Opinion individuelle de M. Elaraby (traduction)

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131-20040709-ADV-01-06-EN
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131-20040709-ADV-01-00-EN
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OPINION INIIIVIDUELLE DE M. LE JUGE ELARABY

Nuture et portke de lu responsahilitde 1'0rguni.sutiondes Nutions Unies -
Stutut juridique intern,utionaldu territoire palestinien occ-piRappel histo-
rique - Droit relatifa l'occupationhelligkrunte,y compris lu situation actuelle
d'occupation prolongktr,le principede /a nkcessitémilitaire, les violations du
droit internutionul lîurnunitaireet le droit erga omriI'uutodkterminationdu
peuple pule.stinicln.

Je voudrais indiquer d'emblée que je souscris entièrement et sans

réserveaux constata1:ions et conclusions de la Cour. J'ai cependant jugé
nécessaire d'yjoindre, comme m'y autorise l'article 57 du Statut, la pré-
sente opinion individuelle afin d'expliciter certains des aspects historiques
et juridiques abordés dans l'avis consultatif.
Je dois, non sans ilne vive réticence, revenir tout d'abord sur le para-

graphe 8 de l'avis consultatif. J'estime, comme le juge Lachs dans son
opinion individuelle jointe à l'arrêtrendu en l'affaire des Activitks nzili-
tuives et pururni1ituire.sau Nicurr~guu et contre celui-ci (Nicumguu c.
Eturs-Unis cl'ilrnkriyire), qu'«[u]n juge- est-il besoin de le souligner--
se doit d'être impartial, objectif, neutre, désintéressé etsans parti pris))

(C.I.J. Recueil 1986, p. 158). Tout au long de l'élaboration du présent
avis consultatif, j'ai veilléà me laisser guider par cette sage maxime dont
la portée dépasse la déclaration solennelle que prononce chaque juge
conformément à l'article 20 du Statut de la Cour internationale de Jus-

tice.
Dans la présente clpinion individuelle, j'aborderai trois questions inti-
mement liées :

i) la nature et la portée de la responsabilité de l'Organisation des
Nations Unies;
ii)le statut juridique international du territoire palestinien occupé;
iii) le droit relatif à l'occupation belligérante.

1. NATURE ET PORTEE DE LA RESPONSABILITE DE L'ORGANISATIO DNS
NATIONS UNIES

1. Le premier aspect qu'il convient, à mon sens, de préciser est celuide

la nature et de la portée, particulièrement étendue, de la responsabilité
historique et juridique qui est celle de l'organisation des Nations Unies à
l'égardde la Palestine. La Cour s'est d'ailleurs référéà e cette responsa-
bilité spéciale lorsqu'ellea déclaréque:

«La responsabilité de l'organisation [des Nations Unies] à cet égard trouve éga.lementson origine dans le mandat et dans la résolu-
tion relative au plan de partage de la Palestine ... cette responsabilité
s'estconcrétiséepar l'adoption de nombreuses résolutions du Conseil
de sécurité etde l'Assemblée généralea,insi que par la création de

plusieurs organes subsidiaires spécifiquement établis pour Œuvrer à
la réalisation des droits inaliénables du peuple palestinien.)) (Avis
consultatif, par. 49.)

IIy a lieu, selon mioi,de souligner que cette responsabilité spéciale est
assumée depuis cinq décennies sans que la question de la primauté du
droit ait recu l'attention voulue. Si la auestion de la Palestine domine les
travaux de l'organisation des Nations Unies depuis sa création, aucun
or"ane de celle-ci n'a iamais demandé à la Cour internationale de Justice
de clarifier les aspects juridiques complexes de questions dont il était

chargéde s'occuper. Des décisionslourdes de conséquencesont étéprises
pour des raisons d'opportunité politique, sans que suffisamment d'atten-
tion ait été accordée,auxexigences d'ordre juridique. Par ailleurs, lorsque
des décisions ont étéprises, la volonté de les mettre en application s'est
vite dissipée.Les organes compétents des Nations Unies, dont l'Assem-
bléegénérale etle Conseil de sécurité,ont adopté quantité de résolutions,

qui demeurent entièrement ou partiellement inappliquées. La responsabi-
litéspécialede l'organisation trouve son origine dans la résolution 18 1(TI)
de l'Assembléegénéraleen date du 29 novembre 1947 (ci-après dénom-
méela ((résolution ri:lative au plan de partage))).
A de nombreuses reprises, les organes subsidiaires compétents de
l'organisation examinèrent des propositions visant à rechercher un avis

consultatif avant l'acloption de la résolution relative au plan de partage,
mais aucune requêtene fut jamais adoptée. Ce fait confère à lui seul une
importance considérable à la requêtepour avis consultatif qui figure dans
la résolution ES-1 0114(AIES- OIL. 16),adoptée par l'Assembléegénérale
le 8 décembre 2003, llorsde la vingt-troisième séancetenue dans le cadre
de la dixième session extraordinaire d'urgence. La requête constitue véri-

tablement un kvénennentmarquant dans l'examen de la question de la
Palestine par l'orgariisation des Nations Unies. IIconvient de rappeler,
ne serait-ce que brilivement, quelques-unes des tentatives précédentes
visant à solliciter l'avis de la Cour internationale de Justice.
Dans son rapport adressé en 1947 à la commission spécialepour la
Palestine, la sous-conimission 2 soulignait la nécessitéde clarifier les ques-

tions d'ordre juridique. Elle déclaraitainsi, au paragraphe 38 du rapport:
((La sous-corrimission a déjà examinéen détail les questions juri-
diques soulevéespar les délégations de laSyrie et de I'Egypte, et elle

a consigné ses opinions motivées. Toutefois, il n'est pas douteux
qu'il serait plus avantageux et plus satisfaisant à tous égardsd'obte-
nir du plus haut tribunal international un avis consultatif sur ces
questions d'ordre juridique et constitutionnel, qui sont difficiles et
complexes. »(Doc. AIAC. 14/32et Add. 1,11 novembre 1947,par. 38.) Les ((questions dl'ordre juridique et constitutionnel ... complexes»
consistaient essentielllementà déterminer:

«si l'Assemblée générale est qualifié pour recommander I'une ou

l'autre des deux solutions proposéespar la majoritéou par la mino-
ritéde la comn~ission spéciale,et si un Membre ou un groupe de
Membres de l'Organisation des Nations Unies a le droit de mettre à
effet I'une ou l'autre des solutions proposées sans le consentement
du peuple de Palestine)) (doc. AlAC.14132 et Add. 1, 11 novembre
1947,par. 37).

Plusieurs proposiitions de ce type furent examinées. Aucune ne fut
adoptée. Quelque deux semaines avant le vote sur la résolution relative
au plan de partage, la sous-commission reconnaissait dans son rapport
que :

«Un refus de présenter cette question à la Cour internationale de
Justice en vue d'obtenir un avis équivaudrait à avouer que I'Assem-
blée générale estdéterminée à faire des recommandations dans
un certain sens, non point parce que ces recommandations sont
conformes aux principes de la justice et de l'équitéinternatio-
nales, mais parce que la majorité des délégués désire réglle erpro-
blèmed'une certaine façon, sans tenir compte du fond du problème
ou des obligations juridiques qui peuvent exister pour les parties.
Une telle attitude n'aura point pour effet de rehausser le prestige
de l'organisation des Nations Unies ...» (Ibid.par. 40.)

Les arguments, sadideset précis,qui militaient en faveur d'une clarifi-
cation de toutes les questions juridiques ne furent pas entendus. L'on
s'empressa de passer au vote, sans procéder à la clarification voulue.
Dans ce contexte, il convient de rappeler que la résolution relative au
plan de partage approuvait pleinement le renvoi de «[t]out différendpor-
tant sur l'application ou l'interprétation))' de ses dispositionsa la Cour
internationale de Justice, renvoi devant se faire«à la requête del'une ou
l'autrepartie))2. Nul besoin de préciserque cette voie n'a pas non plus été
suivie.
Avec la requête pour avis consultatif figurant dans la résolution 10114
de l'Assemblée génkrale,c'est donc la première fois qu'un organe des
Nations Unies consulte la Cour internationale de Justice sur un aspect de

la question palestinienne. L'avis consultatif revêtune grande importance
en tant qu'événementhistorique, ce qui ajoutera certainement à sa valeur
juridique.

Nations Unies pour la Palestine novembre1947)chap. 4, par. 2.la Commission spécialedes
Ihici. ÉDIFICATION D'UN MUR (OP.IND. ELAKABY)

II. STATUT JURIDIQUE INTERNATIONAL DU TERRITOIRE
PALESTINIEN OCCUPE

2.1. Le statut juridique international du territoire palestinien (avis
consultatif, par. 70 et71) appelle, à mon sens, un traitement plus appro-

fondi. La question poséepar l'Assembléegénéralemérite un rappel his-
torique. car celui-ci irontribuera, d'une part, à mieux appréhender le sta-
tut juridique du territoire palestinien et. d'autre part, à souligner la
responsabilité spécialequi continue d'incomber à l'Assemblée générale.
Ces considérations peuvent paraître théoriques et sans rapport avec les

événements actuels.Le présent estcependant la résultante des faits passés
et l'on ne peut raisonnablement et objectivement envisager l'avenir sans
bien connaître le passé. Cela vaut d'autant plus lorsque, ri plus d'une
occasion, les principes du droit ont été systématiquement méconnus.
Le point de départ, ou, en jargon juridique, la date critique, est cons-
titué par le mandat que la Sociétédes Nations avait confiéà la Grande-

Bretagne. C:onformémentà ce que disposait le préambule du mandat sur
la Palestine, le Roj~aume-Uni «entrepri[t] de l'exercer au nom de la
Société desNations)) ?.Il convient d'examiner le mandat à la lumière du
Pacte de la Société desNations. L'une des responsabilités premières de la
puissance mandataire consistait à aider les peuples du territoire concerné
à parvenir à la pleine autonomie et ril'indépendance le plus tôt possible.

Le paragraphe 1 de l'article22 du Pacte stipulait que «[l]e bien-être etle
développement de ces peuples forment une mission sacrée de civilisa-
tion ))La seule limitation poséepar le Pacte à la souveraineté et riI'indé-
pendance pleine et entière du peuple palestinien étaitla tutelle temporaire
confiée à la puissanc~rmandataire. La Palestine étaitclasséeparmi les ter-

ritoires sous mandat de la catégorieA, en vertu du paragraphe 4 de l'ar-
ticle22 du Pacte, qui disposait que:
((Certaines communautés qui appartenaient autrefois à l'empire

ottoman ont atteint un degréde développement tel que leur existence
comme nations indépendantes peut êtrereconnue provisoirement, à
la condition qwc les conseils et l'aide d'un mandataire guident leur
administration jusqu'au moment où elles seront capables de se
conduire seules. »

Dans l'esprit de tous, il allait de soi que, à compter du jour ou les
conseils et I'aide du mandataire n'auraient plus de raison d'être,mettant
ainsi fin à la période du mandat, la Palestine deviendrait indépendante,
puisque son indépendance provisoire en tant que nation avait déjà été

juridiquement reconnue par le Pacte. En outre, le Pacte établissait une
distinction nette entre les territoires qui avaient appartenu à l'empire
ottoman et les autres territoires. S'agissant de ces derniers, la responsa-
bilitéincombait à la puissance mandataire d'assurer l'administration inté-

Préambule. CMD no 1785(1923), reproduit dans le rapport de la Commission spéciale
des Nations Unies pour la Palestine.

117 ÉDIFICATION D'UN MUR (OP. IND. ELARABY) 250

grale du territoire, et non seulement de fournir conseils et assistance en
matière administrative4. Ces arrangements distincts peuvent êtreinter-
prétéscomme une reconnaissance supplémentaire,par le Pacte, du statut

spécifique desanciens territoires ottomans dont faisait partie la Palestine.
De fait, le rapport soumis en 1947 à la commission spécialepour la
Palestine par la sous.-commission2 décrivait plusclairement le statut de
la Palestine. Le rapport concluait:
«le peuple de Palestine est mûr pour l'autonomie et ...tout le monde

admet qu'il y a lieu de lui accorder l'indépendancedans le plus bref
délai possible.II découle égalementde ce qui a étédit ci-dessus que
l'Assemblée généraln e'a pas compétence pour recommander une
solution autre que la reconnaissance de l'indépendance dela Pales-
tine.)(AlAC.14.132,et Add.1, 11 novembre 1947,par. 18.)

La sous-commission déclarait également:
«On se rappellera que le but de la créationdes mandats de la caté-
gorie A, comme celui de la Palestine, était,aux termes de l'article 22

du Pacte, de constituer un régimetemporaire de tutelle exercépar la
puissance mandataire, dont l'une desresponsabilités fondamentales
étaitd'aider les peuples des territoires sous mandat à accéder aussi
rapidement que possible à l'autonomie complèteet à l'indépendance.
On s'accorde généralement à reconnaître que la Palestine en est par-
venue à ce stade, et non seulement la commission spécialedesNations
Unies pour la I?alestine mais encore la puissance mandataire elle-
mêmereconnaissent que le mandat doit prendre fin et qu'il convient
de reconnaître l'indépendancede la Palestine. » (Ibid.,par. 15.)

2.2. La Cour a examiné lanature juridique des territoires sous man-
dat, une première fois en 1950 (Statut internotional du Sud-Ouest ujii-
cuin, uvis consultutij, et une deuxième fois en 1971 (Conséquencesjuri-
diques pour les Etuts de lu présence continue de l'Afrique du Sud en
Numihie (Sud-Ouest africain) nonobstant lu résolution 276 (1970) du
Conseil de sécurité,izviscon~ultutiJ),énonçant à la fois les principes phi-

losophiques qui devaient présider à la définitiondu statut juridique de
territoires anciennement placéssous mandat et les paramètres juridiques
à mettre en Œuvrepour ce faire. Dans ses dictu,la Cour a mis l'accent sur
la responsabilité de la communauté internationale. Il importe de noter
que, décrivantle systèmedesmandats, la Cour devait déclarerce qui suit:

«deux principes furent considéréscomme étant d'importance pri-
mordiale: celui de la non-unnexion et celui qui proclamait que le
bien-êtreet le développementde ces peuples formaient ((une mission
sucrée decivi1i:iution»» (C.1.J. Recueil 1950, p. 131 ; les italiques
sont de moi).

