Observations écrites du Gouvernement du Honduras

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8274
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COURINTERNATIONALE DE JUSTICE

AFFAIREDE LA DEMANDE EN REVISIONDE L'ARRÊT DU
11SEPTEMBRE1992EN L'AFFAIREDU DIFFERENDFRONTALIER

TERRESTRE, INSULAIRE ET MARITIME
(ELSALVADORkIONDURAS;NICARAGUA (INTERVENANT))

(EL SALVADOR c. HONDURAS)

OBSERVATIONS ECRITES DU GOUVERNEMENT DU
HONDURAS

VOLUME1

" AVRIL 2003 TABLEDES MATIERES

Pages
CHAPITRE 1. INTRODUCTION ..............................................

Section 1. Le caractère artificiel de la demande en
révision d'ElSalvador .................................

Section II. Le manquement d'El Salvador à la bonne foi
procédurale ....................................8.........

CHAPITRE II. DROIT APPLICABLE: LES CONDITIONS
JURIDIQUES DE LA REVISIOND'UN ARRÊT
DE LA COUR .......................................11........

Section 1. Le Statut de la Cour interdit l'appel de ses
arrêts..........................................14..........

Section II. Les conditions de recevabilité de la demande
en révision sont à la fois restrictives et

cumulatives ....................................17......

A La demande doit être fondée surla « découverte»
d'un« fait ))........................................18........

B. Signification et portée dela « nouveauté )du
fait allégué........................................2...........

C. Le caractère déterminant ))du fait allégu........2..

D. La méconnaissance antérieuredu fait allégué

ne doit pas être due à la négligence coupable du
demandeur ........................................23........

CHAPITRE III. LES ALLEGATIONSPRESENTEESPAR EL
SALVADOR NE SATISFONTPAS AUX
CONDITIONSREQUISESPAR LE STATUT

DE LA COUR ....................................29........

Section 1. L'arrêtdu 11 septembre 1992 et le droit
applicable : l'utipossideti juris. La question
de l'existence d'un fait de nature à exercer une
influence décisive .............................29....... Section II. Les allégations présentéespar El Salvador
ne satisfont pas les conditions juridiques
requises ..........................................36.........

A. La prétendue découverte d'une nouvelle Carta

Esférica et d'un nouveau Journal de bord de
l'expédition du brigantin El Activo ...................... 37

a. La non satisfaction par El Salvadorde la
condition de l'absence de négligence dans
la présentationde faits nouveaux ...............

b. L'impossibilité de qualifier de faits
nouveaux et décisifs les documents de la
Newberry Library ..................................

c. La non pertinence matérielle et juridique

des allégations d'El Salvador sur le Journal
de bord et laCarta Esférica ................44...

B. L'invocation de la grande éruption du volcan
Cosigüina et la naissance des Farallones de
Cosigüina ..........................................49.........

C. Les négociations de Saco (1880- 1884) .............51......

D. Les prétendues preuves sur le soi-disant delta du
Goascoran et ses diverses embouchures ..............53

E. La charge de la preuve des faitsallégués ............57..

CHAPITRE IV. LESALLEGATIONS COMPLEMENTAIRES
PRESENTEES PAR EL SALVADOR SONT
EGALEMENT IRRECEVABLES .................59..

Section 1. Les prétentions d'El Salvador que la Chambre
connaisse de nouveaux moyens de preuve et
révoque l'arrêt de1992 doivent être rejetées .....9

Section II. El Salvador invente une nouvelle catégorie de
« faits nouveaux ou d'autres faits ))inconnue

du Statut de la Cour ..................................... Section III. Analyse critique de chaque « fait » ou preuve.
invoqué parEl Salvador. àl'aune des conditions
exigéespar le Statut de la Cour àl'occasion
d'une demande en révision .....................63....

Section IV . La charge de la preuve des faits alleg...........9.

CHAPITREV .RESUME ..............................................1...........

CONCLUSIONS ........................................................
..............

LISTEDES ANNEXES ................................................5........... OBSERVATIONSECRITES DU GOUVERNEMENT
DU HONDURAS

VOLUME 1

CHAPITRE 1

INTRODUCTION

1.1Lesprésentes Observations écritessont déposées conformément
àl'ordonnance rendue par la Cour internationale de Justice le 27 novembre
2002 dans l'affaire de laemande en révisionde l'arrêtd u II septembre
1992 en l'affaire du Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime (El

Salvador/Honduras ;Nicaragua (intervenant)) (El Salvadorc.Honduras)
fixant au le'avril 2003 la date d'expiration du délaipour le dépôtdes
observations écritesde la République du Hondurassurla recevabilitéde la
demande en révision déposélee 10septembre 2002 par la Républiqued'El

Salvador.

1.2 El Salvador fonde sa demande en révisionsur l'article 61 du
Statutde la Cour. Celui-ci disposedans son paragraphe1que « Larévision
de l'arrêtne peut être éventuellementdemandée à la Cour qu'en raison de

la découverte d'un faitde natureàexercer une influence décisive et qui,
avant le prononcé de l'arrêt,étaitinconnu de la Cour et de la Partie qui
demande la révision, sans qu'il y ait de sa part, fautà l'ignorer. » El
Salvador invoque également les articles99 et 100 de son Règlement. La

Partie adverse indique que « La demande a pour seul but de chercher à
obtenir une révision du tracé de la frontière fixéepar la Cour en ce qui
concerne le sixième secteur en litige de la frontière terrestre entre El
Salvador et le Honduras.»'

1.3 D'emblée, le Honduras considère nécessaire de dresser le

constat suivant. La demande de révisionde l'arrêtdu 11 septembre 1992a
étédéposée quelquesheures àpeine avant l'épuisement du délaidécennal
ménagépar le Statut de la Courà tout Etat sollicitant de sa part la révision
d'un arrêt réglantn principe de façondéfinitive le différendqui opposait

cet Etatà l'autrepartie. Pendant lesdix années écoulées depuis leprononcé
de l'arrêtde la Chambre de la Cour dans l'affaire dufférendfrontalier
terrestre, insulaire et maritimeopposant les deux République, Honduras
a vainementtenté d'amener l'autre Partieàexécuter l'arrêt. Des démarches

LettreduMinistredesRelationsextérieured'ElSalvadorauGreffierdelaCour

en date du 10 septembre 2002.ontétéentreprises àdifférents niveaux,depuiscelui derencontres entre les
deux chefs d'Etat jusqu'à celui de réunions entre les experts techniques

chargés de la démarcation. Aucune n'a amenéEl Salvador à accepter
effectivement l'arrêtde la Cour.

1.4 Le Honduras se voit contraint d'observer que, depuis le
prononcé de l'arrêt dela Chambre de la Cour le 11 septembre 1992, la
démarcheet l'attitude d'El Salvador ont consisté àen prévenir à tout prix
l'exécution. Cetteattitude paraît pourtant difficilementconciliableavec les

engagements pris par les deuxParties àl'article 6 du « CompromisentreEl
Salvador et le Honduras pour soumettre a la décision de la Cour
internationale de Justice le différend frontalier terrestre, insulaire et
maritime existant entre les deux Etats, signédans la ville d'Esquipulas
(République du Guatémala), le 24 mai 1986 » et intitulé« Exécution de

l'arrêt »2.Cet article dispose :

« 1.Les Parties exécuterontl'arrêtde la Chambre dans
son intégralitéet en toute bonne foi. A cette fin, la

commission spéciale de démarcation qu'elles ont
établie par accord du 11février 1986commencera la
démarcation de la ligne frontière fixéepar l'arrêt,au
plus tard trois mois après la date de celui-ci, et

poursuivra ses travaux avec diligence jusqu'a
achèvement de la démarcation.
2. A cet effet, il sera fait application des procédures
établies en la matière dans l'accord sus-mentionné
portant création de la commission spéciale de

démarcation. »

1.5 Certes, dans un premier temps, El Salvador exprima sa
satisfaction que ledifférend aitétédéfinitivement réglépar l'arrêt de 1992.

El Salvador souscrivit a la déclaration conjointe du 2juin 1994 entre les
deux Présidents réunis àCholuteca; il accepta également la Déclaration
conjointe des Présidentsdu 10 septembre 1994,signée à San Salvador ;il
fit de mêmepour la Déclaration conjointe du 10 Septembre 1996 des

Ministres desRelations extérieures signée à Guatemala; il souscrivit à la
« Convention sur 1a nationalitéet les droitsacquis dans les zonesdélimitées
par la Cour internationale de Justice du 11septembre 1992 » ;et, enfin, a
1'«Accord pour l'exécutiondu programme de démarcationde la frontière

El Salvador-Honduras »faisant l'objet du Communiqué deTegucigalpa du
19janvier 1998 et de la Déclaration conjointe du mêmejour reconnaissant

Annexe 1.ainsi apparemment le caractère obligatoire et la validité de l'arrêt de la

chambre3.

1.6 On doit cependant constater qu'après cette phase positive
initiale, dans un deuxième temps, El Salvador est entré en contradiction

manifeste avec ses obligations et sesengagements antérieurs - y compris
ceux découlant du compromis de 1986 - en inventant des difficultés aux
fins de prévenir toute démarcation.

1.7 Il est à penser, en particulier, que la décision d'El Salvador
d'introduire une demande en révision a été prise en réaction immédiateà
une initiative que le Honduras s'était résigné à prendre devant le refus
persistant de l'autre Partie d'exécuter l'arrêt :le 18janvier 2002, il a
déposéun dossierauprès du Président du Conseil de sécuritédes Nations

Unies demandant l'aide et l'assistance de ce dernier en application du
paragraphe 2 de l'article 94 de la Charte des Nations Unies aux fins
d'assurer l'exécution et le respect de l'arrêt de 1992. Les difficultés
rencontrées à l'occasion de lamise en Œ uvre de l'article 6du compromis de

1986 étaient à l'origine de cette initiative du on duras ^ . lettre au
Président du Conseil de sécurité était accompagnée d'un rapport du
Gouvernement du Honduras surlecomportementd'El Salvador, mettant en
évidence sesacteset omissions contraires à la lettre comme à l'esprit de

l'arrêt; ceci,tant dans latotalité des secteurs de la frontière terrestre, dont
aucun ne fut délimité à la suite de l'arrêt,que dans le Golfe de Fonseca et
dans l'océanpacifique 5.

1.8 La demande en révision de l'arrêt déposép ear El Salvador
s'inscrit dans la logique d'un comportement que l'on ne peut

malheureusement dépeindre que comme obstructionniste, en dépit de
l'allégation contraire que ce pays énonce dans sa demande en révision :
« [The request] should not be construed as a delaying tactic... »6.Ilest, en

3
Onpourranoter l'analogiedelasituationactuelleaveccellequelaCouraconnue
en 1960, lorsqu'elledéclarai:« [L]eNicaraguaa,parsesdéclarationsexpressee st
par son comportement,reconnulecaractèrevalabledela sentenceet iln'estplus
en droit de revenir sur cette reconnaissance pour contester la validitédela
sentence. »Sentence arbitrale renduepar le roi d'Espagne le 23 décembre 1906,
arrêt, C.I.J. Recueil. 1960, p. 213.
Voir lettre DSM-23/02 du 18 janvier 2002. Annexe 2.
5 Ministèredes Relationsextérieuresdela Républiquedu Honduras.Arrêtdela
Chambre de la Cour internationale de Justice relatif auD(fiérendfronta1ier
terrestre, insulaire et mciritime(ElSalvador/Honduras ;Nicaragua(intervenant)).
RapportduGouvernementdu HondurasauConseildesécuritédes NationsUnies

sur les mesures dilatoiresinjustifiéesrelativesnexécutionl,e 11janvier2002.
Annexe 3.
Requêteen révision, par. 36.particulier, toutà fait remarquable à cet égard de constater que les
prétendus « faits nouveaux » découverts par El Salvador l'ont été

précisémentdans les six derniers mois, jour pourjour, avant l'achèvement
dudélaide dix ans durant lequel une demandeen révision estpossible.Or,
la lecture de la demande en révision salvadorienne ne fournit aucune
indication sur lesraisons d'une découverte si tardive et si opportuneàla

fois pour permettreà El Salvador de déposersa demande àquelques heures
de l'épuisement du terme statutairement imparti pour permettre le dépôt
d'une requête donton redira plus loin le caractère extraordinaire.

1.9 En réalité,c'est l'autorité mêmede la chose jugée qui est
déniée à l'arrêtdu 11 septembre 1992 par la conduite d'El Salvador. Un
constat d'une telle gravité est offert au Honduras par une preuve ultimeque
la raison véritable de l'obstruction salvadorienne résidedans son refus de

l'autoritéde chosejugée. Cette preuve supplémentaire est apportée par la
note envoyée postérieurement au dépôtde la demande en révision, le 20
janvier 2003, par Madame Maria Eugenia Brizuela de Avila, Ministre des
Relations extérieures de la République d'El Salvador, à son collègue du

Honduras,Monsieur Guillermo Pérez-Cadalso ri as^. ans lepoint 2 des
Directives annexées àcette note, la Ministre indique que l'intention de son
pays d'exécuter l'arrêtde la Chambre concerne les 5 premiers secteurs de
la frontière terrestre,'exception du sixième, qui est précisémentceluide

la zone de l'embouchure du ~oascoran'. Au point 15de la même dépêche,
la Ministre se réfèreà uneprocédure technique de démarcation destinée à
aboutir à la ((validation juridiquede la CIJ » permettant d'éclairer la
solution donnée par la Cour dans ce secteur9. La Ministre laisse enfin

8 Note No 019103 du 20 janvier 2003. Annex 16.
Le point 2 des Directives se lit comme suit :«El Salvadorsoutientqueledit
engagement présidentiel seréfèreexclusivement aux cinq premiers Secteurs
délimitéspar l'arrêt dla CIJ de 1992et non au Secteur VI, qui correspond
l'embouchure du fleuve Goascoran, dont la démarcation est assujettie aux
décisionsquiseront rendues parlaChambredela CIJ qucionnaîtdelademandeen
révisionprésentépearle Gouvernementd'El Salvador,le 10septembre2002. »
Annexe 16.
9
« 15.Les Ministèresdes Relations extérieures recevront lespropositions
techniques binationales et ils tiendront des réunions visantàdéfiniruneligne
d'actioncommune,danslecadred'unevolontépolitiqueaffirmée etd'unerelation
debonnefoientrelesParties.Silespropositionsleurparaissentacceptables,iles
mettrontenapplication,enconstruisantlesbornesde démarcatioet ensoumettant
le cas échéanltesdites solutionsla validationjuridique de la CIJ, par lebiais
d'unerequête communesurla baseducompromisdu 24 mai 1986,quipermettrait
de donner aux «bornes »de démarcationuncaractère définitifetconforme au
droit, entant quefrontièreinternationaleentreEl Salvadoret leHonduras,avec
éclaircissementdela part de la Chambre du point de l'arrêtrendu par elle sur
lequel elle aura étésaisie.» Annexe 16entrevoir au point 18du mêmedocument une demande d'interprétation de
l'arrêtdu 11 septembre 1992".

1.10 On peut se demander d'où provient le droitques'arroge ainsi
la République d'El Salvador de dépecer à sa convenance un arrêt rendu,
dans son intégralité,avecautoritéde chosejugée, principe dont on redira

qu'il est àlabase de tout le systèmede règlementjudiciaire des différends
entre Etats. C'est au vu et en fonction de ces évènementset de l'intention
qu'ils semblent bien traduire de la part d'El Salvador que le Honduras attire
respectueusement l'attention de la Chambre sur lecaractère en tous points

artificiel de la demande en révision formulée par El Salvador. Il prie la
Chambre, en considération de ces éléments,d'envisager tous moyens de
droit mis à sa disposition par son Statut et son Règlement pour garantir
l'exécution effectivede son arrêt, revêtudansson intégralitéde l'autorité

de chosejugée énoncée àl'article 60 de son Statut. Le caractère artificiel de
la requête en révision adresséepar El Salvador à la Chambre, joint aux
élémentsde fait rappelés ci-dessus, incitent au rappel desrègles gouvernant

la bonne foi procédurale.

Section 1. Le caractère artificiel de la demande

en révisiond'El Salvador

1.1 1 «La Cour observe qu'une requêteen révision ne peut être
admiseque si chacunedes conditionsprévues àl'article 61est remplie. Si
l'une d'elles fait défaut, la requête doit être écartée. D'' De l'avis du

Honduras, la demande en révision d'El Salvador ne satisfait, àquelques
heures près, qu'à la dernière condition poséepar l'article 61 du Statut :
celle prévoyant qu'elle soit forméedans les dix ans à dater de l'arrêt. El
Salvador n'a mis en évidence aucun fait nouveau de nature à exercer une

influence décisive. Comme on le reverra en détails dans le corps des
présentes Observations, El Salvador peut tout au plus prétendre avoirfourni
des élémentsdepreuve additionnels surdes faits déjàconnus de la Cour et
d'El Salvador mais non pertinents pour la recevabilité d'une demande en

1O
« 18.Aucasoùlespartiesconsidéreraienq tuelesnégociations visanàtréglerles
divergences concernant les points limitrophes sont épuisées,la demande
d'interprétation viséedanlses Statutsetdans le Règlementdela CIJentant que
moyenadéquatpourunesolutionpacifiquedudifférendseradéposée.»Annex1 e6
" Demande en révision de 1'arrêtdu Il juillet 1996 en l'affaire relativà
l'Application de la convention pour la préventionet la répression ducrime de
génocide (Bosnie-Herzégovine c. Yougoslavie), exceptions préliminaires

(Yougoslavie c.Bosnie-Herzégovine). Arrêtdu 3 février 2003, par. 17.révisiond'un arrêt.El Salvador n'a pas prouvé l'absencede négligence de

sa part dans l'accomplissement de son devoir de diligencepour la recherche
des preuves corroborant sa thèse avant le prononcé de l'arrêtde 1992. Il
n'apporte aucun éclaircissement sur les raisons qui l'ont conduit à
« découvrir »si tardivement des éléments de caractère historique dont on

verra, au demeurant, qu'il fait une interprétation erronée.

1.12 Sans encore rentrer dans l'examen critique détaillé des
éléments présentés
à la Chambre par El Salvador en tant que prétendus
« faits nouveaux », on fera l'observation liminaire suivante :
indépendamment de la question de savoir si les faits invoqués par El
Salvador seraient ou auraient pu être denature à exercer une influence

décisive sur le raisonnement de la Chambre, ce qui n'est, semble-t-il,
nullement le cas, la demande en révision d'El Salvador repose sur deux
rapports récents établis sur des bases pour le moins précaires (Annex II
« Scientific Evidence, Coastal environment 1nc.l2 » et Annex IV
« Technical Evidence, Government of El ~alvador'~ ») et sur des annexes

documentaires et cartographiques connues de longue date, documents
publics se trouvant dans les bibliothèques de différents pays. Ces divers
éléments établiraient lapreuve d'un prétendu fait nouveau, alors que la

Chambre connaissait déjà l'existence des faits invoqués à l'appui de la
demande en révision.

1.13 On doit au demeurantrelever que les Annexes ~f etIV' dela

demande en révision ont été préparées par El Salvador à partir de
reconnaissances terrestres et aériennesréaliséessulreterritoirereconnu par
El Salvadorlui-mêmecomme relevant du Honduras sur la base de l'arrêt de
199216. La réalisation de ces annexes résulte en conséquence d'une

violation flagrante de la souveraineté territoriale hondurienne ; elle
constitue un élémentde « preuve » obtenu de façon illicite, au méprisde
l'autoritéde chosejugée revêtuepar l'arrêtde 1992. Ce comportement d'El
Salvadora d'ailleurs provoqué l'émissiond'une note deprotestation par le

12Requêteen révision.AnnexeII."Scientific Evidence, Coastal Environments
Inc.",« Geologic, HydrographicandHistoricAspectsofthe GoascoranDelta-A
Basis for Boundary Determination", August 5'h,2002.
13
Requêteen révision.Annexe IV.«Technical Evidence, Government of El
14lvador, Goascoran Delta", July 2002.
Requêteen révision.Annexe II"ScientificEvidence,Coastal Environments
Inc.",« Geologic,Hydrographicand HistoricAspectsof the Goascoran Delta-A
Basis for Boundary Determination", August sth ,002.
15Requêteen révision.Annexe IV. «Technical Evidence, Government of El
Salvador, Goascoran Delta", July 2002.
16Requêteen révision, par. 36.Ministre des relations extérieures du Honduras, en date du 18 février
200317. En définitive, si El Salvador a choisi aujourd'hui de limiter sa

demande en révision au secteur de Goascoran, c'est, selon le Honduras,
parce qu'il poursuit l'objectif de réviser, comme s'il pouvait s'agir d'une
procédure d'appel, au demeurant inexistante dans le Statut de la Cour, la
chose déjàjugéeen 1992.C'est, qui plus est, pour articulerdesprétentions

de souverainetéinfondéessurl'île Conejo,situéedans la limite destrois
milles de la ceinturemaritime hondurienne, dans le Golfe de Fonseca, île
que la Chambre n'a jamais considérée commefaisant partie du différend
portédevant la Courpar le compromis de 1986.El Salvador cherche ainsi à

porter atteinte aux droits reconnus par la Chambre en 1992 dansla baiede
la Union.

1.14 El Salvador essaie de corriger aujourd'hui sa défaillance de

1992 dans l'exercice de son devoir de diligence. Il le fait en invoquant
l'existence de prétendusfaits nouveaux tout en se référant auxannexes aux
écrits du Honduras déjà produites avant 1992. A titre d'exemples, les
Annexes V et VI à la demande en révision avaient déjàétéannexéesau

contre-mémoire du Honduras de février 1989et l'annexeXV à la demande
en révisionau mémoiredu Honduras dejuin 1988.Ainsi,pour prouver ces
prétendus faits nouveaux, El Salvador se fonde sur des documents
mentionnant ces mêmes faits que le Honduras avait fournis àla Chambre

de la Cour il y a près de quatorze ans. Quant aux Annexes XIV et XV et
aux cartes annexées à la demande en révision,elle se trouvaient rangées
dans des archives auxquelles El Salvador aurait pu avoir facilementcès.

1.15 El Salvador invoque aussi la guerre civile comme fait
justificatif de son inaptitudetrouverplus tôt les documents qu'il juge à
présent pertinents. Cette dernière ne saurait être considéréecomme une
excuse légitime. Le paragraphe 63 de l'arrêt de 1992 montre que cette

question - relative d'ailleurs aux seulespreuves d'effectivités et non àdes
documents historiques situés dans desarchive s en lieu sûr- aétconsidérée
par la Chambre.

« La Chambre comprend toutes les
difficultésqu'a eues El Salvadorpour réunir ses
preuves du fait que l'action gouvernementale
était entravée pardes actes de violence. Elle ne

17Note verbale No008-DSM du Ministère des Relations extérieures de la
République duHonduras àla MinistredesRelationsextérieuresdelaRépublique

d'El Salvador en date du 18 février2003. Annexe 17. saurait cependant présumer qu'un élément de
preuve qui n'est pas disponible aurait, s'il avait

étéproduit, plaidé en faveur de la causede l'une
des parties ; et encore moins ne saurait-elle
présumer l'existence d'un élément depreuve qui

n'a pas étéproduit. »

1.16 En particulier, El Salvador ne donne pas d'explications àl'une
des contradictionsinhérentes àsa thèse : d'une part, la non exécution de

l'arrêtpendant dix ansdans les différentssecteursde la frontière terrestre,
les eaux du Golfe de Fonseca ainsi que celles situées au-delà de la
fermeture du Golfe ;d'autre part, la soudaine fourniture d'éléments de
preuve - mais non de faits nouveaux - dans les quelques heures précédant

l'expiration du délaiofficiel de la demande enrévision fixépar le Statut de
la Cour.

