundaryeastof Toummo, nevertook place"
(Mil, par.5.475).

La notificationdu compromis à la Cour parla Républiquedu Tchad démontrerait
donc une conviction de cet Etat que le traité de 1955 ne fournissait pas la

solution définitive au problémefrontalier, et ne constituait qu'une base de
discussion pour des négociations ultérieures.

11.93 Quelssont lestermesde cet instrument? D'une manière

générale,la République duTchad y résume saposition juridique à propos du
présent différend. Deux titres distincts sont ainsi invoqués. Le premier est
l'application du principe dI'utipossidetie,n vertu duquella Libye a héritédu

tracé de frontières qui existait au moment de son indépendance. C'est dans
cette optiqueque la Républiquedu Tchadpréciseque : "ce tracé résulteavanttout d'uneséried'accordsfranco-britanniques
conclus de1898 à 1924:
-la convention du 4juin 1898,complétéepar la déclaration d21 mars
-8laconventiondu 8 septembre1919,et
- le protocoledu 10 janvier 1924,complété par la déclarationdu 21
janvier 1924".

11.94 Aprbs avoir affirméI'opposabilit6de ces accords à la
Libye par l'intermédiaire de l'Italie, la Républiquedu Tchad invoque un

deuxièmetitre, distinctdu premier,leTraitédu 10août1955. La requête dispose
en effetque

"Cet instrument confirmeI'applicabildu principeutipossidetis(art.3.
préc. no5) et, en application de ce principel,e tracéde la frontièretel
qu'il résulte des accords prémentionnés (no 7), tous énumérés à
l'annexe Ide cetraité,quienfaitpartieintégrante".

11.95 11est exact que les instruments de 1924 ne sont pas

énumérée sn tant que tels dans la liste annexéeau Traité de1955. Faut-ilen
ddduire,commele fait la Libye,que la République du Tchada danssa requête
admis que cette liste n'était pas limitatiet ne fournissait qu'une base de

discussion?

11.96 La lecturede la requête dansson ensembledémontreà
suffisance quela République du Tchad considèreque le Traitéde 1955règle le

litige, puisqu'il l'invoque en tant quetitre distinct fondant ses revendications.
Danssa lettre à la Courdatéedu 28 septembre 1990,l'Agentde la République

du Tchad rappelle encore en une phrase quela frontidre "résulted'une série
d'accordsfranco-britanniqueset franco-italiens,et a 616confirmée parle traité
d'amitiéet de bonvoisinage conclule 10août 1955entrela Libyeet la France,à

laquelle le Tchad a succédé".On ne peut donc prétendre déceler dans les
termes de l'introductionde l'instanceune reconnaissanceque le Traiténe règle
pas la question, puisque l'affirmation inverse est formulée explicitemenà

plusieursreprises. 11.97 On remarquera d'ailleurs que les instruments de 1924

dont il est question ne constituent,selon leur proprelibellé, quedes accords de
déterminationde la frontière sur le terrain pris en application des accords de

1898, 1899 et 1919. On peut doncconsidérerque, si ces instruments ne sont
pas indiqués expressément dans l'annexe 1,ils le sont par l'intermédiairede
l'accord auquel ils se réfèrent. La situationaurait évidemment616toute autre si

un texte établissantun tradiffe recneui r6sultantdes textes de I'Annexe I
avait étéinvoquédans la requete de 1990. Ces tracésBtant rigoureusement

identiques, il faut en déduire que le Tchad n'est jamais revenu sur son
affirmation selon laquelleArticle 3 du Traité de1955 comporte bien le tracé

définitif dela frontière.

11.98 En conclusion, on peut affirmer que la pratique
subséquentedes Parties infirme totalement l'interprétation développée par la

Libye dans son Mémoire. Si le Traitéde1955 n'avait,au contraire du segment
relatif la frontière avec l'Algérie,constitué qu'unebase de discussion pourdes
négociations futures,ces négociations aurait u lieu. Si tel n'a pas étéle cas,

et alors que plusieurs conventionsont étéconcluesse rapportant indirectement
aux frontières, c'est que de telles négociations n'avaientplus d'objet, l'article

du Traité réglantffectivement la question.

11.99 L'examen de la pratique des Parties confirme donc la

lecture du texte mêmedu Traitéde 1955, pris dans son contexte et à la lumière
de son objet et de son but. 11 .IO0 La Libye base essentiellement son interprétation
particulibredu Traitéde1955 sur des moyenscomplémentairesd'interprétation.
Ainsi,on peutliredansle MBmoir leyenque:

"...the Treaty contained no indication in Articl3,or Annex 1,or
elsewhere, thatthese provisionsyere in imolementationof Resolution
392 IV) andmnstituted the resultmciations between Libvaand
France in respectto 'that portion 01(Libya's) boundarywith French
territorynot alreadydelimitedby internatio..lag.eement'. .t .as been
shown above that ~ere were no suchteof To-"ion n(u,ciapar.5.469 ;

souligné parla Républiquedu Tchad).

La Libye invoque donc à la fois les circonstances dans lesquelles ont été

conclues le Traité, principalemetar référenceaux travauxdes NationsUnies,
et lestravauxpréparatoires.

11.101 Cesargumentssontparfoisutilisésen visantà démontrer

une contradiction avec le texte du Traité, comme entémoigne le passage
suivant:

"Thewordsof Article 3that LibyaandFrance 'reconnaissen ..que les
frontières...sont celles qui résultent des actes internationauen
vigueur' on the date of Libyan independence were a reflec~
#yr n ' Ir
8)tisted in19a. This 'thesis' had not been accepted at the United
Nations: if it had. Resoluti392 (V)would havebeen su~erfluous.
Nor hadthis 'thesis'beenaccepted'byLibya,wich had madeno study
of the texts and consideredthat the question of boundary delimitation
to be a quite separateexerciceoutsidethe scopeof the 1955 Treaty"
(m, par.5.470 ;soulign6par la RépubliquduTchad). 11 .IO2 Cet extrait dMémoir lbyenest fondamental. En effet.

la Libye sembley reconnaître la portée réellu Trait6 de1955 qui refléteraitla
"position française" selon laquelle le tracé frontalier estcelui résultant des

accords de l'époque coloniale. La Républiquedu Tchad vient de démontrerà
I'aide de règles générales d'interprétaque tel étaiteffectivementle cas. On

peut donc décelerici un certain accordentre la Républiqdu Tchad et la Libye
sur la signification du texte de l'Article 3. Mais la Libye tente d'échapperaux
conséquences dela mise en oeuvrede cedernieren prétendantque :ce tracé

n'avait pas étéaccepté parI'O.N.U.,et que la Libye ne l'avaitpas accepté,pour
des raisons se rapportantaux négociations ayant récédé l'adoptionu texte de

l'article 3.11existerait donc une contradiction entre le texte du Traité, qui
consacre la thèse tchadienne,et ses travaux préparatoisu plus généralement

les circonstances ayant mené à sa conclusion, qui consacreraient la thèse
libyenne.

11 .IO3 En effet, une règle d'interprétation unanimement

reconnue prévoitque des moyens complémentairen se peuvent êtreutiliséspour
infirmer le sens obtenu à I'aide des règles générales. C'este qui ressort a

contrariode I'article32 de la Conventionde Vienne sur le droit des traités,en
vertu duquel:

"II peut être fatppelà des moyenscomplémentaires d'interprétation,

et notamment aux travaux préparatoireset aux circonstances dans
lesquelles le traité atéconclu, en vue soit de confirmer le sens
résultantde l'applicationde I'articlerelatif aux moyensprincipaux],
soit de déterminer le sens lorsque l'interprétation donnée
conformément à I'artic31 : a) laisse lesens ambigu ou obscur;ou b)
conduit à un r6sultat qui est manifestement absurde ou
déraisonnable".

11.104 La règle a été appliquéeà de multiples reprises par la
jurisprudence internationale. Ainsi dans l'at ur les Conditions de l'admission

d'un Etat comme Membre desNations Unies : "La Cour considère le texte comme Suffisammentclair; partant, elle
estime ne pas devoir se départir dela jurisprudence constante de la
Cour permanente de Justice internationale, d'après laquelle il n'y a
pas lieu de recourir aux travaux préparatoires si le texte d'une
convention est en lui-même suffisammentclair" (C.I.J&, 1948, p.
63).

Dans l'affairepmbatielos fcom~6tencJ, la Couraffirme:

"En tout cas, quandle texteà interpréterest cla..il n'ya pas lieu de
recouriraux travaux préparatoires(B& 1952,p. 45).

De même,le tribunal mixte a déclaré dans l'affaire opposantle Ministre de la

guerrede Roumaniecontrele Gouvernementturc,

"II est vrai que, parmi les moyens dont le juge dispose pour ses
recherches,figure sans doute le recoursauxtravaux préparatoires,qui
peuvent et doivent, en cas de besoin, servir l'interprétationde la loi
qui en est dérivée. Mais il est aussi reconnu que la valeur des
arguments tirésde ces travauxesttrès limitéeet qu'il nefaut les utiliser

qu'avec une extrême prudence pour ne pas tomber dans l'erreur de
modifier,par des raisons quiy sontempruntées,un texteclair et précis
par lui-même" (vO. PPENHEIM, International, 8th ed., Lauterpacht
ed.,,vol.1,p.956).

11.105 La doctrine est unanime à considérerque les moyens
complémentairesne peuvent infirmer le résultatobtenu à l'aide des moyens
principaux. Ainsi, pour Sir lan SINCLAIR,

"The distinction between the general rule of interpretation and the
supplementary meansof interpretationis intendedratherto ensurethat
supplementary means do not constitute an alternative, autonomous
method of interpretation divorcedfrom the general rule" (The Viennâ
GmiQn on theI aw of Trew, Mancheter, University Press, 2nd.
ed., 1984, p.116).

11.106 Enfin, il faut relever qu'un amendement présentépar le

délégué des Etats-Unis à la Conférencede Vienneet tendant àcontesterle rôle
secondaire des travaux préparatoiresa ét6 rejetéen Commission plénière(YASSEEN Mustafa Kamil, 'L'interprétation des traitéds'après la Conventionde
Vienne surledroit des traitésR.C.A.D. I.1976-111V,ol. 15,p.87).

11.107 Le fondement de cette règle a été expliquépar la

Commission du droit international dans le commentairedes projets d'articles
soumis à la Conférencede Vienne. On y découvreen effet que :

"...la Commissiona abordéle problème de l'interprétation des traités
en partant de l'idée quele texte du traité doit êerésumé constituer
l'expression authentique de l'intention des parties et que
I'interprétationa pour objet d'6lucider le sens du texte et non pas
d'étudier'ab initio les intentions supposéesdes parties" (Conférence
des Nations Unies sur le droit des traités, ppçyD7ents de la
Conférence,op.cit.,p. 46,5 18).

La meilleure façon de déterminer l'intentides parties est donc de lirele texte
lui-mêmee , t non de tenterde déterminerla volonté desparties telle qu'elles'est

manifestéeavant son adoption.

11.108 En application de ces principes, la méthode

d'interprétationlibyenne ne peut êtreretenue. Elle revienten effet à opposer
une analyse des circonstancesayant précédé l'adoptionde l'articledu Traité,

au texte de cet articlelui-même.En réalitéi,l faut considérerque ce texte, qui,
comme la Libye semble le reconnaître, consacrela délimitationrevendiquée par

la Républiquedu Tchad, reflète parfaitementla volontédes négociateursau
traité. On touche icià une contradiction inhérenteau raisonnement libyen. Si

les négociateursde ce paysne souhaitaient pas réglelra question dela frontière
sud, à cause de leur manque de connaissance des données de l'affaire,

pourquoi ont-ils acceptéun texte qui, incontestablement,règle effectivement
cette question? On recherchera en vain dansle Mémoirelibyen une réponseà

cette interrogation.

11.109 Par ailleurs, il faut relever quel'interprétationobtenue à

l'aide des règles générales est loin d'aboutiàr un "sens ambigu ou obscur",
puisque tous ces moyens confirmentun seul et mêmetracé. Pourla mêmeraison, cette interprétationne conduit pas à un résultat"qui est manifestement
absurde oudéraisonnable", d'autantue le tracé ainsi obtest aussi celui des

frontières coloniales, ce qui constitue la pratique générale des Etatsen la
matière.

11.110 11y a donc bien lieu de s'en teàicette interprétation,
sans qu'il soit indispensablede recouriraux travaux préparatoiàed'autres
circonstances extrinsèques à l'acte. Cependant, danun souci de clarté, le

Tchad examinera detels moyensqui, s'ils ne peuvent infirmer lerésultatexposé,
peuvent le confirmer. On analyserasous cetangle les travauxpréparatoireset

les circonstancesdans lesquellesle Traitéa conclu.

A. - LES TRAVAUX PREPARATOIRES

11.111 Le gouvernementde la Républiquedu Tchad a évoqué
en détail les péripétiesde la négociation entre la France et la Libye pour

conclure le Traitédu 10 août 1955.ne reviendrapas sur ces développements
si ce n'est pour répondreà quelques argumende la partieadverse.

11.112 Le gouvernementde la Jamarihiya arabe libyenne avoue

ne pas posséderune vue d'ensembledestravauxpréparatoiresen ces termes :

"The trava luxdingto the final text of the 1955Treaty is by no means
completeon either the frenchor the libyans(m," par.5.442)

11.113 La Républiquedu Tchad s'étonnede cet aveu. II regrette

la faiblesse des productionslibyennestouchant lestravaux préparatoiresdu côté
libyen et aurait au moins espéré pouvoirexaminer les importants travaux

parlementaires révélés par correspondancediplomatique(discours du Trône,
débats desdeux Chambres, notamment à l'occasiondelaratification du Traité
du 10 août 1955). 11note par ailleurs que la partie libyenne n'a pas utiliséles

archives importantes du ministère français des Affaires étrangères, dont lesélémentsessentiels -aux yeux de la Républiquedu Tchad- ont étéfournis en
annexe au Mémoiretchadien. II ne doute pas que la partie libyenne réviserason

argumentation a la lumière de ces informations complémentaires mises à la
disposition des deux parties et se réservede discuter l'argumentation libyenne
contenue dans le Contre-Mémoire.

11.114 Pour l'heure, il suffit de rappeler que les travaux

préparatoiressoulignent amplement l'importance prise par deuxproblèmes dans
les négociations : l'évacuation totale du territoire libyenpar les troupes

françaises ; la définition précisedes frontières afin d'évitertoute contestation
ultérieure.

11.115 L'évacuation totale du territoire libyen par les troupes
françaises est leleitmotiv de la diplomatie libyenne. Ona montré combien les

négociateurs libyens furent intransigeants sur ce point et comment avec le
soutien du Royaume-Uni et des Etats-Unis,ils obtinrent satisfactionn, pp. 99

et S.pars. 16et S.).

11.116 Cette intransigeance se traduisit notamment par
l'exigence d'un renouvellement annuel de l'accord du 24 décembre 1951 sur
l'autorisation de stationnement des troupes françaises au Fezzan, puis le refus

de renouveler cet accord après le 31 décembre1954 et de reconnaître quelque
engagement militaire -fût-cede "réactivation" des bases françaises- dansle traité

de 1955 (Ibid.,v. aussMIL pars.5.423 etS.).

11.117 Cette vigilanceest en contradictiontotale avec l'argument
libyen selon lequel la France assurait implicitement la défense des "confins"
entre la Libye et le Tchad. LeJIQJ& libyen affirme :

"At the time, the presenceof Frenchtroops in Fezzan was the way this
problem was referred to and it will be discussed below in these terms.
However, French troops were also in the Libya-Chad borderlands."
(u, par. 5.416. note 472).Or, il est inconcevable qu'un gouvernementsi chatouilleux -à juste titre- sur la
présence de quelques centainesde soldats français dansl'immensitédu désert

du Fezzan ne se soit pas poséle problème de la légalitéd'une occupation
militaire françaiselourde dans les"confinsde la Libyeet du Tchad".

11.118 A aucun moment, lors des longues et difficiles
négociations sur le statut des forces militaires françaises et leur retrait du

territoire libyen, le gouvernement libyen n'évoquale caractère possiblement
temporaire, incertainou contestablede la présencemilitaire française au Tibesti.

A aucun moment,le gouvernementlibyenne profitede la négociationpour tenter
de donner un statut conventionnellimiteà cette présencemilitaire française.Tout
au contraire, comme on l'a vu (V. supra, pars...et S.), la Convention de bon

voisinage confie à l'administration française, c'est-à-dire à I'administration
militaire dans le B.E.T., le soin de contrôler le trafic caravanier du côté français

de la frontière. Cette attitude serait incompréhensisi le gouvernement libyen
n'avit pas étéconvaincu de l'existence de la souveraineté française sur le
Tibesti.

