Résumé de l'ordonnance du 13 juillet 2006

Document Number
11237
Document Type
Number (Press Release, Order, etc)
2006/2
Date of the Document
Document File
Document

COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

Palais de la Paix, Carnegieplein 2, 2517 KJ La Haye, Pays-Bas
Tél : +31 (0)70 302 2323 Télécopie : +31 (0)70 364 9928
Site Internet : www.icj-cij.org

Résumé
Document non officiel

Résumé 2006/2
Le 13 juillet 2006

Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay

(Argentine c. Uruguay)

Demande en indication de mesures conservatoires

Résumé de l’ordonnance du 13 juillet 2006

Requête et demande en indication de mesures conservatoires

La Cour rappelle que, par requête déposée au Greffe de la Cour le 4 mai 2006, la République
argentine (ci-après l’«Argentine») a introduit un e instance contre la République orientale de

l’Uruguay (ci-après l’«Uruguay») au motif que ce lle-ci aurait violé des obligations lui incombant
au titre du statut du fleuve Uruguay, signé par l’Argentine et l’Uruguay le 26 février 1975 et entré
en vigueur le 18septembre1976 (ci-après le «sta tut de1975»). Dans sa requête, l’Argentine
affirme qu’une telle violation résulte de «l’autorisation de construction, [de] la construction et [de]
l’éventuelle mise en service de de ux usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay», en invoquant

plus particulièrement les «effets desdites activités sur la qualité des eaux du fleuve Uruguay et sa
zone d’influence». Elle expose que le statut de 1975 a été adopté conformément à l’article7 du
traité définissant la frontière entre l’Argentine et l’Uruguay sur le fleuve Uruguay signé à
Montevideo le 7 avril 1961 et entré en vigueur le 19 février 1966, lequel prévoyait l’établissement

d’un régime commun pour l’utilisation du fleuve.

L’Argentine fonde la compétence de la Cour su r le paragraphe 1 de l’article 36 du Statut de
la Cour et sur le premierparagraphe de l’artic le60 du statut de1975, le quel dispose que «[t]out
différend concernant l’interprétation ou l’applica tion du traité [de1961] et du statut [de1975] qui

ne pourrait être réglé par négociation directe peut êt re soumis par l’une ou l’autre des parties à la
Cour internationale de Justice». L’Argentine prétend que les négociations directes entre les parties
ont échoué.

Selon l’Argentine, le statut de1975 a pour objet d’«établir les mécanismes communs

nécessaires à l’utilisation rationnelle et optimale» de la partie du fleuve Uruguay qui est partagée
par les deux Etats et constitue leur frontière comm une. Outre qu’il réglemente «des activités telles
que… la conservation, l’utilisation et l’explo itation d’autres ressources naturelles», le statut
de1975 traite des «obligations des parties rela tives à la prévention de la pollution et à la
responsabilité qui découle des dommages résultant de la pollution» et crée également une

«commission administrative du fleuve Uruguay» (ci-après la «CARU», selon l’acronyme
espagnol), qui a notamment des fonctions de régl ementation et de coordination. L’Argentine
affirme en particulier que les articles7 à13 du statut prévoient une procédure obligatoire - 2 -

d’information et de consultation préalables par l’intermédiaire de la CARU pour la partie qui
projette de réaliser des ouvrages suffisamment importa nts pour affecter la navigation, le régime du

fleuve ou la qualité de ses eaux.

L’Argentine déclare que le Gouvernement uruguayen a, en octobre 2003, «autorisé de
manière unilatérale… la société espagnole ENCE [à entreprendre] la construction d’une usine de

pâte à papier dans les alentours de la ville de Fray Bentos», projet dénommé «Celulosa de
M’Bopicuá» (ci-après «CMB»), et prétend qu’il l’a fait sans respecter la procédure susmentionnée
d’information et de consultation préalables. Elle soutient que, en dépit de ses protestations répétées
concernant «l’impact sur l’environnement de l’ usine projetée», adressées, tant directement au

Gouvernement uruguayen qu’à la CARU, «le Gouvern ement uruguayen a persisté dans son refus
de suivre les procédures prévues par le statut de 1975» et qu’il a en fait «aggravé le différend» en
autorisant, en février2005, l’entreprise finlandaise Oy Metsä-BotniaAB (ci-après «Botnia») à
construire une deuxième usine de pâte à papier, l’«usine Orion», à proximité de l’usine CMB.

Selon l’Argentine, le «Gouvernement uruguayen a une fois de plus aggravé le différend» en
autorisant Botnia, en juillet2005, «à construire un port à l’usage exclusif de l’usine Orion sans
passer par les procédures du statut de 1975».

