OPINION INDIVIDUELLE COMMUNE DE MM'HIGGINS,
M. KOlOIJMANS ET M. BUERGElNTHAL
Néce.s.siti''zrtzeconc~lusiom .siz~rle1comi~l~itence Prclnoneé.szrrIn coilipc5terice
n'étcrntpus e'iclupur I'urégleultra petita.
Stutut de 111 cot?ipc!tenceuriiver.se/leclei~unt6tre upprc;ciécru regord dc~(..s
sources du droit intrrnirtioncrl Peu d'r.rienzplesclecorvipbtenceuniverselle clcrrzs
lu Iégi.~Icrtionrcrtioncil,u lu~lrri.sprurk.nceclestrihuncri1.x nutionrru.~ -- E.\-o/i7cvi
(11l4irfi)n&/îienjturi~/ictionrze des trcritis r~z~~ltilcit~~.zirlses it~/r.uc,tion.gsrui'e.c.
n'atte.strrntpcis I'e.xi.stcneed'une prcrlique Ptuhlic citILc.oni~~Cterip cé~icrlcuni-
i~rrsc~lloehligcrtoire ou i~olontcrire - Aut dedere aut prosequi - Tenclnncc~.~
c~or~ten~iportriici/rostinurt pc'mis~q~re /cie.o~iip(;t~,ii11ii~~r~c,lp/cr (I~jcrutn'est
pu.s t~.~cIzie Afjuire du Lotus - Elémentsutte.stunt que les trihunuu.~nurio-
nt1u.vet les jzrrirlic,tion.vititertiationcrle.~doivent agircJrpurcrllè~e~i(1n.lsu Iirtte
contre I'UnpunitP - Conipétenc,euniverselle lie povtulunt pcrs Ir prc~sence
de I'uccus~;sur le territoire, et n'ktutzt IIU.S1iniiti.eLi rupiruterie - Gurclrztie.~
nécessciirrscluns 1'e.vei.c~icdre cette comnpétnier - Rqet rkeI'urgur?~enc tleb
Belgique .selon leqcrelc~/Ie II'Uen firit c.uerci.uucirne c)niliPter~cepiizule e-xtrci-
territoriale.
Itizr~iirt~its'111ti~inl-strec/e.sr!~/iiirs;trermigPree~ c.~ercicret lcwrrôle clcins
lu .~ocikrk - Pu.sd'us.rir?~ilrrtio(i1~1.ixtnriiurzitisrl'zrrich;f'cl'Etert Tc,ndcirrncNe
exclure I'imiitnunitien eux d'(rccu.s(ltiom(ile crimes intrrtîrrtionaux - In7nîunitP
non e'ccluc tlcrn,~les circ~on.stuncc~ p.uvrticu1ière.sde I'c~.vpèc e Rljle du droit
internc~tiorzu.ls'ugi,ssuniFe miicttrcen hr~luncr1e.svrileur:qu'il cherclle Irprotéger
- Espre.vsion «crcte.sc?fficiel.~»dei,ant êtreinterprktéeétroitement /or.squel'on
esutnille les ininzunitis d'un ancien rninistre &.Y uf'firirc~;trung2res.
ImIjonc.tiom(lelu Cour rl'rrrinulerle n~tmdcitrion,fi)ndt;een hoir intrrnutional.
1. Nous souscrivons d'une manière généraleà ce que la Cour a dit
sur les questions de compétence et de recevabilitéde mêmequ'aux con-
clusions auxquelles elle parvient. Nous jugeons toutefois nécessaire
de faire des réserves.tant sur ce que la Cour a dit que sur ce qu'elle a
choisi de ne pas dire quant au fond. De plus. nou: estimons que la Cour
a commis une erreuir en ordonnant i la Belgique d'annuler le mandat
d'arrêt.
2. Dans son arrêt, la Cour ne dit rien de la question de savoir si
quel qu'ait étéle statut de M. Yerodia au moment pertinent - la
magistrature belge étaithabilitéeen droit international à émettre unman-
dat d'arrêt à l'encontre de quelqu'un qui n'étaitpas à l'époquesur le ter-
ritoire belge et de le transmettre à Interpol. Elle a, en fait, fait droit auvŒu commun des Parties tendant à ce qu'elle ne se prononce par sur la
question clef de compétence qui les divisait, mais passe immédiatement à
la question de l'immunité telle qu'elle s'applique ,lux faits de la présente
espèce.
3. A notre avis. iln'était pas seulement souhaitable mais, de fait,
nécessaireque la Cour prenne position sur cette question de compétence.
Les raisons en sont diverses. Qui dit «immunité» dit ((immunitéde juri-
diction)). S'il n'y a pas de juridiction en principc, alors la question de
l'immunitéd'une juridiction qui autrement existerait ne se pose tout sim-
plement pas. La Cour, passant outre la question de la compétence, a
donné l'impression qu'en droit international l'«immunité» est un sujet
autonome. II n'en est rien. <cImmunité»et «compétence» sont inextrica-
blement liées. La question de savoir s'il y a «ir~lmunité»dans un cas
donné dépendra non seulement du statut de M. Yerodia mais aussi du
type de compétence, et du chef de compétence, d~nt les autorités belges
entendaient se prévaloir.
4. Si la notion d'«immunité» dépend, en théorie, d'une compétence
préexistante, un corpus de droit distinct s'applique àchacune des notions.
Ce qu'on peut citer il l'appui d'un argument au sujet de la première n'est
pas toujours pertinent s'agissant de comprendre a seconde. Er1laissant
de côtéla question dlela compétence, la Cour a e lcouragé une tendance
actuelle regrettable (que dans leurs écritures et leurs plaidoiries les parties
à la présente affaire n'ont pas totalement évitée)i réunir les deux ques-
tions.
5. Ce n'est que si l'on comprend pleinement que deux normes dis-
tinctes du droit international sont en jeu (bien qiie la première - I'im-
munité - ne puisse naître que si l'autr- la compétence - existe) que l'on
peut avoir une vue d'ensemble. L'un des défis du droit international
contemporain est d'assurer la stabilité des relatons internationales et
l'efficacitédes rapports internationaux tout en garantissant le respect des
droits de l'homme. I,a tâche difficile à laquelle le droit international est
aujourd'hui confronté est d'assurer la stabilité des relations internatio-
nales autrenient que par l'impunitédes responsable:; de violations majeures
des droits de l'homme. Ce défiest reflétédans le présent différend et la
Cour devrait assurément Œuvrer a cette tâche, alors même qu'elleexerce
sa fonction de régler un différend qui a étéport? devant elle. Mais en
choisissant de ne voir que la moitié de l'histoire - l'immunité - elle
n'est pas en position de le faire.
6. Comme M. Yerodia n'était pasun national d- la Belgique et comme
les infractions allégwéed sans le mandat d'arrêtor t eu lieu hors du terri-
toire sur lequel la Belgique exerce sa juridiction, les victimes étant des
non-Belges, le mandat d'arrêt reposait nécessairr:ment sur une compé-
tence universelle. De fait, tant ce mandat que les textes de 1993et 1999en
vertu desquels il a étéémisl'indiquent expressémt,nt.De plus, M. Yero-
dia lui-mêmeétaithors de Belgique au moment oii le mandat a étéémis.
7. Dans sa requête introductive d'instance (p. 7 1,la République démo-
cratique du Congo sirplaint que l'article 7 de la loi belge MANDAT D'ARRET (OP. IND. COM.) 65
«établit ... la compétence universelle de lu loi et des juridictions
belges à l'égarddes «violations graves du droit international hunza-
nitaire)), sans tnt5mesubordonner cette compétznce à lu présencede la
personne poursuivie sur le territoire belge.
C'est tnanijesternent cette conlpétenceillirvvitéeque s'attribue lui-
même1'Etat belge qui explique l'émissiondu n~andatd'arrêtvisant
M. Yerocli~zNdomha.ci, contre lequel uucun chef de cotnpétencetev-
ritorinle ou pers~înnelle,ni de cotnpétencejontlée sur lu protection de
Irsûrefi ou du créditdu Royuutne de Belgiqut~n'aurait, ù I'kvidence,
pu êtreinvoqué. »
Dans son mémoire, le Congo a niéque
«le droit international reconnaissait une coinpétence pénale aussi
étendue que celle que la Belgique entendait exercer, à savoir en ce
qui concerne des incidents de droit international humanitaire alors
que l'accusé n'estpas sur le territoire del'Et; t qui exerce des pour-
suites))(mémoire du Congo, par. 87).
Dans ses plaidoiries, le Congo a une nouvelle fois dit qu'il n'était pas
opposé au principe mêmede la compétence univc:rselle. Mais I'affirma-
tion d'une compétence universelle a l'égarddes auteurs de crimes n'était
pas, en droit international, une obligation mais :;eulement une option.
L'exercice de la compétence universelle exigeait, pour le Congo, qu'il ne
soit pas porté atteinte à la souveraineté de I'autrt: Etat, et l'absence de
tout manquement ii une obligation fondée el droit international
(CR 2001110,p. 33). En outre, selon le Congo, les Etats qui ne sont pas
tenus de poursuivre si l'auteur n'est pas présent sur leur-territoire sont
néanmoins libres de 11:aire dans la mesure où cet exercice de leur compé-
tence ne porte pas atteinte à la souverainetéd'un aLtre Etat et n'est pas-en
violation du droit international (ihid j.Le Congo a déclaréqu'il n'avait
pas l'intention de discuter l'existence du principe rle la compétence uni-
verselle, ni de faire obstacle à l'apparition d'une coutume concernant la
compétence universelle (ihid., p. 30). Alors que les plaidoiries touchaient
leur fin, le Congo a reconnu que la Cour pourrait avoir à se prononcer
sur certains aspects de la compétence universelle, mais ilne lui a pas
demandé de le faire, comme la question ne l'intéressait pas directement
(CR 2001110,p. 11). II souhaitait que la Cour se prononce sur les obli-
gations dues par la Belgique au Congo à la lumière de l'immunité de
M. Yerodia au moment pertinent. Les conclusion:; finales qui figuraient
dans la requêteont été modifiéesafin qu'il n'y soi- plus demandé que la
Cour statue sur la question de la compétence universelle.
8. Dans son contri:-mémoire, la Belgique a sou ignéque, en vertu du
droit international c'outumier, une obligation générales'imposait aux
Etats de poursuivre les auteurs de crimes. Elle a toutefois concédéque
lorsque les intéressésétaient des non-nationaux, se trouvant hors de son
territoire, il n'y avait pas d'obligation mais plutôt une option disponible IMANDAT D'ARRET (OP. IND. COM.) 66
(contre-mémoire de la Belgique, par. 3.3.25). Aucune présencesur le ter-
ritoire n'était requise pour l'exercicede la compétence lorsque l'infraction
violait des intérêtsfondamentaux de la comniunauté internationale
(contre-mémoire de la Belgique, par. 3.3.44 a 3.3.22). Pour la Belgique, le
fait d'ouvrir une enquêteou d'engager des pouisuites contre une per-
sonne se trouvant hors de son territoire ne violai1 aucune règle du droit
international, et était accepté aussi bien dans la ~atique internationale
que dans la pratique interne des Etats comme un moyen nécessairepour
lutter contre l'impuilité (contre-mémoire de la Ilelgique, par. 3.3.28 à
3.3.74).
9. Ces conclusions ont étéreprises lors des ~,laidoiries, la Belgique
notant que le Congo «ne conteste plus ... l'exerciced'une compétenceuni-
verselle par défaut))(CR 200119.p. 8 A 13). La Belgique, elle aussi, était
finalement satisfaite que la Cour ne se prononce que sur la question de
l'immunité.
10. Il est compréhensible que le Congo en soit \enu progressivement a
penser que ses intérêts seraientmieux servis s'ilfasait fond sur ses argu-
ments concernant l'immunité. Il l'est tout autant que la Belgique soit
satisfaite qu'il fût demandé à la Cour de se proncncer sur l'immunité et
non sur la question de savoir si l'émissionet la gliffusion d'un mandat
d'arrêt international exigeaient la présencede I'acsusésur son territoire.
Une autre question est de savoir si la Cour devait àire droit A ce consen-
sus.
11. Assurément, elle n'est pas tenue de le faire par l'effet de la règle
ultru petita.Dans son contre-mémoire, la Belgiqu':cite le 1ocu.sclussicus
de la règlenorzultru petitu, l'affaire duDroit d'usil- (dernunclerl'interpr-6-
tation) :
«la Cour a le devoir de répondre aux demandes des parties telles
qu'elles s'exprirrient dans leurs conclusions finales, mais aussi celui
de s'abstenir de statuer sur des points non compris dans lesdites
demandes ainsi exprimées)) (Demunde d'interprétationde l'urrêtdu
20 rzovenzbre 19.i0 en l'uffuire du droit d'asile: arrêt,C I.J. Recueil
1950, p. 402; contre-mémoire de la Belgique, par. 2.75; les italiques
sont de nous).
Elle cite également Rosenne, qui a écrit: «Elle ne donne pas de compé-
tence a la Cour ni ne lui retire sa compétence. Elle limite la Cour dans la
portée de sa décision.))(Contre-mémoire de la Belgique, par. 2.77.)
12. Une lecture attentive de ces citations montre que la Belgique a tort
si elle souhaite indiquer A la Cour que la règle nor, ultrrrpetituempèche-
rait celle-cid'uborder des questions qui ne sont [-as comprises dans les
conclusions. Cette règle empèche seulement la Cour de statuer sur ces
questions dans le dispositif de son arrèt puisque c'est l'endroit où elle
répond aux conclusions. Mais elle n'empêchecertainement pas la Cour
d'examiner dans le cadre de son raisonnement les questions qu'elle
juge pertinentes pour ses conclusions. Comme l'a céclarésir Gerald Fitz-
maurice : «si l'on ne fait pas certaines distinctions, il t:xiste un danger que [la
règlenon ultru ,netitu]empêchele tribunal de parvenir à une décision
correcte, et mêmel'amèneà aboutir à une conclusion juridiquement
incorrecte en le forçant à négligerdes facteiirs juridiquement perti-
nents)) (The LLI~Iu~nd Procedure of the Internutionul Court of Jus-
ticr, 1986, vol.11,p. 529 et 530).
13. Ainsi, la règle zrltrnpetitcl peut jouer pour empêcher laCour de
parvenir, dans le dispositif, à une conclusion sur une question qui n'est
.as .sée dans les conclusions finales d'une ~artie. Mais la Cour ne
devrait pas, parce qu'une partie ou les deux jugent que cela sert mieux
leur cause, renoncer aux étapes nécessairespour aboutir à la conclusion à
laquelle elle aboutit eflcctivernent dans le dispositif. La Cour l'a reconnu
au paragraphe 43 du présentarrêt.Mais s'étant riservéle droit d'aborder
tel ou tel aspect de la compétence universelle dans sa motivation «si elle
l'estime nécessaireou souhaitable)), la Cour ne dit rien de plus sur cette
question.
14. Cette démarche peut être opposéeà celle que la Cour a adoptée
dans l'avis consultatif qu'elle a rendu dans l'affaire concernant Cprtaines
d&pc~izsetcle I'Org~liîiscltiocles Nations Unies art. 17, par. 2, de la
Charte) (C.I.J.Recueil 1962, p. 156 et 157). (La Cour y était contrainte
par la question qui lui était poséeet non par le' conclusions finales du
demandeur, mais le point deprincipe demeure lt même.)La Cour était
priéepar I'Assemblke généralede dire si les dépenses encourues au titre
de la FENU et de I'ONUC constituaient des ((dépensesde l'organisa-
tion)) aux fins de l'article 17, paragraphe 2, de la Charte.
15. La France av,ait en fait proposé un amendzment à cette question,
aux termes duquel il aurait étédemandé à la Cour d'examiner si les
dépensesen question avaient été décidéesconforrr émentaux dispositions
de la Charte avant de passer à la question posét:.Cet amendement fut
rejeté.La Cour a déclaré :
Le rejet de l'amendement français ne constitue pas une injonc-
tion pour la Coiur d'avoir à écarterl'examen de la question de savoir
si certaines dépenses ont été((décidéesconf')rmément aux disposi-
tions de la Charte)), si la Cour croit opportun de l'aborder. On ne
doit pas supposer que l'Assembléegénérale ait ainsientendu lier ou
gênerla Cour dans l'exercice de ses fonctions judiciaires; la Cour
doit avoir la pleine liberté d'examiner tous les élémentspertinents
dont elle dispose pour se faire une opinion sur une q~iestion qui lui
est posée en vued'un avis consultatif. >>(Ihitl , p. 157.)
La Cour ajoutait
((qu'on lui a dennandéde répondreà une quesiion précisequi a trait à
certaines dépenses déterminéeq sui ont étéeffectivement faites, mais la
Cour n'exercerait pas de façon adéquate l'obligation qui lui incombe
si elle n'examinait pas en détailles différents problèmes soulevép sar
la question que l'Assemblée généralle ui a po:ée» (ihid, p. 158). 16. Pour toutes les raisons exposéesci-dessus,la Couraurait dû «croire
opportun)) de se demander si l'émission et la diffusioninternationale
d'un mandat reposant sur la compétence universzlle alors que M. Yero-
dia n'était paspréseintsur le territoire belge étaientillicites. Elle aurait dû
le faire avant de tirer une conclusion sur'immunltédejuridiction, et elle
aurait, de fait, dû ((examiner en détailles différer ts problèmessoulevés))
par la demande qui était formulée par le Cong3 dans ses conclusions
finales.
17. En acceptant de se prononcer sur la question de l'immunité sans
aborder la question d'unejuridiction de laquelle il pouvait y avoir immu-
nité, laCour s'estlaissémanŒuvrer et amener a r2pondre à une question
théorique.Dans ses plaidoiries, la Belgique aappc:lél'attention sur le fait
que M. Yerodia n'occupait plus aucun poste ministérieldans le Gouver-
nement de la Républiquedémocratiquedu Congo. Pour la Belgique, cela
signifiait que la Cour devait déclarerirrecevablea demande tendant àce
qu'elle se Prononce sur l'immunité.Selon elle, 17aiTairétaitdevenue une
affaire concernant «un principe de droit et une affaire relative aux consé-
quences que I'actiociéventuelled'un juge belge pourrait théoriquement
avoir pour l'immunitédes ministres des affaires é-rangèresn (CR 200118,
p. 26, par. 43). Le différend était((une divergence [d'opinions] d'ordre
théorique))(CR 200118.p. 36, par. 71). La Coui ne devait pas ((entrer
dans un débat qui risque fort de lui apparaître 'commeessentiellement
académique))(CR 2(301/9,p. 7, par. 4).
18. Dans son arrêt,la Cour rejette à juste titre ces arguments (voir
arrêt, par.30-32).Mais rien n'estplus académique.abstrait, ou théorique,
que de se prononcer sur I'immunitéd'une juridiction qui peut-êtreexiste
ou peut-êtren'existe pas. Il est regrettable que la Cour n'ait pas suivi la
logique de ses propres conclusions dans l'affaire relative à Certuirîes
dépenses des nation:^Unies, et abordé dans le pnisent arrêt,de manière
suffisamment approiondie, la question de savoir si les autorités belges
pouvaient légitimementinvoquer la compétenceuniverselle pour émettre
et diffuser le mandat d'arrêt nourles accusations formuléesdans celui-ci.
et à l'encontre d'une personne se trouvant hors de leur juridiction terri-
toriale au moment où le mandat a été émis. Cn e est que si la réponseà
ces questions est affirmative que se pose la question suivante : «Néan-
moins, M. Yerodia était-ilexempt de l'exercicede :ette compétence,et en
se plaçant i quel moment faut-il répondre à cette question?»
19. Nous examinerons donc la question de savoir si les Etats sont
habilitésà exercer leur compétence àl'égardde personnes n'ayant aucun
lien avec1'Etatdu for lorsque l'accusé n'estpas prisent sur le territoire de
cet Etat. Le point de départnécessairedoit êtreles sources du droit inter-
national recensées à l'article 38, paragraphe 1c), du Statut de la Cour,
ainsi que les obligations mises la charge de tous les membres de l'Orga-
nisation des Nations Unies par les résolutionsdu Conseil de sécurité, et MANDAT D'ARRET (OP. IND. c~M.) 69
par les résolutions de l'Assemblée généralequi répondent aux critères
énoncéspar la Cour dans l'affaire concernant la Licéitéde la menuce ou
de l'en~ploi d'armes nucléaires, avis consultati,"(C.I.J. Recueil 1996,
p. 226, par. 70).
20. Notre analys'e peut commencer par la Iégislation nationale, pour
déterminer si elle atteste I'existence d'une pratiq le des Etats. A I'excep-
tion de la Iégislation belge du 10 février 1999, la Iégislation nationale,
qu'elle découle d'obligations conventionnelles int xnationales obligeant a
ériger certains crimes internationaux en infractims également en droit
interne, n'indique pas l'existence d'une compéterce universelle en ce qui
concerne ces infractions. Divers exemples révèlen;une pratique plus limi-
tée. Laloi australienne sur les crimes de guerre de 1945, telle qu'amendée
en 1988, prévoit la répression en Australie de crimes commis entre le
1"-septembre 1939 et le 8 mai 1945 par des personnes qui étaient des
nationaux ou des résidents de l'Australie au monient où ils ont été accu-
sésdes infractions (art. 9 et11).La loi du Rovaurne-Uni sur les crimes de
guerre de 1991 autorise l'engagement de poursuites pour meurtre, homi-
cide ou homicide par négligencecommis entre le 1"'septembre 1935 et le
5juin 1945en un lieu qui faisait partie de 1'Allem;igneou était sous occu-
pation allemande, et lorsque l'accuséétait à l'époque,ou est devenu, un
ressortissant ou un résidentdu Royaume-Uni. Eii France, en Allemagne
et (en termes même plus larges)aux Pays-Bas, la législation renvoie pour
fonder la compétence aux dispositions juridictiorinelles figurant dans les
traités internationaux auxquels elle vise à donner effet. Il convient de
noter toutefois que le 16janvier 2002 le Gouveriiement allemand a pré-
sentéau Parlement allemand un projet de loi dont l'article premier dis-
pose :
«Le présent Code vise tous les actes punissables qui y sont énu-
mérésqui violent le droit international public, [et] dans le cas des
crimes qui sont visés, [leprésent Code s'applique] mêmesi I'acte a
été commisà l'étrangeret n'a aucun lien avic [l'Allemagne].»
Le code criminel du Canada (1985) autorise 1'exi:rcicede la compétence
lorsque, au moment de I'acte ou de l'omission, 1 accuséétait un citoyen
canadien ou était «employépar le Canada à titre civil ou militaire)), ou si
la «victime est un citoyen canadien ou un citoyeii d'un Etat qui est allié
au Canada dans uni conflit armé)). ou si «au nioment de l'acte ou de
l'omission le Canada pouvait, conformément au droit international, exer-
cer sa compétence i l'égardde la personne en rilison de la présence de
celle-ci au Canada)) (art. 7).
21. Tout ce qui précède illustre la tendance en droit international à
juger et punir certains crimes qui ont étécommis extraterritorialement.
Mais aucune de ces lois, ni aucune des nombreuse iautres qu'a étudiées la
Cour, ne représente une affirmation classique de la compétence univer-
selle en ce qui concerne certains crimes commis ailleurs par des personnes
n'ayant aucune relalion ni aucun lien avec I'Etat du for.
22. La jurisprudence relative à ces disposition: a étéen grande partie MANDAT D'ARRÊT (OP. IND. c~M.) 70
prudente s'agissant de faire fond sur la compétence universelle. Dans
l'affairePinochet dont ont connu les tribunaux anglais, il est clair que la
compétence avait un fondement conventionnel, la condition de double
incrimination exigéepour l'extradition étant remplie par la Iégislation
anglaise en septembre 1988,date après laquelle 11:sactes de torture com-
mis à l'étranger constituaient un crime au Roya~me-Uni comme déjàen
Espagne. En Australie, la Cour fédéralea mentionnéun groupe d'infrac-
tions pour lesquelles le droit internationalaccorclait compétenceuniver-
selle,mêmesi une Iégislationnationale d'application étaitaussi nécessaire
(Nulyaritnma, 1999 :génocide). LaHaute Cour a confirméque le Iégisla-
teur avait le pouvoir d'autoriser les tribunaux à :xercer une compétence
universelle pour les crimes de guerre (Polyukhovich, 1991). En Autriche
(dont le code pénal insiste sur la condition de d3uble incrimination), la
Cour suprême ajugé qu'elleétait compétentepour juger des personnes
accuséesde génocidle,au motif qu'il n'y avait pits de système judiciaire
opérationnel dans 1'Etatoù les crimes avaient étc:commis ni de tribunal
pénal international opérationnel à ce moment (Cvjetkovic, 1994). En
France, un juge d'instruction a estiméque la corvention sur le génocide
ne prévoyaitpas la crompétenceuniverselle (in re lavor,décision infirmée
pour d'autres motifs devant la cour d'appel. La décisionde la Cour de
cassation n'implique pas non plus la compétence universelle.) Dans
l'affaireMunyrshyaka (1998), la cour d'appel s'ippuie pour parvenir à
une conclusion - à première vueincohérente - sur un renvoi au statut
du Tribunal international pour le Rwanda pour fonder sa compétence.
Dans l'affaireKhadaji, la cour d'appel a fait fond sur la personnalitépas-
sive et non sur la ciompétenceuniverselle (devant la Cour de cassation,
c'est l'immunitéqui avait revêtu uneimportance centrale).
23. Dans l'affaire Bouterse, la cour d'appel d'Amsterdam a conclu que
la torture étaitun crime contre l'humanitéet que de ce fait une «compé-
tente extraterritoriale)) pouvait êtreexercéeà l'égardd'un non-national.
Toutefois, le Hoge Raad, la Cour suprêmenéerlandaise, a subordonné
cet exercice de la compétence extraterritorialeà ces conditions (nationa-
lité,ou présenceaux Pays-Bas au moment de l'arrestation) sur la base de
la Iégislationnationtale.
24. Par contraste, la Haute Cour régionale havaroise a retenu une
compétence universi:lledans le cas de poursuites pour génocide (l'accusé
avait en I'espéce ét6 arrêtéen Allemagne). La jiirisprudence des Etats-
Unis a étéquelque peu plus encline à invoquer la ((compétenceuniver-
selle», bien que des considérationstouchant la personnalitépassive aient
aussi joué un rôle clef(Yunis, 1988; Bin Laden, ;'000).
25. Une réponse encoreplus ambiguë résultec'une étudedes disposi-
tions de certains traités importants des trente dernières années, et des
obligations imposéespar les parties elles-mêmes.
26. Certains autems ayant traitéle sujet affirment que les grands trai-
tésinternationaux siIr les crimes et autres infractions attestent que I'uni-
versalité est un fondement de l'exercice de la c3mpétence reconnu en
droit international (voir l'intéressant article publié récemment par MANDAT D'ARRET (OP. IND. COM.) 71
Luis Benavides, «The Universal Jurisdiction F'rinciple: Nature and
Scope)), Anuario Me.~icanode Derecho Internacioriul, vol. 1,p. 58(2001)).
Cela est douteux.
27. L'articleVI de la convention pour la prévention et la répressiondu
crime de génocide(9 décembre 1948) dispose :
«Les personnes accuséesde génocide ou cie l'un quelconque des
autres actes énumérésà I'article III seront traduites devant les tribu-
naux compétents de I'Etat sur le territoire diiquel l'acte a étécom-
mis, ou devant la cour criminelle internationz le qui sera compétente
à l'égardde celles des parties contractantes qiii en auront reconnu la
juridiction.»
Il s'agit là d'une obligation d'exercer la compétence territoriale, bien que
les travaux préparatoires révèlent effectivementqu'il était entendu que
cette obligation n'était pas censéeaffecter le droit d'un Etat d'exercer sa
compétence pénalevis-à-vis de ses propres nationaux pour des actes com-
mis à l'étranger (A/C:.6/SR.134, p. 5). L'articleVI prévoit aussi la possi-
bilitéqu'une compétence non territoriale soit attribuée a un futur tribu-
nal international - inêmesi aux termes de la congention sur le génocide
cela n'est pas automatique mais limitéaux parties contractantes qui en
reconnaîtraient la compétence. Ces dernières arnées, des auteurs ont
déclaréque l'article 'VIn'empêchaitpas un Etat d'exercer la compétence
universelle dans une affaire de génocide. (Et vcir, plus généralement,
Re.stutement (Third, of the Foreixn Relations Lari,of the United States
(1987), par. 404.)
28. L'article 49 de la première convention de Genève, l'article 50 de la
deuxième convention de Genève, l'article 129 de Id troisième convention
de Genève et l'article 146 de la quatrième convention de Genève, toutes
quatre en date du 12 août 1949, disposent :
«Chaque partie contractante aura 1'oblig:ition de rechercher les
personnes prévenues d'avoir commis, ou d'avoir ordonné de com-
mettre, ... ces infractions graves. et elle devra les déférerà ses propres
tribunaux, quelle que soit leur nationalité. Ell: pourra aussi, si elle le
préfère, etselon les conditions prévuespar s: propre législation, les
remettre pour jugement à une autre partie cc~ntractante intéresséeà
la poursuite, pour autant que cette partie contractante ait retenu
contre lesdites personnes des charges suffisantes. »
29. L'article 85, paragraphe 1, du premier protocole additionnel aux
conventions de Genkve de 1949 reprend cette disposition par renvoi.
30. L'objectif déclaréde cette disposition est que les infractions ne
demeurent pas impunies (les dispositions relative<,à l'extradition jouant
leur rôle dans la réa~lisationde cet objectif). On peut noter immédiate-
ment qu'il s'agit d'une des premières formes de a règle uut dedere azlt
prosequi que l'on retrouve dans des conventions postérieures. Mais I'obli-
gation de poursuivre est la première, ce qui la rer d encore plus forte.
