Exposé écrit du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord [traduction]

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1605
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EXPOSE ECRIT DU R OYAUME -U NI DEG RANDE -B RETAGNE

ET D’IRLANDE DU N ORD

[Traduction]

T ABLE DES MATIERES

Pages

I. I NTRODUCTION ........................................................................................................................... 1

II. L’ ORIGINE DE LA DEMANDE D ’AVIS CONSULTATIF .................................................................... 3

A. LcearactŁeiscrØtionnaire du pouvoir de la Cour prØvu à l’article 65 1) de son Statut...... 7

B. La prØsente espŁce est un cas oø la Cour devrait refuser de donner un avis....................... 12

1. Un avis n’aiderait pas l’AssemblØe gØnØ rale à s’acquitter de ses fonctions et

serait probablement prØjudiciable à l’action de l’ONU dans son ensemble ....................12

2. La prØsente affaire porte sur un diffØrend bilatØral..........................................................15

3. Rendre un avis en l’espŁce obligerait à Øtablir certains faits d’une façon qui est
impossible pour la Cour au vu des informations dont elle dispose..................................16

IV. C ONCLUSIONS ........................................................................................................................... 18

I. NTRODUCTION

1.1. Aux termes de son ordonnance du 19dØcembre2003, la Cour a invitØ les Etats à lui

soumettre des exposØs Øcrits relatifs à la dema nde d’avis consultatif sur la question des
Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le Territoire palestinien occupé.

1.2. Le Royaume-Uni a expri1Ø à plusieur s reprises sa position sur la lØgalitØ de la
construction de ce mur par Israºl . Il a votØ en faveur de larØsolutionES-10/13 de l’AssemblØe
gØnØrale, dØposØe par les membres de l’Union europØenne, adoptØe le 21 octobre 2003 par 144 voix

contre 4 avec 17abstentions, et oø il Øtait diau paragraphe1 que l’ AssemblØe gØnØrale « Exige
qu’Israºl arrŒte la construction dumur dans le territoire palestinie n et autour et revienne sur un
projet qui s’Øcarte de la ligne d’armistice de1949et qui est contraire aux dispositions pertinentes

du droit international.»

Le Royaume-Uni s’est prononcØ dans ce sens à la tribune des Nations Unies, et a jouØ son rôle dans
plusieurs dØclarations de l’Union europØenne allant dans le mŒme sens. Les membres du

Gouvernement britannique se sont plusieurs fois pr ononcØs dans le mŒme sens devant le Parlement
de leur pays.

1Le Royaume-Uni utilisera dans le prØsent exterme «mur» tel qu’il est utilisØ dans la demande d’arrŒt
consultatif, sans que cela signifie qu’il es t plus propre ou plus exact que «barriŁre de sØcuritØ», «barriŁre de sØparation»
ou tout autre terme pouvant Œtre employØ. - 2 -

1.3. Si cependant le Royaume-Uni a dØci dØ de prØsenter les observations ci-dessous ― qui
ne traitent que de la question de savoir si la C our doit refuser de rØpondre à cette question en vertu

des pouvoirs qui sont les siens, et nullement sur le fond de la question ―, cela est dß à la grande
importance que donne le Royaume-Uni à ce que la Cour rØaffirme et applique les principes Øtablis
dans sa jurisprudence. D’importantes questions rele vant de l’opportunitØ judiciaire et des droits
fondamentaux des parties se posent ici.

1.4. La demande faite par l’Assembl Øe gØnØrale des NationU s nies dans sa
rØsolutionES-10/14, adoptØe le 8dØcembre 2003, à la reprise de sa dixiŁme session spØciale

d’urgence, s’exprime comme suit :

«L’Assemb glØØneØrale,

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Décide , en vertu de l’article 96 de la Charte des Nations Unies, de demander à la
Cour internationale de Justice, conformØment aux dispositions de l’article 65 du Statut
de la Cour, de rendre d’urgence un avis consultatif sur la question suivante :

«Quelles sont en droit les consØque nces de l’Ødification du mur qu’Israºl,
puissance occupante, est en train de construire dans le Territoire palestinien occupØ, y
compris à l’intØrieur et sur le pourtour de JØrusalem-Est, selon ce qui est exposØ dans

le rapport du SecrØtaire gØnØral, compte tenu des rŁgles et des principes du droit
international, notamment la quatriŁme convention de GenŁve de1949 et les
rØsolutions consacrØes à la question par le Conseil de sØcuritØ et l’AssemblØe
gØnØrale ?»»

1.5. Le Royaume-Uni considŁre que la Cour devrait en l’espŁce exercer le pouvoir que lui
donne l’article65, paragraphe1, de son Statut de refuser de rØpondre à la question posØe dans la
rØsolutionES-10/14. Il estime que la principale prioritØ au Moyen-Orient est de parvenir à un
rŁglement nØgociØ fondØ sur la feuille de route (Nations Unies, doc. S/2003/529) conçue par le

Quatuor composØ par les NationsUnies, l’Unio n europØenne, la FØdØration de Russie et les
Etats-Unis d’AmØrique, et que le Conseil de sØcuritØ a approuvØe dans sa rØsolution1515/2003,
adoptØe à l’unanimitØ le 19novembre 2003, en dØclarant y voir «la vision d’une rØgion dans
laquelle deux Etats, Israºl et la Palestine, vivent côte à côte, à l’intØrieur de frontiŁres sßres et

reconnues».

1.6. Le Royaume-Uni et les autres Etats membres du Quatuor ont prØcisØ que tout avis donnØ

à ce sujet par la Cour serait de na ture à faire obstacle au processus de paix au lieu d’y contribuer.
En outre, la demande d’avis c onsultatif qui a ØtØ faite porte essen tiellement sur un diffØrend entre
deux parties dont l’une n’a manifestement pas acceptØ la compØtence de la Cour. De plus, la Cour
ne saurait s’acquitter de ses fonctions judiciaires en l’espŁce sans se prononcer sur des questions de

fait de caractŁre complexe et sur lesquelles elle ne disposerait pas de l’information nØcessaire.
Enfin, on ne peut dire que son opinion soit nØcessaire pour aider l’AssemblØe gØnØrale à s’acquitter
de ses fonctions.

1.7. Le prØsent exposØ ne traitera de rien d’autre que de ces questions d’opportunitØ
judiciaire. Il sera divisØ en quatre parties. La deuxiŁme rappellera briŁvement les conditions dans
lesquelles a ØtØ faite la demande d’avis consultatif . La troisiŁme exposera les raisons qui, selon le

Royaume-Uni, font que la Cour devrait refuser de rØpondre à la question qui lui a ØtØ posØe. Et la
quatriŁme rØsumera briŁvement les conclusions du Royaume-Uni. - 3 -

II. L’ORIGINE DE LA DEMANDE D ’AVIS CONSULTATIF

2.1. Les lignes qui suivent seront consacrØes aux circonstances dans lesquelles a ØtØ adoptØe
la rØsolution ES-10/14 de l’AssemblØe gØnØrale, qui contient la demande d’avis consultatif adressØe
à la Cour.

2.2. La recherche de la paix au Moyen-Or ient, qui fait partie depuis de nombreuses annØes
des prØoccupations du Conseil de sØcuritØ, a donnØ lieu à l’adoption de plusieurs rØsolutions,

notamment l’importante rØsolution242 (1967), qu i soulignait le caractŁre inadmissible des
acquisitions de territoires par la guerre et affirmait les principes de base à respecter dans tout
rŁglement pacifique, ainsi que la rØsolution 338 (1973), oø le Conseil demandait à toutes les parties
de mettre en œuvre toutes les dispositions de la rØsolution 242 (1967).

2.3. Le Conseil de sØcuritØ a Øgalem ent rØagi en adoptant plus rØcemment les
rØsolutions1397 (2002), 1402 (2002), 1403 (2002), 1405 (2002), 1435 (2002) et1515 (2003) qui

portent sur plusieurs aspects de la situation au Moyen-Orient, mais qui ont pour point commun
d’approuver les efforts du Quatuor (NationsUnies, Union europØenne, FØdØration de Russie et
Etats-Unis d’AmØrique) visant à parvenir à un acco rd nØgociØ fondØ sur l’existence de deux Etats
vivant l’un à côtØ de l’autre dans une paix fondØe sur des frontiŁres sßres et reconnues comme

telles. La feuille de route, que le Quatuor des Na tions Unies a prØsentØe le 30 avril 2003 à Israºl et
à l’AutoritØ palestinienne, est un plan concret pour atteindre progressivement cet objectif.

