Résumé de l'ordonnance du 1er juillet 2000

Document Number
8060
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Number (Press Release, Order, etc)
2000/2
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Résumés des arrêts, avis consultatifs et ordonnances de la Cour
internationale de Justice
Document non officiel

AFFAIRE DES ACTIVITÉS ARMÉES SUR LE TERRITOIRE DU CONGO
(RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO c. OUGANDA)
(MESURES CONSERVATOIRES)

er
Ordonnance du 1 juillet 2000

Dans une ordonnance rendue en l’affaire des Activités Les deux Parties doivent, immédiatement, prendre
armées sur le territoire du Congo (République toutes mesures nécessaires po ur se conformer à toutes

démocratique du Congo c. Ouganda), la Cour a décidé à leurs obligations en vertu du droit international, en
l’unanimité que[l]es deux Parties doivent, particulier en vertu de la Charte des NationsUnies et de
immédiatement, prévenir et s’ab stenir de tout acte, et en la Charte de l’Organisation de l’unité africaine, ainsi
particulier de toute action armée, qui risquerait de porter qu’à la résolution1304(2000) du Conseil de sécurité
atteinte aux droits de l’autre Partie au regard de tout arrêt des Nations Unies en date du 16 juin 2000;
que la Cour pourrait rendre en l’affaire, ou qui risquerait
3)’unanimité ,
d’aggraver ou d’étendre le différend porté devant elle ou Les deux Parties doivent, immédiatement, prendre
d’en rendre la solution plus difficile ». toutes mesures nécessaires pour assurer, dans la zone de
La Cour a ajouté à l’unanimité que «[l]es deux Parties conflit, le plein respect des droits fondamentaux de
doivent, immédiatement, prendre toutes mesures nécessaires l’homme, ainsi que des règles applicables du droit
pour se conformer à toutes leurs obligations en vertu du
droit international, en particulier en vertu de la Charte des humanitaire. »
*
NationsUnies et de la Charte de l’Organisation de l’unité
africaine, ainsi qu’à la résolution 1304 (2000) du Conseil de * *
sécurité des Nations Unies en date du 16 juin 2000 ».
Enfin, elle a affirmé à l’unanimité que «[l]es deux MM. Oda et Koroma, juges, ont joint des déclarations à
Parties doivent, immédiatement, prendre toutes mesures l’ordonnance.

nécessaires pour assurer, dans la zone de conflit, le plein *
respect des droits fondamentaux de l’homme, ainsi que des * *
règles applicables du droit humanitaire ».
La Cour était composée comme suit: M. Guillaume,
Président; MM O.da, Bedjao ui, Ranjeva, Herczegh, Rappel de la procédure et des conclusions des Parties
Fleischhauer, Koroma, Vereshchetin, M meHiggins, (par. 1 à 17)

MM. Parra-Aranguren, Kooijmans, Rezek, Al-Khasawneh, La Cour commence par rappeler que le 23juin1999, le
Buergenthal, juges; M. Couvreur, Greffier. Congo a introduit une instance contre l’Ouganda au sujet
d’un différend relatif à «des actes d’» perpétrés par
* l’Ouganda sur le territoire de la République démocratique
* * du Congo en violation flagrante de la Charte des
NationsUnies et de la Charte de l’Organisation de l’unité
Le texte complet du dispositif (par. 47) est le suivant :
« Par ces motifs, africaine »;
Dans sa requête, le Congo se réfère, pour fonder la
LA COUR, compétence de la Cour, aux déclarations faites par les deux
Indique à titre provisoire, en attendant sa décision États en application du paragraphe2 de l’Article36 du
dans l’instance introduite par la République Statut. Le Congo prie la Cour de :
démocratique du Congo contre la République de
l’Ouganda, les mesures conservatoires suivantes : « Dire et juger que :
a )l’Ouganda s’est rendu coupable d’un acte
1)’unanimité , d’agression au sens de l’article1 de la résolution3314
Les deux Parties doivent, immédiatement, prévenir et de l’Assemblée générale des NationU s nies du
s’abstenir de tout acte, et en particulier de toute action 14décembre1974 et de la jurisprudence de la Cour
armée, qui risquerait de porter atteinte aux droits de
internationale de Justice, en violation de l’Article2,
l’autre Partie au regard de tout arrêt que la Cour pourrait paragraphe 4, de la Charte des Nations Unies;
rendre en l’affaire, ou qui risquerait d’aggraver ou b ) de même, l’Ouganda viole continuellement les
d’étendre le différend porté devant elle ou d’en rendre la Conventions de Genève de1949 et leurs Protocoles
solution plus difficile; additionnels de977, bafouant ainsi les règles
2)’unanimité ,
élémentaires du droit international humanitaire dans les
zones de conflits, se rendant également coupable de