Au terme de sa requête, l’Argentine

«prie la Cour de dire et juger :

1) Que l’Uruguay a manqué aux obligations lui incombant en vertu du statut de 1975
et des autres règles de droit international auxquelles ce statut renvoie, y compris
mais pas exclusivement :

a) l’obligation de prendre toute mesure nécessaire à l’utilisation rationnelle et
optimale du fleuve Uruguay ;

b) l’obligation d’informer préalablement la CARU et l’Argentine ;

c) l’obligation de se conformer aux pr océdures prévues par le chapitreII du
statut de 1975 ;

d) l’obligation de prendre toutes mesures nécessaires pour préserver le milieu

aquatique et d’empêcher la pollution et l’obligation de protéger la biodiversité
et les pêcheries, y compris l’obligation de procéder à une étude d’impact sur
l’environnement complète et objective ;

e ) les obligations de coopération en matière de prévention de la pollution et de la
protection de la biodiversité et des pêcheries ; et

2) Que, par son comportement, l’Uruguay a engagé sa responsabilité internationale à

l’égard de l’Argentine ;

3) Que l’Uruguay est tenu de cesser son comportement illicite et de respecter
scrupuleusement à l’avenir les obligations lui incombant ; et

4) Que l’Uruguay est tenu de réparer intégralement le préjudice causé par le
non-respect des obligations lui incombant».

La Cour rappelle que, le 4 mai 2006, après avoir déposé sa requête, l’Argentine a également
présenté une demande en indication de mesures cons ervatoires en vertu de l’article 41 du Statut de
la Cour et de l’article73 de son Règlement, dans laquelle elle renvoie à la base de compétence
invoquée dans sa requête, ainsi qu’aux faits qui s ont exposés dans celle-ci. Au terme de sa

demande, l’Argentine prie la Cour de faire en sorte que - 3 -

«a)en attendant l’arrêt définitif de la Cour, l’Uruguay

i) suspend[e] immédiatement toutes l es autorisations pour la construction des
usines CMB et Orion ;

ii) pren[ne] les mesures nécessaires pour suspendre les travaux de construction

d’Orion ; et

iii) pren[ne] les mesures nécessaires pour assurer que la suspension des travaux
de CMB sera prolongée au-delà du 28 juin 2006 ;

b) [l’]Uruguay coopère de bonne foi avec l’ Argentine en vue d’assurer l’utilisation
rationnelle et optimale du fleuve Uruguay, afin de protéger et préserver le milieu
aquatique et d’en empêcher la pollution ;

c) [e]n attendant l’arrêt définitif de la C our, l’Uruguay s’abstien[ne] de prendre toute
autre mesure unilatérale relative à la construction des usines CMB et Orion qui ne
respecte pas le statut de 1975 et les autr es règles de droit international nécessaires
pour son interprétation et application ;

d) [l’]Uruguay s’abstien[ne] de toute autre mesure qui pourrait aggraver, étendre ou
rendre plus difficile le règlement du différend objet de la présente instance».

Arguments présentés au cours de la procédure orale

La Cour indique qu’au cours des audiences publiques qui se sont tenues les 8 et 9 juin 2006,
l’Argentine a répété les arguments qu’elle avait formulés dans sa requête et dans sa demande en

indication de mesures conservatoires, et qu ’elle a affirmé que les conditions requises pour
l’indication de telles mesures étaient remplies.

L’Argentine a notamment fait valoir que l es droits qu’elle tenait du statut de 1975

découlaient de deux catégories d’obligations intrinsèquement liées : «des obligations de résultat qui
touchent à la substance du droit et des obliga tions de comportement qui sont de nature
procédurale». Au sujet des obligations de natu re substantielle, elle a soutenu que l’alinéa a) de
l’article 41 du statut de 1975 lui conférait au moins deux droits distincts : premièrement, le «droit à

ce que l’Uruguay empêche la pollution» et, deuxièmement, «le droit d’obtenir que l’Uruguay
adopte des mesures «conformes aux normes interna tionales applicables»», obligations qui, selon
elle, n’ont pas été respectées par l’Uruguay. Elle a en outre affirmé que parmi les obligations de
nature substantielle énoncées par le statut figura it celle «pour l’Uruguay de s’abstenir de polluer

l’environnement et de causer ce faisant un préjudice économique, par exemple au secteur du
tourisme». L’Argentine a ajouté que les articles7 à13 et60 du statut de1975 lui conféraient
plusieurs droits de nature procédurale: «premi èrement, le droit d’être informée par l’Uruguay

avant le début des travaux; deuxièmement, le dr oit d’exprimer des avis dont il doit être tenu
compte dans la conception des projets; troisièmemen t, le droit à ce que la Cour internationale de
Justice règle tout différend éventuel avant la mise en chantier». Elle a souligné que, d’après les
articles 9 et 12 du statut de 1975, l’Uruguay était tenu «de veiller à ce qu’aucun ouvrage ne soit mis

en chantier à moins que l’Argentine ait fait savoir qu’elle n’avait pas d’objection, ou qu’elle n’ait
pas répondu à la notification de l’Uruguay ou enco re que la Cour ait précisé les conditions dans
lesquelles celui-ci pouvait mettre son projet à exécuti on». Selon l’Argentine, aucune de ces trois
conditions n’avait jusque-là été remplie, alors même que, selon elle, la procédure susmentionnée

est obligatoire et «ne souffre aucune exception». L’Argentine a encore souligné que, selon elle,
l’article9 du statut de1975 «établi[ssait] une obligation de «non-construction»… primordial[e] à
ce stade de la procédure». - 4 -