11.119 Cette intime conviction du gouvernement libyen prit un

caractère explicite lorsde l'incident d'Aozouu incidentde Maya- du 28 février
1955. Le Mémoire du gouvernement de la République du Tchad évoque

longuement cet incident à deux reprises (m, pp. 132-135,pars. 106-114 ; pp.
284-289, pars. 296-311 et annexes). Le Tchad ne reviendra pas sur les faits, si
ce n'est pour s'étonner de la version "abrégée" quien est donnée dans le

Mémoire libyen (m, pp. 404-407, pars.5.512-5.517). 11estime cependant
nécessaire de souligner la portéejuridique de cet incident qui constitue une

véritable reconnaissance de la souveraineté françaissur Aozou et sur leB.E.T.
de la pari du gouvernementlibyen, à quelques mois de la conclusion du Traité
du 10 août 1955.

11.120 L'incidentrappelle la visite faitepar le prince DAMRONG

au temple de Préah-Vihéar,évoquée parla Cour internationale de Justice en
1962. AncienMinistrede I'lntérieur,le princDAMRONG, effectuant une missionarchéologiqueofficielle, se rend au temple. II est reçu solennellement parle
résident françaisqui a fait hissersur Préah-Vihéar lesouleurs françaises. Loin

de protester, le prince envoie par la suite au résident des photographies
commémorantl'évènement.La Couren conclut :

"On pouvait difficilement imaginer une affirmatiplus nette detitre de

souverainetédu cbtéfranco-indochinois.Cela appelait une réaction,
que la Thaïlande n'a pas eue ...Si l'on considère I'incident dans son
ensemble, il apparaît qu'ila équivaluà une reconnaissancetacite par
le Siam de la souveraineté du Cambodge (sous protectorf rançais) à
Préah-Vihéar, du fait que le Siam n'a pas réagien une circonstance
qui appelait uneréactiontendant à affirmer ouà conserver un titre de
souveraineté en face d'une prétention contraire évidente.Ce qui
semble clair, c'est ou bien que le Siam ne pensait pas en réalité
posséderde titre de souveraineté -cequi correspondrait parfaitementà
l'attitude qu'ilavait toujours obseret qu'il a maintenueà l'égardde
la carte de l'annexe I et de la frontiere qu'elleindique- ou bien qu'il
avait décidéde ne pas faire valoir son titrece qui signifierait encore
une fois qu'il admettait les prétentions françaises ou acceptait la
frontiereà Préah-Vihéatrelle qu'elle étaittracéesur la carte." (C.I.J.,
m. 1962, pp. 30-31).

11.121 On retrouve dans I'incident d'Aozou tous les ingrédients

de l'affaire duTem~Ie : une visite officielle; l'arrivéed'un convoiarmédans la
zone litigieuse; son interceptionpar un détachement français ; la réceptiondu
chef demission au poste français oùflotte le drapeau ; la demande française de

retrait, aussitôt acceptéeet exécutéepar la mission libyenne ; la protestation
officielle par larance auprès des autoritésconcernées(Bureau des Nations

Unies à Tripoli, Gouvernement libyen) dansles jours suivants ; les excuses
présentées par lesdites autorités.S'il y avait "une circonstancequi appelait une

réaction tendant à affirmer ouà conserver un titrede souverainetéen face d'une
prétentioncontraire évidente"(C.I.J., ibid.),c'étaitbien celle relativeà l'incident

du 28 février1955.

11.122 En secondlieu, selon la partie libyenne,les négociations
ayant précédé la conclusion du Traitémontrentque le seul problème frontalier
en cause se rapportaitau segment frontalier séparanlta Libye de l'Algérie. Pource qui concerne la partie de la frontière formant l'objetdu présentlitige, il n'y
aurait eu pratiquementaucune discussion. La Libyeen déduitque, pour ce qui

concerne sa frontière avec le Tchad,les négociateurs n'onpas eu l'intention de
r6gler le problème,qui devait êtrdiscutéultérieurement. Ainsi, n peut liredans
leme libyenque :

"..the only boundaryto wich any attentionwas being given during the
negociationswas Libya'swestern boundaryas far south as Toummo ...
With the exception of [the] rectifications of the boundaries that had
been fixed by international agreement in force al the time of Libya's
independence, namely the Franco-ltalian Accord of 12 september
1919, there was no boundarydelimitation negociations between Libya
and France leadingup to the 1955Treaty ..fie Libvan tzu.@&n to the
east of Toummowas not dealtwith at & ..."(M/L ,ar. 5.462 ; Souligné
par la Républiquedu Tchad).

De même,la partie libyenne affirme que "...the sector of the frontier that both
Libya and France were discussing only concerned the Libyan-Algerian frontier,
wich France soughtto rectify;the southern frontierwas not dealtwithtthe time"

(u, par. 5.447).

11.123 11ne fait pasde doute, et la Républiquedu Tchad l'a lui-
mêmeénoncé dansson Mémoire,que lesnégociations relatives à la frontières
ont porté principalementsur lesegment séparantla Libye de l'Algérieet du

Niger. La Francecherchaiten effet desgarantiespourcette partiede la frontière,
comme le montre notamment l'examende la procédure deratification du traité

(v.m, notamment p. 109). Dans ce contexte, il était fondamental de
délimitersoigneusementla ligne-frontièreen cause, d'autant que le tracéde ce
segment n'estpas constituéd'une ligne droiteet est donc susceptible de susciter

plus facilement un différend. C'est d'ailleurs pourquoi l'annexe I du Traité
reprend explicitement trois points, pour préciserle sens de la convention de

1919.

11.124 Mais cela ne signifie pas que la partie de la frontière

formant l'objet du présent différeait étéexcluedurant lesnégociations. 11.125 Tout d'abord, on remarquera que de nombreux

documents traitent des frontières de manière générale,sans en écarter une
partie. A cet égard,il n'est pas inutile de rappeler lestermes de cet extrait du
Projetde Procès-verbal franco-libyen:

"Les deux Gouvernements conviennent de s'en tenir, en ce qui
concerne le tracé desfrontières séparant lesterritoires français et
libyen, aux stipulations générales dtextes internationauxen vigueur
à la date de la créationde I'Etat libyen. La délimitation exactesur la
carte seraentreprise aussitôt que possible.
Prooosition francaise de manièreà êtreterminée avant la conclusion
du traité
n libvenne sans toutefois que la conclusion du traitépuisse
lui être subordonnée".

Ce passage des travauxpréparatoiresdémontrebien qu'aucune divergencene

portait sur l'opportunitéde réglerle problème frontalier.C'est seulementla
rapiditéde la démarcation surle terrain -qui ne concernaitque la frontière avec

l'Algérie, non constituéede lignes droites- qui donnaitlieuà discussion. La
France adu reste rapidement abandonné sa prétention : seul a subsistél'accord
des Parties sur la nécessitéde délimiter l'ensemble de la frontière, sans

restriction relativesa partie méridionale.

11.126 En revanche, les négociateure sstimèrent insuffisantela
référence générale prévueen janvier aux "textes internationaux en vigueur".

Etait-ce I'incidentd'Aozou du 28 février 1958 qui lconduisirentà changer de
méthode ? Etait-cele cours de la négociation? Etait-cel'inquiétudedes services

administratifs français,révéléentre autres parla lettre du Gouverneur général
de I'A.E.F.qu'analyse largementle Mémoirelibyen? (m, pars.. 5.437-5.439);

L'inquiétudelégitimedu Gouverneur généraflace à la constante pression des
élémentslibyens sur le Nord-Tibesti, manifestéenotamment lors de l'incident
d'Aozou du 28 février 1958,ne constitue pour autant quel'avis d'un chef de

service. D'autres services français émirent descritiques autrement virulentes
quant à la conduite des négociations franco-libyennepar le gouvernement. Ilsne furent pas davantage suivis..(Mn, pp. 109-110, pars.39-40). Toujoursest-il
que le texte définitivementretenu,loin d'esquiverla difficultéde la définitionde

la frontière entrela Libyeet l'Afrique équatorfrançaise,la résouten précisant
le projet initial par l'énumérade l'annexe1.

11.127 En réalité,si la thèse libyenneétaitfondée,on trouverait

dans les travaux préparatoires des indications montrant que les Parties
entendaient distinguer clairement entrela frontière algéro-libyenneà délimiter
immédiatement,et la frontière avec I'A.E.F.,pour laquelle auraitétéévoquée la

nécessité de négociations futures.Tel n'estévidemmenî pas le cas.

11.128 L'hypothèse libyenneest d'autant moinsvraisemblable
qu'on peutretrouvertrace de l'intentiondes Partiesde délimiterla frontière sud

de la Libye en examinant certaines déclarations unilatérales.Ces traces sont
évidentes pource qui concerne lesnégociateurs français. Ainsi, on peut lire

dans le rapport présenté parM. André GORSE à l'Assemblée de l'union
françaiseen mars 1955:

"II est indispensable, par contre, que la question des frontières
méridionalessoit définitivementrégléepar tout accord à intervenir
entre les Gouvernementsfrançais et libyen. II serait fâcheux au'un

doute subsistât sur la validiléde notre thèse, qui donnerait prétexteà
d'éventuels litiges et à de nouvelles revendications ...[Nlous ne
croyons pas que l'interprétationfrançaise puisse êtresérieusement
contestée, maisétantdonnéles hésitations descaries anglaises et
libyennes, il serait bon aue l'affaire fut une fois Dourtoute réalée"
(Souligné par la Républiquedu Tchad).

On ne saurait exprimer plusclairement I'intentionde la France de mettrefin à
toute possibilitéde litige frontalier en ce qui concerne la frontière méridionale

libyenne. Cette déclaration contredit totalemenlt'affirmationselon laquelle les
parties ne voulaientque lancer les bases d'une discussionfuture. Elle n'est pas

la seule en ce sens. Ainsi, la Libye cite dans son Mémoir le rapport de
l'ambassade britannique déjà évoquéq ,ui rapporte la revendication françaiseselon laquelle "the frontier betweenthe Fezzanand French territory must be
properly delimited(U, par. 5.446).

11.129 11est évident que les négociateurs français n'avaient

aucunement I'intention de discuter longuementà propos d'une frontière quiétait
déjà délimitéepar plusieurs accords internationaux. Ce point de vue est
confirmé par les nombreuses déclarations d'officielsfrançais qui, lors des

discussions ayant précédé à la ratification du Traitéde 1955, n'ontpas caché
que l'article contenait le tracédéterminé palres accordsfranco-britanniqueset

par conséquent,excluait celuiissu du Traité de 1935.Ces déclarations ontdéjà
été mentionnées danls es Mémoireç des deuxpartiesà la présenteinstance.

11.130 Sur un tout autre plan,il est intéressant derappeler que
la Libye n'appuie son interprétationdes travaux préparatoires -quieux-mêmes

forment la base de leur interprétation- que sur une lettre envoyée par un
fonctionnaire français, leGouverneur généra dle I'A.E.F.,à un autre, le Ministre

de la France d'outre-mer, concernant une proposition de tactique de
négociation. La Libye semble ainsi accorder uneimportance démesurée à un

instrumentsomme toute mineur. Cet Etat nefournit en tout étt e cause aucune
indication démontrant cetteénorme influence,démentie,du reste, par la suite,

par letexte même du Traité.

11.131 Ces considérations suffisent à écarter I'interprétation
libyenne des travaux préparatoiresselon laquelle lesParties avaient I'intention
de renvoyer à une discussion futurela questionde la frontière méridionalde la

Libye. En effet, cette intention n'exispas,quels qu'aientétéles objectifsde la
délégationlibyenne, dans le chef des négociateurs français.On ne peut donc

déceler aucune intentioncommune en ce sens. Or, c'est I'intention commune
des Parties quifait l'objet de I'interprétation. Come rappelait la Commission

arbitrale dans une affaire opposant'ltalàel'Allemagne,

"Le but à considérer est le but commun et raisonnable de la
Convention au moment de sa conclusion, et non pas le but que

chaque Partie entendait atteindre de son côté, ..."(Commission arbitrale surles biens, droitset intérêts en Allemagne, ceambre,
sentence du 14 novembre1959,Entscheidunaen, vol.lll, pp. 452-456,

par.15).

11.132 La Libyenepeut prétendre que les deux Partiesau Traité
du 10 août 1955 avaientl'intentioncommune dene pas réglerle problémede la
frontière méridionalelibyenne et de reporter sa résolutiàndes négociations

ultérieures. Aucune basene peut être trouvée à cet égarddans les travaux
préparatoires communs aux Etats,à savoir les procés-verbaux de négociations.

B. - LES CIRCONSTANCES DANS LESQUELLES LE TRAITE
A ETE CONCLU

11.133 La Libye semble accorderune certaine importanceaux

circonstances dans lesquelles le Traité de 1955 a été conclu. Plus
particulièrement, cet Etat met l'accentsur les débats quise sont déroulésau

sein des Nations Unies et qui ont aboutià l'adoption dela Résolution 392(V).
On peut à cet égardrappelerle passage duMémoirelibyenselonlequel :

"the Treaty containedno indicationin Article3 or elsewhere, thatthese
provisions were in implementation of Resolution 392 (V) and
constituted theresult of negociationsbetween Libya and France with
respect to 'that portion of (Libya's) boundary withFrench territory not
already delimited by international agreement"L p,ar. 5.469).

La partie libyenne considère donque leTraité de 1955 est sans rapport aveca
résolution 392(V). Sur cette base,il faudrait conclure quele Traiténe définitpas

la frontière méridionade la Libye, puisquela résolution appelait précisément à
une définitiondes frontières. 11.134 En réalité, laLibye raisonnedans un sens exactement
opposé à la logique. II faut en effet, pour examiner les circonstances dans

lesquelles le Traité de 1955 a été conclut ,enir compte en premier lieu des
travaux des NationsUnies. Or, ceux-ci insistent effectivement sua nécessité de

préciserles frontièresde la Libye. Envertu dela résolution392 (V), l'Assemblée
générale

"1. Recommande
a) en ce qui concerne la Libye,que la frontière dela Libye avec les
territoires français,pour autant qu'elle nese trouve pas délimitée par
des arrangementsinternationaux,soit délimitée, lors de l'accession de
la Libye à l'indépendance, par voie de négociations entre le
gouvernement libyen et le gouvernement français, aidés, à la
demande de l'une ou l'autre des Parties, par une tierce personne
choisie par eux, ou, à défaut d'accord, désignéepar le Secrétaire
général".

L'Assemblée généralm e arque ainsi son désira, près une première étudede la

question opéréepar la Commission sur basedu rapport du Secrétariatgénéral,
que soit définitivement réglélequestiondes frontièresde la Libye.

11.135 Cette optique se déduit aussi de la circonstance que

certaines délégations avaient été jusqu'à vouloir conférer à l'Assemblée
générale ledroit de délimiterelle-mêmeles frontières. Cette proposition a été

rejetée sur basede l'absence de ce droit. Mais la volonté deprévenirtout litige
frontalier avec la Libyeà la base dela proposition, n'a jamais été mis cnause.

C'est ce qui ressort notamment des compte-rendus analytiques de la Sous-
Commission 17de la première Commisçion. Contrairementà l'affirmationde la

partie libyenne dansson Mémoire, cescompte-rendusexistent bel et bien. On
peut à cet égardciter les proposdu délégué pakistanaiq sui

"...considère que I'Etat de Libye devant êtrecréépar les Nations
Unies, celles-cidevraient l'aiderfixer sesfrontières de manière à ce
que, lorsque la Libye deviendraindépendante,pn évitetout conflit er(
Ce au1concerne le territoire sur leauel son aouvernm aurait
iuridiction. Ces frontières pourraient êtfixées pard'autres moyens
que celui proposépar le Pakistan;ce aui im~orte. c'est aue la Libve e avec des fronti8res (Compte-rendu
analytique de la 9ème séance de la Sous-Commission 17 de la
première Commission, J&c. A/C.l/SC.l7/SR.9. 14octobre 1949,p. 15;
soulignépar la Républiquedu Tchad).

11.136 C'est bien en cesens qu'il faut lire lalution 396 (V).

En vertu de cene dernière,deuxpossibilitésexistent. Soit les frontièressont déjà
délimitéespar des arrangementsinternationaux. Dansce cas, aucun litige n'est
susceptible de survenir.oit lesfrontières ne sont pas encore délimitées.Dans

cette hypothèse, l'Assembléegénéralene disposantpas des compétences à cet
effet, elle recommande que la France et la Libye concluent un accord qui

délimite effectivementla frontière, en prévoyantune procédurede bons offices
en cas de blocage. Dans les deux cas, la résolution insiste pour que les

frontières soient complètementdélimitées,ce qui ne laisserait place à aucune
possibilitéde différend.