"rticle 22 du Pacte tle la Sociétédes Nations. ÉDIFICATION D'~JN MUR (OP. IND. ELARABY) 25 1

Ces deux principes fondamentaux énoncéspar la Cour en 1950 s'ap-

pliquent à tous les territoires anciennement sous mandat qui n'ont pas
encore accédéà l'indépendance. Ils demeurent valables aujourd'hui pour
le territoire palestinien occupé.Ce territoire ne saurait êtreannexé par la
force et l'avenir du peuple palestinien, en tant qu'il relèved'une ((mission
sacrée de civilisatiori», ressortit directement de la responsabilité et des

compétences de l'organisation des Nations Unies.
2.3. Il ne faut pas oublier que la résolution 181 (II)de l'Assemblée
généraleen date du 29 novembre 1947, qui procédait au partage du ter-
ritoire palestinien sous mandat, prévoyait notamment que:

i) le mandat prendrait fin au plus tard le le' août 1948;

ii) deux Etats indépendants seraient créés,l'un arabe, l'autre juif;

iii)la période transitoire entre l'adoption de la résolution relative au
plan de partage de la Palestine et «l'établissement de l'indépendance
des Etats juif et arabe ser[ait] une période de transition)).

Le 14 mai 1948, l'indépendance de 1'Etatjuif était proclamée. La dé-

claration israélienne invoquait ((les droits naturels et historiques
[d'Israël]» et s'appuyait sur la résolution de l'Assemblée générale des
Nations Uniess. L'indépendance de 1'Etat arabe de Palestine ne s'est pas
encore concrétisée.

Décider de prévoir une «période de transition)) en attendant la créa-
tion des deux Etats relèvebien de la compétence de l'Assembléegénérale,
et cette décisionaurait dû s'imposer A tous les Etats Membres en tant que
mesure ayant force obligatoire et comportant des conséquences juri-
diques6. Cette conclilsion est confortée par la jurisprudence de la Cour.

Dans l'affaire de 1;iNamibie, la Cour estima que, l'Assembléegénérale
ayant prononcé la fi11du mandat,

««l'Afrique du Sud n'a[vait] aucun autre droit d'administrer le Ter-
ritoire)). Elle n'a[vait] pas ainsi tranché des faits mais décrit une
situation juridique. Il serait en effet inexact de supposer que, parce
qu'elle possède t:n principe le pouvoir de faire des recommandations,

l'Assemblée générale est empêché d'adopter, dans des cas détermi-
nés relevant de :sacompétence, des résolutions ayant le caractère de
décisionsou procédant d'une intention d'exécution. » (Cons6quences
juridiques pour les Etats de la prisence continue de l'A,frique du Suc1
en Numihie (Sud-Our.st ajiicuin) nonobstant lu rP.solution 276 (1970)

du Consi~ilrlc..sc?curit& uvis cotz.sult~tif~C.1.J. Recueil 1971, p. 50,
par. 105.)

Law.\ ofthe SIO~~~f'lsruel, vol. 3. p.
('Le juge Weeramantry. dans son opinion dissidente conccrnanl'affaire du Tin~o~.
ori<vitul,a en outre estimé q~i'«une résolution contenant une décision relevant effective-
ment de son domaine de compétence peutrès bien proilu&sc c@rs j~~ric/iyz<(s)~)FFIOT
oricril<rl(Porttr<,Au,srrtriic. .I.Recueil1995, p. 186;Ics italiques sont de moi). La Cour avait déjàeu l'occasion de conclure, dans la procédureconcer-
nant Certaines dipefilsesdes Nations Unies, que les décisionsde I'Assem-
blée générale sur les ((questions importantes)) visées à l'article 18
(([avaient]une valeur et un effet de caractère impératif))(Certaines di-
penses des Nations Unies (article 17, paragraphe 2, de lu Charte),
avis con.sultatif; C.I..I. Recue1962, p. 163).
La force et l'effetjuridiques d'une résolution adoptée par l'Assemblée
généraledans des «cas ..relevant de sa compétence))sont donc bien éta-
blis dans la jurisprudence de la Cour. Sur cette base, deux conclusions

apparaissent inévitables :
a) l'organisation des Nations Unies setrouve dans l'obligation d'Œuvrer
à la créationd'uri Etat palestinien indépendant, ce qui suppose que la
responsabilitéjuridique spécialede l'Assemblée générald eoit subsis-
ter jusqu'à la réalisation de cet objectif;
h) la période de transition évoquée dans la résolutionrelative au plan de
partage établit un lien juridique avec le mandat. Le principe d'une
période detransition qui verrait la transmission des responsabilitésliées

au mandat à la periode actuelle n'est pas une fictionjuridique mais une
réalitépolitique; ilest confortépar lesdicta de la Cour, qui font notam-
ment du bien-être et dudévelo~~e..ntdes territoires anciennement
sous mandat une «mission sacréede civilisation)) et affirment le prin-
cipe de la non-annexion. La longue sériede résolutions adoptéespar
l'Assembléegénéraleet le Conseil de sécurité sur divers aspects dela
question de Palestine démontrentavecforce que la notion d'une période
de transition est généralement acceptée, fût-ce tacitement.

2.4. Le statut juridique des territoires palestiniens occupés nepeut être
apprécié à sa juste valeur sans un examen de l'engagement contractuel
d'Israëlà en respecter l'intégritéetàse retirer des territoires occupés.Les
injonctions relatives ;auretrait eà l'intégritéterritoriale se fondent sur la
résolution 242 (1967) du Conseil de sécurité, universellement considérée
comme la pierre angulaire d'un règlement juste, viable et complet. La
résolution 242 (1967) est un texte à caractère multidimensionnel, qui
porte sur divers volets du conflit arabo-israélien. Je m'en tiendrai à sa
dimension territoriale: la résolution consacre deux principes fondamen-
taux qui définissentles limites et le statut des territoires occupésen 1967
et réaffirmeque I'oc~rupationde ces derniers doit prendre fin. Elle sou-
ligne l'inadmissibilitéde l'acquisition de territoires par la guerre, interdi-
sant par conséquent l'annexion desterritoires occupéslors de la conquête
de 1967, et demande le retrait des forces armées israéliennes des terri-
toires occupés lors du conflit. Dans sa résolution 338 (1973) adoptée
le 22 octobre 1973,Ir:Conseil de sécuritéa réaffirméla nécessitéd'appli-
quer la résolution 242 (1967) «dans toutes ses parties)) (SIRES1338du
22 octobre 1973, par. 2).

A la suite de l'adoption de la résolution 242 (1967), Israël a pris plu-
sieurs initiatives visanà mettre fin à son occupation militaire, tout en
réservantla question de l'intégrité territoriale dela Cisjordanie et de Gaza: ÉDIFICATION D'UN MUR (OP. IND. ELAKABY) 253

a) les accords de Camp David du 17 septembre 1978, dans lesquels
Israël est conveniu que la base d'un règlement pacifique du conflit

avec ses voisins était l'application de la résolution 242 (1967) du
Conseil de sécurité.dans toutes ses parties;
h) l'accord d'Oslo, signéà Washington le 13 septembre 1993,qui est un
accord bilatéral entre Israël et la Palestine, dont l'articleIV dispose
que «[l]es deux parties considèrent la Cisjordanie et la bande de Gaza
comme une unitéterritoriale unique, dont I'intégritésera préservéeau

cours de la périoldeintérimaire >;
c) l'accord intérimaire israélo-palestinien sur la rive occidentale et la
bande de Gaza, signéà Washington le 28 septembre 1995, qui réaf-
firme l'engagement à respecter l'intégrité etle statut du territoire
durant la période:intérimaire. Son article XXXI (7) dispose en outre

qu'«[a]ucune des. deux parties n'entreprend[ra] ni ne prend[ra] de
mesure à mêmeclemodifier le statut de la Cisjordanie et de la bande
de Gaza avant que les négociations sur le statut permanent n'abou-
tissent ».

Israël s'est donc engagéà s'acquitter des obligations suivantes:
i) se retirer conforrnément à la résolution 242 (1967);

ii) respecter l'intégritéterritoriale de la Cisjordanie et de la bande de
Gaza; et
iii) s'abstenir de tome mesure susceptible de modifier le statut de la Cis-
jordanie et de la bande de Gaza.

De nature coritractuelle, ces engagements lient juridiquement Israël.
2.5. Néanmoins. en dépit de l'interdiction généraled'annexer des ter-
ritoires occupés, des dicta de la Cour sur le statut juridique des territoires
anciennement sous rriandat, et en violation flagrante d'engagements bila-

téraux juridiquemenit contraignants, le premier ministre d'Israël a, le
14 avril 2004, adresse au président des Etats-Unis d'Amérique une lettre
comportant en annexe un plan de désengagement devant être interprété
comme traduisant officiellement l'intention d'Israël d'annexer des terri-
toires palestiniens. Le plan de désengagement dispose notamment ce qui
suit:

«il est clair qu'en Cisjordanie certaines zones feront partie de 1'Etat
d'Israël, à savoir notamment des villes et des villages, des zones et
installations de sécurité etd'autres lieux revêtantun intérêt particu-

lier pour Israël ».
Par ses engagements sans équivoque à se retirer et à respecter l'intégrité
et le statut de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, Israël s'est interdit

de violer ou de modifier le statut juridique international du territoire
palestinien. L'édificationdu mur, son tracé et le régimequi lui est associé
doivent êtreconsidérés a la lumiéredu plan de désengagement. On peut
raisonnablement supposer que l'édificationdu mur a été conçuedans le
but d'annexer des territoires, ((des villes et des villages))palestiniens de la
Cisjordanie, q~ii((feront partie de 1'Etat d'Israël». La lettre du premier ÉDIFICATION D'UN MUR (OP. IND. ELARABY) 254

ministre d'Israël était datéedu 14avril 2004, soit plus de deux mois avant
le prononcé de l'avis consultatif.
S'agissant de la qiialification du mur, la Cour est parvenue à la bonne
conclusion en estimaint que

((la constructiori du mur et le régimequi lui est associé créentsur le
terrain un ((fait accompli))qui pourrait fort bien devenir permanent,
auquel cas, et nonobstant la description officiellequ'Israël donne du
mur, la construction de celui-ci équivaudrait a une annexion de
fucto» (avis conisultatif, par. 121).

Cette conclusion devait selon moi figurer dans le dispositif, où la Cour
aurait dû affirmer que le territoire palestinien occupéne peut êtreannexé.
Par ailleurs. il aurait étéjudicieux,a mon sens, d'évoquerles implications
de la lettre du premier ministre d'Israël et de ses annexes et de souligner
que ce dont elle entend faire part constitue une violation des obligations
d'Israël contraire au droit international.

111. DROIT RELATIF À I,'OCCUPATION B~LLIGÉKANTE

La Cour a étéprilSepar l'Assembléegénéralede rendre d'urgence un
avis consultatif sur ((les conséquences [en droit] de l'édificationdu mur
qu'Israël, puissance occupante, est en train de construiredans le territoire
palestinien occupé ))(AIRESIES-IO11 4-AIES-1OIL.16). La requêteporte

essentiellement sur la question du droit relatifà l'occupation belligérante.
Comme indiquéplus haut, je souscris au raisonnement et aux conclusions
énoncésdans l'avis c.onsultatif. Je me sens toutefois dans l'obligation de
souligner et d'expliciter quelques points, à savoir:

a) l'occupation prolongée ;
h) la portéeet les limites du principe de la nécessitémilitaire;
c) les graves violatilons du droit international humanitaire; et
d) le droit a l'autodétermination.

3.1. L'interdiction du recours à la force, qui est énoncéeau para-
graphe 4 de l'article 2 de la Charte des Nations Unies, est sans doute le
principe le plus important qui ait vu le jour au cours du XXc siècle.
Elle est universellen-ient reconnue comme un principe de jus cogpns,
a savoir une norme impérative qui ne souffre pas de dérogation. La
Cour rappelle, au paragraphe 87, la déclaration relative aux principes du
droit international touchant les relations amicales et la coopération
entre Etats (résolution 2625 (XXV)), qui donne une interprétation

admise par tous du ]paragraphe 4 de l'article 2 de la Charte. Dans cette
déclaration, l'Assemblée souligne que «[nlulle acquisition territoriale
obtenue par la menace ou l'emploi de la force ne sera reconnue
comme légale))(avis consultatif, par. 87). Le principe général selon
lequel un acte illicite ne peut créer de droits - ex it~juriujus non
oritur - est un principe reconnu du droit international. L'occupation israéliennedure depuis près de quatre décennies. Quelle
qu'en soit sa durée, une occupation provoque des problèmes humains,
juridiques et politiques sansnombre. En se penchant sur I'occupation bel-

ligéranteprolongée, ledroit international cherche à ((parvenir àune solu-
tion provisoire dans l'attente de la fin du conflit))'. Personne ne sous-
estime les difficultésinhérentes & une situation d'occupation prolongée.
Mêmesi une telle occupation, en mettant à l'épreuve lesrègles appli-
cables, tendà lesaffaiblir, ledroit relatàI'occupation doit êtrepleinement
respecté, quelleque isoitla durée de l'occupation.
M. Christopher Greenwood en a tait une analysejuridique exacte, etje
partage son point de vue:

((Toutefois, ri.enn'indique que le droit international autorise une
puissance occupante à méconnaître les dispositions du règlement ou
de la convention pour la seule raison que I'occupation dure depuis
longtemps, notamment parce qu'aucun ensemble de dispositions ne
saurait réellementles remplacer et que rien ne laisse à penser que la

communauté internationale soit disposée à laisser carte blanche à
l'occupant. ))
Tant les Israéliensque les Palestiniens sont soumis à d'indicibles souf-

frances. Tarit les Israéliensque les Palestiniens ont le droit de vivre dans
la paix et la sécurité.La résolution 242 (1967) du Conseil de sécuritéa
réaffirméle ((droit [de chaque Etat de la région à] vivre en paix à I'inté-
rieur de frontières siires et reconnues à l'abri de menaces ou d'actes de
force)) (SIRES1242(1967), par. 1 ii)). 11s'agit là de droits sacréset réci-
proques qui donnent naissance à des obligations juridiques tout aussi
sacrées.Le droit d'assurer sa sécurité et d'enjouir s'applique aussi bien
aux Palestiniens qu'aux Israéliens. Aucune partie ne peut vivre dans la
sécuritéaux dépens de l'autre. Selon le même principede droits et d'obli-

gations réciproques, les deux parties doivent se conformer scrupuleuse-
ment aux règlesdu droit international humanitaire assurant un respect
mutuel des droits, di: la dignité et des biens des populations civiles. Les
deux parties sont, en droit, tenues d'évaluer leursactes à l'aune du droit
international humanitaire qui garantit la protection de ces populations.
La Cour a trèsclairement déclaré.dans l'affaire relative à la Licéité de
la menace ou de l'ernploi d'armes nucléaiues,que

((Les principes cardinaux contenus dans les textes formant le tissu
du droit humanitaire sont les suivants. Le premier principe est des-
tiné à protéger la population civile et les biens de caractère civil, et
établitla distinction entre combattants et non-combattants; les Etats
ne doivent jamais prendre pour cible des civils, ni en conséquence

' C. Greenwood, «The Administration of Occupied Territory in International Law»,
Internutionul Law atheAdministrutioof Occupied Trrritories, E. Playfair (dir. publ.),
1992, p262-263.
Ihid. utiliser des arme;$qui sont dans l'incapacitéde distinguer entre cibles
civileset cibles militaires. Selon le second principe, il ne faut pas cau-

ser des maux superflus aux combattants: il est donc interdit d'utiliser
des armes leur causant de tels maux ou aggravant inutilement leurs
souffrances; en application de ce second principe, les Etats n'ont pas
un choix illimitéquant aux armes qu'ils emploient. » (Avis consulta-
tij;C.1.J. Recueil 1996 (1). par. 78.)

Le fait que l'occupation se heurte à une résistancearméene peut servir
de prétexteau non-respect des droits fondamentaux de l'homme dans le
territoire occupé. L'histoiremontre que l'occupation s'est toujours heur-
tée à une résistancearmée. La violence engendre la violence. Actions et
réactions de l'occupant comme de l'occupé s'inscriventtoutes inélucta-
blement dans ce cercle vicieux.
Ce dilemme a étéfort bien décritpar MM. Richard Falk et Burns Wes-
ton, selon qui

((L'occupant est l'objet de menaces contre sa sécurité qui
découlent ...principalement, et tout particulièrement dans la période
la plus récente,de son incapacité marquéeet constante à restreindre
le champ de sori occupation et à mettre fin à celle-ci de manière à

restaurer les droits souverains des habitants. L'occupation israé-
lienne, de par le:;violations considérables des droits des Palestiniens
à laquelle elle a donné lieu, a elle-même agicomme un facteur
d'embrasement imenaçant la sécuritéde l'administration israélienne
du territoire, l'amenant à recourir à des pratiques de plus en plus
brutales en vue de rétablir la stabilité, pratiques qui attisent plus
encore la colère des Palestiniens. Dans les faits, I'illicédu régime
d'occupation israélien a elle-même déclenché une spirale de résis-
tance et de répression, et, dans ces conditions, la morale et la raison
confèrent à la population un droit naturel de résistance.Ce droit de

résistance est uri corollaire juridique implicite des droits juridiques
fondamentaux associés à la primauté de l'identitésouveraine et à la
nécessitéde garantir la protection des habitants. ))'
Je souscris entièrernent àl'opinion expriméepar MM. Falk et Weston,

selon laquelle les violations, par les deux parties, des règles fondamen-
tales du droit humanitaire tiennent à ((l'illicéidu régimed'occupation
israélien ...elle-mêrnie)). 'occupation, en tant que situation illégale et
temporaire, est I'élérnenc tentral du problème. Le seul moyen viable de
mettre un terme aux graves violations du droit international humanitaire
consiste a en finir avec l'occupation.
A plusieurs reprises, le Conseil de sécuritéa demandé à ce qu'il soit mis

" Falk et Weston, «The Relevance of Iiitcrnational Law to lsraeli and Palestinian
Rights in the West Bank and GazaIntc.rnationu1 Lati' and the Admini($Ocru-n
piedTorritori~E. Playfitir (dir. publ.). 1992, ch146-147.. ÉDIFII:ATION D'UN MUR (OP. IND. ELARABY) 257

un terme à l'occupation. Le 30juin 1980,il a réaffirmé«la nécessité impé-
rieuse de mettre fin l'occupation prolongée des territoires arabes occu-

pés par Israël depuis 1967, y compris Jérusalem)) (SIRES1476 (1980)).
Malgré cet appel ferine et sans équivoque, les Palestiniens continuent de
dépérir sousune occupation brutale et prolongée.
3.2. Au paragraphe 135, la Cour a rejeté l'argument selon lequel le
principe de la nécesisité militaire pouvait être invoquépour justifier la

construction du mur:
«...au vu du dossier, la Cour n'est pas convaincue que les destruc-
tions opéréescointrairement à l'interdiction édictéeà l'article 53 de la

quatrième convention de Genèveaient étérendues absolument néces-
saires par des opérations militaires)) (avis consultatif, par. 135.)

Je souscris entièrement à cette constatation. Les nécessités etles exi-
gences militaires pourraient éventuellement êtreinvoquées pour justifier
I'édificationdu mur si Israël avait démontréqu'il ne voyait pas d'autre
solution pour préserver sa sécurité. Ainsq i ue la Cour le relève, Israël n'en
apporte pas la preuve. Il convient d'établir une distinction entre édifierun

mur pour assurer la sécuritéd'Israël, comme celui-ci le prétend, et accep-
ter que le principe di: la nécessité militaire puisseêtre invoquépour jus-
tifier les destructions qui ont accompagné la construction de cet ouvrage.
S'il était applicable, le critère de la nécessité militaireconcernerait le pre-
mier cas et non le second. Par leur ampleur, les pertes et les préjudices
causésaux populations civiles par l'édificationdu mur et le régimequi lui

est associésont manifestement contraires au droit international humani-
taire. La destruction d'habitations et d'infrastructures, la confiscation de
terres, vergers et oliveraies qui ont accompagné I'édificationdu mur ne
peuvent sejustifier sous aucun prétexte. Plus de cent mille civils non com-
battants ont perdu leur logement et se trouvent maintenant en situation

de détresse.
Il est établique le droit relatif à l'occupation belligérante comporte des
dispositions qui laissent i la puissance occupante une marge de ma-
nŒuvre limitée enmatière de nécessités militaires etde sécurité.Comme
pour toute exception à une règlegénérale,cette marge de manŒuvre doit
être interprétée strictementafin de veiller &ce qu'il soit tenu compte des

considérations humanitaires les plus élémentaires. Le 24 novembre
2003, le Secrétaire générala informé l'Assemblée générale qu'il recon-
naissait ((le droit et lirdevoir qu'a Israël de protéger sa population contre
les attaques terroristi:~. Toutefois, ce devoir ne doit pas êtrerempli d'une
manière qui est contraire au droit international ..))(AIES-101248,par. 30.)

La jurisprudence de la Cour en la matière est constante. Dans l'affaire
du Détroit de CorfOu de 1948, la Cour s'est référéà e ce qui constitue le
noyau et la structure des règlesdu droit humanitaire, à savoir ((des consi-
dérations élémentairesd'humanité, plus absolues encore en temps de paix
qu'en temps de guerre)) (Détroit d~ Corbu, jonc/, arrêt,1949, C.I.J.
Recueil 1949, p. 22). Dans l'affaire relative à la Licéitéde lu menace ou de

l'ernploid'armes nucléaires,la Cour a estiméque (([clesrèglesfondamentales s'imposent ..à tous les Etats, qu'ils aient

ou non ratifié les instruments conventionnels qui les expriment,
parce qu'elles constituent des principes intransgressibles du droit
internationalcoutumier)) (Lichitc;de lumenuce ou de l'emploi d'urrnes
nuc~lhuirr.sC, .I..I. Recueil 1996 (I), p. 257, par. 79).

En définitive,je suis parvenu à la même conclusion que M. Michael
Schmitt, lorsqu'il écrit:

((La nécessitémilitaire repose sur un principe interdisant les actes
qui, d'un point 'devue militaire. ne sont pas nécessaires; il s'agit d'un

principe de limitation et non pas d'autorisation. Dans son acception
juridique, la nécessité militairene justifie rien. ))"'

La Cour est parvenue à la même conclusion endéclarant que:
((Au vu du dlossier, la Cour n'est pas convaincue que la construc-

tion du mur selon le tracé retenu était le seul moyen de protéger les
intérêts d'Israëlcontre le périldont il s'est prévalupour justifier cette
construction. >)((Avisconsultatif, par. 140.)

3.3. 11convient de rappeler, en outre, que la lecture des rapports établis
par les deux rapporteurs spéciaux, MM. John Dugard et Jean Ziegler, ne
laisse aucun doute quant aux graves violations commises par Israël, puis-

sance occupante. La forme et l'ampleur des violations commises à l'en-
contre de la population civile non combattante et les mesures annexes qui
ont été associées al'édification dumur constituent, àmon sens,une ~destruc-
tion et [une] appropriation de biens non justifiéespar des nécessitésmili-
taires et exécutéessur une grande échellede façon illicite et arbitraire))

(art. 147de la quatrième convention de Genève). En matière de protection
des populations civiles, les règlesdu droit international humanitaire ont
progressivement évoluédepuis la conclusion des conventions de Genève et
de leurs protocoles additionnels. La Cour aurait dû contribuer au déve-
loppement des règles du ju.c in bel10 en qualifiant les destructions com-

mises lors de l'édificationdu mur de graves violations.
3.4. La Cour a soulignél'importance fondamentale que revêtle droit à
I'autodétermination dans le monde contemporain, en déclarant au para-
graphe 88 : (La Cour a mêmepréciséqu'aujourd'hui le droit des peuples
à disposer d'eux-mêmes estun droit opposable ergu omnes (voir Titnor

oriental (Portugal c. Awtrulie), urret, C.I.J. Recueil 1995, p. 102, par.
29). » Par ailleurs, la Cour note que le tracédu mur tel qu'il a étéfixéet
les mesures prises <<dresse[nt]... un obstacle grave à l'exercice par le
peuple palestinien de son droit à l'autodétermination et viole de ce fait

l'obligation incombant à Israël de respecter ce droit)) (avis consultatif,
par. 122). Or, cette observation déterminante d'un point de vue juri-

l0 M. N. Schmitt,(Bellum Americanum: Tlie U.S. View of Twenty-First Century War
and Its Possible Implications for the Law of Armedflict)), MichigJ»urnul qj'lnter-
ncrtionrrlLo~vol. 19, 1098, p. 1080.dique, et a laquelle je souscris pleinement, ne figure que dans le raison-
nement. Les conséqiiencesjuridiques découlant, pour tous les Etats, de
mesures qui dressent un obstacle grave a l'exercicepar le peuple palesti-
nien d'un droit opposable erga omnes auraient dû, à mon sens, êtremen-
tionnéesdans le dispositif.

Mon observation finale est une réflexion sur l'avenir. Au para-
graphe 162, la Cour note qu'a son avis

((seulela mise en Œuvrede bonne foi de toutes les résolutions perti-
nentes du Conseil de sécurité, enparticulier les résolutions 242
(1967) et 338 (1073),est susceptible de mettre un terme à cette situa-
tion tragique)) (avis consultatif. par. 162).

Cette conclusion clela Cour traduit un noble objectif qui, depuis très
longtemps, reste hors de portéede la communauté internationale. Depuis
le 22 novembre 1967,tous lesefforts possibles ont été déployé pour faire
appliquer la résolution 242 (1967), qui a étéadoptée a l'unanimité. Au
cours des trente-sept années qui se sont écouléesdepuis son adoption,
la résolution 242 (1067) du Conseil de sécuritéa étéa la fois couverte
d'élogeset dénigrée.Or, tant les détracteurs que les partisans de la réso-
lution conviennent que l'équilibredont sont empreintes ses dispositions
constitue la seule base acceptable pour l'instauration d'une paix viable et
juste. Au lendemain du conflit armé de1973,le Conseil de sécurité a adop-
téla résolution338 (1973),qui invitait les parties en cause à ((commencer
immédiatement après le cessez-le-feu l'application de la résolution 242
(1967) . .dans toutes sesparties)) (les italiques sont de moi). Les obliga-
tions découlant de ces résolutions sont des obligations de résultat d'une

importance primordiale. Ce sont des obligations synallagmatiques, les
obligations d'une partie constituant la raison d'êtredes obligations de
l'autre.Il est juridiquement erroné et politiquement peu viable de trans-
former ces obligatioris de résultaten obligations de moyen et de les confi-
ner à un processus de négociation. Toute tentative d'altérer ces obliga-
tions formelles ne peut guèrecontribuer a atteindre un résultat qui soit
solidement fondé suirle droit et la justice.
L'instauration d'une paix ((justeet durable)), telle qu'envisagéedans la
résolution 242 (1967), exige des deux parties qu'elles s'acquittent pleine-
ment de leurs obligaitionsrespectives. En tant que premièremanifestation
concrète d'une véritableadministration de la justice concernant la Pales-
tine, l'avis consultaiifdevrait marquer le début d'une ère nouvelle. Je
veux croire qu'il permettra de créer unedynamique susceptible de guider
et d'inspirer la recherche, longtemps paralysée,d'une paix juste.

(Signé) Nabil ELARABY.