L’Argentine a soutenu que ses droits, découlant d’obligations tant de nature substantielle que
de nature procédurale, couraient, «dans l’immé diat, des risques graves de préjudice irréparable»,

arguant que le site choisi pour construire les deux usines était «l[e] pire que l’on pouvait concevoir
au point de vue de la protection environnemental e fluviale et transfrontalière», qu’un dommage à
l’environnement constituait, à tout le moins, «une très sérieuse probabilité» et serait irréparable.
Elle a aussi fait valoir que les usines en cause seraient à l’origine de dommages économiques et

sociaux qu’il était impossible d’apprécier et que le ur construction avait «d’o res et déjà des effets
néfastes graves sur le tourisme et d’autres activités économiques de la région», se traduisant
notamment par la suspension des investissements dans le tourisme et par une baisse considérable
des transactions immobilières. L’Argentine a affirmé qu’il ne fa isait aucun doute que la condition

d’urgence, nécessaire à l’indication éventuelle de mesures conservatoires, était remplie puisque,
«lorsque le dommage invoqué risque, raisonnablement, de se produir e avant le prononcé de l’arrêt
au fond, l’exigence de l’urgence se confond larg ement avec la condition [de] l’existence d’un
risque sérieux qu’il soit porté un préjudice irrépara ble aux droits en litige». Elle a en outre fait

observer que la construction des usines était «en cours et progress[ait] rapidement», que les travaux
de construction eux-mêmes causaient des «dommag es nés et actuels», et que les usines seraient
«mise[s] en service …, de toute évidence, avant que [la Cour ait] été à même de rendre [son] arrêt»,

étant donné que cette mise en service était prévue pour le mois d’août2007 en ce qui concerne
Orion et pour le mois de juin2008 en ce qui concerne CMB. L’Argentine a prétendu que la
suspension, tant de l’autorisation de construi re les usines que des travaux de construction
proprement dits, était seule en mesure d’éviter que le choix du lieu d’implantation des usines

devienne un fait accompli, et éviterait l’a ggravation des préjudices économiques et sociaux
engendrés par la construction des usines.

La Cour examine ensuite les arguments de l’Uruguay. Elle note que ce dernier a déclaré

avoir «pleinement respecté le statut du fleuve Uruguay de 1975 tout au long du développement de
[l’]affaire» et a fait valoir que la demande de l’Argentine n’ét ait pas fondée, les circonstances
requises pour solliciter l’indication de mesures conservatoires faisant totalement défaut.

L’Uruguay a exposé qu’il ne contestait pas que l’article60 du statut de1975 fondait la
compétence prima facie de la Cour pour connaître de la demande en indication de mesures
conservatoires de l’Argentine, mais que cette disposition n’établissait la compétence de la Cour que
pour les prétentions de l’Argentine relatives au statut de1975, et non pour des différends ne

relevant pas de la compétence de la Cour, te ls ceux concernant «le tourisme, les valeurs
immobilières urbaines et rurales, les activités professionnelles, les taux de chômage, etc.» en
Argentine, ainsi que ceux portant sur d’autres aspect s de la protection de l’environnement dans les
relations transfrontalières entre les deux Etats. De l’avis de l’Uruguay, la demande en indication de

mesures conservatoires de l’Argentine doit être rejetée dans la mesure où les violations du statut
dont l’Uruguay est accusé sont «prima facie dépourvues de consistance», et que l’Uruguay, en
ayant «démontré sa ferme volonté d’appliquer [aux] deux usines les normes internationales les plus
rigoureuses, et les plus indiquées, en matière de contrôle de la pollution», a «satisfait aux

obligations prévues par l’article 41 du statut» de 1975. L’Uruguay a ajouté qu’il «s’[était] acquitté
de bonne foi des obligations que lui imposent les artic les7 et suivants [du statut de 1975]». Il a
exposé en particulier que ces articles n’accordaient pas à chaque partie un «droit de veto» quant à
la réalisation par l’autre partie de projets de dé veloppement industriel, mais avaient pour seul effet

d’imposer à l’une et l’autre une obligation d’échange complet et de bonne foi d’informations dans
le cadre des procédures mises en place par le stat ut ou convenues entre elles. L’Uruguay a précisé
à ce propos qu’il avait pleinement respecté cette obligation en «communi[quant] à l’Argentine, par

le biais, notamment, de la CARU, l’existence [d es projets d’usines], en les détaillant au moyen
d’une quantité impressionnante d’informations» et en «fourniss[ant] toutes les données techniques
pour que l’Argentine soit conscien te de l’absence de dangers quant à [l’]impact potentiel [de ces
projets] sur l’environnement du fleuve Uruguay». L’Uruguay a soutenu en outre que l’Argentine

n’avait jamais, «au cours des trente et une années d’existence du statut [de 1975]», affirmé tenir de
celui-ci «le droit, de nature procédurale, non seuleme nt de recevoir notifications et informations et
de s’engager dans des négociations de bonne foi, mais également d’empêcher l’Uruguay de lancer - 5 -