31. Aucun lien territorial ou de nationalité n'cd envisagé, cequi sug-gère l'existence d'un véritable principe d'univeisalité (voir également
Henzelin, Le principe de l'universalitéen droit pétzulinternutionul: droit
et obligation pour 1t.sEtuts de poursuivre et juger selon le principe de
l'universalité.2000. o. 354-356). Mais le comm1:ntaire Pictet. aui fait
autorité, donne une interprétation différente: Convention de Genèvepour
l'amélioration du sortclesblesséset (lesnzu1ude.sdons les forces urmGesen
campugne, 1952, qui affirme que cette obligation était comprise comme
une obligation a la charge des Etats parties de rechercher les auteurs
d'infractions pouvant se trouver sur leur territoire. Est-ce un véritable
exemple d'universaliité,si l'obligation de recherche se limite au propre ter-
ritoire de 1'Etat? Cette obligation de recherche iniplique-t-elle une auto-
risation de poursuivi-e par défaut, si les recherches sont infructueuses?
32. Comme ce point n'a été abordédans aucunl: affaire, la question de
la compétence n'a pas été tranchée judiciairemer t. En fait, la jurispru-
dence des tribunaux internes découlant des possibilités juridictionnelles
offertes par les conventions de Genève ou le protocole additionnel 1est
remarquablement modeste.
33. La conventiori unique sur les stupéfiants de 1961dispose, au para-
graphe 2 de son arti~ûle36 :
«cl) iv) Les infractions graves précitées, qu'elles soient commisespar
des nationaux aludes étrangers, seront poursuivies par la partie sur
le territoire de laquelle l'infraction a été conimise,ou par la partie
sur le territoire de laquelle le délinquant se trouvera si son extradi-
tion n'est pas acceptable conformément à la I~Sgislatide la partie à
laquelle la dem,ande est adressée, et si ledit délinquant n'a pas été
déjàpoursuivi et jugé. ))
34. Des opinions diverses ont été exprimées sur le point de savoir si
I'Etat où l'infraction a été commise devaitavoir le premier le droit de
poursuivre le délinquant (ElCN.7lAC.319, 11 septembre 1958, p. 17,
note43; cf. ElCN.7lAC.319et Add. 1.ElCONF.3411lAdd. l,6 janvier 1961,
p. 32). Néanmoins, le principe de la ((répression universelle primaire)) a
étéconsacrédans le texte, nonobstant les objections vigoureuses d'Etats
comme les Etats-Unis, la Nouvelle-Zélande et 1'Iiidedont les lois natio-
nales ne prévoyaient despoursuites que pour les infractions commises à
l'intérieurde leurs frontières nationales. (Le développement de la notion
de ((compétenced'irnpact» ou ((compétenced'effets » a plus récemment
permis de continuer de faire fond sur la territorialité tout en étendant
considérablement la compétence.)Lecompromis riaalisconsistait a enten-
dre les dispositions de l'alinéa iv)du paragraphe 2 de l'article 36 «sous
réserve des limitations constitutionnelles d'une partie, de son système
juridique et de son droit interne)). Mais la possitlilitéd'une compétence
universelle n'a pas étédénoncéecomme contraire au droit international.
35. La conventiori de La Haye pour la répressionde la capture illicite
d'aéronefs,en date du 7décembre 1970,dispose dxns son préambule qu'il
est ((urgent de réprimerces actes en tant qu'infractions et de prévoir des
mesures appropriées en vue d'en poursuivre et d'e 1 extrader les auteurs)), MANDAT D'ARRÊT (OP. IND. ~014.) 73
et prévoit au paragraphe 1 de son article 4 l'obligation pour les Etats
contractants de prendre les mesures nécessairespour établir leur compé-
tence aux fins de connaître de ces infractions ainsi que de tout autre acte
de violence dirigécontre les passagers ou l'équipage :
NU) si [I'infraction] est commise à bord d'un aéronef immatriculé
dans cet El.at;
b) si l'aéronef à bord duquel l'infraction e:,t commise atterrit sur
son territoire avec I'auteur présuméde I'infraction se trouvant
encore i bord;
c) si I'infraction est commise à bord d'un aéronef donné en loca-
tion sans équipage a une personne qui a le siège principal de
son exploiiation ou, à défaut, sa résidence permanente dans
ledit Etat)).
Le paragraphe 2 de l'article 4 prévoit une obligation comparable pour
chaque Etat contractant d'établir sa compétenceclans le cas où l'auteur
présuméde I'infraction se trouve sur son territoire et où ledit Etat ne
l'extrade pas conforrnément à l'article 8. Ainsi, nous avons ici aussi une
formulation conventiionnelle de la régleaut deder,. uut prosequi, dont le
contenu reposait sur le principe de la ((répression universelle)). Les chefs
de compétence prévus aux articles 4 1)h) et 4 2), ne nécessitant aucun
lien territorial si ce n'est l'atterrissage de l'aérolief ou la présence de
l'accusé,n'ont été adoptés qu'après delongs débats. Les travaux prépa-
ratoires montrent que des Etats pour lesquels la simple présenceétait un
chef de compétence insuffisant ont commencé à appuyer avec réticence ce
type particulier de formule en rrrisoncl r1gravite!de l'infraction. Ainsi, le
représentant du Royaume-Uni a déclaréque son 1)ays((aurait beaucoup
de difficultéà établir sa compétence au seul motif qu'un aéronef trans-
portant l'auteur d'un détournement avait atterii sur le territoire du
Royaume-Uni)). De plus,
((en règlegénérale, sonpays n'accepte pas le principe selon lequel la
simple présence de l'auteur présuméd'une inf-action sur le territoire
d'un Etat autorise celui-ci à lejuger. Toutefo s, devant la gravitéde
l'infraction...il [était] disposéà appuyer ...[la proposition sur la
compétence obligatoire de 1'Etat où I'auteur d'un détournement se
trouve]. » (Conference de La Haye, p. 75, par. 18.)
36. Ilconvient aussi de noter que l'articl4, paragraphes 1et 2,prévoit
l'exercice obligatoire de la compétence en I'abseiice d'extradition mais
n'exclut pas I'exercici:de la compétence pénale en vertu d'autres chefs de
compétence conformément à la législation nationale (bien que l'exercice
de cette faculté ne soit pas obligatoire aux termes de la convention).
37. On trouve des dispositions juridictionnelle: comparables aux ar-
ticles 5 et8 de la convention internationale contie la prise d'otages du
17 décembre 1979. L'obligation énoncée a l'article 8aux termes duquel
tout Etat partie souimet une affaire, «sans auciine exception, et que
I'infraction ait étéou non commise sur son terr taire))à ses autorités MANDAT D'ARRET (OP. IND. CO~I.) 74
compétentes pour l'exercicede l'action pénales'il n'extrade pas l'auteur
présuméde l'infraction, a encore été considéré ccmme nécessairepar la
majorité,étant donni: la nature des infractions (compte rendu analytique,
comitéspécial chargi:d'élaborerune convention internationale contre la
prise d'otages (AIAC. 1881SR.5,7, 8, 11, 14,15, 16, 17, 23, 24 et 35)). Le
Royaume-Uni a formuléune mise en garde contre l'adoption de la com-
pétence pénale universelle(ibid., AIAC.1881SR.24,par. 27) tandis que
d'autres (la Pologne, AIAC. 188lSR.23, par. 18; lc*Mexique, AIAC.1881
SR.16, par. Il) estimaient que l'introduction du principe de la compé-
tence universelle étaitessentielle. L'URSS a fait observer qu'aucun Etat
ne pouvait exercer sa compétenceen ce qui concerne des crimes commis
dans un autre Etat par des nationaux de cet Etat :ans contrevenir à l'ar-
ticle 2, paragraphe 7, de la Charte. Les disposit~ons de la convention
devaient pour elle s'appliquer uniquement aux prizes d'otages qui étaient
une manifestation du terrorisme international - un autre exemple d'une
position initiale compréhensiblesur la compétencemodifiée face a la gra-
vitéexceptionnelle de l'infraction.
38. La convention contre la torture du 10 décembre 1984 énonceen
son article 5 une obligation d'établir sa compétenc:e
(((1)quand I'infi-actiona été commisesur tou territoire sous la juri-
diction dudit Etat ou à bord d'aéronefsou de navires immatri-
culésdans (cetEtat:
bj quand l'auteur présumé de l'infractiones-.un ressortissant dudit
Etat:
c) quand la victime est un ressortissant du~iitEtat et que ce der-
nier lejuge approprié)).
Si l'auteur alléguéde l'infraction esttrouvésur le territoire d'un Etat par-
tie et n'est pas extraclé, l'affairedoit êtresoumiseaux autoritéschargées
des poursuites (art. '7).Les autres chefs de compétence pénale exercés
conformément aux lois nationales ne sont pas exc,lus(art. 5, par. 3), ce
qui indique que les paragraphes 1 et 2 de l'article 5 ne doivent pas être
interprétés u contrurio. (Voir J. H. Burgers et H. Danelius, The United
Nutions Convention crgainst Torture, 1988,p. 133.)
39. Le passage du temps modifie les perceptioris. Le chef de compé-
tence qui en 1961étaitappeléle principe de la ((répressionuniverselle))en
est venu à êtrecouramment désignépar les représentants des Etats
comme la ((compéteniceuniverselle)) - de plus, uiie compétenceuniver-
selle considérée comrne appropriée, puisque la tor .ure, comme la pirate-
rie, pouvait êtreconisidérée comme une ((infraction au droit des gens»
(Etats-Unis :E/CN.4/1367, 1980).L'Australie, la F'rance, lesPays-Bas et
le Royaume-Uni ont finalement abandonné leur objection selon laquelle
la ((compétence univi:rselle»à l'égardde la torture leur créeraitdes pro-
blèmescompte tenu de leurs systèmesjuridiques iriternes. (Voir ElCN.41
1984172.)
40. Ce bref tour d"horizon historique peut êtrerésumécomme suit.
41. Les parties àces traitésse sont mises d'accord tant sur les chefs de MlANDAT D'ARRÊT (OP. IND. CON .) 75
compétence que sur l'obligation de prendre les mesures nécessairespour
établir cette compétenice.Les chefs de compétence i idiquésreposaient sur
les liens de nationalité de l'auteur de l'infraction, ou du navire ou de
l'aéronef concerné, OLI de la victime. (Voir, par exeniple, l'article1)de la
convention de La Haye, l'article 3 1) de la convention de Tokyo, l'ar-
ticle5 de la convention contre la prise d'otages et l'articl5 de la conven-
tion contre la torture.) Ces dispositions peuvent êtei proprement décrites
comme des dispositions conventionnelles établiss;int une large compé-
tence extraterritoriale. Mais outre ces diswositions. les traités en auestion
en contenaient d'autres, parallèles, selon lesquelles un Etat partie dans la
juridiction duquel l'auteur présuméde ces infractions était trouvé devait
le poursuivre ou l'extrader. Par abus de langage, ces dernières en sont
venues à êtredésignéescomme établissant une «coinpétence universelle)),
bien qu'il s'agisse en réalitéd'une compétence territoriale obligatoire sur
des personnes, bien qu'en relation avec des actes commis ailleurs.
42. La question de savoir si cette obligation (q~'on la décrivecomme
I'obligation d'établir la compétence universelle oii, plus exactement, la
compétence pour établir une compétence territoriale à l'égard de per-
sonnes pour des événementsextraterritoriaux) est uniquement une obli-
gation conventionnell.e, irzterpartes, ou si elle est maintenant, uu moins
en ce qui concerne les infractions dk$nies dans les 'raités,une obligation
du droit international coutumier a étéabordée dar s leurs plaidoiries par
les parties à la préseriteaffaire mais n'a pas étéeraminée trèsen détail.
43. Ne l'a pas étérion plus la question de savoir si une telle obligation
générales'appliquait aux crimes contre l'humanité, étant donné que ces
crimes égalementsont considéréspartout comme tout aussi odieux. C'est
pourquoi nous ne formulons pas d'opinion a cet ésard.
44. Toutefois, nous notons que le principe qui ligure dans ces traités,
qui est inexactement qualifié de ((principede la compétence universelle)),
est un principe d'obligation, alors que la question qui se pose en l'espèce
est de savoir si la Belgique avait le droit d'émettreet de diffuser le man-
dat d'arrêtsi elle le décidait.
Si une analyse impartiale de la pratique des Etats et de lajurisprudence
de la Cour donne à penser qu'une telle compétence n'est pas actuellement
exercée,d'éminentsjuristes sont beaucoup plus mitigésdans leurs écrits.
Les nombreux articles de doctrine contiennent de ligoureux échangesde
vues (qui ont étédûment étudiéspar la Cour) qui f~nt apparaître de pro-
fondes divergences d'opinions. Mais ces écrits, aus:i importants et stimu-
lants soient-ils, ne peuvent en eux-mêmes et san:; référenceà d'autres
sources du droit international attester l'existence d'une norme juridic-
tionnelle. L'affirmation selon laquelle certains traités et certaines déci-
sions judiciaires repo,çent sur la compétence unive-selle, ce qu'en fait ils
ne font pas, ne prouve pas l'existence d'une p-atique internationale
reconnue comme coutume. Les arguments de principe avancésdans cer-tains des écritsindiquent assurément pourquoi une pratique ou une déci-
sion judiciaire devrait être considérée comme souhaitable ou, de fait,
licite; mais des arguments contraires sont également avancés, et de toute
manière ceux-ci ne plruvent non plus servir a étaler une pratique inter-
nationale quasiment .inexistante.
45. Il est indéniablequ'il n'y a pas de pratique établied'exercice par les
Etats de la compétence universelle au sens propre du terme. Comme nous
l'avons vu, pratiquement toutes les législations nationales envisagent tel
ou tel lien avec 1'Etat du for; et il n'y a aucune décisionfondant la com-
pétence sur la compétence universelle pure. Cela r 'indique pas nécessai-
rement, néanmoins, qu'un tel exercice serait illicite. En premier lieu, la
législation nationale traduit les circonstances dans lesquelles un Etat se
donne dans son propre droit la capacité d'exercer sa compétence. Mais
un Etat n'est pas tenuid'adopter une législation luiconférant toute I'éten-
due de la compétence autorisée par le droit international. Les législations
autrichienne et du Royaume-Uni en matière de crimes de guerre consti-
tuent des exemples de:pays qui font des choix plus limitéspour I'exercice
de leur compétence. De plus, de nombreux pays n'ont pas de législation
nationale pour l'exercice de formes bien établiesdc:compétence extrater-
ritoriale, parfois bien qu'ils aient l'obligation conventionnelle de se don-
ner les moyens de le faire. La législationnationale peut êtreéclairante sur
la question de la compétence universelle, mais elli: n'est pas concluante
quant a la licéitéde celle-ci. En outre, si aucune di:s décisions judiciaires
nationales que nous avons évoquéesne repose sur l'exercice d'une com-
pétence universelleau sens propre, il n'y a rien noii plus dans cette juris-
prudence qui atteste l'existence d'une opiniojuris sur l'illicéid'une telle
compétence. En bref, la Iégislationet la jurispruderice nationales - c'est-
A-direla pratique des Etats - sont neutres quant i l'exercice de la com-
pétence universelle.
46. De plus, certaines indications donnent A penser qu'une compétence
pénale universelle a l'égardde certains crimes internationaux n'est mani-
festement pas considérée commeillicite. L'ob1iga:ion de poursuivre en
vertu des traités qui contiennent des dispositions uut clederraut prosequi
ouvre la porte a une compétence fondéesur la nature odieuse du crime
plutôt que sur les liens de territorialité ou de nationalité (que ce soit celle
de l'auteur ou de la victime). Les conventions de Genève de 1949 con-
firment cette possibilité, et sont largement considérées aujourd'hui
comme reflétant le droit international coutumier (voir, par exemple,
Cherif Bassiouni, International Crinzinul Luw, kol. III: Enfbrcement,
2' éd., 1999, p. 228; Theodor Meron, «1nternatio.lal Criminalization of
Interna1 Atrocities)),AJIL, 1995, vol. 89, p. 576).
47. Les tendances contemporaines, qui reflèteni les relations interna-
tionales a l'aube du n'ouveausiècle,sont frappantes. On tend à retenir des
chefs de compétence autres que la territorialité. Le compétence reposant
sur les «effets» ou l'«impact~~a étéadoptée aussi t~ienpar les Etats-Unis
que, sous certaines conditions, par l'Union europ~ienne. La compétence
reposant sur la personnalité passive, considérée pendant si longtempscomme controversée, est maintenant non seu1emi:nt consacrée dans la
législation de divers pays (les Etats-Unis, chap. 113A, 1986 Omnibus
Diplomczticilnd Antiterrorisn~ Act; la France, art. 689, Code de procé-
dure pénale, 1975), niais ne rencontre aujourd'hui guère d'opposition, à
tout le moins en ce qui concerne une catégorie particulière d'infractions.
48. En matière civile, nous assistons déjà à l'apparition d'une forme
tres large de compétence extraterritoriale. En veitu de leur loi sur les
dommages causésaux étrangers (Alien Tort Cl(rin2rAct), les Etats-Unis,
se fondant sur une loi de 1789, ont établi leur c:ompétenceen ce qui
concerne tant les violations des droits de I'hom:ne que les violations
majeures du droit iinternational, commises par des non-nationaux à
l'étranger. Cette compétence, avec la faculté d'ordonner le paiement de
dommages-intérêts,a étéexercéeà l'égardd'actes dr torture commis dans
divers pays (Paraguay, Chili, Argentine, Guatemila) et d'autres viola-
tions majeures des droits de l'homme commises dans d'autres pays encore.
Si cet exercice unilatéral de la fonction de gardien rlesvaleurs internatio-
nales a ététres cornimenté,il n'a pas d'une manière générale suscité
l'approbation des Etats.
49. La Belgique -- et aussi de nombreux auteurs qui ont écritsur ce
sujet - trouve dans l'affaire du Lotus une justification pour l'exercice
d'une compétence pé:naleuniverselle par défaut. Bien qu'il soit clair que
l'affaire a ététranchésesur le fondement de la compétence pour des dom-
mages causésà un na.virede la flotte turque et à de: nationaux turcs, c'est
la célèbreobservation incidente de la Cour permanente qui a particuliè-
rement retenu l'attention. La Cour a déclaré:
«Or, la limitation primordiale qu'impose 1(droit international à
1'Etat est celle dl'exclure - sauf l'existence (l'une règle permissive
contraire - tout exercice de sa puissance sur le territoire d'un autre
Etat. Dans ce sens, la juridiction est certainement territoriale; elle ne
pourrait êtreexercéehors du territoire, sinoii en vertu d'une règle
permissive découlant du droit international coutumier ou d'une
convention.
Mais il ne s'ecisuitpas que le droit international défendà un Etat
d'exercer, dans s'onpropre territoire, sa juridiction dans toute affaire
où il s'agit de faits qui se sont passés à l'étr,inger et où il ne peut
s'appuyer sur une règle permissive du droit international. Pareille
thèse ne saurait 2tre soutenue que si ledroit iiiternational défendait,
d'une manière g,énérale,aux Etats d'atteindie par leurs lois et de
soumettre à la juridiction de leurs tribunaux des personnes, des biens
et des actes hors du territoire, et si, par dérogation à cette règlegéné-
rale prohibitive, il permettait aux Etats de ce hire dans des cas spé-
cialement déterminés.Or, tel n'est certainement pas l'étatactuel du
droit international. Loin de défendre d'une manière généraleaux
Etats d'étendre leurs lois et leur juridiction à des personnes, des
biens et des actes hors du territoire, il leur liiisse, à cet égard, une
large liberté, qui1n'est limitéeque dans quelcues cas par des règles MANDAT D'ARRÊT (OP. IND. COM.) 78
prohibitives; pour les autres cas, chaque Etai reste libre d'adopter
lesprincipes qu'il juge les meilleurs et lesplus convenables. (C. P.J.I.
série A no 10, p. 18-19.)
La Cour permanente a reconnu qu'il fallait examiner si ces principes
s'appliqueraient également dans le domaine de la juridiction pénaleou si,
dans ce domaine, des liens plus étroits pourraient ktre requis. La Cour a
notéI'im~ortance du caractère territorial du droit néna1mais aussi le fait
que tous ou presque tous les systèmes de droit étendaient leur action à
des infractions commises hors du territoire de I'Etnt qui les adoptait, et
qu'ils le faisaient sous des formes variables d'un Etat à l'autre. Après
avoir examiné la question, la Cour a finalement conclu que, pour I'exer-
cice d'une compétence pénale extraterritoriale (ailleurs que sur le terri-
toire d'un autre Etat), il était égalementnécessai1.ede «prouver I'exis-
tence d'un principe de droit international restreignant le pouvoir discré-
tionnaire des Etats en ce qui concerne la législatioiipénale)).
50. L'application de ce rlictunicélèbreserait manifestement dangereuse
dans certains domaines du droit international. (Voir, sur ce point, l'opi-
nion dissidente de M. Shahabuddeen dans l'affai -e de la LicCité(le Ici
tnenclcrou de I'enzplol'd'lrrine.nucIC.aires.clviscon:~ultcitiC.I.J. Recueil
1996, p. 394-396.) Elle reste néanmoins toujours possible dans le contexte
de la compétence à I'kgard des crimes internationaux.
51. Cela dit, cette observation incidente correspond à l'apogée du
laissez-faire dans les relations internationales, et à une époque qui a été
sensiblement dé~assét:Dar d'autres tendances. L' dée aui sous-tend la
compétence universell~rproprement dite (comme daiis le cas de la piraterie
et, peut-être,des conventions de Genève de 1949),ainsi que la variante aut
cledoreaut pro~equi, est qu'il faut agir de concert àce aux atrocités. La
sériede traités multilatéraux avec leurs disposition:, juridictionnelles spé-
ciales montre que la communauté internationale e;t résolue a agir pour
que ceux qui commettent des crimes de guerre, des détournements d'aéro-
nefs, des prises d'otages ou des actes de torture ne demeurent pas impu-
nis. Bien que les crimes contre l'humanité ne fass1:nt pas encore l'objet
d'une convention distincte, on ne peut douter que de tels actes suscitent
une indignation internationale comparable. Et les Etats et auteurs qui
revendiquent le droit d'agir unilatéralement pour é.ablir une compétence
pénale universelle à l'égard des personnes commettant de tels actes
invoquent la notion d'.'actionen qualité detrreprés8:ntantsde la commu-
nauté internationale)). Ce concept vertical du pouv3ir d'agir est sensible-
ment différent du système horizontal de droit iqternational envisagé
dans l'affaire du Lotus.
Dans le meme temps, le consensus international s:lon lequel les auteurs
de crimes internationaux ne doivent pas demeurer inpunis est promu par
une stratégie souple, clans lecadre de laquelle les tr bunaux pénaux inter-
nationaux nouvellement créés,les obligations convt,ntionnelles et lesjuri-
dictions nationales ont tous leur rôle àjouer. Nous repoussons l'idéeque
la lutte contre I'impui~itéest <<transférée» aux traiiés et tribunaux inter- MANDAT D'ARRET (OP. IND. CO~I.) 79
nationaux, les tribunaux nationaux n'ayant pas corlpétence en la matière.
On a pris grand soiri, lorsqu'on a formulé les di:,positions convention-
nelles pertinentes, de ne pas exclure d'autres chefs de compétence,laquelle
peut êtreexercéesur une base volontaire. (Voir I'article 4, par. 3,de la
convention de La Haye pour la répressionde la capture illicite d'aéronefs
(1970); l'article 5, par3, de la convention internationale contre la prise
d'otages (1979); I'article 5, par. 3. de la convention contre la torture;
l'article 9 du Statut du Tribunal pénalinternationail pour I'ex-Yougosla-
vie; et l'article 19 du Statut de Rome de la Cour knale internationale.)
52. Nous pouvons donc déclareravec les auteurs d'oppenh~irn's Inter-
nutlonal Law (9' éd.,p. 998) que :
«Si l'on ne peut encore faire valoir aucune -èglegénéraledu droit
international positif qui donne aux Etats le droit de punir des étran-
gers pour des crimes contre l'humanité de la même manièrequ'ils
sont, par exemple, habilitésà punir les actes dl: piraterieilexiste des
indications claires qu'un principe important di1droit international se
fait progressivenient jour à cet effet))
53. Cela nous ramène au point particulier qu divise les Parties en
l'espèce: la présence de l'accusésur le territoire est-elle une condition
préalable à l'exercice de la compétence universelle ?
54. Il existe une confusion considérable A ce sujet. et le fait que les
législateurs et les tribunaux, comme les auteurs, omettent fréquemment
de dire quel moment précisune telle condition serait opérante ne contri-
bue pas à la dissiper. L'accusé doit-ilêtreprésent dans la juridiction au
moment où l'infraction est commise ? Au momeni où le mandat d'arrêt
est délivré?Ou au moment du procès lui-même ? 1Jn examen de la Iégis-
lation nationale, de la jurisprudence et de la doctrine fait apparaître une
grande variétéde liens temporels pour l'exercice de la compétence. On ne
peut dire que cette pratique incohérente atteste I'zxistence d'une condi-
tion préalable A tout exercice de la compétence universelle. Le fait que
par le passéle seul exemple clair d'un exercice acceptéde la compétence
universelle soit en matière de piraterie,en leh horL'Ptoute juridiction ter-
ritoriale. n'est pas déterminant. La seule prohibitic~n(reprise par la Cour
permanente dans I'afiFairedu Lotus) est que la compétence pénalene doit
pas êtreexercée sans autorisation sur le territoir; d'un autre Etat. Le
mandat d'arrêtbelge: envisageait que M. Yerodiii serait arrêtéen Bel-
gique, ou la possibilité qu'ille soit dans des Etats tieri la discrétion des
Etats concernés. En principe, cela ne semblerait vicier aucune prohibition
existante du droit international.
55. En droit pénall,en particulier, on dit que 11 réunion des preuves
exige la présenceterritoriale. Mais cela vaut pour t yute extraterritorialité,
y compris celles qui sont bien établies et pas seulement la compétence
universelle.
56. Certains pays prévoient le jugement par difaut; d'autres non. Si MANDAT D'ARRET (OP. IND. CO~L.) 80
l'on dit qu'une personne doit se trouver dans lajuridiction au moment du
procès lui-même, cela peutconstituer une garantie prudente du droit a un
procès équitable mai:; n'a guère de rapport avec les chefs de compétence
reconnus en droit international.
57. Sur quel fondement avance-t-on, à défaut, qu'un mandat d'arrêt
ne peut êtreémis a l'encontre de non-nationaux s'agissant d'infractions
commises hors de la juridiction ?Le texte lui-mêmitdes dispositions de la
convention de Genéve de 1949 et du premiei protocole addition-
nel n'étaye pas ce point de vue. Les grands traités sur les infractions
aériennes, le détournement d'aéronefs, les stupéfiants et la torture
s'articulent autour du principe aut dedere uut prxequi. Pur défitzition,
celairnpliquelapréserzcesur leterritoireVous ne pouvez être tenu d'extra-
der quelqu'un que vous choisissez de ne pas juger :i vous ne pouvez vous
assurer de sa personne. Les lois nationales, adopiées pour donner effet
a ces traités, mentionnent aussi, tout naturellenent, la nécessitéde
la présence de l'acci~sé.Ces réalitésraisonnables sont critiques pour
l'exercice obligatoire de la compétence uut dedere uut prosequi, mais
ne peuvent être interprétéesu corztrariodernuniértp irerclzireun exercice
volontaire d'une compétence universelle.
58. Si l'objectif foridamental de la désignation dl: certains actes comme
crimes internationaux est d'autoriser l'exercice d'une large compétence à
l'égard des personne:;qui les commettent, il n'y a pas de règle du droit
international (et certainement pas le principe aut dedere) qui rende illi-
cites les actes publics de coopération visantà obtenir la présencede ces
personnes sur le territoire d'un Etat souhaitant ex:rcer sa compétence.
59. Si, comme nous le pensons, un Etat peut choisir d'exercer une
compétence pénaleuriiverselle par défaut, il doit aussi veilaece que cer-
taines garanties soieint en place. Celles-ci sont absolument essentielles
pour prévenir les abus et faire en sorte que le rejet de l'impunité ne com-
promette pas la stabilité des relations entre les Et; ts.
Aucun exercice de la compétence pénale ne peu intervenir qui ne res-
pecterait pas l'inviolabilitéou porterait atteintelt immunités de la per-
sonne concernée.Nous revenons ci-après sur certains aspects de ce point,
mais nous déclarons à ce stade qu'ouvrir une enquête sur la base de
laquelle un mandat d'arrêt pourra ultérieurement êtredélivré neviole pas
en soi ces principes.a fonction que sert le droit irternational des immu-
nitésn'exige pas des Etats qu'ils ne se tiennent pas informés.
Un Etat envisageant d'exercer l'action pénalesur la base de la compé-
tence universelle doii d'abord donner à I'Etat de nationalité de la per-
sonne qui pourra êtreaccusée la possibilitéde do mer suite aux accusa-
tions en cause. La Cour évoqueces élémentsdans le cadre de la présente
affaire au paragraphe 16 de son arrêt.
En outre, de telles accusations ne peuvent êtrepartées que par un pro-
cureur ou un juge d'ii~struction qui agit en toute indépendance, sans liens MANDAT D'ARRET (OP. IND. COE~.) 81
avec le gouvernement de cet Etat ni contrôle dl: ce dernier. De plus,
l'équilibre souhaité entre la lutte contre l'impunité et la promotion de
bonnes relations interétatiques ne sera maintenu que s'il existe des cir-
constances spéciales qui exigent effectivement l'exercice d'une compé-
tence pénale internationale et si elles ont été portées à l'attention du
procureur ou du juge d'instruction. Par exemple, que des personnes liées
aux victimes aient demandé qu'une action en justice soit engagée.
60. Il est égalementnécessaireque la compétence pénaleuniverselle ne
soit exercéequ'a l'égarddes crimes considéréscomme les plus odieux par
la communauté internationale.