2.4. Le ReprØsentant permanent de la Syrie auprŁs des Nations Unies, agissant en sa capacitØ
de prØsident du groupe arabe et au nom des pays membres de la Ligue des Etats arabes, a Øcrit le
9octobre2003 au prØsident du Conseil de sØcur itØ pour lui demander de convoquer une rØunion
publique du Conseil qui serait chargØe d’Øtudier et d’adopter les mesures nØcessaires relatives aux

violations du droit international reprochØes à Isr aºl à propos de la construction du mur. A cette
lettre Øtait joint un projet de rØsolution du Conseil.

2.5. Le principal paragraphe c ontenu dans le dispositif de ce pr ojet de rØsolution Øtait rØdigØ
comme suit :

[Le Conseil]

« Décide que la construction par Israºl, puissan ce occupante, d’un mur dans les
territoires occupØs qui s’Øcarte de la ligne d’armistice de1949 est illØgale au regard
des dispositions pertinentes du droit international, qu’elle doit Œtre interrompue et qu’il
faut inverser le processus.»

Le projet de rØsolution ne faisait pas allusion à une demande d’avis consultatif de la Cour.

2.6. Mis aux voix le 14 octobre 2003 aprŁs une pØriode de consultations officieuses, ce projet
de rØsolution a reçu 10 voix pour, 1 contre (Eta ts-Unis d’AmØrique) et 4 abstentions (dont le
Royaume-Uni) et n’a donc pas ØtØ adoptØ en ra ison du vote nØgatif d’un des membres permanents
du Conseil. A aucun moment du dØbat il n’a ØtØ question de l’utilitØ de demander un avis

consultatif à la Cour. - 4 -

2.7. La suite de l’action s’est passØe au sei n de l’AssemblØe gØnØrale, dont le prØsident a
annoncØ le 16 octobre 2003 la reprise de la dixiŁme session extraordinaire d’urgence, laquelle avait

ØtØ convoquØe en vertu de la rØsolution «union pour la paix» du 24 avril 1997, adoptØe à la suite du
veto opposØ à un projet de rØsolution du Conseil de sØcuritØ qui visait la crØation de nouvelles
implantations israØliennes dans les territoires occupØ s. La session a repris le 20 octobre 2003, à la
demande de la Syrie (parlant au nom des pays me mbres de la Ligue des Etats arabes) et de la

Malaisie (au nom du mouvement des pays non alignØs), et deux projets de rØsolution ont ØtØ
prØsentØs: l’un, rØpØtant les termes du projet dont le Conseil de sØcuritØ Øtait dØjà saisi; l’autre,
prØvoyant une demande d’avis consultatif à la Cour.

2.8. La question de la demande d’avis consultatif a ØtØ à peine ØvoquØe à la sØance du
20 octobre 2003, et seuls la Palestine, la Malaisie (s’exprimant au nom du mouvement des pays non
alignØs) et, plus briŁvement, l’Iran et Cuba y on t fait allusion. Aucun des orateurs n’a Ømis de

doute sur l’illØgalitØ du mur (selon eux, dire que le mur Øtait illØgal ne faisait que constater
l’Øvidence), et aucun n’a avancØ de raison pour qu’un avis de la Cour soit utile aux travaux de
l’AssemblØe gØnØrale. Israºl et les Etats-Unis d’AmØrique se sont proposØs contre la demande
d’avis consultatif, et les autres orateurs n’y ont pas mŒme fait allusion.

2.9. Le 21octobre2003, aprŁs des consulta tions prolongØes, les Etats membres de l’Union
europØenne ont prØsentØ un texte de compromis qui a ØtØ adoptØ et qui est devenu la

rØsolution ES-10/13. Il n’y Øtait nulle part question de demander un avis consultatif.

2.10. La rØsolutionES-10/13 a ØtØ adoptØe par 144 voix contre 4, avec 12abstentions. Le
SecrØtaire gØnØral y Øtait priØ d’y donner suite da ns un dØlai d’un mois. DistribuØ en consØquence

le 24 novembre 2003, le rapport du SecrØtaire conc luait qu’Israºl n’avait pas rØpondu à la demande
de l’AssemblØe «d’interrompre la construction du mur et de revenir sur ce projet». Mais il n’y Øtait
pas question de demander un avis consultatif à la Cour, et l’on n’y trouvait pas non plus

d’observation relative au mur qui pßt faire croire à l’utilitØ de demander cette opinion.

2.11. Le 30 novembre 2003, un n ouveau projet de rØsolution a ØtØ prØsentØ à la reprise de la
dixiŁme session extraordinaire d’urgence de l’Asse mblØe gØnØrale. Le texte de cette rØsolution

contenait la question dont la Cour est à prØsent saisi e. Le dØbat qui a eu lieu le 8 dØcembre suivant
a confirmØ que nul ne voyait de difficultØ à appliquer la loi à la question du mur : il n’exprimait que
la dØception ressentie par les membres de l’Assemb lØe gØnØrale en constatant qu’il n’avait pas
encore ØtØ trouvØ de solution politique à cette ques tion. Aucun des Etats favorables au projet de

rØsolution n’a dØclarØ que l’AssemblØe avait besoin de la Cour pour prØciser la situation juridique
et ainsi permettre à l’AssemblØe de s’acquitter de ses fonctions.

2.12. Le dØbat et les rØsultats du vote montrent que l’AssemblØe gØnØrale s’est profondØment
divisØe sur la question de la demande d’avis consultatif. La rØsolution sur ce sujet a ØtØ adoptØe par
90voix contre 8, avec 74 abstentions. Aussi la Cour est-elle invitØe à donner toute l’attention
voulue à l’importance du nombre des Etats ayant vot Ø contre ou s’Øtant abstenus. Parmi les Etats

ayant fait un vote nØgatif, se trouvent l’Australie et l’Ethiopie, ainsi qu’Israºl et les Etats-Unis
d’AmØrique. Parmi les Etats s’Øtant abstenus, les 15 membres du groupe de l’Union europØenne et
autres Etats europØens, de nombreux pays des Caraïbes, plusieurs Etats de l’AmØrique centrale et
de l’AmØrique du Sud, de l’Asie centrale et du Pacifique, ainsi que le Cameroun, le Canada, le

Japon, la Nouvelle-ZØlande, les Philippines, la RØpublique de CorØe, la Russie, Singapour, la - 5 -

Thaïlande et l’Ouganda. Les dØclarations faites par l’Union europØenne, la Russie, l’Ouganda et
les Etats-Unis au cours du dØbat, et celles faites par le Royaume-Uni, le Canada, la Suisse et

Singapour en explication de vote, montrent qu’une grande partie du Cons eil de sØcuritØ Øtait
opposØe à cette demande d’avis ou refusait de la soutenir.

2.13. AprŁs le vote, oø le Royaume-Uni s’est abstenu, son reprØsentant s’est exprimØ comme

suit :

«Nous considØrons que le fait de demander un avis cons ultatif à la Cour sans
l’assentiment des deux parties est inappropriØ. Il est en outre improbable que cet avis

soit susceptible de rØgler le problŁme sur le terrain. L’AssemblØe gØnØrale n’a pas
vØritablement besoin d’un avis consu ltatif dans ce cas pour s’acquitter de ses
fonctions. Elle a dØjà dØclarØ que ce mur Øtait illØgal. Le Royaume-Uni a d’ailleurs

votØ en faveur de cette rØsolution… Le fa it de demander un avis consultatif n’aidera
en aucun cas les deux parties à relancer le dialogue politique si nØcessaire, et la mise
en œuvre de la feuille de route devrait constituer une prioritØ.»

2.14. Le reprØsentant de l’Italie, parlant au nom de l’Union europØenne, des dix Etats qui
doivent y entrer en mai2004 et de neuf autres Etats europØens, a dØclarØ que la demande d’avis

consultatif n’Øtait pas judicieuse et n’aiderait p as les efforts des deux parties pour relancer un
dialogue politique.

