Note: Cette traduction a été établie par le Greffe à des fins internes et n’a aucun caractère officiel
17501
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
AFFAIRE RELATIVE À CERTAINS ACTIFS IRANIENS
(RÉPUBLIQUE ISLAMIQUE D’IRAN c. ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE)
CONTRE-MÉMOIRE DES ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE
14 octobre 2019
[Traduction du Greffe]
TABLE DES MATIÈRES
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PREMIÈRE PARTIE. INTRODUCTION 1
Chapitre 1. Observations liminaires 1
Chapitre 2. L’arrêt sur les exceptions préliminaires 6
Section A. La teneur de la décision de la Cour 6
Section B. Les implications de l’analyse interprétative faite par la Cour 8
Section C. La thèse de l’Iran telle qu’elle se présente actuellement 9
DEUXIÈME PARTIE. HISTORIQUE ET CONTEXTE 11
Chapitre 3. Introduction 11
Chapitre 4. Le traité d’amitié et les relations américano-iraniennes sous son empire 12
Section A. Le traité d’amitié : son objet et son but et le programme américain
de traités d’amitié, de commerce et de navigation 12
Section B. Les relations américano-iraniennes sous l’empire du traité 14
Chapitre 5. Le soutien apporté par l’Iran au terrorisme et les autres actes de déstabilisation
iraniens menaçant la sécurité nationale des Etats-Unis 16
Section A. L’Iran mène de longue date une politique de soutien au terrorisme et
de perpétration d’autres actes de déstabilisation 16
Section B. Soutien de l’Iran à des actes de terrorisme visant les Etats-Unis 24
i. Attentat contre le casernement des fusiliers marins et autres attentats terroristes
à la bombe commis contre des intérêts américains au Liban 24
ii. Attentat à la bombe contre les tours de Khobar 29
iii. Autres actes visant les Etats-Unis et leurs ressortissants 32
a) Enlèvements, assassinats et détournements d’avions 32
b) Attentats déjoués 35
Chapitre 6. Les mesures prises par les Etats-Unis résultent du soutien apporté par l’Iran
au terrorisme et à d’autres actes menaçant la sécurité nationale des Etats-Unis 40
Section A. Qualification d’Etat soutenant le terrorisme attribuée à l’Iran et qualification des
institutions financières iraniennes en vertu du décret présidentiel no 13599 40
Section B. Initiatives visant à assurer réparation aux victimes d’actes de terrorisme 44
Section C. Décisions de justice relatives à l’exécution d’autres décisions de justice
relatives au terrorisme 47
TROISIÈME PARTIE. LA COUR DOIT REJETER LES DEMANDES DE L’IRAN 51
Chapitre 7. Introduction 51
Chapitre 8. L’Iran se présente devant la Cour avec les mains sales 52
Section A. Introduction et présentation générale 52
Section B. Portée et application de la doctrine des mains sales 53
Section C . Les circonstances dans lesquelles la doctrine peut être appliquée
et ses conséquences 57
- ii -
Section D. Le soutien apporté par l’Iran aux actes de terrorisme visant les Etats-Unis
tombe sous le coup de la doctrine des mains sales 58
Chapitre 9. L’application de l’arrêt de la Cour sur les exceptions préliminaires aux faits
de la cause donnerait nécessairement lieu au rejet des prétentions de l’Iran portant
contestation du traitement réservé à la banque Markazi, celle-ci n’étant pas une «société»
admise à jouir des droits prévus par les articles III, IV et V du traité 61
Section A. Si la banque Markazi n’est pas une «société» admise à jouir des droits
prévus par le traité, l’Iran doit être débouté de ses demandes portant
sur la banque Markazi 61
Section B. La loi monétaire et bancaire iranienne de 1972 met en évidence la nature
souveraine des fonctions assignées à la banque Markazi 63
Section C. Selon la présentation faite par l’Iran même, les prétentions qu’il a formulées
en l’espèce ont trait aux activités gouvernementales souveraines de la banque Markazi 64
Section D. Les arguments de l’Iran selon lesquels la banque Markazi exerce des activités
commerciales, ou professionnelles, sont erronés et sans intérêt en l’espèce 67
Chapitre 10. Les demandes pour lesquelles l’Iran ne peut établir que les voies de recours internes
ont été épuisées sont irrecevables 69
Section A. L’épuisement des voies de recours internes est une condition nécessaire
pour qu’un Etat puisse engager une procédure internationale au nom de ses ressortissants 69
Section B. Un nombre considérable de demandes formées par l’Iran ne satisfont pas
aux exigences de la règle de l’épuisement des voies de recours internes 70
Chapitre 11. Le paragraphe 1 de l’article XX exclut catégoriquement les demandes de l’Iran
portant sur le décret présidentiel no 13599 73
Section A. Le décret présidentiel no 13599 a été adopté pour faire face aux activités
illicites de l’Iran, notamment ses activités de production et de commerce des armes,
de soutien au terrorisme, de financement du terrorisme et de recherche de moyens
de production de missiles balistiques 75
Section B. Le décret présidentiel no 13599 et ses textes d’application relèvent de l’exception
créée par l’alinéa c) du paragraphe 1 de l’article XX en tant que mesures réglementant
la production et le commerce des armes ainsi que les fournitures militaires 78
Section C. Le décret présidentiel no 13599 relève de l’exception créée par l’alinéa d)
du paragraphe 1 de l’article XX en tant que mesure nécessaire à la protection des intérêts
vitaux des Etats-Unis sur le plan de la sécurité 83
i. Les intérêts vitaux des Etats-Unis sur le plan de la sécurité commandent de prévenir
le terrorisme et son financement et de mettre fin aux progrès du programme de missiles
balistiques de l’Iran 85
ii. Le décret présidentiel no 13599 est nécessaire à la protection des intérêts vitaux
des Etats-Unis sur le plan de la sécurité, notamment par la prévention des attentats
terroristes et des progrès du programme de missiles balistiques iranien 87
QUATRIÈME PARTIE. LES MESURES PRISES PAR LES ETATS-UNIS
NE CONSTITUENT PAS DES VIOLATIONS DU TRAITÉ D’AMITIÉ 90
Chapitre 12. Erreurs entachant l’approche adoptée par l’Iran pour présenter ses demandes
et interpréter le traité d’amitié 90
- iii -
Chapitre 13. L’Iran n’a pas établi le bien-fondé de ses demandes tirées de l’article III
du traité d’amitié 92
Section A. L’Iran n’a pas établi l’existence d’une violation du paragraphe 1 de l’article III
du traité 92
i. L’interprétation donnée au paragraphe 1 de l’article III par l’Iran
est fondamentalement erronée 93
a) Le paragraphe 1 de l’article III se borne à imposer la reconnaissance du statut
juridique des «sociétés» 93
b) L’approche interprétative adoptée par l’Iran est déconnectée du texte 95
ii. Les mesures prises par les Etats-Unis satisfont à l’obligation de reconnaissance
prévue par le paragraphe 1 de l’article III 97
Section B. L’Iran n’a pas établi l’existence d’une violation du paragraphe 2 de l’article III
du traité 98
i. Le fait que la Cour ait rejeté l’interprétation trop extensive donnée au paragraphe 2
de l’article III par l’Iran atteste que le droit au «libre accès aux tribunaux judiciaires»
ne garantit aucun autre droit substantiel ou procédural 98
ii. Conformément au paragraphe 2 de l’article III, les Etats-Unis ont accordé aux sociétés
iraniennes libre accès à leurs tribunaux, devant lesquels elles ont régulièrement
comparu et pris part au procès 99
Chapitre 14. L’Iran n’a pas établi l’existence d’une violation de l’article IV 103
Section A. Le standard minimum de traitement prévu par l’article IV 104
Section B. Les Etats-Unis n’ont pas porté atteinte au paragraphe 1 de l’article IV 105
i. La clause du paragraphe 1 de l’article IV relative au «traitement juste et équitable»
interdit tout déni de justice 106
ii. Les obligations découlant des clauses du paragraphe 1 de l’article IV concernant
les «mesures arbitraires [déraisonnables] ou discriminatoires» et les «voies d’exécution
efficaces» ne sont pas des obligations autonomes, mais de simples composantes
de l’obligation de ne pas refuser de rendre justice 108
a) La clause relative aux «mesures arbitraires [déraisonnables] ou discriminatoires»
fait partie intégrante de la protection contre le déni de justice 109
b) La clause relative aux «voies d’exécution efficaces» fait partie intégrante de la
protection contre le déni de justice 109
iii. Les Etats-Unis n’ont pas refusé de rendre justice à des ressortissants iraniens
ni à des sociétés iraniennes 112
a) Exposé de la norme juridique 113
b) L’allégation de déni de justice formulée par l’Iran ne peut prospérer 115
iv. Quoi qu’il en soit, les mesures prises par les Etats-Unis n’étaient ni arbitraires
[déraisonnables] ni discriminatoires, et les ressortissants et sociétés de l’Iran
ont eu accès à des voies d’exécution efficaces pour faire valoir leurs droits
contractuels légitimement nés 120
a) Les mesures américaines n’étaient pas arbitraires [déraisonnables] :
elles constituaient une réponse pacifique au soutien apporté par l’Iran
à des actes de terrorisme violents 120
- iv -
b) Les mesures américaines n’étaient pas discriminatoires : les sociétés de tous
les Etats soutenant le terrorisme peuvent voir utiliser leurs actifs pour exécuter
des décisions de justice condamnant l’Etat 121
c) L’Iran n’a pas établi que les mesures américaines avaient privé ses sociétés
de voies d’exécution efficaces pour faire valoir leurs droits contractuels 122
Section C. Les Etats-Unis n’ont pas violé le paragraphe 2 de l’article IV 123
i. L’interprétation que l’Iran donne à l’obligation d’assurer la protection et la sécurité
les plus constantes qui est énoncée au paragraphe 2 de l’article IV est erronée 123
ii. Les mesures américaines ne constituent pas un déni de la protection et de la
sécurité les plus constantes prévues par le paragraphe 2 de l’article IV 127
iii. L’interprétation que l’Iran donne aux restrictions à l’expropriation prévues
par le paragraphe 2 de l’article IVest erronée 127
iv. Les mesures américaines ne constituent pas une expropriation illicite 131
a) Mesures législatives et réglementaires 131
b) Décisions judiciaires 134
Chapitre 15. L’Iran n’a pas établi l’existence d’une violation du paragraphe 1 de l’article V 135
Section A. La demande de l’Iran fondée sur le paragraphe 1 de l’article V n’est tirée
que d’une partie des dispositions de ce paragraphe 135
Section B. L’Iran n’a formé aucune demande au titre de la clause c) du paragraphe 1
de l’article V 136
Chapitre 16. Les Etats-Unis n’ont pas porté atteinte au paragraphe 1 de l’article VII 138
Section A. Le paragraphe 1 de l’article VII s’applique aux restrictions en matière
de change et l’Iran n’a cité aucune mesure de restriction imposée par les Etats-Unis
en matière de change 139
Section B. Même si l’article VII interdisait les restrictions en matière de paiements,
remises et transferts de fonds autres que les restrictions en matière de change,
la demande de l’Iran ne prospérerait toujours pas 143
Chapitre 17. Le régime juridique américain permettant aux victimes d’actes terroristes
d’exécuter des décisions de justice ne constitue pas une violation du paragraphe 1
de l’article X 145
Section A. Le terme «commerce» employé au paragraphe 1 de l’article X doit être
interprété comme désignant le commerce lié à la navigation 146
Section B. A titre subsidiaire, le terme «commerce» employé au paragraphe 1
de l’article X désigne le commerce de marchandises 148
Section C. La prétention tirée par l’Iran du paragraphe 1 de l’article X ne satisfait pas
à la condition territoriale découlant de cette disposition 149
Section D. Le paragraphe 1 de l’article X ne saurait s’interpréter valablement
comme applicable aux règles régissant les procès liés au terrorisme qui sont intentés
devant les juridictions américaines 151
Chapitre 18. Dans l’éventualité où la Cour jugerait que des droits substantiels conférés
à l’Iran par le traité d’amitié sont en cause, l’exercice de ces droits constituerait un abus
de droit de la part de l’Iran 153
Section A. La doctrine de l’abus de droit et les circonstances dans lesquelles
elle peut être appliquée 154
- v -
Section B. L’Iran n’est pas admis à exercer les droits substantiels découlant
du traité d’amitié 156
Chapitre 19. L’Iran ne saurait prétendre à aucun remède 158
Conclusions 159
Certification 160
Liste des annexes 161
___________
PREMIÈRE PARTIE
INTRODUCTION
CHAPITRE 1
OBSERVATIONS LIMINAIRES
1.1 Dans la présente instance, l’Iran tente de se prévaloir du traité d’amitié, de commerce et
de droits consulaires entre les Etats-Unis et l’Iran (ci-après, le «traité d’amitié» ou le «traité») pour
éluder sa responsabilité dans des attentats terroristes perpétrés contre des ressortissants américains et
échapper à l’exécution de décisions rendues par des juridictions américaines qui l’ont déclaré
responsable de ces attentats en qualité d’auteur ou de complice. Au coeur de cette instance se trouve
l’affaire Peterson, une action en responsabilité civile intentée devant des juridictions américaines par
des victimes d’un attentat-suicide à la bombe et des membres de familles de militaires américains
tués dans cet attentat-suicide, perpétré en octobre 1983 contre le casernement des fusiliers marins
américains à Beyrouth, qui avait fait 241 morts et un nombre plus élevé de blessés parmi des casques
bleus participant à une mission de maintien de la paix au Liban.
1.2 Au cours des décennies qui ont suivi l’attentat-suicide à la bombe susvisé, l’Iran n’a cessé
de soutenir des actes de terrorisme dirigés contre les Etats-Unis et leurs ressortissants. Les Etats-Unis
ont dès lors été obligés de définir la riposte appropriée à ces actes de violence qui permettrait de
retenir la responsabilité de l’Iran et de réparer les préjudices subis par les victimes des attentats en
cause et leurs familles. Au titre de cette riposte, ils ont mis en place un train de mesures permettant
aux victimes d’actes de terrorisme commis avec le soutien de l’Iran de poursuivre ce dernier devant
les juridictions américaines et, dans les cas où celles-ci retiendraient sa responsabilité, de demander
réparation des préjudices qu’elles ont subis. C’est ce train de mesures que conteste aujourd’hui l’Iran.
1.3 La question fondamentale que la Cour doit trancher n’est pas de savoir si l’Iran a soutenu
des attentats terroristes. Les éléments de preuve autorisant à conclure qu’il l’a fait sont accablants. Il
s’agit plutôt de déterminer si les mesures prises par les Etats-Unis en réaction à ces attentats et les
efforts déployés par les victimes et leurs familles pour obtenir réparation de leurs souffrances
constituent des violations du traité d’amitié. La réponse est négative. Les dispositions du traité ne
protègent pas ni n’avaient pour but de protéger une partie qui soutiendrait des actes de terrorisme
visant l’autre partie et ses ressortissants.
1.4 L’arrêt que la Cour a rendu le 13 février 2019 sur les exceptions préliminaires soulevées
par les Etats-Unis (ci-après, l’«arrêt sur les exceptions préliminaires») a considérablement restreint
la portée de l’affaire dont la Cour est saisie. Les demandes initiales de l’Iran, présentées dans sa
requête et dans son mémoire, étaient principalement axées sur l’allégation selon laquelle certaines
des mesures prises par les Etats-Unis privaient indûment l’Iran et sa banque centrale (la banque
Markazi) des immunités souveraines, par exemple en créant une dérogation à leur loi sur l’immunité
des Etats étrangers [Foreign Sovereign Immunities Act] dirigée contre les pays, tels que l’Iran,
déclarés Etats soutenant le terrorisme par les Etats-Unis. Dans son arrêt sur les exceptions
préliminaires, la Cour a rejeté toutes ces demandes pour des motifs liés à sa compétence, ayant estimé
que le traité d’amitié ne lui conférait pas compétence pour connaître des demandes de l’Iran fondées
sur les immunités souveraines.
1
2
- 2 -
1.5 Les demandes subsistantes portent sur les mesures américaines autorisant les victimes
d’actes de terrorisme commis avec le soutien de l’Iran qui bénéficient de décisions de justice
condamnant ce dernier à exécuter ces décisions par la saisie des actifs des établissements et
organismes de l’Iran. Ces demandes sont infondées et doivent être rejetées, comme indiqué dans la
quatrième partie du présent contre-mémoire. Cependant, avant de procéder à une analyse du traité
article par article, les Etats-Unis présentent ci-après quatre moyens de défense de base qui, s’ils sont
retenus, anéantiront la thèse de l’Iran ou au moins la réduiront davantage.
1.6 Premièrement, les mesures visées dans les demandes de l’Iran étant elles-mêmes une
réaction au soutien apporté par ce dernier au terrorisme, c’est avec les mains sales que l’Iran se
présente devant la Cour. Pour ce motif, ses demandes doivent être rejetées dans leur intégralité.
Deuxièmement, l’Iran ne peut pas établir à l’aune des critères définis par la Cour dans l’arrêt sur les
exceptions préliminaires que sa banque centrale, la banque Markazi, est une «société» au sens du
traité d’amitié. Or les articles III, IV et V du traité ne s’appliquent qu’à ses sociétés et ressortissants.
Il faut donc rejeter ses demandes tirées de la violation de ces dispositions du traité en ce qui concerne
le traitement appliqué à la banque Markazi, notamment la plus importante relative aux mesures prises
dans le cadre de l’affaire Peterson. Troisièmement, pour nombre des entités au nom desquelles il a
formulé des demandes, l’Iran n’a pas démontré qu’elles s’étaient acquittées de l’obligation d’épuiser
les voies de recours internes avant qu’il n’engage la présente affaire. Dans les cas où il n’a pas établi
qu’une société avait épuisé les voies de recours internes, toute demande formée au nom de cette
société est irrecevable et doit être rejetée par la Cour. Quatrièmement, le paragraphe 1 de l’article XX
du traité exclut certaines mesures du champ d’application du traité, notamment les mesures
réglementant «la production ou le commerce des armes» et les mesures «nécessaires … à la
protection des intérêts vitaux [d’une] … Partie … sur le plan de la sécurité». L’une des mesures
contestées par l’Iran, le décret présidentiel no 13599, relève des deux catégories, et les demandes de
l’Iran qui s’y rapportent sont donc irrecevables et doivent être rejetées.
1.7 Au cas où la Cour ne retiendrait pas ces moyens de défense, les demandes de l’Iran ne
prospéreraient néanmoins pas sur le fond. Pour apprécier les mesures en cause, il est indispensable
d’avoir connaissance de leur historique et de leur contexte, notamment à deux égards. Premièrement,
l’Iran a choisi de ne pas comparaître devant les juridictions américaines dans les procès intentés par
des victimes des actes de terrorisme commis avec son soutien qui ont abouti à des décisions le
condamnant à des dommages et intérêts. Deuxièmement, il a refusé de donner effet à ces décisions,
qui étaient fondées sur un examen rigoureux des éléments de preuve versés au dossier, comme il le
faut pour que la responsabilité d’un Etat non comparant soit retenue en droit américain. Par ce refus,
l’Iran a privé de réparation les victimes de son comportement odieux.
1.8 En réaction au soutien apporté par l’Iran à des actes de terrorisme dirigés contre eux, leurs
ressortissants et leurs intérêts, les Etats-Unis ont pris une série de mesures législatives et
réglementaires autorisant l’exercice de poursuites contre les Etats soutenant le terrorisme, dont l’Iran,
et permettant aux bénéficiaires de décisions de justice découlant de ces poursuites de les exécuter sur
les actifs des établissements et organismes des Etats concernés. Ces mesures, pour la plupart, ne
s’adressent pas uniquement à l’Iran ; elles s’appliquent à tous les Etats soutenant le terrorisme.
1.9 Les mesures susvisées n’emportent pas violation du traité d’amitié. Elles constituent une
réaction raisonnable à un problème résultant du soutien apporté par l’Iran à des actes de terrorisme
ainsi que du refus de ce pays d’assumer la responsabilité des pertes, des douleurs et des souffrances
que ces actes ont causées aux victimes et d’indemniser ces dernières. L’Iran ne peut se prévaloir du
traité d’amitié pour se protéger et protéger les différentes entités propriété de l’Etat iranien contre les
conséquences de ses actes répréhensibles. Le traité d’amitié n’interdit à aucune des parties de prendre
3
- 3 -
des mesures pacifiques et modérées pour permettre aux victimes d’attentats terroristes d’intenter des
actions en réparation des préjudices causés par ces attentats.
1.10 A commencer par le paragraphe 1 de l’article III du traité d’amitié, l’Iran essaie de
soustraire ses établissements et organismes à l’exécution de décisions de justice relatives au
terrorisme en tentant de déformer une disposition qui fait obligation à chaque partie de reconnaître
le «statut juridique» des entités répondant à la définition de la «société» pour en faire une disposition
garantissant à ces entités un traitement distinct de celui réservé à leurs actionnaires, quelles que soient
les circonstances. Pour étayer son argument, l’Iran transforme l’expression «statut juridique» en
«statut juridique distinct», bien que le terme «distinct» ne figure nulle part dans le paragraphe 1 de
l’article III.
1.11 L’interprétation que l’Iran donne au paragraphe 2 de l’article III est tout aussi
problématique et contraire à la conclusion énoncée par la Cour dans son arrêt sur les exceptions
préliminaires, selon laquelle cette disposition protège uniquement «l’accès» d’une partie aux
tribunaux de l’autre et «ne vise pas à garantir des droits substantiels, ni même des droits procéduraux
qu’une société d’une partie contractante entendrait faire valoir devant les tribunaux et autorités de
l’autre partie»1.
1.12 En ce qui concerne les paragraphes 1 et 2 de l’article IV, l’Iran tente de déceler dans ces
dispositions une série d’obligations de traitement qu’elles n’énoncent pas, s’appuyant principalement
sur un petit nombre de sentences prononcées par des tribunaux arbitraux dans le cadre de différends
opposant des investisseurs à des Etats plusieurs décennies après la conclusion du traité d’amitié entre
les deux parties. Interprétées comme il se doit, ces dispositions font obligation à chacune des parties
d’appliquer à l’égard de l’autre le standard minimum de traitement qui s’est cristallisé en droit
international coutumier, lequel comprend l’obligation de ne pas commettre de déni de justice en
matière pénale, civile ou administrative, l’obligation d’assurer «la protection et la sécurité … de la
manière la plus constante» et l’obligation de ne pas exproprier les biens des sociétés ou des
ressortissants de l’autre partie, sauf sous certaines conditions. L’Iran n’a pas établi que les Etats-Unis
avaient manqué à ces trois obligations ni qu’une quelconque des autres obligations qu’il voudrait
imposer aux Etats-Unis sur le fondement de l’article IV du traité d’amitié fait partie du standard
minimum de traitement du droit international coutumier.
1.13 L’Iran invoque en outre la clause c) du paragraphe 1 de l’article V du traité d’amitié, qui
dispose que les ressortissants et les sociétés de chacune des parties «pourront … aliéner des biens de
toute nature par voie de vente, de testament ou par tout autre moyen» dans le respect du standard de
traitement de la nation la plus favorisée. Or il n’a pas établi qu’une quelconque de ses sociétés avait
tenté d’aliéner des biens et en avait été empêchée par l’une des mesures contestées ni que des sociétés
comparables avaient bénéficié d’un traitement plus favorable (et il n’a formulé aucune prétention en
la matière au nom de ses ressortissants).
1.14 Enfin, s’agissant du paragraphe 1 de l’article VII et du paragraphe 1 de l’article X, l’Iran
interprète ces dispositions comme régissant des mesures qui n’entrent pourtant pas dans leur champ
d’application. Le paragraphe 1 de l’article VII porte sur les seules restrictions en matière de change,
et non sur l’ensemble des restrictions frappant les transferts de fonds, et le paragraphe 1 de l’article X
fait partie d’une disposition relative à la navigation et comporte une restriction territoriale
1 Certains actifs iraniens (République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique, exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 32, par. 70 (les italiques sont de nous ; ci-après, l’«arrêt sur les exceptions préliminaires»).
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déterminante. L’Iran ne tient pas compte de ces considérations et propose plutôt une interprétation
illimitée des dispositions en cause.
1.15 L’Iran a donc mal interprété chacun des articles du traité sur lesquels il entend s’appuyer
en l’espèce. Aucun des articles du traité n’interdit aux Etats-Unis d’appliquer les mesures contestées
pour riposter au soutien apporté par l’Iran à des attentats terroristes et à son refus d’indemniser les
victimes de ces attentats.
1.16 Enfin, à supposer même que la Cour conclue que les mesures contestées ont porté atteinte
aux droits conférés à l’Iran par le traité, il serait abusif que l’Iran invoque ces droits pour se soustraire
et soustraire ses établissements et organismes à l’obligation d’indemniser les victimes d’attentats
terroristes auxquels il reconnaît avoir apporté son soutien. Dans ces circonstances, la Cour doit dénier
à l’Iran la possibilité d’exercer les droits qu’il tient du traité.
* *
1.17 La suite du contre-mémoire est structurée comme suit. Le chapitre 2 est consacré à
l’examen de l’arrêt de la Cour sur les exceptions préliminaires. Il est suivi de la deuxième partie,
qui présente les éléments essentiels de l’historique et du contexte des moyens de défense des
Etats-Unis. Après quelques observations liminaires constitutives d’introduction à cette partie qui font
l’objet du chapitre 3, le chapitre 4 donne un aperçu général du traité d’amitié, la base de compétence
invoquée par l’Iran en l’espèce. Le chapitre 5 rend compte de façon détaillée du soutien apporté de
longue date par l’Iran à des actes de terrorisme dirigés contre les Etats-Unis et d’autres pays, ainsi
que de son recours au blanchiment de capitaux et à d’autres actes financiers illicites pour faciliter ses
agissements. Le chapitre 6 porte sur les mesures contestées par l’Iran, que les Etats-Unis ont
adoptées en riposte au soutien apporté par l’Iran au terrorisme.
1.18 La troisième partie du contre-mémoire traite des quatre moyens de défense de base
brièvement évoqués ci-dessus dont chacun tend à faire déclarer l’Iran irrecevable en ses demandes
en tout ou en partie. Ces moyens de défense sont présentés au chapitre 7. Le chapitre 8 invite la
Cour à rejeter les demandes de l’Iran à raison des mains sales avec lesquelles il se présente devant
elle. Le chapitre 9 explique que l’Iran n’a pas établi que la banque Markazi était une «société» au
sens du traité. Le chapitre 10 met en évidence le fait que l’Iran n’a pas démontré que ses sociétés
avaient épuisé les voies de recours internes. Le chapitre 11 tend à démontrer que le paragraphe 1 de
l’article XX du traité exclut du champ d’application de celui-ci l’une des mesures contestées, à savoir
le décret présidentiel no 13599.
1.19 Enfin, la quatrième partie du contre-mémoire tend à répondre aux prétentions tirées par
l’Iran de chaque article du traité invoqué. Au chapitre 12, les Etats-Unis recensent les faiblesses
transversales de l’interprétation que l’Iran donne au traité d’amitié. Les chapitres 13 à 17 traitent
5
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respectivement des prétentions tirées des articles III, IV, V, VII et X du traité. Les Etats-Unis
démontrent également au chapitre 18 que l’Iran a commis un abus de droit qui invalide ses
prétentions, quelles que soient les conclusions de la Cour sur chacun des articles en question, et au
chapitre 19 que l’Iran n’a pas justifié les mesures qu’il sollicite en l’espèce2.
2 Les documents annexés au présent contre-mémoire sont désignés ci-après comme suit : «(annexe __)». Les
documents annexés au mémoire de l’Iran sont désignés comme suit : «(MI, annexe___)». Enfin, les documents annexés
aux exceptions préliminaires des Etats-Unis sont désignés comme suit : «(exceptions préliminaires des Etats-Unis,
annexe __)».
- 6 -
CHAPITRE 2
L’ARRÊT SUR LES EXCEPTIONS PRÉLIMINAIRES
2.1 Selon la thèse présentée par l’Iran devant la Cour — dans sa requête et son mémoire —, le
cadre juridique interne américain qui prévoit la possibilité de poursuivre devant les tribunaux
américains les Etats déclarés Etats soutenant le terrorisme comme l’Iran, notamment ses dispositions
facilitant l’exécution des décisions de justice relatives au terrorisme sur les actifs de l’Iran, de sa
banque centrale et d’autres entités de l’Etat iranien, viole diverses dispositions du traité d’amitié.
Dans ce contexte, l’Iran prétend que le traité d’amitié contient des principes du droit international
coutumier relatifs aux immunités souveraines qui mettent l’Iran et sa banque centrale (la banque
Markazi) à l’abri des poursuites et des saisies. Non content de revendiquer l’immunité pour la banque
Markazi, il soutient également que cette dernière est une «société» au sens du traité et que, à ce titre,
elle peut bénéficier des protections octroyées aux sociétés par le traité. L’Iran intègre un nombre
considérable d’autres prétentions dans sa thèse, mais, dans bien des cas, il ne les présente pas avec
le degré de précision requis des parties demanderesses.
2.2 La Cour a rendu son arrêt sur les exceptions préliminaires soulevées contre la thèse de
l’Iran le 13 février 2019. Comme indiqué ci-après, cet arrêt a considérablement réduit la portée de la
cause de l’Iran. Par-dessus tout, il a écarté les demandes qui reposaient sur le refus de reconnaître
l’immunité souveraine à l’Etat iranien, à sa banque centrale et à d’autres entités publiques iraniennes,
ainsi qu’à leurs biens, dans des procès intentés par des victimes américaines d’actes de terrorisme. Il
s’ensuit que toutes les demandes formulées par l’Iran en son nom propre sont désormais exclues du
champ de sa cause, de même que ses demandes ayant trait à l’immunité souveraine de la banque
Markazi et d’autres entités de l’Etat iranien. En outre, l’arrêt a clairement défini les règles applicables
pour trancher l’un des points essentiels restants, la question de savoir si la banque Markazi est une
«société» remplissant les conditions requises pour bénéficier d’une protection au titre du traité. Dans
l’analyse des divers articles du traité qui sous-tend ses conclusions sur les questions relatives aux
immunités souveraines et le sens du mot «société», l’arrêt donne également des indications
importantes pour interpréter ces dispositions et statuer sur les demandes substantielles tirées du traité
par l’Iran. A la suite de son arrêt, la Cour n’est plus saisie que d’une partie de la thèse initiale de
l’Iran. Cette partie subsistante porte sur des mesures adoptées par les Etats-Unis, notamment
certaines décisions de justice, qui ont permis à des victimes bénéficiaires de décisions de justice
condamnant l’Iran du chef de terrorisme d’exécuter ces décisions sur les actifs de l’Iran, de sa banque
centrale et d’autres entités publiques iraniennes.
SECTION A
LA TENEUR DE LA DÉCISION DE LA COUR
2.3 Dans l’examen des demandes de l’Iran sur le fond, il est essentiel que la Cour sache celles
qui ont été rejetées dans son arrêt sur les exceptions préliminaires, les mesures américaines qui ne
doivent plus faire l’objet d’un examen et, par conséquent, ce qui reste de la thèse de l’Iran.
2.4 La Cour a dit et jugé que toutes les demandes de l’Iran tirées du non-octroi allégué des
protections attachées aux immunités souveraines en droit international coutumier à lui-même, à sa
banque centrale et à d’autres entités publiques iraniennes n’entraient pas dans le champ d’application
du traité et échappaient donc à la compétence de la Cour. Cette décision est lourde de conséquences.
Comme l’a dit la Cour, elle «n’a pas compétence pour examiner les demandes de l’Iran en ce qu’elles
6
- 7 -
concernent la prétendue violation des règles de droit international en matière d’immunités
souveraines»3.
2.5 Il résulte de cette conclusion que les demandes de l’Iran fondées sur le paragraphe 4 de
l’article XI du traité, qui portaient uniquement sur le déni des immunités souveraines, ont été
intégralement rejetées. Il en va de même pour ses demandes fondées sur les paragraphes 1 et 2 de
l’article III, les paragraphes 1 et 2 de l’article IV et le paragraphe 1 de l’article X dans la mesure où
elles sont tirées du déni des protections attachées aux immunités souveraines.
2.6 De même, la Cour n’est plus saisie d’un certain nombre de mesures américaines qui étaient
contestées exclusivement au motif qu’elles emportaient déni illicite des protections attachées aux
immunités souveraines. En particulier, la loi de 1996 sur la lutte contre le terrorisme et l’application
effective de la peine de mort [Anti-terrorism and Effective Death Penalty Act], qui prévoit une
exception au principe de l’immunité souveraine dans les procès intentés contre les Etats déclarés
Etats soutenant le terrorisme, ne saurait constituer le fondement de l’une quelconque des demandes
subsistantes de l’Iran en l’espèce.
2.7 Nombre de décisions de justice américaines contestées par l’Iran n’ont également plus de
place dans l’affaire à la suite de l’arrêt de la Cour. L’Iran les cite dans les pièces 1 à 4 jointes à son
mémoire. Comme indiqué ci-dessous, ces pièces jointes revêtant la forme de tableaux récapitulatifs
sont très loin de fournir les informations dont la Cour a besoin pour comprendre en détail les
décisions énumérées ou en quoi elles cadrent avec la thèse de l’Iran. Quoi qu’il en soit, plusieurs de
ces tableaux et nombre de décisions qui y sont citées ne relèvent plus de la compétence de la Cour.
Premièrement, les affaires citées dans la pièce jointe 1 («Jugements des tribunaux américains
condamnant l’Iran et des entités publiques iraniennes au 31 janvier 2017») sortent du cadre de la
présente affaire, le seul grief tiré par l’Iran de ces affaires étant que les juridictions saisies l’avaient
déclaré responsable de soutien aux actes de terrorisme en cause en méconnaissance des immunités
souveraines dont jouissaient l’Etat iranien et d’autres entités publiques iraniennes. De même, les
affaires citées dans la pièce jointe 4 («Procédures en cours devant des tribunaux américains contre
l’Iran et des entités publiques iraniennes au 31 janvier 2017») échappent à la compétence de la Cour.
Dans ces affaires, des victimes américaines d’actes de terrorisme commis avec le soutien de l’Iran
invoquent l’exception au principe de l’immunité créée par la loi de 1996 pour faire condamner l’Etat
iranien et des entités publiques iraniennes à des dommages et intérêts en réparation de leurs
préjudices. Ainsi, ces affaires concernent les immunités souveraines4.
2.8 Deuxièmement, les affaires énumérées dans la pièce jointe 2 («Actions intentées auprès de
tribunaux américains aux fins d’exécution de décisions de justice sur des actifs de la République
islamique d’Iran et d’entités publiques iraniennes au 31 janvier 2017») échappent également à la
compétence de la Cour dans la mesure où les demandes y afférentes concernent le déni des
protections attachées aux immunités souveraines ou des entités qui ne sont pas admises à bénéficier
des protections que le traité réserve aux seules «sociétés».
2.9 Troisièmement, toutes les demandes concernant les décisions de justice américaines
énumérées dans la pièce jointe 3 («Actions intentées auprès d’autres tribunaux pour la
reconnaissance et l’exécution de décisions de justice de tribunaux américains sur des actifs de la
3 Arrêt sur les exceptions préliminaires, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 35, par. 80.
4 Quoi qu’il en soit, il s’agit-là d’affaires pendantes sur lesquelles les juridictions américaines n’ont pas encore
statué définitivement et qui n’ont a fortiori fait l’objet d’aucune action en exécution de décision de justice. Il s’ensuit que
ces affaires n’ont pas non plus atteint le stade requis pour être soumises à l’examen de la Cour.
7
8
- 8 -
République islamique d’Iran et d’entités publiques iraniennes au 31 janvier 2017») ont également
été exclues de l’affaire. Elles portent sur des efforts déployés pour faire en sorte que des tribunaux
étrangers rendent exécutoires ces décisions de justice prononcées contre l’Iran et ses entités
publiques. Comme indiqué plus haut, le seul moyen invoqué par l’Iran pour contester les décisions
en cause étant pris de la méconnaissance des immunités souveraines, elles échappent à la compétence
de la Cour. De plus, toute mesure tendant à les exécuter qui serait prise dans d’autres pays que les
Etats-Unis serait fondée sur le droit de ces pays, et non sur celui des Etats-Unis. De toute façon, l’Iran
n’a guère ou pas produit d’éléments de preuve à cet égard.
2.10 L’arrêt sur les exceptions préliminaires a écarté certaines demandes relatives au
traitement appliqué à l’Iran, à sa banque centrale et à d’autres entités publiques iraniennes que l’Iran
avait tirées des immunités souveraines. Le seul grief dont la Cour est encore saisie à cet égard est
celui dirigé contre le cadre juridique mis en place par les Etats-Unis pour permettre aux victimes
d’actes de terrorisme commis avec le soutien de l’Iran qui sont, en toute régularité, bénéficiaires de
décisions de justice condamnant l’Iran d’exécuter ces décisions sur les actifs d’entités publiques
iraniennes et d’obtenir réparation de leurs préjudices.
2.11 Dans son arrêt sur les exceptions préliminaires, la Cour a statué non seulement sur les
demandes de l’Iran tirées de la violation alléguée des immunités souveraines dont il jouissait, mais
également sur d’autres questions revêtant une importance capitale pour la thèse de l’Iran sur le fond.
Les Etats-Unis ont opposé une exception d’incompétence aux demandes de l’Iran concernant sa
banque centrale, la banque Markazi, au motif que cette dernière n’était pas admise à bénéficier des
protections que le traité garantissait aux «sociétés». Dans son arrêt susvisé, la Cour a déclaré qu’«une
entité qui exercerait exclusivement des activités de souveraineté, liées aux fonctions régaliennes de
l’Etat, ne saurait se voir attribuer la qualification de «société» au sens du traité, et ne saurait par suite
prétendre au bénéfice des droits et protections prévus aux articles III, IV et V»5. Il s’ensuit que les
demandes de l’Iran concernant des entités souveraines qui reposeraient sur les protections accordées
aux seules «sociétés» au sens du traité sont exclues de l’affaire dont est saisie la Cour. La première
affaire citée dans la pièce jointe 2 a été intentée contre le ministère iranien de la défense et du soutien
aux forces armées, qui est une entité gouvernementale et ne remplit donc pas les conditions requises
pour être considéré comme une «société» au sens du traité. Pour des motifs exposés au chapitre 9
ci-après, la banque Markazi n’est pas non plus une «société» au sens du traité. En conséquence, les
griefs tirés par l’Iran du traitement appliqué à la banque Markazi sur le fondement des articles III, IV
et V du traité doivent être rejetés.
SECTION B
LES IMPLICATIONS DE L’ANALYSE INTERPRÉTATIVE FAITE PAR LA COUR
2.12 Pour conclure que les demandes de l’Iran fondées sur le déni des immunités souveraines
n’entraient pas dans le champ d’application du traité, la Cour a examiné chacune des dispositions du
traité invoquées par l’Iran à l’appui de la demande concernée. Certains éléments de l’analyse article
par article réalisée par la Cour, en particulier ceux concernant le paragraphe 2 de l’article III et
l’article IV du traité, apportent des éclairages utiles sur le sens et la portée de ces dispositions, dans
l’ensemble, que la Cour doit retenir dans l’examen du bien-fondé des demandes subsistantes de
l’Iran.
5 Arrêt sur les exceptions préliminaires, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 38, par. 91.
9
- 9 -
⎯ En ce qui concerne le paragraphe 2 de l’article III du traité, qui garantit aux ressortissants et
aux sociétés de chaque partie au traité l’accès aux tribunaux de l’autre partie, la Cour a estimé
que cette disposition
«ne vis[ait] pas à garantir des droits substantiels, ni même des droits procéduraux
qu’une société d’une partie contractante entendrait faire valoir devant les
tribunaux et autorités de l’autre partie, mais seulement à protéger la possibilité
pour une telle société d’accéder à ces tribunaux ou autorités en vue de faire valoir
les droits (substantiels ou procéduraux) qu’elle prétend[ait] posséder»6.
Comme indiqué dans la section B du chapitre 13 ci-après, ce que l’Iran cherche à obtenir en vertu
du paragraphe 2 de l’article III — à savoir mettre ses sociétés à l’abri d’actions en exécution de
décisions de justice — est précisément une garantie de droits substantiels et procéduraux. L’Iran
n’a pas établi — ni ne pourrait établir — que les mesures prises par les Etats-Unis privaient de
quelque manière les sociétés iraniennes de la «possibilité» d’accéder à des juridictions
américaines pour faire valoir leurs droits. L’existence de cette possibilité ressort clairement de la
participation active de sociétés iraniennes à des procès intentés devant des juridictions
américaines, y compris ceux qui sont en cause dans la présente affaire.
⎯ S’agissant de l’article IV, la Cour a également relevé que ses paragraphes 1 et 2 devaient être
considérés comme un tout et qu’il ressortait clairement de ceux-ci, pris ensemble, que
«l’article IV vis[ait] à garantir certains droits et protections minimales au bénéfice des personnes
physiques ou morales qui se livr[ai]ent à des activités de nature commerciale»7. En outre, en
rejetant l’allégation de l’Iran selon laquelle l’article IV prévoyait les protections attachées aux
immunités souveraines en droit international, la Cour a fait observer que
«[l]e «droit international» dont il est question dans cette disposition est celui qui définit
le standard minimum de protection des biens qui appartiennent aux «ressortissants» et
aux «sociétés» de l’une des parties exerçant des activités économiques sur le territoire
de l’autre»8.
Il ressort du chapitre 14 du présent contre-mémoire qu’en ce qui concerne même les demandes
subsistantes de l’Iran, il existe un décalage irrémédiable entre ces dernières et le champ
d’application de l’article IV, tel que déterminé par une interprétation de cette disposition dûment
faite à la lumière des règles coutumières d’interprétation des traités.
2.13 Ces analyses interprétatives constituent des principes directeurs utiles sur lesquels les
Etats-Unis s’appuient, le cas échéant, pour démontrer dans le reste du présent contre-mémoire que la
thèse de l’Iran ne cadre ni avec le texte du traité ni avec son objet et son but.
SECTION C
LA THÈSE DE L’IRAN TELLE QU’ELLE SE PRÉSENTE ACTUELLEMENT
2.14 La thèse de l’Iran doit être appréhendée à la lumière des décisions énoncées dans l’arrêt
de la Cour sur les exceptions préliminaires et des analyses qui y ont été faites, et c’est dans cet esprit
que les Etats-Unis répondent à la thèse en question dans la suite du présent contre-mémoire. Avant
d’en venir aux moyens de défense invoqués par les Etats-Unis, il importe de garder à l’esprit un
6 Arrêt sur les exceptions préliminaires, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 32, par. 70.
7 Ibid., p. 28, par. 58.
8 Ibid., p. 28, par. 57.
10
- 10 -
défaut majeur constaté dans l’exposé de la thèse de l’Iran qui entrave les efforts déployés par les
Etats-Unis pour y répondre. En particulier, nombre des arguments de l’Iran consistent en des
assertions gratuites étayées uniquement par des allégations de fait à caractère général ou des tableaux
récapitulatifs vagues qui ne suffisent pas pour établir le bien-fondé de ses demandes.
2.15 L’indigence des pièces de procédure de l’Iran place les Etats-Unis dans la position
délicate d’avoir à y répondre sans avoir clairement compris les prétentions de l’Iran, d’autant plus
que ce dernier n’a ni précisément indiqué quelle mesure était selon lui contraire à quelle disposition
du traité ni analysé chaque mesure pour déterminer en quoi elle constituerait une violation du traité.
Dans le présent contre-mémoire, les Etats-Unis expliquent pourquoi l’Iran doit être débouté de ses
demandes telles qu’elles ont été présentées, sans toutefois tenter de définir les contours précis de ses
assertions en ses lieu et place dans les cas où il ne l’a pas fait lui-même. En effet, il va de soi que
c’est à l’Iran qu’il incombe de présenter ses demandes et de les justifier comme il convient.
2.16 Un exemple révélateur du caractère vague des écritures de l’Iran consiste en ce que, dans
un certain nombre de cas, l’Iran n’a fourni qu’une liste indicative des biens qui auraient subi un
traitement contraire aux dispositions du traité d’amitié9 ou a vaguement fait état des biens de
«sociétés iraniennes» en général10. Aucune de ces deux approches ne suffit pour indiquer aux
Etats-Unis ou à la Cour l’éventail précis des biens qui font l’objet de chacune des demandes de l’Iran
ou pour rattacher ces biens à une violation précise du traité que les Etats-Unis auraient commise. Les
allégations de l’Iran sont donc bien loin de correspondre à ce qui est requis pour établir le bien-fondé
d’une demande sous l’empire du traité.
2.17 Le mémoire de l’Iran présente aussi la faiblesse de s’appuyer sur les tableaux
récapitulatifs des actions en justice qui figurent dans les pièces jointes 1 à 4. Les pièces jointes 1, 3
et 4 ne présentent aucun intérêt en l’espèce, car elles concernent les demandes fondées sur les
immunités souveraines que la Cour a rejetées dans son arrêt sur les exceptions préliminaires (pièces
jointes 1 et 4) ou font état d’affaires pendantes dans d’autres pays que les Etats-Unis (pièce jointe 3)
qui ne relèvent pas du champ d’application des mesures contestées. La pièce jointe 2 est pertinente
en ce qu’elle énumère des actions en exécution intentées aux Etats-Unis, mais elle n’apporte que des
informations de base, incomplètes dans la plupart des cas, sur les parties aux 90 affaires citées et
l’état d’avancement de celles-ci. De fait, comme il est indiqué dans les sections pertinentes du présent
contre-mémoire, les demandes relatives à certaines de ces affaires pourraient être sommairement
rejetées par la Cour pour des motifs qui n’apparaissent pas clairement dans la pièce jointe elle-même,
notamment le fait que l’entité iranienne en cause n’a pas épuisé les voies de recours internes, est
— pour celles dont les actifs ont été saisis — une entité étatique et n’est donc pas une «société»
admise à bénéficier des protections prévues par le traité ou a concrètement réussi à éviter la saisie en
l’affaire citée. Le contexte des affaires invoquées faisant ainsi défaut, il s’ensuit que l’Iran n’a pas
apporté à la Cour les informations nécessaires pour comprendre la pièce jointe 2 et son lien avec les
demandes de l’Iran.
2.18 Dans les chapitres suivants, les Etats-Unis s’efforcent de répondre à la thèse que l’Iran
leur a présentée, mais ils rencontrent là encore des obstacles pour les motifs indiqués ci-dessus. Si
l’Iran s’emploie à fournir des précisions sur les éléments de fait insuffisants qu’il a présentés à ce
jour à l’appui de ses demandes, les Etats-Unis y apporteront une réponse appropriée.
9 Voir, par exemple, MI, par. 5.14, al. b), 5.44 , al. b)-c), 5.46, al. b) à d), 5.49, 5.50 al. b) et 5.59.
10 Voir, par exemple, ibid., par. 5.15, 5.18 et 5.75.
11
- 11 -
DEUXIÈME PARTIE
HISTORIQUE ET CONTEXTE
CHAPITRE 3
INTRODUCTION
3.1 La deuxième partie du présent contre-mémoire traite de trois points qui apportent des
éléments d’historique et de contexte concernant les moyens de défense au fond des Etats-Unis
exposés dans les troisième et quatrième parties.
3.2 Pour commencer, le chapitre 4 donne un aperçu du traité d’amitié, sur lequel l’Iran s’est
appuyé pour invoquer la compétence de la Cour en l’espèce. Sa première section définit le cadre dans
lequel s’inscrivent toutes les demandes de l’Iran en présentant l’objet et le but du traité qui, tel qu’il
a été indiqué plus haut, n’ont pas de lien avec le contexte dans lequel l’Iran situe sa thèse. Le
chapitre 4 replace également le traité d’amitié dans le contexte historique du programme que les
Etats-Unis avaient mis en place dans l’après-guerre à l’effet de négocier et de conclure des traités
d’amitié, de commerce et de navigation avec un large éventail de pays, dont l’Iran.
3.3 Le chapitre 5 apporte les éléments de fait nécessaires pour comprendre les demandes de
l’Iran et les mesures américaines que ce dernier conteste. Il met l’accent sur le soutien apporté de
longue date par l’Iran aux actes de terrorisme dirigés contre les Etats-Unis qui est à l’origine des
mesures dont l’Iran tire grief. Il évoque également la politique iranienne de soutien aux actes de
terrorisme visant d’autres pays et les autres actes de déstabilisation commis par l’Iran, qui ont suscité
l’attention de la communauté internationale.
3.4 Le chapitre 6 donne un aperçu des mesures américaines qui sont à l’origine des demandes
de l’Iran et replace ces mesures dans le cadre des efforts généraux que les Etats-Unis déploient pour
permettre aux victimes d’actes de terrorisme commis avec le soutien de l’Iran de demander des
comptes à ce dernier et d’obtenir réparation des préjudices qu’elles ont subis.
12
- 12 -
CHAPITRE 4
LE TRAITÉ D’AMITIÉ ET LES RELATIONS AMÉRICANO-IRANIENNES SOUS SON EMPIRE
4.1 La Cour connaît bien le traité d’amitié. Toutefois, l’Iran s’y étant appuyé pour invoquer la
compétence de la Cour, il importe de commencer l’examen de ses demandes et des motifs pour
lesquels elles doivent être rejetées par l’analyse du traité, notamment de certains de ses éléments
fondamentaux, de son objet et de son but, ainsi que des limites de son champ d’application. Dans la
phase des exceptions préliminaires, les Etats-Unis ont présenté devant la Cour un grand nombre
d’informations générales et d’arguments concernant le traité d’amitié, son origine et ses travaux
préparatoires, ainsi qu’un aperçu général de ses dispositions et son importance — ou sa nonimportance
— dans les relations américano-iraniennes au cours des dernières décennies11. Plutôt que
de reprendre ces arguments, le présent chapitre, subdivisé en deux sections, expose les points
essentiels que la Cour doit continuer de prendre en compte dans l’examen de l’affaire. La première
section traite de l’objet et du but du traité d’amitié, ainsi que de sa place dans le programme général
de conclusion de traités d’amitié, de commerce et de navigation que les Etats-Unis ont mis en place
au lendemain de la seconde guerre mondiale, et montre le décalage qui existe d’une manière générale
entre l’objet de ces traités et la thèse de l’Iran. La seconde présente brièvement l’historique des
relations américano-iraniennes sous l’empire du traité depuis sa conclusion, et montre que le traité
n’est plus concrètement en vigueur entre les parties depuis plusieurs dizaines d’années.
SECTION A
LE TRAITÉ D’AMITIÉ : SON OBJET ET SON BUT ET LE PROGRAMME AMÉRICAIN
DE TRAITÉS D’AMITIÉ, DE COMMERCE ET DE NAVIGATION
4.2 Les Etats-Unis et l’Iran ont signé le traité d’amitié le 15 août 195512. A cette époque, les
deux pays entretenaient des relations amicales et voulaient les renforcer en créant un cadre propice à
l’établissement de relations économiques plus solides. Dans le préambule du traité, ils se disent
«animés du désir de développer les relations amicales qui unissent depuis longtemps
leurs deux peuples, … d’encourager les échanges et les investissements mutuellement
profitables et l’établissement de relations économiques plus étroites entre leurs peuples
et de régler leurs relations consulaires».
Par conséquent, ils «ont décidé de conclure, sur la base de l’égalité réciproque de traitement, un traité
d’amitié, de commerce et de droits consulaires».
4.3 L’article premier du traité dispose également qu’«[i]l y aura paix stable et durable et amitié
sincère entre les Etats-Unis d’Amérique et l’Iran». Ainsi, à l’époque où le traité a été conclu, les
parties avaient pour objectif commun d’approfondir leurs relations amicales au moyen d’une série
d’engagements réciproques à effectuer des échanges commerciaux et des investissements
mutuellement profitables. Par ses termes, le traité favorise la réalisation de cet objectif en garantissant
des protections aux ressortissants et aux sociétés de chaque partie dans le cadre de leurs activités de
commerce et d’investissement ordinaires sur le territoire de l’autre partie ou des échanges entre les
deux parties
11 Certains actifs iraniens (République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), exceptions préliminaires
soulevées par les Etats-Unis d’Amérique, 1er mai 2017, première partie, chap. 2 (ci-après, les «exceptions préliminaires des
Etats-Unis») ; voir également CR 2018/28, p. 24-30.
12 Le traité est entré en vigueur le 16 juin 1957.
13
- 13 -
4.4 Le traité, de même que son but et son objet, cadre avec le contexte général des traités
d’amitié, de commerce et de navigation conclus par les Etats-Unis au lendemain de la seconde guerre
mondiale. Il fait partie d’une série de traités commerciaux et consulaires bilatéraux que les Etats-Unis
ont conclus après la seconde guerre mondiale avec des pays amis13. Le programme de traités
commerciaux des Etats-Unis a été l’une de leurs initiatives diplomatiques les plus durables. Les
premiers traités de commerce américains ne visaient pour l’essentiel qu’à établir des relations
commerciales élémentaires avec d’autres pays14. Après la seconde guerre mondiale, les Etats-Unis
se sont employés à mettre à jour et à moderniser ces premiers accords commerciaux à certains égards
pour en faire des traités dits «d’amitié, de commerce et de navigation». Ceux-ci avaient pour objet
de permettre aux Etats-Unis de commercer avec des pays avec lesquels ils entretenaient des relations
amicales et de protéger les investissements américains dans ces pays15. Ils reposaient sur le principe
de réciprocité, garantissant à l’autre partie des protections dans le cadre de son commerce avec les
Etats-Unis et de ses investissements dans ce pays. En 1951, le secrétaire d’Etat adjoint Willard Thorp
a dit des traités d’amitié, de commerce et de navigation qu’ils s’inscrivaient dans le cadre d’un
«programme visant à étendre et à moderniser la protection conventionnelle des ressortissants, des
entreprises, des capitaux, du commerce et du transport maritime américains à l’étranger, l’accent
étant mis en particulier sur la création de conditions favorables aux investissements privés»16. De
même, en 1952, le sous-secrétaire d’Etat adjoint Harold F. Linder a expliqué que les traités d’amitié,
de commerce et de navigation conclus après la guerre avaient pour but d’atténuer les risques auxquels
étaient exposés les investisseurs américains à l’étranger en «établissant des normes de traitement
13 Le traité d’amitié a été décrit en 1958 comme étant une «version abrégée» du traité d’amitié, de commerce et de
navigation type des Etats-Unis. Herman Walker, Jr., «Modern Treaties of Friendship, Commerce and Navigation» [Les
traités d’amitié, de commerce et de navigation modernes], Minnesota Law Review, vol. 42 (1958), p. 807 (exceptions
préliminaires des Etats-Unis, annexe 1).
14 Voir de manière générale Herman Walker, Jr., «The Post-War Commercial Treaty Program of the United States»
[Le programme de traités commerciaux d’après guerre des Etats-Unis], Political Science Quarterly, vol. 73 (1958), p. 57-58
(exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 2) ; Kenneth J. Vandevelde, «The First Bilateral Investments Treaties:
U.S. Postwar Friendship, Commerce and Navigation Treaties» [Les premiers traités d’investissement bilatéraux : les traités
d’amitié, de commerce et de navigation d’après guerre des Etats-Unis], p. 57-60 (annexe 3).
15 Voir de manière générale Herman Walker, Jr., «The Post-War Commercial Treaty Program of the United States»
[Le programme de traités commerciaux d’après-guerre des Etats-Unis], Political Science Quarterly, vol. 73 (1958),
p. 57-58 (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 2) ; Herman Walker, Jr., «Treaties for the Encouragement and
Protection of Foreign Investment: Present United States Practice» [Les traités destinés à encourager et à protéger les
investissements étrangers : la pratique américaine contemporaine», American Journal of Comparative Law, vol. 5 (1956),
p. 230 (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 3) (expliquant que les traités d’amitié, de commerce et de
navigation «ont acquis au fil du temps une forme et un caractère familiers et distinctifs, étant devenus un moyen courant
d’assurer sur une grande échelle les droits des ressortissants de chaque partie, leurs biens et leurs autres intérêts sur les
territoires de l’autre et d’établir les règles régissant leurs activités mutuelles de commerce et de transport maritime»).
Herman Walker a exercé, entre 1946 et 1962, diverses responsabilités au sein du département d’Etat ; il a été décrit comme
«l’architecte du traité d’amitié, de commerce et de navigation moderne». Voir Wolfgang Saxon, «Herman Walker, 83,
Professor and U.S.Foreign Officer, Dies» [«Décès à 83 ans d’Herman Walker, professeur et diplomate américain»],
N.Y. Times, 13 mai 1994 (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 4).
16 Mémorandum en date du 29 décembre 1951 adressé à Jack K. McFall, secrétaire d’Etat adjoint aux affaires
législatives, par Willard Thorp, secrétaire d’Etat adjoint aux affaires économiques (exceptions préliminaires des Etats-Unis,
annexe 6). Voir également «Commercial Treaties with Iran, Nicaragua, and The Netherlands: Hearing Before the Senate
Committee on Foreign Relations» [Les traités de commerce avec l’Iran, le Nicaragua et les Pays-Bas : auditions devant la
commission des affaires étrangères du Sénat], 84e Congrès (1956), p. 1-2 (déclaration de Thorsten V. Kalijarvi, du
département d’Etat) (annexe 1) (expliquant que le traité d’amitié et les traités d’amitié, de commerce et de navigation avec
le Nicaragua et les Pays-Bas avaient été négociés en exécution d’une directive énoncée par le Congrès dans la loi américaine
de 1954 sur la sécurité mutuelle qui invitait le président à «accélérer la mise en place d’un programme de négociation de
traités de commerce … comportant des dispositions destinées à encourager et à faciliter les flux d’investissements privés
vers les pays participant aux programmes visés par [ladite] loi»).
14
- 14 -
mutuellement convenues pour les ressortissants et les entreprises d’un pays sur les territoires d’un
autre»17.
4.5 La thèse de l’Iran doit être examinée à l’aune de ces principes qui sous-tendent le traité.
Plus précisément, le traité était censé reposer sur un édifice de «paix stable et durable et [d’]amitié
sincère» et faciliter l’intensification de relations commerciales et consulaires mutuellement
profitables entre les deux parties. La thèse de l’Iran porte au contraire sur des questions qui sont sans
rapport avec les objectifs commerciaux et consulaires du traité, à savoir le comportement sous-jacent
de l’Iran et les mesures prises par les Etats-Unis pour faire face à ce comportement. Il va sans dire
que des faits tels que le soutien apporté aux actes de terrorisme visant les Etats-Unis, leurs
ressortissants et leurs intérêts de sécurité nationaux sont totalement incompatibles avec les principes
fondamentaux énoncés à l’article premier du traité et avec le traité dans son ensemble. Les mesures
en cause ont été mises en place par les Etats-Unis en riposte à ces actes de terrorisme qui les ont
frappés et pour permettre l’exécution de décisions de justice prononcées contre l’Iran du chef de
terrorisme afin que les victimes américaines et leurs familles puissent obtenir réparation comme elles
le méritent amplement.
4.6 Autrement dit, si le traité définit les règles régissant le traitement qu’une partie doit
accorder aux sociétés et aux ressortissants de l’autre partie dans un contexte d’activités économiques
croissantes et mutuellement profitables, les mesures américaines en cause en l’espèce ont été prises
dans un contexte marqué par l’absence de coopération économique et de relations d’amitié entre
l’Iran et les Etats-Unis et en riposte à des agissements de l’Iran qui sortaient du cadre du traité. Il est
d’ailleurs ironique de voir l’Iran, qui a adopté une politique de soutien à des attentats terroristes visant
les Etats-Unis et leurs ressortissants et n’a pas donné réparation aux victimes de ces attentats,
chercher maintenant à se prévaloir d’un traité axé sur l’amitié mutuelle et l’intensification des
relations commerciales pour contester ces mesures américaines. Quoi qu’il en soit, comme on le
verra dans la quatrième partie, aucune des dispositions du traité n’évoque, et a fortiori n’interdit ni
ne limite les règles que peut prendre une partie pour lutter contre le terrorisme ou pour permettre
d’exécuter des décisions de justice ou de percer le voile social afin d’atteindre les propriétaires de la
société ou ses filiales. Bref, la thèse de l’Iran n’a de rapport ni avec l’objet et le but du traité ni avec
les dispositions précises du traité invoquées par l’Iran.
SECTION B
LES RELATIONS AMÉRICANO-IRANIENNES SOUS L’EMPIRE DU TRAITÉ
4.7 Outre le décalage entre le traité et les demandes de l’Iran, il importe d’apprécier ces
demandes à l’aune de l’histoire des relations américano-iraniennes depuis la conclusion du traité. Si
l’Iran et les Etats-Unis avaient entrepris de négocier et de conclure le traité d’amitié en escomptant
qu’il en résulterait une amitié durable marquée par des liens économiques solides, la relation entre
les deux parties a été fondamentalement rompue lorsque l’Etat iranien a approuvé et soutenu
l’occupation de l’ambassade des Etats-Unis à Téhéran et retenu en otage des membres du personnel
diplomatique américain et d’autres personnes18. La Cour a d’ailleurs jugé que l’Iran avait commis
des «violations successives et continues … des obligations qui lui incomb[ai]ent» au titre des
17 «Treaties of Friendship, Commerce and Navigation Between the United States and Colombia, Israel, Ethiopia,
Italy, Denmark, and Greece: Hearing Before the Subcommittee of the Senate Committee on Foreign Relations» [Les traités
d’amitié, de commerce et de navigation entre les Etats-Unis et la Colombie, Israël, l’Ethiopie, l’Italie, le Danemark et la
Grèce : auditions devant la sous-commission des traités de commerce de la commission des affaires étrangères du Sénat],
82e Congrès (1952), p. 4 (déclaration de Harold F. Linder, sous-secrétaire d’Etat adjoint aux affaires économiques)
(annexe 2).
18 Voir Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran (Etats-Unis d’Amérique c. Iran), arrêt,
C.I.J. Recueil 1980, p. 12, par. 17.
15
- 15 -
conventions de Vienne sur les relations diplomatiques et consulaires, du traité d’amitié «et des règles
du droit international général en la matière»19. C’est ainsi que les relations amicales qui étaient à la
base du traité d’amitié ont connu une fin brutale le 4 novembre 1979.
4.8 Dans les décennies qui ont suivi les actes commis par l’Etat iranien en 1979, les relations
américano-iraniennes ont été de nouveau mises à mal, l’Iran persistant à agir de manière violente et
hostile contre les Etats-Unis et leurs ressortissants, et ce, pendant près de 40 ans. La présente affaire
trouve même son origine dans le soutien apporté de longue date à des actes de terrorisme par l’Iran
et les agissements connexes de ce dernier visant spécialement des personnes rattachées aux
Etats-Unis et des intérêts américains, ainsi que dans les mesures pacifiques prises par les Etats-Unis
pour faire en sorte que l’Iran réponde de ce comportement. Ainsi, tout examen des demandes de
l’Iran fondées sur les diverses dispositions du traité qu’il a invoquées et des mesures américaines
qu’il conteste sur le fondement du traité doit s’effectuer à la lumière de son comportement
malveillant.
4.9 En raison du comportement manifesté par l’Iran depuis 40 ans, le traité d’amitié n’a pas
été concrètement en vigueur entre les parties pendant cette période. Si le traité avait pour but
d’encourager l’établissement de relations économiques plus étroites, les deux parties ont pris au fil
des années des mesures tendant à freiner ou à interdire les activités économiques entre elles. De plus,
en l’absence de coopération économique, on ne saurait dire que les parties se sont appuyées sur le
traité pendant les dernières décennies pour assurer les protections qu’il garantit aux sociétés et aux
ressortissants des deux pays. Prenant acte de cette réalité, les Etats-Unis ont annoncé le 3 octobre
2018 qu’ils dénonçaient le traité d’amitié et ont fait connaître leur décision à l’Iran par note
diplomatique.
4.10 Après cet aperçu du traité, qui constitue l’unique base de compétence de la Cour au regard
des demandes de l’Iran, le chapitre qui suit présente les circonstances de fait concernant le soutien
apporté de longue date par l’Iran au terrorisme qui est à l’origine des mesures américaines en cause
en l’espèce.
19 Voir Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran (Etats-Unis d’Amérique c. Iran), arrêt,
C.I.J. Recueil 1980, p. 41, par. 90.
16
- 16 -
CHAPITRE 5
LE SOUTIEN APPORTÉ PAR L’IRAN AU TERRORISME ET LES AUTRES ACTES
DE DÉSTABILISATION IRANIENS MENAÇANT LA SÉCURITÉ NATIONALE
DES ETATS-UNIS
5.1 L’Iran conteste les mesures prises par les Etats-Unis en riposte au soutien systématique
qu’il apporte depuis des décennies aux actes de terrorisme dirigés contre les Etats-Unis et leurs
ressortissants, actes qui ont fait des centaines de morts et de blessés américains, causant d’énormes
préjudices à ces victimes et à leurs familles. Dans le présent chapitre, les Etats-Unis relatent en détail
quelques-uns de ces actes qui présentent un intérêt pour leurs écritures. Ils commencent par exposer
la politique de soutien au terrorisme que l’Iran mène de longue date (sect. A), puis examinent les
actes de terrorisme que l’Iran a spécialement dirigés contre eux et leurs ressortissants (sect. B).
SECTION A
L’IRAN MÈNE DE LONGUE DATE UNE POLITIQUE DE SOUTIEN AU TERRORISME
ET DE PERPÉTRATION D’AUTRES ACTES DE DÉSTABILISATION
5.2 Il est communément admis que l’Iran est un Etat qui soutient le terrorisme au niveau
mondial. Il mène activement une politique étrangère qui compte parmi ses instruments des acteurs
alliés tels que le Hezbollah libanais qu’il oriente, entraîne et équipe. Ces alliés de l’Iran ont commis
et continuent de commettre non seulement des attentats terroristes, mais aussi des assassinats et des
enlèvements ordonnés par les plus hautes autorités du régime iranien. Comme on peut le constater à
la lumière des exemples présentés ci-dessous, la politique étrangère terroriste de l’Iran a des effets
dans la quasi-totalité des régions du monde. Plusieurs Etats et leurs juridictions ont à maintes reprises
déclaré les dirigeants iraniens responsables des actes commis en exécution de cette politique.
5.3 L’appareil terroriste qui oriente le processus décisionnel de l’Etat iranien trouve une
illustration dans l’assassinat de quatre membres du parti démocratique du Kurdistan d’Iran (le
«PDK-I»), un groupe d’opposition kurde, commis au restaurant Mykonos à Berlin le 17 septembre
199220. Les auteurs de cet attentat — dont au moins deux étaient membres du Hezbollah — ont par
la suite été reconnus coupables d’assassinat ou de complicité d’assassinat par le tribunal régional
supérieur [Kammergericht] de Berlin21. Les autorités allemandes ont également émis un mandat
d’arrêt contre Ali Fallahian, le ministre iranien du renseignement et de la sécurité, pour sa
participation à ces assassinats22. Lors du procès pénal y afférent, le tribunal régional supérieur de
Berlin a retenu la responsabilité de l’Etat iranien dans le meurtre des quatre membres du PDK-I.
Dans son jugement, il a déclaré ce qui suit : «[L]’attentat perpétré contre les dirigeants du [PDK-I]
20 Voir groupe parlementaire sur les droits de l’homme du Royaume-Uni [UK Parliamentary Human Rights Group],
«Iran: State of Terror — An account of terrorist assassinations by Iranian agents» [Iran : l’Etat terroriste — Compte rendu
des assassinats terroristes commis par des agents iraniens], 1996, p. 28 (annexe 4). Ainsi qu’il est indiqué dans le rapport,
«le groupe parlementaire sur les droits de l’homme a été fondé en 1976 et se veut être une instance indépendante chargée
de la défense des droits de l’homme internationaux au sein du Parlement britannique». Ibid., p. i.
21 Résumé du jugement rendu par le tribunal régional supérieur de Berlin dans le procès Mykonos, p. 4 (exceptions
préliminaires des Etats-Unis, annexe 33) ; voir également le jugement rendu par le tribunal régional supérieur de Berlin
dans le procès Mykonos [Kammergericht: Urteil im ‟Mykonos” — Prozess], 10 avril 1997, p. 23 (annexe 5) (ci-après, le
«jugement Mykonos»).
22 Voir groupe parlementaire sur les droits de l’homme du Royaume-Uni [UK Parliamentary Human Rights Group],
«Iran: State of Terror — An account of terrorist assassinations by Iranian agents» [Iran : l’Etat terroriste — Compte rendu
des assassinats terroristes commis par des agents iraniens], 1996, p. 33 (annexe 4).
17
- 17 -
n’est ni un crime commis par des tireurs isolés ni une conséquence de dissensions entre groupes
d’opposants. Bien au contraire, cet attentat a été organisé par le régime iranien.»23
5.4 Le tribunal a décrit en détail le processus décisionnel du comité iranien des affaires
spéciales, l’organe chargé de prendre des décisions sur les questions de sécurité importantes,
notamment sur «les cas concernant l’assassinat d’opposants au régime à l’étranger» :
«Les décisions prises par le comité des affaires spéciales étaient des préalables à
l’exécution des opérations, en particulier pour les opérations à l’étranger. Si une telle
opération consistait à commettre des assassinats, le guide de la révolution, agissant en
qualité d’autorité politique, confirmait l’arrêt de mort. Pour le guide de la révolution, il
s’agissait de donner, secrètement et sans verdict de condamnation, l’ordre de liquider
des personnes qui entravaient les intérêts politiques du régime iranien ou, pour toute
autre raison, lui déplaisaient particulièrement. En règle générale, les personnes visées
étaient des dirigeants de premier plan de groupes ou de partis d’opposition.»24
5.5 Le tribunal a également décrit la relation que l’Iran entretenait avec le Hezbollah. Il a en
particulier constaté que le Hezbollah agissait comme «organisme d’exécution de la politique
iranienne» et qu’il avait été «créé par l’Iran et … était en grande partie financé, armé et entraîné par
l’Iran … non seulement pour propager la révolution islamique au Liban, mais aussi pour lutter par
des moyens extrémistes contre les opposants au régime islamique iranien25.
5.6 L’atrocité commise en 1992 au restaurant Mykonos est revenue au-devant de l’actualité
lorsqu’un attentat à la bombe ordonné par un diplomate iranien qui visait un rassemblement organisé
à Paris a été déjoué en juillet 201826. Le 8 janvier 2019, l’Union européenne a sanctionné l’Iran
lorsqu’elle a été saisie d’allégations selon lesquelles les services de renseignement iraniens avaient
ourdi une série de complots visant à commettre des assassinats en Europe au cours des dernières
23 Voir le jugement Mykonos, p. 188 (annexe 5) (les italiques sont de nous) ; voir ibid.
«[I]l ressort des éléments de preuve versés au dossier que non seulement les dirigeants iraniens
approuvent la commission d’attentats terroristes à l’étranger et comblent d’honneurs leurs auteurs, mais ils
organisent eux-mêmes de tels attentats contre les personnes qui leur déplaisent en raison de leurs seules
idées politiques.»
Le tribunal a également déclaré l’Etat iranien responsable de l’assassinat de trois autres dirigeants du PDK-I commis à
Vienne le 13 juillet 1989. Résumé du jugement rendu par le tribunal régional supérieur de Berlin dans le procès Mykonos,
p. 2 (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 33) ; voir le jugement Mykonos, p. 177-178 (annexe 5).
24 Voir le jugement Mykonos, p. 21 (annexe 5).
25 Voir ibid., p. 22. Après le prononcé de ce jugement, la quasi-totalité des Etats membres de l’Union européenne
(«l’UE») ont rappelé leurs ambassadeurs en Iran. «EU Members Urged Not to Send Ambassadors Back to Iran» [Les
membres de l’UE instamment invités à ne pas renvoyer leurs ambassadeurs en Iran], Radio Free Europe/Radio Liberty,
9 mai 1997 (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 48). La présidence de l’UE a publié, en avril 1997, une
déclaration dans laquelle elle indiquait que «[l]es conclusions de la Cour supérieure de justice à Berlin dans l’affaire dite
«Mykonos» établiss[aient] la participation des autorités iraniennes au plus haut niveau». Déclaration de la présidence au
nom de l’UE sur l’Iran, 10 avril 1997 (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 49) ; Voir également le communiqué
de presse de l’UE n° 26/97, «Déclaration de l’Union européenne sur l’Iran», 29 avril 1997 (exceptions préliminaires des
Etats-Unis, annexe 50).
26 Voir «France expels Iranian diplomat over failed bomb plot: sources» [«La France expulse un diplomate iranien
à la suite d’un attentat à la bombe déjoué, d’après des sources»], Reuters, 26 octobre 2018 (annexe 6) ; «Exclusive: France
restricts travel by diplomats to Iran» [«Exclusivité : La France limite les voyages de ses diplomates en Iran»], Reuters,
28 aout 2018 (annexe 7) ; «Iranian Diplomat Extradited to Belgium to Face Charges in Bomb-Plot Case» [«Un diplomate
iranien extradé vers la Belgique pour y répondre des faits qui lui sont reprochés dans une affaire relative à un complot
visant à commettre un attentat à la bombe»], Radio Free Europe, 10 octobre 2018 (annexe 8).
18
- 18 -
années, notamment l’assassinat de deux Iraniens aux Pays-Bas, ainsi que d’autres attentats en France
et au Danemark27.
5.7 Ces tentatives d’assassinat soutenues par l’Iran illustrent une politique que ce pays mène
de longue date et sur laquelle il existe d’abondants éléments de preuve. Dans son rapport de 1996, le
groupe parlementaire sur les droits de l’homme du Royaume-Uni déclare que depuis l’avènement de
la révolution, l’Iran a été impliqué dans plus de 150 tentatives d’assassinat dirigées contre des
dissidents iraniens résidant à l’étranger, dans des attentats terroristes commis dans 21 pays et dans la
mort ou les atteintes à l’intégrité de 350 personnes causées par ces attentats28. Relevant que «le
recours au terrorisme [pratiqué par l’Iran] en complément de sa politique étrangère s’est mué ces
15 dernières années en une activité organisée et professionnalisée», le rapport énonce le problème
sans ambiguïté :
«La communauté internationale doit faire face à l’impensable : le fait qu’un Etat
Membre de l’Organisation des Nations Unies s’emploie à réduire à néant le droit
international et à répandre aux quatre coins du monde le fléau que constitue sa marque
de terrorisme religieux … l’Etat iranien est, de fait, en train de créer une machine à
tuer internationale.»29
5.8 Les voisins de l’Iran souffrent également du soutien qu’il apporte au terrorisme. Comme
on le verra dans la section B ci-dessous, l’Iran est responsable de la tentative d’assassinat dirigée
contre l’ambassadeur d’Arabie saoudite aux Etats-Unis. Il est aussi responsable de plusieurs
27 Voir, par exemple, la lettre datée du 8 janvier 2019 adressée au président de la Chambre des députés par
Stef Blok, ministre des affaires étrangères, et Kajsa Ollongren, ministre de l’intérieur et des relations au sein du Royaume
[des Pays-Bas], au sujet des sanctions prises contre l’Iran du chef d’ingérence fâcheuse (annexe 9) ; «E.U. Imposes
Sanctions on Iran Over Assassination Plots» [L’UE inflige des sanctions à l’Iran du chef de complots visant à commettre
des assassinats], N.Y. Times, 8 janvier 2019 (annexe 10) ; «In shift, EU sanctions Iran over planned Europe attacks» [L’UE
change de cap et sanctionne l’Iran pour ses projets d’attentat en Europe], Reuters, 8 janvier 2019 (annexe 11) ; Voir
également «Read statement by Foreign Minister Samuelsen on Illegal Iranian intelligence activities in Denmark» [Lecture
de la déclaration du ministre des affaires étrangères Samuelsen sur les activités illicites de renseignement menées par l’Iran
au Danemark»], ministère danois des affaires étrangères, 31 octobre 2018 (annexe 12) ; «Netherlands recalls ambassador
to Iran» [Les Pays-Bas rappellent leur ambassadeur en Iran], Deutsche Welle, 4 mars 2019 (annexe 13).
28 Groupe parlementaire sur les droits de l’homme du Royaume-Uni [UK Parliamentary Human Rights Group],
«Iran: State of Terror — An account of terrorist assassinations by Iranian agents» [Iran : l’Etat terroriste — Compte rendu
des assassinats terroristes commis par des agents iraniens], 1996, p. 3 (annexe 4).
29 Ibid., p. 5-6 (annexe 4) (les italiques sont de nous). D’autres organes ont corroboré cette affirmation. La
Sous-Commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités de l’Organisation des
Nations Unies a exigé que l’Iran «cesse sans délai de participer à des meurtres et à des actes de terrorisme organisés sous
l’égide de l’Etat perpétrés à l’encontre d’Iraniens vivant à l’étranger et de nationaux d’autres Etats ou de faire preuve de
tolérance à cet égard». Nations Unies, Conseil économique et social, Commission des droits de l’homme, rapport de la
Sous-Commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités sur les travaux de sa
quarante-sixième session, doc. E/CN.4/1995/2, E/CN.4/Sub.2/1994/56, 28 octobre 1994, p. 56 (exceptions préliminaires
des Etats-Unis, annexe 80). La fatwa émise par l’ayatollah Khomeini en 1989 pour appeler à l’assassinat du romancier
britannique Salman Rushdie, ainsi que des personnes ayant contribué à la publication et à la diffusion de son roman Les
Versets sataniques, constitue l’une des manifestations les plus atterrantes de la politique d’assassinats ciblés de l’Iran.
«[Khomeini] Exhorts Muslims to "Execute" Rushdie» [[Khomeini] demande instamment aux musulmans d’«exécuter»
Rushdie], Radio Téhéran, programmes nationaux, dans Foreign Broadcast Information Service Daily Reports, FBIS-NES-
89-029, 14 février 1989 (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 75). Voir également groupe parlementaire sur les
droits de l’homme du Royaume-Uni [UK Parliamentary Human Rights Group], «Iran: State of Terror — An account of
terrorist assassinations by Iranian agents» [Iran : l’Etat terroriste — Compte rendu des assassinats terroristes commis par
des agents iraniens], 1996, p. 85 (annexe 4) ; Nations Unies, Conseil économique et social, Commission des droits de
l’homme, cinquante-deuxième session, 18 mars-26 avril 1996, rapport sur la situation des droits de l’homme en République
islamique d’Iran, doc. E/CN.4/1996/177, p. 297 (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 60) ; Robert Tait, «Iran
Resurrects Salman Rushdie Threat» [L’Iran ressuscite la menace qui pesait sur Salman Rushdie],
The Telegraph,16 septembre 2012 (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 76).
19
- 19 -
détournements d’avion commis par son allié, le Hezbollah30. Le Royaume de Bahreïn, en particulier,
a été la cible d’une campagne terroriste menée par l’Iran et a découvert à maintes reprises des cellules
terroristes financées et dirigées par le corps des gardiens de la révolution islamique (le «CGRI»). En
octobre 2015, Bahreïn a communiqué à l’Assemblée générale des Nations Unies une lettre adressée
au Secrétaire général de l’Organisation dans laquelle il expliquait sa décision de rappeler son
ambassadeur en Iran. Elle était libellée comme suit :
«[L]’Iran a permis à des groupes terroristes d’utiliser son territoire et ses
ressources pour perpétrer des attaques armées à Bahreïn. Le Gouvernement de la
République islamique d’Iran s’emploie activement à faire parvenir des armes telles que
des fusils d’assaut, des grenades, des engins explosifs improvisés, des projectiles
autoforgés et les technologies associées à des groupes terroristes, notamment ceux qui
opèrent à Bahreïn.»31
5.9 Le champ d’action de l’Iran s’étend jusqu’en Amérique du Sud, où plusieurs attentats
soutenus par l’Iran ont été commis sur le sol argentin. Le 17 mars 1992, l’ambassade d’Israël à
Buenos Aires a été attaquée par un kamikaze membre du Hezbollah conduisant un camion chargé
d’explosifs par lequel il a enfoncé la façade principale de l’immeuble de l’ambassade. L’explosion
qui en a résulté a détruit l’ambassade ainsi qu’une église et une école voisines. Vingt-neuf personnes
ont perdu la vie, dont trois membres du personnel israélien de l’ambassade et six agents de
l’ambassade recrutés sur le plan local, et 242 autres personnes ont été blessées32.
5.10 Deux ans plus tard, le 18 juillet 1994, des membres du Hezbollah ont enfoncé à l’aide
d’un camion bourré d’explosifs le bâtiment du centre juif d’Argentine, connu sous le nom
d’Asociación Mutual Israelita Argentina (l’«AMIA»), sis à Buenos Aires. L’explosion qui en a
résulté a fait 85 morts et au moins 151 blessés. Le 25 octobre 2006, les magistrats du parquet
argentins Alberto Nisman et Marcelo Martinez Burgos ont publié un rapport assorti d’une demande
d’arrestations dans lequel ils ont énoncé la conclusion suivante :
30 Voir «Chronology of Events in Hijacking of Kuwait Airways Flight 422» [Chronologie du détournement du
vol 422 de Kuwait Airways], Associated Press, 12 avril 1988 (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 58) (récit
du détournement, perpétré par le Hezbollah, du vol 422 de Kuwait Airways qui comptait à son bord 112 passagers, dont
trois membres de la famille royale koweïtienne) ; département de la défense des Etats-Unis, «Terrorist Group Profiles»
[Profil des groupes terroristes], 1988, p. 18 (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 19).
31 Nations Unies, documents officiels de l’Assemblée générale, soixante-dixième session, points 85 et 108 de
l’ordre du jour, lettre datée du 16 octobre 2015 adressée au Secrétaire général par la Mission permanente du Royaume de
Bahreïn auprès de l’Organisation des Nations Unies, doc. A/70/445, 26 octobre 2015 (exceptions préliminaires des
Etats-Unis, annexe 42). Depuis que cette lettre a été adressée au Secrétaire général, des éléments d’information similaires
faisant état du soutien apporté par l’Iran au terrorisme se sont multipliés. Voir, par exemple, «Bahrain court overturns
stripping of 92 Shiites’ citizenship: judicial source» [Une juridiction bahreïnienne annule la déchéance de nationalité de
92 chiites, d’après des sources judiciaires], 30 juin, Business Standard (annexe 14) ; «Bahrain arrests 116 on charges of
terrorism, Iran collusion» [Bahreïn arrête 116 personnes pour faits de terrorisme et collusion avec l’Iran], Deutsche Welle,
3 mars 2018 (annexe 15) ; «Bahrain arrests four linked to pipeline blast: ministry» [Bahraïn arrête quatre personnes liées
à l’explosion d’un gazoduc, d’après un ministère], Reuters, 7 février, 2018 (annexe 16) ; «Bahrain says deadly bus attack
engineered by Iran» [Bahreïn dénonce la main de l’Iran dans un attentat meurtrier commis contre un autobus], Reuters,
15 novembre 2017(annexe 17) ; «Bahrain accuses Iran of harboring 160 «terrorists »» [Bahreïn accuse l’Iran d’abriter 160
«terroristes»], Times of Israel, 18 octobre 2017 (annexe 18).
32 Les enquêtes menées par la suite par l’Argentine, les Etats-Unis et Israël ont mis en évidence la complicité de
l’Iran dans cet attentat. Ronen Bergman, The Secret War in Iran: The 30-Year Clandestine Struggle against the World’s
Most Dangerous Terrorist Power, 2008, p. 171-172 (annexe 19) ; Voir également «Hezbollah’s 1992 Attack in Argentina
Is a Warning for Modern-Day Europe» [L’attentat perpétré par le Hezbollah en 1992 en Argentine est un coup de semonce
pour l’Europe d’aujourd’hui], The Atlantic, 19 mars 2013 (annexe 20) ; Mark Sullivan et June Beitel, Congressional
Research Service, «Latin America: Terrorism Issues», 2016, rapport no RS21049 (annexe 21) ; ministère israélien des
affaires étrangères, «Report: Hizbullah and Iran behind Buenos Aires bombings» [Rapport — Les attentats à la bombe
commis à Buenos Aires portent la marque du Hezbollah et de l’Iran], 26 octobre 2006 (annexe 22).
20
- 20 -
«[S]elon nous, il a été prouvé que la décision de commettre cet attentat n’était pas
le fait d’un petit groupe isolé de responsables islamiques extrémistes, mais une décision
qui avait été longuement débattue et avait été adoptée en fin de compte par consensus
par les plus hauts représentants de l’Etat iranien de l’époque, dans le cadre d’une
politique étrangère qui n’écartait pas le recours à la violence pour parvenir aux fins
inhérentes à la république islamique établie par la révolution de février 1979.»33
5.11 Malgré les objections de l’Iran, INTERPOL a diffusé des notices rouges sur six
personnes, dont cinq représentants de l’Etat iranien, à raison de l’attentat à la bombe34. Vingt-cinq
ans plus tard, l’Argentine tente toujours d’obtenir justice pour cet attentat perpétré contre le bâtiment
de l’AMIA avec le soutien de l’Iran35.
5.12 L’Iran s’est également livré à une multitude d’autres actes de déstabilisation menaçant
les intérêts des Etats-Unis et d’autres pays en matière de sécurité nationale, en particulier des actes
s’inscrivant dans le cadre de la mise en oeuvre de son programme de missiles balistiques et du
commerce des armes. En adoptant sa résolution 1929 (2010), le Conseil de sécurité des
Nations Unies a «[d]écid[é] que l’Iran ne d[evait] mener aucune activité liée aux missiles balistiques
pouvant emporter des armes nucléaires, y compris les tirs recourant à la technologie des missiles
33 Unité d’enquête du parquet général, «Report: Request for Arrests» [rapport assorti d’une demande d’arrestations],
p. 13-14, 25 octobre 2006 (annexe 23) (les italiques sont de nous) ; voir également ibid., p. 781-795 (examen et synthèse
des éléments de preuve). Les auteurs du rapport poursuivent :
«Nous allons montrer dans le présent rapport que ce sont les plus hauts responsables de la
République islamique d’Iran de l’époque qui ont pris la décision de commettre l’attentat … et ont orchestré
celui-ci, et que ces responsables ont donné instruction au groupe terroriste libanais Hezbollah (parti de
Dieu) — groupe qui est de longue date subordonné aux intérêts économiques et politiques du régime de
Téhéran — d’exécuter l’attentat.» Ibid., p. 16 (annexe 23).
