Mémoire du Gouvernement de la République du Tchad

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6689
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COUR INTERNATIONALEDE JUSTICE

DIFFEREND TERRITORIAL
(JAMAHIRIYAARABELIBYENNEC/TCHAD)

MEMOIREDUGOUVERNEMENT

DELAREPUBLIQUE DU

TCHAD

LIVRE 1SCHEMADUMEMOIRE-Introduction

Chapitre 1

-LES DONNEESDE L'AFFAIRE DE LA BANDED'AOZOU
- Les données historiqueset géographiques
- La décolonisationet ses suit-le litige frontalier tchado-libyen

Chapitre II

-LES PRINCIPES ET LES REGLES DUDROIT
INTERNATIONAL APPLICABLES
- Unconflit de délimitation
- Les règleset les principes applicables

Chapitre III

- UNTITRE INCONTESTABLE :LE TRAITE D'AMITIE
ET DE BON VOISINAGE ENTRE LA REPUBLIQUE FRANCAISE
ET LE ROYAUME-UNI DELIBYE DU 10AOUT 1955
- Caractères généraudxu Traitédu 10août 1955
- Un accord d'évacuationdes troupes françaisesdu Fezzan
- Un traité de délimitatidesfrontières
- Le tracé dela frontière Libye-Tchad

Chapitre IV

- LES TEXTES INTERNATIONAUX DEREFERENCE

-La Déclarationadditionnelledu 21 mars 1899
-Les Accords franco-italiensdu ler novembre 1902
-La convention franco-britanniquedu 8 septembre 1919
-L'arrangement franco-italiendu 12septembre 1919Chapitre V

-LACONSOLIDATIONDELALIGNEFRONTIEREJUSQU'EN 1955
-La reconnaissancepas l'Italie
-Les débatset lesactionsdes Nations Unies (1948-1952)
-Les effectivités

ChapitreVI

-ABSENCEDEREMISEEN CAUSE DU TITREDEPUIS 1955
-La pratique
-L'examendu litigefrontalierdans le cadre des Nations Unies
et deI'OUA

ChapitreVI1

-LAFAUSSEALTERNATIVE: LETRAITELAVAL-
MUSSOLINIDE 1935
-Le projet de remise en causede la délimitation de1935
-La confirmation de la délimitation avecl'abandondu Traité

-CONCLUSIONDUMEMOIRE

-CONCLUSIONSDELAREPUBLIQUEDUTCHAD

-ANNEXES

• Avertiss :eSmuerétervede quelques exceptions, la Républiquedu
Tchad n'a pasreproduit en annexes les documents publiés auxquelselle se
réfère (documents des Nations Unies, cartes, etc...). Toutefois, pour la
commoditédesJuges etekpartie libyenne,elle a déposéauprèsdu Greffe
nombre de cesocumenis en mêmetemps que le présent Mémoi. a liste
des ces "annexes complémentaires"auxquelles il est fait référenceen tant
que "productions" dans le corps du Mémoire)figureàla suite de la
table des matières. SIGLES ET ABREVIATIONS

1 ANNUAIRES -RECUEILS - REVUES

A.F.D.I. Annuairefrancaisde droit international
A.J.LL. American Journalof InternationalLaw
Ann.Af.du Annuairede I'Afriauedu Nord
Ann.C.D.I. Annuairede la Commissiondu Droit
DroitInternational
B.C.A.F. Bulletindu Comitéde I'AfriaueFrancaise

B.Y.B.I.L. BritishYearbookof InternationalLaw
C.P.J.I.,Cu &&
C.P.J.I., Avis consultatifs
C.P.J.I.,sérieA/B : Arrêtsa.visconsultatifs.et
ordonnances(depuis193 1)
I.L.R. : InternationalLawRe~ons
J.O.A.E.F. : JournalOfficielde 1Afnuue
- EauatorialeFrancaise
J.O.R.F. : JournalOfficielde la Réoublique

Francaise
N.R.G.T. : NouveauRecueil Généradle Traités
(Martens)
R.C.A.D.I. : Recueil desCours de l'Académie de Droit
Internationalde La Have.
Rec. : Recueildes arrêtsde C.I.J.
Rec.TraitésSdN : Recueildes Traités
de la Sociétédes Nations
Rev.Pol etParl. : Revueoolitiaueet ozlementaire

R.G.D.I.P. 1 Revuepénérale de droit international
i>ublic
R.S.A. 1 Recueildes Sentencesarbitrales
des Nations Unies
1 StatePaoers

II ORGANISATIONS INTERNATIONALES
ET SIGLES DIVERS

A.E.F. : Afriqueéquatorialefrançaise
A.O.F. : Afriqueoccidentalefrançaise
B.E.T. : Borkou,Ennedi,Tibesti
C.D.I. : Commissiondu Droitinternational
C.I.J. : Coursinternationalede Justice
C.P.A. : Courspermanented'arbitrage
C.P.J.I.: CoursPermanentede Justice internationale
G.N.N. : Gardesnationaux nomades

O.N.U. : OrganisationdesNations Unies
O.U.A. : Organisationde l'UnitéAfricaine
S.d.N. : SociétédeN s ations INTRODUCTION

IMPORTANCEDEL'ENJEU 1. Par des lettres datées respectivementdu 31 août et du ler
septembre 1990,(annexes 299 et300),la Jamahiriya arabe libyenne (ci-après
Libye) et la Républiquedu Tchad ont notifié àla Cour l'Accordcadre sur le
règlement pacifiquede leur différendterritorial conclu Alger par ces deux
pays le 31 août 1989 (annexe 17). Cet accord constitue un compromis entre
les Parties. fondement principalde la compétencede la Cour en la présente
affaire.

2. Aux termes de sa notification (improprement appelée
"requête", comme elle l'a reconnu par la suite - cf. annexe 301), la
République du Tchada prié
"... la Cour de déterminer le tracé de la frontière entre la
République du Tchad et la Jamahiriya arabe libyenne,

conformément aux principes et règles de droit international
applicablesen la matière entre les Parties".
Lademandede la Libye est rédigée dansdes termes voisins(v.infra, chapitre
II, no 1).

3. L'enjeu du différend soumis à la Cour présente une
extrême importance, dont les termes du Compromis et des demandes

formulées par les Parties rendent mal compte :au-delà du problème
technique de délimitationqui, au point de vue juridique, constitue L'objet
même du litige, ce sont en effet le principe même de la stabilité des
frontières en Afrique et lasécurité régionale qui sont ecnause.

1' -La stabilitédes frontières en Afrique.

4. Au moment où ce MLmoireest rédigé. la République du
Tchad ignore ce que pourrait être l'argumentation juridique de la Libye :
jusqu'à présent. ce pays s'est, en règle générale, borné à fonder ses
revendications sur des considérations politiquesdans lesquelles le droit avait
peu de place; tout au plus, les autorités libyennes faisaient-elles,de loin en
loin, référenceà un prétendu "héritage de la Turquie" ou au Traitéconclu le
7 janvier 1935entre la France et l'Italie("accord Laval-Mussolini" (annexe

12). dont il est de notoriété publiqqu'iln'estjamais entréen vigueur (sur
ce point, v.infra, chapitre VU). 5. La rédactionde la notification libyenne du 31 août 1990

ouvre de nouvelles et fort inquiétantes perspectives.Tout en reconnaissant
que
"Pour déterminer les limites des territoire respectifs des Parties
dans la région,il faut notamment prendre en considération une
série d'accords internationaux",
la Libye ajouteen effet qu'àson avis,
"aucune d'eux (n'a) fixé définitivement de frontière entre les

Partieset que celle-ci restepar conséquentà établir conformément
aux principes applicablesdu droit international".

6. D'une part, une telle indétermination de la frontière
investirait la Cour d'unemission d'amiablecompositeur, qui n'entre pasdans
sa vocation -si ce n'estdans le cadre des dispositions du paragraphe 2 de

l'article38 de son Statut "si les Parties sont d'accord; mais elles n'ontpas
expriméun tel accord. D'autrepan et surtout, si la Haute Juridictiondevait
accepter la thèse ainsi esquissée, il en résulterait une menace
particulièrement gravesur la stabilitédes frontièressur le continent africain
et au-delà.

7. Contrairement aux allégationsde la Libye, le tracéde sa
frontière commune avec le Tchad est définieavec précisionpar plusieurs
accords internationaux conclus durant la périodecoloniale qui, loin de se
contredire, se confortent mutuellement, ainsi que l'établira le présent
Mémoire. Cetteligne se trouve ainsi déterminée avec une précisionet une
certitude infiniment plus grandes que la plupart des frontièresafricaines et,
jusqu'au début des années1970, les temtoires se trouvant de part et d'autre

ont fait l'objetd'une occupation et d'une administration effectivesde la part
de leur légitimesouverain temtorial respectif.

8. Au surplus, fait encore plus rare dans cette région du
monde, non seulement la Libye, devenue indépendante,a reconnu par un
Traité d'amitié ed te bon voisinage conclu le 10 août 1955 avec la France,

alors puissance administrantedu Tchad, queses frontières étaient"cellesqui
résultentdes actes internationaux en vigueur" à la date de sa constitution,
mais encore les deux Parties ont pris soin, dans une annexe à ce Traité,
d'énumérer letsextes dont il s'agit(annexe 13).

9. En invitant la Cour, comme elle en a exprimél'intention

dans sa notification précitée du31 août 1990, à remettre en cause une
frontièrequi résultede plusieurs accords internationaux conclus durant la
période coloniale, accordsqu'elle aconfirméen pleine souveraineté,la partie
libyenne remet en cause le principe cardinal de la stabilitédes frontières,
universel, mais nulle partplus nécessairequ'enAfrique (v.infro, Chapitre II,
Section II,1). 10. Il està cet égard à peine besoin de rappeler que, dans la
Charte d'Addis Abeba du 25 mai 1963, les Etats africains ont fait de

l'intégritterritoriale des membres de l'O.U.A. à la fois un objectif et un
principe de l'organisation et que,l'annéesuivante, la première Conférence
des Chefs d'Etatet de gouvernement, réunieau Caire, a déclaré
"solennellementque tous les Etats membres s'engagent àrespecter
les frontières existant au moment où ils ont accédé à
l'indépendance" (résolutionGH/Res. 16(1)du 21juillet 1964);
Le Tchad et la Libye ont votéen faveur de ce texte capital. Comme l'a

rappelé la Chambre de la Cour constituée pour trancher le Différend
fronrolierentre le Burkina Fasoet la Républiquedu Mali,
"C'estle besoin vital de stabilitépour survivre, se développer et
consolider progressivement leur indépendance dans tous les
domaines qui a amenéles Etats africainsàconsentir au respectdes
frontières coloniales, àten tenir compte dans l'interprétationdu
principe de l'autodétermination des peuples" (arrêt du 22

décembre 1986,Rec. 1986,P.567).
C'est ce caractère stable et définitif de sa frontière avec le Tchad que la
Libyedemande àla Cour de remettre en cause.

11. Ce faisant, la thèse esquissée par la notification libyenne
du 31 juillet 1990 constitue un danger redoutable pour l'ensemble des

frontières africaines etla stabilitédu continent tout entier. En outre, elle fait
peser plus particulièrement une menace grave sur le tracé actuel de la
frontièrede plusieurs Etats limitrophesde la Libye et, tout spécialement,de
l'Algérie, u Niger et de la Tunisie dont les frontières avec la Libye ont, tout
commecelles du Tchad, été fixéepar le Traitéfranco-libyendu 10août 1955
dans lequel la partie libyenne se refuseà voir un accord de délimitation

définitivev.supra n05).

2') La sécurité régionale.

12. Il est vrai que, précédant ce qu'ellespère devoir êtrela
décisionde la Haute Juridiction, la Libye a pratiqué unepolitique du fait

accompli puisque, après avoir fait circuler, en 1971,une carte par laquelle
elle "s'appropriait" la partie du territoire tchadien, couramment appelée
"banded'AozouMs,ituéeentre la frontière héritédees puissances colonialeset
celle prévue parle Traité Laval-Mussolini,elle a occupécette régioà partir
de 1973.

13. Ce faisant, la Libye est entréeen conflit ouvert avec le
Tchad, dont elle a attisé les dissensions internes et,dans la situation où il se
trouvait, celui-ci, voyantsa souveraineté menacéea, dû faire appàune aide
extérieure pour l'aidàrriposter contre les prétentionsde son voisin du Nord.
Celui-ci n'ena pas moins maintenu ses prétentions au mépris des principes
les plus fondamentaux du droit international contemporain, tels qu'ilssont

énoncés,notamment par la Déclaration relative aux principes du droit
international touchant les relations amicales et la coopération entre les Etatsconformément à la Charte des Nations Unies, approuvéepar la résolution
2625 (XXV)de l'Assembléegénérad les Nations Uniesle 24 octobre 1970.

14. Les prétentionslibyennes sont notamment incompatibles
avec "le principe que les Etats s'abstiennent, dans leurs relations
internationales,de recourir àla menace ou à l'emploide la force, soit contre
l'intégritterritoriale ou i'indépendance politiqudee tout Etat, soit de toute
autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies" et, en
particulier, avec la règle maintenantreconnue du droit international selon

laquelle :
"Le territoire d'un Etat ne peut faire l'objet d'une occupation
militaire résultant de l'emploi de la force contrairement aux
dispositions de la Charte. Le territoire d'un Etat ne peut faire
l'objetd'uneacquisition parun autre Etatà la suite du recourà la
~ ~ ~e ou à I'emoloi de la force. Nulle acauisition territoriale
obtenue par la menace ou l'emploide la force ne sera reconnue

comme légale" (résolution 2625 (XXV)précitée).

15. La République du Tchad n'ignore pas que l'occupation
militaire de la Libye d'une partie de son territoire ne constitue pas l'objet
direct du différend soumis à la Cour. II n'en reste pas moins que cette
occupation est la conséquencede la contestation par ce pays des frontières

héritéesdu partage colonial, ou, plus exactement peut-êlre,que la remise en
cause de ces frontièresacquises constitue "l'habillage juridique"des appétits
temtoriaux de la Libye.

16. 11ne fait guèrede doute que la paltie libyenne s'efforcera,
durant la procédure devantla Cour, de dissimuler son expansionnismesous

les apparences d'unediscussionjuridique de caractèretechnique.Convaincue
du bien-fondéde sa propre argumentation, la Républiquedu Tchad entendse
placer sur le mêmeterrain dépassionné; mais elle se doit de souligner, en ce
débutde procédure,que c'estson intégrité territoriale qui est en cause,et, au-
delà, son indépendance et son développement, lourdement hypothéqup éasr
I'effortmilitaireque la situationactuelle lui impose.

17. Comme toute frontière, celle qui sépare le Tchad de la
Libye est artificielle et, dans les continents colonisés,etingulikrement en
Afrique. la délimitationprend un caractèreparticulièrement arbitraire - pas
plus marqué du reste en i'espècequ'il l'est ailleurs; et, à maints égards,
beaucoup moins. II n'enreste pas moins que la remise en cause des frontières
héritées du colonialisme a, sur le continent africain, des conséquences
particulièrementdramatiques.C'est lasécurité régionalequi es etnjeu. PLAN DUMEMOIRE

18. Aprèsune brève présentationdes donnéesde l'affairede la
bande d'Aozou. la Républiquedu Tchad présenterales principes et règles
applicables au présent litige, dont elle fera application dans les chapitres
suivantsdu présent Mémoire.

19. En réalitéd,e l'avis dela Républiquedu Tchad, la présente
affaire se présente de manièresimple :par le Traité qu'ellea conclu avec la
France le 10 août 1955, la Libye a accepté la délimitation héritéede la
périodecoloniale en mentionnant explicitement les accords applicables en la
matière.Le tracéde la frontièrefixéparceuxsi correspond à la pratique des
puissances coloniales et n'a pasété remiseen cause depuis 1955.C'estdonc
ce tracé que la République du Tchad prie respectueusement la Cour de
reconnaître, et non celui résultantdu TraitéLaval-Mussolini de 1935, qui
n'estjamais entréen vigueur.

20. Le présentMémoirec .omporteradonc 7chapitres:

1- Les donnéesde l'affaire dela bande d'Aozou

II - Les principes et règles de droit international
applicables

Iii- Un titre incontestabl-le Traité franco-libyendu
10août 1955

IV - Les textes internationaux de référence

V - La consolidation de la ligne frontière
jusqu'en 1955

VI - Absencede remise en cause du titseaprès1955

VI1- Une fausse altemative :le Traité Laval-Mussolini CHAPITRE1

LESDONNEESDEL'AFFAIREDELABANDED'AOZOU 1. L'expression "bande d'AozouM (et plus souvent
"d'Aouzou") est apparue tardivement, à la fin des années 1970, mais est
devenue d'un usage journalistique courant. Elle désigne la portion de
temtoire dont la cession par la Franàel'Italie avaitéprévuepar le Traité
signé entre les deux parties le 7 janvier 1935 (annexe 12). Cette bande

s'étend,pour l'essentiel surle temtoire du Tchad. mais comporte également,
à l'Ouest,une partie du temtoire nigérien. Celle-ci.constituéepar le "triangle
de Toummo" (v.infra n034) n'est pasl'objet du diffkrend soumià la Cour,
mais, comme la partie tchadienne de la bande d'Aozou,elle fait, depuis le
milieu des années 1970, l'objetd'une occupation libyenne et la question de
son appartenance sepose, en termesjuridiques. de la même manière.

2. L'objetdu présentchapitre est de présentersommairement

l'histoireet la géographiede la bande d'Aozou (section1)et le différend dont
elleest l'objet (section

SECTION 1
LES DONNEES HISTORIQUES ET GEOGRAPHIQUES

1 -LES GRANDE ETAPESDE LA DELIMITATION
DE LA FRONTIERE SEPTENTRIONALE DUTCHAD.

3. Si l'appellation "banded'Aozouuest récente,il faut, pour
comprendre son origine, remonter au Traitéconclu avec MUSSOLINI par le
Ministre des Affairesétrangèresfrançais,Pierre LAVAL, le 7 janvier 1935,
dans le cadre de sa politique de rapprochement avec l'Italie. Parcet accord, la
France acceptait une amputation de l'Afriqueéquatoriale françaiseau profit

de la Libye. alors colonie italienne. Cette cession se serait traduipar
l'adoption d'une nouvelle frontière entre les deux Empires coloniaux. La
bande d'Aozou est donc circonscrite au Nord par la frontière antérieure,
résultantdu parrage colonial de cette partie de l'Afriqueentre la France, la
Grande-Bretagne et l'Italie (A) et, au Sud, par le tracé prévu parl'accord
LAVAL-MUSSOLINI(B). A -Le partage colonial franco-anglo-italien

4. A lafui du XIXèmesiècle,la nécessitéde mettre un frein
aux rivalités coloniales en Afrique conduisit les puissances européennes
d'unepart à tenter de réglementerles modalitésde leur établissement surle
continent (cf. l'Acte généradle la Conférencede Berlin du6 février 1855)
et, d'autre parà,opérerun partage entre les sphères d'influence qu'ellesse
reconnaissaient mutuellement.

5. Tel futle cas de la France et de la Grande-Bretagàel'Est
et au Nord du lac du Tchad à l'extrêmefin du XIXèmesiècle, région dans
laquellel'Italie,tard venue dans la compétition coloniale, entànson tour
se faire reconnaître unezone d'expansion coloniale.

a) Les accords franco-britanniques
et lapénktration française

6. Dans un premier temps, la France, soucieusede relier ses
possessions méditemanéennes àcelles du Congo, conclut avec la Grande-
Bretagne un premier accord par lequel elle obtenait la consécration desa
zone d'influenceau Nord d'une ligne allant de Say, sur le NigeràBarroua
sur le lac Tchad (Déclarationdu 5 août 189-annexe 1).Le sort de l'Afrique
centrale, au Nordà l'Estet au Sud du lac Tchad,n'yétaitpas scellé.

7. Ce fut l'undes objets de la Conventionde Paris du 14juin
1898 puisque, outre des modifications appoitéesà la ligne Say-Barroua, la
Grande-Bretagne y "reconnait comme tombant dans la sphère française les
rives Nord, Est et Sud du lacTchad (annexe20f21).

8. Mais celle-ci se révélatout-à-fait insuffisante pour assurer
la "coexistence pacifique"des deux puissances signatairescomme le montre,
l'annéemêmede sa signature, le grave incident de Fachoda, après que
I'explorateur et militaire français J.B.MARCHAND eut été obligéle II
décembre d'abandonner au général anglais KITCHENER ce fort sits uér la
haute valléedu Nil que la mission qu'ildirigeait avait atteintele IOjuillet. La
guerre fut évitée,mais il était devenu indispensable de procéder à une

délimitation précise entre les sphères d'influence respectee la France et
de la Grande-Bretagne,bien au-delà de la région s'étendanetntre le Niger et
le lac Tchad.

9. Les négociations, compliquées par le refus du Ministre
français des Affaires étrangères, DELCASSEd ,e reconnaître des droits aux
Britanniques en Egypte, aboutirent le 21 mars 1899, à la signature de la

Déclarationde Londres, additionnellà la Convention de 1899(annexe3). 10. Contrairement aux deux accords précédents de 1890 et

1898, la Déclaration additionnelle de 1899 concerne directementune partie
de la frontière septentrionale de ce qui deviendra le Tchad puisqu'il y est
prévuqu'auNord de la vaste région couvertepar l'accord,les zones française
et britannique sont séparéespar une ligne panant "du point de rencontre du
Tropique du Cancer avec le 16èmedegréde longitude Est de Greenwich" et
descendant ensuite "dans la direction du Sud-Estjusqu'àsa rencontre avec le
24èmedegréde longitude Est de Greenwich. de façon àlaisser dans la zone

française l'intégralité des massifsmontagneux et des oasis du Borkou, de
l'Ennediet du Tibesti (B.E.T.). Au Nord-Est de cette ligne -dont le tracéa
aussitôt étéreporté par les autorités françaises sur une carte annexée la
Convention et largement diffusée-la zone d'expansion britannique;au Sud-
Ouest :la sphèrefrançaise.

11. Le partage franco-britannique suscita, en 1890 et en 1899,
des protestations de la part de la Turquie qui prétendit avoir desdroits sur
"l'hinterland" de sa province tripolitaine (v.par exemples annexe 20121).
Garantes de l'intégrité territoriale de l'Empire ottoman, la France et la
Grande-Bretagne écartèrent dans les deux cas les revendicationsturques en
relevant que les zones d'influence prévues n'empiétaientnullement sur le
temtoire relevant du vilayet de Tripoli (v.par exemples annexes 62 et 63); et,

en effet, il ressort de la cane annexàela Déclarationdu 21 mars 1899que
les deux Etats avaient pris soin d'arrêter la délimitation de leurs sphères
d'influenceà la frontièrede la Tripolitaine (v.ca1).(Production 246)

12. Il reste que, si la Turquie ne pouvait seprévaloir d'aucune
présence effectivedans la zone qu'ellerevendiquait. la France et la Grande-

Bretagne s'étaient partagées "sur lepapier" de vastes étendues qu'ellesne
contrôlaient nullement. En réalité, e part et d'autrede la limite tracéepar la
Déclarationde 1899, la région-dans la mesure où elle était habitée- était
entièrement aux mains d'une puissante confrérie religieuse, la Senoussia,
dont le siège,d'abord à Koufra, avait été déplacé e, 1895, àGouro, situé
dans la sphère d'influence française, par son chef spirituel et temporel, le
Cheikh Mohammedel MAHDI.

13. Tout occupé à luner, plus au Sud, contre Rabah, fondateur
d'un empire puissant mais éphémère,et à imposer son autorité de
nombreux sultans locaux, la France n'atteignit le B.E.T. et n'y assit son
autorité qu'en1913,aprèsun bref "intermède turc",la Sublime Porte ayant,
en 1910-1911, occupé quelques postes dans la régionavec raccord de la

Senoussia inquiète de la menace française. Elle se retira en 1911 et fut,
l'annéesuivante, chassée de la Tripolitaine par l'Italie dont la victoire fut
consacrée par le Traité d'Ouchy du 18 octobre 1912. En 1913, la France
procédait à l'occupation effective du B.E.T.. où elle établit une
administration coloniale trèsprésente sur le terrain jusqu'en 1960, date de
l'indépendancedu Tchad.

14. A l'occasion de la signature d'un nouvel accord, destinéprincipalement à préciserla limite du Ouaddaï et du Darfour, la Convention
du 8 septembre 1919, supplémentaire à la Déclarationdu 21 mars 1899, la
France et la Grande-Bretagne confirmkrent le tracéde la limite fixéevingt
ans auparavant en précisant l'interprétatinu texte adopté alors(annexe 7).
Cette ligne représentait aux yeux de la France une véritable frontière

puisqu'elle avait, depuis plusieurs années, établi son autorité effective sur
l'ensemble duB.E.T. La Grande-Bretagne, qui n'avaitpas établiune autorité
effective, y vit, pour sa part, une confirmation de sa propre zone d'influence.

b)La reconnaissance par l'Italie des limites
fixéespar les accordsfranco-britanniques

1" - Les accords franco-italiens

15. La situation de l'Italieest ambiguë: écartée dela Tunisie
par la France, elle convoite le Tripolitaine, possession ottomane. et ne voit
pas sans inquiétude les sphères d'influence française et britannique se
rapprocher des confins de celle-ci. En mêmetemps, elle a conscience qu'elle
ne peut s'approprier la province que si elle bénéficiede la neutralité
bienveillante des Puissances et, notamment, de la France et de la Grande-

Bretagne. Toute sa politique tend donc à se voir reconnaîtreà son tour une
sphèred'influence dans la région,ce qu'elle ne peut obtenir que si, de son
côté,elleaccepte le partage franco-britannique.

16. Elle le fait dès la conclusion de la Déclaration
additionnelle du 21 mars 1899 que, dans un discours prononcéle 24 avril
suivant, son Ministre des Affaires étrangères, CANEVARO, approuve
implicitement, en même temps qu'il dénonce les exagérations des

protestations de la Porte (annexe 60). L'annéesuivante, elle se déclare
satisfaitedes explications donnéespar laFrance, selon lesquelles

"..la Convention du 21 mars 1899, en laissant en dehors du
partage d'influence qu'elle sanctionnele vilayet de Tripoli, marque
pour la sphkre d'influence française par rapporà la Tripolitain-
Cyrénaïque,une limite que le Gouvernement de la Républiquen'a
pas l'intentionde dépasser" (Lettre de BARRERE, Ambassadeur
de France à Rome, àVISCONTI VENOSTA,Ministre italien des

Affaires étrangères,14décembre 1900,annexes 65/66 -v.aussi la
réponse dece dernier,annexe 68).

17. Destinéen principe à demeurer secret, ce premier accord
franco-italien sera partiellement rendu public par des déclarations croisées
faites devant les parlements italienset français par les Ministres des Affaires
étrangèresdesdeux pays les 14décembre1901 et 21 janvier 1902 (annexes
333 et334), il sera explicitéetcomplétépar l'échangede lettres PRINEïTI-

BARRERE des 10juillet - ler novembre 1902, "contre-partie" de la Triple
Entente(annexes 78/79 et 80) par lequel le Ministre italien des Affaires
étrangèresconstatequ lesexplicationsrenouveléepsara Francequant àlaportéede la Déclaration franco-britannique de 1899 ne laissent "subsister
actuellement entre nos Gouvernements aucune divergence sur leurs intérêts
respectifsdans la Méditerranée";ialvaitétéexpliqué à cette occasion

"que par la limite de l'expansion française en Afrique
septentrionale(...)on entend bien la frontièrede la Tripolitaine
indiquéepar la carte annexée la déclarationdu 21 mars 1899,
additionnelle à la Convention franco-anglaise du 21 mars 1899"
(annexes 78I19 - v.aussi la réponse deBARRERE,annexe80).

18. Ainsi, en échange de la liberté d'actionde la France au

Maroc, l'Italie se voit reconnaître par celle-ci une zone d'influence en
Tripolitaine,dans les Limitesindiquées surla carte annexéeà la Déclaration
de 1899 (carte 1 -v.supra nO1O).Elle réaliserace dessein A la suite de sa
guerre victorieuse contre la Turquieen 1911-1912mais son autoritéeffective
demeura longtemps confinéeau littoral de la Tripolitaine et de la Cyrknaïque
et ce n'est qu'au débutdes années 1930, qu'aprèsdes combats meurtriers,
notamment contre la Senoussia,elle l'étendraAl'arrière-pays.

2' -Les revendications italiennes

19. Quoi qu'il en soit, au plan politique, la situation est
doublement modifiéeau sortir de la première guerre mondiale.D'unepart,
ayant réalisé son ambition coloniale etévinceles Tmcs, I'ltalie n'est plus
tenue à la mêmecirconspection qu'auparavant à l'égarddes Puissances.

D'autre part, par l'article13du Pacte de Londres du 26 avril 1915, laGrande-
Bretagne et la France ont promis à l'Italie. en échangede son entréeen
guerre aux côtés desAlliés,"descompensationséquitablesdans le règlement
en sa faveur des questions concernant les frontièresdes colonies italiennes"
(Production 1).

20. C'est sur la base de cet engagement que l'Italie,qui avait

renouvelé,en 1912 son acceptation de la Déclaration franco-britannique de
1899(accord TiïTONI-POINCARE, 28 octobre 1912 -annexe 6), réclama à
la France, durant la Conférencede la Paix, d'importantes rectifications de
frontière.Elle les obtiàtl'Ouestde la Libye (cf. l'accordBONIN-PICHON
du 12septembre 1919 -annexe 8/9), mais les deux pays ne purent semettre
d'accordsur la rectification de la frontièreméridionale dela colonie italienne
et la question coloniale africaine demeura ouverte entre les deux pays (cf.
annexe 89).

21. Durant les années qui suivirent, l'Italie se plaça sur un
autre terrain et tenta d'arracher par l'argutie juridique ce qu'elle n'avaitpu
obtenir par la négociation diplomatique.En conséquence, à partir de 1921,
elle multiplia les protestations tant à Londres qu'à Paris, contre la
Convention franco-britannique du 8 septembre 1919 (v.supra n014) qu'elle
esseya de mettre en contradiction avec la Déclaration de 1899, que sesaccords de 1900, 1902et 1912 avec la France lui interdisaient trop
évidemmentde remettre en cause.

B -La modification avortéede 1935

22. Parallèlement,le Gouvernement italien n'enréclamait pas
moins activement l'exécution par la France et la Grande-Bretagne des
obligations découlantde I'article 13du Pacte de Londres. Elle I'obtintdans
les deux cas.

23. Immédiatement après les négociations depaix de Paris,
l'Italie avait conclu avec la Grande-Bretagne, le 20 avril 1920, un accord
sous forme d'échangede lettres lui reconnaissant la possession des oasis de
Djaghoub et Koufra (accord MILNER-SCIALOJA). Ce traitén'étant pas
ratifié lorsque I'Egypte obtint son indépendance formelle en 1922, le
Gouvernement italien dut négocier à nouveau avec les autorités égyptiennes
un accord moins favorable qui fut signé le 6 décembre 1925 et portait

délimitationde la frontière de la Méditerranée au22ème parallèle Nord :
Koufra était intégrée à la Libye, mais Djaghoub étaitdévolue à I'Egypte
(annexe II).

24. Il reste que, toute la zone situéeau Sud de ce parallèle
demeurait, en vertu de la Déclarationde 1899 acceptée par I'ltalie,dans La
sphkre d'influence britannique etétait considérée comme faisanp tartie du

Soudan anglo-égyptien. L'Italie entreprit, au débutdes années 1930, la
conquêtede cette zone désertique qui comprenait le massif montagneux
d'Aouenat et le puits de Sarra (et appeléepour cette raison "triangle de
Sarra"). Elle obtient sans trop de difficultés que la Grande-Bretagne et
I'Egypte "renoncent à toute réclamation de la part du Soudan" sur ce
territoire inhospitalier par les échangesde lettres du 20juillet 1934(annexes
143 à 146).L'Italie n'avaitplus de revendications territoriàll'égardde la
Grande-Bretagnedans cette partiede l'Afrique.

25. Elle en conservaità l'égardde la France et trouva en Pierre
LAVAL, soucieux d'empêcheu rn rapprochemententre l'Italie et l'Allemagne
un interlocuteur compréhensif. De son côte, MUSSOLINI, qui avait des
visées surI'Ethiopie,souhaitaitobtenu le désintéressemendte la France.

26. Cet étatd'esprit de part et d'autre des Alpes facilita la
conclusion des Accords de Rome du 7 janvier 1935, ensemble complexe
d'engagements conventionnels par lesquelsles Parties fixaient notammentla
nouvelle frontière méridionale de la Libye et reconnaissaient que cette
rectification permettait "de réglerd'une manièredéfinitive les questions
pendantes au sujet (...de l'Accord de Londres du 26 avril 1915, en son
article 13" (annexe 12).L'Italie,qui acceptait cette cession territorialede la
pari de la France, admettait de ce fait implicitement que le territoire cédéappartenait à la France : c'estla bande d'Aozou

27. Le TraitéLAVAL-MUSSOLINI ne fut cependantjamais
ratifié: l'entente franco-italienne ne survécut poin t la guerre d'Ethiopieet,
en réponse à une question poséepar l'Ambassadeur de France à Rome,

FRANCOIS-PONCET, le Comte CIANO, Ministre italien des Affaires
étrangères, lui adressa le 17 décembre 1938, une lettre par laquelle il-
affirmait :

"Les Accords du 7 janvier 1935, qui d'ailleurs n'ontjamais été
exécutés (...)se sont donc vidésde tout contenu; ils ne peuvent
êtrecertes considérés aujourd'hu ciommeétanten vigueur.
"Ils sont aussi historiquement dépassés" (annexe 206)l

La France, tout en manifestant ses regrets, neput que prendre acte de cette
position (cf.annexe 207).

28. On était donc revenu au statu quo ante : la frontière
septentrionale du Tchad demeurait celle résultantdes accords de 1899, 1902
et 1919.

II -LA BANDED'AOZOU

29. Les limites géographiques de la bande d'Aozou sont
précisément circonscrites. Elle est bornéaeu Sud par la ligne envisagée par
i'article2 du TraitéLAVAL-MUSSOLINI :

"La frontière séparant la Libyede l'Afriqueoccidentale française
et de i'Afrique kquatoriale française à I'Est de Tummo, point
terminal de la ligne fixée par raccord de Pais du 12 septembre
1919,sera déterminée ainsi qu'il suit :

"- une ligne directe partant de Turnmo et rejoignant I'EhiDomar
Doba;
"- de i'Ehi Domar Doba, une ligne droite rejoignant l'extrémité
Nord-Est de i'EhiDogologa;

"- de i'EhiDogologa, une ligne droite rejoignantI'EnneriTurkou
en un point situéen aval du confluent de celui-ci avec I'Enneri
Guesso, de telle sorte que le tronçon Dogologa-EnneriTurknu de
la piste caravanière du Fezzan vers Bardai reste en territoire

français;
"- de ce point, une ligne droite rejoignantle confluentde I'Enneri
Bardagueavec I'~nn;ri Momogoiou~founi,;

I -Traductionde la RkpubliqucduTchad-Texte originnccardel 7gctuia1935.chc deml0
"on mi mesriinevcvrione(..mo vend cosi svuotandor~~ntenv:nonposronccno crwc
conridemi oggi invigarr.
"EssYMO mhe ~>oricamc"l>"&~II)III". "- de ce confluent, la ligne des hauteurs séparant I'Enneri
Bardague de l'En~ Momogoi ou Ofouni, puis la ligne des crêtes
jusqu'à I'EhiMadou, de telle sorte que les affluents de droite de
I'Enneri Bardague-Zoumeri, notamment les Enneri Ordi, Tinaa,
Ouadake, Araye, Mecheur, Tirenno, Agueske, Kayaga, Abeche

restent en territoire français;
"- de 1'EhiMadou, une ligne droite rejoignant Yebigue, à 10
kilomètresen amontde Yebbi-Souma;
"- de ce point, une ligne droite rejoignant le point géodésique
d'Aozi;
"- de ce point, une ligne droit rejoignant l'intersectiondu 24ème
degré de longitude Est Greenwich et du 18ème degré 45' de
latitude Nord (annexe 12).

Au Nord, la frontièreest indiquée surla carte acceptéepar l'Italie comme
étant annexée à la Déclaration franco-britannique de 1899, indiquant les
limites de la Tripolitaine en 1902.Partant de Toummo, elle rejoint, dans la
direction du Nord-Est le Tropique du Cancer à son intersection avec le
16èmeméridien Est de Greenwichpour prendre ensuitela direction du Sud-
Est comme l'indique la Déclaration additionnelle du 21 mars 1899, dont
l'interprétationa été confirméepar la Convention franco-britannique le 8

-septembre 1919aux termes de laquelle elle trouve son point d'aboutissement
au point d'intersectiondu4èmedegréde longitude Est de Greenwich et du
parallèle1g030'de latitude (annexe 7).

30. Il convient de décrire brièvement la consistance
géographique de cette bande de 114.000 Km2 (A), sa population et ses
ressources (B).

A -Description géographique

31. La bande d'Aozouconstitue une zone de temtoire de 1.040
kilomètresdans sa plus grande longueur et de 140 kilomètres de large, dont
une petite partie se trouve au Niger etl'essentiel000Km2) au Tchad.

32. Alors que les travaux consacrés au B.E.T. dans son
ensemble sont relativement abondants, la bande d'Aozoun'aguère fait'objet
d'étudesspécifiques.La meilleure description que l'onen ait a probablement
étédonnée parle premier chef de la circonscription duBourkou-Ennedi (de
1913 à 1917),le généraTl ILHO, dans une communication faite àl'Académie
française des Sciencesen 1936(annexe 163).

33. Au point de vue de sa géographie physique, la bande
d'Aozou peut êtrediviséeen quatre parties, correspondant au découpage
administratif de la période coloniale, maintenue après les indépendances. 1" -La partie nigerienne

34. La partie occidentale de la bande d'Aozou appartient au

Niger (v.supra 11'31).Elle forme un triangle dont la pointe occidentale est
situéeau puits de Toummo, le sommet septentrionalau tripoint Niger-Libye-
Tchad situé à l'intersection du 15èmeméridien Ouestet du 23 èmedegr6
(environ) de latitude Nord, et I'extrémSud légèrement auNord d'unpiton
rocheux, I'EhiNangara.

35. Hormis ce piton, 1'EhiToummo Doma, la partie nigérienne
de la bande d'Aozou est plate et était, jusqu'à l'invasion libyenne,
rigoureusement déserte. II semble que la Libyens y ont installé quelques
rares postes.

2" -La partie de labande sitube dans leTibesti

36. Il s'agit de la partie de la bande allant jusqu'au Borkou,
c'est-à-dire au 19èmedegréde longitude Est. II s'agit d'une régionaux
paysages variés, la seule véritablement habitabee l'ensemblede la bande;
encore n'est-ce vraique partiellement car elle peut àtson tour subdivisée
en quatre portions.

37. A l'Ouestdu leme parallèle, la bande est traversédu Sud
au Nord par la "grand-route"de Zouar (et N'Djamena) à Sebha (Fezzan) et
Tripoli. La passe de Korizo (87611)st célèbre par son cimetièree camions
remontant à la colonne Leclerc (fin 1942).La partie Nord de cette zone est
toutà fait déserte avecdes chaos de pitons rocheux. La partie Sud comporte
quelques rares puits.

38. Entre le 16èmeet le 17èmeméridiens,la ligne du Traitéde
Rome s'infléchit nettementvers le Sud-Est de I'EhiDogologa à Bini Madoa
(puits), puisardaguéqui est I'enneri(misseau intermittent occupantle fond
d'une vallée) de Bardaï. La partie Nord-Ouest de cette zone est
rigoureusement déserte et plate. C'est une plainesablonneuse sans eau ni
végétation appeléT eénéré sur les cartes usuelles.Au Sud-Est commence le
massif du Tibesti qui comporte des sommets de 800 mètres d'altitude
(Arayé).Le massif est entaillé pardes enneris où I'ontrouvedes puits.

39. La partie comprise entre le 17èmeet le 18èmeméridiens
est la plus large (près de 170 Km du Nord au Sud le long du 18ème
méridien).Sa partie Nord est une plaine sablonneuse désertique traversée par
I'enneriYebbigué qui descenddes montagnes de Yebbi-Soum et de Yebbi-
Bou. Lapartie centre et Sud-Estest très montagneuse.La bandeentame alors
largement le massif du Tibesti. Elle englobe la totalité duTarso Ouraré.Elle

comprend les villages d'Aozou à 800 mètres d'altitude et, surle Yebbigué,les villages de Yebbi-Souma(1120m) et, un peu plusau Nord, d'Omchi.La
ligne de crête est située plusu Sud et lesenneris se dirigent vers le Nord.
L'enneriYebbigué, après avoir reçu plusieurs affluents(dont l'enneriAozou)
devient l'ennenTaanoa qui se perd dans les sables. On trouve des marais un

peu au Sud de la frontièretchadienne. Acet endroit, par 22'40' de latitude
Nord et 17"40'de longitude Est, les Libyens ont constmit après1980la base
militaire de Tanoa qui comporte notammentun grand aérodrome. Cette base
est situéede pan et d'autrede la frontière.

40. Le tracéde la frontièrede 1935entre le17èmeet le 18ème
méridienavait beaucoup émules militaires et les "coloniaux" français de

l'époque. Le généralTILHO protesta contre le partage d'une entité
géographique etethnique : le territoire des TédaTou. "L'Italieannexe une
demi-douzainede misérables palmeraies montagnardes habitéep sar quelques
milliers (chiffre probablement excessif) de pillards invétéréest querelleurs,
toujours en quêtede mauvais coups, insaisissablesdans leurs rochers et très
difficileà tenir en main" (cf. annexe 163). Les soucis de TILHO étaient
surtout d'ordrestratégiquesà propos de deux points : 1) l'EhiMaduo. piton
isolé émergeantau fond de la vallée à 3 Km au Nord-Ouest du village de

Ouonofo (la frontière italienneserait ainsivenue s'enfoncer,comme un coin,
dans la vallée de Zoumeri haut Bardagué, ce qui aurait menacé les
communicationsentre Bardaï et Faya); 2) Yebbi-Souma,petit villagesituéà
1120m d'altitudesur le haut duYebbigué, qui est selon TILHO, laclédu col
de Moki (ou Mohi), mais qui est, en réalité,un plateau situé entre le
Bardaguéet le Yebbigué. Lapalmeraie d'Aozou. irriguéepar des sources
abondantes,se trouvedanscette région.

41. Entre le 18èmeet le 19èmeméridiens, la banded'Aozou
est constituéede grands plateaux rocheux (tarso) et de massifs trèsélevés
(Kégueur Terbi à3150 m d'altitude).On y trouve des puits et des palmerais
notamment à Guézentisur I'enneridu mêmenom (936111)A . l'extrême Sud,
Aozi, sur son tarso, aprèsquoi les enneris se dirigent vers l'Est. La pointe
Nord-Est du massif du Tibesti déborde surla Libye -ce que ne relevaientpas

les cartes anciennes- formant le Dohonéjusqu'au 23èmedegréde latitude
Nord. Le Traitéde Rome de 1935 prévoyaitque la frontière irait de l'Ehi
Madou au Yebbigué à 20 Km en amont de Yebbi-Souma. La grande
palmeraie de Yebbi-Bou, sur la piste de Bardaïà Faya devrait donc, en tout
étatde cause, demeureren territoire français.

3' -La partie de la bande situéeau Borkou

42. Cette partie de la bande s'étend entrele 19èmeet le 21ème
méridiens.Le massif montagneux s'interromptbmsquement aux alentoursde
19'30'de longitude Est. Ouri, situéA750 mètres d'altitude, prèsde I'enneri
Ouri Sao qui descend vers le Sud-Est est un des villages notables de la
bande. Gouro est nettement plus au Sud. A l'Est du 19èmeméridien30'

commence un plateau totalementdésertique etplat. 4'- La partie de la bande situéedans I'Ennedi

43. L'Ennedi commence à peu près au 21ème degré de
longitude. Entrele 21èmeet le 22èmeméridiens,cene partie de la bande est

constituée par le plateau de Jef Jef el Kébird'où émerge le Rocher noir
(Hadjer elAzrak) à509 mètres d'altitude. Jusqu'làa frontière soudanaise, les
plateaux se succèdentrelayésau Sud-Est par la zone des Erdis. Pasun puits,
pas une palmeraie.

44. Traditionnellement, cette partie de la zone ne comportait

qu'unepiste non balisée nigoudronnée, allantd'ûunianga au puits de Sarra
(Masten es Sarra) en passant par Hadjet el Azrak. Après l'invasion de la
Libye, celle-ci a aménagéune piste allant d'Aozi à Koufra en passant par
Ouri.

B -Population et ressources

45. La bande d'Aozoun'estpeuplée, d'ailleurs très faiblement,
que sur le quart de sa supenicie, dans la partie correspondantauTibesti entre
le 17èmeet le 19èmedegré30'Est. Le reste de la zone est constituéd'un
désertinhospitalier.

46. La seule population permanente est constituée par les

Téda-Tou d'Aozou et de ses environsqui sontd'ailleursdes semi-sedentaires,
leurs déplacementsse limitant àune zone restreinte. IImive qu'onne trouve
dans les villagesque des vieillards, les femmes et les enfants. Les Téda-Tou
sont de pauvres gens. éleveursde chameauxet surtout de chèvres, quivivent
de quelques dattiers et de maigres champs de mil. Leurs principaux lieuxde
culture sont situésau Sud de la frontière envisagéeen 1935 dans le Zouneri
(haute valléedu Bardagué).

47. Le reste de la bande n'estpas peuplé,mais il arriveque des
nomades ou semi-nomades centrés plus au Sud passent dans la bande au
hasard d'unpâturage néd'unepluie. Ce sont des éleveursde chameaux : les
Gouroa (ou Gourous), à l'Est du Tibesti et Ics Ounia (d'ounianga) semi-
nomades, qui parcourent parfois les Erdis. Dans I'Ennedi, les Gaeda (à
L'Ouest)et les Mourdia(à L'Est)sont riverainsde la bande.

48. Au point de vue économique.lesjournalistes ont beaucoup
écritsur les fabuleuses richesses de la bande d'Aozou quijustifieraient les
convoitises libyennes. Ils ont parléde pétrole.Les terrains sédimentairesde
l'extrême Est où des prospections ont étéeffectuéesen 1961-1963sont, en
effet, prometteurs.Les recherchesont étévaines cependant. 49. Dans la partie occidentale de la bande, une forte
minéralisation serait normale, comptetenu de la nature du terrain. En 1957-
1960, une exploitation expérimentalede wolfram-tungstènea étéconduite à
Yédripar le service des mines de I'A.E.F.(Brazzaville). On en est resté à

cette expérience. Par ailleurs, la région semble riche en uranium, mais
I'invasinnlibyenne au débutdes années 1970 a empêché toute prospection
sérieuse.II y a cependant toutes les raisons de penser que cette richesse en
minerais et, tout particulièrement en uranium (les gisements probables du
Tibesti étantla continuation de ceux du Niger, exploitésde longue date), a
excitéles convoitises libyenneset a constituéI'undes motifs déterminantsde
la tentative faitepar la Libye pour s'appropriercette région.

50. Au surplus, la bande d'Aozouprésente, pourla Libye, une
valeur stratégique et politique considérable. dans la mesure où, durant la
période troublée dela vie politique tchadienne qui a marquéla findes années
1970 et les années 1980, elle a souvent servi de "base arrière" à certains
groupes opposésau pouvoir central que la Libye a arméset financés dansle
but évident de déstabiliseron voisin du Sud.

SECTION II
LA DECOLONISATION ET SES SUITES
LE LITIGE FRONTALIER TCHADO-LIBYEN

51. L'épisodedu Traitéde 1935n'ayant pasabouti,le statu quo
ante n'est pasmodifiéet la frontièreantérieureest maintenue (v.supra n022
et S.). Tout au plus se trouve-t-elle consolidée en ce sens que l'Italie qui,
entre 1921et 1934,avait contestéla régularitéde la présence française dans
le B.E.T. (v.supra n021) ne pouvait plus espérer la remettre en cause : la
rédaction du Traité LAVAL-MUSSOLINI qui constituait un accord de
cession temtoriale l'excluait évidemment.

52. Au demeurant, par le Traitéde paix du 10 février 1947,
l'Italierenonçait

"...à tous ses droits et titre sur ses possessions coloniales en
Afrique" (annexe 13et Production 2).

53. De bilatéral, le problème -si problèmeil y avait-, allait
devenir multilatéral puisque I'indépendancd ee la Libye allait être acquiseà
la suite d'un processus qui s'est principalement déroulé aux Nations Unies.
Or, il est significatif qu'à l'occasion de celui-ci la situation antérieure n'a
nullement étémodifiéeet qu'elle s'estmêmetrouvée formellement consacrée
par un très important traité franco-libyenconclu le 10 février1955 (1). Ce
n'est qu'à partir de 1971 que l'on peut véritablement parler d'un litige

frontalier. litige que la Libye a, dans un premier temps, voulu réglerpar la
force,avant d'accepterde lesoumettre àlaCour internationaledeJustice (II). 1- L'INDEPENDANCE DE LA LIBYE
ET LA RECONFIRMATION DE LA FRONTIERE

54. Au sortir de la guerre, la situation étaitla suivant:le
Royaume-Uni s'étaitsubstitué à l'Italie vaincue dans l'administration de la
Tripolitaine et de la Cyrénaïque qu'il occupait militairement. Pour sapart, la
France s'étaitemparéedu Fezzan dans lequel stationnaient des troupes qui
furent toujours en nombre limité. Ellesy demeurèrent aprèsla conclusion du
Traitéde paix avec l'Italiedont l'article 2$.2, consacrait le maintien du
statu quo dans l'attente d'un règlement définiti(fcf. annexe 13 et Production
2).

55. Faute d'accord entre les vainqueurs, celui-cifut confiéaux
Nations Unies, sans que le problème des frontières de la Libye soit
définitivement réglé(A). II le fut, du moins en ce qui concerne la frontière
qui fait l'objetdu différend soumià la Cour, par le Traité franco-libyendu
10août 1955(B).

A - La question de la frontière méridionale de la Libye

durant la procédure d'accession àl'indépendance.

56. Aux termes de l'article23 du Traitéde paix avec l'Italiedu
10février1947et de son annexe XI (annexe 13et Production 2). les "Quatre
puissances" (les Etats-Unis, la France, le Royaume-Uniet l'U.R.S.S.)étaient
chargéesde régler "leson défmitif'des possession territoriales de l'Italieen
procédant,le cas 6ch6ant "aux ajustements appropriés de leurs frontières".
Faute d'yparvenir, il leur appartenait de soumettre la quesàl'Assemblée

générale des Nations Unies dont elles acceptaient par avance la
recommandation comme obligatoire.

57. Durant les négociationsà quatre, la France, qui souhaitait
obtenir que la tutelle du Fezzan lui soit confiée, demanda en outre
d'importantesrectifications des frontièresde la Libàl'Ouest,en faveur de
l'Algérie.et au Sud, en faveur del'A.E.F.Elle n'insista cependantguèreet
s'abstint de reprendre ces demandes "d'ajustements" devant l'Assemblée

généralede l'O.N.U. à laquelle, faut d'accord entre les quatre au 15
septembre 1948. la question du sort des colonies italiennes avait ét6
renvoyée.

58, Malgré les souhaits de la France, l'Assemblée générale
recommanda, par sa r6solution289 (IV) du 21 novembre 1949la constitution
de la Libye en un Etat souverain, indépendantet unifié avantle ler janvier
1952(annexe 307). Ce fut chose faite le 24 décembre1951.

59. Sans êtreau centre des discussions. la question des
frontières des anciennes colonies italiennes ne fut pas négligéepar lesNations Unies. Dans la résolution289 (IV), l'Assembléegénéralepria sa
Commission intérimairede

"procéderà I'examende la procédure àadopter pour délimiter les
frontièresdes anciennes colonies italiennes, pour autant qu'elles
ne se trouvent pas déjà fixées par des arrangements
internationaux" (annexe 307).

60. Toutefois, alors que les frontières d'autres anciennes

colonies italiennes firent I'objetde vifs débats,il n'en alla pas ainsi de la
frontière méridionale de la Libye. Celle-ci donna cependant lieu à un
incident. En effet, le rapport établi parle Secrétariatle 27 janvieà la50
demandede la Commission intérimaire affirmaitàtort que cette frontière

"a étéfixée parce qu'on appelleI'Accordde Rome" du 7 janvier
1935,conclu entre la France etl'Italie"(annexe 309).

Dans ce rapport, établi enune dizaine de jours, le Secrétariat semblait donc
se fonder sur une carte, jointe au rapport de la Commission d'enquêdes
quatre puissances en Libye (annexe214) contre laquelle la France avaitdéjà
protesté(ibid .) ,ue rappelle d'ailleurs le mémorandumdu Secrétariat
(annexe 309).

61. La France réitéra sa position durant les débats de
l'Assembléegénérale(Commission politique spéciale) et, cette fois, ses
représentant se montrèrent précist rigoureux en rappelant non seulement
que le TraitéLAVAL-MUSSOLINI n'étaitjamais entréen vigueur, mais
encore que la frontière en questionétait fixéepar les accords franco-italien
de 1902et franco-britanniquesde 1899, 1919et 1924(cf. annexe 325).

62. Dans le doute, l'Assemblée générale adopta, le 15
décembre 1950,la résolution 392(V) aux termes de laquelleelle se bornaàt
recommander :

"a) ence qui concerne la Libye,
"que la frontière de la Libye avec les territoires français, pour
autant qu'elle ne se trouve pas délimitéepar des arrangements

internationaux, soit délimitée, lorsde I'accession de la Libàe
I'indépendancep, ar la voie de négociationsentre le gouvernement
libyen et le gouvernement français, aiàéla demande de l'uneou
I'autredes Parties par une tierce personne choisie pour euxoà,
défaut d'accord, désignée plaerSecrétaire général" (annexe 308).

B -La consécration de la frontière héritéede la colonisation

par le Traitéfranco-libyen du 10août 1955

63. 11ne fut pas nécessairede recourià cette procédure pour
ce qui est de la frontière méridionale de la Libye :des arrangements internationaux la délimitantexistaient. Ceci est expressémentreconnu parle

Traité d'amitié edte bon voisinage entre la France et la Libye du 10 août
1955, dont la conclusion fut, cependant, laborieuse, mais pour d'autres
raisons.

1'- Les circonstances de la conclusion du Traitéde 1955

64. Faute d'avoir réussi faire accepter sa tutelle sur le Fezzan
ou, à défaut,la création,en Libye, d'unEtat fortement décentralisél,a France
souhaitait conclure avec le nouvel Etat un traité d'alliance,sur le modèlede
celui obtenu par le Royaume-Uni en 1953, traitéqui lui aurait permis de
maintenir sa présencemilitaire au Fezzanque l'accordconclu le 24décembre
1951n'autorisaitque pour uneduréede six mois renouvelables(annexe 227).

65. 11lui fallut déchanter:les négociateurs libyensappuyés
par les Etats-Unis et le Royaume-Uni qui multipliaient les pressions sur la
France, refusèrent toutcompromis sur le maintien d'une présencemilitaire
française "sousquelque formeque ce soit" (cf.annexe 232). De mauvaisgré,
elle dut se résigneàla signature. le 10août 1955,d'unsimpleTraitéd'amitié

et de bon voisinage (annexe 14),dont le principal intérêatux fins du présent
différendréside dansl'article 3 et l'échangede lettres annexé,en date du
mêmejour, l'unet Vautrerelatifs à la délimitationdes frontières communes à
la Libyed'unepari et aux possessionscoloniales françaisesd'autre pari.

66. L'élaboration de ces dispositions ne suscita pas de

problèmespaniculiers, mais il importede soulignerque la Panie libyenneen
accepta les termes en toute connaissance de cause, après uneétude attentive
des élémentspertinents et, notamment, aprèss'êtreenquise de la situation
juridique auprès de l'ancienne puissance coloniale et s'être entouréede
conseils d'experts étrangers.Au surplus, durant les négociations,la Libye
reconnut expressément l'appartenance de la bande d'Aozou au Tchad à
I'occasiond'un incident qui eutlieu le 29 février195: une mission libyenne

d'une vingtaine de personnes, dont treize soldats s'étantdirigésur Aozou
dans le but avouéde procéder à un recensement de la population, elle fut
arrêtée par la garnison française et, aussitôt reconduiàela frontière.A la
suite de cet incident, la France émit de vives protestations et le Premier
Ministre libyen, BEN HALIM, reconnu expressément l'appartenance
d'Aozouau territoire français (cf. annexe 264). C'estprobablementà la suite
de cet incident et pour que les choses soient tout à fait claires que les

négociateursdécidèrentde préciser,avec un certain luxe de détails, le tracé
de la frontièredansi'échangede lettresannexéau Traitéde 1955.

67. L'autorisation de le ratifier fut donnéepar le Parlement
français, mécontentdes reculs français~uccessifs,de fort mauvaise grâce,et
le Traité entra en vigueur à la suite de l'&changedes instruments de
ratificationqui eut lieu le 20 février1957. 2. Le Traitéde 1955etsa mise en oeuvre

68. Traité d'amitié et de bon voisinage, le Traitéfranco-libyen
du 10août 1955remplit trois fonctions distinctes :
Io conformément à l'objectif premier de la Libye, II organise
l'évacuationdu Fezzan par les modestes troupes frangaisesqui s'ytrouvaient
encore ;
2" il organise une coopération limitée entre les deux pays dans

différentsdomaines ;
3' il constitue la reconnaissance, par les deux Parties, du tracéde
leursfrontièrescommunes.

69. Ace dernier point de vue, I'anicle3du Traitédispose :

"Les deux Hautes Parties Contractantes reconnaissent que les
frontières séparant le territoire de la Libye d'une part, des
territoires(...de l'Afriqueéquatorialefrançaise d'autre part, sont
celles qui résultentdes actes internationauxen vigueur à la date de
la constitution du Royaume-Uni de Libye tels qu'ils sont définis
dans l'échange de lettresci-jointes(annexe 1)".

Aux termes de cet échange de lettres les instruments pertinentspour définir
le tracé dela frontièreentrele Tchad et la Libye sont les suivants :

"- la convention franco-britanniquedu I4juin 1898,
"- la dkclaration additionnelle. du 21 man 1899. A la convention
précédente,
"- les accords franco-italiensdu ler novembre 1902,

"- (...)
"- la convention franco-britanniquedu 8septembre 1919
"- I'arrangementfranco-italiendu 12septembre 1919".

70. Il est clair que, dans l'esprit des négociateurs, ces

instruments délimitent de manière suffisamment complète et précise leur
frontièrecommune -du moins dans le secteur en examen. Ceci résulte à la
fois des travaux préparatoiresau Traitéet du texte mêmede I'échangede
lettresqui constitue son annexe 1.IIest en effetsignificatif
-d'une part, que cet accord collatéral prévoie la possibilité"de
procéder à I'abornementde la frontière partoutoù ce travail n'a pasencore
été effectué eo tù l'undes deux Gouvernements I'estimeraient nécessaire" -

ils ne l'estimèrent point nécessairedans le secteur concerné alors qu'ils
procèdèrent à cet abornementailleurs ;
-d'autrepart, dans i'échangede Lettreslui-même,ilsprécisèrentle
tracé de la frontière algéro-libyenne entre Ghât et Toummo ; ils
n'éprouvèrentpas ce besoin s'agissant de la frontière entre le Tchad et la
Libye, témoignant ainsi deleur conviction selon laquelle le tracé résultant
des textes de référenceétaitsuffisammentprécis. 71. Au surplus, la France suscita la réouverture de
négociations en vuede fixer plus précisémenlta frontièreentre l'Algérie et la
Libye. Cellerci n'en profita nullement pour provoquer parallèlement de
nouvelles négociationssur sa frontière méridionale,ce qu'elle n'aurait pas

manquéde faire si elle avaitnouni un doute sur lavaliditédu tracé confirmé
par le Traitéde1955.

72. Les nouvelles négociations franco-libyennes aboutirent,le
26 décembre 1956, àla conclusion d'une nouvelle convention, laquelle le
Gouvernement français avait lié la ratification duTraité de 1955. Celui-ci
put donc entrer en vigueur (V.supran067).

73. 11fut, par la suite, appliqué par les deux Parties sans
difficulté,et, en particulier, les dispositions relatives aux frontièresne furent,
à aucun moment, remises en cause jusqu'au débutdes années 1970. La
France d'abord,le Tchad ensuite, après son indépendance intervenuele 11
août 1960, continuèrent à exercer toutes les prérogatives liées à la
souverainetédans la bande d'Aozou,et de son côté,la Libye n'éleva aucune

protestation contre cet étatde chose.

II. LELITIGE FRONTALIER

74. Tout comme le Tchad, la Libye a, lors de la première

Conférencedes Chefsd'Etatet de gouvernementde l'O.U.A.réunieau Caire,
voté en faveurde la fameuse résolution AGHIRES 16 (1) sur l'intangibilité
des frontières africaines du 21 juillet 1964 (annexe 282). Et. par leur
comportement constant tout au long des années 1960, les deux Etats
témoignèrent de leur acceptation de l'héritage colonial en matière de
frontières.

75. Les relations frontalières paisibles entre les deux Etats
firent d'ailleurs l'objet d'un Accord de bon voisinage et d'amitié conclà
Tripoli le 2 mars 1966qui organisait la circulationdes p~pulationsinstallées
de part et d'autrede la frontièreet le trafic commercialet caravanierentre les
deux pays (annexe 15). On ne conclut pas un accord de ce type en cas de
désaccord surle tracéde la frontière.

76. La situation changea radicalement à partir du débutdes
années 1970, la Libye profitantde la faiblesse du pouvoir central tchadien
pour occuper la bande d'Aozou dans laquelle elle s'est maintenue jusqu'à
présent (A). Après avoir tenté en vain d'obtenir le retrait des troupes
libyennes par des négociations bilatéralesl,e Tchad porta l'affairedevant les
instances internationales, Nations Unies et O.U.A. (B), avant qu'apr6s de
longs atermoiements de la part de la Libye, les deux Etats portent l'affaire
devant la Cour internationalede Justice (Cl. A -La naissance du différend

a) L'occupation libyenne

77. A partir de 1968, le pouvoir central tchadien, dirigéà
l'époque par François TOMBALBAYE, perd le contrôle d'une partie
importante du B.E.T. En particulier, une révolte des gardes nomades
d'Aozou en mars 1968est à l'originede l'évacuation définiteu poste par
I'Arméenationale tchadienne à partir du mois de septembre de la même
année (V LANNE Bernard, Tchad-Libve La aoerelle des frontières, Paris,
Karthala, 1982,p.226). Pendant cinq ans,Aozou passe alors sous le contrôle

d'un mouvement d'opposition armée dirigépar le Docteur Abba SIDICK, le
Frolinat, puis des Forces armées duNord (FAN)de MM. Hissène HABRE et
GoukouniOUEDDEI.

78. Bien que la Libye eût, très probablement, apporté une aide
discrète aux mouvements rebellesdu Nord du Tchad dks 1969,ce n'estqu'en
1971que I'immixionlibyennedans les affaires intérieures du Tchad prendde

grandes proportions ce qui conduira le Gouvernement tchadien rompre les
relations diplomatiques età dénoncer publiquement cette ingérence le 6
octobre 1971, lors de la vingt-sixième session de l'Assembléegénérale
(Documents officiels de l'Assembléegénérale,26ème session, 1955ème
séance,6 octobre 1971).

79. En cette occasion, le représentant duTchad dénon~ales
visées expansionnistes libyenneseta mise'en circulation par la Libye d'une
carte incluant "une partie non négligeable" du territoire tchadien dans la
Libye. Son homologue libyen nia, le 12 octobre suivant (ibid, 1963ème
séance), tout expansionnisme et récula carte.

80.
Ceci n'empêcha pas la Libye de s'infiltrer dansle territoire
sur lequelelle avait expressémentniéavoir quelque revendicationque ce soit
et de s'emparer d'Aozouen 1973. Elle s'y est maintenue sans interruption
jusqu'àladate de la rédactiondu présent Mémoire.

b) Les relations tchado-libyennes -

81. Affaibli par les rebellions auxquelles il devait faire face, le
Gouvernement tchadien chercha, dans un premier temps, à obtenir par la
négociation à la fois la cessation de l'aide de la Libye aux mouvements
d'oppositionarméeet son retrait de la partie septentrionale du Tchad. Pour
ceci, plutôt que de s'opposer son voisin du Nord, le régime du Président
TOMBALBAYE choisit de renouer les relations diplomatiques (en avril
1972)et d'op6rerun rapprochement avec la Libye, qui se traduisit de façon
spectaculaire par la visite officielledu Chef de I'ElattcàaTripoli du 20

au 23 décembre1972. 82. S'il faut en croire un document présenté par la Partie
libyenne au Sous-Comitédes experts juristes et cartographes de 1'O.U.A

(v.infra n0107)en octobre 1987,cette visite aurait précédéd ee l'envoi,le
28 novembre 1972 d'une lettre écrite au Colonel KADHAFI par
TOMBALBAYE qui, y aurait affirméque "la bande d'Aozoua étéet sera,
sans aucun doute, partie intégrante du Territoire Libyen" (annexe 343).
Toutefois outre l'ambiguïté de cette formule, l'extrêmetardiveté de la
production de ce document, sous forme d'une photocopie difficile à
déchiffrer- l'originaln'ajamais été produit malgré la demande instante du
Comité ministériel ad hoc de 1'O.U.Aen 1988 (cf. annexe 292) -laisse

perplexe.

83. Cette perplexité est accrue par le fait que l'attitude
ultérieureconstante des autoritéstchadiennes ne confirme nullement cette
"affirmation". 11est en particulier remarquable qu'en aucune circonstanceni
le Président TOMBALBAYE ni aucun autre officiel tchadien n'ait

publiquement ni. semble -[-il ,en privé, faitétat decette positionqui, en tout
état de cause, est en contradiction totale avecla position constamment
maintenue et rendue publiquedes Gouvernements successifsdu Tchad.

84. TOMBALBAYE lui-mêmen'en souffla' mot lors de sa
visite officielle en Libye en décembre 1972 (v. supra no81) et le Traité
d'amitié,de coopération et d'assistance mutuelle conclu en cette occasion se

borne à une série de déclarations d'intention fort vagues (annexe 16).
Davantage même à la suite de l'occupation militaire d'Aozou, en 1973
(v.supra n080), le Président TOMBALBAYE dépêch a Tripoli, en août
1974, une mission dirigée parMM.Bmno BOHIADI, Ministre desAffaires
étrangères,et MAHAMAT YAKOUMA, Secrétaired'Etat àla Présidence,
chargé des Affaires intérieures, en vue de protester contre la présence
libyenne à Aozou ; leurs interlocuteurs minimisèrentcelle-ci qui se serait
limitéeàune simple opérationde police et nièrentque la Libyenourrissait un

quelconque dessein d'annexionde la Bande.

85. Il en alla différemment à l'occasion de la visite d'une
nouvelle mission tchadienne conduite par le Colonel MAMARI DJIME
NGAKINAR, Vice-Présidentdu Conseil Supérieur Militaire. Ministred'Etat,
qui séjournaà Tripoli du 29 juillet au 2 août 1976, soit aprèsle coup d'Etat

qui coûta la vià TOMBALBAYE le 13avril 1975.En effet, rompant avec
leur attitude antérieure, les Libyens affirmèrent l'appartenance d'Aàzla
Libye en invoquant certaines cartes et, surtout, le Traité LAVAL-
MUSSOLINI de janvier 1935(v. le rapport de mission établi parle Chef de
Service des Affaires internationalesà la Présidence duConseil Supérieur
Militaire -annexe 283). Bien que la délégationtchadienne eût vivement
protesté,une Commission mixte technique chargéed'examiner laquestion
fut créée(ibid).

86. Celle-ci tint sa première,et unique, réunionN'Djaména
du 23 au 26juin 1977et n'aboutit àaucun résultat positif,la Partie libyenneinvoquant à nouveau le Traité LAVAL-MUSSOLINI et récusant la
pertinence du Traité franco-libyen de 1955 au motif "gu'entre la nériode
1950-1969.la Libve n'étaitoas véritablementlibre et uarconséquent. toutes
les décisionslui étaient dictéesna le Colonialisme" (procès-verbal du 26

juin 1977 ;annexe 284 - soulignédans le texte).

87. En réalité,malgré l'engagement pris de rechercher une
solution pacifique du différend, la Libye poursuivait son occupation de la
partie septentrionale du Tchad : après avoir formellement annexé le poste
d'Aozou et ses cantons le 23 août 1975, elle occupa durant l'année 1977
l'essentieldu B.E.T. Renonçant à tenter de réglerle problème surune base

bilatérale, le Tchad en saisit les instances internationales et suspendit ses
relations diplomatiques avec la Libye le 6 février1978, pour ne les rétablir
que le 3 octobre 1988.

B.L'internationalisation du problème

88. Gravement menacé dansson intégrité territorialeet, peut-
être, dans son existence même,le Tchad estima en effet devoir porter
l'affairedevantles Nations Unies et l'organisation de UnitéAfricaine.

a) L'intervention des Nations Unies

89. Comme la Républiquedu Tchad l'adéjà souligné (supra
no78-79), le Gouvernement tchadien avait, dès 1971,dénoncél'intervention
de la Libye dans ses affaires intérieures et les visées expansionnistes
libyennes dans la bande d'Aozou. Il renouvela vigoureusement ces plaintes
en 1977 lors de la vingt-deuxième session del'Assembléegénéraledevant
laquelle il avait déjà, l'année précédente, oppou sédémenti catégorique à

des rumeurs de cession territoriale colportée par certains journaux
américains. Le Tchad renonça cependant i3 saisir le Conseil de Sécuritdans
l'espoirqu'une solution interviendrait rapidement dans le cadre de l'0.U.A
(v. infran096et S.).

90. Toutefois. l'année suivante,le Tchad, faute d'une solution

au plan régional, porta l'affaire devant le Conseil de Sécurité en attirant
l'attention de celui-ci sur l'absence de coopérationde la Libye devant les
instances de l'O.U.A. et sur l'intervention militaire libyenne au B.E.T. Le
Conseil examina la plainte tchadienne le 17 février1978.En cette occasion
le représentantdu Tchad exposa les faits et les fondements juridiques de la
position de son pays. Celui de la Libye n'y répondit point sinon pour
affirmer,que son pays n'avait nullementoccupéAozou.

91. A la suite d'un gentlemen's aereement intervenu le 21
février 1978, le Tchad décida cependant de retirer cette premikre plainte devant le Conseil de Sécurité.II ne le saisàtnouveau qu'en mars 1983,à
l'issue d'unepérioded'intense guerre civilequi avait reléguéau second plan
le différend frontalier.

92. Dans sa lettre au Présidentdu Conseil de Sécurité en date
du 16mars 1983,le représentant du Tchaddbnonça ànouveau "l'occupation
d'unepartie du temtoire tchadien par la Libye" (DocumentSl15649, annexe,
22 mars 1983).Le Ministre des Affaires étrangères réitécres arguments lors
de la réunion du Conseil du même jour (S/PV 2419). Le représentant libyen

s'abstint une nouvelle foisde les réfuter avec précision, se bornànde très
vagues allégationsqui, cependant, ne faisaient, cette fois, pas mystèredes
prétentions libyennesà la souveraineté sur la bande d'Aozo(ibid).A I'issue
du débat,la Présidente du Conseilde Sécurité fit une déclaration, approuvée
par tous les membres du Conseil, invitant les deux Parties à régler leur
différend "sans délai injustifiéet par des moyens pacifiques" (document
S/15688,6 avril 1983).

93. Par la suite le Tchad saisàtnouveau à plusieurs reprises,
le Conseil de Sécuritéet présenta régulièremenlte probl&me à l'Assemblée
généraleP . our sa pan, la Libye s'entiàsa nouvelle lignede défense :sans
nier davantage l'invasion de la bande d'Aozou, elle éprouvad'évidentes
difficultés justifier ses prétentions juridiquement, se bornàinvoquer, de

temps àautre et sans guèrey insister, certaines cartes, soit très anciennes (et
qu'ellene produisit pas), soit,de notoriété publique, inexa(v.supra, n060
et 61)ou le TraitéLAVAL-MUSSOLINIde 1935.

94. Les rappons entre les deux pays s'améliorèrent cependant
quelque peu en 1988 et se traduisirent par l'amorce d'un dialogue plus

constructif sous l'égidede I'0.U.A (v.infro nol 10et S.),en ce sens que, peut-
êtredu fait des succès militaires tchadiens, la Libye ne contesta plus la
nécessitéd'un règlement pacifique du litige.si bien que l'intervention des
Nations Uniesappamt moins nécessaire.

95. Il n'enreste pas moinsque les déclarations publiques faites

par les représentantsdes deux Etats devant les organes compétentsdeI'ONU
entre 1971et 1988demeurent pleinement pertinentes auxfins de la solution
à apporter au présent litige. Ellesdémontrent qu'en réponeI'argumentation
juridique du Tchad, la Libye a commencé parnier l'existencedu problkmeet
même, au débudte la période, qu'elle ait une quelconque revendicatiosur la
bande d'Aozou ; puis, lorsqu'il fut trop évident que cette position était
contredite par les faits, elle procéda parI'affirmationde l'appartenancede la

bande au territoire libyen mais sans jamais étayer ses dires par un
raisonnementjuridique sérieux.

b) Les tentativesde reglement par l'O.U.A.

96. L'attitudede la Libye dans le cadre de I'0.U.A. appelle lemêmegenre d'observations. Comme aux Nations Unies, la procédure s'yest
déroulée en deux phases séparées puan re firiode d'hibernation" du fait des
troubles internes au Tchad
- en 1977-1978, I'OUA, saisie par le Tchad, met en place un
mécanisme d'examen et de règlementdu différend ;

- la procédure est progressivement réactivàepartir de 1982

1' La soumission du problkme frontalier
tchado-libyen à l'O.U.A. par le Tchad

A la suite de I'échecde la réunionde la Commission mixte
97.
technique en juin 1977 (v.supra no 86) le Gouvernement du Général Félix
MALLOUM saisit la Quatorzième Conférence des Chefs d'Etat et de
gouvernementde l'O.U.A.réunie à Libreville du 2 au 5juillet 1977,du litige
frontalierentre le Tchad et la Libye.

98. Par une décisionAHGIdéc.108 (XIV) la Conférencecréa

une Commission souvent appelée "Comité"ad hoc de médiation sur le
différend frontalierchadILibye.Composéede six pays (l'Algérie,le Gabon,
le Mozambique,le Nigéria,le Sénégae lt la Zambie), celle-ci était chargée

"d'entreprendre toutesles actions nécessaires,de rechercher toutes
les voies et tous les moyens susceptibles de mener à bien la
solution de ce grave problème etde faire rapportà la Conférence
des Chefs d'Etatet de gouvernementde I'OUA (annexe 285).

99. Réunie à Libreville du 10au 12août 1977,la Commission
porta àsaprésidencele Président Omar BONGO, Chefde I'Etatdu Gabon,et
adopta le 11août une recommandation par laquelleelle

"1'- REAFTiRME la RésolutionAHCIRES 16 (1)qui engage les
Etats membres conformément à la Charte de I'OUA àrespecter les

frontières existant au momentoù ils ont accédé àl'indépendance,
aussi bien qu'à adhérer aux principes fondamentaux de non-
violation de la souveraineté etde I'i-tégratterritorialedes Etats
membres ;
"2' - DECIDE la constitution d'un Sous-Comité d'experts chargé
d'étudierle problème frontalier posédans tous ces aspects. Ce
sous-comité d'experts sera composé d'au moins (...)3 experts
juristes, 3 cartographes, désignéspar les Etats membres de la

Commission et éventuellement de techniciens qui pourraient
s'avérer nécessaire..."(annexe 286).

100. A la suite de la "suspension" par le Tchad de ses relations
diplomatiques avec la Libye (v.supra n087), celle-ci notifia au Gabon son
refus de toute coopération sibien que ni le Sous-Comité d'experts, nila

Commission ad hoc ne purent se réunir durant les années suivantes et,affaibli par de graves troubles internes, le Tchad ne put relancer la
procédure, qui n'auraitdu reste probablement pu aboutir étanté le refus
de coopération proclamé de la Libye.

ZOLaréactivation des efforts de médiation deI'OUA

101. Comme aux Nations Unies (v.supra n092), le Tchad
s'efforçade réactiverle mécanisme créé en 197d7ans le cadre de VOUAau
printemps 1983.

102. En juin 1983,le Ministre tchadien des Affaires étrangères
et de la Coopération attira l'attende la Conférence des Chefsdntat et de
gouvernement réunie à Addis-Abeba pour sa XIX ème session sur
l'aggravationde la tension entre les deuxpays. Par sa résolutionGRES
106(XIX). la Conférence

"lance un appel aux deux parties pour qu'elles collaborent
franchementet loyalementavec le Comitéad hocde manièrehlui
permettre de remplu sa mission";et
"demande au Comité ad hoc de médiation de poursuivre sa
mission...(annexe 287).

103. La Libye ayant maintenu son refus de coopérer cette
résolution demeura à nouveau leme mone et la XWème session ordimaire
de la Conférencedes Chefs d'Etatet de gouvernement de I'OUA,réunie à
Addis-Abébadu 28 au 30 juillet 1986 adopta la résolutionAHG/RES 158
(XXII) dans laquelleelle

"réaffinnel'intégritterritoriale du Tchad et l'inviolabilitéde ses
frontières nationales conformémentila RésolutionAHGRES 16

(1)de l'OUA,

et encourage instamment une reprise du processus de médiation en invitant
les deux Parties"à coopérer sincèrement avecle Comitéad hoc afin de lui
permettrede s'acquitterde son mandat" (annexe 288).

104. Toutefois, alors que le Tchad était représentépar son

Ministre des Affaires étrangères etde la Coopératiànla réunion du Comité
ad hoc de Libreville les 28 et 29 avril 1987,la Libye refuàanouveau d'y
participer -ce qui n'empêcha pasle Comitk de déciderde réactiverle Sous-
Comité d'experts (en modifiant légèremes nat composition).de le convoquer
pour le 18mai suivant et d'envoyer une mission ministérielle'Djaménaet
à Tripoli (annexe 289).

105. Réuni à Libreville du 18 au 20 mai puis du 30 juin au 9
juillet 1987,le Sous-Comitédes experts juristes et cartographes a tlaboréunpremier rapport dans lequel il examine la pertinence de différents
instruments internationaux auxfins du règlementdu litige, expose les "thèses

et attitudes des Parties" (en soulignant I'inexistencede tout memorandum
libyen), et s'efforce de dégager les problèmes de droit et diverses
propositions de scénarios en précoriisant"à titre principal", un règlement
politique par l'OUAet, àdéfaut,le reglementjuridictionnel du différend par
la C.1.1.(Production 81).Le rapport fut accepté parle Comitéad hoc le 20
juillet 1987.

106. Le Comitéad hoc tint une réunionau sommet à Lusaka le
23 septembre 1987et, pour la première fois, la Libyey fut représentée rnu
observateur. Le Président Hissène HABRE y renouvela la totale disponibilité
duTchad àcoopérer avecle Comité, qui enjoignitàla Libye de

"mettre à sa disposition, comme l'a fait le Tchad toute

documentation pertinente à l'appuide sa thèse au plus tardle 30
octobre 1987",

et fixa un calendrier précispour le déroulement ultérires travaux (annexe
290).

107. Les deux Parties ayant déposé la documentation pertinente
dans le délai requis,le Sous-Comité d'experts repritses travauà Libreville
du 13 au 27 janvier 1988,et, comme le Tchad, la Libye s'yfit représenter-
après dix ansd'aternoiements- par des observateurs.

108. Construit sur le même modèle que le précédent, le

deuxième rapportdu Sous-Comité présente l'intérêt particuldie ers'efforcer
de construire les "éléments d'argumentation"de la Libye àpartir de la
documentation qui lui avait été remise pare pays mais, dans l'ensemble,le
Sous-Comité sans prendre nettement position, fait preuve d'un certain
scepticisme quant au bien-fondéde ces "éléments" (Production 82, pp.37-
49). En revanche, le Sous-Comité insiste davantage sur l'artic8 du Traité
franco-libyen du 10 ao0t 1955, "dont la validité n'est pas (sic) contestée par

aucune des Parties au différend, qui prévoitla soumission à la Cour des
différends"qui n'auraientpu êtreréglés par voiede négociations directes"
(ibid, p.50). LeComitéad hoc adopta le rapport avec quelques amendements
lors de sa quatrième session ministérielle,leser et 2 février 1988;il l'à
nouveau examiné lorsde sa cinquième session les 13et 14avril (cf. annexe
292)et opéraà cette occasion la synthèsedes rapport1et II (annexe 293).

109. Lors de sa deuxième réunionau Sommet, tenue à Addis-
Abébale 25 mai 1988, le Comitéad hoc marqua sa préférencepour un
règlement politique danslecadre de l'OUA, recommandation qu'entérina la
vingt-quatrième sessionordinaire de la Conférence des Chefsd'Etat et de
gouvernement de VOUA, réunie à Addis-Abéba du 26 au 28 mai 1988
(annexe 294). Dans la même résolution, la Conférence renouvelleamandat

du Comité ad hoc. Dorénavant, les travauxde l'OUA sont inséparablesdesnégociationsdirectes entre les deux Parties -qui ont rétabli leurs relations

diplomatiques le 3 octobre 1988-sous l'égidede I'OUA.

3"Les rencontres tchado-libyennes sous l'égidede I'OUA

110. Conformément à la résolution174 de la vingt-quatrième

Conférencedes Chefsdntat et de gouvernementde I'OUA,le Présidentde la
République gabonaise, Présidend tu Comité ad hoc,convoqua une réunion
des Ministres tchadien et libyen des Affaires étrangères.Cette réunioneut
lieuà Libreville du 7 au 9 juillet 1988,sans grands résultats, la Libye posant
comme préalable à toute discussion la libérationdes prisonniers de guerre
libyens, détenuspar le Tchad à la suite du cessez-le-feu du II septembre
1987, alors que les Tchadiens considèraient que la question devait être

abordéedans la perspective d'un règlement global.

111. Malgré la reprise des relations diplomatiques entre les
deux pays, la fin de l'année 1988 ne permit aucunprogrèssur la voie d'un
règlement pacifique du différend.

112. Après avoir étéreportée à plusieurs reprises, la réunion
tripartite (Tchad Libye -Gabon) convoqukepar le Présidentdu Comitéad
hoc de I'OUAne put avoir lieu que du 14 au 20 juin 1989 au niveau des
experts et se termina par un échec(cf.annexe 295). les délégués libyens
lyant persistà nier l'existence d'un conflit frontalier entre lEtats.x

113. Malgrécet échec,le Présidentde la Républiquedu Tchad,
M. Hisskne HABRE, et le Guide de la Révolution libyenne, le Colonel
KADHAFI, se rencontrèrent les 20 et21 juillet 1989à Bamako à.l'invitation
du Présidentde la Républiquedu Mali, Président en exercicede I'OUA,en
présencedes Chefs d'Etatalgérien, gabonais et nigérien, amorçant ainsuin
dialogue direct qui conduisitla saisinede la Cour internationalede Justice.

C. La saisine de la Cour internationale de Justice

a) L'accord-cadre du 31août 1989et sessuites

114. Lors de sa vingt-cinquième session, la Conférence des
Chefs d'Etat et de gouvernement de I'OUAadopta, le 26 juillet 1989, la
résolutionAHCIRES 184 (XXV) qui renouvelle le mandat du Comitéad hoc
et pose les bases et lecheminement d'unreglementpacifique (annexe 296).

115. Dans ce climat, en partie détendu par le Sommet de
Bamako, plusieurs rencontres ministérielles tchado-libyennes permirent ivl 8 septembre 1919 : par une Convention supplémentaire à la
Déclaration additionnelle de 1899, la France et la Grande-Bretagne
confirment le trac6 fix6 vingt ans auparavant ;
V/ 7 janvier 1935 : par le TraitéLAVAL-MUSSOLINI, la France
cède à l'Italie l'ensemble de la bande d'Aozou ; faute d'échange des
instrumentsde ratification le Traité,que I'Italiea formellementdéclarécaduc

le 17décembre 1938,n'entrajamaisen vigueur ;
vil 10août 1955 : le Trait6d'amitiéet debon voisinage conclu entre
la France et la Libye confirme la délimitationde la frontièrepar référence
expresse aux instrumentsantérieurs ;
vii/ 1973 :la Libye occupe militairement la bande d'Aozou, en
contravention du principe fondamental de I'interdictiondu recours àla force.

et I'annexeformellement en 1975. CHAPITREII

LES PRINCIPES ETLESEGLES

DEDROIT INTERNATIONALAPPLICABLES SECTION1
UNCONFLITDEDELIMITATION

1.LAQUESTIONPOSEEÀ LACOUR

1. La Cour s'est référéau compromis dans la présenteaffaire
dans son Ordonnance du 26 octobre 1990 en visant les deux notifications

faites par les Parties. Le 31 août 1990, le Gouvernement de la Jamahiriya
Arabe Libyenne Populaire et Socialiste a priéla Cour de se référeraux
articles1 et 2 de l'accord-cadred'Alger du 31 août 1989 qui prévoyaitun
recours à la Haute Juridiction par les Parties si aucune solution politique
n'était possible pour résoudre "leur différend territorial". L'article 2
définissaitla questioà poserà la Cour dans les termes suivant:

"En vue de la poursuite de l'application de l'accord-cadre, et
compte tenu du différendterritorial entre les Parties, statuer sur les
limites de leurs territoires respectifs conformémentaux règlesde
droit internationalapplicables en la matière."

2. Pour sa part, la Républiquedu Tchad ademandé à la Cour

"de déterminer le tracéde la frontikre entre la République du
Tchad et la lamahiriya Arabe Libyenne, conformément aux
principes et règles de droit internationalapplicables en la matière
entreles Parties."

3. Pour interpréter l'expression "princiet règles"à laquelle
s'estréférélea Républiquedu Tchad, il convient de se reporterà l'affairedu
Golfe du Mainedans laquelle la Chambre a indiquéqu'ils'agissaitd'

"une expression double pour énoncerla mêmeidée,car dans ce
contexte on entend manifestement par principe, des principes de
droit donc aussi des rkgles du droit international pour lesquelles

l'appellation de principes peut êtrejustifiée en raison de leur
caractère plus généraelt plus fondamental." (C.I.Rec. 1984,pp.
289-290). C'est de cette manière que la République du Tchad interprète Ledroit
applicable.

4. Alors que l'accord-cadre de 1989 parle d'un "différend
territorial", il est clair, selon ses propres termes, qu'il s'agit d'un différend sur
les limites, c'est-à-dired'un différend de frontière. La requête de la
Républiquedu Tchad, d'après ses termes mêmes, vise àla déterminationdu
tracéde la frontière.

5. En ce qui concerne le droit applicable, l'article 2 de

l'accord-cadre, cité par laJamahiriya Arabe Libyenne,évoqueles "règlesde
droit international applicables en la matière." Comme la République du
Tchad le montrera, la définition du droit international applicable dépend, en
premier lieu, de la nature du différend.II est clair,partir du compromis,
que bien que le différend puisse être qualifiée différendterritorial au sens
large, il s'agit en fait essentiellement d'un différendrelatià des limites
territoriales, qui concerne en fait la détermination d'une ligne frontière. Ce

n'est pas,undifférendterritorial, au sens étroitde l'expression.

6. La Cour aurait pu êtrepriée, mais nel'apas été , par rune
ou l'autre Partie, de déterminer la souveraineté sur la bande d'Aozou.
Contrairement au compromis qui formait la base de la compétence dela
Chambre dans l'affaire du Différendfrontalier (Rec. 1986, p.554) et qui
faisait référence à une "zone" contestée consistant en une "bande" de

territoire englobant la régionde Beli, aucune des notifications des Parties
dans la présente affaire, ni raccord-cadre de 1989 à la suite duquel elles
furent faites, ne parlede zones ou de régions contestées.

7. La Cour est priéede déterminer la frontière internationale
qui, àson tour, préciserales limites de leurs territoires respectifs. Lorsquela
juridiction d'un tribunalest basée surle consentement des Parties, sa tâche

est nécessairement modelée par l'expressiod ne ce consentement. Ainsi, les
tribunaux ont quelquefois étépriés par les Parties de déterminer la
souveraineté sur de vastes espaces, ou sur des portions de territoires ou
d'indiquersi un certain territoireémitau momentde la saisine du Tribunalou
à une date critique, terra nullius.Constituent des exemples de la première
catégorie, l'affaire du Statut iuridiaue du Groenland Orienta(C.P.I.Jsérie
AB n053) et l'affaire du Différend concernant le territoire de Chamizal

(R.S 11, p.316), de la seconde catégorie, la sentence arbitrale dans
L'affairedu Différend relatif à la souveraineté sur I'Ile de Palmas (ou
Mianeas) (R.G.D.I.P. 1935, n0l p.156) et l'affaire des Minauiers et des
Ecréhous (C.I.J.,Rec.1953, p.47) et de la troisième catégorie,l'affaire du
Sahara Occidental (avis consultatif, C.I.J.,Rec. 1975,p.12). Par contraste, le
compromis lui-même peut orienterle Tribunal ou la Cour à s'engagerdans
une tâche essentiellement différente-celle de déterminer unefrontikre. Tel
est le casdans la présente affaire. II.Al"l'KIHU1'ION DETERRITOIRE
Er DELIMITATIOSDEFRONl'II.:KES

8. A plusieurs reprises les partieà des affaires soumisesà la
Cour se sont longuementexpliquéessurles conséquences qui découlent de la
catéeorisationd'un différend commeoonant sur l'attribution d'un territoire
ou la dklimitation d'une frontière. Dans l'affairedu Différendfrontalier, la

Chambre a résumé la distinction de la manière suivant:

"Selon la distinction, les premiers ("conflits frontaliers" ou
"conflits de délimitation")viseraient les opérations de délimitation
ponant sur ce qu'ona pu appeler "une parcelle géographiquement
non autonome" alors que les seconds auraient pour objet
l'attribution de la souveraineté sur l'ensemble d'une entité
géographique". (C.1.J..Rec. p.563)

9. Dans cette affaire, la Chambre met en garde contre
l'insistance surune distinction rigide entre l'attributionet la délimitationde
territoires. Comme elle le fait éloquemment remarquer:

"En effet, chaque délimitation, aussi étroite que soit la zone
controversée que traversele trace, a pourconséquencede répartir
les parcelles limitrophes de part et d'autrede ce tracé...Par ailleurs,
l'effet d'une décision judiciaire, qu'elle soit reans un conflit
d'attribution temtoriale ou dans un conflit de délimitation, est

nécessairementd'établirunefrontière."(Ibid.)

10. Cela est parfaitement clair et avait déjà éindiquépar la
Cour dans l'affairedu Plateau continental de la Mer Egéeoù laCour notait
que :

"De l'avis de la Cour, l'argument reposant sur l'idéeque la
délimitation est entièrement étrangère au concept de statut
territorial, rencontre certaines difficultésoute délimitation de

frontièrecontestée obligejusqu'àun certain pointà déterminer les
titressur les zoneà délimiter."(C.I.J.,Rec. 1978,p.35)

11. Cette remarque de la Cour est pertinente dans le cadre de
la présenteaffaire. Quand des Etats,dans un traité,se sont mis d'accord pour
établirun tracé entre leurssphères d'influencerespectives -ce qui firent la
France et la Grande-Bretagne en 1899 - il s'ensuit que ce tracéprend les
caractéristiquesd'unefrontièreinternationale quand le titre de souveraineté
sur le territoire,dans un sens plus génér,st établi (v.infra n052et S.).Les

effectivitésprésentent,dès lors, une importance certaine afin de prouver le
titre de souveraineté sur le territoire. En la présente occurrence, les
manifestations effectives de l'autoritéde la France au sein de sa sphère
d'influencetelle que l'avait délimitélee Traitéde 1899signifient que le tracé
ainsi déterminé est rapidement devenu une frontière internationale.
Cependant. le titre juridique par rapport à la frontière mêmeest celui
déterminépar les traitésen question. Autrement dit, I'empriseinitiale de la France (voir Chapitre V, infra) joue un rôle important dans la présente
affaire car elle montre que son autorité était suffisante pour quele tracé

défini par l'accordde 1899soit considéré comme une véritable frontièreU . ne
fois cette ligne confirmée comme ayant le statut d'une frontière
internationale, les effectivités ultérieures n'ont plusde rôle jouer, sinon
confirmatif. IIest évident qu'un tracé frontalier établi par traitéeedéplace
ou ne disparaît pas en fonction des effectivitésdans les régions adjacentes.

12. L'occupation effective est en outre le fondement de la
souveraineté sur les territoires qui n'ont aucune organisation sociale et
politique propre. (Voir l'avis consultatif concernant le Sahara Occidental,
C.I.J., Rec.1975.p.41 et S.).Danscette affaire, la Coura démontré qu'elle ne
tirait pas ses conclusions de l'histoirepasséemais qu'elle cherchaitàétablir
une preuve qui serapporte directement aux marques effectives d'autoritéL .a

signification juridique des faits qui constituent la marque de l'autorité
étatiquedoit êtreinterprétée à la lumière d'unepolitique qui encourage la
stabilité (BROWNLIE(I), Princi~les of Public International Law, Oxford,
Clarendon Press, 4ème ed., 1990, p.143). L'importance de l'exercice de
I'autorité souveraine, de fonctions gouvernementales aussi bien
qu'administratives,a été reconnue de longue date (voir par exemple, l'affaire

du Groeland Oriental, C.P.1.Jsérie A/B n053, 1935.et l'affairedes Minauiers
et des Ecréhou~C , .I.J., Rec. 1953,p.47).

13. Les manifestations de souveraineté constituent une
condition nécessairepour établirle titre de souveraineté, surun territoire qui

ne possède passa propre organisation politique et sociale. Ces manifestations
peuvent n'êtreque relatives, dans la mesure où ne sont requises que des
"manifestations de souveraineté plusefficaces juridiquement que celles de
l'autre oudes autres Etats revendiquant le mêmeterritoire"' (BROWNLIE,
op. cil, p.239). Cette idée d'efficacité relative se retrouve eeui concerne
le rôle joué par l'assentiment donné par l'un des Etats prétendant à la

souverainetésur le territoire aux actes d'autorité émanantd'un autre Etat.
L'absencede protestation alors que l'onaurait pu raisonnablement s'attendre
à ce qu'un Etat la formulâtà I'appuidu titre auquel il prétend, impliquera la
reconnaissance de la souveraineté.Tandis que l'assentiment ne peutcréer
titre, il efface les protestations antérieures qui auraient pu constituer un
obstacle àl'affirmationdu titre de souverainetédu même Etat.

14. Cependant, il ne résulte pasdu fait qu'un traité frontalier ne
peut êtrepasséque par un Etat qui occupe effectivementle territoire encause
qu'un différend frontalier soit assimilable 2 un litige territorial. Et. en la
présente espèce, une fois l'autorité souveraindee la France établie, la limite
franco-britannique de 1899 est devenue la frontière internationale acceptée

ultérieurement par l'Italicomme lui étantopposable et héritée ensuite palre
Tchad et la Libye. Le coeur du différend devant la Cour atrait au tracéde la
frontièreentre le Tchad et la Libye,et non au titre de souveraineté sur leurs
territoires respectifs.

1-Traductiondc IrR6publiquedu-Texteoriginal:"rnanifcîtationosf savmeignpatentllymors
han how otheothcclairnantorclaimants". 15. Par ailleurs. une délimitation atoujours nécessairement
pour effet de répartir le territoire contesté. Et I'attribution d'un territoire
entraîne l'établissementd'unefrontière. Mais celane revient pas à assimiler
l'attribution d'un territoire l'établissement d'une frontièree,t ce n'est pas,

selon la Républiquedu Tchad, ce que la Chambre de la Cour a estimédans
l'affairedu Différend frontalier. Ellea, bien plutôt, considéréqu'il existait
des interactions entre l'attribution des territoires et l'établissement d'une
frontière, ce qui ne signifie pasqu'ils'agitde la même opération. Mais s,i des
distinctions rigides ne doivent pas êtrefaites entre les deux concepts, la
différence essentielleentreune attributionterritoriale et une déterminationde
frontières est bien établie, ausiien en doclrine que par lajurispmdence.

16. La Cour Permanente a CU l'occasion d'examiner certains
problèmes relatifs auxfrontièresqu'elle a clairement caractériséset traités
comme tels (Cf. Délimitationde la frontière~olono-tchécoslovaaue(Affaire
de laworzina). SérieB, no 8, 1923 ; Monastèrede Saint-Naoum (frontière
albanaise). SérieB, no 9, 1934 ;et Interorétationde l'micle 3 (2) du Traité

de Lausanne (frontière entre laTurauie et IrIrak),SérieB. n012, 1925.

17. La Cour actuelle a également reconnu la différence
existant entre différendsfrontaliers et litiges territoriaux dans l'affaire du
Plateau continentalde la Mer du Nord :

"sa tâche en l'espèceconcerne essentiellement la délimitationet
non point la répartitiondes espaces visés...La délimitationest une
opération qui consiste à déterminerles limites d'une zone relevant
déjàen principe de l'Etatriverain et non à définir cettede novo"
(C.I.J.,Rec. 1969,p. 22)".

Dans cette affaire, la Cour n'étaitpas engagée dans une opération de

délimitation à proprement parler, mais avait été priédee décider "quels sont
les principes et les règlesdu droit international applicables"($ 2). La Cour
visait bien sûr la différenceentre la délimitation maritimeet l'attributionde
territoire maritime maisle principe est d'application générale I.Iesà relever
que la Cour, en soulignant cette distinction, a tenu compte "du texte du
compromis et de considérations plus générales touchan lt régime juridique
du plateau continental".(lbid.)

18. Les caractéristiques essentielles de chaque type de
différend ont été établies depuislongtemps comme l'a écrit Paul de la
Pradelledans son ouvrage classique :

"Les problèmes territoriaux sont essentiellement des problèmes

d'attribution. Une masse territoriale se trouve revendiquée par
deux Etats, sur la basede titres constitutifs d'acquisition. L'arbitre,
aprèsexamen des titres invoqués, procède à l'attribution totaleou
à la distribution de la masse litigieus(...).
L'arbitragede limites "n'apas pourobjet l'attribution d'une masse,
mais l'identification d'une ligne".(P. de la Pradell; La frontière-
Etude de droit international, Paris, Les Editions Internationales,

1928, pp.141-142). 19. Déjà en 1906, d'éminents auteurs observaient àjuste tim
qu'undifférendterritorialwnceme laquantitéetundifférend frontalierl'identi:é

"La quantité est susceptiblede plus ou de moins. L'identitkn'est
susceptibleque d'être ou ne pas êtrU e.ne Lignepeut être autree,lle
ne peut pas être moindre. Une masse est divisible ;une frontière
ne l'estpas. L'arbitre..n'ajamais le droit d'adjuger toutou partie
du territoire en litige, mais seulement de choisir entre deux ou

plusieurs lignes déteminées à l'avance...L'arbitrageterritorial ne
se comporte pas comme le procès relatif ?un fonds de terre. II n'a
pas pour objet l'attribution d'une masse, mais l'identification d'une
ligne." (L.Renaud, A.de la Pradelle, et N.Politis, "De l'influence
sur la procédure arbitrale de la cession de droits litigieux",

R.G.I.P., 1906,p.320).

20. Un différend territorial supposeun choix entre différentes

lignes préexistantes ; il s'agit "en d'autres termes d'opter entre deux
interprétations différentes d'une même frontiè( re"E VISSCHER Charles.
Roblèmesde confins en droit internationaluublic.Paris, Péùone,1969,p.26 ;
voir aussi DUTHEIL DE LA ROCHERE (Jacqueline), "Les procéduresde
règlement des différends frontaliers", dans S.F.D.I., La fronriére, Paris,

Editions A. Pédone, 1980, p.112 et Daniel Bardonnet qui définit la
distinction entre les différends territoriauxet frontaliers en se référant ce
qui est recherché comme à un "macro-ajustement" ou à un "micro-
ajustement" - Cf."Les frontières terrestres et la relativité de leur tracé",
R.C.A.D.I.,1976 (V) p.52).

21. Malcolm N.Shaw fait ressortir un argument connexe
lorsqu'ilécrit:

"les frontières sont des lignes définissantun territoire, marquant
les limites de souveraineté territoriale etde juridiction alors que
des territoires sont les zones sur lesquelles de tels droits sont
exercés" 2 (Malcolm N.Shaw, Title to TetTit0~ in Africa, Oxford,
Clarendon Press, 1986,pp.224-225).

Cette observation pertinente montre l'articulation entre les différents
principes et règles applicables.

22. Le commentaire de la Chambre dans l'affaire du Différend
frontalier selon lequel la différence peutêtre dedegré plutôtque de nature
(C.I.J.,Rec., 1986p.554) ne rend pas la distinction superfiue. Les sourcesde

2.Tradvctiode lRCpubliqducTchad-Ter= original:'Baundarclinesdcriningavrrirv. mahg
m. lirniuof territorialmvcrcignryandjurirdiaion.vhcarc thoareasovrwhichsuchrighu
ye cxerçiwd.''droit pour la détermination d'une frontière ne sont palses mêmesque pour
I'attribution de territoire. De plus, des principes juridiques différents

s'appliquent à chacune de ces catégories de litiges et elles ont des
conséquencesjuridiques distinctes. Les considérations qui sous-tendentles
principes juridiquesne sont pas identiquesdansles deux cas.

23. La Chambre dans l'affaire du Différend frontalier en
employant les formules utilisées dansl'article62 de la Conventionde Vienne

sur le droit des traitéset dans I'articleIl de la Convention de Vienne sur la
succession d'Etatsen matièrede traités,a soulignéle rôle déclaratoiredes
tribunaux mêmedans des différends frontaliers. Comme I'a souligné la
Chambre, c'est uniquement parce qu'ily a différend qu'ilfaut se réfbàeun
tribunal et ce qu'un tribunal peut adéquatementfaire est de "clarifier une
situation juridique déterminée avec effet déclaratoire à la date du titre
juridique retenu par l'organejuridictionnel".(Ibp.563)

24. Mais, en clarifiant cette "situation juridique déterminée",
un tribunal doit encore établir quels sont les règles et les principes
applicables. Il est clair dans la présente affaireque les notifications attribuant
comp4tence à la Cour, et que vise I'Ordonnancedu 26 octobre 1990. I'article
40 du Statut de la Cour et une analyse objective de la nature du différendet

de la fonction qui est impartie à la Cour conduisent à une conclusion
identique: la Cour est saisie d'un différend qui porte sur I'existence d'une
frontière qu'il lui appartient d'identifier. Cela implique que la Cour doit
détermineroù passe la frontière. Mais cela constitue une tâche distinctede
celle qui consistà déterminersi telle ou telle zone de territoire apparàient
I'uneou à I'autredes Parties.

III. PERMANENCE DE LA DISTINCTION
ENTRECONFLlTSDEDELMïïATION Eï CONFlSrS TERRïïORIAUX

25. Mêmesi, comme l'afait observer la Chambredans I'affaire
du Différend frontalier la détermination d'une frontière entraîne

nécessairement le partage d'une certaine quantité de territoire (C.I.J.,
Rec.1986, p.554), la Cour n'en est pas moins appelée à procéder à la
déterminationde la frontière.Cette tâche doit être menéeien en analysant
les documents qui indiquent où la ligne a été tral, statut juridique de ces
instruments et toutes les obligations qui en découlent pour les deux Parties.
Lerôle de la Cour n'estpas déterminer jusqu'à quel point la souveraineté sur

les territoires en cause a étéexercéepar chaque Partie puis de tracer,e
novo, une ligne qui ne tient pas compte des instruments existants ayant
identifié la frontière. En ce sens. la qualification du différend comme
différend de délimitation plutôt que comme différend d'attribution de
territoire reste importante etpeninente.

26. En traitant de la question du droit applicable, MaxHUBER

a notéque, dans un différend relatif à I'attribution de territoire, il est
nécessaire "d'examiner lequeldes Etats réclamantla souveraineté possèdeun
titre -cession, conquête, occupation, etc...-supérieur à celui que

l'autre Etat mut éventuellementlui o~wser". (Sentence arbitrale
du 4 avril i928, p,
R.G.D.I.P.,1935,p.164).

Dans cette affaire, l'accent était mis sur l'établissement d'utn itre territorial
par l'occupation et par des actes de souveraineté de I'Etat. Ce sont
exactement ces règles qui ontétémises en avant par la Cour lorsqu'ellea eu
à attribuer un titre sur un territoire -par exemple dans l'affairedes Minquiers

et des Ecréhous (C.I.J., h.1953 p.47). Au contraire, dans un différend
frontalier, la tâche du tribunal n'estpas d'établirsi un titre sur un territoire a
étégénéralement établi mais plutôt d'examiner les preuves relatives à la
frontièreproprement dite.

"Dan ses conflits de délimitation.en revanche, ce sont les titres
juridiques, c'est-à-dire en pratique les traités, qui remportent
nécessairement. Pourle moins, ils ont de façon générale, plusde

poids que les faits d'exercicede la souveraineté. Les derniersne
pourraient prévaloir que difficilement, et dans des conditions
strictes, sur le traité de frontières." (DanielBARDONNET, "Les
frontièresterrestres et la relativité de leurtracé",R.CA.D.1.1976-

V,p.50).

27. Cette différencefondamentale d'approche méthodologique

recueille l'adhésion généralc e,r sa logique est implacable. Ainsi, Malcolm
N.Shaw l'écrit

"Alors que les différends frontaliers concernent des incertitudes

soit écrites ou verbales ou géographiques, les différends
territoriaux impliquent de larges zones de territoire et des
revendications à un titre. Ces dernièresimpliquent des règles de
droit international relatives à l'acquisition de la souveraineté

territoriale, par exemple, l'occupation.la prescription, la cession et
la conquête,ainsi que des revendicationsd'autodéterminationet de
continuitéhistorique"3 (Title to Territow in Africa-International
Leeal Issues, Oxford, Clarendon Press, 1986,p.222)

(Voir aussi S.Bastid "Les problèmes territoriauxdans la jurisprudence de la
Cour internationale de Justice", R.C.A.D.I. 1962-111,pp.360, 452-488 ;
Charles de Visscher, Les, Paris,

EditionsA.Pédone,1967,pp.111-113).

.rrducum dc II nepubliquedrchad- Tcxionglnal ^UhiMun- Jlrpulcr ~rcç~ncrmrd uith
andclr~rI<tiilThclIhilci iii\olrc ,~;h mlc? of inrcrn~iio!O~hc3cu~l)llof temlonal)
sovcreignryforinstanceoccupation. prescription.cessconqucst.whilc'asrertionsself-
determinatand hirtmicalcontinuityarefqumade.'' 28. La Cour a, en conséquence, recherché la preuve de la
souverainetésur un territoire au travers des actes de souverainetéde I'Etat
dans des affairesrelativesà l'attribution de territo;rau contraire, dans des
affaires portant sur des différends frontaliers, l'accent a étémis sur les
klémentspermettant d'établir la position de la ligne-frontière et le statut
juridique de ces élémentsvis-à-vis des Parties. Telle a étél'approche de la

Cour dans I'affairedu Temole de PréahVihéarIfond),C.I.J., Rec. 1962,p.6)
et dans I'affairerelative à la Souverainetésur certaines parcelles frontalikres
(C.I.J., Rec.1957, p.109) et celle de la Chambre dans I'affaire duDifférend
frontalier(C.I.J., Rec.1986, p.554). Ce fut également l'approche retenuepar
le Tribunal d'arbitrage saisi de l'affairedu Canal de Beaelea, vo1.52,
p.92). La Républiquedu Tchad prétend respectueusement que c'est cette
approcheque la Cour devrait adopter aussi dans la présenteaffaire.

29. En reconnaissant que I'undes effets de la distinction entre
les différends de délimitation eltes différendsd'attributionderritoire est de
différencier "titres juridiques" et "effectivités", la Chambre appelée à se
prononcer dans I'affairedu Différendfrontalier (C.I.J. Rec. 1986, p.554) a
rappelé que la production d'un "titre juridique" ne se limite pas
nécessairement à une seule preuve documentaire. Dans la présente affaire,le

Tchad tient son titredes traitésen vigueur et, d'abord de celui conclu entrela
France et la Libye en 1955. La portéede ces accords est largement une
question de droit mais elle sera également examinée en fonction de la
conduite des Parties et de la position des autres Etats, des organisations
internationaleset de la doctrine.

30. Dans ce contexte les effectivitésprennent une importance

considérable. En l'absence de traité, elles peuvent être à I'origine de
l'acquisition dela souveraineté. Cependant,àoù un traité existe,déterminant
le tracéd'unefrontière internationale, leseffectivitésjouent un rôle différent
:elles constituent une preuve qui confirme l'accord des parties sur
l'emplacementde la ligne frontalière.Dans cette perspective la République
du Tchad démontreraque les actes d'autorité souveraine ontété exécutéspar
la France, et plus tard le Tchad, depuis le débutdu XXèmesièclejusqu'ànos
jours, d'unemanière conformeau tracé défine in 1899et 1919. De plus, ces

actes d'autorité souveraineont été presque invariablement acceptéspar la
Libye et son prédécesseur (voir chapitres V et VI). L'acquiescement et
l'acceptation peuvent s'analyser en une reconnaissance du tracé frontalier
contestépar une autre panie (Cf.l'affairedu Tem~lede PréahVihéar, C.I.J.,
Rec. 1962,p.32).

L'acceptation par un Etat des actes de souveraineté d'un
31.
autre Etat constitue ainsi la reconnaissance du titre juridique de ce dernier.
Un autre aspect de l'acceptation, l'assentiment par le silence, est d'une
importance égale(v.infra, chapitre V, section 2). Lorsque des déclarations
liéesà un titre juridique sont faites devant une organisation internationàle
laquelle a étéconfiéela déterminationdu statut de la frontière, le silence
revêtiraune importance particulière. Lorsquedes organismes internationauxse réunissent spécialement afin d'examineler statut futur d'untenituire et de
ses frontières,le silence d'unEtat face aux assertions d'un autre Etat au sujet
de la frontièreel des explications qu'il donne sur certaines cartes constitue la
preuve manifeste de l'acceptation du tracé ainsi affirmé. Une conclusion

juridique doitêtretuéede ce que la Cour a décritcomme "La notoriétédes
faits, la tolérance généralede la communauté internationale ...[et] son
abstention prolongée ...(affaire des Pêcheries,C.I.J., Rec.1951, p.139). Du
fait decette "tolérance générale" les principedse délimitation retenus par la
Norvège se trouvaient êtreopposables à tous les Etats (ibid). La Cour a
relevé que "l'abstention prolongée" du Royaume-Uni et la "tolérance
généralede la communauté internationale" confèrent à la définitionde ses
droits par la Norvkge une valeur juridique importante qui tient en part2ela
conviction que l'onpeut en déduireselon laquelle les autres Etats ne tenaient

pas cette définitioncomme "contraireau droit international"(ibidp.139).

32. La Cour internationale de Justice a également tirédes
conséquences juridiques de l'assentiment tacite du fait de l'absence de
protestation dans l'affaireconcernant le Droit deassaeeen tenitoire indien
(fond)(arrêt du 12 avril 1960C , .I.J., Rec. 1960, p.6). A l'originede cette
affaire, les Britanniques, lorsde la colonisationdeInde,constatèrentque les
Portugais occupaient certains villages

"Les Portugaisse présentèrent comme souverains des villages. Les
Britanniques s'abstinrent de prétendre eux-mêmes à la
souveraineté, maisils ne reconnurent pas non plus expressément
la souverainetédu Portugal. L'autoritéexclusive des Portugais sur
les villages en question ne fut jamais mise en question. Ainsi la
souverainetédu Portugal sur les villages fut-elle reconnue par les
Britanniques en fait et par implication, elle le fut ensuite
tacitement par l'IndeM(Ihid.p.39).

33. La Chambre de la Cour qui a tranché le Différend
frontalier entre le Burkina Faso et le Mali a également évoqula question de
l'assentiment, quoique brièvement, et seulement pour noter que celui-ci
"suppose le libre exercice de la volonté" (C.I.J., Rec 1986, 5 80) ce qui
signifie que si une partie s'abstient de protester, son silence ne produit
d'effets juridiquesque si cette partie, ou I'Etatauquel elle a succédé, avait la
facultédeprotester librementsi elle le souhaitait.

34. Récemment également, à l'occasion de l'examen des
exceptions préliminaires soulevées par les Etats-Unis dans l'affaire des
Activités militaires,la Cour a mis L'accentsur L'acquiescementconstant du
Nicaragua à l'occasion de diverses affirmations faites publiquement -
notamment dans l'Annuaire de la Cour - selon lesquelles il étaitliépar
l'article 36,2, du Statut de la Cour quand bien même son acceptation de la
compétence de la Haute Juridiction par sa Déclaration de 1929était

imparfaite.Un tel assentiment parle silence, constitue, selon la Cour,

"un mode valablede manifestation de sa volontéde reconnaître la compétence obligatoire dela Cour au titre de I'anicle36,5 2, du
Statut...(C.I.J., Rec 1984,pp.411à413).

35. De plus, des considérationsde bonne foi peuvent donner
naissance à un estoppel, en venu duquel un Etat, ayant manqué de tirer
avantage de toutes les possibilités en sa faveur pour protester se trouve
empêché de soutenirensuite une position contraire.

36. En 1962,dans l'affairedu Temule de Préah Vihéar(Fond)

(Arrêtdu 15juin 1962,C.I.J., Rec. 1962,p.6), l'omissionde la Thiïiande de
remettre en cause la carte "française" signifia que la Thailande "en raisonde
sa conduite" n'apu remettre en cause cette validité ultérieuremen,n panie
parce que cet Etat avaitjoui de "l'avantaged'unefrontièrestable, résultantde
son acquiescement" (Ibid p.32). Au moins jusqu'en 1971, la Libye a
également joui de l'avantage d'une frontière stable résultant de son
acquiescement ainsi que du Traité de1955. Dans la mesure où ce bénéfice
fut érodéultérieurement, cette érosion est attribuabàla Libye en raison de

ses propres actions, qui ont remis en cause, par la force, ce qui avait été
accepté depuis longtemps.

37. On peut résumer les choses ainsi :la présenceeffective de
la France constitue le signe que la ligne définiepar les accords de 1899 et
1919 constituait bien une frontière internationale. Les deux traités eux-
mêmesdéterminentclairementune ligne précise.En outre, le Traitéde 1955

entre la Libye et la France est un titrejuridique qui renvoie au tracé inable
1899et 1919.Les effectivitésultérieures à la confirmation du tracé de1919,
et,à nouveau, en 1955, sont les preuves qui confirment l'existence de ce
droit. Ces effectivitésne constituent pas un fondement exclusif sur la base
duquel la Cour pourrait se prononcer mais il permet de choisir entre
d'éventuels tracés conventionnelsalternatifs.

38. Quand un traité internationalexiste et qu'ilfournit un titre
incontestable, ce traitéest suffisant pour la ddétenninatde \a froniièrele
long de la ligne spécifié. e traité de1955,et la référence qu'il t la ligne
frontalière de 1899 confirméeen 1919,suffit à démontrer clairementoù se
situe la frontièreinternationaleentre la Républiquedu Tchad et la Libye.

39. S'ilexistait quelque ambiguïté dansun traité constituantun
titre incontestable, la Cour devrait interpréterce traité.Les effectivitésont
une place dans l'interprétation d'untel traité, sibesoin est. Les effectivités
dans la présenteaffaireconfument le tracédéfinien 1899.

40. Alors que les effectivités sont pertinentes en cas
d'existenced'un traité,en tant que preuves de la ligne frontalièreet de son
acceptation, elles peuvent êtrà l'origine dutitre lui-mêmeen l'absence d'un

traité.Même si le traité de1955n'existaitpas, leseffectivités,qui confirment
i'emplacement de la ligne frontalikre, auraient fourni à la République du Tchad un titre dans le B.E.T. qui ne serait pas fondé surun traitéet allant

jusqu'àla ligne prévue dans les traitse 1899et 1919.

41. Cette interprétation des règles juridiques correspond
exactement à la formulation de la Chambre dans l'affaire du Différend
frontalie:

"Dans le cas où le fait correspond exactement au droit, où une
administration effective s'ajouàel'uti~ossidetis iuns, l'effectivité
n'intervient en réalitéque pour confirmer l'exercice du droit né
d'un titre juridique. Dans le cas où le fait ne correspond pas au
droit, où le territoire objet du différend est administré
effectivement par un Etat autre que celui qui possède le titre
juridique, il y a lieu de préférer le titulaire du titre. Dans

l'éventualitéoù I'effectiviténe coexisteavec aucun titre juridique,
elledoit inévitablement être prisen considération.IIest enfin des
cas où le titre juridique n'est pasde natureà faire apparaître de
façon précise l'étendue territoriale sur laquelle ilporte. Les
effectivités peuvent alors jouer un rôle essentiel pour indiquer
comment le titre est interprédans la pratique." (C.I.J&G 1986,
pp.36-37)

IV.LANON PERTINENCEDESCONSIDERATIONS D'EQUITE

42. Le rôle de la Cour dans l'affaire présente est de faire
définitivementun choix entre la ligne résultantdes traités de1899, 1902et

1919et la ligne prévue parle Traiténon ratifiésign6par Laval et Mussolini
en 1935.Ni la base sur laquelle la compétence dela Cour est fondée, niune
appréciation du caractère essentiel de ce différend en tant que différend
frontalier, ne laissentla Cour la possibilité dechoisir un troisièmeuacéou
de tracer sa propre frontière. L'invocation de prétendues considérations
d'équiténe conduira pas davantage la Courà agir ainsi.

43. La base de compétence de la Cour est examinée dans
l'ordonnance du 26 octobre 1990 qui indique que la requête libyenne se
réfèreaux articles 1et 2 de l'Accord-ca&etchado-libyen du 31 août 1989et
que la requêtedu Tchad se réfère Al'article2 du mêmeaccord et àl'article8
du Traité d'amitié franco-libyen de 1955. La Libye, lorsqu'elle utilise
l'expression "différendterritorialw,la limite implicitemànune question de

frontière en demandant que les limites territoriales soient indiquées. Le
Tchad demande, en termes spécifiques à la Cour de déterminer la ligne
frontière. Alors que chaque Partie perçoit la tâche de la Cour de façon
légèrementdifférente,toutes deux souhaitent que cette tâche soit effectuée
par référenceaux règlesdu droit international et. dans le cas du Tchad, par
référenceaux principes applicablesdu droit international.

44. Mais, de façon significative, aucune des Parties n'invitela
Cour à appliquer l'équitéou des principes équitables pour trancher leurdifférend.Ni l'une, ni l'autre, ne font lamoindre suggestion qui donne à
penser que les règles ou les principes de droit international doivent être
compris en l'espècecomme incluant l'équité. Alors qu'a ilparfois étédit que

I'équité infra leeem doiêt treconsidérée soitomme un principe généralde
droit, soitcomme une règlede fond du droit international, iln'enva ainsi que
si elle est applicable dans l'affairepour des raisons particulières (cf. l'affaire
du Plateau continental de la mer du Nord, C.I.J., Rec 1969, p.49). L'équité
doit constituerla règleou le principe de droit international applicable dansle
cadre du problème juridiqueque la Cour est priéede résoudredans l'affaire
en cause. En revanche, les principes équitables sont manifestement
inapplicables au présent différend.

45. Mêmesi le présentdifférendétaitrelatif à l'attributionde
territoire (ce qui n'est pas le cas), le droit applicable ne comprendrait pas
l'équitéE.n premier lieu, le concept d'équité trouve son application la plus
naturelle dans les affairesde délimitationde frontière maritime. Ce n'est pas
par hasard si ce développement s'est produit ;c'est parce que, dans ces

affaires, il n'appartient pàsla Cour de die quelle ligne de délimitationa
déjà étéacceptée par les Parties et continue à les lier ni si elles ont
effectivement un titre sur le territoire (maritime) jusqu'aux frontières
contestées. C'est la Cour elle-même d'établu irn tracé,de novo.

46. Dans un différend portant sur l'attributionde territoire (ce
qui, de l'avisde la Républiquedu Tchad, serait une qualification incorrecte

du prksentdifférend),la Cour pourrait appliquerle droit relatàfl'acquisition
d'un titre. Conformément au dictu classique de Max HUBER, il est
nécessaire d'établir qu'untat "enréclamant la souveraineté, possèduen titre,
(cession, conquête,occupation,etc..) supérieurà celui que l'autre Etat peut
éventuellement lui opposer" (affaire de I'îlede Palmas, R.G.D.I.P. 1935,
p.164). Alors que les argument. des Partiesdansces affaires peuvent s'avérer
relatifs, les critères selon lesquelselles doivent établir la souveraineté sont
clairs et objectifs.IIn'ya pas de place pour I'équdans la solutionjuridique

de ces questions. Les affaires classiques de l'îlede Palmas (ou Mianeas)
(R.G.D.I.P. 1935, p.156). ou des Mineuiers et des Ecréhous (C.I.J., Rec.
1953,p.47) en témoignent.

47. En I'occurence, le présent différendn'est pas un conflit
territorial d'attribution mais un conflit de délimitation concernant une

frontière terrestre. Le litige obligeh faire un choix entre deux lignes
possibles. Ladétermination doitêtrefaiteen appliquant les principes du droit
des traitéset en faisant valoir des élémentsde preuve et la pratique des
Parties qui y sont relatifs, et nonense basant sur des principes équitables.

48. L'équitéconua leeem n'aaucune place en la matière. Dans
l'affairedu Différend frontalierla Chambre de la Cour a affirméque I'équité

ne pourrait être invoquéeour modifierun tracé existant:

"...rien n'autoriseun recouàsla notion d'équité pour modifier une frontière établie. Dansle contexte africain en particulier, on ne
saurait invoquer les insuffisances manifestes, du point de vue
ethnique, géographique ou administratif, de maintes frontières
héritéesde la colonisation pour affirmer que leur modification
s'impose ou se justifie par des considérations d'équité. Les

frontières, aussipeu satisfaisantes soient-elles. jouissent de 1-
possidetis et sont à ce titre entièrement conformes au droit
international contemporain." (C.I.J.,Rec. 1986,p.633).

49. On ne pourrait amver àaucune autre conclusionsauf si les
Parties donnent leur consentement ce qu'une décision soit prise ex-aeauo et
bono ce qui est exclu dans la présente affaire.Et il a été clairement établi

dans I'affaireduTemole de PréahVihéar (fond) qu':

"On ne saurait en droit réclamer des rectifications de frontière
pour le motif qu'une région frontalière srévèleraitprésenterune
importance inconnue ou insoupçonnée au moment de
l'établissemendt e la frontière".(C.I.J.,Rec. 1962,p.25).

Cette considération a des implications évidentes dans la présenteaffaire,
nonobstant les différencesde fait dans chaque cas.'Dans l'affaire duT a

de Préah Vihéar une démarcation existait mais les documents faisaient
défaut. Dans la présente affaire, un seul tracé a une existence juridique
effective. IIne peut êtrerévisé sla base de considérations d'équité. De plus
-et ceci est également pertinent dans la présente affairel-e Juge Su Gerald
Fitzmaurice, dans son opinion individuellejointà l'arrêibidp.53). souscrit
à l'opinion selon laquelle lorsqu'un trase trouve à la base d'un tracé, les
facteurs topographique, historique et culturel, n'ont qu'une importance
relative. Le traité jouit d'une primauté absol(V. aussi Suzanne BASTID.

"Les problèmestemtoriaux dans la jurispmdence de la Cour internationale
de Justice", R.C.A.D.I., 1962 - III, p.469, qui cite l'arbitrage du Roi
d'Espagnede 1891dans I'affaireColombie-Venezuela).

50. Ce n'estpas simplement que l'équité ne peut jouer conua
-gem pour réviser une frontièr;c'estque les traités pertinents résolvenctes
questions. Cette approche a logiquement étésoulignée par les tribunaux
internationaux (cf. I'affaire des Frontières du Honduras

IGuatemala/Honduras) -R.S.A II.pp.1309-1352)où le Tribunal ajugéque
ce n'était passa tâche, en établissantla "frontière définit, e se baser sur
les caractéristiques géographiquesou des avantages potentiels de caractère
militaire ou économique).

51. C'est seulement lorsqu'aucune frontière n'a étéfixéeou
qu'il n'est paspossible de constater où passait un tracé accepté, qu'il peut
s'avérer nécessairede se baser sur des considérations autresque purement

conventionnelles. Dans certainsde ces cas, le Tribunal est spécialement prié
de déterminerune frontière par référenc edes principes équitables,(voirpar
exemple l'affairede la FrontièreBolivie-Pérou-R.S.A. , I,p.133, article IV
du Traitéd'Arbitragepour lerèglementdes questions de frontièresentre lesRépubliquesde Bolivie et du Pérou,1902).Aucune tâchede cette nature n'a
étéconfiée à la Cour dans la présente affaire. Au contraire, sa fonction
consiste àdéterminerla ligne établie en tantque frontière tchado-libyenne,et

de décidersi ce tracé est opposable aux parties.II n'est pas demandé, à la
Cour de statuer ex aeauo et bono et les Parties ne l'ont paschargée d'agir en
tant qu'amiable compositeur.

V. L)ELIMII'ATION DI.:ZONESD'INF1.UENCE
ET FRONTIERES COLONIALES

52. Le différend entre la République du Tchad et la Libye se
présente devant la Courcomme un différend juridique devantêtreréglé par
l'applicationdu droit international.Dans ce contexte, la Cour devra examiner
si la Convention franco-britanniquede 1899et le tracé frontalier qu'elle fixe,

fut conclu de façon régulière etsi celui-ci est devenu opposable à l'Italie.En
outre, il appartiendrà la Courde déterminersi la frontière qui futétabliepar
la Convention de 1899 a été remplacée, paurn nouveau tracérksultant du
Traité Laval-Mussolinide 1935.'fant les faits de l'affaireque la rédactionde
la question posée à la Cour soulignent la nature juridique de la tâche qui lui

est confiée.

53. Maints accords territoriaux passés entre les puissances

impérialistes en Afrique concernent, expressément ou implicitement, la
création de "sphères d'influence".De tels accords furent conclus soit en
conséquence,ou, parfois, en l'absence, d'accords avec les dirigeants locaux
concernés. De toutes façons,de tels accords entre deux puissances coloniales

entraînaient la promesse "de s'abstenir de faire quoique ce soit qui puisse
conduire àL'acquisitionde droits souverains dans la sphèreattribuéeil L'autre
partieM"L1NDLEY (M.F.), The Acauisition and Govemment of Backward
Territo~ in International Law. London, Longmans, 1926,p.207). Ainsi, il
existait entre de telles puissances un accord pour limiter leurs intérêts

mutuels futurs à l'intérieur d'uncertaine zone géographique (cf. HOLDICH,
T.H., Political Frontiers and Boundarv Making, London, Macmillan, 1916,
pp.96-97). L'expression "sphère d'influence" avait été utilisdéèes 1869(Lord
CURZON OF KEDLESTON, Frontiers, Oxford, 1907, p.42), mais la

pratique de délimiter, par accordmutuel, des régionsdans lesquelles chacune
des parties contractantes aurait liberté de poursuivre son activité de
colonisation sans êtregénéepar l'autre partie.a une longue histoire. Cette
pratique fut mise en oeuvre, par exemple, par les Couronnesde Castille et du
Portugal au XVèrnesiècle (LINDLEY, op.cit.p.208).

54. En Afrique, l'accord passéentre la Grande-Bretagne et
l'Allemagne en mai 1885 définissant leurs sphères d'influenceest considéré

comme l'exemple classique d'untel traité. Des accordsdu même type furent

4 -Traductde lRtpvbliquduTchad-Tcrtorigin:"Cabrtainfmmdoinganyfhingrnightluid io
ihquisilion soverei"hts wifhithehephalloicitheoihcr".conclus par la suite, par diverses puissances coloniales (voir LINDLEY,
op.cir.p.210). La Convention franco-britannique du 10 août 1899 suit le
mêmemodèle.

Ces traités,qui déterminaientles sphères d'influence, ne
55.
remettaient en principe pas en question les droits appartenant aux dirigeants
indigènes. L'existence de tels droits dépendant de l'existence d'une
communautépolitique et sociale, locale et organisée.Un traité établissant
une sphkred'influencene suffisait donc pas àl'acquisition d'un titre colonial
qui ne pouvait êtreacquis que par la conclusion d'unaccord avec les chefs
locaux ou pas l'exercice effectifet continu d'actesde souveraineté. En 1880,
moins de 10 % du continent africain était sous domination européenn;dix
ans plus tard, en 1890, l'Europe partagea l'Afrique en quarante unités

politiques, les Etats européens déclarantleur souverainetésur trente huit
d'entre-elles(UZOIGWEG.N., "Spheresof Influenceand theDoctrineof the
Hinterland in the partition of Africa", Journal of African Studies, 1976,
p.183). Ainsi, les sphères d'influence constituaient une étatransitoire, un
pas vers la souveraineté (surle passage de la sphèred'influenàeun titre de
souveraineté,V.ALLOTI (A.), "The Changing Legal Status of Boundary in
Africa - A DiachronieView" INGHAM (K.) ed., Foreign Relations of
African States,Londres, Butter 1974,p.121).

56. En général, les limites de deux sphères d'influence
devenaient les frontières séparant deux possessions coloniales. Plus
rarement. lorsqu'une puissancecoloniale se montrait incapable d'établirsa
souveraineté jusqu'à la ligne convenue, une puissance tierce pouvait lui
imposer une nouvelle limite conventionnelle (cf. MC EWAN (A.L.),
InternationalBoundanes of East Africa, Oxford, 1971, pp.18-19). Maiss'ily
avait occupation effective, des droits souverains s'ensuivaientet les lignes

délimitantles sphkres d'influencedevenaient des frontières internationales
acceptéescomme telles, conformémentaux principes alors en vigueur, tant
par les parties au traitéque par les Etats tiers, la ligne initiale devenait ainsi
une frontière ayant une existenceobjective et s'imposantcomme telle aux
pays successeursdes Etats concernés.

57. Tel fut le cas de la ligne établie par le Traité franco-
britannique de 1899, comme la Républiquedu Tchad le montrera ci-après

(chapitres IV et).

VI. LA PLACE DES CARTES DANSLE REGLEMENT
DES DIFFERENDSFRONTALIERS

58. Après avoir étélongtemps incertaine quant à la portée

juridique des canes en droit international, la jurispmdence internationale
s'estenrichie, ces dernières années, d'un certainombre de précédents qui
permettent de mieux définirleur valeur probante.Sans entrer dans le détail,
on se contenterade résumer iciles indicationsgénérales quin ressortent. 59. Une carte peutêtrel'expressionde la volontédes parties. II
peut en effet apparaître que les parties contractantes à un traité ont mieux
exprimé leur intentiondans la carte dressée à cette occasion quedansle texte

même du traité, ceci ec nas de contradiction entre la ligne décrite parle texte
et celle portée sur la carte.IIen a été ainsi dans l'affaieu Temple de Préah
W. où la Cour internationale de Justice a fait prévaloirla carte sur le
texte. On se trouve dans un cas semblable lorsque la carte,bien que n'ayant
pas étéannexée initialement au texte du traité, fait l'objet d'une

reconnaissance formelle par la suite. Le droit international n'est pas
formaliste. On a donc admis que la cane puisse êtreun des moyens par
lesquels lesparties expriment leur volonté.

60. Lorsqu'une carie est officiellement annexbe au traitéet
qu'elle a fait l'objet d'un relevé commun, elle présente le caractkre d'un
instmmentum au mêmetitre que les autres dispositions du traité.Ceci ne
veut pas dire que la cartel'emporteradans tous lescas sur les autres éléments

permettant de définirl'intentiondes parties. Mais son caractere officiel lui
donne une valeur probante supplémentaire et incontestable. Une carte
annexée à une convention est susceptible d'avoir unevaleur d'illustration
d'un texte accepté par les parties.

61. Lorsque la carte n'estpas officiellement annexée au traité
et qu'ily est simplement fait référenceo,u lorsquele matériau cartographique
a étéutilisépar les parties dans la préparation dutraité,la carte doit être

considbréecomme relevant de la catégoriedes travaux préparatoires et prise
en compte à ce titre comme moyen supplémentaire d'interprétation
(V.AKWEENDA (S.), "The Legal Significance of Maps in Boundary
Questions", B.Y.B.I.L., 1989, p.210). Les cartes postérieures à la conclusion

d'un traité, publiées par l'unoeu l'autre partie et provoquant desrkactions de
part et d'autre relèvent, elles,de la catégoriede la conduite subséquentedes
parties du traité.Sans jeter une lumière sur l'intention initialedes parties,
elles peuvent contribuer à établir des situations de reconnaissance,
d'acquiescement. d'estoppel. De telles cartes peuvent êtreutiles "pour

déterminer l'existenceet l'emplacement d'unefrontikreet son statutdu fait de
l'acceptation-et-de-lareconnaissance-dontelle peut-avoir été l'objedte~lapart
des Etats concernés "5(BROWNLIE (I), African Boundaries :A Lecraland
Diplomatic Encvclo~edia,Londres, Hurst. 1979,p.5).

62. En outre, les cartes publiées par les Etats tiers ou des
organismes privés contribuent à la reconnaissance générale du tracé e àtson
caractère notoire et public. Etant donné l'impératif de la stabilité des

frontières(v.infra no67 et S.),ce caractkre notoire présenteun intérêt certain.

analignmcntaiuRstarusicms of acceptandrecognitionUiertalcrmnemed.'nUierirlcncc of 63. Les canes qui ont un caractère officiel, c'est-à-dire celles

qui ont étéparaphéesou signées parles autorités qui ont concluun traitéde
délimitation ou celles qui ont été préparées par un imprimeur du
gouvernement (à d'autres fins que pour êtreproduites dans le litige
proprement dit), peuvent présenterun intérêt en tant que source

"collatérale autexte du trait6 proprement ditpour la détermination
de la frontièreM6(D. Sandifer, Evidence before International
Tribunals, Charlottesville, University Press of Virginia, 1975,
pp.229-230).

Ainsi, une cane établie par des experts gouvernementaux, imprimée pau rne
entreprise renommée, peut très bien être "investie d'un caractère officiel (et
avoir une autorité technique "(C.I.I., arrêtdu 15juin 1962,Temule de Préah
Vihéar(fond), Rec, 1962,p.21).

64. Cela étantdit, on ne peut nier que les cartes doivent être
utilisées avec la plus grandepmdence. Elles doivent toujours être examinées
à la lumièrede toute autre preuve pertinente. Le Tribunal devra peser toutes
les preuves :les cartes n'ont pas de place établie dans la hiérarchie des

preuves (Cf. l'affairedu Rann de Kutch (Inde cpakistan), 1968,50 1.L.R 2,
p.515). Mêmesi les cartes sont publiées pardes administrations publiques,il
sera nécessairede déterminer l'usage auquelelles sont destinéesnu le but
dans lequel elles ont été publiées. Elles peuvent être simplement illustratives
; il est peu probable qu'elles soient publiées simplement aux find se preuve.

Lorsque des cartes sont publiées dans l'ignorance des faits ou des règlesde
droit applicables à l'espèce, leur valeur probante sera limitée (Cf. les
commentaires de l'ArbitreMax Huber dans l'affaire du Différend relatif à la
souverainetésur l'llede Palmas (ouMiancras), R.G.D.I.P., 1935,nol, pp.179-
82). En outre, les cartes "n'ont pas une force probante indépendante vis-à-vis

des textes des traités et des décisions" (affairede Jaworzvna, C.P.J.I.. Série
AIBno 8,p.33).

, 65. Dans certains cas, il est nécessairequ'unecarte contienne
des détails-appropriéset soit à-une échelle-suffisante,maiscela dépenddu

but recherché par la Partie qui présente la carte.La Cour a fait preuve d'une
sage pmdence face à des preuves cartographiques en choisissant souventde
ne pas se référer dans des arrêtsà des arguments ponant sur descanes qui lui
avaient été présentéls ors des plaidoiries orales (voir par exemple, C.I.J.,
affaire des Minauiers et des Ecréhous ;C.I.J., Rec. 1953, p.47 ; affaire

relative à la Souveraineté sur certaines oarcelles frontalières entre la
Bel~.iaueet les Pavs-Bas.C.I.J., Rec. 1959,p.209).

6 .~raductionde la ~epub~iquedu -~eite :,'coilattothe tcrt of the treaty itsc~ffor the
dcmminationof lhsboundary". 66. Cependant, une carte d'origine respectable et de bonne
qualité technique peut avoir un rôle à jouer pour combattre la preuve
adverse. Ce rôle peut revêtirune grand importance si une autre preuve fait
défautou est insuffisante pour déterminerune ligne particulière (Cf.C.I.J.,
affaire du Différend frontalier,Rec, 1986 p.586) si la carte illustre une
continuitédans la position prise par une partie, ou si l'on peutdéduire des

faits de l'affaire qu'unecarte représenteune frontière acceptée par les parties
et doitêtrceonsidérée comme partie "intégrantdeu règlement conventionnel
constitué par les traités de limi(Ch. Rousseau,Droit international Public,
Tome III, Paris, Sirey, 1977, p.248;voir aussi C.I.J., affaire du Temule de
Préah Vihéar(fond),Rec. 1962.pp. 20-35).

SECTION 2
LES REGLES ET LES PRINCIPES DE DROIT APPLICABLES

1- LA FONCTION DES FRONTIERES INTERNATIONALES

67. Une appréciationde la fonction et du rôle des frontières
internationales révèlela des règles et principes applicables et explique
pourquoi l'application de certainesrèglesest inappropriéedans les différends
frontaliers.

68. La fonction premii?red'une frontière internationaleest de
délimiterla souverainetédes Etats. Le concept de souveraineté,en lui-même
quelque peu abstrait, comprend des élémentstrès spécifiques et avant tout
celui de la compétence territoriale. La compétence d'un Etat d'édicter et
d'appliquerdes lois à l'intérieur deson territoire est une règle d'importance
fondamentale. Les bonnes relations exigent souvent une certaine restriction

dans l'exercice des droits. Mais c'est la délimitation et la séparation
physiques qui sont la pré-condition nécessaire àl'exercicedu droit le plus
fondamental découlant de la souveraineté d'un Etat, la compétence
territoriale. La fonction de délimitationest indispensable,comme Bardonnet
le-dità-justetitre-dans~sonétude-surlesfrontièresterrestres;car-

"elle est l'assiette de multiples prérogatives étatiques qui ne
peuvent s'exercer et s'harmoniser que dans la mesure où leur
champ d'applicabilité est précisé." (BARDONNET, D., "Les

frontièresterrestres et larelativité deleur tracé",D.1. 1976 -
v,p.21).