2.15. D’autres Etats membres du Quatuor se sont exprimØs dans le mŒme sens. Le
reprØsentant de la FØdØration de Russie a affirm Ø que l’action politique avait plus d’importance
qu’un avis juridique :

«Nous croyons comprendre que les auteurs du projet de rØsolution ont cherchØ à
Øtudier les retombØes juridiques de la cons truction du mur. Mais, politiquement, une
telle approche marque l’acceptation de la situation actuelle par la communautØ
internationale. Nous sommes convaincus qu’à l’Øtape actuelle, tous les efforts doivent

exclusivement viser à stopper la construction du mur et à le dØtruire. C’est ce
qu’exigent la rØsolution1515 (2003) du C onseil de sØcuritØ et la rØsolutionES-10/13
de l’AssemblØe gØnØrale. Et telle est la position fermement dØ fendue par tous les
membres du Quatuor des mØdiateurs internationaux.»

2.16. Le reprØsentant des Etats-Unis d’AmØrique s’est prononcØ comme suit :

«La communautØ internationale est depuis longtemps consciente que le
rŁglement du conflit passe par une solution nØgociØe, ainsi que le demandent les
rØsolutions242 (1967) et338 (1973) du C onseil de sØcuritØ. Cela a ØtØ indiquØ

clairement aux parties dans les principes arrŒ tØs par la confØrence de paix de Madrid
de1991. Faire intervenir la Cour intern ationale de Justice dans ce conflit est
incompatible avec cette approche et pourrait, en fait, retarder la solution des deux
Etats et avoir une influence nØgative sur la mi se en œuvre de la feuille de route. En

outre, saisir la Cour internationale de Jus tice de cette question risque d’entraîner une
politisation de cet organe. Cela ne ferait pas progresser la capacitØ de la Cour de
contribuer à la sØcuritØ mondiale, ni les perspectives de paix.»

2.17. Le Royaume-Uni a remarquØ les dØclara tions faites par les reprØsentants de l’Ouganda

et de Singapour, Etats membres du mouvement des pa ys non alignØs, qui Øtaient prŒts à renoncer à
voter comme les autres membres de ce mouvement par Øgard pour les travaux de la Cour. Le
reprØsentant de l’Ouganda a notamment dØclarØ : - 6 -

«La solution rØside dans un rŁglement nØgociØ entre les deux parties. C’est
pourquoi nous pensons que porter l’affaire devant la Cour in ternationale de Justice ne

servira guŁre la cause de la paix. Nous de vons Øviter de politiser la Cour, afin de ne
pas entacher son impartialitØ et sa crØdib ilitØ. De plus, s’en remettre à la Cour
internationale de Justice reviendrait à rechercher le forum le plus favorable, alors qu’il
existe dØjà un mØcanisme dans le cadre de la feuille de route, conduite par le Quatuor,

pour traiter cette question.»

Et le reprØsentant de Singapour, expliquant l’abstention de cet Etat, s’est exprimØ comme
suit :

«Nous n’appuyons pas les mesures prises par Israºl dans l’Ødification de ce mur.
Nous avons cependant quelques rØserves à propos de l’idØe de demander un avis
consultatif de la Cour internationale de Ju stice en ce qui concerne le mur israØlien car

cela risque d’avoir des rØpercussions qui nous prØoccupent. En tant que petit Etat,
nous nous en remettons à l’intØgritØ du droit international, dont la Cour internationale
de Justice est l’un des piliers les plus importants. Nous n’estimons pas qu’il soit
appropriØ d’associer ainsi la Cour internati onale de Justice au diffØrend. Ce dernier

porte sur des dØlimitations territoriales. Il doit Œtre rØglØ par la voie de nØgociations
entre les parties concernØes ou à la suite d’une dØcision contraignante prise par un
tribunal international appropriØ, comme la C our internationale de Justice… Si l’on
cherche à obtenir un avis consultatif de la C our internationale de Justice, cela doit Œtre

pour faciliter les travaux de l’AssemblØe gØnØrale.»

2.18. Enfin, le reprØsentant de la Suisse a dit en expliquant l’abstention de son pays :

«Concernant le projet de rØsoluti on visant à soumettre la question des
consØquences lØgales du mur à la Cour internationale de Justice, la Suisse s’est

abstenue malgrØ son attachement au droit in ternational…elle ne juge en effet pas
opportun, dans les circonstances actuelles, de recourir à une instance juridique pour
aborder un thŁme oø prØdominent des implications hautement politiques.» - 7 -

III. LA C OUR DEVRAIT REFUSER DE REPONDRE A LA QUESTION POSEE

A. L E CARACTERE DISCRETIONNAIRE DU POUVOIR DE LA C OUR PREVU

A L ’ARTICLE 65 1) DE SON S TATUT

3.1. C’est de l’article 65, paragraphe 1, de son Statut que la Cour tient le pouvoir de rendre
des avis consultatifs, et cette disposition fait de ce pouvoir une fonction de caractŁre facultatif et
non pas obligatoire. Face aux demandes d’avis consu ltatif, la Cour a affirmØ à plusieurs reprises

qu’il lui appartient d’y rØpondre ou non. Dans l’affaire de l’ Interprétation des traités de paix , par
exemple, elle s’est exprimØe ainsi: «L’article65 du Statut est permissif. Il donne à la Cour le

pouvoir d’apprØcier si les circonsta nces de l’espŁce sont telles qu’e lles doivent la dØterminer à ne
pas rØpondre à une demande d’avis… La Cour possŁde à cet Øgard un large pouvoir
2
d’apprØciation.»

3.2. De mŒme, dans l’affaire du Sahara occidental, la Cour a dØclarØ à propos du pouvoir
discrØtionnaire qu’elle tient de l’article 65 :

«Dans l’exercice de ce pouvoir discrØtionnaire, la Cour internationale de Justice,
de mŒme que la Cour permanente de Justice internationale, a toujours suivi le principe

selon lequel, en tant que corps judiciaire, elle doit rester fidŁle aux exigences de son
caractŁre judiciaire, mŒme lorsqu’elle rend d es avis consultatifs. S’il lui est posØ une
question juridique à laquelle elle a incont establement compØtence pour rØpondre, elle

peut nØanmoins refuser de le faire. Comme la Cour l’a dØclarØ dans des avis
consultatifs antØrieurs, le caractŁre permissif de l’article 65, paragraphe 1, lui donne le

pouvoir d’apprØcier si les circonstances de l’espŁce sont telles qu’elles doivent la
dØterminer à ne pas rØpondre à une demande d’avis.» 3

Et la Cour a adoptØ la mŒme position dans d’autr es affaires d’avis consultatif (voir par exemple
Jugements du Tribunal administratif de l’OIT sur requêtes contre l’UNESCO , Fasla , Mortished , 5 6
7 8
Mazilu et Cumaraswamy ).

3.3. C’est dans le cadre de ce pouvoir discrØtionnaire que se pose la question de l’opportunitØ
de la fonction judiciaire. Et la Cour a dØclarØ à plusieurs reprises qu’il y a des limites inhØrentes à
9
cette fonction , et que ces limites apparaissent plus par ticuliŁrement lorsqu’il s’agit de questions

2
Avis consultatif du 30mars1951, C.I.J. Recueil 1950, p.72. Voir aussi les avis consultatifs Réserves à la convention
pour la prévention et la répression du crime de génocide , C.I.J. Recueil 1951, p.19, eCertaines dépenses des
Nations Unies, C.I.J. Recueil 1962, p. 155.
3
C.I.J. Recueil 1975, p. 21.
4
«La Cour est un corps judiciaire et, dans l’exercice de sa fonction consultative, elle doit re ster fidŁle aux exigences de
son caractŁre judiciaire. Cela est-il possible dans le cas prØsent ?» C.I.J. Recueil 1956, p. 84.
5
«Il faut noter toutefois que l’article65 du Stde la Cour est permissif et que, en vertu de ce
texte, le pouvoir que la Cour possŁde de donner un avis consultatif a un caractŁre discrØtionnaire. Dans
l’exercice de ce pouvoir discrØtionnaire, la Cour atoujours suivi le principselon lequel, en tant
qu’organe judiciaire, elle doit rester fidŁle aux exigences de son caractŁre judiciaire, mŒme lorsqu’elle
donne des avis consultatifs.» C.I.J. Recueil 1973, p. 175, par. 24.

