Opinion dissidente de M. Kreca, juge ad hoc (traduction)

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108-19990602-ORD-01-07-EN
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OPINION DISSIDENTE DE M. KRECA

[Truduclion]

TABLE DES MATIÈRES

1. LACOMPOSITION DE LACOUR EN L'ESPÈCE

11.LE PROBLÈME HUMANITAIRE EN L'ESPÈCE
III.COMPÉTENCE DE LA COUR RAT/O.YE df.4TERIAE

IV. AUTRES QUESTIONS PERTINENTES 1. Compte tenu de la différencede principe entre la magistrature inter-
nationale et le système judiciaire interne de chaque Etat, l'institution du
juge ad hoc a fondamentalement un double rôle:

«a) rétablir l'égalitéquand la Cour comprend d'ores et déjàsur le
siègeun juge ayant la nationalitéde I'unedes parties; et) créerune
égalitésymbolique entre deux Etats en litige quand aucun membre
de la Cour n'a la nationalité deI'une des parties)) (S. Rosenne,The
Lair und Pructice of' the Internutionul Court, 1920-1996, vol. III,
p. 1124-1125).

En l'espèce,on peut se demander si l'institution du jugeud hoc a bien
exercél'une quelconque de ces deux fonctions élémentaires.

Il est possible de distinguer deux éléments.
Le premier est lié ce rétablissementde l'égalitéentre les parties en ce
qui concerne les relations entre le demandeur et les Etats défendeurs qui
ont un juge national sur le siège. In concreto, il faut s'intéresseà cet
égard a la position particulière des Etats défendeurs. Ces derniers, en
effet, comparaissent à un double titre:

primo, ils comparaissent individuellement puisque chacun d'eux esten
litige avec la Républiquefédéralede Yougoslavie;

secundo, ce sont en mêmetemps des Etats membres de I'OTAN dans le
cadre institutionnel de laquelle ils ont engagéune attaque arméecontrela
Républiquefédéralede Yougoslavie. Dans ce cadre de l'OTAN, les Etats

défendeursagissent in corpore,en tant que parties intégrantesd'une orga-
nisation constituant un tout. L'ensemble, le corpus, des volontés des
Etats membres de I'OTAN, quand il s'agit de mener des opérationsmili-
taires, constitue une volonté collective qui est officiellement celle de
I'OTAN.
2. On peut se demander par ailleurs si les Etats défendeurs peuvent

êtreconsidéréscomme faisant cause commune.
Dans l'ordonnance rendue le 20 juillet 1931 dans l'affaire dRPgime
douanier entre l'Allemagne ri l'Autriche, la Cour permanente de Justice
internationale a énoncéle principe suivant:
«tous les gouvernements qui, devant la Cour, arrivent à la même
conclusion, doivent êtreconsidéréscomme faisant cause commune

aux fins de la présenteprocédure)) (C.P.J.I. serie AIB no41, p. 89).

Dans sa pratique, la Cour a quasiment toujours établi qu'il y avait
((cause commune)) en se fondant sur un critère formel, celui de la
«mêmeconclusion» à laquelle aboutissent les parties comparaissant
devant elle. LICEITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS. KRE~A) 463

En l'espèce, il est indubitable que la formulation d'une conclusion

identique est le critère pertinent permettant d'établirque les Etats défen-
deurs font «cause commune)). Il étaiten a. .aue sorte inévitablede for-
muler la même conclusionen l'espècepuisque la République fédéralede
Yougoslavie a présenté une requête identique à l'encontre de dix Etats
membres de l'OTAN et l'on en a eu la preuve officielle ril'issue de la pro-

cédure qui s'est dérouléedevant la Cour les 10, 11 et 12 mai 1999, les
Etats défendeurs aboutissant tous à une conclusion identique reposant
sur une argumentation pratiquement identique dont les seules variations
concernent la forme et le mode de présentation.
D'ou la conclusion inévitable à mon sens que les Etats défendeurs font
tous in concreto cause commune.

3. Quelles incidences faut-il en tirer pour la composition de la Cour en
l'espèce? L'article31,paragraphe 2. du Statut, dispose: «Si la Cour compte
sur le siègeun juge de la nationalité d'une des parties, toute autre partie
peut désigner unepersonne de son choix pour siégeren qualitéde juge. ))
Le Statut, donc, définit ainsi le droit de ((toute autre partie)), c'est-
a-dire une partie autre que celle qui compte un juge de sa nationalité sur

le siège,et il parle de cette autre partie au singulier. Mais ilserait erroné
d'en déduireque ((toute autre partie)) que celle qui compte un juge de sa
nationalité sur le siège nepeut pas, dans certains cas, désigner plusieurs
juges ad Iloc. Retenir cette interprétation serait manifestement contraire ri
la ratio legis de l'institution du juge ad hoc, lequel en l'espèce a pour
objet «de rétablir l'égalitéquand la Cour comprend d'ores et déjà sur le

siègeun juge ayant la nationalité de l'une des parties)) (S. Rosenne, The
Lait. and Practice oj'the International Court. 1920-1996, vol. III,p. 1124-
1125). L'usage du singulier a l'article 31, paragraphe 2, du Statut, quand
il est question de l'institution du juge ad hoc, permet donc simplement
d'individualiser ce droit général, intrinsèque,au rétablissement de l'éga-
lité entre les parties en litige en ce qui concerne la composition de la

Cour, quand l'une des parties compte un juge de sa nationalité sur le
siègetandis que l'autre n'en a pas. Concrètement, appliquéà la présente
instuiice,CL.principe signijïe implicitetnent que le demandeur a Ir droit de
désignerautant de juges ad hoc qu'il lejuut pour rétablir l'égalité entr e .
deinandeur et les Etats défendeursqui comptent unjuge de leur nationalité
sur le siège et quifbnt cause commune. Concrètement, ce droit jbndamen-

tu1uu rétablissen~entde /'égalitédans la composition de Iu Cour, qui
répond li lu rPglefondulrn~entcrlede l'égalitédes parties, signiJie que la
République fédérale deYougoslui,ie doit avoir le droit cle d4signer cinq
,juges ad hoc. puisque, sur les dix Etat.r défendeurs. il J'en a cinq (les
Etots- Unis d'Anikrique. Ir Royaume-Uni, lu France, I'Allen~ugr~eet les
Pa~,s-Bas) qui comptent un juge national sur le siège.

S'agissant de ce rétablissement de l'égalitéentre la partie autorisée à
désigner un jugeud Iloc de son choix, d'une part, et, de l'autre, les parties
qui comptent un juge national sur le siège,le fait est que la République
fédérale deYougoslavie, comme on peut le constater dans l'ordonnance,
n'a soulevéaucune objection au cas de figure qui se présentait et qui étaitque cinq Etats défendeurs, pas moins, comptaient un juge de leur natio-
nalitésur le siège.Mais il n'est certainement pas possible de considérer
que ce cas de figure ôte toute pertinenceà la question, mêmesi la Répu-
blique fédéralede Yougoslavie a tacitement admis une telle dérogation
flagrante à la lettre eà l'esprit de l'article 31, paragraphe 2, du Statut.
La Cour a, quant à elle, l'obligation de prendre en considération, ès
qualité, cette question qui est ce point cruciale, qui découle directement

de l'égalité depsarties et, l'inverse, qui risque en outre de porter direc-
tement et sensiblement atteinte à l'égalitdes parties. La Cour est le gar-
dien de la légalitépour les parties, et, a cette fin, seule est valable la
presumptio juris et de jure - il faut savoir le droit(juru novit curiu).
Comme l'ont dit trois membres de la Cour. MM. Bedjaoui, Guillaume et
Ranjeva, dans la déclaration commune qu'ils ont faite dans l'affaire Loc-
kerbie: «il appartientà la Cour et non aux parties de prendre la décision
requise))(Questions d'interprétation et d'upplicution de lu convention de
Montréalde 1971 résultuntde l'incident aérien cl e ockerbie (Jumahiriju
arabe libyenne c. Royuume-Uni), C. IJ. Recueil 1998, p. 36, par. 11).
'4 corztrario,la Cour risquerait, alors que la question relèvevéritable-

ment de sa raison d'être,de se cantonner dans l'attitude de l'observateur
passif, qui se contente de prendre connaissance des thèses des parties,
puis se prononce.
4. Le second élémenta étudierest celui du rétablissementde l'égalité
dans lesrelations entre le demandeur et les Etats défendeurs qui neGmp-
tent pas de juge national sur le siège.
Les Etats défendeurs necomptant pas dejuge national sur le siègeont,
suivant la procédurehabituelle, désigné un juge ud hoc de leur choix (Bel-
gique, Canada, Espagne et Italie). Seul le Portugal n'a pas désigndejuge
LIIIOCL. e demandeur a successivement soulevédes objections à la dési-
gnation de ces juges ud hoc des Etats demandeurs en invoquant le para-

graphe 5 de l'article 31 du Statut de la Cour. Chaque fois, la Cour a
répondu par la formule habituelle: «La Cour, ...est parvenue à la
conclusion que la désignationd'un juge ad hoc par [le défendeur]sejus-
tifiait dans la présente phasede l'affaire)).
Certes, la formule est laconique, trop peu détailléepour permettre
d'analyser le raisonnement juridique suivi par la Cour. Le seul élément
qui se prêteà une interprétation téléologiqueest le membre de phrase ser-
vant a qualifier la désignationd'un juge ad hoc,laquelle serait «justifi[ée]
dans la présentephase de l'affaire)).A contrurio, il est donc possible que
cette désignation de juges ad hoc ne soit «pas justifiée))dans certaines
autres phases de l'affaire. Cette qualification peut s'interpréter comme

une réserve,de la part de la Cour, quant à la désignationde juges ad hoc
par les Etats défendeurs,réservequi s'expliquerait par l'impossibilitéoù
se trouverait la Cour de voir, avant qu'elles définissent leurposition, quel
est l'intérêt depsarties- font-elles ou non cause commune'?

Le sens iidonner au rétablissementde l'égalité entre les parties, puis-
que c'est la raison d'être de l'institutiondu juge ud Iloc dans le cas de LICÉITE DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DES. KRECA) 465

figure ou le demandeur et les Etats défendeursqui font cause commune
ne comptent pas dejuge ud hoc de leur nationalité sur le siège,a étédéfini
dans la pratique de la Cour de façon très claire, sans la moindre ambi-
guïté.
Dans l'affaire duSuhOuest ujiicuin (1961), il a étédécidéque, au cas
où ni l'une ni l'autre des Parties faisant cause commune ne compterait de
juge de sa nationalité sur le siège,lesdites Parties auraient la faculté de
désignerd'un commun accord un seul juge ad hoc (Sud-Ouest africain,

C.I.J. Recueil 1961, p. 3).
Si, en revanche, la Cour compte parmi ses membres un juge ayant la
nationalité d'une des parties, ne serait-ce que de l'une d'elles, il ne sera
pas désignéde juge ud hoc (Juridiction territoriale de lu Comnzission
internationale de l'Oder, C.P.J.I. sérieC no 17 (II), p. 8;Régime doua-
nier entre l'Allemagne et l'Autriche, 1931, C.P. J.1. série AIB no 41,
p. 88).
Si l'on appliqueà la prksente instance cette jurisprudence parjuitement
cohkrente de lu Cour, aucun des Etuts défendeursn'étaithabilité à dési-
gner unjuge ad hoc.
On peut donc dire qu'en l'espèce, nil'une ni l'autre des deux fonctions

élémentairesde l'institution du jugead hoc n'a été remplie de façon satis-
faisante du point de vue de la composition de la Cour. A mon sens, la
question revêtun intérêttout particulier parce que, manifestement, son
importance ne se limite pas a la procédure etpourrait avoir une portée
concrète de très grande ampleur.

II. LE PROBLÈME HUMANITAIRE EN L'ESPÈCE

5. Les problèmes humanitaires en tant que motif d'indication de me-
sures conservatoires revêtent une importance primordiale dans la pra-
tique la plus récentede la Cour.
En la matiére,la Cour suit deux voies parallèles:

a) L'intérêp tarticulier de/upersonne

A cet égard,l'affaire LuCrand (Allcmugne c. Etuts- Unis d'Amérique)
et l'affaire relatiàela Convention de Viennesur les relutions consuluires
(Puraguuj~c. Etuts-Unis d'Amérique) sont caractéristiques.
Dans les deux affaires, la Cour s'est montréeextrêmementsensible à
l'aspect humanitaire de la question a examiner, ce qu'exprime probable-
ment au mieux la requêteprésentéepar l'Allemagne le 2 mars 1999:

((L'importance et le caractère sacréde la vie humaine sont des
principes bien établis du droit international. Comme le reconnaît
l'article du pacte international relatif aux droits civilset politiques,
le droità la vie est inhérenta la personne humaine et ce droit doit LICÉITE DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS. KRE~A) 466

êtreprotégépar la loi.» (LaCrand (Allemagne c. Etats-Unis d'Am&-
rique), nlesures conservatoires, ordonnance du 3 mus 1999, C.I.J.
Recueil 1999, p. 12,par. 8.)

Dèsle lendemain. à I'unanimité,la Cour a indiquédes mesures conser-

vatoires parce que les circonstances exigeaient qu'elle les «indique» de
toute urgence (ibid,p. 15,par. 26), de sorte qu'il lui incombait de mettre
en train le mécanismevoulu conformément à l'article 41 de son Statut et
de l'article 75, paragraphe 1, de son Règlement, «pour que M. Walter
LaGrand ne soit pas exécutétant que la décision définitive enla présente
instance n'aura pas été rendue))(ibid, p. 16, par. 29).
La Cour a indiqué des mesures conservatoires quasiment identiques
dans le différendopposant le Paraguay et les Etats-Unis d'Amérique à la
suite de la requêteprésentéepar le Paraguay le 3 avril 1998. Le même
JOLLl~e,Paraguay a également présenté «une demande urgente en indica-
tion de mesures conservatoires à l'effet de protégerses droits)(Conven-
tion dc. Vienne sur les relations consulaires (Paraguay c. Etats-Unis

d'Amérique), ordonnance du 9 avril 1998, C.I.J. Recueil 1998, p. 251,
par. 6). Et dès le 9 avril 1998, I'unanimité,la Cour a indiqué desme-
sures conservatoires «pour que M. Angel Francisco Breard ne soit pas
exécutétant que la décision définitive enla présente instance n'aura pas
étérendue» (ibid.p. 258, par. 41).
11est évidentque c'esà cause de l'aspect humanitaire du problèmeque
l'unanimité a été réaliséeau sein de la Cour. On en voit clairement la
preuve non seulement dans la lettre et l'esprit des deux ordonnances ren-
dues dans ces deux affaires, mais aussi dans les déclarations ainsi que
dans l'opinion individuelle qui leur ont étéjointes. En l'occurrence, les
considérations humanitaires ont été,semble-t-il, assez fortes pour lever

lesobstacles qui s'opposaientà l'indication de mesures conservatoires. Le
raisonnement du doyen de la Cour, M. Oda, et celui de son président,
M. Schwebel, sont significatifs.
Au paragraphe 7 de la déclarationqu'iljointàI'ordonnance du 3 mars
1999 dans l'affaire LuCrund (Alleinugne c. Etats-Unis d'Amérique),
M. Oda énoncede façon convaincante une sériede motifs d'ordre théo-
rique qui l'«ont conduit A penser qu'il n'y avait pas lieu d'indiquer les
mesures conservatoires demandées par l'Allemagne, eu égardau carac-
tère fondamental de telles mesures)). Mais, M. Oda tient à «rappel[er]
avec force [que s'il a] votéen faveur de I'ordonnance, c'est uniquement
pour des motifs humanitaires)) (C.I.J. Recueil 1995,p. 20).

Dans son opinion individuelle, le présidentde la Cour, M. Schwebel,
n'a pas expressément déclaré qu'il s'étaitinspiré deconsidérationshuma-
nitaires pour voter en faveur de l'ordonnance, mais il est raisonnable de
penser que ce sont les seules considérations qui ont prévaluen l'espèce,
puisqu'il avait«de profondes réservesquant à la manière de procéder
tant de la Partie requérante que de la Cour» (LuGrand (Allemagne
c. Etats-Unis d'Atn&rique),mesures conservrrtoire.. r~loniîuncedu 3 mars
1599. C.1.J. Recueil 1999, p. 22). Et, en ce qui concerne le demandeur, M. Schwebel a dit ceci:

((L'Allemagneaurait pu présenter sa requête des années, dem s ois,
des semaines, voire quelquesjours plus tôt. L'eût-ellefait, la Cour eut
pu procédercomme ellele fait depuis 1922et tenir des audiencessur la
demande en indication de mesures conservatoires. Mais l'Allemagne
a attendu la veillede l'exécutionpour présenter sa requêteet sa de-
mande en indication de mesures conservatoires, en faisant valoir
par la mêmeoccasion que la Cour n'avait plus le temps d'entendre
les Etats-Unis et devrait agir d'office.)) (C.I.J.ecueil 1999, p. 22)

De son côté, la Cour a indiqué des mesures conservatoires en
s'appuyant, comme le dit M. Schwebel, présidentde la Cour, «exclusive-
ment» sur la requêtede l'Allemagne.

b) L'intGrL'tcollectifd'un groupe ou d'une population en tant qu'élément
constitutif de I'Etat

La protection de la population nationale est devenue question litigieuse
dans l'affaire relative aux Activités militaires et paramilitaires au Nica-
ragua et u l'encontre de celui-ci (Nicaragua c. Etals- Unis d'Amérique) :

((Dans sa conclusion, le Nicaragua a insistésur les morts, sur les
dommages que les actes allégués ont causéschez les Nicaraguayens et
a demandé à la Cour de soutenir, au moyen de mesuresconservatoires,
«les droits des citoyens nicaraguayensà la vie,à la libertéeà la sécu-
rité».» (R. Higgins, ((Interim Measures for the Protection of Human
Rights)),dans Charney, Anton, O'Connel1(dir. publ.), Politics, Values
and Functions, International Luiv in tlze21st Century, 1997, p. 96.)

Dans l'affaire du Diffërend frontalier (Burkinu FasolRépublique du
Mali), la Cour, pour indiquer des mesures conservatoires, s'est fondée
sur des:

((incidentsqui,non seulement sont susceptibles d'étendreou d'aggra-
ver le différend, maiscomportent un recours à la force inconciliable
avec le principe du règlement pacifique des différends internatio-
naux» (Diffrrend frontalier, mesures conservutoires, ordonnance du
10 janvier 1986, C.I.J. Recueil 1986, p. 9, par. 19).