Section II. Le manquement d'El Salvador à la
bonne foi procédurale

1.17 Faut-il le rappeler, l'arrêt de la Chambre de la Cour en date

du 11septembre 1992 (et notamment le paragraphe 430 de son dispositl3
est res judicata pour El Salvador et pour le ond duras Le's.Parties
doivent en conséquence l'exécuterdebonne foi. Or, ainsique la Cour l'a
redit tant d'autres fois dans l'affaire relative a des Actions armées

pontalières et transpontalières :

« le principe de bonne foi est « l'un des

principes de base qui président a la créationet à
l'exécution d'obligations juridiques » (Essais
nucléaires, C.I.J.Recueil 1974, p. 268, par. 46;
p. 473, par. 49) ; il n'est pas en soi une source
d'obligation quand il n'en existerait pas

autrement. »19

18
Pour une revue des décisions destribunaux internationaux et de laC.P.J.I.
traitant delaresjudicata, voirla sentenceFortderiedu Trail(Canada/Etats-Unis
d'Amérique) du 11 mars 1941. Répertoire de lajurisprudence arbitrale
internationale. Tome II.1919-1945,préparépa Vr.Coussirat-CoustèreetP.-M.
Eisemann, Martinus Nijhoff Publishers, 1989 no 2632, p. 746-755.
19Actions arméesfrontalières ettransfrontalières (Nicaragua c. Honduras)
compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 1988, p.105, par. 94.L'obligation résulteen l'occurrence de la règlecoutumière que consacrait
déjà l'article 37 de la Convention 1de 1907 sur le règlementpacifique des

conflits internationaux :« Le recours à l'arbitrage implique l'engagement
de sesoumettre de bonne foi àla sentence. »La même obligation apparaît
au paragraphe2 de l'article 2 de la ChartedesNations Unies, selon lequel
« les Membres de l'organisation ...doivent remplir de bonne foi les

obligations qu'ils ont assumées aux termes de la présente Charte. » La
bonne foi inspire également l'article 94 de la Charte des Nations Unies
relatif au respect par les partiesun différend de l'arrêt dela Cour qui lui
apporte solution. Elle est reprise par la résolution 2625(XXV), adoptée par

l'Assemblée générale deN s ations Unies en 1970,relative auxprincipes de
droit international touchantlesrelationsamicaleset la coopération entre
Etats.

1.18 Cette obligation générale est renforcée par l'obligation
spécifiqueque lesParties ont souscrite dans l'article 6 du compromis de
1986 :« Les Parties exécuteront l'arrêdt e la Chambredans son intégralité
et de bonne foi »,obligation régie par la règlepacta sunt servanda insérée

dansl'article 26de la Convention de Vienne de 1969sur le droit destraités.
L'obligation est aussi reprise à l'article 60 du Statut, qui déclare le
caractère définitifet sans recours des arrêtsde la Cour. L'article 61.3 du
Statut va plus loin:en prévoyantque la Cour peut subordonner l'ouverture

de la procédure de révision à l'exécution préalable del'arrêt,il renforce
l'obligation en considérant que la demande en révisionne peut servir à
justifier des retards dans l'application de l'arrêt. Il confère ainsi à
l'obligation une connotationparticulière, celle de lagarantie de labonne foi

procédurale de la partie quidemande la révision, même sc iettedemandea
étéprésentée « dans le cadre desvoies de recours qui sontouvertesdevant
la Cour ».

1.19 La resjudicata dans le secteur du Goascoran a été adjugée à
l'unanimité par les cinqjuges composant la Chambre de la Cour. Si cette
demande en révision était déclarée recevable,le précédent fâcheux qui
seraitainsi créé apparaîtrait dans l'avenir commeun encouragement donné
à tout Etat mécontent d'un arrêtdela Courdedemander sa révision,fût-ce

la veille de l'expiration du délaide dix ans durant lequel une telle requête
estprocéduralement possible. Beaucoup dejugements se trouveraient ainsi
remis en cause, au bon vouloir de plaideurs estimant au fond leur cas mal
jugé. La Cour vient de confirmer, dans son arrêtdu 3 février 2003 en

l'affaire de la Demande en révisionde 1'arrêtdu 11 juillet 1996, combien
exceptionnels et très strictementconditionnésdoivent rester lesdemandes
en ce domaine. C'est, sinon, par delà le cas de telle ou telle affaire,l'autorité même dela juridiction et de la justice internationale qui se
trouverait gravement compromise.

1.20Dans un chapitre II, le Honduras exposera le droit applicable,
soit les conditions juridiques de la révision d'un arrêtde la Cour. Le
chapitre III démontrera que les allégationsprésentées parEl Salvador ne
satisfontpas auxconditions requises par le Statut de la Couret le Chapitre
IV que les allégations complémentaires présentées parEl Salvador sont
également irrecevables. Le Chapitre V, qui contient un bref résumé de

l'argumentation du Honduras, sera suivi deses conclusions. Le Volume II
contient les annexes documentaires et deux rapports d'experts. CHAPITREII

DROIT APPLICABLE : LES CONDITIONS JURIDIQUESDE LA
REVISIOND'UNARRÊT DE LA COUR

2.1 Tout arrêt rendu par la Cour internationale de Justice est

« définitif et sans recours ».C'est cequ'indique l'article60deson Statut.Il
énonceainsi une règle dontEl Salvador sembleavoirquelquesdifficultés à
mesurer la portée :dix ans après le prononcé de l'arrêtdu 11 septembre
1992,il ne l'a toujours par appliqué. Certes, ainsi qu'en dispose l'article59

du mêmeStatut, les arrêtsde la Cour n'ont de portée obligatoire qu'à
l'égarddes parties en litige;mais, entre elles, ce caractère relatif devient
absolu.

2.2 Les dispositions statutaires qui viennent d'être évoquées
énoncent, dans le cadre de la justice internationale, un principe
fondamental, nécessaire à l'efficacité de toutsystèmejudiciaire :celuide

l'autorité de chosejugée.La CourinternationaledeJustice elle-mêmeavait
pris soin d'en rappeler toute la portée à l'égard de l'Albanie, dès son
premier arrêt, renduen l'affaire duDétroit de Corfou, en 194920.Ainsique
l'observera Charles deVisscher prèsdevingt ans plus tard, « L'autoritéde

la chosejugée estletrait spécifiquedel'acte juridictionnel. Elle appartient
aux arrêtsdela Courde La Haye et, de façon générale, à tous lesjugements
définitifset sansrecours renduspar lesjuridictions internationale^ 0n ^'.
peut même direquecette autorité caractérise l'essence mêmedesarrêd te

la Cour, puisque celle-ci ne peut rendre d'arrêts que revêtus de force
obligatoire. C'est ce que la haute juridiction a étéamenée àrappeler à
plusieurs reprises depuis ses origines,qu'il s'agisse dela Cour permanente
dans l'affaire deszones franches22, oudelaprésente Cour dans l'affaire du

Cameroun septentrional23. Cette règleprésente,en droit international, un
caractère en tous points comparable à celui des règlesd'ordre public en
droit interne.Elle dépasse,en effet, l'intérêtdes seulesparties au litige,
pour s'adresser au règlement définitifde tous les différends internationaux.

Comme le constatait ailleurs le même Charles de Visscher, «Il est de
l'intérêt généraqlue les litiges ne recommencent pas indéfiniment

20
21Détroit de Corfou,fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1949, p. 248.
Ch. de Visscher,Aspects récentsdudroitprocédural dela Courinternationale
de Justice, Paris, Pedone, 1966, p. 177.
22Zonesfranches de la Haute-Savoie etduPays de Gex,ordonnancedu 19août
1929, C.P.J.I., série A, n022, p. 14.
23Camerounseptentrional,exceptionsprélirninaires,arrêtC, .I.J.Recueil.1963,~.
33-34.relativement au même objet : ut sitfinis litium»24.Le Comitéconsultatif
desjuristes constituépour élaborerle projet de Statut de la Courl'avait dit
dèsses premiers travaux, l'autorité dechosejugéeest un principe général

de droit2'.

2.3 C'est, dès lors,par rapport àcetterègle fondamentale qu'il faut

comprendrele caractère exceptionnelattaché à la procédure derévisiondes
arrêts de la Cour. De cette possibilité offerte aux parties, le Comité
consultatif précité observaitdans son rapport sur le projet de Statut, qu'il
s'agit d'a un droit très grave qui heurte, avec l'autorité des sentences

rendues, ce qui, pour la paix des nations, doit êtreconsidéré comme
acquis D*~.AUdemeurant, l'article 61 du Statut rend parfaitement compte
du caractère par définitionexceptionnel, donc, d'interprétationrestrictive,
du recours en révision. Il le manifeste dès son paragraphe premier,formulé

en termes négatifs : « La révisionde l'arrêt nepeut êtreéventuellement
demandée à la Cour qu 'en raison de ..»27. Ainsi, trois conséquences
statutaires importantes découlent-elles de son caractère exceptionnel.

2.4 La première conséquence attachée a la révision comme
exception au principe d'autorité de chose jugée se manifeste au plan
procédural. Il découleen effet du paragraphe 2 de l'article 61 du Statut

ainsi que des paragraphes 3 et 4 de l'article 99 du Règlement de la Cour
que deuxphases divisent laprocédure concernée. Lapremièrede cesdeux
phases est relative àl'admissibilitéde la révision,pour que la Cour vérifie

la possibilité d'examiner la requête; la seconde ne s'ouvre bien
évidemment quesi laprécédente trouveune issue favorable aux thèses du
demandeur. Elle concerne quant àelle le fond de l'affaire déjàjugée, pour
établir si le fait alléguépeut aboutir à la modification de l'arrêtmis en

cause et, si oui, dans quelle mesure. La Cour l'a rappelé elle-même dans
son arrêtdu 10 décembre 1985 à propos de laDemande en révision et en
interprétation de 1'arrêtdu 24février 1982, lorsque l'on enest encoreala

premièredeces deuxphases, les exposésde chacun des parties ne peuvent
poser que sur la recevabilitéde la requête2'. Dans la présente espèce,l'on
pourra s'étonner de la hâte avec laquelle El Salvador énonce, dès les
conclusions qu'elle soumet à ce stade à la Chambre de la Cour, la

description très précise du tracé de la ligne frontière qu'elle voudrait

24 Revue belge de droit international, 1965, p. 14.
25CitéparlejugePh.Jessupdanssonopiniondissidentesousl'arrê detlaCourdu
18juillet 1966dans les affaires du Sud-ouest africain,deuxièmephase, arrêt,

C.I.J. Recueil, p. 333.
27 Procès-verbaux des séances du Comité, p. 744.
28 Les italiques sont du Honduras.
Demandeenrévision eteninterprétation de'arrêdtu24février1982enI'affiieu
Plateau continenta(lTunisieIJamahiryiarabelibyenne)(Tunisie/Janzahiryiarabe
libyenne), arrêt,C.I.J.Recueil 1985, p.197, par. 9.obtenir29. C'est là, si l'on peut s'exprimer ainsi, mettre tout simplement la
charrue avant les bŒ ufset se comporter déjàcomme si la Chambre avait
admis la recevabilité de la requête.

2.5 11 est une seconde conséquence attachée au caractère
exceptionnel de la demande en révision. Elle tient dans la restriction des
possibilitésoffertes ala Chambre au casouelleaccepteraitlarecevabilité

de la requête. C'est celle qui distingue la révision, admissible quoique
étroitement conditionnée, de l'appel, exclu par les termes mêmesl'article
60, et auquel,par voie de conséquence, aucuneautredisposition du Statut
ou du Règlement n'est consacrée.

2.6 Enfin, la troisième conséquence tient au caractèrecumulatif,
non alternatif, desconditionsque doit réunirle fait alléguépour ouvrir droit

à la révisiondel'arrêt.Il faut quetoutesles conditions exigéesparl'article
61 du Statut de la Cour soient réunies. A l'inverse, et par voie de
conséquence, ainsi que l'avait constatéen 1985Madame Suzanne Bastid,
pourtantjuge « ad hoc »du demandeur en révision qu'étaitalors la Tunisie,

« Si on parvient àla conclusion que la demande en révision n'invoque pas
directement de fait nouveau clairementpertinent comme tel, point n'est
besoin d'aller plus loin et la requête doit être rejetée. Toutes autres
considérations conduiraient à un examen au fond de la demande en

révision.30»Madame Bastid faisaitainsi écho àl'arrêtde la Cour lui-même
lorsqu'il affirmait, en des termes repris dans l'arrêtrendu vingt-huit ans
plus tard, le 3 février2003~' :

« [Dlès lors qu'il est établi que la demande en
révision ne remplit pas l'une des conditions de
recevabilité prévues, la Cour n'a pas à aller plus

29«StartingfromtheoldmouthoftheGoascorinriverintheinletknownastheLa
Cutu Estuary situated at latitude13'22'00" N and longitude 97'41'25"W, the
frontierfollows the old course of the Goascorin river for adistance of17,300
meters as far as the place known asthe Rompicibn de los Amates situated at
latitude13"26' 29" Nandlongitude 87'43'25" W, whichiswherethe Goascoran

30ver changed its course". Requêteen révision, p. 71.
Demandeenrévision eetninterprétation del'arrêdtu24 février1982 enI'afiiredu
Plateaucontinental(TunisieIJamahiryiaarabelibyenne)(Tunisie/Jamahiryiaarabe
31byenne), arrêt,C.I.J.Recueil 1985, p. 248,par. 5.
C.I.J.Arrêd t 3 février2003 dansl'affairerelativeàlaDemandeenrévisionde
1'arrêtdu 11juillet 1996 enl'affaire relatiàl'Applicationdelaconventionpour
la prévention et la répression du crime de génocide(Bosnie-Herzégovinec.
Yougoslavie)Exceptionspréliminaires(,Yougoslavie c.Bosnie-Herzégovinep )ar.
73. loin et a se demander si les autres sont
satisfaites »j2.

2.7 Etant donnéles caractères de la requêteen révisionadresséea
la Chambre dans la présente affaire, il est nécessaire de revenir en détails
sur les deuxième et troisième conséquencesque l'on vient d'énoncer. En

effet, ainsi qu'on le constatera plus loin, sous couleur de demande en
révision, la requête salvadorienne sollicite en réalitéune véritable
modification de l'arrêtdu 11septembre 1992,comme s'il s'agissait de faire

appel de cette décision ;de plus, aucune des allégations avancées parEl
Salvador à l'appui d'une telle requêtene correspondent aux exigences
imposées par l'article 61 du Statut à larecevabilité d'une demande aussi

exceptionnelle.

Section 1. Le Statut de la Cour interdit l'appel de ses arrêts

2.8 Dès les Conventions 1 de la Haye de 1899 et de 1907 sur le
règlement pacifique des conflits internationaux, le principe du caractère
définitif et donc sans appel de la sentence était posé. L'article 81 de la

Convention de 1907 déclare que la sentence ((décide définitivement ))la
contestation. Les seulespossibilités ouvertespar ces conventions sontles
demandes en interprétation et en ré~ision'~.

2.9 Dans l'affaire de 1'Orinoco Steamship Co de 1910, la Cour
permanente d'arbitrage devait ainsi considérer que

(<l'appréciation des faits et l'interprétation des
textes relevaient de la compétence de l'arbitre ))et

que ((ses décisions, lorsqu'elles s'appuient sur
une telle interprétation, ne sauraient être
contestéespar ce Tribunal, dont le devoirest non

de dire si l'affaire a étébien ou maljugée, maissi
la sentencedoit être annulée ;que si une décision
arbitrale pouvait être contestée sous prétexte
d'appréciation erronée, l'appelou la révision,que

les conventions de La Haye de 1899 et 1907

32
Demande enrévisionet en interprétationde 1'arrêd tu24février1982dans l'affaire
du Plateau continental(TunisieIJamahiriya arabe Libyenne)(Tunisie/Jamahiriyarabe
33byenne) arrêt,C.I.J. Recueil 1985, p. 207, par.29.
Article 82 et 83. voulaient précisément éviter, deviendraient la
règle générale »34.

2.10 Ce sont précisément les mêmes principes qui ont été
reconduits en 1920 dans le Statut de la Cour permanente de Justice
internationale.L'article 60 du Statut de la Cour internationale de Justice

interdittoutpossibilité d'appel de l'arrêt,((définitifetsans recours ».Le
système organisé par le Statut ne connaît pas le recours en appel ou en
réformation. Au demeurant,comme sa proprejurisprudence a d'ailleurs eu
l'occasion de l'illustrer, non seulement la Cour n'est pas une instance

d'appel de ses propres arrêts,mais encore son Statutne luipermet pas,par
lui-même,d'agir commeune instance d'appel des sentences arbitrales. La
Cour internationale de Justice a eu l'occasion de l'affirmer en deux
occasions 35.

2.1 1 Le premier cas était introduit par une requête du Honduras
invoquant un accord intervenu à Washington le 21 juillet 1957 avec le

Nicaragua par lequel les parties au différend sont convenues de la
procédure à suivrepour soumettr'. leur différendau sujet de la validité dela
sentence rendue par le roi d'Espagne en 1906. La Cour rejeta les
conclusions du Nicaragua contestant la validitédela ~entence'~etdéclara:

«... mêmes'il n'y avait pas eu de la part du
Nicaragua des actes répétés de reconnaissance

34Recueil de la Cour de La Haye, publiésousladirectiondeJ.B.Scott, 1916,p.
23 1.Cettesentencerenduele25octobre1910 (AmericanJournaloflnternational
Law V., p. 230)estcitéepar lejuge Shahabuddeendanssonopinionindividuelle

jointe àl'arrêtrendu dans l'affaire relativàlasentence arbitrale du31juillet
1989, arrêt,C.I.J. Recueil 1991, p.61.Plustard,lajurisprudenceinternationale
devait préciser :« Unesimple erreur dedroit n'est pas unmotif suffisant pour
fonderunrecoursenrévision [...lecritèreà adopterestdansunedistinction,non
pas entre les erreursde droit 'essentielles' et lesautres, mais entre leserreurs
'manifestes' [.. etleserreursdedroit. »Fonderiede Trail, Sentencedu 11mars
1941, R.S.A.,vol. Ill,p. 1957.
35Commel'indique M. KébaMbayedanssadéclarationjointe àl'arrêt de1991 :
«Je ne vois pas pourquoi la Cour internationale de Justice s'érigerait

automatiquement en cour de cassation pour tous les Etats qui ont souscrit la
déclarationprévue à l'article36,paragraphe2,de sonStatut,àl'égarddetoutes les
sentencesarbitralesdanslesquellescesEtatsseraientpartiesq,uandbien même elle
se garderait danschaquecasdesecomportercommeunejuridiction d'appeloude
révision. »Sentencearbitrale du31juillet 1989,arrêtC, .I.J.Recueil 1991p. 80.
36Le Nicaragua soutenait que la sentence étaitnulle car entachée des vices
suivants :(1) excès de pouvoir, (2) erreurs essentielles et (3)défautsou
insuffisances de motifs àl'appui des conclusions de l'arbitre. qui, de l'avis de la Cour, l'empêchent d'invoquer
par la suite des griefs de nullitéet mêmesi ces

griefs avaient étéprésentésen temps voulu, la
sentence, selon la Cour, devrait encore être
considérée comme valable.. . [L]a sentence
n'étant pas susceptible d'appel, [la Cour] ne peut

entreprendre l'examen des objections soulevées
par le Nicaragua à la validité de la sentence
comme le ferait une cour d'appel. La Cour n'est

pas appelée à dire si l'arbitre a bien ou mal

2.12 Le secondcas étaitceluide l'affaire de la Sentence arbitrale
du 31juillet 1989 38.La Guinée-Bissauy saisissait unilatéralementlaCour
le 23 août 1989 d'une requête contestantl'existence et la validité de la

sentence rendue le31juillet 1989par un tribunal arbitralrelativement àla
frontière maritime entre le demandeur et le Sénégal, suite àun compromis
d'arbitrage conclu en 1985 et dont 1'article 10stipulait :((Lasentencesera

définitiveetobligatoirepour les deux Etatsqui sont tenus deprendre toutes
les mesuresque comporte son exécution^^ L aCour tint à souligner que
((... comme les deux Parties en sont convenues, la présente instance
constitueune actionen inexistence et en nullitéde la sentence rendue par le

Tribunal et non un appel de ladite sentence ou une demande de révision de
celle-ci. »40 De plus, ((.. la Cour n'a pas à se demander si le compromis
étaitsusceptible ou non de plusieurs interprétations en ce qui concerne la

compétencedutribunal, et dans l'affirmative à s'interroger sur celle qui eût
étépréférablE e.nprocédant delasorte, la Cour traiterait eneffet larequête
comme un appel et non comme un recours en nullité. La Cour ne saurait
procéder de la sorte en l'espèce. »4' Elle rejeta ainsi la demande de la

Guinée-Bissau.

2.13 Le rappel de l'étatdu droit applicable interdisant l'appel d'un
arrêt dela Cour prend tout son intérêt lorsqu'on le comparea une série

37Sentence arbitrale renduepar le roi d'Espagne le 23 décembre 1906, C.I.J.
Recueil 1960, p. 214.
38Sentence arbitrale du 31 juillet 1989, arrêt,C.I.J. Recueil 1991,p. 53.
39
LaGuinée-Bissauconcluaitquela sentenceétait frappéed'inexistence pour
défautdemajorité véritabe ltdenullitéabsolue à lafoispourexcèsde pouvoiret
insuffisance de motivation;le Sénégal,poursaparatf,firmaitqu'elle était valable
et obligatoire.
40Ibid., paragraphe 25.
41Ibid., paragraphe 47.d'assertions avancées par El Salvador dans sa requête.En effet, sous
couleur de demande en révision, c'est à une véritable réformation qu'en

appelle le demandeur, en n'hésitantpas, à plusieurs reprises, à critiquer en
termes voilésla démarche suiviepar la Chambre pouraboutir àsadécision
du 11 septembre1 992, comme si elle lui reprochait d'avoir mal jugé ; les
faits rapportés dans la requêtene sont de toute façonpas ((nouveaux »au

sens où l'entend leStatut.Que I'onconsulteainsi sans, du reste, que laliste
en soit limitative, les déclarations salvadoriennesfaitesaux paragraphes 71,
123,130,145 et 164.On yconstatera que c'est l'autorité même de la chose

jugéeen 1992qui s'y trouveainsicontestée, à travers la remise en cause du
raisonnement établipar la Chambre sur la base des élémentsde droit et de
fait apportéspar chacune des Parties.

Section II. Les conditions derecevabilité de la demande enrévision

sont à la fois restrictives et cumulatives

2.14 Si I'on reprend les termes employés par la Cour elle-même,
relisant son propre Statut, dans son arrêtdu 3 février 2003 relatif à la

Demande en révisionde l'arrêtdu Il juillet 1996 :

((La décisionde la Cour doit donc, àce stade,se

limiter à la question de savoir si la requête
satisfait aux conditions prévues par le Statut.
Selon l'article 61 du Statut,cesconditions sont les
suivantes :

a) la demande doit être fondée sur la
« découverte ))d'un fait ));

b) le fait dont la découverte est invoquée doit
êtr: « de nature à exercer une influence
di..-isive »;

c) ce faitdoit, avant le prononcéde l'arrêt, avoir
été inconnu de la Cour et de la partie qui demande
la révision ;
d) il ne doit pas y avoir eu « faute ))à ignorer le

fait en question ;et
e) la demande en révision doitavoir été « formée
au plus tard dans un délai de six mois après la
découvertedu fait nouveau »et avant l'expiration

d'un délaide dix ans à dater de l'arrêt.»42

42 Demande en révisionde 1'arrêtdu11juillet 1996 enl'affairerelatael'Application
de la convention pour la préventionet la répressiondu crime de génocide (Bosnie-
Herzégovine c. Yougoslavie) Exceptions préliminaires(,.Yougoslavie c.Bosnie -
Herzégovine) C.I.J., arrêt du3 février2003, par. 16. 2.15 On le voit, au-delà de l'exigence de survenance d'un véritable
,fait, et non de simples allégations, voire de prétendues ((preuves »
nouvelles plus ou moins documentées, certaines conditions visent les
caractères dufait à l'origine de la demande. D'autres concernent plus

directement le conzportement decette mêmepartie. Ainsi, aprèsavoir vu ce
qu'il faut entendre par fait, on examinera donc, successivement, ces deux
catégoriesde conditions, donttoutes doivent êtreréuniespour que la Cour
déclare la recevabilité de la requêteen révision.

A. LA DEMANDEDOIT ETRE FONDEESUR LA
« DECOUVERTE»D'UN « FAIT»

2.16 Qu'est-ce qu'unfait au sensde l'article 61 du Statut? Ilestà
cetégardutile de se reporterauxcommentairesdonnéspar lejuge Mahiou,
juge ad hoc de la Bosnie-Herzégovine, qui souscrit pleinement aux
conclusions de l'arrêtdu 3 février 2003. Il observe qu'en:

« partant simplement d'une définition de base
retenue par tous les dictionnaires, notamment
ceux de droit international public, un fait est un

événement quis'est produit, qui a eu lieu à un
moment donné ;cette définition de base et de bon
sens met en valeur un élément essentiel, celui de
l'existence ou de la réalitéobjectivede ce fait et

doncde la vérification ou de la constatationpar la
Cour qu'il s'est bien produit ou qu'il a eu lieu au
moment propice pourpouvoir s'en prévaloir »43.

