Requête introductive d'instance

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9192
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COURINTERNATIDEJUSTICE

MÉMOIRES, PLAIDETDOCUMENTS

AFFAIRE DELABARCELONA

TRACTION,LIGHTANDPOWER
COMPANY, LIMITED
(BELGIc. ESPAGNE)

INTERNATIONALOFJUSTICE

PLEADINGS,ORARGUMENTS,DOCUMENTS

CASECONCERNING

THE BARCELONATRACTION,
LIGHT AND POWERCOMPANY,

LIMITED
(ElELGIUMv.SPAIN) Référenceabrégée:
C.I.].Mémoires,Company, LimitediLightand Power

Abbreviated reference :
I.C.J.Pleadings, Barcelona Traclion, LigPowerd
Comfiany,.I.intit ed .

Sales numbe:343 1 AFFAIREDE LABARCELONA
TRACTION,LIGHTAND POWER
COMPANY,LIMITED

(BELGIQUEc. ESPAGNE)

CASECONCERNING
THEBARCELONA TRACTION, LIGHT
AND POWERCOMPANY,LIMITED

(BELGIUvSPAIN) COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

MÉMOIRES,PLAIDOIRIESET DOCUMENTS

AFFAIRE DE LABARCELONA
TRACTION,LIGHT ANDPOWER

COMPANY, LIMITED
(BELGIQUEc. ESPAGNE)

INTERNATIONAL COURT OF JUSTICE

PLEADINGS, ORAL ARGUMENTS, DOCUMENTS

CASECONCERNING
THEBARCELONA TRACTION,

LIGHTANDPOWERCOMPANY,
LIMITED
(BELGvSPAIN) Le présent volume reproduit la requête, le mémoire, les exceptions
préliminaires et la correspondance relatifs A l'affaire de la Barcelona
Traction. Light and Poww Company, Limited. Cette affaire, inscrite au
rôle généralde la Cour sous leno 41le 23 septembre 1958,en a étérayée
var ordonnance de la Coiir du IO avril 1461 Ala suite du désistement du
Gouvernement demandeur (Barcelona~r~clion.LightandPowerCompany,
Limited. ordonnancedu ICIavril rq61, C.I.Recueil1961, p. q).
L'affaire s'étant ainsi terminée.les annexes au m6moirêétaux exceD-
tions pr6liminaires ne seront reproduites. D'une manière générafe,
elles ont étéreprises dans le dossier de l'affaire dBarcelonaTraction,
Light and Pmer Company, Limited (nouueiierequéte:1962) inscrite au
rBle~énkralde la Cour sous le no 50 le 19 juin 1962.
I.Cpagrnation et les renvois du méinoiieet desexczl>tions prtlirninaires
ont étémodifiésauxfinsde la presente$ditiorr. Lernimoireatité reproduit
en offsetd'aprk son texte imprimé original.
La Haye, 1970.

The present volume contains the Application, Memorial. Preliminary
Ob'ections and correspondence concerning the BarcelonaTraction, Lighl
an Powcr Company, Linriled case. This case, which was entered on the
Court's General List on 23 September 1958 under Number 41, was
removed from the list by an Order of the Court o10 April1961, following
discontinuance by the Applicant Govemment (BarcelonaTraction, Light
and PowerCompany, Limited, Orderof IO Afwilr961, I.C.]. Re+ortsr961,
P. 9).
The case having comf: to an end in this way. the Annexes to the
Memorial and to the Preliminary Objections will not be reproduced.
Traction, Lighl and Power Company, Limited (New Application: 1962),elona
which was entered on the Court's General List iinder Number 50 on
19 June 1962.
The pagination and the references in the Memorialand the Preliniinary
Objections have been altered for the purposes of the present edition.
The Memorial has beeri reproduced by offset-lithography from its
original printed text.
The Hague, 1970. .. ,. TABLE DES MATIÈRES - CONTENTS

Requête introductivd e'i:nstancedu'îrouvernementbelge

La structure du groupe de la Barcelona Traction - Son activité
Les émissionsd'obligations . . . . , . . . . , . . . . . ,
La suspensio~idu service des obligations de la Barcelona Traction
L'-chIntervention du financier espagnol Juan March . . . . .n
Acquisition par Juan March de la majorité des obligations de
la Barcelona Tractioii . . . . . . . . . . . . .'. . . .
La déclaration de faillite . . . . . . . . . . . . . . . . .
Le contenu du jugement de faillite : . . . . . . . . . . . .
Exécution du jugement de faillite. : . . . . . . . . . . . .
Destitution des dirigeants des sociétéscontrbléep sar la Barcelona
Traction. . . . . . , . . . . . . . . . . . , . . . . .
Im.poss.ibilité pour les sociétés contrôléesde se défendre en
justice . . . . . . . , . . . .' . . . . . . . . , . . .
Blocage des recoiirs de la Barcelona Traction. . . . . . . . .
Mesures préparatoires ;ila liquidation des biens . . . . . . ,
Suspension d'un an et demi: la commission internationale d'ex-
pertise . . . . . . . . . . . . , . . . . . . . . . . .
La vente du apatrimoine » de la Barcelona Traction. . . . . .
Mesures prises par l'adjudicataire apres la vente . . . . . . .
Derniers recours intentks en Espagne postérieurement au 17juin
1952 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
En droit. . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . .

I. d'une sociétéétrangère . . . . . .ux espag.ol. . . . . . . . .ard
2. Extension abusive des mesures de saisie à des tiers non
déclarés enfaillite . . . . . . . . . . . . . , . . . .
3. Exécution forcée du jugement l'égard de biens situés
hors du territoire esnaenol. sans le concours des autorités
iocales compétentes . . . .. . . . . . . . . . . . . .
4. Manque d'imparti:ilité de diverses juridictions espagnoles
à l'égardde ressortissants étrangers . . . . . . . . . .
5. La méconnaissance des droits de la défense à l'égard de
ressortissants étrangers . . . . . . . . . . . . . . . .

Mémoiredu Gouvernementbelge

Introduction. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Partie 1. Exposé des faits . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Chapitre 1. Fondation et structure de la Barcelona Traction et
de ses filiales et leur extension en 1948
Section I. Fondation et structure initiale du groupe . . . .
Section 2. Les apports d'origine . . . . . . . . . . . . . Section 4. Le financement du groupe du gr................
Section 5. R6le de i'Ebro dans l'ensemble du grou e
Section 6. Situation économiquede la Barcelona &ciion ::

Chapitre II. Intéri!tsbelges dansla Barcelona Traction
Section I. Historique. ................
Section 2. Partkipation belge dans la Barcelona Traction
l'époquede la miseen faillite de cette société(février1948) .
Section 3. Parti,5pation belge dans la Barcelona Traction au
tembre 1958)intro....................internationale (sep-
Section 4. Relations économiques particuliéres entre l'Ebro
et la sociétéanonyme belge Sofina (Sociétéfinanci8re de
trans~orts et ii'entre~rises industnellesl .........

Chapitre III. I.es restrictions de change en Espagne ayant causé
tionuspension d~ service des obligations de la Barcelona Trac-
.~.~~
Section I. Lecontrôledeschanges~>endant laperiode 1930-1936
Section 2. I.econtr0ledeschangespendant lapkriode ig40-rg44
Sedu se&ice des obligations en livresn de....... sus~ensio1 ...
Section 4. Manceuvres contemporaines de M. Juan March . .

Chapitre IV. Le aplan d'arrangement » (Plan of compromise)et
son échec
Section I. Préparation du plan. .............
Sectionî. L'accord des obligataires. ...........
Section 3. Le financement du plan et les refus du Gouverne-
Section 4. Nouvelles tentatives de M. March pour obtenir le
contr6le de l':affaire .................