En l'espèce,la préoccupation humanitaire étaitmotivéepar le risque de
préjudiceirréparable :
«les faits aui sontà l'orugine des demandes des deux Parties en indi-
cation de mesures conservatoires exposent les personnes et les biens
se trouvant dans la zone litigieuse, ainsi que les intérêtsdes deux

Etats dans cette zone, à un risque sérieuxde préjudiceirréparable))
(ibid, p. 10,par. 21).
On peut dire que, dans les affaires évoquées ci-dessus,en particulier celles
dans lesquelles des individus étaient directement concernés, laCour s'est LICÉITE DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS. KRECA) 468

appuyée sur une norme humanitaire supérieuredans le cadre de la pro-
cédureen indication de mesures conservatoires, une norme qui avait suf-

fisamment de force intrinsèque pour que l'on déroge à certaines règles
pertinentes, règlesde procédureet règlesde fond, qui régissent I'institu-
tion des mesures conservatoires. En somme, les considérations humani-
taires, indépendamment des normes du droit international qui règlentles
droits de l'homme et ses libertés,ont en quelque sorte acquis un rôlejuri-
dique autonome; ces considérations ont désormais franchi les limites
du domaine moral et philanthropique pour entrer dans le domaine du
droit.
6. En l'espèce,il semble pourtant que la préoccupation (chumanitairen
ait perdu l'autonomie acquise sur le plan juridique. Vu lescirconstances

particulières del'instance, il convient de s'arrêtersur ce fait.
A la différence des affaires évoquées précédemmentl,e «problème
humanitaire)) porte ici, littéralement, sur le sort de toute une nation.
Nous aboutissons à cette conclusion à partir de deux élémentsau
moins
En premier lieu, la Républiquefédéralede Yougoslavie et ses groupes
nationaux et ethniques sont soumis depuis plus de deux mois à présent

aux attaques constantes d'une armada aérienne très forte, extrêmement
organisée,appartenant aux Etats les plus puissants du monde. La finalité
de cette attaque a dequoi horrifier, si'onenjuge par lesparoles du com-
mandant en chef, le généralWesleyClark, et il n'y a pas lieu de douter de
ce qu'il dit
«Systématiquement et progressivement, nous allons attaquer,

ébranler, dégrader, dévaster, et finalement, sauf si le président
Milosevii. se plie aux exigences de la communauté internationale,
nous allons détruire intégralement ses forces armées et leur ôter
toutes leurs infrastructures et toutes leurs bases desoutien» (BBC
News, http:llneirs.bbc.COu.klenglishlstuNAc.TOgullerylairdefuult.stml
14 mai 1999).

En l'occurrence,leterme ((soutien))revêt un senstrèslarge, au point que
l'on peut se demander quel est vraiment l'objet des attaques aériennes.
Dans un article intitulé «La population de Belgrade doit souffrir)),
Michael Gordon cite le généralShort qui dit ((espérerque la détressede
la population va saper, qu'elle doit saper, le soutien dont bénéficientles
autoritésde Belgrade)) (Intcrnationul Heruld Tribune, 16mai 1999,p. 6)
et il poursuit

«Il n'y aura plus d'électricitépour votre frigo, plus de gaz pour
votre cuisinière, vous ne pourrez plus aller au travail parce que le
pont est démoli - ce pont sur lequel vous avez organisévos concerts
rock et sur lequel vous vous êtesmassés avecdes cibles sur la tête.
Tout cela disparaît A 3 heures du matin.)) (Ibid.)
Il ne s'agissait pas là de paroles en l'air, comme en témoignentles ponts

démolis, la disparition de centrales électriques,de l'adduction d'eau, desproductions alimentaires indispensables à la vie; comme en témoignela
destruction de routes, d'immeubles résidentiels,de maisons d'habitation
unifamiliales; comme en témoignent les hôpitaux privés d'électricité et
d'eau et, par-dessus tout, ces êtreshumains qui sont exposésaux bom-
bardements et qui, comme le disait si bien la requêtedans l'affaire
LuCrund (Allemugne c. Etuts- Unis d'Amérique), ont un ((droit a la vie

inhérent a la personne humaine)) (pacte international relatif aux droits
civilset politiques, art., dont l'importance et le caractère sacrésont des
principes bien établisdu droit international. Dans l'enfer de la violence,
ce ne sont plus là que des ((dommagescollatéraux)>.
En second lieu, l'arsenal qui sert aux attaques lancéescontre la You-
goslavie contient certaines armes dont les effets sont quasi illimitésdans
l'espace et dans le temps. Au cours de la procédure orale, l'agent des
Etats-Unis a nettement précisé que l'uranium appauvri est régulièrement
utilisépar l'armée desEtats-Unis (CR 99/24, p. 17).
Il convient de laisser les scientifiques évaluer les effets de l'uranium
appauvri. Le rapport de Marvin Resnikoff, qui travaille pour Radio-
active Management Associates (NMI) dit quels sont ces effets:

«Une fois inhalées,de fines particules d'uranium peuvent se loger
dans lesalvéolesdu poumon et y resterjusqu'à lafinde votre vie. La
dose inhalée est cumulative. Une certaine fraction des particules
inhalées peut êtreexpectorée puis avalée et ingérée.Si l'intéressé
fume, il faut prendre cet élément enconsidération. Comme fumer
détruitles franges ciliaires, les particules capturéesdans les passages
bronchiques du fumeur ne peuvent pas être expulsées. Gofman
estime que, chez les fumeurs, le risque dû à l'irradiation est ainsi
multipliépar dix. L'uranium émet une particule alpha, analogue a
un noyau d'héliumamputé de deux électrons.Les rayonnements de

ce type ne pénètrentpas très profondément, mais, une fois à l'inté-
rieur du corps, ilscausent beaucoup de dommages aux tissus. Quand
il est inhalé,l'uranium accroît lesprobabilitésde cancer du poumon.
Quand il est ingérél,'uranium se concentre dans les os. A l'intérieur
des os, il augmente les probabilités de cancer desos, ou bien, dans la
moelle, les probabilitésde leucémie.L'uranium réside aussidans les
tissus mous, y compris les gonades, ce qui accroît les probabilitésde
conséquencesgénétiques,sous forme notamment d'anomalies géné-
tiques et d'avortements spontanés. Le rapport qui existe entre I'ura-
nium ingéréet les doses d'irradiation qui en résultentpour la moelle
osseuse et certains organes...figurent dans beaucoup d'étudescitées
en référence.
Les effets de l'uranium sur la santé sont égalementfonction de
l'âge. Pour une mêmedose, l'enfant court de plus grands risques
de cancer que l'adulte.)) (Uranium Buttlejelds Home & Abroud:

Depleted Urunium Use by the U.S. Department of'Defense, Rural
Alliance for Military Accountability, et al.,mars 1993,p. 47-48.)
L'Officefédéralallemand de l'environnement (Umweltbundesamt) a pré-sentéune analyse scientifiquedes effetsconcrets imputables aux opérations
arméescontre la Yougoslavie.Ce rapport d'expertdit essentiellementceci ':

((Plus la guerre en Yougoslavie dure et plus le risque de dommages
à long terme a l'environnement s'aggraveC . es dommages menacent de
s'étendre au-delà des frontièresde la Yougoslavie etpeut-êtreest-il
déjàtrop tard pour qu'on puisseleséradiquer.C'est à cette conclusion

que parvient l'Officefédéraa lllemandde l'environnement (Um,ve/thun-
desamt) dans un document interne examinant les conséquencespour
l'environnement de la guerre en Yougoslavie, établi envue de la réu-
nion des ministres européensde l'environnementdébutmai à Weimar.

Des catastrophes du type de cellesde Sevesoet de Sandoz constituent,
selon l'office, «un scénario éminemmenp trobable P.

' «Je langer der Krieg in Jugoslawien dauert. desto grosser wird die Gefahr von lang-
fristigen Schidigungen der Umwelt. Diese drohen sich über die Landesgrenzen
hinaus auszubreiten und konnen moglicherweise nicht mehr vollstandig beseitigt wer-
den. Zu dieser Einschitzung kommt das Umweltbundesamt (UBA) in einem internen
Papier, das sich mit den okologischen Auswirkungen des Krieges in Jugoslawien
betàsst und für die Vorbereitung des Treffeiis europaischer Umweltminister Anfang
Mai in Weimar erstellt wurde. Katastrophen 'wie Seveso und Sandoz' sind nach
Ansicht des Amtes 'ein durchaus wahrscheinliches Schadensszenario'.
.....................................
Umweltgifte, die nach Zerstorungen von lndustrieanlagen austreten. konnten sich
weiter ausbreiten. 'Bei Sicherstellung sofortigen Handelns, das unter Kriegsbedin-
gungen aber unmoglich ist, bleibt die Wirkung dieser Umweltschiidigungen lokal
begrenzt. Langere Verzogerungen führen zu einem übertritt der Schadstoffe in die
Schutzgüter Boden, Grund- und OberHachenwasser,erhohen das Gefihrdungspoten-
tial für den Menschen und den Sanierungsaufwand betrachtlich.'
Diese Folgen müssen nicht auf Jugoslawien beschrankt sein. Schadstoffe aus
Grossbranden konnten grenzüberschreitend verteilt werden. Weiter heisst es in dem
Papier: 'Die Einleitung der Gefahrstoffe in Oberflachenwasser kann zur weitraumi-
gen Schadigung der Okosysteme führen. Die Deposition von Gefahrstoffen in Boden
kann je nach Eigenschaft der Stoffe und Boden zu langanhaltenden Versuchungen
mit weitgehenden Nutzungseinschrankungen führen.'
Die Gefahr einer'tiefgreifenden Zerstorung wesentlicher Bestandteile von Trink-
wasserversorgungssystemen' sei für mittlere und grosse Stidte sowie Ballungsgebiete
am grossten. Schon geringe Mengen von Substanzen der petrochemischen Industrie
konnten 'grosse Grundwasservorrate unbrauchbar machen'.
Wie gefihrlich die freigesetzten Stoffe insgesamt sind. Iisst sich nach Ansicht der
UBA-Experten nur schwer abschatzen, 'weil durch die Zerstorung ganzer Industrie-
komplexe Mischkontaminationen verschiedenster Schadstoffe gebildet werden'. die
noch wenig erforscht seien. Noch komplizierter sei die Beurteilung von Umwelt-
schaden durch Brande und Explosionen. 'Hier treten bezogen auf Schadstoff-
inventar und Ausbreitung weit weniger kalkulierbare, zum Teil grossfliichige
Umweltschiidigungen ein.'
Die Verbrennungsprodukte seien 'zum Teil hoch toxisch und kanzerogen'. Je
nach klimatischen Bedingungen konne es 'zu einer grosstiichigen Verteilung dieser
Stoffe' kommen, 'die eine vollstandige Beseitigungnahezu unmoglich macht' ...
Die Wechselwirkungen der Produkte mit den eingesetzten Waffen dürften 'vollig
unbekannt' sein.)) (TAZ, Dic Tugeszeitun~. Berlin, 20 mai 1999.) Les substances toxiques pour l'environnement libérée s la suite de
la destruction d'installations industrielles pourraient se propager

une plus grande distance. L'adoption de mesures immédiates -
impossible toutefois en temps de guerre - permettrait de contenir
localement ces atteintesà l'environnement. Plus le temwss'écoulera
et plus ces substances se répandront dans le sol, leseaux souterraines
et les eaux de surface, d'où une augmentation considérabledes ris-
ques pour l'homme et du coût des opérations de nettoyage.
Ces conséquencesne sont pas nécessairement limitées à la You-
goslavie. Les substances toxiques dégagées à la suite d'incendies
majeurs peuvent se répandre au-delà des frontières. Et l'auteur
du document d'ajouter: «La migration de substances dangereuses

dans les eaux de surface peut causer de graves dommages aux éco-
systèmes. Le dépôt de substances dangereuses dans le sol peut en-
traîner, selon la nature dessubstailces et des sols, une contamina-
tion i long terme, faisant radicalement obstacle à l'utilisation des
sols.>
Le risque d'une ((destruction à grande échelle des éléments essen-
tiels du réseaud'approvisionnement en eau potable)) est plus lourd
pour les villesmoyennes, les grandes villes et les zones de concentra-
tion urbaine. De faibles quantitésde substances émanant d'installa-

tions pétrochimiques suffisent à rendre inutilisables d'importantes
réservesd'eaux souterraines)).
Selon les experts de l'Officefédéralde l'environnement, il est très
difficile d'apprécier dans son ensemble le risque que représentent
les substances libéréesdans l'environnement, «car la destruction
de complexes industriels entiers entraîne une pollution provoquée
par un véritable cocktail de substances toxiques)), sur laquelle les
recherches n'ont guère porté jusqu'à présent. L'évaluation des
dommages causés à l'environnement par les incendies et les explo-
sions est encore plus délicate, estiment les experts.l est beaucoup

plus difficile en pareil cas, du fait des problèmes liésà l'identifi-
cation des substances toxiques et au risque de les voir se répandre,
de prédirelesdommages à l'environnement, quiseront parfois consi-
dérables.»
Certaines des substances libéréesdans l'atmosphère à la suite des
incendies sont qualifiéesde «très toxiques et cancérigènes)).En fonc-
tion des conditions climatiques ambiantes, «ces substances pour-
raient diffuser très largement)), de sorte qu'«une décontamination
complète serait quasi impossible)).

Quant à l'interaction de ces produits avec lesarmes utilisées,on en
((ignorerait totalement les effets» (TAZ, Die Tugeszeitung, Berlin,
numérodu 20 mai 1999.)

Je suis par conséquent profondément convaincuque la Cour se trouve
concrètement face à une affaire imposant incontestablement d'agir «de
toute urgence» et où l'on court le risque d'un ((préjudice irréparable)),affaire qui répondparfaitement, quant au fond, aux normeshumanitaires
que la Cour a retenues dans certains précédents; à cet égard,la présente
instance se situe même à un niveau nettement supérieur.
7. Pour être franc,je dois dire que je trouve totalement inexplicable

que la Cour veuille s'abstenir d'étudiersérieusementla possibilitéd'indi-
quer des mesures conservatoires alors que la situation impose de façon
aussi criante de tenterà tout le moins, indépendamment des effets pra-
tiques éventuelsde la tentative, d'atténuer, sinon de supprimer, un dan-
ger incontestable de catastrophe humanitaire. Je n'envisage pas ici des
mesures conservatoires qui prendraient concrètement la forme proposée
par la Républiquefédérale de Yougoslavie.j'envisage des mesures conser-
vatoires en général:la Cour peut proposer d'office d'autres mesures
conservatoires que celles qui sont proposéespar la Républiquefédérale
de Yougoslavie. ou elle peut se contenter d'un appel lancépar le pré-
sident, comme elle l'a fait si souvent déjà,dans des situations moins diffi-
ciles, en s'inspirant de l'article 74, paragraphe 4, de son Règlement.

Sans le vouloir, on a ici l'impression que, pour la Cour en l'espèce,
l'indication de mesures conservatoires, sousquelqueforme que ce soit, lui
a sembléinterdite. Par exemple, au paragraphe 19 de l'ordonnance, la
Cour:
«estime nécessairede souligner que toutes les parties qui se pré-

sentent devant elle doivent agir conformément à leurs obligations
en vertu de la Charte des Nations Unies et des autres règles du
droit international, compris du droit humanitaire)),
ou bien elle dit, au paragraphe 49, que les Parties: «doivent veillàrne
pas aggraver ni étendre le différend)), et il est manifeste que, dans les

deux cas, la Cour s'est inspiréed'un type de mesures conservatoires de
caractère général etindépendant.

111.COMPÉTENC D E LA COUR RATIONE MATERIAE

8. Je suis d'avis qu'en l'espècela position adoptée par la Cour prête
fortement à critiques.
La Cour considère:

((quele recours ou la menace du recoursà l'emploide la force contre
un Etat ne sauraient en soi constituer un acte de génocideau sens de
l'articleI de la convention sur le génocide;et que, de l'avis de la
Cour, il n'apparaît pas au présentstade de la procédureque lesbom-
bardements qui constituent l'objet de la requête yougoslave «corn-
porte[nt] effectivement l'élémendt'intentionnalité, dirigécontre un
groupe comme tel, que requiert la disposition sus-citée»(LicPitéde

lu t?lenuceou U'LI''enlploi d'urnlcs nuclP~rires,trilisc~onsuC.I.J.:
Recueil 1996 (1), p. 240, par. 26)))(ordonnance, par. 27).
L'intentionnalitéest incontestablement l'élément subjectifui est cons-titutif du crime de génocidecomme du reste de n'importe quel autre
crime. Mais cette question n'est pas l'objet de la prise de décisiondans la
procédure incidente de l'indication de mesures conservatoires et, par sa
nature même,elle ne peut pas l'être.

Il fautàcet égardchercher une preuve fiable dans le différendqui, par
ses principaux traits, est pour l'essentiel identique au différend examiné
ici: il s'agit de l'affaire relative'Application de la convention pour lu
prkvention et la répressiondu crime de génocide.
Dans l'ordonnance qu'elle a rendue le 8 avril 1993sur I'indication de
mesures conservatoires, souscrivant à l'affirmation du défendeur quidit
notamment c<n'apport[er]aucun appui ni n'encourag[er], d'une façon ou
d'une autre, la perpétration des crimes mentionnésdans la requête ... [et]
que les griefs exposésdans la requêtesont dénuésde fondement)) (Appli-
cation de la convention uour lu ur4vention et la r4uression du crime de
génocide, mesures conservatoires, ordonnance du 8 avril 1993, C.I.J.
Recuc.il1993, p. 21, par. 42), la Cour a considéréque:

«dans le contexte de la présenteprocédure concernant l'indication
de mesures conservatoires, [elle]doit, conformément a l'article 41 du
Statut, examiner si les circonstances portées à son attention exigent
I'indication de mesures conservatoires, mais n'est pas habilitée à
conclure définitivementsur les faits ou leur im~utabilitéet aue sa
décisiondoit laisser intact le droit de chacune des Parties de contes-
ter les faits allégucontre elle, ainsi que la responsabilitéqui lui est

imputéequant a ces faits et de faire valoir ses moyens sur le fond))
(ibid, p. 22, par. 44)
et que:

(([elle]n'est pas appeléea ce stade a établirl'existencede violations
de la convention sur le génocide)) (ibid., par. 46).