161 violations massives des droits de l’homme au mépris du relever de son autorité, qui bénéficient ou pourraient
droit coutumier le plus élémentaire; bénéficier de son appui, ainsi que les organisations ou

c ) plus spécifiquement, en s’emparant par la force personnes qui pourraient se trouver sous son contrôle,
du barrage hydroélectrique d’ Inga, et en provoquant son autorité ou son influence, cessent immédiatement de
volontairement des coupures électriques régulières et commettre ou d’inciter à commettre des crimes de
importantes, au mépris du prescrit de l’article56 du guerre ou toute autre exaction ou acte illicite à l’encontre
Protocole additionnel de1977, l’Ouganda s’est rendu de toutes les personnes sur le territoire de la République
démocratique du Congo;
responsable de très lourdes pertes humaines dans la ville
de Kinshasa forte de 5 millions d’habitants et alentour; 4) le Gouvernement de la République de l’Ouganda
d ) en abattant à Kindu, le 9octobre1998, un doit cesser immédiatement tout acte ayant pour but ou
Boeing727, propriété de la compagnie CongoAirlines, pour effet d’interrompre, d’entraver ou de gêner des
et en provoquant ainsi la mort de quarantepersonnes actions visant à faire bénéficier la population des zones
civiles, l’Ouganda a également violé la Convention occupées de leurs droits fondamentaux de la personne,
en particulier à la santé et à l’éducation;
relative à l’aviation civile internationale du
7décembre1944 signée à Chicago, la Convention de 5) le Gouvernement de la République de l’Ouganda
LaHaye du 16décembre1970 po ur la répression de la doit cesser immédiatement toute exploitation illégale des
capture illicite d’aéronefs et la Convention de Montréal ressources naturelles de la République démocratique du
du 23 septembre 1971 pour la répression d’actes illicites Congo, ainsi que tout transfert illégal de biens,
dirigés contre la sécurité de l’aviation civile. d’équipements ou de personnes à destination de son