Chapitre V. La mise en faillite de la Barcelona Traction
Section r. La requêtede faillite ..............
Section 2. Le jugement de faillite. :.,.............
Section 3. L'ex(5cutiondu jugement de faillite ........
Section 4. Nomination tardive d'un juge spécial ......
Chapitre VI. Le blocagedes recours contrele jugement defaillite
et les décisions connexes ,.:..
Sectjon r. Les mesures de blocage préventives .......
Section 2. Blocage des recours de 1'Ebro. .........
Section 3. Blocage des recours individuels du personnel diri-
geant destitué .....................
Section 4. Blocage des recours de la Barcelona Traction contre
le jugement de faillite. ................
Section 5. .Blocage des recours de la National Tmst et son
conAit avec le comitédes obligataires Prim Lien et divers
obligataires First Mwtgage. ..............
Cha~itre VII. Mesures ~réS.ratoires à la vente des biens
Section r. La convocation de l'assembléedes créanciers envue
de la nomination des syndics. ............ Section 2 . L'assembbie des créanciers du 19 septembre 1949
et les recours auxquels elle donna lieu .......... 78
Section 3 .Création an Espagne de faux titres de certaines
sociétésauxiliaires .................. 78
Cha~itre VI11. Lavente des biens et l'échecdesrecours v relatifs
Section I. La trève ro....uin 145.. - La Commission inter-
nationale d'experts .................. 81
Section . Emission des faux titres. ............ 82
Section 3 . La demande d'autorisation de vendre ...... 83
Section 4. Achat par M .Juan March dugage de laWestminster
Bank ........................ 84
Section 5. Modalitéset conditions de la vente ....... 85
Section 6 . L'adjudication provisoire. l'exécutiondu cahier des
charges et le transfert des biens vendus ......... 89
Section 7. Recours jiidiciaires tentés pour prévenir ou faire
annuler ces diverses mesures .............. 92
Chapitre IX . Epilogue .. : ................. 98
Section I . Le sort des avoirs de la Barcelona Traction et des
obligations ...................... 98
Section 2 . Stagnatiori de la procedure defaillite....... IOO
Section 3. Paralysie des autres recours tentés par Barcelona
Traction et consorts ................. IOI
Partie II . Exposéde droit .................. 107
Chapitre 1. La compétencede la Cour ............ 109
Chapitre II . La recevabilité de la demande ......... 112
Chapitre III . Le fondernent de la demande ......... 113
Section I. Le grief d'usurpation de compétence .......
Section 2 . Le dénide justice ............... 118
Section 3. La discriniination dont le groupe de Barcelona
Traction fut victime ................. 120
Section 4. L'action convergente des autorités administratives 124
Chapitre IV . Effets juridiques du caractère illicite de la déclara-
tion de faillite et de l'aliénation des biens de la Barcelona
Traction ........................ 126
Conclusions ......................... 129
Liste des annexes ...................... 130

Exceptionspr6liminairespr6senthesparle Gouvernementespagnol
1. Introduction ...................... 141
II. Historique ....................... 147
Chapitre I. Fondation, structure et antécédents dela Barcelona
Traction
Section I. Fondation et structure initiale ......... 147
Section . Les apports des fondateurs ........... 159
Section 3. Les réoreanisations financières de la Barcelona

Section 4. Le financement du groupe ........... 185
Section 5. Le rble de 1'Ebrodans l'ensemble du eroupe ... 194
Section 6. La constitiition progressive du groupe ....... 203XII TABLE DES MATIÈRES

Chapitre 2. Les prétendus giintérktsbelges)) dans la Barcelona
Traction
Section I. Considéritions préliminaires ........... 207
Section 2. Les actionnaires de la Barcelona Traction au mo-
ment de la mise en faillite de cette société (février948). .. zog
Section 3. Les actionnaires de la Barcelona Traction ait mo-
ment de la présentation de la requête du Gouvernement
belge (septembre 1958) ................ zrr
Section 4. Relations économiquesparticulières entre I'Ebro et
industrielles) et quelques considérations sur celle-ci .... 212

Chapitre 3. Le coritrôle des changes en Espagne n'a pas été la
cause de la suspension du service financier desemprunts de la
Barcelona Traction
Section préliminaire. Donnéesdu problème .......' 217
Section I. Le contr0le des changes pendant la période1930-
1936. ....................... 218
Section 2. Le contrôle des changes pendant la période 1940-
1944.1948. ..................... 230
Section 3. Les prétendues dettes extérieures alléguéesauprès
des autorités monétaires espagnoles. ........... 242
Section 4. Autres faits et commentaires .......... 249
Chapitre 4. Le aplan d'arrangement ii(Plan O/ compromise) et
son échec
Section I. Préparation du plan. .... : ......... 253
Section 2. Le plan vis-à-vis des obligataires ........ 260
Section 3. Les démarches effectuées auprès des autorités
espagnoles au sujet du plan d'arrangement. ....... 263
Section 4. La société espagnoleChade, le plan d'arrangement
et la suspension de la faillite de la Barcelona Traction ... 285
Section 5. Considération finale .............. 299
III. Considérations qui ont amené le Gouvernement espagnol à
soulever des exceptions préliminaires ............ 303
IV. A) Exception préliminaire principale no 1: incompétence de
la Cour. ...................... 326
B) Exception préliminaire subsidiaire no 1. ........ 339
V. A) Exception préliminaire principale no z: nationalité de la
réclamation. .................... 345

B) La demande subsidiaire du Gouvernement belge d'indemni-
Ltd.,nàdconcurrence de la part du capital de la sociétépos-
sédéepar des ressortissants belges (exception préliminaire
subsidiaire no 2). .................. 375

VI. Exception préliminaire no 3: épuisement des voies de recours
interne. ........................ 391
VII. Conclusions ..................... 409
Liste des annexes. ..................... 4'5
Correspondance

Nos1-48. ........................ 435REQUÊTE INTRODUCTIVED'INSTANCEA Monsieur le Président,
A Messieurs les Juges dt: la Cour internationale de Justice,

Le soussigné,dûment autorisépar le Gouvernement du Royaume
de Belgique et élisant domicile à l'ambassade de Belgique à La
Haye,
Vu l'article36, par.r, du Statut de la Cour et les dispositions,
spécialementles articles zet 17, du Traité de conciliation, de règle-
ment judiciaire et d'arbitrage signé à Bruxelles le 19 juillet1927

entre la Belgique et l'Espagne, traité qui est entré en vigueur le
23 mai 1928 et qui, conclu pour une durée de dix ans, a étéprorogé
tacitement,
A l'honneur de vous adresser la présente requêteintroductive
d'instance dirigéecontre l'État espagnol:
La Barcelona Traction, Light and Power Company, Limited
(ci-après dénomméela Barcelona Traction), est une sociétépar
actions constituée en 1911 à Toronto, province d'Ontario, sous
l'empire des lois canadiennes, et y a son siège;depuis plus de vingt-
cinq ans le capital-actions appartient en très grande majorité à

des ressortissants belges. Elle a fait l'objet de la part des autorités
espagnoles, en violation du droit des gens, d'une sériede mesures,
actes, décisions et omissions en vertu desquels la sociétéfut, le
12 février 1948, mise en faiiiite en Espagne et fit, dans la suite,
l'objet de mesures de liquidation la dépouillant en fait de tout son
avoir au profit d'un ressi~rtissant espagnol, le financier Juan March,
et du groupe de celui-ci.