La raison d'être desmesures conservatoires est par conséquentlimitée
a la préservation des droits des parties pendente lite qui sont l'objet du
différend,droits qui peuvent ultérieurementfaire l'objet de la décisionde
la Cour. Comme celle-ci le dit de nouveau dans l'affaire de la Frontière
terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria:

((Considérantque la Cour, dans le cadre de la présenteprocédure
concernant l'indication de mesures conservatoires, n'est pas habilitée
a conclure définitivementsur les faits ou leur imputabilité et que sa
décisiondoit laisser intact le droit de chacune des Parties de contes-
ter les faits alléguécontre elle, ainsi que la responsabilitéqui lui est
imputée quant à ces faits, et de faire valoir, le cas échéant,ses
moyens sur le fond.)) (FrontiPreterrestre et maritime entre le Came-

roun et le Nigc;rirr,nes surer~onservatoires,ordonnunce du 15 nîurs
1996, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 23, par. 43.) 9. Sur ce point en particulier, il se pose des questions fondamentales
au sujet de la position de la Cour.
On peut considérer de deux façons le lien entre le recours à la force

arméeet le génocide:
u) est-ce que I'emploide la force est un acte de génocide per se ou non?
h) I'emploi de la force favorise-t-il le génocide et, dans l'affirmative,
qu'est-ce alors au sensjuridique?

Indéniablement, I'emploide la force, en soi et par définition,ne cons-
titue pas un acte de génocide.Nul besoin d'en faire la preuve. Toutefois,
il n'est pas possible d'en déduireque l'emploi de la force est sans rapport
avec la commission du crime de génocideet qu'il n'est pas possible d'éta-
blir un telrapport. Pareille conclusion serait contraire la logique la plus
élémentaire.
L'article II de la convention pour la prévention et la répression du
crime de génocide définiltes actes de génocidecomme

«l'un quelconque des actes ci-après, commis dans l'intention de
détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial
ou religieux, comme tel :

u) meurtre de membres du groupe;
h) atteinte graveà l'intégritéphysique ou mentale de membres du
groupe ;
c) soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence
devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle;
d) mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe;
e) transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe)).

N'importe lequel des actes ci-dessus peut être commis également au
moyen de la force. L'emploi de la force est par conséquent l'un des
moyens possibles de commettre des actes de génocide. Et, il convient de le
signaler, c'estl'un des moyens les plus efficaces, étant donnéles carac-
tèrespropres de la force armée.
L'emploi étendude la force armée,en particulier s'il visedes objets et
des infrastructures constituant les conditions de la vie normale, peut
aboutir à ((soumettre le groupe à des conditions d'existence))entraînant
bel et bien «sa destruction physique)).
On peut bien entendu objecter que les actes en question ont pour rôle
d'affaiblir la puissance militaire de la Républiquefédéralede Yougosla-

vie. Mais pareille explication peut difficilement représenterun argument
valable. Le raisonnement, en effet, va rapidement emprunter un cercle
vicieux: la puissance militaire étant aprèstout composée d'hommes, il est
possible d'aller jusqu'à prétendreque le meurtre collectif d'une foule de
civils tient en quelque sorte lieu de mesure de précaution de nature à
empêcher d'entretenirla puissance militaire de l'Etat, voire de I'augmen-
ter en cas de mobilisation.
Certes, pour pouvoir parler de génocide, il faut une intention, c'est-
à-dire qu'il faut vouloir ((soumettre intentionnellement le groupe à desconditions d'existence)) entraînant ccsa destruction physique totale ou
partiell».
Lors de procédures incidentes, la Cour ne peut pas - et ne doit
d'ailleurs pas- chercher àétablirde façon définitive qu'elleest en pré-

sence d'une volontéde soumettre le groupe à des conditions d'existence
de nature a menacer sa survie. Eu égard à l'objet des mesures conserva-
toires, on peut dire qu'a ce stade de la procédure,il suffit d'établirque, le
groupe étant soumis à des bombardements intensifs, on court objective-
ment le risque de voir cette situation aboutirà menacer sa survie.
La Cour a précisémentadoptécette position dans l'ordonnance qu'elle
a rendue le 8 avril 1993au sujet de I'indication de mesures conservatoires
dans l'affaire relative l'Application de lu convention pour la prévention
et lu r6pr~ssiondu crime de génocide.
Le paragraphe 44 de cette ordonnance se lit comme suit:

((Considérantque la Cour, dans le contexte de la présente procé-
dure concernant l'indication de mesures conservatoires, doit, confor-
mément à l'article 41 du Statut, examiner si lescirconstances portées
à son attention exigent l'indication de mesures conservatoires, mais
n'est pas habilitée a conclure définitivement sur les faits ou leur
imputabilité etque sa décisiondoit laisser intact le droit de chacune
des Parties de contester les faits allégcontre elle, ainsi que la res-

ponsabilitéqui lui est imputéequant a ces faits et de faire valoir ses
moyens sur le fond.» (C.I.J.Recueil 1993, p. 22.)
La question de l'«intentionnalité» est extrêmementcomplexe. L'inten-
tion appartient au domaine subjectif, c'est une catégorie psychologique,
mais, dans la législationpénalecontemporaine, l'intention est également

établieà partir de circonstances objectives. L'intention présuméede com-
mettre l'acte fait très communément partie du systèmejuridique. Par
exemple, aux Etats-Unis d'Amérique, la jurisprudence autorise la pré-
somption plausible par opposition àla présomption concluante, même en
matière pénale.
De toute façon, les Parties s'opposent très clairement, semble-t-il, au
sujet de l'«intentionnalité» en tant qu'élément constitutifdu crime de
génocide.
Le demandeur affirme que l'«intention» peut êtreprésuméetandis
que le défendeur soutient qu'en tant qu'élémentconstitutif du crime de
génocide, l'«intention» doit êtreclairement établie sous forme de do1

spécial.Cette opposition de vues entre les Parties constitue un différend
relatifA l'interprétation, l'application ou l'exécutionde la ... conven-
tion [sur le génocide])),lesdifférendsde ce type comprenant aussi les dif-
férendsrelatifs a la responsabilité d'un Etat en matière de génocideou
de l'un quelconque des autres actes énumérés à l'article III de ladite
convention.
10. En même temps,il ne faut pas oublier que, «dans certains cas, sur-
tout dans le génocidepar la soumission a des conditions inhumaines de
vie, le crime peut êtreperpétrépar omission)) (Stanislas Plawski, Etudedes principes fondamentaux du droit international pPnal, 1972, p. 115.
Citédans Nations Unies, doc. ElCN.41Sub.21416daté du 4 juillet 1978,
p. 28).

En effet,
<[ll'expérienceprouve que l'étatde guerre ou le régimed'occupation
de guerre sont un prétextefacile pour les autoritésresponsables pour
ne pas fournir Aune population ou à un groupe ce qui leur est néces-
saire pour subsister: vivres, médicaments, vêtements,habitations ...

On nous dira que c'est la soumission du groupe Ades conditions
d'existence susceptiblesd'entraîner sa destruction physique totale ou
partielle.)) (J. Y. Dautricourt, «La prévention du génocide et ses
fondements juridiques», Erurles intrrncrrionrrles rlrp.syr~hosociologic
c>riminelle,nos 14-15, 1969, p. 22-23. Cité dans Nations Unies.
doc. E/CN.4/Sub.2/416 datédu 4 juillet 1978,p. 28.)

Il est donc d'une importance primordiale de savoir que, lors de procé-
dures incidentes, la Cour ne peut pas - et ne doit d'ailleurs pas- cher-
cher à établirde façon définitive unevolontéde soumettre le groupe Ades
conditions d'existence de nature Amenacer sa survie. Eu égardà l'objet
des mesures conservatoires, on peut dire qu'à ce stade de la procédure, il
suffit d'établir que, le groupe étant soumis à des bombardements inten-
sifs, on court objectivement le risque de voir cette situation aboutir à

menacer sa survie.

IV. AUTRES QUESTIONS PERTINENTES

I1. Au paragraphe 15 de son ordonnance, la Cour dit :

((Considérant que la Cour est profondément préoccupéepar le
drame humain, les pertes en vies humaines et les terribles souffrances
que connaît le Kosovo et qui constituent la toile de fond du présent
différend, ainsi que par les victimes et les souffrances humaines que
l'on déplorede façon continue dans l'ensemble de la Yougoslavie.»

Le libelléde cette déclaration me paraît inacceptable pour plusieurs
raisons. La première est que cet énoncé faitpart d'une préoccupation
humanitaire double. La Cour dit être ((profondémentpréoccupée))et
évoqueen mêmetemps ((les pertes en vies humaines)) et «les victimes)).
De sorte qu'en ce qui concerne ((l'ensemblede la Yougoslavie)), la Cour
évoquetechniquement ((lesvictimes)) comme un fait qui ne cause pas de
«préoccupation profonde». En outre, l'énoncé permet égalementde

l'interprétercomme signifiant que le Kosovo ne fait pas partie de la You-
goslavie. C'est-A-direqu'après avoir mis en relief la situation au Kosovo-
Metohija, la Cour utilise l'expression «dans l'ensemble de la Yougosla-
vie». Compte tenu de la situation de fait et de la situation de droit, il
aurait fallu dire «dans le reste de la Yougoslavie)). De surcroît, faire allu-
sion au «Kosovo)> et à «l'ensemble de la Yougoslavie» non seulementn'a aucun fondement juridique dans la situation actuelle, mais ne repose
pas sur les faits non plus. C'est l'ensemblede la Yougoslavie qui esttta-
aué.Les souffrances et les pertes en vies humaines sont malheureusement
un fait s'appliquant en généralau pays tout entier; dans ces conditions,
mêmesi elle avait eu à sa disposition des chiffres précisconcernant le
nombre des victimes et l'ampleur des souffrances de la population de la
Yougoslavie, la Cour n'aurait de toute façon pas eu le droit moral d'éta-
blir la moindre discrimination à cet égard. De plus, dire que «le drame
humain ...et les terribles souffrances que connaît le Kosovo et qui cons-
tituent la toile de fond du présent différend))nonseulement est une indi-

cation de caractère politique mais représente, ou pourrait représenter,
une sorte dejustification de l'attaque arméemenéecontre la Yougoslavie.
Il suffit de rappeleà ce propos que 1'Etat défendeurqualifie son action
armée d'intervention humanitaire.
II appartient à la Cour d'établir à un stade ultérieur de la procédure
quelle est véritablement la situation en droit, c'est-à-dire quels sont les
faits pertinents. Au stade actuel, la question des raisons profondes de
l'attaque arméedirigéecontre la Républiquefédéralede Yougoslavie fait
l'objet d'allégations politiques. Le défendeur soutient qu'il s'agit d'une
intervention humanitaire provoquée par «le drame humain et lesterribles
souffrances)), tandis que le demandeur estime que sedes muteriue les rai-
sons profondes sont à chercher ailleurs - dans le soutien apporté à
l'organisation terroristà l'Œuvreau Kosovo et dans la volonté politique

de sécessionqui anime le Kosovo-Metohija.
Nous avons donc affaire ici à des qualifications politiques opposées
dans lesquelles la Cour ne devrait pas entrer, cela lui est mêmeinterdità
mon avis, si ce n'est dans le cadre d'une procédurejudiciaire normale.
12. L'énoncédu paragraphe 37 de l'ordonnance donne l'impression
que la Cour cherche assez élégamment à renvoyer la balle dans lejardin
du Conseil de sécurité.Pour l'essentiel, c'estinutile, parce que, sous sa
forme actuelle, cet énoncén'est qu'une simple paraphrase d'une donnée
élémentairequi est que (<leConseil de sécuritéest investi de responsa-
bilitésspéciales envertu du chapitre VI1 de la Charte)). 11est possible,
certes, de l'interpréter aussi comme un appel lancé à l'organe des
Nations Unies qui est très précisémentchargé de prendre des mesures

en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix ou d'acte d'agres-
sion et qui a d'ailleurs été conçu à cet effet; mais, en l'occurrence, la
Cour devrait rappeler aussi une autre donnée élémentairee :n vertu de I'ar-
ticle 36, paragraphe 3,de la Charte des Nations Unies, un différendjuri-
dique doit être soumis à la Cour internationale de Justice.
13. En utilisant l'appellation «Kosovo» au lieu de l'appellation offi-
cielle de ((Kosovo-Metohija~, la Cour a continué de suivre la pratique
des organes politiques des Nations Unies, pratique dont, d'ailleurs, les
Etats défendeurs ne se départissent jamais.
Il est difficile de justifier pareille pratique, sauf, bien entendu, si nous
admettons que l'opportunité politique, les intérêts politiques et concrets
sont à cet égard desarguments valables. C'est ce que montre également LICÉITE DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS.KRECA) 478

de façon éloquentela pratique suivie pour désignerla Républiquefédé-
rale de Yougoslavie. A la suite de la sécessionde certaines parties de
l'ancienne Fédérationyougoslave, les organes des Nations Unies et les
Etats défendeurseux-mêmesont utilisé laformule «Yougoslavie (Serbie
et Monténégro))).Mais,depuis le 22 novembre 1995,le Conseil de sécu-
rité utilise, dans ses résolutions 1021 et 1022, la formule ((République
fédéralede Yougoslavie» au lieu de I'ancienne formule ((République
fédérativede Yougoslavie (Serbieet Monténégro))),sansqu'il y ait eu de
décision expresse a cet égardet dans une situation dedroit inchangéepar

rapport a celle dans laquelle le Conseil, comme d'autres organes des
Nations Unies, se servait de la formule ((Républiquefédérativede You-
goslavie (Serbie et Monténégro))).Le fait que ce changement de pratique
du Conseil de sécuritédate du lendemain du jour où a étéparaphé
I'accord de paix de Dayton autorise à soutenir avec assez de fermetéque
cette pratique concrète ne s'inspire pas de critères juridiques objectifs
mais plutôt de critères politiques.
En utilisant le terme«Kosovo» au lieu du nom ((Kosovo-Metohija)),
la Cour, en fait, fait deux choses a la fois:

u) elle adopte l'appellation courante et populaire servant a désignerles
unités territoriales d'un Etat indépendant;
b) elle laissedecôtél'appellation officiellede la province méridionalede
Serbie, appellation consacrée par les actes constitutionnels et juri-
diques tant de la Serbie que de la Républiquefédéralede Yougosla-
vie. En outre, la Cour agit ainsi contrairement la pratique établiepar
les organisations internationales compétentes. Par exemple, la dési-
gnation officielle de la province méridionale de Serbie ((Kosovo-
Metohija)) est celle qui figure dans l'accord conclu par la République

fédéralede Yougoslavieet l'organisation pour lasécuritéetlacoopéra-
tion en Europe (Internutionul Legul Matcriu1.v. 1999,vol. 38, p. 24).
Mêmesi pareille pratique, laquelle, à mon sens, est totalement incor-
recte, non seulement sur le plan du droit mais aussi du point de vue du
bon usage, pouvait se défendre quand elle émane d'entitésqui situent
l'intérêett la commoditéau-dessus de la loi, elle est inexplicable quand

elle émaned'un organe judiciaire.
14. L'expression ((droit humanitaire)) que la Cour utilise aux para-
graphes 18 et 35 de son ordonnance prête également a confusion, pour
une double raison: d'un côté,la Cour ne manifeste pas une parfaite cohé-
rence dans l'emploi de cette formule. Dans l'affaire de I'Applicution de
/riconvention sur le génocide, la Cour a dit que ladite convention faisait
partie du droit humanitaire, alors qu'il est manifeste qu'en raison de sa
nature même,ladite convention relèvedu droit pénalinternational (voir
l'opinion dissidente de M. Kreka dans l'affaire relativà I'Applicution (1.
lu convcwtion pour lu pr(.ven/ion et lu rc;pressiondu crinle (le génocide,
e'c~,i~p/ionpri.lirninuirrC. 1J. Recueil 1996 (Il), p. 774-775,par. 108).
[>'unautre côté,il me semble quedans la présenteordonnance, la for-
mule ((droit humanitaire)) est employée enun sens différent plusprochedu sens généralement acceptéaujourd'hui. Et il convient de faire précisé-
ment état de l'extrait pertinent de l'ordonnance en raison mêmedu libellé
des paragraphes 18et 35. En isolant le droit humanitaire parmi les règles
de droit international que les parties sont tenues de respecter, il est pos-
sible que la Cour veuille, discrètement, voire timidement, justifier impli-
citement l'attaque armée dirigéecontre la République fédéralede You-
goslavie ou tout au moins en atténuer les conséquences sur le plan du

droit.
Dans son premier sens juridique, le droit humanitaire correspond
implicitement aux règles du jus in bello. Si la Cour s'inspirait, comme
je n'en doute nullement, de considérations humanitaires quand elle a
souligné la nécessitéde respecter les règles du droit humanitaire, elle
aurait dû souligner expressément aussi l'importance fondamentale que

revêt la règleénoncée iil'articl2, paragraphe 4, de la Charte, laquelle
trace la ligne de démarcation entre une sociétéinternationale primitive,
où le droit fait défaut, et une communauté internationale organisée où
règne le droit.

(Signé) Milenko KRECA.

Bilingual Content

TABLE OF CONTENTS

Puragruphs
1. COMPOSITI ONTHE COURTINTHISPARTICULA CASE 1-4

II. HUMANITARICANNCER NNTHISPARTICULA CASE 5-7
III. JURISDICTONTHECOURT RATIO~VMEATERIAE 8-10

IV. OTHERRELEVANITSSUES 11-14 OPINION DISSIDENTE DE M. KRECA

[Truduclion]

TABLE DES MATIÈRES

1. LACOMPOSITION DE LACOUR EN L'ESPÈCE

11.LE PROBLÈME HUMANITAIRE EN L'ESPÈCE
III.COMPÉTENCE DE LA COUR RAT/O.YE df.4TERIAE

IV. AUTRES QUESTIONS PERTINENTES 1. In the context of the conceptual difference between the interna-
tional magistrature and the interna1 judicial system within a State, the
institution of judge u(i hochas two basic functions:

"(a) to equalize the situation when the Bench already includes a
Member of the Court having the nationality of one of the parties;
and (b) to create a nominal equality between two litigating States
when there is no Member of the Court having the nationality of
either party" (S. Rosenne, The Lukitund Practic.~of the Internutionul
Court, 1920-1996, Vol. III, pp. 1124- 1125).

In this particular case room is open for posing the question as to
whether either of these two basic functions of the institution of judge ad
hoc has been fulfilled at all.
It is possible to draw the line between two things.
The first is associated with equalization of the Parties in the part con-
cerning the relations between the Applicant and the respondent States

which have a national judge on the Bench. In concreto, of special interest
is the specific position of the respondent States. They appear in a dual
capacity in these proceedings:
primo, they appear individually in the proceedings considering that
each one of them is in dispute with the Federal Republic of Yugoslavia:

and,
secondo, they are at the same time member States of NATO under
whose institutional umbrella they have undertaken the armed attack on
the Federal Republic of Yugoslavia. Within the framework of NATO,
these respondent States are acting in corpore, as integral parts of an
organizational whole. The corpus of willsof NATO member States, when
the undertaking of military operations is in question, isconstituted into a
collective will which is, formally, the will of NATO.

