Requête introductive d'instance

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7151
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COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

REQUÊTE

INTRODUCTIVE D’INSTANCE
enregistrée au Greffe de la Cour
le 23 juin 1999

ACTIVITÉS ARMÉES SUR LE TERRITOIRE
DU CONGO

(RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO
c. OUGANDA)

INTERNATIONAL COURT OF JUSTICE

APPLICATION
INSTITUTING PROCEEDINGS

filed in the Registry of the Court
on 23 June 1999

ARMED ACTIVITIES ON THE TERRITORY
OF THE CONGO

(DEMOCRATIC REPUBLIC OF THE CONGO
v. UGANDA) 2

1999
Rôleogénéral
n 116
I. LE VICE-MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

DE LA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO
AU GREFFIER DE LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

Kinshasa, le 8 juin 1999.

J’ai l’honneur de vous informer que conformément au paragraphe 1 de l’ar-
ticle 42 du Statut de la Cour, et au paragraphe 2 de l’article 40 du Règlement
de la Cour, le Gouvernement de la République démocratique du Congo a dési-
gné comme agent, suivant document annexé à la présente, M e Michel Lion,
avocat à l’ordre français des avocats du barreau de Bruxelles, aux fins d’intro-
duire une requête contre la République de l’Ouganda, contre la République du

Rwanda et contre la République du Burundi, au sujet de l’agression armée
dont est victime notre pays.
Toute communication relative à ces affaires pourra utilement être faite à
l’adresse de l’agent, square des Nations 24, 1000 Bruxelles (Belgique), choisi
comme domicile élu pour toute la durée de la procédure.

(Signé) David M’B WANKIEM .

Annexe

D ÉSIGNATION DE L ’AGENT

Je soussigné David M’Bwankiem, vice-ministre des affaires étrangères de la
République démocratique du Congo, atteste que M e Michel Lion, avocat
inscrit au barreau de Bruxelles, a été désigné par le Gouvernement congolais

comme «agent» aux fins d’introduire la requête auprès de la Cour interna-
tionale de Justice à La Haye et suivre toute la procédure s’y rapportant au
nom de la République démocratique du Congo contre les pays suivants:

— Ouganda,

— Rwanda,
— Burundi.

Fait à Kinshasa, le 5 avril 1999.

(Signé) David M’B WANKIEM . 4

II. REQUÊTE INTRODUCTIVE D’INSTANCE

Au nom du Gouvernement de la République démocratique du Congo, et
conformément à l’article 40, paragraphe 1, du Statut de la Cour et à l’ar-
ticle 38 de son Règlement, nous avons l’honneur de soumettre à votre Haute
Juridiction la présente requête introductive d’instance contre le Gouvernement
de la République de l’Ouganda, en raison des actes d’ agression armée perpé-
trés par l’Ouganda sur le territoire de la République démocratique du Congo
en violation flagrante de la Charte des Nations Unies et de la Charte de l’Or-
ganisation de l’unité africaine.
Cette agression armée de troupes ougandaises en territoire congolais a
entraîné entre autres la violation de la souveraineté et de l’intégrité territoriale
de la République démocratique du Congo, des violations du droit internatio-
nal humanitaire et des violations massives des droits de l’homme.
Par la présente requête, la République démocratique du Congo entend qu’il
soit mis fin au plus tôt à ces actes d’agression dont elle est victime et qui

constituent une sérieuse menace pour la paix et la sécurité en Afrique centrale
en général et particulièrement dans la région des Grands Lacs.
Elle entend également obtenir réparation pour les actes de destruction
intentionnelle et de pillage ainsi que la restitution des biens et ressources
nationales dérobées au profit de l’Ouganda.

I. EXPOSÉ DES FAITS

A. Agression armée: origine

Sont rapportés ci-après les faits tels qu’ils se sont déroulés durant les pre-
miers jours de l’invasion surprise du territoire de la République démocratique
du Congo par les troupes ougandaises.
L’invasion de la République démocratique du Congo s’est étendue au point
que les zones de conflit concernent actuellement sept provinces, soit le Nord-
Kivu, le Sud-Kivu, le Maniema, la Province orientale, le Katanga, l’Equateur
et le Kasaï oriental.