61. La piraterie est l'exemple classique. La compétence était, bien
entendu, exercéeen haute mer et non en tant que c~mpétenced'exécution
sur le territoire d'un Etat qui n'étaitpas d'accord. Mais ce fait historique
ne signifie pas que la compétence universelle n'cxiste qu'à l'égard des
crimes commis en haute mer ou en d'autres lieux ne relevant de la juri-
diction territoriale d'aucun Etat. Il est d'une impor. ance décisiveque cette
compétence étaitcon,sidérée comme licite parce qui:la communauté inter-
nationale considérait. la piraterie comme préjudiciable aux intérêts de
tous. Les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité ne sont pas
moins préjudiciables aux intérêtsde tous parce q l'ils ne sont pas habi-
tuellement commis en haute mer. Les crimes de guerre (depuis 1949déjà,
peut-être unedisposi1:ionconventionnelle en faveu~de la compétence uni-
verselle) peuvent être ajoutés à la liste. La défirition de leur contenu
repose largement sur les conventions de 1949 et es sections des proto-
coles additionnels de 1977qui correspondent au drot international général.
On a aussi vu ces derniéres annéesun phénomèned'alignement des légis-
lations nationales suir la compétence en matière de crimes de guerre,
visant les crimes délinis dans les statuts du TPIY, du TPIR et de la
future CPI.
62. La substance de la notion de crimes contre i'humanité. etle statut
de crimes justifiant d~el'exercice de la compétence universelle que ceux-ci
revêtent,est en train d'évoluer. L'article6 c) du Statut du Tribunal mili-
taire international du 8 août 1945 les envisageait comme une catégorie
liéeaux crimes dont le Tribunal était compétent pour connaître (crimes
de guerre, crimes contre la paix). En 1950, la Commission du droit inter-
national les définissait comme l'assassinat. I'externination. la réduction
en esclavage, la déportation ou tout autre acte inliumain commis contre
toute population civile, ou bien les persécutions pour des motifs poli-
tiques, raciaux ou religieux, lorsque ces actes ou peisécutionssont commis
à la suite d'un crime (contrela paix ou d'un crime cleguerre, ou en liaison
avec ces crimes (rapport de la CDI, 1950, document Al1316, prin-
cipe VI c), p. 15).Des définitionsultérieuresdes crmes contre l'humanité
ont a la fois étendu la matière de maniéreà couvrir des crimes comme la
torture et le viol, et suppriméle lien avec d'autres (.rimes établisantérieu- h4ANDAT D'ARRET (OP. IND. cohf.) 82
rement. Les crimes contre l'humanitésont mainter ant considéréscomme
une catégorie distincte. Ainsi, le projet de code de; crimes contre la paix
et la sécurité de l'humanitéadopté en 1996 par la Commission du droit
international, ii sa 48" session, dispose qu'on en end par crime contre
l'humanité
«le fait de commettre,d'une manière systématque ou sur une grande
échelle et à 17in:;tigationou sous la direction d'un gouvernement,
d'une organisation ou d'un groupe, l'un des 2ctes ci-après :
a) le meurtre;
b) l'extermination;
c) la torture;
~1) la réduction en esclavage;
e) les persécutions pour des motifs politique:,, raciaux, religieux ou
ethniques ;
f7 la discrimination institutionnalisée pou] des motifs raciaux,
ethniques oii religieux comportant la violation des libertés et
droits fondamentaux de l'êtrehumain et iyant pour résultat de
défavoriser gravement une partie de la population;
g) la déportation ou le transfert forcé de ~opulations, opérés de
manière arbitraire;
h) l'emprisonnement arbitraire;
i) la disparition forcéede personnes;
j) le viol, la contrainte à la prostitution et le:;autres formes de vio-
lence sexuellir;
k) d'autres actes inhumains qui portent gravement atteinte a l'inté-
grité physique ou mentale, à la santé ou à la dignité humaine,
tels que mutilations et sévicesgraves)).
63. La législation belge de 1999 établit une coinpétence universelle à
l'égardd'actes largement définiscomme des ((violations graves du droit
international humanitaire)), et la liste de ces actes comprend les crimes de
guerre et les crimes (contre l'humanité visésdans le projet de code des
crimes, auxquels le génocide a étéajouté. Le génocide figureégalement
en tant que ((crime contre l'humanité)) dans la convention de 1968 sur
l'imprescriptibilité des crimes de guerre et des crirnes contre l'humanité,
ainsi que dans les statuts du TPIY, du TPIR et dr la CPI.
64. Le mandat d'arrêtémiscontre M. Yerodiii accuse celui-ci aussi
bien de crimes de guerre que de crimes contre l'humanité. En ce qui
concerne ces derniers, des incitations à la haine raciale, dont il est allégué
qu'elles ont entraîné des meurtres et des lynchages, étaient visées.Faire
entrer cette accusation dans le cadre substantiel tel qu'il est généralement
compris des crimes contre l'humanité n'est pas s; ns poser problème. Il
faudrait assimiler la (thaine raciale)) à la «persécution pour des motifs
raciaux)) ou, compte tenu des faits de l'espèce,aux massacres et à l'exter-
mination. L'incitation ila commission de l'un quelconque de ces actes ne
figure pas dans les cléfinitions usuellesdes crime:; contre l'humanité etn'est pas non plus explicitement mentionnée dans les statuts du TPIY ou
du TPIR, ni dans le Statutde Rome de la CPI. Tcutefois, l'article 7 1)du
Statut du TPIY et l'article 6 1) du Statut du TPIR stipulent bien que
((quiconque a planifié, incitéà commettre, crdonné, commis ou de
toute autre manière aidéet encouragé à pla lifier, préparer ou exé-
cuter un crime visé[aux articles pertinents : les crimes contre I'huma-
nitéen faisant partie] est individuellement responsable dudit crime)).
Dans le jugement Alcuyesu (96-4-T). une chambre du TPIR a jugéque la
responsabilité d'un (crimecontre l'humanité comprend la responsabilité
de l'incitation à commettre le crime en questiori (par. 481-482). Cette
question est traitéede manière comparable à I'ar-icle 25 3)du Statut de
Rome.
65. Il semblerait (sans qu'il y ait à se prononcer d'aucune manière sur
le point de savoir si M. Yerodia a ou non comrlis les actes dont il est
accusédans le mandat d'arrêt)que les actes allégués relèventbien de la
notion de ((crimes contre l'humanité)) et entrent dans la catégorie res-
treinte de crimes à l'égarddesquels l'exercicede la compétence universelle
n'est pas exclu en droit international.
66. Il peut êtreutile de traiter d'un point connexe à ce stade. La Bel-
gique a affirméque, quel que soit l'étatdu droit international sur la ques-
tion de la compéterice universelle, elle n'a pas en fait exercé une telle
compétence. Ainsi, selon la Belgique, il n'y a eu ni violation des immu-
nités dont pouvait jouir M. Yerodia, ni atteintt: à la souveraineté du
Congo. A cette fin, la Belgique, dans son contre-mémoire, fait observer
que l'immunitéd'exkcution du mandat est soigneusement prévue pour les
((représentants d'Eta~tsétrangers qui visitent la Belgique suite à une invi-
tation officielle. Daris ces cas, le mandat d'arrêtpréciseque la personne
visée serait a l'abri d'une exécution du manda, d'arrêt en Belgique))
(contre-mémoire de la Belgique, par. 1.12). La Belgique fait en outre
observer que le mandat d'arrêt
<n'a aucun effet juridique ni pour la RDC ni sur son territoire. Bien
que le mandat ait été diffusé internationalerient par Interpol pour
information, eni juin 2000, i l'époque il n'?tait pas l'objet d'une
notice rouge. Même si cela avait étéle cas, la portée juridique d'une
notice rouge est telle que, pour la RDC, elle aurait pas pu équiva-
loir à une requête d'arrestation provisoire ni, à fortiori, a une
demande formelle d'extradition.)) (Contre-mémoire de la Belgique,
par. 3.1.12.)
67. On a expliquéà la Cour qu'un des premier!;objectifs de l'émission
d'un mandat international étaitde découvrir où se trouvait une personne.
L'endroit où se trouvait M. Yerodia a toujours étéconnu. MANDAT D'ARRÊT (OP. IND. corn.) 84
68. Nous n'avons pas jugé persuasivesles réponsesdonnées par la Bel-
gique à la question qluelui avait poséeM. Korora quant à I'objectifdu
mandat, si celui-ci étaiteffectivement formuléavcc tant de soin qu'il en
étaitinexécutable.
69. Nous ne pensons pas que l'on puisse dire que, étant donnéces
explications de la Belgique, iln'y a pas eu un exercice de la compétence
susceptible de faire jouer I'immunitéou de porter atteinte à la souverai-
netédu Congo. Si un Etat émetun mandat d'arrêt contrele national d'un
autre Etat, cet autre Etat a le droit de considérerce mandat comme tel
- assurémentsi 1'Et;rtqui l'émetn'appelle pas l'attention de 1'Etatnatio-
nal sur les clauses et dispositions du mandat qui ui ôteraient toute effi-
cacité.La Belgiquea admis que l'objectif de la diffiision internationale du
mandat était ((d'établir un fondement juridique pour l'arrestation de
M. Yerodia ... àl'éirangeret son extradition subséquente vers la Bel-
gique)). La délivranced'un mandat d'arrêt interna ional, mêmesi celui-ci
n'est pas encore acc'ompagnéd'une notice rouge est analogue au ver-
rouillage d'un radar sur un aéronef: c'est déjà une déclaration de la
volontéet de la capacité d'agiret, en tant que tell:, elle peut êtreperçue
comme une menace de le faire au moment que la Belgique choisira.
Mêmesi l'action d'un Etat tiers est requise, le terrain a étépréparé.
70. Nous allons maintenant nous pencher sur les conclusions de la
Cour en ce qui concerne leseffets de l'émissionde a diffusion du mandat
sur l'inviolabilitéet l'immunitéde M. Yerodia.
71. S'agissant de l'immunité,bien que nous souscrivionsd'une manière
générale à ce qui est dit dans l'arrêt dela Cour en ci qui concerne la ques-
tion spécifique qui lui était posée, nous estimons néanmoins que la
démarchechoisie par la Cour a dans une certaine mesure transformé la
nature de l'affairedant elle étaitsaisie. En se concentrant exclusivement
sur la question de I'irnmunité,et en évitantsimultsnémentla question de
la compétence,on crée l'impressionque I'immuni .éa une valeur en soi,
alors qu'en réalitéil s'agit d'une exception à une règle normative qui
autrement s'appliquerait. Elle reflètedonc un intkrêtqui dans certaines
circonstances prévautsur un intérêq tui autrement serait prédominant, il
s'agit d'une dérogation à une compétence quinormalement peut s'exer-
cer, et elle ne peut ktre invoquéeque quand cette dernière existe. Elle
représente un intérêetn soi, mais qui doit néanmoins toujours êtremis en
balance avec l'intérêd te la norme à laquelle elle déroge.
72. Un exemple e:n est donné par l'évolutior au fil du temps de
l'immunité des Etatr; en matière civile. Le conci:pt initial d'immunité
absolue, fondé sur le statut (par in puren? non habet imperium), a été
remplacépar celui d'immunitérestreinte; dans le cadre de cette dernière,
une distinction a Stéfaite entre uctu jure imperiiet ucta jure gestioniset
l'immunitén'est accordéeque pour les premiers. La signification de ces
deux notions n'est cependant pas gravéedans la ~ierre; elle est sujetàe MANDAT D'ARRÊT (OP. IND. COLI.) 8 5
une interprétation eri évolution permanente qui varie avec le temps pour
refléterl'évolution des prioritésde la société.
73. On peut observer un phénomènecomparat)le dans le domaine du
droit pénalinternational. Comme nous l'avons dit au paragraphe 49, on
peut discerner un passage progressif à des chefs de compétenceautres que
la territorialité. Cette transition lente mais régulière vers uneapplication
plus extensive de leur compétence extraterritoriale par les Etats reflète
l'apparition de valeurs qui sont de plus en plus reconnues au sein de la
sociétéinternationalle. Une de ces valeurs est l'irr~portancequi s'attache
au châtiment des auteurs de crimes internationaux. A cet égard, il est
nécessairede souligner une fois encore que ce phénomènenon seulement
a amené la création de nouveaux tribunaux internationaux et systèmes
conventionnels dans le cadre desquels de nouvi:lles compétences sont
attribuées aux tribunaux nationaux, mais aussi la i,econnaissance, pour la
juridiction nationale, d'autres chefs de compétence, qui ne reposent pas
sur le territoire (voir paragraphe 51 ci-dessus).
74. On admet de plus en plus qu'il importe dc: faire en sorte que les
auteurs de crimes internationaux graves ne demeurent pas impunis, et ce
fait a eu un impact sur les immunitésdont jouissaic:nt les hauts dignitaires
de 1'Etaten vertu du droit coutumier traditionnel. Il est maintenant géné-
ralement admis que dans le cas de tels crimes, qui sont souvent commis
par de hauts responsables qui utilisent les pouvoir:, dont 1'Etatest investi,
I'immunité n'estjamais une immunité de fond et ne peut donc exonérer
l'auteur du crime de sa responsabilité pénale inclividuelle. Elle a aussi
donné naissance a une tendance, dans le cas des ciimes internationaux, à
n'accorder l'immunité procéduralede juridiction clu'aussi longtemps que
l'agent de 1'Etat soupçonné est en fonction.
75. Ces tendances reflètent une mise en balance d'intérêts.D'un côté.il
y a l'intérêtde la communauté humaine, à savoir prévenir et faire cesser
l'impunité des auteurs de crimes graves commis contre ses membres; de
l'autre, il y a l'intérêtde la communauté des Etats, a savoir permettre à
ceux-ci d'agir librement au niveau interétatique sa 1singérence injustifiée.
Il faut donc réaliserun équilibre entre deux sérier,de fonctions qui sont
toutes deux précieusespour la communauté intern itionale. Du fait de ces
préoccupations, ce qui est considérécomme une c3mpétence autorisée et
ce qui est considérécomme le droit de l'immunité sont des notions en
évolution constante. Les poids placéssur les deux plateaux de la balance
n'y sont pas àjamais. En outre, une tendance se f'aitjour selon laquelle,
dans un monde qui rejette de plus en plus l'impunité pour les crimes les
plus horribles, l'attribution de la responsabilité et de l'obligation de
rendre des comptes devient plus ferme, la possibilité d'établir sa compé-
tence plus large et celle d'invoquer l'immunité pour se protéger plus
limitée. Toutefois, le droit des privilèges et immunités conserve son
importance puisque les immunités sont conféréesaux hauts respon-
sables de I'Etat pour garantir le fonctionnemelt adéquat du réseau
des relations interétatiques, ce qui est d'une importance capitale pour
un système international bien ordonné et harmon'eux. 76. Telleest la toile de fond de l'affaire soumiàcla Cour.La Belgique
affirme qu'en droit international elle est autorisée engager une action
pénalecontre un agent de 1'Etat qui est soupçonné d'avoir commis des
crimes qui sont géneralementcondamnéspar la communauté internatio-
nale; et elle soutient qu'en raison de la nature de ces crimes l'individu en
cause n'est plus protégépar son immunitépersonnelle. Le Congo ne nie
pas qu'un ministre des affaires étrangèresest au ~egarddu droit interna-
tional responsable d'etous ses actes. Il affirme par contre qu'iljouit d'une
immunité personnelle absolue de la juridiction pénale aussi longtemps
qu'il esten fonction, et que son statut doit êtreassimilécet égardà celui
d'un chef d'Etat (mémoiredu Congo, p. 30).
77. Chacune des Parties accorde donc une importance particulière
dans son argumentation à certains des intérêtsvisésci-dessus : la Bel-
gique à la préventionde l'impunité,leCongo A la rév vent idn'ingérences
extérieures iniustifiésécoulant d'une limitation c*xcessivdes immunités
et d'une extension e~cessivede la compétence.
78. Dans son arrêt,la Cour réduit quelquepeu l'importance des argu-
ments de la Belgique. Après avoir souligné - et nous ne pouvons
l'approuver davantage - que I'immunitédejurid ction dont bénéficie un
ministre des affaires étrangèresen exercice ne signifie pas qu'il bénéficie
d'une impunitéau titre des crimes qu'il aurait pu commettre (par. 60), la
Cour déclare ensuiteque ces immunitésne font pas obstacle àce que la
responsabilitépénalede l'intéressé soirtecherché6dans certaines circon-
stances (par. 61). Nous sommes moins optimistc:~quant aux exemples
donnéspar la Cour de telles circonstances. La prcbabilitéqu'un ministre
des affairesétrangèrlzssoit jugédans son propre pays en vertu des règles
applicables du droit. interne ou que son immunité soit levéepar son
propre Etat n'estpasClevéedèslorsqu'iln'ya pas eiide changementde pou-
voir, et il est rare'il existe un tribunal pénaliiiternational compétent
pour engager une aclion pénale;en outre, il est trèj risquéd'attendre trop
d'une future cour pétnaleinternationale à cet égasd.La seule alternative
crédible semble donc êtrela possibilité d'engager uneprocédure devant
un tribunal étrangeraprèsque la personne soupçonnéecessed'exercer les
fonctions de ministre des affaires étrangères.Cette solution, néanmoins,
peut aussi êtrefacilement anticipéepar un gouvernement peu coopératif
qui maintiendrait le ministre en fonction pour ure période encore indé-
terminée.
79. Nous souhaitons toutefois souligner que la conviction fréquem-
ment expriméepar la communauté internationale sclon laquelle lesauteurs
de crimes internationaux graves et inhumains ne devraient pas rester
impunis ne signifie pas ipso fucto que les immunitéssont inopérantes à
chaque fois que l'impunitéen résulterait. La nature de tels crimes et les
circonstances dans lesquellesils sont commis, habituellement au moyen de
l'appareil'Etat, rendent rien moinsqu'aisé dtrouver un argumentconvain-
cant pour protéger l'auteur allégué des crimes enui accordant l'immunité
dejuridiction pénale. Maisles immunités serventd'autres finsqui ont leur
valeur intrinsèque propre et que nous avons évoquéesau paragraphe 77 EAANDATD'ARRET (OP. IND. CO??.) 87
ci-dessus. Le droit international s'efforce de concilier cette valeur avec la
lutte contre l'impunité, etnon de faire triompher une norme sur l'autre.
Un Etat peut exercer la compétencepénaleque lui confère le droit inter-
national, mais ce faisant il est soumis à d'autres obligations juridiques,
qu'elles concernent le non-exercice de ses pouvoirs sur le territoire d'un
autre Etat ou le respect requis du droit des relations diplomatiques ou,
comme dans la présente affaire, des immunitésprocédurales des agents de
1'Etat. Etant donné l'aversion universelle que suscitent ces crimes, ces
immunités doivent êtrereconnues avec une certainc retenue, en particulier
lorsqu'il y a des raisons de penser que des crimes ont été commis quiont
été universellementcondamnés dans des conventions internationales. Il
est en conséquence nécessaire d'analyser soigne~~sementles immunités
dont bénéficienten dlroit international coutumier les hauts représentants
de 1'Etatet, en particulier, les ministres des affaires étrangères.
80. En droit interr~ational coutumier, le chef d711tatétaitperçu comme
personnifiant 1'Etatsouverain. L'immunité a laquel eilavait droit reposait
donc sur son statut, tout comme celle de 1'Etatqu'il symbolisait. Si1; pra-
tique des Etats est à cet égard extrêmementrare, les immunités dont
jouissent d'autres hauitsresponsables de 1'Etat(comme les chefs de gouver-
nement et les ministres des affaires étrangères)ont 15énéralemen étté consi-
dérées endoctrine comme simplement fonctionnellc:~.(Voir Arthur Watts,
«The Legal Position in International Law of Heads of States, Heads of
Governments and Foreign Ministers)), Recueil des cours de l'Académiede
droit international de La Haye, 1994,vol. 247, p. 102-103.)
81. Nous n'avons pas trouvé de fondement à l'argument selon lequel
les ministres des affaires étrangères ont droit aux mêmesimmunités que
les chefs d'Etat. A cet égard, ilconvient de s,)uligner que le para-
graphe 3.2 du Projet d'articles sur les immunitésjuridictionnelles des Etats
et de leurs biens adoptépar la Commission du droij international en 1991,
qui contenait une clause de sauvegarde pour les privilèges et immunités
des chefs d7Etat, ne comprenait pas de disposition ;imilaire pour ceux des
ministres des affaires étrangères (ou des chefs de gouvernement). Dans
son commentaire, la CD1 indiquait que menticnner les privilèges et
immunités des ministres des affaires étrangères so llèverait des questions
quant au fondement et a l'étenduede leur immunitéjuridictionnelle. De
l'avis de laCDI, ces immunités n'étaient manifestement pas identiques a
celles des chefs d'Etat.
82. L'Institut de droit international a pris une ~osition comparable en
2001 en ce qui concerne les ministres des affaires étrangères. Sa résolution
sur l'immunité des chefs d'Etat, qui reposait sur un rapport exhaustif
relatifa l'ensemble de la pratique des Etats en la matière, dispose expres-
sémentqu'ils «jouissent, en matière pénale, de I'irnmunitéde juridiction
devant les tribunaux d'un Etat étranger a raison de toute infraction qu'ils
peuvent avoir commise, quelle que soit sa gravité». Mais l'Institut, qui
dans sa résolution assimilait effectivement la situation du chef de "ouver-
nement à celle du chef de I'Etat, a soigneusement évitéde faire la même
chose en ce qui concerne le ministre des affaires étrangères. MANDAT D'ARKÊT (OP. IND. COI^.) 88
83. Nous sommes donc d'accord avec la Cour que l'objet des immu-
nités accordéesaux ministres des affaires étrangères en droit international
coutumier est de leur permettre de s'acquitter lil~rement de leurs fonc-
tions pour le compte des Etats qu'ils représentent (arrêt, par. 53). Ils
doivent donc, tant qu'ils sont en fonction, pou1,oir voyager librement
à chaque fois qu'ils ont besoin de le faire. Il existe un large accord en
doctrine pour dire qu'un ministre des affaires étrangères a droit à la
pleine immunité durant les visites officielles qu'il fait dans l'exercice de
ses fonctions. Cela a aussi été reconnupar lejuge c'instruction belge dans
le mandat d'arrêt du 11 avril 2000. Le ministre des affaires étrangères
doit aussi jouir de l'immunité à chaque fois qu'il exerce les fonctions
requises par sa charge et en quelque lieu qu'il les e:ierce, et lorsqu'il est en
transit pour ce faire.
84. La réponse aux questions de savoir s'il a aussi droit à des immu-
nitésdurant ses voyages privés, et quelle est l'éteadue de ces immunités
éventuelles, est beaucoup moins claire. Assurément, ilne peut pas être
assujetti à des mesures qui l'empêcheraient d'e~.ercer efficacement les
fonctions d'un ministre des affaires étrangères. La détention ou l'arresta-
tion constitueraient de telles mesures et doivent donc êtreconsidérées
comme portant atteinte à l'inviolabilitéet l'immunitédejuridiction pénale
auxquelles un ministre des affaires étrangères a droit. Le mandat d'arrêt
du 11 avril 2000 étaii:directement exécutable en Belgique et aurait obligé
les autorités de police à arrêterM. Yerodia s'il s'éaiit rendu dans ce pays
pour des raisons non officielles. L'émission mêmeJu mandat d'arrêt doit
donc êtreconsidéréecomme constituant une atteinte à l'inviolabilité à
laquelle M. Yerodia ,avaitdroit aussi longtemps qu'il occupait le poste de
ministre des affaires étrangèresdu Congo.
85. Néanmoins, cette immunité ne vaut qu'aussi longtemps que le mi-
nistre est en fonction et ne continue ultérieuremeni à le protéger qu'à rai-
son de ses actes «officiels». On affirme maintenant de plus en plus en
doctrine (voir, par exemple, Andrea Bianchi, «Dc:nying State Immunity
to Violators of Human Rights)), AuCstrianJournal of Public und Internu-
tional Law (1994), vol. 46, p. 227-228) que les crimes internationaux
graves ne peuvent êtreconsidéréscomme des actes officiels parce qu'ils
ne correspondent ni ii des fonctions étatiques norniales ni à des fonctions
qu'un Etat seul (par opposition à un individu) peut exercer. (Goff, J.
(comme il se nommait alors) et lord Wilberforce ont explicitéce critère
dans l'affaire du 1" COngresodel Partido (1978) QH 500, p. 528, et (1983)
AC 244, p. 268, respectivement.) Cette opinion est mise en évidence par
la prise de conscienci: accrue du fait que les mobi11:sliésà 1'Etat ne cons-
tituent pas le critère approprié pour déterminer ce qui constitue des actes
publics de 1'Etat. La mêmeopinion trouve en outre progressivement son
expression dans la pratique des Etats, comme l'at .estent des décisionset
avis judiciaires. (Pour un exemple déjà ancien, ~oir l'arrêt dela Cour
suprême d'Israël daris l'affaire Eichmann ;Cour :uprême,29 mai 1962,
International Law Reports, vol. 36, p. 312.) Voir aussi les discours de lord
Hutton et lord Phillips of Worth Matravers dans 1 affaire R v. Bartle andthe Commi~sioner oj Policefor the Metropolw ana'Others, ex parte Pino-
chet (((Pinochet III,,))et de lord Steyn et lord Nicholls of Birkenhead
dans I'affaire ((Pinochet I», ainsi que le jugemcnt de la cour d'appel
d'Amsterdam dans l'affaire Bouterse (Geri:chtshof Amsterdam,
20 novembre 2000, par. 4.2.)
86. Nous avons voté contre le paragraphe 3 (lu dispositif pour plu-
sieurs raisons.
87. Au paragraphe 3 du dispositif, la Cour «[ci]it que le Royaume de
Belgique doit, par les moyens de son choix, mettre a néant le mandat
d'arrêt du 11 avril 2i000et en informer les autorités auprès desquelles ce
mandat a été diffuséo.En statuant ainsi, la Cour fait fond sur la proposi-
tion énoncéedans l'affaire relative A l'Usine de Cl~orzhv selon laquelle
«la réparation doit, autant que possible, effacer toutes les conséquences
de l'acte illiciteet rétablir l'étatqui aurait ... existési ledit acte n'avait pas
étécommis O(C.P. J.I. .st;rieA no 17, p. 47). Ayant déjà concluque l'émis-
sion et la diffusion du mandat d'arrêt par la Belgique étaient illicites au
regard du droit international, la Cour conclut qiie ce mandat doit être
annulé parce que <<[Illme andat subsiste et demeure illicite nonobstant le
fait que M. Yerodia a cesséd'être ministredes afraires étrangères)).
88. L'invocation par la Cour de I'affaire relative à l'Usine de Chorzb,z1
pour étayer sa conclusion au paragraphe 3 du dispositif nous a laissés
perplexes. Il semblerait que la Cour considère son injonction en vue de
l'annulation du mandat comme une forme de restitutio in integrum.
Mêmedans les circonstances très différentesauxcluelles la Cour perma-
nente était confrontrje dans l'affaire de I'Usine de Clzorzb~tl,la restitutio
s'est en l'espècerévéléiempossible. Nous ne pensons pas non plus que le
rétablissement du statu quo ante soit possible ici, puisque M. Yerodia
n'est plus ministre des affaires étrangères.
89. De plus - et ceci est plus important - l'arrêtdonne a penser que
ce qui est en cause ici est une illicéitécontinue, en considérant qu'une
demande de retrait d'un instrument est généralemznt perçuecomme tou-
chant la cessation d'un fait internationalement illicite continu (Commis-
sion du droit international, commentaire de I'ariicle 30 du projet d'ar-
ticles sur la responsabilité de'Etat, A156110(2001), p. 233). Toutefois, la
conclusion de la Cour selon laquelle l'émissionet la diffusion du mandat
étaient illicitesa laquelle nous souscrivons, repcsait sur le fait que ces
actes ont eu lieu à une époque où M. Yerodia ét;~itministre des affaires
étrangères. Dès qu'il a cesséd'êtreministre des affaires étrangères, les
conséquences illiciteisdécoulant du mandat ont aussi pris fin. Le simple
fait que le mandat continue d'identifier M. Yercdia coinme le ministre
des affaires étrangèresne change rien a cet égarddu point de vue du droit
international, mêmes'il se peut très bien qu'un niandat d'arrêt compor-
tant une erreur de désignation, ce qui est tout ce qu'il est maintenant,puisse êtreconsidérécomme viciéau regard du di.oit interne belge; mais
cela n'est pas et ne peut êtrele souci de la Cour. C'est pourquoi nous
considérons que la Cour s'est trompée dans sa conclusion sur ce point.
(Signé) Rosalyn HIGGINS.
(Signé) 'ieter KOOIJMANS.
(Signé) Th 3mas BUERGENTHAL.
JOINT SEPARATE OPINION OF JUDGES HIGGINS,
KOOIJMANS AND BUERGENTHAL
Necessitj of a ,finiling on jurisdictior~ - Reusorzing on jurisdic,tion not pre-
cluciedhy ultra petita rulc>.
Status of ~rnii~er.sjuulrisdiction to hc~testeil hy r~ference to the sources of
irzterrzcrtioni~lluit-- Fei!. e.xiiriip/c~sf'universe11jirristliction itithin nationul
1egi.sIiitiozr cuse Iriii~fn~ltiorzulcourts - E'çrrri~incrtioofjuri.st/ictionul husis
of rnultilcrtercrltreutie.~on gr(tvcJoffinces do r~otc~i~iderze cetuhli.slzedpritcticeqf
either ohligutorj~or i~oluntri? ur~ii~erxc c~Iir~~ir~~11,juri~ t licdt iereaut
prosequi - Coritenlporii~, trerl(is.sugge.sting~tr~ii~er.jsuirrlisriiction in absentia
rlotprcchicletl - Tlze "Lotus" crrse - Evider~cethrtt r~irtionc~ clourts rinefinter-
nritionul trihuncr1.sir~trntletlto h~ivrparcrllelrolc~.isn itctir~grrguirzstirnpunitj -
CnIli,r.tri1juri.sdictiorinot preclicztcd 1~po1p1reseni.e ofirc<v.secliriterritory. nor
liri7itc.dto pirue)>- Necc,.s.surjsuft,guarcls in escrcising s~tclz cijuri.sdirtiorz
Rc;jectinrz(?f'Belgiuri~'c.strgur~zertlt~irtif l~erdinfizct eserci.~edno estruterritoriirl
crirriinnljurisiiic.tion.
