Requête introductive d'instance

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7183
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REQUÊTE PRÉSENTÉE PAR
LA RÉPUBLIQUE DU PARAGUAY

[Traduction]

Au nom de la République du Paraguay et conformément au paragraphe 1 de l'article 40 du
Statut de la Cour, ainsi qu'à l'article 38 de son Règlement, j'ai l'honneur de soumettre
respectueusement, au nom du Gouvernement de la République du Paraguay, la présente
requête introductive d'instance contre le Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique en raison
de violations de la convention de Vienne sur les relations consulaires du 24 avril 1963 (ci-
après dénommée «la convention de Vienne»). La Cour est compétente en vertu de l'article
premier du protocole de signature facultative à la convention de Vienne sur les relations

consulaires, concernant le règlement obligatoire des différends.

Exposé préliminaire

1. L'alinéa b) du paragraphe 1 de l'article 36 de la convention de Vienne impose l'obligation
aux autorités compétentes d'un Etat partie d'«avertir sans retard» un ressortissant d'un autre
Etat partie, que lesdites autorités ont arrêté ou placé en détention, du droit dudit ressortissant à
bénéficier de l'assistance consulaire que garantit l'article 36 ainsi libellé :

«Si l'intéressé en fait la demande, les autorités compétentes de l'Etat de résidence doivent
avertir sans retard le poste consulaire de l'Etat d'envoi lorsque, dans sa circonscription

consulaire, un ressortissant de cet Etat est arrêté, incarcéré ou mis en état de détention
préventive ou toute autre forme de détention.» (Ibid.)

2. Comme le Gouvernement des Etats-Unis l'a déclaré dans son mémoire en l'affaire relative
au Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran :

«l'une des fonctions principales des agents consulaires consiste à dispenser diverses formes
d'assistance aux ressortissants de l'Etat d'envoi et, pour cette raison, les voies de
communication entre les agents consulaires et les ressortissants doivent rester ouvertes de tout
temps. Les communications sont mêmes si nécessaires à l'exercice des fonctions consulaires
que leur suppression priverait de toute signification l'ensemble du système des relations
consulaires... L'article 36 crée des droits au profit non seulement des fonctionnaires
consulaires mais, ce qui compte peut-être encore plus, des ressortissants de l'Etat d'envoi

auxquels la convention garantit la liberté d'accès aux fonctionnaires consulaires et, par
l'intermédiaire de ceux-ci, à d'autres personnes.» (C.I.J. Mémoires, p. 174 [références
omises].)

3. En 1992, les autorités de l'Etat de Virginie, l'un des Etats fédérés qui composent les Etats-
Unis d'Amérique, ont placé en détention un citoyen du Paraguay dénommé Angel Francisco
Breard. Sans informer M. Breard de son droit à bénéficier de l'assistance consulaire, ni

notifier sa détention aux fonctionnaires consulaires du Paraguay, comme l'exige la convention
de Vienne, ces autorités ont jugé et déclaré coupable M. Breard et l'ont condamné à la peine
capitale.4. Ces actes ont violé les obligations auxquelles les Etats-Unis sont tenus envers le Paraguay
en vertu de la convention de Vienne. Il résulte de cette violation que le Paraguay a droit à une
restitutio in integrum : le rétablissement de la situation qui existait avant que les Etats-Unis
n'omettent de procéder aux notifications requises et de faire en sorte que l'assistance
consulaire puisse être accordée, comme le prescrit la convention.

I. Les Faits

Procédures devant les juridictions nationales concernant M. Breard

er
5. Le 1 septembre 1992, les autorités de police de Virginie ont arrêté M. Breard qui était
soupçonné d'homicide volontaire. Bien qu'elles aient eu connaissance de la nationalité
paraguayenne de M. Breard, les autorités n'ont, à aucun moment, informé celui-ci de son droit
à bénéficier de l'assistance consulaire en vertu de l'alinéa b) du paragraphe 1 de l'article 36 de
la convention de Vienne. Lesdites autorités n'ont pas davantage averti les fonctionnaires
consulaires du Paraguay de la détention de M. Breard. Dans l'ignorance de tels droits et sans

qu'il lui en ait été donné connaissance, M. Breard ne pouvait les exercer avant de passer en
jugement et ne les a pas exercés.