La structuredu groufiedela BarcelonaTraction.-Son activité

Société holding inla Barcelona Traction possèdela totalité ou
la quasi-totalité des actions des sociétéssuivantes, que nous quali-
fierons ci-après de«sociktéscontrôlées 1):
- Ebro Irrigation and Power Company, Limited (appelée ci-
dessous Ebro) ;
- Catalonian Land Comuan.. A.mited (au~~l..ci-dessous Cata-
lonian Land) ;
- International Utilities Finance Corporation, Limited;
toutes les trois, sociétésde droit canadien, ayant leur siègesocial

Toronto, les deux premières ayant également un siège d'exploi-
tation à Barcelone;
- Union Eléctricade Catalufia, S. A. (appeléeci-dessousUnion); et
- Electricista Catalana, S. A.;
ces deux dernières sont des sociétésde droit espagnol ayant leur
siègeà Barcelone.4 BARCELONA TRACTION

La Barcelona Traction possède également la totalité des obli-
gations de ces sociétés, sauf cellesémisepsar Union qui se trouvaient
dans le public en Espagne.
Ebro et Llni6npossèdent la totalité ou la quasi-totalité du capital-
actions d'une sériede sociétésde droit espagnol, que la Barcelona
Traction contrôie ainsi indirectement.
Outre la constitution progressive de son groupe de sociétés,
l'activité de la Barcelona Traction a consisté principalement à
financer directement et indirectement la construction et i'exploi-
tation, par les sociétés qu'ellecontrôle, d'installations destinées à
alimenter en énergieélectriquela ville de Barcelone et la Catalogne.
Ces installations constituaient en 1948 le système de production et
de distribution d'électricitéle plus important d'Espagne, avec une

puissance installée de l'ordre de 430.000 kiv. et une. production
annuelle de l'ordre d'environ ~.~oo.ooo.oookwh.
L'avoir social de la Barcelona Traction consiste essentiellement,
outre ses créancesen compte courant sur certaines des sociétésde
droit canadien qci'elle contrôle, en un portefeuille d'actions et
d'obligations qui se trouvent déposéesau Canada. Elle ne possède
en Espagne ni biens, ni sièged'exploitation quelconque, et n'exerce
elle-mêmedans ce pays aucune activité.
Aux termes de conventions successives, la Sociétéfinancière de
transports et d'en1:reprisesindustrielles (SOFINA), sociétéanonyme
de droit belge, assiimait depuis 1929 le rôle de conSeillerde I'Ebro
et de son groupe, <:nmatière technique, administrative, comptable
et financière,et participait ainsià la gestion de ces entreprises.

Les émissionsd'ob1,igations
Pour financer cessociétésl,a Barcelona Traction avait notamment
émisdiverses catégories d'obligations, dont il restait en circulation,

en 1948, trois caté:;ories:
En premier rang, les aConsolidated 63% Prior Lien Bonds 1en f;,
pour un montant en principal de 2.684.900 L. Les intérêtsde ces
obligations étaient payables exclusivement hors d'Espagne.

En deuxième rang, les <5.5% First Mortgage Bonds »en f;, pour un
montant en principal de 1.561.920 f;. L'intérêtde ces obligations
étaitfixé à13~75pesetas par semestre pour zof; de montant nominal,
et était payable en pesetas en Espagne ' ou, à l'option du porteur,
en L. 17rs.belges on Frs. françaisà l'étranger; et
En troisième rang. les« 6% 45-Year Bonds en pesetas, pour un
montant en principal de 61.895.500 pesetas. Les intérets étaient
payables exclusivement en Espagne.

' En fait, I'int6Xiepouvait être
de ces obligations qui avaient 6té régulièrementeîtampill&s ronfora6Innt
lCrislntion espngnole. Ces émissionsavaient étéfaites en vertu de «Trust Deeds »,le
trustee des obligations en L étant la National Trust Company,
Limited, de Toronto, celuides obligations en pesetas, la Westminster
Bank, Limited, de Londres.
Le trustée des obligations des deux premiers rangs détenait en
gage à Toronto le portefeuille de la Barcelona Traction. D'autre
part, 1'Ebro avait consenti au profit de ce trustee des hypothèques
à concurrence de 50 millions de pesetas, sur certains de ses biens
situésen Espagne. -
Ouant au trustce des oblieations de troisième rane. en ese et s.
d'o'bligatiins
avait reçu en garantie un "montant de 2.640.000
First Mortgage à la souche (émisesen plus des 1.561.92ilmention-
nées ci-dessusqui se trouvaient en mains du public).
En vertu des trust deeds, rédigésdans la forme usuelle en droit
anglo-saxon, le trustee était titulaire des sûretéset seul autoràsé
agir en justice aux fins de réaliser le gageou de recouvrer les mon-
tants dus aux obligataires; c'est seulement si le trustee, dûment
requis, refusait ou négligeait,de procéder à la réalisation du gage,
que les obligataires avaient le droit d'introduire individuellement
une procédure à cette fin.

La suspension da servicedes obligationsde la BarcelonaTraction

Le service financier des obligations en de la Barcelona Traction
était assuré au moyen d'une partie des intérêts que les sociétés
contrôlées par la Barcelona Traction, et principalement I'Ebro,
lui payaient sur les prêtset avances en $ ou en L que la société
contrôlante leur avait consentis. Pour payer des intérêtsà laBarce-
lona Traction à l'étranger et dans la monnaie stipulée($ ou L),les
sociétéscontrôlées devaient convertir en L ou en $une partie des
revenus qu'elles obtenaient en pesetas de leurs exploitations en
Espagne.
A partir de 1930, par suite de l'instauration d'un régime de
contrôle des changes en Espagne, des autorisations de l'office
espagnol du change devinrent nécessairespour opérerces transferts
de fonds à l'étranger. De fait, la Barcelona Traction reçut jusqu'en
1936, des sociktésqu'elle contrôlait, des sommes suffisantes Lnou
en $ pour lui permettre d'assurer leservice de ses obligations eL,
et même,du moins certaines années. pour payer un dividende à
ses actionnaires.
A partir de cette année, en raison de la guerre civile espagnole,
au cours de laquelle lesinstallations passèrent aux mains de comités
ouvriers, tout transfert. de fonds futimpossible, et la Barcelona
Traction dut interrompre le service de ses obligations. A partir de
1940, les sociétécontrôléespar la Barcelona Traction recouvrèrent
la possession de leurs biens, et, ayant repris progressivement leur
exploitation, se retrouvèrent bientôtdansune situation financière6 BARCELONA TRACTION

saine qui norrnalernent aurait dû leur permettre de reprendre le
service de leurs dettes vis-à-vis de la Barcelona Traction.
Mais l'Ebro, priricipale sociétécontrôlée par la Barcelona Trac-
tion, vitl'Institut espagnol de la monnaie successivement repousser
les demandes d'octroi de devises étrangères qu'eue présenta à
maintes reprises à partir de 1940 en vue de pouvoir s'acquitter des
intérêtssur ses dettes envers la Barcelona Traction et son groupe.
Ainsi privée de la disposition de ses revenus à l'étranger, la Barce-
lona Traction ne piit reprendre le service de ses propres obligations
en L, mais, vu la nature de l'obstacle qui empêchait ce service,
obtint du trustee canadien des obligations en L (de premier et
deuxièmerangs) l'autorisation de reprendre en Espagne le paiement
des intérêtsde ses. obligations en pesetas (de troisième rang), à
l'aide de fonds fournis par 1'Ebro.
Empêchéed se payer le surplus de leurs dettes envers la Barcelona
Traction, les sociét,?contrôlées, tout en procédant à d'importants
investissements, eurent soin de conserver au cours des annéesqui

suivirent d'importcrntes disponibilités en pesetas en vue d'assurer
le paiement des arriérésle jour où les autorisations de transferts
requises auraient étéobtenues.