11.137 Or, c'est biea ce résultat qu'aboutit Traitéde 1955.

Pour parer à toute insuffisance éventuelle, l'article3 affirme très généralement
que les frontières sont celles résultantdes actes internationaux en vigueur
date de l'indépendance libyenne. II s'agit en quelque sortede la réaffirmation

sous une autre forme des termesde la résolution392 (V). L'annexe I énumère
ces accords et précisele sens de I'un d'entre eux, relatif à la frontière avec

l'Algérie. L'accord de 1956éclairerales dernièreszones d'ombrà propos d'un
segment de la frontière non constitué de lignes droites,et donc plus difficile à

définirsur le terrain.

11.138 On constatedonc, d'une partque l'Assembléegénérale
a appeléla Libye et la Franceàdélimiter précisémen lturs frontières et, d'autre

part, quele Traitéde 1955 contientune délimitation précise.II ne s'agit dès lors
pas d'opposer I'un à l'autre comme le fait la Libye. Toutdémontreau contraire
que les discussions opéréesau sein des Nations Uniesont incitéles deux Etats

A prévenir définitivementtout litige, et non, commele prétend la Libyeà ne
s'entendre quesur unebase de discussionsultérieures. A cet égard,le fait quele Traitéde 1955 ne mentionnepas expressémentla résolution396 (V) revêt
peu d'importance. Onne peut en tout cas prétendre que la résolution donneun

tout autre sensaudit traité. Enfin,en tout état de causet conformémentaux
règles générales relatives à la valeur des moyens complémentaires

d'interprétation,on ne doit pas accorder aux travaux des Nations Unies une
importance fondamentaledans I'interprétatiodu Traitéde 1955.

11.139 En conclusion, tous les moyens d'interprétation

concordent : le Traitéde 1955est un traité dedelimitationde la frontière entre le
Tchad et la Libye. La seule lecture du texte de l'article 3 et de l'annexe le

révèle sans équivoque. In I'y aurait théoriquementpas lieu de rechercher une
autre signification que celle obtenue l'aide du texte clair, pris dans un sens
ordinaire. De toute manière, tantle contexte-et particulièrementla Convention

de bon voisinage- quel'objetet le but du traitéle confirment. II en va dee
de la pratique conventionnelleultérieure, qui indiqexplicitement une sériede

localitésse trouvant"de part et d'autre"du tracéfrontaliercontenu dansle Traité
de 1955. Quant aux moyens complémentaires d'interprétation q,u'il n'est pas

indispensable de consulter dans ces circonstances, ils confirment les
enseignements obtenus à l'aidedes règles générales.

11.140 Mais, pour opposer les termes du Traité de 1955 à la

Libye, il reste à démontrer quecet accord est valide et lie les deux parties
concernées. 11.141 Le Trait4 du 10 août 1955 régladonc définitivementle

différend frontalier. II fait aussi droit entreles parties, puisque, d'une part, il
remplittoutes les conditionsrelatàvla validitédes traités et,d'autre part, son
applicationà la présenteespécene poseaucunproblèmeparticulier.

11.142 On retrouvedansle Mémoi reyen plusieurs allusionsà

des vices de consentement qui affecterateTraite de 1955. Ainsi,on peut lire
que "the French Government seriouslymisinformed the Libyan Government at
that time(u, par.5.05.),ou que,pour la partie libyenne,

"..who had not looked intowhat "actesinternationaux"were in fo-ce
they had not even seencopiesof the relevant documenthe Article3
formulation involvednoriskat thetir(ML, par. 5.473).

Par ailleurs, toujoursselon laLibye,

"the French Government in 1955 and 1956 used the presence of
French troopson Libyan territoryas a leverto force Libyato acceptthe
boundary rectifications that France wanted in his favour" par.
5.490).

D'autres passages du Mémoire renvoient implicitement aux vices de
consentement (ML v.,not.les pars.5.96,5.180, 5.442,5.446,5.470,5.500). 11.143 Plus généralement,la Libye conclut son analyse du
Traitéde la façon suivante:

"Thus, the part of the 1955 Treaty that fixed a boundary -the sector
between Toummo and Ghat dealt with Annex I - was aareed under
duress. This part of Libya'sboundarydoes not, however, concerned
territory in dispute in the present Claim betweenLibya and Chad.
Regrettably, the whole boundary question was ~bscured by
misre~resentationç made by France as to the effect of the 'Actes
internationaux' in force in 1951(u, par. 5.503 ; souligné par la
Républiquedu Tchad).

On constate que trois vices de consentement sont récurrents dans
l'argumentationlibyenne: l'erreur,le dol, et la contrainte.

11.144 La Libye n'invoque cependantpas directement les vices
de consentement.Ainsi, on ne trouvera nulle part dans le Mémoireune attaque

de la validité du traité de 1955: celui-ci n'est jamais qualifié d'acte nulou
susceptibled'annulation. Au contraire, d'une maniègénérale, I'argumentation

est basée surl'article3 et sesannexes,la théselibyenne consistantà prétendre
que ces dispositions renvoientà des instruments internationaux qui ne règlent

pas le problèmefrontalier. Onse reporteraà cet égardà la section 1 du présent
chapitre.

11.145 Au contraire, la Libye affirmeexplicitement en évoquant
l'arrivée ducolonel KADHAFIau pouvoir que

"The 1955 Treaty between Libya and France remained in effect"
(p.421, note577; souligné parla République dTchad).

II s'agit là d'une reconnaissanceexpresse de la validitéde l'instrument. Cette
reconnaissance expresse fait d'ailleurs suite à plusieurs reconnaissances

implicites, déduitesdu silence libyen en certaines occasions. 11.146 On peut à cet égard rappeler les termes du second
rapport du Comitéad hoc de médiationde l'organisation de l'Unitéafricaine
conclu à l'issuede la réunionde Libreville:

"3)- Pertinencedu Traitéfranco-libyendu 10août 1955.
Ce traitéposedeux problèmesde fond.
1°- Celui de sa validité..Elle n'est contestée Dar aucune des deux
Parties. En outre, ce Traitéa étéconclupar deux Etats souverainsqui
ont exprimé réguliérementleur consentement à êtrelié par ces
dispositions" (Rapport du Sous-Comité des experts juristes et
cartographes (II), p. 44 (annexeU: 291 et P 82) ; soulignépar la
Républiquedu Tchad) (v.aussim, pp 97-98,par.14).

11.147 De même, laRépubliquedu Tchad a déjà mentionné

dans son Mémoirel'absencede contestation libyennelorsque le traitéfut produit
par la Tunisie dans l'affairedu Plateauinenu, la Courayant dans sonarrêt
consacréla validitéde l'instrumenten affirmantque la frontière terrestre entreles

deux pays

O...avait d'ailleurs été confirmée ple Traité d'amitiéet de bon
voisinage conclu le10 août 1955 entre la Républiquefrançaise (au
nom de la Tunisie) et le Royaume-Unide Libye,.."(C.I.J., Affadue
mau continenM (IL!nisie/ mahiriva arabe libvenne), 1982,
pp. 65-66, par.84).

II est donc acquis que la Libye considèrele Traitédu 10 a1955 comme un

traitévalide en droit international public.

11.148 A cet égard,les pleins pouvoirs du signataire libyen du
Traiténe sontpas nonplus contestés.MustafaBEN HALlMétaità lafois Premier

ministre et Ministre des Affaires étrangères duRoyaume-Uni de Libye : il a
valablement engagé I'Etatlibyen(m, p. 94, par. 2). Dansl'affaireconcernant
Statut iuridiaue du Groenland Oriental, la Cour permanente de Justice

internationale O... considère comme incontestable qu'une telle réponse à une
démarche du représentant diplomatiqued'une Puissance étrangère,
faite par le ministre des Affaires étrangères aunom du Gouvernement,
dans une affaire qui est de son ressort, lie le pays dont il est le
ministre" (C.P.J.I., SérieAB, n053,p. 71).

Ces propos sont a fortiori valables dans la présente espèce où l'accord est

formalisé sous forme de traité et où son signataire libyen est aussi Premier
ministre.

11.149 La validité du Traité étant incontestableet incontestée,il y

a lieu de l'appliquer tel quel. Les allusions de la partie libyenne relatives aux
conditions dans lesquelles est intervenue sa conclusion ne peuvent avoir

aucune conséquencejuridique. Le principe Pacta sunt servanda s'applique à
tout traitéen vigueur, quelle que soit la lourdeur éventuelle desobligations qui y

sont contenues. Une partie, unefois qu'elle a expriméson consentement, et que
celui-ci n'est pas vicié, ne peut échapper à l'exécutiondu traité mêmesi elle

critique les circonstances dans lesquellesle traitéa été conclu.

11.150
Dans l'affaire du Lemple de PréahVihéar(wétence),
La Cour a refusé deprendre en compte une éventuelle erreurde la Thaïlande

parce que cette erreur n'avait paseu pour effet de vicier son consentement :

"...la principale importance juridique de l'erreur, lorsqu'elle existe, est
de pouvoir affecter la réalitédu consentement censé avoirétédonné.
Cependant, la Cour ne voit en l'espèce aucun élémentde nature à
entacher, pour ainsi dire après coup et rétroactivement,la réalitédu

consentement ..."(C.I.J., 1961,p. 30).

11.151 Sur la base de ce principe, les allégations de la partie
libyenne doivent envisagées de la manière suivante : soit le consentement a

effectivement été viciée , t leTraitéde 1955 est nul, soit tel n'a pas étéle cas, et
ces allégationsne peuvent être prises en comptel,e Traitéde 1955 s'appliquant

intégralement etcomplètement. II suffira donc d'examinerces allégationssousl'angle de la théorie des vices de consentement. La Républiquedu Tchad

démontrera ainsique le consentement libyen n'a étéviciéni par l'erreur oue
dol, ni par la contrainte.

A. - ABSENCE D'ERREUR OU DE DOL

11.152 Selon leMémoi riyen,

"Even if the French Governmenthad been confident in 1955 that the

'actes internationaux en vigueur'in 1951 fixed the Libyan boundaries
with the French possessions,no such confidence was shared by the
Libyan side. They had not even studied the question nor did they
propose to do so then. So Libya could not have acquiesced in the
Frenchview of the boundarysituation..(u, par.5.477).

11.153 Par ailleurs, la Libye conclut son examen du Traité par
une affirmation selon laquelle "the whole boundary question was obscured by

misrepresentationsmade by Franceas to the effect of the 'Actesinternationaux'
in force in 1951"U, par. 5.503). La Libye aurait donc signTraitéde 1955
sans disposer d'informations suffisantes sur la question frontalière, cette

absence d'informationsétantdue, au moinsen partie,à l'attitude particulière de
la France.

11.154 On remarquera tout d'abord que cesaffirmations n'ont
aucun fondement sur leseul plan des faits. En premier lieu, la Libye ne peut

prétendre n'avoirpas disposé d'informations suffisantrelatives sa frontière
sud. Assistésde divers conseillers,en contact avecles autoritésbritanniques,

les négociateurs libyens étaient enmesure de connaître les données de ce
problème. D'autant que la question des frontières avait, comme la République
du Tchad le mentionne par ailleurs, étéabondamment discutée au sein des

Nations Unies dans le cadre de l'accession l'indépendancede la Libye. A cetégard, l'épisodedes erreurs cartographiques enlèvetoute possibilitéà la partie

libyenne de prétendre n'avoir pas eu connaissance au moins de I'existence
d'une alternative au tracérésultant des accords de 1899 1919. En particulier,

les négociateurs libyens avaient parfaitement connaissance de I'existence du
Traité LAVAL-MUSSOLINI de 1935 et du tracéqui y était contenu. Ce fait est

d'ailleurs reconnu par la partie libyenne danssonmoire En effet, un rapport
de l'ambassade britannique à Paris est cité, selon lequel, en janvier 1955, le
Premier ministre libyen affirmait

"..that his Government were imperfectly informed,not having received
al1the ltalian archives relatingto the LAVAL-MUSSOLINI Agreement of
1935. He undertook, however,to study the question, wichwould take
some time, and said that it could hardly be settled in the context of
present negociations"(m, par. 5.446 ).

11.155 On sait, du reste, que le Gouvernement libyen prit
l'attache des autorités italienneset envoya Rome son Ministre des Finances

pour s'informer sur le sort des accords MUSSOLINI-LAVAL de 1935 (m, p.
123, par.83 et annexe 258). On ne peut donc accuser les Libyens de négligence
dans cette affaire, tout au contraire. C'est parfaitement informésqu'ils abordèrent

la phase finale de la négociation.

11.156 Quant à l'allégation selon laquelle la prétendue
mauvaise connaissance du dossier frontalier seraitdue à l'attitude de la France,

elle n'est pas davantage fondée. II est évidentque les négociateurs français
n'ont pas consacré leurtemps à informer leurs vis-à-vis du contenu des dossiers
abordés. Cependant,on ne peut prétendre qu'ils aient caché quoi que ce soit à

la partie libyenne. Comme le démontre l'extrait du rapportqui vient d'êtrecité.
les négociationsont porté à un moment sur le Traitéde 1935, dont I'existence

n'a jamais été masquée.

11.157 On ne peut donc relever aucun élément de fait

accréditant la thèse d'une erreur ou d'un dol. Mais, de toute manière, à
supposer même queces éléments soient établis il,s ne pourraient être invoquésjuridiquement par la Libye, parce qu'ils ne répondent pas aux conditions
requises par le droit international pour conclure à l'existence d'un vice de

consentement.

11.158 Le premier obstacle est constitué par l'absence de
contestation de la validité duTrait6 par la Libye, et mêpar la reconnaissance

de sa validitédans son Mémoire et en d'autres ocasions,circonstances déjà
évoqu6esci-dessus. L'article 45 de la Convention de Vienne sur le droit des

traités("Perte du droit d'invoquerune causede nullité d'untraitéou un motif d'y
mettre fin, de s'en retirer ou d'ensuspendrel'application"ispose

"Un Etat ne peut plus invoquerune cause de nullitéd'un traité ...en
vertu des articles 46 50 [l'art. 48 étant relàtl'erreur et l'arti49e
au dol] ou des articles 60 et 62 si, après avoir eu connaissance des
faits,cet Etat:
...b) doit, en raison de sa conduite, êtreconsidérécomme ayant
acquiescé,selonle cas,à la validitédu traité...".

11.159 La regle mentionnéeà étéappliquéeà plusieurs reprises

par la jurisprudence internationale et peut donc êtreconsidérée comme
l'expression du droit coutumier. Dans l'affaire du Tem~ie de PréahVihéar. la

Cour énonceque

"[mlêmes'il existaitun doute sur l'acceptationpar le Siam en 1908 de
la carte, et par conséquentde la frontière qui y est indiquée,la Cour,
tenant compte des événementsultérieurs, considérerait que la
Thaïlande, en raison de sa conduite, ne saurait aujourd'hui affirmer
qu'elle n'a pas acceptéla carie. Pendantcinquanteans, cet Etat a joui
des avantages que la convention de 1904 lui assurait, quand ce ne
serait que l'avantaged'une frontière stable...La Thaïlande ne peut

aujourd'hui,tout en continuantà invoquer les bénéficesdu règlement
età en jouir, contester qu'elle ait jamais étépartie consentante au
règlement"(C.I.J.,&&, 1962,p.32).

De même, dans l'&faire concernant laSentencearbitrale du 23 décembre1906,
la Cour affirme qu'à son avis, "... le Nicaragua a, par ses déclarations expresses et par son
comportement, reconnu le caractère stablede la sentence et il n'est
plus en droit de revenir sur cette reconnaissancepour contester la

validitéde la sentence"(C.I.J., 1960,p. 213).

11.160 La Commission du droitinternational a d'ailleurscitéces

deux arrêts dansle commentaire du projet d'articles qu'elle aprésentéà la
Conférencede Vienne :

"[lle principeselon lequel une partne doit pas pouvoirtirer avantage
de ses propres inconséquences repose essentiellement sur les

notions de bonne foi et d'éauité (alleaans contraria non audiendus
est). La pertinencede cephncipèestWgénéralemea ntmise et elle a
étéexpressément reconnup ear laCour internationale deJustice dans
deux affaires récente. .conférencedes Nations Uniessur le droit des
traités,Documents offici volç1p. 63, par.1).

11.161 Par ailleurs, ladoctrine attribuà l'article 45 une valeur
coutumière générale,en renvoyantaux deux arrêtsdéjàcités. Par exemple,

pour Sir lan SINCLAIR,

"[alrticle 45 embodies one of the essential safeguards of treaty
relations- namely, the principle of acquiescence. This principle
derives support fromtwo cases decided by the International Court of
Justice, the Arbitral Awardmade bythe King of Spain case and the
Templecase" (SINCLAIRSir lan, op.cit.,par. 11.113, p. 168).