En conséquence, et conf ormément aux obligations territoire;
juridiques internationales susmentionnées, dire et juger 6) le Gouvernement de la République de l’Ouganda
que : doit dorénavant respecter pleinement le droit à la
1)toute force armée ougandaise participant à souveraineté, à l’indépendance politique et à l’intégrité
l’agression doit quitter sans délai le territoire de la territoriale que possède la République démocratique du
Congo, ainsi que les droits et libertés fondamentales que
République démocratique du Congo;
2) l’Ouganda a l’obligation de faire en sorte que ses possèdent toutes les personnes sur le territoire de la
ressortissants, tant personnes physiques que morales, se République démocratique du Congo.
retirent immédiatement et sans condition du territoire En tout état de cause, la République démocratique du
congolais; Congo se permet de rappeler respectueusement à la Cour
les pouvoirs qui lui sont conférés par les articles41 de
3) la République démocratique du Congo a droit à
obtenir de l’Ouganda le dédommagement de tous les son Statut et75 de son règlement, qui l’autorisent en
pillages, destructions, déportations de biens et de l’espèce à indiquer toutes les mesures conservatoires
personnes et autres méfaits qui sont imputables à qu’elle estimerait nécessaires en vue de mettre fin à la
l’Ouganda et pour lesquels la République démocratique situation intolérable qui perdure en République
démocratique du Congo, et en particulier dans la région
du Congo se réserve le droit de fixer ultérieurement une de Kisangani. »
évaluation précise des préjudices, outre la restitution des
biens emportés. » Par des lettres en date du 19 juin 2000, le Président de la
Le 19juin2000, le Congo a présenté à la Cour une Cour s’est adressé aux Parties dans les termes suivants :
demande en indication de mesures conservatoires par Agissant conformément aux dispositions du
laquelle il prie la Cour d’indiquer d’urgence les mesures paragraphe 4 de l’article74 du Règlement de la Cour,
j’appelle par la présente l’attention des deux Parties sur
conservatoires suivantes :
«1) le Gouvernement de la République de la nécessité d’agir de mani ère que toute ordonnance de
l’Ouganda doit ordonner à son armée de se retirer la Cour sur la demande en indication de mesures
immédiatement et complètement de Kisangani; conservatoires puisse avoir les effets voulus. »
Des audiences publiques ont été tenues les 26 et
2) le Gouvernement de la République de l’Ouganda 28 juin 2000.
doit ordonner à son armée d’arrêter immédiatement tout
combat ou activité militaire sur le territoire de la
République démocratique du Congo, de se retirer Argumentation des Parties
immédiatement et complètement de ce territoire, et doit (par. 18 à 31)
cesser immédiatement de fournir, directement ou
indirectement, tout appui à tout État ou tout groupe, La Cour observe qu’à l’audience le Congo a réitéré pour
l’essentiel l’argumentation développée dans sa requête et sa
organisation, mouvement ou individu se livrant ou se demande en indication de mesures conservatoires. Se
disposant à se livrer à des activités militaires sur le référant à la jurisprudence de la Cour, le Congo a précisé
territoire de la République démocratique du Congo; que les conditions d’urgence et de risque de dommage
3) le Gouvernement de la République de l’Ouganda irréparable auxquelles est subordonnée l’indication de
doit prendre toutes les mesures en son pouvoir pour que
mesures conservatoires étaient réunies en l’espèce et a
les unités, forces ou agents qui relèvent ou pourraient
162ajouté que « [l]orsqu’un conflit armé se développe et met en l’Article 41 du Statut », parce que « [l]’objet de la demande
danger non seulement les droits et intérêts de l’État, mais en indication de mesures cons ervatoires est identique, pour

aussi la vie de ses habitants, l’urgence des mesures l’essentiel, aux questions abordées par la résolution[1304]
conservatoires et le caractère irréparable du dommage ne du Conseil de sécurité du 16 juin [2000] ». L’Ouganda a fait
sauraient faire de doute». Le Congo a par ailleurs observé valoir, à titre subsidiaire, que «même si la Cour avait une
que «la circonstance que certaines hautes autorités compétence prima facie en vertu de l’Article41, des
ougandaises aient officiellement déclaré accepter de retirer préoccupations de réserve et de sagesse judiciaire militent
leurs troupes de la région de Kisangani et qu’une amorce de vigoureusement contre l’exercice du pouvoir discrétionnaire
retrait ait effectivement eu lieu n’est... nullement de nature de la Cour en matière d’indication de mesures

à remettre en cause» la nécessité d’indiquer d’urgence des conservatoires ». L’Ouganda a soutenu qu’il y avait
mesures, et que «ces déclara tions ne vis[aient]... [pas] «absence de tout lien précis entre la demande et la
l’ensemble du territoire congolais»; le Congo a également revendication originelle», et que «la demande [congolaise
soutenu qu’il existait «un lien adéquat entre les mesures ne] répond [pas] au critère d’urgence ou au risque de
demandées et les droits protégés»; il a exposé, sur la base dommage irréparable» et qu’il ne peut «y avoir urgence
d’une comparaison du texte de la demande en indication de alors que le Congo a attendu pr ès d’un an avant de déposer

mesures conservatoires et de celui de la requête introductive une plainte»; l’Ouganda a exposé enfin que «l’Accord de
d’instance, que les «catégories de fait visées sont Lusaka institue un mécanisme global pour assurer l’ordre
semblables» et que les «règles de droit applicables sont public» et qu’il constitue «un accord international
similaires»; il a en outre allégué que la Cour a compétence contraignant ... qui doit régir les relations entre les parties au
prima facie «pour connaître du différend qui fait l’objet de confl»it; que [«l]e Conseil de sécurité et le
la requête» compte tenu des déclarations d’acceptation de Secrétairegénéral ont déclaré à maintes reprises que [ledit]
sa juridiction obligatoire déposées par les deux Parties. Le accord ... constitue la seule voie viable pour instaurer la paix

Congo a enfin indiqué qu’« [a]ucun élément tiré du contexte en République démocratique du Congo, et pour instaurer la
politique et diplomatique qui entoure la présente affaire paix entre la République démocratique du Congo et ses
n’est susceptible d’empêcher la Cour de prendre les mesures voisins... »; et que « les mesures conservatoires précises que
que les circonstances exigent»; il a fait état de ce que «le demande la République démocratique du Congo sont en
Conseil de sécurité a adopté une résolution – la contradiction directe avec l’A ccord de Lusaka et avec les
résolution1304 du 16juin2000– dans laquelle il a exigé résolutions du Conseil de sécurité – y compris la
que l’Ouganda retire ses troupes non seulement de résolution 1304... – exigeant le respect de l’accord ».

