C.I.J, Comuni~é BI" 59/10
(non officiel)
Les renseignements suivants, émanant du Greffe de la Cour in-.
ternationcile de Justice, ont $te mis à la disposition de la presse!
Aujourdihui2 ,1 mars 1959, la Cour intern:jtionale de Justice a
rendu son arret en 1 taffaire de 11Il ;erhandel (exceptions. prélimi-
naires), entre la Suisse et les 3tncs-Unis dirImérique.
L1aPfaire avait éti!introduite 'par une requete du Gouvernement
suisse du 2 octobre 1857 concernant un différend surgi .au sujetde
la restitution, 6emnd& pzr In Suisse au Etats-Unis dfhérique, des
avoirs de lo societé Interh7~del ;ette requete invoquait Ilarticle
36, pnragraphe 2, du Statut de la Cour et 1 iacceptatiod ne la juri-
diction obligatoire de la Cour par les Ztats-Unis et par la Suisse.
De son c8t6, le Gouvernement des dtats-Unis avait présente des excep
tions préluaimires la compétence de la Cour.
LaCour, retenantlrunede cesexceptions, adéclarkirsece-
vable .lnrequ& e de 1s Suisse.
+ + +
-"
D ns son arret, In Cour expose les faits et circonstances qul
sont 8 11originé du diff &rend.
En 194.2l ,e Gouvernement des Etats-
Unis avait, en vertu du Trading with the Jmerny Act, mis sous sé-
que stre la pre sque-totcilit6 des netions drlz soeie tE erzregistr&e
,aux Etats-Unis Genernl Aniline and Fflm Corporation (GAI?), pour le
motif que cgs actions appartenaient an realité à ln société 1.G.
Farben de W~ncfort ou que la G-AFétait sous une forme ciusous une '
autre 'contr8lée par cette sociéto ennemie. Il nie-t pas conteste que,
jusqu [en 1940, IlI.G. Fnrben avait cont~-816la MF par 1IinLerrnGdiaire
de la socikté 1.G. Chemie, de BSle, Cependant, d'aprèsles all4gations
du Gouverriement suisse, les liens entre 23 sociétG allemznde et la
societg suisse avaient 4% dkfinitivement denoues en 1940, La societé .
suisse avait pris le nom de Soci&t& internationale pour participations
industr5elles et comcrciales S.A, (Interhandel.) et le poste le plus
important de son actif consistoi-L dans ;a p<irtlcipntion à la GAF. En
1945s en vertu diun necord provisoire entre la Suisse, les Ztats-Unis,
la France et le Royaume-Uni ,s biens en Suisse appartenant à des
Allemands en rillemagne furent bloqués. LiOffics sulsse de compensation
fut char& de la recherche de ces avoirs; au cours cleces investiga-
tions,la question ciucnrnctere de l~Xnterhande fut posée maisllOffice,
tenant pour demonl~re que cette société stétait libérée de ses liens de
d6pei1dance à Iihgard de la 'sociêt6 allemande, ne ju~ea pas necessaise
de procEder ou blocage de ses biens en Suisse. De son cBt6, le Goums-
neigent des Etats-ünis, estimant que liInterhnndel etait toujours coi+
trB16 par 1fl.G. Faxe, poursuivait ses recherches en vue d'en dé-
couvrir la preuve, Dans ces conditions, les autorites f &Grales suisses
domerent à IlOffice de compefisation 11ordre de .bloquer provisoirement
les avoirs de 11Interh;~ ndel.
Le 25 mai 1/46, un nccord fut conclu B Idashington entre lesAllies et Xri"Sufs,se;'-La Suisseslengageait à poursuivre ses recher-
ches et & liquider les biensallemnnds en Suisse, cc dont lrOffice
de compensation Qtriitchargé en collaboration avec une Commission
mixte cornposec dtun reprdsent~nt de chacun des quatre gouvernerri-ents;
en cas de désaccord entre la Conmission &e et 11Offiee de compen-
sotion, ou si la partie en cause le désirait, l'affaire pouvait Btre
soumise à une Autorith suisse de recours, D foutre part, le Gouverne-
mai des Etats-Unis devait dGbJoquer les avoirs suiases rtuxEtats-U~s.(krt.~~)
Enfin, siil devait s!Glevcs des divergences dtoplnion au sujet de
Llapglicatio ou de Ifinierpretntio dn l'accord et si ellesne pou-
vaient &tre résolues autrenzent, il serait fait appel- à lfarbitrage.