6C.I.J. Recueil 1982, p. 34 et suiv.
7
C.I.J. Recueil 1989, p. 190 et suiv.
8
C.I.J. Recueil 1999, p. 78.
9 o
Voir, entre autoes, les affaires Zones franches, C.P.J.I. série A/B n 46, 1932, p.161; Statut de la Carélie orientale ,
C.P.J.I.série B n5, 1923, p.29; Essais nucléaires, C.I.J. Recueil 1974, p.271 et476-477, et Cameroun septentrional,
C.I.J. Recueil 1963, p. 30. - 8 -

qui pourraient faire douter du caractŁre judiciaire du rôle jouØ par la Cour. Entrent dans cette
catØgorie, par exemple, les dØcisions qui seraient «dØpourvues d’objet ou de but» 10, ou «ØloignØes
11 12
de la rØalitØ» , ou effectivement inapplicables . Comme l’a dit la Cour dans l’affaire du
Cameroun septentrional : «Si la Cour devait poursuivre l’affaire et dØclarer toutes les allØgations
du demandeur justifiØes au fond, elle n’en sera it pas moins dans l’impossi bilitØ de rendre un arrŒt
13
effectivement applicable.»

Bien que la derniŁre de ces affaires fßt de caract Łre contentieux, la Cour a soulignØ que toutes ces

considØrations relatives au pouvoir judiciaire s’a ppliquaient Øgalement à l’exercice de la fonction
consultative .14

3.4. Bien entendu, la Cour a prØcisØ que, Øtant le principal organe judiciaire des

Nations Unies, elle devait normalement donner son avis sur une qu estion d’ordre juridique lorsque
cela lui Øtait demandØ par un organe compØtent (ou une institution spØcialisØe) des Nations Unies.
Dans l’affaire de l’ Interprétation des traités de paix , par exemple, la Cour s’est exprimØe comme

suit : «la rØponse constitue une participation de la Cour, elle-mŒme «organe des Nations Unies», à
l’action de l’Organisation et, en principe, elle ne devrait pas Œtre refusØe» . 15

Et plus rØcemment encore, dans son avis facultatif sur la Licéité de la menace ou de l’emploi
d’armes nucléaires , la Cour, citant ses prises de position dans plusieurs affaires antØrieures, a

affirmØ que seules des «raisons contraignantes» pou vaient l’amener à refuser de donner16n avis
lorsque cela lui Øtait demandØ par un organe ou une institution compØtente . Parmi les vingt-trois
demandes d’avis consultatif sur lesquelles la Cour a eu à se pencher jusqu’à aujourd’hui, il n’y en a

aucune oø elle ait trouvØ des rais ons de ce genre (alo rs que la Cour perm anente de Justice
internationale avait refusØ de rØpondre à la ques tion qui lui Øtait posØe dans l’affaire de la Carélie
orientale).

3.5. La question est donc de savoir ce que pe uvent Œtre des «raisons contraignantes». Et,

selon le Royaume-Uni, la rØponse à cette question se trouve dans trois ØlØments de la jurisprudence
Øtroitement liØs entre eux.

3.6. PremiŁrement, la Cour a toujours affirmØ que sa fonction consultative a pour but de faire

en sorte que les autres organes des Nations Unies (et leurs institutions spØcialisØes) puissent
recevoir de la Cour les prØcisions d’ordre juridique qui leur sont nØcessaires pour mener à bien
leurs activitØs. Dans l’affaire des Réserves, par exemple, la Cour a dØclarØ : «L’objet de la prØsente
17
demande d’avis est d’Øclairer les Nati onsUnies dans leur action propre.» . De mŒme, dans
l’affaire de la Namibie :

10
Sahara occidental, C.I.J. Recueil 1975, p. 37.
11Cameroun septentrional, C.I.J. Recueil 1963, p. 33.

12Cameroun septentrional, C.I.J. Recueil 1963, p. 33.
13
Cameroun septentrional, C.I.J. Recueil 1963, p. 33.
14
Cameroun septentrional, C.I.J. Recueil 1963, p. 30.
15C.I.J. Recueil 1950, p. 71.

16C.I.J. Recueil 1996, p. 235, par. 14.

17C.I.J. Recueil 1951, p. 19. - 9 -

«Il s’agit d’une requŒte prØsentØe par un organe des Nations Unies, à propos de
ses propres dØcisions, en vue d’obtenir de la Cour un avis juridique sur les
consØquences et les incidences de ces dØcisions. C’est cet objectif que souligne le

prØambule de la rØsolution sollicitant l’avis , oø le Conseil de sØcuritØ indique «qu’un
avis consultatif de la Cour internationale de Justice serait utile au Conseil de sØcuritØ
pour continuer à examiner la question de Na mibie et pour la rØalisation des objectifs

recherchØs par le Conseil». Il convient de rappeler que, dans son avis consultatif sur
les Réserves à la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide,
la Cour a dit.» 18

Et, dans l’affaire du Sahara occidental : «l’avis consultatif que rendra la Cour en l’espŁce fournira
à l’AssemblØe gØnØrale des ØlØments de caractŁre juridique qui lui seront utiles quand elle traitera à
19
nouveau de la dØcolonisation du Sahara occidental» .

3.7. Tous ces cas, ainsi que les autres avis consultatifs rendus à cette date, ont quelque chose

en commun: c’est que la Cour considØrait que so n avis Øtait de nature à faire une contribution
positive au travail de l’organe demandeur et de l’Organisation des NationsUnies dans son
ensemble. Mais le contraire n’est pas moins vrai : si la Cour estime que son avis aurait peu de

chances d’aider l’organe demandeur, et plus encore si elle considŁre qu’il aurait un effet nØgatif sur
l’action des Nations Unies dans leur ensemble, el le doit exercer son pouvoir discrØtionnaire de ne
pas donner d’avis.

3.8. Il est vrai que, dans le cas particulier de l’affaire de la Licéité de la menace ou de

l’emploi d’armes nucléaires, la Cour a ØvitØ de se pencher sur la raison pour laquelle son avis Øtait
demandØ, au motif que c’Øtait à l’organe demandeur de dØcider s’il avait ou non besoin d’un avis
consultatif . Cependant, la question de savoir s’il exis te des raisons contraignantes pour que la

Cour ne donne pas d’avis quand cela lui est dema ndØ est forcØment une question à laquelle seule la
Cour elle-mŒme peut rØpondre. Si donc il y a da ns tel ou tel cas de bonn es raisons pour que la
Cour estime que son avis serait sans utilitØ, voire dommageable à l’action des NationsUnies, ce

sont là des considØrations dont la Cour doit tenir compte pour dØcider si elle doit exercer le pouvoir
discrØtionnaire que lui donne l’artic le65, paragraphe1, de son St atut mŒme si ce n’est qu’en de
rares occasions que la Cour conclura qu’il y a su ffisamment de raisons pour qu’elle dØcide de ne

pas donner suite à la demande qui lui a ØtØ faite.

3.9. DeuxiŁmement, la Cour a bien prØcisØ que sa fonction consultative ne doit pas servir à
contourner l’obligation du consentement des par ties à tout diffØrend rØpondant aux caractŁres
essentiels de sa compØtence en matiŁre contentieuse ―en d’autres termes, que sa fonction

consultative ne doit pas Œtre un moyen dØtournØ de lui faire exercer sa compØtence obligatoire dans
les questions qui portent sur des diffØrends de fond entre deux parties. C’est la Cour permanente de
Justice internationale qui a la premiŁre formulØ ce principe dans l’affaire de la Carélie orientale . 21

MŒme si, dans ce cas, la dØcision de ne pas donner un avis tenait compte du fait que la Russie, qui
Øtait l’une des parties au diffØrend, n’Øtait pas alor s membre de la SociØtØ des Nations, et la Cour a
par la suite soulignØ toute l’importance de ce principe dans son sens le plus large.