Tlie in7rnlrnitie.sf un iricurnbentMini.rterfor Foreign Affuirs rrniithcir role il7
societj7 - Rejection of ci.s,sirnilutionii.it11Hcud oJ 'tate irizmunities - Trent1to
prc~clucki.r?iri~zrriiittj.l~t>crh~urgeif itith iritrrr~ccrlinles- hnrnunitj3rlotpre-
clitclc~ii tl~clurtic~rlcircircurn.stunce.s of'1ki.vcirse- Role qf'intcrnationirl luii
to halrnce i~.~litc.ist serk.s to protcct - Nnrroii iriterprctertionto hr giiw to
"~ffrciul crct.sHithen inlrilunitic~s01'an (,.\--MN~i.stefror Foreigr~Aff~rir.~i<rlii'er
rc~vieii..
No hi1.si.siri iritrrnutionul Irrii,fir Court's orlier to itithiiriiii~ii~irrrunt.
1. We generally agree with what the Court has to say on the issues of
jurisdiction and admissibility and also with the conclusions it reaches.
There are, however, reservations that we find it necessary to make, both
on what the Court has said and what it has chosen not to say when it
deals with the merits. Moreover, we coilsider that the Court erred in
ordering Belgium to cancel the outstandiiig arrest warrant.
2. In its Judgment the Court says nothing on the question of whether -
quite apart from the status of Mr. Yerodia at the relevant time - the
Belgian magistracy was entitled under international law to issue an arrest
warrant for someone net at that time within its territory and pass it to
Interpol. It has, in effect, acceded to the common wish of the Parties that OPINION INDIVIDUELLE COMMUNE DE MM'HIGGINS,
M. KOlOIJMANS ET M. BUERGElNTHAL
Néce.s.siti''zrtzeconc~lusiom .siz~rle1comi~l~itence Prclnoneé.szrrIn coilipc5terice
n'étcrntpus e'iclupur I'urégleultra petita.
Stutut de 111 cot?ipc!tenceuriiver.se/leclei~unt6tre upprc;ciécru regord dc~(..s
sources du droit intrrnirtioncrl Peu d'r.rienzplesclecorvipbtenceuniverselle clcrrzs
lu Iégi.~Icrtionrcrtioncil,u lu~lrri.sprurk.nceclestrihuncri1.x nutionrru.~ -- E.\-o/i7cvi
(11l4irfi)n&/îienjturi~/ictionrze des trcritis r~z~~ltilcit~~.zirlses it~/r.uc,tion.gsrui'e.c.
n'atte.strrntpcis I'e.xi.stcneed'une prcrlique Ptuhlic citILc.oni~~Cterip cé~icrlcuni-
i~rrsc~lloehligcrtoire ou i~olontcrire - Aut dedere aut prosequi - Tenclnncc~.~
c~or~ten~iportriici/rostinurt pc'mis~q~re /cie.o~iip(;t~,ii11ii~~r~c,lp/cr (I~jcrutn'est
pu.s t~.~cIzie Afjuire du Lotus - Elémentsutte.stunt que les trihunuu.~nurio-
nt1u.vet les jzrrirlic,tion.vititertiationcrle.~doivent agircJrpurcrllè~e~i(1n.lsu Iirtte
contre I'UnpunitP - Conipétenc,euniverselle lie povtulunt pcrs Ir prc~sence
de I'uccus~;sur le territoire, et n'ktutzt IIU.S1iniiti.eLi rupiruterie - Gurclrztie.~
nécessciirrscluns 1'e.vei.c~icdre cette comnpétnier - Rqet rkeI'urgur?~enc tleb
Belgique .selon leqcrelc~/Ie II'Uen firit c.uerci.uucirne c)niliPter~cepiizule e-xtrci-
territoriale.
Itizr~iirt~its'111ti~inl-strec/e.sr!~/iiirs;trermigPree~ c.~ercicret lcwrrôle clcins
lu .~ocikrk - Pu.sd'us.rir?~ilrrtio(i1~1.ixtnriiurzitisrl'zrrich;f'cl'Etert Tc,ndcirrncNe
exclure I'imiitnunitien eux d'(rccu.s(ltiom(ile crimes intrrtîrrtionaux - In7nîunitP
non e'ccluc tlcrn,~les circ~on.stuncc~ p.uvrticu1ière.sde I'c~.vpèc e Rljle du droit
internc~tiorzu.ls'ugi,ssuniFe miicttrcen hr~luncr1e.svrileur:qu'il cherclle Irprotéger
- Espre.vsion «crcte.sc?fficiel.~»dei,ant êtreinterprktéeétroitement /or.squel'on
esutnille les ininzunitis d'un ancien rninistre &.Y uf'firirc~;trung2res.
ImIjonc.tiom(lelu Cour rl'rrrinulerle n~tmdcitrion,fi)ndt;een hoir intrrnutional.
1. Nous souscrivons d'une manière généraleà ce que la Cour a dit
sur les questions de compétence et de recevabilitéde mêmequ'aux con-
clusions auxquelles elle parvient. Nous jugeons toutefois nécessaire
de faire des réserves.tant sur ce que la Cour a dit que sur ce qu'elle a
choisi de ne pas dire quant au fond. De plus. nou: estimons que la Cour
a commis une erreuir en ordonnant i la Belgique d'annuler le mandat
d'arrêt.
2. Dans son arrêt, la Cour ne dit rien de la question de savoir si
quel qu'ait étéle statut de M. Yerodia au moment pertinent - la
magistrature belge étaithabilitéeen droit international à émettre unman-
dat d'arrêt à l'encontre de quelqu'un qui n'étaitpas à l'époquesur le ter-
ritoire belge et de le transmettre à Interpol. Elle a, en fait, fait droit authe Court should not pronounce upon the key issue of jurisdiction that
divided them, but should rather pass immediately to the question of
immunity as it applied to the facts of this case.
3. In our opinion it was not only desirable, but indeed necessary. that
the Court should have stated its position on this issue of jurisdiction. The
reasons are various. "Immunity" is the common shorthand phrase for
"immunity from jurisdiction". If there is no jiirisdiction en principe, then
the question of an immunity from a jurisdiction which would otherwise
exist simply does not arise. The Court, in passing over the question of
jurisdiction, has given the impression that "immunity" is a free-standing
topic of international law. It is not. "Immunity" and "jurisdiction" are
inextricably linked. Whether there is "immunity" in any given instance
will depend not only upon the status of Mr. Yerodia but also upon what
type of jurisdiction, and on what basis, the Belgian authorities were seek-
ing to assert it.
4. While the notion of "immunity" depends, conceptually, upon a pre-
existing jurisdiction, there is a distinct corpus of law that applies to each.
What can be cited to support an argument about the one is not always
relevant to an understanding of the other. In by-passing the issue ofjuris-
diction the Court has encouraged a regrettable current tendency (which
the oral and written pleadings in this case have not wholly avoided) to
conflate the two issues.
5. Only if it is fully appreciated that there are two distinct norms of
international law in play (albeit that the one - immunity - can arise
only if the other - jurisdiction - exists) can the larger picture be seen.
One of the challenges of present-day international law is to provide for
stability of international relations and effective international intercourse
while at the same time guaranteeing respect for human rights. The diffi-
cult task that international law today faces is to provide that stability in
international relations by a means other than the impunity of those
responsible for major human rights violations. This challenge is reflected
in the present dispute and the Court should surely be engaged in this
task, even as it fulfils its function of resolving a dispute that has arisen
before it. But through choosing to look at half the story - immunity -
it is not in a position to do so.
6. As Mr. Yerodia was a non-national of Belgium and the alleged
offences described in the arrest warrant occurred outside of the territory
over which Belgium has jurisdiction, the victims being non-Belgians, the
arrest warrant was necessarily predicated on a universal jurisdiction.
Indeed. both it and the enabling legislation of 1993 and 1999 expressly
Say so. Moreover, Mr. Yerodia himself was outside of Belgium at the
time the warrant was issued.
7. In its Application instituting proceedings (p. 7), the Democratic
Republic of the Congo complained that Article 7 of the Belgian Law:vŒu commun des Parties tendant à ce qu'elle ne se prononce par sur la
question clef de compétence qui les divisait, mais passe immédiatement à
la question de l'immunité telle qu'elle s'applique ,lux faits de la présente
espèce.
3. A notre avis. iln'était pas seulement souhaitable mais, de fait,
nécessaireque la Cour prenne position sur cette question de compétence.
Les raisons en sont diverses. Qui dit «immunité» dit ((immunitéde juri-
diction)). S'il n'y a pas de juridiction en principc, alors la question de
l'immunitéd'une juridiction qui autrement existerait ne se pose tout sim-
plement pas. La Cour, passant outre la question de la compétence, a
donné l'impression qu'en droit international l'«immunité» est un sujet
autonome. II n'en est rien. <cImmunité»et «compétence» sont inextrica-
blement liées. La question de savoir s'il y a «ir~lmunité»dans un cas
donné dépendra non seulement du statut de M. Yerodia mais aussi du
type de compétence, et du chef de compétence, d~nt les autorités belges
entendaient se prévaloir.
4. Si la notion d'«immunité» dépend, en théorie, d'une compétence
préexistante, un corpus de droit distinct s'applique àchacune des notions.
Ce qu'on peut citer il l'appui d'un argument au sujet de la première n'est
pas toujours pertinent s'agissant de comprendre a seconde. Er1laissant
de côtéla question dlela compétence, la Cour a e lcouragé une tendance
actuelle regrettable (que dans leurs écritures et leurs plaidoiries les parties
à la présente affaire n'ont pas totalement évitée)i réunir les deux ques-
tions.
5. Ce n'est que si l'on comprend pleinement que deux normes dis-
tinctes du droit international sont en jeu (bien qiie la première - I'im-
munité - ne puisse naître que si l'autr- la compétence - existe) que l'on
peut avoir une vue d'ensemble. L'un des défis du droit international
contemporain est d'assurer la stabilité des relatons internationales et
l'efficacitédes rapports internationaux tout en garantissant le respect des
droits de l'homme. I,a tâche difficile à laquelle le droit international est
aujourd'hui confronté est d'assurer la stabilité des relations internatio-
nales autrenient que par l'impunitédes responsable:; de violations majeures
des droits de l'homme. Ce défiest reflétédans le présent différend et la
Cour devrait assurément Œuvrer a cette tâche, alors même qu'elleexerce
sa fonction de régler un différend qui a étéport? devant elle. Mais en
choisissant de ne voir que la moitié de l'histoire - l'immunité - elle
n'est pas en position de le faire.
6. Comme M. Yerodia n'était pasun national d- la Belgique et comme
les infractions allégwéed sans le mandat d'arrêtor t eu lieu hors du terri-
toire sur lequel la Belgique exerce sa juridiction, les victimes étant des
non-Belges, le mandat d'arrêt reposait nécessairr:ment sur une compé-
tence universelle. De fait, tant ce mandat que les textes de 1993et 1999en
vertu desquels il a étéémisl'indiquent expressémt,nt.De plus, M. Yero-
dia lui-mêmeétaithors de Belgique au moment oii le mandat a étéémis.
7. Dans sa requête introductive d'instance (p. 7 1,la République démo-
cratique du Congo sirplaint que l'article 7 de la loi belge "estublishes the unii~ersuluppliubility oj'tlzr Lutc and the universal
jurisclictionof'the Belgiun courts in respect of''serious violutions of
intern~~tioizahizitnurzitariankuii,',ivithout eilcvîmaking such applica-
biiity und jzirisdiction con(/ifionul on the prrset~ceof tlzr uccused or1
Belgian territov.
It is clearly this un1irnitjurisdiction ivhicllthe Belgiun Stutp con-
J2r.rupon it.srlf'ii~lzexplains the issue of the urrest tcarmnt uguinst
Mr. Yerodia Ndornhusi, agrrinst ii~lzomit is patent4 eilident thut no
1~c1siO.sJtrritoriczlor in personam jurisdiction, nor arzyjurisdictior~
buseclon tlîe protection <?ft'he sectirity or di'ynitcf thc Kingdotom of'
Belgiurîz,could hui~chretz iniloked "
In its Memorial, the Congo denied that
"international law recognized such an enlarged criminal jurisdiction
as that which Belgium purported to exercise, namely in respect of
incidents of international humanitarian law when the accused was
not within the prosecuting State's territory" (Memorial of Congo,
para. 87). (Trun,slution 17~t110Registty.]
In its oral submissions the Congo once again stated that it was not
opposed to the principle of universal jurisdiction per se. But the assertion
of a universal jurisdiction over perpetrators of crimes was not an obliga-
tion under international law, only an option. The exercise of universal
jurisdiction required, in the Congo's view, that the sovereignty of the
other State be not infringed and an absence of any breach of an obliga-
tion founded in international law (CR 200116,p. 33). Further, according
to the Congo, States who are not under any obligation to prosecute if the
perpetrator is not present on their territory, nonetheless are free todo so
in so far as this exercise of jurisdiction does not infringe the sovereignty
of another State and is not in breach of international law (ibid.). The
Congo stated that it had no intention of discussing the existence of the
principle of universal jurisdiction, nor of placing obstacles in the way of
any emerging custom regardjng universal jurisdiction (ihid, p. 30). As the
oral proceedings drew to a close, the Congo acknowledged that the Court
might have to pronounce on certain aspects of universal jurisdiction, but
it did not request the Court to do so, as the question did not interest it
directly (CR 2001/10, p. 11). It was interested to have a ruling from the
Court on Belgium's obligations to the Congo in the light of Mr. Yero-
dia's immunity at the relevant time. The final submissions as contained in
the Application were amended so as to remove any request for the Court
to make a determination 011tlie issue of universal jurisdiction.
8. Belgium in its Counter-Memorial insisted that there was a general
obligation on States under customary international law to prosecute per-
petrators of crimes. It conceded, however, that where such persons were
non-nationals, outside of its territory, there was no obligation but rather
an available option (Counter-Memorial of Belgium, para. 3.3.25). No MANDAT D'ARRET (OP. IND. COM.) 65
«établit ... la compétence universelle de lu loi et des juridictions
belges à l'égarddes «violations graves du droit international hunza-
nitaire)), sans tnt5mesubordonner cette compétznce à lu présencede la
personne poursuivie sur le territoire belge.
C'est tnanijesternent cette conlpétenceillirvvitéeque s'attribue lui-
même1'Etat belge qui explique l'émissiondu n~andatd'arrêtvisant
M. Yerocli~zNdomha.ci, contre lequel uucun chef de cotnpétencetev-
ritorinle ou pers~înnelle,ni de cotnpétencejontlée sur lu protection de
Irsûrefi ou du créditdu Royuutne de Belgiqut~n'aurait, ù I'kvidence,
pu êtreinvoqué. »
Dans son mémoire, le Congo a niéque
«le droit international reconnaissait une coinpétence pénale aussi
étendue que celle que la Belgique entendait exercer, à savoir en ce
qui concerne des incidents de droit international humanitaire alors
que l'accusé n'estpas sur le territoire del'Et; t qui exerce des pour-
suites))(mémoire du Congo, par. 87).
Dans ses plaidoiries, le Congo a une nouvelle fois dit qu'il n'était pas
opposé au principe mêmede la compétence univc:rselle. Mais I'affirma-
tion d'une compétence universelle a l'égarddes auteurs de crimes n'était
pas, en droit international, une obligation mais :;eulement une option.
L'exercice de la compétence universelle exigeait, pour le Congo, qu'il ne
soit pas porté atteinte à la souveraineté de I'autrt: Etat, et l'absence de
tout manquement ii une obligation fondée el droit international
(CR 2001110,p. 33). En outre, selon le Congo, les Etats qui ne sont pas
tenus de poursuivre si l'auteur n'est pas présent sur leur-territoire sont
néanmoins libres de 11:aire dans la mesure où cet exercice de leur compé-
tence ne porte pas atteinte à la souverainetéd'un aLtre Etat et n'est pas-en
violation du droit international (ihid j.Le Congo a déclaréqu'il n'avait
pas l'intention de discuter l'existence du principe rle la compétence uni-
verselle, ni de faire obstacle à l'apparition d'une coutume concernant la
compétence universelle (ihid., p. 30). Alors que les plaidoiries touchaient
leur fin, le Congo a reconnu que la Cour pourrait avoir à se prononcer
sur certains aspects de la compétence universelle, mais ilne lui a pas
demandé de le faire, comme la question ne l'intéressait pas directement
(CR 2001110,p. 11). II souhaitait que la Cour se prononce sur les obli-
gations dues par la Belgique au Congo à la lumière de l'immunité de
M. Yerodia au moment pertinent. Les conclusion:; finales qui figuraient
dans la requêteont été modifiéesafin qu'il n'y soi- plus demandé que la
Cour statue sur la question de la compétence universelle.
8. Dans son contri:-mémoire, la Belgique a sou ignéque, en vertu du
droit international c'outumier, une obligation générales'imposait aux
Etats de poursuivre les auteurs de crimes. Elle a toutefois concédéque
lorsque les intéressésétaient des non-nationaux, se trouvant hors de son
territoire, il n'y avait pas d'obligation mais plutôt une option disponibleterritorial presence was required for the exercise of jurisdiction where the
offence violated the fundamental interests of the international commu-
nity (Counter-Memorial of Belgium, paras. 3.3.44-3.3.52). In Belgium's
view an investigation or prosecution mounted against a person outside its
territory did not violateany rule of international law, and was accepted
both in international practice and in the interna1 practice of States, being
a necessary means of fighting impunity (Counter-Memorial of Belgium,
paras. 3.3.28-3.3.74).
9. These submissions were reprised in oral argument, while noting that
the Congo "no longer contest[ed] the exercise of universal jurisdiction by
default" (CR 200119,pp. 8-13). Belgium, too, was eventually content that
the Court should pronounce simply on the immunity issue.
10. That the Congo should have gradually come to the view that its
interests were best served by reliance on its arguments on immunity, was
understandable. So was Belgium's satisfaction that the Court was being
asked to pronounce on immunity and not on whether the issue and cir-
culations of an international arrest warrant required the preseiice of the
accused on its territory. Whether the Court should accommodate this
consensus is another matter.
11. Certainly it is not required to do so by virtue of the ultru petita
rule. In the Counter-Memorial Belgium quotes the locus clussicus for the
non ultru petita rule, the As,vlum (Interpretution) case:
"it is the duty of the Court not only to reply to the questions as
stated in the final submissions of the parties, but also to abstain from
deciding points not included in those submissions" (Request ,for
Interpretution ofthe Judgment ($20 Novet?iber1950 in the Asylum
Cuse, Judgnqent, I. C.J. Reports 1950, p. 402; Counter-Memorial of
Belgium, para. 2.75; emphasis added).
It also quotes Rosenne who said: "It does not confer jurisdiction on the
Court or detract jurisdiction from it. It limits the extent to which the
Court may go in its decision." (Counter-Memorial of Belgium, para. 2.77.)
12. Close reading of these quotations shows that Belgium iswrong it if
wishes to convey to the Court that the non ultru petita rule would bar it
from uddressing matters not included in the submissions. It only pre-
cludes the Court from deciding upon such matters in the operative part
of the Judgment since that is the place where the submissions are dealt
with. But it certainly does not prevent the Court from considering in
its reasoning issues which it deems relevant for its conclusions. As Sir
Gerald Fitzmaurice said : IMANDAT D'ARRET (OP. IND. COM.) 66
(contre-mémoire de la Belgique, par. 3.3.25). Aucune présencesur le ter-
ritoire n'était requise pour l'exercicede la compétence lorsque l'infraction
violait des intérêtsfondamentaux de la comniunauté internationale
(contre-mémoire de la Belgique, par. 3.3.44 a 3.3.22). Pour la Belgique, le
fait d'ouvrir une enquêteou d'engager des pouisuites contre une per-
sonne se trouvant hors de son territoire ne violai1 aucune règle du droit
international, et était accepté aussi bien dans la ~atique internationale
que dans la pratique interne des Etats comme un moyen nécessairepour
lutter contre l'impuilité (contre-mémoire de la Ilelgique, par. 3.3.28 à
3.3.74).
9. Ces conclusions ont étéreprises lors des ~,laidoiries, la Belgique
notant que le Congo «ne conteste plus ... l'exerciced'une compétenceuni-
verselle par défaut))(CR 200119.p. 8 A 13). La Belgique, elle aussi, était
finalement satisfaite que la Cour ne se prononce que sur la question de
l'immunité.
10. Il est compréhensible que le Congo en soit \enu progressivement a
penser que ses intérêts seraientmieux servis s'ilfasait fond sur ses argu-
ments concernant l'immunité. Il l'est tout autant que la Belgique soit
satisfaite qu'il fût demandé à la Cour de se proncncer sur l'immunité et
non sur la question de savoir si l'émissionet la gliffusion d'un mandat
d'arrêt international exigeaient la présencede I'acsusésur son territoire.
Une autre question est de savoir si la Cour devait àire droit A ce consen-
sus.
11. Assurément, elle n'est pas tenue de le faire par l'effet de la règle
ultru petita.Dans son contre-mémoire, la Belgiqu':cite le 1ocu.sclussicus
de la règlenorzultru petitu, l'affaire duDroit d'usil- (dernunclerl'interpr-6-
tation) :
«la Cour a le devoir de répondre aux demandes des parties telles
qu'elles s'exprirrient dans leurs conclusions finales, mais aussi celui
de s'abstenir de statuer sur des points non compris dans lesdites
demandes ainsi exprimées)) (Demunde d'interprétationde l'urrêtdu
20 rzovenzbre 19.i0 en l'uffuire du droit d'asile: arrêt,C I.J. Recueil
1950, p. 402; contre-mémoire de la Belgique, par. 2.75; les italiques
sont de nous).
Elle cite également Rosenne, qui a écrit: «Elle ne donne pas de compé-
tence a la Cour ni ne lui retire sa compétence. Elle limite la Cour dans la
portée de sa décision.))(Contre-mémoire de la Belgique, par. 2.77.)
12. Une lecture attentive de ces citations montre que la Belgique a tort
si elle souhaite indiquer A la Cour que la règle nor, ultrrrpetituempèche-
rait celle-cid'uborder des questions qui ne sont [-as comprises dans les
conclusions. Cette règle empèche seulement la Cour de statuer sur ces
questions dans le dispositif de son arrèt puisque c'est l'endroit où elle
répond aux conclusions. Mais elle n'empêchecertainement pas la Cour
d'examiner dans le cadre de son raisonnement les questions qu'elle
juge pertinentes pour ses conclusions. Comme l'a céclarésir Gerald Fitz-
maurice :67 ARREST WARRANT (JOINT SEP. OP.)
"unless certain distinctions are drawn, there is a danger that [the
non ultra petita rule] might hamper the tribunal in coming to a cor-
rect decision, and might even cause it to arrive at a legally incorrect
one, by compelling it to neglect juridically relevant factors" (The
Law und Procedure qf the International Court qf' Justice, 1986,
Vol. II,pp. 529-530).
13. Thus the ultra petita rule can operate to preclude a finding of the
Court, in the dispositif; on a question not asked in the final submissions
by a Party. But the Court should not, because one or more of the parties
finds it more comfortable for its position, forfeit necessary steps on the
way to the finding it does make in the dispositif. The Court has acknow-
ledged this in paragraph 43 of the present Judgment. But having reserved
the right to deal with aspects of universal jurisdiction in its reasoning,
"should it deem this necessary or desirable". the Court says nothing more
on the matter.
14. This may be contrasted with the approach of the Court in the
Advisory Opinion request put to it in Certain Expenses of the United
Nations (Article 17, Paragruph 2, of tlir Cli~~rte(I.C.J. Reports 1962,
pp. 156-157). (The Court was constrained by the request put to it, rather
than by the final submissions of the Applicant, but the point of principle
remains the same.) The Court was asked by the General Assembly
whether the expenditures incurred in connection with UNEF and ONUC
constituted "expenses of the organization" for purposes of Article 17,
paragraph 2,of the Charter.
15. France had in fact proposed an amendment to this request, whereby
the Court would have been asked to consider whether the expenditures in
question were made in conformity with the provisions of the Charter,
before proceeding to the question asked. This proposal was rejected. The
Court stated
"The rejection of the French amendment does not constitute a
directive to the Court to exclude from its consideration the question
whether certain expenditures were 'decided on in conformity with
the Charter', if the Court finds such consideration appropriate. It is
not to be assumed that the General Assembly would thus seek to
fetter or hamper the Court in the discharge of its judicial functions;
the Court must have full liberty to consider al1relevant data avail-
able to it in forming an opinion on a question posed to it for an
advisory opinion." (Ihid., p. 157.)
The Court further stated that it
"has been asked to answer a specific question related to certain
identified expenditures which have actually been made, but the Court
would not adequately discharge the obligation incumbent on it
unless it examined in some detail various problems raised by the
question which the General Assembly has asked" (ihid, p. 158). «si l'on ne fait pas certaines distinctions, il t:xiste un danger que [la
règlenon ultru ,netitu]empêchele tribunal de parvenir à une décision
correcte, et mêmel'amèneà aboutir à une conclusion juridiquement
incorrecte en le forçant à négligerdes facteiirs juridiquement perti-
nents)) (The LLI~Iu~nd Procedure of the Internutionul Court of Jus-
ticr, 1986, vol.11,p. 529 et 530).
13. Ainsi, la règle zrltrnpetitcl peut jouer pour empêcher laCour de
parvenir, dans le dispositif, à une conclusion sur une question qui n'est
.as .sée dans les conclusions finales d'une ~artie. Mais la Cour ne
devrait pas, parce qu'une partie ou les deux jugent que cela sert mieux
leur cause, renoncer aux étapes nécessairespour aboutir à la conclusion à
laquelle elle aboutit eflcctivernent dans le dispositif. La Cour l'a reconnu
au paragraphe 43 du présentarrêt.Mais s'étant riservéle droit d'aborder
tel ou tel aspect de la compétence universelle dans sa motivation «si elle
l'estime nécessaireou souhaitable)), la Cour ne dit rien de plus sur cette
question.
14. Cette démarche peut être opposéeà celle que la Cour a adoptée
dans l'avis consultatif qu'elle a rendu dans l'affaire concernant Cprtaines
d&pc~izsetcle I'Org~liîiscltiocles Nations Unies art. 17, par. 2, de la
Charte) (C.I.J.Recueil 1962, p. 156 et 157). (La Cour y était contrainte
par la question qui lui était poséeet non par le' conclusions finales du
demandeur, mais le point deprincipe demeure lt même.)La Cour était
priéepar I'Assemblke généralede dire si les dépenses encourues au titre
de la FENU et de I'ONUC constituaient des ((dépensesde l'organisa-
tion)) aux fins de l'article 17, paragraphe 2, de la Charte.
15. La France av,ait en fait proposé un amendzment à cette question,
aux termes duquel il aurait étédemandé à la Cour d'examiner si les
dépensesen question avaient été décidéesconforrr émentaux dispositions
de la Charte avant de passer à la question posét:.Cet amendement fut
rejeté.La Cour a déclaré :
Le rejet de l'amendement français ne constitue pas une injonc-
tion pour la Coiur d'avoir à écarterl'examen de la question de savoir
si certaines dépenses ont été((décidéesconf')rmément aux disposi-
tions de la Charte)), si la Cour croit opportun de l'aborder. On ne
doit pas supposer que l'Assembléegénérale ait ainsientendu lier ou
gênerla Cour dans l'exercice de ses fonctions judiciaires; la Cour
doit avoir la pleine liberté d'examiner tous les élémentspertinents
dont elle dispose pour se faire une opinion sur une q~iestion qui lui
est posée en vued'un avis consultatif. >>(Ihitl , p. 157.)
La Cour ajoutait
((qu'on lui a dennandéde répondreà une quesiion précisequi a trait à
certaines dépenses déterminéeq sui ont étéeffectivement faites, mais la
Cour n'exercerait pas de façon adéquate l'obligation qui lui incombe
si elle n'examinait pas en détailles différents problèmes soulevép sar
la question que l'Assemblée généralle ui a po:ée» (ihid, p. 158). 16. For al1 the reasons expounded above, the Court should have
"found it appropriate" to deal with the question of whether the issue and
international circulation of a warrant based on universal jurisdiction in
the absence of Mr. Yerodia's presence on Belgian territory was unlawful.
This should have been done before making a finding on immunity from
jurisdiction, and the Court should indeed have "examined in some detail
various problems raised" by the request as formulated by the Congo in
its final submissions.
17. In agreeing to pronounce upon the question of immunity without
addressing the question of a jurisdiction from which there could be
immunity, the Court has allowed itself to be manŒuvred into answering
a hypothetical question. During the course of the oral pleadings Belgium
drew attention to the fact that Mr. Yerodia had ceased to hold any
ministerial office in the Government of the Democratic Republic of the
Congo. In Belgium's view, this meant that the Court should declare the
request to pronounce upon immunity to be inadmissible. In Belgium's
view the case had become one "about legal principle and the speculative
consequences for the immunities of Foreign Ministers from the possible
action of a Belgian judge" (CR 200118,p. 26, para. 43). The dispute was
"a difference of opinion of an abstract nature" (CR 200118, p. 36,
para. 71).The Court should not "enter into a debate which it may well
come to see as essentially an academic exercise" (CR 200119,p. 7, para. 4
[translution hy the Registry]).
18. In its Judgment the Court rightly rejects those contentions (see
Judgment, paras. 30-32). But nothing is more academic, or abstract, or
speculative, than pronouncing on an immunity from a jurisdiction that
may, or may not, exist. It is regrettable that the Court has not followed
the logic of its own findings in the Certuin Esprnses case, and in this
Judgment addressed in the necessary depth the question of whether the
Belgian authorities could legitimately have invoked universal jurisdiction
in issuing and circulating the arrest warrant for the charges contained
therein, and for a person outside the territorial jurisdiction at the moment
of the issue of the warrant. Only if the answer to these is in the affirma-
tive does the question arise: "Nevertheless, was Mr. Yerodia immune
from such exercise of jurisdiction, and by reference to what moment of
time is that question to be answered?"