des projets au cours de[s] phases procédurales et durant tout procès qui s’ensuivrait». Il a de plus
affirmé que le différend entre l’Uruguay et l’Argentin e au sujet des usines de pâte à papier avait en

réalité été résolu par un accord conclu le 2mars 2004 entre le ministre des affaires étrangères de
l’Uruguay et son homologue argentin, et que l es deux ministres étaient convenus, premièrement,
que l’usine CMB pourrait être construite selon le projet uruguayen, deuxièmement, que l’Uruguay
fournirait à l’Argentine les informations relatives au contenu et au fonctionnement de l’usine et,

troisièmement, que la CARU contrôlerait la qualité des eaux du fleuve afin de garantir le respect du
statut une fois l’usine mise en service. Selon l’Uruguay, l’existence de cet accord a été confirmée à
plusieurs reprises, notamment par le ministre des affaires étrangères et le président argentins, et son
contenu a été étendu afin de couvrir également le projet d’usine Orion.

Il n’existe par ailleurs, selon l’Uruguay, aucune menace actuelle ou imminente à l’encontre
d’un droit quelconque de l’Argentine et les cond itions de risque de dommage irréparable et
d’urgence ne sont pas remplies. A l’appui de sa thèse, l’Uruguay a notamment exposé que les

études d’impact sur l’environnement déjà réali sées et celles à venir, ainsi que les contrôles
réglementaires et les conditions strictes de déliv rance des permis imposées par le droit uruguayen
pour la construction et l’exploita tion des usines, garantissaient que celles-ci ne causeraient aucun
dommage au fleuve Uruguay et à l’Argentine, et que les usines respecterai ent les critères stricts

imposés par «les dernières recommandations de l’ Union européenne sur la prévention et la
réduction de la pollution interna tionale (IPPC) datant de1999 et auxquelles toutes les usines de
pâte à papier européennes devront se conformer d’ici à 2007». Il a fait observer que les usines ne

seraient pas opérationnelles avant août2007 et juin2008, respectivement, et que de nombreuses
conditions devaient encore être remplies avant d’ en arriver à ce stade. En conclusion, selon
l’Uruguay, à supposer même que l’exploitatio n des usines puisse entraîner une «pollution du
fleuve», la gravité, «pour l’Argentine, [du] pér il allégué» ne serait pas «s uffisamment établie ou

immédiate pour que la condition d’«imminence» ou d’urgence exigée par la Cour puisse être
considérée comme remplie».

L’Uruguay a enfin expliqué que la suspen sion des travaux de construction des usines

provoquerait pour les sociétés intéressées et leur s actionnaires une perte économique telle qu’elle
risquerait sérieusement de compromettre les deux proj ets dans leur intégralité. Il a soutenu que les
mesures conservatoires demandées par l’Argentine causeraient un dommage irréparable au droit
souverain de l’Uruguay de mettre en Œuvre des projets de développement économique durable sur

son propre territoire. Il a précisé à ce sujet que les usines de pâte à papier projetées constituaient
l’investissement étranger le plus important de l’hi stoire de l’Uruguay, que leur construction devrait
permettre, à elle seule, la création de plusieurs m illiers d’emplois et que, une fois mises en service,
celles-ci auraient «un impact économique de pl us de 350 millions de dollars par an, ce qui

représente une augmentation de 2 % pour le PIB uruguayen».

Lors de son second tour d’observations orales, l’Argentine a notamment soutenu que, suivant
l’article42 du statut de1975 et les principes internationaux établis, le statut de1975 couvre non

seulement la pollution du fleuve, comme le prétend l’Uruguay, mais également la pollution de toute
nature découlant de l’utilisation du fleuve ainsi que les conséquences économiques et sociales des
usines de pâte à papier. Elle a vivement contest é l’affirmation de l’Uruguay selon laquelle celui-ci
s’était prima facie acquitté de ses obligations en vertu du statut de 1975 et a observé que l’Uruguay

n’avait jamais notifié formellement les projets à la CARU, ni fourni à celle-ci des informations
appropriées concernant les usines de pâte à papi er. L’Argentine a également soutenu qu’il n’y
avait pas eu, le 2mars2004, d’accord bilatéral à l’ effet que la construction de l’usine de pâte à
papier CMB puisse être menée à bien comme prévu. Elle a exposé que les ministres des affaires