2. The question may be raised whether the respondent States can
qualify as parties in the same interest.
In its Order of 20 July 1931in the case concerningthe Custonls RCgime
betnlern Germuny und Austriu, the Permanent Court of International Jus-
tice established that:

"al1 governments which, in the proceedings before the Court, come
to the same conclusion, must be held to be in the same interest for
the purposes of the present case" (P.C.I.J., Series AIB, No. 41,
p. 88).

The question of qualification of the "same interest", in the practice of
the Court, has almost uniformly been based on a formal criterion, the
criterion of "the same conclusion" to which the parties have come in the
proceedings before the Court. 1. Compte tenu de la différencede principe entre la magistrature inter-
nationale et le système judiciaire interne de chaque Etat, l'institution du
juge ad hoc a fondamentalement un double rôle:

«a) rétablir l'égalitéquand la Cour comprend d'ores et déjàsur le
siègeun juge ayant la nationalitéde I'unedes parties; et) créerune
égalitésymbolique entre deux Etats en litige quand aucun membre
de la Cour n'a la nationalité deI'une des parties)) (S. Rosenne,The
Lair und Pructice of' the Internutionul Court, 1920-1996, vol. III,
p. 1124-1125).

En l'espèce,on peut se demander si l'institution du jugeud hoc a bien
exercél'une quelconque de ces deux fonctions élémentaires.

Il est possible de distinguer deux éléments.
Le premier est lié ce rétablissementde l'égalitéentre les parties en ce
qui concerne les relations entre le demandeur et les Etats défendeurs qui
ont un juge national sur le siège. In concreto, il faut s'intéresseà cet
égard a la position particulière des Etats défendeurs. Ces derniers, en
effet, comparaissent à un double titre:

primo, ils comparaissent individuellement puisque chacun d'eux esten
litige avec la Républiquefédéralede Yougoslavie;

secundo, ce sont en mêmetemps des Etats membres de I'OTAN dans le
cadre institutionnel de laquelle ils ont engagéune attaque arméecontrela
Républiquefédéralede Yougoslavie. Dans ce cadre de l'OTAN, les Etats

défendeursagissent in corpore,en tant que parties intégrantesd'une orga-
nisation constituant un tout. L'ensemble, le corpus, des volontés des
Etats membres de I'OTAN, quand il s'agit de mener des opérationsmili-
taires, constitue une volonté collective qui est officiellement celle de
I'OTAN.
2. On peut se demander par ailleurs si les Etats défendeurs peuvent

êtreconsidéréscomme faisant cause commune.
Dans l'ordonnance rendue le 20 juillet 1931 dans l'affaire dRPgime
douanier entre l'Allemagne ri l'Autriche, la Cour permanente de Justice
internationale a énoncéle principe suivant:
«tous les gouvernements qui, devant la Cour, arrivent à la même
conclusion, doivent êtreconsidéréscomme faisant cause commune

aux fins de la présenteprocédure)) (C.P.J.I. serie AIB no41, p. 89).

Dans sa pratique, la Cour a quasiment toujours établi qu'il y avait
((cause commune)) en se fondant sur un critère formel, celui de la
«mêmeconclusion» à laquelle aboutissent les parties comparaissant
devant elle. In the present case, the question of "the same conclusion" as the rele-
vant criterion for the existence of "the same interest" of the respondent
States is, in my opinion, unquestionable. The same conclusion was, in a
way, inevitable in the present case in view of the identical Application
which the Federal Republic of Yugoslavia has submitted against ten
NATO member States, and was formally consecrated by the outcome of

the proceedings before the Court held on 10, 11 and 12 May 1999, in
which al1the respondent States came to the identical conclusion resting
on the foundation of practically identical argumentation which differed
only in the f'ashionand style of presentation.
Hence, the inevitable conclusion follows, it appears to me, that al1the
respondent States are in concreto parties in the same interest.
3. What are the implications of this fact for the composition of the
Court in the present case? Article 31, paragraph 2, of the Statute says:
"If the Court includes upon the Bench ajudge of the nationality of one of
the parties, any other party may choose a person to sit as judge."
The Statute, accordingly, refers to the right of "any other party",

namely, a party other than the party which has a judge of its nationality,
in the singular. But, it would be erroneous to draw the conclusion from
the above that "any other party", other than the party which has ajudge
of its nationality, cannot, under certain circumstances, choose several
judges ad hoc. Such an interpretation would clearly be in sharp contra-
diction with rutio legisof the institution of judge ad hoc, which, in this
particular case, consists of the function "to equalize the situation when
the Bench already includes a Member of the Court having the nationality
of one of the parties" (S. Rosenne, The Law und Pructice of the Interna-
tional Court, 1920-1996, Vol. III, pp. 1124-1125).The singular used in
Article 31, paragraph 2, of the Statute with reference to the institution of

judges ud hoc is,consequently, but individualization of the general, inher-
ent right to equalization in the composition of the Bench in the relations
between litigating parties, one of which has a judge of its nationality on
theBench, while the other hasnot. Thepruc.ticaln~eaningof thisprinciple
upplied in casum it~ouldimplj, the right of the Applicunt to choose us
many judges ad hoc to sit on the Bench us is necessury to eqlrulize the
position of the Applic~antund that of those respondent States which have
judges of tlieir nationality on the Bench und ~t-hiczhare the sume interest.
In concreto, the inherent right to equalizution in the composition oj the
Bench, us un e'cpressionoffundumental rule of'equality of parties, means
tlzut the Federul Republic oj' Yugosluvir~should have the right to c-hoose

,fivejudges ad hoc, since evenjve out of ten rc.spondentStates (the United
States of America, tli~ United Kingdom, Frunce, Gc~rmuizju~nd the Neth-
erlund.~)liui~ctheir rzutioncrjludges sitting on the Bench.
Regarding the notion of equalization which concerns the relation
between the party entitled to choose its judge ad hoc and the parties
which have their national judges on the Bench, the fact is that the Federal
Republic of Yugoslavia, as can be seen from the Order, did not raise any
objections to the circumstance that as many as five respondent States LICEITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS. KRE~A) 463

En l'espèce, il est indubitable que la formulation d'une conclusion

identique est le critère pertinent permettant d'établirque les Etats défen-
deurs font «cause commune)). Il étaiten a. .aue sorte inévitablede for-
muler la même conclusionen l'espècepuisque la République fédéralede
Yougoslavie a présenté une requête identique à l'encontre de dix Etats
membres de l'OTAN et l'on en a eu la preuve officielle ril'issue de la pro-

cédure qui s'est dérouléedevant la Cour les 10, 11 et 12 mai 1999, les
Etats défendeurs aboutissant tous à une conclusion identique reposant
sur une argumentation pratiquement identique dont les seules variations
concernent la forme et le mode de présentation.
D'ou la conclusion inévitable à mon sens que les Etats défendeurs font
tous in concreto cause commune.

3. Quelles incidences faut-il en tirer pour la composition de la Cour en
l'espèce? L'article31,paragraphe 2. du Statut, dispose: «Si la Cour compte
sur le siègeun juge de la nationalité d'une des parties, toute autre partie
peut désigner unepersonne de son choix pour siégeren qualitéde juge. ))
Le Statut, donc, définit ainsi le droit de ((toute autre partie)), c'est-
a-dire une partie autre que celle qui compte un juge de sa nationalité sur

le siège,et il parle de cette autre partie au singulier. Mais ilserait erroné
d'en déduireque ((toute autre partie)) que celle qui compte un juge de sa
nationalité sur le siège nepeut pas, dans certains cas, désigner plusieurs
juges ad Iloc. Retenir cette interprétation serait manifestement contraire ri
la ratio legis de l'institution du juge ad hoc, lequel en l'espèce a pour
objet «de rétablir l'égalitéquand la Cour comprend d'ores et déjà sur le

siègeun juge ayant la nationalité de l'une des parties)) (S. Rosenne, The
Lait. and Practice oj'the International Court. 1920-1996, vol. III,p. 1124-
1125). L'usage du singulier a l'article 31, paragraphe 2, du Statut, quand
il est question de l'institution du juge ad hoc, permet donc simplement
d'individualiser ce droit général, intrinsèque,au rétablissement de l'éga-
lité entre les parties en litige en ce qui concerne la composition de la

Cour, quand l'une des parties compte un juge de sa nationalité sur le
siègetandis que l'autre n'en a pas. Concrètement, appliquéà la présente
instuiice,CL.principe signijïe implicitetnent que le demandeur a Ir droit de
désignerautant de juges ad hoc qu'il lejuut pour rétablir l'égalité entr e .
deinandeur et les Etats défendeursqui comptent unjuge de leur nationalité
sur le siège et quifbnt cause commune. Concrètement, ce droit jbndamen-

tu1uu rétablissen~entde /'égalitédans la composition de Iu Cour, qui
répond li lu rPglefondulrn~entcrlede l'égalitédes parties, signiJie que la
République fédérale deYougoslui,ie doit avoir le droit cle d4signer cinq
,juges ad hoc. puisque, sur les dix Etat.r défendeurs. il J'en a cinq (les
Etots- Unis d'Anikrique. Ir Royaume-Uni, lu France, I'Allen~ugr~eet les
Pa~,s-Bas) qui comptent un juge national sur le siège.

S'agissant de ce rétablissement de l'égalitéentre la partie autorisée à
désigner un jugeud Iloc de son choix, d'une part, et, de l'autre, les parties
qui comptent un juge national sur le siège,le fait est que la République
fédérale deYougoslavie, comme on peut le constater dans l'ordonnance,
n'a soulevéaucune objection au cas de figure qui se présentait et qui étaithave judges of their nationality on the Bench. However, this circum-
stance surely cannot be looked upon as something making the question
irrelevant, or, even as the tacit consent of the Federal Republic of Yugo-
slavia to such an outright departure from the letter and spirit of
Article 31, paragraph 2,of the Statute.

The Court has, namely, the obligation to take account ex olficio of the
question of such a fundamental importance, which directly derives from,
and vice versa, may directly and substantially affect, the equality of the
parties. The Court is the guardian of legality for the parties to the case,
for which presurnptio juris et de jure alone is valid - to know the law

(jura novit curia). AS pointed out by Judges Bedjaoui, Guillaume and
Ranjeva in their joint declaration in the Lockerhic case: "that is for the
Court - not the parties - to take the necessary decision" (Questions of'
Interprctution und Application of the 1971 Montreal Convention arising
from the Aerial Incident ut Lockrrhie (Libyan Arub Jumahiriya v. United

Kingdom), 1.C.J. Reports 1998, p. 36, para. 11).

A contrurio, the Court would risk, in a matter which is ratio legis
proper of the Court's existence, bringing itself into the position of a pas-
sive observer, who only takes cognizance of the arguments of the parties

and, then, proceeds to the passing of a decision.
4. The other function is associated with equalization in the part which
is concerned with the relations between the Applicant and those respon-
dent States which have no national judges on the Bench.
The respondent States having no judge of their nationality on the

Bench have chosen, in the usual procedure, their judges ad hoc (Belgium,
Canada, Italy and Spain). Only Portugal has not designated its judge ad
hoc. The Applicant successively raised objections to the appointment of
the respondent States' judges ud hoc invoking Article 31, paragraph 5, of
the Statute of the Court. The responses of the Court with respect to this
question invariably contained the standard phrase "that the Court . . .

found that the choice of a judge ad hoc by the Respondent is justified in
the ~resent hase of the case".
~eedless ;O Say, the above formulation is laconic and does not offer
sufficient ground for the analysis of the Court's legal reasoning. The only
element which is subject to the possibility of teleological interpretation

is the qualification that the choice of a judge ad hoc is "justified in the
present phase of the case". A contrario, it is, consequently, possible that
such an appointment of a judge ad hoc would "not be justified" in some
other phases of the case. The qualification referred to above could be
interpreted as the Court's reserve with respect to the choice of judges ud

hoc by the respondent States, a reserve which could be justifiable on
account of the impossibility for the Court to perceive the nature of their
interest - whether it is the "same" or "separate" - before the parties set
out their positions on the case.
The meanings of equalization as a rutio legis institution of judges ad
hoc, in the case concerning the Applicant and respondent States whichque cinq Etats défendeurs, pas moins, comptaient un juge de leur natio-
nalitésur le siège.Mais il n'est certainement pas possible de considérer
que ce cas de figure ôte toute pertinenceà la question, mêmesi la Répu-
blique fédéralede Yougoslavie a tacitement admis une telle dérogation
flagrante à la lettre eà l'esprit de l'article 31, paragraphe 2, du Statut.
La Cour a, quant à elle, l'obligation de prendre en considération, ès
qualité, cette question qui est ce point cruciale, qui découle directement

de l'égalité depsarties et, l'inverse, qui risque en outre de porter direc-
tement et sensiblement atteinte à l'égalitdes parties. La Cour est le gar-
dien de la légalitépour les parties, et, a cette fin, seule est valable la
presumptio juris et de jure - il faut savoir le droit(juru novit curiu).
Comme l'ont dit trois membres de la Cour. MM. Bedjaoui, Guillaume et
Ranjeva, dans la déclaration commune qu'ils ont faite dans l'affaire Loc-
kerbie: «il appartientà la Cour et non aux parties de prendre la décision
requise))(Questions d'interprétation et d'upplicution de lu convention de
Montréalde 1971 résultuntde l'incident aérien cl e ockerbie (Jumahiriju
arabe libyenne c. Royuume-Uni), C. IJ. Recueil 1998, p. 36, par. 11).
'4 corztrario,la Cour risquerait, alors que la question relèvevéritable-

ment de sa raison d'être,de se cantonner dans l'attitude de l'observateur
passif, qui se contente de prendre connaissance des thèses des parties,
puis se prononce.
4. Le second élémenta étudierest celui du rétablissementde l'égalité
dans lesrelations entre le demandeur et les Etats défendeurs qui neGmp-
tent pas de juge national sur le siège.
Les Etats défendeurs necomptant pas dejuge national sur le siègeont,
suivant la procédurehabituelle, désigné un juge ud hoc de leur choix (Bel-
gique, Canada, Espagne et Italie). Seul le Portugal n'a pas désigndejuge
LIIIOCL. e demandeur a successivement soulevédes objections à la dési-
gnation de ces juges ud hoc des Etats demandeurs en invoquant le para-

graphe 5 de l'article 31 du Statut de la Cour. Chaque fois, la Cour a
répondu par la formule habituelle: «La Cour, ...est parvenue à la
conclusion que la désignationd'un juge ad hoc par [le défendeur]sejus-
tifiait dans la présente phasede l'affaire)).
Certes, la formule est laconique, trop peu détailléepour permettre
d'analyser le raisonnement juridique suivi par la Cour. Le seul élément
qui se prêteà une interprétation téléologiqueest le membre de phrase ser-
vant a qualifier la désignationd'un juge ad hoc,laquelle serait «justifi[ée]
dans la présentephase de l'affaire)).A contrurio, il est donc possible que
cette désignation de juges ad hoc ne soit «pas justifiée))dans certaines
autres phases de l'affaire. Cette qualification peut s'interpréter comme

une réserve,de la part de la Cour, quant à la désignationde juges ad hoc
par les Etats défendeurs,réservequi s'expliquerait par l'impossibilitéoù
se trouverait la Cour de voir, avant qu'elles définissent leurposition, quel
est l'intérêt depsarties- font-elles ou non cause commune'?

Le sens iidonner au rétablissementde l'égalité entre les parties, puis-
que c'est la raison d'être de l'institutiondu juge ud Iloc dans le cas deare parties in the same interest, and which do not have a judge ad hoc.of
their nationality on theBench, have been dealt with in the practice of the
Court, in a clear and unambiguous manner.

In the South West Africa case (1961)it was established that, if neither
of the parties in theame interest has ajudge of its nationality among the

Members of the Court, those parties, acting in concert, will be entitled to
appoint a singlejudge ud hoc (South West Africa, I.C.J. Reports 1961,
P 3).
If, on the otherhand,among the Members of the Court there is ajudge
having the nationality of even one of those parties, then no judgead hoc
will be appointed (Territorial Jurisdiction ofthe Internation~~lCommis-
sion of the River Oder, P.C. I.J., Series C, No. 17-11, p. 8; Customs
Régimehetiveen Gerinanyund Austriu, 1931, P.C.1.J., Series AIB, No.41,
p. 88).
This perfectly coherent jurisprudence of the Court upplied to this par-
ticulur case means that none of the respondent States ii8ereentitled to
appoint a judge ad hoc.

Consequently, it may be said that in the present case neither of the two
basic functions of the institution of judged hoc has been applied in the
composition of the Court in a satisfactory way. In my opinion, it is a
question of the utmost specificweight in view of the fact that, obviously,
its meaning is not restricted to the procedure, but that it may have aar-
reaching concrete meaning.

II. HUMANITARIA CNONCERN INTHISPARTICULA CARSE

5. Humanitarian concern, as a basis for the indication of provisional
measures, has assumed primary importance in themore recent practice of
the Court.
Humanitarian concern has been applied on two parallel tracks in the
Court's practice :

(a) In respect of'the indii)iduu/

In this regard the cases concerning LaCrund (Germany v. United
States of Aiîzericu) and the VierlnciConvention on Consular Relations
(Paraguay v. United States of An~erica) are characteristic.
In both cases the Court evinced the highest degreeof sensibilityfor the
humanitarian aspect of the matter, which probably found its full expres-
sion in the part of the Application submitted by Germany on 2 March
1999 :

"The importance and sanctity of an individual human life are well
established in international law. As recognized by Article 6 of the
International Covenant on Civil and Political Rights, every human
being has the inherent right to life and this right shall be protected LICÉITE DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DES. KRECA) 465

figure ou le demandeur et les Etats défendeursqui font cause commune
ne comptent pas dejuge ud hoc de leur nationalité sur le siège,a étédéfini
dans la pratique de la Cour de façon très claire, sans la moindre ambi-
guïté.
Dans l'affaire duSuhOuest ujiicuin (1961), il a étédécidéque, au cas
où ni l'une ni l'autre des Parties faisant cause commune ne compterait de
juge de sa nationalité sur le siège,lesdites Parties auraient la faculté de
désignerd'un commun accord un seul juge ad hoc (Sud-Ouest africain,

C.I.J. Recueil 1961, p. 3).
Si, en revanche, la Cour compte parmi ses membres un juge ayant la
nationalité d'une des parties, ne serait-ce que de l'une d'elles, il ne sera
pas désignéde juge ud hoc (Juridiction territoriale de lu Comnzission
internationale de l'Oder, C.P.J.I. sérieC no 17 (II), p. 8;Régime doua-
nier entre l'Allemagne et l'Autriche, 1931, C.P. J.1. série AIB no 41,
p. 88).
Si l'on appliqueà la prksente instance cette jurisprudence parjuitement
cohkrente de lu Cour, aucun des Etuts défendeursn'étaithabilité à dési-
gner unjuge ad hoc.
On peut donc dire qu'en l'espèce, nil'une ni l'autre des deux fonctions

élémentairesde l'institution du jugead hoc n'a été remplie de façon satis-
faisante du point de vue de la composition de la Cour. A mon sens, la
question revêtun intérêttout particulier parce que, manifestement, son
importance ne se limite pas a la procédure etpourrait avoir une portée
concrète de très grande ampleur.