Bilingual Content

SEPARATE OPINION OF JUDGE ELARABY

The nature and scope qf'United Nations responsibility - The international

legctlstatusoifthe OccupiedPale.stinianTerritory - Historical survey - The
la~voJ belligerent occupation, including current situation of prolongecioccupa-
tion,principle of military necessity, hreuclles«f'internutional humanitariun luw
anrithe erga omnes right to .self-cietertninclofothe Pulestinianpeople.

1would liketo express, at the outset, my complete and unqualified sup-
port for the findings and conclusions of the Court. 1consider it necessary,
however, to exercise my entitlement under Article 57 of the Statute, to
append this separate opinion to elaborate on some of the historical and
legal aspects contained in the Advisory Opinion.
1 feel obliged, with considerable reluctance, to start by referring to

paragraph 8 of the Advisory Opinion. ln my view,as Judge Lachs wrote
in his separate opinion in Military und Puramilitury Activities in and
uguinst Nicaragua (Nicaragua v. United States of'A mcrica) ,Judgment,
"A judge -- as needs no emphasis - is bound to be impartial, objective,
detached, disinterested and unbiased." (1.C.J. Reports 1986, p. 158.)
Throughout the consideration of this Advisory Opinion, 1exerted every
effort to be guided by this wise maxim which has a wider scope than the
solemn declaration every judge makes in conformity with Article 20 of

the Statute of the International Court of Justice.

In this separate opinion, 1 will address three interrelated points:

(i) the nature and scope of the United Nations responsibility;

(ii) the international legal status of the Occupied Palestinian Territory;
(iii) the law of belligerent occupation.

1. The first point to be emphasized is the need to spell out the nature

and the wide-ranging scope of the United Nations historical and legal
responsibility towards Palestine. Indeed, the Court has referred to this
special responsibility when it heldthat:

"The responsibility of the United Nations in this matter also has OPINION INIIIVIDUELLE DE M. LE JUGE ELARABY

Nuture et portke de lu responsahilitde 1'0rguni.sutiondes Nutions Unies -
Stutut juridique intern,utionaldu territoire palestinien occ-piRappel histo-
rique - Droit relatifa l'occupationhelligkrunte,y compris lu situation actuelle
d'occupation prolongktr,le principede /a nkcessitémilitaire, les violations du
droit internutionul lîurnunitaireet le droit erga omriI'uutodkterminationdu
peuple pule.stinicln.

Je voudrais indiquer d'emblée que je souscris entièrement et sans

réserveaux constata1:ions et conclusions de la Cour. J'ai cependant jugé
nécessaire d'yjoindre, comme m'y autorise l'article 57 du Statut, la pré-
sente opinion individuelle afin d'expliciter certains des aspects historiques
et juridiques abordés dans l'avis consultatif.
Je dois, non sans ilne vive réticence, revenir tout d'abord sur le para-

graphe 8 de l'avis consultatif. J'estime, comme le juge Lachs dans son
opinion individuelle jointe à l'arrêtrendu en l'affaire des Activitks nzili-
tuives et pururni1ituire.sau Nicurr~guu et contre celui-ci (Nicumguu c.
Eturs-Unis cl'ilrnkriyire), qu'«[u]n juge- est-il besoin de le souligner--
se doit d'être impartial, objectif, neutre, désintéressé etsans parti pris))

(C.I.J. Recueil 1986, p. 158). Tout au long de l'élaboration du présent
avis consultatif, j'ai veilléà me laisser guider par cette sage maxime dont
la portée dépasse la déclaration solennelle que prononce chaque juge
conformément à l'article 20 du Statut de la Cour internationale de Jus-

tice.
Dans la présente clpinion individuelle, j'aborderai trois questions inti-
mement liées :

i) la nature et la portée de la responsabilité de l'Organisation des
Nations Unies;
ii)le statut juridique international du territoire palestinien occupé;
iii) le droit relatif à l'occupation belligérante.

1. NATURE ET PORTEE DE LA RESPONSABILITE DE L'ORGANISATIO DNS
NATIONS UNIES

1. Le premier aspect qu'il convient, à mon sens, de préciser est celuide

la nature et de la portée, particulièrement étendue, de la responsabilité
historique et juridique qui est celle de l'organisation des Nations Unies à
l'égardde la Palestine. La Cour s'est d'ailleurs référéà e cette responsa-
bilité spéciale lorsqu'ellea déclaréque:

«La responsabilité de l'organisation [des Nations Unies] à cet its origin in the Mandate and the Partition Resolution concerning
Palestine. ..this responsibility has been manifested by the adoption
of many Security Council and General Assembly resolutions, and by
the creation of several subsidiary bodies specificallyestablished to
assist in the realization of the inalienable rights of the Palestinian
people." (Advisory Opinion, para. 49.)

What 1consider relevant to emphasize is that this special responsibility
was discharged for five decades without proper regard for the rule of law.
The question of Palestine has dominated the work of the United Nations
since its inception, yet no organ has ever requested the International
Court of Justice to clarify the complex legal aspects of the matters under
its purview. Decisions with far-reaching consequences were taken on the
basis of political expediency, without due regard for the legal require-
ments. Even when decisions wereadopted, the will to follow through to
implementation soon evaporated. Competent United Nations organs,
including the General Assembly and the Security Council, have adopted
streams of resolutions that remain wholly or partially unfulfilled. The
United Nations special responsibility has its origin in General Assembly
resolution 118 (II) of 29 November 1947 (hereafter, the Partition
Resolution).

Proposals to seek advisory opinions prior to the adoption of the Par-
tition Resolution were considered on many occasions in the competent
subsidiary bodies but no request was ever adopted. This fact by itself
confers considerable importance on the request for an advisory opinion
embodied in General Assembly resolution ES-10114 (AIES-lO/L.l6),
adopted on 8 December 2003, at the 23rd meeting of the resumed Tenth
Emergency Special Session. The request is indeed a landmark in the
United Nations consideration of the question of Palestine. The historical
record of some previous attempts to seek the views of the International
Court of Justice deserves to be recalled, albeit briefly.

The report of the Sub-Committee 2 in 1947to the Ad Hoc Committee
on the Palestinian Question recognized the necessity to clarify the legal
issues. In paragraph 38, it was stated:

"The Sub-Committee examined in detail the legal issues raised by
the delegations of Syria and Egypt, and its considered views are
recorded in this report. There is, however, no doubt that it would be
advantageous and more satisfactory from al1 points of view if an
advisory opinion on these difficult and complex legal and constitu-
tional issues were obtained from the highest international judicial
tribunal." (Document AIAC.14/32 and Add.1, 11 November 1947,
para. 38.) égard trouve éga.lementson origine dans le mandat et dans la résolu-
tion relative au plan de partage de la Palestine ... cette responsabilité
s'estconcrétiséepar l'adoption de nombreuses résolutions du Conseil
de sécurité etde l'Assemblée généralea,insi que par la création de

plusieurs organes subsidiaires spécifiquement établis pour Œuvrer à
la réalisation des droits inaliénables du peuple palestinien.)) (Avis
consultatif, par. 49.)

IIy a lieu, selon mioi,de souligner que cette responsabilité spéciale est
assumée depuis cinq décennies sans que la question de la primauté du
droit ait recu l'attention voulue. Si la auestion de la Palestine domine les
travaux de l'organisation des Nations Unies depuis sa création, aucun
or"ane de celle-ci n'a iamais demandé à la Cour internationale de Justice
de clarifier les aspects juridiques complexes de questions dont il était

chargéde s'occuper. Des décisionslourdes de conséquencesont étéprises
pour des raisons d'opportunité politique, sans que suffisamment d'atten-
tion ait été accordée,auxexigences d'ordre juridique. Par ailleurs, lorsque
des décisions ont étéprises, la volonté de les mettre en application s'est
vite dissipée.Les organes compétents des Nations Unies, dont l'Assem-
bléegénérale etle Conseil de sécurité,ont adopté quantité de résolutions,

qui demeurent entièrement ou partiellement inappliquées. La responsabi-
litéspécialede l'organisation trouve son origine dans la résolution 18 1(TI)
de l'Assembléegénéraleen date du 29 novembre 1947 (ci-après dénom-
méela ((résolution ri:lative au plan de partage))).
A de nombreuses reprises, les organes subsidiaires compétents de
l'organisation examinèrent des propositions visant à rechercher un avis

consultatif avant l'acloption de la résolution relative au plan de partage,
mais aucune requêtene fut jamais adoptée. Ce fait confère à lui seul une
importance considérable à la requêtepour avis consultatif qui figure dans
la résolution ES-1 0114(AIES- OIL. 16),adoptée par l'Assembléegénérale
le 8 décembre 2003, llorsde la vingt-troisième séancetenue dans le cadre
de la dixième session extraordinaire d'urgence. La requête constitue véri-

tablement un kvénennentmarquant dans l'examen de la question de la
Palestine par l'orgariisation des Nations Unies. IIconvient de rappeler,
ne serait-ce que brilivement, quelques-unes des tentatives précédentes
visant à solliciter l'avis de la Cour internationale de Justice.
Dans son rapport adressé en 1947 à la commission spécialepour la
Palestine, la sous-conimission 2 soulignait la nécessitéde clarifier les ques-

tions d'ordre juridique. Elle déclaraitainsi, au paragraphe 38 du rapport:
((La sous-corrimission a déjà examinéen détail les questions juri-
diques soulevéespar les délégations de laSyrie et de I'Egypte, et elle

a consigné ses opinions motivées. Toutefois, il n'est pas douteux
qu'il serait plus avantageux et plus satisfaisant à tous égardsd'obte-
nir du plus haut tribunal international un avis consultatif sur ces
questions d'ordre juridique et constitutionnel, qui sont difficiles et
complexes. »(Doc. AIAC. 14/32et Add. 1,11 novembre 1947,par. 38.)248 CONSTRUCTION OF A WALL (SEP.OP. ELARABY)

The "difficult and complex legal and constitutional issues" revolved
around :

"whether the General Assembly is competent to recommend either
of the solutions proposed by the majority and by the minority
respectively of the Special Committee, and whether it lies within the
power of any Member or group of Members of the United Nations
to implement any of the proposed solutions without the consent

of the people of Palestine" (document AlAC.14132 and Add.1,
11November 1947,para. 37).

Several such proposals were considered. None was adopted. The Sub-
Committee in its report, some two weeks before the vote on the Partition
Resolution, recognized that :

"A refusa1to submit this question for the opinion of the Interna-
tional Court of Justice would amount to a confession that the Gen-
eral Assembly is determined to make recommendations in a certain
direction, not because those recommendations are in accord with the
principles of international justice and fairness, but because the major-
ity of the representatives desire to settle the problem in a certain
manner, irrespective of what the merits of the question or the legal

obligations of the parties might be. Such an attitude will not serve to
enhance the prestige of the United Nations. . . ."(Ihicl.,para. 40.)

The clear and well-reasoned arguments calling for clarification and elu-
cidation of the legal issues fell on deaf ears. The rush to vote proceeded
without clarifying the legal aspects. In this context, it is relevant to recall
that the Partition Resolution fully endorsed referral of "any dispute relat-
ing to the application or interpretation" ' of its provisions to the Interna-
tional Court of Justice. The referral "shall be . ..at the request of either
partyV2.Needless to say, this avenue was also never followed.

Thus, the request by the General Assembly for an advisory opinion, as

contained in resolution 10114, representsthe first time ever that the Inter-
national Court of Justice has been consulted by a United Nations organ
with respect to any aspect regarding Palestine. The Advisory Opinion has
great historical significanceas a landmark which will definitely add to its
legal value.

Palestinian Question (29ovember 1947),chai. 4, para. 2.Ari Hoc Committee on the
' Ihicl. Les ((questions dl'ordre juridique et constitutionnel ... complexes»
consistaient essentielllementà déterminer:

«si l'Assemblée générale est qualifié pour recommander I'une ou

l'autre des deux solutions proposéespar la majoritéou par la mino-
ritéde la comn~ission spéciale,et si un Membre ou un groupe de
Membres de l'Organisation des Nations Unies a le droit de mettre à
effet I'une ou l'autre des solutions proposées sans le consentement
du peuple de Palestine)) (doc. AlAC.14132 et Add. 1, 11 novembre
1947,par. 37).

Plusieurs proposiitions de ce type furent examinées. Aucune ne fut
adoptée. Quelque deux semaines avant le vote sur la résolution relative
au plan de partage, la sous-commission reconnaissait dans son rapport
que :

«Un refus de présenter cette question à la Cour internationale de
Justice en vue d'obtenir un avis équivaudrait à avouer que I'Assem-
blée générale estdéterminée à faire des recommandations dans
un certain sens, non point parce que ces recommandations sont
conformes aux principes de la justice et de l'équitéinternatio-
nales, mais parce que la majorité des délégués désire réglle erpro-
blèmed'une certaine façon, sans tenir compte du fond du problème
ou des obligations juridiques qui peuvent exister pour les parties.
Une telle attitude n'aura point pour effet de rehausser le prestige
de l'organisation des Nations Unies ...» (Ibid.par. 40.)

Les arguments, sadideset précis,qui militaient en faveur d'une clarifi-
cation de toutes les questions juridiques ne furent pas entendus. L'on
s'empressa de passer au vote, sans procéder à la clarification voulue.
Dans ce contexte, il convient de rappeler que la résolution relative au
plan de partage approuvait pleinement le renvoi de «[t]out différendpor-
tant sur l'application ou l'interprétation))' de ses dispositionsa la Cour
internationale de Justice, renvoi devant se faire«à la requête del'une ou
l'autrepartie))2. Nul besoin de préciserque cette voie n'a pas non plus été
suivie.
Avec la requête pour avis consultatif figurant dans la résolution 10114
de l'Assemblée génkrale,c'est donc la première fois qu'un organe des
Nations Unies consulte la Cour internationale de Justice sur un aspect de

la question palestinienne. L'avis consultatif revêtune grande importance
en tant qu'événementhistorique, ce qui ajoutera certainement à sa valeur
juridique.