étrangères des deux Etats avaient simplement, lors de leur rencontre intervenue ce jour-là, convenu
que l’Uruguay transmettrait à la CARU toutes les in formations relatives à la CMB et que la CARU
entamerait le contrôle de la qua lité des eaux dans la zone du site proposé; mais que l’Uruguay

n’avait pas fourni les informations promises. - 6 -

L’Uruguay, pour sa part, a relevé que «l’Arg entine ne ni[ait] pas avoir obtenu de l’Uruguay
une masse d’informations à travers toute une variété de mécanismes et de canaux» et que les

mesures d’information ainsi prises par l’Ur uguay étaient «pleinement étayée[s] par les
procès-verbaux de la CARU ». Il a réitéré sa pos ition selon laquelle le statut de 1975 ne conférait
pas un «droit de veto» aux parties et a fait valoir que, pour résoudre toute «difficulté
d’interprétation engendrée par la lettre d’un texte lacunaire» , il convenait de recourir au

paragraphe3 de l’article31 de la convention de Vienne sur le droit des traités, et notamment de
prendre en considération toute «pratique ultérieu re dont on peut tirer d’importantes suggestions,
justement dans la mesure où [elle] permet de dégager l’existence d’un accord entre les parties quant
à la manière d’interpréter le traité en questi on». De l’avis de l’Uruguay, «l’accord verbal

postérieur, conclu par les deux parties le 2ma rs2004 au niveau des ministres des affaires
étrangères», constitue un exemple d’ une telle pratique ultérieure ex cluant toute interprétation qui
reconnaîtrait un droit de veto. L’Uruguay a pa r ailleurs réitéré que l’accord bilatéral du
2mars2004, dont l’existence avait été reconnue pa r le président de la République argentine,

autorisait bien la construction des usines. En conclusion de son second tour d’observations orales,
l’Uruguay a répété de manière expresse «sa volonté de respecter pleinement et totalement le statut
du fleuve Uruguay de1975 et son application» et réaffirmé «[c]omme expression concrète et

exemplaire de cette volonté… son offre de réali ser un monitorage conjoint et constant avec la
République argentine» des conséquences pour l’environnement de l’exploitation future des usines.

Raisonnement de la Cour

La Cour fait tout d’abord observer que, lorsqu ’elle est saisie d’une demande en indication de
mesures conservatoires, elle n’est pas tenue de s’assurer de manière définitive qu’elle a compétence
quant au fond de l’affaire, mais qu’elle ne peut indiquer ces mesures que si les dispositions
invoquées par le demandeur semblent prima facie constituer une base sur laquelle sa compétence

pourrait être fondée.

Elle relève que l’Uruguay ne conteste pas que la Cour ait compétence en vertu de l’article 60
du statut de1975. Elle précise qu’il soutient toutefois que cette compétence n’est établie

prima facie qu’en ce qui concerne les aspects de la demande de l’Argentine en relation directe avec
les droits dont celle-ci peut se prévaloir en vertu dudit statut et qu’il insiste à cet égard sur le fait
que les droits invoqués par l’Argentine relativemen t à l’éventuel impact éc onomique et social des

usines, notamment en matière de tourisme, n’entrent pas dans les prévisions du statut de 1975.

La Cour, considérant que les Parties conviennent qu’elle est compétente à l’égard des droits
auxquels s’applique l’article60 du statut de1 975, dit qu’elle n’est pas tenue, à ce stade de la

procédure, d’examiner cette autre question soulevée par l’Uruguay. Elle conclut qu’elle a, en vertu
de l’article60 du statut de1975, compétence prima facie pour connaître du fond et peut donc
examiner la demande en indication de mesures conservatoires.

*

La Cour rappelle ensuite que le pouvoir d’ indiquer des mesures conservatoires vise à lui
permettre de sauvegarder le dro it de chacune des parties à une affaire «[e]n attendant l’arrêt
définitif», pourvu que de telles mesures soie nt nécessaires pour empêcher que soit causé un
préjudice irréparable aux droits en litige. Elle ajoute que ce pouvoir ne peut être exercé que s’il y a

nécessité urgente d’empêcher que soit causé un préjudice irréparable aux droits qui font l’objet du
différend avant que la Cour ait eu l’occasion de rendre sa décision.

La Cour commence par examiner les demandes de l’Argentine visant à la suspension des

autorisations relatives à la construction des usines de pâte à papier et à la suspension des travaux de - 7 -

construction eux-mêmes. En ce qui concerne les droits de nature procédurale invoqués, elle réserve
pour le stade du fond la question de savoir si l’Urugu ay pourrait ne s’être pas pleinement conformé

aux dispositions du chapitre II du statut de 1975 en au torisant la construction des deux usines. Elle
ajoute qu’elle n’est pas pour l’heure convaincue que, s’il devait par la suite apparaître que
l’Uruguay a manqué, avant la présente phase de la procédure ou à un stade ultérieur, de se
conformer pleinement à ces dispositions, il ne serait pas possible de remédier à de tels

manquements au stade du fond.

La Cour prend note de l’interprétation du statut de1975 avancée par l’Argentine, selon
laquelle celui-ci prévoirait une «obligation de non-construction» ou, en d’autres termes, disposerait

qu’un projet ne peut être mis en Œuvre qu’à la suite d’un accord entre les deux parties et que, faute
d’un tel accord, le projet ne saurait se poursuivre av ant que la Cour ait tranché le différend. La
Cour estime néanmoins qu’elle n’est pas tenue d’examiner cette question dans le cadre de la
présente phase de la procédure, étant donné qu’elle n’est pas pour l’heure convaincue que, s’il

devait ultérieurement apparaître que telle est l’ interprétation qu’il convient de donner du statut
de 1975, il ne serait pas possible de remédier, au stade du fond, à toute violation du statut de 1975
qui pourrait, par suite, être imputée à l’Uruguay.

