Requête introductive d'instance

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7163
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COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

REQUÊTE

INTRODUCTIVE D'INSTANCE

enregistrée au Greffe de la Cour
le 29 avril 1999

LICÉITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE

(YOUGOSLAVIE c. ITALIE)

1999
Rôle général
no. 109

I. L'AGENT DE LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE DE YOUGOSLAVIE
AU GREFFIER DE LA COUR INTERNATIONALE
DE JUSTICE

[Traduction]

J'ai l'honneur de vous transmettre une lettre de S. Exc. M. Zivadin Jovanovic, ministre fédéral
des affaires étrangères de la République fédérale de Yougoslavie, par laquelle il désigne
M. Milenko Kreca en tant que juge ad hoc et M. Rodoljub Etinski, conseiller juridique
principal au ministère fédéral des affaires étrangères, et S. Exc. M. Milan Grubic,
ambassadeur de la République fédérale de Yougoslavie auprès du Royaume des Pays-Bas, en

tant qu'agent et coagent, respectivement, pour les instances introduites par les requêtes visées
dans la présente lettre et la lettre de couverture correspondante qui vous est adressée. Je vous
transmets également les requêtes présentées par la République fédérale de Yougoslavie
contre les Etats-Unis d'Amérique, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord,
la République française, la République fédérale d'Allemagne, la République italienne, le
Royaume des Pays-Bas, le Royaume de Belgique, le Canada, le Portugal et le Royaume
d'Espagne pour violation de l'obligation de ne pas recourir à l'emploi de la force, les

demandes en indication de mesures conservatoires correspondantes, accompagnéesme'une
annexe et d'éléments de preuve photographiques, la lettre adressée au président et à M
MM. les membres de la Cour leur demandant de statuer d'urgence sur les mesures
conservatoires, ainsi qu'une copie de la déclaration d'acceptation par la République fédérale
de Yougoslavie de la juridiction obligatoire de la Cour internationale de Justice.

L'agent de la République fédérale
de Yougoslavie, (Signé) Rodoljub Etinski.

___________

[Traduction du Greffe]

New York, le 25 avril 1999.

Je déclare par la présente que le Gouvernement de la République fédérale de Yougoslavie,
conformément au paragraphe 2 de l'article 36 du Statut de la Cour internationale de Justice,
reconnaît comme obligatoire de plein droit et sans convention spéciale, à l'égard de tout autre
Etat acceptant la même obligation, c'est-à-dire sous condition de réciprocité, la juridiction de

la Cour pour tous les différends, survenant ou pouvant survenir après la signature de la
présente déclaration, qui ont trait à des situations ou à des faits postérieurs à la présente
signature, à l'exception des affaires pour lesquelles les parties ont convenu ou conviendront
d'avoir recours à une autre procédure ou à une autre méthode de règlement pacifique. La
présente déclaration ne s'applique pas aux différends relatifs à des questions qui, en vertu du
droit international, relèvent exclusivement de la compétence de la République fédérale de
Yougoslavie, ni aux différends territoriaux.

L'obligation susmentionnée n'est acceptée que pour une période qui durera jusqu'à notification
de l'intention d'y mettre fin.

Le chargé d'affaires a.i.
de la mission permanente de la Yougoslavie
auprès de l'Organisation des Nations Unies,

(Signé) Vladislav Jovanovic.

______________

II. LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
DE LA RÉPUBLIQUE DE YOUGOSLAVIE
AU PRÉSIDENT DE LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE[Traduction]

Belgrade, le 26 avril 1999.

J'ai l'honneur de vous informer que conformément au paragraphe 1 de l'article 42 du Statut de
la Cour et au paragraphe 2 de l'article 40 du Règlement de la Cour, le Gouvernement de la
République fédérale de Yougoslavie a nommé comme agent le professeur Rodoljub Etinski,
conseiller juridique principal au ministère des affaires étrangères de la République fédérale de

Yougoslavie, et comme coagent M. Milan Grubic, ambassadeur de la République fédérale de
Yougoslavie aux Pays-Bas, dans les affaires suivantes : République fédérale de Yougoslavie
contre Etats-Unis d'Amérique, République fédérale de Yougoslavie contre Royaume-Uni,
République fédérale de Yougoslavie contre France, République fédérale de Yougoslavie
contre République fédérale d'Allemagne, République fédérale de Yougoslavie contre Italie,
République fédérale de Yougoslavie contre Pays-Bas, République fédérale de Yougoslavie

contre Belgique, République fédérale de Yougoslavie contre Canada, République fédérale de
Yougoslavie contre Portugal et République fédérale de Yougoslav
ie contre Espagne,
concernant la violation de l'obligation de ne pas recourir à l'emploi de la force.