L'échecdu plan d'ailangement propose'par la ûarcelona Traction. -
Intervention du financier espagnolJuan March

Préoccupéspar cette situation qui perdurait toujours en 1944,
les dirigeants de laBarcelona Traction, après consultation d'un
comité officieux d'obligataires, mirent sur pied un (1Plan d'arran-
gement I)visant à éliminer les dettes en devises de la Barcelona
Traction en désintéressantles obligataires, partie enL.partie par la
remise d'actions nouvelles de la Barcelona Traction. Ce c plan i>
fut approuvé par des assemblées d'obligataires malgré la vive
opposition d'un envoyé du financier espagnol Juan March; il fut
sanctionné par le uSupreme Court n de l'Ontario.
Déjà en octobre 1940, Juan March avait manifestél'intérêt qu'il
portait à l'affaire. Se servant comme intermédiaire du sieur Carlos
Montafies, ancien employésupérieurde I'Ebro, alors vice-président

du Conseil de l'Industrie, il avait proposé aux dirigeants de la
Barcelona Traction de reprendre b.bas prix le contrôle de la société,
proposition qui fut rejetée. En 1944, une nouvelle tentative de sa
part pour acquérir le contrôle de l'affaire n'avait pas eu plus de
succès. Aussi, après l'approbation et la sanction du (plan n, Juan
March déclencha-t-.il, tant en Espagne qu'en Grande-Bretagne,
une campagne acharnée contre la société,tandis qu'il multipliait
ses achats d'obligations; apparemment il escomptait l'échecfinal
du . plan II,ce qui prolongerait les difficultés de change et lui
conserverait un moyen de pression pour se faire céder à bas prix
le contrôle de l'affaire, REQUÊTE 7

De fait, le Gouvernement espagnol,en la personne de son ministre
de l'Industrie et du Commerce, opposa une fin de non recevoir
systématique aux diverses propositions de financement du «plan o
qui lui furent successivement soumises par ses promoteurs et dont
la dernière ne demandait plus A l'Espagne l'octroi de devises
étrangèrespoursa réalis t'ion.
Le 12 décembre 19415.le ministre espagnol prétendii justifier

cette attitude devant les rCortes » dans un discours violent où
il attaquait le groupe de la Barcelona Traction. ses dirigeants et
le Kplan u qu'ils avaient conçu. Ses arguments n'étaient pas sans
analogie avec ceux que Juan hfarch avait invoquésdans sa cam-
pagne contre le c plan ».Celui-ci dut. en conséquence, êtreaban-
donné.

Acquisition par Juan March de la majoritédes obligations de lu
Barcelona Traction
Immédiatement après l'échecdu cplan »,Juan March acquit, par

de nouveaux achats suite à une offre publique, la majorité des
obligations en L de preinier rang de la Barcelona Traction. à des
conditions en réalité mains avantageuses pour les obligataires que
celles que leiplan >leu]:avait offertes.
Pour la troisième foi:; des contacts eurent lieu entre le nouvel
obligataire majoritaire et les dirigeants de la Barcelona Traction
au début de 1947, Ils échouèrent en avrilde la mêmeannée.
Juan March envoya alors, en août 1947, un juristeespagnol au
Canada, en vue de faire valoir auprès du trustee canadien sa qualité
de principal obligataire créancier d'arriérésd'intérêts,et de provo-

quer la mise en vente di1portefeuille de la Barcelona Traction dont
il voulait se rendre acquéreur. Les renseignements obtenus ayant
fait apparaître qu'une telle requête n'aurait guère dechance d'être
accueillie par les tribunaux canadiens dans les circonstances du
moment. principalement en raison du'fait que la suspension du
service des obligations était due &.l'impossibilité d'obtenir des
transfertsde fonds d'Espagne, Juan March s'adressa aux tribunaux
espagnols auprès desquels il bénéficia d'exceptionnelles complai-
sances.

La déclarationde faillite

Le 5 février 1948, trois sujets espagnols résidant à Madrid,
Messieurs Lafita. Rodellas et Larragan. acqueraient de M. Carlos
Montafies, le mêmehaut fonctionnaire qui était intervenu en 1940
pour compte de Juan March, quelques obligations First Mortgage
en de la Barcelona Traction. Le 6 février,ils donnaient pouvoir A
des mandataires en justice (procuradores) de la ville de Reus
(province de Tarragone:), et le 9 fkvricr, un dc cesuprocuradores 11
présentait devant le tribunal de Reus une demande en déclaration
de faillite de laBarceIona Traction, sans qu'au préalable aucune

tentative n'ait étéfaite pour obtenir le paiemcnt des coupons8 BARCELONA TRACTION

échusou pour déterminer le trustee canadien à agir. LeIO février,
le juge déclara la demande recevable, et dès lelendemain entendit
des témoins, pamii lesquels figurait notamment le même Carlos
Montafies qui, bien que domiciliéà Madrid, se trouvait par hasard
àproximité de Reus. Le surlendemain, xz février1948,lejuge rendit
un jugement déclarant la Barcelona Traction en faillite; comme il
s'agissait d'une faillite sur requête, lasociétén'avait pas étécitée
et n'était pasrepr6:sentéeà l'instance.

Le contenudu jugement de faillite
Le juge constatait la cessation généraledes paiements sur la
base du dernier bilan de la Barcelona Traction ainsi que des témoi-
gnages recueillis suivant lesquels la Barcelona Traction ne payait
pas régulièrementlesintéretsde sesobligations en L.II ne se bornait
pas à ordonner la saisie de tous les biens, livres et documents de
la société déclaréen faillite, qui n'en avait aucun en Espagne, mais

étendait ces mesur1:sde saisie aux biens de deux sociétésdu groupe
de la Barcelona Traction dont l'une était canadienne, l'Ebro, et
l'autre espagnole, YaBarcelonesa contrôléepar 1'Ebro. Ces sociétés
n'étaient pas elles-memes déclaréesen faillite, mais pour justifier
l'extension des mesures de saisie, le juge relevait que les action;
de ces deux sociét6sétaient en totalité la propriété directeou in-
directe de la Barcelona Traction. Enfin, il tirait de la saisie des biens
de l'Ebro et de la Barcelonesa l'étrangeconclusion qu'elle « impli-
quait la possession médiate et civilissime 11(?) des actions émises
par ces deux sociétés, alorsque la plupart se trouvaient matérielle-
ment au Canada.
Le juge nomma un commissaire et un dépositaire (syndic pro-
visoire). Le choix de l'un et de l'autre ne pouvait s'expliquer que
par la suggestion des requérants ou de celui dont ils étaient les
instruments, car le premier étaitprétendument commerçant à Reus,
mais ne s'y était fait inscrire que depuis trois jours sans pouvoir
indiquer de domicile, tandis que le second était un directeur de
banque à Barcelone:qui, lorsqu'il cessa ses fonctions de dépositaire,
fut désignépar les syndics de la faillite comme directeur général

des entreprises contrôléespar la Barcelona Traction, charge qu'il
devait conserver m&meaprès que ces sociétés fussent passées offi-
ciellement sous le contrôle du groupe de Juan March.
Enfin, le juge onlonna la publication de la faillite exclusivement
dans le Bulletin officiel de la province de Tarragone, déclarant
inconnu le domicile de la Barcelona Traction, alors qu'il figurait en
toutes lettres dans l'un des documents qu'il invoquait dans son
jugement. A la requêtedes demandeurs, un deuxièmejugement fut,
il est vrai, rendu siir ce point le mêmejour, ordonnant également
la publication dans le Journal officielde la province de Barcelone,
mais, bien entendu, aucune publication ne fut ordonnéeou sollicitée
au siègesocial à Tc~ronto. REQUETE 9
Ezécutiondu jugernentdd{ailLite

'Dèsle lendemain du prononcé,soit le 13 février 1948, le jugement
était exécutésur commission rogatoire à Barcelone.
Par décisionsdes 25 février et 27 mars 1948, le juge de Reus
étendit le dispositif de son jugement en ordonnant la saisie des
biens de toutes lcs autres sociétés contrôléesdirectement ou in-
directement. par la BarceIona Traction; ces sociétés,pas plus que
1'Ebro et la BarceIonesa, n'avaient étédkclarkes en faillite.

Destitution des dirigeants des sociétéc sontr6léespar la Barcelona
Traction
Le jugement de fainite avait fait abstraction de la personnalité

juridique propre des sociétés contrôlées pour pouvoir ordonnerla
saisie de leurs biens. Par une curieuse inconséquence,le dépositaire
(syndic provisoire) ailait: peu après leur restituer cette personnalité
en s'érigeant à lui seul en assemblée généralede ces sociétés(y
compris deux sociétéscanadiennes), pour destituer à ce titre tout
ou partie des conseils d'administration et nommer d'autres admi-
nistrateurs recrutésparmi les personnes ayant la confiance de Juan
March. Le fait qu'il ne possédait matériellementaucune des actions
de ces sociétés nelui fiit pas un obstacle pour agir de la sorte; il
se contenta d'invoquer la possession amédiate et civilissime n que
' le jugement de faillite avait prétendu lui reconnaître: la curieuse
déclaration du juge de Reus s'avérait ainsi constituer un habile
expédient.