Enfin, on aura remarqué quele principe concerne tantle vice de l'erreur que

celui du dol. Commele remarqueAndréORAISON à propos du dot,

"[l]orsque la victime a renoncé à invoquelre do1ou a confirméle traité
nul, elle ne peut plus revenir sur sa décision.L'acte est 'désormais
purgéde son vice. II est considéré entièrement valab:lela victime du
do1ne peut plusse prévaloirde la nullité du traipar voie d'actionou
par voie d'exception. La validationdu traité8re non seulement pour
l'avenir mais encore dansle passé" (ORAISON André ",edo1dans la
conclusiondes traités",R.G.D.I.P.,1971, p. 663). 11.162 En application de cette règle, la Libye ne peut plus

invoquer le do1ou I'erreurqui vicierait le consentementà un traitédont elle n'a
jamais contestéla validité.

11.163 Ceci est d'autant plus vrai qu'une deuxième condition

nécessaire à l'établissement d'undo1ou d'uneerreur fait défaut. II faut rappeler
que, si on en croit la Libye, les négociateurs libyesu Traité de 1955 ont signé

un traitésans connaitre exactement certaines questions quy i étaient abordées.
Or, la jurisprudence a admis qu'un Etat ne pourrait invoquer sa propre

négligence en tant que vice de consentement.Le dictum de la C.I.J. dans
l'mire du Templede PréahV'(fondl est restécélèbre :

"C'est une règle de droit établiequ'unepartie ne saurait invoquer une
erreur comme vicede consentementsi elle a contribué à cette erreur
par sa propre conduite, si elle étaiten mesure de l'éviter,ou si les
circonstances étaienttelles qu'elle avait été avertie dela possibilité

d'une erreur"(C.I.J.,&. 1962,p. 26).

La Cour tirait cette conclusion apres avoir constaté que des fonctionnaires
thaïlandais de haut rang avaient participéactivementà la négociation(Ibid.,p.
25), ce qui étaitévidemment lecas pour les négociateurs libyens en 1955. De

même,la prétentionnéérlandaise portan stur l'existence d'uneerreur est rejetée
dans I'affaire dela Souveraineté sur certainesoarcellesfrontalières parceque :

"[lla convention de délimitationde 1843 a étéle résultatde plusieurs
annéesde travail, pendant lesquelles les membres de la Commission
ont été en contact .non seulement avec les administrations
communales respectives, mais encore avec les gouvernements des
deux Etats"(C.I.J.,&.L 1959 ,p.227).

11.164 Une telle motivationpeut parfaitement être transposéà e

I'affaireen examen. DansI'affairedu Groenlandoriental,la Cour permanentede
Justice internationalerejette l'argumentde I'erreur invoquépar la Norvège parce

que "il lui parait difficile d'admettreque la Norvègen'auraitoaDU rév vo[re fait
qui aurait fait l'objet de l'erreur]" (SériAB, no 53, p. 71 ; souligné par laRépublique du Tchad). On peut aussi citer ce passage de l'opinion du juge
ANZlLOTTldansla même affaire :

"Si ,toutefois,on veut supposer pourun momentque M. IHLENse soit
méprissur les conséquences qui seraient dérivées dl'extensionde la
souveraineté danoise,on doit reconnaîtreque cette erreur ne serait
pas de nature à entraînerla nullitéde l'accord. Toute erreur doitêtre
excusable, et jln'est auère facile d'admettre au'un aouvernement
puisse ianorer les conséauences Iéaitimes d'uneextension de
souveraineté" (C.P.J.I., SBr. AB, n053, p. 92 ; souligné par la
Républiquedu Tchad).

11.165 La doctrine est unanime Cice propos. Ainsi,pour Sir lan

SINCLAIR,I'erreur ne peutêtre retenue"if thecircumstances weresuchas to put
the Stateon noticeon a possibleerror" (Op.cit.,par. 11.113, p. 172)De même,

PaulREUTER relève que

"L'Etat victime de l'erreur ne peut l'invoquer s'il porte une certaine
responsabilité de son erreur, soit qu'il ait lui-même, notamment,
contribué à celle-ci, soit qu'il n'ait pas tenu compte de certaines
circonstances qui rendaient I'erreur possible" (REUTER Paul,
Introduction audroit destraités, Par, .U.F.,1985, 2èmeéd.,p. 145, 9
244.).

D'autres exemples pourraient êtrecités(v. not. DUBOUIS Louis, "L'erreur en

droit international public",A.CU,1963,pp.206et ss.).

11.166 Les Etats ont rappelé l'importancee cette condition lors
de la conférence de vienne, le paragraphe 2 de I'article 48 prévoyant

explicitement que:

"le paragraphe 1 ne s'applique pas lorsque ledit Etat a contribuéà
cette erreur parsoncomportementou lorsque les circonstances ont été
telles qu'il devait être avtie la possibilitéd'une erreur".

11.167 A cet égard, il faut préciser que certains auteurs

considèrent quel'article48 de la Conventionde Vienne estplus indulgent pour
I'errans que le droit coutumier. En effet, la Commissiondu droit international,tout en reprenant dans son principe le dictum de la Cour cité ci-dessus,en a
exclu l'hypothèseoù I'Etat "étaiten mesured'éviter" l'erreur,en la considérant
comme "laissant peu de place à l'application de la règle" ( Conférence des
. .
Nations Unies sur le droit des traités,Documentç, vol. 1,p. 6958). Sir
lan SINCLAIRen conclutque :

"To sumup this point, it would seemthat there is a certain amount of
jurisprudenceon the etfectof error ina treaty, butthat Article 48 of the
Conventionmay involvesomemeasureof progressivedevelopment as
well as of codification, or at thevery least,notbe exhaustiveof the
contentof customarylawonthe matter"(Op.cit.,par. 11.113, p. 15).

Le droit coutumier accepteraitdonc encore moinsfacilement lanégligenced'un
Etat que la Conventionde Vienne.

11.168 Quoi qu'ilen soit, il faut conclureque, à supposerque les

négociateurs libyensaient été victimes d'une erreur lors de laconc1usiondu
Traitéde 1955, la négligencedont ils ontfait preuveleur enlèvetoute possibilité

de l'invoquer.

11.169 La négligence empêchenon seulement d'invoquer
l'erreur maisaussi le dol. C'est ence sensque Louis CAVAREaffirmeque :

"le gouvernement qui se laisserait grossiéremenlduper géreraitmal
les affaires nationales. n'exerceraitpas cette vigilance moyenque
le droit civil interneexige du bone de famille et ne serait pas apte,
. .
semble-t-ilàformuler ensuitedes réclamations"(Le droitnternalula!
wooçitif P,édone,Paris,1969,11,3èéd.,parJ.P. QUENEUDEC, p.
87).

De mêmep , our.André ORAISON,

"l'erreur qui est provoquéeet qui portesur le fait a pfacilitéepar
la faute, la négligenceou l'imprudencede la victime du vice. Dans
cette hypothése, ledroit des traités -influencépar le droit privédes contrats- se prononce pourune solutionparticulièrement sévère: la
convention ne saurait être invalidée car le comportement du
cocontractant et celui de la victime sont simultanémentinexcusables"
(Loc.cit.,par.1.161,pp. 645-646).

11.170 11ne s'agit ici que d'appliquer en matière de do1 le

principe souvent résumé par la formule nemo auditur allegans turpitudinem
propriam suam. Cette règle a 616 qualifiée par la Commission du droit

internationald'"un des principes générauxdu droit selon lequel une partie ne
peut se prévaloirde sa propre faute", et a étéappliquédans un cas particulier
8.
par la Cour permanentede Justice internationale dans I'affaireative à IUsim
de (C.P.J.I., SérA, n08,p.31).

11.171 On a émisun critère objectif pourdéterminerà partir de

quand il y a négligenceen matière de do1 :si la partie trompée pouvaitse
procurer les renseignements cachés, il y a négligenceinexcusable. Un Etat

n'est doncpas obligé de fournirà I'autrepartie les élementsd'un dossier qui lui
sont défavorables,pourvu que ces élémentspuissent êtrerelevéspar l'autre

partie.C'esten ce sens quese prononce M.ORAISON:

"une partie à un accord international n'estpas obligéede fournir à
I'autre des renseignementsque cettedernière peut se procurer elle-
même. Si, par négligenceou carence, elle ne cherche pas ces
informations, elle est inexcusable. Par la suite, elle ne peut pas

invoquerl'erreuret, a fortiori, le (op.cit.,pa11.161, p.634).

Cet auteur cite à l'appui de ses propos le précédentdu Traité WEBSTER-
ASHBURTON. Dans cetteaffaire, un négociateur américain avait cachéà ses

collègues britanniques l'existence d'une carte favorableà la Grande-Bretagne.
Cependant. ce document était accessible à tous ( V. MOORE,J.B., p Dioest of

Jnternational Law, Washington, Government Printing Office, 1906, vol. V, p.
719.). 11ne pouvait doncy avoirde dol. 11.172 Lorsque la partie libyenne décler:

"Fromthe standpointof the Libyanteam,who had not looked intowhat
"actes internationaux"were in forcethey had not even seen copies of
the relevent documents-the Article formulationinvolved no riskat the
time"(m, p. 389,par. 5.473)

elle sous-estime gravement la compétence des négociateurs libyens de

I'6poque. M. BEN HALlM et ses collaborateurs s'entourérentd'avis d'experts,
suisse notamment, consultérent les gouvernementsamis, au premier rang

desquels le gouvernement britannique,envoyèrentle Ministredes finances à la
tête d'une délégationà Rome pour vérifier le statut du Traité LAVAL-

MUSSOLINI.Maisà supposermême que le Gouvernementlibyen n'eut pas pris
ces précautions à l'époque, la partie libyenne ne pourrait se prévaloir

aujourd'huidu vice dedol.

11.173 La Libye ne peut démontrer ni en fait, ni en droit,

l'existence d'une erreur ou d'un dol. Les circonstances dans lesquelles les
négociateurs libyensont signéle traitén'ont riend'exceptionnel,dans la mesure

où ils disposaient des informations nécessaires pourse prononcer sur le
problème frontalier, soulevéà plusieurs reprisesdans le cadre dI'0.N.U. De

même,rien n'indique que la France ait caché desinformations dans un but
frauduleux. De toute manière, l'absencede protestationde la Libye a l'égard

d'untraitédont ellea tiréde nombreuxavantageslui ôte toute possibilitéactuelle
de contestation sur ces points. II en va de même desa négligence,dans

l'hypothèseoù il serait démontrque les négociateurs libyenont signéun traité
sans connaître les questions quiy étaientabordées.

11.174 La RBpubliquedu Tchad démontrera à présentque le
vice de contraintene peut davantageêtre retenque l'erreurou le dot. B. - ABSENCE DE CONTRAINTE

11.175 On rappelleraque, si on en croit Mémoi ieyen,

O..the part of the 1955 Treaty that fixeda boundary-the sector between
Toummo and Ghat dealt with Annex I - was a aunder '"
(u, par. 5.503 ; souligné parla République duTchad).

D'autres allusions de ce genre peuvent être retrouvées.

11.176 Une fois encore, on doit d'abord constater l'absence de
faits susceptibles de vicier le consentement. Le nombre de soldats français sur

un territoire aussi étendu que celui du Fezzan (près dtiers du territoire libyen)
était dérisoireen 1955. Selon différentes sources, seuls 400à 500 militaires,

formant deux compagnies étaient répartis dans une immense étendue
désertique (v. LANNE Bernard, Tchad-Libve. La auerelle des frontières, Paris,
Khartala, 1982, p. 200 ; COCATRE-ZILGIEN, "Les accords franco-libyens",

A.F &L, 1956, p. 247, n. 11 ; G. GORSE à l'Assemblée del'union française,
séance du 26 mai 1955, pp. 555 et S.). On peut douter fortement que ces

quelques soldats aient pu constituer en soi une véritable menace pour I'Etat
libyen. D'autant que celui-ciétaitsoutenu à tous points de vue par lesEtats-Unis
et surtout par le Royaume Uni, qui pouvaient éventuellement garantir leur

protection à Tripoli contre une éventuelle attitude belliqueusla France. Des
forces militaires américaineset britanniques ont effectivement utiliséles facilités

accordées par laLibye en vertu des accords de coopération militaitreconclus en
1953 (Textes inR.T.N.U., v. 186,pp. 201et ss. et R.T.N.U., v. 224, pp. 217et ss.).

Au total, il semble que les forces de ces armées stationnéen Libye aient étéà
l'époque de quelque 20.000 hommes, avec utilisation de nombreuses et
importantes bases navales et d'aérodromes (COCATRE-ZILGIEN, loc.cit.,

1956, p. 243, note 3). Par ailleurs, les forcesarmées libyennes elles-
mêmessont encadréeset formées avec l'aidede ces Etats (LANNE Bernard,

op.cit.p. 201). Du reste, par deux fois, la Libye a pu refuser un projet
11.177
français de traitéqui semblait ne pas la satisfaire,ceci malgréla présencesur
son territoire des troupes françaises. On peut donc présumer que C'est

Bgalementen dehorsde'toutecontrainte quele Gouvernementlibyen a choiside
conclure,le 10août 1955,untraitéd'amitié avecla France.

11.178 A cet égard,les circonstances dela conclusiondu Traité

de 1955 sont extrêmemené t loignées desprécédentsoù des traités ont été
invalidés dans la pratiqpour vicede contrainte. L'établissement deelle-ci ne
laissait en I'occurence aucune plaau doute.

11.179 Ainsi, l'Accord de Munich du 29 septembre 1938a été
considéré comme nul tant par les puissancesalliéesque par l'Allemagneelle-

même. Comme l'a rappelléle Council for the Restoration of Legal Rights
(Judicial Divisionl, juridiction hollandiy avait contrainte notammentparce

que :

"It is generallvknown that Great Britain and France ...advised
Czechoslovakia to accept Germany'sdemand ...Further, it is known
that Czechoslovakia, who had first refused, acquiesed:.. after new
démarchesby the Britischand French Ministers at Prague...(u. v.
24, p.. 539 ; souligné parla République du Tchad).

11.180 Mêmeconclusion à propos du Traitéde Berlin entre la

~chécoslova~uieet l'Allemagne,consacrantl'annexiond'une partiedu territoire
de cet Etat et conclu en application des accords de Munich : ici aussi, la
contrainteétait manifeste. Commlee précise une coudr e La Haye,

"The German-CzechoslovakNationalityTreaty was invalid because it
was concludedunder and unlawfulduress"(LL& vol. 24, p. 437;
soulignépar la Républiquedu Tchad).

Le Councilfor the Restorationof LegalRights estplus explicitelorsqu'ildéclare: "The validity of the Treaty as a whole cannot be accepted ; it was
concluded by Czechoslovakia under w, inescapable and unlawful
duress. Czechoslovakia adhered tothe treaty only after she had under
protest consentedto the transfertof the Sudetenland toGermany,who
was threatening war if she did not. The German threatatter of
n knowledge" (LL& ,.24,p. 538 ; souligné parla République
du Tchad).

11.181 Enfin, la doctrine a ajoutédes cas historiques qui se

rapprochent fort de ceux de la pratique exposéeci-dessus. Le professeur
ROUSSEAU cite ainsi : le Traité sino-japonais du 25 mai 1915 relatif au
Chantoung, conclu par la Chine sous la contrainte de l'ultimatum japonais dit

des "21 demandes" ; le Traité du 16 septembre 1915 instituant le contrôle
financier des Etats-Unisà Haïti, concluà la suite de l'occupation des douanes

par les troupes nord-américaineou encore le Traitéde Versailles signé sousla
menace d'une extension de l'occupation duterritoire allemand (ROUSSEAU
Charles, Droitinternationalblic,Paris, Sirey, 19tome 1,p. 148,§ 128).

11.182 Ainsi, on ne peut trouver aucun exemple où une

contrainte a étconstatée sans que le lien de causalitéentre les faits coercitifs
allégués etla conclusiondu traité soit particulièrt anifeste. Danstous les
cas examinés,le traité n'avaitété conclque sous la menace d'une véritable

agression, dansdes circonstances exceptionnelles de guero,uà tout le moins
pré-guerrières,La menace n'avaiten tout cas aucunemesure avec la présence

de quelquescentaines de soldats éparpillés daun désertimmense.

11.183 D'ailleurs, la doctrine et la jurisprudence insistent
généralementsur la nécessitéde l'établissementd'une contrainte importante,
qui a étéi'élémentdéterminantou mêmeexclusif du consentement de I'Etat.