69. Comme I'adéclaré la Cour permanente d'Arbitragedans
l'affairedesPêcheriesde I'AtlantiaueNord :

"L'un des éléments essentielsde la souveraineté est qu'elle doit
être exercée dansdes limites territoriales et sauf preuvecontraire,

le territoire s'identifàela souveraineté" (Travaux de la Cour
permanente d'arbitracede La Have, Oxford U.P., 1921.p.164). 70. Ce même thème a étédévelopp6par la Cour internationale
de Justice dans l'affaire du Plateau continental de la Mer Eeée, où elle

observait qu'établirdes limitesentre des Etats voisins consistait

"tracer la ligne exacte...de rencontre des espaces où s'exercent
respectivement les pouvoirs et droits souverains" (C.I.J.. arrêtdu
19décembre 1978, Rec. 1978,p.85)

de chaque Etat. Les juristes de droit international et les spécialistes des

relations internationales partagent cette conceptionde la naturedes frontières
(voir Vittorio ADAMI,
Londres, Oxford University Press, 1927, p.3 ; S.W. Boggs, International
Boundaries, New York, Columbia University Press. 1940,p.4 ; Malcolm N.
Shaw, Title to Territorv in Africa-International Leeal Issues. Oxford,
Clarendon Press, 1986, p.221 ; Antony ALLOTT 'The Changing Legal

Status of Boundaries in Africa ; a Diachronic View" in K. INGHAM ed.,
Foreien Relations of African States, Londres, Butterworths, 1974, pp. 11 1-
112).

71. La fonction d'une frontièreest donc de limiter l'exercicede
la souveraineté(et la compétencetemtoriale qui en découle) par rapport à

une ligne géographique.La manifestation physiquede cene limite extérieure
de leur souveraineté. acceptée par les Etats concernés peut être réalisée lapar
démarcation sur la basede la ligne de délimitation. C'estcette fonction qui
est reflétédans le commentairede Basdevant selon lequel

"la délimitationgéographique dela compétence deI'Etatse fait
par le tracémêmede la frontière qui sépare desEtats voisins."

(Jules Basdevant, "Règles générales du droit et de la paix",
R.CA.D.1. 1936-IV,pp.475-591).

72. Alors que de nombreux juristes ont définile rôle de la
frontière comme consistant à répartir les compétences dans l'espace (De
Visscher se réfère à "la ligne d'arrêt des compétences étatiques", Cf.,

Problhes de confins~eti droit international ~ublic; Paris, Editions-A.
Pédone,p.7). l'arbitreMax Huber, prononçant sonjugement dans l'affairede
l'Ilede Palmas rappelleque cela comprend aussile droit de protection. Ainsi,
pour lui, une frontière

"...serà répartir entreles nations l'espacesur lequel se déploient
les activités humaines, afin de leur assurer en tous lieux le

minimum de protection que le droit international garantit."
(Sentence arbitrale du 4 avril 1928, Souveraineté sur l'lle de
Palmas (ou Miansas), R.G.D.I.P., 1935,pp.163-4).

73. Les frontières ont d'autres fonctions. Elles renforcent le
principe de l'égalité souveraine car elles affirment un droit identique pour

chaque Etat de part et d'autrede la ligne acceptée. Commel'arelevéPaul de
LA PRADELLE, la frontière modernedélimitedes compétences égales (-frontière. Etude de droit international, Paris, les Editions internationales,
1928, p.25).

74. Comme les frontières délimitent les souverainetés des

Etats et donc les limites de leur compétence territoriale, leurs fonctions sont
en général négatives plutô qtue positives.

"Les frontières internationales sont destinéàsservir des fonctions
de protection de diverses natures"'. (S.W. Boggs, International
Boundaries, New York, Columbia University Press,p.11).

75. Les frontièresservent aussià renforcer I'intérêt commun en
protégeant contre toute intrusion physique sur le territoire où les
compétencesde 1'Etatpeuvent légitimementêtreexercéeset contre toute

érosionde la liberté des décideurs légitimes I'intérieurde ce territoire.
L'article2, 5 4, de la Charte des Nations Unies reflète aujourd'hui l'intérêt
fondamental qui s'attache à cette fonction dans le droit international
contemporain.

II. LI.:PRINCIPE CAKUINAI. DE LA SI'AHII.ITE ET
I.'IRREVOCABII.ITE DES FKONTII<RES

76. Les principes du droit international applicables aux
questions de frontières reflètent la fonction remplie par les frontières
internationales. Comme la plupartdes normes obligatoireset contraignantes,
celles relatives aux frontières ont émergéen tant que reflet des intérêts
communs, pour le bien général. Les invocations répété desi'importancede

la stabilitéet de l'irrévocabilitdes frontières ne sont pas des déclarations
vides de sens dont la valeur, dans le monde d'aujourd'hui, est remise en
question. Le fait que la stabilité et l'irrévocabilées frontières constituent
des principes fondamentaux de droit découle nécessairementdu rôle que
jouent les frontières dans la communautéinternationale. II est aujourd'hui

comme jadis;de I'intérêtsommun-que les frontières-soient clairement
définies. Le droit international,à un moment donné quelconque, comprend
des règles etdes principes d'un caractère permanent etd'autresqui devront
êtreadaptés pour satisfairedes besoins et des sensibilitésen évolution.Deux
remarques peuventêtrefaites à ce sujet. La première estque le rôle jouépar
les frontières internationalesl'est dans I'intérêt commun aujourd'hui autant

qu'hier. Alors que la situation des frontières en Afrique et en Amérique
Latine est souvent le produit de l'histoire coloniale, la fonction de ces
frontièresest de servir le bien et I'intérêt général compris celui des Etats
nouvellement indépendants.

7 -Traductide la RCpvbliquTchad-Texteo"inna:''insrnatboundaricsan intenIowrvc
pmtectivefunctionrofvariousLinW. "On pourrait ajouter que la sensibilité et la finalité de toutes les
frontières -sielles ne sont pas en contradiction avec les principes
supérieursdu droit intemational- sont dans l'intérêd te toute la

communauté internationalen8 (Sentence de l'arbitre
LAGERGREN, affaire du Rann de Kutch, 1968,I.L.R., vol 50,
p.410).

La deuxième remarque estque le principe de la stabilitéet de l'irrévocabilité

des frontières co-existesans difficultéavec la possibilitéde souplesse et de
changement, par des moyens bien déterminésd ,e règlesqui ne reflètent plus
totalement I'intérê ctommun. On peut affirmer que l'existencede frontières
délimitéese ,n assurant le respect de la souverainetéde l'intégrité territoriale

et de I'indépendance politiques,crée justement l'élémentde stabilitéqui
permet d'organiser les changements nécessaires.

77. Compte dûment tenu des fonctions des frontières, celles-ci

ne sont pas immuables ;des modifications peuvent intervenir.Une frontière
est un fait établi juridiquement maisle fait n'est pas en lui-même constitutif
de jus cocens, qui ne peut jamais êtremodifié. Toutefois. l'importance
majeure attachée à cette stabilité profonde est illustréepar le fait que ce
changement ne peut êtreprésumé à la légère.Du fait qu'une frontièren'est

pas une règlede droit mais l'incarnationd'un accordentre les Parties quant à
la limite de leur souveraineté respective,elle peut être modifiée uniquement
par accord des Parties. Un tribunal n'a pas autorité pour décider d'une
modification de frontièresafin de parvenir à un compromis politique ou de
procéder à un ajustement local perçu comme économiquement ou

socialement souhaitable. Une frontièrene peut davantage êtremodifiéepar
des actes unilatérauxde I'undes Etats concernés. Une fois la frontière établie
par voie d'accord,de tels actes ne peuvent mettreen cause le titre frontalier ;
et dans la mesure où ces actes entraînent un franchissement non autoriséde

la frontière, ils violentI'intégritéterritoriale de l'autre Etat. Les intérêtdse
I'Etatqui met la frontière en cause peuventêtresatisfaits, d'une part, par tous
les moyens que le droit international fournit pour maintenir de bonnes
relations transfrontalières, y compris la circulation et la coopération
internationale ;et, d'autrepart, par tous les moyens que le droit international

foumit pour une-modificationnégoci6e;aumoyen~de-cession-de-territoire-ou
de rectification de frontikre, si les Parties estiment cela nécessaire ou
souhaitable.

78. Cette appréhension de la nature et de la fonction des
frontières explique l'accent qui est largement placé sur la stabilité des
frontières. Ainsi, le Juge Sir Robert Jennings a décrit la stabilité des
frontières terrestrescomme étant "le but ultime" ;il ajoute:

8 -Traductiode la RCpvbliqucduTchad-Texteoriginal:"Oneaddihrt smbiliryandCmaliryof al1
bordcm- if ihsy do no,conuadict highcrprinciplesof ilaw-irinihecmon intercofihe
wholeinternationaclommunity". "Certainsautres modes d'ordre juridique capables de changement
sont nécessaires pour répondre aux nouveaux besoins d'une
société en développement ; mais dans une société ordonnée, les
frontièresterrestres serontmi les institutions les plus stablesN9

(R.Y JENNINGS, The Acauisition of Temtorv in International
Law , anchester U.P., 1963,p.70).

79. La jurisprudence internationale insiste de manière

frappante sur la notion de stabilité ou d'irrévocabilitédes frontières ou,
commecelaest souvent dit, sur leur continuitéet leur permanence.Alors que
chacunedes affaires pertinentes dépendait dansune certaine mesure des faits
particuliers à l'espèce, certains principes communs remarquables s'y
trouvent. Ainsi, dans I'affaire delaworzina, la Cour Permanente a étéprike

par le Secrétaire généralde la Société desNations de rendre un avis
consultatif sur la question de savoir si la frontièreentre la Tchécoslovaquie
et la Pologne dans le district de Jaworzina avait déjà été définieS.elon la
Pologne, la frontièreétait restée indéterminée poduirverses raisons. La Cour
a rejetéces arguments, en insistantsur le rôle de la frontièredans la solution
d'un différend entre les Parties et en décidant que la frontière avait été

"déterminée une foispour toutes" (C.P.J.I., m. n08, 1923, p.23). De
telles considérations d'irrévocabilité s'appliquent aussibien aux frontières
établies afin de prévenir des différends (comme dans les arrangements
franco-britanniques de 1899, 1919et 1924) qu'aux frontières établiespour
les résoudre.La Cour a observéau demeurant que les clauses de l'instrument

peninent qui reconnaissait la souverainetédes deux Etats sur leur temtoire
"supposent l'existence d'un territoire entièrement circonscrit et délimité,
notamment vis-à-vis de l'autreEtat"(Ibid.,p.32).

80. De même, dans l'avis consultatif sur ItIntemrétation de
I'article3 (2) du Traitéde Lausanne (frontièreentre la Turauie et L'Irak),la
Cour, énonçantun principe important d'interprétation entièremenp teninent
dans la présente affaire,a dit qu'ilest

"naturel que tout article destiné à fixer une frontière soit, si
possible, interprété de telle sorte que, par son application
intégrale, une frontière précise, complète et définitive soit
obtenue."

En effet.

"il résulte encore de la nature mêmed'une frontièreet de toute
convention destinéeà établirles frontièresentredeux pays, qu'une
frontiéredoit êtreune délimitation précise dans touson étendue"

(C.P.J.I., 1925.éri B,n012,p.20).

-Traduction la RtpubliduTchad-Tsric original:'othshdr oflcgal orderingnof
dcuclopingîoc;butinapmpcrlyordsredwriety, temboundanwill teammgthe morstable
institutiom." 81. Chacune de ces affaires concernait, non la totalité d'une
frontière, mais des segments de cette dernière. La présomption
d'irrévocabilitéde la délimitation s'appliquea fortiori à l'ensemble d'une

frontièreet constitue un élémenitmportantde sécurité juridique.

82. Le concept de stabilité constitue égalementun principe

d'interprétationet est une préoccupation fondamentale dela Cour. IIn'est pas
douteux que la Cour a voulu éviter le chaos qui résulterait dela réouverture
d'une myriadede problèmes defrontière.Assurément, les traités frontaliers
doivent survivre pour préserverla paix sans laquelletout n'estqu'illusion.

83. Cette "préoccupation fondamentale" de la Cour
internationale de Justice, toujours manifeste aujourd'hui, s'explique aisément.

Elle rejoint la conclusion du Tribunal arbitral constitué dans I'affaire du
Canalde Beagle selon laquelle

"une limite, une frontière à travers laquelle les juridictions des

Etats riverains ne peuvent passer, implique irrévocabilité et
permanence".'o(IL.R.,vol 52, p.131)

84. La Cour appelée à se prononcer sur la délimitation du
plateau continental, a saisi l'occasion de faire ressortirque le "leitmotiv" de
la stabilités'appliquait également auxfrontièresterrestres. Dans l'affairedu
Plateau Continental de la MerEeée, ellea noté :

"qu'ils'agisse d'une frontièreterrestre ou d'unelimite de plateau
continental, l'opérationde délimitation entre Etats voisins est
essentiellement la même :elle comporte le mêmeélémenitnhérent
de stabilitéet de permanence ...(C.I.1,Rec. 1978,p.66).

Et, dans l'affaire du Plateau Continental entre la Tunisie et la Libve, elle a
évoqué

"la permanence et la stabilitéde la frontière terrestre"(C.I.J., Rec.
1982,p.66).

C'est que :

"lorsque deux pays définissent entre euxune frontière,un de leurs
principaux objectifs est d'arrêterune solution stable et définitive''
(C.I.J., affaire du Temole de RéahVihéar,Rec, 1962,p.34).

85. Le souci d'assurerla stabilitéet le rôle des frontièresdans

Io-TraductimdelaRtpubliqueTchsd-Ts xliinal:"atirnbvndaryacmr whichUijuridictionsof
he rrrpscuborderinstaisrmanopau,irnplicsdefnitiveneuandprmanmce.' la réalisationde cet objectif, est souligné toutau long de la sentence arbitrale

rendue dansl'affairedeTa entre l'Egypteet Israël :

"si une ligne frontière est démarquée conjointement pa lrs Parties
concernées. la démarcation est considérée comme une

interprétation authentiquede l'accord frontalier même si des écarts
peuvent se produire où s'il existe quelques contradictionsavec les
canes"~~ (LL. vRo. 80,p.226).

Cette considération vaut tout autant pour une frontière qui a étédélimitke

sansêtredémarquée sur le terrain.

86. La stabilité et la permanence des frontières sont illustrées
non seulement dans le raisonnement et lesdicta des tribunaux internationaux

mais dans les textes de traitésde frontière eux-mêmes. Les parties qui sont
évidemment les premières concernées, réalisent pleinement l'importandcee

ce principe. La référence à ce principe se retrouve dans de si nombreux
&tés que l'onpeut effectivement due qu'ila pris le caractère d'un principe

génbralde droit. Le désirdes Etats d'assurer la stabilité et de servir les
intérêtsde la paix dans les traités de délimitation est un phénomène
universel 12 :

"On en trouve de nombreuses illustrations aussi bien dans les

accords frontaliers conclus dans l'Amériquelatine du XIXème
siècle, l'Europede l'entre-deux-guerresou l'Afrique décolonisée"

(BARDONNET Daniel, "Les frontières terrestreset la relativitéde
leur tracé",R.C.A.D.I., 1976-V,p.28 ; v.aussi DUTHEIL DE LA
ROCHERE (Jacqueline), "Les procédures de règlement des

différends frontaliers". S.F.D.I., Colloquede Poitiers, La frontière.
Paris, Pédone, 1986p , 1 13):

87. La recherche de frontières stables etdéfiniesparaît êtreun
principe fondamental du règlement des différends frontaliers (J. DUTHEIL
de la ROCHERE, op. cil, p.116). Cela ne veut bien sùr pas dire que le

principe-soitappliquémécaniquementparlestribunaux; ni que-lesfrontières,
une fois acceptées, ne peuvent jamaisêtre modifiéesI.I est, bien entendu,

II Traduriicsd13R6p~hliqucduTchad rcrtconginal ia bunilar)Iinironcr dcmuratd luintlb)
cvcnil&vtauon\nmay havemu&aiicorifIhcrcarrom<ainron.trirncitr maprO!Ihc houniiuy sgmnunl

IZ- v. pu exemple :mit6 de d4liMtation ci de pacnmgeles R4publiquduChili edeBolivie, 1866.
(Mnî.NR.G.T.. lomc XX. p.610) : le TrentrI'hgentinetle Chili. 1881.(52 ILR. vol. 52, pp.127-
31): la Convention signée1 AddANba surks honti*xs rnm les pmxssionr iralie-de Sdic ci
l'Empiretthiopicn. 1908.(ManeN.R.G.T K.m.csérielomc II. pp.21 et11sTraitéenm Icî Etau-Unir
etIcs Pays-Bas, 1925. (AJLL.. 1925. vol. 19. :Ic Roiaole de dAlirnitadeola frontièentrIn
. p.444):Ic Traicnmaula RCpubliqucdominicaineet Haili. 1929.(ibid.vol 105;le Traire d'arbitrage
cnm leGuatémal1a Ic Honduras. 1930.(R.SA...1309) oule Traie de delimitation de fmntierrs enm la
Manrimis ci le Maii. 1963. clan Bmwnlic. AfBoundoril':A Legal and Dipiomrii Encyclopedia.
Lon&$. Hunt, 1979.pp.408-9).toujours nécessaire d'identifier d'abord exactement ce qui a étéaccepté.
Lorsque la démarcation aeu lieu, cette tâche s'avère souvent plusfacile-
mais, même dans ce cas, comme le récent arbitrage de Taba le met
clairement en évidence,il peut y avoir problèmelonqu'il y a incompatibilité
entre la délimitation arrêtée dans le traitéet la démarcation qui a suivi.
Lorsqu'ily a eu délimitation mais pas démarcationi,l peut s'avérerque les
instruments concernésnécessitent une interprétation etne analyse. II peut
êtrenécessairepour letribunal de décider lesquelsdes instruments invoqués

comme applicables àla situation sont réellement opposables aux Parties pour
la délimitationde leur frontière. Ainsi,dans l'affaire du Monastéredent-
m, la Cour permanente a acceptéle point de vue de l'Albanie selon
lequel la frontière dans la région de Saint-Naoum n'avait pas été
définitivement fixée parle Protocole de Londres de 1913. Il en résultaun
certain pouvoir discrétionnaire pour la Conférencedes Ambassadeurs des
principales Puissances Alliéesqui avaient reçu pour mission "d'établir les
frontièresde l'AlbanieN.11est intéressantde noter que, en se prononçant sur
la base des faits particuliers de cette affaire, la Cour a mis l'accentsur la
continuité, en ce que sa conclusion, loin de bouleverser l'étatde choses

existant, a confirmé la décision antérieure de la Conférence des
Ambassadeurs.

88. Dans la présente affaire,il n'ya pas de décision antérieure
d'une quelconque institution,y compris l'organisation de l'Unité Africaine.
qui soit contraireà la position de la République du Tchad. Du reste, la
question poséeà la Cour par les Parties ne consiste àdemander àla Cour
détablir" la frontière. Certes, les Parties sont toujours libresde redéfinir leur
frontière par accord mutuel. Maisle principe de l'intangibilitédes frontières

signifie qu'une frontière ne peutêtre altérépear des actes unilatérauxde l'une
des Parties ea au moyen de I'usagede la force suivant l'artic5e4,
de la Charte des Nations Unies. La doctrine de la stabilité et de
l'irrévocabilité ne requièrentqsue la frontière ne puisse pasêtreremise en
cause. Mais pour qu'une frontière soit susceptible d'être contesile,aurait
fallu qu'elle fut établiede façon illégale-et. mêmedans ce cas, il aurait fallu
qu'il n'yeût ni acquiescement ni reconnaissance de celle-ci partatqui la
remet en cause.

III-L'OCCUPATION MILITAIRE NE CONFERE PAS DE TITRE

89. Aucun titre ne peut être obtenu par une occupation
militaire illégale. L'évolution, pendant la pédee l'entre deux guerres, du
principe ex iniuria ius non oritur, s'applique tout particulièrement au
problème d'un titre etde l'utilisationde la force. L'article2 (4) de la Charte
des Nations Unies interdit toute utilisation de la force contre l'intégrité
territoriale ou l'indépendance politiqued'un Etat. La Charte énoncecette
interdiction sans en tirer de conclusion juridique. Elle n'aborde pas la

question suivanteà savoir si un titre peut êtregaranti par l'utilisation illégale
de la force. Certes, la réponse enest sûrement négative, car, sans cela, les
objectifs politiques d'importancestipul6spar l'article2 (4) seraient minés.La
preuve que ceci représente clairement l'accord des membres sur laconséquencede leurs obligations dans le cadre de la Charte résidedans la
Déclaration sur les relations amicales entre les Etats conformément à la
Charte des Nations Unies, adoptée par l'Assemblée généra lle24 octobre
1970,aux termesde laquelle :

"Le territoire d'un Etat ne peut faire l'objet d'une occupation
militaire résultant de l'emploi de la force contrevenant aux
dispositions de la Charte. Le territoire d'unEtat ne fera pas l'objet
d'une acquisition par un autre Etat à la suite de recours à la

menace ou à l'emploi de la force. Nulle acquisition territoriale
obtenue par la menace ou l'emploide la force ne sera reconnue
comme légale" (A/RES/2625 (XXV)).

90. Les membres de l'Assemblée généraleont réitéréleur
position dans la résolution définissant l'agression, adoptéepar consensus.
Aux termesde l'article5, $ 3,de celle-ci :

"Aucune acquisition territoriale ni aucun avantage spécial

résultant d'une agression ne sont licites ni ne seront reconnus
comme teIs"(A/RES/3314(XXIX)).

En fait, le Conseil de Sécurité est albien au-delà de cette
91.
résolution eta décidé qu'unterritoire ne pouvaitêtreacquis mêmesi l'action
militaire est présentée par la partie qui l'a menéecomme une action de
Iégitimedéfense, ainsq iue ceci ressort du préambulede la célèbre résolution
242 du 27 novembre 1967du Conseil de Sécurité, qui énoncle es conditions

d'une solution pacifique au conflit israélo-arabe en soulignant
"l'inadmissibilitéde l'acquisition d'un territoire par la guerre". Le JugeSir
Robert JENNINGS a expliqué qu'un Etat qui utilise la guerre pour se
défendre ne peut pas prétendre à un titre, car la condition de proportionnalité
ne peut êtreremplie (0p.cit. n069, p.55). A fortiori, l'intervention militaire

qui n'entre pas dans le cadre de la légitimedéfensene saurait fournir le
fondement du titre. En droit international contemporain, cette situation n'est
pas modifiée parle fait que l'intervention militairese prolonge. Tandis qu'un
titre peut êtreacquis par la consolidation de la présenceeffective sur un
territoire dans certaines circonstances, il ne peut en aller ainsi qu'encas de

"reconnaissance sous uneforme ou sous une autre, qui traduise la volontéde
la communautéinternationale."" (JENNINGS (R.Y. ibid p.67) La Libye
n'a pas bénéficiédune telle reconnaissance de son titre prétendu par
consolidation, que ce soit par l'Organisationde l'UnitéAfricaine, ou par les
Nations Unies.

92. Dans l'affairedu Différend frontalier entrele Burkina Faso
et le Mali la Chambre estimaque quand une partie acquiert un titre en vertu

13.Traductidsla RCpublidu Tcha-Texte original:" recognothcfoms ofaknowledgment
ofihepositioncrprrsthewillothe inlematieommunity".du droit coutumier intemational, l'occupationdu territoire par l'autre partie

ne supplante pas ce titre:"Les droits du titre devraientêtrepréférés"(, .I.J.,
Rec. 1986, p.554), l'objectif qui sous-tend cette position est celle de la
stabilité internationale.II en va ainsi a fortiori lorsque le titre est basé surun
traité etque l'occupationa le caractère d'une intervention militaire illéga:e
une telle action ne peut pas déplacerle bacéfrontalier déterminé palre traité
ni fonder le droit exercer unejuridiction souveraine endeçà de cette ligne.

IV -1.Ë KULE DE L'UT1POSSEBETIS DASS LA HEALISATION
DE LA STARILITK ET DE L'IKREVOCABILITE DES FROSTIKKI;.S

93. L'uripossederisest aujourd'hui reconnucomme un principe
général du droit internationala,pplicable non seulement en Afrique, mais,
plus généralementd ,ans l'ensembledu monde.

A. L'uiipossidetis, en tant que principe de

droit international

94. Selon Bloomfield (Eevot. Israel and the Gulf of Akaba,
Toronto, Carswell, 1957,pp.107-8) et Blum, (HistorieTitles in Intemational
Law, La Haye, Nijhoff, 1965, pp.341-3) .I'uripossideris s'oppose à tort à
l'occupationcomme base d'un titre. Ce raisonnement méconnaîlte fait que

les frontières sont en général établiesr traité et non par occupation.C'estlà
confondre le titre temtorial avec la délimitationde frontière,Waldock s'est
demandé siI'uripossideris pourrait s'imposer malgré l'incapacité complète
des Etats concernésde "déployerla moindre forme d'activité étatiqueVl4
("Disputed Sovereignty in the Falkland Islands Dependencies", B.Y.B.I.L.,
1948, p.323). La question de Waldock était, bien entendu, poséedans le

contexte de revendications sur l'ensemble d'un territoire. Elle ne se rapportait
pas à I'uri possideris vis-à-vis d'une frontiere fixée par traité par les
puissances coloniales et héritéepar des Etats accédant à l'indépendance.
Dans ce contexte, les effectivités ont peude pertinence. De toutes manières,
'anslaprésente affaire, il y-a-des-preuvesabondantes d'une activité étatique
adéquatede la pan du Tchad dans la période quia suivi l'indépendance.

95. On a quelquefois avancé quele principe de l'utipossidetis
avait peu de valeurjuridique du fait de l'incertitudesur le pointde savoir si la
référencese faisait àla frontièrecoloniale de ou la ligne telle qu'elle
avait ététracé defacto. On peut se référer, par exemple à, l'arbitrage relatif

aux Frontièresdu Honduras (Guatemala/Hondu ra.S.A., vol. II, p.1330,
Sentence du 23 janvier 1933), où la question a étéexploréeen détailet
définiecomme une question d'interprétationde raccord d'arbitrage sur la

l4-Traductiondc la RCpublTchad-Textorigin:"...campletefail(.) displayanyfam of
slaiactivity".base du droit international généralL . es modifications de frontière apportées
à un tracédefacto sont un phénomène pertinent plutôt lorsque les deux Etats

accèdent à l'indépendanceaprèsavoir étésoumis à un seul pouvoir colonial.
Cela a eu peu de pertinence en Afrique bien que la Chambre dans l'affairedu
Différend frontalier aitdonnédu poids au point de vue selon lequel (bienque
dans un contexte différent),la ligne de est de valeur supérieure(C.I.J.,

Rec. 1986,pp.586-587).

96. Dans sa forme historique, le concept de l'uripossidetis a

entraîné l'adoption par les nouveaux Etats d'Amérique latin des frontières
résultantdes divisions administratives faites parla métropole, qui existaient
à la date de l'indépendance.Pour la plupart des pays de l'Amérique latine,

seules étaient concernées les divisions administratives d'une seule puissance
coloniale. Mais, les considérations de politique sous-tendant le principe
s'imposent tout autant lorsque les frontières ont été tracé neosn par une seule
métropole,mais par accord entre diverses puissances coloniales. Ceci ne

rend pas moindre le besoin de stabilité, d'intégrité territoriale et
d'indépendance desnouveaux Etats à l'intérieurde frontières sûres. Aussi
bien le Burkina Faso que la République duMali constituaient une partiedes
territoires administrés par la France, en tant qu'Afrique Occidentale

Française. Dans ce cas, comme en Amérique latine. la référence à I'uri
possideris s'inscrivait dans un contexte historique dominé par une seule
puissance coloniale. Mais, la résolutionde l'O.U.A.de 1964, qui illustre le
principe utipossidetis, est d'application générale et non limitée aux frontières

d'Etats indkpendants anciennement gouvernés par la même puissance
coloniale. Le principe a étéainsi jugé applicable par le Tribunal
constituédans l'affaire opposant laGuinée à la Guinée-Bissau(R.G.D.I.P.,
1985, n02, p.484), alors que la France et le Portugal avaient délimitéleun

possessions par traité dans l'Afriquede I'Ouest,et également parle Tribunal
d'arbitrage chargé de la détermination de la frontière maritime entre la
Guinée-Bissau et leSénégalD . ans sa sentencedu 31juillet 1989renduedans
l'affaire Guinée-Bissaucf énéealle Tribunal a noté qu'en Afriquele concept

de I'uripossidetis avait un sens plus large que dans le cadre de l'empire
colonial espagnol,

"car il concernait aussi bien les frontières des pays d'un même

empire colonial que les frontières qui lors de l'èrecoloniale
avaient déjàun caractère international car elles séparaient des
colonies appartenant à différents empires coloniaux" '5.(I.L.R.,

vo1.83,p.35)

En affirmant l'application de I'uti possidetis à des pays ayant héritéde
frontières de métropoles différentes, le Juge Bedjaoui, dans son opinion

dissidente, considéraitque cela s'appliquait également à l'Amérique latine,
par exemple, aux frontières du Brésil (anciennement portugais) avec ses

12Iradu.li.%n dc 1. RCpubliq~rdu -rexicoridind'kï..%rti<,iiiccni<bo!h ihc h.>unJuir%.>i
bclongingJiflcnni colocmpir.' hu11r.d*n tn!crnrtlcnuactcrkcauirhry upirau.1 ;ol~niovoisins (anciennement espagnols). Il n'y a donc qu'unseul concept de l'uti

possideris ayant une application générale (ibid p.158).

B.L'application de I'utipossidetis à I'Afrique

97. L'intérêctontemporain pour la stabilitédes frontières est

universellement partagé. IIse traduitpar le conceptde l'utipossidetis. Il n'ya
aucune raison inhérentede limiter son application à l'Amérique latine ;le
principe trouve son utilité dès lors qu'accèdent à l'indépendance de

nombreuses anciennes colonies. Comme l'a dit Cukwurah, à propos des
frontièresafricainesau momentde l'indépendance,

"Larevendication des territoires perdusn'estpas toujours possible,
surtout lorsqu'ils se sont cristallisés dans une nouvelle forme

politique aussi solidifiéeque l'unitéancestrale elle-mêmeM. 16he
~ettlement of Boundarv Dis~utes in International Law,

Manchester,Manchester University Press, 1967,p. 104)

La doctrine de I'uri possidetis est l'un des instruments par lesquels

l'intangibilitédes frontièresest assurée ; et l'intérêctommun poursuivi ne
peut êtremis en doute. Lorsqu'onpasse de la théorie à la pratique, on voit

que l'intangibilitédes frontières est aussi un obstacle à l'expansionnisme
territorial, qui sauvegarde une indépendance souvent fragile et facilite la
consolidation d'un équilibreprécaire.

98. L'applicabilitéde l'utipossidetis à I'Afriquene découlepas
de la résolution de l'O.U.A. de 1964 -cette résolution était plutôt une
expression dans une formespécifique, d'un engagement pré-existant en

faveur de la stabilitéet de l'intégrité territoriale qui s'étaitdéjàtraduit sous
diverses formes. Ainsi, le tribunal ad hoc dans l'affairede la GuinéelGuinée-

Bissau a relevé que la résolution du Caire de 1964 se conformait au
paragraphe 3 de l'article IIIde la Charte de l'O.U.A.elle-même,relatif au
respect de la souverainetéetde l'intégrité territorialdee chaque Etat etde son

droit inaliénable à une existence indépendante.Le Tribunal a ajouté que,
pour ce qui concerne les frontières terrestres,le principe de I'utipossidetis

était applicable(R.G.D. 1.P., 1985,no2, p. 503).

16 .~raductide la RepubliqucdTchad-Tcxteorigind : 'Revindicationof los,lemitaiealwayroi
practicabcspeîially whcthcy have crystallircncwtplitical famulac as soliasUicancestral
unitifalf.
17-Surccpoint.,aiTm Van hhnh..Rcrnwquc\,~i1. pnncipdeI'inungibiltitfroaitrrr'.Fcnri
FA. ~runlc, Ela :u T~CRhhdc ficedlorilm !n!cm3ctunIm,.tbrwr Univenitain deFrance.
IYlA. pp 52.57 KurnYllcmahoi* r tcni JEuir alncainr qu

A lkulr)CUI.1rppI~~3t1~n II ~L~IUIIpo~r Jet,CU de n~lurB C<IICd ~n~l.1~1
m><r#drn<anciii>'~- lomaltade<cliltloullliiiur, nourcllc5ibn# a6iiNJ-lrue lur,
constituéarbivaircmsntpar Icr puirranccscol.."(L'Afriouendroitine-
PariL.G.D.J.1971.p.65). 99. Cette approche confirme les positions de la doctrine.
Romain Yakemtchouk estime que le principe de I'ulipossideris n'était pas
inconnu en Afrique, puisqu'il avaitétéappliquéau XIXèmesiècle pourle

démantèlementde l'Empireottoman et plus tard pour le système des mandats
avec la Sociétédes Nations. Il donne quelques autres exemples pertinents
pour la présente affaire en soulignantque sià un moment donné,le principe
de I'uripossidetis est en effet applicable, mais que, alors qu'il assure la
continuitéet la stabilité,il n'interdit pasun changement résultant d'un accord
politique:

"...la Convention Franco-britanniquedu 14juin 1898, ainsi que la
déclaration additionnelle du 21 mars 1899, précisèrent les
possessions des puissances en faisant fi des protestations turques.
En 1902, I'ltalie reconnut cette délimitation bilatérale ; ayant
succédé à la Turquie en Libye. En 1912. elle passa une sériede
conventions de délimitations territoriales." (L'Afriaue en droit

international, L.. D. J., Paris, 1971,p. 83).

II y voit "la reconnaissance du principe uti possidetis". Toujours sur I'uti
possidetis, l'auteur poursu:t

"Enfin, à I'époqueplus récente, on peut citer le Traité franco-
libyen du 10août 1955qui a confirmépar son article 3 la validité

des tracésfrontaliers en vigueur à la date de l'accession de la
Libye à I'indépendance (accords conclusde 1898 à 1919entre la
France, d'une pan, et la Grande Bretagne, l'Italie et la Turquie
d'autrepart)".

IIappelle cela "le maintiendu sraruquo" (Ibid, p. 86)

100. J. Pinho Campinos confirme que le principe de I'uti
possideris a étéinvoqub en Afrique du Nord au XIXème et au débutdu
XXèmesiècle et pourla déterminationdes frontièresalgéro-marocaines.II
poursuit :

"Déjà beaucoup plus prèsde nous, le Traitéfranco-libyen du 10
août 1955,proclamantle principe de I'utipossidetis, confirmait en
son article 3, la validité des tracés frontaliers de la Libye à
l'indépendance" ("L'actualitéde I'uripossidetis", S. F. D. I.,
Colloque de Poitiers, La frontière, Paris, Pédone, 1980p ,p. 95 -
96.)

La Cour internationale de Justice a saisi I'occasionde son
101.
arrêt du 24 février 1982 relatif à l'affaire du Plateau Continental
(TunisieIJamahiriva Arabe Libvenne), pour se référer à une frontière qui
avait survécu "àtoutes les vicissitudesdes deux guerres mondiales"comme
étantI'illustrationde I'applicationde la résolutionde l'O.U.A.de 1964. Cette
règle, que la Cour a décrit comme une "règle de continuité ipsojure des
traitésde frontières" se trouve, comme l'observe la Cour, reprise dans la

Convention de Viennede 1978sur la Successiond'Etatsen matièrede traités
(C.I.J., Rec. 1982,pp. 65-66 ;voir égalementI'opinionindividuelle du Juge
Ago, pp.97-98). 102. Le Tribunal arbitral ad hoc comprenant trois membres de

la Cour et présidépar le Juge Lachs. constituédans l'affaire opposant la
Guinée àla Guinée-Bissau affirmelui aussi l'applicabilitédu principede I'uti
possidetis à l'Afrique et fait de nouveau le lien entre I'utipossidetis et la
Convention de 1978. Le Tribunal déclare que la Convention de 1886
(acceptéepar les Parties comme fixant les frontières terrestres et comme

étantle document de base relatif la frontière maritime)

"est restée en vigueurenue les deux pays signataires, la France et
le Portugal, jusqu'à la fin de la période coloniale et s'est imposée

aux Etats successeursen vertu du principede l'uti possidetis".

De plus, a poursuivi le Tribunal, le principe de l'utipossidetis est

"conforme non seulement à l'article III$ 3, de la Charte de
l'O.U.A. du 25 mai 1963 traitant du principe du "respect de la
souveraineté etde l'intégrité territoriale de chaque Etat et de son
droit inaliénable à une existence indépendante"mais aussi à la

Convention de Vienne d'Août 1978 sur les successions d'Etatsen
matièrede traités"(R.G.D.I.P.1985.no2, p. 503).

La Résolutionde l'O.U.A.de 1964ne crée pasle principe
103.
de I'uti possidetis mais fournit simplement une illustration des plus
importantes de ce principe ;les réserves qui y seraient formulées sont
juridiquement sans conséquences. Toutefois. on peut faire remarquer que
certains Etats, notamment la Somalie et le Maroc, ont &misdes réserves à

cette résolution. Cette question a été considéréc eomme présentant une
certaine importance par le Juge Bedjaoui dans son opinion dissidentedans
l'arbitragede la Guinée-Bissauet le Sénégal.11a soulignéque la Guinée-
Bissau, comme le Sénégal. n'avaient manifesté aucune opposition à

l'encontrede la résolutionde I'0.U.A.du Caire en 1964et

"l'on peut, donc. considérer comme établi, qu'elle (la Guinée-
Bissau) se trouve liée parce principe puisqu'ellen'ajamais réfuté

son caractère obligatoireni pendant sa lutte de libération nationale
ni depuis I'indépendance."lg(I.LR.,Vol. 83, p. 57).

104. On peut dire la mêmechose de la Libye : elle n'&aitpas

parmi les quelques "voix discordantes" qui ont protesté contre la résolution
du Caire. (Voir Pinho Campinos, "L'actualité del'utipossidetis", S.F.D.I.,
op. ci!., La Frontière, Paris, Pédone, 1980p ,p. 98-100 et Tran Van Minh,
"Remarques sur le Principe de l'intangibilitédes Frontières",Peu~leset Etats

du Tien Monde face à l'ordre international. op.cit., Paris, P.U.F., 1978,pp.
63-64). Lorsque les auteurs parlentdes différends qui échappaient àl'emprise
du principe de I'utipossidetis tel qu'exprimédans la résolutionde 1964

-TraductiodelRtpubliquedTchad-Tertcorigin:"IImryUiereformkcnasesmblirhdchatitir
bmd bylhinpnnciple.sinccifnevcr&nicdiu compuiwry nature.cithcrdurvugglfornational
likration. orrinceiu indepndmce."(comme ceux entre I'Ethiopieet la Somalie, la Somalie et le Kényaou le
Malawi et la Tanzanie), il n'est d'ailleurspas fait mention du diffirend entre

le Tchad et la Libye (cf. MAKKONEN(Y),International Law and the New
States of Africa, Addis-Abeba, 1983,pp. 463-473). La Libye est donc restée
liée parle Traitéde 1955avec la France. Traité quirenvoie à 1951 comme

étant la date cmciale. Ainsi, le principe de l'intangibilité,exprimé pour
l'Afrique parla résolutiondu Cairede 1964confirme que la Libyea hérité de
ses frontières colonialeset ne peuten revendiquer d'autres.

105. Le principe de I'uti nossidetis a étéinvoqué dans un

différendimponant entre deux pays asiatiques, à savoir l'affairedu l&r&
de Pr6ahVihéar(fond) (C.I.J., Rec. 1962p. 6) et dans l'affairedu RK&&
Kutch. Dans cette dernière, l'arbitre Lagergren examinant les argumentsde

l'Inde en faveur de la partition considère le problème de la frontière au
moment de l'indépendancecomme "proche de la notion d'uti possidetis".
L'importance politique du principe de I'utipossidetis pour les nouveaux

Etats. aussi bien ceux d'Afriqueque ceux d'Asie a étéfortement soulignée
par l'arbitre Lagergren. Parlant de l'Afrique, mais notantque l'on pourrait
trouver de nombreux exemples similaires en Asie,ilpoursuit :

"combien a étésage la décisionprise par les Africains. Si une
attitude contraire avait été adoptée, cela aurait pu avoir des

conséquences desplus tragiques. Il suffit seulement d'imaginer
une décision selon laquelleil fallait se débarrasserdes frontières
coloniales, leur tracé étant considéré sans importance et les

nouveaux Etats devant déterminer à nouveau leurs frontières
respectives par des négociations bilatérales. Cela aurait
inévitablement ouvert la boîtede Pandore de conflits d'intérêtest

d'aspirationstemtoriales et aurait conduit directement à une série
de disputes acerbes et peut-être à des conflits armés".'9(1968,
I.L.R.. vol. 5, p. 408).

Le Juge Moreno Quintana,dans son opinion individuellejointe à l'arrêdte la
Cour dans l'affaire de la Sentence arbitrale du Roi d'Esnaane (C.I.J., Rec.

1960 pp. 217-8)y a vu une application plus générale du principe. Et dans
leurs opinions dissidentes dans l'affaire relative à la Souveraineté sur
cenaines oarcelles frontalières(C.LJ.,Rec. 1959pp. 209, 240 et 245 et 252-

5), les Juges Armand-Ugon et Moreno Quintana déclarèrenq tue le principe
de I'uti possidetis était applicable à un différend de frontière entre la
Belgique et la Hollande. La Cour elle-même asouligné l'importance du

principe de la stabilitédes frontières (ibidp. 221).

106. Le principe s'applique aux frontières africainesnon pas à
cause de la résolutionde l'O.U.A.de 1964mais parce qu'il fait partie du droit

l9 Tradunion dc la R<publtqlçhad Texte ungins1hou vcryuiw ibn Jcçi<limof theAlncanr
ua If V<ippvt~ ~IUIU&h~dkn ukcn ihi\ çciulohawihcmai mgic eiinsequcncrsOnr ha'unl)
10arnlgonea JCÇIS~h~the colonilo~nllne*CIto k Jcincaua) uihi Lriralignmcs usiok
ol nicunscqucncmd lhllI~C"CU <tal.houIdJcicminr therrrpciirhoundui<\ anru b) billicra
aspirationsdvould haw Iruai@!lo awncr olihc morlbitterdi.puio andpo\\~bl)of mcd-~inflicu international général et s'impose pour d'impérieuses raisons politiqu deasns
tous les cas de décolonisation.La manière dontla Chambre constituéedans
l'affairedu Différend frontaliera traitéle problème, établit clairement ceci.

107. Les conclusions de la Chambre de la Cour, dans son arrêt
du 22 octobre 1986,lèventassurément toutdoute en la matière.La Chambre
a soulignéla large applicabilitéde I'uripossiderisdans les termes suivant:

"En tant que principe érigeant en frontières internationales
d'anciennes délimitations administratives établies pendant
l'époque coloniale.I'uripossidetis est donc un principe d'ordre
généralnécessairement lié à la décolonisation où qu'elle se
produise" (C.I.J.,Rec. 1986,p. 566).

L'utipossidetis est considéréici de façon claire et frappante, comme une
partie intégrante du droit international général

"Le droit international -et par conséquent le principe de I'uti
possidetis- est applicable au nouvel Etat"ihid., p. 587).

Il est clair que l'invocation parla Chambre de I'utipossidetis ne tient pas au

seul faitque le compromis exigeaitque le différend soit résolu sur la basd ee
l'intangibilitédes frontières. L'application du droit international général
aurait, dans tous lescas, entraînéà son tour, l'applicationdu principe qui est
pertinent tant pour l'Afriqueque pour l'Amérique latine.

108. Aussi bien en Amérique Latine qu'ailleurs,I'uripossideris
est considéré à juste titre comme une règle générale du droit internationa elt
non comme une règle spéciale à invoquer uniquement parceque les Parties

ont demandé son applicationdans les divers accords fondantla compétence
du tribunal concerné ou dans leurs constitutions nationales. (Voir par
exemple les affaires du Canal de Beagle, I.L.R., vol. 52 p. 125 :des
Frontières du Honduras (Guatemala/Honduras). Sentence arbitrale du 23
janvier 1933, R. S. A., vol. II, p. 1322 ; des Frontières Colombo-
Vénézueliennes, Sentence arbitrale du 24 mars 1922 R,.SA. Vol 1, p. 278 ;
ou des Frontières entrela Bolivie et le Pérou, Sentence arbitraledu 9 Juillet
1909,R.SA., Vol. XI,pp 137-8).

C - Les limites du rôle de I'utipossidetis

109. Tout comme la différence entre différendsterritoriaux et
différendsde frontières ne doit pasêtresurestimée,on ne saurait penser que
l'invocation du principe de I'uti possidetis pourrait résoudre tous les
problèmes. Les tracés frontaliers de la période coloniale peuvent être

obscurs, dans une affaire donnée, soit en fait, soit en droit.La doctrine de
I'utipossidetis ne prétend pasen elle-même préciser la frontière coloniale.
Celle-ci doit être déterminée pu an examen des traités pertinents etde leur
statut juridique. Mais cela fait, I'utipossidetis fonctionne alors comme "le principe selon lequel doivent êtrerespectéeset maintenues en
l'état les frontières coloniales héritées, au moment de
l'indépendancepar les nouveaux Etats" (1. PlNHO CAMPINOS,

"L'actualité deL'utipossideris", in S.F.D.I., Colloque de Poitiers,
LaFrontière,Paris, Pédone,1980,p. 95).

110. Dans la présente affaire, de nombreux documents
déterminent le tracé convenu, et leur signification ne présente nulle
ambiguïté.La question de savoir si le tracéconvenu en 1899,1902et 1919a
été remplacé parun autre tracé -celuidu Traité franco-italienavorté de1935-
est un point de droit qui doitêtre tranchpar laCour.

IV - LESCOSSEQUENCES JURIDIQUES
DU YKlSClPE DE L'UT1POSSlDETlS

A -Le principe d'opposabilit6

111. C'estun lieu commun de dire que les effets juridiques des
traitéssont limités aux partiescontractantes par application de la règle -S
inter alios acta nec nocere nec orodesse Dotest. Une tierce partie peut
cependant consentir à l'application d'un traitéou de certaines dispositions

d'un traité. Cette hypothèse estnvisagéepar l'article 35 dela Convention de
Vienne de 1969 sur le droit des traités.II existe d'ailleursune jurispmdence
substantielle antérieure à cette date, la Cour ayant eu l'occasion de
s'interroger sur la réalité du consentement. (Voirpar exemple L'affairedes
Zones franches du Davsde Gex en Haute Savoie, C.P.J.I., sérieAB, no46, p.

141). Dans la présenteaffaire actuelle, bien que le traitéfranco-britannique
de 1899 soit en principe res inter alios acta pour l'Italie, le tracé ainsi
déterminé est devenu opposable à l'Italie en vertu de son acceptation dans
l'accord de 1902 avec la France du tracé figurantsur la carte annexée à la

Déclarationde 1899.

112. Il faut également noterquU'untraitéconclu entre certains
Etats peut (...établirun (...régimetemtorial, fluvial ou maritime, qui par la

suite en vientàêtre généralemena tcceptépar les autres Etats qui se trouvent
liésen vertu du droit coutumier" 20(ELIAS (T) ,he Modern Law of
T-, 1974,Leiden. A.W. Sijthoff, p. 67 - (Les italiques sont de i'auteur).

2U-~raducuitila ~tpub~iqucdu ch-ïcxte on ginaircazun;~uilcdbctuccn icriatr, "3)
( ,uiabl,r( amiond. nusiaior rmniimc rcçimraflcnlvdl <oru>bcgcncrall)arccplrdby
uhr %a= anduhichbocomcsbindinguohcr \iatcs B -L'inefficacitédesactes incompatibles

113. Une ligne de frontière établie par traité ne peut être
modifiée parles actes de l'une des parties,que ces actes consistent dans le
franchissement illégal de la frontière ou dans de prétendus actes de

souverainetédans la région frontalière. De chaque côtéde la frontière,il y a
un territoire placésous la souveraineté des Etats concernés. Commlee Juge
Gros le rappelle à juste titre dans son opinion individuelledans l'affairedu
Canal de Beaele, là où ily a une frontière déterminéentre deux pays, on ne
peut "tirer des conséquencesjuridiques d'un quelconque de ces actes de
juridiction." (I.L.R..vol. 52, p. 230).

114. Ainsi la Cour a logiquement refuséde donner du poids à
des actes d'administration incompatibles avec les textes délimitant la zone
contestée (voir Souveraineté sur certainesoarcelles frontalikres.Rec. 1959,
C.I.J., arrêtdu 20juin 1959,p. 229). Conséquencedu principe de la stabilité
des frontikres, le transfert du titre ne doit pas être présàéla légère.Au
contraire, dans I'affairedu Tem~lede PréahVihéar (fond),la Cour a donné
un poids décisif aux actes par lesquels les autorités siamoises avaient
confirmé leur acceptation du titre cambodgien, plutôt qu'à ceux dont la
Thaïlande prétendait qu'ils établissaient le bien-fondé de ses propres

revendications (C.I.J.,Rec. 1962,pp. 22 et S.).

115. Le principe selon lequel l'usurpation ne saurait conférrn
statut quelconque de possession ou un titre par rapport à une possession
antérieurede fait et de droit est généralement reconn(voir la conclusion de
Charles Evans Hughesdans la sentencedu Tribunal spécial sur les Frontières
du Honduras (Guatemala-Honduras) - sentence du 23 janvier 1933,R.SA.,
XI, p. 1324). De même,dans l'affaire du Rann de Kutch. le Président

Lagergren n'a accepté d'examiner lee sffets des actes administratifsque dans
la mesure où il étaitconvaincu qu'il n'existait aucun titrede souveraineté
(1968,I.L.R., vol.50, pp. 493 et S.).Les actes administratifs seront pertinents
dans l'établissement d'un titre territorial qui n'est pas autrement établi
conformément aux critères exigés palr e droit international. Mais,si un traité
délimitantle Rann avait existé,les actes d'administration n'auraientpu avoir
pour effet d'en modifierle tracé.

116. L'extinction du titre ne peut pas davantage être présumée.
Dans l'affaire relatiàela Souveraineté sur certainesarce ellefsrontalières, la
Cour a déclaréque

"Dans une large mesure, les actes invoqués (par les Pays-Bas) sont
des actes courants et d'uncaractère administratif, accomplis par
des fonctionnaires locaux et sont la conséquencede l'inscription
par les Pays-Bas des parcelles litigieuses à leur cadastre,

contrairement à la Convention de délimitation, ils sont insuffisants
pour déplacer la souveraineté belge établie pacrette Convention."
(C.I.J.,Rec. 1959,p. 229). 117. La tr2s grande stabilité du titre est encore illustrée dans
l'approche retenue par le Tribunal d'arbitrage dans l'affaire du Rio

Encuentro-Patena (sentence du 9 décembre 1966)au sujet de divers actes de
souveraineté invoquéspar le Chili dans le secteur contesté, le Tribunal a
déclaré :

"La preuve est bien insuffisante pour établir tout abandon par
l'Argentinede ses droits résultantde la sentence de 1902 ou toute
acquisition de titre par le Chili par une possession adverse du
territoire adjacent aux deux côtésde la ligne frontière fixéeen

1902-1903." 21 (R.S.A.XVI, p. 173).

118. Il ressort égalementde l'affairerelative à la Souveraineté

sur certaines arce ellesfrontalières dans laquelle la Cour était saisie d'une
revendication selon laquelle le titre temtorial avait étééteint pardes actes
administratifscontraires,que l'argument quiconsiste à refuser de domer un
poids juridique quelconque à des prétentions fondées sur des actes

d'administration contraires au titre est encore plus fort lorsque le titre est
fonde sur un traitéacceptépar les deux Parties.

119. De mêmedans l'affaire du Temole de PréahVihéar, le
Juge Sir Gerald Fitzmaurice a dit que lorsqu'un traité régissailtes droits des
parties, "des facteurs étrangers" n'ont qu'une "pertinence incidente dans la
déterminationde l'endroitoù, en termes de droit, la frontièrepasse" (C.I.J.,

Rec. 1962,p. 53).

La même approchea été reprise par la Chambre de la Cour
120.
dans l'affairedu Différendfrontalier lorsqu'elleeut à étudier le problèmede
la relation entre des effectivités et un titre dans le contexte particulier du
principe de l'utipossideris. Se référantaux effectivitésalléguées devantelle,

la Chambre a étudié :

"la relation juridique qui existe entre les "effectivités"et Lestitres
servant de base à la mise en oeuvre du principe de l'utipossideris.

A cet effet, plusieurs éventualités doivenêt tredistinguées. Dansle
cas où le fait correspond exactement au droit. où une
administration effective s'ajoute l'ut;possiderisjuris, I'effectivité
n'intervient en réalitéque pour confirmer l'exercice du droit né

d'un titre juridique. Dans le cas où le fait ne correspond pas au
droit, où le territoire objet du différend est administré
effectivement par un Etat autre que celui qui possède le titre
juridique, il y a lieu de préférer le titulaire du titre. Dans

l'éventualitéoù l'effectiviténe coexisteavec aucun titrejuridique,
elle doit inévitablementêtre prise en considération.Il est enfin des

21 Traductiodcla RCpubliqucdu TchTcricunpnal 7hc cvtdeniIqui- inluffictcs to cslabltrh
W.ghbaB~\CTVp<nwoiunof amtornillsciuihorpan3ofViehm&qmuiIincrclllcdin IÇiD. IVi13hilc cas où le titre juridique n'est pas de nature à faire apparaître de
façon précise I'étendue territoriale sur laquelle il porte. Les

"effectivités" peuvent alors jouerun rôle essentiel pour indiquer
comment le titre est interprété dansla pratique." (C.I.J.,Rec. 1986,
pp. 586-587).

121. En transposant cette analyse tout à fait claireà la présente
affaire, on doit constater que ce n'estpas une affaire dans laquelle un tiue
juridique fait défaut ;il s'agitencore moins d'uneaffairedans laquelle letitre
juridique ne préciseque I'étenduede territoire auquel il s'applique.Cela peut

se produire en l'absence de carte ou lorsque celle-ci est imprécise. Mais
I'étendueterritoriale couverte par le titre est dans le cas présent aisément
déterminéepar l'application normale des règles de droit international
relatives aux traités.La Libye et le Tchad ont héritéde territoires que I'uri
possidetis leur impose de respecter mutuellement et dont les limites ont été

déterminées par des puissances coloniales habilitéespar le droit de i'kpoque à
agir ainsi. Les seules effectivités auxquelles la Cour devrait accorder du
poids sont, dèslors, celles qui confirment l'exercice dudroit découlantde ce
titre tout particulièrementlorsque le titre est fondésur des traitésde frontière

dont l'intangibilitéest assuréepar ledroit international.

122. Dans le contexte historique de l'Amérique du Sud. la

doctrine de I'uripossidetis a servi à confirmer l'acceptation mutuelle des
frontières.Les territoires "bienque non occupésen fait, étaient,de commun
accord, considéréscomme occupés endroit, dès la première heure par la
nouvelle République.Des empiètements et des tentatives de colonisation
intempestive de l'autrecôtéde la frontière,comme aussi les occupations de

fait, devenaient sans portée ou sans conséquences endroit" (Sentence du
Conseil fédéras luisse dans le recours sur i'Arrêrtendu par le Roi d'Espagne
en 1891 dans l'affaireentre la Colombie et le Venezuela - citéepar le Juge
URRUTIA dans son opinion dissidente, affaire de la Sentence arbitrale,

C.I.J.,Rec. 1960, p.226).

123. Un principe plus général peut être tiré de cette
conséquenceparticulière de la doctrine de I'utipossidetis : lorsqu'un Etat

dispose d'untitre, -que ce soit par application du principe de I'utipossidetis
ou du fait qu'il a héritd'une frontièrepar traitéou qu'ilait lui-mêmeaccepté
sa frontièrepar traité-, il n'aucun besoin de prouver i'effectivité liée à cette
frontière.Commele dit A. ALLOT,

1,.
il est sans pertinence de savoir s'il y a une occupation ou une
administration effectives par unEtat jusqu'àsa frontièreM.2(2 "The
Changing Legal Status of Boundaries in Africa", M n
Relationsof Afncan States, Inghamed., 1974,p. 1123).

22 -Traductiondla Republiqdu Tchad- Terie origin"11is irrelevwhethertherir effective
oc~upatiorordrninistrbyoastatup riu buundary.'Même sides effectivités étaient nécessaires pour établir qu'aucun titre
contrairen'a été constitu-et il est extrêmementdifficile d'en administrerla
preuve- seuls des actes d'administrationmodestes et limités sont nécessaires
s'agissant de régions désertesu peupeuplées.

C -L'incompatibilité destentatives de révisionunilatérale
avec le principe dela stabilité desfrontieres

124. C'est une conséquencedu principe cardinal de la stabilité

et de l'irrévocabilides frontièresque les tribunaux doivent, dans la mesure
du possible, attacher une grande importance à la pérennité d'une situation
établie de longue date en tout cas lorsque cette situation n'est pas en
contradiction avec des normes impérativesdu droit international, comme le
serait l'occupationétrangère, suite l'invasiondu temtoire d'un autreEtat.
Le principe général auiete non movere renforce les considérations de
politique juridique qui sous-tendent la solution par le droit international des
différendsfrontaliers. Cet LlLmentapparaît plus ou moins explicitement dans

diverses décisions de la Cour permanente et de la Cour actuelle.
L'importance de i'application du principe auieta non movere qui évite la
reprise des revendications et l'instabilitéqui en résultea constituéun facteur
important dans l'affaire du Statut iuridiaue du Groenland Oriental,
(C.P.J.I.,SérieAB, no 53 p. 19). 11est également clairement présentdans
celles des Minauiers et des Ecréhous (C.I.J.Rec. 1953. pp.67 et 71) et du
Droit de uassaee en temtoire indien (C.I.JRec. 1960,pp.37,39,40 ou 43).

125. De même, dansl'affaire relative à la Souveraineté sur
certaines arce ellesfrontalières, la Cour a refuséde remettre en cause une
disposition du Traitéfrontalierde 1843.La Cour a soulignéla nature cmciale
du F'rkarnbulede cet insuument en tant qu'il reflétait l'intention commune
des Parties et a noté que

"toute interprétationqui ferait tenir la Convention de délimitation
comme laissant en suspens et abandonnant à une appréciation
ultérieuredustoruquo la déterminationde l'appartenanceàl'unou
l'autre Etatdes parcelles litigieuses, serait incompatible avec cette
intention commune. La Cour conclut que la Convention de
délimitationétaitdestinée à fixer et qu'elle a effectivement fixé
entre les deux Etats celui auquel appartenaient les différentes

parcelles faisant partie de chacune des communes" (C.I.J., Rec.
1959,pp. 221-222).

La Cour a également jugé quela tentative par le Nicaragua d'échapperàune
sentencearbiûale antérieureconcernantsa frontière avecle Honduras n'était
pas valideen droit et a soulignéen particulierque

"de l'avis de la Cour, le Nicaragua a, par ses déclarations

expresses et par son comportement, reconnu le caractère valable
de la sentence et iln'est plus en droit de revenir sur cette
reconnaissance pour contester la validitéde la sentence". (C.I.J., arrêt du 18novembre 1960, affaire relativà la Sentence arbitrale
du Roi d'Esoaene,Rec. 1960,p. 213).

Le souci de stabilitéet de continuité aconstitué,à I'évidence,un élément

importantdans la position de la Cour.

126. L'incompatibilitédu "révisionnisme" avecle principe de la
stabilitédes frontièresesiort particulièrement clairementdu cilèb&-
de la Courdans l'affaire du Templede Préah Vih6ar(fond)

"D'une manière générale, lorsque deux pays définisse enttre eux
une frontière, un de leurs principaux objectifs est d'arrêterune
solution stable et définitive. Celaest impossible si le tracé ainsi
établipeut étreremis en question àtout moment, sur la base d'une
procédure constamment ouverte,et si la rectification peut en être
demandée chaque fois que l'on découvre une inexactitude par
rapport à une disposition du traitéde base. Pareille procédure
pourrait se poursuivre indéfiniment et l'on n'atteindraitjamais une

solution définitive aussi longtemps qu'il resterait possible de
découvrirdes erreurs. La frontière,loin d'être stable, serait tout
fait précaire."(C.I.J.,Rec. 1962,p. 34).

L'application de ce principe exige que soit découragée toute tentative
d'aniver par le biais d'un recourà la Cour, àce qui est essentiellementun
révisionnisme unilatéral. Comme l'a écrit J. Dutheil de la Rochère, un
différendde frontière ne devraitpas être utilispour masquer la "politique

expansionniste ou nationaliste d'un Etat"(op. cit., p. 126).

127 De mêmeque dans l'affairedu Différend frontalier, la Cour
dans la présente espècen'a pas reçu de mandat des Parties pour substituer
son propre choix d'une frontière adéquate aux leurs (C.I.J., Rec. 1986,
p. 633).Il ne s'agit pas seulement du mandatqui luiest confié parles Parties.
mais aussi de sa mission plus générale, "le règlement pacifique,

conformémentau droit international, des différends qui lui sont soumis",
(Ibid -souligné par la République du Tchad-) .r il découle du principede
l'irrévocabilitédes frontières, ainsi que du principe de I'utipossidetis que
lorsqu'une ligne frontière a étédélimitée,la Cour ne dispose d'aucune
latitude pour réviser cette ligneou en proposer une autre.

D - La question des lacunes

128. L'importance générald ee la certitude ete la stabilité des
frontières est illustrée par les dispositions des préambules de nombreux
traités qui énoncent la nécessitéde rCgler définitivement tout problème
majeur (voir par exemple. le Protocole de délimitation du4 juin 1927,entre
le Gouvernement de Roumanie et le Royaume des Serbes, Croates et

Slovènes,Rec. TraitésS.D.N.,vol. 158, p. 443 ou le Traitédu 21 janvier
1929entre la République dominicaine et Haïti,Rec.TraitésS.D.N.,vol. 105,p. 193, cités dansA.O. Cukwurah, The settlement of Boundarv Disoutes,
Manchester, Manchester University Press, 1967,p. 122).Il s'ensuitque, par
principe, le non liauet paraît exclu en ce domaine et, en effet, la mission
d'une juridiction en matière de délimitation frontalière est telle que la

possibilité d'unnon liauet ne peut se présenterréellement.(Pour le rejet de
l'idéede non liauet qui traduirait l'écdu juge à s'acquitterde sa mission,
qui découlede la volontédes Parties de se soumettre au règlement parune
tierce partie, voir la sentence de Max Huberdans I'affaire dudifférendrelatif
à la Souverainetésur l t î l z ~ , R.G.D.I.P.,1935,p. 129).

V - LE DROIT DESTRAITES

129. En faisantun choix entre des lignes frontièresconcurrentes
dans un différend frontalier, laCour est nécessairement appelée à prendre
des positionsjuridiques relativement aux instmments internationauxdont les
Parties prétendent qu'ils fixent une ligne plutôt qu'une autre. Dans ce
contexte, certains principes et règlesde droit sont applicables.

A - Le statut juridique destraités non ratifiés

130. Un principe générad lu droit des traités estqu'un traiténon
ratifiéne génèreni droits ni obligations. (Voir T.O.lias, The Modem Law
of Treaties,Leiden, A.W. Sijthoff, 1974, p. 24 ;Georg Schwarzengerger,
International Law, London, Stevens, tome 1, 3ème ed. 1957, pp. 433-4 ;

Charles Rousseau, Droit International Public,Paris, Sirey, tome 1, 1970,pp.
88-9 et I.H.W. Verzijl, International Law inHistoncal Pers~ective,Leiden,
AW Sijthoff, Pan VI, 1973,p. 237). La Cour ajugéqu'ilen était ainsipour
un traité multilatéral (cfl.'avisconsultatif sur les Réseràela Convention
sur le eénocide, Rec. 1951, p. 28). A forrioritel est le cas pour un traité
bilatéral.Dans son opinion dissidentedans l'affaire relatàvla Souveraineté
sur certaines oarcelles frontalières. le Juge Moreno Quintana mentionne

l'effetde l'absencede ratification quirive un traité d'effejturidique (C.I.J.,
Rec. 1959,p. 257). La Cour elle-mêmea affirmé,dans la mêmeaffaire, que
le Traité nonratifiéde 1892n'apas établide droits ou d'obligationset elle l'a
utiliséuniquementpour mettre en évidencele faitque la Belgique, qui aurait
fait des cessions en application du Traité, possédait effectivement la
souveraineté à cette époque etque cela avait étreconnu parla Hollande. Le
Traité non ratifié"Laval-Mussolini" dans la présente affaire, remplit la
mêmefonction limitée,en confirmant le titre duTchad à l'époquepeninente,

mais en n'étant à l'origine d'aucundroit ou obligation nouveaux pour les
Parties.

131. Alors que la Cour serait en droit de prendre en compte les
preuves d'accordentre les Parties lorsqu'unequestion est restéeen suspens
dans le texte d'un traité proprementdit (voir C.I.J., affaire du Différend
frontalier, Rec. 1986, p. 632), elle ne peut donner effet aux intentions

expriméespendant les négociations,ni mêmeaux intentions exprimées dansun traité si celui-cin'estpas entréenvigueur faute de ratifica:ion

"La Cour ne saurait faire état des déclarations, admissions, ou
propositions qu'ontpu faire les Parties au cours des négociations

directes qui ont eu lieu entre elles, lorsque ces négociationsn'ont
pas abouti àun accord complet" (C.P.J.I., affairerelatiàe1'-
de Chorzow, SérieA, no 17,p. 51).

132. L'expressionfinale de Y'accordcomplet" requis se fait par
l'échangedes instruments de ratification. Si celui-ci n'apas lieu, il n'ya pas
d'accordfinal liant les Parties et certainement pas un accord qui aurait pour

effet juridique d'altérer.par consentement mutuel. les termes et les effets
d'un traité antérieur liant les Partiesou de modifier une situation juridique
pré-existante opposable aux Parties.La Cour a soulignéce point en notant
que

"La ratification d'un traité, lorsqu'elle est prévue ...est une
condition indispensable de l'entréeen vigueur du traité. Ellen'est

donc pas une simple formalité mais un acte d'importance
essentielle."C.I.J., affaire Ambatielos(compétence) ,ec. 1952,
p. 43 ;v. aussi l'affairedu Droit d'asRec. 1950,p. 276).

B -Lecaractèreobjectifdestraitésdefrontière

133. C'estun principe généraldu droit des traitésque les traités
qui déterminentdes frontières,concluspar les Etats possédantla compétence
nécessaire, créentun régime juridique objectif.O'Connellécritque de tels
traités objectifs ont d'abord été distinguésar Vattel qui a différenciéles
uaitésqui imposent un statut permanent et irrévocablà un territoire de ceux
d'une nature purement contractuelle (International Law, London, Stevens,
Vol 1, 1970, p. 373). Il est clair que les traitésfrontaliers se rattàclant
première catégorie.

134. Après avoir examinéla question des traités relatifsà des
régimes internationaux. comme les servitudes, Fitzmaurice, dans son
cinquième rapport la C.D.I. sur le droit des traités, s'est intéux traités
"constitutifs". II releva :"II est àofait évident,sans qu'il soit nécessaire
d'argumenter, que les traités contenantdes clauseàeffet immédiatet qui se
trouvent exécutésdu fait mêmede leur adoption, s'ils'agitpar exemple de

cessions de territoire, soipso facto"opposables" à tout Etat tierà,moins
que cet Etat ne puisse faire valoir lui-mêmeune prétention valable et
pertinente- par exemple sur le territoire que le traitéa pour objet de céder"
(AICN.4/130, 21 mars 1960, Ann. C.D.I. 1960, Vol. II, p.94, 5 74). Au
niveau théorique, ce caractère objectif des traités de frontière peut être
expliquépar le fait que, une fois exécuté, ilsdeviennent plus que de simples
contrats internationaux mais constituent le titre définitif oppàstous. C - Traitésde frontiere et changement fondamental de circonstances

135. C'est la nature objective des traités frontaliers (en même
temps que le principe sous-jacent de la certitude et de la stabilitéqui lui est
lié)qui conduit à l'inadmissibilité de toute revendication basée sur un
changement fondamental. Ainsi. l'article62, paragraphe 2, de la Convention

de Vieme sur le droit destraitésdispose :

"Un changement fondamental de circonstances ne peut être
invoquécomme un motifpour metbe fin àun traitéou s'enretire:
"a) s'il s'agit d'un traité établissant une frontière" (Pour les
caractéristiques particulières des traités de frontière, voir
Waldock, Ann. C.D.I., 1963, vol. 2, p. 85 ; &id 1966, vol. 2, pp.
42-4, Lachs &id, 1963,vol. 1, pt. 1,p. 140, AGO, &id, p. 154 et
-bid, 1966,vol. 1,Pt. 1,pp. 75-97 et vol. 2, pp. 39-44).

La question est succinctement évoquéepar la Cour dans l'affairedu Plateau

continental de la Mer Ezée,lorsqu'elledéclareque le principe de la stabilité
et de la permanence des frontièresest "soumis àla règle quiveut qu'un traité
de limites ne soit pas affecté par un changement fondamental de
circonstances" (C.I.J., Rec. 1978, p. 36). Ceci est confirmépar la pratique
des Etats, (voir par exemple Malcolm N. Shaw, Title to Territorv in Afric:
Intemational Leeal Issues, Oxford, Clarendon Press, 1986,pp. 230-244).

136. Le fait que l'Article 62 de la Convention de Vienne de
1969 reconnaissant que la doctrine rebus sic stantibus n'a pas sa place

s'agissantdes traitésde frontière,a étadoptépar une très large majorité-93
voix contre 3 avec 9 abstentions- n'estpas sans importance. (Conférencedes
Nations Unies sur le droit des traités,deuxième session, Documentsofficiels.
22ème séance plénière,13 mai 1969, p. 129). A propos d'une disposition
comparable dans le projet de la C.D.I. sur les traitésconclusentre les Etatset
les organisations internationales, ou entre organisations internationales.
Bardonnet note qu'alors que les textes sont légèrementdifférents (car les
organisations internationalesne possèdent pasde territoire, ni de frontières),

"l'idéequi sous-tend les deux dispositions est la même. CommeI'a

indiquéla Commission du Droit International "l'effetde la qualité
des frontières"est un effet stabilisateur". ("Les frontièresterrestres
et la relativitéde leur trace, R.C.A.D.I.197-V, p. 98).

D - Succession d'Etats et traités defrontières

137. Un autre principe connexe du droit des traités, pertinent
pour résoudre les questions posées dans la présente affaire, est qu'un

changement dû à une succession d'Etats, n'affectera pas non plus le statut
d'untraité defrontière.

138. Lorsque la Libye devint un Etat indépendant, elle le fut
dans le cadre de ses frontières telles qu'elles existaient au moment de sonaccession à l'indépendance,le 24 décembre195 1. Ceci s'applique aussiau
Tchad qui devint indépendantle 11 août 1960. Les frontières d'unenation
nouvellement indépendantesont "héritées" del'entitédont la nouvelle nation

faisait auparavant partie.

139. Cette règleest reconnue par l'Article 1I de la Convention
de Vienne sur la Succession d'Ems en matière de traités(NConf. 80/31, 22
août 1978)qui précise qu'

"unesuccession d'Etatsne porte pas atteinteen tant que teàune

frontièreétabliepar un traité."

140. Bien que cette Convention ne soit pas encore en vigueur et
n'ait pasencore étératifiée parla Libye ni par le Tchad, il est admis que la
règle quiy est énoncéecodifie le droit et la pratique préexistants, tels que les
Etats les conçoivent en général.L'article 11 de LaConvention sur la

Succession d'Etats en matière de traitésa été approuvée sans votepar la
Conférence. (Rapport dela Conférencedes Nations Unies sur la succession
dntats en matière deTraités,1972 (Alconf. 80115,Annexe 11, p. 21) et la
Convention elle-mêmea étéadoptéele 23 août 1978 par 82 voix contre O
avec deux abstentions (la Franceet la Suis-eAIConf.80/31).

141. La pratique des Etats confirme l'existence du principe.

Mêmeles Etats qui, au moment de leur accession à l'indépendance,se sont
expressémentécartésde la pratique qui prévalait antérieurement d'accepter
formellement de succéder àdes Trait& 6numérés dans des listes établiAs
cet effet, ont néanmoins faitune exception pour les traités qui doivent "par
l'application des règles de droit international coutumier, être considérés
survivre par ailleurs" à l'accèsà l'indépendance. Parmi ces traités "qui
survivent par ailleurs", les principaux furent les accords de frontières
régulièrement concluspar la puissance coloniale pour le compte du temtoire

qui devint plus tard indépendant. (Voir la lettre du Premier Ministre du
Tanganyka au Secrétaire Généraldes Nations Unies, 9 Décembre 1961,
Ilocumentation concernant la Succession des Etats, ST/LEG/SER.B/14, p.
177 et une lettre presque identique du Premier Ministre de l'Ougandadatée
du 12 février 1963 (ibid, p. 179). Ainsi, par exemple, le Gouvernement
tanzanien. bien que partisan par ailleurs de la doctrine de la table rase, a
néanmoinscontinué à reconnaître le tracé dela frontièreKenyaanganyka

prévu par l'accordgermano-britannique de 1886 (cf. E.E. Seaton and S.T.
Maliti, Tanzania Treatv Practice, Oxford, Nairobi, 1973, p. 59). 11a
également reconnu sa frontière, établie sur la base d'un traité, avec le
RuandaRlmndi ktablie par des accords belgo-britanniques (&id, p. 63). Le
Kenya, dans des circonstances similaires a notifié de façon explicite au
SecrétaireGénérad l es Nations Unies que sa conception de la doctrine de la
"tablerase" n'affectaitpas

"les droits d'un caractère dispositif initialement reconàl'Etat
du Kenya par certains traités internationaux ou arrangements administratifsconstituantdes traités"23(ibid, pp. 148-149).

Du fait que la Tanzanie, I'Ougandaet le Kenya furent des pionniers dans le
rejet de la succession d'Etats aux traitésen général,il est significatif

qu'aucun d'eux n'aitconsidéré cerejet comme applicable aux traités de
frontièrerégulikrementconclus par I'Etatprédécesseurpoulreurcompte.

142. La raison politique pour laquelle ce traitement particulier
est accordé auxtraitésde frontièresa étéclairement énoncéeen 1974par le
Rapporteur spécial de la Commission du Droit International sur la
Succession d'Etats en matière de Traités, Sir Francis Vallat. Toute autre

approche permettant que des frontièresétabliessoient remises en question,
déclara-t-il,

"engendrerait le chaos. ilest inconcevable qu'il faille renégocier
une frontière chaque fois que se produit une succession d'Etats."

(Ann.C.D.I., 1974, vol.1,p. 208.8 56).

143. Cette approche a étéexpressément approuvée par de

nombreux membres de la C.D.I. (par exemple :Moreno, ibid (1974) vol. 1,
p.214, 5 40 ;Ago, ibid p.217 5 21, Tsumoka, ibid, p.221 5 53 ; Yasseen,
ibid,p.223 8 7 ;Ustor, ibid, p.225 8 25).

144. Le principe de la succession d'Etatsaux traitésde frontière
est égalementaffirmépar lajunspmdence internationale,Ainsi, dans l'affaire
du Temole de Préah Vihéar,ni la Thaïlande (Siam), ni le Cambodge n'ont
contestéI'applicabilitéà leur différenddu Traitéde frontièresde 1904 entre

le Siam et la France, et la Cour internationale de Justice a jugé quele traité
était pleinement opposable au Cambodge d'après l'indépendance.(C.I.J.,
Rec. 19,62,pp. 6-16.32.34). Comme le commentaire du Rapporteur spécial
de la C.D.I. de 1974le remarque,

"La Cour ne semble jamais avoir douté que le règlement de
frontières établipar le Traitéde 1904, ainsi que la démarcation,
s'ils n'étaientas entachésd'erreur,engageraient la Thaïlandeet le
Cambodge". ~ -

Deplus, ajoutait-il,

"Les deux Parties semblent avoir supposé que, dans le cas d'un

Etat nouvellement indépendant, il y aurait une succession non
seulement vis-A-visd'un règlement defrontièresmais aussi (vis-à-
vis) des dispositionsconventionnelles annexes àun tel règlement".
(Ann.C.D.I., 1974,vol. iil, èrepartie, p. 198).

23-Tladucti& IaRCpubliqucuTchad-Tenc otighd:llhs nghof adispositivschisinitiaüy
vssicinthe Sm of Kenyam&r cm& internatiol caior adminirmtiarrangemeneoiÿtimting
maties." 145. De même, dans la sentence arbitrale relative à la
Délimitation maritimeentre la Guinée etla Guinée-Bissau,aucune Panie n'a
contestéque la Convention de 1886entre la France et le Portugal s'impose

aux Etats successeurs (sentencedu 14 février 1985, R.G.D.I.P.1985,pp.485
et S.).Alors que le Tribunal s'estfondé, à titre p~cipal sur I'uripossideris et
sur l'affirmationdu principe de succession posé par la résolutiod nu Caire du
21 juillet 1964, il a également faitappel à la Convention sur la Succession

d'Etats,en notant que bien qu'ellene soit pas encore en vigueur et que ni la
Guinéeni la Guinée-Bissaune l'aient acceptée,ses dispositions "n'ensont
pas moins tenues généralement pour l'expressiod ne règlescoutumièresdu

droit international" (ibid.,p.503).

146. Les internationalistes les plus éminents sont unanimespour
approuver le principe de la succession des Etats aux traitésde frontière.Les
positions prises par quelques auteurs contemporains peuvent être
mentionnéescar elles reflètent l'opiniongénérale. Brownlie, par exemple,

fait remarquerque, mêmepanni les auteursqui n'acceptent pasd'exception à
la doctrine de la table rase, nombreux sont cependantceux qui considèrent
les traitésde frontières comme un problème particulier reposant sur des

considérations évidentes de stabilité en matière de territoire (cf. lan
Brownlie, Princi~lesof Public International Law,4ème édition, Clarendon
Press, Oxford, 1990, pp. 669-670 ;v. aussi K.H. Kaikobad, "Some

Observations on the Doctrine of Continuity and Finality of Boundaries",
B.Y.B.I.L., 1983,pp. 119 - 141 ; Charles de Visscher, Théorieet Réalité en
droit international oublic, Paris, Pédone, 1970, ou D.P. O'Connell,

Intemational Law, vol.1,Stevens,Londres, 1965,pp. 432-433).

Selon le Professeur Malcolm M. Shaw,

"Le caractère central du concept de territoire dans le droit in-
ternational, coupléau besoin d'assurer la stabilité et la finalitédes
frontièresdans l'intérê dte la paix et de la sécurité, a engendré une

situation dans laquelle la délimitationde la souverainetépar un
accord international reste applicable malgréla succession d'Etats
ou une modification fondamentalede circonstances." 24

Territow in Africa, Oxford, Clarendon Press, 1986, p. 244 - v.
aussi Touval (Sadia), "The Organization of African Unity and
African Borders", International Oreanization, 1967, vol. 21,
pp. 122-127).

147. La succession d'Etats aux traitésde frontière s'applique

tant aux Etats qu'auxGouvernements. Ces derniers sont liéspar les traités

.Tnilu;iiiin Jc Ii K61iubliTchN- Tcia on~inll 'Ihc.cnu=lil<iihîcvnrrp#ot irrnii>q in
intcrn..tiil hu.;o.plcd uiti$rd 19cnsulc~hcriabili3n.lindi)c.1Ix>uiidrnciihcinccrc.t>uf
tnirrn~ticin~Il#,rrcmcnirrinain,btndingJerpiir Sul81aufundimcnlchangeof rin.umruncr'nl) by anvalides conclus par leurs prédécesseurs. Le principe, qui n'a pas été
sérieusementcontestéau cours du siècleécoulé est précispéar lapartie V de
la Convention de Vienne sur le droit des traitésqui se garde de mentionner
un changement de régime, qu'il soit pacifique ou violent, profond ou
superficiel, parmi les motifs affectant la validité du traité. L'article42,
paragraphe 1, de la Convention préciseen outre que la liste de ces motifs

figurantdans la partie V est exhaustive.

148. Aucun de ces motifs n'estpertinent pour remettre en cause
la validitédu Traitéde 1955entre lesgouvernementsfrançaiset libyens.

CONCLUSION DU CHAPITRE II

149. En conclusion, il faut noter que toutes les règleset tous les
principes pertinents du droit international vont dans la mêmedirection. Les
principes pacta sunt servanda, de l'intangibilité des frontières, et uti
possideris ont tous le mêmeobjectif politique, c'est-à-dire la stabilité
internationale dont le souci doit inspirer le règlement de tout différend.De
plus, les règles du droit international relativla succession d'Etats aux

traités de frontière et I'inapplicabilité du principe rebus sic standibus
concourent au mêmeobjectif. Le droit de la succession dntats aux traités
établissantune frontièrepeutêue analysécomme une illustrationdu principe
uripossidetis, ou comme une doctrine complémentaire ayantdes origines et
un fondement distincts mais poursuivant cependant les mêmes fins dans
I'intérêgténéral. CHAPITREIII

UNTITREINCONTESTABLE :

LETRAITED'AMITIE ETDEBONVOISINAGE
ENTRELA REPUBLIQUE FRANCAISE EL TEROYAUME UNIDE
LIBYEDU10AOUT1955. 1. La frontière internationaleentre la Libye et le Tchad est
déterminée par un titre incontestabl:Le Traité d'amitié edte bon voisinage
conclu entre la République françaiseet le Royaume Uni de Libye le 10août

1955 à Tripoli. Ce traité international, régulièrementconclu suivant les
formes imposées par le droit international public, fixe le droit entre les
parties à la date de sa conclusion, le 10 août 1955. 11est en vigueur au
moment où le Tchad accède à l'indépendanceet succède à la France. II
constitue donc le droit international existant entre les Parties, dans ses
dispositions et notamment en ce qui concerne la délimitationde la frontière
entre la Républiquedu Tchad et la Jamahiriya arabe Libyenne.

SECTION 1
CARACTERES GENERAUX DUTRAITE DU 10 AOUT 1955

1. -Un traitéconclu suivant les formes prescrites
par le droit international public

2. Le traitédu 10 août 1955 est conclu suivant les formes
prescrites par le droit internationalpublic (cf. annexe 14).II est signépar les
deux plénipotentiaires :M. Maurice DEJEAN, Ambassadeur de France,
désignépar le Présidentde la République Française; M. Mustapha BEN
HALIM, Premier Ministre et Ministre des Affaires étrangèresdu Royaume
uni de Libye, désignépar sa Majestéle Roi du Royaume Unide Libye. Les
deux plénipotentiaires s'étanctommuniquésleur pleins pouvoir reconnus en

bonne et due forme, sont signataires du traité faàtTripoli le 10 août 1955,
en double original, en langues française et arabe, les deux textes faisant
égalementfoi.

3. Le Traitéd'amitiéet de bon voisinage se présentecomme
un ensemble complexede textescomprenant :

- le Traité lui-mêmec,omposéde onze articles, des conventions et annexes
qui aux termes de l'article 9sont jointes au présent Traitéet en font partie
intégrante,à savoir :une convention particulikre sur l'évacuationdes forcesmilitaires française stationnéesau Fezzan, uneconvention de bon voisinage
réglant le problèmede la sécuritédes frontières,de la transhumancedu trafic
caravanier et de la circulation frontalière; uneconvention de coopération
économique; une conventionculturelle;
- une annexe 1 constituée sous forme d'un échange de lettres entre M.
DWEAN et M. BEN HALlM donnant la liste des actes internationaux en

vigueur à la date de la constitution duRoyaume Unide Libye par application
de l'article3 du Traitéd'amitiéet de bon voisinage relatià la définition des
frontièresentre les deux HautesPartje Contractantes;
- une annexe II composée d'un échange de lettres entre les deux
plénipotentiaireset relative au régimejuridictionnel des forces militaires
françaisesen matières civile etpénale pendantla périodetransitoire;
- une annexe Ei composéed'unéchangede lettres entre les plénipotentiaires
et relativeau transitde convois militairefrançaissur le territoire libyen;

- une annexe IV composée d'un échangd ee lettres entre les plénipotentiaires
et fixant les itinéraires autorisés pour la relève, la maintenance et le
ravitaillementdes postes françaisde Fort-Saintetde Djanet ;
- une annexe V relative à l'entretien des aérodromes de Sebha, Ghât et
Ghadamèspar des techniciensfrançais;
- une annexe VI composée d'un échangede lettres entre plénipotentiaires
relative au droit de survol et d'escale technique des aéronefs militaires
françaisdans le Fezzan;

- une annexe VI1relative au règlementde la situation financièredes réfugiés
libyens résidantdans les territoires de la zone monétairedu franc français et
souhaitantregagnerleurpays ;
- enfin une annexe VI11 constituée d'un échange de lettres entre
plénipotentiaire relatives aux bâtimentset matériels utiliséspar les forces
militairesfrançaiseet transférésl,ouésou prêtéasux autoritéslibyennes.

4. Les instmments de ratification duTraitédu 10 août 1955

ont étééchangéesle 20 février1957.Le traitéest donc entrc?en vigueur à
cette date, sous réservede l'entréeen vigueur provisoirede certaines de ses
clauses, notamment de la clause relativeà l'évacuationdes forces militaires
françaisesdu Fezzan.

5. Le texte du traité a étélargement diffusé par voie de
publication. EnFrance il a étépubliéau Journal Officiel de la Républiaue

Francaise,éditionsLois et Décrets, 7 avril 1957(,pp.3661 à 3668). Il a aussi
étépubliédans un certain nombre de publications scientifiques,notamment
le Recüeil des eneaeements internationaux de la France publié par MM.
PINTO et ROLLET ( 1' Série n082 à 86, pp.262 et ss) ainsi que dans
l'ouvrage classique de M. Ian Brownlie African Boundaries (Londres, C.
Hurstand Company, 1979, pp 30-33)

Le traité du10 août 1955n'apas étéenregistréau titre de
6.
l'article02 de la Charte des Nations Unies lorsde sa conclusion. Ce type
d'omission est malheureusement assez fréquentpour les traités conclus à
cette époque. Il n'entache pas pourautant la validitédudit Traitédont la
publicitéa étélargement assuréepar ailleurs et qui ne présentedonc enaucune manière le caractère d'un traité secret. Du reste, l'absence
d'enregistrement n'a pas empêché les Parties de produire le Traité devant
diverses instances internationales (voirin&,II). A aucun moment, I'absence

d'enregistrementn'aété invoquép eour mettre en cause la validité duTraité
du 10août 1955.

7. Le Commissaire aux Affairesétrangkresde la République
du Tchad s'est aperçude cette omission à I'occasionde la présente instance.
II aimmtdiatement attiré I'attentiodu Ministre d'Etat,Ministre des Affaires

étrangèresde la République française, ences termes:
"J'aiI'honneurde poner à votre connaissance que, dans le cadre
des recherches préalables à la rédaction du mémoire de la
Républiquedu Tchad dans l'affaire dudifférend frontalier qui
l'oppose à la Jamahirya Arabe Libyenne, nos conseils nous ont
signalé n'avoir trouvé aucune tracdee l'enregistrementdu Traité
d'amitiéet de bon voisinage conclu le 10 août 1955 entre la

République française et le Royaume-Uni de Libye et de ses
annexes au Secrétariatdes Nations Unies.
"Ce fait, s'il se confirme, place mon pays dans une situation
embarrassante devant la Cour internationalede Justice.
"Je vous serais donc reconnaissant de me faire savoir ce qu'ilen
est exactement et au cas où ledit Traitéet ses annexes n'auraient
pas été enregistrésm, on gouvernement souhaite vivement que la

France s'acquitte, fut-ce tardivementde son obligatiàncet égard.
"Je vous serais obligéde m'avertirdès que cetteformalité aura été
accomplie".
(Lettre 158131/12/90du 31 décembre 1990,annexe 302)

8. Le Ministre d'Etat, Ministre des Affaires étrangèresde la
République françaisea répondu ences termes :
"Vous avez bien voulu me demander. dans votre lettre du 31
décembre 1990. si le traité d'amitié edte bon voisinage entre la
République française etle Royaume-Uni de Libye, signé à Tripoli
le 10 août 1955, avait étéenregistré auprès du Secrétariat des
Nations Unies. Vos recherches auprèsdu Secrétariat sont en effet

demeurées vaines.
"Après vérification par mes services, il est apparu que ce traité,
dont les insuuments de ratification ont été échangéles20 février
1957 et qui a étépublié au Journal Officiel de la Ré~ubliaue
francaise par décret no 57-436 du 26 mars 1957, n'a pas été
enregistréau Secrétariatdes Nations Unies. Je vous en exprime
mes regrets. J'ai donné immédiatement instruction qu'il soit

procédé àcet enregistrement."
(lettre no9116du4 février 1991,annexe 303)

9. Le Traitéd'amitié etde voisinage du 10 août 1955 a été
enregistréau Secrétariatde l'organisationdes Nations Unieà la demande du
Gouvernement de la République française à la suite de cet échange de

correspondance. 10. Le Traité d'amitié et de bon voisinage est
incontestablement en vigueurà la date de l'indépendancede la République
du Tchad. II lie le Royaume Uni de Libye en application du principe

sunt semanda. La Républiquedu Tchad succède àla France. Elle est fondée
àse prévaloirdes droits et obligations qui y sont inscrits, notammentceux
relatifà la délimitation de la frontière avec le Royaume Uni de Libye
(jurispmdence constante, cf. notamment Zones franches, C.P.J.I., sérieA/B
no46 pp.144-145;Temolede PréahVihéar.C.I.1,Rec. 1962p.6).

II. Un traitéfaisant droit entre les Parties

II. Le Traitédu 10août 1955est un traitééquilibréi,mposant
droits et obligations aux deux parties. L'équipollencedes prestations est
assuréepar un texte conventionnel longuement et dûment négociéc .omme

on le verra. on notera en particulieàla charge de la France un calendrier
précis d'évacuatiodnes forces françaises du Fezzan,mais encore un certain
nombre d'obligations assuméespar la France en matière de coopération
économique, financière etculturelie. Le Royaume Uni dcLibyc, dc Son côté,
met à la dispositionde la France un certain nombred'installations matérielles
pour une duréelimitée.II accepte par ailleurs de consentir des avantages
juridiques traditionnelsreconnuà des forces militairesétrangèrespendant la

période nécessaireà l'évacuationdes forces militaires françaises.Un certain
nombre de clauses sont de l'intérêctommun des deux parties, notamment
celles relatives la délimitationdes territoires du Royaume Uni de Libye
d'unepart, de la Tunisie, de l'Algérie,de l'Afriqueoccidentalefrançaiseetde
l'Afriqueéquatoriale françaised'autrepart.

12. Le Traitédu 10août 1955a étéconclu pour 20 ans. II n'a
pas fait l'objet d'une dénonciation par l'une ou l'autre des parties. Au
demeurant, lesclauses territorialesdu Traitérestent d'applicationpermanente
au-delà de l'expiration du Traité. conformément aux règles du droit
international public(cf. ChapitIl ,ection2 V).

13. Le Traitédu 10août 1955a été invoquéà plusieursreprises
par la Républiquedu Tchad devant l'organisation des Nations Unies. Sa
validitéet son opposabilitéaux deux Hautes Partiescontractantesn'ont pasété
misesencausejusqu'àunedate récente(cf infrachapitreVI, sectionII).

14. Le Traitéd'amitiéet de bon voisinage du 10 août 1955 a
êté invoquépar la Républiquedu Tchad devant le Sous-Comité des experts
juristes et cartographes du Comitéd hoc de médiationde l'organisation de
l'Unité Africaine. Dansson second rapport. conclà l'issuede sa réunionde
Libreville (Gabon) du 13 au 27 janvier 1988, le Sous-Comité constate à
proposdudit Traité :

"3)- Pertinencedu Traitéfranco-libyendu 10août 1955.
Ce traitépose deux problèmesde fond.
Io- Celui de sa validité.Elle n'estcontestéepar aucune des deux Parties. En outre, ce Traitéa été conclu par deux Etats souverains
qui ont exprimé régulièrement leur consentement àêtreliépar ses
dispositions.
2"- Celui de sa pertinence en tant que texte délimitantla frontière
entre le Tchad et la Libye. Bien que ne comportant pas de

disposition spécifique relative la délimitationde la frontière,ce
texte renvoie à l'Annexe 1 (partie intégrante de l'accord) qui
énumère les textes pertinents délimitant la frontière entre la Libye
et les anciennes colonies françaises, dontle Tchad.
L'on rappellera que pour la Partie libyenne ces textes n'ont pas
cette fonction (cf. Partie III)".
(Rapport du Sous-Comité des expertsjuristeset cartographes (11)p.44

(cf. annexe 291 et Production 82).

15. Le gouvernement de la Jamahiriya arabe libyenne ne
conteste pas davantage la validité duTraitédu 10août 1955 lorsque celui-ci
est produit par la Tunisiedans l'affairedu Plateau continental devant la Cour
internationale de Justice (Affairedu Plateau Continental, TunisieIJamahiriya
arabe libyenne ; Contre-Mémoire de la Tunisie, Annexe 11-2, C.I.I..

Mémoires.ulaidoiries et documents ;vol.ll, pp.121-125). Dans son arrêt,la
Cour se réfère explicitemena tuTraitédu 10août 1955ences termes :
"84. La convention entra dûment en vigueur et la frontière ainsi
établie devint la frontière entre la Régence de Tunis sous
protectorat français et la colonie italienne de Tripolitaine après la
cession de cette dernière à l'Italie par la Turquie. Après la
décolonisation,la frontière de 1910devint la frontière entre les
Etats indépendants de la Tunisie et de la Libye. Elle avait

d'ailleurs été expressément confirmée p lartraité d'amitié edte
bon voisinage conclu le 10 août 1955 entre la République
Française (au nom de la Tunisie) et le Royaume Uni de Libye,
lequel à son tour fut implicitement avalisé par le traité de
fraternitéet de bon voisinage conclu entre le Royaume Uni de
Libye et le Royaume de Tunisie le 7 janvier 1957, lui-même
amendé et complété palr a convention d'établissementdu 14juin

1961et expressémentconfirmépar échangede lettres au moment
de la signature de cette dernière. La frontière a donc survécu à
toutes les vicissi~des des deux guerres mondiales, etelle illustre
bien l'application du principe proclamédans la résolutiondu Caire
adoptée en 1964 par l'organisation de l'UnitéAfricaine, aux
termes de laquelle "tous les Etat membres s'engagent à respecter
les frontières existantes en accédantà l'indépendance nationale".
La même règle de continuité ipso juredes traitésde frontière et

des traitéstemtonaux est reprise dans la convention de Vienne de
1978 sur la succession d'Etats en matière de traités. La
permanence et la stabilitéde la frontière terrestre sontdonc l'un
des sujets sur lesquels les Parties sont entièrement d'accord.
Aucune d'ellesn'acontestéla frontière ;la Libye a préciséque, si
elle retraçait son histoire avant 1910,ce n'étaitque pour "mieux
éclairerles tentatives de pousséeparallèles versl'Estde la Tunisie

et de la France" qui se seraient produites plus tard dansle cas des
zones maritimes".(C.I.J.,Affaire du Plateau Continental(TunisieIJamahiriyaarabe libyenne)
Arrêtdu 24 février1982,Rec 1982Paragraphe 84, pp.65-66).

SECTION 2
UN ACCORD D'EVACUATION
DES TROUPES FRANCAISES DUFEZZAN.

16. La Libye poursuivit avec obstination un objectif principal
tout au cours de la négociation :I'évacuationpar les forces françaises du
temtoire libyen.Le Traitédu 10août 1955luidonna satisfaction.

1.L'objectif des négociateurslibyens:
l'évacuationdestroupes françaises du Fezzan.

17. La présencemilitaire française en Libye étaitrt modeste

en 1955. Un petit détachement, stationné à Koufra, au lendemain de la
Seconde Guerre Mondiale, témoignage du raid audacieux du Maréchal
Leclerc sur l'oasis de Koufra pendant la Seconde Guerre Mondiale, fut
évacuédès 1951. Koufra n'étaitpas en effet compris dansle Fezzan et se
trouvait sous administration britannique avant la proclamation
d'indépendance du Royaume Uni de Libye. Dans le Fezzan, sous
administration française, restaienten 1955une section motoriséenomade de

légionnairesà Sebba et quelques élémentsarabes à Ghât età Ghadamès.Au
total, moins de cinq cents hommes de troupe, officiers, sous-officiers. Ces
troupes françaises n'avaientaucun matériellourd et étaientrépartiesen deux
compagnies tenant garnison avec l'usage des aérodromes de Sebba,
Ghadamès et Derdj. auxquelles s'ajoutait une dizaine d'officiers et
fonctionnaires français recrutés parI'administrationfezzanaise en qualitéde
conseillers. II s'agissaiten véritéd'une simple force de police qui avait du

mal à faire faceà sa mission dans I'immensitk du territoire du Fezzan.
comme le remarquait I'envoyé de la FranceàTripoli,notant:
"Leprincipal centre de trafic d'armesest présentementGhadames
où nous avons une garnison de 40 hommes. C'est à la barbe de
cetteforce absolument statiqueque s'organisece trafic".
(Lettredu 12avril 1955,annexe 261).

18. Au regard de la présence militaire britannique (environ
douze mille hommes) et américaine (huit millehommes concentréssur la
grande base aériennede Wheelus Field), la présence militaire française
paraissaitplus que modeste.

19. Le gouvernement du Royaume Uni de Libye entendait
cependant préserver son territoirede touteprksence militaire française. Etceci dès le débutdes négociations. L'accordde base du 24 décembre 1951
entre le gouvernement français et le gouvernement libyen au sujet du
stationnement temporaire des forces années françaises ne fut conclu que
pour six mois renouvelables.LePremier Ministre libyen précisait:

"Considérant les responsabilités respectives du Gouvernement
libyen et du Gouvernement de la République française dans la
défensedu Nord de l'Afrique, conformément aux principesde la
Charte des Nations Unies, ainsi que les délais qui sont
vraisemblablement nécessaires pour négocieert conclure le traité
d'amitié et d'allianque nos deux Gouvernements ont envue.j'ai
l'honneur de proposer que le stationnement des forces arm6es
françaises au Fezzan, ainsi que les facilitésde communication et

autres dont elles bénéficient en Libye soient maintenuesans leur
forme actuelle aussi longtemps que d'autresaccords n'auront pas
été signés entrenos deux Gouvernements. Ceux-ci devraient
intervenir dans un délaide six mois. Toutefois, s'ils ne pouvaient
êtreconclus pendant cette période. les mêmef sacilités seraient
prolongées pour une nouvelle période de six mois, à condition
qu'aucune modification importante ne soit apportée par le

Gouvernementde la République française àl'étatde choses actuel,
sauf parde voie de consultation avecle Gouvernement libyen.
"En aucun cas, les avantages ainsi accordés au Gouvernementde
la République française ne sauraient être considérés comme
portant atteinte aux droits souverains du Gouvernement Libyen".
(annexe 227)
En s'engageant pour un délai limité. le gouvernement libyen laissait
clairement entendresa volontéde ne pas voir se prolonger une telle situation.

20. L'obstination du gouvernement libyen trouva sa
récompensedans les dispositions du Trait6 du 10 août 1955 qui prévoient
l'évacuation totale du territoire libyen par les troupes françàila date du
30 novembre 1956. En fait, l'ultime négociation sur la frontière
Algérie/Libye,li6e aux difficultés que suscita l'autorisation de ratification
en France, conduisità retarder de quelques mois l'évacuation

totale du territoire libyen. C'étaitchose faite début 1957.M. Ben Halim était
anivé à ses fins.

II -Lerejet des prétentions francaises sur la Libye

L'examen de la correspondance diplomatique française
21.
relativeà la négociationdu Traitédu 10août 1955témoignede l'habileté des
négociateurs libyens quifïnt échec aux ambitions françaises sur la Libye et
qui conduisirent le Gouvernement français à reculer pas à pas jusqu'à
accepter l'évacuation pureet simple du territoire libyen. Les ambitions
françaises étaient en effet grandes au lendemain de la Seconde Guerre
Mondiale, mêmesi elles manquaient de précision,en ce qui concerne le sort
futur de la Libye. La France, ayant occupé militairementle Fezzan, entendait
maintenir sa présence en Libye et assurer ainsi la sécurité de sescommunications entre l'Afrique duNord et l'Afrique équatoriale.Or le récit

de la négociation franco-libyenne, précédé dee la négociation internationale
entre la France et les trois autres puissances au lendemain de la Seconde
Guerre Mondiale, puis dans le cadre de l'Organisation des Nations Unies, est

le récitde reculs et d'abandons successifs des prétentions françaises.

22. Le premier recul à noter est celui relatif aux rectifications
de frontières présentéespar la France dans son memorandum du 12 mars

1948 et son aide-mémoire du 10 mai 1948 à la Conférence des quatre
puissances (annexes21 1et 212). Le gouvernement français demanda en effet
une rectification de frontières(infra Section 3) qui amputait la Libye d'une

partie importantede son territoire. La France demande notamment l'annexion
de Ghadamèset de Ghât d'une part, la fixationde la frontière méridionale de
la Libye au Tropiquedu Cancer d'autrepart comme le montre le croquisjoint

6tabli par le Foreign Office britannique (Production 249). Le mémorandum
transmis par M.René Massigli. évoquant les instructions donnees à la

Commission d'enquête qui devaiste rendre en Libye, précisa :
"Le gouvernement français souhaite en particulier qu'instruction
soit donnée à la Commission d'enquête, lorsde son séjouren

Libye, d'examinerle problème posé par la frontière l'Oues dte
Nalout, dans le secteur de Ghadamès, Ghât et Toummo et dans
l'angle Nord-Est du Tibesti.

"Le gouvernement français ne doute pas que la Commission
d'enquête pourra recueillid res informationsde nature à envisager,
dans l'intérêd tses populations locales, la possibilité d'une révision

de la ligne frontièredans les secteurs précités".' (annex2 e11).

23. Les suppléantsdes Ministres des Affaires étrangèresdes
quatre puissances différèrent l'examed ne la demande françaiseen raison de

l'opposition soviétique exigeant une information plus détaillée recueillie
notamment auprès des autorités italiennes. Le gouvernement français
refusant de transmettre son mémorandum au gouvernement italien, la

controverse entre les délégués françaie st soviétiques empêchala prise en
considération du mémorandum français en tempu stile. Les suppléantsdes
quatre puissances s'abstinrent donc de prendre position sur la demande

française qui ne semble pas avoir été renouvelée par la suite (annexe 215).
La France renonçadonc de ce fait ?Idemander une modification substantielle
des frontièresde la Libyedans le cadre de la négociation ainsi engagée.

a Tmduc!ii>ndIIRtp~bliq uuIchad Tciicongin~l IliFrrnchGorcrnmcni 15c<pcciall>dcnniu-
Ihs uhiln theCommi\iiool In<criigaiirinLib)ai!$houl<lk quc<tcd lo crarnlnc inc phniwd
hy thr ImniiIinctu thsr<,of YUJI in the (ixdamGi. anJTournoudimci and lnihc nu*-ca$lcm
anglcol Tihc5ii
infuma!ionuhichwulJnrrnacitporrlbltnIhc tnicreof theloc31populaiionconstdrr~hcpn<ibilil)
II rcbivnthefmnun lhncithearohcmnitoncd dixinrrr" 24. Devant les Nations Unies, la position française fut.
beaucoup plus pmdente que durant les négociations desquatre puissances.
En témoignela note du ministèredes Affaires étrangèresdu 16 avril 1950

fixant les instructions pour la délégation française à la Commission
intérimairede l'Assembléegénéraledes Nations Unies (annexe 221). La
France renonça à demander le rattachement de Ghadamès àl'Algérieet se
contenta d'attirer l'attentionde la Commission intérimairesur la situation de
Ghât etde Serdelès.Le Ministre s'exprimeainsi dans ses instruction:
"2") l'en arrive maintenant au second point, celui des
modifications aux frontières considérées, provisoirement

seulement,comme existantes.
"En ce qui concerne la France, nous avons deux demandes
d'ajustement àprésenter aux Nations Unies : l'une a traià la
position de la frontièrequi séparela Libye de l'Algérie(zone de
Ghât et de Serdelès),l'autre la frontièreentre I'Erythret la côte
françaisedes Somalis.

"l'ajoute à ce propos, pour votre information strictement
personnelle. que nous avons, pour le moment au moins renoncé
poser la question du rattachement de l'oasis de Ghadamès à
l'Algérieou àlaTunisie, cette affaire pouvantsouleverdu point de
vue local et sur le plan international certaines difficultés.
Ghadamès dépend, à l'heure actuelle, administrativement du
Fezzanet paraît devoir suivrele son de ce territoire".

(annexe 221)
II n'estplus question d'ajustementtemtorial dans la région duTibesti, mais
seulement de l'application des actes internationaux en vigueur avant la
conclusion des accordsLaval-Musolini du 7 janvier 1935.

25. Le projet français de tutelle sur le Fezzan ne connut pas

davantage de succès(cf. chapitre V, Section 2 III. no 66 et S.). La France
souhaitait en effet obtenir une tutelle sur le Fezzan, ce qui lui permettrait de
maintenir son établissementmilitaire sur ce territoire. L'Assemblgénérale
des Nations Unies se saisit du problèmesur une proposition présentéepar
Bevin et le Comte Sforza, proposition qui reçut le soutien de Robert
Schuman et de Dean Acheson. D'aprèscette proposition, la Libye devait
accéder à l'indépendance dans un délai de six ans. Entre-temps, la

Cyrénaiqueaurait étéplacéesous la tutelle du Royaume-Uni,le Fezzan sous
celle de la France et la Tripolitaine sous celle de l'Itàpartir de l'année
1951. Le Conseil de tutelle était invità veillerà ce qu'aucune mesurene
puisse faire obstacle à la créationéventuelled'un Etat libyenindépendant et
unifié.Le plan Bevin-Sforza fut adopté parla Commission politique des
Nations Unies. En revanche, devant l'Assembléegénérale des Nations Unies,
le principe de la tutelle italienne sur la Tripolitaine ne put àéune voix

près,la majoritédes deux tiers requise. Le principe de la tutelle britannique
surla Cyrénaïque etde la tutelle française sur le Fezzan fut approuvé,mais
l'élémentessentiel du compromis ayant disparu, la constmction projetée
s'effondra.Le plan Bevin-Sforza obtint dansl'ensemblequatorze voix contre
trente-sept abstentions. Ainsi disparut l'espoir français de maintenir une
tutelle internationalesur le Fezzan. (Sur toutecette période,v. lepon de
M.Gorse du 31 mars 1955,annexe 340). 26. La France reporta alors ses espoirs sur l'idéed'un Etat
fédéralet largement décentralisé de Libye permettant de réserver une
influence prépondérante française sulre Fezzan. Elle chercha, pource faire,

à retarder la déclaration d'indépendancede la Libye. Elle n'y parvint pas.
L'Assemblée générad les Nations Unies,dans sa résolution du21 novembre
1949, prévitque la Libye, composée dela Cyrénaïque,de la Tripolitaine et
du Fezzan, serait constituée enun Etat indépendant et souverain etque son
indépendance deviendrait effectivele plus tôt possible et au plus tardle ler
janvier 1952. La France espéra tirer avantagede la définitionde la Libye
"comprenant la Cyrénaïque.la Tripolitaine et le Fezzan", définition faisant
ressortir le caractèredistinct des trois territoires. Néanmoinsle munité,

difficilement écartédu paragraphe I de la résolution, reparut au paragraphe
10 où il était stipuléque les puissances administrantes "administrent le
territoire en vue de faciliter la réalisationde l'unitéet de l'indépendancede la
Libye". Le Royaume Uni de Libye Futconstitué enEtat indépendantle 24
décembre 1951.LaFrance se résigna àce nouvel échec.

27. La France maintint néanmoins une présencemilitaire en

Libye, présenceconfirméepar l'accordmilitaire du 24 décembre 1951 en
vertu duquel lestatu quoante est maintenu au Fezzan pour une durée desix
mois renouvelables. L'accord provisoire fut effectivement renouvelé jusqu'à
la fin de 1954.L'accord provisoireétaitconclu pour ménager "les délaisqui
seront vraisemblablement nécessaires pour négocieret conclure le traité
d'amitiéet d'allianceque les deux gouvernements ont en vue" (annexe 227).
Par ailleurs, fut conclu le 12 décembre1951 un accord financier provisoire
entre la France et la Libye. (annexe 226).

28. Le France espérait que la Libye conclurait avec elle un
traité d'alliance négocié parallèlemenàcelui prévuavec le Royaume-Uni.
En fait le gouvernement libyen conclut le 29 juillet 1953un traité d'alliance
en bonne et due forme avec ce pays et, le 9 septembre 1954,une convention
avec les Etats-Unis concernant la location de la base aérienne deWheelus
Field prèsde Tripoli.

29. Cependant, au fil des mois, I'espoirde conclure un traité
d'allianceentre la France et la Libye garantissant formellementle maintien
des troupes françaises dans le Fezzan s'estompe. Par télégrammd eu 9 août
1953, M.Dumarçay, Ministre de France à Tripoli, fit état des hésitations du
Premier Ministre libyen,Mahamoud El Mountaceur, à ce sujet (annexe 228).
Le diplomate français espérait néanmoinq sue les négociations engagées en

mêmetemps que celles avec les Américainspourraient s'orienter vers un
traité d'alliance. L'esporu ministre de France Tripoli fut déçu quelques
semaines plus tard.Lorsqu'ille reçut, le 12octobre 1953,le Premier Ministre
par intérimprécisaque le gouvernement libyen souhaitait se limiter à un
traité d'amitiéet de défense assorti toutefois de conventions militaires et
financières garantissant l'établissemenftrançais au Fezzan et la sécuritéde
ses frontières (annexe 229). Le 24 janvier 1954, le ministre de France à
Tripoli fit part d'une nouvelle exigence libyenne. Le Premier Ministre
abandonnait I'idéed'un "traité d'amitiéet d'assistance mutuelle" au profitd'un projet d'un "traité d'amitié edte bon voisinage". Ce traité consacrait
cependant la présenceau Fezzan de troupes françaises chargéesd'assurerla
sécurité des voiesde communications terrestres et aériennes entrel'Afrique
du Nord et 1'Afriqueéquatorialefrançaise(annexe230). Avec lechangement

de gouvernement et le remplacement de Mountaceur par Mustapha Ben
Halim, le gouvernement libyen révisasa position. Recevant le conseiller
aupr6sdu gouvernementfédérap lour les affaires fmancièreset économiques
du Fezzan,M. de Mallerais,Ben Halimdéclara :
"Pas d'accord militaire,sinon vous n'aurez pas de traité.II faut
avant tout calmer l'opinion publique arabe persuadée que la
France veut coloniserle Fezzan,il importedonc que cesse aussitôt

que possible l'occupationfrançaise".
(annexe23 1)

30. Le gouvernement libyen était désormaid sécidé à éliminer
toute influence militaire de la France au Fezzan sous quelque forme que ce
fût. Le Ministre libyen des Affaires étrangères, Bousseri, remit le 13

novembre 1954 une lettre à l'Ambassadede France dans laquelle il déclare
notamment :
"Pour confirmer ce qui précède et conformément auixnstructions
du Conseil des Ministres,j'ai I'honneurde porter la connaissance
de Votre Excellence que le gouvernement libyen regrette de ne
pouvoir accepter le principe de maintien, sous quelque forme que
ce soit, de forces françaisesannéesdans la province du Fezzan et
qu'en conséquence, il n'accepte pas le projet de conventions

techniquessusvisées".
(annexe 233)

31. En réponse, M.Pierre Mendès France, Président du Conseil
français, suspendit sèchement les négociations franco-libyennes (annexe
234), décision confirmée par une note verbale du 19 novembre 1954

transmise par la Franceau gouvernementlibyen etrédigée en ces termes :
"Ayant prisconnaissance de la lettre remise le 13novembre 1954
par le Ministre libyen des Affaires étrangères au Ministre de
France en Libye, le gouvernement français a le regret de ne
pouvoir accepter les contre-propositions présentées par le
gouvernementlibyen.
"Etant donnéle brusque changement d'attitudedu gouvernement
libyen, le gouvernement français se voit dans l'obligation de

reconsidérer les concessions qu'ilavait faites antérieurementdans
l'espoir de parvenir à un accord avec la Libye. II se déclare
cependant disposé à reprendre les négociations avec le
gouvernement libyenen vue d'aboutir à un accord général entre la
France et la Libye lorsque le gouvernement libyen seraen mesure
de lui soumettrede nouvelles propositions.
"En attendant la conclusion de cet accord, il n'envisage pas la

possibilitéde modifier lestaruquo existant au Fezzan en vertu de
l'échangede lettres auquel il avait étéprocédé à Tripoli, le 24
décembre1951,entre le chefdu gouvernementlibyenet le Chargé
d'affairesde Franceen Libye".
(Annexe 235) 32. Réflexion faite, le gouvernement français repris langue
avec le gouvernement libyen pour négocier un traité d'amitiéet de bon

voisinage. Le problème n'était pluscelui du maintien permanent d'une
implantation militaire françaiseau Fezzan, mais celui du délai d'évacuation
des troupes françaises du Fezzan. Le Premier Ministre, Ben Halim, insista
sur le fait que l'engagementde négociations partir du 3janvier 1955à Paris
ne saurait en aucune manière signifierque le gouvernement libyen donne son
accord à une consécrationde I'implantationdes troupes françaises aprèsle 31
décembre 1954. Cependant, il souhaitait vivement que les négociations

fussent officiellement ouvertes avant la date d'expiration de l'accord
temporaire de stationnement des troupes françaises pendant la durée dela
négociation.

33. M.Dumarçay, ministre de France à Tripoli, rendait ainsi

compte au Président Mendès Francede sa conversation avec le Premier
Ministre :
"J'ai communiqué ce matin à M.Ben Halim la teneur de votre
télégramme 528. Dansla réponseécritequ'il vient de me faire
parvenir et qu'ila rédigé après avoir consulté les membrdes son
Cabinet, le Président du Conseil fédéral me charge d'exprimer à
Votre Excellence des remerciements pour l'intérêt qu'Elle porte

aux affaires libyennes et déclare apprécieà leur juste valeur les
circonstances qui l'ont amenée à reporter au mois de janvier la
réouverture des pouiparlers: le Gouvernement libyen, poursuit-il,
approuve la proposition tendantà reprendre les conversationsà la
date préciséedu 3 janvier. Toutefois, en raison des engagements
pris avec les Chambresil souhaite qu'un premier contact soit établi
entre les délégations française et libyenne au cours d'une réunion

qui setiendraitàParis avant le 31 décembre.
"Pour terminer M.Ben Halim a tenu à réaffirmer se déclaratiodu
discours du trône du 9 décembreen précisantque "le fait pour le
gouvernement fédérad le consentirà poursuivre les négociationsà
Paris le 3 janvier 1955 ne saurait en aucun cas signifier qu'il
donnait son accord à une consécration de l'implantation des

troupes françaises au Fezzan aprèsle 31 décembre 1954"
(annexe 236)
En d'autres termes, la France renonçaità toute consécration juridiquede sa
présence militaire et se trouvaitpartir du ler janvier 1955 en situation de
précarité, les troupes dépendandtu bon vouloir du gouvernement libyen pour
leur maintiendans le temtoire du Fezzan.

34. Reste un dernier objectif que le gouvernement français
cherchait à atteindre au coursdes ultimes mois de la négociationdu traité
d'amitiéet de bon voisinage : une clause de réactivation de la présence
militaire française en cas de guerre ou de menace de guerre. Le ministère
français de la Défense Nationale insistaortement~le-IO-janvier-l955;sur~la
nécessitéde maintenir les garanties militaires françaises (annexe 245).

Le gouvernement libyen, s'agissantde la clause de "réactivation" renvoya la
France au Royaume-Uni, responsable de la sécurité militaire de la Libye de
par le uaitéd'alliance conclu entre les deux pays (annexe 246).Face à ce que le gouvernement français perçut comme un nouveau
raidissementde l'attitudedu gouvernement libyen. les négociations furentde

nouveau suspendues, ce qui provoqua la très viveinquiétude duministre de
France à Tripoli, M. Dumarçay (annexes 261 et 260). Le gouvernement
britannique acceptade conclure avec le gouvernement françaisun accord de
nature militaire relatià la réactivationdes bases militaires au Fezzan en
temps de guerre, mais le gouvernement libyen ne voulut rien entendre à ce
sujet et refusa de s'engagersur ce point. Le gouvernement américainfit alors
pression sur le gouvernement français pour obtenirla conclusion au plus vite

de l'accordsur la base de l'évacuation du Fezzan afin d'évitdeervant0.N.U.
une discussion qui l'auraitplacédans une situation embarrassante (annexe
265). La France dut se contenter, dans le Traitédu 10août, d'unengagement
de consultations sur les mesuresà prendre en cas d'agressionou de menace
imminente d'agressionen vue d'assurer la défensedes territoires respectifs
des deux Parties et de quelques facilités militaires consenties à titre

temporaire par le Traité.Un délai d'unan àpartir de l'entréeen vigueur du
Traité fut fixépour obtenir i'évacuation totades troupes françaises avec la
date limitedu 30 novembre 1956.M. Ben Halimavait atteintson objectif.

35. La vivacité avec laquellele Premier Ministre libyen rejeta
toute~notionde-réactivation desbases françaises-en période-de-crise-lors-de

son intervention du 20 février 1956 devant la Chambre des Députés du
Royaume Uni de Libye (annexe 275) éclaire la formule tant critiquée en
Francedu Premier Ministre :
"l'accord franco-libyen n'est qu'un accord d'évacuation pur et
simpleet n'engageen rien la Libye !"

36. A ce propos, Ben Halim, souligna par ailleurs devant les
députés libyens que son gouvernement avait énergiquement rejeté toutelses
demandes françaises tendant à la réactivation en temps de guerre de la
présencemilitaire française au Fezzan. De toute évidence,il entendait ainsi
marquer qu'il n'y avait pas de clause secrète qui limiterait la portéede
l'évacuationprévueen permettant aux forces françaisesde revenu en période

de guerre ou de crise. La guerre d'Algérie faisait rage et le sujet était
particulièrement sensible, notamment au Caire. où s'exprimait le Premier
Ministre libyen. Mais il n'étaitcertainement pas dans sonintentionde nier la
portée juridique du Traité d'amitiéet de bon voisinage, notamment ses
clauses temtoriales et de coopérationentre les parties contractantes, clauses
dont la Libye tirait autantde bénéfique la France.

III. Le contexte politique du Traitédu 10 août 1955

37. Pour comprendre les conditionsdans lesquellesfut signéle
Traitédu 10août 1955,et lesconcessions successives arrachéespar la Libye

à la France, il faut rappeler le contexte international. La guerre d'Algérie
commençaen 1954.le gouvernement Mendès France fut renversé au moisde
février1955,ce qui éloignaitla perspectived'unenégociationpour la paix en
Algérie.Le gouvernement Edgar Faure conclut le Traitédu 10 août 1955alors que la tension en Afrique du Nord était extrêmea,ussi bien au Maroc

qu'en Tunisie et alors que la guerre d'Algériese développait.La pression
internationale s'accmtsur la France pendant toute l'année1956et le débatde
ratification du Traité du 10 août 1955 eut lieu fin novembre 1956 au
Parlement, au lendemain de l'équipéede Suez qui entraîna la piteuse
évacuationdes troupes françaises des bords du Canal de Suez. La pression
des Etats-Unis fut très vive sur la France pour l'amener à accélérerle
processus de décolonisation. Elle s'exerçaen particulier au sujet de l'affaire

du Fezzan et plus généralement des relations franco-libyennes.

38. Le Royaume-Uni et les Etats-Unis d'Amérique exercèrent
en effet des pressions sur la France pour obtenir d'elle l'évacunu Fezzan
et la conclusion de l'accordfranco-libyen. La pression américaine futvive.
Elle provoqua au demeurant une forte réactiondu Ministre délégué àla

présidencedu Conseil, Gaston Palewski,qui dénonçace comportement d'un
alliéen ces termes:
"J'aipris connaissance de la note remise le 3 mai dernier à vos
Servicespar l'Ambassadedes Etats-Unis au sujet du Fezzan.
"Ce document constitue, à mon avis, un témoignagede l'étrange
manière dont legouvernementde Washingtonentend, à propos de
cette affaire tout au moins, pratiquer la solidarité atlantique.

Compte tenu des positions que la Franceoccupe actuellement au
Fezzan, cette solidaritéme paraît impliquer en effet que nous ne
soyons pas, àl'égard dugouvernement libyencomme aux yeux de
l'opinionarabe en général, complètement disqualifié parrappon
aux Amiricains et aux Britanniquesqui conserveronten Libye des
facilités beaucoup plus importantes que celles dont nous

voudrions pouvoir disposer au Fezzan. le rappelle, d'autrepm,
que nous avons accordé aux Américains l'installation de
puissantes basesau Maroc et que nous avons, en outre, étésaisis,
au mois de juillet dernier, de nouvelles demandes de facilités
américaines en Afrique du Nord française. II est vraiment
surprenant,dans ses conditions, de constater que le gouvernement
des Etats-Unis envisage avec un déplaisir à peine dissimulé

l'octroiàla France de certains droits au Fezzan. La part que nous
demandonsdans le réseaude facilités etde bases alliées disposées
autour du bassinméditerranéen est vraimenb tien modeste et je ne
pense pas qu'il puisse suffire d'invoquer le mauvais vouloir du
gouvernement de Tripoli pour nous demander de nous incliner
devant une intransigeance dont nous pourrions, j'en suis
convaincu, venir àbout sinos Alliésnous prêtaient main fone.

"Je souhaite donc que la note américaine reçoiveune réponsetrès
nette et que, en particulier, l'on marque la résolution du
gouvernement français de ne point quitter le Fezzan avant qu'un
accord satisfaisantne soit intervenu avec les Libyens. Je suggère
égalementqu'il soit clairement indiqué à l'Ambassadedes Etats-
Unis que cette affaire constitue, pour nous, un test de la solidanté
atlantique à laquelle nous avons consenti des sacrifices sans

commune mesure avec l'appui que nous sommes en droit
d'attendre de nos Alliés dans nos négociations avec la Libye.
Enfin, nous devrions souligner l'intéqtui s'attache,pour nous,?i conserver au Fezzan les moyens suffisants pour contrôler les
approches des territoires relevant de notre autorité, zone par
laquelle les rebelles d'Afriquedu Nord reçoivent des renfort en
hommeset en matériel."

(annexe265)
Le Royaume-Uni, de son côté,dont les intérêté s conomiques et stratégiques
en Libye étaient importants, encouragea fortementla France à conclure au
plus vite le Traitéd'amitiéet de bon voisinage. Lâchépar ses alliés, devant
faire faceà l'insurrection algérienneetà l'hostilitéde l'opinion publique
mondiale. notamment dans le cadre de l'Assembléegénéraledes Nations
Unies, le gouvemement françaisn'avaitpas d'autre choixque de conclure le
Traitédu 10août 1955

39. La signature du traité franco-libyen provoqua de vives
réactionsdans le gouvemement lui-même. JacquesSoustelle, Gouyemeur
générad l e l'Algérie, s'élevdaèsle 20 août contre la conclusion du traitéet
i'insuffisancedes garanties obtenues quanà la frontièreentre l'Algérieet la
Libye, ainsi que la reconnaissancedes obligations résultantpour la Libye de

la conclusion du Pacte de la Ligue arabe (annexe 270). Le Gouverneur
généralde l'Algérie y vit un encouragement donné à l'insurrection
algérienne.Le Ministre français de l'Intérieur,craignant une dégradationde
la situation en Algériedu fait de la conclusion de l'accord, repritla même
argumentation à son compte :
"Vous avez bien voulu m'adresser pour informationle texte du
Traité franco-libyen du 10 août 1955 avec ses conventions et
documents annexes.

"Le Gouverneurgénérad le l'Algérieauquelj'enavais fait parvenir
un exemplaire vousa communiquéses observationspar un rapport
no 7006 C.C. qui vous a étéadresséle 20 août 1955 en même
temps qu'à mon département et au Ministre de la Défense
nationale.
"J'ai l'honneur de vous faire connaître ci-après lesobservations
qu'appellede ma part cet instrument diplomatique:

1.A l'article 7 du Traitéi,l est préque celui-ci ne porte aucune
atteinte "aux droits et obligationsrésultant pourles Hautes Parties
contractantes des obligationsde la Charte des Nations Unies etde
tous autres traités,conventions, ou accords régulièrement publiés,
y compris, pour le Royaume Uni de Libye, le Pacte de la Ligue
Arabe"
"Sans doute vous paraîtra-t-il, comme à moi-même,que compte

tenu des positions hostilesque manifeste la Ligue arabeàl'égard
de notre souveraineté enAfrique du Nord, il eût étépréférablde
ne pas consacrer son rôle dans une conventiondont la France est
CO-signataire,au moment mêmeoù les interventions de la Ligue
dans nos affaires intérieures d'Algérie sontcompatibles avec les
notions de paix et d'amitié perpétuelles qui sont affirmées
solennellementdans l'articleler du Traitéfranco-libyen.
"2. Le reirait des troupes françaises du Fezzan, indépendamment

de la perte de prestige qui peut en résulter, risquede faciliter les
liaisons entre rebelles d'Afrique duNord et leaders séparatistesdu
Caire. "Je persisteàregretter qu'il n'ait pasétépossible d'assurer notre
maintien à Ghât età Serdelès, ainsique je vous l'avaisdemandé

par ma lettre susviséeduIIjanvier 1955.
"3. En ce qui concerne la frontière, je noteque la limite n'a été
définieque pour la partie Ghât-Toumo et que l'échangede lettres
semble exclure que In-Ezzane soit comprise dans le territoire
libyen.
"J'aimeraiscependant afin de dissiper la préoccupationformuléà
ce sujet par le Gouverneur généralque vous me confirmiez

I'exactitude de cette interprétation.Il importerait aussi que soit
définiela façon dont sera tracée la frontière entre lestrois points
indiqués dansl'échangede lettresannexéà la convention.
"4. Je partage entièrementle point de vue du Gouverneur général
sur la mention des" territoiresdont la France assume la défense".
Sans doute s'agit-il là d'une question de pure terminologie,

néanmoinsil est regrettable que le texte n'aitpas distinguéentre
les territoires de la République française et le territoire de la
Régencede Tunisie.
"D'unemanière généralej,e ne puis pas partager les inquiétudes
du Gouverneur générae ln ce qui concerne les risques d'ingérence
accrue du Royaume Uni de Libye en Afrique du Nord et
particulièrementenAlgérie.

"L'action des nationalistes exilés auCaire oùà Tripoli et leurs
liaisons avec les hors la loi d'Algériesont déjàtrèssensibles dans
la situation actuelle ainsi qu'ilressort de nombreuses informations
communiquées par la S.D.E.C.E. et notamment du dernier
document de ce service no 251IL2332du 13 septembre 1955qui
est certainement en votre possession. Ces activités seront
inévitablement facilitées si le gouvernement libyen en contre

partie des avantages réelsqu'il reçoitdu traité,n'estpas déciàé
l'appliquerloyalementdans sa lettre et dans son esprit, càdire
à mettre fin aux agissements de ces exilés et y surveiller
efficacement lafrontièreen liaison avec lesautoritésfrançaises."
(annexe273)
Le Ministrede la Défense nationalejoignit sa voiàcelle de sescollègues.II
constata cependantqu'iln'étaitplus possiblede revenir enère et demanda

en conséquenceun renforcementdes moyens militaires français à la frontière
algéro-libyennepour faire face aux conséquences désastreuses ses yeux de
l'accorddu 10août 1955(annexe 274).

40. Robert LACOSTE, Ministre chargé des Affaires

algériennes,reprenait néanmoins à son compte les critiques de Soustelle en
avril 1956(annexe279).

41. L'autorisationde ratification ne semble pas avoir poséde
problèmeparticulier au parlement libyen.Le texte des accords fut déposéle
20 février 1956à la Chambredes députés et défendupar le Premier Ministre,

Ben Halim (télégramme n0102/107 du 22 février de Tripoli à Paris,
(annexe275).Il fut ensuite transmis au Sénat, où il fut approuvé par l'unanimitédes
présents(16 sur 24) le 20 mars 1956(télégramme n0191du 20 mars 1956de
Tripoli à Paris, annexe 277). Les autorités libyennes insistèrent, pendant
toute cette période, pour connaître la dateà laquelle le Traitédu 10 août

1955serait soumisau Parlement français.

42. Le débat devantle Parlement français s'engagedans des
conditions difficiles la droite française faisaitde la question du Fezzan une
question de principe depuis le début des années cinquante et multipliait
interpellations et questions au gouvernement relativement au maintien de la

présencemilitaire françaiseau Fezzan. Dèsle 2 février 1955,lors du débat
qui vit renverser le gouvernement Mendès France, Jacques BARDOUX,
résuma lesthèsesdes orateurs attachés à la présencefrançaiseen Afrique du
Nord en dénonçant :
"Cette coalition entre la Libye, I'Egypte, la Hongrie, la
Tchécoslovaquie et la Russie communistepour la liquidationde la
France africaine, pour l'expulsion des communautés judéo-
chrétiennes"

(J.O.R.F., Débats,AssembléeNationale, lèreSéance,2 février1955,p.606).

43. Le gouvernement hésita à soumettre le traitédu 10 août
1955 au Parlement français pour autorisation de ratification en raison des
divisionsintemes àsa majorité.II s'yrésignacependant à quelquesjours de
l'expiration dudélaidu 30 novembre 1956, délaifixépour l'évacuation des

troupes françaises au Fezzan. L'affaire s'engagea mal devant l'Assemblée
Nationale. La Commission des affaires étrangères, saisieau fond, désigna
Raymond DRONNE, partisan du maintien de la présence française dans
toute l'Afrique du Nord et interpellateur infatigable du gouvernement sur
toute menace d'évacuationdu Fezzan, comme rapponeur du projet de loi. Il
proposa à la Commission des Affaires étrangkres le refus pur et simple
d'autorisationde ratification mais ne fut pas suivi. II proposa alors, comme

solution de repli, un ajournement de l'autorisationde ratification, qui aurait
sans doute été dansson esprit un ajournement sinedie. Cet ajournement fut
rejetéà une faible majoritépar la Commission des Affaires étrangères(21
voix contre 18 et 2 abstentions) Raymond DRONNE démissionna en
conséquencede ses fonctions de rapporteur. II fut remplacépar le Président
de la Commission des affaires étrangères,M. Daniel Mayer. qui rapporta au
nom de la majoritéacquise dejustesse pour autoriserla ratification du Traité.

Le débat parlementaire fut marqué par l'offensive des partisans de la
présence françaiseen Afrique du Nord. Ainsi, M. Michel DEBREcommença
son interventionen ces termes:
" Mesdames, Messieurs, demain sera abaissé le drapeau que
LECLERCavait faitmonter ily a quelquesannées."
et il conclu:
" Ce traitéest mauvais; lemomentoù on nous demandede ratifier
est mal choisi. Le gouvernementlibyen ne cache pas son hostilité.

Le gouvernement françaiscomme les précédents paraîste noumi.
d'illusions.Que faut-il de plus pour voter con7"e
(J.O.R.F..débats. Conseilde la Réoublique,Séancedu 29 novembre 1956,
p 2361). 44. En fait la grande majorité de l'Assemblée Nationale
comme du Conseil de la République n'étaiptas loinde partager l'observation
de Raymond DRONNE:
"Nous nous trouvons en présence d'un mauvais traité. Nous
sommes tous ou presque tous .qu'il s'agissedes adversaires ou des

partisans de la ratification, d'accordsur ce point.
Le gouvernement lui-même devraiê t trede cet avis, car s'ill'avait
trouvé bon, je necrois pas qu'il auraitajournéjusqu'à une date
aussi tardive le dépôt du projet de loi tendant à autoriser le
Présidentde la République à le ratifier.
Il n'ya guèrequeM. le Secrétaired'Etataux Affaires étrangères et
M. Ben HALIM qui le trouvent bon. Pour M. Ben HALIM, c'est
normal, il est mauvais pour nous et bon pour son pays".

(J.O.R.F. Débats, Assemblée Nationale,Ièreséancedu 22 novembre 1956,
p. 5030).

45. L'accord donnépar le Parlement français fut en fin de
compte un accord de résignation. M.de Maupeou, rapporteur pour avisde la
Commission de la Défense nationaleau Conseil de la République, exprima
ainsi le consentement résignédes parlementaires:
"Je ne pense pas exagérer enaffumant qu'à l'heureoù je parle la

présencedes troupes françaises au Fezzan. tant du pointde vue de
leur nombre que de celui de leur efficacité,est purement
symbolique.
Si je rappelle ces quelques réalités, ne croyez pas, mes chers
Collègues, que ce soit pour sous-estimer en quoi que ce soit
l'importancede cette présence. Votre Commissionde la Défense
nationale n'a qu'un désir:c'estde voir se prolonger indéfiniment
l'étatde chose actuel. Mais est-ce politiquement possibl?C'estlà

une question à laquelleelle n'est pas qualifiéepour répondre. Tout
au plus doit-elle examiner certaines conséquences prévisibles
d'unenon ratification.
Si la non ratification devait entraîner des troubles graves, notre
position à Sebha serait extrêmement périlleuse. II est
vraisemblable que les faibles élémentsque nous y entretenons,
très éloignédses bases de secours, seraient réduità assurer seuls
leur propre défense,et l'on n'ose pasévoquerquel pourrait être
leur sort.

Les postesde Ghâtet de Ghadamès pourraient être plus facilement
appuyés, mais c'estalors un nouveau front d'opérations militaires
qu'il nous faudrait prévoir pour défendre des postes situés en
territoire étranger."
(J.O.R.F., Débats, Conseilde la Ré~ubliaue,Séancedu 29 novembre 1956,
pp. 2355-2356)

46. Et M. Maurice FAURE, Secrétaire d'Etat aux Affaires

étrangères,défendant le projet devant l'AssembléeNationale, conclut de
même :
"Je crois qu'à l'heure où nous parlons. au moment de la crise
proche-orientale. des faits comme ceux là, que nous pouvons verser audossier, nedoivent pas nous laisser indifférents.
Voulez- vous voir s'instituerdes guérillas aux abords mêmee ces
oasis, où, je le répète, nous avoàspeine 500 hommes? Voulez-
vous que nous nous trouvions dans la nécessitéde renforcer

militairementces oasis?
Voulez-vous, enfin,que nous nous heurtions encoreune foisà nos
alliésles meilleurs, aux Anglais et aux Américains, quisur ce
point-là, vous le savez, estiment que nous devons ratifier l'accord
(Mouvement divers)".
(J.O.R.F. Débats, Assemblée Nationale,Ière séance du 22 novembre195,
5025).

47. En fin de compte, l'Assemblée autorisala ratification du
Traitédu 10 août 1955par 411voix contre 120,la droite s'opposant à cette
autorisation.Le Conseil de la Républiquefit de même, sans illusion.

SECTION 3

UNTRAITE DE DELIMITATION DES FRONTIERES

48. Malgréla boutade de Ben Halim, le Traité du10août 1955
ne se limite pas l'évacuation destroupes françaisesdu Fezzan. Il comprend
un ensemble de dispositions qui sont de règle dansun traité d'amitié ete
bon voisinage, concernant les relations entre les Hautes Parties

Contractantes, notamment les relations frontalières, mais encore une
convention de coopération économique, une convention de coopération
culturelle et des dispositions relatives à l'utilisation des pistes et des
aérodromes libyens. II comprend surtout une délimitation des frontières,
conformément aux indications données par l'Organisationdes Nations Unies.
C'est cette délimitation qui fixe aujourd'hui la frontière ela Jamahiriya
arabe libyenneet la République du Tchad.

1.La procédure de délimitation définie
par l'Organisation des Nations Unies.

49. L'article de l'annexe 11 du Traité de paix avec l'Italie
"confie aux quatre puissances" le soin d'examiner les son des anciennes

colonies italiennes. Les quatres puissances constatèrent leur désaccordet
transmirent les dossiers aux Nations Uni(scf. Chapitre V, section 2. infra).

50. L'Assembléegénérale desNations Unies adopta donc la
résolution 289 (IV)du 21 novembre 1949.Sur la questiondes frontières,elle
invita la Commission intérimaire à procéder à l'examen de la procédure A

adopter pour délimiter les frontières des anciennes colonies italiennesp,our
autant qu'elles ne se trouvent pas déjà fixées par des arrangements
internationaux etàprésenterà la cinquième session ordinairede l'Assemblée
générale un rapport accompagnéde conclusions. 51. L'Assemblée générale demandadonc à la Commission
intérimaire d'examinelra procédureà adopter pour délimiter les frontières et
non pas de fixer les frontières elles-mêmes. s'agit pourles Nations Unies

de procéder à la délimitationdes frontières etnon paà leur ajustement. La
Sous-commission 17de la premièreCommission reconnu que "délimiter"et
"procéder àun ajustement" étaient deux fonctionsdifférentes. C'eslta France
elle-mêmequi propose d'amender le projet de résolution présentépar
l'Argentineet la Turquie àce sujet. Le texte original porta"à procéder à
l'examende la procédure à adopter pour rkgler la question des frontièresdes

anciennes colonies italiennes". La France demanda la modification du texte
afin de bien préciserqu'il s'agitde la procédure à adopter non pas pour
l'ajustement des frontières, mais pour la délimitation de ces frontières.
L'expression "régler la question " fut donc remplacée par le verbe
"délimiter". En conclusion, la Commission intérimaire dut procéder à
l'examende la procédure à adopter pour délimiter lesfrontières"pour autant
qu'ellesne se trouventpas déjàfixéespar des arrangementsinternationaux".