1. Les 2 et 3 août 1998, des colonnes constituées de plusieurs camions de
l’armée ougandaise, chargés de militaires lourdement armés, ont violé les
frontières orientales congolaises pour investir les villes de Goma et de
Bukavu.
2. Dans le même temps que se déroulaient ces événements à l’est du pays, à
Kinshasa, un millier de soldats ougandais qui s’étaient soustraits à l’opéra-
tion de rapatriement décrétée par le Gouvernement congolais, appuyés par
des éléments dits Banyamulenge, ont pris d’assaut les camps militaires Tshat-
shi et Kokolo.

3. Le mardi 4 août 1998, trois avions Boeing, des compagnies congolaises
(Congo Airlines, Lignes aériennes congolaises et Blues Airlines) ont été
détournés au départ de Goma (Nord-Kivu) pour atterrir à la base militaire
de Kitona (Bas-Congo) avec six cents à huit cents militaires ougandais. 6

Les buts visés étaient multiples, notamment:

— obtenir le ralliement des éléments congolais en formation à Kitona;
— asphyxier Kinshasa en s’emparant des ports maritimes de Banana, de
Boma et de Matadi. La voie fluviale du sud-ouest est vitale pour l’ap-
provisionnement de la capitale en produits de première nécessité et en
produits pétroliers;
— investir le barrage hydroélectrique d’Inga qui assure la fourniture en
énergie électrique de la province du Bas-Congo, de la ville de Kinshasa
et des exploitations minières de Katanga, ainsi que de plusieurs autres
pays de l’Afrique centrale et australe (Congo-Brazzaville, Zambie,
Angola...);
— s’emparer de Kinshasa par le Bas-Congo, pour renverser le gouverne-

ment de salut public et assassiner le président Laurent Désiré Kabila, en
vue d’y installer un régime tutsi ou d’obédience tutsi; etc.

4. Le dimanche 9 août 1998, deux colonnes de soldats ougandais ont violé l’inté-
grité territoriale de la République démocratique du Congo. La première
colonne était composée de trois blindés et de sept camions K.V., la seconde
comprenait sept auto-blindés. Localisés entre Kamango et Watsa, ces troupes

ougandaises se dirigeaient vers Bunia, dans la Province orientale.
5. De plus,toujours le 9 août 1998, à 11heures (9heures GMT),un gros porteur de
l’armée ougandaise a atterri à Nebbi, district ougandais, très proche de
Karobo, à plus ou moins 20 kilomètres de Mahagi, en territoire congolais. Cet
avion a déposé un lot important d’armes et de munitions. Celles-ci ont été dis-
tribuées aux garnisons de Fahidi, de Huruti, de Mbo et de Mee, dans le but de
servir de forces d’appui aux troupes ougandaises présentes au Congo.

B. Enoncé des violations perpétrées par l’Ouganda

L’ensemble des violations successives des droits de l’homme perpétrées par la
République ougandaise depuis le 2 août 1998 peut se présenter sous la forme d’un
tableau synoptique divisé en six chapitres faisant l’objet du premier Livre blanc du
ministère des droits humains, complété par un second Livre blanc.
A titre exemplatif, la République démocratique du Congo a épinglé les faits
suivants qui ne sauraient être exhaustifs et qui témoignent d’une véritable poli-
tique menée par le Gouvernement ougandais à l’encontre de la République
démocratique du Congo.
En outre, ils sont suffisamment éloquents de la lourde responsabilité qui
pèse sur les dirigeants responsables des pays agresseurs.

1. Massacres humains

Le lundi 3 août 1998 vers 16 heures, trente-huit officiers et une centaine de
soldats des Forces armées congolaises, préalablement désarmés, ont été assas-
sinés à l’aéroport de Kavumu.
Le 24 août 1998, plus de huit cent cinquante-six personnes ont été massa-
crées à Kasika, dans la chefferie de Lwindi et en territoire de Mwenga, locali-
tés situées dans la province du Sud-Kivu.
Les cadavres découverts sur un trajet de 60 kilomètres, depuis Kilungutwe
jusqu’à Kasika, étaient essentiellement des femmes et des enfants, des êtres
incapables de porter des armes et donc sans défense.
Dans la nuit du 31 décembre 1998 au 1 er janvier 1999, six cent trente-trois
personnes ont été massacrées à Makobola. 8

2. Viols

De nombreux cas de viols de femmes et d’enfants ont été perpétrés, notam-
ment le 29 août 1998 à Kasika, le 22 septembre à Bukavu...