2.17 Lejuge Mahiou insiste ainsi àbon droit sur le constat selon
lequel on doit distinguer la réalité objectived'un fait de l'interprétation que
la partie demanderesse en donnerait, ou des déductions ou autre
«constructionintellectuelle »44nouvelles qu'elle aurait entrepris debâtir,

fût-ce à propos de ce qu'elle a ellemême décidéde considérercomme un
fait4'. Ainsi, dans son dernier arrêt rendu a propos d'une demande en
révision, la Cour a refusé de considérer les déductions ou constructions

43
44 Ibid. Opinion individuelle du juge Mahiou jointe à l'arrêt,par. 2.
45 Ibid. p,ragraphe 3.
Dans son opinion dissidente, lejuge Vereshchetin se livràcet égardà des
considérations analogues lorsqu'il constate que le terme defait s'appliqueà
«somethingthat actually exists »orunder« circumstances,asdistinguished from
itslegal effect, consequenc e,orinterpretati»,définitionsqu'itliredu Black's
Law Dictionary, 7'hed.,p.610.Opiniondissidentedujuge Vereschetinjointeà
l'arrêtdu 3 février,par. 10.intellectuelles élaborées par la Yougoslavie à propos des conséquences à
attacher à son admission comme membre des Nations Unies. Encore
s'agissait-il là d'unfait, au sensévoquéplushaut, mêmes'il s'était produit

plusieurs années aprèsle prononcéde l'arrêtde 1996. Or,dans laprésente
affaire, on ne voit de fait nouveau ni avant ni aprèslejugement de 1992 :
soit qu'il s'agisse pour El Salvador de se prévaloird'arguments déjà tentés
lors de la procédureayant conduit à cet arrêt(tel celui de 1'«avu1sion))du

fleuve Goascoran) ; soit qu'il s'agisse de produire des documents déjà
connus de la Chambre puisque publiés par les Parties, notamment le
Honduras ;soit que les prétendues preuves »produites en vuederévision

de l'arrêtde 1992, outre le fait qu'elles étaient accessiblesà tout moment,
ne contredisent en rien les documents produits par le Honduras. Ou se
trouve, dans tout cela, un quelconquefait nouveauau sensde l'article61du
Statut de la Cour ?

2.18 En particulier, de nouvelles études ((scientifiques »46 et
« tc'iiniques »47 avancées comme preuves de 1'«avulsion)) du cours
inférieur dela rivière Goascoranne sauraient apparaître comme des faitsde

caractère objectif. Elles sont le produit d'une initiative tardive d'El
Salvador lui-même, entrepriseseulement à la veille de l'échéance duterme
du délaiderecours en révision.Quant àla découvertede laCarta Esférica

que la deinande salvadorienne présente par ailleurs, elle ne constitue pas
davantage un fait nouveau, puisqu'il s'agit simplement, comme on le
reverra plus loin, de la copie imparfaite de celles qui avaient déjàété
produites par le Honduras lors de laprocédure principale ayant donnélieu à

l'arrêtdu 11 septembre 1992~~.

2.19 Sans encore divelopper ici ce point, qui sera examiné en
détailsplus loin49,on notera sansplus attendre que la requête salvadorienne

a décidémentdequoi susciterla perplexité,s'agissant de la toutepremière
exigence requise par l'article 61 du Statut, celle de l'existence d'un fait.
Fondamentalement, le fait sur lequel El Salvador prétendait fonder la
frontièredans le sixièmesecteurlorsqu'elle plaidait devant la Chambrede

la Couravant l'arrêtde 1992était constitué par l'invocationde l'existence
d'un ancien cours du fleuve Goascoran aboutissant dans le Golfe de
Fonseca à l'Estero La Cutu. Elle affirmait que ce lit aurait ensuite

brutalement changépar suite du phénomène dit d'« avulsion ». Or, c'est
précisément sur lemêmfe ait qu'elle entend s'appuyer aujourd'hui, rendant
ainsi impossible que l'on puisse le qualifier denouveau. Elle le connaissait
au cours de laprocédureprincipale comme elle le connaît aujourd'hui. En

46 Rer!liêteen ri sion, Annexes documentaires, Annexe II.
47 Requêteen r. -;ion,Annexes docunt: ataires, Annexe IV.

49 Voir infra, c pitre III.
!il/d.réalité,comme El Salvador l'indique lui-mêmedans sa demande en
révision,notamment à son paragraphe 32, elle entend s'appuyer sur des

preuves nouvelles :des preuves scientifiques, techniques et historiques
ainsi que du matériel cartographique qu'elle a trouvédepuis la fin de
l'instance principale,juste six mois,jours pourjours, avant l'extinction du
délai de 10ansdurant lequel elle pouvait exercerson droit de demande en

révision.

2.20 Cedisant, El Salvador signifie bien, en réalité, ce qu'il n'avait
sans doute pas nécessairement l'intention de dire : àsavoir que ce qui est

nouveau, ce n'est pas la découverte d'un fait, maisseulement celle de
nouvelles (et prétendues)preuves, fondées, notamment,surde nouveaux
documents. Or, c'est pourtant une jurisprudence bien établiequ'il y a une
distinction de nature entre les faits allégués et les preuves avancées pour

vérifier leur réalitéet que seule la découverte des premiers ouvre droit à
révisiondu procès.C'est, en effet,dès le 4 août 1924,la Cour permanente
de Justice internationale qui le disait. Elle le fit dans son avis consultatif
relatif à la délimitation de la frontière entre la Serbie et l'Albanie au

Monastère deSaint-Naoum :

« dans l'opinion de la Cour, des documents
nouvellement produits ne constituent pas par eux-
mêmesde faits nouveaux »50.

2.21 Qui plus est, dans un passage dont la rédaction hésitante
manifesteson embarras, aux paragraphes 38 et 39 de sa requête en révision,
El Salvadorsemble avoir une conception très extensive non seulement des

« faits » mais également de leur nouveauté. Ilétenden effet ce dernier
caractère à des élémentsdéjàparfaitement conmsde laChambremais dont
il avance que l'interprétation aurait été différente si la Chambre avae itu
connaissance des preuves prétendument nouvelles qu'El Salvador déclare

apporter aujourd'hui. En réalité, le demandeur vise parlà le caractère
déterminant du fait allégué, qu'il entend appliquer là aussi par voie
d'extension ou d'interprétation souple, à ses ((preuves nouvelles ».On
notera ainsi, au passage, combien son raisonnement est loin de
l'interprétation stricte de l'exceptionàun principe aussi fondamental que

celui de l'autorité de chose jugée. Que faut-il, alors, entendre par
« nouveauté » d'un fait ?

Avisconsultatif: 1924 C.P.J.I.,sérieB, n"9 ,p. 22.Voirlaprésentatioetle
commentairedecettejurisprudencedansl'opiniondissidentedujuge Ph.Jessup
sousl'arrêdtu 18juillet1966 relatifauxaffairesduSud-OuestAfricain,deuxième
phase, C.I.JRecueil 1966, p.339. B. SIGNIFICATIONET PORTEEDE LA «NOUVEAUTE»
DU FAITALLEGUE

2.22 On dit généralement que l'ouverture de la procédure en
révisionest conditionnée par l'apport d'un fait« nouveau »par la partie
requérante. En effet, l'article 61 du Statutemploie1wmême l'expression

de «fait nouveau » ;non àsonparagraphe premier mais àson paragraphe
2 :

« La procédurede révision s'ouvre parun arrêtde
la Cour constatant expressément l'existence du

fait nouveau...».

Cettemême disposition précisecependant elle-mêmecequ'il fautentendre
par là: un fait nouveau, au sens duparagraphe 2 del'article 6 1,c'est un fait

auquel la Cour peut reconnaître« les caractèresquidonnentouverture à la
révision», eux-mêmes mentionnés à l'article 61, paragraphe 1, tel que
reproduit plus haut. Ainsi, le paragraphe2 de l'article 61 emploie-t-il le
qualificatif « nouveau »pour désigner un faitqui a été« découvert»par la
partie demandant la révision.

2.23 En d'autres termes, ce qui est proprement «nouveau », ce
n'est pas le fait mais la connaissance qu'on en a. Le fait, quant à lui,
existait déjà antérieurement au prononcé del'arrêt. Sinon,il ne pourrait
pas,par définition,présentercet autre caractèrerequis de l'article 61, son

caractère « déterminant» pour l'arrêt de la Cour. Ce qui rend le fait
« nouveau »,c'est sa découverte, non son existence. Il existait tout aussi
bien avant qu'après le prononcé del'arrêt aufond, mais il était resté
inconnu de la Cour comme desparties. Pourreprendre les termes employés

par le juge Mahiou dans son opinion individuelle jointe à l'arrêtdu 3
février2003 :

« ce n'est pas le fait lui-même qui est
intrinsèquement ou objectivement nouveau, c'est

sa connaissance qui doit être nouvelle pour la
partie qui s'en prévaut etpour la Courquia rendu
l'arrêt.''

La Cour internationale de Justice l'avait, du reste, elle-même déjà

clairement dit dans sonarrêtdu 10décembre 1985,relatif àlaDemandeen
révision et en interprétation de l'arrêt du 24 février 1982 :le « fait
nouveau »,nous dit-elle dans cette espèce,c'est « lefaitdontladécouverteest invoquée àl'appui de la requête enrévision...>kS2.Encore faut-il quele
fait ainsi découvert soit déterminant.

C. LE CARACTERE«DETERMINANT»DU FAIT ALLEGUE

2.24 «La procédure en révision a été créée pour remédie àr

l'ignorance dans laquelle pouvaient se trouver les intéressésen ce qui
concerne un fait déterminant existant déjà antérieurement à la clôture des
débatset qui, s'il avait étéporté à la connaissance des juges, aurait pu
exercer une influence décisive sur leur décision. » Ainsi s'exprimait le

tribunal arbitral mixte franco-allemand dans I'affaireJ. G. Krichel c. Etat
français et Etat allemand àla mêmeépoqueque celle àlaquelle fut conçu
le Statut de la Cour permanente53. Son observation paraît en tous points

transposable à l'article 61 du Statut de la Cour. L'actuelle Cour a du reste
eu elle-mêmel'occasion de l'affirmer en substancedans son arrêtprécité
du 10décembre1985dans l'affaire relative àlaDemande en révisionet en
interprétation du 24février 1982 :

«[P]our qu'une demande en révision soit
recevable, il ne suffit pas que le fait nouveau

invoquéeût permis à la Cour, si elle en avait eu
connaissance, de se montrer plus spécifiquedans
sa décision ;il fautencoreque ce fait ait été« de
nature àexercer une influence décisive »54.

2.25 La Cour aurait-elle raisonné autrementqu'elle l'a fait si elle
avait eu connaissance, antérieurement àsonjugement, de faits (et non pas

seulementde constructionsintellectuelles ou de prétenduespreuves) dont
elle n'a eu connaissance que par la suite? Telle est la démarchequ'elle a
suivie dans l'arrêt de 1985 précité,en comparant les allégations de la
Tunisie à la façon dont elle avait ellemêmeété conduiteaux conclusions

consacréesdans le dispositif de sadécisions5.C'est àcette occasion que la
Cour fut notamment appelée à observer qu'« il ne faut pas forcément voir
un élément décisif dans n'importe quel 'fait nouveau' qui vient à être

découvert.. .»56.

2.26 En l'espèce, onreviendra ultérieurementsur le raisonnement
retenu par la Chambre pour aboutir à son jugement de 1992. On peut

cependant noter dès à présentdeux éléments.D'une part, comme on l'a

2
CIJ Recueil 1985, p. 203, par. 21. Les italiques sontdu Honduras.
54Recueil des décisions des tribunaux arbitraux mixtes, t.VIII, p.757.
C..I.J. Recueil 1985, p. 213-214, par. 39.
55Ibid., p.207-213, notamment par. 30 à 38.
56Ibid., p.23, par.35.déjà relevéplus haut, il n'y a pas de fait nouveau mais tout au plus apport
de preuves prétendument nouvelles et constituées postérieurement au
prononcé de l'arrêt,dont on constatera plus loin qu'elle étaient déjà
accessibles à la demanderesse au moment de ses plaidoiries au fond.
D'autre part,El Salvador n'est, pas davantageaujourd'hui que par lepassé,

à mêmed'établir quele cours du fleuve Goascoranpassait bien par là où il
le prétenden 1821, datecritique de l'affaire, etqu'il constituait la limite
des provinces espagnoles. Il aurait dû être démontque la rivière coulaitlà
où El Salvador dit qu'il coulait précisémenten 1821, date du terme de la

périodecolonialeet,par conséquent, seule date critique admissible. Le fait
(et non seulement la preuve) allégué devant être effectivement une
découverte, puisque, ainsi qu'on l'a vu plus haut, c'est en cela qu'il peut
être « nouveau ». Ce caractère n'est pas purement objectif. Il est

directement lié au comportement de la partie demanderesse, à laquelle il
incombe de prouver non seulement qu'elle l'ignorait au moment de ses
plaidoiries principales (écrites et orales) mais encore qu'avec toute la
diligence requise, elle n'aurait de toute façon pas pu le connaître. Comme

on peut alors le constater, on touche ici aux conditions de recevabilitéde la
demande en révision tenantau comportement du demandeur.

D. LA MECONNAISSANCEANTERIEUREDU FAIT
ALLEGUENE DOIT PAS ÊTRE DUE A LA NEGLIGENCE

COUPABLE DU DEMANDEUR

2.27 Lorsque le Comité consultatif desjuristes se pencha sur le
Statut de la Cour permanente, il avait un modèle, établi peu d'années

auparavant. C'était celui négociépar leseux conférences deLa Haye dans
lesconventions de 1899 et de 1907 relativement aurèglementpacifiquedes
différends internationaux.La première,à sonarticle 55, comme la seconde,
à sonarticle 83, prévoyaient dans les mêmestermes le recours en révision.

Il étaitjustifié

« par la découverted'un fait nouveau qui eût été
de nature àexercer une influence décisive sur la

sentence et qui, lorsde la clôture desdébats,était
inconnu dutribunal lui-même etde la partie qui a
demandéla révision D.

2.28 Or, en 1920, le Comité consultatif des juristes ne put se

satisfaire de ces seulesconditions. Certes, il les reconduàl'article 61 du
Statut ; mais il estima nécessaire d'y rajouter une condition
supplémentaire :celled'aprèslaquelle lapartie requérantlarévisiondevait,
en outre, n'avoir commis aucune faute ou négligence coupable en ignorantle fait par la suite allégué.Dans son rapport, le Comité consultatifjustifiait

ainsi cette adjonction :

((Par une amélioration, on ne se contente pas,
commedansl'article 55de 1899(1907, art. 83),

d'une non-connaissance de ce faitpar lapartie qui
demande la révision, mais on exige que cette
ignorance du fait n'engage à aucun degré sa
responsabilité, parce qu'elle n'aura pas manqué, à

cette occasion, de faire toute diligence (« due
diligence ») :on a fini,d'ailleurs, parse contenter
ici du mot « l'absence de faute »".

On voit ici le souci despromoteurs du Statut d'enserrer les conditions de la
demande en révision, exception àl'autorité dechosejugée, dans les limites
les plus étroites possibles. C'est pourquoi non seulement la production de
nouveaux documents prétendument probants n'est pas considérée comme

un fait« nouveau ».Enoutre, un plaideur ne sauraitutiliser des documents
déjàproduits antérieurement, voire, tout simplement, des informations non
produites lors du procès alorsqu'elles étaientaisémentaccessibles àtoute

partie diligente. Ce ne serait pas une prétention deproduire un fait dont il
n'aurait pu avoir connaissance. C'est pourtant ce que fait à plusieurs
reprises la demande salvadorienne. Qu'il suffise, à ce stade, de signaler,
pour n'en prendre qu'un seul exemple, l'usage qu'elle fait d'un document

produit dans les annexes au Contre-mémoire du Honduras, lequel était de
toute façon publié parla Sociétédegéographie et d'histoiredu ond duras^^,
donc parfaitement accessible àtout chercheur diligent.

2.29 La jurisprudence de la Cour est particulièrement nette à
l'égard de la condition d'absence de négligence fautive de la part du
demandeur. Dans son arrêtde 1985rejetant la demande en révision de la
Tunisie, la Cour prit soin d'examiner si le demandeur était susceptible

d'avoir connaissance, mêmeindirecte, des faits sur lesquels il entendait
obtenir la révision du jugement du 24 février 1982. Elle se pencha
notamment sur la question de savoir si une résolution du Conseil des
ministres libyen en date du 28 mars 1968,quoique n'ayant été produite par

aucune des parties lorsde l'instance ayant donnélieu aujugement de 1982,
pouvait être connue par la partie tunisienne, elle qui entendait en faire un
usage déterminant au stade de sa demande en révision pour étayer
l'existence d'un fait nouvellement découvert. La Cour constata que cette
résolution libyenne, qui indiquait les coordonnées précises d'une

concession pétrolière, avait fait l'objet d'une publicationauJournalofficiel

57Procès-verbaux du Comité, 16juin-24 juillet 1920, p. 744.
58Requêteen révision, p. 24-26, par. 56 à 60.libyen du 4 mai 1968ainsi que dans leMiddle East Economic Survey chi9
août 1968~~.A la suite de cette constatation, et devant la carence de
la Tunisie, la Cour observe qu' « il eut étéraisonnable et appropriéque la

Tunisie, au plus tard en 1976,cherchât à s'informer des coordonnéesdela
concession,demanière à établirl'ampleurprécisedel'empiétementsur ce
qu'elle considérait àl'époque comme plateau continental tunisien »60.Un
peu plus tard dans le mêmearrêt,la Cour constate :

« Une diligencenormale exigeraitque, aumoment
d'envoyer une délégation pour négocier la
délimitation d'un plateau continental,une fois que

des concessions voisines ou incompatibles entre
ellesont étéaccordéesde part etd'autre, un Etaî
essaie dèsl'abord de s'enquérir des coordonnées

exactes de la concession de l'autre partie

2.30 De la même manière,en relation à l'examen par la Cour des
allégations de la Yougoslavie concernant les conséquences qu'il faudrait

tirer, selon elle, de son admission comme membre de l'organisation des
Nations Uniesle 1 er novembre 2000, lejuge Mahiou abien soulignédans
son opinion individuelle que les incertitudes relatives àla situation de la
Yougoslavie a l'égardde l'O.N.U. entre 1992 et 1996n'étaientnullement

inconnues de la demanderesse. Il précisemême :

« En tout cas, il y avait suffisamment d'éléments
sérieux ettroublantspour alerterlaYougoslavie et

l'inciterà s'interroger sur sa situation visBvis de
l'Organisation des Nations Unies. Dans d'autres
circonstances, pourtant à cetégardplus favorables

aux requérants,la Cour n'a pas hésité àcontester
le caractère inconnu du fait invoquéet à tirer les
conséquences de l'absence ou du manque de
diligence pour prendre connaissance dudit fait )f2.

Et le juge ad hoc de citer l'affaire des Pêcheries dans laquelle le
Royaume-Uni avait affirmé ne pas avoir connaissance d'un décret

norvégiende 1869concernant la délimitationde la merterritoriale et dans
laquelle la Cour avait déclaré :« Puissance maritime traditionnellement

59 C.I.J. Recueil 1985, p. 205, par. 24.
60Ibid.
6 1Ibidem. p. 206, par. 27.
62
Opinion individuelle dujuge Mahiou, p. 3,par. 9.attentiveau droit de la mer et particulièrement attachée à la défense dela
libertédes mers, le Royaume-Uni n'a pu ignorer le décretde 1869 »63.

2.31 Si l'on rapporte les règles illustrées ci-dessus à la présente
espèce, il est pour lemoins surprenant,s'agissant d'un Etat dontl'essentiel
destitresjuridiques procède del'application du principe de l'utipossidetis
juris, qu'il ait une connaissance si imparfaite despratiques administratives

et, notamment,cartographiques en cours dans les colonies de la Couronne
espagnole. Cette ignorance se trouve, comme on le verra plus loid4, à
l'origine des conclusionsparfaitement erronées qu'il tire, notamment,dela
« découverte»d'un Journalde bord et d'une Carra Esférica de longuedate

à sa disposition à 1aNewberry Library de Chicago, comme l'ont toujours
étéles autres copies a la disposition de tout chercheur au Musée naval de
Madrid.

2.32 On voit en tout cas qu'est interprétée defaçon stricte et
rigoureuse par la Cour, agissant inconcreto, la condition selon laquelle la
méconnaissance d'un fait (ou, simplement, d'une donnée jugée

déterminante par la partie requérant la révision) ne saurait résulter dela
négligence propre au demandeur. Ceci veut dire qu'une demande en
révisionne peut se contenterde produire de nouveaux documents, de toute
façon inassimilables en eux-mêmes à la découvertede faitsjusque-là restés

inconnus. Il faut aussi que 1'Etat qui présente a la Cour des faits
antérieurement inconnus apporte au moins une preuve : celle que
l'ignorance dans laquelle il était restéa leur égardne résultait pas de son
défaut de diligence.

2.33 S'il est un principe fondamental que l'on retrouve toujours
parmi les «règles généralement posées dansles statuts ou les lois
concernant lescours dejustice »,ainsi que lenotait la Cour, àla suite de la

c.P.J.I.~~, dans son avis consultatif relatif à l'Effet de jugements du
Tribunaladministratifdes Nations Uniesaccordant indemnité ,66c'est celui
d'après lequel la charge de la preuve incombe au demandeur. C'est vrai

dans tout procès ;c'est à fortiori d'autant plus indispensable s'agissant
d'une requête qui entend faire réformerune décision ayant autorité de
chosejugée. A cet égard également, l'arrêt rejetanlta demandetunisienne
en 1985 est particulièrement net. La Cour y constate notamment que la

Tunisie «n'a ni expliqué pourquoi » elle n'avait pas pu se procurer les
renseignements relatifs auxpérimètres des permis de recherche pétrolière

63
Pêcheries, arrêt,C.I.J. Recueil, 195 1, p. 139.
64 Infra, chapitre III.
65 Certainsintérêtasllemandsen Haute-Silésiepolonaise, Recueil.C.P.J.I.sérA ie
n07.
66Avis consultatif; C.I.J. Recueil 1954, p. 55.octroyés parla Libye « ni démontré quede telles démarches étaientvouées

àl'échec »67.

2.34 Or, commeon le reverra plus loin, dans la présenteaffaire, El
Salvador se contente la plupart du temps deprocéderpar affirmations, sans

apporter aucune des preuves requises par une démarche aussi
exceptionnelle que celle d'une demande en révisiond'un arrêtde la Cour
internationale de Justice ou de l'une de ses Chambres. Qu'il suffise ici de
poser quelques questions :

-Où sontlespreuves et les explicationspermettant de comprendre
pourquoi El Salvador a attendu l'extrêmelimite du délai de dixans ouvrant
droit à demande en révision pour introduire sa requête? Où sont les
preuves et les explications permettant de comprendre pourquoi El Salvador
n'a pasconsultéplus tôt quedans les six mois précédantla clôture de tels

délais les documents qu'il produit aujourd'huià l'appui desa demande en
révision ?
-Où sont les preuves et les explications permettant de comprendre
pourquoi El Salvador n'a pas demandé plus tôtles travaux scientifiques et

techniques qu'il entend à présent utiliser pour prouver le phénomène
d'avulsion ayant, selon lui,affecté lecoursinférieur dela rivière Goascoran
à un moment pertinent avant la date critique ?
-Où sont lespreuves et les explications permettant de comprendre

pourquoi El Salvador n'a pas pu accéderplus tôt que dans les derniers six
mois avant l'expiration du délai de dix ans à la série des documents
produites à ses annexes II, IV, XIV, XV et XVI ?
- Où sont, en d'autres termes, les preuves et les explications

permettant de convaincre la Cour qu'El Salvador a déployé toute la
diligence requise avant, pendant et aprèsle procèsayant aboutià l'arrêtdu
11septembre 1992pour lui démontrer lajustesse et lapertinence de son
argumentation relativement àl'emplacement du cours inférieurde larivière

Goascoran et ce, en 182 1 ?
La réponse est simple : absence de diligence pendant l'instruction de
l'affaire et pendant le délai dedix ans et mauvaise foi procédurale d'El
Salvador.