34 INTERPOL, communiqué de presse : L’Assemblée générale d’INTERPOL confirme la décision du comité
exécutif concernant le différend relatif à des notices rouges (affaire «AMIA»), 7 novembre 2007 (exceptions préliminaires
des Etats-Unis, annexe 32). Des notices rouges ont notamment été publiées pour les personnes suivantes : Ahmad Vahidi,
ancien ministre iranien de la défense et membre de la force Al-Qods du corps des gardiens de la révolution islamique ;
Ali Fallahian, ancien ministre iranien du renseignement qui, selon les constatations opérées par le tribunal berlinois en
l’affaire Mykonos, était également chargé d’exécuter l’instruction de tuer le dirigeant kurde Sharafkandi, voir le jugement
Mykonos, p. 22 (annexe 5) ; Mohsen Rabbani, ancien attaché culturel iranien en Argentine, qui devait rencontrer
Abdul Kadir, l’un des défendeurs déclarés coupables du complot de 2007 visant à commettre un attentat à la bombe contre
l’aéroport international John F. Kennedy, voir le communiqué de presse du Federal Bureau of Investigation (le «FBI»)
intitulé «Imam from Trinidad Convicted of Conspiracy to Launch Terrorist Attack at JFK Airport» [Un imam originaire de
Trinité-et-Tobago déclaré coupable d’association de malfaiteurs en vue de commettre un attentat terroriste à
l’aéroport JFK], 26 mai 2011 (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 34) ; et Mohsen Rezaï, ancien commandant
du corps des gardiens de la révolution islamique et membre du conseil suprême de sécurité nationale d’Iran.
35 Le 19 juillet 2019, le président argentin Mauricio Macri a déclaré : «Nous continuerons de rechercher les
personnes accusées de ces actes pour qu’elles soient jugées sur le territoire argentin, nous maintiendrons les notices rouges
(d’INTERPOL) les concernant et nous sollicitons la collaboration de la République islamique d’Iran à l’enquête» ;
«Argentina: Macri Wants Those Behind AMIA Attack To Be Tried in Argentina» [Argentine : Macri veut que les
responsables de l’attentat commis contre l’AMIA soient jugés en Argentine], MercoPress, 19 juillet 2019 (annexe 24).
L’Iran a toutefois rejeté les demandes répétées de coopération sur les notices rouges que l’Argentine lui a adressées. Voir,
par exemple, Nations Unies, documents officiels de l’Assemblée générale, soixante-quatrième session, point 8 de l’ordre
du jour, lettre datée du 27 octobre 2009 adressée au président de l’Assemblée générale par le représentant permanent de
l’Argentine auprès de l’Organisation des Nations Unies, doc. A/64/505, 28 octobre 2009 (exceptions préliminaires des
Etats-Unis, annexe 41), et soixante-quatrième session, [4e] séance plénière, allocution de Mme Cristina Fernández de
Kirchner, présidente de la République argentine, doc. A/64/PV.4, 23 septembre 2009, p. 2-3 (exceptions préliminaires des
Etats-Unis, annexe 38). De plus, le procureur argentin Alberto Nisman a produit, en mai 2013, un rapport sur les réseaux
terroristes iraniens opérant dans toute l’Amérique latine. Voir unité de lutte antiterroriste du parquet général, «Opinión»,
29 mai 2013, p. 252 (annexe 107) («L’attentat perpétré contre la communauté juive … s’inscrit dans une vaste stratégie
régionale marquée par la création, dans certains pays, de bases de renseignement qui, par le recours conjugué à des
institutions politiques, religieuses et culturelles, ont été mises en place pour apporter, le cas échéant, l’appui indispensable
à la commission d’actes de terrorisme.»).
21
- 21 -
balistiques» et a interdit le transfert à l’Iran d’une large gamme d’armes et d’équipements connexes36.
Le Conseil de sécurité a également prié le Secrétaire général de créer un groupe d’experts chargé
d’examiner les cas de non-respect de ces interdictions par l’Iran. Ce groupe a publié un grand nombre
de rapports présentant en détail les actes que l’Iran continuait de commettre en violation de la
résolution 192937. Après la dissolution du groupe d’experts réalisée à la suite de l’adoption de la
résolution 2231 du Conseil de sécurité des Nations Unies, le Secrétaire général a continué de rendre
compte, dans ses rapports semestriels sur l’application de la résolution, d’actes attestant que l’Iran
violait en permanence ces restrictions38.
5.13 Dans le cadre de sa large campagne de soutien au terrorisme, l’Iran alimente aussi en
armes et entraîne des groupes terroristes qui commettent activement des attentats contre les forces
armées des Etats-Unis et d’Etats partenaires. Ces activités sont contraires à la résolution 1373 (2001)
du Conseil de sécurité, adoptée à la suite des attentats perpétrés le 11 septembre 2001 contre les
Etats-Unis, qui fait obligation à tous les Etats de «[s]’abstenir d’apporter quelque forme d’appui que
ce soit, actif ou passif, aux entités ou personnes impliquées dans des actes de terrorisme»39. Par
exemple, l’Iran a entraîné les Taliban et leur a fourni du matériel pour leur permettre de commettre
des attentats contre les forces de la coalition en Afghanistan, notamment celles des Etats-Unis, ainsi
que contre le Gouvernement afghan40. En avril 2011, les forces afghanes ont intercepté une cargaison
de munitions envoyée par l’Iran aux Taliban41, et des commandants des Taliban ont également
36 Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 1929 du 9 juin 2010, doc. S/RES/1929 (2010), par. 9 (exceptions
préliminaires des Etats-Unis, annexe 110).
37 Voir, par exemple, Final Report of the Panel of Experts Established Pursuant to Resolution 1929 (2010) [rapport
final du groupe d’experts créé par la résolution 1929 (2010)], 2011, p. 2 et 30 (exceptions préliminaires des Etats-Unis,
annexe 115) ; rapport final du groupe d’experts créé par la résolution 1929 (2010), doc. S/2012/395, 4 juin 2012, p. 3-5
(exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 114) ; rapport final du groupe d’experts créé en application de la
résolution 1929 (2010), doc. S/2013/331, 3 juin 2013, p. 5, 34 et 35 (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 117) ;
rapport final du groupe d’experts créé par la résolution 1929 (2010), doc. S/2014/394, 5 juin 2014, p. 3-4 et 9 (exceptions
préliminaires des Etats-Unis, annexe 118) ; rapport final du groupe d’experts créé par la résolution 1929 (2010),
doc. S/2015/401, 1er juin 2015, p. 3-4 (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 119).
38 Voir, par exemple, les rapports suivants : rapport du Secrétaire général sur l’application de la
résolution 2231 (2015) du Conseil de sécurité, doc. S/2016/589, 12 juillet 2016, p. 3-4 et 8-11 (exceptions préliminaires
des Etats-Unis, annexe 123) ; deuxième rapport du Secrétaire général sur l’application de la résolution 2231 (2015) du
Conseil de sécurité, doc. S/2016/1136, 30 décembre 2016, p. 5-7 (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 125) ;
troisième rapport du Secrétaire général sur l’application de la résolution 2231 (2015) du Conseil de sécurité,
doc. S/2017/515, 20 juin 2017, p. 2-3 et 5-9 (annexe 25) ; quatrième rapport du Secrétaire général sur l’application de la
résolution 2231 (2015) du Conseil de sécurité, doc. S/2017/1030, 8 décembre 2017, p. 5-6 (annexe 26) ; cinquième rapport
du Secrétaire général sur l’application de la résolution 2231 (2015) du Conseil de sécurité, doc. S/2018/602, 12 juin 2018,
p. 5-12 (annexe 27) ; sixième rapport du Secrétaire général sur l’application de la résolution 2231 (2015) du Conseil de
sécurité, doc. S/2018/1089, 6 décembre 2018, p. 6-7 (annexe 28) ; septième rapport du Secrétaire général sur l’application
de la résolution 2231 (2015) du Conseil de sécurité, doc. S/2019/492, 13 juin 2019, p. 4-12 (annexe 29).
39 Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 1373 du 28 septembre 2001, doc. S/RES/1373 (2001), préambule
et alinéa a) du paragraphe 2 (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 81).
40 «Iranian support of Afghan Taliban targeted by new US sanctions» [Nouvelles sanctions américaines contre le
soutien iranien aux Taliban d’Afghanistan], Deutsche Welle, 25 octobre 2018 (annexe 30). Selon les constatations des
Etats-Unis, «depuis 2006 au moins … , l’Iran expédie fréquemment aux Taliban des cargaisons d’armes légères et de
munitions correspondantes, de grenades à fusil, d’obus de mortier, de roquettes de 107 mm et d’explosifs plastiques».
«Finding that the Islamic Republic of Iran is a Jurisdiction of Primary Money Laundering Concern» [Décision portant
constatation du fait que la République islamique d’Iran est un pays présentant une situation particulièrement préoccupante
du point de vue du blanchiment de capitaux], «Federal Register», vol. 76, 18 novembre 2011, p. 72756-72758 (exceptions
préliminaires des Etats-Unis, annexe 152).
41 Voir le rapport final du groupe d’experts créé par la résolution 1929 (2010), doc. S/2012/395, 4 juin 2012, p. 29
(exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 114) (faisant état d’une cargaison comprenant 48 roquettes de 122 mm et
1000 pièces de munitions). Récemment, un système d’aéronef sans pilote de conception iranienne a également été récupéré
par les forces de la coalition en Afghanistan. Brian H. Hook, «The Iranian Regime’s Transfer of Arms to Proxy Groups
and Ongoing Missile Development» [Le transfert d’armes du régime iranien à ses groupes alliés et la mise au point
permanente de missiles], département d’Etat américain, 29 novembre 2018 (annexe 31).
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23
- 22 -
confirmé avoir été payés par des responsables iraniens pour suivre en Iran des cours destinés à les
former à la commission d’attentats contre les troupes et les convois de l’OTAN42.
5.14 Le commerce des armes auquel se livre l’Iran et les autres activités malveillantes de ce
pays ont été rendus possibles en partie par son recours à des pratiques de blanchiment de capitaux,
qui permettent la circulation clandestine d’armes et de matériel vers des acteurs menaçant
directement les intérêts des Etats-Unis en matière de sécurité nationale, comme en attestent des
sources tant américaines qu’internationales.
5.15 Le Groupe d’action financière (GAFI) a appelé à maintes reprises l’attention sur les
risques de financement du terrorisme et de blanchiment de capitaux posés par l’Iran43. Depuis 2007,
il recommande aux établissements financiers d’appliquer des «mesures de vigilance renforcées» dans
leurs opérations avec l’Iran, ce pays n’ayant mis en place aucun régime complet de lutte contre le
blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, ce qui représente «une fragilité particulière
dans le système financier international». Par la suite, le GAFI a également commencé à demander
instamment aux Etats d’appliquer «des contre-mesures efficaces afin de protéger leur secteur
financier des risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme … émanant de
l’Iran»44.
42 «Iranians train Taliban to use roadside bombs: report» [Les Iraniens forment les Taliban à l’utilisation de bombes
artisanales, selon un rapport], The Nation, 21 mars 2010 (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 88) ; «Captured
Taliban Commander: «I received Iranian Training»» [«J’ai reçu une formation iranienne», dit un commandant des Taliban
capturé], Radio Free Europe/Radio Liberty, 23 août 2011 (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 89). Les Etats
membres du Terrorist Financing Targeting Center ont également reconnu le soutien apporté par l’Iran aux Taliban,
notamment sous la forme d’accords entre la force Al-Qods du corps des gardiens de la révolution islamique et les Taliban,
aux termes desquels la force Al-Qods assure l’entraînement des forces des Taliban et celles-ci attaquent en échange des
cibles déterminées, notamment au moyen de kamikazes. «Treasury and the Terrorist Financing Targeting Center Partners
Sanction Taliban Facilitators and their Iranian Supporters» [Le trésor et le Terrorist Financing Targeting Center Partners
sanctionnent les facilitateurs des Talibans et leurs soutiens iraniens], département du trésor des Etats-Unis, 23 octobre 2018
(annexe 32). En outre, dans une allocution télévisée prononcée en mai 2019, le chef politique du Hamas dans la bande de
Gaza, Yahya Sinwar, a reconnu que l’Iran avait fourni des armes au Hamas, affirmant que «les roquettes tirées sur Tel-
Aviv en 2014 avaient été soit «fournies par l’Iran», soit «fabriquées localement, avec le soutien financier et technique de
l’Iran». Il a également déclaré que si un autre conflit venait à éclater, «Tel-Aviv serait frappée par un nombre bien plus
important de missiles qu’en 2014», soulignant que «sans l’appui fourni par l’Iran, la résistance palestinienne n’aurait jamais
pu se doter de ces capacités», septième rapport du Secrétaire général sur l’application de la résolution 2231 (2015) du
Conseil de sécurité, doc. S/2019/492, 13 juin 2019, p. 12 (annexe 29).
43 Le GAFI est un organisme intergouvernemental réunissant des représentants de nombreuses régions du monde
(dont les Etats-Unis), qui a pour objet d’édicter des normes et de promouvoir la mise en oeuvre effective des mesures
législatives, réglementaires et opérationnelles destinées à lutter contre le blanchiment de capitaux, le financement du
terrorisme et les menaces connexes pesant sur l’intégrité du système financier international.
44 Déclaration du Groupe d’action financière sur le blanchiment de capitaux (GAFI), 25 février 2009 (exceptions
préliminaires des Etats-Unis, annexe 146). Bien que l’Iran ait pris l’engagement de mettre en place un plan d’action visant
à remédier aux lacunes de ses textes juridiques relatifs à la lutte contre le blanchiment de capitaux ainsi que des mesures
de lutte contre le financement du terrorisme, il n’a rien fait dans ce sens à ce jour. En juin 2019 encore, le GAFI a constaté
que l’Iran n’avait toujours pas pleinement réglé les problèmes dont il avait jugé le règlement nécessaire pour disposer d’un
régime complet de lutte contre le financement du terrorisme. GAFI, déclaration publique, 21 juin 2019 (annexe 34). Le
GAFI continue d’inviter ses membres et de demander instamment à tous les pays d’«[i]mposer des obligations renforcées
en matière de contrôle pour les succursales et filiales d’institutions financières établies en Iran». Il a également déclaré ce
qui suit : «Tant que l’Iran n’aura pas mis en place les mesures nécessaires pour remédier aux lacunes constatées en matière
de lutte contre le financement du terrorisme dans son plan d’action, le GAFI restera préoccupé par le risque de financement
du terrorisme émanant de l’Iran et la menace que cela fait planer sur le système financier international». Ibid. ; voir
également «UPDATE 1-SWIFT says suspending some Iranian banks’ access to messaging system» [Le point de la situation
no 1 : SWIFT déclare suspendre l’accès de certaines banques iraniennes à son système de messagerie], Reuters, 5 novembre
2018 (annexe 35) (annonçant que le 5 novembre 2018, le service de messagerie financière SWIFT, établi en Belgique, a
suspendu l’accès de certaines banques iraniennes non précisées à son système de messagerie pour préserver la stabilité et
l’intégrité du système financier mondial).
- 23 -
5.16 Le Conseil de sécurité des Nations Unies a lui aussi pris acte du danger représenté par le
système financier de l’Iran. Dans sa résolution 1803 (2008), il a
«[d]emand[é] à tous les Etats de faire preuve de vigilance s’agissant des activités
menées par les institutions financières sises sur leur territoire avec toutes les banques
domiciliées en Iran, en particulier la Banque Melli et la Banque Saderat, ainsi qu’avec
leurs succursales et leurs agences à l’étranger, afin d’éviter que ces activités concourent
à des activités posant un risque de prolifération, ou à la mise au point de vecteurs
d’armes nucléaires»45.
Dans sa résolution 1929 (2010), il a également
«pri[é] tous les Etats de faire preuve de vigilance concernant les transactions dans
lesquelles intervient le Corps des gardiens de la révolution islamique qui pourraient
contribuer aux activités nucléaires de l’Iran posant un risque de prolifération ou à la
mise au point de vecteurs d’armes nucléaires»46.
5.17 Compte tenu de cette préoccupation grandissante, le département du trésor des Etats-Unis
a publié en novembre 2011 une décision de constatation concluant que l’Iran était «un pays
présentant une situation particulièrement préoccupante du point de vue du blanchiment de
capitaux»47 et avait «recours à des pratiques financières trompeuses pour dissimuler la nature des
transactions et sa participation à celles-ci afin de contourner les sanctions»48. Le département du
trésor des Etats-Unis a également constaté que
«des établissements financiers iraniens, y compris la banque centrale d’Iran (banque
Markazi), et d’autres entités contrôlées par l’Etat se livr[ai]ent sciemment à des
pratiques trompeuses afin de dissimuler leur comportement illicite, de se soustraire aux
45 Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 1803 du 3 mars 2008, doc. S/RES/1803 (2008), par. 10,
(exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 102).
46 Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 1929 du 9 juin 2010, doc. S/RES/1929 (2010), par. 12, (exceptions
préliminaires des Etats-Unis, annexe 110).
47 «Finding that the Islamic Republic of Iran is a Jurisdiction of Primary Money Laundering Concern» [Décision
portant constatation du fait que la République islamique d’Iran est un pays présentant une situation particulièrement
préoccupante du point de vue du blanchiment de capitaux], «Federal Register», vol. 76, 18 novembre 2011, p. 72756
(exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 152)
48 Ibid., p. 72760 (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 152).
24
- 24 -
sanctions internationales et de saper les efforts des organismes de régulation compétents
du monde entier»49.
SECTION B
SOUTIEN DE L’IRAN À DES ACTES DE TERRORISME VISANT LES ETATS-UNIS
5.18 A la suite de cet examen du comportement malveillant que l’Iran manifeste dans le monde
entier, la présente section l’illustre par un exposé des nombreux cas où l’Iran a apporté son soutien à
des actes de terrorisme visant directement les Etats-Unis et leurs ressortissants.
i. Attentat contre le casernement des fusiliers marins et autres attentats terroristes
à la bombe commis contre des intérêts américains au Liban
5.19 Moins de deux ans après la libération de 52 diplomates et autres ressortissants américains
et la conclusion de la crise des otages en Iran, ce pays a donné le ton de ses relations futures avec les
Etats-Unis lorsque le Hezbollah — groupe fondé et soutenu par l’Iran et jusqu’à présent dirigé par
lui — a attaqué l’ambassade américaine à Beyrouth le 18 avril 1983. Cet attentat, commis par un
kamikaze membre du Hezbollah au volant d’un camion chargé d’environ une tonne d’explosifs, a
détruit le bâtiment de l’ambassade, faisant 63 morts, dont 17 diplomates et militaires américains, et
de nombreux blessés50.
5.20 L’attentat à la bombe perpétré contre l’ambassade a été suivi, en octobre de la même
année, d’un autre attentat visant les contingents américains et français stationnés à Beyrouth, à la
demande du Gouvernement libanais, dans le cadre d’une mission multilatérale de maintien de la
49 «Federal Register», vol. 76, 18 novembre 2011, p. 72760 (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 152).
Dans leur décision de constatation, les Etats-Unis ont relevé nombre des pratiques trompeuses auxquelles avait recours
l’Iran pour dissimuler l’origine iranienne des transactions et dressé une liste des établissements, organismes et institutions
financières au moyen desquels l’Iran tentait de se soustraire aux sanctions ainsi que de renforcer son soutien au terrorisme
à l’étranger et de se doter de missiles balistiques sur le plan interne : transferts de fonds vers des établissements de change
situés hors d’Iran, notamment vers des banques locales du même pays aux fins de reversement ; utilisation de lettres de
crédit domestiques adossées ; escamotage du nom des banques iraniennes dans les transactions financières ; utilisation de
sociétés-écrans et de structures actionnariales complexes pour masquer le contrôle iranien ; collusion avec des exportateurs
pour inscrire des prête-noms à la place de l’utilisateur final sur les formulaires d’exportation. Ibid., p. 72760-72763
(exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 152) ; voir également le communiqué de presse du département du trésor
des Etats-Unis intitulé «Treasury Sanctions Iran’s Central Bank and National Development Fund» [Le département du
trésor sanctionne la banque centrale et le Fonds national de développement d’Iran], 20 septembre 2019 (annexe 33), citant
les propos de Steven T. Mnuchin, secrétaire au trésor, suivants : «La banque centrale et le Fonds national de développement
d’Iran avaient officiellement vocation à préserver le bien-être du peuple iranien, mais ont été utilisés par ce régime
corrompu pour transférer des réserves de change iraniennes au profit d’alliés terroristes») ; ibid., citant les propos de
Sigal Mandelker, sous-secrétaire au trésor chargée du terrorisme et du renseignement financier, suivants : «Nous informons
les Etats que s’ils continuent à travailler avec l’organisme de financement du terrorisme du régime iranien, à savoir sa
banque centrale, ils mettent en péril l’intégrité de leur système financier».
50 Voir Thomas L. Friedman, «U.S. Beirut Embassy Bombed ; 33 Reported Killed, 80 Hurt; Pro-Iran Sect Admits
Action» [Attentat à la bombe contre l’ambassade des Etats-Unis à Beyrouth : les informations disponibles font état de
33 morts et de 80 blessés ; une secte pro-iranienne revendique les faits], N.Y. Times, 19 avril 1983 (exceptions préliminaires
des Etats-Unis, annexe 28) ; Matthew Levitt, «The Origins of Hezbollah» [Les origines du Hezbollah], The Atlantic,
23 octobre 2013, p. 3 (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 23). Une organisation dénommée Jihad islamique a
revendiqué la responsabilité de l’attentat ; d’après des analystes, il s’agit d’un prête-nom ou d’une ancienne dénomination
du Hezbollah. Voir, par exemple, département de la défense des Etats-Unis, Terrorist Group Profiles [Profils des groupes
terroristes], 1988, p. 15-16 (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 19) ; Matthew Levitt, «The Origins of
Hezbollah» [Les origines du Hezbollah], The Atlantic, 23 octobre 2013, p. 4 (exceptions préliminaires des Etats-Unis,
annexe 23).
25
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paix51. Conformément à l’accord entre les Gouvernements américain et libanais, les forces
américaines ne participaient à aucun combat et n’étaient équipées que d’armes compatibles avec leur
rôle non combattant52.
5.21 L’attentat est survenu au matin du 23 octobre 1983, lorsqu’un camion de 19 tonnes chargé
de plus de neuf tonnes d’explosifs que conduisait un membre du Hezbollah de nationalité iranienne
a enfoncé une clôture barbelée et une barricade de sacs de sable pour pénétrer dans le casernement
des fusiliers marins américains53. L’explosion qui s’est déclenchée a détruit le bâtiment de quatre
étages du casernement, tuant 241 soldats américains et blessant grièvement de nombreux autres.
Quelques minutes plus tard, un attentat similaire a frappé le casernement français, tuant 58 soldats
français chargés du maintien de la paix et cinq civils libanais54.
5.22 Moins d’un an plus tard, le Hezbollah, allié de l’Iran, a de nouveau attaqué l’ambassade
des Etats-Unis au Liban, transférée à Beyrouth-Est à la suite de l’attentat d’avril 1983. Le
20 septembre 1984, une camionnette remplie d’explosifs que conduisait un kamikaze a enfoncé le
poste de contrôle de sécurité de l’ambassade pour s’y écraser, tuant 24 civils américains et libanais
et blessant une nouvelle fois de nombreux autres.
5.23 L’Iran a reconnu sa participation à l’attentat à la bombe commis contre le casernement
des fusiliers marins et s’en est même vanté. A la suite de cet attentat, le ministre iranien du corps des
gardiens de la révolution islamique a déclaré ce qui suit :
«Avec la victoire de la révolution iranienne, l’Amérique a durement éprouvé
l’effet du coup violent porté à son corps corrompu au Liban et ailleurs dans le monde.
Elle sait qu’aussi bien le TNT que l’idéologie qui, par une seule explosion, ont expédié
en enfer 400 officiers, sous-officiers et soldats du quartier général des fusiliers marins
ont été fournis par l’Iran.»55
51 Voir la lettre datée du 21 septembre 1982 adressée au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies par
Luc de La Barre de Nanteuil, représentant permanent de la France auprès de l’Organisation des Nations Unies,
doc. S/15420 (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 20), et la lettre datée du 24 septembre 1982 adressée au
Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies par Charles M. Lichenstein, représentant permanent par intérim des
Etats-Unis auprès de l’Organisation des Nations Unies, doc. S/15435 (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 21).
La force multinationale comprenait également du personnel militaire italien.
52 Voir l’échange de notes constituant un accord entre le Gouvernement des Etats-Unis d’Amérique et le
Gouvernement de la République libanaise relatif à la participation des Etats-Unis à une force multinationale à Beyrouth,
20 août 1982, Recueil des traités des Nations Unies (RTNU), vol. 1751, p. 11, et International Legal Materials, vol. 21
(1982), p. 1196 (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 22).
53 Voir Matthew Levitt, «The Origins of Hezbollah» [Les origines du Hezbollah], The Atlantic, 23 octobre 2013,
p. 4 (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 23) ; Thomas L. Friedman, «Beirut Death Toll at 161 Americans;
French Casualties Rise in Bombings; Reagan Insists Marines Will Remain; Buildings Blasted» [A Beyrouth, le bilan s’élève
à 161 victimes américaines ; le nombre de victimes françaises à la hausse après les attentats à la bombe ; Reagan maintient
que les fusiliers marins sont là pour rester ; des immeubles soufflés par les bombes], NY Times, 24 octobre 1983 (exceptions
préliminaires des Etats-Unis, annexe 24) ; «Beirut Death Toll Is 241» [Beyrouth : le bilan est de 241 morts], NY Times,
15 décembre 1983 (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 25).
54 Voir Thomas L. Friedman, «Beirut Death Toll at 161 Americans; French Casualties Rise in Bombings; Reagan
Insists Marines Will Remain; Buildings Blasted» [A Beyrouth, le bilan s’élève à 161 victimes américaines ; le nombre de
victimes françaises à la hausse après les attentats à la bombe ; Reagan maintient que les fusiliers marins sont là pour rester ;
des immeubles soufflés par les bombes], NY Times, 24 octobre 1983 (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 24) ;
Matthew Levitt, «The Origins of Hezbollah» [Les origines du Hezbollah], The Atlantic, 23 octobre 2013, p. 4 (exceptions
préliminaires des Etats-Unis, annexe 23).
55 «The Speech of Our Brother Mohsen Rafiqdoust at One of the Country’s Factories for Defense» [Allocution de
notre frère Mohsen Rafiqdoust dans l’une des usines des industries de défense du pays], Ressalat, 20 juillet 1987
(exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 27).
26
- 26 -
5.24 D’autres responsables iraniens, parmi lesquels le président du Majlis (Parlement iranien)
de l’époque, devenu par la suite président de l’Iran, Akbar Hachemi Rafsanjani, ont également
reconnu la responsabilité de l’Iran dans l’attentat à la bombe commis contre le casernement des
fusiliers marins. Dans une allocution prononcée à l’occasion du septième anniversaire de
l’occupation de l’ambassade américaine et de la prise d’otages, Rafsanjani a déclaré ce qui suit :
«Les Américains nous reprochent le coup porté aux Etats-Unis au Liban et
l’humiliation qui y a été la leur ; et ils ont raison de le faire. Le fait que les fusiliers
marins américains aient dû fuir le Liban et qu’une partie d’entre eux y ait trouvé la mort
dans ces circonstances était en partie le résultat de l’influence de la révolution
islamique.»56
5.25 L’Iran n’a pas non plus fait mystère de son soutien au Hezbollah, son allié libanais, et de
ses liens opérationnels étroits avec cette organisation. Le ministère iranien des affaires étrangères
proclamait crânement dans un ouvrage publié en 2000 que «l’alliance entre le Hezbollah et la
République islamique d’Iran [était] profonde, stratégique et impossible à rompre»57. De même, le
Hezbollah a publiquement confirmé que «les gardiens de la révolution islamique [l’]aid[ai]ent et
[l’]entraîn[ai]ent»58 et qu’il recevait de l’Iran des missiles d’une «précision chirurgicale»59. En 2016
encore, le chef du Hezbollah, le cheikh Hassan Nasrallah, a confirmé publiquement que le Hezbollah
était entièrement financé et armé par l’Iran : «[N]ous ne dissimulons pas le fait que le budget du
Hezbollah, ses revenus, ses dépenses, tout ce qu’il boit et mange, ses armes et ses missiles, viennent
de la République islamique d’Iran.»60
5.26 L’attentat perpétré en 1983 contre le casernement des fusiliers marins, «l’attentat
terroriste commis avec le soutien d’un Etat le plus meurtrier qui ait jamais visé des citoyens
américains avant le 11 septembre 2001»61, a donné lieu à une multitude d’actions en réparation
intentées contre l’Iran devant les juridictions américaines par les fusiliers marins américains blessés
lors de l’attentat et les familles de ceux qui avaient été tués. Au coeur des prétentions formulées par
l’Iran devant la Cour se trouve le jugement résultant des actions en réparation intentées par les
victimes américaines en l’affaire Peterson. Le jugement Peterson occupe une place importante dans
56 «Hashemi Rafsanjani on Alleged McFarlane Visit» [Hachemi Rafsandjani s’exprime sur la visite alléguée de
McFarlane], Radio Téhéran, programmes nationaux, dans Foreign Broadcast Information Service Daily Reports, vol. VII,
5 novembre 1986, p. 11 (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 26).
57 Ministère iranien des affaires étrangères, «Players in the Middle East Peace Process» (2000), p. 235-236
(exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 84) (les italiques sont de nous) ; voir également A. Savyon et autres,
«Iranian IRGC Missile Unit Commanders: We’ve Developed 2,000-km Range Missiles And Equipped [Hezbollah] With
300-km Range Missiles» [Commandants de l’unité missilière du corps des gardiens de la révolution islamique iranien
(CGRI) : Nous avons mis au point des missiles d’une portée de 2000 kilomètres et doté [le Hezbollah] de missiles d’une
portée de 300 kilomètres] ; agence de presse Fars : «Israel’s Illusions About Its Natural Gas Fields Will Be Buried In The
Mediterranean» [Les illusions d’Israël concernant ses gisements de gaz naturel vouées à l’ensevelissement en
Méditerranée], Middle East Media Research Institute, 3 décembre 2014, p. 5 (exceptions préliminaires des Etats-Unis,
annexe 85), citant les propos du commandant de la force aérienne du corps des gardiens de la révolution islamique suivants :
«De fait, le CGRI et [le Hezbollah] ne forment qu’un seul et même appareil.»
58 Frontline, «Target America» [L’Amérique dans le viseur], transcription de l’émission no 2001, diffusée le
4 octobre 2001, p. 7 (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 57).
59 Nicholas Blanford, «Hezbollah Claims «Pinpoint» Iranian Missiles Added to Its Arsenal» [Le Hezbollah affirme
avoir ajouté des missiles iraniens «d’une précision chirurgicale» à son arsenal], Christian Science Monitor, 23 novembre
2014 (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 86).
60 «In First, Hezbollah Confirms All Financial Support Comes from Iran» [Dans une déclaration inédite, le
Hezbollah atteste que la totalité de ses financements provient de l’Iran], Al Arabiya English, 25 juin 2016 (exceptions
préliminaires des Etats-Unis, annexe 87) (les italiques sont de nous).
61 Tribunal fédéral du district de Columbia, 2003, Peterson c. République islamique d’Iran, «Federal Supplement»,
série 2, vol. 264, p. 48 (annexe 36).
27
- 27 -
la réparation que l’Iran cherche à obtenir, mais l’Iran a soigneusement évité d’évoquer le rôle qu’il
avait joué et la responsabilité qu’il portait dans les faits qui sont à l’origine de l’affaire en cause.
5.27 Pour allouer des dommages-intérêts compensatoires pour le décès des membres des
forces armées américaines susvisés, les atteintes portées à l’intégrité des autres et les souffrances
endurées par ces derniers et les familles concernées, le tribunal américain a estimé en dernière analyse
qu’il ressortait des faits de la cause que le ministère iranien du renseignement et de la sécurité,
«agissant en qualité d’agent de la République islamique d’Iran, a[vait] commis des
actes, le 23 octobre 1983, ou approximativement à cette date, … ces actes ayant causé
la mort de plus de 241 membres des forces armées en charge du maintien de la paix au
casernement des fusiliers marins américains à Beyrouth, au Liban»62.
Comme l’a expliqué le tribunal,
«la mort de ces militaires a[vait] été le résultat direct d’une explosion de matériau qui
avait été transporté au quartier général de la 24e MAU (24e unité amphibie d’infanterie
de marine des Etats-Unis) et [dont la détonation a[vait] été déclenchée] de manière
intentionnelle … par un agent du ministère iranien du renseignement et de la sécurité»63.
5.28 L’Iran a décidé de ne pas participer au procès. Le tribunal américain a cependant examiné
de nombreux éléments de preuve établissant la responsabilité de l’Iran dans l’attentat. Il s’est, par
exemple, fondé sur la déposition de l’ex-amiral américain James Lyons. Comme l’a indiqué le
tribunal dans son jugement :
«Le 25 octobre 1983, le chef du renseignement naval informa l’amiral
[James] Lyons de l’interception d’un message transmis entre Téhéran et Damas datant
approximativement du 26 septembre 1983. Ce message avait été envoyé depuis le
ministère du renseignement et de la sécurité à l’ambassadeur d’Iran en Syrie,
Ali Akbar Mohtashemi … Il donnait à l’ambassadeur iranien instruction de contacter
Hussein al-Musawi, chef du groupe terroriste islamique Amal, et de lui ordonner de
faire en sorte que son groupe organise des attaques contre la coalition multinationale au
Liban, ainsi que de «conduire une action spectaculaire contre les fusiliers marins
américains».»64
5.29 L’amiral Lyons, qui avait reçu le message intercepté, a dit lors du procès que c’était «le
seul de cette qualité [qu’il ait] jamais vu» et que «s’il a[vait] jamais existé un document en or
24 carats, c’[était] bien celui-là»65. Si le tribunal a conclu que «[l]a complicité de l’Iran dans l’attentat
de 1983 a[vait] été établie de manière concluante lors du procès par le témoignage» relatif au message
62 Tribunal fédéral du district de Columbia, 2003, Peterson c. République islamique d’Iran, «Federal Supplement»,
série 2, vol. 264, p. 61, par. 12 (annexe 36).
63 Ibid. (annexe 36).
64 Ibid., p. 54 (annexe 36) ; voir tribunal fédéral du district de Columbia, Peterson c. République islamique d’Iran,
rôle no CA 01-2094, compte rendu de l’audience du 17 mars 2003 ; p. 54, ligne 22, et p. 55, ligne 5 (dépôt électronique
[Electronic Case Filing (ECF)] no 23 (annexe 37).
65 Voir ibid., p. 55, lignes 8-9, à p. 56, ligne 12 (dépôt électronique [Electronic Case Filing (ECF)] no 23
(annexe 37).
28
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intercepté, il a également entendu d’autres témoignages66. Par exemple, un membre du groupe auteur
de l’attentat du 23 octobre a déclaré dans sa déposition que
«l’ambassadeur [d’Iran] Mohtashemi avait contacté un homme du nom de Kanani, qui
était le chef du quartier général libanais des [gardiens de la révolution iranienne].
Mohtashemi a donné instruction à Kanani de commettre les attentats [planifiés] contre
les [fusiliers marins] et les parachutistes français.»67
5.30 La même conclusion a été tirée dans une autre procédure judiciaire américaine relative à
l’attentat à la bombe perpétré contre le casernement des fusiliers marins, le tribunal saisi ayant conclu
qu’il ressortait des faits de la cause que «la formation du Hezbollah et le fait qu’il [fût] devenu une
organisation terroriste majeure [étaient] imputables au Gouvernement iranien»68. Citant Bruce Tefft,
témoin expert sur le terrorisme et un des membres fondateurs du bureau de la lutte antiterroriste de
la CIA, le tribunal a déclaré ce qui suit :
«Le Gouvernement iranien finance le Hezbollah à hauteur d’environ 100 millions
de dollars par an et lui fournit des armes, l’entraîne et le dote de plans stratégiques dans
le cadre de ses opérations dirigées contre les Etats-Unis et Israël. … Le principal
organisme par lequel le Gouvernement iranien a créé le Hezbollah et exerce son contrôle
opérationnel sur lui est le ministère du renseignement et de la sécurité… La coopération
avec le Hezbollah et l’appui apporté à ce dernier ont représenté un profond changement
pour le ministère … ; à partir de 1983, l’Iran et son ministère du renseignement et de la
sécurité avaient recours au terrorisme international pour frapper des non-Iraniens.»69
5.31 Le tribunal a également conclu que «le ministère du renseignement et de la sécurité était
un canal essentiel utilisé par l’Iran pour doter le Hezbollah de ressources financières, fournissait des
explosifs à ce dernier et — pendant toute la période considérée dans la présente affaire — exerçait
un contrôle opérationnel quasi total sur lui»70. En particulier, le tribunal a déclaré que les demandeurs
avaient établi de manière irréfutable l’existence d’un lien entre l’Iran, le ministère du renseignement
et de la sécurité, le corps des gardiens de la révolution islamique et le Hezbollah qui avait abouti à
l’attentat perpétré contre le casernement des fusiliers marins. Il a relevé ce qui suit :
«Pendant les mois ayant immédiatement précédé l’attentat d’octobre, les
communications ont été intenses entre l’ambassadeur d’Iran en Syrie,
Ali Akbar Mohtashemi, et différents responsables iraniens liés au ministère du
renseignement et de la sécurité tels que le cheik Ol-Islam-Zadi, qui a suivi de près
l’ensemble de l’opération, s’entretenait fréquemment avec les dirigeants du Hezbollah
et faisait la navette entre Damas et Téhéran. … D’ailleurs, le 26 septembre 1983, le
ministère du renseignement et de la sécurité a adressé à l’ambassadeur Mohtashemi un
message dans lequel il lui donnait instruction de prendre contact avec Hussein Musawi,
le chef du groupe terroriste islamique Amal, pour ordonner à l’intéressé de faire étudier
par son groupe la possibilité de perpétrer des attentats contre la coalition multilatérale
66 Tribunal fédéral du district de Columbia, 2003, Peterson c. République islamique d’Iran, «Federal Supplement»,
série 2, vol. 264, p. 54 (annexe 36).
67 Ibid., p. 55 (annexe 36).
68 Holland c. République islamique d’Iran, «Federal Supplement», série 2, vol. 496, p. 8 (tribunal fédéral du district
de Columbia, 2005) (annexe 38).
69 Ibid., p. 8 (annexe 38). Voir également département du trésor des Etats-Unis — Fiche d’information :
Désignation d’entités et de personnes physiques iraniennes liées à des activités de prolifération et de soutien au terrorisme,
25 octobre 2007 (annexe 39).
70 Ibid. (annexe 38).
29
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au Liban ainsi que de «conduire une action spectaculaire contre les fusiliers marins
américains», afin de contraindre les Etats-Unis à se retirer militairement de la région.»71
5.32 En outre, le tribunal américain a estimé que l’Iran avait non seulement ordonné au
Hezbollah de perpétrer des attentats contre les casernements américain et français, mais aussi
«apporté une aide considérable à l’opération de plusieurs autres manières», notamment en ce que
1) les explosifs destinés à l’opération avaient été achetés en réalité par l’Iran auprès du
Gouvernement bulgare et remis ensuite au Hezbollah72 ; 2) l’Iran avait apporté tout l’appui financier
nécessaire à l’opération, allant jusqu’à utiliser son ambassade à Damas pour encaisser divers chèques
visant à doter le Hezbollah de ressources financières73 ; et 3) l’Iran avait assuré la quasi-totalité de
l’entraînement opérationnel du Hezbollah dans divers camps terroristes situés au Liban, en Syrie et
en Iran74. Comme l’a expliqué le tribunal :
«[L]e ministère du renseignement et de la sécurité a directement participé aux
préparatifs de l’attentat, en menant les activités de surveillance et de renseignement
nécessaires, en travaillant en coordination avec les responsables syriens pour assurer le
passage en toute sécurité des camions et du matériel utilisés dans l’attentat et en
facilitant l’opération par de multiples activités de liaison. Le CGRI a été le principal
instigateur de l’attentat proprement dit, ayant non seulement autorisé sa commission au
nom du Gouvernement iranien à Téhéran, mais également recruté les participants,
entraîné les kamikazes, préparé les explosifs et installé ceux-ci dans les camions dans
des camps situés dans la vallée de la Bekaa.»75
5.33 C’est plusieurs dizaines d’années après l’attentat à la bombe perpétré contre le
casernement des fusiliers marins américains que les victimes ont pu obtenir réparation de l’Iran, et
ce, grâce aux mesures américaines contestées par l’Iran en l’espèce.
ii. Attentat à la bombe contre les tours de Khobar
5.34 En 1996, l’Iran a apporté son soutien à un attentat terroriste perpétré par le Hezbollah en
Arabie saoudite contre un complexe résidentiel connu sous le nom de tours de Khobar. Rappelant
celui de 1983 dirigé contre le casernement des fusiliers marins américains, cet attentat a été perpétré
au moyen d’un camion piégé placé à proximité de l’immeuble qui a explosé, détruisant une grande
partie dudit immeuble qui comptait huit étages. A l’époque, les tours de Khobar abritaient le
contingent américain des forces de la coalition qui surveillaient l’application de la
résolution 688 (1991) du Conseil de sécurité des Nations Unies par l’Iraq en imposant le respect
d’une zone d’interdiction de survol dans le sud du pays. L’attentat a fait 19 morts parmi les militaires
américains. Au terme de quatre ans d’enquête, le Federal Bureau of Investigation (FBI) a conclu que
l’Iran avait apporté une aide décisive à la commission de cet attentat.
71 Holland c. République islamique d’Iran, «Federal Supplement», série 2, vol. 496, p. 9 (tribunal fédéral du district
de Columbia, 2005) (annexe 38).
72 Ibid., p. 9-10 (annexe 38).
73 Ibid. (annexe 38). Le tribunal a relevé ce qui suit : «[D]ès sa création au cours de la période 1982-1983, le
Hezbollah a reçu au moins 50 millions de dollars de l’Iran ; comme l’a fait observer M. Tefft, «du point de vue économique,
le Hezbollah n’aurait pas pu exister ni être constitué sans le soutien financier de l’Iran».»
74 Ibid. (annexe 38).
75 Ibid., p. 10 (annexe 38).
30
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5.35 Dans une action civile intentée par Paul Blais, un membre des forces aériennes
américaines ayant survécu à l’attentat qui a cependant subi un grave traumatisme crânien, le tribunal
a conclu que l’attentat avait été
«exécuté par des personnes principalement recrutées par un haut responsable du CGRI
[corps des gardiens de la révolution islamique], le général de brigade Ahmed Sharifi.
Sharifi, qui en a assuré le commandement opérationnel, a planifié l’opération et recruté
des exécutants à l’ambassade d’Iran à Damas (Syrie). … La bombe placée dans le
camion a été montée dans une base terroriste située dans la vallée de la Bekaa
qu’exploitaient conjointement le CGRI et l’organisation terroriste connue sous le nom
de Hezbollah. Les personnes recrutées pour commettre l’attentat ont dit appartenir au
«Hezbollah saoudien» et ont acheminé la bombe de son lieu de montage sis dans la
vallée de la Bekaa jusqu’à Dhahran (Arabie saoudite).»76
5.36 Le tribunal a également conclu que l’attentat perpétré contre les tours de Khobar avait été
«approuvé par l’ayatollah Khamenei, le dirigeant suprême de l’Iran de l’époque. Il avait
également été approuvé et soutenu par le ministre iranien du renseignement et de la
sécurité de l’époque, Ali Fallahian, qui avait contribué à sécuriser l’opération par la
fourniture des éléments de renseignement nécessaires. Le représentant de Fallahian à
Damas, un homme du nom de Nurani, avait également prêté son concours à
l’opération.»77
5.37 Pour parvenir à cette conclusion, le tribunal a cité la déposition de Louis Freeh, alors
directeur du FBI, qui avait supervisé l’enquête menée sur l’attentat par les Etats-Unis, laquelle avait
mobilisé plus de 250 agents du FBI et conduit un grand jury à émettre un acte d’accusation présentant
«les directives et l’aide fournies par des responsables de l’Etat iranien» aux auteurs de l’attentat78.
5.38 Dale Watson, chef adjoint du service de la lutte antiterroriste du FBI à l’époque de
l’attentat, a également «déclaré dans sa déposition sous serment que les informations découvertes
lors de l’enquête «donnaient clairement à penser que le ministère du renseignement et de la sécurité
et le corps des gardiens de la révolution islamique d’Iran avaient participé à l’attentat»». Selon le
témoin expert Tefft, il ne faisait «pas de doute» que l’attentat «n’aurait pas eu lieu sans le soutien de
l’Iran»79.
5.39 Dans un autre procès civil intenté par les familles des victimes de l’attentat, l’affaire
Heiser c. République islamique d’Iran, le tribunal a dégagé la conclusion suivante :
«La totalité des éléments de preuve présentés au procès, conjugués aux
constatations et conclusions du tribunal en [l’affaire intentée par Paul Blais], établissent
sans conteste que «l’attentat perpétré contre les tours de Khobar avait été planifié,
financé et soutenu par de hauts responsables de l’Etat de la République islamique
d’Iran» ; le corps des gardiens de la révolution islamique était chargé de l’exécution du
plan et l’a exécuté en collaboration avec le Hezbollah saoudien, tandis que le ministère
76 Blais c. République islamique d’Iran, «Federal Supplement», série 2, vol. 459, p. 48 (tribunal fédéral du district
de Columbia, 2006) (annexe 40).
77 Ibid. (annexe 40).
78 Ibid. (annexe 40).
79 Ibid. (annexe 40).
31
32
- 31 -
du renseignement et de la sécurité a participé à la planification et au financement de
l’attentat.»80
5.40 Pour parvenir à cette conclusion, le tribunal a tenu compte du fait que les agents du
Hezbollah capturés et interrogés par le FBI avaient pu expliquer en détail le rôle joué par les
responsables du renseignement et les responsables militaires iraniens dans la fourniture des
ressources financières, des explosifs et des armes81. Au cours des audiences, le tribunal a également
entendu le témoignage de Louis Freeh, le directeur du FBI, qui a résumé les déclarations faites par
les suspects au sujet de la participation de l’Iran au complot comme suit :
«Ces interrogatoires nous ont permis d’apprendre que l’attentat avait été organisé
et soutenu par le [corps des gardiens de la révolution islamique], l’un des services
iraniens de renseignement et de sécurité, que le ministère du renseignement et de la
sécurité ainsi que de hauts agents de l’Etat avaient participé à sa planification, à son
financement, et qu’ils avaient assuré le financement, l’entraînement, les moyens de
déplacement et les autres aides nécessaires à l’organisation de l’attentat.»82
5.41 Louis Freeh a ajouté que «plusieurs témoins … [avaient] indiqué qu’ils établissaient des
comptes rendus de surveillance des tours de Khobar et les envoyaient aux responsables du corps des
gardiens de la révolution islamique pour examen»83. En outre, il a présenté la répartition des rôles
des différentes composantes de l’Etat iranien dans la planification et l’exécution de l’attentat.
«Au dire de ce témoin, le choix de la cible et l’autorisation d’exécuter l’attentat
étaient des actes décidés d’un commun accord par des membres civils du
Gouvernement, de hauts membres du Gouvernement iranien, ainsi que les dirigeants du
corps des gardiens de la révolution islamique et du ministère du renseignement et de la
sécurité.
Il s’ensuit que l’autorisation de passer à l’action et le choix des cibles étaient des
actes accomplis collectivement par les trois organes. D’après le témoin, la préparation
et l’exécution concrètes de l’attentat avaient été confiées au corps des gardiens de la
révolution islamique.»84
5.42 Par la suite, le tribunal a demandé à Louis Freeh si «l’un des six individus interrogés avait
impliqué des personnes physiques ou des entités autres que les hauts responsables iraniens, les
responsables du ministère du renseignement et de la sécurité et ceux du corps des gardiens de la
révolution islamique». L’intéressé a donné la réponse suivante : «Non, ils ne l’ont pas fait»85.
Interrogé par le tribunal sur la fiabilité des dires des suspects en cause, il a répondu que leurs
déclarations concordaient avec les aveux déjà faits devant les autorités saoudiennes et se rejoignaient.
80 Tribunal fédéral du district de Columbia, 2006, Heiser c. République islamique d’Iran, «Federal Supplement»,
série 2, vol. 466, p. 265) (annexe 41). Comme l’a relevé le tribunal, «[l]a bombe placée dans le camion a été montée dans
une base terroriste située dans la vallée de la Bekaa qu’exploitaient conjointement le CGRI et l’organisation terroriste
connue sous le nom de Hezbollah. Les personnes recrutées pour commettre l’attentat ont dit appartenir au «Hezbollah
saoudien» et ont acheminé la bombe de son lieu de montage sis dans la vallée de la Bekaa jusqu’à Dhahran (Arabie
saoudite)». Ibid., p. 252, par. 12.
81 Ibid., p. 261-262 (annexe 41).
82 Tribunal fédéral du district de Columbia, Heiser c. République islamique d’Iran, , affaire nos 00-2329 et 01-2104,
compte rendu de l’audience du 18 décembre 2003, p. 14, lignes 3-11 (annexe 42).
83 Ibid., p. 24, lignes 9-20 (annexe 42).
84 Ibid., p. 25, lignes 10-18 (annexe 42).
85 Ibid., p. 30, lignes 2-5 (annexe 42).
33
- 32 -
Il a également relevé que le FBI avait pu lui-même vérifier la véracité d’une grande partie de ces
déclarations à la lumière d’autres éléments de preuve86.
5.43 Le tribunal a également entendu la déposition du témoin expert Patrick Clawson, qui a
parlé de l’importance du soutien apporté par l’Iran aux auteurs de l’attentat perpétré contre les tours
de Khobar. En outre, il a tenu compte de la déposition faite par Bruce Tefft en l’affaire intentée par
Paul Blais, dans laquelle l’intéressé avait dit que l’attentat à la bombe n’aurait pas eu lieu sans le
soutien de l’Iran87.
iii. Autres actes visant les Etats-Unis et leurs ressortissants
5.44 Le soutien apporté par l’Iran au terrorisme et aux organisations terroristes ne se limite
pas à l’attentat à la bombe de Beyrouth et à celui perpétré contre les tours de Khobar. Il a entraîné un
grand nombre d’autres attentats qui ont tué ou blessé de nombreux ressortissants américains88.
Comme on le verra au point a) ci-dessous, l’Iran a eu recours à des alliés comme le Hezbollah pour
commettre d’autres actes de violence, notamment l’enlèvement et l’assassinat de fonctionnaires,
d’universitaires, de journalistes et d’autres citoyens américains, ainsi que des détournements d’avions
de ligne américains. En outre, comme on le verra au point b), l’Iran a facilité la planification d’un
grand nombre d’attentats dirigés contre des installations américaines, des agents américains ou le
territoire américain qui ont heureusement été déjoués par les autorités des Etats-Unis et d’autres pays.
Tous ces actes sont des éléments de preuve supplémentaires établissant que l’Iran utilise le terrorisme
comme instrument de sa politique étrangère, en particulier à l’égard des Etats-Unis.
a) Enlèvements, assassinats et détournements d’avions
5.45 Entre 1982 et 1989, le Hezbollah a enlevé avec le soutien de l’Iran plusieurs dizaines
d’étrangers, dont des fonctionnaires et d’autres ressortissants américains. Ces victimes ont été
torturées et séquestrées pendant plusieurs mois, voire plusieurs années, avant d’être libérées ou
exécutées.
5.46 Parmi les victimes américaines figurait William Buckley, le chef du bureau de la CIA à
Beyrouth. William Buckley a été enlevé le 16 mars 1984. Par la suite, ses ravisseurs ont diffusé trois
vidéos dans lesquelles il subissait des actes de torture. Les traces de piqûre qu’il portait et son
comportement attestaient qu’il avait été drogué. Les services de renseignement américains ont estimé
«qu’il était détenu les yeux bandés et avec des chaînes aux chevilles et aux poignets dans une cellule
à peine plus grande qu’un cercueil»89. Son apparence dans la dernière vidéo a été ainsi décrite :
«Buckley ressemblait pratiquement à une épave humaine. Ses propos étaient incohérents dans bien
des cas ; il bavait et, comble de l’horreur, poussait soudain des hurlements de terreur, les yeux
86 Tribunal fédéral du district de Columbia, Heiser c. République islamique d’Iran, affaire nos 00-2329 et 01-2104,
compte rendu de l’audience du 18 décembre 2003, p. 21, ligne 7, à p. 22, ligne 14 (annexe 42).
87 Heiser c. République islamique d’Iran, «Federal Supplement», série 2, vol. 466, p. 254 (annexe 41), citant Blais
c. République islamique d’Iran, «Federal Supplement», série 2, vol. 459, p. 49.
88 Voir, par exemple, Weinstein c. République islamique d’Iran, «Federal Supplement», série 2, vol. 184, p. 13
(tribunal fédéral du district de Columbia, 2002) (annexe 53) (attentat commis contre un autobus à Jérusalem) ; Stern
c. République islamique d’Iran, «Federal Supplement», série 2, vol. 271, p. 289 (tribunal fédéral du district de Columbia,
2003) (annexe 54) (attentat commis contre un marché à Jérusalem) ; Owens c. République du Soudan, «Federal
Supplement», série 2, vol. 826, p. 139 (tribunal fédéral du district de Columbia, 2011) (annexe 52) (attentats à la bombe
commis contre les ambassades américaines à Nairobi (Kenya) et Dar es-Salaam (Tanzanie)).
89 Gordon Thomas, «William Buckley: The Spy who never came in from the cold» [William Buckley : l’espion qui
n’est jamais sorti de l’isolement], Canada Free Press, 25 octobre 2006 (annexe 43).
34
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exorbités et le corps tremblant»90. Son cadavre a été retrouvé abandonné près de l’aéroport de
Beyrouth en décembre 1991, soit plus de sept ans après son enlèvement91.
5.47 Le lieutenant-colonel Richard Higgins, fusilier marin américain qui exerçait les fonctions
d’observateur militaire au sein de l’Organisme des Nations Unies chargé de la surveillance de la trêve
au Liban, a été enlevé le 17 février 1988. A la suite de son enlèvement, le Conseil de sécurité des
Nations Unies a adopté la résolution 618 (1988) appelant à sa libération immédiate92. Un an plus
tard, ses ravisseurs ont diffusé des images filmées de son cadavre, pendu par le cou, montrant qu’il
avait été cruellement battu93.
5.48 Au nombre des victimes américaines figure aussi le père Lawrence Jenco qui, alors qu’il
dirigeait les Catholic Relief Services de Beyrouth, a été enlevé le 8 janvier 1985 et n’a été libéré que
18 mois plus tard, le 26 juillet 198694. Pendant sa captivité, le père Jenco était enchaîné et battu et
avait presque constamment les yeux bandés95. Il n’avait guère ou pas du tout accès aux toilettes96. Il
subissait également des actes de torture psychologique : ses ravisseurs pointaient sur sa tête une arme
qu’il croyait chargée et appuyaient sur la détente, puis lui révélaient qu’elle ne contenait pas de balles,
ou lui faisaient croire que sa libération était imminente97. De même, Terry Anderson, un journaliste
américain, a été enlevé le 16 mars 1985 et n’a été libéré que plus de six années plus tard, le
4 décembre 199198.
5.49 Au cours des procès intentés par les victimes et leurs familles, les tribunaux ont entendu
des témoignages d’experts établissant la complicité de l’Iran dans ces enlèvements. L’ancien
ambassadeur Robert Oakley, qui avait été en poste à Beyrouth avant de devenir directeur du bureau
de la lutte contre le terrorisme du département d’Etat et conseiller principal au conseil de sécurité
national sur les questions relatives au terrorisme, a indiqué dans sa déposition que «des éléments
extrémistes haut placés au sein de l’Etat iranien dispensaient des conseils en matière de politique
opérationnelle à des terroristes en Iran, en particulier à des terroristes opérant sous la dénomination
du Jihad islamique ou du Hezbollah»99. Un ancien conseiller à la sécurité nationale des Etats-Unis
sur les affaires relatives au Moyen-Orient a aussi déclaré dans sa déposition que le Hezbollah était
«un groupe terroriste … formé au début des années 1980 sous l’égide de l’Etat iranien» et comptait
90 Gordon Thomas, «William Buckley: The Spy who never came in from the cold» [William Buckley : l’espion qui
n’est jamais sorti de l’isolement], Canada Free Press, 25 octobre 2006 (annexe 43).
91 Voir Marilyn Raschka, «Body Dumped in Beirut Identified as Buckley’s Hostage: Former senior CIA official,
kidnapped in 1984, was reported slain in 1985» [Le corps jeté à Beyrouth identifié comme étant celui de l’otage
William Buckley : l’ancien responsable de haut rang de la CIA enlevé en 1984 aurait été exécuté en 1985], L.A. Times,
28 décembre 1991 (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 51).
92 Voir Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 618 du 29 juillet 1988, doc. S/RES/618 (1988), (exceptions
préliminaires des Etats-Unis, annexe 52).
93 Voir Timothy McNulty, «FBI: Higgins Most Likely Is Hanged Man» [FBI : Le corps retrouvé pendu est très
probablement celui de Higgins], Chicago Tribune, 8 août 1989 (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 53)
94 Jenco c. République islamique d’Iran, «Federal Supplement», série 2, vol. 154, p. 31 (tribunal fédéral du district
de Columbia, 2001) (annexe 44).
95 Ibid., p. 29 (annexe 44).
96 Ibid. (annexe 44).
97 Ibid. (annexe 44).
98 Voir Chris Hedges, «The Last US Hostage Anderson Is Freed By Captors in Beirut» [Le dernier otage américain
Anderson est libéré par ses ravisseurs à Beyrouth], NY Times, 5 décembre 1991 (exceptions préliminaires des Etats-Unis,
annexe 54).
99 Jenco c. République islamique d’Iran, «Federal Supplement», série 2, vol. 154, p. 31 (annexe 44).
35
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dans son personnel des «agents iraniens». Le tribunal a résumé la déposition de Terry Anderson,
l’une des victimes, sur la participation de l’Iran comme suit100 :
«Anderson lui-même a pu déterminer leur appartenance grâce à sa grande
connaissance des factions combattantes que comptait le Liban pendant les années 1980.
Avant sa captivité, il avait vu des militaires iraniens en uniforme qui entraînaient des
nouvelles recrues du Hezbollah dans la vallée de la Bekaa [sise dans l’est du Liban]. Il
savait que les mollahs qui dirigeaient les opérations du Hezbollah avaient reçu leur
instruction religieuse en Iran. Pendant sa captivité, il a reçu une fois la visite d’un
ressortissant iranien qui lui a expressément dit être le chargé de liaison entre le
Hezbollah et l’Iran. Anderson s’est aussi rendu compte à un moment donné qu’il était
détenu dans le sous-sol d’une caserne occupée par des éléments de la garde
révolutionnaire iranienne.»101
5.50 De plus, l’ambassadeur Robert Oakley a affirmé dans sa déposition que c’était le
ministère iranien du renseignement et de la sécurité qui était à l’origine des prises d’otages effectuées
par le Hezbollah au Liban102.
5.51 Le Hezbollah est également responsable du détournement d’un avion de la Trans World
Airlines (TWA), compagnie aérienne établie aux Etats-Unis, commis en juin 1985 avec le soutien de
l’Iran. Trente-neuf passagers ont été retenus en otage pendant 17 jours. L’un des passagers,
Robert Stehem, plongeur de la marine américaine, a été assassiné103.
5.52 Le soutien apporté par l’Iran à ces actes venait du plus haut niveau de l’Etat. En 1989,
Rafsanjani, qui présidait alors le Majlis avant de devenir président de la République islamique d’Iran,
avait appelé à détourner des avions et faire exploser des usines dans les pays occidentaux :
«Maintenant, ils vont se mettre à dire que telle personne, un responsable, président du Parlement, a
officiellement appelé au terrorisme … Eh bien, qu’ils le disent … N’est-ce pas ce qu’ils disent
maintenant ?»104. Dans le même discours, Rafsanjani a appelé à assassiner des Américains et d’autres
Occidentaux, en ces termes : «Il n’est pas compliqué de tuer des Américains ou des Français. [Tuer]
des Israéliens est un peu difficile. Or on trouve de très nombreux [Américains et Français] partout
dans le monde.»105
5.53 Dans le droit fil de ces propos, un ressortissant américain du nom de Cyrus Elahi, ancien
professeur d’université et dissident du régime iranien, a été assassiné à Paris le 23 octobre 1990106.
Plusieurs personnes ayant participé à cet assassinat ont été arrêtées, interrogées, jugées et reconnues
100 Jenco c. République islamique d’Iran, «Federal Supplement», série 2, vol. 154, p. 31 (annexe 44).
101 Anderson c. République islamique d’Iran, «Federal Supplement», série 2, vol. 90, p. 112 (tribunal fédéral du
district de Columbia, 2000) (annexe 45).
102 Ibid. (annexe 45).
103 Voir département de la défense des Etats-Unis, «Terrorist Group Profiles» [Profils des groupes terroristes], 1988,
p. 17 (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 19) ; Frontline, «Target America» [L’Amérique dans le viseur],
transcription de l’émission no 2001, diffusée le 4 octobre 2001, p. 10-12 (exceptions préliminaires des Etats-Unis,
annexe 57).
104 «Majlis Speaker Urges Attacks on U.S. Citizens» [Le président du Majlis demande instamment de commettre
des attentats contre les ressortissants américains], Tehran IRNA, dans Foreign Broadcast Information Service Daily
Reports, FBIS-NES-89-086, p. 45-46, 5 mai 1989 (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 77).
105 Ibid. (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 77).
106 Tribunal fédéral du district de Columbia, 2000, Elahi c. République islamique d’Iran, «Federal Supplement»,
série 2, vol. 124, p. 99 (annexe 46).
36
- 35 -
coupables par la justice pénale en France. Au cours du procès pénal tenu en France, «[d]es personnes
impliquées dans l’assassinat de Cyrus Elahi ont confirmé sous serment aux autorités françaises que
[le ministre iranien du renseignement et de la sécurité l’ayatollah] Fallahian y avait participé en
donnant l’ordre de tuer les dissidents iraniens à Paris»107. Il a également été établi lors de ce procès
que l’assassinat de Cyrus Elahi avait été «organisé et exécuté par des représentants de l’Etat
iranien»108. Au nombre des témoins figuraient des membres de l’association de malfaiteurs
responsable de l’assassinat et un transfuge iranien de haut rang qui avaient été placés en détention
par les autorités allemandes109. Deux ressortissants iraniens ont finalement été jugés par la cour
d’assises de Paris et, en septembre 1996, ont été reconnus coupables de participation à une
association de malfaiteurs en vue de commettre des actes de terrorisme, notamment l’assassinat de
Cyrus Elahi110. Les juridictions supérieures françaises ont confirmé par la suite les déclarations de
culpabilité prononcées contre eux, ainsi que les conclusions tirées des éléments de preuve selon
lesquelles les défendeurs avaient eu des rencontres avec «les membres des services de renseignement
iraniens»111. Sur la base de ces éléments et d’autres, le tribunal américain a dit et jugé, dans le droit
fil du verdict de la justice française, que «l’assassinat de Cyrus Elahi a[vait] été perpétré par des
agents du ministère du renseignement et de la sécurité agissant sous les directives de la République
islamique d’Iran et en exécution de ses politiques112.
b) Attentats déjoués
5.54 Outre les attentats que ses alliés et lui ont réussi à commettre, l’Iran a apporté son soutien
à un certain nombre de projets d’attentat visant des agents américains et des institutions américaines
qui ont été contrecarrés par les autorités des Etats-Unis ou d’autres pays. Certes, ces opérations
déjouées n’ont pas causé autant de souffrances ni de morts que les attentats relatés dans la section
précédente, mais ils témoignent aussi irréfutablement de l’attachement continu de l’Iran au terrorisme
en tant qu’instrument de sa politique étrangère.
5.55 Par exemple, en 1997, la Cour suprême d’Azerbaïdjan a déclaré un groupe de
ressortissants azerbaïdjanais coupable d’avoir notamment coopéré avec des responsables iraniens «à
l’élaboration de programmes de sabotage d’institutions américaines et israéliennes en Azerbaïdjan»
et à un projet de renversement du Gouvernement azerbaïdjanais113. La Cour a relaté un plan détaillé
dans le cadre duquel les défendeurs avaient recueilli entre environ 1994 et 1996, en exécution
d’accords conclus avec des responsables iraniens de haut rang, des éléments d’information à
communiquer à l’Iran, notamment ceux concernant des lieux stratégiquement importants tels que les
schémas et plans d’aéroports et les effectifs de prisonniers dans les centres de détention114.
«Après examen de tous les éléments de preuve versés au dossier en l’espèce, le
collège de juges a conclu que les [défendeurs], ressortissants de la République
107 Tribunal fédéral du district de Columbia, 2000, Elahi c. République islamique d’Iran, «Federal Supplement»,
série 2, vol. 124, p. 101 (annexe 46).
108 Ibid., p. 105 (annexe 46) ; chambre criminelle de la Cour de cassation, arrêt (de rejet) du 9 juillet 1998,
no 97-83.612 (annexe 47).
109 Ibid., p. 105 (annexe 46).
110 Ibid. (annexe 46).
111 Chambre criminelle de la Cour de cassation, arrêt (de rejet) du 9 juillet 1998, no 97-83.612 (annexe 47) ; voir
également Elahi c. République islamique d’Iran, «Federal Supplement», série 2, vol. 124, p. 105 (annexe 46).
112 Tribunal fédéral du district de Columbia, 2000, Elahi c. République islamique d’Iran, «Federal Supplement»,
série 2, vol. 124, p. 107-108 (annexe 46).
113 Arrêt de la Cour suprême d’Azerbaïdjan en l’affaire no 63, 14 avril 1997, p. 2 (exceptions préliminaires des
Etats-Unis, annexe 69).
114 Ibid., p. 7 (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 69).
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- 36 -
d’Azerbaïdjan, s’étaient préalablement entendus avec des membres des services
spéciaux de la République islamique d’Iran en vue de mener avec eux des activités
délictueuses.»115
5.56 En 2012, les autorités kényanes ont arrêté et déclaré coupables deux ressortissants
iraniens identifiés comme membres de la force Al-Qods du corps des gardiens de la révolution
islamique à raison d’un stock d’explosifs qui devait, selon les présomptions, être utilisé pour
commettre des attentats terroristes contre des cibles américaines, saoudiennes et britanniques au
Kenya, ainsi que contre l’ambassadeur d’Israël au Kenya116. Récemment, en mars 2019, l’Iran a
rappelé son ambassadeur lorsque la Cour suprême du Kenya a annulé une décision rendue par une
cour d’appel dans cette affaire et confirmé les déclarations de culpabilité prononcées contre les deux
Iraniens117. L’Iran s’emploie également à mettre en place un réseau de cellules terroristes en Afrique
pour attaquer des cibles américaines et d’autres cibles occidentales. Selon les informations
disponibles, ce nouveau réseau terroriste est établi sur ordre de Qassem Suleimani, le chef de la force
Al-Qods118.
5.57 Des projets d’attentat terroriste qui devaient être exécutés sur le sol américain avec le
soutien de l’Iran ont également été déjoués. Par exemple, en 2011 et 2012, les Etats-Unis ont déclaré
quatre personnes coupables d’actes de terrorisme à raison de leur participation à un complot lié à
l’Iran, fomenté en 2007, qui visait à commettre un attentat terroriste à l’aéroport international John
F. Kennedy à New York en faisant exploser des réservoirs de kérosène et une canalisation
d’approvisionnement en kérosène situés en-dessous de l’aéroport119. Ces personnes ont été arrêtées
lorsqu’elles se rendaient en Iran pour y rencontrer des contacts, parmi lesquels Mohsen Rabbani, un
ancien représentant de l’Etat iranien également mis en examen pour le rôle qu’il avait joué dans
l’attentat perpétré contre l’AMIA en 1994, qui a été évoqué plus haut dans la section A120.
115 Arrêt de la Cour suprême d’Azerbaïdjan en l’affaire no 63, 14 avril 1997, p. 18 (exceptions préliminaires des
Etats-Unis, annexe 69). L’Iran a de nouveau tenté de frapper des installations américaines en Azerbaïdjan en 2012. A
l’époque, le ministère azerbaïdjanais de la sécurité nationale a annoncé l’arrestation de 22 personnes soupçonnées d’avoir
préparé des attentats contre l’ambassade des Etats-Unis à Bakou pour le compte de l’Iran. «Azerbaijan arrests 22 alleged
Iran backed attack plotters» [L’Azerbaïdjan arrête 22 personnes qui auraient préparé des attentats avec le soutien de l’Iran»],
Al Arabiya News, 14 mars 2012 (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 72).
116 «In Kenya, two Iranians get life in prison for plotting attacks» [Au Kenya, deux Iraniens condamnés à la
réclusion criminelle à perpétuité pour préparation d’attentats»], L.A. Times, 6 mai 2013 (exceptions préliminaires des
Etats-Unis, annexe 43) ; Cyrus Ombati, «Iranians’ 30-bomb plot in Kenya» [Complot fomenté par des Iraniens en vue de
commettre 30 attentats à la bombe au Kenya], The Standard, 4 juillet 2012 (exceptions préliminaires des Etats-Unis,
annexe 44) ; «Iranians planned to assassinate Israeli ambassador» [Des Iraniens projetaient d’assassiner l’ambassadeur
d’Israël], YNet, 17 août 2012 (annexe 48).
117 «Supreme Court overturns decision to free two Iranian terror suspects» [La Cour suprême annule une décision
ordonnant la libération de deux Iraniens soupçonnés de terrorisme], Capital News, 15 mars 2019 (annexe 49) ; «Iran recalls
ambassador to Kenya over court case involving two Iranians» [L’Iran rappelle son ambassadeur au Kenya à raison du
procès de deux Iraniens], Reuters, 17 mars 2019 (annexe 50).
118 «Tehran sets up terror cells in Africa as Western sanctions bite» [Téhéran établit des cellules terroristes en
Afrique pendant que les sanctions occidentales font sentir leurs effets], The Telegraph, 24 juin 2019 (annexe 51).
119 Communiqué de presse du FBI, «Russell Defreitas Sentenced to Life in Prison for Conspiring to Commit
Terrorist Attack at JFK Airport» [Russell Defreitas condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour entente en vue de
commettre un attentat terroriste contre l’aéroport JFK], 17 février 2011 (exceptions préliminaires des Etats-Unis,
annexe 45) ; voir le communiqué de presse du FBI intitulé «Kareem Ibrahim Sentenced to Life in Prison for Conspiring to
Commit Terrorist Attack at JFK Airport» [Kareem Ibrahim condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour entente
en vue de commettre un attentat terroriste contre l’aéroport JFK], 13 janvier 2012 (exceptions préliminaires des Etats-Unis,
annexe 46).
120 Communiqué de presse du FBI, «Kareem Ibrahim Sentenced to Life in Prison for Conspiring to Commit
Terrorist Attack at JFK Airport» [Kareem Ibrahim condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour entente en vue de
commettre un attentat terroriste contre l’aéroport JFK], 13 janvier 2012 (exceptions préliminaires des Etats-Unis,
annexe 46).
38
- 37 -
5.58 En 2011 également, des responsables de l’armée iranienne, dont certains appartenaient à
la force Al-Qods du corps des gardiens de la révolution islamique, ont été impliqués dans une
association de malfaiteurs en vue d’assassiner l’ambassadeur d’Arabie saoudite aux Etats-Unis. En
2012, un binational irano-américain, Manssor Arbabsiar, a plaidé coupable de participation à ce
complot. Dans l’accord de reconnaissance de culpabilité qu’il a signé, l’intéressé a reconnu les faits
suivants :
«Du printemps à l’automne 2011, Manssor Arbabsiar et les autres membres de
l’association de malfaiteurs, qui étaient des responsables de l’armée iranienne en poste
en Iran (les «autres membres de l’association de malfaiteurs»), se sont entendus pour
organiser l’assassinat de l’ambassadeur d’Arabie saoudite aux Etats-Unis
(«l’ambassadeur») pendant que ce dernier se trouvait sur le territoire des Etats-Unis.
Agissant sous les directives des autres membres de l’association de malfaiteurs
et en application de cette entente, Arbabsiar s’est rendu au Mexique à plusieurs reprises,
partant de l’Iran dans certains cas, afin d’organiser l’assassinat de l’ambassadeur. Ces
voyages ont eu lieu en mai, juin, juillet et septembre 2011. Au Mexique, Arbabsiar a eu
une rencontre avec une personne («l’individu») qui a dit être représentant d’un cartel de
narcotrafiquants sophistiqué et violent en mesure de se procurer des armes de type
militaire. Avec l’approbation des autres membres de l’association de malfaiteurs,
Arbabsiar a organisé le recrutement de l’individu et de ses acolytes pour assassiner
l’ambassadeur pendant que ce dernier se trouvait aux Etats-Unis. Arbabsiar a convenu
de verser 1,5 million de dollars à l’individu.»121
5.59 Arbabsiar a également reconnu «avoir discuté avec l’individu d’un plan qui devait
permettre à l’individu et à ses acolytes de se rendre à Washington pour assassiner l’ambassadeur dans
un restaurant. Le plan avait ensuite été approuvé par les autres membres de l’association de
malfaiteurs.»122
5.60 Arbabsiar avait ensuite
«organisé le virement de 100 000 dollars en deux versements au profit de l’individu sur
un compte bancaire américain, à titre d’acompte pour l’assassinat de l’ambassadeur. Les
autres membres de l’association de malfaiteurs ont approuvé ce paiement, effectué par
virement électronique sur un compte bancaire américain via Manhattan (New York).»123
5.61 En outre, Arbabsiar «avait eu plusieurs rencontres en Iran avec Gholam Sharkuri, … lui
aussi membre de l’association de malfaiteurs et membre de la force Al-Qods en poste en Iran, ainsi
qu’avec un autre haut responsable de la force Al-Qods». D’après Arbabsiar, «le plan consistait à faire
121 Lettre datée du 1[6] octobre 2012 adressée à Sabrina Shroff par Preet Bharara, procureur près le tribunal fédéral
du district sud de l’Etat de New York, au sujet de l’accord de reconnaissance de culpabilité conclu par Manssor Arbabsiar
en l’affaire Etats-Unis c. Manssor Arbabsiar, no S1 11 Cr 897 (JFK), p. 7 (exceptions préliminaires des Etats-Unis,
annexe 62).
122 Ibid. (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 62).
123 Ibid. (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 62) ; voir également le communiqué de presse du
département de la justice des Etats-Unis intitulé «Man Pleads Guilty in New York to Conspiring with Iranian Military
Officials to Assassinate Saudi Arabian Ambassador to the United States» [«A New York, un homme plaide coupable
d’entente avec les responsables militaires iraniens en vue d’assassiner l’ambassadeur d’Arabie saoudite aux Etats-Unis],
17 octobre 2012 (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 61).
39
40
- 38 -
sauter un restaurant sis aux Etats-Unis que fréquentait l’ambassadeur et à tuer de nombreux
passants». Le plan avait été approuvé par ces responsables iraniens124.
5.62 Après son arrestation, Arbabsiar a passé des appels téléphoniques sur écoute à
Gholam Sharuri en Iran sur instructions des autorités policières.
«Dans ces conversations, Sharkuri a réaffirmé qu’Arbabsiar devait poursuivre
l’exécution du complot visant à assassiner l’ambassadeur et qu’il devait agir le plus
rapidement possible, et a déclaré le 5 octobre 2011 : «Fais-le rapidement, il se fait
tard…». Sharkuri a également indiqué à Arbabsiar qu’il consulterait ses supérieurs pour
savoir s’ils acceptaient de verser à CS-1 des fonds supplémentaires. Sharkuri, qui a aussi
été mis en examen pour sa participation au complot, demeure en liberté.»125
5.63 Par la suite, le Conseil de la Ligue des Etats arabes a «condamné et stigmatisé la tentative
iranienne criminelle»126 et le ministre des affaires étrangères du Royaume-Uni a fait observer que
«[c]e projet d’assassinat marqu[ait] une escalade dans le soutien apporté par l’Iran au terrorisme hors
de ses frontières»127. L’Union européenne a imposé des sanctions à cinq personnes, dont le chef de
la force Al-Qods du corps des gardiens de la révolution islamique128. En outre, l’Assemblée générale
de l’Organisation des Nations Unies a adopté une résolution appelant l’Iran à «respecter toutes les
obligations que lui impose le droit international, notamment la convention sur la prévention et la
répression des infractions contre les personnes jouissant d’une protection internationale, y compris
les agents diplomatiques»129.
* *
5.64 Comme le montrent clairement les faits présentés en détail ci-dessus, c’est depuis des
décennies que l’Iran s’en prend aux Etats-Unis et à leurs ressortissants. L’Iran a pris pour cible les
forces militaires américaines au Liban, en Arabie saoudite et dans d’autres pays. Il a participé à des
ententes visant à faciliter la commission d’attentats contre des institutions américaines partout dans
124 Communiqué de presse du département de la justice des Etats-Unis, «Manssor Arbabsiar Sentenced in
New York City Federal Court to 25 Years in Prison for Conspiring with Iranian Military Officials to Assassinate the Saudi
Arabian Ambassador to the United States» [Manssor Arbabsiar condamné à 25 ans de réclusion criminelle par un tribunal
fédéral de l’Etat de New York pour entente avec les responsables militaires iraniens en vue d’assassiner l’ambassadeur
d’Arabie saoudite aux Etats-Unis], 30 mai 2013 (annexe 222).
125 Ibid. (annexe 222).
126 Lettres identiques datées du 14 octobre 2011 adressées au Secrétaire général et au président du Conseil de
sécurité par le représentant permanent du Qatar auprès de l’Organisation des Nations Unies, communiqué publié par le
Conseil de la Ligue des Etats arabes, doc. S/2011/640, 17 octobre 2011 (exceptions préliminaires des Etats-Unis,
annexe 63).
127 Communiqué du ministère britannique des affaires étrangères et du Commonwealth, «Foreign Secretary
welcomes EU sanctions following assassination plot in the US» [Le ministre des affaires étrangères se félicite des sanctions
prises par l’Union européenne à la suite du complot visant à commettre un assassinat aux Etats-Unis], 21 octobre 2011
(exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 64) ; Voir également les documents suivants : lettre datée du 14 octobre
2011 adressée au Secrétaire général par le représentant permanent de l’Arabie saoudite auprès de l’Organisation des
Nations Unies, doc. A/66/553, 14 novembre 2011 (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 65) ; lettres identiques
datées du 12 octobre 2011 adressées au président de l’Assemblée générale et au président du Conseil de sécurité par le
Secrétaire général, doc. A/66/517-S/2011/649, 19 octobre 2011 (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 66).
128 EU-U.S. Summit joint statement, Memo/11/842, 28 novembre 2011 (exceptions préliminaires des Etats-Unis,
annexe 67).
129 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 66/12 du 18 novembre 2011, doc. A/RES/66/12, par. 5,
(exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 68).
41
- 39 -
le monde et continue à ce jour d’apporter son soutien à des attentats terroristes dirigés contre les
Etats-Unis.
5.65 Comme on le verra au chapitre 6 ci-après, en réaction au comportement de l’Iran, les
Etats-Unis ont pris un certain nombre de mesures pour permettre aux personnes qui se déclarent
victimes de ce comportement d’engager des poursuites judiciaires contre l’Iran, entre autres, afin que
leurs prétentions puissent être vérifiées et, si elles sont retenues, qu’elles puissent ouvrir droit à
réparation. Comme on le verra aux chapitres 8 et 18 ci-après, c’est en raison du lien direct entre les
prétentions de l’Iran et son comportement à l’égard des Etats-Unis et de leurs ressortissants que les
Etats-Unis font valoir que l’Iran se présente devant la Cour avec les mains sales ou, à titre subsidiaire,
que ses prétentions constituent un abus de droit qui lui interdit de demander réparation.
- 40 -
CHAPITRE 6
LES MESURES PRISES PAR LES ETATS-UNIS RÉSULTENT DU SOUTIEN
APPORTÉ PAR L’IRAN AU TERRORISME ET À D’AUTRES ACTES
MENAÇANT LA SÉCURITÉ NATIONALE DES ETATS-UNIS
6.1 Au fil des années, les Etats-Unis ont pris une série d’initiatives modérées visant à contrer
et à empêcher le soutien apporté par l’Iran au terrorisme et aux autres comportements menaçant la
sécurité nationale des Etats-Unis qui ont été exposés plus haut (notamment en matière de
non-prolifération nucléaire, de missiles balistiques et de commerce des armes). Ils ont pris ces
mesures dans un esprit de prudence et de paix, en recourant aux mêmes moyens que ceux qu’ils
emploient pour contrer et empêcher le même type de comportement manifesté par d’autres acteurs
étatiques.
6.2 Nombre des mesures américaines en cause en l’espèce ont pour but de permettre aux
victimes américaines d’actes de terrorisme commis avec le soutien de l’Iran d’engager des poursuites
contre ce pays et ses entités et d’exécuter sur leurs biens les décisions de justice qui en résultent afin
d’obtenir réparation des préjudices qu’elles ont subis. L’Organisation des Nations Unies reconnaît
qu’il importe de garantir l’accès des victimes du terrorisme à la justice et aux mécanismes de
réparation prévus dans le droit interne applicable130. Dans le droit fil de l’ordonnancement juridique
américain qui accorde normalement aux parties lésées la possibilité d’intenter des actions en
responsabilité civile contre les auteurs des préjudices qu’elles ont subis pour en obtenir réparation,
les Etats-Unis ont mis en place des mesures pour permettre aux victimes d’actes de terrorisme
d’intenter des actions civiles contre les auteurs et les commanditaires de ces actes. Comme on le
verra ci-après, les mesures américaines en cause en l’espèce constituent des initiatives raisonnables
prises par le Gouvernement américain pour faire en sorte que les victimes d’actes de terrorisme ne
rencontrent pas d’obstacles excessifs dans leurs efforts pour obtenir justice et réparation contre les
auteurs d’actes de terrorisme et leurs commanditaires étatiques.
SECTION A
QUALIFICATION D’ETAT SOUTENANT LE TERRORISME ATTRIBUÉE À L’IRAN
ET QUALIFICATION DES INSTITUTIONS FINANCIÈRES IRANIENNES
EN VERTU DU DÉCRET PRÉSIDENTIEL NO 13599
6.3 Depuis 1979, des dispositions du droit américain autorisent le secrétaire d’Etat à
déterminer que «le gouvernement [d’un] pays a, de manière répétée, apporté son soutien à des actes
130 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 73/305 du 2 juillet 2019, doc. A/RES/73/305, p. 4, par. 13,
(annexe 56) («[d]emand[ant] aux Etats Membres de respecter, conformément au droit interne, la dignité et les droits légaux
des victimes du terrorisme … et l’accès à la justice») ; voir également la 127e session du Comité des ministres du Conseil
de l’Europe (Nicosie, 19 mai 2017) — «Lignes directrices révisées sur la protection des victimes d’actes de terrorisme»,
sections VII et VIII (annexe 57)
«VII. Accès effectif au droit et à la justice. Les Etats doivent garantir l’accès effectif au droit et à
la justice des victimes en leur assurant le droit d’accès à des tribunaux compétents pour pouvoir intenter
une action civile pour faire valoir leurs droits, y compris l’assistance juridique et les services
d’interprétation nécessaires.
VIII. Indemnisation. 1) Les victimes devraient recevoir une indemnisation juste, appropriée et en
temps opportun pour les dommages dont elles ont souffert. Lorsque l’indemnisation ne peut être assurée
par d’autres sources, notamment par la confiscation des biens appartenant aux auteurs, organisateurs et
commanditaires d’actes de terrorisme, l’Etat sur le territoire duquel l’acte de terrorisme a eu lieu devrait
contribuer à l’indemnisation des victimes pour les atteintes directes à leur intégrité physique ou psychique,
quelle que soit leur nationalité.»
42
- 41 -
de terrorisme international»131. Une telle détermination a pour conséquence l’attribution de la
qualification d’«Etat soutenant le terrorisme» à l’Etat étranger concerné. Pour déterminer si un
gouvernement étranger a, de manière répétée, apporté son soutien à des actes de terrorisme
international, le Gouvernement américain s’appuie sur un certain nombre de sources, parmi
lesquelles d’autres dispositions du droit américain. Par exemple, dans le cadre de certains rapports
sur le terrorisme que le département d’Etat établit chaque année, le «terrorisme international» se
définit comme le «terrorisme impliquant des ressortissants ou les territoires de deux ou plusieurs
pays»132. Le terme «terrorisme», quant à lui, s’entend des «actes de violence prémédités à motivation
politique perpétrés contre des cibles non combattantes par des groupes infranationaux ou des agents
clandestins»133. Conformément au droit applicable, plusieurs Etats ont reçu la qualification d’Etats
soutenant le terrorisme. Actuellement, outre l’Iran, cette qualification s’applique à la Syrie, au
Soudan et à la République populaire démocratique de Corée134.
6.4 L’attribution de la qualification d’Etat soutenant le terrorisme à un Etat étranger en
application des dispositions du droit américain ne se fait qu’après délibération scrupuleuse au sein
du Gouvernement américain. Les décisions de qualification doivent être publiées dans le recueil
intitulé «Federal Register»135. Des informations à jour sur les activités des Etats soutenant le
terrorisme sont insérées dans une publication annuelle intitulée «Country Reports on Terrorism»
[rapports annuels sur les pays en matière de terrorisme] qui est prescrite par la loi et produite par le
département d’Etat136. Le droit américain impose une série de sanctions et de restrictions aux Etats
ayant reçu la qualification d’Etat soutenant le terrorisme, notamment des restrictions sur l’aide
extérieure américaine, l’interdiction d’exporter et de vendre du matériel de défense, et certains
contrôles sur les exportations de biens à double usage137. Concernant la présente espèce, il est à noter
que la loi sur l’immunité des Etats étrangers [Foreign Sovereign Immunities Act] (ci-après, la
«FSIA») autorise des parties spécifiées à engager des poursuites civiles devant des juridictions
américaines contre un Etat soutenant le terrorisme à raison d’un préjudice corporel ou d’un décès
«attribuable à des actes de torture, à une exécution extrajudiciaire, au sabotage d’un
aéronef ou à une prise d’otages, ou de la fourniture d’un appui matériel ou financier en
vue de la commission d’un tel acte, dès lors que l’acte ou l’appui en question est le fait
131 Paragraphe a) de l’article 620A de la loi de 1961 sur l’aide étrangère [Foreign Assistance Act of 1961], telle que
modifiée (loi d’intérêt public no 87-195 ; titre 22 du code des Etats-Unis, paragraphe a) de l’article 2371) (annexe 58) ;
paragraphe d) de l’article 40 de la loi sur le contrôle des exportations d’armes [Arms Export Control Act], telle que modifiée
(loi d’intérêt public no 90-629 ; titre 22 du code des Etats-Unis, paragraphe d) de l’article 2780) (annexe 59) ; alinéa 1) du
paragraphe c) de l’article 1754 de la loi de 2018 sur le contrôle des exportations [Exports Control Act] (titre XVII de la loi
John S. McCain sur le budget de la défense nationale pour l’exercice 2019 [John S. McCain National Defense
Authorization Act for Fiscal Year 2019] (loi d’intérêt public no 115-232 ; titre 50 du code des Etats-Unis, alinéa 1) du
paragraphe c) de l’article 4813) (annexe 60).