J'ai l'honneur de vous informer en outre que, sur la base du paragraphe 3 de l'article 31 du

Statut de la Cour et du paragraphe 1 de l'article 35 du Règlement de la Cour, la République
fédérale de Yougoslavie souhaite désigner le professeur Milenko Kreca en tant juge ad hoc.

(Signé) Zivadin Jovanovic.

___________

III. REQUÊTE DE LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE
DE YOUGOSLAVIE

[Traduction]

Sur la base de l'article 40 du Statut de la Cour internationale de Justice et de l'article 38 du

Règlement de la Cour, j'ai l'honneur de déposer la requête suivante : «Requête de la
République fédérale de Yougoslavie contre La République italienne Pour Violation de
l'obligation de ne pas recourir à l'emploi de la force». Objet du différend

L'objet du différend porte sur les actes commis par la République italienne en violation de son
obligation internationale de ne pas recourir à l'emploi de la force contre un autre Etat, de
l'obligation de ne pas s'immiscer dans les affaires intérieures d'un autre Etat, de l'obligation de

ne pas porter atteinte à la souveraineté d'un autre Etat, de l'obligation de protéger les
populations civiles et les biens de caractère civil en temps de guerre, de l'obligation de
protéger l'environnement, de l'obligation touchant à la liberté de navigation sur les cours d'eau
internationaux, de l'obligation concernant les droits et libertés fondamentaux de la personne
humaine, de l'obligation de ne pas utiliser des armes interdites, de l'obligation de ne pas
soumettre intentionnellement un groupe national à des conditions d'existence devant entraîner
sa destruction physique.

Fondements juridiques de la compétence de la Cour

Le Gouvernement de la République fédérale de Yougoslavie invoque l'article 9 de la

convention pour la prévention et la répression du crime de génocide ainsi que le paragraphe 5
de l'article 38 du Règlement de la Cour.

Demandes

Le Gouvernement de la République fédérale de Yougoslavie prie la Cour de dire et juger :

- qu'en prenant part aux bombardements du territoire de la République fédérale de
Yougoslavie, la République italienne a agi contre la République fédérale de Yougoslavie en
violation de son obligation de ne pas recourir à l'emploi de la force contre un autre Etat;

- qu'en prenant part à l'entraînement, à l'armement, au financement, à l'équipement et à
l'approvisionnement de groupes terroristes, à savoir la prétendue «armée de libération du
Kosovo», la République italienne a agi contre la République fédérale de Yougoslavie en
violation de son obligation de ne pas s'immiscer dans les affaires d'un autre Etat;

- qu'en prenant part aux attaques contre des cibles civiles, la République italienne a agi contre
la République fédérale de Yougoslavie en violation de son obligation d'épargner la population

civile, les civils et les biens de caractère civil;

- qu'en prenant part à la destruction ou à l'endommagement de monastères qui sont des
édifices culturels, la République italienne a agi contre la République fédérale de Yougoslavie
en violation de son obligation de ne pas commettre d'actes d'hostilité dirigés contre des
monuments historiques, des oeuvres d'art ou des lieux de culte constituant le patrimoine
culturel ou spirituel d'un peuple;

- qu'en prenant part à l'utilisation de bombes en grappe, la République italienne a agi contre la
République fédérale de Yougoslavie en violation de son obligation de ne pas utiliser des
armes interdites, c'est-à-dire des armes de nature à causer des maux superflus;- qu'en prenant part aux bombardements de raffineries de pétrole et d'usines chimiques, la
République italienne a agi contre la République fédérale de Yougoslavie en violation de son
obligation de ne pas causer de dommages substantiels à l'environnement;

- qu'en recourant à l'utilisation d'armes contenant de l'uranium appauvri, la République

italienne a agi contre la République fédérale de Yougoslavie en violation de son obligation de
ne pas utiliser des armes interdites et de ne pas causer de dommages de grande ampleur à la
santé et à l'environnement;

- qu'en prenant part aux meurtres de civils, à la destruction d'entreprises, de moyens de
communication et de structures sanitaires et culturelles, la République italienne a agi contre la
République fédérale de Yougoslavie en violation de son obligation de respecter le droit à la

vie, le droit au travail, le droit à l'information, le droit aux soins de santé ainsi que d'autres
droits fondamentaux de la personne humaine;