3. Tentatives d’enlèvements et d’assassinats contre les activités des droits de l’homme

Pendant les trois premiers mois d’agression du Sud-Kivu, diverses tentatives
d’enlèvements et/ou assassinats ont été effectuées contre plusieurs faiseurs
d’opinion et animateurs du mouvement associatif du Sud-Kivu.

4. Arrestations, détentions arbitraires, traitements inhumains et dégradants
A Bukuvu et dans ses environs, il y a eu meurtres et massacres de la popu-
lation civile ainsi que des cas d’enlèvements, arrestations arbitraires, déten-

tions illégales, viols, extorsion et des cas de tortures.

5. Pillages systématiques des institutions publiques et privées, des expropriations des
biens de la population civile

Le 15 septembre 1998, le centre de santé de Mumba a été pillé par des mili-
taires ougandais.
A Bukavu, à la direction provinciale de l’Office des douanes et accises, à
l’Office congolais de contrôle ainsi qu’à la direction provinciale des contribu-
tions, les coffres-forts de toutes ces entreprises publiques génératrices de
recettes ont été pillés.
Les troupes ougandaises ont saboté les installations portuaires et certaines
unités d’exploitation (démontage des usines de la société Filtisaf) de Kalemie;
pillé et exporté des engins de manutention et certaines unités flottantes des
particuliers.

6. Violations des droits de l’homme commises par les troupes d’invasion ougandaises
et leurs alliés «rebelles» dans les grandes cités de la Province orientale
Pour accomplir leur besogne à l’abri de témoins, les troupes ougandaises
ont chassé toutes les organisations humanitaires internationales, notamment le
HCR, le CICR, l’UNICEF, l’OMS et MSF.

Les troupes ougandaises arrachent ou déconnectent systématiquement
tous les moyens de télécommunication pour que les actes qu’elles commet-
tent ne soient pas portés à la connaissance de l’opinion nationale et interna-
tionale et confisquent également les passeports des militants des droits de
l’homme.

II. C OMPÉTENCE DE LA C OUR

La République démocratique du Congo (ex-Zaïre) a reconnu la compé-
tence de la Cour par déclaration datant du 8 février 1989 et rédigée comme
suit:

«... conformément à l’article 36, paragraphe 2, du Statut de la Cour inter-
nationale de Justice:
Le Conseil exécutif de la République du Zaïre reconnaît comme obliga-

toire de plein droit et sans convention spéciale, à l’égard de tout autre Etat 10

acceptant la même obligation, la juridiction de la Cour internationale de Jus-

tice pour tous les différends d’ordre juridique ayant pour objet:
a) l’interprétation d’un traité;
b) tout point de droit international;
c) la réalité de tout fait qui, s’il était établi, constituerait la violation d’un
engagement international;
d) la nature ou l’étendue de la réparation due pour la rupture d’un enga-
gement international.

Il est entendu en outre que la présente déclaration restera en vigueur
aussi longtemps qu’avis de sa révocation n’aura pas été donné.»

***

De son côté, le Gouvernement ougandais a également reconnu la compé-
tence de la Cour comme obligatoire de plein droit et sans convention spéciale

par déclaration du 3 octobre 1963 rédigée comme suit:
«Au nom du Gouvernement ougandais, je déclare par la présente que
l’Ouganda reconnaît comme obligatoire de plein droit et sans convention
spéciale, à l’égard de tout autre Etat qui accepte la même obligation et
sous condition de réciprocité, la juridiction de la Cour internationale de
Justice conformément aux dispositions du paragraphe 2 de l’article 36 du
Statut de la Cour.»

En conséquence, la requête contre le Gouvernement ougandais est rece-
vable.

