CR 2003/6
International Court Cour internationale
of Justice de Justice
THE HAGUE LA HAYE
YEAR 2003
Public sitting
held on Tuesday 18 February 2003, at 10 a.m., at the Peace Palace,
President Shi presiding,
in the case concerning Oil Platforms
(Islamic Republic of Iran v. United States of America)
____________________
VERBATIM RECORD
____________________
ANNÉE 2003
Audience publique
tenue le mardi 18 février 2003, à 10 heures, au Palais de la Paix,
sous la présidence de M. Shi, président,
en l’affaire des Plates-formes pétrolières
(République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique)
________________
COMPTE RENDU
________________
- 2 -
Present: President Shi
Vice-President Ranjeva
Judges Guillaume
Koroma
Vereshchetin
Higgins
Parra-Aranguren
Kooijmans
Rezek
Al-Khasawneh
Buergenthal
Elaraby
Owada
Simma
Tomka
Judge ad hoc Rigaux
Registrar Couvreur
¾¾¾¾¾¾
- 3 -
Présents : M. Shi, président
M. Ranjeva, vice-président
MM. Guillaume
Koroma
Vereshchetin
Mme Higgins
MM. Parra-Aranguren
Kooijmans
Rezek
Al-Khasawneh
Buergenthal
Elaraby
Owada
Simma
Tomka, juges
M. Rigaux, juge ad hoc
M. Couvreur, greffier
¾¾¾¾¾¾
- 4 -
The Government of the Islamic Republic of Iran is represented by:
Mr. M. H. Zahedin-Labbaf, Agent of the Islamic Republic of Iran to the Iran-US Claims Tribunal,
Deputy Director for Legal Affairs, Bureau of International Legal Services of the Islamic
Republic of Iran, The Hague,
as Agent;
Mr. D. Momtaz, Professor of International Law, Tehran University, member of the International
Law Commission,
Mr. S. M. Zeinoddin, Head of Legal Affairs, National Iranian Oil Company,
Mr. Michael Bothe, Professor of Public Law, Johann Wolfgang Goethe University of
Frankfurt-am-Main, Head of Research Unit, Peace Research Institute, Frankfurt,
Mr. James Crawford, S.C., F.B.A., Whewell Professor of International Law, University of
Cambridge, member of the English and Australian Bars, member of the Institute of International
Law,
Mr. Alain Pellet, Professor at the University of Parix X-Nanterre, member and former Chairman of
the International Law Commission,
Mr. Rodman R. Bundy, avocat à la cour d’appel de Paris, member of the New York Bar, Frere
Cholmeley/Eversheds, Paris,
Mr. David S. Sellers, avocat à la cour d'appel de Paris, Solicitor of the Supreme Court of England
and Wales, Frere Cholmeley/Eversheds, Paris,
as Counsel and Advocates;
Mr. M. Mashkour, Deputy Director for Legal Affairs, Bureau of International Legal Services of the
Islamic Republic of Iran,
Mr. M. A. Movahed, Senior Legal Adviser, National Iranian Oil Company,
Mr. R. Badri Ahari, Legal Adviser, Bureau of International Legal Services of the Islamic Republic
of Iran,
Ms Nanette Pilkington, avocat à la cour d’appel de Paris, Frere Cholmeley/Eversheds, Paris,
Mr. William Thomas, Solicitor of the Supreme Court of England and Wales, Frere
Cholmeley/Eversheds, Paris,
Mr. Leopold von Carlowitz, Research Fellow, Peace Research Institute, Frankfurt,
Mr. Mathias Forteau, docteur en droit, Researcher at the Centre de droit international de Nanterre
(CEDIN), University of Paris X-Nanterre,
as Counsel;
- 5 -
Le Gouvernement de la République islamique d’Iran est représenté par :
M. M. H. Zahedin-Labbaf, agent de la République islamique d’Iran auprès du Tribunal des
réclamations Etats-Unis/Iran, directeur adjoint des affaires juridiques au bureau des services
juridiques internationaux de la République islamique d’Iran à La Haye,
comme agent;
M. D. Momtaz, professeur de droit international à l’Université de Téhéran, membre de la
Commission du droit international,
M. S. M. Zeinoddin, chef du service juridique de la National Iranian Oil Company,
M. Michael Bothe, professeur de droit public à l’Université Johann Wolfgang Goethe de
Francfort-sur-le-Main, directeur de la recherche à l’Institut de recherche pour la paix à
Francfort,
M. James R. Crawford, S.C., F.B.A., professeur de droit international, titulaire de la chaire
Whewell à l’Université de Cambridge, membre des barreaux d’Angleterre et d’Australie,
membre de l’Institut de droit international,
M. Alain Pellet, professeur à l’Université de Paris X-Nanterre, membre et ancien président de la
Commission du droit international,
M. Rodman R. Bundy, avocat à la cour d’appel de Paris, membre du barreau de New York, cabinet
Frere Cholmeley/Eversheds, Paris,
M. David S. Sellers, avocat à la cour d’appel de Paris, Solicitor auprès de la Cour suprême
d’Angleterre et du Pays de Galles, cabinet Frere Cholmeley/Eversheds, Paris,
comme conseils et avocats;
M. M. Mashkour, directeur adjoint des affaires juridiques au bureau des services juridiques
internationaux de la République islamique d’Iran à La Haye,
M. M. A. Movahed, conseiller juridique principal à la National Iranian Oil Company,
M. R. Badri Ahari, conseiller juridique au bureau des services juridiques internationaux de la
République islamique d’Iran à La Haye,
Mme Nanette Pilkington, avocat à la cour d’appel de Paris, cabinet Frere Cholmeley/Eversheds,
Paris,
M. William Thomas, Solicitor auprès de la Cour suprême d’Angleterre et du Pays de Galles,
cabinet Frere Cholmeley/Eversheds, Paris,
M. Leopold von Carlowitz, chargé de recherche à l’Institut de recherche pour la paix à Francfort,
M. Mathias Forteau, docteur en droit, chercheur au Centre de droit international de Nanterre
(CEDIN) de l’Université de Paris X-Nanterre,
comme conseils;
- 6 -
Mr. Robert C. Rizzutti, Vice-President, Cartographic Operations, International Mapping
Associates,
as Technical Adviser.
The Government of the United States of America is represented by:
Mr. William H. Taft, IV, Legal Adviser, United States Department of State,
as Agent;
Mr. Ronald J. Bettauer, Deputy Legal Adviser, United States Department of State,
as Co-Agent;
Mr. Michael J. Matheson, Professor, George Washington University School of Law,
Mr. D. Stephen Mathias, Assistant Legal Adviser for United Nations Affairs, United States
Department of State,
Mr. Michael J. Mattler, Attorney-Adviser, United States Department of State,
Mr. Sean Murphy, Professor, George Washington University School of Law,
Mr. Ronald D. Neubauer, Associate Deputy General Counsel, United States Department of
Defence,
Mr. Prosper Weil, Professor Emeritus, University of Paris II, member of the Institut de droit
international, member of the Académie des sciences morales et politiques (Institut de France),
as Counsel and Advocates;
Mr. Paul Beaver, Defence & Maritime Affairs Consultant, Ashbourne Beaver Associates, Ltd.,
London,
Mr. John Moore, Senior Associate, C & O Resources, Washington, D.C.
as Advocates;
Mr. Clifton M. Johnson, Legal Counsellor, United States Embassy, The Hague,
Mr. David A. Kaye, Deputy Legal Counsellor, United States Embassy, The Hague,
Ms Kathleen Milton, Attorney-Adviser, United States Department of State,
as Counsel;
Ms Marianne Hata, United States Department of State,
Ms Cécile Jouglet, United States Embassy, Paris,
Ms Joanne Nelligan, United States Department of State,
- 7 -
M. Robert C. Rizzutti, vice-président des opérations cartographiques, International Mapping
Associates,
comme conseiller technique.
Le Gouvernement des Etats-Unies d’Amérique est representée par :
M. William H. Taft, IV, conseiller juridique du département d’Etat des Etats-Unis,
comme agent;
M. Ronald J. Bettauer, conseiller juridique adjoint du département d’Etat des Etats-Unis,
comme coagent;
M. Michael J. Matheson, professeur à la faculté de droit de l’Université George Washington,
M. D. Stephen Mathias, directeur chargé des questions concernant les Nations Unies auprès du
conseiller juridique du département d’Etat des Etats-Unis,
M. Michael J. Mattler, avocat-conseiller au département d’Etat des Etats-Unis,
M. Sean Murphy, professeur à la faculté de droit de l’Université George Washington,
M. Ronald D. Neubauer, assistant au bureau du conseiller juridique adjoint du département de la
défense des Etats-Unis,
M. Prosper Weil, professeur émérite à l’Université de Paris II, membre de l’Institut de droit
international, membre de l’Académie des sciences morales et politiques (Institut de France),
comme conseils et avocats;
M. Paul Beaver, expert consultant en questions de défense et affaires maritimes, Ashbourne Beaver
Associates, Ltd., Londres,
M. John Moore, associé principal, C & O Resources, Washington D. C.,
comme avocats;
M. Clifton M. Johnson, conseiller juridique à l’ambassade des Etats-Unis à La Haye,
M. David A. Kaye, conseiller juridique adjoint à l’ambassade des Etats-Unis à La Haye,
Mme Kathleen Milton, avocat-conseiller au département d’Etat des Etats-Unis,
comme conseils;
Mme Marianna Hata, département d’Etat des Etats-Unis,
Mme Cécile Jouglet, ambassade des Etats-Unis à Paris,
Mme Joanne Nelligan, département d’Etat des Etats-Unis,
- 8 -
Ms Aileen Robinson, United States Department of State,
Ms Laura Romains, United States Embassy, The Hague,
as Administrative Staff.
- 9 -
Mme Aileen Robinson, département d’Etat des Etats-Unis,
Mme Laura Romains, ambassade des Etats-Unis à La Haye,
comme personnel administratif.
- 10 -
The PRESIDENT: Please be seated. The sitting is open, and I give the floor first to
Professor Pellet.
M. PELLET : Thank you very much, Mr. President. I shall thank you in English to remind
everyone who is the President now!
LA VIOLATION PAR LES ETATS-UNIS DU TRAITÉ D’AMITIÉ, DE COMMERCE
ET DE DROITS CONSULAIRES DU 15 AOÛT 1955
1. Monsieur le président, Madame et Messieurs les juges, il m’incombe ce matin de montrer
qu’en détruisant les ensembles de plates-formes pétrolières de Reshadat, en octobre 1987, et de
Nasr et Salman, en avril 1988 ¾ des faits qui ne sont pas contestés ¾, les Etats-Unis ont violé
l’article X, paragraphe 1, du traité d’amitié, de commerce et de droits consulaires du 15 août 1955.
Cette disposition cruciale figure sous l’onglet no
2 du dossier des juges.
2. Monsieur le président, l’affaire dont la République islamique d’Iran a saisi la Cour a été
circonscrite par l’arrêt du 12 décembre 1996 sur l’exception préliminaire des Etats-Unis
¾ circonscrite, mais pas vidée de toute substance, comme l’Etat défendeur voudrait le faire croire.
3. Dans son mémoire, l’Iran avait invoqué l’article XXI du traité en tant que base de la
compétence de la Cour dans la présente affaire. Il s’était aussi attaché à montrer que la destruction
des plates-formes par les Etats-Unis violait plusieurs dispositions de cet instrument. Par son arrêt
de 1996, la Cour a, par quatorze voix contre deux, dit qu’elle avait «compétence, sur la base du
paragraphe 2 de l’article XXI du traité de 1955, pour connaître des demandes formulées par la
République islamique d’Iran», mais seulement «au titre du paragraphe 1 de l’article X dudit
traité»1
.
4. Comme l’ont souligné hier M. Zahedin Labbaf et le professeur Crawford, l’Iran entend
s’en tenir strictement à cette décision, aussi bien en ce qu’elle lui est défavorable (la Cour n’a pas
retenu sa compétence pour se prononcer sur les demandes iraniennes fondées sur les dispositions
du traité autres que l’article X, paragraphe 1), qu’en ce qu’elle lui donne raison sur ce second point,
ce que l’Etat défendeur n’accepte, visiblement, toujours pas.
1 C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 821, par. 55 2).
- 11 -
5. Toute la stratégie judiciaire des Etats-Unis consiste en effet à nier l’existence de toute
relation entre cette disposition et les faits de la cause, sans tenir le moindre compte de
l’interprétation, à la fois claire et détaillée, qu’en a donnée votre haute juridiction en 1996. Sans
tenir compte aussi du fait que la Cour n’a pas accueilli l’exception préliminaire du défendeur. Et,
davantage même, qu’elle ne s’est pas non plus bornée à faire droit à la demande subsidiaire de
l’Iran qui, contre l’avis des Etats-Unis2
, avait suggéré que, faute de la rejeter, elle pourrait constater
que l’exception ne présentait pas un caractère exclusivement préliminaire3
. Non. Vous ne vous
êtes pas arrêtés à cette demi-mesure4
: vous avez purement et simplement rejeté l’exception par un
arrêt ayant l’autorité de la chose jugée, que les Etats-Unis s’emploient pourtant à remettre en cause.
6. Mais il y a plus. Non seulement, Madame et Messieurs de la Cour, vous vous êtes
interrogés, comme vous le faites toujours5
, sur l’applicabilité du traité de 1955, mais aussi, vous
avez analysé «la portée de divers articles de ce traité», comme, d’ailleurs, les Etats-Unis vous
l’avaient expressément demandé6
. Ce faisant, comme on l’a souligné, parfois pour vous le
reprocher, vous vous êtes, Madame et Messieurs les juges, écartés quelque peu de votre «démarche
habituelle» et vous êtes placés «dans une perspective extensive de la fonction dévolue à la Cour»
au stade des exceptions préliminaires7
. Certains juges l’ont du reste souligné dans les opinions
personnelles qu’ils ont jointes à l’arrêt :
2
Cf. exception préliminaire, p. 27-32, par. 2.02-2.10; CR 96/12, 16 septembre 1996, p. 18-19 (M. Matheson); CR
96/13, 17 septembre 1996, p. 49-58 (M. Chorowski); ou CR 96/16, 23 septembre 1996, p. 39 (M. Matheson).
3
Voir les conclusions figurant dans l’exposé écrit de l’Iran sur l’exception préliminaire, p. 77, reprises in
C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 808, par. 10 et les conclusions lues par l’agent à l’issue de la procédure orale, CR 96/17,
24 septembre 1996, p. 58-59.
4
Cf. l’arrêt du 12 décembre 1996, C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 820, par. 54.
5
Cf. arrêts, 2 février 1973, Compétence en matière de pêcheries, compétence (Royaume-Uni c. Islande);
(République fédérale d’Allemagne c. Islande), C.I.J. Recueil 1973, p. 3 et 49 (passim); 19 décembre 1978, Plateau
continental de la Mer Egée, compétence, C.I.J. Recueil 1978, par. 32 et suiv., p. 13 et suiv.; 24 mai 1980, Personnel
diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran, fond, C.I.J. Recueil 1980, p. 24-28, par. 45-54; 26 novembre 1984,
Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, compétence et recevabilité, C.I.J. Recueil 1984,
p. 426-429, par. 77-83; 20 décembre 1988, Actions armées frontalières et transfrontalières, compétence et recevabilité,
C.I.J. Recueil 1988, p. 75 et suiv., par. 15 et suiv.; 11 juillet 1996, Application de la convention pour la prévention et la
répression du crime de génocide, exceptions préliminaires, C.I.J. Recueil 1996, p. 609-617, par. 16-34.
6
Cf. C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 810, par. 17; cf. exception préliminaire, p. 40 et suiv., par. 3.16 et suiv.;
CR 96/13, 17 septembre 1996, p. 13 et suiv. (M. Crook) ou CR 96/16, 23 septembre 1996, p. 14-15 (M. Matheson).
7
Cf. E. Jos, «L’arrêt de la CIJ du 12 décembre 1996 (exception préliminaire) dans l’affaire des Plates-formes
pétrolières (République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique)», AFDI 1996, p. 390; P. H. Bekker, «International
Decisions. Oil Platforms», AJIL, vol. 91, July 1997, p. 522; H. Ruiz Fabri et J.-M. Sorel, «Chronique de jurisprudence de
la CIJ ¾ affaire des Plates-formes pétrolières», JDI, 1997, p. 869; M. D. Evans, «Oil Platforms (Islamic Republic of
Iran v. United States of America) Preliminary Objection», ICLQ, 1997, p. 694.
- 12 -
¾ on a jugé «critiquable» la référence à l’article X dans le second alinéa du dispositif et l’on a vu
dans la démarche de la Cour un «préjugé»8
;
¾ on a analysé la position majoritaire comme l’exercice prématuré de la compétence9
;
¾ «la position adoptée par la Cour est erronée» a-t-on écrit, car elle aurait dû non pas «donner
une interprétation définitive du traité mais seulement … décider si l’interprétation du traité sur
laquelle le demandeur se fonde est défendable…»10
.
7. Il y aurait beaucoup à dire (et l’on a déjà abondamment écrit) sur ce débat, qui oppose au
fond deux «méthodologies»11 : pour faire court, celle qui est en général utilisée par la Cour actuelle
depuis l’affaire Ambatielos12 et celle retenue par la CPJI dans l’affaire des Concessions
Mavrommatis en Palestine13 avec laquelle renoue l’arrêt du 12 décembre 1996. Ces deux
méthodologies présentent, sans aucun doute, l’une et l’autre, des avantages et des
inconvénients ¾ dans l’abstrait, «intellectuellement», mais aussi très concrètement, pour l’une et
pour l’autre Parties. Mais ce n’est ni le lieu, ni, en tout cas, le moment, de faire leur procès.