II. LE PROBLÈME HUMANITAIRE EN L'ESPÈCE

5. Les problèmes humanitaires en tant que motif d'indication de me-
sures conservatoires revêtent une importance primordiale dans la pra-
tique la plus récentede la Cour.
En la matiére,la Cour suit deux voies parallèles:

a) L'intérêp tarticulier de/upersonne

A cet égard,l'affaire LuCrand (Allcmugne c. Etuts- Unis d'Amérique)
et l'affaire relatiàela Convention de Viennesur les relutions consuluires
(Puraguuj~c. Etuts-Unis d'Amérique) sont caractéristiques.
Dans les deux affaires, la Cour s'est montréeextrêmementsensible à
l'aspect humanitaire de la question a examiner, ce qu'exprime probable-
ment au mieux la requêteprésentéepar l'Allemagne le 2 mars 1999:

((L'importance et le caractère sacréde la vie humaine sont des
principes bien établis du droit international. Comme le reconnaît
l'article du pacte international relatif aux droits civilset politiques,
le droità la vie est inhérenta la personne humaine et ce droit doit by law." (LaCrund (Germai~y v. United Stutes of'Americu), Provi-
sional Meusures, Order of 3 March 1999, 1.C.J. Reports 1999, p. 12,
para. 8).

The following day, the Court already unanimously indicated provisional
measures because it found that in question was "a matter of the greatest
urgency" (ihid,p. 15,para. 26),which makes it incumbent upon the Court

to activate the mechanism of provisional measures in accordance with Ar-
ticle 41 of the Statute of the Court and Article 75, paragraph 1, of the
Rules of Court in order: "to ensure that Walter LaGrand is not executed
pending the final decision in these proceedings" (ibid.,p. 16,para. 29).
Almost identical provisional measures were indicated by the Court in
the dispute between Paraguay and the United States of America which
had arisen on the basis of the Application submitted by Paraguay on
3 April 1998. On the same day, Paraguay also submitted an "urgent
request for the indication of provisional measures in order to protect its
rights" (Viennu Convention on Consulur Relations (Paraguay v. United
States of America), Order of 9 April 1998, 1. C.J. Reports 1998, p. 251,
para. 6). As early as 9 April 1998the Court unanimously indicated pro-

visional measures so as to: "ensure that Angel Francisco Breard is not
executed pending the final decision in these proceedings" (ibid.,p. 258,
para. 41).
It is evident that humanitarian concern represented an aspect which
brought about unanimity in the Court's deliberations. This is clearly
shown not only by the letter and spirit of both Orders in the above-
mentioned cases, but also by the respective declarations and the separate
opinion appended to those Orders. In the process, humanitarian consid-
erations seem to have been sufficiently forceful to put aside obstacles
standing in the way of the indication of provisional measures. In this

respect, the reasoning of the Court's seniorjudge, Judge Oda, and that of
its President, Judge Schwebel, are indicative.
In paragraph 7 of his declaration appended to the Order of 3 March
1999 in the case concerning LaGrand (Germany v. United Stutes of
Anîrrica), Judge Oda convincingly put forward a series of reasons of a
conceptual nature which explained why he "formed the view that, given
the fundamental nature of provisional measures, those measures should
not have been indicated upon Germany's request". But, Judge Oda goes
on to "reiterate and emphasize" that he "voted in favour of the Order
solely for humanitarian reasons" (1.C.J. Rcports 1999, p. 20).
President Schwebel, in his separate opinion, has not explicitly stated
humanitarian considerations as the reason that guided him in voting for

the Order; however, it is reasonable to assume that those were the only
considerations which prevailed in this particular case in viewof his "pro-
found reservations about the procedures followed both by the Applicant
and the Court" (LuCrund (Germany v. United States oJ'Arnericu), Pro-
i~isionulMeusures. Order qf 3 Murch 1999. I.C.J. Reports 1999, p. 22). LICÉITE DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS. KRE~A) 466

êtreprotégépar la loi.» (LaCrand (Allemagne c. Etats-Unis d'Am&-
rique), nlesures conservatoires, ordonnance du 3 mus 1999, C.I.J.
Recueil 1999, p. 12,par. 8.)

Dèsle lendemain. à I'unanimité,la Cour a indiquédes mesures conser-

vatoires parce que les circonstances exigeaient qu'elle les «indique» de
toute urgence (ibid,p. 15,par. 26), de sorte qu'il lui incombait de mettre
en train le mécanismevoulu conformément à l'article 41 de son Statut et
de l'article 75, paragraphe 1, de son Règlement, «pour que M. Walter
LaGrand ne soit pas exécutétant que la décision définitive enla présente
instance n'aura pas été rendue))(ibid, p. 16, par. 29).
La Cour a indiqué des mesures conservatoires quasiment identiques
dans le différendopposant le Paraguay et les Etats-Unis d'Amérique à la
suite de la requêteprésentéepar le Paraguay le 3 avril 1998. Le même
JOLLl~e,Paraguay a également présenté «une demande urgente en indica-
tion de mesures conservatoires à l'effet de protégerses droits)(Conven-
tion dc. Vienne sur les relations consulaires (Paraguay c. Etats-Unis

d'Amérique), ordonnance du 9 avril 1998, C.I.J. Recueil 1998, p. 251,
par. 6). Et dès le 9 avril 1998, I'unanimité,la Cour a indiqué desme-
sures conservatoires «pour que M. Angel Francisco Breard ne soit pas
exécutétant que la décision définitive enla présente instance n'aura pas
étérendue» (ibid.p. 258, par. 41).
11est évidentque c'esà cause de l'aspect humanitaire du problèmeque
l'unanimité a été réaliséeau sein de la Cour. On en voit clairement la
preuve non seulement dans la lettre et l'esprit des deux ordonnances ren-
dues dans ces deux affaires, mais aussi dans les déclarations ainsi que
dans l'opinion individuelle qui leur ont étéjointes. En l'occurrence, les
considérations humanitaires ont été,semble-t-il, assez fortes pour lever

lesobstacles qui s'opposaientà l'indication de mesures conservatoires. Le
raisonnement du doyen de la Cour, M. Oda, et celui de son président,
M. Schwebel, sont significatifs.
Au paragraphe 7 de la déclarationqu'iljointàI'ordonnance du 3 mars
1999 dans l'affaire LuCrund (Alleinugne c. Etats-Unis d'Amérique),
M. Oda énoncede façon convaincante une sériede motifs d'ordre théo-
rique qui l'«ont conduit A penser qu'il n'y avait pas lieu d'indiquer les
mesures conservatoires demandées par l'Allemagne, eu égardau carac-
tère fondamental de telles mesures)). Mais, M. Oda tient à «rappel[er]
avec force [que s'il a] votéen faveur de I'ordonnance, c'est uniquement
pour des motifs humanitaires)) (C.I.J. Recueil 1995,p. 20).

Dans son opinion individuelle, le présidentde la Cour, M. Schwebel,
n'a pas expressément déclaré qu'il s'étaitinspiré deconsidérationshuma-
nitaires pour voter en faveur de l'ordonnance, mais il est raisonnable de
penser que ce sont les seules considérations qui ont prévaluen l'espèce,
puisqu'il avait«de profondes réservesquant à la manière de procéder
tant de la Partie requérante que de la Cour» (LuGrand (Allemagne
c. Etats-Unis d'Atn&rique),mesures conservrrtoire.. r~loniîuncedu 3 mars
1599. C.1.J. Recueil 1999, p. 22). As far as the Applicant is concerned:
"Germany could have brought its Application years ago, months
ago, weeks ago or days ago. Had it done so, the Court could have
proceeded as it has proceeded since 1922and held hearings on the
request for provisional measures. But Germany waited until the eve
of execution and then brought its Application and request for pro-

visional measures, at the same time arguingthat no time remained to
hear the United States and that the Court should act proprio motu."
(1C. J. Reports 1999, p. 22.)
The Court, for its part, indicated provisional measures, as President
Schwebel put it, "on the basis only of Germany's Application".

(b) In respect of a group of individualsor the population as a consti-
tutive element of the State

The protection of the citizens emerged as an issue in the case concern-
ing Military and Paramilitary Activities in and aguinst Nicaragua (Nica-
ragua v. United States of Americu) :
"In its submission, Nicaragua emphasized the death and harm
that the alleged acts had caused to Nicaraguans and asked the Court
to support, by provisional measures, 'the rights of Nicaraguan citi-
zens to life, liberty and security'." (R. Higgins, "Interim Measures

for the Protection of Human Rights", in Politics, Valuesand Func-
tions, International Law in the 21st Century, 1997,Charney, Anton,
O'Connell, eds., p. 96.)
In the Frontier Dispute (Burkina FasolRepublic of Mali) case, the
Court found the source for provisional measures in:

"incidents . ..which not merely are likely to extend or aggravate the
dispute but comprise a resort to force which is irreconcilable with
the principle of the peaceful settlement of international disputes"
(Frontier Dispute, Provisional Measures, Order qfIOJunuary 1986,
I.C.J. Reports 1986, p. 9, para. 19).

Humanitarian concern in this particular case was motivated by the risk
of irreparable damage:
"the facts that have given rise to the requests of both Parties for the
indication of provisional measures expose the persons and property

in the disputed area, as well as the interests of both States within
that area, to serious risk of irreparable damage" (ibid., p. 10,
para. 21).
It can be said that in the cases referred to above, in particular those in
which individuals were directly affected, the Court formed a high stand- Et, en ce qui concerne le demandeur, M. Schwebel a dit ceci:

((L'Allemagneaurait pu présenter sa requête des années, dem s ois,
des semaines, voire quelquesjours plus tôt. L'eût-ellefait, la Cour eut
pu procédercomme ellele fait depuis 1922et tenir des audiencessur la
demande en indication de mesures conservatoires. Mais l'Allemagne
a attendu la veillede l'exécutionpour présenter sa requêteet sa de-
mande en indication de mesures conservatoires, en faisant valoir
par la mêmeoccasion que la Cour n'avait plus le temps d'entendre
les Etats-Unis et devrait agir d'office.)) (C.I.J.ecueil 1999, p. 22)

De son côté, la Cour a indiqué des mesures conservatoires en
s'appuyant, comme le dit M. Schwebel, présidentde la Cour, «exclusive-
ment» sur la requêtede l'Allemagne.

b) L'intGrL'tcollectifd'un groupe ou d'une population en tant qu'élément
constitutif de I'Etat

La protection de la population nationale est devenue question litigieuse
dans l'affaire relative aux Activités militaires et paramilitaires au Nica-
ragua et u l'encontre de celui-ci (Nicaragua c. Etals- Unis d'Amérique) :

((Dans sa conclusion, le Nicaragua a insistésur les morts, sur les
dommages que les actes allégués ont causéschez les Nicaraguayens et
a demandé à la Cour de soutenir, au moyen de mesuresconservatoires,
«les droits des citoyens nicaraguayensà la vie,à la libertéeà la sécu-
rité».» (R. Higgins, ((Interim Measures for the Protection of Human
Rights)),dans Charney, Anton, O'Connel1(dir. publ.), Politics, Values
and Functions, International Luiv in tlze21st Century, 1997, p. 96.)

Dans l'affaire du Diffërend frontalier (Burkinu FasolRépublique du
Mali), la Cour, pour indiquer des mesures conservatoires, s'est fondée
sur des:

((incidentsqui,non seulement sont susceptibles d'étendreou d'aggra-
ver le différend, maiscomportent un recours à la force inconciliable
avec le principe du règlement pacifique des différends internatio-
naux» (Diffrrend frontalier, mesures conservutoires, ordonnance du
10 janvier 1986, C.I.J. Recueil 1986, p. 9, par. 19).

En l'espèce,la préoccupation humanitaire étaitmotivéepar le risque de
préjudiceirréparable :
«les faits aui sontà l'orugine des demandes des deux Parties en indi-
cation de mesures conservatoires exposent les personnes et les biens
se trouvant dans la zone litigieuse, ainsi que les intérêtsdes deux

Etats dans cette zone, à un risque sérieuxde préjudiceirréparable))
(ibid, p. 10,par. 21).
On peut dire que, dans les affaires évoquées ci-dessus,en particulier celles
dans lesquelles des individus étaient directement concernés, laCour s'est468 LEGALlTY OF USE OF FORCE (DISS .P. KRECA)

ard of humanitarian concern in the proceedings for the indication of
interim measures, a standard which commanded sufficient inherent
strength to brush aside also some relevant, both procedural and material,
rules governing the institution of provisional measures. Thus, humanitar-
ian considerations, independently from the norms of international law
regulating human rights and liberties, have, in a way, gained autonomous

legal significance; they have transcended the moral and philanthropie
sphere, and entered the sphere of law.

6. In the case at hand, it seems that "humanitarian concern" has lost
the acquired autonomous legal position. This fact needs to be stressed in
view of the special circumstances of this case.
Unlike the cases referred to previously, "humanitarian concern" has as
its object thefate of an entire nation, in the literal sense. Such a conclu-
sion may be inferred from at least two elements:

-primo, the Federal Republic of Yugoslavia and its national and eth-
nie groups have been subjected for more than two months now to con-
tinued attacks of a very strong, highly organized air armada of the most
powerful States of the world. The aim of the attack is horrifying, judging
by the words of the Commander-in-Chief, General Wesley Clark, and he
ought to be believed:

"We're going to systematically and progressively attack, disrupt,
degrade, devastate, and ultimately, unless President Miloseviécom-
plies with the demands of the international community, we're going
to completely destroy his forces and their facilities and support."
(BBC News, http://news.bbc.co.uk/english/static.NATOgalleryPdir
default.strn/l4 May 1999.)

"Support" is interpreted, in broad terms, extensively; to the point
which raises the question of the true object of the air attacks. In an
article entitled "Belgrade People Must Suffer" Michael Gordon quotes
the words of General Short that he "hopes the distress of the public will,
must undermine support for the authorities in Belgrade" (Infer-national
Heruld Tribune, 16 May 1999,p. 6)and he continued:

"1 think no power to your refrigerator, no gas to your stove, you
can't get to workbecause bridge is down - the bridge on which you
held your rock concerts and you al1 stood with targets on your
heads. That needs to disappear at three o'clock in the morning."
(Ibi d

That these are not empty words is testified to by destroyed bridges, power
plants without which there is no electricity, water supply and production LICÉITE DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS. KRECA) 468

appuyée sur une norme humanitaire supérieuredans le cadre de la pro-
cédureen indication de mesures conservatoires, une norme qui avait suf-

fisamment de force intrinsèque pour que l'on déroge à certaines règles
pertinentes, règlesde procédureet règlesde fond, qui régissent I'institu-
tion des mesures conservatoires. En somme, les considérations humani-
taires, indépendamment des normes du droit international qui règlentles
droits de l'homme et ses libertés,ont en quelque sorte acquis un rôlejuri-
dique autonome; ces considérations ont désormais franchi les limites
du domaine moral et philanthropique pour entrer dans le domaine du
droit.
6. En l'espèce,il semble pourtant que la préoccupation (chumanitairen
ait perdu l'autonomie acquise sur le plan juridique. Vu lescirconstances

particulières del'instance, il convient de s'arrêtersur ce fait.
A la différence des affaires évoquées précédemmentl,e «problème
humanitaire)) porte ici, littéralement, sur le sort de toute une nation.
Nous aboutissons à cette conclusion à partir de deux élémentsau
moins
En premier lieu, la Républiquefédéralede Yougoslavie et ses groupes
nationaux et ethniques sont soumis depuis plus de deux mois à présent

aux attaques constantes d'une armada aérienne très forte, extrêmement
organisée,appartenant aux Etats les plus puissants du monde. La finalité
de cette attaque a dequoi horrifier, si'onenjuge par lesparoles du com-
mandant en chef, le généralWesleyClark, et il n'y a pas lieu de douter de
ce qu'il dit
«Systématiquement et progressivement, nous allons attaquer,

ébranler, dégrader, dévaster, et finalement, sauf si le président
Milosevii. se plie aux exigences de la communauté internationale,
nous allons détruire intégralement ses forces armées et leur ôter
toutes leurs infrastructures et toutes leurs bases desoutien» (BBC
News, http:llneirs.bbc.COu.klenglishlstuNAc.TOgullerylairdefuult.stml
14 mai 1999).

En l'occurrence,leterme ((soutien))revêt un senstrèslarge, au point que
l'on peut se demander quel est vraiment l'objet des attaques aériennes.
Dans un article intitulé «La population de Belgrade doit souffrir)),
Michael Gordon cite le généralShort qui dit ((espérerque la détressede
la population va saper, qu'elle doit saper, le soutien dont bénéficientles
autoritésde Belgrade)) (Intcrnationul Heruld Tribune, 16mai 1999,p. 6)
et il poursuit

«Il n'y aura plus d'électricitépour votre frigo, plus de gaz pour
votre cuisinière, vous ne pourrez plus aller au travail parce que le
pont est démoli - ce pont sur lequel vous avez organisévos concerts
rock et sur lequel vous vous êtesmassés avecdes cibles sur la tête.
Tout cela disparaît A 3 heures du matin.)) (Ibid.)
Il ne s'agissait pas là de paroles en l'air, comme en témoignentles ponts

démolis, la disparition de centrales électriques,de l'adduction d'eau, desof foodstuffs essential for life; destroyed roads and residential blocks and
family homes; hospitals without electricity and water and, above all,
human beings who are exposed to bombing raids and who, as is rightly
stressed in the Application in theLaGrand (Germany v. UtzitedStates of
America) case, have the "inherent right to life" (International Covenant
on Civil and Political Rights, Art. 6), whose importance and sanctity are
well established in international law. In theinferno of violence, they are
but "collateral damage".