52. Le Secrétariat général des Nations Unies, dans le
mémorandum A/AC.18/103 du 27 janvier 1950 (annexe 309) apporta des
précisions intéressantessur ladélimitati:n
"Alors que le sens du mot "fixées" n'a donné lieu à aucune
discussion, deux représentants,au cours des débatà la première

Commission,ont déclaré que la"d61imitationMdoit êtredistinguée
de "l'ajustement" et consiste à fixer d'une façon précise une
frontièrequi est indiquéesur la cane, mais qui n'apas encore été
délimitéesur le terrain, il s'agit donc, en d'autres termes, du
jalonnement d'une frontière. Cependant, il semble que, dans la
pratique, le sens des expressions "délimiter" ou "fixer" une
frontière n'est pas rigoureusement défini, le verbe "délimiter"

désigne quelquefois, même dans des accord internationaux,
l'actionde définir une frontièrepar simple description verbale ou
de la tracer sur une carie sans la jalonner sur le terrain. II semble.
en outre, que si,dans une régionfonement peuplée,une frontière,
pour être considéré comme délimitée, doiêt treindiquéeen grand
détailsurle terrain, une frontière quitraverse une zone désertique

ou une jungleépaissepourraêtreconsidérée comme suffisamment
définiesi elle a édécrited'uncommun accord ou indiquéesur la
carie par des lignes mathématiquesou géographiques."
(annexe309).

53. Examinant ensuite les accords internationaux existant en

ce qui concerne les frontièresdes anciennes colonies italienne, le Secrétariat
de 1'O.N.Uaborda le problèmede la frontière méridionalede la Libye avec
l'Afriqueoccidentale française et l'Afriqueéquatorialefranpise. II concàut
ce sujet:
"On nesait pasexactement dans quelle mesure cette frontièrea été
délimitée. La Commission intérimaire aura besoin de
renseignements complémentaires pour pouvoir déterminersi la

frontière estfixéeau sens de la résolutionde l'Assembléegénérale
et, dans la négative, pourétudierla procédurede délimitation."(ibid.)
La Républiquedu Tchad reviendra sur ce problèmedans le détail(cf.infra
Section4).

54. L'Assemblée générale,sur rapport de la Commission
politique spéciale, adoptala résolution392 (V) le 15décembre1950lors de
sa 326 èmeséanceplénière.Elle recommanda :
"a) en ce qui conceme la Libye, que la frontièrede la Libye avec
les territoires français, pour autant qu'elle ne se trouve pas

délimitée par des arrangements internationaux,soit délimitée, lors
de l'accession de la Libye à l'indépendance, par la voie de
négociationsentre le gouvernement libyen et le gouvernement
français,aidés, àla demande de l'uneou l'autredes Parties parune
tierce personne choisie par eux ou,à défaut d'accordd, ésignéepar
le Secrétairegénéral ;"
(annexe 308)

55. C'est donc un mandat spécifique de délimitation des
frontièresde la Libye d'unepart, des territoires relevantde la souveraineté
française d'autre part,qui fut confié auxdeux Hautes Parties contractantes.
La négociationdu Traitédu 10 août 1955 avait notamment pourobjet de
remplirce mandat.

II- La délimitation desfrontières dans le Traite de 1955

56. L'article3du Traitédu 10août 1955dispose :
"Les deux Hautes Parties Contractantes reconnaissent que les
frontières séparant les territoiresde la Tunisie, de l'Algérie,de

l'Afriqueéquatorialefrançaise d'unepart, du territoire de la Libye
d'autre part, sont celles quirésultentdes actes internationaux en
vigueur à la date de la constitution du Royaume Uni de Libye tels
qu'ilssontdéfinisdans l'échangede lettres ci-jointes"(annexe 1).
(annexe 14)

L'annexe1du Traité est ainsilibellée :

"Légationde Franceen Libye.
Tripoli, le 10août 1955.
Excellence,
L'article 3 duTraitéd'amitiéet de bon voisinageentre la France et
la Libye dispose que :
" Les deux Hautes Parties Contractantes reconnaissent que les
frontières séparant le territoire de la Libye d'une part, des

territoires de la Tunisie, de l'Algérie,de l'Afrique Occidentale
Française et de l'Afrique Equatoriale Française d'autre part,sont
celles qui résultentdes actes internationauxen vigueurà la date de
la constitution duRoyaume Uni de Libye, tels qu'ils sont définis
dans l'échangede lettres ci-jointes(annexe1)" Il s'agitdes textes suivant:
la convention franco-britanniquedu 14juin 1898;

la déclaration additionnelle, du 21 mars 1899, à la
convention précédente;
-les accordsfranco-italiens du 1er novembre 1902;
- la convention entre la République françaiseet la Sublime
Porte du 12mai 1910.
-la convention franco-britannique du 8 septembre 1919

-l'arrangementfranco-italien du 12septembre 1919
En ce qui concerne ce dernier arrangement et conformémentaux
principes qui y sont énoncés,il a étéreconnu par les deux
délégations qu'entre Ghât et Toummo la frontièrepasse par les
trois points suivantsà savoir :la Trouée deTakharkhouri, le Col
d'Anaiet le point côtéIO10(Caret Derouet el Djemel)
Le gouvernement français est prêt à désigner des experts qui

pourraient faire partie d'une commission mixte franco-libyenne
charger de procéder à l'abornernent de la frontièrepartout où ce
travail n'a pas encore été effectué et où l'un des deux
gouvernementl'estimerait nécessaire.
En cas de désaccord entreles arbitres, ces derniers désignerontun
surarbitreneutre qui tranchera le différend.
Veuillez agréer, Excellence, les assurances de ma très haute

considération."
Signé :DWEAN.

"Ministèredes Affairesétrangèresdu Royaume Uni de Libye.
Tripoli,le10août 1955.
Excellence,

Vous avez bien voulu m'adresser au nom de voue gouvernement
la lettresuivante:

(suit le texte de la lettre précédente)

J'ai l'honneurde vous confirmer l'accorddu gouvernement libyen
sur ces propositions.
Veuillez agréer, Excellence, les assurances de ma très haute
considération.
Signé :MustaphaBen Halirn"
(J.O.R.F.,7 avril 1957,pp3664-3665. annexe 1 )

57. La technique de délimitation adoptée est celle de la
référenceaux traités antérieursc .onsidéréscomme délimitant suffisamment
la frontière. La liste des traités est exhaustive et couvre l'ensemble de la
frontièreséparantla France de la Libye. Lors des négociationsengagéesen
janvier 1955 entre le Premier Ministre Ben Halim et le PrésidentMendès

France, il semble que les parties contractantes aient convenu. sur ce point, de
s'entenir aux dispositions générales des textes internationauxen vigueur à la
date de la création de 1'Etat libyen sans viser expressément les traités
mentionnés à l'annexe 1. C'est ce qui ressort du projet de procès -verbal
rectifiéétablipar le gouvernement français le 3 mars 1955qui déclare : "IV
Frontières
"Les deux gouvernements conviennent de s'en tenir, en ce qui

conceme les tracésdes frontières séparant leterritoires français et
libyen. aux stipulations généralesdes textes internationaux en
vigueur à la date de la créationde I'Etatlibyen, aux stipulations
généralesdes textes internationaux en vigueur à la date de la
créationde I'Etatlibyen.
"La délimitationexacte sur la carte sera entreprise aussitôt que

possible.
Prooositionfrançaise
"de manière à êtreteminée avant la conclusion du Traité
Prooosition libvenne
sans toutefois que la conclusion du traite puisse lui être
subordonnée."
(annexe 250)

58. Certes le Gouvernement libyen refusa d'accepterle projet.
Mais il ne semble pas qu'il ait fait objection la rédaction concernant les
frontières.

59. En revanche, sans doute pour des raisons tenant à la
volonté françaisede faire définir plus précisément la frontière méridioaele
la Libye, les deux Parties convinrent au mois d'août d'adopter la procédure
de I'énumératiolnimitativedes textesdélimitant leurs frontières (annexe269)

Il convient de noter que les Parties n'hésitèrent pas à
60.
préciserla frontière là où elles l'estimèrent utile. EntreGhât et Toummo.
l'annexe 1 précise que la frontière passe par trois points :la trouée de
Takharkhouri, le col d'Anaiet le point côté1010 (Caret Derouet el Djemel).
En d'autres termes, les Parties considèrèrenctomme suffisante la délimitation
telle qu'elle est prévue par les textes internationde référence sauflà où
elles estimèrent indispensable d'ajouterdes précisions.

61. La procédure d'abornement est prévue par I'annex e.Le
gouvernement français se déclaraprêt àdésignerdes experts qui pourraient
assister une Commission mixte franco-libyenne chargée de procéder à
I'abornementde la frontière partoutoù ce travail n'apas encore été effectué

et où I'undes deux gouvernement I'estimeraitnécessaire.

62. Le gouvernement libyen demanda au gouvernement
français de procéder à I'abornement dansla région s'étendand t'Imohartenà
Zouirat le 13mars 1956.Le gouvernement françaisse déclara d'accordpour
procéder à cet abornement, tout en précisant que ce ne saurait êtrepar
application du Traitédu 10août 1955qui n'étaitpas encore entréen vigueur

à I'époquede la demande. En revanche, aucune des deux parties n'estime
nécessairede faire procéder à I'abornementde la frontière entre Toummaet
la frontière soudanaise, considérant sansdoute qu'il s'agissait d'une régiondésertique et trèspeu peupléedans laquelle la définitionde la frontièreétait
suffisamment assurée par les points géodésiques signalés daln ess traitésde
référence. Les deux parties suivirent ainsi les recommandations du
Secrétariatdes Nations Unies et considérèrendte toute évidenceque :
" Une frontière qui traverse une zone désertique ...pourra être

considéréecomme suffisamment définiesi elle a été décrite d'un
commun accord ou indiquée sur la carte par des lignes
mathématiquesou géographiques".
(annexe 309)

63 Enfin il faut noter que la Libye obtient satisfaction sur la
concomitance de l'évacuationdes troupes françaises du Fezzan et de la

définitionde la frontière franco-libyenne. Le Premier MinistreBen Halim
lors des négociations de janvier 1955 avec le Président Mendès France,
reconnut la nécessiter de délimiterla frontière entre les deux pays. II se
refusa en revanche à lier la question de la délimitationde la frontière avec
celle du retrait des forces françaises.l souhaitait donc que l'échéanciedru
retrait des forces françaises fut découpléde la définitionde la frontière. Le
Traitédu 10 août 1955 donne sur ce point satisfaction à la Libye, puisque

l'évacuation des forces françaises est fixée i?une date précise, le 30
novembre 1956 et que cette date butoir oblige le gouvernement français à
demander l'autorisationde ratification au Parlement français de l'ensemble
des dispositions avant laditedate(annexe 239). Cependant,le gouvernement
français poussé parles Ministres de l'Intérieur etde la Défensenationale
auxquels se joint le Ministre résidant général enAlgérie,Robert Lacoste
(annexe 279), estima nécessaire d'obtenirun complémentde précisionssurla
situation de la frontière entre la Libye et l'Algérie, compte tenu du

développementde la guerre d'Algérie.

III. La délimitationcomplémentaire par l'accord du 26décembre 1956.

64. Le besoin d'une délimitation compl6mentaire se fit
ressentir de part et d'autre,dans des proportions différentesil est vrai. On a

vu que le gouvernement libyen demanda I'abornement de la frontière
d'lmohanen. Le gouvernement français acceptacette requête (annexes276 et
278).

65. La demande française, elle, était plus importante. Le
gouvernement français souhaitaiten effet obtenir le règlementd'un certain
nombre de points apparusdepuis la conclusion du Traitédu 10août 1955 :

-La délimitationde la frontière dansle secteur des champs
pétrolifères d'Edjelé;
- Le problèmedu terrain d'aviationde Maison-Rouge qui
se situaitcheval sur la frontière;
-Enfin la piste des Adjer aux confins du Fezzan et du Sud
algérien. 66. Le gouvernement français fut pressé lors du débat de
ratification devant le Parlement par les députéset sénateurs quiinsistèrent

sur une liaisonentre la ratification duTraitédu0août 1955et lesprécisions
nécessairessurces trois points. Devant l'Assemblée Nationale, MM. Isorenti
Boscaty-Monsewin déposèrentun amendement tendant à l'adjonctiond'un
articleadditionnelainsiconçu :
"Article additionnel.Les instmment de ratification seront déposés
lorsque sera intervenu l'accord fixant la frontière entre le
Royaume Unide Libyeet l'Algérie."

Au nomdu gouvernement. M. MauriceFaure, Secrétaired'Etataux Affaires
étrangères,acceptal'amendement Isornien ces termes :
"Je voudrais, sur ce point, en mesurant mes propos, dire à
l'Assembléequ'une négociationest actuellement en cours pour
fixer définitivement cette frontière entre la France et la Libye.
Pour ma part,je suis convaincu que si l'Assembléeratifie ce soià
une forte majorité le traitqui lui est soumis, par le climat même

qu'elleaura créé ellepermettra à cette commissionde réaliser très
rapidement des progrès, etj'ai de bonnes raisons de croire que
nous obtiendrons un règlement satisfaisant sur les deux points
essentiels, les champs pétrolifères d'Edjeléet le problème du
terrain d'aviationdeMaison- Rouge d'unepart, la piste des Adjer
au Sud, d'autre part.

D'ailleurs, legouvernement prend l'engagementde ne déposer et
de n'échangerles instmments de ratification du traitéque lorsqu'il
aura des garanties précises et définitives sur la fixation de la
frontière entre la France et la Libye. II accepte doncà l'avance
l'amendementque M. ISORNI vient de déposersur le bureau de
l'Assemblée".
(J.O.R.F., Débats, Assemblée Nationale, lère séancedu 22 novembre 1956,

p.5025).

67. De fait, les deux Hautes Parties Contractantes conclurent
l'accord du 26 décembre 1956 qui apporta les précisions demandées.
L'échangede ratificationsput avoir lieu le 20 février1957.LeTraitéd'amitié
et de bon voisinage du 10août 1955entre en vigueur à cette date, celle de

l'échangedes ratifications.

IV. Remarques sur la méthodede délimitationemployée

68. En choisissant la méthodede la référenceà une liste d'actes

internationauxconsidérés par elles comme délimitant lafrontière,les Parties
ont choisi une méthodede délimitation classique etrépondantaux principes
poséspar l'Assembléegénérale des Nations Uniesdans la résolution392 (V).
Elles sont présuméesavoir employéI'instmment le mieux appropriépour
parvenir àleurfin, la délimitationde leurfrontière commune.

69. La référence à une liste précise d'actes-plutôt qu'à la
catégorie générald ees actes internationauxen vigueur- manifeste l'intentiondes Parties de délimiter leur frontière d'unemanière suffisamment précise
pour éviter toute contestation ultérieure.Les Parties éliminent ainsi toute
équivoque,notamment au sujet du statut du Traitéde Rome du 7 janvier

1935,qui est écarté àdessein de la liste.

70. Quant aux textes cités, ils sont considérés comme
défmissantla frontièreen 1955et retenus comme insmments de référence à
ce titre. Peu importe sià l'origine, ces actes internationaux présentaientune
nature différente,délimitantdes sphèresd'influenceplutôt que des frontières

au sens contemporain et linéairedu concept. L'intentionclairedes Parties, en
rédigeant ainsile Traitédu 10 août 1955, était d'intégrearu texte le contenu
des instruments antérieurscitéset dedécrireainsi le tracé dela frontièresans
nul doute possible. On trouve ici une application du principe de
contemporanéité. pour utiliser l'expression de Sir Gerald Fizmaurice ("The
law and Procedure of the International Court of Justice 1951-4 ; Treaty

Interpretationand Other Treaty Points" ;B.Y.B.I.L., 1957pp. 225-227).

71. Les actes internationaux citéssont considérés commeune
délimitation suffisamment précise dela frontièrequ'ilsdécrivent.Si tel n'est
pas le cas de l'avisdes Parties, le Traité précisela frontière. C'est ainsique
l'annexe 1,se référant àl'arrangementfranco-italien du 12 septembre 1919,

déclare :
"En ce qui concerne ce dernier asrangementet conformémentaux
principes qui y sont énoncés,il a étéreconnu par les deux
délégations qu'entre Ghât et Toummola frontière passe par les
trois points suivants,à savoir :la Trouée deTakharkhouri, le col
d'Anaïet le point coté 1010(Caret Derouetet Djemel)".
(annexe 14,soulignépar larépubliquedu Tchad).

72. La précision apportée par les Parties constitue une
interprétation authentique de l'arrangementdu 12septembre 1919,comme le
révèlele soin mis à souligner laconformité aux principes quiy sont énoncés.

73. De plus, les Parties se réserventla possibilité de procéder
un abornement de la frontière "partout où ce travail n'a pas encore été
effectué et où l'un des deux gouvernements l'estimerait nécessaire". La
précision marquebien la volonté de délimitationet non d'ajustementou de
rectification. Section 4
LE TRACEDELA FRONTIERE LIBYE-TCHAD

1.Les instruments de référence

74. Le Traitéd'amitiéet de bon voisinage du 10 août 1955
consacre son article3 et l'annexe1à ladéfinitionde la frontièreen cause.
L'article3 déclare:
"Les deux Hautes Parties contractantes reconnaissent que la
frontière séparant les territoires de la Tunisie, de l'Algérie,de

l'Afrique Occidentale Française, de l'Afrique Equatoriale
Française d'unepart, et du territoire de la Libye d'autrepart, sont
celles qui résultentdes actes internationauxen vigueurà la date de
la constitution duRoyaume Uni de Libye, tels qu'ils sont définis
dans l'échangede lettres ci-jointes.
(annexe 1).

L'annexe 1,pour sa part, dispose:
" Il s'agitdes textes suivant:
- la convention franco-britanniquedu 14juin 1898,
- la déclaration additionnelldu 21 mars 1899,
à la conventionprécédente,
- l'accord franco-italien duI er novembre 1902
- la conventionentre la République française
et la Sublime Portedu 12mai 1910,

- la convention franco-britanniquedu 8 septembre 1919
- l'arrangement franco-italien du12septembre 1919".

75. Sur la portion de frontièrecomprise entre Toummo et la
frontière soudanaise, la référence aux traités citésapparut suffisante aux
deux Parties contractantes. La France et la Libye ne jugèrent pas utilede
préciser cette portion de frontière, alors qu'elles en avaient la latitude et

qu'ellesn'hésitèrent pasà recourir à cette facultéen iant que de besoin (V.
supra 11'60).

76. S'ily avait eu hésitationsur le tracéde la frontièredans le
secteur du Tibesti, du Borkou et de I'Ennedi, nul doute que les Parties
eussent préciséde la même manière la délimitation.

77. L'annexe 1du Traitédu 10août 1955ouvre aussi la faculté
de procéder à I'abornementde la frontière.Le textedispose :
" Le gouvernement français est prêt à désignerles experts qui
pourraient faire partie d'une Commission franco-libyenne chargée
de procéder àl'abornementde la frontièrepartout oùce travail n'a

pas encore étéeffectué et où l'un des deux gouvernement
l'estimeraitnécessaire". 78. Le gouvernement libyen eut recours à la procédure de
l'abomement dèsqu'une difficultése présenta. C'est ainsique Ben Halim,

Premier Ministre, reçut le Ministre de FranceàTripoli, le 14 mars 1956, et
lui demanda de préciser la frontière franco-libyenne entre lmoharten et
Zouirat afin de prévenir toute difficulté dans la régine l'Edjelé. (annexe
276). Le gouvernement français répondit favorablement à cette demande le
24 mars 1956 tout en précisantque cet abomement ne saurait avoir lieu au
titre du Traitédu 10août 1955, l'instmmentdiplomatique n'ayantpas encore
été ratifié.i le gouvemement libyen avait eu quelques doutessur le uacé

exact de la frontière, il lui suffisait de demander la constitution d'une
Commission d'abomement semblablepourobtenir satisfaction.

79. Enfin, s'ily eut des tentatives dans le passépour corriger
l'arbitrairede la frontièreentre le Tchad et la Libye, les Parties renonàèrent
toute velléità ce sujet lors des négociationsde 1955.Par deux fois dans le

passé,il fut tenté une correctionde la ligne frontièrequi coupe par le travers
et de manière arbitrairela frontièredu Tibesti. Le Traité Laval-Mussolinidu
7janvier 1935eut cette ambition et proposaun tracé qui suitdans le secteur
du Tibesti un certain ordre d'indications topographiques avantde se terminer
par une lignedroite, laissant ainsi l'essentiel du massifde Tibesti au Nord de
Bardai à l'Italie. En sens inverse,le mémorandum françaisdu II mars 1948

et l'aide-mémoire du 10 mai 1948 proposèrent de fixer la frontière au
Tropique du Cancer entre le 12 èmeet le 20 ème degréde longitude avec
pour conséquence l'intégratiodne la régionde Toummo et de l'ensembledu
massif du Tibesti en Afrique équatoriale française, conformément d'ailleurs
aux voeux traditionnelsde la France(v. infro,chap. IV, Section1)Ces deux
tentatives firent long feu. L'accord Laval-Mussolini n'entrapas en vigueur
faute d'échangede ratifications. Lesquatre puissances, en 1948,ne reprirent

pas à leur compte la rectification demandée parle gouvemement français.La
frontière restadonc fixée parles accords internationaux cités dans l'anne1e
du traité du10 août 1955 avec l'arbitraire qui s'attacheà la définitionde
nombreuses frontièresde par le monde, notamment les frontières coloniales
et les frontières traversant une zone désertique.

II. La Libye renonce à seprévaloir
de l'accord Laval-Mussolini du 7janvier 1935

80. L'accord Laval-Mussolini avait pour objet de rectifier la
frontière méridionale de la Libye au profit de l'Italie en application de
l'article 13du Traité secretdu 26 avril 1915(cf.infra chapitre VII). L'article

13 du Traité secret reçut un commencement d'exécution avec l'accord
Pichon- Bonin du 12 septembre 1919 dans le secteur compris entre
Ghadamèset Toummo. Mais il fallut attendre le Traité deRome du 7janvier
1935pour que l'Italie obtienne la compensation prévueconceme la frontière
méridionalede la Libye.

81. Très logiquement,le Traité deRome du 7 janvier 1935nefigura pas parmi les accords internationaux communiquéspar la France en
application duTraitéde paix du 10 février1947 comme devant faire droit
entre les deux Parties. On notera au demeurant qu'aucundes accords franco-
italiens relatifs aux frontièresdes anciennes colonies italiennesne figure sur

cette liste, la France espérant encàcette date obtenir au titre du Traitéde
Paix des avantages territoriaux substantiels dans le règlement international
de la question du son de ces territoires (cfJ.O.R. LoFi..t décrets, 14
novembre 1948,annexe, sur la position française,cf. note no451 du 18avril
1950, annexe 221). Au surplus, I'ltalie avait, par l'article23 du Traitéde
Paix, expressément renoncé àses prétentions territorien Afrique (annexe
13et Production 2) et l'annexe XI permettait aux quatre puissances de

procéder àdes ajustements frontaliers(cf annexe 13et Production 2).

82. De son côté,le Traitéd'amitiéet de bon voisinage du 10
août 1955ne cite pas davantage I'accordLaval-Mussolini.La liste des actes
internationaux en vigueurà la date de la constitution du Royaume Uni de
Libye est dressée avec soin comme en témoigne la correspondance
diplomatique échangée entre les Parties. L'hypothèsed'une omissiondu côté

libyen doit êtreexclue.

83. La Libye s'enquiten effet auprèsde I'ltaliede I'existence
d'actes internationauxétablissantla frontièreavecle Tchad. Elle dépêaon
Ministre des Finances,Aleizi,àRome pour obtenir du gouvernement italien
des éclaircissements sur les accords de Rome du 7 janvier 1935. Le

gouvernement italien fit parveniàson ambassade à Tripoli la photographie
des accords en question en lui donnantinstmction de préciserque par suite
de l'absence d'échangede ratifications ceux-ci n'étaientjamais entrésen
vigueur. (annexe 258).

84. Au demeurant, le gouvernement libyen s'entoura de

conseils aviséslors de la négociationdu Traitédu 10août 1955.11tintàses
côtésdes experts suisses qui l'aidèreàfinaliser le texte.Le gouvernement
du Royaume-Uni, de son côté,suivit de prèsla négociationavec une équipe
de juristes éminentset, compte tenu des rapports trèsétroits entretenuà
cette époque entre Londres etTripoli, il n'auraitpas manquéde souligner le
point s'ilavait estiméque les accordsLaval-Mussoliniétaientapplicables.

85. Enfin les autorités françaisesmultiplièrentles déclarations
sur I'inapplicabilitédes accords Laval-Mussolini, notamment devant le
Parlement français.Dèsle 16mars 1950,Dronneprécisalors de la séancedu
Conseilde la République :
" Enfin, il reste une question accessoire : celles des 200 et
quelques mille (sic)kilomètres carrésde territoires sahariens,
situéssur les glacis Nord-Ouest, Nord et Nord-Est duTibesti, que

nous avons cédés à I'ltalieen 1935en vertu des accords Laval-
Mussolini. Cette cession n'ajamais étéréalien fait, elle n'anon
plus, jamais étéapprouvéepar le Parlement français;elle apparait
donc comme nulle. l'aimerais cependant que le Gouvernement nous apportât quelques précisionsà ce sujet."

86. Robert Schuman, Ministredes affaires étrangkres,affirma
ensuite au coursde la même séance :
"Je peux affirmer ici que le gouvernement défend la même
position que M. Dronne et considèreque l'accordsignéen 1935,
n'ayant pasétératifié et n'ayant jamais été mis b exécution, est
devenu inexistant. D'ailleurs, en fait, aucune tentativen'aété faite
pour incorporer les territoires en question et les soumettre à

I'autoritéitalienne(Aoolaudissements)".
(J.O.R.F., Débats, Conseilde la Réoubliaue, Séancedu 16mars 1950
p. 862).

87. Durant la procédurede ratification du Traitédu 10 août
1955, le gouvernement français explicita sa position dans l'exposédes
motifs :

"Certains problèmes frontaliers nés deI'imprécisiondes textes
internationaux qui régissent la matière ont térésolus parl'Article
3 du Traité...Par le même article,la Libye renonce à se prévaloir
des accords conclus en 1935 entre MM. Laval et Mussolini et
accordant à l'Italie la partie septentrionale du Tibesti, tandis
qu'une procédure d'arbitrage est instituéde'uncommun accord en
vue de trancher des difficultés qui pourraient s'élever au courdses
opérations d'abornement."

(J.O.R.F. D,ocuments oarlementaires, Assemblée Nationale, annexeno 3212
à la séancedu 13novembre 1956,p.426).

88. Cette position fut affirmée par aur au ri c Faure,
Secrétaired'Ela1aux Affaires étrangères,tant devant I'AssembléeNationale
(J.O.R.F., Débats, Assemblée nationale, Ières6ance du 22 novembre 1956,
p. 5025).que devant le Conseilde la République.II s'exprima ainsi:

"Je prétends que sur ce point, si important, de la fixation de la
frontière,le Traité nous apporte d'abordun apaisement, ensuite un
espoir .... Apaisement aussi en ce sens que le Traité stipule
l'abandondéfinitifpar la Libye des prétentionsqu'à l'époquede
Mussolini, et envertu des accords signés avec Pierre Laval,ltalie
avait pu faire valoir sur la régiondu Tibesti."
(J.O.R.F., Débats, Conseilde la Réoubliaue,Séancedu 29 novembre 1956,
p. 2365)

89. Or le gouvernement libyen suivait avec attention les
déclarations faites par le gouvernement français devant le parlement. M.
Balay rapportait ainsi, de Tripoli,à la veille du débat parlementaire les
commentaires du Premier Ministre Ben Halim au sujet des négociations
relatives I'accordcomplémentairedu 26 décembre 1956 :
"II nous a expriméle regret de ne pouvoir s'engagerdavantage.

Devant tenir compte de son opinion publique et des critiques
formuléescontre sa politique pro-occidentale, il souhaite que le
Gouvernement français, au cours des discussions à I'Assemblée Nationale sur la ratificationdu Traité,se boràefaire étatde ces
assurances d'ordre (général)I.I pourrait en êtredifféremment au
cours d'une délibératioà huis-closde la Commission des Affaires
étrangères."

(Télégramme n0551/53du 20 novembre 1956,annexe280).

90. Nul doute que , surveillant avec soin les propos du
gouvernement français,Ben Halim eût relevé toute déclarationqui lui aurait
paru contraire au traitéde 1955et n'eutprotestés'ilavait nourri le moindre
doute quant àI'inapplicabilide l'accordLaval-Mussolini età la délimitation

de la frontière du Tibesti.

III.La Libye ne conteste pas la frontière définiepar les instruments
citésen référencelors de son accession à l'indépendance

91. La discussion sur les frontières libyennes (cf.supra
Section 3) concerna en particulier la portion de la frontière compriseentre
Toummo et la frontière soudanaise. Le gouvernement libyen ne pouvait pas
ignorer ce débatau moment où ilnégociale Traité du10août 1955.

A- Le débatdes quatre puissances et l'aide-mémoirefranqais
du 10mai 1948

92. Le II mars 1948, René Massigli, Représentant de la
France au Conseil des Ministres des Affaires étrangères (suppléants),
transmit un mémorandum dans lequelle gouvernement français demanda à
la commission d'enquête envoyée en Libye d'examiner le problème de la
frontière libyenne dans les secteurs de Ghadamès. de Ghât, de Toummo,

ainsi que dans l'angle Nord-Est du massif du Tibesti. Le gouvernement
français demanda A la Commission d'enquête d'examiner la possibilité d'une
révisionde la frontière dansces secteurs, ceci dans'intérdtes populations
locales (annexe 211).La demande française fut examinée par les suppléants
le 22 mars. Elle recueillit l'accord des délégués anglaiset américains,
cependantquele délégué soviétique demanda à êtrerenseigné en détail sur la
nature et l'importance des ajustements de frontières proposés. Le

gouvernement français transmit unaide-mémoirele 10mai 1948par lequelil
justifia sa demande de rectification de frontière. S'agissantde la frontière
méridionalede la Libye, la note française préc:sa
"Deux points intéressent la France. Ce sont de l'Ouest à l'Est
Toummo et la corneNord-Est duTibesti.
En proposantde fixer au Tropiquedu Cancer,entre le 12èmeet le
20 ème degré deLongitude, la limite méridionaledu Fezzan, ce
qui revientà rattacher la régionde Toummo à I'A.0.F. et la corne

Nord-Est du Tibesti àI'A.E.F.,La France se préoccupe d'assurer,
au Mnéficedes populations indigènes,le regroupement des tribus
nomades (Teppous, Touaregs,Ajers et Hoggars) dont les terrains
de parcours étaientjusqu'icicoup-par la ligne frontière. Le nouveau tracéaurait I'avantage d'évitedr'innombrables conflits
préjudiciables au maintien de l'ordre, d'assurer la fusion des

Touaregs, Ajjers et Hoggars, de mettre finà la division séculaire
et d'augurer uneèrede paix dans le Saharaoriental."
(annexe212)
Letexte Britanniquede la note,plus complet, ajoute laprécisionsuivante :
"B. SecteurNord-Est duTibesti.
"La France souhaite aussi fixer la limite septentrionale de
l'Afrique Equatoriale Française au Tropique du Cancer jusqu'au

20 èmedegréde longitude. Cette ligne présenterait I'avantage de
ne pas couper le parcours de migration des tribus toubous
originaires de Toummo et du Borkou en Afrique Equatoriale
Française qui utilisent les pâturages du Secteur Nord-Est du
Tibesti.
En conclusion, il convient de rappeler que la frontière méridionale
de la Libye, de Toummo au Soudan Anglo-Egyptien, fut définie

par la convention franco-britannique du 21 mars 1899et
confirméepar l'accord franco-italien du ler novembre 1902
( accord Prinetti-Badre). Les accords du 7 janvier 1935auraient
permis à1'Italiede prendre pied sur les sommets du Tibesti. Ces
accords, qui n'entrèrentjamais en vigueur, furent annulésle 17
décembre1938."2(annexe 212).

Le Ministère britannique des Affaires étrangèresse fit établirun croquis
illustrant lesdemandes françaises (Production249 -cf. supra 11'22).

93. On connaît la réaction britannique à l'aide-mémoire
français. Elle fut favorable la demande française relative hla frontièredu
Tibesti. L'UnitedKinedom DeleaationBrief nO11 précisa(paragraphe 7)que

la demande françaiseétait raisonnable:
"7. En ce qui concerne le point (c), la France présente une
demande raisonnable. La frontière de 1935 passe au milieu du
Tibesti, d'une superficie comparable à celle de la Suisse et
comprenant de nombreux sommets de plus de 3000 mètres
d'altitude. La pluie, qui tombe toutes les cinq à sept années,
permet à quelques indigenes toubbous de survivre avec leurs

chèvres et moutons.Le guide publiépar le Touring-club italien
préciseque la plupart des informations disponibles sur le secteur
proviennent de l'expédition Nachtigal de 1865-1866 et de la
mission française Tilho de 1915. Le secteur a fait l'objet d'un
relevé aérien par Balbo. L'administration de vastes zones
désertiquestelles que celle-ci est nécessairementréduità sa plus
simple expression. Toummo, l'autre lieu- dit mentionné parla

France, consiste en cinq petits puits situés dans une grotte des Monts Toummo, à quelques deux cents mètresau- dessus de la
plaine. Son importance résultedu fait qu'il s'agitdu seul point
d'eau dans un vaste espace désertique. II n'y apas d'habitants

permanents "3

94. Il semble toutefois que le gouvernement françaisn'aitpas

poursuivi davantage sa demande de rectification de frontières. Les
suppléants des Ministres des Affaires étrangèresne reprirent pas I'aide-
mémoire français, en raison notamment de l'opposition de la délégation
soviétique à tout ajustementde frontièrequiremettraiten cause les frontières

de la Libye existant au 1er janvier 1934.Les suppléants britanniques etdes
Etats-Unis d'Amérique n'ayant pas reprd ie leur côté la demande française.
les recommandations des suppléantsdes quatres puissances n'en firent pas
état.

B-L'erreur introduite dans le mémorandum
du Secrétariat de I'0.N.U.du 27janvier 1950

95. Le dossier des frontières libyennes fut transmis à la
Commission intérimairede l'Assembléegénérale qud iemanda au Secrétariat

de I'0.N.U de procéder à une étudesur le sujet. Le Secrétariatrecensa les
accords internationaux existants en ce qui concerne les frontières des
anciennes colonies italiennes. II nota, s'agissantde la frontière Sud-Estde la
Libye (avec l'Afrique occidentale française et l'Afrique équatorialefran-

,;aise):
" Cette frontièrea étéfixéepar ce que qu'onappelle raccord de
Rome du 7 janvier 1935, conclu entre la France et l'Italie.
Néanmoins, le délégatiofn rançaise, dans une note relative à une
carte jointe au rappon de la Commission d'enquêtedes quatres

puissances sur la Libye, a fait observer que cet Accord, n'ayant
pas étératifié,n'étaitjamais entréen vigueur, et qu'enoutre, le

-Traductiode lReoubliaucduTcha-Tcxls ari~:'7.Withreavdsto(clthFrenc hm 10have Gouvernement italien l'avait dénoncé en 1938. D'aprèscette note
française, la frontière en question estdonc toujours définiepar le

protocole franco-italien pourla délimitationde la frontièreentre la
Libye d'une part et l'Afrique Occidentale Françaised'autre part,
qui a étésignéle 10janvier 1924et qui reste en vigueur.Le texte
de ce protocole ne se trouve dans aucun recueil de traités etson
existence n'est mentionnée dans aucun ouvrage classique de
référencesni dans aucun article relatif à la Libye. Néanmoins,le

Recueil généralde Traités de Martens donne le texte d'un
protocole franco-britannique du 10janvier 1924, qui détermine
cette frontièreentre l'AfriqueEquatoriale Françaiseet l&m&x~."
(annexe 309)

Le Secrétariat conclut:

"a) Frontière méridionale dela Libve avec I'Afriaue Occidentale
Francaise et I'AfriaueEauatonale Française
On ne sait pas exactement dans quelle mesure cette frontière a été

délimitée. La Commission intérimaire aura besoin de
renseignements complémentaires pour pouvoir déterminer si la
frontière est fixée, au sens de la résolution de l'Assemblée
générale et, dans la négative, pour étudier la procédure de
délimitation."
(annexe 309)

96. Enfin le Secrétariat ajouta à son étude un croquis des
frontières libyennes indiquant en pointillés et avedes points d'interrogation
la frontière entre Toummo et la frontière soudanaise (cf. page suivante
croquis annexé au mémorandum AIAC. 181103du 27janvier 1950).
~ ~

97. L'originede l'erreurdu Secrétariat, qui semblaconsidérer
I'accord Laval-Mussolini du7janvier 1935comme applicable, se trouve sans
doute dans le fond de cartes utilisées par la Commission d'enquêtedes
quatres puissances dans les anciennes colonies italiennes (volume3, rapport

sur la Libye). Le volume 3 contient une carte annexée qui est une
reproduction de la carte britannique, elle-même reprise de la carte imprimée
par le Ministère italiendes Colonies en 1937.
La frontière indiquée sur lacane suit donc logiquement la lignede I'accord
Laval-Mussolini, La délégation françaisesemble avoir produit une carte
imprimée par le gouvernement fédéralde l'Algérieen février 1948 qui

comprend la frontière internationale jusqu'au Tropique du Cancer, puis
jusqu'au 18èmedegréde longitude. La délégation française précis e
"Notede la dkléeationfrancaise
" La frontièreportéesur la cane imprimée parle gouvernement
générad l e l'Algérie est en accord avecle protocole franco-italien
pour la délimitation de la frontière entre la Libye d'une part,
l'AfriqueOccidentale Française et l'Afrique Equatoriale Française

d'autrepart. signéle 10janvier 1924et qui est toujours en vigueur.. LIBYA:SKETCHMAP OF FRONTIERS 11 " La frontière portée sur la carte d'état-major britannique est
fondée surl'accordconclu par le gouvernement français avec le
gouvernement italien le 7 janvier 1935. Cet accord n'est jamais

entré en vigueur car il n'a jamais étératifié et a étédénoncé
formellementpar le gouvernementitalien en 1938." 4(annexe214).

98. Le SecrétariatdesNations Unies adopta le mode ironique
pour faire référenceà cette prise de position. Cette approximation fâcheuse

est en contradiction flagrante avec la note du 10 mai 1948qui se réièretrès
correctement à la déclaration franco-britannique du 21 mars 1899 et à
l'échange de lettresfranco-italieme du 1er novembre 1902,mais ne cite pas
le "protocole franco-italien du 10janvier 1924"pour la bonne raison que

celui-ci n'existepas !.

C -La confirmation de la frontiere internationale
par lestravaux de I'0.N.U

99. Le gouvernement français ne tarda pas à rectifier l'erreur
commise par la délégationfrançaise à la conférence des suppléants des

quatre puissances. Dès le 26 janvier 1950, l'ambassadeur représentant la
France àl'0.N.U. M. Chauvel, transmit la demande du Cabinet du Secrétaire
généraldes Nations unies au sujet du soi-disant protocole franco-italien du

10janvier 1924(annexe 217). Le 11février 1950,Parodi précisa à l'intention
& la délégation française à 1'O.N.Uque les accords de Rome du 7 janvier
1935n'étaient jamaisentrésen vigueur et qu'il convenaitdonc de se reporter

à la déclarationdu 21 mars 1899, à l'accordfranco-italien du 1er novembre
1902et à la déclaration additionnelledu 8 septembre 1919.Il ajouta que le
protocole du 21 janvier 1924 n'est pasun texte franco-italien mais un texte
franco-britannique (annexe 220). L'interprétation fut prkciséedans le projet

d'instructions pour la délégation-française à I'0.N.U. en date du 16 avril
1950 (annexe 221). Le Ministre des Affaires étrangères donna donc
instructions à l'ambassadeur Chauvel par lettre 463 du 16juin 1950qui fit

rectifier le texte du mémorandumdu Secrétariat générall,a mise au point
ayantsimplement du reste pour objet de préciserquels sont les arrangements
internationaux fixant cette section de la frontière. (annexe222)

100. Le Ministre des Affaires étrangères,Roben Schuman, eut

l'occasion de préciser devant le Conseil de la République, l'interprétation
française face à la déclarationdu 16 mars 1950(J.O.R.F. débats,Conseil de
la Ré~ubliaue,Séancedu 16mars 1950, p. 862,cité supra)

-Traductiond1sRCpubliqusduTchad.Texte ori:"nal I : ïhcmnticr
shownon themapprintsdbytheCouucrnemcngiCnl Sd A Y Franc-llalian
ma01 forVrdelimirationthc boundarybeiuLibyaon thone handandFrenchWsrrAfricand
FrenchEquatorialAfrica. o0th-ehmd. whichwassigned on the Ihh of January 1924and which
"niefmnticrshownon theBtitishordnana mapir bascdon an agrrcmcntconcludsdbetwcenthe French
GovcmmîntandthcItdianGovernmetnJanuar7th .935. Thissgrecnsvcrcameinmfarceaswas
neverratifiedwarfomally denouncedbytheIlGovcrnmcntin 1938". 101. Conformément aux instructions, le Représentant de la
France à la Commission politique spéciale de I'Assemblke généraledes
Nations Unies intervient le 13 décembre 1950 à la 81 &mesession en ces

termes:
"5 129 - M. Naudy désire enfin rectifierune erreur qui paraît s'être
glissée dans le document A/AC.18/103, en date du 27 janvier
1950, au paragraphe c de la Section II, intitulée"FrontièreSud-

Est (avec l'AfriqueOccidentale Française et l'AfriqueEquatoriale
Française)" II est bien exact que les dispositions de l'Accord
franco-italien du 7 janvier 1935. fixant la frontière de la Libye
avec l'Afrique Occidentale française (depuis Toummo) et avec

l'AfriqueEquatoriale française ne sont jamais entréesen vigueur,
étantdonnéque cet accord n'a pas étératifiéet qu'en outre, le
Gouvernementitalienl'avaitdénoncé le 27décembre 1938.
"5 130- Dans ces conditions, il convient de se référeraux
stipulations antérieures fixant cette partie de la frontière. Ces

dispositions sont celles de l'Accord franco-italien du 1 er
novembre 1902, puisque l'Accord du 12 septembre 1919 ne
concernait que la frontière entre Ghadamès et Toummo. Aux
termes de l'accord de 1902, la frontière dont il s'agit était la

frontière de la Tripolitaine indiquée par la carte annexée à la
déclarationdu 21 mars 1899, additionnelle a étécomplétée par
une convention franco-britanniquedu 21 janvier 1924 relative à
un protocole du 10 janvier de la mêmeannée. C'est donc
l'ensemble des textes qui viennent d'être cités qui règle

actuellement lamatière."
(annexe325).

102. La déclaration françaisene fut contestéepar aucune autre
délégationI.Iétait donc acquisque la frontière internationale étaibtien celle
fixéepar les textes citéspar M. Naudy etnon celle prévue par l'accord Laval-
Mussolini du 7 janvier 1935. C'est ce que M.Chauvel put préciser par

télégramme du 14décembre1950 àson ministre(annexe 223).

103. Les erreurs administratives ont cependant la vie dure. Le

rapport annuel pour 1950 dû au Commissaire des Nations Unies en Libye
comprend une cane qui reprend la ligne Laval-Mussolini, sans doutecopiée
sur la cane des quatres puissances de 1948. Certes, la carte comprenait la
précision suivant laquelle:
"Les frontières portées sur la carte n'impliquent pas une

reconnaissance ou une acceptation officielle par les Nations
Unies"
(annexe 324)5

5- FormuleofficicllederNaUnie:leicrtc anglaisdecemeforrpon6surlcanepmduiiestle
"nevboudvics show onIhcmapdono, imofficendonementorsrceptabyIhcUnitedNations." 104. Néanmoins,le gouvernement français estima nécessairede
préciser la situation. En tant que puissance administrante du Fezzan, il
transmit un rapport particulier sur le Fezzan dans lequel il indiqua la
frontière internationale correcte, corrigeant ainsi l'erreur commise par le
Haut Commissaire en Libye (annexe324) . L'observationporta sans doute .

puisque le second rapport annuel du Haut Commissairedes Nations Unies en
Libye ne comprend pas de carte, alors que le rapport annuel du
gouvernement français sur l'administration du Fezzan comprend toujours la
mêmecarte avec la frontière internationale correcte. On notera que le
gouvernement britannique, autre puissance administrante, n'attache pasde
carte ses rapports annuels.

105. La portéedu débat devant1'O.N.Uest très significative.
L'Organisation des Nations Unies aurait pu ignorer, sinon la question des
frontières qui lui avait étérenvoyée explicitement, du moins la question
particulière de la frontière meridionale de la Libye. Or du fait de l'erreur
commise par la délégation françaiseen marge de la carte transmise par les
quatre puissances, la question de la frontière du Tibesti, soulevée puis
abandonnéelors du débatdes quatre puissances, revint à l'avant scène.Le
Secrétariat des Nations Unies. dans son mémorandum, indique très

précisément son hésitation touchant la frontière méridionalela Libye et la
carte jointe marque en pointillés ce secteur comme étant un secteur
contentieux. Les débats qui eurent lieu ensuiàela commission intérimaire
de 1'Assembléegénéralepermirent à la France de rectifier I'erseur et de
souligner quels sont les textes internationaux quà,son avis, délimitent la
frontièreentre la Libye et l'Afrique équatoriale française d'alo.a Libye
indépendantese trouva donc dûment avertiedu problème qui pourrait exister
sur sa frontièreméridionale.Si elle estimait que cette frontière n'étaitpas
suffisamment délimitéepar les textes invoqués par la France, si elle ne

considérait pas la réponse française à l'interrogation exprimée par le
Secrétariat des Nations Unies dans le mémorandum du 27 janvier 1950
comme satisfaisante, elle avait incontestablement l'obligation de réagiret,
dans la négociation qui s'ouvraitavec la France au sujet des frontièresde la
Libye avec les possessions françaises,de faire valoir ses droits. Elle ne peut
alléguer par la suite l'ignoranceou une omission alors que cette portion de
frontière avait fait l'objet de tant d'attention ausein de l'organisation des
Nations Unies.

IV -La Libye confirme lafrontière internationaleà l'occasion
de l'incident d'Aozou du 28février 1955

106. L'incident d'Aozou du 28 février 1955, sur lequel la
Républiquedu Tchad reviendra plus longuement ci-après (v.infroChapitre

V, Section 2, II) intervienà un moment cmcial, en pleine négociation du
traitéfranco-libyen d'amitiéet de bon voisinage. Des négociations furent
engagéesdébutjanvier à Paris par le Président du Conseil, Pierre Mendès
France, et le premier Ministre, Ben Halim. La question des frontières fut
soulevée tant par Mendès France que par Ben Halim et renvoyée enattendant la documentation complémentaire.La partie libyenne savait donc
parfaitement bien, comme la Partie française, que le problème de la
souverainetétemtoriale serait un élément importandte la négociation. Dans

ces conditions, l'incident de la frontière d'Aozou prend un caractère
déterminant d'autantque les deux Parties lui donnent cette signification.La
tentative libyenne d'affirmersa souverainetétemtoriale sur I'oasisd'Aozou,
la vigoureuse réponsefrançaise et l'absence de réaction libyenne,doublee
des excuses présentées palre Représentantdes Nations Unies, constituentun
ensemble d'éléments qui éclairent l'intentions deux Parties en négociation

sur le problèmede la souverainetétemtoriale sur Aozou.

107. Dks le 18 janvier 1955, le Ministère des Affaires
étrangères avertitle ministre de France à Tripoli d'une information selon
laquelle une patrouille méharistede dix policiers libyens partiede Rebiana,
110km à I'ouestde Koufra, se dirigerait vers Aozou.Le Ministèredemanda

au Ministre de France à Tripoli d'attirer I'attentiondu gouvernement libyen
sur la définition de la frontière entre la Libye et l'Afrique équatoriale
française et sur la souveraineté française exercée sur le poste d'Aozou
(annexe 247). Le ministre de France à Tripoli confirma le 15 février 1955
que les autorités de Cyrénaïque s'apprêtaient à envoyer une mission
comprenant entre autres un médecinet un recenseur dans I'oasisd'Aozouet
demanda au Ministre de la France d'outre-mer de faire prendre des mesures

d'urgence afin d'affirmer la présencefrançaiseà Aozou (annexe 248). De
fait, le 28 février,un groupe de trois jeeps transportant dix-neuf personnes
dont un officier, un caporal et onze soldat libyens, fut arrêtépar un
détachement français àdix kilomètresau nord d'Aozou,c'est-à-direàquatre-
vingts kilomètres de la frontière franco-libyenne. Le sous officier
commandant la patrouille française invitale chef de la mission libyeànse
rendre au poste d'Aozou après avoir désarméeune des jeeps, les autres

voitures demeurant sur place sous gardede soldats français. Le commandant
du détachement libyen fit connaître sa mission qui était de recenser la
population d'Aozou et de la faire visiter médicalement. Le chef de poste
d'Aozou l'invitaà rejoindre la frontière,ce qu'il fit aussitôt après avoirété
reconduit àMoya d'où les trois véhiculesdu convoi regagnèrentle temtoire
libyen.

108. Les autorités françaises, dûment prévenues, réagirenten
affirmant nettement la souverainetéfrançaise. Sur le terrain, les militaires
français reconduisent la mission libyennà la frontière. Diplomatiquement.
l'Ambassadede France réagit en envoyantdès le 4 mars 1955 une note de
protestation au gouvernement libyen (annexe 251). L'affairen'enresta pas là.
Le Ministre de la France d'outre-mer insista pour que le gouvernement

français émetteune protestation vigoureuse àplusieurs reprises (v.annexes
252-254 et les réponses du Ministredes Affaires étrangères,annexes 256,
257, 259). De son côté, M. Spence, Représentant des Nations Unies en
Libye, précisa au ministre de France à Tripoli qu'il avait effectivement
autoriséM. Shanawani, spécialiste des questions de recensement, àfaire
partie de la mission libyenne pour procéder aux opératise dénombrement
de la populationà Aozou. Le ministre de France précisa danssa dépêchedu

10mars 1955 : " Mon interlocuteur, qui a approuvé notre attitude dans cette
affaire, m'aexpriméses regrets d'avoir mêlé un de ses agents à
une pareille entrepris".

(annexe 253)

109. Le ministre de France àTripoli, M.Dumarçay, revint assez
longuement sur l'incident dans une dépêch deu 20 mars 1955ou il explique
la présence de M. Shanawani par la concurrence entre Cyrénaïque et
Tripolitaine quant au poids démographique respectif des deux régiond sans

le Royaume Uni de Libye (annexe 255). L'incident fut évoqué devantle
Parlement Français par une question écritede M. Jacques Bardoux en date
du 24 mai 1955.M. Bardoux présentant une version très exagéré des faits,
mêlantles militaires britanniquesà tortàl'incident,le Ministre des Affaires
étrangèresdans sa réponse rétablit lefaitsà leur juste proportion. L'attaché
militaire français, le lieutenant-colonel de Seze, complète l'information par
une étudesur l'occupation du poste d'Aozou en datedu 31 mai 1955(annexe

262). Le lieutenant colonelde Seze participa du restàla négociation ultime
conduisant à la conclusion du Traité du 10 août 1955. De son côté, le
gouvernement britannique intervint auprès du gouvernement libyen pour
attirer son attention sur la gravité detoute répétitionde la tentative du 28
février 1955 sur Aozou. Le Ministre de France à Tripoli, M. Dumarçay,
indiqua à ce propos qu'il avait soulevé la question auprès du Premier
Ministre Ben Halim, qui confirma ladémarchedel'Ambassadeur britannique

Graham en précisant "que songouvernement n'avait nullement l'intentionde
rouvrir la question d'Aozou,puisqu'ilreconnaissait que ce village se trouvait
en territoire français" (annexe 262). Une nouvelle rumeur relative à une
incursion lybienne projetée fut transmise par l'Ambassade de France à
Tripoli le 12juillet mais l'information serévèlasans consistance (annexe
267). Enfin, le ministre de France à Tripoli transmit au Ministère des
Affaires étrangèresle 16 septembre 1955le rapport confidentiel du docteur

Shanawani sur I'expéditiond'Aozou. rapporqtui confirme le récit fait par les
autorités françaisesàl'époque.Son rapport révèle l'incroyable "incurie" qui
présida aux préparatifse l'expédition.Ledocteur Shanawani note, s'agissant
plus précisémend t e l'arrivéà Aozou, que le caporal français accompagné
de trois soldats africains et de quatre chameaux, avait été dépêchàl'avant
poste afin d'intercepter la mission libyenne. (annexe272).

110. Un premier élémentmarquant de cette affaire, tient aux
excuses présentées formellement par M. Spence, Représentantdes Nations
Uniesen Libye, le 10mars 1955(annexe253)

111. La reconnaissance formelle parle Premier Minisûe libyen,

Ben Halim. de la souveraineté françaisesur Aozou dans des entretiens tant
avec l'ambassadeur du Royaume-Uni, M. Graham,que ceux avec le ministre
de France en Libye, M. Dumarcay est également remarquable.M.Dumarçay
rendit ainsi comptede son entretien avecBen Halim, le 28juin 1955 : " Le Président du Conseil auquel j'avais donné un sérieux
avertissement à ce sujet m'aconfirméla démarchede M. Graham
en précisantque son gouvernement n'avait nullement I'intentide

rouvrir la question d'Aozou puisqu'il reconnaissaitque ce village
se trouvait en territoire français.
IIm'apromis égalementde notifier cette position au Commandant
des forces de sécurité de Cyrénaïque et aux autorités civiles de
cette région."
(annexe 264)

112. L'incident d'Aozou du 28 février 1955 apparait ainsi
comme une reconnaissance explicite par la Libye de la souveraineté
française sur Aozou. Si la Libye avait entendu manifester sa souveraineté
propre sur la région,elle n'aurait pas manquéde protester vigoureusement
auprèsde la France contre la présence militaire françaiàeAozou et contre
le renvoi du détachement militaire qu'elle avait elle-même expédié pour
accompagner le docteur Shanawati. En renonçant au recensement de la

population d'Aozou, en acceptantde retirer ses fonctionnaires civils et son
détachement militaire, en s'abstenant de toute protestation auprès des
autorités françaiseà ce sujet, en marquant au contraire par la voix de son
Premier Ministre qu'elle ne contestait pas la souveraineté française sur le
village d'Aozou, la Libye a acquiescé à l'exercice de la souveraineté
territoriale française alors mêmeque se déroulait la négociation conduisant
au Traitédu 10 août 1955 fixant les frontières de la Libye avec I'Afnque
équatoriale française.

113. Quelques mois plus tard età propos d'unautre incident de
frontière, le gouvernement libyen a un comportement tout différent. Une
mission libyenne parcourt le secteur Hassi el Mislane-Edjeléen mars 1956.
Elle est arrêtépar un sous-officier français qui la prie de se retiràr30
kilomètres de là. Sitôt l'information connue, le Premier Ministre libyen
convoque le ministre de France à Tripoli pour lui faire part "avec une

certaine émotion',deI'incidentet demande la constitution d'une commission
d'abornement afinde soustraire i'affaireaux "passions populaires" (annexe
276). Le gouvernement français souscrità la requête libyenne (annexe 278).
ce qui permet de réglerla question par la suite (cf.infra 11'124).

114. A propos de I'incident d'Aozou, le gouvernement libyen

pouvait procéderde mêmes'ilnoumssait le moindre doute au sujetdu tracé
de la frontière.Or loin de protester contre'attitudedes militaires français,
loin de demander une précisionde la délimitationde la frontière,Ben Halim
recomait la souveraineté territorialede la France surle poste d'Aozou, àeci
quelques semainesde la conclusion duuaitédu 10août 1955.

V - La Libye confirme la frontière internationaleen toute connaissance

de causelors de la négociationultime dejuillet-août 1955

115. Les autorités libyennes ayant refusé le procès- verbalproposé parla France à la suite des entretiens MendèsFrance/Ben Halim de
janvier 1955. la négociation reprit, notammentsur les frontières, finjuillet et
débutaoût entre l'ambassadeur Dejean, dépêché de Pais pour conclure la

négociation,et le Premier Ministre Ben Halim. La définitiondes frontières,
on l'avu (voir supra no 57 et S.),fut incluse dans la négociation finale.Or
l'attitude libyenne confirma l'acceptation explicitede la frontière du Tibesti
telle qu'elle résultedes actes internationaux citésdans l'annexe auTraité
comme en témoignele récitde la séance du 26juillet1955.

116. Lors de la séance denégociation du 27 juillet 1955,des
officiers libyens produisirent une carte qui englobe dans la Libye une partie
du Tibesti. On peut supposerqu'ils'agitd'unedes nombreuses cartes dressées
après 1935 et reprenant la ligne prévuepar les accords Laval-Mussolini.
Cette production provoqua la réaction des négociateurs français et , le
lendemain, une mise au point par le Premier Ministre Ben Halim.
L'AmbassadeurDejeanrendit ainsi comptede l'incident :
"Le traité d'amitié réaffirme dansson préambulel'intention des

Parties de se "prêter mutuellement assistance et de coopérer
étroitement au maintiende la paix.
L'article3 maintient que les frontièressont celles qui résultentdes
actes internationaux en vigueur lors de la constitution du
Royaumede Libye. Alorsque des officiers libyens avaient produit
hier une carte qui englobait dans la Libye un (mot passé) du
Tibesti, M. Ben Halim a reconnu ce matin en séance que les
accords devraient leur être appliqués. Toute difficulté majeure est

ainsi exclue".
(Télégramme sansnumérodu 28 juillet 1955,annexe268)

117. Le Ministère des Affairesétrangkresput ensuite, dans une
note du 10septembre 1955, conclure à juste titre que "d'autre part ence qui
concerne le secteur allant de Toummo au Soudan anglo-égyptien, le

gouvernement libyen a renoncé à se prévaloir des accords Laval-Mussolini
du 7 janvier 1935, ce qui lèvetoute hypothèque libyenne sur le Nord du
Tibesti (annexe 271)

118. La négociation avait offertà la Partie libyenne l'occasion
de soulever explicitement la question de la frontière du Tibesti avec la
production par les officiers libyens de la carte qui leur étaitfavorable. La

réactiondes négociateurs français, immédiate, entraîna la mise au poindtu
Premier Ministre libyen reconnaissant la souveraineté française sur le
Tibesti. On ne sauraitêtreplus clair.

119. C'est d'ailleurs, semble t-il, lors de la négociationfinale
que la décision fut prisede substituerà une référence générale aux textes
internationaux en vigueur, une énumération limitative des actes
internationaux définissant la frontière. Confirmanlte projet de procès-verbal

du 5 mars 1955 (cf. annexe 342 et supra no 36), un tableau comparatif
retrouvédans les archives du Ministère françaisdes Affaires étrangères,ans
date, mais probablement dressé en août 1955, pour rendre compte auMinistre des résultatsde la négociation, précise la position libyenne ainsqiue
la position française en janvier 1955, à propos de la délimitation des

frontièresen ces termes :
"Engagement générad l e s'entenir aux stipulations généraledes
textes internationaux en vigueur à la date de créationde I'Etat
libyen."

120. En revanche, notant les dispositions admises par le Traité

du 10août, le tableau comparatif déclare:
"Lerèglementde cette question est précisé par l'articledu Traité
et par son annexe1.
a) énumérationlimitative des actes internationaux limitant les
frontières, excluant les accords Laval-Mussolini de 1935 (par
conséquent renonciation de la Libye à toute prétention sur le

Tibesti)
b) délimitationdu tracéde la frontièreentre le Ghât et Toummo
par la détermination de trois points essentiels demandés
instamment par l'Etat-Major français (Takharkhoun, col d'Anaï,
cote 1010)"(annexe 269)

121. On ne peut manquer de rapprocher l'incident d'Aozou du
28 février 1955 et les échangesdiplomatiques auxquels il donne lieu, la
production par les officiers libyens d'une carte incluant Aozou en territoire
libyens le 28 juillet 1955 lors de la négociation ultime. d'une part, la
reconnaissance répétée pa lr Premier Ministre, Ben Halim. aussi bien après
l'incident d'Aozou qu'après l'inciden dte la production de la carteibyenne,
de la souveraineté française sur Aozou, d'autre part, et la précision ainsi

apportéedans le texte final quant au tracéde la frontière.II semble 6vident
que, dans la phase ultime de la négociation, les négociateurs français
estimèrent nécessairede "mettre les points sur les i" et de substituerà une
vague référence générale aux actes internationaux en vigueur. une
énumération limitative des traités fixant la ligne frontière afin d'écarter toute
ambiguïté surla frontière du Tibesti.

122. Il convient enfin de gardeà l'espritque la Libye pouvaità
tout moment refuser de conclure le traité, voire d'échanger les ratifications.
S'agissant plus précisémend tes frontières, ilappartenait au gouvernement
libyen de constater le désaccord entreles Partieset de demander l'application
de la résolution392 (V) du 15décembre 1950prévoyan t

" Que la frontière de la Libye avec les territoires français, pour
autant qu'elle ne se trouve pas délimitée pardes arrangements
internationaux, soit délimitée, lors del'accession de la Libye à
l'indépendance, par la voiede négociationsentre le gouvernement
libyen et le gouvernement français aidésà la demandede l'uneou
l'autredes Parties, par une tierce personne choisie pareux, ou à
défaut d'accord, désignée plaerSecrétaire général"

(annexe 308) 123. En évitant de recourir à une telle procédure, le
gouvernement libyen marquait définitivementson accord quant aux résultats
de la procédurede délimitation prévuepar L'Assemblég eénéraledes Nations
Unies.

VI - La Libye ne remet pas en cause la frontière internationale du Tchad
à l'occasion de la réouverture de la question desfrontières en 1956.

124. La conclusion du Traité du 10 août 1955 ne régla pas
complètementle contentieux frontalierentre la France et la Libye. D'autres
questions furent soulevées aprèsla signature du Traitépar les deux Parties.

Du côté libyen, lePremier Ministre Ben Halim souleva avec le ministre de
France à Tripoli la question de l'abomement de la frontièredans le secteur
compris entre Inoharten et Zouirat afin de prévenir les difficultés qui
pourraient surgir entre les deux pays dans la régiondeEdjelé(annexe 276).
Le gouvemement français envisagea de répondre à cette demande et de
procéder avec la Libye à L'abomementde la frontière entre Ghadamès et
Ghât afin de préciser la ligne frontière entre l'Algérieet la Libye. Cette
demande aboutit à la convention du 26 décembre1956,conclue en parallèle
avec la ratification du Traitédu 10août 1955.

125. Si le gouvernement libyen avait souhaité rouvrir la
question du Tibesti, il n'auraitpas manquéde le fairà cette occasion: les
autorités françaises avaient manifesté par des déclarations répétéesleur
interprétation clairedu Traitédu 10août 1955,laissanà la France le Tibesti
du fait notamment de la renonciation par la Libye à invoquer les accords
Laval-Mussolini : la Libye pouvait lors de la négociation de l'accord
complémentairede 1956 faire réexaminer la question. Elle ne I'apas fait,

s'estimant donc satisfaite des dispositions du Traitédu 10 août 1955 et de
l'accord complémentaire.

VII.- Conclusion sur l'attitude des Parties lors de la négociation
du Traitédu 10août 1955.

126. Le texte du Traité est clair. Il n'a pas besoin d'être
interprété. L'article3 et I'annexe 1, renvoyant aux actes internationaux
considéréspar le Parties comme étanten vigueur àla date du 10août 1955,
définissent avec une précision suffisante aux yeux des Parties la ligne
frontièreentrele Royaume Unide Libye et l'Afriqueéquatorialefrançaise.Si
les Parties avaient souhaité êtreplus précises dans la définition de la
frontière,elles n'auraientpas manquéde le faire, comme elles l'ontfait sur
d'autres parties dela frontièredélimitées parle mêmeTraitédu 10août 1955
ainsi que par la Convention du 26 décembre1956. LaFrance et la Libye ont
de toute évidence considéré que l'article3 et l'annexe 1 répondaient à la

demande formuléepar l'organisation des Nations Unies et tendant à fixer
définitivement lesfrontièresdu Royaume Uni de Libye. 127. Letexte du Traitéprécise clairement la volonté manifestée
par les deux Parties tout au longde la négociation.La Libye a eu toutes les
occasions de s'exprimer sur la frontièredu Tibesti entre 1951 et 1956. En
particulier, lors de la négociationouverte en janvier 1955 par le Premier

Ministre libyen Ben Halim avec le Présidentdu Conseil français Mendès
France et fermée le 26 décembre 1956 par la conclusion de l'accord
complémentairesur les frontières avec l'Algérie,le gouvernement libyena eu
amplement le temps de faire valoir d'éventuelles prétentions. A plusieurs
reprises, son attention a étéexplicitement attirée sur la question de sa
frontière méridionaleA. chaque fois, les autorités libyennes sesont inclinées
devant la position française. Elles ont admisnon seulement que les accords
Laval-Mussolini n'avaient pas d'application, mais encore que la frontière

entre la Libye et l'Afrique équatoriale française étitien déterminée par les
actes internationaux en vigueur avant 1935,c'est à dire des conventions de
1899, 1902et 1919.Au demeurant, la référence générac lo,mme envisagée
initialement,confirme clairement la volontédes Parties au Traité.Le texte du
Traitéétantclair, il n'ya pas lieu de recourir aux travaux préparatoires. Mais
à titre subsidiaire, ceux-ci en confirmentle sens et sans ambiguïté.

128. Les circonstances générales précédant et entourant la
conclusion du Traitéconduisent à la même constatation. Dansle cadre du
processus de décolonisation,le Royaume Uni de Libye a menésa politique
comme il l'entendait.Il est parvenuà ses fins: libérerle territoire libyen de
toute présence militaire française; délimiter ses frontièredse manière stable
et suffisamment précise; instituer des relations de bon voisinage et de
coopération avec la France.

CONCLUSION DU CHAPITRE III

129. L'examen des dispositions du Traité d'amitib et de bon
voisinage du 10 août 1955 et des circonstances de sa conclusion permet de
faire les constatations suivantes

i) Le Traitéd'amitié etde bon voisinage du 10 août 1955,
conclu en bonne etdue forme suivant les règlesdu droit international public,
fait droit entre les Parties. Les clauses relatives à la délimitation des
frontières sont d'application permanente.

ii) Le Traité du10 août 1955a en particulier eu pour objetde
délimiter la frontière entre le Royaume Uni de Libye d'une part, les
possessions françaises en Afriqued'autrepart, en applicationde la résolution
392 (V) de l'Assemblée générad lee I'0.N.U. Les Parties se sont acquittées
de cette tâche, tantôt en se référant explicitement aux accords internationaux
délimitant la frontière, tantôt en précisant ces accords, là où le tracé
frontalier leur paraissait insuffisammentdélimité.

iii) Pour la portionde frontière allantde Toummo au Tropiquedu Cancer, puis à la frontière du Soudan, les parties ont considéré que le
renvoi aux accords internationaux conclus par la France avec la Grande-
Bretagne en 1898, 1899 et 1919 ainsi qu'avec l'Italieen 1902 délimitaitla

frontièrede manière satisfaisante.

iv) Si le Royaume Uni de Libye avait entendu contester ce
tracé, ilen aurait eu amplement l'occasionau cours d'une négociationoù son
attention a été attirée sursa frontière méridionale à plusieurs reprises. En

acceptant néanmoinsle tracé dela fronti6re décritpar les insmments cités
en références -et ceci en toute connaissance de cause, la Libye s'est engagée
par le Traitédu 10 ao0t 1955 et se trouve aujourd'hui liéepar la frontière
ainsi délimitéeenapplicationdu principe pacta sunt Semanda CHAPITREIV

LESTEXTES INTERNATIONAUDXEREFERENCE 1. Aux termes de l'échange de lettres annexé au Traité

d'amitié et de bon voisinage du 10 août 1955, la France et la Libye
reconnaissent que les actes internationaux en vigueur à la date de la
constitution du Royaume Uni de Libye et définissantle tracéde la frontière
entre les deux payssont les textes suivants

"- la convention franco-britanniquedu 14juin 1898,

"-la déclaration additionnelle, du21 mars 1899, à la convention
précédente,
"-les accords franco-italiensdu 1er novembre 1902,
"- la convention entre la République française et la Sublime porte
du 12mai 1910,
"-la convention franco-britannique du8 septembre 1919,

"-l'arrangement franco-italiendu 12septembre 1919 "
(annexe 14)

2. Comme ceci est indiquédans le chapitre précédent,cet
accord constitue la consécrationexplicite de "l'utpossidetis de 1951", date

di l'indépendancedëlCLibye. Et il est intéressantde c6nStaterque, sauf en
ce qui concerne la portion de la frontikre comprise entre Ghât et Toummo,
indifférente pourle présent litige puisqu'il s'agidte la frontièreentre l'Algérie
et le Niger d'une part et la Libye d'autre part,les parties n'ontpas jugé utile
d'ajouter quelque précisionque ce soit aux instniments existants qu'elles ont
estimése suffue à eux-mêmes, et comporterdes indications permettant "de
procéder à l'abornementde la frontière partout oùce travail n'apas encore

6téeffectué et oùI'undes deux Gouvernements l'estimerait nécessaire"
(annexe 14)

3. En outre, en cette occasion, les deux Hautes Parties
Contractantes ont reconnu le tracé de la frontière résultant des accords

énumérés à l'annexe 1 dont la valeur obligatoire à l'égarddes Parties se
trouve ainsi confortée, quand bien même ils ont été conclusd par tiers.

4. A vrai dire, il n'en va ainsi pour aucun des accords
énumérés par l'annex1eau Traitédu 10 août 1955 : la France est partieà

chacun d'euxet tous sont opposables à la Libye en tant que successeur de
l'Italie.qui: -étaitpartie aux accordsdu I er novembre 1902et du 12septembre
1919(cederniern'ayanten l'occurrence,qu'une incidencelimitée),
- avait expressémentreconnu la limite convenue en 1898 et 1899

entre la France et laGrande-Bretagnepar l'accordde 1902,et
- accepté implicitement, la convention franco-britannique du 8
septembre 1919 qui, d'ailleurs, présentait, au moins partiellement, un
caractèreobjectif, la frontière ainsi confirméedélimitantpour une large part
les territoires respectifs d'une colonie française et d'unecolonie (ou d'une
zone d'influence) britannique.
Quant à la convention franco-turque du 12 mai 1910, elle concerne

exclusivement la délimitation des frontièresentre la Tunisie et laTripolitaine
et n'estdonc pas pertinenteen la présente espèce.

5. Evidemment obligatoire pour lesParties et pour le Tchad,
successeur de la France, le Traité de 1955 présente donc un caractère

doublement confirmatif : du tracé de la frontière résultant des accords
auxquels ilrenvoie et de l'opposabilitéde ceux-cià la Libye.

6. Le présent chapitre sera donc consacré à l'étudede la
Déclaration franco-britannique du 21 mars 1899, additionnelle à la
Convention du 14juin 1898 (Section 1).des accords franco-italiens du ler

novembre 1902 (Section 2), de la Convention franco-britannique du 8
septembre 1919(Section 3)et, bien qu'il aitune portéemoindredans le cadre
du présent litige, de l'arrangement franco-italien du 12 septembre 1919
(Section4).

SECTION 1
LA DECLARATION ADDITIONNELLE DE LONDRES
DU 21 MARS 1899

7. Dans le cadre du spectaculaire rapprochement intervenu
entre la France et la Grande-Bretagne à la fin du XIX &mesiècle,ces deux

puissances entreprirent de procéder au partage de leurs zone d'influence
respectivesen Afrique. Ce fut l'objet,successivement,de trois traité:
-Une Déclarationsignée àLondresle 5 août 1890(annexe 1).
-Une Conventionconclue àParis le 14juin 1898(annexe2), et
- Une Déclaration additionnelle àcelles-ci en date du 21 mars 1899(annexe
3) (v.supra chapitre 1,section 1.1).

8. Bien que les auteurs qui onttraitéde la question partent en
généraldu principe que la Déclarationde 1890constitue la première étape
du processus de délimitationde la frontière septentrionaledu Tchad (v. par
exemple : BOUGUETA1A.B. les frontières méridionales de I'Aleérie,
SNED, Alger, 1981 ;LANNE, B, "Histoire d'une frontière",L'Afriaue et
l'Asie modemes, no 154,automne 1987, p.3; PICHON, J., La auestion de la

snad- J. Peyronnet, Paris, 1945; p.7), cet
instrument présente peu d'intérêtpour la solution du problème :leGouvernementbritannique se borne à y recomaître "la zone d'influencede la
France au Sud de ses possessions méditerranéennes,jusqu'àune ligne de Say
sur le Niger à Barroua sur le lac Tchad". Le temtoire concerné est donc,

situéà l'Ouest de la régionlitigieuse et. de toutes manières, l'échangede
lettres de 1890 ne comporte ni ne prévoitaucune limite septentrionaleà la
zone française, ce qui s'expliquepar le fait qu'ils'agitde borner l'expansion
française vers le Sud tout en assuraàtla France la continuité territorialede
son Empire colonial de la Méditerranéeau lac Tchad (V. par ex. KELTIE, J.
Scott, The ~artitionof Africa Stanford, Londres, 2 èmeéd.1895,p.308).

9. Cet objectif constituera, dans les années suivantes une
préoccupation fondamentale de la politique étrangèrede la France et sera
atteint plus complètementavec la signature de la Convention de 1898et de la
Déclaration additionnelle de 1899,qui, pour reprendre les termes utilisés par
l'exposé des motifsdu projet de loi française en autorisant la ratification,

permet de

"constituer en un bloc compact l'ensemble de nos possessions
africainesà l'intérieur desquelles,de l'Esà l'Ouest, comme du
Nord au Sud, pourrait se créer une chaîne ininterrompue
d'échangeset de relations" (annexe 332).

en incorporantclairement dans les possessionsfrançaises,

"autour du grand lac central africain, le domaine intermédiaire
nécessaire pour reliernos territoires du Congoànos possessions
du Soudan et de la Méditerranéeet constituer l'homogénéité de
noue empire africain"(ibid)

10. La Convention de 1898 ne se borne pas à opérer une
rectification du tracé de la limite prévue huit ans plus tôt entre les
possessions françaises et britanniques (la ligne "Say-Barroua"). elle étend
également considérablement la zone d'expansion française au-delà du lac
Tchad, notammentvers l'Estet le Nord, puisque

"Le Gouvernement de sa Majesté britannique reconnait comme
tombant dans le sphère française les rivesNord, Est et Sud du lac
Tchad ...." (annexe 2, article 4, soulignépar la Républiquedu
Tchad).

11. A nouveau, aucune limite n'est fixée à l'expansion
française, au moins dans la régionlitigieuse. Mais contrairement à ce qui
avait été lecas en 1890, cette indétermination présentait de graves
inconvénients :la France se heurteà l'Estaux visées dela Grande-Bretagne
sur la valléedu Nil et, au Nord, aux prétentionsde la Grande-Bretagne à
nouveau et de la Turquie, dont l'intégrité temtorialeest garantie tant par la

France que par la Grande-Bretagne. II parait donc indispensable de fixerdes
limites à l'expansion française, ce que fait, après le grave incident deFachoda. la "Déclaration"additionnelledu 21 mars 1899.

12. Celle-ci constitue en réalitéun accord international en

bonne et due forme. Signéepar Lord Salisbury, Premier Ministreet Ministre
des Affaires étrangères,pour la Grande-Bretagne, et par Paul Cambon,
Ambassadeur à Londres, pour la France, elle est expressément destinée à
compléterl'article IV de la Convention du 14juin 1898 et précise que ses
dispositions "seront considérées comme (...faisant partie intégrante" de
celle-ci.

13. Si le texte de la Déclaration manque de précision(1) le
recours aux règles classiques d'interprétatdes trait& permet de lever toute
ambiguïté (ii).

1.LETEXTEDELADECLARATION

14. L'article IV de la Convention de Paris du 14 juin 1898
laissaiten suspens la question de la délimitation des possessionsfrançaiseset
britanniques au Nord et à l'Estdu lac Tchad. La déclaration signéel'année
suivante comble partiellement cette lacune : son paragraphe 3 définit la
limite de la zone française au Norddu 15èmeparallèle (v.infran018),tandis
que le paragraphe 2 pose des principes de délimitation ence qui concerne le
tracé oriental dela lignefrontière.

15. Toutefois - et c'esten ce sens que la lacune de 1898n'est
comblée quepartiellement- cette disposition ne se suffit pasà elle-même :
s'il y est précisé que,jusqu'au 11 ème parallèlede latitude Nord, la ligne
frontière"suit en principe" la ligne de partage des eaux entre le bassin du Nil
et celui du Congo, la limite demeure indécise entrele 11 èmeet le 15 ème
parallèles, ceci apparaît clairement sur la carte publiée en 1899 par le

Bulletindu Comitéde l'Afriquefrançaise et reproduite page suivante.

16. En ce qui concerne cette portion de la ligne frontière, le
paragraphe 2 se borne en effet àindiquer qu'àpartir du 11ème parallèlede
latitude Nord

"elle sera tracée jusqu'au15èmeparall&lede façon à sépareren
principe le Royaumede Ouadai de ce qui étaiten 1882la Province
de Darfour; mais son tracé ne pourra en aucun cas dépasser à
l'Ouestle 21 èmedegréde longitude Est de Greenwich (20' 40'
Est de Paris), ni 2 l'Est le 23 ème degré de longitude Est de
Greenwich (20"40'Estde Paris)"

Unecommissionest chargée

"d'établir sur les lieux une ligne frontière conforme auxConvention franco - anglaise du 21 Mars 1899:.. indications du paragraphe2 de la (...Déclaration" (paragraphe4).

17. Cette portion de la ligne frontière est au demeurant,
totalement extérieureà la zone litigieuse. Cependant,comme la République
du Tchad le montrera ci-après (Section 4), la mise en oeuvre de ces
dispositions n'estpas dénuéede toute pertinence aux fins de la solution du
litige soumisà la Cour.

18. 11reste que le paragraphe 3 est. en ce qui le concerne,
directement applicable.Aux termes decelui-ci :

"Ilest entenduen principe qu'auNord du 15èmeparallèle, la zone

française sera limitéeau Nord-Est et à l'Est par une ligne qui
partira du point de rencontre du Tropique du Cancer avec le 16
èmedegréde longitude Est de Greenwich (13' 40'Est de Pans)
descendra dans la direction du Sud-Estjusqu'àsa rencontre avecle
24 èmedegréde longitude Estde Greenwich (21° 40'Est de Paris)
et suivra le 24 èmedegréjusqu'àsa rencontre au Nord du 15ème
parallèlede latitude avec la frontièredu Darfour telle qu'elle sera

ultérieurement fixée".

19. A la différence du paragraphe 2,(v.supra n015 et 16). ce
texte a été conçu par ses rédacteurcsomme se suffisant à lui-même.A la
seule lecture, il n'est cependant pasdénud'ambiguïtés.Si le point de départ
septentrional de la limite de la zone française est fixéavec précision,il n'en

va de mêmeni de son orientation, ni, par voie de conséquence,de son point
d'aboutissement. puisqu'ilest indiquéqu'à partir du point de rencontre du
Tropique du Cancer avec le 16 ème degré de longitude Est la limite
"descendra dans la direction du Sud-Est" ce qui est vague.Au surplus, ceci
n'est entendu "qu'en principe",ce qui aggrave I'incertitude tenanta simple
indication d'une direction générale. L'orientation Sud-Edset la ligneest donc

doublement relativisée.

II. L'INTERPRETATION DUTEXTE

20. Les incertitudes néesde la seule lecture du texte du pa-

ragraphe 3 imposent donc de procéder à son interprétation(cf C.P.1.1.avis
consultatif,Interprdtation du TraitédeLuusanne sérieB,n012,pp.19-20).

21. En la présente occurrence, tant l'objet et le but de la
Déclaration additionnelle queles circonstanceset le contexte historiquede sa
conclusion expliquent les caractères de la délimitation retenue (A). Par

ailleurs, uneétudeattentive de son texte lui-même, des travaux préparatoires
et de sa traduction cartographique permetd'enpréciser la porté(B). A. LES CARACTERES DE LA DELIMITATION

1.L'objet et le but de la Déclaration

22. "Partie intégrante" de la Convention de Paris du 14juin
1898 (v.supra n012), la Déclarationadditionnelle de 1899 a, comme elle,
pour objet "la délimitationdes possessions françaiseset britanniques et des

sphères d'influencedes deux pays à l'Estdu Niger" (annexe 2, préambule).
Du reste, le paragraphe 3 de la Déclaration entendbien ,lui aussi, définirla
"zone française".

23. Il s'agit donc de délimiter non pas des territoires sur
lesquels la France et la Grande Bretagne exercent d'ores et déjà leur
domination coloniale, mais les sphèresrespectives d'influence que les deux
Etats se reconnaissent mutuellement, parachevant ainsi le "partage" amorcé
en 1890 (sur cette distinction, v. supra chapitre II, section 1, V). Ce n'est
que par l'exercice effectif de compétences territoriales pleines et exclusives

qu'elles acquerront la souveraineté sur ces zones (v.ibid.). Cette brève
analyse de l'objet de la Déclaration de Londres aide à comprendre la
rédaction retenue :les parties entendent se laisser mutuellement les mains
libres dans des territoires détermines ce qui implique que ceux-ci soient
délimités,faute de quoi il leur serait impossible de s'acquitter de leurs

obligations. Du reste, comme l'a notéCharles de VISSCHER, "la plupartdes
zones d'influencesont restéesétrangères à la notion des confins" (Problèmes
de confins en droit international oublic, Pédone,Paris, 1969, p.56) :il ne
s'agit donc pas d'organiser une coopération territoriale, mais bien de
délimiterdes territoires.

24. Il convient de garder à l'esprit que les partiesse partagent
des territoires sur lesquels elles n'exercent pas de contrôle effectif. Plus
même :la zone ainsi délimitéeest en réalité à peu près inconnue des

puissances signataires; phénomène courant en Afrique, "les frontières
étaient, pour une grande part. définies avant mêmel'établissement des
peuples qui les définissaient. Ellesreflètent l'ignorance dela géographie de
ces régions à L'époque"(lBOGGS, S.W., International Boundaries, Columbia
U.P. New York. 1940, p. 30; v. aussi HOLDICH, Thomas H. Political

Frontiers and Boundarv Making, Mc Millan. Londres, 1908, pp.209, 226,
232 et 242).

25. Tel était assurémentle cas de la partie septentrionale du
Tchad que seul, parmi les voyageurs européens, l'Allemand NACHTIGALa

exploré systématiquement du 27 juin au 3 septembre 1869 (cf.
NACHTIGAL, G., Sahara et Soudan, t. 1, Hachette, Paris, 1881). Les
négociateurs dela Déclarationavaient du reste une claire conscience de leur

I-Traductionde la RCpubliqvedu -Terie original :boudariwcre Largclydefiprior to
vNcmsnt byUicpoplewhocstablirhcd hem. mcy ~flsct thegcographicaUiche".ranaignorancede la région : dèsle tout débutdes négociationsle 12janvier 1899,
le Premier Ministre britannique, SALISBURY, estime qu'il serait utilede "se
procurer quelques notions sur les régions à définir" (!)(cf. annexe 25) et, le

25, il rappelle "qu'on n'avait aucune notion précise sur ces régions"
(cf.annexe 30). Du reste, plusieurs années plus tard,le B.C.A.F du mois de
mars 1907fait étatd'une expédition française dans le Borkoude 1904 à 1906

et qualifieencore la régionde "pays complètement inconnu".

26. Dans ces conditions, on s'explique le caractère
apparemment arbitraire de la limite retenue par la Déclaration du 21 mars
1989 : soucieuses de fixer une limiteprecise dans une région dontelles n'ont

qu'une connaissance très vague, les parties n'ont d'autres possibilitésque
d'adopter une ligne arbitraire constituée par une orientation géographique
approximative, tout en préservantla possibilité d'évolutions futuresc,e que

fait le paragraphe 3 de la Déclaration par l'emploi de l'expression "en
principe".

27. Au demeurant, en l'espèce, leprocédé ne présentait guère
d'inconvénients : la région délimitée, désertiqu eet pratiquement inhabitée

(v.supra chapiue 1, section 1,II), se prêtaità un tel arbitraire,ce qui explique
qu'il n'ait passembléutile de revenir par la suite sur le tracé convenu.

2. Lecontextehistoriqueet la pratiquede l'&poque.

28. L'examen des accords de l'époqueponant délimitation
coloniale conduit à deux constatations qui ne sont pas sans intérêe tn la

présente espèce : d'une part, on peut distinguer deux types assez nettement
marquésde delimitation; d'autre part, les puissanceseuropéemes recourent
indifféremment à i'unou à Vautrede ces types qu'ils'agissede délimiterdes

zones d'influence oudes territoires déjà colonisés.

29. En premier lieu, ces accords peuvent êtrr eépartisen deux
groupes présentant des caractéristiques nettement distinctes : tantôt la
frontière est définie avec précisionen fonction soit de points de repères

topographiques nombreux soit d'azimuts précis=,tantôt au coniraire, les
parties se bornent 2indiquerdes orientations trèsgénérales3..

2. Danslepremiewup. onpeutciter,Btim d'exemple:
-l'arrangemenftranco-bntanniqudcao(i1889patantdélimitatinepoucrrionsanglaiwrel fran~aiwr
-le mit6 du 25 mai 18snmntle Pamgal crleCongomnemanr 18"DClimilaiiondeleva sphèrde
souveraimitetdinnueae dans larCgiondeLunW.' 83.p.913):
-raccordenm 1sGrande-Bretagn t I'AUemagndcu 25juill1893cornemantZanribarcl lcws sphéres
dmfluencerespnivsîW. 85.p.39):
.l'accorsnu. la Francsci I'Allemagnsdu 23 juillet 1897 surlsursposrcrsionnrespectiaus
-raccordcnm la Franccil'Espagnedu27 jui1900concernantlsun posasiions surIrcote de l'Afrique
occidcnlalcLS9.9p.1014);
-raccordenm la Grande-Brelagnect lyllcmagne du 23 fevricr1901délimitanltsvod"inI7ucnce
dansla régidcslacsNyaraetTanganyik(LE 95.p.78) : 30. Dans l'un comme dans l'autre de ces deux groupes de

conventions. figurent des accords concernant la délimitationde possessions
coloniales d'une part(cf. par exemple. l'accord franco-allemanddu 23 juillet

1897 et la déclaration anglo-italienne du 22 novembre 1901) et de sphères
d'influence d'autre part(cf. par exemple. l'accord germano-britanniquedu 23

février 1901 et l'accord anglo-congolais du 12 mai 1894) un même traité

pouvant porter à la fois sur les unes et sur les autres (cf. par exemple la
Déclaration germano-portugaisedu 30 décembre 1886).

31. Il est clair que la Déclaration franco-britannique du 21
mars 1899entre dans la seconde catégorie d'accords dégagée ci-dessus (voir

note 3) : tout en entendant délimiterleurs sphères d'influencerespectives,
(v.supra n023et 24). les parties n'ont pas,dans le texte de l'accordau moins,

décrit cette limitede fafon précise,comme le montrent à la fois l'expression
"en principe" et l'indication d'une "direction Sud-Est" qui n'avait pas, à

l'époque, une signification arithmétique.

-l'accordcnm le Commissairepour le Soudancl lGouverneurdc IRvh-èe du 16avril 1901concernantla
fmntiércsnm Ic Soudan mglo4ggyptisnctIDyihrèe U95. p. 464) ;
- les khmgcs dc nmes (adopteeni applicalion de la Cunrsniian du 12 mai 1886) entreFrance etle
Portugal&r 29 atobrc. 4 novembrc 1% et 6 et 12juillcl 1% surla délimitation de la Ovine franco-
mmirdse (S.P 103.o.976):
duTmMi906 && la Grande-Bretagnecl I'Allcmagnt delimitant la fmntiér. cnm Ic Nigeria ci le
iGSE99.P.366);
:ntion du 29 mai 1% cnm la Grandc-Brcgne ci la France.déümitantleursposserriohI'Estdu
-&<rd1% du I&oclobn: 1%snm les canmisraircturcsa Cgypticnsportansur la fmaitrc adminirirative
de leun tsrriloircr auSinaï U99p. 482) ;
- l'accordu 6 dçcçmbn 1907 cnm la Grande-BretagnelI'EUiiopic concemantla fmntiécnm IUuganda
-.Vfih,,-r.-V P ."".n -<,,,
- ia conventiondu 18 avril 19enm la Franc ct I'Albmagnc dClimitant la fmniicnm le Congo et le
CamcmunLSE 101.p. IW3);
- I'aceordcnm la Grande-Bretagnet I'Allcmagnc du 4 mai 1910delimitant la frontcnmc I'Ougmda a
l'Afrique orientaleallcmandc 107,p. 394) ;
-I'açcorddu 13janvier 1911cnm la Francecl le Libcsurla delimiiatian & lcun possessionsrespetivcî
(S.P .137..7971 :
-xhang; & nit& cnm In F-c etLa Grande-Bwlagncdu 7 marr 1- surla fmnarc sympdrrtinirnnc
zCb&G&X 22. 565, p. 363) ;
'khnnge de noter cnm Iitalic et la Grands-Brcragnc d" 19 mai 1924 concernant la rcciifid'unen
xction dela fmntitrc enm 12ryihret leSoudan IRcc. 28, no725. p. 497) :etc.

-Au conmirc. Icr miter suivanu. Cgalsmcntmenliainesh tim d'cxemplcr.firender limiles beaucoup
plusvagues.engCnCx-4indiqutessousfome d'oricntatioril gCnCr:lcs
- l'accord du 12 mai 1894cntrc la Grands-Bretagneel Ic Congo dElimiiant leurs sphércsd'influence
-caccord fr?x+$~qucp. 1:du 26 juin 1891conclu cn crkuliondc laconvention du 26 jui-5 aont 1890

-accordenmxyptc'et I'lWis du 7 décembrc1898portantsurla fmntièrcnm Ic Soudana I'Erythm (..a
lin..which mnn in awestcrly dinçtion..:' (S9.95. p.459):
- ainsque celui du Icr juin ayant le meme objet (..iurning in a nonh-wcstcrly direction...") (S9. 95.
p.461);
-déclarationdu 1....embrc .901 enm in Gran&-BrctagncclIltalie mvmanf la fmntièenm 1sSoudan
et iuyuirserwuthcriy muon") (SP,95. p.465);
-accordsnm la Franîc st Ic LitCuiadiig-t vsrrIc Sud-Est")(S9. LW. p. 95) ;
- conventionscnm Iglhiopic st Vltalie du 16 mai 1908 portasurla fmntikrc cniwisurr pos
rcrpectives en Somalie ("pmmdreasrwardî")(S.P.lm. p. 459. ahrqus sur la fmntitcnm I'E?
I'Wiiopc ("wuUi-lerly direction'(-P .-.,...---,,
- mite du 15juillet 1924 enm l'ltc et la Grande-Brciamc conccrnani la fmnPmenm lcun icmitoires
respectifsenAfrique oricnizilc (..ancw boundarylinc io bc &lemincd as :fmm Uii
"vers..Io... : thence in a souih-wcsterly dire..hcncs along Uicrame meridian sc
Trairts 36 no936. p. 380). 32. Ce demier point est attestési l'oncompare la rédactionde
la Déclaration à celle retenue dans de nombreux autres accords de
délimitation coloniale qui, au lieu de se borner à indiquer des directions
générales, précisent les azimuts précis suivis par la frontière. Telle estcas,
par exemple,
- de raccord germano-britannique du 23 février 1901(préc.,n029) :
"...it then runs in a straight line at anazimuth 230' (from the Nort..." ou

- de celui du ler octobre 1906relatif à la frontièredu Sinaï(oie) :
"...il then runs in a straight line at a bearing of 280' of the magnetic North
(...)to a point (...);thence in a straight line at a bearing of 334" of the
magnetic North (...)to the MediterraneanSea ..."etc.

33. La Déclaration additionnellede 1899 ne fait rien de tel et
ce contraste confirme le caractère généralet approximatif de la rédaction
retenue.

B. UNELIMITE IMPRECISE

34. L'examende l'objetet du butde la Déclarationde Londres.
des circonstances de sa conclusion et de la pratique suivie l'époquedans
des cas comparables, explique le caractère assez vaguede sa rédaction mais
ne suffit pasà en permettre l'interprétation. Deux éléments supplémentaiy res
contribuent plus positivement : certaines, textuelles, figurant dans la

Déclaration elle-même et, surtout, les travaux préparatoiertel'interprétation
cartographiqueque les parties ont donné à la Déclaration.

1.L'interprétation commandee par letexte mêmede la Déclaration

35. Exclue par les mots "enprincipe", une interprétation rigide
de l'expression "descendradans la direction du Sud-Est",l'estégalement par
le demier membre de phrase du paragraphe 3 de la Déclaration. aux termes

duquel, après sa rencontre avec le 24ème degré de longitude Est de
Greenwich (21'40'Est de Paris), la ligne

"suivra ensuite le 24èmedegréiusau'à sa rencontre au Nord du
15èmeoarallèle de latitude avec la frontière du Darfour telle
qu'elle sera ultérieurement fixée" (souligné par la Républiqduue
Tchad).

36. Il résulte nécessairement du passage souligné qu'il y a

place pour un segment de ligne droite Nord-Sud,le long du 24èmeméridien
au Nord du 15èmeparallèle.

37. Or, si l'on interprète de manière rigide l'expression "en
direction du Sud-Est" comme signifiant que la ligne doit faire un angle de45" avec le Tropique du Cancer et suivre I'azimuth135',jusqu'àsa rencontre
avec le 24èmeméridien, l'intersection se produirai àt un point situé à 15O40'

de latitude Nord,ce qui ne laisse pratiquement aucuneplace pour le segment
droit le long du 24èmeméridien.Une lettre adresséele 7 mars 1919par I'un
des négociateursde la convention franco-britannique du 8 septembre 1919,

Mac Michael, à son collègue, Vansittart, révèle d'ailleurs clairement
l'impossibilité d'un uacé"arithmétique" :

"Si la ligne est tracée exactement vers le Sud-Est, elle devient
ridicule parceque
"a) elle n'atteint jamaisle 24èmeméridien (commeelle le devrait

aux termes de la Déclarationde 1899)ou, en tous cas, elle ne le
rencontre pas avant d'atteindre la frontière septentrionale du
Darfour* (voirle texte de la Déclarationde 1899)et

"b) elle enlkve la moitié du Tibesti etde I'Ennediaux Franqais et
nous donne le territoire du poste françaisde Wanianga et la route
Abéché-Koufra"

"*Si on trace la ligneexactement vers le Sud-Est,ellecoupe
"-la latitude 17" à la longitude 22"30'et
"-la longitude23O à la latitude 16'30'et

"- la latitude 16"à la longitude 23'30'et
"- rencontre la longitude 24' à la latitude 15°30',c'est-à-dire au
Sud du Wadi Howa!"4(Production 12)

38. Cette interprétation doit êtreécartée d'autant plus

certainement
- que le tracé est,par ailleurs, entièrement définipar très grands
secteurs (ce qu'explique la connaissance limitée que les négociateurs avaient

du terrain - v.supro n024et 25); et
-que, si elle était retenue,on necomprendrait pas pourquoi les deux
parties n'auraient pas prisle parti, infiniment plus simple, de fixer un point

d'aboutissementde la ligne au 15èmeparallèle qui joue une rôle important
dans le dispositif générad le la Déclaration :il résulte du paragraphe2 qu'il
constitue la limite septentrionale de la zone dont la délimitationn'est pas

fixéeet le paragraphe 3 lui-mêmefait le point d'aboutissement au Sudde la
limite fixéeau 24èmeparallèle.

39. On peut donc déduire du texte mêmede la Déclaration
d'une part que la "direction Sud-Est" mentionnée au paragraphe 3 ne

constitue qu'une orientation généraleet. d'autre part, que le point de
rencontre de ce segment de délimitation (longde plus de lOûû kilomètres)

4 -Traductionde RCpuhliqvsduTch-Terteoriginal: "Uiclinc ir drawnS.E.ilbecmes ndiculous
kausc (a)incvcrreachcthe24' median aiai(a8 il aughiioundUic1899 Dcclantion oral lnott
andDinedi fmm U.vFrencandDarniallygivto us UriteoUieFrenchpst of WaMandaandtheAbesha-ti
..u...vu.-
'IfpmdpmdcdedcS.E.itus la%I.l-ailong22"W andlong.23'ailai. 16'3W andmnr long7.4alla.
15'3Uavec le 24ème méridien doit être situéau Nord du 15ème parallèle.
Toutefois, le texte ne permet pas d'aller plus loin dans la précisionce qui
impose de recourir à des moyens Complémentaires d'interprétation; l'étude

des travaux préparatoireset de la miseen oeuvre de la Déclaration par les
parties et, en particulier,de sa traduction cartographique permettent en effet
de lever toute ambiguïté.

2 - les travauxpréparatoires

40. Les travaux préparatoires de la Déclaration franco-
britannique du 21 mars 1899, dont le déroulement historiquea été présenté
dans le chapitre 1 du présent Mémoire, donnend tes indications précieuses
sur les intentionsdes parties et le sens qu'il convient d'attr?il'expression
: "dans la direction du Sud-Est". En effet, l'étudede la succession des projet.
de tracéva dans le sens d'une "remontée"de la ligne vers le Nord ce qui
s'explique par la volontéaffichbedes parties d'inclure dans la zone française

l'intégralitdu B.E.T.

a) Les tracéssuccessivement envisagés

41. Lors des négociations, menées pour l'Angleterre

directement par Lord Salisbury, Premier Ministre et Ministre des Affaires
étrangères, et pour la France par Paul Cambon, Ambassadeud re France à
Londres, sous la supervision directe et étroitede Delcassé, Ministre des
Affaires étrangères, la question de la limite septentrionale de la zone
d'influence françaisen'a pas soulevéde grandes difficultés. Ellen'ena pas
moins été discutée et l'exame des tracés successivement envisagés est riche
d'enseignements.

42. Il résultedes documents en la possession de la République
du Tchad que la première proposition précise concernant la délimitatiod ne
ce secteur est fort tardive:elle semble n'avoirété faireque le 17ou le 18
mars 1899 -et dansdes circonstances non dénuées d'intérêts.

43. En réponse à un projet soumis le 16 mars par Paul

Cambon, prévoyant,dans la droite ligne des discussions antérieures(v.infra
n050 et S.), que la zone française comprendrait "le Tibesti, le Borkou, le
Ouaniangha, I'Ennedi,le Zoghawa et les oasis qui en dépendent" (annexe
49), un commentaire britannique du lendemain - qui, d'ailleurs, paraît
contredire la position prise par Lord Salisbury quelques semaines auparavant
(cf. la lettre de Paul Cambon à Delcassédu 22 février1899 -annexe 39) -,
s'inquiètede cette formule:

"L'insertiond'une telle disposition dansl'accordpourrait donner à -
la France à l'avenirun motif pour revendiquer une frontièresituke
plus loin dans la direction de Koufra et, de toutes manières (...?) un motif supplémentairede litige-5(annexe51).

44. Le contre-projet britannique du 18 mars propose un tracé

plus compliqué :au-delà de la latitude 14'20'Nord, la ligne
"se dirigera d'abord vers le Nord puis dans une direction Nord-
Ouest (...)Cette ligne sera tracéede la latitude 14'20'jusqu'à la
latinide la0 Nord entre les 21èmeet 23èmedegrés delongitude

Est de Greenwich (18'40' et 20'40' Est de Paris) (...).Après son
intersection avec la latitude 18' Nord, la ligne se dirigera
directement jusqu'à I'intersection du20èmeparallèle de latitude

Nord et du 23ème méridien de longitude Est de Greenwich
(20°40'Est de Pans) et de là directement jusqu'à l'intersection du
23èmedegré delatitude Nord et le 15èmedegré delongitude Est
de Greenwich (12O40'de Paris)"6(annexe 52).

45. Deux autres projets britanniques du 19 mars sont
intéressants. Selonle premier la ligne partirait du 15èmeparallèle "dans la

direction du Nord-Ouest jusqu'au point oùle Tropique du Cancer coupe le
16èmedegrédelongitude Est de Greenwich (annexe 53). D'aprèsle second,

"A partir du point où la ligne frontière rencontre le 18ème

parallèle,une autre ligne sera tracéedans la direction à peu près
du Nord-Ouest jusqu'au pointoù le Tropique du Cancer coupe le
16èmedegrédelongitudede Greenwich" (annexe 54).

46. La République du Tchad ne possède pas la réponse
française au premier de ces projets -qui est intéressantcar, pour la première

fois, y apparaît la mention du 15ème parallèle qui, d'ailleurs, est une
surcharge du 18èmeparallèle dans la version manuscrite (Production 3).
Mais on peut penser qu'elle adû être fort négative à en juger par la réaction

de CAMBON au second pourtant beaucoup plus favorable à la France.
L'Ambassadeurde France à Londres fait observer "que ce serait nous enlever
une partie notabledes territoires que nous revendiquons auNord du Darfour"
(ibid.). En conséquencede quoi Lord Salisbury proposa un nouveau tracé,

finalement retenu (ibid.).

47. L'étude attentive des derniers jours des négociations

franco-britanniques est extrêmement riche d'enseignements :d'une part, les

rnlghigirc rranccin the fcimm lu.arrhcrfmsicr mdchlvnhcrtnthe Jirc.idfihc KuirOlrr<nl
and inm) .au idrui mur\iIlir.bles,addbruunI',!odirpiiicr projets qui se succèdent traduisentun "déplacement" constantde la limite
vers le Nord à la demande de la France. D'autre part et surtout, le
télégramme de CAMBON du 20 mars (Production 3) montrequ'ilrefuse de
faire partir du 18èmeparallèlela limite septentrionalede ce qui deviendra le

Tchad et c'est pour lui donner satisfaction que SALISBURY propose la
rédaction qui deviendra définitive.

48. Ceci
i) confirme qu'il est impossible d'interpréter de manière rigide.
l'expression "dansla direction du Sud-Est";

ii) et que la ligne aboutit nécessairement au Nord du Igème
de façon à ne pas "enlever" à la France une partie notable des
territoires" qu'elle revendiquait.

b) L'inclusion de l'intégralitéduB.E.T. dans la zone française

49. La consistance des territoires revendiqués par la Franceet
avec laquelle Lord SALISBURY s'est constamment déclaré d'accord, ressort
clairementdes travaux préparatoires.

50. Dès laconversation qu'il a, le 18 janvier 1899, avec le
Premier Ministre britannique, Paul CAMBON suggère un tracé qui

"assurerait"à la France "la possession des oasis du Tibesti et du Borkou, le
Wadaï et une partie du Darfour" (annexe 27). Une semaine plus tard,il étend
un peu les prétentions françaises ence sens "qu'aulieu de suivre exactement
la ligne des hauteurs du Tibesti" il "englobe dans notre zone (la zone
française) toutes les oasis de cette région"(annexe 30). rencontrant ainsi
spontanément les voeuxdu Directeur des Affaires politiques du Ministère
français des Affaires étrangèresqui, dans une note datéeégalement du 25

janvier, faisait remarquerque la première ligneproposée coupait

"en deux les oasis de Wanjanga et du Tibesti; elle devrait donc
êtrereportée à l'Est des massifs montagneux qui constituent ces
deux territoires, et atteindre le désertqui de chaque côtéservirait
de limite, une cenaine zone de sable pouvant même,comme le
sont sur les côtes leseaux territoriales, être adjointe au dodeine
chacune des deux nations" (annexe 32).

(Le même haut fonctionnaire du Quai d'Orsay revient sur cette idédens une
note du 6 mars -annexe47).

51. Ainsi, dès les premières semaines de la négociation, la
France revendique fermement "toutesles oasis" du Tibesti et du Borkou. Elle
ne modifiera pahsa position surcc point. touau plus la précisera-t-e:le

-dms des instmctions?JCAMBON.DELCASSE indique :
"II serait bien entendu, d'autre part,que l'intégralité du Tibesti et
du Borkou nous serait acquise avec toutes les oasis qui en
dépendent"(annexe 26);
- l'idée est également repriseans le premier projet formel de tracé
soumis à Lord SALISBURY par CAMBON, le 15 févrieret qui prévoitque
la ligne

"gagnera la frontière dela Tripolitaine de façon à laisser dans la
sphère française la totalité des oasis formant le Borkou et le
Tibesti " (annexe 36).

-DELCASSE approuve ce tracéle 21 février mais indique qu'il

"ne lui paraîtrait pas inutile"

d'y fairefigureroutre le Tibesti et le Borkou,

"l'ounianga, Ennedi, le Zogharra et les autres régions s'étendant
presque jusqu'à la limite du Darfour", "avec la totalité desoasis
qui en dépendent"(annexe 37),

suggestion reprise par CAMBON dans sa conversation avec SALISBURY
du lendemain (annexe 38) et dans le projet français du 27 février
(annexe 43).
- on retrouve ensuite constamment cette formule ou cette idéedans
tous les projets français ultérieurs (cf. annexes 48et 49).

52. Du reste, le Premier Ministre n'oppose aucune objection au
lracéque lui propose CAMBON le 22 févrierconformément auxinshuctions
de DELCASSE(annexe38). Et le projet britannique du 2 mm reprend à son
tour la mêmeformule : "...tout le temtoire formant les oasis du Borkou, du
Tibesti, du Wanyanga et de I'Ennedi", la ligne devant suivre "les limites
orientaleset septentrionales des oasis ci-dessus mentionnées" (annexes 45et
46). Et, comme la République du Tchad l'a indiqué ci-dessus (11'43)si,

finalement, le Royaume-Uni préièrequ'une ligne précise soit indiquéei,l ne
s'agit nullement de remettre cecien cause mais seulement de le traduire de
manière plus précise.Du reste, dans une correspondance interne datant du 7
mars 1919, un officiel britannique rappelle que l'interprétation
"mathématique du paragraphe 3 de la Déclaration de 1899 conduirait à
diviser les territoires du Tibesti et de I'Ennedi qui appartiennent aux
Français, ce qui est clairement inacceptable(Production 12 -V supra 11'37).

53. On peut donc tirer les conclusions suivantes de l'étudedes
travaux préparatoires :
i/ la ligne définiepar le paragraphe 3 de la Déclaration additionnelle
du 21 mars 1899a pour objet et pour effet de laisserdans la zone française la
totalitédu Borkou, du Tibesti, de I'Ouniangaet de I'E~edi et des oasis qui
en dépendent ;

ii/ cette ligne passe au Nord et à l'Est de la "ligne des hauteurs"figurant sur la carte de Justus PERTHES annexée à la Convention de Pans
de 1898et surla carte d'état-major françaide 1896(carte 1 -v. infr1a1'67).

iiil son point d'intersection avec le 24ème méridien Est de
Greenwich est situé au Nord du 18ème parallèle, faute de quoi les
revendications françaises n'eussent pasétésatisfaites, or la partie anglaise
entendait y faire droit.

3. La confirmation cartographique du tracé

54. Bienque la Déclarationne vise expressément aucunecane,
il a étéfréquemment question de cartes durant les négociations qui ont
conduit à son adoption et les tracés successivement envisagés ont été
systématiquement reportéssur des cartes ou ont fait l'objetde croquis. En
outre, une carte largement diffusée a traduit la volonté des parties
immédiatement après la conclusion de i'accord.

a) Les cartes utiliséesdurant la négociation

55. Dès le tout début des négociations, SALISBURY
manifeste le souci de "se procurer quelques notions sur les régions à

délimiter(sic !et dresser unecarte" (dépêchdee Paul CAMBON, 12janvier
1899 -annexe 25). Le 21 janvier, aprèsun entretien avec ses collègues du
Cabinet, le Premier Ministre revient sur ce point lors d'une nouvelle
conversation avec CAMBON, quila rapporte ainsi :

"Ils (les collèguesde SALISBURY), ont fait observer cependant
qu'on ne pouvait traiter de pareilles questions, même

officieusement, sans avoir sous les yeux un projet de tracé, et ils
Vontinvité à me demander, à titre confidentiel privé, une petite
carte indicativede ce projet" (annexe 28).

56. Après autorisationde DELCASSE (dépêchd eu 24 janvier
- annexe 29) et légère modificationde dernière minute (lettrede CAMBON
en date du 25 janvier- annexe 31), Paul CAMBON déféra àce désirle 25

janvier (annexe 30).

57. Le 10 février 1899, c'est au tour de DELCASSE de
demander un croquis précisantles revendications anglaises (annexe 34)que
Lord SALISBURY avait du restedéjàcommuniquées àCAMBON pour une
partie du tracéle 2 février (annexe 33).Ce dernier transmet la demande du
Ministre français le 15 février (annexe35). en même temps qu'il montre à

son interlocuteur un croquis traduisant le tracé souhaitépar la France
(annexe 36). Le22 février SALISBURY communiqueàson tour un projet -
toujours partiel- de tracé(annexe 39). Celui-ci est suivi,le 27, d'un contre-
projet français (annexe 43). 58. Le souci de précisiondes parties - précision aussi grande

que le permet la connaissance uès imparfaite qu'ontde la région les deux
négociateurs -est attestée parle soin misà travailler sur les cartes les plus
fiables existant alors.

59. Dans un premier temps. on utilise la carte de Justus
PERTHES (édition 1891-1892) conformément à une suggestion de
DELCASSEdansdes instructions adressées à CAMBON le 10février :

"Vous pourriez, s'il étaitbesoin de se référeà une carte , viser
celle deJustus PERTHES qui a déjàétéannexée àla convention
du 14juin 1898"(cf. carte 1)(annexe 33).

Et, en effet, le projet français du27 févrierest établi sur la basede cette carte
(annexe 43) (v. aussi la lettre du même jour -annexe 40) à laquelle

CAMBON demande à SALISBURY de se référer (télégramme de
CAMBON du 27février -annexe 41).

60. Le paragraphe 3 d'un projet britannique de mars 1899
(non daté,probablement établiau débutdu mois - annexe 59) fait du reste
une mention expressede cette carte, en même temps que de la carte française
d'état-majorde 1896 que, dans sa conversation avec CAMBONen date du

ler mars, SALISBURY avait jugépréférable A celle de Justus PERTHES
(annexe 44). Il s'agissait dans ce cas précis dela cane "Afrique, région
centrale, feuille 27"cf.le télégrammede CAMBON du 27 février - annexe
42 ;v. cane 2 Production 247).

61. Cette réfkrenceconstante aux cartes existantes durant les
négociations présente une très grande importance en ce qui concerne

l'interprétationde la formule finalement retenuedans le paragraphe 3 de la
Déclaration qui prend tout sonsens si l'on se reporte au déroulementde la
négociation.

62. Dans un premier temps, les parties jugent qu'il n'est pas
nécessairede tracer une limiteformelle au Nord du parall&le14' 20'Nord (v.
supra n051 à 53) ; la limite devait alors êtreconstituée par celle des

montagneset des oasis du B.E.T., voire par une zonede désert s'étendanatu-
delà (v. supra 11'51).Dans l'esprit des négociateurs, ceci impliquail, à
l'évidence, une référence implicite mais nécessaire aux cartlss montagnes
du Tibesti, du Borkou, de I'Ounianga, de I'Ennedi et du Zaghawa et
l'intégralité desoasis qui en dépendent (v. supra n052), ne peuvent être
dkfiniesque par rapport àla cormaissancequ'en ont les négociateurs et celle-
ci est exclusivement fondée sur les cartes existantépoque.

63. Les parties n'ont jamais changéd'avis sur ce point et ce
n'estque pour répondre à un souci de précision manifesté le 17 mars 1899
(troisjours avant la findes négociations) par Lord SALISBURY (cf. annexe 50) qu'elles ont décidéde décrireune ligne précise dansle texte même du
paragraphe 3 de la Déclaration (v.supra no 43), sans que ceci implique un

quelconque changementsur le fond :la ligne a pour objet d'inclure la totalité
du B.E.T. dans la zone française, non de partager cette zone. C'estdonc en
fonction de la figuration des montagnes et des oasis du Borkou, d1'Ennedi
et du Tibesti sur les cartes de Justus PERTHES de 1891-1892et de I'Etat-
major françaisde 1896(canes 1et 2) qu'il faut interpréterle paragraphe 3 de
la Déclarationde 1899 : la limite entre les zones française et anglaise doit
laisserdans la première toutle B.E.T. ainsi défini.

64. 11suffit de se reporterà ces cartes (déposéesauprès du
Greffe de la Cour en même tempsque le présent Mémoire) pour constater
qu'une lignede direction Sud-Est,strictosensu, ne pouvait avoir un tel effet
et aurait coupéle B.E.T., contrairemenà l'intention expressedes Parties. Du

reste, il suffit de se reporter au schéma reproduit ci-dessusà la suite du
paragraphe 15 du présent Mémoire pour constater que la ligne arrêtéepar
CAMBON et SALISBURY était, dans I'espritdes négociateurs, parallèle aux
montagnes du Tibesti, telles du moins qu'ils les imaginaient (c'est-à-dire
moins septentrionales qu'elles nele sont en réalité).

b) Le problèmede la carte annexée

65. Il est vrai que, contrairemenà la Convention de Paris de
1898, le texte finalement adopté ne renvoie pas formellement à une cane
annexée;Ici encore, l'examen du déroulementde la négociationexplique
probablement cette omission.

66. Dans un premier temps, le négociateur français, Paul
CAMBON, se montre réticent à I'idked'unecarte annexée -probablement par
souci de simplification. Ainsi, dans une lettrà DELCASSE en date du 27
février, il écrit que SALISBURY lui a paru disposé à accepter comme
frontièrela limite du Darfour etdu Ouadaï telle qu'elle estrtkesur la carte

de Justus PERTHES ;et d'ajoute:

"En ce qui me concerne, j'estimeque cette ligne est préférable à
celle que proposait Lord SALISBURY : elle nous dispense
d'annexer une carte spécialeau texte de l'arrangement" (annexe
40).

67. Toutefois, à partir du moment où cette ligne est remise en
cause, cette raison ne vaut pluset la partie britannique enest consciente qui,
dans le projet précité(n061) du débutdu mois de mars 1899, se réfère
expressément à la carte de Justus PERTHES et à celle de l'état-major
françaisde 1896 :

"Après avoir suivi les limites orientales et septentrionales des
oasis sus-mentionnées(du Borkou, du Tibesti et du Wanyanga),
telles au'elles sont indiauées sur I'édition 1891-1de la carte de Justus PERTHES et sur la carte d'état-maiorfrançaise de 1896, la
ligne sera tracée vers ..."(annexe 59 - souligné par la République

du Tchad).

68. Un autre au moins des projets britanniques, datédu 18

mars et, finalement, non utilisé, faisait également référence à une cane
annexée :

"Les dispositions de l'article iX de la Convention du 14juin 1898

seront applicables aux territoires situésde part et d'autre de la
ligne décrite ci-dessus,dans les limites~récisées sur la carte iointe
au orésent Accord" 8(annexe 52 - souligné parla Républiquedu
Tchad).

69. Il n'en a, finalement, pas étéainsi et les deux parties ont
considéré que la description de la ligne au paragraphe 3 de la Déclarationse

suffisaità elle-même.

70. Il y aà cela plusieurs raisons :

il une partie de la limite -la plus importante aux yeux des
négociateurs-restait indéterminée (v. supra 11'15) ; le renvoi n'auraitdonc pu
se faire qu'à une carte présentant une délimitation partielle et la limite
n'auraitpu êtrecomplétée qu'unf eois terminésles travaux de la Commission

mixte établieau paragraphe4 ;
iilc'est d'ailleursce qui se produit (v.infrSaection4) ;
iiil la négociation s'est concluedans une très grande précipitation :
-ce n'estque le 17févrierque, à la demande britannique,on passe
de lamention d'une zone(leB.E.T.et lesoasisattenantes) à celled'une ligne ;

-durant les quatrejours qui suivent,un très grand nombrede projets
sont &changés entre les parties (la Républiquedu Tchad en a retrouvé cinq -
cf. les annexes51.53.54.55.56 - et il y a plusieurs "chaînons manquants") ;

et,
-étant donnéeI'insistance britannique, il était asseznormal que
l'accent soit mis sur la descriptionde la ligne ;

71. Au surplus et surtout, pour les raisons développées ci-
dessus (no56 et S.),les parties qui ont constamment travaillé surdes cartes
avaient en têteun tracé précis et n'ont probablement pas réaliséa,u moment
de la signature du texte définitif, l'ambiguïté relativdee la ligne finalement

décrite.

.Traluciiok laRCpuol~+cda Tchad Tcnr ungind Alifollouing tcarlcrnandnunhcIirniirof
theabme mrnuonncdoaw (ofBorku.Tibcni andWanyanga lbY2 çdll-
HIHW andaiMaoof 18% thc%%%%%%
8 -~mddduçtiodne la~~pub~su~chac-~srtc onginal : 'pvirian of ~nic~cM of theconvention
qf 14 th Im. 1898.shallapplyth tk icnironcron c\jcr ridesoabvc dewribcdWhLh
hm&fimd a themao anach- 72. Le Ministère français des Affaires étrangères en a pris
conscience dès que les services ont examiné le texte de la Déclaration
puisque, dans lesjours qui suivent son adoption, il publie la Déclarationavec
une carte annexée(carte 3 -v. la reproduction de cette carte page suivante),
précision donnéedans le livre iaune reproduisant dèsla fin du mois de mars
1899les documentsessentielsafférents à la négociationoù ilest indiqué :

" Le texte de cette déclarationa déjà étépubliérécemment parle
Ministèredes Affaires étrangères, avecune carte annexée,sous ce
titre:Déclaration additionnelledu 21 mars 1899 à la Convention
franco-analaise (note de la p.19).

Cette carte figure d'ailleurs dans les archives du Quai d'Orsayen annexe au
texte officiel de la Déclaration.

73. La mêmecarte est jointe à l'exposé des motifsdu projet de
loi autorisant le Président dela Républiquefrançaise à ratifier la Déclaration,
tant devant la Chambre des Députés(annexe 331) que devant le Sénat
(annexe 332) le 27 mars 1899. Le texte de ce document se réfère
expressément à cette carte pour insistersur les gains françaispar rappon la
délimitationde1898 :

"Un coup d'oeiljetésur la carteci-iointe montrequels sont depuis
la convention du 14juin 1898,les avantages temtoriaux acquis"
(ibid.).

74. Il est évidemment impensable que les autorités
britanniques n'aient paseu, à l'époque.connaissance de cette carte, du reste
largement diffuséedans lesjournaux français de l'époque (v. par exempleLe

Figaro datédujeudi 23 mars 1899 -annexe 56 bis - ou le B.C.A.F.de 1899,
carte reproduite ci-dessus aprèsle no 15).

75. A vrai dire, ceci est non seulement impensable, c'est, en
outre, objectivement inexact :lors de la séancedu 27 mars 1899, durant
laquelle le projet de loi précité (n074) fut déposésur le bureau de la
Chambre, un député demanda des précisions sur les négociations.
DELCASSE lui réponditen ces termes :

"Je n'apprendrai rien à M.PIOU en lui disant que les documents
qui résument les négociations diplomatiques ne peuvent être
publiés qu'après échange de vues et entente entre les deux
gouvernements.
"(.).
"La convention que je viens de déposer sur le bureau de la
Chambre a étésignée seulementmardi dernier, et il est bien clair
que I'ententeà laquelleje fais allusion n'a pasencore pu s'établir.

Dès qu'elle sera intervenue, je m'empresserai, ainsi que je l'ai
toujours fait, de déposer un Livre jaune sur le bureau de la
Chambre" (annexe331).

En réalité, l'accord dlea partie britannique avait édemandée dèsle 25 mars r/c /a Carte anncxh /a dic/araO'on additionna//c

du 21 [Mars 1839 ri... Convention rr~nco-An~/aise du 14. .Jiiiii1898puisque, par dépêchteélégraphique datée dece jour, leMinistre français des
Affaires étrangères avait faipt art CAMBONde son intention

" de faire distribuer aujourd'huile Livre jaune contenant le texte
de l'arrangement du 21 mars avecune carte indicative ..."(annexe
57).

mais qu'il avait décidéd'y surseoir.

76. La publication du Livre iaune quelques jours plus tard
établitque l'entente mentionnée parDELCASSEle 27 mars était intervenue.

77. Les conclusions s'imposentd'elles-mêmes :
i/ aucune carte n'est formellement annexée au texte de la
Déclarationde 1899 ; mais
ii/ dans lesjours qui ont suivi immédiatement l'adoption de celle-ci,

les autorités françaises ont établi unecane qui, à leurs yeux, reproduisait le
tracé convenu ;et
iii/ les autorités britanniques auxquelles cette carte a, d'aprècse que
l'on peut déduire de la correspondance (citée supra no 76) plus que
probablement, été communiquéeet qui, en tous cas, ne pouvaient l'ignorer
tant elle a étélargement'diffusée, n'ont nullement protestc éontre ce tracé,
témoignant ainsi de leur conviction selon laquelle celui-ci traduisait

fidèlementl'accorddes parties.

78. La question se pose cependant de savoir quelle est,
juridiquement, la portLed'une telle carte.

En ce qui concerne le point en examen, il suffit
79.
probablement de reproduire un extrait de l'arrètrendu le 22 décembre 1986
par la Chambre de la Cour appelée à trancher le Différedfrontalier entre le
Burkina Faso et le Mali et qui font le point sur les règles applicables enla
matière :

"En matièrede délimitationde frontièresou de conflit temtorial
international, les cartes ne sont quede simples indications, plusou

moins exactes selon les cas ; elles ne constituent jamais -à elles
seules et du seul fait de leur existence- un titse temtorial, c'est-à-
dire un document auquel le droit international confère une valeur
juridique intrinsèque aux fins de l'établissement des droits
territoriaux. Certes, dans quelques cas, les cartes peuvent acquérir
une telle valeurjuridique mais cette valeur ne découle pas alorsde
leurs seules qualités intrinsèques:elle résulte dece que ces cartes
ont été intégrées parm leis éléments qui constituent l'expressiodne

la volontéde I'Etatou des Etats concernés. Ainsien va-t-il, par
exemple, lorsquedes cartes sont annexées àun texte officiel dont
elles font partie intégrante. En dehors de cette hypothèse
clairement définie,les cartes ne sont que des élémentsde preuve extrinsèques, plus ou moins fiables, plus ou moins suspects,
auxquels il peutêtr fait appel, parmi d'autres éléments de preuve
de nature circonstancielle, pour établir ou reconstituer la

matérialitédes faits.
(---)
"En conséquence, hormis l'hypothèseoù elles ont été intégrées
parmi les élémentsqui constituent l'expression de la volonté de
I'Etatles cartes ne peuventà elles seules être considéréecsomme
des preuves d'une frontièrecar elles constitueraient dans ce cas
une présomption irréfragable, équivalant en réalité à un titre

juridique. Elles n'ont de valeur que comme preuves à caractère
auxiliaire ou confirmatif, ce qui exclut égaiementla possibilitéde
leur conférer la qualité de présomptions juris ranturn ou
réfragables,ayant pour effet de renverser le fardeau de la preu"e.
(C.I.I. Rec 1986,pp. 582-583).

80. En la présente espèce, la carte établie par les autorités

françaises aux lendemains de la signature de la Déclaration additionnellene
peut êtrerattachée entièrementà aucune des catégories"pures" dégagées par
la Chambrede la Cour :
-elle n'est pas expréssement "intégréeparmi les élémentsqui
constituent I'expression de la volonté(...des Etats concernés"en ce sens
qu'elle n'est pas vide par le texte deraccord ;elle n'a pas d&slors "une
valeur juridique intrinsèque aux fins de l'établissement des droits

territoriaux"et la Républiquedu Tchad ne leprétendpas ;
-mais, à I'invene, cette carte n'estpas non plus un simple "élément
de preuve extrinskque" ; établie par l'une des partiesà titre illustratif,
largement diffusée -notamment aux assemblées parlementaires-, et non
récuséepar I'autrepartie, elle traduit de manière convaincanteleur intention
commune et présente à ce titre une valeur probante. certes pas irréfragable,
mais considérable.

81. A cet égard, elle apparaît comme un élément
particulièrement précieux pour l'interprétation du paragraphe 3 de la
Déclaration. L'attitude de la Grande-Bretagne l'égard de la carte en
question rejoint celle de la France et leur attitude commune peut s'analyser
en un accord tacite;intërprétation authentiquede la Déclaration.

82. En tout étatde cause, elle est constituve d'une "pratique
ultérieurementsuivie dans l'applicationdu traité".La France et la Grande-
Bretagne confirmeront du reste expressément I'intention traduite par cette
carte dans la Convention signéele 8 septembre 1919,dont le texte seborne à
décriretrèsexactement le tracé reportésur la cane annexéeau texte de la
Déclaration publiépar la France. C'est également à cette carte que se réfère
l'Accord franco-italien du ler novembre 1902 (annexes 78/79 et 80),

égaiement mentionné par I'annexe1au traité franco-libyendu 10août 1955. 83. Avant d'examinerce deuxième instrument de référence, il
convient de résumerles enseignements que l'onpeut tirer de la Déclaration

du 21 mars 1899 :
i/il résulte deson texte et de son objet mêmeque les deux parties
entendaient délimiter prtcisément leurs zones respectives d'influence,
notamment au Nordet àl'Estdu lac Tchad ;
iil le texte de la Déclaration est cependant ambigü en ce qui
concerne le tracé decette limite : le paragraphe 3 indique une "direction"
générale,encoren'est-elle indiquée quW'en principe" ;

iiil la dernière phrase de ce paragraphe 3 implique cependant
nécessairement quele point d'aboutissement dela ligne descendant depuis le
point de rencontre du Tropique du Cancer avec le 16èrnedegréde longitude
Est de Greewich "dans la direction du Sud-Est jusqu'à sa rencontre avec le
24èmedegréde longitude Est de Greenwich", soit situénettement au Nord
du 15èmeparallèle puique, à partir de l'intersectionde cette ligne orientée
"Sud-Est" la limite "suivra ensuite le 24èmedegréjusqu'a sa rencontre, au

Nord du 15èmeparallèlede latitude" avec la future frontièredu Darfour ;
ivl ce point d'intersection est, également,nécessairementsituéau
Nord du 18èmedegréNord puisqu'un projet britannique le situant à cette
latitude a étévivement critiquépar CAMBON et la description de la ligne,
modifiéepour fairedroit àces protestations ;
vl cette ligne est du reste conforme au souci constamment exprimt
par les parties de laisser dans la zone française la totalité de la zone

montagneuse du Borkou, de I'Ennedi et du Tibesti et des oasis qui en
dépendent telle qu'elle est figurée sulra carte d'état-major française de 1896
et sur celle de Justus PERTHES de 1891-1892 ;
vi/ la carte française dont il ressort que le point d'aboutissement de
cette ligne est situé à l'intersection, au moins approximative, du 24ème
méridienet du parallèle 19'30'Nord, largement diffuséequi ne pouvait être

ignorée dela partie britannique -qui n'a tlevt aucune protestation- constitue
la preuve de l'intention des parties.

84. Le dernier alinéade la Convention supplémentairefranco-
britannique du 8 septembre 1919ne fait d'ailleursrien d'autreque de donner
une description littérairede la ligne figurant surcette cart:

"II est entendu que la présente convention ne modifiera en rien
l'interprétationdonnée à la iiéclarationdu 21 mars 1899,d'apiès
laquelle les termes de l'article 3 "elle se diigera ensuite vers le
Sud-Est jusqu'au 24ème degréde longitude Est de Greenwich
(2l040' Est de Paris)" signifient "elle prendra une diction Sud-
Estjusqu'au 24èmedegréde longitude Est de Greenwich au point
d'intersectiondudit degréde longitude avec le parallèle 19'30'de

latitude" (annexe 7). SECTION 2.
LES ACCORDS FRANCO-ITALIENS DUIER NOVEMBRE 1902

85. II résultede la section précédentedu présentchapitre que
la Déclaration additionnelledu 21 mars 1899 envisagée dansson contexte, à
la lumièredes travaux préparatoireset de la pratique subséquentedes parties,
décritde façon raisonnablement précisela limite septentrionale de la zone
d'influence françaisedans cette partie del'Afrique.Dèslors, le renvoià cet
instrument effectuépar l'Annexe1au Traité franco-libyen de1955 pourrait
se suffireà lui-même etl'on peut considérer que la frontière séparantle

territoire de la Libye d'une partde celui du Tchad d'autrepart est celle que
décritlaDéclaration deLondres, puisque, àla connaissance de la République
du Tchad, ce tracén'ajamais 6témodifiédepuis lors.

86. En effet, les autres instmments viséspar le Traitéde 1955,
loin de modifier cetrac&,le confirment au contraire, ou le complètent.

87. Tel est le cas, en particulier, des accords franco-italiens du
ler novembre 1902qui, dèslors, ont une fonction doublementconfirmative :
-en premier lieu, le texte de cet échangede lettres constitue une
réaffnmationdu tracé de 1899qu'il complète (1);et,
-en second lieu, le trac6 ainsi réaffirmé devient opposable à la
Libye en tant que successeur de l'Italie et non plus seulement du fait du

renvoi effectu6par leTraitéde 1955(II).

1.LA CONFIRMATION DU TRACE DE 1899

88. L'utilisation, par I'Annexe1 au Traitéd'amitik et de bon
voisinage entre la France et la Libye de 1955,du pluriel pour renvoyer "aux

accords" franco-italiens du ler novembre 1902est assez étrange à première
vue : en r6alit-5, il s'agit là d'un accord unique constitué par plusieurs
instruments :
-une lettre de PRINETTI, Ministre des Affaires étrangèresd'Italie,
% BARRERE,Ambassadeur de France àRome (annexe 78179) ;
-une réponse de BARRERE(annexe80) ;
-une nouvelle lettrede BARRERE à PRINETïI (annexe81) ;
-et une réponse decelui-ci(annexe82).

Ces deux derniers instmments, datés du 2 novembre 1902 interprètent
l'échangede lettres principal sur un point qui n'a aucune incidence en la
présente espèce. Quant aux lettres de PRINETTI et de BARRERE qui
forment le corps mêmede l'accord,elles portent, formellement, la date du
ler novembre 1902mais ont, en réalité, étééchangéesle 10juillet, dans des
conditions qui sont rapportéesci-après(no116).

89. Au surplus "ces accords" qui, au point de vue juridique
n'en sont qu'un, complètent un échange de lettres antérieur et ont étéprécédéesd,e part et d'autres, de plusieurs déclarations unilatérales quo int
une valeurjuridique et contribuent en éclairerla portée.

90. Avant d'analyser le texte des accords datés du ler
novembre 1902(B),il convient donc d'enétudierles précédents (A).

A. LES PRECEDENTS

91. L'attitude de l'Italieà l'égardde la Déclaration franco-
britannique de 1899 contraste très vivement avec celle adoptée par la

Turquie :alors que celles-ci a élev.6de vives protestations (v.infra no 123et
S.) l'Italie a, par la voix de ses représentants les plus autorisés, fait
immédiatement savoir qu'elle se désolidarisait de la Sublime Porte et,
progressivement, elle en est venue à reconnaître formellement le partage
franco-britannique.

92. Cette reconnaissance résulte. pour l'essentiel, des

circonstancessuivantes :
ilun discours du Ministre italien des Affaires étrangèresen date du
24 avril 1899 ;
ii/ un premier accord secret des 14et 16décembre1900 ;et
iiil des déclarations concordantes faites respectivement par les
Miistres italien et français des Affaires étrangèresdevant la Chambre des
Députésde chacun des deux pays à la fin de l'année1901 et au débutde
l'année1902.

1 -Le discours de l'Amiral CANEVARO -24avril 1899

93. Dès le 24 avril 1899, l'AmiralCANEVARO. Ministre des
Affaires étrangèresa prononcé, devant le Sénat italien,un discours dans
lequel il anaysait d'unepart la Convention franco-britannique de 1890et les
accords subséquents (la Convention de1898et la Déclaration additionnelle

de 1899) et, d'autrepart. les protestations turques contre le premier de ces
instruments. IIdéclarait notammentque,par cette convention,

"la France déclarait vouloir respecter les droits de la Turquie ;
mais au fond cette expression impliquait seulement le respect des
droits du Sultan sur le Fezzan et non sur l'hinterland de la
Tripolitaine (...)Une note de la Porte, de novembre 1890 (cf.
annexe 20). exagéraittellement l'hinterland sur lequel le Sultan
croyait avoir droit qu'elle étaitde naturàfroisserles droits acquis

selon la théoriemêmede i'hinterland parla France, l'Allemagneet
l'Angleterre. Celles-cine pouvaient pas attacher d'importance aux
prétentions turqueset réglèrentleur situation autour du lac Tchad
par l'accord du 13 mars 1894 délimitant les confins entre le
Cameroun et le Congo français, et assurant pratiquement à la France la côte orientale et septenmonale du Tchad. Le prétendu
hinterland de la Turquie étaitconsidérablement diminué (...).
Depuis lors, il était naturel que le Soudan français et le Congo
français cherchassentA se réunirdu Nord et de l'Est surle Tchad,

en étendant ainsi l'influence françaiseAtout l'hinterlandtripolitain
en traversant les routes des caravanes qui joignent la côte de
Tripoli avec le centre de l'Afriqu(...)La convention du 21 mars
1899 était la conséquence inéluctablede la politique suivie en
Afrique par toutes les puissances intéressées pendant les neuf
dernières années".(annexe60) (traduction publiéepar le B.C.A.F.
de 1899 ;le texte original a déposé au Greffe de la Cour).

94. Sans doute, ce discours ne constitue-t-il pas -pas encore-
la reconnaissance expresse du trac6 de la limite de l'expansion française
convenueentre la France et la Grande-Bretagneen 1899.Mais, il n'enest pas
moins fort intéressanà au moins deuxpoùits de vue :
-d'unepart l'ltalie,par la voix du Chef de sa diplomatie, reconnaît,
dans son principe, le bien-fondéde l'acquisition, par les Puissances,de zones

d'influencedanscette partie de1'Afrique ;
- d'autre part et surtout, l'Italie renonce ainsi à se poser en
successeur des prétendus"droits" de la Turquie, droits qu'elle lui conteste
formellement (surce point v. aussi infra no 143).

2 - L'échangede lettresBARRERE 1VISCONTI VENOSTA

95. L'acceptation par l'Italie dela Déclarationde Londres de
1899 prend un tour plus positif avec l'échange de lettres des 14 et 16
décembre 1900entre Camille BARRERE, Ambassadeur de France àRome,
et le Marquis VISCONTI VENOSTA, Ministre italien des Affaires
étrangeres(annexes65/66,67 et 68).

96. A nouveau, il ne s'agit certes pas d'un traitéde délimitation
frontalière et, pour faire bref,'objet principal de l'accord consiste en un
désintéressement réciproque - mais inégal; de l'ltalie au Maroc et de la
France en Tripolitaine. Comme l'explique BARRERE dans la lettre qu'il
adresse à DELCASSE, Ministre français des Affaires étrangeres, et qui
accompagne le texte de l'échange de lettres,il s'agit avant tout

"de rassurer le Gouvernement de Rome et de lui donner des

garanties sur une extensionerritoriale du côté deTripoli, qui n'est
pas dans notre sphère d'action et que la politique coloniale
française en exclut. Mais, ce règlement amical de comptes (...)
serait incomplet s'il ne comportait pas, de la part de l'Italie, la
reconnaissance parallèle denos droits et de notre actionAl'égard
de Empire du Maroc" (annexe 69).

97. Toutefois, l'accord -destiné A être tenu secret- est
étroitementlié à la Déclarationfranco-anglaise de 1899 : -comme l'indique BARRERE danssa letee précitée à DELCASSE
du 10janvier 1901, "la signaturede la Convention africainede Londres du
20 (sic) mars 1899 a été l'un des éléments qui"ont fait naître l'occasion
d'ouvrircette importante négociation" (annexe 69);

-il s'agitde "réitérer" d'une manière plus explicite les assurances
données par la France à l'Italie aux lendemains de la conclusion de la
Déclaration (annexes 65/66) ;
-et, en conséquence, BARRERE déclare avoir

"été autorisé parle Ministre des Affaires étrangères à faire
connaître àVotre Excellence (VISCONTI VENOSTA) (...que la

Convention du 21 mars 1899, en laissant en dehors du partage
d'influence qu'elle sanctionnele vilayet de Tripoli, marque pour la
sphère d'influence française par rapport à la Tripolitaine
Cyrénaïque, une limiteque leGouvernement de la Républiquen'a
pas l'intentionde dépasser"(ibid.).

98. La réponse de VISCONTI VENOS'I'A ne porte pas
directement sur ce problème (cf. annexe 67). Toutefois,ilconvient de garder
à l'esprit le fait que l'échange de lettres a fait l'objet d'une véritable
négociationet a abouti à ce qui les deux parties ont considéré commeun
accord équilibréA. cet égard, BARRERE s'exprime dans les termes suivants:
"Laconversation a été longue et laborieuse ;ellea duré plus d'un
an et demi ;et ce délai s'explique d'ailleurs pleinement par
l'extrêmedifficulté de trouver, pour définir avec mesure et

précisiondes situations dissemblables, les termes qui convenaient
à notre mutuel intérêt" (annexe 69).

99. Il résultede cet accord que l'Italiereconnaît non seulement
la validitéde principe du partage opéré par la Déclaration franco-britannique
de 1899 -ce qu'avait déjà faitl'Amiral CANEVARO l'annéeprécédente-,
mais également celle de la limite de la sphère d'influence française en

résultant et qu'elle se satisfait de l'assurance donnéepar la France selon
laquelle la sphère d'influence française déterminéepar la Déclarationde
1899n'empiètera pas sur la Tripolitain-Cyrénaïque.

100. 11n'estpas sans intérêdte relever que, au débutde I'année
1902-et même au printemps 1901s,'ilfaut en croire une note manuscrite de

DELCASSE sur une dépêche adressé àeBARRERE le 29 novembre 1901
(annexe 72)-, des pourparlers on eu lieu entre Lord CURRIE, Ambassadeur
de Grande-Bretagne à Rome, et PRINETI, qui avait succédé à VISCONTI
VENOSTA. Au cours de ces discussions, le nouveau Ministre italien des
Affaires étrangères chercha à obtenir de la part de l'Angleterre des
assurances comparables à celles que son prédécesseur avait obtenues de la
France. Ces négociations témoignente ,lles aussi, de la reconnaissance par
l'Italiede la Déclaration franco-britannique du 1899et deses effe:s

-lors d'une conversationavec Lord CURRIE, le 31 décembre 1901,PRINEïTI évoque son discours du 14 décembre (annexe 333) (cf. infra
n0104)et se félicitedesassurancesdonnéespar la France quant au fait que la
Déclarationde1899marque la limite de sa sphèred'influence;
-il revient sur ce point le 2 janvier et presse la Grande-Bretagne

fairede même(annexe 73/74), comme CANEVAROl'avaitdéjàdemandéen
1899(cf.annexe77);
- et, le 13janvier, il propose un projet de texte très exactement
calqué sur celui de la lettre de BARRERE en date du 14 décembre 1900
(annexe 65/66 -v.supra n098) ;
-un nouveau télégrammede Lord CURRIE, en date du 20 janvier
suggère que les Italiens se satisferaient d'une limite fixée au Tropique du
Cancer(annexe75/76).