8. Le fait est que la Cour a estimé, contrairement à la position soutenue par l’Iran14 que, pour
répondre à la question de savoir si le litige dont elle est saisie «est un différend «quant à
l’interprétation ou à l’application» du traité», elle devait «rechercher si les violations du traité
de 1955 … entrent ou non dans les prévisions» de celui-ci15. A cette fin, elle a interprété cet
instrument en entrant dans d’assez grands détails et, ce faisant, elle a, comme l’a écrit le
juge Shahabuddeen, établi «de façon définitive le sens du traité de 1955»16
.
8
Opinion individuelle du juge Ranjeva,C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 846 et 845.
9
Opinion individuelle du juge Rigaux, ibid., p. 873.
10 Opinion individuelle du juge Shababuddeen, ibid., p. 831.
11 Cf. l’opinion individuelle de Dame Roselyn Higgins, C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 851, par. 17; voir aussi
l’opinion individuelle du juge Shahabuddeen, ibid., p. 824-829.
12 Affaire Ambatielos (fond : obligation d’arbitrage), arrêt du 19 mai 1953 : C.I.J. Recueil 1953, p. 12-19; voir
aussi notamment les arrêts du 26 novembre 1984, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci,
compétence et recevabilité, C.I.J. Recueil 1984, p. 427-429; et du 11 juillet 1996, Application de la convention pour la
prévention et la répression du crime de génocide, exceptions préliminaires, C.I.J. Recueil 1996, p. 614, par. 27 ou
p. 616-617, par. 33.
13 Arrêt du 30 août 1924, C.P.J.I. série A no
2, p. 15 et suiv.
14 Observations de l’Iran sur l’exception préliminaire des Etats-Unis, par. 4.11-4.21, p. 64-69; CR 94/15,
par. 18-22, p. 48-50 (M. Crawford).
15C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 810, par. 16.
16 Ibid., p. 840.
- 13 -
9. L’Etat défendeur consacre un premier et bref chapitre de la troisième partie de sa duplique
à soutenir que ¾ je cite le titre de ce chapitre : «The Court’s 1996 Judgment did not decide
whether the extraction of crude oil at the Iranian platforms constitutes «commerce» within the
meaning of the 1955 Treaty»17. C’est ambigu à souhait… Certes, la Cour n’a pas décidé que
l’extraction de pétrole brut constituait en l’espèce une activité commerciale au sens de l’article X,
paragraphe 1; mais elle n’en a pas moins interprété cette disposition de façon particulièrement
autorisée et claire.
10. Je ne prétends nullement, Monsieur le président, qu’en procédant de la sorte la Cour a
tranché le différend au fond. Comme on l’a fait remarquer à très juste titre,
«[c]e qui relève de la procédure au fond ¾ et qui demeure intact sans la moindre
altération quand on aborde … la question juridictionnelle, c’est d’établir ce que sont
exactement les faits et de dire, une fois qu’ils sont établis de façon définitive, s’ils
confirment une violation de l’article X, par exemple; et si tel est le cas, si ladite
violation peut déclencher un moyen de défense qui serait défini à l’article XX ou
ailleurs. Bref, c’est au stade du fond que l’on voit «si vraiment ces obligations ont été
violées» (Concessions Mavrommatis en Palestine, arrêt no
2, 1924, C.P.J.I. série A
n
o
2, p. 23).»18
11. Tout cela, l’équipe de plaidoirie de l’Iran le fera. Mais la défense adoptée par les
Etats-Unis m’oblige préalablement à revenir sur l’interprétation de l’article X, paragraphe 1, qu’ils
remettent en question. Je ne le ferai bien sûr pas dans l’abstrait, mais dans le contexte factuel de
l’affaire, qui a déjà été abordé hier et sur lequel mes collègues, MM. Zeinoddin, Sellers et Bundy
en particulier, reviendront plus longuement tout à l’heure et demain.
12. Pour m’acquitter de ma tâche, je suivrai, dans ses grandes lignes, le plan que suggère
l’Etat défendeur lui-même au paragraphe 3.02 de sa duplique. «First», it writes, «Iran must prove
that the extraction of crude oil at the three oil platforms constituted «commerce» within the
meaning of Article X, paragraph 1»19; je le ferai dans un premier temps. «Second», it writes again,
«even if the Court were to conclude that such extraction of crude oil constituted «commerce»
within the meaning of Article X, paragraph 1, Iran must prove that this commerce was «between
the territories of the two High Contracting Parties»»20; j’aborderai cette question dans un second
17 P. 71.
18 Opinion individuelle de Dame Rosalyn Higgins, C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 857, par. 34.
19 P. 68.
20 Ibid., p. 68-69.
- 14 -
temps. Mais, dans les deux cas, j’infléchirai un peu la réflexion, car comme l’a dit la Cour dans
l’arrêt de 1996, la véritable question «est celle de savoir si les actions que l’Iran reproche aux
Etats-Unis étaient susceptibles de porter atteinte à la «liberté de commerce» telle que garantie» par
cette disposition21. Ceci mis à part, j’irai cependant encore plus loin dans la déférence envers les
exigences américaines : je décomposerai, pour l’essentiel, chacune de ces parties conformément
aux suggestions de la Partie défenderesse22
.
I. La destruction des trois plates-formes pétrolières par les Etats-Unis porte atteinte à
la liberté du commerce au sens de l’article X, paragraphe 1
13. Monsieur le président, je viens de faire allusion à la petite adresse de présentation que
s’autorisent les Etats-Unis en parlant de «commerce» et non de «liberté de commerce» comme le
fait l’article X, paragraphe 1. Cela fait une différence et j’y reviendrai. Mais je conviens bien
volontiers que, pour qu’il y ait liberté de commerce, il faut qu’il y ait commerce et je n’ai pas
l’intention d’esquiver la question soulevée par le défendeur, très artificiellement au vu de votre
arrêt de 1996.
14. En un remarquable crescendo, les Etats-Unis nous disent :
¾ que le premier paragraphe de l’article X ne concerne que le «commerce maritime»;
¾ que le mot «commerce» y figurant doit être interprété restrictivement et n’inclut pas les
activités de production pétrolière; et
¾ que la destruction des plates-formes pétrolières à laquelle leur marine de guerre s’est livrée ne
porte nulle atteinte à la liberté de commerce garantie par cette disposition.
Je montrerai successivement qu’aucune de ces propositions n’est fondée.
15. Les Etats-Unis affirment également23 que les plates-formes détruites n’étaient pas
utilisées à des fins commerciales. J’y reviendrai tout à l’heure lorsque nous verrons qu’ils ont
également tort de prétendre que les actions américaines n’ont pas porté atteinte à la liberté du
commerce «entre les territoires des deux Hautes Parties contractantes».
21 C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 817, par. 38.
22 Ibid.
23 Duplique, p. 68, par. 3.02.
- 15 -
A. L’article X, paragraphe 1, n’est pas limité au «commerce maritime»
16. Durant la phase des exceptions préliminaires, la Partie américaine avait plaidé avec
vigueur que l’article X, paragraphe 1, du traité de 1955 concerne exclusivement le commerce
maritime entre les deux Etats24. La Cour ayant clairement récusé cette interprétation abusive, les
Etats-Unis avaient semblé y renoncer dans leur contre-mémoire : le chapitre dans lequel ils
exposent leur position sur la portée (inexistante selon eux) de cette disposition ne reprend pas
l’interprétation clairement récusée par l’arrêt de 199625. Mais le mauvais démon qui, sans cesse,
les pousse à remettre en question les constatations de votre haute juridiction a repris le dessus dans
la duplique : «The term «commerce» in Article X (1) refers to «maritime commerce»» ¾ c’est le
titre de la section 1 du chapitre consacré à l’interprétation du premier paragraphe de l’article X. Et
de reprendre, en deux temps, l’argumentation condamnée par la Cour :
¾ «The context of Article X (1) shows that it relates to maritime affairs»26; and
¾ «The history of Article X (1) reinforces its maritime character»27
.
17. Première proposition, donc : interprété dans son contexte, l’article X, paragraphe 1, se
rapporterait (exclusivement) aux affaires maritimes.
18. Mais, Madame et Messieurs les juges, vous avez déjà disposé de cet argument. Je
n’aime pas beaucoup les arguments d’autorité et je vous prie de bien vouloir m’excuser de vous
infliger une lecture un peu longue. Mais votre arrêt de 1996 est tellement clair sur ce point que je
ne peux mieux faire que de citer intégralement les trois paragraphes pertinents; ils sont limpides :
«41. La Cour doit tenir dûment compte de ce que le paragraphe 1 de l’article X,
où figure le mot «commerce», est suivi d’autres paragraphes, qui traitent
manifestement du commerce maritime. Toutefois, elle estime que cet élément n’est
pas suffisant pour restreindre la portée de ce mot au commerce maritime, le traité
renfermant par ailleurs des indications d’une intention des parties de régler les
questions commerciales de manière générale. A cet égard, la Cour prend également
acte des dispositions de l’article XXII du traité, qui précise que celui-ci remplace
notamment un accord provisoire relatif aux relations commerciales et autres, conclu à
Téhéran le 14 mai 1928. Le traité de 1955 est donc un traité relatif au commerce en
général, qui ne se borne pas au seul commerce maritime.
42. Il convient en outre d’envisager toute la gamme d’activités auxquelles le
traité s’étend; ainsi, à l’article IV, il est reconnu aux sociétés le droit de mener leurs
24 Cf. CR 1996/13, 17 septembre 1996, p. 29 (M. Crook).
25 P. 92-97, par. 2.03-2.15.
26 P. 73, A.
27 P. 76, B.
16
activités, de conserver le contrôle et la gestion de leurs entreprises et de «faire tout ce
43. Dans ces circonstances, la thèse selon laquelle le mot «commerce», au
1 de l’article
conviction de la Cour» .
oit mal ce qu’il serait nécessaire d’ajouter ¾
Etats osent encore prétendre que la Cour n’a pas tranché cette question d’interprétation et
1 doit être interprété comme ne visant
le commerce maritime.
précédent, comme vous l’avez rappelé récemment, dans l’arrêt sur les
dans l’affaire de la Nigéria ¾
préciser aussitôt
Cour des raisons de s’écarter des motifs et des conclusions adoptés» dans les précédents
29
position ¾ dans une phase précédente de la affaire
30
assurément des arguments absolument décisifs pour vous conduire à modifier cette interprétation.
est besoin de le préciser, de tels arguments n’existent pas.
Etats tiennent à l’historique de l’article 1 .
: M.
lors de l’examen des exceptions préliminaires . Ils n’avaient alors pas emporté votre conviction.
28 C.I.J. 1996 , p.
29 C.I.J. 1998 292, par.
30
31 76 3.13
32 96/13, 17 septembre 1996, p. -30; voir aussi p. Murphy).
- 17 -
24. En deuxième lieu, est-il besoin de rappeler que, conformément aux règles relatives à
l’interprétation des traités figurant à l’article 32 de la convention de Vienne de 1969 ¾ auxquelles
vous avez, à maintes reprises, reconnu un caractère coutumier33 :
«Il peut être fait appel à des moyens complémentaires d’interprétation, et
notamment aux travaux préparatoires et aux circonstances dans lesquelles le traité a
été conclu, en vue, soit de confirmer le sens résultant de l’application de l’article 31,
soit de déterminer le sens lorsque l’interprétation donnée conformément à l’article 31 :
a) laisse le sens ambigu ou obscur; ou
b) conduit à un résultat manifestement absurde ou déraisonnable.»
25. En l’espèce, l’interprétation donnée par la Cour en se fondant sur la «règle générale
d’interprétation» de l’article 31 ¾ l’interprétation «de bonne foi suivant le sens ordinaire à
attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but» ¾, cette
interprétation ne laisse subsister aucune ambiguïté ou obscurité et ne conduit en aucune manière à
un «résultat manifestement absurde ou déraisonnable» ¾ sauf à considérer qu’est absurde ou
déraisonnable toute interprétation qui déplaît aux Etats-Unis (qui invoquent, mais en le tronquant,
l’article 32 de la convention de Vienne34)… «[I]l n’est dès lors pas nécessaire de faire appel à des
moyens complémentaires d’interprétation, tels que les travaux préparatoires et les circonstances
dans lesquelles [le traité de 1955 a été conclu], pour déterminer le sens [dudit traité]»; tout au plus
la Cour pourrait-elle y recourir «pour y rechercher une confirmation éventuelle de l’interprétation
qu’elle a tirée du texte [du traité]»35
.
26. En outre et en troisième lieu, le prétendu «historique de l’article X (1)» sur lequel
s’appuie le défendeur ne répond en aucune manière à la définition des «moyens complémentaires»
mentionnés à l’article 32 de la convention de Vienne.
27. Les Etats-Unis se bornent en effet à faire état d’analyses générales des traités d’amitié, de
commerce et de navigation, de trois télégrammes du département d’Etat et d’une communication
33 Voir notamment arrêts, 3 février 1994, Différend territorial, C.I.J. Recueil 1994, p. 21-22, par. 41;
15 février 1995, Délimitation maritime et questions territoriales entre Qatar et Bahreï n, compétence et recevabilité,
C.I.J. Recueil 1995, p. 18, par. 33; 12 décembre 1996, Plates-formes pétrolières, exception préliminaire,
C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 812, par. 23; 13 décembre 1999, Île de Kasikili-Sedudu, C.I.J. Recueil 1999 (II), p. 1059,
par. 18 ou 17 décembre 2002, Souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan, par. 37.
34 Duplique, p. 77, par. 3.13.
35 Cf. arrêt du 17 décembre 2002, Souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan, par. 53; voir aussi les arrêts
du 3 février 1994, Différend territorial, C.I.J. Recueil 1994, p. 27, par. 55 ou du 15 février 1995, Délimitation maritime et
questions territoriales entre Qatar et Bahreï n, compétence et recevabilité, C.I.J. Recueil 1995, p. 21, par. 40.
- 18 -
du Sénat des Etats-Unis ¾ autant d’éléments internes à ce pays, qui ne sauraient établir la
commune intention des Parties (et l’Iran n’est, malheureusement même si ça n’a guère
d’importance juridique, pas en mesure d’opposer ses propres documents internes qui, s’ils ont
existé, ont disparu). «[C]e qui est pertinent, ce n’est pas l’interprétation individuelle du défendeur,
même si elle est parfaitement cohérente, mais c’est la commune intention des deux Parties telle
qu’elle s’exprime dans les dispositions du traité qui a été conclu»36
.
28. Au demeurant, les documents invoqués par les Etats-Unis n’établissent nullement ce
qu’ils veulent leur faire dire : ils montrent que l’article X correspond, pour l’essentiel, à l’article
type XIX que l’on trouve en général dans les traités d’amitié, de commerce et de navigation (les
«F.C.N. Treaties»), par rapport auxquels celui de 1955 présente d’ailleurs quelques différences
significatives ¾ le seul fait que cette disposition soit devenue l’article X et non pas XIX montre
déjà que toute généralisation doit être nuancée. Surtout, on ne peut rien déduire de cette similitude
en ce qui concerne le sens qu’il convient de donner à cette disposition et, plus spécialement, à son
paragraphe 1 : les quelques documents qu’invoquent les Etats-Unis sont, tout simplement, muets à
cet égard.
29. Du reste, analysant un autre «F.C.N. Treaty», celui du 21 janvier 1956 entre les
Etats-Unis et le Nicaragua, la Cour, dans son arrêt du 27 juin 1986 dans l’affaire relative aux
Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, a accepté, «la thèse
nicaraguayenne suivant laquelle le minage des ports nicaraguayens par les Etats-Unis constitue une
contradiction manifeste avec l’article XIX, paragraphe 1, du traité de 1956 qui garantit la liberté de
navigation et la liberté de commerce»
37. «La liberté de navigation et la liberté de commerce…»; ce
faisant, la Cour admet clairement que l’article XIX du traité de 1956 concerne et l’une et l’autre ¾
et ceci alors même que, comme l’article X de notre traité de 1955, le F.C.N. Treaty conclu l’année
suivante avec le Nicaragua disposait : «Between the territories of the two Parties, there shall be
freedom of commerce and navigation»
38
.
36 Opinion individuelle du juge Shahabuddeen, C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 836; voir aussi l’opinion individuelle
du juge Rigaux, ibid., p. 864-865.
37 C.I.J. Recueil 1986, p. 139, par. 278.
38 C’est moi qui souligne.
- 19 -
30. Du reste, le point 11 du dispositif de l’arrêt de 1986 montre bien que la haute juridiction
estimait que cette disposition n’était nullement limitée au «commerce maritime» : la Cour a décidé
que par l’ensemble des «attaques contre le territoire du Nicaragua [y compris l’aide donnée aux
contras39] visées au sous-paragraphe 4 ci-dessus et par l’embargo général sur le commerce avec le
Nicaragua qu’ils ont imposé le 1er mai 1985, [les Etats-Unis] ont violé leurs obligations découlant
de l’article XIX du traité d’amitié, de commerce et de navigation entre les Parties signé à Managua
le 21 janvier 1956»40. Si certaines des attaques auxquelles se réfère la Cour (comme le minage des
ports nicaraguayens) avaient, sans aucun doute, porté atteinte à la liberté du commerce maritime,
d’autres étaient sans incidence particulière sur celui-ci et étaient autant d’atteintes au commerce
«tout court»; tel était le cas, par exemple, des attaques contre les installations pétrolières ou
aéroportuaires du Nicaragua ou des actes d’intervention perpétrés par l’intermédiaire des contras. Il
n’est donc pas exact, comme l’écrivent les Etats-Unis, que la Cour ait, dans l’affaire jugée en 1986,
«limited its findings with respect to the «commerce and navigation» provision to those actions
related to maritime commerce: for example, the attacks on ports, port facilities, and the
embargo»41; ces exemples ne sont pas exhaustifs contrairement à ce que le défendeur veut faire
croire.