Ainsi, le juge FITZMAURICEaffirme dansson opinion individuelleà l'affaire des
gêcheries :

"ainsi bien analysée, lathèse de la "contrainte"se réduità l'affirmation
que l'assentiment de l'Island...n'aurait Das étéobtenu aue Darla

contrai nCI.e"& 1973,p. 34).De même,pour une cour hollandaisede La Haye dont lespropos ont déjàété
évoqués,

"The German-Czechoslovak Nationality Treaty wasinvalid because it
was concluded under clear and unlawful dureshe effect of whu
could m, exercicedby Germany" (LI& ,ol.
24, p. 437 ; souligné parla Républiquedu Tchad).

Le Council for the Restorationof Legal Rights contestela validitéde ce même
traité,et ceci parce que "it was concluded byr clear and inesca~w and

unlawful duress" et que les actesde consentement "wereluctablv linked with
the unlawful Germanthreat ofaf (Ibid., p. 538 ; soulignépar la Républiquedu
Tchad). Enfin, Paul REUTER, arbitre unique dans l'affairenoil, définitla

notion de contraintedans des termesfort semblables. Selonlui, la contraintese
caractérisenotamment par"l'a n Ile on

9 donné son consentemeni" (Sentence Aminoil. 5 43 ; textein m,
1982, p. 880 ; souligné par la République du Tchad). II est vrai qla
contrainte étaitici invoquée parla partie privee d'un contrat transnational, mais

l'éminentspécialistedu droit des traitésdevait trancher le litige en appliquant
principalement le droit international (v.N Philippe, "Contrats d'Etat et

nationalisation. Les apports dela sentence arbitraleduars 1982",
1982, pp. 862-863).

11.184 Si on appliquece critèrela présente espèce,il apparaît

difficile pour la Libye de prouver qu'elle n'avaitaucune autre sque de
conclure le traitéde 1955,et ce au regarddes élémenfait déjà exposés.

11.185 De toute manière, quelle que soitla relation de cause
effet qui ait pu exister entre la présence des 400 srançais au Fezzanet

la conclusion du Traitéde 1955, l'annulation de celui-ci pour contrainte n'est
juridiquement pas fondée, puisquela Libye avait consentia présence des
troupes françaises, et que l'établissement dela contrainte suppose i'existence

d'une "menace" ou un "emploi de la force en violation des principes du droitinternational incorporés dans la Charte des Nations Unies" (art. 52 de la
Conventionde Vienne de1969). Cette deuxième condition a été très clairement

énoncée par la Commission du droit international, qui a limité la portée
coutumière de la contrainte a IM'emploi de la force " (Conférencedes
. .
Nations Unies sur le droit des traités,ocumentç, vol. 1,p. 71 ; souligné
par la Républiquedu Tchad). Ellen'estpas remplieen l'espèce.

11.186 La présencedes forces armées françaisesne constitue

assurément pas un emploi illicite de la force. Pendant la période précédant
I'indépendancede I'Etat libyen, la présencedes troupes françaises au Fezzan
se justifie parle consentement des autres Etats alliés,et plus généralement des

Nations Unies. Ce consentement résulte :

- des accords de 1941 et 1943 avec la Grande-Bretagne pour la période

antérieureau 10 février 1947 ;

- du Traitédu 10 février 1947 poulra période s'étendant entre cette dae tt le 21

novembre 1949. En effet, l'art. 23 92 de cet instrument précise que les
possessions italiennes"demeureront sousleur administration actuelle jusqu'à ce

que leur sort définitif soit réglé".

- de la résolution 289 (IV) pour la période du 21 novembre 1949 à

I'indépendance, la résolution prévoyanten son point 10 "que les Puissances
administranteç, en coopérationavec le Commissairedes Nations Unies, ... b)

administrent les territoires en vue de faciliter l'unitéet I'indépendancede la
Libye".

11.187 En décembre1951, laFrance conclut une série d'accords
dits "provisoires"avec le gouvernement provisoire deI'Etatlibyen. Ces accords

établissentune coopération entre les deux Etatsqui se matérialise par:

- un accord financier, signé le 2 décembre,en vertu duquel des sommes

considérables sont versées à la Libye ;- un accord militaire, conclu le jour de l'indépendance,en vertu duquel le Satu

quo ante est maintenudansle Fezzan.

11.188 C'est évidemment de ce dernier accord que découle
l'existence d'unconsentement libyenà la présencedes troupes françaises S'ils

étaient formellement reconduits environ tous les six mois, les accords . ,
"provisoires" étaient expressément établis"ma 8% la conclusio~dute
e et damitié les deux oouvernementç ont en yue ". La formule

exprimant le consentement constitue donc un engagement B renouveler les
accords provisoires qui permettent la présencedes troupes et maintiennent

l'aide économique française, ceci n'empêchant pas qu'on redéfinisse
périodiquementles modalitésde ces accords.

11.189 La Libye n'a d'ailleurs jamais prétenduque la présence

des troupes était illicite.Certes, leMinistredes Affairesétrangères linotifiait
aux autoritésfrançaises, le 13 novembre 1954,qu'il ne lui serait"pas possible"
de renouveler les accords (Rapport GORSE, p. 24). Mais ceci ne signifie

nullement qu'il revenait sur son engagement de maintenir le régime de la
présencedes troupes et de l'aide économique jusqu'à la conclusion du traité,

régime qui paraît du reste s'êtremaintenu pendant cette période. Les
négociations devant y aboutir ont d'ailleurs continué, et ce refus de

renouvellement apparaît davantagecomme une forme de pression. Ainsi, les
protestations contre la présencedes troupes n'ontjamais revêtula forme d'une

déclarationde nature juridique affirmant I'illicédu comportement visé. Par
ailleurs,il est fondamental de relever que la Libye ne remet pas en cause la
licéitéde la présencedes troupes françaises sur sonterritoire dansle cadre de

son Mémoir (e.pars.5.41 1à 5.428).

11.190 Le consentement libyen à la présence des troupes
françaises sur son territoiresest donc établi. II répondaux conditionsénoncées

par la Commissiondu droit internationaldans son commentaireà l'article 19 de
son 1er projet surla responsabilité dEtats : "Le consentement doit donc être un consentement librement donné.
Comme dans les cas d'autres manifestations dela volonté de I'Etat,il
peut êtretacite ou implicite, à condition toutefois d'être clairement
établi"(Ann.C.D.L, 1979,112, e5 13).

Sur cette base,on peut donc conclure quele consentementlibyen au Traitédu

10 août 1955 n'apas étévicié parlacontrainte.

11.191 En définitive, les allégations opérées par la partie
libyenne dans son Mémoire ne peuvent avoir aucune conséquence juridique.

En effet, les conditions defait et de droit indispensablespour établirl'existence
d'un vice de consentement ne sontpas remplies. Le Traitédu 10aoüt 1955 doit

êtreconsidérécomme valide. II s'applique donccomplètementet entièrement,
quels que soient les jugements de valeur émis aujourd'hui parla Libye à son

encontre. II reste à démontrerqu'aucun obstacle autre que celui relatif aux
conditions de validité n'empêchle Courd'appliquer cet intrument en l'espèce.

52. S A LA

PRESENTE ESPECE

11.192 La Libye fait remarquer dansson Mémoireque le Traité

du 10 aoüt 1955 n'a été enregistré au Secrétariatdes Nations Unies qu'en
février 1991 (MIL pars. 5.504 etS.). Elle relèvepar ailleurs quece traitéavait

une durée limitéede 20 ans. Le Tchad démontrera que ces deux circonstances
ne font pas obstacle à une application des dispositions pertinentes du Traité

dans la présenteespèce. A. - L'ENREGISTREMENT DU TRAITE

11.193 Commele Tchad I'arappelé danssonMe-, le Traité
de 1955n'a pas seulement8téenregistreau Secrétariat desNations Unies. II a

aussi fait l'objet deplusieurspublications officielles oudans certains recueilsde
traites et ouvrages de référence (m, p. 95). Le traité a encore été
abondamment utilisé danle cadre de la procédurede reglementdes différends

qui s'est déroulésous les auspicesde l'organisationde l'Unitéafricaine. Tant la
Libyeque tous les Etatsqui sont intérparce traité en ontdonctoujours eu
pleinementconnaissance. Le traitéest d'ailleurs reproduitintégralement dansle

Mémoirede la Libye(Vol.2, annexML 28).

11.194
L'opposabilidu Traitéde 1955 la Libye,ou à un autre
Etat concerné,ne saurait donc faire aucundoute. L'enregistrementayant été
effectuéet le traitéayantlargementditfusé,tant la lettreque le but de l'article

102 de la Charte des Nations Unies ont Btéatteints. II n'existe donc aucun
obstacleàl'applicatidutraitéde 1955à la présenteespèce.

11.195 La pratique des organes des Nations Uniesa d'ailleurs
toujours étéd'accepter des traités enregistrés tardi,ourvu qu'ils aient
étélargement diffusés. D'une manière généralon remarquera qu'il n'existe

aucun précédenot ù on a refuséd'appliquerun traitédans cette hypothèse.Par
ailleurs, en 1983, les Etats-Unisont invoquédevant le Conseil de sécuritéle

traité constitutifde I'O.E.C.0 (organisation carribéenne)pour tenter de justifier
leur intervention armée à la Grenade.Malgrél'absence d'enregistrement,
expressémentremarquéepar Cuba, les membresdu Conseil de sécuriténe se

sont nullement sentis obligésde nepas tenir compte de ce traité(SIPV. 2487,
25 octobre 1983,vA.F.D 1983,p. 450). 11.196 Quant à la Cour elle-même, tant dans I'affaire des

Minauiers et Fcréhous que danscelle de I'Qrmonétaire ris à Rom&, la C.I.J. a
basé sacompétencesur des compromis qui avaient étéenregistrés
(v. BOUDET François, "L'enregistrement

des accords internationaux",R.G.D.I.P. 1960,p. 604 et HlGGlNS Rosalyn,
ment Of International aw Throuah the Pwl .. Ora_ans of the United

Nations, London, Oxford, 1963, p. 334). On peut aussi citer I'affaire du&&
Queçt . . où l'Afrique du sud a Bvoquéen vain le non-enregistrementde

l'accord de mandat. Une pratique similaire paraît avoir été le fait de la Cour
permanentede Justice internationale puisque, dans l'affaireAVROMMATIS, le

protocole de Lausanne -quiconstituait le compromis- n'a été enregistrqéue cinq
jours après le prononcé de l'arrêt (BOUDET François,ibid., p. 604, note16).

11.197 On peut considérer que, dans ces hypothèses, l'attitude
des organes de I'0.N.U. était due au caractère public des traitécause. Ainsi,

dans l'&ire du Sud-OuestAfricain, le Juge BUSTAMANTE considère dans son
opinion individuelle que le mandat, de par son caractère public, remplissait les

conditions de I'art. 18 du Pacte (énonçanlt'obligation d'enregistrement dans le
cadre de la S.d.N.) ;

"considérant que ladite "Déclarationd"u Conseil est un acte officiel et
public de laS.d.N., cet acte -à mon avis- implique ourenferme en lui-
mêmel'enregistrement formel du Mandaa t uquel il fait référensans
qu'aucuneautre formaliténe soit requise"(C.I.J.,& 1962,p. 359).

Le Juge JESSUP parvientà une conclusionsimilaire

"le fait qu'unengagement fut consigné dans une résolutiondu Conseil
de la S.d.N. lui assurait la publicitéqui était l'objectifessentiel de I'art.

18 du Pacte ...outre l'absurditéflagrante qu'il y a à défier ainsi
l'histoire et la pratique des Etats et des organisations internationales
depuis quelque 40 ans, l'analyse de I'art. 18 du Pacte et des
applications de cet article interdit d'interpre manière strictement
littérale"bid.,~. 420).Par ailleurs, dans I'mre du Service D-l ~olonais à DaqtLig, l'Accord de
Varsovie aétéappliqubsans avoir été enregistré, mailavait été communiqué

au Conseilde la S.d.N.qui en avait pris noteen 1922 (v. C.P.J.I.,SérieA, no11;
v. HUDSONManley O.,"LegalEffectsof Unregistered Treatin Practice,under

Article 18 of the CovenantA.J.I 193L4.p.552). Ces considérationssont a
fortiori valables pour l'art. 102 de la Charte, dont les termes sont moins
rigoureuxque ceux deI'ariicle18 du Pacte.

11.198 Enfin, le précédentde l'mire du Plateau continentgl

en est d'une importancefondamentale pourla présente espèce. On
saiten effet quela Coury a affirméque la frontière terrestreentre laTunisieet la

Libye

"...avait d'ailleurs étéconfirméepar le Traité d'amitiéet de bon
voisinage conclu le 10 août 1955 entre la République française(au
nom de la Tunisie) et le Royaume-Unide Libye,..O(C.I.J., Affaire du
Plateau continental(Tunisiel Jamahiriva arabe IibvennRec. 1982,
pp. 65-66,§ 84).

Au moment des délibérations de la Cour, le Traitéde 1955 n'avaitpas encore

étéenregistréni par la France,ni par la Libye. Celan'a pasempécla Cour de
le prendre en considération. A fortiori doit-il en êtreainsi dans le litige
actuellement pendantdevant elle, puisque I'enregistreateu lieu depuis.

11.199 En conséquence, I'enregistrementdu traité de 1955

ayant étéeffectuéet l'instrument ayant étéau préalablelargement diffusé,il
n'existe aucunobstaclea sonapplication. B. - LA DUREE LIMITEE DU TRAITE DE 1955

11.200 L'article 11 du Traitédu 10aoüt 1955 dispose que : "[lle
présent Traitéest conclu pour une duréede vingt années". Cette duréelimitée

n'affecte cependant pas la permanence de ses clauses territoriales, à savoir
l'article 3 et l'annexe I dudit traité. La reconnaissance defrontières qui y est

contenue ne s'est pas éteinte après l'expiration la duréeprévue àl'article 11.

11.201 Cette autonomie relative des clauses frontalières par
rapport aux traités qui les contiennent a étémise en exergue lors des

discussions ayantprécédé à l'adoptionde la Conventionde Vienne de 1978 sur
la succession dmEtats en matière de traités. L'article 11de cette convention,
intitulémimes de frontieres.prévoit que

"Une successiond'Etatsne porte pas atteinte en tant quetelle :
a) à une frontière établpar un traité;ni
b) aux obligations et droits établispar un traité et se rapportant au
régime d'une frontière".

11.202 Ainsi, ce ne sont pas les traités en eux-mêmes qui
bénéficient d'unrégime frontalier particulier, mais bien les situations qu'ils

instituent,dont letracéd'une ligne frontalière.C'estce que M.SETTE CAMARA
soulignait en commentant le projet d'articles de la Commission du droit

international:

"D'après le projet d'articles,ce n'est pas le traitélui-même qui relève
d'une catégorie spécialede traités transmis la date de la succession
mais plutôt les situations juridiques qui résultentde l'application du

traitéaux frontièreset aux droits territoriaux"(Conférencedes Nations Unies sur la succession d'Etats en matière de traités, -men&
pfficiels.vol. 1,p. 1$073).

11.203 Ces considérations se rattachent à des cas de
successions d'Etats,ce qui n'estpas le cas de la Libyequa conclu directement

le Traitéde 1955. Mais le principe reste indéniablementle même :dans les
deux cas, un traité cesse de s'appliquer, et on considère que les clauses
territoriales continueBproduiredes effets. C'estainsique la Cour elle-même a

déjà donné des effetsà l'article3 et l'annexe1du Traitéde 1955. Le Tchad a
en effet rappeléque, dans l'affaire du -enta1 LIurweUmahiriva. .

libvena, la Cour a considéré quela frontière terrestre entre les deux
Etats était établie notammentsur base du Traité de 1955 (v. supra, par.

11147) Or, a la date de l'ar,e Traité n'étai,n tant quetel, plusen vigueur.

11.204 11n'existe aucune raison pour ne pas procéder de la

mêmemanière dansla présenteespèce. L'expiration desvingt annéesprévue à
l'article 11 du Traiténe constitue nullementun obstacàela prise en compte de

la situation territorialequ'il a établi.