132 Rapports annuels sur les pays en matière de terrorisme, titre 22 du code des Etats-Unis, alinéa 1) du
paragraphe d)
de l’article 2656f, 2017 (annexe 61).
133 Ibid., alinéa 2) du paragraphe d) de l’article 2656f, 2017 (annexe 61).
134 Voir rapports annuels du département d’Etat sur les pays en matière de terrorisme [Country Reports on
Terrorism], 2017, p. 217-220 (annexe 62).
135 Titre 22 du code des Etats-Unis, paragraphe b) de l’article 2371 (annexe 58) ; titre 22 du code des Etats-Unis,
paragraphe e) de l’article 2780 (annexe 59) ; titre 50 du code des Etats-Unis, alinéa 3) du paragraphe c) de l’article 4813
(annexe 60).
136 Titre 22 du code des Etats-Unis, art. 2656f (annexe 61).
137 Voir département d’Etat américain, rapports annuels sur les pays en matière de terrorisme [Country Reports on
Terrorism], 2017, p. 217 (annexe 62).
43
- 42 -
d’un fonctionnaire, d’un employé ou d’un agent de cet Etat étranger agissant dans
l’exercice de ses fonctions, de son emploi ou de son mandat»138.
6.5 Les conséquences de la qualification d’Etat soutenant le terrorisme sont, à juste titre,
importantes, mais si l’Etat étranger cesse de soutenir le terrorisme international, les Etats-Unis ont la
possibilité d’en tenir compte. Le droit américain prévoit deux voies possibles pour révoquer la
qualification. Dans la première option, le président des Etats-Unis soumet au Congrès, avant que la
révocation envisagée ne puisse prendre effet, un rapport attestant 1) qu’il s’est produit un changement
fondamental dans l’équipe dirigeante et les politiques du gouvernement du pays concerné ; 2) que le
gouvernement ne soutient pas d’actes de terrorisme international ; et 3) que le gouvernement a donné
l’assurance qu’il ne soutiendrait pas d’actes de terrorisme international à l’avenir139. Dans la seconde
option, le président soumet au Congrès, au moins 45 jours avant la date d’entrée en vigueur de la
révocation envisagée, un rapport justifiant celle-ci et attestant 1) que le gouvernement concerné n’a
apporté de soutien à aucun acte de terrorisme international depuis six mois ; et 2) que le
gouvernement concerné a donné l’assurance qu’il ne soutiendrait pas d’actes de terrorisme
international à l’avenir140. Les Etats-Unis ont eu recours à ces mécanismes pour révoquer la
qualification attribuée à d’autres Etats soutenant le terrorisme lorsqu’ils ont déterminé que les
conditions de révocation prévues par la loi, notamment la cessation du soutien à des actes de
terrorisme international, étaient réunies141. En outre, lorsque l’Etat étranger cesse de soutenir des
actes de terrorisme international, les Etats-Unis ont recours à différents mécanismes pour donner
suite aux demandes en souffrance formées contre lui142.
6.6 En janvier 1984, après l’attentat à la bombe perpétré contre le casernement des fusiliers
marins à Beyrouth, le secrétaire d’Etat George Schultz a déterminé que «l’Iran [était] un pays qui
a[vait], de manière répétée, apporté un soutien à des actes de terrorisme international»143. Depuis
lors, l’Iran est demeuré sur la liste des Etats soutenant le terrorisme pour avoir poursuivi ses activités
liées au terrorisme qui ont été présentées en détail plus haut. Chaque année, les rapports annuels sur
138 Titre 22 du code des Etats-Unis, alinéa 1) du paragraphe a) de l’article 1605A (MI, annexe 15).
«Les tribunaux peuvent connaître de demandes en vertu de cet article si l’Etat étranger concerné
était qualifié d’Etat soutenant le terrorisme à la date à laquelle l’acte visé a été commis, ou s’il a reçu cette
qualification à raison dudit acte, et s’il était encore qualifié d’Etat soutenant le terrorisme à la date à laquelle
la demande a été introduite ou s’il a reçu cette qualification au cours des six mois qui ont précédé
l’introduction de ladite demande.» Ibid., alinéa 2) du paragraphe a) de l’article1605A.
139 Titre 50 du code des Etats-Unis, alinéa 4) A) du paragraphe c) de l’article 4813 (annexe 60).
140 Titre 50 du code des Etats-Unis, alinéa 4) B) du paragraphe c) de l’article 4813 (annexe 60).
141 Par exemple, la qualification attribuée à Cuba a été annulée en 2015 («Rescission of Determination Regarding
Cuba» [annulation de la détermination relative à Cuba], «Federal Register», vol. 80, 4 juin 2015, p. 31945) (annexe 63) ;
la qualification attribuée à la Libye a été annulée en 2006 («Rescission of Determination Regarding Libya» [annulation de
la détermination relative à la Libye], «Federal Register», vol. 71, 13 juillet 2006), p. 39696) (annexe 64) ; la qualification
attribuée à l’Iraq a été annulée en 2004 («Rescission of Determination Regarding Iraq» [annulation de la détermination
relative à l’Iraq], «Federal Register», vol. 69, p. 61702, 20 octobre 2004) (annexe 65).
142 Voir la loi sur le règlement des créances détenues sur la Libye [Libyan Claims Resolution Act] (loi d’intérêt
public no 110-301) (annexe 66) et le décret présidentiel no 13477, «Federal Register», vol. 73, p. 65965, 31 octobre 2008
(annexe 67) (relevant que le règlement global des créances détenues par les ressortissants américains sur la Libye pour
faits de terrorisme est un des éléments du processus de rétablissement des relations normales entre la Libye et les
Etats-Unis) ; «Determination of the President of the United States» [détermination du président des Etats-Unis] no 2008-09,
28 janvier 2008 (annexe 68) (déterminant que l’Iraq est un partenaire dans la lutte contre le terrorisme international).
143 Determination Pursuant to Section 6(i) of the Export Administration Act of 1979 — Iran [Détermination en
application du paragraphe i) de l’article 6 de la loi de 1979 sur la gestion des exportations — Iran], «Federal Register»,
vol. 49, 23 janvier 1984, p. 2836 (MI, annexe 21) (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 127). La loi de 1979
sur la gestion des exportations [Export Administration Act of 1979] a été abrogée par la loi de 2018 sur le contrôle des
exportations. L’article 1768 de la loi de 2018 sur le contrôle des exportations reconduit toutes les décisions portant
attribution de la qualification d’Etat soutenant le terrorisme qui ont été adoptées en vertu de la loi de 1979 sur la gestion
des exportations, dont celle concernant l’Iran.
44
- 43 -
les pays en matière de terrorisme rendent compte en détail du soutien que l’Iran apporte en
permanence au terrorisme international. Par exemple, les rapports de 2017 relèvent que l’Iran :
«a continué à mener des activités terroristes en 2017, notamment en soutenant le
Hezbollah libanais (HL), les groupes terroristes palestiniens à Gaza et différents groupes
en Syrie, en Iraq et dans tout le Moyen-Orient. L’Iran a utilisé la force Al-Qods du corps
des gardiens de la révolution islamique (FQ-CGRI) pour appuyer des organisations
terroristes, assurer une couverture aux opérations clandestines et déstabiliser le
Moyen-Orient. L’Iran a reconnu que la FQ-CGRI était impliquée dans les conflits qui
secou[ai]ent l’Iraq et la Syrie et que cette force [était] le principal instrument qui lui
ser[vait] à entretenir et aider les terroristes à l’étranger.»144
L’Iran reste par conséquent un Etat qualifié d’Etat soutenant le terrorisme.
6.7 Les Etats-Unis ont pris des mesures pour lutter contre le financement d’actes de terrorisme,
dont certaines visant à contrer le financement du terrorisme par l’Iran et d’autres Etats. En 1977, le
Congrès des Etats-Unis a adopté la loi sur les pouvoirs économiques en cas d’urgence internationale
[International Emergency Economic Powers Act], qui autorise le président à prendre des mesures
étendues contre les actifs financiers et les transactions financières d’individus et d’entités considérés
comme représentant une «menace inhabituelle et extraordinaire» pour la sécurité nationale des
Etats-Unis145. Les Etats-Unis s’appuient sur cette disposition de leur droit pour imposer des sanctions
financières aux étrangers qui soutiennent ces terroristes étrangers ou entretiennent de toute autre
manière des liens avec eux146.
6.8 En ce qui concerne l’Iran, le département du trésor des Etats-Unis a déterminé en 2011
qu’il était un pays présentant une situation particulièrement préoccupante du point de vue du
blanchiment de capitaux, sur la foi «d’un ensemble de plus en plus fourni d’informations publiques
qui faisaient état du comportement illicite et trompeur [de banques iraniennes] visant à faciliter
l’appui apporté par l’Etat iranien au terrorisme et ses efforts pour se doter de capacités en matière
nucléaire et de missiles balistiques»147. Face à ces préoccupations et «en particulier à la lumière des
pratiques trompeuses déployées par la banque centrale iranienne et d’autres banques iraniennes pour
dissimuler les transactions de parties visées par les sanctions», le président Obama a pris en 2012 le
décret présidentiel no 13599 bloquant tous les biens et toutes les participations dans des biens de
l’Etat iranien, notamment ceux de la banque centrale iranienne et des institutions financières
iraniennes, dans les cas où ces actifs relevaient de la juridiction des Etats-Unis148. Ainsi, préoccupés
par le fait que les institutions financières iraniennes, dont la banque Markazi, se livraient à des
manoeuvres trompeuses pour faciliter le soutien apporté au terrorisme par l’Iran et d’autres actes
menaçant la sécurité nationale des Etats-Unis, ces derniers ont bloqué les actifs de ces institutions
financières relevant de la juridiction américaine.
144 Département d’Etat américain, «Country Reports on Terrorism» [rapports annuels sur les pays en matière de
terrorisme], 2017, p. 218 (annexe 62).
145 Titre 50 du code des Etats-Unis, articles 1701 et 1702 (annexe 70).
146 Décret présidentiel no 13224, «Federal Register», vol. 66, 23 septembre 2001, p. 49077 (exceptions
préliminaires des Etats-Unis, annexe 134).
147 «Finding that the Islamic Republic of Iran is a Jurisdiction of Primary Money Laundering Concern» [Décision
portant constatation du fait que la République islamique d’Iran est un pays présentant une situation particulièrement
préoccupante du point de vue du blanchiment de capitaux], «Federal Register», vol. 76, 18 novembre 2011, p. 72756-72757
(exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 152). Voir les exceptions préliminaires des Etats-Unis, par. 4.11.
148 Décret présidentiel no 13599, «Federal Register», vol. 77, p. 6659 (5 février 2012) (MI, annexe 22). Pour une
étude plus approfondie du décret présidentiel no 13599, voir le chapitre 11 ci-après.
45
- 44 -
SECTION B
INITIATIVES VISANT À ASSURER RÉPARATION AUX VICTIMES D’ACTES DE TERRORISME
6.9 Du fait que les victimes d’actes de terrorisme ayant fait des morts ou des blessés avaient
particulièrement du mal à se faire indemniser par les Etats qui avaient apporté leur soutien à ces actes,
les Etats-Unis ont adopté des lois visant à faciliter les poursuites judiciaires contre les Etats soutenant
le terrorisme et l’exécution des décisions de justice civiles résultant de ces poursuites149. Ces mesures
ne s’appliquent d’ordinaire pas uniquement à l’Iran, mais elles sont particulièrement appropriées
dans son cas, compte tenu du soutien qu’il apporte aux actes de terrorisme dirigés contre les
ressortissants et les intérêts des Etats-Unis, de son refus d’indemniser les victimes et des efforts qu’il
déploie pour faire obstacle à l’exécution de décisions de justice régulières qui retiennent sa
responsabilité à raison de son soutien aux actes de terrorisme.
6.10 Le Congrès des Etats-Unis a adopté une série de lois visant à faire en sorte que les
victimes du terrorisme ne rencontrent pas trop d’obstacles dans les initiatives qu’elles prennent en
vue d’obtenir et d’exécuter des décisions de justice régulières condamnant les acteurs du terrorisme,
notamment les Etats qui le soutiennent. Plusieurs des mesures évoquées dans le mémoire de l’Iran
tendent à attribuer aux juridictions américaines compétence pour juger les procès civils intentés
contre les Etats soutenant le terrorisme et retenir la responsabilité de ces Etats à raison de leurs actes.
Elles consistent notamment à ajouter à la FSIA une exception à l’immunité souveraine applicable
aux Etats soutenant le terrorisme, laquelle constitue un motif exprès de poursuites en cas de
préjudices corporels ou de décès causés par des actes de terrorisme qui prive l’Etat responsable des
préjudices corporels ou des décès en cause de l’immunité et permet sa condamnation à des
dommages-intérêts (y compris des dommages-intérêts punitifs)150. Les demandes de l’Iran relatives
à ces dispositions reposaient sur ses moyens tirés des immunités souveraines, et la Cour n’en est dès
lors plus saisie. Ses demandes dont la Cour demeure saisie concernent principalement les mesures
indiquées ci-après que le Congrès des Etats-Unis avait prises pour faciliter l’exécution des décisions
de justice relatives au terrorisme.
6.11 Paragraphe a) de l’article 201 de la loi sur l’assurance contre les risques associés au
terrorisme [Terrorism Risk Insurance Act (2002)] (la «TRIA»). A la suite des mesures qu’il avait
déjà prises pour tenter de faciliter l’exécution des décisions de justice condamnant les Etats soutenant
le terrorisme, le Congrès a adopté, en 2002, la loi sur l’assurance contre les risques associés au
terrorisme. Le paragraphe a) de l’article 201 de ladite loi se lit comme suit :
«Nonobstant toute autre disposition de la loi, mais sous réserve du paragraphe b),
dans tous les cas où il est fait droit à la demande formée contre une partie terroriste et
fondée sur un acte de terrorisme ou pour laquelle la partie terroriste est privée de
l’immunité par application [des exceptions prévues par la FSIA pour les Etats soutenant
le terrorisme], les actifs bloqués de cette partie terroriste (y compris ceux de tout
établissement ou organisme de celle-ci) sont saisissables en exécution dudit jugement à
149 Voir In re Islamic Republic of Iran Terrorism Litig., «Federal Supplement», série 2, vol. 659, p. 31, 45-46
(tribunal fédéral du district de Columbia, 2009) (annexe 73) (relevant que les efforts déployés par les victimes pour
exécuter les décisions de justice condamnant des Etats soutenant le terrorisme constituent «une quête de la justice longue,
pénible et souvent vaine»).
150 MI, par. 2.4-2.8 et 2.20-2.26.
46
- 45 -
concurrence du montant des dommages-intérêts compensatoires au paiement desquels
ladite partie terroriste aura été condamnée.»151
6.12 Cette disposition de la loi sur l’assurance contre les risques associés au terrorisme autorise
expressément la saisie des actifs d’un Etat soutenant le terrorisme qui ont été bloqués en vertu d’un
régime de sanctions, y compris ceux de ses établissements et organismes, et l’exécution des décisions
de justice relatives au terrorisme sur lesdits avoirs pour recouvrer des dommages-intérêts
compensatoires.
6.13 Paragraphe g) de l’article 1610 de la loi sur l’immunité des Etats étrangers [Foreign
Sovereign Immunity Act (2008)]. Le Congrès a également cherché à lever les obstacles qui
empêchaient les victimes d’obtenir que les établissements publics répondent des dettes de leurs
propriétaires souverains étrangers152. Dans son texte initial adopté en 1976, la loi sur l’immunité des
Etats étrangers ne traitait pas de la saisie des biens des établissements et organismes publics pour
exécuter les décisions de justice prononcées contre un Etat étranger. En l’absence de dispositions
législatives, mais s’inspirant des «politiques énoncées par le Congrès lors de l’adoption de la loi sur
[l’immunité des Etats étrangers]», la Cour suprême a conclu que, dans les procédures contentieuses
autorisées par ladite loi, «les [établissements] dûment créé[]s d’Etats étrangers [sont] présumé[]s
indépendant[]s»153. Cette règle, connue sous le nom de «présomption Bancec», reconnaît que dans
certaines situations, la présomption pourrait être renversée, la Cour suprême ayant expressément
déclaré ce qui suit : «Nous nous refusons à respecter aveuglément la forme sociale lorsqu’il en
résulterait une injustice»154. La jurisprudence américaine a élaboré cinq «facteurs Bancec» qui
doivent être pris en considération pour déterminer si la présomption a été renversée dans une affaire
donnée. Toutefois, le Congrès n’ayant pas donné d’indications législatives supplémentaires, les
juridictions inférieures refusaient d’exécuter les décisions de justice relatives au terrorisme sur les
biens des établissements d’Etats soutenant le terrorisme, même lorsqu’elles reconnaissaient qu’il
pourrait être injuste que la forme sociale empêche les victimes d’attentats terroristes d’obtenir les
réparations allouées dans ces décisions155. Les Etats soutenant le terrorisme étant en mesure de
protéger leurs actifs en les plaçant auprès d’établissements ou d’organismes (pourtant propriétés de
l’Etat), des membres du Congrès se sont déclarés préoccupés par le fait que, en matière de terrorisme,
«la mauvaise application de la «doctrine Bancec» … ait par le passé mis à tort les actifs d’Etats
terroristes à l’abri des saisies ou des recouvrements»156.
151 Loi de 2002 sur l’assurance contre les risques associés au terrorisme, paragraphe a) de l’article 201, loi d’intérêt
public no 107-297, Statutes at Large, vol. 116 (2002), p. 2322 (MI, annexe 13). Dans la version initiale de la loi de 2002
sur l’assurance contre les risques associés au terrorisme, les «actifs bloqués» comprenaient «tout actif saisi ou gelé par les
Etats-Unis» en vertu des articles pertinents de la loi sur le commerce avec l’ennemi [Trading With the Enemy Act] ou de
la loi sur les pouvoirs économiques en cas d’urgence internationale [International Emergency Economic Powers Act]. Ibid.,
voir l’alinéa 2) du paragraphe d) de l’article 201.
152 First National City Bank c. Banco Para el Comercio Exterior de Cuba, «United States Supreme Court Reports»,
vol. 462, 1983, p. 626-627 (annexe 141) (ci-après, l’«arrêt Bancec»).
153 Arrêt Bancec, «United States Supreme Court Reports», vol. 462, 1983, p. 627 (annexe 141). Il est à noter que
le fait que la Cour suprême se soit appuyée sur les travaux préparatoires de la loi sur l’immunité des Etats étrangers en
l’affaire Bancec pour parvenir à sa conclusion montre que, selon elle, le Congrès peut définir des circonstances dans
lesquelles la forme sociale distincte d’un établissement ou d’un organisme d’un Etat étranger ne sera pas reconnue.
154 Ibid., p. 633 (annexe 141).
155 Voir Alejandre c. Telefonica Larga Distancia de Puerto Rico, Inc., «Federal Reporter», série 3, vol. 183, p. 1282
(11e circuit, 1999) (annexe 71) (annulant une décision d’un tribunal de district qui avait autorisé la saisie-arrêt des actifs
d’un établissement public en vue de l’exécution d’une décision de justice prononcée contre le Gouvernement cubain afin
d’éviter «d’empêcher injustement les demandeurs de recouvrer leurs créances judiciaires»).
156 «Congressional Record», vol. 154, p. S55, 22 janvier 2008 (déclaration du sénateur Lautenberg) (annexe 72).
47
- 46 -
6.14 Pour répondre à ces préoccupations sur l’exécution des décisions de justice relatives au
terrorisme, le Congrès a modifié la loi sur l’immunité des Etats étrangers dans le cadre de la loi sur
le budget de la défense nationale pour l’exercice 2008 [National Defense Authorization Act for Fiscal
Year 2008]. Le paragraphe g) de l’article 1610 de la loi sur l’immunité des Etats étrangers, tel
qu’ajouté par la loi sur le budget de la défense nationale pour l’exercice 2008, est ainsi libellé :
«[L]es biens de l’Etat étranger contre lequel un jugement est rendu en application
[des exceptions à la FSIA pour les Etats soutenant le terrorisme], ainsi que ceux des
établissements et organismes de cet Etat, y compris les biens constituant une entité
juridique distincte ou une participation détenue directement ou indirectement dans une
telle entité, sont saisissables en exécution de ce jugement, conformément au présent
article, et ce, indépendamment
A) du degré de contrôle économique exercé par le gouvernement de l’Etat étranger sur
les biens en question ;
B) de la question de savoir si les bénéfices tirés de ces biens reviennent ou non à ce
gouvernement ;
C) de la mesure dans laquelle les fonctionnaires de ce gouvernement interviennent dans
la gestion desdits biens ou les activités dont ils font l’objet ;
D) de la question de savoir si ce gouvernement est, à l’égard des biens, le seul titulaire
de l’intérêt bénéficiaire ;
E) de la question de savoir si la constitution des biens en entité distincte conférerait
quelque avantage à l’Etat étranger devant les tribunaux américains tout en
l’exonérant de ses obligations.»157
6.15 Dans cette disposition, le Congrès a décidé que les facteurs Bancec ne s’appliqueraient
pas à l’exécution des décisions de justice relatives au terrorisme sur les actifs des établissements et
organismes d’un Etat étranger, voulant ainsi que «toute participation dans des biens dont l’Etat
étranger est bénéficiaire effectif» puisse faire l’objet de saisie et de mesures d’exécution158. Il s’ensuit
que la meilleure interprétation qui puisse être donnée au paragraphe g) de l’article 1610 de la loi sur
l’immunité des Etats étrangers consiste à le considérer comme une règle régissant les cas où les avoirs
d’un établissement ou organisme détenu en totalité par un Etat soutenant le terrorisme peuvent faire
l’objet de mesures d’exécution aux fins du règlement des créances dues au titre de décisions de justice
relatives au terrorisme prononcées contre cet Etat. Toutefois, il n’usurpe pas la fonction du juge, car
c’est toujours à ce dernier qu’il incombe de déterminer le «bénéficiaire effectif des actifs en question,
en tenant compte des considérations d’équité»159.
6.16 Article 502 de la loi de 2012 sur la réduction de la menace iranienne et les droits de
l’homme en Syrie [Iran Threat Reduction and Syria Human Rights Act of 2012]. Enfin, l’article 502
de la loi de 2012 sur la réduction de la menace iranienne et les droits de l’homme en Syrie représente
157 Loi sur le budget de la défense nationale pour l’exercice 2008, alinéa 3) D) du paragraphe b) de l’article 1083,
loi d’intérêt public no 110-181, Statutes at Large, vol. 122 (2008), p. 206 (MI, annexe 15).
158 Conference Report, National Defense Authorization Act for Fiscal Year 2008 [loi sur le budget de la défense
nationale pour l’exercice 2008] [excerpt], «House of Representatives Report», no 110-477 (2007), p. 1001 (annexe 74).
159 La Cour suprême a également déclaré que le paragraphe g) de l’article 1610 du titre 28 du code des Etats-Unis
n’offrait pas aux parties bénéficiaires d’une décision de justice rendue en vertu de l’article 1605A une base autonome pour
saisir les biens d’un Etat étranger aux fins d’exécution de la décision. Rubin c. République islamique d’Iran, «Supreme
Court Reporter», vol. 138 (2018), p. 816 (annexe 75).
48
- 47 -
une nouvelle initiative prise par le Congrès pour permettre à un certain groupe de victimes du
terrorisme d’obtenir justice plus facilement160. Cette disposition, codifiée dans l’article 8772 du
titre 22 du code des Etats-Unis, énumère certains «actifs financiers» dans lesquels la banque centrale
d’Iran possédait des droits sur titres qui ont fait l’objet de procédures d’exécution de décisions de
justice devant le tribunal fédéral du district sud de l’Etat de New York en l’affaire Peterson
c. République islamique d’Iran lorsque la disposition a été adoptée. Aux termes de la loi de 2012 sur
la réduction de la menace iranienne et les droits de l’homme en Syrie, ces actifs sont «saisissable[s]
en exécution» de certaines décisions de justice relatives au terrorisme prononcées contre l’Iran, sous
réserve qu’ils soient 1) «détenu[s] aux Etats-Unis pour un intermédiaire en valeurs mobilières
étranger exerçant une activité aux Etats-Unis» ; 2) des actifs bloqués ; et 3) «éga[ux] en valeur à un
actif financier» détenu à l’étranger par l’intermédiaire en valeurs mobilières pour le compte de la
banque centrale iranienne161. A cet égard, cette disposition, à l’instar des dispositions examinées plus
haut, codifie une règle permettant aux victimes d’actes de terrorisme bénéficiaires de décisions de
justice condamnant l’Iran d’exécuter ces décisions sur les actifs d’un organisme iranien. Comme l’a
relevé le tribunal fédéral du district sud de l’Etat de New York dans une affaire dont il a été saisi par
la suite, cette disposition législative n’exige pas la remise des actifs déterminés, laissant plutôt aux
tribunaux la charge de décider de l’opportunité de les remettre162. Plus précisément, elle fait
obligation aux tribunaux américains de
«statue[r] 1) sur le fait de savoir si, et dans quelle mesure, l’Iran dispose d’un titre de
propriété légal ou d’un droit en qualité de bénéficiaire effectif sur les actifs en cause ;
et 2) sur le fait de savoir si une personne autre que l’Iran dispose d’un droit protégé par
la Constitution sur les actifs en cause»163.
Le tribunal a ensuite expliqué que
«[c]es vérifications [n’étaient] pas de simples feuilles de vigne ; le tribunal aurait fort
bien pu conclure que les parties défenderesses avaient soulevé une question donnant
matière à procès concernant le fait de savoir si les actifs bloqués étaient la propriété de
l’Iran ou si [d’autres parties] disposaient d’un titre de propriété légal ou d’un droit en
qualité de bénéficiaire effectif sur ces actifs»164.
SECTION C
DÉCISIONS DE JUSTICE RELATIVES À L’EXÉCUTION D’AUTRES DÉCISIONS
DE JUSTICE RELATIVES AU TERRORISME
6.17 Les juridictions américaines examinent minutieusement les dispositions du droit
américain susmentionnées qui ont pour but de faciliter l’exécution des décisions de justice relatives
au terrorisme par les victimes d’actes de terrorisme commis avec le soutien de l’Iran. L’Iran a refusé
de comparaître devant les juridictions américaines pour contester les demandes formées contre lui,
mais le droit américain interdit aux juridictions américaines de rendre un jugement par défaut contre
un Etat étranger tant que la partie demanderesse ne leur a pas fourni de preuves satisfaisantes du
160 Loi de 2012 sur la réduction de la menace iranienne et les droits de l’homme en Syrie [Iran Threat Reduction
and Syria Human Rights Act of 2012], art. 502, loi d’intérêt public no 112-158, Statutes at Large, vol. 126 (2012), p. 1214
(codifiée à l’article 8772 (2012) du titre 22 du code des Etats-Unis) (MI, annexe 16).
161 Ibid., alinéa 1 du paragraphe a) de l’article 502 (MI, annexe 16).
162 Tribunal fédéral du district sud de l’Etat de New York, 13 mars 2013, Peterson c. République islamique d’Iran,
«Westlaw», 2013, p. 1155576, point 31 (annexe 108).
163 Ibid. (annexe 108).
164 Ibid. (annexe 108).
49
- 48 -
bien-fondé de sa demande165. Dans un certain nombre d’affaires, des victimes d’actes de terrorisme
ont été en mesure de produire des preuves satisfaisantes du bien-fondé de leurs demandes, ce qui a
abouti à des décisions de justice condamnant l’Iran.
6.18 La présente affaire ne porte pas sur la validité de décisions relatives au terrorisme
prononcées contre l’Iran, la Cour ayant rejeté pour des motifs liés à la compétence les demandes de
l’Iran tirées de l’impossibilité pour lui de se prévaloir des immunités souveraines dans les affaires en
cause. Les demandes de l’Iran dont la Cour demeure saisie concernent les initiatives prises par les
Etats-Unis pour exécuter ces décisions, et précisément pour les exécuter sur les biens d’entités
propriété de l’Etat iranien. L’Iran et ses entités publiques ont, en recourant à des pratiques trompeuses
visant à masquer la nature de transactions financières réalisées aux Etats-Unis, compliqué les mesures
légitimes prises pour exécuter des décisions de justice relatives au terrorisme. En conséquence, des
victimes d’actes de terrorisme bénéficiaires de décisions de justice ont eu recours aux dispositions
du droit américain présentées plus haut pour tenter d’exécuter ces décisions non seulement sur les
biens de l’Iran, mais également sur ceux d’entités qu’il possède ou contrôle. Malgré tout, la grande
majorité des dommages-intérêts compensatoires alloués aux victimes d’actes de terrorisme commis
avec le soutien de l’Iran n’ont pas encore été réglés, en raison des difficultés rencontrées dans
l’exécution des décisions de justice en cause.
6.19 Les actions en exécution des décisions relatives au terrorisme prononcées contre l’Iran
font l’objet d’un affrontement judiciaire vigoureux et sont minutieusement examinées par les
tribunaux fédéraux de district, les cours d’appel et la Cour suprême des Etats-Unis. Pour déterminer
si des actifs peuvent faire l’objet de mesures d’exécution sur le fondement de l’article 201 de la loi
sur l’assurance contre les risques associés au terrorisme et de l’article 1610 de la loi sur l’immunité
des Etats étrangers, les juridictions américaines recherchent si l’Iran, ou ses établissements et
organismes, sont bénéficiaires effectifs des actifs en question. L’action en exécution du jugement
rendu en l’affaire Peterson témoigne de l’approche rigoureuse, fondée sur les faits et le droit, que les
juridictions américaines appliquent depuis de nombreuses années lorsqu’elles examinent
l’opportunité de saisir des actifs pour exécuter les décisions relatives au terrorisme.
6.20 L’affaire Peterson a trait à l’attentat à la bombe perpétré en 1983 contre le casernement
des fusiliers marins américains, qui a tué 241 soldats américains et fait de nombreux blessés graves.
Les constatations opérées par le tribunal fédéral de district américain en matière de responsabilité en
ladite affaire sont exposées en détail dans la section B du chapitre 5. Ayant examiné les nombreux
éléments de preuve versés au dossier et déterminé le quantum approprié des dommages-intérêts selon
le droit interne, le tribunal a alloué en 2007 des dommages-intérêts compensatoires d’un montant de
2,6 milliards de dollars à plus de 800 demandeurs en l’affaire Peterson166.
6.21 Parmi les initiatives prises par les demandeurs en l’affaire Peterson pour exécuter le
jugement figure la procédure judiciaire qu’ils ont engagée en 2008 à l’effet de bloquer 22 titres de
créances et les liquidités correspondantes détenus par Citibank sur un compte général de dépôt de
titres au nom de sa cliente Clearstream Banking, S.A., titres et liquidités dont l’Iran était présumé
165 Titre 28 du code des Etats-Unis, paragraphe e) de l’article 1608 (MI, annexe 6) («Les tribunaux des
Etats-Unis … ne rendent pas de jugement par défaut contre un Etat étranger, … à moins que le demandeur ne fournisse au
tribunal des preuves satisfaisantes du bien-fondé de sa demande de réparation ou de son droit d’obtenir réparation.»).
166 Tribunal fédéral du district de Columbia, Peterson c. République islamique d’Iran, affaire nos 01-2094 et
01-2684, jugement du 7 septembre 2007, dépôt électronique [Electronic Case Filing (ECF)] no 228 (annexe 76) ; ibid.,
«Memorandum Opinion», 7 septembre 2007, dépôt électronique [Electronic Case Filing (ECF)] no 229 (annexe 77).
50
- 49 -
être bénéficiaire167. En 2010, les demandeurs ont intenté une action tendant à obtenir la remise de ces
actifs bloqués, d’un montant total de 1,75 milliard de dollars, dans lesquels la banque Markazi
possédait des intérêts bénéficiaires. D’autres victimes d’actes de terrorisme bénéficiaires de décisions
de justice condamnant l’Iran ont aussi revendiqué ces actifs. En conséquence, l’affaire Peterson
tendant à la remise d’actifs de la banque Markazi d’un montant de 1,75 milliard de dollars ne
concernait pas seulement les victimes de l’attentat perpétré contre le casernement des fusiliers marins
américains à Beyrouth, mais 16 groupes de créanciers judiciaires comptant au total plus de
1300 victimes américaines d’attentats terroristes commis avec le soutien de l’Iran qui étaient
collectivement bénéficiaires de dommages-intérêts compensatoires non payés d’un montant de
plusieurs milliards des dollars alloués par des décisions de justice condamnant l’Iran168.
6.22 Au cours des trois années qui ont suivi, la banque Markazi et d’autres parties ont
«âprement contesté» la remise des actifs en cause, invoquant le droit des Etats, le droit fédéral et le
droit international pour s’y opposer169. Au moment où ces procédures judiciaires suivaient leur cours,
le Congrès a adopté la loi de 2012 sur la réduction de la menace iranienne et les droits de l’homme
en Syrie, qui comprenait l’article 8772 du titre 22 du code des Etats-Unis comme indiqué ci-dessus.
En 2013, le tribunal fédéral du district sud de l’Etat de New York a ordonné la remise des actifs sur
le fondement du paragraphe a) de l’article 201 de la loi sur l’assurance contre les risques associés au
terrorisme et de l’article 8772 du titre 22 du code des Etats-Unis170. La cour d’appel fédérale du
deuxième circuit a confirmé le jugement sur le fondement de l’article 8772 du titre 22 du code171. Le
20 avril 2016, la Cour suprême des Etats-Unis a confirmé la décision de la cour d’appel du deuxième
circuit172. Reconnaissant que l’article 8772 du titre 22 du code des Etats-Unis était un «texte de loi
sortant de l’ordinaire», la Cour suprême a relevé ce qui suit :
«La loi, soulignons-nous, ne saurait être décrite honnêtement comme un «régime
propre à une seule affaire». Elle couvre en fait une catégorie de demandes d’exécution
après jugement introduites par plusieurs demandeurs qui, dans diverses actions civiles,
ont obtenu des jugements fondés sur des éléments de preuve condamnant l’Iran qui,
ensemble, s’élèvent à plusieurs milliards de dollars. L’article 8772 rend les actifs
désignés susceptibles des mesures d’exécution «en exécution de toute décision de
justice» condamnant l’Iran pour des dommages causés par des actes de terrorisme
spécifiés.»173
167 Décision portant jugement partiel définitif, rendue en vertu du paragraphe b) de l’article 54 du règlement fédéral
de procédure civile [«Federal Rules of Civil Procedure»], ordonnant la remise des actifs bloqués, déboutant Citibank à titre
définitif et l’exonérant de toute responsabilité, tribunal fédéral du district sud de l’Etat de New York, Peterson
c. République islamique d’Iran, affaire no 10 Civ 4518, 9 juillet 2013, dépôt électronique [Electronic Case Filing (ECF)]
no 462 (annexe 78). Après une première audience tenue le 27 juin 2008, le tribunal de district a rendu une décision annulant
le blocage de deux des titres.
168 Banque Markazi c. Peterson, «Supreme Court Reporter», vol. 136, p. 1310, 20 avril 2016, «slip opinion», p. 6
(MI, annexe 66).
169 Tribunal fédéral du district sud de l’Etat de New York, 13 mars 2013, Peterson c. République islamique d’Iran,
affaire no 10-4518, «Westlaw», 2013, p. 1155576, point 31) (annexe 108). Il est à noter, comme on le verra au chapitre 9
ci-dessous, que les arguments avancés par l’Iran dans la présente instance, en particulier ceux qui se rapportent à la nature
des transactions en cause et au statut de la banque Markazi, sont en totale contradiction avec ceux invoqués par la banque
Markazi dans le procès Peterson.
170 Ibid. (annexe 108).
171 Peterson c. République islamique d’Iran, «Federal Reporter», série 3, vol. 758, p. 185 (deuxième circuit, 2014)
(annexe 233).
172 Banque Markazi c. Peterson, «Supreme Court Reporter», vol. 136, 20 avril 2016, p. 1310, «slip opinion». p. 6
(MI, annexe 66).
173 Ibid., notes de bas de page omises (MI, annexe 66).
51
- 50 -
6.23 Le 6 juin 2016, à la suite de la décision de la Cour suprême, le tribunal fédéral du district
sud de l’état de New York a autorisé la distribution des actifs aux multiples demandeurs partie à cette
action en remise174. Comme plus de 16 groupes de créanciers judiciaires étaient parties à l’action, les
bénéficiaires du jugement Peterson détiennent encore des créances judiciaires sur l’Iran d’un
montant de plusieurs centaines de millions de dollars au titre des dommages-intérêts compensatoires.
Bien que les mesures américaines en cause en l’espèce aient été prises à l’effet de faciliter les efforts
déployés par les victimes d’actes de terrorisme pour obtenir réparation de l’Iran, celles-ci n’ont pu
percevoir qu’une fraction du montant des dommages-intérêts compensatoires que les tribunaux
américains leur ont régulièrement alloués.
* *
6.24 Les mesures contestées par l’Iran constituent une réaction raisonnable au soutien qu’il a
apporté à des attentats terroristes et à son refus d’indemniser les victimes de ces attentats. Ces
mesures ont fait l’objet d’une interprétation et d’une application rigoureuses de la part des juridictions
américaines, au sein d’une instance judiciaire impartiale dans laquelle les victimes et leurs familles,
d’une part, et les sujets de l’action en exécution, d’autre part, ont eu tout le loisir de présenter leurs
arguments et leurs éléments de preuve respectifs.
174 Tribunal fédéral du district sud de l’Etat de New York, Peterson c. République islamique d’Iran, affaire
no 10 Civ 4518, décision autorisant la distribution de fonds, 6 juin 2016, dépôt électronique [Electronic Case Filing (ECF)]
no 651 (annexe 79).
52
- 51 -
TROISIÈME PARTIE
LA COUR DOIT REJETER LES DEMANDES DE L’IRAN
CHAPITRE 7
INTRODUCTION
7.1 Au vu du contexte exposé dans les chapitres précédents, les Etats-Unis présentent dans la
troisième partie du contre-mémoire quatre moyens de défense dont chacun commande de rejeter en
tout ou en partie les demandes de l’Iran d’entrée de jeu, c’est-à-dire avant tout examen détaillé de
chacune de ces demandes au titre de l’article du traité sur lequel elle est fondée. Trois de ces moyens
de défense sont repris de la phase des exceptions préliminaires, la Cour ayant rattaché l’un d’eux (le
moyen relatif à la question de savoir si la banque Markazi est une «société») à la procédure sur le
fond et conclu que les Etats-Unis étaient admis à invoquer les deux autres (les moyens tirés de la
doctrine des mains sales et de l’article XX) au stade de la défense au fond et non à celui des
exceptions préliminaires. Le quatrième moyen invoqué dans la présente partie est une exception
d’irrecevabilité tirée du non-épuisement des voies de recours internes.
7.2 Partant du contexte factuel immédiat de l’affaire exposé au chapitre 5 ci-dessus, le
chapitre 8 établit que l’Iran se présente devant la Cour avec les mains sales en raison du soutien qu’il
a apporté à de nombreux actes de terrorisme au cours des quatre dernières décennies. A supposer que
les demandes de l’Iran soient fondées, ce qui n’est pas le cas, comme on le verra dans la quatrième
partie du présent contre-mémoire, le fait que ses mains soient sales interdit de lui octroyer les
réparations qu’il a demandées.
7.3 Le chapitre 9 revient sur un point litigieux qui n’a pas été tranché lors de la phase des
exceptions préliminaires, à savoir le fait que la banque Markazi n’est pas une «société» au sens du
traité et n’a dès lors pas droit à protection au titre de l’un quelconque des articles du traité invoqués
par l’Iran. En conséquence, il y a lieu de rejeter en totalité les demandes de l’Iran fondées sur les
articles III, IV et V du traité qui concernent le mauvais traitement que la banque Markazi aurait subi
en tant que société.
7.4 Le chapitre 10 oppose une exception d’irrecevabilité aux demandes que l’Iran a formulées
au nom d’entités sans établir que celles-ci avaient épuisé les voies de recours internes.
7.5 Enfin, le chapitre 11 démontre que l’une des mesures contestées par l’Iran, en l’occurrence
le décret présidentiel no 13599, réglemente le «commerce des armes» et est «nécessaire à la
protection des intérêts vitaux [des Etats-Unis] sur le plan de la sécurité». Il s’ensuit que le
paragraphe 1 de l’article XX du traité exclut le décret présidentiel no 13599 du champ d’application
de ses articles substantiels et les demandes de l’Iran relatives à cette mesure doivent être rejetées.
53
- 52 -
CHAPITRE 8
L’IRAN SE PRÉSENTE DEVANT LA COUR AVEC LES MAINS SALES
SECTION A
INTRODUCTION ET PRÉSENTATION GÉNÉRALE
8.1 Depuis l’avènement de la révolution islamique de 1979, l’Iran mène, en violation du droit
international, une campagne concertée et cohérente de défense de ses intérêts politiques par des actes
de déstabilisation. Comme on l’a vu au chapitre 5, le terrorisme a constitué, et constitue encore à ce
jour, une composante essentielle de cette campagne, servant de «complément» à la politique
étrangère iranienne175. Les ressortissants américains figurent parmi ses principales cibles et victimes,
ainsi que l’illustre de manière saisissante la mort de 241 militaires américains causée par l’attentat à
la bombe commis en 1983 contre un casernement de fusiliers marins à Beyrouth, dans lequel la
responsabilité de l’Iran a non seulement été reconnue par ce dernier à l’époque des faits, mais
également retenue sur la base des éléments de preuve produits en l’affaire Peterson ainsi que dans
d’autres affaires intentées devant les juridictions américaines176.
8.2 Les mesures américaines contestées par l’Iran sur la base restreinte du traité d’amitié sont
la conséquence directe des attentats terroristes perpétrés avec son soutien contre des ressortissants
américains. Par des actes législatifs et réglementaires177 mûrement réfléchis, modérés et graduels, les
Etats-Unis ont créé un cadre permettant aux victimes de ces attentats de demander la réparation à
laquelle elles avaient droit. Ce cadre était impartial et équitable en ce qu’il faisait obligation aux
demandeurs d’établir le bien-fondé de leurs demandes et protégeait les droits attachés au procès
équitable dont jouissait l’Iran dans les cas où ce dernier choisissait de ne pas comparaître. A présent,
l’Iran invoque le traité d’amitié pour tenter de se soustraire au paiement des réparations qu’il doit à
ses nombreuses victimes.
8.3 En application de la doctrine des mains sales qui, au vu du caractère exceptionnel des faits
qui lui sont soumis, mérite d’être admise et appliquée en l’espèce et maintenant, la Cour doit rejeter
les moyens tirés du traité par l’Iran. Si la campagne de terrorisme mondiale menée par l’Iran constitue
la toile de fond sur la base de laquelle la Cour doit apprécier le comportement de ce pays, c’est sur
les éléments de cette campagne présentant un lien direct avec les Etats-Unis et ses ressortissants que
se fondent cet Etat pour invoquer la doctrine des mains sales comme moyen de défense. En un mot,
l’Iran ne saurait être admis à se prévaloir du traité d’amitié pour se soustraire aux conséquences de
son soutien au terrorisme.
8.4 A la suite de l’arrêt rendu par la Cour sur les exceptions préliminaires et à la lumière de
cet arrêt, les Etats-Unis tirent maintenant des mains sales de l’Iran un moyen de défense au fond et
non plus une exception d’irrecevabilité. Ils prient la Cour de rejeter les demandes de l’Iran au motif
que les mesures américaines contestées par ce pays ont été prises en réaction aux actes de terrorisme
commis contre les Etats-Unis et leurs ressortissants avec son soutien.
175 Groupe parlementaire sur les droits de l’homme du Royaume-Uni [UK Parliamentary Human Rights Group],
«Iran: State of Terror — An account of terrorist assassinations by Iranian agents» [Iran : l’Etat terroriste — Compte rendu
des assassinats terroristes commis par des agents iraniens], 1996, p. 5 (annexe 4).
176 Voir la section B du chapitre 5 ci-dessus.
177 Voir le chapitre 6 ci-dessus.
54
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SECTION B
PORTÉE ET APPLICATION DE LA DOCTRINE DES MAINS SALES
8.5 Les Etats-Unis ont conscience que la Cour n’a jamais appliqué la doctrine des mains sales.
Ils reconnaissent tout autant les doutes qui entourent son champ d’application et son statut178.
Néanmoins, la doctrine des mains sales est largement appliquée par les juridictions nationales et
internationales et mérite d’être retenue par la Cour au vu des circonstances particulières de l’espèce.
8.6 Le point de départ de cette analyse réside dans le fait que le principe de bonne foi, qui est
largement admis et appliqué par la Cour179, est une des pierres angulaires de l’interprétation du droit
et des traités internationaux. La Cour a en outre confirmé que «la notion juridique d’équité est un
principe général directement applicable en tant que droit»180.
8.7 La doctrine des mains sales relève de l’equity et découle des principes jumeaux de la bonne
foi et de l’équité. Elle trouve ses origines en droit romain181 et, pour certains de ses aspects, en droit
coutumier chinois182, et a trouvé une expression plus récente dans les systèmes de common law,
notamment avec la maxime de l’equity selon laquelle «qui demande réparation doit se présenter les
mains propres» («He who comes to equity must come with clean hands»)183. Les systèmes de droit
romano-germanique modernes l’appliquent également au titre du principe de l’interdiction de l’abus
de droit et des principes connexes184. En outre, elle est étroitement liée aux maximes ex turpi causa
non oritur actio («un acte illicite ne peut servir de base à une action en justice») et nullus commodum
capere potest de sua injuria propria («nulle partie ne peut tirer avantage de ses propres actes
178 Ces doutes sont dus en partie à une interprétation erronée de la jurisprudence de la Cour. Voir Guyana v.
Suriname, Recueil des sentences arbitrales (RSA), vol. XXX, p. 1, par. 418 (Cour permanente d’arbitrage, 2007)
(annexe 80) ; Hulley Enterprises Limited (Cyprus) v. Russia, CNUDCI, affaire CPA no AA 226, sentence finale, 18 juillet
2014, par. 1358-1359 (annexe 81).
179 Voir, par exemple, Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria),
exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1998, p. 296, par. 38 («le principe de la bonne foi est un principe bien établi
du droit international») ; Essais nucléaires (Australie c. France), arrêt, C.I.J. Recueil 1974, p. 268, par. 46, et Essais
nucléaires (Nouvelle-Zélande c. France), arrêt, C.I.J. Recueil 1974, p. 473, par. 49 («l’un des principes de base qui
président à la création et à l’exécution d’obligations juridiques»). Voir également l’affaire relative aux Droits des
ressortissants des EtatsUnis d’Amérique au Maroc (France c. Etats-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 1952, p. 212
(les droits doivent être exercés «raisonnablement et de bonne foi»).
180 Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne), arrêt, C.I.J. Recueil 1982, p. 60, par. 71.
181 Stephen M. Schwebel, «Clean Hands Principle» [Le principe des mains propres], Max Planck Encyclopedia of
Public International Law, vol. 2, p. 232 (Rüdiger Wolfrum, sous la dir. de, 2012) (annexe 82) ; voir également Prises d’eau
à la Meuse, arrêt, 1937, C.P.J.I. série A/B no 70, opinion individuelle de M. le juge Hudson, p. 77.
182 Voir R. A. Newman, Equity and Law: A comparative Study [L’équité et le droit : étude comparative], 1961,
p. 250, note 19 (annexe 83).
183 Voir, par exemple, Snell’s Equity, par. 5-010 (33e édition, 2018) (annexe 84).
184 Voir le chapitre 18 ci-dessous pour l’examen de la codification de l’interdiction de l’abus de droit dans les
systèmes de droit romano-germanique. La notion des mains sales existe également dans plusieurs systèmes de droit romanogermanique,
en ce que ceux-ci privent le demandeur du droit à restitution en cas de comportement illicite de sa part : voir,
par exemple, le code civil suisse, livre cinquième : droit des obligations, 30 mars 1911 (dans son état au 1er avril 1907),
art. 66 (annexe 85), et le Bürgerliches Gesetzbuch (BGB) (code civil allemand), art. 817 (annexe 86). Voir également
R. A. Newman, Equity and Law: A comparative Study [L’équité et le droit : étude comparative], 1961, p. 250, note 19
(annexe 83).
55
- 54 -
illicites»), la première ayant été reconnue par les membres de la Cour185 et la seconde effectivement
appliquée par la Cour186.
8.8 En substance, la doctrine des mains sales confère à la Cour un pouvoir d’appréciation
qu’elle peut exercer, sur la base de considérations d’équité et de bonne foi, pour débouter de sa
demande de réparation une partie qui aurait commis des fautes graves ou des actes illicites présentant
un lien suffisant avec la réparation recherchée.
8.9 L’acceptation de cette doctrine par les Etats comparaissant devant la Cour est manifeste si
l’on en juge par son utilisation régulière et répétée en défense, 13 Etats au moins l’ayant déjà
invoquée devant la Cour dans différents contextes187. En outre, si elle n’a à ce jour jamais été admise
185 Statut juridique du Groenland oriental, arrêt, 1933, C.P.J.I. série A/B no 53, opinion dissidente de M. le juge
Anzilotti, p. 95, par. 308 («Cette demande devait, selon moi, être rejetée, car un acte illégal ne peut servir de base à une
action en justice.»). Voir également Bin Cheng, General Principles of Law as Applied by International Courts and
Tribunals [Les principes généraux du droit tels qu’ils sont appliqués par les juridictions internationales], 1953, p. 149 [«Un
Etat ne saurait invoquer son propre fait illicite pour atténuer sa responsabilité.»] (Annexe 87).
186 Usine de Chorzów, compétence, arrêt no 8, 1927, C.P.J.I. série A no 9, p. 31. Voir également Compétence des
tribunaux de Dantzig, avis consultatif, 1928, C.P.J.I. série B no 15, p. 26-27 ; Interprétation des traités de paix conclus
avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie, première phase, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1950, opinion dissidente de
M. le juge Read, p. 244 ; Admissibilité de l’audition de pétitionnaires par le Comité du Sud-Ouest africain, avis consultatif,
C.I.J. Recueil 1956, opinion individuelle de sir Hersch Lauterpacht, p. 46 ; Temple de Préah Vihéar (Cambodge
c. Thaïlande), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1962, opinion individuelle de M. Alfaro, vice-président, p. 40 ; Projet Gabčíkovo-
Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), arrêt, C.I.J. Recueil 1997, p. 67, par. 110, et p. 76, par. 133. Voir également James
Crawford, The International Law Commission’s Articles on State Responsibility: Introduction, Text and Commentaries
[Les articles de la Commission du droit international sur la responsabilité de l’Etat : Introduction, textes et commentaires],
2002, p. 162, par. 9 (où l’auteur déclare que la règle selon laquelle «un Etat ne saurait tirer avantage de son propre fait
illicite» constitue un «principe général» (annexe 88).
187 Des exceptions ou moyens de défense fondés sur la doctrine des mains sales ont été soulevés par l’Australie
(voir Certaines terres à phosphates à Nauru (Nauru c. Australie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1992,
p. 255, par. 37-38 ; Certaines terres à phosphates à Nauru (Nauru c. Australie), exceptions préliminaires du Gouvernement
australien, p. 162-164, décembre 1990) ; les Etats-Unis (voir LaGrand (Allemagne c. Etats-Unis d’Amérique), arrêt,
C.I.J. Recueil 2001, p 488, par. 61-63 ; Avena et autres ressortissants mexicains (Mexique c. Etats-Unis d’Amérique),
arrêt, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 38, par. 45-47 ; Plates-formes pétrolières (République islamique d’Iran c. Etats-Unis
d’Amérique), contre-mémoire et demande reconventionnelle, par. 5.01-5.07, 23 juin 1997 ; Plates-formes pétrolières
(République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 2003, p. 176-178, par. 27-30) ; Israël
(Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif,
C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 163-164, par. 63-64 ; Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire
palestinien occupé, exposé écrit du Gouvernement de l’Etat d’Israël sur la compétence et l’opportunité judiciaire, par. 0.7,
30 janvier 2004) ; le Kenya (Délimitation maritime dans l’océan Indien (Somalie c. Kenya), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 2017, p. 51-52, par. 135-144) ; et le Pakistan (Jadhav (Inde c. Pakistan), arrêt, C.I.J. Recueil 2019 (II),
p. 435, par. 59-61 ; affaire Jadhav (Inde c. Pakistan), contre-mémoire de la République islamique du Pakistan, par. 188 et
suiv., 17 avril 2018). La doctrine des mains sales a également été invoquée par des Etats dans les affaires suivantes (mais
elle n’y a pas été directement examinée par la Cour plénière) : la Belgique, les Etats-Unis, le Royaume-Uni, le Portugal,
les Pays-Bas, l’Allemagne et le Canada dans des affaires relatives à la Licéité de l’emploi de la force (voir Licéité de
l’emploi de la force (Yougoslavie c. Belgique), exceptions préliminaires du Royaume de Belgique, par. 479 et suiv., 5 juillet
2000 ; Licéité de l’emploi de la force (Yougoslavie c. Etats-Unis), CR 1999/24, p. 23, par. 3.17 (où les Etats-Unis font
valoir que l’indication de mesures conservatoires serait inappropriée au motif que la Yougoslavie «ne se présente pas les
mains nettes devant la Cour» ; Licéité de l’emploi de la force (Serbie-et-Monténégro c. Royaume-Uni), CR 1999/23,
p. 15-16, par. 24 (où le Royaume-Uni fait valoir que la doctrine des mains propres est «profondément ancré[e] dans la
nature fondamentale de la fonction judiciaire» et qu’«il convient de la considérer comme [un] «principe[] généra[l] de
droit» au sens de l’article 38 du Statut» ; Licéité de l’emploi de la force (Serbie-et-Monténégro c. Portugal), CR 1999/21,
p. 11, par. 3.1.4 (où le Portugal fait valoir que «[l]orsqu’on a présent à l’esprit le critère de probité, la demande de la
République fédérale de Yougoslavie n’est pas légitime», les faits à l’origine de la requête de la Yougoslavie ayant été
causés par le «comportement illicite» de cette dernière) ; Licéité de l’emploi de la force (Serbie-et-Monténégro c. Pays-
Bas), CR 1999/20, p. 15-16, par. 44 et 48 d) (où les Pays-Bas font valoir que la Cour doit rejeter la demande de la
Yougoslavie au motif que cette dernière a les «mains très sales») ; Licéité de l’emploi de la force (Serbie-et-Monténégro
c. Allemagne), CR 1999/18, p. 10, par. 1.6 (où l’Allemagne fait valoir que la Yougoslavie «ne se présente pas devant la
Cour «les mains propres»» ; Licéité de l’emploi de la force (Serbie-et-Monténégro c. Canada), CR 1999/14, p. 7, par. 5
(idem pour le Canada) ; la Grèce (Application de l’accord intérimaire du 13 septembre 1995 (ex-République yougoslave
de Macédoine c. Grèce), contre-mémoire de la Grèce, par. 8.30, 19 janvier 2010) ; et le Nicaragua (Construction d’une
56
- 55 -
comme moyen de défense, elle n’a pas non plus fait l’objet d’un rejet de principe par la Cour, alors
même que celle-ci a été invitée à la rejeter, y compris au stade des exceptions préliminaires en
l’espèce. En fait, dans les affaires antérieures, la Cour a estimé qu’il n’y avait pas lieu de l’examiner
et a refusé de l’appliquer sur la base des faits de la cause. Cela dit, au moins quatre membres de la
Cour ont admis et appliqué la doctrine des mains sales, quoique dans des opinions dissidentes188. Le
juge Ajibola et le juge Hudson se sont également référés, dans des opinions individuelles, au principe
tel qu’il est en vigueur dans les pays de common law189. Qui plus est, loin de rejeter la doctrine, le
juge Iwasawa a plutôt défini les limites de son application lorsqu’il l’examinait récemment en
l’affaire Jadhav190.
8.10 Le recours fréquent des Etats à la doctrine des mains sales se reflète également dans les
différends portés devant d’autres juridictions internationales. Ainsi plusieurs Etats (dont l’Iran) l’ont
invoquée devant le Tribunal des réclamations Iran/Etats-Unis191, des tribunaux d’arbitrage constitués
sous l’empire de l’annexe VII de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer192, des
commissions des réclamations interétatiques et des tribunaux d’arbitrage entre investisseurs et
Etats193. À titre d’exemple, dans les affaires Good Return et Medea portées devant la commission
route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), réplique de la République du Nicaragua,
par. 6.85 et 6.92, 4 août 2014).
188 Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran (Etats-Unis d’Amérique c. Iran), arrêt,
C.I.J. Recueil 1980, opinion dissidente de M. le juge Morozov, p. 52 ; Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua
et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, opinion dissidente de M. le juge
Schwebel, p. 392-394, par. 268-272 ; Mandat d’arrêt du 11 avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique),
arrêt, C.I.J. Recueil 2002, opinion dissidente de M. le juge ad hoc Van den Wyngaert, p. 159-161, par. 35 ; Activités armées
sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), arrêt, C.I.J. Recueil 2005, opinion dissidente
de M. le juge ad hoc Kateka, p. 375, par. 46, et p. 379, par. 61.
189 Prises d’eau à la Meuse, arrêt, 1937, C.P.J.I, série A/B) no 70, opinion individuelle de M. le juge Hudson, p. 77
(«un tribunal d’équité refuse d’accorder remède au plaignant qui s’est mal conduit à l’égard de ce qui fait le fond du litige»),
citant Halsbury’s Laws of England, vol. 13, p. 87 (2e édition, 1934)) ; Application de la convention pour la prévention et
la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Yougoslavie (Serbie et Monténégro)), mesures conservatoires,
ordonnance du 13 septembre 1993, C.I.J. Recueil 1993, opinion individuelle de M. le juge Ajibola, p. 395 (faisant référence
au principe de common law selon lequel «le demandeur qui «sollicite l’équité doit lui-même être équitable», ce qui veut
dire que le demandeur doit «avoir les mains propres»»).
190 Voir Jadhav (Inde c. Pakistan), arrêt, C.I.J. Recueil 2019 (II), déclaration de M. le juge Iwasawa, p. 520-521,
par. 3.
191 L’Iran lui-même a soutenu que la doctrine des mains sales était «attestée par un corpus considérable et divers
de doctrine juridique internationale, de pratique étatique et de jurisprudence internationale». Aryeh v. Iran, affaires nos 842,
843 et 844, «Respondent’s Hearing Memorial and Written Evidence», mémoire et éléments de preuve écrits du défendeur
pour l’audience, vol. III, pièce jointe C, 23 mars 1993, p. 44, doc. 80, Tribunal des réclamations Iran/Etats-Unis)
(exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 187). Voir également Mohtadi v. Iran, affaire no 271, sentence
no 573-271-3, 2 décembre 1996, Iran-US Claims Tribunal Reports, vol. 32, p. 134 (exceptions préliminaires des Etats-Unis,
annexe 188) (relevant que l’Iran a déclaré que les mains sales pouvaient constituer un motif de rejet d’une demande) ;
Karubian v. Iran, affaire no 419, sentence no 569-419-2, 6 mars 1996, Iran-US Claims Tribunal Reports, vol. 32, p. 36
(exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 189) (affirmant que la doctrine des mains propres, entre autres, interdit
de faire droit aux demandes).
192 Cet argument a été avancé par le Surinam en l’affaire Guyana v. Suriname, RSA, vol. XXX, par. 182-184, Cour
permanente d’arbitrage, 2007 (annexe 80). Si le tribunal a refusé d’appliquer la doctrine des mains sales, c’est sur le
fondement des critères restrictifs dégagés par le juge Hudson qui seront examinés ci-après. Il ne s’est pas prononcé sur
l’existence de cette doctrine en droit international. Ibid., par. 421.
193 La doctrine des mains sales a été expressément invoquée par huit Etats au moins : le Bangladesh en l’affaire
Niko Resources (Bangladesh) Ltd v. People’s Republic of Bangladesh, affaire CIRDI no ARB/10/11 et ARB/10/18,
décision sur la compétence, 19 août 2013, par. 476 (annexe 89) ; la Russie en l’affaire Hulley Enterprises (Cyprus)
Limited v. Russia, CNUDCI, affaire CPA no AA 226, sentence finale, 18 juillet 2014, par. 1273 et suiv. (annexe 81) ; les
Philippines en l’affaire Fraport AG Frankfurt Airport Services Worldwide v. Republic of the Philippines, affaire CIRDI
no ARB/11/12, sentence, 10 décembre 2014, par. 210 (où le tribunal évoque la doctrine des mains sales et l’approuve
manifestement au paragraphe 328) (annexe 90) ; l’Indonésie en l’affaire Hesham Talaat M. Al-Warraq v. Republic of
Indonesia, CNUDCI, sentence finale, 15 décembre 2014, par. 161-164, le tribunal s’appuyant sur la doctrine des mains
sales aux paragraphes 646-648 (annexe 91) ; l’Equateur en l’affaire Copper Mesa Mining Corporation v. Republic of
Ecuador, affaire CPA no 2012-2, sentence, 15 mars 2016, par. 5.36 (annexe 92) ; le Venezuela en l’affaire Rusoro Mining
57
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des réclamations interétatiques Equateur/Etats-Unis, le commissaire Hassaurek a refusé de faire droit
à des demandes sur le fondement du principe selon lequel «la partie qui demande réparation [doit] se
présenter les mains propres»194. De même, en l’affaire Frierdich portée devant la commission mixte
des réclamations France-Venezuela, l’arbitre a rejeté la demande de la société concernée au motif
qu’elle était «la cause première et effective de ses propres malheurs liés à [l’]incident». Cette
constatation a conduit l’arbitre à appliquer «l’une des principales maximes de l’equity, selon laquelle
«qui demande réparation doit se présenter les mains propres»»195.
8.11 Outre les juridictions internationales, la doctrine des mains sales est largement admise et
appliquée comme maxime de l’equity par les juridictions nationales, celles-ci y recourant pour
débouter de sa demande de réparation tout demandeur qui s’est mal conduit à l’égard de ce qui fait
le fond du litige. Ainsi, aux Etats-Unis, cette doctrine «a pour objet d’éviter que le tribunal ne
cautionne une fraude ou tout autre comportement contraire à l’équité» et a pour effet de «protéger
l’intégrité du tribunal et de la procédure judiciaire en refusant toute réparation aux personnes dont la
présence à l’instance est la conséquence d’un acte de fraude ou d’un comportement contraire à
l’équité»196. La validité de cette maxime de l’equity a également été reconnue par des pays comme
le Royaume-Uni (juridictions d’Angleterre et du pays de Galles)197, l’Australie198, le Canada199, le
Pakistan200 et l’Afrique du Sud201.
8.12 A l’instar des juridictions nationales et internationales susmentionnées, la Cour a toute
latitude pour appliquer la doctrine des mains sales afin de refuser au demandeur la possibilité
d’utiliser la procédure judiciaire pour légitimer un acte illicite qu’il a commis. Les Etats-Unis
admettent que, dans la mesure où il se fonde sur une maxime de l’equity, l’exercice de ce pouvoir
d’appréciation doit s’appuyer sur des considérations de justice et d’équité. Ils reconnaissent
également que le pouvoir d’appréciation de la Cour ne saurait être exercé à la légère. Néanmoins,
dans des circonstances exceptionnelles comme en l’espèce, où le demandeur tente de se servir de la
Ltd. v. Bolivarian Republic of Venezuela, affaire CIRDI no ARB(AF)/12/5, sentence, 22 août 2016, par. 491 et suiv. (qui
dit qu’il est «incontesté que les demandeurs ayant les «mains sales» n’ont pas le droit d’intenter des actions en matière
d’arbitrage relatif aux investissements») (annexe 93) ; l’Italie en l’affaire Blusun S.A v. Italian Republic, affaire CIRDI
no ARB/14/3, sentence, 27 décembre 2016, par. 272 (annexe 94) ; et la Bolivie en l’affaire Glencore Finance (Bermuda)
Limited v. The Plurinational State of Bolivia, affaire CPA no 2016-39, ordonnance de procédure n° 2 (décision sur la
bifurcation), 31 janvier 2018, par. 45 (annexe 95). Voir également Plama Consortium Ltd. v. Republic of Bulgaria,
affaire CIRDI no ARB/03/24, sentence, 27 août 2008, par. 130-146 (annexe 96) (appliquant indirectement la doctrine des
mains sales lors de l’examen de la question de la légalité), et Gustav F. W. Hamester GmbH & Co KG v. Republic of Ghana,
affaire CIRDI no ARB/07/24, sentence, 18 juin 2010, par. 317 (annexe 97) (où le tribunal considère les «mains propres»
de l’investisseur comme un élément d’appréciation pertinent).
194Affaires Good Return et Medea, opinion du commissaire Hassaurek, RSA, vol. XXIX, p. 107, 8 août 1865
(annexe 98).
195 Frierdich & Co, opinion de l’arbitre, RSA, vol. X, p. 54, 31 juillet 1905 (annexe 99).
196 Voir, par exemple, Gilead Sciences Inc. v. Merck & Co., Inc., «Federal Reporter», série 3, vol. 888,
p. 1239-1240 (cour d’appel du circuit fédéral, 2018) (annexe 100).
197 Voir, par exemple, Royal Bank of Scotland plc v. Highland Financial Partners LP (cour d’appel d’Angleterre
et du pays de Galles, chambre civile, 2013), no 328, par. 158-172 (annexe 101). Voir également Snell’s Equity, par. 5-010
(33e édition, 2018) (annexe 84).
198 Voir, par exemple, Official Trustee in Bankruptcy v. Tooheys Ltd, 1993 (cour d’appel de la Nouvelle-Galles du
Sud), New «South Wales Law Reports», vol. 29, p. 641, 18 mars 1993 (annexe 102).
199 Voir, par exemple, Volkswagen Canada Inc. v. Access International Automotive Ltd (Cour d’appel fédérale du
Canada), «Federal Courts Reports», 2001, vol. 3, 21 mars 2001, p. 311, par. 19 et suiv. (annexe 103).
200 Voir, par exemple, Société Générale de Surveillance SA v. Pakistan (Minister of Finance, Revenue Division and
Islamabad), Cour suprême du Pakistan, pourvoi civil no 459/2002, 3 juillet 2002, par. 61 (annexe 104).
201 Voir, par exemple, South Africa v. Mahala and Mahala, détermination de la compétence, Haute Cour du Cap
oriental, «South African Criminal Law Reports», 1992, vol. 2, 21 mai 1992, p. 305, par. 32 (annexe 105).
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Cour pour se soustraire aux conséquences de ses propres méfaits, il conviendrait que la Cour n’accède
pas à sa demande de réparation.
SECTION C
LES CIRCONSTANCES DANS LESQUELLES LA DOCTRINE PEUT ÊTRE APPLIQUÉE
ET SES CONSÉQUENCES
8.13 Il existe un certain nombre d’éléments dont la Cour peut s’inspirer dans l’exercice de son
pouvoir d’appréciation pour déterminer les cas présentant un caractère exceptionnel qui appellent
l’application de la doctrine des mains sales. Ces éléments sont : premièrement, l’existence d’une
faute ou d’un comportement illicite répondant aux conditions requises ; deuxièmement, le fait que la
faute ou le comportement illicite soit un acte accompli par l’Etat demandeur ou pour son compte202 ;
troisièmement, l’existence d’un lien entre la faute ou le comportement illicite et les demandes
présentées par l’Etat demandeur203 ; quatrièmement, le fait que la faute ou le comportement illicite
soit suffisamment grave pour qu’il paraisse inapproprié ou contraire à l’équité que la Cour fasse droit
à la demande de réparation ; et cinquièmement, l’existence d’une faute ou d’un comportement illicite
compensatoire de l’Etat défendeur susceptible de conduire la Cour à refuser d’exercer son pouvoir
d’appréciation en faveur de l’application de la doctrine.
8.14 Au stade des exceptions préliminaires, une controverse est née sur la question de savoir
si les critères dégagés par le juge Hudson dans son opinion individuelle en l’affaire des Prises d’eau
à la Meuse204 s’inscrivaient dans le cadre de la doctrine des mains sales. Afin de dissiper tout doute,
il convient de préciser que ces critères ne relèvent pas de la doctrine des mains sales, contrairement
à la thèse (modifiée) de l’Iran205. En fait, ils relèvent totalement d’une tout autre maxime, la maxime
202 Voir, par exemple, Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis
consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 136, par. 63-64.
203 Le degré de connexité entre la faute ou le comportement illicite et la prétention du demandeur dépend des
circonstances de l’espèce (notamment de la réparation demandée par le défendeur sur le fondement de la doctrine des mains
sales). Par exemple, dans les cas où le défendeur sollicite une déclaration d’irrecevabilité, il est nécessaire qu’il établisse
qu’un lien existe entre le traité sur lequel la requête est fondée et la faute ou le comportement illicite en question. Voir
Jadhav (Inde c. Pakistan), arrêt, C.I.J. Recueil 2019 (II), déclaration de M. le juge Iwasawa, p. 520-521, par. 3. Voir, plus
largement, le lien de connexité énoncé en l’affaire Frierdich & Co, opinion de l’arbitre, RSA, vol. X, 31 juillet 1905, p. 54
(annexe 99) (affaire dans laquelle la société en cause était «la cause première et effective de ses propres malheurs» et s’est
vue déboutée de sa demande de réparation pour ce motif) ; voir également Gerald G. Fitzmaurice, The General Principles
of International Law Considered from the Standpoint of the Rule of Law [Les principes généraux du droit international
considérés sous l’angle de l’état de droit], Recueil des cours de l’Académie de droit international de La Haye, vol. 92,
1957, p. 119 (annexe 106).
204 Prises d’eau à la Meuse, arrêt, 1937, C.P.J.I, série A/B) no 70, opinion individuelle de M. le juge Hudson, p. 77
(«Un important principe d’équité semblerait être que, quand deux parties ont assumé une obligation identique ou
réciproque, une partie qui, de manière continue, n’exécute pas cette obligation, ne devrait pas être autorisée à tirer avantage
d’une non-observation analogue de cette obligation par l’autre partie.») ; voir également ibid., p. 78 («[L]es Pays-Bas euxmêmes
exercent un acte qui est précisément semblable, en droit et en fait. Cette situation semble recommander l’application
du principe d’équité énoncé ci-dessus.»).
205 Arrêt sur les exceptions préliminaires, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 43, par. 121, faisant état de l’argument de l’Iran
selon lequel la doctrine des mains propres «ne s’applique que lorsque le demandeur accomplit un «acte qui est précisément
semblable, en droit et en fait» à celui dont il se plaint» (ce qui fait écho à la page 78 de l’opinion du juge Hudson). Ainsi
que l’a relevé le juge ad hoc Brower, l’Iran soutenait au départ que le juge Hudson n’avait pas traité de la doctrine des
mains propres dans son opinion : voir l’arrêt sur les exceptions préliminaires, C.I.J. Recueil 2019 (I), opinion individuelle
de M. le juge ad hoc Brower, p. 67, par. 4 ; Certains actifs iraniens, observations et conclusions de l’Iran sur les exceptions
préliminaires des Etats-Unis, par. 8.8, 1er septembre 2017.
60
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exceptio non adimpleti contractus206, que les Etats-Unis n’invoquent pas (et n’ont jamais invoquée)
en l’espèce. En conséquence, la Cour doit méconnaître les décisions des tribunaux qui ont refusé
d’appliquer cette doctrine au motif que les conditions définies dans l’opinion du juge Hudson
n’étaient pas remplies, si et dans la mesure où l’Iran les invoque207.
8.15 Les conséquences juridiques de l’application effective de la doctrine des mains sales ne
sont pas limitées. Etant fondée sur la bonne foi et l’équité, la doctrine doit être appliquée d’une façon
qui serve au mieux les fins de la justice au vu des circonstances particulières de l’espèce et des
éléments exposés ci-dessus.
SECTION D
LE SOUTIEN APPORTÉ PAR L’IRAN AUX ACTES DE TERRORISME VISANT LES ETATS-UNIS
TOMBE SOUS LE COUP DE LA DOCTRINE DES MAINS SALES
8.16 Le point crucial du moyen de défense tiré par les Etats-Unis de la doctrine des mains sales
est que l’Iran cherche à se prévaloir du traité d’amitié pour se soustraire aux conséquences de son
propre comportement en alléguant que les Etats-Unis ont violé ce traité. Or ses allégations portent
sur les mesures prises par les Etats-Unis pour atténuer les conséquences des actes illicites de l’Iran.
8.17 Comme indiqué au chapitre 5 ci-dessus, l’Iran manifeste depuis 1979 un comportement
qui consiste notamment à soutenir des actes de terrorisme dirigés contre des ressortissants et des
intérêts américains, actes qui ont conduit les Etats-Unis à prendre les mesures dont l’Iran se plaint
aujourd’hui. Le fait que l’Iran soutienne largement et pilote des actes de terrorisme ainsi que des
assassinats, d’autres meurtres et des détournements aériens et qu’il manque aux obligations mises à
sa charge en matière de missiles balistiques et de commerce des armes constitue la toile de fond sur
la base de laquelle la Cour doit apprécier le comportement de l’Iran.
8.18 Il ne fait aucun doute que l’Iran apporte son soutien à un vaste programme d’actes de
terrorisme dirigés contre les Etats-Unis et leurs ressortissants qui dure sans discontinuer depuis 1983.
206 Le principe que le juge Hudson voulait invoquer en l’affaire des Prises d’eau à la Meuse, et auquel se rapportent
les conditions formulées à la fin de la page 77 de son opinion, est l’exceptio non adimpleti contractus (à savoir l’exception
d’inexécution du contrat qui confère à tout Etat le droit de suspendre l’exécution d’un contrat et est codifiée à l’article 60
de la convention de Vienne). Plusieurs membres de la Cour ont reconnu que sa décision devait s’interpréter en une
application de ce principe : voir Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua
c. Etats-Unis d’Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, opinion dissidente de M. le juge Schwebel, p. 392-393,
par. 269 ; Plates-formes pétrolières (République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), demande reconventionnelle,
ordonnance du 10 mars 1998, C.I.J. Recueil 1998, opinion dissidente de M. le juge ad hoc Rigaux, p. 228 ; Application de
l’accord intérimaire du 13 septembre 1995 (ex-République yougoslave de Macédoine c. Grèce), arrêt,
C.I.J. Recueil 2011 (II), opinion individuelle de M. le juge Simma, p. 701-702, par. 16. Voir également James Crawford,
The International Law Commision’s Articles on State Responsibility: Introduction, Text and Commentaries [Les articles
de la Commission du droit international sur la responsabilité de l’Etat : Introduction, textes et commentaires], 2002, p. 162,
par. 9 et note 337 (annexe 88). C’est également ainsi que le juge Anzilotti a qualifié le principe appliqué à la suite des
conclusions de la Belgique : voir Prises d’eau à la Meuse, arrêt, 1937, C.P.J.I, série A/B) no 70, opinion dissidente de M.
le juge Anzilotti, p. 50) («Je n’ai vraiment aucun doute que le principe qui est à la base de cette conclusion (inadimplenti
non est adimplendum) soit si juste, si équitable, si universellement reconnu qu’il doive être appliqué aussi dans les rapports
internationaux. Il s’agit, en tout cas, d’un de ces «principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées» que la
Cour applique…»). Le juge ad hoc Brower a aussi reconnu dans la présente affaire que le juge Hudson «n’examinait [] pas
spécifiquement la doctrine des mains propres». Voir l’arrêt sur les exceptions préliminaires, C.I.J. Recueil 2019 (I), opinion
individuelle de M. le juge ad hoc Brower, p. 68, par. 5.
207 Voir, par exemple, Guyana v. Suriname, RSA, vol. XXX, par. 420-421, Cour permanente d’arbitrage, 2007
(annexe 80) ; Niko Resources (Bangladesh) Ltd v. People’s Republic of Bangladesh, affaire CIRDI no ARB/10/11 et
ARB/10/18, décision sur la compétence, par. 476 et 480-485, 19 août 2013 (annexe 89).
61
- 59 -
Comme indiqué plus haut208, la campagne de terrorisme menée par l’Iran vise tout particulièrement
les ressortissants et les installations des Etats-Unis. Cette campagne s’illustre par l’attentat commis
contre le casernement des fusiliers marins américains à Beyrouth, qui a causé la mort de
241 militaires américains, ainsi que par l’attentat commis contre les tours de Khobar (la partie
résidentielle de la base militaire américaine de Dharan, en Arabie saoudite), qui a tué 17 militaires
américains209. Ces deux attentats, véritablement odieux, ont été à l’origine des principales affaires
invoquées par l’Iran devant la Cour, à savoir les affaires Peterson210 et Heiser211. Dans ces deux
affaires, les juridictions américaines ont conclu, sur la base des dépositions détaillées faites par des
témoins des faits et des témoins experts lors du procès212 et à la lumière des principes applicables du
droit américain, que l’Iran avait sciemment apporté son soutien aux actes de terrorisme perpétrés
contre les militaires américains, dont la cible avait été délibérément et froidement choisie. Outre ces
actes, les Etats-Unis invoquent une large série d’autres actes de terrorisme perpétrés contre leurs
ressortissants, à laquelle ils ont réagi par les voies de droit américaines. Il s’agit des détournements
aériens, des enlèvements et des assassinats de fonctionnaires et d’autres ressortissants américains
commis par des alliés de l’Iran, comme indiqué en détail plus haut213.
8.19 L’Iran tente d’étouffer ces faits gênants en faisant valoir que les allégations de terrorisme
portées contre lui par les Etats-Unis sont hors de propos en l’espèce214. Cette position est
208 Voir la section B du chapitre 5 ci-dessus.
209 Ibid.
210 L’Iran invoque l’affaire Peterson dans son mémoire aux paragraphes 1.13, 1.27, 1.29, 2.39-2.43, 2.46, 2.58,
4.22, 4.35, 5.12, 5.14, 5.16, 5.45, 5.60 et 7.2 ainsi que dans la pièce jointe 2, lignes 21, 23, 29, 30, 38 et 79 du texte anglais.
Voir également les affaires Bland (pièce jointe 2, lignes 38, 67 et 79), Brown (ibid., lignes 38, 71 et 79), Davis (ibid.,
lignes 9 et 70), Holland (ibid., ligne 69), Murphy (ibid., ligne 17), Relvas (ibid., ligne 83) et Valore (ibid., lignes 38, 47 et
79), qui découlaient aussi de l’attentat perpétré contre le casernement des militaires américains à Beyrouth.
211 L’Iran invoque l’affaire Heiser dans son mémoire aux paragraphes 2.26, 2.51, 2.59-2.60, 4.32-4.33, 5.14, 5.59
et 5.69 ainsi que dans la pièce jointe 2, lignes 2, 25-28, 33-36, 38-41, 44-46, 48-49, 53-54, 57, 63, 65-66 et 79 du texte
anglais. les affaires Blais (ibid., ligne 74), Rimkus (ibid., lignes 51-52) et Valencia (ibid., ligne 75), qui découlaient aussi
de l’attentat perpétré contre les tours de Khobar.
212 Dans l’affaire Peterson c. République islamique d’Iran, «Federal Supplement», série 2, vol. 264, p. 46 (tribunal
fédéral du district de Columbia, 2003) (annexe 36), le tribunal a jugé que «[l]a complicité de l’Iran dans l’attentat de 1983
a[vait] été établie de manière concluante» (ibid., p. 54) et qu’«il ne fai[sait] pas de doute que le Hezbollah et ses agents
[avaient] reçu du Gouvernement iranien un soutien matériel et technique considérable» (ibid., p. 58). Le tribunal est parvenu
à ces conclusions sur la foi de dépositions détaillées faites par des témoins des faits et des témoins experts, notamment
Patrick Clawson, Reuven Paz, Michael Ledeen, l’amiral James Lyons, le colonel Timothy Geraghty, Robert Baer et
Warren Parker. Dans l’affaire Heiser c. République islamique d’Iran, «Federal Supplement», série 2, vol. 466, p. 229
(tribunal fédéral du district de Columbia, 2006) (annexe 41), le tribunal a conclu que «l’attentat à la bombe perpétré contre
les tours de Khobar a[vait] été planifié, financé et soutenu par des hauts responsables du Gouvernement de la République
islamique d’Iran». Ibid., p. 265. Le tribunal est parvenu à ces conclusions sur la foi de dépositions faites par Louis Freeh,
directeur du FBI, Dale Watson, Patrick Clawson et Bruce Tefft et après avoir dressé le constat judiciaire des faits qu’il avait
constatés en l’affaire Blais c. République islamique d’Iran, «Federal Supplement», série 2, vol. 459, p. 40 (tribunal fédéral
du district de Columbia, 2006) (annexe 40), qui découlait du même attentat. Voir également le compte rendu de la
déposition hors audience de Patrick Clawson en date du 25 novembre 2003 en l’affaire Heiser c. République islamique
d’Iran, no 00-2329 (tribunal fédéral du district de Columbia) (annexe 110) ; le compte rendu du procès en date du
12 décembre 2003 (déposition de Patrick Clawson) en l’affaire Heiser c. République islamique d’Iran, no 00-2329 (tribunal
fédéral du district de Columbia) (annexe 111) ; le compte rendu du procès en date du 18 décembre 2003 (déposition du
directeur du FBI, Louis Freeh) en l’affaire Heiser c. République islamique d’Iran, no 00-2329 (tribunal fédéral du district
de Columbia) (annexe 42) ; le compte rendu du procès en date du 9 février 2004 (témoignage de Patrick Clawson) en
l’affaire Heiser c. République islamique d’Iran, no 00-2329 (tribunal fédéral du district de Columbia) (annexe 113) ; et le
compte rendu du procès en date du 26 mai 2006 (déposition de Bruce Tefft) en l’affaire Blais c. République islamique
d’Iran, no 00-2003-285 (tribunal fédéral du district de Columbia) (annexe 114).
213 Voir la section B du chapitre 5 ci-dessus.
214 Arrêt sur les exceptions préliminaires, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 43, par. 118, prenant acte de l’argument de
l’Iran selon lequel les allégations de terrorisme avancées par les Etats-Unis sont «dépourvues de fondement».
62
- 60 -
indéfendable. Les actes de terrorisme invoqués par les Etats-Unis aux fins de leur défense au fond
sont bien liés intrinsèquement aux prétentions tirées du traité d’amitié par l’Iran.
8.20 Pour commencer, les mesures législatives et réglementaires américaines contestées en
l’espèce ont été conçues en réaction aux attentats de Beyrouth, aux attentats à la bombe perpétrés
contre les tours de Khobar et à d’autres actes de terrorisme soutenus par l’Etat iranien, ainsi que pour
faciliter les efforts déployés par les victimes de ces faits en vue d’obtenir réparation215. Par ces
mesures, les Etats-Unis ont créé un cadre législatif et judiciaire permettant aux victimes américaines
du terrorisme de demander des comptes à l’Iran et à d’autres Etats soutenant le terrorisme et de
demander réparation de leurs souffrances et de celles de leurs familles. Si l’Iran n’avait pas apporté
son soutien aux actes de terrorisme en question ou avait agi dans le sens de l’obligation qui lui
incombait de donner réparation à ses victimes216, les mesures et les actions en justice américaines
contestées aujourd’hui ne se seraient pas imposées. Dans ce contexte, l’Iran ne saurait prétendre
maintenant que la question de ses mains sales n’est pas un élément que la Cour doit prendre en
compte pour statuer sur la légalité des mesures américaines contestées. Pour citer l’arbitre saisi de
l’affaire Frierdich, l’Iran est incontestablement l’«auteur de ses propres malheurs»217.
8.21 Nonobstant ce qui précède, l’Iran invoque pour sa défense le traité d’amitié, un traité qui
suppose l’existence de la «paix … et [de l’]amitié»218 ainsi que celle de relations économiques
mutuellement profitables219. Il sollicite l’aide de la Cour pour se soustraire aux conséquences d’un
comportement dont il a été jugé responsable sur la base des éléments de preuve produits. Si la Cour
devait accéder à la demande de réparation formée par l’Iran, il en résulterait un déni d’équité et non
une application de l’équité.
8.22 Dans ce contexte, la Cour doit user de son pouvoir d’appréciation pour rejeter dans leur
totalité les demandes de l’Iran fondées sur le traité d’amitié, sur la base de considérations de bonne
foi et d’équité. Le comportement illicite de l’Iran invoqué par les Etats-Unis est directement en cause
dans l’affaire qu’il a portée devant la Cour, en ce que ce comportement comprend des actes qui ont
été commis contre des installations et des ressortissants des Etats-Unis et ont fait un nombre
important de morts et de blessés parmi les ressortissants américains.
8.23 Pour ces motifs, la Cour doit apprécier l’ensemble des demandes de l’Iran à l’aune de ses
mains sales et, par conséquent, les rejeter au motif que les mesures américaines qu’il conteste ont été
adoptées en réaction à son comportement. Les Etats-Unis font valoir respectueusement que l’Iran ne
saurait être protégé contre les conséquences de ses propres méfaits.
215 C’est l’attentat de Beyrouth qui a conduit les Etats-Unis à qualifier l’Iran d’Etat soutenant le terrorisme en
janvier 1984. Voir la section A du chapitre 6 ci-dessus.
216 Il convient de noter que selon l’Iran, l’existence de l’obligation de réparation «ne fait l’ombre d’aucun doute»,
mais c’est de mauvaise foi qu’il l’invoque en l’espèce. (MI, par. 7.18).