Apré s la conclusion de 1'Accord d-e $1shii~gton, les dismissions
nu sujetdc 1iI~%erh::nd el poursuivirent sans aboutir à une con-
clusion. Par dc5cisiondu 5 janvier 19&h, l'Autorité suisse de recours
annula l. blocage des biens de ln so ci4 té en Suisse.Dans une note
au Départemend tlEtat du i+mai de la mgne année, la Légztion de Suisse
à !Tashington invoquq cette decision et 1lAccord de 3Jashinglon pour
demander aux ESats-Uni sc restituer à 11Interhandel les avoirs sé-
questrés aux Etats-Unis .e Département difitat rejeta cette demande
le 24 juillet, soutenùnt que la décision de 11l.utorité suisse de recours
éta,it sans ef'et k l'égard des avoirs s6questres au Ehots-UnisL *e
21 octobre, se pr6valan-L des dLspositions du Tradin~ rlfith the Enemy .
Act, 111 terhandel introduisait une iristance devant les tribunaux des
Gts-~nTs. Jusqutsn 1957, ce procès ne fit que peu de progrès sur
le fond. Une note suisse du 9 aoQt 1456 formula des propositions en
vue du règlement du 'diffarend soit par la voie drarbitrage au de con-
ciliation prsvue par le Trotté amhricnno-suissd ee 1931, soit par la
voie d 1arbitrage prkvue dnris 1 Accord de !% Thington. Ces propositions
furent déclinees pnr le Gouvernement des Etats-Unis dans une nate du
Il janvier 1957. D%dl;re part, ui? aide-mkmoire joint à Cette note de-
clnrait que 1~Interh~ndeL.sait kt& définitivemen dkbouté de son
action devant les tribunaw des Etats-Unis, Ciest alors que le Gau-
vernement suisse c&es sa-à la Cour sa reguete introductive d Tinslance,
La Cour constate que ltobjetde 1s demande sramlyse essentiellement
en deux j~opositions : il est demandé à la Cour de dire et juger,à
titre principal, que le Gou~ernem~nt des Etats-Unis est tenu de res-
tituer les avoirs de 17Interkande lt' & titre subsTdiaire, que les
Etats-Unis sont tenus de soumettre le différend à liarbitra~- ou à la
proc8çiure de conciliation*
Elle proesdealors à 11exrimen des exceptions preliminaires des
Etats-Unis.
La première exception tend k faire dkclarer que la Cour n'est pas
compétente p~ur le motif que le différend slest élev6 avant le 26 adt
1946, date à laquelle Ifacceptatiod ne la juridiction obligatoire de
la Cour par les Etats-Unis est entrge en vigueur. La dCclaratlan des
Etats-Unis se rapporte aux diffGrends dfordre juridique qui 't8iélèw
rontà 1!aveniru et le Gouvernemen tes Eto ts-Unis soutient que le di%
férend sownis à ln Cour remonteau moinsau milieu de 11année 1945.
EJeisamen du dossierpermet dlétablir que clest dans 12 note de la Lé-
gation de Suisse à I,fashington du 4 mi 1948 quia &te fomnuléepour la
premikrefois par In Suisse une demande tendnnt à la restitution à
lihterhandel des avoirs siquestrgs au Etats-Unis .a repense nggative,
étant du 26 juillet 191t8, le différend se.situe à cette date et la pre-
mikre exception doit Btre rejet& en ce qui couicerne la conclusion prin-
cipale de l? Sui sse, Dîns la conclusie ~lbssidiaire, le point en litige est liobligation du Gouvernement des Etats-Unis de se prêter à llar-
bitrage ou à la conciliation. Cette partie du différend nia pu stéle-
ver que postérieurement à celle relative à la restitution des avoirs
de 1iInterhandel au Etzts-Unis, parce que la procedure proposée par
la .suisse était conçue commeun moyen de régler le premier differend.
De fait, le Gouvernement suisse a présenté pour la première fois cette
proposition dans sa note du 9 aoQt 1956 et.le Gouvernement des Etits-
Unis lia rejetée par sa note du 11 janvier 1957. La première excepiion
ne peut donc être retenue en ce qui concerne la conclusion subsidiaire
de 'la Suis se.
D!après, Te deuxième exception préliminaire, le différend, même
s 'il est .postérieur à la d6clcration des Etats-Unis, s lest élevé avant
le 28 juillet 1948, date d'entrée en vigueur de la déclaration de la.