11.205 Fn conclusion, le traitédu 10 août 1955 étant valideet
s'appliquant à l'espèce, il ya lieu de consacrer le règlement frontalier qu'il
institue en son article 3. La Libyeest tenue de le respecteren vertu du principe

du respect de ses engagements internationaux.CONCLUSION 12.01 La revendication de la Libye est extravagante et
inacceptable. II s'agit d'unerevendicationtrès différentede celle que la Libye

exprimait à la fin des années1970, longtemps aprèsque soit passé lemoment
opportun pourexprimer des réserves quana t u tracéde la frontière, et plus de
vingt ans après avoir conclu l'accordde 1955 avec la France, qui visait la

résolutionde toute controverse quipouvait subsister,le cas échéant, entreles
deux Etats. Après avoir occupé le territoiredu Tchad soi-disantpour défendre

cette revendication, laLibye s'adresse maintenant àla Cour pour lui dire qu'un
traitélibrement conclu n'engageen rien les parties;qu'elle n'estliéeni par le

traitéqu'elle a conclu nipar son proprecomportement;mais que les exigences
de l'anticolonialisme impliquent que lligne frontière soitfondéesur des liens

indéterminésavec des groupes qui exerçaientun certain rôle social limitéà
l'époquepré-coloniale. Et tout cela est censéimposer à la Cour de tracer la

frontière de façonà reconnaître untitre claàrla Libye surprès de la moitié du
Tchad. § 2.

OIT INTF-l

12.02 Aprèsavoir tentéde démontré qu'ellea hérité du tique
les Senoussistes détenaientau Tchad, et aprésavoir nié l'existence actuelle

d'une quelconquefrontière entre elle-même et la Républiquedu Tchad, la Libye
doit présenter une quelconque justification pour le tracé qu'elle propose

maintenantet qui partiraitde l'intersectionde la frontièreorientale duNigeret du
18e degréde latitude nord, qui continuerait en direction sud-est jusqu'au 15e

degréde latitude nord, et qui se dirigerait ensuitevers l'est jusqu'à sa jonction
avec la frontiere Tchad-Soudan. La Libye ne tente aucunement de démontrer

que les Senoussistes, par l'entremise desquels elle fonde sa revendication,
exerçaient leur souveraineté sur l'ensemble de cette région. Ainsi que la

République du Tchadl'a démontré plus haut (pars.5.56 à 5.64), ils n'exerçaient
qu'une autorité restreintesur quelquesemplacementscirconscrits. Unefrontière
constitue la délimitationde la souverainetdes États, mais la Libyene peut en

identifier aucune par rapport à la Senoussia, aux autorités ottomanes.ou à
l'Italie.

12.03 Au lieu de cela, le Mémoire libyen contient une

discussion de plusieurs pagessur descritères dépourvus de pertinence pource
qui a trait à la délimitationde la frontière Tchad-Lybie (mêmesi l'on faisait

abstractiondu tracéfixépar le Traitéde 1955). Letracéque la Libyeproposene
reflète ni ce qui avait été convenu partraité, niles limites d'une souveraineté

préalablement établie.II s'agit plutôt d'untracé quiest apparemmentconsidéré
conforme à la version libyennedes "faits géographiques"de la région. Ainsi, le

Mémoirede la Libyefait grandcas de donnéesgéographiquesmaisformule très
peu de remarques sur l'application du droit international. II contient plus de
quarante pages sur les caractéristiques géographiques, l'environnement

particulier du désert du Sahara, les peuples indigènes, la "géographieéconomique", avecune référence spéciale à l'eau et au pétrole, ainsi quesur
les besoins de la Libye en matièrede sécuritém, pars. 3.01 à 3.102). affirme

que la Libye ne comporte aucune "topographical discontinuities or divisions
north of the Tibesti massif" (ibid., par.9), mais que la Républiquedu Tchad
"has a pronounced geographic divide between north and south in the vicinity of

15 N latitude" (ibid., par. 3.1

12.04 Le Mémoire comporte une description de la topographie.
"A marine transgression from the Mediterranean sea extended as farsouth as the
Tibesti, confirming that region's connection with the Mediterranean" (ibid., par.

3.23). Ce n'est pas, explique la Libye, "merely aritual reference to the region's
geological past. For the geological and geographical northlsouth division that

occurs here had affected the climate, the economy, the ethnic composition and
the political life of this part of Africa" (ibid., par. 3.23). Et encore "the Tibesti and

the basins surrounding it onthe north, east and west have a clear Mediterranean
connection" (ibid., par. 3.27).

12.05 L'idée d'une"frontière naturelle" au centre du Tchad est
suggérée à nouveau par la mention du fait qu'il existe aussi une "climatic

division that cuts accross the middle of Chad" (ibid., par 3.29-3.30).
Naturellement, la "limite nord de la zone sahélienne" marque égalementun

changement de végétation (ibid.p , ar 3.30-3.31).

12.06 Le Mémoir ibyen décrit l'environnement particulier du

désertdu Sahara et souligne le caractère islamiquedes peuples tribaux. II met
également l'accent sur le fait que la densité de la population au nord du

quinzième parallèle nord est beaucoup moins forte que dans le sud (ibid., par.
3.42) (Ce qui implique apparemmentqu'un transfert du territoire des habitants du

nord à un autre État ne présenterait alors pade problèmes humains insolubles).
Et "[tlhe Teda Toubou traditionally have had no long distance commercial

relations withhad; such relations have been with Libya and Niger" (ibid., par.
3.43). 11y a eu une "powerful influence exercised by the coastal regions ofTripolitania and Cyrenaicaon the economyof the Libya-Chadborderlandssince
colonialtimes" (ibid.,par. 3.79).

12.07 La Libye éviteprudemmentde déclarer en termesclairs
que ces donnéesfournissent des indicationsquant à l'emplacement approprié
pour tracer une "nouvelle" frontière, qui n'avait jamais été déterminée

auparavant. C'est pourtantà l'évidencela suggestionqu'elle souhaitefaàrla
Cour - en effet, il n'existe aucune autre raison pourinclure toutes ces données

dans son Mémoire mêmesi la question était de savoirsi elle jouit d'un titre
incontestablesur.la partie norddu Tchad. Leclimat, lareligion,la populationet

la topologie n'ont jamais constituéles critères de déterminationd'un titre de
souveraineté.

12.08 La situation en droit international est claire. Lorsqu'un

traité existe, lesdispositions dece traité relatives au trla frontiere sont
contraignantes. II n'y a aucune place pour la révisiond'une frontière fixée par

traité(sauf avec le consentementdes partiesau traité),esi la régionvient
ultérieurementà revêtiune importanceparticulière (Affairedu Temole de Preah

Vihéar (fond),Rec.C.I.J.,1962,p.25).

12.09 De plus, à la fois en droit et selon la pratique, les
du territoire n'ont jamais constitué le fondement de la
caractéristiques
délimitationdes frontières. Ainsi, dans l'miredes Frontières du Hondura

(-/Honduras, B&&, II, pp.1309-1352),le tribunal a décque dans
l'établissementde la "frontière définiil ne lui incombaitpas de sebaser sur
des caractéristiquesgéographiquesou des avantages potentiels de caractère

militaire ou économique. Comme l'exposele Mémoir du Tchad (pp.87 et S.),
toute autreapproche équivaudrait une formede "révisionnisme"destraités- à
la fois inacceptableen vertu du droit des traitéset incompatibleavec le principe

de la stabilitédes frontières.

12.10 Un principe bien établidu droit international veut que ni

la proximitégéographique,ni la contiguïté topographiqn'affecte une frontiere
conventionnelle ou, en l'absence d'un traité, n'indique les limites de lasouveraineté d'unÉtat. Dans l'avis consultatif relatifu ahara occidental, le

Maroc avait identifié la contiguïté géographiqu de la région comme l'un des
fondements de sa revendicationde titre. Mais la Cour a déclaréque mêmeen

présence d'unetelle contiguïté"i..il n'en serait que plus difficile de concilire la
raretédes preuves démontrantun exercice nonéquivoque d'autorité à l'égard

du Sahara occidental avec la thèse marocainede la possession immémoriale"
(avis consultatif concernant le Saharaoccidentd, Rec. C.I.J., 1975, p. 43, par.

92). Cette observationest entièrement à-propos en ce qui concerne l'incapacité
de la Libye à identifier l'autorité étatique des parties par l'entrsesquelles
elle fonde sa revendication de titre. Dans l'affaire duPifférend relatifà la

souverainetésur I'lle de Palmas(ou Miana&, l'arbitre Max HUBERa émisun
commentairedans le même sens :

"la jurisprudence arbitrale internationale relative aux conflits de
souverainetéterritorial...paraît attribuer plus de valeur à des actes-
même isolésd -'exercice de souveraineté qu'la continuitédu territoire,
mêmesi cette continuité coïncide avec l'existence de frontières
naturelles"R.G D.l.PJ935,no1,p. 183;traduction Ch. ROUSSEAU).

12.11 Le droitou la pratiquen'ontjamais considéré le caractère
ethnique commeun criterede détermination des frontières.Les événements qui

surviennent actuellement sur le continent européen illustrent la difficulté de
redessiner des frontières, mêmeinternes, afin de refléter la composition

ethnique [d'un État]: une telle démarche est extrêmemed nét stabilisante,et les
groupes ethniques comprennent toujoursen leur sein leurs proDres minorités

ethniques. Le droit international a prudemment écartéce critere pour la
détermination d'une frontière. Introduirela notion d'origine ethnique dans le
contexte du continent africain présenterait d'énormdefficultés, puisque[un the

majority of instances African frontiers divide tribes or language groups"
(BROWNLIE L., pfrican Boundaries: A Lml and Di~lomatic Encvclom,

Oxford UniversityPress, 1979,p.6; BROWNLIE renvoie également à ARBOUR
K.M. Essavs on African Po~ulation,Londres, 1961, pp.303-323). Pour cited reux

exemples bien connus, la frontière entre le Kenya et la Tanzanie sépare le
peuple Masai, et la frontière entre le Togo et le Ghana divise les Ewe. Par

ailleurs, laplupart des États africasont ethniquement pluralistes. 12.12 La révision unilatéraldes frontières ne contribue pas à
l'autodéterminationdes peuples,c'est-à-dire,à la prise en main de leur propre

destinéepolitique et économique.Au contraire, l'exercicede l'autodétermination
nbcessite une certaine stabilité, laquelleassure ensuite un meilleur climat

politique et économique. Celaest illustréde façon frappante en l'espèce, car
quoique le Tchadait étésecou8par des conflitsinternes(souventexacerbés par

l'interférence libyenne), les goupes d'opposition n'ont jamais admis que la
bande d'Aozou soit considéréecomme faisant partie de la Libye. M.
GOUKOUNIOUEDDEIa lui-même déclaré :

"Nous avons pris (...) la décisionde nous rapprocherde Tripoli. Maisle
fond du litige demeure: Aouzou fait partie intégrante du Tchad (...)
L'affaire d'Aouzouest une affaire à régler entredeux Etats (...); après la
victoire de la révolution, la Libye et les révolutionnaires tchadiens
essayeront de trouver une meille. . solution."(cité par BUIJTENHUIJS,
R., Le Frolinat et les glierres u~les du Tchad (1977-8Q, Editions
Karihala, Pans, 1987,p.102).

La population du Tchad n'a jamais souhaitéde révision unilatéralede ses
frontières par la Libye. Elle n'a jamais considéréque son autodétermination
supposaitson intégration àla Libye.

12.13 Si l'invocationpar la Libye de la géographie et de la

géologie à l'encontre des frontières dont elle a héritéest sans pertinence
juridique, son invocationdes exigences stratégiques esstinistre et inacceptable

(m, pars. 3.87-3.102). Premièrement, la Libyedéplore l'insécurité qui découle
du fait que ses frontières sont toujours indéterminées(ibid., p.63, par. 3.93).
Mais c'est la Libye, et personne d'autre, qui proclame l'absence de

déterminationde ses frontières. Elle affirme, sans fournir de preuve, que les
troubles à l'intérieurdu Tchad menacentsa sécurité; mais, commle es archives

de l'O.U.A. le démontrent clairement, laLibye a activement contribuéà les
fomenter. La Libye déclared'unefaçon inquiétanteque 'qwlithits norlhern flank

on the ~editerranean exposed to attack, Libya can hardly afford to have its
southern flank insecure as weC (ibid., par. 3.97). Apparemment, la solutionpréconisée est de déplacer ce "flanc meridional" dpelus en plus loin vers le sud

et d'incorporer la moitié duTchad à la Libye. Tout aucours de l'histoire, des
raisonsde sécurité ont serv die prétexte l'expansionnisme.

12.14 Dans ce contexte,la République duTchad ne peut que
rappeler le commentaire inquiétant émis pa lr PrésidentKADHAFIen novembre

1988 :"Pour ce qui concerne la banded'Aouzou,il faut simplement remonterà
l'EmpireOttoman. A cette époque,lafrontièrede la Libyedescend[ait]au sud de

N'djamena. Par conséquent,on peut considérer N'djamenacomme une ville
libyenne" (Entrevue accordée au journal Açsavad, no 2298, du 18 au 24

novembre 1988, p.29).

12.15 Aucun des ces facteursn'est pertinenten ce qui a traità

la tâche de la Cour qui est d'identifier la localisationprécisede la frontiere,
laquelle existe indubitablement. L'idée d'une frontière "naturelle" traversant le

centre du Tchad, quoique soigneusement élaborée dans le Mémoirede la Libye,
n'est pas davantage plausible. Rien n'appuie un tel concept. Ainsi que le notait

un éminent auteur il y a quelques années,"s'il est vrai que les frontières
africaines sont artificielles,il faut reconnaître que pretoutes les frontières le

sont également. Dans un monde qui s'amenuisecomme une peau de chagrin,
toute frontiere étatique est, par définition, artificielle. Les frontières dites
naturelles (fleuves, lignesde crête, lac,tc.) ne sontplus guère aujourd'huique

des frontières artificielles qui doivent être délimitéesrtour. En fait, la nature
ne connaît de limites que celles imposéep sar l'homme"(BOUTROS-GHALI,B.,

Les conflitsde frontièresen Afriaue, Paris, Editions techniqueet économiques,
1972, p.11). Etle ProfesseurBROWNLIEa observ6que

"[elven when alignments arebased upon natural featuressuch as rivers
or escarpments,the boundaryproduced is not truly described either as
'natural' or as 'artificial'e relativelyprecise alignment based upon a
river or escarpment isultimatelyno moreand no less artificialthan other
boundanes"(BROWNLIE I., African RounW, Oxford University Press,
Oxford, 1979, p.4).Quant à VERZIJL ((e, vol.1111970,
p.516), il souligne que le concept de frontière naturelle est, en fait, hautement
politique ; alors que LAPRADELLE (La frontière, 1928, p. 175) estimait que

toutes les frontières étaient artificielles.qu'aucune frontière "naturelle" n'avait
jamais existé. (Pour d'autresréfutations dela notionde frontière "naturelle",voir

également: SHAWM.N.,T-9, Oxford,1986,pp.224-6).

9.16 Ces mêmes facteursne sauraient être présentés de
nouveau sous un autre couvert, celui des "facteurs équitables",dont la Cour

internationale de Justice devrait tenircompte lors de sa déterminationdéfinitive
de la localisation de la frontière. L'Bquité ne joue aucun rôle en droit

internationaldans la délimitationd'unefrontièreterrestre (quiest le produit d'une
limitation de souverainetés).Au mieux, elle ne jouequ'un rôlemarginal dans le

parachèvement des démarcationsinachevées. Lorsque les frontières ont été
fixées par traité, comme c'est le cas en l'espèce, les soi-disant facteurs

équitables, ne peuvent étre invoquésque contra legem pour réviserces
frontières, ce qui est inacceptable,comme l'a clairementétablila Cour dans les
et du BifferendaIta
affaires du Iar&& de Prbh Vihéa ' . Lorsque des
traités fournissenteux-mêmes des réponses,le rôle d'un tribunal international
chargéde mettre un terme au différend,n'est pas de remplacer les réponses

fournies parle texte du traitépar ses propres considérationd'équité.

12.17 En fait, letracéde la frontière prévpar le Traitéde 1955
n'a riend' "inéquitable" il n'impose aucune"injustice"("unfairness") à la Libye,

et ne l'expose pas à des dangers inacceptables. La Libye, par contre, après
avoir accepté la frontière internationale quila sépare du Tchad pendant la

période critique,s'est rétracté quinze ansplus tard. Elle a tentéd'étendreson
territoire par la conquêtemilitaire, tout en faisait des références minimaleset

occasionnelles à ses droits en vertu d'un traité (celuide 1935) dépourvude
validité.Depuis le débutdes années soixante-dixe ,lle a eu recours à la force à

l'encontre du Tchad de façon intermittente tout au cours de cette période;et
aujourd'huielle s'éloigne encorede la positionqu'elleavait adoptéet réclamela

moitiédu territoire tchadien. II serait profondémentinéquitable,et contraire àtous les principesdu droit, de récompenselra Libyepour son rejetde ce à quoi
elle avait consentipar traité, poses inconstances juridiques ainsi ue pour son

occupationmilitaire, en lui octroyala moiti6du territoirede son voisin.

12.18 11serait extrêmement déstabilisad nt donner suite à la

revendication de la Libye, ou même à une partie de cette revendication en
choisissantuntracé distinctde celui fixépar leTraité de 1955.