III. EN DROIT : LES GRIEFS
DE LA R ÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU C ONGO

La République démocratique du Congo base son action sur l’ agression
armée dont elle est victime depuis l’invasion de son territoire remontant au
2 août 1998 ainsi que toutes les exactions qui s’en sont suivies et qui se pour-
suivent en toute impunité à ce jour.
Préalablement à l’analyse des différents griefs formulés par la République
démocratique du Congo contre l’Ouganda, nous tenons à rappeler tous les
efforts entrepris par le Gouvernement congolais en vue de faire prévaloir son
bon droit pour obtenir le départ des troupes étrangères qui ont envahi le terri-
toire, et notamment:

1. Interventions au niveau de l’Organisation des Nations Unies

Dès le 31 août 1998, le représentant permanent de la République démocra-
tique du Congo auprès des Nations Unies, l’ambassadeur Mwamba Kapanga,
déposa un mémorandum auprès du Conseil de sécurité sur l’agression armée
dont la République démocratique du Congo était victime.
De multiples interventions eurent ensuite lieu auprès de l’Organisation des
Nations Unies mais restèrent lettre morte.
Enfin, sur base du premier Livre blanc présenté à l’Organisation des Nations
Unies, le Conseil de sécurité adopta, à l’unanimité, le 9 avril 1999, la
résolution 1234 exigeant l’arrêt immédiat des hostilités et demandant de mettre
fin à la présence des forces «non invitées» en territoire congolais.
Cette résolution reste sans effet à ce jour. 12

2. Interventions au niveau de l’Organisation de l’unité africaine

De nombreux sommets ou rencontres ayant pour objectif d’arrêter l’agres-
sion armée, dont la République démocratique du Congo était victime, se sont
tenues à Victoria Falls, Harare, Pretoria, Cape Town, Lusaka, Ouagadougou,
etc.
3. Autres interventions

— sommet France-Afrique du mois de décembre 1998 à Paris,
— rencontre des présidents Kabila et Museveni sous l’égide du colonel
Mummar El Gaddafi à Syrte, le 18 avril 1999.

Il est ainsi suffisamment établi que la République démocratique du Congo
n’a pas ménagé ses efforts en vue de mettre fin à la mainmise d’une importante
partie de son territoire par l’Ouganda.
L’aide apportée à la ou aux rébellions congolaises — qui ne s’entendent pas
entre elles — et la sécurité des frontières n’ont été que des prétextes pour s’ap-
proprier les richesses des territoires envahis et prendre en otage les populations
civiles dont le seul souhait est la paix, la sécurité et le bien être dans le cadre
d’un pays uni.
En apportant ainsi une aide illimitée en armes et en troupes armées à des
rebelles, avec en compensation l’exploitation des richesses congolaises à leur
profit, l’Ouganda a défié la communauté internationale et créé un dangereux
précédent.
C’est dans cet ordre d’esprit que s’inscrit l’engagement des sociétés étrangères
telles que «Collier Ventures Limited», «Barrich Gold Corporation»..., aux
côtés des forces d’invasion opérant en République démocratique du Congo.
Alors que la République démocratique du Congo se relevait difficilement
d’une non-gouvernance durant de nombreuses années et qu’entre autres elle
avait réussi la réforme monétaire du 30 juin 1998, l’invasion de son territoire
qui a nécessité et nécessite encore des efforts financiers démesurés a entraîné
une paralysie de la plupart des secteurs économiques du pays préjudiciable au
peuple congolais.

En envahissant le territoire congolais, allant ainsi à l’encontre des grands
principes du droit international, l’Ouganda a empêché le règlement pacifique
de la rébellion qui est un problème interne à la République démocratique du
Congo et a tenté avec l’appui de puissances étrangères de tuer la démocratie à
laquelle le peuple congolais tout entier aspirait.
La République démocratique du Congo mentionne à ce stade les violations
graves auxquelles l’Ouganda s’est livré en se référant, sans que ceux-ci ne
soient limitatifs, aux grands principes du droit international.

A. Violation de l’article 2, paragraphe 4, de la Charte des Nations Unies

L’Ouganda a violé l’article 2, paragraphe 4, de la Charte des Nations Unies
qui prévoit que:

«L’Organisation des Nations Unies et ses Membres, dans la poursuite des
buts énoncés à l’article 1, doivent agir conformément aux principes suivants:
.....................................................

4. Les Membres de l’Organisation s’abstiennent, dans leurs relations inter-
nationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’inté-
grité territoriale ou l’indépendance politique de tout Etat, soit de toute autre
manière incompatible avec les buts des Nations Unies.» 14

La résolution 3314 de l’Assemblée générale des Nations Unies du
14 décembre 1974 a défini l’agression comme suit:

«L’agression est l’emploi de la force armée par un Etat contre la sou-
veraineté, l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un autre
Etat, ou de toute autre manière incompatible avec la Charte des
Nations Unies, ainsi qu’il ressort de la présente définition.»