Kisangani mais aussi de l’ensemble du territoire congolais,
et ceci sans plus tarder »; et se référant à la jurisprudence de Le raisonnement de la Cour
la Cour, il a observé qu’«[o]n ne peut ... tirer de [la] (par. 32 à 46)
compétence parallèle du Conseil et de la Cour un obstacle
quelconque à l’exercice par celle-ci de sa juridiction ». La Cour relève que chacune des deux Parties a fait une
déclaration reconnaissant la ju ridiction obligatoire de la
L’Ouganda, à l’audience, a fait observer que les forces Cour conformément au paragraphe2 de l’Article36 du
ougandaises ont pénétré en mai1997 dans la région est du Statut de la Cour, l’Ouganda le 3octobre1963 et le Congo
Congo, à l’invitation de M. Kabila, pour collaborer avec son le février989, aucune des deux déclarations ne
armée en vue de mettre fin aux activités des rebelles anti-
ougandais. Les forces ougandaises restèrent dans la région comportant de réserve. La Cour estime par conséquent que
est du Congo après que M. Kabila fut devenu Président, les déclarations constituent prima facie une base sur laquelle
toujours à l’invitation de celui-ci. L’arrangement ainsi sa compétence pourrait être fondée en l’espèce.
La Cour prend note du fait que, dans sa demande en
conclu avec le Président Kabila fut consigné par un accord indication de mesures conservatoires, le Congo se réfère à la
écrit daté du 27avril1998; l’ Ouganda a ajouté qu’il «n’a
aucun intérêt territorial en République démocratique du résolution 1304 (2000), adoptée le 16 juin 2000 par le
Congo», qu’«[i]l y a un vide politique complet dans la Conseil de sécurité agissant en vertu du ChapitreVII de la
région est du Congo » et qu’« il n’y a personne d’autre pour Charte des Nations Unies; le texte de ladite résolution est
contenir les rebelles anti-ougandais ou garantir la sécurité de alors cité in extenso. La Cour note en outre que l’Ouganda
la frontière ougandaise»; l’Ouganda a précisé en outre que fait valoir que la demande en indication de mesures
conservatoires du Congo porte essentiellement sur les
« [d]e son côté, [il] a cherché à remplir toutes les obligations mêmes questions que cette résolution, que ladite demande
lui incombant en vertu de l’Accord de Lusaka», conclu
entre les Parties au conflit et visant à résoudre le conflit et à est par suite irrecevable, et que cette demande est en outre
établir un cadre pour la paix dans la région, que «[t]ant sans objet car l’Ouganda accepte pleinement la résolution en
ladite requête que ladite demande reposent sur des question et s’y conforme. La Cour considère toutefois que la
allégations absurdes que n’étaye pas le moindre élément de résolution 1304 (2000) du Conseil de sécurité et les mesures
preuve présenté à la Cou» r, qu’«étant donné les prises en exécution de celle-ci ne sauraient l’empêcher
d’agir en conformité avec son Statut et son règlement et
circonstances, la demande de la République démocratique rappelle que :
du Congo est irrecevable, et ce au motif que la Cour est
empêchée en droit d’exercer ses pouvoirs en vertu de