101. Bien que, dans l'état actuel des documents en sa
possession, la Républiquedu Tchad n'aitpu déterminersi un accord formel a
finalement été conclu, cetéchange de vuesconfirme de la manière la plus
claire que l'Italie, loin de contesterla validitéde la Déclaration additionnelle
de Londres, se montre au contraire trèssoucieuse d'obtenirl'assuranceque la
ligne convenue constitue une limite de leurs zones d'influence respectives
par rapport à la Tripolitaine que ni la France. ni la Grande-Bretagne n'ont

l'intention de dépasser.

3 - Lesdéclarationsde PRlNETTI - 14 décembre1901

102. Au milieu de Vannée1901,le nouveau Ministre italien des
Affaires étrangères, PRINETTI, proposa à BARRERE de publier "la
substance de la lettre que (celui-ci) avait soumise à M.VISCONT1-

VENOSTArelativement à Tripoli" (cf. la lettrede BARREREà DELCASSE
du 21 juillet 1901 -annexe 70). La France, soucieuse de ménager "les
susceptibilités de la puissance souveraine à Tripoli" (ibid.),pouvait
difficilement accepter cette proposition sous cetteforme.

103 L'idée fitneanmoins son chemin,et, le 14 décembre 1901,
PRINETTI fit, devant la Chambre des députés italiens. la déclaration

suivante :

"...déjà depuis quelque temps, le gouvernement de la
République a pris soin de nous informer q~ela Convention
franco-anglaise du 21 mars 1899 marquait pour la France, par
rapport à la région attenante à la frontière orientale de ses
possessions africaines et en particulier par rapport au vilayet de
Tripoli, province de l'Empire turc, une limite qu'il n'avait pas
l'intentionde dépasser, ajoutant qu'iln'entrait pasdavantage dans

ses projets de couper les routes caravanièresde la Tripolitaine au
centre africain. Depuis Ion les relations amicales des deux pays
sont devenues telles qu'ellesont permis aux deux gouvernements
d'échanger en toutes occasions des explications qui les ont
toujours amenés à constater à leur satisfaction la parfaite
concordance de leurs vues sur ce qui est de natuàeintéresser leur situation respective" (ann333)9

104. Cette déclaration constitue une confirmation de l'accord
des 14-16 décembre 1900 :le Ministre italien prend acte. avec satisfaction,
des assurances donnéespar la France, selon lesquelles la Déclarationde
1899marque la limitede ses possessions africaines par rapport au vilayetde
Tripoli. Parà même,l'Italiereconnaît le bien fondéde cette limite.

105. Cette reconnaissance revêt uneimportance d'autant plus
grande que le texte de la déclaration de PRlNETTI a fait l'objet d'une
véritable négociationdiplomatique entre les deux pays, négociationqui a
duréprèsde cinq mois (de juilleà décembre)et durant laquelle les termes
utilisés parle Ministre ont été soigneusement pesés, discutés et approuvés
par les autorités françaises.

106. Ainsi, par exemple, dans un télkgramme adressé le 28
novembre 1901 à DELCASSE, BARRERE indique que PRINETTI
"acceptait entièrement, sauf deux modifications" un projet, apparemment

conçu par le Ministre françaisdes Affaires étrangères (donlta Républiquedu
Tchad n'a putrouver le texte) (annexe 71). Le lendemain, DELCASSE
répond :

"Pour donner satisfactiànM.PRINEïïï, i'acc qu'i>jtueeà
titre d'explication person..."e

(annexe 72 -souligné parla Républiquedu Tchad).
Et, quelquesjours plus tard, l'Ambassadeurde France en Italie i:dique

"lJ)e me suis mis d'accordavec M.PRINE'iTI sur les termes de la
déclaration que le Ministre des Affaires étrangères du Roi se

propose de faire au Parlement concernant nos arrangements
relatifs aux intérêts franco-italiens dans la Méditerranée"
(souligné par la Républiqeu Tchad).

107. Ici encore, il n'y a guère de doute sur le caractère
conventionnel de cette déclaration.supra 11'99).Et ce caractèrese trouve
encore accentué par celle, parallèle, faite par DELCASSE, devant la
Chambre des députés françaisle 21janvier 190: "(L)a convention africaine du 21 mars 1899 qui, enveloppant
définitivement dans notre sphère d'influence les territoires du
Borkou, du Tibesti, du Kanem, du Baghirmi et du Ouadaï, a relié

la rive française du Congoà la rive algérienneet tunisienne de la
Méditerranéef,orme ainsi pour nous, par rapport aux autres pays
et régions attenant à la frontière orientale de notre domaine
africain, une limite que nous n'avonspas l'intention de dépasser,a
très heureusement modifiéle caractèredes relations politiques de
la France et de l'Italie.
"Ces relations sont devenus tellement amicales et confiantes

qu'elles ont permis aux deux gouvernements d'échanger
directement, à leur égale satisfaction,des explications complètes
sur tous les intérêtsans la MéditerranéeE. t ces explications,qui
les ont amenés à constater la parfaite concordance de leurs vues
sur tout ce qui est de nature intéresserleur situation respectives
ont abouti au mois d'avrildernier,à la manifestation éclatantede
Toulon, saluée des deux côtés desAlpes comme le terme d'une
trop longue périoded'inutilesmalentendus" (annexe 334).

Le parallélisme des démarcheseffectuées de part et d'autre des Alpes et
l'identitédestermes utilisés sont trèsfrappants et cette conjonction- relevée
par la partie italienne (cf. la dépêche de l'Ambassaddr'Italieen France du
22 janvier 1902 - annexe 77)- confirme l'accorddes deux pays sur la limite
de la zone d'influencerancaise.

B. L'ACCORD PRINETTI-BARRERE

108. L'acordsecret des 14et 16décemhre1900,précédé palre
discours de CANEVARO du 24 avril 1899 et prolongépar les déclarations
croisées de PRINETTI et de DELCASSE des 14 décemhre 1901 et 21
janvier 1902, constitue la reconnaissance par l'Italie de la zone d'influence

française. Il n'apporte sur celui-ci aucun éclairagenouveau et ne le complète
pas. Il en va différemment pour le second accord secret franco-italien
constituépar les échangesde lettres PRINEïïï-BARRERE datéesdes ler et
2 novembre 1902.

1- L'élaboration de l'accord

109. A vrai dire, comme la République du Tchad l'a montré
supra (sub lilf.A), l'échange de lettres de décembre 1900se suffisaià lui-
mêmeen ce qui concerne la reconnaissance par l'Italiedes limites de la zone
d'expansion française fixéespar la Déclarationde Londres. Aussi bien, la
confirmation de cette reconnaissance et les précisions quilui sont apportées
ne constituent-elle pas l'objet principal de l'accord secret de 1902; dans

l'esprit des négociateurs, BARRERE pour la France et PRINEïTI pour
l'Italie,il s'agissaitbien plutôt, d'atténuerles désagréments résuptour la
France du renouvellement de la Triplice; pour reprendre l'explication
donnée,en 1912,par BARRERE à POINCARE, "L'accord(de 1902) n'est pas ...un contre-traité, maisil est une
contre-vartiede la Triplice" (annexe85- soulignédans le texte).

110. Comme on peut le penser, la France n'envisagerait eneffet
pas sans inquiétude la reconductionde la Triple Alliance conclue en 1882
enire l'Allemagne, l'Autriche-Hongrie et l'Italie, renouvelée en 188e7t qui
devait l'êtrà nouveau en 1902.Or, comme le rappelait BARREREdans sa
lettre précitée POINCAREdu 10mars 1902;

"... la Triple Alliance comportait un caractère éventuellement
offensif qu'ilconvenait de faire disparaître dans l'intérdte notre
sécurité et desrapports d'amitiéentre lesdeux pays" (annexe 85).
Tel est l'objet premierdes négociationset le résultatle plus spectaculairede
l'échangede lettres de 1902.

Cependant.comme le relève également BARRERE,
111.

"...les lettres datées du ler novembre débutaient par des
déclarations relativesau Maroc et à la Tripolitaine. Ce n'étaitpas
sans raison qu'on avait rattachces questions à l'interprétationnde
la Triple Alliance. On avaitvoulujustifier cette interprétation par
l'importance qu'avait pour les deux pays ce règlement de leurs
intérêts méditerranéens. Ainsi s'expliqu potr l'Italiele motif qui

l'avait amenéeinous donner des assurances en cas de guerre
franco-allemande"(ibid).

112. Le lien entre les deux principaux problèmes résoluspar
l'accord de 1902 a d'ailleurs eu une conséquence inattendue en ce qui
concerne la date de celui-ci.Formellement en effet, les instruments qui le

constituent portent respectivement les dates du ler novembre 1902 (pour
l'échangede lettres principal-cf. annexes 78/79 et 80)et du 2 novembre (en
ce qui concerne les précisions sur le sens et la portée de l'expression
"provocation dicte" utiliséedans les lettres datéesde la veille (cf.annexes
81 et 82); mais, en réalité. toses instruments ont été signéest échangesle
10juillet.

113. Dans la lettre accompagnant l'envoide ces instmments à
DELCASSE, et qui est bien datéedu 10 juillet, BARRERE explique ainsi
cette anomalie :

"Ces pikces présentent une particularité qui demande explication.
Elles se composent de deux exemplairesdes mêmes actes portant
l'unet I'autsedes dates différentes. Votre Excellencea connu par
moi la répugnancede M.PRiNE?TI à signer simultanément avec

le renouvellement de la Triple Alliance des déclarations qui
forment la contre-partie de cet instrument et en affaiblissent
gravement la portée. Cette répugnance était partagée pla erRoi.
Pour amener son ministre à signer,je lui ai proposé,ce qu'ila fini par accepter, de post-dater les pièceséchangées,etil fut entendu
qu'elles porteraient la date du ler novembre 1902. Je ne me
dissimulais pas toutefois les inconvients d'untel expédient,outre

que les engagements souscrits pouvaientmuver leur application
avant le ler novembre prochain, la retraite ou la mort de I'undes
signataires avant l'échéance prévue entraînait fatalement
l'annulation des actes qui portaient leurs signatures. J'ai donc
déterminé M.PRINETT1 à signer, outre des actes du ler
novembre, un instrument identique ponant la date du 10juillet. Il ,
en a étde mêmede i'échangedelettres par lequel M.PRINETTI a

défini, sur ma demande, le sens précis qu'ilattribuait au mot
"directe"dans la clause relative au cas de provocation.
"I l étéentendu entre nous que nous nous rendrions et que nous
déminons le ler novembre prochain les actes portant la date du
10juillet 1902et désormaissans objet; ce qui ne laissera subsister
que ceux datésdu ler novembre. Votre Excellence voudra donc
bien me restituer en temps utile les pièces datées du 10 juillet
1902".(Annexe 344)

2 -Le contenu de l'accord

114 La partie "méditerranéenne" de la lettre adressée par
PRINEîTï àBARRERE se lit ainsi :

"A la suite de conversations que nous avons eues touchant la
situation réciproque de l'Italie et de la France dans le bassin
méditerranéene,t touchant plus spécialement les intérêts respectifs
des deux nations en Tripolitaine-Cyrénaïqueet au Maroc, il nous a
paru opportun de préciserles engagements qui résultentde lettres
échangées à ce sujet entre Votre Excellence et le Marquis
VISCONTI VENOSTA, les 14 et 16 décembre1900, en ce sens
que chacune des deux Puissances pourra librement développersa

sphère d'influence dans les régions susmentionnées au moment
qu'ellejugera opportun, et sans que l'action de l'une d'elles soit
nécessairement subordonnée àcelle de I'autre.Il a été expliqàé
cette occasion que, par la limite de l'expansion française en
Afrique septentrionale, visée dans la lettre précitéede Votre
Excellence du ler décembre 1902, onentend bien la frontikre de
la Tripolitaine indiquéepar la carte annexàla déclarationdu 21
mars 1899, additionnelle à la convention franco-anglaise du 14

juin 1898.
"Nous avons constatéque cette interprétationne laissait subsister
actuellement entre nos gouvernements aucune divergence sur
leurs intérêts respectsans la Méditérranée"(annexes 78/79),

115. La réponsede BARRERE est rédigée dans des termes à

peu p&s identiques :

"Par lettre en date de ce jour, Votre Excellence a bien voulu me rappeler qu'àla suite de nos conversations relativàsla situation
réciproquede la France et de l'Italiedans le bassin méditerranéen
et plus spécialement aux intérêts respectifsdes deux pays en
Tripolitaine Cyrénaique etau Maroc, il nous a paru opportun de

préciser les engagements quirésultentdes lettres échangéesAce
sujet les 14et 16 décembre 1900 entre le Marquis VISCONTI
VENOSTA et moi,en ce sens que chacune des deux puissances
pourra librement développersa sphèred'influencedans les régions
susmentionnées au momentqu'ellejugera opportun et sans que
l'actionde l'une d'ellessoit nécessairementsubordonnéecelle de
l'autre.
"II a étéexpliquéàcette occasion que par la limite de l'expansion

française en Afrique septentrionale viséedans ma lettre précitée
du 14 décembre 1900, on entend bien la frontière de la
Tripolitaine indiquéepar la carte annexée à la déclaration du21
mars 1899,additionnelleà laconvention anglaisedu 14juin 1898.
"Cette interprétationne laissant, ainsi que nous l'avonsconstaté,
subsister actuellement entre nos gouvernements aucune
divergence sur leurs intérêts respectifdans la Méditerranée,et

dans le but d'kliminerd'une manière définitivetout malentendu
possible entre nos deux pays, vous avez étéautorisé par le
gouvernement de Sa Majesté à formuler certaines déclarations
destinées àpréciser lesrapports générauxde l'Italievis-A-visde la
France" (annexe 80).

116.
A la différencede celui des 14 et 16 décembre1900, cet
échangede lettres se présentede manière tout à fait classique, le second
signataire reprenant les termes mêmesutiliséspar le premier ;sa nature
conventionnellene peutdoncêtremise en doute.

117. Sur le fond, l'accord secretde 1902confirme celui des 14
et 16décembre 1900en ce sens qu'ilconstitue une nouvelle reconnaissance

par l'Italiede la validitéde la Déclarationde Londresdu 21 mars 1899de la
sphère d'influencefrançaise. Mais,surce dernier point, ilva au-delà.

118. En effet, au lieu de se borner, comme l'avaient fait
BARRERE et VISCONTI VENOSTAen 1900, A"légitimer"globalement la
Déclarationde 1899, l'échangede lettres de 1902 apporte à celle-ci une

précision fondamentale concernant le tracé de "la limite de I'expansion
française en Afrique septentrionale" expression qui renvoie nonau texte de
la Déclaration de 1899- qui, pour des Etats n'ayant pas participé son
élaboration, pouvaitsembler ambigü (v.supra no 19)-,mais à la carte qui y
est annexéedans tous les documents français officiels, et qui, comme la
Républiquedu Tchad l'amontré(v. supra no 66 à 83) traduit, sans aucune
ambiguïté, l'intention des parties à cette Déclaration, la France et
l'Angleterre. En outre et surtout, la limite visée est ici la frontière de la

Tripolitaine, telle qu'ellefiguresur cette carte. Cette précision accroîtencore
laportée, fondamentale,de l'accordde 1902. II. LA PORTEE DE L'ACCORD DE 1902

119. Evidemmentobligatoire pour les parties àun accord créant
une -ou des -sphère(s)d'influence(v. chapitre II), un tel traitén'est pas, en
tant que tel, opposableauxtiers :

"...les Puissances tierces ne sont pas tenues en droit de s'abstenir
d'établir des relations politiques avec un territoire domé, ou de

l'acquérir, pourla seule raison qu'une Puissance aurait reconnu
qu'il relevait de la sphère d'influence d'une autre" (LINDLEY,
M.F., The Acauisition and Govemment of Bakward Territow in
International Law, préc.no 25, p. 212 -v. aussi UZOIGWE, G.N.,

"Spheres of Influence and the Doctrine of the Hinderland in the
Partition of Africa", Journal of African Studies, 1976, no 3,
p.187)IO.

120. En conséquence,la Républiquedu Tchad ne conteste pas
que la Déclaration franco-britannique de1899,obligatoire dans les relations
entre la France et la Grande-Bretagne, n'était pasopposable aux Etats tiers,

notamment à la Turquieet à l'Italie.

121. En revanche, l'acceptationpar l'Italiede la Déclaration de

1899d'une façon générale puis, de manière plus précise, de "flraontièrede
la Tripolitaine indiquéepar la carte annexée" à cette Déclaration,enuaîne
l'opposabilité à ce pays du tracéde cette frontière (B) et, du mêmecoup,
implique une renonciation par ce pays aux droits éventuelsque la Turquie a

prétendu revendiquer dansla zone d'influencefrançaise (A).

A. LA RENONCIATION PAR L'ITALIE
AUX PRETENDUS DROITS DE LA TURQUIE

1.Les revendications turques

122. Contrairement à i'ltalie,la Turquie, alors souveraine sur le

Vilayet de Tripoli, avait vivement réagiau partage des zones d'influence
françaiseet britannique réalisé par les accorddse 1890et 1899.

123. Déjà p,ar une note en date du 30 octobre 1890, adressée

dans les mêmestermes à la France et à la Grande-Bretagne (annexe 20121).
la Turquie a protesté contre la délimitation de ces zones en s'appuyant

IO .Traductiondc la HtpuDliqucdu.Tcrk cinglnllThinl Poucrr no!dcbmd by IauImm
csmblirhipi1iu.drrlallon< uorzquinng. a gliIcrnlomcmly keaw thai ~rrniog hs ken
atnoulcagca byomuer tok uithtn <ph<*ofinnucn~ofan~iihcr'notamment sur "les anciens titres et la docmne mêmede l'hinterland. Les
revendications turques portaient sur de vastes étendues allant jusqu'à la
frontière septentrionaledu Cameroun et à la ligne de partage des eaux entre

les bassins du Congo et du Tchad.

124. La France et la Grande-Bretagne écartèrent ces
protestations en affirmantque l'accordde 1890respecte

"scrupuleusement les droits qui peuvent appartenir à S.M.1 le

Sultan dans les régions situées au Sud de ses provinces
tripolitaines" (lettres de SALISBURY à WADDINGTON du 5
août 1890et réponse deWADDINGTON en date du 6 août 1890 -
annexes 18et 19 ; v. aussi la Déclarationdu Ministre anglaisdes
Affaires étrangères à la Chambre des Lords, Il août 1890 -
Production 240, celle du Ministre français à la Chambre des
députés,2 novembre 1890 -annexe 330- et la réponsefrançaise à

la note turquedu 29 novembre 1890).

sans donner davantage d'explications maisen témoignant ainsi clairement de
leur convictionque la Déclarationde Londres ne portait nullement atteintà
l'indépendanceet àl'intégritterritoriale de l'Empire ottoman garantiespar
l'article 7 du Traitéde Pans du 10 mars 1860 confirmépar l'article 8 du
Traitéde Londres du 12 mars 1871 et l'article62 de celui de Berlin du 13

juillet 1878.

125 Malgré cette rebuffade, la Sublime Porte, qui semble
n'avoir pas réagià la Convention franco-britannique du 14juin 1898 a, en
revanche, protestéà nouveau contre la Déclaration additionnelle. Elleleàfit

l'égard dela France par une premièrenote en date du 28 mars 1899(annexe
58)amplifiéepar unenouvelle nte du 13mai 1899(annexe 62). Elle yréitère
sa protestation de 1890, rappelle que la France et la Grande-Bretagne sont
garantes de l'intégritemtonale de l'Empire ottomanet ont renouvelé cette
garantie en 1890, risque diverses considérations sur la notion juridique
d'hinterland-qui serait reconnue par la France- et affirme que les territoires
contestésont eu "de tout temps" des "liens multiples. matérielset moraux"

qu'elle détaille- avec "les autorités impériales de la Tripolitaine". Des
démarches identiques ont étéeffectuées par l'Ambassadeur de Turquie à
Londres auprèsde Lord SALISBLRY.

126. Le Ministre français des Affaires étrangères a, parune note
assez sèchedatée de juin 1899,rejeté ces protestationsen faisant valoir que

"les territoires mentionnésdans cet acte (la Déclaration de1899)ne font "en
aucune manière partie de la Tripolitaine" (annexe 63). La doctrine de
l'époquen'apas davantage pris au sérieux les protestationsde la Turquie (cf.
ROUARD DE CARD, E., La France et la Turauie dans le Sahara occidental,
Pédone, Paris, 1910, p.30ou Le différend franco-italien, Pédone-Gambier,
Paris, 1929, p.19; LORIN,H., "L'Italie et laTripolitaine", Rev. ool.et uarl.,
10janvier 1902,p.344). Il convient cependant de s'interroger surleur bien-

fondé. 2 -La valeur juridique des prétentions turques

127. Par elles-mêmes, les prétentions de la Turquie à la
souveraineté sur la région située au Sud-Ouest de la limite fixée par la
Déclarationde 1899 à la zone d'influence fran~aise sont dénuéesde tout

fondement. Néanmoins, par son attitude ultérieure, la Turquie lardonné,à
titre éphémère, une certaine consistance, dosta défaite faàel'Italie leàa
nouveau privées.

a) -L'absence de droitsturcs originaires

128. Mêmesi l'on s'en tient aux manifestations qui, selon la
note de l'Ambassadeur ottoman à Paris du 19 mai 1899 (annexe 335 -
v.supra n0126), établiraient "l'influence souverade Sa Majesté Impériale
le Sultan sur la zone comprenant notamment les territoiresde la Valléedu
Tchad, de Kanem, de Ouaday,de Tibesti et de Borkou", celles-ci sontloinde
démontreri'exercice par laSublime Porte d'une quelconque souveraineté
temtonale sur cette trèsvaste région, qu'il s'agdexcursions militaires" -

dont il n'existe pasde traceà la connaissance de la Républiquedu Tchad
avant 1910.. d'"envoi de fonctionnaires civils, de magistrats et de
personnages religieux" -envoi qui semble également fort hypothétique-de
casavanes traversant ces territoires,du "commerce prospère" qui y est
mentionnésans lien particulier avec Istambul,ou de la "mention de nom de
sa Majesté Impériale le Sultan dans les prières publiques"- mention au
demeurant fort douteuse.

129. En effet, quels qu'aient pu êtreles liens pouvant exister
entre la Senoussia et l'Empireottoman -liens dont la Républiquedu Tchad
n'apas trouvétrace avant la fin du XIXèmesiècle-, ils n'étaient assurément
pas de subordination et, moinsnocre, de souveraineté. Comme l'indique une
dépêche du Consulat généd rael Francà Tripoli de Barbarie en date du 5
septembre 1899,

"C'est aux tribus du-désert, aux confréries religieuses, aux
souverains locaux que les négociants doivent demander une
protection ou un appui et leur qualitéd'ottoman n'est pas une
sauvegardepour eux ...(annexe 64).

Et une autre dépêche française, d15juin 1910,soit à la veillede l'éphémère
tentative d'occupation turque,met en avant le fait que les Senoussis semblent

redouter etfuir toute domination française mais aussi égyptienneou turque,
les Français étant considérécsomme des infidèleset les Turcs comme des
hérétiques.

130. Sans qu'il paraisse utile d'approfondirce point puisque de
toutes manières,la Turquie a, par la suite, renoncàses prétendus "droits",
la situation était donc la suivantela fin du XiXèmesiècleet au débutdu
XXème :le B.E.T. -qui comprend la bande d'Aozou- était soumià l'autorité,
directe ou indiuecte,de la Senoussia qui, conirairemenà la Sublime Porte,n'avait pasété"admise au bénéfice du droit publidce l'Europeu.La Turquie,
pour sa part, n'yexerçait qu'une influence fort ténue-si mêmeelle en avait
une- qui, en tout étatde cause, ne s'apparente en aucune manière à une
quelconque souveraineté territoriale.

b)- Les tentatives de la Turquie
pour affermir ses"droits" et leur échec.

131. Au demeurant, si la Turquie ne pouvait, en 1890, ni en

1899,sérieusement invoquerdes droits sur la région, rien ne l'empêchait d'en
acquérir :"Puissance européenne", reconnue commeun Etat à part entière,
elle avait vocation à bénéficierdes mêmes "droits"que les autres Etats
européens au regard du droit international prévalant alors. En d'autres
termes. il apparaît que les accords franco-britanniques de 1890-1899 ne lui
étaient pasopposables (v.supra n0120) et qu'aucun principe juridique ne
s'opposaità ce qu'elleétabîtson autorité effective sur les territoires qu'elle
disputaità la France.

132. Elle s'yessaya en effet.

133. Il semble que, dans un premier temps, immédiatement
après la signaturede la Déclaration additionnellede 1899entre la Franceet

l'Angleterre, la Sublime Porte a fait quelques tentatives de rapprochement
avec la Senoussia et les sultanats locaux;mais ceci ne se traduisit guèreque
par de bonnes paroleset l'échangede quelques présents.

134. Les vélléitédse l'"Homme malade de I'EuropeVse sont
faites plus concrètes une dizaine d'années plus tardet il n'est pas douteux
qu'à partirde 1906et, en tous cas, de 1909,on assisàeun rapprochementde

la Turquie avec la Senoussia etqu'en 1911,les Turcs sontà Bardai'età Aïn-
Galaka (v. par exemples, LANNE, Bernard, Tchad-Libve: la auerelle des
frontières, Karthala, Paris,ème Ed., 1982, pp.35-55; MARTEL, A., !&s
confins saharo-tri~olitainsde la Tunisie (1881-19811,PUF, Paris, t.1, 1983,
p.240 ou "Souveraineté et autorité ottomane dans la provincdee Tripoli du
couchant", Ann.Af.du Nord, 1982, p.84; PICHON, J., kwsth&&
Libve dans le règlementde la oaix, Peyronnet, Paris, 1945,p.70).

135. Sans doute, cette présence turque est-elle limitée et se
traduit-elle seulement par l'envoide troupes très nombreuses etde quelques
fonctionnaires civils qui semblent plus soumisà l'autoritéde la Senoussia
qu'ils ne sont en mesurede lui imposer la leur. II n'enreste pas moins que.
compte tenu des circonstances et du caractèrepeu hospitalier de la région.
cette présence effective auraitpu être denature, conformémentau droit de

i'époque,à constituer un titre territorial suffisant(sur ce point, v.aussi infra,
chapitre V. no 130et S.). 136. Encore eût-il fallu que cette présencefût "effective", non
interrompue et permanente" (sentence arbitrale du Roi d'Italie, Victor-
Emmanuel III, 6 juin 1904, Frontière entre la Guvanne britanniaue et le
Brésil. R.G.D.I.P., 1904; Doc. p.18) et se traduisît par "une prise de
possession réelleet durabledans un délai raisonnable" (Sentence arbitralede

MaxHUBER,4 avril 1928,Ile de Palmas, R.G.D.I.P. 1935,p.172).

137. La plupart des auteurs estiment qu'elle s'est limitée à la
seule année 191 1, quelques-uns la font remonter à 1909, voire à 1906
(v.supra no135).Toutefoisquelle qu'aitpu êtrlea duréede la présence turque
-cinq ans, trois ans ou un an-, celle-ci n'estévidemmentpas suffisante pour

fonder un titre territorial valide, que l'on se place sur le terrain de
l'occupationou sur celui de la prescription acquisitive- dont la réception par
le droit des gens est contestée-il est clair que les conditions n'en sont pas
réunies;la présence turquea ététrop éphémèrp eour produire ses effets. Elle
a de plus été contestée vigoureusement par la France qui Luia opposé ses
propres droits (cf. annexe 83).

138. Quoi qu'ilen soit, de l'avis dela Républiquedu Tchad, la
question peut étretranchee. de manière toute aussi nette. d'uneautrehçon :
présente dansle Nord du B.E.T. en 1911,la Turquie s'est retiréeàla fin dela
mêmeannée,par suite de la guerre avec l'Italie. De ce fait, on est revenu au
statu quo ante; toute trace de "souveraineté" turquea dispam et la situation
antérieures'est trouvée rétablie, la région étanta.u regard des normes de
droitinternational prévalanà l'époque,susceptibled'appropriationcoloniale.

139. Or, comme ceci sera établi dans le chapitre suivant du
présent mémoireu , ne fois la Turquie hors jeu, seule la France a fait acte de
présenceeffectiveet durabledans le B.E.T. -y comprisdans la partie la plus
septentrionalede cette région. L'Italiene s'yest, pas sa pan, jamais établie.

3 -Les renonciations italiennes

140. L'eût-elle voulu, quel'Italie n'aurait pu, juridiquement y
affirmer sa présence. Par son attitude constante et par des déclarations
expresses, ce pays a en effet renoncé,en tout étatde cause, à se poser en
successeurdes prétendus "droits"de la Turquie.

141. Déjjaaux lendemainsde la signature de la Déclarationdu 5
août 1890, L'Italies'étaitdissociéedesprotestationsturques.

142. L'Italie prit également ses distances à l'égard des

revendications de la Turquie après la conclusion de la Déclaration
additiomelle de 1899. En outre et surtout, le discours prononcéle 24 avril 1899 par l'Amiral CANEVARO, Ministre italien des Affaires étrangères,
reconnaît de façon particuli5rement nette que la France et l'Angleterre "ne
pouvaient attacher d'importance aux prétentions turques" et "qu'il était
naturel que le Soudan français et le Congo français cherchasseàtse réunir

du Nordet de l'Estsur le Tchad, en étendant ainsi l'influence françaistout
l'hinterlandtripolitain (annexe 6-v. supra no94).

143. L'Italie, qui a confirmé cette position en acceptant
formellement le tracé résultante la Déclaration franco-britanniquede 1899
par les accords de 1900 et 1902,s'yest du reste constamment tenue par la
suite. A aucun moment, elle ne s'est poséeen successeur des droits de la
Turquie. que ce soit dans lariode qui a suivi 1919 (v. infra, chapitre IV)

ou durant la négociation duTraitéLaval-Mussolini(v. infra, chapitre VII).

B.L'OPPOSABILITEAL'ITALIEDELALIMITE
RESULTANTDELADECLARATIONDE1899
ET DELAFRONTIEREDELATRIPOLITAINE

1-L'acceptationpar l'Italie dutracéde1899

144. Si, par lui-même, un traité par lequel deux Etats se
reconnaissent des zones d'influence n'était pas opposable aux tierssupra
no 120), il n'en allait évidemment pasde même lorsqu'une tierce puissance
prenait acte d'un tel partage, comme l'Italie l'a faiàplusieurs reprises
s'agissantde la Déclaration franco-britanniquede 1899 (v.supra I):quand
bien même ellen'est pas, de ce fait, devenue formellement partie à cet

accord, le contenu de celui-ci lui est dèslors opposable. Et, puisque le traité
de base fixe le tracédes zones d'influence convenues, ce tracé est, du même
coup, acceptépar I'Etattiers. Les déclarationsde l'AmiralCANEVARO et
de PRINETTI et, et de façon plus claire encore, l'échange de lettres
BARREREIVISCONTIVENOSTA ontun tel effet (v.supra 1,A).

145. Si l'on peut tirer les mêmesconclusions de l'accord
PRINETTI - BARRERE de 1902, celui-ci apporte en outre deux précisions

supplémentairesde grande portée.

146. En premier lieu, ainsique la Républiquedu Tchad l'adéjà
souligné(supra no 119),l'accordde 1902ne se réfèrepas au texte mêmede
la Déclarationde 1899 mais à la carte annexée. C'estdonc le tracéde la
limite entre les zones française et britannique figurant sur cette carte que
l'Italiereconnaît ainsi implicitement sansqu'ilsoit utile de se préoccuperdu
texte de la Déclaration.

147. En second lieu et surtout,il faut noterque ce n'est pascette
limite entre les zones françaiseet britannique que vise l'accordPRLNE'I-IBARRERE, mais "la frontière de la Tripolitaine indiquée par la carte
annexée",c'est-à-dire une ligne qui, descendant à l'Ouestjusqu'à Toummo
remonte ensuite vers le Nord-Est et rencontre le Tropique du Cancer à la

hauteur du 16èmedegréde longitude Est de Greenwich (point d'où partla
ligne "franco-britannique").

148. Ainsi l'accord de 1902acquiert une portéeconsidérable:
i/ l'Italie y reconnaît formellement la frontière -et non plus une
simple limite de zoned'influence-de la Tripolitaine existaàl'époque ;
iidu mêmecoup, la frontière Nord-Ouestdu Tchad se trouve, pour

la première fois, formellement définie par la ligne allant de Toummo au
Tropique du Cancer, telle qu'ellefiguresur la carte de 1899
iii/ l'Italieadmet également quela sphère d'influencefrançaise peut
s'étendreau maximumjusqu'àla frontièrede la Tripolitaine.

149. En réalité,la France se trouve empêchéep ,ar son accord

avec la Grande-Bretagne, de s'étendre au-delà dela ligne de 1899-sauf si les
deux parties en convenaient autrement- si bien que son expansion se trouve
bornéeau Nord-Ouest duTchad par la frontièrede la Tripolitaine définiepar
I'accordde PRINETTI - BARRERE et au Nord-Est par la limite convenue
avecla Grande-Bretagneen 1899.

Z0 -La confirmation par I'ltalie de son acceptation

150. L'Italie n'est jamais revenue, aprks 1902, sur l'accord
donnépar sonMinistèredes Affaires étrangères.

151. 11est particulièrement révélateu r cet égard queL'undes
premiers gestes du gouvernement italien aprèsla conquête dela Libye a été

de confirmer l'accord de 1902 avec la France. Le Traité d'Ouchy qui
consacre la victoire italienne date des 15et 18octobre 1912.Dix jours plus
tard, le 28 octobre, TITTONI, Ministre italien des Affaires étrangères,
conclut avec POINCARE, Président du Conseil français, un accord par
lequel des deux gouvernements

"desireux d'exécuterdans I'ehpritle plus amical leurï accord5 de
MU, confirment leur mutuelle intention de n'apporter

réciproquement aucun obstacle à la réalisation de toites les
mesures qu'ils jugeront opportun d'édicter,'ltalieen Libye et la
France au Maroc".

(souligné parla Républiquedu Tchad -annexe6)

152. C'est dans cet esprit que les deux Etats entreprirent la

préparation d'unemission visant à "délimiter" la frontière entre la Libye
d'une partet les possessions françaises d'autre part,suiàeune propositionitalienne de juin 1913. C'est ainsi que. dans son rapport sur le budget du
Ministère françaisdes Affaires étrangèrespour 1914, LouisMARiN passant

en revue les questions traitéespar le Département indique :

"Préparation de la délimitation entre la Libye d'une part. la
Tunisie, l'Afrique occidentale et l'Afrique équatoriale française

d'autre part. Le gouvernement italien a reconnu les limites des
zones d'influence française et italienne telles qu'elles ont été
indiquéessur la cane annexée à la déclaration franco-britannique
du 21 mm 1899 relative au centre africain. II ne s'agit donc que

de marquer sur le terrain la frontière qui a étéfixée dans ses
grandes lignes et d'y apporter éventuellement les modifications
que les deux parties intéresseesjugeraient opportunes"(annexe 6).

La date du commencement des opérations ayant été fixée au mois de
décembre 1914, le mêmeLouis MARIN présenta,le ler juillet 1914, un
rapport à la Chambre au sujet d'un projet de loi portant ouvertured'uncrédit
extraordinaire à cette fin. IIy relève:

"...l'Italie avait adhéré à la déclaration du 21 mars 1899.
additionnelle à la convention franco-anglaise du 14juin 1898qui,
par la carte annexée à cet accord, fixe ne varietur mais aussi
théoriquement, les zones d'influence respectives des puissances

européennesdans l'Afriquedu Nord (annexe 336).

En la présenteespèce, indique le parlementaire français, la fronti6re passe
"au point de Tummo" et prend "fin au point de rencontre du Tropique du

Cancer avec le 16èmedegréde longitude Est de Greenwich ;mais, ajoute-1-
il,

"...les ententes italo-anglaises récentes prolongeront peut-être vers

l'Est et jusqu'au Soudan égyptien la frontière commune aux
possessions françaiseset italiennes" (ibid).

153. La démarcationne put être effectuéd eu fait de l'éclatement

de la Guerre de 1914-1918. Mais ces travaux préparatoires établissent
l'adhésioncontinue de l'Italie à l'accord de 1902 et au tracéde la fronti6re
résultant dela carte annexée à la Déclarationde 1899.

154. TIlTONI eut une nouvelle occasion de la réaffirmer,le 27
septembre 1919, devant la Chambre italienne des Députés.Ce membre
intransigeantdu parti colonial italien adéclaré :

"déjà, dans l'accordPRINEïTI - BARRERE du ler novembre
1902, nous avons reconnu la frontièrede la Convention franco-
anglaise du 15 juin 1898 (sic), qui avait assigné à la France le

Tibesti et le Borkou ..."I(annexe 337).
155. Ainsi, il apparaît que l'accorddes 10juillet 1ler novembre

II TraJuruondcla RtpubltqurduTch-îcrironglnzl' GianclacçcdoPBILIEUWUUB Eel 1'
norcmbrc IH12. nui arcrsmo nc.>n<i%iuio18fninticn dcll~cunvcnrioncfranco-inglIR98el 15giuxno
(ri,C~Care11I)V~IUIalIl Frucil il'1.k.u rd .I Boili.1902présente deux caractkres essentiels :d'une part, il constitue un
instmment de référence fondamental dansla mesure où le Traité franco-
libyen du 10 août 1955 y renvoie expressément ; d'autre part, il se présente
comme un instmment autonome, opposable àla libye, en tant que successeur
de l'Italie.

156. Ace second point de vue. l'accord de1902
i/ confirme I'acceptationpar l'Italiedu partage franco-britanniquede
1899, ce que faisaient déjà celui des 14 et 16 décembre 1900 et plusieurs
déclarations gouvernementales italiennes;

iil établit larenonciation par I'ltàlse prévaloirdes droits que la
Turquie prétendait-d'ailleursà tort- avoir sur la régionet, notamment sur le
B.E.T. ;et
iïi/ manifeste la reconnaissance par l'Italiedu tracé,non seulement
de la limite de la zone d'influence française, mais aussi de la frontière
méridionale dela Tripolitaine dont elle est devenue le souverain territorial en

1912 et, en particulier, du tronçon de cette frontière allant de Tummo au
Tropique du Cancer, tronçon qui, à l'époque,était la seule partie de la
frontikrecommune au Tchad et àla Tripolitaine.

157. En tant qu'instmment de référence,L'accordPRINE'ïïI-

BARRERE confirme la Déclarationde 1899. la complète en comblant sa
lacune en ce qui concerne la partie Nord-Ouest de la frontièreet la préciseen
levant toute ambiguïté sur le tracéde la limite septentrionale de la zone
française en se référantnon au texte de la Déclarationelle-mêmemais à la
carte que les autoritésfrançaisesy ont constamment annexéeet qui ne fait
d'ailleursque conforterla seule interprétation possible de celle-ci(v.supra,

section 1,II, B).

---..-N ~ .
LA CONVENTIONFRANCO-BRITANNIQUE

DU 8 SEFTEMBRE 1919

158. Cette interprétation est à nouveau confirmée par la
Conventionsupplémentaire àla Déclarationde Londres du 21 mars 1899 du
8 septembre 1919 (annexe 7). à laquelle renvoie également l'échangede

lettres annexéau TraitéGamitiéet de bon voisinage entre la France et la
Libye en date du 10août 1955(annexe 14).

159. Comme l'accord franco-italien de 1902 étudié dansla

sectionprécedentedu présentchapitre, la Convention franco-britannique de
1919 remplit une double fonction. Descriptive d'abord :considérée
isolément, elle décrit le tracéde la frontikre entre le Tchad et la Libye
accepté en 1955 par cette dernière et par la France,à laquelle le Tchad a
succédé.Confimative ensuite : ce tracéest identique àcelui retenu par la France et la Grande-Bretagne en 1899 et acceptépar l'Italieen 1902 (1).Si

elle est conclue entre des tiers par rapporà ce pays, le tracé ainsi confirmé
ne lui en est, dèslors, pas moins opposable (II).

1.LA CONFIRMATION DU TRACE DE 1899

160. A titre principal, la Conventiondu 8 septembre1919porte
non sur la frontière septentrionaledu Tchad, mais sur celle qui le séparedu
Soudan anglo-égyptienqui fait l'objet de l'essentieldu texte etàlaquelle les
Parties se sont attachées principalement,commeen témoignent,par exemple,
- le nom couramment donné à l'accord dans les correspondances
internes : "Convention Ouadaï-Darfour" (Wadai-Darfur Convention) (Cf.
annexe 95) ;

- l'exposédes motifs du projet de loi ponant approbation de la
Convention soumis au Parlement français qui, lui aussi, présente clairement
celle-ci comme un traité de délimitation entre le Ouadaï et le Darfour
(annexe 338) ;
- ou l'indifférence marquée par les deux parties à l'égardde la
démarcation dela partie septentrionalede la frontière(v.infra no 176).

161. 11n'en reste pas moins que le dernier alinéa de la
Convention supplémentairedécrit,une nouvelle fois, le tracéde la frontière
septentrionale du Tchad (A) et que la démarcationde la frontièreeffectuée
en application de la première partie de cet accord confirme également ce
tracé surun point important (B).

A. UNTEXTE DEPOURVU D'AMBIGUITE

162. Aux termes du dernier alinéade la Convention franco-
britanniquedu 8septembre 1919,

"II est entendu que la présente convention ne modifiera en rien
l'interprétationdonnée à la Déclarationdu 21 mars 1899,d'après
laquelle les termes de l'article3 "elle se dirigera ensuite vers le
Sud-Est jusqu'au 24ème degréde longitude Est de Greenwich
(21°40'Est de Paris)" signifient "elle prendra une direction Sud-

est jusqu'au24èmedegré de longitudeEst de Greenwich au point
d'intersectiondudit degré de longitude avecle parallèle 19'30'de
latitude".

163. La République du Tchad n'a pas retrouvé parmi les
documents préparatoires à cette Convention d'éléments pertinente sn ce qui

concerne cette disposition. Mais le texte est cla:ril s'agit biensur ce point
de confirmer, et non de modifier, la Déclarationdu 21 mars 1899.

164. Cette intention confirmative est renforcéepar le contrasteexistant entre le passage précitéet le reste de la Convention dont l'intention

est clairement modificative, au moins loto sensu, puisque I'accorddébute
ainsi:

"Les articles 2 et 3 de la Déclaration du 21 mars 1899 sont
modifiés comme suit :...("am~lified as follows" dans le texte
anglais, expression à vrai dire plus exacte car il s'agit plus de

préciser quede modifier à proprement parler) (souligné par la
Républiquedu Tchad),

alors que la partie pertinente de la Convention indique au contraire que
l'interprétation donnéeà la Déclarationn'est enrien modifiée parelle sur ce
point (selon le texte anglais : "lt is understood that nothine in this
Convention oreiudices the intemretation of the Declaration of the 21st March
m).

165 Il s'agit là d'une interprétationauthentique, donnéepar la
voie conventionnelle, qui constitue le moyen le plus sûr de dégagerle sens
des dispositions d'unaccord antérieurcar, comme l'a rappeléla C.P.I.I.,

"...le droit d'interpréter authentiquement une règle juridique
appartientà celui-là seul qui a le pouvoir de la modifier ou de la
supprimer" (avis consultatif, 6 décembre 1923,Jaworzina série
AIB,no8, p.17).

166 Au demeurant, la France et la Grande-Bretagne auraient pu

tout aussi bien modifier leur accord antérieuret,pour cequi est de la solution
à domer au présentlitige, la solution n'eneût pas étéchangée.Le Traitéde
1955entre la France et la Libye renvoieà la foisà la Déclarationde 1899et
à la Convention supplémentairede 1919 ;si le sens de ces deux instruments
était différentc'estle texte de la seconde qui devait l'emportersur celui de la
premikre en vertu du principe [exposterior priori derogaf que l'article 30,
paragraphe3, & LaConventionde Vienne surledroitdestraitéscodifieainsi :

"Lorsque toutes les parties au traité antérieur sont également
parties au traité postérieu,ans que le traité antérieur ait prisfin
(...)le traité antérieurne s'applique que dans la mesure où ses
dispositions sont compatibles aveccelles du traité postérieur".

167. En la présente occurence, celasignifie que, quelleque soit
la signification exacte de la Déclaration de1899, en cas de contrariétéavec
celle-ci, ce sont les dispositions de la Convention de 1919 qui doivent
trouver application. C'estdoncà cette dernièrequ'ilconvient de se référeen
prioritéaux fins de la mise enoeuvre de l'articledu Traitéfranco-libyen de
1955et de son annexe 1.

168. De l'avis de la Républiquedu Tchad, le problème ne se pose cependant pas ainsi. En effet, loin de contredire la Déclaration de

Londres du 21 mars 1899, la Convention supplémentaire du 8 septembre
1919 se borne, conformément à l'intention proclamée des Parties, à
l'interpréteren la précisant. Maisles précisionsqui y figurent sont en tous
points conformes aux intentions des signataires du premier accord telle
qu'elle peutêtredégagée :
- de certains élémentsdu texte mêmede la Déclaration(v.supra
na 35 et S.),

- des travaux préparatoires(v.supra no40 et S.),
- de la pratique ultérieure des Parties, notamment dans leurs
relations avecl'Italie(v.not.supra no 115et S.et 146et S.),
- et en particulier, de la carte établie par la partie française
constamment annexée parelle aux publications officiellesde la Déclaration
et connue de la partie britannique (et, de ce fait, acceptée au moins

implicitement par elle)(v.supra no66 et S.).

169. Or, comme ceci a déjà étésignalé (v.supra no 85) le
dernier alinéade la Convention du 8 septembre 1919se borne àdonner une
description littérairede la ligne figurant sur cettecane, qui n'estelle-même
que la transcription fidèle des intentions des Parties. L'ambiguïté que

maintenait le texte de la Déclarationde 1899 qui, pris à la lettre, pouvait
aboutir à des résultats contraires à ceux recherchés par les Parties, est
totalement levée par la rédactionde 1919,commeelle l'étaitdéjàpar la carte.

170. Ce souci accru de précision va de pair avec
l'affermissementde l'emprise colonialedes deux puissances signataires surle

terrain et ceci se traduit par la rédaction retenue et le choix des termes
employés. Alorsque le vocabulaire utiliséen 1899 étaitindécis.il se fait
infiniment plusferme vingt ans plus tard:
-alors que l'onemployait indifféremment "limite". "ligne frontière",
"ligne" ou "frontière", seul ce dernier mot est retenu en 1919 ;et, à une
exception près,dans le texte anglais"boundary" est substituéà 'yrontier",
- tandis qu'il n'est plus question d'acquisition de territoire ou

d'influence politique mais qu'il s'agit exclusivement de délimiter les
"temtoires respectifs"des panies ;
- tout au plus est-il question d'une "zonede surveillance" pouvant
êtreaccrue en faveur de la France (v.infra no 176) ce qui, ici encore,
témoigne d'un souci nettement plus marqué de contrôle effectif.

171. On peut déduire dece glissement de vocabulaire qu'il ne
s'agit plus,comme en 1899,de délimiterdes sphères d'influence maisbien la
frontière depossessions coloniales effectives, encoreque cette modification
de l'état d'esprit dessignataires soit probablement plus marquéedu côté
français que du côté britannique comme le montre, par exemple, la
comparaison d'unedépêche envoyéle e 4 décembre1919 à Lord CURZON

par le Gouwerneur généraldu Soudan -qui parle à plusieurs reprises de
"sphères" (d'influence) - (annexe 96) et du rapport du député français
Edouard SOULIER à la Chambre des Députés en date du 18novembre 1920
qui insistesur le caractèredéfinitifde la délimitationarrêtée(Production 243).Surce point, l'Italie s'est montréed'accord avea France (v.i&i no 188)

172. Ce caractère définitif est accentupar ladémarcationsur le
terrain de la limite, précise maisthéorique,ainsidéfinie.

B.LES SUITES DE LA CONVENTION
SUPPLEMENTAIRE DE 1919
L'ECHANGE DE NOTES FRANCO -BRITANNIQUE DE 1924

173. La Convention supplémentaire du 8 septembre 1919
précise le contenu de la Déclaration de 1899 en ce qui concerne les
paragraphes 2 et 3 de celle-ci et, en particulier, elle complète le tracé qui
avait été laissé indéterminé entre leIlème et le 15èmeparallèles (v.supra
no 15). En revanche, elle ne fait nulle allusion au paragraphe 4 aux termes
duquelles deux Gouvernementss'étaientengagés

"...désignerdes Commissairesqui seront chargésd'établirsur les
lieux une ligne frontièreconforme aux indications du paragraphe
2 de la présente Déclaration(annexe 3).

174. C'est donc sur la base de ce paragraphe 4 que les
gouvernements français et britannique désignèrent les Commissaires chargés

de procéder à la délimitation sur le terrain- il s'agissait en réalité d'une
démarcation-des possessions françaises et anglaises du point d'intersection
de la frontière entre celles-ci et le Congo belgeà la latitude 19'30'(v. les
instructions -non datées,mais probablement du mois d'août 1921-adressées
au Commissairefrançais ;annexe 84). Aprèsplus de deux ans de travaux,les
Commissaires -respectivement les Lieutenants-Colonels GROSSARD pour
la France et PEARSON puis BOYCE pour la Grande-Bretagne- signkrent à

Londres, le IOjanvier 1924un protocole décrivant de manièretrèsprécisela
frontière du Soudan anglo-égyptien et de l'Afrique équatoriale française
(annexe 10).

175. Ce souci de précisioncontraste avec l'indifférencemarquée
par les deux parties à l'égard de la démarcation de la partie la plus
septentrionale de la frontière séparant leurs possessions africaines. Cette

différence dans la manièred'envisagerles problèmes s'explique :au Sud, il
s'agit de part et d'autre, de temtoires relativement peuplés, pardes ethnies
parfois turbulentes dont le contrôle se révèledifficile (Cf. les dispositions
spécialesprévues à l'alinéa8 de la Convention supplémentaireen faveur de
la France afin de lui permettre "d'exercerun contrôle effectif sur les tribus
Bidayats et Goranes"). Plus au Nord, au contraire, rien de tel; il s'agitde
régions désertiquesetpresque inhabitées ;il està cet égard,significatif que
dans la dépêche précitée(no 172)du Gouverneur générad lu Soudan, celui-ci

indique :

"Au Nordde l'OuedHowa (latitude 15'40') (...)il sera peut-être nécessaire de prockder à un relevéet à un réajustement de la
frontièremais la sphère française est ici bordée à l'Estet au Nord
par un désertpur et simple et l'affaire peut attendrequelque peu.

Au Nord-Ouest de la latitude 19"30',la frontière est purement
théorique et traverse une région inhabitable à laquelle il n'estdès
lors pas nécessairede s'intéresser" (annexe 96)'z.

176. Il n'enreste pas moins que le Protocole du IOjanvier 1924

(annexe IO), entérinépar un 6change de lettres du 21 janvier entre Lord
CURZON et l'Ambassadeur de France à Londres, SAINT-AULAIRE
(annexe 103), confirme à son tour le tracé de la frontière constamment

affmé par les deux pays depuis 1899.En effet, aux termes des alinéasg) et
h) de la section Vili du Protocole, i'extrêmité septentrionalede la portion de
la frontière faisant l'objetde la délimitationest situéeau point d'intersection

du 24èmedegrédelongitude Estet du parallèle19"30'de latitude Nord :
"g) A partir de l'intersectionde l'oued (Howa) avec le méridien
24' (aux termes de l'alinéa b), cette intersection "se trouve

approximativement à hauteur du parallèle 15'43' Nord), la
frontière suit le méridien 24" en direction du Nord jusqu'à sa
rencontre avec le parallèle 19'30'Nord".

"h) A l'intersectiondu parallèle19'30'et du méridien24', un petit
tas de pierres marque l'extrémité de la frontière".

177 Ainsi. la France et le Royaume-Uni ont réaffirmé
nenement que le point d'aboutissement à Est de la frontière septentrionale
du Tchad est situé au point d'intersection du 24èmeméridien etdu parallèle

19O30'Nord. Etant donné quela Déclarationde 1899 faisait partir la limite
des zones d'influence respectivesde la France et de la Grande-Bretagne du
point d'intersection duTropique du Cancer avec le 16èmeméridien,il est

clair que la ligne frontièreunit ces deux points et, étant donné le caractère
quasi désertique de la région, il est naturel et conforme à la pratique
habituelle de l'époque,que cette ligne soit droite, ce que confirment en effet

tant la Déclaration de 1899 que la Convention supplémentaire de 1919,
auxquelles le Protocole de 1924 n'ajoute rien mais qu'ilmet en oeuvre de
façon exacte.

II. LA PORTEE DE LA CONVENTION

FRANCO-BRITANNIQUE 1919

178. La délimitationconvenue entre la France et l'Angleterre

par la Convention supplémentaire du8 septembre 1919 est opposable à la
Iibye du seul fait que le Traitéde 1955y renvoie (v.supra no 160).elle l'est
aussi en tant que la Libye est successeur de l'Italie puisque, malgréses

12-Traduction de la RCovbliTchad-Texte onsin: "T(heNortof Wadi Howa(..n survevand
ND*adb)iemrdeun.andconwq.cnil) them~r1svuurpriblç<orndcliyTi)meUonh.wc<i oi I~~b(i'
the bouJq 8%purcl) Vimrciicalmnrmugh ininhabir;<blcuuni<.ih~it "-Jno,. ihcrcl<irc.lx
considerdadl'protestations (A),ce pays ne pouvait, en droit, récuserle tracé(B).

A. LES PROTESTATIONS ITALIENNES
ET LES REACTIONS FRANCAISES ET BRITANNIQUES

179. Etablie à Tripoli depuis la guerre de 1911-1912, I'ltalie
n'eut pas, pourla Convention supplémentairede 1919, la mêmeattitude de
compréhension qu'elle avait adoptée à l'égardde la Déclaration franco-
britannique quand elle convoitait la province ottomane de Tripolitaine.

180.
La première réaction italienne remonteà l'été 1921(cf. la
note remise au Quai d'Orsay par l'Ambassadeurd'Italià Pais, probablement
le 13 aoiît 1921 -annexe 97). L'Italie semble avoir élevé une protestation
formelle auprks du Ministère français des Affaires étrangères le 19
septembre 1921 (la Républiquedu Tchad n'apas retrouvéle texte de cette
note) et I'arenouveléele 12décembre 1921 (annexes 98/99), et, dans des
termes très voisins, auprès duGouvernement britannique le 18 décembrede
la mêmeannée(Production 17).

181. Dans un premier temps, I'ltalie semble considérer que
l'article 13du Pactedu Londres du 26 avril 1915(Production 1).constitue un
fondement plus solideà ses revendications puisque,en échangede son entrée
en guerre aux côtés des Alliés, cette disposition lui garantit des
"compensations équitables",notamment dans le règlementen sa faveur des
questions concernant les ftontièresdescolonies italiennes(v.infra no216).

182. Quoi qu'il en soit, l'Italie a ensuite protesté contre la
conclusion de la Convention supplémentairedu 8 septembre 1919 et, par la
suite, cette opposition a étérenouvelée constamment jusqu'àla conclusion,
en 1935,du TraitéLAVAL-MUSSOLINI (cf.les notes adressées à la France
le 27 mars 1924 - annexe 104,le 19 mai 1930 (?)- annexe 125,ou le 9 juin
1934 - annexe 140).Toutefois,si l'objet deces protestations fut constant, ses
motifs le furent moins.

183. Dans un premier temps. l'ltalie s'attache surtoàtdonner
une interprétation "mathématique" à l'expression "dansla duection du Sud-
Est" figurant dans learapgraphe 3 de la Déclarationde 1899et àconfronter
cette interprétation avec celle qu'en donnela Convention supplémentaire(cf.
annexes 97, 98/99 et Production 17) ;accessoirement, I'ltalie invoque
certaines cartes anglaises de 1914, que la République du Tchad n'a pas
retrouvées; mais ce dernier argument est assez curieux puisque, dans le

paragraphe précédent, l'Italiedénie toute valeurjuridiqueaux cartes.

184. Sans entrer danscette discussion, le Foreim Office s'abrita
denière le fait que les accords de 1899et 1919 se bornaientà délimiterdes zones d'influenceen faisant valoir que, si I'ltalieestimait avoir des droits sur
cette région, c'est surelle que pesait le fardeau de la preuve, tout en relevant
que, pour sa part, le Gouvernement français avait d'autres arguments à
opposer à l'Italie (annexe 101). Ceux-ci sont exposés par une note de
l'Ambassade de France à Rome en date du 12décembre 1921qui développe
une double argumentation en distinguant le problème dela limite des zones

d'influence respectives dela France et de la Grande-Bretagne d'unepart, et
celui desfrontièresde la Tripolitaine d'autrepan (annexe 102).

185. . En ce qui concerne le premier aspect, la note françaisefait
valoir que la ligne prévueen 1899n'était padéfinitive, les régioen cause
n'étant "pas encore complètemenetxplorées",et qu'elleétaitdonc susceptible
de modification. Toutefois, selon la France, cette modification doit être

appréciéepar rapport àla cane annexée à la Déclarationdu 21 mars 1899,
"bien connue" du Gouvernement italien puisqu'elle estexpressémentvisée
dans la lettre de PRINEïlï de 1902et que

"...pendant dix ans elle a indiquéla frontièreentre la Libye et le
Sud algérien et c'est elle également qui, même depuis
l'arrangementfranco-italiendu 12septembre 1919,indique encore
la frontière dans la région allant de Tummo au Tropique du
Cancer" (ibid.)

Or, selon la France, le décalage existant entrele tracéfigurant sur cette cane
et celui résultantde la Convention de 1919est minime et "élargit légèrement
la zone d'influence française au préjudice du domaine anglo-kgyptien"
puisque la carte fixe le point d'aboutissement dela limite septentrionale du
Tchad à l'intersection du 24ème méridien et "des environs" du 19ème
parallèle. alors quela Convention fait remonter ce point au parallèle 19'30'
de latitude.

186. Quoi qu'il en soit -et c'est le second temps de
I'argumentationfrançaise-,I'ltaliene saurait protestercontre ce tracé puisque
"La frontière que les Gouvernements français et italien ont
entendu donner à la Tripolitaine, étaitbien la frontière"indiquée
par lacane annexée à la Déclarationdu 21 mars 1899( ...)
"Or, d'après cette carte,la frontièrede la Tripolitaine ne descend

nulle part plus au Sud de Tummo d'oùelle remonte vers le Nord-
Est pour continuer nettement vers le Nord"ibid.).

187. Les autorités italiennes ne se satisfèrent pas de cette
réponsemais, négligeant I'argumentation française fondée sur le texte de
l'Accord de 1902 et le renvoi que celui-ci faisait aux frontières de la
Tripolitainefigurantsur la carte de 1899, la lettre debassadeurd'Italieà
Paris du 27 mars 1924, se borne à protester contre l'accroissement -

prétendument de 180.000 Km2- du territoire français (en déformant
complètement la remarque de BARRERE sur ce point (annexe 105). Par
ailleurs, prenant le contre-pied de la thèse britannique,I'Italie,rejoignant le
point de vue français, estime que "...la Convention de 1919, stipulée après l'exploitation et
l'occupation des nouveaux territoires autant du côté de
l'Angleterre que de celui de la France, est une véritable

délimitationde frontière"(ibid.).

188. Le nouveau Ministre français des Affaires étrangères,
E.HERRIOT. réplique,sur un ton assez sec et un peu ironique, le 21 juin
1924,en confirmant l'argumentation de l'année précédenetteindiquantque :
"Si une atteinte quelconque a été portéeaux droits de l'Italie. le

Gouvernementde la Républiques'empresserade réparerle préjudice causé et
je serais trèsobligéau Gouvernement royal de me faire connaître les textes
sur lesquelsil fonderait sa réclamation" (annexe107).

II soulignaiten ouire que

"L'Itali(...ne possédait, avantle 8 septembre 1919,au Sud-Est
de la Tripolitaine, aucun droit que viendrait contester la frontière
franco-britanniquedéfinitive"(ibid.)

et que, "bien loin de dépasser"la frontièrede la Tripolitaine indiquéepar la
carte annexée à la Déclarationde 1899et acceptéepar l'Italieen 1902,

"la France n'a pasvaiédans son "intention"de ne pas sortir de la
limitémarquéeparla Convention de 1899"(ibid.).

189. Quant à la Grande-Bretagne. elle se borna, par une note du
Foreign Office en date du 16juin 1924 à renvoyer la déclaration deLord

CURZON du 5 février 1923(annexe 106).

190. A l'occasion dedeux nouveaux échangesde notes des 19
mai et 25 juin (?) 1930 et des 9 juin et 24 août 1934, la France et l'Italie
réaffirmèrent leurs positions respectives (annexes 125, 140, 127 et 149).
Tout au plus peut-on relever que la note du Ministère françaisdes Affaires

étrangèresde 1930précisela position de la France dans les termes suivants:

"...l'examen(de la carte de 1899 vide dans l'accordPRINETïI-
BARRERE)révèle quele territoire en question àpartu de Tummo
remonte vers le Nord-Est jusqu'aux environs du 25èmedegréde
latitude Nord pour se diriger ensuite franchement au Nord. La
ligne définiepar l'article 3 de la Déclarationfranco-anglaise de

1899rencontre cette frontièreà son intersection avec le Tropique
du Cancer mais elle ne la traverse pas, en sorte que les territoires
qu'elle partage entre la France et l'Angleterre sont situés
entièrementen dehors de la zone réservéeà l'Italie.
"Le Gouvernement français n'avait.donc pas à craindre de léser
aucun droit italien lorsque, le 8 septembre 1919, il précisaitpar

une convention à deux avec l'Angleterre raccord à deux conclu
avec cette mêmePuissance le 21 mars 1899.
"Sans doute le Gouvernement italien a-t-il pu, à la suite d'un accord de principe intervenu avec le Gouvernement britannique
postérieurementau 8 septembre 1919,étendresa souverainetésur
des territoires compris entre la frontièrede la Tripolitaine figurant
sur la carte de l'accord de 1899 et une ligne suivant

approximativement le 25èmedegréde longitude Est. Mais, il ne
saurait bien évidemment dans ces territoires opposer au
Gouvernement français plus de droits que le Gouvernement
britannique n'enpossédait lui-même. 11ne paraît donc pas fondé&
récuser l'accorddu 9 (sic) septembre 1919conclu entre la France
et I'Angletem avant que cette dernièrepuissance ne se désistâten
faveurde I'Italie"(annexe 127).

191. Les positions respectives des trois Gouvernements
concernés sontintéressantes:
-la Grande Bretagne s'entient àl'affirmationselon laquelle tant en
1899qu'en 1919.il s'estagi de délimiter deszones d'influenceet que c'està
I'Italied'établir qu'ellea des droits acquis sur la régioncontestée,ce qu'elle

ne peut faire;
-I'argumentation française est plus nuancée : selon la France, la
Déclarationde 1899se bornaiten effet à délimiterdes zones d'influencedans
une région que l'Italieavait, en 1902, expressément reconnuecomme étant
située au-delà des frontières de la Tripolitaine; la Convention de 1919
consolide la ligne convenue vingt ans plus tôt en en faisant une véritable
frontièreinternationale et l'Italie,qui n'avait aucun droit particulier surcette
région avantque la Grande-Bretagne lui cède les siens,n'est pasfondée& en

contesterle tracé;
-quant ill'Italie, elle se boràeaffirmer que le tracéde 1899,
qu'elleadmet, aprèsune hésitation,avoir acceptéen 1902,difîèrede celui de
1919, amputant ainsi son territoire. Par ailleurs, elle reconnaît la présence
effective de la France dans la régionet, de ce fait, la transformation de la
zone d'influence initiale en territoire colonial dotéde frontières au sens
propre du terme.

B - L'OPPOSABILITE A L'ITALIE DUTRACE DE 1919

192. Il est intéressant de releverqu'à aucun momentl'Italiene
se pose explicitement en successeur de la Turquie, consciente sans doute que
ceci eût été contraire ses engagements antérieurs(v.supra 11'145et S.).Sa

position est entièrement négative; or de telles protestations peuvent, dans
certains cas, empêcher qu'une situation soit opposable à I'Etat qui en est
I'auteur;elles ne créent,en revanche, aucun droit en sa faveur. En d'auues
termes, I'Italie ne pouvait. en tout étatde cause, opposer des droits lui
appartenant à ceux que la France et la Grande-Bretagne se reconnaissaient
mutuellementet elle ne leuren aen effet pas opposés.

193 11n'est reste pas moins que la Convention franco-
britannique de 1919 est, & l'évidence,conclue entre des tiers par rapporà
l'Italià l'égard de laquelleelle ne crée dèslors ni droits ni obligations; ellen'estdonc pas opposable à I'Italieen tant que telle. En revanche, mais pour
d'autresraisons. soncontenu l'est.

194. D'autre part en effet, l'Italie ne pouvait revenir sur les
engagements pris à l'égardde la France, d'autrepart, elle n'a passupplantla

Grande-Bretagne dans le contrôle colonial effectif de la région situéau
Nord-Est des possessions françaises que longtemps aprèsla signature de la
Convention de 1919.La questiondoit donc être examinée successivemenatu
regard des relations franco-italienneset des relations anglo-italiennes. Dans
l'un etl'autrecas, il apparaît que I'Italiene peut, juridiquement, contester la
validitéde la Convention supplémentaire.

1- Les relations franco-italiennes

195. L'Italiea acceptéle partage franco-britannique de 1899dès
le 24 avril 1899 (discours de l'AmiralCANEVARO - v.supra n094 et S.)et
elle a, par la suite, constammentconfirmécette reconnaissance :
-par l'accordBARRERE-VISCONTI VENOSTA de 1900(v.supra

n096et S.),
- par le discours du Ministre des Affaires étrangèresPRINEïT en
1901(v.supra n0103et S.),
- et même parses notes de protestation contre la Convention
supplémentairede 1919 dans lesquelles elle s'efforce de distinguer le tracé
décritpar celle-ci -qu'ellerécuse-de celui fixépar la Déclaration de1899 -
qu'elle approuve.

196. En réalité,commela Républiqud eu Tchad l'amontré,cette
distinction n'a paslieu d'êtr: la Convention de 1919ne modifie pas, sur ce
point, la Déclarationde 1899 ; elle l'interprète dans le sens de I'intention
originairedes Parties et de leur pratique constante. En conséquence,dèslors
que I'Italie a accepté la première, elle ne peut, juridiquement, émettre
d'objectionsà l'encontredela seconde.

197. Une telle attitude est d'autant moins admissibleque, dans
sa lettre de 1902, PRINE'ITI se fonde non sur le texte de la Déclaration,
mais sur la cane annexée dontle tracé (à une trèspetite nuance prèsrelevée
par BARRERE dans la lettre adresk à LaConsulta le 12décembre 1921 -
annexe 84)est en tous points conforme à l'interprétationde 1919.

198. Au demeurant, l'accord franco-italien de 1902a une plus
grande portée. L'Italienese borne pas à y réitéreson acceptationdu tracéde
1899,elle y reconnaît également"la frontièrede la Tripolitaine indiquéepar
la carte annexée à la Déclaration du 21 mars 1899" et admet que cette
frontière constitue "la limite de l'expansion française" que, conformément
aux assurances donnéesen 1900, "le Gouvernement de la Républiquen'apas
l'intentionde dépasser" (v.supro n0147-148). Ce faisant, l'Italie.marque,parrapport àla France, qu'ellese désintéressede la régionsituéeau Sud-Est de
cette frontière, ce qui est une façon de reconnaître une sphère d'influence
fran~aise.

199. La situation est donc la suivante:la France a reconnu à
l'Angleterreune sphèred'influenceau Nord de la ligne de 1899-1919;si l'on
néglige l'acceptation italienne du partage franco-anglais(v.supra n0196)
cette sphère n'estpas opposableàl'Italie;enrevanche, celle-ci a reconnu que
la limite de l'expansion françaisen'étaitconstituéeque par la frontièrede la
Tripolitaine indiquéepar la carte de 1899. Il en résulte que l'Italiese montre
indifférenteàla question de savoir de quelle sphère d'influence, françaiseou

britannique, relève la région jouxtanta Tripolitaine mais qu'elle n'est, en
tout étatde cause, pas fondée à s'opposerà l'établissementde la France au
Sud de la frontière de la Tripolitaine; si bien que, quand bien même la
Convention du 8 septembre 1919 aurait modifié la limite des zones
respectives de la France et de la Grande-Bretagne - quod non - les
protestations italiennes n'avaient aucun fondement juridique (v. la cane
reproduite ci-aprèà la suite du 11'207).

200. Cette solution est d'autant plus cenaine que, en 1919, la
France a affermi sa présence dans la région en cause qu'elle contrôle
effectivement (v.infra, chapitre V, no 146et S.).La zone d'influenceque lui
avaient reconnue tant l'Angleterre(en 1899)que l'Italie(en 1902)s'estdonc
consolidéeet est devenue possession coloniale. Et c'esten effet par l'exercice
effectif des fonctions administratives et de police qu'unesphèred'influence
se transforme en titre juridique colonial, opposable aux autresats (v. par
exemple :LINDLEY, M.F.. The Acauisition and Government of Backward
Temton,, IntemationaLngmdres, 1926,p.217).

201. L'Italie l'a du reste bien entendu ainsi qui, dans sa note
précitée(n0188) du 27 mars 1924, estime que la Convention de 1919, qui
suit l'occupation effective de la zone concernée "est une véritable
délimitation defrontière"(annexe 104).Celle-ci est opposableàce pays qui,
en 1902,a reconnu les droits de la France à s'établirdanscette zone et n'y
est, pour sa part, nullement présente.

202. La triple reconnaissance italienne
-de la validitéde la Déclaration additionnelle de1899,
-de la frontièrede la Tripolitaine indiquéepar la carte annexéà
cette Déclarationet,
-du droitpourlaFranced'étendre soninfluencejusqu'àcettefrontike,
empêchel'Italie de protester contre la modification de la limite prévue en
1899et, a, contre sa confirmation.

2 -Lesrelationsitalo-britanniques

203. Le problème se pose en des termes différents si l'onenvisage les relations de l'Italie non plus avec la France, mais avec la
Grande-Bretagne. L'examen de ce second point de vue n'en conduit pas

moins aux mêmesconclusions.

204. Un premier élémentde différenciation entre la situation
juridique de l'Italie vis-à-visde la Grande-Bretagned'une partet de la France
d'autre part tient-àce qu'elle n'a pas conclu avec la première d'accords
équivalents àceux de 1900et 1902la liant à la seconde, bien qu'elle eneût le
dessein (v.supra nolO1). Cette différence n'a, au demeurant, guère de

conséquencesau planjuridique : quand bien mêmeelle n'apas expressément
acceptéle partage franco-britannique dans un traitéconclu avec la Grande-
Bretagne, l'accord donné à la France suffità empêcherl'Italiede le remettre
en cause; et,à l'inverse, il n'importe guère quele Gouvernement britannique
n'aitpas pris l'engagementde ne pas étendresa propre sphèred'influenceau-
delà des limites de la Tripolitaine figurant sur la carte de 1899:de toutes
manières les ambitionsde la Grande-Bretagne ne vont pasau-delà.

205. En revanche, celle-ci s'estvue reconnaître par laFrance. en
1899,une sphèred'influenceau Nord-Est de la limite fixéepar le paragraphe
3 de la Déclaration additionnelle.Pour sa part, l'ltaliequi a, en fait, approuvé
ce partage, étaitde toutes manières, absolument absente dela région tanten
1899qu'en1919et ne pouvait faire valoir aucuntitresur la région.

206. Elle ne s'yest implantée que beaucoupplustard :
- le 6 décembre 1925,elle conclut, avec Ingypte, un accord sur la
délimitation dela frontièreentre ce pays et la Libye, qui est fixéeau 256me
méridienjusqu'à sa rencontre avec le 22ème parallèle (annexe 11); il en
résulteque le temtoire se trouvant au Sud de la latitude 22ONorddemeure
soudanais ou, en tous cas, reste dans la sphère d'influence anglaise; telleest
l'originedu "triangle de Sana" dont le côtéNord est constituépar le 22ème

parallèle (en vertu de l'accord Boutros-Cromer du 19 janvier 1899
(Production 250) et le côté Sud-Ouest par la limite fixée en 1899 et
confirmée en 1919 entre la France et la Grande-Bretagne (v.la carte
reproduite page suivante);
-enjanvier 1931,l'ltalieconquiert Koufra,siègede la Senoussia;
- et, le 20 juillet 1934, elle conclut avec la Grande-Bretagne et
I'Egypte, agissant au nom du Soudan, un accord sous forme d'échangede
lettres par lequel ces deux derniers pays renoncent à leurs droits sur le

triangle deSarra(annexes 143, 144, 145et 146).

207 Avant cette date, l'Italie n'avait aucundroià se poser en
souverain territorial au Nord des possessions françaises du B.E.T., au
contraire de la Grande-Bretagne à laquelle elle a succédken 1934. Et, bien
entendu, elle lui succède dans ses droits (àl'administration du territoire),

mais aussi dans ses obligations, en particulier l'égarddes tiers. En tant que
successeurde la Grande-Bretagneelle est donc liéepar les traitésconcluspar
celle-ci en vue de la délimitation du temtoire cédé(cf. l'article 11 de la
Convention de Vienne du 22 août 1978 sur la succession d'Ems en matière
de traités).En la présente occurrence, telest le cas de la Convention franco-britannique de 1919, qui se trouve opposable à I'ltalie du fait qu'elle a
succédé à la Grande-Bretagnedans l'administration dela régioncontestée,

notamment du triangle deSana.

208. Ainsi, les protestations de I'Italie contre la Convention
supplémentaire du 8 septembre 1919, inspirées par d'évidentes
préoccupationspolitiquesn'ont aucunfondementjuridique :
i) le tracéprévu par cetaccord se bornàconfirmer celui résultant

de la Déclarationde 1899,
ii) et n'estqu'une descriptionlittérairede celui indiqué surla carte
annexée à cette Déclaration,acceptéeen1902par l'Italie,
iii) qui, par sa reconnaissance des frontières de la Tripolitaine y
figurant comme marquant la limite de l'expansion française n'aurait, de
toutes manières,pas été fondée à contester une extension de cette zone du
moment que celle-ci ne portait pas atteinteà l'intégritéterritoriale de la

Tripolitaine ainsifmie;
iv) en outre, l'Italie, qui a succ6dà la Grande-Bretagne dans
l'administrationdu territoire situéau Nord-est de la frontièrefvméeen
1919 bien après cette date, est liée par la Convention en tant qu'Etat
successeur;
v) avant les années 1930,l'Italie ne pouvait d'ailleurs se prévaloir

d'aucune présenceeffectivedans la région,ce qui contrastait avec la situation
de la France qui avait établison contrôle effectif dans la zone situéeau Sud
de la limite,devenue de ce fait une véritablefrontière.

209. La Convention franco-britannique du 8 septembre 1919
n'apparaîtdonc pas seulementcomme un instrumentde référence confvmant
de manière extrêmemenc tlairele tracéde la frontièreet opposaàla Libye

du fait du Traité conclupar ce pays avec la France en 1955.est également,
comme les accordsde 1899et de 1902.un instrument autonomedont le texte
s'impose Ala partie libyenneen tant que successeurde l'Italie.

SECTION 4

L'ARRANGEMENT FRANCO-ITALIEN
DU12SEPTEMBRE 1919

210. Quelles qu'aient pu être les r6ticences de l'Italie à
rencontre de la Convention supplémentaire du 8 septembre 1919, celle-ci

n'ena pas moins conclu avec la France, quatre jours plus tard, dans le cadre
des négociations de paixde Versailles, un accord, auquel renvoie l'Annexe1
au Traité franco-libyen du 10 août 1955, et qui, sur un point limitémais
important, est pertinent dans le cadre du différendsouàila Cour (annexe
8/91.

211. Conclu sous forme d'échange de lettres entre BONIN,
Ambassadeur d'Italie à Paris, et Stephen PICHON, Ministre français des

Affaires étrangères, cet arrangement -qui est un véritable accordinternational-.concernela délimitation dela frontièreorientale de la Libye et
comportediversesdispositions relativesà la coopération entre lesdeux pays.

212. L'accord ne présente d'intérê etn la présente que dans la
mesure où ildispose :

"De Ghât à Toummo, la frontière sera déterminéed'aprèlsa crète
des montagnesqui s'étendententre ces deux localités,en attribuant
toutefoisà l'Italie les lignes de communication directesentre ces

mêmeslocalités".

213. L'étudedes conditions dans lesquelles il a été adopté (A)
pemet d'en préciserlaportée(B).

A.L'ELABORATIONDEL'ACCORDBONIN-PICHON

214. Aussitôt après son établissement en Libye, l'Italie avait
saisi la France d'une demande en vue de procéder à la démarcationde la
frontièreorientale de la Libye, qui n'avaitétéfixée avec précisique sur la
partie allant de la Méditerranée (RasAjedir) "jusqu'à un point situé à 15

kilomètres au Sud du parall&lede Ghadamès" par la Convention signée à
Tripoli le 19 mai 1910 au nom de la Tunisie et par la Turquie (annexe 4).
Bien que les préparatifsde cette opération eussentété assezavancés,elle dut
être interrompue à la suite de l'éclatement de la guerre de 1914-1918
(v.supra no 154).

215. Au sortir de la guerre, la situation se présentait
différemment.En effet, aux termes de l'article13du Traitéde Londres du 26
avril 1915(quia entraîné l'entréen guerre de l'Italieaux côtésdesAlliés),

"Dans le cas où la France et la Grande-Bretagne augmenteraient
leurs domaines coloniaux d'Afrique aux dépensde l'Allemagne,
ces deux puissances reconnaissent en que l'Italiepourrait

réclamerquelques compensations équitables, notamment dans le
règlementen sa faveur des questions concernant les frontièresdes
colonies italiennes de l'Erythée,de la Somalieet de Libye et des
colonies voisines de la France et de Grande-Bretagne" (Production
1).

216. Les deux Etats s'étant appropriésl'ensembledes colonies
allemandes, la question des compensations dues à l'Italie fut, en
conséquence,examinée(du 15au 30 mai 1919)par la Commission coloniale
de la Conférencedes préliminairesde paix. Le délégué italienC ,RESPI, y
présenta d'amples revendications qui, dans un premier temps. ne portaient
pas sur la zone qui fait l'objetdu présentlitige (cf. Roductioo 13).Toutefois,
le 28 mai, le délégué français,Henri SIMON, qui avait refusé les plusimportantes des demandes italiennes -notamment la cession de Djibouti- a
offen "une concession nouvelle de la France au Sud de la Tripolitaine, vers
le Tibesti, de façon notamment à placer l'oasis deBarda (sic) sous l'autorité
italienne" (Production 14). Aprhs une "étude attentive", CRESPI déclara
"que les offres de la France dans la régiondu Tibesti ne lui semblent pas
présenterpour sonpays un réelintérêt" (Production 15).

217. L'affairefut renvoyéeau Conseil suprême des Alliés palra
Commission qui indiqua notamment :

"4' l'Italien'acceptepas la partie du Tibestiofferte par la France et
retire la demande qu'elle avait adresséeà cette puissance en vue
d'unerectification de la frontièreoccidentale et méridionale dela

Libye, l'Italie entendpar là garder la question coloniale africaine
ouverteentreelle et la France ;(...)"
"7' la France accepte la rectification de la frontière occidentale de
la Libye, qui lui avait étéprimitivement demandée, et elle
maintient l'offrequ'ellea présentéeà l'Italieen vue de rechercher
les base d'unedélimitation nouvelle dansla région duTibesti".

218. Le 16 juillet, l'Italie fit des contre-propositions dans
lesquelleselle demandait notamment :

"lestemtoires sahariens du Tibesti, du Borkou etde I'Ennedi,tous
(sic) entiers, dans leurs délimitations géographiqueet ethniques"

(annexe 92).

219. Aprèsquelques hésitations,reflétéespar une note interne
au Ministère françaisdes Affaires étrangèresdu 19juillet 1919(annexe 93),
et une autre adresséepar BERTHELOT à CLEMENCEAU le 25juillet, qui
s'oppose à la cession demandéepour des raisons de sécurité etdu fait des
richesses minières potentielles du B.E.T. (annexe 94), sur lesquelles

BERTHELOT insista à nouveau lors d'un débatau Sénatle 27 février 1920
(annexe 339). la France refusade faire droit aux demandes italiennes.

220. Le blocage persista donc et conduisità l'échange de lettres
du 12 septembre 1919, qui apparaît comme une exécution partielle des

obligations assuméespar la France en vernide l'article13précité (no216) du
Traitéde Londres de 1915 comme le montre la rédactionde son premier
alinéa :
"Par sa décisiondu 7 mai dernier, le Conseil suprêmedes Alliés
ayant reconnu que le Gouvernement italien était fondé à réclamer
le bénéficede l'article 13 du Traité de Londres,le Gouvernement
de Sa Majestéle Roid'Italieet le Gouvernementde la République

se sont mis d'accord sur les points suivants, tout en réservant
d'autrespoints pour un nouvel examen :..."(annexe 819).

221 L'accord fui soumis au Parlement français en 1921 et, àcette occasion, Edouard SOULIER, dans son rapport fait au nom de la
Commission des Affaires étrangèresde la Chambre des députés,a rappelé

qu'

"...il nous a été impossible d'accédilla demande de cession du
Tibesti, du Borkou et de I'Ennedi,formuléepar le gouvernement
italien. II s'agitlà de territoires montagneux occupéspar nous et
qui servent de rempart à notre colonie de I'Oubangui-Chari-
Tchad (Production 245).

B. LA PORTEEDEL'ACCORDBONIN-PICHON

222. En ce qui concerne le tracéde la frontière contesté parla
Libye, l'accord franco-italien du12 septembre 1919 a une portéelimitéeet

purement confirmative. Mais il a une signification plus large et renouvelle
l'acceptationdejure par l'Italiede la situation existante.

1 -La portée directement territoriale de l'accord

223. Comme ceci a étésignaléplus haut (no212) l'arrangement
BONIN-PICHON n'est pas exclusivement un accord de délimitation et,
surtout, il ne concerne pas,rimo facie, la frontière qui faitl'objetdu litige
soumis à la Cour puisque le point le plus méridionalde la délimitationà
laquelle il procède est constituépar Toummo, village situé à la limite du
Niger et de la Libye.

224. Le choix de ce point est cependant très significatif aux fins
de la solution du différendqui oppose le Tchad la Libye.

225. En premier lieu. il montre en effet que le point
d'aboutissementde la frontière occidentalede la Libye est situàToummo,

qui constitue aussi le point le plus occidental de sa frontière méridionale.
C'est d'ailleurs de Toummo (orthographié Tummo) que devait partir la
nouvelle délimitation prévue palre Traitéjamais entréen vigueur, LAVAL-
MUSSOLINI, du7janvier 1935dont l'article2 était ainsi rédigé :

"La frontiére séparant la Libye de l'Afrique occidentale et de
l'Afriqueéquatoriale françaiseà l'Est de Tummo, point terminal

de la ligne fixéepar l'accordde Paris du 12 septembre 1919, sera
déterminée ainsi qu'il suit
"-une ligne directe partant de Tummo et rejoignant I'EhiDomar
Doba ;...(annexe 12).

226. La fixationà Toummo du point de rencontre des frontières

occidentale et méridionalede la Libye constitue laonfurnation de l'accord
intervenu sur ce pointentre la France et l'Italieen 1902. La caàlaquellerenvoie l'accordPRINEïT-BARRERE datédu ler novembre 1902 indique
en effet la frontièrede la Tripolitaine telle qu'elle existaitpoqueet que
les deux Parties l'acceptaient (carte3;or le tracéde cette frontière,venant

du Nord fait un coude autour de Toummo, pour remonter vers le Nord-Est et
croiser le Tropique du Cancer à la longitude de 16"Est de Greenwich, c'est-
à-dire au point de départde la limite franco-britanniquede 1899et 1919.

227. Or, comme l'a relevé la République du Tchad (v.supra
no 178). l'intersection entre le Tropique du Cancer et le 16èmeméridien

constitue le point de départde la limite arrêtépar la France et la Grande-
Bretagne dans la Déclaration additionnelle de 1899 que l'Italie a
constamment acceptée. Il en résulte quece pays n'ajamais contestéles deux
extrémités de la partie occidentale de la frontièreseptentrionale du Tchad et
l'on peut en déduire logiquement que cette portion est constituéepar une
ligne droite liant ces deux points, ce que confirme le tracé porté la carte
acceptéepar l'Italieen 1902(v.supra no 148).

228. Il reste que, si la frontière dela Libye se prolongejusqu'à
Toummo, celle du Tchad s'arrête un peu plus à l'Està un point situésur la
ligne Toummo-Tropique du Cancer qui constitue le point triple entre le
Tchad, la Libyeet le Niger.

229. Ce point résulte d'un arrêté du Gouverneur général de
l'Afrique équatoriale française en date du 18 février 1930 relatif au
rattachementdu Tibesti à l'A.E.F.,aux termes duquel, les temtoires du Nord-
Ouest du Tibesti ont pour limites

"A l'ouest, une ligne partant de I'intersection de la frontière
italienne de Libye avec le 15O méridien Est de
Greenwich ...annexe 116).

2 -L'accord du 12septembre 1919et les revendications italiennes

230. Si l'accord BONIN-PICHON ne fait guère plus que
confirmer. sur un point précis, le point d'aboutissement occidental de la
frontièrede la Libye, ce qui ressortait déjàde l'échange delettres franco-

italien de 1902,il n'ena pas moins uneportée plus vasteIlmontreen effet,a
conrrario mais clairement que, au moment de sa conclusion, l'Italieacceptait
en droit, letaru quo territorial,mêmesi elle le contestait politiquement.

231. L'accord dw 12 septembre 1919 se présente en effet
clairement comme une conséquence de l'engagement pris parla France en
1915 à l'égardde l'Italie(v.suprno 216). Mais il est, dans le texte mêmede

l'accord, entendu quececi n'épuisepas la "créance" de celle-ci sur celle-là,
"d'autres points" étant réservéspar les Parties "pour un futur examen"
(v.supra no 221), conformément d'ailleurs aux conclusions du Conseilsuprêmedes Alliés(v.supra no218).

232. Bien entendu, la Libye ne peut prétendre à aucun droit du
fait de cette carence de la Franceà s'acquittercomplètementdes obligations
contractéesen 1915 :
- d'une part, les "compensations équitables" promises à l'Italie
pouvaient consister en rectifications des frontières indifféremment de
I'Erythréed. e la Somalie ou de la Liby; et,

- d'autre pan, l'Italie a, par l'article 23 du Traité de paix du 10
février 1947.renoncé"àtous sesdroits et titres sur ses possessions coloniales
en Afrique" (Production2).

233. Il n'en reste pas moins que le caractère incomplet de
l'arrangement de 1919 explique en grande partie l'attitude ultérieure de
l'Italie qui, frustrée dans ses espérances, tentera de présenter ses

revendications sous un vernisjuridique. Comme I'indiqueune note interne au
Ministère français des Affairesétrangères,préparatoire àune réponse à une
protestation italiennecontreïinstallation de postes françaisdansle Borkou.
"...l'Italie pourra toujours invoquer l'article 13 du Pacte de
Londres, terrain sur lequelilnous est bien difficile de refuser la
conversation. Mais nous aurons fait justice des procédés vraiment
trop faciles de grignotage que les casuistes du Palais Chigi
emploient à notre égard"(annexe 148).

234. Au demeurant, l'accordde 1919relève d'uneautre logique :
à cene époque,I'Italiene contestepas en droit la présencede la France dans
l'ensemble du B.E.T. ; à aucun moment elle ne fait valoir le moindre
argument juridique qui pourrait donner à penser qu'elle estime avoir des
droitssur tout ou partie de cette régio;elle se place clairement sur le terrain

des compensations qui lui ont étépromises. Ceci est particulièrement
apparent si l'on se reporte, par exemple, à la note précitée(no 218) de la
délégation italienneà la Conférencede la Paix en date du 16juillet 1919 : se
fondant sur l'article 13 du Traitéde Londres, l'Italiedemande la cession "du
Tibesti, du Borkou et de 1'Enneditous entiers, dans leurs délimitations
géographiqueset ethniques" (annexe 92), et ceci sans exprimer le moindre
doute sur le fait qu'au momentoù cette demande est formulée, cesterritoires
relèvent entièrementde la souverainetéfrançaise. Ce n'estque deux ans plus

tard que l'Italiehabillera ses revendicatC-nsde considérationsjuridiques ou
se voulant telles (v.supra no 183et S.).

235. Les conditions de la conclusion de l'accord BONIN-
PICHON témoignent,au contraire, de la conviction italienne selon laquelle
la France est, en droit, le souverain territorial de la région aujourd'hui
revendiquée par la Libye. L'examen des négociations ayant abouti à la

signature du projet deTraité du 7 janvier 1935 conduit aux mêmes
conclusions (v.infrnchapitre Vii). 236. Ainsi, bien qu'il soit expressémementionnépar l'Annexe

1 au Traité franco-libyen de 1955, l'arrangement franco-italien du 12
septembre 1919 ne peut êtreconsidéré, à proprement parler, comme un "un
texte de référence" aux finde la solution du litige soumisla Cour puisqu'il
délimiteune frontière qui ne concerne pas directementle Tchad. II n'estpas,
pour autant, dépourvude tout intérêt:
ilen décidantque Toummo constituele point extrêmede l'extension
de la Libye vers le Sud-Ouest. il confirme l'acceptation par l'Italie de la

frontière de la Tripolitaine indiquéesur la carte annexée à la Déclaration
franco-britannique du 21 mars 1899 ;et,
ii/ les circonstances de sa conclusion établissentque l'Italie n'avait,
à l'époque,aucun doute sur la légitimitéde la présence française dans
l'ensembledu B.E.T.

CONCLUSIONS DUCHAPITREIV

237. Les quatre traités examinéà titre principaldans le présent
chapitre présentent une importance décisive pour déterminleertracéde la
frontièreentre la Républiquedu Tchad et la Jamahiriya arabe libyenne. Leur
combinaison permet d'établirle tracéde façon certaine et complète

-à l'ouest, ilse compose d'un segmentde ligne droite partant d'un
point situé sur une ligne partantde Toummo et aboutissantàI'intersectiondu
16èmeméridienet du Tropique du Cancer (accords franco-italien des 10
juillet- ler novembre 1902 et du 12 septembre 1919), le tripoint Tchad-
Libye-Niger étant fixé à I'intersection du 15ème méridien et du 23ème
parallèle (arrêtéu Gouverneur de l'A.E.F.du 18février 1930) ;

-à l'Est, il est également formépar une ligne droite, partant de
I'intersection pré-mentionnéedu 16ème méridien avec le Tropique du
Cancer, pour aboutir au tripoint avec le Soudan, situé à I'intersection du
24ème méridienet du parallèle 19'30' de latitude Nord (accords franco-
britanniques de 1899,1919 et 1924,accord franco-italiende 1902).

238.
Chacun de ces traités présenteune valeur juridique en lui-
même etest opposable à la Libye en tant que successeur de l'Italiequi les
avait soitconclus (accords de 1902et du 12 septembre 1919),soit acceptés
explicitement (Déclaration de 1899) ou implicitement (accord franco-
britannique du 8 septembre 1919). l'Italie étant en outre elle-même
successeur de la Grande-Bretagne ence qui concernece dernier instrument).

239. En outre, la Libye elle-même a accepté le tracé de la
frontière fixé parces traités, parle Traité d'amitié eon voisinage qu'elle
a conclu avec la France le IO août 1955, dont l'article 3 prévoit que la
frontiére commune aux possessions françaises et à la Libye est celle qui
résulte des textes internationaux en vigueur en 1951 et dont l'annexe 1
indique expressément qu'il s'agit, notammentd,es différents accords qui ont

formél'objetdu présent chapitre. CHAPITREV

LACONSOLIDATION DELALIGNE FRONTIERE
JUSQU'EN1955 1. A partir de 1924, aucun élémentnouveau "positif' n'est
intervenu relativement à la frontière entre le Tchad et la Libye qui est
demeurée telle qu'elle avaitétéfixéepar les accords franco-britanniques et
franco-italiensétudiés dansle chapitre précédent.Sans doute, la France et

l'Italie envisagèrent-ellesune rectification de la frontièreau profit de cette
dernièrequi étaitprévue parle Traité concluentre LAVAL et MUSSOLINI
le 7janvier 1935 ;mais, comme la Républiquedu Tchad le démontreradans
le chapitreVn du présentMémoire,ce Traitén'entrajamais en vigueur et les
choses restèrenten l'état.

2. Ce traitén'enrevêtpas moins une trèsgrande importance
car il constitue une nouvelle reconnaissance éclatante par l'Italie de la
frontikre existante, reconnaissance renouveléà l'occasiondu grave incident
de Jef-Jef en 1938 (Section 1). La contestation du tracé dela frontière eût
d'ailleurs&téjuridiquement impossible :dèsle débutdu vingtièmesiècle,la
France s'esten effet attachéeidonner leur plein effet aux accords conclus
avec la Grande-Bretagne et I'Italie entre 1899 et 1919 et à occuper
effectivement la zone d'influenceque ces deux Etats lui avaient reconn;ce

fut chose faite dès avant la première guerre mondialeet, à partir de 1913,
l'effectivitéde la présencefrançaiseavait opérune mutation fondamentale :
la zone d'influenceétaitdevenue possession coloniale ;la limite théorique
étaitdevenue frontière internationale (Section 2), ce que les Nations Unies
ont pleinement reconnu à l'occasion des débats qui ont accompagné
l'accession dela Libyeà l'indépendance(Section 3).

SECTION 1
LA RECONNAISSANCE PAR L'ITALIE

1.LETRAITE LAVAL-MUSSOLINI DE 1935

A -La signature du Traite

3. Une reconnaissance tout à fait explicite et évidentede la
souverainetéfrançaisesur la bande d'Aozou en 1935 parl'Italie résulte dela
signaturedu Traité Laval-Mussolini. 4. Comme la République du Tchad l'établira ci-après
(Chapitre VII, n07), l'undes buts principaux de ce Traité étaitde mettre un
terme aux prétentionsavancéesdepuis longtemps par l'Italie,sur la base de

l'article 13 du Traité de Londres de 1915(voir ci-dessus, Chapitre IV,
no 215). En venu de cette disposition, l'Italieavait formulédepuis 1919des
revendicationspolitiques portantsur des territoires en Afrique, en particulier

dans la zone sud de la Libye. Or, en 1935, la France décida d'accueillir
définitivementces revendications politiques par le Traité Laval-Mussolini.
En effet, aussi bien la "Déclaration générale" qui précédaitle Traité

proprement dit, que le préambuledu Traité se référaientexplicitement à
l'article13de l'Accordde Londres'. Le fait de se référee rxplicitement et par
deux fois à l'article 13 visaità claifier de la manièrela plus nette possible

que, par le Traité Laval-Mussolini, la France opérait lescompensations
territoriales envisagées dans l'accord de Londres. En d'autres termes,
France cédait à I'Italiedes territoires francais.

5. II est évident que l'Italie, en signant avec la France un

traitéintemational prévoyant la cessionen sa faveur d'un territoire africain
(la bande d'Aozou) reconnaissait par ce fait mêmeque ce territoire était
soumis à la souveraineté française : I'Italie n'aurait pu acquérir la

souverainetésur la bande d'Aozouen vertu de l'exécution duTraitéque si
cette souverainetéappartenait à la France et que celle-ci la luicédait.

6. L'Italie,en signant un traitéintemational visant à lui céder
une zone situéeau sud de la frontière 1899-1919,admettait ainsi que cette

zone ne lui appartenaitpas, n'étaitdonc pas soumise à sa souveraineté.

7. Au demeurant, que la France vis51?icéder?il'Italie,par le
TraitéLaval-Mussolini,un territoire lui appartenant,est confirmépar la carte
jointe au Traité, carte à laquelle fait explicitementréférence l'articl2e, alinéa

2, du Traité("le tracéde la frontière entre la Libye etl'Afriqueoccidentale et
équatorialefrançaise est indiquésur la carte nO1jointe au présentTraité").
Dans cette carte -soumise par les autorités italiennes aux Chambres

parlementaires avantl'adoptionde la loiautorisant la ratification- la ligne est
marquéepar les termes "nouvelle frontière méridionale" ("nuovoconfine
meridionale"). Le Traitélui-même reconnaîtdonc que, la frontière établie

par lui étant différentede celle existante (la frontière 1899-1919),le Traité
visait bien à céderdu territoire français à l'Italie.(Cette carte a étédéposée
par la Républiquedu Tchad auprèsdu Greffe de la Couren même temps que

le présent mémoire).

1 -LL p~rn.eron<.dtrui JcIIDCclar.tl.>nin<li ~aiq' ;on~ctnt~ouc\nJiic decclo~ros aIcd
reg.crncntdc< princip~c~qucnionsqIcr3Cz~rd~anterieu.~i.\iirpcn>~nic<ciiirc cur ilcr dcdr
iGdr<s du26r*>DlnIYÏ~nrLCprtrrnbu~juerniie ~i~.~-h~~,~oira~pp~aitquI&drur pa)< crrtcni<<l(c
i16sirr~i Jr reglcrJinr rnuilLn:dclinili\r Icrqucni~nr.",ror. comcniicm<Ju 28 wpicrnbrr
1696.rrlatiiBIaTuniririiIlac;.>de Lundre$du26a\ril 1915.,Jnmlclc 13' 8. On trouve une confirmation ultérieuredu fait que le Traité
Laval-Mussolini portait bien sur une cession de territoire dans le faitqu'aussi
bien la France que l'Italiedurent soumettrele texte du TraiàéI'approbation
parlementaire, àla différencedes autres accords signés, avecle Traité,le 7
janvier 1935.

9. Comme la République du Tchad le montrera dans le
Chapitre VI1 du présent mémoire, l'autorisation préalabledes Chambres
parlementaires, aussi bien en France qu'en Italie, s'avéra nécessaire
précisément à cause du fait que les règles constitutionnelles françaises et
italiennes exigeaient pour les traités de cession territoriale l'approbation
parlementaire avant la ratification du traité.

B -La pratiquepostérieure à la signature

10. On peut déduireque le Traité Laval-Mussolinienvisageait
une cession de territoire, non seulement du texte du Traitémais encore de
plusieurs documents diplomatiques aussi bien français qu'italiens, qui
soulignent tous, en termes absolumentclairset non équivoques, quele Traité

prévoyaitun transfert de souverainetéde la Francà l'Italie.

11. Tel est le cas, en particulier,des documents diplomatiques
français.

12. Une note de la Sous-direction d'Afrique-Levantpréparée

pour le Ministre des Affaires étrangères,en date du 11 avril 1938, après
avoir souligné que le Traitéde 1935 n'était pas encore entréen vigueur
indique :

"Quant aux clauses par lesquelles nous cédions une uortion du
Tibesti et une parcelle de notre colonie des Somalis, y compris
l'île de Doumeirah, elles devaient valoir, pour nous, libération
définitive de l'obligationcontractàeLondres le 24 avril 1915.

translation de souverainetéet la remise subséauentedesterritoires
sont évidemmentsubordonnées à I'entréeen vigueur des accords,
c'est-à-dire, pratiquement, à l'échange des instruments de
ratification" (souligné par la Républiquedu Tchad -Documents
diulomatiquesfrançais 1932-39, 2èmesérie(1936-39), tome IX,
Pans, Imprimerie Nationale, 1979,p.329).

13. Une autre note du Sous-directeur d'Afrique-Levant du

Quai d'Orsay au Ministre des Affaires étrangères,du 5 décembre 1938,
concernant les "cessions territorialesà l'Italie en vertu des accords du 7
janvier 1935". souligne qu'au lendemain de l'approbation parlementaire,en
France, des accords, le Ministèredes Colonies "consulta le Département sur les conditions pratiques dans

lesquelles aurait lieu la translationdes territoires en cause"

et ajoute que

"La contréeaue nous ~.édons 3ux confins du Tihesii est inhabitée

et désenique"(souligne pu 13 Républiquedu Tchad - Documents
diplomatiBuesfrançais, i932-39,2ème Série(1936-39),tome XIII,

p.68)2.

14. Quant aux documents diplomatiques italiens, il suffit de

citer les documents suivants.

15. Une dépêche du 23 avril 1937 du Ministèredes Affaires

étrangèresau Ministère des Colonies, concernant une demandede ce dernier

Ministère d'entamerdes "pratiques" avec les autorités françaisesen vue de
I'occupation italiennedes territoires cédés par la France à I'ltalieen venu du

Traitéde 1935, déconseillecette occupation, car le Traitén'étaitpas encore
entréen vigueur, et onobserve ceci:

"CommeI'occu~ationdesterritoires coloniauxquinousont été cédés

par leditTraiténepeutêtreeffectuéequ' aprèsl'entrée en vigueurdu
Traité,il ne semble pas opportun d'entamer,pour le moment.des

pratiques avec le Gouvernement français aux fins de ladite
occupation" (souligné parlaRépubliquedu Tchad)).(annexe 170)

16. De mêmedans un mémo("Appunto") non signérédig6

pour le Ministre Buti. du 15 décembre 1937, sur la question des Accords
Laval-Mussolini, il est précisé entre autres que:

"Par les Accords Mussolini-Laval du 7 janvier 1935 la France

nous céda certainsterritoires au sud de la Libve; et la frontière
méridionale libyenne,de Toummo jusqu'àla frontière soudanaise,

fut indiquée dans ces accords avec une certaine précision des
référencesterritoriales. Ces accords n'étant pas encoreentrésen

no* du 9 avri1935edu ~inirtrc des~ffaitiraneéreaurMinirm1desgColonicsrlc Gouvcmcmsnt francCs la
~;"ir"du cn cflc! ncGnwniliIrc<rrrionirmtofillrque moycnnm! IrIcrk di Ih)p>Wur iLilicmc;ur
15T~nlvs ". U1 .la note du 8juin IV35 du Mini,lrc dcr Colanic, au hlintrirc drx Affaires
tvangerrs la rOgicindu Tchd 4uc le<Accods de Kcion! ctdtd I'lulirm<.U .lettltgrammc
du 12juin 1935 du üouicmcmcnt Gtntral dr IA ET. au Mlnlrvr dcr Culontc( 't\iictncidrnir que
ncnoriltpopulaiioninguiiic ccr<icinamiorilfut rrdouai'gma~L% .la nolcJu 12wlobre IV36 du
l~ni<v. d Eut char# driistnm J, Minirilmder Coloni. au \lininrr Jcr Affairr< &-dmt'lc GCn4ral
Commandani S~p(~~rur pri>po<de rciircIr5 la<si franjai' <ilutr drnr Id xinc ctdtcl>oh un
dtrnch~menl itxli)npmicnJmt'. U, n la l.>ng~cnuiu 3 jan 1937 du hlinisur der Affaire'
tiranc&rrs ad hlini,de,Colonlrr Ir\ $lio~l~l8du..l ilc Trditédc 14351contncnrn pyliculici Ic,
ccîriinrtcrritotialcs cornponede nom pan.." d.

3 -Tradu;iicmiIla R(p,bliquc du Tchd-Tcrtconginal %<inpoicniolwcupvic~nc&i icrnwn colooinli
~~Y~ICICOI,~d.L.~tUBMIU ..Y= C~UNUILIihe convgucn~crncntcall~nmta in,igom dcl Tralll<ir<iu.
non pm 11cm divit~tampcrilrnorncnioprauchcsol Ca,rmo lrancrv arm d~clla.cupuioneruddctla' vigueur, les territoires aui nous ont étécédésne nous ont vas

encore étéremis" (souligné par la République du Tchad)4.
(Production2)

17. Un autre mémo, &manantdu même Bureau, maiscette
fois-ciadresséau Ministre des Affairesétrangères(sans date, mais de 1937),
reprend cette terminologie. Ce document traitait des propositions du

Gouverneur de la Libye, Italo Balbo, visant à demander à la France de
rectifier légèrementla frontièreentre Ghadamès, Ghatet Toummo; cela en
échangede quelques concessions territoriales --par rapport à ce qui était

prévudans le Traitéde 1935- dans la zone du Tibesti. Dans le mémopourle
Ministre, on suggère de ne pas faire part de ces intentions italiennes à la
France,afin

"d'éviter que,de la pan de la France, l'on pose des obstacles,
jusqu'à la conclusion d'un accord définitifsur toutes les questions
concernant la délimitationdes frontièreslibyennes occidentales, à

la remise des territoires aui nous ont étécédé àsla frontièresud de
la Libve Dar les accords du 7 ianvier 1935 "(souligné par la
Républiquedu Tchad)S(annexe 190).

18. Ces mêmesexpressions furent reprises dans une dépêche

secrète envoyée le 27 décembre 1937 par le Ministère des Affaires
étrangèresau Ministèrede l'Afrique italienne (Annexe 189).

19. Il découle d'une manière incontestable de tous ces
documents diplomatiquesqu'aussi bien la France que l'Italieavaientsignéle
Traité Laval-Mussolinien vue d'effectuerune cession de territoire :la France

s'engageait à transférer à l'Italie la bande d'Aozou, zone sur laquelle elle
possédaitla pleine souveraineté.En signant le Traité, l'Italieconfirmaitdonc
d'unemanière irréfutable sa reconnaissance dela souveraineté française sur

cettezoneet donc de la frontihre 1899-1919.

C - La jurisprudence internationale
sur les traitésde cession territoriale non ratifiés

20. Il convient de rappeler que la Cour internationale de
Justice a déjàeu l'occasion de noter,dans l'affairerelative à la Souveraineté

.Traduniondc la Rtp~bliqucduTch-Tcrlc cinginCon gli ,;çurdi Uurwlini-Lval del 7 gcnnaiu
confinrr~dancu. O in rvri indiraia ccni mimiuncr 1di nfcnmrnii srnlormliatcurdin.,n1umm.t
esvndoaneoracnmtiiovigoreitcrriiotieeduticinoinsisonoanmrasali consegnati"

Traductiondc la RCpubliqucduT-Texteoriginal:"Cpr cvitarscdapane hancesesiostaîoli.
lib'ichewcidmtali, Inconwdci terriloti ccduticiallc homtier.libichcmetidionaidsl7 gli aodi
gcnnaio1935)'.sur qu'untraité nonratifiéponant cession d'un
territoire confirme que le territoire envisagé par le traité relève de la
souverainetéde 1'Etatqui aurait dû le céderpar le traitéen question.

21. D'aprèsla Cour, la Convention de délimitation de 1843
entre la Belgique et les Pays-Basattribuaitla Belgique la souverainetésur
deux parcelles frontalières et cet Etat n'avait ni abandonné ses droits
souverains ni acquiescé à des actes de souverainetéprétendumentexercés
par les Pays-Bas à différentes reprises depuis 1843. Pour trancher le
problème,la Cour dut examiner aussi la Convention belgo-néerlandaise de

1892en venu de laquelle la Belgique cédaitaux Pays-Bas les deux parcelles
litigieuses. Or, cette Convention avait été signémais non ratifiéepar les
deux Etats. Les Pays-Bas soutenaient que la signature de la Convention ne
pouvait pas leur être opposéep,uisque la Convention n'avaitpas été ratifiée.
La Cour, en revanche, tira de I'existence de la Convention un argument
ultérieurpour confirmer que la souveraineté sur les parcelles frontalières
appartenait à la Belgique (C.I.J., Rec. 1959, pp. 229-230;voir ci-dessus,

chapitre II, no 130et S.).

22. L'argument de la Cour vaut parfaitement dans la présente
espèce. II est évident qu'aussi bien les termes du Traitéde 1935 que le
comportement des Parties contractantes après la signature du Traité,
confirment nettement qu'à leur avis la souveraineté sur la bande d'Aozou
appartenaità la France, qui aurait dû la transféàel'Italieaussitôt le Traité

entréen vigueur.

II. L'INCIDENT DE JEF-JEF (1938)

23. La reconnaissance italienne de la frontière 1899-1919 fut

confmée d'une façon trèsnette lors d'un incident diplomatique important,
qui eut lieu en 1938. Cetincident, et toutes les notes diplomatiques de part et
d'autre dontil fournit l'occasion,sont trèssignificaàideux égards. D'une
part, parce que la Franceéaffirmaen termes trèsvigoureux sa souveraineté
sur la bande d'Aozou, et l'Italie dut s'incliner devant cette revendication.
D'autre part,car cette reconnaissance de la frontièrede 1899-1919eut liàu
une époqueoù il était désormais devenu clair que le Traitéde 1935 non
seulement n'étaitpas encore entréen vigueur. mais qu'ilne le serait jamais,

et il étaitdonc important de réaffirmerd'unemanière incontestablele statu
quojuridique.

24. Au début du mois de mars 1938, des "travailleurs
indigènes italiens" creusèrentun puits dans la région deJef-Jef, au lieu dit le
Rocher Noir. Cette localitése trouve au sud de la frontière 1899-1919et au
nord du tracéprévupar le Traité de 1935,et précisémentà 50 km environ au

sud de la frontière 1899-1919et à 135 km au nord de Tekro. Elle est donc
située dansla bande d'Aozou, c'est-à-dire dansla zone qui devait être cédée
par la Franceàl'Italieen vertu duTraité Laval-Mussolini. 25. Une fois connue la nouvelle du forage du puits, le
Commandant français du poste de Tekro envoya à Jef-Jef des militaires qui
séquestrèrent le matériel pour le forage et emmenèrent à Tekro les six

ouvriers qui travaillaient au puits. Suite la décision des militairesfrançais
de les relâcher, les travailleurs italiens quittèrentle poste de Tekro le 7 avril
pour Koufra (en territoire libyen) et passèrentla frontièrele 9 avril. La suite
des faits est relatée dans une dépzche du 28 avril 1938 envoyée par le
Gouvernement Général de l'Afrique Equatoriale Française au Ministre

français des Colonies:

"Le 21 Avril, le Chef du départementdu Borkou-Ennedi-Tibesti
signalait que le chef du poste de Tekro avait reçu un avis du
Lieutenant italien MINUTILLO qui s'était installé à Bikbalbo

(sans doutefaut-il due Bir Balbo) depuis neufjours; cet officier se
référaità une carte française pour déclarerque le puits étaitsitué
en territoire italienil avait l'intention de continuerle travail avec
des tirailleurs. Bu Balbo serait donc le nom donnépar les italiens

aux puits qu'ilsavaient I'intention decreuser au Rocher Noir.
Lecommandant militairedu Tchad suppose que la carte à laquelle
il fait allusion est celle établie par le Service Géographique
Français où la frontièreest celle qui résulteraitde I'applicationdes
accords de Rome. C'est également mon avis. Le Chef du

département écrivitalors au Lieutenant italien une lettre polie
mais nette lui demandant de suspendre les travaux.
D'après le dernier télégramme du Commandant Militaire
renseignépar Largeau, tout le personnel italien serait actuellement
repartià Koufra.

Ainsi l'incident est clos, et ce dans les meilleures conditions"
(Production 198).

26. L'incident du puits de Jef-lef donna lieu à une sériede

notes intemes, dans les deux pays, de mêmequ'àun échangede notes entre
les deux Ministèresdes Affaires étrangères.

27. Le Gouverneur de Libye, Balbo, relata à Rome l'incident

dans un télégrammedu 18 avril 1938. Le lendemain, après avoir informé
Rome que les Français avaient rendu le matérielet les six ouvriers, il fit
toutefois remarquer dans un autre télégrammeque le Commandant de Tekro
affmait que Jef-Jef se trouvait en territoire français ;tandis que lui-même
pensait qu'il était situé"en territoire sans aucun doute italien". Balbo

proposait donc d'envoyer un note de protestation pour "l'acte de pillage
accompli par les officiersfrançais"6.(Production75)

28. De leur côté, lesautorités françaisesenvisagèrent ausside
protester auprès des Italiens. Dans la dépêchedu 28 avril précitée, le

-TraductiondslaRCpvblicuTchad-Textemigina:"NanorranicsvdrritinUnoneritmg- dcWi
a v m pmlssia diplomapsr anpmdonaggiocompiuioda ufficiali frana dim in temiwrio
induWinmmteitaliam'.Gouverneur Générad le l'AfriqueEquatoriale Française proposait au Ministre
des Colonies d'effectuer une démarche en ce sens :

"l'estime qu'il serait, cependant, particulièrement utile de faire

attirer l'attention des autoritésitaliennes, par voie diplomatique,

sur la situation inchangéede la zone ayant fait l'objetdes accords
de 1935, afin que ces incidents qui risquent de troubler la

tranquillitéde nos confins soient évités àl'avenir" (Annexe 198).

29. Il importe de noter toutefois que la proposition de

protester, faite respectivement en Libyeet en Afrique Equatoriale Française,

eut une suite différente à Rome et à Paris. A Rome, on finit par envoyer une
note très modérée et accommodante, qu ein effet acceptait les prétentionsde

la France relatives à sa souverainet6 sur la zone. A Paris, en revanche, on
décida d'envoyer, et I'on envoya, une note de protestation très ferme et

explicite, par laquelle on réaffirmait dans les termes les plus nets la
souverainet6française.

30. La République du Tchad examinera successivement la
réaction du Ministère des Affaires étrangères italien puis celle du Quai

d'Orsay.

31. Suite aux informations envoyées parle Gouverneur de la
Libye, Rome tout d'abord lui demanda, parun télégramme du 22 avril 1938,

un croquis indiquant avec précision la zonede mêmeque la distanceentre le
puits à Jef-Jef et les bornes frontièresque -d'après les informations acquises

par Balbo- les autorités françaises auraient commencé à placer (Annexe
196).Rome envoya ensuite à Pis, le 26 avril 1938,un télégramme priant

l'Ambassade italienne d'informer le Quai d'Orsay de l'incident. Ce

télégramme7fut utilisémot à mot par l'Ambassade italienne dans l'Aide-

'
II GovcrnoCcndc della Libn hainfomatochr iun,z- ccimpnm Ira 1atiudc confimdell~ Ltbir a(
il confine quale nsulin baccordi Uu~roliniLaval hl1935 wlla earosanicraIraiPoru diSana. in
vrnmno Iibico plil porto dl Tccrn ncll Afnco Equalonalc fr23uio alla 6nc dcllo vuno m m h
lavon pr Icuaiailiomdaun pou0nidciln ulricialc haanchetmprilB agll oprai rvrri dawguirloa Tarn. cd
h. MYCIWU Ic lkitends ali lomamui II IR comnv ali opcm *no 5uiifair, nmm in hbia. c Ic
tdc; glairnui sonosiati rrrtiniiti. . ~
IIGoverno Generalc della Libiavenu10a conorcenzadi ialifaiti ha ordinaio 1sripresalavori pr
l'cravazions del pouo inviando operaihivlati daunrepart0della Comprgnia sahananaCufra.
Rcgo V.S.di inlrattcninepmposito opponunnmcntciQuai d'&=y.
Trattrsi di lavoti chshannocarailercprcifico. L'cravazione *efaria ncll'intcrcssc delle -larioni,
epcr facilimeicommercioeamvanisrofra la zonadi Cufcd lAhica Equaionalsfranccse."
(u Oouvcmcmçnt Generalde e Libyc nousa infornt qudansune raiscompris enuc la fmntièrc açhidle
de la Libysi la fmntière resultanl &r AccordsMussolini-Lav1935.surla mutecaravanièmentre les
puitsdeSm. cn territoirelibyetle prlc de Tch. enAf~iqucEquatorials fmcaiw.A la fm du moids
mm dcrnisr. l'officier franqcommandant le pris dc Teh a interdiAnosouvriers de continuer des
mvaur pour 1sforaged'unpuis. Cet ofFiçicr a obligtcessouvti?ra Ic svivrATeh. ci awqucse
leun tenter ct lem outils. Le 18avtil. lu wvriwn renm cn Libyc. st Ics tenter et Ics outils leur ont
W dur.
Le Gouvsmcmnt Gtntral de la Libyc.une foiscn faismur, a ordonnt 1srepris desmavr pour Ic
~ ~c~ du puim en envoyant d'autresouvticn. pmiCgCsun détachemendte la Compagniesahan- de
Koufra
Je vouspnc de mrii IcWu 0-a) ticIn quenion II\~ariieinb~ur a)an! unç~rarf(rep~cifiquc Lc
for~dr du puscricffeciudans 1initr€t der ppulliiei pur lacilitci Ic c~immcrrcder cararane5<nt= la
wnc de Koilracr 1Afnque tquxonalFran(rirciR<duciion771mémoire en français qu'elle transmit le 3 mai au Quai d'Orsay, et qu'il
convient de citer dans sa partie essentie:le

"Le commandement militaire du poste de Tekro (Afrique
Equatoriale Française) a récemment interditle travail à quelques
ouvriers italiens qui procédaient, pour le compte du
Gouvernement Générad le la Libye,à l'excavation d'un puits
la zone com~rise entre la frontière actuelle de la Libve et la
frontière résultantes accords Mussolini-Lavalde 1935.L'officier

français a,en outre, emmené les ouvriers italienà Tekro et a saisi
leurs outils et leurs tentes. Le 18avril, ces ouvriers ont étérelâché
et les tentes et lesoutils restitués.
Le Gouvernement Générad le la Libye ayant eu connaissance de
ces faits, a estiménécessairede disposer la reprise des travaux en
question qui sont rendus nécessaires pour l'approvisionnement
d'eaudes populations qui demeurentdanscette zone.

Il s'agit en effetde travaux qui ontun caractère pacifique, donton
ressent la nécessitéen vue aussi de faciliter le commerce des
caravanes entre la zone de Koufra et l'Afrique Equatoriale
Française" (Annexe 197;souligné par la République du Tchad).

32. Deux points très importantsde ce document méritentde

retenir l'attention. Tout d'abord,on admet de la manière la plus nettequef-
Jef se trouve entre la frontièrede 1899-1919et le tracé prévu pale Traitéde
1935.L'Italie reconnaîtdonc que la frontière existante en 1938entre le sud
de la Libye et l'Afrique équatoriale Française etelle établie en1899-1919.
En même temps, et par voiede conséquence,l'Italien'affirmepas que cette
zone relèvede la souveraineté italienne (commele soutenait, en revanche,le
Gouverneur italien de la Libye). Le deuxième point, qui découle

logiquement du premier,est que Rome s'abstientde protester ;en effet, elle
se borne à informer les autorités françaisesqu'elleal'intentionde poursuivre
des travaux pacifiques, nécessaires pourle commerce des caravanes entre la
Libye et I'AfriqueEquatorialeFrançaise, à Jef-Jef.

33. Radicalement différente est l'attitude du Quai d'Orsay.
Celui-ci décide de *agir vigoureusement à l'Aide-mémoire italien du3 mai.
Le2juin, le Ministredes Affaires étrangères écrit au Ministrdees Colonies :

"Je compte répondre à cette démarche [italienne]que la région en
cause continueraà relever de notre souverainetéjusqu'àce que, les
ratifications ayant étééchangées,ledit pacte [le Traitéde 19351

soit entre en vigueur. En attendant, l'autoritéfrançaise
munie de toutes les attributions aue comwrte ce statut iuridique.
Nous ne pouvons donc accepter que, même à des fins
éminemment louables, nos voisinsy assument des responsabilités
d'aucune sorte" (Annexe 200 ;souligné par la République du
Tchad).

34. Le Ministre des Colonies, par une note du 3 juin répondit
qu'ilpartageait entiérementle point du vue du Quai d'Orsay (Annexe 201)et,par conséquent,le 20 juin ce dernier envoya à I'Ambassadeitalienne à Paris
une note verbale très fermedans laquelle après avoir rappelél'Aide-mémoire
italien du 3 mai. ilajoutai:

"Le Ministère croità ce sujet devoir rappeleà l'Ambassadeque la
région encause continuera àrelever de la souverainetéfrancaise
jusau'à ceaue. les ratifications avant été échaneées. ledit traité soit
entré en vigueur. L'autorité francaise v demeure en attendant

les autorités italiennes voisines nesauraientdonc. même àdes fins

éminemment lounhlcs. v assumer des resoons~bilité~d'aucune
Solte.
C'est d'ailleurs ce que paraissent avoir compris les autorités
locales elles-mêmes, puisqu'il semble résulte dre renseignements
récentsque le personnel italien a regagné Koufra etque I'incident

peut donc être considérc éomme clos" (Annexe 202 ;soulignépar
la Républiquedu Tchad).

35. Il paraît difficile de trouver une réaffirmation plus claire et

de la souveraineté française dans la banded'Aozouet, donc, de la validité
permanente de la frontièrede 1899-1919.

36. La note verbale italiennedu 3 mai. citée ci-dessus, nemit

toutefois pas finà I'actionitalienne. Le 8 juillet, la réponse française du20
juin, que l'onvient de citer, fut communiquée au Gouverneur Généra dle la
Libye, Balbo. Cette communication suscita sa colère etle ler août 1938 il
rédigea une note très dure et véhémente.II y soutenait que la zone en
questionétaitdéjà avanlteTraitéde 1935soumise à la souverainetéitalienne:

"De mon côté,j'obseme que les accords du 7 janvier 1935 ne
constituent pas unecession du territoire en questioà l'Italie, mais
simplement la reconnaissance d'une souveraineté que l'Italie a
constamment et sans interruption revendiquée.II me semble donc

que cette souveraineté,du faitou'elleest exercéedans la zone sans
êtreen conflit avec l'exercicede la souveraineté francaise,n'apas
besoin de confirmation, grâce à l'échangedes ratifications, des
accords du 7 janvier 1937-8 (Annexe 203 ;souligné dans
I'original).

37. Le Gouverneur de la Libye ajoutait qu'ils'étonnaitque les
autoritésde Rome ne protestassent pas,car l'attitude françaiseétaitcontraire
non seulement à la dignitéde l'Italie. mais aussi à ses intérêts. Enfin,il

-Tmductiande la Rtoubliausdu -cTexte orini'"Daornemia orrsrchenli accordidcl 7

del7gennaio1935"(annexe203)annexait à sa dépêcheun croquis de la zone en contestation, marquant

I'emplacementdu puits contesté(Annexe 203).

38. A cet égard. il faut noter que ce croquis étaiten conflit
avec les affirmationsde Balbo,car il indiquait deux frontières,cellede 1899-

1919et celle prévuepar le Traité de1935, et montrait bien que le puits était
au sud de la premièrefrontièreet au nord de la seconde: donc, en territoire

français. Le croquis donc -il faut bien le souligner- n'indiquait pasdu tout le
tracéqui, d'après les notes italiennesde protestation de 1921-1934,auraitété
prévuen 1899 (ce tracé, d'après ces notes italiennes, partait du point de

rencontre du Tropique du Cancer avec le 16èmedegréde longitude Est de
Greenwich pour aboutir à l'intersection entrele 24èmedegréde longitude Est

de Greenwich avec la latitude 18'35 ;d'aprèsce tracé la zonede Jef-Jef
aurait étéenterritoire italien).

39. De toute évidence, le croquis envoyé à Rome par les
autorités italiennes de Tripoli montrait bien qu'en effet, mêmepour ces

autorités,en 1938 l'alternative à laquelle on avait affaire était seulement
entre la frontière 1899-1919(la seule frontière valable à i'époqueet par la

suite)et le tracé envisagé par le Traité Laval-Mussolini.

40. La réponse de Rome à l'emportement de Balbo fut très
gênée, ce quipeut s'expliquer très facilement puisque le Ministère des

Affaires buangèresconnaissait bien l'extrémismecolonialiste de Balbo, mais
aussi le prestige politique dont iljouissait auprès desmilieux nationalistes et
colonialistes. Rome s'évertua donc de ménager les susceptibilités du

Gouverneur Général, d'un coté, etde gagner du temps, de l'autre.La dépêche
en riponse à Balbo, du 16août 1938,commençaitpar une remarque générale

qui révélaitune énormeconfusionintellectuelle --dont on ignore si elle &tait
déliMréeou involontaire :

"Ce Ministere Royal connaît bien la thèse, constamment soutenue
par nous, d'aprèslaquelle l'Italie a toujours considéré comme

relevant de la Libye ("pertinenti alla Libia") les régionssituéesau
sud de la frontièreétabliepar les Accords Mussolini-Laval du 7
janvier 1935. Ces Accords n'étantpas encore entrésen vigueur,

ladite thèse reste --c'estévident--ferme. La zone dans laquelle a
eu lieu l'incident en question est incluse elle aussi dans ces

régions"9(annexe 204).

41. Or, il est évidentque le Ministèrese trompait, car lef-lef

ne se trouvait pas au sud du h.acéprévu parle Traitéde 1935,mais au nord

conrtantemcnv& noiso;icnu&, wc&io InhqualeI.ltalishawmpm canridenroeomcpcninentalla Libia le
mgioniposv al suddella lin- dfmnticrrlabilila &gli AccordiMusolini-Laval7gcmaio 1935.Tali
A m non crwndosi- cnmti in vigore,la ksi amidcilar-corne è owio- rem. Fra fali mgioniè
anche compmsala zonainmi siéverificarolincidcnicinoggc(meie 204). de ce tracé. Un autre élémentdoit retenir l'attention : tandis que Balbo

insistait sur la "souveraineté"italiennesur la zone contestée,Rome se bornait
à parler, d'unemanière assez vague,de territoires que l'Italieavait toujours
considéréscomme "relevant de la Libye" ("pertinenti alla Libia"). On
utilisait donc un langagejuridique moins net et précisque celui employépar

le Gouverneur de la Libye afin, évidemment,de ne pas trop s'engagerdans la
voie préconisée par celui-ci.Mais le couronnementde l'ambiguïtéet du désir
de temporiser de Rome est constitué par la demande, adressée à Balbo.
d'envoyerun croquis montrant l'emplacementdes bornes frontièresplacées.

auxdires de Balbo, parles Françaisdans la zone deJef-Jef.

42. Le mêmejour, les bureaux du Ministère des Affaires

étrangèresrédigèrentun brouillon d'une note que l'Ambassade italienne, à
Paris,aurait dû remettreau Quai d'Orsay. Voiciun extrait de ce projet :

"Par rapport à la Note ...'Ambassade Royaled'Italie, parordre de

son Gouvernement,exprime ses réserves ài'égardde l'affirmation,
contenue dans ladite Note, que la régionen question est soumise à
la souverainetéfrançaise,car cette région a toujoursété considérée
par le Gouvernement Royal comme relevant de la Libye

("pertinente alla Libia")"lQ(annexe204).

43. Or, il convient de noter non seulementque ce brouillon est

rédigé en des termes très souples et évitede dire que la zoneen question était
soumise à la souverainetéitalienne. Qui plus est, le brouillon resta tel quel,
car on y trouve --écrit à la main-- le mot "suspendu"("sosr>esoE n)e.ffet,
Balbo, évidemmentimtépar la réaction trèstièdeet les tergiversations de

Rome, n'envoya jamais le croquis demandé. Rome, à son tour, n'envoya
jamais à Paris la réponse àla note verbalefrançaisedu 20juin.

44. Au demeurant.que l'Italieait fini par acquiescer à l'attitude
de la France, est confirmépar une note secr&tepour leMinistre des Affaires
étrangères, préparélee 5 décembre 1938par le Sous-Directeur d'Afrique-

Levant du Quai d'Orsay.Après avoirpréciséque le Traitéde 1935 n'étant
pas entré envigueur, la frontière sudde la Libye restait celle de 1899-1919.
et que la zone au Sud de cette frontière était soumise à la souveraineté
française, la note relevait que "quant aux desseins de l'Italie, ils sont clairs.

Nos voisins s'évertuent à profiter de notre présence intermittente pour
s'infiltrer graduellement chez nous. Au printemps dernier, Rome cmt le
moment venu de se démasquer et d'éprouver notre réaction". La note
continue en rappelant l'incident de Jef-Jef et la ferme mise au point de la

France par la note du 20 juin 1938. Une fois soulignéque le détachement

Io..Traduction de la Repubiiquedu -Terleoriginal :"ln relariNot.la R. Ambasciatn
d'lial. 'orddelauoGaverno.cspnrnele pmprietsuil'affcmarione.canindeltaNotchsla
regionedi cuimait&sottoposallsovranitfranccclando laregionrlcssaslataR.Governo
urnpre considerstaqualepcninenrea(annex201)".italien qui avait étéchargéde I'opération"ne s'obstina,d'ailleurs, pas" mais

regagna Koufra, la notepoursuit :

"L'Italiene semble, cependant, pas avoir renoncé à cette politique.
Dans les derniers jours du mois d'octobre, il nous revint que la
tentative avortéeétaitreprise. Le matériel était derechef rassemblé
dans l'oasis. M. Mandel [Ministre français des Colonies] nous
pressait de saisir le Palais Chigi [le Ministère italiendes Affaires

ét~angèresa ]fin de prévoii(sic)le renouvellement de I'incident.Le
Départementa estimé quela froideur de nos relations avec Rome
déconseillait cette démarche prémonitoire. En revanche, il a
exprimé l'avis que le meilleur moyen de décourager, voire
d'entraver l'entreprise serait la présence, sur les lieux, d'un
détachementnomade".

45. Et la note de conclure :

"Rien donc n'est altéré, nide iure ni de facto dans l'étatdes
territoires en cause.Nous continuons à en êtreintégralementen
possession. Aucune atteinte n'a donc étéportée à nos droits"

(Documents diolomatiaues francais, 1932-1939, Série2 (1936-
39), vol. XIII, p. 69).

46. 11découleuès clairement de cettenote que I'ItaIie.au lieu
de répondre à la protestation française du 20 juin, en revendiquant la
souveraineté sur la zone de Jef-Jef, préféra continuer sa politique
d'infiltrationgraduelle. Sur le plan juridique. cela montre que Rome s'inclina

face à la thèse,trks ferme, de Paris, ei ne contesta pas l'affirmationque la
zone en question relevait de la souverainetéfrançaise.

47. En bref, les conclusions suivantes se dégagent deI'examen
de l'incident de Jef-Jefetde ses suites:
1) La France proclama très nettement que la zone au sud de la

frontière de 1899-1919 était soumise à la souveraineté française. Cette
affirmation ne demeura pas théoriqueou platonique, car elle s'accompagna
d'une manifestation effective d'autorité(les militaires français tout d'abord
saisirent les outils employés par les ouvriers italiens et emmenèrent ces
ouvriers au poste françaisde Tekro, ensuite illes renvoyèrenten Libye) ;
2) Par contre, l'Italiese borna à souligner le caractère pacifique de

l'actiondes ouvriers italiens (le forage d'un puits)et accepta que le puits en
question se trouvât entre "la frontière actuelle" de la Libye et la frontière
envisagéepar le Traitéde 1935. De plus, Rome ne suivit pas la suggestion
du Gouverneur de la Libye de protester contre la note française qui
réaffirmaitla souveraineté françaisesur la zone ;
3) L'Italiereconnut donc que,jusqu'àce que le Traité de 1935entrât
en vigueur, la frontièresud de la Libye étaitbien celle de 1899-1919et non

pas celle beaucoup plus favorable à I'ltalieque les autorités italiennes avaient
prétendu, entre1921et 1934,être cellerésultant dela Déclarationde1899. SECTION 2
LES DEBATS ET LES ACTIONS DES NATIONS UNIES :
1948 -1952

48. Entre 1948 et 1952,les Nations Unies ont amenéla Libye
à I'indépendanceen tant qu'Etat uni et souverain avec des frontières et un
territoire essentiellement incontestés, particulièrementpour ce qui concerne
sa frontière Sud.

49. L'Assemblée générale desNations Unies a exercé sa
compétence auxfins de la décolonisation dela Libye afin d'assurerque le

nouvel Etat accèderait la souverainetédans des délais raisonnablesen tant
qu'entité politique unie,de façoà ne pas compromettre sa sécurité, età
éviterles contestations territoriales ou frontalières avec ses voisins.

50. Le processus des Nations Unies fut entièrement couronné
de succèsdans la réalisation de cesobjectifs et conduisitcréation rapide
d'un Etat avec des frontières qui, en règle générale,ne faisaient I'objet
d'aucunecontestation.

51. Même sil'on pensait que des différends de frontières
pouvaient exister, l'Assemblée généralaedécidé que cesdernien devraient
êtrerésolus par un processus de négociation après la réalisation de
I'indépendancede la Libye. Cette recommandation de l'Assembléea été
acceptéepar toutes les Parties les directement concernées.

1.LETRAITE DE PAIX AVEC L'ITALIE
ET LE SORT DES COLONIES ITALIENNES

A -L'établissementde la compétencedes Nations Unies

52. Dans le Traité de Paix avec l'Italie du 10 février 1947
(Production 2), l'Italie avait renoncà tous ses droits et titres sur ses
possessions territoriales en Afriquerticle 23). Le "son définitif'de ces
territoires, y compris la Libye aéconfiépar l'article 235 3 aux quatre
Puissances (URSS, Royaume-Uni, Etats-Unis, France) à condition que, si
elles ne parvenaient paàun accord, une année aprèsl'entréeenvigueur du
Traité,"la question sera soumisà l'Assembléegénérale desNations Unies
pour que celle-ci fasse une recommandation"qui lierait les quatre Puissances
et les obligeraità "prendre des mesures appropriées pour la mettre à

exécution"(annexeXI-Cf. Production2).

53. Le Traitéprévoyait également que "jusqu'àe que leur son
définitif soit réglé", les colonies italiennes resteraient sous administration
britannique (en Cyrénaïque et Tripolitaine) et française (dans le Fezzan)(Ibid. article 23). L'Assembléegénbralea confirméce régime administratif
des deux puissances etI'amaintenujusqu'à l'indépendance.

B -Les discussions sur les frontikres

54. Les archivesde la Conférencede Paix de Paris au cours de
laquelle le Traitéde 1947 a éténégocié, démontrent I'attention considérable
portée à quelques différends territoriaux. Ces derniers concernaient
essentiellement les colonies italiennàsI'Estde l'Afrique.II n'y eut pas de
discussion similaire concernant les frontières libyennes au sein dessous-

comités chargésdes frontières, ce qui prouve une absence de désaccord
(annexe 1).

C -La Commission d'enquêtedes quatre Puissances

55. Agissant selon les termes du Traitéde 1947 avec l'Italie,
les représentantsdes Ministres des Affaires étrangèresdes quatre Puissances

ont décidé, en octobre 1947d,e constituer une Commission d'Enquête pour
détenniner l'avenir descolonies auxquelles l'Italie avait renoncé. Elleétait
composéde représentantsde chacune des quatre Puissances (v. Chapitre III,
section 4, III, A). La Commission a visité la Libye et les autres colonies
italiennes d'octobre 1947àmai 1948et a rendu son rapportle 31 aoGt 1948.
Ce rapport n'avait pasrésolules désaccords parmi les Quatrece qui conduisit
les quatre Puissances à décider conformémentaux termes de I'Accordde
1947(voir n054ci-dessus)de porter la question devant l'Assembléegénérale.

56. Il y a peu de traceà ce stade de difficultés en matièrede
frontières,à deux exceptions près. En premier lieu, I'Egypte a présenté
certaines revendicationsterritoriales baséessur la sécurité nationale, incluant
le Plateau de Sallum, l'Oasis de Jaghboub, le Port de Bardia et les cas
d'Arkinu,Uwaynat et Sara (cf. Khaddun, ModernLibya,A studyinPolitical
Development, The Johns Hopkins Press, Baltimore, 1963,p. 125).

57. Deuxièmement, la France demandades modificationsde la
frontière Ouest du Fezzanen sa faveur (v. supra chapitre III, section 4, III,
A). Les modifications proposées, concernaient principalement deux régions
a) Uezzan, Sinauen, Berget Ghadamès
b) Ghât et Serdelès.
Le Royaume-Uni réserva son jugement face à ces demandes (Cf. la
transmission par M. Stafford, Délégation britannique, à M. Bell, le 7 juin
1948de "quelques notes sur le mémorandum français sur les ajustementsde

frontières affectant la Libyepréparéspar Lt.Col. Sandison, F.O., Registry
noJ3943/14/66,annexe 213).

58. Selon ce mémorandum, les Français ont aussi exprimé desrevendications concernant Tummo et le Tibesti (frontière Sud). Cependant,
le mémorandum britannique conclut :

"M.Stafford me dit que les Francais travaillent sur l'hypothèse
selon laquellela frontièrede 1935est nulle et non avenue car non
ratifiée et quela frontièreNord de la colonie française du Niger et

de I'A.E.F.suit la ligne antérieure ... .Stafford considèreque les
Français ont raison surce point. Je ne pense pasque nous ayions à
fairedes objections"".
(Ibid.)

59. Toutefois,une carte militairebritanniquede 1946fondéesur

la ligneprévuepar l'accordfranco-italiende 1935étaitjointe au memorandum
du 7juin 1948.Cettecartecontreùitla conclusiondu mémorandumdu Foreign
Officebritanniqueauquelelleétaitjointe (annexe213).

60. La même érreurréapparaît dans trois autres cartes pendant
la période 1948-1950. Chaque fois les Français réagissent et expliquen qtue
la carte esterronée ;ils ne se sontpas contredits.

II. LE TRANSFERT DE LA QUESTION LIBYENNE
A L'ASSEMBLEE GENERALE DES NATIONS UNIES

61. Le 15 septembre 1948, les Quatre Puissances ontinformé
le Secrétaire Général (Documents officiels de l'Assemblée Générale,

troisième session, première partie,séancesplénières,annexes, Documents
A/645) qu'elles n'étaient pas en mesure d'arriver un accord concernant la
question territoriale et, conformément au Traitéde 1947, ont adressé la
question aux Nations Unies pour qu'elle soit examinée lors de la 3ème

Session ordinaire de l'Assemblée Générale (Annuaire deN s ations Unies,
1948-1949.p.256).

62. La carte de la Libye annexée au rapport des Quatre
Puissances avait été préparée poê urtreutilisée par la Commission d'enquête
pendant ses périples (annexe 214). Il n'y a aucune preuve, toutefois,que le
sujet des frontieres de la Libye était étudiéou attirait son attention (v.

chapitre III, section 4, III, C). La carte montre, cependant, l'origine de
l'erreur relative à la frontière Sud de la Libye. II ressort de la copie du
Rapport conservi: à la Bibliothèquedes Nations Unies que la carte annexée
était une reproduction "d'une carte d'ordonnance britannique faite à partir de

1' -Traductionde la Rtpubliqusdu -TexteorigMal:"M.Sla Vflome thaiheFnnchar. no"
w&g an ihauurnptionthai 1935fmnticüneir nul1andvaihmughnoihavinbscnmmïedand
ihat the nonhcrnboundaryof FrenchNiger Colony and FrenchEquniarialAfriea followî the carlier
FM .M.Slaffo rnsidsrlhatihe Fnnch arcjuitifiedon lhir pointwc lhnwc ncedhaveany
objection."la carte imprimée parle Ministère italien des Coloniesen 1937)"(Ibid. cane
annexée). II ne serait pas surprenant qu'après la guerre, les Britanniques
occupant la Cyrénaïqueet s'attendant peut-êtAy établirune tutelle, aient
favoriséune conception extensive de ses frontières.Toutefois, lorsque des

éléments juridiques ont étéprésentés,le Foreign Office s'est montré disposé
accepter la correction de l'erreur proposéepar laFrancepra, no58).