19. We therefore turn to the question whether States are entitled to
exercise jurisdiction over persons having no connection with the forum
State when the accused is not present in the State's territory. The neces-
sary point of departure must be the sources of international law identified
in Article 38, paragraph 1 (c), of the Statute of the Court, together with
obligations imposed upon al1United Nations Members by Security Coun-
cil resolutions, or by such General Assembly resolutions as meet the 16. Pour toutes les raisons exposéesci-dessus,la Couraurait dû «croire
opportun)) de se demander si l'émission et la diffusioninternationale
d'un mandat reposant sur la compétence universzlle alors que M. Yero-
dia n'était paspréseintsur le territoire belge étaientillicites. Elle aurait dû
le faire avant de tirer une conclusion sur'immunltédejuridiction, et elle
aurait, de fait, dû ((examiner en détailles différer ts problèmessoulevés))
par la demande qui était formulée par le Cong3 dans ses conclusions
finales.
17. En acceptant de se prononcer sur la question de l'immunité sans
aborder la question d'unejuridiction de laquelle il pouvait y avoir immu-
nité, laCour s'estlaissémanŒuvrer et amener a r2pondre à une question
théorique.Dans ses plaidoiries, la Belgique aappc:lél'attention sur le fait
que M. Yerodia n'occupait plus aucun poste ministérieldans le Gouver-
nement de la Républiquedémocratiquedu Congo. Pour la Belgique, cela
signifiait que la Cour devait déclarerirrecevablea demande tendant àce
qu'elle se Prononce sur l'immunité.Selon elle, 17aiTairétaitdevenue une
affaire concernant «un principe de droit et une affaire relative aux consé-
quences que I'actiociéventuelled'un juge belge pourrait théoriquement
avoir pour l'immunitédes ministres des affaires é-rangèresn (CR 200118,
p. 26, par. 43). Le différend était((une divergence [d'opinions] d'ordre
théorique))(CR 200118.p. 36, par. 71). La Coui ne devait pas ((entrer
dans un débat qui risque fort de lui apparaître 'commeessentiellement
académique))(CR 2(301/9,p. 7, par. 4).
18. Dans son arrêt,la Cour rejette à juste titre ces arguments (voir
arrêt, par.30-32).Mais rien n'estplus académique.abstrait, ou théorique,
que de se prononcer sur I'immunitéd'une juridiction qui peut-êtreexiste
ou peut-êtren'existe pas. Il est regrettable que la Cour n'ait pas suivi la
logique de ses propres conclusions dans l'affaire relative à Certuirîes
dépenses des nation:^Unies, et abordé dans le pnisent arrêt,de manière
suffisamment approiondie, la question de savoir si les autorités belges
pouvaient légitimementinvoquer la compétenceuniverselle pour émettre
et diffuser le mandat d'arrêt nourles accusations formuléesdans celui-ci.
et à l'encontre d'une personne se trouvant hors de leur juridiction terri-
toriale au moment où le mandat a été émis. Cn e est que si la réponseà
ces questions est affirmative que se pose la question suivante : «Néan-
moins, M. Yerodia était-ilexempt de l'exercicede :ette compétence,et en
se plaçant i quel moment faut-il répondre à cette question?»
19. Nous examinerons donc la question de savoir si les Etats sont
habilitésà exercer leur compétence àl'égardde personnes n'ayant aucun
lien avec1'Etatdu for lorsque l'accusé n'estpas prisent sur le territoire de
cet Etat. Le point de départnécessairedoit êtreles sources du droit inter-
national recensées à l'article 38, paragraphe 1c), du Statut de la Cour,
ainsi que les obligations mises la charge de tous les membres de l'Orga-
nisation des Nations Unies par les résolutionsdu Conseil de sécurité, etcriteria enunciated by the Court in the case concerning Legality of the
Tizreat or Use of Nuclear Weupons, Advisory Opinion (I. C.J. Reports
1996, p. 226, para. 70).
20. Our analysis may begin with national legislation, to see if it evi-
dences a State practice. Save for the Belgian legislation of 10 February
1999, national legislation, whether in fulfilment of international treaty
obligations to make certain international crimes offences also in national
law, or otherwise, does not suggest a universal jurisdiction over these
offences. Various examples typify the more qualified practice. The Aus-
tralian War Crimes Act of 1945, as amended in 1988, provides for the
prosecution in Australia of crimes committed between 1 September 1939
and 8 May 1945 by persons who were Australian citizens or residents at
the times of being charged with the offences (Arts. 9 and 11).The United
Kingdom War Crimes Act of 1991enables proceedings to be brought for
murder, manslaughter or culpable homicide, committed between 1 Sep-
tember 1935 and 5 June 1945, in a place that was part of Germany or
under German occupation, and in circumstances where the accused was
at the time. or has become, a British citizen or resident of the United
Kingdom. The statutory jurisdiction provided for by France, Germany
and (in even broader terms) the Netherlands, refer for their jurisdictional
basis to the jurisdictional provisions in those international treaties to
which the legislation was intended to give effect. It should be noted,w-
ever, that the German Government on 16 January 2002 has submitted
a legislative proposal to the German Parliament, section 1 of which
provides :
"This Code governs al1the punishable acts listed herein violating
public international law, [and] in the case of felonies listed herein
[this Code governs] even if the act was committed abroad and does
not show any link to [Germany]."
The Criminal Code of Canada 1985 allows the execution of jurisdiction
when at the time of the act or omission the accused was a Canadian citi-
zen or "employed by Canada in a civilian or military capacity"; or the
"victim is a Canadian citizen or a citizen of a State that is allied with
Canada in an armed conflict", or when "at the time of the act or omission
Canada could, in conformity with international law, exer-cisejurisdiction
over the person on the basis of the person's presence in Canada" (Art. 7).
21. Al1of these illustrate the trend to provide for the trial and punish-
ment under international law of certain crimes that have been committed
extraterritorially. But none of them, nor the many others that have been
studied by the Court, represent a classical assertion of a universal juris-
diction over particular offences committed elsewhere by persons having
no relationship or connection with the forum State.
22. The case law under these provisions has largely been cautious so MANDAT D'ARRET (OP. IND. c~M.) 69
par les résolutions de l'Assemblée généralequi répondent aux critères
énoncéspar la Cour dans l'affaire concernant la Licéitéde la menuce ou
de l'en~ploi d'armes nucléaires, avis consultati,"(C.I.J. Recueil 1996,
p. 226, par. 70).
20. Notre analys'e peut commencer par la Iégislation nationale, pour
déterminer si elle atteste I'existence d'une pratiq le des Etats. A I'excep-
tion de la Iégislation belge du 10 février 1999, la Iégislation nationale,
qu'elle découle d'obligations conventionnelles int xnationales obligeant a
ériger certains crimes internationaux en infractims également en droit
interne, n'indique pas l'existence d'une compéterce universelle en ce qui
concerne ces infractions. Divers exemples révèlen;une pratique plus limi-
tée. Laloi australienne sur les crimes de guerre de 1945, telle qu'amendée
en 1988, prévoit la répression en Australie de crimes commis entre le
1"-septembre 1939 et le 8 mai 1945 par des personnes qui étaient des
nationaux ou des résidents de l'Australie au monient où ils ont été accu-
sésdes infractions (art. 9 et11).La loi du Rovaurne-Uni sur les crimes de
guerre de 1991 autorise l'engagement de poursuites pour meurtre, homi-
cide ou homicide par négligencecommis entre le 1"'septembre 1935 et le
5juin 1945en un lieu qui faisait partie de 1'Allem;igneou était sous occu-
pation allemande, et lorsque l'accuséétait à l'époque,ou est devenu, un
ressortissant ou un résidentdu Royaume-Uni. Eii France, en Allemagne
et (en termes même plus larges)aux Pays-Bas, la législation renvoie pour
fonder la compétence aux dispositions juridictiorinelles figurant dans les
traités internationaux auxquels elle vise à donner effet. Il convient de
noter toutefois que le 16janvier 2002 le Gouveriiement allemand a pré-
sentéau Parlement allemand un projet de loi dont l'article premier dis-
pose :
«Le présent Code vise tous les actes punissables qui y sont énu-
mérésqui violent le droit international public, [et] dans le cas des
crimes qui sont visés, [leprésent Code s'applique] mêmesi I'acte a
été commisà l'étrangeret n'a aucun lien avic [l'Allemagne].»
Le code criminel du Canada (1985) autorise 1'exi:rcicede la compétence
lorsque, au moment de I'acte ou de l'omission, 1 accuséétait un citoyen
canadien ou était «employépar le Canada à titre civil ou militaire)), ou si
la «victime est un citoyen canadien ou un citoyeii d'un Etat qui est allié
au Canada dans uni conflit armé)). ou si «au nioment de l'acte ou de
l'omission le Canada pouvait, conformément au droit international, exer-
cer sa compétence i l'égardde la personne en rilison de la présence de
celle-ci au Canada)) (art. 7).
21. Tout ce qui précède illustre la tendance en droit international à
juger et punir certains crimes qui ont étécommis extraterritorialement.
Mais aucune de ces lois, ni aucune des nombreuse iautres qu'a étudiées la
Cour, ne représente une affirmation classique de la compétence univer-
selle en ce qui concerne certains crimes commis ailleurs par des personnes
n'ayant aucune relalion ni aucun lien avec I'Etat du for.
22. La jurisprudence relative à ces disposition: a étéen grande partiefar as reliance on universal jurisdiction is concerned. In the Pinochet case
in the English courts, the jurisdictional basis was clearly treaty based,
with the double criminality rule required for extradition being met by
English legislation in September 1988, after which date torture com-
mitted abroad was a crime in the United Kingdom as it already was in
Spain. In Australia the Federal Court referred to a group of crimes over
which international law granted universal jurisdiction, even though
national enabling legislation would also be needed (Nulyurimma, 1999:
genocide). The High Court confirmed the authority of the legislature to
confer jurisdiction on the courts to exercise a universal jurisdiction over
war crimes (Polyukhovich, 1991).In Austria (whose Penal Code empha-
sizes the double-criminality requirement), the Supreme Court found that
it had jurisdiction over persons charged with genocide, given that there
was not a functioning legal system in the State where the crimes had been
committed nor a functioning international criminal tribunal at that point
in time (Cvjetkovic, 1994).In France it has been held by a juge d'instruc-
tion that the Genocide Convention does not provide for universal juris-
diction (in re Juvor, reversed in the Cour d'Appel on other grounds. The
Cour de Cassation ruling equally does not suggest universal jurisdiction).
The Munyeshyuku finding by the Cour d'Appel (1998) relies for a find-
ing - at first sight inconsisten- upon cross-reference into the Statute
of the International Tribunal for Rwanda as the jurisdictional basis. In
the Quddujî case the Cour d'Appel relied on passive personality and not
on universal jurisdiction (in the Cour de Cassation it was immunity that
assumed central importance).
23. In the Bouterse case the Amsterdam Court of Appeal concluded
that torture was a crime against humanity, and as such an "extraterrito-
rial jurisdiction" could be exercised over a non-national. However, in the
Hoge Raad, the Dutch Supreme Court attached conditions to this exer-
cise of extraterritorial jurisdiction (nationality, or presence within the
Netherlands at the moment of arrest) on the basis of national legislation.
24. By contrast, a universal jurisdiction has been asserted by the
Bavarian Higher Regional Court in respect of a prosecution for genocide
(the accused in this case being arrested in Germany). And the case law of
the United States has been somewhat more ready to invoke "universal
jurisdiction", though considerations of passive personality have also been
of key importance (Yunis, 1988; Bin Luden, 2000).
25. An even more ambiguous answer is to be derived from a study of
the provisions of certain important treaties of the last 30 years, and the
obligations imposed by the parties themselves.
26. In some of the literature on the subject it is asserted that the great
international treaties on crimes and offences evidence universality as a
ground for the exercise of jurisdiction recognized in international 1aw.
(Seethe interesting recent article of Luis Benavides, "The Universal Juris- MANDAT D'ARRÊT (OP. IND. c~M.) 70
prudente s'agissant de faire fond sur la compétence universelle. Dans
l'affairePinochet dont ont connu les tribunaux anglais, il est clair que la
compétence avait un fondement conventionnel, la condition de double
incrimination exigéepour l'extradition étant remplie par la Iégislation
anglaise en septembre 1988,date après laquelle 11:sactes de torture com-
mis à l'étranger constituaient un crime au Roya~me-Uni comme déjàen
Espagne. En Australie, la Cour fédéralea mentionnéun groupe d'infrac-
tions pour lesquelles le droit internationalaccorclait compétenceuniver-
selle,mêmesi une Iégislationnationale d'application étaitaussi nécessaire
(Nulyaritnma, 1999 :génocide). LaHaute Cour a confirméque le Iégisla-
teur avait le pouvoir d'autoriser les tribunaux à :xercer une compétence
universelle pour les crimes de guerre (Polyukhovich, 1991). En Autriche
(dont le code pénal insiste sur la condition de d3uble incrimination), la
Cour suprême ajugé qu'elleétait compétentepour juger des personnes
accuséesde génocidle,au motif qu'il n'y avait pits de système judiciaire
opérationnel dans 1'Etatoù les crimes avaient étc:commis ni de tribunal
pénal international opérationnel à ce moment (Cvjetkovic, 1994). En
France, un juge d'instruction a estiméque la corvention sur le génocide
ne prévoyaitpas la crompétenceuniverselle (in re lavor,décision infirmée
pour d'autres motifs devant la cour d'appel. La décisionde la Cour de
cassation n'implique pas non plus la compétence universelle.) Dans
l'affaireMunyrshyaka (1998), la cour d'appel s'ippuie pour parvenir à
une conclusion - à première vueincohérente - sur un renvoi au statut
du Tribunal international pour le Rwanda pour fonder sa compétence.
Dans l'affaireKhadaji, la cour d'appel a fait fond sur la personnalitépas-
sive et non sur la ciompétenceuniverselle (devant la Cour de cassation,
c'est l'immunitéqui avait revêtu uneimportance centrale).
23. Dans l'affaire Bouterse, la cour d'appel d'Amsterdam a conclu que
la torture étaitun crime contre l'humanitéet que de ce fait une «compé-
tente extraterritoriale)) pouvait êtreexercéeà l'égardd'un non-national.
Toutefois, le Hoge Raad, la Cour suprêmenéerlandaise, a subordonné
cet exercice de la compétence extraterritorialeà ces conditions (nationa-
lité,ou présenceaux Pays-Bas au moment de l'arrestation) sur la base de
la Iégislationnationtale.
24. Par contraste, la Haute Cour régionale havaroise a retenu une
compétence universi:lledans le cas de poursuites pour génocide (l'accusé
avait en I'espéce ét6 arrêtéen Allemagne). La jiirisprudence des Etats-
Unis a étéquelque peu plus encline à invoquer la ((compétenceuniver-
selle», bien que des considérationstouchant la personnalitépassive aient
aussi joué un rôle clef(Yunis, 1988; Bin Laden, ;'000).
25. Une réponse encoreplus ambiguë résultec'une étudedes disposi-
tions de certains traités importants des trente dernières années, et des
obligations imposéespar les parties elles-mêmes.
26. Certains autems ayant traitéle sujet affirment que les grands trai-
tésinternationaux siIr les crimes et autres infractions attestent que I'uni-
versalité est un fondement de l'exercice de la c3mpétence reconnu en
droit international (voir l'intéressant article publié récemment par7 1 ARREST WARRANT (JOINT SEP. OP.)
diction Principle: Nature and Scope", Anuurio Mexicuno de Derecho
Internacional, Vol. 1, p. 58 (2001).) This is doubtful.
27. Article VI of the Convention on the Prevention and Punishment of
the Crime of Genocide, 9 December 1948, provides:
"Persons charged with genocide or any of the other acts enumer-
ated in Article IIIshall be tried by a competent tribunal of the State
in the territory of which the act was committed, or by such interna-
tional penal tribunal as may have jurisdiction with respect to those
Contracting Parties which shall have accepted its jurisdiction."
This is an obligation to assert territorial jurisdiction, though thtravaux
préparutoires do reveal an understanding that this obligation was not
intended to affect the right of a State to exercise criminal jurisdiction on
its own nationals for acts committed outside the State (AlC.61SR.134,
p. 5).Article VI also provides a potential grant of non-territorial compe-
tence to a possible future international tribunal - even this not being
automatic under the Genocide Convention but being restricted to those
Contracting Parties which would accept its jurisdiction. In recent years it
has been suggested in the literature that Article VI does not prevent a
State from exercising universal jurisdiction in a genocide case. (And see,
more generally, Restaternent (Tlzird) of'the Foreign Relations Luic of the
United Stutes (1 987), 5404.)
28. Article 49 of the First Geneva Convention, Article 50 of the
Second Geneva Convention, Article 129 of the Third Geneva Conven-
tion and Article 146 of the Fourth Geneva Convention, al1of 12 August
1949, provide :
"Each High Contracting Party shall be under the obligation to
search for persons alleged to have committed, or to have ordered to
be committed, . . . grave breaches, and shall bring such persons,
regardless of their nationality, before its own courts. It may also, if it
prefers, and in accordance with the provisions of its own legislation,
hand such persons over for trial to another High Contracting Party
concerned, provided such High Contracting Party has made out a
prima facie case."
29. Article 85, paragraph 1, of the First Additional Protocol to the
1949 Geneva Convention incorporates this provision by reference.
30. The stated purpose of the provision was that the offences would
not be left unpunished (the extradition provisions playing their role in
this objective). It may immediately be noted that this is an early form of
the uut dedere uut pvoscqui to be seen in later conventions. But the obli-
gation to prosecute is primary, making it even stronger.
31. No territorial or nationality linkage is envisaged, suggesting a true MANDAT D'ARRET (OP. IND. COM.) 71
Luis Benavides, «The Universal Jurisdiction F'rinciple: Nature and
Scope)), Anuario Me.~icanode Derecho Internacioriul, vol. 1,p. 58(2001)).
Cela est douteux.
27. L'articleVI de la convention pour la prévention et la répressiondu
crime de génocide(9 décembre 1948) dispose :
«Les personnes accuséesde génocide ou cie l'un quelconque des
autres actes énumérésà I'article III seront traduites devant les tribu-
naux compétents de I'Etat sur le territoire diiquel l'acte a étécom-
mis, ou devant la cour criminelle internationz le qui sera compétente
à l'égardde celles des parties contractantes qiii en auront reconnu la
juridiction.»
Il s'agit là d'une obligation d'exercer la compétence territoriale, bien que
les travaux préparatoires révèlent effectivementqu'il était entendu que
cette obligation n'était pas censéeaffecter le droit d'un Etat d'exercer sa
compétence pénalevis-à-vis de ses propres nationaux pour des actes com-
mis à l'étranger (A/C:.6/SR.134, p. 5). L'articleVI prévoit aussi la possi-
bilitéqu'une compétence non territoriale soit attribuée a un futur tribu-
nal international - inêmesi aux termes de la congention sur le génocide
cela n'est pas automatique mais limitéaux parties contractantes qui en
reconnaîtraient la compétence. Ces dernières arnées, des auteurs ont
déclaréque l'article 'VIn'empêchaitpas un Etat d'exercer la compétence
universelle dans une affaire de génocide. (Et vcir, plus généralement,
Re.stutement (Third, of the Foreixn Relations Lari,of the United States
(1987), par. 404.)
28. L'article 49 de la première convention de Genève, l'article 50 de la
deuxième convention de Genève, l'article 129 de Id troisième convention
de Genève et l'article 146 de la quatrième convention de Genève, toutes
quatre en date du 12 août 1949, disposent :
«Chaque partie contractante aura 1'oblig:ition de rechercher les
personnes prévenues d'avoir commis, ou d'avoir ordonné de com-
mettre, ... ces infractions graves. et elle devra les déférerà ses propres
tribunaux, quelle que soit leur nationalité. Ell: pourra aussi, si elle le
préfère, etselon les conditions prévuespar s: propre législation, les
remettre pour jugement à une autre partie cc~ntractante intéresséeà
la poursuite, pour autant que cette partie contractante ait retenu
contre lesdites personnes des charges suffisantes. »
29. L'article 85, paragraphe 1, du premier protocole additionnel aux
conventions de Genkve de 1949 reprend cette disposition par renvoi.
30. L'objectif déclaréde cette disposition est que les infractions ne
demeurent pas impunies (les dispositions relative<,à l'extradition jouant
leur rôle dans la réa~lisationde cet objectif). On peut noter immédiate-
ment qu'il s'agit d'une des premières formes de a règle uut dedere azlt
prosequi que l'on retrouve dans des conventions postérieures. Mais I'obli-
gation de poursuivre est la première, ce qui la rer d encore plus forte.
31. Aucun lien territorial ou de nationalité n'cd envisagé, cequi sug-universality principle (see also Henzelin, Le principe de l'universalitéen
droit pénalinternational: droit et obligation pour les Etats de poursuivre
et juger selon le principe de l'universalité,2000, pp. 354-356). But a dif-
ferent interpretation is given in the authoritative Pictet Commentary:
Geneva Conventionfor the Arnelioration oj'tlzeCondition of the Wounded
and Sick in Armed Forces in the Field, 1952, which contends that this
obligation was understood as being an obligation upon States parties to
search for offenders who may be on their territory. 1sit a true example of
universality, if the obligation to search is restricted to the own territory?
Does the obligation to search imply a permission to prosecute in absen-
ria, if the search had no result?
32. As no case has touched upon this point, the jurisdictional matter
remains to be judicially tested. In fact, there has been a remarkably
modest corpus of national case law emanating from the jurisdictional
possibilities provided in the Geneva Conventions or in Additional Pro-
tocol 1.
33. The Single Convention on Narcotics and Drugs, 1961,provides in
Article 36, paragraph 2, that:
"(a) (iv) Serious offences heretofore referred to committed either by
nationals or by foreigners shall be prosecuted by the Party in whose
territory theoffence was committed, or by the Party in whose terri-
tory the offender is found if extradition is not acceptable in con-
formity with the law of the Party to which application is made, and
if such offender has not already been prosecuted and judgment
given."
34. Diverse views were expressed as to whether the State where the
offence was committed should have first right to prosecute the offender
(ElCN.7lAC.319, 11 September 1958, p. 17, fn. 43; cf. ElCN.7lAC.319
and Add.1, E/CONF.34/1/Add.l, 6 January 1961, p. 32). Nevertheless,
the principle of "primary universal repression" found its way into the
text, notwithstanding the strong objections of States such as the United
States, New Zealand and India that their national laws only envisaged
the prosecution of persons for offences occurring within their national
borders. (The development of the concept of "impact jurisdiction" or
"effectsjurisdiction" has in more recent years allowed continued reliance
on territorialitywhile stretching far thejurisdictional arm.) The compro-
mise reached was to make the provisions of Article 36, paragraph 2 (iv),
"subject to the constitutional limitations of a Party, its legal system and
domestic law". But the possibility of a universal jurisdiction was not
denounced as contrary to international law.
35. The Hague Convention for the Suppression of Unlawful Seizure of
Aircraft, 16December 1970, making preambular reference to the "urgent
need" to make such acts "punishable as an offence and to provide for
appropriate measures with respect to prosecution and extradition ofgère l'existence d'un véritable principe d'univeisalité (voir également
Henzelin, Le principe de l'universalitéen droit pétzulinternutionul: droit
et obligation pour 1t.sEtuts de poursuivre et juger selon le principe de
l'universalité.2000. o. 354-356). Mais le comm1:ntaire Pictet. aui fait
autorité, donne une interprétation différente: Convention de Genèvepour
l'amélioration du sortclesblesséset (lesnzu1ude.sdons les forces urmGesen
campugne, 1952, qui affirme que cette obligation était comprise comme
une obligation a la charge des Etats parties de rechercher les auteurs
d'infractions pouvant se trouver sur leur territoire. Est-ce un véritable
exemple d'universaliité,si l'obligation de recherche se limite au propre ter-
ritoire de 1'Etat? Cette obligation de recherche iniplique-t-elle une auto-
risation de poursuivi-e par défaut, si les recherches sont infructueuses?
32. Comme ce point n'a été abordédans aucunl: affaire, la question de
la compétence n'a pas été tranchée judiciairemer t. En fait, la jurispru-
dence des tribunaux internes découlant des possibilités juridictionnelles
offertes par les conventions de Genève ou le protocole additionnel 1est
remarquablement modeste.
33. La conventiori unique sur les stupéfiants de 1961dispose, au para-
graphe 2 de son arti~ûle36 :
«cl) iv) Les infractions graves précitées, qu'elles soient commisespar
des nationaux aludes étrangers, seront poursuivies par la partie sur
le territoire de laquelle l'infraction a été conimise,ou par la partie
sur le territoire de laquelle le délinquant se trouvera si son extradi-
tion n'est pas acceptable conformément à la I~Sgislatide la partie à
laquelle la dem,ande est adressée, et si ledit délinquant n'a pas été
déjàpoursuivi et jugé. ))
34. Des opinions diverses ont été exprimées sur le point de savoir si
I'Etat où l'infraction a été commise devaitavoir le premier le droit de
poursuivre le délinquant (ElCN.7lAC.319, 11 septembre 1958, p. 17,
note43; cf. ElCN.7lAC.319et Add. 1.ElCONF.3411lAdd. l,6 janvier 1961,
p. 32). Néanmoins, le principe de la ((répression universelle primaire)) a
étéconsacrédans le texte, nonobstant les objections vigoureuses d'Etats
comme les Etats-Unis, la Nouvelle-Zélande et 1'Iiidedont les lois natio-
nales ne prévoyaient despoursuites que pour les infractions commises à
l'intérieurde leurs frontières nationales. (Le développement de la notion
de ((compétenced'irnpact» ou ((compétenced'effets » a plus récemment
permis de continuer de faire fond sur la territorialité tout en étendant
considérablement la compétence.)Lecompromis riaalisconsistait a enten-
dre les dispositions de l'alinéa iv)du paragraphe 2 de l'article 36 «sous
réserve des limitations constitutionnelles d'une partie, de son système
juridique et de son droit interne)). Mais la possitlilitéd'une compétence
universelle n'a pas étédénoncéecomme contraire au droit international.
35. La conventiori de La Haye pour la répressionde la capture illicite
d'aéronefs,en date du 7décembre 1970,dispose dxns son préambule qu'il
est ((urgent de réprimerces actes en tant qu'infractions et de prévoir des
mesures appropriées en vue d'en poursuivre et d'e 1 extrader les auteurs)),offenders", provided in Article 4 (1)for an obligation to take such meas-
ures as may be necessary to establish jurisdiction over these offences and
other acts of violence against passengers or crew:
"(a) when the offence is committed on board an aircraft registered
in that State;
(b) when the aircraft on board which the offence is committed
lands in its territory with the alleged offender still on board;
(c) when the offence is committed on board an aircraft leased
without crew to a lessee who has his principal place of busi-
ness or, if the lessee has no such place of business, his perma-
nent residence, in that State".
Article 4 (2) provided for a comparable obligation to establish jurisdic-
tion where the alleged offender was present in the territory and if he was
not extradited Dursuant to Article 8 bv the territorv. Thus here too was a
treaty provision for uut dedere aut prosequi, of which the limb was in
turn based on the principle of "primary universal repression". The juris-
dictional bases provided for in Article 4 (1) (b) and 4 (2), requiring no
territorial connection beyond the landing of the aircraft or the presence
of the accused, were adopted only after prolonged discussion. The travau.~
pr¶toires show States for whom mere presence was an insufficient
ground for jurisdiction beginning reluctantly to support this particular
type of formula hecause of' the gravit! of' tlze oy'yence.Thus the repre-
sentative of the United Kingdom stated that his country "would see great
difficulty in assuming jurisdiction merely on the ground that an aircraft
carrying a hijacker had landed in United Kingdom territory". Further,
"normally his country did not accept the principle that the mere
presence of an alleged offender within the jurisdiction of a State
entitled that State to try him. In view, however, of the gravity
of the offence . . .he was prepared to support . . . [the proposal on
mandatory jurisdiction on the part of the State where a hijacker
is found]." (Hague Conference, p. 75, para. 18.)
36. It is also to be noted that Article4, paragraphs 1 and 2, provides
for the mandatory exercise of jurisdiction in the absence of extradition;
but does not preclude criminal jurisdiction exercised on alternative
grounds of jurisdiction in accordance with national law (though those
possibilities are not made compulsory under the Convention).
37. Comparable jurisdictional provisions are to be found in Articles 5
and 8 of the International Convention against the Taking of Hostages of
17 December 1979. The obligation enunciated in Article 8 whereby a
State party shall "without exception whatsoever and whether or not the
offence was committed in its territory" submit the case for prosecution if MANDAT D'ARRÊT (OP. IND. ~014.) 73
et prévoit au paragraphe 1 de son article 4 l'obligation pour les Etats
contractants de prendre les mesures nécessairespour établir leur compé-
tence aux fins de connaître de ces infractions ainsi que de tout autre acte
de violence dirigécontre les passagers ou l'équipage :
NU) si [I'infraction] est commise à bord d'un aéronef immatriculé
dans cet El.at;
b) si l'aéronef à bord duquel l'infraction e:,t commise atterrit sur
son territoire avec I'auteur présuméde I'infraction se trouvant
encore i bord;
c) si I'infraction est commise à bord d'un aéronef donné en loca-
tion sans équipage a une personne qui a le siège principal de
son exploiiation ou, à défaut, sa résidence permanente dans
ledit Etat)).
Le paragraphe 2 de l'article 4 prévoit une obligation comparable pour
chaque Etat contractant d'établir sa compétenceclans le cas où l'auteur
présuméde I'infraction se trouve sur son territoire et où ledit Etat ne
l'extrade pas conforrnément à l'article 8. Ainsi, nous avons ici aussi une
formulation conventiionnelle de la régleaut deder,. uut prosequi, dont le
contenu reposait sur le principe de la ((répression universelle)). Les chefs
de compétence prévus aux articles 4 1)h) et 4 2), ne nécessitant aucun
lien territorial si ce n'est l'atterrissage de l'aérolief ou la présence de
l'accusé,n'ont été adoptés qu'après delongs débats. Les travaux prépa-
ratoires montrent que des Etats pour lesquels la simple présenceétait un
chef de compétence insuffisant ont commencé à appuyer avec réticence ce
type particulier de formule en rrrisoncl r1gravite!de l'infraction. Ainsi, le
représentant du Royaume-Uni a déclaréque son 1)ays((aurait beaucoup
de difficultéà établir sa compétence au seul motif qu'un aéronef trans-
portant l'auteur d'un détournement avait atterii sur le territoire du
Royaume-Uni)). De plus,
((en règlegénérale, sonpays n'accepte pas le principe selon lequel la
simple présence de l'auteur présuméd'une inf-action sur le territoire
d'un Etat autorise celui-ci à lejuger. Toutefo s, devant la gravitéde
l'infraction...il [était] disposéà appuyer ...[la proposition sur la
compétence obligatoire de 1'Etat où I'auteur d'un détournement se
trouve]. » (Conference de La Haye, p. 75, par. 18.)
