Déclaration de M. Herczegh

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094-20021010-JUD-01-03-EN
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094-20021010-JUD-01-00-EN
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DÉCLARATION DE M. LE JUGE HERCZEGH

Article 59 du Statut- Critique injustifiée contenue daneparagraphe238
de l'arrê t Protection offerte aux Etats tiers dkpendantde l'interprétntionet
de l'applicationquefait la Cour.

J'ai votépour les points du dispositif de l'arrêt quej'approuveentière-
ment. Ils expriment les mêmesconclusions auxquelles je suis parvenu
après l'examen de la présenteaffaire.

Je ne peux toutefois souscrire à l'idée expriméd eans le paragraphe 238
des motifs, qui dit notamment:
«La Cour estime que, en particulier dans le cas de délimitations
maritimes intéressant plusieurs Etats, la protection offerte par l'ar-

ticle59 du Statut peut ne pas toujours êtresuffisante. En l'espèce,il
est possible que l'article59 ne protège pas suffisamment la Guinée
équatoriale ou Sao Tomé-et-Principecontre les effets - même indi-
rects- d'un arrêtaffectant leurs droits. »

Je vois dans cette phrase une critique à peine voiléedu Statut de la
Cour, qui fait partie intégrante dela Charte des Nations Unies, que je ne
peux partager. L'article 59 du Statut a la teneur suivante: «La décision
de la Cour n'est obligatoire que pour lesparties en litigeet dans le cas qui
a étédécidé.))C'est une conséquence nécessaire, et même inévitabldeu ,
fait que la compétence dela Cour repose sur le consentement des parties.
La Cour doit veiller à ce qu'elle ne prenne aucune décisionqui dépasse-
rait les limites définiespar l'article et qui en conséquencen'aurait pas

force obligatoire, mais resterait lettre morte. Il s'agit là non seulement
d'un principe de bonne administration de lajustice, mais aussi d'une obli-
gation de la Cour découlantde sa mission telle que définiepar son Statut,
à savoir, notamment, de réglerconformément au droit international les
différendsqui lui sont soumis.
Dans certaines circonstances, satisfaireà l'obligation de ne pas affecter
les droits des Etats tiers peut poser des problèmes à la Cour, ce qui ex-
plique et justifie l'inclusion dans le Statut d'une disposition concernant
l'intervention d'un Etat tiers estimant avoir dans un différend unintérêt
d'ordre juridique en cause (art. 62). L'arrêtdu 14avril 1981, rendu dans

l'affaire du Plateau continental (TunisielJamahiriya arabe libyenne),
requêteàfin d'intervention, et les opinions individuelles de MM. Moro-
zov, Oda et Schwebel jointes à cet arrêt,puis l'arrêtdu 21 mars 1984
rendu dans l'affaire du Plateau continental (Jamahiriya arabe libyenne1
Malte), requêteù$n d'intervention, ainsi que les opinions dissidentes de
MM. Sette-Camara, Oda, Schwebel et Jennings, montrent bien la com-473 FRONTIERE TERRESTRE ET MARITIME (DECL .ERCZEGH)

plexitédu problème, et les efforts de la Cour pour donner une interpré-
tation cohérente des dispositions pertinentes du Statut et les appliquer
conformément a leurs termes eà leur esprit. Le dernier mot reste encore
a dire dans ce débat. Toutefois, comme M. Schwebel l'a expriméd'une
manière trèsjuste: ((aucune règle d'interprétation ne permet de penser
que l'article 59 raye du Statut l'article))(C.I.J. Recueil1984, p. 134,
par. 9). Par ailleursàmon avis tout au moins, on ne peut pas conclure
que la protection offerte aux droits des tierces parties par l'article 59 du
Statut pourrait êtreinsuffisante. La critique de cet article me semble mal
placée.

Il ne s'agit pas la d'une règlede droit qui, en soi, protégerait ou ne

protégerait pas de manière suffisante un intérêtd'ordre juridique de tel
ou tel pays.Il s'agit bien plutôt d'une disposition qu'il revàela Cour
d'interpréteret d'appliquer de manièretelle que cette protection soit ren-
due aussi efficace que possible. Que ladite protection se révèlesuffisante
ou non dépenddonc de la Cour. Dans la présente espèce, laCour a éva-
lué soigneusementles intérêtsd'ordre juridique de la Guinée équatoriale
et de Sao Tomé-et-Principe,et c'est dans ce sens et dans cet esprit qu'elle
a rendu son arrêtconcernant la détermination dela frontière maritime du
Cameroun et du Nigéria.Pour ce faire, elle n'avait nul besoin d'adresser
une observation critiquea l'encontre d'un article du Statut.