217 Frierdich & Co, opinion de l’arbitre, RSA, vol. X, 31 juillet 1905, p. 54 (annexe 99).
218 Voir le traité d’amitié, article premier. Voir également Plates-formes pétrolières (République islamique d’Iran
c. Etats-Unis d’Amérique), exception préliminaire, C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 814, par. 28. Voir en outre ibid., p. 820,
par. 52 («L’esprit qui anime cet article et l’intention qu’il exprime inspirent l’ensemble du traité et lui donnent sa
signification ; ils doivent, en cas de doute, inciter la Cour à adopter l’interprétation qui semble la plus conforme à l’objectif
général d’établir des relations amicales dans tous les domaines d’activité couverts par le traité.»).
219 Voir le préambule du traité d’amitié.
63
- 61 -
CHAPITRE 9
L’APPLICATION DE L’ARRÊT DE LA COUR SUR LES EXCEPTIONS PRÉLIMINAIRES AUX FAITS DE
LA CAUSE DONNERAIT NÉCESSAIREMENT LIEU AU REJET DES PRÉTENTIONS DE L’IRAN
PORTANT CONTESTATION DU TRAITEMENT RÉSERVÉ À LA BANQUE MARKAZI,
CELLE-CI N’ÉTANT PAS UNE «SOCIÉTÉ» ADMISE À JOUIR DES DROITS
PRÉVUS PAR LES ARTICLES III, IV ET V DU TRAITÉ
9.1 Les Etats-Unis démontreront dans le présent chapitre que d’après le cadre de référence
établi par la Cour dans son arrêt sur les exceptions préliminaires, la banque Markazi n’est pas une
«société» au sens du traité. Dans ledit arrêt, la Cour a conclu qu’une entité ne pouvait être qualifiée
de «société» au sens du traité que dans la mesure où elle exerçait des activités de nature
commerciale220. Cela dit, elle a estimé que, dans le cadre de l’arrêt, elle ne disposait pas de tous les
faits nécessaires pour déterminer si la banque Markazi exerçait, à l’époque considérée, des activités
de nature commerciale permettant de la qualifier de «société»221.
9.2 Ainsi qu’il sera démontré ci-après, les activités de la banque Markazi en cause dans la
présente affaire doivent, de toute évidence, être considérées comme des actes souverains, et non
commerciaux, si l’on en juge par la façon dont la banque les a expressément qualifiées en l’affaire
Peterson, cette même affaire qui sous-tend les demandes formulées en l’espèce par l’Iran en ce qui
concerne la banque Markazi. L’Iran ne saurait être admis à «souffler le chaud et le froid» sur un
même point au gré des juridictions. Selon sa propre description des activités considérées, la banque
Markazi ne peut pas être regardée comme une «société» au sens du traité. Qui plus est, dans ses
écritures, l’Iran ne fait aucun effort sérieux pour établir que la banque Markazi exerçait le type
d’activités commerciales que la Cour estime nécessaires pour entraîner la qualification de «société».
Bien au contraire, à l’instar de la banque Markazi en l’affaire Peterson, l’Iran a, jusqu’à présent,
insisté sur la nature souveraine des activités de ladite banque. Si l’Iran est lié, comme il devrait l’être,
par ses propres descriptions des activités de la banque Markazi en l’espèce, cette banque ne satisfait
pas aux conditions retenues par la Cour pour qualifier une entité de «société» au sens du traité. Il y a
donc lieu de rejeter les demandes de l’Iran portant sur la banque Markazi en tant que société.
SECTION A
SI LA BANQUE MARKAZI N’EST PAS UNE «SOCIÉTÉ» ADMISE À JOUIR DES DROITS
PRÉVUS PAR LE TRAITÉ, L’IRAN DOIT ÊTRE DÉBOUTÉ DE SES DEMANDES
PORTANT SUR LA BANQUE MARKAZI
9.3 L’Iran fait état de nombreux manquements aux obligations mises à la charge des Etats-Unis
par le traité qui sont spécifiques à la banque Markazi et découlent du traitement qui aurait été réservé
à cette dernière devant les juridictions américaines en l’affaire Peterson, notamment des violations
220 Arrêt sur les exceptions préliminaires, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 39, par. 92.
221 Ibid., p. 40, par. 97.
64
- 62 -
des paragraphes 1 et 2 des articles III et IV et du paragraphe 1 de l’article V222. Ainsi que le relève
l’arrêt sur les exceptions préliminaires, ces articles du traité s’appliquent exclusivement aux
«ressortissants» et aux «sociétés» d’une partie contractante223. Le terme «ressortissant» étant réservé
à des personnes physiques, la banque Markazi ne peut avoir droit au traitement exigé par ces
dispositions que si elle est considérée comme une «société» aux fins du traité224. Les demandes de
l’Iran liées au traitement qui aurait été appliqué à la banque Markazi découlent dès lors du fait que
selon l’Iran, celle-ci a droit au traitement que les dispositions du traité en question exigent d’accorder
aux «sociétés»225. Si la banque Markazi n’est pas une «société» aux fins du traité, ces demandes ne
trouvent pas leur fondement dans lesdites dispositions.
9.4 Dans son arrêt sur les exceptions préliminaires, la Cour a défini les éléments permettant de
déterminer si la banque Markazi est une «société» au sens du traité. Elle a précisé qu’une personne
morale «devrait être regardée comme une «société» au sens du traité dans la mesure où elle exerce
des activités de nature commerciale, même si ce n’est pas à titre principal»226. Ce faisant, elle a d’ores
et déjà rejeté l’argument principal invoqué par l’Iran pour expliquer pourquoi la banque Markazi doit
être considérée comme une «société» au sens du traité, à savoir l’idée que toute entité qui possède
un statut juridique distinct de celui de l’Etat est une «société» au sens du traité, quelles que soient les
activités qu’elle exerce227. La Cour a conclu qu’elle «ne saurait suivre l’interprétation que soutient
l’Iran dans la branche principale de son argumentation, selon laquelle la nature des activités exercées
par une entité déterminée est indifférente en vue de la qualification de ladite entité comme une
«société»»228. Ainsi que l’a relevé la Cour, l’interprétation de l’Iran est incompatible avec l’objectif
affiché du traité, qui est de garantir des droits et d’offrir des protections aux entités exerçant des
activités de nature commerciale. Or, dans son mémoire, comme on le verra ci-après, l’Iran ne s’est
pas acquitté de la charge qui lui incombait de démontrer que la banque Markazi exerçait des activités
commerciales aux Etats-Unis.
222 MI, par. 4.35 (alléguant la violation du droit de l’Iran à ce que ses ressortissants et ses sociétés aient accès sans
entrave aux juridictions américaines qu’il tient du paragraphe 1 de l’article III ; ibid., par. 5.14 b) et 5.16 (alléguant la
violation du droit de l’Iran à ce que ses ressortissants et ses sociétés aient accès sans entrave aux juridictions américaines
qu’il tient du paragraphe 2 de l’article III) ; ibid., par. 5.45 (alléguant le manquement à l’obligation d’accorder un traitement
juste et équitable aux ressortissants et aux sociétés de l’Iran qui est prévue par le paragraphe 1 de l’article IV) ; ibid.,
par. 5.48 (alléguant la violation de la protection contre toute mesure arbitraire [déraisonnable] ou discriminatoire pouvant
porter atteinte aux droits ou aux intérêts légalement acquis des ressortissants et des sociétés de l’Iran qui est garantie par le
paragraphe 1 de l’article IV) ; ibid., par. 5.60 (alléguant la violation du droit de l’Iran à ce que la protection et la sécurité
des biens appartenant à ses ressortissants et à ses sociétés, y compris les participations dans des biens, soient assurées de la
manière la plus constante qu’il tient du paragraphe 2 de l’article IV) ; ibid., par. 5.69 (alléguant la violation du droit de
l’Iran d’être à l’abri de l’expropriation des biens appartenant à ses ressortissants et à ses sociétés, y compris les
participations dans des biens, sauf pour cause d’utilité publique et moyennant le paiement d’une juste indemnité, qu’il tient
du paragraphe 2 de l’article IV) ; ibid., par. 5.75 (alléguant la violation du droit de l’Iran à ce qu’il soit permis à ses
ressortissants et à ses sociétés de prendre à bail, d’acquérir et d’aliéner des biens qu’il tient du paragraphe 1 de l’article V).
223 Arrêt sur les exceptions préliminaires, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 37, par. 86.
224 Le terme «sociétés» est défini au paragraphe 1 de l’article III du traité comme s’entendant «des sociétés de
capitaux ou de personnes, des compagnies et de toutes associations, qu’elles soient ou non à responsabilité limitée et à but
lucratif».
225 Il convient de relever que l’Iran affirme expressément dans son mémoire que la banque Markazi est soumise à
un traitement moins favorable, non pas par rapport à d’autres «sociétés», mais par rapport aux banques centrales d’autres
Etats, reconnaissant ainsi implicitement le statut tout à fait particulier des banques centrales (MI, par. 5.17).
226 Arrêt sur les exceptions préliminaires, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 39, par. 92.
227 Observations et conclusions de l’Iran sur les exceptions préliminaires des Etats-Unis, par. 4.4-4.30.
228 Arrêt sur les exceptions préliminaires, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 38, par. 90.
65
- 63 -
SECTION B
LA LOI MONÉTAIRE ET BANCAIRE IRANIENNE DE 1972 MET EN ÉVIDENCE LA NATURE
SOUVERAINE DES FONCTIONS ASSIGNÉES À LA BANQUE MARKAZI
9.5 Dans son arrêt sur les exceptions préliminaires, la Cour a expressément relevé que les
Parties n’avaient pas traité en détail de l’étendue des activités que la loi monétaire et bancaire
iranienne habilitait la banque Markazi à exercer229. L’Iran et la banque Markazi ayant clairement
indiqué les activités spécifiques de cette dernière que la présente affaire intéresse, il n’est pas
nécessaire que la Cour procède à une analyse détaillée de la loi bancaire iranienne ou s’attache à
définir les limites des activités que cette loi autorise. Néanmoins, l’examen de celle-ci confirme la
nature souveraine des fonctions assignées à la banque Markazi.
9.6 L’article 10 de la loi monétaire et bancaire iranienne dispose que la banque Markazi «aura
pour tâche de formuler et d’appliquer des politiques en matière monétaire et de crédit sur la base de
la politique économique générale de l’Etat» et que les «objectifs de la banque centrale de la
République islamique d’Iran sont de préserver la valeur de la devise et l’équilibre de la balance des
paiements, de faciliter les transactions commerciales et de contribuer à la croissance économique du
pays»230.
9.7 L’article 11 dispose que la banque centrale joue le rôle «d’autorité de régulation du
système monétaire et de crédit de l’Etat» et qu’elle est investie de fonctions telles que l’émission de
monnaie, la surveillance des banques, l’adoption de la réglementation relative aux opérations de
change et à leur contrôle, le contrôle des transactions sur l’or et le contrôle des exportations et
importations de devises étrangères et de la monnaie iranienne231.
9.8 L’article 13 confère des pouvoirs spécifiques à la banque centrale, dont ceux d’octroyer
des prêts et des crédits aux entités étatiques, aux entreprises publiques et aux municipalités ; de
garantir les engagements pris par l’Etat ; d’escompter les traites et les effets de commerce à court
terme présentés par d’autres banques ; d’acheter et de vendre des bons du trésor et des obligations
d’Etat ainsi que des obligations émises par des Etats étrangers ou des institutions financières
internationales ; d’acheter et de vendre de l’or et de l’argent ; d’ouvrir et de détenir des comptes
courants auprès de banques étrangères ; et d’effectuer toute autre opération bancaire autorisée232. Si
certains des pouvoirs conférés par l’article 13 ne sont pas spécifiques aux banques centrales, ils
doivent être considérés comme entrant dans le cadre des missions et objectifs souverains assignés à
la banque centrale qui ont été exposés ci-dessus.
9.9 Les fonctions souveraines assignées à la banque Markazi par la loi monétaire et bancaire
iranienne illustrent le principe général selon lequel les banques centrales traditionnelles sont
fondamentalement différentes des «sociétés» ordinaires (qu’elles soient privées ou publiques)
couvertes par les articles III, IV et V du traité. Les banques centrales, telles que la banque Markazi,
sont investies de fonctions souveraines et présumées agir au nom de l’Etat lorsqu’elles remplissent
229 Arrêt sur les exceptions préliminaires, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 39, par. 95.
230 Loi monétaire et bancaire iranienne, art. 10 (MI, annexe 73).
231 Ibid., art. 11 (MI, annexe 73).
232 Ibid., art. 13 (MI, annexe 73).
66
- 64 -
ces missions gouvernementales233. Le rôle gouvernemental des banques centrales ne devait être un
secret pour personne à l’époque de la négociation du traité, à savoir au lendemain de la seconde
guerre mondiale où les banques centrales constituaient des instruments importants utilisés pour
reconstruire et restructurer les économies nationales, généralement sous la direction étroite de
l’Etat234. Compte tenu de ces fonctions souveraines exercées par les banques centrales, celles-ci
possédaient un statut distinct, plus étatique par essence, de celui des autres entreprises publiques à
l’époque de la négociation du traité. Cette acception a d’ailleurs été confirmée par les négociateurs
américains au sujet du champ d’application d’un traité d’amitié, de commerce et de navigation conclu
avec les Pays-Bas :
[O]n est fondé à présumer … que la «banque centrale» d’un Etat, qui agit au nom
du gouvernement dans l’exécution de la politique monétaire et fiscale de celui-ci,
représente l’Etat dans sa dimension régalienne et n’est pas une entreprise commerciale
(ou économique) au sens de la disposition [prévoyant la renonciation à l’immunité]. Il
va de soi que cette présomption est réfutable lorsque les éléments de preuve dans le cas
d’une banque centrale particulière ne la corroborent pas.»235
SECTION C
SELON LA PRÉSENTATION FAITE PAR L’IRAN MÊME, LES PRÉTENTIONS QU’IL A FORMULÉES
EN L’ESPÈCE ONT TRAIT AUX ACTIVITÉS GOUVERNEMENTALES SOUVERAINES
DE LA BANQUE MARKAZI
9.10 Bien qu’il existe une forte présomption que les banques centrales exercent des fonctions
souveraines, l’arrêt sur les exceptions préliminaires définit une méthode d’examen précise pour
déterminer si la banque Markazi peut être qualifiée de société au sens du traité. Reconnaissant qu’une
même entité peut exercer à la fois des activités de nature commerciale ou économique et des activités
souveraines, la Cour a déclaré dans l’arrêt susmentionné que c’est «la nature de l’activité
effectivement exercée qui détermine la qualification de l’entité qui l’exerce»236. Elle en a conclu qu’il
était nécessaire de déterminer «si la banque Markazi exerçait, à l’époque pertinente, des activités de
la nature de celles qui permettent de caractériser une «société» au sens du traité d’amitié, lesquelles
auraient été susceptibles d’être affectées par les mesures dont l’Iran tire grief au regard des
articles III, IV et V du traité»237.
9.11 Il en résulte qu’à présent, la Cour doit rechercher essentiellement si l’Iran peut établir
a) que la banque Markazi exerçait des activités de nature commerciale ; et b) que ces activités
présentent un lien avec les mesures américaines contestées en l’espèce, à savoir les mesures frappant
les actifs en cause dans l’action en exécution Peterson. Il ne suffit pas que l’Iran prouve seulement
233 Voir James Crawford, Execution of Judgments and Foreign Sovereign Immunity [Exécution des décisions de
justice et immunités souveraines étrangères], American Journal of International Law, vol. 75, 1981, p. 864 («Il est tout à
fait manifeste que les fonctions ordinaires de la banque centrale ou de l’autorité monétaire sont gouvernementales lorsqu’il
faut distinguer entre les transactions «gouvernementales» et les autres transactions de l’Etat.») (Annexe 115).
234 Lilia Costabile et Gerald Epstein, An Activist Revival in Central Banking? Lessons from the History of Economic
Thought and Central Bank Practice, European Journal of the History of Economic Thought, vol. 24, 2017, p. 1429
(annexe 116).
235 Voir les exceptions préliminaires des Etats-Unis, par. 9.16 (citant l’instruction A-52 en date du 4 août 1953
adressée à l’ambassade des Etats-Unis à La Haye par le département d’Etat américain, p. 2 (exceptions préliminaires des
Etats-Unis, annexe 231)).
236 Arrêt sur les exceptions préliminaires, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 38, par. 92.
237 Ibid., p. 40, par. 97.
67
- 65 -
que la banque Markazi aurait exercé des activités commerciales en plus de ses fonctions souveraines
à tel moment et dans tel lieu.
9.12 L’Iran et la banque Markazi ont à maintes reprises déclaré que les activités de cette
banque étaient de nature souveraine, qu’il s’agisse de ses activités générales ou de celles qui sont en
cause en l’espèce. Tout au long de son mémoire, l’Iran met un accent particulier sur les fonctions
souveraines exercées par la banque Markazi en sa qualité de banque centrale d’Iran238. S’il invoque
expressément les articles 11 et 13 de sa loi monétaire et bancaire de 1972 pour soutenir que la
«banque Markazi est incontestablement partie prenante à des actes en rapport avec le «commerce»
ou intégralement liés au commerce»239, la banque Markazi a invoqué les mêmes articles devant les
juridictions américaines pour établir qu’elle exerçait des activités souveraines240.
9.13 En ce qui concerne plus particulièrement ses activités en cause dans l’action en exécution
Peterson, la banque Markazi a expressément déclaré agir en qualité d’entité souveraine, et non
commerciale, à tous les égards pertinents. Selon ses dires, les actifs en cause étaient «employés pour
réaliser le but classique d’une banque centrale, à savoir investir ses réserves de devises»241, et cette
activité d’investissement «servait un objectif gouvernemental important»242. Dans sa requête pour
que soit rendue une ordonnance de certoriari qu’elle a formée devant la Cour suprême des Etats-Unis
en l’affaire Peterson, elle a décrit ses activités comme suit :
«La banque Markazi, demanderesse au pourvoi, est la banque centrale d’Iran.
Comme d’autres banques centrales, elle détient des réserves de change destinées à lui
permettre de mettre en oeuvre des politiques monétaires telles que le maintien de la
stabilité des prix. Comme d’autres banques centrales, elle dispose souvent de réserves
en obligations émises par des entités souveraines étrangères ou «supranationales»
comme la Banque européenne d’investissement.
Dans le cadre de ses réserves de change, la banque Markazi détenait auprès de
Banca UBAE S.p.A., qui est une banque italienne, 1,75 milliard de dollars en droits sur
des obligations d’Etats étrangers et supranationales. De son côté, UBAE détenait des
droits sur titre correspondants sur un compte auprès d’un autre intermédiaire,
Clearstream Banking, S.A., au Luxembourg. Clearstream détenait à son tour des droits
238 Voir les exceptions préliminaires des Etats-Unis, par. 9.4 (citant MI, par. 1.25, 2.34, 3.23-3.25 et 3.40) ;
déclaration sous serment de Gholamhossein Arabeieh, par. 27-37, Peterson c. République islamique d’Iran, affaire
no 10-4518 (tribunal fédéral du district sud de l’Etat de New York, 17 octobre 2010) (exceptions préliminaires des
Etats-Unis, annexe A03) (décrivant les diverses fonctions de la banque Markazi définies dans son statut, toutes de nature
souveraine et non pas commerciale, ainsi que la mission qui lui est assignée en tant que représentante de l’Iran auprès
d’organisations internationales telles que le FMI).
239 Observations et conclusions de l’Iran sur les exceptions préliminaires des Etats-Unis, par. 4.24.
240 «Defendant Bank Markazi’s Memorandum of Law in Support of Its Motion to Dismiss the Amended Complaint
for Lack of Subject Matter Jurisdiction», p. 29, Peterson c. République islamique d’Iran, affaire no 10-4518 (tribunal
fédéral du district sud de l’Etat de New York, 11 mai 2011) (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe A01) ;
déclaration sous serment de Gholamhossein Arabeieh, par. 27-37, Peterson c. République islamique d’Iran, affaire
no 10-4518 (tribunal fédéral du district de Columbia, 20 décembre 2010) (exceptions préliminaires des Etats-Unis,
annexe A03).
241 «Defendant Bank Markazi’s Memorandum of Law in Support of Its Motion to Dismiss the Amended Complaint
for Lack of Subject Matter Jurisdiction», p. 35-36, Peterson c. République islamique d’Iran, affaire no 13-2952
(deuxième circuit, 19 novembre 2013) (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 233).
242 «Defendant Bank Markazi’s Reply Memorandum of Law in Further Support of Its Motion to Dismiss the Second
Amended Complaint for Lack of Subject Matter Jurisdiction», p. 29, Peterson c. République islamique d’Iran, affaire
no 10-4518 (tribunal fédéral du district sud de l’Etat de New York, 22 juin 2012) (exceptions préliminaires des Etats-Unis,
annexe A15).
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sur titre correspondants sur un compte général de dépôt de titres auprès de Citibank,
N.A., à New York.»243
9.14 Il convient de relever que la banque Markazi a décrit en des termes très similaires ses
autres actifs que les demandeurs de l’affaire Peterson essaient aujourd’hui de saisir au moyen
d’actions judiciaires à l’extérieur des Etats-Unis244. Ces autres actifs, liés à ceux qui avaient fait
l’objet de procès devant les juridictions américaines, sont le produit d’obligations dont la banque
Markazi est bénéficiaire effectif245. Dans l’action en exécution intentée au Luxembourg par des
victimes américaines du terrorisme distinctes des demandeurs de l’affaire Peterson, la banque
Markazi a décrit, par voie de déclaration d’expert, ses actifs en cause comme suit :
«Les avoirs saisis dans le cas d’espèce font partie des réserves de la Banque
Markazi en sa qualité de banque centrale de la République islamique d’Iran.
Comme toutes les réserves d’une banque centrale, ces avoirs sont utilisés afin
d’instiller la confiance sur les marchés financiers et de promouvoir la stabilité des prix.
Ces objectifs figurent parmi les objectifs essentiels et prioritaires de la Banque Markazi
en tant que banque centrale. Les fins de toute banque centrale comprennent en effet la
conduite d’une politique monétaire en vue de la promotion des objectifs économiques
nationaux de l’Etat concerné (voy. supra, par. 28).
Il peut donc sans risque être avancé en l’espèce que les avoirs en cause sont
effectivement et exclusivement utilisés, ou à tout le moins destinés à être utilisés, aux
fins de la banque centrale, et sont donc couverts par l’immunité d’exécution.
A vrai dire, dans le contexte ici en cause, les avoirs saisis paraissent même être
affectés en réalité à des fins monétaires ou autres fins souveraines, …
Ils ne sont certainement pas affectés en tout à des fins économiques ou
commerciales de droit privé.»246
9.15 Deux conclusions peuvent être tirées de ces affirmations que l’Iran n’a d’ailleurs pas
contestées. Premièrement, la banque Markazi a fait valoir invariablement que ses activités en cause
en l’espèce consistaient à gérer ses réserves de change. Ni l’Iran ni la banque Markazi n’ont fait état
d’autres activités de cette dernière qui seraient liées aux mesures américaines contestées.
Deuxièmement, l’Iran considère la gestion des réserves de change de la banque Markazi alléguée
comme une activité souveraine247. Il s’ensuit que les activités de la banque Markazi en cause en
243 Voir la requête pour que soit rendue une ordonnance de certiorari, p. 7-8, Banque Markazi c. Peterson,
no 14-770, 29 décembre 2014 (annexe 117) (notes de bas de page omises).
244 Voir la requête pour que soit rendue une ordonnance de certiorari, p. 7, Banque Markazi c. Peterson
(«Peterson II»), no 14-770, 18 mai 2018 (annexe 118).
245 Voir Peterson c. Banque Markazi («Peterson II»), «LexisNexis Database for U.S. District Court Cases» [base
de données de LexisNexis pour les affaires portées devant les tribunaux fédéraux de district], 2015, no 20640, p. **5-7
(tribunal fédéral du district sud de l’Etat de New York, 2015) (annexe 119).
246 Frédéric Dopagne, avis juridique sur l’immunité d’exécution de la banque centrale de la République islamique
d’Iran (banque Markazi) en vertu du droit international dans le cadre de la procédure en validation de saisie-arrêt pendante
devant le tribunal d’arrondissement de Luxembourg dans le rôle no 177.393, 16 mars 2018, par. 60-64 (annexe 120).
247 Voir la déclaration de M. Andreas F. Lowenfeld en l’affaire Peterson c. République islamique d’Iran,
no 10-4518, p. 16 (tribunal fédéral du district sud de l’Etat de New York, 6 mai 2011) (exceptions préliminaires des
Etats-Unis, annexe A4)
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l’espèce sont, ainsi que l’ont attesté l’Iran et ladite banque, de nature souveraine. Par conséquent,
celle-ci ne peut être qualifiée de «société» au sens du traité si l’on applique la norme définie par la
Cour dans son arrêt sur les exceptions préliminaires, et l’Iran n’est dès lors pas admis à prétendre
aux protections prévues par les articles III, IV et V pour le compte de la banque Markazi.
SECTION D
LES ARGUMENTS DE L’IRAN SELON LESQUELS LA BANQUE MARKAZI EXERCE
DES ACTIVITÉS COMMERCIALES, OU PROFESSIONNELLES, SONT ERRONÉS
ET SANS INTÉRÊT EN L’ESPÈCE
9.16 Ayant soutenu de longue date que la banque Markazi exerce des fonctions souveraines et
constaté à présent qu’il lui est difficile de se dédire, l’Iran fait valoir qu’une entité qui exerce des
fonctions souveraines peut en même temps agir, à certains égards, exactement de la même manière
qu’une société privée248. S’il affirme que les Etats-Unis ne sont pas de cet avis, ceux-ci conviennent
au contraire qu’une banque centrale peut être habilitée à exercer des activités qui ne s’inscrivent pas
dans le cadre de ses attributions souveraines, telles que l’assistance aux sociétés privées dans le cadre
de leurs opérations, et que ces activités peuvent être de nature commerciale. Admettre cette idée ne
peut avoir aucune incidence sur l’issue de la présente affaire, l’Iran n’ayant pas dit, et encore moins
démontré, que la banque Markazi exerçait aux Etats-Unis de telles activités présentant un lien avec
les mesures américaines en cause en l’espèce.
9.17 L’Iran avance en outre que certaines des activités de la banque Markazi, telles que la
conclusion de contrats, la possession de biens ainsi que l’achat et la vente de valeurs mobilières, sont
de nature économique et relèvent du commerce, même si elles servent des objectifs souverains249. Là
encore, les Etats-Unis relèvent d’entrée de jeu que l’Iran n’a pas allégué, et encore moins démontré,
que les mesures américaines en cause dans la présente affaire concernaient l’une quelconque de ces
activités précises qu’il a énumérées. De plus, nombre des activités «professionnelles» qui, d’après
l’Iran, confèrent à la banque Markazi les qualités d’une «société», telles que la possession de biens,
la conclusion de contrats et le fait d’ester en justice, sont des activités qu’exercent couramment les
Etats souverains et ne permettent pas de déterminer si, ce faisant, l’Etat exerce une fonction
souveraine. Que des entités privées exercent également ce type d’activités ne modifie en rien la nature
souveraine, généralement reconnue, des activités des banques centrales telles que la gestion des
réserves de change. Qui plus est, la fonction souveraine des banques centrales est essentielle :
lorsqu’une banque centrale procède à l’achat de valeurs mobilières dans le cadre de la gestion de ses
réserves de change, elle agit au nom de l’Etat et non à titre de «société» présentant des éléments de
comparaison avec les entreprises privées. En soutenant que les banques centrales réalisent des
investissements au même titre que les acteurs commerciaux et en méconnaissant la nature souveraine
de la fonction attachée aux réserves de change, l’Iran ne fait que reprendre sous une autre forme son
argument général selon lequel la nature souveraine de ses activités n’est pas un élément à prendre en
compte pour déterminer si la banque Markazi est une «société» au sens du traité. Or la Cour a déjà
examiné et rejeté cet argument, ayant déclaré au contraire que les fonctions souveraines d’une entité
étaient essentielles pour déterminer si cette entité était une «société» au sens du traité.
«Que les fonds soient détenus sous la forme de liquidités, d’obligations ou de tout autre instrument
de valeur, dès lors qu’ils sont utilisés pour gérer les réserves du pays ou le taux de change de sa devise
— fonctions traditionnelles des banques centrales —, il y a lieu d’admettre l’assertion de la banque centrale
selon laquelle ils sont détenus «pour le propre compte de la banque».».
248 Observations et conclusions de l’Iran sur les exceptions préliminaires des Etats-Unis, par. 4.21.
249 Ibid., par. 4.24 et 4.34. Voir également l’arrêt sur les exceptions préliminaires, C.I.J. Recueil 2019 (I),
déclaration de M. le juge Gaja, p. 52, par. 2.
71
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9.18 Indépendamment de l’analyse faite ci-dessus, les positions prises par la banque Markazi
en l’affaire Peterson viennent contredire directement l’argument de l’Iran. Dans ladite affaire, la
banque Markazi a fait valoir que «l’investissement des réserves de change de la banque centrale
ser[vait] manifestement un «objectif gouvernemental important» et ne constitu[ait] dès lors pas une
activité «commerciale» au sens du traité»250. Elle a non seulement dit que ses activités étaient de
nature souveraine et gouvernementale, mais également soutenu que l’investissement de ses réserves
de change ne constituait pas une activité commerciale au sens du traité251. Il s’ensuit que, de l’avis
même de la banque Markazi, la distinction entre la nature commerciale d’un acte et l’objectif
souverain assigné à cet acte ne doit pas influer sur l’analyse que la Cour fait pour déterminer si la
banque Markazi peut être valablement considérée comme une société au sens du traité.
* *
9.19 Pour tous les motifs exposés ci-dessus et à la lumière de la norme définie par la Cour dans
son arrêt sur les exceptions préliminaires, la banque Markazi n’est pas une «société» au sens du traité
dans le cadre de la présente affaire. L’Iran et la banque Markazi ont admis à maintes reprises devant
des juridictions américaines et d’autres juridictions nationales, notamment en l’affaire Peterson sur
laquelle portent les demandes de l’Iran, que la banque Markazi exerçait des fonctions souveraines,
ce qui met en évidence le caractère fallacieux des allégations portées par l’Iran devant la Cour. L’Iran
s’appuie simplement sur l’idée générale que la banque centrale peut exercer des fonctions
commerciales ; or cette idée n’a pas d’incidence sur la présente affaire, les fonctions exercées par la
banque Markazi qui présentent un intérêt en l’espèce étant, de l’aveu même de l’Iran, de nature
souveraine. En conséquence, l’Iran doit être débouté de ses demandes fondées sur le traité qui
intéressent la banque Markazi.
250 «Defendant Bank Markazi’s Reply Memorandum of Law in Further Support of Its Motion to Dismiss the Second
Amended Complaint for Lack of Subject Matter Jurisdiction», p. 29, Peterson c. République islamique d’Iran, affaire
no 10-4518 (tribunal fédéral du district sud de l’Etat de New York, 22 juin 2012) (exceptions préliminaires des Etats-Unis,
annexe A15). La banque Markazi a également fait valoir qu’elle n’exerçait pas «d’activités commerciales» aux Etats-Unis,
ce qui anéantit selon toute vraisemblance la tentative faite par l’Iran pour tirer du traité des prétentions relatives au
traitement réservé à la banque Markazi. Ibid., p. 29-30.
251 La banque Markazi a avancé cette thèse en l’affaire intentée aux Etats-Unis, faisant valoir qu’elle n’était pas
soumise à la disposition du paragraphe 4 de l’article XI du traité prévoyant la renonciation aux immunités, ce qui met
davantage en lumière l’absurdité de la position de l’Iran qui soutient que les activités de la banque Markazi ne doivent pas
être considérées comme «commerciales» au regard de certaines dispositions du traité, mais doivent être considérées comme
telles pour déterminer si la banque Markazi est une «société» au sens du traité.
72
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CHAPITRE 10
LES DEMANDES POUR LESQUELLES L’IRAN NE PEUT ÉTABLIR QUE LES VOIES DE RECOURS
INTERNES ONT ÉTÉ ÉPUISÉES SONT IRRECEVABLES
10.1 Dans la première phrase de son mémoire, l’Iran déclare que la présente affaire découle
d’une politique mise en oeuvre par les Etats-Unis qui «prive des sociétés iraniennes du respect de
leurs droits, et notamment du respect de leur personnalité juridique distincte». Si l’Iran veut formuler
des prétentions au nom de ces sociétés, le droit international lui fait obligation de démontrer avant
tout que celles-ci ont épuisé les voies de recours qui leur étaient ouvertes aux Etats-Unis. Il ne peut
fonder son action sur des allégations générales de préjudice, réel ou potentiel, les demandes qu’il
présente au nom de sociétés ne pouvant être recevables devant la Cour que s’il prouve que chaque
société concernée a épuisé dans chaque cas les voies de recours internes qui lui étaient ouvertes. A
quelques rares exceptions près, les sociétés iraniennes n’ont pas épuisé les voies de recours internes.
La Cour doit donc conclure à l’irrecevabilité de toute demande pour laquelle l’Iran n’a pas démontré
que la société concernée avait épuisé les voies de recours ouvertes aux Etats-Unis. Ces points seront
développés de façon plus approfondie dans le présent chapitre.
SECTION A
L’ÉPUISEMENT DES VOIES DE RECOURS INTERNES EST UNE CONDITION NÉCESSAIRE
POUR QU’UN ETAT PUISSE ENGAGER UNE PROCÉDURE INTERNATIONALE
AU NOM DE SES RESSORTISSANTS
10.2 Un Etat ne peut engager une procédure internationale au nom de ses ressortissants
(personnes morales ou physiques) contre un autre Etat que si ses ressortissants concernés ont épuisé
les voies de recours internes dans l’Etat défendeur. L’obligation d’épuiser les voies de recours
internes est une règle du droit international coutumier qui existe de longue date et ne prête pas à
controverse. Selon la Cour et la doctrine, par exemple, «[l]a règle selon laquelle les recours internes
doivent être épuisés avant qu’une procédure internationale puisse être engagée est une règle bien
établie du droit international coutumier»252 et «est considérée comme l’une des règles du droit
international les mieux établies et, en principe, les moins controversées»253. L’article 14 du projet
d’articles de la Commission du droit international sur la protection diplomatique dispose qu’un Etat
«ne peut présenter une réclamation internationale à raison d’un préjudice causé à une personne ayant
sa nationalité ou à une autre personne … avant que la personne lésée ait … épuisé tous les recours
internes»254. Cette règle constitue notamment une mesure d’économie judiciaire internationale en ce
qu’elle permet de réserver les ressources limitées des juridictions internationales, dont la Cour, aux
différends qui n’ont incontestablement pas été réglés par les voies de droit internes, ainsi que
252 Affaire de l’Interhandel (Suisse c. Etats-Unis d’Amérique), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1959,
p. 27. Voir également Ambatielos Claim (Greece v. United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland.), RSA,
vol. XII, 1956, p. 118 (annexe 121) ; Elettronica Sicula S.p.A. (ELSI) (Etats-Unis d’Amérique c. Italie), arrêt,
C.I.J. Recueil 1989, p. 42-48, par. 49-63 ; Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée c. République démocratique du
Congo), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 597-601, par. 34-48.
253 Gerald Fitzmaurice, The Law and Procedure of the International Court of Justice [Le droit et la procédure de la
Cour internationale de Justice], 1986, vol. 2, p. 686 (annexe 122). Voir également C. F. Amerasinghe, Diplomatic
Protection [La protection diplomatique], 2008, p. 142 (annexe 162) ; Jan Paulsson, Denial of Justice in International Law
[Le déni de justice en droit international], 2010, p. 102 (annexe 123) ; Robert Jennings et Arthur Watts, Oppenheim’s
International Law [Oppenheim : Droit international], 1992, p. 522-523 (annexe 124).
254 «Projet d’articles sur la protection diplomatique», Rapport de la Commission à l’Assemblée générale sur les
travaux de sa cinquante-huitième session, Annuaire de la Commission du droit international, vol. II, deuxième partie,
art. 14, p. 44, par. 1, doc. A/CN.4/SER.A/2006/Add. 1 (Part 2) (annexe 125) ; voir également Rapport de la Commission
à l’Assemblée générale sur les travaux de sa cinquante-troisième session, Annuaire de la Commission du droit international,
2001, deuxième partie, vol. II, p. 120, art. 44, al. b), doc. A/CN.4/SER.A/2001/Add. 1 (Part 2) (annexe 126).
73
- 70 -
d’exposer les faits et les considérations juridiques et doctrinales, avec les précisions voulues, en
premier lieu au niveau interne255.
10.3 Ainsi que l’a déclaré un tribunal, le ressortissant est tenu d’utiliser toutes «les facilités
procédurales que le droit interne met à la disposition des plaideurs», afin de mettre à l’épreuve «tout
le système de protection juridique»256. Il ne peut être dérogé à la règle de l’épuisement des voies de
recours internes que dans les cas relativement rares où celles-ci sont «manifestement inefficaces» ou
«manifestement inopérantes»257. Selon la doctrine, cette condition peut être remplie lorsque, par
exemple, les juridictions internes n’ont pas compétence pour connaître du différend ou lorsque le
système judiciaire est corrompu de façon généralisée ou tributaire du pouvoir exécutif258.
10.4 L’Etat demandeur est tenu de prouver que son ressortissant a effectivement épuisé les
voies de recours internes dans l’Etat défendeur. Ainsi que l’a souligné la Cour en l’affaire Diallo,
«c’est au demandeur qu’il incombe de prouver que les voies de recours internes ont bien été épuisées
ou d’établir que des circonstances exceptionnelles dispensaient la personne prétendument lésée et
dont il entend assurer la protection d’épuiser les recours internes disponibles»259.
SECTION B
UN NOMBRE CONSIDÉRABLE DE DEMANDES FORMÉES PAR L’IRAN NE SATISFONT PAS
AUX EXIGENCES DE LA RÈGLE DE L’ÉPUISEMENT DES VOIES DE RECOURS INTERNES
10.5 Comme indiqué au chapitre 2, à la suite de l’arrêt rendu par la Cour sur les exceptions
préliminaires, l’affaire portée devant elle concerne les mesures américaines qui permettent de saisir
les actifs de sociétés appartenant à l’Etat iranien aux fins de l’exécution de jugements condamnant
l’Iran. Les demandes dont est saisie la Cour sont donc présentées par l’Iran au nom de sociétés
iraniennes. Outre la banque Markazi, dans le cas de laquelle la thèse de l’Iran repose sur la
qualification de «société» qu’il lui attribue, l’Iran a formé des demandes au nom des entités
suivantes : la banque Melli, l’Export Development Bank of Iran, l’Iranian Telecommunication
255 Voir, par exemple, Jan Paulsson, Denial of Justice in International Law [Le déni de justice en droit
international], 2010, p. 101-102 (annexe 123) ; Robert Jennings et Arthur Watts, Oppenheim’s International Law
[Oppenheim : Droit international], 1992, p. 524 (annexe 124) ; Alwyn V. Freeman, International Responsibility of States
for Denial of Justice [La responsabilité internationale de l’Etat pour déni de justice], 1970, p. 416-417 (annexe 127).
256 Ambatielos Claim (Greece v. United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland.), RSA, vol. XII, 1956,
p. 119-120 (annexe 121) ; voir également C. F. Amerasinghe, Diplomatic Protection [La protection diplomatique], 2008,
p. 143-149 (annexe 162) ; «Projet d’articles sur la protection diplomatique», Rapport de la Commission à l’Assemblée
générale sur les travaux de sa cinquante-huitième session, Annuaire de la Commission du droit international, vol. II,
deuxième partie, art. 14, p. 44, par. 1, doc. A/CN.4/SER.A/2006/Add. 1 (Part 2) (annexe 125) («Si le droit interne en
question autorise en l’espèce un recours devant la plus haute juridiction, l’intéressé doit former ce recours pour obtenir une
décision définitive. Même si ce recours ne lui est pas ouvert de droit mais que la juridiction supérieure peut, si elle le juge
bon, accorder l’autorisation de former un recours, l’étranger doit néanmoins lui demander cette autorisation.»).
257 Voir, par exemple, Ambatielos Claim (Greece v. United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland.), RSA,
vol. XII, 1956, p. 119 (annexe 121) ; C. F. Amerasinghe, Diplomatic Protection [La protection diplomatique], 2008, p. 152
(annexe 162).
258 Voir notamment C. F. Amerasinghe, Diplomatic Protection [La protection diplomatique], 2008, p. 153
(annexe 162) (tribunaux non compétents) ; Gerald Fitzmaurice, The Law and Procedure of the International Court of
Justice [Le droit et la procédure de la Cour internationale de Justice], 1986, vol. 2, p. 692 (annexe 122) (pouvoir judiciaire
notoirement sous la coupe du pouvoir exécutif) ; Edwin M. Borchard, Diplomatic Protection of Citizens Abroad: or the
Law of International Claims [La protection diplomatique des nationaux à l’étranger ou le droit des réclamations
internationales], 1919, p. 332 (annexe 128).
259 Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée c. République démocratique du Congo), exceptions
préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 600, par. 44, citant Elettronica Sicula S.p.A. (ELSI) (Etats-Unis d’Amérique
c. Italie), arrêt, C.I.J. Recueil 1989, p. 43-44, par. 53).
74
- 71 -
Infrastructure Company, la National Iranian Oil Company, Iran Air, l’Iranohind Shipping Company,
la banque Saderat, l’Iran Marine Industrial Company, la Behran Oil Company, et Sediran260.
10.6 Comme indiqué ci-dessus, si ces entités doivent vraiment être considérées comme des
«sociétés» aux fins du traité, le droit international leur fait obligation d’épuiser les voies de recours
internes avant que l’Iran ne soit admis à former des demandes de réparation des préjudices qu’elles
auraient subis. Les Etats-Unis reconnaissent que les entités iraniennes ont épuisé les voies de recours
internes dans plusieurs affaires intentées contre elles, mais celles en cause en l’espèce ne l’ont pas
fait dans d’autres affaires.
10.7 L’élément crucial est que l’Iran doit établir ab initio qu’une entité donnée a épuisé les
voies de recours internes avant de pouvoir former toute demande de réparation du préjudice qu’elle
aurait subi. Or il ne l’a pas fait pour les entités en cause, s’étant contenté d’annexer à sa requête et à
son mémoire des tableaux récapitulatifs constituant les pièces jointes 1-4, sans indiquer le contexte
des informations qu’elles contiennent ni apporter des précisions sur ces informations. La pièce
jointe 2, qui répertorie les actions en exécution et est la seule des quatre pièces jointes présentant
encore un intérêt en l’espèce261, ne fournit que des informations élémentaires et, dans la plupart des
cas, incomplètes sur les parties aux 90 affaires qui y sont énumérées et l’issue de celles-ci.
10.8 Il n’est pas suffisant que l’Iran se contente de présenter une liste d’affaires, laissant à la
Cour et aux Etats-Unis la charge de déterminer dans chaque cas si l’entité iranienne a épuisé les voies
de recours internes. Pour que ses demandes soient recevables devant la Cour, l’Iran doit expressément
démontrer pour chacune des affaires sur lesquelles il fonde ses demandes que les voies de recours
internes ont été épuisées.
10.9 En outre, l’Iran ne saurait prétendre que les voies de recours ont été épuisées dans les cas
où l’entité concernée n’a pas exploité les possibilités de recours disponibles. De fait, dans de
nombreux cas, l’entité concernée n’a même pas comparu pour s’opposer à la saisie. Un exemple
éloquent est le cas de l’affaire Heiser c. Iran, dans laquelle les demandeurs s’efforçaient d’exécuter
un jugement rendu en leur faveur par la saisie-arrêt d’actifs des banques Melli et Saderat, et de l’Iran
Marine Industrial Company détenus par Bank of America et Wells Fargo Bank. Les deux banques
américaines ont formé une requête en intervention forcée tendant à faire participer ces entités
iraniennes à l’affaire afin qu’elles puissent s’opposer à la saisie-arrêt des fonds. Malgré tout, les
entités iraniennes «se sont abstenues de répondre à la requête, de conclure sur celle-ci et de présenter
de toute autre manière des moyens de défense y afférents»262.
260 Voir MI, par. 4.7-4.15. Il convient de relever que ce ne sont pas toutes ces entités qui ont en réalité vu saisir
leurs actifs. L’Iran a cité un certain nombre de procédures de saisie engagées devant les tribunaux américains dans la pièce
jointe 2 de son mémoire sans tenir compte de leur issue ; dans de nombreux cas, le tribunal américain n’a ordonné aucune
saisie d’actifs.
261 Voir le chapitre 2 ci-dessus.
262 «Clerk’s Certificate of Default» [attestation de non-comparution établie par le greffier], Heiser c. République
islamique d’Iran, affaire nos 00-2329 et 01-2104, (tribunal fédéral du district de Columbia, 20 août 2015), dépôt
électronique [Electronic Case Filing (ECF)] no 272 (annexe 129) ; «Order Granting Unopposed Motion for Judgment
against Garnishees Bank of America, N.A. and Wells Fargo Bank, N.A. for Turnover of Funds, and for Interpleader Relief
for Such Garnishees» [décision accueillant une requête non contestée tendant à faire ordonner une remise de fonds par les
tiers-saisis Bank of America, N.A. et Wells Fargo Bank, N.A. ainsi qu’un appel en intervention forcée par voie
d’interplaidoirie pour ces tiers-saisis, Heiser c. République islamique d’Iran, affaire nos 00-2329 et 01-2104 (tribunal
fédéral du district de Columbia, 9 juin, 2016) (annexe 130), dépôt électronique [Electronic Case Filing (ECF)] no 275.
75
- 72 -
10.10 Comme on le verra dans la section B du chapitre 13 du présent contre-mémoire, le
système judiciaire américain a toujours été ouvert à l’Iran et à ses ressortissants pour la défense de
leurs intérêts juridiques. De fait, nombre des entités énumérées ci-dessus ont eu recours aux tribunaux
américains et se sont opposées à la saisie de leurs actifs devant eux, comme il sera expliqué de façon
détaillée ci-après263. Elles n’ont cependant pas épuisé dans tous les cas les voies de recours qui leur
étaient ouvertes en droit américain. Comme indiqué plus haut, seules certaines des affaires citées
dans la pièce jointe 2 présentent encore un intérêt pour la thèse de l’Iran à la suite de l’arrêt de la
Cour sur les exceptions préliminaires. La Cour doit déclarer irrecevable toute demande de l’Iran
fondée sur des affaires telles que l’affaire Heiser pour lesquelles l’Iran ne peut prouver que les entités
concernées ont épuisé les voies de recours internes.
263 Voir, par exemple, la section B du chapitre 13 ci-dessous. Voir Rubin v. Iran, «Federal Reporter», série 3,
vol. 637, p. 783 (septième circuit, 2011) (annexe 131) ; Rubin v. Iran, «Supreme Court Reporter», vol. 133, 2012, p. 23
(annexe 132) ; Banque Markazi c. Peterson et consorts, «United States Supreme Court Reports», vol. 578, 2016, p. 1 (MI,
annexe 66).
76
- 73 -
CHAPITRE 11
LE PARAGRAPHE 1 DE L’ARTICLE XX EXCLUT CATÉGORIQUEMENT LES DEMANDES
DE L’IRAN PORTANT SUR LE DÉCRET PRÉSIDENTIEL NO 13599
11.1 Au stade des exceptions préliminaires, les Etats-Unis ont demandé à la Cour de rejeter
pour défaut de compétence ratione materiae toute demande de l’Iran reposant sur le décret
présidentiel no 13599 qui, dans le cadre du programme de sanctions américain, bloque les actifs de
l’Etat iranien et des institutions financières iraniennes, au motif que ce décret relevait du paragraphe 1
de l’article XX du traité et n’entrait donc pas dans le champ d’application du traité. Dans son arrêt
sur les exceptions préliminaires, la Cour a conclu que le paragraphe 1 de l’article XX ne restreignait
pas sa compétence, mais pouvait être invoqué en défense sur le fond. En conséquence, elle a renvoyé
à la phase de l’examen au fond la question des effets du paragraphe 1 de l’article XX sur les
demandes en cause. C’est pourquoi les Etats-Unis exposent dans le présent chapitre leurs moyens de
défense au fond pris du paragraphe 1 de l’article XX du traité. Comme ils l’expliqueront de façon
plus approfondie ci-après, le paragraphe 1 de l’article XX immortalise les exceptions aux obligations
substantielles énoncées par le traité d’amitié et réserve expressément aux deux Etats le droit
souverain de prendre des mesures dans les domaines hautement sensibles liés à la sécurité nationale.
11.2 Les Etats-Unis font valoir que le décret présidentiel no 13599 relève de deux des
exceptions prévues par le paragraphe 1 de l’article XX et qu’il en résulte que le paragraphe 1 de
l’article XX exclut toute demande de l’Iran fondée sur ce décret. Il est incontestable que celui-ci a
été adopté pour faire face aux activités illicites et déstabilisatrices de l’Iran suscitant de graves
préoccupations du point de vue de la sécurité nationale, notamment ses activités de commerce des
armes, de soutien au terrorisme et de recherche des moyens de production de missiles balistiques. Le
décret présidentiel no 13599 est donc à la fois une mesure destinée à réglementer le commerce des
armes au sens de la clause c) du paragraphe 1 de l’article XX et une mesure nécessaire à la protection
des intérêts vitaux des Etats-Unis sur le plan de la sécurité au sens de l’alinéa d) du paragraphe 1 de
l’article XX. Le paragraphe 1 de l’article XX dispose expressément que rien dans le traité n’interdit
aux parties de prendre de telles mesures et il y a dès lors lieu de rejeter la tentative faite par l’Iran
pour tirer des prétentions du décret présidentiel no 13599.
11.3 Dans son mémoire, l’Iran ne mentionne pas le paragraphe 1 de l’article XX ni ne
reconnaît que le décret présidentiel no 13599 a trait à la sécurité nationale. Il soutient en revanche
que ce décret porte atteinte à diverses dispositions substantielles du traité d’amitié. Toutefois, comme
on le verra dans le présent chapitre, la solution retenue par l’Iran ne résiste pas à un examen approprié
des effets du paragraphe 1 de l’article XX. Ce paragraphe exclut clairement toute demande dans la
mesure où elle est fondée sur le décret présidentiel no 13599. Par conséquent, la Cour n’a nullement
besoin de s’intéresser à la question de savoir si une telle demande concerne l’une des dispositions
substantielles du traité et elle ne doit pas le faire. Les exceptions prévues par le paragraphe 1 de
l’article XX permettent directement de rejeter toute demande dans la mesure où elle se rapporte au
décret présidentiel no 13599. Il est d’une importance systémique que, dans l’interprétation et
l’application des traités, les exceptions fondamentales relatives à la sécurité nationale qu’ils prévoient
soient respectées.
11.4 Le paragraphe 1 de l’article XX est rédigé comme suit (les dispositions présentant un
intérêt pour le présent chapitre sont en italique) :
«Le présent Traité ne fera pas obstacle à l’application de mesures :
a) Réglementant l’importation ou l’exportation de l’or ou de l’argent ;
77
- 74 -
b) Concernant les substances fissiles, les sous-produits radioactifs desdites
substances et les matières qui sont la source de substances fissiles ;
c) Réglementant la production ou le commerce des armes, des munitions et du
matériel de guerre, ou le commerce d’autres produits lorsqu’il a pour but direct
ou indirect d’approvisionner des unités militaires ;
d) Ou nécessaires à l’exécution des obligations de l’une ou l’autre des Hautes
Parties contractantes relatives au maintien ou au rétablissement de la paix et de
la sécurité internationales ou à la protection des intérêts vitaux de cette Haute
Partie contractante sur le plan de la sécurité.»
11.5 Le paragraphe 1 de l’article XX est libellé en termes larges, son chapeau disposant que
les obligations substantielles prévues par le traité ne s’appliquent pas aux mesures entrant dans le
champ de cette exception ni ne peuvent interdire ou limiter ces mesures. Il s’ensuit qu’en application
des termes de cette disposition, qui sont sans équivoque, et comme la Cour l’a toujours reconnu, si
l’une des exceptions énoncées au paragraphe 1 de l’article XX s’applique à une mesure donnée, cette
mesure est exclue du champ d’application du traité264.
11.6 Dans la section A du présent chapitre, les Etats-Unis montrent que le décret présidentiel
no 13599 a été adopté pour faire face aux activités illicites et déstabilisatrices de l’Iran, notamment
ses activités de production et de commerce des armes, de soutien au terrorisme, de financement du
terrorisme et de recherche des moyens de production de missiles balistiques. Dans la section B, ils
démontrent que le décret présidentiel no 13599 entre dans le champ de l’exception prévue par
l’alinéa c) du paragraphe 1 de l’article XX en tant que mesure réglementant le commerce et la
production des armes et que toute demande fondée sur ce décret doit par conséquent être rejetée.
Dans la section C, ils montrent que le décret présidentiel no 13599 entre également dans le champ de
l’exception prévue par l’alinéa d) du paragraphe 1 de l’article XX en tant que mesure nécessaire à la
protection des intérêts vitaux des Etats-Unis sur le plan de la sécurité, clause qui constitue une
seconde base autonome permettant de rejeter des demandes de l’Iran dans la mesure où elles sont
fondées sur le décret présidentiel no 13599.
264 Voir Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique),
fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 116, par. 222, et p. 136, par. 271 ; Plates-formes pétrolières (République islamique
d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), exception préliminaire, arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 811, par. 20 ; Plates-formes
pétrolières (République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 2003, p. 179, par. 33-34. Au stade
des exceptions préliminaires de la présente affaire, la Cour a conclu que le paragraphe 1 de l’article XX offrait aux parties
un moyen de défense sur le fond (arrêt sur les exceptions préliminaires, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 25, par. 47). En toute
humilité, les Etats-Unis continuent toutefois de soutenir que les mesures couvertes par l’une quelconque des exceptions
prévues par le paragraphe 1 de l’article XX échappent à la compétence de la Cour. À tout le moins, les mesures couvertes
par le paragraphe 1 de l’article XX peuvent être examinées à titre préliminaire en vertu du paragraphe 1 de l’article 79 du
Règlement de la Cour, comme les Etats-Unis l’ont indiqué dans leurs exceptions préliminaires en l’affaire des Violations
alléguées du traité d’amitié, de commerce et de droits consulaires de 1955 (République islamique d’Iran c. Etats-Unis
d’Amérique).
78
- 75 -
SECTION A
LE DÉCRET PRÉSIDENTIEL NO 13599 A ÉTÉ ADOPTÉ POUR FAIRE FACE AUX ACTIVITÉS
ILLICITES DE L’IRAN, NOTAMMENT SES ACTIVITÉS DE PRODUCTION ET DE COMMERCE DES
ARMES,
DE SOUTIEN AU TERRORISME, DE FINANCEMENT DU TERRORISME ET DE RECHERCHE
DE MOYENS DE PRODUCTION DE MISSILES BALISTIQUES
11.7 Comme indiqué au chapitre 5, des attentats terroristes commis avec le soutien de l’Iran
et sous sa houlette ont tué ou grièvement blessé plusieurs centaines de ressortissants américains dans
le monde. L’Iran a en outre manqué aux obligations mises à sa charge en matière de missiles
balistiques et de commerce des armes et ainsi exposé les ressortissants des Etats-Unis et ceux d’autres
pays à des risques265. En réaction aux activités violentes et déstabilisatrices de l’Iran, les Etats-Unis
ont mis en place des sanctions et adopté d’autres mesures juridiques destinées à protéger leurs
ressortissants et à dissuader l’Iran d’apporter son soutien au terrorisme et de chercher à accroître ses
moyens de production de missiles balistiques. Ce faisant, ils ont agi conformément aux résolutions
applicables du Conseil de sécurité des Nations Unies et dans bien des cas en s’alignant sur les
mesures prises par d’autres Etats et des organisations multilatérales.
11.8 L’un des éléments de la réaction modérée des Etats-Unis est l’adoption du décret
présidentiel no 13599266, lequel a mis en place les sanctions exigées par le paragraphe c) de
l’article 1245 de la loi sur le budget de la défense nationale pour l’exercice 2012 en bloquant les
biens et participations dans des biens de l’Iran et des institutions financières iraniennes dans les cas
où ces actifs relevaient de la juridiction des Etats-Unis267. La loi et le décret présidentiel en cause se
justifiaient par l’intensification des efforts déployés par l’Iran pour dissimuler ses activités illicites
en recourant à des transactions financières complexes et à des sociétés-écrans, comme l’ont attesté
le département du trésor des Etats-Unis268, le GAFI269 et une série de constatations opérées par le
265 Voir la section A du chapitre 5 ci-dessus.
266 Décret présidentiel no 13599, «Federal Register», vol. 77, 5 février 2012, p. 6659 (MI, annexe 22).
267 Voir la loi sur le budget de la défense nationale pour l’exercice 2012, paragraphe c) de l’article 1245, loi d’intérêt
public no 112-239, Statutes at Large, vol. 126, p. 2006 (MI, annexe 17).
268 Décision portant constatation du fait que la République islamique d’Iran est un pays présentant une situation
particulièrement préoccupante du point de vue du blanchiment de capitaux [Finding that the Islamic Republic of Iran is a
Jurisdiction of Primary Money Laundering Concern], «Federal Register», vol. 76, 18 novembre 2011, p. 72756 (exceptions
préliminaires des Etats-Unis, annexe 152).
269 Voir la section A du chapitre 5 ci-dessus.
79
- 76 -
Conseil de sécurité des Nations Unies270, et comme il a été expliqué dans les exceptions préliminaires
des Etats-Unis.
11.9 Il convient tout particulièrement de relever les faits suivants, présentés dans l’ordre
chronologique :
⎯ Le 21 novembre 2011, le département du trésor des Etats-Unis a publié une décision de
constatation concluant que l’Iran était un «pays présentant une situation particulièrement
préoccupante du point de vue du blanchiment de capitaux», à raison du soutien qu’il apportait au
terrorisme, des efforts qu’il déployait pour se doter de capacités nucléaires et de moyens de
production de missiles balistiques, de son recours à des pratiques financières trompeuses pour se
soustraire aux sanctions, des graves insuffisances constatées dans ses contrôles de lutte contre le
blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ainsi que de sa non-coopération avec
les autorités américaines chargées du maintien de l’ordre et de la réglementation. L’exposé des
motifs était libellé comme suit :
«Ces dernières années, de nombreuses institutions financières internationales ont
rompu leurs liens avec des banques et entités iraniennes sur la base d’un ensemble
d’informations publiques de plus en plus nombreuses rendant compte de leur
comportement illicite et trompeur destiné à faciliter le soutien apporté au terrorisme
par l’Etat iranien, ainsi que des efforts déployés par ce dernier pour se doter de
capacités nucléaires et de moyens de production de missiles balistiques. Ce
comportement illicite des banques et sociétés iraniennes a été mis en lumière dans une
série de résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies relatives aux activités
iraniennes présentant un risque de prolifération. Le Groupe d’action financière (GAFI)
a aussi appelé publiquement l’attention sur les risques que les insuffisances de l’Iran
dans le domaine de la lutte contre le blanchiment de capitaux et plus particulièrement
contre le financement du terrorisme faisaient peser sur le système financier
international, et a appelé les membres du GAFI et tous les pays à mettre en place des
contre-mesures pour parer à ces risques…
[Les Etats-Unis] ont des raisons de penser que l’Iran apporte un soutien direct au
terrorisme et cherche à se doter de capacités nucléaires et de moyens de production de
missiles balistiques, qu’il s’appuie sur des organismes publics ou des institutions
financières détenues ou contrôlées par l’Etat pour faciliter la prolifération et le
270 Le Conseil de sécurité des Nations Unies a reconnu que les banques iraniennes étaient utilisées pour mener des
activités illicites et a prié tous les Etats de faire preuve de vigilance à l’égard des banques iraniennes. Résolution 1929 du
9 juin 2010, préambule, doc. S/RES/1929 (2010) (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 110) («rappelant en
particulier la nécessité de faire preuve de vigilance dans les transactions avec les banques iraniennes, y compris la Banque
centrale d’Iran, afin d’empêcher que de telles transactions contribuent à des activités nucléaires posant un risque de
prolifération ou à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires») ; résolution 1803 du 3 mars 2008, par. 10,
doc. S/RES/1803 (2008) (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 102) («Demande à tous les Etats de faire preuve
de vigilance s’agissant des activités menées par les institutions financières sises sur leur territoire avec toutes les banques
domiciliées en Iran, en particulier la Banque Melli et la Banque Saderat, ainsi qu’avec leurs succursales et leurs agences à
l’étranger, afin d’éviter que ces activités concourent à des activités posant un risque de prolifération, ou à la mise au point
de vecteurs d’armes nucléaires.») (Les italiques sont de nous.) Le Conseil de sécurité des Nations Unies a également fait
état de certaines banques qui participaient au programme nucléaire ou de missiles balistiques de l’Iran. Voir, par exemple,
la résolution 1929 du 9 juin 2010, annexe I, p. 12, doc. S/RES/1929 (2010) (exceptions préliminaires des Etats-Unis,
annexe 110) («Au cours des sept dernières années, Bank Mellat a permis aux entités iraniennes associées au programme
d’arme nucléaire, de missiles et de défense d’effectuer des transactions de plusieurs centaines de millions de dollars.») ; la
résolution 1747 du 24 mars 2007, annexe I, p. 5, doc. S/RES/1747 (2007) (exceptions préliminaires des Etats-Unis,
annexe 101) (concluant que la banque Sepah était un fournisseur essentiel de services financiers à deux entreprises
iraniennes inscrites sur les listes du Conseil de sécurité des Nations Unies à raison de leur rôle dans les programmes de
missiles balistiques de l’Iran).
80
- 77 -
financement d’armes de destruction massive et qu’il use de pratiques financières
trompeuses pour faciliter des comportements illicites et se soustraire aux sanctions …
L’Iran continue également de défier la communauté internationale en faisant des
efforts pour se doter de capacités nucléaires et en mettant au point des missiles
balistiques en violation de sept résolutions du Conseil de sécurité des
Nations Unies … A ce jour, l’Iran ne s’est pas conformé aux résolutions du Conseil de
sécurité des Nations Unies concernant ses activités relatives au nucléaire et aux
missiles.»271
⎯ S’appuyant en partie sur les constatations opérées par le département du trésor, le Congrès a
adopté l’article 1245 de la loi sur le budget de la défense nationale pour l’exercice 2012 [2012
National Defense Authorization Act], dans laquelle il déclare ce qui suit :
«a) Conclusions — Le Congrès formule les conclusions ci-après :
1) Le 21 novembre 2011, le secrétaire au trésor a publié, en application de
l’article 5318A du titre 31, une conclusion selon laquelle l’Iran est un territoire
présentant un risque majeur de blanchiment de capitaux.
2) Dans cette conclusion, le Financial Crimes Enforcement Network [réseau de
répression de la délinquance financière] du trésor écrit :
«La banque centrale iranienne (BCI), organe de régulation des
banques iraniennes, a aidé les banques iraniennes désignées en transférant
des milliards de dollars à ces banques en 2011. Au milieu de l’année 2011,
elle a transféré des milliards de dollars aux banques désignées — y compris
Saderat, Mellat, EDBI et Melli — en utilisant divers dispositifs de
paiement. En procédant à ces transferts, la BCI tentait d’échapper aux
sanctions en réduisant au minimum la participation directe de grandes
banques internationales à la fois à ses activités et à celles des banques
iraniennes désignées.»
3) Le 22 novembre 2011, le sous-secrétaire au trésor chargé de la lutte contre le
terrorisme et du renseignement financier, David Cohen, écrivait :
«Le trésor déclare publiquement que l’ensemble du secteur bancaire
iranien, y compris la banque centrale iranienne, expose le système financier
mondial à des risques de financement du terrorisme, de financement de la
prolifération et de blanchiment de capitaux.».»272
En conséquence, l’article 1245 de la loi sur le budget de la défense nationale pour l’exercice 2012 a
chargé le président, conformément à la législation applicable, de bloquer tous les actifs des
institutions financières iraniennes qui se trouvaient aux Etats-Unis, ou en la possession ou sous le
contrôle de personnes rattachées aux Etats-Unis. Cette loi reconnaissait expressément le lien existant
entre les pratiques financières trompeuses employées par les institutions iraniennes et les activités
illicites sous-jacentes de l’Etat iranien en ces termes :
271 Décision portant constatation du fait que la République islamique d’Iran est un pays présentant une situation
particulièrement préoccupante du point de vue du blanchiment de capitaux [Finding that the Islamic Republic of Iran is a
Jurisdiction of Primary Money Laundering Concern], «Federal Register», vol. 76, 18 novembre 2011, p. 72756 (exceptions
préliminaires des Etats-Unis, annexe 152) (les italiques sont de nous) (faisant référence aux résolutions 1696, 1737, 1747,
1803, 1835, 1887 et 1929 du Conseil de sécurité des Nations Unies).
272 Loi sur le budget de la défense nationale pour l’exercice 2012, paragraphes a) et b) de l’article 1245, loi d’intérêt
public no 112-239, Statutes at Large, vol. 126, p. 2006 (MI, annexe 17) (les italiques sont de nous).
81
- 78 -
«Le secteur financier de l’Iran, y compris la banque centrale iranienne, est
désigné comme présentant une situation particulièrement préoccupante du point de vue
du blanchiment de capitaux … en raison de la menace que font peser sur les institutions
publiques et financières les activités illicites de l’Etat iranien, notamment ses efforts
pour se doter d’armes nucléaires, son soutien au terrorisme international et ses efforts
pour tromper les institutions financières compétentes et se soustraire aux sanctions.»273
⎯ Dans ces circonstances, le président Barack Obama a pris, le 5 février 2012 et expressément en
application de la loi sur le budget de la défense nationale pour l’exercice 2012, le décret
présidentiel no 13599, dont un passage se lit comme suit :
«En vertu des pouvoirs qui me sont conférés en tant que président par la
Constitution et les lois des Etats-Unis d’Amérique et notamment par … l’article 1245
de la loi sur le budget de la défense nationale …, en particulier à la lumière des
«pratiques trompeuses déployées par la banque centrale iranienne et d’autres banques
iraniennes pour dissimuler les transactions de parties visées par les sanctions, des
lacunes du régime iranien de lutte contre le blanchiment de capitaux de l’Iran et des
défaillances dans sa mise en oeuvre.»274
11.10 La logique sous-tendant la solution nécessaire et modérée mise en place par les
Etats-Unis est manifeste. L’Iran a soutenu le terrorisme et a manqué à ses obligations en matière de
missiles balistiques et de commerce des armes. Avec l’aide d’institutions financières iraniennes, il a
usé de pratiques bancaires trompeuses pour se soustraire aux précédentes tentatives faites par les
Etats-Unis et la communauté internationale pour restreindre ces activités illicites. A la fin de 2011,
il était manifeste que, pour protéger leurs intérêts vitaux sur le plan de la sécurité et dissuader plus
facilement l’Iran de se doter d’armes et de capacités militaires dans le domaine des missiles
balistiques, les Etats-Unis devaient prendre les mesures nécessaires pour mieux lutter contre les voies
et moyens permettant à l’Iran de mettre au point des missiles balistiques, de doter les terroristes
d’armes et d’apporter son soutien au terrorisme, notamment ses pratiques bancaires trompeuses.
C’est précisément pour ce motif que le président a pris le décret présidentiel no 13599.
Section B
Le décret présidentiel no 13599 et ses textes d’application relèvent de l’exception
créée par l’alinéa c) du paragraphe 1 de l’article XX en tant que mesures
réglementant la production et le commerce des armes
ainsi que les fournitures militaires
11.11 L’alinéa c) du paragraphe 1 de l’article XX exclut du champ d’application du traité
toutes les mesures «[r]églementant la production ou le commerce des armes, des munitions et du
matériel de guerre, ou le commerce d’autres produits lorsqu’il a pour but direct ou indirect
d’approvisionner des unités militaires». Le décret présidentiel no 13599 est une mesure que les
Etats-Unis ont prise pour empêcher l’Iran de se soustraire aux sanctions américaines et
internationales relatives à ses activités de mise au point de missiles balistiques et de fourniture
d’armes et d’autres aides à des groupes extrémistes et terroristes. Il s’agit donc d’une mesure qui
relève de l’exception prévue par l’alinéa c) du paragraphe 1 de l’article XX et n’entre par conséquent
pas dans le champ d’application du traité et de la présente affaire.
273 Loi sur le budget de la défense nationale pour l’exercice 2012, paragraphe b) de l’article 1245 (MI, annexe 17).
274 Décret présidentiel no 13599, «Federal Register», vol. 77, 5 février 2012, p. 6659 (MI, annexe 22).
82
- 79 -
11.12 Il existe de nombreux éléments de preuve établissant que l’Iran cherche à se doter de
moyens de production de missiles balistiques. A l’époque de l’adoption du décret présidentiel
no 13599, il était de notoriété publique que l’Iran mettait au point des missiles balistiques en violation
de multiples résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies275. Par exemple, le représentant de
la France a déclaré à une séance du Conseil de sécurité ce qui suit : «Les faits sont accablants. Ils ne
prêtent à aucun doute… L’Iran a développé un programme de missiles capables d’emporter des têtes
nucléaires.»276 Néanmoins, l’Iran persiste à mettre au point et à tester des missiles balistiques277.
11.13 L’Iran fournit également depuis longtemps des armes et d’autres aides à des groupes
extrémistes ou terroristes à l’étranger278. Comme indiqué au chapitre 5, c’est régulièrement qu’il
fournit des armes et des munitions ainsi que des ressources financières à un certain nombre de
groupes extrémistes ou terroristes et les entraîne, en l’occurrence les Taliban, le Hezbollah, le Hamas,
le Jihad islamique palestinien et, plus récemment, les houthistes du Yémen279. L’Iran exerce ses
activités de commerce des armes en violation d’un certain nombre de résolutions contraignantes du
Conseil de sécurité des Nations Unies qui, depuis 2007, a drastiquement restreint les possibilités de
vente ou de transfert d’armes conventionnelles de l’Etat et des ressortissants iraniens280.
275 Voir la section A du chapitre 5 ci-dessus. Voir également, par exemple, Nations Unies, Conseil de sécurité,
résolution 1929 du 9 juin 2010, par. 1 et 9, doc. S/RES/1929 (2010) (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 110) ;
décision portant constatation du fait que la République islamique d’Iran est un pays présentant une situation
particulièrement préoccupante du point de vue du blanchiment de capitaux [Finding that the Islamic Republic of Iran is a
Jurisdiction of Primary Money Laundering Concern], «Federal Register», vol. 76, 18 novembre 2011, p. 72756, 72758
(exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 152) («L’Iran continue également à défier la communauté internationale
par ses efforts pour se doter de capacités nucléaires et mettre au point des missiles balistiques en violation de sept
résolutions du Conseil de sécurité» (les italiques sont de nous)).
276 Nations Unies, Conseil de sécurité, soixante-cinquième année, 6335e séance, doc. S/PV.6335, 9 juin 2010, p. 7
(déclaration de la France) (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 196) (soulignant également que «[l]’Iran a
travaillé sur des études militaires poussées qui constituent le lien manquant entre l’enrichissement et le programme
balistique, en particulier sur l’aménagement d’un vecteur pour y placer une tête nucléaire»).
277 Voir la section A du chapitre 5 ci-dessus.
278 Voir le chapitre 5 ci-dessus.
279 Voir, par exemple, la décision portant constatation du fait que la République islamique d’Iran est un pays
présentant une situation particulièrement préoccupante du point de vue du blanchiment de capitaux [Finding that the Islamic
Republic of Iran is a Jurisdiction of Primary Money Laundering Concern], «Federal Register», vol. 76, 18 novembre 2011,
p. 72757-72758 (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 152)
«L’Iran demeure le plus actif des Etats soutenant le terrorisme recensés. C’est un Etat qui apporte
régulièrement des ressources substantielles et des conseils à de multiples organisations terroristes. Il fournit
à des groupes terroristes palestiniens, notamment au Hamas et au Jihad islamique palestinien (JIP), des
financements importants et des armes, et les entraîne… La force Al-Qods [du corps des gardiens de la
révolution islamique] serait active dans les pays du Levant, où elle soutiendrait de longue date les activités
militaires, paramilitaires et terroristes du [Hezbollah] et financerait celui-ci à hauteur de 200 millions de
dollars par an. En outre, la force Al-Qods fournit aux Taliban des armes, des financements et des services
logistiques et les entraîne pour soutenir des activités hostiles aux Etats-Unis et à la coalition. Selon des
informations datant d’au moins 2006, l’Iran expédie fréquemment aux Taliban des cargaisons d’armes
légères et de munitions correspondantes, de grenades à fusil, d’obus de mortier, de roquettes de
107 millimètres et d’explosifs plastiques.» (Les italiques sont de nous.)
280 Voir, par exemple, Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 2231 du 20 juillet 2015, annexe B, par. 6 b),
doc. S/RES/2231 (2015) (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 122) (disposant que tous les Etats sont tenus
«[d]e prendre les mesures nécessaires pour empêcher, sauf si le Conseil de sécurité en décide autrement à l’avance au cas
par cas, la fourniture, la vente ou le transfert par leurs ressortissants, ou au moyen de navires ou d’aéronefs battant leur
pavillon, d’armes ou de matériels connexes provenant d’Iran, qu’ils soient ou non originaires du territoire iranien» pour
une durée déterminée) ; résolution 1747 du 24 mars 2007, doc. S/RES/1747 (2007), par. 5 (exceptions préliminaires des
Etats-Unis, annexe 101) (décidant «que l’Iran ne doit fournir, vendre ou transférer, directement ou
indirectement, … aucune arme ni aucun matériel connexe[,] et que tous les Etats devront interdire l’acquisition de ces
articles auprès de l’Iran»).
83
- 80 -
11.14 L’Iran utilise en particulier la force Al-Qods — qui est une unité du corps des gardiens
de la révolution islamique et un élément de l’appareil militaire iranien — pour créer et soutenir des
groupes terroristes ou extrémistes à l’étranger281. Les Etats-Unis ont bloqué depuis 2007 les actifs de
la force Al-Qods en application du décret présidentiel no 13224, qui est l’un de leurs textes répressifs
sur le terrorisme, en réaction au soutien que cette unité apporte aux Taliban, au Hezbollah et à
d’autres organisations terroristes ou extrémistes, notamment en leur expédiant fréquemment des
cargaisons d’armes282. Peu avant l’adoption du décret présidentiel no 13224, le département du trésor
des Etats-Unis indiquait que le corps des gardiens de la révolution islamique et sa force Al-Qods
continuaient, malgré tout, à user de pratiques financières trompeuses pour se soustraire aux sanctions,
en se livrant «à des activités d’apparence légitime destinées à offrir une couverture pour des
opérations de renseignement et de soutien à des groupes terroristes tels que [le Hezbollah], le Hamas
et les Taliban»283.
11.15 Le décret présidentiel no 13599 se situe dans le prolongement des sanctions
internationales et américaines antérieures tendant à lutter contre ces activités illicites et les
complète284. Avant son adoption, les mesures en vigueur consistaient notamment dans l’obligation
de bloquer les actifs de certains organismes, institutions et ressortissants iraniens qui participaient à
des activités terroristes ou au programme de missiles balistiques de l’Iran, ou y apportaient leur
soutien285. Les Etats-Unis usent de longue date de mesures de blocage d’actifs pour faire obstacle
aux comportements menaçant leur sécurité nationale, notamment pour prévenir l’utilisation du
système financier américain pour mener ces activités ou se procurer les ressources nécessaires. Le
Conseil de sécurité des Nations Unies a demandé aux Etats d’appliquer des mesures de gel d’actifs
281 Voir, par exemple, la décision portant constatation du fait que la République islamique d’Iran est un pays
présentant une situation particulièrement préoccupante du point de vue du blanchiment de capitaux [Finding that the Islamic
Republic of Iran is a Jurisdiction of Primary Money Laundering Concern], «Federal Register», vol. 76, 18 novembre 2011,
p. 72756, 72757-72758 (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 152).
282 Département du trésor des Etats-Unis, «Fact Sheet: Designation of Iranian Entities and Individuals for
Proliferation Activities and Support for Terrorism» [Fiche d’information : désignation d’entités et de personnes physiques
iraniennes liées à des activités de prolifération et au soutien au terrorisme], 25 octobre 2007 (exceptions préliminaires des
Etats-Unis, annexe 147) ; voir également Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 1747 du 24 mars 2007,
doc. S/RES/1747 (2007) (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 101) (imposant des sanctions au commandant
de la force Al-Qods du corps des gardiens de la révolution islamique).
283 Décision portant constatation du fait que la République islamique d’Iran est un pays présentant une situation
particulièrement préoccupante du point de vue du blanchiment de capitaux [Finding that the Islamic Republic of Iran is a
Jurisdiction of Primary Money Laundering Concern], «Federal Register», vol. 76, 18 novembre 2011, p. 72756 et 72762
(exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 152).
284 Voir le chapitre 6 ci-dessus. En particulier, le décret présidentiel no 13599 fait référence au décret présidentiel
antérieur no 12957, déclarant un état d’urgence nationale relatif à l’Iran. Ce décret a été pris «[en] réponse aux actions et
politiques de l’Etat iranien, et notamment son soutien au terrorisme international, ses efforts pour compromettre le
processus de paix au Moyen-Orient, et l’acquisition d’armes de destruction massive et de leurs vecteurs». Président
William J. Clinton, message au Congrès sur l’Iran, Weekly Compilation of Presidential Documents, vol. 34, 16 mars 1998,
p. 446 (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 193).
285 Voir, par exemple, le décret présidentiel no 13224, «Federal Register», vol. 66, 25 septembre 2001, p. 186
(exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 134) (bloquant des biens et interdisant les transactions avec les personnes
qui commettent ou menacent de commettre des faits de terrorisme, ou soutiennent le terrorisme) ; et le décret présidentiel
no 13382, «Federal Register», vol. 70, 28 juin 2005, p. 38567 (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 197)
(bloquant les biens des personnes qui commettent ou soutiennent des actes de prolifération d’«armes de destruction massive
ou de leurs vecteurs (y compris de missiles capables d’emporter de telles armes)»). Le Conseil de sécurité des Nations Unies
a également imposé des gels d’actifs à raison de ces activités. Voir, par exemple, la résolution 1737 du 6 septembre 2007,
doc. S/RES/1737 (2006)**, par. 12 (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 100) (décidant que «tous les Etats
devront geler les fonds, avoirs financiers et ressources économiques … qui sont la propriété ou sous le contrôle» de
personnes et d’entités déterminées qui participent au programme nucléaire et de missiles balistiques) ; la résolution 1747
du 24 mars 2007, doc. S/RES/1747 (2007) (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 101) (ajoutant des entités et
des personnes, y compris celles liées au corps des gardiens de la révolution islamique, à la liste des personnes visées par
les sanctions)) ; la résolution 1803 du 3 mars 2008, doc. S/RES/1803 52008) (exceptions préliminaires des Etats-Unis,
annexe 102) (renforçant davantage les sanctions) ; la résolution 1929 du 9 juin 2010, doc. S/RES/1929 (2010) (exceptions
préliminaires des Etats-Unis, annexe 110) (renforçant davantage les sanctions).
84
- 81 -
dans un certain nombre de circonstances et a reconnu dans divers contextes que les gels d’actifs
étaient un «outil important» de lutte contre les activités qu’il considère comme une menace à la paix
et à la sécurité internationales286.
11.16 Dans la période qui a précédé l’adoption du décret présidentiel no 13599, les sanctions
infligées à l’Iran par la communauté internationale sont devenues de plus en plus rigoureuses, en
réaction à la poursuite des activités iraniennes préoccupantes du point de vue de la prolifération, et
l’Iran a redoublé d’efforts pour éviter de se faire repérer en recourant à des transactions financières
complexes et à des sociétés-écrans pour dissimuler ses activités illicites. Dans sa décision de
constatation de novembre 2011 citée plus haut, qui a servi de base au décret présidentiel no 13599, le
département du trésor des Etats-Unis a précisé que l’Iran utilisait un éventail d’organismes,
d’établissements et d’institutions financières pour se soustraire aux sanctions et faciliter son soutien
au terrorisme à l’étranger et son programme de missiles balistiques sur le territoire iranien287. Au
nombre de ces entités figuraient plusieurs institutions financières iraniennes bien connues, telles que
286 Voir, par exemple, Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 1373 du 28 septembre 2001,
doc. S/RES/1373 (2001), par. 1 (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 81) (faisant obligation aux Etats de
«[g]eler sans attendre les fonds et autres avoirs financiers ou ressources économiques des personnes qui commettent, ou
tentent de commettre, des actes de terrorisme, les facilitent ou y participent, des entités appartenant à ces personnes ou
contrôlées, directement ou indirectement, par elles, et des personnes et entités agissant au nom, ou sur instruction, de ces
personnes et entités») ; la résolution 1989 du 17 juin 2011, doc. S/RES/1989 (2011), préambule et par. 1 (exceptions
préliminaires des Etats-Unis, annexe 199) («[s]oulignant que les sanctions sont un instrument important prévu par la Charte
des Nations Unies … et soulignant également à ce propos la nécessité d’une mise en oeuvre rigoureuse des mesures [de gel
d’avoirs] visées au paragraphe 1 de la présente résolution, comme outil majeur de lutte contre le terrorisme») ; la
résolution 1807 du 31 mars 2008, doc. S/RES/1807 (2008), préambule et par. 11 (exceptions préliminaires des Etats-Unis,
annexe 200) (concluant que la situation en RDC constitue toujours une menace à la paix et à la sécurité internationales dans
la région, et décidant que tous les Etats devront geler les fonds, autres avoirs financiers et ressources économiques se
trouvant sur leur territoire qui sont en la possession ou sous le contrôle des personnes ou entités désignées par le Comité
des sanctions) ; la résolution 2293 du 23 juin 2016, doc. S/RES/2293 (2016), par. 5 (exceptions préliminaires des
Etats-Unis, annexe 201) (reconduisant la résolution 1807) ; la résolution 2140 du 26 février 2014, doc. S/RES/2140 (2014),
préambule et par. 11 (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 202) (déterminant que la situation au Yémen
constituait une menace à la paix et à la sécurité internationales dans la région, et décidant que tous les Etats membres
devraient geler sans délai la totalité des fonds, autres avoirs financiers et ressources économiques se trouvant sur leur
territoire qui étaient en la possession ou sous le contrôle direct ou indirect des personnes ou entités désignées par le
Comité) ; la résolution 2342 du 23 février 2017, doc. S/RES/2342 (2017), par. 2 (exceptions préliminaires des Etats-Unis,
annexe 203) (reconduisant la résolution 2140).
287 Décision portant constatation du fait que la République islamique d’Iran est un pays présentant une situation
particulièrement préoccupante du point de vue du blanchiment de capitaux [Finding that the Islamic Republic of Iran is a
Jurisdiction of Primary Money Laundering Concern], «Federal Register», vol. 76, 18 novembre 2011, p. 72756 (exceptions
préliminaires des Etats-Unis, annexe 152) (qualifiant l’Iran de «pays présentant une situation particulièrement préoccupante
du point de vue du blanchiment de capitaux» sur la base du soutien qu’il apporte au terrorisme, de ses efforts pour se doter
de capacités dans les domaines nucléaire et des missiles balistiques, de ses pratiques financières trompeuses destinées à se
soustraire aux sanctions, de ses insuffisances graves en matière de contrôles destinés à prévenir et réprimer le blanchiment
de capitaux et le financement du terrorisme, ainsi que de son absence de coopération avec les autorités américaines chargées
du maintien de l’ordre et de la réglementation).
85
- 82 -
la banque Sepah288, la banque Melli289, la banque Mellat290, la banque Saderat291 et la banque centrale
d’Iran (la banque Markazi)292, pour n’en citer que quelques-unes293.
11.17 Ces éléments de preuve et d’autres éléments cités dans sa décision de constatation de
novembre 2011 ont conduit le département du trésor des Etats-Unis à conclure que l’Iran et les
institutions financières iraniennes s’employaient de concert à se soustraire aux sanctions américaines
et internationales visant, entre autres, la prolifération des armes et le soutien aux groupes terroristes.
Le département du trésor a déclaré à cet égard ce qui suit :
«Du fait du durcissement des sanctions américaines et de mesures similaires
adoptées par l’Organisation des Nations Unies et d’autres membres de la communauté
mondiale, l’Iran est désormais confronté à des obstacles considérables en matière de
transactions internationales. Il a, en réaction, usé de pratiques financières trompeuses,
destinées à dissimuler à la fois la nature des transactions et sa participation à cellesci,
afin de contourner les sanctions. Cette conduite fait courir aux institutions
financières en relation avec des entités iraniennes le risque de faciliter à leur insu des
transactions liées au terrorisme, à la prolifération ou à la violation des sanctions
américaines et multilatérales. Les institutions financières iraniennes, y compris la
banque centrale d’Iran («BCI»), et d’autres entités sous contrôle d’Etat, ont, de leur
plein gré, pris part à des pratiques trompeuses destinées à dissimuler les comportements
illicites, à se soustraire aux sanctions internationales et à saper les efforts d’agences de
régulation responsables partout dans le monde.»294
11.18 A la lumière de ce qui précède, les blocages imposés par le décret présidentiel no 13599
constituent des mesures «réglementant la production ou le commerce des armes, des munitions et du
matériel de guerre, ou le commerce d’autres produits lorsqu’il a pour but direct ou indirect
d’approvisionner des unités militaires» au sens de l’alinéa c) du paragraphe 1 de l’article XX. Ces
288 Décision portant constatation du fait que la République islamique d’Iran est un pays présentant une situation
particulièrement préoccupante du point de vue du blanchiment de capitaux [Finding that the Islamic Republic of Iran is a
Jurisdiction of Primary Money Laundering Concern], «Federal Register», vol. 76, 18 novembre 2011, p. 72759 (exceptions
préliminaires des Etats-Unis, annexe 152) (précisant que la banque Sepah fournissait «directement des services financiers
de grande envergure aux entités iraniennes chargées de la mise au point des missiles balistiques», notamment à l’Aerospace
Industries Organization et au Shahid Hemmat Industrial Group).
289 Ibid. (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 152) (soulignant que la banque Melli a «facilité de
nombreux achats de matériaux et matériels sensibles destinés aux programmes nucléaire et de missiles de l’Iran pour le
compte d’entités désignées par l’Organisation des Nations Unies»).