Nations Unies pour la Palestine novembre1947)chap. 4, par. 2.la Commission spécialedes
Ihici. II.THEINTERNATIONL ALGALSTATUS OF THE OCCUPIED PALESTINIAN
TERKITORY

2.1. The international legal status of the Palestinian Territory
(paras.70-71 of the Advisory Opinion), in my view, merits more compre-
hensive treatment. An historical survey is relevant to the question posed

by the General Assembly, for it serves as the background to understand-
ing the legal status of the Palestinian Territory on the one hand and under-
lines the special and continuing responsibility of the General Assembly on
the other. This may appear as academic,without relevance to the present
events. The present is however determined by the accumulation of past
events and no reasonable and fair concern for the future can possibly dis-

regard a firm grasp of past events. In particular, when on more than one
occasion the rule of law was consistently side-stepped.
The point of departure, or one can say in legaljargon, the critical date,
is the League of Nations Mandate which was entrusted to Great Britain.
As stated in the Preamble of the Mandate for Palestine, the United King-
dom undertook "to exercise it on behalf of the League of Nations"'. The

Mandate must be considered in the light of the Covenant of the League
of Nations. One of the primary responsibilities of the Mandatory Power
was to assist the peoples of the territory to achieve full self-government
and independence at the earliest possible date. Article 22, paragraph 1, of
the Covenant stipulated that the "well-being and development of such
peoples form a sacred trust of civilisation". The only limitation imposed

by the League's Covenant upon the sovereignty and full independence
of the people of Palestine was the temporary tutelage entrusted to the
Mandatory Power. Palestine fell within the scope of Class A Mandates
under Article 22, paragraph 4, of the Covenant, which provided that :

"Certain communities formerly belonging to the Turkish Empire
have reached a stage of development where their existence as
independent nations can be provisionally recognized subject to the
rendering of administrative advice and assistance by a Mandatory
until such time as they are able to stand alone."

The conventional wisdom and the general expectation were such that
when the stage of rendering administrative advice and assistance had

been concluded and the Mandate had corne to an end, Palestine would
be independent as of that date, since its provisional independence as a
nation was already legally acknowledged by the Covenant. Moreover, the
Covenant clearly differentiated between the communities which formerly
belonged to the Turkish Empire, and other territories. Regarding the
latter, the Mandatory Power was held responsible for the complete

Committcc on Palestine (UNSCOP report).cd in report of tlie United Nations Special

117 ÉDIFICATION D'UN MUR (OP.IND. ELAKABY)

II. STATUT JURIDIQUE INTERNATIONAL DU TERRITOIRE
PALESTINIEN OCCUPE

2.1. Le statut juridique international du territoire palestinien (avis
consultatif, par. 70 et71) appelle, à mon sens, un traitement plus appro-

fondi. La question poséepar l'Assembléegénéralemérite un rappel his-
torique. car celui-ci irontribuera, d'une part, à mieux appréhender le sta-
tut juridique du territoire palestinien et. d'autre part, à souligner la
responsabilité spécialequi continue d'incomber à l'Assemblée générale.
Ces considérations peuvent paraître théoriques et sans rapport avec les

événements actuels.Le présent estcependant la résultante des faits passés
et l'on ne peut raisonnablement et objectivement envisager l'avenir sans
bien connaître le passé. Cela vaut d'autant plus lorsque, ri plus d'une
occasion, les principes du droit ont été systématiquement méconnus.
Le point de départ, ou, en jargon juridique, la date critique, est cons-
titué par le mandat que la Sociétédes Nations avait confiéà la Grande-

Bretagne. C:onformémentà ce que disposait le préambule du mandat sur
la Palestine, le Roj~aume-Uni «entrepri[t] de l'exercer au nom de la
Société desNations)) ?.Il convient d'examiner le mandat à la lumière du
Pacte de la Société desNations. L'une des responsabilités premières de la
puissance mandataire consistait à aider les peuples du territoire concerné
à parvenir à la pleine autonomie et ril'indépendance le plus tôt possible.

Le paragraphe 1 de l'article22 du Pacte stipulait que «[l]e bien-être etle
développement de ces peuples forment une mission sacrée de civilisa-
tion ))La seule limitation poséepar le Pacte à la souveraineté et riI'indé-
pendance pleine et entière du peuple palestinien étaitla tutelle temporaire
confiée à la puissanc~rmandataire. La Palestine étaitclasséeparmi les ter-

ritoires sous mandat de la catégorieA, en vertu du paragraphe 4 de l'ar-
ticle22 du Pacte, qui disposait que:
((Certaines communautés qui appartenaient autrefois à l'empire

ottoman ont atteint un degréde développement tel que leur existence
comme nations indépendantes peut êtrereconnue provisoirement, à
la condition qwc les conseils et l'aide d'un mandataire guident leur
administration jusqu'au moment où elles seront capables de se
conduire seules. »

Dans l'esprit de tous, il allait de soi que, à compter du jour ou les
conseils et I'aide du mandataire n'auraient plus de raison d'être,mettant
ainsi fin à la période du mandat, la Palestine deviendrait indépendante,
puisque son indépendance provisoire en tant que nation avait déjà été

juridiquement reconnue par le Pacte. En outre, le Pacte établissait une
distinction nette entre les territoires qui avaient appartenu à l'empire
ottoman et les autres territoires. S'agissant de ces derniers, la responsa-
bilitéincombait à la puissance mandataire d'assurer l'administration inté-

Préambule. CMD no 1785(1923), reproduit dans le rapport de la Commission spéciale
des Nations Unies pour la Palestine.

117administration of the territory and was not confined to administrative
advice and assistance4. These distinct arrangements can be interpreted as
further recognition by the Covenant of the special status of the former
Turkish territories which included Palestine.
In point of fact, the report submitted by Sub-Committee 2 to the Ad
Hoc Committee on the Palestinian Question in 1947shed more light on

the status of Palestine. The report gave the conclusion that
"the people of Palestine are ripe for self-government and that it has
been agreed on al1hands that they should be made independent at
the earliest possible date. It also follows, from what has been said
above, that the General Assembly is not competent to recommend,

still less tonforce, any solution other than the recognition of the
independence of Palestine." (AIAC.14/32,and Add. 1, 11November
1947,para. 18.)
The Sub-Committee further submitted the following views:

"It will berecalled that the object of the establishment of Class A
Mandates, such as that for Palestine, under Article 22 of the Cov-
enant, was to provide for a temporary tutelage under the Mandatory
Power, and one of the primary responsibilities of the Mandatory was
to assist the peoples of the mandated territories to achieve full self-
government and independence at the earliest opportunity. It is
generally agreed that that stage has now been reached in Palestine,
andnot only the United Nations SpecialCommitteeon Palestine but

the Mandatory Power itself agree that the Mandate should be
terminated and the independence of Palestine recognized." (Ihid.,
para. 15.)
2.2. The Court has considered the legal nature of mandated territories
in both 1950 (International Status of'South West Africu, Advisory Opin-
ion) and 1971 (Legal Consequencesfor States qf'the Continued Presence

of South Africa in Namihiu (South West Africa) notivithstanding
Security Council Resolution 276 (1970), Advisory Opinion), and laid
down both the conceptual philosophy and the legal parameters for
defining the legal status of former mandated territories. The dicta of the
Court emphasized the special responsibility of the international com-
munity. It is to be noted-that, in the setting up of the mandates system,
the Court held that

"two principles wereconsidered to be of paramount importance: the
principle ofnon-annexation and the principle that the well-beingand
development of such peoples form 'usucred trust c?fciviliiation"'
(1.C.J. Reports 1950, p. 131; emphasis added).

Covenant of the League of Nations, Art. 22. ÉDIFICATION D'UN MUR (OP. IND. ELARABY) 250

grale du territoire, et non seulement de fournir conseils et assistance en
matière administrative4. Ces arrangements distincts peuvent êtreinter-
prétéscomme une reconnaissance supplémentaire,par le Pacte, du statut

spécifique desanciens territoires ottomans dont faisait partie la Palestine.
De fait, le rapport soumis en 1947 à la commission spécialepour la
Palestine par la sous.-commission2 décrivait plusclairement le statut de
la Palestine. Le rapport concluait:
«le peuple de Palestine est mûr pour l'autonomie et ...tout le monde

admet qu'il y a lieu de lui accorder l'indépendancedans le plus bref
délai possible.II découle égalementde ce qui a étédit ci-dessus que
l'Assemblée généraln e'a pas compétence pour recommander une
solution autre que la reconnaissance de l'indépendance dela Pales-
tine.)(AlAC.14.132,et Add.1, 11 novembre 1947,par. 18.)

La sous-commission déclarait également:
«On se rappellera que le but de la créationdes mandats de la caté-
gorie A, comme celui de la Palestine, était,aux termes de l'article 22

du Pacte, de constituer un régimetemporaire de tutelle exercépar la
puissance mandataire, dont l'une desresponsabilités fondamentales
étaitd'aider les peuples des territoires sous mandat à accéder aussi
rapidement que possible à l'autonomie complèteet à l'indépendance.
On s'accorde généralement à reconnaître que la Palestine en est par-
venue à ce stade, et non seulement la commission spécialedesNations
Unies pour la I?alestine mais encore la puissance mandataire elle-
mêmereconnaissent que le mandat doit prendre fin et qu'il convient
de reconnaître l'indépendancede la Palestine. » (Ibid.,par. 15.)

2.2. La Cour a examiné lanature juridique des territoires sous man-
dat, une première fois en 1950 (Statut internotional du Sud-Ouest ujii-
cuin, uvis consultutij, et une deuxième fois en 1971 (Conséquencesjuri-
diques pour les Etuts de lu présence continue de l'Afrique du Sud en
Numihie (Sud-Ouest africain) nonobstant lu résolution 276 (1970) du
Conseil de sécurité,izviscon~ultutiJ),énonçant à la fois les principes phi-

losophiques qui devaient présider à la définitiondu statut juridique de
territoires anciennement placéssous mandat et les paramètres juridiques
à mettre en Œuvrepour ce faire. Dans ses dictu,la Cour a mis l'accent sur
la responsabilité de la communauté internationale. Il importe de noter
que, décrivantle systèmedesmandats, la Cour devait déclarerce qui suit:

«deux principes furent considéréscomme étant d'importance pri-
mordiale: celui de la non-unnexion et celui qui proclamait que le
bien-êtreet le développementde ces peuples formaient ((une mission
sucrée decivi1i:iution»» (C.1.J. Recueil 1950, p. 131 ; les italiques
sont de moi).

"rticle 22 du Pacte tle la Sociétédes Nations.The two fundamental principles enunciated by the Court in 1950apply to
al1 former mandated territories which have not gained independence.
They remain valid today for the Occupied Palestinian Territory. The

territory cannot be subject to annexation by force and the future of
the Palestinian people, as "a sacred trust of civilization", is the direct
responsibility and concern of the United Nations.

2.3. It should be borne in mind that General Assembly resolution 181(II)

of 29 November 1947, which partitioned the territory of mandated
Palestine, called for, inter alia, the following steps to be undertaken:

(i) the termination of the Mandate not later than 1 August 1948;
(ii) the establishment of two independent States, one Arab and one
Jewish;
(iii) the period between the adoption of the Partition Resolution and

"the establishment of the independence of the Arab and Jewish
States shall be a transitional period".

On 14 May 1948, the independence of the Jewish State was declared.
The Israeli declaration was "by virtue of [Israel's] natural and historic
right" and based "on the strength of the resolution of the United Nations
General Assembly" '.The independence of the Palestinian Arab State has

not yet materialized.
That there "shall be a transitional period" pending the establishment
of the two States is a determination by the General Assembly within its
sphere of competence and should be binding on al1 Member States as
having legal force and legal consequences" This conclusion finds support
in the jurisprudence of the Court.

The Court has held in the Numihirr case that when the General
Assembly declared the Mandate to be terminated,

"'South Africa has no other right to administer the Territory'. This
is not a finding on facts, but the formulation of a legal situation. For
it would not be correct to assume that. because the General Assem-
bly is in principle vested with recommendatory powers, it is debarred

from adopting, in specific cases within the framework of its compe-
tence, resolutions which make determinations or have operative
design." (Legal Consequences,for Stc~tes of'the Continurd Presence
of South Ajrica in Namihiu (South West Africcr) not~i~itk.rtancIi~zg
Security Council Resolution 276 (1970), Advisory Opinion, 1.C. J.

Reports 1971. p. 50, para. 105.)

L(iiiofflc Siutc qf'I.srrie1.1.p. 3.
Morcover, Judgc Weeramantry, in his dissenting opinion in the Eust Tinlor casc, con-
sidered tha"a resolution containing a decision within its proper ofwmpetence
may well be prodirctive of legul consrquenccs" (E~lstTimor (v.Ai~.siicrliuj,J.C.
Reports lYY.5p. 186;emphasisadded). ÉDIFICATION D'~JN MUR (OP. IND. ELARABY) 25 1

Ces deux principes fondamentaux énoncéspar la Cour en 1950 s'ap-

pliquent à tous les territoires anciennement sous mandat qui n'ont pas
encore accédéà l'indépendance. Ils demeurent valables aujourd'hui pour
le territoire palestinien occupé.Ce territoire ne saurait êtreannexé par la
force et l'avenir du peuple palestinien, en tant qu'il relèved'une ((mission
sacrée de civilisatiori», ressortit directement de la responsabilité et des

compétences de l'organisation des Nations Unies.
2.3. Il ne faut pas oublier que la résolution 181 (II)de l'Assemblée
généraleen date du 29 novembre 1947, qui procédait au partage du ter-
ritoire palestinien sous mandat, prévoyait notamment que:

i) le mandat prendrait fin au plus tard le le' août 1948;

ii) deux Etats indépendants seraient créés,l'un arabe, l'autre juif;

iii)la période transitoire entre l'adoption de la résolution relative au
plan de partage de la Palestine et «l'établissement de l'indépendance
des Etats juif et arabe ser[ait] une période de transition)).

Le 14 mai 1948, l'indépendance de 1'Etatjuif était proclamée. La dé-

claration israélienne invoquait ((les droits naturels et historiques
[d'Israël]» et s'appuyait sur la résolution de l'Assemblée générale des
Nations Uniess. L'indépendance de 1'Etat arabe de Palestine ne s'est pas
encore concrétisée.