31. Comparaison pour comparaison, puisque les Etats-Unis veulent faire des traités d’amitié,
de commerce et de navigation un «genre» uniforme, autant comparer les interprétations que la Cour
elle-même a données de deux dispositions, en effet rédigées en termes identiques. En 1986, comme
en 1996, elle a considéré que, à la lumière de son contexte, l’expression concise «liberté de
commerce et de navigation» visait deux libertés : la liberté de navigation d’une part, la liberté de
commerce, seule en cause ici, d’autre part, et non, comme les Etats-Unis continuent à le soutenir,
seulement la «liberté du commerce maritime». J’ajoute qu’il y a dix-huit ans comme aujourd’hui la
Cour disposait d’une documentation exhaustive concernant tant l’ensemble des F.C.N. Treaties que
39 Cf. le renvoi du sous-paragraphe 4 du dispositif au sous-paragraphe 3, C.I.J. Recueil 1986, p. 146.
40 Ibid., p. 148.
41 Duplique, p. 91, par. 3.38.
- 20 -
les «circonstances» de leur conclusion, au sens que les Etats-Unis donnent à ce mot42; dans les
deux cas, elle s’est donc prononcée en toute connaissance de cause.
32. Monsieur le président, ni le texte de l’article X, paragraphe 1, ni son contexte, ni même
les «circonstances» de sa conclusion, au sens très vague où les Etats-Unis l’entendent, ne
confirment l’interprétation selon laquelle cette disposition ne viserait que le commerce maritime.
La Cour a du reste, par deux fois, condamné cette interprétation, y compris de la manière la plus
ferme, dans la phase précédente de la présente affaire. Le défendeur est mal venu de «revenir à la
charge». Il l’est aussi lorsqu’il prétend, à nouveau, que le mot «commerce» au sens de cette
disposition doit être interprété restrictivement.
33. Ici encore, cette interprétation abusive a été écartée sans ambiguïté par la Cour dans son
arrêt de 1996. Ici encore, les Etats-Unis n’apportent aucun élément nouveau susceptible de
remettre en cause la position claire de la haute juridiction. Ici encore, tout, au contraire, concourt à
conforter cette interprétation, non pas «large» ou «extensive» mais raisonnable et qui, seule, est en
accord avec «le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de
son objet et de son but»43
.
34. S’il faut en croire la Partie défenderesse, «[e]ven if the Court were to consider the
meaning of «commerce» in a general sense, that term does not encompass the extraction of crude
oil»44. Selon les Etats-Unis :
¾ la définition du commerce donnée par la Cour permanente dans l’affaire Oscar Chinn serait
sans pertinence en la présente espèce45;
¾ l’acception de ce mot défendue par l’Iran et retenue par la Cour en 1996 irait à l’encontre des
définitions usuelles46, et aussi
¾ de la «commerce clause» en usage dans la jurisprudence des tribunaux américains47
.
42 Voir mémoire du Nicaragua dans l’affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre
celui-ci (compétence et recevabilité), C.I.J. Mémoires, plaidoiries et documents, vol. I, p. 403-405; contre-mémoire des
Etats-Unis (compétence et recevabilité), ibid., vol. II, p. 51-55; mémoire du Nicaragua (fond), ibid., vol. IV, p. 100-113;
plaidoirie orale (Nicaragua), ibid., 19 septembre 1985 (A. Pellet), vol. V, p. 189-223.
43 Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969, art. 31.
44 Duplique, p. 68, par. 3.02; voir aussi p. 82, par. 3.24.
45 Ibid. p. 83-85, par. 3.26-3.29.
46 Ibid., p. 85-87, par. 3.30-3.32.
47 Ibid., p. 87-89, par. 3.33-3.36.
- 21 -
35. Quand il s’agit de défier la Cour, consciemment ou non, les Etats-Unis, Monsieur le
président, sont intrépides ¾ car, à nouveau, la position qu’ils défendent a été rejetée, fermement et
sans ambiguïté, par l’arrêt de 1996 sur l’exception préliminaire.
36. Dès lors, à nouveau aussi, je ne puis mieux faire que résumer les passages pertinents de
votre décision ¾ je m’abstiendrai de les lire intégralement car ils sont assez longs; mais, sans
flatterie, je crois sincèrement qu’ils constituent la meilleure réponse à l’argumentation de l’Etat
défendeur et je me permets respectueusement, Madame et Messieurs de la Cour, de vous renvoyer
aux paragraphes 45 à 49 de votre arrêt au cas où vous ne les auriez plus à l’esprit48; c’est une
lecture tout à fait instructive.
37. Après avoir rappelé que l’objet du traité de 1955 est «de régler les questions
commerciales de manière générale» et que cet instrument s’étend à une large «gamme
d’activités»49, la Cour se penche plus particulièrement sur la prétention américaine selon laquelle
«la protection offerte par [le paragraphe 1 de l’article X] ne s’étendrait pas aux activités en amont
qui sont essentielles au commerce, telles que par exemple l’obtention de biens en vue d’une
utilisation commerciale»50. C’est vous qui l’avez écrit. Et, à la suite d’un raisonnement, concis
mais rigoureusement motivé, la Cour conclut «qu’il serait naturel d’interpréter le mot «commerce»
au paragraphe 1 de l’article X du traité de 1955 comme incluant des activités commerciales en
général ¾ non seulement les activités mêmes d’achat et de vente, mais également les activités
accessoires qui sont intrinsèquement liées au commerce»
51
.
38. Pour en arriver à cette conclusion, réitérée dans l’ordonnance du 10 mars 1998 sur la
demande reconventionnelle des Etats-Unis52, la Cour commence par s’interroger sur l’«acception
usuelle» du mot «commerce» :
¾ dans le langage courant (et elle cite à cette fin l’Oxford English Dictionary53); et
48 C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 818-819.
49 C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 817, par. 41 et 42; les italiques sont de moi; voir supra, par. 18.
50 Ibid., p. 818, par. 45.
51 Ibid., p. 819, par. 49; les italiques sont de moi.
52 C.I.J. Recueil 1998, p. 204, par. 35.
53 C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 818, par. 45.
- 22 -
¾ dans la langue du droit qui, parfois, donne aux mots un sens particulier ¾ mais ce n’est pas le
cas en l’espèce comme la Cour le constate au paragraphe 45 de son arrêt54, dans lequel elle se
réfère au très fameux Dictionnaire «Basdevant» de la terminologie du droit international, tout
comme elle pourrait se référer aujourd’hui au Dictionnaire «Salmon» de droit international
public, qui mérite de devenir fameux à son tour, et qui précise que «la notion s’est
considérablement élargie pour englober progressivement l’ensemble des échanges
économiques internationaux, c’est-à-dire le commerce des services, les échanges liés à la
propriété intellectuelle mais également les investissements et les transactions liées aux
opérations précédentes»55; et
¾ en outre, la Cour se réfère à la jurisprudence de la Cour permanente dont elle cite l’arrêt du
12 décembre 1934 dans l’affaire Oscar Chinn56
.
39. De tout cela, les Etats-Unis n’ont cure. Les dictionnaires courants ou juridiques ? Mais,
dit le défendeur, ils citent aussi ¾ parfois d’abord ¾ le sens restreint, limité au seul échange de
marchandises57. Certes; mais «aussi» ne signifie pas «exclusivement» et, lorsque plusieurs sens
coexistent, il convient, pour déterminer celui qu’il faut retenir, de se reporter au contexte et à
l’objet et au but du traité58
.
40. C’est d’ailleurs très exactement ce qu’a fait la Cour, toujours dans l’arrêt de 1996. Elle y
«observe que le traité de 1955 règle également, dans ses articles généraux, une grande variété de
questions accessoires liées au commerce»59. Elle y relève «en outre que, dans sa version originale
anglaise, le titre même du traité de 1955 … vise, à côté de l’«amitié» et des «droits consulaires»,
non le «commerce» («Commerce») mais, plus largement, les «relations économiques» («Economic
Relations»)»
60. Et elle ajoute que ses conclusions «sont confirmées par la nature du traité dans
lequel cette disposition [il s’agit bien sûr de l’article X, paragraphe 1, qu’elle interprète] s’inscrit»
54 Ibid.
55 Bruylant/AUPELF, Bruxelles, 2001, p. 197; voir sur ce point l’étude exhaustive présentée dans la réplique
iranienne, p. 110-113, par. 6.26-6.27 et 6.29.
56 C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 819, par. 48.
57 Cf. duplique, p. 86, par. 3.31 et 3.32.
58 Cf. l’article 31 de la convention de Vienne sur le droit des traités.
59 C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 819, par. 46.
60 Ibid., p. 819, par. 48.
- 23 -
et par «[l]’esprit qui anime [l’article premier du traité] et l’intention qu’il exprime [, qui] inspirent
l’ensemble du traité et lui donnent sa signification»61. Ceci est strictement conforme tant aux
directives de l’article 31 de la convention de Vienne, qui impose de se reporter au «contexte»,
qu’aux indications données par la Cour elle-même en 1996 :
«la Cour estime que l’objectif de paix et d’amitié proclamé à l’article premier du traité
de 1955 est de nature à éclairer l’interprétation des autres dispositions du traité, et
notamment celle [de l’article] X. L’article premier n’est ainsi pas sans portée
juridique pour une telle interprétation…»62
41. Tel est aussi l’avis de l’un des meilleurs spécialistes des «FCN Treaties»,
M. Herman Walker Jr. Dans un article publié en 1958 dont les Etats-Unis ont reproduit des extraits
à l’appui de leur exception préliminaire63, ce diplomate américain présentait ces traités comme
étant ««commercial» in the broadest sense of that term» («commerciaux au sens le plus large du
terme»)64. Dans un autre article publié la même année, il explique que :
«[i]n contradistinction to limited-purpose trade agreements dealing with commerce in
the narrow sense, [these treaties] are designed to establish the ground rules
regulating economic intercourse in the broad sense, and they accordingly must reflect
a meeting of minds regarding proper international standards of behavior on a variety
of subject matters»65
.
Un autre spécialiste éminent, Robert R. Wilson, définit un F.C.N. Treaty comme «a multi-purpose
instrument» (un «traité polyvalent»)66 «[s]ince» he notes, «a commercial treaty today seeks to do
more than arrange matters of trade…»67
.
42. Même superbe indifférence du défendeur en ce qui concerne la référence que fait la Cour
à l’arrêt Oscar Chinn de son prédécesseur. Les Etats-Unis sont bien obligés de convenir que la
61 Ibid., p. 820, par. 52.
62 C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 815, par. 31.
63 Exhibit 48.
64 «Modern Treaties of Friendship, Commerce and Navigation», Minnesota Law Review 1958, p. 506; voir aussi
p. 505; c’est moi qui souligne.
65 «The Post-War Commercial Treaty Program of the United States», Political Science Quarterly, 1958, p. 57;
voir aussi : «Treaties for the Encouragement and Protection of Foreign Investment», American Journal of Comparative
Law, 1956, p. 232, 239-240 ou 243 ou «United States Commercial Treaties To-Day» in De lege pactorum. Essays in
Honor of R. R. Wilson, Duke U.P., 1970, p. 258-259.
66 United States Commercial Treaties and International Law, Hauser Press, New Orleans, 1960, p. 18.
67 Ibid., p. 91.
- 24 -
Cour s’y est référée68. Mais, évidemment, selon eux, bien à tort car le contexte est différent et, dès
lors, la solution ne serait pas transposable à notre espèce69
.
43. Assurément, «[l]a citation tirée de l’arrêt rendu par la Cour permanente de Justice
internationale dans l’affaire Oscar Chinn (arrêt, 1934, C.P.J.I. série A/B n° 63, p. 84) que la Cour
retient dans son arrêt en l’espèce (par. 48) ne doit pas être considérée hors contexte»70. Mais ce
contexte n’est pas celui auquel les Etats-Unis font allusion ¾ brièvement d’ailleurs.
44. Contrairement à ce qu’ils laissent entendre, le dictum de la CPJI ne vise pas le
mouvement de bateaux, mais l’industrie de la navigation, si bien que peu importe que l’on assimile
ou non les plates-formes à des navires :
¾ la convention de Saint-Germain du 10 septembre 1919 qu’il s’agissait d’interpréter et
d’appliquer71 comportait un article premier réitérant le principe de la «complète égalité
commerciale» entre les parties, principe posé par l’Acte général de Berlin de 1885, dont la
Cour permanente indique plus loin dans son arrêt72 qu’il «présuppose … la liberté du
commerce»; ce principe de liberté du commerce était précisé à l’article 5, paragraphe 1, de la
convention de Saint-Germain de 1919, au point de vue de la navigation fluviale et, précise la
Cour permanente, «[i]l n’est guère possible … de douter que l’industrie des transports fluviaux
ne rentre dans l’activité commerciale»73;
¾ c’est cette «industrie» et non «le mouvement des bateaux» qui, la Cour le précise
expressément74, était au cœur de l’affaire.
45. Et c’est à ce sujet que la haute juridiction donne de la définition de la «liberté du
commerce, telle qu’elle résulte de la convention»75, que conteste le défendeur, mais qui porte bien
sûr sur l’article premier de la convention de 1919 (et non sur l’article 5, comme le défendeur a l’air
de le penser), article premier qui, lui-même, reprenait le texte de l’Acte général de Berlin de 1885.
68 Duplique, p. 83, par. 3.26.
69 Ibid., p. 84-85, par. 3.27-3.28.
70 Opinion individuelle de Dame Rosalyn Higgins, C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 859, par. 45.
71 Cf. l’arrêt du 12 décembre 1934, C.P.J.I. série A/B n° 63, p. 80.
72 Ibid., p. 83.
73 Ibid., p. 81.
74 Ibid., p. 83.
75 Ibid., p. 84.
- 25 -
La définition a donc bien un caractère général et il était légitime que la Cour en fasse application au
traité de 1955. Contrairement à ce que prétendent les Etats-Unis76, ce traité de 1955 n’est d’ailleurs
pas plus limité dans ses buts que la convention de Saint-Germain : comme la Cour l’a relevé dans
son arrêt de 1996, le titre même du traité entre les Etats-Unis et l’Iran vise, «non le «commerce»
(«Commerce»), mais, plus largement, les «relations économiques» («Economic Relations»)»
77. En
outre, l’arrêt Oscar Chinn a été rendu entre les deux guerres, c’est-à-dire à une époque où le
commerce était souvent défini de façon plus restrictive qu’il ne l’est depuis 194578, ce qui rend
d’autant plus significative la position prise par la Cour permanente, que la Cour actuelle a
endossée.
46. De plus, comme le relèvent du reste les Etats-Unis79, la CPJI a souligné, dans l’arrêt
de 1934, «l’importance particulière des transports fluviaux pour l’économie générale de la colonie
du Congo»80, exactement comme, en l’espèce, la Cour actuelle a noté que «la production pétrolière
de l’Iran, pièce maîtresse de l’économie de ce pays, constitue une composante majeure de son
commerce extérieur»81
. Est-il besoin de préciser que l’Iran exporte la très grande majorité du
pétrole qu’il produit ? En 1987, en pleine guerre avec l’Iraq, l’exportation représentait plus de
68 % de cette production.
47. Chaque affaire, assurément est un unicum; mais, quoi qu’en écrive le défendeur, le
contexte dans lequel la Cour a été conduite à définir le mot «commerce» dans l’affaire Oscar Chinn
n’est pas fondamentalement différent de celui de la présente espèce et il paraît difficile de
reprocher à votre arrêt de 1996 d’avoir mentionné cette définition à l’appui de celle, équivalente,
qu’il retient.
48. La Cour actuelle elle-même a, de nouveau, adopté une interprétation large du mot
«commerce» dans son arrêt du 27 juin 1986. Comme je l’ai rappelé tout à l’heure82, elle a constaté
76 Duplique, p. 84, par. 3.27.
77 C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 819, par. 47.
78 Voir Dictionnaire Salmon, préc., supra, par. 38.
79 Duplique, p. 84, par. 3.28.
80 C.P.J.I. série A/B n° 63, p. 78.
81 C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 820, par. 51.
82 Supra, par. 30.
- 26 -
que de nombreuses activités des Etats-Unis ou commanditées par eux étaient contraires à
l’article XIX, paragraphe 1, du traité d’amitié, de commerce et de navigation conclu en 1956 entre
les Etats-Unis et le Nicaragua, qui était rédigé dans les mêmes termes que l’article X, paragraphe 1,
du traité Etats-Unis/Iran de 1955. En outre, dans l’arrêt de 1986, la Cour a estimé que, «[d]ans le
contexte commercial du traité, la demande du Nicaragua [était] justifiée non seulement par les
dommages matériels subis par ses navires, mais aussi par les pertes économiques qui en sont
résultées pour son commerce»83. Une telle constatation est incompatible avec une interprétation
étroite du mot «commerce» : ce sont bien les activités économiques globales, induites par les
échanges commerciaux stricto sensu, qui sont en cause.
49. Quant au troisième et dernier argument des Etats-Unis sur ce point, celui qui est relatif à
la «commerce clause» figurant dans la Constitution américaine, je ne m’y appesantirai pas. Nous
sommes en total accord avec nos adversaires pour estimer que le droit des Etats-Unis n’est pas le
droit international, ce que ce pays oublie quelquefois, et que, «were this Court to conclude … that
Article X, paragraph 1, is to be interpreted with reference to this US constitutional doctrine, it
would lead to confusion and indeterminacy with respect to the meaning of the provision»84
.
Comme l’Iran l’avait souligné dans sa réplique, il n’avait évoqué la jurisprudence nationale
américaine que pour montrer que la notion de commerce est interprétée de façon extensive dans le
système juridique des Etats-Unis et que les personnes qui ont négocié le traité de 1955 en leur nom
étaient sans doute conscientes, en tout cas «imprégnées», de cette conception85, nettement plus
extensive que celle invoquée par le défendeur dans la présente affaire ¾ ce qu’il ne nie d’ailleurs
pas.