163 « même si la Charte conséquence que des mesures conservatoires doivent être
indiquées d’urgence aux fins de protéger ces droits et relève
départage nettement les fonctions de l’Assemblée
générale et du Conseil de sécurité en précisant que, à que le paragraphe2 de l’article75 du Règlement lui
l’égard d’un différend ou d’une situation quelconque, la reconnaît le pouvoir d’indiquer des mesures totalement ou
première ne doit faire aucune recommandation sur ce partiellement différentes de celles qui sont sollicitées. Eu
différend ou cette situation, à moins que le Conseil de égard aux éléments d’information à sa disposition, et en
sécurité ne le lui demande, ... aucune disposition particulier au fait que le Conseil de sécurité a constaté, dans
sa résolution1304(2000), que la situation au Congo faisait
semblable ne figure dans la Charte sur le Conseil de «peser une menace sur la paix et la sécurité internationales
sécurité et la Cour. Le Conseil a des attributions
politiques; la Cour exerce des fonctions purement dans la région», la Cour est d’avis qu’il existe un risque
judiciaires. Les deux organes peuvent donc s’acquitter sérieux que surviennent des faits de nature à aggraver ou
de leurs fonctions distinctes mais complémentaires à étendre le différend ou à en rendre la solution plus difficile.
propos des mêmes événements. »
Déclaration du juge Oda
La Cour relève alors qu’en l’espèce, le Conseil de
sécurité n’a pris aucune décision qui empêcherait prima M.Oda a voté en faveur de l’ordonnance de la Cour
facie que les droits revendiqués par le Congo puissent « être uniquement parce qu’il ne pouvait que reconnaître, que pour
considérés comme des droits qu’il conviendrait de protéger
par l’indication de mesures conservatoires » et que l’Accord restaurer la paix dans la région, les Parties devraient prendre
de Lusaka, auquel la résolution 1304 (2000) du Conseil de les mesures indiquées par la Cour dans cette ordonnance
sécurité se réfère et qui constitue un accord international –mesures sur lesquelles il est difficile d’être en désaccord.
Toutefois, il estime que la Cour n’est pas en mesure
liant les Parties ne saurait non plus empêcher la Cour d’agir actuellement d’indiquer des mesures conservatoires au motif
en conformité avec son Statut et son règlement. La Cour ne que la présente affaire, intr oduite unilatéralement contre
saurait davantage être empêchée d’indiquer des mesures l’Ouganda le 23juin1999, est irrecevable –et ce dès
conservatoires dans une instan ce au seul motif qu’un État
qui a porté simultanément plusieurs affaires similaires l’origine.
devant la Cour ne sollicite de telles mesures que dans l’une M.Oda estime que le simple fait que le demandeur ait
allégué qu’il y a eu « agression armée » sur son territoire de
d’entre elles et, conformément au paragraphe 1 de la part du défendeur ne veut pas dire que des différends
l’article75 de son règlement, la Cour peut en tout état de d’ordre juridique existent entre ces Parties en ce qui
cause décider d’examiner d’office si les circonstances d’une concerne i)la violation alléguée des droits du demandeur
affaire exigent l’indication de mesures conservatoires.
La Cour observe alors que le pouvoir d’indiquer des par le défendeur ou le fait que le défendeur ne se serait pas
mesures conservatoires qu’elle tient de l’Article41 de son acquitté de ses obligations juridiques internationales vis-à-
vis du demandeur, et ii)la négation par le défendeur des
Statut a pour objet de sauvegarder le droit de chacune des allégations du demandeur. Dans la présente affaire, le
Parties en attendant qu’elle rende sa décision, et présuppose demandeur n’a pas, dans sa requête, montré que les deux
qu’un préjudice irréparable ne doit pas être causé aux droits Parties ont tenté d’identifier les différends d’ordre juridique
en litige dans une procédure judiciaire; et que les droits qui,
d’après la requête du Congo, constituent l’objet du litige existant entre elles et de résoudre ces différends par la
sont essentiellement ses droits à la souveraineté et à négociation. À défaut d’un tel effort mutuel des Parties, la
l’intégrité territoriale, à l’intégrité de ses biens et de ses simple allégation d’une agression armée ne saurait être
regardée comme se prêtant à un règlement judiciaire par la
ressources naturelles, ainsi que ses droits au respect des Cour.
règles du droit international humanitaire et des instruments M.Oda fait remarquer que la Charte des NationsUnies
relatifs à la protection des droits de l’homme.
La Cour relève qu’il n’est pas contesté que des forces prévoit le règlement, par l’intermédiaire du Conseil de
ougandaises se trouvent sur le territoire du Congo, que des sécurité, de différends soulevant des questions d’agression
armée et de menaces pour la paix internationale du genre de
combats ont opposé sur ce territoire ces forces à celles d’un celles qui se posent dans la présente affaire. En
État voisin, que ces combats ont entraîné de nombreuses l’occurrence, le Conseil de sécurité, de même que le
pertes civiles ainsi que des dommages matériels importants, Secrétaire général, agissant sur les instructions du Conseil, a
et que la situation humanitaire demeure profondément déployé tous les efforts possibles au cours des dernières
préoccupante; et qu’il n’est pas davantage contesté que des
violations graves et répétées des droits de l’homme et du années pour apaiser les tensions et ramener la paix dans la
droit international humanitaire, y compris des massacres et région.
MO. da soutient que la requête en l’espèce est
autres atrocités, ont été commises sur le territoire du Congo. irrecevable et estime que, dans cette affaire, l’élément de
Au vu des circonstances, la Cour est d’avis que les recevabilité fait défaut, même prima facie. La jurisprudence
personnes, les biens et les re ssources se trouvant sur le
territoire du Congo, en particulier dans la zone de conflit, de la Cour fait apparaître que les États défendeurs ou les
demeurent gravement exposés, et qu’il existe un risque parties ne se sont pas toujours conformés aux arrêts ni aux
sérieux que les droits en litige dans la présente espèce mesures conservatoires indi quées avant l’examen de
subissent un préjudice irréparable. La Cour estime en l’affaire au fond. Si la Cour consent à connaître d’une