2.35 Cespreuves etcesexplications,siellesexistent, ne figurent
pas, en tout cas, dans le texte de la demande en révision déposée parEl
Salvador le dernierjour d'une période durant laquelleil n'ajamais appliqué
l'arrêt rendu par la Chambre le 11 septembre 1992. On relèvera en

particulier l'irrecevabilité dela seule ébauche d'argument salvadorienpour
justifier son impuissance à réunir la documentation et les informations
pertinentes au moment du déroulement de l'affaire qui l'opposait au
Honduras. Il s'agit de l'idée selon lequel les événementset troubles

67
C.I.J. Recueil 1985,p. 206, par. 25.intérieurs endémiques qui marquaient la vie politique et sociale d'El
Salvador à cette époque l'auraient empêché demettre enŒ uvre tous les

moyens nécessaires àson information. Or, El Salvador n'a pas Esitéà
adopter un compromis librementnégocié avec leHonduras pour soumettre
leur différend une Chambre de la Cour. C'est dire qu'il estimait pouvoir
s'engager dans un procès international, long, difficile et coûteux avec tous

les moyens nécessaires cpelle que soit la difficulté dans laquelle le
mettaient ses troubles intérieurs. Enfin,El Salvadorn'a paempêchéde
produire de très nombreuses pages de plaidoiries écrites et de pages
d'annexes àses plaidoiries, comportant une importante documentdion

historique, géographique, cartographique, diplomatique. On ne voit pas
qu'il puisse présent s'autoriser de ses propres négligences pour justifier
qu'il ait attendu le dernier jour de la dernière annéedurant laquelle il
pouvait demander la révisionde l'arrêt pour avancer des documentsou des

informations dont il n'a jamais démontréla nouveauté»ni le caractère
déterminant au sens où les exige l'article 61 du Statut de la Cour, dont
aucune des conditions requises pour la recevabilité d'une demande en
révision ne se trouve vérifiée. CHAPITRE III

LES ALLEGATIONS PRESENTEES PAREL SALVADOR
NE SATISFONTPAS AUX CONDITIONSREQUISES PAR LE
STATUTDE LA COUR

Section 1. L'arrêtdu 11 septembre 1992 et le droit applicable :

l'uti possidetis juris. La question de l'existence d'un fait de nature à
exercer une influence décisive

3.1 La Courajugé « qu'une requêteen révision ne peut être admise

que si chacune des conditions prévues a l'article 61est remplie. Si l'une
d'elles fait défaut,la requêtedoit être écartée.»6sL'article 61 du Statut de
la Cour exige en particulier quetoute demande en révision soit fondée sur

l'existence d'un «fait de nature à exercer une influence décisive ». En
l'absence d'un tel fait. la demande en révision est irrecemble.

3.2 Dans son opinion individuellejointe a l'arrêtde 1985, Madame
Suzanne Bastid avait, pour sa part, affirmé« Si on parvient àla conclusion
que la demande en révision n'invoque pas directement de fait nouveau

clairement pertinent comme tel, point n'est besoin d'aller plus loin et la
requête doit être rejetée. Toutes autres considérations conduiraient àun
examen au fond de la demande en révision»69.

3.3 D'où l'importance de préciser, dans chaque cas d'espèce, la
notion de fait « de nature a exercerune influence décisive »,c'est-&direles
concepts juridiques relativement indéterminés pour que la formulation

abstraite initialesoitconcrétiséeà lalumière de chaqueaffaireparticulière.
De l'avis du Honduras, l'influence décisive d'un tel fait, dans le domaine
durèglementjudiciaire d'un différend international, ne peut être apprécié
que sur la base du droit applicable au fond du litige ayant conduit a l'arrêt

dont la révision est demandée. Encore que, un même fait puisse s'avérer,
soit non pertinent, soit décisifen fonction de la structure et des conditions
du principe ou de lanorme applicable à l'affaire. En effet, il existe des faits

auxquels le droit attribue et reconnaît des effetsjuridiques indiscutables
dans la relation juridique en cause. Au contraire, d'autres faits sont

-- -
68
Demande en révision de 1'arrêtdu Il juillet 1996 en l'affaire relatiàe
l'Application de la convention et la répressiondu crime de génocide(Bosnie-
Herzégovinec. Yougoslavie), exceptionspréliminaires (Yougoslavie c.Bosnie-
Herzégovine). Arrêtdu 3 février2003, par. 17.
69Demandeenrévisionet en interprétation de1'arrêdtu24février1982 enI'affairedu
Plateau continental(TunisieIJamahyriaarabelibyenne)(Tunisie/Jamahyria arabe
libyenne), C.I.J. Recueil1985, p. 207,par.29.dépourvusde toutepertinence pour produire un quelconque effet dans cette
même relation, précisément parce que le droit applicable les considère

comme non pertinents.

3.4 L'arrêt dela Chambre du 11 septembre 1992 a pris acte que
« Lesdeux Parties conviennent que lepremier principe à appliquer pour la

déterminationde la frontièreterrestreestcelui de I'utipossidetisjur...
Il a ajouté: « Ainsi le principe de l'utipossidetis juris touche autant à la
recherche du titre à un territoire qu'à l'emplacement de frontières »7 'En
somme, ce principejuridique constitue un titre sur le territoire pour la

Partie qui l'a invoqué et qui en a apportéla preuve.

3.5 A cet égard, la Chambre avait relevé que :

«Le mot 'titre' a en fait, dans la présente instance,
étéparfois employé de telle manière qu'on ne sait
pas très bien parmi ses divers sens possibles
lequel lui attribuer; il est donc peut-êtreutile de

rappeler certaines distinctions fondamentales.
Comme l'a fait observer la Chambre constituée
dans l'affaire duDifférend frontalier, en général
le mot 'titre' ne renvoie pas uniquement a une
preuvedocumentaire,mais 'peut ..viser aussi bien

tout moyen de preuve susceptible d'établir
l'existence d'un droit que la source mêmede ce
droit' (C.I.J.Recueil 1986, p. 564,par. 18).Enun
sens, le 'titre' d'El Salvador ou du Honduras en

ce qui concerne les zones en litige, au sens de
sourcedeleurs droits sur leplan international,est,
comme les deux Parties le reconnaissent, celuide
la succession des deux Etats à la Couronne
espagnolepour ce qui est des territoires coloniaux

de celle-ci, l'étendue de territoire dont chaque
Etat a hérité étant déterminée par1 'utipossidetis
juris de 1821.Deuxièmement, dans la mesure où
chacun des deux Etats a hérité duterritoire de

telle ou telle subdivision administrative de
l'organisation coloniale, un 'titre' peut être
fourni, par exemple, par un décret royal espagnol
attribuant certaines zones à l'une de ces

70~ifférendfrontalier terrestre, insulaire et maritime (El Salvador/Honduras;
Nicaragua (intervenant)),arrêdtu II septembre 1992.C.I.J.Recueil 1992,p.386,
yr. 40.
Ibid., C.I.J. Recueil 1992, p. 386, par. 42. subdivisions. Comme on l'a déjà faitobserver,
aucune des Parties n'a étéen mesure de s'appuyer

sur des 'titres' de cette nature qui valent pour la
frontièreterrestre,pourrevendiquertelle ou telle
ligne frontière. En réservantpour le moment la
question du statut spécialqu'El Salvadorattribue

aux "titres officiels de terrains communaux"
(paragraphes 51-53 ci-après), on dira que les
titulos soumis à la Chambre qui attestent
l'attribution de telles ou telles terres à des

personnes physiques ou à des communautés
indiennes nepeuvent pas être considérés comme
des 'titres' dans ce sens; on pourrait plutôt les
comparer a des 'effectivités coloniales', tellesque

les a définies la Chambreconstituéedans l'affaire
du Différendfrontalier: "le comportement des
autorités administratives en tant que preuve de
l'exercice effectif de compétences territoriales

dans la région pendant la période coloniale"
(C.I.J. Recueil 1986, p. 586, par. 63). Ces
documents, ou certains d'entre eux, sont
cependant des 'titres' en un troisième sens -
relevant du droit interne-à savoir qu'ils prouvent

le droitdes titulaireslapropriétédes terres quiy
sont décrite^""^.

3.6 Puisque la Chambre à décidé dansson arrêtdu 11 septembre

1992 que le principejuridique applicable au différend entre El Salvador et
le Honduras étaitl'utipossidetis, les élémentsjuridiques déterminants sont
lestitres présentés etprouvés par les Parties conformément aux troissens
que la jurisprudence a affirmée :(a) moyen de preuve documentaire, (b)

tout moyen depreuve susceptibled'établir tant l'existence d'un droit quela
sourcemême dece droit et (c) selon le cas, leseffectivitéscolonialeset, en
particulier, le droit despersonnes a la propriété deleursterres. Ainsi, la
preuve de I'utis possidetis de 1821 est concrétiséepar la fourniture des
titres mentionnés. C'est la raison pour laquelle la condition du fait d'une

importance décisive, auquell'article 61 du Statutde la Courfaitréférence,
en l'espècene peut consister qu'en la présentation d'un titre par la partie
qui le prétend. Danstoute autre hypothèse, en droit, le faitne peut exercer
aucune influence décisive.

3.7 En outre, en ce qui concerne lestitres visés par letroisièmesens
décrit par la Chambre en 1992, ainsi que l'incidence potentielle des

72
Ibidem, p. 388-389, par. 45.effectivités coloniales comme fondement de la demande en révision, on ne
pourra ignorer que dans « la relation juridique qui existe entre les

'effectivités' et lestitres servant de base la mise en Œuvredu principe de
l'utipossidetis »,letitre prime toujours surleseffectivités,demanière à ce
que ces dernières jouent dans deux situations :« Dans l'éventualitéoù
13'effectivité' ne coexiste avec aucun titre juridique, elle doit

inévitablement être prise en considération. Il est enfin des cas où le titre
juridique n'est pas de nature à faire apparaître de façon précise l'étendue
territorialesur laquelle il porte. Les 'effectivités' peuvent alors jouer un
rôle essentiel pour indiquer comment le titre est interprété dans la

pratique. »73

3.8 Ceci signifie que les effectivitéspeuvent s'avérerpertinentes en
droit uniquement en l'absence de titre, ou bien pour interpréter les titres

dont la portée territoriale reste douteuse. En conséquence,l'existence d'un
fait d'une importance décisive comme fondement de la demande en
révision pourrait inclure exceptionnellement la découverte de nouvelles
effectivités coloniales pour les cas décrits. Chaque effectivité qui va à

l'encontre d'un titre d'une partie manque de pertinence aux fins de la
preuve de l'utipossidetis et, par suite et par définition, ne peut en aucun cas
être considéré commeun fait de nature à exercer une influence décisive.

3.9 En conclusion, lorsque le droitapplicable est l'utipossidetis,la

caractéristique générale quedoit présenter un fait pour qu'il soitdenature à
exercer une influence décisive aux fins d'une demande en révision d'un
arrêt définitifet obligatoire, revêtu de la sacro-sainte resjudicata, est la
découverte d'un titre oude nouvelles effectivitéscoloniales, lorsque le titre

est inexistant ou indéterminé.

3.10 On ne saurait en aucun cas oublierque le différend décidé par
l'arrêtdu 11septembre 1992se réfère trèsprécisémen t l'utipossidetis de
1821.Cette annéeestcelle de la datecritique àlaquelle doit êtreapprécié le

faitnouveau74pour qu'il puisse présenterla pertinence juridique essentielle
aux finsde la demande de révision.Compte tenu de l'existence àcette date
des provinces espagnoles d'El Salvador et du ond duras' ^haque fait
nouveau doit prouver, pour avoir une importance essentielle, deux éléments

fondamentaux :l'un matériel, l'autre temporel. Tout d'abord, où setrouvait
l'embouchure de la rivière Goascoran en 1821 et, ensuite, cette
embouchure constituait-elle la limite administrative entre les deux
provinces pendant la période coloniale ? Tout autre fait ou élément de

73 Diffërend frontalier, arrêt,C.I.J. Recueil 1986, p. 586-587, par. 63.
74 Sur cette exigence, ibidem,p.387-388,par.43;p. 390,par.46;p. 392,par.48 ;
395, par. 56 ;p. 399, par. 61.
"Ibidem, p. 387-388, par. 43 et 44.preuve présumé serait dépourvu de pertinence pour déterminer l'uti
possideti juris applicable au différendet, par conséquent,ne saurait servir
de fondement à une demande en révision

3.11 Le fait doit avoir une importance en lui-même - et non être
complémentaire ou de la nature d'un indice - pour la preuve de l'uti
possidetis entantque principejuridique principal choisi par les Parties pour

la résolution de leur différend tant dans l'article 26 dutraité général paix
que dans l'article 5 du compromis. Mettre de côté le contenu et la
signification d'un fait d'une importance essentielle, aux fins de la demande
en révision,en l'espèce ledroitchoisi par les Partiesdans le traitéetdansle

compromis, qui servent de fondement à la compétence de la Chambre,
équivaudrait à mettre endoute le caractère deres judicata de l'arrêt. Cela
signifierait aussi une interprétation erronéede l'article 61 du Statut de la

Cour.

3.12 Les paramètres générauxque doivent comporter le fait de
nature à exercer une influence décisiveayantétédéfinis, il sera maintenant

examinési les faitsalléguésparEl Salvador sont « de nature àexercer une
influencedécisive ».

3.13 El Salvador se complaît dans une ambiguïté délibérée sur les

faits nouveaux d'une importance décisive à la base de sa requête76en
octroyant une grande importance au rapport figurant en Annexe 11.~~En
marge des autres remarques critiques à venir sur saprétentionde considérer
comme fait d'une importance essentielle, il convient de souligner ici que

ledit rapport :

- a) ne prouve pas l'uti possidetis, ni n'en apporte la preuve

documentaire et, par conséquent,ne saurait avoir une influence
décisive ;
- b) ne prouve pas, et ne sauraitprouver, tant l'existence d'un
quelconque droit d'El Salvador que la source d'un droit qui

n'existe pas ;
- c) ne prouve pas non plus l'existence d'effectivités
salvadoriennes dans le secteur du Goascoran, en l'absence d'un
autre titre hondurien ;

6
Requêteen révision, p. 13 à 15.
77Requêteen révision, Annexesdocumentaires,AnnexeII.«E Sviienct,iJic
Coastal Environment Inc, Geologic, Hydrologic and Historic Aspects of the
Goascoran Delta -A basisfor Boundary Determination, August 5'h'2002,and
Curriculum Vitaeof theScientists Sherwood M. Galiano,Johannes VanBeek and
Georges Castille ». - d) ne prouve pas que la rivière Goascoran suivait un cours
différentà la datecritiquede 1821 et que ce cours constituait la

limite administrative entre les provinces espagnoles d'El
Salvador et du Honduras.

Ainsi, l'on se trouve en présence d'un rapport qui n'est pas satisfaisant, qui

est inutile et inopérant pour être considérécomme un fait de nature à
exercerune influencedécisive surle règlement du différend auxfinsde la
révision. Non seulement les conclusions d'El Salvador ne sont pas
pertinentes, mais encore elles sont le résultat de purs indices dans le

domaine des probabilités.

3.14 El Salvador se montre tout aussi enthousiaste, mais sans
justification aucune, quant aux Annexes XIV, XV et XVI de sa requête78.

Comme la Chambre le sait déjà, la Carta Esférica présentée aujourd'hui
par El Salvador était connue d'elle et de ce dernier79. A titre de pure
hypothèse car ce n'est pas le cas, si l'on admet qu'il s'agit d'une carte
marine distincte, il faudrait faire de grands efforts d'imaginatiopour se

convaincre qu'une carte marine généraleetqui ne traite pas de frontières
terrestres puisse constituer un fait de nature à exercer une influence
décisive à l'encontre d'une autre carte comportant des caractéristiques
identiques à celle que la Chambre a pris en compte en temps voulu à
l'époque. Un fait d'une importance décisive est tout autre chose. C'est

quelque chose qui pourrait altérer profondément, et non pas de manière
complémentaire ou à titre d'indice, laratio decidendi de la Chambre dans
son appréciation de l'uti possidetis de 1821.

3.15 Les autres faits restants,d'ailleurs bigarrés, qu'El Salvador
allègue sont manifestement dénués de la force probatoire que le droit
applicable requiert absolument. Il en résulte manifestement que, par
définition et en vertu de leur nature, la fourniture de nouveaux livres,

cartes,documentsdiplomatiques,etc.,n'est d'aucune pertinence,directe ou
indirecte, en relation avec la question devant la Chambre. En outre, la
question de savoir si un ouvragehistorique ou géographique peut exercer
une influencedécisive surce qui a étédécidépar l'arrêt de 1992 concernant
le secteur du Goascoran, doit être précédée dela question de savoir si de

tels élémentspeuvent êtrequalifiés defait au sens de l'article 61 du Statut
de la Cour. La réponse à ces deux interrogationsest évidemment négative.

3.16 En conclusion, la première desconditions exigées par le Statut

de la Cour pour déclarer la recevabilité d'une demande en révision est

78Requête enrévision,Annexesdocumentaires,AnnexeXIV,p.545suiv.,Annexe
XV et Annexe XVI.
79 C.I.J.Recueil 1992, p. 549-550, p. 549-550, par. 314-3 16.l'existence d'un faitde nature àexercerune influencedécisive. Confrontée
à une demande en révision,la Chambre doit s'interroger, en premier lieu,
surl'existence d'un faitnouveau et ceci implique l'obligation dequalifier
les faits invoqués par le requérant. De plus, l'existence d'un fait d'une

importance décisive ne peut être apprécié dans l'abstraitmais en relation
avec le fond du cas concret d'espèce et, tout particulièrement, le droit
applicable au fond de l'affaire. Il est clair que, tant pour des raisons
procédurales que de fond, ui fait ne peut être appeléà êtrede nature à

exercer une influence décisive que si le droit applicable au différend
principal décidépar la Chambredans l'arrêt dont la révision est demandée
le considère comme tel. Dans le cas de l'utipossidetisjuris lajurisprudence
internationale exige l'existence de« titres »quiprouvent la volontéde la

puissance coloniale prédécesseur - ici, la Couronne d'Espagne - pour
l'établissement et la détermination de leurs limites administratives,
appelées à êtreconverties à la suite de l'indépendance en de nouvelles
frontièresinternationales.S'il n'existe pasdetitre, il ne peut existerde fait

de nature àexercer une influence décisivetel que le contemplel'article 61
du Statut. En conséquence, le fondement essentiel de la demande en
révisionn'existe pas.

3.17 Dans le cas d'espèce, mème en admettant, à titre de pure
hypothèse, que la troisième copie de la Carta Esférica etduJournaldebord
du brigantin El Activo soient des faits nouveaux, ce qu'ils ne sont pas,
comme cela sera expliqué en détailplus loin, El Salvadorn'apporte aucun

élémentprésentant ne serait-ce que l'apparence d'un titrepourlapreuve de
l'uti possidetis. De plus, il n'apporte aucun document ou aucune preuve
susceptible d'altérer la décisionde la Chambrede 1992dans le secteur du
Goascoran, en applicationde ce principejuridique. Demême, il ne saurait

exister de faitnouveau « de nature à exercer une influence décisive»sur la
ratio decidendi qui a présidé à l'arrêt de 1992, ce qui équivaut à
l'inexistence de fondement à la recevabilité de la demande en révision.
Selon l'arrêt delaCour de 2003, dans l'affaire de laDemande en révision

de 1'arrêtdu Il juillet 1996n0,l'inexistence d'un fait denature àexercer
une influencedécisive en fonction du droit applicable à la présente affaire
devrait conduire la Chambre à décider l'irrecevabilité dela demande en
révision sansqu'il lui soit nécessaire de rentrer dans l'analyse des autres

conditions exigées par l'article61 du Statut. Dans le cas contraire,lerisque
existerait de considérer des questions de fond et, par là-même,de porter
atteinteà l'autorité de lares judicata.

8ODemande en révision de 1'arrêtdu Il juillet 1996 enl'affaire àel'Application
de la convention pourla préventionet la répressiondu crime de génocide (B-snie

Herzégovine c.Yougoslavie). Exceptions préliminaires,(Yougoslavie c. Bosnie-
lferzégovine), arrêt,p. 17. 3.18 L'un quelconquedes faits allégués parEl Salvador apporte-t-il
lapreuve que l'embouchure de la rivière Goascoran en 1821était différente
decelle décidéepar l'arrêtdu 11septembre 1992 ? Laréponseestnégative.
L'un quelconque des faits allégués parEl Salvador apporte-t-il la preuve
qu'à cette date il existait une embouchuredifférenteconstituant la limite

coloniale qui fut convertie grâce à l'indépendance en frontière
internationale avec leHonduras ? La réponseest là aussi négative. Le droit
applicable réclame, bien entendu, d'autres faits de nature à exercer une

influence décisive que ceux avancés parEl Salvador.

Section II. Les allégationsprésentées par El Salvador ne satisfont pas

les conditionsjuridiques requises

3.19 La demande en révisiond'El Salvador est régiepar les délais
prévus aux paragraphes 4 et 5 de l'article 61 du Stat:un délaidesixmois

depuis la découverte du fait nouveau et un délai de dix ans depuis le
prononcéde l'arrêt.El Salvador a satisfait in extremis au délaide dixans à
compter de la date du prononcéde l'arrêt en ayant présenté sa demande le
10 septembre 2002, quelques heures avant son expiration. Ce fait

remarquable ne laissepas de surprendre. En revanche, El Salvador n'a pas
prouvéla condition de la présentation de la requêtedans le délaide six
mois suivant la découvertedu fait nouveau invoqué.La charge de lapreuve
repose sur El Salvador et ce dernierl'élude totalement dans sa requête8'.

Ceci autorise le Honduras à souligner à la Chambre le caractère très
hasardeuxetpeu rigoureux, dans une perspective purementjuridique, de la
requête salvadorienne.

3.20 Les Observations du Honduras vont se concentrer dans cette
section sur lanon satisfaction par El Salvador destrois conditions cruciales
sur lesquelles la Cour s'est prononcée avec clartéet conviction dans la
Demande en révision et interprétation de l'arrêtdu 24février 1982

présentéeparla Tunisie il ya vingt ans :le fait nouveau et décisif ainsi que
l'absence de négligencea2.

3.21. Dans sa demande en révision, en premier lieu, El Salvador

allègue certains moyens de preuve, surtout de caractère scientifique et
technique, à l'appui d'un prétendu changement brusque de la partie
terminale et, partant, de l'embouchure de la rivière Goascoran quelques
dizaines d'années avantlasuccession coloniale, qu'elle qualifie comme fait

81Requête enrévisionp,ar.34,51 et54.
82Demande en révisionet interprétation de l'arrêtdu 24février 1982 dal'affaire
relativeauPlateaucontinentalTunisieiJamahiriyarabelibyenne)(Tunisie/Jamahiriya
arabe libyenne) Arrêt,C.I.J. Recueil 1985,p. 192et suiv.nouveaua3.En second lieu, El Salvador allègue la prétendue découverte
d'une autre copie du Journal de bord et d'une nouvelle Carta Esférica de
l'expédition dubrigantin ElActivo comme autre fait nouveau, susceptible

aussi d'avoir une influence décisive sur l'arrêtdans le sixième secteurdela
frontière terrestre, celui de ~oascoran~~.