290 Ibid. (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 152) (prenant acte des conclusions publiques des
Etats-Unis, du Royaume-Uni et du Conseil de sécurité des Nations Unies selon lesquelles la banque Mellat a
considérablement participé au financement du programme iranien de missiles balistiques).
291 Ibid., p. 72758 (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 152) (indiquant que la banque Saderat a été
utilisée pour apporter un soutien à des organisations terroristes, et que, de 2001 à 2006, elle a «transféré 50 millions de
dollars, par l’entremise de sa filiale londonienne, de la banque centrale d’Iran à sa succursale de Beyrouth, au profit de
prête-noms du [Hezbollah] au Liban qui soutiennent des actes de violence»).
292 Ibid., p. 72760 (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 152) (concluant que la banque centrale d’Iran
a usé de nombreux procédés de paiement pour se soustraire aux sanctions liées au terrorisme et aux activités de prolifération,
et qu’elle a délibérément tenté de dissimuler la participation de banques iraniennes visées par les sanctions à des transactions
internationales).
293 Ibid. (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 152) (Les autres sont Post Bank, qui opérait pour le
compte de la banque Sepah ; la banque allemande propriété iranienne EIH, qui servait la banque Mellat, Post Bank et
d’autres institutions ; la banque Refah, qui fournissait des services au ministère iranien de la défense et de la logistique des
forces armées, visé par les sanctions ; la Bank of Industry and Mines, qui fournissait des services à la banque Mellat et à
l’EIH ; ainsi que la banque Ansar et la banque Mehr, qui offraient des services au corps des gardiens de la révolution
islamique.).
294 Ibid. (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 152) (les italiques sont de nous).
86
- 83 -
mesures s’inscrivent dans le cadre d’un régime réglementaire — qui englobe les sanctions prises par
les Etats-Unis à l’égard de l’Iran — conçu pour faire face au commerce des armes pratiqué par l’Iran,
à son programme de missiles balistiques et au soutien financier qu’il apporte au terrorisme. Le régime
réglementaire susvisé comprend, par exemple, le gel d’actifs imposé par les Etats-Unis à l’encontre
des entités iraniennes qui exercent des activités prohibées. Le décret présidentiel no 13599 a été
adopté pour perturber davantage ces activités en asséchant les sources de financement dissimulées
ou maquillées en transactions d’apparence légitime. Il se conjugue donc à d’autres mesures de lutte
contre la prolifération et le terrorisme pour prévenir — et donc «réglementer» au sens du traité —
les efforts de l’Iran pour se doter de missiles balistiques, son commerce de tels missiles ou de leurs
composants, ainsi que son commerce d’armes et d’équipements destinés à des organisations
terroristes ou extrémistes à l’étranger et son commerce d’armes et d’autres équipements militaires
destinés à des entités visées par les sanctions au sein de l’appareil militaire iranien, telle la force
Al-Qods du corps des gardiens de la révolution islamique. Pour ces motifs, les mesures de blocage
imposées par le décret présidentiel no 13599 et contestées par l’Iran relèvent de l’exception prévue
par l’alinéa c) du paragraphe 1 de l’article XX du traité, et les demandes de l’Iran doivent être rejetées
dans la mesure où elles sont fondées sur ledit décret.
Section C
Le décret présidentiel no 13599 relève de l’exception créée par l’alinéa d) du paragraphe 1
de l’article XX en tant que mesure nécessaire à la protection des intérêts vitaux
des Etats-Unis sur le plan de la sécurité
11.19 L’alinéa d) du paragraphe 1 de l’article XX exclut du champ d’application du traité
toutes les mesures «nécessaires à l’exécution des obligations de l’une ou l’autre des Hautes Parties
contractantes relatives au maintien ou au rétablissement de la paix et de la sécurité internationales ou
à la protection des intérêts vitaux de cette Haute Partie contractante sur le plan de la sécurité». Le
décret présidentiel no 13599 constitue une mesure nécessaire à la protection des intérêts vitaux des
Etats-Unis sur le plan de la sécurité et n’est dès lors pas soumis aux dispositions substantielles du
traité, pour le motif autonome qu’il relève de l’exception prévue par l’alinéa d) du paragraphe 1 de
l’article XX.
11.20 L’exception prévue par l’alinéa d) du paragraphe 1 de l’article XX est large et il y a lieu
d’accorder un grand respect à la liberté d’appréciation de l’Etat qui l’invoque. Ainsi que l’indique
clairement son texte, cette clause n’autorise ni n’interdit aucune mesure nécessaire à la protection
des intérêts vitaux d’une partie sur le plan de la sécurité. Il exclut purement et simplement ces
mesures du champ d’application du traité.
11.21 Les travaux préparatoires du traité confirment que l’alinéa d) du paragraphe 1 de
l’article XX exclut du champ d’application du traité un large éventail de mesures destinées à protéger
les intérêts vitaux d’une partie sur le plan de la sécurité. Ainsi, lors des négociations entre l’Iran et
les Etats-Unis, ceux-ci ont invoqué l’alinéa d) du paragraphe 1 de l’article XX lorsque les
négociateurs iraniens ont proposé de soumettre le droit d’entrée prévu par l’article II aux «règles de
sécurité internes». En effet, le département d’Etat a donné instruction à l’ambassade des Etats-Unis
à Téhéran d’expliquer aux Iraniens que cette mention supplémentaire était inutile, le droit d’appliquer
les règles de sécurité internes étant amplement couvert par l’alinéa d) du paragraphe 1 de
l’article XX. En outre, il a autorisé l’ambassade à produire une déclaration écrite attestant que le
traité reconnaissait le «droit suprême» de l’Etat de «prendre des mesures pour se protéger et protéger
la sécurité publique»295. Ainsi que la Cour l’a précisé en l’affaire des Activités militaires et
295 Télégramme en date du 15 février 1955 adressé à l’ambassade des Etats-Unis à Téhéran par le département
d’Etat américain (annexe 133).
87
- 84 -
paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique), «la notion
d’intérêts vitaux en matière de sécurité déborde certainement la notion d’agression armée et a reçu
dans l’histoire des interprétations fort extensives»296.
11.22 Le fait que les travaux préparatoires mentionnent le «droit suprême» de l’Etat et la
volonté des Etats-Unis de le confirmer par voie de déclaration écrite atteste que l’alinéa d) du
paragraphe 1 de l’article XX confère aux parties un large pouvoir d’appréciation. La Cour a reconnu
le respect dû à la liberté d’appréciation de la partie qui invoque l’alinéa d) du paragraphe 1 de
l’article XX dans l’arrêt qu’elle a rendu en 2008 en l’affaire relative à Certaines questions concernant
l’entraide judiciaire en matière pénale (Djibouti c. France). Elle y cite l’alinéa du traité d’amitié
relative aux intérêts vitaux sur le plan de la sécurité comme étant un exemple de disposition accordant
à l’Etat qui l’invoque un «large pouvoir discrétionnaire» :
«[M]ême si la France est fondée à dire que les termes de l’article 2 [du traité en
cause en l’affaire considérée] donnent un très large pouvoir discrétionnaire à l’Etat
requis, l’exercice de ce pouvoir demeure soumis à l’obligation de bonne foi codifiée à
l’article 26 de la convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités [jurisprudence
citée omise] ; sur la compétence de la Cour à l’égard de dispositions accordant un large
pouvoir discrétionnaire, voir Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et
contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986,
p. 116, par. 222, et Plates-formes pétrolières (République islamique d’Iran
c. Etats-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 2003, p. 183, par. 43).»297
11.23 Plusieurs sources historiques viennent également confirmer la grande latitude laissée
aux parties qui invoquent l’alinéa d) du paragraphe 1 de l’article XX pour déterminer leurs intérêts
vitaux sur le plan de la sécurité et les mesures nécessaires pour les protéger. En 1981,
Charles Sullivan a publié pour le compte du département d’Etat une étude interne non confidentielle
portant sur le projet type de traité d’amitié, de commerce et de navigation (l’«étude Sullivan») qui
apporte un éclairage sur l’intention sous-tendant les dispositions de tels traités. Charles Sullivan a
dirigé pendant de nombreuses années le service du département d’Etat chargé de négocier les traités
d’amitié, de commerce et de navigation. Dans son étude, il a examiné le projet type de traité ainsi
que tous les traités d’amitié, de commerce et de navigation conclus par les Etats-Unis de 1946 à 1962,
article par article et paragraphe par paragraphe298. Son étude confirme que la clause de ces traités
relative aux intérêts vitaux sur le plan de la sécurité était censée offrir une grande latitude aux parties
qui l’invoquent et relève expressément la «large liberté d’action accordée à chaque partie au traité
par la réserve concernant la sécurité vitale»299.
11.24 Ainsi qu’il sera démontré ci-après, les activités illicites de l’Iran et les efforts qu’il
déploie pour se doter de moyens de dissimulation et de contournement permettant de les financer
296 Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique),
fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 117, par. 224.
297 Certaines questions concernant l’entraide judiciaire en matière pénale (Djibouti c. France), arrêt,
C.I.J. Recueil 2008, p. 229, par. 145 (les italiques sont de nous) ; voir également Plates-formes pétrolières (République
islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), duplique des Etats-Unis d’Amérique, 23 mars 2001, par. 4.24-4.35 (soutenant
que la Cour «devrait accorder à la Partie invoquant l’alinéa d) du paragraphe 1 de l’article XX une dose d’autorité
discrétionnaire dans son application»).
298 Charles H. Sullivan, département d’Etat américain, «Standard Draft Treaty of Friendship, Commerce and
Navigation: Analysis and Background» [«Projet type de traité d’amitié, de commerce et de navigation : analyse et
historique»] (1981) : ci-après, l’«étude Sullivan» (extraits dans l’annexe 214 des exceptions préliminaires des Etats-Unis
et l’annexe 20 du mémoire de l’Iran).
299 Etude Sullivan, p. 308 (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 214).
88
- 85 -
font peser un risque grave et démontrable sur la sécurité des Etats-Unis et de leurs ressortissants. Il
est incontestable que les intérêts vitaux des Etats-Unis sur le plan de la sécurité commandent de
prévenir les attentats terroristes et le financement des activités terroristes menaçant leurs
ressortissants et de mettre fin aux progrès du programme de missiles balistiques de l’Iran. Le décret
présidentiel no 13599 était une mesure nécessaire à la protection de ces intérêts. La conviction des
Etats-Unis à cet égard mérite un grand respect et impose le rejet des demandes de l’Iran dans la
mesure où elles sont fondées sur le décret présidentiel, ce dernier n’entrant pas dans le champ
d’application du traité.
i. Les intérêts vitaux des Etats-Unis sur le plan de la sécurité commandent de prévenir
le terrorisme et son financement et de mettre fin aux progrès
du programme de missiles balistiques de l’Iran
11.25 Les intérêts vitaux des Etats-Unis sur le plan de la sécurité commandent
incontestablement de prévenir les attentats terroristes visant le pays, ses ressortissants et ses intérêts
à l’étranger, notamment en empêchant les groupes terroristes de recevoir des armes, du matériel, des
entraînements et des ressources financières et en réprimant le recours au blanchiment de capitaux et
à d’autres pratiques financières trompeuses pour financer le terrorisme. Ils commandent aussi de
toute évidence d’empêcher l’Iran de faire progresser son programme de missiles balistiques.
11.26 Ces dernières décennies, de nombreux ressortissants américains ont été tués ou blessés
lors d’attentats terroristes perpétrés par des individus et des groupes soutenus et dirigés par l’Iran,
ainsi qu’il ressort du chapitre 5. La communauté internationale condamne de longue date de tels actes
terroristes et la participation des Etats au terrorisme dans les termes les plus vigoureux qui soient. En
1994, par exemple, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté une résolution exhortant les
Etats «à prendre … toutes les mesures appropriées sur les plans national et international pour
éliminer le terrorisme» et déclarant que l’Assemblée générale était
«[p]rofondément troublée par la persistance, dans le monde entier, d’actes de terrorisme
international sous toutes ses formes et manifestations, y compris ceux dans lesquels des
Etats sont impliqués directement ou indirectement, qui mettent en danger ou
anéantissent des vies innocentes, ont un effet pernicieux sur les relations internationales
et peuvent compromettre la sécurité des Etats, [et]
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
[c]onvaincue … que la répression des actes de terrorisme international, y compris ceux
dans lesquels des Etats sont impliqués directement ou indirectement, est un élément
indispensable au maintien de la paix et de la sécurité internationales»300.
11.27 Le Conseil de sécurité des Nations Unies a réaffirmé en 2001 sa conviction que les actes
de terrorisme international constituaient une menace à la paix et la sécurité et a déclaré que les «actes,
méthodes et pratiques du terrorisme [étaient] contraires aux buts et aux principes de l’Organisation
des Nations Unies» et que «le financement et l’organisation d’actes de terrorisme ou l’incitation à de
tels actes en connaissance de cause [étaient] également contraires aux buts et principes de
300 Voir Nations Unies, Assemblée générale, résolution 49/60 du 17 février 1995, doc. A/RES/49/60, p. 1-3
(exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 179) ; voir également Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 1373
du 28 septembre 2001, doc. S/RES/1373 (2001), par. 3 (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 81) («réaffirmant»
que les actes de terrorisme international «constituent une menace à la paix et à la sécurité internationales»).
89
- 86 -
l’Organisation des Nations Unies»301. Il a, en conséquence, prescrit aux Etats de «[p]révenir et
réprimer le financement des actes de terrorisme» et de geler «les fonds et autres avoirs financiers ou
ressources économiques» des personnes qui commettent ou soutiennent des actes de terrorisme302.
Le Conseil a également reconnu que les Etats se devaient de «compléter la coopération internationale
en prenant des mesures supplémentaires pour prévenir et réprimer sur leur territoire, par tous les
moyens licites, le financement et la préparation de tout acte de terrorisme»303. Depuis lors, il a
reconnu à maintes reprises que le terrorisme constituait une menace à la paix et à la sécurité
internationales304 et que «pour lutter contre cette menace il fa[llait] mener une action collective aux
niveaux national, régional et international»305.
11.28 La communauté internationale est également consciente du danger que représentent les
efforts déployés par l’Iran pour se doter de moyens de production de missiles balistiques. Ainsi qu’il
a été indiqué plus haut, par l’adoption de sa résolution 1929 (2010), le Conseil de sécurité des
Nations Unies a «décid[é] que l’Iran ne d[evait] mener aucune activité liée aux missiles balistiques
pouvant emporter des armes nucléaires, y compris les tirs recourant à la technologie des missiles
balistiques»306. Par la suite, lorsque l’Iran a effectué des tirs de missiles balistiques en mars 2016, le
Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies lui a demandé de «s’abstenir de procéder à
de tels tirs»307. De leur côté, les Etats-Unis se sont clairement déclarés convaincus que le programme
de missiles balistiques iranien constituait une «menace fondamentale pour la région et au-delà»308.
11.29 Comme la Cour l’a déclaré en l’affaire des Activités militaires et paramilitaires au
Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique), la notion d’intérêts vitaux sur le
301 Voir Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 1373 du 28 septembre 2001, doc. S/RES/1373 (2001),
préambule et par. 5 (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 81).
302 Ibid., par. 1 (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 81).
303 Ibid., préambule (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 81).
304 Voir Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 1455 du 17 janvier 2003, doc. S/RES/1455 (2003),
préambule, exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 207) ; résolution 1963 du 20 décembre 1010,
doc. S/RES/1963 (2010), préambule (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 208) ; résolution 2129 du
17 décembre 2013, doc. S/RES/2129 (2013), préambule (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 209) ;
résolution 2178 du 24 septembre 2014, doc. S/RES/2178 (2014), préambule (exceptions préliminaires des Etats-Unis,
annexe 210) ; résolution 2253 du 17 décembre 2015, doc. S/RES/2253 (2015), préambule (exceptions préliminaires des
Etats-Unis, annexe 182) ; résolution 2341 du 13 février 2017, doc. S/RES/2341 (2017), préambule (exceptions
préliminaires des Etats-Unis, annexe 211).
305 Voir Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 2253 du 17 décembre 2015, doc. S/RES/2253 (2015),
préambule (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 182) ; résolution 2341 du 13 février 2017,
doc. S/RES/2341 (2017), préambule (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 211).
306 Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 1929 du 9 juin 2010, doc. S/RES/1929 (2010), par. 9 (exceptions
préliminaires des Etats-Unis, annexe 110). Voir la section A du chapitre 5 ci-dessus.
307 Nations Unies, Conseil de sécurité, rapport du Secrétaire général sur l’application de la résolution 2231 (2015),
doc. S/2016/589, 12 juillet 2016, par. 8 (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 123).
308 Déclaration de Thomas A. Shannon, Jr., secrétaire d’Etat adjoint pour les affaires politiques au département
d’Etat, devant la commission des affaires étrangères du Sénat, «Iran’s Recent Actions and Implementation of the JCPOA»
[Agissements récents de l’Iran et mise en oeuvre du plan d’action global commun, 5 avril 2016, par. 1 (exceptions
préliminaires des Etats-Unis, annexe 212) :
«Il est encourageant de constater que l’Iran a jusqu’ici respecté ses engagements en matière
nucléaire, mais je puis vous donner l’assurance que le Gouvernement partage vos préoccupations sur les
agissements de l’Etat iranien par-delà la question du nucléaire, notamment sur les activités de
déstabilisation qu’il mène au Moyen-Orient et les atteintes aux droits de l’homme qu’il commet à l’intérieur
de ses frontières. Le soutien que l’Iran apporte à des groupes terroristes tels que [le Hezbollah], l’aide qu’il
fournit au régime d’Assad en Syrie et aux rebelles houthistes au Yémen, ainsi que son programme de
missiles balistiques, vont à l’encontre des intérêts des Etats-Unis et font peser des menaces fondamentales
sur la région et au-delà.»
90
- 87 -
plan de la sécurité «déborde certainement la notion d’agression armée et a reçu dans l’histoire des
interprétations fort extensives»309. De plus, il ressort clairement de l’expression «intérêts vitaux de
cette Haute Partie contractante sur le plan de la sécurité» que c’est l’appréciation faite à cet égard par
la partie qui les invoque pour sa défense qui est la plus pertinente. La question de savoir si une
situation compromet les «intérêts … de cette Haute Partie contractante sur le plan de la sécurité» et
si les intérêts en cause sont «vitaux» pour cette partie ne doit pas être appréhendée de manière
abstraite, mais selon le point de vue de la partie qui les invoque pour sa défense, en tenant compte de
ses circonstances particulières et de sa propre perception de celles-ci. Les intérêts présentés en
l’occurrence — à savoir la prévention du terrorisme et de son financement ainsi que celle de la
prolifération des missiles balistiques — répondent forcément aux conditions prévues par la
disposition considérée, quel que soit le point de vue adopté. De plus, si le fait qu’il s’agisse d’intérêts
vitaux des Etats-Unis sur le plan de la sécurité constitue le point névralgique de l’affaire, il convient
de souligner que ces mêmes préoccupations ont été considérées comme essentielles non seulement
par les Etats-Unis, mais également par le Conseil de sécurité des Nations Unies et par la communauté
internationale en général.
ii. Le décret présidentiel no 13599 est nécessaire à la protection des intérêts vitaux des
Etats-Unis sur le plan de la sécurité, notamment par la prévention des attentats terroristes
et des progrès du programme de missiles balistiques iranien
11.30 Le décret présidentiel no 13599 est une mesure nécessaire à la protection des intérêts
vitaux sur le plan de la sécurité décrits dans la section précédente et, comme indiqué ci-dessus, la
Cour doit accorder un grand respect à la conviction de l’Etat à cet égard.
11.31 Il est évident que c’est pour assurer leur sécurité vitale que les Etats-Unis ont adopté le
décret présidentiel no 13599. Ainsi qu’il ressort de la section A ci-dessus, ce décret met en application
les dispositions du paragraphe c) de la loi sur le budget de la défense nationale pour
l’exercice 2012310. Au nombre des constatations du Congrès reprises dans l’article 1245 figure le fait
que le département du trésor des Etats-Unis avait pris en novembre 2011 une décision de constatation
qualifiant l’Iran de pays présentant une «situation particulièrement préoccupante du point de vue du
blanchiment de capitaux» et que le sous-secrétaire au trésor chargé du terrorisme et du renseignement
financier avait déclaré que «l’ensemble du secteur bancaire iranien, y compris la banque centrale
iranienne», exposait «le système financier mondial à des risques de financement du terrorisme, de
financement de la prolifération et de blanchiment de capitaux»311.
11.32 Les conclusions du département du trésor des Etats-Unis allaient dans le même sens que
les constatations du GAFI selon lesquelles le secteur financier iranien présentait de graves risques de
309 Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique),
fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 117, par. 224.
310 Il convient de noter que si l’Iran cite ce texte, il omet les constatations du Congrès qui le sous-tendent (MI, p 31,
par. 2.35, note 81).
311 Loi sur le budget de la défense nationale pour l’exercice 2012, paragraphe a) de l’article 1245, loi d’intérêt
public no 112-239, Statutes at Large, vol. 126, p. 2006 (MI, annexe 17).
91
- 88 -
financement du terrorisme312. Le 28 octobre 2011, peu avant l’adoption du décret présidentiel
no 13599, le GAFI a déclaré «avec une urgence renouvelée» qu’il était «particulièrement et
exceptionnellement préoccupé de l’incapacité de l’Iran à répondre au risque de financement du
terrorisme et à la grave menace que cela constitu[ait] pour l’intégrité du système financier
international»313. L’Iran figure sur la liste des «pays à haut risque et non coopératifs» établie par le
GAFI ; en fait, il est l’un des deux seuls pays (l’autre étant la République populaire démocratique de
Corée) que le GAFI a inscrits sur la liste des pays ayant fait l’objet d’un «appel à l’action» de sa part
et contre lesquels il conseille aux Etats de prendre des mesures314.
11.33 Ainsi qu’il ressort clairement de cet historique, le décret présidentiel no 13599 a été
adopté pour protéger les intérêts des Etats-Unis en combattant le soutien apporté par l’Iran au
terrorisme et à son financement, afin de prévenir de nouveaux actes de terrorisme. C’est une mesure
nécessaire à la réalisation de cet objectif. Comme l’a reconnu le Conseil de sécurité des
Nations Unies, les gels d’actifs sont une méthode importante de «[p]réven[tion] et [de] répr[ession]
[du] financement des actes de terrorisme» (que la résolution 1373 du Conseil de sécurité des
Nations Unies fait obligation aux Etats d’effectuer)315 «même en l’absence d’un lien avec un acte
terroriste précis»316.
11.34 Non seulement l’article 1245 de la loi sur le budget de la défense nationale pour
l’exercice 2012 a pour objectif de lutter contre le financement du terrorisme, mais il en ressort
clairement que le décret présidentiel no 13599 se veut également être une mesure nécessaire à la
protection contre les risques de «financement de la prolifération» que présentent l’Iran et le secteur
financier iranien317. Les Etats-Unis ne sont pas les seuls à s’inquiéter du programme de missiles
balistiques de l’Iran et du rôle joué par le secteur financier de ce pays pour contribuer à ses efforts
de prolifération. Peu avant l’adoption du décret présidentiel no 13599, le Conseil de sécurité des
312 Décision portant constatation du fait que la République islamique d’Iran est un pays présentant une situation
particulièrement préoccupante du point de vue du blanchiment de capitaux [Finding that the Islamic Republic of Iran is a
Jurisdiction of Primary Money Laundering Concern], «Federal Register», vol. 76, 18 novembre 2011, p. 72756-72758,
(exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 152) («L’Iran demeure le plus actif des Etats soutenant le terrorisme
recensés. C’est un Etat qui apporte régulièrement des ressources substantielles et des conseils à de multiples organisations
terroristes. … L’Iran se sert notoirement des banques publiques pour faciliter le financement du terrorisme.») ; Financial
Crimes Enforcement Network ; Amendment to the Bank Secrecy Act Regulations — Imposition of Special Measure
Against the Islamic Republic of Iran as a Jurisdiction of Primary Money Laundering Concern [réseau de prévention et de
répression de la délinquance financière — Modification de la réglementation d’application de la loi sur le secret bancaire
— Mise en place de mesures spéciales visant la République islamique d’Iran en tant que pays présentant une situation
particulièrement préoccupante du point de vue du blanchiment de capitaux], «Federal Register», vol. 76, 28 novembre
2011, p. 72878-72880 (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 153) (document traitant des constatations opérées
au sujet du rôle joué par l’Iran dans le domaine du financement du terrorisme, ainsi que des constatations et mesures
multilatérales du Conseil de sécurité des Nations Unies et du GAFI).
313 GAFI, déclaration publique du 28 octobre 2011 (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 222) ; voir la
section A du chapitre 5 ci-dessus (faisant état des constatations et des recommandations du GAFI concernant l’Iran).
314 Voir Juridictions à hauts risques et sous surveillance, GAFI, juin 2019 (annexe 134).
315 Voir Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 1373 du 28 septembre 2001, doc. S/RES/1373 (2001), par. 1
(exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 81) (décidant que les Etats doivent «[g]eler sans attendre les fonds et
autres avoirs financiers ou ressources économiques des personnes qui commettent, ou tentent de commettre, des actes de
terrorisme, les facilitent ou y participent»).
316 Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 2253 du 17 décembre 2015, doc. S/RES/2253 (2015), préambule
(exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 182).
317 Loi sur le budget de la défense nationale pour l’exercice 2012, paragraphes a) et b) de l’article 1245, loi d’intérêt
public no 112-239, Statutes at Large, vol. 126, p. 2006 (MI, annexe 17) ; voir également la décision portant constatation du
fait que la République islamique d’Iran est un pays présentant une situation particulièrement préoccupante du point de vue
du blanchiment de capitaux, «Federal Register», vol. 76, 18 novembre 2011, p. 72756-72762 (exceptions préliminaires des
Etats-Unis, annexe 152) (parlant des éléments de preuve «montrant que des groupes criminels organisés, des terroristes
internationaux ou des entités participant à la prolifération d’armes de destruction massive ou de missiles ont fait des
affaires dans ce pays» (les italiques sont de nous)).
92
- 89 -
Nations Unies a invité les Etats à «faire preuve de vigilance» dans les transactions avec les banques
iraniennes, y compris la banque Markazi et la banque Melli, «afin d’empêcher que de telles
transactions contribuent à des activités nucléaires posant un risque de prolifération ou à la mise au
point de vecteurs d’armes nucléaires»318.
11.35 En outre, les Etats-Unis n’ont adopté le décret présidentiel no 13599 qu’après que l’Iran
eut persisté à enfreindre, par des pratiques trompeuses, tout un ensemble de sanctions plus ciblées
adoptées en réaction à son soutien au terrorisme et à ses efforts pour se doter de vecteur d’armes de
destruction massive. L’Iran avait également fait fi des appels répétés l’invitant à s’attaquer aux
risques graves de financement du terrorisme présentés par son secteur financier319. Le décret
présidentiel était donc devenu nécessaire, et a été adopté, en raison des efforts concertés déployés
par l’Iran pour se soustraire à ces précédentes mesures de lutte contre son comportement illicite.
11.36 Compte tenu de ce qui précède, le traité exclut les prétentions dirigées contre le décret
présidentiel no 13599, celui-ci étant une mesure nécessaire à la protection des intérêts vitaux des
Etats-Unis sur le plan de la sécurité, au sens de l’alinéa d) du paragraphe 1 de l’article XX, qui
commande par conséquent de rejeter les demandes de l’Iran dans la mesure où elles sont fondées sur
ce décret.
* *
11.37 Pour tous les motifs exposés ci-dessus, le décret présidentiel no 13599 échappe au champ
d’application du traité. L’examen de l’applicabilité du paragraphe 1 de l’article XX audit décret ne
devrait être qu’une simple formalité, compte tenu notamment des nombreux éléments de preuve
mettant en évidence l’objectif du décret. Malgré tout, l’Iran méconnaît le fait que le décret a pour
fonction d’assurer la sécurité nationale et tente plutôt de le présenter comme une violation des articles
substantiels du traité. Bien que les allégations de l’Iran soient vagues, il présente expressément le
décret présidentiel no 13599 dans son mémoire comme une violation de trois des articles substantiels
du traité : les articles III, V et VII. Il importe peu que ces articles puissent être appliqués ou non au
décret présidentiel no 13599 et la Cour ne devrait pas tenir compte des assertions de l’Iran, le décret
présidentiel no 13599 étant clairement exclu du champ d’application du traité par les exceptions
prévues au paragraphe 1 de l’article XX et ne pouvant donc en violer quelque disposition
substantielle que ce soit. En conséquence, la Cour doit rejeter les demandes de l’Iran dans la mesure
où elles sont fondées sur le décret présidentiel no 13599.
318 Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 1929 du 9 juin 2010, doc. S/RES/1929 (2010), préambule et
par. 23 (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 110) («rappelant en particulier la nécessité de faire preuve de
vigilance dans les transactions avec les banques iraniennes, y compris la Banque centrale d’Iran» et priant les Etats de
prendre «les mesures voulues» pour interdire aux institutions financières établies sur leur territoire de fournir certains
services financiers s’ils disposent d’informations leur donnant des motifs raisonnables de penser que ces services
«pourraient contribuer aux activités nucléaires de l’Iran posant un risque de prolifération ou à la mise au point de vecteurs
d’armes nucléaires» (les italiques sont de nous)) ; résolution 1803 du 3 mars 2008, doc. S/RES/1803 (2008), par. 10
(exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 102) («[d]emand[ant] à tous les Etats de faire preuve de vigilance
s’agissant des activités menées par les institutions financières sises sur leur territoire avec toutes les banques domiciliées
en Iran, en particulier la Banque Melli et la Banque Saderat … afin d’éviter que ces activités concourent à des activités
posant un risque de prolifération, ou à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires» (les italiques sont de nous)).
319 Voir, par exemple, GAFI, déclaration publique du 28 octobre 2011 (exceptions préliminaires des Etats-Unis,
annexe 222).
93
- 90 -
QUATRIÈME PARTIE
LES MESURES PRISES PAR LES ETATS-UNIS NE CONSTITUENT PAS
DES VIOLATIONS DU TRAITÉ D’AMITIÉ
CHAPITRE 12
ERREURS ENTACHANT L’APPROCHE ADOPTÉE PAR L’IRAN POUR PRÉSENTER SES DEMANDES
ET INTERPRÉTER LE TRAITÉ D’AMITIÉ
12.1 Pour le cas où la Cour ne rejetterait pas certaines des demandes de l’Iran en statuant sur
les moyens de défense qu’ils ont présentés dans la troisième partie, les Etats-Unis démontreront dans
les chapitres 13 à 17 de la présente quatrième partie du contre-mémoire que les demandes de l’Iran
fondées sur les articles III, IV, V, VII et X du traité d’amitié ne peuvent de toute façon pas prospérer,
l’Iran ayant mal interprété la disposition du traité en cause ou l’ayant mal appliquée aux faits de
l’espèce. Dans de nombreux cas, il a commis les deux erreurs à la fois.
12.2 A titre subsidiaire, les Etats-Unis font valoir qu’au cas où la Cour conclurait, quod non,
que l’Iran tient effectivement du traité d’amitié des droits opposables en justice en l’espèce, l’Iran ne
serait pas pour autant recevable à invoquer ces droits, car il s’agirait-là d’un abus de droit. En effet,
c’est un abus de la part de l’Iran que de se prévaloir des droits qu’il revendique pour faire obstacle
aux efforts que les victimes du terrorisme déploient en vue d’obtenir réparation du préjudice que leur
ont causé des attentats commis avec son soutien. Cette question est traitée au chapitre 18.
12.3 Enfin, les Etats-Unis relèvent au chapitre 19 que certaines des formes de réparation
demandées par l’Iran ne sont pas applicables, en raison de l’extinction du traité d’amitié et, plus
généralement, du fait que la demande de réparation de l’Iran est vague et incomplète.
12.4 Pour répondre aux demandes de l’Iran article par article, il importe de tenir compte de
deux problèmes transversaux nés de la manière dont ce pays a présenté ses prétentions.
Premièrement, comme il a été relevé au chapitre 2, l’Iran fonde dans une large mesure sa thèse sur
des assertions gratuites et des exposés des faits imprécis. En conséquence, ses conclusions sont loin
de répondre aux conditions requises pour que le bien-fondé de ses demandes soit établi. Les
Etats-Unis répondent ci-après à la thèse de l’Iran, mais leur tâche est rendue difficile par le fait que
l’argumentation de l’Iran est vague et mal définie.
12.5 Deuxièmement, l’Iran n’a pas respecté les règles applicables pour interpréter les
dispositions conventionnelles en cause que la Cour avait énoncées dans ses décisions antérieures, y
compris dans le cadre du traité d’amitié considéré. En conséquence, ses arguments sont
incompatibles avec le texte du traité et ne sauraient être retenus.
12.6 Comme la Cour l’a fait observer en l’affaire des Plates-formes pétrolières, lorsqu’elle
interprète un traité, elle doit se référer aux règles du droit international coutumier reprises dans les
articles 31 et 32 de la convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités (ci-après, la «convention
94
95
- 91 -
de Vienne»)320. Selon ces règles, le traité d’amitié «doit être interprété de bonne foi suivant le sens
ordinaire à attribuer à ses termes dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but». Selon
l’article 32, «il peut être fait appel à titre complémentaire à des moyens d’interprétation tels les
travaux préparatoires et les circonstances dans lesquelles le traité a été conclu»321.
12.7 La Cour a reconnu que l’objet et le but du traité d’amitié n’étaient pas d’«organiser les
relations pacifiques et amicales entre les deux Etats de manière générale»322. Comme indiqué dans
son préambule, le traité a plutôt pour objet et pour but «d’encourager les échanges et les
investissements mutuellement profitables et l’établissement de relations économiques plus étroites
entre leurs peuples et de régler leurs relations consulaires»323. Outre l’objet et le but du traité, la Cour
tient également compte de son contexte et de son historique, notamment en l’appréciant à l’aune des
traités d’amitié, de commerce et de navigation analogues conclus par les Etats-Unis à la même
époque324.
12.8 L’interprétation que l’Iran donne aux articles du traité s’écarte largement des orientations
fournies par la Cour dans les affaires antérieures. Par exemple, l’Iran tente de faire croire que certains
termes sont sous-entendus dans les dispositions du traité alors qu’ils n’y figurent absolument pas,
comme dans le cas du paragraphe 1 de l’article III. Dans le cas du paragraphe 1 de l’article IV, il
fonde principalement son interprétation sur une seule et unique sentence arbitrale rendue plus de
50 ans après la signature du traité d’amitié par les parties, qui n’engage pas le traité ni n’a d’incidence
directe sur lui. En ce qui concerne l’article VII, l’Iran ne tient nullement compte des travaux
préparatoires, dont il ressort clairement que les parties entendaient limiter le champ d’application du
paragraphe 1 aux restrictions en matière de change. Compte tenu de ces erreurs d’interprétation et
d’autres erreurs d’interprétation commises par l’Iran, qui sont présentées en détail dans les chapitres
suivants, la Cour doit rejeter l’interprétation que l’Iran donne aux dispositions du traité en cause.
320 Plates-formes pétrolières (République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), exception préliminaire,
arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 812, par. 23. La Cour internationale de Justice a conclu que l’article 31 de la convention
de Vienne reflétait le droit international coutumier. Voir, par exemple, Ile de Kasikili/Sedudu (Botswana/Namibie), arrêt,
C.I.J. Recueil 1999 (II), p. 1059, par. 18. Bien qu’ils ne soient pas partie à la convention de Vienne, les Etats-Unis
reconnaissent depuis au moins 1971 qu’elle constitue le «guide faisant autorité» sur le droit et la pratique des traités.
321 Ile de Kasikili/Sedudu (Botswana/Namibie), arrêt, C.I.J. Recueil 1999 (II), p. 1060, par. 20. Voir également
arrêt sur les exceptions préliminaires, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 32, par 70 ; Immunités et procédures pénales (Guinée
équatoriale c. France), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2018 (I), p. 320-321, par. 91 ; Licéité de l’emploi de
la force (Serbie-et-Monténégro c. Belgique), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 318, par. 100.
322 Plates-formes pétrolières (République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), exception préliminaire,
arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 814, par. 28.
323 Traité d’amitié, préambule ; arrêt sur les exceptions préliminaires, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 28, par. 57.
324 Voir, par exemple, Plates-formes pétrolières (République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), exception
préliminaire, arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 814, par. 29 (faisant état des dispositions des traités d’amitié, de commerce
et de navigation que les Etats-Unis avaient conclus avec la Chine, l’Ethiopie et Oman).
- 92 -
CHAPITRE 13
L’IRAN N’A PAS ÉTABLI LE BIEN-FONDÉ DE SES DEMANDES TIRÉES
DE L’ARTICLE III DU TRAITÉ D’AMITIÉ
13.1 Les demandes tirées par l’Iran de l’article III du traité d’amitié sont symptomatiques des
vices qui entachent l’ensemble de sa thèse. L’interprétation que l’Iran donne aux paragraphes 1 et 2
de l’article III ne peut se concilier avec le texte de ces dispositions ni avec leurs travaux préparatoires.
Comme on le verra dans l’exposé détaillé fait ci-après, le paragraphe 1 de l’article III définit tout
simplement les types d’entités admis à bénéficier de la protection prévue par le traité à titre de
«sociétés» et fait obligation à chacune des parties de reconnaître le «statut juridique» de telles
sociétés. Or l’Iran tente de tirer de cette disposition la garantie que toute société et ses biens seraient
traités de façon distincte par rapport à leurs propriétaires. Le paragraphe 1 de l’article III n’offre
aucune garantie de ce type, ni expressément ni implicitement. De fait, il ne parle nullement de la
relation entre la société et ses propriétaires.
13.2 La lecture que l’Iran fait du paragraphe 2 de l’article III est également erronée, comme la
Cour l’a déjà confirmé. A l’instar de son paragraphe 1, le paragraphe 2 de l’article III poursuit un
objectif simple : garantir aux sociétés et aux ressortissants de chaque partie «libre accès aux tribunaux
judiciaires» de l’autre. Comme dans le cas du paragraphe 1, l’Iran veut étendre le champ
d’application du paragraphe 2 bien au-delà de ce que peut permettre toute interprétation compatible
avec son texte ou ses travaux préparatoires. Plus précisément, il tente de transformer le paragraphe 2,
qui protège l’«accès aux tribunaux judiciaires», en une disposition garantissant un certain nombre de
droits aux justiciables devant les tribunaux. Toutefois, l’arrêt sur les exceptions préliminaires a rejeté
l’interprétation proposée par l’Iran et a ainsi privé de tout fondement ses demandes tirées du
paragraphe 2 de l’article III, d’autant plus que des sociétés iraniennes ont non seulement eu libre
accès aux tribunaux américains, mais également comparu devant ceux-ci.
SECTION A
L’IRAN N’A PAS ÉTABLI L’EXISTENCE D’UNE VIOLATION DU PARAGRAPHE 1
DE L’ARTICLE III DU TRAITÉ
13.3 L’Iran demande à la Cour de conclure — sans base textuelle ni non textuelle — que le
paragraphe 1 de l’article III fait obligation aux Etats-Unis de traiter les sociétés propriété de
l’Etat iranien de façon distincte par rapport à l’Iran lui-même, de sorte que les actifs de ces sociétés
soient protégés contre toute mesure d’exécution des décisions de justice obtenues contre l’Iran en
matière de terrorisme. Pour invoquer ce moyen, l’Iran accole le terme «distinct» à l’expression «statut
juridique», bien que ce terme ne figure pas au paragraphe 1 de l’article III, et s’en autorise ensuite
pour affirmer que permettre de saisir les actifs de sociétés propriété de l’Etat iranien pour exécuter
des décisions de justice condamnant l’Iran du chef de terrorisme constituerait une violation du
paragraphe 1 de l’article III, les saisies emportant méconnaissance du «statut juridique distinct» de
ces sociétés. Comme on le verra dans la présente section, le moyen de l’Iran repose sur une
interprétation fondamentalement erronée et doit être rejeté. Le paragraphe 1 de l’article III se borne
à garantir aux sociétés le statut de personne morale (c’est-à-dire un statut juridique) ; il ne protège
nullement les sociétés contre les règles de droit interne régissant l’exécution des décisions de justice.
96
- 93 -
i. L’interprétation donnée au paragraphe 1 de l’article III par l’Iran
est fondamentalement erronée
a) Le paragraphe 1 de l’article III se borne à imposer la reconnaissance du statut juridique
des «sociétés»
13.4 Le paragraphe 1 de l’article III est une disposition simple et sans ambiguïté qui avait pour
but de définir le terme «société» afin d’établir les types d’entités admis à bénéficier des protections
offertes aux «sociétés» par le traité et d’imposer la reconnaissance du statut de personne morale de
ces sociétés.
13.5 Le paragraphe 1 de l’article III est libellé comme suit :
«Le statut juridique des sociétés constituées sous le régime des lois et règlements
de l’une des Hautes Parties contractantes applicables en la matière sera reconnu dans
les territoires de l’autre Haute Partie contractante. Il est entendu toutefois qu’en ellemême
la reconnaissance de ce statut juridique ne donnera pas aux sociétés le droit de se
livrer à l’activité en vue de laquelle elles sont organisées. Au sens du présent Traité, le
terme «sociétés» doit s’entendre des sociétés de capitaux ou de personnes, des
compagnies et de toutes associations, qu’elles soient ou non à responsabilité limitée et
à but lucratif.»
13.6 Le paragraphe 1 de l’article III comprend donc trois éléments : 1) il définit le terme
«sociétés» ; 2) il établit les conditions requises pour qu’une «société» puisse prouver qu’elle possède
la nationalité de l’une des Hautes Parties contractantes ; et 3) il fait obligation aux deux parties de
«reconnaître» le «statut juridique» des sociétés, étant entendu que la «reconnaissance» est soumise à
la réserve expresse qu’elle ne confère pas d’autres droits.
13.7 Il ressort clairement d’une simple lecture de son texte que pour les parties, le paragraphe 1
de l’article III visait à définir l’éventail des personnes morales (par opposition aux personnes
physiques) admises à bénéficier des protections offertes aux «sociétés» par les autres dispositions
substantielles du traité et à imposer la reconnaissance de leur statut de personne morale. Cette
interprétation de l’objet du paragraphe 1 de l’article III est renforcée par le fait que cette disposition
même énonce expressément la réserve qu’«en elle-même la reconnaissance de ce statut juridique ne
donnera pas aux sociétés le droit de se livrer à l’activité en vue de laquelle elles ont été constituées».
13.8 L’examen des travaux préparatoires du traité confirme que le but assigné au paragraphe 1
de l’article III était restreint. Au cours des négociations, l’Iran s’était déclaré préoccupé par l’éventail
des entités auxquelles s’appliquait le terme «sociétés», ainsi que par les incidences de la définition
des «sociétés» sur ses obligations à l’égard de ces entités. Un télégramme adressé à l’ambassade des
Etats-Unis à Téhéran par le département d’Etat avait apporté des éclaircissements à cet égard afin
d’aider les négociateurs à expliquer à l’Iran l’objet assigné à cette disposition. Ce télégramme était
libellé comme suit :
«L’observation de l’Iran semble procéder d’un malentendu. Le paragraphe en
cause ne confère pas aux sociétés le droit d’exercer des activités commerciales. Il ne fait
que garantir leur reconnaissance en tant que personnes morales, principalement pour
qu’elles puissent faire valoir ou défendre leurs droits en justice en tant que personnes
morales. En ce sens, le paragraphe 1 est lié au paragraphe 2 [qui porte sur l’accès aux
tribunaux]. Aux termes du traité, une société américaine ne peut exercer des activités
97
98
- 94 -
commerciales en Iran que dans la mesure où ce dernier le permet. Le statut de personne
morale doit être reconnu afin de garantir le droit des personnes morales étrangères
— celles qui vendent des marchandises ou fournissent des services à l’Iran et celles qui
sont autorisées à exercer leurs activités en Iran — d’avoir libre accès aux tribunaux pour
recouvrer des créances, protéger des droits attachés à des brevets, faire exécuter des
contrats, etc.»325
13.9 Il ressort clairement de ce télégramme que les Etats-Unis considéraient que le
paragraphe 1 de l’article III n’intéressait que la reconnaissance de la personnalité juridique des
sociétés de l’autre partie, et qu’ils avaient communiqué ce point de vue à l’Iran. Les travaux
préparatoires ne portent nullement à croire que l’Iran avait un avis différent sur l’interprétation de
cette disposition.
13.10 Les travaux préparatoires d’autres traités d’amitié, de commerce et de navigation
conclus par les Etats-Unis à peu près à la même époque que le traité d’amitié avec l’Iran confirment
également cette interprétation du paragraphe 1 de l’article III. Parlant de la disposition
correspondante figurant dans le traité d’amitié, de commerce et de navigation entre les Etats-Unis et
les Pays-Bas, le département d’Etat avait relevé ce qui suit :
«En elle-même, la définition ne fait qu’imposer à chaque partie l’obligation de
concéder et de reconnaître que la société existe effectivement et qu’elle est dotée de la
personnalité juridique dès lors que les textes juridiques de l’autre partie l’ont créée et
lui ont permis d’exister. C’est dans les dispositions normatives du corps du traité qu’il
faut rechercher les droits opposables conférés à la société.»326
De même, au cours des négociations avec la Belgique, le département d’Etat avait relevé ce qui suit :
«[C]ette disposition ne fait qu’imposer à chaque pays l’obligation de reconnaître que la société existe
effectivement et qu’elle est dotée de la personnalité juridique dès lors que les textes juridiques de
l’autre pays l’ont créée et lui ont permis d’exister.»
13.11 Le libellé du paragraphe 1 de l’article III se retrouve dans le paragraphe 3 de
l’article XXII du projet de traité type des Etats-Unis. Dans son étude, Sullivan explique que le texte
de la première phrase, portant sur la reconnaissance du statut juridique, «établit une règle de droit
précise, même s’il ne s’agit en substance que d’une définition»327. Il ajoute qu’aux termes de cette
phrase, «le lieu où ses statuts ont été déposés et celui où elle a été constituée sont les seuls éléments
permettant de déterminer la nationalité d’une société»328.
325 Télégramme no 936 en date du 9 novembre 1954 adressé à l’ambassade des Etats-Unis à Téhéran par le
département d’Etat américain (annexe 135).
326 Note en date du 21 décembre 1953 adressée à l’ambassade des Etats-Unis à La Haye par le département d’Etat
américain (annexe 136). Voir aussi la note en date du 25 mars 1957 adressée à l’ambassade des Etats-Unis à Bruxelles par
le département d’Etat américain (annexe 137) (Au cours des négociations avec la Belgique, le département d’Etat a précisé
que «cette disposition ne fai[sai]t qu’imposer à chaque pays l’obligation de reconnaître que la société exist[ait]
effectivement et qu’elle [était] dotée de la personnalité juridique dès lors que les textes juridiques de l’autre pays l’[avaient]
créée et lui [avaient] permis d’exister». En outre, les Etats-Unis ont expliqué que tous les droits opposables d’une société
qui n’étaient pas expressément énoncés dans le traité seraient régis par le droit interne.)
327 Etude Sullivan, p. 318 (MI, annexe 20).
328 Ibid. Le problème est né du fait que pour certains pays, l’élément déterminant de la nationalité d’une société
était son principal lieu d’activité et non le lieu où elle avait été constituée.
99
- 95 -
13.12 Herman Walker, un des responsables du département d’Etat qui avait été le principal
architecte des traités d’amitié, de commerce et de navigation des Etats-Unis, a fourni d’autres
informations sur le but de ces définitions en ces termes :
[S]’agissant du statut juridique des entités, ces traités ont favorisé le retour à la
doctrine «classique», selon laquelle le simple fait d’avoir été régulièrement constituée
dans l’un des deux pays est ipso facto suffisant pour qu’une entité soit dotée de la
personnalité juridique et reconnue dans l’autre, sans conditions supplémentaires telles
que le lieu de son siège social, la nationalité de ses actionnaires ou de ses
administrateurs, la nature de son objet, etc.»329
Ces sources confirment ainsi ce qui ressort en fait clairement d’une simple lecture du paragraphe 1
de l’article III, à savoir qu’il visait uniquement à garantir que les personnes morales pourraient, par
le simple fait d’avoir été constituées dans l’une des parties, posséder la «personnalité juridique» sur
le territoire de l’autre partie330.
b) L’approche interprétative adoptée par l’Iran est déconnectée du texte
13.13 L’Iran s’appuie sur trois éléments pour soutenir qu’il interprète correctement le
paragraphe 1 de l’article III : 1) la dernière phrase de ce paragraphe donne une définition extensive
du terme «sociétés» ; 2) les entités propriété de l’Etat iranien ayant vu saisir leurs biens qui sont en
cause en l’espèce répondent à la définition des «sociétés» retenue dans le traité ; 3) les Etats-Unis
sont tenus de reconnaître le statut juridique distinct de ces sociétés iraniennes331. Ce troisième
élément de l’analyse de l’Iran est particulièrement hors de propos, l’Iran ayant introduit dans la
disposition un terme qui n’y figurait absolument pas.
13.14 L’Iran fait valoir que «[l]e droit de toute société à la reconnaissance de son statut
juridique n’est assorti d’aucune réserve ; il inclut le droit à la reconnaissance de la personnalité
juridique distincte de cette société et son droit de posséder des biens et de les aliéner»332. Il ne procède
à aucune analyse de texte pour établir l’exactitude de cet exposé du contenu présumé du paragraphe 1
de l’article III. Il n’invoque non plus aucun contexte pertinent, ni les travaux préparatoires, ni d’autres
sources d’interprétation.
13.15 L’Iran se livre plutôt à un tour de passe-passe. Il affirme à plusieurs reprises que le
paragraphe 1 de l’article III confère aux sociétés iraniennes le droit à la reconnaissance de leur statut
juridique «distinct» ou «autonome»333, alors que les termes «distinct» et «autonome» ne figurent pas
dans ce paragraphe, celui-ci ne portant que sur la reconnaissance du «statut juridique».
329 Herman Walker, Jr., «The Post-War Commercial Treaty Program of the United States» [Le programme de traités
commerciaux d’après guerre des Etats-Unis], Political Science Quarterly, vol. 73 (1958), p. 67-68 (exceptions
préliminaires des Etats-Unis, annexe 2) (les italiques sont de nous).
330 On trouve d’autres éléments accréditant cette interprétation dans la jurisprudence de la Cour suprême des
Etats-Unis analysant les traités d’amitié, de commerce et de navigation. En effet, lors de l’examen de la portée d’une
disposition substantiellement identique du traité d’amitié, de commerce et de navigation conclu par les Etats-Unis avec le
Japon, la Cour suprême a relevé que «le but principal des dispositions du traité relatives aux sociétés [était] de conférer aux
sociétés de chaque partie signataire un statut juridique sur le territoire de l’autre partie et de leur permettre de mener leurs
activités dans l’autre pays dans des conditions comparables à celles des entreprises nationales». Sumitomo Shoji America,
Inc. v. Avagliano, «United «States Supreme Court Reports», vol. 457, 1982, p. 185-186 (annexe 142). Cette affaire a été
tranchée en 1982 et précède donc les mesures américaines contestées par l’Iran en l’espèce.
331 MI, par. 4.3.
332 Ibid., par. 4.17.
333 Ibid., chap. 4, sect. 2 ; ibid., chap. 4, sous-section 2.A ; ibid., par. 4.19, 4.29 et 4.35.
100
- 96 -
13.16 Par ce tour de passe-passe, l’Iran prétend déceler dans le paragraphe 1 de l’article III
— sans base textuelle ou non textuelle — l’idée que les sociétés propriété de l’Etat iranien doivent
être traitées de façon distincte par rapport à lui-même et qu’elles sont donc à l’abri de toute tentative
de saisie de leurs actifs pour exécuter des décisions de justice prononcées contre lui. Cette
argumentation est erronée du point de vue méthodologique et manque de rigueur dans
l’interprétation. Pour aboutir à la même conclusion que l’Iran, la Cour devra faire sienne son analyse
insoutenable. Premièrement, elle devra retenir l’argument erroné de l’Iran selon lequel le
paragraphe 1 de l’article III impose la reconnaissance d’un statut juridique «distinct».
Deuxièmement, après avoir admis cette hypothèse fausse, elle devra souscrire à l’allégation de l’Iran
selon laquelle le cadre juridique américain permettant d’exécuter les décisions de justice relatives au
terrorisme sur les biens des établissements et organismes d’un Etat soutenant le terrorisme constitue
une violation du «statut juridique distinct» de ces derniers. L’allégation de violation du paragraphe 1
de l’article III portée par l’Iran étant fondée sur une interprétation erronée du sens et de l’objet de
cette disposition, la Cour doit la rejeter.
13.17 Le paragraphe 1 de l’article III n’intéresse pas les droits dont les sociétés jouissent dans
le cadre des actions en exécution des décisions de justice obtenues contre l’un de leurs propriétaires.
Comme indiqué plus haut, il a un objet limité : il ne garantit même pas aux sociétés le droit d’exercer
les activités pour lesquelles elles ont été constituées, et encore moins le droit d’être protégées contre
les actions en exécution des décisions de justice. Le fait que l’Iran tente d’intégrer le terme «distinct»
dans son texte ne peut avoir pour effet de transformer son objet en une interdiction de l’exécution
des décisions de justice obtenues contre l’Iran sur les biens des établissements et organismes iraniens,
surtout dans les cas où l’interdiction permettrait à l’Iran de se soustraire à sa responsabilité dans les
préjudices causés par le soutien qu’il apporte au terrorisme.
13.18 L’Iran mentionne brièvement les arrêts rendus par la Cour dans les affaires Barcelona
Traction, Light and Power Company, Limited (Belgique c. Espagne) et Ahmadou Sadio Diallo
(République de Guinée c. République démocratique du Congo) à l’appui de ses moyens concernant
l’objet du paragraphe 1 de l’article III. Or ces affaires ne lui sont d’aucun secours. Elles concernent
les conditions dans lesquelles un Etat peut, en droit international coutumier, formuler des prétentions
au nom de personnes physiques ou de sociétés dans l’exécution de la protection diplomatique. Dans
ces affaires, la Cour s’est principalement intéressée à la question de savoir si le droit invoqué était
effectivement reconnu à un ressortissant ou une société de l’Etat demandeur, la structure de
l’actionnariat de la société étant complexe et comprenant plusieurs Etats334. Ni l’affaire Barcelona
Traction, Light and Power Company, Limited (Belgique c. Espagne) ni l’affaire Ahmadou Sadio
Diallo (République de Guinée c. République démocratique du Congo) ne reposait sur une disposition
conventionnelle semblable au paragraphe 1 de l’article III ni ne portait sur la question, beaucoup plus
simple, des effets de la reconnaissance de la personnalité juridique des sociétés. Ces affaires
n’apportent donc pas d’informations sur le sens du paragraphe 1 de l’article III.
13.19 Il ressort clairement du libellé du paragraphe 1 de l’article III qu’il a un objet limité, qui
consiste à garantir l’octroi de la personnalité juridique aux sociétés de chacune des parties sur le
334 Voir Lawrence Jahoon Lee, «Barcelona Traction in the 21st Century: Revisiting its Customary and Policy
Underpinnings 35 Years Later», Stanford Journal of International Law, 2006, vol. 42, p. 237 (annexe 138) (dans l’affaire
Barcelona Traction, la Cour «a énoncé une règle, fondée apparemment sur la coutume, selon laquelle en matière de
protection diplomatique, la société a la nationalité de l’Etat dans lequel elle a été constituée») ; Alberto Alvarez-Jimenez,
«Foreign Investors, Diplomatic Protection and the International Court of Justice’s Decision on Preliminary Objections in
the Diallo Case», North Carolina Journal of International Law and Commercial Regulation, 2008, vol. 33, p. 437
(annexe 139) («Dans l’affaire Diallo, la CIJ a ratifié et renforcé la règle établie en l’affaire Barcelona Traction en déclarant
que l’Etat dans lequel une société a été constituée est le seul habilité à demander sa protection diplomatique.»).
101
- 97 -
territoire de l’autre. La tentative faite par l’Iran pour transformer ce paragraphe en un texte portant
protection contre les actions en exécution de décisions de justice ne peut être soutenue.
ii. Les mesures prises par les Etats-Unis satisfont à l’obligation de reconnaissance
prévue par le paragraphe 1 de l’article III
13.20 L’Iran n’a pas établi ni ne peut établir à la lumière d’une interprétation correcte du
paragraphe 1 de l’article III que l’une quelconque des mesures prises par les Etats-Unis est contraire
à cette disposition. Il n’allègue nulle part que ces mesures privent des sociétés iraniennes de la
personnalité juridique. Il ne le pourrait pas non plus. Aucune des mesures américaines en cause ne
porte atteinte de quelque manière que ce soit à la personnalité juridique de sociétés iraniennes ni ne
porte refus de la reconnaître. Pour rappel, les mesures législatives que l’Iran semble contester dans
le cadre du paragraphe 1 de l’article III sont la loi sur l’assurance contre les risques associés au
terrorisme [Terrorism Risk Insurance Act], les modifications apportées en 2008 à la loi sur
l’immunité des Etats étrangers [Foreign Sovereign Immunity Act] et l’article 502 de la loi de 2012
sur la réduction de la menace iranienne et les droits de l’homme en Syrie [Iran Threat Reduction and
Syria Human Rights Act of 2012]. L’Iran conteste également le paragraphe b) de l’article 7 du décret
présidentiel no 13599. Comme indiqué au chapitre 6, pris ensemble, ces mesures législatives et
réglementaires forment un cadre juridique tendant à faciliter l’exécution des décisions de justice
rendues au bénéfice de personnes rattachées aux Etats-Unis contre des Etats soutenant le terrorisme
tels que l’Iran, pour les décès ou les lésions résultant du soutien qu’ils apportent aux actes terroristes.
Ces mesures rendent saisissables certains biens appartenant aux Etats qualifiés d’Etats soutenant le
terrorisme, notamment les biens de leurs établissements et organismes. En outre, l’Iran conteste
certaines actions en saisie intentées devant les juridictions américaines. L’existence même de ces
actions intentées contre les sociétés iraniennes concernées — ainsi que leur participation aux procès
pour s’opposer aux saisies — atteste que ces sociétés sont en réalité considérées comme des entités
dotées de la personnalité juridique335.
13.21 Même l’argumentation erronée de l’Iran sur le paragraphe 1 de l’article III autorise le
rejet de ses demandes. D’après l’Iran, cette disposition interdit aux Etats-Unis de prendre des mesures
pour permettre aux victimes d’actes de terrorisme commis avec son soutien et à leurs familles
d’obtenir réparation de leurs préjudices. Cet avis est insoutenable. A n’en pas douter, le principe
général qui veut que l’on distingue entre la société et ses actionnaires est bien établi, non seulement
aux Etats-Unis, mais également dans de nombreux pays du monde336. Toutefois, des exceptions à ce
principe général sont tout aussi bien établies. Par exemple, selon un principe bien établi dans les pays
de common law et les pays de droit romano-germanique, il peut s’avérer opportun de percer le voile
social ou de faire de toute autre manière abstraction de la distinction entre la société et ses
actionnaires dans l’intérêt de la justice337. Les mesures américaines en cause ne peuvent être
considérées que comme des moyens de servir la justice, l’Iran n’ayant pas manifesté la volonté
d’assumer ses responsabilités ni d’accorder réparation aux victimes d’actes terroristes commis avec
son soutien.
335 La disposition du paragraphe 1 de l’article III énonçant la définition de la société ne vise plutôt qu’à garantir le
droit des sociétés de «faire valoir ou défendre leurs droits en justice en tant que personnes morales». Voir le télégramme
no 936 du 9 novembre 1954 adressé à l’ambassade des Etats-Unis à Téhéran par le département d’Etat (annexe 135).
336 Cheng-Han Tan et al., «Piercing the Corporate Veil: Historical, Theoretical, & Comparative Perspectives»,
Berkeley Business Law Journal, vol. 16, 2019, p. 140-141 (annexe 140).
337 Ibid. Voir aussi First National City Bank v. Banco Para El Comercio Exterior de Cuba, «United States Supreme
Court Reports», vol. 462, 1983, p. 633-634 (annexe 141) (la décision de ne pas tenir compte de la distinction entre Cuba,
déclaré coupable d’expropriation de biens en violation du droit international, et ses entités juridiques distinctes «découle
de l’application de principes d’équité reconnus à l’échelle internationale pour éviter l’injustice qui se produirait si l’on
permettait à un Etat étranger de jouir des avantages offerts par nos juridictions tout en se dérobant aux obligations mises à
sa charge par le droit international»).
102
- 98 -
13.22 Comme indiqué plus haut, le paragraphe 1 de l’article III n’évoque pas ni ne limite a
fortiori les circonstances dans lesquelles il est opportun de saisir les actifs d’une entité propriété de
l’Etat pour exécuter une décision de justice obtenue contre l’Etat. En conséquence, l’Iran doit être
débouté de ses demandes fondées sur le paragraphe 1 de l’article III.
SECTION B
L’IRAN N’A PAS ÉTABLI L’EXISTENCE D’UNE VIOLATION
DU PARAGRAPHE 2 DE L’ARTICLE III DU TRAITÉ
13.23 Le paragraphe 2 de l’article III, tout comme son paragraphe 1, a un sens qui ne prête pas
à équivoque, mais l’Iran tente de le déformer pour justifier ses demandes. Comme l’a reconnu la
Cour dans son arrêt sur les exceptions préliminaires, le paragraphe 2 de l’article III protège le droit
au «libre accès aux tribunaux judiciaires», mais ne garantit aucun autre droit substantiel ou
procédural. L’Iran affirme que ses sociétés auraient dû bénéficier de la possibilité de faire valoir
certains moyens de défense pour avoir gain de cause devant les juridictions américaines. Or le
paragraphe 2 de l’article III ne leur confère nullement ces droits. Le fait saillant — dont l’Iran fait
abstraction comme par hasard — est que ses sociétés propriété de l’Etat ont participé activement aux
procédures judiciaires engagées devant les juridictions américaines et ont donc indéniablement eu
libre accès à ces juridictions, comme le voulait le paragraphe 2 de l’article III.
i. Le fait que la Cour ait rejeté l’interprétation trop extensive donnée au paragraphe 2
de l’article III par l’Iran atteste que le droit au «libre accès aux tribunaux
judiciaires» ne garantit aucun autre droit substantiel ou procédural
13.24 L’arrêt sur les exceptions préliminaires a non seulement réduit la portée des demandes
tirées par l’Iran du paragraphe 2 de l’article III, mais aussi établi la règle d’interprétation qu’il
convient d’appliquer pour apprécier les demandes restantes de l’Iran. Le paragraphe 2 de l’article III
se lit comme suit :
«En vue d’assurer une administration rapide et impartiale de la justice, chacune
des Hautes Parties contractantes accordera, dans ses territoires, aux ressortissants et aux
sociétés de l’autre Haute Partie contractante, libre accès aux tribunaux judiciaires et aux
organismes administratifs, à tous les degrés de la juridiction, tant pour faire valoir que
pour défendre leurs droits. En toute circonstance, elle leur assurera cet accès dans des
conditions non moins favorables que celles qui sont applicables à ses propres
ressortissants et sociétés ou à ceux de tout pays tiers. Il est entendu que la même latitude
sera donnée aux sociétés n’exerçant aucune activité dans le pays, sans qu’elles aient à
se faire immatriculer ou à accomplir des formalités ayant pour objet de les assimiler aux
sociétés nationales.»
13.25 Dans son mémoire, l’Iran tente d’utiliser cette disposition pour se prévaloir des principes
du droit international coutumier relatifs aux immunités souveraines. Dans son arrêt sur les exceptions
préliminaires, la Cour rejette cette «interprétation extensive suggérée par l’Iran»338. Plus précisément,
elle explique que le paragraphe 2 de l’article III
«ne vise pas à garantir des droits substantiels, ni même des droits procéduraux qu’une
société d’une partie contractante entendrait faire valoir devant les tribunaux et autorités
de l’autre partie, mais seulement à protéger la possibilité pour une telle société
338 Voir l’arrêt sur les exceptions préliminaires, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 32, par. 70.
103
- 99 -
d’accéder à ces tribunaux ou autorités en vue de faire valoir les droits (substantiels ou
procéduraux) qu’elle prétend posséder»339.
En d’autres termes, le paragraphe 2 de l’article III ne fait qu’octroyer à la société le droit d’accéder
aux tribunaux pour protéger les autres droits éventuels qu’elle prétend posséder. Il n’y ajoute rien.
13.26 L’importance de l’interprétation que la Cour a donnée au paragraphe 2 de l’article III va
au-delà de la conclusion qu’elle en a tirée, à savoir que cette disposition ne concerne pas les
immunités du droit international coutumier invoquées par l’Iran. Premièrement, une juste
interprétation du paragraphe 2 de l’article III n’autorise pas les généralisations excessives faites par
l’Iran sur cette disposition. Selon l’Iran, le paragraphe 2 de l’article III est libellé «en des termes
impératifs et absolus», «formulé dans les termes les plus généraux» et consacre un «droit … sans
réserve»340. Que l’Iran tente ainsi de présenter le paragraphe 2 de l’article III sous un jour favorable
à ses demandes ne peut rien enlever au fait que le texte de cette disposition protège uniquement
«l’accès aux tribunaux judiciaires».
13.27 Deuxièmement, l’arrêt de la Cour met en évidence le fait que les quatre «droits» que
l’Iran tente de déceler dans le paragraphe 2 de l’article III sont sans fondement. Plus précisément,
l’Iran fait valoir, sans citer la moindre source du droit pour l’étayer, que ses sociétés et ses
ressortissants jouissent des «droits» suivants : a) le droit de bénéficier des immunités établies par le
droit international coutumier ; b) le droit de bénéficier de la reconnaissance de la personnalité
juridique prévue par le paragraphe 1 de l’article III ; c) le droit d’être distingués de «l’Etat iranien»
en matière de responsabilité et de dommages-intérêts ; et d) le droit de présenter des moyens de
défense fondés sur la législation en vigueur au moment des faits même si elle a changé par la suite341.
Aucun de ces «droits» allégués ne figure dans le texte du paragraphe 2 de l’article III, qu’il soit
interprété suivant son sens ordinaire, dans son contexte ou à la lumière de l’objet et du but du traité
d’amitié.
13.28 En somme, c’est à juste titre que la Cour a rejeté l’interprétation trop extensive donnée
au paragraphe 2 de l’article III par l’Iran et conclu que le «libre accès aux tribunaux judiciaires» ne
garantissait aucun droit procédural ou substantiel, ne laissant ainsi aucun fondement aux demandes
formulées par l’Iran au titre de cette disposition.
ii. Conformément au paragraphe 2 de l’article III, les Etats-Unis ont accordé
aux sociétés iraniennes libre accès à leurs tribunaux, devant lesquels
elles ont régulièrement comparu et pris part au procès
13.29 Dans son arrêt sur les exceptions préliminaires, la Cour a rejeté la plupart des demandes
tirées par l’Iran du paragraphe 2 de l’article III, celles-ci étant fondées sur la violation alléguée des
protections attachées aux immunités souveraines qui ne figurent pas dans le traité d’amitié. L’Iran
doit être débouté de ses autres demandes tirées du paragraphe 2 de l’article III non seulement parce
qu’elles reposent sur une interprétation erronée de cette disposition, comme indiqué plus haut, mais
également parce que, en fait, les sociétés iraniennes en cause ont régulièrement comparu devant les
tribunaux à titre de défendeurs et étaient dénommées, qu’elles étaient représentées par des avocats
chevronnés et qu’elles avaient présenté des conclusions juridiques détaillées pour défendre leurs
339 Voir l’arrêt sur les exceptions préliminaires, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 32, par. 70 (les italiques sont de nous.
340 MI, par. 5.3-5.4.
341 Ibid., par. 5.5.
104
- 100 -
positions dans le cadre des actions en saisie342. Il importe peu qu’elles aient ou non obtenu gain de
cause dans ces actions en justice. Leur participation active à celles-ci devant les juridictions
américaines constitue, à elle seule, une base suffisante pour rejeter les allégations de l’Iran selon
lesquelles elles n’avaient pas eu «libre accès aux tribunaux judiciaires» au sens du paragraphe 2 de
l’article III.
13.30 Au mépris de ces faits, l’Iran allègue que les Etats-Unis ont violé le paragraphe 2 de
l’article III «à cinq égards différents»343. Cette allégation ne peut pas résister à l’analyse.
Premièrement, la Cour a déjà rejeté l’argument de l’Iran selon lequel la banque Markazi aurait dû
bénéficier de la possibilité d’invoquer des moyens de défense pris des immunités344. Comme indiqué
plus haut, c’est à juste titre que la Cour a conclu de son interprétation du paragraphe 2 de l’article III
qu’il ne conférait pas à la banque Markazi un tel droit aux immunités. En outre, il y a lieu de rejeter,
pour les motifs exposés au chapitre 9, les qualifications d’entité souveraine ayant droit aux immunités
et de «société» ayant droit à la protection prévue par le paragraphe 2 de l’article III que l’Iran tente
d’attribuer à la fois à la banque Markazi345.
13.31 La deuxième violation du paragraphe 2 de l’article III alléguée par l’Iran n’a pas plus de
chance d’être retenue, l’Iran n’ayant fait que reprendre sous une autre forme son argument erroné
concernant le paragraphe 1. L’Iran affirme que l’«aboli[tion] … [du] statut juridique distinct» qu’il
allègue constitue en quelque sorte une violation du paragraphe 2 de l’article III346, mais il n’indique
pas en quoi il est fondé à soutenir que cette disposition prévoit l’obligation de respecter le statut
juridique «distinct» (une telle obligation n’étant pas non plus prévue par le paragraphe 1, comme
indiqué plus haut). L’Iran semble plutôt fonder son assertion sur l’expression «tant pour faire valoir
que pour défendre leurs droits» figurant au paragraphe 2 de l’article III. Or cette expression ne crée
aucune obligation nouvelle ni aucun droit nouveau. Elle se borne à préciser que la notion de «libre
accès» comprend l’accès à titre de demandeur et l’accès à titre de défendeur, c’est-à-dire qu’elle
permet d’intenter des actions et de se défendre contre des actions en justice. Comme il a été expliqué
plus haut, l’Iran ne peut valablement faire valoir que ses sociétés n’ont pas bénéficié du droit au libre
accès alors qu’elles se sont défendues devant les juridictions américaines. Il ne peut pas non plus
surmonter cette réalité en affirmant que ses sociétés se sont vu «refus[er] le droit de défendre dûment
leurs intérêts»347 ou de «se défendre réellement»348. L’Iran semble insinuer qu’un moyen de défense
ne peut être «dûment» ou «réellement» invoqué que s’il prospère. Or, comme l’a déjà déclaré la
Cour, le droit au «libre accès» ne peut s’analyser en un droit emportant d’autres droits substantiels
ou procéduraux et encore moins en un droit garantissant l’issue de la procédure judiciaire.
13.32 Le troisième moyen de l’Iran tend aussi à forger de toutes pièces un droit nouveau sur
la base de l’expression «tant pour faire valoir que pour défendre leurs droits» figurant au paragraphe 2
de l’article III. L’Iran affirme, sans preuves à l’appui, que cette expression interdit de rendre des
jugements par défaut contre les sociétés iraniennes à la suite de procès auxquels elles n’étaient pas
342 Voir par exemple, Bennett v. Islamic Republic of Iran, affaire nos 13-15442 et 13-16100, slip opinion, p. 12-13
(neuvième circuit, 22 février 2016 ; tel que modifié le 14 juin 2016) (relevant que la banque Melli a «fait enregistrer sa
comparution», a «introduit une requête en rejet de l’action» et «invoquait, à l’appui de sa demande de rejet, quatre moyens»
(MI, annexe 64).
343 MI, par. 5.11.
344 Ibid., par. 5.12-5.13.
345 Voir également les exceptions préliminaires des Etats-Unis, par. 9.1-9.20.
346 MI, par. 5.14.
347 Ibid., par. 5.14 b) (les italiques sont de nous).
348 Ibid., par. 1.26.
105
- 101 -
parties349. Le fait qu’un jugement soit rendu par défaut ne saurait constituer en soi une violation du
paragraphe 2 de l’article III, les jugements de cette nature résultant tout simplement de la
non-comparution d’une partie. Cela étant, il n’est pas permis à l’Iran, par exemple, de chercher
maintenant à tirer avantage de sa décision de ne pas comparaître en l’affaire Peterson pour faire face
aux accusations portées contre lui à raison des graves actes de terrorisme qui avaient été commis
avec son soutien. C’est uniquement lorsque les jugements obtenus dans de telles affaires n’ont pas
pu être exécutés que des actions ont été intentées pour trouver d’autres moyens de les exécuter en
application du droit américain. A ce stade où les actifs d’entités propriété de l’Etat ont été rendus
disponibles pour exécuter des jugements prononcés contre l’Iran à raison de ses actes, la question
des droits de ces entités est devenue importante et celles-ci pouvaient avoir accès aux tribunaux pour
défendre ces droits, ce qu’elles ont d’ailleurs fait. Dans la mesure où les griefs de l’Iran portent sur
des dispositions substantielles du droit américain (loi sur l’assurance contre les risques associés au
terrorisme [Terrorism Risk Insurance Act], décret présidentiel no 13599 et article 502 de la loi de
2012 sur la réduction de la menace iranienne et les droits de l’homme en Syrie [Iran Threat Reduction
and Syria Human Rights Act of 2012]) et sur l’issue des actions en exécution, ils sortent du cadre du
paragraphe 2 de l’article III, car, comme l’a conclu la Cour, cette disposition ne garantit pas de droits
substantiels ou procéduraux, mais uniquement le droit d’avoir accès aux tribunaux judiciaires pour
faire valoir et défendre les droits qu’une société affirme posséder.
13.33 Le quatrième moyen de l’Iran ne concerne pas non plus le «libre accès» aux tribunaux
judiciaires, mais, comme ses autres moyens tirés du paragraphe 2 de l’article III, des droits
substantiels et procéduraux. L’Iran affirme que les mesures américaines en question sont des «lois
rétroactives qui, in fine, permettent la saisie des biens de[s] sociétés [iraniennes]»350. Or l’issue que
les procédures judiciaires en cause ont eue in fine n’a rien à voir avec la question de savoir si les
sociétés iraniennes concernées ont eu «libre accès» à ces procédures. Se fondant sur l’article 502,
l’Iran affirme que la modification de la loi a «priv[é] la banque Markazi de moyens de défense que
celle-ci avait invoqués antérieurement ; ce faisant, [elle a] ôté à la banque les moyens de défendre
ses droits et empêché le tribunal de rendre la justice de façon impartiale»351. Il est incroyable que
l’Iran allègue que l’article 502 a privé la banque Markazi «du libre accès» aux tribunaux alors que
celle-ci a non seulement comparu devant la justice, mais également défendu ses intérêts jusqu’à la
phase du pourvoi en passant par celle de l’appel, ayant notamment contesté la constitutionnalité de
l’article 502 devant la Cour suprême des Etats-Unis. Le fait que l’Iran soit déçu de l’issue des
procédures judiciaires auxquelles ont participé des sociétés iraniennes ne saurait permettre de
conclure à la violation du droit au «libre accès» aux tribunaux judiciaires.
13.34 Le dernier moyen tiré par l’Iran du paragraphe 2 de l’article III porte sur la clause selon
laquelle cet accès doit être assuré «[e]n toute circonstance … dans des conditions non moins
favorables que celles qui sont applicables … [aux] ressortissants et sociétés … de tout pays tiers»352.
Hormis ses allégations répétées relatives aux immunités, l’Iran n’a pas indiqué en quoi des sociétés
iraniennes avaient eu un accès «moins favorable» aux tribunaux que des sociétés de pays tiers qui se
trouvaient dans des situations comparables. Il ne le pouvait d’ailleurs pas. En fait, l’Iran tente là
encore d’utiliser la clause en question pour forger de toutes pièces un droit à une issue déterminée
ou à un moyen de défense qui ne figure nulle part dans le paragraphe 2 de l’article III. Comme l’a
expliqué la Cour, le droit au «libre accès» aux tribunaux judiciaires n’emporte pas droit à une issue
déterminée ni à un moyen de défense, tel que l’immunité, et ne peut dès lors pas faire l’objet de la
violation invoquée par l’Iran.
349 MI, par. 5.15.
350 Ibid., par. 5.16.
351 Ibid.
352 Ibid., par. 5.17.
106
107
- 102 -
13.35 En conséquence, les demandes de l’Iran fondées sur le paragraphe 2 de l’article III, tout
comme celles qu’il a tirées du paragraphe 1 du même article, ne prospèrent pas et doivent être
rejetées.
- 103 -
CHAPITRE 14
L’IRAN N’A PAS ÉTABLI L’EXISTENCE D’UNE VIOLATION DE L’ARTICLE IV
14.1 Comme il l’a fait pour l’article III, l’Iran tente de déceler dans les paragraphes 1 et 2 de
l’article IV toute une série de protections très étendues qui ne figurent nullement dans ces
dispositions. Dans les deux cas, il ne fait guère d’effort pour justifier cette position, se contentant
d’invoquer — si tant est qu’il en invoque — quelques précédents jurisprudentiels ou de s’appuyer
sur de simples assertions. Il y a dès lors lieu de rejeter l’interprétation qu’il donne aux paragraphes 1
et 2 de l’article IV et, par conséquent, de le débouter des demandes qu’il a formulées sur le fondement
de cette interprétation erronée.
14.2 La présente section s’ouvre par un examen d’ensemble du standard minimum de
traitement prévu par l’article IV (sect. A) et se poursuit par celui des demandes de l’Iran fondées sur
le paragraphe 1 de l’article IV (sect. B) et le paragraphe 2 de cet article (sect. C).
14.3 Comme les Etats-Unis le démontreront ci-après, l’interprétation que l’Iran donne aux
paragraphes 1 et 2 de l’article IV ne cadre pas avec les conclusions dégagées par la Cour à cet égard,
selon lesquelles ces dispositions doivent être replacées dans le contexte de l’article IV dans son
ensemble. Il ressort de toute interprétation des paragraphes 1 et 2 de l’article IV dûment réalisée dans
le respect des règles coutumières d’interprétation des traités que ces dispositions décrivent le standard
minimum de traitement des étrangers tel qu’il était compris à l’époque de la conclusion du traité. En
particulier, le paragraphe 1 impose, entre autres, l’obligation de ne pas refuser de rendre justice aux
sociétés et ressortissants de l’autre partie, tandis que les deux branches du paragraphe 2,
respectivement, garantissent que «[l]a protection et la sécurité des biens appartenant aux
ressortissants et aux sociétés» de chacune des parties «seront assurées de la manière la plus
constante» et limitent les circonstances dans lesquelles ces biens pourraient être expropriés.
Correctement interprétés, ni le paragraphe 1 ni le paragraphe 2 de l’article IV ne légitiment les
demandes formées par l’Iran en l’espèce.
14.4 Les demandes tirées par l’Iran du paragraphe 1 de l’article IV ne répondent pas aux
conditions difficiles qu’il faut remplir pour pouvoir établir que les Etats-Unis ont refusé de rendre
justice à ses sociétés ou à ses ressortissants. Bien au contraire, les établissements et organismes de
l’Iran qui ont fait l’objet d’actions en saisie et en exécution ont pleinement eu la possibilité de se
défendre devant les juridictions américaines et ont bénéficié d’un traitement équitable tout au long
des procès.
14.5 S’agissant du paragraphe 2 de l’article IV, l’Iran considère sa première branche comme
une garantie de stabilité juridique. Or tel n’est absolument pas le sens de l’obligation d’assurer «[l]a
protection et la sécurité des biens … de la manière la plus constante», cette obligation n’étant
communément considérée comme violée que lorsqu’un Etat n’assure pas une protection policière
raisonnable contre des actes à caractère délictueux qui portent matériellement atteinte à la personne
ou aux biens d’un étranger.
14.6 L’interprétation que l’Iran donne à la deuxième branche du paragraphe 2 de l’article IV
est également insoutenable. L’Iran demande que pour déterminer si ses sociétés ou ses ressortissants
ont été victimes d’expropriation, la Cour s’intéresse uniquement à l’ampleur de la dépossession
alléguée et fasse donc entièrement abstraction de la nature et du caractère de la mesure contestée.
L’une des lacunes de cette approche consiste dans son incompatibilité avec le vieux principe selon
108
- 104 -
lequel l’exercice de bonne foi des pouvoirs de police de l’Etat ne constitue pas une expropriation,
même s’il a un effet important sur des biens.
SECTION A
LE STANDARD MINIMUM DE TRAITEMENT PRÉVU PAR L’ARTICLE IV
14.7 Dans son arrêt sur les exceptions préliminaires, la Cour confirme que les dispositions de
l’article IV doivent être replacées dans le contexte de cet article dans son ensemble, ajoutant que
«l’article IV vise à garantir certains droits et protections minimales au bénéfice des personnes
physiques ou morales qui se livrent à des activités de nature commerciale»353. Elle réitère cette
conclusion en rejetant l’argument de l’Iran selon lequel l’expression «droit international» employée
au paragraphe 2 de l’article IV recouvre les immunités souveraines. En outre, elle a fait observer que
«[l]e «droit international» dont il est question dans cette disposition est celui qui définit le standard
minimum de protection des biens qui appartiennent aux «ressortissants» et aux «sociétés» de l’une
des parties exerçant des activités économiques sur le territoire de l’autre»354. Ainsi, la Cour reconnaît
dans son arrêt que les dispositions pertinentes de l’article IV sont circonscrites par les règles
internationales coutumières régissant le standard minimum de traitement, contrairement à
l’interprétation avancée par l’Iran.
14.8 L’article IV renferme le standard minimum de traitement applicable aux étrangers dans
le cadre de leurs activités économiques sur le territoire de l’autre partie. Le standard minimum de
traitement est une notion générique recouvrant un ensemble de règles qui se sont cristallisées au fil
du temps en droit international coutumier dans certains contextes355. Il établit un «seuil au-dessous
duquel le traitement appliqué aux investisseurs étrangers ne doit pas tomber»356. Le droit
international coutumier s’est cristallisé pour former un standard minimum de traitement dans
quelques domaines seulement et les deux premiers paragraphes de l’article IV avaient pour but
d’obliger chaque partie à respecter ce standard minimum de traitement.
14.9 La première clause du paragraphe 1 de l’article IV énonce l’obligation d’assurer «un
traitement juste et équitable». L’expression «traitement juste et équitable» emporte obligation de ne
353 Arrêt sur les exceptions préliminaires, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 28, par. 58.
354 Ibid., par. 57.
355 On trouve une présentation plus complète de la position des Etats-Unis dans Methanex Corp. v. United States,
ALENA/CNUDCI, mémoire sur la compétence et la recevabilité par les Etats-Unis d’Amérique, Etat défendeur,
13 novembre 2000) (annexe 143) ; ADF Group Inc. v. United States of America, affaire ALENA/CIRDI no ARB(AF)/00/1,
observations postérieures à l’audition des Etats-Unis d’Amérique, Etat défendeur, sur le paragraphe 1 de l’article 1105 et
Pope & Talbot 12-21, 27 juin 2002 (annexe 144) ; Glamis Gold Ltd. v. United States of America, ALENA/CNUDCI,
contre-mémoire des Etats-Unis d’Amérique, Etat défendeur, 216-22, 19 septembre 2006 (annexe 145) ; Grand River
Enterprises Six Nations, Ltd., et al. v. United States of America, ALENA/CNUDCI, contre-mémoire des Etats-Unis, 84-
101, 22 décembre 2008 (annexe 146).
356 S.D. Myers, Inc. v. Government of Canada, ALENA/CNUDCI, première sentence partielle, par. 259,
13 novembre 2000 (annexe 147) ; Glamis Gold Ltd. v. United States of America, ALENA/CNUDCI, sentence, par. 615,
8 juin 2009 (annexe 148) («Le standard minimum de traitement en droit international coutumier est exactement ce que son
nom laisse présager, un standard minimum. Il doit être vu comme un seuil, un plancher absolu en dessous duquel le
traitement n’est pas acceptable aux yeux de la communauté internationale.») ; voir aussi Edwin Borchard, «The «Minimum
Standard» of the Treatment of Aliens», Proceedings of the American Society of International Law, vol. 33, p. 58, 1939
(annexe 149).
109
- 105 -
pas refuser de rendre justice en matière pénale, civile ou administrative357. Les deuxième et troisième
clauses du paragraphe 1 de l’article IV, qui visent les «mesures arbitraires [déraisonnables] ou
discriminatoires» et les «voies d’exécution efficaces», apportent des précisions sur l’obligation de ne
pas refuser de rendre justice, mais les obligations qu’elles créent ne constituent pas des obligations
autonomes relevant du standard minimum de traitement et ne sont donc pas des obligations
autonomes dans le cadre du traité. Les autres composantes du standard minimum de traitement sont
l’obligation d’assurer «la protection et la sécurité … de la manière la plus constante» et l’obligation
de ne pas exproprier (sauf dans certaines conditions déterminées), qui sont énoncées au paragraphe 2
de l’article IV.
14.10 Le cadre de référence étant ainsi défini, les Etats-Unis commenceront par traiter du grief
qui leur est fait de ne pas avoir accordé aux sociétés iraniennes les éléments du standard minimum
de traitement consacrés par le paragraphe 1 de l’article IV, avant de s’intéresser aux demandes de
l’Iran fondées sur les éléments du standard minimum de traitement concernant l’obligation d’assurer
«la protection et la sécurité … de la manière la plus constante» et l’obligation de ne pas exproprier
tels qu’ils sont énoncés au paragraphe 2 de l’article IV.
SECTION B
LES ETATS-UNIS N’ONT PAS PORTÉ ATTEINTE AU PARAGRAPHE 1 DE L’ARTICLE IV
14.11 Le paragraphe 1 de l’article IV est libellé comme suit :
«Chacune des Hautes Parties contractantes accordera en tout temps un traitement
juste et équitable aux ressortissants et aux sociétés de l’autre Haute Partie contractante,
ainsi qu’à leurs biens et leurs entreprises ; elle ne prendra aucune mesure arbitraire ou
discriminatoire pouvant porter atteinte à leurs droits ou à leurs intérêts légalement acquis
et, en conformité des lois applicables en la matière, elle assurera des voies d’exécution
efficaces à leurs droits contractuels légitimement nés.»