- secundo, the arsenal used in the attacks on Yugoslavia contains also

weapons whose effects have no limitations either in space or in time. In
the oral proceedings before the Court, the Agent of the United States
explicitly stressed that depleted uranium is in standard use of the United
States Army (CR99124, p. 21).
The assessment of the effects of depleted uranium should be left to
science. The report by Marvin Resnikoff of Radioactive Management
Associates on NMI elaborated upon these effects:
"Once inhaled, fine uranium particles can lodge in the lung alveo-

lar and reside there for the remainder of one's life. The dose due to
uranium inhalation is cumulative. A percentage of inhaled particu-
lates may be coughed up, then swallowed and ingzsted. Smoking is
an additional factor that needs to be taken into account. Since
smoking destroys the cilia, particles caught in a smoker's branchial
passages cannot be expelled. Gofman estimates that smoking
increases the radiation risk by a factor of 10. Uranium emits an
alpha particle, similar to a helium nucleus, with two electrons
removed. Though this type of radiation is not very penetrating, it
causes tremendous tissue damage when internalized. When inhaled,
uranium increases the probability of lung cancer. When ingested,
uranium concentrates in the bone. Within the bone, it increases the
probability of bone cancer, or, in the bone marrow, leukemia. Ura-
nium also resides in soft tissue, including the gonads, increasing the
probability of genetic health effects, including birth defects and
spontaneous abortions. The relationship between uranium ingested

and the resultant radiation doses to the bone marrow and specific
organs . . are listed in numerous references.

The health effects are also age-specific. For the same dose, chil-
dren have a greater likelihood than adults of developing cancer."
(Uranium Battle$elds Honze & Abroad: Depleted Uranium Use by
the U.S. Department of Defense, Rural Alliance for Military
Accountability et al., March 1993,pp. 47-48.)

A scientific analysis of the concrete effects of armed operations againstproductions alimentaires indispensables à la vie; comme en témoignela
destruction de routes, d'immeubles résidentiels,de maisons d'habitation
unifamiliales; comme en témoignent les hôpitaux privés d'électricité et
d'eau et, par-dessus tout, ces êtreshumains qui sont exposésaux bom-
bardements et qui, comme le disait si bien la requêtedans l'affaire
LuCrund (Allemugne c. Etuts- Unis d'Amérique), ont un ((droit a la vie

inhérent a la personne humaine)) (pacte international relatif aux droits
civilset politiques, art., dont l'importance et le caractère sacrésont des
principes bien établisdu droit international. Dans l'enfer de la violence,
ce ne sont plus là que des ((dommagescollatéraux)>.
En second lieu, l'arsenal qui sert aux attaques lancéescontre la You-
goslavie contient certaines armes dont les effets sont quasi illimitésdans
l'espace et dans le temps. Au cours de la procédure orale, l'agent des
Etats-Unis a nettement précisé que l'uranium appauvri est régulièrement
utilisépar l'armée desEtats-Unis (CR 99/24, p. 17).
Il convient de laisser les scientifiques évaluer les effets de l'uranium
appauvri. Le rapport de Marvin Resnikoff, qui travaille pour Radio-
active Management Associates (NMI) dit quels sont ces effets:

«Une fois inhalées,de fines particules d'uranium peuvent se loger
dans lesalvéolesdu poumon et y resterjusqu'à lafinde votre vie. La
dose inhalée est cumulative. Une certaine fraction des particules
inhalées peut êtreexpectorée puis avalée et ingérée.Si l'intéressé
fume, il faut prendre cet élément enconsidération. Comme fumer
détruitles franges ciliaires, les particules capturéesdans les passages
bronchiques du fumeur ne peuvent pas être expulsées. Gofman
estime que, chez les fumeurs, le risque dû à l'irradiation est ainsi
multipliépar dix. L'uranium émet une particule alpha, analogue a
un noyau d'héliumamputé de deux électrons.Les rayonnements de

ce type ne pénètrentpas très profondément, mais, une fois à l'inté-
rieur du corps, ilscausent beaucoup de dommages aux tissus. Quand
il est inhalé,l'uranium accroît lesprobabilitésde cancer du poumon.
Quand il est ingérél,'uranium se concentre dans les os. A l'intérieur
des os, il augmente les probabilités de cancer desos, ou bien, dans la
moelle, les probabilitésde leucémie.L'uranium réside aussidans les
tissus mous, y compris les gonades, ce qui accroît les probabilitésde
conséquencesgénétiques,sous forme notamment d'anomalies géné-
tiques et d'avortements spontanés. Le rapport qui existe entre I'ura-
nium ingéréet les doses d'irradiation qui en résultentpour la moelle
osseuse et certains organes...figurent dans beaucoup d'étudescitées
en référence.
Les effets de l'uranium sur la santé sont égalementfonction de
l'âge. Pour une mêmedose, l'enfant court de plus grands risques
de cancer que l'adulte.)) (Uranium Buttlejelds Home & Abroud:

Depleted Urunium Use by the U.S. Department of'Defense, Rural
Alliance for Military Accountability, et al.,mars 1993,p. 47-48.)
L'Officefédéralallemand de l'environnement (Umweltbundesamt) a pré-Yugoslavia has been presented by Umweltbundesamt (UBA). The essen-

tials of the expertise are as follows':

(Translation 611the Rrgistrjl]

"The longer the war in Yugoslavia lasts, the greater the risk of
long-term damage to the environment. Such damage threatens to
extend beyond national frontiers, and it may no longer be possible
fully to make it good. The Federal Environmental Agency [Umwelt-
bundesamt (UBA)] cornes to this conclusion in an interna1 paper

examiningthe ecologicalconsequences of the war in Yugoslavia, pre-
pared for the meeting of European Environment Ministers at the
beginning of May in Weimar. Catastrophes 'like Sevesoand Sandoz'
are, in the opinion of the Agency, 'a perfectlyprobable damage sce-
nario'.

' "Je langer der Krieg in Jugoslawien dauert, desto grosser wird die Gefahr von lang-
fristigen Schadigungen der Umwelt. Diese drohen sich über die Landesgrenzen
hinaus auszubreiten und konnen moglicherweise nichtmehr vollstandig beseitigt wer-
den. Zu dieser Einschatzung kommt das Umweltbundesamt (UBA) in einem internen
Papier, das sich mit den okologischen Auswirkungen des Krieges in Jugoslawien
befasst und für die Vorbereitung des Treffens europaischer Umweltminister Anfang
Mai in Weimar erstellt wurde. Katastrophen 'wie Seveso und Sandoz' sind nach
Ansicht des Amtes 'eindurchaus wahrscheinliches Schadensszenario'.
.....................................
Umweltgifte, die nach Zerstorungen von Industrieanlagen austreten, konnten sich
weiter ausbreiten. 'BeiSicherstellung sofortigen Handelns. das unter Kriegsbedingun-
gen aber unmoglich ist,bleibt die Wirkung dieser Umweltschadigungenlokal begrenzt.
Langere Verzogerungen führen zu einem übertritt der Schadstoffe in die Schutzgüter
Boden, Grund- und Oberflachenwasser, erhohen das Gefihrdungspotential für den
Menschen und den Sanierungsaufwand betrachtlich.'
Diese Folgen müssen nicht auf Jugoslawien beschrankt sein. Schadstoffe aus
Grossbriinden konnten grenzüberschreitend verteilt werden. Weiter heisst esin dem
Papier: 'Die Einleitung der Gefahrstoffe in Oberflachenwasser kann zur weitraumi-
gen Schadigung der Okosysteme führen. Die Deposition von Gefahrstoffen in Boden
mit weitgehenden Nutzungseinschriinkungen führen.'anganhaltenden Versuchungen
Die Gefahr einer 'tiefgreifenden Zerstorung wesentlicher Bestandteile von Trink-
wasserversorgungssystemen'sei für mittlere und grosse Stadte sowie Ballungsgebiete
am grossten. Schon geringe Mengen von Substanzen der petrochemischen Industrie
konnten 'grosse Grundwasservorrate unbrauchbar machen'.
Wie gefahrlich die freigesetzten Stoffe insgesamt sind, Iasst sich nach Ansicht der
UBA-Experten nur schwer abschatzen. 'weildurch die Zerstorung ganzer Industrie-
komplexe Mischkontaminationen verschiedenster Schadstoffe gebildet werden'. die
noch wenig erforscht seien. Noch komplizierter sei die Beurteilung von Umwelt-
schaden durch Brande und Explosionen. 'Hier treten bezogen auf Schadstoffinventar
und Ausbreitung weit weniger kalkulierbare, zum Teil grossflachige Umweltschadi-
gungen ein.'
Die Verbrennungsprodukte seien 'zum Teil hoch toxisch und kanzerogen'. Je nach
klimatischen Bedingungen konne es 'zueiner grossflachigen Verteilung dieser Stoffe'
kommen. 'die einevollstandige Beseitigung nahezu unmoglich macht' ...
Die Wechselwirkungen der Produkte mit den eingesetzten Waffen dürften 'vollig
unbekannt' sein." (TAZ, Dit, Tuge.~zeitung,Berlin, 20 May 1999.)sentéune analyse scientifiquedes effetsconcrets imputables aux opérations
arméescontre la Yougoslavie.Ce rapport d'expertdit essentiellementceci ':

((Plus la guerre en Yougoslavie dure et plus le risque de dommages
à long terme a l'environnement s'aggraveC . es dommages menacent de
s'étendre au-delà des frontièresde la Yougoslavie etpeut-êtreest-il
déjàtrop tard pour qu'on puisseleséradiquer.C'est à cette conclusion

que parvient l'Officefédéraa lllemandde l'environnement (Um,ve/thun-
desamt) dans un document interne examinant les conséquencespour
l'environnement de la guerre en Yougoslavie, établi envue de la réu-
nion des ministres européensde l'environnementdébutmai à Weimar.

Des catastrophes du type de cellesde Sevesoet de Sandoz constituent,
selon l'office, «un scénario éminemmenp trobable P.

' «Je langer der Krieg in Jugoslawien dauert. desto grosser wird die Gefahr von lang-
fristigen Schidigungen der Umwelt. Diese drohen sich über die Landesgrenzen
hinaus auszubreiten und konnen moglicherweise nicht mehr vollstandig beseitigt wer-
den. Zu dieser Einschitzung kommt das Umweltbundesamt (UBA) in einem internen
Papier, das sich mit den okologischen Auswirkungen des Krieges in Jugoslawien
betàsst und für die Vorbereitung des Treffeiis europaischer Umweltminister Anfang
Mai in Weimar erstellt wurde. Katastrophen 'wie Seveso und Sandoz' sind nach
Ansicht des Amtes 'ein durchaus wahrscheinliches Schadensszenario'.
.....................................
Umweltgifte, die nach Zerstorungen von lndustrieanlagen austreten. konnten sich
weiter ausbreiten. 'Bei Sicherstellung sofortigen Handelns, das unter Kriegsbedin-
gungen aber unmoglich ist, bleibt die Wirkung dieser Umweltschiidigungen lokal
begrenzt. Langere Verzogerungen führen zu einem übertritt der Schadstoffe in die
Schutzgüter Boden, Grund- und OberHachenwasser,erhohen das Gefihrdungspoten-
tial für den Menschen und den Sanierungsaufwand betrachtlich.'
Diese Folgen müssen nicht auf Jugoslawien beschrankt sein. Schadstoffe aus
Grossbranden konnten grenzüberschreitend verteilt werden. Weiter heisst es in dem
Papier: 'Die Einleitung der Gefahrstoffe in Oberflachenwasser kann zur weitraumi-
gen Schadigung der Okosysteme führen. Die Deposition von Gefahrstoffen in Boden
kann je nach Eigenschaft der Stoffe und Boden zu langanhaltenden Versuchungen
mit weitgehenden Nutzungseinschrankungen führen.'
Die Gefahr einer'tiefgreifenden Zerstorung wesentlicher Bestandteile von Trink-
wasserversorgungssystemen' sei für mittlere und grosse Stidte sowie Ballungsgebiete
am grossten. Schon geringe Mengen von Substanzen der petrochemischen Industrie
konnten 'grosse Grundwasservorrate unbrauchbar machen'.
Wie gefihrlich die freigesetzten Stoffe insgesamt sind. Iisst sich nach Ansicht der
UBA-Experten nur schwer abschatzen, 'weil durch die Zerstorung ganzer Industrie-
komplexe Mischkontaminationen verschiedenster Schadstoffe gebildet werden'. die
noch wenig erforscht seien. Noch komplizierter sei die Beurteilung von Umwelt-
schaden durch Brande und Explosionen. 'Hier treten bezogen auf Schadstoff-
inventar und Ausbreitung weit weniger kalkulierbare, zum Teil grossfliichige
Umweltschiidigungen ein.'
Die Verbrennungsprodukte seien 'zum Teil hoch toxisch und kanzerogen'. Je
nach klimatischen Bedingungen konne es 'zu einer grosstiichigen Verteilung dieser
Stoffe' kommen, 'die eine vollstandige Beseitigungnahezu unmoglich macht' ...
Die Wechselwirkungen der Produkte mit den eingesetzten Waffen dürften 'vollig
unbekannt' sein.)) (TAZ, Dic Tugeszeitun~. Berlin, 20 mai 1999.) Environmental toxins released by the destruction of industrial
plant could spread further. 'If immediate action is taken, which is,
however, impossible under war conditions, the effect of this environ-
mental damage will remain restricted to local level. Longer delays
will result in toxic substances passing into the soil, groundwater and

surface water, and substantially increase the potential danger to
man, and the cost of cleansing operations.'

These consequences are not necessarily limited to Yugoslavia.
Harmful substances deriving from major conflagrations can be dif-
fused beyond frontiers. The paper continues: 'Passage of harmful
substances into surface water can lead to extensive damage to eco-
systems. The deposition of hazardous substances in the soil can,
depending on the nature of those substances and of the soil, result in
long-term contamination, imposing far-reaching limitations upon
utilization.'

The danger of 'extensive destruction of essential components of

drinking-water supply networks' is biggest with regard to middle-
sized and large cities and conurbations. Even small amounts of sub-
stances from the petrochemical industry can render 'extensive
groundwater reserves unusable'.

According to the Federal Environmental Agencyexperts, the over-
al1risk posed by the substances released isdifficult to assess,'because
the destruction of entire industrial complexes results in mixed con-
tamination by a wide variety of harmful substances' - an area in
which there has as yet been little research. Even more problematic,
in the experts' view, is the assessment of environmental damage
caused by fires and explosions. 'Here, in terms of identification of
the harmful substances involved and the possibility of their diffu-

sion, environmental damage is far harder to predict, but will on
occasion be extensive.'

The substances produced by the fires are described as 'in part
highly toxic and carcinogenic'. Depending on climatic conditions,
'widespread diffusionof these substances' could occur, 'whichwould
render full cleansing almost impossible'.

The effects of the interaction of those substances with the
weapons employed were said to be 'completely unknown'." (TAZ,
Die Tugeszeitung, Berlin, 20 May 1999.)

Therefore, it is my profound conviction, that the Court is, in concveto,
confronted with an uncontestable case of "extreme urgency" and "irrepa-

rable harm", which perfectly coincides, and significantly transcends the Les substances toxiques pour l'environnement libérée s la suite de
la destruction d'installations industrielles pourraient se propager

une plus grande distance. L'adoption de mesures immédiates -
impossible toutefois en temps de guerre - permettrait de contenir
localement ces atteintesà l'environnement. Plus le temwss'écoulera
et plus ces substances se répandront dans le sol, leseaux souterraines
et les eaux de surface, d'où une augmentation considérabledes ris-
ques pour l'homme et du coût des opérations de nettoyage.
Ces conséquencesne sont pas nécessairement limitées à la You-
goslavie. Les substances toxiques dégagées à la suite d'incendies
majeurs peuvent se répandre au-delà des frontières. Et l'auteur
du document d'ajouter: «La migration de substances dangereuses

dans les eaux de surface peut causer de graves dommages aux éco-
systèmes. Le dépôt de substances dangereuses dans le sol peut en-
traîner, selon la nature dessubstailces et des sols, une contamina-
tion i long terme, faisant radicalement obstacle à l'utilisation des
sols.>
Le risque d'une ((destruction à grande échelle des éléments essen-
tiels du réseaud'approvisionnement en eau potable)) est plus lourd
pour les villesmoyennes, les grandes villes et les zones de concentra-
tion urbaine. De faibles quantitésde substances émanant d'installa-

tions pétrochimiques suffisent à rendre inutilisables d'importantes
réservesd'eaux souterraines)).
Selon les experts de l'Officefédéralde l'environnement, il est très
difficile d'apprécier dans son ensemble le risque que représentent
les substances libéréesdans l'environnement, «car la destruction
de complexes industriels entiers entraîne une pollution provoquée
par un véritable cocktail de substances toxiques)), sur laquelle les
recherches n'ont guère porté jusqu'à présent. L'évaluation des
dommages causés à l'environnement par les incendies et les explo-
sions est encore plus délicate, estiment les experts.l est beaucoup

plus difficile en pareil cas, du fait des problèmes liésà l'identifi-
cation des substances toxiques et au risque de les voir se répandre,
de prédirelesdommages à l'environnement, quiseront parfois consi-
dérables.»
Certaines des substances libéréesdans l'atmosphère à la suite des
incendies sont qualifiéesde «très toxiques et cancérigènes)).En fonc-
tion des conditions climatiques ambiantes, «ces substances pour-
raient diffuser très largement)), de sorte qu'«une décontamination
complète serait quasi impossible)).

Quant à l'interaction de ces produits avec lesarmes utilisées,on en
((ignorerait totalement les effets» (TAZ, Die Tugeszeitung, Berlin,
numérodu 20 mai 1999.)

Je suis par conséquent profondément convaincuque la Cour se trouve
concrètement face à une affaire imposant incontestablement d'agir «de
toute urgence» et où l'on court le risque d'un ((préjudice irréparable)),substance of humanitarian standards which the Court has accepted in
previous cases.

7. 1must admit that 1find entirely inexplicable the Court's reluctance
to enter intoserious consideration of indicating provisional measures in a
situation such as this crying out with the need to make an attempt,

regardless of possible practical effects, to at least alleviate, if not elimi-
nate, an undeniable humanitarian catastrophe. 1 do not have in mind
provisional measures in concrete terms as proposed by the Federal
Republic of Yugoslavia, but provisional measures in general: be they
provisional measures proprio motu, different from those proposed by the
Federal Republic of Yugoslavia or, simply, an appeal by the President
of the Court, as was issued on so many occasions in the past, in less
difficult situations, on the basis of the spirit of Article 74, paragraph 4,
of the Rules of Court.