3.22 En toute rigueur, ces deux prétendus faits nouveaux sont

étroitement liés,de sortequetoute l'argumentation d'El Salvadorpoursuit
le même but : celui dediscréditer et rendre inutilisable en tant que moyen
de preuve la Carta Esférica et le Journal debord de laditeexpédition, sur
lesquels la Chambre s'est fondé pour apprécier un fait géographique,

savoir, l'embouchure de la rivière Goascoran à la date critique de la
succession coloniale (182 1). Ainsi, les arguments cartographiques et
historiques à l'encontre de la crédibilité du Journal de bord et dela Carta

Esférica serontexaminés en premier dansles sous-sectionsA à C.Ensuite,
dans la sous-section D, seront traités les arguments additionnels sur les
prétendues évidences historiques, géologiques et hydrologiques qui
conforteraient ce prétendu changement du cours de la rivière Goascoran,

avulsion absente du Journal de bord ou de lacarta Esférica dresséeparEl
Activo.

k LA PRETENDUE DECOUVERTE D'UNE NOUVELLE CARTA

ESFERICA" ET D'UN NOUVEAU JOURNAL DE BORD DE
L'EXPEDITION DU BRIGANTINELACTIVO

3.23 El Salvador allègue la découverte d'un «fait inconnu » en son

temps par laChambre comme par El Salvador,soitladécouverte de « other
copies, duplicates or versionsofthe chart and the reportofthe brigantine El
Activo, which claim to be authentic D'~.Toujours selon El Salvador,

certains moyens depreuve documentaire et cartographique démontrent le
manque de fiabilité (« ~nreIiability»)'~ ou, tout au moins, la faible

83 Requêteen révision, par. 45-58.
84Ibid. par. 76-77.
85Al'origine,et pourlesdifférencierdesautres,onappelaitainsien Espagneles
cartes avec la projection de Mercatordepuis la sphèreterrestre,quiutilisaient

commeinstrumentsde mesurelesdegrés, lesminutesetles secondes.VoirJ.M.
Garcia Moreton, ingénieur hydrographe, contre-amiral ala retraite et ancien
directeur de l'Institut hydrographique de la marine espagnole, « Rapport
cartographiquesur le Journal de bord et la Carta Esférica del'expéditiondu
brigantin El Activo », en date du 19 mars 2003, par.5 -7. Annexe 5.
86 Requêteen révision, par.77 en relation avec le par. 30.
87Requête enrevision,par.32.2) :«However,ElSalvadorhasthefollowing : ..2)
Documentaryandcartographic evidence demonstrating the unreliability ofthe
chartanddescriptivereport fromthebrigantineElActivo,suppliedbyHonduras.»crédibilitég8tant de l'autre Journal de bord que des autres cartes levéespar
l'expédition du brigantin El Activo présentéspar le Honduras pendant la

phase écriteet prises en considération parla Chambre dans la motivation de
son arrêt de 1992 dans le sixième secteur (Goascoran). De l'avis d'El
Salvador, ce fait est d'une nature etd'une importancetelles qu'il attend de

la Chambrequ'ell89décide en faveur de la prétentionsalvadoriennedansle
sixièmesecteur .

3.24 L'objectif d'El Salvadorn'est autre que de semer des doutes sur

l'authenticité des moyens de preuve présentés en leur temps par le
Honduras, admis et appréciés par la Chambre dans son arrêtde 1992. La
Partie adverse fait montred'une méconnaissance archivistique éloquente

qui la conduit à mettre en question indirectement la valeur des fonds
documentaires et cartographiques de l'une des institutions les plus
respectées en la matière, le Musée naval de Madrid. Pour ce faire, il parle

tout d'abord dans sa demande de « copies, duplicates or versions » de la
Carta Esférica et du ~ournal~', pour ensuite opter pour le pire terme
possible, celui de « versions )>,insistantsur les différencesqui,à sonavis,
existeraient entre elles9', et qui seraientsuffisantespour établirun «new
92
fact, whose implications for the Judgment should be considered.. . »
Avant d'exposer en détail et de combattre les arguments d'El Salvador, il
convient de rappeler qu'El Salvador se réfère à peine dans sa demande en

révision à l'exigence de la mise en Œ uvrde toutediligence à l'occasion de
la présentation des faits nouveaux.

a) La non satisfaction par El Salvador de la condition de
l'absence de négligence danslaprésentationdefaits nouveaux

3.25 La condition de l'absence de négligence dans laprésentation

de faits nouveaux est une condition très difficile à remplir et il n'est pas
suffisant qu'El Salvador allègue la guerre civile que ce pays a subie
pendant toute l'instruction de l'affaire décidéepar la Chambre en 1992'~.El

Salvador devrait prouver pour quelle raison la guerrecivilequ'il a endurée
jusqu'au 16 janvier 1992 l'a empêchéd'obtenir des documentsy4 non
seulement dans une bibliothèque norcCaméricainetrès fréquentéepour ses

88
Requête enrévision,par.93 :«Noone CartaEsférica orexpeditionreportcould
be considered socompletelycredibleastoserveasevidenceuponwhichtobasea
final decision in law, founded upon truly proven facts ».
89 Requêteen révision, par. 33.
90 Requêteen révision, par. 77.
91 Requêteen révision, par. 83.

93 Requêteen révision, par. 169.2).
94 Requêteen révision, par. 53, 68 et 84.
En fait, ceux que l'on trouve maintenant dans les Annexes XIV et XVde la
requêteen révision.fonds cartographiques et sa collection de cartes colonialesespagnoles (la
Newberry Library de Chicago) et, au Musée naval, une bibliothèque
renomméeet deréférence pour tout chercheurou spécialisteen la matièreg5,
sinon aussi dans les archives mexicaine^ Par.dessus tout, à la vue du

grand nombre d'éléments de preuve présentés par El Salvador dans les
annexesde ses mémoire, contre-mémoire et répliquedansl'affaire qui a été
décidée en 1992~' et qu'il prétend aujourd'hui réviser, El Salvador
n'apporte aucune preuve que la guerre civile ait étéun obstacle irrésistible

à cet égard.

3.26 El Salvador ne prouve pas non plus qu'il n'avait pas la
possibilité de connaître le fait qu'il allègue maintenant et qu'il était

dépourvudes moyens indispensables qui lui auraientpermis de surmonter
son ignorance. Comme le Honduras le constate, au moins depuis 1927, la
copie de la Carta Esférica, qui se trouve dans la Newberry Library de
Chicago apparaît dans le catalogue et est mise à la disposition du public

intéressédans une publication de même date qui compile les fonds desa
Edward E. Ayer ~ollection~~. Il aurait suffi de donner les instructions
pertinentes pour qu'un fonctionnaire ou conseil effectue ce travail de
recherchedanslesarchives et lesbibliothèqueshabituellespossédantdes

fonds documentaires susceptibles d'intéresser etd'être connusde la Partie
qui les invoque aujourd'hui. On ne voit pas comment la guerre civile a pu
empêcherce travail de recherche en dehors du territoire d'El Salvador,
concrètement aux Etats-Unis et au Mexique.

3.27 On n'oubliera pas que le Honduras aprésentéen son temps à
la considération de la Chambre, durant la phase écrite, un extrait de la
« Description duvoyage de Puerto Realejo pour reconnaître et dresser les

plans entre le port d'Acapulco et le mouillage de Sonsonate, ainsi que
l'exploration du Golfe de Conchagua avec le brigantin de Sa Majesté El
Activo commandé par le lieutenant de vaisseau Salvador Meléndez

95Commele soutient L.Martin-Meras,chefde la Section cartographiqueuMusée
naval de Madrid,dans son « RapportsurleJournalde bordetlacartographiedu

Golfe d'Amapalaeffectuésen 1794par l'expéditiondubrigantin EEActivo »,en
date du 11 février 2003, par. 18. Annexe 4.
97Annexe XVI de la requêteen révision.
Dijférendfrontalier terrestre,insulaire etmaritime (El Salvador/Hondura;
Nicaragua (intervenant)), C.I.J. Recueil 1992, par. 9-10.
98ClaraA.Smith(comp.), TheNewberry Library. ListofManuscript Maps in the
Edward E. Ayer Collection, Chicago 1927, p. 70 (année 1794). Annexe IVà
l'Annexe 4. Les copies de IaNewberry Librarysont estampilléesdans l'angle
inférieurdroit, du cachet de la collection de Don Manuel Rico ySinobas,
collectionneurdecartesespagnolesfameuxdontlacollectionfutvendueen 1901 à

diverses institutions espagnoleL. Martin-Meris, Rapportprécité ,ar. 18et21. ru na»^ C^edocument étaitaccompagné de deux copies de la ladite Carta
Esférica dressée à l'occasion decette expéditioncartographiqueIoo.Ils'agit
donc de faitsdéjà connus et pris en compte par la Chambredansson arrêt
de 1992'~' et de faits sur lesquels El Salvador a eu l'opportunité de se
prononcer en sontemps tant dans la phase écritequedans la phase orale de

l'affaire décidéeen 1992.

3.28 A l'époque,El Salvador s'est avéréincapable d'apprécier et
d'avertir la Chambre des quelques petites et non pertinentes différences

entre les copies duMusée naval de Madrid,présentées à la Chambrepar le
Honduras. C'est maintenant qu'il se permet de les énumérer aux fins de
discréditer leurauthenticité'02.11n'est pas admissible que soixante-quinze
ansaprès la publication des fondscartographiques de la NewberryLibrary,

dans laquelle sont catalogués les documents qu'El Salvador présente
maintenant, et dix ans après l'arrêtde 1992, El Salvador soutienne
aujourd'hui comme l'un des deux fondements de sa demande en révisionla
simple découverted'une autre copie du Journal debord et d'une autre copie

de la Carta ~sférica"~ dansla Newberry Library deChicagoetallèguedes
différences insignifiantes entre les copies du Musée navalde Madrid qu'il a
été incapablede faireconnaître au moment procédural opportun. Dans ces
circonstances, il est évident qu'El Salvador a commis une négligence

manifeste et injustifiée en méconnaissant et en n'étudiant pas avec
l'attention nécessaire ces documents aumoment procédural opportun. Il ne
peut maintenant se soustraire aux conséquences de cette négligence au vu
des dispositions de l'arrêt de rejet de la Cour de la demande en révision

tunisiennelo4 :

"L'article 61 du Statut stipule que la révision de l'arrêt
ne peut être demandée à la Cour qu'en raison de la

99
Mémoiredu Honduras en date du I "juin 1988.Annexes, vol. V, Annexe
XIII.1.1, p. 2209-2218,avecletextetraduitenfrançaisdeladescriptionduGolfe
de Fonsecaoud'Amapala,extraitduJournal deborddel'expéditionL . eHonduras
a mis à nouveau le document en Annexe 15.
'O0lbid., vol.V,AnnexeXlll. 1.1,p. 2209,quicontientunephotocopieréduiteet
de mauvaise qualitédel'unedes deux copies répertoriéedsela« CartaEsférica))
(No 12-E-5) quisetrouveau Muséenaval de Madrid.Annexe 12.Etle vol.VI,
Annexes cartographiques, p. 5-6et la carte A.2 (l'autre copie de«lCarta

Esférica » reproduite ici avec unebonne qualité),répertoriéeaucataloguedu
IO1ée naval sous le No 12-E-5 bis. Annexe 13.
Commel'indique l'arrêd te laChambredu 11septembre 1992,C.I.J.Recueil
1992, par. 314-316.
103Requêteen révision, par. 86
Requêteen révision,AnnexesDocumentaires,vol.I1,p.549-669,etAnnexes
Cartographiques, carteno 3.
104C.1.J Recueil 1985, par. 19. découverte d'un fait «qui, avant le prononcéde l'arrêt,
étaitinconnu de la Cour et de la partie qui demande la
révision)).Dans la mesure où la connaissance de ce fait
pouvait résulter des pièces de procédure et autres

documents soumis à la Cour dans l'instance relativeà
l'arrêtinitial. tout ce quiétaitconnu de la Courdoit être
présuméégalementconnu de la partie qui demande la
révision. Or la Cour est censée être au courant de tous

les faits se dégageant du dossier,qu'elle en fasse ou non
mention expresse dansson arrêt;de la même façon, une
partie ne peut prétendre avoir ignoré un fait qui était
exposédans les pièces de procédure de son adversaire

ou dans un document annexé à ces pièces ou produit
régulièrement devant la Cour de toute autre manière.))

b) L'impossibilité de qualifier defaits nouveaux et décisifsles
documents de la Neviberry Library

3.29 Une seconde objection à la demande en révision salvadorienne

apour fondement l'impossibilité de qualifier de fait nouveau et décisifla
présentation des copies susmentionnées. Ce qu'El Salvador prétend
présenter, à contretemps, comme oi fait nouveau et décisif ne l'est
absolument pas. Selon la demande d'El Salvador, le fait nouveau et décisif

ne faitrienressortir de plus quene le fontlesautres copies des documents
en question. El Salvador soutient dans sa requêteque les prétendues
différences entre les trois copies de la Carta Esférica connues, les deux
présentées en leur temps par le Honduras et la troisième présentée

maintenant par El Salvador, sont « sufficient to establish a newfact whose
implications for the Judgment should be considered »'O5.Il ôte ainsi toute
crédibilitéau Journal de bord et à la Carta Esférica comme moyens de
preuve sur lesquels la Chambre a basé une partiede sa ratiodecidendi sur

le sixième secteur (Goascoran).

3.30 La Chambre, ensuite, non contente derappeler ledictumd'une
autreChambre de la Cour dans l'affaire duDifférendfrontalier (Burkina

Faso / République du Mali) pour dire qu'elle n'octroyait a la Carta
Esférica en question aucune valeur de preuve d'une frontière, indiqua
clairement que ladite carteet le Journal de bord (les deux documents àla
fois)prouvaient un fait géographique concretetnon pas un titrejuridique,à

savoir qu'en 1821 la rivière Goascoran coulait déjàlà où se trouve son
cours actuello6. Comme El Salvador n'a, àaucun momnt, mis en question

'O5Requêteen révision, par. 93.
106
C.I.J. Recueil 1992, par. 136.tout au long de sa demande le contenu technique des deux copies du
Journal de bord (celle du Musée naval de Madrid et cellede la Newberry
Library), où est fixée sans l'ombre d'un doute la position exacte de la
rivière~oascoran'~', il est évident que son attaque se réduitexclusivement
à ce que l'on pourrait appeler, pour autant que l'on puisse le faire, un

« demi-fait ». C'est-à-dire qu'il vise la représentation cartographique du
travail de levés hydrographiques contenu dans le Journalde bord, essayant
dejeter des incertitudes sur la fiabilité de laarta Esférica à la vue de
quelquesminusculesdifférences(absolument non pertinentes al'effet de la

décisionde la Chambre) entre les copies qui se trouvent à Madrid et entre
ces dernières et la copie de laNewberry Library.

3.3 1 En effet, en ce qui concerne le Journal de bord, dont on ne

connaît que deux exemplaires, celui de Madrid et celui de la Newberry
Library, El Salvador a l'audace de mettre en avant ses doutes sur le point
de savoirsi la copie conservée auMuséenaval est complète compte tenu du
fait que le Honduras a seulement présenté un extrait de ce dernier (pour le

Honduras, la partie pertinente pour l'affaire décidéeen 1992). ElSalvador
ajoute sans aucune justification scientifique qu'il « would appear to be
written in a more-modern-day Spanish and more contemporary ortography
than that shown in the Chicago report »log. Le Honduras présente, pour

cette raison et pour en terminer avec les spéculations gratuites d'El
Salvador, le texte complet en espagnol de la copie du Journal de bord
conservédans les archives du Musée naval de ~adrid"~.

3.32 La simple comparaison avec la copie de Chicago permet
d'affirmer pour le moins que les deux copies du Journal de bord, au
contenu identique bien qu'avec une présentation et une calligraphie
différentes, furent réalisées en bonne écriture du XVIIIe siècle par des

107
Requête en révisionAnnexesdocumentaires, vol.II,p.656-657(lacopie dela
Newberry Library), p. 683-684 et 706 (lacopiedu Musée navad l e Madrid),
lesquellesconcidentexactement. Lesdoutesd'El SalvadorsurleJournal debord
figurantauxparagraphes 80et87delarequête enrévision sontd'une autrenature
et seront dûment traités dans le paragraphe suivant.
'O8Requêteen révision, par. 80 et 87 (la citation est au par. 87).
109Le« Journaldeborddu voyagedePuerto Realejopourreconnaîtreetdresser
lesplansdutracédelacôteentreleportd'AcapulcoetlemouillagedeSonsonate,
en sus l'exploration du GolfedeConchaguaaveclebrigantinde SaMajestéEl

Activo commandé parlelieutenantdevaisseauSalvadorMeléndB eruna »(Musée
naval, Ms41 6) est déposéconformémen àtl'article 50du Règlementen langue
espagnoleseulement.Dansl'esprit de I'lnstructiondeprocédureIIIdu3 1octobre
2001,ce documentn'apas été sélectionnépour figureren annexe.Voiraussiles
rapportsdéjàcités deL. MartiwMeris,par.2-4etJ.M.GarciaMoreton,AnnexeB.
Résumé du Journal debord d'ElActivo.Voiraussi laceriificationduMusée naval
de Madridquecejournalde bordsetrouvedansladocumentationsouslacotedu
Muséenaval Ms. 416. Annexe 15.personnes différentes"'. En tout cas,leJournal debord estsignéet datéet
possède la reliurede l'époque, tandis que celui deChicago n'est ni signéni
datéet a une reliure récente.IIn'est pas possible d'indiquer sa provenance
et ses vicissitudes avant son arrivée dans labibliothèque nord-américaine

où il est maintenant conservé. Toutes ces circonstances cautionnent la
qualification du Journal de bord de IaNewberry Library commeétantune
copie privée11'.Quoi qu'il en soit, El Salvador est conscient que ses
objections à lacrédibilitéduJournalde bord sontdépourvues de pertinence

juridique. Ses arguments ne reposent quesur les doutesque suscitentles
prétendues différences entre les trois copies de la Carta Esférica.

3.33 11convient de souligner que lesdoutesqueprétend insinuer El

Salvador sur la crédibilitéde la Carta Esférica n'affectent en rien la
position de l'embouchure de la rivière Goascoran, sur laquelle il n'existe
aucune différence entre les trois copies et entreelles et leJournal de bord.
Dans ce sens, il est ridicule de défendre, comme le fait El Salvador,

l'existence d'une différence entre les trois copies en ce qui concerne la
représentation ou le tracé de l'embouchure de la rivière Goascoran, en
prétendantquedans lesdeuxcopiesdu Muséenaval de Madrid la direction
va vers le nord-est alors que, dans la troisièmecopie(celle de la Newberry

Library), elle se dirige vers le nord-ouest1I2. Il est évident que cette
catégoriede relevés esttraditionnellement négligée à cetégard et se limite
à signaler d'une manière claire et précise l'embouchure de la rivière. Il
s'agissait d'une carte marine qui entrait dans peu de détails en ce qui

concerne l'intérieur et qui visait avant tout à faciliter et sécuriser la
navigation. Elle résultait de la préoccupation debien situer lesaccidents qui
se voient depuis la mer et quipouvaient êtreutilespour ladite navigation,
comme les grands volcans ou les embouchures de rivière' 13.

1IO
Voirletitre, lespremiersparagraphesetlacalligraphiede lapartieduJournal
debordconsacréeauGolfedeFonsecadanslesAnnexesdocumentaires.Vol.II,p.
648et 675de larequêteenrévision.Voiraussi L. Martin-Meris,Rapportprécité,
ar. 3 et 19.
L. Martin-Meras, Rapport précité,par. 19 et 22. Quant à la signature, le
symbole «= »veut dire « paror&e »etétaitcourantdanslesdocumentsofficiels
(voir note 3).La copie du Journal de bord conservée àChicago, qui contient
quelqueserreurs (àla page7,ladatedel'ordonnanceduVice-roi estfaussedansla

mesureoùil estindiqué 1783 aulieude 1 793),futacquiseparlaNewberryLibrary
dulibrairemadrilène Vindelaudébutdusiècledernier,seloncequ'il ressortdesa
fichedans le catalogue (L. Martin-Meris, Rapportprécitép ,ar.21et sonannexe
VI).
112Requête enrévision,.4nnexes cartographiques, cartes3,4 et6enrelation avec
le par. 81 de la requête.
Il3Comme l'a dit la Chambre elle-même(C.bJR . ecueil1992,par.314,citant la
légendefigurant dans lamarge supérieuredesdeux copiesde la CartaEsférica
présentéespar le Honduras) et comme le corrobore auniveau technique J.M.

Garcia Moreton, Rapport précité, par. 20 et 29. 3.34 Quant aux autres doutes émis par El Salvador, le Honduras est
à mêmedeprouverqu'il n'existe aucuneincongruité ou incohérenceentre
les trois copies de laCarta Esférica,mais seulementde petites différences
anecdotiques sans valeur cartographique aucune. Ces minuscules

différencesne contredisent en rien le contenu du Journal de bord sur lequel
se base toute la cartographie de I'expédition. Elles n'affectent pas non plus
les aspects d'intérêt juridiqueàla base de laratio decidendi delachambre
dans son arrêtde 1992 sur le cours de la rivière Goascoran en tant que

limite entre les deux pays''4. De plus, ces petites différences prouvent
précisément l'authenticitédes copies qui furent élaborées àpartir dece levé
cartographique, conformément aux règles de conduite bien établiespour
cettecatégoried'expéditions, commel'ont relevé les rapports desexperts

que le Honduras a sollicités. En conclusion, la Chambre n'est pas
confrontée à un document nouveau mais à une autre copie d'un même
document déjàprésentépar le Hondurasdurant la phase écritede l'affaire
décidéeen 1992.

c)La non-pertinence matérielleetjuridique des allégations d'El
Salvador sur le Journal de bord et la Carta Esférica

3.35 En résumé,El Salvadorallèguedans sa demande que la copie
du Journal de bord conservée à Chicago contient les cartes de quelques
ports, anses et mouillages (portulans) qui ne sont pas au Musée naval de

~adrid'l~; qu'il n'y a aucune coïncidence entre lesdites copies quant àla
présentation, la calligraphie et les symboles (surtout les listes
alphabétiques) utilisés pour identifier les accidents géographiques
représentés ainsi que le tracé dela ligne côtièreetdes îles116;qu'iln'existe

pas non plus de concidence entre les deux copies du Musée naval de
~adrid"~; enfin, qu'il n'est pas possible que le manuscrit du Journal de
bord conservéau Muséenavalde Madrid soit daté du2 mai 1795alors que,
le 11 mai de cette mêmeannée, M. Salvador Meléndez Bruna, chef de

I'expédition, annonçait au prochain Vice-roi qu'il étaiten train de travailler
sur les dupliques des résultats de ladite e~~édition"~.

3.36 Pour terminer cet exercicedestiné àjeter le discréditsur les

documents en question, El Salvador dénie lavéracité de toutes les copies, y
compris celle de Chicago, en affirmant que toutes représentent les

114
C.I.J. Recueil 1992, par. 3 14-3 17.
115Requêteen révision, par. 79.
116Requêteen révision, par. 85.
117Requêteen révision, par. 86.
11sRequêteen révision, par. 88-92.Farallones blancos (aujourd'hui appelésFarallones de Cosigüina) alors
que ces derniers n'existaient pas à ladate du levé(1794)- contrairement à

cequi est constaté par les documents de l'expédition - et qu'ils ne furent
créés que parla grande éruption du volcan Cosigüina en 1835'19. Par

conséquent,El Salvador met en question les dates du Journal de bord et de
la Carta Esférica, les repoussant implicitement àune date postérieure a
1835. C'est une conclusion extrêmement grave aux conséquences
incalculables, non seulement pour le discrédit qu'elle emporte pour des

archives reconnues internationalement et pour leurs fonds documentaires
mais encorepour l'insécurité, absolumentgratuiteetsans aucun fondement,
qu'elle prétend introduire dans la prise en compte et l'analyse de

documents historiques et cartographiques àcejour acceptés d'unemanière
unanime par la communautéscientifique 120.

3.37 En premierlieu, l'existence decopies du Journal de bord et de
la Carta Esférica est un fait quiparaît surprendre El Salvador. Il convient
de savoirque la pratique dans ce genred'expéditions était deréaliser deux

ou trois copies (une pour la Couronne, l'autre pour le Vice-roi et
quelquefois une troisièmepour le pilote lui-mêmee ,nplusdesautrescopies
qui pouvaient être réalisées ultérieurement à partir de ces dernières à

d'autres fins,tel que l'enseignement navalk2').Ainsi,ilestirréfutablequele
verso des deux copies de la Carta Esférica conservéesau Musée naval de
Madrid manifeste que l'on se trouve en présence d'un même travail

cartographique, avec une mêmeet unique source :le Journal de bord de
l'expédition, dont la représentation cartographique manuscrite a été
tripliquée. Ce que confirme la demande en révision d'El Salvador qui

présente une lettre de M. Salvador Meléndez Bruna au Marquis de
Branciforte s'excusant pour le retard dans la préparationdes dupliques ))
du résultat del'expéditi~n'~~L .a légendeauverso de la carte 12-E-5retire

tout doute'23 :

"Côte NO de l'Amérique.Carta Esférica qui inclut le

Golfe de Fonseca ou d'Amapala situéen mer du Sud à
une lat. N. (Pointe occidentale appeléeCondadillo) de
13O8'17" et d'une long. de 16'9'11" de San Blas.