18C.I.J. Recueil 1971, p. 24, par. 32.
19
C.I.J. Recueil 1975, p. 37, par. 72.
20
C.I.J. Recueil 1996, p. 237, par. 16.
21C.P.J.I. série B n 5. - 10 -

3.10. Dans l’affaire de l’ Interprétation des traités de paix , par exemple, la Cour s’est
exprimØe ainsi à propos de l’affaire de la Carélie occidentale :

«[la Cour permanente] a dØclarØ qu’il lui Øtait impossible d’exprimer un avis,
estimant que la question qui lui avait ØtØ posØe, d’une part, concernait directement le
point essentiel d’un diffØrend actuellement nØ entre deux Etats de sorte qu’y rØpondre

Øquivaudrait en substance à trancher un diffØ rend entre les parties, et, d’autre part22
soulevait des points de fait qui ne pouvaient Œtre Øclaircis que contradictoirement».

La Cour a rØaffirmØ ce principe dans l’affaire du Sahara occidental, oø, aprŁs avoir citØ l’affaire
des Traités de paix, elle s’exprimait dans ces termes :

«La Cour a ainsi reconnu que le dØfaut de consentement pourrait l’amener à ne
pas Ømettre d’avis si, dans les circonsta nces d’une espŁce donnØe, des considØrations
tenant à son caractŁre judiciaire impo saient un refus de rØpondre. Bref, le

consentement d’un Etat intØressØ conserve son importance non pas du point de vue de
la compØtence de la Cour mais pour a pprØcier s’il est opportun de rendre un avis
consultatif.

Ainsi le dØfaut de consentement d’un Etat intØressØ peut, dans certaines
circonstances, rendre le prononcØ d’un avis cons ultatif incompatible avec le caractŁre

judiciaire de la Cour. Tel serait le cas si les faits montraient qu’accepter de rØpondre
aurait pour effet de tourner le principe selon lequel un Etat n’est pas tenu de soumettre
un diffØrend au rŁglement judiciaire s’il n’est pas consentant. Si une telle situation

devait se produire, le pouvoir discrØtionnaire que la Cour tient de l’article65,
paragraphe1, du Statut fournirait des moyens juridiques suffisants pour assurer le
23
respect du principe fondamental du consentement à la juridiction.»

Il en va de mŒme dans l’affaire Mazilu, oø la Cour s’est ainsi exprimØe: «Toutefois, mŒme si le
dØfaut de consentement de la Roumanie à la prØs ente procØdure ne peut avoir aucun effet sur la

compØtence de la Cour, c’est là une question qui doit Œtre examinØe pour dØterminer s’il est
opportun que la Cour donne un avis.» 24

3.11. La Cour a affirmØ à plusieurs repri ses que «l’un des principes fondamentaux de son
Statut est qu’elle ne peut se prononcer sur un diffØrend opposant des Etats que si ceux-ci consentent
25
à l’exercice de sa compØtence» . Le fait de recourir à sa compØtence consultative pour contourner
ce principe serait donc parfaitement contraire aux considØrations d’opportunitØ judiciaire exprimØes

par la Cour dans l’affaire du Sahara occidental. Il est mŒme plus important aujourd’hui qu’à
l’Øpoque de la Cour permanente de Justice de vØ rifier si tel n’est pas le but rØel d’une demande
d’avis consultatif, car, à cette Øpoque, la pratique de l’unanim itØ au sein du Conseil Øtait un

obstacle qui n’existe pas dans le cas des Nations Unies, oø i26suffit d’obtenir une majoritØ à
l’AssemblØe gØnØrale pour qu’une demande soit faite à la Cour .

22
C.I.J. Recueil 1950, p. 72.
23C.I.J. Recueil 1975, p.25, par.32-33. Voir aussi l’avide la Cour dans l’affaire de Namibie, C.I.J. Recueil 1971,

p. 24, par. 33-34.
24C.I.J. Recueil 1989, p. 190-191, par. 37. L’allusion au prØcØdent de la Carélie orientale qui est faite dans l’avis de la
Cour sur la Licéité de la menace ou de l’ emploi des armes nucléaires, C.I.J. Recueil 1996, p.235, par.14, ne porte que

sur le fait que la Russie n’Øtait pas à l’ Øpoque membre de la SociØt Ø des Nations. Quant à la question du principe plus
gØnØral formulØ dans les affaires des Traités de paix, du Sahara occidental et Mazilu, elle ne se posait pas en l’espŁce, et
la Cour ne l’a pas abordØe.
25Timor oriental, C.I.J. Recueil 1995, p. 101, par. 26.

26Voir S. Rosenne, The Law and Practice of the International Court, 1920-1996 (1997), vol. I, p. 293-5. - 11 -

3.12. Il est vrai que, par la suite, la Cour a dØcidØ, dans l’affaire du Sahara occidental, de ne

pas refuser de rØpondre à la question que lui posai t l’AssemblØe gØnØrale bien qu’il y eßt un
diffØrend entre le Maroc et l’Espagne. Mais elle a bien prØcisØ qu’elle n’entendait pas abandonner
ou affaiblir le principe gØnØral qui veut que sa compØtence en matiŁre consultative ne puisse servir

de moyen de l’entraîner dans ce qui serait en fait un diffØrend entre deux ou plus de deux parties
sans que celles-ci aient acceptØ la compØtence de la Cour. Au contraire, elle a rØaffirmØ le principe
gØnØral (voir plus haut, par.3.10) en expliqua nt comme suit pourquoi il ne s’appliquait pas en
l’espŁce: «Il existe dans la prØsente affaire une controverse juridique, mais c’est une controverse

qui a surgi lors des dØbats de l’A ssemblØe gØnØrale et au sujet de problŁmes traitØs par elle. Il ne
s’agit pas d’une controverse nØe indØpendamment, dans le cadre de relations bilatØrales.» 27

Quant à l’exception du Sahara occidental au principe de caractŁre gØnØral, elle n’a qu’un caractŁre
limitØ, et qui s’explique facilement par la faç on dont le problŁme de la dØcolonisation et de
l’autodØtermination du Sahara occidental s’Øtait posØ à l’AssemblØe gØnØrale entre les annØes 1958

et 1974. Elle ne signifie pas qu’un diffØrend opposant deux parties puisse devenir le sujet d’un avis
consultatif pour la seule ques tion qu’elle soulŁve des problŁmes qui ont ØtØ examinØs (fßt-ce en
dØtail) par l’AssemblØe gØnØrale.

3.13. TroisiŁmement, la Cour a soulignØ la difficultØ que pouvait poser une affaire de
juridiction consultative oø se poseraient de diffic iles questions de fait. Comme l’a dit la Cour

permanente dans l’affaire de la Carélie orientale :

«La Cour ne saurait aller jusqu’à dire qu’ en rŁgle gØnØrale une requŒte pour avis
consultatif ne puisse impliquer une vØrificati on de faits; mais, dans des circonstances

ordinaires, il serait certainement utile que les faits sur lesquels l’avis de la Cour est
demandØ fussent constants: le soin de les dØterminer ne devrait pas Œtre laissØ à la
Cour elle-mŒme.

La Cour se rend compte qu’elle n’est pas invitØe à trancher un diffØrend, mais à
donner un avis consultatif. Cependant , cette circonstance ne modifie pas

essentiellement les considØrations ci-dessus. La question posØe à la Cour n’est pas de
droit abstrait, mais concerne directement le point essentiel du conflit entre la Finlande
et la Russie, et il ne peut y Œtre rØpondu qu ’à la suite d’une enquŒte sur les faits qui
sont à la base de l’affaire. RØpondre à la question Øquivaudrait en substance à trancher

un diffØrend entre les parties. La Cour, Øtant une Cour de Justice, ne peut pas dØpartir
des rŁgles essentielles qui dirigent son activitØ de tribunal, mŒme lorsqu’elle donne des
avis consultatifs.» 28

3.14. Il serait contraire à toute notion de sag esse judiciaire que la Cour entreprenne de
donner un avis consultatif sur l’application des pr incipes juridiques à des situations de fait sur
lesquelles il n’y a pas d’accord entre les parties et qui ne peuvent Œtre apprØciØes dans les
conditions qu’exige l’exercice de la justice. Comme elle l’a dit dans l’affaire du Sahara

occidental : «Il s’agit donc de savoir si la Cour dispose de renseignements et d’ØlØments de preuve
suffisants pour Œtre à mŒme de porter un jugement sur toute question de fait contestØe et qu’il lui
faudrait Øtablir pour se prononcer d’une maniŁre conforme à son caractŁre judiciaire.» 29

27C.I.J. Recueil 1975, p. 25, par. 34.
28 o
C.P.I.J. série B n 5, p. 28-29.
29C.I.J. Recueil 1975, p. 28-9, par. 46. - 12 -

B. L A PRESENTE ESPECE EST UN CAS OU LA C OUR DEVRAIT REFUSER DE DONNER UN AVIS

3.15. Il rØsulte de l’analyse faite ci-dessus qu’ il existe des raisons majeures pour que la Cour
refuse de donner un avis dans les cas suivants :

i) si l’avis demandØ ne sera pas une explicita tion pouvant Œtre utile à l’organe demandeur, et
plus encore si l’avis demandØ risque d’Œtre nuisible à l’action des Nations Unies;

ii) si la question sur laquelle un avis est de mandØ est une question qui constitue le fond d’un

diffØrend entre deux parties et que l’une de ce lles-ci n’accepte pas que la Cour exerce sa
compØtence;

iii) si la question ne peut avoir de rØponse san s certaines recherches sur les faits et que les

ØlØments prØsentØs à la Cour ne sont pas de nature à lui permettre de parvenir à une
conclusion satisfaisante sur ces faits.