(Signt.) GézaHERCZEGH.

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DÉCLARATION DE M. LE JUGE HERCZEGH

Article 59 du Statut- Critique injustifiée contenue daneparagraphe238
de l'arrê t Protection offerte aux Etats tiers dkpendantde l'interprétntionet
de l'applicationquefait la Cour.

J'ai votépour les points du dispositif de l'arrêt quej'approuveentière-
ment. Ils expriment les mêmesconclusions auxquelles je suis parvenu
après l'examen de la présenteaffaire.

Je ne peux toutefois souscrire à l'idée expriméd eans le paragraphe 238
des motifs, qui dit notamment:
«La Cour estime que, en particulier dans le cas de délimitations
maritimes intéressant plusieurs Etats, la protection offerte par l'ar-

ticle59 du Statut peut ne pas toujours êtresuffisante. En l'espèce,il
est possible que l'article59 ne protège pas suffisamment la Guinée
équatoriale ou Sao Tomé-et-Principecontre les effets - même indi-
rects- d'un arrêtaffectant leurs droits. »

Je vois dans cette phrase une critique à peine voiléedu Statut de la
Cour, qui fait partie intégrante dela Charte des Nations Unies, que je ne
peux partager. L'article 59 du Statut a la teneur suivante: «La décision
de la Cour n'est obligatoire que pour lesparties en litigeet dans le cas qui
a étédécidé.))C'est une conséquence nécessaire, et même inévitabldeu ,
fait que la compétence dela Cour repose sur le consentement des parties.
La Cour doit veiller à ce qu'elle ne prenne aucune décisionqui dépasse-
rait les limites définiespar l'article et qui en conséquencen'aurait pas

force obligatoire, mais resterait lettre morte. Il s'agit là non seulement
d'un principe de bonne administration de lajustice, mais aussi d'une obli-
gation de la Cour découlantde sa mission telle que définiepar son Statut,
à savoir, notamment, de réglerconformément au droit international les
différendsqui lui sont soumis.
Dans certaines circonstances, satisfaireà l'obligation de ne pas affecter
les droits des Etats tiers peut poser des problèmes à la Cour, ce qui ex-
plique et justifie l'inclusion dans le Statut d'une disposition concernant
l'intervention d'un Etat tiers estimant avoir dans un différend unintérêt
d'ordre juridique en cause (art. 62). L'arrêtdu 14avril 1981, rendu dans

l'affaire du Plateau continental (TunisielJamahiriya arabe libyenne),
requêteàfin d'intervention, et les opinions individuelles de MM. Moro-
zov, Oda et Schwebel jointes à cet arrêt,puis l'arrêtdu 21 mars 1984
rendu dans l'affaire du Plateau continental (Jamahiriya arabe libyenne1
Malte), requêteù$n d'intervention, ainsi que les opinions dissidentes de
MM. Sette-Camara, Oda, Schwebel et Jennings, montrent bien la com- DECLARATION OF JUDGE HEKCZEGH

[Translation]

Article 59 of the Statute - Unjustijiedcriticism ;nparagraph 238 of the
Judgment - Protecticlnafforded to third States dependenton Court'sinterpre-
tation and application.

1voted for al1points of the operative paragrapfi of the Judgment, with

which 1 am in complete agreement. They express the same conclusions
that 1had reached after examining the case.
1cannot however isubscribeto the proposition set out in paragraph 238
of the reasoning, which states inter alia:

"The Court considers that, in particular in the case of maritime
delimitations where the maritime areas of sev6:ralStates are involved,
the protection afforded by Article 59 of the Statute may not always
be sufficient. In the present case, Article 59may not sufficiently pro-
tect Equatorial Guinea or Sao Tomeand Principe from the effects -
even if only indirect - of a judgment affecting their legal rights."