63. Dans le cas de la carte des Quatre Puissances, les faits
furent de nouveau signaléspar la France et relevéspar d'autres.La copie de
la carte au siège des Nations Unieà New York, contient la note suivante
portéedans la marge:

"Notevarla délégationfrancaise
La frontière illustréesur la carte d'ordonnance britannique est
basée surun accord conclu entre le Gouvernement français et le
Gouvernement italien le 7 janvier 1935. Cet accord n'estjamais
entré envigueur car il n'ajamais étératifiéet a étéofficiellement
dénoncé par le Gouvernement italien en 1938"(Ibid.).

A I'évidence, lesautorités françaisesont obtenu, probablement au moment
où la carte a étéjointe au rapport, que l'erreur qu'elle contenait soit
clairement remarquée. Toutefois, l'erreur cartographique n'a pas,à ce
moment, été définitivementexorcisée(voir no64 et 75 infro).

In. PRISEENCOMPTEDELAQUESTION

DES COLONIES ITALIENNEP SARL'ASSEMBLEEGENERALE
ETSESCOMITESEN1949

64. Le processus par lequel les Nations Unies ont superviséla
décolonisation dela Libye est un processus parfaitement régulierau cours
duquel les points de vue et les intérêts libyensont été totalementpris en

compte. Ceci est important car. pendant et aprks l'exercice, les Français ont
présenté de façon répétéetepublique les textes applicablesfrontièreSud
de la Libye. Ces déclarationsfrançaises, tout au long du processus, n'ontpas
été contredites. et acquiescement est le fait des Etats membres des Nations
Unies, du Commissaire et du Conseil des Nations Unies etàpartir de leur
apparition comme participants, des autorités libyennes, qui ont tous
pleinement participéau processus.

A -Discussion sur lesfrontikres

65. Il est significatif que. au moment où les Nations Unies
commençaient à se pencher sur d'autres problèmes de frontières, aucun
participant, y compris l'Italie, n'ait soulevé de question au sujet de la
frontièreSud de la Libye. Ce n'estpas par inadvertancepuisque les frontières

figuraient de manière proéminentàI'ordredujour. Lors de la discussion sur
la question des colonies italienneà la quatrième session de l'Assemblée
générale, de nombreusesdivergences d'opinion concernantles questions de frontières sonten effet apparues. Lagrande majorité d'enelles, cependant,
concernaient I'Erythréeet la Somalie italienne. Ainsi. le représentant
argentin, affirmant que "les frontières fixées avant la guerre ne devront
évidemment pas êtremodifiées", notait cependant quU'aucunefrontière
définien'existeentre I'Ethiopieet la Somalie". Lui et d'autres ontégalement
remarqué qu'"il y a entre la Libye et I'Egypte...certains litiges" (Documents
officiels de l'Assemblée générale, quatrième session. Première Commission,

323ème séance, II novembre 1949, 5 45) et en conséquence,l'Argentine
avançaque "la procédure àsuivre pour fixer les frontières sera étudiéàù lo
elles étaient contesté(Ibid.).Par contreà aucun moment lorsde ce débat,
et bien que d'autresfrontières aientété aucentre des discussions, la frontière
Sud de la Libye avec l'Afrique Equatoriale Française (Tchad) ne fut
mentionnéepar un intervenantcommeétant contestée.

B -Discussions sur la décolonisationlibyenne

66. Il était entendu que la légitimitéde la décolonisation
libyenne dépendait de l'accord des membres des Nations Unies sur un
processus crédiblepour réaliser la tâchequi leur avait étéconfiéepar les
Quatre Puissances. Dansun premier temps, aucun scénariosur la manièrede
décoloniser laLibye, ne se dessina, qui fût susceptibletreacceptépar les

différents groupesrégionauxdes Nations Unies, nimêmepar les principales
nations (dominantes) du bloc occidental. Les gouvernements français et
italien préféraient initialemutne plus longue périodede supervision et de
préparation de la Libye avant l'indépendance. M.Couve de Murville,
représentantla France, dit l'Assembléegénérale que la limite des deux ans
proposée pour la Libye étaitirréaliste"et "injustifiée"

"par les renseignements ...qui proviennent du rapport de la
Commission d'Enquêtd ees Quatre Puissances"

(Documents officielsde l'Assembléeeénérale, quatrièms eession,
séancesplénières,249èmeséance,21 novembre 1949, 545).

Toute solution autre qu'une période de préparation minutieuse, dit-il
n'aboutirapasà "l'indépendance véritableet il avert:t

'L'apparencede I'indépendance est chose fort différentes,marquée
en généralpar l'arbitraireou par les interventions de l'étranger".

@lid 545)

67. Les Puissances, ainsi que d'auues membres des Nations
Unies avaient des divergences quantà la manière dontla Libye devait être
décolonisée.La France, par exemple, exprima une préférence pour une
prolongation de la tutelle italienne en Tripolitaine, peut-êtreen partie pour
éviterqu'une Libye indépendante ne créeune pression nationalisteaccrue au
voisinagede l'Afriquedu Nord fran$aise.

Ce fut une position que la Grande-Bretagne accepta avec tiédeur0 au
débutde 1949, bien qu'elle avançât [elle] aussi une proposition de.tutelle
américaine sur la Tripolitaine (Memorandum du Chef de la Division duProche-Orient et des affaires étrangeresdu Secrétaired'Etatdes Etats-Unis,
Washington, 3 mars 1949, Ibi dt.529). Cette proposition ne reçut aucun
appui du Congrès américain etfut donc rejetée parle Département d'Etal
(Ibid 530 et 531). Alors que le Royaume-Uni, à ce moment-là, préférait -

sans que les Etats-Unis s'y opposent- une tutelle britannique sur la
Cyrénaïque (Memorandumof conversation, by the Director of the Office of
Near Eastern and Afncan Affairs (Satterthwaite), Washington, 9 mars 1949,
Ibid. at 531) conduisant à une indépendance rapide de cette région
(Memorandumby the Acting Secretary of State to the ExecutiveSecretas. of

the National Security Council (Souers), Washington, 15juin 1949, Ibid.al
557), le plan dit Bevin-Sforza qui aurait créé une tutelle britanniquseur la
Cyrénaïque etune tutelle italienne pour la Tripolitaine futsi vigoureusement
critiquélors de la troisikme session de l'Assembléegénéralepar les Etats
latino-américains,arabes et asiatiques que Yensemblede la question dut être

renégocié avantqu'une proposition sur laquelle il y avait accord pût être
présentée devant la quatrikme session de l'Assemblée générale pour
approbation. Avec réticence, Washington conclutque

"nous sommes confrontés à une situation où la seule solutionpour

la Libye qui peut obtenir les deux tiers des voix, semble être
i'indépendanceA une date précisedans un proche avenir".'Z
(Telegramme :The Secretary of State to the Acting Secretary of
State, Paris, 26 mai 1949Ibi at 564)

68. Les origines du processus des Nations Unies pour la
décolonisationde la Libye furent donc le résultat d'un intense marchandage
et de compromis plutôt que de la stratégie délibéréde'un membre ou d'un

bloc. Ce qui en résulta, en outre, ne fut pas une solution imposée mais
I'aboutissementde négociations politiques globales tellesque les envisage la
Charte des Nations Unies. Ce n'était peut-êtrpeas le processus idéal maisce
fut une procédure parfaitement légitime, à laquelle on était arrivé
conformémentaux modalités prévues par la Charte.

69. Sur l'insistance des Etats latino-américains, asiatiques,
arabes et africains, différentes propositions "occidentales" pour une plus
longue périodede tutelle furent rejetées en faveur d'unprojet qui amenait à

une décolonisation très rapidesous les auspices des Nations Unies :au ler
janvier 1952.

C - La résolution289 (IV) :le plan de décolonisation

70. Larésolutionde l'Assembléegénérale 289 (IV),défmissant
le plan de la décolonisationlibyenne, ne fixa pas seulement une échéance

12-~miuctiondc la ~~pvbdu cha -d~crtorigin:"WCarecmimnicd wia situationwhihe
only solufoLibyawhicmighlobmia tw-ihirvoteappcarsteindcpendanea sp-çifdatin
thencfurn.'pour I'indépendancemais créa égalementla fonction de Commissaire des
Nations Unies en Libye nommé par I'Assembléegénérale"en vued'aider les
populations de la Libye à constituer un gouvernement indépendan.t.."Elle
créa égalementun Conseil représentatif de dix membres "chargéde lui
apporter son concours et ses avis". Les Etats représentésu Conseil étaient
I'Egypte,la France, l'Italie, le Pakistan, le Royaume Uni et les Etats-Unis.
Participèrent également au Conseil un représentant de chacune des trois

régionsde la Libye et un représentantdes minorités libyennes (annexe 307,
articles 4 et).

71. La Résolution 289(IV) autorisait égalementle Royaume-
Uni et la France "en coopération avecle Commissaire des Nations Unies" à
continuer à administrer leurs régions respectiveset leur demandait de lancer

"immédiatement les premières mesures nécessaireasu transfert des pouvoirs
à un gouvernement indépendantdûment constitue (Ibid.article 10 (a)) et
d'administrer leurs territoires afinde promouvoir "l'uniet..'indépendance
de la Libye."(Ibid.article 10(b)).

IV. UNE "PROCEDURE D'ETUDE D'UNEPROCEDURE"
RELATIVE A LA DELIMITATION DES FRONTIERES

72. C'estdans ce contexte que I'Assemblée générale demanda,
en novembre 1949, par 45 voix contre 5 et 4 abstentions, au Comité
intérimairede "procéder à I'examende la procédure à adopter pour délimiter
les frontières des anciennes colonies italiennes, pour autant qu'ellesne se
trouvent pasdéjà fixéespar des arrangements"...(lbipartie C).

Ceci a étémotivé essentiellement. pour ne pas dire
73.
totalement, pardes questions de frontières concernantles anciennes colonies
italiennesautr eue la Libye (v. supra nD65).

74. Le 16janvier 1950, le Comité intérimaire demanda au
Secrétariat de préparer une étudede toutes les frontières des anciennes
colonies italiennes "contenant toutes les données dontelle [la Commission]
avait besoin". (Rappon de la Commission Intérimaire, Documents officiels

de I'AssembléegénéraleS , èmeSession, Supplément11'14(A/1388), par.12).
Cette demande a étésatisfaite par un rapport du Secrétariat,diffuséle 27
janvier 1950,11jours plus tard seulement (annexe 6).

75. Ce rapport du Secrétariat à la Commission Intérimaire,
transmis le 27 janvier 1950, traite brièvementde la frontièreentre la Libye,
I'A.0.F. et I'A.E.F.(v. supra, chapitre III, section 4, III, C). Préparée avec

une telle précipitation, cette description contientdes erreurs, tout comme les
autres parties du rapport qui traitent de frontières plus contestées en Afrique
de l'Est.L'auteur s'eàtl'évidenceappuyésur la carte italienneerronée dela
Libye de 1937 jointe au rapport des Quatre Puissances. Le rapport duSecrétariat indique que cette "frontière a été fixéepar ce qu'on appelle
1'Accordde Rome du 7 janvier 1935conclu entre la France et Iltalie" (Ibid.)
Il ajoute ensuit:

"Néanmoins, la délégation française, dans une note jointe au

rappon de la Commission d'Enquête des Quatre Puissancessur la
Libye, a fait observer que cet Accord, n'ayant pas étératifié.
n'étaitjamais entré en vigueur et qu'en outre, le Gouvernement
italien l'avait dénoncé en1938. D'aprèscette note française, la
frontière en question est donc toujours définie par le Protocole
franco-italien pourla délimitationde la frontière enue la Libye
d'une part et l'A.0.F. d'autrepari, qui a été signéle 10janvier
1924et qui resteen vigueur". m)

Le rapport du Secrétariatmentionne, cependant, I'existence d'unprotocole
franco-britannique du 10 janvier 1924 "qui détermine cette frontière entre
l'A.E.F.et le Soudan". (Ibid)

76. A l'évidence,le Secrétariat,sansexaminer la questionplus

avant a acceptéla frontièreindiquée parla carte des Quatre Puissances (v.
supra no59). qui a étépubliée parle Gouvernement italien avant qu'il notifie
à la France que leTraitéde 1935,n'ayant pasété ratifié,étanit l. Cette cane,
et la description de la situation juridique de cette frontière, peuvent
seulement êtreconsidérées comme un effort du Secrétariatpour répondre àla
demande qui lui avait étéadresséedans un laps de temps et avecdes moyens
limités. Ce rapport n'a pas I'ambition d'être,ne pourrait ni ne doit être,
considérécomme une analyse en profondeur de la situation juridique

historique de la frontièreSud de la Libye. II est erroné caril se réîèàela
cane des Quatre Puissances (émanantdu Gouvernement italien, 1937)et au
Traité(non ratifié) franco-italiende 1935.

77. Dans ses conclusions, le mémorandumdu Secrétariatne
prétendpas trancher du point de savoir si la frontièreSud "a été délimitée".
(Ibid.p.17) Ce rapport laisse donc la question en suspen: "La Commission

Intérimaireaura besoin de renseignements complémentaires"dit le rapport
du Secrétariat,"pour pouvoir déterminersi la frontièreest fixéeau sens de la
résolution de l'Assembléegénérale et. dansla négative, pour étudier la
procédurede délimitation"(Ibid).

78. Le rapport du Secrétariat contient également une

description plus longue desrevendications de I'Egypterelativesàla frontière
Est de la Libye. Les mêmesconclusions sont cependant tiréespar le rappon
qui renvoie la questionàla Commission Intérimaire(Ibid).

79. Le caractère non probant du rappon, préparé dans la
précipitation. dans la mesure où il ambitionne de traiter de la frontière
libyenne avec I'A.E.F., est souligné par l'utilisation dans la carte qu'il

contient d'une ligne en pointillés semblableà celle portéesur la carte des Quatre Puissances et par l'insertionde points d'interroàades intervalles
réguliers.

V. LE RENVOI DELA QUESTION DESFRONTIERES

A -L'adoption par l'Assembléegénérale
d'une résolutionsur lesfrontieres

80. La Commission intérimaire, comme l'avait demandé la
Résolution de l'Assembléegénérale289 C (IV), a soumis son rapport à
l'Assemblée général(eRapport de la Commission intérimaire,Documents
officiels de l'Assemblée générale,eSession, Supplémentno 14(Al1388)
et a joint sans commentaires une résolution patronnéepar les Etats-Unis
(Ibid. annexe C (AIAC 181118/Rev.I). Le rapport et la résolution traitaient
des frontièresde toutes les colonies italiennes. L'essentiel du rapport traitait
des frontièresde I'Erythrée.

81. Le projet de résolution "recommande", pour ce qui
concerne la Libye,

"que la partie de la frontière qui séparele territoire libyen du
territoire français et qui n'a pas étéfixée par un accord
international soit délimitée, quand la Libye deviendra
indépendante, par voie de négociations entre le Gouvernement
libyen et le Gouvernement français, assisàéla demande de rune

ou de l'autre des Parties, d'une troisième personne qu'elles
choisiront, ou que désignera, si elles ne peuvent se mettre
d'accord,le Secrétaire général des NatiUsnies".(Ibid)

82. Pendant le débat sur cette résolution à l'Assemblée
générale(5èmeSession), la France, notant qu'ellesouhaitait une rectification
de la frontière entre le Fezzan et l'Algériedans la régionde Ghât et de
Serdelès, déclara se réserver "le dite régler cette question, dansunrit
amical, par voie de négociationsdirectes avec le Gouvernement libyen..."

-(Documents officiels de l'Assembléegénérale,5kme Session, Commission
Politique Spéciale,èmeséance,13décembre 1950, 5 128).Il est important
de noter que cette référence française, concernait uniquement la rectification
de la frontièrede Ghât et de Serdelès.La France n'aexprimé aucun déred
quelque nature que ce soit de voir rectifiée la frontièreentre la Libye et le
Tchad.

B - La France corrige le rapport du Secrétariat

83. Pendant le débat du Comité Politique ad hoc de
l'Assemblée sur la Libye,le délégufransais, M. NAUDY, réitéraune fois
de plus très clairement pour procès-verbal la positionde la France relative
au Traité caduc de 1935 avec l'Italie. Faisant allusion au rapport duSecrétanalau Comité intérimairei,l nota qu'il contenaitune "erreur"relative
au Traitéde 1935 qui "n'est jamais entréen vigueur" car le Gouvernement
italien. sans le ratifier, "L'avaitdénoncé le27 décembre193(Ibid $ 129et

130).Il ajouta que

"dans ces conditions, il convient de se référeraux stipulations
antérieuresfixant cette partie de la frontière.Ces dispositions sont
celles de I'Accordfranco-italien du ler novembre 1902, puisque
l'Accorddu 12septembre 1919ne concernaitque la frontièreentre
Ghadamès et Toummo. Aux termes de l'Accord de 1902. la
frontière dontil s'agitétaitla frontièrede la Tripolitaine indiquée

par la carte annexée %la déclaration du 21 mars 1899,
additionnelleà la Convention franco-britannique du 14juin 1898.
Cette déclarationadditionnelle a écomplétée par une convention
franco-britannique supplémentaire signée le 8 septembre 1919
ainsi que par une déclaration franco-britannique du 21 janvier
1924 relative à un protocole du 10janvier de la mêmeannée".
(Ihid)

IIajouta que la matièrétaitdonc régiepar tous cestextes(Ibid).

84. Il est significatif que cette déclaration fûtfaite en présence
du représentant del'Italie,M. Bmsasca, qui ne profita en aucune manièrede
l'occasionau cours de ses nombreuses interventions sur d'autres aspects dela
question libyenne pour repousser ces importantes déclarations françaisessur
la situation juridique applicable. Ce silence est important puisque'ltalie

continuait à penser à ce moment-là qu'elle avait des relations historiques
spéciales avecla Libye et, par conséquent, étaitintervenue de manière très
vigoureuse sur des questions telles que "le problème dela frontièreégypto-
libyenne" quand elle pensait que L'intégritlibyenne pouvait êtreaffectée.
(annexe 308)

85. A la lumière de cette discussion, l'Assembléegénérale

adopta la résolution 392(V) du 15décembre1950relativeaux procédures à
adopter "quand la Libye deviendra indépendante" pour réaliserun accord
"par voie de négociationsentre le Gouvernement libyen et le Gouvernement
français, assistésà la demande de l'une ou de l'autre des Parties, d'une
troisième personne" afm de délimiter"la partie de la frontièrequi sépare le
temtoire libyen du territoire français et qui n'apas étéfixée". (annexe 308)
La présentationnon contestéede faits par le représentant françaiscomgeant
la carte du Secrétariat et indiquant les textes applicables, fut faite avant le

vote de la résolutionet ne fut rejetéepar aucune délégation.

VI.LEPREMIERRAPPORT DU COMMISSAIRE
DESNATIONSUNIESPOUR LALIBYE(1950)

Le premier rapport à l'Assembléegénérale en 1950,du
86.
Commissaire des Nations Unies pour la Libye a démontréle rôle important
joué parle système des Nations Uniesdans I'avancéede la Libye vers l'unité,
la souverainetéet I'indépendance.Nkanmoins, il a également illustencoreune fois le problèmeque semble avoir eu le Secrétariatà cette époquepour
produire une carte historiquementet juridiquement exacte des frontièresdu
territoire.

A -L'erreurcartographiquerécurrente

87. Le premier rapport du Commissaire des Nations Unies en
Libye fut transmisà l'Assembléegénérale le 4 septembre 1950(annexe 195).
Ce rapport ne contient aucune référence à une quelconque question de
frontières, ni dans sa description de la géographie dela Libye ni dans sa
présentation de l'administration française du Fezzan. Les questions de
frontières n'entraient pas dans le cadre du mandat du Commissaire.

Toutefois, la cane des Nations Unies no 256 de la Libye datée demai 1950
est annexéeau rapport. Celle-ci place la frontière Sudde la Libyàpeu pr2s
au mêmeendroit que le croquis du Secrétariat réalisépour lerapport destiné
au Comitéintérimairede l'Assemblée générale (von io 74 à 79 ci-dessus).
La cane 256 inclut la mise en garde usuelle : "Les frontikres indiquéessur
cette carte n'impliqlientpas une approbation ou une acceptation officielle de
la part des Nations Unies".

88. La carte 256 repose sur le uacédu TraitéLaval-Mussolini
mais, contrairement au croquis du Secrétariat, elle ne signale aucune
ambiguïté, les points d'interrogation ayant été supprimés.

89. Les archives des Nations Unies donnent quelques
indications assez claires sur la façon avec laquelle le Secrétariat,pour la
seconde fois, avait pu reprendre la frontière méridionale erronéfeigurant sur

la carte des Quatre Puissances (Gouvernement italien, 1937) lors de la
confection de sa carte (voirno62 et 63, ci-dessus). La documentation utilisée
par le Secrétariat lorsde la réalisationde la cane na256de mai 1950qui sera
finalement annexée au rapport du Commissaire présenté à l'Assemblée
généralele 4 septembre 1950, est le sujet de quelques communications
internes.

90. Avant tout, elles illustrentla hâte avec laquelle la carte fut

improvisée.Un mémorandum destiné à M.Virgi1de Angelis, fonctionnaire
au Commissariat des Nations Unies en Libye, émanantde M.Carey Seward,
Directeur intérimairedu service local des Nations Unies, indique que,le 26
avril 1950,la carte de mai 1950n'avait pas encoreététerminée parle Service.
cartographique "du fait de la nécesside terminer un autre travail en cours"
(annexe 317). Le3 mai 1950encore, le Service cartographiquedu Secrétariat
a seulement étéen mesure de promettre au fonctionnaire du Commissariat
des Nations Unies qui avait besoinde cartes pour une prochaine tournéede

son Conseil en Libye,que

"ce projet recevra la première priorité. Ils feront tout pour
respecter vos délais et les cartes vous seront envoyées parvion des qu'elles seront prêtes"'3. (Mémorandumdu 3 mai 1950, de
Seward à De Angelis. Sujet :Questions administratives. Archives

des Nations Unies -annexe 316).

Les photocopies des cartes, selon le dossier d'archive, étaient supposées
avoir étéenvoyéesau Commissaire le 10mai 1950(annexe 12)mais, en fait,
n'ont pas été expédiées en Libd ye fait d'un autre retard,usqu'au 22 mai

1950.(annexe 13).

91. La même année, à la demande du Commissaire des

Nations Unies, la carte 256 -à l'origine préparée uniquement pour guidelre
Conseil dans sa tournée dans le pays- a étéannexée à son rapport à
l'Assemblée générale "car les plaques de celle-ci avaient déjà été
préparées ...(annexe 318). A l'évidence, la précisiondes détails relatifà la
frontière n'était pale but de la cane, ni la préoccupation essentielledans

l'esprit de ceux qui préparaientle rapport destinéà l'Assemblée. Ceci n'est
pas surprenant, puisque les questions de frontières n'entraient pas dans le
cadre de la compétencedu Commissaire.

92. Les communications internes révèlent également les
sources utilisézspar le Secrétariatdans la préparationde la carte no 256. 11
apparaît à partir des archives des Nations Unies que M. Thomas Power,
Secrétariat principal pourla mission libyenne, a présentéle 30 janvier 1950

une demande à"M.SewardW du Secrétariat pour obtenir les "copiesdes textes
des traités relatifs aux frontières libyennes (Mémorandum de Seward à De
Angelis, 3 mai 1950, rapport n'IO -annexe 317). D'aprèsle dossier, ces
textes furent "mis sous enveloppes" le 23 février 1950 (Mémorandum du 7

février 1950, annexe 319). 11apparaît que le bibliothécaire des Nations
Unies, Milam, a préparéles photocopies des textes concernés(voir liste des
documents photocopiés à partir de la Bibliothèqueà Milam) envoyés parla
valise en Libye le 23 février 1950,dans le dossier Archives du Conseil de
Sécurité -Archives des Nations Unies) (vou aussi le mémorandumde Fonck

à De Angelis - Objet :Affaires administratives, n'O607116 - annexes 310 et
311).Sept éléments sont énuméreé t,sparmi eux, le "Traitéentrel'Italieet la
France (7janvier 1935)". (Ibid) Encore une fois, il n'ya aucune indicationde
leur connaissance du faitque le Traitén'étaitpas en vigueur.

B -Le représentantfrançais corrige à nouveau
le procès-verbal

93. Les Français ont à nouveau fait de leur mieux pour
démontrer la fausseté des déductions trompeuses qui auraientpu êtretirées

miSc~cvyccffoIomety-bldeadlineathemapî willcoursteun,~lo ybyairassmnasUreyi11
dy."de la carte erronée annexéeau rapport du Commissaire de 1950.Ils le fuent
par des déclarations publiques (voir no 84 ci-dessus) et en annexant leur
propre carte au rapport de 1950 du Gouvernement français sur
l'Administrationdu Fezzan, publiéen tant que document des Nations Unies

(annexe 323).

94. De plus, les autorités françaisesinrent le Commissaire des

Nations Unies pleinement informédes débatslégislatifset des déclarations
publiques effectuées en France au sujet du Traité de 1935. Ainsi, le
Commissaire des Nations Unies fut informédu discours de R. Schuman,
Ministre des Affaires étrangères, pendant le débat du Conseil de la
Républiqueen mars 1950. "M.Schumana indiqué quecet Accord, qui n'avait

éténi ratifié,ni exécuté, devait être considércé omme inexistant" (annexe
314).

vn. L'ACCEPTATION IMPLICITE DESRECTIFICATIONS

FAITES PAR LA FRANCE

95. Les affirmations de la France dans le dkbat des Nations
Unies relatif à la frontikre Sud de la Libye avec l'Afrique équatoriale

française sont éloquemment restées incontestéelsors de la dernièrepériode
cmciale avant l'indépendancedela Libye.

A. Les silences du second Rapport du Commissaire

96. Ces effons entrepris par la France semblent ne pas avoir
étévains. Le second (et dernier) Rapport Annuel du Commissaire des

Nations Unies en Libye (Documents officiels de l'Assemblée générale, @me
Session, Supplément nD17(Al1949). 30 octobre 1951) -celui qui scellait
l'indépendance dela Libye- ne contenait pas de cane malgréle fait que le
Commissaire des Nations Unies,jusqu'au 10 octobre 1951, semble avoir eu
l'impressionqu'unenouvelle carte étaiten préparationau Secrétariatpourle

Service local des Nations Unies (Télégrammede Power en date du IO
octobre 1951 :"Présume que lescartes demandéesvia le Service local il y a
quelque temps ont étépréparées"1 4Archives des Nations Unies - annexe
326). De plus, en réponse à ce télégrammel,e Sewice local répondit :"Cartes
déjà Paris "'5.Il indique que l'impression du rapport étaiten cours de

l4- Traductidcla RCpubliqusduTcha-Texte origi:"Assumemapsnqusslcdvia FieldService
samcbe agohavebeenprsprred.
I5 -TraductdclaRCpvbliqusduTch-Tcrtsoriginal:"MapsalnadyinPais".réalisation par "Norman D. Rothman, Palais de Chaillot." Archives des
Nations Unies (annexe 327).l apparaît donc que le Secrétariata finalement
penséque ses capacitéscanographiques, du moins pour ce qui concerne ce
point, ne devraient pasouveau êtremises àcontribution.

B. Les silences sur la question lorsdes débats
del'Assembléegénéralede 1950et 1951

97. L'acquiescement généra àl l'exposéfrançais des textes et
des cartes de frontières applicables est particulièrement évtu fait du

silence observé lors des débatà l'Assembléegénérale. Aaucun moment
entre 1949 et 1952, les vastes débats del'Assemblée générale lar Libye
n'ont engendréd'opposition de la part des pays membres aux affirmations
répétéedse la France au sujet de la frontière franco-libyenne.A cet égard,il
està noter que l'Italie,le pays le mieux placépour émettredes objections sur
la base du Traitéde 1935ou pour toute autre raison étaitreprésentée durant
les débats de l'Assembléegénéraleaussi bien en 1950 qu'en 1951. Son
représentant n'a rien dit pour réfuter les déclarations françaises, ni pour

contester les cartes annexées par la Franceàses deux rapports en tant
qu'Administrateurdu Fezzan.

98. Le silence de l'Italété imité par les autres membresdes
Nations Unies. A aucun moment, la position française énoncée clairement
propos de la frontière Sud de la Libye n'a étéportéàl'ordre dujour de
l'Assembléegénéraleou devant les comitéscompétents pendant la période

incriminée de 1949 à 1951. De nouveau, ceci ne peut êtreattribuéi3une
réserve quelconqueou à une approbation globaleà l'égardde la politique
coloniale française. Bien au contraire, pendant les réunionsde 1950 de la
Commission politique spéciale durant lesquelles ont xaminéle premier
rapport du Commissaire des Nations Unies en Libye, les politiques française
et britannique dans leur secteur d'administration respectifde la Libye furent
soumises à de vives critiques. Néanmoins. aucune de ces critiques

notamment en raison de l'intentiondes puissancesdministrantes d'installer
des bases militaires, pas mêmecelles du délégué soviétique, qsi'en prît
vivement aux intentions françaises,ne s'adressèrent aux positions françaises
ou à l'attitudede la France en ce qui concerne la frontière franco-libyenne
(Documents officiels de1'Assembléeeénérale,5ème Session, Commission
politique spéciale, 9ème séance, 10 octobre 1950, § 19, 27, 30 et 17).
Toutefois, bien que le représentant français,uve de Murville, dans sa
déclaration d'ouverture àla Commission politique spéciale, eût inclus

expressémentdans sa déclarationle rapport de l'administration française sur
le Fezzan comprenant la carte françaisede la frontière Sudde la Libye, cela
n'attira aucune oppositionde la part du Soviétiqueni d'autres dé(mgués
7èmeséance, $ 21 et 29). Il n'yeut pas plus de contestation de la déclaration
claire de la Francela Commission politique spéciale du13décembre 1950
lorsque M. Naudy exprima très clairementla position française au sujet du
Traitéde 1935devenu caduc et énuméra les textes applicablàsla frontière.
(Ibi 8d1&meséance, 8 129). 11invoqua l'Accord franco-italien du ler

novembre 1902 selon lequel la frontière en question&taitla frontièrede laTripolitaine indiquée sur la carteannexée àla Déclaration Additionnelle du8

septembre 1919 relative à la Convention du 21 mars 1899, complétée,
ajouta-t-il, par la Déclarationfranco-britannique du 21 janvier 1924 (--
8 130). Aucune de ces affirmations françaises quant aux textes applicables
ne fut contestéedans le débat quisuivit (à ce sujet, voir également n084c ,i-

dessus).

C - Les silences du Gouvernement libyen naissant

99. Un assentiment éloquent peut également êtredéduitde

l'absence d'objections aux déclarations publiques et aux caries françaised s,e
la pari des autorités libyennes-ou plus précisémentdes autorités libyennes
directement concernées en Cyrénaïque.Il est intéressantde comparer cet

acquiescement silencieux à la préoccupation courroucée exprimée pa I'rEmir
de Cyrénaïque par rapport aux propositionsde rectification de la frontière
demandée à ce moment-là par I'Egypte (1950). Par exemple, dans un
télégramme adressé au Secrétaire général Trygve Lie, I'Emirldriss releva la

demande de I'Egypte"d'inclure la questionde la modification de la frontikre
Egypte-Cyrénaïquedans I'ordredu jour de l'Assembléegénérale" et émilte
voeu que

"toute décision prise pourdécouperune partie quelconque de la
Libye en faveur d'un autrepays avant que la Libye n'aitobtenu sa
souveraineté,le droit à la libertéd'actiondans son propre territoire
et qu'elle ait son propre représentant aux Nations Unies serait

injuste mais aussi contraire à la décisiondes Nations Unies elles-
mêmes.La Cyrénaïquene reconnaîtra ni n'admettrajamais une
quelconque décision qui pourraitêtreprise dans cette affaire avant

qu'elle n'aitses propres représentantspour défendreses intérêts
devant l'Assembléegénéraledes Nations Unies. Nous n'avons
aucun doute sur le fait que si cette question était maintenant
soulevée durant la périodd eélicateque traverse la Libye,elle aura

un très mauvais effet sur les bonnes relations entre les deux
pays"l6. (Télégramme7 , septembre 1950, no SIG 25/2/01 (5TH),
Transmission par Power au Secrétariat général, télégramme de

Mohammed ldriss Essenousi, Emir de Cyrénaïque, daté de
Benghazi, 2 septembre -annexe 322).

100. A l'évidence,1'Emirde Cyrénaïque, qui deviendra bientôt

l6-Traductiodela RepuhliqucduTc-Tertemiginal:%nydecisionwhicWrenloca off anypanof
Libyainfavourofanothcrcounq bcfax Libyahasobtainedsavereignrythenghtof frcedomof actioninhsr
decirionof theUnitedNationsitsclf.Cyrenevcrecognizcnoradmitanydecisionthatmtaken
in ihismaocrkforc sheha$hcrownrrpresentsodefendherintemsisbcforsihcCentralAswmblyof
ths United Nati. s havcno doubtlhalhemaiteisraid nowin thedclicaicpcnodthmughwhich
Libyairgoingitwillhavverhadcffectonthegoodrelationsbetwcenihetwocounwiei'.le Roi ldriss ler de Libye, était loin d'être indifférent aux intérêrrtistoriaux

de sa nation lorsqu'ilpensait qu'ilsétaient menacésI .I ne semble pas avoir
pensé qu'ils l'étaient par les positions françaises relatiàel'emplacementde
safrontière Sud.

101. Lors des consultations avec les Libyens de toutes les
régions, le Commissaire des Nations Unies et le Conseil identifièrent
également de nombreuses questions à résoudremais les deux rapports du

Commissaire ne font nullement allusion au fait qu'un litige ou problème
quelconque relatif à la frontière méridionale avec la France figurait parmi les
préoccupations avancées par les Libyens.

D. LessilencesduCommissaire pour laLibye

102. Tout aussi éloquent est le silence du Commissaire et du
Conseil des Nations Unies face aux déclarations sans ambiguïté faites palr a
France en tant qu'administrateur du Fezzan. Cela non plus ne peut être
imputé à I'indifférencepuisqu'il y a des preuves manifestes de la ferme

résistancedu Commissaire aux autres revendicationsde frontières françaises,
particulièrement celles concernantun ajustement de la frontièrede la Libye
avec le territoire algérien. Ainsi, le Commissaire a rapporté en1950 que,
durant ses tournées,il avait

"notéle refus des populations Touareg de Ghât de rejoindre I'Etat
libyenVi7 (Commissaire en Libye et son conseil consultatif :
Minute. Secret. Non daté mais à l'évidencede 1950. Archives

Nations Unies déclassifiées ST/AI/326,20/3/91 -annexe 313).

Néanmoins,il a rapportéau siègeque :

"le point de vue du Commissaire est que tout ajustement de
frontièredoit êtrefait uniquement par le gouvernement provisoire
ou définitiflibyen." (1bid)lg.

103. Bien que la question des frontières n'entrât pas dans le
cadre de son mandat strictement défini. le Commissaire a considéré à

l'évidence, qu'il availte devoir de dbfendre l'intégrité et l'unité du territoire
confié à ses soins. Cela rend son silence par rapport aux déclarations et
cartes non contestées qui furent produites par la Franceet publiéescomme
documents des Nations Unies, relatives à la frontière avec 1'A.E.F.

tojoiLibyw sraie.-publiq ueTchad-Texte original:"unwillingnTunrcgpopulationin Chat

'8-~raductiodsla~tpub~iq ue ch a- cric original :~~ommirrioncis vicw is ihatwy territorial
adjvrmcnlcabe madeonlby Libyw pmvisioor linGovcmmcs."particulièrement significatif. C'est également le cas de la décisionde la
Commission des Nations Unies de ne pas republier la carie de 1950ou une
nouvelle cane dans son rapport de 1951 à I'AssembléeD . e plus, les archives

des Nations Unies ne contiennent aucun document transmis par le
Commissaire au Siège de New York qui indiquerait une réserveface aux
positions françaisesrelativesàla frontière méridionalede la Libye.

104. Plus généralement, chaque fois qu'il a craint que sa
mission, en vue de la création d'un Etat libyen unifié et souverain, fût
menacée, le Commissaire n'a pas hésité à faire face aux Puissances
administrantes. Ainsi,il est intervenu avec succès auprèsde Washington et

de Londres pour empêcher les Britanniques d'opérer les modifications
constitutionnelles prévueseu Tripolitaine qui, pensait-il, mineraient I'unité
libyenne (annexe 312). 11s'opposafermement et rejeta la position française
antérieure,défenduependant un moment par M.Queuille, Ministre francais
de l'Intérieur,responsable de I'administrationdu Fezzan, selon laquelle le

peuple du Fezzan souhaitait l'indépendance à l'extérieurd'une fédération
libyenne (Ibidp. .13). Cependant, par contraste, à aucun moment la
correspondance,les mémos oulesrapports du Commissairene suggèrent une
quelconque réservevis-à-vis des positions françaises liéesà la frontièreSud
de la Libye.

VIII.LE SILENCEGENERALISECONSTITUE
UNACQUIESCEMENT

105. Un tel silence, dans un forum public dans lequel les
positions ont étéexprimées publiquement par des discours, des textes de
traitéset des cartes, constitue un acquiescement, particulièrementde la part

de ceux dont on peut penser qu'ils ontun intérêctontraire et qu'ilsI'auraient
fait valoir en réservant leurs droits ou en exprimant des revendications
contraires.

106. Selon les termes du Professeur Ian Brownlie:

"L'acquiescement a le mêmeeffet que la reconnaissance mais
provient d'une conduite particulière, l'absence de protestation
lorsque celle-ci peut raisonnablement êtreprévue".Ig (Ian

Brownlie, Princiules of Public International Law, 4th ed.,
Clarendon Press,Oxford, 1990,p.160).

Les conséquences juridiques d'une absencede protestation "lorsque celle-ci
peut raisonnablement être attendue" ont étéexaminées par la Cour

internationale de Justice dans l'affairedes Pêcheries(Royaume Uni contre
Norvège),Arrêtdu 18décembre1951 : C.I.J., Rec. 1951, p.116). La Cour,

l9 -TraductiondRepubliqueTchad-Terteangin:"Acquicscccaîthesameffet recognition.
butansefmm conducl. theabsenceof protes1whcnthismigtecxpecled."en examinant la légalité d'unsystème de délimitation appliqué par les
autoritésnorvégiennes "d'une façon suivie et constante", s'estsentie obligée

de tirer les conséquences juridiques du fait que ni la promulgation ni
l'applicationde décrets norvégiensunilatérauxde délimitation "n'ont soulevé
de la part des Etats étrangers, aucune opposition." (Ibid.p.138). Cette
"tolérance générale"a rendu les principes norvégiens de délimitation
"opposables à tous les Etats" (Ibid). La Cour a notéque "l'abstention
prolongée"de la Grande Bretagne d'émettre une protestationet la "tolérance

générale de la communautéinternationale"accordent à la définition faitepar
la Norvège de ses droits, un degré de preuve qui découle en partie du
sentiment que d'autres Etats étaient supposés avoir, selon lequel cette
définitionn'était pas "contrairau droit internationalMIbidp.139).

107. On doit considérerque la Libye à la fois avant et après la

signature du traitéde 1955s'estabstenue de protester contre les explications
claires et répétéedse la France quant au tracéde la frontière et auxtextes
juridiques pertinents. Une telle attitude rend lesaffirmations françaises
opposables à la Libye, dans toute la mesure au moins où aucun principe de
droit international ne s'y oppose. On peut égalementen déduireque cette
attitude empêche la Libyede présenter aujourd'huu ine demandequi, n'ayant
pas étéformulée à la période critique, ne peut plus être opposée aux

principes et textes juridiques clairement et constamment invoqués par la
France.

108. Un acquiescement tacite par absence de protestation est
également mentionné par la C.I.J. comme source valide d'obligation
juridique (dans l'affaire relative au Droit de oassaae en territoire indien ,

fond, Arrêt du12 avril 1960 : C.I.1, Rec. 1960, p.6). Les Britanniques, en
colonisant l'Inde, ont trouvé les villages en question occupés par les
Portugais ;

"Les Portugaisse présentèrentcomme souverains desvillages. Les
Britanniques s'abstinrent de prétendre eux-mêmes à la
souverainetéen qualitéde successeurs des Mahrattes, mais ils ne

reconnurent pas non plus expressément la souveraineté du
PoRugal. L'autoritéexclusive des Portugais sur les villages ne fut
jamais mise en question. Ainsila souverainetédu Portugal sur les
villages fut-elle reconnue par les Britanniques en fait et par
implication,elle le futensuite tacitementpar I'lnde(Ib- p.39)

109. Dans l'affaire du Temole de Préah Vihéar, en 1962
(Cambodge contre Thaïlande), Fond, Arrêtdu 15 juin 1962 ; C.I.J.
Rec. 1962, p.6). l'absence de contestation par la Thaïlande de la carte
"française" signifiait que la Thaïlande "en raison de sa conduite" ne pouvait
maintenant contester sa validiténotamment parce qu'elle avait profitéde
"l'avantage d'une frontière stable" comme conséquence de son
acquiescement. (Ibid.p.32). Jusqu'en 1971au moins, la Libye, également,a

profitéde l'avantaged'une frontière stabledu faitde son acquiescementet du
Traitéde 1955. Cet avantage fut plus tard érodé, mais cela est entièremendtûaux récentes actions de ce pays qui a contestépar la force ce qu'il avait
acceptépendant longtemps.
110. La C.I.J. a également traité de l'acquiescement dans la
décision rendueen 1986dans l'affaireopposant le Burkina Faso et le Mali

(Différend frontalier), arrêt,C.I.J.,Rec. 1986, p.554). bien que ce fût
seulementen passant, pournoter que l'idéed'acquiescement "supposele libre
exercice de la volont...(lbid.580). Pourque l'absencede protestationde la
part d'unepartie ait une valeur dans l'établissementde la preuve de ce qui a
étérevendiquépar l'autre partie,il faut que la partie qui n'apas protesté ait
été enposition de le faire si elle l'avaitdésiré.Le silence de la Libye était
librement consenti. Comme la Républiquedu Tchad I'adéjànoté,la Libye a
fait connaître en termes non équivoques sondésaccordsur les revendications

de I'Egypte. La Libye a également adoptéune position ferme, lors des
négociations conduisant au Traité de 1955, selon laquelle les forces
militaires françaisesdevaient quitterle territoire libyen eta àéforcer les
Français àrespectercette exigence (v.àcet égardsupra, chapitre III, section
2). Le silence, du Commissairedes Nations Unies est également délibér éII
a protesté avec véhémencc eontre certaines autres revendications avancées
par la France , si la Libye et le Commissairedes Nations Unies ont choisi le

silence face aux revendications répétées, claires et publiques relatiàela
frontière Sudde la Libye, ces silencesn'étaient des signesd'incapacité ou
de faiblesse. Ils constituent un acquiescement précisémentparce que le
silencea étélibrement voulu.

111. Plus récemment, dans la phase préliminaire de l'affaire
entre le Nicaragua et les Etats-Unis (C.1.Rer. 1984, p.392). la Cour s'est

prononcée sur IVacquiescement constant" du Nicaragua, par diverses
affirmations publiques -notamment celle contenue dans l'Annuaire de la
C.I.J. aufait qu'ilétaitliépar l'acceptationde lacompétence obligatoirede la
Cour conformément à l'article36 (2) du Statut, mêmesi son acceptation de
cette dernière dans sa Déclaration de 1929 était imparfaite. Ces
acquiescements par le silence, a jugéla Cour. "constituent un mode valable
de manifestationde sa volontéde reconnaîtrela compétence obligatoirede la

Cour au titre de l'article36,, du Statut..."(Ibid. pp.411-4§343 à 47).

112. En somme. le silence dans un cadre public doté d'une
compétencejuridique quant à la questionà traiter -1orsqu'ilest le fait d'une
partie intéresséfaceà une revendicationpublique claire. de fait ou de droit-
permet de tirer des conclusions. En liaison avecla frontièreSud de la Libye,

ces silences, particulièrement celui de la Libye et du Commissaire des
Nations Unies, a persistéet a étémaintenu à un moment où des procédures
imponantes revêtantun grand intérê ptour les Parties étaienten cours dans
un forum public autorisé à prendre des mesures relativement à la question
sur laquelle portentles revendications.

113. Que l'onapplique le principe formeld'& ou de non-

opposabilité, ou que l'on fasse simplement des déductions logiques, le
résultatest le même.Si l'unedes Parties intéresséesavatn fait désapprouvé
les déclarationsde la France aux Nations Unies,ellel'auraitcertainement faitpubliquement et I'auraitfait consigner en temps et lieu opportuns. L'absence
d'actionen ce sens peut êtreconsidéréecomme la preuve d 'uneabsence de
désaccord avec la définition et l'interprétation françaises des textes
applicables. C'estdonc la manifestation de ce que pensait la Libye pendant

cette périodede sa décolonisationjusqu'en 1952 et plus tard également (v.
-nfra n0123et S.).

114. L'acquiescementne s'appliquepas seulement à la question
de la frontièreSud mais aussià la question de la Iégitimitéprocessus par
lequel la Libye a obtenu son indépendance, etpar là, sa capacité d'agiren

tantqu'Etat libre et souverain capable de défendreses intérêts nationaxt
d'adhérer à des conventions internationales. A aucun moment pendant le
cheminement de la Libye vers l'indépendancesous l'autoritédes Nations
Unies, les diverses autorités libyennes n'ont expriméautre chose qu'une
satisfactioncomplète quantà la légitimitdu processusdes Nations Uniesen
ce qu'il promouvaitla réalisationde i'objectifde création d'un touverain
indépendant etuni. Une large majoritéde l'Assemblée généralse'est faite
l'échode la satisfaction de la Libye (voir n012à 125 ci-dessous). On peut

en déduirela Iégitimitédu processus par lequel une Libye souveraine a
acquiescéaux explications publiques françaises relativeà sa frontièreSud
commune et, plus tard, a conclu leTraitéde 1955avec la France dans l'esprit
du processus de négociations directes recommandé par l'Assembléegénérale
des Nations Unies.

IX. L'ACCESSION DELA LIBYE À L'INDEPENDANCE -

LA LEGITIMITE DU PROCESSUS

115. La Libye, à la suite des efforts de décolonisation,
couronnésde succès, entrepris sous les auspices des Nations Unies, est
passéeen seulementtrois ans du statutd'une colonie militairement occupéà
un Etat indépendant, juridiquement etde fait, membre à part entière de la

communauté internationale. Le processus de décolonisation a produit un
gouvernement légitimeet reconnu totalementcapable de défendre lesintérêts
nationaux de la nation et désireuxd'exercer pleinement ses droits et ses
devoirs.

116. Les efforts du Commissaire, du Conseil et de l'Assemblée
générale des Nations Unies pendant la période 1949-195 1 ont

continuellement tendu à la création d'un Etat libyen uni, souverain et
indépendant.Ces efforts ont étécouronnés desuccès. Le résultat visé pares
efforts àI'évidence n'était padse produire un fantoche manipulé par des
intérêtsétrangersmais une nation et un gouvernement jeunes capables et
désireuxde défendreleur intérêt national.

117. Le processus par lequel les Nations Unies ont supervisé

l'évolutionrapide de la Libye vers l'indépendanceest largement illustrédans
les deux rapports annuels du Commissaire des Nations Unies en Libye.(Rapport annuel du Commissaire des Nations Unies en Libye. Documents
officiels d~.l'Assembléeg6nérale.SémcSession. Supplémentno 15Al1340 :
Deuxième rapportannuel du Commissaire des Nations Unies en Libye,
Documents officiels de l'Assemblée générale,6ème Session, Supplément
n017N1949, 1951).

118. Bien que le processus par lequel la Libye devint

indépendante fût critiqué par diffétstats dans le cadre etextérieurdes
Nations Unies, les phases du cheminement vers l'indépendance furent
marquéespar les résolutionsde l'Assemblée générale qui furetrésultatde
consultations et de compromis entre les membres des Nations Unies, le
Commissaire des Nations Unies, le Conseil qui assistait le Commissaire,
ainsi que les divers gouvernements régionaux, les partis politiques et les
groupes ethniques et d'intérêts libyens. (Voir les commentaires du
Commissaire, M. Pelt. Documents officiels de l'Assemblée générae.kme
Session, Commission politique spéciale, 7ème séane,octobre 1950,5 5à
17 ;ibid. lame dance, 19octobre 1950, 52 à 15 ;ibid. 17èmeséance, 19
octobre 1950, 5 9 à 14. Invitationàparticiper étendue au Président du

Conseil des Nations Unies pour la Libye, Selim BeyEgypte), Ibid. Sème
séance,10octobre 1950, 8 1 à66 ;ibid. 9èmeséance,10 octobre 1950,5 I
et 2. Voir égalementle vote écrasant(53 contre 1 avec 5 abstentions) en
faveur de la résolution qui

"exprime leferme espoir que le Commissaire des Nations Unies
en Libye aidéet conseillépar les membres du Conseil pour la
Libye, prendra les mesures nécessaires pour s'acquitter de ses
fonctions en ce qui concerne la réalisationde l'indépendance etde

l'unitéde la Libye."(Ibid. 17èmeséance. 19octobre 19505 114,
Résolution 387(V)de l'Assembléegénérale).

119. En contrôlant le travail des diverses autorités qui avaient
pour mission d'atteindrece résultatimposépar les résolutions 289A (IV)
(voir n071, ci-dessus) et 387 de l'Assembléegénérale(V) (voir nO118 ci-
dessus), celle-ci a également pris encompte les rapports qui lui avaient été
adressés par le Commissaire des Nations Unies en Libye et les
Administrations britannique et française dans les trois régionsde la Libye.

En adoptant à une majorité écrasante larésolution qui prenait acte des
rapports des Puissances administrantes, l'Assembléen'afait aucune critique
de quelque nature que ce soit sur la façon dont le Commissaire et les
Puissances administrantes ont réaliséleur difficile tâche d'ameàeune
indépendance rapide une Libye souveraine et unie. (Résolution 387 de
l'Assemblée généraleIbid pré ambule,5 2). Cela aussi doit êconsidérée
comme une validation par l'Assemblée . à la fois expresse et par
acquiescement, du processus par lequel, sous son égide, les objectifs qu'elles
a décrétéss,e voyaient fidèlement concrétiséspar les organesqui cette
tâche avait été confiée.

120. Le travail de décolonisation des Nations Unies s'est
terminéau débutde 1952,exactement comme prévu. L'Assembléa ereçu les 125. Cette absence de la part de la Libye d'une plainte
quelconque au sujet de sa frontière avec la Franceà ce moment critique
devrait êtrecomparée à son attitude bien différeàtl'égardde la résolution
516 (VI) de l'Assemblée générale, adoptéperesque simultanémentle ler
février 1952 qui "prend acte de l'intention du Gouvernement égyptien
d'entamerdes négociations avecle Gouvernementdu Royaume-Unide Libye

en vue de régler,dans un esprit amical et de bon voisinage, la question des
rectifications qu'il conviendrait d'apporteà leur frontière commune".
(Résolution516 (VI) de l'Assemblée générale). Cette résolution indiqlae
reconnaissance muiuelle d'un problème d'ajustement de frontière par la
Libye et I'Egypte.Le fait qu'aucune résolution comparable n'ttéproposée
et encore moins adoptée parl'Assembléeà propos de la frontièrede la Libye
avec l'A.E.F. (Tchad) souligne à nouveau le fait que le Gouvernement
légitimede la Libye nouvellement indépendanten'aeu aucun problèmevis-

à-vis de la position française fréquemment réitérée relatiàela frontière
commune des deux nations.

SECTION3
LESEFFECTIVITES

1.GENERALITES

A -L'importancede I'effectivit6
de l'occupation fran~aise

126. Avant d'entamer l'examen des effectivités françaises au

B.E.T., il convient de rappeler que ces effectivités sont importantes pour
deux raisons principales.

127. En premier lieu, le déploiement effectif de l'autorité
souveraine française dans le B.E.T..y inclus la bande d'Aozou, dans les
années 1913-1919 témoigne du fait que graduellement les Accords de 1899
et 1902, conclus comme actes internationaux visanà prévoirun partage de

sphères d'influence, finirent par être conçus et interoms me accords de
délimitationde frontière. Cette transformationse manifesta de deux manières
différentes mais étroitement liées:
1" l'exercice effectif d'attributs souverains, par la France,dans la
zone en question montra que cet Etat avait entendu se prévaloirdes accords
de partage de sphères d'influence pour déployer une autorité effective dans la
zone qui lui avaitétassignée parces accords;
2' le fait objectif que la France avait étendu son autoriB.E.T.
jusqu'à la limite indiqudans les accords, amena petàtpetit les deux Etats

intéressés (la France elt'Itaàiconsidérer les accords en question non plus
comme opérantun partage de sphères d'influence,mais comme des actes
internationaux établissant une véritable frontière. 128. Les effectivités françaises au B.E.T. revêtent également
une importanceconsidérable d'unauue point de vue.

129. Même à supposer que les Accords de 1899 et 1902

n'eussentpas fini, dans la pratique, par être interpret appliqués comme
actes conventionnels conférantun titrejuridiquà la France sur le B.E.T., ce
titre découleraitpour laFrance d'une source nonconventionnelleA savoirdu
principe de droit coutumier régissant l'occupation de territoires par la
possession effective du territoire (possessio comore) assortie de i'intention
d'exercer des pouvoirs souverains (dnimus oossidendi). Ce titre juridique
portait sur un temtoire (le B.E.T.) dont les limites spatiales coincidèrent,
dans la pratique, avec le tracéindiqubdans les Accords de 1899-1902,ainsi

que la Républiquedu Tchad le montrera ci-aprks.

B -Caracteres que peut revêtirI'effectivité
dans des zones désertiques ou peu peuplées

130. A titre préliminaire, il convient de mettre en exergue un

caractère essentieldu concept d'"exerciceeffectif de la souveraineté".

131. L'exercice effectif dela souverainetédoit être"continu et
pacifique" pour reprendre la célèbre formule de l'arbitre Huber dans la
sentence Ile de Palmas (R.G.D.I.P.1935, p. 164). 11ne s'agit cependantpas
d'une exigence absolue, car le degréet la mesure de I'effectivitépeuvent
varier en fonction de la nature du territoire sur lequel on exerce une autorité

souveraine.Cela fut mis en évidencepar le mêmearbitrequi releva:

"Les manifestations de la souverainetéterritoriale revêtent,il est
vrai, des formes différentessuivant les conditions demus et de
lieu.Quoique continue en principe, la souveraineténe peut-être
exercée en fait à tout moment sur tout point du territoire.
L'intemiittcnceet la discontinuitécompatiblrs avec le maintien du

droit différent nécessairement suivant Qu'il*'agit de rCrions
habitéesou inhabitées,ou de régionsentoirées de-territoir& sur
lesquels s'exerce incontestablementune souveraineté,ou enfin de
régions accessibles, par exemple dela haute mer. Il est vrai que
les Etats limitrophes peuvent fixer par traitéles limites de leur
propre souveraineté,mêmedans des régionsoù, comme I'intérieur
des continentsà peine explorés,cette souverainetése manifesteà
peine, et c'est aussi que chacun d'eux peut empêcher l'autrede

pénétrer surson territoire" (Sentence arbitrale de MaxBER, 4
avril 1928,Ile de Palmas,R.G.D.I.P.,1935,p.165. Soulignépar la
Républiquedu Tchad).

132. Le passage cité reflètesans aucun doute l'étatdu droit
international en vigueur.l en découle que lorsqu'ona affaireàdes rkgionsdésertiquesau caractère inhospitalier, difficiles d'acckset avec une faible
population, il est admissibleque l'exercicede la souveraineté
1"puisse êtrediscontinudans le temps et

2" puisse s'étendreà certaines parties de la région,sans qu'il soit
nécessaireque l'autoritésouveraineeffective couvre chaque portionde ladite
région. Les deux éléments seront examinés séparément.

133. Quant au fait que la maîtrise sur une zone ne doit pastre
continue et permanente, mais peut connaître des interruptions et des
intervalles, il suffit de citer deux décisionsinternationales célèbres:celle,

déjàcitée plusieurs fois, suI'île et celle rendue dans l'affairede
lïle de Cliooenon.

134. Dans la premikre affaire l'arbitre Huber, qui statua en
faveur de la souveraineté desPays-Bas sur Iîle, remarqua qu': "il y a des
lacunes considérables dans la preuve d'un exercice continu " de la

souveraineté néerlandaise, mais ajoutaque "l'onne peut pas s'attendre à ce
que des manifestations de souveraineté sur une île exiguë et éloignée,
peuplée seulement d'indigènes, soient fréquentes"(R.G.D.I.P.1935, op. cir,
par. 197-198).

135. Pour ce qui est de la sentence arbitrale du Roi d'Italiedans
l'affairede file de Cliooerton. il paraît opportun de rappeler brièvement les

faits, d'autant plus qu'on reviendrasous peu cette décision.La France avait
proclamésa souverainetésur l'îleen 1858, après qu'un navire français avait
débarqué quelques hommes de l'équipage surIïle, mais sans y laisser aucun
signe de souveraineté.La deuxième manifestationde souveraineté française
eut lieu en 1897, quand la marine de ce pays accomplit un "acte de
surveillance",à la suite duquel on constata que trois personnes se trouvaient
dans I'île et qu'elles avaientà l'apparition du navire français, arboré le

drapeau américain.La France apprit par la suite que le Gouvernementdes
Etats-Unis n'entendait revendiquer aucun droitde souveraineté,et n'eutdonc
pas besoin de protester. Elle fut en revanche contraintede protester quand, la
même annéeu,n détachement d'officiers et de marins mexicains débarqua sur
I'îleet hissa le drapeau mexicain. L'arbitredécida que, comptetenu de la
nature et des caractères du territoire en contestation,il fallait conclure que
I'îleavait étélégitimementacquise par la France en 1858,et, pource qui est
du manque de continuité dans le temps de l'autoritéeffective française,

releva qu'

"II n'y a aucun motif d'estimer que la France ait ultérieurement
[c'est-à-direaprks 18581perdu.son droit par derelictio. puisqu'elle
n'ajamais eu I'animusd'abandonner l'île, etle fait de n'yavoir pas
exercé son autorité d'une manière positive n'implique pas la
déchéance d'une acquisition déjà définitivement achevée" (R.S.A.,

vol.11,pp. 1010-1111).

136. L'autre caractère que peut revêtir I'effectiviten cas de
territoire désertique ou inhabité, consisteen ce que l'autoritéeffective deI'Etatsouverain ne doit pas nécessairements'étendre à chaque partie et zone
du territoire, mais peut avoir un caractère épisodique et sommaire.

Autrement dit, ilest tout à fait admissible et normal que, dans un territoire
peu peuplé, les actes manifestantI'autoritéétatiquedu souverain ne soient
pas étendusau territoire toutentier.

137. Cet aspect de I'effectivitéa étéadmis à maintes reprises par

la pratique desEtats, lajurispmdence internationaleet la doctrine.

138. Pour ce qui est de la pratique des Etats, il suffit de rappeler
ce qu'écrivait, en 1896, le Secretaire d'Etat américain R. Olney à
1'Ambassadeurde Grande-Bretagne, Sir Julian Paunceforte :

"L'occupation quisuffit à donner à un Etat un titre sur le temtoire
(...)ne doit pas être effectiveen ce sens qu'elle supposerait la

possessio uedis sur I'ensembledu territoire revendiqué.La seule
forme de possession requise est celle qui est raisonnable compte
tenu de toutes les circonstances. L'étendue du territoire en

question, sa nature et l'utilisation qui en est faite ou qui est
prévue"20.

139. Quant à lajurispmdence internationale, il faut tout d'abord
rappeler la sentence dans l'affaire de l'île de Palmas, déjà citée (u,

n0131), notamment la remarque selon laquelle "la souveraineténe peut être
exercéeen fait à tout moment sur tout point du temtoire". La mêmeidée fut
expriméedans l'affairede lïle de Cliouerton.où l'arbitreobserva qu':

"IIest hors de doute que par un usage immémorial ayantforce de

loi juridique, outre I'animus occuoandi, la prise de possession
matérielle et non fictive est une condition nécessaire de
I'occupation.Cette prise de possession consiste dans l'acte ou la

série d'actespar lesquels I'Etatoccupant réduit à sa disposition le
territoire en question et se met en mesure d'y faire valoir son
autoritéexclusive.En bonne règleet dans les cas ordinaires, cela

n'a lieu que lorsque cet Etat établit sur le temtoire même une
organisation capable de faire respecter ses droits. Mais cette
mesure n'est, à proprement parler. qu'un moyen de prockder à la

prise de possession et par suite ne s'identifiepas avec elle.
y avoir des cas où il n'estoas nécessaire de recourir à ce moven.
C'est ainsi que,si un temtoire. par le fait qu'ilest complètement

inhabité.est, dès le premier moment où I'Etatoccupant y fait son
apparition, à la disposition absolue et incontestéede cet Etat, la

20 -Traductio& la RCpubliqeu Tchad-Tcxtcoriginal:'locçupationwhichis ruffito giva
daMsd.iikoionlv oosuriomuircdnirsuchas ir rcaranunderal1ihcckurnstanec-ivicwlofthe
circni of ternior) clsrmnalux andtheuur touhichil85putand1sapi(h1üORE (JohnBa<ut)
aA m t m u o n r l o Wihc~nllcdngbcrnon.
-98 p 980) prise de possession doit être considérée à, partir de ce moment,
comme accomplie et l'occupation est achevée par cela même"

(R.S.A. v,ol.iI, p. 1110;soulignépar la Républiquedu T.had).

140. Le mêmeprincipe fut appliquépar la Cour Permanente de

Justice Internationale dans la célèbreaffaire du Groenland oriental. Le
Danemark avait fondé des colonies, dès le débutdu XVIIIème siècle, au
Groenland, mais n'avaitpas formellement et pratiquement pris possession de

la totalité dece pays: tandis que dans certaines régions (situéessur la côte
occidentale), il exerçait régulièrement une activité administrative et
judiciaire, dans le reste du Groenland le Danemark ne faisait valoir aucune

autorité.La Cour considéraque le fait que le Danemarkavait promulgué des
actes législatifset administratifsvalables pour l'ensembledu Groenland (ils
concernaient la navigation sur les mers autour du Groenland, la pêche et la
chasse) et que dans des traités internationaux de commerce avec d'autres

Etats, il avait mentionné l'ensembledu Groenland, suffisait pour étayerle
titre juridique du Danemark même dans la région non colonisée
concrètement.Ceci conduisit la Cour à conclure que

"Si I'ongarde présentes à l'espritl'absencede toute prétention à la
souverainetéde la part d'uneautre Puissance et la nature arctique

et inaccessible des régions non colonisées du pays, le roi de
Danemark et de Norvège,durant la période quis'écouladepuis la
fondation des colonies par Hans Egede, en 1721 jusqu'en 1814,

manifesta son autoritédans une mesure aui suffit àconférer à son
p e
Groenland n'ontoas étélimités à la réeioncolonisée" (CPJI,Série
AIB,no. 53, pp. 50-51; soulignépar laRépubliquedu Tchad).

141. Dans le mêmeordre d'idéesse place une autre sentence

internationale ;celle prononcéeen 1933 par une cour arbitrale dans l'affaire
des Frontièresdu Honduras se réfère à la mêmeidée. Dansce différendentre
le Guatemala et le Honduras, il était question entre autres de zones
inexplorées et non habitées ("largely unexplored and unpopulate&). Le

Tribunal décida que

"La notion de possession n'exige pas une pedis possessio de

chaque portion de temtoire et il est clair que l'onpeut reconnaître
une frontière jusqu'à la limite où I'on pense que l'autorité
administrative sera exercee à mesure que ceci sera utile pour

l'affermissementdu territoire à l'intérieurde cette frontièreMz1.

142. Cette jurisprudence est approuvée par la doctrine

internationaliste. (Cf. Roberto Ago, II reauisito dell'effettività

~C<I*InPIJCIpi>swssU of e<r.q trac#of lairirmonilr,ily posstih~rc a rccognillouof
h>.ndy. upeushah LIDes,umcrlUia ddmini<ln8.m~ v,ll k eierrla,h opningupsndthe
ilc\clopmtn~of arnuiUitnthehi~ndq ma) qaire(RSA .vi>l II. p 1339 I.auirr pdm$iIcirk
~ciuwmu~cp I33u1dell'occu~azione in diritto internazionale, Roma, Casa Editrice Fratelli
Palombi, 1934, pp. 108-110 ; Sir Hersch Lauterpacht, The Develo~mentof
International Law by the International Court, London, Stevens and Sons

Limited, 1958,pp. 240-242 ;Alfred Verdross, Voelkerrecht, Wien, Spnnger-
Verlag, 5ème éd., 1964, p. 285 ; Charles de Visscher, Les effectivités en
droit international public, Paris,A. Pedone, 1967. pp. 104-107).

143. On peut donc conclureque, conformément àla pratique, la
jurisprudence et la doctrine internationales, "le degré d'effectivité de
I'occupationne peut être fixédans l'absolu.Le réalismeoblige à tenir compte

du type de civilisation de l'occupant, du régime politique, social et
économiquedans le temtoire occupé, de sa situation géographiqueet de la
densité de sa population" (NGUYEN QUOC DINH et autres, Droit
international public. Paris, L.G.D.J.,3èmeéd.,1987,p. 470).

144. C'est enpartant de ces concepts qu'ilconvient d'examiner
dans quelle mesure la France a exercéune autoritésouveraine effectivedans

la bande d'Aozou.

U. L'EFFECTIVITE DE L'OCCUPATION FRANCAISE (1913-1955)

A - Remarques introductives

145. Avant de montrer comment s'est déployée l'autorité
étatique française dans les régionsdu Borkou, de I'Ennedi et du Tibesti
(B.E.T.), il conviendra de formuler quelques remarques générales,portant
Sur
1"les étapesdu développementde l'occupation française ;
2O les raisons essentielles de l'intérêftrançais pour ces régions,et
donc les motifs fondamentaux qui ont poussé les Français à y étendreleur

présenceet leurautorité :
3' les caractéristiques essentielles du déploiement de l'autorité
française dans ces régions, comptetenu de leurs caractères géographiques ;
et,
4' les traits saillants de l'exerciced'activitésgouvernementales par
la France.

1.Les &tapesprincipales de l'occupation effective
par la Francedu Borkou, de I'Ennedi et du Tibesti

146. La pénétration françaisedansces trois rkgionsremonte aux
années 1913-1914. 147. Après le Traité de Lausanne de 1912 entre l'Italie et

l'Empire Ottoman, les autorités turques ayant donné l'ordre à tous les
officiers et soldats turcs en Tripolitaine et en Cyrénaique de rentrer en
Turquie (dépêchedu 24 janvier 1913 de l'Ambassadeur français à

Constantinople à M. Jonnan, Ministre des Affaires étrangères, Annexe86),
Paris décida d'occuperces trois régions -- ou, d'après la formuledu Ministre
français des Colonies, "d'assurer la manifestation de notre influence

administrative dans les régionsen question" (note du Ministre des Colonies
au Ministre des Affaires étrangères. du5 juin 1913, Annexe 87). En 1913-
1914, les colonnes commandées par Largeau assurèrent "l'occupation

définitive"du Borkou-Ennedi et celles commandées parLoefler assurèrent
"l'occupation définitive"du Tibesti (notede Lucien Saintsur "Les frontières

méridionalesde la Libye", 23 février 1928,Production25)22.

148. Particulièrement significatif est le récitde l'occupation
française que l'on trouve dans un mémorandumfrançais de 1931 "Tchad-
Libye" trouvédans les Archives du Ministère italiendes Affaires étrangères.

La prise de possession des régions en questiony est relatéede la manière
suivante :

"En 1913,le Colonel LARGEAU décida d'occuper le Borkou et le
27 novembre, après un combat sévère.Ain Galaka, la Zaouie
Senoussiste, tombait entre nos mains. Le 3 décembre lacolonne

occupait Faya.Le Borkou était à la France.
Le 14 décembre, la cité sainte des Senoussistes, Gouro, était
occupée par nos troupes;le vieux chef MoharnedSunni et son fils

Mahdi étaienten fuite. Le 20, la kouba, orgueilleux édifice élevé
en l'honneur du Mahdi aprèssa morten 1902,sautait.
Le 24, Ounianga Kéhir reconnaissait àson tour notre autorité.

Faya, Gouro, Ounianga recevaient des garnisons. Les Chefs
Senoussistes qui n'avaient pas voulu se soumettre s'étaient
réfugiés à Koufra. Mahadi fils de Sumi s'installait dansleTibesti.

Au débutde 1914, I'Ennediétait conquise.
Lorsque la guerre éclatait, les troupes du Tchad avaient donc
occupé toute la zone d'influence qu'attribuaient h la France les

actes internationaux.
Cependant, l'Afrique Occidentale Française.., <illisible> du
Wadai, du Borkou et de I'Ennedi se poursuivait, elle prenait

possession elle-même du Tibesti.
Cette occupation du Tibesti était décidéepar le Gouverneur

22 -VoiraussiI...Ersurraçuoation tmusauBorkoud.nnrIcTikrtclI'Enncdie 1911a1913*.1939
(Roducuo"44).
Sw IN diffhl~s ph*$ dSI'acuption fmpisc. voirles damsns fmgair suivan: leltgrnmmcdu
Quaid'hy eoniennnicopiedu"Rapponmensuelpolitiquejuin-juillet 191d3u'TerritoireTchad'.20 a001
[email protected] dkmbre 1913(Wuetion 6) :ldépéch$eRMinism deFyanwrenEgypilauRésidentdues
Conseilet aMinistrcdes Affairtuangére s.20 janvie1914 (Wuciion 7) :noiedu Mmism der
ColonicîauRCridenlduConwila MinisÿcdesAffaires Cmgères. dftvtic1914(Wuction 8):noie
du Quaid'Orsaysur"Occupationdu Borkocrdu Tibesti". duftvric1914(Rcduction9); "Rapport
d'cnrcmblc-TirrIcrAdminisuaiiongtntral.Vue d'ensemblsurI'organisaiiondu tcrriiosurIc
fanclionncmsl esdiversrervices"duTsrriioireMilitairsduTchad,sansdate.(Roduction156). Général de1'A.O.F.le 10juillet 1913.La Colonne sous les ordres

du Commandant, préalablement concentrée à Bilma, quittait le
Kaouar le 24 novembre et arrivait dans la plaine de Zouar le 9
décembreau matin. Elle y organisait un poste et rayonnait sur le

versant occidental du Tibesti dont elle entreprenait la pacification.
Cette action correspondant à la prise d'AinGalaka par les troupes

du Tchad le 27 novembre et à celle de Djado le 4 dkcembrepar les
troupes du Niger, provoquait une véritable stupeur chez les

indigènes. Mais pour que notre domination du Tibesti fut
effective, il ne fallait pas se contenter d'en occuper le versant

occidental, mais s'installer à Bardai qui étaitla capitale du pays et
où s'organisaitla résistancede Teda et Toubou sous la direction de

Mai Chaffani.
Aptes des hésitations, le Gouvernement français donna enfin

l'autorisation de poursuivre et le 23 juin 1914, nos troupes
hissaient nos couleurs sur l'ancien fort turc de Bardai. Des

reconnaissances nombreuses fouillaient le massif Tibestin,
dispersaient les partisans du Mai Chaffani à ... illisible> le 9

juillet et déterminaientpar lasuite sa retraite sur Koufra.
Au débutde la Grande Guerre, nos troupes ...illisible> d'une
façon effective les oasis de Djado, de Kaouar, le Tibesti, le

Borkou, Innnedi et le Ouadai" (Production47).

149. L'occupation du Borkou-Ennedi n'a pas connu

d'intemption. En revanche, I'occupatinndu Tibesti s'interrompiten 1916.A
partir de cette date, les autorités françaises décidèrentde renoncer à la

présence de détachements permanents et de se borner à des "tournées
périodiques" puisque le Tibesti était très éloignédes postes principaux

occupés constamment par la France23. Elles y accomplirent plusieurs
"tournées" (note du Ministre des Colonies au Ministre des Affaires

Etrang&res,du 17 avril 1929, Production 27) , des missions scientifiques de
reconnaissance (note du Ministèredes Affaires Etrangèresdu 22juillet 1929,

Production 29 ; note du Ministèredes Colonies, du 2 août 1929,Production
30) et aussi des levéstopographiques".

150. Toutefois, en 1930laFrance réoccupad'unemanière stable

et permanente le Tibesti parce que l'Italie venait d'achever sa conquêtedu
Fezzan et menaçait d'envoyer ses troupesau sud pour s'emparerdu Tibesti

23 Cl 18Noic deluricn Sain! dhl ziidu23 ft>ncr 1928 .Dauirc pui. Ic TihCIIcBorlou trinedi
wn! StplrCrdr.coloniesaurqucllc<il< .on1nliachd<pardinuncnur zone5dtun>quc< IrPo<!c\quela
....",~...-%,.-.vai&cabli&mr IcTibciii (Litcni discki13W Lilomtirrsde Hilma. %!ntJe)! dr,
\ussi. aorèsune n'cuoation oui n dure de 1913 h 1916. a-sase derenoncerI der ranachrmenis
pcmiui&r< id; bornerid;;luurn& p(nal'quc\ ii.~;mlcriournk.q1i o clfcciu6cn 1927pu le
<:ammanaintROrnEH J Fm,, deron<uicr que1, pi>p.1siunT""bb.," rc\u alLin.>mwdlcraineit
Ir Rorliou-Erinnlirsi rnotnrisSIeccnmr n'en'uni plr rndinI plurde1Uukik?dirçr des Jr
Kanrmcl duUi3du ci Ir, mute5qu) m(ncs *>ntpausrcirn eau' ith*iuiii25,

-Voir le "rappn duChef& bataillonde I.lnfanincolonialROTnER surune tourne cffecNCFen
1929au Tibesti"Rodunion 18. 11itsultc de rr rappondes IçvCcJtopographiqufurentcffecniben
1914-1915.1915. 1921.1925acn 1928. (voir la note du Ministredes Colonies au Présidentdu Conseil, Ministre des

Affaires étrangèresd , u30 juillet 1929, Annexe 114, de mêmeque la dépêche
de l'Ambassade française à Rome au Quai d'Orsay du 20 février 1930,
Production 35). Pour parer à cette éventualitéet assurer d'une manière

continue sa présenceau Tibesti, la France envoya doncdes détachements,
qui, entre autres, mirentsur place un dispositif de surveillance à la frontière,
"à la fois étaléet serré s'appuyant sur nos postesactuel~"~5P . ar un arrêté du

18février 1930 du Gouverneur Général par intérim de l'AfriqueEquatoriale
Française, le Tibesti fut rattaché à I'A.E.F.et élevé au rang de "subdivision"
ayant comme chef-lieu Bardai (voirAnnexe 116).

151. Depuis lors, les trois régionsdu Tibesti, Borkou,Ennedi et

Tibesti restèrent soumisesàl'autorité effectivede la France.

2. Lesraisonsprincipales qui ont amenéla France
à occuper effectivement le B.E.T.

152. Deux motifs essentiels rendirent imuérative, pour les

Français, I'occupationdu B.E.T.: celui de loin le plus imponant était fondé
sur des considérations stratégico-militaires ;l'autre avait trait à des
considérations économiques.

153. Le motif stratégico-militaire -- sur lequel les autorités

françaises insistèrent à maintes reprisesdans leurs documents intemes--joua
dès le début un rôle primordial. En bref, les trois régions en question
formaient "une ceinture défensive naturellede premier ordre pour le Kanem,

la région même du Lac Tchae dt le Ouadai"26.Cette ceinture défensive avait
une double imponance militaire. Tout d'abord, commele désertétait habité
par des nomades, dont les ressources et I'occupation essentielles étaient

constituées parle pillage des populations sédentaires et semi-sédentairesl,e
faitde créersur les principaux itinérairesdes postes militaires gardés par des

troupes françaises et des unités méharistes comportait l'avantagd ee mettre
un terme au brigandage. De surcroît, I'occupation militairedu B.E.T. était
nécessaireafin de chasser de la zone les Senoussistes. En deuxième lieu,les

trois régions constituaient des "bastions nécessaires"contre d'éventuelles
agressions d'autres nations européennes:si un autre Etat européen voulait

'%&en surla réxcupatiduTibsstparles mupesdOmup & I.Aftique<cuai&Jf&$aiw" .&&&
la nole Lcranal1930du MinistredColonicr(Roductio45) laem del'occupatdun confins
vers1935)(Rodwrion45).129):Ir cmau I/I.WO.W dOl'occupatmilitaix B.E.T sansdat(mais

2b. VotIrmtmc~rand.rdc1931"Tclud-Lib,cdtlctit(Rrlurl.c~n Voaraurvila noduSecdima
Gtntral dConeilSuNncur dc13U(frn<c Nnionzldu 12akrrnbrr 192X(anncr112,.ci nutedu9
~Ral~itton 26)urcnanGou~crncurdu T.hul lu C>o.vcrGéntn leIAlnquc tquaionalc franjaixs'emparerdu Kanem et du Ouadai, il devait tout d'abord traverserune ués
large zone désertique, au nord des régionsen question; ensuite, il devait
traverser le Tibesti et I'Ennedi, et pour ce faire il devait emprunter des

itinéraires obligés, itinérairesque les postes militaires français pouvait
facilement défendre 27.

154. La deuxième raison, moins décisive, était d'ordre
économique. Ellefut très clairement mise en avant par Berthelotdans une

note de 1919pour Clemenceau: "Ces régions désertiques semblendte valeur
minime. presque nulle, comme les "arpents de neige" du Canada aux
écrivains duXVIIIèmesiècle. Maiselles peuvent prendre une grande valeur

du fait de richesses minières tout comme les désertsde Californie et du
Nevada, de 1'~ustralieoccidentale, sans même parler du Transvaalet de la

région diamantifère de l'OrangeM(Annexe 94 ; voir aussi la note du
Lieutenant Gouverneur du Tchad au Gouverneur Général de l'Afrique
Equatoriale Française,du 9 mars 1929,Production 26).

3. Caractéristiques de l'occupation française

155. L'exercice, par la France, d'activités gouvernementales
dans les trois régions en question futdans une très large mesure conditionné
par les caractères géographiques des régions concernéesI.Is'agitlà d'un sujet

sur lequel on s'est déjà penché,au débutde ce Mémoire (cf. chapitre 1,
section 2, II). IIconvient toutefoisd'yrevenir brièvement.

156. Le B.E.T., est caractérisé par une nature hostile qui
empêchel'établissementde fortes et denses agglomérationsde population.

Le territoire est formé pardes massifs montagneux (surtoutdans le Tibesti)
et de larges déserts,avec de rares oasis. La rareté des pâturages, la dispersion
des points d'eau, la longueur des parcours à effectuer pour passer d'un point

d'eau à un autre, l'insuffisancedu cheptel camelin, ont comme conséquence
que les centres habités sont rareset éparpilléssur de vastes étendues. Par

voie de conséquence, la densité des habitants est très réduite0 :.09 hab./Km2
(la population du B.E.T. compte environ 51.000 habitants pour une surface
de 560.000Km2).Dans la zone la plus hostile, le Tibesti, la densité moyenne

étaitde I habitant pour20 Km2.

27 -cf. InoteduSecrétaria~tdraduCmii Supetieurde la~ehnx ~aionaic.du 12diccmbrs1928.
dtjàci& :
con=p<MIU:mm& ccvenantdu NordtindispcnrabBla*""té & Znomccmpin ahicah.Bodetle Oh)
Commcnlcriariucllcmcntaisteccitpmmtion?
1) parla ceinturedcdes& ZW à 350 kilam*mrdelargeuquis'éteennduc le FeuclKoufrad'une
prn. ?Air.1sDiado,le Tibesti.Ic BetIBnncdi*su* put. Cetleceinunestla meilleubwrierrà
ooaiscràderimuoeseumcéenner. 157. En particulier, il faut rappeler que le Tibesti, d'une
superficiede 100.000kilomètres carrés environ, constitué principalement par
un massif montagneux déboiséet souvent sans eau, n'était habité que par
quelques milliers de personnes, regroupésdans certaines vallées et dontune

partie devait souvent émigrervers les régions environnantes les annéedse
grande sécheresse.

158. Quant au m, il est formé par une dépression longue
de 80 kilomètres et largede 8à20 kilomètres, marquée aux deux extrémités
par les oasis d'AinGalaka et de Faya; dans ces oasis, l'eauétait abondanteet
des palmiers,du blé et desvignes y poussaient.

159. L'Enned ionstitue une énormetable de grès de 40.000
kilomètres carrés. Bien qu' arrosée et capabd lee nourrir d'assez nombreux
troupeaux, cette région n'était pas très peupléeA . u nord de I'Ennedi se
trouvait une vaste région, I'Erdi avec le plateau de Jef, absolument
désertique, désoléet vide d'habitant. Entrele Tibesti et 1'Erdis'étend enfin
une autre région, dont laseule richesse consistaitdans les salinesArouelli
et de Tekro, et dans une vallée sanseau allant de Gouro aux deux Ouniangas.

Cette vallée n'était habitée qu'au momed net la cueillette des dattes, et les
chameaux y vivaient mal.

160. Ces caractères géographiquessi marquésne pouvaient pas
ne pas avoir de répercussions sur les caractéristiques de la prise de
possession française et sur l'organisation etle fonctionnement de l'autorité
étatiquede ce pays.

161. Les Français concentrèrent leurs troupes dans quatreoasis
principales: celles de'Air,du Diado-Kaouar, du Borkou (Faya-Largeau)et
de I'Ennedi(Fada). Ces quatreoasis devinrent le siège principalde l'appareil
étatiqueet militaire de la France. De chacune de ces oasis irradiait l'autorité
française sur toutes les régions avoisinantes.De plus, la France établitdes
postes et des détachements militaires sur les points névralgiquse chaque
route caravanière,de manière àpouvoir contrôlerle passage parces routes et

s'opposer efficacement aux bandes de pillards et à d'éventuels agresseurs
venant du Nord.

162. Comme on l'a déjà noté,le caractère montagneux du
Tibesti amena la Franceà retirer ses garnisonsde cette régiondans la période
1917-1929. Pendant ce laps de temps, le Tibesti ne fut pas occupépar la
France d'une manière continue.mais parconni régulièrement pardes unités
méharistes. Toutefois,à partir de 1930des postes permanents furent établis,

d'où les troupes françaises pouvaient exercer leur contrôle dansde meilleures
conditions et -qui plus est- d'une manièrestableet permanente.

163. Une note du 10 mars 1930 du Ministre des Colonies au
Ministredes Affaires étrangèresdécritl'occupation françaiseauTibesti : "Dans l'ensemble, le Tibesti et la partie nord de Bilma dont la
population n'ajamais cesséde reconnaître notre domination, de

payer tribut, de recourir à notre police et de faire appel à notre
justice, sont désormaisadministrés par des postes permanentsou
semi permanents, alors que prkckdemment ils étaient seulement
visités, à intervalles réguliers par les officiers des unités

administrativesdont ils relèvent.
Le Tibesti, rattaché entièrement à l'A.E.F.,est occupé,depuis le
mois de Novembre, par une garnison de 190 hommes dont 2
officiers, 9 sous-officiers européens et 179 indigènes" (Annexe
118).

164. 11faut ajouter qu'aunord du B.E.T., les Français établirent
des postes fixes, avec des garnisons militaires, dans les localités suivantes:

Wour, Bardai, Aozou, Ouri,Gouro, Ounianga,Tekro28.

165. Pour saisir les caractéristiquesessentielles de la présence
française au B.E.T. ilfaut prendre en compte un autre aspect de la région,

qui est étroitement liéà l'aspect géo-politique que nous venons d'examiner:
l'extrême pauvreté.

166. Le pays était dépourvu de ressources naturelles: on ne
trouvait que des dattes, du blé,de l'orgeet du mil dans les zones cultivées.
Le seul bétail existant étaitconstituépar des chèvres,des chameaux et des
ânes. La pauvretédu sol et le caractèredésertiquede vastes étendues avaient
conditionnéle modede vie des habitants, qui étaientpresque tous nomades :

les villagesfixes étaientrares et la population sédentairepeu nombreuse.

167. Le commerce était donc presque inexistant, sauf pour le

troc (ou la vente d'oignonset de dattes àl'autoritémilitaire française par les
propriétaires de jardinsou de palmiers). II n'y avait rien à exporter, tandis
qu'il fallait importer du sud les étoffesqui servaient aux Toubbous pour se
vêtir.de mêmeque le sucre et le thé,ainsi que toutes lesdenréesalimentaires
(surtout les céréales).

168. La terre pauvre et rare, la pénuriede main-d'oeuvre (les
Toubbous, par tradition, étaient réfractaires au travail manuel. qu'ils

considéraient comme dégradant et qu'ils confiaient en effet, autrefois, aux
captifs), le manque de voies de communication, l'éloignement des centres
productifs, l'absence de toute entreprise employant des ouvriers, tous ces
facteurs contribuaient à faire du B.E.T. une régiontrèsarriéréesur le plan
économique.

28 -VoirlEartde1'-uprtim desconfuirvipolit1930-19 31ere 129)rtIncaneauIl1.MO.W
deI'mupatiomilitair.duB.E.T..dacc(maiver1935(Roductim45). 169. La présence française ne pouvaitpas ne pas se ressentirde
ces conditions de vie et ne pas refléterle sous-développement économique et
social. Si on peut à juste titre exiger qu'un Etat occupant un territoire

densément peupléet où fleurissent les activités économiqueset sociales
manifeste ses attributions gouvernementales d'une manière continue,
minutieuse et généraleo ,n ne peut enexiger autant lorsque cetEtat exerce sa

souveraineté sur un territoire tel que le B.E.T. Cela est au demeurant
confié par lajurispmdence internationale citée ci-dessus(n0130et S.).

4. Nature de I'administration fran~aise du territoire

170. Le caractère géo-morphologiquedes régions en question.
leur sous-développement économique et leur importance stratégique et
militaire expliquent pourquoi I'administrationde ces régions fut assuréele

plus souvent par des officiers appartenant aux forces annéesfrançaises. II
s'agissaitbien sûr non d'une occupation militaire,mais d'une administration
civile confiée à des militaires. Ces demiers exerçaient donc simultanément

des fonctionsciviles et militaires.

171. Le B.E.T. était dirigé par un officier supérieur qui
commandait le bataillon (ou groupement) stationné dans la zone. Ce
bataillon était divisé en trois compagnies installées au Tibesti, au Borko et

dans I'Ennedi.Au titre de I'administrationcivile,le commandant du bataillon
et les trois capitaines, commandantsde compagnie, étaient nomméc shefs de
circonscription et de subdivision par un arrêtédu Gouverneur dont ils

recevaient les instmctions.

172. Les dépensesde fonctionnementde I'administrationétaient
supportées parle budget local, tandisque les dépenses militaires incombaient
au budgetde l'Etat(budget métropolitain français, Ministère des Colonies).

173. Le recensement des habitantset du bétail,le recouvrement
de I'impôt, l'exercice de la justice suivant les règlements locaux, étaient

assurés pardes officiers, qui envoyaient régulièrementdes rapports et des
comptes rendus au Gouverneur pour leur action administrative, alors qu'ils
relevaientde la hiérarchie militaire pour leurs activités militaires.

174. Ce système avait pour conséquence évidente que

normalement les arrêtés du Gouverneur Général concemlaann tomination ou
la mutation d'officiers portaient aussibien sur la "carrière"militaire de ces
officiers que sur l'attribution d'éventuelles tâches administratives à certains

d'entreeux.29

2V .Pancxcrnplr. ldidu 27 novcmbrc1534 ncimma~n wrgte agent pi3ial. un capluine chef de la
subiiiision du Roil~navur vrgrnlro4riitfi;mehui<icrugniupc nodc du Rdrkuu ri ~uuc
ladilndu 9 avnl 1935 nommaitun Iicuicnuii d'infmidccla <uMi,i<ion du Tiksiunwigrni)
radiuilllgraphiru %ouriifficici m<Ioilmthuirirau wupc narndr dulikni iib.J<mIcrjutn
IV3S.pS3IIVoirsusi IcIOAEF. IVJ7.pp 1053. 1098-1099.1938.p.137. B -L'effectivitéde l'occupation francaise (1913-1919)
et ses effets sur la nature desaccordsde délimitation

175. Comme la Républiquedu Tchad l'a relevéau Chapitre IV,
la Déclaration franco-anglaise de 1899 et l'Accord franco-italien de 1902
prévoyaientun partage de sphèresd'influence entre lesParties contractantes.
Cela ressort du texte mêmede ces accords et du fait que les Parties

contractantes n'exerçaientpas effectivementà l'époque, dedroits souverains
sur les temtoires visés.

176. Quelle est la valeurjuridique de ces accor?sChacunedes
parties s'engageait n'acquérir niterritoire ni influence politique au-delà de
la ligne indiquéedans les accords. Celle-ci était la seule obligation que
chaque Partie assumait vis-à-vis de l'autre (et, bien sûr, il s'agissait d'une

obligation synallagmatique). Le seul droit découlant de chacunde ces textes
internationaux était celui d'exiger que l'autre Partie contran'étendepas
son autoritéétatiqueou son emprise politique au-delà de la Ligneviséepar
les accords. Par conséquent, ces instruments internationauxne préjugeaient
en principe pas de la solution apporter au problèmede savoir si en fait, et
par la suite, chaque Partie contractante acquérait desdroits souverains sur la
zone sur laquelle l'autre Partie s'était enàane pas empibter.

177. Il est aisé de constater que ni la France ni la Grande-
Bretagne. aprèsla Déclarationde 1899,ni la France ni l'Italie,après l'Accord
de 1902, n'acquérirentde droits souverains sur le B.E.T. en venu de ces
accords. En effet, à l'époque,et jusqu'en 1912, c'étaitla Senoussia qui
exerçait de tels droits sur la région.Ce qui compte est en tout cas que, après
l'Accord italo-turc du 18 octobre 1912 (Traité d'Oucby) établissant la
souveraineté italienne surla Libye, et l'Accord franco-italiendu 28 octobre

1912(confirmant l'Accordde 1902),l'Italie renonça à revendiquer des droits
de sur la zone.

178. La France, quant àelle, occupa le B.E.T. en 1913-1914,et
depuis lors --sauf une brèveparenthèse pource qui est du Tibesti-- ne cessa
pas d'y exercer son autoritéeffective. A ce propos il ne faut pas oublier que
l'Italiearriva dans le sud de la Libye seulementen 1930,aprèsla conquêtedu

Fezzan, et en tout cas ne fut jamais mêmed'exercer la moindre autorité
effectivedans le B.E.T. Quant à la Grande-Bretagne, elle se désintéress,e
la frontière sud de la Libye, en raison du caractère désertiquede la zone
méridionalelibyenne: cela ressort clairement des négociations qui aboutirent
à la conclusion, en 1934,de l'Accordanglo-italien sur le mangle de la Sarra
(voirChapitre N, n0.206et S.).

179. 11n'en alla pas de mêmede la France, qui par L'exercice
exclusif réel, continuet paisible de compétencesntat sur l'ensemblede sa zone d'influence et, en particulier sur tout le B.E.T., devint la puissance
souveraineà partir de 1914,sur ce territoire.

180. 11 faut ajouter que les limites spatiales de cette
souveraineté finirentpar coïncider avec le tracé indien 1899(et confirmé
en 1919).En d'autres termes, les Français acquirent --grâàeleur occupation

effective du territoire-- la souveraineté sur le B.E.T. dans les limites
indiquéespar ces accords.

181. L'occupation effective, parla France, du B.E.T.. y inclus la
bande d'Aozou, se répercute sur la valeur des Accords de 1899 et 1902 :
visant au départ à un simple partage de sphères d'influence, ils finirent par
être conçus et interprétéspar la France et l'Italie comme opérant une

véritable délimitation de frontière. Cette attitude, pour ce qui est de la
France, fut confirméeen 1919 àI'occasionde la conclusion de la Convention
avec la Grande-Bretagne. En 1919le B.E.T. était sous l'occupationeffective
de la France, tandis que le sud de la Libye n'étaitsoumisà la souveraineté
effective ni des Anglais. ni des Italiens (il s'agissait d'un vé"wtable
-and"). Cela explique pourquoi la Convention anglo-française fut rédigéeen
termes quelque peu différents de ceux utilisésen 1899. On y parlait de
"délimitationdes possessions" et de "frontière des possessions coloniales

françaiseset anglaises" et on projetait mêmecette terminologievers le passé,
en indiquant dans le titre de la Convention que cela valait aussi pour 1899.
Ce nouveau vocabulaire fut voulu par la France, qui entre-temps, s'était
emparée effectivement du B.E.T. et visait à une consécration
conventionnelle de son autorité effective et exclusive sur le B.E.T. qui, au
demeurant, résultaitde toutes manièresdes faits.

Après 1919 les Italiens estimèrent également que la
182.
Convention anglo-française de 1919avait établiune véritablefrontière.

183. La République du Tchad montrera successivement
comment s'établitI'autoritéeffective de la France au B.E.T. et de quelle
manière les accords de partage de sphèresd'influence finiretar êtreconçus
et interprétéspar les parties concernées, mmedes accordsde frontière.

2. La legislation francaise concernant le Tchad
(y inclus le B.E.T.)

184. D'un point de vue logique et historique, c'est la
promulgation des lois, décretsetrèglements régissantI'organisation et lavie
du B.E.T. qui doit être considérée comme la première manifestation de
souverainetéfrançaise sur la région. Commele dit la Cour Permanente de

Justice Internationale dans I'affairedu Groenland oriental, "la législation est
une des formes les plus frappantes de I'exercice dupouvoir souverainCPJI,
SérieAIB, no. 53, p. 48). 185. Les Français eurent en effet l'occasion de passer de
nombreux actes législatifsportant sur les aspects les plus divers du B.E.T.
Cela constitue une preuve éloquente du fait que la France considérait le
B.E.T. comme un des territoires africains soumià son autorité souveraine.

186. Naturellement, plusieurs actes normatifs ne visent pas
seulement et spécifiquementle B.E.T.,mais portent plutôt sur tout le Tchad
(dont le B.E.T. était une partie essentielle), voire mêmesur l'Afrique
Equatoriale Française. Toujours est-il que les lois et décrets concernent
également,leB.E.T.

187. Parmi les actes normatifs que l'on peut citer à titre
d'exemple. il faut mettre en exergue ceux promulgués par les autorités
compétentes de Paris.

188. On peut mentionnerpar exemple:
-le décretdu 11février 1906du Président dela République portant

réorganisationdu Congo français (et mentionnant àl'Article 1, alinéa4 "le
Territoire militaire du Tchad, comprenant au Nord de "Oubangui-Chari
l'ensemble des réeions olacéessous l'influence de la France en vertu de
conventions internationales et ne dépendantpas du Gouvernement Général
de l'AfriqueOccidentaleFrançaise" BCAF,Supplémentde mars1906,pp. 78
ss.; soulignépar la Républiquedu Tchad) ;
-le décretdu Présidentde la Républiquedu 15janvier 1910portant
création du Gouvernement Général de l'Afrique Equatoriale Française

(JOAEF. 1910,pp. 115 ss.); le décretdu Président dela Républiquedu 16
avril 1913 portant réorganisationdu Service de la Justice en AEF (JOAEF,
15 mai 1914, pp. 171 ss.), promulguéen AEF par l'arrêté du Gouverneur
Généralde I'AEFdu 16 avril 1913 (ibidem, p. 170) ; le décretdu Président
de la République du 14 mai 1915 portant réorganisation du territoire du
Tchad (JOAEF, 15juillet 1915,p. 232), promulguépararrêté du Gouverneur
Générad lu 14mai 1915(ibidem,p. 231).

3. Les actes d'administration militaire et civile

189. Ces actes réglementaires s'accompagnèrent. bien sûr, d'
actes administratifs et opérationnelspour lesquels la France montra que son
emprise sur le B.E.T. étaiteffective et que son autorités'yavéraitexclusive

(voir,supro no 146et S.).

4. La confirmation des effectivitésfrançaises
dans les declarations etautres documents italiens

190. Une sériede déclarations et documents internes italiens,

dans lesquels l'Italieprend acte de la soumission du Tibesti, du Borkou etdeI'Ennedi à la souveraineté française, constitue un élémentde preuve

important du fait que la souveraineté territoriale sur la zone dont il s'agit
appartenait à la France.

191. Comme la République du Tchad l'a montré dans le
Chapitre IV, Section 3. la première manifestation de la position italienne

remonte à 1919. A l'occasion de la Conférencede la paix, I'Italieinvoqua
l'article 13 du Pacte de Londres de 1915, pour avancer des revendications

territoriales en Afrique. Après le rejet, par la France, de ses premières
propositions. dans un document du 16juillet 1919, l'Italiefit de nouvelles

propositions, parmi lesquelles la suivante:

"La France cède en mêmetemps à l'Italieles temtoires sahariens
du Tibesti, du Borkou et de Innnedi tous (sic) entiers. dans leurs

délimitations géographiquee st ethniques" (Production 16).

La France, toutefois, rejeta ces demandes30, et l'Italie
192.
n'obtintpas la cession des trois régions.II convient de noter que le Ministre

italien des Affaires étrangères, TommasoTittoni, qui avait négocié avecla
France, revint sur la question quelques années plus tard,en rappelant qu'

"A Simon, outre les rectifications de la frontièreentre Ghadamès

et Toummo, je demandai le Tibesti et le Borkou. Simon ne se
montra pas hostile à l'accueil decette demande, mais ajouta que

dans le Tibesti et le Borkou s'organisaientdes bandes de pillards
qui attaquaient les caravanes du Sahara; il ne pouvait donc pas

soumettre sérieusementla question au Conseil des Ministres -
j

y exercer avïc efficacitédeswuvoirs de ~nlice.Le gouvernement
italien ..ui avait abandonnéet 3uiourd'huiencore n'a pasrkoccuDé

le Fezzan) ne put donner cetteassurance. En outre, une chose
étrangese produisit :en Italie se créaun courant hostile au Tibesti

30 Voir 1. Ni>*pourle Minhrr..urle- nou~cllcrpmpniuonilalicmrcn cc qu1COnVrncAfnyuc <fu
IV luille! 1(1Lacc,rion 3Idic dcr icrn!uire<duTibcriiHorkou cidz1Cnnuii ulul cnuc"cri pu
-~~~rciifcraid-~~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~Irrctificai~ornorévursrait ccurst un rncniicirnonnanioui
ne sauraien cnvinagpar Ic~~irus desColoniesiuquss'il devait avoiinfluencstrie& sur;os
mm.. avecIlialie.don1M. Hciw Simon nsocutém .-ee".mers 93.
Voir8-~% lanul. du rntrncjour ci a)m II memcaneu,. pur h< Pdemtmc 4uc la 'norcrut Ic Rarl<iu
etIc'ikm r~milcparU HcnhclolBM Clcmrn~rdu tmcrc 549
Viiirii%<i Rrinmn Liini n.>mdr 13Comrnisbirn e\Alfaims CtranrLrwu!15Fran;cri 1Iialou l

dz pwfondeu!surins longkur dc 1500Liludurs Daum pan Irr Iwicnr a)ani uhirnnciificauondc
fmnu*~ q~dr &nwn&icnt durAnglairlgolfdzSuloim 25 loogiiudc16lauludo poddznmainirnani unc
immcnrc zone dc !crri!oiruui dans la olu5 crulde dirponalc a .ne loncurui dc 2 SUUkilorn*imr-. et au Borkou. Les négociationsne furent donc pas poursuivies et
la question demeura ouverteW3'.

193. L'attitude de l'ItalieA la Conférence pourla paix de 1919,
et en particulier les propos de Tittoni montrent clairement que l'Italie était
consciente du fait que le Tibesti, le Borkou et I'Ennediétaient soumis à la

souveraineté française; précisément,l'Italie en demandait la aux
Français, parce qu'elle savait qu'ils y exerçaient effectivement leur

souveraineté.

5. La transformation de la zone d'influence française
en un territoire soumis à la souverainetéfrançaise

194. L'Italie dut prendre acte. après 1919, que I'occupation

effective du B.E.T. par la France, consacrée par la Convention franco-
anglaise de 1919, avait fini par transformer une ligne de partage de zones

d'influenceen une véritable frontière.

195. L'attitude italienne fut exprimée dans un mémorandum
rédigéle 5 février 1925par un des bureaux du Ministère italiendes Affaires
étrangères,et intitulé"La frontièreméridionale dela Libye". Ce document,

qui fait le point sur les questions de fait et de droit concernant la frontièreen
question, s'attardesur un historique du problème,met en exergue aussi bien

l'expansion de l'occupation française que le fait qu'elle s'était traduitepar
l'établissement d'une véritablfe rontière.

"La situation de faitest constituéepar ladispaition de tout vestige
de notre droit territorial sur 1'hinterland libyen, complètement

avalépar l'occupation française. Celavaut non seulement pour les
régionsles plus éloignéesde cet hinterland, y compris celles des
réserves ottomanes, tels que le Bornou, le Kanem et I'Ouadai,

mais aussi pour les régionsdu Borkou, du Tibesti, de I'Ounianga,
de I'Erdi, sur lesquelles comme nous l'avons vu, la Turquie a

exercé jusqu'à notre occupation des droits effectifs de
souveraineté.
L'occupation française s'est déroulée d'une manière très

31 -Traduction dc la RCpubliquc du T-Texte original :"A Simon aluc le nriifiche di fmntisra fra
Ohadamsî e Tummo chiesi il TibeilBomu.Simm nonsi mastra nlicnodall'accoglicrc la min richiem,
psm roggiunsechc nTibcstencl Bo~vri mganiuavano le bandsdi ladmni cheasdivano le eamvancdsl

"
pic darlalnolm & un fatlrmo : ri dçtcmi"nlWia uncomnic ostile al Ticl aBorcu.Ls
wnative qvindi nofuron omsegvits la questionerinapcm ":T.TiiTON1, '"II confinc mcridionds
della LibidanrGerorchio(rcwspolitique dirigkB.Mussolini). 1927.V11.,. 49:saulignt par la
Rtpvbliquc du Tchad.
Tiuoni avait eu laccasiond'en parlen.des ternes ascr vaguBla Chmbn desDepules.en 1919
(Camcra dei DcputaAnl, p.21305 mexc 337). 11mvint
p.277cfnole1(Roduction20).ticle. "Tunisia. TripolirnidansLaiNuovaAntologja. 192n'234. .,..

superficielle. Deux cercles, dépendantde ABESCHER (Ouadai)
furent institués:I'unpour le Borkou, avec son siègeà el Faya et
juridiction sur I'Ouniangaet I'Erdi;l'autrepour leTibesti, avec son
siège àAIN GALACCAet des détachements à Vour et Bardai(?).
En d'autrestermes, la France non seulement n'apas tenu compte
des réservesde la Turquie pource qui est des droits de celle-ci sur
les régions susmentionnées --non seulement elle a transforméen

limite de caractèreterritorial la ligne aui. d'aorèsla Convention
anelo-francaise de 1899 avait le caractèrede simole délimitation
de zones d'influence-- mais encore elle a dépassénotablement
cette ligne. La France a étendu cette ligne jusqu'aux versants
septentrionauxdes massifs du Borkouet du Tibesti,dont il ne fait
pas de doute qu'ils relèventde la Libye et que par rapport à la
ligne de délimitation,ils auraientdû, en tout cas, être compris
dans la zone réservée à l'influence anglaise" (annexe 109).

soulignépar la Républiquedu Tchad))z.

196. Si, dans ce document, les autoritésitaliennes sernent
prendre acte de l'établissementd'une frontière,dans l'échangede notes qui
eut lieu entre 1921 et 1934entre la France et l'Italie au sujet de la
Convention de 1919, les deux parties s'accordèrent, en fait,à considérer
qu'en 1919on avait établiune véritablefrontière(v. aussi supra, chapitre IV,
no201).

197. La France commenceen faisant référence à la Convention
de 1899,reconnueen 1902par I'Italie.Parexemple, danssa note du 7 février
1923,elle affirme:

"D'autre part, les accords franco-italiens de 1900 et de 1902
n'obligeaient pas le Gouvernement français à mettre le

Gouvernementitalienau courantdes entretiensqu'il avaiteus avec
le Gouvernement britannique pour fixer la frontière entre le
Soudan français et le Soudan anglo-égyptien.En effet les accords
de 1900-1902 spécifiaientque la frontièrede la Tripolitaine était
bien celle "indiquéepar la cane annexée à la Déclarationdu 21
mars 1899". Or, d'aprèscene cane, la frontièrede la Triwlitaine
ne descend nulle pan plus au sud que Tummo d'oùelle remonte 3. L'administration militaire

213. Depuis 1913-1914pour ce qui est du Borkou et de 1'Ennedi
et, depuis 1930(d'une manière stable) pourle Tibesti, le Gouverneur général

de l'Afrique EquatorialeFrançaise a exercédes fonctions militaires dans les
trois régionsen question. L'exercice permanent de ces fonctions constituant

la manifestation la plus évidente dela présence d'unEtat sur un territoire, on
trouve là, encore, une preuve indiscutable de la souveraineté française.

214. Une des fonctions de l'appareil militaire était, bien
évidemment, la création ou le déplacement de postes militaires dans le

B.E.T., de mêmeque la nomination ou la mutation des officiers, sous-
officiers ou autres, constituant leseffectifs de ces postes.

215. En ce qui concerne la création de postes militaires, on peut

citer,à titre d'exemple, l'arrêtdé u 18décembre 1933du Gouverneur général
de l'Afrique équatoriale française créant un poste militaire à Tekro
(circonscription du Borkou-Ennedi, colonie du Tchad). Cet arrêt&p,ubliéau

JOAEF du ler janvier 1934 (p. 39), précisait que la créationde ce poste
prenait date aujour de l'arrivéede la garnison.

216. En 1934, les autorités militaires françaises du Tchad
décidèrent de créeu rn poste militaire à Agoza (Annexes 140, 141et 147)et

de réoccuperle poste d'Ouri (Ibidq. ui avait étéévacuéen 1931: en cette
année, "lepoint d'eauétanttan", le détachement s'étaid téplacé à Beni Erde

(Annexe 131). Les autoritésmilitaires décidkrentde ne pas réoccuperd'une
manière permanente le poste de Guezenti, mais d'y installer des guetteurs
(Annexe 150).

217.
Il va sans dire que très nombreux sont les arrêtésdu
Gouverneur généralen question nommant des militaires pour pourvoir aux
différentspostes dans le B.E.T.35

218. Des renseignements importants sur la consistance des

effectifs de différents postes militaires peuvent être trouvés dans les
dépêchee snvoyées par les autorités coloniales à Pks36.

35 -Voirparcxcmplcldécisiodu27 novembre1934.conccrnrntlespomilitairdeZouar.Borkocl
miliuimrdm<FIcr.oc5ibcJrm.1;r juin 1935.p .Ic5Jeilrions65'12 lvlllcl 1937m.Llion dc
Jifftrrnuu%.icnpocr ocRb. Aozo.s (,hldrm. Icr miuhm 1pp71008-IlNV). 13dki<iun d~
14dkcmbx 1937du ci>mmmaui!du miuw duTch.0. nomml b rhcl dprtc dc Tckni <~h<d1.5
jmiici 1938.p 1371

Oarbi (Fxriiiclion .drdmemc quela dEpEchcJu 11 f6vn.r 14311.concernantIrr cvnuctscnim Icy
gamiu!n<Dldoei Sobozoarccccllcsdr Wnir ci Zouar(h.n*luc!li>n331. 219. Une des tâches de routine des autorités militaires consistait
à faire des "tournées"dans les zones désertiquesde la bande d'Aozou, pour
surveiller le territoire et prévenir d'éventuelles infiltrations ou d'autres
inhactions. A titre d'exemple,on peut citer le rapport (daté du19avril 1929)

du lieutenant Méarsur la patrouille exécutée du 21 au 27 janvier 1929dans
la régionde Dohane (Production 28). A la suite de ces tournées leschefs
militaires rédigeaient des "cartes de tournée" qui indiquent clairement
l'itinéraire qu'ils avaiempmnté(Annexe 113).

220. Une autre fonctiondes troupes françaises consistait lutter
contre les rebelles indigènes qui, au début de l'occupationde la France,

refusaient de se soumettre à son autorité. Acet égard, on peut citer un
rapport du Capitaine Rottier, commandant du cercle de Bilma, au sujet de
représailles effectuéesdans la régiond'Ab0 (donc, à cheval entre la bande
d'Aozou etle sud de cette bande) en février-mars 1922 : en 1921 le derdé
(chef local)des indigènesdu Tibesti avait reconnu l'autoritde la France, en
faisant acte de soumission. Toutefois, il subsistait dans la zone un groupe
ü"irrt!ductibles" qui refusait de reconnaître l'autorité française et, donc, celle

du derdé.et qui avait menédes rezzous dans le territoire sous domination
française. Le commandant Rottier avait, par conséquent, effectué des
représailles, sur lesquellesil fit ensuite un rapport très détaillé (Production
18).

221. Les autorités militaires françaises exercèrent une autre
fonction considérable: désarmer et refouler les "dissidents tripolitains"

venant, en 1930,dutemtoire libyen, pour tâcherde se soustraire à i'avancée
italienne dans le Fezzan (voir les notes du Ministre des Colonies au Ministre
des Affaires Etrangères du25 mars 1930, Annexe 121 et du 18 avril 1930,
Annexe 124). Des tblégrammesde commandants militaires français aux
autorités coloniales, il découle que les militaires français arrêtèrent et
désarmèrent plusieurs "réfugiéd sans la zone d'Aozou (télégrammed su 12
mars 1930,Annexe 119 ;du 19mm 1930,Annexe 119et du 27 mars 1930,

Annexe 119) et dans la région de Tekro (télégramme du 5 avril 1930,
Annexe 119).

222. Il convient de souligner que, dans une note'du 15 mai
1930, l'Ambassade d'Italie à Paris, après avoir pris acte du fait que ces
rebelles étaient déjà "au sud de la ligne de démarcation de la sphère

d'influence française", souhaitait qu'ils fussent désarmépsar les militaires
français:

"Les dissidents Tripolitains, les frères Sef-en-Nasser,avec leurs
fidèles, se sont repliés, après l'endees troupes italienneà Uau-
el-Kebir, sur la route qui de cette oasis se dirige vers le Tibesti.
D'après quelques nouvelles ils seraientdéjàau sud de la ligne de
démarcationde la sphère d'influence françaiseet à l'invitationde

délivrer leurs armes ils auraient répondu 2 l'Autorité française
qu'ilsles gardaient ayant l'intentionde poursuivre leur route vers
le Soudan Anglais.
L'Ambassade d'Italie nedoute pas que si les hères Sef-en-Nasser et leurs fidèles auront pénétréen territoire africain français, ils
auront étédésarméset mis dans l'impossibilitéde reprendre les

armes contre les troupes italiennes et d'organiser toute agitation
politique anti-italienne, conformément aux termes de la note
remise le 20 janvier dernier au Ministère Royal des Affaires
étrangèrespar son Exc. 1'Ambassadeurde France à Rome".

223. Parcette note,l'Italieadmettait donc que la bande d'Aozou
était sousl'autorité militaeffective de la France.

224. Les autorités françaisesne se limitaient paà refouler les
"dissidents libyens". Elles s'attachaientaus3ireconduire à la frontière les
détachementsitaliens, chaque fois qu'ils pénétraienetn territoire français,
soit parce qu' ils s'étaientégarés, soit parceque les autorités italiennes
voulaient éprouver la soliditde la surveillance des frontièrespar les forces
mées françaises.

225. A cet égard, il convient de citer quelques passages
significatifsdu "Rapportsur la situation politique"durkou-Ennedi,rédigé
le 15mai 1931parl'Adjointau Chef de la circonscription :

"Visitedes Italiens sur notre territoire. La tâchede Koufra réduite,
les Italiens ontcherchà entrer en liaisonavec nous.

Un détachement méhariste en armes, sous la conduited'unofficier
italien, passant i l'est de Tummo où notre frontière n'est que
conventionnelle,se présentaitle 18févrierà Madama (A.O.F.). La
mission exacte de cet officier n'apu êtrepréciséemais celui-ci a
prétenduêtrevenu en visite amicale. L'officieritalien, après une
courte reconnaissanceà Tummo, fut reconduit à la frontièrepar un
détachementdes troupesde I'A.0.F....

"Toutdernièrementencore, les Italiens viennentde manifester une
fois de plus leurs sentiments amicaux à notre égard.Le 13 avril
1931, une patrouille en armes, composée de quatre réguliers
indigènesitaliens se présentait devantle poste de Wour. Ceux-ci
étaientporteurs d'une lettredu major Piatti commandant militaire
à Mourzouk, adressée au "commandant des troupes françaises
stationnéesà Afafi." Dans cette letue, datéedu 19/3/31,le major
Piatti, tout en adressanà "tous les officiers sahariens du Tibesti"

ses cordiales salutations, nous annonçaitl'envoid'un fusilet des
cartouches prisà Tedjerrésur le Touhhou Issouf (ancienguide de
notre groupe nomade du Tibesti, déserteuren février 1931).Cette
arme et ces munitions furent effectivement remises à l'officier
commandant le poste de Wour par le chef de la patrouille
italienne. Cette patrouille, après quelquesjours de repàsWour,
fut mise en route le 28/4/31 suivant l'itinéraire Wour Afafi
Latouma et reconduite jusqu'à la frontière par un élément

méharistedu Groupe nomade du Tibesti". (Production48). 226. Il convient de rappeler aussi qu'en 1937, des groupes
d'Italiens essayèrent plusieursfois de pénétrerdans la bande d'Aozou. La

réaction françaisefut quelque peu oscillante, mais les autorités supérieures
françaisesfinirentpar déciderde refouler lesItaliens.

Il est nécessaire de souligner un point très important.
227.
Comme on vient de le voir, chaque fois que des Libyens ou des Italiens
essayèrentde pénétrersans autorisation en temtoire tchadien, les autorités

françaises les expulsèrent.Ce qui est frappant et méritede retenir I'attention
est que,

1" les Italiens, en revanche, n'eurentjamais l'occasionde pktester
contre d'éventuelles invasionsfrançaises,et surtout
Z0 ils ne protestèrent jamais conue les décisionset les actes des

autorités françaises visant refouler les Libyensou les Italiens qui étaient
entrés sans autorisationdans la banded'Aozou.

228. Cela démontre sansle moindredoute que
Io les Français exerçaient une autorité souveraine exclusivesur la

banded'Aozou,
2' lesItaliens n'yexerçaient aucune emprise, etqu'enmêmetemps
3" ils s'inclinaient devant l'exercice, dans la zone, d'attributs

souverainspar la France.

229. 11convient d'ajouter que le fait que l'autoritémilitaire

française était solidementimplantéedans le B.E.T.et, en particulier, dans la
bande d'Aozou, résulteégalementd'autres documents francais de 1930-
19353'.

4. L'activitécivileet militaire du posted'Aozou

230. L'existencede divers documentsconcernant l'activitéde ce
poste, en particulier d'un "Journaldu Poste" couvrant les annkes 1930-1937

(Production 41), permet d'apporter quelques précisionssur les fonctions
administrativeset militairesrempliespar ce poste.

37 .Outre les documents deja ciaux narcprécCdcntcs,onpeulmentionner les nolcs du Ministre des
Colanicsru Minisire des Affaires Cirangkrerdu 23 dgcembre ("Jesuis informe de Brazzaville que
Aozou, Goum etO~nianga-Kgbirsontuciuellemcnoçcupespar nosforcer : il y a desgueticun au nord,
Tekro, notamment. D'autrepan. au rcqu de la depechc de man DepanemeIcGouverneur Génerala
télCgrsphiau Lieutcnant-Gouvcrncur du Tchad qu'il avait deeidCdc matérinlincrdavantano&
occupation de 1sfrontièrenord de I'Enncdi.dcunposte i Tekd (mexc 1341,cl cclls du 26 janvier
1934 (rendancomptede'"roccupnionde Tckm depuis Ic 21deccmbpar udéwchemenicommandépar un
officier".mcre136).
Tripolitaine (mcre 129dem€mc qus la dépCchetClCgrnphiqdeeB-villeetaauMinirrbrcdesColonies.
du 21 mai 1935.ùilen prCcirCque Icmiioirr"cédé'arlaFrancs2Illalie venu derAccadr deRome
de 1935Clail"pourtant'toujoun occvpf parles troupefrsanqaiwr (mcrc 1561. 231. L'établissement du poste remonte 1930. Après la
création,en 1913,des postes militaires de Bardai et de Wour, une patrouille

française reconnut Aozou en arrivant par Bardai en 1914.Le poste d'Aozou
fut établile 4 septembre 1930parun détachement stationné à Erhi.

232. Le poste fut occupé jusqu'au12décembre 1937puis, sans

interruption, à panir du ler juin 195138.

233. Le "Journal du poste" mentionne, parmi les fonctions
administratives du détachement militaire stationné à Aozou :

Io levée des tributs payés par les chefs de village (sous forme de
livraison de chèvres)39 ;

2' le recensementde la population 40 ;
3' le règlementde querelles ou de différendsentre indigènes41 ;

4" I'emprisonnementd'indigènes pour délitd se droit commun contre
d'autres indigènes, ou pour violationsde règlementsmilitaires42 ;
5" la convocation et tenue d'assemblées des chefs de villages 43.

234. Naturellement, le détachement français remplissait surtout
des fonctions militaires. Les détailsde ces fonctions sont donn6s dans le

"Journal de poste".

235. Parmi les actions du détachement,il convient de rappeler

celles concernant des "contacts" avec des troupes italiennes, en 1935 et
193644.

38 -buras donnéesvoirk document de1%2 '"Hiruiriqusdupostd'Aozou"(Roduction122).
Dans cc daumes. on dit que'du Icr dtccmbm 1943 au ler juin 1951 porte d'Aozoucrinoccupé'.
mi 1951inoniplus.oepmdanLcla "Nolcsurle postd'Aow0 pcisonoccupaiiondm5 d1s& la $annerk au-
"Rappon du Lieutenant-ColonelSels. susa liaison "Tchad".demai 1955.pmiv quedepuis 1930''le
ports et6accu*dc faconpcmancniejuqu'au Icr dCcernh 1943"(mers 262).

42 -Voirjournaldeposte,2/12/193;19/12/19 32
18/1/193;20/1/193 ;31/1/193 :30/1/1933; IfIl1933;6/5/193 :22/6/193 ;331911933:11/12/19 33
4/2/1934;28/3/1934.

44 -Voirjod depore. 5/6/193(5r&vsvisite au ports ddCtachçmcnimililairs imi;e10-26/6/1935
C'ncauiaisra deeleit"in6rair.crnpnintIcdClachcmentmilitaiialeien. aprtrm dCp.rt Aozou) ;
26fl11936(survol du poste pardenavionsmili&imiirm). D - La confirmation des effectivitésfrançaises dans les déclarations
et les documents italiens durant la période 1930-1940

236. Comme on l'a vu ci-dessus, la France renforça son

occupation du B.E.T. en 1930, notamment en étendant son autorité à des
zones sur lesquelles. auparavant,elle avait étéexercéd ee manièreépisodique

et par intermittence. L'Italie prit acte avec préoccupation decette action,
d'autant plus que Rome avait décidé d'avancer, désormais, avec plusde
vigueur ses revendications sur le nord du Tchad. A partir de 1930, donc, et

jusqu'à 1934, lesautoritésitaliennes assistent avec beaucoup d'inquiétudeau
renforcement de la présencefrançaiseet protestentcontre cette action.

237. En 1930, dans un mémopour Mussolini, le Directeur du
Bureau Levant-Afrique du Ministère italien des Affaires étrangères,
Guariglia, fit étatde nouvelles émanant de la presse française, d'après

lesquelles, le 10 octobre 1929, des troupes françaises avaient occupéd'une
manière permanente, à partir de Faya dans le Borkou, les trois localités de

Bardai,Wour-Abo et Sherda,dansle Tibesti, et ajouta :

"L'occupation militairepermanente du Tibesti, où jusqu'à présent
les Français n'avaienteffectuéque des voyages d'inspection,a une
importance particulièrepar rapport à notre réoccupationdu Fezzan

et aux négociationsen cours au sujet des confins méridionaux de
la Libye"45.(annexe 115)

238. Suite à ces remarques, le mêmeGuariglia envoya à
l'Ambassade italienne à Paris plusieurs dépêches pour souligner le "fait

nouveau"de i'occupationmilitaire françaisedes trois centresen question46.II
en résultaune note de protestation de l'Italiedu 19 mai 1930,par laquelle
Rome réitéraitsa position juridique concernant la Convention anglo-

française de 1919 et concluait que "les territoires situésau nord de la ligne
défmiedans l'Article3 de la Déclaration Franco-britannique de Londresdu

21 mars 1899font partie de la Tripolitaineet de la Cyrénaiqueet se trouvent
sous la souverainetédu Royaume d'Italie"47.

45 TraduçuondlaRtpubltqucdTchul Tcxa onginal la ncilpioncmiliiarr pcmmcndelTibesti
do\crinoraIFrancc,~noavc\an comp~uiorhc dei \iaegi dirpciii~nc nvcvir pimp-s~ in
iclarionc alnoriiriocçup~riunc dFciruictl21ncgoziali in corso pcr la drfinii%onr Jci confin!
rnmdmnali dellaLibia'
46-Voir la dégchedu man 1930.(annexe17); llemsdu7 avrildela memanné=hM. DinoGrandi.
Minism de Affairssémgbres(annex123);ladépCcherAmbnrsadsdeParisdu 18avrlmerc 124).

47 -VoirladepEchedu 4 man 193(annexe17);lalctm du7 avrilde la mannéeh M.OinoGrandi.
Minism desAffairétrangér(eannex123):ladépêchherAmbasradçdPuis du 18avril.(ann124). 239. En 1931, les autorités italiennes firent étad te la création

d'une garnisonfrançaise à Afaft, sur le versant nord du Tibesti. La nouvelle
fut communiquée à Rome le 27 mars 1931 par le Ministère italien des
Colonies48 ;dans une note du 11 décembre1931 au Ministèredes Affaires

étrangères,le Ministredes Colonies notaitque :

"Del'avisde ce Ministère,ce n'était pas tellement la créationde la

garnison à Afafi qui devait êtrel'objet d'une protestation, mais
plutôt la progressive occupation militaire et l'organisation
administrative de tout le Tibesti. Occupation et organisation qui.

de notre avis, ne peuvent pas ne pas avoir I'effet d'affaiblir la
position de l'Italie dans une éventuelle négociation pour la
délimitationdes confins méridionauxde la Libye-49.(annexe 132)

240. Toujours en 1931, l'Ambassadeur français à Rome,

Beaumarchais, dans un entretien du 25 juin avec le Ministre italien des
Affaires ktrangères,Grandi, observa que d'après certaines informationsde la
presse le Ministre italien Balbo avait survolé le Tibesti. L'Ambassadeur
ajouta que "le Tibesti étantterritoire français",et aucune autorisationpour ce

survol n'ayantétédemandée aux autorités françaisesi,l voulait savoir si les
nouvelles relatées par la presse étaient exactes. Grandi repoussa avec
véhémenceles affirmations de l'Ambassadeur, protestant aussi biencontre la

"prétendue intentiondu Ministre Balbo d'empiéter surle territoire français"
que contre les inexactitudes des croquis publiésdans la presse au sujet de cet
événement(Annexe 130). Grandi ne rejeta donc pas l'affirmation selon

laquelle le Tibesti était soumis à la souveraineté française,mais plutôt ce
qu'il considérait commedes "affirmations gratuites" de l'Ambassadeur au
sujet des intentionsde Balbo.

241. Le Ministre italien réaffirma cette position dans la note

qu'il envoya au Quai d'Orsayle Il juillet 1931,où il indiqua entre autres
que Balbo n'avait paseu les moyens de vérifiers'ilétait en territoire italien
ou français, maisqu'aucas où il aurait voulu délibérémen etntrer en temtoire

français, il aurait demandé l'autorisation nécessaire à cette fin:

"S.E. le Général Balbo, au cours de sa récente inspection
akronautique en Libye, a campéen venant de Koufra dans une

localité désertique prèd se l'ouad El Fardi qui, d'aprèsles points
établis, est située à 23 degrés 18'de latitude nord et à 20 degrés

48 -Voir lterrde lanoiedu 27 mars1930.ciit dannatcdu MinistkrdesColoniesau Minisere des
AffairesetrangerrsduII dkembre 1(annexe132).
49. Traductiondcla Rt~ubliovcduTch-Texteonpinal:"Ne1cancettoausnoMimistem..nontant0la
irtiiurionedel prcsidiodi ~frii wmbravadovesaoggsttdi "nanosri pmrcstquant0ifat10della
pmwssiva occupaziancmililaccrelalivaar~ani-ionamminisuarivadlvmoil Tikst:acumione c
ÏioÏranizzaziochc non nun adavviro d4lorctivcntc norvcrcI'cffetdi indeb 24' de longitude est. Cette localité se trouve dans un territoire
incontestablement italien.
De cette localité,S.E. leGénéralBalbo est parti pour exécuter,à
titre de simple reconnaissance géographique,un vol vers le Sud.
Mais comme il n'apas été possible, pendant ce vold ,e procéderà

des relevés géographiques précis,et étantdonnéle manque de
points de repère sûrsà terre dans une zone presque complètement
inconnue, on n'a pas eu le moyen de constater sur quelle région
précises'est effectuéle vol de S.E. le GénéralBalbo. On a pu
seulement établir qu'ila eu lieu sur une région désertique et sur les
ramifications du massif montagneux du Tibesti. Etant donné cet
étatde choses et que les frontièresde ces régions, entre l'Afrique

Equatoriale française et la Tripolitaine, ne sont pas encore
délimitéesi,l serait difficile de vérifier d'une manière cerei le
Général Balbo est toujours restépendant son vol dans les limites
du territoire italien,comme c'était son intention.
Si le Général Balbo avait voulu délibérément dépac sssrlimites,
il n'aurait pas manqué de demander l'autorisation nécessaire

conformément aux règlements internationaux en vigueur",

-. 242. Le Ministre français des Affaires étrangères dans un
télégramme à l'Ambassadeur françaisà Rome, nota que la réponsede Grandi
étaitsubstantiellement acceptable:

"La réponse de M. Grandi, d'ailleurs conçue en termes très

courtois et conciliants,ne contient aucune affirmation qui appelle
la contradiction. II est exact notamment que les frontières entre
l'Afrique Equatoriale Française et la Tripolitaine n'ont pasété
"délimitées" surle terrain bien qu'elles aient été définies par les
accords franco-anglais de 1899 et 1919. Dans ces conditions, je
crois qu'il y aurait plus d'inconvénients que d'avantages à
prolonger la discussion avecle Gouvernement italien au sujet du

raid Balbo" (Production 49).

243. En 1934, les autorités coloniales italiennes informèrent
Rome que les Français avaient établides garnisons militaires à Tekro et à
Ouadi-Agdebé (notedu Ministèredes Colonies au Ministèredes Affaires

étrangèresdu 23(?) avril 1934,Production 52). Rome envoya alors,le 9juin,
une note de protestationàParis, dans laquelle il notait que les deux localités
se trouvaient "dans le territoire que le gouvernement italien considère
comme appartenant à la Cyrénaique,sur la base de la Déclarationfranco-
britannique du 21 mars 1899et del'échangedes notes Prinetti-Bmère du ler
novembre 1902",et on soulignait que "dans l'attenteque la question relative
aux frontières méridionalesde la Cyrénaique puisseêtreréglée entreles deux

Gouvernements, le Gouvernement italien,de son côté, s'est abstenude toute
occupation de localités sisesdans la zone en contestation"(voir le texte de la
note italienne en annexeàla dépêchd eu Ministèredes Affaires étrangères au
Ministère des Colonies du 19juin 1934,Annexe 142). 244. Le Quai d'Orsay rejeta la protestation italienne dans une
note du 24 août 1934,dans laquelle il réitérailta positionjuridique française
concernant l'interprétationde la Convention de 1899 et concluait que "le

Gouvernement de la Républiquene peut donc que formuler toutes réserves
au sujet des manifestations quelconques d'activitéitalienne qui viendraient
se produire au sud et à l'ouest decette ligne (à savoir la ligne définieen 1899

et confmée en 1919)"(Annexe 149).

245.
Les autorités italiennes revinrenten 1937 sur le problème
de l'occupationfrançaise de la bande d'Aozou. Le 30 mm 1937, le Consul
général italien Léopoldvilleenvoya au Ministèredes Affaires étrangères
une dépêcheau sujet de l'occupation française de Aozou et Ouri. II y

indiquait :

"Le Général Rouais, Commandant Supérieur des troupes

françaises en Afrique Equatoriale Fransaise, avec qui j'ai eu
l'occasion d'avoir un entretien a Brazzaville, m'a fait noter en
passant que les deux localités de Aozou et Ouri (la première

environ 60 km au nord-est de Bardai, la seconde àenviron 200 km
à l'estde Bardai), qui en venu des Accords de Rome du 7 janvier
1935 se trouvent en temtoire italien. sont encore occupéespar les

troupes françaises (une vingtaine de soldats indigènesaux ordres
d'unsous-officiereuropéen)"~O(annexe 168).

246. La dépêche continuait en relatant que le Général Rouais
souhaitait que les Français fussent remplacéspar les Italiens.

247. Le même problème fut soulevé par le Ministre des

Colonies. qui dans une note du 5 mai 1937 au Ministère des Affaires
étrangères,transmettait un télégrammedu Gouverneur général dela Libye.
Le télégramme soulignaiq tu'Aozou était encore occupé par les Français qui,
pourtant, souhaitaient être remplacép sar les troupes italiennes. Il concluait

que :

"Un rapport ultérieur sur l'applicationdes Accords [de 19351sans

aucune manifestation de souveraineté dans les nouveaux
territoires n'est pas favorable ?Anotre prestige auprès des
populations locales de l'uneet de l'autrepartie, car cela pourrait

signifierpourellesque nous avonsrenoncési. (annexe 171)

Tnippc &ll'AfricaEquatorialcFmcssc, colho avvtotestéoccaîioninwttenemoraBrsrravillc.min delle
ha incidentalmenleacecnnata alla cinchele dusladia di AUZU eURI (la ptima a cM)ekm a
Nord-Estdi Bardaisecondaacina 200km all'Estdi Bardai)Icquconîegucnrdegli accardidi Roma
del17Gcnnaio 1935-XII1ri movanoinienitoritaliansono tultora aeupatc mppe Franceii (unr
ventindiwldati di colon al cordiunmttuftïeialeEumpco)'.
5' -Traduction de Rtpubliqu deTchad -Texte original :"Ulicrion dilazione nell.applicaionc dcgli
aceordissnzanlcuna.. anifcrtaionrovranith sui nuovi icninonigiova nortro prcstigio presio
ppluinii laali dellicalmapanspmto asumcrc psrcucrigniiicannw rinwiri". 248. Le Ministre des Colonies ajoutait qu'à son avis il serait
utile de communiquer au Gouvernement français que l'Italie "aurait pend à
l'occupation de Aozou pour le mois de mai prochain"; de cette

communication pouvait s'ensuivre -pour le Ministre- "ou le consentement
immédiat dela pan des Français" "ou la décision d'aboutir à la prompte
nomination des Commissaires pour la démarcationde la frontière"52 (annexe

171).

249. Deux conclusions essentielles peuvent être tirées de

l'examende ces documents italiens:
Io L'Italie a dû constater que la France exerçait son autorité
souveraine dans la région en questionet qu'elle visait même à renforcer et à
élargir ses attributs souverains;

Z0L'Italie admettait qu'ence qui la concernait, en revanche, elle
n'exerçait aucune autorité dans cette région.

250. Malgré cela, entre1930et 1934,l'Italieprotesta à plusieurs
reprises contrele renforcementde la souveraineté française.

251. Devrait-on conclure de la troisième remarque que les
protestations italiennes affectèrent l'exercicde la souveraineté française, ou,
qu'en d'autres termes les contestationsde l'Italie affaiblirentle titre juridique

revendiqué par la France? La réponse à cette question ne peut qu'être
négative. Comme le dit une grande autorité en la matikre, Charles de
VISSCHER :

"Très généralement,la protestation met en jeu un problème de
validitédu titre et non d'effectivité. En effet, la protestationn'est
pas un acte de possession opposant à une effectivité en action une

effectivité adverse.C'estun acte juridique qui, de lui-même, peut
ou non affecter un titre en formation. La jurisprudence
intemationale ne la tient pas pour pertinente à l'égard d'un titre
consolide (Les effectivités en droit international~ublic, op. cit.,

p. 109).

252. Et en effet, dans l'affaire du Groenland oriental la Cour
Permanente de Justice Internationale. après avoir affirmé que "le
Gouvemement danois exerça des attributions gouvernementales à I'égarddu
territoire actuellement en litige", nota que "la nature de ces actes du

Danemark n'estpas modifiée par les protestationsou réserves que,de temps
à autre, formula le Gouvernement norvégien"(CPJI,Série AIE, no.53, p. 62).

52 -Traductionde Ir R6publiqucduTchad-Texte originalche.ai nosuifini. passacrscrsutile
pcril mers di rnaggiopmr:comunicazionc.dallappombk dcrivareoileonwnroimmcdiatodai
partehçcrs (mondo quaniolarcsvppomil telcgrammS.E.Balbo),appvreladecirionedi addivenir
allarouecitanominadeiCommisperladeiiiitazionLcmnodellahum". 253. Il est aiséd'appliquerces concepts au problkmeen cause :
comme la Franceavait acquis des droits souverainssur la zone dont il s'agit

par un titre juridique valable et opposable (le Traitéde 1902,confirméen
1912 entre la France et l'Italie, qui faisait directement référenceaux

Conventionsfranco-britannique de 1899et pour le second franco-italienne
de 1902),et comme ce titreavait été accompagné depuis 1914 de l'exercice
effectif de pouvoirs souverains dans la zone, les protestations italiennes de la

période 1930-1934 -- d'ailleurs régulièrement et fermement rejetéespar la
France-. ne purenten aucunemanièreaffecter la souverainetéfrançaise.

E - L'effectivitéde l'occupation française en 1945-1955

1. Généralités

254. L'occupation Française du B.E.T. continue presque sans
aucune interruption de 1940 1955, comme en témoigne,entre autres, la
liste des chefs de circonscription (appelésensuite chefs de région) pour le

B.E.T.,publiéeau Journal Officiel de l'Afriqueéquatoriale française53 ou au
Bulletin du Comité de 1'Afriauefrancaise, ou celle chefs de subdivision

(appel& ensuite chefs de district) pour chacune des trois zones (Borkou54,
Ennedi55,Tibe~ti~~) ,ubliéepar lesmêmessources.

Riw dcservice Nomdu chef Grade SOUKC

03-1940 de TOURNADRE CI. SicC.p.(.) :
HOUS CL JOAEF.1942.p.368 :
2165-1942 DI0 CI. Ibid.
09-12-1942 BAYLON (par Cr. JOAEF.1943.p.26
11-03-1943 intitim)
02-09-1943 mLEmET CI.. IOAEF.1943.p.624
1241-1945 MARTY Ct. JOAEF.I945,p.132
12-01-1947 OURSEL Ct. JOAEF.1947.p.654
31-05-1948 DENAT CL JOAEF.1948.p.1077
W-1949 FOURNIER CL. Cal. Chapelle(*')
0961-1950 YvesAUBINIERE CI. JOAEF.1950.p.242
15-09-1952 inle",")I (pa Cap JOAEF.1952.p.1291
Wlhl952 1- HUSCHARD CI. JOAEF.1952.p.14lI5
1506-1954 1.LADURELLI Ct. JOAEF.1954.p.852 :
1605-1955 RogerQUERUEL U-Col JOAEF.1955.p.l 154:

Universitairesde Francc.1946p.pheSic&"VAEF stIcCamcmunauserviccde la France.Parssus
(**)InfornativernaledColonelChapell&B.Lanne. Rire de service Nom du chcf Grade

20-09-1941 RogerDARD
(A mobilir6)
01-01-1943 CHARTON SaIda,
(A mobilist)
11-03-1943 HALTER ss-Lt.
05-03-1944 Eiicnne LI.

GRANDGEORGE
2847-1944 MOUTON
08-09-1945 MARTY. chef
depl. (pm
inretim)
01-11-1945 ZACCHl Lf.
W-04.1946 NOYALET Lt.
18-12-1946 LEGALL LI
18-04-1947 MARSAL cap.
13-10-1948 LEGALL cap.
01-02-1949 JULIEN Cap.
01-07-1949 LABOUBEE LI.
LAURENT LL
LAPARAT cap.
FAUCHE cap.
Alben LE cap.
26-06-1954
ROUVREUR
DONNAT cap.

1.lnfomtion verbaledu Colonel ChapehlB.Lanne.

55

1 Priadeservice 1 Nomduchef 1 Grade 1 Source 1

VERDIER cap.
DUBUT Lt.
GERAR Sr~Lt
OARY ss-Lt
VINCHON cap.
DAVRIL Lf.
Charles Lf.

COUPIGNY cap. JOAEF,I948.p491
Ericnnc
GRANDCEORGE
JULIEN cap. JOAEF.1949.p.931
ERNOULT de Ir cap. JOAEF.1951.p.lN)5
CHENELIERE
LAPARRAT cap. JOAEF.1953.p.1246
AUGIER 1p.i.) LI Ibid.
Celestin Cap. JOAEF.1954.p.441
DECAMP

Riwde wlvice 1 Nom du chef Grade Sourcs

inlirim)
11-03-1943 PERRIN Cap. JOAEF.1943.p.237
01-02-1944 DAGNAC Cap. JOAEF.lW.p.205
01-07-1946 Xavier DAVRIL LL JOAEF.1946.5D(*).p.lM
18-01-1947 LE GALL Lt.cap. JOAEF.1947.p.654
13-181948 LABOUBEE (par Lt. JOAEF.1948.p.l526
intetim)
1950 LAURENT Lt. Col. Chapelle(**)
BERTHOND LI. JOAEF.1951.p.1397
16-08-1951 ESTRIPEAU JOAEF.1951.p.1397
1952 de ROUVROY de Cap. Col. Chapelle(**)

SAINT SIMON Col. Chapelle(**)
15-04-1953 Alfred SOL
27-03-1954 AndréHENRY LI. JOAEF.1954.p.725 I

1.)Coteder archivesde I'AauCenm desarchiver
d'ouirr-Mer #Airen-bvcncc.
(*.)lnfamtion verbaiedu Colonel Chapelle B. h c 255. Le B.E.T. continue donc à être géré par l'administration
militaire française. II ressort des documents et, notamment, des rapports

politiques annuels ou mensuels retrouvés qu'il s'agit d'une administration
militaire de routine (voir, par exemple, l'organigramme militaire indiqué
dans le "Journaldu Poste"duB.E.T. en avril 1954(Production 97).