Ainsi qu’il est rappelé dans l’énoncé des faits, l’agression armée de l’Ou-
ganda constitue une réalité qui n’est plus à démontrer puisque le Gouverne-
ment ougandais, après avoir longtemps nié la présence de ses troupes armées,
pose aujourd’hui des conditions assortissant le retrait de celles-ci.
Le Gouvernement ougandais reconnaît ainsi sans équivoque l’agression par
ses troupes armées du territoire de la République démocratique du Congo.

En fait, cette agression faisait l’objet d’un consensus bien établi décidé en
étroite collaboration avec des puissances étrangères qui ont apporté l’appui
financier nécessaire et une logistique importante.

B. Violation des articles 3 et suivants de la Charte
de l’Organisation de l’unité africaine

L’article 3 de la Charte de l’Organisation de l’unité africaine consacre solennelle-
ment les principes de non-intervention et de non-ingérence dans les affaires inté-
rieures des Etats,du respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de chaque
Etat et de son droit inaliénable à une existence indépendante.
En outre, la Charte de l’Organisation de l’unité africaine, en son article 3,
paragraphe 5, et la résolution AMG/Rés.27 adoptée par la conférence des
chefs d’Etat et de gouvernement à Accra en octobre 1965 condamnent, sans
réserve, toutes activités subversives par des opposants au régime politique en
place dans un Etat déterminé.
Il en est de même de toute aide militaire, matérielle, financière ou autre à
partir du territoire d’un autre Etat qui constitue également une forme d’ingé-
rence totalement illicite au regard du droit international.

C. Violation des règles énoncées dans la déclaration universelle
des droits de l’homme et du pacte international relatif aux droits civils
et politiques de 1966 et Violation des conventions de Genève de 1949
et des protocoles additionnels de 1977

Les atrocités dont les troupes ougandaises se sont rendues coupables vis-
à-vis des populations congolaises et de leurs biens avec l’aval de leurs dirigeants
sont minutieusement développées dans le Livre blanc, tomes I et II, établi par
le ministère des droits humains de la République démocratique du Congo.
Ce Livre blanc a d’ailleurs été déposé à l’Organisation des Nations Unies et
a servi de base à la résolution 1234 qui a été adoptée à l’unanimité par le
Conseil de sécurité le 9 avril 1999.
De plus, la République démocratique du Congo tient à insister tout parti-
culièrement sur le chantage exercé par l’Ouganda qui s’est emparé durant
quelques semaines, à partir du 17 août 1998, du barrage hydroélectrique
d’Inga, provoquant des coupures de courant mortelles pour bon nombre de
citoyens congolais et menaçant même de dynamiter le barrage.

o Par ce fait, l’Ouganda n’a pas respecté l’article 56 du protocole additionnel
n 1 qui prévoit que: 16

«Les ouvrages d’art ou installations contenant des forces dangereuses,
à savoir les barrages, les digues et les centrales nucléaires de production
d’énergie électrique, ne seront pas l’objet d’attaque.»

D. Violation de la convention de New York contre la torture

et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants
du 10 décembre 1984

Les faits précis rapportés dans les tableaux synoptiques annexés au Livre
blanc (t. I et II) révèlent que les troupes ougandaises n’ont respecté aucune
loi de la guerre et ont, au contraire, soumis les populations civiles envahies
à des traitements en violation de la convention précitée.

E. Violation de la convention de Montréal du 23 septembre 1971
pour la répression d’actes illicites dirigés contre la sécurité de l’aviation civile

La République démocratique du Congo s’en réfère à un fait bien précis qui
s’est produit le 9 octobre 1998.
Ce jour-là, un Boeing 727 appartenant à la compagnie Congo Airlines a été
abattu au décollage de l’aéroport de Kindu par les rebelles appuyés par des
troupes ougandaises, provoquant la mort de trente-sept femmes et enfants et
des membres de l’équipage.
Bien qu’étant parties à la convention relative à l’aviation civile internatio-
nale signée à Chicago le 7 décembre 1944, à la convention de La Haye du
16 décembre 1970 pour la répression de la capture illicite d’aéronefs et à la
convention de Montréal du 23 septembre 1971 pour la répression d’actes illi-
cites dirigés contre la sécurité de l’aviation civile, les Ougandais ont violé les

dispositions de ces conventions en ce qu’elles interdisent aux Etats de recourir
à l’emploi des armes contre les aéronefs civils.