6. Si M. Breard avait été dûment informé des droits que lui reconnaît la convention de Vienne,
il serait entré en relation avec son consul et aurait sollicité l'assistance prévue à l'article 36 de
ladite convention, et le Paraguay aurait alors accordé cette assistance.

7. La notification requise par la convention de Vienne n'ayant pas été faite, le Paraguay s'est
trouvé dans l'impossibilité de protéger ses intérêts aux Etats-Unis, ainsi qu'il est prévu aux
articles 5 et 36 de ladite convention. Notamment, le Paraguay n'a pas pu entrer en relation
avec son ressortissant, aider celui-ci dans sa défense (comme il est indiqué aux paragraphes 8
et 10 ci-dessous), surveiller les conditions de détention de son ressortissant, ni, s'agissant du
traitement de son ressortissant et de la procédure engagée contre lui, veiller à ce que les
normes de droit international soient respectées.

8. La notification requise n'ayant pas été faite, le Paraguay s'est aussi trouvé dans
l'impossibilité de protéger les intérêts de son ressortissant aux Etats-Unis, ainsi qu'il est prévu
aux articles 5 et 36 de la convention de Vienne. Les autorités de Virginie ont en fait empêché
les fonctionnaires consulaires du Paraguay de prendre les dispositions nécessaires pour que
M. Breard bénéficie d'une représentation en justice appropriée. Au lieu de cela, lesdites

autorités ont pris elles-mêmes des mesures pour que la représentation de M. Breard soit
assurée par des conseils commis par les tribunaux, qui connaissaient mal la culture
paraguayenne et les idées préconçues sur le système de justice pénale que pouvait sans doute
avoir un ressortissant paraguayen.

9. En raison de cette absence d'assistance consulaire M. Breard a pris un certain nombre de
décisions d'un caractère objectivement déraisonnable tout au long de la procédure pénale

engagée contre lui, qui a été menée sans traduction. Il a refusé d'accepter la proposition que
lui faisaient les autorités d'être condamné à une peine de réclusion à perpétuité, s'il acceptait,
en contrepartie, de se reconnaître coupable du crime dont il était accusé. Au lieu de cela, M.
Breard a préféré prendre le risque d'être condamné à la peine de mort, en avouant et en
révélant lors du procès ses antécédents criminels. M. Breard a pris ces initiatives, qui étaientpour lui extrêmement préjudiciables, parce que, faute de bénéficier des conseils de son
consulat, il n'avait pas compris les différences fondamentales qui existent entre les systèmes
de justice pénale aux Etats-Unis et au Paraguay. M. Breard a cru que le fait d'avouer et de
révéler ses antécédents judiciaires le ferait bénéficier de la clémence du tribunal américain,
comme il pensait que cela serait le cas devant un tribunal au Paraguay, mais en réalité les

actes de M. Breard ont presque certainement été à l'origine de sa déclaration de culpabilité et
de sa condamnation à la peine capitale.

10. L'assistance consulaire aurait comporté les éléments suivants : le bénéfice d'avis relatifs
aux différences culturelles et juridiques entre le Paraguay et les Etats-Unis, y compris
l'opportunité d'accepter ou de rejeter les propositions de compromis quant aux chefs
d'accusation en tenant compte de ces différences; la présence d'un interprète; le recours à des

avocats compétents ou à d'autres conseils spécialisés; la possibilité de retrouver des membres
de sa famille susceptibles de lui fournir de l'aide et des renseignements, ainsi que la possibilité
de communiquer avec eux; la transmission de dossiers, pièces et autres éléments de preuve
utiles pour la défense de M. Breard; la venue de membres de sa famille et d'autres témoins en
Virginie pour déposer; l'assistance de fonctionnaires consulaires lors des procédures
judiciaires ou autres; le rassemblement et la production d'éléments de preuve susceptibles de
le faire bénéficier de circonstances atténuantes lors de la phase de détermination de la peine;

et d'autres formes d'assistance tant juridique que non juridique. Une telle assistance consulaire
aurait eu une incidence sur l'issue de l'instance pénale engagée contre M. Breard, y compris
sur toute peine prononcée.

