Certains emprunts norvégiens (France c. Norvège) - Arrêt

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12425
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1957/16
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C.P.J. Communiqué No 57/16
(non officiel)

Les renseignements suivants, Grnanant du Greffe de la Cour
internstionzle de Justice; ont $té mis à la disposition de la presse:

.
ilujourd 'hui, 6 juillet 3957, 1.3Cour internationale de Justice
a rendu son arrêt en l'affaire relative & certains enpruntsnorvégiens
(entre la France et la Norvège, )

Cette affzire msit Sté introduite par une requête du Gouver-
nement français, qui avait prie la Gour de jugerque certains emprunts
émis sur le marché français et dtautFes marchésétrangers pa? le
Royaume de Norvège, la Bmque hypothécaire du Royaume de Norvège et
ln Banque norvégienne des propriétes agricoles et habitationo suvrières,

stipulent en o~ le montant des obligations de llemprunteur et que
celui-ci ne s'acquitte de la substance de sa dette que par le paiement
de la valeur or des coupons ou des titres amortis. La requête visait
expressérnznt l'article 36, paragraphe 2 du Statut, ainsi que les
déclarations dracceptation de la juridiction obligatoir ee la Cour
deposéespar In France et la Norvkge. De son côté, le Gouvernement
norvégien avait soulevSdes exceptions préliminaires que, sur me
demande du Gouvernement français, A laque112 le Gouvernement norvegien
ne si6tait pas oppos4, 13 Cour avait jointesau fond.

Dans son arrêt, la Cour retient comme étant plus direct et
décisif l'un des moyensinvoqués par 12 Norvège contre la compétence
de la Cour, à savoir, que 19 Norvége est fondée en droit à invoquer,
en vertu de la condition de réciprocitc, la reserva de compétence
nationale contenue dans la declaration française et que cette
réserveexclut de 13 juridiction de la Cour le ciiffirend porté devant
elle par la requete du Gouvsrnernent fran~ais. Goiisidérant qu'ilne
lui est pas nécessaire diexariiner les autres exceptions- nor~égie~es,

ni les autres conclusions des Parties, la Cour déclare, par douze
voix contre trois, ~u'elle n'a pas cmphtence pour statuer sur le
différend.

Le Juge bmno Quintana a déclare consid6rer 1s Cour comme
incompétente pour une raison différente de celle qui est énoncee dans
Y M, Badawi, Vice-Président, et Sir Hersck Lauterpacht, Juge,
ont joint à lfarrGtles exposés de leur opinion individuelle. Trois
juges, i'4PIGuerrero, basdevant et Read y ont jointles exposés de
leur opinion dissidente.

Dans son arrêt, la Cour rappelleles faits. Les empruntsdont
il s'agit ont ét6 émis entra 1885 et 1909; le Gouvernement français
soutient que ces emprunts sont assortis d'une clause or sous me

forme variant de l'un A l'autre, -xais quqil estima suffisante pour chacun,
ce que conteste le Gouvernement norvbgien, La convertibiliteé n or
des billets de la Banque de lqorvège ayant &te suspendue à diverses
I
reprises .,..reprises depuis 1914, une loi norv6gienne du 15 décembre 1923 a
stipulé que Ilsiun débiteur a legalement consenti à payer en or une
obligation pécuniqire en couronnes et que le créancier\refuse d'accepter
le paiementen'billets de ln 8anque de Morvége d aprés la valeur
or nominele de ceux-ci, le débiteur pourra demanderla prorogation
du paiement tant que 12 banque est dispenséede llobligation de
rembourser #es billets dfaprés leur montwitI1. Une longue çorrespon-
dance diplomatique a!en est suivie, qui a duré de 1925 à 1955 et au
cours de laquelle le Gouvernement français a invoqus qulunedécision
unilatérale ne lui semblait pas opposableà des créanciers étrangers et

a dsrnmdé la reconnaissance des droits auxquels pretendaient les
porteurs frznçais des obligations en cause. Le Gouvernemen torvégien,
refusant de donnersuiteaux différentes propositions de règlement
international formulées par 12 France, a de son cet$maintenu que les
rsclmatians des porteurs étztent du ressort des tribunaux norvégiens
et donnaient lieu uniq~ement à 1 int erprét atian et à l application des
lais norvégiennes. Les pmrteurs fran~aiç se sont 3-bstenus de saisir les
tribunaux norvégiens. C'est dans ces conditionsque le Gouvernement
francpis a porte le diffhrend devant la Gour.