IV. D ÉCISION DEMANDÉE

En conséquence, tout en se réservant le droit de compléter et préciser la pré-
sente demande en cours d’instance, la République démocratique du Congo
prie la Cour de:

Dire et juger que:
a) l’Ouganda s’est rendu coupable d’un acte d’agression au sens de l’article 1 de la
résolution 3314 de l’Assemblée générale des Nations Unies du
14 décembre 1974 et de la jurisprudence de la Cour internationale de Justice,
en violation de l’article 2, paragraphe 4, de la Charte des Nations Unies;
b) de même, l’Ouganda viole continuellement les conventions de Genève
de 1949 et leurs protocoles additionnels de 1977, bafouant ainsi les règles
élémentaires du droit international humanitaire dans les zones de conflits,
se rendant également coupable de violations massives des droits de
l’homme au mépris du droit coutumier le plus élémentaire;

c) plus spécifiquement, en s’emparant par la force du barrage hydroélectrique
d’Inga, et en provoquant volontairement des coupures électriques régu-
lières et importantes, au mépris du prescrit de l’article 56 du protocole
additionnel de 1977, l’Ouganda s’est rendu responsable de très lourdes
pertes humaines dans la ville de Kinshasa forte de 5 millions d’habitants et
alentour; 18

d) en abattant à Kindu, le 9 octobre 1998, un Boeing 727, propriété de la compa-
gnie Congo Airlines, et en provoquant ainsi la mort de quarante personnes
civiles, l’Ouganda a également violé la convention relative à l’aviation civile
internationale du 7 décembre 1944 signée à Chicago, la convention de
La Haye du 16 décembre 1970 pour la répression de la capture illicite d’aéro-
nefs et la convention de Montréal du 23 septembre 1971 pour la répression
d’actes illicites dirigés contre la sécurité de l’aviation civile.

En conséquence, et conformément aux obligations juridiques internationales
susmentionnées, dire et juger que:
1) toute force armée ougandaise participant à l’agression doit quitter sans

délai le territoire de la République démocratique du Congo;
2) l’Ouganda a l’obligation de faire en sorte que ses ressortissants, tant per-
sonnes physiques que morales, se retirent immédiatement et sans condition
du territoire congolais;
3) la République démocratique du Congo a droit à obtenir de l’Ouganda le
dédommagement de tous les pillages, destructions, déportations de biens
et des personnes et autres méfaits qui sont imputables à l’Ouganda et pour
lesquels la République démocratique du Congo se réserve le droit de fixer
ultérieurement une évaluation précise des préjudices, outre la restitution
des biens emportés.

V. JUGE AD HOC

Conformément aux dispositions de l’article 31 du Statut et au paragraphe 1
de l’article 35 du Règlement, la République démocratique du Congo déclare
qu’elle a l’intention d’exercer son droit de désigner un juge ad hoc.

La République démocratique du Congo a désigné le soussigné en qualité
d’agent aux fins de la représenter dans le cadre de la présente procédure.
Toute communication relative à la présente affaire devra être envoyée au
domicile élu fixé chez M e Michel Lion, avocat au barreau de Bruxelles, square
des Nations 24, 1000 Bruxelles, Belgique.

Respectueusement.

Bruxelles, le 23 juin 1999.

Pour la République démocratique du Congo,
e
(Signé) M Michel L ION , (Signé)
agent. 20

Inventaire des pièces déposées 1

1. Premier Livre blanc du ministre des droits humains de la République
démocratique du Congo, période du 2 août 1998 au 5 novembre 1998.
2. Deuxième Livre blanc du ministre des droits humains de la République

démocratique du Congo, période du 6 novembre 1998 au 15 avril 1999.

1 Le Livre blanc, déposé en deux tomes en français, a fait l’objet d’une traduction en
anglais établie par le Secrétariat de l’Organisation des Nations Unies. Il a été traité
séparément et publié, suivi de sa traduction, en un seul fascicule.[Note du Greffe.]

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