11. Le 24 juin 1993, M. Breard a été déclaré coupable d'homicide volontaire. Le 22 août
1993, le tribunal qui l'a jugé l'a condamné à la peine capitale. Les appels directement

interjetés par M. Breard en ce qui concerne sa déclaration de culpabilité et sa condamnation
ont été rejetés, de même que la requête qu'il a adressée aux tribunaux de l'Etat qui visait à
obtenir en sa faveur une ordonnance d'habeas corpus, procédure subsidiaire qui constitue un
recours contre une détention illégale.

12. Au printemps de 1996, le Paraguay, alors qu'il n'avait reçu aucune information de la part
des autorités de Virginie et des Etats-Unis, a fini par apprendre que M. Breard était incarcéré

aux Etats-Unis et devait être exécuté. Dès qu'il a pris connaissance de cette situation, le
Paraguay, par l'intermédiaire de son ambassade et de son consulat, a commencé à prêter à M.
Breard une assistance notamment juridique. Jusqu'à ce que les représentants consulaires du
Paraguay entrent en relation avec lui, M. Breard n'avait eu aucune connaissance des droits que
lui reconnaît la convention de Vienne.

13. Le 30 août 1996, avec l'aide des fonctionnaires consulaires du Paraguay, M. Breard a

engagé le dernier recours qui s'offrait à lui aux fins de contester sa déclaration de culpabilité
et la peine qui lui avait été infligée, en déposant une requête devant le tribunal fédéral de
première instance afin d'obtenir une ordonnance d'habeas corpus. Pour la première fois, M.
Breard a allégué des violations de la convention de Vienne. Le tribunal saisi a rejeté le moyen
ainsi présenté de même que d'autres demandes en se fondant sur la doctrine de droit interne
dite de la «carence dans la procédure» (procedural default) (Breard v. Netherland, 949 F.
Supp. 1255 (E.D. Va. 1996)). Appliquant cette doctrine, le tribunal a décidé que, étant donné

que M. Breard n'avait pas fait valoirles droits qu'il tenait de la convention de Vienne lors de la
procédure judiciaire antérieure engagée à son encontre, il ne pouvait les invoquer dans la
procédure fédérale d'habeas corpus. La doctrine de droit interne dont il s'agit, a conclu le
tribunal, excluait un tel recours, même si, en premier lieu, M. Breard n'avait pas connaissancedes droits qu'il tenait de la convention lors de la procédure antérieure et si, en second lieu, il
n'avait pas connaissance de ses droits précisément parce que les autorités locales avaient
manqué au devoir, qui leur incombait en vertu de la convention, de l'informer sans tarder
desdits droits. La cour d'appel fédérale de première instance a confirmé la décision (Breard v.
Pruett, 134 F.3d 615 (4 cir. 1998)). L'appel interjeté par M. Breard devant la cour d'appel

fédérale de première instance a constitué l'ultime recours judiciaire dont il disposait aux Etats-
Unis de plein droit.

14. La cour d'appel fédérale ayant confirmé le rejet de la requête d'habeas corpus de M.
Breard par la cour de première instance fédérale, la juridiction de Virginie qui avait condamné
M. Breard a fixé la date de l'exécution au 14 avril 1998. A défaut de la survenance d'un fait
nouveau, les fonctionnaires de Virginie vont donc, selon les termes de la loi d'habilitation,

«faire exécuter le détenu condamné à mort par électrocution ou par injection d'une substance
mortelle jusqu'à ce que mort s'ensuive» (Va. Stat. Ann. section 53.1-234).

15. En lui demandant de rendre une ordonnance de certiorari, M. Breard a maintenant invité
la Cour suprême des Etats-Unis à exercer son pouvoir discrétionnaire de réexaminer la
décision prononcée contre lui par les juridictions fédérales inférieures et de décider qu'un
sursis à son exécution lui sera accordé pendant cet examen. La Cour suprême ne fait droit qu'à

moins de cinq pour cent de toutes les requêtes tendant à obtenir une ordonnance de certiorari
qui lui sont adressées. De plus, dans des cas tels que celui de M. Breard, où il s'agit d'une
exécution imminente et où la requête a été présentée par la voie d'une procédure d'urgence, il
arrive souvent que la Cour ne statue sur la requête et la demande jointe de mesures
conservatoires que quelques jours, voire quelques heures, avant la date prévue de l'exécution.