50. Un arrêt de la Cour suprême des Etats-Unis, bien antérieur à la conclusion du traité
de 1955 puisqu’il date de 1928, me semble plus probant et intéressant à cet égard car il porte non
sur la «commerce clause» constitutionnelle mais sur l’interprétation du mot «commerce» dans un
traité de commerce et de navigation conclu en 1911 entre les Etats-Unis et le Japon. Dans cette
83 C.I.J. Recueil 1986, p. 139, par. 278; voir aussi le sous-paragraphe 11 du dispositif, p. 148, par. 292.
84 Duplique, p. 87-88, par. 3.33.
85 Cf. réplique, p. 110, par. 6.25.
- 27 -
affaire Jordan, Secretary of State of California v. Tashiro, la Cour suprême a fait sienne l’idée
selon laquelle :
«While in a narrow and unrestricted sense the terms «commerce» or
«commercial», and «trade» may be limited to the purchase and sale or exchange of
goods and commodities, they may connote, as well, other occupations and other
recognized forms of business enterprise which do not necessarily involve in
merchandise… And although commerce includes traffic in this narrower sense, for
more than a century it has been recognized that in a broad sense it embraces every
phase of commercial and business activity and intercourse.»86
51. La conclusion s’impose d’elle-même, Monsieur le président : le mot «commerce» au
paragraphe 1 de l’article X du traité de 1955 inclut «non seulement les activités mêmes d’achat et
de vente, mais également les activités accessoires qui sont intrinsèquement liées au commerce» et
«[l]’argumentation exposée sur ce point par les Etats-Unis doit être écartée». C’est très exactement
ce que vous avez, Madame et Messieurs les juges, décidé dans votre arrêt du 12 décembre 199687
.
C. La destruction des plates-formes pétrolières par les Etats-Unis porte atteinte à la liberté de
commerce garantie par l’article X, paragraphe 1
52. Vous y avez également précisé que la Cour
«ne saurait en tout état de cause perdre de vue que le paragraphe 1 de l’article X du
traité de 1955 ne protège pas à proprement parler le «commerce» mais la «liberté [le
mot est en italiques dans l’arrêt] de commerce». Tout acte [avez-vous ajouté] qui
entraverait cette liberté s’en trouve prohibé. Or, sauf à rendre une telle liberté
illusoire, il faut considérer qu’elle pourrait être effectivement entravée du fait d’actes
qui emporteraient destruction de biens destinés à être exportés, ou qui seraient
susceptibles d’en affecter le transport et le stockage en vue de l’exportation.»88
53. Cette constatation, reprise dans l’ordonnance de 1998 sur les mesures
reconventionnelles89 et dont je me permets de trouver, avec tout le respect dû à la Cour, qu’elle est
de simple bon sens, ne trouve pas non plus grâce aux yeux de nos adversaires. Ceux-ci se gardent
bien, ici en tout cas, d’attaquer la Cour «de front» : ils ignorent purement et simplement son arrêt
sur ce point. Mais, si je peux dire, «la ficelle est un peu grosse» car, sous couvert de réfuter
l’argumentation de l’Iran, ils s’en prennent évidemment à l’interprétation de l’expression «liberté
de commerce» qui figure dans l’arrêt sur l’exception préliminaire.
86 278 United States 1928, p. 127-128 ¾ c’est moi qui souligne.
87 C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 819, par. 49 et p. 820, par. 51.
88 C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 819, par. 50.
89 C.I.J. Recueil 1998, p. 204, par. 35.
- 28 -
54. Les Etats-Unis, en un paragraphe assez obscur90, affirment que l’on ne saurait interpréter
le principe posé au paragraphe 1 de l’article X comme impliquant «an undertaking by each Party to
refrain from all actions that could create any type of economic impediment on the other Party»91
.
Voici, Monsieur le président, une conception bien curieuse de l’objet d’un traité d’amitié et de
commerce ! ¾ surtout si l’on se réfère à l’article premier dont, je le rappelle, la Cour a précisé
qu’il «n’est pas sans portée juridique» pour l’interprétation de l’article X92
.
55. Bien entendu, toute norme conventionnelle doit être interprétée de façon raisonnable et
dans le cadre des règles et principes généraux du droit international; et l’on ne saurait faire dire à
une telle disposition, que toutes les normes internationales relatives au commerce s’en trouvent
anéanties ou que les droits de douane s’en trouvent exclus pour les marchandises en provenance du
pays partenaire. On ne saurait en déduire non plus, comme le suggèrent les Etats-Unis pour
caricaturer la position de l’Iran (et à travers elle celle de la Cour), que chaque Partie à un traité a
une obligation positive d’agir sur le territoire de l’autre pour promouvoir le développement de son
commerce. En revanche, il est clair qu’une disposition de ce type implique que les partenaires
s’engagent à «s’abstenir de toute action [non autorisée par le droit international général ou
expressément prévue par le traité qui les lie] qui pourrait être à l’origine de difficultés économiques
pour l’autre Partie», du moins si ces difficultés sont liées au commerce international.
56. Il en va d’autant plus certainement ainsi que, comme vous l’avez fortement souligné
en 1996, si l’article premier du traité de 1955 est rédigé en termes trop généraux pour pouvoir «à
lui seul créer des droits et obligations juridiques», «cela ne signifie pas qu’il ne puisse être invoqué
aux fins de l’interprétation d’autres dispositions du traité»93
.
«La Cour», avez-vous ajouté, «ne saurait perdre de vue que l’article premier
affirme en des termes généraux qu’il y aura paix stable et durable et amitié sincère
entre les Parties. L’esprit qui anime cet article et l’intention qu’il exprime inspirent
l’ensemble du traité et lui donnent sa signification; ils doivent, en cas de doute, inciter
la Cour à adopter l’interprétation qui semble la plus conforme à l’objectif général
d’établir des relations amicales dans tous les domaines d’activité couverts par le
traité»94
.
90 Duplique, p. 89-90, par. 3.37.
91 Ibid.
92 Voir supra, par. 40.
93 C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 820, par. 52.
94 Ibid.
- 29 -
57. Je note tout de même que les Etats-Unis ont, de leur contre-mémoire à leur duplique,
quelque peu atténué leur entreprise de «démolition» de l’article X, paragraphe 1 : alors que dans le
premier, dans le contre-mémoire, ils refusaient toute existence autonome à cette disposition qui,
selon eux, n’aurait imposé aucune obligation juridique susceptible d’être mise en œuvre par la
Cour95, ils se gardent bien de cela dans la seconde, dans la duplique. L’Iran y avait du reste
soigneusement répondu et, puisque le défendeur s’abstient d’y revenir, je n’y reviens pas non plus,
me permettant seulement, Madame et Messieurs les juges, de vous renvoyer aux passages
pertinents de la réplique96. C’est que le contre-mémoire date du 23 juin 1997 et la duplique du
23 mars 2001; entre ces deux dates, la Cour avait, le 10 mars 1998, rendu son ordonnance sur la
demande reconventionnelle et elle avait jugé recevable la demande des Etats-Unis «dans la mesure
où les faits allégués ont pu porter atteinte aux libertés garanties par le paragraphe 1 de
l’article X»97. Il fallait bien reconnaître une signification juridique à cette disposition puisque les
Etats-Unis ne peuvent agir que dans le cadre qu’elle définit et donc les Etats-Unis ont changé de
stratégie en ce qui concerne l’article X, paragraphe 1.
58. Le défendeur en est, dans sa duplique, réduit à concentrer ses attaques sur l’interprétation
que donne l’Iran de l’arrêt de 1986 dans l’affaire du Nicaragua, que la Cour, pour sa part, n’a pas
expressément mentionné mais dont, en réalité, elle a, dix ans plus tard, suivi le raisonnement.
59. Il suffit de rappeler à cet égard que, contrairement aux assertions américaines98, la Cour
ne s’est nullement bornée à constater la violation de l’article XIX, paragraphe 1, du traité de 1955
du fait d’activités illicites des Etats-Unis liées à la navigation. Comme je l’ai montré tout à
l’heure99, le sous-paragraphe 11 du dispositif de l’arrêt de 1986, qui renvoie au sous-paragraphe 4,
qui renvoie lui-même au sous-paragraphe 3, établit que la responsabilité des Etats-Unis pour
manquement à cette disposition s’étend largement au-delà de ces activités liées à la navigation. Du
95 P. 93-97, par. 2.06-2.15.
96 Voir p. 101-106, par. 6.1-6.16.
97 C.I.J. Recueil 1998, p. 204, par. 36.
98 Duplique, p. 90-91, par. 3.38, qui reprend le contre-mémoire, p. 104, par. 2.28.
99 Voir supra, par. 30.
- 30 -
reste, le défendeur lui-même reconnaît que «[t]he Court … grouped together by cross-reference
many of the U.S. actions in finding the violation of the comparable provision»100
.
60. De la même manière, dans l’affaire qui nous occupe, la Cour, loin de limiter l’éventualité
de violations de la liberté de commerce prévue à l’article X, paragraphe 1, à des obstacles directs
mis au seul transport de marchandises, a estimé que, en amont, les «actes qui emporteraient
destruction de biens destinés à être exportés ou qui seraient susceptibles d’en affecter le transport et
le stockage en vue de l’exportation»101 constituaient des actions prohibées par cette disposition.
61. Si l’on interprète correctement l’expression «liberté de commerce», que garantit
l’article X, paragraphe 1, du traité de 1955, la destruction des plates-formes par les Etats-Unis
constitue, à l’évidence, une grave entrave à cette liberté de commerce : il ne peut faire de doute que
les plates-formes étaient destinées à assurer non seulement l’extraction d’un produit dont l’essentiel
était destiné à être exporté, mais aussi son stockage et son acheminement. L’arrêt de 1996 le
constate du reste expressément :
«La Cour relèvera à ce sujet que le pétrole pompé à partir des plates-formes
attaquées en octobre 1987 passait de ces plates-formes au terminal pétrolier de l’île de
Lavan par le moyen d’un oléoduc sous-marin et que l’installation de Salman, qui a fait
l’objet de l’attaque d’avril 1988, était aussi reliée au terminal pétrolier de Lavan par
un oléoduc sous-marin»
102
.
La haute juridiction aurait pu faire la même remarque à propos de l’installation de Nasr, qui est,
elle aussi, reliée à une île, l’île de Sirri, par un oléoduc sous-marin. La réplique iranienne, à laquelle
les Etats-Unis n’ont pas répondu, établit ce point à suffisance; je me permets, Madame et Messieurs
les juges, de vous y renvoyer103
.
62. Dame Rosalyn Higgins a affiché un doute sur ce point dans l’opinion individuelle qu’elle
a jointe à l’arrêt de 1996 sur l’exception préliminaire : «Je ne crois pas [écrit-elle] que la Cour soit
compétente en ce qui concerne la destruction du complexe de Salman, au sujet de laquelle il n’a pas
été formulé d’allégations de fait comparables en ce qui concerne le rôle de moyen de transport
qu’auraient joué les installations détruites.»104 Avec tout le respect que je dois ¾ et que
100 Duplique, p. 92, par. 3.40.
101 C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 819, par. 50 ¾ voir supra, par. 52.
102 C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 820-821, par. 50.
103 V. p. 123-125, par. 6.58-6.61.
104 C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 861, par. 51.
- 31 -
j’ai ¾ pour Madame la Juge Higgins, elle se trompe. L’Iran avait établi, dès son mémoire, que
toutes les installations concernées (celles de Salman comme celles de Reshadat et de Nasr) étaient
reliées par oléoduc soit à l’île de Lavan, soit à l’île de Sirri105, comme le montre d’ailleurs le
schéma reproduit sous l’onglet no
9 dans le dossier des juges, et qui est projeté derrière moi.
63. Je crois donc avoir montré que l’interprétation du paragraphe 1 de l’article X du traité
de 1955 que soutiennent les Etats-Unis, extraordinairement restrictive, n’est pas conforme aux
principes et règles élémentaires d’interprétation des traités et qu’elle contredit en tous points celle
que vous avez retenue dans votre arrêt de 1996 sur l’exception préliminaire américaine :
1) cette disposition vise, de façon distincte, la liberté de navigation et la liberté de commerce, et
elle n’est pas confinée à la protection du «commerce maritime»;
2) le mot commerce n’y est pas limité à l’échange de biens et de services, il couvre les «activités
d’amont» qui en sont l’accessoire indispensable et sans lesquelles il ne peut y avoir
d’échanges commerciaux; et
3) la liberté de commerce au sens de cette disposition couvre donc, elle aussi, ces «activités
d’amont», préalables à la vente du pétrole extrait des plates-formes, que les attaques
américaines ont rendues impossibles.
64. Ce faisant, je pense, Monsieur le président, avoir relevé le premier défi lancé par les
Etats-Unis dans le paragraphe 3.02 de leur duplique106 que j’ai cité au début de mon intervention :
les activités conduites sur les plates-formes concernées relèvent du «commerce» au sens du
paragraphe 1 de l’article X et leur destruction porte une atteinte grave à la liberté de commerce
garantie par cette disposition. Mais le défendeur nous met également en demeure de prouver que le
commerce affecté par les attaques des plates-formes pétrolières qu’il a détruites se fait «entre les
territoires des deux Hautes Parties contractantes» au sens de cette même disposition. Tout en
rappelant que le problème se pose non pas à l’égard du commerce mais de la liberté de commerce
entre les deux pays, c’est à quoi je vais m’employer maintenant. Je le ferai cependant plus
brièvement, car cette seconde partie de mon exposé sera complétée tout à l’heure par
M. Zeinoddin; il précisera quels ont été les effets concrets des attaques américaines.
105 Voir p. 10, par. 1.15 et 1.17; et p. 11, par. 1.18.
106 P. 68.
- 32 -
II. L’atteinte à la «liberté de commerce … entre les territoires des Hautes Parties
contractantes» causée par la destruction des plates-formes
pétrolières par les Etats-Unis
65. Dans l’arrêt sur l’exception préliminaire, la Cour a estimé n’avoir «pas à se pencher sur
la question de savoir si cette disposition [toujours l’article X, paragraphe 1, du traité de 1955] ne
s’applique qu’au commerce «entre» les Parties» puisque celles-ci admettaient que les exportations
de pétrole de l’Iran se sont «¾ dans une certaine mesure ¾ poursuivies au moins jusqu’à une date
postérieure à la destruction du premier ensemble de plates-formes pétrolières»107. Cette solution de
sagesse s’imposait au stade de l’exception préliminaire : quel que soit le sens de l’expression «entre
les territoires des Hautes Parties contractantes», la condition pour que cette disposition s’applique
était, de toutes manières, remplie, aussi restrictive que soit la définition retenue.
66. Mais il n’en va plus de même au stade actuel. Certes, la constatation de la Cour s’impose
toujours : la destruction des plates-formes a, au minimum, porté atteinte au commerce entre les
deux pays dans la mesure où les exportations pétrolières iraniennes en direction des Etats-Unis se
sont poursuivies après la destruction de l’ensemble des plates-formes de Reshadat en octobre 1987.
Mais la question se pose de savoir s’il faut s’en tenir là ou s’il convient d’aller au-delà. L’Iran a la
ferme conviction que c’est cette seconde solution qu’il convient d’adopter. Je m’emploierai à
l’établir en abordant d’abord la question de la définition et de la portée de cette expression et en
montrant qu’il en résulte que l’atteinte portée à la liberté de commerce «entre les territoires» des
deux pays au sens de l’article X, paragraphe 1, a, dès lors, été considérable. Je montrerai ensuite
que les Etats-Unis ne peuvent se prévaloir de l’embargo qu’ils ont imposé à l’Iran ou de quelque
autre cause pour s’exonérer de leur responsabilité à ce titre.
A. Le sens et la portée de l’expression «liberté de commerce … entre les territoires des
deux Hautes Parties contractantes»
67. Les Etats-Unis font grand cas de l’expression «entre les territoires des deux Hautes
Parties contractantes» qui suit le terme «navigation» dans le paragraphe 1 de l’article X du traité
de 1955. Inversant l’ordre des mots, ils affirment :
«Article X, paragraph 1, does not provide that there shall be freedom of
«commerce» generally but, rather, that there shall be freedom of commerce «between
the territories of the two High Contracting Parties». Consequently, in order to carry
107 C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 817-818, par. 44.
- 33 -
its burden of proving a violation of this provision, Iran must show not just that the
extraction of oil at the three platforms is properly characterized as «commerce»
within the meaning of Article X, paragraph 1, but also that such commerce was
«between» Iran and the United States.»108
68. C’est une proposition adroite, mais erronée. La question n’est pas de savoir si un tel
commerce «était» («was») entre l’Iran et les Etats-Unis (ce qui, en tout cas en français, ne veut pas
dire grand-chose) mais si la destruction des plates-formes a porté atteinte à la liberté d’y procéder,
comme la Cour, je le rappelle, l’a d’ailleurs souligné avec force au paragraphe 50 de son arrêt
de 1996109
. S’agit-il d’un acte qui emporte «destruction de biens destinés à être exportés, ou qui
[est] susceptible[.] d’en affecter le transport et le stockage en vue de l’exportation» ? Poser la
question en ces termes ¾ seuls corrects comme cela résulte de votre décision, Madame et
Messieurs les Juges ¾ c’est, comme l’on dit, la résoudre, tant la réponse est évidente.
69. En détruisant les plates-formes iraniennes, les Etats-Unis ont porté atteinte à la
production de pétrole de cet Etat, production qui constitue, comme la Cour l’a constaté en 1996,
«une composante majeure de son commerce extérieur»110. Du même coup, ils ont également porté
atteinte aux activités de transformation du pétrole menées sur place et au transport du pétrole par
oléoducs entre les plates-formes et les terminaux des îles de Lavan et de Sirri, toutes activités qui
constituent du «commerce» au sens retenu par la Cour et sur lequel je me suis déjà étendu
longuement. Ce faisant, ils ont empêché l’Iran d’exercer sa liberté d’exporter ses produits vers
d’autres pays, dont les Etats-Unis, et, partant, d’exercer sa liberté de commercer, y compris avec
ceux-ci.