Tripliquée."

- --
119
120Requêteen révision,par. 82.
L. Martin-Meras, Rapport précité, par. 12, 18 et 25.
12'L. Martin-Meras, Rapportprécité, par. 13et 16et J.M. Garcia Moreton,
Rapport précité, par.12.
122 Requêteen révision,Annexes documentaires, vol. II,p. 710-722.
121Annexe 12. J.M. Garcia Moreton, Rapport précité,par.16.C'est la mêmechosepour le verso de la carte 12-E-5 bis, qui se lit comme
:

"Côte NO (illisible). Carte qui inclut le Golfe de
Fonseca ou d'Amapala, situé en mer du Sud à une lat.
N. (Pointeoccidentale appeléeCondadillo)de 13O8'17"
et d'une long. de 16O9'11" à l'est de San Blas.

Tripliqué."

3.38 Il convient d'apprécier avec précision, àpartir du même titre

et des légendes de l'ensemble des deux copies, les petites et insignifiantes
différences introduites par leurs différents auteurs et qui sont un lieu
commun dans ce genre de documents. Dans l'une, il est ajouté la
qualification de « esférica »alors qu'elle est omise dansl'autre.Dans l'une,

le genre féminin « triplicada » est utilisé, dans l'autre le genre masculin
« triplicado B. Il existeaussi des changements de prépositions («delong.»
par« en long. »).Ces différences,qui ne furentpasperçues par El Salvador
. .
au moment procédural opportun alors que d'autres différences étaient
visibles125,sont totalementnormales quand lespilotes, avec lesdonnées du
levé, commençaient leur travail. Il s'agit de légères variations qui ne
modifienten rien la rigueuret la véracitéde la cartographie pour lasécurité

dela navigation et qui plus est garantissent le caractère artisanal et original
de copies faites à la main et non calquéeSz6.

3.39 En 1794, les levés hydrographiques étaient expéditifs ;chaque
carte étaitdressée à la main. Plusieurs pilotes pouvaient intervenir pour leur
élaboration. Naviguer étaitun art, tout comme la cartographie. Il serait
ridicule d'exiger le degré de perfection actuel (deux sièclesplus tard) non

seulement dans l'élaboration des cartes mais encore dans leur copie ou
reproduction'27. De sorte qu'il n'y a rien d'anormal ni de mystérieux dans
l'existence detroiscopiesmanuscrites et originalesde la CartaEsférica. Il

ne fautpas attribuer la moindre pertinencejuridique, aux fins de la décision

125Annexe 13.J.M. Garcia Moreton, Rapport précité, par.16
11est évidentquele cachetetle cadredesdeuxcopiesdu Musée navalnesont
pas identiques, que la calligraphie aussi diffère, que quelques accidents
géographiquesne sont pas référencéasvec lamêmelettre et le mêmesymbole
encore que les deux contiennent le mêmenombre d'accidents géographiques,
qu'une copiereporteleslongitudesdeSanBlasetde Cadixet l'autreuniquement
San Blas,etc.,maisriendececin'empêche unexpertdedéclarerque l'ensemble
des copies est identique :J.M.GarciaMoreton, Rapportprécité p,ar.13-14et son

Annexe A.
126J.M. Garcia Moreton, Rapportprécité, par. 11 et 15 et L. Martin-Meras,
Rapport précité, par. 15-17.
127G.R. Crone, Maps and their Makers. An Introduction to the History o,f
Geography, 5Ih ed., Folkestone, Kent, 1978, p. 73, 76, 101, 113 et 11 5.de la Chambre, aux légères différences qui apparaissent surlescopiesdes
cartes conservées au Musée naval de Madrid, contrairement aux dires
actuels d'El ~alvadorl~~.

3.40 En second lieu, les huit ports, anses et mouillages
cartographiés sous une forme réduite sur la copie de la Carta Esférica
conservée à laNewberry Library de Chicago sont aussi dûment répertoriés

au Musée naval de Madrid, où sont conservés jusqu'à deux ou trois
exemplaires indépendants de chacune d'entre elles129. En tout cas,
l'affirmation d'El Salvador en sens contraire est erronée et
inc~m~réhensible'~~.En outre,les copies du Musée naval, indépendantes et

de plus grande taille, étaientdestinées à la reproduction età lanavigation.
La copie de Chicago,qui représenteun résumédu levésur une seulecarte à
des fins éminemment informatives plus que pratiques (parce que cet
exemplaire ne pouvait rendre le mêmeservice àcause de sa taille), prouve

entout cas et pour des raisons évidenteslecaractèreofficiel des copiesque
conserve le Musée naval de ~adridl~'.

3.41 En troisième lieu, il est certain aussi qu'il existe des

différences très légères entre les copies de la Carta Esférica du Musée
naval et la copie de la Newberry Library qui ont peut-êtreleuroriginedans
le caractère officiel des copies du Musée naval, face à la natureabrégéeet
privéede la copie de ~hica~ol~~.En effet, la calligraphie et la présentation

(quasimentcarrée)delacopiedeChicagosontdifférentes.Sontitre etsa
légendesontplus abrégés,dansla partie supérieuregauche. Elle ne recense
qu'un seulaccidentgéographiquesur la carte elle-mêmealorsqu'elleprend

en compte,dans la partie supérieure droite, deux listesd'accidents (l'une
avec des lettres majuscules et l'autre avec des lettres minuscules), qui
concident pratiquement avec celles du Musée naval (quirapportent deux
accidents de plus) bien qu'ils ne soientpas dans lemêmeordreetattribuent

en outre à ces accidents les mêmes lettres. De légères variations
apparaissent dans le dessin de certaines parties du tracé de la ligne côtière
en ce qui concerne lacopie du Musée naval 133.Mais toutes ces différences

12'Voir supra, par. 17.
129L. Martin-Meras, Rapportprécité, par. 5 et J.M.Garcia Moreton,Rapport
récité,par. 17 et 21.
?30Voir supra, par. 17.
131L. Martin-Meras, Rapport précité, par. 20.
132
Voir supra, par.14.11est mêmp eossiblequetantleJournaldebord quelacarta
Esféricade Chicagoétaientl'exemplairp eersonneldupiloteJuanPantoja. En fait,
onconstatedanslesarchivesde la Marineespagnolequelepilote Pantojadétenait
unjournal de navigation d'une autreexpéditionqu'il a utilisépour obtenir de
l'avancement :L. Martin-Meras, Rapport précité,par. 22.
133Pour une analyse comparativeexhaustive destrois copies, voirle Rapport
précitéde J.M. Garcia Moreton, par. 19-20.techniques insignifiantes, sans influence aucune sur la sécurité de la
navigation ni sur l'identification des accidents géographiques, n'empêchent
pas d'affirmer qu'il s'agit de copies d'un même travailhydrographique,
travail de qualité compte tenu des difficultés de l'époque134.

3.42 En quatrième lieu, El Salvador allègue une contradiction entre
les dates du Journal de bord (du 2 mai 1795) et celle de la lettre envoyée
par M. Salvador Meléndez Bruna au Marquis de Branciforte (le 11mai

1795)l'informant qu'il poursuivait le travail sur lesduplications. Cecin'est
quepure imagination. Comme on le sait, tout le travail de terrain fut achevé
l'annéeprécédentecomme le rapporte le Journal de bord, le retard de la

mission ayant étécausépar la maladie du Commandant.C'est pourquoi le
Journal de bord se termine et est datédu 2 mai de l'année suivante. Dans
l'intervalle, le travail de duplications s'est poursuivi et c'est pour cette
raison qu'il s'excusait alorsde son retard dans la livraison au vice-roi'35.

3.43 En cinquième et dernier lieu, El Salvadortente de discréditer
toutes les copies de la Carta Esférica en faisant référence à la
représentation sur ces dernièresde quelques Farallones (lesFarallones

Blancos) qui, à son avis, n'existaient pas en 1794 et d'autres qui
n'existaient pas avant 1835. Cependant, au vu de tout ce qui précède,il
apparaît logique de présumer de la fiabilité des données cartographiques
qui coïncident dans lestrois copies(commecela est le cas desFarallones),

étant donné l'expérience du second pilotede et auteurde la
cartographie, M. Juan Pantoja y Arriaga, bien connu et très réputé pour
avoir levéles plans d'une grandepartie de la côtepacifique de l'Amérique
au service de la Couronne d'Espagne 13'.

3.44 En plus, si l'on comparen'importe quelle copie de la Carta
Esférica avec la carte de 1960 de l'Amirauté britannique et avec la carte

2152 1de la Defence MappingAgency des Etats-Unis d'Amérique élaborées
deux siècles plus tard, on remarquera que la configuration générale des
côtes est très similaire. Ceci corrobore la qualité et la rigueur du levé
hydrographique si l'on prend en comptelesmaigres moyens techniques de

l'époqueet le peu de temps passédans le Golfe de Fonseca (du 12mai au6
juin 1 794)13'.En tout cas, cela vaut lapeine de faire cet exercice comparatif

134J.M. Garcia Moreton, Rapportprécité ,ar.22-23et L.Martin-Meras, Rapport
récité,par. 6-7 et suiv.
?35L. Martin-Meras, Rapport précité, par.9-10.
136
137 Requêteen révision, Annexes documentaires, vol. II, p. 558.
L. Martin-Meras, Rapport précité, par.14 etC.A.Smith(comp.), op.cit.àla
note 18, p. 66-67, oùsontrépertoriées certainescartes signéepsarleditpilote.
Annexe IV à l'Annexe 4.
138Voir l'analyse c omparativeeffectuée àcet effetparJ.M.GarciaMoretonetles
conclusions auxquelles il arriveRapport précité, par. 26-3 1.avec les Farallones Blancos pour vérifier la fiabilitédela position donnée
sur la Carta ~sférica'~~.

3.45 La prétendue différence qui existerait dans la position des
Farallones Blancos dans l'une des copies de la Carta Esférica (celle qui
porte lenuméro 12-E-5 du Muséenaval)l4' montre qu'El Salvador n'a pas

fait ses observations au moment procédural opportun. Cette différence
fictive estdue simplement à un déplacementde deux minutes d'angle vers
l'est du tracé de la ligne du méridien de longitude, dessiné sur la carte
comme méridien 32' au lieu de 30'. En définitive, les Farallones se sont

toujours trouvés aux mêmes longitude et latitude. La différence affecte
seulement le dessin du méridien et est évidente sur la copie elle-même'41.
Sur les trois copies, les Farallones sont situésà lamêmedistance de Punta

del Rosarioet del'île de ~ian~uera'~*. Il estdonc inutilede s'attarder sur
l'analyse cartographique des Farallones au travers de la comparaison
superposée des trois cartes, comme le propose El Salvador.

3.46 Il convient de souligner qu'on peut dire la même chose de
l'embouchure de la rivière Goascoran, qui se retrouve tant dans les trois
copies de la Carta ~sférica'~~que dans les cartes britannique et nor&

américaine et qui est située à la mêmeposition que d'autres accidents
remarquables qui se répètent aussi dans toutes les cartes (par exemple, la
pointe et l'île Perico ou la Punta del Rosario). Ainsi, les évidences
renforcent la valeur de laCarta Esférica commepreuve documentaire. En

particulier, la comparaison des cartes actuelles (britannique et américaine)
avec celles d'El Activo, confirment que l'embouchure de la rivière
Goascoran était, à l'époque, comme aujourdhui, en face de l'île et de la

Punta de Perico.

B. L7iNVOCATIONDE LA GRANDEERUPTION DU

VOLCAN COSIGÜINAET LA NAISSANCE DES
FARALLONESDE COSIGÜINA

3.47 Il convient de rappeler ànouveau à la Chambre que tous les
documents présentéspar El Salvador dans cette sous -sectionconsacréeaux
conséquences de l'éruption volcanique de 1835 lui étaient connus ou
étaient à sa disposition pendant les phases écrite et orale de l'affaire

-- --
139
J.M. Garcia Moreton, Rapport précité, par. 32.
I4ORequêteen révision,Annexescartographiques, cartes 7,8 et 9 etAnnexe 12.
141J.M. Garcia Moreton, Rapportprécité, par. 14 et note 12.
142J.M. Garcia Moreton, Rapportprécité, par. 27.
143 Voir supra, par. 15.décidéeen 1992. Les arguments déjàexposés'44sur le manque de diligence
d'El Salvador de les présenter au moment procédural opportun s'appliquent
mutatismutandis. Cesdocuments ne satisfontpas non plus aux conditions

qui qualifieraient leur contenu de fait nouveau et décisif sur le fond de
l'arrêt.El Salvador n'offre aucune preuve pour satisfaire ces conditions.
Néanmoins, en toute connaissance du vice insurmontable qui affecte la

demande en révisiond'El Salvador,le Honduras va examiner brièvement,
ad abundantia, lesarguments salvadoriens concernant la fameuseéruption
de 1835.

3.48 Pour renforcer son exercice de discrédit contrela fiabilité dela
Carta Esférica, El Salvador allègue en supplément des «secondary and
circumstantialinformation »pour confirmer que lestrois copies de ladite
carte représentent d'une manière ahurissante des accidents naturels (les

Farallones Blancos) qui, selon certains témoignages historiques, furent
créés par une grande éruptionvolcaniquequarante ans plus tard, en 183514'.
Il se base sur les maigres témoignages, très confus et souvent indirects, de

quelques voyageurs ou explorateurs'46, alliésàun ensemble hétérogène de
cartes antérieures et postérieures à 1794'47.A l'exception de la cartede
William Funnel (1707)'~' et celle de Sir Edward Belcher (1838), qui ne

mettent pas en cause la situation de l'embouchure de la rivière Goascoran,
le dénominateurcommun des autrescartes réside dans plusieurs éléments :
l'absence de travail sur le terrain pour son élaboration (un réel relevé
hydrographique du Golfe de Fonseca) ; la représentation du Golfe à UIE

échelle plus petite corrigée dans la demande en révision par un
agrandissement opportun ;le défautde rigueur cartographique (comme le
prouve l'absence dans toutes ces cartes de l'île de Mianguera, l'une des

plus grandesîles du Golfe, ou encorela distribution aléatoire du reste des
îles) ;et surtout le faitqu'elles n'avaient pas des fins nautiques'49.Tout ceci
rend impossible de tirer une quelconqueconclusionfiable de cet ensemble
de documents.

3.49 Le dernier argument d'El Salvador est basé sur lefait que le
Journal de bord mentionne le Farallon Blanco tandisquelestroiscopiesde
la Carta Esférica emploient le pluriel (Farallones Blancos) etreprésentent

144Voir supra, par. 7-1 0.
145Requêteen révision, par. 94-96et 118(lacitationest aupar.118)enrelation
avec le par. 18supra.
146
147Requêteen révision, par. 97-102.
148Requêteen révision,par. 106-114, Annexescartographiques, 1caàrte.s
Sibienqu'il existedesdoutessurlecaractèreoriginad l e lacartedeW. Funnel.
L.Martin-Meris, Rapportprécité, par. 7 et note 19 et J.M.GarciaMoreton,
Rapport précité, par. 35.
149J.M. Garcia Moreton, Rapport précité,par. 36-39.divers rocs (quatre points, dont l'un de taille plugrande)lsO.L'emploi du
singulier « Farallon Blanco »dans leJournaldebord s'explique parce qu'il
est utilisé pourune mesure à un point déterminé,en l'espèceun grandroc,

ceci étant parfaitement compatible avec la représentation cartographique
d'un groupe de rochers dans les trois copies de la Carta ~sférica'~'.

3.50 Il est possible que l'éruption du volcan Cosigüina aitmodifié

l'aspect, la taille, le nombre etjusqu'au nom15'sous lequel était connucet
ensemble de rochers, comme on pourrait peut-être le déduire des
témoignages écrits (pas les cartes, qui ne peuvent servir à cette fin)
présentéspar El Salvador. Mais El Salvador ne présente pas une seule

preuve concluante de l'inexistence de ces accidents avant 1835, mais
seulement de pures spéculations. Entoutétatde cause, ce serait une donnée
non pertinente aux effets de la décision dela Chambre.

3.51 On peut conclure, par conséquent, qu'il n'existe pas de fait
nouveau mais des preuves complémentaires interdites pour larévision.Ces
faits, El Salvador aurait pu les connaître avant 1992.Ils sont dépourvusde

toute pertinencejuridique. Il convientdoncdedéclarer que la demande en
révisionest irrecevable.

C. LES NEGOCIATIONSDE SAC0 (1880-1884)

3.52 Il convient de rappeler à nouveau a la Chambre que tous les
documents présentés par El Salvador dans cette sous-section tendant à
prouver, contrairement a ce qu'a ditla Chambre dansson arrêt de 1992,que

les actes desnégociations de Saco(1880-1884) entre lesdeux Parties ne
confirment pas que l'Estero Ramaditas était l'embouchure de la rivière
Goascoran, lui étaientconnusou étaient à sa disposition durant les phases

écriteet orale de l'affaire décidéeen 1992.Les arguments déjàexposés'53
sur le défaut de diligence d'El Salvador à les présenter au moment
procédural opportun s'appliquent donc mutadis mutandis. Ces documents
ne satisfont pas non plus aux conditions qui permettraient de qualifierleur

contenu de fait nouveau et décisifsur le fondde l'arrêt. El Salvadorn'offre
aucune preuve pour satisfaire ces conditions. Néanmoins, ai toute
connaissance du vice insurmontablequi affecte la demande en révisiond'El
Salvador, le Honduras va examiner trèsbrièvement, comme cela a été fait

dans la sous-section précédente, les arguments d'El Salvador fondant sa
prétention que l'embouchure du Goascoran formait un delta ; qu'au cours

150
Requête enrévision, par. 115-1 16.
15'J.M. Garcia Moreton, Rapport précité, par. 33.
152LacartedeSirEdwardBelcher(1 838) lesdénomme uniquemen «tFarallonesB.
Requêteen révision, Annexes cartographiques, carte 17.
153Voir supra, par. 7-10.des négociations de Saco il n'a jamais été préciséle lieu exact de
l'embouchure ;et qu'en toutcas ladite embouchurepourrait setrouver très
proche de l'île ~onejo'~~.

3.53 Pour ce faire, El Salvador rappelle anouveau son ancien

argument sur la direction vers le nord-ouest de l'embouchure de ladite
rivière, telle qu'elle est dessinée dans les deux copies de la CartaEsférica
du Musée naval de Madrid, par opposition à la direction nord-est que lui
attribuent les actes de la Conférence de Saco. Il est ajouté un autre

argument encore plus insensé, àsavoir la différence appréciable entre la
largeur de l'embouchure dessinée sur la Carta Esféricaet l'étroitesse du
canal des Ramaditas, accordant un poids démesuréet contra natura a la
représentation cartographique de l'embouchure de la rivièreGoascorin sur

la Carta Esférica.CeciconduitlaPartie adverse à conclureque les données
de la Carta Esféricaet cellesdesnégociationsde Saco ne se renforcent pas
mais secontredisent '55.Cesarguments ont déjàétédiscutéslors de la mise
a l'écart desdoutes seméspar El Salvadorautourde laCarta Esférica. Le

Honduras renvoie a son exPosi 56.

3.54 El Salvador prétend aussi que la ligne divisoire du Golfe de
Fonseca sur laquelle portèrent les négociations des Parties lors de la

Conférence de Saco, basée sur l'équidistance entre les îles du Golfe
relevant de la souveraineté de l'une ou l'autre des Parties, suggère que
l'embouchure de la rivière Goascoranétait trèsdifférentedecellereconnue
par la Chambre en 1992'57.Cesnégociations ne débouchèrentsur rien. Le

silence que les Parties et les Actes ont gardé sur la position de
l'embouchure de larivière, malgré leurplein accord sur le fait que la limite
entre les Parties seterminait dans l'embouchure de la rivière Goascoran,
s'explique - toujours pour El Salvador - par le fait que la ligne négociée

(mais sur laquelle il n'y a pas eud'accord) seterminait précisément en face
de l'embouchure de la rivière Goascoran, comme le suggéraient
implicitement les Actes mêmes de la Conférence et l'article 2 de la

convention de limites mort-née. Etant donnéeque la ligne citées'arrêtait
juste au sud de l'île Conejo(très proche de l'Estero La Cutu), il n'étaitpas
nécessaire de la préciserplus 15'.C'est ainsiqu'accepter cette interprétation
signifierait attribuer ipsofacto àEl Salvador la souverainetésurtoutes les

eaux dela baie de La Union et la côteenvironnante, y compris l'île Conejo,
ce qui est l'objectif caché mais évident de ce que prétend atteindre cette
demande en révision.

154
Requêteen révision,par. 119-121 et 123-126.
Is5Requête enrévision, par. 128-129.
156Voir supra, par. 14-15.
157Requêteen révision, par. 130.
158Requêteen révision,par. 132-134 et 136- 138. 3.55 En passant, El Salvador continue àdistiller des doutes sur la

fiabilitédu Journal de bord et laCarta Esférica. Avecpeu desuccès,carles
négociations de Saco ont couvert expressément, dès le début, la
délimitation des îlesetdes eaux de la baie de La Union. De sorte que cela
n'aurait étéd'aucun sens de les exclure ensuite de la négociation en
attribuantimplicitementleursouveraineté a El ~alvadof 59.Bienque lesîles

et îlots de labaie concernés par ladite délimitation nesoient pas mentionnés
dans les Actes ou dans la convention m~rt-née'~',il est reconnu dans les
négociations que l'embouchure de la rivière Goascoran se trouve dans la
baie de La Union, alors que l'interprétation offerte par El Salvador la

localise nécessairement en dehors de ladite baie16'. Enfin, on ne peut
attribuerà des actes négociéset à un projet de convention qui n'est jamais
entréen vigueur, et dontl'objectif étaitl'attribution de la souverainetésur
lesîles et les eaux du Golfe de Fonseca, une interprétationaussi laxisteque

celle d'El Salvador, dont la vertu est de présumer sa souveraineté sur les
eaux et sur les îles de la baie de La Union sans qu'il existe un seul mot de
reconnaissance expresse de ceci par l'autre Partie négociatrice, le
Honduras.

3.56 On peut conclure, par conséquent, qu'il n'existe pas de fait
nouveau mais des preuves complémentaires interditespour la révision.Ces
faits, El Salvadoraurait pu lesconnaîtreavant 1992. Ils sont dépourvusde
toute pertinencejuridique. Il convientdoncde déclarer que la demande en

révision est irrecevable.

D. LES PRETENDUES PREUVES SUR LE SOI-DISANT
DELTA DU GOASCORAN ET SES DIVERSES

EMBOUCHURES

3.57 Il convient de rappeler à nouveau à la Chambre que tous les
documents présentéspar El Salvador dans la sous-section 1II.B de sa

demande intitulée «The Goascoran Delta as lowland and swampland and
itsvarious mouths »,consacrée àprouver la prétendue reconnaissance par
quelques auteurs que la rivière Goascoran avait son embouchure dans un
delta avec de nombreuses branches et embouchures, lui étaient connus ou

étaient à sa disposition pendant les phases écrite et orale de l'affaire

159
L'articledelaconventiondelimitesmort-néedispose :«The maritimelineand
landfrontierseparatingthe RepublicofElSalvadorfromthe Republicof Honduras
beginsatthe PacificOcean,inthe Gulfof Fonseca,BayofLaUnion.. .» :Requête
en révision, par. 131.
'60Requêteen révision, par. 133-134 et 136.
161Requêteen révision,par. 131 (« ..fromitsmouthonthe Gulfaf Fonsecaor
Bay de La Union upstream asfarastheconfluencewiththeGuajiniqilor Pescado
River ...»), en relation avec les par.137-138.décidéeen 1992. Lesarguments déjàexposés'62sur le défautde diligence
d'El Salvador de lesprésenter au moment procédural opportun s'appliquent
mutatis mutandis. Cesdocuments ne satisfontpas non plus aux conditions
quipermettraient de qualifier leur contenu de fait nouveau et décisifsur le

fond de l'arrêt. El Salvador n'offre aucune preuve pour satisfaire ces
conditions. Néanmoins, en toute connaissance du vice insurmontable qui
affecte la demande en révision, le Honduras va examiner très brièvement,
comme cela a été fait dansles sous-sections précédentes, les arguments

d'El Salvador fondant sa prétention que l'embouchure du Goascoran
formait un delta. Ceci sera effectué auvu des preuves du Journal de bord et
de la Carta Esférica de l'expédition dubrigantin El Activo.

