Requête introductive d'instance

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COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

REQUÊTE

INTRODUCTIVE D'INSTANCE

enregistrée au Greffe de la Cour

le 21 septembre 1999

INCIDENT AÉRIEN DU 10 AOÛT 1999

(PAKISTAN c. INDE)

1999
Rôle général n 119

REQUÊTE DE LA RÉPUBLIQUE ISLAMIQUE DU PAKISTAN

[ Traduction]

Le 21 septembre 1999.

Je soussigné, dûment autorise par la République islamique du Pakistan, ambassadeur de la
République islamique du Pakistan accrédité? a La Haye,

ai l'honneur de me référer aux déclarations par lesquelles la République islamique du Pakistan

et la République de l'Inde ont respectivement accepté la juridiction obligatoire de la Cour
ainsi qu'il est prévu aux paragraphes 1 et 2 de l'article 36 du Statut de la Cour internationale
de Justice et de lui soumettre, en vertu de la reconnaissance de la compétence de la Cour
découlant de ces instruments et conformément a l'article 40 du Statut et a l'article 38 du
Règlement de la Cour, une requête introduisant, au nom de la République islamique du
Pakistan, une instance contre la République de l'Inde aux motifs suivants:

I. XPOSÉ DES FAITS

Le 10 août 1999, un avion de type Atlantique de la marine pakistanaise, non arme, effectuait
une mission d'entraînement de routine avec seize personnes a bord lorsque, alors qu'il se
trouvait dans l'espace aérien pakistanais, il a été touché par des missiles air-air tires sans

sommation par des appareils militaires indiens. Les seize personnes qui se trouvaient a bord
de l'avion pakistanais, pour la plupart des jeunes recrues de la marine, ont été tuées. Il s'agit
d'un acte flagrant d'agression militaire, perpétré sans aucune provocation, et qui contre vient a
toutes les normes internationales universellement admises concernant la souveraineté et
l'inviolabilité des frontières nationales.

L'appareil Atlantique effectuait conformément a son programme un vol d'entraînement aux
instruments. L'aéroport civil de Karachi avait été régulièrement informé de son plan de vol.
L'appareil a décollé a 9 h 15 (heure du Pakistan). Le contact radar a été maintenu avec lui
jusqu'a lOh55. La zone générale d'opération se situait a 70-90 milles approximativement a
l'est de Karachi. Pendant les cent minutes de vol, I'avion est resté visible par radar dans l'espace aérien pakistanais. Qui plus est, volant a une altitude de 7000-9000 pieds [2133-2743
mètres], il était visible sur les radars pakistanais a Karachi et il aurait dû l'être pendant toute la
durée du vol sur les radars indiens de la base aérienne de Nalya, dans le Gujarat.

De 10 h 30 a 10 h 55, heure a laquelle il a été abattu, l'avion est reste dans la même zone

située a l'intérieur de l'espace aérien pakistanais, où il effectuait des exercices d'entraînement
et des manoeuvres aux instruments. A l'entraînement, les avions décrivent généralement des
cercles.

A 12 h 06, le contact radar étant rompu, des avions et des hélicoptères pakistanais ont
entrepris des recherches intensives. Ils ont repéré vers 14h55 les débris de l'appareil éparpillés
dans une zone de un kilomètre carre. Ces débris se trouvaient a deux kilomètres a l'intérieur

du territoire pakistanais, ce qui prouve bien que, lorsqu'il a été abattu, l'appareil se trouvait
dans l'espace aérien pakistanais.

Entre le moment de l'accident et l'instant oh les hélicoptères Sea King de la marine
pakistanaise ont découvert les restes de l'appareil, il s'est écoulé environ deux heures et demie.
Connaissant le lieu exact oh l'appareil avait été abattu, des hélicoptères indiens ont pénétré en

territoire pakistanais pour y prélever des débris. Par cet acte criminel, en envoyant des
hélicoptères en territoire pakistanais pour s'emparer de pièces de l'épave avant que les équipes
de recherche pakistanaises ne la découvrent, afin de pouvoir, « preuves » à l'appui, prétendre,
comme elle l'a fait dans un premier temps, que l'Atlantique avait été abattu dans l'espace
aérien indien, l'Inde a une fois encore violé l'espace aérien et la souveraineté territoriale du
Pakistan. Par la suite, devant les preuves accablantes qui ne laissaient pas l'ombre d'un doute
sur la question, les responsables indiens ont été obligés d'admettre que 1'Atlantique avait

effectivement été abattu alors qu'il se trouvait dans l'espace aérien pakistanais.