Le juge de Reus ne manqua pas de ratifier ces actes et rendit
mêmeune décisionpar laquelle il reconnaissait expressément que
ces sociétésavaient une personnalité juridique indépendante et
restituait à leurs organes sociaux, prétendument anormalisés II,
la gestion des affaires sociales.

Impossibilitépour les sociétéscontrciléedse se détendreen justice

Dès le 16 février 11248,la sociétécanadienne Ebro recourut
contre la partie du jugement de faillite qui ordonnait la saisie de
ses biens. Son recours fut écarté parle juge de Reus pour le motif
que 1'Ebro n'étant pas la société déclarée en faillite, ne pouvait
recourir contre ce jugement.

L'Ehro appela de cette décision,mais son appel resta sans effet
par suite d'une manŒuvre particulièrement perfide: le nouveau
nconseil d'administration n que le dépositaire avait prétendu

nommer comme il a été ditci-dessus, s'empressa, à peine désigné,
de retirer les pouvoirs des mandataires en justice (procuradores)
qui poursuivaient les recours au nom de 1'Ebro. et de constituer
à leur place de nouveaiix « procuradores II,et ceux-ci comparurent
à l'instance pour se désister des recours intentés par 1'Ebro.10 BARCELONA TRACTION

Cette substitution de nprocuradores n, qui fut pratiquée dans les
r~~ours de toutes le:;sociétéscontr0lées.fut admise Darles tribunaux
espagnols a tous les degré; de juridicti6n. y comprii par le Tribunal
supr&me.
Une fois admise par les tribunaux, cette substitution vouait à
une stérilitécertaine toutes les tentatives des sociétéscontrôlées

pour se défendre eii justice contre les mesures de saisie dont elles
avaient étéles victimes.
Blocage des recoursde la Barcdona Traction

La Barcelona Traction allait également,maispar d'autres moyens,
&tremise dans l'impossibilité.de sedéfendre. Tout d'abord, on ne
lui notifia pas, ni ne publia à son domicile, soit la requ&teen décla-
ration de faillite, soit le jugement rendu, et c'est le 26 août 1948
seulement qu'elle reçut à Toronto, par la voie diplomatique, la

notification ...que le jugement de faillite était passéen force de
chose jugée.
Dès avant cette communication, toutes les précautions avaient
été prises pour faireobstacle àsesrecours. Le procédé utilisé consista
cette fois essentiellement dans l'interposition d'obligataires qui
soulevèrent successivement divers dkclinatoires de compétence en
agissant d'accord avec les demandeurs de la faillite. Les tribunaux
accueillirent invariablement ces déclinatoires et leur attribuèrent ,

l'effet de suspendre la procédure au fond, c'est-A-dire tous les
recours du failli, tout en permettant de procéder à la saisie des
biens, à leur administration et meme, comme on le verra, A leur
liquidation.
Il suffit de mentionner ici le déclinatoirequi, encore actuellement,
paralyse tous les recours du failli. Présentéle 30 man 1948 par
un obligataire qui invoquait la compétence des tribunaux de Lon-
dres, ce dkclinatoire fut, dès le lendemain, déclarérecevable par
le juge de Reus, avec suspension de la procédure; le 5 avril, le juge

déclarait cependant que cette suspension ne devait pas affecter
r les actes de procédure relatifs à l'administration des biens et
dérivant de l'exéciition du jugement de faillite II:et le 14 avril,
le juge, Ala demande conjointe des demandeurs de la faillite et de
l'intervenant, accordait àcelui-ciun délaidehuit moispour apporter
les preuves àl'appui de son déclinatoire,bloquant ainsi la procédure
pendant tout le dl:lai.

Sans doute le déclinatoire de compétence fut-il rejeté par juge-

ment du 12 févrierr949 d'un juge spécial1nommédans l'intervalle,

' Un dhcret-loi du 17 juillet 1947prevoyait la possibilit6 de soumeun
juge spécialles litige, qui leur grande importance, le nombre extraordinaire
de pemnne, qu'ils a5ectem et parlois mème les répercussions qu'ils produisent
le 17fevrier 194demande la désignation d'un juge spgcial. qui ne fut cependant
nomme que le 16 avril 1948. REQUETE II

mais cette décision fut frappée d'un appel auquel il accorda un
effet suspensif.
Cet appel, introduit depuis neuf ans devant la Cour de Barcelone,
n'est toujours pas jugét:t continue à tenir en suspens la procédure
au fond; si bien qu'à l'heure actuelle aucun des recours de la société
faiilie contre sa déclaration en faillite n'a encore kt6 examiné au
fond par un tribunal e:;pagnol.

Mesures$ré$aratoires à la liquidationdes biens

La suspension de la procédure par suite du déclinatoire, si elle
&tait utile pour paralyser la défensede la Barcelona Traction en
justice, présentait, pour qui désirait s'emparer rapidement de
l'entreprise, le grave inconvénient d'empecher la procédure de
faillite de progresser vers la iiquidation des biens. En effet, la vente
de ceux-ci ne pouvait i!tre faite que par les syndics, et non par
le dépositaire qui n'avait que des pouvoirs d'administration. Or,
la nomination des syndics par l'assembléedes créanciers était un
des actes de procédure normalement tenus en suspens par l'effet
du déclinatoire.

Néanmoins, en juin 1949 ,a Cour d'appel de Barcelone, devant
laquelle était pendant l'appel du jugement du juge spécial du
12 février 1949 sur la question de compétence, fut saisie par une
des sociétésdu groupe de Juan March, Génora, d'une demande
tendant à permettre la convocation de l'assembléedes créanciers.
La Cour y fit droit, en apportant ainsiune dérogation àla suspension
générale dela procédure, mais en laissant par ailleurs bloqués les
recours du failli. En conséquence. en septembre 1949 ,es syndics
furent désignés à I'asseinbl6e des créanciers par les votes de Juan
March et de son groupe.

Les syndics, une fois nommés, ne pouvaient cependant réaliser
purement et simplement les avoirs et installations des sociétés
contrôléessaisies en vertu du jugement de faillite, car le dépositaire
(syndic provisoire) avait affirméla personnalité juridique distincte
de celles-ci en se constituant en assemblee généraleet en Inorma-
lisantn leur gestion sociale, ce qui avait étéapprouvépar le juge
de Reus lui-meme. D'autre part, il leur était pratiquement impos-
sible de mettre en vente le portefeuille de la Barcelona Traction
sans qu'il fût entre leurs mains. Or, une requete aux fins de remise
des titres notifiéepar eux aux (1procuradores >Ien Espagne de la
Barcelona Traction et de la National Tmst Cy, sans qualité pour
la recevoir. n'avait donné aucun résultat.

Afinde surmonter cette difficulté,ilseurent recours au subterfuge
suivant: sur la hase de la possession smédiate et civilissime nqui
leur avait étéreconnue dans la déclaration de faillite, ils décidèrent,
réunis en soi-disant assemblées g-énérales en décembre 1949, deIZ BARCELONA TRACTION

créer de nouveaux titres des sociétés~contr0lées dont les titres se
trouvaient au Cana.da et d'annuler les titres originaux..
Comme ces mesiires paraissaient particulièrement inadmissibles
pour les deux sociétés canadiennes, Ebro et Catalonian Land, ils
prétendirent que le siègede ces sociétésétait à Barcelone et qu'elles
étaient, par suite, soumises intégralement aux lois espagnoles.

Ultérieurement, uri jugement du a Supreme Court of Ontario IIdu
rz mai 1954 a forrnellement refusétoute valeur à ces déclarations
ainsi qu'au remplacement des titres qui en était résulté.