One, unwillingly,acquires the impression that for the Court in thisar-
ticular case the indication of any provisional measureswhatever has been
terra prohibitu. E~cenzplicuusu,the Court, in paragraph 18of the Order,
says that it:

"deems it necessary to emphasize that al1parties appearing before it
must act in conformity with their obligations ~nder the United
Nations Charter and other rules of international law including
humanitarian law",

or, in paragraph 36 of the Order, that the Parties: "should take care not
to aggravate or extend the dispute", and it is obvious that both the above
pronouncements of the Court have been designed within the mode1 of
general, independent provisional measures.

III. JURISDICTIO ONF THE COURTRATIONE MATERIAE

8. 1 am of the opinion that in the matter in hand the Court's position
is strongly open to criticism.
The Court finds :
"whereas the threat or use of force against a State cannot in itself
constitute an act of genocide within the meaning of ArticleII of the
Genocide Convention; and whereas, in the opinion of the Court, it
does not appear at the present stage of the proceedings that the

bombings which form the subject of the Yugoslav Application
'indeedentai1the element ofintent,towards a groupas such, required
by the provision quoted above' (Legality of the Threut or Use of
Nuclear Weupons. Advisory Opinion, 1.C.J. Reports 1996 (l),
p. 240, para. 26)" (Order, para. 27).
The intent is, without doubt, the subjective element of the being of theaffaire qui répondparfaitement, quant au fond, aux normeshumanitaires
que la Cour a retenues dans certains précédents; à cet égard,la présente
instance se situe même à un niveau nettement supérieur.
7. Pour être franc,je dois dire que je trouve totalement inexplicable

que la Cour veuille s'abstenir d'étudiersérieusementla possibilitéd'indi-
quer des mesures conservatoires alors que la situation impose de façon
aussi criante de tenterà tout le moins, indépendamment des effets pra-
tiques éventuelsde la tentative, d'atténuer, sinon de supprimer, un dan-
ger incontestable de catastrophe humanitaire. Je n'envisage pas ici des
mesures conservatoires qui prendraient concrètement la forme proposée
par la Républiquefédérale de Yougoslavie.j'envisage des mesures conser-
vatoires en général:la Cour peut proposer d'office d'autres mesures
conservatoires que celles qui sont proposéespar la Républiquefédérale
de Yougoslavie. ou elle peut se contenter d'un appel lancépar le pré-
sident, comme elle l'a fait si souvent déjà,dans des situations moins diffi-
ciles, en s'inspirant de l'article 74, paragraphe 4, de son Règlement.

Sans le vouloir, on a ici l'impression que, pour la Cour en l'espèce,
l'indication de mesures conservatoires, sousquelqueforme que ce soit, lui
a sembléinterdite. Par exemple, au paragraphe 19 de l'ordonnance, la
Cour:
«estime nécessairede souligner que toutes les parties qui se pré-

sentent devant elle doivent agir conformément à leurs obligations
en vertu de la Charte des Nations Unies et des autres règles du
droit international, compris du droit humanitaire)),
ou bien elle dit, au paragraphe 49, que les Parties: «doivent veillàrne
pas aggraver ni étendre le différend)), et il est manifeste que, dans les

deux cas, la Cour s'est inspiréed'un type de mesures conservatoires de
caractère général etindépendant.

111.COMPÉTENC D E LA COUR RATIONE MATERIAE

8. Je suis d'avis qu'en l'espècela position adoptée par la Cour prête
fortement à critiques.
La Cour considère:

((quele recours ou la menace du recoursà l'emploide la force contre
un Etat ne sauraient en soi constituer un acte de génocideau sens de
l'articleI de la convention sur le génocide;et que, de l'avis de la
Cour, il n'apparaît pas au présentstade de la procédureque lesbom-
bardements qui constituent l'objet de la requête yougoslave «corn-
porte[nt] effectivement l'élémendt'intentionnalité, dirigécontre un
groupe comme tel, que requiert la disposition sus-citée»(LicPitéde

lu t?lenuceou U'LI''enlploi d'urnlcs nuclP~rires,trilisc~onsuC.I.J.:
Recueil 1996 (1), p. 240, par. 26)))(ordonnance, par. 27).
L'intentionnalitéest incontestablement l'élément subjectifui est cons-crime of genocide as, indeed, of any other crime. But, this question is not
and cannot, by its nature, be the object of decision-making in the inci-
dental proceedings of the indication of provisional measures.

In this respect, a reliable proof should be sought in the dispute which,
by its salient features, is essentially identical to the dispute under consid-
eration - the case concerning Application of the Convention on the Pre-
vention und Punishment of the Crime of Genocide.
In its Order on the indication of provisional measures of 8 April 1993,
in support of the assertion of the Respondent that, inter ulia, "it does not
support or abet in any way the commission of crimes cited in the Appli-
cation .. .and that the claims presented in the Application are without
foundation" (Application of the Convention on the Prevention und Pun-
ishment of the Crime of'Genocide,Provisional Meusures, Order of 8 April

1993, I.C.J. Reports 1993, p. 21,para. 42), the Court stated :

"Whereas the Court, in the context of the present proceedings on

a request for provisional measures, has in accordance with Article 41
of the Statute to co---der the circumstances drawn to its attention as
requiring the indication of provisional measures, but cannot make
definitive findings of fact or of imputability, and the right of each
Party to dispute the facts alleged against it, to challenge the attribu-
tion to it of responsibility for those facts, and to submit arguments
in respect of the merits, must remain unaffected by the Court's deci-
sion" (ibid., p. 22, para. 44)

and

"Whereas the Court is not called upon, for the purpose of its
decision on the present request for the indication of provisional
measures, now to establish the existence of breaches of the Geno-
cide Convention" (ibid., para. 46).

The rationale of provisional measures is, consequently, limited to the
preservation of the respective rights of the parties pendente lite which are
the object of the dispute, rights which may subsequently be adjudged by
the Court. As the Court stated in the Lund und Maritime Boundary
berween Cameroon and Nigrriu case :

"Whereas the Court, in the context of the proceedings concerning
the indication of provisional measures, cannot make definitive find-
ings of fact or of imputability, and the right of each Party to dispute
the facts alleged against it, to challenge the attribution to it of
responsibility for those facts, and to submit arguments, if appropri-
ate, in respect of the merits, must remain unaffected by the Court's

decision" (Lund and Maritime Bounhry betiileen Cameroon und
Nigeriu, Provisionai Measures, Order of 15 March 1996, I.C.J.
Reports 1996 (11, p. 23, para. 43).titutif du crime de génocidecomme du reste de n'importe quel autre
crime. Mais cette question n'est pas l'objet de la prise de décisiondans la
procédure incidente de l'indication de mesures conservatoires et, par sa
nature même,elle ne peut pas l'être.

Il fautàcet égardchercher une preuve fiable dans le différendqui, par
ses principaux traits, est pour l'essentiel identique au différend examiné
ici: il s'agit de l'affaire relative'Application de la convention pour lu
prkvention et la répressiondu crime de génocide.
Dans l'ordonnance qu'elle a rendue le 8 avril 1993sur I'indication de
mesures conservatoires, souscrivant à l'affirmation du défendeur quidit
notamment c<n'apport[er]aucun appui ni n'encourag[er], d'une façon ou
d'une autre, la perpétration des crimes mentionnésdans la requête ... [et]
que les griefs exposésdans la requêtesont dénuésde fondement)) (Appli-
cation de la convention uour lu ur4vention et la r4uression du crime de
génocide, mesures conservatoires, ordonnance du 8 avril 1993, C.I.J.
Recuc.il1993, p. 21, par. 42), la Cour a considéréque:

«dans le contexte de la présenteprocédure concernant l'indication
de mesures conservatoires, [elle]doit, conformément a l'article 41 du
Statut, examiner si les circonstances portées à son attention exigent
I'indication de mesures conservatoires, mais n'est pas habilitée à
conclure définitivementsur les faits ou leur im~utabilitéet aue sa
décisiondoit laisser intact le droit de chacune des Parties de contes-
ter les faits allégucontre elle, ainsi que la responsabilitéqui lui est

imputéequant a ces faits et de faire valoir ses moyens sur le fond))
(ibid, p. 22, par. 44)
et que:

(([elle]n'est pas appeléea ce stade a établirl'existencede violations
de la convention sur le génocide)) (ibid., par. 46).

La raison d'être desmesures conservatoires est par conséquentlimitée
a la préservation des droits des parties pendente lite qui sont l'objet du
différend,droits qui peuvent ultérieurementfaire l'objet de la décisionde
la Cour. Comme celle-ci le dit de nouveau dans l'affaire de la Frontière
terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria:

((Considérantque la Cour, dans le cadre de la présenteprocédure
concernant l'indication de mesures conservatoires, n'est pas habilitée
a conclure définitivementsur les faits ou leur imputabilité et que sa
décisiondoit laisser intact le droit de chacune des Parties de contes-
ter les faits alléguécontre elle, ainsi que la responsabilitéqui lui est
imputée quant à ces faits, et de faire valoir, le cas échéant,ses
moyens sur le fond.)) (FrontiPreterrestre et maritime entre le Came-

roun et le Nigc;rirr,nes surer~onservatoires,ordonnunce du 15 nîurs
1996, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 23, par. 43.) 9. Fundamental questions arise regarding the position of the Court on
this particular matter.
The relationship between the use of armed force and genocide can be
looked upon in two ways:

(u) is the use of force per se an act of genocide or not? and,
(h) is the use of force conducive to genocide and, if the answer is in the
affirmative, what is it then, in the legal sense?
It is incontrovertible that the use of force per sr et dejnitione does

not constitute an act of genocide. It is a matter that needs no particular
proving. However, it could not be inferred from this that the use of
force is unrelated and cannot have any relationship with the commission
of the crime of genocide. Such a conclusion would be contrary to elemen-
tary logic.
Article II of the Convention on the Prevention and Punishment of the
Crime of Genocide defines the acts of genocide as

"any of the following acts committed with intent to destroy, in
whole or in part, a national, ethnical, racial or religious group, as
such :
(a) Killing members of the group;
(6) Causing serious bodily or mental harm to members of the
group ;
(c) Deliberately inflicting on the group conditions of lifecalculated
to bring about its physical destruction in whole or in part;
(d) Imposing measures intended to prevent births within the group;

(e) Forcibly transferring children of the group to another group."
Any of these acts can be committed also by the use of force. The use of
force is, consequently, one of the possible means of committing acts of
genocide. And, it should be pointed out, one of the most efficient means,
due to the immanent characteristics of armed force.

Extensive use of armed force, in particular if it is used against objects
and means constituting conditions of normal life, can be conducive to
"inflicting on the group conditions of life" bringing about "its physical

destruction".
Of course, itcan be argued that such acts are in the function of degrad-
ing the military capacity of the Federal Republic of Yugoslavia. But such
an explanation can hardly be regarded as a serious argument. For, the
spiral of such a line of thinking may easily corne to a point when, having
in mind that military power is after al1comprised of people, even mass
killing of civilians can be claimed to constitute some sort of a precaution-
ary measure that should prevent the maintenance or, in case of mobiliza-
tion, the increase of military power of the State.

Of course, to be able to speak about genocide it is necessary that
there is an intent, namely, of "deliberately inflicting on the group con- 9. Sur ce point en particulier, il se pose des questions fondamentales
au sujet de la position de la Cour.
On peut considérer de deux façons le lien entre le recours à la force

arméeet le génocide:
u) est-ce que I'emploide la force est un acte de génocide per se ou non?
h) I'emploi de la force favorise-t-il le génocide et, dans l'affirmative,
qu'est-ce alors au sensjuridique?

Indéniablement, I'emploide la force, en soi et par définition,ne cons-
titue pas un acte de génocide.Nul besoin d'en faire la preuve. Toutefois,
il n'est pas possible d'en déduireque l'emploi de la force est sans rapport
avec la commission du crime de génocideet qu'il n'est pas possible d'éta-
blir un telrapport. Pareille conclusion serait contraire la logique la plus
élémentaire.
L'article II de la convention pour la prévention et la répression du
crime de génocide définiltes actes de génocidecomme

«l'un quelconque des actes ci-après, commis dans l'intention de
détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial
ou religieux, comme tel :

u) meurtre de membres du groupe;
h) atteinte graveà l'intégritéphysique ou mentale de membres du
groupe ;
c) soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence
devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle;
d) mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe;
e) transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe)).

N'importe lequel des actes ci-dessus peut être commis également au
moyen de la force. L'emploi de la force est par conséquent l'un des
moyens possibles de commettre des actes de génocide. Et, il convient de le
signaler, c'estl'un des moyens les plus efficaces, étant donnéles carac-
tèrespropres de la force armée.
L'emploi étendude la force armée,en particulier s'il visedes objets et
des infrastructures constituant les conditions de la vie normale, peut
aboutir à ((soumettre le groupe à des conditions d'existence))entraînant
bel et bien «sa destruction physique)).
On peut bien entendu objecter que les actes en question ont pour rôle
d'affaiblir la puissance militaire de la Républiquefédéralede Yougosla-

vie. Mais pareille explication peut difficilement représenterun argument
valable. Le raisonnement, en effet, va rapidement emprunter un cercle
vicieux: la puissance militaire étant aprèstout composée d'hommes, il est
possible d'aller jusqu'à prétendreque le meurtre collectif d'une foule de
civils tient en quelque sorte lieu de mesure de précaution de nature à
empêcher d'entretenirla puissance militaire de l'Etat, voire de I'augmen-
ter en cas de mobilisation.
Certes, pour pouvoir parler de génocide, il faut une intention, c'est-
à-dire qu'il faut vouloir ((soumettre intentionnellement le groupe à des475 LEGALlTY OF USE OF FORCE (DISS .P. KRECA)

ditions of life" bringing about "its physical destruction in whole or in
part".
In the incidental proceedings the Court cannot and should not concern
itself with the definitive qualification of the intent to impose upon the
group conditions in which the survival of the group is threatened. Having

in mind the purpose of provisional measures, it can be said that at this
stage of the proceedings it is sufficient to establish that, in the conditions
of intensive bombing, there is an objective risk of bringing about condi-
tions in which the survival of the group is threatened.
TheCourt took just such a position in the Order of 8 April 1993on the
indication of provisional measures in the Application of the Convention
on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocidecase.

Paragraph 44 of that Order stated:

"Whereas the Court, in the context of the present proceedings on
a request for provisional measures, has in accordance with Article 41
of the Statute to consider the circumstances drawn to its attention as
requiring the indication of provisional measures, but cannot make
definitive findings of fact or of imputability, and the right of each
Party to dispute the facts alleged against it, to challenge the attribu-
tion to it of responsibility forthose facts, and to submit arguments
in respect of the merits, must remain unaffected by the Court's deci-
sion" (1.C.J. Reports 1993, p. 22).

The question of "intent" is a highly complicated one. Although the
intent is a subjective matter, a psychological category, in contemporary
criminal legislation it is established also on the basis of objective circum-
stances. Inferences of intent to commit an act are widely incorporated in
legal systems. Exempli causa, permissive inferences as opposed to a man-
datory presumption in the jurisprudence of the United States of America
may be drawn even in a criminal case.

In any event, there appears to be a clear dispute between the Parties

regarding "intent" as the constitutive element of the crime of genocide.

The Applicant asserts that "intent" can be presumed and, on the other
hand, the Respondent maintains that "intent", asan element of the crime
of genocide, should be clearly established as dolus specialis. Such a con-
frontation of views of the Parties concerned leads to a dispute related to
"the interpretation, application or fulfilment of the Convention", includ-
ing disputes relating to the responsibility of a State for genocide or for
any of the other acts enumerated in Article III of the Convention.

10. At the same time, one should have in mind that whether "in cer-
tain cases, particularly that by the infliction of inhuman conditions of
life. the crime may be perpetrated by omission" (Stanislas Plawski, Etudeconditions d'existence)) entraînant ccsa destruction physique totale ou
partiell».
Lors de procédures incidentes, la Cour ne peut pas - et ne doit
d'ailleurs pas- chercher àétablirde façon définitive qu'elleest en pré-

sence d'une volontéde soumettre le groupe à des conditions d'existence
de nature a menacer sa survie. Eu égard à l'objet des mesures conserva-
toires, on peut dire qu'a ce stade de la procédure,il suffit d'établirque, le
groupe étant soumis à des bombardements intensifs, on court objective-
ment le risque de voir cette situation aboutirà menacer sa survie.
La Cour a précisémentadoptécette position dans l'ordonnance qu'elle
a rendue le 8 avril 1993au sujet de I'indication de mesures conservatoires
dans l'affaire relative l'Application de lu convention pour la prévention
et lu r6pr~ssiondu crime de génocide.
Le paragraphe 44 de cette ordonnance se lit comme suit:

((Considérantque la Cour, dans le contexte de la présente procé-
dure concernant l'indication de mesures conservatoires, doit, confor-
mément à l'article 41 du Statut, examiner si lescirconstances portées
à son attention exigent l'indication de mesures conservatoires, mais
n'est pas habilitée a conclure définitivement sur les faits ou leur
imputabilité etque sa décisiondoit laisser intact le droit de chacune
des Parties de contester les faits allégcontre elle, ainsi que la res-

ponsabilitéqui lui est imputéequant a ces faits et de faire valoir ses
moyens sur le fond.» (C.I.J.Recueil 1993, p. 22.)
La question de l'«intentionnalité» est extrêmementcomplexe. L'inten-
tion appartient au domaine subjectif, c'est une catégorie psychologique,
mais, dans la législationpénalecontemporaine, l'intention est également

établieà partir de circonstances objectives. L'intention présuméede com-
mettre l'acte fait très communément partie du systèmejuridique. Par
exemple, aux Etats-Unis d'Amérique, la jurisprudence autorise la pré-
somption plausible par opposition àla présomption concluante, même en
matière pénale.
De toute façon, les Parties s'opposent très clairement, semble-t-il, au
sujet de l'«intentionnalité» en tant qu'élément constitutifdu crime de
génocide.
Le demandeur affirme que l'«intention» peut êtreprésuméetandis
que le défendeur soutient qu'en tant qu'élémentconstitutif du crime de
génocide, l'«intention» doit êtreclairement établie sous forme de do1

spécial.Cette opposition de vues entre les Parties constitue un différend
relatifA l'interprétation, l'application ou l'exécutionde la ... conven-
tion [sur le génocide])),lesdifférendsde ce type comprenant aussi les dif-
férendsrelatifs a la responsabilité d'un Etat en matière de génocideou
de l'un quelconque des autres actes énumérés à l'article III de ladite
convention.
10. En même temps,il ne faut pas oublier que, «dans certains cas, sur-
tout dans le génocidepar la soumission a des conditions inhumaines de
vie, le crime peut êtreperpétrépar omission)) (Stanislas Plawski, Etudedes principes fondumentaux du droit international pénul, 1972, p. 115.
Cited in United Nations doc. E/CN.4/Sub.2/415 of 4 July 1978.)