II. M OYENS JURIDIQUES SUR LESQUELS SE FONDE LA REQUÊTE

Sur la base des faits susmentionnés, le Pakistan soutient que l'Inde a juridiquement à répondre
d'une violation des obligations fondamentales que lui imposent la Charte des Nations Unies et
les traités bilatéraux, en même temps que d'une violation d'obligations bien établies en droit

international coutumier.

Le Pakistan invoque à l'appui de sa requête les moyens de droit suivants:

1) Violation de la Charte des Nations Unies

Les faits sur lesquels le Pakistan fonde sa plainte révèlent de graves violations de diverses
dispositions de la Charte des Nations Unies et en particulier du paragraphe 4 de son article 2,
aux termes duquel tous les Membres de l'organisation doivent s'abstenir, dans leurs relations
internationales, de recourir à la menace ou à l'emploi de la force, soit contre l'intégrité
territoriale ou l'indépendance politique de tout Etat, soit de toute autre manière incompatible
avec les buts des Nations Unies. L'emploi flagrant de la force par l'Inde contre un avion
pakistanais non armé dans l'espace aérien pakistanais, en l'absence de toute provocation, va à

l'encontre du but fondamental des Nations Unies qui est de maintenir la paix et la sécurité
internationales et de développer entre les nations des relations amicales.

2) Violation de l'accord bilatéralLes agissements de l'Inde décrits plus haut constituent également des infractions graves à
l'accord conclu le 6 avril 1991 par le Pakistan et l'Inde pour la prévention des violations de
l'espace aérien, accord dont l'article 1 enjoint aux parties de veiller au respect de l'espace
aérien de l'autre. De plus, l'accord exclut clairement tout recours à la force, même dans
l'hypothèse où l'une ou l'autre des parties se serait rendue coupable d'une violation. L'article 1

prévoit également que, si une violation accidentelle se produisait, une enquête serait effectuée
rapidement, et l'état-major de l'autre partie informé sans délai des résultats.

3) Violation de l'obligation faite par le droit international coutumier de ne pas recourir à la
force contre un autre Etat

L'Inde a manqué à l'obligation faite aux Etats par le droit international coutumier de ne pas

employer la force contre un autre Etat. En attaquant et en abattant, sans sommation et sans
qu'il y ait eu provocation de sa part, un avion non armé du Pakistan dans l'espace aérien
pakistanais, l'Inde a gravement failli à cette obligation.

4) Violation de I'obligation faite par le droit international coutumier de ne pas violer la
souveraineté d'un autre Etat

L'incursion d'avions de chasse de l'armée indienne dans l'espace aérien pakistanais et l'attaque
et la destruction d'un avion non armé de la marine pakistanaise effectuant des exercices de
routine à l'intérieur de l'espace aérien national constituent une violation de la souveraineté du
Pakistan et une violation par l'Inde de l'obligation que lui impose le droit international
coutumier.

N ATURE DE LA REQUÊTE

Sur la base de l'exposé des faits et des considérations juridiques qui précèdent et tout en se
réservant le droit de compléter ou de modifier la présente requête, sous réserve aussi de la
présentation des preuves et des arguments juridiques pertinents, le Pakistan prie la Cour de
dire et juger:

a) que les actes de l'Inde décrits plus haut constituent une violation des diverses obligations
découlant de la Charte des Nations Unies, du droit international coutumier et des traité
mentionnés dans le corps de la présente requête, violation dont la République de l'Inde Porte
seule la responsabilité;

b) que l'Inde doit réparation à la République islamique du Pakistan pour la perte de l'avion et

au titre de l'indemnisation des héritiers des personnes tuées du fait de sa violation des
obligations que lui imposent la Charte des Nations Unies ainsi que les règles du droit
international coutumier et les dispositions des traités applicables en l'espèce.

Le Gouvernement de la République islamique du Pakistan a désigné le sous signé comme
agent aux fins de la présente instance. Toutes les communications qui se rapportent à la
présente espèce devront être adressées à l'ambassade de la République islamique du Pakistan,

Amaliastraat 8, 2514 JC La Haye.

Respectueusement,

l'agent de la République islamique du Pakistan,(Signé) Saeed M. KHAN.

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