3.58 El Salvador prétend ici, avec le témoignage de quelques
géographes, réfuter l'attribution par la Carta Esférica d'une seule
embouchure àladite rivière en 1794,et quisoit de plus laplus occidentale

detoutes les embouchurespossibles (l'Estero ~amaditas)'~~.11s'agit d'un
argument complémentaire et subsidiaire àl'argument principal, à savoir la
présentation par El Salvador d'un autre fait nouveau présumé (auquelse
consacre intégralement la section 1II.A de sa demande), basé sur de

prétendues évidences scientifiques,techniques et historiques que la rivière
Goascoran aurait subi un changement soudain de son cours en 1762, en
dépitdufait que cecin'avait pas étéreconnupar la Chambre dans son arrêt
de 1992164.En effet, El Salvadorsoutientl'existence d'un anciencours de

la rivière Goascoran qui débouchaitdans d'autres temps (avant 1762) dans
l'Estero de la ~utiil~~,à une certaine distance de l'embouchure actuelle,
reconnue par la Chambre comme étant la limite frontière entre les Parties

en 1821.

3.59 A ces fins, El Salvadorprésente des rapports qui combinentun
ensemble de méthodes (observations sur le terrain et par hélicoptère166,

cartes topographiques, photographies aériennes et images satellitaires
opportunémenttraitées pour faire ressortir certains détailsdéterminés), qui
se soumettent à un processus comparatif non seulement entre elles mais
encore avec du matérielphotographique et cartographiqueancien aux fins

d'en tirer des conclusions pertinentes167. Mais les résultats de ces deux

162Voir supra, par. 7- 10.
163Requêteen révision, par. 144-145.
164Requêteen révision, par. 3 1-32 et 41-75.
165
Requêteen révision, par. 50-52 en relation avec les Annexes IIet IV des
166exes documentaires, vol. 1,p. 1-26 et 97-120.
Recueillies certainement d'une manière illicite en violation du droit
international,dela souverainetéterritorialedu Hondurasetde laresjudicata, de
l'arrêtde 1992.
167Leur fondement méthodique est bien connu :lacomparaisondetoutes les
informations dont l'on dispose (surtout la cartographie et les témoignagesrapports, sans doute plus indicatifs que conclusifs, n'ont qu'une valeur

d'indicesI6*. TOUSleurspoints peuvent être réfutésd'une manière radicale
par tout expert en la matière'69.

3.60 Mêmesitoutes ces techniques de travail ontbeaucoup avancé

et continuerontde le faire, le contenu des Annexes II et IV présentéespar
El Salvador maintenant aurait pu l'être avant1992I7O.En d'autres termes,
avant 1992, il n'y avait rien qui prévenait la réalisation de ce genre
d'études :lagéologie, l'hydrologie, laphotographie aérienne et les images

satellitaires, déjà développées, le perrrettaient'71. De sortequ'El Salvador
n'a jamais satisfait à la condition de l'absence de négligence dans la
connaissance du prétendu fait nouveau qu'il allègue aujourd'hui.

3.61 En résumé172l,a thèse salvadorienne considère le sixième

secteurcommeétant le delta de la rivière Goascoran, qui s'écoule aumilieu
de terresbasses et inondéesavecune infinitéde bras et decanauxqui sont
actifs ou inactifs au fil du temps et dépendent de certains phénomènes
géographiques(tempêtes,grandescrues, ouragans, etc.), sanscompterles

interventions humaines. Selon El Salvador, l'Estero de la Cutu fut un de
ceux-ci,jusqu'à ce qu'il ait été désactivé au milieu du XVIIf siècle,mais il
ne fut pas le seul. Cependant, le Rapport technique que présente le
Honduras à la Chambre insiste sur le manque de données et d'analyses

suffisantespour soutenir une autreconclusion quecelle de lastabilité du
système fluvial du ~oascoran'~~.

graphiques)pour établir lesprétenduesvariationsproduitesdans lapartie finale
(spécialementdans l'en~bouchure)d'un systèmefluvial et son environnement
pkographique.
Requête enrévision, Annexes documentaires, vol.1,Annexe II,p.26.J.L. van
Beek, G. Castille II1et S.M. Gagliano, « Geologic, HydrologicandHistoric
Aspects of the Goascoran Delta. A Basisfor BoundaryDetermination ».On peuty
1ire :« The combinationofthese mapssuggests.. .Thisisentirelyconsistentwith

thegeomorphiccharacteristicsofthe Cutudistributuarysystem,which suggests
...5.Thecondition ofthe abandonedtrunk anddistributarychannelsoftheCutu-
Capulin system indicates ...7.Amajor flood isthemostlikelycause forthe
169nge ...»(les italiques sont du Honduras).
M.S. Kearney,Assistant Professor,DepartmentofGeography, Universityof
Maryland, « An Assessment of the Report 'Geologic, Hydrologic and Historic
Aspects ofthe Goascoran Delta.ABasisfor BoundaryDetermination »,endate
du 12février2003.Annexe 14.Lespar. 2 -8soulignentlecaractèreéminemment
descriptif et spéculatif du rapport présentépar El Salvador.
170M. S. Kearney, Rapportprécité, par. 11et 14etG.R.Crone, op.cit. àlanote46,
y,.1,35-140.

172M.S. Kearney, Rapport précité, par. 10, 12 et 13.
173Requêteen révision, par. 44-48.
M.S. Kearney, Rapport précité, par. 20-24. 3.62 A l'appui de sa thèse, El Salvador amasse dans sa demande
quelques textes géographiques, d'aucun intérêt pour l'affaire, cités de
manière assez confuse et n'apportant aucune conclusion en dépit de
l'interprétation forcéeethors de contexte auxquels ilssontsoumis dansla

demande salvadorienne '74.La référence à l'ouvrage de Ulises Meza Cali3
Geografla de Honduras (l916), est digne d'attention encequ'il mentionne
un« primitive lecho »de la rivière Goascoran quise déversaitdans l'Estero

de la ~utu'~~.L'édition dece livre abénéficié d'une subvention du Congrès
hondurien, qu'El Salvador prétend avec maladresse convertir en une
reconnaissance officielle et expresse de la part du Honduras de tout son
contenu176.L'auteur a fait cette affirmation, non datée, dans un ouvrage

général degéographiephysique et politique du Honduras. Il ne qualifie pas
le lit en question d'unique et principal et semble se baser sur la simple
observation faite à l'intérieur des terres d'indices sur le terrain (il ne
connaît pas le sujet), sans aucune autre confirmation. Par conséquent, ce

témoignage purement doctrinal, présenté àcontretemps par El Salvador, est
dépourvude pertinencejuridique aux effets de la décisionde la Chambre.

3.63 Quant aux arguments scientifiques et techniques, l'affirmation
que la rivière Goascoran débouchait et débouchedans un delta repose sur
une pure spéculation et manque de preuves c~nvaincantes'~~,face à la
preuve simple que la rivière possèdeplusieurs canaux d'alluvion par temps

de crue. Ceci expliquerait, par exemple, les observations de Bernardo
Galindoy Galindosur « l'embouchure principale »de la rivière Goascoran
et les esteros (canaux) qui l'ent~urent"~. Dans les copies levées par
l'expédition du brigantin El Activo sont représentées quelques entrées pour

les rivières Choluteca, Nacaome, Goascoran et Siramitis qui n'ont rien à
voir avec la représentation d'un delta179.Leurs embouchures ne sont pas
représentées non plus comme formant un delta sur la carte 1960 de
l'Amirauté britannique et la carte 21521de la ~efence ~a~~in~~~ency'~~.

174
175Requêteen révision, par. 59-6 1 et 147- 161.
Requêteen révision, par.61-62. La traduction proposéepar El Salvador
(« originalbed») n'estpas correct(Annexesdocumentaires, p.355).Cetouvrage
serasuivid'un autreplustarde,n 1934,dirigéparBernardoGalindo y Galindo,qui
reprendtextuellementlamême affirmation(par.56-59),ouvrageconnuetcitépar
la Chambre dans son arrêt de1992.
176Requêteen révision, Annexes documentaires, vol. 1,p. 276 et 282.
177
178M.S. Kearney, Rapport précité, par. 15-17.
Requêteen révision, par.147-149.L'interprétation salvadorienn au,par. 150,
sedisqualifietoute seulelorsqu'elletransformela référencefaite par Galindo y
Galindo à«Los Amates shore1ine »dansunespacedecôtetrèsréduio t ccupépar
1'«Hacienda Los Amates »,qui jouxte l'Estero La Cutu.
179J.M. Garcia Moreton, Rapportprécité, par. 40.
180Sansdoute, dans le Rapport qui accompagne l'Annexe II àla demande en
révision,oninsistesurle faitquelestroisrivièresdébouchentdansundelta.Voir 3.64 Dans ce point de vue, tant le Journal de bord que la Carta
Esférica attribuent deux cours (un récent et un ancien) à d'autres rivières
principales dela région(lesrivièresNacaome et Choluteca),mais rien de

tel pour la rivière Goascoran. Le Journal de bord aussi est silencieux sur
l'Estero La Cutu.Mais il donne certaines informationssur le cours et la
géographie humaine des rivières à l'intérieur des terres, ce qui confirme
que l'expédition a rempli sa mission quant au levé hydrographique du

Golfe de ons sec al^'.

3.65 On peut conclure, par conséquent, qu'il n'existe pas de fait
nouveaumais despreuves complémentaires interdites pour la révision.Ces

faits,El Salvadoraurait pu les connaître avant 1992. Ilssontdépourvusde
toutepertinencejuridique pour l'affaire. Il convient doncde déclarerquela
demande en révision est irrecevable.

E. LA CHARGE DE LA PREUVE DES FAITS ALLEGUES

3.66 La charge de la preuve des prétendus faits nouveaux qui

valideraientunerévision del'affaire décidée en 1992 repose sur la Partie
qui les allègue. Mais El Salvador n'a pas su prouver, dansses allégations,
la présenced'un quelconque fait nouveau et décisifpour la reconsidération
du fond de l'affaire, comme l'exige l'article 61.1 du Statutde la Cour. Il

n'a pas réussi à prouver non plus que son ignorance, avant leprononcé de
l'arrêtde 1992, de ces prétendus faits nouveaux n'était pas due à une
négligence manifeste et injustifiée de sa part. El Salvador, en outre, a
rempli beaucoup de pages pour présenter des informations secondaires et

circonstancielles sous la forme depreuves complémentaires interditespour
la révision. Dans leur grande majorité, elles étaient déjà connues de la
Chambre et ont fait l'objet de son appréciation dans son arrêtde 1992Is2.
En tout étatdecause,ces preuves se montrent, àl'analyse, sans pertinence

juridique. Il convient donc de déclarer que la demande en révision est
irrecevable.

J.L. van Beek, G. CastilleIIIet S.M. Gagliano, « Ceologic,Hydrologicand

Historic Aspects ofthe Goascoran Delta. A Basisfor Boundary Determination »,
181exes documentaires, vol. 1,Annexe II,p. 3-5.
RequEteen révision, Annexes documentaires, vol. II, p. 654-657 (copie
conservée àChicago) et 681-684(copiesdu Musée navadle Madrid).J.M.Garcia
Moretbn, Rapport précité, par. 40-41 et son annexe B.
182Ence sens,il est significatif qu'El Salvadorn'ait pas présen annexe à sa
Requête enrévisionunquelconquerapportd'unexpert confirmantsessuspicions
sur la fiabilité de la Carta Esférica, alors qu'il a présentéun rapport
hydrographique àl'appuidesaprétentiond'unchangementducoursde larivière

Goascorin. CHAPITREIV

LES ALLEGATIONS COMPLEMENTAIRES PRESENTEES PAR
EL SALVADORSONT EGALEMENT IRRECEVABLES

Section 1. Les prétentions d'El Salvador que la Chambre
connaisse de nouveaux moyens de preuve et révoque l'arrêt
de 1992 doivent êtrerejetées

4.1 El Salvador méconnaîtles élémentsdebase de la procédurede
révision parce que sa seuleet unique obsession est d'anéantir l'arrêt dela
Chambre de 1992. La phase actuelle de l'affaire est celle viséà l'article
61,paragraphe 1, du Statut de la Cour età l'article 99,paragraphes 1et 2,

de son Règlement, c'est-&dire « une demande en révision»sur laquelle la
Chambre doit se prononcerpour déciders'il existeou non un fait nouveau.
Il est manifestement évident qu'il est hors de question et prématuréde se
placer dans la phase envisagée par l'article 61, paragraphe 2, du Statut et
les paragraphes 4 et 5 de l'article 99 du Règlement qui présupposent :a)

l'existence d'un fait nouveau avec les caractères qui donnent ouvertàrla
révision, b) que la demande ait été déclaréerecevable et c) qu'une
procédure ultérieure de révision s'ouvre sur le fond de la demande.

4.2 La Partie adverse en fournit expressément la preuve dans les
Submissions de son Application quicontiennentunpoint c)se lisantcomme
suit :

« c. Once the application is admitted, to proceed

to therevision of the Judgment of 11 September
1992, so that anew Judgment will determine the
boundary line in the sixth disputed sector of the
land frontier between El Salvador and Honduras
to be as follows:

'Starting from the old mouth of theGoascoran
river in the inlet known as the La Cutu
Estuary situated at latitude 13O22' 00" N and

longitude 87O41' 25" W, thefrontier follows
the old course of the Goascoran river for a
distance of 17,300 meters as far as the place
known as the Rompicibn de los Amates
situated at latitude 13O 26' 29" N and longitude 87' 43' 25" W, which is where the

Goascoriin river changed its course."'83

4.3 Une telle demande, qui met la charrue avant les bŒufs,est
clairement hors de propos et en contradiction avec les points a) et b)

desdites Submissions Elle présuppose, en effet, que la Cour se soit déjà
prononcée sur l'existence d'un fait nouveau, ait déjàacceptéela demande
en révisionet ait ouvert une nouvelle procédure de révisionsur le fond.Il
s'agit ici d'une prétentionextraordinaire que n'a pas soumise la Tunisie,

beaucoup plus respectueuse en laforme de la lettre et de l'esprit du Statut
et du Règlementde la Cour, à l'occasion de sa demande en révision rejetée
en 1985'~~.

4.4 Outre son caractèreexorbitant, la demande en révision illustre
au plus point qu'El Salvador demande à la Chambre dans l:point c) du
paragraphe 170 de sa requêtede 2002 exactement la mêmechose que ce
qu'il avait demandé à la Chambre àl'occasion de l'arrêt de1992~~.Ceci

signifie deux choses : premièrement, que les faits nouveaux inconnus et
d'une importance essentielle « découverts» par El Salvador en 2002
conduisent àdes résultatset des conclusions identiques à ceux auxquels
cette Partie était arrivéeen992 lorsqu'elle ignorait lesdits fa-tils'agit,

pour ainsi dire, de faits nouveaux corroborant de vieilles prétentions
salvadoriennes,de faits nouveaux àla carte-; deuxièmement,quelaPartie
adverse aspire tout simplement àun appel ou une cassation de ce qui a été
décidé en 1992 et non pas àune véritable demande en révision.

4.5 Ceci est confirmé par la construction, ayant présidé à la
demande en révision de 2002, d'autres faits corroborant ou
« contextualisant » les prétendus faits nouveaux, puisque derrière cette

façade se cache, comme il le sera vu dans les sections suivantes, un vrai
déluge de preuves nouvelles qu'El Salvador déverse sur la Chambre,
comme s'il s'agissait d'un nouveau procès sur le fond. Ces preuves, qui ne
relèvent pasde la présente phasede la procédure, mettent en évidence que

la Partieadverse conteste réellement l'arrêtde 1992 et remet en question
son autorité de chosejugée.Le Statut de la Courn'envisageant ni l'appel ni
la cassation, El Salvador tente d'utiliser subrepticement la voie de la
révisionpour arriver à ses fins. Chaque tentative de fournir de nouveaux

éléments depreuve, en marge des faits strictement nouveaux auxquels
l'article61 du Statut fait allusion, doit êtrerejetée sur le fondement de
défaut de pertinence procédurale.

Ig3Requêteen révision, p. 71
184C.I.J.Recueil 1985,p. 195.
Is5C.I.J.Recueil 1992,p. 375. Section II. El Salvador invente une nouvelle catégorie de faits
nouveaux ou d'autres faits » inconnue du Statut de la Cour

4.6 Dans sa demande en révision,El Salvador prétend :

(("38. Although the application is, as the Statute
requires, based entirely on new facts, proper
contextualization necessitates consideration of
otherfactsthat the Chamber weighed and that are

now affected by the newfacts. How can the logic
of an application be conveyed without
establishing the impact ofthe heretofore unknown
facts on the known facts, which rest upon others

that have now been refùted? It would indeed be
difficult to the Court to assessthenewfacts and
allegations without tying them in with the
previous facts and allegations and,basically, with

the evidence introduced in the proceedings.
39. Furthermore, other evidences and proofs exist

that, while not a new fact, were nor taken up in
the proceedings and are useful, even essential,
whether to supplement and confirm thenewfacts
or to better understand them. We will drawupon

those evidences andproofs forthat purpose alone,
never with the intent of misusing or disregarding
the nature of the revision proceeding.It would be
contrary to the nature of things and to legal logic
to introduce thebare, new facts, stripped of their

context or the attendant circumstances that serve
to corroborate, complement and explain them. In
al1events, it will be the Chamber that decides to
either dismiss or accept thenewfacts, andtowhat

extent. »'86

4.7 Lejeu de mots relatif aux "autres" faits qu'El Salvador utilise
dans sa demande en révision ne réussit pas a cacher deux éléments

indiscutables. Premièrement, que les autres faitsauxquels il est fait allusion
ne sont visésni dans la lettre, ni dans l'esprit, ni dans lajurisprudence de la
Cour, comme des faits nouveaux auxquels l'article 61, paragraphe 1, du
Statut fait référence.11est évident que,du fait qu'une demandeen révision
est une exception au principe de l'autorité de la chose jugée, les

dispositions statutaires relatives a la révision doivent êtreégalement

186
Requêteen révision, p. 15.interprétées d'une manière exceptionnelle, c'est-à-dire restrictive.
Deuxièmement, que les références à d'autres faits «to supplement and
confirm the new facts ))et « to corroborate, complement and explain
them ))placent la Partie adverse dans le domaine confus de l'appel ou de la

cassation et, par conséquent, en dehors du terrain exclusif de la révision,
comme le montrent les termes evidences and proofs ».Deplus,cequela
Partie adverse sollicite, c'est que la Chambre agisse procéduralement
contra natura, en mettant en valeur des éléments additionnels aux

prétendus faits nouveaux, de manière àaltérerlaratio decidendi de l'arrêt
de 1992. El Salvadorinsiste en 2002 sur les mêmes raisonnementsque ceux
qui ont été écartés parl'arrêt de laChambre il y a déjàdix ans.

4.8 El Salvador élargit le catalogue restrictif de l'article 61,
paragraphe 1, du Statut de la Courjusqu'à des limites insoupçonnées qui
feraient de la révision unevoie d'appel habituelle et qui nieraient l'autorité

de la chose jugée. Affirmer, comme le fait El Salvador, que la Chambre
doit considérer une liste, allant jusqu'à l'infini, des faits qui
« supplement », « confirm », corroborate », « complement » et
« explain » la ratio decidendi utilisée par la Chambre dans son arrêt de

1992 et que la mêmeChambre doit les prendre en compte aux fins de la
recevabilité dela demande en révision,c'est agir comme si la Cour devait
ignorerson précédent raisonnement.Et ce, au nom du contexte dans lequel
devrait être appréciée l'existenceou non des prétendus faits nouveaux.

4.9 La plupart de ces faits sont regroupés sous le point c) (<The
Historical Evidence » de la sous-section A du chapitre III de la requête

salvadorienne, dans le but de renforcer sa thèse - celle rejetée par la
Chambre en 1992 - de la prétendue embouchure de la rivière Goascoran à
un endroit différent. Troiséléments concretspeuvent êtremis en avant àcet
égard.En premier lieu, la Partie adverse se réfère à des ((evidences » qui

sont scientifiques,techniques ethistoriques, c'est-à-direà desélémentsde
preuve qui ne relèvent pas de la phase actuelle de la procédureet dont le
but exclusif est deconstaterl'existence ou l'absence de faits nouveaux, ce
qui ne peut que conduire à des raisonnements propres à un appel. En

second lieu, la thèse actuelle d'El salvador consiste à argumenter de
nouveau et àréfuterce que la Chambre a décidédans son arrêt,se plaçant
clairement dans le domaine de l'erreur in procedendo ouin iudicando.Elle
sort ainsi délibérémentdu terrain strict de la révision pour avancer

résolument vers l'appel ou la cassation, bien que ces dernières voies de
droit ne soient pas envisagéespar le Statut de la Cour. En troisième lieu,a
Partie adverse sait, sans l'ombre d'un doute, qu'elle présente denouveaux
documents déjàconnus des Parties et de la Chambre au cours de la phase

écrite.Ceci confirme l'affirmation précédente du reproche inprocedendo
ou in iudicando. 4.10 En tout cas, ces « faits contextualisés »- nouveauxouanciens

- méritent uneanalyse individualisée, bien que cettedernièrepuissesusciter
un problème préalable de qualification. Ces faits bigarrés auxquels fait
référence ElSalvador doivent-ils satisfaire aussi aux conditions exigées
pour les faits nouveaux par l'article 61 du Statut, ou bien s'agit-il de
preuves qui ne sont pas soumises auxdites conditions ?Comme cela sera

maintenant vérifié,danslepremier cas, les faits invoquésne satisfont pas à
ces conditions. Dans le second, ils sont irrecevables en matière de révision.

Section III. Analyse critique de chaque « fait » ou preuve invoqué
par El Salvador à l'aune des conditions exigéespar le Statut de
la Cour à l'occasion d'une demande en révision

4.1 1 Déjà dans le fait «contextualisateur » que constitue la
« Scientific Evidence », El Salvador présente une description provenant
d'une source ecclésiastique de l'époque colonialelS7. Cedocument amène
quelques observations critiques. En premier lieu, aprèsune lecture attentive

du document proposépar la Partie adverse, tant dans sa version en anglais
que dans l'original en espagnol, le texte ne prouve absolument rien en ce
qui concerne l'affaire qui nous occupe maintenant, sauf qu'en 1762eutlieu
une inondation de deux petites localités. En second lieu, le texte de

référence fut publié dans un ouvrage datéde 1958 -aux dires de la Partie
adverse - ,ce qui implique que ladite Partie doit prouver quelque chose
qu'elle ne peut en aucun cas prouver, à savoir:

que ladite publication, publique, notoire et susceptible

d'êtreconnue par cette Partie et par toute autre personne
intéressée,n'a pu l'êtreavant la date critique de six mois
avant le 10 septembre 2002 ;
que son contenu a quelque chose à voir avec un fait de

nature à exercer une influence décisive sur la ratio
decidendi de la Chambre dans l'affaire aujourd'hui en
cause ;et
qu'elle était ignoréeet non susceptibled'être connuepar la
Partie qui l'invoque maintenant et par la Chambre.

Evidemment, les trois conditions étantcumulatives,aucuned'elles ne peut
avoir un résultat décisif à ce stade de la procédure.Au surplus, un livre
n'est pas un fait.

187
Requêteenrévision, p.22 et note 6 etAnnexesdocumentaires,vol. 1Annexe
III, p. 89 esuiv. 4.12 Le second « fait »auquel se réfère la Partie adverse s'inscrit
dans le contexte spécifique de la « Technical Evidence »'88.Comme la
Chambre le comprendra immédiatement, ce nouveau fait allégué parEl
Salvador se trouve êtreencore plus incompréhensibleet inacceptable que le

précédent. Simplement parce que dans la présenteaffaireIs9, El Salvador a
l'audace insolite de présenter une prétendue preuve ou un fait obtenu par
des autorités ou des fonctionnaires publics salvadoriens selon une
procédureex parte enjuillet 2002 !Et ce,par des constatations faitessur le

terrain auxquelles s'ajoutent desphotographies aériennes. La Partie adverse
ne voit aucun inconvénient àprésenter devant la Chambre une preuve, un
document ou un fait (qualification qui n'est oséeenaucun cas par la Partie

adverse) obtenu sur leterritoire du Honduras, après leprononcé de l'arrêt
de 1992 auquel l'on doit reconnaître l'autorité de chose jugée. Cela
constitue toutefois une violation manifeste de la souveraineté et de
l'intégrité territoriales dudit Etat, en méconnaissance totale de l'autorité

dudit arrêt. End'autres termes, l'audace de la Partie adverse l'amène
jusqu'au point inadmissible de présenter une preuve obtenue de manière
illicite et frauduleuseeten violation de l'autoritéde chosejugée de la Cour
et de la souveraineté territorialehondurienne.