70. Certes, il n’était pas assuré que le pétrole concerné fût effectivement destiné à
l’exportation vers les Etats-Unis. Mais ce point est sans pertinence. Seul comptait le fait qu’il
aurait pu être exporté vers les Etats-Unis par l’Iran, et que ce dernier en a été empêché. Ce qui
importe, ce n’est pas l’atteinte au commerce effectif, mais l’atteinte à la liberté de commercer,
qu’il y ait eu ou non commerce effectif. Comme les Etats-Unis l’ont eux-mêmes affirmé à propos
de la demande reconventionnelle : «[t]he volume of trade between the parties is not determinative
108 Duplique, p. 98, par. 3.53.
109 C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 819.
110 Ibid., p. 820, par. 51.
- 34 -
of the existence of impediments and obstacles to commerce and navigation»111. Cela aurait été
encore plus clair s’ils avaient dit «à la liberté du commerce et de navigation». Seul l’obstacle est
déterminant, pas le volume; c’est le défendeur lui-même qui l’affirme. Du reste, l’intention prêtée
à l’Iran par les Etats-Unis de mettre un terme à ses exportations de pétrole a été présentée par le
conseiller juridique du département d’Etat lui-même comme une violation flagrante du traité
de 1955 et comme l’un des éléments de «l’effondrement des relations commerciales entre les
deux nations» (of «the collapse of commercial relations between the two nations»)112
.
71. L’arrêt rendu par la Cour en 1986 dans l’affaire du Nicaragua confirme sans équivoque
cette interprétation. A deux reprises, au sujet de la requête iranienne d’abord113, de leur propre
demande reconventionnelle ensuite114, les Etats-Unis se réfèrent à cet arrêt de 1986, non, d’ailleurs,
sans quelques contradictions sur lesquelles nous aurons l’occasion de revenir.
72. Dans les deux cas, les Etats-Unis affirment que la grande différence entre les
deux affaires tiendrait à ce que :
«the Court in the Nicaragua case did not require specific proof that trade between the
United States and Nicaragua had been affected by U.S. actions because, at the time of
concern to the Court, there was no dispute that such trade was taking
place ¾ particularly in the oil sector… By contrast … in this case there was no
commerce between the United States and Iran in oil from these platforms in the
relevant period, and the platforms were not in any sense engaged in or supporting
commercial navigation.»115
Ces allégations sont inexactes en droit comme en fait.
73. Elles le sont d’abord d’un point de vue juridique. En premier lieu, comme j’y ai insisté il
y a quelques instants116, la question n’est, décidément, pas de savoir si la destruction des
plates-formes a porté atteinte au commerce qui se faisait, au moment des faits, entre les deux Etats,
mais à la liberté, à la possibilité d’un tel commerce; et je pense avoir montré que c’était
indiscutablement le cas. En second lieu, la spéculation à laquelle se livre le défendeur en ce qui
111 Duplique, par. 6.20, p. 199.
112 Mémoire, annexe 94, Memorandum of the Department of State Legal Adviser on the Application of the Treaty
of Amity to Expropriations in Iran, 13 October 1983, p. 1407 ¾ voir observations de l’Iran sur l’exception préliminaire,
p. 18, par. 1.33 (note 48); CR 96/14, 19 septembre 1996, p. 43-44 (M. Bundy).
113 Duplique, p. 90-92, par. 3.38-3.40.
114 Ibid., p. 200-202, par. 6.21-6.23.
115 Duplique, p. 91-92, par. 3.40; voir aussi p. 201, par. 6.22.
116 Supra, par. 67.
- 35 -
concerne la portée et la ratio decidendi de l’arrêt de 1986 est démentie par le texte même de
celui-ci.
74. Au paragraphe 253 de l’arrêt Nicaragua, la Cour a estimé qu’il était :
«clair que les entraves au droit de libre accès aux ports du Nicaragua sont de nature à
affecter l’économie de ce pays et ses relations de commerce avec tout Etat dont les
navires ont un droit d’accès à ses ports. La Cour conclut en conséquence, dans le
contexte de la présente instance entre le Nicaragua et les Etats-Unis que la pose de
mines dans les ports du Nicaragua ou à proximité de ces ports constitue, au détriment
du Nicaragua, une atteinte à la liberté des communications et du commerce
maritime.»117
Et c’est pour cette raison que, dans le paragraphe 278, qui renvoie expressément à celui que je
viens de citer, la Cour a accepté
«la thèse nicaraguayenne suivant laquelle le minage des ports nicaraguayens par les
Etats-Unis constitue une mesure en contradiction manifeste avec l’article XIX,
paragraphe 1, du traité de 1956 [l’équivalent de notre article X, paragraphe 1] qui
garantit la liberté de navigation et la liberté de commerce»118
.
Dans la ligne de ce raisonnement, la Cour considère aussi que l’embargo décidé par les Etats-Unis
à l’encontre du Nicaragua (les Etats-Unis affectionnent les mesures unilatérales d’embargo…)
¾ que cet embargo, donc, «constituait une mesure en contradiction avec l’article XIX du traité
d’amitié, de commerce et de navigation de 1956»119
.
75. L’erreur commise par les Etats-Unis dans l’analyse de l’arrêt de 1986 a toujours la même
cause : au lieu de lire le paragraphe 1 de l’article XIX du traité de 1956 (ou de l’article X de celui
de 1955) dans son intégralité, ils en excluent le mot «liberté». C’est pourtant sa présence qui
explique ¾ et qui suffit à expliquer ¾ la solution retenue par la Cour en 1986 et qui est en tous
points transposable à celle qui nous occupe : tout acte qui porte atteinte à cette liberté est contraire
à l’un comme à l’autre de ces «F.C.N. Treaties». Toute distinction est, ici, artificielle. Le minage
des ports du Nicaragua, mais aussi bien d’autres faits internationalement illicites attribuables aux
Etats-Unis y portaient atteinte. La destruction des plates-formes iraniennes aussi.
76. En tout état de cause, et en fait cette fois, la destruction des plates-formes iraniennes a
indiscutablement porté atteinte au commerce effectif entre les deux Etats. Tout d’abord, il est vrai
117 C.I.J. Recueil 1986, p. 129; les italiques sont de moi.
118 Ibid., p. 139, par. 278.
119 Ibid., p. 140, par. 279.
- 36 -
que les plates-formes de Reshadat et de Salman n’étaient pas en état de fonctionner au moment de
leur destruction par les Etats-Unis qui prenaient le relais des attaques iraquiennes. Mais,
curieusement, ces nouvelles attaques ont eu lieu, dans les deux cas, quelques jours, deux ou
trois jours avant la date de la reprise programmée de l’activité. Ces destructions ont eu comme
effet de reporter la mise en état totale des deux installations à octobre 1990 pour Reshadat120 et à
mars 1993 pour Salman121 et, par conséquent, de retarder d’autant la reprise de la production en vue
de l’exportation. A partir d’avril 1988, la destruction de la plate-forme de Nasr a également
empêché l’Iran d’exporter le pétrole qu’il était devenu impossible d’en extraire.
B. Aucun élément n’exonère les Etats-Unis de l’atteinte portée à la liberté du commerce entre
les territoires des Parties
77. S’agissant de ce dernier point, les Etats-Unis tentent de s’abriter derrière l’embargo
décidé par eux à l’encontre de l’Iran en octobre 1987. En substance, leur argument consiste à
soutenir que la destruction des plates-formes ne pouvait pas porter atteinte au commerce après cette
date dès lors qu’ils avaient eux-mêmes interdit ce commerce122. Ce raisonnement, si c’en est un, se
heurte à des obstacles difficilement franchissables.
78. D’une part, en admettant même que l’argument soit fondé, cet embargo ne visait que le
commerce direct entre les deux Etats, à l’exception du commerce indirect, c’est-à-dire de
l’exportation de pétrole brut par l’Iran vers des Etats d’Europe occidentale, qui le revendaient à leur
tour, après raffinage, aux Etats-Unis. Or, comme M. Zeinoddin le montrera tout à l’heure, ce
commerce indirect a perduré durant toute la période d’application de l’embargo, dont, je le relève
au passage, la licéité est pour le moins douteuse même s’il n’est pas directement en cause dans la
présente affaire.
79. D’autre part et de toute façon, l’argument n’est pas fondé en droit. La destruction des
plates-formes comme l’embargo ont porté atteinte au commerce entre les deux Etats, et l’on voit
mal comment l’existence de l’un de ces deux faits pourrait faire disparaître l’effet produit par
120 Voir réplique, p. 36, par. 3.29.
121 Voir affidavit de M. Abolghassem Hassani, réplique, vol. IV, annexe 1, p. 6, par. 18.
122 Duplique, p. 99-101, par. 3.55-3.59.
- 37 -
l’autre et son illicéité. L’un et l’autre portent atteinte au commerce, et il est évidemment
impossible d’excuser purement et simplement l’un par l’autre.
80. Curieuse conception, à vrai dire, que celle défendue par les Etats-Unis, puisqu’elle
consiste à prétendre qu’en adoptant l’embargo, ceux-ci ont, du même coup, effacé les effets
produits par la destruction des plates-formes. Voilà un moyen bien commode pour un Etat
d’échapper à sa responsabilité ! C’est comme si une illicéité était en elle-même une circonstance
excluant une licéité. A ce jeu, il suffirait par exemple à une personne, particulier ou Etat, à
l’origine de la détérioration d’un bien, de le voler deux jours plus tard pour échapper à l’obligation
de réparer les dommages causés par cette détérioration.
81. De plus, force est de constater que les Etats-Unis se contredisent eux-mêmes sur le plan,
cette fois, des faits. Ainsi ils affirment, plus loin dans leur duplique, que «[t]here is no dispute that
Iran exported oil to the United States both before the U.S. embargo went into effect and after the
embargo was lifted»123
. Ceci montre clairement que les Etats-Unis étaient importateurs de pétrole
iranien avant et au moment de la première destruction, comme ils l’ont eux-mêmes reconnu124 et
comme la Cour l’a relevé125, et qu’ils l’étaient aussi après la levée de l’embargo en 1990-1991.
82. Vous ne manquerez pas, Madame et Messieurs les juges, d’écarter aussi, pour des raisons
similaires, le très curieux argument selon lequel l’Iran aurait été en tout état de cause bridé par les
quotas fixés par l’OPEP126. En premier lieu, même soumis à des quotas, un Etat reste libre de
choisir les modes et lieux de production d’un produit qu’il destine au commerce international. En
détruisant les plates-formes, les Etats-Unis ont porté atteinte à cette faculté de choix appartenant à
l’Iran et, en conséquence, ont porté atteinte à sa liberté de commerce.
83. En second lieu, les engagements contractés par l’Iran dans le cadre de l’OPEP sont res
inter alios acta à l’égard des Etats-Unis, qui ne peuvent donc pas s’en prévaloir à l’encontre de
l’Iran. Plus précisément, ceux-ci ne peuvent pas reprocher à l’Iran un dépassement des quotas
autorisés par l’OPEP pour échapper à leur responsabilité en vertu du traité de 1955. Bien au
123 P. 100, note de bas de page 230.
124 Cf. réplique, p. 33-34, par. 3.23 et annexe 16.
125 C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 817-818, par. 44.
126 Duplique, p. 107-109, par. 3.72-3.75.
- 38 -
contraire, en empêchant l’Iran de dépasser ces quotas, les Etats-Unis ont porté atteinte à sa liberté
de commercer. Or, un tel dépassement n’était pas purement hypothétique; il est devenu une
nécessité lorsque l’Iran a dû augmenter sa production pour faire face à la guerre avec l’Iraq, ce dont
les Etats-Unis étaient parfaitement conscients127
.
84. Il se trouve, Monsieur le président, que j’ai fait mes «premières armes» dans cette
enceinte dans l’affaire du Nicaragua et qu’il m’était revenu alors de plaider précisément sur le
traité de 1956. Cela ne me rajeunit pas vraiment ¾ et je dois dire que j’avais un peu oublié les
termes et même les grandes lignes de ma plaidoirie128. J’ai eu la curiosité de m’y reporter. Eh
bien, je dois dire que ce que j’avais dit il y a près de vingt ans me paraît, en tous points ou presque,
transposable à la présente espèce (mutatis mutandis bien sûr) : qu’il s’agisse de l’objet général du
traité liant les Parties en cause, de l’analyse que l’on pouvait faire de l’article XIX (ou de
l’article X), paragraphe 1, ou des violations commises par les Etats-Unis et de leurs conséquences,
les similitudes sont frappantes.
85. Il est un point en particulier dont la constance est fâcheusement troublante : dans les
deux cas, les Etats-Unis ont visé le potentiel économique du Nicaragua là, de l’Iran ici; dans les
deux cas, ils ont cherché à paralyser le commerce extérieur de l’un, comme de l’autre pays129; dans
les deux cas, ils ont utilisé la force armée à cette fin et cherché à parachever leur œuvre en
imposant un embargo sur le commerce de pays qu’ils considéraient comme des adversaires, ce qui
n’est pas en harmonie évidente avec les traités d’amitié et de commerce qui les liaient à eux.
86. Monsieur le président, qu’il s’agisse de la requête iranienne ou de la demande
reconventionnelle des Etats-Unis, la Cour a limité aux violations de la liberté de commerce garantie
au paragraphe 1 de l’article X du traité de 1955, celles dont elle était valablement saisie au titre de
la présente affaire. C’est un cadre étroit; je m’y suis tenu rigoureusement tout en montrant que le
temps n’était plus à dégager le sens de cette disposition, que la Cour a interprétée de façon précise
et claire dans son arrêt de 1996 dont les Etats-Unis ne tiennent aucun compte.
127 Voir les observations de l’Iran sur l’exception préliminaire, annexe 1, Iran Trade Sanctions, Fact Sheet issued
by the Office of the Press Secretary, The White House, 26 October 1987, 2e
point, 3e
tiret.
128 Voir C.I.J. Mémoires, plaidoiries et documents, affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua
et contre celui-ci, vol. V, audiences des 11 et 12 septembre 1985, p. 189-212.
129 Ibid., p. 200-201.
- 39 -
87. En me fondant exclusivement sur l’interprétation de la Cour, je crois avoir établi :
1) que loin de se borner à la liberté du commerce maritime, l’article X, paragraphe 1, garantit la
liberté du commerce en général et que les obstacles mis à toutes les «activités accessoires» au
commerce ainsi défini, y compris les «activités d’amont», constituent des violations de cette
disposition;
2) que les ensembles de plates-formes détruites par les Etats-Unis assuraient précisément cette
fonction, «accessoire» mais essentielle : le pétrole qui y était pompé était transporté par
oléoduc à un terminal pétrolier en vue de son exportation; et,
3) qu’à l’époque des faits (en tout cas lorsque la plate-forme de Reshadat a été détruite), une
partie de la production pétrolière iranienne était exportée vers les Etats-Unis; mais là n’est pas
l’essentiel : à l’évidence la destruction des plates-formes a porté atteinte à la possibilité de
commerce entre les deux Etats et cela suffit, dès lors qu’est en cause la liberté de commerce
entre l’Iran et les Etats-Unis; et peu importe (en droit en tout cas) que ces derniers y aient, une
nouvelle fois, porté atteinte en décidant un embargo contre l’autre Partie au traité d’amitié
de 1955.
Monsieur le président, M. Zeinoddin, va revenir, je suppose après la pause, de façon plus
«factuelle» sur certains aspects de cette démonstration si vous voulez bien lui passer la parole. Je
vous remercie vivement, Madame et Messieurs les juges, de votre très longue attention.
The PRESIDENT : Thank you, Professor Pellet. The hearing is now suspended for
15 minutes.
The Court adjourned from 11 h 30 a.m. to 11 h 45 a.m.
The PRESIDENT: Please be seated. I now give the floor to Dr. Zeinoddin.
Mr. ZEINODDIN: In the Name of God, the Compassionate, the Merciful. Mr. President,
distinguished judges:
Iranian use of the oil platforms and the effects of the US attacks
1. I have the great pleasure and honour to assist this honourable Court by describing the
factual aspects of this case in relation to the oil facilities owned and operated by the National
- 40 -
Iranian Oil Company, NIOC, the destruction of which gave rise to Iran’s claim. As a follow-up to
Professor Pellet’s discussion of the legal aspects of Article X, paragraph 1, of the Treaty of Amity,
I will also address the commercial role that the platforms had with respect to the production and
export of crude oil.
2. The NIOC, as you are certainly aware, is an Iranian state-owned company. It is
incorporated under the Commercial Code of Iran, and is responsible for the exploration, production
and marketing of all of Iran’s oil. In particular, it owns and operates the Reshadat, Resalat, Salman
and Nasr offshore facilities, all of which were put out of action by the United States attacks on
19 October 1987 and 18 April 1988.
3. As Iran has shown in its written pleadings, the four offshore complexes that I have just
mentioned are each comprised of a number of platforms. As may be seen from the map now on the
screen, which is also contained in the judges’ folder at tab No. 1, these platforms are all situated on
Iran’s continental shelf, within its exclusive economic zone.
4. The commercial importance to Iran of these platforms is evident. As the Court will
appreciate, oil operations lie at the heart of Iran’s commerce. Oil is vital to the economy of the
Iranian State and the welfare of its people, and has for many decades been by far the most
important element of Iranian export trade. It represents well over half of Iran’s gross domestic
product and constitutes virtually the sole source of foreign exchange for Iran.
5. After initially establishing onshore facilities, Iran started developing its offshore facilities
following the signature of the Treaty of Amity with the United States in 1955. The oil platforms
which are the subject of this case were constructed in the late 1960s and 1970s, and ever since then
have formed an indispensable part of Iran’s offshore oil production.