Cependant, les actions introduites en Espagne par la National
Trust Cy. Ltd., tmstee des obligationsen de la BarcelonaTraction,
en tant que possesseur légitime des titres véritables, se heurtèrent
à l'habituel obstacle de la suspension de la procédure dérivant du
déclinatoire de compétence.

Siqbension d'unan etdemi: la Commissioninternationale d'expertise

Un échange de notes diplomatiques entre l'Espagne d'une part,
le Canada et la Grande-Bretagne de l'autre, aboutit au début de
1950 à la désignation d'un collège d'experts anglais, canadien et
espagnols, ayant pour mission de déterminer le montant des in-

vestissements du groupe de la Barcelona Traction en Espagne.
Pendant Ics travaux de cette commission d'expertise, les syndics
s'abstinrent d'exécuter les mesures qu'ils avaient décidées.
La Commission fut constituée en mars 1950. L'un des deux
cxperts désignéspar le Gouvernement espagnol était un comptahlc,
M. Andany, qui avait déjàfait un rapport sur l'affaire pour compte
dc Juan Rlarch. Il allait dans la suite êtrenommé directeur de la
sociétécrééepar Juan Rlarch pour reprendre les entreprises du
groupe de la Barcelona Traction.
Sortant du cadre de la mission des experts. M. Andany soumit

:ila Conimission, di!s sa preniicre reiinioi;, iin \.(>liiiiiinr:ipport
siir l'activitédi] eroiirdl.la.Harcelona~racti<~nd~iiuissafontlatioii.
D'une partialiteévidente, ce rapport contenait ainnombrablcs et
grossières erreurs, ainsi que des accusations sans fondement contre
le groupe de la Barcelona Traction et ses dirigeants.
Bien que les experts anglais et canadien eussent refusé d'enté-
riner le rapport de l'expert Andany, le Gouvernement espagnol,
faisant siennes les accusations qu'il contenait, annonça, en juin
19g1. l'intention de poursuivre les responsahlcs. En réalité.la seule
irrCgularitCqui fut finalement retenue à charge de la société.(~ii'elle
;i\.ait tl';iilleiirs reconnue et au sujct de lat~iiellc iine procédure

Ctait en cotirs depuis 1948, était d'avoir. lors de la dt:tixiEme guerre
m«ii<liali~,cfiectiié sans aotorisation des transfrrts (Ir fonds d'Es-
~>axiit,.(:cttc prncédiire allait ahoutir ultC.ririiri~iii~:iit,~liinnd le
c.ririil,Iii;iillarch fiit eri possessiontiel'affairi:i iiii;iiiit.ndi: dc REQUÊTE 13

66 millions de pesetas seulement, somme représentant moins de
1% de la valeur de l'entreprise. .
Mais entre temps, la sourde menace que le Gouvernement
espagnol faisait ainsi peser sur l'entreprise allait fournir aux syndics
l'occasion et le prétexte pour se faire autoriser B passer à la liqui-

dation des biens,
La ventedu 11patrimoine >dela BarcelonaTraction

~uelques jours à peine après que le Gouvernement espagnol eût
fait connaître publiquement son intention, les syndics firent im-
primer les a nouveaux titres IIdes sociétéscontrôlées. canadiennes
et espagnoles, dont ils avaient décidé lacréation en 1949, et en

prirent possession en tant que (1représentants légauxde la Barcc-
lona Traction il.
Ensuite, en août 1951 ,lléguantque les biens de la masse étaient
exposésà une sérieusedkpréciationpar suite de Samenace de pour-
suites annoncéepar le Gouvernement espagnol, les syndics requirent
du nouveau juge spbcial,récemment nommépour remplacerl'ancien1.
i'autorisation de vendre les biens de la masse à titre de mesurc

d'urgence fondéesur les dispositions légales enmatière de vente dc
denréespérissables. Le juge spécialaccorda cette autorisation par
décisionsdes 27 août et 15 septembre 1951 ,onobstant le fait quc
les recours du failli &aient toujours pendants par suite du déclina-
toire de compétence. Dins les motifs de cette dernière décision,
le juge spécialfaisait siennes les principales accusations formulées
par l'expert Andany et le Gouvernement espagnol contre la Barce-

lona Traction.

Le recours d'appel de la Barcelona Traction contre ces décisions
se vit refuser l'cffct suspensif, bien que la sociétéeut offert de
fournir caution. Il fut finalement rejeté. Les autres tentatives faites
devant les tribunaux espagnols, tant par la Barcelona Traction
que par le trustee canadien, pour empêcherou retarder la vente,

échouèrent.
Le 22 novembre 1951 ,e même juge spéciaa lpprouva le cahicr
des charges de la vente. Ce document étrange sera analysédans le
mémoire de la requérante. Bornons-nous à constater qu'en fait
l'adjudication portait principalement sur les anouveaux titres n.
et que le prix comprenait, outre une enchère minimum de IO mil-
lions de pesetas, rengagement de payer directement aux por-
teurs, et dans la monnaie du contrat, le montant en principal et

intérêtsarrikrésdes obligations en de la Barcelona Traction. I,c
cahier des charges précisaitd'autre part qu'étaient exclues de cettc

' l'eu avant la demande des syndensvuede la vente, juge spécianr>oiiiiC
en avrili9qRavait étéremplacé paun autre magistraCe dernier n'allrester
en fonction que pendant les quelques mois que prit la prCparation de la vente.
II fut déchargé deses fonctions jugespécial peu de ternps après la vette
remplacé paron autre magistrat toujoureiifonction l'heure actuelle.I4 BARCELONA TRACTION

obligation de paiement les obligations dont les porteurs en auraient
ainsi convenu avec l'adjudicataire.

Ce iprix i>,équivalant à quelque 28 millions de $ ',était sans
commune mesure avec la valeur de l'entreprise. Pour s'en rendre
compte, il suffit .da se référerau dernier rapport annuel du conseil
d'administration de la Barcelona Traction, exercice 1946 , ui avait
étéproduit par lei;demandeurs de la faillite, et qui indiquait à la
page g une valeur comptable de près de 123 millions de $ pour

l'ensemble de l'iinmobilisé du groupe, amortissements déduits
(Capital expenditureless Reserves). Ce montant devait s'être accru
à l'époquede la vente de quelque 20 millions de $. par suite des
travaux exécutés depuis 1946 par les sociétéscontraléeset financés
à l'aide de leurs ressources propres.
Malgré lecaractère extraordinaire de ces conditions de vente qui

consacraient le dtipouillement total de la société,le juge spécial
refusa à la Barcelona Traction le droit d'interjeter appel contre
sa décision les approuvant, considérant qu'il s'agissait d'une
décisionpurement: préparatoire (de mero trimite).

La vente eut lieu le 4 janvier 1952 .ladjudicataire fut, comme
il fallait s'y atteridre. une sociétédu groupe de Juan March, en
l'espèce une sociéténouvelle, Fuerzas Eléctricas de Catalufia
(FECSA), constituée à cette fin au capital de 5 millions de pesetas.
Il n'y avait pas el1d'enchérisseur,et il ne pouvait pas y en avoir:
il est évident qu'aucun Espagnol autre que Juan March n'aurait

pu disposer des devises étrangèresexigéespar le cahier des charges.
et qu'aucun. étranger n'aurait consenti à investir en Espagne
quelque IO millioiis de au moins dans une affaire sur laquelle le
Gouvernement espagnol faisait peser une 1ourde.hypothèque.
Pour la FECSA au contraire, l'exécution nefut qu'un jeu:-plus
de 80 % des obligations étaient en la possession du groupe de Juan

March et firent l'objet de conventions particulières les excluant du
remboursement. I'our le surplus, le Gouvernement espagnol ne fit
aucune difficulté pour accorder à la FECSA et à Juan March toutes
les autorisations de change nécessaires.
Tous les recours contre les opérations de vente furent rejetés.
Ils auraient dû normalement suspendre l'exécution dela vente et,

effectivement, cet effet suspensif leur fut expressément reconnu par
une décision du troisième juge spécial; mais cette décision fut

1 Tel est en effet I'fquivalen> du montant totaldes obligations en de la
BarceIona Traction en principaet intérêts arrifrés. Ce total est sensiblement
plus elevé que II somme des montants indiques .4la page 6 ci-dessus.non
seulement parce qu'il comprendlesinteretarrifrksmais aussi par suitdu fait
que la Westminster Bank avait. e1951.vendu le gage (z.64o.a~L d'obligations
.First Mortgage. additionnellepour rembourser les obligationstroisièmrang
en pesetasde la Barcelona Traction. Celles-ci étaient devenues exigibles en prin-
cipal parce que le dfpoçitaire,lessyndics, avaient n6glisitortde continuer
contratiprivf. pour Icontre-valeurdeo76 millions de peseta(700.000;C).ar REQUETE 15

réforméepar un arrêt'de la Cour d'appel de Barcelone, et il put
êtreprocédé,dèsle 17 juin1952, à la livraison deK biensa vendus
à la FECSA.