12.19 Les conséquencesde la modification des frontières en
vue de respecter l'unitégéographiqueou géologiquesont impensables : les

frontihres du Soudan, du Mali devraient êtrerevues ; celle entre l'Autriche et
I'ltalie devrait être redessinée ie tenir comptede 1'"unitégéographique"des

Alpes; la frontière qui sépare la France et I'ltalie également. De la même
manière, la frontière entre la France et la Suisse,à l'est, ne remplit pas les

conditions du test de l'unité topographique. Par ailleurl, monde est rempli de
pays dont les conditions physiques, géographiques, et mêmeculturelles,

changent à partir d'une ligne médianequelconque-le Tchad n'est, de loin, pas
le seul Etatà êtremarquépar une division nord-sud. Et dans nombre de ces

cas, les caractéristiquesphysiques, climatiques,ou ethniques, d'une moitiédu
pays sont souvent différentes dcellesde l'autre moitiétel est le cas detous les

pays voisins du Tchad. L'Italie,I'lnde et la Somalie enoffrent d'autres exemples
évidents. Leursfrontières doivent-elles êtreredessinéesafin de refléter une

"unité" climatiqueou géographiqueavec un voisin? Le concept de dépendance
ou d'attraction économique esttout aussi dépourvu de pertinence en ce qui a

trait la question du tracédes frontières,ou même de l'attributionde territoire.Selon cette hypothèse, le Lesotho serait englobépar I'Afrique'du Sud, et la
Namibie n'auraitjamais accédé à i'indépendance.La frontière entrele Mexique

et les États-unis devrait être déplacévers le nord, en reconnaissance d'une
ligne plus "naturelle".

12.20 Les divers voisins de la Libyey compris l'Algérieet le
Niger, auraient quelques raisonsde s'inquiéter. Toules États africainsdont.les

frontières ont étéfixéespartraite verraient lecaracthreinviolablede ces traités
mis en doute. Et la voie de la stabilité,pour laquelle I'Afriqaesi Sagement

opté,serait minée.

12.21 L'0.U.A. n'a pas adoptésa célèbrerésolutionde 1964 à

la légère. Ellel'a fait aprèsune périodemarquéepar un courant politique qui
visaità assimiler la souveraineté naissante à un droit de redessiner les

frontières afin de supprimer l'arbitraire ducolonialisme. La Conférencede tous
les peuples africains d'Accra en 1958 avait approuvé unerésolution sur les

"Frontiers, Boundaries and Federations",dont la troisième partie dénonçaitles
frontières artificielles tracéespar les puissancesimpérialisteset appelait à de
rapides ajustements (SHAW, op. cit., par. 12.15,p. 183). Mais au débutdes

années soixante, alors que davantage d'États africains accédaient à
l'indépendanceet pouvaient énoncerdes positions réfléchiesl,a préférencede

I'Afrique pour la stabilitédevenait apparente. La question a étéexposéeavec
énergie parle Chef d'État du Mali lors de la Conférencede I'0.U.A. de 1963, à

Addis Abeba:

"Si vraiment nous sommes lesuns et les autres animés parla volonté
" ardente de faire l'unitéafricaine, il faut que nous prenions I'Afriquetelle
qu'elle est;il faut que nous renoncions aux prétentions territoriales si
nous ne voulons pas instancer en Afrique ce qu'on pourrait appeler
l'impérialismenoir..L'unité africaine exde chacunde nous le respect
intégralde l'héritageque nous avons reçu du sys!ème colonial, c'est-à-

dire, le maintien des frontières actuellesde nos Etats respectifs. est
donc nécessaire, il est mêmeindispensable que, d'une manière
concrète, nous mettions un terme à tous les élémentsde division"
(53, m p.3. citépar BOUTROS-GHALIB., &
Çonflits de frontièresen Afriaug,op. cil.,pp. 12-13). 12.22 Le Présidentde l'État malgache a défendu la méme

position en précisant l'importance d'un uti possidetisafricain:

"II n'estplus possible nisouhaitable de modifier les frontièrdes nations
au nom de critéresraciaux, religieux .; en effet, si nous prenions pour
critère de nos frontières la race, la tribu ou la religion, il y aurait en
Afrique des Etatsqui seraient effacés de la carte"(ibid.,14, p. 5 ; citépar
BOUTROS-GHALI,op.cit.,p. 13).

12.23 L'engagementpris en faveur dela stabilitédes frontières
constituait un rejet délibérédes propositions avancéesen sens contraire dans

certains milieux durant les années précédentes pole usr révisionsdes frontieres
coloniales. IIa étépris en pleine conscience detoutes ses implications.

12.24 Les commentateurs ont également attirél'attention sur
ces implications. On mentionne non seulement la paix internationale, mais

égalementla stabilitéet la cohésion internes. Comme l'énonçau itn auteur:

"[tlhe 'tribal balance',on which the verypolitical structureof a state often
depends, would be upset by any changes of frontiers dividing tribes

between neighbouring States. The annexation of a population could
increasethe weight of a tribe insidethe countrywhich could quicklylead
to an interna1conflict"(CERVENKA,Z., The Oraanizationof African Unity,
Londres, 1968, p.93).

Ou, dans les termes imagés d'unautre auteur, qui analysaitl'appel au maintien

des frontières pré-coloniales :

"[sli toutes les frontières originales ou authentiques avaient été
reconstituées, aucunÉtat africian n'aurait étélaissédans ses limites
actuelles et certains auraient éclaté[dans] une multitudede petits ~tats.
La boîte de Pandore des guerres de frontieres présentaiut n réeldanger"

(WORONOFF, J., "D. .érends frontaliersen Afrique", Revue francaise
d'études politiouesafrcams , 1972,Vol.80, p. 60). 12.25 A la lumière de l'histoire du différend et du Traité de

1955, la Libye ne peutsérieusement croire que la Cour délimiterala frontière en
décidant quecet Etat possédeun titre incontestablesur tout le territoire situe au

nord du tracé contenudans sa carte 105. Quel est alors le but véritable des
Libyens lorsqu'ils expriment une revendication aussi exorbitante? II ne peut

s'agir que d'une tentative de persuader la Cour de rechercher une solution
moyenne, c'est-à-dired'opter pour un tracéqui ne soit nicelui issu du Traitéde

1955, ni celui que la Libye indique sur la carte 105 pour illustrer sa
revendication. Sila Cour détermine lequelp , armi une sériede tracéspossibles,

constitue la frontière, elle devra peut-êtredécider quela revendication d'une
partie est fondée dans son essence, et que l'autre ne l'est pas. Mais une

revendication territoriale largement exagérée pourraitamener la Cour à
rechercherune solutionqui "accordequelque chose à chacunedes parties".

12.26 Bien qu'il soit confiant dans le fait que la Cour ne sera
pas dupe de ces tactiquesgrossières,et qu'ellene selaisserapas manipulerde

cette manière, le Tchad souhaite faire les obsewations suivantes. La
compétencede la Cour n'estpas fondéesur une requête quilui demande de

juger ex equo et bono, mais sur un compromis qui se réfère aux règles
applicables du droit international (article2 de l'Accord-cadre d'Algerdu 31 aout

1989). La Cour doit dès lors dire s'il existe une ligne frontière,et ce n'est que
dans la mesure ou il n'y en aurait pas, et où il n'existerait pasplusieurs tracés

possibles entre lesquels elle pourraiteffectuer un choix, qu'elle pourrait établir
son propre tracéaux limites de la souveraineté étatique. Slie tracéde 1899-

1902-1919 (confirmépar le Traitéde 1955)constitue lafrontière internationale,
alors il en sera ainsi,quelle que soit l'importancede la revendication alternative

de la Libye. De même,si le tracéde 1935 correspond vraimentà la frontière
(ainsi que la Libye l'a si souvent maintenu dans le passé),ce sera alors la

réponseque la Cour devradonner au différend, quelle quesoit larevendicationde la République du Tchad. La frontiere internationale ne saurait, par

compromis,être fixée à mi-chemin entre cesdeuxtracés issus de traités. Et l'on
ne peut non plus proposer un autre compromis pour fixer cettefrontière, en

raison du fait que la Libyedemande aujourd'huià la Courde placer la frontiereà
un bon millierde kilomètres au sudde ces deuxtracés.

12.27 Quoique l'absence de juridictionobligatoire implique que
dans le cadre du reglement des différends quilui sont soumis, la Cour doive

généralement maintenir intactela confiancedes parties,cela ne peut la conduire
automatiquement à "partagerla différence". Cela découle dl'exigencequi veut

que la Cour statueen vertu des règles applicablesdu droit international. Dans
certaines circonstances,la revendicationdel'unedes partiespeut êtrfondée,et

celle de l'autre partie, pas. II ne saurait question de "consoler" une partie
dont la revendicationest insoutenable en droitinternational,soit en recherchant

un "tracé-compromis", soit en introduisant des soi-disant "considérations
d'équité".

12.28 La Libyea souligné dansson Mémoireque la doctrine de
I'utipossidetis, tout comme les règlesde la succession d'État,ne peut conférer

un nouvel État une frontière qui n'a jamais existéou un titre qu'il n'a jamais
détenu (M/L, par. 6.20). Le Tchad partage entièrement cetavis. Comme le

préciseson mémoire: "Ladoctrine de I'uti possidetis ne prétendpas en elle-
même préciser lfa rontière colonial(M/T p,. 79).

12.29 Mais la Libye ne peut se soustraire à l'application du
principe de I'uti possidetisde cette façon. La résolutionde l'O.U.A. de 1964

exige que les États membres "s'engagentà respecter les frontières existantau
moment où ils ont accédé à I'indépendance". Une frontière entre laLibye et le

Tchad existait indubitablementdéjàau moment de I'indépendancede la Libye,
de mêmequ'en 1955, etde même qu'au moment de I'indépendand ce Tchad.
en 1960. 11revientà la Cour de s'assurer qu'une telle frontiere existait en réalité,

en se référantau Traitéde 1955, et si nécessaire,aux traités internationaux
antérieurs,de même qu'à la pratique étatique relataux effectivités. LaLibyene peut nier l'application du principe qui soustend la résolutionde 1964 en
prétendant qu'aucune frontière n'existait à laquelle ce principe pourrait

s'appliquer.

12.30 Lors de la réunionde l'O.U.A.qui se déroulaitau Caire,

deux États africains ont clairement indiquéque selon eux, la résolution ne
s'appliquait qu'à l'égarddes frontières qui n'étaientpas l'objet de différends.

Dansson Memoir p. 77),la Républiquedu Tchada déjàmontréqu'aumoment
ou la Somalie et le Maroc exprimaientdes réservesprécises dans ce sens,la
Libye n'en a expriméaucune. Quels que puissent êtreles effets d'une telle

réserve, laLibye ne peut -de toute manière- prétendre quele principe de I'uti
possidetis ne lui est pas opposable. Au surplus, elle n'a jamais auparavant

contestésa frontière avecle Tchad.Ceci montrebien qu'en réalité, à la période
critique, il n'y avait aucun différend auql n telle réserveeût pu s'appliquer.

La preuve est manifeste. La Lybie n'aprofité nidu momentde l'indépendance
du Tchad, ni de la Conférencedu Caire en 1964, pour informerI'0.U.A. du fait

que sa frontière avec cet État faisaitl'objet d'un différend. Le Traitéde 1955
semblait avoir résolu toutes les difficultésqui auraient pu existe- de toute
manière, la Libye n'a pas, au momentde sa signature,indiqué l'existence d'un

quelconque différend frontalier.De plus, les commentateurs des événemend te
l'époquen'ont aucunementperçu que la Libye considéraitsa frontière comme

indéfinieou comme objet d'un différend. Aucunedes étudessur les problèmes
frontaliers africains au regard de la résolution de 1964 ne mentionne un

différendfrontalier opposant le Tchad et la Libye. Ainsi, TOUVAL, S., ("The
Sources of Status Quo and Irredentist Policies" inWIDSTRAND, C.G., ed.,

Wican Boundarv Problem, Uppsala, 1969, pp. 109-189), n'étudie aucune
question de cet ordre, et n'en énumère aucune dansla liste des différends
frontaliers inter-africains'Appendice1. L'étudede J. WORONOFFn'indique

pas non plus l'existencede problèmesde cet ordre à ce moment-là(op. cil., par.
12.24, pp.58-76).i) Le différend soumisà la Cour est un différend frontalierd,ans le cadreduquel

les questions territorialesincidentes portentsur la seule bande d'Aozou. Ce fait
est démontré palre comportement dela Libye elle-même e,t par la manièredont

les Nations Unies et 1'O.U.A. ont compris les revendications expriméespar la
Libye.

ii) Bien qu'elle ait adoptédiverses positionsinconciliatiles en ce qui a trait à la
localisation de la frontière, la Libye,à l'instar du Tchad, a toujours reconnu

l'existenced'unetelle frontière.

iii) L'examen des cartes pertinentes produitesà l'époque montre que les parties
s'étaiententenduessur une ligne frontière.La Libyea confirméce tracéen 1955.

Des cartes ultérieuressur lesquelles la Libye s'est appuyée indiquent qu'elle
prétendait que la frontière suivait le tracé de 1935. Elle a mêmeelle-même
produit de nouvelles cartes montran ctetracécommeétantla frontière.

iv) Lors de son évaluation de la revendication dela Libye surla moitiédu Tchad,

la Cour devrait tenir compte des nombreuses modifications de la position
libyenne, y compris la dernière qui consiste enune altérationdramatique. La

Libye ne peut déclarer qu'aucune frontière n'a existéjusque là, et qu'en fait la
frontière se situeà plus de mille kilomètres au suddu tracé qu'elle revendiquait

précédemment.

v) La Libye prétendaujourd'huiêtrele successeur des titulaires du titre originaire

sur leB.E.T. Cetteposition nécessite que la Libye démontre:

(a) qui était titulaire dela souveraineté originaien vertu du droit

international ;

(b) qu'elle même est la seuleà revendiquerun territoire en vertu de
ces souverainetésoriginaires ; (c) que la Francen'a jamais détenuun titre, qui, contrairementà la

position exprimée dansles paragraphes(a) et (b)précédentsa , ététransmis au
Tchad, à l'intérieurde ses frontièrescoloniales,au momentde son accession à

l'indépendance.

(vi) Ni les Senoussistes, ni les peuples indigènes ne jouissaient de la

souveraineté sur leB.E.T, au sens quele droit international attribueà ce terme.
Ni les uns ni les autres ne possédaient-ni séparément, i conjointement-aucune

souverainetétransmissible à d'autres.

(vii) Les Turcs non plus ne devinrentjamais titulaires d'un droitde souveraineté

sur leB.E.T,que se soit séparémen otu conjointementavec les Senoussistes. ils
ne détenaient aucun titreauquelI'ltalie a pu succéder.

(viiij Mêmesi l'existence d'une souveraineté senoussisteou ottomane pouvait
êtredémontrée,I'ltalie a, en 1902 puisen 191 2, abandonnétoute revendication

relative à la frontière. De plus, mêmesi une souveraineté senoussiste ou
ottomane avait existé,la Libye n'enaurait pas été l'uniqeuccesseur.

(ix) Après avoir conclu, en 1899, un traitéqui plaçait sa frontière aux confins de
sa sphère d'influence, la France a commencé à établirsa souverainetésur le

terrain. La France a établises limites par la voied'effectivitésd'une qualitéet
d'une fréquencerépondantaux exigences du droit international, sur l'ensemble

de la région. Ainsi,le tracé indiqué dansle traitéde 1919 (et confirmépar la
suite dans celui de 1955) délimitaitune frontière internationale,que la France,

en tant que titulaire d'untitre souverain, pouvait fixer.

(x) Envertu du droit internationaltel qu'il existaitpoque,la France a,par ces
actes, acquis un titre, nonobstant le fait que l'occupation coloniale serait
totalement inacceptableaujourd'hui. Onne peut recourjr ni a l'invocation du jus

cogens, ni aux dicta de la Courdans l'affairedu Saharaoccidenu, ni au second
volet de i'énoncéde l'arbitreMaxHUBER sur le droit intetîemporel pour nier la

validitédu titre français, qui découlaitdu droit en vigueurà l'époque.(xi) Bien qu'elle ait eu de nombreuses occasions de nier l'existence d'une
frontière, ou d'en corriger la localisation,la Libye n'a pas, au moment pertinent,

remis en cause le titre français, et son tour, le titre tchadiànl'intérieurdes
frontières coloniales dont cet Etat avait6rité. La France a méticuleusement

respecté les procédures de décolonisation conformes au droit à
l'autodétermination6laboréespar les Nations Unies.