14.12 Bien que l’Iran soutienne que le paragraphe 1 de l’article IV met en place «trois
protections distinctes mais connexes»358, il donne une interprétation erronée à cette disposition.
Comme les Etats-Unis l’ont relevé plus haut et l’expliqueront de façon détaillée ci-après, la première
clause du paragraphe 1 de l’article IV renferme l’obligation de ne pas refuser de rendre justice, tandis
que les deuxième et troisième clauses indiquent comment il faut interpréter et appliquer cette
obligation. Ces trois clauses sont donc intimement connexes et non distinctes.
14.13 Les demandes tirées par l’Iran du paragraphe 1 de l’article IV reposent sur
l’interprétation erronée qu’il donne à cette disposition et doivent être rejetées pour ce seul motif.
357 De plus, l’expression «traitement juste et équitable» est parfois utilisée pour renvoyer à toutes les obligations
incluses dans le standard minimum de traitement. Cela est confirmé par le commentaire à l’article 1 du projet de convention
de l’Organisation de coopération et de développement économiques sur la protection des biens étrangers, comme il est
expliqué plus en détail en l’affaire Methanex Corp. v. United States, ALENA/CNUDCI, mémoire sur la compétence et la
recevabilité par les Etats-Unis, Etat défendeur, p. 39-40, 13 novembre 2000 (annexe 143).
358 MI, par. 5.19.
110
- 106 -
i. La clause du paragraphe 1 de l’article IV relative au «traitement juste
et équitable» interdit tout déni de justice
14.14 Il est incontesté que l’obligation d’accorder un traitement juste et équitable interdit tout
déni de justice359. Selon l’Iran, cependant, cette obligation interdit aussi toute conduite «arbitraire,
manifestement inéquitable, injuste ou singulière», «discriminatoire» ou «contraire aux attentes
légitimes des sociétés et des ressortissants iraniens»360. La lecture extensive que fait l’Iran de cette
clause est erronée. Si l’obligation de ne pas refuser de rendre justice s’est cristallisée en élément du
standard minimum de traitement du droit international coutumier, tel n’est pas le cas des trois autres
obligations que l’Iran tente de tirer du paragraphe 1 de l’article IV.
14.15 L’interprétation de l’Iran repose dans une large mesure sur une décision rendue par un
tribunal arbitral en l’affaire Waste Management, Inc. v. United Mexican States, décision interprétant
l’accord de libre-échange nord-américain (ALENA). De fait, cette décision est le seul précédent
jurisprudentiel invoqué par l’Iran à l’appui du critère qu’il invite la Cour à appliquer dans
l’appréciation des mesures contestées361. Selon les Etats-Unis, le critère appliqué par le tribunal saisi
de l’affaire Waste Management ne reflète pas correctement l’obligation d’accorder un traitement
juste et équitable qui s’inscrit dans le standard minimum de traitement du droit international
coutumier362, le tribunal l’ayant fondé non pas sur la pratique des Etats et l’opinio juris, mais plutôt
sur d’autres sentences arbitrales rendues dans le cadre de procédures de règlement des différends
opposant des investisseurs à des Etats.
14.16 Comme le déclare la Cour dans sa jurisprudence, le droit international coutumier découle
d’une pratique générale et constante que les Etats suivent avec la conviction de s’acquitter d’une
obligation juridique363. La pratique des Etats à prendre en considération doit être non seulement
généralisée et constante364 mais également acceptée comme étant le droit, ce qui revient à dire qu’elle
doit aussi s’accompagner de la conviction qu’elle constitue une obligation juridique365. Les deux
359 MI, par. 5.26.
360 Ibid.
361 Ibid., par. 5.27, note 265.
362 Commission du libre-échange de l’ALENA, notes d’interprétation de certaines dispositions du chapitre 11,
par. B.1-B.2, 31 juillet 2001 (annexe 150) (publiant une interprétation obligatoire en application de l’article 1131 de
l’ALENA selon laquelle «[l]e paragraphe 1 de l’article 1105 prescrit la norme minimale de traitement conforme au droit
international coutumier à l’égard des étrangers comme norme minimale de traitement» et que «[l]es concepts de «traitement
juste et équitable» et de «protection et sécurité intégrales» ne prévoient pas de traitement supplémentaire ou supérieur à
celui exigé par la norme minimale de traitement»).
363 Immunités juridictionnelles de l’Etat (Allemagne c. Italie ; Grèce (intervenant)), arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (I),
p. 122, par. 55, (««une «pratique effective» assortie d’une opinio juris est en particulier requise pour qu’existe une telle
règle» (citant Plateau continental de la mer du Nord (République fédérale d’Allemagne/Danemark ; République fédérale
d’Allemagne/Pays-Bas), arrêt, C.I.J. Recueil 1969, p. 44, par. 77 ; Plateau continental (Jamahiriya arabe libyenne/Malte),
arrêt, C.I.J. Recueil 1985, p. 29-30, par. 27) («Il est bien évident que la substance du droit international coutumier doit être
recherchée en premier lieu dans la pratique effective et l’opinio juris des Etats.»).
364 Voir, par exemple, Plateau continental de la mer du Nord (République fédérale d’Allemagne/Danemark ;
République fédérale d’Allemagne/Pays-Bas), arrêt, C.I.J. Recueil 1969, p. 43, par. 74 (notant que pour qu’une règle
nouvelle de droit international coutumier puisse se former,
«il demeure indispensable que dans ce laps de temps, aussi bref qu’il ait été, la pratique des Etats, y compris
ceux qui sont particulièrement intéressés, ait été fréquente et pratiquement uniforme dans le sens de la
disposition invoquée et se soit manifestée de manière à établir une reconnaissance générale du fait qu’une
règle de droit ou une obligation juridique est en jeu».
Commission du droit international (CDI), deuxième rapport sur la détermination du droit international coutumier, projet de
conclusion 9 et commentaires y relatifs, 22 mai 2014, doc. A/CN.4/672 (sources citées).
365 Plateau continental de la mer du Nord (République fédérale d’Allemagne/Danemark ; République fédérale
d’Allemagne/Pays-Bas), arrêt, C.I.J. Recueil 1969, p. 44, par. 77 :
111
- 107 -
critères que sont la pratique des Etats et l’opinio juris doivent «être réunis [à la fois] … pour autoriser
à conclure à l’existence d’une règle de droit coutumier international»366.
14.17 La Cour a cité des exemples d’éléments qui peuvent être utilisés pour mettre en évidence
l’existence d’une règle du droit international coutumier, la dernière fois dans sa décision statuant sur
l’affaire des Immunités juridictionnelles de l’Etat (Allemagne c. Italie)367. Dans ladite affaire, elle
souligne qu’«[i]l est bien évident que la substance du droit international coutumier doit être
recherchée en premier lieu dans la pratique effective et l’opinio juris des Etats» et cite à titre
d’exemples de la pratique des Etats la jurisprudence des tribunaux internes et les lois internes
relatives à la matière présentée comme une norme du droit international coutumier, ainsi que les
déclarations officielles faites sur la question par les acteurs étatiques compétents368.
14.18 Exception faite de l’obligation de s’abstenir de prendre des mesures arbitraires
[déraisonnables] ou discriminatoires constitutives de déni de justice, l’Iran n’a cité aucune pratique
des Etats de cette nature ni aucune opinio juris — et il n’en existe pas à la connaissance des
Etats-Unis — qui l’autorise à soutenir sans réserve que les Etats sont soumis à l’obligation autonome
et généralisée de s’abstenir de toute conduite arbitraire, discriminatoire ou contraire à des attentes
légitimes dans tous les contextes économiques. Il y a donc lieu de rejeter les demandes de l’Iran dans
la mesure où elles sont fondées sur le manquement allégué des Etats-Unis à cette triple obligation
présumée et non sur l’obligation de ne pas refuser de rendre justice.
14.19 D’ailleurs, la jurisprudence récente de la Cour vient jeter le doute sur l’idée que la
doctrine présumée des attentes légitimes, visée dans le cadre de l’obligation d’accorder un traitement
juste et équitable par certains tribunaux arbitraux statuant en matière d’investissements, relève du
droit international général.
14.20 En l’affaire relative à l’Obligation de négocier un accès à l’océan Pacifique (Bolivie
c. Chili), la Bolivie faisait valoir que le Chili avait porté atteinte à la doctrine présumée des attentes
légitimes pour n’avoir pas poursuivi ses négociations avec elle sur le rétablissement de l’accès de la
Bolivie à la mer. Le Chili a rejeté l’idée de l’existence d’une telle doctrine369. La Cour lui a donné
raison en ces termes :
«La Cour note qu’il est fait référence aux attentes légitimes dans certaines
sentences arbitrales concernant des différends entre un investisseur étranger et l’Etat
«Non seulement les actes considérés doivent représenter une pratique constante, mais en outre ils
doivent témoigner, par leur nature ou la manière dont ils sont accomplis, de la conviction que cette pratique
est rendue obligatoire par l’existence d’une règle de droit. La nécessité de pareille conviction, c’est-à-dire
l’existence d’un élément subjectif, est implicite dans la notion même d’opinio juris sive necessitutis. Les
Etats intéressés doivent donc avoir le sentiment de se conformer à ce qui équivaut à une obligation
juridique.»
CDI, deuxième rapport sur la détermination du droit international coutumier, projet de conclusion 10 et commentaires y
relatifs, 22 mai 2014, doc. A/CN.4/672 (sources citées) (annexe 152).
366 CDI, deuxième rapport sur la détermination du droit international coutumier, par. 22-23, 22 mai 2014,
doc. A/CN.4/672 (annexe 152) (notant que ces éléments sont «indispensables à toute règle de droit international coutumier
à proprement parler») (les italiques sont de nous).
367 Immunités juridictionnelles de l’Etat (Allemagne c. Italie ; Grèce (intervenant)), arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (I),
p. 120-122, par. 50-55.
368 Ibid., p. 122-123 (sur les éléments pertinents qui peuvent attester de la pratique de l’Etat et de l’opinio juris dans
le contexte de l’immunité de juridiction devant les tribunaux étrangers).
369 Obligation de négocier un accès à l’océan Pacifique (Bolivie c. Chili), arrêt, C.I.J. Recueil 2018 (II), p. 559,
par. 160-161.
112
- 108 -
hôte dans lesquelles ont été appliquées des dispositions conventionnelles prévoyant un
traitement juste et équitable. Il n’en découle pas qu’il existerait en droit international
général un principe qui donnerait naissance à une obligation sur la base de ce qui
pourrait être considéré comme une attente légitime. Il ne saurait donc être fait droit à
l’argument de la Bolivie fondé sur les attentes légitimes.»370
14.21 Les Etats-Unis font valoir qu’il n’existe en droit international coutumier aucune doctrine
des attentes légitimes faisant partie intégrante de celle du «traitement juste et équitable»371 qui mette
une obligation autonome à la charge de l’Etat hôte en la matière372. Ils n’ont connaissance d’aucune
pratique générale et constante des Etats ni d’aucune opinio juris établissant l’obligation de ne pas
décevoir les attentes des investisseurs dans le cadre du standard minimum de traitement, et l’Iran n’a
pas prouvé qu’il en existait.
14.22 De toute façon, à supposer même que la Cour conclue à l’existence d’une telle règle en
droit international coutumier, celle-ci ne s’appliquerait pas aux Etats-Unis373, ces derniers l’ayant
toujours contestée374.
14.23 En conséquence, les demandes tirées par l’Iran du paragraphe 1 de l’article IV ne
peuvent prospérer que s’il établit que les mesures contestées ont entraîné un déni de justice.
ii. Les obligations découlant des clauses du paragraphe 1 de l’article IV concernant
les «mesures arbitraires [déraisonnables] ou discriminatoires» et les «voies
d’exécution efficaces» ne sont pas des obligations autonomes, mais de
simples composantes de l’obligation de ne pas refuser de rendre justice
14.24 Les deuxième et troisième clauses du paragraphe 1 de l’article IV font respectivement
obligation aux parties de ne prendre aucune mesures arbitraire ou discriminatoire pouvant porter
atteinte à des droits ou à des intérêts légalement acquis et d’assurer des voies d’exécution efficaces
aux droits contractuels légitimement nés. Comme les Etats-Unis l’expliqueront ci-après, ces clauses
n’énoncent pas d’obligations autonomes, mais indiquent plutôt comment il faut interpréter
l’obligation prévue dans la première clause. Il s’ensuit que les obligations qui en découlent ne sont
que des composantes de l’obligation de ne pas refuser de rendre justice.
370 Obligation de négocier un accès à l’océan Pacifique (Bolivie c. Chili), arrêt, C.I.J. Recueil 2018 (II), p. 559,
par. 162.
371 Toutefois, en matière d’expropriation, les Etats-Unis reconnaissent que les «attentes légitimes» constituent un
facteur permettant de distinguer entre les actes du régulateur sans compensation et les expropriations indirectes.
372 Voir Patrick Dumberry, «The Fair and Equitable Treatment Standard: A Guide To NAFTA Case Law on
Article 1105», p. 158-159, 2013 (annexe 153) («De l’avis de cet auteur, peu d’arguments pèsent en faveur de l’assertion
selon laquelle il existerait, en droit international coutumier, une obligation pour l’Etat d’accueil de protéger les attentes
légitimes des investisseurs.»
373 Pêcheries (Royaume-Uni c. Norvège), arrêt, C.I.J. Recueil 1951, p. 131 («De toute manière, la règle des dix
milles apparaît comme inopposable à la Norvège, celle-ci s’étant toujours élevée contre toute tentative de l’appliquer à la
côte norvégienne.»).
374 Les Etats-Unis se sont toujours opposés à cette règle putative, tant comme défendeur que comme partie non
contestante dans les litiges investisseur-Etat. Voir, par exemple, Glamis Gold, Ltd. v. United States of America,
ALENA/CNUDCI, contre-mémoire des Etats-Unis d’Amérique, Etat défendeur, p. 216, 19 septembre 2006 (annexe 145) ;
Lone Pine Resources Inc. v. Government of Canada, affaire ALENA/CIRDI no UNCT/15/2, conclusions des Etats-Unis
d’Amérique, par. 26, 16 août 2017 (annexe 154) ; Italba Corp. v. The Oriental Republic of Uruguay, U.S.-Uruguay
BIT/affaire CIRDI no ARB/16/9, conclusions des Etats-Unis d’Amérique, par. 24-25, 11 septembre 2017 (annexe 155).
113
114
- 109 -
a) La clause relative aux «mesures arbitraires [déraisonnables] ou discriminatoires» fait partie
intégrante de la protection contre le déni de justice
14.25 Si l’Iran affirme que la deuxième clause du paragraphe 1 de l’article IV, qui concerne
les «mesures arbitraires [déraisonnables] ou discriminatoires», impose «en outre l’obligation» de ne
pas prendre de telles mesures aux parties375, il ressort d’une juste interprétation de cette clause qu’elle
indique plutôt comment il faut interpréter l’obligation de ne pas refuser de rendre justice. Il est
d’ailleurs bien établi que le respect du principe de non-discrimination fait partie intégrante de
l’obligation de ne pas refuser de rendre justice, que ce soit dans le cadre de l’accès aux voies de
recours juridictionnelles ou dans celui du traitement appliqué par les tribunaux376. De plus, le terme
anglais unreasonable [«déraisonnable», mais traduit par «arbitraire» dans le texte du traité], tel qu’il
est utilisé dans le cadre de cette obligation, doit s’analyser en un élément dénotant les conditions
rigoureuses qu’il faut remplir pour réussir à établir l’existence d’un manquement à ladite obligation
et attestant que le droit international tient dûment compte du principe de l’indépendance de la
magistrature, comme les Etats-Unis l’expliqueront de façon détaillée ci-après dans la section B. iii.
b) La clause relative aux «voies d’exécution efficaces» fait partie intégrante de la protection
contre le déni de justice
14.26 L’Iran affirme également que la troisième clause du paragraphe 1 de l’article IV — qui
dispose qu’«en conformité des lois applicables en la matière, [chaque partie] assurera des voies
d’exécution efficaces [aux] droits contractuels légitimement nés» des sociétés et des ressortissants
de l’autre partie — «n’est pas une simple reformulation de l’interdiction du déni de justice», mais
«une disposition de portée plus large prescrivant un cadre juridique qui favorise réellement des voies
d’exécution conformes aux lois applicables»377. D’après l’Iran, il en découle que les Etats-Unis sont
tenus de permettre aux sociétés iraniennes de «compter effectivement sur des droits» tels que le droit
à la reconnaissance de la personnalité juridique «dans le contexte de la mise en oeuvre» de leurs droits
contractuels378.
14.27 De fait, interprétée comme il se doit, la clause prescrivant d’assurer «en conformité des
lois applicables en la matière … des voies d’exécution efficaces» énonce un élément spécifique de
la protection contre le déni de justice qui était d’ailleurs important aux yeux des rédacteurs du traité
en 1955. Il ressort clairement de son texte qu’elle s’applique aux «droits contractuels légitimement
nés». Or le respect des droits contractuels ne peut naturellement être assuré que par le système
judiciaire d’une partie, et l’Iran convient d’ailleurs que la clause s’applique au «cadre judiciaire» de
l’Etat hôte. De plus, les systèmes judiciaires étant variables dans le monde entier, chaque Etat peut
375 MI, par. 5.37.
376 Voir, par exemple, C. F. Amerasinghe, «State Responsibility for Injuries to Aliens», p. 243, 1967 (annexe 151)
(«Dans un procès entre un Etat et un étranger, il importe tout particulièrement qu’aucune discrimination ne soit pratiquée
entre les ressortissants et les étrangers dans l’imposition des obligations procédurales. Aucune charge particulière ne doit
être imposée à un étranger pour obtenir justice dans les tribunaux de l’Etat avec lequel il a un litige.») ; Edwin M. Borchard,
«Diplomatic Protection of Citizens Abroad or the Law of International Claims» [La protection diplomatique des nationaux
à l’étranger ou le droit des réclamations internationales], p. 334, 1919 (annexe 128) (Un gouvernement «n’est fondé à
intervenir au nom d’un de ses ressortissants que si les lois elles-mêmes, les méthodes existant pour les administrer et les
peines prescrites dérogent aux principes de la justice civilisée telle qu’elle est universellement reconnue ou si, dans une
espèce, elles ont été subverties de manière illicite par les tribunaux afin d’appliquer un traitement discriminatoire contre lui
en tant qu’étranger ou à perpétrer techniquement un déni de justice.») ; Société des Nations, Rapport du comité d’experts
pour la codification progressive du droit international (Comité Guerraro) 1, doc. C.196M.70, p. 100, 1927 (annexe 156)
(«Le déni de justice consiste [donc] à refuser aux étrangers le libre accès aux tribunaux organisés dans l’Etat pour
l’accomplissement de sa fonction judiciaire, ou encore à ne pas accorder ce libre accès, dans un cas spécial, à l’étranger qui
aurait à défendre ses droits et alors que le recours serait ouvert aux nationaux.» (Les italiques sont de nous.)
377 MI, par. 5.41.
378 Ibid., par. 5.41 et 5.51.
115
- 110 -
avoir sa manière propre d’assurer le respect des droits contractuels par voie judiciaire. De fait, il
convient de présumer que le traité respecte les principes d’indépendance de la magistrature et de
déférence à l’égard des décisions des tribunaux internes établis par le droit international coutumier.
La clause considérée exige simplement que le système choisi par l’Etat «assure[] des voies
d’exécution efficaces» à ces droits. En tant que source d’une obligation concernant le système
judiciaire d’une partie, la clause relative aux voies d’exécution efficaces est donc une composante de
l’obligation de ne pas refuser de rendre justice (comme les Etats-Unis l’expliqueront de façon plus
approfondie ci-après). L’Iran a donc tort d’affirmer que la clause relative aux voies d’exécution
efficaces ne fait pas partie de cette obligation.
14.28 Il découle des règles applicables du droit international que le but assigné par les parties
à cette clause était d’énoncer et de clarifier un sous-ensemble des principes relatifs à la notion de
déni de justice379. La protection contre le déni de justice se compose de standards minimum de
traitement d’ordre substantiel et procédural380. Un tribunal saisi de l’affaire Ambatielos a présenté à
grands traits le volet procédural du droit relatif au déni de justice comme suit :
«L’étranger doit jouir pleinement de la liberté de comparaître devant les tribunaux
pour assurer la protection ou la défense de ses droits, que ce soit à titre de demandeur
ou à titre de défendeur ; d’intenter toute action prévue ou autorisée par la loi, de
présenter tout moyen de défense, tout recours en compensation ou toute demande
reconventionnelle, d’engager un avocat, de produire des éléments de preuve
documentaires, oraux ou de toute autre nature, de solliciter sa mise en liberté sous
caution, d’interjeter appel et, en somme, de mettre à profit les tribunaux à tous égards
et de se prévaloir de toute voie de recours ou de toute garantie d’ordre procédural prévue
par la loi du for pour permettre aux étrangers d’obtenir justice sur un pied d’égalité avec
les personnes ayant la nationalité du pays.»381
379 Voir convention de Vienne sur le droit des traités, art. 31, par. 1, et par. 3, al. c) : («sera tenu compte, en même
temps que du contexte … [d]e toute règle pertinente de droit international applicable dans les relations entre les parties»).
380 Voir Institut de droit international, «Resolution on the International Responsibility of States for Injuries on their
Territory to the Person or Property of Foreigners» [résolution sur la responsabilité internationale des Etats à raison des
dommages causés sur leur territoire à la personne ou aux biens des étrangers], 1927, reproduit dans «Documents de la
huitième session et rapport de la Commission soumis à l’Assemblée générale», Annuaire de la Commission du droit
international, 1956, vol. 2, p. 228, doc. A/CN.4/SER.A/1956/Add.1 (annexe 160) (observant que le déni de justice peut se
produire i) en l’absence des tribunaux nécessaires pour assurer la protection, ou lorsque ces tribunaux ne fonctionnent pas ;
ii) lorsque ces tribunaux ne sont pas accessibles aux étrangers ; et iii) lorsque ces tribunaux n’offrent pas les garanties
indispensables à la bonne administration de la justice) ; Robert Azinian et. al. v. United Mexican States, affaire
ALENA/CIRDI no ARB(AF)/97/2, sentence, par. 102-103, 1er novembre 1999 (annexe 161) («le déni de justice peut être
plaidé si les tribunaux pertinents refusent de tenir un procès, s’ils imposent des retards excessifs ou si l’administration de
la justice est gravement déficiente. … Il existe un quatrième type de déni de justice : l’application du droit de manière
manifestement abusive et malveillante.»). Voir également Alwyn V. Freeman, «The International Responsibility of States
for Denial of Justice» [La responsabilité internationale de l’Etat pour déni de justice], p. 69, 1938, réimpression en 1970,
(annexe 127) («La faculté d’ester en justice devant les tribunaux locaux est un corollaire inéluctable et essentiel des droits
substantiels des étrangers, sans lesquels ces droits seraient inévitablement incomplets et vides de sens.») ; Rudolf Dolzer
& Christoph Schreuer, Principles of International Investment Law, p. 180, deuxième édition, 2012 («En principe, un Etat
d’accueil a l’obligation d’établir un système judiciaire qui permette l’exercice effectif des droits substantiels accordés aux
investisseurs étrangers.» (annexe 163).
381 Ambatielos Claim (Greece v. United Kingdom), RSA, vol. XII, 1956, p. 118 (annexe 121). Voir également
Andreas Roth, «Minimum Standard of International Law Applied to Aliens», p. 185, 1949 (annexe 164) (qui recense les
garanties minimus que doivent offrir les Etats aux étrangers en vertu du droit international, à savoir certains «droits
procéduraux», parmi lesquels «le libre accès aux tribunaux, le droit à être entendu de manière juste, sans discrimination et
sans préjugés, le droit à la pleine participation à la procédure, sous une forme ou une autre [et] le droit à une décision juste
rendue dans le total respect des lois de l’Etat et dans des délais raisonnables»).
116
- 111 -
Ainsi qu’il ressort clairement de l’analyse interprétative ci-dessus, l’expression «voies d’exécution
efficaces» est censée englober nombre de ces éléments procéduraux de la protection contre le déni
de justice382.
14.29 L’obligation d’assurer des «voies d’exécution efficaces» aux droits contractuels est
également considérée de longue date comme une composante de la protection contre le déni de justice
établie par le droit international coutumier383. En 1926, par exemple, le Comité d’experts pour la
codification progressive du droit international, réuni sous les auspices de la Société des Nations,
conclut dans son rapport que l’obligation qui incombait à l’Etat de protéger les ressortissants
étrangers sur son territoire recouvrait celle de leur fournir «les moyens nécessaires à la défense de
leurs droits» et précisa que «ces moyens ne p[ouvai]ent être que les mêmes que ceux qui [étaient]
prévus par les lois et les tribunaux du pays et par les autorités chargées de l’ordre public et de la
sécurité»384. Quatre ans plus tard, le Royaume-Uni proposa une définition du déni de justice incluant
les cas où un ressortissant étranger «ne se vo[ya]it pas offrir devant les tribunaux des moyens
raisonnables de faire respecter ses droits ou se vo[ya]it offrir des voies de recours moins efficaces
que celles dont bénéfici[ai]ent les nationaux»385. La même obligation fut formulée dans le projet de
codification du droit international relatif au traitement des étrangers que la faculté de droit de
l’Université Harvard établit en 1929, ce texte disposant que les ressortissants étrangers d[evai]ent
bénéficier de «voies de recours efficaces pour réparer leurs préjudices» qui fussent au moins égales
à celles offertes aux nationaux en droit interne386. A peu près à la même époque, Alwyn Freeman
écrivit que «chaque Etat [était] tenu de posséder une organisation judiciaire garantissant que les
affaires portées devant la justice ser[aie]nt tranchées par des juges impartiaux et compétents»,
382 Le premier élément procédural cité dans la sentence Ambatielos, s’agissant de l’accès aux tribunaux, est contenu
dans le paragraphe 2 de l’article III du traité, et s’inscrit donc dans une protection plus générale contre le déni de justice.
Voir Sect. B. iii.
383 De fait, comme l’observe le rapporteur spécial de la CDI :
«[Le déni de justice] est intimement lié à nombre d’éléments de la règle de l’épuisement des recours
internes, y compris l’inefficacité, et peut donc être considéré comme ayant un caractère secondaire … Il
peut être considéré comme être de nature secondaire excusant l’emploi d’autres recours ou comme règle
primaire donnant prise à une responsabilité internationale …[L]a règle de l’épuisement des recours internes
et le déni de justice [sont] traditionnellement liés.» John Dugard (rapporteur spécial sur la protection
diplomatique), troisième rapport sur la protection diplomatique, par. 21-22, doc. A/CN.4/523 et Add.1,
7 mars et 16 avril 2002 (annexe 168).
Voir également Freeman, p. 407 (annexe 127)
«Lorsqu’il s’agit de violations initiales du droit international advenues avant l’administration de la
justice et sans rapport avec elle, [la règle des recours internes] est une condition procédurale préalable à
l’interposition diplomatique. Lorsqu’il s’agit d’actes illicites commis par des personnes privées, elle
possède la faculté substantielle de créer une responsabilité lorsque le fonctionnement des recours internes
est défectueux, c’est-à-dire en cas de protection judiciaire inadéquate.»
Toutefois, la condition des «recours efficaces» diffère selon que l’on soit dans le contexte des recours internes ou dans
celui du déni de justice, car le premier cas peut exister même en l’absence de déficience de la protection judiciaire, par
exemple lorsque les tribunaux n’ont pas de compétence personnelle, que la demande est prescrite ou qu’il existe une
jurisprudence bien établie de décisions défavorables au demandeur.
384 Comité d’experts pour la codification progressive du droit international, annexe — Rapport du Sous-Comité,
Société des Nations, document reproduit in Freeman, p. 632, 1926 (annexe 127).
385 Acts of Conference for the Codification of International Law, held at The Hague from March 13th to April 12th,
1930, Minutes of the Third Committee, 9th Meeting, Consideration of Bases for Discussion Nos. 5 and 6, League of
Nations, doc. C.351(c).M145(c), V., 1930, reprinted in FREEMAN, p. 664 (annexe 127).
386 «The Law of Responsibility of States for Damage Done in Their Territory to the Person or Property of
Foreigners», American Journal of International Law, vol. 23, p. 147 (No. 2, Supplement: Codification of International
Law), avril 1929 (ci-après «Harvard Draft Articles» ; les italiques sont de nous) (annexe 169).
117
- 112 -
précisant en particulier que «le mécanisme procédural mis en place d[eva]it … garantir à
l’étranger … des voies de recours efficaces pour faire valoir s[es] droit[s]»387.
14.30 Plus récemment, la Cour interaméricaine des droits de l’homme a reconnu que le droit
à un «recours efficace» prévu par le paragraphe 1 de l’article 25 de la convention américaine relative
aux droits de l’homme était étroitement lié à la protection contre le déni de justice388. Dans un avis
consultatif de 1987, elle a conclu que le paragraphe 1 de l’article 25 «inclu[ai]t le principe … de
l’efficacité des instruments ou moyens procéduraux destinés à garantir … les droits»389. Elle a
également estimé que le recours au système judiciaire interne était sans effet dans les cas où «le
pouvoir judiciaire ne joui[ssai]t pas de l’indépendance nécessaire pour rendre des décisions
impartiales ou ne dispos[ait] pas des moyens de faire exécuter ses décisions, dans tout autre cas
constitutif de déni de justice tel que celui où la décision [était] rendue avec un retard injustifié ou
lorsque, pour quelque raison que ce fût, la victime présumée se vo[ya]it privée d’accès à des voies
de recours judiciaires»390.
14.31 La mise en place de voies d’exécution efficaces étant une des obligations secondaires
créées par le droit international coutumier pour protéger les ressortissants étrangers contre le déni de
justice, tout grief fait à l’Etat hôte de n’avoir pas fourni de voies d’exécution efficaces doit répondre
aux mêmes conditions attachées aux allégations de déni de justice qui sont exposées dans la section
suivante. Par conséquent, l’Iran doit non seulement établir que les conditions expresses découlant du
sens ordinaire de la clause du traité relative aux «voies d’exécution efficaces» sont remplies, mais
également répondre aux conditions rigoureuses requises pour réussir à établir le bien-fondé des
allégations de déni de justice, notamment l’épuisement des voies de recours internes et la déférence
voulue à l’égard des décisions rendues par les juridictions américaines dans l’interprétation et
l’application du droit américain.
14.32 Les clauses du paragraphe 1 de l’article IV relatives aux «mesures arbitraires
[déraisonnables] ou discriminatoires» et aux «voies d’exécution efficaces» font partie intégrante de
l’obligation de ne pas refuser de rendre justice et ne constituent donc pas des obligations autonomes.
Il s’ensuit que les Etats-Unis n’ont pu violer aucune de ces clauses s’ils n’ont pas manqué à
l’obligation de ne pas refuser de rendre justice. Pour les motifs exposés dans la sous-section suivante,
l’Iran n’a pas établi l’existence d’un tel manquement.
iii. Les Etats-Unis n’ont pas refusé de rendre justice à des ressortissants iraniens
ni à des sociétés iraniennes
14.33 Dans la présente sous-section, les Etats-Unis démontrent que pour établir le bien-fondé
d’une allégation de déni de justice, le demandeur doit remplir des conditions rigoureuses et que l’Iran
ne les a remplies à l’égard d’aucune des mesures contestées.
387 Freeman, p. 135 (les italiques sont de nous) (annexe 127).
388 Le paragraphe 1 de l’article 25 de la convention se lit comme suit : «Toute personne a droit à un recours simple
et rapide, ou à tout autre recours effectif devant les juges et tribunaux compétents, destiné à la protéger contre tous actes
violant ses droits fondamentaux reconnus par la Constitution, par la loi ou par la présente Convention, lors même que ces
violations auraient été commises par des personnes agissant dans l’exercice de fonctions officielles.» Convention
américaine relative aux droits de l’homme, RTNU, vol. 1144, 22 novembre 1969, p. 191.
389 Judicial Guarantees in States of Emergency [Garanties judiciaires en situation d’état d’urgence], Advisory
Opinion (OC-9/87), Inter-Am. Ct. H.R. (Ser. A) No. 3, (Ser. A) No. 9, par. 24, 6 octobre 1987 (annexe 170).
390 Ibid. (les italiques sont de nous) (annexe 170).
118
- 113 -
a) Exposé de la norme juridique
14.34 Le déni de justice au «sens coutumier» de l’expression est «un comportement illicite ou
une inaction du pouvoir judiciaire» qui se caractérise par «la violation de droits dans l’administration
de la justice ou la soumission de justiciables à des actes d’injustice par abus de procédure
judiciaire»391. Il se produit, par exemple, lorsque le pouvoir judiciaire d’un Etat se prononce sur une
affaire par un acte définitif «notoirement injuste»392 ou «odieux»393 qui «heurte le sens de la rectitude
judiciaire»394.
14.35 Plus précisément, le déni de justice est constitué lorsque l’on est, par exemple, en
présence d’une «entrave à l’accès aux tribunaux», d’un «manquement à l’obligation de fournir les
garanties généralement considérées comme indispensables à la bonne administration de la justice ou
d’une décision de justice manifestement injuste»395. Une décision de justice est manifestement injuste
lorsqu’elle constitue un acte de parodie de justice ou est monstrueusement injuste396. Pour être
manifestement injuste, la décision doit «constituer un scandale, un acte de mauvaise foi, un
manquement délibéré aux devoirs de sa charge ou le résultat de l’insuffisance des mesures prises par
les pouvoirs publics que reconnaîtrait toute [personne]impartiale»397. Dans d’autres cas, le déni de
justice résulte de la pratique de la corruption dans les procédures judiciaires, de la discrimination ou
de l’hostilité à l’égard des étrangers et des atteintes portées à la liberté ou à l’impartialité des juges
par le pouvoir exécutif ou le pouvoir législatif398. Toutefois, les décisions de justice internes
entachées d’erreur et celles qui sont marquées par une mauvaise application ou une mauvaise
391 Edwin M. Borchard, «Diplomatic Protection of Citizens Abroad or the Law of International Claims» [La
protection diplomatique des nationaux à l’étranger ou le droit des réclamations internationales], p. 330, 1919 (annexe 128) ;
J. L. Brierly, «The Law of Nations», p. 286-287 (Sir Humphrey Waldock, dir. publ., sixième édition), 1963 (annexe 172)
(définissant le déni de justice comme étant «un préjudice commis par une juridiction impliquant la responsabilité de
l’Etat»).
392 Jan Paulsson, «Denial of Justice in International Law», 2005, p. 44 (ci-après, «Paulsson») (citant
J. Irizarry y Puente, «The Concept of «Denial of Justice» in Latin America», Michigan Law Review, vol. 43, p. 406, 1944)
(annexe 173) ; B. E. Chattin (Etats-Unis c. Mexique), RSA, vol. IV, p. 286-287 (Commission des réclamations, 1927)
(annexe 174) («Les actes de l’autorité judiciaire … ne peuvent être considérés comme déficients que si le tort commis
équivaut à un outrage, un acte de mauvaise foi, une négligence délibérée de ses devoirs, ou un défaut d’action aux yeux
d’un observateur impartial.») (Les italiques sont omis.)
393 Paulsson, p. 60 (annexe 173) («D’après le consensus actuel, il est clair que les circonstances factuelles doivent
être lourdes pour que la responsabilité de l’Etat soit mise en jeu à raison d’un déni de justice.»).
394 The Loewen Group, Inc. v. United States, affaire ALENA/CIRDI no ARB(AF)/98/3, sentence, par. 132,
26 juin 2003) (annexe 175) (un déni de justice peut exister dans les cas d’«injustice manifeste due à un non-respect de la
procédure et aboutissant à un résultat contraire à l’opportunité judiciaire») ; Mondev International Ltd. v. United States,
affaire ALENA/CIRDI no ARB(AF)/99/2, sentence, par. 127, 11 octobre 2002 (annexe 176) (concluant que le critère du
déni de justice n’est pas «le caractère surprenant d’une décision mais le fait que le choc ou la surprise occasionnés à un
tribunal impartial conduise, réflexion faite, à des interrogations justifiées sur l’opportunité de l’issue [Finding that the test
for a denial of justice was «not whether a particular result is surprising, but whether the shock or surprise occasioned to an
impartial tribunal leads, on reflection, to justified concerns as to the judicial propriety of the outcome.») ; voir également,
en général, Barcelona Traction, Light and Power Company., Limited (nouvelle requête : 1962) (Belgique c. Espagne),
C.I.J. Recueil 1970, opinion individuelle de M. le juge Tanaka, p. 144 («[I]l y a déni de justice en cas de corruption,
menaces, délais injustifié[]s, abus de procédure flagrant, jugement dicté par le pouvoir exécutif ou si manifestement injuste
qu’aucun tribunal à la fois compétent et probe n’eût pu le rendre … Mais un jugement simplement erroné, voire injuste,
rendu par un tribunal ne saurait constituer un déni de justice…»).
395 Harvard Draft Articles, p. 134 (annexe 169).
396 Harvard Draft Articles, p. 178 (annexe 169) (notant qu’un «jugement manifestement injuste» est un jugement
qualifié de «parodie de justice ou grotesquement injuste»).
397 B. E. Chattin (Etats-Unis c. Mexique), RSA, vol. IV, p. 295 (annexe 174).
398 Harvard Draft Articles, p. 175 (annexe 169).
119
- 114 -
interprétation du droit interne ne constituent pas en elles-mêmes des cas de déni de justice en droit
international coutumier399.
14.36 Dans les conditions rigoureuses qui doivent être réunies pour que des mesures judiciaires
soient considérées comme des cas de déni de justice en droit international coutumier, on tient dûment
compte du principe de l’indépendance de la magistrature400, de la nature particulière de l’action en
justice401 et du statut tout à fait particulier des juges dans l’ordre juridique international et l’ordre
juridique interne. En effet, le droit international coutumier fait obligation aux juridictions
internationales de se ranger à l’avis des juridictions internes chargées d’interpréter le droit interne,
sauf en cas de déni de justice. A cet égard, il est de jurisprudence constante que les juridictions
internationales ne sont pas habilitées à s’ériger en cours d’appel supranationales pour connaître de
l’application judiciaire du droit interne402.
399 Harvard Draft Articles, p. 134 (annexe 169) («Une erreur commise par un tribunal national qui ne produit pas
d’injustice manifeste n’est pas un déni justice.») ; Paulsson, p. 81 (annexe 173) («L’application erronée du droit interne ne
constitue pas, à elle seule, un déni de justice international.») ; Patrick Dumberry, p. 229 (annexe 153) (notant qu’une simple
erreur, une mauvaise interprétation ou une mauvaise application du droit interne ne constitue pas, en soi, un déni de justice) ;
Edwin M. Borchard, «Diplomatic Protection of Citizens Abroad or the Law of International Claims» [La protection
diplomatique des nationaux à l’étranger ou le droit des réclamations internationales], p. 196, 1919 (annexe 128) («[E]n
règle générale, la responsabilité de l’Etat n’est engagée par les actes de ses autorités judiciaires que s’il y a eu injustice
flagrante ou notoire ou déni de justice sanctionné par une instance de dernier ressort.») ; Christopher Greenwood, «State
Responsibility for the Decisions of National Courts», dans «Issues of State Responsibility before International Judicial
Institutions», p. 61 (Malgosia Fitzmaurice & Dan Sarooshi, sous la dir. de, 2004) (annexe 177) («[I]l est établi qu’une
erreur commise par un tribunal ou une irrégularité dans la procédure ne constitue pas, à elle seule, une violation du droit
international ; il doit exister un déni de justice.»).
400 Voir, par exemple, Barcelona Traction, Light and Power Company., Limited (nouvelle requête : 1962) (Belgique
c. Espagne), C.I.J. Recueil 1970, opinion individuelle de M. le juge Tanaka, p. 154-155 («Une des caractéristiques
politiques et juridiques les plus importantes d’un Etat moderne est le principe de l’indépendance judiciaire.»). M. le juge
Tanaka poursuit en expliquant ce qui distingue le pouvoir judiciaire des autres branches du gouvernement est que
«la signification qui s’attache sur le plan social à la fonction du pouvoir judiciaire, chargé en tant que tierce
partie impartiale de résoudre des conflits d’intérêt vital, d’autre part, de la nature hautement scientifique et
technique des questions judiciaires dont la solution exige le recours à des spécialistes d’une conscience
scrupuleuse. Aussi, l’indépendance du pouvoir judiciaire, malgré certaines différences de degré, peut-elle
être considérée comme un principe universellement admis dans la plupart des systèmes juridiques du
monde, tant sur le plan interne que sur le plan international. On peut donc la ranger parmi les «principes
généraux de droit reconnus par les nations civilisées»» (art. 38, par. 1 c) du Statut de la Cour).»
401 Voir, par exemple, Zachary Douglas, «International Responsibility for Domestic Adjudication: Denial of Justice
Deconstructed», International & Comparative Law Quaterly, vol. 63, p. 867, 876 et 878, 2014 (annexe 178) («[La]
rationalité inhérente à la prise de décision par une juridiction, couplée à la possibilité donnée aux parties de présenter des
arguments raisonnés au cours du processus de décision … distingue la décision judiciaire des autres institutions de
régulation sociale au sein de l’Etat» et une décision faisant autorité prise par une juridiction interne «ne saurait être perturbée
par une cour ou un tribunal international au simple motif que cet … organe aurait pu prendre des décisions plus rationnelles.
Le droit international reconnaît les vertus particulières de la décision de justice en respectant l’intégrité du processus et les
issues qu’il produit.» (Les notes de bas de page sont omises.)
402 Apotex Inc. v. United States, ALENA/CNUDCI, sentence, par. 278, 14 juin 2013 (annexe 179) («[L]e rôle d’un
tribunal international établi en application du chapitre 11 de l’ALENA n’est pas de se substituer à la Cour suprême des
Etats-Unis ou de se comporter comme une cour d’appel supranationale.») ; Robert Azinian et. al. v. United Mexican States,
affaire CIRDI no ARB(AF)/97/2, sentence, par. 99, 1er novembre 1999 (annexe 161)
«La possibilité que la responsabilité internationale d’un Etat puisse être engagée à raison de
décisions de ses juridictions n’autorise toutefois pas un plaignant à demander un réexamen international
des décisions des tribunaux nationaux comme si la juridiction internationale avait pleine compétence en
tant que juridiction d’appel. Ce n’est le cas ni en général ni dans le cadre de l’ALENA. Ce qu’il faut montrer,
c’est que la décision elle-même constitue une violation du traité. Même si les demandeurs parvenaient à
convaincre ce tribunal arbitral que les juridictions mexicaines ont eu tort au sujet de l’invalidité du contrat
de concession, cela ne permettrait pas, en soi, de conclure à une violation de l’ALENA. Cela ne suffirait
pas : les demandeurs doivent établir, soit un déni de justice, soit un détournement de la forme dont la finalité
est contraire au droit international.»
120
- 115 -
14.37 Il est également bien établi que la responsabilité internationale de l’Etat ne peut être
invoquée à l’égard des actes juridictionnels non définitifs403, sauf dans les cas où l’exercice de voies
de recours internes supplémentaires serait de toute évidence vain ou manifestement inefficace.
Certes, les faits des organes de l’Etat, y compris ceux de ses organes judiciaires, peuvent lui être
attribués404, mais des actes juridictionnels (tel que le déni de justice) ne peuvent constituer des
violations du paragraphe 1 de l’article IV que si le système judiciaire de l’Etat dans son ensemble
(c’est-à-dire jusqu’à la juridiction ayant statué en dernier ressort) a produit un déni de justice405,406.
b) L’allégation de déni de justice formulée par l’Iran ne peut prospérer
14.38 L’Iran prétend que les Etats-Unis ont manqué à l’obligation de ne pas refuser de rendre
justice aux sociétés iraniennes et invoque quatre moyens à cet égard, mais il ne consacre qu’une seule
et unique phrase à chacun de ces moyens407. Comme on le verra ci-après, l’Iran n’a établi l’existence
d’un déni de justice dans aucun des quatre moyens.
Voir également Barcelona Traction, Light and Power Company., Limited (nouvelle requête : 1962) (Belgique c. Espagne),
C.I.J. Recueil 1970, opinion individuelle de M. le juge Tanaka, p. 158 (expliquant que des décisions erronées prononcées
par des tribunaux nationaux ne sauraient constituer un déni de justice car l’interprétation du droit national
«est étrangère au domaine du droit international. Si un tribunal international devait connaître de ces
questions et vérifier la régularité des décisions des tribunaux nationaux, il agirait comme une «cour de
cassation», le tribunal le plus élevé du système juridique national. Or un tribunal international appartient à
un ordre entièrement différent ; sa fonction est de traiter des affaires internationales, non des affaires
internes.»).
Voir aussi Mohammad Ammar Al Bahloul v. Republic of Tajikistan, SCC Case No. V(064/2008), sentence partielle sur la
compétence et la responsabilité, par. 237, 2 septembre 2009) (annexe 180) («[L]e rôle de ce tribunal n’est pas de se
prononcer en appel sur des questions relatives au droit tadjik. Nous nous limiterons à dire que nous ne constatons pas que
le tribunal tadjik ait commis une malveillance ou une erreur manifeste dans l’application du droit tadjik et que, par
conséquent, nous ne trouvons pas de fondement à la revendication de déni de justice par le demandeur.») ; Paulsson, p. 82
(annexe 173).
403 Voir Paulsson, p. 108 (annexe 173) («Pour qu’une demande internationale formée par un étranger mérite la
qualification de déni de justice, il faut que l’ordre judiciaire national ait été sollicité. Ses carences perçues ne sauraient
constituer un fait illicite sur le plan international s’il n’a pas eu l’occasion de se corriger.») ; Douglas, p. 868 (annexe 178)
(«[L]a responsabilité internationale à l’égard des ressortissants étrangers pour les actes et les omissions associés à une
procédure de décision ne peut être engagée qu’après que la décision finale a été rendue ; c’est alors seulement que l’un des
éléments constitutifs de cette responsabilité est constitué : l’existence d’un préjudice pour le ressortissant étranger.»).
404 Nations Unies, Commission du droit international, Projet d’articles sur la responsabilité des Etats pour faits
internationalement illicites, art. 44, 2001 (annexe 181) («Le comportement de tout organe de l’Etat est considéré comme
un fait de l’Etat d’après le droit international, que cet organe exerce des fonctions législative, exécutive, judiciaire ou autres,
quelle que soit la position qu’il occupe dans l’organisation de l’Etat, et quelle que soit sa nature en tant qu’organe du
gouvernement central ou d’une collectivité territoriale de l’Etat.»).
405 Ibid., Projet d’articles sur la responsabilité des Etats pour faits internationalement illicites et commentaires y
relatifs, chap. II, commentaire 4, doc. A/56/10 (annexe 182) (notant que le fait qu’un acte soit imputable à l’Etat «ne permet
pas en soi de déterminer s’il est licite ou illicite») (les italiques sont de nous) ; James Crawford (rapporteur spécial sur la
responsabilité des Etats), Nations Unies, deuxième rapport sur la responsabilité des Etats, par. 75, doc. A/CN.4/498,
19 juillet 1999 (annexe 183) («Il y a aussi des cas dans lesquels l’obligation consiste à avoir un système d’une certaine
sorte, par exemple l’obligation d’assurer un système judiciaire équitable et efficace. La question de la violation dépend
alors de la prise en considération du système et une décision irrégulière d’un fonctionnaire subalterne qui peut être
reconsidérée ne constitue pas en elle-même un acte illégal.») (Les italiques sont dans l’original.)
406 A cet égard, la nécessité d’épuiser les recours internes pour invoquer un déni de justice est un impératif qui pèse
sur le demandeur quant au fond, à la différence de l’impératif d’épuisement évoqué précédemment au chapitre 10, qui est
un impératif procédural nécessaire pour introduire une demande. The Loewen Group, Inc v. United States of America,
affaire ALENA/CIRDI no ARB(AF)/98/3, sentence, par. 143 et 156, (26 juin 2003) (annexe 175).
407MI, par. 5.46.
121
- 116 -
14.39 Premièrement, l’Iran affirme que la banque Markazi a été privée du droit d’invoquer
avec succès des moyens de défense tirés des immunités408. Comme il a été vu au chapitre 2, la Cour
a rejeté cet argument dans son arrêt sur les exceptions préliminaires, expliquant que «la Cour ne
considère pas que les exigences du paragraphe 1 de l’article IV englobent une obligation de respecter
les immunités souveraines de l’Etat et celles de ses entités qui peuvent prétendre à de telles immunités
en vertu du droit international coutumier»409. Cet argument relatif au déni de justice doit donc être
écarté pour défaut de compétence. De fait, la Cour ayant statué que le paragraphe 1 de l’article IV ne
comprend pas d’obligations relatives aux immunités souveraines de l’Iran410, aucune des dispositions
des lois invoquées par l’Iran qui traitent des immunités souveraines ne peut fonder son allégation de
violation du paragraphe 1 ou du paragraphe 2 de l’article IV411.
14.40 Les deuxième et troisième moyens avancés par l’Iran sont liés. L’Iran affirme que
certaines sociétés iraniennes se sont vu privées du droit d’invoquer avec succès des moyens de
défense tirés de la reconnaissance de leur personnalité juridique distincte412 et qu’elles ont été
«rendues responsables» des actes illicites de l’Etat iranien dans des procédures auxquelles elles
n’étaient pas partie413. Premièrement, d’un point de vue technique, les sociétés concernées ne se sont
pas vu imputer la responsabilité attribuée à l’Etat iranien ; les mesures en question avaient pour seul
effet de permettre la saisie-exécution des actifs de ces sociétés pour donner effet à la responsabilité
de l’Etat iranien retenue dans des décisions de justice relatives au terrorisme. Quoiqu’il en soit, l’Iran
n’a pas démontré en quoi l’application par les tribunaux américains d’une législation permettant la
saisie d’actifs des établissements et organismes d’un Etat soutenant le terrorisme tel que lui pour
exécuter une décision prononcée contre ledit Etat en matière de terrorisme constituerait un déni de
justice. Plus précisément, l’Iran n’a pas montré qu’une seule des procédures qu’il conteste constitue
i) une entrave à l’accès aux tribunaux ; ii) un manquement à l’obligation d’assurer les garanties
généralement considérées comme indispensables à la bonne administration de la justice ou iii) une
décision manifestement injuste. Il ne le pouvait d’ailleurs pas.
14.41 Bien au contraire, l’Iran a recruté des conseils américains et a présenté des arguments
que les tribunaux ont minutieusement examinés, comme en attestent leurs décisions. L’Iran le
méconnaît et se contente d’invoquer des arguments généraux qui ne tiennent pas compte des faits
particuliers de la cause. Par exemple, il ne reconnaît pas que les tribunaux américains ont refusé
d’ordonner la saisie dans certains affaires, telles que l’affaire Rubin v. Islamic Republic of Iran portée
devant le tribunal fédéral du district nord de l’Etat de l’Illinois (tribunal de première instance). Dans
l’affaire Rubin, les demandeurs demandaient la saisie de biens consistant dans des objets d’art
détenus par l’Université de Chicago pour exécuter un jugement par défaut prononcé contre l’Iran. En
application de la législation américaine pertinente, et notamment de certaines des mesures d’où l’Iran
tire ses prétentions, le tribunal, statuant en faveur de l’Iran, n’avait pas fait droit à la demande de
408 MI, par. 5.46, al. a).
409 Arrêt sur les exceptions préliminaires, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 33, par. 74.
410 Ibid., p. 33, par. 74, et p. 34-35, par. 80.
411 Ainsi, les dispositions relatives à l’immunité contenues dans les lois suivantes que l’Iran conteste ne font plus
partie de la demande de l’Iran : i) loi fédérale américaine de 1996 sur la lutte contre le terrorisme et l’application effective
de la peine de mort [Antiterrorism and Effective Death Penalty Act] (MI, par. 2.4-2.8) ; ii) loi sur l’assurance contre les
risques associés au terrorisme [Terrorism Risk Insurance Act, ou «TRIA»]) (ibid., par. 2.11-2.15) ; iii) la loi sur le budget
de la défense nationale pour l’exercice 2008 [2008 National Defense Authorization Act, ou «NDAA 2008»] (ibid.,
par. 2.16-2.33) ; et iv) loi américaine de 2012 sur la réduction de la menace iranienne et les droits de l’homme en Syrie
[Iran Threat Reduction and Syria Human Rights Act] (ibid., par. 2.38-2.43).
412MI, par. 5.46, al. b).
413 Ibid., par. 5.46, al. c).
122
123
- 117 -
saisie414. Les demandeurs avaient interjeté appel devant la cour d’appel fédérale du septième circuit,
laquelle avait de nouveau statué en faveur de l’Iran415. Enfin, les demandeurs avaient formé un
pourvoi devant la Cour suprême des Etats-Unis, dont la décision avait une fois de plus été favorable
à l’Iran, et les biens avaient par la suite été réacheminés en Iran416. Il est inconcevable que l’affaire
Rubin puisse donner lieu à une allégation de déni de justice ; pourtant l’Iran tire un grief de cette
affaire (comme en atteste le fait que l’Iran l’invoque dans sa pièce jointe 2).
14.42 L’Iran n’a cité aucun précédent jurisprudentiel ni aucun texte portant à croire que
constitue un déni de justice le fait d’autoriser des demandeurs bénéficiaires de décisions de justice
condamnant un Etat soutenant le terrorisme tel que lui de saisir les actifs d’un établissement ou
organisme de cet Etat pour exécuter lesdites décisions.
14.43 Au contraire, la forme sociale n’est pas inviolable, comme la Cour l’a dit en l’affaire
Barcelona Traction lors de l’examen d’une prétention intéressant la protection diplomatique :
«Il s’est trouvé parfois que la forme de la société anonyme et sa personnalité
morale n’aient pas été employées aux seules fins initialement prévues ; parfois la société
anonyme n’a pu protéger les droits de ceux qui lui confiaient leurs ressources
financières. Il en est inévitablement résulté un risque d’abus, comme cela a été le cas
pour bien d’autres institutions juridiques. Là comme ailleurs, le droit a dû devant la
réalité économique prévoir des mesures protectrices et des recours, aussi bien dans
l’intérêt de ceux qui font partie de la société que de ceux qui, se situant au dehors, ont
à traiter avec elle : le droit a reconnu que l’existence indépendante de la personnalité
morale ne saurait être considérée comme un absolu. C’est dans cette perspective que
l’on a estimé justifié et équitable de «lever le voile social» ou de «faire abstraction de
la personnalité juridique» dans certaines circonstances ou à certaines fins. Les
nombreux précédents du droit interne montrent que le voile est levé, par exemple, pour
empêcher qu’on abuse des privilèges de la personne morale, comme dans des cas de
fraude ou d’agissements coupables, pour protéger des tiers tels que le créancier ou
l’acheteur, ou pour assurer le respect de prescriptions légales ou d’obligations.»417
14.44 De fait, les systèmes de common law comme les systèmes de droit romano-germanique
autorisent la levée du voile social418. Comme l’écrit Albert Badia (avocat en Espagne et sollicitor en
Angleterre et au pays de Galles) dans son traité intitulé «Piercing the Veil of State Enterprises in
International Arbitration», la levée du voile est appliquée de longue date en droit interne419, non
414 Rubin v. Islamic Republic of Iran, «Federal Supplement», vol. 33, série 3, p. 1005-1006 (tribunal fédéral du
district nord de l’Illinois, 2014) (annexe 184).
415 Rubin. v. Islamic Republic of Iran, «Federal Reporter», vol. 830, série 3, p. 489, septième circuit, 2016
(annexe 185).
416 Rubin v. Islamic Republic of Iran, «Supreme Court Reporter», vol. 138, p. 827, 2018 (annexe 75). A la date où
l’Iran a soumis son mémoire, les deux premières juridictions avaient statué en faveur de l’Iran, mais la Cour suprême ne
s’était pas encore prononcée. Maintenant que la Cour suprême a statué en faveur de l’Iran, les Etats-Unis s’attendent à ce
que l’Iran retire toutes ses demandes relatives au procès Rubin.
417 Barcelona Traction, Light and Power Company., Limited (nouvelle requête : 1962) (Belgique c. Espagne),
C.I.J. Recueil 1970, p. 38-39, par. 56 (les italiques sont de nous).
418 Cheng-Han Tan et al., «Piercing the Corporate Veil: Historical, Theoretical, & Comparative Perspectives»,
Berkeley Business Law Journal, vol. 16, 2019, p. 140-141 (annexe 140) (concernant la levée du voile social en Angleterre,
à Singapour, en Allemagne, en Chine et aux Etats-Unis) ; Albert Badia, «Piercing the Veil of State Enterprises in
International Arbitration», p. 48-49, 2014 (annexe 186).
419 Badia, p. 55-59 (annexe 186).
124
- 118 -
seulement par les tribunaux, mais également par le législateur420. En droit interne, «[l]a notion de
«levée du voile social» relève par essence de l’équité et les tribunaux lèvent le voile social «pour
assurer la justice et l’équité, pour empêcher la fraude ou d’autres actes illicites ou y remédier, ou
pour imposer une juste responsabilité»421. Quand le voile est levé, les actifs d’une entité peuvent être
utilisés pour donner effet à une responsabilité découlant des méfaits d’une autre entité422, et c’est ce
que les mesures américaines en cause autorisaient.
14.45 Dans le cas présent, les mesures prises par les Etats-Unis permettent aux victimes d’actes
de terrorisme d’obtenir réparation en autorisant la saisie d’actifs appartenant à des établissements et
organismes propriété de l’Etat pour exécuter des décisions de justice prononcées contre des Etats
soutenant le terrorisme, en l’occurrence l’Iran. Comme on l’a vu au chapitre 5, l’Iran a soutenu et
dirigé des actes de terrorisme visant des ressortissants et des intérêts américains. Il n’a pas apporté
réparation aux victimes de ces actes et a cherché à éluder sa responsabilité. L’Iran n’a pas comparu
aux procès qui ont donné lieu aux décisions retenant sa responsabilité ni versé la moindre fraction
des créances judiciaires de ses victimes. Dans ces circonstances, il était raisonnable et légitime de
permettre aux victimes bénéficiaires de décisions de justice relatives au terrorisme prononcées contre
l’Iran de saisir les actifs d’établissements et organismes iraniens «pour assurer la justice et l’équité,
pour empêcher la fraude ou d’autres actes illicites ou y remédier, ou pour imposer une juste
responsabilité»423.
14.46 Le quatrième et dernier moyen présenté par l’Iran pour tenter d’établir son allégation de
déni de justice est tiré de ce qu’il aurait été privé rétroactivement de la possibilité d’invoquer trois
moyens de défense (autorité de la chose jugée, prescription et préclusion découlant d’une question
déjà tranchée (collateral estoppel)) devant les juridictions américaines424. Avant d’entrer dans le vif
du sujet, il convient de relever que ces moyens de défense n’ont été écartés que dans la mesure où ils
étaient invoqués dans le cadre d’une action relevant de l’article 1605A du titre 28 du code des
Etats-Unis relatif à l’immunité des Etats étrangers, comme le reconnaît expressément l’Iran425. Cette
disposition prévoit une exception au principe de l’immunité de juridiction devant les juridictions
américaines pour les Etats soutenant le terrorisme. Le moyen en cause ne peut donc plus être invoqué
dans le cadre des prétentions de l’Iran, d’autant plus que la Cour a déjà jugé que les immunités
souveraines n’entraient pas dans le champ d’application du paragraphe 1 de l’article IV426.
14.47 Quoiqu’il en soit, l’Iran n’a pas indiqué ce qui l’autorisait à soutenir que le droit
international coutumier faisait obligation à l’Etat de garantir les trois moyens de défense en question
aux plaideurs en matière de déni de justice ou dans tout autre domaine. En outre, le seul fait qu’une
mesure soit rétroactive ne signifie pas qu’elle constitue un déni de justice.
420 Badia, p. 58 (annexe 186).
421 In re Cambridge Biotech Corp., «Federal Reporter», vol. 186, série 3, p. 1376 (cour d’appel du circuit federal,
1999) (citant William M. Fletcher, Fletcher Cyclopedia of the Law of Private Corporations, p. 598-601, 603, par. 41.20
(Perm. Ed. 1999) (annexe 187).
422 Cheng-Han Tan et al., «Piercing the Corporate Veil: Historical, Theoretical, & Comparative Perspectives»,
Berkeley Business Law Journal, vol. 16, 2019, p. 140-141 (annexe 140).
423 In re Cambridge Biotech Corp., «Federal Reporter», vol. 186, série 3, p. 1376 (annexe 187).
424 MI, par. 5.46, al. d).
425 Ibid., par. 2.26 (s’appuyant sur la loi sur le budget de la défense nationale pour l’exercice 2008 (NDAA 2008),
et notant (à juste titre) que cette disposition est applicable dans les affaires relatives à la FSIA).
426 Arrêt sur les exceptions préliminaires, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 33, par. 74, et p. 34-35, par. 80.
125
- 119 -
14.48 On en trouve la preuve en l’affaire National & Provincial Building Society et al.
c. United Kingdom portée devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), qui a rejeté
les prétentions de trois building societies alléguant que par une loi rétroactive concernant les taux
d’imposition, le Royaume-Uni i) les avait privées, en violation du paragraphe 1 de l’article 6 de la
convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après, la
«convention»), de leur droit d’avoir accès à un tribunal pour qu’il décide de leurs droits de caractère
civil427 ; ii) avait cherché à légitimer une dépossession en les privant de leur droit de recouvrer les
sommes dont elles avaient été dépossédées, au mépris de l’article 1 du premier protocole additionnel
à la convention428, et iii) avait également violé ces deux dispositions conjointement avec l’article 14
de la convention, qui dispose que la jouissance des droits reconnus par la convention doit être assurée
sans distinction aucune429. S’agissant de cette dernière allégation, les trois building societies ont
relevé qu’une quatrième building society ne s’était pas vu appliquer la loi rétroactive en cause430 alors
qu’elle se trouvait dans une situation matériellement identique à la leur. Les trois building societies
ont par conséquent fait valoir que le Royaume-Uni avait violé l’article 14 (non-discrimination)
conjointement avec le paragraphe 1 de l’article 6 et l’article 1 du premier protocole431.
14.49 La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a rejeté l’ensemble de ces
allégations432, malgré le fait que les trois building societies avaient intenté des actions, y compris une
action en contrôle juridictionnel, avant l’entrée en vigueur de la loi britannique433. Elle a jugé que les
autorités britanniques avaient des «motifs d’intérêt général … impérieux» d’adopter la loi en cause,
car la contestation des mesures en question avait «engendré une incertitude quant aux recettes
substantielles levées»434. De plus, elle a jugé que la disposition du paragraphe 1 de l’article 6 selon
laquelle «[t]oute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement [et]
publiquement … par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi»435 ne saurait s’interpréter
comme interdisant toute intervention législative par les pouvoirs publics alors qu’une procédure
judiciaire est pendante436.
14.50 En somme, les mesures contestées n’ont pas entraîné de déni de justice à l’égard des
sociétés iraniennes. Là encore, l’Iran n’a pas établi que le fait d’apporter réparation à des victimes
d’actes terroristes détenant des créances judiciaires non réglées sur un Etat soutenant le terrorisme
en leur permettant d’exécuter les décisions de justice dont elles sont bénéficiaires sur les biens des
établissements et organismes de cet Etat constitue un déni de justice.
427 Voir National & Provincial Building Society et al. c. Royaume-Uni (117/1996/736/933-935), arrêt, 23 octobre
1997, par. 93 (annexe 188).
428 Ibid., par. 52 (annexe 188).
429 Ibid., par. 49 (annexe 188).
430 Ibid., par. 33-34 (annexe 188).
431 Ibid., par. 84-85, 114-115 (annexe 188).
432 Ibid., par. 39 (annexe 188).
433 Ibid., par. 31-32, 38-41 (annexe 188).
434 Ibid., par. 112 (annexe 188).
435 Ibid., par. 93 (annexe 188).
436 Ibid., par. 112 (annexe 188).
126
- 120 -
iv. Quoi qu’il en soit, les mesures prises par les Etats-Unis n’étaient ni arbitraires
[déraisonnables] ni discriminatoires, et les ressortissants et sociétés de l’Iran
ont eu accès à des voies d’exécution efficaces pour faire valoir
leurs droits contractuels légitimement nés
14.51 A supposer même que les deuxième et troisième clauses du paragraphe 1 de l’article IV
puissent s’interpréter comme des obligations autonomes (plutôt que comme des composantes de
l’obligation de refuser de rendre justice), comme le soutient l’Iran, les demandes de ce dernier
seraient toujours rejetées, puisque les mesures contestées n’étaient ni arbitraires [déraisonnables] ni
discriminatoires, et que les ressortissants et sociétés de l’Iran ont bénéficié de voies d’exécution
efficaces pour faire valoir leurs droits contractuels légitimement nés, comme on le verra ci-après.
a) Les mesures américaines n’étaient pas arbitraires [déraisonnables] : elles constituaient une
réponse pacifique au soutien apporté par l’Iran à des actes de terrorisme violents
14.52 Les mesures américaines n’étaient en aucun cas arbitraires [déraisonnables]. Comme il
a été expliqué en détail au chapitre 5, l’Iran a coutume de soutenir des attentats terroristes à la bombe,
des assassinats, des enlèvements et des détournements d’avions et d’apporter son appui, notamment
financier, à des actes de terrorisme visant spécialement des ressortissants et des intérêts américains.
Les actes de violence soutenus et dirigés par l’Iran ont fait de nombreuses victimes américaines. Les
victimes et leurs familles ont en définitive bénéficié de décisions de justice condamnant l’Iran, mais
ce dernier s’est opposé à l’exécution desdites décisions. Les mesures américaines dont l’Iran tire
grief constituent une réaction mesurée au soutien qu’il a apporté à ces actes de violence et à son
manquement à l’obligation de s’acquitter de sa dette judiciaire, réaction qui a permis aux victimes
d’obtenir réparation des préjudices causés par le comportement de l’Iran.
14.53 L’Iran ne tente que très sommairement de démontrer le contraire dans son mémoire.
L’argument qu’il tire du caractère arbitraire [déraisonnable] des mesures contestées n’est guère
différent de celui qu’il a tiré du principe de «traitement juste et équitable», à savoir que les Etats-Unis
lui ont appliqué un traitement particulier i) en le privant de la possibilité d’invoquer des moyens de
défense tirés des immunités ; et ii) en méconnaissant la personnalité juridique distincte de ses
établissements et organismes437. Premièrement, concernant les immunités, la Cour a déjà statué que
le paragraphe 1 de l’article IV ne garantissait pas les immunités souveraines, et l’impossibilité
d’invoquer un moyen de défense tiré des immunités ne peut donc servir de base pour alléguer la
violation de cet article438. Deuxièmement, il n’y a rien d’arbitraire [de déraisonnable] à permettre aux
victimes d’actes de terrorisme commis avec le soutien de l’Iran de saisir les actifs de ses
établissements et organismes pour exécuter les décisions de justice régulièrement prononcées contre
lui dès lors qu’il a lui-même refusé d’exécuter ces décisions ou d’indemniser ses victimes de toute
autre manière. Troisièmement, comme on le verra dans le point suivant, les Etats-Unis ont réservé
aux entités propriété de l’Etat en question en l’espèce non pas un traitement singulier ou sur mesure,
mais le même traitement qu’ils appliquent aux établissements et organismes d’autres Etats soutenant
le terrorisme.
437 MI, par. 5.48.
438 L’Iran a également soutenu que les mesures américaines étaient arbitraires parce qu’elles avaient eu pour
conséquence de soumettre des sociétés iraniennes à des procédures d’exécution hors du territoire des Etats-Unis (MI,
par. 5.44, al. e). Si tant est que ces actions aboutissent, cela montre simplement que la communauté internationale considère
que la décision dont l’Iran tire grief est valable. En tout état de cause, l’Iran se plaint de mesures prises par d’autres Etats,
desquelles les Etats-Unis ne sauraient être tenus responsables. Voir Bridgestone Licensing Service & Bridgestone
Americas v. Panama, affaire CIRDI no ARB/16/34, décision sur les exceptions en procédure accélérée, p. 352-354,
13 décembre 2017 (annexe 189).
127
- 121 -
b) Les mesures américaines n’étaient pas discriminatoires : les sociétés de tous les Etats
soutenant le terrorisme peuvent voir utiliser leurs actifs pour exécuter des décisions de
justice condamnant l’Etat
14.54 Les mesures contestées par l’Iran avaient pour objectif de principe de permettre aux
victimes d’actes de terrorisme d’obtenir réparation de leurs préjudices. L’Iran a beau prétendre que
ses sociétés ont fait l’objet d’un traitement «singulier», «sur mesure» ou «discriminatoire» ou ont été
«pris[es] pour cible», il n’en est absolument rien. Par exemple, l’une des mesures dont l’Iran tire
grief est la loi sur l’assurance contre les risques associés au terrorisme [Terrorism Risk Insurance
Act] ; or cette loi ne s’applique pas uniquement à l’Iran, mais à toute «partie terroriste»439, expression
qui s’entend d’un terroriste, d’une organisation terroriste (selon la définition donnée à cette
expression dans la loi sur l’immigration et la nationalité [Immigration and Nationality Act]) ou d’un
Etat étranger qualifié d’Etat soutenant le terrorisme440. De même, la loi sur le budget de la défense
nationale pour l’exercice 2008 [National Defense Authorization Act for Fiscal Year 2008] s’applique
à tous les Etats soutenant le terrorisme et non pas exclusivement à l’Iran441.
14.55 De fait, pour l’application des dispositions américaines autorisant la saisie des actifs des
établissements et organismes pour exécuter les décisions de justice prononcées contre les Etats
soutenant le terrorisme, les Etats-Unis appliquent aux établissements et organismes iraniens le même
traitement qu’aux établissements et organismes des autres Etats soutenant le terrorisme442. Les
établissements et organismes iraniens sont soumis aux mêmes dispositions législatives qui
définissent le cadre juridique permettant de saisir des actifs pour exécuter les décisions de justice
prononcées contre des parties terroristes en général et des Etats soutenant le terrorisme en particulier.
14.56 La seule exception à cette règle est l’article 502 de la loi de 2012 sur la réduction de la
menace iranienne et les droits de l’homme en Syrie [Iran Threat Reduction and Syria Human Rights
Act of 2012], qui ne s’applique à aucun Etat soutenant le terrorisme autre que l’Iran. L’objectif de
principe de cette mesure était toutefois le même que celui de toutes les autres mesures en cause, à
savoir permettre aux victimes d’actes terroristes d’obtenir réparation auprès des parties terroristes.
L’article 502 constituait un élément du régime juridique général et au nombre des circonstances ayant
conduit à l’adoption de la loi susvisée figuraient des questions relatives au droit de l’Etat de
New York qui n’intéressaient que les actifs en cause dans l’affaire Peterson et les pratiques
financières trompeuses de l’Iran, notamment celles ayant trait aux actifs visés dans ladite affaire. La
mesure n’était pas nécessaire pour obtenir réparation en faveur des victimes d’autres parties
terroristes et rien ne permet de penser qu’une mesure similaire n’aurait pas été appliquée à d’autres
parties terroristes qui se seraient trouvées dans une situation analogue.
14.57 De plus, il est incontesté qu’un traitement différencié ne constitue pas toujours un acte
de discrimination. L’Iran l’a reconnu dans son mémoire en ces termes : «[I]il importe de bien faire
439 TRIA, art. 201, par. a) (MI, annexe 13).
440 Ibid., par. d), al. 4) (MI, annexe 13).
441 NDAA 2008, art. 1083 (modifiant le titre 28 du code des Etats-Unis en y ajoutant l’article 1605A, qui s’applique
à tout Etat désigné comme Etat soutenant le terrorisme) (MI, annexe 15).
442 L’égalité de traitement de l’Iran avec les autres Etats soutenant le terrorisme est illustrée par l’exemple de
l’affaire Weininger v. Fidel Castro, dans laquelle un tribunal de district américain a statué que les décisions prononcées à
la défaveur de la République de Cuba (désigné à l’époque comme Etat soutenant le terrorisme) pouvaient être appliquées
contre les établissements et organismes de Cuba, «Federal Supplement», vol. 462, série 2, p. 495-497, tribunal fédéral du
district sud de l’Etat de New York, 2006 (annexe 193).
128
129
- 122 -
la distinction entre «discrimination» et «traitement différencié». … [L]e traitement différencié d’un
investisseur étranger ne doit pas être fondé sur des distinctions ou des exigences déraisonnables.»443
14.58 Dans l’interprétation du terme «discriminatoire», des tribunaux arbitraux statuant sur
des différends opposant des investisseurs à des Etats ont également conclu que les traitements
différenciés ne constituaient pas toujours des actes de discrimination. Selon l’un deux, «[l]e fait de
traiter différemment diverses catégories de sujets ne constitue pas un traitement inéquitable»444. Pour
rejeter une allégation de discrimination, un autre a donné la motivation suivante : «Le tribunal ne
constate dans le traitement réservé aux demandeurs aucune différenciation fantaisiste, irrationnelle
ou absurde par rapport à celui appliqué à d’autres entités ou à d’autres secteurs»445.
14.59 En l’espèce, la catégorie de sujets de départ se compose de l’ensemble des parties
terroristes, telles que définies plus haut. Au sein de ce groupe, les Etats qualifiés d’Etats soutenant le
terrorisme sont soumis à un régime juridique différent de celui des autres Etats en matière d’immunité
de juridiction. On retrouve cette même différence dans la loi NDAA 2008 [National Defense
Authorization Act for Fiscal Year 2008], qui s’applique à tous les Etats soutenant le terrorisme (et
non pas seulement à l’Iran) et poursuit le même objectif que celui prévu pour toutes les parties
terroristes, à savoir les contraindre à indemniser leurs victimes.
c) L’Iran n’a pas établi que les mesures américaines avaient privé ses sociétés de voies
d’exécution efficaces pour faire valoir leurs droits contractuels
14.60 Enfin, s’agissant de la clause du paragraphe 1 de l’article IV relative aux «voies
d’exécution efficaces», l’Iran n’a guère donné d’indications sur ce qu’elle exigerait de faire si elle
énonçait en réalité une obligation autonome et non pas une composante de l’obligation de ne pas
refuser de rendre justice. Selon l’Iran, cette clause «n’est pas une simple reformulation de
l’interdiction du déni de justice», mais «une disposition de portée plus large prescrivant un cadre
juridique qui favorise réellement des voies d’exécution conformes aux lois applicables»446. L’Iran ne
précise toutefois pas en quoi elle posséderait une «portée plus large» que la protection contre le déni
de justice prévue par le droit international coutumier. Quoi qu’il en soit, quand bien même la Cour
conviendrait avec l’Iran qu’elle possède, d’une manière ou d’une autre, une portée plus large que la
protection contre le déni de justice, l’Iran serait toujours tenu d’établir l’existence de chacun des
éléments de la clause en l’espèce à la lumière du sens ordinaire de son libellé. Plus précisément,
l’Iran doit 1) déterminer les droits contractuels en cause ; 2) prouver qu’une société iranienne
possède ces droits ; 3) démontrer que ces droits sont conformes au droit américain ; et 4) prouver que
la société iranienne a tenté de faire valoir ces droits dans une action intentée devant des juridictions
américaines et en a été empêchée en raison de l’une des mesures contestées. Il ne l’a pas fait.
14.61 Pour conclure l’analyse du paragraphe 1 de l’article IV, les Etats-Unis font valoir que
l’Iran interprète à tort cette disposition comme offrant une série de protections qui ne relèvent en
réalité pas du standard minimum de traitement du droit international coutumier. Il ressort de leur
juste interprétation que les trois clauses de ce paragraphe se limitent à faire obligation à chaque partie
de ne pas commettre de déni de justice à l’égard des sociétés et ressortissants de l’autre partie. L’Iran
443 MI, par. 5.31.
444 Metalpar S.A. & Buen Aire S.A. v. Argentine Republic, affaire CIRDI no ARB/03/5, sentence, par. 162, 6 juin
2008 (sur l’interprétation du traité bilatéral d’investissement entre le Chili et l’Argentine) (annexe 191).
445 Enron Corp. & Ponderosa Assets, L.P. v. Argentine Republic, affaire CIRDI no ARB/01/3, sentence, par. 282,
22 mai 2007 (sur l’interprétation du traité bilatéral d’investissement entre les Etats-Unis d’Amérique et l’Argentine)
(annexe 192).
446 MI, par. 5.41.
130
- 123 -
n’ayant pas démontré que l’une quelconque des mesures contestées remplissait les conditions
rigoureuses requises pour établir l’existence d’un déni de justice, les demandes qu’il tire du
paragraphe 1 de l’article IV doivent être rejetées. De toute façon, à supposer même que la Cour
convienne avec lui que les deuxième et troisième clauses du paragraphe 1 de l’article IV créent des
obligations autonomes qui viennent s’ajouter à l’obligation de ne pas refuser de rendre justice, l’Iran
n’a pas établi que l’une quelconque des mesures contestées était contraire à ces obligations.
SECTION C
LES ETATS-UNIS N’ONT PAS VIOLÉ LE PARAGRAPHE 2 DE L’ARTICLE IV
14.62 Pour ce qui est du paragraphe 2 de l’article IV, l’Iran tire de chacune de ses deux
branches des demandes sans fondement. Premièrement, il affirme que les mesures prises par les
Etats-Unis constituent des manquements à l’obligation qui leur incombe d’assurer aux sociétés
iraniennes «la protection et la sécurité les plus constantes»447. Deuxièmement, il affirme que ces
mesures constituent des expropriations réalisées sans respecter les conditions imposées par le
paragraphe 2 de l’article IV448. Comme on le verra ci-après, ces deux allégations reposent sur une
mauvaise interprétation du paragraphe 2 de l’article IV. En particulier, l’Iran voudrait que la Cour
interprète l’obligation d’assurer «la protection et la sécurité les plus constantes» comme interdisant
toute modification de l’ordonnancement juridique d’une partie qui pourrait avoir une incidence sur
des biens, un domaine très éloigné du champ d’application courant de ce type de disposition, qui est
la protection des biens contre des dommages physiques. L’Iran interprète également à tort la branche
du paragraphe 2 de l’article IV relative aux expropriations comme une interdiction des mesures en
question en l’occurrence, alors qu’elles appartiennent au contraire à une catégorie de mesures
réglementaires non-discriminatoires qui ne sont habituellement pas considérées comme des actes
d’expropriation. Enfin, s’agissant des deux branches du paragraphe 2 de l’article IV, l’Iran avance
principalement des assertions dénuées de fondement qui ne suffisent pas à établir l’existence d’une
violation lors de l’application du texte du traité aux mesures contestées. En conséquence, la Cour
doit rejeter les demandes de l’Iran fondées sur le paragraphe 2 de l’article IV.
14.63 Le texte du paragraphe 2 de l’article IV est libellé comme suit :
«La protection et la sécurité des biens appartenant aux ressortissants et aux
sociétés de l’une des Hautes Parties contractantes, y compris les participations dans des
biens, seront assurées de la manière la plus constante dans les territoires de l’autre Haute
Partie contractante, et ne seront inférieures en aucun cas aux normes fixées par le droit
international. Lesdits biens ne pourront être expropriés que pour cause d’utilité publique
et moyennant le paiement rapide d’une juste indemnité. Cette indemnité devra être
fournie sous une forme aisément convertible en espèces et correspondre à la valeur
intégrale des biens expropriés. Des dispositions adéquates devront être prises, au
moment de la dépossession ou avant cette date, en vue de la fixation et du règlement de
l’indemnité.»
i. L’interprétation que l’Iran donne à l’obligation d’assurer la protection
et la sécurité les plus constantes qui est énoncée au paragraphe 2
de l’article IV est erronée
14.64 La demande que l’Iran tire de la branche du paragraphe 2 de l’article IV relative à
l’obligation d’assurer «la protection et la sécurité les plus constantes» repose sur une interprétation
447 MI, par. 5.58-5.59.
448 Ibid., par. 5.69.
131
- 124 -
extensive de ces termes qui va bien au-delà de leur champ d’application prévu et de leurs limites
traditionnelles, à savoir le cadre de la protection policière requise en droit international coutumier.
L’Iran voudrait que la Cour conclue que l’obligation d’assurer «la protection et sécurité les plus
constantes» veut que les biens soient «protégés aussi bien juridiquement que physiquement» et
garantit notamment la protection «contre les mesures législatives ou réglementaires spécialement
conçues pour éliminer des protections d’ordre juridique»449. L’interprétation que l’Iran donne à la
première phrase du paragraphe 2 de l’article IV est mal fondée et la seule source du droit qu’il cite à
l’appui de sa position est inappropriée. Il convient donc que la Cour rejette la tentative faite par l’Iran
pour étendre l’obligation d’assurer «la protection et la sécurité les plus constantes» bien au-delà de
son champ d’application prévu et de ses limites traditionnelles.
14.65 Les dispositions tendant à garantir que la personne ou les biens de ressortissants
étrangers jouiront de «la protection et la sécurité les plus constantes» ou «jouiront entièrement … de
la protection et de la sécurité exigées» sont généralement interprétées comme faisant obligation aux
Etats d’assurer la protection contre les dommages physiques450. Ainsi, lorsqu’une sentence arbitrale
ou une décision de justice conclut qu’un Etat a manqué à l’obligation de protection et de sécurité
intégrales découlant du droit international coutumier, c’est généralement parce que l’Etat n’a pas
449 MI, par. 5.57.
450 Suez, Sociedad General de Aguas de Barcelona, S.A. & Vivendi Universal, S.A. v. Argentina, affaire CIRDI
no ARB/03/19, décision sur la responsabilité, par. 162, 3 juillet 2010 (annexe 194)
«Traditionnellement, les juridictions ont interprété que le contenu de [la protection et la sécurité
pleine et entière] du standard de traitement emportait l’obligation positive faite à l’Etat d’accueil d’assurer
le devoir de diligence pour protéger l’investisseur et ses biens de menaces et de préjudices physiques, et
non l’obligation de protéger les investissements et les investisseurs concernés de tout préjudice qu’elle
qu’en soit la source.»
BG Group Plc. v. Argentina, sentence finale, par. 324 et 326, 24 décembre 2007 (annexe 195)
«Le tribunal observe que les notions de «protection et sécurité … constante(s)» et de «protection
et … sécurité pleine et entière» en droit international sont traditionnellement associées aux situations dans
lesquelles la sécurité physique de l’investisseur et de ses biens est compromise. … Le tribunal a conscience
du fait que d’autres juridictions ont déterminé que le standard de «protection et sécurité … constante(s)»
englobe la stabilité du cadre légal applicable à l’investissement. … Toutefois, … le tribunal juge
inapproprié de s’écarter du standard de «protection et sécurité … constante(s)».»
Saluka Investments B.V. v. Czech Republic, sentence partielle, par. 484, 17 mars 2006 (annexe 196)
«La pratique des juridictions arbitrales semble toutefois indiquer que la disposition relative à la
«sécurité et la protection pleine et entière» n’est pas conçue pour couvrir toute forme de détérioration du
bien de l’investisseur, mais pour protéger plus précisément son intégrité physique contre l’ingérence par
l’usage de la force.»
Jeswald W. Salacuse, «The Law of Investment Treaties», 2015, p. 236 (annexe 197)
«Traditionnellement, les tribunaux ont interprété les dispositions garantissant la protection et la
sécurité comme protégeant les investisseurs et leurs investissement contre des préjudices physiques
provoqués par les actions du gouvernement d’accueil, leurs agents ou des tiers.» (Les italiques sont dans
l’original.)
«Redfern and Hunter on International Arbritation, 2015, par. 8.114 (6e édition) (annexe 198)
«Les tribunaux arbitraux ont traditionnellement conclu à des atteintes à l’obligation de ‘protection
sécurité pleine et entière’ dans des situations dans lesquels l’Etat d’accueil manquait à son devoir de
prévention des préjudices physiques aux investissements concernés en omettant de prendre les mesures
relevant de l’exercice normal des fonctions gouvernementales de police et de maintien de l’ordre.»
132
- 125 -
assuré une protection policière raisonnable contre des actes de caractère délictueux portant
physiquement atteinte à la personne ou aux biens d’un étranger451.
14.66 La seule source du droit citée par l’Iran à l’appui de son interprétation extensive de la
clause du paragraphe 2 de l’article IV faisant obligation d’assurer «la protection et la sécurité les plus
constantes» est l’arrêt rendu par la Cour en l’affaire Elettronica Sicula S.p.A. (ELSI) (Etats-Unis
d’Amérique c. Italie)452. L’Iran prétend que l’arrêt ELSI apporte la «confirmation» que cette
obligation veut que les biens soient «protégés aussi bien juridiquement que physiquement»453. Tel
n’est pas du tout le cas : la Cour n’a ni fait droit à quelque demande tirée de la violation de la
disposition du traité applicable, à savoir le traité d’amitié, de commerce et de navigation entre les
Etats-Unis d’Amérique et la République italienne de 1948, énonçant l’obligation d’assurer «la
protection et la sécurité les plus constantes» ni exprimé son avis sur la question de savoir si cette
disposition faisait obligation aux parties d’assurer une protection contre les menaces autres que les
dommages physiques454. La Cour n’a nullement tranché le point d’interprétation dont elle est saisie
par l’Iran en l’espèce. L’affaire ELSI n’est donc d’aucun secours à l’Iran.
14.67 Les demandes formées en l’affaire ELSI découlaient de mesures prises par le
Gouvernement italien à l’égard d’une usine de fabrication située à Palerme (Sicile) lorsque ses
propriétaires avaient décidé de la fermer455. Préoccupé par les effets que cette fermeture aurait sur
«l’intérêt public économique général … ainsi que l’ordre public», le maire de Palerme avait pris une
ordonnance de réquisition de l’usine456. A la suite de cette ordonnance, les salariés d’ELSI avaient
occupé l’usine457. ELSI avait formé un recours administratif contre l’ordonnance devant le préfet de
Palerme, qui avait déclaré la réquisition illégale, mais seulement après un délai de 16 mois ;
entre-temps, ELSI s’était vue contrainte d’engager une procédure de faillite et de liquider ses actifs458.