- qu'en prenant part à la destruction de ponts situés sur des cours d'eau internationaux, la
République italienne a agi contre la République fédérale de Yougoslavie en violation de son
obligation de respecter la liberté de navigation sur les cours d'eau internationaux;

- qu'en prenant part aux activités énumérées ci-dessus et en particulier en causant des
dommages énormes à l'environnement et en utilisant de l'uranium appauvri, la République
italienne a agi contre la République fédérale de Yougoslavie en violation de son obligation de
ne pas soumettre intentionnellement un groupe national à des conditions d'existence devant
entraîner sa destruction physique totale ou partielle.

- que la République italienne porte la responsabilité de la violation des obligations
internationales susmentionnées;

- que la République italienne est tenue de mettre fin immédiatement à la violation des
obligations susmentionnées à l'égard de la République fédérale de Yougoslavie;

- que la République italienne doit réparation pour les préjudices causés à la République

fédérale de Yougoslavie ainsi qu'à ses citoyens et personnes morales.

La République fédérale de Yougoslavie se réserve le droit de présenter ultérieurement une
évaluation précise des préjudices.

Faits sur lesquels la requête est fondée

Le Gouvernement de la République italienne, conjointement avec les gouvernements d'autres
Etats membres de l'OTAN, a recouru à l'emploi de la force contre la République fédérale de
Yougoslavie en prenant part au bombardement de cibles dans la République fédérale de
Yougoslavie. Lors des bombardements de la République fédérale de Yougoslavie, des cibles

militaires et civiles ont été attaquées. Un grand nombre de personnes ont été tuées, dont de
très nombreux civils. Des immeubles d'habitation ont subi des attaques. Un grand nombre
d'habitations ont été détruites. D'énormes dégâts ont été causés à des écoles, des hôpitaux, des
stations de radiodiffusion et de télévision, des structures culturelles et sanitaires, ainsi qu'à des
lieux de culte. Nombre de ponts, routes et voies de chemin de fer ont été détruits. Les attaquescontre des raffineries de pétrole et des usines chimiques ont eu de graves effets
dommageables sur l'environnement de villes et de villages de la République fédérale de
Yougoslavie. L'emploi d'armes contenant de l'uranium appauvri a de lourdes conséquences
pour la vie humaine. Les actes susmentionnés ont pour effet de soumettre intentionnellement

un groupe ethnique à des conditions devant entraîner sa destruction physique totale ou
partielle. Le Gouvernement de la République italienne prend part à l'entraînement, à
l'armement, au financement, à l'équipement et à l'approvisionnement de la prétendue «armée
de libération du Kosovo».

Fondements juridiques de la requête

Les actes susmentionnés du Gouvernement italien constituent une violation flagrante de
l'obligation de ne pas recourir à l'emploi de la force contre un autre Etat. En finançant, armant,
entraînant et équipant la prétendue «armée de libération du Kosovo», le Gouvernement italien

apporte un appui à des groupes terroristes et au mouvement sécessionniste sur le territoire de
la République fédérale de Yougoslavie, en violation de l'obligation de ne pas s'immiscer dans
les affaires intérieures d'un autre Etat. De surcroît, les dispositions de la convention de
Genève de 1949 et du protocole additionnel n 1 de 1977 relatives à la protection des civils et
des biens de caractère civil en temps de guerre ont été violées. Il y a eu aussi violation de
l'obligation de protéger l'environnement. La destruction de ponts sur le Danube enfreint les

dispositions de l'article 1 de la convention de 1948 relatives à la liberté de navigation sur le
Danube. Les dispositions du pacte international relatif aux droits civils et politiques et du
pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966 ont elles aussi
été violées. En outre, l'obligation énoncée dans la convention pour la prévention et la
répression du crime de génocide de ne pas soumettre intentionnellement un groupe national à
des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique a été violée. De plus, les

activités auxquelles la République italienne prend part sont contraires au paragraphe 1 de
l'article 53 de la Charte des Nations Unies.

Le Gouvernement de la République fédérale de Yougoslavie se réserve le droit de modifier et
de compléter la présente requête.

Belgrade, le 28 avril 1999.
Agent de la République fédérale de Yougoslavie,
(Signé) Rodoljub Etinski.

__________

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