164requête ou d’une demande en indication de mesures Déclaration du juge Koroma
cons ervatoires dans de telles circonstances, le non-respect
Dans sa déclaration, M. Koroma dit que la Cour a
réitéré de ses arrêts et ordonnances par les parties nuira reconnu et tenu pour acquis que, depuis le récent conflit qui
inévitablement à sa dignité et suscitera des doutes quant au s’estdéclenché dans la zone entre les troupes étrangères, des
rôle judiciaire qu’il lui appartient de jouer dans la centaines de Congolais ont été tués et des milliers blessés et
communauté internationale.
M. Oda rappelle le principe selon lequel la juridiction de que des biens nationaux ont été détruits sur une grande
échelle. En conséquence, on a estimé qu’à moins que des
la Cour est fondée sur le consentement des États parties au mesures soient prises d’urgence, les droits de la population
différend et que les déclarations faites en vertu de la clause risqueraient de courir des dangers plus grands encore. Il
facultative acceptant la juridiction obligatoire de la Cour ne déclare en outre que l’ordonnance reconnaît que la
peuvent être faites que si elles émanent de la volonté résolution 1304 (2000) adoptée par le Conseil de sécurité le
exprimée de bonne foi des États. Si la Cour accepte de
recevoir des requêtes ou fait droit à des demandes en 16 juin 2000 lance un appel à toutes les Parties pour qu’elles
indication de mesures conservatoires, il craint que les États mettent fin aux hostilités, mais que la Cour, en tant que
juridiction, doit apprécier elle-même les événements pour
qui ont accepté la juridiction obligatoire de la Cour en vertu voir si une ordonnance est justifiée, ordonnance qui devrait
des dispositions du paragraphe 2 de l’Article 36 de son être conçue conformément à des normes judiciaires. Il
Statut ne soient portés à retirer leurs déclarations, et que les déclare ensuite que l’ordonnance doit, par conséquent, être
États soient moins nombreux à adhérer aux clauses considérée à la lumière de l’Article 59 du Statut de la Cour
compromissoires des traités multilatéraux.
Le fait qu’un État qui comparaît devant la Cour en et de l’Article 94 de la Charte des Nations Unies. Il estime
aussi que l’ordonnance fait partie du processus de règlement
l’espèce ne soit pas représenté par une haute personnalité de judiciaire du différend et revêt une importance particulière
son gouvernement agissant en qualité d’agent (situation qui pour les Parties, lesquelles doivent s’abstenir de tout acte
s’est rarement présentée dans l’histoire de la Cour) renforce qui risquerait d’aggraver ou d’étendre le différend. Il
chez M. Oda le sentiment qu’il y a ici lieu de se demander si conc lut qu’en l’espèce l’ordonnance ne préjuge en rien les
l’affaire est soumise à la Cour dans l’intérêt de l’État en faits ou le fond.
cause ou pour quelque autre raison.

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