Décider de prévoir une «période de transition)) en attendant la créa-
tion des deux Etats relèvebien de la compétence de l'Assembléegénérale,
et cette décisionaurait dû s'imposer A tous les Etats Membres en tant que
mesure ayant force obligatoire et comportant des conséquences juri-
diques6. Cette conclilsion est confortée par la jurisprudence de la Cour.

Dans l'affaire de 1;iNamibie, la Cour estima que, l'Assembléegénérale
ayant prononcé la fi11du mandat,

««l'Afrique du Sud n'a[vait] aucun autre droit d'administrer le Ter-
ritoire)). Elle n'a[vait] pas ainsi tranché des faits mais décrit une
situation juridique. Il serait en effet inexact de supposer que, parce
qu'elle possède t:n principe le pouvoir de faire des recommandations,

l'Assemblée générale est empêché d'adopter, dans des cas détermi-
nés relevant de :sacompétence, des résolutions ayant le caractère de
décisionsou procédant d'une intention d'exécution. » (Cons6quences
juridiques pour les Etats de la prisence continue de l'A,frique du Suc1
en Numihie (Sud-Our.st ajiicuin) nonobstant lu rP.solution 276 (1970)

du Consi~ilrlc..sc?curit& uvis cotz.sult~tif~C.1.J. Recueil 1971, p. 50,
par. 105.)

Law.\ ofthe SIO~~~f'lsruel, vol. 3. p.
('Le juge Weeramantry. dans son opinion dissidente conccrnanl'affaire du Tin~o~.
ori<vitul,a en outre estimé q~i'«une résolution contenant une décision relevant effective-
ment de son domaine de compétence peutrès bien proilu&sc c@rs j~~ric/iyz<(s)~)FFIOT
oricril<rl(Porttr<,Au,srrtriic. .I.Recueil1995, p. 186;Ics italiques sont de moi). The Court, moreover, has previously held, in the Certain Expenses
case, that the decisions of the General Assembly on "important ques-
tions" under Article 18, "have dispositive force and effect" (Certain
Expenses of the United Nutions (Article 17, paragraph 2, of the Char-
ter), Advisory Opinion, I. C.J. Reports 1962, p. 163).

The legal force and effect of a General Assembly resolution adopted by

the General Assembly "within the framework of its competence" is there-
fore wellestablished in the Court's jurisprudence. On that basis, it is sub-
mitted that two conclusions appear imperative:
(a) the United Nations is under an obligation to pursue the establish-
ment of an independent Palestine, a fact which necessitates that the
General Assembly's special legal responsibility not lapse until the
achievement of this objective;

(b) the transitional period referred to in the Partition Resolution serves
as a legal nexus with the Mandate. The notion of a transitional
period carrying the responsibilities emanating from the Mandate to
the present is a political reality, not a legal fiction, and finds support
in the dicta of the Court, in particular, that former mandated terri-
tories are the "sacred trust of civilization" and "cannot be annexed".
The stream of General Assembly and Security Council resolutions
on various aspects of the question of Palestine provides cogent
proof that this notion of a transitional period is generally, albeit
implicitly, accepted.

2.4. The legal status of the Occupied Palestinian Territories cannot be
fully appreciated without an examination of Israel's contructual under-
takings to respect the territorial integrity of the territory, and to with-
draw from the occupied territories. The withdrawal and the territorial
integrity injunctions are based on Security Council resolution 242 (1967)
which is universally considered as the basis for a just, viable and com-
prehensive settlement. Resolution 242 (1967) is a multidimensional reso-
lution which addresses various aspects of the Arab-Israeli dispute. 1will
focus only on the territorial dimension of resolution 242 (1967): the reso-
lution contained two basic principles which defined the scope and the

status of theterritoriesoccupied in 1967and confirmed that occupied ter-
ritories have to be "de-occupied": resolution 242 (1967) emphasized the
inadmissibility of acquisition of territory by war, thus prohibiting the
annexation of the territories occupied in the 1967conquest. It called for
the withdrawal of Israeli armed forces from the territories occupied in the
conflict. On 22 October 1973, the Security Council adopted resolu-
tion 338(1973)which reiterated the necessity to implement resolution 242
(1967) "in al1of its parts" (SIRES1338of 22 October 1973,para. 2).
Following resolution 242 (1967),several undertakings to end the Israeli
military occupation, while reserving the territorial integrity of the West
Bank and Gaza, were made by Israel: La Cour avait déjàeu l'occasion de conclure, dans la procédureconcer-
nant Certaines dipefilsesdes Nations Unies, que les décisionsde I'Assem-
blée générale sur les ((questions importantes)) visées à l'article 18
(([avaient]une valeur et un effet de caractère impératif))(Certaines di-
penses des Nations Unies (article 17, paragraphe 2, de lu Charte),
avis con.sultatif; C.I..I. Recue1962, p. 163).
La force et l'effetjuridiques d'une résolution adoptée par l'Assemblée
généraledans des «cas ..relevant de sa compétence))sont donc bien éta-
blis dans la jurisprudence de la Cour. Sur cette base, deux conclusions

apparaissent inévitables :
a) l'organisation des Nations Unies setrouve dans l'obligation d'Œuvrer
à la créationd'uri Etat palestinien indépendant, ce qui suppose que la
responsabilitéjuridique spécialede l'Assemblée générald eoit subsis-
ter jusqu'à la réalisation de cet objectif;
h) la période de transition évoquée dans la résolutionrelative au plan de
partage établit un lien juridique avec le mandat. Le principe d'une
période detransition qui verrait la transmission des responsabilitésliées

au mandat à la periode actuelle n'est pas une fictionjuridique mais une
réalitépolitique; ilest confortépar lesdicta de la Cour, qui font notam-
ment du bien-être et dudévelo~~e..ntdes territoires anciennement
sous mandat une «mission sacréede civilisation)) et affirment le prin-
cipe de la non-annexion. La longue sériede résolutions adoptéespar
l'Assembléegénéraleet le Conseil de sécurité sur divers aspects dela
question de Palestine démontrentavecforce que la notion d'une période
de transition est généralement acceptée, fût-ce tacitement.

2.4. Le statut juridique des territoires palestiniens occupés nepeut être
apprécié à sa juste valeur sans un examen de l'engagement contractuel
d'Israëlà en respecter l'intégritéetàse retirer des territoires occupés.Les
injonctions relatives ;auretrait eà l'intégritéterritoriale se fondent sur la
résolution 242 (1967) du Conseil de sécurité, universellement considérée
comme la pierre angulaire d'un règlement juste, viable et complet. La
résolution 242 (1967) est un texte à caractère multidimensionnel, qui
porte sur divers volets du conflit arabo-israélien. Je m'en tiendrai à sa
dimension territoriale: la résolution consacre deux principes fondamen-
taux qui définissentles limites et le statut des territoires occupésen 1967
et réaffirmeque I'oc~rupationde ces derniers doit prendre fin. Elle sou-
ligne l'inadmissibilitéde l'acquisition de territoires par la guerre, interdi-
sant par conséquent l'annexion desterritoires occupéslors de la conquête
de 1967, et demande le retrait des forces armées israéliennes des terri-
toires occupés lors du conflit. Dans sa résolution 338 (1973) adoptée
le 22 octobre 1973,Ir:Conseil de sécuritéa réaffirméla nécessitéd'appli-
quer la résolution 242 (1967) «dans toutes ses parties)) (SIRES1338du
22 octobre 1973, par. 2).

A la suite de l'adoption de la résolution 242 (1967), Israël a pris plu-
sieurs initiatives visanà mettre fin à son occupation militaire, tout en
réservantla question de l'intégrité territoriale dela Cisjordanie et de Gaza: ÉDIFICATION D'UN MUR (OP. IND. ELAKABY) 253

a) les accords de Camp David du 17 septembre 1978, dans lesquels
Israël est conveniu que la base d'un règlement pacifique du conflit

avec ses voisins était l'application de la résolution 242 (1967) du
Conseil de sécurité.dans toutes ses parties;
h) l'accord d'Oslo, signéà Washington le 13 septembre 1993,qui est un
accord bilatéral entre Israël et la Palestine, dont l'articleIV dispose
que «[l]es deux parties considèrent la Cisjordanie et la bande de Gaza
comme une unitéterritoriale unique, dont I'intégritésera préservéeau

cours de la périoldeintérimaire >;
c) l'accord intérimaire israélo-palestinien sur la rive occidentale et la
bande de Gaza, signéà Washington le 28 septembre 1995, qui réaf-
firme l'engagement à respecter l'intégrité etle statut du territoire
durant la période:intérimaire. Son article XXXI (7) dispose en outre

qu'«[a]ucune des. deux parties n'entreprend[ra] ni ne prend[ra] de
mesure à mêmeclemodifier le statut de la Cisjordanie et de la bande
de Gaza avant que les négociations sur le statut permanent n'abou-
tissent ».

Israël s'est donc engagéà s'acquitter des obligations suivantes:
i) se retirer conforrnément à la résolution 242 (1967);

ii) respecter l'intégritéterritoriale de la Cisjordanie et de la bande de
Gaza; et
iii) s'abstenir de tome mesure susceptible de modifier le statut de la Cis-
jordanie et de la bande de Gaza.

De nature coritractuelle, ces engagements lient juridiquement Israël.
2.5. Néanmoins. en dépit de l'interdiction généraled'annexer des ter-
ritoires occupés, des dicta de la Cour sur le statut juridique des territoires
anciennement sous rriandat, et en violation flagrante d'engagements bila-

téraux juridiquemenit contraignants, le premier ministre d'Israël a, le
14 avril 2004, adresse au président des Etats-Unis d'Amérique une lettre
comportant en annexe un plan de désengagement devant être interprété
comme traduisant officiellement l'intention d'Israël d'annexer des terri-
toires palestiniens. Le plan de désengagement dispose notamment ce qui
suit:

«il est clair qu'en Cisjordanie certaines zones feront partie de 1'Etat
d'Israël, à savoir notamment des villes et des villages, des zones et
installations de sécurité etd'autres lieux revêtantun intérêt particu-

lier pour Israël ».
Par ses engagements sans équivoque à se retirer et à respecter l'intégrité
et le statut de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, Israël s'est interdit

de violer ou de modifier le statut juridique international du territoire
palestinien. L'édificationdu mur, son tracé et le régimequi lui est associé
doivent êtreconsidérés a la lumiéredu plan de désengagement. On peut
raisonnablement supposer que l'édificationdu mur a été conçuedans le
but d'annexer des territoires, ((des villes et des villages))palestiniens de la
Cisjordanie, q~ii((feront partie de 1'Etat d'Israël». La lettre du premier254 CONSTRUCTION OF A WALL (SEP.OP.ELARABY)

dated 14 April2004, over two months before the delivery of the Advisory
Opinion.
The Court reached the correct conclusion regarding the characteriza-
tion of the wall when it held that:

"the construction of the wall and its associated régimecreate a 'fait
accompli' on the ground that could well become permanent, in
which case, and notwithstanding the forma1characterization of the
wall by Israel, it would be tantamount to de facto annexation"

(Advisory Opinion, para. 121).
It is submitted that this finding should have been reflected in thdisposi-
tifwith an affirmation that the Occupied Palestinian Territory cannot be
annexed. It would also have been appropriate, in my view, to refer to the
implications of the letter of the Prime Minister of Israel and its attach-
ments and to underline that what it purports to declare is a breach of

Israel's obligations and contrary to international law.

III. THELAW OF BELLIGEREN OTCCUPATION

The Court was requested by the General Assembly to urgently render
an advisory opinion on "the legal consequences arising from the con-
struction of the wall being built by Israel, the occupying Power, in the
Occupied Palestinian Territory" (AIRESIES-10114-AIES1 -OIL.16). The
focus of the request evolves around the law of belligerent occupation. As
already stated, 1 do concur with the reasoning and conclusions in the

Advisory Opinion. 1 feel constrained, however, to emphasize and elabo-
rate on some points:
(a) the prolonged occupation;
(h) the scope and limitations of the principle of military necessity;

(c) the grave breaches of international humanitarian law; and
(d) the right to self-determination.
3.1. The prohibition of the use of force, as enshrined in Article 2, para-
graph 4, of the Charter, is no doubt the most important principle that
emerged in the twentieth century. It is universally recognized as a jus
cogens principle, a peremptory norm from which no derogation is per-
mitted. The Court recalls in paragraph 87, the Declaration on Principles

of International Law concerning Friendly Relations and Co-operation
among States (resolution 2625 (XXV)), which provides an agreed inter-
pretation of Article 2 (4). The Declaration "emphasized that 'No territo-
rial acquisition resulting from the threat or use of force shall berecog-
nized as legal'" (Advisory Opinion, para. 87). The general principle that
an illegal act cannot produce legal right- ex injuriajus non ovituv- is
well recognized in international law. ÉDIFICATION D'UN MUR (OP. IND. ELARABY) 254

ministre d'Israël était datéedu 14avril 2004, soit plus de deux mois avant
le prononcé de l'avis consultatif.
S'agissant de la qiialification du mur, la Cour est parvenue à la bonne
conclusion en estimaint que

((la constructiori du mur et le régimequi lui est associé créentsur le
terrain un ((fait accompli))qui pourrait fort bien devenir permanent,
auquel cas, et nonobstant la description officiellequ'Israël donne du
mur, la construction de celui-ci équivaudrait a une annexion de
fucto» (avis conisultatif, par. 121).

Cette conclusion devait selon moi figurer dans le dispositif, où la Cour
aurait dû affirmer que le territoire palestinien occupéne peut êtreannexé.
Par ailleurs. il aurait étéjudicieux,a mon sens, d'évoquerles implications
de la lettre du premier ministre d'Israël et de ses annexes et de souligner
que ce dont elle entend faire part constitue une violation des obligations
d'Israël contraire au droit international.