36. Ilconvient aussi de noter que l'articl4, paragraphes 1et 2,prévoit
l'exercice obligatoire de la compétence en I'abseiice d'extradition mais
n'exclut pas I'exercici:de la compétence pénale en vertu d'autres chefs de
compétence conformément à la législation nationale (bien que l'exercice
de cette faculté ne soit pas obligatoire aux termes de la convention).
37. On trouve des dispositions juridictionnelle: comparables aux ar-
ticles 5 et8 de la convention internationale contie la prise d'otages du
17 décembre 1979. L'obligation énoncée a l'article 8aux termes duquel
tout Etat partie souimet une affaire, «sans auciine exception, et que
I'infraction ait étéou non commise sur son terr taire))à ses autoritésit does not extradite the alleged offender, was again regarded as necessary
by the majority, given the nature of the crimes (Summary Record, Ad
Hoc Committee on the Drafting of an International Convention against
the Taking of Hostages (AlAC.188lSR.5, 7, 8, 11, 14, 15, 16, 17, 23, 24
and 35)). The United Kingdom cautioned against moving to universal
criminal jurisdiction (ihid, AlAC.188lSR.24, para. 27) while others
(Poland, AIAC.188lSR.23,para. 18 ;Mexico, AIAC.188lSR.16,para. 11)
felt the introduction of the principle of universal jurisdiction to be essen-
tial. The USSR observed that no State could exercisejurisdiction over
crimes committed in another State by nationals of that State without
contravening Article 2, paragraph 7, of the Charter. The Convention
provisions were in its view to apply only to hostage taking that was a
manifestation of international terrorism - another example of initial
and understandable positions on jurisdiction being modified in the face
of the exceptional gravity of the offence.
38. The Convention against Torture, of 10December 1984,establishes
in Article 5 an obligation to establish jurisdiction
"(0) When the offences are committed in any territory under its
jurisdiction or on board a ship or aircraft registered in that
State;
(h) When the alleged offender is a national of that State;
(c) When the victim is a national of that State if that State con-
siders it appropriate."
If the person alleged to have committed the offence is found in the terri-
tory of a State party and is not extradited, submission of the case to the
prosecuting authorities shall follow (Art. 7). Other grounds of criminal
jurisdiction exercised in accordance with the relevant national law are not
excluded (Art. 5, para. 3), making clear that Article 5, paragraphs 1 and
2, must not be interpreted a contrario. (SeeJ. H. Burgers and H. Danelius,
TlzeUnited Nutions Convention against Torture, 1988,p. 133.)
39. The passage of time changes perceptions. Thejurisdictional ground
that in 1961had been referred to as the principle of "primary universal
repression" came now to be widely referred to by delegates as "universal
jurisdiction" - moreover, a universal jurisdiction thought appropriate,
since torture, like piracy, could be considered an "offence against the law
of nations" (United States : ElCN.411367, 1980). Australia, France, the
Netherlands and the United Kingdom eventually dropped their objection
that "universal jurisdiction" over torture would create problems under
their domestic legal systems. (See ElCN.411984172.)
40. This short historical survey may be summarized as follows.
41. The parties to these treaties agreed both to grounds ofjurisdiction MANDAT D'ARRET (OP. IND. CO~I.) 74
compétentes pour l'exercicede l'action pénales'il n'extrade pas l'auteur
présuméde l'infraction, a encore été considéré ccmme nécessairepar la
majorité,étant donni: la nature des infractions (compte rendu analytique,
comitéspécial chargi:d'élaborerune convention internationale contre la
prise d'otages (AIAC. 1881SR.5,7, 8, 11, 14,15, 16, 17, 23, 24 et 35)). Le
Royaume-Uni a formuléune mise en garde contre l'adoption de la com-
pétence pénale universelle(ibid., AIAC.1881SR.24,par. 27) tandis que
d'autres (la Pologne, AIAC. 188lSR.23, par. 18; lc*Mexique, AIAC.1881
SR.16, par. Il) estimaient que l'introduction du principe de la compé-
tence universelle étaitessentielle. L'URSS a fait observer qu'aucun Etat
ne pouvait exercer sa compétenceen ce qui concerne des crimes commis
dans un autre Etat par des nationaux de cet Etat :ans contrevenir à l'ar-
ticle 2, paragraphe 7, de la Charte. Les disposit~ons de la convention
devaient pour elle s'appliquer uniquement aux prizes d'otages qui étaient
une manifestation du terrorisme international - un autre exemple d'une
position initiale compréhensiblesur la compétencemodifiée face a la gra-
vitéexceptionnelle de l'infraction.
38. La convention contre la torture du 10 décembre 1984 énonceen
son article 5 une obligation d'établir sa compétenc:e
(((1)quand I'infi-actiona été commisesur tou territoire sous la juri-
diction dudit Etat ou à bord d'aéronefsou de navires immatri-
culésdans (cetEtat:
bj quand l'auteur présumé de l'infractiones-.un ressortissant dudit
Etat:
c) quand la victime est un ressortissant du~iitEtat et que ce der-
nier lejuge approprié)).
Si l'auteur alléguéde l'infraction esttrouvésur le territoire d'un Etat par-
tie et n'est pas extraclé, l'affairedoit êtresoumiseaux autoritéschargées
des poursuites (art. '7).Les autres chefs de compétence pénale exercés
conformément aux lois nationales ne sont pas exc,lus(art. 5, par. 3), ce
qui indique que les paragraphes 1 et 2 de l'article 5 ne doivent pas être
interprétés u contrurio. (Voir J. H. Burgers et H. Danelius, The United
Nutions Convention crgainst Torture, 1988,p. 133.)
39. Le passage du temps modifie les perceptioris. Le chef de compé-
tence qui en 1961étaitappeléle principe de la ((répressionuniverselle))en
est venu à êtrecouramment désignépar les représentants des Etats
comme la ((compéteniceuniverselle)) - de plus, uiie compétenceuniver-
selle considérée comrne appropriée, puisque la tor .ure, comme la pirate-
rie, pouvait êtreconisidérée comme une ((infraction au droit des gens»
(Etats-Unis :E/CN.4/1367, 1980).L'Australie, la F'rance, lesPays-Bas et
le Royaume-Uni ont finalement abandonné leur objection selon laquelle
la ((compétence univi:rselle»à l'égardde la torture leur créeraitdes pro-
blèmescompte tenu de leurs systèmesjuridiques iriternes. (Voir ElCN.41
1984172.)
40. Ce bref tour d"horizon historique peut êtrerésumécomme suit.
41. Les parties àces traitésse sont mises d'accord tant sur les chefs deand as to the obligation to take the measures necessary to establish such
jurisdiction. The specified grounds relied on links of nationality of the
offender, or the ship or aircraft concerned, or of the victim. See, for
example, Article 4 (l), Hague Convention; Article 3 (l), Tokyo Conven-
tion; Article 5, Hostages Convention; Article 5, Torture Convention.
These may properly be described as treaty-based broad extraterritorial
jurisdiction. But in addition to these were the parallel provisions whereby
a State party in whose jurisdiction the alleged perpetrator of such offences
is found shall prosecute him or extradite him. By the loose use of lan-
guage the latter has come to be referred to as "universal jurisdiction",
though this is really an obligatory territorial jurisdiction over persons,
albeit in relation to acts committed elsewhere.
42. Whether this obligation (whether described as the duty to establish
universal jurisdiction, or, more accurately, the jurisdiction to establish a
territorial jurisdiction over persons for extraterritorial events) is an obli-
gation only of treaty law, intcr partes,or whether it is now, at least as
regards the qffnces articuluted irî the treaties, an obligation of custom-
ary international law was pleaded by the Parties in this case but not
addressed in any great detail.
43. Nor was the question of whether any such general obligation
applies to crimes against humanity, given that those too are regarded
everywhere as comparably heinous crimes. Accordingly, we offer no
view on these aspects.
44. However, we note that the inaccurately termed "universal jurisdic-
tion principle" in these treaties is a principle obligatio~z,while the ques-
tion in this case is whether Belgium had the right to issue and circulate
the arrest warrant if it so chose.
If a dispassionate analysis of State practice and Court decisions
suggests that no such jurisdiction is presently being exercised, the writings
of eminent jurists are much more mixed. The large literature contains
vigorous exchanges of views (which have been duly studied by the Court)
suggesting profound differences of opinion. But these writings, important
and stimulating as they may be, cannot of themselves and without refer-
ence to the other sources of international law, evidence the existence of a
jurisdictional norm. The assertion that certain treaties and court deci-
sions rely on universal jurisdiction, which in fact they do not, does not
evidence an international practice recognized as custom. And the policy
arguments advanced in some of the writings can certainly suggest why a
practice or a court decision should be regarded as desirable, or indeed MlANDAT D'ARRÊT (OP. IND. CON .) 75
compétence que sur l'obligation de prendre les mesures nécessairespour
établir cette compétenice.Les chefs de compétence i idiquésreposaient sur
les liens de nationalité de l'auteur de l'infraction, ou du navire ou de
l'aéronef concerné, OLI de la victime. (Voir, par exeniple, l'article1)de la
convention de La Haye, l'article 3 1) de la convention de Tokyo, l'ar-
ticle5 de la convention contre la prise d'otages et l'articl5 de la conven-
tion contre la torture.) Ces dispositions peuvent êtei proprement décrites
comme des dispositions conventionnelles établiss;int une large compé-
tence extraterritoriale. Mais outre ces diswositions. les traités en auestion
en contenaient d'autres, parallèles, selon lesquelles un Etat partie dans la
juridiction duquel l'auteur présuméde ces infractions était trouvé devait
le poursuivre ou l'extrader. Par abus de langage, ces dernières en sont
venues à êtredésignéescomme établissant une «coinpétence universelle)),
bien qu'il s'agisse en réalitéd'une compétence territoriale obligatoire sur
des personnes, bien qu'en relation avec des actes commis ailleurs.
42. La question de savoir si cette obligation (q~'on la décrivecomme
I'obligation d'établir la compétence universelle oii, plus exactement, la
compétence pour établir une compétence territoriale à l'égard de per-
sonnes pour des événementsextraterritoriaux) est uniquement une obli-
gation conventionnell.e, irzterpartes, ou si elle est maintenant, uu moins
en ce qui concerne les infractions dk$nies dans les 'raités,une obligation
du droit international coutumier a étéabordée dar s leurs plaidoiries par
les parties à la préseriteaffaire mais n'a pas étéeraminée trèsen détail.
43. Ne l'a pas étérion plus la question de savoir si une telle obligation
générales'appliquait aux crimes contre l'humanité, étant donné que ces
crimes égalementsont considéréspartout comme tout aussi odieux. C'est
pourquoi nous ne formulons pas d'opinion a cet ésard.
44. Toutefois, nous notons que le principe qui ligure dans ces traités,
qui est inexactement qualifié de ((principede la compétence universelle)),
est un principe d'obligation, alors que la question qui se pose en l'espèce
est de savoir si la Belgique avait le droit d'émettreet de diffuser le man-
dat d'arrêtsi elle le décidait.
Si une analyse impartiale de la pratique des Etats et de lajurisprudence
de la Cour donne à penser qu'une telle compétence n'est pas actuellement
exercée,d'éminentsjuristes sont beaucoup plus mitigésdans leurs écrits.
Les nombreux articles de doctrine contiennent de ligoureux échangesde
vues (qui ont étédûment étudiéspar la Cour) qui f~nt apparaître de pro-
fondes divergences d'opinions. Mais ces écrits, aus:i importants et stimu-
lants soient-ils, ne peuvent en eux-mêmes et san:; référenceà d'autres
sources du droit international attester l'existence d'une norme juridic-
tionnelle. L'affirmation selon laquelle certains traités et certaines déci-
sions judiciaires repo,çent sur la compétence unive-selle, ce qu'en fait ils
ne font pas, ne prouve pas l'existence d'une p-atique internationale
reconnue comme coutume. Les arguments de principe avancésdans cer-lawful; but contrary arguments are advanced, too, and in any event these
also cannot serve to substantiate an international practice where virtually
none exists.
45. That there is no established practice in which States exercise uni-
versaljurisdiction, properly so called, is undeniable. As we have seen, vir-
tually al1national legislation envisages links of some sort to the forum
State; and no case law exists in which pure universal jurisdiction has
formed the basis of jurisdiction. This does not necessarily indicate, how-
ever, that such an exercise would be unlawful. In the first place, national
legislation reflects the circumstances in which a State provides in its own
law the ability to exercise jurisdiction. But a State is not required to
legislate up to the full scope of the jurisdiction allowed by international
law. The war crimes legislation of Australia and the United Kingdom
afford examples of countries making more confined choices for the exer-
cise of jurisdiction. Further, many countries have no national legislation
for the exercise of well recognized forms of extraterritorial jurisdiction,
sometimes notwithstanding treaty obligations to enable themselves
so to act. National legislation may be illuminating as to the issue of
universal jurisdiction, but not conclusive as to its legality. Moreover,
while none of the national case law to which we have referred happens
to be based on the exercise of a universal jurisdiction properly so
called, there is equally nothing in this case law which evidences an opinio
juris on the illegality of such a jurisdiction. In short, national legislation
and case law - that is, State practice - is neutral as to exercise of
universal jurisdiction.
46. There are, moreover, certain indications that a universal criminal
jurisdiction for certain international crimes is clearly not regarded as
unlawful. The duty to prosecute under those treaties which contain the
uut dedere aut prosequi provisions opens the door to a jurisdiction based
on the heinous nature of the crime rather than on links of territoriality
or nationality (whether as perpetrator or victim). The 1949Geneva Con-
ventions lend support to this possibility, and are widely regarded as
today reflecting customary international law. (See, for example,
Cherif Bassiouni, Internutional Criminul Lalis,Vol. III: Enjorcenzent,
2nd ed., 1999,p. 228; Theodor Meron, "International Criminalization of
Interna1 Atrocities", 89 AJIL (1995), p. 576.)
47. The contemporary trends, reflecting international relations as they
stand at the beginning of the new century, are striking. The movement is
towards bases of jurisdiction other than territoriality. "Effects" or
"impact" jurisdiction is embraced both by the United States and, with
certain qualifications, by the European Union. Passive personality juris-
diction, for so long regarded as controversial, is now reflected not only intains des écritsindiquent assurément pourquoi une pratique ou une déci-
sion judiciaire devrait être considérée comme souhaitable ou, de fait,
licite; mais des arguments contraires sont également avancés, et de toute
manière ceux-ci ne plruvent non plus servir a étaler une pratique inter-
nationale quasiment .inexistante.
45. Il est indéniablequ'il n'y a pas de pratique établied'exercice par les
Etats de la compétence universelle au sens propre du terme. Comme nous
l'avons vu, pratiquement toutes les législations nationales envisagent tel
ou tel lien avec 1'Etat du for; et il n'y a aucune décisionfondant la com-
pétence sur la compétence universelle pure. Cela r 'indique pas nécessai-
rement, néanmoins, qu'un tel exercice serait illicite. En premier lieu, la
législation nationale traduit les circonstances dans lesquelles un Etat se
donne dans son propre droit la capacité d'exercer sa compétence. Mais
un Etat n'est pas tenuid'adopter une législation luiconférant toute I'éten-
due de la compétence autorisée par le droit international. Les législations
autrichienne et du Royaume-Uni en matière de crimes de guerre consti-
tuent des exemples de:pays qui font des choix plus limitéspour I'exercice
de leur compétence. De plus, de nombreux pays n'ont pas de législation
nationale pour l'exercice de formes bien établiesdc:compétence extrater-
ritoriale, parfois bien qu'ils aient l'obligation conventionnelle de se don-
ner les moyens de le faire. La législationnationale peut êtreéclairante sur
la question de la compétence universelle, mais elli: n'est pas concluante
quant a la licéitéde celle-ci. En outre, si aucune di:s décisions judiciaires
nationales que nous avons évoquéesne repose sur l'exercice d'une com-
pétence universelleau sens propre, il n'y a rien noii plus dans cette juris-
prudence qui atteste l'existence d'une opiniojuris sur l'illicéid'une telle
compétence. En bref, la Iégislationet la jurispruderice nationales - c'est-
A-direla pratique des Etats - sont neutres quant i l'exercice de la com-
pétence universelle.
46. De plus, certaines indications donnent A penser qu'une compétence
pénale universelle a l'égardde certains crimes internationaux n'est mani-
festement pas considérée commeillicite. L'ob1iga:ion de poursuivre en
vertu des traités qui contiennent des dispositions uut clederraut prosequi
ouvre la porte a une compétence fondéesur la nature odieuse du crime
plutôt que sur les liens de territorialité ou de nationalité (que ce soit celle
de l'auteur ou de la victime). Les conventions de Genève de 1949 con-
firment cette possibilité, et sont largement considérées aujourd'hui
comme reflétant le droit international coutumier (voir, par exemple,
Cherif Bassiouni, International Crinzinul Luw, kol. III: Enfbrcement,
2' éd., 1999, p. 228; Theodor Meron, «1nternatio.lal Criminalization of
Interna1 Atrocities)),AJIL, 1995, vol. 89, p. 576).
47. Les tendances contemporaines, qui reflèteni les relations interna-
tionales a l'aube du n'ouveausiècle,sont frappantes. On tend à retenir des
chefs de compétence autres que la territorialité. Le compétence reposant
sur les «effets» ou l'«impact~~a étéadoptée aussi t~ienpar les Etats-Unis
que, sous certaines conditions, par l'Union europ~ienne. La compétence
reposant sur la personnalité passive, considérée pendant si longtempsthe legislation of various countries (the United States, Ch. 113A, 1986
Omnibus Diplomatic and Antiterrorism Act; France, Art. 689, Code of
Criminal Procedure, 1975), and today meets with relatively little opposi-
tion, at least so far as a particular category of offences is concerned.
48. In civil matters we already see the beginnings of a very broad form
of extraterritorial jurisdiction. Under the Alien Tort Claims Act, the
United States, basing itself on a law of 1789, has asserted a jurisdiction
both over human rights violations and over major violations of interna-
tional law, perpetrated by non-nationals overseas. Such jurisdiction, with
the possibility of ordering payment of damages, has been exercised with
respect to torture committed in a variety of countries (Paraguay, Chile,
Argentina, Guatemala), and with respect to other major human rights
violations in yet other countries. While this unilateral exercise of the
function of guardian of international values has been much commented
on, it has not attracted the approbation of States generally.
49. Belgium - and also many writers on this subject - find support
for the exercise of a universal criminal jurisdiction in ubsentia in the
"Lotus" case. Although the case was clearly decided on the basis of juris-
diction over damage to a vesse1 of the Turkish navy and to Turkish
nationals, it is the famous dictum of the Permanent Court which has
attracted particular attention. The Court stated that:
"[Tlhe first and foremost restriction imposed by international law
upon a State is that - failing the existence of a permissive rule to
the contrary - it may not exercise its power in any form in the ter-
ritory of another State. In this sense jurisdiction is certainly territo-
rial; it cannot be exercised by a State outside its territory except by
virtue of a permissive rule derived from international custom or con-
vention.
It does not, however, follow that international law prohibits a
State from exercising jurisdiction in its own territory, in respect of
any case which relates to acts which have taken place abroad, and in
which it cannot rely on some permissive rule of international law.
Such a view would only be tenable if international law contained a
general prohibition to States to extend the application of their laws
and the jurisdiction of their courts to persons, property and acts out-
side their territory, and if, as an exception to this general prohibi-
tion, it allowed States to do so in certain specific cases. But this is
certainly not the case under international law as it stands at present.
Far from laying down a general prohibition to the effect that States
may not extend the application of their laws and the jurisdiction of
their courts to persons, property and acts outside their territory, it
leaves them in this respect a wide measure of discretion which is onlycomme controversée, est maintenant non seu1emi:nt consacrée dans la
législation de divers pays (les Etats-Unis, chap. 113A, 1986 Omnibus
Diplomczticilnd Antiterrorisn~ Act; la France, art. 689, Code de procé-
dure pénale, 1975), niais ne rencontre aujourd'hui guère d'opposition, à
tout le moins en ce qui concerne une catégorie particulière d'infractions.
48. En matière civile, nous assistons déjà à l'apparition d'une forme
tres large de compétence extraterritoriale. En veitu de leur loi sur les
dommages causésaux étrangers (Alien Tort Cl(rin2rAct), les Etats-Unis,
se fondant sur une loi de 1789, ont établi leur c:ompétenceen ce qui
concerne tant les violations des droits de I'hom:ne que les violations
majeures du droit iinternational, commises par des non-nationaux à
l'étranger. Cette compétence, avec la faculté d'ordonner le paiement de
dommages-intérêts,a étéexercéeà l'égardd'actes dr torture commis dans
divers pays (Paraguay, Chili, Argentine, Guatemila) et d'autres viola-
tions majeures des droits de l'homme commises dans d'autres pays encore.
Si cet exercice unilatéral de la fonction de gardien rlesvaleurs internatio-
nales a ététres cornimenté,il n'a pas d'une manière générale suscité
l'approbation des Etats.
49. La Belgique -- et aussi de nombreux auteurs qui ont écritsur ce
sujet - trouve dans l'affaire du Lotus une justification pour l'exercice
d'une compétence pé:naleuniverselle par défaut. Bien qu'il soit clair que
l'affaire a ététranchésesur le fondement de la compétence pour des dom-
mages causésà un na.virede la flotte turque et à de: nationaux turcs, c'est
la célèbreobservation incidente de la Cour permanente qui a particuliè-
rement retenu l'attention. La Cour a déclaré:
«Or, la limitation primordiale qu'impose 1(droit international à
1'Etat est celle dl'exclure - sauf l'existence (l'une règle permissive
contraire - tout exercice de sa puissance sur le territoire d'un autre
Etat. Dans ce sens, la juridiction est certainement territoriale; elle ne
pourrait êtreexercéehors du territoire, sinoii en vertu d'une règle
permissive découlant du droit international coutumier ou d'une
convention.
Mais il ne s'ecisuitpas que le droit international défendà un Etat
d'exercer, dans s'onpropre territoire, sa juridiction dans toute affaire
où il s'agit de faits qui se sont passés à l'étr,inger et où il ne peut
s'appuyer sur une règle permissive du droit international. Pareille
thèse ne saurait 2tre soutenue que si ledroit iiiternational défendait,
d'une manière g,énérale,aux Etats d'atteindie par leurs lois et de
soumettre à la juridiction de leurs tribunaux des personnes, des biens
et des actes hors du territoire, et si, par dérogation à cette règlegéné-
rale prohibitive, il permettait aux Etats de ce hire dans des cas spé-
cialement déterminés.Or, tel n'est certainement pas l'étatactuel du
droit international. Loin de défendre d'une manière généraleaux
Etats d'étendre leurs lois et leur juridiction à des personnes, des
biens et des actes hors du territoire, il leur liiisse, à cet égard, une
large liberté, qui1n'est limitéeque dans quelcues cas par des règles limited in certain cases by prohibitive rules; as regards other cases,
every State remains free to adopt the principles which it regards as
best and most suitable." (P.C.I.J., Series A, No. 10, pp. 18-19.)
The Permanent Court acknowledged that consideration had to be given
as to whether these principles would apply equally in the field of criminal
jurisdiction, or whether closer connections might there be required. The
Court noted the importance of the territorial character of criminal law
but also the fact that al1or nearly al1systems of law extend their action to
offences committed outside the territory of the State which adopts them,
and they do so in ways which Vary from State to State. After examining
the issue the Court finally concluded that for an exercise of extraterrito-
rial criminal jurisdiction (other than within the territory of another State)
it was equally necessary to "prove the existence of a principle of interna-
tional law restricting the discretion of States as regards criminal legisla-
tion".
50. The application of this celebrated dictum would have clear attend-
ant dangers in some fields of international law. (See, on this point,
Judge Shahabuddeen's dissenting opinion in the case concerning Legality
of tlze Tfzreut or Use of Nuclear Weupons, Advisory Opinion, I.C.J.
Reports 1996, pp. 394-396.) Nevertheless, it represents a continuing
potential in the context of jurisdiction over international crimes.
51. That being said, the dictum represents the high water mark of
laissez-faire in international relations, and an era that has been signifi-
cantly overtaken by other tendencies. The underlying idea of universal
jurisdiction properly so-called (as in the case of piracy. and possibly
in the Geneva Conventions of 1949), as well as the aut dedere aut pro-
sequi variation, is a common endeavour in the face of atrocities. The
series of multilateral treaties with their special jurisdictional provisions
reflect a determination by the international community that those
engaged in war crimes, hijacking, hostage taking, torture should not
go unpunished. Although crimes agaiiist humanity are not yet the
object of a distinct convention, a comparable international indignation
at such acts is not to be doubted. And those States and academic writers
who claim the right to act unilaterally to assert a universal criminal
jurisdiction over persons committing such acts, invoke the concept of
acting as "agents for the international community". This vertical notion
of the authority of action is significantly different from the horizontal
system of international law envisaged in the "Lotu.~"case.
At the same time, the international consensus that the perpetrators of
international crimes should not go unpunished is being advanced by a
flexible strategy, in which newly established international criminal tribu-
nals, treaty obligations and national courts al1have their part to play. We
reject the suggestion that the battle against impunity is "made over" to
international treaties and tribunals, with national courts having no com- MANDAT D'ARRÊT (OP. IND. COM.) 78
prohibitives; pour les autres cas, chaque Etai reste libre d'adopter
lesprincipes qu'il juge les meilleurs et lesplus convenables. (C. P.J.I.
série A no 10, p. 18-19.)
La Cour permanente a reconnu qu'il fallait examiner si ces principes
s'appliqueraient également dans le domaine de la juridiction pénaleou si,
dans ce domaine, des liens plus étroits pourraient ktre requis. La Cour a
notéI'im~ortance du caractère territorial du droit néna1mais aussi le fait
que tous ou presque tous les systèmes de droit étendaient leur action à
des infractions commises hors du territoire de I'Etnt qui les adoptait, et
qu'ils le faisaient sous des formes variables d'un Etat à l'autre. Après
avoir examiné la question, la Cour a finalement conclu que, pour I'exer-
cice d'une compétence pénale extraterritoriale (ailleurs que sur le terri-
toire d'un autre Etat), il était égalementnécessai1.ede «prouver I'exis-
tence d'un principe de droit international restreignant le pouvoir discré-
tionnaire des Etats en ce qui concerne la législatioiipénale)).
50. L'application de ce rlictunicélèbreserait manifestement dangereuse
dans certains domaines du droit international. (Voir, sur ce point, l'opi-
nion dissidente de M. Shahabuddeen dans l'affai -e de la LicCité(le Ici
tnenclcrou de I'enzplol'd'lrrine.nucIC.aires.clviscon:~ultcitiC.I.J. Recueil
1996, p. 394-396.) Elle reste néanmoins toujours possible dans le contexte
de la compétence à I'kgard des crimes internationaux.
51. Cela dit, cette observation incidente correspond à l'apogée du
laissez-faire dans les relations internationales, et à une époque qui a été
sensiblement dé~assét:Dar d'autres tendances. L' dée aui sous-tend la
compétence universell~rproprement dite (comme daiis le cas de la piraterie
et, peut-être,des conventions de Genève de 1949),ainsi que la variante aut
cledoreaut pro~equi, est qu'il faut agir de concert àce aux atrocités. La
sériede traités multilatéraux avec leurs disposition:, juridictionnelles spé-
ciales montre que la communauté internationale e;t résolue a agir pour
que ceux qui commettent des crimes de guerre, des détournements d'aéro-
nefs, des prises d'otages ou des actes de torture ne demeurent pas impu-
nis. Bien que les crimes contre l'humanité ne fass1:nt pas encore l'objet
d'une convention distincte, on ne peut douter que de tels actes suscitent
une indignation internationale comparable. Et les Etats et auteurs qui
revendiquent le droit d'agir unilatéralement pour é.ablir une compétence
pénale universelle à l'égard des personnes commettant de tels actes
invoquent la notion d'.'actionen qualité detrreprés8:ntantsde la commu-
nauté internationale)). Ce concept vertical du pouv3ir d'agir est sensible-
ment différent du système horizontal de droit iqternational envisagé
dans l'affaire du Lotus.
Dans le meme temps, le consensus international s:lon lequel les auteurs
de crimes internationaux ne doivent pas demeurer inpunis est promu par
une stratégie souple, clans lecadre de laquelle les tr bunaux pénaux inter-
nationaux nouvellement créés,les obligations convt,ntionnelles et lesjuri-
dictions nationales ont tous leur rôle àjouer. Nous repoussons l'idéeque
la lutte contre I'impui~itéest <<transférée» aux traiiés et tribunaux inter-petence in such matters. Great care has been taken when formulatingthe
relevant treaty provisions not to exclude other grounds of jurisdiction
that may be exercised on a voluntary basis. (See Article 4 (3), Hague
Convention for the Suppression of Unlawful Seizure of Aircraft, 1970;
Article 5 (3), International Convention against Taking of Hostages,
1979; Article 5 (3),Convention against Torture; Article 9, Statute of
the International Criminal Tribunal for the former Yugoslavia; and
Article 19, Rome Statute of the International Criminal Court.)
52. We may thus agree with the authors of Oppenhein?'~Interi~utionul
Laii (9th ed., p. 998). that:
"While no general rule of positive international law can as yet be
asserted which gives to states the right to punish foreign nationals
for crimesagainst humanity in the same way as they are, for instance,
entitled to punish acts of piracy, there are clear indications pointing
to the gradua1 evolution of a significant principle of international
law to that effect."
53. This brings us once more to the particular point that divides the
Parties in this case: is it a precondition of the assertion of universal juris-
diction that the accused be within the territory?