En ce qui concerne les droits de nature substantielle invoqués par l’Argentine, la Cour dit
avoir conscience des préoccupations exprimées par cet Etat quant à la nécessité de protéger son
environnement naturel et, en particulier, la qualité des eaux du fleuve Uruguay. Elle rappelle avoir
eu, par le passé, l’occasion de souligner tout e l’importance qu’elle attache au respect de

l’environnement, notamment dans l’ avis consultatif sur la Licéité de la menace ou de l’emploi
d’armes nucléaires et dans son arrêt en l’affaire relative au Projet Gab číkovo-Nagymaros
(Hongrie/Slovaquie).

De l’avis de la Cour, le dossier de l’affair e ne contient cependant aucun élément démontrant
que la décision de l’Uruguay d’autoriser la cons truction des usines créerait un risque imminent de
préjudice irréparable pour le milieu aquatique du fl euve Uruguay ou pour les intérêts économiques
et sociaux des populations riveraines établies du côté argentin du fleuve.

La Cour fait observer que l’Argentine ne l’a pas convaincue que la construction des usines
emporterait un préjudice irréparable pour l’environnem ent et qu’il n’a pas davantage été démontré
que la construction des usines présenterait un risque de préjudice économique et social irréparable.

En outre, l’Argentine n’a pas établi que la simple suspension de la construction des usines, dans
l’attente d’une décision définitive sur le fond, serait susceptible d’effacer ou de réparer les
prétendues conséquences économiques et sociales qu’elle prête aux travaux de construction.

L’Argentine n’a pas non plus, à l’heure actuelle , fourni d’éléments qui donnent à penser que
la pollution éventuellement engendrée par la mise en service des usines serait de nature à causer un
préjudice irréparable au fleuve Uruguay. La Cour relève qu’il incombe à la CARU de veiller à la
qualité des eaux du fleuve en réglementant et en restreignant au minimum le niveau de pollution ;

et qu’en tout état de cause, le risque de pollu tion ne revêt pas un caractère imminent, l’exploitation
des usines ne devant pas débuter avant août 2007 (pour Orion) et juin 2008 (pour CMB).

Elle ajoute ne pas être convaincue par l’ argument selon lequel les droits revendiqués par

l’Argentine ne pourraient plus être protégés si la Cour décidait de ne pas ordonner à ce stade de
l’instance la suspension de l’autorisation de construire les usines de pâte à papier et la suspension
des travaux de construction proprement dits.

La Cour estime, compte tenu de ce qui précède, que les circonstances de l’espèce ne sont pas
de nature à exiger l’indication d’une mesure c onservatoire enjoignant à l’Uruguay de suspendre
l’autorisation de construire les usines de pâte à papier ou de suspendre les travaux de construction

proprement dits. Elle précise toutefois que, en maintenant l’autorisation et en permettant la
poursuite de la construction des usines, l’Uruguay assume nécessairement l’ensemble des risques - 8 -

liés à toute décision au fond que la Cour pourrait re ndre à un stade ultérieur. Elle relève que la
construction des usines sur le site actuel ne pe ut être réputée constituer un fait accompli car, ainsi

qu’elle a déjà été amenée à le souligner, «s’il est établi que la construction d’ouvrages comporte
une atteinte à un droit, on ne peut ni ne doit exclure à priori la possibilité d’une décision judiciaire
ordonnant soit de cesser les travaux soit de modifier ou démanteler les ouvrages».

La Cour en vient ensuite aux autres mesures conservatoires dont l’Argentine a sollicité
l’indication dans sa demande. La Cour soulig ne que l’affaire met en évidence l’importance
d’assurer la protection, sur le plan de l’environne ment, des ressources naturelles partagées tout en
permettant un développement économique durable, qu’il convient notamment de garder à l’esprit la

dépendance des Parties vis-à-vis de la qualité d es eaux du fleuve Uruguay en tant que celui-ci
constitue pour elles une source de revenus et de développement économique, et que, dans cette
perspective, il doit être tenu compte de la n écessité de garantir la protection continue de
l’environnement du fleuve ainsi que le droit au développement économique des Etats riverains.

Elle rappelle à cet égard que le statut de 1975 a été établi conformément au traité de
Montevideo de 1961 définissant la frontière entre l’Argentine et l’Uruguay sur le fleuve Uruguay et
qu’il n’est pas contesté par les Parties que le statut de 1975 a créé des mécanismes communs pour

l’utilisation et la protection du fleuve. Elle relève que le st atut de1975, par ses dispositions
détaillées prévoyant une coopération entre les partie s dans le cas d’activités ayant des incidences
sur l’environnement du fleuve, a créé un régime co mplet et novateur, que l’établissement de la

CARU ⎯mécanisme commun doté de fonctions réglementaires, administratives, techniques, de
gestion et de conciliation ⎯, à laquelle a été confiée la bonne application des dispositions du statut
de1975 régissant la gestion des ressources fluviales partagées, constitue un élément significatif à
cet égard, que le statut de1975 impose aux parties de fournir à la CARU les ressources et les

informations indispensables à son fonctionnement, et que le mécanisme d’ordre procédural mis en
place aux termes du statut de 1975 occupe une place très importante dans le régime de ce traité.