(xii) Tout commele titre françaissur le 6.E.T a été reconpar les Nations Unies
jusqu'au moment de l'indépendancedu Tchad, la souverainetéterritoriale du

Tchad sur le BET n'a jamais été remiseen cause devant les Nations Unies
depuis ce temps, que ce soit parla Libyeou par un autre Etat membre.Seul la

Républiquedu Tchad a continuéd'exercer une souveraineté effectivesur le
B.E.T. La Libye ne se trouve dansla banded'Aozou que par voied'occupation

militaire, laquelle est ilen vertu dela Charteet viole le Traitéde 1955.

(xiii) Un examen moins passionné montre que leTraitéde 1955 règlela question

soumise à la Cour. Ses termes mêmes démontren qtu'il s'agit d'un traité de
délimitation de la frontière entre la République du Tchad et la Lybie.

L'applicationdes règles classiques de l'interprétation dsaités-sens ordinaire,
contexte, objet, et pratique subséquente- conduisent la même conclusion.

(xiv) La Libye n'avanceaucun documentd'archives pour montrer,en référence

aux travaux préparatoires, l'inexactitudede ces conclusions non-équivoques
relativesau sens et au statutdu Traitéde 1955.

(xv) Par ses affirmations extraordinaire'sconcernant son titre originaire, ses
allégationsde l'illégalitédu titre français qui ignorent ledroit intertemporel, et

i'accent qu'elle place sur les fontières naturelles, la Libye tente d'éviter les
exigences claires du principe pacta sunt servanda et d'obtenir -au moins-

quelque territoiresupplémentaire. !22uuxmS

DE LA REPUBLIQUEDU TCHAD

II resulte de l'ensemble des considérations exposées dansle

présentcontre-Mémoire que la Républiquedu Tchad n'a pas trouvé dansles
arguments exposésdans son Memoire par la Jamahiriya arabe libyenne de

motifs pour modifier lesconclusionsfigurantdans son propre Mémoire(p. 383).
Elle persistedonc intégralementdans celles-ciet prie respectueusementla Cour
internationale de Justice de dire et juger que sa frontière avec la Jamahiriya

arabe libyenneest constituée parla ligne suivante:

-
du point d'intersectiondu 24ème degré de longitudeEst de Greenwich
avec le parallèle 19'30 de latitude Nord, la frontière se dirige jusqu'au point de
rencontre du Tropique du Cancer avec le 16ème degré de longitude Est de

Greenwich ;

de ce dernier point elle suit une ligne se dirigeant vers le puits de

Toummojusqu'au 15èmedegréEstde Greenwich.

A LaHaye,le 27 mars1992

Abderhaman DADl
Agentde laRépubliqueduTchad TABLE DESMATIERES

-Schbmadu Contre-Mémoire
-Siglesetabréviations

Chapitre 1.-La stratégiejudiciaire de la Libye p. 13

Section 1. Lesconclusions libyennes p. 15

Section 2. Lesgrandes lignes de l'argumentation llbyenne p. 23

g1 UneréfkrlturedeI'histolre
a) "Theunique rooftheSenouss i
Unememoiresblectivde l'histoire récente
b)
g2. Le"raisonnementjuridique" libyen
Plandu Contre-Memoire

1 érepartie - Ledroit a~plicable p. 45

Chapitre 2.-Unconflit portant sur la délimitationdu tracéde la frontière p. 47

g 1. Lecaracterejuridique dudiff6rend p. 49
g2. L'existenced'unetrontiereentreleTchad etla Libye p. 52

g 3. Lapositlon de la LlbyedevantI'Organlsatlonde
l'unit6 africaine p. 56
g4. Laposition de la Llbyedevantles NationsUnles p. 66

g5. Lapreuvedes traltesbllaterauxentrela Llbyeet le.
Tchad p. 69

g6: nouvellerevendicationlibyennecadrede la p. 76

g7. Lerecourspar la LlbyeautraceIssudu Trait6de1935 p. 78

Lecomportementde la Llbye: consentement etbonnefop. 81
g8. A.- LaLibyeaccepte Blafols I'exlstenced'unefrontlereet la
locallsatlondecellecl sur letrac1899-1902 P.
B.- LaLlbyeacceptel'existenced'unefrontlbrelnternatlonale P.

C.- LaLlbyeafflnnequ'unefrontlereexlste,malsqu'ellesuit le
tracede1935 P.

Chapitre 3.-La revendication libyenne au regarddudroit intertemporel p.

91. Larevendication llbyennecontrevlentauxexigences
du droit lntertemporel P.

g2. Laquestlondutltulalre desdroits souverainset ledroit
intertemporel P.

53. L'avisconsultatif concernantle SaharaOccidentalanalyse
du polnt devuedu droil lnlertemporei P.

g4. Ledrolt intertemporelet I'6volutlondu droit Internap.onal
g5. Ledroit Intertemporelet lesTraltes P.
g6. Ledrolt Intertemporeletlelus cogens P.

g7. Ledrolt lntertemporelet ledrolt de reaola force en
1919et1928 P.

A. - Lepartl dela SocletedesNationset ledroit Intertemporel P.
B.- LepacteBRIAND-KELLOGeltedroit Intertemporel P.

g8. L'autod6terrnlnatlonet ledroit Intertemporel P.

Conclusion P.

Chapitre 4. Les revendications libyennes à la lumiéredes principes de
droit international contemporain P.

Section 1. La primautédes principes de I'intbgritb territoriale, de I'uti
possidetis et de l'autodéterminationdes peuples P.

g 1. LeprincipedeI'lnt6grlt6territorlaleet de I'utipossidetis
lurls P.
A.- L'lntegrlteterrltorlaleet I'utlpossidetls dans la pratiquedes
NationsUnles P. B.- L'IntBgrltBterrltorlaleet I'utlposslUetlsdans le cadredep.'0137A.

5 2. LeprlnclpedeI'autod61ermlnatidespeuples p. 138

Section 2.
Lanon-conformitédes revendicationslibyennesaux
objectifs proclamésetaux procdduresen vigueuren matière
de décolonisation p. 146

5 1. LameconnalssanceparlaLlbyedesobJectlfsdu droit
modernede lactécolonlsatbn p. 146

5 2. L'absencedeprotestailon libyenneaumomentcrltlque
pertinent p. 151

A.. LaLlbyen'apasremlsencausesalrontiere avecleTchadau
momentdeI'lndependance p. 151
B.- L'attitude ilbyennecontrasteaveccelledesEtatsqul sesont

trouves danslamemesituation p. 154

2ème~arti? L'établissementet la consolidation du
titre frontalier p. 167

Chapitre 5. La non-pertinencedu titre originaire p. 169

Section 1. Lathèse libyennesur le prétendutitre souverainoriginaire

sur leB.E.T. p. 170

5 1 Rbsumé dela theselibyenne p. 170

Q 2. Contradlctlonset aporiesdela theselibyenne p. 171

Q 3. Len#mssit6 dedistinguerentretltre terrltorlal et titre
souverainrelevantdudroh lnternatlonal p. 175

Section 2. Les prdtendusdroits souverainsdesTurcs sur le B.E.T. p. 176

L'absenced'empriseeffectiveturque sur lareglonavant
5 1 1908 p. 176

Lescaracterlstlqueset les limitesde laprbsenceturque
g 2. au B.E.T.entre1908et1912 p. 184 A.-LeTibesti

B.-Le Boikou
C.-L'Ennedi

5 3. Remarquesfinales

Section3. Lesprétendus droits souverain dse laSenoussiasur le
B.E.T. P.

5 1. Lathese libyenne P.

5 2. Critiquede latheselibyenne P.

A.-Les Libyensbrossent un porlrait idylliquede laSenoussia P.

B.-Lastructure, le fonctionnementet lesmissions de laSenoussiaP.

C.-L'lncapacltBde la Senouss9maîtriserlaturbulence des
popuiations et tribusdigenes P.

D.-L'appelde la SenoussiaauxTurcs P.

E.-Lepretendutitre jurldique de la Senoussiaaurait, detoutes manieres,
pris fin aveclaconquetefrança(1913-1914) P.
5 3. Remarquesfinales P.

Section4. La naturedes droitsdes populations indigénes sur le B.E.T. p.

5 1 LesContradictionsdu Mémoirelibyen

5 2. Les habitantsdu B.E.T.
Lespopulations lndigenesn'&aient pastitulaires d'un titre
5 3. juridiqueouverainsur le B.E.T.
P.
Conciusion P.

Chapitre6. L'établissemend te la souverainet6territorialefrançaise p. 239

Section 1. L'achèvement de la conquête françaiseen 1914 p. 242

a)Lescontradictiodelathéselibyenne p. 242 b)lefardeaudela preuveestpartageentre lesParties

action 2. L'occupation française

5 1. Laprogresslonmilltairefrançalse

A. Lasituation aumomentde lapénétratifrançaise

B.- Lesoperatlonsmllltalresfrançaises

a)L'occupatiduBorkou.deI'OuniangetdeI'Ennedi
b)L'occupatiduTibesti

9 2. L'occupationpermanentedu B.E.T.
A.- Lecaracterede l'occupationfrançalse

B.- Lescons6quencesdel'occupation françalse

Chapitre7. Laprétendue successionde la Libyeauxdroitsde laTurquiep. 269

5 1. Ledroit Internationalrégissantlasuccession entreaEtats
I'6poquede laconqudteitaliennede la Libye p. 272
Lemanquedepertinencedu Trait6d'Ouchydu 15octobre
5 2. 1912 entreI'ltalieet laTurqule
P.
5 3. L'AccordPOINCARE-TITTON dIu28octobre1912 P.

5 4. Laconduitesubséquente des Parti9si'Accord
POINCARE-TITTONI P.

A.- Lesnotesltallennesdeprotestationcontrel'Accord
franco-angialsd1919 P.

B.- LaDbclaratlondeTlTTONla la ChambredesDeputesitalienne
(1919) P.

C.- Lesnotes InternesdesMlnlstbresItaliensdesAffairesétrangeos
et desColonles P.
D.- L'attitude delaFrance P.

onc cl us ion P.

Chapitre8. Lesdélimitations conventionnelles de lafrontière Ala lumière
deseffectivités p. 299Section1. La naturejuridiquedesdélimitations conventionnelles p. 302

51. Ladellmitatlon des zonesd'Influence françalse et
brltannlque p. 303

52. La reconnaissancepar I'ltalle des zones françalse
et britannlque .p. 307

A.- L'Accord prellmlnalre de décembre1900 p. 307

B.- L'Accord PRINElTI-BARREREde 1902 p. 311

C.- Les nBgoclatlonsde 1902entre la Grande-Bretagneet
i'ltalle p. 314

53. 1919 :la confirmation d'une frontlbre p. 317

A.- L'Bvolution de la sltuatlon de B91919 p. 317

B.- La Conventlonfranco-brltannlque du 8 septembre 1919 p. 321

C.- Les r6actlons brltannlques et françaises aux
protestatlons Italiennes

a) L'absencedefondementdesprotestations italiennes p. 323
b) Lacomplémentaritéentrelesréponsesbritanniqueset
françaises p. 325

Section2. Le tracéconventionnelde la frontibre p. 329

5 1 Letrac6 de la frontlbre du Tropique du Cancerau
24èmem6rldlen est p. 330

Letrace des limites entre les zones d'influence britannique et
française de 1899 P.

a) Lestravauxprbparatoirea la DBclaratde 1899 P.
1) la ligneenfeacheval P.
ii) le rdlejoueparle 15bmeparallèle norddanslesn6gociations P.
iii) l'inclusionde I'ensembledu B.E.T.danslazonefrançaise P.
b) le textede la Déclaration P.
C) laconduitesubs6quentedes Parties P.
i) laconvention supplémentaireu8 septembre1919
ii) le protocoleet I'Bchangede lettresfranco-britase 1924 P.
P.
B. - Laconflrmatlon du trac6 par la carle pubIlBedans le Llvre iaung

françals p. 346

i) lacartedulivre iau% et la Déclarade 1899 p. 347
ii) lacarteduLivre et la Conventiondu8 septembre 1919 p. 349 52. Letracede lafrontlbredeToummoau Troplquedu
Cancer p. 350

A.- Letracer6sultantdel'Accordfranco-italie1902 p. 351
B.- Laflxatlon despoints earemesdu segmentallantdeToummoau
Troplquedu Cancer p. 355

i) Tournmo p. 355
ii) l'intersecduTropiqueduCanceretdu 16Bmemeridien p. 355

Chapitre9. L'exercicecontinude lasouverainet6territorialefranqaise
puistchadiennesurle B.E.T. p. 359

Section 1. Les effectivitésfrançaiseset tchadiennessurle B.E.T. p. 362

51 Lesdéclarationsofflclelles françaiseset italiennes
de 1919 p. 362

g2. LesdemandesItaliennesdecesslonterritoriale
(19281934) p. 365

53. LeseffecHvlt6sfrançaisespendantlaphriode
1935-1960 p. 368
g4. Leseffectlvlt6stchadienn(1960-1968) p. 374

Section2. Les effectivitésfrançaiseset tchadiennesdansla bande
d'Aozou p. 375

g1. LeTraiteLAVAL-MUSSOLINIde 1935et laconflrmatlon de
lasouveralnetefrançaise surlabanded'Aozou p. 375

A.- Lesdocumentsdiplomatiquesayantprc%cedlea signaturedu
Traite p. 376

B.- Letextedu Trait6 p. 377

C.- Ledébat parlementairenFrance p. 378

E.- Lesactesdlplomatlquesfrançaispost6rieurala datedu Trait6p. 382

F.- Lesdocuments diplomatiquesItaliens p. 383

52. LapratiquepostbrieureauTralteLAVAL-MUSSOLINI p. 384 B.- LaConventiondrnistlce franceitallenne 1941 p. 385

C.- L'exercicede lasouveralnefrançaisjusqu'8I'independancedu
Tchad(1960) p. 391

53. L'exercicedelasouveralnetetchadienneeffective
aprbs1960 P.

Section 3. L'attitude de la Libye P.

51. Endefendantsapositiondevantles NationsUnies,
la Libyen'ajamaisrevendiquele B.E.T. P.

52. LaLibyen'ajamaistented'obtenirla reconnaissancede
sesrevendicationssur le B.E.T. ni dans lecadrede ses
relationsbilateralesnl auseind'organisationsregionp.es

Chapitre 10. Les cartes P.

introduction P.

Section 1. Remarques générales sur la valeujruridique des Cartes P.

Section 2. Inutilitédes cartes pour déterminerle tracéexact de la ligne
frontibre entre le Tchad et laLibye P.

Section 3. Présentation globaledu matériaucartographique P.

5 1. Descartesconsideréescommeexpressionde lavolonte
des Parties P.

5 2. Descartesconsider6escommetravauxpreparatolresdes
accordsinternationauxcites P.

5 3. lignerontikreider6escommeeiementdenotorletede la P.

5 4. Del'erreurcartographique P.

Conciusionssur lescartespr6sentéespar le
5 5. Gouvernementdela Republiquedu Tchad
P.Section 4.
Analyse sommaire des cartes déposées parle Gouvernement
reproduites dans l'Atlas(CMTT,Livre II)la Cour et p. 439

38mepartie - Le Traité de 1955 p. 473

Chapitre 11. LeTraite de 1955 et le princlp"PactoSunt Servanda " p. 475

Le Traitéde 1955 est un traitéde dhlimitation de la frontière
Section 1. entre le Tchad et la Libye p. 480

g1. Reglesg6n6ralesd'lnterpr6tatlon p. 484

A.- Letexte

B.- LecontextedeI'arllc3e

C.- L'objetetle but duTraite

D.- LapratlquesubséquentedesPartles

a) l'Accorddu26decembre1956
b) l'Accordd2mars 1966
C) Larequétedu3 septembre1990

g 2. Moyenscompl6mentalresd'lnterpretatlon p. 519

A.- Lestravauxpreparatolres p. 523

B.- LescirconstancesdanslesquellesleTrali6a6thconclu p. 531

Section 2. Le Traitéde 1955 fait droit entre les Parties p. 535

5 1. LeTrait6de1955 estvallde p. 535

A.- Absenced'erreuroudedo1

B.- Absencedecontrainte 52. LeTrait6de 1955s'apliquBlapresenteesph p. 554

A.- L'enseignemendt uTrait6

B.- Ladur6elimitéeduTralt6de 1955

Conclusiondu Contre-MBmoire p. 561

5 1. L'extravagancde iatheselibyenne p. 562

52. Latheselibyenne est absolumectontraireau droit
international p. 563
53. LecaractereIresdangereux decettethese p. 570

54. Lebut v6ritabledtaLlbye p. 573
55. Encons6quence p. 576

Conclusions de laRépublique du Tchad p. 579

Tabledes matières p. 581

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Contre-mémoire du Gouvernement de la République du Tchad

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