Les efforts déployés par le Paraguay pour obtenir une protection aux Etats-Unis

16. Le 16 septembre 1996, la République du Paraguay a introduit elle-même une instance
civile devant un tribunal fédéral de première instance contre les fonctionnaires de l'Etat
responsables de l'arrestation de M. Breard, de sa condamnation, de son maintien en détention
et de son exécution imminente, en alléguant des violations de la convention de Vienne. Le
Paraguay a sollicité notamment une ordonnance qui annule la condamnation de M. Breard,

interdise aux fonctionnaires de l'Etat de prendre de nouvelles mesures fondées sur cette
condamnation et, à ce titre, leur ordonne de s'abstenir d'exécuter M. Breard, et enjoigne à ces
fonctionnaires d'accorder au Paraguay le bénéfice des droits qu'il tient de la convention dans
toute procédure ultérieure, dans l'hypothèse où la Virginie, comme le Paraguay le suppose,
chercherait à engager de nouvelles poursuites contre M. Breard.

17. Le Paraguay n'a pas demandé au tribunal fédéral de première instance et n'a pas l'intention

de demander à la Cour de prendre une décision qui empêche les autorités compétentes des
Etats-Unis d'appliquer leur droit pénal, ni, précisément, de faire rejuger M. Breard au cas où
les autorités compétentes recevraient des instructions à cette fin. Le Paraguay soutient
cependant que les autorités compétentes des Etats-Unis doivent appliquer le droit pénal par
des moyens compatibles avec les obligations que les Etats-Unis ont contractées en vertu de la
convention de Vienne.

18. Le 27 novembre 1996, sans avoir examiné la demande du Paraguay sur le fond, la
juridiction fédérale de première instance a jugé qu'elle ne pouvait pas se déclarer compétente
en l'affaire, car elle en était empêchée par une doctrine de droit interne qui accorde l'immunité
de l'Etat souverain aux divers Etats qui forment les Etats-Unis (Paraguay v. Allen, 949 F.Supp. 1269 (E. D. Va. 1996)). Le Paraguay a interjeté appel de la décision, qui a été
confirmée (Paraguay v. Allen, 134 F. 3d 622 (4 cir. 1998)). Lors de la procédure d'appel, les
Etats-Unis ont soutenu que, bien que la convention de Vienne revête une grande importance
pour les ressortissants des Etats-Unis à l'étranger, la question des violations de cette

convention que les Etats-Unis pourraient commettre eux-mêmes ne relevait pas de la
compétence des tribunaux des Etats-Unis dans le cadre d'une action intentée par un autre Etat
partie à la convention.

19. Le Paraguay a déposé une requête devant la Cour suprême des Etats-Unis tendant à ce
qu'elle rende une ordonnance de certiorari aux fins du réexamen de la décision d'appel.

Comme il a été expliqué plus haut, une telle requête est tranchée par la Cour suprême en vertu
de son pouvoir discrétionnaire et elle est rarement accueillie par celle-ci.

20. En plus de ses efforts pour que sa demande soit examinée par les tribunaux des Etats-
Unis, le Paraguay, par des démarches diplomatiques, a entrepris d'obtenir le concours des
Etats-Unis afin qu'il remédie aux effets de la violation de la convention de Vienne. Dans une

lettre en date du 10 décembre 1996, l'ambassadeur du Paraguay a sollicité les bons offices du
département d'Etat des Etats-Unis,

«pour que le citoyen paraguayen, M. Angel Breard, soit rejugé en bénéficiant de garanties
constitutionnelles propres à lui permettre de dûment se défendre contre une accusation
criminelle, ainsi que dans le strict respect des stipulations des traités internationaux

concernant des actes de cette nature».