111. DROIT RELATIF À I,'OCCUPATION B~LLIGÉKANTE

La Cour a étéprilSepar l'Assembléegénéralede rendre d'urgence un
avis consultatif sur ((les conséquences [en droit] de l'édificationdu mur
qu'Israël, puissance occupante, est en train de construiredans le territoire
palestinien occupé ))(AIRESIES-IO11 4-AIES-1OIL.16). La requêteporte

essentiellement sur la question du droit relatifà l'occupation belligérante.
Comme indiquéplus haut, je souscris au raisonnement et aux conclusions
énoncésdans l'avis c.onsultatif. Je me sens toutefois dans l'obligation de
souligner et d'expliciter quelques points, à savoir:

a) l'occupation prolongée ;
h) la portéeet les limites du principe de la nécessitémilitaire;
c) les graves violatilons du droit international humanitaire; et
d) le droit a l'autodétermination.

3.1. L'interdiction du recours à la force, qui est énoncéeau para-
graphe 4 de l'article 2 de la Charte des Nations Unies, est sans doute le
principe le plus important qui ait vu le jour au cours du XXc siècle.
Elle est universellen-ient reconnue comme un principe de jus cogpns,
a savoir une norme impérative qui ne souffre pas de dérogation. La
Cour rappelle, au paragraphe 87, la déclaration relative aux principes du
droit international touchant les relations amicales et la coopération
entre Etats (résolution 2625 (XXV)), qui donne une interprétation

admise par tous du ]paragraphe 4 de l'article 2 de la Charte. Dans cette
déclaration, l'Assemblée souligne que «[nlulle acquisition territoriale
obtenue par la menace ou l'emploi de la force ne sera reconnue
comme légale))(avis consultatif, par. 87). Le principe général selon
lequel un acte illicite ne peut créer de droits - ex it~juriujus non
oritur - est un principe reconnu du droit international. The Israeli occupation has lasted for almost four decades. Occupation,
regardless of its duration, gives rise to a myriad of human, legal and

political problems. In dealing with prolonged belligerent occupation,
international law seeks to "perform a holding operation pending the ter-
mination of the ~onflict"~.No one underestimates the inherent difficulties
that arise during situations of prolonged occupation. A prolonged occu-
pation strains and stretches the applicable rules, however, the law of

belligerent occupation must be Sullyrespected regardless of the duration
of the occupation.
Professor Christopher Greenwood provided a correct legal analysis
which 1share. He wrote:

"Nevertheless, there is no indication that international law per-
mit~ an occupying power to disregard provisions of the Regulations

or the Convention merely because it has been in occupation for a
long period, not least because there is no body of law which might
plausibly take their place and no indication that the international
community is willing to trust the occupant with curtc hlr~tzchr."~

Both Israelis and Palestinians are subjected to untold sufferings. Both
Israelis and Palestinians have a right to live in peace and security. Secu-

rity Council resolution 242 (1967)affirmed the right "of every State in the
area . . . to live in peace within secure and recognized boundaries free
from threats or acts of force" (SIRES1242(1967), para. 1(ii)). These are
solemn reciprocal rights which give rise to solemn legal obligations. The
right to ensure and enjoy security applies to the Palestinians as well as to

the Israelis. Security cannot be attained by one party at the expense of
the other. By the same token of corresponding rights and obligations, the
two sides have a reciprocal obligation to scrupulously respect and comply
with the rules of international humanitarian law by respecting the rights,
dignity and property of the civilians. Both sides are under a legal obliga-

tion to measure their actions by the identical yardstick of international
humanitarian law which provides protection for the civilian population.

TheCourt has very clearly held, in the Lrgulity of'tke Thrcat or Use of'
Nuclcar Weupon.~case, that

"The cardinal principles contained in the texts constituting the
fabric of humanitarian law are the following. The first is aimed at

the protection of the civilian population and civilian objects and
establishes the distinction between combatants and non-combatants;
States must never make civilians the object of attack and must con-

'C. Grccnwood, "The Administration of Occupicd Tcrritory in International Law",
interrztrtioLaivundthe A(b?7itli.strcrtio«nf'Occter rit or E. Playfair. ed., 1992,
pp.262-263.
/hic/. L'occupation israéliennedure depuis près de quatre décennies. Quelle
qu'en soit sa durée, une occupation provoque des problèmes humains,
juridiques et politiques sansnombre. En se penchant sur I'occupation bel-

ligéranteprolongée, ledroit international cherche à ((parvenir àune solu-
tion provisoire dans l'attente de la fin du conflit))'. Personne ne sous-
estime les difficultésinhérentes & une situation d'occupation prolongée.
Mêmesi une telle occupation, en mettant à l'épreuve lesrègles appli-
cables, tendà lesaffaiblir, ledroit relatàI'occupation doit êtrepleinement
respecté, quelleque isoitla durée de l'occupation.
M. Christopher Greenwood en a tait une analysejuridique exacte, etje
partage son point de vue:

((Toutefois, ri.enn'indique que le droit international autorise une
puissance occupante à méconnaître les dispositions du règlement ou
de la convention pour la seule raison que I'occupation dure depuis
longtemps, notamment parce qu'aucun ensemble de dispositions ne
saurait réellementles remplacer et que rien ne laisse à penser que la

communauté internationale soit disposée à laisser carte blanche à
l'occupant. ))
Tant les Israéliensque les Palestiniens sont soumis à d'indicibles souf-

frances. Tarit les Israéliensque les Palestiniens ont le droit de vivre dans
la paix et la sécurité.La résolution 242 (1967) du Conseil de sécuritéa
réaffirméle ((droit [de chaque Etat de la région à] vivre en paix à I'inté-
rieur de frontières siires et reconnues à l'abri de menaces ou d'actes de
force)) (SIRES1242(1967), par. 1 ii)). 11s'agit là de droits sacréset réci-
proques qui donnent naissance à des obligations juridiques tout aussi
sacrées.Le droit d'assurer sa sécurité et d'enjouir s'applique aussi bien
aux Palestiniens qu'aux Israéliens. Aucune partie ne peut vivre dans la
sécuritéaux dépens de l'autre. Selon le même principede droits et d'obli-

gations réciproques, les deux parties doivent se conformer scrupuleuse-
ment aux règlesdu droit international humanitaire assurant un respect
mutuel des droits, di: la dignité et des biens des populations civiles. Les
deux parties sont, en droit, tenues d'évaluer leursactes à l'aune du droit
international humanitaire qui garantit la protection de ces populations.
La Cour a trèsclairement déclaré.dans l'affaire relative à la Licéité de
la menace ou de l'ernploi d'armes nucléaiues,que

((Les principes cardinaux contenus dans les textes formant le tissu
du droit humanitaire sont les suivants. Le premier principe est des-
tiné à protéger la population civile et les biens de caractère civil, et
établitla distinction entre combattants et non-combattants; les Etats
ne doivent jamais prendre pour cible des civils, ni en conséquence

' C. Greenwood, «The Administration of Occupied Territory in International Law»,
Internutionul Law atheAdministrutioof Occupied Trrritories, E. Playfair (dir. publ.),
1992, p262-263.
Ihid. sequently never use weapons that are incapable of distinguishing
between civilian and military targets. According to the second prin-
ciple, it is prohibited to cause unnecessary suffering to combatants:
it is accordingly prohibited to use weapons causing them such harm
or uselessly aggravating their suffering. In application of that second
principle, States do not have unlimited freedom of choice of means

in the weapons they use." (Adilisory Opinion I.C.J. Reports 1996 (I),
p. 257, para. 78.)

The fact that occupation is met by armed resistance cannot be used as
a pretext to disregard fundamental human rights in the occupied terri-
tory. Throughout the annals of history, occupation has always been met
with armed resistance. Violence breeds violence. This vicious circle weighs
heavily on every action and every reaction by the occupier and the occu-

pied alike.
The dilemma was pertinently captured by Professors Richard Falk and
Burns Weston when they wrote

"the occupier is confronted by threats to its security that arise . . .
primarily, and especially in the most recent period, from a pro-
nounced and sustained failure to restrict the character and terminate
its occupation so as to restore the sovereign rights of the inhabitants.
Israeli occupation, by its substantial violation of Palestinian rights,
has itself operated as an inflaming agent that threatens the security

of its administration of the territory, inducing reliance on more and
more brutal practices to restore stability which in turn provokes the
Palestinians even more. In effect, the illegality of the Israeli occupa-
tion regime itself set off an escalatory spiral of resistance and repres-
sion, and under these conditions al1considerations of morality and
reason establish a right of resistance inherent in the population. This

right of resistance is an implicit legal corollary of the fundamental
legal rights associated with the primacy of sovereign identity and
assuring the humane protection of the inhabitants.".

1 wholeheartedly subscribe to the view expressed by Professors Falk
and Weston, that the breaches by both sides of the fundamental rules of
humanitarian law reside in "the illegality of the Israeli occupation regime

itself'. Occupation, as an illegal and temporary situation, is at the heart
of the whole problem. The only viable prescription to end the grave vio-
lations of international humanitarian law is to end occupation.

The Security Council has more than once called for ending the occu-

' Falk and Weston, "The Relevance of International Law to Israeli and Palestinian
Rights in the West Bank and Gaza",IntertiutionLuil undthe Atlmini.~trutofOccu-
pied Terrilorir~, E. Playfair,1992,Chap. 3, pp. 146-147. utiliser des arme;$qui sont dans l'incapacitéde distinguer entre cibles
civileset cibles militaires. Selon le second principe, il ne faut pas cau-

ser des maux superflus aux combattants: il est donc interdit d'utiliser
des armes leur causant de tels maux ou aggravant inutilement leurs
souffrances; en application de ce second principe, les Etats n'ont pas
un choix illimitéquant aux armes qu'ils emploient. » (Avis consulta-
tij;C.1.J. Recueil 1996 (1). par. 78.)

Le fait que l'occupation se heurte à une résistancearméene peut servir
de prétexteau non-respect des droits fondamentaux de l'homme dans le
territoire occupé. L'histoiremontre que l'occupation s'est toujours heur-
tée à une résistancearmée. La violence engendre la violence. Actions et
réactions de l'occupant comme de l'occupé s'inscriventtoutes inélucta-
blement dans ce cercle vicieux.
Ce dilemme a étéfort bien décritpar MM. Richard Falk et Burns Wes-
ton, selon qui

((L'occupant est l'objet de menaces contre sa sécurité qui
découlent ...principalement, et tout particulièrement dans la période
la plus récente,de son incapacité marquéeet constante à restreindre
le champ de sori occupation et à mettre fin à celle-ci de manière à

restaurer les droits souverains des habitants. L'occupation israé-
lienne, de par le:;violations considérables des droits des Palestiniens
à laquelle elle a donné lieu, a elle-même agicomme un facteur
d'embrasement imenaçant la sécuritéde l'administration israélienne
du territoire, l'amenant à recourir à des pratiques de plus en plus
brutales en vue de rétablir la stabilité, pratiques qui attisent plus
encore la colère des Palestiniens. Dans les faits, I'illicédu régime
d'occupation israélien a elle-même déclenché une spirale de résis-
tance et de répression, et, dans ces conditions, la morale et la raison
confèrent à la population un droit naturel de résistance.Ce droit de

résistance est uri corollaire juridique implicite des droits juridiques
fondamentaux associés à la primauté de l'identitésouveraine et à la
nécessitéde garantir la protection des habitants. ))'
Je souscris entièrernent àl'opinion expriméepar MM. Falk et Weston,

selon laquelle les violations, par les deux parties, des règles fondamen-
tales du droit humanitaire tiennent à ((l'illicéidu régimed'occupation
israélien ...elle-mêrnie)). 'occupation, en tant que situation illégale et
temporaire, est I'élérnenc tentral du problème. Le seul moyen viable de
mettre un terme aux graves violations du droit international humanitaire
consiste a en finir avec l'occupation.
A plusieurs reprises, le Conseil de sécuritéa demandé à ce qu'il soit mis

" Falk et Weston, «The Relevance of Iiitcrnational Law to lsraeli and Palestinian
Rights in the West Bank and GazaIntc.rnationu1 Lati' and the Admini($Ocru-n
piedTorritori~E. Playfitir (dir. publ.). 1992, ch146-147..pation. On 30 June 1980,the Security Council reaffirmed "the overriding
necessity for ending the prolonged occupation of Arab territories occu-
pied by Israel since 1967,including Jerusalem" (SIRES1476(1980)).Not-
withstanding this clarion call, the Palestinians are still languishing under
a heavy-handed, prolonged occupation.
3.2. The Court, in paragraph 135, rejected the contention that the
principle of military necessitycan be invoked to justify the construction
of the wall. The Court held that:

"However, on the material before it, the Court is not convinced
that the destructions carried out contrary to the prohibition in Ar-
ticle 53 of theFourth Geneva Convention were rendered absolutely
necessary by military operations." (Advisory Opinion, para. 135.)

1 fully share this finding. Military necessities and military exigencies
could arguably be advanced as justification for building the wall had
Israel proven that it could perceive no other alternative for safeguarding
its security. This, as the Court notes, Israel failed to demonstrate. A dis-
tinction must be drawn between building the wall as a security measure,
as Israel contends, and accepting that the principle of military necessity
could be invoked to justify the unwarranted destruction and demolition
that accompanied the construction process. Military necessity, if appli-
cable, extends to the former and not the latter. The magnitude of the
damage and injury inflicted upon the civilian inhabitants in the course
of building the wall and its associated régimeis clearly prohibited under
international humanitarian law. The destruction of homes, the demoli-
tion of the infrastructure, and the despoilment of land, orchards and
olive groves that has accompanied the construction of the wall cannot
be justified under any pretext whatsoever. Over 100,000 civilian non-
combatants have been rendered homeless and hapless.

It is a fact that the law of belligerent occupation contains clauses which
confer on the occupying Power a limited leeway for military necessities

and security. As in every exception to a general rule, it has to be inter-
preted in a strict manner with a view to preserving the basic humanitar-
ian considerations. The Secretary-General reported to theGeneral Assem-
bly on 24 November 2003 that he recognizes "Israel's right and duty to
protect its people against terrorist attacks. However, that duty should not
be carried out in a way that is in contradiction to international law . .."
(AIES-101248,para. 30.)