6. Given the disruption to Iran’s economy that was caused by the Iran-Iraq war, and
especially the closure of some of Iran’s onshore and offshore fields close to the Iraqi frontier, these
particular oil platforms were required to play an even more significant role during the war, when
Iran was desperately in need of oil revenues in order to continue its defence against Iraqi
aggression. The importance of these platforms was recognized by Iraq, which, as
Professor Momtaz explained yesterday, carried out several attacks on both the Reshadat and
Salman platforms, even though they were located far from Iraqi territory.
- 41 -
7. Before the Iraqi attacks, the average combined production figure of the Reshadat, Resalat,
Salman and Nasr platforms was over 180,000 barrels per day130. Because of their importance to
Iran’s wartime economy, each time they had been damaged by Iraqi attacks the NIOC immediately
undertook repairs so that full production could be resumed as soon as possible.
Reshadat and Resalat complexes
8. A diagram of the Reshadat and Resalat complexes is now shown on the screen, and is
included in the judges’ folder at tab No. 7.
9. The Reshadat offshore complex, referred to by the United States as “Rostam”, consisted of
three drilling and production platforms ¾ R-3, R-4 and R-7 ¾ linked to a total of 27 oil wells.
R-7 was itself made up of three drilling platforms that accommodated both production facilities and
living quarters. The diagram shows how crude oil produced by the R-3 platform was transported
by submarine pipeline to the R-4 platform and thence, together with the crude oil produced by R-4,
to the R-7 platform. The oil produced by all the Reshadat platforms then underwent initial water
and gas separation on R-7, before being transported by submarine pipeline to Lavan Island, 108 km
away. As may be seen from the diagram, R-7 was the key platform upon which the whole of the
Reshadat field depended.
10. The Resalat offshore complex, referred to by the United States as “Rakhsh”, consisted of
three linked drilling and production platforms, referred to as R-1. Fourteen wells served R-1, and
the crude oil that they produced was then transported by submarine pipeline to the Reshadat R-7
platform. From there, after water and gas separation, the crude oil was transported to Lavan Island
together with the oil produced from the Reshadat field.
11. After the oil from Reshadat and Resalat had been transported to Lavan Island, it
underwent further gas and water separation. Some of the oil was then refined on Lavan Island,
where there was refinery capacity of up to 25,000 barrels per day. A small portion of that refined
oil was then used for domestic consumption. The balance of the refined products and the bulk of
the oil transported to Lavan Island was then exported as crude.
130See Reply and Defence to Counter-Claim of Iran, Statement of Mr. Hassani, Vol. IV, Anns. C, F and I (oil
production statistics).
- 42 -
12. The photograph now on the screen shows the R-7 platform before it was attacked. The
R-4 platform can also be seen in the distance on the left.
13. In October 1986, Iraq attacked the Reshadat R-7 platform. This resulted in the
temporary stoppage of production on all the Reshadat and Resalat platforms, because of their
dependence upon R-7 for gas and water separation and transport to the facilities on Lavan Island.
Iran undertook various actions to repair these facilities and resume production and, despite a further
Iraqi attack on Reshadat on 15 July 1987, it was expected that the Reshadat and Resalat complexes
would both be able to resume crude oil production at their previous levels of over 20,000 barrels
per day before the end of October 1987131
.
Salman complex
14. A diagram of the Salman offshore complex, referred to by the United States as “Sassan”,
is now shown on the screen, and it is included at tab No. 9 in the judges’ folder. This complex
consisted of seven interconnected platforms, including one drilling and two production platforms.
Oil from 21 wells was transported by submarine pipeline to this complex, and then on to Lavan
Island after initial water and gas separation. Like the crude from Reshadat and Resalat, crude oil
from Salman underwent further water and gas separation on Lavan Island and was either refined
there for domestic consumption or exported.
15. A photograph of the Salman complex before it was attacked is now shown on the screen
and is included in the judges’ folder at tab No. 10. This complex had been producing as much as
125,000 barrels of crude oil per day132. As a result, even if the refinery on Lavan Island was being
used to its full capacity, this would absorb only about 20 per cent of Salman’s production, leaving
the remaining 80 per cent, and any crude produced by Reshadat and Resalat, free for export.
16. The Salman complex was, like Reshadat, attacked by Iraq on 16 October 1986, but it
suffered only light damage. Three days later, normal production was resumed. However, on
14 November 1986, Iraq inflicted more extensive damage. A programme of repairs was
131See Reply and Defence to Counter-Claim of Iran, Statement of Mr. Hassani, Vol. IV, Ann. D (Production
Commissioning of Platforms R-4 and R-7).
132See Reply and Defence to Counter-Claim by Iran, Statement of Mr. Hassani, Vol. IV, Ann. C (oil production
statistics).
- 43 -
undertaken, and had been virtually completed in April 1988. This would have permitted full
production to resume.
Nasr complex
17. A diagram of the Nasr offshore complex (referred to by the United States as “Sirri”) is
now shown on the screen and is also included at tab No. 11 of the judges’ folder.
18. This complex comprised one central platform (Platform A), one flaming point, and six
oil producing platforms grouped around the central platform, served by 44 wells in the Sirri field
and four wells in the Nosrat field. Crude oil from all of these wells was transported by submarine
pipeline to the central platform, and from there to Sirri Island for secondary processing and export.
19. A photograph of the central part of the Nasr complex before it was attacked by the
United States is now shown on the screen. This complex was capable of producing 120,000 barrels
of oil per day. On the day before the United States attack, it was producing some 36,000 barrels a
day133. The whole of this production was exported, since Sirri Island had no refining facilities.
20. Unlike the other platforms which are the subject of this case, the Nasr complex escaped
any Iraqi attacks, and was functioning normally at the time of the United States attack.
The United States attacks and their consequences
21. On 19 October 1987, the United States attacked and totally destroyed the Reshadat R-7
production complex. A photograph of the R-7 complex after this attack is now shown on the
screen and is contained in the judges’ folder at tab No. 13. At the time of the attack, six NIOC
personnel were working on the R-7 platform, dismantling the turbines for major overhaul and
repair so that power could be restored and production recommenced within a matter of days.
However, as can be seen from the photograph, nothing remained after the United States attack but
smoking ruins, and for a long period all prospects of resuming production were lost.
22. After destroying R-7, the United States then attacked the R-4 platform. The photograph
now on the screen shows the extent of the destruction. At the time of the attack, 24 NIOC
133See Reply and Defence to Counter-Claim by Iran, Statement of Mr. Hassani, Vol. IV, Anns. C and I (oil
production statistics).
- 44 -
personnel were on this platform, undertaking the repairs that were intended to allow production to
resume a few days later.
23. Mr. Sellers will be discussing the attacks on Reshadat R-7 and R-4 in more detail. I
would just add here that, by attacking these two platforms ¾ and in particular R-7, upon which all
the other platforms depended ¾ the United States effectively and totally prevented the production
of oil from both the Reshadat and the Resalat facilities, thereby causing substantial damage to Iran.
Production from these facilities was resumed at a very low level three years after the attack, in
October 1990, and did not reach anything like normal levels until 1993134
.
24. On 18 April 1988, the United States attacked the Salman and Nasr complexes, as will be
discussed in more detail by Mr. Bundy. Shown on the screen now is a photograph of the Salman
complex after that attack. The same photograph and another photograph showing further damage
are included in the judges’ folder at tabs Nos. 15 and 16. As was the case with the attack on the
Reshadat complex, the United States targeted the central platform. Although the damage that can
be seen on the photograph does not appear to be as severe as the damage caused to the R-7 and R-4
platforms, this was not because the United States had not intended to cause the same level of
destruction. In fact, once the United States forces had departed, it was discovered that they had
placed explosive materials on the power generating platform, but that the detonator had failed to
operate and explode the charge. In any event, the damage that the United States did cause was
serious enough to interrupt production totally for four months, and normal production levels were
not achieved until five years later, in 1993.
25. The photograph now on the screen, which is also contained in the judges’ folder at tab
No. 17, shows the Nasr complex in flames after the United States attack. The judges’ folder also
contains at tab No. 18 a photograph of the same complex after the fire had been extinguished.
Again, it can be seen that the United States caused massive destruction to the central platform,
upon which the rest of the facilities depended, as well as a number of deaths and injuries to
personnel stationed on the platforms. At the time of the attack, the complex was operating
134See ibid., Ann. E.
- 45 -
normally, and was manned by 15 NIOC employees. As a result of the attack, all production was
interrupted for nearly four years, until January 1992.
26. Iran suffered substantial damage because of all these attacks by the United States. In
addition to the economic loss suffered during the interruption of production, damage included the
huge costs of reconstructing and recommissioning the platforms; damage to the oil fields and other
related elements; environmental damage; and the costs of rescue operations and extinguishing the
fires; not to mention physical and psychological injuries caused to the personnel.
27. Despite this, the United States has asserted that its attacks were not designed to inflict
economic damage, arguing in particular that its forces did not target either the portions of the
platforms below the waterline or the undersea pipelines that could have been used to transport the
oil from the undamaged platforms to Lavan or Sirri Islands135
.
28. Mr. President, distinguished Members of the Court, these arguments cannot be taken
seriously. You have seen on the screen the pictures of the destruction that was caused to the
platforms by the United States attack. This in itself was clearly a cause of huge economic damage
to Iran.
29. Moreover, it defies belief to suggest that Iran could somehow have continued to export
its oil from these facilities despite the loss of the central facility of each complex. Was NIOC to
send teams of underwater engineers to re-route the undersea pipelines so that they no longer sent
their production via the destroyed central platforms? This would have been an extremely difficult
and expensive operation, even if there had not been a war going on. And even assuming this had
been possible, was the NIOC to send its crude oil through pipelines without first having separated
off some of the explosive gas that it contained? The very purpose of the central platforms was to
perform this separation in order to make the oil safe to transport. Any transport of the crude oil
without this separation would have been a highly dangerous operation.
30. In sum, whatever may have been the United States intention, the result was to cause
severe economic loss to Iran ¾ and Iran remains convinced that the systematic targeting of the
central platform in each case demonstrates that this was in fact the United States true intention.
135Rejoinder of the United States, paras. 1.74 et seq.
- 46 -
Iran’s oil platforms were not used for offensive military purposes
31. What I have said so far involves facts which the United States does not deny. There is,
however, one central factual aspect of the case upon which the Parties differ sharply. This is the
allegation made by the United States that the platforms in question were used by Iranian forces as
bases for assaults on international commercial shipping.
32. Iran has made it clear from the outset of these proceedings that it took modest steps to
defend its oil platforms from Iraqi attacks. It is clear that defensive measures had to be taken
throughout the country, and more particularly in centres of economic importance that were within
reach of Iraqi raids. The oil platforms were, of course, no exception to these general security
measures which were nothing more than activities undertaken in exercise of Iran’s right of
self-defence.
33. The measures that Iran took to defend the oil platforms in question were, however,
extremely limited. In fact, the NIOC had requested a higher level of defence, but this was simply
not available in the context of a war where Iran’s armed forces were being stretched to the limit.
34. Prior to the Iraqi attack on Reshadat in October 1986, the military equipment on the
complex was limited to a 23 mm air defence cannon on the R-4 platform. There was also a
navigation radar on the R-4 platform, but this was not a military radar, and it was very limited in
capacity. Moreover, it was old and in a state of disrepair. After the attack by Iraq, the NIOC asked
for Reshadat’s defences to be increased. This led to the installation of a few more light weapons,
including a second 23 mm air defence cannon on the R-4 platform. Twelve low-ranking military
personnel were also stationed on R-4, under the command of a naval chief petty officer. The R-7
platform, which was the main target of the United States attack, was even less well defended, with
only two or three military personnel.
35. The Salman and Nasr complexes were similarly equipped. Following the Iraqi attacks on
the Salman complex in late 1986, two 23 mm anti-aircraft cannons were established there for
defensive purposes. They were manned by about 12 low-ranking naval personnel, who were armed
with rifles. Nasr was also equipped with a 23 mm anti-aircraft cannon, and subsequently with a
manually operated machine gun, manned by up to 15 naval conscripts.
- 47 -
36. This was the sum total of all the military equipment and personnel present on the oil
platforms at the time of the United States attacks. As I have said, the NIOC had asked that more
assets be devoted to the platforms’ defence, but these were simply not available. Any other
personnel who were present were NIOC personnel, engaged in repairs on Reshadat and Salman or,
in the case of Nasr, in day-to-day production operations. Any other equipment was of a kind that
was standard on any commercial oil installation. This included communications equipment,
helicopter landing pads and mooring facilities.
37. Nevertheless, the United States asserts that it has “compelling evidence” that the
platforms were serving as offensive military facilities136
.
38. As Iran has already demonstrated in its written pleadings, the United States has been
unable to produce any evidence whatsoever of use of the Salman or Nasr platforms as military
facilities and, as I will briefly show, such evidence that it produces as regards Reshadat is
unreliable and speculative, or simply confirms Iran’s statement that the platforms played a limited
defensive role.
39. The United States alleges that Reshadat was serving as a general communications relay
and radar station for military purposes. Yet not one of the documents submitted by the United
States refers to any aggressive activity. Those documents, which are reviewed in detail in the
Reply of Iran137 and to which Mr. Bundy will also refer tomorrow, show no more than that there
were routine communications between the personnel stationed on the R-4 platform and passing
Iranian vessels, all of which were consistent with the defensive role of the forces on the platforms.
Mr. President, what could be more normal at a time of war?
40. A second allegation is that Reshadat was used for launching attacks by helicopter or by
small boat. Again, as Iran has shown in its Reply, the so-called “evidence” for this allegation is
nothing more than speculation138. No direct evidence whatsoever is produced regarding small boats
and, as regards helicopters, the only purportedly direct evidence is a “sea protest” made by the
captain of a French merchant vessel in March 1986. As has been shown, there are several reasons
136Counter-Memorial and Counter-Claim of the United States, para. 1.84.
137Reply and Defence to Counter-Claim by Iran, paras. 3.46 et seq.
138Ibid., paras. 3.67 et seq.
- 48 -
why that sea protest cannot be considered as “compelling evidence” that Iran was using Reshadat
to launch helicopter attacks. Not only was the protest made on the basis of third-hand information,
but the light and weather conditions prevailing at the time of the incident would not have allowed
any certainty as to whether the helicopter had really taken off from Reshadat.
41. Mr. President, the evidence that is produced by the United States is therefore entirely
consistent with the presence and activities of a small defence force on the platforms. As
Mr. Sellers and Mr. Bundy will show in more detail tomorrow, the United States has been unable to
establish the existence of any link between the oil platforms that were destroyed and any attacks on
neutral shipping in the Persian Gulf, nor, in particular, any link to the incidents involving the Sea
Isle City or the Samuel B. Roberts.
42. I would simply add here that, since the regular production and export of oil was vital to
Iran’s efforts to defend itself against the Iraqi aggression, Iran could not have afforded to
jeopardize its oil exports either by involving its oil facilities in hostile activities, or indeed by
installing dangerous military equipment on facilities producing such an inflammable product as
crude oil.
Commerce with the United States
43. In addition to its attempt to justify its actions on the basis that the platforms were
allegedly being used for hostile military activities, the United States has also tried to argue that in
any event the platforms were not protected under Article X, paragraph 1, of the Treaty of Amity,
because the “destruction of these platforms could not have affected commerce ‘between the
territories of’ Iran and the United States”139. Professor Pellet has already discussed the United
States attempt to delete the term “freedom of commerce” from the text of Article X, paragraph 1, of
the Treaty of Amity, and to replace it by the single word “commerce”, and I need add nothing
further to what Professor Pellet has already said in this regard. However, I will briefly address the
factual issue that is raised by the United States in this connection.
44. Historically, Iran exported very large quantities of its crude oil production to the United
States, including oil produced from the platforms that were destroyed. In 1986, the United States
139Counter-Memorial and Counter-Claim of the United States, para. 2.27.
- 49 -
imported crude oil from Iran having a value of approximately $500 million, and oil earnings by
Iran from sales to the United States during the first seven months of 1987 were estimated by the
White House to exceed $1 billion140
.
45. Production from the platforms in issue in this case represented some 10 per cent of all of
Iran’s crude oil exports. The United States notes, however, that the Reshadat complex was not
producing oil when it was attacked, and that in any event the United States Executive Order
No. 12613, which was issued ten days after the attack on Reshadat, and six months before the
attacks on Salman and Nasr, put an end to all oil exports between Iran and the United States.
46. But this is true only in respect of direct exports of crude oil. Iran has shown in its written
pleadings that, despite the interruption of such direct exports, there continued to be a significant
flow of oil commerce between Iran and the United States following the issuance of the Executive
Order. In this regard, I would respectfully invite the Court to refer to the expert testimony of
Professor Peter Odell, which is contained in Volume III of the Reply and Defence to
Counter-Claim of Iran.
47. Professor Odell is a renowned authority on the international oil economy. He has shown
in his report that after the issuance of the Executive Order, Iran significantly increased its
shipments of crude oil to Western Europe to be refined into petroleum products. Professor Odell
has also demonstrated that at the same time, the United States imports from Western European
refineries also increased significantly. In Professor Odell’s view, both these increases are
explained by the closing of the United States market to direct Iranian imports of crude oil.
48. As Professor Odell has also explained, since the crude oil that goes into a refinery is a
fungible product, the source of a particular petroleum product that comes out of the refinery cannot
be precisely identified. As a result, Professor Odell concludes that although the United States had
ostensibly stopped imports of crude oil from Iran, when it imported petroleum products from
Western Europe, it was in fact necessarily continuing to import Iranian oil in the form of such
products. Moreover, the embargo was lifted in 1990 and 1991, when direct imports of oil into the
United States from Iran were again allowed.
140Reply and Defence to Counter-Claim of Iran, Vol. II, Exhibit 16 (White House Fact Sheet, 26 October 1987).