Dans une réponse communiquée le 3 juin 1997, le département d'Etat a exprimé son
désaccord avec la position juridique du Paraguay et n'a offert aucune assistance au Paraguay
pour qu'il puisse exercer les droits que celui-ci tient des traités.

II. La compétence de la Cour

21. En vertu du paragraphe 1 de l'article 36 du Statut de la Cour, «[l]a compétence de la Cour
s'étend ... à tous les cas spécialement prévus ... dans les traités et conventions en vigueur».

22. En tant que Membres des Nations Unies, la République du Paraguay et les Etats-Unis sont
parties au Statut et sont parties à la convention de Vienne, ainsi qu'à son protocole de
signature facultative concernant le règlement obligatoire des différends. L'article premier du
protocole de signature facultative dispose :

«Les différends relatifs à l'interprétation ou à l'application de la convention relèvent de la
compétence obligatoire de la Cour internationale de Justice, qui, à ce titre, pourra être saisie
par une requête de toute partie au différend qui sera elle-même partie au présent protocole.»

23. Le Paraguay conclut donc que, dès le dépôt de la présente requête, les questions en litige
entre lui-même et les Etats-Unis relatives aux demandes du Paraguay fondées sur la

convention de Vienne relèvent de la compétence obligatoire de la Cour.

III. Les demandes de la République du Paraguay24. Le Gouvernement de la République du Paraguay soutient ce qui suit :

a) Conformément à l'alinéa b) du paragraphe 1 de l'article 36 de la convention de Vienne, les
Etats-Unis ont envers le Paraguay, Etat partie à la convention, l'obligation juridique
internationale d'avertir «sans retard» tout ressortissant paraguayen, tel que M. Breard, qui est

«arrêté, incarcéré ou mis en état de détention préventive ou toute autre forme de détention»
des droits qu'il tient de cet alinéa. Ces droits sont notamment les suivants :

i) si le ressortissant arrêté ou mis en détention en fait la demande, le droit que les autorités
compétentes de l'Etat de résidence avertissent le poste consulaire de l'Etat d'envoi qu'un
ressortissant de cet Etat a été ainsi arrêté, incarcéré ou mis en état de détention préventive ou
toute autre forme de détention;

ii) le droit que les autorités compétentes de l'Etat de résidence transmettent «sans retard» toute
communication «adressée au poste consulaire par la personne arrêtée, incarcérée ou mise en
état de détention préventive ou toute autre forme de détention».

Les Etats-Unis ont violé et violent actuellement les obligations susmentionnées.

b) Conformément à l'alinéa b) du paragraphe 1 de l'article 36 de la convention de Vienne, les
Etats-Unis ont, envers un ressortissant détenu du Paraguay, tel que M. Breard, l'obligation
juridique internationale de l'informer «sans retard» de ses droits en vertu dudit alinéa. Les
droits dont il s'agit sont notamment les suivants :

i) si le ressortissant arrêté ou détenu en fait la demande, le droit que les autorités compétentes

de l'Etat de résidence avertissent le poste consulaire de l'Etat d'envoi qu'un ressortissant de cet
Etat a été arrêté, incarcéré ou mis, avant son jugement, en état de détention préventive ou
toute autre forme de détention;

ii) le droit que les autorités compétentes de l'Etat de résidence transmettent «sans retard» toute
communication «adressée au poste consulaire par la personne arrêtée, incarcérée ou mise en
état de détention préventive ou toute autre forme de détention».

S'agissant de M. Breard, les Etats-Unis ont violé et violent actuellement les obligations
susmentionnées.

c) Conformément à l'article 36 de la convention de Vienne, les Etats-Unis ont l'obligation
juridique internationale de faire en sorte que le Paraguay puisse communiquer avec un

ressortissant mis en état d'arrestation et assister celui-ci avant qu'il ne passe en jugement. Le
fait que les Etats-Unis n'aient pas procédé aux notifications requises par l'alinéa b) du
paragraphe 1 de l'article 36 de la convention de Vienne a effectivement empêché le Paraguay
d'exercer son droit de s'acquitter de ses fonctions consulaires conformément aux articles 5 et
36 de la convention. Les Etats-Unis ont donc violé et violent actuellement l'obligation
susmentionnée.