3.16. Le Royaume-Uni considŁre que la prØsente affaire relŁve de ces trois catØgories.

1. Un avis n’aiderait pas l’Assemblée généra le à s’acquitter de ses fonctions et serait
probablement préjudiciable à l’action de l’ONU dans son ensemble

3.17. Il Øtait fait allusion plus haut à la pos ition prise par la Cour dans l’affaire de la Licéité

de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires en dØclarant qu’elle ne contesterait pas
normalement la position de l’organe demandeur sur la question de savoir si l’avis de la Cour Øtait
nØcessaire pour l’activitØ de cet organe 3. Cependant la prØsente affaire a ceci de particulier,

qu’elle concerne directement d’autres organes princi paux des Nations Unies. Alors en effet que la
demande provient d’une session extraordinaire d’ urgence de l’AssemblØe gØnØrale convoquØe en
vertu de la rØsolution «union pour la paix» 31, la situation au Moyen-Orient, dont fait partie la
question palestinienne, relŁve es sentiellement des responsabilitØs du Conseil de sØcuritØ dans le

domaine du maintien de la paix internationale et de la sØcuritØ.

3.18. Lorsque la Cour, en sa qualitØ d’organe principal des Nations Unies, s’acquitte de ses

fonctions de juridiction consultative, sa responsabilitØ n’est pas limitØe à l’organe qui lui en a fait la
demande, mais s’Øtend à l’ensemble des Nations Unies. Il s’ensuit donc que la Cour, en se
demandant si un avis de sa part aurait des c onsØquences positives ou nØgatives, ne devrait pas en

l’espŁce se contenter de songer aux effets possibl es que cet avis pourrait avoir sur l’AssemblØe
gØnØrale, mais envisager l’e ffet plus gØnØral qu’il pourrait a voir sur l’action gØnØrale des
NationsUnies, et plus particuliŁrement sur cel le de l’organe particu liŁrement responsable du
maintien de la paix internationale et de la sØcuritØ, c’est-à-dire du Conseil de sØcuritØ.

3.19. Or, le Conseil de sØcuritØ est loin d’Œtre restØ inactif ces derniers temps sur la question

du Moyen-Orient. Comme il Øtait indiquØ aux paragraphes 2.2 à 2.6 ci-dessus, et mŒme s’il est vrai
qu’un projet de rØsolution sur le mur israØlien s’est heurtØ à un veto le 14 octobre 2003, le Conseil
a nØanmoins adoptØ plusieurs rØsolutions sur ce suje t, et tout rØcemment encore la rØsolution 1515
(2003) du 19novembre2003, qui, adoptØe à l’unanimitØ , fait suite aux manifestations de soutien

que le Conseil de sØcuritØ a plusieurs fois donnØes (notamment par sa rØsolution 1435 (2002)) aux
efforts du Quatuor pour obtenir l’accord d’Israºl et de l’AutoritØ palestinienne à un plan de paix

30
Voir plus haut, par. 3.8.
31
Voir plus haut, par. 2.7 à 2.12. - 13 -

pratique et à sa mise en œuvre. Dans cette rØsolution1515 (2003), le Conseil a donnØ son

approbation à la feuille de route (c’est-à-dire au plan de paix proposØ par le Quatuor au dØbut de la
mŒme annØe) et appelØ Israºl et l’AutoritØ palestinienne à s’acquitter des obligations qui en
dØcoulent pour l’un et l’autre.

3.20. La feuille de route prØvoit un certain nombre de mesures pratiques à prendre
progressivement par Israºl et par l’AutoritØ palestinienne. Parmi ces mesures, figurent des mesures

à prendre immØdiatement en matiŁre de sØcuritØ, pa r lesquelles l’AutoritØ palestinienne dØclarerait
sa volontØ sans Øquivoque de mettre fin à la violen ce et aux attaques terrori stes visant Israºl et
prendrait des efforts visibles pour s’opposer aux au teurs et aux organisateurs des attaques contre

Israºl et les IsraØliens. Israºl, de son côtØ, s’e ngagerait à ne rien faire pour nuire à la confiance des
parties et entreprendrait un retrait progressif des zones placØes jusque-là sous le contrôle de
l’AutoritØ palestinienne. Des efforts ultØrieurs aboutiraient enfin à un Øtat de choses permanent et

acceptØ par les deux parties qui 32rmettrait de rØsoudre les problŁmes tels que celui de JØrusalem et
celui des colonies israØliennes .

3.21. Manifestement, le Conseil de sØcuritØ est d’avis que la feuille de route, par son
caractŁre ØquilibrØ et l’importance qui y est don nØe aux nØgociations, offre la meilleure chance de
parvenir à une solution pacifique de la situation au Moyen-Orient. Cela n’a pas ØtØ contestØ par

l’AssemblØe gØnØrale. Du reste, et quel que soit le rôle assumØ par l’AssemblØe lors de la reprise
de la dixiŁme session extraordinaire d’urgence, elle n’est manifestement pas en position de
s’opposer aux dØcisions du Conseil de sØcuritØ. Pour dØcider si la Cour doi t ou non rØpondre à la
demande que lui adresse l’AssemblØe gØnØrale, le cr itŁre à appliquer est donc de savoir si un avis

de la Cour aurait un effet positif ou nØgatif sur les espoirs de paix qu’offrent l’adoption et la mise
en œuvre de la feuille de route.

3.22. La Cour, dans son avis sur l’affaire de la Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes
nucléaires, a fait Øtat de ses scrupules devant toute conc lusion sur les effets que son avis pourrait
avoir sur les perspectives de nØgociation : «Des opinions contraires ont ØtØ exposØes devant la Cour

et il n’est pas de critŁre Øvident qui permettrai t à celle-ci de donner la prØfØrence à une position
plutôt qu’à une autre.» 33

3.23. Or, dans la prØsente espŁce, les participants les plus actifs aux efforts de paix au
Moyen-Orient montrent une remarquable unitØ de pensØe sur le fait qu’un avis de la Cour serait
sans effet et probablement inutile. Comme il Øtait dØjà dit plus haut, tous les Etats membres du
34
Quatuor ont adoptØ cette position . Tous ces Etats se sont d’ailleurs abstenus ou ont votØ contre la
dØcision de demander un avis à la Cour, de mŒme que la NorvŁge, qui avait jouØ un rôle actif dans
des conversations antØrieures sur la paix, et la Suisse, qui avait servi d’hôte pour de nombreuses

rencontres du processus de paix.

3.24. Par contre, aucun des Etats qui se sont prononcØs en faveur du projet de rØsolution sur

la demande d’avis consultatif n’a exprimØ l’espoir que celui-ci viendr ait en aide à l’application de
la feuille de route ou rØpondra it aux prØoccupations exprimØes à cet Øgard par les membres du
Quatuor.