Ces constatations, activités et la présence physique de
fonctionnaires salvadoriens en territoire hondurien firent bien entendu
l'objet en leur temps d'une note de protestation remise dans le cadrede la

Commission spéciale de démarcation El Salvador-Honduras par le
Président de la Section nationale du Honduras a son homologue de la
Section nationale d'El Salvador, sans que ce dernier nie les faits, ni ne

réussisse à expliquer ce qui s'étaitpassé190C . onfronté a cette réponse, le
Honduras a réagi par une note du 18 février 2003 19'.En réalité,il est
impossible d'expliquer l'inexplicable et ce fait très grave n'aide pas
précisément a conforter le comportement de bonne foi des autorités

salvadoriennes, quipersistaient encore enjuillet de l'année passée, sinon
aujourd'hui, à méconnaître l'autoritéde chosejugée dont est revêtul'arrêt
du 11septembre 1992 et la souverai netéterritoriale du Honduras dans le
secteur du Goascoran. Le Honduras est confiant que la Chambre saura

Is8Requêteen révision, p. 24 et note 10.
189Requêteen révision, Annexes documentaires, vol.1.AnnexeIV,p. 97 etsuiv.
qui, curieusement, n'aété ratifiépearaucuneautorité salvadoriennbeienquela
requête l'attribue expressémentau Gouvernement salvadorien (p.74).
19Les deux notes figurent en Annexes 6et 7 a ces Observations écrites.Le

PrésidentdelaSectionnationaled'ElSalvadorestbien M. OscarRobertoVillaran
Nochez, qui a letitre de Directeur général de la Souverainetet des frontières
comme l'indiquent d'autres annexes. Par exemple, dans les Annexes
documentaires, les Annexes 111et IV mais, d'une manièresignificative, pas
l'Annexe V.
19Annexe 17.apprécieràsajuste valeur la gravité intrinsèquede ce faitillicite contraire
au droit international.

Il convient d'ajouter, en outre, que ces constatations et
photographies manquent de toute pertinence pour prouver quoique cesoit
en matière de révision, c'est-&dire quant à la preuve ou à l'origine d'un

droit. El Salvador chemine de nouveau sur le sentier de l'appel ou de la
cassation, essayant de combattre purement et simplement laratio decidendi
de l'arrêtde 1992.

4.13 Dans le domaine de 1'«Historical Evidence », El Salvador
présente deux annexes déjà connues du contremémoire h~ndurien'~~,
lesquellesnepeuvent donc, en aucun cas, entrer dans la catégorie de faits

nouveaux aux fins de la révision, étant donné qu'elles étaient connue dse la
Partie qui les invoque et de la Cour elle-même.On peut affirmer la même
chose d'autres annexes c~m~lémentaires'~~ui, en aucune manière, ne
peuvent être considérées commedes faits pour la révision et dont

l'intention vise uniquement à constituer de prétendus arguments pour
réfuter et combattre la ratio decidendi de la Chambre, dans une nouvelle
tentative d'appel ou de cassation.

4.14 Les documents qui précèdent sontpurement préparatoires à la
présentation d'un ouvrage sur la géographie hondurienne comme

constituant un fait nouveau'94. Ici, après avoir affirmé que ce livre se
présente comme un fait nouveau aux fins de la révision, El Salvador se
préoccupe expressément d'essayer de prouver que ledit fait satisfait à
quelques-unes des conditions de l'article 61 du Statut - savoir, sa

découverte dans le délai de six mois précédant laprésentation de la
demande en révisionet la preuve de sa diligence- maispas àtouted9'. Rien
n'est dit ici des autres conditions;par exemple, siun livrepeut êtrequalifié

de fait et une opinion doctrinale de fait de natureà exercer une influence
décisiveaux fins de la révision.

4.15 Au regard de la condition de délai de découverte du prétendu

fait nouveau, El Salvador se contente d'affirmer que « Al1the documents
thus far cited have been obtained within the sixth-month period prior to
presentation of this application for revision, as stipulated in Article 61.4 of

the Court's Statute » ]96.Cetteaffirmationest à la foisfausseetinsuffisante.
-
192
193Requête, p. 24, notes 12 et 13 etAnnexes documentaires,AnnexesVetVI.
Requête,p. 25 et 26, notes 14 à 16,Annexes documentaires VI1à X.
19Requête, p.26 à28, etAnnexes documentaires, Annexe XI quireproduitla
« Géographia de Honduras »d'ulises Meza Calix.
195Requêteen révision, p. 27 et 28, par. 65 à69.
196Requêteen révision, p. 27, par. 65.Fausse parce que certains des documents citéspar la Partie adverse avaient
déjà été utilisés dans le contremémoire du Honduras et ne peuvent ainsi

objectivement satisfaire au délai de six mois. Insuffisante parce qu'El
Salvadorneprouvepas son affirmation. Il est trèsdifficilede prouver que
l'ouvrage d'Ulises Meza Caliz, auquel la Partie adverse concède un rôle
indiscutable, qui a été publié en1916et qui figure dans des catalogues, des

archives bibliographiques et de nombreuses bibliothèques publiques et
privées, n'a été découverp tar El Salvador que six mois avant la date
critique du 10septembre 2002. Entre la date de la publication et celle de la
prétenduedécouverte,il n'y apas moins de quatre-vingt-six ans ! De sorte

que la Partie adverse ne prouve pas, et ne peut prouver, la satisfaction du
délaide six mois pour la découverted'un fait nouveau, public et notoire
depuis une date aussi éloignée.Cetteaffirmation insolite est parconséquent
dépourvued'un quelconque fondementjuridique objectif du point de vue

de la preuve. Et ceci est valable tant pour ledit ouvrage que pour les autres
annexes citées, datées de 1926, 1927 et 1934 !,documents également
publics et notoires.

4.16 Quant à la condition de la diligencd9' (« sansqu'ily ait,desa

part, fauteàl'ignorer »), c'est l'explication - pour autantque cettedernière
soit possible - des raisons pour lesquelles El Salvador n'a pu présenter les
« faits »qu'il invoquemaintenant pendant laphase écriteayant donné lieu
à l'arrêt de1992.Ceserait essentiellement pour trois raisons différentes :a)

le prétendusecret absolu desarchives officielles honduriennes, b) laguerre
de 1969 entre El Salvador et le Honduras et c) le conflit interne à El
Salvador.

4.17 L'argumentation salvadorienne n'est pas nouvelle. En effet,
durant la phase orale, un conseilde ce dernier fit allusion àla difficultéde

trouver des preuves deseffectivitésdu fait de la guerre civile existant dans
le pays. La Chambre avait alors affirmé :

« La Chambre comprend toutes les difficultés
qu'a euesEl Salvador pour réunirses preuves du

fait que l'action gouvernementale était entravée
par des actes de violence. Elle ne saurait
cependant présumerqu'un élément de preuvequi
n'est pas disponible aurait, s'il avait étéproduit,

plaidéen faveurde la causedel'une desparties ;
et encore moins ne saurait-elle présumer

197Requête enrévision,p. 27 et28, par. 63. l'existence d'un élémentdepreuve quin'a pas été
produit. »19'

C'est précisémentce que tente ànouveau El Salvador en 2002 :présenter
des éléments de preuve nouveaux et non pertinents sous l'apparence de
faits nouveaux, poursuivant ainsi d'une manière cachée un appel ou une
cassation.

4.18Même s'il n'est paspossible de souscrire intellectuellement à
l'argumentation salvadorienne des faits nouveaux, chacune des raisons
alléguées sera examinée afin de démontrer l'absence de diligence. Au
préalable, il convient de rappeler que la charge de la preuve de ce qui est

affirmé ou prétendu repose sur la Partie qui l'allègue, c'est-à-dire El
Salvador.

4.19 La première raison alléguée est centrée surla thèse hétéroclite
de (la mise sous séquestre ))de tous les documents cités sur la base du
secret absolu des archives nationales honduriennes. Pour tenter de donner

crédit à ce conte fantastique, la Partie adverse en vient même à citer une
conférence académique '99au coursde laquelle un Hondurien faitréférence
àdes ((Colonial Documents of Honduras ».Cette intervention ne prouve
absolument rien. Elle se réfère,du reste, à des documents de l'époque

coloniale, le Honduras étantdevenu indépendant en 1821.La mane uvre
grossièred'El Salvador,digne de plaideurs invétérés,n'explique pas pour
autant comment le secret national a pu empêcherla connaissance et la
consultation de décrets législatifs publiés au Journal officiel (Gaceta

Oficial), distribué par tous les organismes officiels honduriens et à la
disposition lejour mêmede sa publication, depuisplusieurs décennies, du
service d'information de la mission diplomatique d'El Salvador à

Tegucigalpa. Elle explique encoremoins laprésentation seulement en2002
d'Œuvres académiques publiées en 1916 et en 1934, à la portée de toute
personne se rendant dans une librairie ou une bibliothèque durant ces

décennies ;lecolossal secret absolu hondurien aurait dû s'accompagner de
la mise en place dès le premier jour, d'un séquestre total des éditions
complètes de ces deux ouvrages200. Et il est bien connu que les livres
voyagent et, aussitôt connus, ils ne connaissent aucune patrie. Ainsi non

198C.I.J. Recueil 1992, p. 399, par. 63.
199Requêteen révision, p. 28, note 20, Annexes documentaires,AnnexeXII.
200
Assurément,alorsquedansla Requête en révision,p.27,note 19,ilestdit que
l'ouvraged'Ulises MezaCalixaété mystérieusementtrouvéauNicaraguale 17
juillet 2002(lesdélaisexpliquentlemystère),dans l'Annexe XI,p.275,ilestdit
qu'il comporte le sceau de la Bibliothèquedu Congrès du Guatémala, ce qui
prouve quel'ouvrage étaitsusceptibled'êtrc eonnunonseulementauHonduras,
mais encore sur le territoire depays voisins, sauf évidemment à El Salvador.seulement, ils auraient pu avoir été acquis à ces dates par des diplomates
salvadoriens, mais encore ils font, de fait,partie decollectionspubliques et
privées appartenant à diverses personnes ou institutions dans difgrents

pays. Une fois de plus, El Salvador avance une affirmation dont la preuve
s'avère impossible et qui est un affront à l'intelligence.

4.20 De plus, El Salvador étend la thèse du secret absolu des
archives officielles à toutes les archives publiques centre-américaines
commeconséquenced'une prétendue neutralité archivistique (« espèce »
digne de protection compte tenudeson inexistence) découlant de la guerre

de 1969 entre ce pays et le Honduras !La thèse confinea l'absurde et est le
produit d'imaginations fiévreuses.Elle omet le simple fait qu'un particulier
pouvait disposer des documents citéspar la simple acquisition d'un livre
dans une librairie ou la consultation de la Gaceta Oficial. L'affirmation

salvadorienne est dénuéedetout créditpar son défautdevraisemblance et
de sérieuxdans un procès devant la Cour.

4.21 Enfin, au regard de son premier argument, celui des difficultés
que le conflit interne a engendrées pour la détection des preuves,
documents et faits, il convient de noter, pourcommencer,qu'El Salvadora
accepté librement le compromis de 1986 par lequel il soumettait son

différend avec le Honduras a la Cour. Il ne peut donc aujourd'hui aller a
l'encontre de ses propres actes ou tenter de se prévaloir de sa propre
négligence. Ensuite, le conflit interne ayant pris fin en 1992*Oi,il est

impossiblede comprendrecomment la découvertede « faitsnouveaux ))ou
de preuves qu'allègue aujourd'hui cet Etat ne fut pas possible avant le 10
juin 2002. Comment un conflit interne auquel il a été mis un termeen 1992
aurait-il pu prévenir la découverte de faits liés à un procès, à base

historique, jusqu'à la seconde moitié de l'année 2002, soit dix ans plus
tard ? La réponsene peut pas êtrebaséesur la logique. El Salvador formule
une nouvelle fois une affirmation sans aucune preuve qui est un affront à
l'intelligence.

4.22 En conclusion, El Salvador ne prouve pas la découverte des
« faits )>dans le délai de six mois avant la date de la présentation de la

demande en révision ni n'est à mêmede le faire d'une manière objective.
El Salvador tente également de prouver, mais il en est incapable,
l'existence de sapropre diligence dans cette découverte. Il s'ensuit queces
(<faits ))confirmatifs, explicatifs et périphériquesne peuvent ni ne doivent

être prisen compte par la Chambre.

201
Le 16 janvier 1992 ontétésignésle« s AccordsdePaix )deChapultepec,avec
l'assistance du Secrétairegénéraldes Nations Unies et de divers Présidents
américains. 4.23 Au contraire, il est significatif que la condition principale pour
qu'un faitnouveau mérite sa reconnaissancejudiciaire dans une demande
en révision - àsavoir que le fait soit de nature à exercer une influence

décisive» - n'est ni analyséeni justifiée par El Salvador. Aucun des faits
allégués aujourd'hui parEl Salvador n'est, même vaguement, decette
nature : chroniques ecclésiastiques de l'époque coloniale, constatations
obtenues d'une manière illicite eten violation dudroit international, décrets
législatifs anciens sans aucune relation avec le fond et vieux ouvrages

académiques àcaractère géographiquene peuventper se accéderau rang
restrictif de faits nouveaux et décisifs.Les faits ne sont ni nouveauxsauf
l'activité insolitemenéepar le Gouvernement d'El Salvador en territoire
hondurien en juillet 2002 - ,ni décisifs, même pas enapparence. Pour
qu'ils puissent l'être réellement, ils devraientcontenir des titrespour la

preuve de l'uti possidetis dans l'affaire qui nous occupe, en l'espèce
prouver l'origine et l'existence d'un droit.

4.24 Que sont donc ces faits nouveaux ?De prétendus moyens de
preuve, au surplus irrecevables, pour tenter de réfuter l'argumentation

juridique et la ratio decidendi auxquelleslaChambrearecouru en 1992.La
dangereuse et téméraire demande en révision salvadoriennea ,insique cela
aétédémontréprécédemmennt' ,a mêmepas l'apparencede faitsnouveaux
et décisifs. Les documents àl'appui de sa requête,la rédactionidentique et
le mêmecontenu de cette dernière s'efforcent de démontrer l'erreur in

iudicando de la Chambre dans son l'arrèt de 1992 et sont présentésen
complète contrariété avec la solution unanime à laquelle a abouti la
construction judiciaire solidedans le secteurdu Goascoran.Cette décision,
comme on peut le constater, a pris en compte desdocuments que l'on veut
ressusciter aujourd'hui202.Le StatutdelaCour n'envisageant pas l'appel ou

la cassation, El Salvador entend arriverà sesfinsen cachetteenempruntant
la voie manifestement inadaptée de la révision.

Section IV. La charge de la preuve des faits allégués

4.25 Selon un principe généralde droit reconnu, celui qui affirme
l'existence d'un fait en a la charge de la preuve. On l'aéjàconstaté,dans
le cas particulier de la demande en révision,El Salvador doit prouver de
manière cumulative toutes lesconditions suivantes :a)l'existence d'un fait
nouveau de nature à exercer une influence décisive, b) qu'il étaitinconnu

de la Cour lors du prononcé de l'arrêt,c) qu'alors, il était également
inconnu de la partie qui demande la révision etd) que le faitqu'il n'ait pas
été découvert n'étaip tas dû à l'absence de diligence de la partie qui
l'invoque.

202
C.I.J. Recueil 1992, p. 543 à 553, par. 306 à322.4.26 Le résultatatteintpar lajurisprudence de la Cour dans son arrêd te

1985est clair surplusieurs aspects. D'un côté,pour qu'il existe un fait
nouveau d'une importance décisive, il ne suffit pas que ce fait eût pu
altérerla rédaction de l'arrêtou la rendre plus préciseouplus concrète,
il doitégalementêtre"de nature a exercer une influence décisive".Or,

aucun des faits présentés par El Salvador ne revêtun tel caractère ni
n'est pertinent quant au fond de l'affaire ou sa capacitéa en altérerla
ratio decidendi. Comme cela a déjàétéexpliqué auparavant, pour ce
faire, il eût fallu la présentation d'un indispensable "titre". D'un autre

côté,quant a la présenced'une diligence normale et à l'ignorance non
fautive d'un fait nouveau, la Cour s'est prononcée clairement sur
l'obligation de lapartie demanderessed'épuisertous lesmoyens légaux
etcorrects pour obtenirces mêmes renseignements. Ici, onne pourra

que répéter qu'El Salvadorn'a jamais prouvé qu'ilavait épuisé - ni
même initié - les moyens qui lui auraient permis d'avoir la
connaissance diligente des faits qu'il allègueaujourd'hui. Finalement,
la Cour n'entre pas dans la question du délaide six mois parce qu'elle
considère que cela n'est pas nécessaireen l'espèce. Cependant, il ne

peut y avoir aucun doute sur le fait qu'El Salvador n'a, à aucun
moment, prouvéles raisons qui l'ont empêchéde connaître lesdits faits
avant la date fatidique du 10juin 2002, ni mêmene fait sérieusement
allusion à ces dernières. El Salvador n'a pas instruit son procès avec

toute la diligence normale attendue d'un Etat qui présente une demande
en révision. Ainsi, aucune des conditions que doit remplir un fait
nouveau n'existe et, par conséquent, la demande en révision doitêtre
rejetée.

4.27 El Salvador prétend,avec sa demande, se prévaloir de ses
propres erreurs, de sa faute a ignorer lorsde la collectedes documents
et preuves durant la phase écrite,deson faible pouvoir d'investigation

pour tenter d'obtenir une révision de ses intérêtsaux seules fins de
combattre l'autorité dechosejugéede l'arrêt de1992.Personne ne peut
se prévaloir de sa propre négligence. L'article 61, paragraphe 1, du
Statutde la Courenvisage une datecritiquepour l'allégation d'un fait
nouveau : le fait nouveau doit être inconnu de la partie qui demandela

révision avantla date du prononcé de l'arrêt. PourquoE il Salvador ne
connaissait-il pas avant le 11septembre 1992,l'ensemble des faits qu'il
allègue maintenant dans sa demande ? A cause de son incompétence
manifeste, fruit de l'absence de diligence normale pour un Etat engagé

dans une procédurejudiciaire. Qu'El Salvadoroseaffirmer aujourd'hui
qu'il n'aurait pas non plus pu en prendre connaissance avant le 10juin
2002 soulève sérieusement la question de sa bonne foi procédurale. CHAPITREV. RESUME

1. Le Honduras a mis en évidence que la demande en révision d'El
Salvador de l'arrêtdu 11septembre 1992 est artificielle et relève de la
mauvaise foiprocédurale. Elle s'inscrit dans la stratégied'El Salvadorde

créer des obstacles à l'exécutionde l'arrêt.

2. Les conditions pour la recevabilité de la demande en révision sont
cumulatives, limitatives et restrictives car elles mettent en cause la res

judicata d'un arrêtde la Cour. Parmi les cinq conditions posées, seule
celles du dépôt dela demande dans le délaide dix ans a étérespectéein
extremis par El Salvador.

3. El Salvador invoque à tort la découverte d'une copie supplémentairede

laCarta Esférica et du journal de bord de l'expédition du brigantin El
Activo. Le Honduras a démontré qu'ilavait déjà présentés les mêmes
documents lors de l'instruction de l'affaire quiaconduit a l'arrêt de1992et
que les copies présentées par El Salvador comportent seulement des

différences matériellement insignifiantes et sanspertinencejuridique avec
ceux que la Chambre et la Partie adverse ont connu il y a dix ans. De plus,
ils sont de naturea exercer aucune influence décisive sur l'arrêt.

4. El Salvador, en outre, invoque un prétendu fait nouveau qu'une étude

scientifique, technique et historique tente d'établir. Cette« évidence ))
alléguéene démontrepas que la rivièreGoascoran suivait en 1821un autre
cours que celui bien établi etreconnu par l'arrêtde la Chambre, et qu'il
constituaità cettedate la limite administrativeentre les dei# provinces de

la Couronne espagnole.

5. Le Honduras est donc conduit à solliciter de la Chambre le rejet de la
demande en révisiond'El Salvador. CONCLUSIONS

Au vu des faits et argumentsexposés ci-dessus le Gouvernementde
la République du Honduras prie la Chambre de déclarer irrecevable la
demande en révision présentéele 10 Septembre 2002 par El Salvador.

Carlos Lopez Contreras
Agent du Gouvernement de la République du Honduras

1 Avril 2003 LISTE DES ANNEXES

1. Compromis entre El Salvador et le Honduras pour soumettre à la
décisiondela Cour internationale de Justice le différendfrontalier terrestre,
insulaire et maritime existant entre les deux Etats, signé dans la ville
d'Esquipulas (Républiquedu Guatemala), le 24 mai 1986

2. Lettre DSM-23/02 du Ministre des Relations extérieures de la

République du Hondurasau Président du Conseil desécuritéen date du 18
janvier 2002

3. Ministèredes Relations extérieuresde la Républiquedu Honduras.Arrêt
de la Chambre de la Cour internationale de Justice relatif au Différend
frontalier terrestre, insulaire et maritime (El Salvador/Honduras ;

Nicaragua intervenant). Rapport du Gouvernement du Honduras au
Conseil desécuritédesNations Unies sur lesmesures dilatoires injustifiées
relatives a son exécution, le Il janvier 2002

4. Rapport sur le Journal de bord et la cartographie du Golfe d'Amapala
établis en 1794 lors de I'expédition du brigantin El Activo par Luisa

Martin-Meras, chef de la Section de cartographie du Musée mval de
Madrid.

5. Rapport cartographique sur le Journal de bord et la Carta Esféricade
I'expédition du brigantinEl Activo par le contre-amiral en retraite, Juan

Manuel Garcia Moreton, anciendirecteur de l'Institut hydrographique de la
marine (Cadix)

6. Note verbale No073-CEDI2002 du Président dela Section nationale du
Honduras au Président de la Sectionnationale d'El Salvador en date du 7

août 2002

7. Note verbaleNo024du Président dela Sectionnationale d'El Salvador
au Président de la Section nationale du Honduras en date du 30 septembre
2002

8. Certificat de la Bibliothèque nationale de Mexico en date du 10
décembre 2002

9. Lettre du Directeurgénéral desArchives générales dlaNation, Mexico,
N0DG/AHC/2505/2002 en date du 6 décembre2002

10.Certificat de l'Institut panaméricaindegéographie et d'histoire, Mexico
en date du 3 décembre200211.Certificat de Don Fernando Riano Lozano, Amiral, Directeur du Musée
naval de Madrid. 6 novembre 2002

12. Carte 12-E-5conservéeau Muséenaval de Madrid

13.Carte 12-E-5bis conservéeau Muséenaval de Madrid

14. An Assessment of the Report, « Geologic, Hydrologic and Historic
aspects ofthe Goascoran Delta- A basisfor Boundary Determination ))
Submitted By Coastal Environments, Inc., prepared by Assistant Professor
Michael S. Kearney, February 12, 2003.

15.Certificat de Don Fernando Riano Lozano, Amiral, Directeur du Musée
naval de Madrid, en date du 25 février2003, première page du Journal de
bord conservé en entier au Muséenaval de Madrid et Annexe XIII.I.1au

Mémoiredu Honduras du 1"juin 1988« Description du golfede Fonseca
ou Amapala situédans la Mer du Sud.. .dresséepar le Commandant pilote
du « Bergantin Activo »,avec lenom des îles,petites îles, rochesescarpées,
volcans et colline les plus connues, 1794-1796 ))

16.Note verbale No019/03 de la Ministre des Relationsextérieures de la
République d'El Salvador au Ministre des Relations extérieures de la
République du Honduras en date du 20 janvier 2003 et Directives à
appliquer dans la procédure de démarcation de la frontière terrestre
Honduras-El Salvador en date du 16janvier 2003

17.Note verbale No 008-DSM du Ministèredes Relations extérieuresde la
République du Honduras à la Ministre des Relations extérieures de la
Républiqued'El Salvador en date du 18février 2003

Document file FR
Document
Document Long Title

Observations écrites du Gouvernement du Honduras

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