Suisse; la déclaration des Etats-Unis contient une clause.limitant la
compétence de Ici C.our aux différends uqui---s~élèveront~à. lla~enir~~,
alors qu'il niexiste aucune clause de ce genre dans la déclaration
suisse; mais le principe de réciprocité exigerait quientre les Etats-
Un2s et la Suisse la compgtence de la Cour soit limitée aux différends
nés après le 28 juillet 1948. La Cour observe que la réciprocité de
déclaration portant acceptation de la juridiction obligatoire de la
Cour permet à une partie d !invoquer une réserve qu telle nia pas ex-
primée dans sa .propre déclaration mais que llautre partie a exprimée
dans la sienne. Par exemple, la Suisse pourrait, si. elle était difen-
deresse, invoquer par reciprocité la réserve américaine contre les
Etats-Unis si ceux-ci tentaient de porter devant la Cour un différend
qui aura.it prLs"na:ssance avant le 26 ooQt 19465 Là siarrête ileffet
de la r6ciprocité; elle ne saurait autoriser un Etat, en liespèce les
Eta ts+n+-S', 5 i3e'préva.l'oir d tune restriction dont 1 1autre ~aktie, la
Suisse, ,.nia pas affecté sa propre déclaration. La deuxième exception
doit donc &tre rejetée en ce qui concerne la conclusion principale de
la Suisse. La. constation que le différend relatif à llobligation des
Eta:ts-Unis de se 'preter à 1iarbi"sage ou à la conciliztion nia pris
naissance qulen 1957 conduit $ rejeter également cette exception en
ce qui concerne la conclusion subsidizire.
La Cour emmine.alors la quatrième exceson prjliminaire et
tout diabord, la partie b) de cette . .exception, dans, laquelle le Gou-
vernement des Ztats-Unis soutient que la Cour est incompétente paur
connaftre de touts questi~n concernant la saisie et la r&-Lention des
actions sous séquestre, pour le motif que3ces mesures relèvent, selon
le. droit international, de 1;- cornpotence des Qats-Unis. En ce qui
.concerne la conclusion principale, le Gouverneï~lent suisse invoque
1 'article N ,de 11Accord de shington, dont le Gouvernement des
~tats-unis soutient qu'il est dSnu6 de toute pertinence; les Parties
sont en désaccord sur la.. significi;tlon des termes de cet article. Il
suffit à la Cour de constater que l'article IV peut etre pertinent pour
la solution du différend et que son interpretation relève du droit in-
ternational. D'autre part, le Gouvernement.des Etats-Unis soutient que,
diaprès le droit international, la saibet lo rt5tentiin de biens en-
nemis en temps de guerre relèvent de la cornpetence nationale des Ekats-
Unis; mab le problème est justement de savoir si les avoirs de l'In-
terhandel sont des biens ennemis ou neutres et ce problème doit Qtre
résolu à la lumière des principes et des règles du droit international.
Dans sa conclusion subsidiaire, le Gouvernement suis se invoque 11Accord
de Hashington et le Traité diarbitrage et de 'conciliation de 1931;
. . l'interprétation ... llinterprétqtion et llapplication de ces dispo:jitions comportent des
iue:,&io$, !de droit internati~nal. La quatrième exce~tion préliminaire
.d.. ..sa ...tie -').doit doncA$tre re.jetée. , .
. . .. .
- 'La 'partie. a) de 'cette exception.tend à ce que ia Cour se déelare
,:iricompétente,' pour le motif que la vente ou la disposition aes actions
'..so.s séques%re oni ét4 dioinies par.les Etats-Unis, en vertu du para-
'g.raphe b) des 'réserves att:ach&ei 'à leur 'acceptation de la juridiction
obligatoire des E$a tb-Unis, c0m.e relevant essentiellement de leur com-
'pétencè nationale. Il. apparaft à la Cour que la partie a) de la .qua-
trième exception ne .siapplique qulà la demande du auv verne suis9ent
relative ,à la restitution des avoirs sSqucstréa.ot qulau ég3rd
" à la décision. de la Cour -au sujet de la ti"oi.sj%ine .exception,' elle est
sans objet au stéde actuel de:la proc.édure,
. . . .