32Nations Unies, doc. S/2003/529.
33
C.I.J. Recueil 1996, p. 327, par. 17.
34Voir plus haut, par. 1.6 et 2.13-2.16. - 14 -

3.25. Le Royaume-Uni considŁre que ces prØoccupations sont parfaitement comprØhensibles.
La feuille de route prØvoit un processus dØlicat de concessions mutuelles oø les actes d’une partie

ne sont jamais considØrØs de façon isolØe, mais toujours par rapport aux actes de l’autre partie, et
oø les possibilitØs d’accord et de confiance mutuelle doivent se concrØtiser grâce à une sØrie
d’efforts successifs, certaines questions devant Œtre abordØes sans dØlai, d’autres remises à un stade
ultØrieur, et l’accent Øtant mis sur les efforts futurs et non pas sur les responsabilitØs liØes au passØ.

3.26. Au contraire, la demande faite à la Cour a pour but d’obtenir son avis sur les actes
d’une des parties seulement, Israºl, et sur une seu le question, le mur. Le fait de ne vouloir

connaître que des consØquences juridiques de la c onstruction du mur par Israºl, à l’exclusion de
toutes ces autres questions, est exactement contraire à la mØthode adoptØe par la feuille de route. Et
l’on voit difficilement comment un avis juridique sur cette seule question pourrait avoir un effet
positif sur les efforts des NationsUnies pour se rapp rocher de la paix grâce à la feuille de route

(aucun Etat n’a d’ailleurs exprimØ un tel espoir), al ors qu’il y a toutes les raisons de craindre qu’un
avis de la Cour, mŒme rØdigØ dans les termes les plus prudents, aurait un effet nØgatif sur le
processus de paix.

3.27. La Cour a parfaitement raison de vouloir j ouer son rôle de principal organe judiciaire
des NationsUnies en rØpondant aux demandes qui lui viennent des autres secteurs de
l’Organisation, mais le Royaume-Uni considŁre que c’est prØcisØment parce qu’elle est un des

organes principaux des NationsUnies qu’elle doit Œtre consciente du risque qu’il y a à ce qu’un
avis portØ sur un aspect d’une situation aussi dØlicate que celle du processus de paix au
Moyen-Orient nuise aux efforts de l’ensemble de l’Organisation sur ce terrain. S’il y a, comme ici,
des raisons de croire que ce serait le cas, il y a aussi une raison majeure pour que la Cour ne donne

pas suite à la demande qui lui est faite.

3.28. Le Royaume-Uni fera remarquer en outre que, mŒme si la Cour ne se souciait que de

l’effet que son avis pourrait avoir sur la tâche de l’AssemblØe gØnØrale, la conclusion serait la
mŒme. Comme il a dØjà ØtØ dit, aucun des Et ats qui se sont prononcØs en faveur de la
rØsolutionES-10/14 n’a Ømis l’idØe qu’un avis de la Cour serait u tile pour le travail à venir de
l’AssemblØe. Et aucun d’entre eux ne s’est montrØ d’avis qu’il y avait des questions d’ordre

juridique à Øclaircir. Au contraire, la plupart des Etats semblent avoir considØrØ que l’aspect
juridique de la question ne posait aucune difficultØ. L’AssemblØe avait d’ores et dØjà dØclarØ que la
construction du mur sur le Territoire palestinien o ccupØ entraînait certaines violations du droit
international, et rien, dans le compte rendu des dØbats du 8 dØcembre 2003, n’indique que les Etats

qui ont votØ la rØsolution eussent des doutes sur ce point, ni qu’il y eßt aucun doute ou aucun
dØsaccord sur les consØquences juridiques de la construction du mur.

3.29. En fait, la raison avancØe pour demande r un avis Øtait que cela Øtait rendu nØcessaire
par le fait qu’Israºl n’avait pas donnØ suite aux demandes que l’AssemblØe lui avait prØcØdemment
faites au sujet du mur. Comme l’a dit le reprØsentant de la Palestine :

«Israºl n’a pas respectØ la rØsolution [ES-10/13] et de nouvelles mesures doivent
donc Œtre prises. Chacun est conscient du fait que nous estimons que la possibilitØ de
l’adoption de nouvelles mesures à ce stade c onsiste à demander un avis consultatif de
la Cour internationale de Justice à propos des consØquences juridiques de l’Ødification

du mur qu’Israºl, puissance occupante, est en train de construire, au mØpris des
dispositions pertinentes du droit international et des rØsolutions du Conseil de sØcuritØ
et de l’AssemblØe gØnØrale relatives à la question. - 15 -

En l’absence d’autres mesures spØcifiques concrŁtes pour obliger Israºl à arrŒter

de construire le mur et à en dØmanteler les parties existantes, nous devons au
minimum chercher à affirmer les aspects juridiques de la question, comme le caractŁre
illØgal du mur et la nØcessitØ pour les Etats et le systŁme des Nations Unies de ne pas
reconnaître le mur et ses implications. N ous espØrons Øgalement que cela mettra une

pression accrue sur Israºl, la puissance occupante, afin qu’il respecte la volontØ35e la
communautØ internationale et adhŁre aux dispositions du droit international.»

3.30. Il importe de rappeler que la juridi ction consultative est un moyen permettant à un
organe qui a besoin de certaines prØcisions juridiques pour son action future d’obtenir l’information

nØcessaire sur ce point. Ce n’est pas un moyen de faire appliquer la loi contre un Etat, aussi
rØcalcitrant que celui-ci puisse Œtre devant celle-là. Or, la dØclaration citØe dans le paragraphe
prØcØdent semble bien indiquer que l’avis recherch Ø ne l’Øtait pas dans le but auquel rØpond une

juridiction consultative. De plus, le fait d’essay er d’utiliser une juridiction consultative comme
d’une sorte de pouvoir judiciaire est contraire au principe qui veut que les Etats ne puissent Œtre
tenus de soumettre leurs diffØrends ou leur comportement à un tr ibunal international que s’ils y
consentent, comme on le verra ci-dessous.

2. La présente affaire porte sur un différend bilatéral

3.31. Le Royaume-Uni considŁre en outre que la prØsente affaire relŁve du principe fort bien
formulØ dans l’affaire du Sahara occidental ―et que le Royaume-Uni invite la Cour à
confirmer ― qui veut que la Cour refuse de rØpondr e à une question qui lui est posØe si cela

reviendrait à prendre une dØcision sur un diffØrend b ilatØral au mØpris du principe de la nØcessitØ
du consentement en matiŁre contentieuse. La jurisprudence mŒme de la Cour prouve que
l’importance de ce principe ne fait pas de doute. C’est particuliŁrement le cas ici.

3.32. En l’espŁce, en effet, la constructi on du mur a indiscutablement donnØ naissance à un
diffØrend bilatØral entre Israºl et la Palestine (l a Palestine pouvant ici Œtre assimilØe à un Etat aux

fins de l’application de ce principe). Que ce soit devant l’AssemblØe gØnØrale ou au sein du
Conseil de sØcuritØ, les orateurs ont tous dØcl arØ que ce n’Øtait pas la construction du mur qui
constituait en soi une violation du droit international, mais le fa it que cette construction avait lieu
sur un territoire occupØ. Les consØquences possibl es en matiŁre de propriØtØ territoriale ont ØtØ

ØvoquØes comme un des principaux su jets d’inquiØtude en la matiŁ re. Ainsi, les questions à
l’examen font manifestement partie d’un diffØrend bilatØral entre Israºl et la Palestine, et le
principe confirmØ dans l’affaire du Sahara occidental est donc applicable. De plus, il est manifeste

qu’Israºl n’accepte pas la compØtence de la C our. La seule question est donc de savoir si
l’exception de l’affaire du Sahara occidental peut s’appliquer ici.

3.33. Selon le Royaume-Uni, ce n’est pas le cas, et la prØsente espŁce s’Øcarte de l’affaire du
Sahara occidental sur deux points importants. PremiŁrement, il ne s’agit pas ici d’un cas oø, pour
reprendre les termes de l’avis rendu dans l’affaire du Sahara occidental, la controverse «a surgi
lors des dØbats de l’AssemblØ e gØnØrale» et «indØpendamment, dans le cadre de relations
36
bilatØrales» . Dans l’affaire du Sahara occidental, les questions posØes par l’AssemblØe gØnØrale
avaient trait à des situations qui rØsultaient unique ment de la façon dont se dØroulait dans ce cas le
processus de dØcolonisation qui avait commencØ au sein de l’AssemblØe gØnØrale. Le diffØrend sur

le mur, au contraire, est nØ d’une relation bilatØrale entre Israºl et la Palestine et de leurs
rØcriminations mutuelles sur les problŁmes de sØcuritØ.