54. Considerable confusion surrounds this topic, not helped by the
fact that legislators, courts and writers alike frequently fail to specify the
precise temporal moment at which any such requirement is said to be in
play. 1s the presence of the accused within the jurisdiction said to be
required at the time the offence was committed? At the time the arrest
warrant is issued? Or at the time of the trial itself? An examination of
national legislation, cases and writings reveals a wide variety of temporal
linkages to the assertion of jurisdiction. This incoherent practice cannot
be said to evidence a precondition to any exercise of universal criminal
jurisdiction. The fact that in the past the only clear example of an agreed
exercise of universal jurisdiction was in respect of piracy, outside of'urzy
territorial jurisdiction,is not determinative. The only prohibitive rule
(repeated by the Permanent Court in the "Lotus" case) is that criminal
jurisdiction should not be exercised, without permission, within the ter-
ritory of another State. The Belgian arrest warrant envisaged the arrest of
Mr. Yerodia in Belgium, or the possibility of his arrest in third States at
the discretion of the States concerned. This would in principle seem to
violate no existing prohibiting rule of international law.
55. In criminal law, in particular, it is said that evidence-gathering
requires territorial presence. But this point goes tomzy extraterritoriality,
including those that are well established and not just to universal jurisdic-
tion.
56. Some jurisdictions provide for trial in uhserztiu;others do not. If it MANDAT D'ARRET (OP. IND. CO~I.) 79
nationaux, les tribunaux nationaux n'ayant pas corlpétence en la matière.
On a pris grand soiri, lorsqu'on a formulé les di:,positions convention-
nelles pertinentes, de ne pas exclure d'autres chefs de compétence,laquelle
peut êtreexercéesur une base volontaire. (Voir I'article 4, par. 3,de la
convention de La Haye pour la répressionde la capture illicite d'aéronefs
(1970); l'article 5, par3, de la convention internationale contre la prise
d'otages (1979); I'article 5, par. 3. de la convention contre la torture;
l'article 9 du Statut du Tribunal pénalinternationail pour I'ex-Yougosla-
vie; et l'article 19 du Statut de Rome de la Cour knale internationale.)
52. Nous pouvons donc déclareravec les auteurs d'oppenh~irn's Inter-
nutlonal Law (9' éd.,p. 998) que :
«Si l'on ne peut encore faire valoir aucune -èglegénéraledu droit
international positif qui donne aux Etats le droit de punir des étran-
gers pour des crimes contre l'humanité de la même manièrequ'ils
sont, par exemple, habilitésà punir les actes dl: piraterieilexiste des
indications claires qu'un principe important di1droit international se
fait progressivenient jour à cet effet))
53. Cela nous ramène au point particulier qu divise les Parties en
l'espèce: la présence de l'accusésur le territoire est-elle une condition
préalable à l'exercice de la compétence universelle ?
54. Il existe une confusion considérable A ce sujet. et le fait que les
législateurs et les tribunaux, comme les auteurs, omettent fréquemment
de dire quel moment précisune telle condition serait opérante ne contri-
bue pas à la dissiper. L'accusé doit-ilêtreprésent dans la juridiction au
moment où l'infraction est commise ? Au momeni où le mandat d'arrêt
est délivré?Ou au moment du procès lui-même ? 1Jn examen de la Iégis-
lation nationale, de la jurisprudence et de la doctrine fait apparaître une
grande variétéde liens temporels pour l'exercice de la compétence. On ne
peut dire que cette pratique incohérente atteste I'zxistence d'une condi-
tion préalable A tout exercice de la compétence universelle. Le fait que
par le passéle seul exemple clair d'un exercice acceptéde la compétence
universelle soit en matière de piraterie,en leh horL'Ptoute juridiction ter-
ritoriale. n'est pas déterminant. La seule prohibitic~n(reprise par la Cour
permanente dans I'afiFairedu Lotus) est que la compétence pénalene doit
pas êtreexercée sans autorisation sur le territoir; d'un autre Etat. Le
mandat d'arrêtbelge: envisageait que M. Yerodiii serait arrêtéen Bel-
gique, ou la possibilité qu'ille soit dans des Etats tieri la discrétion des
Etats concernés. En principe, cela ne semblerait vicier aucune prohibition
existante du droit international.
55. En droit pénall,en particulier, on dit que 11 réunion des preuves
exige la présenceterritoriale. Mais cela vaut pour t yute extraterritorialité,
y compris celles qui sont bien établies et pas seulement la compétence
universelle.
56. Certains pays prévoient le jugement par difaut; d'autres non. Siis said that a person must be within the jurisdiction at the time of the trial
itself, that may be a prudent guarantee for the right of fair trial but has
little to do with bases of jurisdiction recognized under international law.
57. On what basis is it claimed, alternatively, that an arrest warrant
may not be issued for non-nationals in respect of offences occurring
outside the jurisdiction? The textual provisions themselves of the
1949 Geneva Convention and the First Additional Protocol give no
support to this view. The great treaties on aerial offences, hijacking, nar-
cotics and torture are built around the concept of uut dedereuut prosequi.
Definitional-', tlzis envi~ugespresencr on tlze t~rritory. There cannot be
an obligation to extradite someone you choosenot to try unless that per-
son is within your reach. National legislation, enacted to give effect to
these treaties, quite naturally also may make mention of the necessity of
the presence of the accused. These sensible realities are critical for the
obligatory exercise of aut dedere aut prosequi jurisdiction, but cannot be
interpreted IIcontrurio sous to rxclude u voluntary exercise of a universal
jurisdiction.
58. If the underlying purpose of designating certain acts as interna-
tional crimes is to authorize a wide jurisdiction to be asserted over per-
sonscommittingthem, there is no rule of international law (and certainly
not the out dedere principle) which makes illegal CO-operativeovert acts
designed to secure their presence within a State wishing to exercise juris-
diction.
59. If, as we believe to be the case, a State may choose to exercise a
universal criminal jurisdiction in ubsentiu, it must also ensure that certain
safeguards are in place. They are absolutely essential to prevent abuse
and to ensure that the rejection of impunity does not jeopardize stable
relations between States.
No exercise of criminal jurisdiction may occur which fails to respect
the inviolability or infringes the immunities of the person concerned. We
return below to certain aspects of this facet, but will say at this juncture
that commencing an investigation on the basis of which an arrest warrant
may later be issued does not of itself violate those principles. The func-
tion served by the international law of immunities does not require that
States fail to keep themselves informed.
A State contemplating bringing criminal charges based on universal
jurisdiction must first offer to the national State of the prospective
accused person the opportunity itself to act upon the charges concerned.
The Court makes reference to these elements in the context of this case at
paragraph 16 of its Judgment.
Further, such charges may only be laid by a prosecutor or juge
d'instruction who acts in full independence, without links to or control MANDAT D'ARRET (OP. IND. CO~L.) 80
l'on dit qu'une personne doit se trouver dans lajuridiction au moment du
procès lui-même, cela peutconstituer une garantie prudente du droit a un
procès équitable mai:; n'a guère de rapport avec les chefs de compétence
reconnus en droit international.
57. Sur quel fondement avance-t-on, à défaut, qu'un mandat d'arrêt
ne peut êtreémis a l'encontre de non-nationaux s'agissant d'infractions
commises hors de la juridiction ?Le texte lui-mêmitdes dispositions de la
convention de Genéve de 1949 et du premiei protocole addition-
nel n'étaye pas ce point de vue. Les grands traités sur les infractions
aériennes, le détournement d'aéronefs, les stupéfiants et la torture
s'articulent autour du principe aut dedere uut prxequi. Pur défitzition,
celairnpliquelapréserzcesur leterritoireVous ne pouvez être tenu d'extra-
der quelqu'un que vous choisissez de ne pas juger :i vous ne pouvez vous
assurer de sa personne. Les lois nationales, adopiées pour donner effet
a ces traités, mentionnent aussi, tout naturellenent, la nécessitéde
la présence de l'acci~sé.Ces réalitésraisonnables sont critiques pour
l'exercice obligatoire de la compétence uut dedere uut prosequi, mais
ne peuvent être interprétéesu corztrariodernuniértp irerclzireun exercice
volontaire d'une compétence universelle.
58. Si l'objectif foridamental de la désignation dl: certains actes comme
crimes internationaux est d'autoriser l'exercice d'une large compétence à
l'égard des personne:;qui les commettent, il n'y a pas de règle du droit
international (et certainement pas le principe aut dedere) qui rende illi-
cites les actes publics de coopération visantà obtenir la présencede ces
personnes sur le territoire d'un Etat souhaitant ex:rcer sa compétence.
59. Si, comme nous le pensons, un Etat peut choisir d'exercer une
compétence pénaleuriiverselle par défaut, il doit aussi veilaece que cer-
taines garanties soieint en place. Celles-ci sont absolument essentielles
pour prévenir les abus et faire en sorte que le rejet de l'impunité ne com-
promette pas la stabilité des relations entre les Et; ts.
Aucun exercice de la compétence pénale ne peu intervenir qui ne res-
pecterait pas l'inviolabilitéou porterait atteintelt immunités de la per-
sonne concernée.Nous revenons ci-après sur certains aspects de ce point,
mais nous déclarons à ce stade qu'ouvrir une enquête sur la base de
laquelle un mandat d'arrêt pourra ultérieurement êtredélivré neviole pas
en soi ces principes.a fonction que sert le droit irternational des immu-
nitésn'exige pas des Etats qu'ils ne se tiennent pas informés.
Un Etat envisageant d'exercer l'action pénalesur la base de la compé-
tence universelle doii d'abord donner à I'Etat de nationalité de la per-
sonne qui pourra êtreaccusée la possibilitéde do mer suite aux accusa-
tions en cause. La Cour évoqueces élémentsdans le cadre de la présente
affaire au paragraphe 16 de son arrêt.
En outre, de telles accusations ne peuvent êtrepartées que par un pro-
cureur ou un juge d'ii~struction qui agit en toute indépendance, sans liensby the government of that State. Moreover, the desired equilibrium
between the battle against impunity and the promotion of good inter-
State relations will only be maintained if there are some special circum-
stances that do require the exercise of an international criminal jurisdic-
tion and if this has been brought to the attention of the prosecutor or
juge d'instruction. For example, persons related to the victims of the case
will have requested the commencement of legal proceedings.
60. It is equally necessary that universal criminal jurisdiction be exer-
cised only over those crimes regarded as the most heinous by the inter-
national community.
61. Piracy is the classical example. This jurisdiction was, of course,
exercised on the high seas and not as an enforcement jurisdiction within
the territory of a non-agreeing State. But this historical fact does not
mean that universal jurisdiction only exists with regard to crimes com-
mitted on the high seas or in other places outside national territorial
jurisdiction. Of decisive importance is that this jurisdiction was regarded
as lawful because the international community regarded piracy as dam-
aging to the interests of all. War crimes and crimes against humanity are
no less harmful to the interests of al1because they do not usually occur
on the high seas. War crimes (already since 1949 perhaps a treaty-based
provision for universal jurisdiction) may be added to the list. The speci-
fication of their content is largely based upon the 1949 Conventions and
those parts of the 1977Additional Protocols that reflect general interna-
tional law. Recent years have also seen the phenomenon of an alignment
of national jurisdictional legislation on war crimes, specifying those
crimes under the statutes of the ICTY, ICTR and the intended ICC.
62. The substantive content of the concept of crimes against humanity,
and its status as crimes warranting the exercise of universal jurisdiction,
is undergoing change. Article 6 (cl of the Charter of the International
Military Tribunal of 8 August 1945envisaged them as a category linked
with those crimes over which the Tribunal had jurisdiction (war crimes,
crimes against the peace). In 1950 the International Law Commission
defined them as murder, extermination, enslavement, deportation or
other inhuman acts perpetrated on the citizen population, or persecutions
on political, racial or religious grounds if in exercise of. or connection
with, any crime against peace or a war crime (Ye~1~hook of' tlze Inter-
tzational Luit Conln?ission, 1950, Principle VI (c), pp. 374-377). Later
definitions of crimes against humanity both widened the subject-matter,
to include such offences as torture and rape, and de-coupled the link
to other earlier established crimes. Crimes against humanity are now
regarded as a distinct category. Thus the 1996 Draft Code of Crimes MANDAT D'ARRET (OP. IND. COE~.) 81
avec le gouvernement de cet Etat ni contrôle dl: ce dernier. De plus,
l'équilibre souhaité entre la lutte contre l'impunité et la promotion de
bonnes relations interétatiques ne sera maintenu que s'il existe des cir-
constances spéciales qui exigent effectivement l'exercice d'une compé-
tence pénale internationale et si elles ont été portées à l'attention du
procureur ou du juge d'instruction. Par exemple, que des personnes liées
aux victimes aient demandé qu'une action en justice soit engagée.
60. Il est égalementnécessaireque la compétence pénaleuniverselle ne
soit exercéequ'a l'égarddes crimes considéréscomme les plus odieux par
la communauté internationale.
61. La piraterie est l'exemple classique. La compétence était, bien
entendu, exercéeen haute mer et non en tant que c~mpétenced'exécution
sur le territoire d'un Etat qui n'étaitpas d'accord. Mais ce fait historique
ne signifie pas que la compétence universelle n'cxiste qu'à l'égard des
crimes commis en haute mer ou en d'autres lieux ne relevant de la juri-
diction territoriale d'aucun Etat. Il est d'une impor. ance décisiveque cette
compétence étaitcon,sidérée comme licite parce qui:la communauté inter-
nationale considérait. la piraterie comme préjudiciable aux intérêts de
tous. Les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité ne sont pas
moins préjudiciables aux intérêtsde tous parce q l'ils ne sont pas habi-
tuellement commis en haute mer. Les crimes de guerre (depuis 1949déjà,
peut-être unedisposi1:ionconventionnelle en faveu~de la compétence uni-
verselle) peuvent être ajoutés à la liste. La défirition de leur contenu
repose largement sur les conventions de 1949 et es sections des proto-
coles additionnels de 1977qui correspondent au drot international général.
On a aussi vu ces derniéres annéesun phénomèned'alignement des légis-
lations nationales suir la compétence en matière de crimes de guerre,
visant les crimes délinis dans les statuts du TPIY, du TPIR et de la
future CPI.
62. La substance de la notion de crimes contre i'humanité. etle statut
de crimes justifiant d~el'exercice de la compétence universelle que ceux-ci
revêtent,est en train d'évoluer. L'article6 c) du Statut du Tribunal mili-
taire international du 8 août 1945 les envisageait comme une catégorie
liéeaux crimes dont le Tribunal était compétent pour connaître (crimes
de guerre, crimes contre la paix). En 1950, la Commission du droit inter-
national les définissait comme l'assassinat. I'externination. la réduction
en esclavage, la déportation ou tout autre acte inliumain commis contre
toute population civile, ou bien les persécutions pour des motifs poli-
tiques, raciaux ou religieux, lorsque ces actes ou peisécutionssont commis
à la suite d'un crime (contrela paix ou d'un crime cleguerre, ou en liaison
avec ces crimes (rapport de la CDI, 1950, document Al1316, prin-
cipe VI c), p. 15).Des définitionsultérieuresdes crmes contre l'humanité
ont a la fois étendu la matière de maniéreà couvrir des crimes comme la
torture et le viol, et suppriméle lien avec d'autres (.rimes établisantérieu-against the Peace and Security of Mankind, adopted by the International
Law Commission at its 48th session, provides that crimes against
humanity
"means any of the following acts, when committed in a systematic
manner or on a large scale and instigated or directed by a Govern-
ment or any organization or group:
(u) Murder;
(b) Extermination;
(c) Torture;
(d) Enslavement ;
je) Persecution on political, racial, religious or ethnic grounds;
(f) Institutionalized discrimination on racial, ethnic or religious
grounds involving the violation of fundamental human rights
and freedoms and resulting in seriously disadvantaging a part
of the population;
(g) Arbitrary deportation or forcible transfer of population;
(h) Arbitrary imprisonment ;
(i) Forced disappearance of persons;
Rape, enforced prostitution and other forms of sexual abuse;
(j)
(k) Other inhumane acts which severelydamage physical or mental
integrity, health or human dignity, such as mutilation and
severe bodily harm".
63. The Belgian legislation of 1999asserts a universal jurisdiction over
acts broadly defined as "grave breaches of international humanitarian
law", and the list is a compendium of war crimes and the Draft Codes of
Offences listing of crimes against humanity, with genocide being added.
Genocide is also included as a listed "crime against humanity" in the
1968Convention on the Non-Applicability of Statutes of Limitation to
War Crimes and Crimes against Humanity, as well as being included in
the ICTY, ICTR and ICC Statutes.
64. The arrest warrant issued against Mr. Yerodia accuses him both of
war crimes and of crimes against humanity. As regards the latter, charges
of incitement to racial hatred, which are said to have led to murders and
lynchings, were specified. Fitting of this charge within the generally
understood substantive context of crimes against humanity is not without
its problems. "Racial hatred" would need to be assimilated to "persecu-
tion on racial grounds", or, on the particular facts, to mass murder and
extermination. Incitement to perform any of these acts is not in terms
listed in the usual definitions of crimes against humanity, nor is it expli-
citly mentioned in the Statutes of the ICTY or the ICTR, nor in the Rome h4ANDAT D'ARRET (OP. IND. cohf.) 82
rement. Les crimes contre l'humanitésont mainter ant considéréscomme
une catégorie distincte. Ainsi, le projet de code de; crimes contre la paix
et la sécurité de l'humanitéadopté en 1996 par la Commission du droit
international, ii sa 48" session, dispose qu'on en end par crime contre
l'humanité
«le fait de commettre,d'une manière systématque ou sur une grande
échelle et à 17in:;tigationou sous la direction d'un gouvernement,
d'une organisation ou d'un groupe, l'un des 2ctes ci-après :
a) le meurtre;
b) l'extermination;
c) la torture;
~1) la réduction en esclavage;
e) les persécutions pour des motifs politique:,, raciaux, religieux ou
ethniques ;
f7 la discrimination institutionnalisée pou] des motifs raciaux,
ethniques oii religieux comportant la violation des libertés et
droits fondamentaux de l'êtrehumain et iyant pour résultat de
défavoriser gravement une partie de la population;
g) la déportation ou le transfert forcé de ~opulations, opérés de
manière arbitraire;
h) l'emprisonnement arbitraire;
i) la disparition forcéede personnes;
j) le viol, la contrainte à la prostitution et le:;autres formes de vio-
lence sexuellir;
k) d'autres actes inhumains qui portent gravement atteinte a l'inté-
grité physique ou mentale, à la santé ou à la dignité humaine,
tels que mutilations et sévicesgraves)).
63. La législation belge de 1999 établit une coinpétence universelle à
l'égardd'actes largement définiscomme des ((violations graves du droit
international humanitaire)), et la liste de ces actes comprend les crimes de
guerre et les crimes (contre l'humanité visésdans le projet de code des
crimes, auxquels le génocide a étéajouté. Le génocide figureégalement
en tant que ((crime contre l'humanité)) dans la convention de 1968 sur
l'imprescriptibilité des crimes de guerre et des crirnes contre l'humanité,
ainsi que dans les statuts du TPIY, du TPIR et dr la CPI.
64. Le mandat d'arrêtémiscontre M. Yerodiii accuse celui-ci aussi
bien de crimes de guerre que de crimes contre l'humanité. En ce qui
concerne ces derniers, des incitations à la haine raciale, dont il est allégué
qu'elles ont entraîné des meurtres et des lynchages, étaient visées.Faire
entrer cette accusation dans le cadre substantiel tel qu'il est généralement
compris des crimes contre l'humanité n'est pas s; ns poser problème. Il
faudrait assimiler la (thaine raciale)) à la «persécution pour des motifs
raciaux)) ou, compte tenu des faits de l'espèce,aux massacres et à l'exter-
mination. L'incitation ila commission de l'un quelconque de ces actes ne
figure pas dans les cléfinitions usuellesdes crime:; contre l'humanité et83 ARREST WARRANT (JOINTSEP. OP.)
Statute for the ICC. However, Article 7 (1)of the ICTY and Article 6(1)
of the ICTR do stipulate that
"any person who planned, instigated, ordered, committed or other-
wise aided or abetted in the planning, preparation or execution of a
crime referred to [in the relevant articles: crimes against humanity
being among them] shall be individually responsible for the crime".
In the Akuye.ru Judgment (96-4-T) a Chamber of the ICTR has held that
liability for a crime against humanity includes liability through incite-
ment to commit the crime concerned (paras. 481-482). The matter is dealt
with in a comparable way in Article 25 (3) of the Rome Statute.
65. It would seem (without in any way pronouncing upon whether
Mr. Yerodia did or did not perform the acts with which he is charged in
the warrant) that the acts alleged do fa11within the concept of "crimes
against humanity" and would be within that small category in respect of
which an exercise of universal jurisdiction is not precluded under inter-
national law.
66. A related point can usefully be dealt with at this juncture. Belgium
contended that, regardless of how international law stood on the matter
of universal jurisdiction, it had in fact exercised no such jurisdiction.
Thus, according to Belgium, there was neither a violation of any immu-
nities that Mr. Yerodia might have, nor any infringement of the sover-
eignty of the Congo. To this end, Belgium, in its Counter-Memorial,
observed that immunity from enforcement of the warrant was carefully
provided for "representatives of foreign States who visit Belgium on the
basis of any officiai invitation. In such circumstances, the warrant makes
clear that the person concerned would be immune from enforcement in
Belgium" (Counter-Memorial of Belgium, para. 1.12). Belgium further
observed that the arrest warrant
"has no legal effect atal1either in or as regards the DRC. Although
the warrant was circulated internationally for information by Inter-
pol in June 2000, it was not the subject of a Red Notice. Even had it
been, the legal effect of Red Notices is such that, for the DRC, it
would not have amounted to a request for provisional arrest, let
alone a forma1 request for extradition." (Counter-Memorial of
Belgium, para. 3.1.12.) [Tïun.rlution by tlîr Rc3gistrj.
67. It was explained to the Court that a primary purpose in issuing an
international warrant was to learn thewhereabouts of a person. Mr. Yero-
dia's whereabouts were known at al1times.n'est pas non plus explicitement mentionnée dans les statuts du TPIY ou
du TPIR, ni dans le Statutde Rome de la CPI. Tcutefois, l'article 7 1)du
Statut du TPIY et l'article 6 1) du Statut du TPIR stipulent bien que
((quiconque a planifié, incitéà commettre, crdonné, commis ou de
toute autre manière aidéet encouragé à pla lifier, préparer ou exé-
cuter un crime visé[aux articles pertinents : les crimes contre I'huma-
nitéen faisant partie] est individuellement responsable dudit crime)).
Dans le jugement Alcuyesu (96-4-T). une chambre du TPIR a jugéque la
responsabilité d'un (crimecontre l'humanité comprend la responsabilité
de l'incitation à commettre le crime en questiori (par. 481-482). Cette
question est traitéede manière comparable à I'ar-icle 25 3)du Statut de
Rome.
65. Il semblerait (sans qu'il y ait à se prononcer d'aucune manière sur
le point de savoir si M. Yerodia a ou non comrlis les actes dont il est
accusédans le mandat d'arrêt)que les actes allégués relèventbien de la
notion de ((crimes contre l'humanité)) et entrent dans la catégorie res-
treinte de crimes à l'égarddesquels l'exercicede la compétence universelle
n'est pas exclu en droit international.
66. Il peut êtreutile de traiter d'un point connexe à ce stade. La Bel-
gique a affirméque, quel que soit l'étatdu droit international sur la ques-
tion de la compéterice universelle, elle n'a pas en fait exercé une telle
compétence. Ainsi, selon la Belgique, il n'y a eu ni violation des immu-
nités dont pouvait jouir M. Yerodia, ni atteintt: à la souveraineté du
Congo. A cette fin, la Belgique, dans son contre-mémoire, fait observer
que l'immunitéd'exkcution du mandat est soigneusement prévue pour les
((représentants d'Eta~tsétrangers qui visitent la Belgique suite à une invi-
tation officielle. Daris ces cas, le mandat d'arrêtpréciseque la personne
visée serait a l'abri d'une exécution du manda, d'arrêt en Belgique))
(contre-mémoire de la Belgique, par. 1.12). La Belgique fait en outre
observer que le mandat d'arrêt
<n'a aucun effet juridique ni pour la RDC ni sur son territoire. Bien
que le mandat ait été diffusé internationalerient par Interpol pour
information, eni juin 2000, i l'époque il n'?tait pas l'objet d'une
notice rouge. Même si cela avait étéle cas, la portée juridique d'une
notice rouge est telle que, pour la RDC, elle aurait pas pu équiva-
loir à une requête d'arrestation provisoire ni, à fortiori, a une
demande formelle d'extradition.)) (Contre-mémoire de la Belgique,
par. 3.1.12.)
67. On a expliquéà la Cour qu'un des premier!;objectifs de l'émission
d'un mandat international étaitde découvrir où se trouvait une personne.
L'endroit où se trouvait M. Yerodia a toujours étéconnu. 68. We have not found persuasive the answers offered by Belgium to
a question put to it by Judge Koroma, as to what the purpose of the
warrant was, if it was indeed so carefully formulated as to render it
unenforceable.
69. We do not feel it can be said that, given these explanations by Bel-
gium, there was no exercise of jurisdiction as such that could attract
immunity or infringe the Congo's sovereignty. If a State issues an arrest
warrant against the national of another State, that other State is entitled
to treat it as such- certainly unless the issuing Statedraws to the atten-
tion of the national State the clauses and provisions said to vacate the
warrant of al1 efficacy. Belgium has conceded that the purpose of the
international circulation of the warrant was "to establish a legal basis for
the arrest of Mr. Yerodia . . . abroad and his subsequent extradition to
Belgium". An international arrest warrant, even though a Red Notice has
not yet been linked, is analogous to the locking-on of radar to an air-
craft: it is already a statement of willingness and ability to act and as
such may be perceived as a threat so to do at a moment of Belgium's
choosing. Even if the action of a third State is required, the ground has
been prepared.
70. We now turn to the findings of the Court on the impact of the
issue of circulation of the warrant on the inviolability and immunity of
Mr. Yerodia.
71. As to the matter of immunity, although we agree in general with
what has been said in the Court's Judgment with regard to the specific
issue put before it, we nevertheless feel that the approach chosen by the
Court has to a certain extent transformed the character of the case before
it. By focusing exclusively on the immunity issue, while at the same time
bypassing the question of jurisdiction, the impression is created that
immunity has value per se, whereas in reality it is an exception to a nor-
mative rule which would otherwise apply. It reflects, therefore, an interest
which in certain circumstances prevails over an otherwise predominant
interest, it is an exception to a jurisdiction which normally can be exer-
cised and it can only be invoked when the latter exists. It represents an
interest of its own that must always be balanced, however, against the
interest of that norm to which it is an exception.
72. An example is the evolution the concept of State immunity in civil
law matters has undergone over time. The original concept of absolute
immunity, based on status (pur ir.2 purern notz huhrt iinperiutn) has been
replaced by that of restrictive immunity; within the latter a distinction
was made between uctu jure irnperiiand uctujure gestionis but immunity
is granted only for the former. The meaning of these two notions is not
carved in Stone, however; it is subject to a continuously changing inter- MANDAT D'ARRÊT (OP. IND. corn.) 84
68. Nous n'avons pas jugé persuasivesles réponsesdonnées par la Bel-
gique à la question qluelui avait poséeM. Korora quant à I'objectifdu
mandat, si celui-ci étaiteffectivement formuléavcc tant de soin qu'il en
étaitinexécutable.
69. Nous ne pensons pas que l'on puisse dire que, étant donnéces
explications de la Belgique, iln'y a pas eu un exercice de la compétence
susceptible de faire jouer I'immunitéou de porter atteinte à la souverai-
netédu Congo. Si un Etat émetun mandat d'arrêt contrele national d'un
autre Etat, cet autre Etat a le droit de considérerce mandat comme tel
- assurémentsi 1'Et;rtqui l'émetn'appelle pas l'attention de 1'Etatnatio-
nal sur les clauses et dispositions du mandat qui ui ôteraient toute effi-
cacité.La Belgiquea admis que l'objectif de la diffiision internationale du
mandat était ((d'établir un fondement juridique pour l'arrestation de
M. Yerodia ... àl'éirangeret son extradition subséquente vers la Bel-
gique)). La délivranced'un mandat d'arrêt interna ional, mêmesi celui-ci
n'est pas encore acc'ompagnéd'une notice rouge est analogue au ver-
rouillage d'un radar sur un aéronef: c'est déjà une déclaration de la
volontéet de la capacité d'agiret, en tant que tell:, elle peut êtreperçue
comme une menace de le faire au moment que la Belgique choisira.
Mêmesi l'action d'un Etat tiers est requise, le terrain a étépréparé.
70. Nous allons maintenant nous pencher sur les conclusions de la
Cour en ce qui concerne leseffets de l'émissionde a diffusion du mandat
sur l'inviolabilitéet l'immunitéde M. Yerodia.
71. S'agissant de l'immunité,bien que nous souscrivionsd'une manière
générale à ce qui est dit dans l'arrêt dela Cour en ci qui concerne la ques-
tion spécifique qui lui était posée, nous estimons néanmoins que la
démarchechoisie par la Cour a dans une certaine mesure transformé la
nature de l'affairedant elle étaitsaisie. En se concentrant exclusivement
sur la question de I'irnmunité,et en évitantsimultsnémentla question de
la compétence,on crée l'impressionque I'immuni .éa une valeur en soi,
alors qu'en réalitéil s'agit d'une exception à une règle normative qui
autrement s'appliquerait. Elle reflètedonc un intkrêtqui dans certaines
circonstances prévautsur un intérêq tui autrement serait prédominant, il
s'agit d'une dérogation à une compétence quinormalement peut s'exer-
cer, et elle ne peut ktre invoquéeque quand cette dernière existe. Elle
représente un intérêetn soi, mais qui doit néanmoins toujours êtremis en
balance avec l'intérêd te la norme à laquelle elle déroge.