1seein this passage a scarcely veiled criticism, which 1cannot share, of
the Court's Statute, which is an integral part of th(:United Nations Char-
ter. Article 59 of the Statute provides as follows: "The decision of the
Court has no binding force except between the plrties and in respect of
that particular case." That is a necessary, indeed nevitable, consequence
of the fact that the Court's jurisdiction is founded on the consent of the

parties. The Court nmst ensure that it takes no di:cision which oversteps
the limits laid down by Article 59 and which wciuld in consequence be
without binding force and remain a dead letter. 'Thisis not only a prin-
ciple of the sound adlministration ofjustice, but also an obligation incum-
bent upon the Court deriving from its functioi as laid down by its
Statute, namely, in particular, to decide in accordance with international
law such disputes as are submitted to it.
In certain circumstances, satisfying the obligation not to affect the
rights of third States may pose problems for the Court, which explains

and justifies the inclusion in its Statute of a provision concerning the
intervention of a State which considers that it has an interest in a dispute
of a legal nature which may be affected by the decision in the case
(Art. 62). The Judgment of 14April 1981in the case concerning the Con-
tinental Shelf (TunisiulLibyan Arab Jarnahiriyu ),Application for Per-
mission to lntervene and the separate opinions of'Judges Morozov, Oda
and Schwebel appeinded to that Judgment, and then the Judgment of
21 March 1984 in the case concerning Continental Shelf (Libyun Arub
JumahiriyulMalta), Application for Permission tc Zntervene, and the dis-473 FRONTIERE TERRESTRE ET MARITIME (DECL .ERCZEGH)

plexitédu problème, et les efforts de la Cour pour donner une interpré-
tation cohérente des dispositions pertinentes du Statut et les appliquer
conformément a leurs termes eà leur esprit. Le dernier mot reste encore
a dire dans ce débat. Toutefois, comme M. Schwebel l'a expriméd'une
manière trèsjuste: ((aucune règle d'interprétation ne permet de penser
que l'article 59 raye du Statut l'article))(C.I.J. Recueil1984, p. 134,
par. 9). Par ailleursàmon avis tout au moins, on ne peut pas conclure
que la protection offerte aux droits des tierces parties par l'article 59 du
Statut pourrait êtreinsuffisante. La critique de cet article me semble mal
placée.

Il ne s'agit pas la d'une règlede droit qui, en soi, protégerait ou ne

protégerait pas de manière suffisante un intérêtd'ordre juridique de tel
ou tel pays.Il s'agit bien plutôt d'une disposition qu'il revàela Cour
d'interpréteret d'appliquer de manièretelle que cette protection soit ren-
due aussi efficace que possible. Que ladite protection se révèlesuffisante
ou non dépenddonc de la Cour. Dans la présente espèce, laCour a éva-
lué soigneusementles intérêtsd'ordre juridique de la Guinée équatoriale
et de Sao Tomé-et-Principe,et c'est dans ce sens et dans cet esprit qu'elle
a rendu son arrêtconcernant la détermination dela frontière maritime du
Cameroun et du Nigéria.Pour ce faire, elle n'avait nul besoin d'adresser
une observation critiquea l'encontre d'un article du Statut.

(Signt.) GézaHERCZEGH.senting opinions of Judges Sette-Camara, Oda, Schwebel and Jennings
clearly demonstrate the complexity of the prol~lem and the Court's
efforts to give a consistent interpretation of the relevant provisions of the
Statute and to apply them in accordance with their letter and their spirit.
The last word has yet to be said in this debate. However, as Judge
Schwebel so aptly put it :"Article 59 cannot, by any canon of interpreta-

tion, be read so as to read Article 62 out of the Statute" (1C..J. Reports
1984, p. 134, para. 9).Moreover, at least in my opinion, it cannot be said
that the protection afforded to the rights of third parties by Articl59 of
the Statute might be insufficient. The criticism of this Article strikes me
as misplaced.
This is not a rule of law which, in itself, might be said sufficiently to

protect or not to protect a legal interest of a pirticular country. It is,
rather. a provision which it is for the Court to interpret and apply in such
a way that such protection is made as effecti~e as possible. Hence,
whether that protecition proves to be sufficient or not depends on the
Court. In the present case the Court carefully corsidered the legal inter-
ests of Equatorial Guinea and Sao Tome and Priricipe and it was in that

sense and in that sipirit that it rendered its Jucgment concerning the
determination of the maritime boundary between Cameroon and Nigeria.
In order to do so it had no need whatever to make a critical remark in
regard to an Article of the Statute.

(Signt d) Géza HERCZEGH.

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