- 50 -
49. Mr. President, distinguished Members of the Court, bearing these facts in mind, if the
United States had not destroyed the Reshadat, Salman and Nasr platforms, and if it had not thus
totally interrupted production from these complexes and the Resalat complex, Iranian exports from
all these facilities would have continued to reach the United States. As I mentioned earlier, only a
small percentage of the production of Reshadat, Resalat and Salman was refined on Lavan Island
for domestic consumption, with the remainder being made available for export, and the whole of
the production of Nasr was exported. During the war, the oil produced from these complexes was
systematically blended with every cargo of crude oil that was exported from Iran. There can
therefore be no doubt that the United States attacks on these platforms were an obstacle to freedom
of commerce between Iran and the United States and, even if one were to accept the more stringent
test that the United States seeks to impose, there can be no doubt that the attacks prevented actual
commerce between these two countries.
50. Finally, I must say a word about the United States argument that Article X, paragraph 1,
of the Treaty of Amity was not violated because, even after the United States destruction of the
platforms, Iran possessed production capacity that exceeded its OPEC quota. Mr. President, this
appears to be an argument by the United States that it cannot be held liable for the violation of a
treaty obligation and the resulting damage if its compliance with the obligation might have led Iran
to breach an arrangement made with third parties. This is clearly absurd, and does not withstand
scrutiny even as a factual matter.
51. The reality of the oil business is that an oil-producing country will extract its crude oil
for export on the basis of commercial production programmes. Such programmes reflect not only
market needs, but also contractual engagements that, in Iran’s case, are entered into by the NIOC
with foreign oil companies and traders. Iran’s oil is often sold under long-term contracts prior to its
actual production, and such contracts specify the type of oil that is to be supplied. The extraction
of crude oil from a field that supplies this type of oil therefore represents the first step in the
fulfilment of Iran’s contractual obligations. OPEC quotas can have no incidence on a country’s
organization of its production and export programmes for particular fields, and they certainly
cannot be used as an excuse by the United States for having destroyed oil-producing facilities
that ¾ in the United States view ¾ were surplus to Iran’s requirements at that time.
- 51 -
Conclusion
52. In conclusion, Mr. President, distinguished Members of the Court, in October 1987 and
April 1988, the United States caused substantial material damage to a number of oil facilities that
belong to the NIOC. In doing so, it caused Iran to suffer severe economic loss because of the long
interruption of production, along with various other kinds of damage to NIOC personnel, to the oil
fields themselves, to the platforms, and to the environment. The United States actions in this
regard, for which it has provided no valid justification, were a clear violation of its obligation,
under Article X, paragraph 1, of the Treaty of Amity, to ensure the freedom of commerce between
the territories of Iran and the United States.
53. Against the military might of a superpower, the NIOC was defenceless, as were its
platforms. In a court of law, however, the parties are equal. Iran suffered enormous losses as a
result of the destruction of the platforms. The NIOC is confident that this Court will view the
matter in the light of justice, and that Iran will be compensated for all the damage that it suffered as
a result of the United States attacks.
54. Mr. President, that concludes my presentation. I would be grateful if you would now call
on Mr. Sellers, who will address the circumstances surrounding the United States first attack in
October 1987. Thank you.
The PRESIDENT: Thank you, Dr. Zeinoddin. I now give the floor to Mr. Sellers.
Mr. SELLERS: Mr. President, Members of the Court. It is a great honour for me to appear
before you in this important case on behalf of the Islamic Republic of Iran.
The 19 October 1987 attack by the United States
It is my task to address in more detail the factual aspects of the United States attack on the
Reshadat platforms on 19 October 1987, and in particular the United States claim that this attack
was justified as an act of self-defence by an incident three days earlier on 16 October 1987 in
which the Sea Isle City, a reflagged Kuwaiti tanker, was hit by a missile while in Kuwaiti territorial
waters. I will be followed by Mr. Bundy, tomorrow, who will address the same issues in relation to
the April 1988 attack.
- 52 -
A. Introduction
1. By way of introduction, I would ask the Court to bear in mind that throughout Iraq’s war
against Iran a main focus of Iraqi attacks was Iranian oil facilities. From the early years of the war,
the Kharg Island terminal, Bandar Khomenei port, and the oil fields and refinery installations in the
north of the Persian Gulf had been subject to repeated Iraqi attacks. While Iraq had been able to
cause significant disruption to Iran’s oil commerce in the north of the Persian Gulf in the early
years of the war, the Iranian facilities in the south had been largely spared. By mid-1986, however,
Iraq had acquired the ability to launch long-range air attacks further down the Persian Gulf ¾
against shipping but also, as Dr. Zeinoddin has just noted, specifically against the Reshadat and
Resalat oil platforms, the Salman platform, Sirri Island terminal, and even as far as Larak Island.
2. These attacks reflected a key aim of Iraq’s war policy ¾ to cut off Iranian oil commerce
and thus undermine Iran’s economy. The Reshadat, Resalat and Salman platforms were attacked
on several occasions by Iraq. A first attack was made against the Reshadat and Salman fields in
October 1986 (Memorial of Iran, Exhibit 66).
3. There were further attacks in July and August 1987 (ibid.). The aim of such attacks was
clear. The following report of an official Iraqi radio broadcast hours after the August 1987 raid is
indicative of the aim. According to the report, during this broadcast, “Iraq’s president, Saddam
Hussein vowed that his country would continue to destroy Iran’s means of exporting oil.”
(Memorial of Iran, Exhibit 66.)
4. Such statements and the repeated Iraqi efforts to attack Reshadat, Resalat and Salman, in
particular, show the importance Iraq viewed these fields as having for Iran’s oil exports. Iraq even
developed special refuelling capabilities in order to allow Iraqi fighters the extended range to attack
these facilities, which involved a round-trip from Iraq of some 1,000 km. Iraq appears to have been
indirectly assisted in such attacks by the United States. One author reports the remarks of a retired
United States military officer as follows:
“What happened . . . was that as the Iraqis flew their airplanes down the
[Persian] Gulf, they would talk to our officers. As the relationship grew on a daily
basis, the petty officers would give them the bearings and range of tankers that were
trading with Iran, thus helping the Iraqis to choose their targets.” (Further Response
of Iran to the United States Counter-Claim, Exhibit 3.)
- 53 -
Iran has submitted extracts from a number of such intercepted communications with its written
pleadings (see Reply of Iran, Vol. VI, Rezai Statement and annexes thereto).
5. Cordesman and Wagner, two authors on whom the United States relies, note that as a
result of these and other Iraqi attacks on similar facilities in the south of the Persian Gulf, Iran’s oil
shipments were reduced, tankers could no longer pick up crude exports at Larak Island, and
refinery production was cut, forcing Iran to import oil products and introduce petrol rationing (The
Lessons of Modern War, Vol. II, pp. 236-237).
6. In other words, these attacks had a clear and serious effect on Iran’s oil commerce, and
Iraq was explicit in saying that it tried to attack Iran’s platforms, not because they were allegedly
military installations but because of their economic and commercial importance to Iran: in
Saddam Hussein’s own words, with the aim of destroying Iran’s means of exporting oil.
7. Mr. President, Members of the Court, it was these platforms, already targeted by Iraq
because of their fundamental commercial importance to Iran, that the United States chose to
destroy in its attacks on 19 October 1987 and 18 April 1988.
8. It is Iran’s position that these attacks were motivated by the United States desire to support
Iraq in its war effort, described yesterday by Mr. Bundy, in particular by seeking to undermine
Iran’s oil commerce in breach of Article X, paragraph 1, of the Treaty of Amity.
B. The 19 October 1987 attack by the United States
9. The specific facts of the 19 October attack, just summarized by Dr. Zeinoddin, confirm
this. Let me look at these in a little more detail. What was happening on the Reshadat and Resalat
platforms when the United States attacked on 19 October 1987?
10. Iran has always made clear to the Court that the Reshadat and Resalat platforms were not
producing oil at the time of the United States attacks, but were under repair from the previous Iraqi
attacks to which I have just referred. During this war extraordinary courage and resourcefulness
was shown by Iranian oil engineers in their efforts to keep the oil flowing in the face of these
attacks, and at severe human cost. This was a central priority of the Iranian war effort to withstand
the Iraqi aggression. In the north of the Persian Gulf, the key oil terminal at Kharg Island was
bombed hundreds of times, yet was repeatedly repaired so that it could still continue to function.
- 54 -
Abadan refinery was repaired in the middle of the night in the break from Iraq’s attacks. The same
is true of the platforms that are the subject of this case. At the risk of their lives, NIOC oil
personnel were also at the time of the United States attacks working on repairs to Reshadat and
Resalat. Iran has supplied considerable evidence to the Court describing the work of these
personnel at the time of the attack, including contemporaneous work reports detailing the repair
work being undertaken (see, for example, Sehat Statement, Reply of Iran, Vol. IV, Ann. C). This
evidence has not been disputed by the United States. This evidence shows that these platforms ¾
the Reshadat and Resalat platforms ¾ were due to come back on stream at the end of the seventh
month of the year 1366, that is on 23 October 1987 (Reply of Iran, Vol. IV, Hassani Statement,
para. 16 and Ann. D). In other words, it was just four days prior to the date these platforms were
due to come back on stream that the United States carried out its attacks and effectively destroyed
the platforms.
11. Apart from the oil workers, there were also, as Dr. Zeinoddin has explained, a handful of
junior soldiers on the platforms, under the command of a chief petty officer, their weapons being
two 30 mm air defence cannons. These guns can only be used for defence against air attack and
cannot be used for firing on boats. The platforms also had a radio and a Decca radar: this is the
minimum kind of equipment that would be found on any oil platform anywhere in the world. It is
not military equipment, but is designed for commercial and civilian use.
12. As for the few military personnel on the platforms, they could only provide some level of
psychological reassurance to the oil workers. They were involved in defensive surveillance
activities to the extent they were able, but could not defend the platforms from any serious attack.
Iran suffered a chronic lack of both the sophisticated radar systems and the type of equipment, such
as surface-to-air missiles, necessary to protect the platforms from air or sea attack. The United
States tries to build up an image of the platforms as if they were bristling with weapons, including
mines, helicopters, and small boats, and portrays them as acting as sophisticated command centres
with highly-developed surveillance activities. However, when the United States carried out their
attack, and United States commandos actually boarded the relevant platforms, they found no such
equipment. What they did find was a number of messages from one responsible officer on the
platform. The first message is representative. It reports as follows:
- 55 -
“1. The wire for the lighting of the DECCA-1226 radar is out.
2. The DECCA-1226 radar tuning does not work.
3. The night vision binoculars are broken and unusable.
4. The black tripod binoculars are broken and missing the primary lens.”
Moreover, the list of this supposedly sophisticated military equipment can be seen to have included
such items as a plastic set-square, a filing cabinet and a sewing machine (Counter-Memorial and
Counter-Claim of the United States, Exhibit 117).
13. The 19 October 1987 attack by the United States on these platforms, manned and
equipped as I have just described, involved a massive use of force: four destroyers carried out the
attack, and were supported by a frigate, a guided-missile cruiser, two F-14s and a Hawkeye
surveillance aircraft.
14. The attack began in the early afternoon and was focused on the R-7 complex. As already
explained by Dr. Zeinoddin, this complex gathered oil from all other platforms and wells serving
the Reshadat and Resalat fields before pumping it to Lavan Island. Destruction of the R-7 complex
thus made production and transport of crude oil from both fields impossible. In other words,
attacking the R-7 complex inflicted the maximum commercial damage.
15. According to United States reports, the four destroyers began pounding the R--7 complex
with gunfire, and two minutes later flames engulfed the structure. The ships went on firing for at
least 45 minutes. While fire consumed the northern part of the structure, the southern part was not
destroyed by the fire, and so the United States Navy ¾ and I quote ¾ “decided to finish that off”
using dynamite planted by a Navy boarding team (Memorial of Iran, Exhibit 69). The destruction
was total. A Pentagon spokesman said that when the demolition team had finished, and his report
is confirmed by what you see on the screen ¾ the same image that Dr. Zeinoddin showed ¾, “all
that remained was three pilings sticking up out of the water” (ibid.). Reports also confirm that the
personnel made no attempt to fire back and abandoned the platform (Memorial of Iran, Exhibit 69).
16. During the attack on R-7, United States military personnel apparently noticed people
abandoning another platform (R-4, also part of the Reshadat complex) about 5 nautical miles north
of the R-7 platform. The United States forces thus turned their attention to this platform and
United States Navy commandos were sent on to the platform to destroy it as well (Memorial of
- 56 -
Iran, Exhibits 69 and 72). Speaking after the attack, the Pentagon spokesman said that this incident
had not been planned with the other attack, but rather called the R-4 platform a “target of
opportunity” (ibid., Exhibit 69). A “target of opportunity”: the cynicism of that phrase speaks for
itself. The destruction of R-7 had already prevented all oil export from the two oil fields. The
destruction of R-4 was simply an occasion to cause additional gratuitous harm.
17. In sum, therefore, the United States had attacked commercial oil platforms, with
extremely limited defences, oil platforms which had already been attacked by Iraq in an effort to
undermine Iran’s oil commerce. The United States weaponry accomplished what Iraq had failed to
do. The destruction this time was total and prevented any further production from the underlying
fields for several years (see, Hassani Statement, Reply of Iran, Vol. IV, Ann. E).
18. This was an illegal act. Specifically Iran has shown that it was a violation of Article X,
paragraph 1, of the Treaty of Amity.
19. It is clear the United States bears the burden of proof to show that its destruction of these
oil platforms was in some way legally justified. Given that the acts in question involved such a
massive use of force, took place in circumstances where Iran was defending itself against an illegal
aggression, and were directed against the same platforms which had already been targets for that
aggressor, this burden is, Iran submits, particularly heavy.
20. The United States attempts to meet this burden by alleging that the destruction of the
platforms was a necessary and immediate response taken in self-defence to a missile attack made
three days earlier on 16 October, several hundred miles to the north, in Kuwaiti territorial waters,
against a reflagged Kuwaiti tanker, the Sea Isle City. You can see the location of this incident on
the map now appearing on the screen. It is to this allegation that I will now turn.
C. The Sea Isle City
21. Is there any evidence that the attack on the Sea Isle City was carried out by Iran? Despite
the rhetoric, the United States has never been clear as to the basis on which it decided to hold Iran
responsible for the attack on the Sea Isle City. It has made a series of vague and indeed
self-contradictory allegations on this subject, but as I will show, none of these stand up to scrutiny.
- 57 -
22. The first point to note is that the United States effectively admits it has no direct
evidence that Iran was responsible for the attack, by seeking to rely in its Rejoinder on the Corfu
Channel case (Rejoinder of the United States, p. 36 and fn. 96). Referring to Iran’s alleged
exclusive control over the area from which the missile was allegedly fired, the United States seeks
to rely on the following statement from that case:
“By reason of this exclusive control, the other State, the victim of a breach of
international law, is often unable to furnish direct proof of facts giving rise to
responsibility. Such a State should be allowed a more liberal recourse to inferences of
fact and circumstantial evidence.” (I.C.J. Reports 1949, p. 18.)
23. In other words, the United States argues that because the missile which hit the Sea Isle
City allegedly came from an area under exclusive Iranian control, and because Iran allegedly had
Silkworm missiles in that area, then the United States has satisfied its burden of showing Iranian
responsibility, despite its lack of direct proof.
24. It is Iran’s submission to the Court that the United States cannot rely on Corfu Channel
in this case, and this for three main reasons.
25. First, with its sophisticated technology, through AWACS and other surveillance
techniques, as well as from physical evidence such as missile fragments, the United States should
have “direct proof” of the facts which it alleges. It has been unable to furnish any such proof.
26. Second, the United States has not even been able to provide circumstantial evidence or
justify inferences of fact to support its version of events.
27. Third, the United States reliance on Corfu Channel in fact assumes that the missile which
hit the Sea Isle City was a Silkworm and was fired from Iranian controlled territory. As I will
show, neither proposition is justified.
28. What direct proof should the United States have been able to furnish? First, at least
physical evidence that the Sea Isle City was hit by a Silkworm missile. In this regard, Iran has
supplied testimony from a French expert in naval and missile warfare, Mr. Jean-François Briand.
He has explained that it is inconceivable that, had the Sea Isle City been hit by a Silkworm,
significant fragments would not have been found after the attack, which would have shown that this
was the particular type of missile used (see Briand Report, Reply and Defence to Counter-Claim of
Iran, Vol. VI, paras. 1.2–1.4). Mr. Briand states explicitly: “Il est anormal qu’aucun fragment
- 58 -
identifiable des missiles n’ait pu être récupéré après l’impact”. A Silkworm is a very large missile,
about 7 m long, the size of a small fighter plane, and weighing almost 2,500 kg. (See Jane’s Naval
Weapon Systems extract, Youssefi Statement, Reply of Iran, Vol. VI, Ann. F.) It could not have
failed to leave fragments.
29. What is the United States position? At the time, as its own evidence confirms, the
United States stated that “pieces of Silkworm missiles have been recovered from the SEA ISLE
CITY” (Counter-Memorial and Counter-Claim of the United States, Exhibit 90). Indeed in
justifying the attacks at the time, the United States said explicitly that it had “physical evidence”
taken from the Sea Isle City, which had been analysed by explosives experts and proved
conclusively that this vessel had been hit by a Chinese-made Silkworm missile (Memorial of Iran,
Exhibit 72).
30. What is the United States story today when forced to make good these allegations? In its
Counter-Memorial and Counter-Claim, the United States contradicts its earlier assertions and states
that in fact “military personnel were not able to collect . . . fragments from the October impacts
which could be analyzed” (para. 1.71).
31. This assertion is astonishing. It is inconsistent with what the United States said at the
time. Indeed it implies that the United States misled the world community as to the evidence in its
possession. It is also, according to a third party expert, Mr. Briand, simply implausible. The
United States has offered no explanation for this volte-face, which in and of itself is sufficient to
cast extremely serious doubt on the Silkworm missile thesis.