d) Conformément au paragraphe 2 de l'article 36 de la convention de Vienne et à l'article 26
de la convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969, les Etats-Unis ont
l'obligation juridique internationale de faire en sorte que leurs lois et règlements internes
permettent la pleine réalisation des fins pour lesquelles les droits définis à l'article 36 sont
accordés. Les Etats-Unis ont violé et violent actuellement l'obligation susmentionnée.e) Conformément à l'article 27 de la convention de Vienne sur le droit des traités, ainsi qu'au
droit international coutumier, les Etats-Unis ne peuvent omettre d'exécuter l'obligation
juridique internationale de donner effet à la convention de Vienne en invoquant les doctrines
et règles de leur droit interne, ni en faisant valoir que les actes contraires à cette obligation ont
été commis par un organe subordonné, ou un pouvoir délégué ou judiciaire. Les Etats-Unis

ont violé et violent actuellement l'obligation susmentionnée.

IV. La décision demandée

25. En conséquence, la République du Paraguay prie la Cour de dire et juger que :

1) en arrêtant, détenant, jugeant, déclarant coupable et condamnant M. Angel Francisco
Breard, dans les conditions indiquées dans l'exposé des faits qui précède, les Etats-Unis ont
violé leurs obligations juridiques internationales envers le Paraguay, en son nom propre et
dans l'exercice du droit qu'a cet Etat d'assurer la protection diplomatique de son ressortissant,
ainsi qu'il est prévu aux articles 5 et 36 de la convention de Vienne;

2) le Paraguay en conséquence a droit à la restitutio in integrum;

3) les Etats-Unis ont l'obligation juridique internationale de ne pas appliquer la doctrine dite
de la «carence dans la procédure» (procedural default), ni aucune autre doctrine de son droit
interne, d'une manière qui ait pour effet de faire obstacle à l'exercice des droits conférés par
l'article 36 de la convention de Vienne;

4) les Etats-Unis ont l'obligation juridique internationale d'agir conformément aux obligations
juridiques internationales susmentionnées dans le cas où ils placeraient en détention M. Angel
Francisco Breard ou tout autre ressortissant paraguayen sur leur territoire ou engageraient une
action pénale à leur encontre à l'avenir, que cet acte soit entrepris par un pouvoir délégué,
législatif, exécutif, judiciaire ou autre, que ce pouvoir occupe une place supérieure ou
subordonnée dans l'organisation des Etats-Unis et que les fonctions de ce pouvoir présentent

un caractère international ou interne;

et, conformément aux obligations juridiques internationales susmentionnées :

1) toute responsabilité pénale qui ait été attribuée à M. Angel Francisco Breard en violation
d'obligations juridiques internationales est nulle et doit être reconnue comme nulle par les

autorités légales des Etats-Unis;

2) les Etats-Unis doivent restaurer le statu quo ante, c'est-à-dire rétablir la situation qui
existait avant les actes de détention, de poursuite, de déclaration de culpabilité et de
condamnation du ressortissant du Paraguay commis en violation des obligations juridiques
internationales des Etats-Unis;

3) les Etats-Unis doivent donner au Paraguay la garantie que de tels actes illicites ne se
reproduiront pas.V. Juge ad hoc

26. Conformément aux dispositions de l'article 31 du Statut et du paragraphe 1 de l'article 35
du Règlement, la République du Paraguay déclare qu'elle a l'intention d'exercer son droit de
désigner un juge ad hoc.

VI. Réserve de droits

27. La République du Paraguay se réserve le droit de modifier et de compléter les termes de la
présente requête, ainsi que les fondements invoqués.

VII. Mesures conservatoires

28. La République du Paraguay prie la Cour d'indiquer des mesures conservatoires, comme il

est exposé dans une demande distincte, déposée en même temps que la présente requête.

* *

J'ai l'honneur de prier la Cour de bien vouloir croire à l'assurance de mon estime et de ma plus
haute considération.

Bruxelles, le 3 avril 1998.

L'Ambassadeur de la République du Paraguay

auprès du Royaume des Pays-Bas,

(Signé) Manuel María Cáceres.

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