Mesures prises par l'ad:iudicataireapris la vente
Les titres imprimés en Espagne et acquis par FECSA lui ont
conféréen Espagne le contrôle de fait des diverses sociétésdu
groupe de la Barcelona 'Traction.FECSA s'en est servie depuis pour
réaliser une réorganisation profonde du groupe. Son premier souci
fut de faire disparaître les sociétésdont elle avait acquis «nou-

veaux titres II:enes furent dissoutes et leurs biens transférés à
d'autres sociétés.En outre, FECSA s'efforça de placer ses propres
titres dans le public, après avoir pris la singulière précaution d'in-
sérer dans ses statuts une clause par laquelle le droit des action-
naires d'attaquer les décisions socialeset de poursuivre les admi-
nistrateurs en responsabilité était limitéaux seuls actes et décisions
postérieurs A l'acquisition de leurs titres.

Derniersrecoursintentésen Espagnepostérieuremena tu17 juin 1952
Par ces mesures, le dépouillement de la Barcelona Traction se
trouvait consommé: l'action en faillite avait servi non pasobtenir
le paiement des créanciers, mais à permettre A Juan March de

s'emparer du contrôle de l'affaire sans avoir eu à débourserd'autre
prix que celui qu'il avait payépour acquérir les obligations, tandis
que la Barcelona Traction continuait à se débattre contre une
faillite désormaisvidéede son contenu patrimonial, mais néanmoins
toujours paralysée par des artifices de procédure.
Il serait trop long, dans le cadre de la présente requbte, de
décrire, fût-ce sommaireiuent, les tentatives faites par la Barcelona
Traction et les autres intéressés pourredresser les illégalités com-
mises. Les nouvelles actions intentées devant le juge spécial se
heurthent à leur tour à l'obstacle de la suspension. Par contre,
chaque fois que les intéressés s'adressèrent d'autres juridictions
que le juge spécial, ils furent renvoyés devant lui, et lui-même
réitérasa décision de siispension.

Ainsi se referme le cercle dans lequel la Barcelona Traction et
les autres intéressésse débattent depuis plus de dix ans sans par-
venir à faire juger leurs recours au fond par aucune juridiction
espagnole, niA faire donnersuite aux plaintes pénales qu'ilsavaient
déposées,notamment en raison de la création de faux titres.

EN DROIT

Le Gouvernement belge constate que cette cause révèleune
situation anormale,à savoir une procédurede faillite qui a entraîné
la liquidation des biens d'une compagnie étrangère, d'une valeur16 BARCELONA TRACTION

de plus de IOO millions de $, alors que la contestation relativeà la
validité mêmedu jugement de faillite est toujours en siispeiis.
En lui-méme, 11:fait que la Barcelona Traction et son groupe
de sociétéscontrôlées ont étéprivésdu contrôle et de la possession
de tous leurs biens pendant plus de IO ans en vertu de décisions
des tribunaux esriagnols rendues R ex parte i>,sans qu'il leur ait
étépossible pendant toute cette période de faire entendre par
aucune juridiction espagnole leurs recours quant à l'illégalitéfoii-

damentale de ces mesures, constitue un déni de justice au sens
large que la doctiine et la jurisprudence internationales donnent
à ces mots.
Le grief du Gouvernement belge ne se fonde cependant pas seule-
ment sur l'excessive lenteur de la procédure en ce qui concerne ces
recours,. mais encore et surtout sur' le fait qu'entre temps des
mesures de liquidation ont étéordonnées par les tribunaux espa-
gnols, mesures qui rendraient absolument vaine une décisionde ces
tribunaux faisant droit aux recours, à supposer que pareille décision

soit jamais Fendue.
Un tel traitement reste en de$ de la norme de justice que Ics
étrangers sont, d'après le droit international, en droit d'exigerdes
tribunaux nationaux, et la responsabilité internationale de l'ktat
espagnol se trouve de ce fait engagée.
Ce déni de justice fondamental est la résultante d'une série
d'actes, décisions. mesures et omissions, qui, d'après le Gouver-
nement belge, constituent en eux-mêmes desmanquements au droit
international et clont il se rkserve, si toutefois la Cour l'estimait

pertinent aux fins de la présente action, de prouver qu'ils sont
mêmeen grand iombre contraires à la loi espagnole.

Il en indique <:i-dessousles principaux:

I. Usurpation de compétencd ees tribunaz~xespagnols à l'égardd'une
sociétéétrangèr(?

En accueillant dans les circonstances de la cause une requêteen

faillite dirigée contre une sociétéétrangère, le juge de Reus est
sorti des limites du champ d'application qu'iin État est en droit
d'assigner à la force obligatoire de ses lois et aux pouvoirs de juri-
diction de ses tribunaux.

2. Entension abusive desmesttresde saisie à des tiers non déclarésn
faillite
Les sociétéscoritrôléespar la Barcelona Traction, qu'elles soient
de nationalité canadienne ou espagnole, ne pouvaient pas faire
l'objet de saisie de leurs actifs par le jugement du12 février 1948 et

ceux qui l'ont suivi, sansque la cessation de leurs paiements eût été
constatée et leur faillite déclarée. En dérogeant à ces principes
fondamentaux du droit commun de la faillite, le juge de Reus acviitrevenu aux règlesdu droit international sur une administration
normale de la justice.

3. Exécutionforcéedz~jwgement à l'égardde biens situés hors dzr
territoirees$agnol,sans:le concoursdesauluriléslocalescompétentes

Déjàdans son jugement du rz février1948, le juge de Reus avait

singiilièrement déclaréqiie la saisie autorisée par lui des biens des
sociétéscontrôlées par la Barcelona Traction en Espagne conférait
aux organes de la faillite laiipossession médiate et civilissime >idcs
titres de ces sociétéssitu& hors d'Espagne.

C'est à la faveur de cette déclaration, nous l'avons vu, que les
organes de la faillite prétendirent exercer avec l'accord des tribu-
naux les droits de vote attachés à ces titres, commettant ainsi une
véritable usurpation.
Cette usurpation fut pi~usséejusqu'à ses dernières conséquences

lorsque, toujours à la faveur de cette mêmedéclaration du tribunal
de Reus, les syndics décidèrent le remplacement global des actions
ct obligations déposées à Torontopar des titres nouveaux, véritable
contrefaçon des titres authentiques prétendunient annulés, et
procédèrent, avec l'autorisation des tribunaux espagnols, à la vente
de ces «nouveaux titres ncluiconférèrent à leur acquéreuren Espagne
le contrôle de l'ensemble de l'entreprise.
Or, quelque opinion qu'on professe sur la nécessitéd'un exequa-
tur pour l'exbcution de jugements de failliteà l'étranger, les
mesures d'exécution forcéesur des biens étrangers ne peuvent être
ordonnées qu'avec le concours des. autorités compktentes du pays

où il sont situés; la dévalorisation de ces biens par le procédésuivi
en l'espèce constitue une méconnaissance d'autant plus flagrante
des limites qui s'imposent à l'exercice de la puissance publique des
États qu'elle a comporté une falsification de titres étrangers situés
à l'étranger à laquelle ledroit des gens faisait un devoir aux autori-
tés judiciaires espagnoles de s'opposer au lieu d'en autoriser la
vente.