La Cour dit que les Parties sont tenues de s’ acquitter des obligations qui sont les leurs en

vertu du droit international et souligne la nécessi té pour l’Argentine et l’Uruguay de mettre en
Œuvre de bonne foi les procédures de consultation et de coopération prévues par le statut de 1975,
la CARU constituant l’enceinte prévue à cet effet. Elle encourage en outre les Parties à s’abstenir
de tout acte qui risquerait de rendre plus difficile le règlement du différend.

Eu égard à toutes ces considérations, et aux engagements de l’Uruguay de respecter
pleinement et totalement le statut du fleuve Ur uguay de1975, réaffirmés devant elle durant la
procédure orale, il n’existe pas, aux yeux de la Co ur, de motifs justifiant qu’elle indique les autres

mesures conservatoires demandées par l’Argentine.

La Cour termine en rappelant que sa décisi on ne préjuge en rien la question de sa
compétence pour connaître du fond de l’affaire, ni aucune question relative à la recevabilité de la

requête ou au fond lui-même, et qu’elle laisse intact le droit de l’Argentine et de l’Uruguay de faire
valoir leurs moyens en ces matières. La décision laisse également intact le droit de l’Argentine de
présenter à l’avenir une nouvelle demande en indi cation de mesures conservatoires fondée sur des
faits nouveaux, en vertu du paragraphe 3 de l’article 75 du Règlement.

* - 9 -

Le texte intégral du dernier paragraphe de l’ordonnance (par. 87) se lit comme suit :

m«otfs,

CoLuar,

Par quatorze voix contre une,

Dit que les circonstances, telles qu’elles se présentent actuellement à la Cour, ne
sont pas de nature à exiger l’exercice de son pouvoir d’indiquer des mesures
conservatoires en vertu de l’article 41 du Statut.

P OUR : Mme Higgins, président; M. Al-Khasawneh, vice-président ; MM. Ranjeva,
Koroma, Parra-Aranguren, Buergenthal, Owada, Simma, Abraham, Keith,
Sepúlveda-Amor, Bennouna, Skotnikov, juges ; M. Torres Bernárdez, juge ad hoc ;

C ONTRE : M. Vinuesa, juge ad hoc.»

*

M. le juge Ranjeva, a joint une déclaration à l’ordonnance. MM. les jugesAbraham et
Bennouna, ont joint à l’ordonnance les exposés de leur opinion individuelle. M. le juge

ad hoc Vinuesa, a joint à l’ordonnance l’exposé de son opinion dissidente.

___________ Annexe au résumé 2006/2

Déclaration de M. le juge Ranjeva

Le juge Raymond Ranjeva souscrit aux conclu sions de la Cour écartant l’indication de
mesures conservatoires. Cependant, il considère comme insatisfaisante la démarche de la Cour qui

met l’accent sur l’urgence et les préjudices irréparables liés à
une non-indication de telles mesures.

L’obligation qu’ont les parties de respecter celles-ci aux termes de l’article94 de la Charte
des Nations Unies impose à la Cour de veiller à ce que la présente décision ne puisse être

considérée comme un jugement provisoire susceptible d’hypothéquer pour le futur, les analyses et
la décision sur le fond. L’examen des effets de ce s mesures, dès lors, ne suffit pas, en soi, pour
écarter une telle éventualité ; aussi, cet examen doit- il être complété par l’analyse de l’objet même
des mesures sollicitées.

Il revient au juge de confronter, in limine, l’objet de ces mesures avec celui des demandes au
principal et d’écarter ainsi, les demandes directes, ou parfois indirectes, tendant en réalité à ce
qu’un jugement provisoire soit rendu. Une telle démarche est de nature, d’une part, à clarifier les

relations entre la procédure incidente et la pro cédure principale dans la mesure où la Cour, en
statuant au fond, n’est pas liée par les mesures conservatoires et, d’autre part, à limiter la procédure
incidente à l’examen des seuls chefs urgents de la demande.

Opinion individuelle de M. le juge Abraham

Tout en exprimant son accord avec le dispositif de l’ordonnance, le juge Abraham regrette
que la Cour n’ait pas saisi l’occasion de cette af faire pour clarifier la question de principe des

relations entre le bien-fondé, ou l’apparence de bien-fondé, des prétentions du demandeur quant au
droit qu’il revendique et le prononcé des mesur es d’urgence qu’il sollicite. Selon une doctrine
courante, la Cour devrait, lorsqu’elle statue sur une demande de mesures conservatoires, s’abstenir
d’examiner, si peu que ce soit, le bien-fondé des arguments des parties quant à l’existence et à

l’étendue des droits en litige, et se borner à rech ercher si, dans l’hypothèse où un droit revendiqué
par le demandeur serait finalement reconnu dans l’arrêt définitif, ce droit risque de subir
entre-temps un dommage irréparable. Le juge Ab raham considère cette doctrine comme erronée.