14.68 Les Etats-Unis ont formé deux demandes en vertu de la disposition du traité d’amitié,
de commerce et de navigation entre eux et l’Italie qui faisait obligation d’assurer «la protection et la
sécurité les plus constantes», et la Cour les a rejetées459. Premièrement, ils ont allégué que les
451 Voir, par exemple, Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran (Etats-Unis d’Amérique
c. Iran), arrêt, C.I.J. Recueil 1980, p. 32, par. 67 (défaut de protection aux ressortissants étrangers contre les prises
d’otage) ; American Manufacturing & Trading, Inc. v. Zaire, affaire CIRDI no ARB/93/1, sentence, par. 3.04, 21 février
1997 (annexe 199) (défaut de protection contre «la destruction de biens situés dans [un] complexe industriel … et le
pillage … par certains membres des forces armées zaïroises» qui «se sont introduits par la force dans le complexe industriel
et les magasins, ont détruit, détérioré ou se sont emparés de tous les produits finis et de la quasi-totalité des matières
premières et des objets de valeurs qui se trouvaient sur les lieux.» ; Wena Hotels Ltd. v. Egypt, affaire CIRDI no ARB/98/4,
sentence, par. 82, 8 décembre 2000 (annexe 200) (défaut de protection contre l’appropriation et la détérioration de deux
hôtels) ; Asian Agricultural Products Ltd. (AAPL) v. Sri Lanka, affaire CIRDI no ARB/87/3, sentence finale, par. 3, 27 juin
1990 (annexe 201) (défaut de protection contre la destruction de l’exploitation agricole du plaignant).
452MI, par. 5.57.
453 Ibid., par. 5.57.
454 Elettronica Sicula S.p.A. (ELSI) (Etats-Unis d’Amérique c. Italie), arrêt, C.I.J. Recueil 1989, p. 63-67,
par. 102-112.
455 Ibid., p. 30, par. 27.
456 Ibid., p. 32, par. 30.
457 Ibid., p. 33, par. 33.
458 Ibid., p. 33, par. 32 ; p. 38-39, par. 41-42.
459 La disposition pertinente du traité, le paragraphe 1 de l’article V, prévoit :
133
- 126 -
autorités italiennes avaient commis une violation en n’empêchant pas les salariés d’ELSI d’occuper
l’usine. Deuxièmement, ils ont fait grief au préfet de Palerme d’avoir rendu sa décision sur le recours
d’ELSI contre la réquisition avec un retard déraisonnable et injustifié460. S’agissant de ce retard, la
Cour a estimé qu’«[i]l [était] douteux que … le délai avec lequel le préfet a[vait] rendu sa
décision … puisse être considéré comme ne satisfaisant pas à [la] norme [minimale
internationale]»461. De même, après avoir relevé qu’«[i]l n’[était] pas possible de voir dans l’octroi
«de la protection et de la sécurité … constantes» … la garantie qu’un bien ne sera[it] jamais, en
quelque circonstance que ce soit, l’objet d’une occupation ou de troubles de jouissance», la Cour a
conclu que les Etats-Unis n’avaient pas «établi qu’une détérioration quelconque de l’usine et de ses
machines ait été due à la présence des ouvriers»462. En conséquence, «la protection assurée par [les
autorités] ne pouvait pas être considérée comme étant tombée au-dessous du niveau requis pour que
les intéressés jouissent «entièrement … de la protection et de la sécurité exigées par le droit
international»»463.
14.69 Comme il ressort clairement de ces développements, la Cour n’a ni fait droit à quelque
demande tirée de la violation de la disposition du traité entre les Etats-Unis et l’Italie énonçant
l’obligation d’assurer «la protection et la sécurité les plus constantes» ni tranché la question de savoir
si cette disposition faisait obligation aux parties d’assurer une protection allant au-delà des
dommages physiques. Par conséquent, la tentative faite par l’Iran pour étayer son interprétation de
la première branche du paragraphe 2 de l’article IV par l’arrêt ELSI doit être rejetée.
14.70 Dans la mesure où l’Iran soutient que la Cour a implicitement avalisé l’extension de la
disposition relative à l’obligation d’assurer «la protection et la sécurité les plus constantes» au-delà
de son champ d’application courant, cet argument n’a pas non plus de fondement. Les deux volets
de la demande des Etats-Unis reposaient sur une allégation de non-protection des actifs d’ELSI, à
savoir l’usine et les équipements. Le maire de Palerme a expressément expliqué avoir réquisitionné
l’usine et nommé un directeur temporaire afin, du moins en partie, d’empêcher «des dommages à
l’équipement et aux machines» dans les locaux de l’usine464. Les Etats-Unis tiraient grief de ce que
ces mesures étaient inopportunes — comme l’attestait l’occupation de l’usine par les salariés d’ELSI
par la suite — et qu’ils avaient été concrètement privés de la possibilité de les faire réexaminer par
les autorités italiennes.
14.71 Rien dans l’arrêt ELSI ne pourrait accréditer l’interprétation extensive de la première
phrase du paragraphe 2 de l’article IV que l’Iran avance en l’espèce. L’Iran n’a pas déterminé avec
précision les limites de l’interprétation qu’il donne à la disposition énonçant l’obligation d’assurer
«la protection et la sécurité les plus constantes», mais le noeud de son argumentation semble être que
«Les ressortissants de chacune des Hautes Parties contractantes bénéficieront, dans les territoires
de l’autre Haute Partie contractante, de la protection et de la sécurité les plus constantes pour leurs personnes
et leurs biens, et ils jouiront entièrement, à cet égard, de la protection et de la sécurité exigées par le droit
international. A cet effet, les personnes inculpées d’infraction pénale seront sans délai traduites en justice
et jouiront de tous les droits et privilèges qui sont ou seront accordés par les lois et règlements applicables ;
les ressortissants de chacune des Hautes Parties contractantes seront traités d’une manière équitable et
humaine lorsqu’ils seront détenus par les autorités de l’autre Haute Partie contractante. Dans la mesure où
le terme «ressortissants» est employé dans le présent paragraphe lorsqu’il s’agit de biens, il sera interprété
comme désignant également les sociétés et les associations.» Voir ibid., p. 63, par. 103.
460 Voir Elettronica Sicula S.p.A. (ELSI) (Etats-Unis d’Amérique c. Italie), arrêt, C.I.J. Recueil 1989, p. 65-66,
par. 109-110.
461 Ibid., p. 66-67, par. 111.
462 Ibid., p. 65, par. 108.
463 Ibid.
464 Ibid., p. 33, par. 31.
134
- 127 -
cette disposition interdit «les mesures législatives ou réglementaires spécialement conçues pour
éliminer des protections d’ordre juridique»465. En d’autres termes, l’Iran prétend que toute réduction
ou suppression des «protections d’ordre juridique» dont devraient normalement jouir les biens
iraniens doit être considérée comme une violation de la première phrase du paragraphe 2 de
l’article IV.
14.72 L’interprétation que l’Iran donne à la disposition aurait concrètement pour effet de
transformer celle-ci en une garantie de l’intangibilité éternelle du cadre juridique applicable aux biens
iraniens. Cela ne permettrait ni d’assurer l’évolution naturelle du droit — ce qui est en substance
impossible dans tout système juridique — ni de le modifier pour l’adapter aux actes de l’Iran et de
ses ressortissants. L’arrêt ELSI ne justifie en rien le standard de protection que défend l’Iran.
14.73 En somme, la seule source du droit citée par l’Iran — l’arrêt ELSI — ne lui donne
absolument pas raison de chercher à étendre la première phrase du paragraphe 2 de l’article IV bien
au-delà de son champ d’application courant, à savoir la protection contre les dommages physiques.
Par conséquent, la Cour doit rejeter l’interprétation donnée par l’Iran à cette disposition.
ii. Les mesures américaines ne constituent pas un déni de la protection et de la sécurité
les plus constantes prévues par le paragraphe 2 de l’article IV
14.74 En l’espèce, il n’est nullement allégué que des délinquants ont physiquement porté
atteinte aux biens de sociétés iraniennes et encore moins que l’une quelconque des mesures
contestées a exposé des biens iraniens à une telle atteinte. Par conséquent, les mesures contestées ne
sont pas contraires à l’interprétation courante du standard de «la protection et la sécurité les plus
constantes». Ainsi, les demandes de l’Iran doivent être rejetées, à moins qu’il ne soit permis d’étendre
l’obligation d’assurer la protection et la sécurité comme le soutient l’Iran.
14.75 Pour les motifs exposés dans le point précédent, la Cour doit rejeter la tentative faite par
l’Iran pour étendre l’obligation d’assurer «la protection et la sécurité les plus constantes» bien audelà
de ses limites traditionnelles. L’Iran n’a cité aucune source du droit qui autoriserait la Cour à
conclure que la première phrase du paragraphe 2 de l’article IV interdit «les mesures législatives ou
réglementaires spécialement conçues pour éliminer des protections d’ordre juridique»466.
14.76 La Cour doit par conséquent rejeter dans leur intégralité les demandes de l’Iran fondées
sur la première branche du paragraphe 2 de l’article IV.
iii. L’interprétation que l’Iran donne aux restrictions à l’expropriation
prévues par le paragraphe 2 de l’article IVest erronée
14.77 L’interprétation que l’Iran donne à la deuxième branche du paragraphe 2 de l’article IV,
qui impose des restrictions à l’expropriation, est non seulement erronée, mais également fondée sur
de simples affirmations presque entièrement et non sur des sources du droit. La Cour doit par
conséquent l’écarter.
465 MI, par. 5.57.
466 Ibid.
135
- 128 -
14.78 Cette interprétation comporte deux vices majeurs. Le premier en est que l’Iran soutient
que la Cour doit faire abstraction de «la nature» des mesures contestées pour s’intéresser uniquement
à leur «incidence»467. Ce n’est pas ce que prévoit le paragraphe 2 de l’article IV. Au contraire, si le
degré d’incidence des mesures contestées doit être pris en compte dans l’analyse de la deuxième
branche du paragraphe 2 de l’article IV, il importe au plus haut point que la Cour tienne également
compte de leur nature et, en particulier, qu’elle recherche si elles constituent une expression des
pouvoirs de police des Etats-Unis468. On considère de longue date qu’une réglementation non
discriminatoire adoptée de bonne foi dans l’exercice des pouvoirs de police de l’Etat ne peut être
assimilée à une expropriation :
«Des mesures à première vue licites prises par l’Etat peuvent avoir une
importante incidence sur des intérêts étrangers sans constituer une expropriation. Ainsi,
des actifs étrangers et leur emploi peuvent être soumis à la fiscalité, à des restrictions
commerciales telles que la pratique des quotas, à la révocation de licences en cas
d’infraction à la réglementation ou à des mesures de dévaluation. Des faits particuliers
peuvent venir modifier la situation, mais, en principe, de telles mesures ne sont pas
illicites et ne constituent pas une expropriation.»469
467 MI, par. 5.65, al. b) et c).
468 Rapport de la CNUCED, «Expropriation: A Sequel», 2012, p. 78 (annexe 202) («[I]l est accepté de longue date
en droit international que les actes de l’Etat ne sont, en principe, pas soumis à indemnisation lorsqu’ils entrent dans le cadre
des pouvoirs de police de l’Etat.»).
469 James Crawford, «Brownlie’s Principles of Public International Law», 2012, p. 621, 8e édition (citations
internes supprimées) (annexe 203). Des formulations similaires sont apparues dans «Principles of Public International
Law» depuis la première édition, voir Ian Brownlie, «Principles of Public International Law, 1966, p. 432, 1re édition
(annexe 204). Voir également Louis B. Sohn et R. R. Baxter, «Responsibility of States for Injuries to the Economic
Interests of Aliens», American Journal of International Law, vol. 55, 1961, p. 554 (annexe 205) (prévoyant dans l’article
10 5) du projet de convention :
«Une prise de possession non indemnisée d’un bien étranger ou la privation de l’utilisation ou de
la jouissance d’un bien appartenant à un étranger qui résulte de l’application de lois fiscales, d’une
modification générale de la valeur d’une monnaie, d’une action des autorités compétentes de l’Etat pour le
maintien de l’ordre, de la santé ou de la moralité publics, ou de l’exercice valide des droits de belligérance
ou des droits liés à l’application normale de la législation de l’Etat, ne sera pas considérée comme illégale.»
Voir ibid., p. 561 (notant dans le commentaire sur l’article 10 5) que «[p]ar la prise ou une dépossession d’un bien qui est
«par ailleurs accessoire au fonctionnement normal des lois de l’Etat», on entend l’exécution d’une décision d’un tribunal
dans une affaire civile ou une amende ou pénalité dans un procès pénal»).
136
- 129 -
14.79 Cette proposition est confirmée par la pratique des Etats470, la doctrine471 et un certain
nombre de sentences arbitrales472. De plus, l’Etat a droit à un large respect de sa liberté d’appréciation
470 Voir, par exemple, déclaration ministérielle sur l’accord multilatéral sur l’investissement, par. 5, 28 avril 1998
«Les ministres confirment que l’AMI [accord multilatéral sur l’investissement] doit respecter la
responsabilité souveraine des gouvernements dans la conduite de leurs politiques nationales. L’AMI
établirait des règles internationales au bénéfice de tous qui n’entraveraient pas un exercice normal non
discriminatoire des pouvoirs réglementaires des gouvernements, et cet exercice de pouvoirs réglementaires
ne serait pas expropriatoire.», cité dans le rapport de la CNUCED, «Expropriation: A Sequel», 2012,
p. 81-82 (annexe 202) ;
Convention Establishing the Multilateral Investment Guarantee Agency, Article 11 (a) (ii) (annexe 206) (autorisant
l’agence à garantir des investissements contre une perte résultant d’une «expropriation ou d’une mesure similaire» définie
dans la convention comme
«toute action ou omission de nature législative ou administrative imputable au gouvernement d’accueil qui
a pour effet de déposséder le détenteur d’une garantie de la propriété ou du contrôle de son investissement,
ou d’un bénéfice substantiel tiré de cet investissement, exception faite des mesures non discriminatoires
d’application générale auxquelles recourent normalement les gouvernements pour la régulation de l’activité
économique sur leur territoire») ;
«Restatement (Third) of Foreign Relations of the United States», par. 712, commentaire g), 1987 (annexe 207)
«Un Etat ne saurait être tenu responsable de la perte de biens ou d’autres préjudices économiques
résultant d’actes de bonne foi relevant de la fiscalité ou de la réglementation générales, d’une confiscation
pénale ou d’autres actes communément acceptés comme relevant des pouvoirs de police des Etats, si ces
actes ne sont pas discriminatoires … et n’ont pas pour but de pousser l’étranger à renoncer son bien à l’Etat
ou à le céder à vil prix.»
471 Voir, par exemple, Jeswald W. Salacuse, «The Law of Investment Treaties», 2015, p. 327, 2e édition
(annexe 197) («Ainsi qu’il ressort d’un grand nombre d’affaires, dans l’évaluation d’une allégation d’expropriation, il
importe de reconnaître le droit légitime d’un Etat à réglementer et à exercer ses pouvoirs de police dans l’intérêt du bien
commun. De telles actions ne doivent pas être confondues avec des actes d’expropriation.») ; Katia Yannaca-Small,
«Arbitration Under International Investment Agreements — A Guide to the Key Issues», 2018, par. 22.09, 2e édition
(annexe 208) («Il est accepté comme un principe de droit international coutumier que, lorsqu’un préjudice économique
résulte d’un acte de réglementation fait en bonne foi et non discriminatoire, entrant dans le cadre des pouvoirs de police de
l’Etat, une indemnisation n’est pas obligatoire.») ; G. C. Christie, «What Constitutes a Taking of Property Under
International Law», British Yearbook of International Law, 1962, vol. 38, p. 338 (annexe 209) («Si, en revanche, cette
prohibition peut être justifiée comme étant raisonnablement nécessaire à l’acquittement par l’Etat de ses obligations
reconnues de protection de la santé, de la sécurité, de la morale ou du bien publics, alors il semblerait qu’il n’y ait pas
«confiscation» du bien».») ; L’«expropriation indirecte» et le «droit de réglementer» dans le droit international de
l’investissement, documents de travail de l’OCDE sur l’investissement international, 2004/04, p. 18 (annexe 210) («L’idée
que l’exercice des «pouvoirs de police» de l’Etat ne donnera pas lieu à un droit d’indemnisation a été largement acceptée
en droit international.»).
472 Voir, par exemple, Chemtura Corp. v. Canada, Tribunal ad hoc de la CNUDCI, sentence, par. 266, 2 août 2010
(annexe 211)
«[L]e tribunal considère en tout état de cause que les mesures contestées par le demandeur
constituaient un exercice approprié des pouvoirs de police du répondeur … [L’]Agence de réglementation
de la lutte antiparasitaire (du Canada)] a pris des mesures dans le cadre de son mandat, de manière non
discriminatoire, motivées par une prise de conscience grandissante des dangers du lindane, tant pour la
santé humaine que pour l’environnement. Une mesure adoptée dans de telles circonstances est un exercice
approprié des pouvoirs de police de l’Etat et, par conséquent, ne constitue pas une expropriation.» ;
Saluka Investments B.V. v. Czech Republic, sentence partielle, par. 255, 17 mars 2006 (annexe 196) («Il est maintenant
établi en droit international que les Etats ne sont pas tenus d’indemniser un investisseur étranger lorsque, dans l’exercice
normal de leurs pouvoirs réglementaires, ils adoptent, de manière discriminatoire, de bonne foi, des réglementations qui
servent le bien commun.») ; Marvin Roy Feldman Karpa v. United Mexican States, affaire CIRDI no ARB(AF)/99/1,
sentence, par. 103, 16 décembre 2002 (annexe 212)
«[L]es gouvernements doivent être libres d’agir dans l’intérêt général par les mesures de protection
de l’environnement, l’instauration de nouveaux régimes fiscaux ou la modification des régimes fiscaux
existants, l’octroi ou la suppression de subventions publiques, la réduction ou l’augmentation des droits de
douane, l’imposition de restrictions d’urbanisme et d’autres moyens. De telles réglementations
gouvernementales raisonnables ne sauraient être possibles si toute entreprise qui est pénalisée par des
mesures pouvait réclamer une indemnisation, et, à n’en pas douter, le droit coutumier reconnaît ce fait.»).
137
- 130 -
des mesures nécessaires pour servir ses objectifs, qu’il s’agisse de la protection de la santé publique,
de la sécurité ou de toute autre fin légitime473.
14.80 L’Iran lui-même reconnaît le bien-fondé de cette proposition, mais relève qu’elle n’est
pas expressément énoncée dans le texte du paragraphe 2 de l’article IV474. Quelle que soit la
déduction que l’Iran souhaite voir la Cour tirer du fait que le paragraphe 2 de l’article IV ne définit
pas la limite entre l’expropriation ouvrant droit à indemnisation et les mesures réglementaires
n’ouvrant pas droit à indemnisation, cela n’a pas d’importance. Cette limite est inhérente à la notion
d’expropriation telle qu’elle s’est développée en droit international. Il ne pourrait d’ailleurs en être
autrement. Si l’Etat avait l’obligation absolue d’accorder réparation aux victimes de toute mesure qui
porte atteinte à la valeur de biens ou de participations dans des biens, cette obligation ferait
concrètement obstacle à un large éventail de mesures gouvernementales essentielles, notamment en
matière de fiscalité et de réglementation sanitaire475.
14.81 Pour déterminer la nature de la mesure prise par l’Etat, la Cour doit aussi tenir compte
de la branche du pouvoir qui en est responsable. Dans son mémoire, l’Iran tente de faire effacer toute
ligne de démarcation importante entre les actes des pouvoirs exécutif et législatif et ceux du pouvoir
judiciaire dans l’analyse de la Cour tendant à déterminer si les Etats-Unis ont procédé à une
expropriation contraire aux dispositions du paragraphe 2 de l’article IV, au motif que ces actes
doivent être traités de la même manière476. Là encore, l’Iran ne cite aucune source du droit à l’appui
de cette lecture de la deuxième branche du paragraphe 2 de l’article IV. En fait, les décisions de
justice prononcées par des tribunaux nationaux statuant en tant qu’arbitres neutres et indépendants
sur des droits de caractère civil doivent être envisagées séparément des actes des branches législative
et exécutive. De telles décisions ne peuvent faire l’objet de demandes contestant une expropriation.
14.82 Le deuxième vice majeur entachant l’interprétation que l’Iran donne aux dispositions du
paragraphe 2 de l’article IV concernant les expropriations est qu’elle sous-estime la gravité de
l’incidence économique que la mesure contestée doit avoir sur le détenteur des biens pour que
l’expropriation soit attaquée avec succès. En l’espèce, si l’Iran concède que le paragraphe 2 de
l’article IV requiert «quelque forme d’expropriation effective ou substantielle», cela ne rend pas
473 Voir Louis B. Sohn et R. R. Baxter, «Responsibility of States for Injuries to the Economic Interests of Aliens»,
American Journal of International Law, vol. 55, 1961, p. 555-556 (annexe 205)
«Il n’est pas anodin que les juridictions internationales ne se soient que rarement prononcées sur ce
qui constitue un «objectif public» et que jamais un bien n’ait été restitué à son ancien propriétaire au motif
que la dépossession était considérée comme ne relevant pas d’un objectif public. Cette réticence à imposer
un standard international de l’objectif public peut s’interpréter comme étant le reflet d’une grande hésitation
de la part des juridictions et des Etats cherchant à apporter un règlement diplomatique à des réclamations
et à ouvrir un débat sur ce que sont les besoins publics d’un pays et la meilleure manière de les satisfaire.» ;
G. C. Christie, «What Constitutes a Taking of Property Under International Law», British Yearbook of International Law,
1962, p. 332 (annexe 209) («Mais il est certain que, dès lors que les faits sont tels que les raisons avancées paraissent
plausibles, la recherche des «véritables» raisons non exprimées est vaine. Aucune recherche de cet ordre n’est autorisée en
droit national, et l’extrême déférence due aux Etats par les tribunaux internationaux interdit de supposer que la règle puisse
être différente en droit international.»).
474MI, par. 5.71.
475 Louis B. Sohn et R. R. Baxter, «Responsibility of States for Injuries to the Economic Interests of Aliens»,
American Journal of International Law, vol. 55, 1961, p. 561 (annexe 205) (notant que, si des actes effectués dans le cadre
des pouvoirs de police de l’Etat étaient considérés comme expropriatoires, «un Etat serait privé du droit de déposséder un
étranger de ses biens sans compensation, dans des circonstances universellement reconnues comme justifiant une telle
mesure»).
476MI, par. 5.64.
138
- 131 -
fidèlement compte du principe applicable477. L’Iran doit plutôt démontrer que la mesure
gouvernementale en cause a détruit la totalité ou la quasi-totalité de la valeur économique des biens
concernés, ou qu’elle a eu une incidence d’une telle ampleur ou si restrictive sur cette valeur que l’on
«peut conclure que le propriétaire a été «dépossédé» de son bien»478. Autrement dit, la Cour doit
d’abord déterminer «si le [détenteur du bien] a été radicalement privé de l’usage économique et de
la jouissance de son [bien], comme si les droits qui y étaient attachés … ont cessé d’exister»479.
14.83 En somme, l’interprétation que l’Iran donne à la deuxième branche du paragraphe 2 de
l’article IV fait abstraction de certains éléments clés que la Cour doit prendre en compte dans son
évaluation des mesures contestées et sous-estime les éléments d’appréciation de l’incidence
économique d’une mesure. Pour ces motifs, la Cour doit la rejeter.
iv. Les mesures américaines ne constituent pas une expropriation illicite
14.84 L’Iran conteste un large éventail de mesures prises par les Etats-Unis en réaction au
soutien qu’il apporte au terrorisme international et pour permettre l’indemnisation des victimes de ce
terrorisme. Il s’agit d’actes législatifs et réglementaires et parfois de décisions judiciaires. Dans son
mémoire, l’Iran affirme de manière gratuite que ces actes sont constitutifs d’expropriation, sans les
analyser ni invoquer la moindre source du droit à l’appui de ses assertions. L’idée maîtresse de
l’argumentation de l’Iran est que les actes législatifs et réglementaires en cause sont constitutifs
d’expropriation et que, par conséquent, toute décision judiciaire donnant effet à ces actes doit
également être considérée comme une expropriation. Les deux éléments de l’argumentation sont
erronés.
14.85 Les actes législatifs et réglementaires ne privent en soi les ressortissants iraniens ou les
sociétés iraniennes d’aucun bien. De plus, même lorsque des juridictions s’appuient sur ces actes
pour permettre aux demandeurs de saisir les biens de ressortissants iraniens ou de sociétés iraniennes,
ou d’exécuter des décisions judiciaires sur ces biens, cela ne constitue pas une expropriation, car les
actes législatifs et réglementaires contestés, de même que les décisions judiciaires, sont des mesures
non-discriminatoires prises de bonne foi dans l’exercice des pouvoirs de police des Etats-Unis. Ils
n’emportent donc pas droit à indemnisation de la part des Etats-Unis.
a) Mesures législatives et réglementaires
14.86 Il convient de relever d’entrée de jeu que les griefs tirés par l’Iran de deux catégories
importantes d’actes législatifs peuvent être immédiatement rejetés. La première catégorie comprend
477 MI, par. 5.65, al. b).
478 Glamis Gold Ltd. v. United States of America, ALENA/CNUDCI, sentence, par. 357, 8 juin 2009 (annexe 148).
Voir également Elettronica Sicula S.p.A. (ELSI) (Etats-Unis d’Amérique c. Italie), arrêt, C.I.J. Recueil 1989 C.I.J. recueil
1989, p. 71, par. 119 (notant in dicta que la «réquisition … ne pouvait, de l’avis de la Chambre, être assimilée à un taking
contrevenant à l’article V, à moins de constituer pour Raytheon et Machlett une privation importante de leur interest dans
l’usine de I’ELSI») ; Grand River Enterprises Six Nations, Ltd., et al. v. United States of America, ALENA/CNUDCI,
sentence, par. 147, 12 janvier 2011 (annexe 214) (notant que «d’après la conception de l’expropriation appliquée dans de
nombreux cas, cette action entraîne la privation totale ou une diminution très importante des intérêts d’un investisseur») ;
Total S.A. v. Argentine Republic, affaire ALENA/CIRDI no ARB/04/1, sentence, par. 195, 27 décembre 2010 (annexe 215)
(une expropriation nécessite «la perte totale de la valeur d’un bien, notamment par une mesure ôtant toute valeur au bien,
ou par une expropriation directe, même si le titre de propriété est conservé. Cela est corroboré par l’orientation générale de
la jurisprudence des traités bilatéraux d’investissement, les autres sources de jurisprudence internationale et la doctrine.») ;
rapport de la CNUCED, «Expropriation: A Sequel», 2012, p. 63 (annexe 202) (pour qu’une expropriation soit constituée,
«[l]’incidence d’une mesure ou le degré d’ingérence doivent être tels que le droit de propriété devient inopérant, c’est-àdire
que le propriétaire se trouve dépossédé des avantages et de l’usage économique de son investissement»).
479 Glamis Gold Ltd. v. United States of America, ALENA/CNUDCI, sentence, par. 357, 8 juin 2009 (annexe 148).
139
140
- 132 -
les mesures réduisant l’étendue des immunités souveraines dont jouissait l’Iran ou créant des droits
d’action contre l’Iran, lesquelles ont de toute façon été déjà écartées par la Cour en l’espèce pour
d’autres motifs480. Ces mesures n’ont privé des ressortissants iraniens ou des sociétés iraniennes
d’aucun bien ni d’aucune participation dans des biens, et encore moins au degré extrême requis pour
qu’une mesure soit considérée comme une expropriation. Elles n’ont donc pas porté atteinte à la
deuxième branche du paragraphe 2 de l’article IV. La deuxième catégorie comprend les mesures
intéressant uniquement la banque Markazi, telles que la loi de 2012 sur la réduction de la menace
iranienne et les droits de l’homme en Syrie. Elle ne donne lieu à aucune demande dans le cadre du
paragraphe 2 de l’article IV, car cette disposition s’applique exclusivement aux «biens appartenant
aux ressortissants et aux sociétés de l’une des Hautes Parties contractantes», excluant ainsi la banque
Markazi qui, comme on l’a vu plus haut au chapitre 9, n’est pas une «société»481.
14.87 Les autres mesures législatives sont celles qui permettent aux demandeurs bénéficiaires
de décisions de justice condamnant l’Iran en matière de terrorisme d’exécuter ces décisions sur les
actifs des établissements et organismes de l’Iran ou d’opérer une saisie conservatoire sur ces actifs.
Selon l’Iran, elles constituent des «actes d’expropriation … , puisqu’[elles] visent expressément à
exproprier les biens de sociétés iraniennes»482. L’Iran a tort, car, là encore, les mesures en cause
visent à exécuter des décisions de justice — et ainsi à éteindre des dettes de l’Iran — et à servir des
buts réglementaires légitimes. De toute façon, selon même l’interprétation erronée donnée par l’Iran
au paragraphe 2 de l’article IV, il ne suffit pas qu’une mesure vise l’expropriation de biens. Il faut
plutôt qu’elle aboutisse, comme l’admet l’Iran lui-même, à «quelque forme d’expropriation effective
ou substantielle»483. L’Iran n’a même pas tenté de démontrer qu’une des mesures législatives ou
réglementaires contestées, à elle seule, privait des sociétés iraniennes de biens ou de participations
dans des biens. Certes, ces mesures créent la possibilité de voir un jour soumettre toute société
iranienne à une mesure d’exécution dès lors qu’une décision de justice l’a qualifiée d’établissement
ou d’organisme de l’Iran, mais cette conséquence est beaucoup trop contingente et restreinte pour
constituer une expropriation au sens du droit international. Quoi qu’il en soit, comme on le verra ciaprès,
les saisies d’actifs en cause en l’espèce ne constituent pas des expropriations de biens ouvrant
droit à indemnisation de la part de l’Etat.
14.88 S’agissant du décret présidentiel no 13599, les demandes de l’Iran sont tout aussi
infondées. Premièrement, comme il est expliqué au chapitre 11 ci-dessus, le paragraphe 1 de
l’article XX invalide toute demande relative au décret présidentiel no 13599. Deuxièmement, le
décret présidentiel vise notamment la banque centrale de l’Iran, la banque Markazi. Là encore, la
banque Markazi n’est pas une «société» au sens du paragraphe 2 de l’article IV ; par conséquent, le
blocage de ses biens ne peut donner lieu à une action en justice fondée sur cette disposition. De
même, le blocage de biens appartenant à l’Etat iranien ne peut faire l’objet de recours, le paragraphe 2
de l’article IV ne s’appliquant qu’aux biens des sociétés et des ressortissants iraniens.
Troisièmement, les décisions de blocage — en particulier celles prises, comme le décret présidentiel
no 13599, en application de la loi sur les pouvoirs économiques en cas d’urgence internationale
[International Emergency Economic Powers Act] — ne sont pas constitutives d’expropriation,
d’autant plus qu’elles sont par essence temporaires et n’emportent pas changement de propriétaire
des actifs bloqués484. Pour ces motifs, la Cour doit conclure que le décret présidentiel no 13599 n’est
480 Voir le chapitre 2 ci-dessus.
481 Voir chapitre 9 ci-dessus.
482 MI, par. 5.69.
483 Ibid., par. 5.65, al. b).
484 Les tribunaux américains ont estimé à plusieurs reprises que les décisions de blocage ne sont pas constitutives
d’expropriation. Voir, par exemple, Paradissiotis v. United States, «Federal Reporter», vol. 304, série 3, p. 1274 (cour
d’appel du circuit fédéral, 2002) (annexe 216)
141
- 133 -
pas constitutif d’expropriation au sens du droit international et ne constitue donc pas une violation
du paragraphe 2 de l’article IV.
14.89 En conséquence, les griefs tirés par l’Iran des actes législatifs et réglementaires en cause
en l’espèce achoppent au premier obstacle, n’ayant pas atteint le niveau d’incidence requis en droit
international pour qu’une mesure puisse être considérée comme un acte d’expropriation.
14.90 Il y a également lieu de rejeter les griefs de l’Iran tirés de ces mesures au motif qu’il
s’agit de mesures non-discriminatoires prises de bonne foi dans l’exercice des pouvoirs de police des
Etats-Unis, pour permettre aux victimes d’actes terroristes d’obtenir réparation auprès de ceux qui
ont soutenu ces actes, dont l’Iran485. De même, le décret présidentiel no 13599 a été pris en réaction
à des activités de l’Iran représentant un grave risque de sécurité pour les Etats-Unis, notamment le
commerce d’armes, le soutien au terrorisme et la recherche de moyens de production de missiles
balistiques486.
14.91 Le paragraphe 2 de l’article IV n’ouvre pas droit à réparation à l’Iran pour ce type de
mesures. De fait, en conclure autrement reviendrait à faire supporter par les Etats-Unis le coût des
actes illicites de l’Iran, ainsi qu’à priver le décret présidentiel no 13599 et toute autre décision de
blocage ou de gel d’actifs de tout effet dissuasif sur les actes illicites487. Une telle ingérence dans les
prérogatives réglementaires de l’Etat constitue précisément le type de résultat que le droit
international entend empêcher en excluant l’exercice de pouvoirs de police du champ des
expropriations ouvrant droit à indemnisation.
«A plusieurs occasions, ce tribunal a eu à connaître de demandes relatives au cinquième
amendement formées par des personnes ou des entités qui avaient été pénalisées par des mesures prises
pour des raisons de sécurité nationale de gel des actifs ou de prohibition des transactions d’entités
étrangères, et à chaque fois, nous avons déterminé que les mesures n’avaient pas violé la disposition
constitutionnelle relative aux réquisitions.» ;
Zarmach Oil Servs., Inc. v. U.S. Dep’t of the Treasury, «Federal Supplement», série 2, vol. 750, p. 159 (tribunal fédéral du
district de Columbia, 2010) (annexe 217) («Il est bien établi que le blocage d’actifs en application d’un décret présidentiel
ne constitue pas une confiscation (a taking) au sens du cinquième amendement.») ; Islamic Am. Relief Agency v.
Unidentified FBI Agents, «Federal Supplement», vol. 394, série 2, p. 51 (tribunal fédéral du district de Columbia, 2005),
aff’d in part and remanded sub nom. Islamic Am. Relief Agency v. Gonzales, «Federal Supplement», série 3, vol. 477,
p. 728 (tribunal fédéral du district de Columbia, 2007) (annexes 218-219) («[D]ans la mesure où le demandeur souhaite
contester le blocage d’actifs en application d’un décret présidentiel, un tel décret ne constitue pas, d’un point de vue légal,
une expropriation au sens du cinquième amendement.») ; Holy Land Found. for Relief & Dev. v. Ashcroft, «Federal
Supplement», série 2, vol. 219, p. 77-78 (tribunal fédéral du district de Columbia, 2002), aff’d, «Federal Supplement»,
série 3, vol. 333, p. 156 (tribunal fédéral du district de Columbia, 2003) (annexe 220)
«La jurisprudence indique clairement que les blocages effectués en application de décrets
présidentiels sont des privations temporaires qui n’octroient pas les actifs au gouvernement. Par conséquent,
les blocages ne peuvent, d’un point de vue juridique, constituer des expropriations (takings) au sens du
cinquième amendement. Aussi les tribunaux ont-ils toujours rejeté ces demandes dans le contexte de la loi
sur les pouvoirs économiques internationaux d’urgence («IEEPA») et de la loi sur le commerce avec
l’ennemi (TWEA).» ;
Glob. Relief Found., Inc. v. O’Neill, «Federal Supplement», vol. 207, série 2, p. 802 (tribunal fédéral du district nord de
l’Illinois, 2002), aff’d, «Federal Reporter», série 3, vol. 315, p. 748 (septième circuit, 2002) (annexe 221) («De nombreuses
actions ont été intentées en liaison avec des expropriations dans le contexte de l’IEEPA et elles ont systématiquement
échoué.»).
485 Voir le chapitre 6 ci-dessus.
486 Voir le chapitre 11 ci-dessus.
487 Voir, par exemple, Paradissiotis, «Federal Reporter», série 3, vol. 304, p. 1278 (annexe 216) («Les sanctions
économiques ne seraient plus tout à fait des sanctions si leurs cibles étrangères avaient droit à être indemnisées pour les
pertes subies du fait de ces sanctions.»).
142
- 134 -
14.92 De plus, pour les motifs exposés dans la section B ci-dessus, les mesures en cause ne
sont ni discriminatoires, ni arbitraires [déraisonnables], ni de toute autre manière contraires au droit
international.
14.93 Les facteurs que la Cour doit apprécier pour déterminer si les mesures législatives et
réglementaires contestées constituent des violations du paragraphe 2 de l’article IV interdisent donc
de retenir que les Etats-Unis ont procédé à une expropriation ouvrant droit à indemnisation et les
demandes de l’Iran relatives à ces mesures ne sauraient prospérer.
b) Décisions judiciaires
14.94 Pour ce qui est des décisions judiciaires contestées par l’Iran, les demandes que ce
dernier en tirent doivent être rejetées au motif que les mesures législatives et réglementaires sur
lesquelles ces décisions se fondent pour permettre aux demandeurs d’exécuter d’autres décisions de
justice sur les biens des établissements et organismes de l’Iran résultent de l’exercice normal des
pouvoirs de police des Etats-Unis, ainsi qu’il a été expliqué dans la section précédente. Les mesures
législatives et réglementaires elles-mêmes n’étant pas contraires au paragraphe 2 de l’article IV, les
décisions rendues par des juges neutres et indépendants en application de ces mesures ne sauraient
être considérées comme des atteintes au traité.
14.95 En outre, si l’exécution totale ou partielle d’une décision de justice sur les actifs d’un
établissement ou organisme de l’Iran emporte transfert de ces actifs au créancier judiciaire, elle a
également pour effet correspondant de réduire l’encours de la dette judiciaire de l’Iran. Ainsi, si une
juridiction ordonne à une banque iranienne à capitaux publics de verser un million de dollars à un
demandeur en règlement partiel d’une créance judiciaire d’un montant de trois millions de dollars
détenue sur l’Iran, la dette judiciaire de l’Iran tombe à deux millions de dollars. Par conséquent,
lorsqu’il est opportun, comme en l’occurrence, que les créanciers judiciaires de l’Iran se tournent
vers ses établissements et organismes aux fins d’exécution des décisions de justice dont ils
bénéficient488, l’incidence globale des mesures en cause doit être considérée comme
économiquement neutre, la réduction des actifs détenus par les établissements et organismes de l’Iran
étant compensée par celle de la dette de l’Iran à hauteur d’un million de dollars. Il ne s’agit pas du
type de dépossession radicale requis pour que l’Iran réussisse à établir l’existence d’une violation du
paragraphe 2 de l’article IV. De fait, il ne s’agit pas du tout d’une dépossession.
14.96 Par conséquent, la Cour doit rejeter dans leur intégralité les demandes relatives à
l’expropriation que l’Iran a tirées du paragraphe 2 de l’article IV.
488 Voir supra sect. B iii.
143
- 135 -
CHAPITRE 15
L’IRAN N’A PAS ÉTABLI L’EXISTENCE D’UNE VIOLATION DU PARAGRAPHE 1 DE L’ARTICLE V
15.1 S’agissant du paragraphe 1 de l’article V du traité d’amitié, les demandes que l’Iran tire
de cette disposition sont tout aussi infondées et doivent être rejetées. Le paragraphe 1 de l’article V
protège les droits patrimoniaux, mais seulement dans le cadre d’opérations emportant changement
de leur titulaire par voie de prise à bail, d’acquisition ou d’aliénation. Les demandes de l’Iran, qui ne
sont tirées que de la clause de ce paragraphe relative à l’aliénation, doivent être rejetées, l’Iran
n’ayant pas établi que les propriétaires des biens en cause tentaient de les aliéner et encore moins que
de telles tentatives avaient été entravées par les mesures américaines contestées. Les demandes de
l’Iran doivent également être rejetées sur le fondement de la clause de la nation la plus favorisée
insérée dans le paragraphe 1, l’Iran n’ayant cité aucun élément de comparaison permettant de
conclure à la violation de cette clause.
SECTION A
LA DEMANDE DE L’IRAN FONDÉE SUR LE PARAGRAPHE 1 DE L’ARTICLE V
N’EST TIRÉE QUE D’UNE PARTIE DES DISPOSITIONS DE CE PARAGRAPHE
15.2 Le paragraphe 1 de l’article V vise un ensemble limité et bien précis d’activités
économiques, à savoir les activités d’acquisition et d’aliénation de biens. Il se lit comme suit :
«Les ressortissants et les sociétés de l’une des Hautes Parties contractantes
pourront, dans les territoires de l’autre Haute Partie contractante : a) prendre à bail, pour
des durées appropriées, les biens immeubles dont ils ont besoin à des fins de résidence
ou qui sont nécessaires à la bonne marche des activités prévues par le présent Traité ;
b) acquérir, par voie d’achat ou par tout autre moyen, des biens mobiliers de toute nature
et c) aliéner des biens de toute nature par voie de vente, de testament ou par tout autre
moyen. Le traitement dont ils bénéficient en ces matières ne sera, en aucun cas, moins
favorable que celui qui est accordé aux ressortissants et aux sociétés de tout pays tiers.»
15.3 Les clauses a) à c) du paragraphe 1 de l’article V font obligation à chaque partie
d’autoriser les sociétés et les ressortissants de l’autre partie à prendre à bail des «biens immeubles»,
à acquérir, par voie d’achat ou par tout autre moyen, «des biens mobiliers de toute nature» et à aliéner
«des biens de toute nature», et ce, dans le respect du standard de traitement de la nation la plus
favorisée énoncé dans la dernière phrase du paragraphe. Celui-ci impose donc des obligations qui se
limitent à certains faits précis ayant une incidence sur les biens des sociétés et des ressortissants de
l’autre partie : prise à bail, acquisition par voie d’achat ou par tout autre moyen et aliénation. Chacun
de ces faits emporte changement de propriétaire des biens ou de titulaire des droits y afférents. Il
convient de noter que la liste de ces faits ne comprend pas la détention et l’usage des biens, ces
éléments de la propriété n’entrant donc pas dans le champ d’application du paragraphe 1 de
l’article V. Les demandes formées par l’Iran en l’occurrence reposent uniquement sur la clause c),
qui concerne l’aliénation de biens.
15.4 Si l’on applique les principes d’interprétation des traités établis par le droit international
coutumier tels qu’ils sont codifiés dans la convention de Vienne, l’expression anglaise shall be
permitted [traduite par le terme «pourront» dans le texte français] employée pour énoncer les
obligations essentielles mises à la charge des parties par le paragraphe 1 de l’article V doit être
interprétée suivant le sens ordinaire de ses termes. Selon un dictionnaire juridique américain de
premier plan, l’un des synonymes du verbe anglais «to permit» [permettre] est le verbe «to allow»
144
- 136 -
[autoriser] ; permettre une activité, c’est l’autoriser489. En revanche, permettre une activité ne signifie
pas la faciliter, la rendre aussi aisée que possible, ni s’interdire totalement de la réglementer ou de la
soumettre à des conditions et à des restrictions. Par conséquent, il n’y a pas d’atteinte au paragraphe 1
de l’article V lorsque des règles et procédures relatives à la cession de biens imposent certaines
formes de charges, d’entraves ou d’exigences (par exemple en exigeant que les cessions de biens
immobiliers fassent l’objet d’enregistrement et donnent lieu au versement d’une taxe ou de droits ou
en soumettant les cessions de biens à la charge de respecter les restrictions imposées en matière
d’occupation des sols), tant que ces mesures n’empêchent pas entièrement la cession des biens.
15.5 De plus, il faut considérer le paragraphe 1 de l’article V dans son ensemble et replacer
chacun de ses termes dans son contexte. En particulier, la Cour doit interpréter les deux phrases du
paragraphe 1 de l’article V ensemble, l’une à la lumière de l’autre. Le standard de traitement de la
nation la plus favorisée énoncé dans la deuxième phrase dudit paragraphe définit les conditions
d’exécution des obligations prévues dans la première phrase. Il signifie que ces obligations
s’appliquent aux comportements fondés sur la nationalité, et non à ceux qui sont fondés sur les règles
d’application générale du droit commun des biens.
SECTION B
L’IRAN N’A FORMÉ AUCUNE DEMANDE AU TITRE DE LA CLAUSE C)
DU PARAGRAPHE 1 DE L’ARTICLE V
15.6 Les prétentions formulées par l’Iran au titre de la clause c) du paragraphe 1 de l’article V
doivent être rejetées pour deux motifs indépendants l’un de l’autre. Premièrement, la disposition du
paragraphe 1 de l’article V invoquée par l’Iran ne s’applique qu’à l’aliénation de biens ; or l’Iran n’a
produit aucun élément de preuve tendant à établir que ses sociétés tentaient d’aliéner les biens en
cause, et encore moins que de telles tentatives avaient été entravées par les mesures américaines
contestées.
15.7 Deuxièmement, le paragraphe 1 de l’article V impose un critère d’appréciation lié à la
nationalité, mais l’Iran n’a pas établi en quoi les mesures contestées avaient soumis ses sociétés à un
traitement singulier incompatible avec le standard de traitement de la nation la plus favorisée.
15.8 La règle du critère de la nation la plus favorisée est un standard relatif qui fait obligation
au demandeur de citer une personne ou une société ayant bénéficié d’un traitement plus favorable à
raison de sa nationalité dans une situation similaire. Comme l’a déclaré un tribunal dans
l’interprétation d’une clause de la nation la plus favorisée insérée dans un traité d’investissement,
pour établir le bien-fondé d’«une demande de réparation tirée d’une violation alléguée de la clause
de la nation la plus favorisée», «le demandeur doit en principe établir l’existence d’un élément de
comparaison et démontrer que cet élément a bénéficié d’un meilleur traitement»490. Toute demande
formée sur le fondement du paragraphe 1 de l’article V ne peut donc prospérer que s’il existe un
élément de comparaison, à savoir une autre société qui a bénéficié d’un meilleur traitement à raison
de sa nationalité dans des circonstances identiques.
489 Black’s Law Dictionary (11e édition, 2019), entrée «Permit» (annexe 157).
490 European American Investment Bank AG v. The Slovak Republic, affaire CPA 2010-17, sentence sur la
compétence, 22 octobre 2012, par. 435 (annexe 224) ; voir également Andrew Newcombe et Lluis Paradell, «Law and
Practice of Investment Treaties: Standards of Treatment», 2009, p. 224-225 («pour comparer les traitements appliqués à
deux ou plusieurs investisseurs, il faut déterminer l’élément de comparaison applicable») (annexe 225).
145
- 137 -
15.9 L’Iran n’a pas rempli cette condition simple et fondamentale applicable à toute demande
formée sur le fondement de la clause de la nation la plus favorisée, car il n’a cité aucun élément de
comparaison. Plus précisément, il n’a cité aucune société d’un pays tiers se trouvant dans une
situation identique — c’est-à-dire un établissement ou organisme d’un Etat soutenant le
terrorisme — qui ait bénéficié d’un meilleur traitement que les sociétés qui font l’objet de ses
demandes tirées du paragraphe 1 de l’article V.
15.10 Pour les deux motifs exposés ci-dessus, les Etats-Unis font valoir que l’Iran n’a établi
l’existence d’aucune demande de réparation valable au titre du paragraphe 1 de l’article V.
- 138 -
CHAPITRE 16
LES ETATS-UNIS N’ONT PAS PORTÉ ATTEINTE AU PARAGRAPHE 1 DE L’ARTICLE VII
16.1 La demande formée par l’Iran sur le fondement de l’article VII doit être rejetée comme
découlant d’une mauvaise interprétation de ce texte. L’Iran affirme que l’article VII interdit toute
restriction imaginable en matière de paiements, remises et transferts de fonds. Ce faisant, il considère
toutefois isolément et indûment un petit nombre de termes et fait abstraction de leur contexte
immédiat, du texte de l’article dans son ensemble et des travaux préparatoires pertinents, au mépris
des règles d’interprétation des traités susceptibles d’être appliquées. Comme les Etats-Unis le
démontrent dans le présent chapitre, l’Iran se trompe. L’article VII doit s’interpréter comme une
disposition régissant le contrôle des changes qui définit les normes à observer au cas où l’une des
parties jugerait nécessaire de limiter l’accessibilité des devises étrangères. Le segment pertinent du
paragraphe 1 de l’article VII ne peut être compris dans son contexte que comme un texte établissant
l’interdiction générale des restrictions en matière de change, assortie d’une série d’exceptions qui
sont énumérées dans le texte. De plus, il ressort des travaux préparatoires du traité que l’article VII
avait fait l’objet d’intenses discussions et que les deux parties n’y voyaient rien d’autre qu’une
disposition relative au contrôle des changes.
16.2 Même l’interprétation trop extensive que l’Iran donne à l’article VII autorise le rejet de
sa demande. L’Iran allègue que les Etats-Unis ont violé l’article VII en imposant des restrictions en
matière de paiements, remises et transferts de fonds ; or les mesures américaines en cause n’ont
d’autre but que de permettre l’exécution de décisions de justice régulièrement rendues. Il en résulte
que la demande formée par l’Iran au titre de l’article VII ne saurait prospérer.
16.3 L’article VII est libellé comme suit :
«1. Aucune des Hautes Parties contractantes n’imposera de restrictions en matière
de paiements, remises et transferts de fonds à destination ou en provenance des
territoires de l’autre Haute Partie contractante sauf : a) dans la mesure nécessaire afin
que les ressources en devises étrangères soient suffisantes pour régler le prix des
marchandises et des services indispensables à la santé et au bien-être de sa population ;
et b) dans le cas d’un membre du Fonds monétaire international, s’il s’agit de
restrictions expressément approuvées par le Fonds.
2. Si l’une ou l’autre des Hautes Parties contractantes impose des restrictions en
matière de change, elle devra réserver sans délai des sommes suffisantes pour faire face
aux retraits normalement prévisibles, dans la monnaie de l’autre Haute Partie
contractante : a) des indemnités dont il est question au paragraphe 2 de l’article IV du
présent Traité ; b) des gains, qu’ils prennent la forme de traitements, d’intérêts, de
dividendes, de commissions, de redevances, de rétributions de services ou toute autre
forme ; et c) des sommes afférentes à l’amortissement d’emprunts, à la dépréciation
d’investissements directs et au transfert de capitaux, compte tenu des besoins
particuliers en vue d’autres opérations. Si plus d’un taux de change est en vigueur, le
taux applicable à ces retraits sera celui qui aura été expressément approuvé par le Fonds
monétaire international pour les opérations de cette nature ou, à défaut d’un taux ainsi
approuvé, un taux effectif qui, compte tenu de toute taxe ou surtaxe imposée sur les
transferts de devises, sera juste et raisonnable.
3. En règle générale, la Haute Partie contractante qui imposera des restrictions en
matière de change devra les appliquer de manière à ne pas porter préjudice au
commerce, aux transports et aux investissements de l’autre Haute Partie contractante
sur le marché par rapport au commerce, aux transports ou aux investissements d’un pays
146
- 139 -
tiers ; elle devra donner à l’autre Haute Partie contractante la possibilité de discuter avec
elle, à tout moment, l’application des dispositions du présent article.»
SECTION A
LE PARAGRAPHE 1 DE L’ARTICLE VII S’APPLIQUE AUX RESTRICTIONS
EN MATIÈRE DE CHANGE ET L’IRAN N’A CITÉ AUCUNE MESURE
DE RESTRICTION IMPOSÉE PAR LES ETATS-UNIS
EN MATIÈRE DE CHANGE
16.4 Les paragraphes de l’article VII forment un tout et doivent être pris ensemble. Le
paragraphe 1 impose l’interdiction générale des restrictions en matière de paiements, remises et
transferts de fonds à destination ou en provenance des territoires de l’autre partie, sous réserve de
deux exceptions. Dans la première exception, les parties sont dégagées de l’obligation générale
lorsque cela s’impose pour que leurs ressources en devises étrangères soient suffisantes pour régler
le prix des marchandises et des services indispensables à la santé et au bien-être de leur population.
La deuxième exception dispense les parties de l’obligation générale lorsque le Fonds monétaire
international (FMI) a expressément approuvé la restriction. Il ressort de ces deux exceptions, qui
forment le contexte immédiat de l’interdiction générale énoncée au paragraphe 1 («Aucune des
Hautes Parties contractantes n’imposera de restrictions»), que le terme «restrictions» désigne les
formes de restrictions auxquelles ces types d’exception s’appliquent, à savoir les restrictions en
matière de change.
16.5 Les paragraphes 2 et 3 confirment cette interprétation. Ils s’appliquent si une Haute Partie
contractante impose des restrictions en matière de change dans le cadre des exceptions prévues au
paragraphe 1. Le paragraphe 2 fait obligation à toute partie qui impose des restrictions en matière de
change de réserver des sommes suffisantes pour effectuer certains paiements prioritaires dans la
monnaie de l’autre partie. Il définit également les méthodes à appliquer pour déterminer le taux de
change approprié pour ces paiements prioritaires lorsque plus d’un taux de change est en vigueur.
Aux termes du paragraphe 3, les restrictions imposées en matière de change ne doivent pas être de
nature à défavoriser l’autre partie sur le marché par rapport aux pays tiers. Le paragraphe 3 fait
également obligation à la partie qui impose des restrictions en matière de change de se concerter avec
l’autre partie à la demande de celle-ci. Il ne fait pas de doute que les paragraphes 2 et 3 s’appliquent
aux restrictions en matière de change et renvoient au paragraphe 1 dans son intégralité. Lorsque l’on
considère l’article VII dans son ensemble, comme il se doit, il en ressort clairement que ses
dispositions, y compris l’interdiction générale énoncée au paragraphe 1, concernent les restrictions
en matière de change.
16.6 Il est bien entendu que «[c]onformément aux principes élémentaires d’interprétation, les
expressions spéciales l’emportent sur les expressions générales»491. Ainsi, dans l’interprétation
d’obligations libellées à la fois en «francs-or» et en francs sans la qualification «or» en l’Affaire
concernant le paiement de divers Emprunts serbes émis en France492, la Cour permanente de Justice
internationale a estimé que les deux expressions visaient un engagement à payer en or, au motif que
«[c]onformément aux principes élémentaires d’interprétation, les expressions spéciales l’emportent
sur les expressions générales» et que le texte des obligations devait être pris comme un tout. Le même
principe s’applique en l’espèce. L’expression spéciale «restrictions en matière de change» employée
aux paragraphes 2 et 3 éclaire le sens de l’expression générale «restrictions» figurant au
491 Affaire concernant le paiement de divers Emprunts serbes émis en France (France c. Royaume des Serbes,
Croates et Slovènes), arrêt no 14, 1929, C.P.J.I. série A no 20, p. 30.
492 Ibid.
147
148
- 140 -
paragraphe 1, et l’article VII doit être pris comme un tout. En tentant d’isoler des termes de leur
contexte, l’Iran dénature cette disposition.
16.7 Les travaux préparatoires du traité confirment que l’article VII porte sur les restrictions
en matière de change et non sur toutes les restrictions en matière de paiements, remises et transferts
de fonds493. Au cours des négociations, l’article VII avait fait l’objet d’intenses discussions et les
Etats-Unis comme l’Iran considéraient qu’il imposait l’interdiction générale des restrictions en
matière de change494. Le premier projet de traité éventuel que le département d’Etat américain avait
adressé à l’ambassade des Etats-Unis à Téhéran comprenait une table des matières destinée à faciliter
les échanges de vues. Dans cette table des matières, l’article VII était intitulé «Contrôle des
changes»495 ; le projet avait été remis aux autorités iraniennes le 3 août 1954496.
16.8 Le département d’Etat avait également adressé en même temps à l’ambassade des
Etats-Unis à Téhéran des explications sur certaines dispositions, afin d’aider les responsables de
l’ambassade à bien mener leurs négociations avec leurs homologues iraniens. Concernant
l’article VII, les services du département d’Etat avaient donné les explications suivantes :
«Selon le département d’Etat, l’article VII, relatif aux restrictions en matière de
change, revêt de l’importance pour l’objectif général du traité, qui consiste à améliorer
les conditions de réalisation des investissements étrangers. Il énonce des règles de
conduite qui n’imposent pas de contraintes excessives aux parties au traité, sous réserve
que le pays souscrive au principe que les mesures de contrôle des changes ne doivent
pas être inutilement discriminatoires ou appliquées à des fins protectionnistes …
Les autorités étrangères soutiennent parfois qu’il n’est pas souhaitable d’inclure
des dispositions relatives aux restrictions en matière de change dans un traité bilatéral,
celles-ci risquant de paraître comme une dérogation aux statuts du FMI. En fait, le FMI
n’a pas vocation à s’intéresser aux questions spécifiques qui font l’objet du type de traité
envisagé en l’occurrence, et les dispositions régissant les contrôles des changes adaptées
aux buts spécifiques du traité bilatéral ne concernent nullement le FMI. Ce dernier peut,
par exemple, en application de l’article VIII de ses statuts, autoriser l’un de ses membres
à imposer des restrictions en matière de change et, dans le cadre de cette autorisation
générale, autoriser une certaine souplesse pour l’importation de produits de luxe, tout
en interdisant les opérations de change pour le service du capital. Le traité vise à établir
des principes convenus pour l’application des restrictions, que celles-ci soient autorisées
par le FMI ou ne relèvent pas de sa compétence, comme les restrictions en matière de
transferts de capitaux. L’article VII proposé ne prévaut pas sur les statuts du FMI ni
n’est en conflit avec eux.»497
493 Convention de Vienne, art. 32 («ll peut être fait appel à des moyens complémentaires d’interprétation, et
notamment aux travaux préparatoires et aux circonstances dans lesquelles le traité a été conclu, en vue … de confirmer le
sens résultant de l’application de l’article 31…»).
494 Télégramme en date du 16 octobre 1954 adressé au département d’Etat américain par l’ambassade des
Etats-Unis à Téhéran, p. 6 (annexe 226).
495 Notes en date du 23 juillet 1954 adressées à l’ambassade des Etats-Unis à Téhéran par le département d’Etat
américain, A-18 (annexe 227).
496 Télégramme en date du 15 septembre 1954 adressé au département d’Etat américain par l’ambassade des
Etats-Unis à Téhéran (annexe 228). Le texte du paragraphe 1 de l’article VII figurant dans le projet de traité est identique
à celui du paragraphe 1 de l’article VII du traité signé.
497 Notes en date du 23 juillet 1954 adressées à l’ambassade des Etats-Unis à Téhéran par le département d’Etat
américain, A-18 (annexe 227).
149
- 141 -
Il est évident que l’article VII était considéré comme un texte portant sur les restrictions en matière
de change et les Etats-Unis avaient une longue expérience de cette disposition. De plus, le
département d’Etat avait souligné que l’application de l’article VII du traité ne relevait pas de la
compétence du FMI, même si elle s’en rapprochait.
16.9 Après l’ouverture des négociations sur le traité entre l’Iran et les Etats-Unis, les autorités
iraniennes avaient exprimé de nombreuses réserves à l’égard de l’article VII. Dès le départ,
Djalal Abdoh, représentant le ministère des affaires étrangères, avait fait part de plusieurs
préoccupations à l’ambassade des Etats-Unis. La banque Melli s’inquiétait notamment du rôle
attribué au FMI :
«Abdoh, représentant le ministère des affaires étrangères, a informé l’ambassade
que des objections avaient été soulevées au sujet de l’article 7 relatif aux restrictions en
matière de change au sein de la commission interministérielle chargée d’examiner le
projet de traité d’amitié et de relations économiques, en particulier par le représentant
de la banque Melli. L’une de ces objections concernait apparemment l’obligation de
soumettre le projet de restrictions à l’approbation expresse du FMI. Selon la banque
Melli, cette disposition ne pouvait pas (négation répétée) être respectée en cas de crise
des changes, comme celle qui s’était produite en septembre 1954, la banque étant
obligée en pareilles circonstances d’imposer immédiatement des restrictions sur
certaines transactions en devises.»498
La préoccupation du représentant de la banque Melli découlait d’une mauvaise compréhension du
rôle de l’approbation du FMI, mais elle mettait également en évidence le fait qu’il était entendu que
l’article VII portait sur les restrictions en matière de change499.
16.10 Djalal Abdoh avait fait part d’autres objections initiales aux responsables américains à
la même occasion, dont celle découlant de la crainte de voir l’obligation de ne pas imposer de
restrictions en matière de change mise à la charge de l’Iran profiter à d’autres pays auxquels il
accordait des garanties en matière de traitement de la nation la plus favorisée au cas où il accepterait
l’article VII, ce qui risquerait de permettre à des investissements étrangers non américains d’avoir
un accès prioritaire aux devises de l’Iran. De fait, les autorités iraniennes avaient exprimé de façon
générale d’importantes préoccupations sur l’ordre de priorité qui devrait être attribué aux besoins en
devises en cas de pénurie de devises.
«Une autre objection évoquée par Abdoh concernait l’obligation faite à la partie
qui impose des restrictions en matière de change de réserver des sommes suffisantes
pour faire face aux retraits de devises permettant de s’acquitter des charges liées aux
crédits et investissements étrangers. Certains responsables iraniens estimaient qu’au cas
où un tel engagement serait pris dans le cadre du traité avec les Etats-Unis, ses effets
s’étendraient aux autres pays avec lesquels l’Iran avait conclu ou conclurait des traités
assortis de la clause de la nation la plus favorisée. Le fait que les frais de service de la
dette sur certains investissements étrangers non américains puissent en conséquence
avoir priorité sur les besoins de l’Iran en devises étrangères semblait être un sujet
sensible aux yeux de certains responsables iraniens ayant une expérience de la
compensation acquise dans le cadre des négociations relatives au pétrole. Abdoh a
498 Télégramme en date du 2 octobre 1954 adressé au département d’Etat américain par l’ambassade des Etats-Unis
à Téhéran (annexe 229).
499 Par la suite, le malentendu avait été dissipé, les représentants américains ayant expliqué que l’article VII
n’imposait aucune obligation autonome d’obtenir l’approbation du FMI. L’exception relative à l’approbation expresse du
FMI avait été ajoutée par précaution afin d’éviter «tout empiètement par le traité sur les prérogatives du FMI et n’impos[ait]
pas de nouvelles obligations à l’Iran». Voir le télégramme en date du 26 octobre 1954 adressé à l’ambassade des Etats-Unis
à Téhéran par le département d’Etat américain (annexe 230).
150
- 142 -
également laissé entendre que la banque Melli ne souhaitait pas (négation répétée)
assumer la responsabilité conventionnelle de fournir des devises étrangères pour
honorer les engagements de l’organisation Plan et les autres engagements de l’Etat à
l’égard des fournisseurs étrangers. Le montant de ces engagements n’est toujours pas
(négation répétée) connu.»500
Toutes ces réserves initiales découlaient manifestement du fait que les parties considéraient
l’article VII comme une disposition relative au contrôle des changes.
16.11 Le 13 octobre 1954, les responsables de l’ambassade des Etats-Unis et les responsables
iraniens s’étaient réunis pour des discussions plus approfondies sur certaines dispositions du projet
de traité. Dans un télégramme adressé au département d’Etat, les responsables de l’ambassade des
Etats-Unis avaient résumé ces échanges comme suit, et demandé des conseils, notamment sur la
réponse à apporter aux préoccupations de l’Iran concernant l’article VII :
«Il était évident que le champ d’application de l’article VII dans son ensemble,
l’intention qui le sous-tendait et ses modalités d’exécution préoccupaient grandement
les représentants iraniens. Les difficultés expressément évoquées par les autorités
iraniennes concernaient notamment : a) les conditions qui devraient être remplies avant
qu’une partie puisse imposer des restrictions en matière de change ; b) la détermination
de la personne habilitée à décider de l’étendue des restrictions à imposer ; et c) dans
l’éventualité où des restrictions seraient imposées, l’ordre de priorité qui serait appliqué
aux différents besoins en devises dans ce contexte marqué par le rationnement de
ceux-ci.
S’agissant des conditions qui devraient être remplies avant que l’une des parties
puisse imposer des restrictions en matière de change, M. Mohamed Nemazee, en
particulier, a souligné qu’il croyait comprendre que chaque partie pouvait imposer de
telles restrictions chaque fois qu’elle estimait ne pas avoir suffisamment de devises pour
financer ses importations de produits essentiels et ses autres besoins tels que l’exécution
de ses obligations étrangères et les transferts afférents aux investissements étrangers.
M. Nemazee a indiqué que selon son interprétation du paragraphe 1 de
l’article VII, qui régirait celle des paragraphes 2 et 3, un pays devrait d’abord pouvoir
couvrir ses besoins de financement pour ses importations de produits essentiels et
ensuite réserver des sommes suffisantes pour faire face au service de la dette et à ses
autres obligations dans la mesure où il dispose encore de devises.»501
Il s’ensuit que tous les débats relatifs aux préoccupations de l’Iran concernant l’article VII
s’inscrivaient dans le cadre du change. En outre, il est manifeste que les parties interprétaient
expressément le paragraphe 1 comme un texte concernant les opérations de change et considéraient
généralement l’article VII comme un tout cohérent, un paragraphe éclairant le sens des autres.
16.12 Dans le même télégramme, l’ambassade des Etats-Unis à Téhéran avait résumé d’autres
préoccupations exprimées par les autorités iraniennes au sujet de l’article VII comme suit :
«La question de la détermination de la personne habilitée à juger de la nécessité
d’imposer des restrictions en matière de change et de la compatibilité de ces restrictions
500 Télégramme en date du 2 octobre 1954 adressé au département d’Etat américain par l’ambassade des Etats-Unis
à Téhéran (annexe 229).
501 Télégramme en date du 16 octobre 1954 adressé au département d’Etat américain par l’ambassade des
Etats-Unis à Téhéran, p. 6 (référence interne omise) (annexe 226).
151
- 143 -
avec les dispositions de l’article VII semblait être de première importance dans l’esprit
des autorités iraniennes …
Les Iraniens ont porté une vive attention à l’ordre de priorité à observer entre les
différents besoins en devises en cas de restrictions frappant celles-ci. Comme indiqué
ci-dessus, ils ont clairement dit que les devises disponibles serviraient en priorité à
assurer les importations de produits essentiels de chaque pays.»502
L’ambassade des Etats-Unis à Téhéran avait aussi signalé que les autorités iraniennes avaient
exprimé un certain nombre d’autres préoccupations, notamment celle découlant du fait que la
disposition contraindrait l’Iran à dégager ses maigres ressources en devises pour faciliter les
transferts de capitaux fébriles503. Là encore, toutes les préoccupations exprimées par les autorités
iraniennes s’expliquaient par le fait que, selon elles, l’article VII s’appliquait au contrôle des changes
et l’interdiction générale énoncée au paragraphe 1 s’appliquait aux restrictions en matière de change.
16.13 D’autres sources historiques confirment que l’article VII était compris comme un texte
s’appliquant au contrôle des changes. A l’instar de la table des matières qui figurait dans le premier
projet de traité, l’étude Sullivan qualifie l’article VII de disposition relative au «contrôle des
changes»504. En outre, l’étude Sullivan établit expressément une corrélation entre le paragraphe 1 de
l’article VII et le paragraphe 2 de l’article XII de l’accord type, qui porte sur les «restrictions en
matière de change»505.
16.14 En somme, c’est une interprétation erronée et opportuniste que l’Iran donne au traité
lorsqu’il tente de faire croire que les «restrictions» visées au paragraphe 1 de l’article VII s’entendent
d’autre chose que des restrictions en matière de change. Interpréter l’interdiction générale énoncée
au paragraphe 1 de l’article VII comme applicable à toutes les restrictions imaginables en matière de
paiements, remises et transferts de fonds reviendrait à faire fi du texte, du contexte, des travaux
préparatoires et des autres sources historiques. La Cour doit rejeter cette approche et, par voie de
conséquence, la demande tirée par l’Iran de l’article VII.
SECTION B
MÊME SI L’ARTICLE VII INTERDISAIT LES RESTRICTIONS EN MATIÈRE DE PAIEMENTS,
REMISES ET TRANSFERTS DE FONDS AUTRES QUE LES RESTRICTIONS EN MATIÈRE DE CHANGE,
LA DEMANDE DE L’IRAN NE PROSPÉRERAIT TOUJOURS PAS
16.15 A titre subsidiaire, la demande de l’Iran ne prospérerait toujours pas si l’on retenait
l’interprétation extensive qu’il donne au paragraphe 1 de l’article VII. L’Iran affirme que toutes les
mesures américaines contestées constituent des restrictions interdites imposées sur les transferts en
violation de l’article VII tel qu’il l’interprète. Il n’a cependant pas étayé cette allégation catégorique
qui est également trop générale.
16.16 Comme on l’a vu au chapitre 6 ci-dessus, les Etats-Unis ont pris un certain nombre de
mesures qui régissent les procès relatifs au terrorisme devant les juridictions américaines et
502 Télégramme en date du 16 octobre 1954 adressé au département d’Etat américain par l’ambassade des
Etats-Unis à Téhéran, p. 6-7 (annexe 226).
503 Ibid., p. 7 (annexe 226).
504 Etude Sullivan, p. 206 (MI, annexe 20).
505 Ibid., p. 206 et 370 (MI, annexe 20).
152
- 144 -
permettent aux victimes d’actes de terrorisme bénéficiaires de décisions de justice condamnant l’Iran
dont les créances judiciaires n’ont pas été réglées d’exécuter ces décisions sur les biens
d’établissements et organismes iraniens. Ces mesures ne constituent pas des restrictions en matière
de paiements, remises et transferts de fonds à destination ou en provenance des territoires de l’autre
haute partie contractante. Elles visent plutôt à assurer l’exécution de décisions de justice rendues en
toute régularité. De fait, si l’on retenait l’approche adoptée par l’Iran, les décisions rendues contre
les ressortissants iraniens ou les sociétés iraniennes ne pourraient jamais être exécutées sur leurs
actifs au cas où ils refuseraient de payer les créances judiciaires qui en résultent : l’interprétation
proposée par l’Iran ferait de cette exécution un transfert interdit. Or rien ne porte à croire qu’à
l’époque où les parties ont conclu le traité, elles entendaient supprimer leurs mécanismes judiciaires
d’exécution des décisions de justice. (Les relations commerciales dépendent en partie de l’existence
d’un système composé du droit des contrats, de tribunaux chargés de trancher les différends et de
mécanismes permettant de garantir l’exécution des décisions rendues par ces tribunaux.) Interpréter
l’article VII comme interdisant de procéder à des saisies judiciaires pour exécuter des décisions de
justice régulières étendrait sa portée bien au-delà de son but et de son champ d’application prévus.
16.17 S’agissant du décret présidentiel no 13599, qui fait partie du programme de sanctions
des Etats-Unis et bloque des catégories déterminées d’actifs iraniens pour des raisons de sécurité
nationale506, les Etats-Unis font valoir qu’il relève du paragraphe 1 de l’article XX et n’entre donc
pas dans le champ d’application du traité, comme ils l’ont démontré au chapitre 11. Par conséquent,
il y a lieu de rejeter toute demande portant sur le décret présidentiel no 13599.
506 Décret présidentiel no 13599, «Federal Register», vol. 77, 5 février 2012, p. 6659 (MI, annexe 22).
153
- 145 -
CHAPITRE 17
LE RÉGIME JURIDIQUE AMÉRICAIN PERMETTANT AUX VICTIMES D’ACTES TERRORISTES
D’EXÉCUTER DES DÉCISIONS DE JUSTICE NE CONSTITUE PAS UNE VIOLATION
DU PARAGRAPHE 1 DE L’ARTICLE X
17.1 S’agissant de l’article X, les prétentions que l’Iran en tire reposent sur une interprétation
inexacte et trop large du texte applicable. Selon l’Iran, des sûretés judiciaires jusqu’aux activités de
banque centrale, tout relève du champ d’application du paragraphe 1 de l’article X, qui dispose en
tout et pour tout qu’«[i]l y aura liberté de commerce et de navigation entre les territoires des deux
Hautes Parties contractantes». Bien que l’Iran propose une interprétation quasiment illimitée de
l’expression «liberté de commerce», la Cour a dit dans l’arrêt sur les exceptions préliminaires que
les violations des immunités souveraines alléguées par l’Iran n’entraient pas dans le champ
d’application du paragraphe 1 de l’article X507.
17.2 Les États-Unis démontreront ci-après que les autres allégations de l’Iran faisant état de
violations du paragraphe 1 de l’article X doivent être rejetées, et ce, pour trois motifs. Premièrement,
le terme «commerce» employé au paragraphe 1 de l’article X doit être interprété dans son contexte
comme désignant le commerce lié à la navigation. Dans la mesure où cette interprétation serait
contraire à la conclusion qu’elle a adoptée en l’affaire des Plates-formes pétrolières, les Etats-Unis
prient respectueusement la Cour de réexaminer sa conclusion. A titre subsidiaire, si le «commerce»
visé par le paragraphe 1 de l’article X dépasse le cadre de la navigation, il doit s’interpréter comme
étant le commerce de marchandises, y compris les activités secondaires qui y sont intrinsèquement
liées, conformément à l’arrêt rendu en l’affaire des Plates-formes pétrolières. Or dans sa prétention
tirée dudit paragraphe, l’Iran ne cite aucun acte de commerce de marchandises qui ait été perturbé
par les mesures contestées. Deuxièmement, l’Iran méconnaît manifestement dans son mémoire une
importante limite du champ d’application territorial du paragraphe 1 de l’article X qui a été examinée
par la Cour dans l’arrêt rendu en l’affaire des Plates-formes pétrolières ; pour ce seul motif, sa
prétention tirée de l’article X mérite d’être rejetée. Troisièmement, le paragraphe 1 de l’article X ne
saurait s’interpréter valablement comme applicable aux règles régissant les procès liés au terrorisme
qui sont intentés devant les juridictions américaines, ces règles n’ayant qu’un trop faible rapport, s’il
en existe, avec les relations commerciales entre les parties.
17.3 L’article X est libellé comme suit :
«1. Il y aura liberté de commerce et de navigation entre les territoires des deux
Hautes Parties contractantes.
2. Les navires battant pavillon de l’une des Hautes Parties contractantes et munis
des documents que leur législation exige comme preuve de leur nationalité, seront
considérés comme étant des navires de cette Haute Partie contractante, en haute mer
aussi bien que dans les ports, les mouillages et les eaux de l’autre Haute Partie
contractante.
3. Les navires de l’une des deux Hautes Parties contractantes pourront librement,
dans les mêmes conditions que les navires de l’autre Haute Partie contractante et les
navires de tout pays tiers, se rendre avec leur cargaison dans tous les ports, mouillages
et eaux de cette autre Haute Partie contractante, qui sont ouverts au commerce
international et à la navigation internationale. Lesdits navires, ainsi que leur cargaison
bénéficieront à tous égards, dans les ports, les mouillages et les eaux de cette autre Haute
Partie contractante, du traitement national et du traitement de la nation la plus favorisée ;
507 Arrêt sur les exceptions préliminaires, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 34, par. 79.
154
- 146 -
mais chacune des Hautes Parties contractantes pourra réserver à ses propres navires des
droits et des privilèges exclusifs en ce qui concerne le cabotage, la navigation fluviale
et les pêcheries nationales.
4. Chacune des Hautes Parties contractantes accordera aux navires de l’autre
Haute Partie contractante le traitement national et le traitement de la nation la plus
favorisée en ce qui concerne le droit de transporter, à destination ou en provenance de
ses territoires, tous les produits qui peuvent être acheminés par bateau ; lesdits produits
bénéficieront d’un traitement non moins favorable que celui qui est accordé aux produits
similaires transportés à bord de navires de la première Haute Partie contractante en ce
qui concerne : a) les droits et taxes de toutes natures, b) les formalités douanières ; et
c) les primes, drawbacks et autres avantages de même ordre.
5. Les navires en détresse de l’une des Hautes Parties contractantes pourront
chercher refuge dans le port ou havre le plus proche de l’autre Haute Partie
contractante ; ils y bénéficieront d’un traitement amical et recevront assistance.
6. Au sens du présent Traité, le terme «navires» doit s’entendre des navires de
tous genres, qu’ils soient propriété privée ou publique ou que leur exploitation soit
privée ou publique ; ce terme ne vise cependant pas, sauf en ce qui concerne
l’application des paragraphes 2 et 5 du présent article, les bateaux de pêche ou les
bâtiments de guerre.»
SECTION A
LE TERME «COMMERCE» EMPLOYÉ AU PARAGRAPHE 1 DE L’ARTICLE X DOIT ÊTRE
INTERPRÉTÉ COMME DÉSIGNANT LE COMMERCE LIÉ À LA NAVIGATION
17.4 Comme il ressort clairement de son texte intégral, l’article X crée un mécanisme détaillé
régissant l’accès sans discrimination aux ports et d’autres questions relatives à la navigation maritime
commerciale dont les éléments sont étroitement liés et doivent être interprétés ensemble dans leur
contexte. A l’exception du paragraphe 1, tous les paragraphes de l’article X portent expressément sur
les navires508. Les paragraphes 1 et 3 sont les seuls qui évoquent même le commerce, et tous les deux
le mettent en parallèle avec la navigation, dans l’expression «commerce et … navigation» ou
«commerce … et … navigation». De plus, le «commerce» visé par le paragraphe 3 ne peut s’inscrire
que dans le cadre de la navigation, et il serait incongru d’interpréter différemment le terme
«commerce» aux paragraphes 1 et 3.
17.5 Les travaux préparatoires du traité confirment que le terme «commerce» employé au
paragraphe 1 de l’article X doit se comprendre dans le contexte de la navigation. Le 23 juin 1954, le
département d’Etat avait adressé à l’ambassade des Etats-Unis à Téhéran une synthèse des différentes
dispositions du traité d’amitié envisagées. Pour l’article X, l’intention des Etats-Unis avait été
énoncée dans la synthèse comme suit :
508 Voir également Plates-formes pétrolières (République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), exception
préliminaire, arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II), opinion individuelle de Mme la juge Higgins, p. 859, par. 40 («Dans le contexte
de ces articles-là et dans celui des paragraphes qui suivent dans l’article X lui-même, il me paraît que le commerce visé ici
est le commerce maritime ou, comme dans l’affaire Oscar Chinn, le commerce intrinsèquement lié, étroitement associé, au
commerce maritime ou tout commerce accessoire du commerce maritime.»), et opinion dissidente de M. le juge Schwebel,
vice-président, p. 887 («quand le traité veut aller au-delà de la liberté du commerce maritime, il y consacre d’autres
articles»).
155
- 147 -
«Article X
Compte tenu des intérêts actuels de l’Iran liés à sa qualité d’Etat maritime et de
l’ampleur qu’ils vont sans doute prendre dans l’avenir, il a été jugé opportun de proposer
les dispositions relatives à la navigation qui figurent dans le traité d’amitié, de
commerce et de navigation type.»509
Il ressort en outre des travaux préparatoires que les deux parties considéraient l’article X dans son
ensemble comme une disposition relative à la navigation. Un télégramme du 23 juillet 1954 adressé
à l’ambassade des Etats-Unis à Téhéran — qui a été également évoqué dans la section A du
chapitre [16] — comprenait un avant-projet de traité potentiel, assorti d’une table des matières
destinée à faciliter les travaux. L’article X portait le titre de «Navigation» dans cette table des
matières510 et l’avant-projet de traité avait été remis aux responsables iraniens le 3 août 1954511.
17.6 De plus, les travaux préparatoires montrent que le paragraphe 1 de l’article X ne peut en
aucun cas avoir le sens large que l’Iran lui attribue. Lors des négociations, les responsables iraniens
avaient émis au départ des réserves sur l’obligation de traitement non discriminatoire des navires qui
est énoncée dans tout l’article X. Plutôt que d’accepter une disposition conventionnelle susceptible
de tolérer les traitements discriminatoires, les Etats-Unis avaient jugé préférable d’abandonner
l’article X. Le département d’Etat avait informé par écrit l’ambassade des Etats-Unis à Téhéran que
si l’Iran maintenait ses réserves, les Etats-Unis supprimeraient purement et simplement cette
disposition du traité512. Si le terme «commerce» employé au paragraphe 1 de l’article X avait eu la
portée et l’importance que l’Iran invoque maintenant, les Etats-Unis n’auraient pas été si enclins à
abandonner cette disposition.
17.7 Au nombre des circonstances de la conclusion du traité figure un rapport du Sénat
américain établi aux fins de la ratification du traité qui souligne également que le terme «commerce»
employé au paragraphe 1 de l’article X ne peut avoir le sens large que l’Iran lui attribue maintenant.
Ce rapport présente succinctement l’article X comme étant une disposition qui «définit en détail les
droits des navires battant pavillon de chacune des parties dans les ports de l’autre partie et, en général,
leur garantit le traitement national et le traitement de la nation la plus favorisée, sauf en matière de
navigation côtière, de navigation fluviale et de navigation de pêche»513. Si l’expression «liberté de
commerce» avait été comprise comme une garantie illimitée tendant à assurer des activités
commerciales sans entrave, comme l’Iran le prétend actuellement, le Sénat américain l’aurait
assurément indiqué dans sa synthèse.
17.8 Il ressort également d’autres sources historiques que l’article X est une disposition
relative à la navigation qui vise essentiellement à garantir aux navires un traitement non
discriminatoire. L’étude Sullivan met en corrélation l’article X et la disposition intitulée
«Navigation» dans le projet de traité d’amitié, de commerce et de navigation type, expliquant que
cet article «contient toutes les dispositions nécessaires pour prévenir l’application d’un traitement
509 Notes en date du 23 juillet 1954 adressées à l’ambassade des Etats-Unis à Téhéran par le département d’Etat
américain, A-18, p. 7 (les italiques sont de nous) (annexe 227).
510 Ibid., p. 17.
511 Télégramme en date du 15 septembre 1954 adressé au département d’Etat américain par l’ambassade des
Etats-Unis à Téhéran (annexe 228).
512Télégramme en date du 4 novembre 1954 adressé à l’ambassade des Etats-Unis à Téhéran par le département
d’Etat américain, p. 2 (annexe 231) («Les intérêts du commerce international seraient assurés au mieux par une politique
permettant la libre concurrence entre navires de tous les pays en matière de transport de fret commercial. Si les Iraniens
maintiennent leur position, supprimer l’article X est la seule solution.»)
513 «Senate Report», no 84-9, p. 3 (1956) (annexe 112).
156
- 148 -
discriminatoire à des navires et à leur cargaison»514. L’un des principaux négociateurs américains de
traités d’amitié, de commerce et de navigation donne une interprétation similaire à l’article X515. De
plus, s’agissant en particulier du paragraphe 1, l’étude Sullivan précise qu’il «est considéré comme
particulièrement important pour le trafic maritime»516.
17.9 Etant donné que le texte de l’article X est axé sur les navires et la navigation et, surtout,
que les parties le considéraient comme une disposition relative à la navigation, le terme «commerce»
employé dans son paragraphe 1 doit être compris dans son contexte comme désignant le commerce
lié à la navigation. Les Etats-Unis conviennent qu’en l’affaire des Plates-formes pétrolières, la Cour
avait rejeté leur argument selon lequel le «commerce» visé au paragraphe 1 de l’article X se limitait
au commerce maritime. Dans la mesure où l’arrêt statuant sur l’affaire des Plates-formes pétrolières
serait contraire à leur position exposée dans le présent contre-mémoire, les Etats-Unis prient
respectueusement la Cour de réexaminer sa conclusion antérieure pour les motifs susmentionnés. Les
circonstances de l’affaire des Plates-formes pétrolières diffèrent de celles de la présente affaire à
maints égards. En particulier, les allégations de fait formulées en l’affaire des Plates-formes
pétrolières se rapportaient principalement à des activités menées dans le golfe Persique, la prétention
tirée par l’Iran de l’article X étant dès lors au moins liée à la navigation dans ce cas. En l’espèce, au
contraire, ni l’interprétation que l’Iran donne à l’article X ni ses allégations de fait n’ont de rapport
avec la navigation, le commerce maritime ou même le littoral. En fait, l’Iran fait tout simplement
abstraction du terme «navigation» figurant dans l’article X. Il ne convient pas de l’autoriser à le faire,
et la Cour doit donc rejeter sa prétention tirée de l’article X.
SECTION B
A TITRE SUBSIDIAIRE, LE TERME «COMMERCE» EMPLOYÉ AU PARAGRAPHE 1 DE L’ARTICLE X
DÉSIGNE LE COMMERCE DE MARCHANDISES
17.10 Si la Cour juge malgré tout que le «commerce» visé par le paragraphe 1 de l’article X
dépasse le cadre de la navigation, elle devra toujours délimiter avec rigueur ce qu’il recouvre. Dans
son arrêt statuant sur l’affaire des Plates-formes pétrolières, elle l’a interprété comme s’entendant
des activités d’achat et de vente, y compris les activités secondaires qui y sont intrinsèquement
liées517. Comme l’a expliqué la Cour, l’exercice de la liberté de commerce visée au paragraphe 1 de
l’article X pourrait être entravée par des actes qui porteraient atteinte à des «biens destinés à être
exportés, ou qui seraient susceptibles d’en affecter le transport et le stockage en vue de
514 Etude Sullivan, p. 283-284 (MI, annexe 20).
515 Herman Walker, Jr., «The Post-War Commercial Treaty Program of the United States», Political Science
Quarterly, vol. 73 (1958), p. 57 et 73 («[I]l est à noter qu’un article relatif à la navigation réaffirme le caractère libéral du
régime de traitement applicable en matière de transports maritimes internationaux. Les règles qu’il énonce correspondent
aux pratiques établies de longue date par les grands pays maritimes.»] (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 2)).
Voir également Don C. Piper, «Navigation Provisions in United States Commercial Treaties», American Journal of
Comparative Law, vol. 11 (1962), p. 184 (annexe 234).
516 Etude Sullivan, p. 286 (MI, annexe 20).
517 Plates-formes pétrolières (République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 2003,
p. 200, par. 80 (le commerce «incluant des activités commerciales en général — non seulement les activités mêmes d’achat
et de vente, mais également les activités accessoires qui sont intrinsèquement liées au commerce»), citant ibid., exception
préliminaire, arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 819, par. 49).
157
- 149 -
l’exportation»518. Ainsi, forte de l’analyse qu’elle a faite en l’affaire des Plates-formes pétrolières,
la Cour a expressément inscrit le «commerce» visé par le paragraphe 1 de l’article X dans la
circulation de marchandises entre les territoires des parties. Les Etats-Unis font valoir par
conséquent, à titre subsidiaire, que le terme «commerce» employé au paragraphe 1 de l’article X doit
désigner le commerce de marchandises.