32. The United States does continue to allege that fragments of two other missiles which
landed in or around Kuwait on 21 January and 4 September 1987 were examined and shown to be
Silkworms (Counter-Memorial and Counter-Claim of the United States, para. 1.71). However,
even these fragments have now mysteriously disappeared, apparently having been recuperated by
Iraqi forces in 1990 during the invasion of Kuwait (see Statement of Kuwait Armed Forces
Officials, Counter-Memorial and Counter-Claim of the United States, Exhibit 82, para. 10).
33. But the important point to note is that, based on this assertion that there were no
fragments, there is no evidence that the missile which hit the Sea Isle City was a Silkworm, or even
if it was a Silkworm that it was fired from the land and not from the air. In fact, the assertion that
- 59 -
there were no fragments makes it more likely that it was a different kind of missile. What about
evidence that the missile was fired from Iranian-held territory? All that the United States is able to
offer on this issue are statements from two Kuwaiti officers made in 1997, ten years after the events
in question, and a large part of which are based on hearsay and which are unsupported by any
contemporaneous evidence. One of those officers alleges that he did actually see a missile flying
overhead just before the Sea Isle City was struck. His statement reads as follows:
“At 0900, on 16 October 1987, while visiting the locations on Auhat Island,
Colonel Al-Suwaiti [one of the authors] observed while staying in Auha [sic] Island, a
missile flying overhead, between Faylakah Island and Auhat Island, in a
south-south-easterly direction . . . originating from the direction of the Faw
peninsula . . .
Minutes later in the morning on 16 October, the U.S. flag vessel Sea Isle City
was struck by a missile.” (Counter-Memorial and Counter-Claim of the United States,
Exhibit 82,)
34. There are two fundamental inconsistencies in this statement. First, the Sea Isle City was
hit at 0600 hours not 0900 hours. The 0600 local time is given in the United States own pleadings
and evidence (see Counter-Memorial and Counter-Claim of the United States, Exhibits 89 and 90,
and Preliminary Objection of the United States, para. 1.26).
35. Second, if the missile had been fired from any territory allegedly controlled by Iran, it
could not have been travelling in a “south-southeasterly direction”. Only missiles fired from Iraqi
territory or from areas used by Iraqi forces behind Bubiyan Island could have been travelling in a
south-southeasterly direction at that point, as one can see clearly from this map appearing on the
screen which shows the south-southeasterly trajectory cutting through Auhat Island where the Iraqi
officers were stationed.
36. In other words, this evidence actually flatly contradicts the United States position as to
the provenance of the missile. There is thus no direct evidence produced by the United States to
suggest that the missile was fired from the Fao Peninsula, or from any other Iranian-held territory.
37. However, once again the United States should have such direct proof. It is an
astonishing fact that no analysis of missile fragments has been produced. It is equally astonishing,
as Mr. Briand, the French expert in missiles referred to by Iran, also confirms, that neither United
- 60 -
States AWACS nor other United States military technology were able to pick up the missile path
showing from where it was fired (see Briand Report, Reply of Iran, Vol. VI, paras. 1.6 and 2.6-2.7).
38. In conclusion, there is no direct evidence that the missile which hit the Sea Isle City was
a Silkworm or that it was fired from Fao, yet such direct evidence should exist if either of these
allegations were true. In fact, such evidence as there is contradicts the United States position. No
fragments, as there should have been if the vessel had been hit by a Silkworm, no AWACS, and a
missile reported as travelling from the direction of Iraqi territory not from the direction of
Iranian-held territory.
39. Even though there is no evidence that the missile in question was a Silkworm or came
from Fao, the United States originally tried to support its accusation of Iran as responsible for the
attack by asserting that Iran had occupied three abandoned Iraqi Silkworm missile sites on the Fao
Peninsula, and that these could have been used to attack the Sea Isle City.
40. However, this allegation of the United States is in any event just as flawed as the
previous allegations.
41. First, at the time, the United States reported that Iran only had Silkworm missiles
overlooking the Strait of Hormuz, hundreds of miles to the south. The Department of State
Bulletin dated October 1987 ¾ contemporaneous with the attack ¾ contained this map, only
showing an alleged Silkworm presence in the Strait of Hormuz (Memorial of Iran, Exhibit 67).
There is no indication of a Silkworm risk or presence in Fao, as numerous other reports confirm
(see Reply of Iran, paras. 4.27–4.28, Exhibits 19, 20 and 21, and United States evidence in its
Counter-Memorial and Counter-Claim at Exhibit 97).
42. The United States knew at the time this Department of State Bulletin was issued that,
during the war, Iran had occupied land on Fao where there had been three former Iraqi Silkworm
missile sites, but it made no suggestion that these sites were still operational after Iran’s
occupation, or that Iran ever used them or that they even presented a risk. This was so for two
reasons. First, the Iraqi sites were permanently fixed sites with concrete launch pads which could
only allow missiles to be fired in approximately the direction indicated. The map appearing on the
screen shows clearly that none of these sites could have been used for attacks against Kuwait or
- 61 -
vessels located in the vicinity of the Sea Isle City. To the contrary these sites were all pointing in
the direction of Iranian territory or waters off Kuwait far from where the Sea Isle City was hit.
43. Second, as the United States well knew, it would have been impossible to operate or
launch Silkworm missiles from Fao Peninsula at that time. The area was a scene of some of the
fiercest fighting in the war and was subject to constant Iraqi bombardment, as the blistered
landscape shown on the United States own satellite imagery ¾ which you can now see on the
screen ¾ reveals. As will be discussed later, the area ¾ this precise area ¾was retaken by Iraq at
the same time as the 18 April 1988 United States attack on the Salman and Nasr platforms. As an
area subject to constant attack and counter-attack, the Fao Peninsula could not be used for firing
missiles and was not even an area under exclusive Iranian control, which is another reason why the
Corfu Channel principle is simply not applicable here.
44. Thirdly, the United States apparently acknowledged these sites were not operational.
The Washington Post on 20 October 1987 reported United States “intelligence sources” saying that
there were “no Silkworm launch sites at Faw, making a strike on the area pointless” (Memorial of
Iran, Exhibit 69).
45. How does the United States deal with these facts? It changes its position. In the
Preliminary Objection of the United States, the United States was explicit in stating that the
missiles were fired from the Fao Peninsula, and indeed in calculating the range of the alleged
Silkworm the United States used a tower at the tip of the Fao Peninsula (Preliminary Objection of
the United States, paras. A1.18 and A1.19, and map 2 thereto). This can be clearly seen from
map 2 to the Preliminary Objection of the United States which is on the screen before you.
However, the United States has again changed its position on this issue, just as on the fragments,
this time during the course of these pleadings. By the Counter-Memorial, the United States is
referring to the “Fao area” and not the “Fao Peninsula” (see Counter-Memorial and Counter-Claim
of the United States, para. 1.70), and in fact is now referring to a place which, as you can see on the
map on the screen, is not on the Fao Peninsula at all, or even in the Fao area, as a source of the
missile (Counter-Memorial and Counter-Claim of the United States, map 1.10).
46. Thus, the United States no longer alleges that the missile was fired from any of the
abandoned Iraqi sites on the Fao Peninsula. For the reasons just mentioned, to do so would only
- 62 -
further weaken the United States position. All such sites were non-operational and were pointing
in the wrong direction. Instead, the United States has come up with an entirely new allegation to
the effect that the missile was fired from a place called Nahr-e Owyeh, which is not on the Fao
Peninsula or even in the Fao area: and to support this new allegation the United States has
introduced satellite imagery.
47. The satellite imagery in question has been discussed in detail by both United States and
Iranian experts, and I will not repeat these findings here except to note three points.
48. First, the area at Nahr-e Owyeh bears no resemblance whatsoever to a Silkworm missile
site. The area at Nahr-e Owyeh can be compared with imagery of other sites shown by the United
States, and the site plan recommended by the manufacturer for use as a Silkworm missile site. You
will see on the screen the recommended layout of a Silkworm missile site taken from the Chinese
manufacturer’s handbook. It shows a very distinctive layout. You can also see this layout clearly
reflected on the United States satellite photographs of the abandoned Iraqi sites, which are now
appearing on the screen. A typical Silkworm missile site, as can be seen, is a substantial complex
involving support areas, specific launch areas, and the like. The image of Nahr-e Owyeh which is
now being shown bears no resemblance whatsoever to this. Even in the report filed by the United
States on 18 November 2002, it is recognized that the Nahr-e Owyeh site is unique, if it is a
Silkworm site. It is even suggested that Iran must have specially altered the earth at the launch site
to overcome that it is in the middle of a marshland (United States Exhibit 262, para. 27).
Silkworms are normally fired from concrete launchpads for stabilization reasons.
49. The second point is more significant. Not one of the satellite images produced by the
United States purports to show a missile at any firing site on the day of any alleged missile attacks.
50. Again this gap in the United States evidence is extraordinary. In this context, it should
not be forgotten, as Mr. Briand, the independent French expert, has pointed out, that the United
States had a range of sophisticated means available to identify and trace any such missile presence
or missile firing. As several commentators have noted, such surveillance was vital in assisting the
Iraqi war effort. Mr. Bundy has already referred to the information passed on to Iraq in this regard
including, as one analyst notes, “reports every 12 hours on the Iranian military activity on the
ground ¾ culled from the information gathered from the many American satellites orbiting the
- 63 -
[Persian] Gulf and from the American Awacs” (Reply of Iran, Exhibit 4, p. 160). Despite this array
of technology, no evidence is produced to show even the presence of a missile at this alleged site
on 15 or 16 October.
51. Third, any reference to any sites at Fao or Nahr-e Owyeh is premised on the assumption
that the missile which hit the Sea Isle City was a Silkworm and was fired from that direction.
However, this premise is unjustified for reasons I have already explained.
52. Finally, there is another fundamental problem with the United States hypothesis, and that
is range. The Chinese manufacturer gives the Silkworm a maximum range of 95 km (see extract
from manufacturers’ brochure in Youssefi Statement, Reply of Iran, Vol. VI, at Ann. C, pp. 4-5).
This must be seen as an absolute maximum. Manufacturers are not in the habit of understating
their product’s performance. Jane’s Defence Weekly and other reputed sources do not credit this
range. For example, Jane’s noted on 6 June 1987 that: “In its sales brochure, the missile’s range is
stated as 95 km, although Western analysts credit the range as no more than 80 km, similar to that
of the Soviet SS-N-2C.” (Reply of Iran, Exhibit 20.) Two experts on whom the United States
itself relies, Cordesman and Wagner, make a similar, harsher, observation. They state:
“The Silkworm is most effective at ranges under 40 kilometers, but it has an
effective range of 70-80 kilometers if a ship or aircraft can designate the target and
allow the Silkworm to reach the point where its on-board guidance can home in on the
target.” (Counter-Memorial and Counter-Claim of the United States, Exhibit 97,
p. 274.)
It should be noted that Iran had no such ship or aircraft facility to designate the target, nor does the
United States allege that. This means that the effective range would be 40 km.
53. How does the United States deal with this issue? It has filed a report from an Australian
scientist which in turn relies on a 1990 United States report. The Australian scientist’s report
suggests, based on a mathematical simulation carried out in 1997 (not on any real tests), that a
specially “boosted” Silkworm could fly 105 km before it ran out of fuel (Counter-Memorial and
Counter-Claim of the United States, Exhibit 86). This statement contradicts all other experts.
Moreover, the powered range cited by the Australian expert is not the same as the effective range
which, as the United States acknowledges, is the range at which missiles are likely to be accurate,
providing they have directional support, which was not the case here. The Sea Isle City was some
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99 km from the Nahr-e Owyeh site, which is beyond the range cited by any other experts or the
manufacturers.
54. In conclusion, it is Iran’s submission that there is a total lack of direct proof as to the
provenance or nature of the missile which hit the Sea Isle City. Such proof should however exist
and be in the possession of the United States.
55. Iran also submits that the satellite imagery and evidence of range produced by the United
States, which is not direct evidence but is designed to support an inference against Iran, is wholly
inconclusive.
Mr. President, I have about 5 to 7 more minutes. With your leave, I will ¾
The PRESIDENT: Please continue.
Mr. SELLERS: Thank you.
56. The United States does not address the issue that the Sea Isle City could have been hit by
Iraq. Iraq repeatedly attacked apparently friendly targets, whether by error as a result of its avowed
“shoot first ¾ identify later” policy, or by design in order to keep such friendly States eager in
their financial and military support, or in an attempt to lay the blame on Iran and further
internationalize the conflict (see Reply of Iran, paras. 2.50-2.52 and paras. 4.67-4.73, and
Freedman Report, Vol. II, paras. 46-49). Some of these attacks Iraq admitted, others it did not.
57. Professor Lawrence Freedman, the world renowned expert on warfare and on this war in
particular, in his expert report for Iran filed in these proceedings, refers to several such Iraqi attacks
on Saudi and Kuwaiti-flagged vessels, describing Iraq’s aim as being to dissuade those countries
from allowing their flagged vessels to trade with Iran (Freedman Report, Reply of Iran, Vol. II,
paras. 47-48). He also refers to an Iraqi attack on an Emirates oil rig apparently to encourage the
Emirates to lend greater support to the Iraqi war effort (ibid., para. 47). This was a pattern
throughout the war. As early as 1984, the Middle East Economic Survey noted as follows:
“Perhaps the most striking feature of Iraq’s attacks on shipping in the [Persian]
Gulf over the past week has been not so much their escalation in intensity as the
misdirection of their targets. One of them turned out to be a Greek products tanker
chartered by Kuwait and another a Saudi offshore drilling supply vessel. When
attacked both of these vessels appear to have been quite a long way from Kharg Island
and well outside the ‘exclusion zone’ declared by Iraq in 1982. Not surprisingly, the
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whole affair has been a cause of embarrassment and dismay in the two [Persian] Gulf
states concerned which have been among the staunchest backers of Iraq in its three
and a half year old war with Iran.” (Reply of Iran, Exhibit 15.)
There are numerous other examples of such conduct, many of which took place outside Iraq’s
exclusion zone. As the same source notes, in 1985, the Serifos travelling in ballast from
Saudi Arabia to Kuwait was reported as having been struck by Iraqi jets (ibid.). The best known
example was the Iraqi attack on the Stark. This attack was conducted well outside the Iraqi
exclusion zone, apparently by a converted civilian plane. As Professor Freedman notes, there are
numerous reports that Iraq had hoped that the blame for this attack would fall on Iran, and that only
when this proved impossible did it take responsibility for the attack (Freedman, Vol. II, Reply of
Iran, para. 47). The Filikon L, chartered by the Kuwait Petroleum Corporation, and carrying
Kuwaiti crude, was hit by an Iraqi Exocet outside Iraq’s exclusion zone and “within the normal
corridor for tankers approaching or leaving Kuwait”, in other words in the same area where the
Sea Isle City was hit (Reply of Iran, Exhibit 15). One of the most striking and relevant examples
occurred in 1988. As again reported in the Middle East Economic Survey:
“Iraqi bombers on successive nights dropped air-launched Silkworm missiles.
One of them crashed into a fully loaded Danish supertanker that had just left the port
of Iraq’s ally, Saudi Arabia. Two other Silkworms dropped the following night roared
past a U.S.-led convoy of reflagged Kuwaiti tankers before they crashed into the sea.
Kuwait is also an Iraq ally.” (Memorial of Iran, Exhibit 68.)
58. What is clear from the above is that Iraq continued to be able to use Silkworms, even
from the air, and had no hesitation about attacking friendly targets. The United States has failed to
respond to these facts.
59. It has also failed to deal with the fact that Iraq still possessed both land-based Silkworm
missiles and other missiles such as the Styx and the Exocet which could have been used in the
attack, bearing in mind that there is no evidence that the missile in question was a Silkworm or that
it was fired from the land. Iraq had free use of Kuwaiti airspace and vessels armed with missiles
operated in the waters behind Bubiyan Island, which you can see on the map on the screen. Iran
has supplied substantial evidence of Iraq’s use of both Kuwaiti airspace and Kuwaiti waters,
including Bubiyan Island, and the waterways on either side of Bubiyan. There are also numerous
contemporaneous reports of Iraqi vessels being operational in the vicinity of Faylakah Island and
Iraqi fighters and helicopters operating in Kuwaiti airspace (see Fadavi Statement, Reply of Iran,
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Vol. V, paras. 10-18 and Anns. B, C, D, E, F and G). Any of these vessels, aircraft or helicopters
could have been the source of the attack.
D. Concluding remarks
60. To conclude, as I have explained, the United States attacks against the Reshadat
platforms occurred several days after the incident involving the Sea Isle City and followed a
carefully prepared battle plan. It was a deliberate attack on commercial facilities. There is nothing
to suggest that this action was taken out of any immediate necessity of self-defence.
61. The platforms had nothing to do with any incident involving the Sea Isle City. The
Sea Isle City incident took place hundreds of miles away and there is no evidence that the platforms
could have been used or were used to launch missile attacks.
62. The United States has failed to show that the missile in question was a Silkworm or that
it was fired from Iranian-held territory. Its own evidence and statements about the attack are not
only self-contradictory but fundamentally undermine the United States allegation that the missile
was fired by Iran.
63. By its attacks on these platforms, the United States finished off work begun by the
aggressor State, Iraq, effectively preventing any further export of crude oil from these platforms for
the rest of the war, just days before these platforms were due to come back on stream. In Iran’s
submission this was patently an unjustified breach of Article X, paragraph 1, of the Treaty of
Amity.
64. Mr. President, Members of the Court, that concludes my presentation. I thank you for
your patience and I would be grateful if tomorrow morning you would call on Mr. Bundy who will
continue the presentation of Iran’s case.
The PRESIDENT: Thank you, Mr. Sellers. The Court will now adjourn until tomorrow
morning, when the hearing resumes at 10 a.m. The Court rises.
The Court rose at 1.05 p.m.
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Audience publique tenue le mardi 18 février 2003, à 10 heures, au Palais de la Paix, sous la présidence de M. Shi, président