256. De même,le B.E.T. continue à êtresoumis à la législation
promulguée par les autorités françaiseà,savoir par le Gouverneur Général

de I'A.E.F., qui ou bien édicte des décrets ou bien passe des arrêtés
promulgant en A.E.F. des lois passées par les autorités de la France
métropolitaine portant, en général, sur tou lt Tchad, voir mêmesur toute
l'A.E.F.

257. D'autres actes de nature législative ou réglementaire,

attestent que l'emprise de la France dans le B.E.T. se poursuivait : par
exemple, la décision,du 13mars 1948,du Gouverneur de la France d'Outre-
mer et Chef du Territoire du Tchad, concemant le nouveau tarif de la solde
annuelle des chefs de la régionsdu B.E.T. (IOAEF. 15avril 1948,p.493) ou
l'arrêtédu 16 mars 1954 fixant la composition des Conseils de notables
régionauxdu Territoire du Tchad (Production 96).

258. Une autre manifestation importantede l'emprise française
sur le B.E.T. est constituéepar le lancement d'une mission d'exploration
géologique etminikre associant, sous la responsabilitéde la Direction des
Mines et de la Géologie de I'A.E.F., plusieurs organismes publics ou
parapublics franqais :CEA, BRP, BUMIFOM, Institut de recherches
sahariennes, etc.

259. La mission avait pour objectifde réaliseren trois ans une
carte géologiquede reconnaissancede l'ensembledu B.E.T.et de reconnaître
les potentialitésen termes de matières premières minérales et énergétiques.
Ces objectifs furent atteints.

260. Le programme fut exécutéau cours de trois missions de 6
mois (d'octobre à avril) sur le terrain, les matériaux recueillis étant ensuite
exploités àBrazzavilleoù le service géologique avait ses laboratoires.

261. La première mission (octobre 1954 à avril 1955) fut

consacrée essentiellement à de grands itinérairesde reconnaissance générale.
Les localités explorées inclurentle massif de Yédri ; mais la mission se
rendit également à Aozou pour se ravitailler eneau (voir Annexe 168).

262. Il faut ajouter que durant la périodeen considération la
situation économiquedu B.E.T., et surtout du Tibesti, devient encore plus

précaire et difficile qu'auparavant. 263. Presque tous les rapports mensuels ou annuels rédigés

entre 1947 et 1955 par le Chef de district du Tibesti soulignent quatre
élémentsessentielsT . out d'abord, le manquede ressources naturelles57et par

voie de conséquencele caractèretrèslimité du commerce58et l'absencede
toute entreprise59 ; en deuxième lieu, l'accroissementcontinudu coût de la

viean, lié en partie à l'augmentation des impôts61 ; en troisième lieu la
disparité entre les prix du Tibesti --très hauts, notamment parce que toutes

les denréesalimentairesétaientimportées62-e -t ceux, de loin inférieurs,des
autres régionsdu Tchad63 ; en quatrièmelieu, le manque de main-d'oeuvre

(que les Français attribuaient à plusieurs facteurs@parmi lesquels ce qu'ils
appelaient "le caractèreparesseuxdu Toubbou"65, ce qui eu tout cas avait

pour conséquence qu'on ne pouvait compter que sur la main-d'oeuvre
militaireou "pénaleM)66.

264. Les conditions économiquesde la zone la plus pauvre du
B.E.T., leTibesti, amènerontleChef du district à remarquer,dans le Rappon

politique pour 1947,qu'il "était logique de prévoirune augmentationd'une
part du brigandage.d'autrepart de l'émigration" (Annexe 84).Ces conditions

économiquesfurent efficacement synthétisées par le Chef de district, dans le
Bulletin politique pour l'année1953, du 31 décembre 1953, de la manière
suivante:"LeTibesti est un District pauvre, sanshistoire. surlequel onne se

penche pas souvent. Cette régionqui n'a aucun avenir, n'a que l'intérêt
militaire que lui confie (sic) sonvoisinageavec la Libye" (Annexe94).

57 -Vair le Rapporsurla situationpolitiduc18juin 1947 (Pmduction83). Rapponpolitiqucpur I.anntc
1947.du 15 décembre 1947(Pmduclian84).

Sb. 'I~ci~mmcrcru r(%dmc enune~hangr inang~luw IzInbb~ mtnc JcschCbrr.<~u dc>chmea~r rn
I.ib,c. Iucnd.arhtc Jc, oaiicpu,,,crrnd rusijrricnhe drr dliar pur acheaiJcItiolfe ilramtnc
ru Tchd (Rapponpilitlq~c mnucldu 8~rnuicr1953.Rd~clion $3,

59 -Voir Fappon politiqueannueldu31 dtccmbre 1949,(Rodueiion 88).

-"Memeen mvaillant. le Toubboune pourrait tien srponcr tlant donnt I'erb+mc padupays où Ic
coOlde 1svis r'acemiJansccsse. Leptir dcs tioffcr qui luimt néessaim pourw vetiraumnul(sic)et
d'aumuputrde I'tmignlion'(Rappmnptitiqudui15dçambre 11147(.Roduefionn841. pandu btigandagc.

61 - '"Commeil I'dtjh Ci6ditmaintes fois, le Tikres pauvreet Icsaugmentations massives d'imflt
rendentlasirvationdplus epluîdifficilc" (Fap@" politiquc du 18juin 1947.Roductim 83).

62 -Voirle Rapponpolitiqueannucl du 31déambre 1949.(Rodustion 88).

b3 .Pmi Ic$ f.çsun tcmlmtqucr ntgaiifr. lc Chde dlrmcl dTimrii.dm\ <nnRapp<?npolitiqudu 15
luln IY.19rappelle Les pritr.irc<<ifr Jc, ii<<ur70'6 plustItrevqu'AFun-Lam>.< > 13rarçttOL
ititmc< > Ii ~~~~plttJr ,urrc n Ih<ni Irr pnx%ontau mlnirnum BJoublcrpu rappm d Ton.
lui,' R<rluiiion 86
64 -"tapopulationcapable de vavriller el rïenvimn 1.5Whonmmcî mais ceux-cisontrCfractairesau wvail
dans unefont orooonion. En dehon der sedentaires cultivatcvrs der onris. il n'y a aucunToubbou qui
travailleLescau& de cette attitude sont nombreurts et bien cosatavisme. inrlabilittI'habitat,
abvncs de touics traditionsanisanalcs, erc."(Rapponpolitique annudésmh31 1949.(Rodunion 88).

-"Le Toubbov estpar ervncc pmsvur cl dhacfairdmutwvril manuel..(Rapponpolitique annucldu
8janvier 1953.(Roduction93)Vair aussi1sBulletinpolitiqve du 31&mbre1953. (Pmductim 94).

66 - Voir le BuIlclin mensuel de renseignements pour la pttiods du ler octobre au 31 décembre 1949.
(Roduction87).

Zouarad'unmeirniongC01ogiqucquivaeffectuerderechercheau Nadald'Aorou".(Roduction LOS).ivk B 265. Comme ceci a déjà été souligné (voirno 130 et S.), ces
conditions économiques trèsprécairesdoivent êtreprises en compte lors de
I'évaluationdes effectivitésfran~aises. 11est évidentque le caractère peu

peupléde la zone et le sous-développement économique supposent une
présencemilitaire et civile de l'appareilétatique français moindre quece qui
s'avérerait nécessairedans une zone non désertique et économiquement
florissante.

2. L'administration du Tibesti

266. La République du Tchad se bornera à examiner les
effectivités françaisesau Tibesti dans la période 1940-1955.Les motifs du
choix de cette zone géographiquesont les suivants :
Io Le Tibesti comprend la partie de la bande d'Aozou où les
activités sontles plus développées pour des raisons géographiques(la partie

de la bande d'Aozouau nord du Borkou et de I'Ennediest essentiellement
désertique etil n'yexiste que quelques postes militaires);par conséquent,si
I'on veut vérifier si les Français ont véritablement déployédes activités
gouvernementales dans la bande d'Aozou, il faut s'intéressersurtout à la
partie norddu Tibesti.
2' et il s'agit d'unmotif étroitement liéau premier : puisque c'est
précisémend t ans la zone nord du Tibesti que les activités étatiquesse sont

manifestéesle plus intensément,c'esten ce qui la conceme que I'ontrouve le
plus grand nombre dedocuments.

a) Administration civile

267. A côté de la structure administrative centralisée, et
substantiellement calquée suri'appareil militaire, que les Français avaient
créée,ils avaient également mis en place une structure administrative
"locale", qu'ils utilisaient pour pénétrer plus facilementdans les milieux
indigèneset prévenirou résoudre pacifiquementdes conflits sociaux ou des
tensions potentielles. Ainsi, à côtédu chef traditionnel, le "Derdé", les
Français avaient mis sur pied une structure pyramidale constituée par le

"Conseil des notables", les "chefs de canton" et les "chefs de villages".
Comme le note le Chef du district du Tibesti dans le Bulletin politique pour
l'année 1953l,a nominationdes titulairesde ces postes "n'estpas chose aisée,
car leurs fonctions bien souvent ingrates ne sont rétribuéesque d'une
véritable aumône (cf. Bulletin de Mars) et le Toubou ignore le
désintéressemenh tonorifique" (Production 94).

268. L'existence de ce réseau administratif couvrant d'une
manière efficace etpointilleuse toute l'aire duTibesti (de même que,il va
sans dire, le Borkou et I'Ennedi),y compris la bande d'Aozou, témoignede
l'emprisede i'Etatfrançais sur la zone concernée. 269. Une des fonctions essentielles de l'appareil administratif
français étaitconstitué parle recensement (non seulementdes habitantsmais
aussi du bétail).

270. Comme tous les rapports du Chef de district relatifs aux
années 1947-1955 --aussi bien mensuels qu'annuels-- portent régulièrement
et d'une manière détaillée surI'oeuvrede recensement. Point n'est nécessaire
de s'attardersur cette question: il suffit de renvoyer aux documents pertinents
(Productions 83 à 104). Ici, il suffira de souligner que souvent le
recensement se heurtait àquelques difficultés.du fait que les "villages fixes"

étaient rares et la population sédentaire peu nombreuse. la plupart des
habitants étant nomades (voir, par exemple, Rapport politique du 15juin
1949. (Production 86) et Rapport politique annuel du 31 décembre 1949,
(Production 88).

271. Malgréces difficultés, la méthode utilisée palrs autorités
françaises étaitméticuleuse : entre le recensement ordinaire, on établissait

souvent une fiche par village, "donnant tous les renseignements sur les
habitants, l'eau, les productions, les voies d'accès, les chefs. les animauxe,t
cela pour tous les villages du Tibesti" (Rapport politique annuelpour 1952
du 8 janvier 1953 (Production93). De plus, le recensement s'étendait à des
détails importants: dans l'année 1954, par exemple, on effectue le
recensement des aveugles du district, avec leur répartition par canton
(Rapport politique annuel du 10janvier 1955,Production 99).

272. Etroitement liéà la question du recensement, mais plus
difficileà résoudre, étaitle problème de l'étatcivil. Les Chefs de district
relatent souvent les nombreux obstacles qui s'opposent à la formation d'un
registre de I'étatcivil. Par exemple, dans le Rapport politique annuel du 15
décembre 1947,le Chef de district note que "les Toubbous montrentpeu de
bonne volonté pour déclare r l'administration en temps voulu les naissances,

décèset mariages. Les quelques actes d'étatcivil enregistrés cette année
proviennent soitde chefs soitde fonctionnaires"(Pro 84d).ction

273. En particulier, quant au postede Aozou, il faut noter que le
Chef du Poste devait bien sûr s'acquitter ausside tâches administratives,par
exemple le recensement de la population de la zone (voir Rapport politique
pour le ler semestre 1951,Production 91) et la gestion des rapports avec les

chefs indigènes (voir par exemple Rapport annuel pour l'année 1951,
Production 92).

274. La perception de l'impôt étaitune des tâches principalesde
l'administration,une tâche dont elle s'acquittait avec beaucoupde soin et de
manièrescmpuleuse, malgré toutes les difficultés résultadnt la pauvretédes
habitants, de leur naturelle réticence à s'acquitter de cette obligation --

d'autant plus qu'à partir de 1946 les impôts augmentèrent-- ainsi que du
caractère nomade ou semi-nomade de la population et des problèmes de
communication avec les zones les plus éloignées. 275. En dépitde tous ces problèmes, dont pourtant elles font
régulièrement état,les autoritésfrançaises arrivaientà percevoir l'impôt,

grâce "à une pression constante sur les chefs" de village (Rapport politique
pour I'année 1947d,u 15décembre1947, Production 84).

276. S'agissant d'unedes tâches essentielles de l'administration
française,tous les rapports, mensuels ou annuels, des années1947 1955, se
r6fèrentponctuellement à cette question (voir les Productionsà3104).

277. Les autorités françaises s'attachèrent ausàicontrôler les
mouvements de la population. A cette fin, elles exigeaient le port d'un
laissez-passer,'pour sortir du Tchad et pour y retourner. De plus, elles
percevaient des droits de douane sur les marchandises que les habitants, ou
les étrangers qui entraient dans la bande d'Aozou, importaient des pays

limitrophes (voir, par exemple, les suivants rapports couvrant la période
entre 1949et 1955Productions 86 à 104).

278. Paniculièrement important étaitnaturellement le contrôle
exercé sur les Libyens qui entraient en territoire tchadien. On peut
mentionner, àtitre d'exemple, que le Rapport politique annuel pour 1954

précise que "Une soixantaine de passeports ontétévisés àZouar. Tous ces
passeports étaient toussic)détenus pardes commerçants FEZZANAISpour
la plupart se rendanàLARGEAU et àFORT-LAMY"(Production99).

b) Police et sûreté

279. Les problèmes principaux auxquels les autoritésfrançaises
avaient à faire face, dans ce domaine. étaient ceux de la contrebande et du
traficd'mes entre le Tibesti et les régions avoisinantes: Fezzan,Koufra et
Afrique Orientale Française.

280. Tous les rapports annuels ou mensuels de la période1947-
1955font état desefforts des autoritéspour réprimer ces deux phénomènes
(voir Productions 83 à 104). Les autorités françaises aboutissaientà des
résultatssatisfaisants grâce surtout aux "tournées de police"qu'ellesfaisaient
périodiquementet régulièrementdans le Tibesti, pour réprimerefficacement
les crimes mêmedans les villages les plus éloignés. ce sujet, ilconvient de
citer une des conclusions généralesduRapport politique annuel pour 1952,

du 8 janvier 1953 :"II importe de sortir beaucoup si on veut commander
efficacement le Tibesti, et avoir la confiance des Toubous" (Production93).

281. Concemant les tournées dansles zones les plus inhabitées
ou désertiques. il faut souligner que ceux qui les faisaient étaient des
militaires, qui exerçaient en mêmetemps des fonctions administratives et de

police (ce point est soulignédansle Rapport politique pour I'année 1947,u 15décembre1947, (Production 84).Il en résulteque lors de leurs toumées,
les militaires français accomplissaient simultanément plusieurs tâches.Ce
qui, il va sans dire, accroissait l'importancede ces tournées (on peut ajouter

que, du fait de leur importance,elles étaient régulièrement enregistrées dans
le "Journal du Poste"du B.E.T., (Production 97).

282. Pour ce qui est, en particulier, du poste d'Aozou, il faut
rappeler que bien qu'en général,les effectifs militaires fussent limités.on
s'efforçait de les étoffer(le Rapport politique annuel pour 1954 note que

deux Gardes Nomades avaientété envoyésau Poste d'Aozou, en ajoutantque
"malgréleur faible valeur militaire,ces Gardes Nomades sont trèsprécieux
et trèscapablesde mener à bien une mission", Production 99).

283. L'activitédu Poste était en tout cas sous le contrôle du
Chef de District, qui faisait des tournées (militaires et administratives)
périodiques.II visita Ouri en 1947et Aozou en 1950, 1951, 1952, 1954 et

1955.Voir par exemple le Rapport politique annuelpour 1951 ("LeChef du
District a fait quatre soniàtitre militaire (Konzo. 2 fois -Bardai-Aozou) et
a pris chaque fois contact avec la population et les notables", Production92),
de même quele Rapport politique annuelpour l'année 1952(Production 93)
et le Journal du Poste du B.E.T., mars 1955(Production104).

284. Le secteur d'Aozou est étroitement surveillé par la police,
en raison notamment de l'importancedu trafic d'amiesentre la Libye et le
Tchad. La contrebande d'armes est l'objet de tous les soins de
l'administration militaire duB.E.T., qui chercheà la limiter et obtient des
résultats inégaux. Danlse Rapport politique surle premier semestre 1951 on
note, à propos du contrôle de la contrebande, que "la création du Poste
d'Aozou rendra encore plus efficacece contrôle, les gens du Nord hésitanà
effectuer un long déplacement versle Sud pour régulariser leur situationet

repartir ensuite soitKoufra soitàGatroun. Seuls les habitantsdu Dohone et
ceux de la partie occidentale du Massif d'Ab0 échappent à peu près
entièrement ànoue contrôle" (Production 91).

285. Un auue problème sérieux dont doit s'occupelre Chef du
Poste est celui de la propagande sénoussiste.Le Rapport politique annuel

pour 1954note ceci:

"Le Toubbou, dont les besoins sont minimes, est content de son
son. 11reconnaît facilementque l'arrivéedes Français au Tibesti a
étépour lui le commencement d'une $riode de tranquillitéet de
prospérité.II faut cependant se méfierde l'influence et de la
propagande sénoussiste qui semble sefaire surtout sur lesChefs et
dans la régiond'AozouN(Production 99). C)Missions scientifiques

286. En cette période les Français poursuivent leur activité

d'explorationet de reconnaissancedu Tibesti.

287. En particulier, en ce qui concerne la zone d'Aozou, il
convient de signaler qu'unepremikre expéditiona lieu au Saharaoriental en

1952-1953et qu'ellea exploré toutel'étendue du B.E.T.

288. Parmi les autres missions de nature scientifique, on peut
noter une mission géologique de 1955-195667 ainsi qu'une mission

hydrologique en 195568.

3. Le poste d'Aozou

289. Il convient de revenir maintenanten particulier sur cenains

aspects concernant le Poste d'Aozou lui-même.

290. Comme ceci est indiqué (n0231), le poste militaire
d'Aozoufut établipar les Français en 1930etmaintenu jusqu'en 1937.

291. Il fut rétablile ler juin 1951 (jusqu'en 1968). Mais, dans

l'intervalle, la zone ne fut pas laissée sans surveillance. Des tournées
militaires étaient régulièrement accompliep sar les militaires français,à partir
de Bardai. Une telle tournée est par exemple relatéedans le Rapport sur la

situation politique du premier Semestre 1950 au Tibesti. rédigépar le Chef
du district (Production89).

67 -Rapp* politiquemuel 1955.efablile IOjanvier1956:Pe~nnalitpy'aec:'"1janvier:arrivas
&var d'unemissiongéologiqueqvaeffectuerdemherchesau Nordd'Aozou'('Roduaion 105)

68-JournaldcPorteduBarlrou-mi-Tibcrri. janvier195"4janvie-Lamirriondhydmgéologicwus la
terminerle pmmicrtourdhotimnduB.E.T..avaIcdCpwde VAN de Lapparentg.6ologucdistingue.qui
Ics&lak de ws lumikreetquidoitregagnerlaFrancepou le 20 fkvtaer&uar ils irontsurMadama.
Sobom n peul4us Toummo.PuisilpmspctemntlarégiondeBardaetd'Aozou'(Pmduction97) 292. Commeon vient de le noter, l'arméefrançaise réinstalleun
poste permanent à Aozou en 1951 lorsqu'elleévacuele poste de Koufra. Le

rapport politique de 1951 note les réactionsde la population d'Aozou et de

Koufra à l'occasionde cette installation69.Le poste d'Aozousera évacuéen
mars 1954 fautede personnel, et réoccupé à partir de septembre 195470sans

pour autant avoir provoqué tropde surpriseparmi les habitants71.

293. L'approvisionnement du poste pose des problèmes

techniques au Chef de District qui s'en explique dans le rapport politique
pour l'année 1952 en proposant l'acquisitionde camions plus importantspour

I'assurer72.

294. En outre, plusieurs rapports politiquesannuels ou mensuels
font état des activités déployées dansle domaine de l'exploitation des

ressources agricoles : par exemple, le Rapport politique annuel pour 1955
mentionne entre autres, la "récolte dublé à Aozou (de mêmequ'àZoumeri

et à Tarso-Yega)(Production 105).

295. Le Chef de District veille à la mise en place des
infrastmctures nécessairesdans le secteur. La piste Bardai-Aozouest remise

en état à plusieurs reprises'). Le Chef de District note les difficultés de

la préwncedu Chef de~ori;ep&t commanderavecbcauco"p plur d'riwncsetd'arruran'k.
Ica possible&galemeniqu'il mei1 profit ccnesituation povr erreplus exigeanErnvm
administrésquant au règlemdetIrWa. bicn qu'il ne doive craucunappui du Chef de
Postedanscedomaine.
Les répercussions1 Koufra de l'occupation du Poste d'Aozou ne son,pasecnco-LIrnues
cal ccnain que les commenlrircr doivêtrenombreux. vehements mCmeet non denues
d'interêr"(haducti9n1).
Dansle Ruppon politique mue1 pour l'nnnec1951. on note ceci: "C&vacuaiion du PoKoufra el Ir
réoccupationd'Aozou n'onidonnélieu 1 aucuncommentaire.Au débutla populationd'Aozou semblaithostile
3 ce retour der militaires. Le Chef de porte &prouvaitdc nombreusesdifftouce qui louchait les
ED~VO~P CIle rruiiaillement. II y a en cc moment une rmelioration trts sensible cl en= rlaports
populationcl Ic Chef de poste peuvêtreconsid&rCsnomaux pour le TibcriLr population wmblc w
dérint&rerwrou ignorer les affairrs deeld'Egypiet ménesavie habituelledans I'indiffCrencela plur
les electionr du 17juin s'etaienidtrodans Ic plur gracalme.iouicî cesquerlianr ne touchent pas
encorelesToubous."(Raduction 92).

71 -"Lu r&rrcupatian dPosted'Aozou n'aprova(u& qu'un Eger mouvement dc surpris et. d'une fagan
g&n&rrle. le Toubbou nslc indiffé1etoul evènemcnr qune le touchpas perronnellement" (Rappon
politique annuelpour I'année1954.Pmduc99).

73 -Rappon politiqueannucl pou rm6e1952:
"La piste auto Zouar-Bardai-Aozou r et6 balisee parfaiicnc1952jurqu'3 Bardaia
sommriremenrjuqu? ~ouzou (sic)" (~oductio93).
Bullciin politique pI'mk 1953:"En dchorrde cene voie. il n'eiinc qu'unewuk piric 1
peu prèsautomabilable (sir) invcm Ic masif en passupu Brrdri pour fin1Aozou.
ellecritrès peu fréquentee.Lea pluies pmiçuli~rement violenteannCelont taud dc
r&ticuid&gdu,tour les radierssArefaireenlitremeni. irdealonguehaleinesi Ibn ricnr
comptedesfaiblesmoyensdont disposele Disuict" (Produc94).réparation de la piste en 1952 et observe au demeurant qu'elle est peu
fréquentée en 1953. Un poste radio sera envoyéen 1952 au poste d'Aozou

pour assurer les communications.Enfin l'aérodrome d'AozoC uasanoa, situé
à 25 kilomètresau nordd'Aozou estmisen serviceen 195274.

4. L'incident d' Aozou (28 février 1955)

296. Malgréle caractèreeffectif de l'emprisede la France et la

vigilance des autorités militaires françaises,les autoritéslibyennes tentent
d'exercer unecertaine pressionsurle secteur d'Aozou.

297.
Un premier indice, sinon de cette pression, du moins de
l'inquiétudedes autorités françaiseset du fait qu'elles étaientsur leur garde,
est constituépar le rapport secretfait le 28 septembre 1945par le Chef de
poste de Bardai, le lieutenant Barthélémy , ses supérieurs.II signale qu'il a
appris qu'un rezzou d'une certaine importancecomposéde quelques sujets

italiens et commandé parun ancien bandit du Tibesti était en marchesur
Aozou, venant du Fezzan. II s'apprêterait à &mer la région nord du pays.
Le capitaine Dagnac, commandant la6èmeCompagnie, transmetce rapport
à ses supérieursle 5 octobre 1945,en notant que le bruit semblait faux, mais

qu'en toutcas le Lieutenantavait pris des dispositionspour détruirele rezzou
ou tout au moins pour le refouler; il ajoutait que dans le cas où ces bmits
seraient confirmés, il aurait prévenu télégraphiquement les autorités
supérieures(Production 80).

298. Comme les archives ne donnent aucune suite à cette
tentative, il semble probablequ'ils'agissaiten effet d'une fausse rumeur.

299. Un véritable incident se produit en février 1955. Les
autorités françaises reçurentdes informations concernant l'éventualité que

des troupes libyennes franchissent la frontièreavec le Tchad, en se dirigeant
vers Aozou.Le Quai d'Orsay s'empressadonc d'envoyer,le 18janvier 1955,
un télégramme à la Légationde France àTripoli, ainsiconçu :

"Le Ministre de la France d'Outre-Mer me fait savoir que selon
une information reçue du Haut-Commissaire en A.E.F., une
patrouille méharistede 10 policiers libyens, partiede Rebiana (à
110 kilomètres à l'ouestde Koufra) se dirigerait vers Aozou au

Tibesti français. Dans le cas où ce renseignement vous serait
confirmé,il y aurait lieu d'appeler l'attention duGouvernement
libyen sur la définitionde la frontièreentre la Libye et l'Afrique

74-RapponpolitiqueannuelpourVan"& AERODROME 'Celui'AozouCrsanoasiA25km au
norddu posd'Aozouposddc unepisteWO mx5O pmenant i'attenirsaged'52. 6i6 mtnag6
cciic ancnnovembre"(Production93). Equatoriale Française telle qu'ellerésultedes actes internationaux
en vigueur à la date de la création duRoyaumede Libye" (Annexe

247).

300. Le 15 février 1955 le Ministre de France en Libye, M.
Dumarcay,se mit en contactavec Puis. par le télégramme suivan :t

"Notre conseiller à Benghazi me signale que les Autorités de

Cyrénaiques'apprêteraient à envoyer prochainement une mission
comprenant, entre autres, un médecinet un recenseur dans l'oasis
d'Aozou 'cédés W il y aenviron deux mois à la Libye'.
Je serais reconnaissant au Départementde vouloir bien intervenir

auprès du Ministère de la France d'Outre-Mer pour que des
mesures soient prises d'extrême urgence en vue d'affirmer notre
présencesurce point.

J'effectuerai aujourd'hui même une démarche auprès du
GouvernementFédéraa lu sujetde cette affaire" (Annexe248).

301. Jusqu'alors les autorités françaises avaient essayé de
conjurer le danger d'une violation. par la Libye, du territoire soumis à la
souveraineté française.Mais leurs tentatives n'aboutirentpas. En effet, le21
février une équipe libyenne quitta Koufra pour Aozou75. Les autorités

françaisesen eurent vent et immédiatementtâchèrentde prendre des mesures
urgentes pourremédier à la situationLe 25 février,le Ministrede France en
Libyeenvoya le télégramme suivanatu Quai d'Orsay :

"Selon une information recueillie par notreconseiller à Benghazi,
le (SecrétaireGénéral)de l'Intérieurqui étaitparti à la têtede la
"mission d'AozouM,aurait étérappelé avant d'avoir atteint la

frontière.
Cette informationest confirméepar l'Ambassaded'Angleterreque
j'avais entretenu du projet des Autorités de Cyrénaique et à
laquelle j'avais eu soin de préciserque toute mission libyenne

surpriseen territoire françaisseraitrefoulée"(Annexe 249).

302. Toutefois, malgré cette démarche auprès des autorités
britanniques, la mission libyennepoursuivit sonvoyage vers Aozou, mais fut
arrêtée avand t e l'avoir rejoint. Le récitexact des événementsfut relaté à
l'AssembléeNationale par le Ministre des Affaires étrangères,M. Pinay,

dans une réponse écrite à une questiondu député Bardoux :

75-VoirIcrnpponsuruvoyagehAowu pourlerecensemete spopulatirédigle31mm 1955par
desAffairesEirangems.M.P(hcrehe96).sepicmbrr19du MiniredeFrancenLibyeruMinistrr "...le 28 février1955,vers 9 heuresdu matin,un groupede 3jeeps
transportant 19personnes au nombre desquelles un officier, un

caporal et 11 soldats libyens, a étéarrêté parun détachement
français à Moya, à 10 kilomètresau nord d'Aozou, c'est-à-dire à

80 kilomètres de la frontière franco-libyenne. Le sous-officier
commandant la patrouille française, après avoir stoppé les

véhicules,invita lechef de la mission libyenne à rejoindre aussitôt
la frontière. Ce dernier insistant pour voir le Chef du poste

d'Aozou,une des jeeps fut autorisée à poursuivre jusque-là,après
avoir étédésarmée, les autres voitures demeuranstur place, sous

la garde des soldats français. Le commandant du détachement
libyen fit connaître au sous-officier, Chef du poste, qu'il avait

mission de recenser la population d'Aozou et de la faire visiter

médicalement ; invité à rejoindre la frontière, il quitta aussitot
l'oasis, oùil avait passé un quart d'heureet n'avaitaucunementété

invité à déjeunerpar le Chef du poste qui, bien au contraire, lui
refusa l'autorisationde procéder à son ravitaillementsurplaceet le

fit reconduire sur le champ à Moya, d'où les trois véhiculesdu
convoi regagnèrentle territoire libyen sans autre incident. II est

précisé qu'il s'agissaitnon d'une formation motorisée, mais de
l'escorted'unemission civile, munie d'unarmement individuel et

transportée à bord de 5 jeeps (2 véhiculesétantrestés, d'après les
indications recueillies par nos élémentsde surveillance, aux

abords immédiats de la frontière)" (J.O., Assemblé Notionrile,
Débats, 18juin 1955,p.3122).

303. Bien que l'incident n'eût pas de conséquences fâcheuses

grâce à la fermeté françaiseet à I'acceptationimmédiate,par les membres de
la mission libyenne,des raisons motivant l'attitude française,le Ministre de

France à Tripoli cmt bon malgré tout d'envoyer,le 4 mars, une protestation
formelle au Gouvernement libyen76.Dans cette protestation, renouvelée --à

la demande du Ministre de France d'Outre-Mer 77-- le 19 mars, il rappelait
"fermement" qu'Aozouse trouvait sur le territoire de l'AfriqueEquatoriale

76 -On ne possèdepar le rcxte celtenote de pmteslalion. mais elle en mentionn6e aussi bicnlauir
réponskritc du Minirm Rnay. memionde dam k icxtc. qdyir le r616gmmc du 4 mm 1955<le M.
himarcay auQuai d'Orsay ('hiadressecc matin mCmcuns natede pmicsiarion au Gauvemcmcnt libyen et
tenuI'Ambasadc de Gmdc-Bnagne informéede cet incident') (Anncre 251)dans la note d23 mm
1955du ~inir~cdcs ~ffsirei etrangeresau~inisrdela ~mcs d'am-Mer (hexe 257).
71 -Voir la na.cmu!k Ir Yman 1933yy hl P II Tcilgrnn.nl<lrde II 1:nn.JOuin.4lc rhl Rn=!
iiinism dei Afiarr~ 6mngkr ('Cc, ui.ideniq.auru pu. cncasde =lu< <Ir>I.ib?cnzi,<dc td;hcuur
cnn~uurn;c~. mobliec B $0~' Jcmln.ier in,lrnimcnl dc hirn r.3uloir ~riiunrr" d~ ~~~uicr~rm~iii
Iihven.lr prolcrutionir plu. 6nriFiII rr.wr u.>u!rupwn~n Jc iui r~ppr.icno~ir~ u.c le p,.ic
*'Aozou cicriur* pif un 6;hrlun f~ljlqu1 R';U Jei cons.gn~\.I~P(~III%c<TUA d6~l.h~m~ntI.D)c~qL8
5, or6\ciiicnil urrf<!"liu,1, f,<i",ir'rrCL> dc ,cl"dc\lm6 clsiinJ.ilLir<.,..i'" n, ',r,,nnnl<

mtJc:iii.un <iITi<i4. nir <o.Ja%ciime\ au niimbrc dc\qucltriiI~uDo<iu< ~r;Kiiuira.b~up-ln\tit<
rrii>ln<lrrfnintontobicincdrr .m. .tif"-ISt<im-<;ri>.ani,m2r\dzou .~\r~rr n,.,..?.....rmiiii~
iiByçnStop Commandant miilaire Tchadserasur 'place iman poilr inrpcction par aZOUAR WOUR
AOZOU') :Ic textede cc ieleeraestmer6 ala notede M. Teiteen (Annexe 252). Française, "dont les frontières, fixées par des actes internationaux, ne

peuventêtremisesen douteW7*.

304. Malgréces démarches, les autorités françaisesdemeurèrent
inquiètes.Le 23 mars, le Ministredes Affaires étrangèresenvoyaau Ministre
de France à Tripoli une note dans laquelleil observaitentre autres :

"Le Haut-Commissaireen A.E.F. a fait connaître au Ministèrede
la France d'Outre-Merquele chef du détachement libyen quis'est

présenté à Aozou avait demandéau Commandantdu détachement
de ce poste actedu refus opposé à l'exécutionde sa mission.
L'entreprise libyenne étaitdonc parfaitement délibérée et notre

attitudeà I'égardde toute nouvelle tentative de ce genre devra se
traduire par une réactionimmédiateet énergique" (Annexe256).

305. Le 20 juin, le Haut-Commissaire en A.E.F. envoya de
Brazzaville au Ministèrede la France d'Outre-Merun télégrammesecret au

sujet de l'éventualitéd'une expédition militaire libyenne dans la bande
d'Aozou79.

306. Ces préoccupations françaises se révélèrentnéanmoins
dénuéesde fondement, car les autoritéslibyennes --notamment grâce aux

pressions exercéespar les autoritésbritanniques, à la demande du Ministre
de France à Tripoli-- donnèrentl'assurance précise qu'elles respecteraien lat
souveraineté françaisesur Aozou, et n'enverraient pasde troupes libyennes à
Aozou. Cela découle clairementd'untélégramme envoyé au Quai d'Orsayle

28juin 1955par le Ministrede France à Tripoli, et dans lequel il faisait état
de démarches entreprisespar le Ministre de Grande-Bretagne à Tripoli, M.
Graham, auprèsdu Présidentdu Conseil libyen,Ben Halim :

"Récemment encore, à la suite de certaines rumeurs attribuées à
des officiers libyens, selon lesquelles l'armée s'apprêterait à

occuper définitivement le poste d'Aozou, M. Graham a appelé
I'attentionde M. Ben Halim sur la gravitéque revêtiraitune telle
opérationet sur la nécessité d'éviterune réédition de l'équipéd eu

mois de févrierdernier.
Le Président du Conseil auquel j'avais donné un sérieux
avertissement à ce sujet, m'aconfirméla démarchede M. Graham

en précisantque son Gouvernement n'aurait nullementI'intention
de rouvrir la question d'Aozou, puisau'il reconnaissait aue ce

-

78-Voir leterie.dCjh&ilatéponhte deM.PinayBla questiondu &put6 Bardoux
79- "Suivant information sérieux. cmilitailibyenne enviwgerait ocAozou apartide
KoufraStoAozou laujovrrmu@ pu nouserelie par radio po€WCyeoum en24 heuresparunir6
BardaStop Survcillancca6ricnalcea dèsque mouvementLibyenw confimeStopMc renwigne
Francd'Oum-Mee.r.juin 19(Annexe263).orÿlibyen$'. tertemau bordereauMinistèredc la villaee se trouvait entemtoire francais.

IIm'apromis égalementde notifier cette position au Commandant
des forces de sécuritéde Cyrénaiqueet aux autoritésciviles de
cette région" (Annexe264 ; souligné parla Républiquedu Tchad).

307. Les assurances données ainsi par les autorités libyennes

furent relatées, en raisonde leur importance, par le Quai d'Orsay au Ministre
de la France d'Outre-Mefio.Elles furent confimléespar le Ministre de France
à Tripoli dans une dépêchedu 12juillet 1955 au Ministre des Affaires
étrangéres M, .Pinay 8'.

308. Cet incident, et plus encore, la réactionfrançaise --aussi

bien sur le terrain qu'au plan diplomatique -- de mêmeque les assurances
donnéespar la suite par les autorités libyennes. montrent très clairement
qu'en 1955le poste d'Aozou étaitsous la souveraineté effectivede la France,

et que la Libye reconnaissait pleinementcette souveraineté.

309. 11ne faut pas négligernon plus le fait que les autoritésdes

Nations Unies en Libye admirent elles aussi que le village d'Aozou se
trouvait dans une zone sur laquelle la France exerçait sa souveraineté
effective.

310. La somme de toutes ces effectivités françaises confirme

donc l'existence d'actes d'administration régulière, caractéristiques de
I'exercicede la souverainetéterritoriale. Assurément,une certaine pression
venue du nord s'exerçait surle secteur d'Aozou. Mais chaque foisque cette
pression s'est concrétisée sous forme d'uneincursion militaire, elle a été

repoussée fermement et donna lieu à un renforcement de la présence de
I'administration militaire française et, en particulier,de la garnison du poste
d'Aozou. Toutes les fois que la souveraineté française sur la régiona été

contestée,le défia été immédiatement relevé.

311. Outre les assurances obtenues par les autorités libyennes,
les autorités françaises reçurent les excuses du directeur de la mission
d'assistancedes Nations Unies à Tripoli. En effet, parmi les membres de la
mission libyenne qui se rendit dans la bande d'Aozouse trouvait le docteur

Chanawani, de nationalité égyptienne, sgcialiste du recensement auprèsde
la mission d'assistance des Nations Unies: il se proposait de procéder au
recensement du village d'Aozou considéré comme étant situé en territoire

... .. -... .,.. .....,, . . . ..-...,.......--. ........ . ............-..- .-,....
s4ncur a,cnirurncnl. a crpcnduii&menu tormçllcrncnlinvsions pr(i(c\ d >ujnau Gourcnicrncni
CC~CyROYIOCCqn. ue ICGo~vcmcmcn! IMtral rrconnairsi! lapplnrnlnfrnn(aiw dcIOxi, <IAozuu^l
(Anncrc 266).libyen d'après les documents cartographiques italiens. Comme le nota le

Ministre des Affaires étrangèresdans sa réponseécritedéjàcitée,
"Le docteur Spence, directeur de la mission...est venu présenter

ses excuses à la légationde France pour la participation, faite
d'ailleurs de trèsb0~e foi,de son collaborateur à cette équipe"g2.

III. REMARQUES FINALES SUR L'EFFECTIVITE

DE L'OCCUPATION FRANÇAISE (1913-1955)

312. Il convient de tirer la conclusion de ce long examen des

effectivitésfrançaisesau B.E.T. dans les années 1913-1955.

313. Comme la Républiquedu Tchad I'adéjàrelevé (v. -po no
130et S.)les considérationsdéveloppées par les tribunaux arbitraux dans les

affaires de I'Ile de Palmas et de I'lle de Cli~~erton et par la CPJI dans
l'affairedu Groenland oriental, valent pleinement s'agissant dece temtoire à

savoir que le caractèredésertiqueet inhospitalier d'untemtoire, occupédonc
par une population extrêmemenlclairsemée, exige une présence étatique
moins intensequecelle demandéepour des temtoires normalementhabités.

314. Comme nous l'avons vu, lorsqu'ils'agit de temtoires peu
peupléset d'accèsdifficile, la jurispmdence internationale considère quedes

actes épisodiquesde souveraineté, de même qu'une maîtriseeffective qui ne
s'étendepas àtout le temtoire sur lequel un Etat revendique sa souveraineté,
sont suffisants.

315. Dans le cas d'espèce la présencede I'Etat français a été
continue et paisible sur le Borkou et I'Ennedi à pmir de 1913 tandis qu'au

Tibesti, après une occupation de quatre ans (1913-1916) elle connut une
éclipserelative jusqu'en 1930. Maismême pendantcene période,la France,
tout en ayant supprimé ses postes militairesau Tibesti, a continué à envoyer

périodiquementdes troupes années,qui accomplissaient des "tournées".A
partir de 1930, le Tibesti est à nouveau occupé d'unemanière stable et

continue.

316. La présenceet l'autoritéde la France se manifestaient par
un déploiement complet deI'autontéde I'Etatfrançais, aussi bien dans ses

aspects normatifsquedans les aspectsopérationnels.

82 .Voir ~uia. deidciil. &dpmu knu & M ~inayU.N réfemnccautcrrur< dr M. Spcnen
(& ravoil Spcnccqutamappn~urnomc altinide bcciuailaim.m'elpnm( usm m(-.daboim(lt un
& wr agcne auncpvcillccnmpnw')(Anncrc2.53,ninri quebvr, la nsuivanudu20 mur IYSS.&
$1 hmay d \Innay i'M Spcmc. Oimurr & la M~rnon& ION U.. ai \cnu r'eicuqu'unacus
collnbora-~~~ ~ ~! IiwnovJan5 une DMIIIC tuuic''lua rni>!ivtn~t~rcll~l~C dtmxrchcde
pmtcnsuio& lapandeccne'ugationm)(hic 25s. ' 317. Tout Gabord, la France a légiféré afin de créerla suucture
administrative dans le B.E.T.. d'enréglerle fonctionnement. etde diviser le
territoire en zones, chacune régie parun organe responsable français. Cette
activité législative, qui couvrailte B.E.T. (la bande d'Aozou comprise)et le
considéraitcomme ne saurait êtresous-estimée aux finsde la preuve
de l'occupation effective française:comme l'adit la CPJl dans l'affairedu

Groenland oriental, "la législation est unedes formes les plus frappantes de
l'exercicedu pouvoir souverain" (CPJI,Série AiB, no. 53, p.48).

318. En soi, la législation ne serait pas,bien sûr, suffisante. Il
faut la manifestation d'autres attributs souverains.

319. Ce fut le cas au B.E.T. Les autorités françaises exerçaient
leur autorité en déployant plusieurs activités typiques du pouvoir souverain:
nomination et mutation du personnel militaireet administratif, rencensement
de la population et du bétail, recouvrement de l'impôt, mise enplace de
tribunaux, action de police et de siireté,gestion des prisons, contrôle des
frontières, etc.

320. Toutes ces activités, il faut le souligner, bien que
déployées,par la force des choses, à partir des postes militaires français,
couvrirent tout le territoire du B.E.T., y inclus la bande d'Aozou :cela est
établi,entre autres, par tous les documents citésau sujet de cette dernière
zone.

321. Même sidans l'exercice, par la France, de ses attributs
souverains sur le B.E.T., il y a eu des intermittences ou des discontinuités,
voir même -dansle cas du Tibesti- un fléchissementdans l'empriseréelle sur
le territoire, tous ces phénomènes ne sauraient mettre en échec les
considérations formulées ci-dessus sulra souveraineté française.En effet, il
s'agitde phénomènesque la jurispmdence internationale, considère comme
normaux pour les territoires inhospitaliers, désertiques et ppeuplés.

322. 11faut ajouter que l'affaiblissement temporaire dans
l'exercicede la souveraineté françaisen'apas componéun abandon de cette
souveraineté, par dereliclio. Comme le précise la sentence arbitrale dans
l'affaire de I'lle de Cliooerton, pour qu'il y ait derelictio il faut la
manifestation de I'animus, à savoir de l'intentionet la volonté d'abandonner
un territoire(R.SA., vo1.2.pp. 1110-1111).Or, en l'espèce,la France. loinde

manifester l'intentionde renoncer au B.E.T., a toujours insisté sur ses droits
souverains sur cette région.

323. La France n'apas seulement exercé uneautorité réelle sur
le B.E.T., en particulier dans la bande d'Aozou ; elle y a aussi exercéune
autorité exclusive. Cela est confirmé par les notes, déclarations et
protestations italiennes de la période 1930-1934. Ces notes, quelleque soit

leur valeur juridique pour ce qui est du titre juridique dont les Français pouvaient se réclamer,ont toujours étérejetéespar les Français dans les
termes les plus nets et constituent la confirmation la plus incontestable que
les Francais étaientles seuls maîtres au B.E.T., notamment dans la bande
d'Aozou, et que les Italiens, en particulier, n'yexerçaient aucune autorité
effective.

324. Une autre confirmation, non moins importante, de
l'autoritéexclusive de la France, notamment dans la banded'Aozou,réside
dans la réaction libyenneaux protestations françaisàsla suite de l'incursion
libyenne à Aozou, le 28 février 1955(voirm, no296 et S.).Les Libyens,
face à l'attitude très fermedes autorités militaires françaisesd'Aozou et aux

protestations vigoureuses et réitéréedses autorités diplomatiques françaises,
durent admettre que la bande d'Aozou était soumise A la souveraineté
exclusivede la France.

325. La valeur juridique des effectivités françaises, dont les
caractéristiquesprincipales sont résumées ci-dessus, doivent être appréciées
à un double point de vue.

326. Tout d'abord,l'exerciceeffectif d'attributsde la puissance
souveraines, par la France, dans la bande d'Aozoueut comme conséquence
qu'àpartir de 1913 les accords franco-britanniquede 1899et franco-italien
de 1902 visant à partager le territoire en question en zones d'influences,
furent graduellement conçus,interprétéset appliquéspar la France et l'Italie

comme des accords établissant unefrontière au sud de la Libye. Face au
déploiement effectif d'activités gouvernementales, parla France, dans la
bande d'Aozou. le tracé qui avait étéindiqué en 1899 et en 1902
essentiellement comme marquant l'espace au-delà duquel les partenaires
s'interdisaient d'exercerà l'avenir, une autorité politique, finit par être
considéré parla France et l'Italie comme une véritable frontièreentre les
deux pays.

327. De ce point de vue, I'effectivité joua donc un rôle
important : elle amena les parties concernées à considérer les accords
susviséscomme constituant un titre juridique incontestable, pourla France,
sur le B.E.T.et, du même coup,comme établissantune véritablefrontikre
internationale,

328. Les effectivités françaisessur le B.E.T.,notamment sur la
bande d'Aozou, peuvent êtrevues sous un autre éclairage, non moins
important.Elles peuvent être considéré comme un élément essentied lans la
formation d'un titre iuridique non conventionnel, pour la France, sur le
B.E.T.,titre juridique se suffisaàtlui-même.De ce point de vue, l'autorité
effective de la France peut être jugécomme un élémentde fait @ossessio
m) qui, assorti d'un élément intentionnel {animus uossidendi).

conuihua àla formation d'un titrejuridique de souverainetésur la z-ntitre
juridique fondésur le droit coutumier de l'époque,concernant l'occupation
pacifique de territoiressansmaître (voir ci-dessus, ChapitreII, section 1,V). 329. L'importance de cette autre "dimension juridique" de
I'effectivite ne saurait êtresous-estimée.Elle jouerait un rôle décisif pour
étayer la thèse de la souveraineté effective de la France sur la bande

d'Aozou. au cas où -auod non- l'on estimerait que les accords de 1899 et
1902 sus-mentionnés sont toujours restes "figes" dans leur dimension
d'accords de partage de sphères d'influence et n'ont donc pas pu finir par
opérerunevéritable délimitation de frontièreentrela France et la Libye.

Conclusion du chapitre V

330. En conclusion, il apparaît très nettement que l'activité
conventionnelle intense qui avait marqué l'extrême fin du dix-neuvième
siècleet le débutdu vingtièmea étéprolongée,jusqu'à I'indkpendancede la
Libye, i3la fois par la prise de possession effective par la France de la zone
d'influencequi lui avait été reconnueet par une activitédiplomatique qui a
témoigné de la reconnaissance internationaledecetteemprise :
i/à partir de 1913, la France a établi sa domination coloniale

effective sur I'ensembledu B.E.T.,y compris la bande d'Aozou ;
ii iette domination s'esttraduite par l'adoptionde nombreux actes
législatifs et réglementaires et par l'établissement d'une administration
militaire et civile aussi poussée quele permettait le caractèreinhospitalierde
la région;
iiil en elle-même,cetteoccupation constitue un titre juridiquement
valable en même tempsqu'elle confirme la limite de I'expansionfrançaise

prévuedans les accords de 1899, 1902et 1919 ;
ivl la zone d'influence française devient, de ce fait, possession
coloniale et ses limites acquièrent le statut de véritable frontière
internationale;
v/ l'Italie qui, entre 1921 et 1934, avait contestéce fait, a reconnu
cette situation par le TraitéAVAL-MUSSOLlNi de 1935qui se présentait
comme un accord de cessi trnitoriale, les Parties confirmant ainsi que,
jusqu'à son entrée envigueur, la bande d'Aozou relevaitde la souveraineté

française :
vil le Traitéde 1935 n'étantpas entré envigueur (v.infra, chapitre
VU)cette situation est demeuréeinchangh ;
viil ce que confirment égalementI'incidentde Jef-Jef de 1938et ses
suites ;
viiil du reste, c'est aussice qui résulte desdébatsaux Nations Unies
préalables i3 l'indépendancede la Libye. durant lesquels ni les autorités
libyennes, ni l'Italie, ni aucun autre Etat, ni aucun organe de I'ONUn'ont

contestéla position française quant au tracéde la frontièreméridionalede la
Libye.

331. Celle-ci, par conséquent, est demeurée celle qu'avait
prévue les accords de 1899, 1902 et 1919 que I'activité diplomatique
postérieureet l'emprise française surla région ont consolidée. CHAPITREVI

ABSENCEDEREMISEENCAUSEDUTITREDEPUIS1955 1. La périodepostérieure à la conclusion du Traitéfranco-
Libyende 1955est plus contrastée.En effet,dans un premier temps, les deux
Etats concernés -la Libye d'une part, la France puis, après son indépendance

acquise en 1960,le Tchad d'autrepart- mettent en oeuvre cet accord et, en
particulier, ses dispositions en matièrede frontière qui, ilfaut le rappeler,
bornent à confirmer le uacéantérieur. Comme durant la période antérieure,
la pratique confirme et consolidele titre (section 1).

2. Cependant, assez rapidement après les événements qu sie
sont produits en Libye et qui ont conduit, en 1969, au remplacement du
régime monarchique par celui du Colonel KADHAFI, le nouveau

Gouvernement tenta de remetue en cause la frontière existantede manière
insidieuse d'abord, par la force ensuiteupra, Chapitre 1,Section 2), ce qui
a conduit le Tchadàporter I'affairedevant les instances internationales et. en
particulier, les NationsUnies et.U.A. (Section2).

SECTION 1

LA PRATIQUE

1- REMARQUES INTRODUCTIVES

3. Après 1955, la France continue à exercer son emprise
effective sur la bande d'Aozou. Par ailleurs, après l'indépenddeu Tchad

(1960), les faits montrent clairement que la bande demeure soumise à
l'autorité effective et exclusivede 1'Etatqui sucàèla France,à savoir le
Tchad.

4. L'effectivitéde l'autorité gouvernementale, dela France
jusqu'en 1960 et du Tchad par la suite, confirmeque la frontière établie par
le Traité de 1955 étaitbien celle déjà existante depuis 1913-1914. Cette
emprise effective revêtune importance considérable d'un doublepoint de

vue. Tout d'abord,elle témoignede l'application effective du Trde 1955,
en d'autres termesde I'effectivitéde la frontièreque ce Traité établissait en
confirmant la frontière existanà partir de 1913-1914. En second lieu, la
pratique paisible et incontestéedes attributs de la souverainetédans la bande
d'Aozou par la France tout d'abord,et par le Tchad après 1960, montreque, même à supposer -ce quin'estpourtant pas exact,comme ceci a été démontré
dans le Chapitre III- que le Traitéde 1955 n'établissait pas une frontièrei,l
n'en reste pas moins vrai que la frontière méridionale entrela Libye et le
Tchad fut en faitcelle établie en 1899et 1919sur la base d'un titre juridique

de droit coutumier (effectivités,assortie de l'animus oossidendi), frontière
qui se consolida indiscutablementpar la suite et fut en fait respectéede pan
et d'autre.

II- LA PRATIQUE EFFECTIVE I>ELA FRANCE
(AOUT 1955-AOU'I' 1960)

A -Généralités

5. La situation est inchangée par rapport à la période

précédente: la région du B.E.T. a encore une très faible population,
clairseméesur un très large territoire: d'aprèsun rapport des autoritésdu
B.E.T. de 1955-1956,cette population compte un total de 51.984 habitants,
pour une surfacede 560.000 kilomètrescarrés,avecdonc unedensitéde 0,09

hab.km2 (Production 104).

6. L'organisation administrative et militaire française du
B.E.T. est la même qu'auparavant: l'administrationcivile est calquée sur

l'organisation militaire.En effet, le colonel français commandantle GSTest
en même remps chef de région;le B.E.T. est diviséen trois subdivisions
militaires, auxquelles correspondent trois "districts"; les capitaines
commandant les trois compagniesterritoriales sont en même temps chefsde

district (Production 104).
Le Journal Officiel de l'Afrique Equatoriale Française
continue de publier l'actede nomination ou de la prise de service des chefs
de circonscription du B.E.T.1 ainsi que celle des chefs de chacun des trois
districts (Borkouz, Ennedi3. Tibesti4). Ce qui confirme d'une manière

éloquenteque la région -qui continue à inclure la bande d'Aozou- est encore
solidement administréepar les autorités françaises.

Riscdewrvicc Nom duchef Grade Source
-
1956 COFFiNlER LI-Col Col .hapelle(*)
08-06-1958 JeanCHAPELLE Lt-Col. IOAEF.1958.p.878:

(*)InfmaiiaverbaduCalonclChapelle

1 Riscdcsewice 1 Nomdu chcf 1 Grade 1 Sourcs 1
06-01-1958 Philipp Cap. JOAEF.1958.p.270
CLEMENTr
1959 LECOMTE Cap. ColC.hapelle(*):
(.)InfarmatvcrbrlcColonel Chnpellc B - L'exercice d'attributions gouvernementales

1) Activitb législative

7. Les décretset règlements concernant le B.E.T. continuent

d'être promulguéspa lr Gouverneur générad lu Tchad.

8.
Comme par le passé, celui-ci édictedes actes législatifs
concernant généralementI'A.E.F.,el quelquefois spécifiquementle Tchad;

ces actes portent en tout cas également sur la régiondu B.E.T.5. Ce qui
indubitablement prouve que le B.E.T. (donc la bande d'Aozou aussi)

demeure soumis à l'autorité législativd ees Fran~ais.

2) Activitéadministrative

9. Une des manifestations les plus importantes de cette
activitéréside tant dans l'établissemenett la révisiondes listes électoralesen

vue des élections législatives à l'Assemblée Territoriale, que dans
l'organisationet la tenue de ces élections.

10. Les élections législatives ont lieu en 1955, mais leur
déroulementne fut pas satisfaisant. Comme le relève le Rappon politique

annuel pour 1955concernant le Tibesti (rapport rédigé le 10janvier 1956par
le Capitaine Planchon, chef du District du Tibesti):

3

Riw dewrvisc Nom du chef Gradc Som

1956 EtiemcNUn Cap. JOAEF. 1956,p. 487
0805-1958 U\MBOTl€ Cap. JOAEF. 1958.p. 878 :

4

Prisdeeservice - ~ - ~ ~ ~
1 Nam du chef 1 Grade I Source
1956
1958 JeanCOURTET Cap. Col. Chapelle(*)
17-10-1958 LucienBEm Cap. JOAEF, 1959.p.451

1 I I 1
('1Infomiation verbdueColonel Chapelle

Afriqvs OccidentaFrançais. cnAfrique EquatoriaFrançaiuau Togo. au Camemunast .Msdagarcar
W&?, 7dtccmbm 1955. pp.157rî.)le decrclno.57-2du 22fCvrisr 19fixanIcr datesder Clcctions
ginCralesauxswmblte loealsm A.O.F.,A.E.F r 2Madagarar M. 15mars 1957.p.402);dhi
no.57-257 du Inmars 1957 rclatif b la rCpadesri&pr mm Icr cinonrriptiaCleciaralcî pour Iw
Clstionr auxswmblte territoriameA.E.F m. . pp. 402-403):dk~t no.57-459du4 avnl 1957
fixantIcs conditidesfonctiommmt et les fonctidasConwilsde Gouvernementh s les temitoicesde
I'A.0.Fa .I'A.E.F.. lcr mi 1957.p.6d2); le dCcm"0.57-4584avril 195ponantrço'gaokation
de I'A.0.Fe.rA.E.FU.PBEE lcr mai 1957. pp.3%);la délibtration na9315I'Arumbl& terriurtiale
du Tchsdpunt ad~tim parkTcrnioireduTchad buSlaNt#Elal mcmbrrdela Cammunaue lcr
janvier1959.p.16). "Jusqu'à maintenant, l'activité des partis politiques est nulle au ,
Tibesti. LesToubbous ne manifestent pourelle aucun intérêA t.ux

dernières élections Iégislatives, 90% d'entre eue sont abstenus.
Les votes émis se sont portés sur les deux seules listes qui
présentaientdes candidats connus: celle de l'Union Tchadienne à
cause de l'Adjudant DIERAKEI, autrefois au service à Zouar,
celle des Indépendantsdu Tchad, à cause de JEAN-BAFTiSTE"
(Production 105).

Il. Il en va de mêmepour les électionsde janvier 1956,dans
la mêmezone. Comme il l'indique dans le Rapport politique pour l'année
1956:

"Les partis politiques n'ayant au Tibesti ni représentants ni
activité,les Toubbous n'ont pu comprendre le but des élections

législatives auxquelles ils ont participé en janvier. Elles leusront
apparues comme une bizarrerie d'Européens à laquelle ils se sont
prêtésavec le sourire mais sans y manifester d'intérêt.Cette
désaffection s'esttraduite par des abstentions massives (90%)
d'ailleun favorisées parla dispersiondes habitantàcette époque"
(Production 107).

12. S'il y a un changement l'année suivante, cela est dû
seulement à des circonstances accidentelles:

"Les électionsà l'Assembléeterritoriale se sont signaléespar une
forte participation: 20% au lieu des 10% habituels. Ce n'est pas

que le Toubbou s'intéresse davantage à ce genre d'activités, mais
les électionsont eu lieu une époqueoù pour diverses raisons
(pâturages, jardins) un nombre appréciable d'électeurs était
rassemblé autourdes deux bureauxde vote" (Production 111).

3 Mais les autorités françaises poursuivent leurs efforts
visantà proclamer et mettre en oeuvre des idéaux politiquesde démocratie
pluraliste, et petàtpetit ces efforts sont couronnésde succès: en 1958, la
révisiondes listes électorales aboutitdes résultats probants. Ainsi,dans le
Rapport politique pour I'année1958portant sur l'ensembledu B.E.T., il est
signalé:

"L'an dernier, considérantle fait patent que l'éducation civiquede
nos administrés étaibt ien insuffisante pour qu'ils viennentd'eux-
mêmes se faire inscrire sur les listes électorald,es instructions
avaient été données auC xhefs de districts pour qu'ils procèdeàt
des inscriptions d'office en se basant sur les cahiers de
recensement. Ces directives n'avaient pas été appliquées
correctement au Tibesti;elles le furentcette annàel'occasiondes

opérationsde révisionet le nombre des électeursau Tibesti a plus
que mplé"(Production 117). 14. Comme conséquence de ces efforts le corps électoral

augmenta énormémentau B.E.T., en passant à 27.775 électeurs sur une
populationtotale recensée-en1958-de 32.728 habitants,soit un pourcentage
de 84,9; ce qui amena le chef de circonscriptiànconclure qu'onétait"très
prèsdu suffrageuniversel" (Production117).

15. Une autre tâche administrative menéà bien chaque année

par les autorités françaises étaitle recensement des habitants du B.E.T.
Tâche, en vérité, ifficiàeaccomplir, en raison de I'immensitéde la région,
du caractère désertiquede la plupart des zones,de la dispersion des maigres
populationset du caractère nomadede la majoritéde la population.

16. Au mois de novembre 1955,d'aprèsle rapport du Chef du

district de Borkou, "de nouvelles cartes de famille ont étéreçues et le
recensement va pouvoir se poursuivre. Le carré du G.N.B.T. occupe
actuellement une position très favorable à l'exécution de cette tâche"
(Production 103).Dans le Rapport politique annuel pour 1955sur le Tibesti
il est préciséque contacts et recensement "se pratiquent essentiellement
l'époquedes récoltes.Tous les villages, sauf 3, onété recensésen 1955"
(Production 105).Dans le Rapportannuel pour 1957sur le Tibesti, ilest noté

que le G.N.B.T. avait détachéune patrouille dans le canton de Bardai de
juillet octobre pour la mise àjour du recensement, et que d'une manière
généralele recensement des habitants et égalementdes animaux, avait fait
apparaître des augmentations importantes(Production 111).Dans le Rapport
politique pour 1958sur le B.E.T.,on fait étatdes difficultésde recensement,
ainsi que des effortsdes autorités,déployc,omme auparavant. parles chefs
de postes militaireset surtout parles cadres européensdes groupes nomades

"Au TIBESTI quelques vérificationsont pu êtremenées à bien.
par le Chef de poste de ZOUAR dans les villages de GOUBONE,
DEBASSAR etTEGAHAM, par le Chef de poste d'AOZOU dans
la région d'OROU, OMCHAI et ECHIDEM et par le Chef de
poste de WOUR qui a réussi à contrôler les 516de la population

connue de I'ABO, ce qui est quand mêmeun résultat très
intéressant.
"Au BORKOU le Chef de district n'a effectué qu'une seule
tournée de recensement chez les TEDAS OURLAS. II n'a pu
contrôler que558 individussur un total de 1.480.Le Commandant
du groupe nomade a effectué quelques contrôles.
En ENNEDI, à peu près rienn'aété faitdu plan de recensement

établien débutd'année.Seules ont pu êtrerecenséesquelques
fractions <de> BILLIA, BOROGAT et GAEDA HADJER"
(Production 117).

17. Au problèmedu recensement était étroitementliécelui du

fonctionnement des bureaux de I'étatcivil. Les autorités françaises doivent
constater que malheureusement les habitants du B.E.T. se désintéressent
totalement de l'étatcivilà quelques exceptions près.Comme le précisele
rapportpolitique pour 1956sur le Tibesti: "A chaque réuniondu Conseil des notables, le Chef de District
explique l'utilité de l'étatcivil et les avantages qu'en peuvent
retirer les familles de trois enfants et plus. Malgré cela, seuls les

fonctionnaires et les goumiers le fréquentent à cause des
prestations familiales. On ne voit aucun moyen efficace de
remédier à cette situation" (Production 107).

18. Le même constat estdresséen 1957 (Production IIl) et,

en 1958,pour l'ensembledu B.E.T., mêmesi l'onnote des améliorations6.

19. Une autre tâche essentielle des autorités administratives
françaises étaitle recouvrementde l'impôt.IIdécoule des différents Rapports
politiques annuels que cette fonction ne posait pas de problèmes majeurs

(Productions 103, 105et 1II).

20. Cependant. des difficultés surgissaient, surtout pour ce qui
étaitde la perception de la pan des Chefs de fraction, de l'impôt personnel
numériqueet de la taxe sur le bétail. Des difficultés considérables existaient

en particulier pour les Chefs de fraction nomades afin de toucher les
contribuables et de fairerentrer l'impôt(Production 117).

3) - Police et sûreté

21. Au B.E.T. le maintien de l'ordre résultaitde l'implantation
de postes militaires et de l'action de groupements mobiles. D'après le
Rappon politique annuel pour 1958, concernant toute la région, outre ses

trois garnisons de Largeau, Fadaet Bardai, l'arméefrançaise tenait les postes
suivants:

-Wour, qui contrôlait le Tibesti occidental
-Aozou, qui contrôlaitle Tibesti septentrional
-Zouar, qui contrôlait le Tibesti du Sud-Ouest

et la route Tunis-Largeau
-Yebbi Bou,qui contrôlait le Tibesti oriental
-Ounianga Kebir, qui contrôlait les palmeraiesOunia

-KoroTaro, qui contrôlait les nomadesde Kouba
-Oum-Cbalouba.qui contrôlait les nomadesde
Morocha (Production 117).

'EnccquicnncrrnrIEut ii\iI eump*JIIc;en!= JcLargclarnrcg5iriIc5Xar
En ce qui ~i>nccrnrIcu! cisolatn.mn. lacii$iit dei Jiflérrni. rentre< abcmein<que Irni
li>n;ii<innmni~Ic.vpnJcr ci Jrnui\ cmpi Jer iou\nrn mvr~lrn! wi Ic<cnmpndecMc="i-A1srrc

117).teta;Ei~iiZ~~~e seuliepstede Kom-Toro cticmupc nomade dc~brkou lesoht(PmduclionAuprèsde chacunde ces postes étaient détaché2s à 4 gardes nomades.

22. Outre ces postes existaient des groupements mobiles. Ils
comprenaient les trois groupes nomades, etdes unités méharistescomposées
de militaires originaires d'autres régionset de gardes nomades recmtésau
B.E.T. par les chefsde distri(ibidem).

23. L'unedes tâches principales de ces forces amées étaitde
contrôler les mouvements de la population. Ce contrôle était effectuéde

plusieurs manières. Le nomadisme traditionnel était contrôlé par les
patrouilles méharistes (Production 117). Les autres formes de circulation
étaient surveilléespar les chefs des postes militaires et par les patrouilles
méharistes.

24. Pour les déplacements individuels, le laissez-passer était

toujours demandé et toujours considércéomme une pièce indispensable pour
se mettre àl'abride toute tracasserie au coursde déplacements (d'ailleursles
autorités françaises profitaient "de la délivraee cette pièce pourvérifier
la situation des demandeurs par rapport au recensement et au paiement de
l'impôt": Production 117). La délivrance de permis de transhumance
(Production 103) servait à contrôler les déplacements collectifs. Pour la
circulation frontalière avecle Soudan et la Libye étaient exigéles laissez-
passer (documents reconnus valables par les autorités des pays étrangers)

(Production III et 117). Les étrangers d'origine européenne faisaient
toujours l'objetd'unefiche adresséeà la direction des servicesde police du
Tchad. La circulation des étrangers venant d'autres pays d'Afrique était
supervisée à Largeau par l'officier des Affaires Musulmanes (Production
117).

25. Une tâche liée àcelle dont on vient de parler étaitcelle de

l'expulsiondes "suspects et indésirables". Par exemple,le Rapport politique
mensuel pour le mois de novembre 1955, concernant le Borkou, mentionne
l'expulsion de douze Libyens (Production 103), et le Rapport politique
annuel pour 1958, concernant le B.E.T., mentionne l'expulsion de quatre
"indésirables", vraisemblablement d'origine libyenne (Productio117).

26. Une place importante dans l'activitéde police des forces

françaises était prise parla répression dutrafic d'armes.Non seulement tous
les Rapports politiques disponibles en parlent (Productions103, 111et117).
mais encore il existe en la matière une riche documentation consistant endes
notes échangées entre les chefsde districts et lechef de région,et couvrant la
période1956-1958(Production 106). 4) Missions scientifiques

27. Plusieurs missions officielles françaises se rendirentdans
le B.E.T. et surtout dansle Tibesti, au coursde la période considérée.

28. En 1957.une mission ethnologique et archéologiquevisita
le Tibesti. Cette mission de recherche scientifique s'intéressaen particulier
aux gravures rupestres duCol Orange et du Col d'Odirasur la nouvelle piste
Bardai-Aozou. Elle explore aussi le secteur de Yébi-Souma. Annexéeau
rapport de mission, une carte fort intéressante surle secteur qui montre bien
l'intégrationde la bande d'Aozou dansle secteur du Tchad (Production 112).
En 1955-57, la Direction des Mines etde la Géologiede I'A.E.F.organisa
deux missions de reconnaissance géologiqueet minière des confinsNord du

Tchad (Production 116)'. L'Institut Géographique National (Inspection
généraledes services géographiques d'outre-mer), mena à bien une mission
astronomique du Nord Tchad en 1957-58, une missionau Tibesti en 1958-
59, et une autre nouveau au Tibesti en 1959(Production 115).

5) Exploitation de minerais

29. Les autorités françaises procédèrent aussiàl'exploitation
de certains mineraisdans la banded'Aozou.

30. En 1956-1957un gisement de tungstène(ou wolfram) fut
exploitéà Yédri,au nord d'Aozou, parle service des minesde Brazzaville. II
y avait là quatre Français (métropolitains) dontune femme. Le minerai était
transporté par avion.II s'agissait d'une exploitation expérimentale, maitsout.

le secteur fut prospecté. D'aprèlselletinduComité de lilfriqueFrançaise
(Mai-Juin 1958, p.100) sept tonnes de tungstkne, venant de Yédri, furentexpédiées en France le 19janvier 1958par un avionDC4aux fins d'analyse.

C -Leposted'Aozou

31. Au cours de cette période, la bande d'Aozou demeure
également sous le strict contrôle des autorités françaises, et ce contrôle
s'accentue même. Le contrôle des mouvements de populations se fait
particulièrement strictdans cette zone. Dans le Rapport politiqueannuel pour
1956pour le Tibesti, on note en termes généraux,u sujet des déplacements
de populations, que "les gens d'Abo, d'Aozou et du Dohone restent

cependant à l'écart des rassemblements d'été, manifestant ainsi le
panicularisme des régionsles plus proches de la frontière" (Production 107).
Mais on note aussi que "les Toubbous étant étrangersla vie politique, il n'y
a pas parmi eux de suspects au sens habituel du mot, à l'exception de
quelques individus résidantdans la régiond'AOZOU et quise font le porte-
parole de lapropagande libyenne"(-).

32. La zone d'Aozou demeure sous le contrôle français à
d'autreségards, notamment pource qui est des moyens de communication,
de la surveillancesanitaireet de l'enseignement.

33. En matièrede voies de communication,il faut signalerque
le Rapport politique annuel pour 1957 sur le Tibesti note parmi les
"événements qui ont marqué la vie politique de la circonscription"

I'ouvenurede "la piste d'Aozouwet ajouteque cet événemen" tnous adonné
le prestige de l'exploit technique réussi(beaucoup de Toubbous pensaient
que jamais les véhicules ne passeraient le col difficile du Tirenno)".
L'ouverturede cette piste, avec la réoccupation duposte de Wour, "ont été
interprétéscomme la preuve certaine de notre volonté d'établissement
définitifdans deux secteurs souvent abandonnésjadis. Les habitants y sont
devenus moins faroucheset moins fermés"(Production 11 1).

34. La surveillance sanitaire de la zone d'Aozouest assuràe
partir de Bardai. Un infirmiermilitaire est installéau poste (Production 107).
On note en particulier en 1956 une épidémiede coqueluche qui fait vingt
moris parmi les enfants de moins de deux ansàAozou (Production 107);en
1957 une grippe asiatique venue de Largeau en octobre se répand
successivement à Zouar, Bardaiet Aozou (ProductionII 1).

35. 11faut ajouter que le poste d'Aozouest l'objetd'inspections
fréquentesde chefs militaires français. Par exemple, du 10 au 15 décembre
1956 il est visité parles GénérauxDio etNoblet (qui inspectent également
Zouaret Bardai) (Production 107).

36. Quant à la scolarité des enfantsd'Aozou,elle est assuàéepartir de l'écolede Bardai. Ainsi, en 1958 le Directeurfait prévenir le poste
d'Aozoude la rentrée scolaire(compte-rendu en date du 20 novembre 1958
du Directeur de I'Ecolede Bardai au Chef de secteur scolaire du B.E.T. à
Largeau, sous couvert du Chef de District de Bardai, Production 118). En

1960, est décidéela construction d'une classe et d'un logement à Aozou
même(TableauConstmction d'écolesnouvelles; Investissements:Production
118).

II- LA PRATIQUE EFFECTIVE DELA SOUVERAINETE
DUTCHAD DANS LA BANDE D'AOZOU (1960-1968)

37. Aprèsla proclamation de l'indépendance(1I août 1960),le
B.E.T. est resté,jusqu'en 1965, sous l'administration d'officiers français.
Cette situation résultaitd'accords de défenseet d'assistance technique et

militaire, signéspar leTchad et la Franceen août 1960.

38. Au point de vue militaire, ces officiers continuaient à
dépendredu commandant des troupes françaises stationnéesau Tchad. En
revanche pour leurs fonctions administratives, les officiers français, qui
exerçaient les fonctions de Préfetet de Sous-Préfet, étaientnommés àces
postes par le Gouvernement tchadien dont ils recevaient les instmctions. De

ce point de vue, ils étaient donc dans la même situation que les
fonctionnaires civils français qui assuraient des fonctions de
"commandementtemtorial" au titrede l'assistancetechnique.

39. Le fait que les titulaires français de postes administratifs
tchadiens étaientnommés parles autorités tchadiennes etétaienttenus de

suivre leurs instmctions, montre bien que dans la période1960-1965 il n'y
eut pas -àproprement parler- continuation de l'administrationfrançaise. II y
eut utilisation, par le Tchad, de cadres militaires français pour
l'accomplissement de fonctions administratives et militaires (la mise à
disposition, par un Etat, de ses organes, "prêtés"à un autre Etat, est un
phénomèneinternational bienconnu (cf. Roberto AGO, TroisièmeRapport
sur la responsabilitédes Etats, Ann.C.D.1, 1971, vol.11,lère partie, no 198-
214).

40. Bien qu'il y ait eu un changement en 1965, quand les
officiers français furent remplacéspar des ressortissants du Tchad, il n'y a
cependant pas eu solution de continuité dansl'administrationdu B.E.T entre
1960et 1968.

41. Les quelques variations qu'on peutnoter ont trait surtàut
des changementsdans I'appellationdes organes administratifs,plus que dans leurs fonctions. Ainsi, les chefs de circonscriptions, qui avaient été

successivement nomméschefs de départements et par la suite chefs de
régions, furent désormais appelés Préfets. De même, les Chefs de

subdivisions, ensuite appelésChefs de districts, furent ensuite dénommés
Sous-Préfets.Le B.E.T. fut donc soumis à l'autoritéd'unPréfetset chacune
des trois zones (le Borkou9, 1'EnnediIO et leTibesti") I'autoritéd'unSous-

Préfet.

1 Risedeservicc 1 Nomduhfct 1 Grade 1 Saunc 1

23-11-1960 BAYLON Col. 10(*).1960,p.537
0543.1962 MURAn Lt-Col IO(*),I%Z,p.246
UW5-1964 AIME L1-Col 10(*),1964.p.257
19673-1965 ODINOAR CI. 0(*1.1965.p.135
I 1 NGATOUGODJCGO 1Lt-Col. 1 Col.Chapllcl*') I
(.)Journalmcisldu Tchad
(''1 Informationverbaledu ColonelChapelle

1 Prise demi= 1 Nom du Sour-Rcfci 1 Grad. 1 Som I

1961 dc POL~LLY COIC~X~II~I*)
2C-101963 MILLOT JW*~1.1963.p.610
MADANG Cap. Col. Chapelle(') 1

('7 Journal ieicl du TchadonelChapelle

10

Wu de mics Nomdu Sour-Rsfct Grade Som

FASSEUR Cap. Col.hapllel*)
MOULENE Cap. 10(**),1%3,p.478
GAILLARD cap. JO(*').1964.p.l?4
MASSIP Cap. J0(.').1964.~.351
PlacideAWUM LI.-LI. Coi. Chapcll~(*)
ASSILECK Col. Chapllel*)
HALATA
I 1
('1 Inforniaverbaldu Caloncl Chapcllc
Journal Officieldu Tchad

1I

Riu de servicc Nomdu Sous-Rsfct Grade Som
19MI960 Alain MOULWE
2J-09-1960 LACOSTE(par LI.. Col. Chapcllc(..)
iniCMi)
1960 Picm SAUDEAU Cap. JW'l.I%l.p.315
23&l%l Gmrges THOMAS &P. Jq.).I%Z.p.302
2902-1964 BRUNEF Cap. 10(*1.1964.p.135
0102-1965 RODAI LI. IO(*l.I%5.P.73
03-1968 Rakn ABDOU LAYE LI..Lt. Col. Chapcilc(f*)
1968 TOGO1OKOREMI Col. Chsplle(**)

(*)Jovmal Officieldu Tchad
("1 Informationverbaledu ColonelChapllc 42. Le B.E.T. fut administré d'une manière continue et
pacifique par les autoritéstchadiennes jusqu'en 1968, quand commença -
aidéepar l'extérieur-la rébellionde certains secteurs de la population. En
1968, suite la diffusion de la rébellionguidéepar le Frolinat (v. Chapitre1,
no 77), l'administration tchadienne dut, pàtpetit, évacuer certaines zones
où soncontrôle devenait plus difficile.

43. 11convient de signalerque, pendantcette période,le B.E.T.
n'arrive pasàdécoller surle planéconomique: la région reste une zone sous-
développée, où le manque de ressources naturelles,learactèredésertique ou
montagneux d'une bonne partie du territoire, la raretédes points d'eau,la
difficulté des communications, la stagnation du commerce, ont comme
conséquence qu'aucune activitééconomiqueimportante ne peut êtremise en
chantier -encore moins le tourisme. activité dans laquelle les autoritésdu

Tchad avaient mis leurs derniers espoirs (v.ra n089et S.).

44. L'importance du sous-développement économiquede la
zone ressort clairement d'un passage d'un document tchadien de 1966: le
procès-verbal du 24 août 1966 de la passation de service de la Sous-
préfecture du Tibesti à Bardai. A propos des "perspectives de
développement"au Tibesti. ce rapport note que "le comité descommerçants
qui vient d'obtenir son véhicua beaucoup de chance de faire développerle

commerce au Tibesti grâce à ce véhicule" (Production 138).Dansune région
très pauvre en ressources naturelles, on misait tout sur le commerce et,
cette fin, tout l'espoir rést ans la disponibilité d'un véhicule!

45. 11faut ajouter que, pour ce qui est du Tibesti, aux motifsde
sous-développement énumérées ci-dessuss'en ajoutaient deux autres: le
caractère montagneux de la région et la "chertéde la vie", provoquée par

l'éloignementde la capitale. Comme le notait le Sous-Préfetdu Tibesti dans
une Synthèse mensuelle couvrant la période du 21 septembre au 15 octobre
1965, le coût de la vie au Tibesti était "exorbitant pour tous les
fonctionnaires" (Production 129).

46. Il est évidentque dans une telle situation on ne peut pas
s'attendreà une activité gouvernementale intenseet quotidienne et, surtout,
diffusée sur tout le territoire soumisà la souveraineté tchadienne. Les

caractéristiques géographiquedse la région -déjà maintefois décntes-et le
sous-développement économique, expliquent pourquolies manifestations de
la présence étatique tchadienndans le B.E.T., et tout spécialementdans la
bande d'Aozou, continuaient d'êtresporadiques et limitées aux rares
agglomérationsde population, où l'autoritéde l'appareil de I'Etatpouvait
étendre son emprise.

B -Activitéadministrative

47. Il faut rappeler tout d'abordque les autorités tchadiennesorganisent la tenue d'élections politiquesdans la régionen question. A ce

sujet on mentionnera, à titre d'exemple, que le "Journal du Poste" de la
"R6gion du Borkou-Ennedi-Tibesti" signale la tenue d'électionsle 4 mars
1962(Production 122).

48. Une tâche administrative essentielle des autorités
tchadiennes est le recouvrement des impôts. Les Bulletins politiques
mensuels du Sous-Préfet du Tibesti font régulièrement étdaet la perception

de l'impôt(v. Productions 133, 134, 137,139et 151).

49. Quelquefois les autorités relèvent l'existencd ee problèmes;
aussi, par exemple, dans une note du Sous-Préfet adjoint du Tibesti à Bardai

au Préfet du B.E.T, du 23 mai 1967,on signale deux problèmes:I'exodede
nombreux habitants versla Libye et I'augmentationde I'impôtlî.

50. Les autorités tchadiennes poursuivent aussi l'activitéde

recensement de la population entaméeet menée à bien régulièrement par les
Français lorsqu'ilsoccupaientce territoire.

51. Cependant, cette tâche n'est pas toujours facile. Par

exemple, dans le Bulletin politique mensuel pourle mois de juin 1966, le
Sous-Préfet du Tibesti noteque

"Le recensement du canton Wour n'est pas encore fait. Ce
recensement ne peut avoir lieu qu'à la récolte des dattes de

Madigu6le 15août 1966où toutesles populations de cette contrée
seront rassembl6es.
Dans le Canton de Bardai, il reste les villages de DOHONE,

OMCHY, YIBBI-SOMA et AOUDI-ASSOUI à recenser"
(Production 136 ;v. aussi Production 137).

D'autres rapports font état de la bonne marche du recensement (v.
Productions 139/140/151/148).

52. Au problkme du recensement était étroitement lié celu die
I'étatcivil. Là aussi les autorités rencontraient de nombreuses difficultés,
surtout à cause de l'attitude des habitants mais aussi en raison des

caractéristiques géographiqued su tenitoire.

IZ. PourCCouiestdumier pmblèmc.IcSour-Mfei notceci:
Lc,Scrrc*r\ t<ici Fr, Sud du nion odr Barda, \on! pic<q~ebide\<Iapitr Ic,
rrnwtgncmcnr.iubirnusLa mapnie drr hzbitanadceo dru" wctcun <onie~alcmcspyvc
da&IMLIcrdi~sCesLchefsooi acccpt/diffirilcdeprrndr. Ic<hrhgr ticir(pour Icrhbbrcs
piicrncnl & 1tm@li mon8 latrrl cnvquilscrmcms iIc r&up(rri limpdi <Iccqui
«id cnro~ Bdl Yprépmnl d quitter(galcracrcvicndml mc mnd~ compil pu 1sluile
IRoductlon1471 53. Dans le procès-verbalde passation de service du 24 août
1966, le Sous-Préfetdu Tibesti se penche sur ce problème,et formule des
considérations qui méritent d'être retenues:

"L'Agent Administratif chargé despièces d'état-civilétablitles
actes de naissance et de décèssuivant les ordres qu'il reçoit du

Sous-Préfet ou de son Adjoint. II délivre ces actes civils aux
intéressésaprès paiement des frais d'enregistrement et destimbres
fiscaux.
II y a trèspeu de chance d'espérer (un) développement rapidd ees

habitants qui sont très renferméset qui ne comprennent rien. La
meilleure solution serait de scolariser rapidement les enfants et
d'inclure beaucoup(sic) la main-d'oeuvre dans la région.
Pour l'instant ce sont les fonctionnaires et quelques gardes

nationaux et nomades avertis qui se font dklivrer les actes de
naissance et dedécès" (Production 138).

54. Les difficultés dont faitétatle Sous-Préfet du Tibestine
sauraient conduire à conclure à un manque de présencede I'Etattchadien
dans ce secteur. En effet, les remarques critiques du Sous-Préfet et ses
suggestions pour une amélioration de la situation montrent plutôt que les

autorités étatiques étaient conscientes aussi biedne leurs devoirs et de leurs
tâches que des problèmes auxquels elles avaient à faire face; elles montrent
égalementque ces autoritésoeuvraient activement pour rendre l'actionde
I'Etatla plus efficace possible.

55. En bref, mêmedans ce domaine. l'emprise de i'appareil

gouvernemental tchadien était indiscutable.

56. Une activitéqui acquiert en cette période uneimponance

primordiale du fait des pressions extérieures et des premiers signes de
rébellion dansle Nord du Tibesti, est le contrôle de la population et surtout la
surveillance des frontières.

57. 11faut tout d'abord noter que les mouvements de
population de et vers la Libye n'étaient pas considérkscomme des formes
d'émigration, mais plutôt commedes mouvements saisonniers, motivés par

des raisons économiquesl3.

58. Déjà e,n avril-septembre 1960,un "plan de nomadisation

des unités méharistes" assigna au 7èmepeloton nomade. patrouille nord,la
tâche de "surveillance des pistes chamelières Bardai-Fezzan et Aozou-

l3 CommcIr noieIcSo~rMlc! du Tibuti danpmctrvcrtudepusalian dc u-iIc 24 audl 1966
alhcum actucilclc<loubbous puirn! n<imbnui nnBKoufrauniqucmn! pur rhcrhcr la main
~OCJIIC \la111nnlrcnl oir>uuc,oa2lihc<lDonccc< tmou\crnrniri ne pcurcniquhlxfitsFezzan" (Production 121).Mais la surveillance de la frontièreavec la Libye
s'intensifiaau fur et àmesure que le temps passait. Ainsi, par exemple, le 21
mai 1964le Préfetdu B.E.T. écrivaitau Sous-Préfetdu Tibesti et au Chef de

poste de Zouar:

"Le Chef de poste. police frontalière, me signale qu'arrivent
encore à Largeau des ressortissants libyens originaires du nord de

la ligne nord de la zone frontalière, munis de laissez passer
frontaliers (parfois délivrés à Tripoli ou Benghazi) et que ces
laissez passer sont visés parle Chef de poste de Zouar.

Je vous rappelle que de tels ressortissants ne sont pas des
,. frontalierset qu'ils doiventdoncêtremunis d'un passeport ayantle
visa de séjourau Tchad (Production 126).

59. D'autres documents tchadiens font état de la stricte

surveillance à la frontière entre le Tchad et la Libye, aussi bien à la sortie
qu'àrentrée(Productions 134. 136, 137 et 139)("Des différentespatrouilles
des GNN sont envoyées dans les différents Secteurs du Tibesti pour la
surveillance frontalièreentre la Libye et le Tchad entre Koufra et le Tchad

mais il n'y a pertinemment rien à signaler"); (Production 140) (différentes
patrouilles des GNN avaient été envoyées dans les différents secteursdu
Tibesti "pour.la surveillance frontalière entre la Libye et le Tchad -entre

Koufra et le Tchad. Tous les autres postes de la circonscription ont organisé
le même plande sécurité signalé ci-dessusmais il n'y a pas encore eu de
nouveaux incidents à signaler à part ceux de 3 gardes nomades bastonnéset
du fusil récupéré à Aozou par les Forces de l'Ordreet 50 cartouches" ; v.

aussi Productions 142et 144).

60. En particulier, en ce qui concerne la sortie des Tchadiens
vers la Libye, les autoritésdu Tchad font état, à un certain moment (janvier
1966). des difficultésque les habitants du Tibesti rencontraient du fait que

maintenant on exigeait un passeport pour se rendre à l'étranger (Production
131'4; v: aussi Production 133). Quelques mois plus tard, toutefois, on
libéralisa l'expatriation. A partir du mois d'avril de 1966, les autorités
tchadiennesn'exigèrent plus quetrois conditions:avoir un laissez passer; être

en règle avec la douane; avoir un ticket (Production 135 ; voir aussi
Production 140).

61. La surveillance frontalière s'étendait, aussi, naturellement
aux marchandises. A cet égard. onpeut mentionner la lettre du 16juin 1964
du Préfet du B.E.T au Ministre de l'Intérieur concernant l'étendue de

l'exemptionde droits et taxes dans la zone frontière fixéepar la Convention
de bon voisinage annexéeau Traitéfranco-libyen du 10 août 1955. Comme

l4. populuioncl! prral)rCr useanimalx pourle fqu'cline poumi! vojapr que munde
pa~pn Alon qu'elletgnoraitlongcelipikc dondo iilnespar farilrrcpa.urriauTibesticn
CI(C"C0R rCnfit-ait qunumbc dc3habiiandc Zow u rendentillCgllcAcKoufra Cc quina parcette Convention établissait une zone frontièreà l'intérieurde laquelle les
nomades pouvaient exercer le trafic caravanier traditionnel sans payerde
droits de douane ni de taxesàrentréeet à la circulation,le Prkfet du B.E.T.

voulait savoir du Ministre si l'exemption dedroits et taxes pour les produits
viséspar la Convention s'appliquaitàces produits quelle que fut leur origine
ou bien si, de façon plus resmctive, ces produits devaient êtreoriginaires de
la zonefrontalière(Production 127).

La turbulence dans la zone nord amena également les
62.
autoritésàintensifier leun tourneesd'inspectiondans toute la région.

63. Les tournéesétaientaccomplies tout d'abordpar les Chefs
de poste. Ainsi, dans le Bulletin politique mensuel pour la périodedu 20
décembre1965 au 20 janvier 1966,concernant le Tibesti, on note que "Les

Chefs de Poste de Zouar et d'Aozou sont très actifs et font souvent des
tournkesde contact avec leurs administrés" (Production131).

64. Les tournéesdes Sous-Préfets étaient naturellement plus
importantes pour deux raisons principales. Tout d'abord, ces fonctionnaires
ne se bornaient à une investigation principalement militaire et de police,

mais s'occupaient aussi d'un contrôle plus large, s'étendantau domaine
politique et social. En deuxième lieu, tandis que les rapports des chefs de
Poste ne faisaient pas l'objet de procès-verbauxou en tout cas n'étaientpas
transmis au Préfet du B.E.T., les rapports des Sous-Préfets étaient, en
revanche, résumés dans le Bulletin politique mensuel que chaque Sous-
Préfet devait transmettreau Préfet.Il s'agit, donc, de documents dontVon
peut prendre connaissance.

65. Trèséclairantssont les rapports du Sous-Préfetdu Tibesti
sur ses inspections dans la région.Dans le Bulletin politique mensuel du 20
février1966,il relate qu'

"Au cours de ses brèves tournées entre le 27 janvier et le 16

février 1966 à Zouar, Aozou et Ouanoufou, le Sous-préfet a pu
constater un grand changement à Zouar qui se développe
progressivement et la volonté des habitants de rester groupés
autour de leur chef de poste qu'ils caractérisentde trop sévère
mais bon organisateur et bon animateur. Leurs voeux actuels sont
de voir ramener le Bureau de la Sous-Préfectureà Zouar afin de
ramener tous les gens partis en Libye et au Niger et d'accroître

aussi le commerce. Le Sous-préfet n'avaitpas manquéde partager
leurs sentiments car le problème de ravitaillement se pose
énormémentau Tibesti à l'heureactuelle. Et ce problèmene peut
êtretraité qu'à partir deZouar.
Le Sous-Préfet aconstatéensuitequeles habitants de Aozou et de
Ouanoufou sont défavorisés en vivres FDAR et sont les plus
déshérités de toutes les regions du Tibesti. Ces questions sont

soumises au Pdfet du B.E.T. sur le champ, par télégramme. Pour
les mêmes causesle Chef de Poste de Aozou s'estrendu à piedà Bardai à deux reprises. II n'y a que le commerçant ZEDAl
dépositaire de Hemed Brahim à Largeau qui a pu faire quelque

chose d'éphémèraeu profitde cette localité" (Production 133).

66. Dans le Bulletin politique mensuel du 20 avril 1966, le
Sous-Préfetdu Tibesti fait les remarques suivantes:

"Au cours de ses tournéesde prise de contact avec les populations
des fractions Gouhone,Modroa, Issoumouri, Edempi, Ouanoufou,
Doui, Oduski, Oussouni et Aozou du24 mars au 7 avril 1966,puis
du 11 au 18, du 26 au 28 avril, le Sous-Préfet duTibesti a pu
expliquer à ses administrés le rôle du citoyen dans la nation;
I'impôtavec son but, son intérêt et qulie paye; la description du
passeport et la nécessitéde le posséder, la convention douanière

entre les cinq Etats, Tchad, RCA, Congo, Gabon et la RDF du
Cameroun, le but du voyage du Président de la République
Tchadienne au B.E.Tet à travers le territoire.
II a profité de ses tournées pour réviser le recensement qu'il
continue favorablement en ce moment.Il sera à cet effeà Wour
(pour) y séjournerdu 6 au 11mars 1966.
II est signaler que le Sous-Lieutenant ALLAH Maurice Chef de

Poste de Zouar effectue égalementdes tournéespour lemêmebut
de prise de contact et d'explication de la situation du
Gouvernement aux populationsde sa contrée.
Jusque là nous sommes trèsbien reçus avec bienveillance par les
habitantsdes localitésque nous visitons" (Production 134).

67. Il ressort de ce passage que le contrôle des autorités
tchadiennes sur les habitants de la régionen question était minutieux et
étendu. Ce passage témoigne d'une emprise constante et très large des
autorités tchadiennes surle B.E.T.

68. La pénétrationdes autoritéstchadiennes dans les régions

du nord se déploya aussi parun autre moyen: la scolarisation des enfants en
bas âge. En effet la documentation disponible montrebien que les autorités
s'engagèrent dansun effort considérable pour diffuseret renforcer autantque
possible I'enseignement primaire. Elles étaient conscientes du fait que
l'enseignement constituait le meilleur instrument -même si à longue
échéance-pour étendreet renforcer I'emprisede YEtatsur les habitants du

B.E.T. (v. no 53 la remarque du Sous-Préfet du Tibesti,àpropos des
problèmesde fonctionnementde l'étatcivil; or, il avait notéque "lameilleure
solution seraitde scolariser rapidement les enfants", Production 138).

69. Des "tableaux récapitulatifs du personnel de
I'enseignement enservice au Borkou-Ennedi-Tibesti" montrent qu'en1966-
67 ce personnel comprenait 30 personnes (Productions 141, 145, 149). Plus

particulièrement au Tibesti, au mois de septembre 1966, il y avait 5
moniteurs répartis entre les postesde Zouar. Ouanoufou. Aozou et Bardai,mais le Sous-Préfetsouhaitait que ce nombre fût augmenté à 815.Un rapport
de fin d'année pour 1969-70 et 1970-71 de I'lnspecteur de I'enseignement
élémentaire donne une liste complètedes établissements scolairesdu B.E.T.,
y compris ceux qui avaient dû être fermés à cause des émeutesau nord
(Productions 153et 154).D'autresinformations intkressantes,et qui donnent
un aperçu de la diffusion de I'enseignement primaireau B.E.T., peuvent être

tiréesdes "états de fréquentationscolaire" envoyés.mois par mois, par les
directeurs des écolesàl'inspecteurscolaire du B.E.T. (Production 118).ainsi
que des Bulletins politiques mensuels du Sous-Préfet du Tibesti (v.
Productions 136, 137et 140).

70. L'activitéde I'Inspecteur de l'enseignement primaire du
B.E.T. est aussi très importante. Ainsi, par exemple, le 10 octobre 1960 il
demande au Directeur de l'écolede Bardai une fiche de renseignements
concernant le personnel enseignant en exercice dans la circonscription du
Nord Tchad (Production 120). Tout aussi intéressants sont les rapports

mensuels que I'lnspecteur soumetau Ministère deI'Educationnationale et au
Préfetdu B.E.T. (v. Productions 146et 152;dans le second I'lnspecteurnote
que "quelquesécolesdu Tibesti (AOZOU, OUNOUFOU, ZOUI), une école
du Borkou (TEGUI) et une écolede Ennedi (BERWBA) ont ferméleurs
portes àcause de la diffusion de la rébellion).

C -Policeet sûret6

71. Les troubles qui s'accentuèrent dans le nord du pays

rendirent nécessaire une intensification de l'activitéde police au fil des
années.Les problèmes principaux à aborder étaient ceuxde la contrebande.
des infiltrations de bandits ou d'élémensubversifs"venant de l'étranger,des
actions de fraudeurs qui profitaient de la proximitéde la frontikre, et du
trafic d'armes. Celaexplique pourquoi la surveillancele long des frontières
nord s'affermit.A ce propos, on peut rappeler que dans le procès-verbal de

passation de service du 24 août 1966,déjà cités àmaintes reprises, le Sous-
Préfetdu Tibesti incluait dans le "plan de defense" la consigne suivante:
"Effectuer beaucoup de patrouilles à la frontièreLibye-Tchad - Piste allant
sur Koufra, àToro vers le Niger, Bardai, Aozou el Wour" (annexe 138).

72. Déjàen 1965 le même Sous-Préfetdu Tibesti. dans son
Bulletin politique mensuel du 15octobre relatait ceci:

"Des trafics de marchandises et animaux se fontde plus en plus
nombreux dans la Sous-Préfecturede TIBESTI, entre YEBIBOU,
GUEZANDI et KOUFRA (LIBYE). IIest (...impossible d'arrêter

les caravanes des contrebandiers avec les Gardes Nationaux
Nomades, car il y a une parfaite entente qui régne entre eux, et

15..llon2AZauar.AOuanoufou.1Aozouel4aBardai(Roducii140) leurs frères les commerçants et villageois. Il serait mieux que
I'Etat place des Agents des Douanes dans ces carrefours très

importants, encadréspar les Gardes Nationaux Nomades,afin de
percevoir auprès des individus, les droits à l'exportation et
l'importationde toutes les marchandises et animaux.
Les Centres qui auront besoin dans l'avenir (des) Agents
compétentsen (la) matière sont: WOUR, AOZOU, BARDAI et
YEBIBOU" (Production 129).

73. Dans le Bulletin politique mensuel du 20 juin 1966, le
Sous-Préfet exprime son inquiétude au sujet du danger posé par des bandits
Fezzanais:

"Les habitants de TOR0 au sud de Zouar sont toujours menacés
par les bandits Fezzanais de Libye et du Niger. Le Sous-Préfet

anend le compte-rendu de la patrouille des gardes nomades dans
cene localité pour décider l'envoi d'un groudee II autres gardes
avec la mission de surveiller ce secteuret protéger les habitants"
(Production 136).

74. La même année, six fraudeurs furent arrêtés sur la frontière

Koufra-Tchad, à proximitédu village de Yebbi-Soma, par une patrouille
composée detrois gardes nationaux nomades. Maisles fraudeurs réussirent
à s'échapper, en emportant les trois culasses mobilses fusils de ces gardes
(l'épisodeest relaté, avecdes détailsabondants, dans le Bulletin politique
mensuel du Sous-Préfetdu Tibesti, du 25 septembre 1966: Production 140).
Des instmctions très strictes furentdonnéespar le Sous-Préfet aux Chefsde
Poste de Zouar, Aozou, Ouanoufou et Wour, pour qu'ils organisent des

patrouilles dans tous leurssecteurs afin de capturer les malfaiteurs (ibidem).

75. La question des fraudeurs le long de la frontière estencore
d'actualité quelques mois plus tard. Danle Bulletin politique mensuel du4
novembre 1966,le Sous-Préfet du Tibesti nota :

"La situation du Tibesti est calme dans l'ensemble, mais les
fraudeurs se multiplient de plus en plus sur la frontière de
KOUFRA, malgré la surveillance constantede la frontière.
La plupan de ces fraudeurs sont originaires du TIBESTI. Le plus
souvent, ils se rendent à KOUFRA dans le clandestin, sans se
conformer aux règlements administratifs avec leurs animaux:
(taxe douanière, laissez passer); à leur retour, parfois ilsse

heurtent aux G.N.N. (Gardes Nationaux Nomades) en patrouille à
la frontière soit ceux du poste d'AOZOU, soit ceux du postede
OUANOUFOU, mais comme c'est une région montagneuse
parfois les G.N.N. n'arriventpaà retrouver leur traces. afinde les
poursuivre, ils échappent le plus souvent aux contrôles des
Autorités administratives et retournent à KOUFRA pour se
procurer des armes et munitions, etrevenu jouer le banditisme sur

les grandes montagnes ou amerder (& simplement les Autorités administratives sur place. C'estainsi que le Sous-Préfet du Tibesti
a saisi en 19654 ou 5 fusils marque italienneentre les mains des
détenteurs illégaux venant deKOUFRA.
II serait nécessaire de trouver une solution (pour) empêcher la

vente des fusils aux Tchadiens en voyage à la Libye" (Production
144).

76. Il ressort de ces documents que, même si elles
rencontraient des problèmes dans l'accomplissement de leur mission, les
autorités tchadiennes exerçaient un contrôle constant et continu sur le

territoire soumisà la souveraineté tchadienne, y inclus la bande d'Aozou.
Malgré les lacunes et les imperfectionsde leur action, ces autorités étaient
les seulesàdéployer une activitéde police et de surveillancedans la bande.

77. Cela, de toute évidence, confirmeque cette région relevait
de la souveraineté effective du Tchad.

D-L'exploitation (ou les tentatives d'exploitation)
des ressources naturelles

78. Les autorités tchadiennes étaientbien conscientes du fait

que le décollage économique de la région'duB.E.T. et surtout de la zone -
tr&spauvre, principalement causede ses caractéristiques géographiquesd -u
Tibesti, constituait le moyen le plusficace pour assurer une présence active
de I'Etat, d'un côté,et une coopération fructueuse avec les habitants, de
l'autre. Elles essayèrent donc de mettre en valeur tout ce qui pouvait
contribuer à promouvoir I'essoréconomiquede la région.A cette fin, elles
misèrent surtout sur1') la recherche d'hydrocarbures;2') le développement

agricole, dans les zones où il existait les conditions minimales nécessaires;
3")le tourisme.

79. Malheureusement, toutes les tentatives faitesdans ces trois
directions se soldèrent par un échec. Mais. on peut cependant examiner
rapidement commentse déployèrent les effortsdes autorités.

80. En ce qui conLuiie les hydrocarbures, il convient de
rappeler que déjàle 31 octobre 1961le Ministre tchadiendes travaux publics
promulgua un décret(no.l89/PC-TPMH, Journal Officiel de la Ré~uhliaue
du Tchad, 15 novembre 1961,pp.468-469) accordant un permis exclusif de
recherches d'hydrocarbures liquidesou gazeux à la sociétéde participations
pétrolières Petropar.Le décret était signé pae Chef de I'Etat,Résidentdu
Conseil des Ministres du Tchad, François TOMBALBAYE,et contresigné

par le Ministre du Commerce et de l'Industrie, M. Baba HASSANE, le
Ministre des Travaux publics etdes Communications chargédes mines par
intérim.M. Michel DJIDINGAR, le Ministre des Finances et du Plan, M.
Djibrine KHERALLAH,etle Ministrede l'intérieur, M.AbboNASSOUR. 81. Le permis de recherches, valable pour cinq ans mais
renouvelable, portaitsur une supeficie de 152.000kilomètrescarréssituée A

l'extrémité nord-esdte Inmedi, limitéeau nord par la frontièrede la Libye et
à l'estpar la frontière du Soudan.

82. La société Petropar, donlte siège étaitàParis, s'engageaità
dépenser150 millions de francs CFA la première année et300 millions la
deuxième année. La Compagnie générale de géophysique était agréée
comme opérateurpour lecompte de Petropar en ce qui concernait le permis

de recherches en question; elle &taitnotamment "autorisée à établiret A
exploiter, dans les limites du permis de prospection des Erdis attribué à
Petropar" des dépôts mobiles d'explosifs(v. l'article ler de l'Arrêté no.2890
du ler octobre 1962, portant rectificatif à l'Arrêténo.2652 du 6 septembre

1962: Journal Officiel de la Ré~ubliaue du Tchad, ler novembre 1962,
p.820).

83. La Petropar installa un aérodromeprivé prèsde Tekro,
dans 1'Emedi.Ses recherches furent malheureusementinf~ctueuses.

84. Le résultat négatifdes recherches susdites n'a cependant
pas d'importance aux finsdu présent litige.En revanche. ce qui compte tient
au fait que ce furent bien les autorités tchadiennes qui délivrèrent à une
société françaisele permis de mener des recherches d'hydrocarbures liquides

ou gazeux dans une très large zone sise dans la bande d'Aozou. Cet acte
administratif constitue une preuve supplémentaire de l'exercice par les
autorités tchadiennes d'attributions gouvernementales à l'égarddu temtoire
en question.

85. Pour apprécie;toute I'importancede cet acte administratif,
il faut mettre en exergue que Io) la Libye ne délivra pas de permis

semblables pour l'exploitation de ressources naturelles dans la Bande
d'Aozou et en outre2') elle ne protesta pas non plus lors de Ladélivrancede
ces permis par le Tchad.

86. Cela confirme d'une manièreéclatante quec'était bienle
Tchad qui exerçait les attributs exclusifs de la souverainetédans la bande
d'Aozou.

87. Dans le domaine de l'agriculture, les autorités tchadiennes

s'attachèrent surtout dans les années 1960-1966, Aexploiter au maximum les
ressources limitées dont disposait larégionl6.

ceciauMinistrede rtconet d-sport:conomiqudu 2janvier 1966.le Sous-Mfet du Tibesti relaie
''4kuhm Ptnodcde la culdesctrtalequelques legumsrque:bltchoux.labac
unp;upanauxdanle Tiksri.enB notequeIc baCI'ogs ml favorablecvltivrn 88. Cependant, dans les années suivantes les troublesau nord

du Tchad contribuèrent à accentuer la stagnation de l'agriculture, etdonc à
empirer les conditions économiques générales.

Un autre secteurdans lequel les autorités tchadiennes firent
89.
des efforts considérables est celuidu tourisme.

Le 17janvier 1964le Préfetdu B.E.T.,en répondant à une
90.
demande de renseignements du Directeur de l'Office Nationalde Tourisme
Tchadien, du 7janvier 1964,dresse une listedes activitéset des localités qui

pourraient constituer des points d'attraction touristique: en plus des
manifestations fokioriques et des principaux marchés, il énumèrlees lieux

(villages, palmeraies, grottes rupestres, etc.) vers lesquels à son sens on
aurait pu canaliser le flux touristique (Production 124). Mais, les effortsdes

autoritésn'aboutirent probablement pas. A ce propos, le procès-verbal de
passation de service du Sous-Préfetdu Tibesti, en date du 24 août 1966.en

relatant l'arrivée au Tibesti du Ministre de l'Intérieur, M.Silas SELINGAR,
signale que "LeMinistre étudiait les problèmes des routes,de l'aviation et du

tourisme. 11s'était rendu à cet effet à Aozou, Sobrou et Zouar où il avait
défini l'extension du terrain d'aviation de Zouar" (Production 138). De

même,il est indiquéque le Ministre de I'Economie et du Transport, M.
Abdoulaye LAMANA, vient "pour étudierpersonnellement les problèmes

économiquesdu Tibesti" (ibidem).

91. Malgréle peu de succès de ces tentatives, il ne faut pas

croire que les autorités tchadiennes demeurèrent inactivesi'.

cc momentdans touicrIsr palmeraiesqui s'estimentau nombr. de ÿenie. Cabssncelalale des
n'obtenir de faibles rumcsr cultivPourila mCmeraison les palmierne sontjamais
nenoyCsAvmps pourtviicr que Icsarbrespçrirsenteitvidcnt que le pyran a change sa
fqon dc faire sinc lui monmpu cequ'il ya de mcillcui' (Fiduction 130).
Et dans IcBulletinkonoraique mciuucl du 20 février1966.IcSous-Mfecntraum :
"Eaux ci Fore&- Dessaurces jaillissent BGoubo~e. Ouanoufou. Zoui el Aom. II suffirait
dc les menager pourlesrindn pcrmanenvs. Aucuns salution'atoujours CiCapportou
pcs4m quc laquestion estAIYrude(Fiduetion 132).
Etle Bulletinpolitiquemensueldu 25 septembre 19% r.laic la réuîroum6cagricoleeffcctuk parIc
"manitcur d'agriculire" ("Monsieur BETOUABAYGaston.moniteur d'Agriculture.a cffscnid uneioumtc
sgricols de 25jouauposte Adminisuatif de Zouarcl Icî villages cnviSherdarKayouga. Dcbrsser-
Icrahanpratiquer et Icsplus urilinablssdu Tibcni. mais il suffitd'em un pcu plient pour arriverAdestination
aidmca: il iagii chameaux.Cerisioumk a parfaitementréussicl Icdélailsera auBulletinmenrucl
Economiqus":(Roduclion140).

-II suffirait de mentioncet tgard 1sBulleUnpolitiquc menrucl du 20 janvier 19-56,dans Icquel le
Sous-Rtfcl du Tibestiindi:uc
"A I'mcaion de lEu de I'lndépcndanccdu II janvier 1966.pd'mes etdéfiICparder
militaires de I'Amte nationale Tchadienne. les garder nationaux et nomadcorpsc
adminiseaiif, Icntcolci et les notablcu lieuABardai.Zouar si loealemenl h Aozou.
Ensuite ce fut la fécede Ramadan.DesdansesfalWotiqucset dcs michouisont ttt organids A
Lc meme Sous-Mfet fait Cmt,dansnsonBulletin politique menrucl du 20 avril 1966. de la prtscncs de
touristesdans la dgion. mais aussi der pmblemes fastidieuxqu'ilscausaient ("Dans let7 avril du6
1966, 61 lourirter de nationalite mCrieaine. allemande, anglaise.suisse. arsbc etc.borddent mivts 6
deux avionsA~ardaiob ils os visite lc su Nmn et~ardaimem Acrabsencc du Sous-Mfet pani sn
tournes. Ils ont oraanisé(michoui cncommun avecla Mission Allemandoh ils ont invite quelques
fonctionnaires E -Missions scientifiques

92. De même, au cours de cette période, les missions

d'explorationdu sol et du sous-sol se poursuivent. On peut rappeler que le
Journal du Poste du B.E.T. mentionne une mission géophysiquedes Erdis le

23 décembre 1961etle 16janvier 1962 (v. Production 122).En revanche, en
1963-64, c'estl'institut Géographique National en Afrique Equatorialequi

accomplit une mission au Tibesti, ayant pour tâche de mener à bien le
nivellement de précision des itinéraires Dourso-Koufra-Tummo ("avec

antenne jusqu'à la frontière libyenne et Bardai Yebbibou-Rond point De
Gaulle"), de mêmeque la "stéréopréparation en vue d'aérocheminements

analytiques"de certaines feuilles géographiques (v. Production 123)L . a zone
d'Aozou fait I'objetelle aussi de cette mission (ibidem).

93. Quelles que fussent la composition et les tâches des

missions en question, ce qui compte est que dans chaque cas leur
accomplissement n'a étépossible que grâce l'autorisation des autorités

centrales du Tchad et à la coofiration des autorités préfectorales et militaires
compétentes (v. notamment Production 123).

94.
Le déroulement de ces missions apporte donc, une
nouvelle confirmation de I'exercice continude l'autorité souveraine, parle
Tchad, dans la régiondu B.E.T.

F - L'exercice de la souverainete tchadienne à Aozou

95. Comme la République du TchadI'anoté ci-dessus à propos

des effectivités françaisesau B.E.T dans la période 1955-1960(v. supra n05
et S.),l'immensitéde la régiondu B.E.T.,son caractkreen partie désertiqueet

en partie montagneux, ainsi que la pénuriede moyens de communication et
le sous-développementéconomiqueont comme conséquence queI'activité
des autorités se concentre en un nombre limité depostes: dans la bande

d'Aozou,ces postes sont essentiellement Aozou (le plus important).Ouchi et
Ouri. II s'ensuitque la plupart des documents officiels disponibles portent

justement sur les activitésdkployéespar les autoritésdans ces postes.

cl Ics civLasilontdimontréque VAfricadans le tempsttaaI'echelleanimai. Cs qui
est de pire et très ineommods.sont allts photographier BORDJ MilitairJans
autorisatiLs.moindre politeseraide s'adresseunsoldai si les grader sontabsenuou
s'ils n'ontaucun respectpour eux.Px sontpemir de di que leBORDJ Ciaitunfon
ilalietpourquoi les defendrede s'yappmhIamblctaitquelepmfessur AUVERMAN
Oirc~I~urde 18Mission Allemande les appuyait. Cs que le Sous-Prtfsl tiouvc de trbs
l-table pw la Mission Allemande qu'il a coluidéiélaracollaboraÿice rCricuw cl
qui crracepnidantde (le) mmpeOui ceci w cmeiétiw par Ic fait que la Mission hisw les
inderdit de Ic fCcrfagonsde faifontque lSous-Wfet.w meficdestouristesilltgaur. ttait
Ooiénavanl. il refoule Durementcl simnlcmcntaucunn eote cxorrsw n~arvicnde
1lnttnr~pié.i.=dc Icr r&r<oir
II clu,%#3 >,@ndlqrunefo.\ queIrr t,rnric% iomknl rnllxdci au cnuvu)rgc.ilr
c,\r,cni Jcvniii1.nfimicr pur drnniiJr.r leur t<n;ili foni muicnt prrrvion .ur II
Suihm r~diu pour laire plIcur. rnrangcs. tuiiIr rd du dcrnicr 18i~nrir tracut sur
b<in.Im) WC OYClem SlJOKITZ Cu?culde Dlrail Ir cunnrisuur de$~~lonltr cl omfimit
decetetaidicho&s pourmctm IcWon &r la mus detout le monde.Aquefini-icr a
leChef deStation radio devaientCÿelibres dedtcidesraefai (Pmduction 134). 96. Puisquele poste d'Aozouest aussi leplus importantaux fins
du présentlitige, il convient de passer en revue, rapidement, une série de
documentsqui leconcernent.

97. Avant d'entreprendre cet examen, il faut cependant

souligner que les documents que l'on peut trouver ont traitau Poste en tant
que tel plutôt qu'à la zone sur laquelle les autorités militaires et
administratives du Poste exerçaient leurjuridiction,car le village d'Aozou est

situédans une zoneen grande partie montagneuseou désertiquelS.

98. On trouve tout d'aborddes textes qui précisent les effectifs
et les fonctions militairesdu Poste. Ainsi, par exemple, le Bulletin politique
mensuel du 20 janvier 1966note, au sujet de la répartition au Tibestide la

Garde NationaleNomade, que "l'aspirantN'ZAPAPamce, Chef de Poste, n'a
d'auxiliaires que 5 gardes nationaux nomades" (Production 131; v. aussi
Production 139),mais précise ensuiteque "l'effectifdes militairesde l'Armée

Nationale Tchadienne au Tibesti est augmentéede 24 recrues réparties aux
Postes de Zouar-Bardaiet Aozou" (Production 131).D'auh.esdocuments ont
trait aux mutationsdes officiersdu Poste (v. Production 136). D'autresencore
mentionnentla délégation, par le Sous-Préfet. "de certains pouvoirs"au Chef

de Poste (Production 125),tandis que d'autres soulignentl'actiondu Chef de
Poste (Production 131) : "Les Chefs de poste de Zouar et d'Aozou sont très
actifset font souventdes tournéesdecontactavec leursadminisnés").

99. Parmi les fonctions administratives du Poste, le
recensement des habitants revêt un certaineimportance(voirProduction 139).

100. La gestion des écoles constitue une tâche tout aussi
importante. Ainsi, par exemple, dans le Bulletin politique mensuel du 20

janvier 1966 le Sous-Préfetdu Tibesti note que "l'effectif des élèves à la
cantine de Aozou qui étaitde 20 passe souventde trente à quarante à cause
des enfants de village quine se noumssent qu'àla cantine. Le seul maîtreles

supporte difficilement" (Production131). D'autresdocuments mentionnentle
nombre des classes (Production 138 : il y a deux classes avec20 élèves, etle
"recrutementn'estpossible et favorablequ'en aoûtet septembre, firiode de la
récoltedes dattes"),ou onttrait à la nominationou la mutationde moniteursau

Poste (v. Productions 138,139,142et 143).

101. Le Poste s'occupait aussi de donner des soins médicaux

aux habitants de la zone. Dans le procès-verbal de passation de service du
24 août 1966,le Sous-Préfetdu Tibesti note que le "Poste Militaire à Aozou
soigne aussi les habitants. Lesinfumiers donnent entière satisfaction au point
(de vue) traitement et soins à donner aux malades" (Production 138).El dans

le Bulletin politique mensueldu 17mai 1966,le même Sous-Préfet notq eue
les infirmiers du Poste s'occupent également des animaux ("L'infirmier
YALTOL lsaiedépuaitaitlesanimauxdans larégion d'Aozou"P , mduction135).

18 -Ien utildcciteBce sujetes qu,6crdans1s"Rappondcfinde mission"la Missiondci'lnsiitut
GeographipucNationenAfnquc Equaiorialcde 1963-60.sur "lad'Aozou":"PrCwniIsî memcs
cadnrtiouer out la fcvilBardu.Ceandant lesfacililCrdcanCrrwismainszrandc r.dehors

rcii pamoinsdessurfacertlcnducsquin'o€mpappmchtcs"(Pmductio123). 102. Il convient d'ajouterque dans l'exercice de ses fonctions
administratives, le Sous-Préfetdu Tibesti, dont dépendaitle Poste d'Aozou,
faisait souvent appel au "Conseil des notables" pour traiter de problèmes
relatifsà la zone sous la juridiction du Poste. En une de ces occasions, au
moins, le Conseil fut sollicité sur une question touchant aux rapports avec la

Libye. Dans le Bulletin politique mensuel du 20 avril 1966,le Sous-Préfet
relate ceci:

"Au cours de la visite du village de Kara quartier de Aozou
pendant son séjourdans cette localité du II au 14 avril 1966, le
Sous-Préfeta trouvédans la Mosquéede ce quartier la photo du
sultan ASSANE de Libye. II a constat6 que les habitants de ce

quartier adorent ASSANE. Dès son retour à Bardai il a fait venir
SALAH Bozomi Chef de village de KARA et EDJIMahamatmi
de BOU et il a provoquéle conseil des notables. Aprèsexposé de
la situation, le Chef de village intérea niéet a dit que s'il savait
que cela signifiait quelque chose, il aurait pu interdire
l'introductiondans la Mosquée.II a étéaverti en présencede tout
le mondede ne pas tolérer dorénavand te telle chose chez lui. Puis
l'affaire était close pla"(Production 134).

103. Il ressort de ce document que, même si certains secteursde
la population d'un village de la bande d'Aozou avaient des attaches
religieuses en Libye, les autorités tchadiennes tenaient à affirmer leur
autorité sur la région, avec la coopération de l'organe "local", dont les
fonctions consultatives politico-administratives servaienàrenforcer l'action

des autontésgouvernementales.

104. Le Poste d'Aozou faisait l'objetde tournéesréguli&resdu
Sous-Mfet du Tibesti. II semble utile de mentionner à cet égardle rapport,
très détailléd,u Sous-Préfetsur une de ces tournées.IIdécoulede ce rapport
(que l'on trouve dans le Bulletin politique mensuel du 25 septembre 1966)
que le Sous-Préfet,accueilli par une population évaluée à 300 personnes,

s'adressa tout d'abord aux administrés, pour leur rappeler leurs devoirs
(nettoyer les dattiers, entreprendre les travauxdesjardins, ne pas se bagarrer,
oublier les vieilles querelles,ne pas partir en Libye sans laissez passer et, au
retour, se présenterau poste avec les marchandises importées).II leur tint
ensuite un discours politique, après quoi il convoqua une réunion de travail
avec le Chef du Poste, le Chef du village d'Aozou et tousles autres Chefsdes
villagesde la zone (Production 140).

105. Une autre fonction importante du Poste concernait la
police et la sûreté.

106. Parfois les patrouilles du poste, qui faisaient des tournées
dans la zone, arrêtaient des bandits (Production 140); plus souvent les

patrouilles surveillaient la frontière avecla Libye (Productions 142et 144). 107. Dans d'autrescas, les fonctions de police étaient remplies
par un inspecteur de police. On peut mentionnerà cet égardun télégramme
envoyéle 27 février 1968 parle Préfetdu B.E.T. auSous-Préfet;dans ce
télégramme,aprks avoir mentionné une communicationde Y'inspecteurde
police à Aozou", le Préfetdemande à son subordonnéde prendre toutes
dispositions utiles et de lui rendre compte de l'évolutionde la situation
(annexe 48).

IV -REMARQUES FINALES SUR LA PRATIQUE EFFECTIVE DE
LA FRANCE (1955-1960)ET DUTCHAD (1960-1968)
DANS LA BANDE D'AOZOU

Les donnéesexposéesdansle paragraphe 1(concernant les
108.
effectivités françaises en55-1960)et dans le paragraphe 2 (concernant la
pratique effective de l'emprise tchadienne en 1960-1968) confirment
indiscutablement que le B.E.T. et, plus spécifiquement,la bande d'Aozou,
ont étésoumis à l'autorité souverained'abordde la France et ensuite, après
son indépendance,du Tchad, sans aucune solutionde continuité.

109. Les manifestations des attributs souverains passées en

revue sont nombreuses, constanteset sans équivoques. Panni elles, il suffit
de rappeler l'activitélégislative (surl'importance de laquelle déjàla Cour
Permanente de Justice Internationale appela l'attention dans l'affaire du
Groenland ûriental, CPJI, Séri AeIB,no.53, p.48), la perception de l'impôt
(sur l'importance de laquelle, toujours aux fins de l'établissementde la
souveraineté, la Cour internationale de Justice eut l'occasion de mettre
l'accent dans l'avis consultatif sur le Sahara Occidental. CIJ, Rec. 1975,
pp.46-47, paras. 101 et103), le recensement de la population et du bétail,

l'établissement et la gestion d'écoles, la délivrance de permis pour
I'exploitationdes ressources minières,de mêmeque l'exercice d'activitéde
police et sûreté et la surveillance des frontières.

110. Il s'agit là de toute une séried'activitéspar lesquelles la
France d'abord etle Tchad ensuite ont fait preuvede leur autorité souveraine
sur la région, autorité qui s'est manifestée au plan normatif aussi bien
qu'administratifet opérationnel. Ces manifestationsde souveraineté effective

sont d'autant plus remarquables qu'il faut tenir compte Io) du caractère
inhospitalieret faiblement peuplé dutemtoire, et 2') du sous-développement
économique qui affligeait la région. Les activités étatiques constituent
néanmoins autant de manifestations témoignant d'une maîtrise réelle,
effective et paisiblede la région.

111. 11faut ajouter que, si pour la période "tchadienne" les
documents disponibles couvrent surtoutla période1964-1968,cela tient aux

ravages faits par la guerre durant les années suivantes, guerre quia eu pour
effet, notamment, la destruction de la plupart des archives nationales
tchadiennes. 112. La pénurie relative de documents pour la période 1960-
1963ne doit pas nous conduireà penser que, durant cette période, l'emprise
des autorités tchadiennesdans la bande d'Aozou s'était affaiblie. Une preuve
irréfutable en est constituée palre décretde 1961 du Ministre tchadien des

Travaux Publics octroyantun permis exclusif de recherches d'hydrocarbures
liquides ou gazeux danç la bande d'Aozou (v.n080et S.).Ce décret, quifut
suivi en 1962 par deux arrêtés ministériels (concernant la Compagnie
Généralede Géophysique, agréée comme opérateurpour le compte de la
société concessionnaire), constitulea preuve indiscutableque mêmedans les
années 1960-63les autorités tchadiennes exerçaient bien la souveraineté
exclusivedans \abande d'Aozou.

SECTIONII
L'EXAMENDULITIGEFRONTALIERDANS LE CADRE
DES NATIONSUNIEETDEL'OUA

113. A la suite de rébellions internes,LeGouvernement cenual
du Tchad perdit le conmôleeffectif d'une partie importantedu B.E.T et, en
particulier, de la bande d'Aozàpartu du milieu de l'année1968.La Libye
ne tarda pas àprofiter de la situation et, alors qu'elle n'avait pas émisla
moindre revendication territoriale l'égarddu Tchad lorsque ce pays fut
admis aux Nations Unies en 1960 (1), elle commença à émettre des
prétentions sur la bande d'Aozou, insidieusemànpartir de 1971puis, deux
ans plus tard, en procédaàl'invasion arméede ce territoire.

114. Malgréles très graves difficultés internes qu'il rencontrait,
difficultés auxquelles la Libye n'était d'ailleurspas étrangère,le'Tcaad
porté l'affaire devant les Nations Unies dès 1971 et les gouvernements
tchadiens~uccessifs ont constamment dénoncé l'occupation libyenne ?ï
I'exception'd'un bref "intermède", entre 1979 et 1981, durant lequel les

pressions ~ik~ennesexpliquent le silence du Tchad dans les instances
internationales:,II reste qu'avant 1979(II) et après 1981(nI). le Tchad a. de
manière constante, rappelé qu'il étaliet seul détenteurde la souveraineté sur
la bande d'Aozou sans êtresérieusement démenti par la Libye au plan
juridique.

1 -LESILENCEDELALIBYELORSDEL'ADMISSION DU TCHAD

AUX NATIONS UNIES

115. L'admission du Tchad aux Nations Unies aurait étéle
moment opportun pour la Libyede signaler tout différendissu deccordde
1955avec la France.IIn'enfut rien.

116. En félicitant le Tchad pour sa demande d'entrée aux
Nations Unies (Documents officiels du Conseil de Sécurité,15èmeannée,Suppléments, documents Sl4434, 16 août 1960 Production lgl),
l'Ambassadeur de France, A.BERARD, alors Président du Conseil de
Sécurité, a fourniune description du territoire du nouvel Etat qui, dit-il,
forme comme "un immense uapèzede 1.300.000Km2, -un calcul qui inclut

la bande d'Aozou-; et il ajoura qu'il s'étendaitdes "zones saharienne et
sahelienne aux steppes désertiques, paysdes dunes de sable et des hautes
montagnes déchiquetées du Tibesti, et sur celle. tropicale ou soudanienne,
aux vastes prairies" (ibid. 89Oèmeséance,23 août 1960, 5 97). Alors que
cette description est généralee,lle indique clairementque le Tchad comprend
les "montagnes du Tibesti". (ibid.)

117. Cela aurait été une occasion pour la Libye,éjàmembre
des Nations unies, de demander à être entenduesi son Gouvemement avait
jugéque ses intérêté s taientmenacés.II n'en fit rien et aucun membre du
Conseil de Sécuriténe manifesta la moindreréserve.Les représentantsde la
Tunisie et de l'Italie furent dithyrambiquesdans leurs éloges pour lesefforts
de la France. Selon les termes del'Ambassadeur Tunisien,M.SLIM :

"II m'est agréablede souligner,à cette occasion les conditions
favorables dans lesquelles ont évolué les relatentre la France
d'une pan, et les huit nouveaux Etats d'autre part, il me plaît
d'adresserà cette occasion mes félicitationsles plus sincèresau
Gouvemement français et à la République françaisepour avoir
mené dans la paix et dans la fraternité, ces huit Etats à
l'indépendance"(ibid.891èmeséance, 23 août, 57).

La recommandation de l'admission du Tchad aux Nations Uniesfut adressée
sans aucun désaccordpar le Conseil de Sécurité le23 août 1960 (ibid.,
Suppléments, document SI4463 ; résolution 1485(XV) de l'Assemblée
générale). (Productions 185e1t63).

118. 11en alla de mêmelorsque la demande d'admission du

Tchad fut examinéepar l'Assemblée général(e cf. Documents officiels de
I'Assembléepénérale,15ème Session, document Al4436, 17 août 1960
Production 182). Cette demande fut examinée par I'Assembléleors de ses
864 à 866èmeséances plénières (ibidI.èrepartie, Séances plénièresv,ol.1,
864 à 866ème séances,20 septembre - 17 octobre 1960). De nouveau, le
projet de résolutionsur le Tchad (ibid. document AlL.304, 20 septembre
1960 Production 186) présenté lorsde la 864ème séance,fut adopté sans
opposition.(ibid.Séances plénières8,64èmeséance, 5 73, Résolution 1485

(XV) de I'Assembléegénérale .Production 163).

119.Il faut remarquer que, au même momentd ,ans la seule affaire
où des difficultés politiques sont apparues entre deux nationsRépublique
du Sénégal etle Soudan, qui avaient déclaré. -mais avaient échoudans ce
projet-, leur intentionde s'unir dans la Fédérationdu Mali et dont la
candidature à I'0.N.U. avait reçu une réponse favorable au Conseil de

Sécurité- l'Assemblée généraald eécidéde retarder l'examende la question
de l'admission à 1'O.N.U.(Documents officiels de I'Assembléeeénérale,
15èmeSession, Séances plénières 5. 93) jusqu'à ce qu'ils aient résolu leursdifficultés. Des difficultés politiques ont également faqitue la question de
I'accréditation des représentantdse la Républiquedu Congo (Léopoldville)a
tt.kreirdke.par-la .m..e-sess.on de l'~!semblte (rhrd..9.102).Si la Libye
;~vaiieu I'imprcs~ionqu'elleavait IëTchad.
cela aurait&surémentétél'occasionde les exprimer:

120. Au lieu de cela, le représentant de la Libye auprès de
l'Assembléegénérale(M.FEKINI), parlant au cours de la 865ème séance
(ibid.865èmeséance, 5 8à 21) a exprimé"au nomdu Roi de Libye, de son
peuple et de son gouvernement, les félicitations lesplus chaleureuses aux
gouvernements et aux peuplesque nous venons d'admettredans cette famille
des Nations Unies ..."(ibid.5 10). 11fait pan de "toute son appréciation"
pour "l'esprit" dans lequel la décolonisation française s'étaitdérouléeen

exprimant seulementle regret que la France n'aitpas accordé l'indépendance
de la mêmemaniere à l'Algérie. (ibid5,17). Si la Libye avait eu d'autres
problèmes concernant la politique de décolonisation de la France -
l'établissementde la frontière tchado-libyennedans le Traitéde 1955, par
exemple- cette revendication serait venue il'espritde ses représentants et
aurait, tout naturellement,étexprimée à ce moment-là. Ce ne fut pas le cas.
ce qui doit logiquement êtrecompris comme signifiant qu'aux yeuxde la
Libye, un tel problème n'existaitpas.

121. L'importance de ce silence peut êtremieux comprise
lorsqu'onla compare au discours, lors du même débat,du représentantde la
Somalie (HAJJI FARAH ALI OMAR). En remerciant les Membres pour
l'indépendance et l'admission de la Somalie aux Nations Unies, il a
néanmoins exprimé le souhait de son pays de voir les Nationsunies agir pour
"la solution du problème de la frontière somalo-éthiopienne ..."(ibid.,

866ème séance. 5 55). On ne peut dès lors prétendreque cette occasion
solennelle -l'admission conjointe de nombreux Etats africains aux Nations
Unies-, était considéréceomme un moment inapproprié pour soulever une
question de ce type ne fût-ce qu'afinde "prendre date" et de le maintenià
l'ordre du jour. Que cela n'ait pas étéfait par la Libye est tout à fait
significatif et des conséquencesde fait et juridiques peuventêtredéduitesde
ce silence.

122. Toui aussi éloquentfut le silence, lors du même débad t,u
représentant de la République du Tchad nouvellement admise. Le 21
septembre 1960. son représentant,M.TOURA-GABA parlant "au nom du
Chef de l'Etatde la République du Tchad,M.TOMBALBAYE, et du peuple
tchadien tout entier" (ibid., 5 90) a seulement évoqué les "heureuses
conditions" (ibid. 5 92) dans lesquelles I'indépendance et l'admission à

I'0.N.U. du Tchad se sont produites, y compris la manière avec laquelle
I'indépendance avait été "gagnée par étapse asn,s qu'aitétéaltéréeen rien
l'amitié qui liela Franceàla Républiquedu Tchad (ibid. 5 93). 11n'est fait
aucune mention dansce discours d'un quelconque problèmede frontièreavec
la Libye. II-LA DENONCIATION PAR LE TCHAD DES AMBITIONS
TERRITORIALES LIBYENNES A PARTIR DE 1971

123. Tout en poursuivant une action contre I'invasion libyenne
dans le cadre du système régionalde I'ûrganisation de l'UnitéAfricaine, le
Tchad a pris soin de maintenir les principaux organes politiquesdes Nations
Unies informésde ses efforts pour protéger son indépendance politique et
son intégrité territoriale contreles empiétements de la Libye dont

l'expansionnisme s'est manifeàtses dépensàpartirde 1971.

A -Sensibilisation de l'Assembléegénéralede 1971:
les allégationsdu Tchad sur "l'expansion" libyenne.

124. A l'Assemblée générallee, 6 octobre 1971,le représentant
du Tchad, M.HASSANE, accusa la nouvelle administration libyenne
d'entretenirdes "idées expansionnistes" ainsique de s'être "immiscée et (de)

s'immiscer dans les affaires intéret extérieuresdu Tchad". (Documents
officiels, 26ème Session, Séances plénières,
1955èmeséance, 6 octobre 1971, 8 48, Production 190). 11soutint que le
Gouvernement libyen assistait "financièrementet matériellement"le Derdei,
le chef coutumier rebelle de la tribu tchadienne Toubou du Nord, qui s'était
réfugiéàTripoli (ibid§,50)et avait reconnu un autre mouvement rebelle,le
Frolinat, le front de libération nationaledu Tchad comme seul représentant
du peuple tchadien (ibid8,52). M.HASSANE accusa également la Libye
d'entraîner et d'armer des Tchadiens "entres autres" pour combattre le

Gouvernementdu Tchad (ibid., 853 à56) et ildonna les nomsdes personnes
et des bases impliquées dans ces activités (ibi$.53 et 55). 11affirma
également que la Libye insistait pour que le Tchad rompe ses liens
diplomatiques avec Israël et ordonne que les Français se retirent d'une base
établieau Tchad par accord mutue:exigences qui furent repousséescomme
"une autre preuve de l'immixtion du Gouvernement de Tripoli dans nos
affaires intérieureset extérieures" 5i61).,

125. Citant une nouvelle cane routière libyenne sur laquelle
"une partie non négligeablede notre territoire national est incluse dans la

République arabe libyenne" (ibid.,47), le représentant tchadien demanda
au gouvernement libyende "mettre un termà ses intentions expansionnistes
qui le poussents'emparerde portions de terresde mon pays" (ibi865) et
d'abandonner "ses visée sur mon pays. Qu'il renoàcentraîner sur son sol
des irréguliers qui viennent constamment piller nos richesses, asrossinen
populations, dévaster nos campagnes" (ib8d65).

126. La réponsedu représentant libyen (M.MAGHRIB1) fut
donnéele 12 octobre 1971 (Documents officiels del'Assembléeeénérale,

26èmeSession, Séances plénières1,963èmeséance, 12octobre 1971, 8 195
à 219, Production 191). En réponse, le Représentant de la Libye nia
catégoriquement toute visée expansionniste (ibid5,207) et ridiculisa lacane de la Libye présentée pale représentant tchadien (comme) "imprimée
et vendue en Italie". II traita l'attitude du Tchadcomme étantI'unede "ces
manoeuvres ..un complot colonialiste visanàdisperser nos efforts dans la
lutte contre le colonialisme sur notre continent" (5b206). 11ajouta que
"cettecane ne fixait aucunement les frontièresentre nos pays" (ibid.,).
Pourtant. la frontière Sud dessinée rette cane correspond, en fait, de près
à la frontière Sud officiellement revendiqplus tard par la Libye, lorsque

de simples démentis ne pourraient plus faire officede paravàl'expansion
libyenne.

127. Néanmoins,il est intéressantde noter qu'en 1971, dans le
forum public que constitue I'Assemblée générale,la Libye démentait
toujours toute revendication et, a fortiori- toute possession de territoire
tchadien y compris, expressément, toute vissur la bande d'Aozou.Que ce

soit par duplicité ou sincèrement, il apparaît donc qu'en 1971. le
Gouvernement libyen exprimait ainsi publiquementsa position. Celle-cidoit
ètreinterprétéecomme l'expressionde I'accordexistant alors entre le Tchad
et la Libye surle point en examen et aucun "repentir" ultérieurde la Libye ne
peut remettre cet accord en question. Ces déclarations faites publiquàment
I'Assemblée généralesont choses sérieuses et reflètent les positions
gouvernementales sur des problèmes qui revêtent de l'importance età ce
titre, elles ont une grande portéejuridique.

B - Dementis par le Tchad des rumeurs de cession

128. Une dépêchd ee l'Agence Associated Press, publiée parle
New York Times du 10 septembre 1976 fut évoquée par lereprésentant
tchadien devant l'Assemblée générale du8 octobre 1976 (Documents
officiels de TAssembléerrénérale.1èmeSession, Séances plénières2,3ème
séance,8 octobre 1967,5 29 à32, Production 192).La rumeur prétendaitque

le Tchad "avait bradé unepartie de son territàiun Etat voisin, moyennant
une aide économique substantielle...(ibid.,5 29). A cela, le représentant
tchadien répliqua:"Je tiensàdéclarer aujourd'huiàl'opinion mondialeque
mon pays necéderaaucun poucede son territoire àquiconque" (ibid.8 32).

C -En 1977, à I'Assembleegénérale, leTchad a
officiellementdénonce l'occupation libyenne d'Aozou

129. La 32ème Session de I'Assemblée générale des Nations
Unies fut marquée par l'accusation par le représentant tchadien.
M.KAMOUGUE, selon laquelle son pays se trouvait "àun moment crucial"
car il avait été"l'objet d'une grave agression" par la Libye sous la forme
d'une "occupation militairede la bande d'Aozou,dans le Nord depuis 1973"
(Documents officiels de I'Assembléeeénérale,32ème Session, Séances
plénières,25èmeséance,7 octobre 1977, 5 45, Production 193).A cela, il
ajouta la plainte "d'uneingérence constante dans nos affaires intérieures"

(ibid.). Le représentant tchadien affirma que "en 1973 la Libye s'installe
purement et simplement à Aozou au nom de l'Accordfranco-italien de 1935dit Accord MUSSOLINI-LAVAL. Or cet accord n'ajamais revêtu toutesles
formes du droit international en vigueur eta mêmeétédénoncé par l'Italie et
la France" (ibid., 5 50). Dans la période intermédiaire, explique le
représentantdu Tchad, il y avait eu diverses tentatives de la part du Tchad
pour résoudrele différendde façon bilatérale mais sans su(ibid.§51et
52). Même durantces pourparlers, selon le représentant tchadien, ily eut de
nouvelles attaques de rebelles inspirées par la Làbl'armelourde eà la

roquette, contre les postes militaires tchadiens d'ounianga-Kebir, Zouar et
Bardaï (ibid.5 54). En réponse,le représentant libyen niaque son pays eût
des prétentions territoriales aux dédu Tchad en s'appuyant sur lacarte
annexée au rapport du Commissaire des Nations Unies en Libye (qu'il
indiqua d'ailleurs ton comme étant le rapport de 1952 alors qu'ils'agitde
celui de 1950)(ibid.5 238). A cela, M.KAMOUGUE réponditque la carte
erronéede 1950 n'était qu'unmauvais prétexte invoque parla Libye pour

faire fi de la résolution392 (V) qui fixait la pràsuivre pour délimiter
les frontières des anciennes colonies italiennes (ibid., 31ème séance, 12
octobre 1977,5 253).