17.11 Il ressort du texte de l’article X qu’il s’agit d’une disposition relative à la navigation qui
intéresse principalement le traitement non discriminatoire des navires. Tous ses paragraphes, à
l’exception du paragraphe 1, concernent les navires. Le paragraphe 6 opère une exclusion générale
des bateaux de pêche et des bâtiments de guerre de la définition du terme «navire», soulignant que
l’article porte essentiellement sur les navires de commerce et la navigation commerciale. Ainsi,
compte tenu du contexte, le type de commerce visé par le paragraphe 1 de l’article X est celui qui
peut s’effectuer par navire, à savoir le commerce de marchandises.
17.12 Le transport maritime était le principal moyen de commerce entre les parties au moment
de la négociation du traité. D’après l’étude Sullivan, l’article X «contenait des dispositions détaillées
sur le traitement des navires, le transport maritime étant le principal service dont les négociants
avaient besoin pour commercer avec les pays étrangers»519. D’ailleurs, concernant en particulier le
paragraphe 1, Sullivan précise qu’il utilise la «terminologie traditionnelle» et vise à «empêcher les
restrictions à motivations mercantilistes si fréquentes au XIXe siècle»520.
17.13 L’Iran n’a pas cité un seul cas où le paragraphe 1 de l’article X ou son équivalent aurait
été interprété comme visant autre chose que la circulation de marchandises entre pays ni n’a fait état
de quelque acte de commerce de marchandises qui serait en cause en l’espèce. Rien dans le texte du
traité ne permet d’appliquer le terme «commerce» employé au paragraphe 1 de l’article X aux
transactions financières au sens large, non afférentes au commerce, qui font l’objet de la présente
espèce. En somme, dans sa demande, l’Iran étire le sens du terme «commerce» bien plus que ne le
permet le texte de l’article X, bien plus que ne l’envisageaient les parties lors de la négociation du
traité d’amitié et bien plus que ne le concevait la Cour en l’affaire des Plates-formes pétrolières. La
Cour doit par conséquent la rejeter.
SECTION C
LA PRÉTENTION TIRÉE PAR L’IRAN DU PARAGRAPHE 1 DE L’ARTICLE X NE SATISFAIT PAS
À LA CONDITION TERRITORIALE DÉCOULANT DE CETTE DISPOSITION
17.14 Il y a également lieu de rejeter la prétention tirée par l’Iran du paragraphe 1 de l’article X
pour un motif autonome, à savoir le fait qu’elle ne tient pas compte de la condition territoriale
découlant de cette disposition ni, a fortiori, n’y satisfait. Le texte clair du paragraphe 1 de l’article X
garantit la liberté de commerce et de navigation «entre les territoires des deux Hautes Parties
518 Plates-formes pétrolières (République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), exception préliminaire,
arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 819, par. 50. Voir également ibid., arrêt, C.I.J. Recueil 2003, p. 203, par. 89
(«[L]orsqu’un Etat détruit des moyens de production et de transport de biens d’un autre Etat destinés à l’exportation, ou
des moyens accessoires ou ayant trait à cette production ou à ce transport, il y a en principe atteinte à la liberté du commerce
international.») (Les italiques sont de nous) ; et ibid., arrêt, C.I.J. Recueil 2003, opinion individuelle de M. le juge Owada,
p. 313, par. 25 (qui dit que selon sa définition donnée par le Shorter Oxford Dictionary (10e édition), le commerce s’entend
des «transactions marchandes» [«mercantile transactions»] et précise que cette définition vise «le libre déroulement de
transactions marchandes de produits et de services entre les territoires des parties contractantes» (les italiques sont dans
l’original).
519 Etude Sullivan, p. 283 (MI, annexe 20).
520 Ibid., p. 286-287 (MI, annexe 20).
158
- 150 -
contractantes». Comme la Cour l’a constaté en l’affaire des Plates-formes pétrolières, il s’agit d’une
limite territoriale importante521. «Pour bénéficier de la protection prévue par ce texte, le commerce
ou la navigation doivent s’effectuer entre les territoires des Etats-Unis et de l’Iran»522. Ainsi, en
l’affaire des Plates-formes pétrolières, la Cour a estimé que le paragraphe 1 de l’article X ne
protégeait pas les exportations de pétrole iranien en général, mais les exportations de pétrole iranien
à destination des Etats-Unis. De plus, tout commerce et toute navigation jouissant de cette protection
doit impliquer un échange direct entre les territoires des parties. En conséquence, la Cour a jugé que
le paragraphe 1 de l’article X ne protégeait pas le «commerce indirect» de pétrole iranien entre l’Iran
et les Etats-Unis lorsqu’il passait par des raffineries d’Europe de l’Ouest.
17.15 Dans son mémoire, l’Iran n’essaie même pas de surmonter la limite territoriale
importante découlant du paragraphe 1 de l’article X. Cette omission est grave. Les transactions
financières internationales que l’Iran interprète comme des actes de «commerce» ne sauraient être
considérées comme ayant été effectuées directement entre les territoires de l’Iran et des Etats-Unis,
étant donné la complexité intrinsèque du système financier moderne.
17.16 De plus, dans le cas spécifique de l’Iran et des Etats-Unis, depuis 1995 les transactions
directes entre les banques iraniennes et américaines ont été dans une large mesure interdites, et s’il a
existé un temps des mécanismes permettant des transactions indirectes, ces voies ont par la suite été
supprimées523. Devant le tribunal fédéral américain, le chef de la section des titres de créances
négociables en devise de la banque Markazi, M. Ali Asghar Massoumi, a soumis une déclaration
sous serment expliquant les obstacles qui entravaient les transactions financières directes entre l’Iran
et les Etats-Unis524 :
«L’année suivante [1995], toutefois, les Etats-Unis ont pris de nouvelles
sanctions tendant à limiter l’accès de l’Iran aux marchés de la zone dollar. Le décret
présidentiel en question interdisait notamment les opérations directes entre les banques
iraniennes et les banques américaines. La banque Markazī et d’autres banques ont réussi
à contourner la partie la plus invalidante de ces nouvelles sanctions en recourant aux
transactions dites «de demi-tour». L’exemption relative aux transactions «de demi-tour»
permettait aux banques américaines de traiter indirectement les transactions concernant
l’Iran ou l’Etat iranien, à condition que les opérations aient leur point de départ et leur
point d’arrivée dans une banque non iranienne et ne fassent que transiter par le système
financier américain entre les deux établissements financiers offshore non iraniens.»525
17.17 M. Massoumi a expliqué que depuis 1995, ces transactions de demi-tour avaient permis
à la banque Markazi d’avoir «indirectement accès à des services en dollars» en passant par
Clearstream Banking SA («Clearstream»), banque sous licence européenne spécialisée dans les
521 Plates-formes pétrolières (République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 2003,
p. 200, par. 82 ; ibid., p. 214, par. 119.
522 Ibid., p. 214-215, par. 119 (les italiques sont dans l’original).
523 Décret présidentiel no 12959, «Federal Register», vol. 60, p. 24757, 9 mai 1995 (exceptions préliminaires des
Etats-Unis, annexe 131).
524 Déclaration sous serment d’Ali Asghar Massoumi, par. 20, Peterson c. République islamique d’Iran, affaire
no 10 Civ 4518 (tribunal fédéral du district sud de l’Etat de New York, 31 août 2017) (exceptions préliminaires des
Etats-Unis, annexe A02).
525 Ibid. (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe A02).
159
- 151 -
opérations de garde et de règlement, établie au Luxembourg526. Puis, le 6 novembre 2008, les
Etats-Unis avaient prohibé ce type de transaction en adoptant une nouvelle règle interdisant aux
banques américaines de traiter les transactions de demi-tour527.
17.18 Les faits particuliers de l’affaire Peterson constituent d’autres illustrations des relations
indirectes de l’Iran avec les marchés américains et sont d’autant plus importants que l’Iran fonde une
grande partie de la présente affaire sur l’affaire Peterson. En recherchant des actifs iraniens à saisir
aux fins de l’exécution du jugement Peterson, les créanciers judiciaires ont eu connaissance
d’obligations en dollars appartenant à l’Iran et conservées à New York. Toutefois, l’Iran n’avait pas
acheté ces obligations directement, mais via plusieurs intermédiaires, comme l’a expliqué la banque
Markazi dans une requête pour que soit rendue une ordonnance de certiorari, formée devant la Cour
suprême des Etats-Unis.
«Dans le cadre de ses réserves de change, la banque Markazi détenait auprès de
Banca UBAE S.p.A., qui est une banque italienne, 1,75 milliard de dollars en droits sur
des obligations d’Etats étrangers et supranationales. De son côté, UBAE détenait des
droits sur titre correspondants sur un compte auprès d’un autre intermédiaire,
Clearstream Banking, SA, au Luxembourg. Clearstream détenait à son tour des droits
sur titre correspondants sur un compte général de dépôt de titres auprès de Citibank,
N.A., à New York.»528
17.19 Il apparaît donc que l’Iran possédait un compte auprès d’une banque italienne qui avait
un compte chez un intermédiaire au Luxembourg, lequel avait un compte à New York. L’Iran n’a
pas expliqué en quoi ses opérations avec une banque italienne pourraient constituer des actes de
commerce direct entre son territoire et celui des Etats-Unis. Il n’a pas non plus expliqué en quoi les
obligations souveraines et les obligations supranationales en question ici pourraient constituer des
actes de commerce direct entre son territoire et celui des Etats-Unis.
17.20 L’Iran n’ayant pas du tout abordé la condition territoriale découlant du paragraphe 1 de
l’article X, ses demandes doivent être rejetées.
SECTION D
LE PARAGRAPHE 1 DE L’ARTICLE X NE SAURAIT S’INTERPRÉTER VALABLEMENT
COMME APPLICABLE AUX RÈGLES RÉGISSANT LES PROCÈS LIÉS AU TERRORISME
QUI SONT INTENTÉS DEVANT LES JURIDICTIONS AMÉRICAINES
17.21 Les demandes illimitées de l’Iran fondées sur le paragraphe 1 de l’article X ne sauraient
non plus prospérer, sa théorie s’étendant aux mesures applicables aux procès liés au terrorisme qui
sont intentés devant les juridictions américaines. Une telle théorie ne trouve aucun fondement dans
le traité et rendrait le paragraphe 1 de l’article X absurde. Comme dans le cas des violations alléguées
des immunités souveraines examinées dans la phase des exceptions préliminaires, le rapport, s’il en
526 Déclaration sous serment d’Ali Asghar Massoumi, par. 15 et 21, Peterson c. République islamique d’Iran,
affaire no 10 Civ 4518 (tribunal fédéral du district sud de l’Etat de New York, 31 août 2017) (exceptions préliminaires des
Etats-Unis, annexe A02) (les italiques sont de nous). Il s’avère toutefois qu’à la fin de 2007, Clearstream a informé la
banque Markazi qu’elle serait bientôt dans l’impossibilité d’effectuer des transactions de demi-tour pour le compte de l’Iran
et ne pourrait d’ailleurs plus entretenir des relations d’affaires avec la banque Markazi, ibid., par. 22 (exceptions
préliminaires des Etats-Unis, annexe A02).
527 «Iranian Transactions Regulations», «Federal Register», vol. 73, p. 66541, 10 novembre 2008) (annexe 232).
528 Requête pour que soit rendue une ordonnance de certiorari, p. 7-8, Banque Markazi c. Peterson, «Supreme
Court Reporter», vol. 136 (2014), p. 1310 (no 14-770) (notes de bas de page omises) (annexe 117).
160
- 152 -
existe, entre les mesures applicables aux procès liés au terrorisme et les relations commerciales entre
les parties est trop faible pour que ces mesures entrent dans le champ d’application du paragraphe 1
de l’article X.
17.22 L’Iran fait valoir que toute entrave au commerce est une violation de la «liberté de
commerce» garantie par le paragraphe 1 de l’article X. Il reconnaît faire une lecture novatrice du
paragraphe 1 de l’article X, en ce qu’il avait jusqu’alors invoqué cette disposition au titre des entraves
physiques au commerce alors que ses demandes actuelles sont fondées sur des allégations d’entraves
«juridiques» au commerce529. Selon lui, cependant, cette distinction importe peu et l’interprétation
qu’il donne à la notion d’entraves potentielles au commerce semble illimitée.
17.23 Il n’est pas possible que toute entrave au commerce constitue une atteinte au traité. Si
l’on prend les règles régissant l’exécution des décisions de justice sur les actifs de sociétés iraniennes,
par exemple, l’exécution doit être opportune dans certaines circonstances. Par exemple, si la
juridiction saisie retient qu’une société iranienne a violé un contrat commercial conclu avec une
société américaine et alloue des dommages-intérêts à cette dernière, mais la société iranienne ne les
paye pas, tout système juridique raisonnable utilisera les actifs disponibles de la société iranienne
pour exécuter la décision allouant des dommages-intérêts. Rien ne porte à croire qu’il s’agirait d’une
violation du traité. Pourtant, d’après l’Iran, toute action en exécution intentée contre une entité
iranienne serait une entrave à la liberté du commerce entre les parties, créée en violation du
paragraphe 1 de l’article X.
17.24 De plus, l’interprétation extensive que fait l’Iran du paragraphe 1 de l’article X ne cadre
pas avec le texte du traité dans son ensemble. De toute évidence, beaucoup d’autres dispositions du
traité envisagent et permettent la mise en place de certaines entraves au commerce dans des
conditions déterminées. Tel est le cas de l’article VIII, qui concerne l’entrée et le traitement des
marchandises, et de l’article IX, qui concerne l’administration des douanes. Selon l’interprétation
excessivement large proposée par l’Iran, le paragraphe 1 de l’article X annihile ces autres
dispositions.
17.25 Ainsi, toute interprétation du paragraphe 1 de l’article X qui étend son champ
d’application aux règles régissant les procès liés au terrorisme qui sont intentés devant les juridictions
américaines est sans fondement, inapplicable et incompatible avec le texte du traité dans son
ensemble ainsi qu’avec l’objet et le but du traité. Par conséquent, et pour les autres motifs exposés
dans la présente section, la Cour doit rejeter la demande de l’Iran fondée sur le paragraphe 1 de
l’article X.
529 Voir Certains actifs iraniens (République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), CR 2018/31, p. 23,
par. 40.
161
- 153 -
CHAPITRE 18
DANS L’ÉVENTUALITÉ OÙ LA COUR JUGERAIT QUE DES DROITS SUBSTANTIELS CONFÉRÉS
À L’IRAN PAR LE TRAITÉ D’AMITIÉ SONT EN CAUSE, L’EXERCICE DE CES DROITS
CONSTITUERAIT UN ABUS DE DROIT DE LA PART DE L’IRAN
18.1 Au cas où la Cour conclurait que l’Iran tient des droits du traité d’amitié, quod non, ses
demandes fondées sur les articles en question constituent un abus de droit qui lui interdit dès lors
d’exercer ces droits en l’espèce.
18.2 Le présent moyen est distinct du premier dans lequel les Etats-Unis faisaient valoir que
la Cour devait appliquer la doctrine des mains sales pour rejeter les demandes de l’Iran. Comme la
doctrine des mains sales, la doctrine de l’abus de droit puise sa source dans le principe de la bonne
foi et constitue une autre application de ce principe530. Toutefois, l’interdiction de l’abus de ses droits
par une partie ne fait obstacle qu’à l’invocation de ses droits substantiels ; elle ne s’applique ni à son
droit à la réparation demandée ni à la recevabilité de sa requête dans son ensemble. De plus, la Cour
n’exerce pas son pouvoir d’appréciation de la même manière en cas d’invocation de l’interdiction de
l’abus de droit. Lorsque celle-ci est invoquée, la Cour est plutôt tenue d’examiner la façon dont l’Iran
exerce le droit substantiel découlant du traité sur lequel il s’appuie, afin de déterminer s’il porte
atteinte à l’interdiction de l’abus de droit.
18.3 Il y a deux raisons distinctes mais complémentaires de penser que l’Iran transgresse cette
interdiction. Premièrement, l’Iran cherche illégitimement à étendre les droits qu’il tient du traité
d’amitié à des circonstances de fait auxquelles les parties n’avaient jamais eu l’intention de les
rattacher. Deuxièmement, chercher à faire valoir des droits pour éviter d’avoir à répondre de ses actes
illicites constitue un abus de droit de la part de l’Iran. Les droits protégés par le traité ne sauraient
être invoqués pour protéger l’Iran des conséquences de son comportement illicite qui n’entre pas
dans le champ d’application du traité. Compte tenu des circonstances extraordinaires de l’espèce,
chacune de ces deux raisons constitue à elle seule une base suffisante pour que la Cour rejette les
demandes de l’Iran.
530 Voir Bin Cheng, General Principles of Law as Applied by International Courts and Tribunals (1953), p. 121
(annexe 87). Voir également le chapitre 8 ci-dessus.
162
- 154 -
SECTION A
LA DOCTRINE DE L’ABUS DE DROIT ET LES CIRCONSTANCES DANS LESQUELLES
ELLE PEUT ÊTRE APPLIQUÉE
18.4 De nombreux éminents juristes531 et membres de la Cour532 reconnaissent que cette
doctrine constitue un principe général du droit. Celle-ci est aussi souvent invoquée par des Etats
devant la Cour533. La Cour a admis son applicabilité, tant dans ses arrêts534 que dans des opinions
531 Voir Bin Cheng, General Principles of Law as Applied by International Courts and Tribunals (1953), p. 121
(annexe 87) ; Report of the International Law Commission Covering the Work of its Fifth Session, 1 June-14 August 1953,
Yearbook of the International Law Commission, 1953, vol. II, p. 218-219, UN Doc. A/2456 (annexe 235) ; Nations Unies,
CDI, «Responsabilité internationale», cinquième rapport de F. V. García Amador, rapporteur spécial, doc. A/CN.4/125,
extrait de l’Annuaire de la Commission du droit international, 1960, vol. II (annexe 236) ; G. D. S. Taylor, The Content of
the Rule against Abuse of Rights in International Law, B.Y.I.L., 1972-1973, vol. 46, p. 352 (annexe 237) ; Michael Byers,
Abuse of Rights: An Old Principle, A New Age, McGill Law Journal, 2002, vol. 47, p. 431 (annexe 238) ;
Charles T. Kotuby & Luke A. Sobota, General Principles of Law and International Due Process, 2017, p. 108
(annexe 240). (Les sources citées dans cette section appuient l’affirmation générale selon laquelle la théorie de l’abus de
droit est largement reconnue et ne signifient pas nécessairement que les États-Unis approuvent la totalité des vues exprimées
par ces auteurs, ces États ou ces décisions.)
532 Conditions de l’admission d’un Etat comme Membre des Nations Unies (article 4 de la Charte), avis consultatif,
1948, C.I.J. Recueil 1947-1948, opinion individuelle de M. le juge Azevedo, p. 79-80, par. 6 («la doctrine de la relativité
des droits [est] déjà acceptée par le droit international … [et] a des racines très anciennes») ; Compétence de l’Assemblée
générale pour l’admission d’un Etat aux Nations Unies, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1950, opinion dissidente de
M. le juge Alvarez, p. 15 («Mais l’exercice de ces droits ne peut, en aucun cas, dégénérer en abus. … Cette notion [abus
de droit] n’a été introduite qu’à une date relativement récente dans le droit privé, mais elle est déjà généralement
acceptée. … [I]l faut faire place aujourd’hui à ladite notion, et la Cour internationale de Justice doit y contribuer.») ; Projet
Gabčíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), arrêt, C.I.J. Recueil 1997, opinion individuelle de M. le juge Weeramantry,
vice-président, p. 95 (l’abus de droit est «[un] domaine[] bien établi[] du droit international»).
533 Voir, par exemple, l’affaire Nottebohm (Liechtenstein c. Guatemala), mémoire soumis par le Gouvernement de
la principauté de Liechtenstein, 14 mai 1952, p. 54-55, par. 52 ; Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le
Nigéria (Cameroun c. Nigéria ; Guinée équatoriale (intervenant)), exceptions préliminaires de la République fédérale du
Nigéria, 18 décembre 1995, par. 1.17-1.18 ; Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de
génocide (Bosnie-Herzégovine c. Yougoslavie (Serbie et Monténégro)), CR 96/8, p. 54-71 ; ibid., CR 96/11, p. 80 ; voir
également ibid., mesures conservatoires, ordonnance du 13 septembre 1993, C.I.J. Recueil 1993, p. 336, par. 19 ; Incident
aérien du 10 août 1999 (Pakistan c. Inde), compétence de la Cour, arrêt, C.I.J. Recueil 2000, p. 30, par. 40 ; Licéité de
l’emploi de la force (Serbie-et-Monténégro c. Belgique), exceptions préliminaires du Royaume de Belgique, 5 juillet 2000,
p. 157, par. 479-480 ; Chasse à la baleine dans l’Antarctique (Australie c. Japon ; Nouvelle-Zélande (intervenant)),
mémoire de l’Australie, 9 mai 2011, p. 162, par. 4.60, et p. 258-259, par. 5.135-136 ; Immunités et procédures pénales
(Guinée équatoriale c. France), CR 2018/2, p. 53, par. 21 ; ibid., exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2018 (I),
p. 334, par. 139 ; Jadhav (Inde c. Pakistan), arrêt, C.I.J. Recueil 2019 (II), p. 433, par. 51-52, et p. 451, par. 122.
534 Voir Certains intérêts allemands en Haute-Silésie polonaise, fond, arrêt no 7, 1926, C.P.J.I. série A no 7, p. 30,
37-38 ; Zones franches de la Haute-Savoie et du Pays de Gex (deuxième phase), ordonnance du 6 décembre 1930,
C.P.J.I. série A no 24, p. 12 ; Zones franches de la Haute-Savoie et du Pays de Gex, arrêt, 1932, C.P.J.I. série A/B no 46,
p. 167 ; Pêcheries (Royaume-Uni c. Norvège), arrêt, C.I.J. Recueil 1951, p. 141-142. Voir également Immunités et
procédures pénales (Guinée équatoriale c. France), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2018 (I), p. 335,
par. 146-151 ; Jadhav (Inde c. Pakistan), arrêt, C.I.J. Recueil 2019 (II), p. 434-435, par. 54-58, et p. 451-452, par. 121-
124.
163
- 155 -
individuelles et des opinions dissidentes de juges535. En outre, la doctrine de l’abus de droit est
communément reconnue dans d’autres juridictions internationales536 et trouve son expression dans
différents régimes juridiques, aux niveaux tant national537 qu’international538.
18.5 Les Etats-Unis estiment, en ce qui concerne la présente espèce, que l’interdiction a au
moins pour objet d’interdire à un Etat d’exercer un droit d’une manière différente de son mode
d’exercice prévu539. De plus, pour invoquer un moyen de défense tiré de l’abus de droit, il faut
démontrer que quatre conditions sont réunies : premièrement, il existe un droit déterminé ;
deuxièmement, l’Etat demandeur a abusé de ce droit ; troisièmement, le défendeur a présenté des
535 Voir Procédure de vote applicable aux questions touchant les rapports et pétitions relatifs au Territoire du
Sud-Ouest africain, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1955, opinion individuelle de M. le juge Lauterpacht, p. 120 ;
Nottebohm (Liechtenstein c. Guatemala), deuxième phase, arrêt, C.I.J. Recueil 1955, opinion dissidente de
M. le juge Read, p. 37 ; Délimitation maritime dans la région située entre le Groenland et Jan Mayen (Danemark
c. Norvège), arrêt, C.I.J. Recueil 1993, opinion individuelle de M. le juge Weeramantry, p. 217, par. 17 ; Compétence en
matière de pêcheries (Espagne c. Canada), compétence de la Cour, arrêt, C.I.J. Recueil 1998, opinion dissidente de
M. le juge Weeramantry, vice-président, p. 509, par. 48 ; Projet Gabčíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), arrêt,
C.I.J. Recueil 1997, opinion dissidente de M. le juge Parra-Aranguren, p. 231, par. 22 ; Certaines questions concernant
l’entraide judiciaire en matière pénale (Djibouti c. France), arrêt, C.I.J. Recueil 2008, déclaration de M. le juge Keith,
p. 279, par. 5.
536 Voir, par exemple, OMC : Etats-Unis — Prohibition à l’importation de certaines crevettes et de certains produits
à base de crevettes, rapport de l’organe d’appel, par. 156, 12 octobre 1998, doc. WT/DS58/AB/R (annexe 239) ;
Communautés européennes — Mesures affectant l’amiante et les produits en contenant, rapport du groupe spécial,
18 septembre 2000, par. 8.259, doc. WT/DS135/R (annexe 241) ; voir également Arbitrages entre États : Affaire
concernant le filetage à l’intérieur du golfe du Saint-Laurent entre le Canada et la France, RSA, vol. XXIX, 17 juillet
1986, p. 225, par. 28 (annexe 243) ; Sentence arbitrale relative au chemin de fer dit Iron Rhine («Ijzeren Rijn») entre le
Royaume de Belgique et le Royaume des Pays-Bas, RSA, vol. XXVII, 24 mai 2005, p. 35, par. 202-205 (annexe 242) ;
arbitrages entre États et investisseurs (la théorie a notamment été appliquée avec succès notamment dans Philip Morris
Asia Ltd. v. Commonwealth of Australia, Cour permanente d’arbitrage, affaire no 2012-12, sentence sur la compétence et
la recevabilité, 17 décembre 2015, par. 585 (annexe 244) et Capital Financial Holdings Luxembourg SA v. Cameroon,
affaire CIRDI no ARB/15/18, sentence, 22 juin 2017, par. 366 (annexe 245).
537 Voir, par exemple, code civil suisse du 10 décembre 1907 (au 1er janvier 2019), art. 2 (annexe 246) («(1) Chacun
est tenu d’exercer ses droits et d’exécuter ses obligations selon les règles de la bonne foi. (2) L’abus manifeste d’un droit
n’est pas protégé par la loi.») ; Bürgerliches Gesetzbuch (BGB) [code civil allemand], par. 226 (annexe 247) («L’exercice
d’un droit n’est pas autorisé si son seul objectif possible consiste à nuire à autrui.») [Traduction du Greffe] ; code du
Québec, art. 7 (annexe 248) («Aucun droit ne peut être exercé en vue de nuire à autrui ou d’une manière excessive et
déraisonnable, allant ainsi à l’encontre des exigences de la bonne foi.»). Voir également Charles T. Kotuby &
Luke A. Sobota, General Principles of Law and International Due Process, 2017, p. 110, note 128 (annexe 240).
538 Voir, par exemple, convention des Nations Unies sur le droit de la mer, 10 décembre 1982, art. 300, RTNU,
vol. 1833, p. 397 (annexe 249) («Les Etats Parties doivent remplir de bonne foi les obligations qu’ils ont assumées aux
termes de la Convention et exercer les droits, les compétences et les libertés reconnus dans la Convention d’une manière
qui ne constitue pas un abus de droit.») ; convention européenne des droits de l’homme, art. 17, 4 novembre 1950, RTNU,
vol. 213, p. 221 (annexe 250) («Aucune des dispositions de la présente Convention ne peut être interprétée comme
impliquant pour un État, un groupement ou un individu, un droit quelconque de se livrer à une activité ou d’accomplir un
acte visant à la destruction des droits ou libertés reconnus dans la présente Convention ou à des limitations plus amples de
ces droits et libertés que celles prévues à ladite Convention.») ; Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
16 décembre 1966, art. 5(1), RTNU, vol. 999, p. 171 (annexe 252) ; Déclaration universelle des droits de l’homme, 1948,
art. 30 (annexe 253). Voir également Accord relatif aux mesures du ressort de l’Etat du port visant à prévenir, contrecarrer
et éliminer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée, art. 4(5) (annexe 251).
539 Voir, par exemple, Zones franches de la Haute-Savoie et du Pays de Gex (deuxième phase), ordonnance du
6 décembre 1930, C.P.J.I. série A no 24, p. 12 ; Zones franches de la Haute-Savoie et du Pays de Gex, arrêt, 1932, C.P.J.I.
série A/B no 46, p. 167 (dans lequel la Cour a observé que la France était autorisée à créer, sous le nom de cordon de
surveillance, un cordon douanier, étant donné son obligation de maintenir les zones). Voir Bin Cheng, General Principles
of Law as Applied by International Courts and Tribunals, 1953, p. 131 (annexe 87) («[L’]exercice raisonnable et de bonne
foi d’un droit implique la poursuite réelle des intérêts que le droit vise à protéger…») [Traduction du Greffe].
164
- 156 -
éléments de preuve «manifestes» à l’appui de toute allégation de fait qu’il a portée540 ; et
quatrièmement, il existe des «circonstances exceptionnelles» justifiant l’application de la doctrine541.
18.6 Habituellement, la conséquence en est que le détenteur du droit n’est pas admis à l’exercer
de la manière considérée comme abusive. Cela peut se traduire par la limitation, voire le rejet, de la
demande de l’Etat demandeur, selon le lien précis qui existe entre le droit dont il est fait abus et la
demande.
SECTION B
L’IRAN N’EST PAS ADMIS À EXERCER LES DROITS SUBSTANTIELS
DÉCOULANT DU TRAITÉ D’AMITIÉ
18.7 L’Iran invoque les protections substantielles découlant de sept dispositions du traité
d’amitié : les paragraphes 1 et 2 de l’article III, les paragraphes 1 et 2 de l’article IV, le paragraphe 1
de l’article V, le paragraphe 1 de l’article VII et le paragraphe 1 de l’article X.
18.8 Le présent moyen s’applique au cas où la Cour jugerait que l’Iran a droit à une protection
substantielle prévue par une de ces dispositions dans les circonstances de l’espèce. Les Etats-Unis
soutiennent à cet égard qu’il y aurait abus de droit si l’Iran était autorisé à revendiquer l’une
quelconque des protections prévues par les paragraphes 1 et 2 de l’article III, les paragraphes 1 et
2 de l’article IV, le paragraphe 1 de l’article V, le paragraphe 1 de l’article VII et le paragraphe 1 de
l’article X du traité d’amitié. En effet, l’Iran tente d’exercer ses droits substantiels aux protections
découlant du traité d’une manière manifestement différente de leur mode d’exercice prévu, en
violation du volet de l’interdiction de l’abus de droit exposé ci-dessus.
18.9 L’utilisation abusive des droits substantiels que le traité confère à l’Iran comporte deux
aspects pertinents et distincts.
18.10 Le premier est que les Parties n’ont pas prévu la possibilité de bénéficier des protections
substantielles énoncées dans le traité d’amitié dans les circonstances de fait et le contexte juridique
caractérisant la présente affaire. Le traité est un accord commercial et consulaire. Il vise à protéger
les intérêts des parties dans ces champs d’activité limités en leur conférant des droits spécifiques à
une protection substantielle, comme le confirment non seulement son titre542, mais aussi son objet
déclaré, lequel consiste à encourager «les échanges et les investissements mutuellement profitables
et l’établissement de relations économiques plus étroites» et à réglementer les relations consulaires.
Il entend favoriser les relations bilatérales amicales dans les domaines précis du commerce, de
l’investissement et des relations économiques et consulaires543, comme en attestent les circonstances
540 Voir Immunités et procédures pénales (Guinée équatoriale c. France), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 2018 (I), p. 326, par. 113, et p. 336, par. 150 ; voir également Jadhav (Inde c. Pakistan), arrêt,
C.I.J. Recueil 2019 (II), p. 433, par. 49.
541 Voir Immunités et procédures pénales, ibid. ; voir également Jadhav, ibid.
542 Voir Plates-formes pétrolières (République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), exception préliminaire,
arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 8[1]3, par. 27.
543 Voir ibid., par. 28.
165
166
- 157 -
de sa conclusion544 et les termes clairs de son préambule. C’est cet «esprit et [cette] intention» qui
«anime[nt]» l’interprétation de chacune des dispositions du traité545.
18.11 Or ce n’est pas dans l’intérêt du commerce et des relations consulaires que l’Iran invoque
ses droits substantiels. Par sa requête dont la Cour est saisie, il prétend plutôt contester des mesures
américaines qui visent à offrir aux victimes un cadre utile pour obtenir réparation du préjudice que
leur ont causé des actes de terrorisme commis avec le soutien de l’Iran. Il ressort de toute appréciation
raisonnable des mesures américaines contestées qu’elles n’ont pas de lien avec le commerce ni avec
les relations consulaires tels que les protège le traité. Ni l’objet du traité d’amitié et son champ
d’application prévu ni ses dispositions substantielles sur lesquelles s’appuie l’Iran n’ont de point
«commun avec l’exposé des faits que présente l’Iran», comme l’a constaté la juge Higgins dans des
circonstances analogues en l’affaire des Plates-formes pétrolières546. A supposer même que ses droits
substantiels découlant du traité soient en cause en l’espèce, l’Iran ne peut valablement pas les exercer
dans des circonstances si éloignées de celles que les parties avaient prévues. La doctrine de l’abus de
droit l’interdit.
18.12 Le deuxième aspect pertinent du comportement de l’Iran est qu’il cherche à exercer ses
droits substantiels à des fins illégitimes. L’Iran tente manifestement de se soustraire à l’obligation
qui lui incombe d’apporter réparation aux victimes d’actes de terrorisme commis avec son soutien,
ainsi qu’il a été expliqué en détail plus haut547. Pour ce faire, il conteste les mesures prises par les
Etats-Unis pour offrir aux victimes un cadre leur permettant d’obtenir réparation du préjudice causé
par ses actes illicites «sous le nom»548 d’invocation de ses droits substantiels à protection. Il cherche
ainsi à se prévaloir des droits substantiels que lui confère le traité pour se soustraire à l’obligation de
répondre de ces actes. Il s’agit là d’un abus manifeste des droits substantiels de l’Iran que la Cour ne
saurait ni autoriser ni tolérer.
18.13 Le cas présent est un cas «exceptionnel» dans lequel la Cour peut appliquer la doctrine
de l’abus de droit. Ce caractère exceptionnel tient au fait que c’est le comportement même de l’Iran
qui a conduit aux mesures prises par les Etats-Unis. L’Iran veut tirer avantage de ce comportement
illicite pour éluder la responsabilité qui lui incombe d’apporter réparation aux victimes d’actes de
terrorisme commis avec son soutien. Il s’agit là d’un comportement odieux et illicite que la Cour ne
saurait tolérer.
18.14 Pour tous les motifs exposés ci-dessus, l’Iran n’est pas admis à exercer le moindre droit
à une protection au fond en vertu du traité que la Cour pourrait lui reconnaître.
544 Voir le chapitre 4 ci-dessus.
545 Voir Plates-formes pétrolières (République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), exception préliminaire,
arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 814, par. 28, et p. 820, par. 52.
546 Voir ibid., opinion individuelle de Mme la juge Higgins, p. 858, par. 39.
547 Voir le chapitre 6 ci-dessus.
548 Voir Zones franches de la Haute-Savoie et du Pays de Gex, arrêt, 1932, C.P.J.I. série A/B no 46, p. 167.
167
- 158 -
CHAPITRE 19
L’IRAN NE SAURAIT PRÉTENDRE À AUCUN REMÈDE
19.1 Pour les motifs exposés dans les chapitres précédents, il convient de rejeter les demandes
de l’Iran dans leur intégralité ; par conséquent, l’Iran ne saurait prétendre à aucun remède.
19.2 Toutefois, les Etats-Unis vont brièvement évoquer les trois types de mesures sollicitées
par l’Iran. Premièrement, que les prétentions de l’Iran soient fondées ou non, sa demande tendant à
faire ordonner aux Etats-Unis de mettre fin à leur comportement contraire au traité d’amitié549 doit
être rejetée en raison de l’extinction dudit traité. Deuxièmement, pour le même motif, la Cour doit
rejeter sa demande tendant à faire ordonner aux Etats-Unis de «donne[r] à l’Iran l’assurance qu’ils
ne répéteront pas leurs actes illicites»550.
19.3 Troisièmement, s’agissant de sa demande de réparation, l’Iran a refusé de préciser le
montant de ses pertes, expliquant que le calcul de ce montant est «une question qui a été réservée à
un stade ultérieur de la procédure dans la requête»551. Il s’ensuit que rien n’appelle une réponse de la
part des Etats-Unis à ce stade.
19.4 L’Iran n’a pas non plus donné la liste complète des entités qui auraient pâti des mesures
américaines ni indiqué les préjudices précis qu’elles auraient subis, ayant plutôt invoqué des
généralités en faisant valoir notamment que «[d]es sociétés iraniennes ont également subi, et
continuent de subir, des dommages dont il est plus difficile de déterminer le quantum» et que «les
restrictions frappant les transferts de fonds à destination ou en provenance des Etats-Unis entraînent,
pour les sociétés concernées, des coûts de transaction qui constituent des dommages réels et
quantifiables»552. De telles affirmations sont tout simplement trop vagues pour appeler une réponse.
19.5 Dans son mémoire, l’Iran n’a également évoqué que de façon vague les préjudices qu’il
aurait subis du fait des mesures américaines qu’il conteste. Dans l’éventualité où les préjudices
allégués seraient liés au prétendu manquement des Etats-Unis à l’obligation de reconnaître les
immunités souveraines de l’Iran, de sa banque centrale ou d’autres entités publiques, le traité d’amitié
ne donne pas compétence à la Cour pour en connaître, comme cette dernière l’a déclaré dans son
arrêt sur les exceptions préliminaires553. Quoi qu’il en soit, l’Iran n’a pas spécifié le préjudice qu’il
aurait subi, ayant là encore invoqué des généralités. Par exemple, il parle de «la perte de possibilités
commerciales» sans indiquer en quoi celles-ci consisteraient, ni comment elles ont été perdues, ni en
quoi cette perte pourrait être liée aux mesures américaines contestées554.
19.6 En somme, la Cour doit rejeter les mesures sollicitées par l’Iran non seulement au motif
que ses prétentions sont sans fondement, mais également et surtout du fait qu’il est loin de les avoir
justifiées dans son mémoire.
549 Voir MI, par. 7.13.
550 Ibid., par. 7.15.
551 Ibid., par. 7.6.
552 Ibid., par. 7.4-7.5.
553 Voir le chapitre 2 ci-dessus.
554 Voir MI, par. 7.7.
168
- 159 -
CONCLUSIONS
Sur la base des faits et arguments exposés ci-dessus, les Etats-Unis d’Amérique prient la Cour,
à titre cumulatif ou subsidiaire :
1. de rejeter toutes les demandes fondées sur le traité d’amitié, au motif que l’Iran se présente devant
la Cour avec les mains sales ;
2. de rejeter comme échappant à sa compétence toutes les demandes fondées sur les articles III, IV
et V du traité d’amitié qui reposent sur le traitement accordé à la banque Markazi ;
3. de rejeter comme échappant à sa compétence toutes les demandes fondées sur les articles III, IV
et V du traité d’amitié qui reposent sur le traitement accordé aux sociétés n’ayant pas épuisé les
voies de recours internes ;
4. de rejeter, sur le fondement des alinéas c) et d) du paragraphe 1 de l’article XX du traité d’amitié,
toutes les demandes alléguant que les mesures américaines qui ont pour effet de bloquer ou geler
les actifs du Gouvernement iranien ou des institutions financières iraniennes (telles que définies
dans le décret présidentiel no 13599) contreviennent aux dispositions du traité ;
5. de rejeter toutes les demandes fondées sur les articles III, IV, V, VII et X du traité d’amitié, au
motif que les Etats-Unis n’ont violé aucune des obligations envers l’Iran que ces articles mettent
à leur charge ;
6. au cas où la Cour conclurait que l’Iran, nonobstant les conclusions qui précèdent, a établi le
bien-fondé d’une ou plusieurs de ses demandes formulées au titre du traité d’amitié, de rejeter
ces demandes au motif que l’invocation par l’Iran des droits qu’il tiendrait dudit instrument
constitue un abus de droit.
Soumis respectueusement.
Le 14 octobre 2019
L’agent des Etats-Unis d’Amérique,
(Signé) M. Marik A. String.
169
- 160 -
CERTIFICATION
Je soussigné, Marik A. String, agent des Etats-Unis d’Amérique, certifie par la présente que
les exemplaires de cette pièce et de tous les documents y annexés sont conformes aux originaux, et
que toutes les traductions soumises sont exactes.
Le 14 octobre 2019
L’agent des Etats-Unis d’Amérique,
(Signé) M. Marik A. String.
171
- 161 -
LISTE DES ANNEXES
Annexe
Volume I
1 Commercial Treaties with Iran, Nicaragua, and The Netherlands: Hearing Before the
Senate Committee on Foreign Relations [Les traités de commerce avec l’Iran, le
Nicaragua et les Pays-Bas : auditions devant la commission des affaires étrangères du
Sénat], 84th Cong. (1956) (statement of Thorsten V. Kalijarvi, Department of State)
[annexe non traduite]
2 Treaties of Friendship, Commerce and Navigation Between the United States and
Colombia, Israel, Ethiopia, Italy, Denmark, and Greece: Hearing Before the
Subcommittee of the Senate Committee On Foreign Relations [Les traités d’amitié, de
commerce et de navigation entre les Etats-Unis et la Colombie, Israël, l’Ethiopie, l’Italie,
le Danemark et la Grèce : auditions devant la sous-commission des traités de commerce
de la commission des affaires étrangères du Sénat], 82d Cong. 4 (1952) (Statement of
Harold F. Linder, Deputy Assistant Secretary for Economic Affairs) [annexe non
traduite]
3 Kenneth J. Vandevelde, The First Bilateral Investment Treaties: U.S. Postwar
Friendship, Commerce, and Navigation Treaties (2017) [Les premiers traités
d’investissement bilatéraux : les traités d’amitié, de commerce et de navigation d’après
guerre des Etats-Unis] [annexe non traduite]
4 Parliamentary Human Rights Group, Iran: State of Terror, An account of terrorist
assassinations by Iranian agents [Iran : l’Etat terroriste — Compte rendu des assassinats
terroristes commis par des agents iraniens] (1996) [annexe non traduite]
5 Judgment of the Superior Court of Justice, Berlin, in the Mykonos trial [Kammergericht:
Urteil im ‘Mykonos’ — Prozess] [Jugement rendu par le tribunal régional supérieur de
Berlin dans le procès Mykonos (Apr. 10, 1997) [translated excerpt] [annexe non
traduite]
6 «France expels Iranian diplomat over failed bomb plot: sources» [La France expulse un
diplomate iranien à la suite d’un attentat à la bombe déjoué, d’après des sources],
Reuters, 26 octobre 2018 [annexe non traduite]
7 «Exclusive: France restricts travel by diplomats to Iran» [Exclusivité : La France limite
les voyages de ses diplomates en Iran], Reuters, 28 août 2018 [annexe non traduite]
8 «Iranian Diplomat Extradited to Belgium to Face Charges in Bomb-Plot Case» [Un
diplomate iranien extradé vers la Belgique pour y répondre des faits qui lui sont
reprochés dans une affaire relative à un complot visant à commettre un attentat à la
bombe], RadioFreeEurope, 10 octobre 2018 [annexe non traduite]
9 Letter from Stef Blok, the Minister of Foreign Affairs, and Kajsa Ollongren, the Minister
of the Interior and Kingdom Relations, to the President of the House of Representatives
on sanctions against Iran on the grounds of undesirable interference (Jan. 8, 2019)
[Lettre datée du 8 janvier 2019 adressée au président de la Chambre des députés par
Stef Blok, ministre des affaires étrangères, et Kajsa Ollongren, ministre de l’intérieur et
des relations au sein du Royaume [des Pays-Bas], au sujet des sanctions prises contre
l’Iran du chef d’ingérence fâcheuse [annexe non traduite]
10 «E.U. Imposes Sanctions on Iran Over Assassination Plots» [L’UE inflige des sanctions
à l’Iran du chef de complots visant à commettre des assassinats], N.Y. Times, 8 janvier
2019 [annexe non traduite]
- 162 -
11 «In shift, EU sanctions Iran over planned Europe attacks» [L’UE change de cap et
sanctionne l’Iran pour ses projets d’attentat en Europe], Reuters, 8 janvier 2019 [annexe
non traduite]
12 «Read statement by foreign Minister Samuelsen on Illegal Iranian intelligence activities
in Denmark» [Lecture de la déclaration du ministre des affaires étrangères Samuelsen
sur les activités illicites de renseignement menées par l’Iran au Danemark], ministère
danois des affaires étrangères, 31 octobre 2018 [annexe non traduite]
13 «Netherlands recalls ambassador to Iran» [Les Pays-Bas rappellent leur ambassadeur en
Iran], Deutsche Welle, 4 mars 2019 [annexe non traduite]
14 «Bahrain court overturns stripping of 92 Shiites’ citizenship: judicial source» [Une
juridiction bahreïnienne annule la déchéance de nationalité de 92 chiites, d’après des
sources judiciaires], Business Standard, 30 juin 2019 [annexe non traduite]
15 «Bahrain arrests 116 on charges of terrorism, Iran collusion» [Bahreïn arrête
116 personnes pour faits de terrorisme et collusion avec l’Iran], Deutsche Welle, 3 mars
2018 [annexe non traduite]
16 «Bahrain arrests four linked to pipeline blast: ministry» Bahreïn : [Bahraïn arrête quatre
personnes liées à l’explosion d’un gazoduc, d’après un ministère], Reuters, 7 février
2018 [annexe non traduite]
17 «Bahrain says deadly bus attack engineered by Iran» [Bahreïn dénonce la main de l’Iran
dans un attentat meurtrier commis contre un autobus], Reuters, 15 novembre 2017
[annexe non traduite]
18 «Bahrain accuses Iran of harboring 160 «terrorists»» [Bahreïn accuse l’Iran d’abriter
160 «terroristes»], Times of Israel, 18 octobre 2017 [annexe non traduite]
19 Ronen Bergman, The Secret War in Iran: the 30-Year Clandestine Struggle Against the
World’s Most Dangerous Terrorist Power (2008) [excerpts] [annexe non traduite]
20 «Hezbollah’s 1992 Attack in Argentina Is a Warning for Modern-Day Europe»
[L’attentat perpétré par le Hezbollah en 1992 en Argentine est un coup de semonce pour
l’Europe d’aujourd’hui], The Atlantic, 19 mars 2013 [annexe non traduite]
21 Mark Sullivan & June Beitel, Congressional Research Service, Rs21049, Latin
America: Terrorism Issues (2016) [annexe non traduite]
22 Israel Ministry of Foreign Affairs, Report: Hizbullah And Iran Behind Buenos Aires
Bombings [Rapport — Les attentats à la bombe commis à Buenos Aires portent la
marque du Hezbollah et de l’Iran], 26 octobre 2006 [annexe non traduite]
23 Investigations Unit of the Office of the Attorney General, report: request for arrests
[rapport assorti d’une demande d’arrestations], 25 octobre 2006 [extraits traduits ;
annexe non traduite]
24 «Argentina: Macri Wants Those Behind AMIA Attack To Be Tried in Argentina»,
[Argentine : Macri veut que les responsables de l’attentat commis contre l’AMIA soient
jugés en Argentine] MercoPress, 19 juillet 2019 [annexe non traduite]
25 Troisième rapport du Secrétaire général sur l’application de la résolution 2231 (2015)
du Conseil de sécurité, doc. S/2017/515, 20 juin 2017
26 Quatrième rapport du Secrétaire général sur l’application de la résolution 2231 (2015),
doc. S/2017/1030, 8 décembre 2017
27 Cinquième rapport du Secrétaire général sur l’application de la résolution 2231 (2015)
du Conseil de sécurité, doc. S/2018/602, 12 juin 2018
- 163 -
28 Sixième rapport du Secrétaire général sur l’application de la résolution 2231 (2015) du
Conseil de sécurité, doc. S/2018/1089, 6 décembre 2018
29 Septième rapport du Secrétaire général sur l’application de la résolution 2231 (2015) du
Conseil de sécurité, doc. S/2019/492, 13 juin 2019
30 «Iranian support of Afghan Taliban targeted by new US sanctions» [Nouvelles sanctions
américaines contre le soutien iranien aux Taliban d’Afghanistan], Deutsche Welle,
25 octobre 2018 [annexe non traduite]
31 Brian H. Hook, «The Iranian Regime’s Transfer of Arms to Proxy Groups and Ongoing
Missile Development» [Le transfert d’armes du régime iranien à ses groupes alliés et la
mise au point permanente de missiles], département d’Etat, 29 novembre 2018 [annexe
non traduite]
32 «Treasury and the Terrorist Financing Targeting Center Partners Sanction Taliban
Facilitators and their Iranian Supporters» [Le trésor et le Terrorist Financing Targeting
Center Partners sanctionnent les facilitateurs des Talibans et leurs soutiens iraniens],
département du trésor des Etats-Unis, 23 octobre 2018 [annexe non traduite]
Volume II
33 Press Release, U.S. Department of Treasury, Treasury Sanctions Iran’s Central Bank
and National Development Fund [Le département du trésor sanctionne la banque
centrale et le Fonds national de développement d’Iran], 20 septembre 2019 [annexe non
traduite]
34 Financial Action Task Force, Public Statement — June 21, 2019 [Groupe d’action
financière (GAFI), déclaration publique, 21 juin 2019 [annexe non traduite]
35 «SWIFT says suspending some Iranian banks’ access to messaging system» [SWIFT
déclare suspendre l’accès de certaines banques iraniennes à son système de messagerie],
Reuters, 5 novembre 2018 [annexe non traduite]
36 Peterson c. République islamique d’Iran, «Federal Supplement», série 2, vol. 264, p. 48
(tribunal fédéral du district de Columbia, 2003)
37 Transcript of Trial, Peterson v. Islamic Republic of Iran, no CA 01-2094 (D.D.C.
17 mars 2003), ECF No. 23 [annexe non traduite]
38 Holland v. Islamic Republic of Iran, 496 F. Supp. 2d 1, 4, 8 (D.D.C. 2005) [annexe non
traduite]
39 Département du trésor des Etats-Unis, fiche d’information : désignation d’entités et de
personnes physiques iraniennes en relation avec des activités de prolifération et de
soutien au terrorisme, 25 octobre 2007
40 Blais v. Islamic Republic of Iran, 459 F. Supp. 2d 40 (D.D.C. 2006) [annexe non
traduite]
41 Heiser v. Islamic Republican of Iran, 466 F. Supp. 2d 229 (D.D.C. 2006) [annexe non
traduite]
42 Transcript of Trial, Heiser v. Islamic Republic of Iran, 00-2329, 01-2104 (D.D.C.
18 décembre 2003) [annexe non traduite]
43 Gordon Thomas, «William Buckley: The Spy who never came in from the cold»
[William Buckley : l’espion qui n’est jamais sorti de l’isolement], Canada Free Press,
25 octobre 2006 [annexe non traduite]
44 Jenco v. Islamic Republic of Iran, 154 F. Supp. 2d 27, 31 (D.D.C. 2001) [annexe non
traduite]
- 164 -
45 Anderson v. Islamic Republic of Iran, 90 F. Supp. 2d 107, 112 (2000) [annexe non
traduite]
46 Elahi v. Islamic Republic of Iran, 124 F. Supp. 2d 97, 99 (D.D.C. 2000) [annexe non
traduite]
47 Cour de cassation, chambre criminelle, arrêt du 9 juillet 1998
48 «Iranians planned to assassinate Israeli ambassador» [Des Iraniens projetaient
d’assassiner l’ambassadeur d’Israël], YNet (17 août 2012) [annexe non traduite]
49 «Supreme Court overturns decision to free two Iranian terror suspects» [La Cour
suprême annule une décision ordonnant la libération de deux Iraniens soupçonnés de
terrorisme], Capital News (15 mars 2019) [annexe non traduite]
50 «Iran recalls ambassador to Kenya over court case involving two Iranians» [L’Iran
rappelle son ambassadeur au Kenya à raison du procès de deux Iraniens], Reuters
(17 mars 2019) [annexe non traduite]
51 «Tehran sets up terror cells in Africa as Western sanctions bite» [Téhéran établit des
cellules terroristes en Afrique pendant que les sanctions occidentales font sentir leurs
effets], The Telegraph (24 juin 2019) [annexe non traduite]
52 Owens v. Republic of Sudan, 826 F. Supp. 2d 128 (D.D.C. 2011) [annexe non traduite]
53 Weinstein v. Islamic Republic of Iran, 184 F. Supp. 2d 13 (D.D.C. 2002) [annexe non
traduite]
54 Stern v. Islamic Republic of Iran, 271 F. Supp. 2d 286 (D.D.C. 2003) [annexe non
traduite]
55 «New Hamas leader says it is getting aid again from Iran» [Le nouveau chef du Hamas
affirme qu’il reçoit encore le soutien de l’Iran], Associated Press, 28 août 2017 [annexe
non traduite]
Volume III
56 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 73/305 du 2 juillet 2019,
doc. A/RES/73/305
57 Lignes directrices révisées du Conseil des ministres sur la protection des victimes d’actes
terroristes (Conseil de l’Europe, 19 mai 2017)
58 Paragraphe a) de l’article 620A de la loi de 1961 sur l’aide étrangère, telle que modifiée
(loi d’intérêt public no 87-195 ; titre 22 du code des Etats-Unis, paragraphe a) de
l’article 2371)
59 Paragraphe d) de l’article 40 de la loi sur le contrôle des exportations d’armes, telle que
modifiée (loi d’intérêt public no 90-629 ; titre 22 du code des Etats-Unis, paragraphe d)
de l’article 2780)
60 Alinéa 1) du paragraphe c) de l’article 1754 de la loi de 2018 sur le contrôle des
exportations (titre XVII de la loi John S. McCain sur le budget de la défense nationale
pour l’exercice 2019 [John S. McCain National Defense Authorization Act for Fiscal
Year 2019] (loi d’intérêt public no 115-232 ; titre 50 du code des Etats-Unis, alinéa 1)
du paragraphe c) de l’article 4813)
61 Rapports annuels sur les pays en matière de terrorisme, titre 22 du code des Etats-Unis,
alinéa 1) du paragraphe d) de l’article 2656f, 2017
62 Rapports annuels du département d’Etat sur les pays en matière de terrorisme, 2017
63 Rescission of Determination Regarding Cuba, 80 Fed. Reg. 31945 (June 4, 2015)
[Annulation de la détermination relative à Cuba] [annexe non traduite]
- 165 -
64 Rescission of Determination Regarding Libya, 71 Fed. Reg. 39696 (June 13, 2006)
[Annulation de la détermination relative à la Libye] [annexe non traduite]
65 Rescission of Determination Regarding Iraq, 69 Fed. Reg. 61702 (Oct. 20, 2004)
[Annulation de la determination relative à l’Iraq] [annexe non traduite]
66 Libyan Claims Resolution Act (P. L. 110-301) (Aug. 4, 2008) [Loi sur le règlement des
créances détenues sur la Libye] [annexe non traduite]
67 Executive Order No. 13477, 73 Fed. Reg. 65965 (Oct. 31, 2008) [Décret présidentiel
no 13477] [annexe non traduite]
68 Determination of the President of the United States, No. 2008-09 (Jan. 28, 2008)
[Détermination du président des Etats-Unis] [annexe non traduite]
69 Section 1768 of the Export Controls Act of 2018 (50 U.S.C. § 4826) [annexe non
traduite]
70 Unusual and extraordinary threat; declaration of national emergency; exercise of
Presidential authorities, 50 U.S.C. § 1701 [annexe non traduite]
71 Alejandre v. Telefonica Larga Distancia de Puerto Rico, Inc., 183 F.3d 1277 (11th Cir.
1999) [annexe non traduite]
72 Statement of Sen. Lautenberg, 154 Cong. Rec. S55 (Jan. 22, 2008) [Déclaration du
sénateur Lautenberg] [annexe non traduite]
73 In re Islamic Republic of Iran Terrorism Litig., 659 F. Supp. 2d 31 (D.D.C. 2009)
[annexe non traduite]
74 Conference Report, National Defense Authorization Act for Fiscal Year 2008,
H.R. Rep. 110-477 (2007) [excerpt] [Loi sur le budget de la défense nationale pour
l’exercice 2008] [annexe non traduite]
75 Rubin c. République islamique d’Iran, «Supreme Court Reporter» vol. 138, 2018
76 Peterson c. République islamique d’Iran, tribunal fédéral du district de Columbia,
affaire nos 01-2094 et 01-2684, jugement du 7 septembre 2007 [extrait]
77 Peterson c. République islamique d’Iran, tribunal fédéral du district de Columbia,
affaire nos 01-2094 et 01-2684, «Memorandum Opinion», 7 septembre 2007,
78 Order Entering Partial Final Judgment Pursuant to Fed. R. Civ. P. 54(b), Directing
Turnover of the Blocked Assets, Dismissal of Citibank with Prejudice and Discharging
Citibank from Liability, Peterson v. Islamic Republic of Iran, No. 10-4518 (SDNY
9 juillet 2013), ECF No. 462 [Décision portant jugement partiel définitif, rendue en vertu
du paragraphe b) de l’article 54 du règlement fédéral de procédure civile [«Federal Rules
of Civil Procedure»], ordonnant la remise des actifs bloqués, déboutant Citibank à titre
définitif et l’exonérant de toute responsabilité [annexe non traduite]
79 Peterson et al. c. Islamic Republic of Iran et al., tribunal fédéral du district sud de l’Etat
de New York, 10 Civ 4518 (6 juin 2016), ordonnance autorisant la distribution des fonds
Volume IV
80 Award in the arbitration regarding the delimitation of the maritime boundary between
Guyana and Suriname, 30 R.I.A.A. 1 (17 septembre 2007) [annexe non traduite]
81 Hulley Enterprises Limited (Cyprus) v. Russia, UNCITRAL, PCA Case No. AA 226,
Final Award (18 juillet 2014) [annexe non traduite]
82 Stephen M. Schwebel, «Clean Hands, Principle» [Le principe des mains propres], in 2
Max Planck Encyclopedia Of Public International Law 232 (Rüdiger Wolfrum ed.,
2012) [annexe non traduite]
- 166 -
83 R. A. Newman, Equity And Law: A Comparative Study (1961) [excerpt] [L’équité et le
droit : étude comparative] [annexe non traduite]
84 Snell’s Equity (33rd ed. 2018) [excerpt] [annexe non traduite]
85 Code civil suisse, livre cinquième : droit des obligations, article 66, 30 mars 1911
86 Bürgerliches Gesetzbuch (BGB) (code civil allemand) § 817 [annexe non traduite]
87 Bin Cheng, General Principles of Law as Applied by International Courts and Tribunals
(1953) [excerpt] [Les principes généraux du droit tels qu’ils sont appliqués par les
juridictions internationales] [annexe non traduite]
88 James Crawford, The International Law Commission’s Articles on State Responsibility:
Introduction, Text and Commentaries (2002) [excerpt] [Les articles de la Commission
du droit international sur la responsabilité de l’Etat : Introduction, textes et
commentaires] [annexe non traduite]
89 Niko Resources (Bangladesh) Ltd v. People’s Republic of Bangladesh, ICSID Case
No. ARB/10/11 and 10/18, Decision on Jurisdiction (19 août 2013) [excerpt] [annexe
non traduite]
90 Fraport AG Frankfurt Airport Services Worldwide v. Republic of the Philippines, ICSID
Case No. ARB/11/12, Award (10 décembre 2014) [excerpt] [annexe non traduite]
91 Hesham Talaat M. Al-Warraq v. Republic of Indonesia, UNCITRAL, Final Award
(15 décembre 2014) [excerpt] [annexe non traduite]
92 Copper Mesa Mining Corporation v. Republic of Ecuador, PCA Case No. 2012-2,
Award (15 mars 2016) [excerpt] [annexe non traduite]
93 Rusoro Mining Ltd. v. Bolivarian Republic of Venezuela, ICSID Case
No. ARB(AF)/12/5, Award (22 août 2016) [excerpt] [annexe non traduite]
94 Blusun S.A v. Italian Republic, ICSID Case No. ARB/14/3, Award (27 décembre 2016)
[excerpt] [annexe non traduite]
95 Glencore Finance (Bermuda) Limited v. The Plurinational State of Bolivia, PCA Case
No. 2016-39, Procedural Order No. 2 (Decision on Bifurcation) (31 janvier 2018)
[excerpt] [annexe non traduite]
96 Plama Consortium Ltd. v. Bulgaria, ICSID Case No ARB/03/24, Award (27 août 2008)
[excerpt] [annexe non traduite]
97 Gustav F W Hamester GmbH & Co KG v. Republic of Ghana, ICSID Case
No. ARB/07/24, Award (18 juin 2010) [excerpt] [annexe non traduite]
98 Good Return and the Medea, 29 R.I.A.A. 99 (8 août 1865) [annexe non traduite]
99 Frierdich & Co. Case, 10 R.I.A.A. 45 (31 juillet 1905) [annexe non traduite]
100 Gilead Sciences Inc. v. Merck & Co., Inc., 888 F.3d 1231 (2018) [annexe non traduite]
101 Royal Bank of Scotland Plc v. Highland Financial Partners LP [2013] EWCA (Civ) 328
(Eng.) [annexe non traduite]
102 Official Trustee in Bankruptcy v. Tooheys Ltd. (1993) 29 NSWLR 641 (18 mars 1993)
[annexe non traduite]
103 Volkswagen Canada Inc. c. Access International Automotive Ltd. [2001], Cour d’appel
fédérale du Canada, «Federal Courts Reports», vol. 3 (21 mars 2001)
104 Société Générale de Surveillance SA v. Pakistan (Minister of Finance, Revenue Division
and Islamabad), Civil Appeal No. 459/2002 (3 juillet 2002) [annexe non traduite]
- 167 -
105 South Africa v. Mahala and Mahala, Determination of Jurisdiction, 1992 SACR 305 (E)
(21 mai 1992) [annexe non traduite]
106 Gerald G. Fitzmaurice, «The General Principles of International Law Considered from
the Standpoint of the Rule of Law», 92 Collected Courses of the Hague Academy of
International Law 117 (1957) [excerpt] [Les principes généraux du droit international
considérés sous l’angle de l’état de droit] [annexe non traduite]
107 Opinion of Alberto Nisman, Attorney General (29 mai 2013) [translated excerpt]
[annexe non traduite]
108 Peterson c. République islamique d’Iran, tribunal fédéral du district sud de l’Etat de
New York (13 mars 2013)
Volume V
109 Bank Markazi v. Peterson, 136 S.Ct. 1310 (2016)
110 Transcript of Deposition, Heiser v. Islamic Republic of Iran, Nos. 00-02329 & 00-02104
(D.D.C. 25 novembre 2003) [annexe non traduite]
111 Transcript of Trial, Heiser v. Islamic Republic of Iran, Nos. 00-02329 & 00-02104
(D.D.C. 12 décembre 2003) [annexe non traduite]
112 Senate Report, Commercial Treaties with Iran, Nicaragua, and The Netherlands, S. Rep.
No. 84-9 (1956) [annexe non traduite]
113 Transcript of Trial, Heiser v. Islamic Republic of Iran, Nos. 00-02329 & 00-02104
(9 février 2004) [annexe non traduite]
114 Transcript of Trial, Blais v. Islamic Republic of Iran, No. 2003-285 (D.D.C. 26 mai
2006) [annexe non traduite]
115 James Crawford, «Execution of Judgments and Foreign Sovereign Immunity», 75 AM.
J. INT’L L. 820 (1981) [Exécution des décisions de justice et immunités souveraines
étrangères] [annexe non traduite]
116 Lilia Costabile & Gerald Epstein, «An Activist Revival in Central Banking? Lessons
from the History of Economic Thought and Central Bank Practice», 24 Euro. J. Hist. Of
Econ. Thought 1416 (2017) [annexe non traduite]
117 Demande d’ordonnance de certiorari, Bank Markazi v. Peterson, 2014 WL 7463968
(2e circ. 29 décembre 2014) (no 14-770)
118 Demande d’ordonnance de certiorari, Bank Markazi v. Peterson («Peterson II»), 2018
WL 2176301 (2e circ. 18 mai 2018) (no 17-1534)
119 Peterson v. Bank Markazi («Peterson II»), 2015 US Dist. LEXIS 20640 (SDNY
20 février 2015)
120 Frédéric Dopagne, avis juridique sur l’immunité d’exécution de la banque centrale de la
République islamique d’Iran (banque Markazi) en vertu du droit international dans le
cadre de la procédure en validation de saisie-arrêt pendante devant le tribunal
d’arrondissement de Luxembourg dans le rôle no 177.393 (16 mars 2018) [original
français non reproduit]
Volume VI
121 Ambatielos Claim (Greece v. U.K.), 12 R.I.A.A. 83 (1956) [annexe non traduite]
122 Gerald Fitzmaurice, The Law and Procedure of the International Court of Justice [Le
droit et la procédure de la Cour internationale de Justice] (1986) [excerpt] [annexe non
traduite]
- 168 -
123 Jan Paulsson, Denial of Justice in International Law [Le déni de justice en droit
international] (2010) [excerpt] [annexe non traduite]
124 Robert Jennings & Arthur Watts, Oppenheim’s International Law (9th ed. 1992)
[excerpt] [annexe non traduite]
125 Nations Unies, Commission du droit international, projet d’articles sur la protection
diplomatique et commentaires y relatifs, article 14, 2006 [extrait]
126 Nations Unies, Commission du droit international, projet d’articles sur la responsabilité
des Etats pour faits internationalement illicites et commentaires y relatifs, article 44,
2001 [extraits]
127 Alwyn V. Freeman, «International Responsibility of States for Denial of Justice» [La
responsabilité internationale de l’Etat pour déni de justice] (1970) [excerpt] [annexe non
traduite]
128 Edwin M. Borchard, «Diplomatic Protection of Citizens Abroad or the Law of
International Claims» [La protection diplomatique des nationaux à l’étranger ou le droit
des réclamations internationales] (1919) [excerpt] [annexe non traduite]
129 Clerk’s Certificate of Default, Heiser v. Islamic Republic of Iran, Nos. 00 Civ. 2329, 01
Civ. 2104 (D.D.C. 20 août 2015), ECF No. 272 [annexe non traduite]
130 Estate of Heiser et al. v. Islamic Republic of Iran et al., tribunal fédéral du district de
Columbia, 9 juin 2016, no 00 Civ. 02329 (DDC 2016)
131 Rubin v. Islamic Republic of Iran, 637 F.3d 783 (7th Cir. 2011) [annexe non traduite]
132 Rubin v. Islamic Republic of Iran, 133 S. Ct. 23 (2012) [annexe non traduite]
133 Télégramme en date du 15 février 1955 adressé à l’ambassade des Etats-Unis à Téhéran
par le département d’Etat américain
134 Juridictions à hauts risques et sous surveillance, GAFI, juin 2019
135 Télégramme no 936 en date du 9 novembre 1954 adressé à l’ambassade des Etats-Unis
à Téhéran par le département d’Etat américain
136 Note en date du 21 décembre 1953 adressée à l’ambassade des Etats-Unis à La Haye par
le département d’Etat américain
137 Note en date du 25 mars 1957 adressée à l’ambassade des Etats-Unis à Bruxelles par le
département d’Etat américain
138 Lawrence Jahoon Lee, «Barcelona Traction in the 21st Century: Revisiting its
Customary and Policy Underpinnings 35 Years Later», Stanford Journal of
International Law, 2006, vol. 42 [annexe non traduite]
139 Alberto Alvarez-Jimenez, «Foreign Investors, Diplomatic Protection and the
International Court of Justice’s Decision on Preliminary Objections in the Diallo Case»,
North Carolina Journal of International Law and Commercial Regulation, 2008, vol. 33
[annexe non traduite]
140 Cheng-Han Tan et al., «Piercing the Corporate Veil: Historical, Theoretical, &
Comparative Perspectives», Berkeley Business Law Journal, 2019, vol. 16 [annexe non
traduite]
Volume VII
141 First National City Bank v. Banco Para el Comercio Exterior de Cuba, Cour suprême
des Etats-Unis, 17 juin 1983
142 Sumitomo Shoji America Inc. v. Avagliano, 457 U.S. 176 (1982) [annexe non traduite]
- 169 -
143 Methanex Corp. v. United States, NAFTA/UNCITRAL, Memorial on Jurisdiction and
Admissibility of Respondent United States of America (13 novembre 2000) [annexe non
traduite]
144 ADF Group Inc. v. United States of America, NAFTA/ICSID Case No. ARB(AF)/00/1,
Post-Hearing Submission of Respondent United States of America on Article 1105(1)
and Pope & Talbot (27 juin 2002) [annexe non traduite]
145 Glamis Gold Ltd. v. United States of America, NAFTA/UNCITRAL, Counter-Memorial
of Respondent United States of America (19 septembre 2006) [excerpt] [annexe non
traduite]
146 Grand River Enterprises Six Nations, Ltd., et al. v. United States of America,
NAFTA/UNCITRAL, Counter-Memorial of Respondent United States of America
(22 décembre 2008) [excerpt] [annexe non traduite]
147 S.D. Myers, Inc. v. Government of Canada, NAFTA/UNCITRAL, First Partial Award
(13 novembre 2000) [excerpt] [annexe non traduite]
148 Glamis Gold Ltd. v. United States of America, NAFTA/UNCITRAL, Award (8 juin
2009) [excerpt] [annexe non traduite]
149 Edwin Borchard, «The «Minimum Standard» of the Treatment of Aliens», Proceedings
of the American Society of International Law, vol. 33 (1939) [annexe non traduite]
150 NAFTA Free Trade Commission, Notes of Interpretation of Certain Chapter 11
Provisions (31 juillet 2001) [annexe non traduite]
151 C. F. Amerasinghe, «State Responsibility for Injuries to Aliens» (1967) [excerpt]
[annexe non traduite]
152 Commission du droit international, deuxième rapport sur la détermination du droit
international coutumier, projet de conclusion no 10 et commentaires y relatifs (22 mai
2014) (A/CN.4/672)
153 Patrick Dumberry, «The Fair and Equitable Treatment Standard: A Guide To NAFTA
Case Law on Article 1105» (2013) [excerpt] [annexe non traduite]
154 Lone Pine Resources Inc. v. Government of Canada, affaire ALENA/CIRDI
no UNCT/15/2, conclusions des Etats-Unis d’Amérique, par. 26 (16 août 2017) [annexe
non traduite]
155 Italba Corp. v. The Oriental Republic of Uruguay, U.S.-Uruguay BIT/affaire CIRDI
no ARB/16/9, conclusions des Etats-Unis d’Amérique (11 septembre 2017) [annexe non
traduite]
156 Société des Nations, Comité d’experts pour la codification progressive du droit
international, rapport au Conseil de la Société des Nations sur les questions qui
paraissent avoir obtenu le degré de maturité suffisant pour un règlement international,
C.196.M.70 (1927)
157 Black’s Law Dictionary (11th ed. 2019) [excerpt] [annexe non traduite]
158 Revocation of Acceptance in Whole or in Part [Retrait total ou partiel d’acceptation],
U.C.C. § 2-608(2) [annexe non traduite]
159 J. Steven Jarreau, «Anatomy of a BIT: The United States – Honduras Bilateral
Investment Treaty», 35 U. Miami Inter-Am L. Rev. 429 (2004) [annexe non traduite]
160 Institut de droit international, résolution sur la responsabilité internationale des Etats à
raison des dommages causés sur leur territoire à la personne ou aux biens des étrangers
(1927), reproduit dans l’Annuaire de la Commission du droit international, vol. II, 1956
- 170 -
Volume VIII
161 Robert Azinian et. al. v. United Mexican States, ICSID Case No. ARB(AF)/97/2, Award
(1er novembre 1999) [annexe non traduite]
162 C. F. Amerasinghe, Diplomatic Protection (2008) [excerpt] [annexe non traduite]
163 Rudolf Dolzer & Christoph Schreuer, Principles Of International Investment Law
(2012) [excerpt] [annexe non traduite]
164 Andreas Roth, Minimum Standard of International Law Applied to Aliens (1949)
[excerpt] [annexe non traduite]
165 Sir Gerald Fitzmaurice, «Hersch Lauterpacht – The Scholar as Judge», 37 Y.B. Int’l L.
Comm’n 1 (1961) [excerpt] [annexe non traduite]
166 Claim of Finnish ship powers against Great Britain in respect of the use of certain
Finnish vessels during the war (Finland v. Great Britain), 2 R.I.A.A. 1479 (9 mai 1934)
[excerpt] [annexe non traduite]
167 B. Schouw Nielsen v. Denmark, Application No. 343/57 (European Commission on
Human Rights) [1958-1959], CEDH, vol. 2 [excerpt] [annexe non traduite]
168 Nations Unies, Commission du droit international, troisième rapport du rapporteur
spécial sur la protection diplomatique, doc. A/CN.4/523 et Add.1, 7 mars et 16 avril
2002 [extrait]
169 «The Law of Responsibility of States for Damage Done in Their Territory to the Person
or Property of Foreigners», 23 Am. J. Int’l L. 147 (No. 2 Supplement: Codification of
International Law) (avril 1929) [excerpt] [annexe non traduite]
170 Judicial Guarantees in States of Emergency [Garanties judiciaires en situation d’état
d’urgence], Advisory Opinion (Case No. OC-9/87), IACtHR, 6 October 1987, Series A
No. 9 [annexe non traduite]
171 Duke Energy Electroquil Partners, et al. v. Republic of Ecuador, ICSID Case
No. ARB/04/19 (18 août 2008) [excerpt] [annexe non traduite]
172 J. L. Brierly, Law of Nations (1963) [excerpt] [annexe non traduite]
173 Jan Paulsson, Denial of Justice in International Law (2010) [excerpt] [annexe non
traduite]
174 B.E. Chattin (United States v. Mexico), 4 R.I.A.A. 282 (1927) [annexe non traduite]
175 The Loewen Group, Inc. and Raymond L. Loewen v. United States of America,
NAFTA/ICSID Case No. ARB(AF)/98/3, Award (26 juin 2003) [annexe non traduite]
176 Mondev Int’l Ltd. v. United States of America, ICSID Case No. ARB(AF)/99/2, Award
(11 octobre 2002) [excerpt] [annexe non traduite]
177 Christopher Greenwood, «State Responsibility for the Decisions of National Courts», in
Issues Of State Responsibility Before International Judicial Institutions
(Malgosia Fitzmaurice & Dan Sarooshi eds., 2004) [annexe non traduite]
178 Zachary Douglas, «International Responsibility for Domestic Adjudication: Denial of
Justice Deconstructed», 63(4) Int’l. & Comp. L.Q. 867 (2014) [annexe non traduite]
179 Apotex Inc. v. United States of America, NAFTA/UNCITRAL, Award on Jurisdiction
and Admissibility (14 juillet 2013) [excerpt] [annexe non traduite]
180 Mohammad Ammar Al Bahloul v. Republic of Tajikistan, SCC Case No. V(064/2008),
Partial Award on Jurisdiction and Liability (2 septembre 2009) [excerpt] [annexe non
traduite]
- 171 -
181 Nations Unies, Commission du droit international, Projet d’articles sur la responsabilité
de l’Etat pour fait internationalement illicite, paragraphe 1 de l’article 4
182 Nations Unies, Commission du droit international, Projet d’articles sur la responsabilité
de l’Etat pour fait internationalement illicite et commentaires y relatifs, doc. A/56/10,
2001 [extrait]
Volume IX
183 Nations Unies, deuxième rapport du rapporteur spécial James Crawford sur la
responsabilité des Etats, doc. A/CN.4/498, 19 juillet 1999 [extrait]
184 Rubin v. Islamic Republic of Iran, 33 F. Supp. 3d 1003 (N.D. Ill. 2014) [annexe non
traduite]
185 Rubin v. Islamic Republic of Iran, 830 F.3d 470 (7th Cir. 2016) [annexe non traduite]
186 Albert Badia, Piercing The Veil of State Enterprises in International Arbitration (2014)
[excerpt] [annexe non traduite]
187 In re Cambridge Biotech Corp., 186 F.3d 1356 (Fed. Cir. 1999) [annexe non traduite]
188 Affaire National & Provincial Building Society et al. c. Royaume-Uni
(117/1996/736/933-935), arrêt, 23 octobre 1997
189 Bridgestone Licensing Service & Bridgestone Americas v. Panama, ICSID Case
No. ARB/16/34, Decision on Expedited Objections (13 décembre 2017) [excerpt]
[annexe non traduite]
190 Section 6(i) of the Export Administration Act of 1979 [loi de 1979 sur la gestion des
exportations, alinéa i) de l’article 6] (Public Law 96-72) (29 septembre 1979) [annexe
non traduite]
191 Metalpar S.A. & Buen Aire S.A. v. Argentine Republic, ICSID Case No. ARB/03/5,
Award (6 juin 2008) [annexe non traduite]
192 Enron Creditors Recovery Corporation (formerly Enron Corporation) & Ponderosa
Assets, L.P. v. Argentine Republic, ICSID Case No. ARB/01/3, Award (22 mai 2007)
[excerpt] [annexe non traduite]
193 Weininger v. Fidel Castro, 462 F. Supp. 2d 457 (SDNY 2006) [annexe non traduite]
194 Suez, Sociedad General de Aguas de Barcelona, S.A. & Vivendi Universal, S.A. v.
Argentina, ICSID Case No. ARB/03/19, Decision on Liability (3 juillet 2010) [excerpt]
[annexe non traduite]
195 BG Group Plc. v. Argentina, UNCITRAL, Final Award (24 décembre 2007) [excerpt]
[annexe non traduite]
196 Saluka Investments B.V. v. Czech Republic, UNCITRAL, Partial Award (17 mars 2006)
[excerpt] [annexe non traduite]
197 Jeswald W. Salacuse, The Law of Investment Treaties (2015) [excerpt] [annexe non
traduite]
198 Redfern and Hunter on International Arbitration (6th ed. 2015) [excerpt] [annexe non
traduite]
199 American Manufacturing & Trading, Inc. v. Zaire, ICSID Case No. ARB/93/1, Award
(21 février 1997) [annexe non traduite]
200 Wena Hotels Ltd. v. Egypt, ICSID Case No. ARB/98/4 (8 décembre 2000) [annexe non
traduite]
- 172 -
201 Asian Agricultural Products Ltd. (AAPL) v. Sri Lanka, ICSID Case No. ARB/87/3, Final
Award (27 juin 1990) [annexe non traduite]
202 UNCTAD, Report, Expropriation: A Sequel (2012) [excerpt] [annexe non traduite]
Volume X
203 James Crawford, Brownlie’s Principles of Public International Law (8th ed. 2012)
[excerpt] [annexe non traduite]
204 Ian Brownlie, Principles of Public International Law (1st ed. 1966) [excerpt] [annexe
non traduite]
205 Louis B. Sohn et R. R. Baxter, Responsibility of States for Injuries to the Economic
Interests of Aliens, 55 AM. J. INT’L L. 545 (1961) [annexe non traduite]
206 Convention portant création de l’agence multilatérale de garantie des investisseurs,
article 11, 14 novembre 2010
207 Restatement (Third) of Foreign Relations of the United States § 712 (1987) [annexe non
traduite]
208 Katia Yannaca-Small, Arbitration Under International Investment Agreements – A
Guide To The Key Issues (2d ed. 2018) [excerpt] [annexe non traduite]
209 G. C. Christie, «What Constitutes a Taking of Property Under International Law», 38
Brit. Y.B. Int’l L. 307 (1962) [annexe non traduite]
210 «Indirect Expropriation» and the «Right to Regulate» in International Investment Law,
OECD Working Papers on International Investment, 2004/04 [annexe non traduite]
211 Chemtura Corp. v. Canada, Ad Hoc Tribunal (UNCITRAL), Award (2 août 2010)
[excerpt] [annexe non traduite]
212 Marvin Roy Feldman Karpa v. United Mexican States, ICSID Case No. ARB(AF)/99/1,
Award (16 décembre 2002) [excerpt] [annexe non traduite]
213 Swisslion DOO Skopje v. Macedonia, ICSID Case No. ARB/09/16, Award (6 juillet
2012) [excerpt] [annexe non traduite]
214 Grand River Enterprises Six Nations, Ltd., et al. v. United States of America,
NAFTA/UNCITRAL, Award (12 janvier 2011) [excerpt] [annexe non traduite]
215 Total S.A. v. Argentine Republic, ICSID Case No. ARB/04/1, Award (27 décembre
2010) [excerpt] [annexe non traduite]
216 Paradissiotis v. United States, 304 F.3d 1271 (Fed. Cir. 2002) [annexe non traduite]
217 Zarmach Oil Servs., Inc. v. U.S. Dep’t of the Treasury, 750 F. Supp. 2d 150 (D.D.C.
2010) [annexe non traduite]
218 Islamic Am. Relief Agency v. Unidentified FBI Agents, 394 F. Supp. 2d 34 (D.C. 2005)
[annexe non traduite]
219 Islamic Am. Relief Agency v. Gonzales, 477 F.3d 728 (D.C. Cir. 2007) [annexe non
traduite]
220 Holy Land Found. for Relief & Dev. v. Ashcroft, 219 F. Supp. 2d 57 (D.D.C. 2002)
[annexe non traduite]
221 Glob. Relief Found., Inc. v. O’Neill, 207 F. Supp. 2d 779 (N.D. Ill.) [annexe non
traduite]
- 173 -
222 U.S. Department of Justice Press Release, «Manssor Arbabsiar Sentenced in New York
City Federal Court to 25 Years in Prison for Conspiring with Iranian Military Officials
to Assassinate the Saudi Arabian Ambassador to the United States» [«Manssor
Arbabisar condamné à 25 ans de prison par le tribunal fédéral de l’Etat de New York
pour tentative d’assassinat de l’ambassadeur d’Arabie saoudite aux Etats-Unis en
complicité avec des militaires iraniens»] (30 mai 2013) [annexe non traduite]
223 Richard Gardiner, «The Vienna Rules on Treaty Interpretation», dans Duncan Hollis
(sous la dir. de), The Oxford Guide to Treaties, 2012 [extrait]
224 European American Investment Bank AG v. The Slovak Republic, PCA Case
No. 2010-17, Award on Jurisdiction (Oct. 22, 2012) [excerpt] [annexe non traduite]
225 Andrew Newcombe & Lluis Paradell, Law and Practice of Investment Treaties:
Standards of Treatment (2009) [excerpt] [annexe non traduite]
226 Telegram from U.S. Embassy, Tehran to U.S. Department of State (Oct. 16, 1954)
[annexe non traduite]
227 Notes en date du 23 juillet 1954 adressées à l’ambassade des Etats-Unis à Téhéran par
le département d’Etat américain (A-18) [extrait]
228 Télégramme en date du 15 septembre 1954 adressé au département d’Etat américain par
l’ambassade des Etats-Unis à Téhéran
229 Télégramme en date du 2 octobre 1954 adressé au département d’Etat américain par
l’ambassade des Etats-Unis à Téhéran
230 Télégramme en date du 26 octobre 1954 adressé à l’ambassade des Etats-Unis à Téhéran
par le département d’Etat américain
231 Télégramme en date du 4 novembre 1954 adressé à l’ambassade des Etats-Unis à
Téhéran par le département d’Etat américain
232 Iranian Transactions Regulations, 73 Fed. Reg. 66541 (10 novembre 2008) [annexe non
traduite]
233 Peterson v. Islamic Republic of Iran, 758 F.3d 185 (deuxième circuit, 2014)
234 Don C. Piper, «Navigation Provisions in United States Commercial Treaties», 11 Am. J.
Comp. L. 184 (1962) [annexe non traduite]
Volume XI
235 Report of the International Law Commission Covering the Work of its Fifth Session,
1 June – 14 August 1953, 2 Y.B. Int’l L. Comm’n 200, UN Doc. A/2456 (1953) [excerpt]
[annexe non traduite]
236 Nations Unies, Commission du droit international, «Responsabilité internationale»,
cinquième rapport de F. V. García Amador, rapporteur spécial, doc. A/CN.4/125, extrait
de l’Annuaire de la Commission du droit international, 1960, vol. II [extrait]
237 G. D. S. Taylor, «The Content of the Rule against Abuse of Rights in International
Law», 46 Brit. Y.B. Int’l L. 323 (1972-73) [annexe non traduite]
238 Michael Byers, «Abuse of Rights: An Old Principle, A New Age», 47 McGill L.J. 389
(2002) [annexe non traduite]
239 Organisation mondiale du commerce, rapport de l’organe d’appel,
«Etats-Unis — prohibition à l’importation de certaines crevettes et de certains produits
à base de crevettes», doc. WT/DS58/AB/R, 12 octobre 1998 [extrait]
240 Charles Kotuby & Luke Sobota, General Principles of Law and International Due
Process (2017) [excerpt] [annexe non traduite]
- 174 -
241 Organisation mondiale du commerce, rapport du groupe spécial, «Communautés
européennes — mesures affectant l’amiante et les produits en contenant»,
doc. WT/DS135/R, 18 septembre 2000 [extrait]
242 Award in the Arbitration Regarding the Iron Rhine (Ijzeren Rijn) Railway between the
Kingdom of Belgium and the Kingdom of the Netherlands, 27 R.I.A.A. 35 (24 mai 2005)
[excerpt] [annexe non traduite]
243 Nations Unies, Affaire concernant le filetage à l’intérieur du golfe du Saint-Laurent
entre le Canada et la France, Recueil des sentences arbitrales, vol. [XIX], p. 225,
17 juillet 1986 [extrait] [annexe non traduite]
244 Philip Morris Asia Ltd. v. Commonwealth of Australia, PCA Case No. 2012-12, Award
on Jurisdiction and Admissibility (17 décembre 2015) [excerpt] [annexe non traduite]
245 Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements,
Capital Financial Holdings Luxembourg SA c. République du Cameroun, affaire CIRDI
no ARB/15/18, sentence, 22 juin 2017 [extrait] [annexe non traduite]
246 Code civil suisse du 10 décembre 1907, article 2 (état le 1er janvier 2019)
247 Bürgerliches Gesetzbuch (BGB) (code civil allemand) § 226 [annexe non traduite]
248 Code civil du Québec, article 7
249 Nations Unies, convention des Nations Unies sur le droit de la mer, article 300, Recueil
des traités, vol. 1833, p. 397, 10 décembre 1982
250 Convention européenne des droits de l’homme, article 17, Recueil des traités des
Nations Unies, vol. 213, p. 21[2], 4 novembre 1950
251 Nations Unies, Organisation pour l’alimentation et l’agriculture, accord relatif aux
mesures du ressort de l’état du port visant à prévenir, contrecarrer et éliminer la pêche
illicite, non déclarée et non réglementée, article 4(5) [extrait]
252 Pacte international relatif aux droits civils et politiques
253 Déclaration universelle des droits de l’homme
___________
Contre-mémoire des Etats-Unis d'Amérique