"Experience provides that a state of war or a military operations
régimegivesauthorities a convenient pretext not to provide a popu-
lation or a group with what they need to subsist - food, medicines,
clothing, housing . . .It will be argued that this is inflicting on the
group conditions of lifecalculated to bring about its physical destruc-
tion in whole or in part." (J. Y. Dautricourt, "La prévention du
génocide et ses fondements juridiques", Etudes internutionules de
psychosociologie criminelle, Nos. 14-15, 1969, pp. 22-23. Cited in
United Nations doc. E/CN.4/Sub.2/415 of 4 July 1978,p. 27.)

Of the utmost importance is the fact that, in the incidental proceedings,
the Court cannot and should not concern itself with the definitive quali-
fication of the intent to impose upon the group conditions in which the
survival of the group is threatened. Having in mind the purpose of pro-
visional measures, it can be said that at this stage of the proceedings it is
sufficient to establish that, in the conditions of intensive bombing, there
is an objective risk of bring about conditions in which the survival of the
group is threatened.

IV. OTHER RELEVANIT SSUES

11. In paragraph 15of the Order the Court states:
"Whereas the Court is deeply concerned with the human tragedy,
the loss of life, and theenormous suffering in Kosovo which form
the background of the present dispute, and with the continuing loss
of life andhuman suffering in al1parts of Yugoslavia."

The phrasing of the statement seems to me unacceptable for a number
of reasons. First, the formulation introduces dual humanitarian concern.
The Court is, it is stated, "deeply concerned", while at the same time the
Court states"the loss of life". So, it turns out that in the case of1parts
of Yugoslavia" the Court technically states "the loss of life" as a fact
which does not cause "deep concern". Furthermore, the wording of the
formulation may also be construed as meaning that Kosovo is not a part
of Yugoslavia. Namely, after emphasizing the situation in Kosovo and
Metohija, the Court uses the phrase "in al1parts of Yugoslavia". Having
in mind the factual and legal state of affairs, the appropriate wording
would be "in al1other parts of Yugoslavia". Also, particular reference to

"Kosovo" and "al1 parts of Yugoslavia", in the present circumstances,
has not only no legal, but has no factual basis either. Yugoslavia, as ades principes fondamentaux du droit international pPnal, 1972, p. 115.
Citédans Nations Unies, doc. ElCN.41Sub.21416daté du 4 juillet 1978,
p. 28).

En effet,
<[ll'expérienceprouve que l'étatde guerre ou le régimed'occupation
de guerre sont un prétextefacile pour les autoritésresponsables pour
ne pas fournir Aune population ou à un groupe ce qui leur est néces-
saire pour subsister: vivres, médicaments, vêtements,habitations ...

On nous dira que c'est la soumission du groupe Ades conditions
d'existence susceptiblesd'entraîner sa destruction physique totale ou
partielle.)) (J. Y. Dautricourt, «La prévention du génocide et ses
fondements juridiques», Erurles intrrncrrionrrles rlrp.syr~hosociologic
c>riminelle,nos 14-15, 1969, p. 22-23. Cité dans Nations Unies.
doc. E/CN.4/Sub.2/416 datédu 4 juillet 1978,p. 28.)

Il est donc d'une importance primordiale de savoir que, lors de procé-
dures incidentes, la Cour ne peut pas - et ne doit d'ailleurs pas- cher-
cher à établirde façon définitive unevolontéde soumettre le groupe Ades
conditions d'existence de nature Amenacer sa survie. Eu égardà l'objet
des mesures conservatoires, on peut dire qu'à ce stade de la procédure, il
suffit d'établir que, le groupe étant soumis à des bombardements inten-
sifs, on court objectivement le risque de voir cette situation aboutir à

menacer sa survie.

IV. AUTRES QUESTIONS PERTINENTES

I1. Au paragraphe 15 de son ordonnance, la Cour dit :

((Considérant que la Cour est profondément préoccupéepar le
drame humain, les pertes en vies humaines et les terribles souffrances
que connaît le Kosovo et qui constituent la toile de fond du présent
différend, ainsi que par les victimes et les souffrances humaines que
l'on déplorede façon continue dans l'ensemble de la Yougoslavie.»

Le libelléde cette déclaration me paraît inacceptable pour plusieurs
raisons. La première est que cet énoncé faitpart d'une préoccupation
humanitaire double. La Cour dit être ((profondémentpréoccupée))et
évoqueen mêmetemps ((les pertes en vies humaines)) et «les victimes)).
De sorte qu'en ce qui concerne ((l'ensemblede la Yougoslavie)), la Cour
évoquetechniquement ((lesvictimes)) comme un fait qui ne cause pas de
«préoccupation profonde». En outre, l'énoncé permet égalementde

l'interprétercomme signifiant que le Kosovo ne fait pas partie de la You-
goslavie. C'est-A-direqu'après avoir mis en relief la situation au Kosovo-
Metohija, la Cour utilise l'expression «dans l'ensemble de la Yougosla-
vie». Compte tenu de la situation de fait et de la situation de droit, il
aurait fallu dire «dans le reste de la Yougoslavie)). De surcroît, faire allu-
sion au «Kosovo)> et à «l'ensemble de la Yougoslavie» non seulementwhole, is the object of attack. Human suffering and loss of life are, un-
fortunately, a fact, generally applicable to the country as a whole; so, the
Court, even if it had at its disposal the accurate data on the number of
victims and the scale of suffering of the people of Yugoslavia, it would

still have no moral right to discriminate between them. Further, the
qualification that "human tragedy and the enormous suffering in Kosovo
. . form the background of the present dispute" not only is political, by
its nature, but has, or may have, an overtone ofjustification of the armed
attack on Yugoslavia. Suffice it to recall the fact that the respondent
State refers to its armed action as humanitarian intervention.

It is up to the Court to establish, at alater stage of the proceedings, the
real legal state of affairs, namely, the relevant facts. At the present stage,

the question of the underlying reasons for the armed attack on the Fed-
eral Republic of Yugoslavia is the object of political allegations. While
the Respondent argues that what is involved is a humanitarian interven-
tion provoked by the "human tragedy and the enormous suffering", the
Applicant finds that sedes rnateriae the underlying reasons are to be
sought elsewhere - in the support to the terrorist organization in
Kosovo and in the political aim of secession of Kosovo and Metohija
from Yu~o"lavia.
Consequently, we are dealing here with opposed political qualifications
in which the Court should not, and, in my view,must not, enter except in
the regular court proceedings.

12. The formulation of paragraph 37 of the Order leaves the impres-
sion that the Court iselegantly attempting to drop the bal1in the Security
Council's court. Essentially, it is superfluous because, as it stands now, it
only paraphrases a basic fact that "the Security Council has special
responsibilities under Chapter VI1of the Charter". It can be interpreted,
it is true, also as an appeal to the United Nations organ, specifically
entrusted with the duty and designed to take measures in case of threat to
the peace, breach of the peace or act of aggression; but, in that case the
Court would need to stress also another basic fact - that a legal dispute
should be referred to the International Court of Justice on the basis of
Article 36, paragraph 3, of the United Nations Charter.

13. The Court, by using the term "Kosovo" instead of the official
name of "Kosovo and Metohija", continued to follow the practice of the
political organs of the United Nations, which, by the way, was also
strictly followed by the respondent States.
It is hard to find a justifiable reason for such a practice. Except of
course ifwe assume political opportuneness and involved practical, politi-
cal interests to be a justified reason for this practice. This is eloquentlyn'a aucun fondement juridique dans la situation actuelle, mais ne repose
pas sur les faits non plus. C'est l'ensemblede la Yougoslavie qui esttta-
aué.Les souffrances et les pertes en vies humaines sont malheureusement
un fait s'appliquant en généralau pays tout entier; dans ces conditions,
mêmesi elle avait eu à sa disposition des chiffres précisconcernant le
nombre des victimes et l'ampleur des souffrances de la population de la
Yougoslavie, la Cour n'aurait de toute façon pas eu le droit moral d'éta-
blir la moindre discrimination à cet égard. De plus, dire que «le drame
humain ...et les terribles souffrances que connaît le Kosovo et qui cons-
tituent la toile de fond du présent différend))nonseulement est une indi-

cation de caractère politique mais représente, ou pourrait représenter,
une sorte dejustification de l'attaque arméemenéecontre la Yougoslavie.
Il suffit de rappeleà ce propos que 1'Etat défendeurqualifie son action
armée d'intervention humanitaire.
II appartient à la Cour d'établir à un stade ultérieur de la procédure
quelle est véritablement la situation en droit, c'est-à-dire quels sont les
faits pertinents. Au stade actuel, la question des raisons profondes de
l'attaque arméedirigéecontre la Républiquefédéralede Yougoslavie fait
l'objet d'allégations politiques. Le défendeur soutient qu'il s'agit d'une
intervention humanitaire provoquée par «le drame humain et lesterribles
souffrances)), tandis que le demandeur estime que sedes muteriue les rai-
sons profondes sont à chercher ailleurs - dans le soutien apporté à
l'organisation terroristà l'Œuvreau Kosovo et dans la volonté politique

de sécessionqui anime le Kosovo-Metohija.
Nous avons donc affaire ici à des qualifications politiques opposées
dans lesquelles la Cour ne devrait pas entrer, cela lui est mêmeinterdità
mon avis, si ce n'est dans le cadre d'une procédurejudiciaire normale.
12. L'énoncédu paragraphe 37 de l'ordonnance donne l'impression
que la Cour cherche assez élégamment à renvoyer la balle dans lejardin
du Conseil de sécurité.Pour l'essentiel, c'estinutile, parce que, sous sa
forme actuelle, cet énoncén'est qu'une simple paraphrase d'une donnée
élémentairequi est que (<leConseil de sécuritéest investi de responsa-
bilitésspéciales envertu du chapitre VI1 de la Charte)). 11est possible,
certes, de l'interpréter aussi comme un appel lancé à l'organe des
Nations Unies qui est très précisémentchargé de prendre des mesures

en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix ou d'acte d'agres-
sion et qui a d'ailleurs été conçu à cet effet; mais, en l'occurrence, la
Cour devrait rappeler aussi une autre donnée élémentairee :n vertu de I'ar-
ticle 36, paragraphe 3,de la Charte des Nations Unies, un différendjuri-
dique doit être soumis à la Cour internationale de Justice.
13. En utilisant l'appellation «Kosovo» au lieu de l'appellation offi-
cielle de ((Kosovo-Metohija~, la Cour a continué de suivre la pratique
des organes politiques des Nations Unies, pratique dont, d'ailleurs, les
Etats défendeurs ne se départissent jamais.
Il est difficile de justifier pareille pratique, sauf, bien entendu, si nous
admettons que l'opportunité politique, les intérêts politiques et concrets
sont à cet égard desarguments valables. C'est ce que montre également478 LEGALITY OF USE OF FORCE (DISS. OP. KRECA)

shown also by the practice of the designation of the Federal Republic of
Yugoslavia. After the succession of the former Yugoslav federal units,
the organs of the United Nations, and the respondent States themselves,
have used the term Yugoslavia (Serbia and Montenegro). However, since
22 November 1995,the Security Council uses in its resolutions 1021and
1022 the term "Federal Republic of Yugoslavia" instead of the former
"Federal Republic of Yugoslavia (Serbia and Montenegro)" without any

express decision and in a legally unchanged situation in relation to the
one in which it, like other organs of the United Nations, employed the
term "Federal Republic of Yugoslavia (Serbia and Montenegro)". The
fact that this change in the practice of the Security Council appeared on
the day following the initialling of the Peace Agreement in Dayton gives
a strong basis for the conclusion that the concrete practice is not based
on objective, legal criteria but rather on political criteria.

By using the word "Kosovo" instead of the name "Kosovo and Meto-

hija", the Court, in fact, is doing two things:
(a) it gives in to the colloquial use of the names of territorial units of an
independent State; and
(6) it ignores the officia1name of Serbia's southern province, a name
embodied both in the constitutional and legal acts of Serbia and

of the Federal Republic of Yugoslavia. Furthermore, it runs
contrary to the established practice in appropriate internationalorga-
nizations. E-uempli causa, the official designation of the southern
Serbian province "Kosovo and Metohija" has been used in the
Agreement concluded by the Federal Republic of Yugoslavia and
the Organisation for Security and Co-operation in Europe (Inter-
~zutionulLegul Muteriuls, 1999,Vol. 38, p. 24).

Even if such a practice- which, in my opinion, iscompletely inappro-
priate not only in terms of the law but also in terms of proper usage -
could be understood when resorted to by entities placing interest and
expediency above the law, it is inexplicable in the case of ajudicial organ.

14. A certain confusion is alsocreated by the term "humanitarian law"
referred to in paragraphs 18 and 35 of the Order. The reasons for the
confusion are dual: on the one hand, the Court has not shown great con-
sistency in using this term. In the Genocide case the Court qualified the

Genocide Convention as a part of humanitarian law, although it is obvi-
ous that, by its nature, the Genocide Convention falls within the field of
international criminal law (see dissenting opinion of Judge Kreka, in the
case concerning Application of the Convention on tlie Prevention und
P~rnislimentof the Crinîe of Grnocide, Prrlin~inury Objections, I. C.J.
Reports 1996 (II), pp. 774-775, para. 108).
On the other hand, it seems that in this Order the term "humanitarian
law" has been used with a different meaning, more appropriate to the LICÉITE DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS.KRECA) 478

de façon éloquentela pratique suivie pour désignerla Républiquefédé-
rale de Yougoslavie. A la suite de la sécessionde certaines parties de
l'ancienne Fédérationyougoslave, les organes des Nations Unies et les
Etats défendeurseux-mêmesont utilisé laformule «Yougoslavie (Serbie
et Monténégro))).Mais,depuis le 22 novembre 1995,le Conseil de sécu-
rité utilise, dans ses résolutions 1021 et 1022, la formule ((République
fédéralede Yougoslavie» au lieu de I'ancienne formule ((République
fédérativede Yougoslavie (Serbieet Monténégro))),sansqu'il y ait eu de
décision expresse a cet égardet dans une situation dedroit inchangéepar

rapport a celle dans laquelle le Conseil, comme d'autres organes des
Nations Unies, se servait de la formule ((Républiquefédérativede You-
goslavie (Serbie et Monténégro))).Le fait que ce changement de pratique
du Conseil de sécuritédate du lendemain du jour où a étéparaphé
I'accord de paix de Dayton autorise à soutenir avec assez de fermetéque
cette pratique concrète ne s'inspire pas de critères juridiques objectifs
mais plutôt de critères politiques.
En utilisant le terme«Kosovo» au lieu du nom ((Kosovo-Metohija)),
la Cour, en fait, fait deux choses a la fois:

u) elle adopte l'appellation courante et populaire servant a désignerles
unités territoriales d'un Etat indépendant;
b) elle laissedecôtél'appellation officiellede la province méridionalede
Serbie, appellation consacrée par les actes constitutionnels et juri-
diques tant de la Serbie que de la Républiquefédéralede Yougosla-
vie. En outre, la Cour agit ainsi contrairement la pratique établiepar
les organisations internationales compétentes. Par exemple, la dési-
gnation officielle de la province méridionale de Serbie ((Kosovo-
Metohija)) est celle qui figure dans l'accord conclu par la République

fédéralede Yougoslavieet l'organisation pour lasécuritéetlacoopéra-
tion en Europe (Internutionul Legul Matcriu1.v. 1999,vol. 38, p. 24).
Mêmesi pareille pratique, laquelle, à mon sens, est totalement incor-
recte, non seulement sur le plan du droit mais aussi du point de vue du
bon usage, pouvait se défendre quand elle émane d'entitésqui situent
l'intérêett la commoditéau-dessus de la loi, elle est inexplicable quand

elle émaned'un organe judiciaire.
14. L'expression ((droit humanitaire)) que la Cour utilise aux para-
graphes 18 et 35 de son ordonnance prête également a confusion, pour
une double raison: d'un côté,la Cour ne manifeste pas une parfaite cohé-
rence dans l'emploi de cette formule. Dans l'affaire de I'Applicution de
/riconvention sur le génocide, la Cour a dit que ladite convention faisait
partie du droit humanitaire, alors qu'il est manifeste qu'en raison de sa
nature même,ladite convention relèvedu droit pénalinternational (voir
l'opinion dissidente de M. Kreka dans l'affaire relativà I'Applicution (1.
lu convcwtion pour lu pr(.ven/ion et lu rc;pressiondu crinle (le génocide,
e'c~,i~p/ionpri.lirninuirrC. 1J. Recueil 1996 (Il), p. 774-775,par. 108).
[>'unautre côté,il me semble quedans la présenteordonnance, la for-
mule ((droit humanitaire)) est employée enun sens différent plusprochegenerally accepted terminology. The relevant passage in the Order should
be mentioned precisely because of the wording of its paragraphs 18and
35. The singling out of humanitarian law from the rules of international
law which the Parties are bound to respect may imply low-key and timid
overtones of vindication or at least of diminishment of the legal implica-
tions of the armed attack on the Federal Republic of Yugoslavia.

Humanitarian law, in its legal, original meaning implies the rules ofjus
in bello.If, by stressing the need to respect the rules of humanitarian law,
which 1do not doubt, the Court was guided by humanitarian considera-
tions, then it should have stressed ex-pressis verbis also the fundamental
importance of the rule contained in Article 2, paragraph 4, of the Char-
ter, which constitutes a dividing line between non-legal, primitive inter-
national society and an organized, riejure, international community.

(Signed) Milenko KRECA.du sens généralement acceptéaujourd'hui. Et il convient de faire précisé-
ment état de l'extrait pertinent de l'ordonnance en raison mêmedu libellé
des paragraphes 18et 35. En isolant le droit humanitaire parmi les règles
de droit international que les parties sont tenues de respecter, il est pos-
sible que la Cour veuille, discrètement, voire timidement, justifier impli-
citement l'attaque armée dirigéecontre la République fédéralede You-
goslavie ou tout au moins en atténuer les conséquences sur le plan du

droit.
Dans son premier sens juridique, le droit humanitaire correspond
implicitement aux règles du jus in bello. Si la Cour s'inspirait, comme
je n'en doute nullement, de considérations humanitaires quand elle a
souligné la nécessitéde respecter les règles du droit humanitaire, elle
aurait dû souligner expressément aussi l'importance fondamentale que

revêt la règleénoncée iil'articl2, paragraphe 4, de la Charte, laquelle
trace la ligne de démarcation entre une sociétéinternationale primitive,
où le droit fait défaut, et une communauté internationale organisée où
règne le droit.

(Signé) Milenko KRECA.

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Opinion dissidente de M. Kreca, juge ad hoc (traduction)

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