The jurisprudence of the Court has been consistent. In the 1949 Corfu
Channel case, the Court referred to the core and fabric of the rules of
humanitarian law as "elementary considerations of humanity, even more
exacting in peace than in war" (Corjïu Chunnel, Merits, Judglgment,1949,
1.C.J. Reports 1949, p. 22). In the case concerning Legulity ofthe Threut
or Use of Nucleur Weupons, the Court held that ÉDIFII:ATION D'UN MUR (OP. IND. ELARABY) 257

un terme à l'occupation. Le 30juin 1980,il a réaffirmé«la nécessité impé-
rieuse de mettre fin l'occupation prolongée des territoires arabes occu-

pés par Israël depuis 1967, y compris Jérusalem)) (SIRES1476 (1980)).
Malgré cet appel ferine et sans équivoque, les Palestiniens continuent de
dépérir sousune occupation brutale et prolongée.
3.2. Au paragraphe 135, la Cour a rejeté l'argument selon lequel le
principe de la nécesisité militaire pouvait être invoquépour justifier la

construction du mur:
«...au vu du dossier, la Cour n'est pas convaincue que les destruc-
tions opéréescointrairement à l'interdiction édictéeà l'article 53 de la

quatrième convention de Genèveaient étérendues absolument néces-
saires par des opérations militaires)) (avis consultatif, par. 135.)

Je souscris entièrement à cette constatation. Les nécessités etles exi-
gences militaires pourraient éventuellement êtreinvoquées pour justifier
I'édificationdu mur si Israël avait démontréqu'il ne voyait pas d'autre
solution pour préserver sa sécurité. Ainsq i ue la Cour le relève, Israël n'en
apporte pas la preuve. Il convient d'établir une distinction entre édifierun

mur pour assurer la sécuritéd'Israël, comme celui-ci le prétend, et accep-
ter que le principe di: la nécessité militaire puisseêtre invoquépour jus-
tifier les destructions qui ont accompagné la construction de cet ouvrage.
S'il était applicable, le critère de la nécessité militaireconcernerait le pre-
mier cas et non le second. Par leur ampleur, les pertes et les préjudices
causésaux populations civiles par l'édificationdu mur et le régimequi lui

est associésont manifestement contraires au droit international humani-
taire. La destruction d'habitations et d'infrastructures, la confiscation de
terres, vergers et oliveraies qui ont accompagné I'édificationdu mur ne
peuvent sejustifier sous aucun prétexte. Plus de cent mille civils non com-
battants ont perdu leur logement et se trouvent maintenant en situation

de détresse.
Il est établique le droit relatif à l'occupation belligérante comporte des
dispositions qui laissent i la puissance occupante une marge de ma-
nŒuvre limitée enmatière de nécessités militaires etde sécurité.Comme
pour toute exception à une règlegénérale,cette marge de manŒuvre doit
être interprétée strictementafin de veiller &ce qu'il soit tenu compte des

considérations humanitaires les plus élémentaires. Le 24 novembre
2003, le Secrétaire générala informé l'Assemblée générale qu'il recon-
naissait ((le droit et lirdevoir qu'a Israël de protéger sa population contre
les attaques terroristi:~. Toutefois, ce devoir ne doit pas êtrerempli d'une
manière qui est contraire au droit international ..))(AIES-101248,par. 30.)

La jurisprudence de la Cour en la matière est constante. Dans l'affaire
du Détroit de CorfOu de 1948, la Cour s'est référéà e ce qui constitue le
noyau et la structure des règlesdu droit humanitaire, à savoir ((des consi-
dérations élémentairesd'humanité, plus absolues encore en temps de paix
qu'en temps de guerre)) (Détroit d~ Corbu, jonc/, arrêt,1949, C.I.J.
Recueil 1949, p. 22). Dans l'affaire relative à la Licéitéde lu menace ou de

l'ernploid'armes nucléaires,la Cour a estiméque "these fundamental rules are to be observed by al1States whether or

not they have ratified the conventions that contain them, because
they constitute intransgressible principles of international customary
law" (I.C.J. Reports 1996 (I), p. 257, para. 79).

In the final analysis, 1have reached the same conclusion as Professor
Michael Schmitt, that

"Military necessity operates within this paradigm to prohibit acts
that are not militarily necessary; it is a principle of limitation,

not authorization. In its legal sense, military necessity justifies
nothing." Io

The Court reached the same conclusion. The Court held that
"ln the light of theaterial before it, the Court is not convinced that

the construction of the wall along the route chosen was the only means
to safeguard the interests of Israel against the peril which ithas invoked
as justification for that construction." (Advisory Opinion, para. 140.)

3.3. It is relevant to recall, moreover, that the reading of the reports by
the two Special Rapporteurs, John Dugard and Jean Ziegler, leaves no
doubt that as an occupying Power, Israel has committed grave breaches.

The pattern and the magnitude of the violations committed against the
non-combatant civilian population in the ancillary measures associated
with constructing the wall, are, in my view, "extensive destruction and
appropriation of property, not justified by military necessity and carried
out unlawfully and wantonly" (Fourth Geneva Convention, Art. 147).In

the area of extending protection to civilians, the rules of international
humanitarian law have progressively developed since the conclusion of
the Geneva Conventions and Additional Protocols. It is submitted that
the Court should have contributed to the development of the rules ofjus
in bel10 by characterizing the destruction committed in the course of

building the wall as grave breaches.
3.4. The Court underlined the paramount importance of the right to
self-determination in our contemporary world and held in paragraph 88 :
"The Court indeed made it clear that the right of peoples to self-deter-

mination is today a right ergu omnes (see East Timor (Portugul V.AUS-
tralia), Judgment, I.C.J. Reports lY95, p. 102, para. 29)." Moreover, the
Court notes that the route chosen for the wall and the measures taken
"severely impedes the exercise by the Palestinian people of its right to
self-determination, and is therefore a breach of Israel's obligation to

respect that right" (Advisory Opinion, para. 122). This legally authorita-
tive dictum, which has my full support, was confined to the reasoning.

'OM. N.Schmitt, "Bellum Americanum: The U.S. Vicwof Twenty-First Century War
and Its Possible Implications for the Law of Armed Conflict" (1998), 19Mic,hi~crnJO~i'nfll
uf'lnternutionul Luwp.1080. (([clesrèglesfondamentales s'imposent ..à tous les Etats, qu'ils aient

ou non ratifié les instruments conventionnels qui les expriment,
parce qu'elles constituent des principes intransgressibles du droit
internationalcoutumier)) (Lichitc;de lumenuce ou de l'emploi d'urrnes
nuc~lhuirr.sC, .I..I. Recueil 1996 (I), p. 257, par. 79).

En définitive,je suis parvenu à la même conclusion que M. Michael
Schmitt, lorsqu'il écrit:

((La nécessitémilitaire repose sur un principe interdisant les actes
qui, d'un point 'devue militaire. ne sont pas nécessaires; il s'agit d'un

principe de limitation et non pas d'autorisation. Dans son acception
juridique, la nécessité militairene justifie rien. ))"'

La Cour est parvenue à la même conclusion endéclarant que:
((Au vu du dlossier, la Cour n'est pas convaincue que la construc-

tion du mur selon le tracé retenu était le seul moyen de protéger les
intérêts d'Israëlcontre le périldont il s'est prévalupour justifier cette
construction. >)((Avisconsultatif, par. 140.)

3.3. 11convient de rappeler, en outre, que la lecture des rapports établis
par les deux rapporteurs spéciaux, MM. John Dugard et Jean Ziegler, ne
laisse aucun doute quant aux graves violations commises par Israël, puis-

sance occupante. La forme et l'ampleur des violations commises à l'en-
contre de la population civile non combattante et les mesures annexes qui
ont été associées al'édification dumur constituent, àmon sens,une ~destruc-
tion et [une] appropriation de biens non justifiéespar des nécessitésmili-
taires et exécutéessur une grande échellede façon illicite et arbitraire))

(art. 147de la quatrième convention de Genève). En matière de protection
des populations civiles, les règlesdu droit international humanitaire ont
progressivement évoluédepuis la conclusion des conventions de Genève et
de leurs protocoles additionnels. La Cour aurait dû contribuer au déve-
loppement des règles du ju.c in bel10 en qualifiant les destructions com-

mises lors de l'édificationdu mur de graves violations.
3.4. La Cour a soulignél'importance fondamentale que revêtle droit à
I'autodétermination dans le monde contemporain, en déclarant au para-
graphe 88 : (La Cour a mêmepréciséqu'aujourd'hui le droit des peuples
à disposer d'eux-mêmes estun droit opposable ergu omnes (voir Titnor

oriental (Portugal c. Awtrulie), urret, C.I.J. Recueil 1995, p. 102, par.
29). » Par ailleurs, la Cour note que le tracédu mur tel qu'il a étéfixéet
les mesures prises <<dresse[nt]... un obstacle grave à l'exercice par le
peuple palestinien de son droit à l'autodétermination et viole de ce fait

l'obligation incombant à Israël de respecter ce droit)) (avis consultatif,
par. 122). Or, cette observation déterminante d'un point de vue juri-

l0 M. N. Schmitt,(Bellum Americanum: Tlie U.S. View of Twenty-First Century War
and Its Possible Implications for the Law of Armedflict)), MichigJ»urnul qj'lnter-
ncrtionrrlLo~vol. 19, 1098, p. 1080.The legal consequences that flow for al1 States from measures which
severely impede the exercise by the Palestinians of an ergu omnes right,
should, in my view,have been included in the dispositij:

1now approach my final comment. It is a reflection on the future. The
Court, in paragraph 162, observes that in its view
"this tragic situation can be brought to an end only through imple-
mentation in good faith of al1 relevant Security Council resolu-
tions, in particular resolutions 242 (1967)and 338 (1973)" (Advisory

Opinion, para. 162).
This finding by the Court reflects a lofty objective that has eluded the
international community for a very long time. Since 22 November 1967,
al1efforts have been aimed at ensuring the implementation of Security
Council resolution 242 (1967) which was adopted unanimously. In the
course of its 37-year lifespan, Security Council resolution 242 (1967) has
been both praised and vilified. Yet detractors and supporters alike agree

that the balance in its provisions represent the only acceptable basis for
establishing a viable and just peace. The Security Council, in the after-
math of the 1973 armed conflict, adopted resolution 338 (1973), which
called upon the parties concerned "to start immediately after the ceasefire
the implenzentation oJ'Securit): Council resolution 242 (1967) in al1of its
parts" (emphasis added). The obligations emanating from these resolu-
tions are obligations of result of paramount importance. They are synal-
lagmatic obligations in which the obligation of each party constitutes the
raison d'êtreof the obligation of the other. It is legallywrong and politi-
cally unsound to transform this obligation of result into a mere obliga-
tion of means, confining it to a negotiating process. Any attempt to
tamper with such solemn obligation would not contribute to an outcome
based on a solid foundation of law and justice.

The establishment of "a just and lasting peace", as called for in Secu-
rity Council resolution 242(1967),necessitates the full implementation of
the corresponding obligations by the two parties. The Advisory Opinion
should herald a new era as the first concrete manifestation of a meaning-
ful administration of justice related to Palestine. It is hoped that it will
provide the impetus to steer and direct the long-dormant quest for a just
peace.

(Signed) Nabil ELARABY.dique, et a laquelle je souscris pleinement, ne figure que dans le raison-
nement. Les conséqiiencesjuridiques découlant, pour tous les Etats, de
mesures qui dressent un obstacle grave a l'exercicepar le peuple palesti-
nien d'un droit opposable erga omnes auraient dû, à mon sens, êtremen-
tionnéesdans le dispositif.

Mon observation finale est une réflexion sur l'avenir. Au para-
graphe 162, la Cour note qu'a son avis

((seulela mise en Œuvrede bonne foi de toutes les résolutions perti-
nentes du Conseil de sécurité, enparticulier les résolutions 242
(1967) et 338 (1073),est susceptible de mettre un terme à cette situa-
tion tragique)) (avis consultatif. par. 162).

Cette conclusion clela Cour traduit un noble objectif qui, depuis très
longtemps, reste hors de portéede la communauté internationale. Depuis
le 22 novembre 1967,tous lesefforts possibles ont été déployé pour faire
appliquer la résolution 242 (1967), qui a étéadoptée a l'unanimité. Au
cours des trente-sept années qui se sont écouléesdepuis son adoption,
la résolution 242 (1067) du Conseil de sécuritéa étéa la fois couverte
d'élogeset dénigrée.Or, tant les détracteurs que les partisans de la réso-
lution conviennent que l'équilibredont sont empreintes ses dispositions
constitue la seule base acceptable pour l'instauration d'une paix viable et
juste. Au lendemain du conflit armé de1973,le Conseil de sécurité a adop-
téla résolution338 (1973),qui invitait les parties en cause à ((commencer
immédiatement après le cessez-le-feu l'application de la résolution 242
(1967) . .dans toutes sesparties)) (les italiques sont de moi). Les obliga-
tions découlant de ces résolutions sont des obligations de résultat d'une

importance primordiale. Ce sont des obligations synallagmatiques, les
obligations d'une partie constituant la raison d'êtredes obligations de
l'autre.Il est juridiquement erroné et politiquement peu viable de trans-
former ces obligatioris de résultaten obligations de moyen et de les confi-
ner à un processus de négociation. Toute tentative d'altérer ces obliga-
tions formelles ne peut guèrecontribuer a atteindre un résultat qui soit
solidement fondé suirle droit et la justice.
L'instauration d'une paix ((justeet durable)), telle qu'envisagéedans la
résolution 242 (1967), exige des deux parties qu'elles s'acquittent pleine-
ment de leurs obligaitionsrespectives. En tant que premièremanifestation
concrète d'une véritableadministration de la justice concernant la Pales-
tine, l'avis consultaiifdevrait marquer le début d'une ère nouvelle. Je
veux croire qu'il permettra de créer unedynamique susceptible de guider
et d'inspirer la recherche, longtemps paralysée,d'une paix juste.

(Signé) Nabil ELARABY.

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Opinion individuelle de M. Elaraby (traduction)

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