4. Manqzce d'impartialité de diverses jji~ridictions espagnoles à
l'égardde ressortissantsétrangers
Ilivcrses décisions rendues en cette cause témoignent d'une
méconnaissance si grossière des faits et d'une telle complaisance à
accueillir les allégations et siiggestions des adversaircs de la Barce-

lona Traction, qu'on ne peut que l'attribuer à une partialité systé-
matique en leur faveur.
Il faut rappelerà titre d'exemple la facilité avec laquelle le juge
de Reus admit, nonobstant les circonstances très particulières du
cas et en l'absence de la partie défenderesse,la preuve de la cessation
généraledes paiements de la Barcelona Traction, ainsi que la18 BARCELONA TRACTION

manière dont il clioisit les personnes devant remplir les fonctions
de commissaire et de dépositaire de la faillite.
De même,on ne peut attribuer qu'à la partialité le fait que le
juge de Reus déclaraignorer le domicile de la Barcelona Traction,
alors qu'il etait indiquédans l'une des piècessur lesquelles il fonda
son jugement, ce qui devait compromettre gravement les droits

de la défense.
L'exposé des faits montre en outre comment les tribunaux
espagnols ont. à de 'nombreuses reprises eu recours à des thèses
juridiques ou à des interprétations légalesfavorables aux adver-
saires de la Barcelona Traction, mais ont négligé ou refusé de les
retenir lorsque leur application eût été conforme aux intérêtsde
la Barcelona Traction. Tel fut le cas notamment lorsque les tribu-
naux espagnols prétendirent ignorer la personnalité juridique
distincte des sociétéscontrôlées pour saisir leurs biens, mais en

revanche la leur %connurent lorsqu'il s'agit de remplacer les
conseils d'administration, de créerde nouveaux titres i,et de les
vendre.
De même, l'effet suspensifest reconnu aux actes d'appel lorsque
cette suspension entraîne la paralysie indéfiniedes recours du failli,
mais leur est refusélorsqu'elleentraînerait l'ajournement dela vente
des biens ou de leur livraison.

Enfin, le manque d'impartialité n'est pas moins frappant, ainsi
que nous nous réservonsde l'exposer au cours de la procedure, dans
la manikre dont les tribunaux espagnols ont tantôt ignoré,tantôt

prétendu app1iqut:rles IITrust Deeds nrégissantles6missions d'obli-
gations en f; de la Barcelona Traction.
Il est clair que pareille attitude contrevient à l'obligation élémen-
taire qui s'impose aux États d'assurer aux ressortissants étrangers
les garanties de leur organisation judiciaire sans faire de discrimi-
nation entre eux et leurs nationaux.

5. La méconnais:;ance des droits de la défense à l'égardde ressor-
tissants étrangers

Ilest peu de règlesde droit des gens aussi fréquemmentconsacrées
par la jurisprudence internationale des tribunaux arbitraux que le
devoir de respect'erles droits de la défense.Sans vouloir revenir sur
le déni dejustice Isensu lato 1)déjàrelevéprécédemment,le Gou-
vernement belge ne veut pas omettre de signaler que l'admission
des désistemenis, notifiéspar des Iprocuradires » d&emplacement,
relativement aux recours introduits Darles conseilsd'admïnistration
des socibtéscontrôlées, a eu pour effct d'écarter définitivement ces

sociétésdu prétoire et est donc constitutive d'un dénide justice
usensu stricto a. REQUETE 19
Quant à la preuve du préjudice causéà la Barcelona Traction.
clle résulte clairement du simple exposédes faits. Rappelons que

l'avoir de la Barcelona Traction se compose essentiellement de
titres des sociétéscontrôlées. ar suite des mesures dénoncées,cette
sociétése trouve actuellement totalement privée de la possibilité
defaire valoir les droits quiy sont attachés, en sorte que son avoir
perdrait toute valeur et que ses propres actionnaires seraient entiè-
rement dépouillés s'iln'était pas porté remède à cette situation.
Ce remède devrait être normalement l'annulation des mesures
prises et lanrestitutio in integrum rdela Barcelona Traction dans
ses biens, droits et intérêtstels qu'ils existaient au moment de la
liquidation des biens, avant le 12 février 1948..
Le Gouvernement belge ne se dissimule pas toutefois que le
Gouvernement espagnol pourrait invoquer des i~bstaclesconstitu-
tionnels l'empêchantd'annuler des dkcisions judiciaires et de sup-
primer les effetsdc leur exécution; il va de soi d'autre part que

pareil rétablissement d'une situation complexe disparue depuis de
nombreuses annécs pourrait se heurter àdes dificultés considéra-
I~les.Si la Cour estimait que la crestitutio in integrum i,devait
pour ces motifs être réputéeimpossible, il ne lui resterait qu'à
rcconnaître le devoir de l'Espagne rie réparer par équivalence le
préjudicecauséà la Barct:lona Traction ou àses actionnaires belges.

PAR CES MOTIFS, le Gouvernement belge concliit qu'il plaise à la
Cour, juger et dire pour droit:

1. que les mesures, actes, décisionset omissions des organes de
l'État espagnol en vertu desqucls la Barcclona Traction a été
~1éclari.cn faillite et ses biens liquidésdans les circonstances
rclcvéesdans la présente reclii@te,ont coritraircs au droit des
gcns et que 1'Etat espagnol est responsable du prbjudice qui
rn est résulté;
II. que l'État espagnol est en conséquencetenu de rétablir inté-
gralement la Barcelona Traction dans ses biens, droits et in-

térêtstels qu'ils existaient avant le 12 février 1948 et qu'il
est tenu dc plus c!'as:,urerl'indemnisation de cette socipour
tous autres préjudicesrésultant de la faillite et des procédures
y relatives et notamment pour la privation de jouissance souf-
ferte par la Barcelona Traction depuis le 12 février 1948
jusqu'aux restitutipns susvisées,le montant de ladite indem-
nité à verser à 1'Etat belge étant à déterminer par la Cour
après expertise, conformément à l'article 50 de son Statut.

III. Subsidiairem dert ,u'au cas où la erestitutio in integrum u
demandke ci-dessus s'avérerait en tout ou partie impossible,
i raison notamment d'obstacles constitutionnels. l'État es-20 BARCELONA TRACTION
pagnol serait tenu de verser à l'État belge unf: indemnité

équivalant à la valeur des biens, droits et intérèts dont la
Barcelona Traction a étédépouillée.en ce compris l'indemnisa-
tion de tousa.utres préjudices comme indiqué subII. le mon-
tant de ladite indemnité étantà déterminer par la Cour après
expertise, conformément à l'article 50 de son Statut.

IV. En ordreplussubsidiaier te,our le cas où la Cour estimerait
que nonobstant la prépondérance desintérêtsde ressortissants
belges dans la Barcelona Traction le Gouvernement belge n'est

justifié a poursuivre la réparation dii préjudice subi par cette
sociétéque dans la mesure où ses ressortissants sont intéres-
sés,dire que les indemnités prévuessz~bIII devront êtreversées
à l'État belgeàconcurrence de la part du capital de la Barce-
lona Traction possédéepar des ressortissaiits belges à la date
du rz février1948,et du montant dcs crCaiiccscsistontà ccttc
date en faveiir de ressortissantsbclgcs.

Lc Gouveriicnicnt belge sc réserveIL.<Irait [lc coinplétcr ct mo-
dilicr les présciit,:~conclusioiis au cours cIn ~>rocédurcqui sc
déroulera devant la Cour.

Bruxelles, le15 scptcmbrc 1958.

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Requête introductive d'instance

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