O Tout en attirant ainsi avec vigueur l'attention de
l'Assembléegénérale des Nations Unies sur la crise, le Tchad poursuivit une
approche àdeux niveaux. II émit l'espoir"qu'unrèglement justeet pacifique
du problème est toujours possible, celui-ci étantposédevant l'O.U.A. en

termes clairs. "Nous faisons pleinement confiance", déclarait l'Ambassadeur
du Tchad à l'Assemblée générale, "à la sagesse des Chefs d'Etat et de
Gouvernements africains et exprimons la ferme conviction qu'ils sauront
trouver une solution urgente au différendqui oppose le Tchàdla Libye"
(ibid., 25ème séance, 7 octobre 1977,5 59). Ceci explique pourquoi le
Gouvernement du Tchad attendit jusqu'en 1978, avantde soulever l'affaire
devant l'organe habilàtagir pour préserverla paix et la sécuritél,e Conseil
de Sécurité.

D - Le Tchad accusela Libye d'agression et demande
au Conseil de Sécuritéd'agir(1978).

131. Ayant échouédans d'autres fomms, le 8 février,le Chef
d'Etatdu Tchad, FélixMalloum, rompit les relations diplomatiquesavec la
Libye et en informa le Conseil de Sécurité (Documenofficiels du Conseil

de Sécurité,3kme année, Suppléments documentS ,l12555, 9 février 1978,
Production 194). Dans le télégramme par lequelil saisissait le Conseil, le
Chef d'Etat tchadien notait que la "Jamahirya libyenne n'ajusqu'à ce jour
fourni aucun dossieà l'O.U.A.pour justifier ses prétentions sur Aouzou" et
que en janvier 1978, la Libye "s'estune fois de plus abstenuede participer
la réuniondu Comitédes Experts des pays membres (Comité adhoc) faisant
échouerla réunion projetée" (ibid. Production 1).n outre, il fit valoir que
"la Libye vientde mobiliser sesforces arméesassistées d'éléments étrangers
dans de violents combats qui se déroulent depuisle ler février couraàt

Faya" bien au-delàde la bande d'Aozou,tràsl'intérieurdu Tchad (ibid.). 132. Lemême jour,le représentant permanentdu Tchad, auprès
des Nations Unies demandait au Président du Conseil de Sécuritéde
convoquer cet organe "d'urgence ...en vue d'examiner la situation

extrêmementgrave qui prévaut actuellement auNord du Tchad du fait de
l'agression libyenneet du problème frontalier Tchad-Libye" (ibid. document
S/12553,9 février 1978,Production 194).

133. De même,le 8 février 1978,le Conseil de Sécurité recevait
un télégramme daté d4 u février 1978dans lequel le Ministre des Affaires
étrangères du Tchad évoquait "l'escalade de l'agression" par les forces

libyennes contre le Tchad affirmant que la Libye "prend directement part au
combat contre l'arméenationale tchadienne au Nord du pays comme le
prouve l'utilisationdes missiles SAM-8 libyens contre les avions tchadiens
effectuant des missions d'appuidans la régionde Faya très à l'intérieur du
Tchad (ibid. document S/12554,9 février 1978,Production194).

134. A la suite des efforts de médiation entrepris par le

PrésidentHaj Omar BONGOde la République gabonaiseet par le Président
Jaafar Numairi du Soudan, le Gouvernement du Tchad décidade ne pas
renouveler sa plainte contre la Libye, en donnant encore une foisdu tempà
une initiative africaine en vuede résoudre la crise (ibid., documentSl12572,
22 février 1978,Production 198).Cependant, malgré les efforts déployés par
le Président BONGO,l'O.U.A.ne put guère enregistrerdes progrèsdu fait de
refus de coopérer dela Libye qui n'énonça mêmpeas ses revendications de

façon cohérente.Du reste, en 1987, le Chef de 1'Etatgabonais, dénonça
devant le sommet de l'O.U.A. à Addis Abéba, le comportement peu
coopératifde la Libye qu'il tenait pour responsablede l'échecdes pourparlers
(v. Africa Rewrt n032, sept-oct 1987,p.23). La Libye s'entinà la politique
de la chaisevide jusqu'àla fin de L'ann1987(cf. le New York Times du 27
mai 1988,Sect.1.pt.1,p.22, Co1.3).

135. Avant que cette "trêve" diplomatique soit déclarée, le
Conseil de Sécuritése réunit cependant,le 17février 1978,pour examinerla
plainte tchadienne. La session n'est passans importance juridique malgré
l'ajournement ultérieur de la procédure. En s'adressant au Conseil, le
représentant du Tchad,M.KAMOUGUE, réitéra l'accusation selon laquelle
laLibye avait commis une agression contrele Tchad "en occupant une partie
de son temtoire, Aouzou. au Nord du pays et en combattant ouvertement aux
côtés des rebelles" (ibid. 2060ème séance, 17 février 1978, § 9). Cette

déclarationdu Tchad mériteun examen plus approfondi car elle réitère la
position juridique du Tchad dans son différend concernantla souveraineté
sur la bande d'Aozou et maintient fermement l'opposabilité de la
souverainetétchadienne à L'encontredes revendications libyennes et de sa
prise de possession forcéede la bande. E - La position juridique du Tchad devant leConseil de Sécurité,
17février1978.

136. M.KAMOUGUE, en s'adressantpour la première fois au
Conseil de Sécuritéau nom du Tchad àpropos du différend d'Aozou, a
soigneusement formulé la position juridique de son pays. Cela avait été
rendu nécessairepar l'occupation de la bande d'Aozou par la Libye et le
soutien qu'elle accordait ouvertement aux rebelles tchadiens dans une large
portion du Tchad au-delà de la bande. Le représentant tchadiena relevéque

la frontièreenue la Libye et le Tchad avait édéfiniepar le Traitéde 1955
enue la France et la Libye indépendante, dont l'Arti3 énumère les "actes
internationaux (applicables) en vigueur à la date de la constitution du
Royaume Unie de Libye. II s'agitdes textes suivant:la convention franco-
britannique du 14juin 1898; la déclaration additionnelle du21 mars 189à
la convention précédente; les accords franco-italiensler novembre 1902;
la convention franco-britannique du8 septembre 1919; l'arrangementfranco-
italien du 12septembre 1919"(ibid.,§10).

137. M.KAMOUGUE poursuivit en déclarant que "les lettres
échangéesle jour de la signature du Traité et constituant lésannexes
comportent des stipulations détailléet incontestablesen ce qui concerne le
tracéde la frontière entrele Tchad et la Libye. C'est ainsique cette frontière
est définie pardes lignes droites, deux en particulierla premièrepart de
Toumo et va jusqu'à l'intersection duTropique du Cancer avec le 15ème

degréle longitude Est de Greenwich; elle ne concerne le Tchad qu'au Nord
de son intersection avec la frontièredu Niger;) la seconde part du point
d'intersection du Tropique du Cancer avec le 16èmedegréde longitude
Ouest avec le parallèle9"3" de latitude Nord, c'eàce dernier pointque se
rejoignent les trois frontières du Tchad, de la Libye et du Soudan" (ibid.
§ 12).

138. M.KAMOUGUE a également rappeléles raisons de la
non-validitédu TraitéLAVAL-MUSSOLINI de 1935 et a soulignéque son
omission dans la liste des instmments de frontières applicables contenue
dans le Traitéfranco-libyen de 1955 révélait l'accorde la Libye quant à
l'absencede validitédu Traitéde 1935. "11est donc impensable aujourd'hui,
ajouta-t-il, que la Libye puisse invoquer un tel document pour justifier ses
prétentions sur Aouzou" (ibid5 14).

139. Il a également relevle vote de la Libye "sans réserve pour
la résolutionAHG/16(1), adoptée lorsde la Conférencedes Chefs d'Etatset
de Gouvernement de l'organisation del'UnitéAfricaine tenue au Cairedu 17
au 21juillet 1964"(ibid.5 15).Par cette résolution, "tous les Etats membres
s'engagentà respecter les frontières existant au momentde leur accessiàn
l'indépendance" (ibid.. .KAMOUGUEa déclaré que,depuis qu'ila accédé

a l'indépendance en 1960, "le Tchadn'ajamais contestéla frontière quile
sépare de la Libye. II est pour le moins surprenant qu'après 22 années
d'indépendancede la Libye et 13années d'indépendance du Tchad, la Libyeremette en cause sa frontièreavec le Tchad et ait envoyéses troupes occuper
depuis 1973Aouzou, qui fait partieégrantedu temtoire tchadien" (i5.,
16).

140. Rappelant que sa nation avait fait pieuve d'une "rare
patience en cherchantà résoudre cette douloureuse affaire par la voie
pacifique", le représentant tchadien souligna que "le Tchad n'est point
disposé àbrader sa souveraineté ou son territoire contre des subsides de
quelque natureque ce soit"bidF.17).

141. Concluant son réquisitoire,M.KAMOUGUEa demandéau
Conseil de Sécurit'de mettre tout en oeuvre pour q:premièrement, la
souveraineté nationale du Tchad et son intégrité territori..soient
scrupuleusement respectées; deuxièmement, le gouvernement de la
Jamahinya arabe libyenneretire immédiatement et sans condition ses troupes
du temtoire tchadien et notammentde la zone d'Aou(ibid 535).

F -La réponselibyenne au Conseil de Sécurité
-17février 1978

142. Le gouvernement du Tchad a présentsa plainte devant le
Conseil de Sécurité qui,selon les chapitres VI et VI1 de la Charte, a le
pouvoir de recommanderdes moyens d'unr6glementpacifique et de prendre
des mesures pour maintenir la paix. De plus, les débats publics du Conseil
sont enregistrésdans des comptes-rendus sténographiquesqui ont un poids
historique et constituent des précédentsdans le sens tant juridique que

courant. La Libye, dans ces circonstances, s'est sentie obligée par
l'importance et la solennitéde l'occasionde répànl'exposédétaillé du
Tchad avec les arguments les plus valablesqu'ellepouvait invoquer.

143. L'ambassadeur KIKHIAde Libye répondit en effet aussitôt
aux allégations détailléedse droit et de fait du représentant du Tchad devant
le Conseil de Sécurité. II qualifia le problème de pure lutte interne
tchadienne (ibid5.47 A 51). "Pour mettre (cela) en lumière", il cita en
l'approuvant une publication d'une organisationon gouvernementale

britannique qui critiquait le gouvernement tchadienen notant qu'en
"imposant son autorité exclusive par le système de parti unique et en
expulsant les conseillers français du Nord, TOMBALBAYE a renforcé
toutes les formes d'opposition juridiqeta forcé ses adversaireà la
clandestinitk et à l'exil" (.5,2). Presque tout le reste du discours de
l'ambassadeur a consistéena lecture d'extraits de sources journalistiques
britanniques qui attribuaient les troubles civils àula cruaut6 et au
tribalisme du PrésidentTOMBALBAYE (ibid F,54) ou de rapports du
régime tchadienqui avait succéàcelui de TOMBALBAYE et qui allaient
dans le même sens(ibid 555). Il cita en particulier un livre blanc tchadien

déclarant qu'aprèsla liquidation physique des non-initiés, l'ex-président
voulait créer unearméede fanatiques qui devait se lancer par laàlarce conquête des musulmans et proclamer la monarchieau Tchad (ibid.). Selon
le représentantlibyen:"ce sont les racines duproblèmequele gouvernement
tchadiendoit avoir le couraged'affronteret de résoudr...(ibid.5 56).

144. L'ambassadeurKIKHIA cita également,en approuvant ses
termes, une publicationlondonienne qui déclarait : "les territoiressahariens

de Borkou, Ennedi et Tibesti, sont traditionnellement ingouvernableset sont,
de ce fait, demeurés sousadministration militaire française jusqu'en 1965"
(ibid.,852, citant "EuropePublicationsLtd, Londres).

145. Ces remarques sont significatives.Si la Libyeà cette étape
de la confrontation publique devant le Conseil de Sécurité-qui aurait pu
entreprendre une action à la suite de la plainte tchadienne-, avait à sa

disposition une quelconque preuve selon laquelle le régime de
TOMBALBAYE ou tout autre gouvernement du Tchad avait réellement
abandonné son titresur la bande d'Aozou, c'eûtétéle moment opportunpour
faire valoir un prétenduobstaclede ce typeà I'affinnationpar le Tchad de sa
souveraineté pourrejeter la plainteonire son occupationpar la Libye que le
Tchad a continuellement formulée.Au lieu de cela, i'ambassadeur libyen
accepte et relaie l'informationfoumie par le livre blanc produit par leTchad
après la chute de TOMBALBAYE, selon laquelle I'ancien Président était
effectivement devenu fou. Ceci ne constitue assurément pas unestratégiequi

s'accordeavec la défense d'uneréclamation juridique baséseur un éventuel
accord libyen avec l'ancien Président au sujet de la cession de la bande
d'Aozou.

146. De plus, I'ambassadeur accepte également et cite en la
faisant sienne la description par des sources non gouvernementales
britanniques de la régiondu B.E.T., y compris, vraisemblablement, Aozou,

comme ayant étésous administration militaire française jusqu'en 1965
(ibid.). Une telle présencede la France n'avaitévidemmentpu être autorisée
que par le Tchad, nonpar la Libye.

147. Il est significatif que lors du débatdu Conseil de Sécurité
du 17 février 1978,l'ambassadeurlibyen se donna encore beaucoup de mal
pour démentirque la Libye ait une revendication sur la bande d'Aozou. "Le
représentantdu Tchad dit-il au Conseil, "nous a accusés d'avoiroccupé

Aouzou en 1973,mais ce n'estpas vrai, nous n'avons rien occupéC . 'estdonc
bien d'un prétextequ'ils'agit" (ibi§.65).

148. Nulle pan dans son discours, le représentantde la Libye
n'acherché à réfuterla position duTchad relative aux instrumentsjuridiques
applicables a la frontière. Bien qu'il reconnaisseque :"Les problèmes de
frontièresne sont pas facileà résoudre" (ibid.,571). il ne fait aucun effort
pour expliquer un point de vue libyen sur un quelconque fondement

juridique. 149. S'ily avait un moment critique pourque la Libye énonce la
base juridique d'une revendication surla bande d'Aozou, c'était certainement
celui où, pour la première fois, le Tchad a soumis l'affaire au Conseilde
Sécuritépour qu'une action soit entreprise. La Libye n'a pu au moment
approprié et devant un organe prestigieux, dotéde pouvoirs importants,

invoquer des arguments qui, s'ils l'avaient été,et s'ils avaient étéjugés
crédibles, auraient eu poureffet de "désamorcer"la plainte tchadienne qui
était. elle, solidement argumentée. Ceci suggère à tout le moins qu'il
n'existait,dans l'espritdu gouvernement libyen, aucune réfutation juridique
crédible,en tout cas pas en 1978. S'ily en avait, pourquoi-de tels arguments
n'ont-ils pas éténoncésdevant le Conseil de Sécurité en 1978 lorsque la
Libye a. pour la première fois,étéformellement accusée d'agression parle
Tchad ?

G -Lesévénementsde Septembre-Octobre 1978

150. Le représentantpermanent du Tchad aux Nations Unies
dans une lettre du 9 octobre 1978, transmit au Secrétaire Général une copie
de l'accord intervenu entrele Gouvernement et une faction inteme qui jouait
un rôle important dans la guerre civile du Tchad (ibid., Suppléments,

documents Sl12888, Productionl99, 9 octobre 1978).La section 9(d) de cet
accord prévoyait que les Parties, oeuvrant par l'intermédiaire du
Gouvernement provisoire d'Unité Nationale, établiraient "unlan de travail
en vue de libérer les territoires tchadiens occupés" (ibid.). En commentant
cet accord, le gouvernement tchadien a r6pétque "non seulement la Libye
occupe militairement la bande d'Aozou au Nord du Tchad mais qu'elle
assiste matériellement et financièrement l'uees tendances de i'opposition
arméequi lui est totalement inféodéeau point de devenir sa prisonnière"
(ibid., documents Sl12889, 9 octobre 1978, Production 199). Donc,à la fin

de 1978, la position du Tchad y compris celle des Forces de Libération
Populaires antérieurement en rébellion (Forcesméesdu Nord), était restée
cohérente ence qui conceme le titre juridique du Tchad sur les territoires
occupés par la Libye, et, notamment la banded'Aozou.

III- LA REPRISE DE L'ACTIVITE DIPLOMATIQUE
MULTILATERALE APRES 1982.

151. De 1982jusqu'haujourd'hui,le Tchad a continuellement et
avec cohérence fait valoir son titre juridique sur la bande d'Aozou devant
l'Assembléegénéraledes Nations Unies et le Conseil de Sécurité.Cette
argumentationn'apas été sérieusement réfutée par la Libye.

152. Après avoir initialementaffirméses arguments juridiques
lors du débat du Conseilde Sécuritéen 1978en fournissant de nombreux

détails,le Tchad n'a pascessé derevendiquer son titre sur la bande d'Aozou
devant les principaux organesdes Nations Unies. Lors de la 33èmeSession,
à l'automne 1978, le nouveau rkgime tchadien s'étaitde nouveau plaint de
"l'occupation par la Libye d'Aozou, partie intégrante de notre territoire"(Documents officiels de l'Assembléepénérale,33ème Session, Séances
plénières,33èmedance, 10octobre 1978, 5 21, Production 200). Il a même
produit la preuve qu'une partie du mouvement rebellebaàéTripoli était aux
côtésdu Tchad en ce qui concerne ce problème territorial (ibid.,17). En

guise de réponse,le représentant libyen se bornaà nier que la Libye eût
envahi la région,dont, affirma-t-il, l'importance avaitétélargement exagérée
par le Tchad. La Libye, fit-il valoir, ne collectionne pas les déserts
(Documents officiels de l'Assemblée générales.éancesplénières,34ème
séance, 13octobre 1978,s 28 à46, Production 201).

A - La lettre de la Sierra Leone au Conseil de Sécurité

18 février1981 et la réponsetchadienne

153. Dans la période 1979-1981, à la suite d'une escalade
particulièrement intensede la guerre civile, une brève réconciliationsemble
êtreapparue entre le Tchad et la Libye, pendant laquelle aucune réféeunca
différendd'Aozou n'a étéfaite. Ceci peut s'expliquer par des événements

internes au Tchad ainsi que par la présence d'une importante force libyenne
de "paix" au Tchad à la demande du Gouvernement de ce pays (cf. la
remarque du représentantdu Tchad à 1'Assemhlée générale quia notéque
l'armée libyenne étaiatu Tchad "sur notre demande") (ibid.,36èmeSession,
Séances plénières.0èmeséance,7 octobre 1981, 5 120et 121).

154. Cependant, le 18 février 1981,ces "événements internes"

furent portés à l'attention du Président du Conseil de Sécuritépar le
représentantde la Sierra Leone, traduisant le malaise qui régnait parmiles
nations africaines du fait de la situation prévalantau Tchad (Documents du
Conseil de Sécurité, 36ème année, Suppléments, document SI14378
(provisoire), 19 février 1981). L'annexe III de cette communication
constituait le Communiqué Final adoptéà Loméle 14janvier 1981 , par le
bureau du 17èmeSommet du Comité permanentde l'O.U.A.sur le Tchad.

Dans ce communiqué, les Chefs d'Etat,membres de ce Comité, déclaraient
"que l'accord de fusion (signé) entre la Jamahiriya libyenne et le
Gouvernement d'union nationalede transition du Tchad viole l'espritet la
lettre de l'Accord de Lagos et que, par conséquent, ils le dénoncent" et
appellent les deux Partiesà "considérer ledit accord comme nul et non
avenu" puisque "seul un gouvernement librement et démocratiquementélu
par le peuple tchadien et non le gouvernement d'union nationale de

transition, a la compétence et la légitimité vopsour engager la nation et
le peuple tchadiens. dans un Accord aussi fondamentalet d'une portée aussi
étendue" (ibid., Annexe III, § 2 à 4). Le Communiqué final appelle
également la Libye"et (les) autres puissances qui auraientdespes et du
personnel militaire actuellement stationnés surle territoire national tchadien
(à)les retirer immédiatement..."(ibid., 8 5).

155.Le communiqué de l'O.U.A.adopté àl'unanimité par les douze
Chefs d'Etat indique que, loin d'être apail, différend territorialentre le
Tchad et la Libye a pris une nouvelle tournure avec un régime tchadiencomplaisant, soutenu par les forces arméeslibyennes, contraint de différer
ses plaintes contre les ambitionstoriales de la Libye. Cette situationa été
dénoncée par les Chefs d'Etatafricains qui l'ontdéplorée comme contraire au
respect de l'intégritéet la souveraineté territoriale qui sont les pierres de
touche du systèmerégional africain.Ils exigeaient que la Libye retire ses

troupes du Tchad et condamnaient la fusion proposéeentre les deux pays
(Keesine's Contemuorarv Archives, n027. 30 octobre 1981, p.31159). En
guise de réponse, la délégationlibyenne. dirigée par M.Ahmed Salem
TREIKI, Ministre des Affaires étrangères,quitta la séance après avoir fait
part de son refus de coopérer (ibid., n026, mars-avril 1981, p.28). Par la
suite, l'O.U.A.dut annuler une sessiondu Comitéadocprévue pourle mois
d'avril 1981à Lagos, le Chef d'Etat libyen ayant refusé d'y assister(ihid.,
juillet-août 1981, p.24). Le représentant du Tchad a répondu à la
communication de la Sierra Leone; mais au lieu de présenter les arguments

du mémorandum, il a objecté que le Communiqué de l'O.U.A. était un
document interne de cette organisation qui n'aurait pasdû êtretransmis et
que cette affaire, étant "un problème purement africain ... son examen ne
peut avoir lieu en dehors d'une enceinte africaine" (Documents officielsdu
Conseil de Sécurité,36ème année, Suppléments, document Sl14380, 20
février 1981, Production 202. Ceci n'est pas une réfutation mais traduitle
hiatus qui a existéentre 1979et 1982dans la position du Tchàdpropos de
la bande d'Aozou,non pas sur le fond, mais en ce qui concerne les organes
compétents pouren connaître. Pendant cette période, ilest vrai, le Tchad

étaitmenacé d'être absorbé totalement parLibye.

B -Le Tchad rappellesa plainte en 1982

156. En 1982, à la suite d'un nouveau changementde régime à
N'Djamena,le Tchad a repris ses critiques des prétentionstemtoriales de la
Libye. Le délégué tchadiean rappelé àl'Assemblée générallee 13 octobre

1982 l'inquiétudeque causait "au peuple tchadien depuis 1973 l'occupation
d'uneuartie de notre temtoire uar . .uavs voisin" aue nous n'avonscessé de
dénoncer"(Docunients oificielh de l'Assembléegénérale.37ème Session.
Shnces plénières3. 0èmeséance,13octobre 1982.9 42. Production204).

C -Recours auprès du Conseil de Sécuritéetde
l'Assembléegénérale,par le Tchad, en 1983.

157. En 1983, l'intensitédes combats au Tchad a pousséson
gouvernement demander à deux reprises la convocation du Conseil de
Sécurité età présenter encoreune fois son dossieà 1'Assemblée générale.
Bien que la plupart de ces efforts fussent axéssur les activités militaires
libyennes menéesen profondeur en temtoire tchadien, la demande relatiàe
Aozou continuaità être mise en avant parle Tchad en ces occasions.

158. Par une lettre du 16mars 1983,le représentantdu Tchad a
demandéau Président du Conseilde Sécuritéde convoquer cet organe "envue d'examiner la situation extrêmemengtrave qui prévaut au Tchaddu fait
de l'occupation d'une partie du territoire tchadien par la Libye et de ses
agressions répétéedsans ce pays contre le peuple tchadien" (Documents du
Conseil de Sécurité, 38ème année, Suppléments, document SI15643
(provisoire), 16 mars 1983, Production 205). La plainte poursuivai: "En

effet, depuis 1973,non seulement la Libye occupe militairement cette partie
du territoire tchadien communément appelée"bande d'Aouzou". mais elle
s'ingère ostensiblementdans les affaires intérieuresdu Tchad, en violation
flagrante de la Charte de I'0.N.U. et des résolutions pertinentes de
l'Assemblée générale" (ibid.). Cette lettre fut suivie par une lettre du
F'résidenttchadien Hissène HABRE, soulignant les violations par la Libye du
droit international et plus particulièrementdes articles2(1), (2), (3), (4)
et (7) , de la Charte des Nations Unies. Il exhorta le Conseil de Sécuàité
appeler la Libye à "mettre fin à son occupation illégale de la partie

septentrionale du Tchad" (ibid., document SI15644 (provisoire), 17 mars
1983,Production 205).

159. En relation avec cette demande de convocation du Conseil
de Sécurité, le Tchadprépara un mémorandum détailléqu'il adressé au
Président de cet organe (ibid., document officiel SI15649 (provisoire),
Annexe, 22 mars 1983). Dans ce mémorandum soigneusement préparé et

essentiellement juridique, le Tchad développacertains arguments avancés
devant le Conseil de Sécurité en 197Il souligna que le recouàsla menace
eta l'utilisationde la forcepar la Libye violait l'Article2 (4) de la Charte des
Nations Unies ainsi que l'ArticleIII de la Charte de l'O.U.A.et la résolution
du Caire AHG/16(1) relatives h l'inviolabilitédes frontières.II démontàa
nouveau la non-validitédu TraitéLAVAL-MUSSOLINIde 1935(ibid., 58)
et la validitédu Traité franco-libyen de 1955 qui avait éténégociédans
l'esprit prévu par la résolution del'Assembléegénérale392 (V) sur la
solution des problèmes frontaliers (ibid.,). Le mémorandum expliqua à

nouveau le Traité franco-libyende 1955et ses effets sur la frontièretchado-
libyenne (ibid.5 10).

160. Ces arguments juridiques détaillésfurent réitérés lors du
débat au Conseil de Sécuritépar le Ministre des Affaires étrangères du
Tchad, M.MISKINE (ibid., 2419ème séance(S/PV2419, provisoire), 22
mars 1983, 5 3-5 et 13-15,Production 207). Danssa réponse,le représentant

de la Libye, M.TREIK1, s'est entièrement centré sur la question de la
légitimitdu gouvernement de N'Djamena et sur d'autres aspectsde la guerre
civile (ibid5;13-15et 28-30). "Je n'aipas l'intentionde m'attarder surdes
questions juridiques.."dit-il au Conseil, ''jene crois pas que le Conseil de
Sécurité, quise préoccupe dela paix et de la sécurité internationales,se
soucie des convention de 1936 (sic) et de 1956 (ibid.5 22-25). 11semble
que le Gouvernement libyen n'ait pas ressenti le besoin, ou n'ait pasté
capable, de répondreà l'argumentation juridique soigneuse présentée paer
Tchad. Dans les deux hypothèses, l'absence d'arguments opposés à une

accusation fondéesur le droit signifie que I'onne peut, par la suite, faire
d'objections aux conséquences juridiques que I'on peut raisonnablement
déduire d'un tel refus de répondre. Le Conseil de Sécuritén'est pas un
"endroit où I'on cause" mais l'institution internationale compétente, par
excellence, en matièrede maintien de la paix et de la sécurité internationales.Aucun Etat ne peut se permettre, en droit, de refuser de placer sur un terrain
juridique devant un tel organe : un refus délibéré est susceptible d'avoir
d'importantes conséquencestant juridiques que politiques. Au surplus, en
I'occurrence, lerefus de la Libye de présenterses arguments juridiques -en
admettant qu'elleen eût- est aggravépar la façon cavalièreavec laquelle ce

pays a rejetéla plainte tchadienne, comme si tout souci de précisionne
présentait aucune importance devantle Conseil de Sécurité. L'Ambassadeur
libyen a d'ailleurs poursuivien affirmant : "celle (la Convention) de 1936
(sic) est nulle parce que Hussein HABRE n'enveut pas;mais celle de 1956,
qui a étérejetéepar le Parlement libyen (?)est en vigueur. Je ne crois pas
que le but du Conseil soit de parler des problèmes de frontières en
l'occurrence ..."(ibid.). Cene déclaration présenteun rapport lointain avec

les faits. Les dates exactes des deux traitéssont 1935et 1955et non 1936et
1956. Celui de 1935 -le Traité LAVAL-MUSSOLINI- n'a aucune portée
juridique, non à cause du Président du Tchad, mais du fait du refus de
MUSSOLINI de le ratifier. Et s'il existe un accord en 1956, c'est, très
vraisemblablement, de celui de 1955 dont le représentant libyen voulait
parler; le Parlementlibyena d'ailleursformellementratifiél'unet l'autre.

161. En marge de cet escamotage des problèmes importants liés
aux traités etde ce manque de considérationpour la compétencedu Conseil
de Sécurité, l'Ambassadeulr ibyen affirma au Conseil que "les frontièresde
la Libye sous l'èreottomane passaient par la ville de Fayah et les cartes
peuvent en témoigner"(ibid., § 26). 11se garda bien, cependant, de présenter
une telle carte. II ajouta :"Une carte jointe au document relatif à
l'indépendancede la Libye est déposéeauprès desNations Unies. Elle peut

êtreconsultée à la Bibliothèque des Nations Unies et on peut y voir que
Aozou faitpartie intégrantede la Libye" (ibid.). Bienque lachose ne soit pas
claire, l'Ambassadeurentendait peut-être faireréférenceàla carte fantômede
1950(carte n0256)(v.chapitre V, n087 à 92). dont l'inexactituda étéétablie
dès sa publication à la suite des explications non contestéeset répétéedses
représentants français (vxhapitre V, n083), de mêmeque par les cartes
annexées aux deux rapports adressés à l'Assemblée générale par
l'Administrationfrançaise du Fezzan (v.chapitre V, n093et 98). En outre, la

déclaration libyennene tient absolument aucun compte des multiples cartes
du Tchad subséquemment publiées par les Nations Unies dans lesquelles la
bande d'Aozou apparaît comme une partie du Tchad, aussi bien avant
qu'après soninvasion parla Libye (v.infra n0188et 189).

162. Quelles que soient les erreurs sur lesquelles elle repose, la
réponse libyenne est remarquable pour son mépris dédaigneudxu fond du

problkme, pour l'absence de discussion sérieuse des problèmes et pour la
dépréciationde la compétencedu Conseil de Sécuritésur des différends
susceptibles de faire naître des menaces contre la paix. En cela, la réponse
reflète l'indifférencde la Libye aux sérieuxefforts déployéspar le Tchad
pour arriver A une discussion de fond sur le différendd'Aozou toutau long
de cette période etjusqu'en 1988.

163. 11est cependant intéressantde relever qu'en 1983la Libyeréclame publiquement la bande d'AozouE . n effet. le représentant libyen a,
cette fois, affirmé catégoriquement la non-négociabilité du problème
d'Aozou. "La population d'Aouzou est libyenne" dit-il. "et a des
représentants au Congrès général populaire libyen. Ellene veut être que
libyenne. Ce n'est pas unequestion qui peut êtrediscutée par quique ce soit
et nous nous y opposons respectueusementmais formellement" (ibid.7).

164. Ce déséquilibreentre l'analysejuridique faite parle Tchad
et la présentation décousde la Libyejoint aux refusde la compétence des

Nations Unies poussale présentantdu Sénégal,M.SARRE, à conclure qu'"il
apparaît ...que le Tchad a des raisons légitimesde réclamerla souveraineté
sur la bande d'AouzouM(ibid., 5 33-35). Ces positions furent reprises de
manière généralepar les représentantsdu Togo (ibid. 5 46 et 49-50); du
Soudan (ibid.,Q51 à 57); de I'Egypte(ibid5,57 à 61); et du Gabon (ibid.,
2428ème séance(SPV.2428, provisoire), 31 mars 1983, 5 44-45 à 46);
chacun d'eux souligna le manque de caractkre convaincant du dossier
présenté par la Libye.

165. Le Conseil de Sécurité examina la plainte tchadienne lors
de ses 2419,2428 et 2430èmesréunions(ibid:, 2419èmeséance,(SPV.2419
provisoire), Production 207, 22 mars 1983; 2428ème - 2430ème séances
(SPV.2428~-~PV.2430,provisoire, Production208), 31 mars 1983et 6 avril
1983). Le discours du représentantdu Zaïre, tout en reconnaissant que les
allégations du Tchad selon lesquelles les Libyens avaient occupé la bande
d'Aozou par la forceannéeétaient fondées proposque les parties au conflit
aient recourà la Cour internationalede Justice pour résoudre les problèmes
juridiques (ibid.,2428èmeséance(SPV 2428, provisoire), Q4-5à 6). Plutôt

que de voter sur un projet de résolution (ibid., Suppléments, document
SI15672 (provisoire, Production 210), 31 mars 1983),le Conseil de Sécunté
accepta que le Présidentdu Conseil fasse une déclaration appelantles parties
au litigeà "réglerce différend sans délaisinjustifiés et pardes moyens
pacifiques, sur la base ... (du) respect de l'indépendance politique,de la
souverainetéet de l'intégritétoriale" (ibid., 2430èmeséance(SPV.2430
(provisoire, Production 21l), 6 avril 19533, v.aussi la Déclarationde la
Présidence du Conseil de Sécurité, document 2115688, 6 avril 1983,
Production 212). 11a également demandé aux Parties d'utiliser les
mécanismes appropriés de l'O.U.A. et des Nations Unies (ibid.). II en

résultaitpour les deux Etats parties au litige une obligation de cheàcher
résoudre celui-ci par des négociations et s'absire toute utilisation de la
force qui violerait l'intégrité territorialdee l'autre partie.A la différencede la
Libye, le Tchad a respectéces obligations (v.infra. 11'173et S.).

166. Durant la fin de l'année 1983,le Tchad envoya diverses
lettres au Présidentdu Conseil de Sécurité dénonçant des attaques libyennes
contre les forces tchadiennes et le bombardement indiscriminé d'objectifs
urbains civils (v.par exemple, ibid., suppléments, document Si15775

(provisoire, Production 213), 19 mai 1983, ibid., document SI15902
(provisoire, Production 214). 2 août 1983). Comme les preuves de combats
intenses, qualifiés, par le Tchad, de "génocide", s'amoncelaient (ibid.
document SI15907 (provisoire, Production 216), 4 août 1983), le Tchaddemanda à nouveau la convocationdu Conseil de Sécurité dans une lettre au
Président datée du 2 août 1983 (ibid., document SI15902 (provisoire,
Production 214).Cette plainte fut examinéepar le Conseilde sécuritélors de
ses 2426ème, 2463ème, 2467ème et 2469ème réunions(ibid., 2462ème,

2463ème, 2465ème, 2467ème, 2469ème séances (SlPV.2462-PV.2463.
SPV.2465, SPV.2467, SPV.2469 (provisoire, Productions 215, 217, 219,
220. 222). Cependant, le débatse concentra essentiellement sur la nature et
la cause du combat en cours plutôtque sur les questions de titre sur la bande
d'Aozou qui, à ce moment, se trouvait loin derrière les lignes libyennes.
Néanmoins,le Tchad présentasa plainte en prétendantque l'intentionde la
Libye était "de déstabiliser son régime afin d'en installer un autrà sa
dévotion et, partant, de perpétuer son occupation illégale de la bande

d'Aozou, voire d'annexer tout le pays et de s'en servir comme base
d'agressionconûe les pays voisins,ce qui lui permettrait de réaliser son rêve
diabolique de créer les fameux "Etats Unis du Sahel" " (ibid., 2462ème
séance(SPV.2462, provisoire), 3 août 1983,5 11,Production 215).

167. Alors que le débatse poursuivait au Conseil de Sécurité,
une assistance française, américaine et zaïroise, arrivait au Tchad à la

demande de son gouvernement. A cet égard,le représentantde la France
invoqua le droit de légitime défense collectidans le cadre de l'Article51
de la Charte des Nations Unies (ibid. 2465ème séance (SlPV2465,
provisoire), 12 août 1983, 5 56, Production 219). Ceci était une preuve
supplémentaireque la question d'Aozou qui se trouvaitau coeur mêmedu
différend tcbado-libyen, pouvait dégénéree rn une confrontation militaire
internationaletant qu'elle n'étas résolue surla base du droit.

168. Pendant cette période,le Président du Conseilde Sécurité
reçut du représentantdu Tchad une copie du compte-rendu de l'interview
publique donnée le 8 août 1983 par un pilote libyen abattu alors qu'il
bombardait la ville tchadienne de Faya avec du napalm et des bombes à
fragmentation, qui déclarait qu'il avait été "chargéde bombarder Faya"
(ibid.. Suppléments, documentSI15928 (provisoire), Annexe, 16août 1983,

Production 218).

169. Le 18 août 1983, le représentant duSoudan adressa une
lettre au Présidentdu Conseil de Sécurité qui indiquaitue 116 Soudanais
faits prisonniers par l'arméetchadienneà l'intérieurdu Tchad avaient été
questionnés et qu'on avait découvert qu'ils auraient été attiéLibye par
des offres d'emploi, sur quoi ils furent enrôlés dans une légion islamique

contrôlke par la Libye et "pousséspar la force ..à paniciper à la guerre
d'agression que mène actuellement la Libye contre les forces du
gouvernement tchadien" (ibid., document SI15935 (provisoire), 18 août
1983,Production 221).

170. Bien que le débat d'août 1983au Conseilde Sécuritén'ait

pas abouti à une action. il a démontré,selon les termes de l'Ambassadeur
américainM.LICHENSTEIN, "l'opinion presque unanimedes Etats africains
voisins du Tchad, qui condamnent l'agression libyenne et soutiennentcourageusement le Gouvernement du Tchad ..."(ibid.. 2469ème séance
(SPV.2469, provisoire), 31août 1983. 5 18-20,Production 222). Les nations
africaines participant au débat d'août 1983 représentent une large paeeid
l'opinion bien informée des parties intéresséesqui ont une raison de
s'inquiéterdes problèmes du différend d'Aozouet de son extension en un
conflit majeur. 11ne saurait y avoir de doute sur celle des deux thèsesdes
parties impliquées dans le différendqui a étéconsidérée commeayant le

droit de son côté.

171. Le Tchad reprit une fois de plus sa campagne d'explication
à la 39èmeSession de l'Assembléegénérale à l'automne 1984 (Documents
de l'Assembléeeénérale, 39èmeSession, séancesplénières,27ème séance
(An9PV.27, provisoire), 11 octobre 1984, 5 72 à 88-90, Production 225).
De nouveau, en réponse, le représentant de la Libye, M.ADDABASHI,

réduisit l'argumentationde son pays en une propositionjuridique et factuelle
simple mais totalement erronée:"Je voudrais souligner", déclara-t-il"que ce
qu'on appelle le district d'Aozou fait partie intégrante du territoire libyen
héritédu colonialisme italien comme le montre la carte utilisée lors de
l'octroi de l'indépendanceà la Libye. Aozou est un territoire libyen et le
restera toujoursW. 5 93-95).

172. Ceci n'est pasun extrait tiréde I'argumentation juridique

présentée par la Libye I'Assembléegénérale :c'est la totalitéde celle-ci. Le
reste du discours porte sur la guerre civileentre les parties tchadiennes. Tout
ce qui concerne I'argumentation est incorrect. La carte n'étaiten aucune
façon une base sur laquelle I'indépendance libyenne s'est réalCee. fut un
guide utilisé parle Commissaire PELT et son Conseil pour leun périplesà
travers le territoire. Le Commissaire n'avait aucun compétence sur les
questions de frontières,quel'Assembléegénhrales'était réservéeE.n outre,
la carte qui était publiquement et massivement controversée a été

delibérémentsuppriméedu Second rapport du Commissaire des Nations
Unies. C'est ce second rapport, et non le premier, qui fixe le cadre de
I'indépendancede la Libye. En bref:la réponse libyennen'estpas sérieuse.
Au cours d'un longdébat,la Libye n'apu faire mieux que de présenterun
argument unique et érronéen réponse à I'argumentation solidement
consuuite en droit et en fait présentée palre Tchad. La conclusion s'i:pose
la Libye n'avaitpas d'argumentjuridiquequi fùt meilleur.

D - Le Tchad devant le Conseil de Sécuritéet I'Assembl6egénérale
(1984-1989)

173. Jusqu'en 1984, le Gouvernement libyen a continué à
proclamer publiquement son droit d'aider lesforces dissidentes opérant au
Tchad et àréclamerle droit de le faire car il avait reconnu ces forcescomme
étant le gouvernement légitime. II signala cyniquement au Conseil de
Secuntéque le "gouvernement légitime a lancéun appel à la Libye pour

qu'elle se tienne au côté des forces de l'arméede libération nationale
conformément au Traité d'amitié et d'alliancei a été signé entre les deux
Parties" (Documents du Conseil de Sécurité,39ème année,Supplkments,document SI16303(provisoire), 31janvier 1984, Production223). Cela a été
fait bien que le Gouvernementde N'Djamena etnon les soi-disant "forcesde
libération", constituâtI'autoritélégitimedu Tchad reconnue par les Nations
Unies, I'0.U.A. et le Mouvement des Pays Non Alignés. (ibid., document
SI16308 (provisoire),3 février1984, Production 224). Le Gouvernement du
Tchad a continuéà se plaindredes activitésdes "forces libyennesd'agression"

ct d'exigerqu'elles"seretirent immédiatemen.t.."(5b1et 2).

174. A la quarantième Session de l'Assembléegénérale,en
1985, le Tchad a réitéréà nouveau sa position juridique (Documents de
l'Assembléeeénérale,40ème Session, Séances plénières2 ,9ème séance,9
octobre 1985 (Al40lPV.29, provisoire), 10 octobre 1985, 8 2 à 9-10,
Production 230).

175. La réponse libyenne fut, une nouvelle fois,baséesur la carte
erronéeannexéeau Premier (et non au Second) rapport du Commissaire
"Adrian BESS" (sic) (ibid., 31ème séance (Al401PV30, provisoire, II
octobre 1985,8 46, Production 231).

176. Le représentant du Tchad, en s'adressant à l'Assemblée
géneraleplénièrele 10 octobre 1985 a égalementrelevé la "libyanisation
systématique du Nord du Tchad :notre drapeau national est brûlé
publiquement et remplacé par celuide l'envahisseur.Le livre vert est devenu
le seul mode de pende dans tout le Borkou-Ennedi-Tibesti et la langue
française y est interdite. Pour détmiretoute identité tchadiennedans cette
région,I'améea détmitses monuments historiques etbrûléles archives. Et

pour mettre en place une administrationde type libyen, un gouverneur libyen
a éténommé à la têtede la région" (ibid.,29ème dance, 9 octobre 1985
(Al40PV.29, provisoire). 5 3, Production 230). 11poursuivit :"l'armée
libyenne, presséede mener àterme son opération d'annexion, procède des
déportations en masse.La méthode employée consisteà rassembler les gens
sous prétextede leur distribuer des vivres, ils sont ensuite acheminéspar
convois vers les aérodromes tels celuide Ouadi Doumà partir desquels des
avions gros-porteurs les amènent de force en Libye" (ibid.,5 4-5). Une

action militaire de cette nature ne peut avoirun effet quelconque et créerun
titre juridique dans le chef de l'envahisseur ou affaiblir le titre de 1'Etat
victime (v.infra,conclusiondu mémoire).

177. En 1985 également, le Tchad a demandé à nouveau la
convocation du Conseil de Sécurité (Documentsdu Conseil de Sécurité,
4Oèmeannée, Suppléments, documenS tI16906(provisoire),28janvier 1985.

v. aussi le document SI16911 (provisoire, Productions 226 et 227), 28
janvier 1985, demandant la convocation du Conseil "d'urgence"). Ces
communications accusaient la Libye d'occuper 550.000 Km2 de territoire
tchadien et indiquait que le Ministre des Affaires étrangèreanivépour
présenterle dossier de son pays au Conseil (ibid.).

178.La plainte tchadienne qui faisait aussiétatd'un complot libyenen vue d'assassiner le Présidente la nation et les membresde son cabinet a
étécâbléeau Conseil de Sécuritéle 30 janvier 1985 (ibid.,2567èmeséance
(S/PV.2567),(provisoire),30janvier 1985,Production228).

179. Le Ministre des Affaires étrangères du Tchad, M.Gouara

LASSOU, présenta à nouveau les aspects juridiques de la position de son
pays relativeà la bande d'Aozou (ibid.$ 7 à II). II traita également dansle
détail ducomplotterroristecontre son gouvernement.

180. Répondantau nom de la Jamahiriya arabe libyenne, son
représentant,M.AZZAROUQ, a réfutétoute présence libyennede quelque

nature que ce soit sur le territoire tchadien et toute participation dans le
complot d'assassinat. Pour ce qui étaitdu titre juridique sur Aozou, il se
cantonna strictement à la réitérationdu titre de la Libye sur "(une) partie
intégrante du territode la Jamahiriyaarabelibyenne,que nousavonshéritée
du colonialisme italien conformément à la carte jointe au rapport du
Commissairedes Nations Uniesen Libye, sur la base de laquelle la décision
établissant l'indépendancdee la Libyefut prise. La carte figureaussi dans les
docum~n&fficiels de la 5èmeSessionde l'Assemblée générale, Supplément

11'15.La carteàlaquellelereprésentantd'HissèneHABREfaitallusionest une
copie de la carte incluse dans ce document. Jel'aisous les yeux et tout le
monde peut la consulter pour voir si la bande d'Aozou est libyenne ou
tchadienne"(ibid.,$ 28-30). Cela constitue,itaro,l'argumentationjuridique
libyenne présentée devant le Consedile Sécuritéen 1985.Si, à cene date, la
Libye avait disposéd'arguments supplémentaires etplus convaincants, ils
auraient certainementétéprésentéesncettecirconstance.

181. De plus, les remarques faites à cette occasion par le
représentant libyen, mettaetn causela Iégitimidu Gouvernement du Tchad,
ont provoquéune réprimande inhabituelldee la pan du Présidentdu Conseilde
Skcuritéqui lui rappela la position juridique selon laque"lainteque nous
examinonsémanebien du Gouvernement intemationalemenrteconnudu Tchad
et sa légitimité ne sauraittrecontestéedevant le Conseilde Sécurité" (ibid.).

Ce reprocheadressé àla Libye a étéappuyépar un avis fermement rédigé du
Bureau des Affaires juridiques des Nations Unies (ibid., Suppléments,
DocumentsSI16942(provisoire),Annexe,5 février 1985 , 2 et 3, Production
229).

182. Cette réprimande a étédécernée car l'essentiel de la

position libyenne présentéeà la réuniondu Conseil de Sécurité était centrée
sur la proposition selon laquelle c'éts rebellesappuyéspar lesLibyens et
non legouvernementde N'Djamenaqui auraientconstituél'autoritélégaleau
Tchad. La Libye prétendait que son rôle au Tchad était justifié
essentiellement sur la base de cet argument, la note du Bureau des Affaires
juridiques a montré que cet argument était inadmissible. L'Assemblée
générale,sans opposition, avait, lors de sa dernière session, acceptéles
lettres de créancesde la délégationenvoyéepar le gouvernement dirigépar

Hissène HABRE. Aucune délégationn'avait émisde réservede quelque
nature que ce soit concernant les lettres de créancesde la délégationduTchad ou la légitimité du Gouvernement qui avait émis ces lettres de
créances. Le Bureau des Affaires juridiques a attiré l'attention du
représentantde la Libye sur la résolutionde l'Assemblée généra3 l96 (V),
3, du 14 décembre 1950, qui recommandaitque ses décisions sur les lettres
de créances "soientprises en considération palres autres organes des Nations
Unies et par les institutions spécialisées" ($b2).,

-

183. Le Tchad déposa une fois de plus une plainte contre la
Libye devant le Conseil de Sécurité en 1986E.n février,il informa le Conseil
conformément à l'Article 51 de la Charte des Nations Unies qu'il avait
demandé l'intervention militaire française en tant qu'aee légitime défense
collective contre l'attaque de l'armée libyenne (ibid., 41ème année,
Suppléments, document SI17837 (provisoire), 18 février 1986,Production
232). Le 13 novembre, il demanda à nouveau la convocation du Conseil de

Sécurité (ibid., document SI18456 (provisoire), 14 novembre 1986,
Production 233). Le Conseil de Sécurité repritl'examendu différendle 19
novembre 1986.

184. Lors du débat, le représentantdu Tchad, M.ADOUM, a
accusé la Libyede véritable "génocide" dans la région occupée du Borkou-
Ennedi-Tibesti. attaquant sans discernement "villes, villageset palmeraies"
et "massacrer(ant)des femmes, des enfants,des vieillards.."ibid., 2721ème

séance (SIPV.2721,provisoire),19novembre 1986, 5 7, Production 234). En
condamnant ce "méprisdes principes et normes du droit international" (ibid.,
$7). l'AmbassadeurADOUM en appela au Conseil de Sécurité "pour mettre
tout en oeuvre. afin que les troupes d'occupation libyennes et leurs
mercenaires de la légion islamiquese retirent immédiatementde (son) pays
et que le régimeterroriste de Tripoli mette fin au génocide auquel ilse livre
depuis quelques semaines" (ibid.,5 9-10). 11a réitéré la plainte du Tchad au
sujet de la bande d'Aozou (ibid5,38-40).

185. Le conflit, à ce stade, pour reprendre les termes du
représentantde la France,M.de KEMOULARIA, "n'est pasun combat entre
Tchadiens .:C'estun combat contre les forces d'occupation etdes éléments
tchadiens, sur lesquelles ces forces avaient pouvoir s'appuyerpour tenter
de légitimer leur intervention" (ibid.,).A cela, le représentant américain,
M.OKUN, ajouta : "la Libye reconnait que le gouvernement de transition
s'est effondré. La plupart de ses anciens membres se sont ralliés au

Gouvernement duTchad et se battent à présent contre I'envahisseur libye.A
Tripoli, les Libyens eux-mêmesont blessé d'uncoup de fusil le Chef du
gouvernement d'union nationalede transition, Goukouni OUEDDEI, quand
ils ont cherché à l'arrêter"(ibid.,$ 26). En effet, les forces rebellesà
I'intérieurdu Tchad s'étaientretournées contre leurs protecteurs libyens,
supprimant par là le (faible) reste de légitimitéque pourrait invoquer la
Libye pour "justifier" son intervention prolongée chez son voisin.

186. La réponse libyenne. encoreune fois, est instructive par ce
qu'elle nedit pas. Le représentantde la Libye a totalement évité d'avancer
une quelconque basejuridique à la revendication libyennesurle territoire enlitige. Au lieu de cela, il tenta de faire poner la responsabilitédu bain de
sang qui se déroulaitau Tchad, sur le colonialisme, lesngais, l'agression
américainecontre la Libye, les factions tchadiennes et HissèneHABRE. II
parla de l'Afrique duSud, de la guerre civile au Nicaragua,de l'invasionde
Grenade puis annonça ladecision de son gouvernementde ne plus participer

à toute autre discussion sur ce sujet, dont le but exclusif est de détourner
l'attentionde...l'examendes actes d'agressiondes Etats-Uniscontre la Libye
et le Nicaragua" (ibid5,36). Il est difficile de conclure autrementque par la
constatation que le gouvernement libyen s'était aperçuque sa revendication
ne pouvait pasêtre'présentéee termesjuridiques crédibles.

187. En 1987, la situation militaire avait changéen faveur du
l'Assembléegénéralel,e Ministre des Affaires
Tchad. En discutantdu sujet
étrangères,M.I;ASSOU exposa encore une fois le dossier juridique de son
pays et son titre sur la bande d'Aozouet fustigea la Libyepour sonincapacité
de produire une justification juridique appuyéepar des élémentsde preuve
pourappuyersarevendication."Enréalité"d ,it-il,"laLibyene disposed'aucun
documen! pour appuyer ses revendications. Elle cherche tout simplementà
gagnerdu témps.En vernide tous lesaccordsinternationauxen vigueurpassés
entre les puissancesadminisüantesdu Tchad et de la Libye,ainsi que de ceux
passésentre la Libye indépendanteet la Fran, uisentre la Libye et le Tchad

indépendant, Aozou.estterre tchadienne. Nous en avons apponéla preuve
devantle Conseilde SécuitécommenousI'avonsfait devantle Comité ad hoc
de I'0.U.A. Nous menons au défila Libye d'enfaire autant" (Documentsde
['Assembléegénérale, 42ème Session, Séances plénières, 12èmeSéance
(A/42/F'V.12,provisoire),29 septembre 1987,§68). Néanmoins,la Libye ne
se fit pas représenter par son Présidentmsar le CommandantAbdul Salem
JALOUD lorsde la réuniondu Comitéad hoc de l'O.U.A.qui réunit les Chefs
d'Etatdu Tchad,de laZambie,du Gabon,du Mozambiqueet du Sénégalles23
et 24 septembre 1987et elle négligeade répondrela demandedu Comitéde

présenterles preuvesdu bien-fondéde sesprétentionsterritoriales,alorsque le
Tchad y déféraentièrement.

188. En 1988, les relations entre la Libye et le Tchad ont pris
une tournure plus favorable. La Libye reconnaissait enfin le gouvernement
du Tchad et entamait avec ce dernierun dialogue constmctif dans le cadre de
I'0.U.A. Ces changements d'attitude se traduisirent aussi par une désescalade
verbale aux Nations unies (v., par exemple, le ton conciliaàtl'égard du

Tchad dans le discours du représentant libyenl'Assembléegénéralei,bid.,
43ème Session, Séances plénières1 , 6èmeséance(A/43/PV.16, provisoire,
Production 236), 4 octobre 1988, 5 22-25 à 47, et particulièrement la
décision annoncée du 3 octobre 1988 de restaurer "les relations
diplomatiques entre Tripoli et N'Djamena. Voilà qui confirmele désirde nos
pays de rétablir la paixet la coopération etde régler les différendsresd
moyens pacifiques" (ibid.. 5 37). Le Tchad a également accueilli
Favorablementdurant le débatde l'Assemblée "cette nouvelle atmosphère de
rapprochement et de paix entre les deux Etats frères" (ibid.,312me séance

(A/43/PV.31, provisoire, Production 237). 13 octobre 1987, 5 37. En
particulier, le Tchad s'estengàgé "...poursuivr(...un règlement juste etdurable du différend qui
I'opposeà la Libye sur la région d'Aozouet ce conformémentau
processus engagédans le cadre de la résolutionAHCI174 (XXIV)
de l'O.U.A."(ibid.).

189. Lors du débat général en 1989 à l'Assemblée générallee,
représentantdu Tchad a décrit avec satisfaction raccord-cadresur la solution
du différendde la bande d'Aozou signé parla Libye et le Tchad, le 31 août
1989 (ibid.,44èmeSession, Séances plénières2,4èmeséance(Al44PV.24,
provisoire), 6 octobre 1989, 5 71, Production 239). Aux termes de cet
accord, le différenda été soumisla Cour.

190. Toutefois, malgré ce recours bienvenu à la Cour
internationale de Justice, le dossier que le Tchad et la Libye ont constitué
l'Assemblée générale leet Conseil de Sécurité pendant la période d'hostilité
allant de 1971à1988,conserve sa pertinencejuridique. Ce dossier démontre
que la Libye, au moins pendant une décennie,jusqu'en 1983, a niéavoir
occupé la bande d'Aozou. Parla suite, elle a niéque le Conseil de Sécurité
ait compétence enla matière. Toutau long de ce différend,la Libye n'apu

fournir une preuve juridique etsérieuse deses droits sur la bande d'Aozou
une fois qu'elle eut commencé à affirmer que la régjonétaitun territoire
libyen. La revendication de la Libye sur Aozou était occasionnellement
formuléesur la base de la carte n0256 des Nations unies de Mai 1950et le
titre aurait remonté aux empires ottomanou italiens. Elle ne fut fondéesur
rien d'autre.Si la Libye avaitdes argumentsjuridiques plus convaincàsas
disposition, ils auraient dû êtreavancés plus tôt; certainement en 1973
lorsque son occupation militaire de la bande d'Aozou a commencé à être
dénoncée à l'Assemblée générao leu, au plus tard. en 1978lorsque le Tchad

demanda au Conseil de Sécuritéd'agirpour repousser les envahisseurs. Son
incapacité àfournir d'autres preuves justificatives au moment où elle fut
accusée devant les organes compétents des Nations Unies de ce qui
s'analysaiten de graves violations de la Charte des Nations Unies, jette une
ombre sur la valeur de toute autre preuve qui pourrait êtremaintenant
produite, avecun très grand retard, devant la Cour.

IV -LES MENTIONSPERTINENTES DANS LES DOCUMENTS

DES NATIONS UNIES

A -Lescartes

191. En 1950, les Nations Unies ont confectionné deux cartes
de la Libye qui plaçaient sa frontièreSud là où elle aurait dû se trouver si le
TraitéLAVAL-MUSSOLWI de1935étaitentréen vigueur :le "croquis" du

Secrétariat de 1950 et la carte n0256 des Nations Unies de mai 1950,
annexée au Premier rapport du Commissaire des Nations Unies. Depuis
l'indépendancede la Libye et du Tchad toutefois le Secrétariatdes Nations
unies a produit une série d'autrescanes dans lesquelles la frontièreo-
libyenne est tracée en accord avec les textes juridiques applicables etnon
avec le Traité nul de 1935. Ces derniers situent la Bande d'Aozou enterritoire tchadien. (Toutes les cartes précisesdes Nations Unies, aussi bien
que les croquis plus imprécis, font la même réserve générale selon laquelle
elles ne constituent pas une reconnaissance officielle des frontières). Les
cartes correctes son:la carie n01406 de février1963; la carte 11'1823de
1968; la carte n02988 de juin 1978; la carte n02988 rev.2mars 1981

(Document A/36/261. annexe, 530); et la carie 11'3156de décembre 1981,
(Document 1/44/418,annexe, 5 9, Annexe 329).La carie n03156des Nations
Unies de décembre 1981continue à êtreutilisée dansles documents officiels
des Nations Unies; elle l'a étépour la dernière fois dans un rapport du
Secrétaire général l'Assemblée générale en 1989 (Documents officiedls
-, 44ème Session, Document AI441418,7 août 1989,
Production 238). On doit. donc, conclureque finalement la carte italiennede
1937est morte et enterrée sauf dansi'imaginationdu Gouvernement libyen.

B -La superficieduTchad

192. L'Annuairedes Nations Unies, jusqu'à ce que la pratique
ait été interrompuen 1966, énuméraitla superficie des Etats membres. La
Libye était mentionnéecomme couvrant 1.759.540 Km2 (-
Nations Unies, 1955, 5 455; Id. 1956,5 490; Id.1957,5 505; Id. 1965,8
802). Cette zone exclut la bande d'Aozouet correspond avec précisiànla

zone attribuéeàla Libye par I'Encvclo~édieBntannica, qui inclut une carte
qui illustre la frontière d'une façontelle qu'elle place la bande d'Aozouen
territoire tchadie(-, Micropedia, 1984, vol.VI,
p.203). De même,l'Annuairedes jusqu'à ce que la pratique
ait étéinterrompuefixait la superficie du Tchad.284.000Km2 (&rmwc
des Nations Unies, 1960, p.693, id., p.801). Cette zone englobe la bande
d'Aozou.

CONCLUSIONCHAPITREVI

193. Ainsi, depuis la conclusion du Traitéd'amitiéet de bon
voisinage entre la France et la Libye, le titrejuridique du Tchad sur la bande
d'Aozoun'ajamais été remis en cause.

194. Certes, la Républiquedu Tchad n'ignore pasque la Libye a,
en 1987,communiqd au Sous-Comitédes expertsjuristes et cartographesde
l'O.U.A. la photocopie d'une lettre qui aurait étéadressée au Colonel
KADHAFI par l'ancienPrésident TOMBALBAYE le 28 novembre 1972.
Mais,comme ceci a déjàété souligné(v.supra, Chapitre1,Section2, U),outre
que l'original dece documentn'ajamais éproduit,cette "lettre"n70@reni ne
sauraitopérer,entout étatdecause,unquelconquetransferterritorial.

195. Il en va de mêmede l'invasionde la bande d'Aozou par la
Libye. II est d'ailleurs significatif que, jusqu'en 1983, ce pays ait affirmé
n'avoir aucune revendication territoriale sur cette régionet qu'après cettedate, elle n'ait réponduque par des affirmations péremptoires et erronéesà
l'argumentation juridique précise présentée par le Tchad tant devant le

Conseil de Sécuritéet l'Assemblée générad le I'0.N.U.qu'àl'O.U.A.

196. En revanche, le Tchad a, pour sa part, toujours exercéune
autorité effective et paisiblesur la bande d'Aozou avant d'enêtredélogé par
la force, I'occupationde ce territoire par la Libyertir de 1973ne pouvant
évidemmentcréerun titrejuridique dansle chef de celle-ci.

197. Il se déduiten effet du présent chapitreque
i) la France a continuà exercer, sur la bande d'Aozou, l'ensemble
des activités législatives et administratives qui caractérisent la souveraineté
temtoriale;
ii) ilen a éde même du Tchad après son indépendance e1n960,
iii) cette présence effectivede la France, puis du Tchad, n'apas été

contestée par la Libyejusqu'en 1971;
iv) encore ce pays a-t-il nié avoirune quelconque revendication
territoriale sur la bande d'Aozou jusqu'en 1983 mêmeaprès qu'elle eut
envahi ce temtoire tchadien en 1973;
V)pour sa part, le Tchad a constamment dénoncél'invasion et
l'occupation libyennes, notamment devantl'O.U.A.et le Conseil de Sécurité
et l'Assembléegénéraledes Nations Unies et a étayéses protestations d'une

démonstrationjuridique précise et détaillée;
vi) la Libye n'y a jamais répondusérieusementet s'est bornée, à
partir de 1983, à invoquer -d'ailleurs rarement- de prétendues cartes
ottomanes, qu'elle n'a pas produites ou les "canes des Nations Unies" de
1950dont le caractère erroné est établi;
vii) la Libye ne peut plus agir aujourd'hui en contradiction avec
l'attitude de refus de la discussion qu'ella constamment adoptéejusqu'à

présent et qui témoignede sa conviction selon laquelleelle ne peut invoquer
aucun argumentjuridique sérieux àl'appuide ses prétentions. CHAPITREVI1

LAFAUSSE ALTERNATIV E
LETRAITELAVAL-MUSSOLIN IE 1935 SECTION 1
LEPROJET DE REMISE EN CAUSE
DE LA DELIMITATION DE 1935

1.Les préliminaires des Accords de Rome de 1935

1. La toile de fond des Accords de 1935 n'est autre que la
prétention,avancée depuis 1919par l'Italie d'obtenir des agrandissements
territoriaux en Afrique, fondéesur l'Article 13 de l'Accord de Londres de

1915. En effet, le Gouvernement italien considérait que l'accord de 1919
avec la Franceponant modificationde la frontikreoccidentalede la Libye ne

satisfaisait pas complètement ses revendications temtoriales qu'il estimait
avancer légitimementen vertu de l'Accord de Londres. Au demeurant, le
Gouvernement italien avait refusé en 1919,la proposition de la France de lui

céder l'oasisde Bardai et une partie du Tibesti, qui, selon lui, n'offraientpas
"un intérêt suffisamment appréciable" (voir ci-dessus, chapitre IV, no218).

2. Aprèsl'échecdes négociations (la France avait offertdes

rectifications temtoriales mineures, à l'Est,en 1928 ; l'Italieavait demand.4,
en 1929, la cession d'un territoire très étendu), un revirement important
survient en 1934 dans la politique italienne : Mussolini, qui savait

l'occupation italienne de I'Ethiopie imminente, préféra obtenir le
"désintéressement" français sur cette question plutôt que des
agrandissementsterritoriauxmajeursen Afrique centrale.

3. Il convient d'ajouterque la position de Mussolini était, en
outre, renforcée par les sérieux doutes exprimés parle Ministre italien des
Colonies, depuis 1930.au sujetde l'utilitéde s'emparerdu Tibesti, région qui

à son avis n'offrait aucun avantage politique ou économique.Ce manque
d'intérêtdes "milieux coloniaux" a probablement amené, Mussolini à
renoncer aux réclamations avancéep srécédemment .1

1-Voir Icmtmo n'3079 (oetabrc 1930)du MinidesColonies. De Bono.pou Mussolinilsoulignait
que''oraii 'ldisramYunlntétit ocem ni leTikîti ni Ic Borrïaductian de la Rtpvbliqve
du Tchad- Texu original : ''- all'rialia convnone ot il Tibesti nt il Borku"(1
Voiraussi mtmoicdu Consul Chieral italien LMpoldvillc mcrnotenvoyCcle 24mm 1934par la
LXmtion ghitralc dcr Colonies de l'AfriqueOncnlaledu MdesColoniea 1sDireetiongCnCralsde
I'AhiqueSepteneonaldumbs Minire-(a+$ avoirno6 le caractdéseniqudclatigion du Tibesti. il
obvrvai!qu'"uns politique fmidcraistedevrairsdemander si l'efaodéployer(pow obtencen.
rçgionaveccelle du BorXouet de IFmdca justifiépar la vdcur objective dc cedemandons":
vaductiondela Rtpvbliquc du Tch-dTexte origin:"Iocredoinolvc ch..unapolitica fnddamenie
(mcrcca137.p. 3).dcrsi rsIosfom daespliearc sia campsnralo dal valore obbiettivodi quaniochicdiïmo'' 8. Il faut souligner que, pour ce qui concerne notamment les
rectifications territoriales ci-dessus, les articles3 et 5 du Traitéprévoyaient

que Io -des "commissaires spéciaux, délégué àscet effet par les deux

gouvernements, procèderont sur les lieux, d'aprèsles données énoncées à
l'article précédent,une démarcation effective"et .
2' -ces commissaires devaient soumettre aux deux gouvernements
"en même tempsque le résultatde leurs travaux, un projet d'accord sur les
dispositionsà prendre pour assurer d'une manière efficacela police dans la
zone frontière et pour y régler l'utilisatdes pâturages et des points d'eau
par les populations indigènes".

9. Pour bien comprendre la portéedes clauses territoriales
dont on vient de parler et les développementsqui suivirent la signature du
Traité, il faut retenir un point capital pour l'Italie la rectification de la
frontièreméridionalede la Libye, c'est-à-dire la cession. par la France,de
114.000km2au sud de la Libye, représentaitun gain négligeable par rapport

aux aspirations territoriales que les autorités italiennes avaient avancées
avant 1935.Au cours de négociations précédant la signaturlee,s diplomates
italiens n'avaient pas insisté pour avoir une frontière qui doànl'Italicplus
de territoire, car l'intérêt princidle Mussolini étaitde caractère politique
(obtenir l'aval futur, parla France, de la conquête italiennede l'Abyssini;)
dès lors, l'expansion territoriale au Sud ,de la Libye revêtait pourlui une
importance absolument mineure.

10. Le résultatdes négociations, la tentative faiàela dernière
minute, par les diplomates italiens prochesdu Ministère italiendes Colonies
d'obtenir un peu plus que ce que la France avait offert, et leur échec sont
efficacement relatés dans une note interne du Quai dïhsay, du 24 janvier
1935 intitulée "Les Accords de Rome du 7 janvier 1935 - Questions
Coloniales" :
"(La lignedéfiniepar le Traitédu 7janvier dernier) laisse en notre

possession toutes les tribus qui nomadisent régulièrement verlse
sud, les sommets culminants du massif, les grandes voies de
communication qui le desservent, les centres d'habitation
principaux et à l'Estles Salines qui ravitaillent toute la régiondu
Tchad. Elle donne à l'Italieune bonne palmeraie celle d'Aozouet
quelques points d'eau secondaires, Ouezenti, Ouri et Yebbi-
Souma.

Les négociateurs italiens avaientpam, jusqu'aux derniers joursde
l'année dernière, devoir accepter nos propositions sans difficulté.
Mais, en dernière heure,le Ministkredes Colonies y a fait une uès
vive opposition. II se faisait l'échodu Gouverneur Généralde
Libye, le Maréchal BALBO, qui prétendait d'ailleurs,
contrairement à la réalité,ue le temtoire cédéne permettrait pas
à l'Italieun établissement permanent. Les négociateurs italiens ont
donc insistéûès vivement pour obtenir l'amélioration du tracé par

la cession d'AFAFI, point d'eau situéau sud-est de Tummo, de
BARDAI et de TEKRO. La Délégationfrançaise a opposéun
refus catégorique à ces demandes et maintenu purement et simplement le tracé qui avaitété arrêtdé 'uncommun accordentre
le Ministèredes Colonies et le Ministèredes Affaires étrangères.
Mais, il a fallu l'intervention personnelledu Ministre auprès deM.
MUSSOLINI pour faire échec sur ce point aux revendications

italiennes et il n'est pasdouteux que les milieux coloniaux de la
Péninsule conserveront de ce résultat une déception durable"
(Production252).
Et cette note de conclure:
"La frontière qui sépareradésormaisla Libye de I'A.0.F. et de
1'A.E.F. à l'Est de Tummo reste très en deçà des demandes
présentéespar l'ltalie et mêmede certaines offres faites par la
France depuis 1919. (Production252).

Il. Cette idée fut reprise plus tard par Laval, dans sa
dépositionau procèsdu Maréchal PétainA . l'audiencedu 3 août 1945,pour
se défendrede l'accusation d'avoirmal négocié avec Mussolinile Traitéde
1935,il affllma :
"En ce qui concerne les satisfactions auxquelles l'ltalie pouvait

prétendre, j'ai concédéle Tibesti :cent quatorze mille kilomètres
carrés,ce qui constitue sur la carte géographiqueune large tache,
mais, en réalité,il n'yavait sur ces cent quatorze mille kilomètres
ni un habitant ni un arbre ;c'étaitdes sables et des pierres" (cité
par Guariglia (Raffaele), Ricordi. 1922-1946, Edizioni
ScientificheItaliane.Napoli 1949,p.221). (Production 255).

III. La nature juridique des Accords

12. Il faut maintenant mettre en évidenceun point capital. Les
"Accords" de Rome consistaient, en réalité,en un traitéen forme solennelle
(c'est-à-dire,demandant pour son entréeen vigueur, que le texte signé fût
i'objet de ratifications et qu'ensuite les instmments de ratification soient
échangésentre les Parties contractantes) et en une séried'accordsen forme

simplifiée (c'est-à-dire définitivement conclus dès leur signature) : les
déclarations,procès-verbaux, échanges delettres,etc.

13. Tandis que le Traitéprévoyaitque son entréeen vigueur se
serait produite "lejour de l'échangedesratifications"(Article 7, alinéaler du
Traité), les accords en forme simplifiée, d'après les règles du droit

international coutumier (non contredites par les accords eux-mêmes) sont
entrés en vigueur au moment mêmede leur signature. Cela est confirmé,
entre autres, par le texte du "Protocole spécial relatif aux questions
tunisiennes". Ce protocole fixaitles bases de la Convention que la France et
l'Italie s'engageaientà négocieraux termes de l'article 1 du Traité"de telle
manière qu'elleentre en vigueur à la mêmedate que le présentTraité. Or, il
est évident que le Protocole était immédiatement applicable après sa
signature,car il établissaitlesprincipes généraux que les deux pays devaient

suivre lors de la négociationdela Convention. 14. Le choix de la "forme solennelle"pour leTraité nefut pas
fortuit. Aussi bien en France qu'en Italie les règles constitutionnelles
prescrivaient pour les traités comportant des cessions territoriales
l'assentiment préalabledu Parlement àla ratificationdes traités.

15. Pour ce qui est de la France, cela était requis par l'artic8e
de la loi constitutionnelle du 16juillet 1875 ("le Présidentde la République

négocieet ratifie les traités.II enonne connaissance aux Chambres aussitôt
que I'intérêe tt la sûretéde 1'Etatle permettent. Les traités de paix, de
commerce. les traités qui engagent les finances de I'Etat, ceux qui sont
relatifsà l'état des personnes et au drote propriété des Françai s l'étranger,

ne sont définitifs qu'aprèsavoir étévotéspar les deux Chambres. Nulle
cession, nul échange, nulle adjonctionde temtoire ne peut avoir lieu qu'en
vertu d'une loi").Ce fut donc à juste titre que le 22 mars 1935.le Sénateur
Henry de Jouvenel, dans son rapportau Sénat surle Traitéinsista sur le fait

que des différents accords signés à Rome, seul le Traité entre la Franceet
l'Italie pour le règlement de leurs intérêtsen Afrique était "soumis à la
ratification des Chambres" parce qu'il étailte seul à comporter "une cession
de temtoire" (Production 254). Cette idée fut reprisedans une note de la

Diction Afrique-Levant du6 mars1935.(Production 253).

16. Quant à l'Italie, l'article 5 de la Constitution ("Statut0
albertino"), qui prescrivait en son alinéa2 que "les traités comportantdzs

charges financièresou des modificationsterritoriales n'auront d'effetqu'aprês
l'assentiment des Chambres"2. L'opinion des auteurs les plus fiables allait
aussi dans ce sens (voir par exemple ROMANO (Santi), Corso di diritto
costituzionale, 6ème édition, Cedam, Padova. 1941. pp. 376 ss.).

(Production 255).

17. La distinction juridique entre Traité et accords en forme

simplifiée comporte une conséquence importante pour la mise en oeuvrd ee
tous ces accords. Ici encore, il faut distinguer entre le Traité d'un côté et les
accords en forme simplifiée, del'autre. Pource qui est du Traité, la question
se pose de savoir, tout d'abord

1)s'ilestjamais entréen vigueur, et ensuite
2) à supposer qu'il soit entré en vigueur. s'il a étéexécuté.En
revanche, concernant les accords en fonne simplifiée,la seule question à
examiner est cellede savoir si et dans quelle mesure ils ont été exécutés.

18. Une autre conséquencede la distinction que l'onvient de
mentionner mérite d'être soulignée.

2 -Traductide laRCpubliduTchad-Texteonginal"mrtatchsimpomsem undncnallcfinmeo
variarionicmitordel10Siaio.navma effcriosenondoortenuhssensodelleCamcre". -Sur le plan politique, tous les Accords Mussolini-Laval étaient
étroitement imbriqués. Ils constituaientn engagement global, un ''&
&&', leur pivot consistantdans rengagement du "désintéressement" français
en Ethiopie.
- Par contre, sur le plan juridique, les différents accords
constituaient des actes distincts et indépendants les unsdes autres. En effet,
chacun d'entre eux avait une vie juridique séparéd,e par leur nature même
et aussi du fait qu'aucun d'entre eux ne prévoyaitque son application ou

observationétaitformellement subotdonnée2l'exécution d'un autre accord.

19. Il en découlequejuridiquement un des accordsen question
peut avoir été exécuté, saqnuse cela ait eu de conséquence sur l'application
d'unou plusieurs autres accordsde la même date.

SECTION2
LACONFIRMATIONDELADELIMITATION
AVECL'ABANDONDUTRAITE

1.LANON-ENTREEENVIGUEURDUTRAITE

A. L'absence d'échangedesinstrumentsde ratification

20. Comme la République du Tchad l'a indiqué(voir supra,
no 13), l'article 7 du Traitéprévoyaità l'alinéapremier qu'il entrerait en
vigueur "lejour de l'échangedes ratifications".

21. Les deux pays procédèrent tous les deuxà la promulgation

de la loi interne autorisant la ratification. En France une loi fut votée
sujet en mars 1935 (la Chambre des députésse prononça le 22, le Sénatle
26). En Italie, conformémentà la pratique constitutionnelle,on préféra voter
une loi donnant "pleine et entière exécution" au Traité (la Chambre se
prononça le 25 mai, le Sénatle 29 mai et laLoifut promulguéele 13juin).
L'article 2 de cette loi prévoyait sonentréeen vigueur conformément aux
termes de l'article 7 du Traité, c'est-à-dire le jour de l'échange des
instmments de ratification.

22. Toutefois, ni la France ni l'Italien'échangèrent par la suite
les instrumentsde ratification.

23. D'aprèsles principes du droit international en vigueur à
l'époque, dansle cas où un Traitéprévoyait l'échangd ee ratifications pour
son entrée en vigueur, etsi cet échange n'avaitpas lieu, le uaiténe devenait

pas un acte international juridiquement valable et contraignant.A cet égard,
il suffit de citer les remarques magistralesde DionisioAnzil:tti "En règle généralee ,t sauf dispositions contraires expresses, le
trait6 international devientdoncparfaitl'instantet dans le lieuoù
se réaliseI'khange ou le dépôtdes ratificatio...
"Une pratique internationale maintenant bien établie,en modifiant
les règles admises dans le passé, a fixé le principe qu'une
ratification peut toujourstrerefuséeet que le motif de ce refus

est dépourvu de pertinencejuridique. Ceci équivautàdire qu'avant
la ratification il n'y a pas d'obligationjuridique des Etats. parce
que ne serait pas une obligation juridique celle qui aurait été
contractée si voluero. Ce système, laissant I'Etat libre jusqu'au
moment de la ratification, met l'organe auquel il appartient de
ratifier dans la condition de pouvoir remplir ses devoirs
constitutionnels,en provoquant le jugement d'autres organes, en
demandant leur consentement ou leur concours, sans que les
autresEtats puissent le moins du monde s'ingérerou demander les

raisons pour lesquelles on ne ratifie pas. II esta peine besoin
d'ajouter quela chose peutêtrdeifférentesi on appréciele refus de
ratifier au point de vue moral ou politique: le point de vue ici
exposéest un point de vue strictement juridique", (ANZILOTTI
(Dionisio), Cours de droit international. traductions G. Gidel,
Pans. Librairie du Recueil Sirey, 1929,pp. 370et 372).

24. Ceci est conforme I'opiniondes internationalistes les plus

éminents : Tel est le cas, par exemple, de Georges SCELLE, (Précisdu droit
desaen de,xiéme partie, Paris, Librairiedu Recueil Sirey, 1934, pp. 467-
468 : la ratification est "un acte-condition nécessàla periection de I'acte-
règle,sauf dans les cas exceptionnels où il s'agit d'engagements secondaires
et laissésà la compétence discrétionnaire d'agents exécutifs",p. 468), de
Franz von LISZT, (Le droit international. exvos6 svstématiaue (1913),
traduction G. Gidel,Paris, A. Pedone, 1928,pp. 180-181)ou de James Leslie
BRIERLY.(The law of Nations, Sèmeéd., Oxford. Oxford University Press.

1955,p. 246).

25. Le mêmeprincipe fut également affirmé par la Cour
Permanente de Justice Internationale dans l'affaire relativà la Juridiction
temtoriale de la Commission internationale de I'Odec,où elle observa que
pmi "les règlesordinaires du droit internationalw"se trouve aussi la règle
que les conventions, sauf quelques exceptions particulières, ne deviennent
obligatoires qu'envenu de leurratification" (C.P.J.SérieA,no23, p.20).

26. Ces règlesontétéconfmées par les 'articles14et 16 de la
Conventionde Vienne sur le droit des traités de 1969.

27. 11en découleque le TraitéLaval-Mussolini,n'ayantpas été
ratifié,n'entrapas en vigueur. B -La question de savoir si, bien que les deux Etatsn'aient paséchangé
les instruments de ratification, le Traitéfut néanmoins exécuté-
Remarques générales

28. L'on pourrait toutefois objecter que, malgré l'absencede
l'élément formel requis palre Traité, celui-ci auraitpu entrer en vigueur. du
moins en partie, grâceàun comportement subséquent et concordantdes deux
parties, visanà exprimer l'intentiond'exécuieren fait le Traité. On pourrait
soutenir (v.infro no 74 et S.)qu'en 1938le Gouvernement français sembla
s'orienteren ce sens, quand il fit référence.dans une note diplomatique au
Gouvernement italien, à un "commencement d'application"du Traitépar la
France, auquel l'Italie n'auraitpas fait opposition. D'aprèsce raisonnement,
les deux parties auraient conclu unesorte d'accord tacite, envenu duquel le

Traité,ou du moins certaines dispositionsdu Traité, auraientdû s'appliquer
malgré l'absencede l'élément formel constitué par l'échan des instmments
de ratification.

29. Il est évidentque l'on serait alors en face d'une situation
juridique assez proche de celle invoquée devant la Cour internationale de
Justice, dans l'affaire du Plateau Continental de la Mer du Nord par le

Danemarket les Pays-Bas. Ces deux pays invoquaient -contre la République
fédérale d'Allemagne- la Convention de Genève de 1958 sur le plateau
continental, ratifiée pareux mais simplement signéeet non ratifiée par la
RFA. A leur avis, malgréce manque de ratification, la RFA étaitliée par la
Convention en raison notamment de son comportement, de ses déclarations
publiques et de ses proclamations :pour toutes ces raisons, "la République
fédérale aurait assumé unilatéralemeln ets obligations de la Convention, ou
manifesté son acceptation du régime conventionnel, ou reconnu ce régime
comme généralementapplicable en matière de délimitation du plateau

continental" (C.I.J.,Rec1969,pp. 25-26).

30. Eu égard à l'importancedes vuesexpriméespar la Cour sur
ce sujet, il conviendra de s'yarrêter pour établir, ensuite, quelles conclusions
on peut dégagerde l'applicationde ces vuesà la présente espèce.

En réponseaux thèses avancéespar le Danemark et les
31.
Pays-Bas au sujet de I'applicabilitéde la Convention de 1958 à la RFA. la
Cour observa tout d'abord qu'uneextrêmepmdence est nécessairedans des
cas pareils:
"En principe, lorsque plusieurs Etats, y compris celui dont le
comportement est invoquéet ceux qui l'invoquent, ont conclu une
convention où ilest spécifique l'intentiond'êûelié parle régime
conventionnel doit se manifester d'une manièredéteminée,c'est-
&-direpar l'accomplissement de certaines formalités prescrites

(ratification, adhésion).on ne saurait présumer la légère qu'un
Etat n'ayant pas accompli ces formalités, alorsqu'il étaià tout
moment en mesure et en droit de le faire, n'enest pas moins tenu
d'uneautre façon" (ihip .,6). 32. La Cour ajoura qu'en touscas, lorsqu'on prétendqu'onEtat
qui aurait pu ratifier une convention et neapas fait est néanmoins lié par
celle-ci, il faut démontrerpar des faits concluants queI'Etat qui n'a pas
ratifié, a clairement voulu accepter le régime juridique prévu par la
Convention. Cette acceptation doit se manifester pardes déclarations etun
comportement attestant d'une manière claire et constante qu'on a voulu
accepter le regimejuridique dont il s'agit. Commele ditla Cour,

"II est clair que la Cour ne serait justifiéeccepter pareilles
thèses (des gouvernements danois et néérlandaiq)ue dans les cas
où le comportement de la République fédérale aurait été
absolument netet constant;et mêmedanscette hypothèse, c'est-à-
dire si elle avaitu vraiment l'intention de manifester qu'elle
acceptait le régime conventionnel ou en reconnaissait
l'applicabilité,on devrait se demander pourquoi la République
fédéralen'apas pris la mesurequi s'imposait, savoir exprimersa

volonté en ratifiant purement et simplement la Convention"
(ibidem).

33. Il conviendra de s'inspirerde ces concepts fondamentaux
avancés parla Cour, pour vérifiersi, dans le cas du TraitéLaval-Mussolini,
on peut conclure que la conduite subséquente des parties manifeste une
acceptation tacite mais indiscutable du Traité (ou de certaines de ses
dispositions) par les deux Gouvernements ou si, en revanche, les parties,

outre qu'ellesn'ontpas échangé lesinstmments de ratification ont fait après
quelque temps des déclarations sur la non-exécution do Traité de telle
manière qu'elles ontétépar la suite empêchéeosu forclosesde prétendreque
le Traitésoit ou puisse devenir applicable.

II. LA CONDUITESUBSEQUENTE DESPARTIES

34. La République do Tchad passera en revue les actes, les
comportements et les déclarations des autorités italiennes et françaises
relatifsàla pretendue exécution,du Traité Laval-Mussolini,La conclusion
qui résulte de cet examen est qu'indiscutablement ni l'Italie ni -après
certaines tentatives initiales- la France, n'ontexécuté,même en partie, les
dispositions du Traité(A). Les affirmations faites en 1938 par la France
concernant le "commencement d'application" des "Accords de Rome de
1935"et le fait que ces accords furent considérés comme "une référend ce
base" lors des négociations entre les deux'pays en 1937, ne sont pas en

contradiction avec cette conclusion, mais en fait laconfment (B).

A. Lestentatives de la Francepour amener l'Italie
h mettre en oeuvre les Accords (juin-octobre 1935)

35. Si l'on examine le comportement des parties après la
promulgation, par chacune d'elles, de la loi portant autorisation de la

ratification du Traité,on peut noter qu'une première période, allandte juin
octobre 1935,est caractérisée ptrro éilsments: 1' La France insiste en faveur de la conclusion de la Convention
spécialesur la Tunisie, en soulignant qu'elle constitue la conditionquelle

est subordonnée l'entrée en vigueudru Traité;
2' L'Italie nes'yoppose pas en principe, mais en même tempselle
ne fait rien pour donner suite aux demandes française;
3' La France applique l'accord concernant les actions de la
Compagniedu Chemin de Fer de Djibouti àAddis-Abéba.

36. Aussitôt les lois italienneet française d'exécution adoptées,
la France s'empressa de faire remarquer que le Traité devant entrer en
vigueur simultanément à la Convention sur les questions tunisiennes. il
fallait procéder à la conclusion de cette Convention. Cette attitude fut
adoptéetout d'abord à l'intérieurdu Quai d'Orsay,dans des notes internes, et
elle fut ensuite portée à la connaissance des autorités italiennes, avec
l'intention très nette de les solliciter afin de conclure la convention en

question.

37. En ce qui concerne cette attitudede la Franceà cet égard,
il convient tout d'abordde signaler une note du 9 avril 1935du Quai d'Orsay
(Sous-Direction Afrique-Levant) au Ministre français des Colonies. II est

opportun de citer cette note in extenso, car elle fut ensuite reprise presque
mot par mot dans toutes les autres notes françaises
"Par lettre no 296 du 30 mars dernier, vous avez bien voulu me
faire savoir qu'il imponait, puisque le Parlement avait ratifié les
Accordsde Rome,de constituerdans le plus bref délai possible les
deux missions de délimitation qui seront chargées d'aborner, l'une
la nouvelle frontière entre I'Erythréeet le territoire de la Côte

Française des Somalis, I'autre les limites des confins sud de la
Libye et de l'Afrique équatoriale française.
J'ai l'honneurde vous faire connaîtrà ce sujet que le Traitédu 7
janvier 1935, ratifié par le Parlement (sic), doit êtremis en
vigueur en même tempsque la "Convention Spéciale" qui reste à
négocieret qui est destinée à remplacer les Conventions du 26
septembre 1896sur la Tunisie (article ler du Traité).

Le gouvernement français a entendu en effet ne consentir des
cessions territoriales que moyennant la levée de l'hypothèque
italiennesur la Tunisie.
Cette main-levée résulterade la Convention spéciale dontI'article
ler du Traitéprévoit la conclusion etle Protocole spécialdéfinit
les bases. Aussi le Gouvernement a-1-il pris devant les
Commissions du Parlement l'engagement de procéder

simultanément à l'échangedes ratifications sur le Traité et surla
Convention spéciale.L'exposedes motifs joint à la loi autorisant
la ratification faitétat de cetengagement.
On peut donc prévoir avec certitude,dans ces conditions que la
mise en vigueur de la Convention et du Traité, qui doit
nécessairement précéder les opérations de délimitation, se
trouvera différéde plusieurs mois" (annexe 154). 38. L'intention des autorités françaisesde ne procédeà l'envoi
de l'instrument de ratification qu'après la conclusion de la "Convention
sp4cialeW sur la Tunisie et l'insistancesur la nécessité de l'échsimultan.6

des ratifications du Traitéet de la Convention, furent réitérées palra Sous-
direction Afrique-Levant du Quai d'Orsaydans une note "pour le service du
Protocole" du 25 avril de la mêmeannée(annexe 155),et ensuite dans une
note du même Dbpartement du 3 juin (annexe 157), qui fut envoyée à
l'Ambassaded'Italie à Pans, avec quelques petites omissions3,et transmise le
8 juin par celle-ci à Rome, sans aucun commentaire. Toutes ces notes
s'inspiraient dela décision,prise par M. Laval lui-mêmele 9 avril 1935. "de

surseoir à toute mesure préparatoire (àla "translation des territoires en
cause"), tant que n'aurait pas été signé l'arrangemenrtelatifà la Tunisie"
(voir la note du Sous-Directeur d'Afrique-Levantdu 5 décembre1938,dans
Documents Di~lomatiaues francais, 1932-1939. 2ème série(1936-1939),
tome XIII,Paris, Imprimerie Nationale, 1979,p.68).

39. Malgré cessollicitationsfrançaises. les Italiens préférèrent
ne pas entamer les négociations pourla Convention spécialesur la Tunisie.
La raison des atermoiements italiens est clair:comme pour Rome la raison
d'êe des Accords de 1935 résidait dans l'engagement français de ne pas
s'opposer à l'occupation italienne de l'Abyssinie, Mussolini attendait pour

voir si, en réalité, Laval serait fidèlà cet engagement lors de la future
attaque italienne contre l'Abyssinie. Or, puisque cette attaque était prévue
pour plus tard (et, en effet, elle eut lieu en octobre35). l'Italie préférait
attendreet mettreà l'épreuvela France.

40. Donc, il ne passa rien, entre mars et octobre 1935,pour ce

qui est de la procédurede mise en oeuvre du Traité.

41. La France fit pression sur l'Italiepar d'autres moyensaiin
que'fût mis en vigueur le Traité. Les autorités fran~aises en Somalie
demandèrent aux Italiens d'occuper la zone de la Somalie qui leur était
attribuéepar le Traité,etceci avant mêmel'entréeen vigueur duditTraité.Le

Ministère italiendes Affaireétrangères,par une dépCchedu 19juin 1935 au
Ministère royaldes Colonies, l'informades démarchesfaites à ce sujet par le
Gouvernement français de la Somalie, en précisant que les Français
suggèraient que les Italiens occupassent les garnisons de Doumeirah et
Mubili. Et le MinistèredesAffairesétrangèresd'ajouter : "Ce Ministère Royal, pour ce qui le concerne, ne voit pas de
difficulté à ce qu'on procède, éventuellement mêmeavant

l'échange des ratificationsdes Accords de Rome. à l'occupation
des territoires dont il s'agit, et considèremêmefavorablement la

possibilité d'aboutirle plus tôt possible à cette occupation. II prie
ce Ministèrede bien vouloir donner son avis à cet égard,afin de

nous mettre à mèmede donnérdes instructions au Consulat Royal
de Djibouti4."(annexe 160).

42. Le Ministère des Colonies se déclara d'accord, dansun

télégrammedu 4 juillet, et demanda au Ministère des Affaires étrangères
"d'ultérieures communications",pour transmettre l'ordre s'y rapportant au

Gouvernement de l'Erythrée(annexe 161) 5. Mais le Ministère des Affaires
étrangèresne répondit pointet l'occupation italiennen'eutpas lieu.

43. Malgré ces différents échecs, les Français poursuivirent
leur effon de persuasion. Dèsmars 1935, ils publièrentdans les centres de

Zuar (Tibesti) et de Faya un "avis public" ponant à la connaissance des
populations la nouvelle frontièreétabliepar le Traitéde 1935. La nouvelle
fut communiquée à Rome le 23 juillet 1935 par le Ministèredes Colonies

(annexe 162) 6,mais Rome ne réagit pas,ni dans un sens ni dans l'autre.

B.L'exécution,par la France, de l'accord en forme simplifiée

sur la cession de 2.500actions

44. Peu de temps après la signature des Accords, la France

appliqua un des accords en forme simplifiée approuvés &.Rome : celui
concernant le Chemin de Fer de Djibouti à Addis-Abéba. Cet accord,
consistant en un échange de notes, prévoyait principalement que :"Le

Gouvernement français, désireuxde faciliter une collaboration plus étroite
des intérêtf srançais et italiens dans le Chemin de Fer de Djibouti à Addis-

Abéba, s'est assuré que le groupe français de la Compagnie concessionnaire
de cette lignecèdera2.500 actions à un groupe italien".

vtds difficolls a ehe ri pnreda. cvcn!uaimsniprima.?elIovambio delle ratifichc degli dicordi
Roma. alla occupzionedelterriioridi cui tnttafi, c coosidcn anzi favorevalmcnts la psdibilils
4divenim ai prrîto a laoeeupAons. pmga codcsioDicasremdivoler uprimcrilpmprio awiw, al
tiguardpr le cmgumti ir ismuioni da fami prvealR. Gmolato a Gibus'.

.Traduc!luo dc la Republ~ducdu Tçhditc ~~g~nnl"Wcim R hlinincm non ha nul13in conmin a
chc riproceda. anche pnma Jcllo <camb~udelle irliJcgli accord, di Roma. alla occ-plrdelr
Xrniunoccduiwi c rr,m asc\ldl ultcnun com.ni:art<laplnc Ji ;odeno R Minivtcm.pr impmarc al
GovcrnodellEriuEa gli ordinincccsrari'.
6 ..i.61tgra-rJU 23 ici IYH .aL &\ colonie\ au \~in~~i~,cArraircr exrmdemr ~c
Lib)rn AMulhahi kn H~cm. amr4 mcmmrnt AS)nc aicc unecaraime rcnani drFJ)~.H.>urkou..
%lait cc q~i rai'II)3 q ~ ~ mmo.,, dmIci ccnmi wuduiai, de Zovlr iTibcnil ci FayaIcr ~~iiinltr
Iranraa<c-~.. rnmmunluu..u un avis oubljc. la no~~cllc fruncnemrnrconnanc so(rislcmrnr les
Iqaiids qui vimmtd.èmmsrtzs au &&iG ilalisn'
(Traduction de la Republiqve du Tcha-Tcxtc origina: "II Libico Adbulhabi ben Bucara giunro
-niement. a Sineconunacamvana pmvenimv da Fayn(Barcu)hariferito quanrowg:"Quaw mesifa
mi centrsuilamri & Zuu ri?$.) sFaya észato noio,con qubblim. dall'autorils hailY
niiovconfm conrpctiAemenume dcllc localils a~uw alicrnmo ilalland'). 45. Une note rédigéele 26 mars 1935 par la Sous-Direction

Afrique-Levant du Quai d'Orsay, et intitulée "Réponse aux questions
concernant la participation italienne dans le Chemin de Fer franco-
éthiopien". explique les détase l'accord:
"Aux termes des Accords de Rome le Gouvernement français a donné au
Gouvernement italien l'assurance que le groupe français intéressédans la
Compagnie du Chemin de fer franco-éthiopien cèdera 2.500 actionsà un
groupe italien. Cette cession aurait liàtitre onéreuxet à des conditions

librement débattues entre les deux groupes intéressées.Le Gouvernement
français a d'ailleursla certitude que cette cession une fois réaliséel,e groupe
français conservera la majoritédes actions de la Compagnie du Chemin de
FerU(annexe 152).

46. 11ressort clairement de cette note que le Gouvernement
français, en vertu de l'accord en forme simplifiée avec l'Italie, s'engageait
simplement àprêter sesbons offices pour convaincre les actionnaires
français de la Compagnie (entité privée dont les intérêftrançais étaient
garantis par le Gouvernement français) à vendre 2.500 actions à des
particuliers italiens. Cela est confirmé par des documents diplomatiques

français postérieurs. Ainsi, par exemple,dans un télégramme 3 avril 1935
du Quai d'Orsay à l'Ambassade de France à Rome, on précise que "les
actions offertes au groupe italien seront en principe fournies par les divers
actionnaires français, dont la Banquede l'Indochine,au prorata du nombre de
titres qu'ils détiennent" (annexe 153).

47. Lecaractère mineur, voire même marginal, pour la France,
de cet accord sur les 2.500 actions ressort de plusieurs documents
diplomatiques français. Tel estle cas, par exemple, de la réaction franàaise
une protestation du Gouvernement éthiopien.Le 26 avril 1935,le Consulat
du Gouvernement impérial dnthiopie àParis déclara dans une longue note
qu'il ne saurait rester indifférànla cessionà des intérêts étrangerds'un

nombre. "même restreint" d'actions dela Compagnie du Chemin de Fer
franco-éthiopien,car cette cession était contràila politique traditionnelle
de la Compagnie et du Gouvernement français visantà "maintenir les actions
de la Compagnie en question entre les mains d'actionnaires français". Le
10 mai, le Ministre français des Affaires étrangères communiqua cette
protestation au Ministre français des Colonies, ajoutant une série de

considérations qu'un fonctionnaire du Quai d'Orsay avait eu l'occasion
d'exprimer au Consul Générald'Ethiopieà Paris:
"Au cours de l'entretienque le Bedjirond TECLE HAWARIATa
eu, àce sujet, avec le Sous-directeur d'Afrique-levant. celui-ci a
tenu à préciser que, comme la lettre précitéele rappelait, le
Gouvernement français, prenant en considération les
susceptibilités du Gouvernement Ethiopien, s'était abstenu de

participer au capital de la Compagnie.que cet effacement mêmele
laissait dksarmépour s'opposeràune acquisition d'actions par des
étrangerset qu'en lacirconstance il n'avait faitque constater la
disoosition d'un erouoe d'actionnaires francais à céder 2.500
actions non oas au Gouvernement italien. mais à un erouoe
d'actionnaires italiens. Moncollaborateur a soulignéque le Gouvernement irançaisavait
d'ailleurs profité de l'occasion Dour favoriser à l'intérieur du

g m
absoluedes actions entre les mains francaises et assurait ainsiune

maionté frwco-c'ihio~ienn des trois uuartr.
Enfin, M. de ~ZntI~uentin a pu donner à son interlocuteur
l'assuranceque la Compagnie, administréepar un Conseil dont la

composition n'avait pas changée, restait, avec la pleine
approbation du Gouvernement français, fidèle A l'esprit de

collaboration au développementde I'Ethiopiequi n'avaitcesséde
l'inspirer depuis sa formation" (souligné par la Républiquedu

Tchad -).

48. Mêmesi le Quai d'Orsayavait intérêà t minimiser auprès
des autoritéséthiopiennesla portéeréellede l'accordfranco-italien, toujours

est-il que l'accord était dépourvu de réelle importance économique,
financièreou politique. D'ailleurs, les autoritésitaliennes étaientelles aussi

conscientes de la valeur minime de cet accord et de sa signification tout à fait
marginale dans le contexte des Accords ae Rome de 1935.A cet égard.il

suffit de rappeler que dans les entretiens du Sous-Secrétaireitalien Suvich
avec l'Ambassadeurfrançais à Romelors de la négociationdes Accords, le
29 novembre 1934, le premier réponditau second,qui lui parlait du contenu

de l'accord en question, que pour I'ltalie la cession des actions "ne
représentaitrien"'(annexe 151).

' -II convient de citer le pspNncnt du omptc-rendu de renmtien avec I'hbrssadcw& France.
C'brun. ddigt 1s29 novcmbrc 19% par Suvich. A propos des inSrCuconcemlrn le cheminde fer.
loujwrs en territoireiralicn.qui puiraveclechemin dcfer de Djibvau?confis de I'EUiiopic.Uns
pde du chemin de hr.sur 1sterrimirr elhiopicn. putlparem cédécrclusivcmsnA Ilralic. pourrait
erviraux deux Pays. Bicn s.outcela ap+s avoir mcnt I bien toutoperaIionr&carzcttm financier
pourrtglcr laqusrtion de Inpmprieie.
CAmbrssadcur (de France. Chamhun)fait rcqusrque le chemin defestune initiativedu capprivC
frqair.garantis mutefoinpIBW frnngai~.A Paironavaitpend devancer Icî dt&k rlfalencWl a
eelle*i un paquet d'actisnslui domant une place dansle Canwil d'adminisJcilui fairremarquer
que cela pounousnerepduntc rien" ('Norm rcoptqucllo di avsrc un ponoin temwrio italivadahs
alrtralia. dovrcbk scrvirc 1due Pacîi. Naiuraturtcio ~rrvic 1sopponune oprarioni di carattex
finanriaro perrcgolarc Ir questions della proprieth. L'Ambrsciaion fa present"nainizirtivaia
del capilale privato francerc. garantila perodallo StAmParigi ri era penrawdi vcnirc inconvo ai
dssidcri dslrltalcsdcndo alvltaliaun pacchctto di azioncdandols un portro ne1 Conîiglio di
amminisuarione. Oli osscrvotheprinoi nonrapprewnla nicnte".
Ce documentestimpanani car il fait ressoraisonsdeïintertt iralicnpour le chemin de ferde Djibouti.
crmonm aussi que, mEmcen facd'uneoffrc qui allaitau-dela du contenufinalde raccord (Asavoir I'offrede
donner.cnplus der %lionune place dansIc Conwil d'adminiruatim de la Compagnie). Ic Oouvemsmcnl
vaade sosuenri I'tfalicfuialemeni -cespmrnritiorn. ceemedouaI'inlheipolitique du "deristemeni" C. Le gel des Accords par I'ltalie
(octobre 1935 -février 1937)

49. L'Italie s'état éjà fâchéeavec la France puisque celle-ci
l'avait exclue, le 3 février 1935, dupacte d'assistance aérienneréciproque
conclu avec la Grande-Bretagne. Mais, l'entente franco-italienne reçut le

coup de grâce, un peu plus tard. Mussolini considéraque la France ne l'avait
pas assez soutenu au sein de la Société desNations après l'agression qu'il
avait déclenchée contreI'Abyssinie le 13 octobre 1935. Tout au long de
l'année 1936,les diplomates italienfont étatde leur déception l'égardde la
France. Celle-ci comprit très bien pourquoi l'Italie se désintéressait dela
mise en oeuvre des Accords de 1935 ; ainsi que findiquent ces quelques
phrases écrites par l'Ambassadeur françaisà Rome au Ministre français des
Affaires étrangères,le 16 novembre 1938, "l'Italie fascistese demande ce

que peut lui rapporter un accord avec la France. La consolidation des
Accords de 1935 lui apparaît comme un résultat singulièrement maigre
puisque ces Accords, jugés parelle désavantageux, n'ont été consentq isue
moyennant la contrepartie d'un désintéressement français en Ethiopieet que
cette contrepartie, que I'onconsidérait comme effectivement accordée est
venue à manquer en fin de compte" (Voir, Documents di~lomatiaues
francai s932-1939,Skrie2, vol. XIII, p. 613).

50. Il est donc, touàfait, naturelque l'Italie ait déde geler
les Accords de 1935. La situation s'aggrava l'occasionde la guerre civile
espagnole, commencée en juillet 1936, puisquedans cette affaire, la France
et l'Italie "se trouvaient des deux côtésde la barricade", comme l'a dit
Mussolini (Voir le télégrammede François-Poncet au Quai d'Orsay du 10
novembre 1938,dans Documents diplomatiaues francais, 1932-1939, Série
2, vol. XII, p.510, et la dépêchedu 16 novembre 1938, p.511). Pour
Mussolini, la question espagnole était "la pierre de touche d'où dépendra
i'avenirdesrapports franco-italiens(m.

51. D'autres élémentc sontribuèrent rendre les rapports très
tendus : la prise du pouvoir en France par le Front Populaire (1936) et la
constitution de l'"axe Rome-Berlin", proclamée par Mussolini dans son
discours du 6 novembre 1936.

D. L'accentuation de la non application des Accords

(1937-1938)

52. Les Accords continuent à ne pas êtreappliqués parl'Italie
pour des raisons politiques générales maisaussi pour de nouvelles raisons
spécifiquesayant trait au problème des frontières. La France, à son tour,
s'oppose à des tentatives des militaires italiens de meàbien des missions
de reconnaissance dans le territoire visé par le Traité (1937-1938). Les
éléments suivants caractérisent cette pério:e

Io L'Italie refuse expressément d'occuper les territoires cédéen
vertu du Traitéde 1935 ; 2" Le Ministère italien des Affaires étrangères reproche au

Ministère de l'Afrique italienne d'avoir produit une carte indiquant la
frontière prévue parle Traitéde1935 ;

3" En mêmetemps, les militaires italiens en Libye essaient
d'entreprendredes missions de reconnaissance de la bande d'Aozou,mais ils

en sont fermement repoussés par les autorités françaises.
4' Les Italiens insistent auprès des Français pour que la frontière

entre lutAfrique orientale italienne" et la Côte française des Somalis soit
démarquée (dans le cadre du Traitéde 1935).mais la France refuse ;

5' Le 13 juillet 1937, Rome qualifie expressément la situation
juridique existantede "suspensionde l'application pratiquedu Traite ;

6' A la suite d'une propositiondu Gouverneur de la Libye, Balbo,
l'Italie envisagede soumettre à la France, le moment venu, une modification

de la frontière occidentalede la Libye en demandant plusde territoires, mais
en offrant en contsepanie une rectification de la frontière méridionale plus

avantageuse pour la France. Les Italiens voient dans cette possibilitéune
raison ultérieurepour ne pas appliquer,pour l'instant,le Traitéde 1935.

7' La France prend formellement acte, en 1937, que le Traitéde
Rome n'est pas entréen vigueur et se résigne. en quelque sorte, à cette

situation, en 1938.

53. Il convient de considérerséparémenc thacune de ces lignes
d'action.

54. Le 30 mars 1937, le Consulat italien de Léopoldville
informe le Ministre italien des Affaires étrangères que les autorités

françaises avaient demandéaux Italiens d'occuper les localités d'Aozou et
d'Uns. Le 23 avril, Rome répondque "l'occupationdes territoires coloniaux

qui nous ont étécédéspar le Traité (de 1935) ne pouvant être effectuée
qu'après l'entréeen vigueur dudit Traité, il ne semble pas opportun de

commencer, pour le moment, des actions avecle Gouvernement français aux
fins de l'occupation enquestion"9.(Annexe 170)

occupées par désfronpei franqairc(une vingiaine de roldair dc caulcur auxordres dhnsous-officier
eumpecn). II m'aexplique que pour maintenir Ioen- Isr tribusnomadesde cesIocalitCs, chcval surla
fmtiére, il neluetaipa possibleds retirer scsuoupes si ellcr n'élaisnipîs remplacecî auparavantpai de$
mupes italiennes. Irexprime le vif desir que nome put cette acupalion soit mené&bisn le plutbl
posriblc, pour réglerla situclipourevirrr d'evcnmelnmalentendus.II faudrait le pdcnntemps utile
afinqu'ildome les insiniclions pouremit desestroupes" (Traductionde la Republiquedu Tch-dTcrte
onginal: ''IIGenerale Rouais. Cornandantesupetiore delle Tmppc dcll'AfricaEquatotialcfrancex. col qualc
ho avulolerie oecasioncde invattenemi a Bwville. mi ha incidentalmenieacccnnatoalla cixochc le
dus loealiladi AUZUc URI(la primaa eka M) km aNord-Exdi Bardai.la secondaa circZMI kmalrEri di
Bardai). le quali in conwgucnla degli acçordi di Roma dc 17 gennaio 1935-XII1si mvano lcrritono
sotifficiale Eumaal. Ediphasoiceaiochcroncmanunex I'ordinefra Ic tnbu namadi di ausllc loeaiila. a
carallo de.<,nfinc nogllcn @$<bile niim Icvuemiw u pnma nonforwnt bcnuir 8raiiluirlc qucllr
~tal~an~CJ ha crprcon iluitu dcridcrio chc &plnc po<rlhilr pr regolnic l<iiuuionc r pcr c\iinre
po*ibiliL?Jim~linarl pncncndulo ui vmp uiilc pcrpoicrduc Ic irvuiioni pcril nuni dclwc mppe-
<uincic IM,

Y .TnJu:tion ne IAK6puDliqucJ. Tchw - Tcric .inplna1'Yun picno., Iuicupionc deilnlon colonlali
F~JJIICI:DI%u.L~~ItIr>ïlw~CS~CW~lf~lc~acihi .iinvguenlcmcnlal.coÿaw co?<porcoc1Tnrwlo o!esro.
nin pax iliamdi iniliurpcr .ImJmcsii. pr~iichccd1<i.ncmn iruiccr. rinJrl.wcupul~nc anridella 55. Cette attitude fut confirmée en mai-juin. Comme
l'Ambassade italienne à Paris avait attiré l'attentionde Rome sur la nouvelle

fournie par une agence d'informationde Paris, d'après laquelle l'exécution
des Accords de 1935 se poursuivait normalement par voie diplomatique,
Rome lui communiqua le 14 juin que le correspondant italien qui avait

transmis de Rome la fausse nouvelle avait été dûment réprimandé (Voir la
dépêche no 355011187 du 31 mai 1937 de l'Ambassade d'Italie à Paris au
Ministère italiendes Affaires étrangères, annexe 173e,t la dépêchd ee Rome

à l'Ambassade italienne à Paris, du 14juin 1937,annexe 181).

56. L'intentionde l'Italiede geler le TraitéLaval-Mussolini est
confirméepar les démarches internes faitespar les autorités italiennesau
sujet de la rédactionde cartes indiquant la frontièresud de la Libye.

57. Le Ministèrede l'Afrique italienne avait composé une carte

qui reproduisait la frontière prévue parle Traitéde 1935(annexe 191).Le 5
février 1938, Rome lui envoya une dépêche soulignantqu'''ilaurait été
préférablede continuer à indiquer la frontière comme par le passé" '0

(annexe 193).Le Ministèrede l'Afrique italienne fut aussi invité à demander,
à l'avenir, l'autorisation préalable du Ministère des Affaires étrangères, avant
de produire des cartes touchant à des questions de caractère international11

(ibid.).

58. Tout en refusant d'exécuterle Traité etdonc de s'emparer
de la bande d'Aozou, les autorités militaires italiennes en Libye tâchèren dte
procéder à des missions de reconnaissance du territoire visé parle Traité.

Ces tentatives furent cependant repoussées par la France.

59. Diverses dépêches télégraphiques émanant de M.
MARCHESSOU, Gouverneur Général intérimairede ItA.E.F. au Ministre
des Colonies font étatde projets de reconnaissance italienne dans la zoneen

question. Le Gouverneur Généraldemande des instructions précises et
rapides. Le Ministre des Colonies transmet ces demandes au Ministre des
Affaires étrangères (voir dépêchedu 8 juin 1935, annexe 158) estimant

qu'aucune reconnaissance italienne n'estde mise en avant la délimitationet
demandant une intervention du Ministre des Affaires étrangèresauprès du
Gouvernement italien pourgeler les raids de reconnaissance (dépêchd eu 13
juin 1935, annexe 158). Face à ces tentatives de reconnaissance répétées l,

Ministre des Affaires étrangères,par une missive du 3juin 1937au sujet de

Io-Traductionde Rtpubliqu dcTchad -Texte origin"QuestoR. Ministcroconfermain masiila
pmprioavvimwcondo cui smbk srataprcfctibilc.cornecrporto ne1telcrpresso dcl 2".Snoernbr.
code~tDicartcro scnraalml0omtle~iato".gcttocontinume ad crssn rnmala sucanecdirc&

II- Tradvction laRepubliqucdu Tchad-Texte origin:'"ConI'occasiostirnpcroopponunodi
rinnovrc IBraccornandazioncchcanecditc dcodcsloDicaîtcrinteressaaltri SiacColonieo
cornunqucquestiancaniiteinternazionale.riano publicaied'conquesloR.Ministcro". la frontikre Tchad-Libye, répondau Ministre des Colonies que le Traitéde
1935 n'étantpas ratifié,n'estpas en vigueur et que "les cessions territoriales
qu'il comporte de notre pan ne sont, jusqu'à nouvel ordre, susceptibles de

produire aucun effet". Le Ministèresouligne que mêmeaprès ratification,il
faudrait attendre que la Commissionprévue à l'article5 du Traitése réunisse.

Il conclut que "dans ces conditions, toute tentative des forces italiennes pour
se substituer aux nôtres dans le territoire que celles-ci occupent actuellement
au nord de la frontière de 1935 constituerait un acte d'agression" (annexe

174).

60. En 1937, l'Italie reprit une proposition française de

procéder à la démarcation dela frontièreentre l'Afrique Orientale Italienne
et la Côte Française des Somalis. Bien qu'aucunedes notes échangéesentre
l'Italieet la France n'aitfait référence au Traitéde 1935,ilparaît évident que

cette démarcation étaic telle prévuepar I'anicle5 du Traitéde Rome. Malgré
l'insistance de l'Italiel2,la France finit par refuser, car le Ministèrefrançais

des Colonies estimait que l'animosité italienne à l'égarddes intérêtfsrançais
en Ethiopie s'y opposait'3.

61. L'échecde cette tentaive démontre quela France et l'Italie

ne furent même pasen mesure d'appliquerla seule disposition du Traité sur
laquelle, à un certain moment, s'était crééeune convergence entre les

Ministères des Affairesétrangèresdesdeux pays.

62. Vers la moitik de l'année 1937 les autorités italiennese,n
faisant une sorte de bilan de la situation concernant le Traité de Rome,

expriment clairement l'idée que ce Traité doit être considéré comme
"suspendu".

63. Dans une longue dépêche du 13juillet 1937 au Ministère

de l'Afrique italienne, le Ministèredes Affaires étrangkress'attarda sur les
raisons pour lesquelles la Convention sur les questions tunisiennes, prévue
par le Traitéde 1935, n'avaitpas été conclue, enprécisant quele Traitéde

1935 lui-même subordonnaitson entrée envigueur à la conclusion de cette
Convention. Et le Ministèred'ajouterque "dans de telles conditions, pour le

moment, l'application pratiquedes clauses territoriales des Accords de Rome
du 7janvier 1935est restéesuspendue"'4 (annexe 180).

I2 .VU,, Crtltgmc inolu3537.lu 2lu8llcl 19Ju M.iii<lirclicn Jr%Coloniau IinlriLriulicnder
1937liuincir184,ciIcttltgrrrnrdr Arnm\ailtpclulircPm,cmnuM.nintr.acr,\Ilairtbangtmu 32821,
alobrc lY37n073M iannexrIdo.ocrnirnc queIr itltgnmrnir II rnçrArnba.de su rnfmMini\*r..

I3 -Dansunenocc pourIcMinirrn sousla Sour-DirectiAfnquc-ùsva dnt.decernh 1938.aiokne
ceci:'"Quant la parcedeenom coloniedesSomalis.clln'anonplus616accupCc(par I'lt..Riendonc
n'es altété.nijurcni dcfocrodansI'twdestcdtoirer encauw. Nousconrinu?nrCm inté@alcrncnten
ZèmcsStri(19361939). tome XUIp.69).& 6nosdmiu" Dpcumsnu di~Iorn~I~~, 1932.1939,

'4 -TraductiondelaRCpubliqueduTchad -Tcrtc original : "ln tali canèitimarta psrara sospcra
I'applicaziopraticadelclausolelerritarialiAccordidi Ramadel 7gcMaio 1935". 64. Entretemps, une autre raison s'était ajoutéeaux motifs
politiques qui jusqu'alors avaient amené I'ltaiie à repousser la ratification et

par voie de conséquence I'entréeen vigueur du Traité :les suggestions des
milieux colonialistes italiensde proposer à la France, avant la ratificationdu
Traité, une rectificationde la frontière prévue par ce Traité.

65. Le 20 avril, puis le 26 mai 1937, Italo BALBO,
Gouverneur de la Libye, souleva le problème de la délimitation des
frontières en Libye.En même temps,il proposa de suggérer aux Françaisde

rectifier la frontière occidentale(entre Ghadamès etTummo) en faveur de
I'Italieet celle méridionale(dans la zone du Tibesti) en faveur de la France
(voir la dépêche n0958 du 26 mai 1937 du Gouverneur de la Libye,

M.I.Balbo, au Ministre de I'Afrique italienne, annexe 172).Le Ministre de
l'Afrique italienne fut d'accord et proposa au Ministère des Affaires

étrangèresde prendre la décisionde procéder à une sériede relevésdans les
zones concernées (voir télégramme du 3juillet 193 du Ministre Lessona au
Ministèredes Affaires étrangères, annexe 178).

66. Ce projet. qui donna lieu à un échange de notes entre

Rome et Tripoli jusqu'au 10janvier 1938, n'eut pasde suitels (bien que le
Gouveneur Générad le la Libye, avec I'assentiment du Ministrede l'Afrique
italienne. ait décidéque les relevés susmentionnes seraient effectués

"prochainement")l6. Mais la correspondance qui s'y rapporte montre bien
qu'en 1937,l'Italieavait une raison ultérieure pour nepas appliquer, tel quel,

le Traitéde1935.

67. Il convient de souligner que la France ne prit pas beaucoup
de temps à comprendre que I'ltaiien'avait pas I'intentionde ratifier le Traité
et qu'iln'entreraitdoncjamais en vigueur.

68. Déjà,dans une note du 3 juin 1937, au Ministre français
des Colonies, le Quai d'Orsay constatait sans ambagesque le Traité n'était

pas encore obligatoire :
"Je crois devoir d'abord vous rappeler,comme mes Services I'ont

maintes fois indiquédans leurs conversations avec ceuxde votre
Département,que le Traité franco-italiendu 7 janvier 1935n'est
pas encore entréen vigueur puisqu'iln'apas étératifié parnous.

Dans ces conditions, les stipulations qu'il contient et enparticulier
les cessions territoriales qu'il comporte de notre part ne sont,
jusqu'à nouvel ordre, susceptibles de produire aucun effet. La

I5 Voir Icm4mopourIc hlin!,iJcrAibirrr tlmg+rr@part pu IcBurr~udeIfunrpc.Mbl~icmk
tmgerr<.JY \lln#\ÿr 1Afnduelllllenndu27 dtccrnhIV31rne245241 lanncw1~Vici la dtpechcdc
rrp>n\r:du Mini%m dc 1Alni~licnnduIOgirlcrIC~An' lW663Yianncw 192,

16- Voir la dtgcdu MinistédesAffairc6uangkes& IBrnbassaditalicmcParis.san&te(il s'agit
d'unsdponw a la deehe duMinirueds I'Afnqueilalieme no1037du 3 ~splembre1937. Pmduction
158). situation de droit ne s'est pas modifiée surla frontière entre la
Libye et l'A.E.F. D'ailleurs, mêmeaprès l'entréeen vigueur du
Traité,on concevrait difficilement que la remise de notre territoire

aux Autorités italiennes pût être effectuée avant que la
Commission prévue parl'article 5 ait procédésur les lieux à la
délimitation dela Frontièreet préparun accord frontalier.
"Dans ces conditions, toute tentative des forces italiennes pour se
substituer aux nôtres dans le territoire que celles-ci occupent
actuellement au nord de la frontière du Traité de 1935
constitueraient un acte d'agression"(annexe 174).

69. Cette position fut réitéréeans une note du 23 septembre
1937 du Ministère dela Défense nationaleet de la Guerre au Ministredes
Colonies. Ce dernier avait signalé "l'inconvénient que présentait la
figuration, sur les cartes d'Afrique publiéespar le Service Géographique de
l'Armée,du tracéde la frontière Tchad-Libye défini par l'accord franco-
italien du 7 janvier 1935 du fait de la non ratification de ce Traité" (annexe
185).Le Ministre de la Guerre répondit:

"J'ail'honneurde vous faire connaîtreque j'ai pris toutes mesures
pour que les prochaines éditions de cartes susvisées ne portent
plus le tracé dela frontièrenon encore reconnue par la France.
"D'autre part, une indication rectificative sera apposée sur les
exemplaires détenusactuellement pas le Service Géographiqueet
destinés àla vente" (annexe 185).

70. Le constat que le Traité n'étaitpas entréeen vigueur fut
répété l'annéseuivante, dans une note du 11 avril 1938 rédigée pour le
Ministre par la Sous-Direction Afrique-Levant. Aprèsavoir passéen revue
les efforts pour faire entrer en vigueur le Traité, et leurs échecs, la note
conclut de la manièresuivante, pour ce qui étaitdes clauses territoriales du
Traité :
"La translation de la souveraineté et la remise subséquente des

territoires sont évidemment subordonnées à l'entréeen vigueurdes
Accords, c'est-à-dire, pratiquementà l'échangedes instmments de
ratification" (annexe 194).

E -Le constat formel, en 1938, que le Traité était périmé

71. Le 2 décembre 1938, l'Ambassadeur français à Rome,
A. François-Poncet, eut un entretien avec le Ministre italien des Affaires
étrangères,G. CIANO, pour protester contre l'attitude adoptéepar certains
deputéssur la politique étrangèresde l'Italie.François-Poncet souleva, aussi,
le problème des Accords de 1935 qui, d'aprèslui, "bien que ratifiés (sic),
n'ontjamais été exécutéIsI. désirait savoir si le gouvernement italien "les
considéraientencore en vigueur" et s'il "estimait pouvoir se servir de telsAccords comme base pour les relations franco-italiennes"l7. CIANO
répondit qu'àson avis les Accords étaient dépassés.Cependant, il pria son
interlocuteur de lui accorder du temps afin de recueillir l'opinion de

MUSSOLMI. Le jour même,CIANO préparaun mémopour MUSSOLINI
et, une fois obtenu le feu ven du Duce, il envoya ?iFrançois-Poncet une note
le 17décembre. 11maintint la position de l'Italieet souligna par ailleurs que

FRANCOIS-PONCET lui-même, dans l'entretien du 2 décembre, avait
admis que les Accords "n'avaientjamaisété exécutés"D . ans sa note, CIANO
se penchait aussi bien sur les raisons juridiques que sur celles politiques

justifisant la "mon" du Traité :
"Les Accords italo-français du 7 janvier 1935 sont constitués,
comme Votre Excellence le sait bien, par un Traité relatif au

règlement de leurs intérêe tsn Afrique et par une séried'Actesqui
lui sont étroitementliés.
"L'article7 du Traité stipulequ'il sera ratifié,et subordonne son

entrée en vigueur à l'échange des ratifications. Cet échange,
toutefois, ne s'est jamais produit. Biensûr, immédiatementaprès
la signature, on a entamé les procédures constitutionnelles

préliminaires à la ratification, mais on n'ajamais procédé à la
ratification. On n'a pas nonplus entaméles négociations pourla
conclusion de la convention spécialepour la Tunisie, qui -d'après

l'article ler du Traité-aurait dû entrer en vigueur le jour mêmedu
Traité.Le Traitéitalo-français pour le règlement deleurs intérêts
n'adoncjamais été perfectionné.

"Mises à part ces constatations d'ordre juridique, il faut ensuite
faire remarquer qu'aussibien leTraité queles autres actes furent
conclus sur la base de conditions bien précises,et que de telles

conditions n'ontpas étéremplies en pratique.
"Comme on le sait, les Accords de 1935 visaient, moyennant le
règlement de toute une sériede questions, à développer i'amitié

entre i'Italie et la France età instaurer entre ces deux Etats des
rapports de confiance et de coopération.En particulier l'Italiepar
les Accords de 1935 était amenée à accepter d'importants

sacrifices, aussi bien à l'égarddes droits des Italiens en Tunisie,
qu'au sujet de ses droits découlant de l'article 13 du Pacte de
Londres de 1915 compenséspar une équitablecompréhensionet

une attitudeconséquentede la France à propos de la nécessitéde
i'expansion italienneen Afrique orientale.
"Or, le comportement suivi par la France, quant l'Italie fut

contrainte par l'action du Négus à résoudre définitivement le
problème de ses rapports avec I'Ethiopie, et mêmeaprès, ne
s'inspira assurément pasdesdites conditions. En revanche, il fut

tout à faire contraire à celles-ci. Il suffit (sans qu'ilsoit nécessaire
de les rappeler) de s'enréférer aux diverses phases des évènements
qui se sont déroulés depuis 1935.

l7 Volrlem6mopour MUSSOLIXI I'Appunil pcril UicprC@ Ic 2 cI6crmb1918par lluiirvr
<:IASO ("IOobcrno fiancc5nraiorva JIGovcrno iirlis1r\i,#cn~a dcglv Arcordi del 1935 chc
rrgola%an>raIdm la qucxit<inrtunisin.xconll rhc .laxmers,in cwçu?lonc. knch6 nitfiçiii.
quant051 pn*1"110avmlitnil (ivrcmfrancevd.tdçravacon$i\rrrr Jal Go\crno wucci,ldcnc
iusorain\igorr iali Patitc u nticne divrvtrr d?,rquak bsw delle rclazifcanco-iialiux
lannric 205) 75. Il convient de reproduire Lepassage pertinent de la note de
FRANCOIS-PONCET :
"...Avant même leur ratification,ces Accords ont reçu, de la pan

de la France, au seul bénéfice de l'Italie. un commencement
d'application puisque, anticipant sur l'exécutionde I'un de ses
engagements, le Gouvernement français a assuré la cession
effective par le groupe français de la Compagnie concessionnaire
du Chemin de fer de Djibouti à Addis-Abébade 2.500 actions de
cette Sociétéà un groupe italien.
"Du côtémèmedes représentants italiens,dans les négociations

franco-italiennes qui se sont déroulées à Paris en 1937, les
Accords de 1935 ont étéconsidéréscomme suffisamment acquis
pour être fréquemment invoqués commer6férencede base. Et
récemment encore, le 12 mai 1938, Votre Excellence, tout en
faisant quelques0bse~ationS de forme, n'aélev6aucune objection
de principe àla mise en oeuvre des Accords africains du7 janvier
1935 qui se trouvait suggéréesous les points 9, 10 et 11 de ce

programme. Elle a mêmepréciséqu'en ce qui concernait la
convention tunisienne, le Palais Chigi n'envisageait pas de
changement substanciel au texte proposépar le Gouvernement
français, texte dont BLONDEL a pourtant fait observer qu'il était
tir6 des Accords de 1935. Aucune considération politique ne
s'opposait donc, alors,dans la pensée du Gouvernement italien, au
maintiende ces Accords" (annexe 207).

76. Pour saisir dans toutes les implications de cette note, il
convient de faire quelques remarques de caractère général et préliminaire sur
sa portée réelle, son contexte et ses suites.

77. Tout d'abord,il faut insister encore une foissur le fait que
les deux arguments avancés par la France le furent dans un but
essentiellement politique: le Quai d'Orsay tenaità souligner le manque de
cohérencede l'attitudede l'Italiequi, après avoir fait entenàrla France que
tôt ou tard elle ratifierait le Trait6 de 1935, a fini par déclarerce Traité
périmé. Autremend t it, dans sa note, la France voulait attirer l'attentionde
l'Italie surce que Paris considéraitlégitimementcomme une volte-face du

Gouvernement fasciste : celui-ci, jusqu'au débutde 1937. n'avait pas exclu
formellement queleTraité de 1935 puisse entrer en vigueur;les déclarations
de CIANO étaientdonc en contradiction avec les assurancesque la France
avait cm pouvoir déduire, surle plan politique, de certains agissements etde
certaines déclarationsdes autorités italiennes.

78. Deux éléments confirmentque les arguments en question
n'&aientpas avancés dansune optique juridique. En premier lieu, la note
française ne tirait aucune conséquence juridiquede ces arguments, ni ne les
étayaitpar un raisonnement strictement juridique. En second lieu, quatre
jours après la note de CIANO, le Quai d'Orsay prenait position --bienque
dans une note interne-. dans le sens que le Trait6 n'était pasopposable à l'Italie.Cette position fut expriméetr&snettement dans une note de la Sous-
direction d'Afrique-levant du Quai d'Orsay,du 21 décembre1938. D'après
cette note,"I Ist clair que, juridiquement, les Accords franco-italiensdu 7
janvier 1935 ne deviendrontréciormuementoowsables aue s'ils entrent en
vigueur et à comoter du iour où aura lieu la formalité à ce reauise.

Actuellement donc. ces actes ne lient ni l'une ni l'autre des oarties
contractantes" (v.Documents diolomatiaues francais, 1932-1939, Série2,
vol.XII1,p.356. Soulignépar la Républiquedu Tchad).

79. Comme on le voit, cette note ne mentionne aucunement la
possibilitéde tirer profit, sur le planjuridique, d'un prétendu commencement

d'application du Traité,ou d'éventuelles assurancesnnéespar l'Italieà la
France au regard de l'acceptation du Traité. En revanche, les autorités
françaises se placent exclusivement sur le terrain du Traitéet déduisentde
l'absencede ratification la seule conséquence possiàlsavoir que. le Traité
n'étantpas entré en vigueur, il n'est pas devenu un acte juridiquement
contraignant.

80. Pour placer la note françaisedans son contexte, il convient

en outre de souligner un point important:l'Italien'y répondit jamais.Cela
prouve clairementque ce pays considérait la question close. D'ailleurs, iflaut
considérer qu'enttre-temps avaient tésignés les Accordsde Munich (29-30
septembre 1938)qui.comme le remarqua l'attaché militaire françaià Rome
dans une note du 7 décembre 1938, constituèrent pour l'Italie "l'avènement
d'uneère de"mise à jour" comportant une révisionde la position de chacune
des grandes puissances européemes". Pour l'Italie, Munich n'était pas"un

aboutissement mais un point de départ" (v.Documents diolomatiques
&g&, 1932-1939,Série2, vol.XII1,p.122).

81. Même sic ,omme on i'asouligné, la note française ne visait
pas à tirer des conséquencesjuridiques des deux remarques portant sur le
"commencement d'application" duTraitéet sur le fait que le Traitéaurait
constitué une "référencede base" des parties au fil des années,il paraît

néanmoins opportun d'examinersi les éléments cités danscette note peuvent
êtreconsidérés commela manifestation d'un accordtacite passéentre les
deux Etats et visant exécuterle Traitémême en l'absence de l'échangede
ratifications.

82. Il convient d'examinerces deux arguments séparément.

I -Le prétendu "commenct.ment d'application" :la question
des 2.500actions du Chemin de Fer de Djihouti i Addis-Abeba

83. Il convient de relever tout d'abord que, pour ce qui
concerne le "commencement d'application"des Accords de Rome, la France
ne cita que la cession des actions, et ne mentionna aucun engagement prévu
par le Traité. 84. Ce qui compte bien davantage, est le fait que la France,
dans la note de FRANCOIS-PONCET où l'onparle de ce "commencement
d'application" confond -délibérémentou inconsciemment- le Traité et les
autres accords de 1935.Sur le plan politique, l'applicationde l'accord sur les
2.500 actionsconstituait sans aucun doute un "commencementd'application"
des engagements pris globalement en 1935. Mais, sur le plan juridique, le

fait que l'undes Accords de 1935 (le plus marginal, v.supra, no 48) ait été
exécutépar la France au lendemain du 7 janvier 1935,n'aaucune incidence
juridique sur l'entrbe en vigueur du Traité. Les seules conséquences de
l'exécution de l'accoren question étaientd'ordre moral, psychologique ou
politique, mais pasjuridique.

85. ILconvient d'ajouterquedans un télégramme de BONNET,

Ministre français des Affaires étrangères,au chargé d'affairesfrançais à
Londres, du 27 décembre 1938, il était préciséque la seule obligation
exécutéepar la France dans le cadre des Accords de Rome était justement
celle concernant les actions ("Bien plus, nous avons exécuté, par
anticipation, une des obligations qui nous incombaient en facilitant au
gouvernement italien l'acquisition de 2.500 actions du chemin de fer")
(v.Documentsdi~lomatiauesfrancais, 1932-1939,Série2, voi.XII1,p.420).

86. On peut, donc, déduire a contrario que les autres
engagements de 1935(le Traité et les accordsen forme simplifiéeauires que
celui concernant les 2.500 actions)étaientrestés lettre morte.

2 -La référenceaux Accords de 1935

lors des négociationstechniques de 1937

87. En 1937, la France et l'Italie décidèrent d'entamer des
négociations dans une série de questions concernant leurs intérêts en
Ethiopie et sur la Côte françaisedes Somalis. La France tenaàsauvegarder
ses intérêts, surtout économiques, aprèlasconquêteitalienne de l'Ethiopie.
L'Italie,de son côté, souhaitaitobtenir de la France la reconnaissance de sa

succession IEmpereur d'Ethiopie au sein de la Compagnie des Chemins de
Fer de Djibouti à Addis-Abéba (une grande partie des actions de cette
Compagnie ayant appartenu à I'Ethiopie, l'Italie espérait pouvoir s'en
emparer à titre successoral, mais à cette fin elle voulait obtenir la
reconnaissance de la France).

88. Les négociations en question font l'objet d'un très grand

nombre de dépêches etde télégrammes italiens. L'intérêt principa dle ces
documents. qui relatent égalementla position française résidedans le fait qu'
aussi bien la France que l'Italieenvisagèrent les discussions de 1937dans le
cadre de l'accord secret de 1935 sur le "désintéressement" français en
Ethiopie (cet accord indiquait également les intérêts économiqueset
commerciaux que la France étaitautoriséeà protégerdans la zone). CONCLUSIONSDUCHAPITREVU

92. Un examen détaillé descomportements français et italiens,
en particulierA pairir des documents diplomatiques, permet de dégager les

conclusions suivantes:
i) Le TraitéLaval-Mussolinin'estjamais entréen vigueur, du
fait que les instmments de ratifications n'ont jamais étééchangés.II est
incontestableque la Convention spécialesur les questions tunisiennes --dont
l'entréeen vigueur conditionnait celle du Traité--ne fut jamais négociée.
Dailleun, la France et I'Italieont toujours considkrél'uneet l'autre,dans leur
correspondance diplomatique, que le Traitén'estjamais entréen vigueur.

ii) Ni l'Italie ni la France n'ontjamais appliquéle Traité en
fait.Il faut souligner,en particulier, que les "commissaires spéciaux" prévus
par les Articles 3 et 5 du Traitépour procéderàune "démarcationeffective"
des fronti&res envisagées par le Traité ne furent jamais nommés et la
démarcation n'eut, donc,jamaislieu.
iii) Le faii que. surtout dans les mois qui suivirent la signature
du Traité,les Français aient insistépour qu'il soitmis en vigueur et que les
Italiens s'approprient donc lestemtoires que le Traitéleur cédait,ne doit pas

surprendre. La France avait tout Agagner en cédant la bande d'Aomu A
l'Italie;car cette cession étaitsubordonnéA la conclusion de la Convention
sur la Tunisie, qui constituait le gain principal des Français. Les Italiens, de
leur côté,n'avaient aucune hâte s'emparerde la bande en question, car ils
lui attachaient peu de valeur politiqueet économique mais surtout parceque
l'objectif principal de la conclusion du Traité était pour eux le
"désintéressement" français en Ethiopie et non pasl'acquisition d'untemtoire
qu'ilscon@kraient comme "un peu de sable".

iv) L'Italie a, tout d'abord, "gelé" le Traitéet, vers la fin de
1938,elle a déclaré qu'il étadksomais caduc. Cette attitude de l'Italiea été
motivéepar des raisons générales tenant à ses rapports politiques avec la
France (conquêtelithiennede l'Abyssinie, guerrecivile espagnole, Accords
de Munich). ainsi que par le désir des autorités coloniales italiennes de
proposer à l'aveniila modification de certaines clauses du Traité.
V) II faut exclure que la conduite subskquente des Parties
manifeste une volontéquelconqued'exécuterfût-ce une partie des clauses du

Traité. Celaest confumépar les déclarationstout à fait formelles faites en
1937et en 1938par le Quai d'Orsay,visant à mettre en lumière que,le Traité
en question n'ktantpas entréen vigueur,il n'étaitpas applicable.
vi) L'argument ayant trait au "commencementd'application"
des Accords de Rome, invoqué par la France dans la note verbale bien
connue du 25 décembre1938, n'aaucune conséquence particulièreen droit.
En réalité la France n'avaitxécuté queI'undes accordsen forme simplifiée
conclus en 1935, un accord tout à fait différent et distinct --sur le plan du

contenu et surtout sur le plan juridique-. du Traitéde 1935. Comme ni le
Traiténi l'accorden question ne disaient rien sur une éventuelle incidence de
l'application de l'un sur I'entrke en vigueur de l'autre, il est clair que ce
"commencement d'application" des Accords de Rome n'était en faitque
I'applicationd'undes accordsde Rome.
vii) L'autre argumentsemble se fonder sur un autre des accords
approuvés à Rome le 7 janvier 1935. Il s'agit de l'accordsecret relatif au
"désintéressement" français en Ethiopie, qui visait entre autàeprotkger les intérêts économiques françae in Ethiopie. Cet accord en forme simplifiée,
qui. au demeurant, était devenu caduc du fait que la France n'avait pas

respecté l'engagement d'appuyer l'Italie lordse sa conquêtede l'Ethiopie,fut,
néanmoins, pris en compte lorsdes négociationsde Paris de 1937. Il ne fut
pas appliqué en tantque tel, mais considéré comme un point de repère lors
des discussions de Paris --qui, d'ailleurs, n'aboutirent pas. Il serait, donc,
erronéde mentionner le fait qu'aussibien la France que l'Italiese référèrent
maintes fois à cet accord, en 1937,comme une preuve de son exécution.Et il
serait encore moins légitime de citer ces référencescomme preuve d'un
commencement d'exécution du Traité.

93. On ne peut donc pas échapper àla conclusion que le Traité
de 1935n'ayant jamais liéd , e quelque manièreque ce soit, les deux pays. la
frontière qu'il prévoyaitn'ajamais acquis le caractère d'une délimitation .::
juridiquement obligatoireet effective entre l'Afrique équatoriale française e,..
la Libye.

94. 11convient de relever enfin que le tracé envisagépar le
Traité Laval-Mussolininon seulement ne devintjamais unefmtière mais ne
constitua pas non plus "une bonne ligne",à savoir une ligne convenablepour
les deux parties.Il fut pris en compte parelles comme un expédient pratique
pour résoudre d'autres problèmes.

95. Pour la France, il s'agissait, d'un côté, d'éviter un
dangereux rapprochement entre l'Italie et l'Allemagne et, de l'autre, de
donner à l'Italie "quelques arpents de sable" (malgré l'"attachement
mystique" que les milieux coloniaux français vouaient à ces temtoires : cf.
note du 7 avril 1932de la Sous-direction d'Afrique-Levant,dans Documents
Di~lomatiaues Francais. Ière Série. volI.I. o. 398). pour que, en échange,la

satisfaction les demandes françaises en Tunisie soient satisfaites.

96. Pour I'Italie, le tracé-qui fut toujours considéré comme
comportant un gain tout à fait négligeable(voir ci-dessus, no 6)- servaità
apaiser l'opinion publique italienne moins avertie.à qui on fit croireàune
expansion considérable destemtoires coloniaux italiens(et c'est àjuste titre
que Laval rappellera en 1945 que "Lorsque fut connu dans les salons de

l'Ambassadede France, au Palais Famese, à Rome, l'accordque Mussolini
venait de faire, les concessions qu'il venait de consentir, dans ce régime
fasciste, j'ai étésurpris d'entendredes fonctionnaires italiens importants,des
personnalités importantesdire avec indignation: 'S'ily avait un Parlement,
Mussolini serait chassé"',citépar R. Guariglia, -. OD. cit.
p. 222). Pour les Italiens, la ligne envisagéeen 1935servait surtoàtobtenir
de la France un engagement politiquede "désistement"au sujet de la funire
attaque italiennecontre l'Abyssinie.