: ..La.troisième exception preliminaire denarde.. à 1; .Cour de Se dé-
cljrer incompétente, pour le motif que 1iInterhzndel nia pas utilisé
. .es.recours interneS.dont il disposait devant les'tribunawc des Etats-
Unis. Bien que visant la cornpetence de. la Cour, cette exception doit
Qtre considérée commedirigie contre 'la recevûbilite de la requgte;
en effet, elle deviendrait sans objet au cas où 'serait remplie la
condition diepuisement préalable des recours internes. La Cour a in-
diqué dans quelles conditions le Gouvernement suisse avait cru pow-
:.voir déposer sa requete du 2 octobre 1957. Cependant 13 Cour suprême
des Etats-Unis a, depuis lors, réintégré 1iInterhandel dans ses droits
de procédure et renvoyé llaffnire devant la District Court (décisions
des ii+ octobre 1957 et 16 juin 1958). LlXnterhandel peut se prévzloir
de nouvecu des moyens prévus.par le Tradingni-t-h the-Enem~ ~ct et
son action est actuellement en cours. Le Gouvernement sl~isse ne con-
teste pas 13 règle de Liépuisement des recours internes, mis il 'sou-
tient que lion est en pr6sence.- dlun cas ou une dérogation est zut-
risee par..la règle elle-même, En premier lieu, la mesure dirigée
contre lJInterh,?ndel n 6té prise non pas 'par une &u$orité subalterne
ïaais por le Gouvernernent des Etûts-Unis; 'cependant la Cour doit ittzcher
une importance décisive au fait que la Législation des Etats-Unis
donne aux intéressés des remèdes adéquats pour la dCfense de leurs
droits.conti.l_. le pouv ...r.exbcutlf. D'.autre part, dans les proddures
fondées' sur "le Tradiw vnth 'the Enemy Act, les triInmaux des Etats-
Unis -ne seraient pas en mesure de statuer selon les règles du droit
international; mais la jurisprudence américaine atteste que les tri-
buuaux des Etats-Unis sontgapétents pour appliquer dans leurs dé-
cisions le droit .internatinna1 quand il y a 1i.e~. Enfin, la conclu-
sion principale de 1û Suisse se caractérisant commeune demande. drexé-
cuter la decision.de ItAutoriti! suisse de recours,.du 5 janvier 191;8, .
décision considerée par le Gouvernement suisse cornrie décision judi-
ciaire interna.tionale,, il n'y nirait pas <le jurj&ctio~s idoines. à &puiser,
car':le dommage ae'étécausé directement à 1iEta.t; la Cour se borne' à
..consta.ter que cet argiment ni enlève.pas au différend qui lui est sou-
mis le.: Câractère. diun différend dans lequel. le ~ouverneme'nt suis.se .
lse -préserite cornle épousant la 'kause de son. ress'ortissant en vue drob-
tenir la. restitution diayoiis séquestrés que clest précipément',là
une' situation donnant lieu à 11application de la règle de lj~~uisement
des recours internes.'Pour toutes .ces raisons, ln ,Cour retient la
troisième exception pr6liminaire en ce qui ' .con cerne la conclusion
principale de la Suisse. La Cour estime 'diautre part que :toute dis-
tinktion en ce qui conc2rne la règle de llépui&ement des recours
.... . . . internes ....
1internes entre les d-iverses deniandes ou entre les diverses juridickions
est sans fondement; elle retieni, donc 4gnlemen.i Icitroisième exception
en ce qui concerne la conclusion subsidiaire.
En conshquence, la Cour rejet-te la première exception préliminaire
(par dix boix contre cinq), ainsi que la seconde (à liunanimité) et la
partie b) de la quatrième (par quatorz~ voix contre une) ; elle dit
quiil nÏy a pas lieu de prononcer sur la partie a) de la quatrième
(par dix voix contre cinq); elle retient ia troisième (per neuf voix
contre six) et dvclare la requ6te irrecevable.
IQ4. BASDEVJ4iîT I,(OJZVKIKOV,juges, et CjE:1Y, juge ad hoc, ont joint
à 1 1arrêt des déclarations. I@I. HACKI\ïO2TH C,ORDOVAi,;.dGLLII\TGTK OOLOet
Sir Percy SPSfdD'B31j,uges, y ont joint les exposes de leur opinion indi-
viduelle, M. Zi:~~üL~kI:Ii;iï\I, Vice-Prcsident, se ralliant à celle de Pi.
Hachorth.
iCJi,KLAESTiü),Pr6sident, i:fIP~I:'USSI(iPJii'dj!D-UGOI\,ir Hersch
LAW.dXPACHT et SPIL?OPOULOS, juges, ont joint à 1 1arrêt les exposS s
de leur opinion dissidente (lviC+mY se ralliant dans sa déclaration
à liopinion de K. IClaestad) .
La Haye, le 21 mars 1959
Interhandel - Arrêt