Tels 6tmt les faits, la Cour porte tout d'abord son attention
sur les exceptions prélbiriaires du buvernement norvégien, en commen-
çant par la premièred'entre elles, qui visedirectement la compétents
de la Cour et présente deux aspects. En premierlieu, il est argué
que la Cour, dont la mission est de réglerconfom6mznt au droit inter- a
national les differends qui lui sont soumis, nc peut être saisie par
voie de requête unilztérale que des differends d'ordre juridique qui

rentrent dms l'une des quatrecategorles énumhréesau paragraphe 2
de 1larticle' 36 du Statut et qui relèvent du droit international; or
de liavis du Gouvernemen torvégien, les çontrats d7srnprunts sont
régis par le droit interne et non par le droit international. En
second lieu,le Gouvernement norvégien déclare que,s'ilpouvait subsister
un doute sur ce point, il se prbvaudrait de la réserveformuléeen ces
termes dans la déclaration fr,m$aise d'acceptation de La juridiction
obligatoire de la Cour: "Cette déclaration ne s 'applique pas aux dlf-
férends relatifs des affaires qui relévent essentiellement de la
compétence nationale telle qu'elleest entenduepar le Gauvernement de
la République frwi~~ise." Le Gouvernement norvégien considère qu'en ,,A,

dc la clauss de réciprocité przvue h Ifsrticle 36, par. 3 du Statut
et cont enuz dans 12 déclarationnorvegienne correspondante, la
Norvègea 1.2droit de se pr6valoir des restrictions apportées par la
France à ses propres engagements. Convaincu que le diffhend relève
de sa-compétence nationale, il demande à la Cour de décliner, pour
raisondiincornpetence, la mission dont le Gouvernement français voudrait 0
la charger.

Examinant le dquxiérne motif de cette exception, la Gour constate
que sa compétence en l'espèce dépend dss déclarations faites par les
Perties sous condition de reciprocitg; et que, come il s 'agit de
deux declarations unilatérales cette compétence lui est conférée

seulement dans la mesure où ellescalncidentpour la lui conférer.Par
cansequent, la volonté come des Parties, base de la compétence de
la Cour, existedans les limites plus etroites indiquées par la reserve
fran~aise. La Cour a consamré cette méthode de définir les limites de
an compétence déjisuivie par La Cour perm?mente de Justice intema-
tionale. Conformément à la condition de rkiprocité, la Norvège est
fondée, dms les mhes conditions que In Fr~nce, & zxçlure de la com-
pétenceobligatoire de la Gour les différends que la Riorvége considère
comme relevant essenticllemen de sa compét ençe nationale.

Le Gouvernemen t ran~ais a relevé qu' entre la France et la
Norvege il existeun traité qui fait du règlement de taute dette can-
tractuelle'un'e affaire relevant du droit international et que les deux

Etats ne peuvent donc en cette matièreparler de compétence nationale.
Mais la convention dont il s'agit(deuxième Convent ion de La Haye
de 1907 concernant la limitation de l'emploi de In force pour le
recouvrement de dettes contractuelles)' ne visepas à introduire
If arbitrage ....1 'arbitrage obligatoire ; la seule obligation qu 'elle imposeest qulune
Puissanceintervenante ne doit pas faire usage de la force avant d'avoir
tènté la voie d?arbitrage. La Cour ne trouve donc auc'une raison pour la-

quelle le fait que les deuxPartiesont signé la Convention de La Haye
devrait priver la Norvège du droitdiinvoquerla réserve contenuedas la
déclaration fran~aise. Le Gouvernement fran~aisa mentionnéégalement la
Conventionfranco-norvégiennc eilarbitrag de 1904 et 1Qctt généralde
Genève du 26 septembre 1928. Ni l'uneni 17autrs de ces deux mentions ne
saurait toutefois être considerée come suffisante pour etablir que la
requête du Gouvernement frcm~ais se fondsit sur cettederniére C onvent ion
ou sur l'Actegénéral:La Cour ne saurait rechercher, pour établir sa
comp6tence, un fondementautre que celui que le Gouvernement français a
lui-marne énonce dans sa requgte, et sur lequell'affaire a 6th plaid&

devant 13 Gour par les deux ParLies,

La Cour relève que, diun certzin point de vue, on pourrait dire
que le motif de 12 première exceptiontirede la réserve contenue dans la
déclsration française nie quf un caractère subsidiaire. Mais, de lkvis de
la Gour, ce motif ne peut Stre considérécome subsidiaire dans çe sens
que la Norvége invoquerait la réservefrançaise seulement dans le cas où
le premier motif de LTexceptio serait reconnu non fondé en droit. La
cornpetence de 11 Cour est contestée pour les deux motifs et la Gour est
libre de baser sa dicision sur celui qui, selon elle, est plus direct et
décisif. Non seulement
le Gouvernement nomrkgien e invoqué la réserve
française, mzis encore il a toujours maintenu le deuxième motif de sa
premièreexception. Liabandonne saureitêtre présumé ni déduit; il
doit etro expressémen déclaré.

Ln Cour n estime pss devoirexaminer la questionde savoir si
la réservefrançaise est compatible avec le fait d'assumer une obligation
juridique et Evec 1'article 36, paragraphe 6, du Statut. La validité de
la réservenia pas ét; mise en question par les Parties. Il est clair
que 12 France maintient entièrement sa d&claration y compris sa réserve,

et que la Norvégc se prévaut de cette reserve. Dans ces conditions, la
Gour se trouve en présence d'une dispositTon pue les deux Parties au dif-
férend considèrent comme exprimant leur volonté communequ?mt à sa
compétence. Elle applique la réservetelle qu'elleest, et telle que les
Parties 1s reconnaissent.

Pm ces motifs, 33 Courdéclare qu'elle n'a pas compétencepour
statuer sur le diffkrend porté devantellepar la requête du Gouvernement
français.

La Haye, le 6 juillet 1957

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