97. Le tracé prévu constitua donc un pis-aller, un moyen
pratique, dont les deux parties convinrentde mauvais gré,pour trouver une
issueà d'autres problèmes considérés pe alrles beaucoup plus importants. CONCLUSION DU MEMOIRE

1. La position de la Républiquedu Tchad peut être résumée
de la manière suivante:
i) Par le Traitéd'amitiéet de bon voisinage du 10août 1955,
la France et la Libye ont déterminéavec précision letracéde la frontière

entre les deux pays.Le Tchad, ayant succédé à la France, est liépar ce traité
au mêmetitre que la Libye en vertu du principe pactasunt semanda.
ii) La Libye a étéamenée à l'indépendancepar les Nations
Unies dont I'actiona permis la naissance d'un Etatsouverain et indépendant,
capable de poursuivre ses intérêts propreL.e Traitéde 1955avec la France
étaitconforme à la Résolution392 (V) de l'Assembléegénérale, qui avait
recommandéque toute ligne frontalière incertainesoit réglée par négociation

aprèsl'indépendancede la Libye.
iii) La définitiondu tracéde la frontièrepar leTraitéde 1955a
été réalisépar un renvoi àcelui résultantdes actes internationaux pertinents,
expressémentet limitativementénumérés.
iv) Danscette liste limitative,dressée avecsoin, les parties ont
écartétoute référenceau Traité LAVAL-MUSSOLINIde 1935.
La Déclaration franco-britannique de 1899, les accords
V)
franco-italiens de 1902. et la convention franco-britannique de 1919
figuraientau contraireparmices textesde référence.
vi) Du fait du Traité de 1955. qui constitue un titre
incontestable, le statutjuridique précisde ces actes I'époqueoù ils furent
adoptésn'estpas pertinent. S'ilest vrai qu'au moment de sa conclusion, la
Déclarationde 1899 se bornait à définirdes sphères d'influence,le renvoi
effectuépar le Traitéde 1955concernela ligne délimitantcessphèreset non

la Déclarationen tant que telle.
vii) Quand bien même la frontière n'auraitpas étéfixéepar le
Traitéde 1955, son tracé n'en seraitpas moins celui qui résulte des accords
de 1899, de 1902 et de 1919, qui prévoient lamêmefrontièreet dont les
dispositions lient toujours les Parties aujourd'huien vertu du raisonnement
suivant :
viii) La Déclarationde 1899 contient des dispositions pour la

délimitation de la ligne frontalière. Toute indécision sur le texte de la
Déclaration dans la mesure où il concerne le tracé peut être réglé en se
référantaux travaux préparatoires et à la conduite des parties. Le point
d'aboutissement de la ligne descendant depuis le point de rencontre du
Tropique du Cancer avec le 16èmedegréde longitude Est de Greenwich
"dans la direction du Sud-Est jusqu'à sa rencontre avec le4èmedegréde
longitude Est de Greenwich" est situénettement au Norddu 15èmeparallèle

puisque, à partir de l'intersectionde cette ligne orientée"Sud-Est", la limitesuit ensuite le 24èmedegréjusqu'àsa rencontre, au Nord du 15èmeparallèle
de latitude, avecla frontièredu Darfour.
ix) Par l'accord franco-italien de 1902, I'ltalie accepta le
partage franco-britanniquede 1899, enréférencenon pas au texte de celle-ci

mais en référence à la cane qui y étaitjointe. L'Italie connaissant ainsi les
détailsdu tracédéterminé dansla Déclarationde 1899, la ligne de 1899,
complétéepar la frontièrede la Tripolitaine figurant sur cette carte, devint
par conséquent opposable àl'Italie.
X) La Convention franco-britannique de 1919 contient une
description écritede la ligne frontalièrequi apparaissait sur la carte de 1899
et qui fut acceptéepar l'Italieen 1902.
Les accords de 1899, 1902 et 1919 représententdans leur
xi)
ensemble des textes de référence pour le Traitéde 1955; par ailleurs, ils
valent par eux-mêmeset constituent un titre autonome que le Tchad peut
invoquer.
xii) La Déclarationfranco-britannique de 1899 délimitait des
sph2res d'influence. Elle ne pouvait délimiterune frontière internationale,
puisque les puissances colonialesn'&aientpas, àl'époque. souveraines surle
territoire en question. Cependant, 2 partir de 1913, la France exerça son

autoritésouverainede manièresuffisante pour luipermettrejuridiquement de
consolider son titre de souveraineté surun territoire allant jusqu'à la ligne
définieavec la Grande-Bretagne en tant que limite de sa sphèred'influence.
Ainsi, la ligne convenue, acceptée par l'Italieen 1902était,en 1919,devenue
une frontière internationale.
xiii) Même si ces actes n'établissaient pas où se situe la
frontière-auod non-, et s'ils n'étaiet as opposables au Tchad et à la Libye
en tant que successeurs de la France etde I'ltalie, la frontière suivait

néanmoinscette mêmeligne, du fait de la présenceeffectiveet non contestée
de la France d'abord,du Tchad ensuite, jusqu'à ce que la Libye l'endéloge
par la force, dans le territoire concerné.
xiv) Ce trace n'a du reste pas fait l'objet d'une quelconque
contestation dans les différentes instances où l'on aurait pu s'attendre
raisonnablement à une remise en cause, ce qui signifie que les vues de la
France. puis du Tchad ont été acceptéep sar la Libye d'une part et même,
d'autre part,par lacommunautéinternationaledans son ensemble.

2. La Républiquedu Tchad a démontré la conformitédu tracé
de la frontière qu'elle invoque aux principes et règles pertinents du droit
international;ceci est confirmépar plusieurs démonstrations alternatives, qui
se complètent mutuellement, mais dont chacune, considérée isolément,se
suffit en outreà elle-même :qu'il s'agisse decelle fondee sur le Traitéde
1955. des textes de référenceou du rôle des effectivités et de la pratique

internationale.

1 -LeTraité de 1955

3. Le Traitéde 1955 est un instmment obligatoire pour les

parties qui l'ont dûment ratifié.II demeure en vigueur de nos jours entre le
Tchad et la Libye au moins en ce qui concerne le tracé dela frontière.Lesnégociationsqui l'ontprécédé montrent qulea Libye a négociéce traitéen
toute liberté et en pleine souveraineté, atteignant de ce fait les objectifs

qu'elle s'étaitixée,en particulier en ce qui concerne I'évacuationdu Fezzan
par les troupes françaises. 11fut d'ailleursdifficiled'obtenir quele Parlement
français autorise la ratification du Traité.

4. S'agissant de la délimitation de la frontikre, dans le Traité de
1955, la technique de la délimitation par renvoi à une ligne, elle-même

résultat decertains actes antérieurs,a étéconsidéréee ,n pleine connaissance
de cause, comme étant suffisante pour identifier la portion du tracé
aujourd'huicontestépar la Libye alors que les Parties n'ontpas hésitéd . ans
le mêmeTraité, à préciser la frontièrelorsqu'elles estimaient qu'elle était
insuffisamment précise.Y eût-il eu la moindre hésitation surle tracé dela
frontikre dans le secteur du Tibesti, du Bourkou et de I'Ennedi, que les

parties n'eussentpas manquéde procéder dela mêmemanièrequ'ence qui
concerne les autres portions de la frontikre. De plus, une Commission
d'abomement aurait pu être établie. Celui-ci esctlair et déterminantpour la
solution du présent litige.

2- Les textes internationaux de référence

. . .. . - . .
. .
5. Ces textes sont importants à un double point de vue. Ils
identifient le tracé résultant de l'accord de 1955 entre les Parties. Ils
constituent également un titre autonome sur lequel peut se fonder la
Républiquedu Tchad. Par rapport à la Déclaration de 1899,les deux Parties
avaient I'intention de délimiter leurs zones d'influence,otamment au Nord

et à l'Est du lac Tchad. Le sens du paragraphe 3, dont la rédaction est
ambiguë, s'éclaire si l'on situe celte disposition dans son contexte et,
notamment, si l'on tientcompte des protestations de Cambon contre cenains
tracés proposés par Lord Salisbury et des cartes sur lesquelles les
négociateurs se sont fondés. Au surplus. les Britanniques connaissaient
l'existencede la carte annexée àla Convention par les Français et n'élev&rent

aucun protestation.

6. L'accord franco-italien de 1902est opposable àla Libyeen
tant que successeur de l'Italie. II traduit l'acceptation par l'Italiedu partage
franco-britannique -ainsi que de la ligne convenue et des frontières de la
Tripolitaine figurant sur la carte. Cet accord implique également la

renonciation de l'Italieà tout droit que la Turquie prétendait avoir sur le
B.E.T. Par conséquent, I'accordde 1902rendit le tracé de 1899opposable à
l'Italie.et prouve que l'Italie connaissaitledétail dece tracé.

7. La Convention franco-britannique de 1919 confirma le
tracé, énonçantpar écritce qui avait étéacceptépar I'ltaiieen 1902 sur la

base d'unecarte,si bien que la protestation de ce pays est dépourvuede toute
valeurjuridique puisque l'Italieà l'époque, n'étapitas effectivement présente
dans la régionet n'avaitaucun intérêtjuridique à protéger.Au contraire. .3lamême époque, la France occupait effectivementsa zone d'influence et le
tracéde 1899était devenuceluid'unefrontikreinternationale.

8. Le tracé convenudans ces traitésest, de toutes manières,
opposable à la Libye du fait qu'il résultedes textes de référenceauxquels
renvoie le Traité de1955.De plus, le tracéprévudans les traités de1899et
1919est opposable à la Libye en tant que successeur de l'Italiequi l'accepta
explicitement par l'accord de 1902.

3 -Le rôle des effectivités

9. Le titre de la Républiquedu Tchad repose sur le Traité de
1955. 11est juridiquement inutile de se demander si le tracéqui résultedes
textes internationaux de référence représenteou ne représente pas une
frontière internationale- ceux-ci n'étaientque des actes internationaux qui
contenaient un tracédont il fut convenu en 1955 qu'il représenterait la
frontièreentre le Tchad et la Libye. Cependant, si l'onconsidèreces divers
traitéscomme sources autonomesdu titre. la question devient pertinente.

10. Dans un premier temps, les effectivitésont eu pour effet de
transformer la sphère d'influence française en titre juridique. En vertu du
droit international. un titre peut résulter d'effectivités constituéespar des
actes d'autorité souverainedès lors que leur intensitéet leur fréquence sont
adaptées au terrain et aux circonstances. Depuis 1913, la France a
effectivement occupéle Borkou, l'Ennediet le Tibesti. Letracé, convenupar
la France et la Grande-Bretagne et rendu opposable l'Italie par l'accordde

1902devint, de ce fait,frontièreinternationale.

11. Après l'établissement du tracé par le traité et la
consolidation de ce tracéen Lignefrontalière internationale, les effectivités
ont eu une fonction différente.D'une part. elles confirment qu'iln'yajamais
eu animus deriliauendi de la pari de la France et, d'autre part,elles traduisent
la conviction des parties quant au tracé dela ligne.

12. En ce qui concerne le premier point, il y eut relativement
peu d'actes d'autorité souverainependant les années 1920. Néanmoins,la
France, loin de vouloir abandonner le territoire y a établison autoritéet ces
actes étaient suffisants pour exercer un contrôle réel sur une population
clairsemée vivant surune terre mde et désertique.Au surplus, aucun autre
Etat n'exerçaitune autoritéquelconque sur la région concernéeE . n 1930, et
au-delà, les effectivités françaises dans le B.E.T., y compris la bande
d'Aozou,deviennent très importanteset n'ont passeulement la formed'actes

législatifs.En outre, la France n'apas seulement exercéune autorité réelle
sur le B.E.T., elle a aussi exercéune autorité exclusive,l'Italie n'exerçant,
pour sa pari, aucune forme d'autorité. 13. Ces faits, ainsi que l'absence de protestations par l'Italie
face à I'exercicede la souveraineté française après 1935c,onfment que les

Parties avaient la convictionque la bande d'Aozou se situaitdu côté tchadien
de la frontière internationale.

14. Cette conviction résulte également d'une manière frappante
du Traiténon ratifié "LAVAL-MUSSOLINI"de 1935. Ce Traiténe fut pas
rédigécomme un traité de délimitation dont le but serait de régler un
problème de frontière contestée;il s'agissait manifestement d'untraitéde

cession, par lequel des territoires reconnus comme français par l'Italie
auraient dû lui être transférés.

15. Très naturellement, la France continua à exercer son
autorité souverainedans la région après la conclusidu Traitéde1955avec
la Libye, confirmant ce que cet accord avait rendu apparent et clau -c'eàt

die que la frontièreétaittracéeau Nord de la bande d'Aozou. Des activités
législatives,administratives,de police, scientifiques et autresle montrent très
clairement. Quand la République du Tchad devint indépendante e,lle exerça
naturellement son autorité souveraine sur son propre territoi,n y menant
des activités comparables.

16. Dès lors, quandbien mêmele Traitéde 1955n'auraitpas
doméde titre incontestable à la République du Tchad. et mêmsei les traités
de 1899, 1902et 1919n'avaientpas fourni de fondement autonome au titre,
la fonction de ces effectivités ne seraitpas seulement de confmer l'accord
des parties quant au tracé, mais aussi d'établir la souverainée la France
(puis plus tard du Tchad) jusqu'à la ligne que la Républiquedu Tchad tient
pour Eirela frontière.

4 -La signification de l'acquiescement et du silence

17. A aucun momentjusqu'au Traité définitifde 1955, l'Italie
non plus que la Libye n'aexercéd'autorité effectivesur la région, l'invasion
de la bande d'Aozou à partir de 1973 ne constituant ni une effectivité

légitime, ni le fondement d'un titre. L'histoire-complète des effectivités
françaises, puis tchadiennes, dans la région se tient sur un arrière plan
d'acquiescement. Cet acquiescement résulte clairement, en particulier, du
silence deI'Italiepuis des autorités libyennes face aux prétentions françaises
dans toutes les circonstancesoù uneprotestation s'imposait.

L'absence de réaction de la Libye lors de l'incident
18.
d'Aozou le 25 février 1955 estun exemple typique d'acquiescement face à
l'affirmationdes effectivités françaises surle terrain.

19. Le processus qui a conduit à l'indépendancede la Libye
fournit des exemples frappantsde silences juridiquement significatifs. Ainsi,par exemple, la périodese situant avant l'indépendancede la Libye, fut
marquée par une certaine confusion de sorte que les premières cartes
produites par les Nations Unies reproduisaient à tort le tracé"LAVAL-

MUSSOLINI". La Francene manqua cependant pas de relever l'erreur,et
affma constamment son titresur la base du tracéde 1899.Cette position ne
fut jamais contredite par l'Italie. Aux Nations Unies, l'Italie ne souleva
jamais le problème de la frontière Sud dela Libye, mêmequand la
délimitation des anciennes possessions italiennes futinscrite'ordredujour
afin d'êtreexaminéepar les Nations Unies. Le silence sur cette affaire dans
les débatsde 1950-1951. ainsi que les affirmations du titre faites par la
France, étaientà mettre en parallèle avecle silence de la pan des nouvelles

autoritéslibyennes. La Libye connaissait les positions françaises, était libre
de les contester, et en eut amplement l'occasion :un tel silence. dans un
fomm public où des prétentionspubliques ont étéexprimées publiquement
par des discours, des textes de traité et des cartes constitue un
acquiescement.(v.ChapitreV,n0105).

20. En effet, aussi tardivement qu'en février 1978,
1'Ambassadeurde Libye dénia quela Libye occupât la bande d'Aozouet ne
réussitpas àétablirde titrejuridique éventuelsurcette région. De1982 i3nos
jours, le Tchad a affirmé avec fermeté son titre juridique sur la bande
d'Aozou devant les Nations Unieset le Conseil de Sécurité. LaLibye n'a
jamais avancé de réfutations motivées ou de prétentions juridiques
alternatives.

21. Ces faits -et ces silences- indiquent la façon dont les
panies ont vu la situation. Cependant, il est égalementmanifeste que les
Nations Unies n'ontjamais considéréla frontière Sud de la Libye comme
incertaine, ni estiméque la ligne frontalière pût être différentede celle
avancéepar la France. Les rapports du Commissaire aux Nations Unies
n'exprimaient aucun doute. Les résolutions 289 (IV) et 515 (VI) de
l'Assemblée générale attesten qtue la décolonisationde la Libye s'est faite

conformémentaux principes des Nations Unies. Tout problèmefrontalier en
suspens aurait dû êtrerésolu, après l'indépendance, par négociation.
Cependant, aucun problèmede cegenre le long de la frontièreSud n'avaitété
signalé pendant les longstravaux des Nations Unies; et, dans le Traitéde
1955, aucun ajustement n'a étéfait en ce qui concerne cette frontière. Le
renvoi au tracédes actes internationaux existants a étéconsidérécomme
suffisant.

22. L'Italie njamais suggérédevant les Nations Unies que le
Traité LAVAL-MUSSOLINI de 1935, qui n'a jamais étératifiéet n'est
jamais entréen vigueur, aurait pu offrir un tracéalternatif. Ce traitén'eut
d'ailleursaucune placedans la liste des instrumentsauquel renvoi leTraitéle
1955 et qui servent de référencepour la détermination de la frontière
internationale. 5 -Lasignification juridique de l'occupation militaire

23. L'occupation militaire de la bande d'Aozoudepuis 1973ne
modifieen rien la situation auplan juridique.

24. Comme la République du Tchad l'a démontré dansle
Chapitre II, cette occupation militaire n'a pu, conformément aux règles
fondamentales du droit international contemporain, conférer à la Libye un
titre éventuelsur la bande d'Aozou, nientraîner un déplacementvers le Sud
du tracéde la frontière résultantdu Traité concluen 1955. En effet, si la

Républiquedu Tchad est chezelledans la bande d'Aozou,en vertu d'untitre
valable -et elleI'est-, ni les effectivités auxquelles pourrait prétendre la
Libye, ni a fortiori l'agression militaire ne peuvent avoir pour effet une
modification de la ligne frontalière. A l'inverse, slie tracé correct telui
du Traité LAVAL-MUSSOLINIde 1935, il s'en suivrait que les Libyens
sont déjà chez eux dans la bande d'Aozouet que leur intervention militaire
dans la région n'ajoute rien au titre leur appartenant. Cette conclusion

découle également du fait que mêmedans le droit traditionnel de la
conquête, devaientêtreprésentsles deux éléments du et de I'W;
en d'autres termes, il devait y avoir non seulement la prise physique de
possession du territoire, mais aussi l'intention de l'annexer (cf. AG0
(Roberto), Il reauisito dell'effectività dell'occuoazione in diritto
internazionale, Roma, Arti Grafiche Fratelli Palombi, 1934, pp.97-105 et
JENNINGS (R.Y.), The Acauisition of Territorv in International Law.
Manchester University Press, 1963, p.52). Or, aujourd'hui l'intention

d'annexer (animus) est exclue si le territoire n'appartient pasdàjla Libye.
Dèslors, la prétentionde ce pays à un titre qui découleraitde l'occupation
, militaire est inconsistante soit avec la prétention selon laquelleelle serait
déjàen possession d'un titre, soit avec le principe fondamental du droit
. international contemporain selon lequel I'occupation militairene peut créer
de titrejuridique valable.

25. Le conflit relatifà la frontièredu Tchad et de la Libye a
d'importantes implications en ce qui concerne le rôle des organisations
internationales pour résoudredes difficultésde transition. La Libye devint
indépendante dansle cadre d'un processusdans le cadre des Nations Unies.
Ce processus s'est étalé surune période assez considérable, et a donné
l'occasionà toutes les parties de faire connaître leurs vues sur l'ensembledes
questions en cause, y compris sur celle des frontièresde la Libye dont la

délimitation définitiveincombaitaux Nations Unies dans la mesure où elles
n'étaient pasdéjhdélimitéesL . es décisionsprises par l'Assemblée générale.
le Commissaire aux Nations Unies etle Conseil,ont étéconformes aux buts
et objectifs des Nations Unies, et ont permis le passage de la Libye du stade
colonialà l'indépendanced , ans lecadre de frontièresstables.

Il découledes principes de stabilité.de finalitéetde bonne
26.
foi, que nul ne peut. de nombreusesannées plustard, ignorerce processus et
remettre en questiondes décisionsprisespar des instancescompétentes, avecla participationet l'accordde toutes les parties concernées. Comme la Cour a
eu l'occasion de noter dans l'affaire du Cameroun seutentrional, les
résolutionsde l'Assemblée générale déterminaln etstatut d'un nouvel Etat
créé sous l'égide des Nations Unies, ne peuvenptas êtrecontestées devant la
Couru. Recueil, Exceotionsoréliminaires,Arrêt2 déc. 1963,pp.34-38).
Si la Haute Juridiction acceptaitde faire droit aux prétentionsde la Libye,

elle remettrait en cause des décisions prises par l'Assemblée générale, qae
Franceet la Libyese sont bornées ensuiteà mettreen oeuvre.

27. Au surplus, l'arrêtque rendra la Cour a une importance
fondamentale, non seulement pourle Tchad et la Libye, mais aussi pour la
région et l'ensemblede l'Afrique.

28. Le Traité du 10 août 1955 tranche clairement et
définitivement la question de la frontière tchado-libyenne en pleine
conformité avecles décisionsdes Nations Unies. Si la ligne frontalière ainsi
convenue n'était pasconfirméepar la Cour, la validité duTraitéde 1955
serait nécessairement remise enquestion, ainsi que, par voiede conséquence.
celle de l'accord du 26 décembre 1956 déterminant la frontière entre

I'Algéneet la Libye. Le régime territorialde tout le Sahara central serait
remis en cause, semantle doute et aggravant les tensions entre les Etatsde la
région.

29. Si la Cour, revenant sur le principe de l'uri possideris,
venait à décideren faveur d'une ligne différenteque celle défendue parla
République du Tchad et fondéesur les accords de 1899, 1902, 1919 et

confuméeen 1955,elle menacerait la stabilitéde l'ensembledes frontières
trouvant leur originedansdes accords conclus entre puissances coloniales et,
dans les meilleurscas, ultérieurementacceptees par les Etats successeurs.La
confirmation de la frontière tchado-libyenne surle fondement du Traité de
1955a une importancequi va bien au-delàdes collines du Tibesti. CONCLUSIONS
DE LA REPUBLIQUE DU TCHAD

La Républiquedu Tchad prie respectueusement la Cour internationale de
Justice de dire et juger que sa frontièreavec la Jamahiiya arabe libyenne est
constituéepar la ligne suivante

du point d'intersection du 24ème degré de longitude Est de
Greenwich avec le parallèle 19'30 de latitude Nord, la frontière se dirige

jusqu'au pointde rencontre du Tropique du Cancer avec le6èmedegréde
longitude Est de Greenwich;

de ce dernier point elle suit une ligne se dirigeant vers le puits de
Toummojusqu'au 15he degréEst de Greenwich.

A la Haye, le 26 Août 1991 Abderhaman DADI
Agentde la Républiquedu Tchad. TABLE DES MATIERES

-Schémadu Mémoire
-Sigleset abréviations

INTRODUCTION :Importancede l'enjeu

1. La stabilitédes frontièresen Afrique

2. La sécuritrégionale

-Plan du Mémoire

CHAPITRE 1 : LES DONNEES DE L'AFFAIRE

DE LA BANDED'AOZOU P 16

SECTION 1 : LES DONNEES HISTORIQUES
ET GEOGRAPHIQUES P 17

1. I.l<SGRANDE ETAPES DE LADELIMITATION
DE 1.AFRONTIERE SI.:PTENTRIONALE DUTCHAD
p 17

A. Le partage colonialfranco-anglo-italien P 18
a) Les accordsfranco-britanniques
et la pénktrationfran~aise P 18
b) La reconnaissance par I'Italiedes limitesfixéespar
les accords franco-britanniques P20
1.Les accords franco-italiens
2. Les revendications italiennes P 20
P21

B. La modification avortéede 1935 Pz2

II. LA BANDED'AOZOU

A. Description géographique P24
1.La partie nigérienne
2. La partie situéedans le Tibesti P25
P25
3. La partie situéeau Borkou ' p26
4. La partie situéedans 1'Ennedi P27

B. Population et ressources P27SECTION 2 : LA DECOLONISATIONET SESSUITES-

LE LITIGE FRONTALIER
TCHADO-LIBYEN P28

1. L'INDEPENDANCEDE LA LIBYE ET
LA RECONFIRMATION DE LA FRONTIERE P29

A. La question de la frontièreméridionale
de la Libyedurant la procédure

d'accessionh l'indépendance P 29

B. La consécrationde la frontière héritée
de la colonisationpar leTrait6
franco-libyen d10 Aout 1955 P30
1. Les circonstancesde la conclusion
du Traitéde 1955
2. Le Traitéde 1955et sa mise en oeuvre P31
P 32

II. LE LITIGE FRONTALIER P33

A. La naissance du différend
a) L'occupationlibyenne
b) Les relations tchado-libyennes

B. L'internationalisation du problème
a) L'interventiondes Nations Unies

b) Les tentativesde règlement par1'0U.A.
1.Lasoumissiondu problème I'0.U.A.
2. Laréactivationdes efforts
de médiationdel'O.U.A.
3. Les renconmestchado-libyennes
sousI'kgidede I'0.U.A.

C. La saisinede la Cour internationale de Justice
P41
a)L'Accord-Cadre du 31 août 1989
et ses limites P41
b) La soumission du difféàlaC.I.J. P42

CONCLUSIONDUCHAPITRE 1 P43

CHAPITRE II : LES PRINCIPES ET LES REGLES
DE DROIT INTERNATIONAL
APPLICABLES P45

SECTION 1 : UNCONFLIT DE DELIMITATION
P46
1. LA QUESTION POSEE ALA COUR
P46II. ATTRIBUTION DE TERRITOIRE
ET DELIMITATION DE FRONTIERES

III. PERMANENCE DE LA DISTINCTION ENTRE
CONFLITS DE DELIMITATION ET
CONFLITSTERRITORIAUX

IV. LA NON-PERTINENCE DES
CONSIDERATIONSD'EQUITE

V. DELIMITATION DE ZONES D'INFLUENCE
ET FRONTIERESCOLONIALES

VI. LA PLACE DESCARTES DANSLE REGLEMENT

DESDIFFERENDS FRONTALIERS

SECTION 2 : LES REGLES ETLES PRINCIPES
DE DROIT APPLICABLES

1. LA FONCTION DESFRONTIERES

INTERNATIONALES

II. LE PRINCIPE CARDINALDE LA STABILITE
ET L'IRREVOCABILITE DESFRONTIERES

III. L'OCCUPATION MILITAIRE NE CONFERE
PAS DETITRE

IV. LE ROLE DE L'UTIPOSSIDETIS,
DANSLA REALISATlON DE LA STABILITE
ET DE L'IRREVOCABILITE DES FRONTIERES

A. L'utipossidetisen tant que principe
de droit international

B. L'application deutipossideàl'Afrique

C.Les limitesdu rôle de I'utipossidetis

V. LES CONSEQUENCESJURIDIQUES DUPRINCIPE
DE L'UTIPOSSIDETIS

A. Le principe d'opposabilité

B. L'inefficacitédes actes incompatibles

C. L'incompatibilité destentativesde révisionunilatérale
avec le principe de la stabilité desfrontières

D. La question des lacunesVI. LE DROIT DESTRAITES

A. Le statut juridique des traitésnon ratifiés

B. Le caractère objectif des traites de frontières

C. Traitésde frontière et changement
fondamentalde circonstances

D. Succession'Etats et traites de frontières

CONCLUSIONDUCHAPITRE II

CHAPITRE III :UNTITRE INCONTESTABLE :
LE TRAITE D'AMITIE ET DE BON
VOISINAGE ENTRE LA REPUBLIQUE
FRANCAISEET LE ROYAUMEUNI

DE LIBYE DU 10 AOUT 1955 P93

SECTION i : CARACTERES GENERAUXDUTRAITE
DU 10AOUT 1955 P94

1. UNTRAITE CONCLU SUIVANTLES FORMES
PRESCRITES PAR LE DROIT INTERNATIONAL

PUBLIC P94

II. UNTRAITE FAISANT DROIT ENTRE LES PARTIES p 97

SECTION II : UNACCORD D'EVACUATIONDESTROUPES
FRANCAISESDU FEZZAN P99

1. L'OBJECTIF DESNEGOCIATEURS LIBYENS :
L'EVACUATIONDESTROUPES FRANCAISES
DUFEZZAN P99

II. LE REJET DESPRETENTIONS FRANCAISES
SURLA LIBYE

III. LE CONTEXTE POLITIQUE DUTRAITE
DU 10AOUT 1955 p 107

SECTION III : UNTRAITE DE DELIMITATION
DES FRONTIERES 1. LA PROCEDURE DE DELIMITATION DEFINIE
PAR L'ORGANISATIONDESNATIONS UNIES p 113

II. LA DELIMITATION DES FRONTIERES

DANSLE TRAITE DE 1955 p 115

III. 1.ADELIMITATIOS COMPLE.MEh'TAIRE
PAR L'ACCORD DU26 DECEMRRE1956 piln

IV. REMARQUESSUR LA METHODE
DE DELIMITATION EMPLOYEE

/-

SECTION IV : LE TRACE DE LA FRONTIERE LIBYE
- TCHAD p 121

1. LES INSTRUMENTSDE REFERENCE p 121

II. LA LIBYE RENONCE A SE PREVALOIR DE L'ACCORD
LAVAL -MUSSOLINIDU7 JANVIER 1935 p 122

III. LA LIBYE NE CONTESTE PASLA FRONTIERE
DEFINIE PAR LES INSTRUMENTSCITES
EN REFERENCE LORS DE SON ACCESSION

A. Ledebat des quatre Puissanceset
l'aidemémoirefrançais du 10mai 1948 p 125

B. L'erreur introduite dans le memorandum du Secretariat

de 1'O.N.U.d27janvier 1950(Dm AIAC.18/103) p 127

C. La confirmation de la frontière
internationale par lestravaux de I'0.N.U. p 130

IV. LA LIBYE CONFIRME LA FRONTIERE
INTERNATIONALE A L'OCCASIONDE L'INCIDENT
D'AOZOUDU28FEVRIER 1955 p 132

V. LA LIBYE CONFIRME LA FRONTIERE
INTERNATIONALE EN TOUTE CONNAISSANCE
DE CAUSELORS DE LA NEGOCIATION ULTIME
DE JUILLET-AOUT 1955 p 135

VI. LA LIBYE NE REMET PASEN CAUSE
LA FRONTIERE INTERNATIONALE DUTCHAD
A L'OCCASIONDE LAREOUVERTURE
DE LAQUESTION DESFRONTIERES EN 1956

VU.CONCLUSIONSUR L'ATTITUDEDESPARTIES
LORS DE LANEGOCIATION DUTRAITE
DU 10AOUT 1955CONCLUSION DUCHAPITRE III

CHAPITRE IV : LES TEXTES INTERNATIONAUX
DE REFERENCE p 141

SECTION 1: LA DECLARATION ADDITIONNELLE
DE LONDRES DU21 MARS 1899 p 143

1. LE TEXTE DE LA DECLARATION p 145

II. L'INTERPRETATION DUTEXTE p 147

A. Lescaractères de la délimitation p 148
1.L'objetet lebutde la Déclaration p 148
2.Lecontextehistoriqueet politique del'époque p 149

B. Une limite imprécise

1.L'interprétation commandépar le textemême
de la Déclaration
2. Les travauxpréparatoires
a) Lestracés successivementnvisagés
b) L'inclusion de l'intégralité
du BETdans la zonefrançaisee
3.Laconfirmationcanographiquedutracé
a) Les cartes utilisées duranltanégociation

b) Leproblkmede la carteannexée

SECTION II : LES ACCORDS FRANCO-ITALIENS
DU IER NOVEMBRE 1902 p 166

1. LA CONFIRMATION DUTRACE DE 1899 p 166

A. Les précédents p 167

1.Lediscoursde l'AmiralCanevaro -24 avril 1899 p 167
2. L'échange de lettrs arrère/ViscontiVenosta p 168
3. Les déclarations de Prini 14décembre1901 p 170

B. L'accord Prinetti-Barrère
1. L'élaboratide l'accord
2. Le contenu de l'accord

II. LA PORTEE DE L'ACCORD DE 1902 p 176

A. La renonciation par l'Italie
aux prétendus "droits" de la Turquie p 176
1. Les revendications turques p 176
2. La valeurjuridiquedes prétentions turques p 178 a) L'absence dedroits turcs originaires p 178
b) Les tentatives dela Turquie pour affermir
ses "droits"et leuréchec p 179
3. Les renonciations italiennes p 180

B. L'opposabilitéàl'Italie de la limite résultant

de la Déclarationde1899et de la frontière
de la Tripolitaine p 181
1. L'acceptation l'Italiedu tracéde 1899 p 181
2. La confirmationpar 1'Italiede son acceptation p 182

SECTION III : LA CONVENTION FRANCO - BRITANNIQUE
DU 8 SEPTEMBRE 1919 p 184

1. LA CONFIRMATION DUTRACE DE 1899 p 185

A. Un texte depourvu d'ambiguité p 185

B. Les suites de la convention supplémentair1919
-L'échangede notes franco-britanniques d1924 p 188

II. LA PORTEE DE LA CONVENTlON
FRANCO -BRITANNIQUE DE 1919

A. Les protestations italiennes
et les réactionsfrancaises et britanniques p 190

B. L'opposabilità I'Italie du tracé1919
1.Les relations fra-citaliennes
2. Les relationslo-britanniques

SECTIONIV : L'ARRANGEMENT FRANCO -ITALIEN
DU 12 SEPTEMBRE 1919 p 197

A. L'élaborationde l'accord Boni-Pichon p 198

B. La portéede l'accord Boni- Pichon P200
1. La portée directementtemtonale de l'accord P200
2. L'accorddu 12septembre 1919
et les revendicationsitaliennes p201

CONCLUSION DUCHAPITRE IV p 203

CHAPITRE V : LA CONSOLIDATION DE LA LIGNE
FRONTIERE JUSQU'EN 1955 p 205SECTION 1 : LA RECONNAISSANCE PARL'ITALIE

1. LE TRAITE LAVAL -MUSSOLINI DE 1935

A.La signature du Traité

B.La pratique postérieure la signature

C.Lajurisprudence internationale sur lestraités
de cessionterritoriale non ratifiés

II. L'INCIDENTDE JEF -JEF (1938)

SECTION U : LES DEBATSET LES ACTIONS
DES NATIONS UNIES (1948-1952)

1. LE TRAITE DE PAIX AVEC L'ITALIE
ET LE SORT DESCOLONIES ITALIENNES

A.L'établissementde la compétencedes Nations Unies

B.Les discussionssur lesontieres

C.La Commissiond'enquêtedes quatre Puissances

II. LE TRANSFERT DE LA QUESTION LIBYENNE
A L'ASSEMBLEEGENERALE DES NATIONS UNIES

III. PRISE EN COMPTE DE LA QUESTION

DESCOLONIESITALIENNES PAR L'ASSEMBLEE
GENERALE ET SES COMITES EN 1949

A.Discussionssur la frontière

B.Discussionssur la décolonisation libyenne

C.La r6solution289(IV): le plan de décolonisation

IV. UNE "PROCEDURE D'ETUDED'UNEPROCEDURE"
RELATIVE A LA DELIMITATION DESFRONTIERES

V. LE RENVOI DE LA QUESTION DESFRONTIERES

A.L'adoption parl'AssembléeGénérale
d'une résolutionsur lesfrontières

B.La France corrige le rapport du Secrétariat

VI. LE PREMIER RAPPORT DU COMMISSAIRE
DESNATIONS UNIES POURLA LIBYE (1950) A.L'erreur cartographique récurrente p 229

B.Le réprésentant françaiscorrige
ànouveau le proces-verbal

VII.L'ACCEFTATIONIMPLICITE DES RECTIFICATIONS
FAITES PAR LAFRANCE p 231

A.Les silencesdu secondRapport du Commissaire p 231

B.Les silencessur la question lors des débats
de l'AssembléeGénéralede 1950 et1951 p 232

C.Les silencesdu gouvernement libyen naissant p 233

D.Lessilencesdu-Commissairepour la Libye p 234

VIII. LE SILENCE GENERALISE CONSTITUE
UNACQUIESCEMENT p 235

IX. L'ACCESSIONDE LA LIBYE
A L'INDEPENDANCE -LA LEGITIMITE
DUPROCESSUS p 238

X. L'INDEPENDANCE DELA LIBYE p 240

SECTION III: LES EFFECTIVITES p 241

1. GENERALITES p 241

A.L'importance de I'effectivité
de I'occupationfrançaise p241
B.Caractéresque peut revêtirI'effectivité
dans des zonesdésertiquesou peu peuplées p 242

II. L'EFFECTIVITE DE L'OCCUPATION

FRANCAISE (1913-1955)

A. Remarques introductives
1. Lesétapesprincipales de l'occupation palra France
du Borkou, del'Ennediet duTibesti
2. Les raisons principalesquiont amla France
àoccuper effectivementle B.E.T.
3. Caractéristiques de l'occupation française
4. Nature de l'administrationfrançaisdeuterritoire

B. L'effectivitéde l'occupationfrança(1913-1919)
et ses effetssur la nature des accords
de délimitation
1. Généralités
2. La législationfrançaiseconcernantleTchad
(y inclusle B.E.T.) 3. Les actes d'administration miliet civile p 256
4. Laconfmation des effectivitésfrançaises
danslesdéclarationset autresdocumentsitaliens p 256
5. La transformationde la zoned'influencefrançaise
en untemtoire soumis la souveraineté française p 258

C. L'effectivitédeI'occupationfrançaise (1920-1940) p 261
1. La lbgislationconcernantle Tchad(yinclus le B.E.T.) p 261
2. L'administrationcivile p 262
3. L'administrationmilitaire P264
4. L'activicivileet militairedu posted'Aozou p 267

D. La confirmation des effeetivitésfrançaises

dans les dkclaratinns et les documents italiens
durant la période1930-1940 p 269

E. L'effectivitéde l'occupation française en 1945-1955 p 274
1.Génkralités p 274
2. L'administrationdu Tibesti p 278
a) Administrationcivile p 278
b)Policeet sûreté p 280

c) Missionsscientifiques p 282
3. LePoste d'Aozou p 282
4.L'iiicidentd'Aozou(28 février 1955) p 284

III. REMARQUES FINALES SUR L'EFFECTIVITE
DE L'OCCUPATION FRANCAISE (1913-1955) p 289

CONCLUSION DU CHAPITRE V
p 292

CHAPITRE VI : ABSENCE DE REMISE EN CAUSE
DUTITRE DEPUIS 1955 p 293

SECTION 1 : LA PRATIQUE p 294

1. REMARQUES INTRODUCTIVES p 294

II. LA PRATIQUE EFFECTIVE DE LA FRANCE
(AOUT 1955 - AOUT 1960) p 295

A. Généralités p 295

B. L'exercice d'attributions gouvernementales p 296
1. Activité législative P 296
2. Activité administrative p 296
3. Policeet sûreté p 299 4. Missions scientifiques

5. Exploitationde minerai

C. Le poste d'Aozou p 302

III. LA PHATIQUE EFFECTIVE LIE[.A SOUVERAINETE
DC TCHAI) DANSLA BASDE D'AOZOC (1960-1968) p 303

A.Généralités p 303

B. Activitéadministrative p 305

C. Police et sûreté p311

D.L'exploitation (ou lestentatives d'exploitation)
desressources naturelles p313

E.Missions scientifiques p316

F. L'exercicede la souverainetétchadiennàAozou p316

IV. REMARQUES FINALES SUR LA PRATIQUE
EFFECTIVE DE LA FRANCE (1955-1960)

ET DU TCHAD (1960-1968)DANSLA BANDED'AOZOU p 319

SECTION II : L'EXAMEN DULITIGE FRONTALIER
DANSLE CADRE DES NATIONS UNIES
ET DE L'0.U.A. p 320

1. LE SILENCE DE LA LIBYE LORS DE L'ADMISSION

DU TCHAD AUXNATIONS UNIES p 320

II.LA DENONCIATION PAR LE TCHAD
DES AMBITIONS TERRITORIALES LIBYENNES
APARTIR DE 1971 p 323

A. Sensibilisation de l'Assembléegénérale de 1:71
les allégationsdu Tchad sur l'expansion libyenne p 323

B. Démentispar le Tchad des rumeurs de cession p 324

C. En 1977, àl'AssembléeGénérale,leTchad a officiellement
dénoncé l'occupation libyenned'Aozou p 324

D. Le Tchad accusela Libye d'agression et demande

au Conseil de Sécuritéd'agir (1978) p 325

E. La position juridique du Tchad
devant le Conseil de sécurité,17février 1978 p 327 F. La réponselibyennedevantle Conseil
de Sécurit17 févrie1978

G. Les évènementsde septembre-octobre1978

III. LA REPRISE DE L'ACTIVITE DIPLOMATIQUE
MULTILATERALE APRES 1982

A. La lettre de la Sierra Leoneau Conseilde Sé-urité
18février1981-et la réponse tchadienne

B. Le Tchad rappelle sa plaint1982

C. Recours auprks du Conseilde Sécurité
et de l'Assemblgénéralepar le Tchad e1983

D. Le Tchad devant le Conseilde Sécurité
et l'Assembléegénéra(1984-1989)

IV. LES MENTIONS PERTINENTES
DANSLES DOCUMENTSDES NATIONSUNIES

A. Lescartes

B. La superficie du Tchad

CONCLUSIONDUCHAPITRE VI

CHAPITRE VI1 :LA FAUSSEALTERNATIVE :
LE TRAITE LAVAL-MUSSOLINIDE 1935 p 345

SECTION 1 : LE PROJET DE REMISE EN CAUSE
DE LADELIMITATION DE 1935 p 346

1. LES PRELIMINAIRES DES ACCORDS
DE ROME DE 1935 p 346

II. LE CONTENU DESACCORDS p 347

III. LA NATUREJURIDIQUE DESACCORDS p349.

SECTION 2 LA CONFIRMATION DELA DELIMITATION
AVEC L'ABANDONDUTRAITE p3511. LA NON-ENTREE EN VIGUEUR DUTRAITE p351

A. L'absence d'échangedesinstruments
de ratification p351

B. La question de savoir si, bien que les deux Etats
n'aient pas échangéles instruments de ratification,
leTraité fut néanmoinsexécuté -Remarques générales - p 353

II. LA CONDUITE SUBSEQUENTE DES PARTIES p 354

A. Les tentatives de la France pour amener l'Italie
p 354
mettre en oeuvre lesAccords ÿuin-octobre 1935)

B. L'exécution,par la France, de l'accord enforme
simplifiéesur la cession de 2.500actions p 357

C. Le gel des Accords par l'Italie (octobre 1935-février 1937)p 360

D. L'accentuation de la non -application
des accords (1937-1938) p 360

E. Le constat formel, en 1938,que leTraitéétaitpérimé p 365

F. Les allégationsde la France concernant
le "commencement d'application" des Accords de Rome p 367
a) Le pritendu "commencementd'application",
laquestiondes 2.500actionsdu Chemin de Fer de
Djiboutia Addis-Abéba p 369
b) Lariférenceaux Accords de 1935
lorsdes négociations techniquesde1937 p 370

CONCLUSION DU CHAPITRE VI1 p 372

CONCLUSION DU MEMOIRE p 375

1. LeTraité de 1955 p 376

2. Les textes internationaux de référence p 377

3. Le rôle des effectivités p 378

4. La signification de l'acquiescement etdu silence p 379

5. La signification juridique de I'occupation militaire p 381

CONCLUSIONS DE LA REPUBLIQUE DUTCHAD p 383

Tabledes matières p 385Liste desAnnexeset Annexescompl&nentaires

A) ANNEXESAU-IRE DELA &PUBLIQUE DUTCHADDANSCAFFAIREDU DIFFÉREND
TERRiTORiALTCHAD/ IAMAHWYA ARABE LIBYENNE

l-mAlT&

ANNEXE1
5 AOüï 1890
DECLARATIONFRANCOBRITANNIQUE
ANNEXE2
14JUIN1898
CDNVENllON FRANCOBRITXWIQUE

ANNEXE3
21MARS 1899
DECLARAnON ADDmONNELLE
ANNEXE4
19MAI 1910
CONVENnON DE DELUIITATION DES FRONTERES ENTRE LA TUNISIE ET LA

iRIR)LITAlNE
ANNEXES
18OCiOBRE 1912
TRAITED'OUCHY(ITALIE-TURQIIIE)
ANNEXE6
28OCiOBRE 1912

ACCORD TITTONI-WINCARE
ANNEXE7
8 SEPTEMBRE 1919
CONVWnON SUPPLEhQhTAIRE FRANCO-BRITANNIQUE
ANNUaS 8tJ
12SFJTEMBRE 1919

ACCORD BONIN-PICHON
ANNULE10
10JANVIER 1924
PROTOCOLEFRANCO-BRiTANMOUEDE DELIMITATION
ANNEXE11
6DECEMHKF1 . 925

A<:CORDITALO-EGYIIIEN
ANNEXE12

AUREOLEMENT DE

ANNEXE13
~ ~
TRAm DEPAIXAVECL'ITALIE.ANNULEXI
ANNEYE14
10AOüï 1955
TRAlTED'AhUTIEETDEBONVOISINAGE ENTRELA FRANCE Fi LALIBYE
ANNEYE 15

2 MARS 1966
ACCORDDE BON VOISlNAGE ET TYAMITIEENTRELA REFVBLIQUEDU TCHAD
Fi LE ROYAUME-UNI DELIBm
ANNEXE16
23 DECEMBRE 1972
TRAITE D'AMmE. DE COOPERATIONET D'ASSISTANCEMUiIIELLE ENTRE LA

REPUBLIQUEDUTCHADFi LA REPUBLIQUEARABE
~-~FXE 17
31AOUT 1989
ACCORDCADRE SUR LE REGLE- PACIFIQUEDU DIFFU(END TERRITORIAL
ENTRELA GRANDEJAMAHIRNA ARABE LIBYENNEWPLiLAIREET SOCIALISTE
ETLA REPUBLIQLEDUTCHAD

IIDDCUMF.NTSDIPLOMAllOUES
ANNEXE18
5 AOüï I8W
LFlTRE DE LORD SALISBURYA WADDINGTON
ANNEXE19
6 AOUT I8W

REPONSEDE WADDINGTONA LORD SALISBURY
ANNEXEU)RI
30aTTOBRE I8W
NOTEGPROESTATION DELA TURQUIEA LA FRANCE
ANNULE22
5NIN 1894

TORNIEU1 (AMABASSADEA WNDRES) AUM.A.E. ANNEXE23
23JUIN 1895
WCUMENT DIPLOMATIQUEITALIW
ANNEXE24

28AOUT 1895
MOTTA (CONSULATATRiFOLI)AUM.A.E.
ANNEXE 25
.-JA-VI-RIR99
DEPECHEDEPAUL CAMBONA DELCASSE

ANNEXE26
17JANVER 1899
INSTRUCTIONSDEDELCASSEACAMBON
ANNEXE 27
21JANVIER 1899
LEITRE DE PAUL CAMBONA DELCASSE

ANNEXE28
21JANVIER1899
LEïTRE DE PAUL CAMBONA DELCASSE
ANNEXE29
24JANVIER 1899

DEPECHE DE DELCASSEA PAUL CAMBON
A~~E~ ~ ..
25JANVIER 1899
LETiRE DEPAUL CAMBONA DELCASSE
ANNEXE31
25JANVER 1899

LFiiRE DE PAUL CAMBONA DELCASSE
ANNEXE 32
25JANVIER 1899
NOTEDU MINISTEREDES AFFAlR!3SETRANGERESFRANÇAIS
ANNEXE33

2 FEYRIER1899
LFiiRE DE PAUL CAMBONA DELCASSE
ANNEXE 34
10FEVRIER 1899
LE* DEDELCASSEA PAUL CAMBON
ANNEXE35

15FEVRJER1899
DEPECHE DE PAUL CAMBON A DELCASSE
ANNEXE36
I6FEVRiEü 1899
PROJET DE DECLARAIIONSOUMISA LORD SALISBURY PAR PAUL CAMBON

DEPECHE DE PAUL CAMBON ADELCASSE
ANNEXE37
21FEVRIER1899
DEPECHE DE DELCASSEA PAUL CAMBON
ANNEXE38
22FEVRTUl1899

LFiiRE DE PAUL CAMBONA DELCASSE
ANNEXE 39
22FEVRIER1899
LFiiRE DE PAUL CAMBONA DELCASSE
ANNEXE40

27FE- 1899
LEITRE DE PAUL CAMBONA DELCASSE
ANNEXE41
27FEVRlER1899
TELEGRAMMEDE PAUL CAMBON ADELCASSE
ANNEXE42

27FEVRlER1899
TELEORAMMEDE PAUL CAMBONA DELCASSE
ANNEXE43
27FEVRlER 1899
PROJET FRANCAISDEDECLARATION DEPECHEDEPAUL CAMBONA DELCASSE
ANN.XE .

1MARS 1899
LEITRE DEPAULCAMBONA DELCASSE
ANNEXE 45
2 MARS 1899
PROJET DE DECLARATION BRITANNIQUE (TRADUCTION FRANCAISE)

ANNEXE46
2 MARS 1899
PROJET DEDECLARATIONBRiTANNIQUE(VERSION ANGLAISE)ANNEXE47
6 MARS 1899
NDTEDUMWSTERE DES AFFAIRESEiRANGERES FRANCAIS
ANNEXE 48
9MARS1899
PROJET FRANÇAIS DE DECLARATION

ANNFXE49
17MARS 1899
PRom DEDECLARATIONSOUMIS ALORDSALISBURYPARPAULCAMBON
ANNEXE50
17MARS 1899
REACTIONBRlTANNlQUEAU PROJET DE DECLARATIONFRANCAISDU 16MARS
1899

ANNFXE SI
18MARS 1899
PROJET FRANÇAIS DE DECLARATIONNONDATE
ANVFXE52
1~M~~~~~ ~ ~ ~
CO=-PROJET DE DECLARATIONBRlTANNlQUE

ANNEXE53
18MARS 1899
DEPECHE DEPAULCAMBONA DELCASSE
AN= 54
I9MARS 1899
TELEGRAMMEDEPAULCAMBONA DELCASSE
ANNEXE55

20MARS 1899
PROJET FRANÇAIS DE DECLARATION
ANNEXE56
21 MARS 1899
PROJETFRANCAISDE DECLARATION
ANNEXE56BIS

23 MARS1899
U[TRAiTSDUJOURNAL .LE FIGAROI.
ANNEXE57

DEPECHETELEGRAPHIQUEDEDELCASSEAPAULCAMBON
ANmE 58
28 MARS 1899

NOTEDE LA TURQUIE ADRESSEEA LA FRANCE
ANNEXE 59
MARS 1899
PROIFi BRlTANNlQUEDE DECLARATION
ANNEXEM
24 AVRL 1899

DISCOURS DE L'AMIRAL CANEVARO. MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES
D'ITAUE(EXTRAITDUBCW
ANNEXE 61
16MAl ....
DOCLlMWT DIPLOMATIQUE ITALIEN
ANNFXE62
19 MAI 1899

NOTEDELA TURQUIE ADRESSEEA LA FRANCE
ANNEXE63
JUIN 18%
NOTEDUMINISTRE DES AFFAIRESETRANGERESADRESSEEA LA TURQUIE
ANNEXEM
5 SEPiEMBRE 1899

DEPECHEDUCONSULAT GWERAL DE FRANCEA TRLPOLI
ANNEXE65166
14DECEMBRE19M
LETTREDEBARREREAUMARQUISVISCONTIVWOSTA
ANNFXES 67168
16DECEMBRE19M
LETIRE DEVISCONTIVENOSTAA BARRERE
ANNEXE69

10JANVaR 1901 ANNEXE71
28 NOVEMBRE 1901
TELEGRAMMEDE BARREREA DELCASSE
ANNEXE72
29NOVEMBRE 1901

ANNExF3 73/14
2JANVER 1902
NOTE DELORDCURRIE
ANNEXES7sn6
20JANVIER19m

TELEGRAMMEDELORDCURRIE
ANNEXE 77
22JANVIER1902
DEPECHE DEUAMBASSADEURD'ITALIEENFRANCE
ANNEXE 78n9
IERNOVEMBRE 1902
LETTRE DE PRINETTI. MINISTRE DES AFFFAIRES ETRANGERES D'ITALIE. A
BARRERE. AMBASSADEUR DE FRANCE A ROME

ANNEXE80
IER NOVEMBRE 1902
REFQNSEDEBARREREA PRlNEITl
ANNEXE81
2 NOVEMBRE 1902
LFlTRE DE BARREREA PRINETTI
ANNEXE82

2NOVEMBRE1902
REPONSE DEPRINETTIA BARRERE
ANNEXE83
IOMAI 1911
LETTRE OU COLONEL LARGEAU AU REPRESENTANT DU GOUVERNEMENT
DlTOMAN
ANNEXE 84

INSTRUCTIONS ADRESSEES AU COMMISSAIRE FRANÇAIS CHARGE DE LA
DEMARCATION,AOUC1911(11
ANNEX~--.
10MARS 1912
LEITRE DE BARREREA FOlNCARE
ANNEXE86
24JANVER 1913

LETTRE DE L'AMBASSADEURDE FRANCE A CONSTANTINOPLE AU MINISTRE
DES AFFAIRESFîRANGERES
ANNEXE87
5JUW 1913 ,
LETTRE DU MINISTRE DES COLONIES AU MINISTRE DES AFFAIRES
ETRANGW1ES
ANNEXE 88

1919
NOTE DE BERTHELOTA CLEMENCEAU SUR LE BORKOU ەLETIBESTI
ANNEXE89
1919
CONSEIL SUPREME INTERALLIE. RAPPORT
ANNEXE 90
ZOIANVIER1919
. - - . . - . LETTRE DE L'AMBASSADEURDE FRANCE A ROME.BARRERE. AU MlNlSTRE

FRANCAISDES AFFAW ETRANGERES.PICHON
ANNEXE91
21JANVIER1919
TELEGRAMMEDEM. BARREREA M. PICHON
ANNEXE92
16NILLET 1919

NOTE DE LAOELEGATIONITALIENNEALA CONFERENCE DE LAPAIX
ANNEXE-3~
19JUILLET1919
NOTE POUR LE MINISTRE FRANÇAIS DES AFFAIRES ETRANGERES SUR LES
NOUVELLES PROPOSmONS ITALIENNESENCEQUICONCERNEL'AFRIQUE
ANNEXF 94 ANNEXE%
4 DECEMBRE1919
DEPECHEDUGOUVERNEURGENFAALDUSOUDANA LORD CURZON
ANNEXE97
13AOUT 1921(?)
NOTE DE L'AMBASSADEUR D'ITALIE A PARIS AUMINISTERE FRANCAIS DES

AFFAIRESETRANGERES
ANNUaS 9m
IZDECEMBRE 1921
PRO'ESTATION ITALIENNECONTRE LA CONVENTION FRANCO-BRITANNIQUE
DU 8SEPïEMBRE 1919ADRESSEEA LAFRANCE
ANNEXE IM
FEVRIER 1922

CROQUIS ANNEXESAU RAPPORTDU CAPITAINE ROTiIER (CONTRE -REZZOUS
EFFECTUESDANS LAREGIOND'AB0 EN FEVRlERETMARS 1922)
ANNEXELOI
5FE= 1923
NOTE DU MlNlSTERE BRITANNIQUE DES AFFAIRESETRANGERES(REFUNSEA
UNE PRO'l€STATIONITALIENNE)
ANNEXE 102
7 FEVRlER1923
REPONSE FRANÇAISE A LA NOTE DE PROTESTATION ITALIENNE DU 12

DmMBRE 1921
ANNU[E 103
21JANVIER 1924
ECHANGEDE LET- ENTRE LORD CURZON ET L'AMBASSADEUR DE FRANCE
A LONDRES.SAINT-AULAIRE
ANNEXE IM
27 MARS 1924

NOTE DE PROTESTATION ITALLENNEADRESSEEA LA FRANCE
ANNEXE105
27 MARS 1924
LETTRE DE L'AMBASSADEUR D'ITALIEA PARIS
ANNEXE106
16NIN 1924
NOTEDU M1NISTEF.EBRlTANNlQUEDES AFFAIRES ETRANGERES
ANNEXE 107

21NIN 1924
REPONSE FRANÇAISE A LA NOTE DE PROTESTATION ITALIENNEDU 27 MARS
1074
ANNEXE 108
1924
ARTICLEDET. NI * TUNISIA.TRIPOLITANIAE ITALIA DANS. LANUOVA
AWTOLOGlA r Ns234. P. 275Fi S
ANNEXElm

5FEVRIER 1925
MEMORANDUMSUR LA FRONTIEREMERIDIONALEDE LA LYBIE REDIGE PAR
UN DES BUREAUXDUMINISTERE ITALIEN DES AFFAIREE STRANGERES
ANNEXE110
5FEVRIER1925
CARTE ANNEXEEAU LXXUMENTITALIEN .IL CONFINEMERIDIONALEDELLA
- LIBlAr - - - - .
ANNEXE 111
1927

ARTI- T. TITTONr L CONFINEMWDIONM DELLAUBIA r (rLE COhTlN
MERIDIONALDE LA LIBYE i)DANS <GUIESCHIA r1927. VOL.VU. P.494 ETS
ANNEXE 112
12DECEMBRE 1928
NOTE DU SECRETAIRE GENERAL DU CONSEIL SUPERIEUR DE LA DEFENSE
NATIONALE SUR LA RECTIFICATION DE LA FRONTIEREMERIDIONALEDE LA
UBYE

ANNEXEII3
IER TRIMESTRE 1929
CARTE DE REONNAISSANCE DU TIBESTI ANNEXEE AU RAPPORT SUR LA
SITUATIONPOLITIQUEDUBORKOU-ENNEDI.
IIEMETRIMESTRI1937
CARTE DES TOURNEES DES CHEFS DE SUBDIVISION ANNEXEE AURAPWRT
SUR LA SITUATION POLITIQUDUB.E.T.
ER TRIMESTRE 1938

MRAIRE ETCARTEDESTOURNEESDES CHEFS DESUBDMSION
ANNEXEEAURAPPORTSURLA SITUATION
POLITIQUEDUB.E.T.ANNEXE 131
21OCTOBRE1931
TELMjRAMME DU COLONEL RAULET,COMMANDANTMILITAIRE DU TCHAD.
AUGOUVERNEUR GENERAI.DEl2A.E.F.A BRAZZAVILLE

22OCrOBRE 1931
TELEGRAMMEDUCOLONELRAULEI AUXAUWRflFS M1LITAIRF.SDE FAYA
IFRDECEMRRE10?1
TELEGRAMMEDU GOUVERNEURSUR L'INSTALLATIOND'UNPOSTE A BERNI

ANNEXE132
IIDECEMBRE1931
NOTE DU MINISTERE ITALIEN DES COLONIES AU MlNlSTERE ITALIEN DES
AFFAIRES ETRANGERES AU SUJET DE LA CREATION D'UNE GARNISON

FRANCAISEA AFAFl
.-..--- --?
13AVRIL1932
NOn DU M[NLSTEF32DES AFFAIRE?,ETRANGERESW REeONSE A LA NOTEDU
11/12/1931
ANNEXE 134
23DECEMBRE1933
LETïRE DU MINISTRE DES COLONIES AU MINISTRE DES AFFAIRES

ETRANGUIES
ANNEXE 135
CARTES PUBLIEESPAR GAUTWE&VII.IARS IN MEMOlREDE CACADEMIEDES
SCIENCES DECMSTITUT DEFRANCE
ANNEXE 136
26JANVIER 1934
LETTRE DU MINISTRE DES COLONIES AU MINISTRE DES AFFAIRES
ErRANOERES

ANNEXE 137
24 NARS1934
MEMORANDUMDU CONSUL GENERAI. ITALIEN ALEOFULDVILLEANNEXE A
UNE NOTE ENVOYEE PAR LA DIHECTION GENERALE DES COLONIES DE
L'AFHIOUE ORltNTALE A LA DIHECTION GENERALE DE LAFRIOUE

ANNEXE138

23(?AVRa 1934
LFITRE DU MINISTERE ITALIENDES COLONIES AU MINISTERE ITALIEN DES
AFF- ETRANGERES
ANNEXE 139
27 AVRIL 1934
TELEORAMME DU COLONEL FALVY,COMMANDANTMILITAIRE DU TCHAD.
AUX AUTOPJTESMILITAIRESDEFAYA
ANNEXE 140
9NIN 1934

NOTE DEPROTESTAllON ITALIENNEADRESSEEA LAFRANCE
ANNEXE141
13NIN 1934
LmRE DUCOLONEL FALVYAU LIEUTENANTGOUVERNEURDUTCHAD
ANNEXE 142
19nmi 1934
DEPECHEDU MINISTERE ITALIEN DES AFFAIRES ETRANGERESAU MINISTRE
ITALIEN DES COLONIES A LAQUELLE EST ANNEXEE LA NOTE DE

PROTESTATIONDU9 JUINENVOYEEA PARIS
ANNEXE143-
20N!LLET 1934
LoTiRE DEL'AMBASSADEUR BRITANNIQUE A MUSSOLINI
ANNEXE 144
20IlmLEI 1934
REFUNSEDEMUSSOLINIA CAMBASSADEURBRITANNIQUE
ANNEXE145 '

20JUILEï 1934
LEllXE DUMINISTREEGYPiIW DES AITAIRESEïFLU4GF.REA.ï MUSSOLINI
ANNEXE146
WJUILEï1934
REPONSEDEMUSSOLIMAUMINlSTREEGYFTIENDESAFFAIRESETR4NGERES
ANNEXE147
4AOUT 1934
LElTRE DUCOLONELFALVYAU GOWRNEUR DE CA.E.F. ET AU LEWENANT

GOUVERNEURDUTCHAD
ANNEXE 148
15AOW 1934
NOTE DE LA DIRECTION DES AFFAIRES POLITIQUES ET COMMERCIALESDU
MWlSTEREFRANÇAIS DESAFFAIRESETRANGFRE.3ANNEXE 149
24AOUT 1934
REPONSE FRANCAISEA LAPROTESTATIONIT- DU9JUlN 19YI

ANNEXE150
31AOUT 1934
TELEORAMMEDESmRm ARMEESDEFAYAAUCOLONELFALVY
IER SEmEMBRE 1934
TELEGRAMMEDUCOLONELFALVY ENREPONSEA CELUIDU31AOW 1934
ANNEXE 151
29 NOVEMBRE1934

COMPTE-RENDU DE M. SUVlCH AU SUJET DE SON ENTRETIEN AVEC
L'AMBASSADEURDE FRANCE A ROME
ANNEXE 152
26MARS 1935
NOTE DE LA SOUS-DIRECTION AFRIQUE-LEVANT DUQUAI D'ORSAY SURLA
PARTICIPATIONTTALENNE DANSLACOMPAGNIEDUCHEMINDEFER FRANCO-
ETHlOPlEN

ANNEXE 153
3AVRIL 1935
TELEGRAMME DU MINISTERE FRANÇAIS DES AFFAIRES ETRANGERES A
L'AMBASSADEUR FRANCAISA ROME
ANNEXE 154
9 AVRIL1935
LETTRE DU MINISW FRANÇAIS DES AFFAIRES ETRANOERESAU MINISTRE
FRANCAISDESCOU)MES

ANNEXE155
25 AVRIL 1935
NOTE SUR LA NECESSITED'UN ECHANGESlMULTANEDES INSTRUMENTSDE
RAllFlCATION DUTRAITEDE 1935ETDELACONVENTON SPECIALE
ANNEXE 156
21 MAI 1935
DEPECHETELEGRAPHIQUEDEBRAZZAVILLEAUM1NlSlW.E DESCOLONIES

ANNEXE 157
3NIN 1935
NOTE DELA SOUS-DUIECiIOND'AFRIQUE-LEVANT
ANNEXE 158
8RlW 1935
LFIinE DU MINISTREFRANÇAIS DES COLONIES AUMINISTREDES AffAW3
ETRANGERES

ANNEXE 159
IZNW 1935
TELEGRAMME DU GOUVERNEUR GENERAL DE L'A.E.F. AU MINISTRE DES
COIDNIES
ANNEXE 160
19JUlN 1935
DEPECHE DU MlNlSTERE 1TALlF.NDES AFFAIRES ETRANGERESAU MINISTRE
ROYAL

ANNEXE161
4 IULLLET1935
TELEGRAMME DU MlNlSTERE ITALIEN DES COLONIES AU MlNlSTERE DES
MAIRES ElUANGERfS
ANNEXE 162
23JUlLLFT 1935
TELEGRAMME DU MlNlSTERE ITALIEN DES COLONIES AU MINISTERE DES

AFFAIRESElUANGUIES
ANNEXE163
APRES LES ACCORDSDE ROME. PAR J. LADREIT DE LACHARRIERE.B.C.A.F.,
1935,PP.73-77
ANNEXE 164
12OCiOBRE 1936
LETiRE DU MINISTRE D'ETAT CHARGE DE L'INTERIM DU MlNlSTERE DES
COLONLES

ANNEXE165
27JANVIER1937
TELEGRAMMEDECAMBASSADE D'ITALIEAPARIS
ANNEXE 166
9MARS 1937
TELEGRAMMEDEL'AMBASSADED'ITALEA PANS
ANNEXE 167

17MARS 1937
TELEGRAMMEDECAMBASSADE D'ITALIEA PARIS
ANNEXE 168
30MARS 1937
DEPECHE DU CONSULAT ITALIEN A LEOPOLDVILLE AU MINISTRE DES
AFFAIRESETRANGERoSANNEXE 169
17AVRU 1937
TELEGRAMMEDEL'AMBASSADEDTTALIEA PARIS

ANNEXE170
23AVRIL 1937
DEPECHEDU MINISiUIE ITALIENDES AFFAIRES ETRANGERESAU MlNlSTERE
DES comm
ANNEXE171~
5 MAI 1937
NOTE DU MINISTRE ITALIEN DES COLONlES AU MlNlSTERE ITALIEN DES
AFFAIRESETRANGERES

ANNEXE 172
26 MAI 1937
DWECHE DUGOUVERNEURDELlBYE AUMINISW DECAFRIQIIEITALIENNE
ANNEXE 173
31MAI 1937
DEPECHE DE L'AMBASSADE D'ITALIE A PARISAU MINlSTERE ITALIEN DES
AFFAIRESmANGERES
ANNEXE 174

3JUlN 1937
LETïRE DU MlNlSTRE FRANCAlS DES AfFAlRES ETRANGERES AU MINISTRE
FRANCAISDESCOLONIES
ANNEXE 175
3JUlN 1937
LETTRE DU MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES AU MINISTRE DES
COLONIES

9 JUlN 1937
TELEGRAMME DU MlNlSTERE DES AFFAIRES ETRANGERESA L'AMBASSADE
WITALIEA PARIS
ANNEXE177
28JUIN 1937
TELEGRAMMEDEL'AMBASSADEDlTALIE A PARIS
ANNEXE 178

3JURLET 1937
TELEGRAMME DU MlNlSTERE DE L'AFRIQUEITALIENNE AU MlNlSTERE DES
AFFAlRESETRANGERES
ANNEXE 179
13JUILLET 1937
TELEGRAMMEDEL'AMBASSADED'ITALIE A PARIS
ANNEXE 180

14IL^ 1937
DEPECHE DU MINISTERE DES AFFAIRES ETRANGERES AU MlNlSTERE DES
COLONIES
ANNEXE181
14IUULEI' 1937
DEPECHE DU MINISTERE DES AFFAIRES ETRANGERES A L'AMBASSADE
WITALIEA PARIS
ANNEXE 182

22JUILLET 1937
TELEGRAMMEDEL'AMBASSADED'ITALIE A PARIS
ANNEXE 183
29JUILLFi 1937
DEPECHEDU MINISTEREITALIENDES AFFAIRESETRANGERESAU MINISTERE
ITALIENDESCOLONIES
ANNEXE 184
6 AOUT 1937

DEPECHE DU MlNlSTERE DES COLONIES EN REPONSE A LA DEPECHE DU 29
JUILLE'I1937
ANNEXE185
23SEPTEMBRE 1937
LETTRE DU MINISTRE DE LA DEFENSE NATIONALE ET DE LA GUERRE AU
MINISTREDES COLONlES
ANNEXE 186
25OCTOBRE 1937

TELEGRAMME DE L'AMBASSADE D'ITALIE A PARIS AU MINISTERE DES

ANNEXE 187
15DECEMBRE1937
MEMORANDUMDU MINlST£RE ITALIENDES AFFAIRESETRANGERESPOUR LE
MÏNISW ËUTI SUR LE TRAITEDE 1935~- ~ ~.-
22 DECEMBRE 1937
TELEGRAMME DE L'AMBASSADE D'ITALIE A PARIS AU MlNlSTERE DES

AFFAIRESETRANGERES
.-..-.- .. .
TI DECEMBRE 1937
DEPECHE DU MlNlSTERE DES AFFAIRES ETRANGERES AU MlNlSTERE DE
CAFRIQUEITALIENNE
ANNEXE190
MEMORANDUM DU MINISTERE DESAFFAIRES ETRANGERES AU SUJET DES
rrrU1iIUIR ESDESPAR LA FRANCEFi DESPROPOSITIONSDU GOUVERNEUR
DE UBYE. ITALOBALBO.1937
ANWE 191
1937
CARTE ELABOREEPARLE MINISTEREDEVAFRIQUEITALIENNE

ANNEXE192
IOJANVIER 1938
DEPECHEDUMINISTERE DE CAFRlQllE ITALIENNE
ANNEXE193
5FEYRIER 1938
DEPECHE DU MlNlSTERE DES AFFAIRES ETRANGERES AU MlNlSTERE DE
CAFRlQUEITAUENNE
ANNEXE194
11AVRa 1938
NOTE DE LA SOUS-DIRECTION AFRIQUE-LEVANT POUR LE MINISTRE DES
AFFAIRESERANGUlES
ANNEXE195
18AVRa 1938

TELEGRAMMEDU GOUVERNEUR DE LIBYE.ITALO BALBO. AUMINISTEREDE
VAFRIQUEITALIENNE
ANNEXE196
22AVRa 1938
TELEGRAMMEDU MlNlSTEREDE CAFFJQUE ITAUWNE AU GOUVERNEUR DE
LA LIBYE
ANNEXE197
26AVRIL 1938
TELEGRAMMEDESAUTORITESITALIENNESA L'AMBASSADEDITALIEA PARIS
ANNEXE198
28AVRiL 1938
LEITRE DUGOUVERNEURGENERALDECA.E.F. AUMINISTRE DES COLONIES

AN- 199
3 MAI 1938
AIDE-MEMOIRE DE L'AMBASSADE ITALIENNE ADRESSE AU QUAI D'ORSAY
REPRENANTLE TELEGRAMMEDU26A m 1938
ANNEXE200
2lUW 1938
DEPECHEDU MINISTRE FRANCAISDES AFFAIRES FiRANGERES AU MINISTRE
FRANCAISDES COLONIES
ANNEXE 201
3JUIN 1938
LETTRE DU MINISTRE DES COLONIES AU MINISTRE DES AFFAERES
ETRANGERES
ANNEXE202

20JUIN 1938
NOTE DU MINISTEREFRANCAISDES AFFAIRESETRANGERESA L'AMBASSADE
D'ITAUE
ANNEXE203
IERAOUT 1938
NOTEDUGOUVERNEUR DE LIBYESUR IEF-EF
ANNEXE2M
16AOUT 1938
TELEGRAMME DU MlNlSTERE ITALIEN DES AFFAIRES ETRANGERES EN
REPONSEA LA NOTEDUGOUVERNEUR DELIBYE
ANNEXE 205
2 DECEMBRE 1938
MEMORANDUM POURMUSSOLINI REDIGE PAR LE MINISTRE DES AFFAIRES

ETRANGERES. CIANO. APRES SON ENTRETIEN AVEC L'AMBASSADEUR DE
FRANCEA ROM FRANCOIS-FUNCFi
ANNEXE206
17DECEMBRE 1938
LETïRE DE M. CIANO A M. FRANÇOIS-PONCET LUI INDIQUANT QUE LES
ACCORDS DE 1935SONT.HISTVNOLIEMENTDEPASSES.
ANNEXE207
25DECEMBRE 1938
LEITREDE M.FRANCOIS-P AUMNI~ETRECIANOANNEXE 208
AVRIL 1946
MAPOF LlBYA

ANNEXE209
1946
FOREIGN RELATIONS OF THE UNITED STATES, 1946. VOL. III. PARIS PEACE
CONFERENCE

MEMORANDUM FRANCALS ANNONCANT DES REVENDICATIONS
TERRIMIUALES A VENIR
ANNEXE212
IOMAI 1948

GHADAMES
ANNEXE213
7 J~ ~~ ~48
M.STRAFFORD.U.K.DELEOATION.lANDON. TO MR.BELL
ANNFXE214
RAPPORTDES QUATREPUISSANCESSURLALIBYE

ANNEXE215
1949
REPONSEDESM.A.E.A LA REVENDICATIONFRANCAISESURLEllBESn
ANNEXE216
1949
FOREI RELATIONSOFTHE üNlTED STATES.1949. VOL.N
ANNEXEZ17

26JANVIER 1950
TELEGRAMME N' 135 DECHAUVELNEW-YORK AUMINISTERE DES AFFAIRES
FIR~ ~-~ES
A PARIS

4 FEVRIER1950
TELEGRAMMEN' 198DE LA REPRESENTAnON DE LA FRANCE AUXNATIONS-
UNIESAUMRIISTEREDESAFFAlRESEIRANGERESAPARIS
ANNEXE220
II FEVRIER1950

TELEGRAMME No 360 DU MINISTERE DES AFFAIRES ETRANGERESA PARIS A
DELEFRANCE A NEW-YORK
ANNEXE 221
16AVRlL 1950
NOTE No451 POUR LA DIRECTION D'AFRIQUE-LEVANSTUR LA FRONTIEREDES
ANCIENNES COLONIESITALIENNESAVECCA.0.F. ETL.A.E.F.
ANNEXE --~

16JUIN 1950
MINUTE NO463S.C. INSTRUCTIONSDU MINISTERE DESAFFAN ElQANGERES
A DELEFRANCE ANEW-YORK AUSUJETDESFRONTlERESDE LA LIBYE
ANNEXE221
14DECEMBRE 1950
TELEORAMMENo 3608-3615 DE DELEFRANCENEW-YORK AU MlNlSTERE DES
AFFAIRES ETRANGFRF3A PARIS : MISE AU POINT FRANCAISESUR IR TRAlTE

DE 1935
ANNEXE224
.,<.
FOREIGN RELATIONSOF THE üNlTED STATESVOL. II.UNlTED NATIONS: THE
WESTERN HEMISPHERE
AMVEXE225

IZDECEMBRE 1951
ACCORDFINANCIERFUOVISOIRE ENïRELA FRANCEEï LA LIBYE
ANNEXE 227

24 DKEMBRE 1951
ACCORD PROVISOIRE SUR LE STAnONNEMWT DES TROUPESFRANCAISESAU
FEZZANANNEXE 228
TELEORAMMENO677DU9AOUT 1953DETIUPOLlA PARlS
ANNXXE229
TELEGRAMMEN08W2 DU 13OCTDBRE1953DE7RIPOLI A PARlS
ANNW 230
TELEGRAMMEN0471.51W 24JANVIER19% DEBENGHASJA PARlS

ANN€XE23I
21 SEPioMBRE 19%
NOTE DUMARÇAY N' 7681AL. AU PRESIDENT MENDES-FRANCE SUR
VENTRETIENMALLERAIS-BENHALLM
ANNEXE232
12NOVEMBRE 1954
TELEGRAMME No 5521559 DE TRIPOLI AU MINISTERE DES AFFAIRES
-i.. . -. .A PANS

ANNEXE 233
14NOVEMBRE 1954
TELEGRAMME N'5601572DETRIPOLIA PARISFiOTTAWA
ANNEXE234
16NOVEMBRE 1954
TELEGRAMMENo774775 D'OTTAWAA PARlS ET XiFULJ
ANNEXE235

19NOVEMBRE 1954
TELEGRAMMENe4511453DEPARlS AWWLl
ANNEXE236
23 DECEMBRE1954
TELEGRAMMEND6971101DETRIPOLIA PARlS
AMVEXE237

27DECEMBRE19%
TELUiRAMME ND70U107DE TRIPOLIA PARlS
ANNEXE238
4 JANVIER 1955
NOTE DE LA SOUS-DIRECTION D'AFRIQUE-LEVANTSUR LES CONVENTIONS
FRANCO-LIBYENNES
ANNEXE 239

4JANVIER 1955
COMPTE-RENDU DESNUiOClATlONS FRANCO-LIBYENNES1 . -11-111
ANNEXE24û
5 JANVIER 1955MATIN
COMIIF-RENDU DES NEGOClATlONSFRANCO-LIBYENNES, II
ANNEXE241
5 JANVIER 1955DEBUT D'APRES-MIDICOMPTE-RENDU DES NEGOClATlONS

FRANCO-LIBYENNESn.i
ANNEXE 242
5JANVIER 1955APRES-MIDI
C.-P-'-RE-DUDESNEGOCIATIONSFRANCOLIBYENNoS.II
ANNEXE243
5 JANVIER 1955UIT
COMPTE-RENDU DESNEGOCIATIONSFRANCOLIBYENNES.II

ANNEXE 244
6JANVlERMATIN2EMEPARTIE
COMFTBRWDU DESNEGOCIATIONSFRANCOLIBYENNES.II
ANNEXE 245
10JANVIER 1955
FICHE D'INFORMATION SUR LES NEOOClATlONS FRANCO-LIBYENNES
(MINISTEREDE LA DEFENSE,ETAT-MAJORDES FORCESARMEES.IRE DIVISION.

No3037EMFNIZ)
ANNEXE246
16JANVIER1955
LETTRENo29lALDUMARCAYAUMINISTUIEDES AFFAIRES ETRANGERES
ANNEXE247
18JANVIER1955
TELEGRAMMEDUQUAI D'ORSAYA LA LEGATlONDE FRANCEATRIPOLI

ANNEXE 248
15F'EVRIER1955
TELEGRAMME No97B8 DEDUMARCAYAPARIS
ANNEXE249
25FEVRIER1955
TELEGRAMME N' 1861186DEDUMARCAYAUQUAI D'ORSAY
AN= 250

MARS 1955
PROJET FRANCAIS DE PROCES-VERBAL DES CONVERSATIONS MENDES-
&&CU~EN HALI (onadwtt)ANNEXE251
4 MARS 1955

TELEGRAMME No 178180DE DUMARCAY APARlS SUR L'INCIDENTD'AOZOU
NOTE DE PROTESTAllON AUGOUVEIWEMFNI LIBYEN
ANNEXE252
9 MARS 1955
LETTRE No 54 DU MlNlSTRE DE LA FRANCE D'OUTRE-MERAU MINIS7UE DES
AFFAIRESETFUNGElV2.S
ANNEXE253

10MARS 1955
TELEGRAMMEND 189.190SUR LES REGRETS DEM. SPUVCE.REPRESEWANT DE
L'0.N.U.ENLIBYE
ANNULEZ54
18MARS 1955
LFITRE ND62 DUMINISTREDELA FRANCE D'OUTRE-MER AUQUAlD'ORSAY
ANNEXE 255

20MARS 1955
LETTRE No 216lAC DE DUMARCAY AU QUAl D'ORSAY RAPPORTANT DE
NOUVFAULES EXCUSESFAITESPARM.SPFNCE
ANiEXE 256
23 MARS 1955
LFiiRE No42 M.A.E.AU MINISTREDEFRANCEATRIPOLI

ANNEXE 257
23 MARS 1955
LFiiRE N' 526M.A.E.AUMlNlSTREDELAFRANCEWOUTRE-MER
ANNEXE 258
26 MARS 1955
TELEGRAMME No 219 DE TRIPOLI A PARIS : LE GOUVERNEMENT ITALIEN
PRECISELANON-UITREE ENVIGUEURDES ACCORDS DEROME

ANNEXE259
29 MARS 1955
LETTRE No 575 DU MINISTRE DES AFFAIRES ETRANOERES AU MINISTRE
D'OUTRE-MER
ANNEXE 260
9 AVRIL 1955
TELEGRAMMENo287/188DE PARlSATRIWLl

~-N~XF 261
12AVRIL 1955
LElTRE DU MINISTRE DE FRANCE EN LIBYE.A M. HENRI ROUX. DIRECTEUR
D'AFRIQUE-LEVANT
ANNEXE 262
1955
RAPPORTDU LIEUTENANT-COLONELDE SEZE SUR L'OCCUPATIONDU POSTE

D'AOZOU
ANNEXE263
20JUlN 1955
BORDWU DU MINISTEREDE LAFRANCED'OUTRoMERTRANSMFlTANT UN
TELEGRAMME DE BRAZZAVILLE DU 20 JUlN RELATIF A UNE OPERATION
PROJFiEE SURAOmU
ANNEXE 264

28JUIN 1955
TELEGRAMMEN0401/4M DETRIPOLIA PARlS
ANNEXE265
IER JUILLET1955
LETTRE No 225 DU MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES AU MINISTRE
DELEGUEA LAPRESIDENCEDUCONSEIL
ANNEXE266

7JUILLET1955
LETTREND1260DU MINISTRE DES AFFAIRES ERANGERES AU MINISTRE DELA
FRANCEDDUTRE-MER
ANNEXE 267
12JUILW 1955
LFnaE N'MIIAL DETRIPOLIA PARIS

ANNEXE 268
28JUILLET1955
TELEGRAMME SANS NUMERODE TRIPOLI A PARIS : COMPTE-RENDUPAR M.
DUEAN DELA NUjOClATlON FRANCOLIBiZNNE
ANNun 269
.7,,
TABLUU COMPARAIIF DES msrnoss ~UANCAISEFT LIRYENNEDL JANVIER

1951AVEC1.FTRAm UU IOAOUT 1911. KLXOSCIATIONDE LAl IBYEAl<>W.
PRETEhl'lONSURLE llBt^iTI tFmAIT)ANNEXE270

20AOUT 1955
LETIUE N' 7006 DU GOUVERNEURGENERAL DE L'ALGUIIE AU MINISTRE DES
AFFAIRES ETRANGERES
ANNEXE271
IOSEPTEMBRE1955

NOTE DU MlNlSTERE DES AFFAIRES ETRANGERESSUR LANEGOClATlON DU
TRAITEDU IOAOUT 1955
ANNEXE272
16SEFl'EMBRE1955
NOTE No 805lAL DE TRIPOLI A PARIS RAPPORT DU DOCTEUR SHANAWANY.
REPRESENTANTPERMANENT DELA MISSION DEL'0.N.U. A TRiFOU (31 MARS

-~~- ~ ~- ~~-~
LEllRE No326fZ456DU MINISTRE DEL'INTERIELIAUM.A.E
ANNlKE 274

IIOLTOBRE1955
LETI'RENe 1690DU MINISTRE DELA DEFENSENATIONALEAU MINISTREDES
AFFAIRES ETRANGERES
ANNEYE275
22FEVRIER1956
TELEGRAMME NO IOZ/IO~DETRIPOLIA PARIS

ANNEXE 276
18MARS 1956
TELEGRAMMEND 163fl6DETRIPOLIA PARIS
ANNEXE277
20 MARS 1956
TELEGRAMMENo 191DETRIPOLIA PARIS

ANNEXE 278
24 MARS 1956
TELEGRAMME No253R54DEPARISA TRLPOU
ANNEXE279
18AVRlL IYS6
NOTE DE LA DIRE<-I1ONDAFRIQUE-l.tVANT R)UR 1.ESECKETAIREGE'IERAL

SUR DES KESERVES DE M LACOSTE A LA RATIFICATION DU TRAITE DU 10
AOVT 1955ETDb.$PROBLEUE'SQUI F.KESULTERAIEW
ASSEXE 2dU
20NOVEMBRE 1956
TELEGRAMME N' 551153DETRIPOLIA PARIS

ANNFXE 281
26DECEMBRE1956
ACCORD FRANCO-LIBYENSUR LESFRONTERES
ANNFXE 282
21NILLIT 1964
PREMIERE CONFERENCE DES CHEFS D'ETAT ET DE GOUVERNEMENT.

RESOLUTION AHGIRES. 16 (1) SUR L'INTANCIBILITE DES FRONTIERES
AFRICAINES. LE CAIRE
ANNEXE283
JUILLET-AOUT1976
RAPPORTDELA MISSION MAMARIDJIMENOAKINARATRIPOLI
ANNEXE284

23-26JUIN 1977
PROCES-VERBAL DE LA SESSION DE LA COMMISSION MIXTE TECHNIQUE.
N'DJAMENA
ANNFXE 285
5(7)JUILLET 1977
DEClSlON AHC/DEC.I08 (KIVI DE LA CONFERENCE DES CHEFS D'ETATET DE

GOUVERNEMENTDE C0.U.A.. LIBREVILLE
ANNEXE 286
II AOUT 1977
RECOMMANDATTON DE LA COMMISSION DEMEDlATlONTCHADLIBYE.REUNIE
A LIBREVILLE
ANNEXE 287

?JUIN 1983
RESOLUTION AHGIRES.106(XIX) DE LA CONFERFNCEDES CHEFSD'ETATET DE
GOUVERNEMENT DE L'0.U.A..ADDIS-ABEBA
AKTICLE288
(?)JUILLET 1986

RESOLUTION AHGRES. 158(XXII)DELA CONFERWCE DES CHEFS D'ETAT ET DE
GOUVERNEMENTDEL'O.U.A..ADDIS-ABEBA
ANNEXE289
29AVRIL 1987
DEClSlONDU CO- ADHOC DEL'0.U.A..LIBREVILLEANNEXE 290
23 SEPITMBRE 1987
COMMUNIQUEDU COMlTEADHOC DEC0.U.A.. LUSAKA

ANNEXE 291
13-27ANVaR 1988
O.U.A.RAPPORTDU SOUS-COMITEDES EXPERTSNIUSTES Fi CARIOGRAPHES
(11)(WTRAITS)
ANNEXE--2-
13-14AVRIL1988
RAPPORT DU COMITE AD-HOC DE L'0.U.A.. CINQUIEME SESSION ORDINAIRE.

LIBREVILLE
ANNFXF 293

14AVRa 1988
ANNEXE 294
ZRMA11~ ~ ~ ~

RESOLUnON AHGIRES. 174(XXIV) DE LA CON-CE DES CHEFS WFiAT ET
DEWUVERNEMENT DEC0.U.A.. ADDIS-ABEBA
ANNEXE295
20NIN 1989
PROCES-VERBAL DE LA REUNION DES EXPERTS GABONAIS. LIBYENS ET
TCHADIENSDU COMm ADHOC DE L'0.U.A..UBREVU 1416 NIN 1989ET 18-
20 Nl3 1989

ANNEXE2%
26nraLFi 1989
RESOL~ON AHGKES. 184(XXW DE LACONFERENCEDESCHEFSD'F~AT m DE
GOUVERNEMENT DEC0.U.A.. ADDIS-ABEBA
ANNEXE297
28 MARS 1990
COMMUNIQUE COMMUNDE PRESSE SUR LA MISE EN SUVRE DE CACCORD-
CADRE SIGNE A ALGER LE 31AOUT 1989(TROISIEMEREUNION TRIPARTITE)

(TCHADLIBYE-GABON).UBREVILLE
ANME 298
IIJUaLFr1990
RESOLUllON AHGRES. 200 (XXVI) DE LA CONFU(ENCE DES CHEFSD'FiAT Fi
DEWUVERNEMENT DEL'0.U.A..ADDIS-ABEBA
ANNEXE299
31 AOUT 1990

NOTIFICATIONA LACOUR DELAJAMAHIRIYAARABE LIBYENNE
ANNEXE 3m
IERSEPIZMBRE 1990
NOTlFlCATIONA LA COURDELA REPUBLIQUEDUTCHAD
ANNEXE 301
28 SEPIZMBRE 1990
L m DEL'AGENTDUTCHADAUGREFFIERDELACOUR
ANNFYF WW
.-..- .----
31 DECEMBRE1990
LEITRE 158 DU MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES A N'DJAMENA AU
MINISTRE DES AFFAIRESETRANGERESA PARIS
ANNEXE303
4FEvm 1991
LE~E No 9116DU MINISTRE DESAFFAIRES ETRANGERESAU MINISTRE DES
AFFAlRESFiRANGERB A HDJAMENA

ANNEXE304
IZFEYRIER 1991
LETTRE DE L'AMBASSADEUR DE FRANCEA N'DJAMENAAU MINISTRE DES
AFFAIRES FîRANC3ERE.SDUTCHAD
ANNEXE305
inMn, ~...
L!ZITREDE M.PWACR~N~ERA M. OATEAUD

ANNEXE3M
~IIIILLET 1991
NOTEN' LA41W31 F +P DUSECRFiARIAT DES NATIONSUNIES
m -cccu~wrs O.N.U.

ANNEXE307
AIRESI289(N)DU2111111949
QUESTIONDUSORTDES ANCIENNE2COLONIES ITALIENNES

ANNEXE 308
A/KFSI392(ViDU 15 IUIY5IJ
PROCEI>L:REA AUOFTER POUR DELIMIIER 1.FS FRO\TlERk\ DDCSASCIENNES
COLONIFS LTALIENNFS.POUR AUTA37 QU'ELLESNE SE TROUVENT PASDUA
k1XEE.SPARl.FS ARRANGEMFm IKERNATIONAUX B. AUlRES DOCUMENTS

ANNEXE309
27IANYIU< 1950
EXAMEN DE LA PROCEDUREA ADOPTER POUR DELIMITER LES ANCIENNES
COLONLESITALrnES
ANNEXE 310
23iW1950
xLIST OF PHOTOSTATIC DOCUMENTS (FROM LIBRARY-MILAM) SENT VIA
FUUCH TU UBYA ON23mU50 r

ANNEXE 311
23m2ll950
MEMORANDUM: FONCK.DIRECIOR. CON-CE DIVISION.TO DE ANOELIS.
' ADMMlSTRAnVE OFFICEP..UN. COMMlSSlONERIN UBYA. TRIPOU. SUBIECI :
ADMINlSTRAllVE MATI€RS 0607116
ANNEXE312
2MARS1950

MEMORANDUM : PELT, U.N. COMMISSIONER IN LIBYA. TO SECRETARY-
GENERAL. SUBIECT : REPORT ON. EXPLORATORY VlSlT TO LlBYA AND ON
CONVERSATIONS WlTH THE EGYPTIAN. ITALIAN. FRENCH AND BRITISH
GOVERNMUiTS
ANNEXE313
rUN. COMMISSIONERINLLBYAANDHIS ADVISORYCOUNCIL i

ANNEXE314
17-l8MARS 1950
LETTRE DE A. PELT. COMMISSAIRE DES NATIONS UNIES EN LIBYE, A R.
CHAMBARD.CONSUL OENEEALDE FRANCE.Fi SOMMAIREPARFRANCE PRESS
DUDEBATDUCONSEIL DELAREPUBLIQUE
ANNEXE 315
26AVRa 1950

MEMORANDUMDESEWARD A DE ANGELIS
ANNEXE316
3MAI 1950
MEMORANDUM DE SEWARD A DE ANGELIS. ADMINISTRATIVE MATTERS
MG7187
ANNEXE 317
3 MAI1950

DE ANGELISA SEWARD
ANNEXE318
10MAI1950
MEMORANDUM DE SEWARD A DEANOELIS
ANNEXE319
24MAI 1950
MEMORANDUM DESEWARDA DE ANGELlS

ANNEXE 320
7IWN 1950
MEMORANDUM DE SEWARD A DE ANGELlS
ANNFXE3ZI
31NILLET 1950
MEMORANDUM : FROM PO=, f'RINCIPALSECmARY. U.N. COMMISSIONER
IN LLBYA.TRIPOLIOFFICETU UN.. LAKESUCYXSS,N.Y.,EXECIJTVE OFFlCEOF

THE SECmARY GENERAL
ANNEXE 322
7 SEPTEMBRE 1950
CABLE : CORDIER (BLICKEN STAFF) TO POWER. U.N. GENEVA. QUOTING
MOHAMMED IDRISESSENUSI
ANNEXE 323
22SEPTEMBRE1950

ANCIENNES COLONIES ITALIENNES : RAPPORT DES PUISSANCES
ADMlNlSTRANTES DE LA LIBYE. RAPPORT ANNUEL DU GOUVERNEMENT
~ÇAIS SURVADM~TRATION DUFEZUW
ANNEXE3îA
SEPTEMBRE1950
PREMIERRAPPORT ANNUELDUCOMMISSAIREW LIBYE
ANNEXE325

13DECEMBRE1950
COMMlSSlONPOLITIQUESPECIALEP.V.DELA81EMESEANCE
ANNEXE326
IOOCTOBRE1951
CABLE: FUWUl TO RELD SERVICE
ANNEXE327
II OCTOBRE 1951

CABLE:FUWERTOFIELDSERVICE 30OCMBRE 1951
DEUXlEMERAPPORTANNUELDUCOMMISSAIREENLIBYE
ANNEXE 129

FEVRIER1963CARTE DE llO.N.U.No 1406
1%8 CARTE DE1lO.N.U.No 1823

ANNEXE330
2 NOVEMBRE 1890
DECLARATION DU MINISTRE FRANÇAIS DES AFFAIRES ETRANGERES A LA
CHAMBRE DES DEPUTES

27MAR3 1899

REPONSE DE DELCASSE A LA QUESTION D'UN DEPUTE. DEBATS
PARLEMENTAIRESICHAMBREI
ANNEXE 332
13MA11899
EXPOSE DES MOTIFSDU PROJET DE LOI AUTORISANTLE PRESIDENT DE LA
REPUBLIQUEFRANCAISEA RATIFIERLA DECLARATION DE 1899

ANNW ~~3
14DECEMBREIWI
DECLARATLONDE PRLNEITI DEVANTLA CHAMBRE DESDEPW ITALIENNE
(ExlRArn
ANNEXE 334

21JANVIER1902
DISCOURS DEDELCASSEA LA CHAMBRE DESDEPUTES
ANNEXE335
22DECEMBRE1913
RAPPORT DE LOUIS MARIN SUR LE BUDGET DU MINISTRE DES AFFAIRES
ETRANGERES 1914(EXTRAIT)

ANNEXE 336
12JUILLET 1914
RAPPORT DE LOUIS MARINA LA CHAMBRE DESDEPUTESSUR LE PROJET DE
LOI PORTANT OUVERTURE D'UN CREDIT EXTRAORDINAIRE POUR LA
DEMARCAllONDELARlONTlERE DE 1899

ANNEXE337
27SEFTEMBRE1919
INTERVENTION DEM. TITïONl DEVANTLACHAMBRE DESDEPUTESITALIENNE
ANNEXE338
II DECEMBRE1919
EXPOSE DES MOTIFS DU PROJET DE LOI PORTANT APPROBATION DE LA

CONVENnONDU 8 SEPI'EMBRE1919
ANNEXE 339
27FEVWR 1920
DECLARATIONDEM. ANDRE BERTHELOTAU SENAT FRANÇAIS. SEANCEDU 27
FEVRIER1918
ANNEXE340

31 MARS 1955
RAPPORT CORSE
ANNEXE 341
24 MAI 1955
QUESTIONECRiîE DEJACQUESBARDOUXSURCINCIDW D'AOZOU

V. -WCUMENTS DIVERS
ANNEXE 342
MARS 1955 -PROJET FRANCAIS DE PROCES-VERBAL DES CONVERSATIONS
MENDE,.-FRANCEBEN HALlM
ANNEXE343
28 NOVEMBRE 1972-LETTRE DUPRESIDENT

DE LAREPUBLIQUEDUTCHADAUCOLONELKADHAFl
ANNEXE344
10JUILLET1902-LETTRE DEBARREREA DELCASSE

B)ANNEXES COMPLUiIENTAIRES: PRODUCllONS DEFOSEESA VAPPUl DU MEMOIREDE LA
REPUBLIQUE DU TCHAD DANS L'AFFAIRE DU DIFFEREND TERRITORIAL JAMAHlRlYA

ARABE LIBYENNECITCHAD ETNONPUBLIEES

1-TRAITES
PRODU~~~ ~ ~
-26 AVRIL1915-PACTE DE LONDRES.

PRODUCTION2
- IO&YRlER 1947-TRA& DEPAIXAVECL'ITALIE. II-DOCUMENTSDIPLOMATTOUES
PRODUCnON 3
-20 MARS 1899-TÉLÉGRAMMEDE PAUL CAMBONA DELCASSÉ.
PRODUCTION4
-22JANVIER 1902-DÉPECHEDE L'AMBASSADEURWITA!J!2EN FRANCE.
PRODUCTION5
-20 AOUT 1913 -TÉLÉGRAMMEDU GOUVERNEURDU TERRITOIREDU TCHAD

AU MINISTRE DES COLONIES : RAPPORT POLITIQUE MENSUELJUIN/JUILLET
1913
PRODUCTION6
-29 DÉCEMBRE 1913 - LETTREDU MINISTREDESCOLONIESAU PR%IDENT DU
CONSEIL.MAE.
PRODUCTION7
-20 JANVIER 1914 - LETTRE DU MINISTRE DE FRANCE EN EGYPTE AU
PRÉSIDENTDUCONSEIL.MAE
PRODUCnON 8
-2 FÉVRIER 1914 -LETiRE DU MINISTRE DES COLONIES AUPRÉSIDENT DU
CONSEIL,MAE
PRODUCTION9
-7 FÉvRIER 1914-NOTE DUQUAIWORSAY SURVOCCUPATTONDU BORKOUET
DUTIBESTT.
PRODUCnON 10
- 20JANVIER 1919-LETTRE DEBARREREAUMAE.S. PICHON
PRODUCTIONII
. . .. .- 21JANVLUl1919 -TÉLÉGRAMMEDEBARREREAUMAE.S.PICHON.
PRODUCTION 12
-7 MARS 1919-LETTRE DE MACMICHAELÀ VANSiiTART.
PRODUCnON 13
-15MAI 1919 -PROCES-VERBAUXDE LACONFÉRENCEDES PRÉLIMINAIRESDE
PAIX. COMMISSION COLONIALE.
PRODUCTION14
- 28 MAI 191-PROCES-VERBAUXDELACDNF~~EWCEDESPRÉLIMINAIRES
DEPAIX. COMMISSION COLONIALE.
PRODUCTION 15
- 30MAI 1919-PROCES-VERBAUX DELA CONF-~RENCEDESPRÉLIMINAIRES
DE PAIX. COMMISSION COLONIALE.
PRODUCTION 16
- 16JUILLET 1919-DOCUMENTRÉDIGÉPARLADELÉGATIONITALIENNE.
PRODUCnON 17
- 18 DÉCEMBRE 1921 -PROTESTATION ITALIENNEADRESSÉE À LA GRANDE-
B-~~ ~NE.
PRODUCnON 18
- FÉVRLUVMARS1922-RAPPORT DUCAPITAINERO11IER.
PRODUCTION19
-7 F-~vRLER1923-NOTE VERBALEDEL'AMBASSADEUR DE FRANCÀ E ROME.
- PRODUCTION20
- ARTICLE DE M.T. TITTONI "TUNISIA TRIPOLITANIA E ITALIA" DANS "LA
NUOVAANTOLOGIA 1924. N0237PAGES 275 ETSUIVANTE.
PRODUCnON 21
- II JUlN AU 30 SEPTEMBRE 1923 - RAPPORT DU CHEF DE BATAILLON
COUTURIER. CHEF DE LA CIRCONSCRIFTION DU BORKOU ENNEDI SUR LA
TOURNÉEU(ÉCUTÉE DANS LETIBESTISEPTENTRIONAL
PRODUCTION22
- 27 MARS 1924 -NOTE DE VAMBASSADEUR ISITALIE AU PRÉSIDENT DU
CONSEIL MAE.
PRODUCTION23
- 16 JUlN 1924 - NOTE DU MlNlSTERE BRITANNIQUE DES AFFAIRES
ETRA~ ~ ~S.
PRODUCnON 24
-5 FÉVRIER1925 -1CONFINIMERLDIONALEDELLALlBlA.
' PRODUCTION25
-23 FÉVRIER1928 -NOiF SURLESFRONTIERESMERIDIONALESDELALIBYE.
PRODUCTION26
- 9 MARS 1929 -LETTRE DU GOUVERNEUR DU TCHAD AU OOUVERNEUR
GÉNÉRALDECAEF.
PRODUCTION TI
- 17AVRIL 1929-LETTRE DUMINISTRE DES COLONIES AU MAE.
PRODUCTlON28
- 19 AVRIL 1929 - RAPPORT DU LIEUTENANT MEAR SUR LA PATROUILLE
ExÉcI~TÉE DU 21 AU27JANVLER1929DANSLAR~ION DEWHONE.
PRODUCTION29
- 22JUILLET1929 -T~LÉGRAMMEDU MAEAU RÉSIDW GÉNÉRAL A TUNIS.
PRODUCTION30
- 2 AOUT 1929-LFnaE DUMINISTRE DES COLONIES AU MAE.PRODUCTION31
-II FÉVRIER1930-DEPECHEDUGOUVTXNEMENTABRA7ZAVlLLS
PRODUCTION 32

Punnllrnn~ -17FÉVRIER1930 -DÉPECHEDEBRAZZAVILLEAUMINlSTEREDES COLONIES.
.-.- ~~.. ..
- 17 FÉVRIER 1930 -DÉPECHE DE CARDE A DAKAR. AU MINISTERE DES
COLONIES
PRODUCTION %
-18FÉVRIER1930 -ARRETÉ RELATIF AURAITACHEMENTDUTIBESTIÀ L'AEF.
Punnllrn~~.. ..
-20FÉVWER1930 -LFTTREDEL'AMBASSADE DE FRANCE À ROMEAU MAE.
PRODUCTION36
-4 MARS19m -DÉPECHEDEGUANGLIAÀ L'AMBASSADEDITALIE À PARIS.
PRODUCTION 37
-10MARS 1930 -DÉPECHEDU QUAI D'ORSAY SURLES EFFEcnrS DE L'ARMkE
FRANCAISEAU nsmn ETAU KAOUAR.
PRODUCnON 38
-14MARS1930-NOTE DUMINISTREDESCOLONIES.
PRODUCTION39
-22 MARS 1930-LETiF'.EDUMINISTRE DESCOIDNIES AUMAE.
PRODUCTION40
-7 AVTUL1930 - LETTRE DE GUARlGLIAAU MMISTRE ITALIEN DES AFFAIRES
EIRANGERFSGRANDI
PRODUCnON 41
-193011937-JOURNAL DUPOSTED'AOWU.
PRODUCTION42
-18AVRIL 1930-DÉPECHEDUMAEGRANDIÀ L'AMBASSADED'ITALLEÀ PARIS.
PROnll.nO- 43
-19MAI 1930 -LFITRE DE L'AMBASSADED'ITALIEÀ PARISAU MINISTFJE DES
AFFAIRESETRANGERES
.PnnllmN ..
-IUW 1930 -FiUDE SUR L'OCCUPATION TURQUE AU BORKOU DANSLETIBESTI
ETLZNNEDIDE 1~11~ ~ ~ ~ ~ ~
PRODUCTION45
-IER AOWT1930-BORDEREAUDZNVOl DURAPPORT SURLA RÉOCCUPATION
DUTIBESTI PARLESTROUPES DECAEF.
PRODUCnON ~ 4~
-24 DOCEMB R9E0-RAPFORTSUR L'CCCUPATIONDU WESTI AU COURSDE
LACAMPAGNE1930/1931.
PRODUCTION 47
-1931-~ORANDUM FRANCAISDE 1931U~T~TULÉ "TCHADWBW.
PRODIICnON 48-
- 15 MAI 1931- RAPPORT SUR LA SITUATION POLITIOUE DU B.E.T. - !ER
TRU63TRE 1931-.
PRODUCnON 49
-ZOIUU.LEI 1931-*ORAMME DUMAEÀ L'AMBASSADEUR DE FRANCE
À ROME.
PRODUCTION50
- II DÉCEMBRE 1931 - NOTE DU MINISTERE ITALIEN DES AFFAIRES
ETRANGERESAUMlNlSTEREITALIENDESCOLONIES.
PRODUCIIONSI
-13AVRIL 1932- LFlTRE DEGUARlGLIAAUMINISTERE DES COLONIES.
PRODUCTION52
-23 AVTUL1934 -LFlTRE DU MINISTERE ITALIENDES COLONIES AU MMISTERE
ITALIEN DES AFFAIRESETRANGERFS.
PRODUCTION53
- 193-MEMOIR D ELACAD- DESSCIENCESDEL'IN~ DEWCE.
PRODUCnON 54
- 27 JANVIER 1935- TÉLÉGRAMME DE L'AMBASSADE D'ITALIEÀ PARIS AU
MINISTERE ITALIENDES AFFAIRESETRANGERES.
PRODUCTION55
-5 JUIN1935-TÉLÉGRAMMEDEL'AMBASSADEVITALE A PARlSAUMINISTERE
ITALIEN DES AFFAIRES ETRANOUIES.
PRODUCTION56

-9 JUIN 193-TÉLÉGRAMMEDUMAEÀ L'AMBASSADED'ITALIEÀ PARIS.
PRODUCTION57
-3 SFJT£MBRE 1935 -DÉCISIONORGANISANTLA SUBDIVISION DE BORKOU ET
NOMMANT LE CHEF DUCANTON.
PRODUCTION58
- MARS 1937 -RAPPORT D'ENSEMBLEOU LIEUTENANTGUINOT DU G.N.E. SUR
LES RÉGIONSESTDEL'ENNEDL.
PRODUCIION59
- 17 MARS 1937 - TÉLÉGRAMME DE LAMBASSADE D'ITALIE À PARIS AU
MINlST!3€ ITAUW DES AFFAIRESEIRANGERES.PRODUCTIONM
-21 MAI 1937 -DÉPECHE DE CAMBASSADE D'ITALIEÀ PARIS AU MINISTERE
ITALIENDES AWAIRESETRANGERES.
PRODUCTION61
-26 MAI 1937-DBPECH DEUGOWERNEUR DELIBYEBALBO AUMIMSTERE DE
L'AFRIQUEITALIENNE.
PRODUCTION62
-5JUIN 1937-TÉLÉGRAMMEDECAMBASSADEPITALIE À PARISAU MINISTERE
ITALIENDESAFFAIRESETRANGERES.
PRODUCTION63
- 9 JUlN 1937 -TÉLÉGRAMME DU MINISTERE ITALIEN DES AFFAIRES
ETRANGERESÀ L'AMBASSADED'ITALIEÀ PARIS.
PRODUCTION 64
-28 JUIN 1937 -TÉLÉGRAMME DE L'AMBASSADE D'ITALIE A PARIS AU
MINISTEREITALIEN DESAFFAIRES ETRANGERES.
PRODUCTION65
-3 JUILLET 1937-TÉLÉORAMMEDU MlNlSTERE DE CAFRIQUE ITALIWNE AU
MAE.

PRODUCTION 66
-13 JUILLET 1937-TÉLÉGRAMMEDE L'AMBASSADE D'ITALIE AU MINISTERE
ITALIENDES AFFAIRESETRANGUIES.
PRODCUTION~7~
-14JUILLET1937 -DÉPECHEDUMAE AL'AMBASSADED'ITALIE À PARIS.
PRODUCTION68
-22JUILLET 1937-TÉLÉGRAMMEDECAMBASSADE D'ITALIEÀ PARISAU MAE.
PRODUCPION69
- 29 JUILLET 1937- DÉPECHE DU MINISTERE ITALIEN DES AFFAIRES
ETRANGERESAUMlNlSTERE DESCOLONIES.
PRODUCTION70
-6 AOUT 1937-DÉPECHEDUMAEAUMINISTEREDEL'AFRIQUEITAUENNE.
PRODUCTION71
-Z oCroBRE 1937-TÉLÉGRAMME DELAMBASSADEDTTAUEÀPARIS AUMAE
PRODUCTION72
-22DÉCEMBRE1937. TÉLÉGRAMMEDECAMBASSADEDITALIE A PARIS
AUMAE.
PRODUCTION73
-27 DÉCEMBRE 1937 - DÉPECHE DU MAE AU MINISTERE DE CAFRIQUE
ITALIENNE.
PRODUCiION 74
-10JANVIER1938 -DÉPECHEDUMINISTREDECAFRlOUEITALIENNEAUMAE.
PRODUCTION75
-18AVRa 1938 -T6LÉGRAMMEDUGOUVERNEURDE LIBYE. ITALO.BALBO
AU MMISTEREDE CAFRIQUEITALIENNE.
PRODUCTION 76
-22AVRIL 1938-TÉLÉGRAMMEDUMlNlSTEREDECAFRIQUEITALIENNE
AUGOUVERNEURDE LIBYE.
PRODUCTION77
-26 AVRIL 1938 - TÉLÉGRAMME DU MINISTERE ITALIEN DES AFFAIRES
ETRANGERESÀ CAMBASSADE D'ITALIE À PARIS.
PRODUCnON 78
-24JUIN 1938-ARR& PORTANTCONST~~ON DUCANTONWAOZOU.
PRODUCTION79
-24 JUlN 1944-ARRETÉ PORTANT RÉVOCATION DU CHEF DU CANTON DE
WUROUAS.
PRODUCnON 80
-28 SEPTEMBRE 1945-RAPPORTSECRETDULIEUTENANTBARTHELEMY
AU SUJETDUN RUZOU ENMARCHESUR AOZOU.
PRODUCiION 81
- 9 JUILLET 1987 -PREMIER RAPPORT DES EXPERTS JURISTES
CARTOGRAPHES
PRODUCTION82
-27JANVIER1988 -RAPPORTDUSOUS-COMITÉDESEXPERTSJURISTES
ET CARTOGRAPHES(II)
II-DOCUMENTSD'ADMINISTRATIONINTERNE
.ROr>.JCTIO. ..
-18 JUIN 1947. RAPPORT SUR LA SITUATION POLlTlOUE DU DISTRICT DU
nsmn (IER SEMESTRE 1947).
PRODUCTION 84
-15DÉCEMBRE1947-RAPPORTSURLASIIVATION POLITIQUEDUDlSTRlCl
DUTIBESTI(ANNÉE19471.
PRODUCnON 85
-16 JUlN 1948.RAPPORT SUR LA SITUATION POLITIQUE DU DISTRICT DU
TIBESTI(IER SEMESTRE1948).PRODUCTION86
-RAPPORTSURLASITUATIONPOLITIQUEDUDISTRICT

(ANNÉE1949).
PRODUCTION89
. !ER JUILLET 1950-RAPPORT SURLA SITUATIONPOLITIQUEDUTIBESTI
(II2 SEMESTRE 1950).
PRODUCTION W
-1950-WPORT POLITIQUEANNUELSURLE~BESTI (ANN~E1950).
PRODUCTION91
-17JUILLET 1951-RAPPORTSURLASINATION POLITIOUEDUTlBESn

PRODUCTION92
-1951-RAPPORT POLITIQUEANNUELSUR LEnsESn (ANNE€ 1951).
PRODUCTION93
-8JANVIER 1953-RAPPORT POLITIQUEANNUELSUR LE TIBESTI(ANNÉE1952).
PRODUCTION94
-31 D~CEMBREL953 -BULLFiIN POLITIQUESURLETIBESTI(AN- 1953).
PR.--r.. .. . -. .
.IER JANVIER1954-REGISTRE DESDÉLIBÉRATIoNs DUCONSEILDENOTABLES

DU B.E.T.
PRODUCTION %
-16 MARS 1954-AR& DUGOUVERNEURDE LAFRANCED'OUTRBrER. CHEF
DU TERRITOIRE DU TCHAD PORTANT COMPOSITION DES CONSEILS DES
NOTABLESDUTERRIMIRE DUTCHAD.
PRODUCTION97
-AVRIL 1954-JOURNAL DUPOSTEDUB.E.T.(AVRIL 1954).
PRODlllTln.. ..
-JANVIER 1955-WPORTPOLITIOUE MJ3'SUU. DUDISTRICTDUBORKOU
PRODUCTION W
-10JANVER 1955 - RAPWRTPOLITIQUE ANNUELSUR LETIBESTI(ANNÉE1954).
PRODUCTIONIM
-29[?1MARS 195s-BULLETINmLmouE MENSUELSURLE BORKOU.
PRODUCTION 70;
-2sIUIN1955- BULL~N mmIQm MENSUELSURLEBORKOU (nm 1955)
PRODUCTION 102
-16SEFTEMBRE1955 - LEITRE DU MINISTREDE FRANCE EN LIBYE. JACQUES
DUMARCAY AU PRÉSIDENT DU CONSEIL MAE RAPPORTDU REPR~SENTANT
PERMANE~ DE LAMISSION DECO.N.U.À~~IPOLI.
PRODUCTION 103
-IER DÉCEMBRE1955 - BULLETINPOLITIQUE MENSUEL SURLE DISTRICTDU

BORKOU(NOVEMBRE 1955).
PRODUCTION104
-1956-RAPPORTSURLEB.E.T. 1955-1956.
PRODUCTION105
-10JANVIER 1956- RAPPORTPOLITIQUEANNUELSURLE TIBESTI.
PRODUCiION 106
-24 OCTOBRE 1956 -BORDEREAUISENVOIDE DIFFÉRENTESPIECESRELATIVES
AU TRAFIC D'ARMES. PIECES AORESSÉES AUX CHEFS DES DISTRICTS DE
BORKOU.ENNEDIET DU nwsn ETAUCOLONELCOMMANDANTLEG.S.T.
-4 D~CEMBRE1956 -BORDEREAU D'ENVOD I UN? PIECERELATIVE
AU TRA~C D.ARMESADRESS~E AUX CHEFS DE DISTRICIS DU BORKOU. DE
CWNEDI ETDU TIBFSTI.
-31JANVIER1957 -ETATDES ARMES SAISIESW JANVIER 1957PARLE G.N.B.T.2.
-2 MARS 1957-ETATDES ARMESSAISIESEN&VRIER 1957PARLE GN.B.T.2.
-5 MARS 1957 -LEITRE DUCHEFDERÉGIONDUB.E.T.AUCHEFDUTERRITOIRE
DUTCHAD.
-18MARS 1957-COPIE DELA LFITRE NON-REÇUE DU26.12.1956RoLATIVE AUX
RnNS.D--CAISSE REPR~SENTA...~~LA R&lRIBUT~~ ~ ~ ~INFORMATEURS SUR
LE TRAFICPARMES TRANSMISEAUCHEFDERÉGIONDUB.E.T.
- 21 MARS 1957 - LETTRE DU CHEF DE RÉGION DU B.E.T. AU CHEF DU
TERRITOIREDUTCHAD
-25 MARS 1957-COPIE DELALRTRE DU26.12.1956TRANSMISEAUXCHEFS DES

DISTRICTS DU BORKOU. DE L'ENNEDI ET DU TIBESTI ET AU COLONEL
COMMANDM LEG.S.T.
- 26 MARS 1957 - LETTRE DU CHEF DE RÉOION DU B.E.T. AU CHEF DU
TERRITOIREDUTCHAD
- 29 MARS 1957 - LETTRE DU CHEF DE RÉGION DU B.E.T. AU CHEF DU
7oRRiTOIRE DUTCHAD.
m...PRODUCTION107
-31DÉCEMBRE1956 -RAPPORTPOLITIQUEANNUEL SURLETIBESTI
PRODUCTION108
-8lUlN 1957-PROEES-VERBALDE LA &UNION DU CONSEILDESNOTABLES.
PRODUCTION109
- 14JUIN 1957- LETPRE DU LIEUTENANT COLONEL GOVILLE. AU DCLÉGUÉ
DANS LESFONCnONS DUGOUVERNEURDU TCHAD.
PRODUCnON 110
- 26 SEPTEMBRE 1957 -LETTRE DU DÉLÉOUÉ DANS LES FONCTIONS DE
GOUVERNEURDU TCHAD AU CHEFDERÉGION DU B.E.T. +UNE SÉRIED'AUTRES
DOCUMENTSRELATIFS A L'ATîRIBUTION D'UN TERRAIN À USAGE DE CHAMP
DETIR.
PRODUCTION111
-31DÉCEMBRE 1957 -RAPPORTPOLITIOUEANNUEL POUR 1957SURLETIBESTI.
PRODUCTlON112
-1957-RAPPORT DEFIN DE MISSION(MISSIONHOOOAWTIBESTI).
~RnnlrrnnN . ..
-8JANVIER 1958-FICHE DERENSEIGNEMENTSSURLE TaALlC D'ARMES

-28 F6.VRIER 195U- AURE~ RELATIF A LA NOMIUAIION DES PRéSIDEflS
SUPPLf.ANTS. DES ASSESSEIIUSTITUI.AIRES. DES ASSESSEURSADJOINTS ET
DES SF<:KI?TAIRFS AUPRF.S UES TRIRIINAUX DU DtUXIb.%lE UEGR* I>G

TERRITOIREDUTCHAD POURL'ANNÉE 1958.
PRODUCTION115
- II SEFTEMBRE1958 -UnaAIT DU RAPPORTDE LA MISSION ASTRONOMIQUE
AU NORD-TCWAD1957.58-(CHEFDEMISSION: DARRIBERE).
PRODUCTION116
-NOTICE EXPLICATIVEDE LA CARTE GÉOLOGIQUE PROVISOIREDU B.E.T.
PRODUCnON 117
-1958-RAPPORT POLITIQUEANNUELSUR LE B.E.T. (1958)
PRODUCiION 118
-195811959-B.ORDEREAUXD'ENVOI DU MATÉRIEL AUX ÉCOLESDE BROUSSE +
DIFFÉRENTSEiATS DELA FRÉQUENTATION.
PRODUCTION119
-24IUIN 1959-EXTRAIT DU RAPPORTDE MISSION NIVELLEMENT-CQUIPEMEN~
DU NORD-TCHAD 1958-59(CHEFDEMISSION: VILLARD).
PRODUCTION 120
-10OCrOBRE 1960 -LEiTRE DE ClNSPEClEUR DE L'ENSEIGNEMENTPRIMAIRE
AU DIRECTEURDEC~COLE DEBARDAI.
PRODUCTION121
- 1960-PLAN DE NOMADISAIION DES UNITÉS MCHARISTESPOURLA P~ODE
D'AVRIL À SEF'TEMBRE1960.
PRODUCnON 122
-1962-WCUMENT RETRACANT!2HISTORIOUEDUPOSTED'AOZOU.
PRODUCTION123
-196311962-RAPPORTDEFINDE MISSION(LANGLOIS)
PRODUCnON 124
- 17JANVLER 1964- LETiRE DU PRÉ~ DU B.E.T. AU DlRECiEUR DE L'OFFICE
NATIONAL DETOURISME TCHADIEN

PRODUCTION125
-3 MARS 1964-LETInE DU PRÉFFI.DU B.E.T.AU MINISTREDECINTÉRIEUR.
PRODUCTION126
-21MAI 1962- LETTREDU PRÉFEI DU B.ET. AU SOUSPRÉFFî DUTIBESTI ET
AU CHEFDEPOSTEDEZOUAR.
PRODUCTION127
-16JUlN 196.- LEnaE DU PREFET DU B.E.T.AU MINISTREDEL'INTÉRIEuR.
PRODUCTION128
-OCTOBRE 1965-RAPPORTDE GENDARMERIE.SVNTHESEMENSUELLE.
PRODUCTION129
-15OCrOBRE 1965-RAPPORTDEGENDARMERIE.SYNTHESEMENSUELLE.
PRODUCTION130
- 20 JANVIER 1966 - BULLETIN ÉCONOMIQUE MENSUEL DE LA SOUS-
P&FEC~URE DUTIBESTI.
PRODUCnON 131
-20 JANVIER 1966- BULLETIN POLinOUE MENSUEL DE LA SOUS-PR~FECNRE
DUTIBESTI.
PRODUCTION132
-20 FÉVRIER 1966 -BULLETIN ÉCONOMIQUE MENSUEL DE LA SOUS-
PRÉFE~E DU TIBESTI.
PRODUCTION133
-20 Fl?VRIER 196- BULLETIN POLITIQUE MENSUEL DE LA SOUS-PRÉFEC~URE
DUTIBESTI.
PRODUCTION134
-20 AVRa 1966 -BULLETIN POLITIQUE MWSUEL DE LA SOUS-PRÉFECTUREDU
TIBESTI.PRODUCTION 135

- 17 MAI 1966-BULLETIN POLITIQUE MENSUEL DE LA SOUS-PRgFEFECiURD EU
TIBEST~~
PRODUCTION 136
- 20NIN 1966- BULL- POLITIQUEMENSUEL DELA SOUS-P&FECI~JRE DU
T---ST...
PRODUCTION 137
- 24 JUILLET 1966-BULLETIN POLITIQUE MENSUELDE LA SOUS-PdFECTURE
DUTIBESTI.
PRODUCTlON 138
- 24 AOD7 1966- PROCES-VERBAL DELA PASSATIONDE SERVICE DELA SOUS-
PRÉFEcTVREDUTIBESTI.
PRODUCTION 139

- 31 AOUT 1966- BULLETINPOLITIQUEMENSUEL DE LASOUS-PR~FEFEC~UR DU
TIBESTI.
PRODUCTlON 140
- 25 SEPTEMBRE 1966 -BULLETIN POLITIQUE MENSUEL DE LA SOUS-
P&W DU mun.
PRODUCTION 141
- 18 OCTOBRE 1966 - TABLEAU R~CAPITULATIF DU PERSONNEL DE
ENSEIGNEMENT AU SERVICEDANSLEB.E.T.
PRODUCTlON142
- Il NOVEMBRE 1966 -BULLETIN POLITIQUE MENSUEL DE LA SOUS-
PR6FECrURE DUTIBESTI.
PRODtJ(710N 1~-
22 NOVEMBRE 1966 -LETTRE DE L'INSPECTEUR DE L'ENSEIGNEMENT

PRIMAIREAUPRÉFETDUB.E.T.
PRODUCTION 144
- 24 NOVEMBRE 1966 -BULLETIN POLITIQUE MENSUEL DE LA SOUS-
PRÉFECiURE DUTIBESTI.
PRODUCTION 145
- 25 IANVIER 1967 - TABLEAU R~CAPITULATIF DU PERSONNEL DE
LWSEIGNEMENT ENSERVICEDANSB.E.T.
PRODUCTION 146
8FÉVRIER 1967 -RAPPORT MENSUELDE L'INSPECIEUR DE LENSUGNEMENT
PRIMAIREDUB.E.T.
PRODUCTION147
- 23 MAI 1967- L- OU SOUS-PRÉFEI ADJOINT DU TIBESTI À BARDAI AU

PRÉFETDU B.E.T.
PRODUCITON148
- 21 SEPTEMBRE 1967-TABLEAU DU RECENSEMENT DE L'ENSEMBLEDE LA
POPULATIONDUB.E.T.
PRODIIC..~-~4~~
- SMJlOBRE 1967 -DÉCISIONDU PRÉFETDUB.E.TPORTANTAFFFCiATION DES
MEMBRES DU PERSONNELWSEIGN~ DANS LES DISTRICTSDUBORKOU. DE
L'ENNEDIFi DUTIBESTI.
PRODUCTION 150
- 27 FÉVRIER 1968 -MESSAGE DU PREFET DE LARGEAU AU SOUS-PR~FET À
BARDAI.
PRODUCïlON 151
- 4 MAI 1968- BULLETIN POLITIQUE MENSUELDE LA SOUS-PR~FECTUREDU

BORKOU.
PRODUCTION152
- 9 NOVEMBRE 1968 - RAPPORT MENSUEL DE L'INSPECTEUR DE
L'ENSEIGNEMENT PRIMAIREDUB.E.T.
PRODUC~~ ~153
- 30 JANVIER 1971 -RAPPORT DE FIN D'ANN~E SCOLAIRE 1969-1970 SUR
ENSEIGNEMENTÉL~MENTAIREDUB.E.T.
PRODUCTION 154
- IS JUILLET 1971 -RAPPORT DE FIN D'ANNÉE SCOLAIRE 1970-1971 SUR
L'ENSEIGNEMENTÉL~~TAIRE DUB.E.T.
PRODUCTIONISS
- 8 AVRa 1974 -M~SSAGEDE1.ISSPECIFUR DEL ENSKIGSEIIEhl PRIMAIREDti
B.E.T.À I:AYA AU DIRECTEUR DI1 CENTRE 1)' PERFECTIONSEIIEST

P~DAG~GIQUEDENDIAMESA DFS kTATSDE !A FREQLIENTATlO'iS<:UIAIRE
PRODUCTION 156
- RAPPORTD'EN: SEMBLESURLE nsmn EMVEDI
PROOUCnON 157
- NCTEDUBUREAU DELZUROPE MÉDITERRANÉENNEAUMAE.
PRODUCTION158
- D~PECHEDUMAEÀ L'AMBASSADEDTTALIEÀ PARIS.
IV -DOCUMENTS DES NATIONS UNIES
A -RESOI.UTION
PRO~?~?~ON 159
- A/RESl387(V). 17 NOVEMBRE 1950 - LIBYE : RAPPORTDU COMMISSAIRE DES
PUISSANCE$ADMINISfRAKiES DELIBYE PRODUCTION160
-AIRESI5IS(VI).IER &M(IER 1952-LIBYE : RAPPORANNUEL DUCOMMISSAIRE
DES NATIONS UNIES EN LIBYE ; RAPPORT ANNUEL DES PUISSANCES
' ADMIMS7RAIIIZS EN LIBYE.
PRODUCTION 161
-A/RES/516(VI). RECTIFICATION QU'IL CONVIENDRAIT D'APPORTER AUX
FRONTERES ENTRELEGYPiE. LE ROYAUMEUNI DE LIBYE.COMPiE TENU EN
PARTICULIER DES PARAGRAPHES 2 ET 3 DE L'ANNULEXI DU TRAIT6DE PAIX
AVECIIITALIE.
PRODUCTION 162
-S/RES/ 23 AOUT 1960-ADMISSION DE LA&UBLIQUE DU TCHAD A C0.N.U.
(DOCO.N.U.SI4463)
PRODUCTTON163
-A/RES/1485(XV). 20 SEPTEMBRE 1960 -ADMISSION DE LA RÉPUBLIQUE DU
TCHAD A C0.N.U.
B-AUTRE5DOCUMENTS
PRODUCTION IM
-U.N. DOC. AI645. "DEMANDED'INSCRIPTIONDUNE NOUVELLEQUESTION A
L'ORDREDU JOUR DE LA TROlSlEME SESSION ORDINAIRE DE L'ASSEMBL~E
G~N~RALE".
PRODUCTION 165
-1948-194-YEARBOOKOF THEUNITEDNATIONS.P. 256.
PRODUCTION 166
-II NOVEMBRE 1949 -U.N. DOC. AIC. llSR.323. FlRST COMMITTEE. 323RD
MEETING.
PRODUCTION 167
-21 NOVEMBRE 1949 -U.N.WC AIPV.249.GENERALASSEMBLY. 249THPLENARY
MEEnNG.
PRODUCTION 168
- 21 NOVEMBRE 1949 - U.N. DOC. AlPV.250. GENERAL ASSEMBLY. 250TH
PELNARYMEEnNG.
PRODUCTION169
- 1950- U.N. DOC. Al1388. REPORT OF THE INTERlM COMMITTEE OF THE
GENERALASSEMBLY.
PRODUCTION 170
9 OCTOBRE 1950 -DOCUMENT DES NATIONSlJNLESAIAC.381SR.7.
PRODUCTION 171
- 10OCTOBRE1950 -DOCUMENTDESNATIONSUNIFSAIAC.38BR.8.
PRODUCTION 172
- IOOCTOBRE1950-DOCUMENTDES NATIONSUNIFSAIAC.381SR9.
PRODUCTION173
- 18OCTOBRE1950-DOCUMENTDES NATIONSUNIESAIAC.38lSR.16.
PRODUCTTON174
- 19OCTOBRE1950 -DOCUMENTDESNATIONS UNIESAIAC.38BR.17.
PRODUCTION 175
- 13DÉCEMBRE1950- DOCUMENT DES NATIONSUNIESAIAC.38BR.81
PRODUCTION176
- 195-WCllMWT DES NATIONSUNIFSAl1949.
PRODUCTION 177
-1951-WC[IMENTDfSNATIONS UNlESN1970.
PRODUCTION178
-1951-DOCUMENT DESNATlONSUNIESAf2074.
PRODUCTION 179
-23JANVIER 1951-DOCUMENTDES NATIONSUNES AIAC.53lSR.48.
-~~--- - ~ ~ ~.~

PRODUCTION 181 JANVIER 1951-DOCUMENTDES NATIONS AIAC.531SR.53.
-16AOUT 1960 -DOCUMENï DES NATIONSUNES SI4434.
.~~.-.-I~~-~...
-17AOUT 1960 -DOCUMENTDES NATIONSUNES N4436.
PRODUCTION 183

-23AOUT 1960 -DOCLIMUIT DES NATIONS UNIESSffVSW.
PRODUCTTON184
-23 AOUT 1960-DOCUMENTDES NATIONSUNIESSPV891.
PRODUCTION185
-23 AOUT 1960-DOCUMENT DESNATlONSUNES S14463.
PRODUCTION 186
-20SEPieMBRE 1960 -DOCUMENT DES NATIONSUNES An.3C4.
PRODUCTION 187
-20SEPTEMBRE 1960 -DOCUMENTDESNATIONS UNIESAIPV.ôE4.
PRODUCTION 188
-20SEPlPMBRE 1960 -DOCUMENT DES NATIONSUNIESAIPV.865.
PRODUCTION 189
-21SEPTEMBRE1960-DOCUMENTDESNATIONSUNIESAIPV.866.
PRODUCTIONIW
-6OCTOBRE 1971 -DOCUMENTDESNATIONSUNES AIPV.1955.
PRODUCTION 191
-IZOCiOBRE 1971 -DOCUMENTDESNATIONSUNIESAIPV.1963. -8IXTOBRE 1976 -DOCUMENTDESNATIONSUNIESAnlPV.23.
PRODUCTION 193
-7 OCTOBRI21977 -DOCUMENTDESNATIONS UNIESAnYPV.25.
PRODUCTION194
-9 FÉVRIER1978-DOCUMENTSDES NATIONS UNIESSlI2553. S112554.SI12555
PRODUCTION 195
- 17FÉVRER 1978 -DOCUMENT DES NATIONSUNlESSl12565.
PRODUCTION190

PRODUCTIONI5l
- 19FÉVRIER1978 -DOCUhENt DESNATIONS UNIESS114318.
PRODUCTION1~8~ ~ ~
- 21-22FÉVRIUI 1978-DOCUMENTSDES NATIONS UNIESS112570.Sl12572.S112573.
PRODUCTION 199
- 9 OCTOBRE1978-DOCUMENTSDE3NATIONSUNIESSl12888.SI12889
PRODUCTION2W
- 12OCTOBRE 1978-DOCUMENTDES NATIONS UNIESAn3PV.33.
PRODUCTION 201
- 13OCTOBRE 1978 -DOCUMENTDESNATIONS UNIESAn3PV.34
PRODUCTION 202
- 20 FÉVRIER1981-DOCUMENT DES NATIONSUNIESSl14380.
PRODUCTION203
- 7 OCTOBRE 1981-DOCUMENT DES NATIONS UNlES AnWV.30
PRODUCTION2û4
- 13OCTOBRE 1982-DOCUMENTDES NATIONS UNIESAn7iPV.30
PROnUCTION205-~-
16-17MARS 1983-DOCUMWS DES NATIONS UNIESSl15.443.SI15644
PRODUCTION206
-22 MARS 1983 -WCUMENTDES NATIONS UNIESSil5649.
PRODUCTION -22 MARS 1983 -DOCUMENTDESNATIONS UNIESSPV.2419.
PRODUCTION 208
-31 MARS 1983 -WNMENT DES NATIONS UNIESSiPV.2428.
PRODUCTIONM9
- 31MARS 1983 -DOCUMENT DES NATIONS UNIES SPV.2429.
PRODUCTION210
- 31MARS 1983 -DOCUMENTDESNATIONS UNIESSl15672.
PRODUCTION211
-6 AVRIL 1983-DOCUMENT DES NATIONS UNIES SlPV.2430.
PRODUCTION 212
-6 AVRU 1983 -DOCUMENT DES NATIONS UNIES S115688.
PRODUCTION213
- 19MAI 1983-DOCUMENTDES NATIONS UNIESS115775.
PRODUCTION 214
- 2 AOUT 1983-DOCUMENTDESNATIONS UNIESS115902.
PRODUCTION215
- 3 AOUT 1983-DOCUMENT DES NATIONS UNIES SPV..2462.
PRODUCTION216
-4 AOUï 1983-DOCUMENTDESNATIONS UNIESSiIrmi.
PRODUCTION 217
- II AOUT 1983-DOCUMENTDESNATIONS UNIESSPV.2463.
PRODUCTION ~1-~~
- II AOUT 1983-DOCUMENTDESNATIONSUNlESSl15928.
PRODUCTION 219
- 12AOUT 1983 -WCtlMENT DES NATIONS UNIESSPV.2465.
PRODUCTION 220
-16AOUT 1983 -DOCUMENT DES NATIONS UNlES SPV.2467.
PRODUCTION 221
-18AOUT 1983 -DOCUMENT DES NATIONS UNIES S115935.
PRODUCTION 222
-31 AOUT 1983-DOCUMENTDES --TIONS UNIESSIPV.-.69.
PRODUCTION223
-31JANVIER 1984-DOCUMENTDES NATIONSUNlESSl16303.
PRODUCiION 224
-3FÉVRIER1984 -DOCUMENTDESNATIONSUMES Sl16308.
PRODUCTION225
-9 OCTOBRE 1984-DOCUMENTDES NATIONS UNIESAB9.PV.27
PRODUCTION226
-28JANVlER 1985-DOCUMENTDES NATIONSUNlESS116906.
PRODUCTION 227
-28 JANVIER 198- DOCUMENT DES NATIONS UNIES SI16911
PRODUCTION228
-30JANVIER 1985 -DOCUMENT DES NATIONS UNIES SPV.2567. PRODUCTION229

-5 FÉVRIER1985-DOCUMENTDESNATIONSUNIESSl16942.
PRODUCTION230
-IOOCTOBRE 1985 -DOCUMENTDES NATIONS UNIESN4llPV.29.
PRODUCTION 231
-10OCTOBRE 1985-DOCUMENTDESNATIONSUNIESN40lPV.31
PRODUCTION 232
-18FÉVRIER1986- DOCUMENT DESNATIONSUNIESSl17837.
PRODUCTION233
-14NOVEMBRE1986- DOCUMENTDESNATIONSUNE Sl18456.
PRODUCTION 234
-19NOVEMBRE 1986 -DOCUMENTDESNATIONSUNIESSiPV.2721
PRODUCTION235
-12OCTOBRE 1987 - DOCUMENTDESNATIONS UNIESN42ffV.25.

PRODUCTION . -.~
-5OCTOBRE 1988-DOCUMENTDES NATIONS UNIESA143iPV.16.
PRODUCTION237
-20OCrOBRE 1988 - DOCUMENTDESNATIONS UNlESN43ffV.31.
PRODUCTION 238
-7 AOW 1989- DOCUMENTDESNATIONSUNIESN441418.
PRODUCTION 239
-13OCTOBRE 1989-DOCUMENT DESNATIONS UNIESNWV.24.
V -DOCUMENTSPARLEMENTAIRESINTERNES
PRO~-CTION2~0-
-II AOUT 1890 - DÉCLARATION DU MINISTRE ANGLAIS DES AFFAIRES
EIXANGERESÀ LACHAMBRE DES LORDS.

PRODUCTION 241
-2 NOVEMBRE 1890 .D~CLARATION DU MINISTREFRANCAIS DES AFFAIRES
ETRANGERES A LACHAMBREDES D~PuTES.
PRODUCTTON242
-21JANVIER1992-DISCOURS DEDELCASSÉDEVANTLACHAMBRE FRANÇAISE
--. --. . .-.~
PRODUCTION243
-18NOVEMBRE1920-RAPPORT DUDÉPUT~EDOUARD SOULIERÀ LACHAMBRE
DES DÉPUTÉS SUR LE PROJET DE LOI PORTANT APPROBATION DE LA
CONVENïïON DU8SEmMBRE 1919.
PRODUCTION244
-RAPPORT FAITAU NOMDE LA COMMISSION DESAFFAIRESETRANOERESPAR

ANDR~FRIBOURGSURLACCORDSIG& À PARIS LE12SEPTEMBRE1919
PRODUCTION245
- 22 D~CEMBRE 1921 -RAPPORT FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES
AFFAIRES ETRANGERES DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS PAR EDOUARD
SOULIER SUR LE PROJET DE LOI PORTANT APPROBATION DE L'ACCORD
FRANCO-ITALIENDU 12 SEmEMBRE 1919.
VI.-DOCUMENiS DIVERS
PRODUCTION246
- CARTE "ANNU(ÉE' A LA D~CLARATIONFRANCO-BRITANNIQUEDU 21 MARS
.",,.
PRODUCnON 247
- ~ ~TE~ENSTUS PERTHEStÉDlTlON DE 1891-1892L

PRODUCTION 248
- CARTE LS~AT-MAIOR FRANÇAISE. "AFRIQUE.&GION CENUALE. FEUILLES
No 12.13.19.20ET27"(ÉDiiION 18%).
PRO.. . -~--.. .
CROOUlSBRlTANNlOUEILLUSTRANT LES DEMANDES FRANCAISESDE 1948.
PRODUCTION 250'
ACCORDBOUTROS 1CROMER
PRODUCTION 251
IER JANVIER 1937-NOTE DU MAE(SOUS-DIRECTIONAFRIOUE-LEVAKD
PRODUCTION252
24 JANVIER 1935 - LES ACCORDSDE ROME DU 7 JANVIER 1935 - QUESTIONS
COLONIALES.
PRODUCTION253

6 MARS 1935-NOTE DE LA SOUS-DIRECTION AFRIQUE-LEVANT POURLA SOUS-
DIRECTION D'EUROPE
PRODUCTION254
22MARS 1935 -U[R3S6 DES MOTIFS DUPROJETDELOIPORTANT APPROBATION
D'UN iRAITÉ F.NlRELA FRANCE FT L'ITALIEPOUR LE REGLEMENT DELEURS
&RFiS ENAFRIQUE.
PRODUCTION 255
DOCUMENT ITALIEN. CORSODI DIRRiiO COSTlTUZlONALE
PRODUCTION256
WCUMENT ITALIEN -GUARlGLlA(RAFFAELE): RICORDI1922 - 1946.

Document file FR
Document
Document Long Title

Mémoire du Gouvernement de la République du Tchad

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