72. Un exemple e:n est donné par l'évolutior au fil du temps de
l'immunité des Etatr; en matière civile. Le conci:pt initial d'immunité
absolue, fondé sur le statut (par in puren? non habet imperium), a été
remplacépar celui d'immunitérestreinte; dans le cadre de cette dernière,
une distinction a Stéfaite entre uctu jure imperiiet ucta jure gestioniset
l'immunitén'est accordéeque pour les premiers. La signification de ces
deux notions n'est cependant pas gravéedans la ~ierre; elle est sujetàe85 ARREST WARRANT (JOINT SEP.OP.)
pretation which varies with time reflecting the changing priorities of
society.
73. A comparable development can be observed in the field of inter-
national criminal law. As we said in paragraph 49, a gradua1 movement
towards bases of jurisdiction other than territoriality can be discerned.
This slow but steady shifting to a more extensive application of extra-
territorial jurisdiction by States reflects the emergence of values which
enjoy an ever-increasing recognition in international society. One such
value is the importance of the punishment of the perpetrators of inter-
national crimes. In this respect it is necessary to point out once again
that this development not only has led to the establishment of new
international tribunals and treaty systems in which new competences are
attributed to national courts but also to the recognition of other,
non-territorially based grounds of national jurisdiction (see paragraph 51
above).
74. The increasing recognition of the importance of ensuring that the
perpetrators of serious international crimes do not go unpunished has
had its impact on the immunities which high State dignitaries enjoyed
under traditional customary law. Now it is generally recognized that in
the case of such crimes, which are often committed by high officials who
make use of the power invested in the State, immunity is never substan-
tive and thus cannot exculpate the offender from personal criminal
responsibility. It has also given rise to a tendency, in the case of interna-
tional crimes, to grant procedural immunity from jurisdiction only for as
long as the suspected State official is in office.
75. These trends reflect a balancing of interests. On the one scale, we
find the interest of the community of mankind to prevent and stop impu-
nity for perpetrators of grave crimes against its members; on the other,
there is theinterest of the community of States to allow them to act freely
on the inter-State level without unwarranted interference. A balance
therefore must be struck between two sets of functions which are both
valued by the international community. Reflecting these concerns, what
is regarded as a permissible jurisdiction and what is regarded as the law
on immunity are in constant evolution. The weights on the two scales are
not set for al1perpetuity. Moreover, a trend is discernible that in a world
which increasingly rejects impunity for the most repugnant offences, the
attribution of responsibility and accountability is becoming firmer, the
possibility for the assertion of jurisdiction wider and the availability of
immunity as a shield more limited. The law of privileges and immunities,
however, retains its importance since immunities are granted to high
State officials to guarantee the proper functioning of the network of
mutual inter-State relations, which is of paramount importance for a
well-ordered and harmonious international system. MANDAT D'ARRÊT (OP. IND. COLI.) 8 5
une interprétation eri évolution permanente qui varie avec le temps pour
refléterl'évolution des prioritésde la société.
73. On peut observer un phénomènecomparat)le dans le domaine du
droit pénalinternational. Comme nous l'avons dit au paragraphe 49, on
peut discerner un passage progressif à des chefs de compétenceautres que
la territorialité. Cette transition lente mais régulière vers uneapplication
plus extensive de leur compétence extraterritoriale par les Etats reflète
l'apparition de valeurs qui sont de plus en plus reconnues au sein de la
sociétéinternationalle. Une de ces valeurs est l'irr~portancequi s'attache
au châtiment des auteurs de crimes internationaux. A cet égard, il est
nécessairede souligner une fois encore que ce phénomènenon seulement
a amené la création de nouveaux tribunaux internationaux et systèmes
conventionnels dans le cadre desquels de nouvi:lles compétences sont
attribuées aux tribunaux nationaux, mais aussi la i,econnaissance, pour la
juridiction nationale, d'autres chefs de compétence, qui ne reposent pas
sur le territoire (voir paragraphe 51 ci-dessus).
74. On admet de plus en plus qu'il importe dc: faire en sorte que les
auteurs de crimes internationaux graves ne demeurent pas impunis, et ce
fait a eu un impact sur les immunitésdont jouissaic:nt les hauts dignitaires
de 1'Etaten vertu du droit coutumier traditionnel. Il est maintenant géné-
ralement admis que dans le cas de tels crimes, qui sont souvent commis
par de hauts responsables qui utilisent les pouvoir:, dont 1'Etatest investi,
I'immunité n'estjamais une immunité de fond et ne peut donc exonérer
l'auteur du crime de sa responsabilité pénale inclividuelle. Elle a aussi
donné naissance a une tendance, dans le cas des ciimes internationaux, à
n'accorder l'immunité procéduralede juridiction clu'aussi longtemps que
l'agent de 1'Etat soupçonné est en fonction.
75. Ces tendances reflètent une mise en balance d'intérêts.D'un côté.il
y a l'intérêtde la communauté humaine, à savoir prévenir et faire cesser
l'impunité des auteurs de crimes graves commis contre ses membres; de
l'autre, il y a l'intérêtde la communauté des Etats, a savoir permettre à
ceux-ci d'agir librement au niveau interétatique sa 1singérence injustifiée.
Il faut donc réaliserun équilibre entre deux sérier,de fonctions qui sont
toutes deux précieusespour la communauté intern itionale. Du fait de ces
préoccupations, ce qui est considérécomme une c3mpétence autorisée et
ce qui est considérécomme le droit de l'immunité sont des notions en
évolution constante. Les poids placéssur les deux plateaux de la balance
n'y sont pas àjamais. En outre, une tendance se f'aitjour selon laquelle,
dans un monde qui rejette de plus en plus l'impunité pour les crimes les
plus horribles, l'attribution de la responsabilité et de l'obligation de
rendre des comptes devient plus ferme, la possibilité d'établir sa compé-
tence plus large et celle d'invoquer l'immunité pour se protéger plus
limitée. Toutefois, le droit des privilèges et immunités conserve son
importance puisque les immunités sont conféréesaux hauts respon-
sables de I'Etat pour garantir le fonctionnemelt adéquat du réseau
des relations interétatiques, ce qui est d'une importance capitale pour
un système international bien ordonné et harmon'eux. 76. Such is the backdrop of the case submitted to the Court. Belgium
claims that under international law it ispermitted to initiate criminal pro-
ceedings against a state officia1who is under suspicion of having com-
mitted crimes which are generally condemned by the international com-
munity; and it contends that because of the nature of these crimes the
individual in question is no longer shielded by persona1 immunity. The
Congo does not deny that a Foreign Minister is responsible in inter-
national law for al1 of his acts. It asserts instead that he has absolute
persona1 immunity from criminal jurisdiction as long as he is in office
and that his status must be assimilated in this respect to that of a Head
of State (Memorial of Congo, p. 30).
77. Each of the Parties, therefore, givesparticular emphasis in its argu-
ment to one set of interests referred toabove: Belgiumto that of the pre-
vention of impunity, the Congo to that of the prevention of unwarranted
outside interference as the result of an excessive curtailment of immuni-
ties and an excessiveextension of jurisdiction.
78. In the Judgment, the Court diminishes somewhat the significance
of Belgium'sarguments. After having emphasized - and we could not
agree more - that the immunity from jurisdiction enjoyed by incumbent
Ministers for Foreign Affairs does not mean that they enjoy impunity in
respect of any crimes they might have committed (para. 60), the Court
goes on to say that these immunities do not represent a bar to criminal
prosecution in certain circumstances (para. 61). We feel less than san-
guine about examples given by the Court of such circumstances. The
chance that a Minister for Foreign Affairs will be tried in his own
country in accordance with the relevant rules of domestic law or that his
immunity will be waived by his own State is not high as long as there has
been no change of power, whereas the existence of a competent interna-
tionalcriminal court to initiate criminal proceedings is rare; moreover, it
is quite risky to expect too much of a future international criminal court
in this respect. The only credible alternative therefore seems to be the
possibility of starting proceedings in a foreign court after the suspected
person ceases to hold the office of Foreign Minister. This alternative,
however, can also be easily forestalled by an unco-operative government
that keeps the Minister in office for an as yet indeterminate period.
79. We wish to point out, however, that the frequently expressed con-
viction of the international community that perpetrators of grave and
inhuman international crimes should not go unpunished does not ipso
facto mean that immunities are unavailable whenever impunity would be
the outcome. The nature of such crimes and the circumstances under
which they are committed, usually by making use of the State apparatus,
makes it less than easy to find a convincing argument for shielding the
alleged perpetrator by granting him or her immunity from criminal pro-
cess. But immunities serve other purposes which have their own intrinsic
value and to which we referred in paragraph 77 above. International law 76. Telleest la toile de fond de l'affaire soumiàcla Cour.La Belgique
affirme qu'en droit international elle est autorisée engager une action
pénalecontre un agent de 1'Etat qui est soupçonné d'avoir commis des
crimes qui sont géneralementcondamnéspar la communauté internatio-
nale; et elle soutient qu'en raison de la nature de ces crimes l'individu en
cause n'est plus protégépar son immunitépersonnelle. Le Congo ne nie
pas qu'un ministre des affaires étrangèresest au ~egarddu droit interna-
tional responsable d'etous ses actes. Il affirme par contre qu'iljouit d'une
immunité personnelle absolue de la juridiction pénale aussi longtemps
qu'il esten fonction, et que son statut doit êtreassimilécet égardà celui
d'un chef d'Etat (mémoiredu Congo, p. 30).
77. Chacune des Parties accorde donc une importance particulière
dans son argumentation à certains des intérêtsvisésci-dessus : la Bel-
gique à la préventionde l'impunité,leCongo A la rév vent idn'ingérences
extérieures iniustifiésécoulant d'une limitation c*xcessivdes immunités
et d'une extension e~cessivede la compétence.
78. Dans son arrêt,la Cour réduit quelquepeu l'importance des argu-
ments de la Belgique. Après avoir souligné - et nous ne pouvons
l'approuver davantage - que I'immunitédejurid ction dont bénéficie un
ministre des affaires étrangèresen exercice ne signifie pas qu'il bénéficie
d'une impunitéau titre des crimes qu'il aurait pu commettre (par. 60), la
Cour déclare ensuiteque ces immunitésne font pas obstacle àce que la
responsabilitépénalede l'intéressé soirtecherché6dans certaines circon-
stances (par. 61). Nous sommes moins optimistc:~quant aux exemples
donnéspar la Cour de telles circonstances. La prcbabilitéqu'un ministre
des affairesétrangèrlzssoit jugédans son propre pays en vertu des règles
applicables du droit. interne ou que son immunité soit levéepar son
propre Etat n'estpasClevéedèslorsqu'iln'ya pas eiide changementde pou-
voir, et il est rare'il existe un tribunal pénaliiiternational compétent
pour engager une aclion pénale;en outre, il est trèj risquéd'attendre trop
d'une future cour pétnaleinternationale à cet égasd.La seule alternative
crédible semble donc êtrela possibilité d'engager uneprocédure devant
un tribunal étrangeraprèsque la personne soupçonnéecessed'exercer les
fonctions de ministre des affaires étrangères.Cette solution, néanmoins,
peut aussi êtrefacilement anticipéepar un gouvernement peu coopératif
qui maintiendrait le ministre en fonction pour ure période encore indé-
terminée.
79. Nous souhaitons toutefois souligner que la conviction fréquem-
ment expriméepar la communauté internationale sclon laquelle lesauteurs
de crimes internationaux graves et inhumains ne devraient pas rester
impunis ne signifie pas ipso fucto que les immunitéssont inopérantes à
chaque fois que l'impunitéen résulterait. La nature de tels crimes et les
circonstances dans lesquellesils sont commis, habituellement au moyen de
l'appareil'Etat, rendent rien moinsqu'aisé dtrouver un argumentconvain-
cant pour protéger l'auteur allégué des crimes enui accordant l'immunité
dejuridiction pénale. Maisles immunités serventd'autres finsqui ont leur
valeur intrinsèque propre et que nous avons évoquéesau paragraphe 77seeks the accommodation of this value with the fight against impunity,
and not the triumph of one norm over the other. A State may exercise the
criminal jurisdiction which it has under international law, but in doing so
it is subject to other legal obligations, whether they pertain to the non-
exercise of power in the territory of another State or to the required
respect for the law of diplomatie relations or, as in the present case, to
the procedural immunities of State officials. In view of the worldwide
aversion to these crimes, such immunities have to be recognized with
restraint, in particular when there is reason to believe that crimes have
been committed which have been universally condemned in international
conventions. It is, therefore, necessary to analyse carefully the immunities
which under customary international law are due to high State officials
and, in particular, to Ministers for Foreign Affairs.
80. Under traditional customary law the Head of State was seen as
personifying the sovereign State. The immunity to which he was entitled
was therefore predicated on status, just like the State he or she symbol-
ized. Whereas State practice in this regard is extremely scarce, the immu-
nities to which other high State officials (like Heads of Government and
Ministers for Foreign Affairs) are entitled have generally been considered
in the literature as merely functional. (Cf. Arthur Watts, "The Legal
Position in International Law of Heads of States, Heads of Governments
and Foreign Ministers", Recueil des cours de l'Académiede droit inter-
nutionul de Lu Haye, 1994, Vol. 247, pp. 102-103.)
81. We have found no basis for the argument that Ministers for For-
eign Affairs are entitled to the same immunities as Heads of State. In this
respect, it should be pointed out that paragraph 3.2 of the lnternational
Law Commission's Draft Articles on Jurisdictional Immunities of States
and their Property of 1991,which contained a saving clause for the privi-
leges and immunities of Heads of State, failed to include a similar pro-
vision for those of Ministers for Foreign Affairs (or Heads of Govern-
ment). In its commentary, the ILC stated that mentioning the privileges
and immunities of Ministers for Foreign Affairs would raise the issues of
the basis and the extent of their jurisdictional immunity. In the opinion
of the ILC these immunities were clearly not identical to those of Heads
of State.
82. The Institut de droit international took a similar position in 2001
with regard to Foreign Ministers. Its resolution on the Immunity of
Heads of State, based on a thorough report on al1relevant State practice,
states expressly that these "shall enjoy, in criminal matters, immunity
from jurisdiction before the courts of a foreign State for any crime he or
she may have committed, regardless of its gravity". But the Institut,
which in this resolution did assimilate the position of Head of Govern-
ment to that of Head of State, carefully avoided doing the same with
regard to the Foreign Minister. EAANDATD'ARRET (OP. IND. CO??.) 87
ci-dessus. Le droit international s'efforce de concilier cette valeur avec la
lutte contre l'impunité, etnon de faire triompher une norme sur l'autre.
Un Etat peut exercer la compétencepénaleque lui confère le droit inter-
national, mais ce faisant il est soumis à d'autres obligations juridiques,
qu'elles concernent le non-exercice de ses pouvoirs sur le territoire d'un
autre Etat ou le respect requis du droit des relations diplomatiques ou,
comme dans la présente affaire, des immunitésprocédurales des agents de
1'Etat. Etant donné l'aversion universelle que suscitent ces crimes, ces
immunités doivent êtrereconnues avec une certainc retenue, en particulier
lorsqu'il y a des raisons de penser que des crimes ont été commis quiont
été universellementcondamnés dans des conventions internationales. Il
est en conséquence nécessaire d'analyser soigne~~sementles immunités
dont bénéficienten dlroit international coutumier les hauts représentants
de 1'Etatet, en particulier, les ministres des affaires étrangères.
80. En droit interr~ational coutumier, le chef d711tatétaitperçu comme
personnifiant 1'Etatsouverain. L'immunité a laquel eilavait droit reposait
donc sur son statut, tout comme celle de 1'Etatqu'il symbolisait. Si1; pra-
tique des Etats est à cet égard extrêmementrare, les immunités dont
jouissent d'autres hauitsresponsables de 1'Etat(comme les chefs de gouver-
nement et les ministres des affaires étrangères)ont 15énéralemen étté consi-
dérées endoctrine comme simplement fonctionnellc:~.(Voir Arthur Watts,
«The Legal Position in International Law of Heads of States, Heads of
Governments and Foreign Ministers)), Recueil des cours de l'Académiede
droit international de La Haye, 1994,vol. 247, p. 102-103.)
81. Nous n'avons pas trouvé de fondement à l'argument selon lequel
les ministres des affaires étrangères ont droit aux mêmesimmunités que
les chefs d'Etat. A cet égard, ilconvient de s,)uligner que le para-
graphe 3.2 du Projet d'articles sur les immunitésjuridictionnelles des Etats
et de leurs biens adoptépar la Commission du droij international en 1991,
qui contenait une clause de sauvegarde pour les privilèges et immunités
des chefs d7Etat, ne comprenait pas de disposition ;imilaire pour ceux des
ministres des affaires étrangères (ou des chefs de gouvernement). Dans
son commentaire, la CD1 indiquait que menticnner les privilèges et
immunités des ministres des affaires étrangères so llèverait des questions
quant au fondement et a l'étenduede leur immunitéjuridictionnelle. De
l'avis de laCDI, ces immunités n'étaient manifestement pas identiques a
celles des chefs d'Etat.
82. L'Institut de droit international a pris une ~osition comparable en
2001 en ce qui concerne les ministres des affaires étrangères. Sa résolution
sur l'immunité des chefs d'Etat, qui reposait sur un rapport exhaustif
relatifa l'ensemble de la pratique des Etats en la matière, dispose expres-
sémentqu'ils «jouissent, en matière pénale, de I'irnmunitéde juridiction
devant les tribunaux d'un Etat étranger a raison de toute infraction qu'ils
peuvent avoir commise, quelle que soit sa gravité». Mais l'Institut, qui
dans sa résolution assimilait effectivement la situation du chef de "ouver-
nement à celle du chef de I'Etat, a soigneusement évitéde faire la même
chose en ce qui concerne le ministre des affaires étrangères. 83. We agree, therefore, with the Court that the purpose of the immu-
nities attaching to Ministers for Foreign Affairs under customary inter-
national law is to ensure the free performance of their functionson behalf
of their respective States (Judgment, para. 53). During their term of
office, they must therefore be able to travel freely whenever the need to
do so arises. There is broad agreement in the literature that a Minister for
Foreign Affairs is entitled to full immunity during officia1visits in the
exercise of his function. This was also recognized by the Belgian investi-
gating judge in the arrest warrant of 11April 2000.The Foreign Minister
must also be immune whenever and wherever engaged in the functions
required by his office and when in transit therefor.
84. Whether he is also entitled to immunities during private travels
and what is the scope of any such immunities, is far less clear. Certainly,
he or she may not be subjected to measures which would prevent effective
performance of the functions of a Foreign Minister. Detention or arrest
would constitute such a measure and must therefore be considered an
infringement of the inviolability and immunity from criminal process to
which a Foreign Minister is entitled.The arrest warrant of 11April 2000
was directly enforceable in Belgium and would have obliged the police
authorities to arrest Mr. Yerodia had he visited that country for non-
officia1 reasons. The very issuance of the warrant therefore must be
considered to constitute an infringement on the inviolability to which
Mr. Yerodia was entitled as long as he held the office of Minister
for Foreign Affairs of the Congo.
85. Nonetheless, that immunity prevails only as long as the Minister is
in officeand continues to shield him or her after that time only for "offi-
cial" acts. It is now increasingly claimed in the literature (seefor example,
Andrea Bianchi, "Denying State Immunity to Violators of Human
Rights", 46 Austrian Journal of Public and Internationul Lait (1994),
pp. 227-228)that serious international crimes cannot be regarded as offi-
cial acts because they are neither normal State functions nor functions
that a Statealone (in contrast to an individual) can perform (Goff, J. (as
he then was) and Lord Wilberforce articulated this test in the case of Io
Congreso del Partido (1978) QB 500 at 528 and (1983) AC 244 at 268,
respectively). This view isunderscored by the increasing realization that
State-related motives are not the proper test for determining what con-
stitutes public state acts. Theame view isgradually also finding expres-
sion in State practice, as evidenced in judicial decisions and opinions.
(For an early example, see the judgment of the Israel Supreme Court in
the Eichmann case; Supreme Court, 29 May 1962,36 International Law
Reports, p. 312.) See also the speeches of Lords Hutton and Phillips of
Worth Matravers in R. v. Bartle and the Conzmissionerof Policefor the
Metropolis und Otlzers, ex parte Pinochet ("Pinochet III"); and of
Lords Steyn and Nicholls of Birkenhead in "Pinochet In, as well as the MANDAT D'ARKÊT (OP. IND. COI^.) 88
83. Nous sommes donc d'accord avec la Cour que l'objet des immu-
nités accordéesaux ministres des affaires étrangères en droit international
coutumier est de leur permettre de s'acquitter lil~rement de leurs fonc-
tions pour le compte des Etats qu'ils représentent (arrêt, par. 53). Ils
doivent donc, tant qu'ils sont en fonction, pou1,oir voyager librement
à chaque fois qu'ils ont besoin de le faire. Il existe un large accord en
doctrine pour dire qu'un ministre des affaires étrangères a droit à la
pleine immunité durant les visites officielles qu'il fait dans l'exercice de
ses fonctions. Cela a aussi été reconnupar lejuge c'instruction belge dans
le mandat d'arrêt du 11 avril 2000. Le ministre des affaires étrangères
doit aussi jouir de l'immunité à chaque fois qu'il exerce les fonctions
requises par sa charge et en quelque lieu qu'il les e:ierce, et lorsqu'il est en
transit pour ce faire.
84. La réponse aux questions de savoir s'il a aussi droit à des immu-
nitésdurant ses voyages privés, et quelle est l'éteadue de ces immunités
éventuelles, est beaucoup moins claire. Assurément, ilne peut pas être
assujetti à des mesures qui l'empêcheraient d'e~.ercer efficacement les
fonctions d'un ministre des affaires étrangères. La détention ou l'arresta-
tion constitueraient de telles mesures et doivent donc êtreconsidérées
comme portant atteinte à l'inviolabilitéet l'immunitédejuridiction pénale
auxquelles un ministre des affaires étrangères a droit. Le mandat d'arrêt
du 11 avril 2000 étaii:directement exécutable en Belgique et aurait obligé
les autorités de police à arrêterM. Yerodia s'il s'éaiit rendu dans ce pays
pour des raisons non officielles. L'émission mêmeJu mandat d'arrêt doit
donc êtreconsidéréecomme constituant une atteinte à l'inviolabilité à
laquelle M. Yerodia ,avaitdroit aussi longtemps qu'il occupait le poste de
ministre des affaires étrangèresdu Congo.
85. Néanmoins, cette immunité ne vaut qu'aussi longtemps que le mi-
nistre est en fonction et ne continue ultérieuremeni à le protéger qu'à rai-
son de ses actes «officiels». On affirme maintenant de plus en plus en
doctrine (voir, par exemple, Andrea Bianchi, «Dc:nying State Immunity
to Violators of Human Rights)), AuCstrianJournal of Public und Internu-
tional Law (1994), vol. 46, p. 227-228) que les crimes internationaux
graves ne peuvent êtreconsidéréscomme des actes officiels parce qu'ils
ne correspondent ni ii des fonctions étatiques norniales ni à des fonctions
qu'un Etat seul (par opposition à un individu) peut exercer. (Goff, J.
(comme il se nommait alors) et lord Wilberforce ont explicitéce critère
dans l'affaire du 1" COngresodel Partido (1978) QH 500, p. 528, et (1983)
AC 244, p. 268, respectivement.) Cette opinion est mise en évidence par
la prise de conscienci: accrue du fait que les mobi11:sliésà 1'Etat ne cons-
tituent pas le critère approprié pour déterminer ce qui constitue des actes
publics de 1'Etat. La mêmeopinion trouve en outre progressivement son
expression dans la pratique des Etats, comme l'at .estent des décisionset
avis judiciaires. (Pour un exemple déjà ancien, ~oir l'arrêt dela Cour
suprême d'Israël daris l'affaire Eichmann ;Cour :uprême,29 mai 1962,
International Law Reports, vol. 36, p. 312.) Voir aussi les discours de lord
Hutton et lord Phillips of Worth Matravers dans 1 affaire R v. Bartle andjudgment of the Court of Appeal of Amsterdam in the Bouterse case
(Gerechtshof Amsterdam, 20 November 2000, para. 4.2.)
86. We have voted against paragraph (3) of the dispositiffor several
reasons.
87. In paragraph (3)of the dispositij;the Court "[fjinds that the King-
dom of Belgium must, by means of its own choosing, cancel the arrest
warrant of 11 April 2000 and so inform the authorities to whom that
warrant was circulated". In making this finding, the Court relies on the
proposition enunciated in the Fuctory ut Chorzoiv case pursuant to which
"reparation must, as far as possible, wipe out al1the consequences of the
illegal act and re-establish the situation which would . . have existed if
that act had not been committed" (P. C.1.J.,Series A, No. 17, p. 47).
Having previously found that the issuance and circulation of the warrant
by Belgium was illegal under international law, the Court concludes that
it must be withdrawn because "the warrant is still extant, and remains
unlawful, notwithstanding the fact that Mr. Yerodia has ceased to be
Minister for Foreign Affairs".
88. We have been puzzled by the Court's reliance on the Fuctory ut
Chorzbio case to support its finding in paragraph (3) of the dispositif:It
would seem that the Court regards its order for the cancellation of the
warrant as a form of restitutio in integrunî.Even in the very different cir-
cumstances which faced the Permanent Court in the Fuctory ut Clzorzciiv
case, restitutio in the event proved impossible. Nor do we believe that
restoration of the stutus quo unte is possible here, given that Mr. Yerodia
is no longer Minister for Foreign Affairs.
89. Moreover - and this is more important - the Judgment suggests
that what is at issue here is a continuing illegality, considering that a cal1
for the withdrawal of an instrument is generally perceived as relating
to the cessation of a continuing international wrong (International Law
Commission, Commentary on Article 30 of the Articles of State Respon-
sibility, Al56110 (2001), p. 216). However, the Court's finding in the
instant case that the issuance and circulation of the warrant was illegal, a
conclusion which we share, was based on the fact that these acts took
place at a time when Mr. Yerodia was Minister for Foreign Affairs. As
soon as he ceased to be Minister for Foreign Affairs, the illegal conse-
quences attaching to the warrant also ceased. The mere fact that the war-
rant continues to identify Mr. Yerodia as Minister for Foreign Affairs
changes nothing in this regard as a matter of international law, although
it may well be that a misnamed arrest warrant, which is al1it now is, may
be deemed to be defective as a matter of Belgian domestic law; but thatthe Commi~sioner oj Policefor the Metropolw ana'Others, ex parte Pino-
chet (((Pinochet III,,))et de lord Steyn et lord Nicholls of Birkenhead
dans I'affaire ((Pinochet I», ainsi que le jugemcnt de la cour d'appel
d'Amsterdam dans l'affaire Bouterse (Geri:chtshof Amsterdam,
20 novembre 2000, par. 4.2.)
86. Nous avons voté contre le paragraphe 3 (lu dispositif pour plu-
sieurs raisons.
87. Au paragraphe 3 du dispositif, la Cour «[ci]it que le Royaume de
Belgique doit, par les moyens de son choix, mettre a néant le mandat
d'arrêt du 11 avril 2i000et en informer les autorités auprès desquelles ce
mandat a été diffuséo.En statuant ainsi, la Cour fait fond sur la proposi-
tion énoncéedans l'affaire relative A l'Usine de Cl~orzhv selon laquelle
«la réparation doit, autant que possible, effacer toutes les conséquences
de l'acte illiciteet rétablir l'étatqui aurait ... existési ledit acte n'avait pas
étécommis O(C.P. J.I. .st;rieA no 17, p. 47). Ayant déjà concluque l'émis-
sion et la diffusion du mandat d'arrêt par la Belgique étaient illicites au
regard du droit international, la Cour conclut qiie ce mandat doit être
annulé parce que <<[Illme andat subsiste et demeure illicite nonobstant le
fait que M. Yerodia a cesséd'être ministredes afraires étrangères)).
88. L'invocation par la Cour de I'affaire relative à l'Usine de Chorzb,z1
pour étayer sa conclusion au paragraphe 3 du dispositif nous a laissés
perplexes. Il semblerait que la Cour considère son injonction en vue de
l'annulation du mandat comme une forme de restitutio in integrum.
Mêmedans les circonstances très différentesauxcluelles la Cour perma-
nente était confrontrje dans l'affaire de I'Usine de Clzorzb~tl,la restitutio
s'est en l'espècerévéléiempossible. Nous ne pensons pas non plus que le
rétablissement du statu quo ante soit possible ici, puisque M. Yerodia
n'est plus ministre des affaires étrangères.
89. De plus - et ceci est plus important - l'arrêtdonne a penser que
ce qui est en cause ici est une illicéitécontinue, en considérant qu'une
demande de retrait d'un instrument est généralemznt perçuecomme tou-
chant la cessation d'un fait internationalement illicite continu (Commis-
sion du droit international, commentaire de I'ariicle 30 du projet d'ar-
ticles sur la responsabilité de'Etat, A156110(2001), p. 233). Toutefois, la
conclusion de la Cour selon laquelle l'émissionet la diffusion du mandat
étaient illicitesa laquelle nous souscrivons, repcsait sur le fait que ces
actes ont eu lieu à une époque où M. Yerodia ét;~itministre des affaires
étrangères. Dès qu'il a cesséd'êtreministre des affaires étrangères, les
conséquences illiciteisdécoulant du mandat ont aussi pris fin. Le simple
fait que le mandat continue d'identifier M. Yercdia coinme le ministre
des affaires étrangèresne change rien a cet égarddu point de vue du droit
international, mêmes'il se peut très bien qu'un niandat d'arrêt compor-
tant une erreur de désignation, ce qui est tout ce qu'il est maintenant,is not and cannot be of concern to this Court. Accordingly, we consider
that the Court erred in its finding on this point.
(Signed) Rosalyn HIGGINS.
(Signed) Pieter KOOIJMANS.
(Signed) Thomas BUERGENTHAL.puisse êtreconsidérécomme viciéau regard du di.oit interne belge; mais
cela n'est pas et ne peut êtrele souci de la Cour. C'est pourquoi nous
considérons que la Cour s'est trompée dans sa conclusion sur ce point.
(Signé) Rosalyn HIGGINS.
(Signé) 'ieter KOOIJMANS.
(Signé) Th 3mas BUERGENTHAL.
Opinion individuelle commune de Mme. Higgins, MM. Kooijmans et Buergenthal, juges (traduction)