Il souligne qu’une mesure conservatoire consistant à enjoindre à la partie défenderesse d’agir ou de
s’abstenir d’agir d’une certaine manière, interfè re nécessairement avec le droit fondamental que
possède tout Etat souverain de faire ce que bon lu i semble pourvu que son action soit conforme au
droit international. Il estime im pensable qu’une telle injonction soit adressée sans que la Cour se

soit préalablement assurée que l’argumentation du demandeur possède au moins une apparence de
bien-fondé. A cet égard, le juge Abraham étab lit un lien entre la question qu’il discute et
l’affirmation par la Cour dans son arrêt La Grand (Allemagne c.Etats-Unis d’Amérique)
(C.I.J. Recueil 2001, p.466) du caractère obligatoire des mesures indiquées en application de

l’article 41 du Statut. Dès lors que l’ordonnance de la Cour oblige l’Etat qui est le destinataire de
l’indication à se conformer à la mesure indiquée, il n’est pas possible au juge de prescrire une telle
mesure sans avoir exercé un minimum de contrôle sur l’existence des droits revendiqués par le
demandeur, sans jeter, par conséquent, un regard sur le fond du litige.

Le juge Abraham considère que ce contrôle ne peut être que restreint, et se rapprocher du
critère du fumus boni juris bien connu d’autres juridictions internationales ainsi que de nombreux
systèmes judiciaires internes. Quelle que soit la formulation retenue, cela revient, en substance, à

vérifier que trois conditions sont remplies pour que la Cour puisse ordonner une mesure tendant à
sauvegarder un droit revendiqué par le demandeur : que le droit en cause existe de façon plausible ;
que l’on puisse raisonnablement s outenir que le comportement du défendeur porte atteinte, ou
risque de porter atteinte de façon imminente, au droit en question ; enfin, que l’urgence justifie au

cas particulier une mesure de protection afin de mettre ce droit à l’abri d’un dommage irréparable. - 2 -

Opinion individuelle de M. le juge Bennouna

Le juge Bennouna regrette que la Cour n’ait p as saisi l’occasion qui lui était offerte, dans
cette affaire, pour clarifier les relations entre l’ instance principale, dont e lle était saisie, et la
demande en indication de mesures conservatoires.

Les deux Parties ont engagé un véritable débat devant la Cour sur l’existence même du droit
invoqué par l’Argentine à ce que l’autorisation de construire les usines de pâte à papier ne soit
donnée, ni que le lancement des travaux ne soit effectué, sans l’accord préalable des deux pays. En
effet, si un tel droit existait, l’indication de m esures provisoires, soit le retrait de l’autorisation

accordée et la suspension des travaux, en découlerait.

La Cour aurait dû se demander si, dans certa ines circonstances, elle n’est pas tenue
d’examiner la question de l’existence prima facie du droit en cause, bien qu’elle ne doive pas

toujours la trancher, lorsqu’un doute subsiste du fait de la complexité, de l’ambiguïté ou du silence
éventuels des documents en cause.

Le juge Bennouna regrette que la Cour ne se soit pas engagée dans cette voie et estime qu’il

manque ainsi un chaînon dans le raisonnement élaboré dans l’ordonnance.

Cependant, le jugeBennouna, ayant considéré que les éléments, mis à la disposition de la
Cour, ne lui permettaient pas de se prononcer, prima facie , au sujet du droit invoqué par

l’Argentine et, partageant le reste du raisonnement de la Cour, a voté en faveur de l’ordonnance.

Opinion dissidente de M. le juge ad hoc Vinuesa

Le juge ad hoc Vinuesa est en désaccord avec la conclusion de la Cour selon laquelle «les
circonstances, telles qu’elles se présentent actuellement à la Cour, ne sont pas de nature à exiger
l’exercice de son pouvoir d’indiquer des mesures conservatoires».

Il insiste sur la nécessité de mettre en Œuvre le mécanisme commun établi par le statut
de 1975 pour permettre l’utilisa tion rationnelle et optimale du fleuve Uruguay et note l’incertitude
qui existe actuellement quant au risque de dommage irréparable à l’environnement du fleuve. Il est
d’avis que les droits et les devoirs prévus par le statut de 1975 sont l’ expression du principe de

précaution incorporé conventionnelleme nt par l’Uruguay et l’Argentine. Prenant note des effets
juridiques des engagements de respecter pleinement le statut de 1975, que l’Uruguay a pris devant
la Cour, le juge ad hoc Vinuesa estime que, afin de garantir ces engagements, la Cour aurait dû
ordonner à l’Uruguay de suspendre temporairement la construction des usines jusqu’à ce qu’il ait

fait savoir à la Cour qu’il s’est acquitté des obligations découlant pour lui du statut de 1975.

___________

Document file FR
Document
Document Long Title

Résumé de l'ordonnance du 13 juillet 2006

Links