35
A/ES-10/PV.23, p. 3.
36
C.I.J. Recueil 1975, p. 25, par. 34. - 16 -

3.34. DeuxiŁmement, la nature des questions posØes dans l’affaire du Sahara occidental
indiquait que la rØponse de la Cour n’Øtait pas censØe dØfinir la situation juridique au moment de la

demande qui lui Øtait faite, mais portait sur les droits historiques concernant le Sahara occidental à
l’Øpoque de sa colonisation par l’Espagne; et, comme la Cour l’a prØcisØ, les rØponses donnØes aux
questions qui lui avaient ØtØ adressØes ne pouvaient affecter les droits territoriaux de l’Espagne :

«Le rŁglement de ce problŁme sera sans effet sur les droits que l’Espagne
possŁde actuellement en tant que puissance administrante, mais il aidera l’AssemblØe
gØnØrale à se prononcer sur la politique à suivre pour accØlØrer le processus de

dØcolonisation du territoire. Il en rØsulte que la position juridique de l’Etat qui a
refusØ son consentement à la prØsente instance ne saurait à aucun degrØ Œtre
compromise par les rØponses que la Cour po urrait faire aux questions qui lui sont
posØes.» (Interprétation des traités de paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la
37
Roumanie, première phase, C.I.J. Recueil 1950, p. 72.)

3.35. La prØsente affaire diffŁre Øgalement de l’affaire de la Namibie, bien que la question
posØe soit apparemment inspirØe de celle qui l’a ØtØ dans ce cas. L’affaire de la Namibie portait sur
les consØquences juridiques qui dØcoulaient pour le s Etats d’une rØsolution du Conseil de sØcuritØ

et du maintien de la prØsence sud-africaine en Na mibie malgrØ cette rØsolution. La question posØe
dans la prØsente espŁce porte elle aussi sur les consØquences juridiques de l’action d’Israºl en
cause, mais le droit applicable se compose de l’accord d’armistice de 1949, des dispositions lØgales
en matiŁre de conflit armØ et d’occupation milita ire, et de divers autres principes du droit

international gØnØral. MŒme si la question posØe dans la rØsolutionES-10/14 vise aussi les
«rØsolutions pertinentes du Conseil de sØcuritØ et de l’AssemblØe gØnØrale», aucun de ces
instruments ne constitue une dØcision occupant une position centrale comparable à celle

qu’occupait la dØcision du Conseil de sØcuritØ dans l’affaire de la Namibie. Plus particuliŁrement,
et de façon tout à fait contraire au cas de l’affaire de la Namibie, ni la lØgalitØ ou l’illØgalitØ des
actes en question, ni les consØquences juridiqu es qui dØcoulent de cette lØgalitØ ou de cette
illØgalitØ ne dØpendent en aucune façon d’une dØcision de l’organe qui a demandØ l’avis de la Cour,

c’est-à-dire de l’AssemblØe gØnØrale.

3. Rendre un avis en l’espèce obligerait à établir certains faits d’une façon qui est impossible

pour la Cour au vu des informations dont elle dispose

3.36. Enfin, le Royaume-Uni considŁre que, au cas oø la Cour dØciderait de rØpondre à la
question qui lui est posØe, il faudrait pour cela qu’ elle prenne position sur un certain nombre de

faits. La Cour a en effet affirmØ que le caractŁ re juridictionnel de son action a pour consØquence
que toute constatation de fait en matiŁre consultative doit se faire avec le mŒme soin et Œtre
appuyØe sur les mŒmes ØlØments de preuve que dans une affaire contentieuse. Autrement dit, la

Cour ne peut pas aborder les questions de fait comme peuvent le faire un organe politique ou les
Etats agissant dans le cadre de leurs relations po litiques. En l’espŁce, le Royaume-Uni se permet
de douter que la Cour puisse faire les constata tions de fait nØcessaires selon les mØthodes qu’exige
sa jurisprudence.

3.37. On ne peut pas prØvoir toutes les questi ons de fait sur lesquelles la Cour pourrait avoir
à se prononcer, mais il est difficile de voir comment elle pourrait se prononcer sur les consØquences

juridiques de la construction d’un mur sans s’interro ger sur la nature et la gravitØ de la menace à
laquelle ce mur est censØ rØpondre et sur la ques tion de savoir si le mur est, compte tenu
notamment de son tracØ, une rØponse adaptØe à cette menace. Sur le premier point, il faudrait que
la Cour Øtudie les attaques qui ont frappØ des cibl es israØliennes au cours des derniŁres annØes,

37
C.I.J. Recueil 1975, p. 27, par. 42. - 17 -

ainsi que le degrØ de probabilitØ d’attaques futures; sur le deuxiŁme, qu’elle Øvalue l’effet probable
du mur face à ces attaques, comparØ avec ses con sØquences pour la population palestinienne. Et il

faudrait pour cela que cet effort d’information porte sur diffØrents ØlØments du mur, puisque c’est le
tracØ de celui-ci, et le fait que certains de ses ØlØments se trouvent en territoire occupØ, qui se
trouvent au cœur de la thŁse de l’illØgalitØ de l’action israØlienne.

3.38. La difficultØ apparaît plus clairement si l’on envisage la situation juridique en vertu de
deux des traitØs expressØment invoquØs dans la rØ solutionES-10/14: la quatriŁme convention de
GenŁve, de 1949, et les rŁgles anne xØes à la quatriŁme convention de La Haye relative aux lois et

coutumes de la guerre sur te rre, de1907 qui abordent la question des cas oø une puissance
occupante peut rØquisitionner ou dØtruire des biens. L’article 23 du rŁglement de La Haye dispose
à ce sujet que :

«il est notamment interdit :

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

g)de dØtruire ou de saisir des propriØtØs ennemies, sauf les cas oø ces

destructions ou ces saisies seraient impØrieusement commandØes par les nØcessitØs de
la guerre.»

Et l’article52 traite des rØquisitions de biens privØs «pour les besoins de l’armØe d’occupation».

De mŒme, l’article53 de la qua triŁme convention de GenŁve in terdit la destruction des biens
mobiliser ou immobiliers «sauf dans les cas oø ces destructions serai ent rendues absolument
nØcessaires par les opØrations militaires», et l’artic le147 fait de «la destruction et l’appropriation
de biens» des infractions graves pouvant entraîner des poursuites pØnales si elles sont «non

justifiØes par des nØcessitØs militaires et exØcutØes sur une grande Øchelle de façon illicite et
arbitraire».

3.39. On voit mal comment la Cour, compte tenu de sa nature juridictionnelle, pourrait
appliquer ces dispositions sans se livrer d’abord à une complexe apprØciation des faits relatifs à
l’importance, à la nature et à l’emplacement gØographique des menaces visant Israºl, puisque cette
apprØciation serait indispensable pour appliquer les dispositions voulues en matiŁre militaire.

3.40. Une telle apprØciation des faits, difficile dans toute affaire, serait rendue encore plus
difficile en l’espŁce par le fait que seul Israºl dis pose d’une grande partie de cette information.

Enfin, le caractŁre d’une procØdure consultative pe rmet difficilement d’a pprØcier la valeur des
ØlØments de preuve à la lumiŁre du dialogue en tre les parties, qui relŁve de la procØdure
contentieuse, ou, s’il le faut, par l’examen ou le contre-examen des tØmoins.

3.41. Toutes ces considØrations amŁnent à conclure que la prØsente affaire est exactement du
type auquel doit s’appliquer la dØcision prise pa r la Cour permanente dans l’affaire de la Carélie
orientale quant à l’obligation de refuser d’exercer la compØtence consultative lorsque se posent des

questions de fait impossibles à rØsoudre. - 18 -

IV. C ONCLUSIONS

4.1. Pour les raisons exposØes ci-dessus, le Royaume-Uni prie respectueusement la Cour de
rØaffirmer les principes qui la conduisent à ex ercer le pouvoir discrØtionnaire qu’elle tient de

l’article65, paragraphe1, du Statut et de re fuser de rØpondre à la question posØe en l’espŁce par
l’AssemblØe gØnØrale.

___________

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Exposé écrit du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord [traduction]

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