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CR 2003/25 (traduction)
CR 2003/25 (translation)
Lundi 15 décembre 2003 à 15 heures
Monday 15 December 2003 at 3 p.m.
- 2 -
Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. J’ouvre la séance de cet après-midi en donnant la
parole à Mme Babcock.
Mme BABCOCK : Monsieur le président, Madame et Messieurs les Membres de la Cour,
bonjour.
VII. LE RECOURS EN GRÂCE N’EST PAS UN MOYEN DE «RÉEXAMEN ET REVISION»
261. Il m’incombe de répondre à l’argument de nos contradicteurs selon lequel les
Etats-Unis, en donnant aux ressortissants mexicains la possibilité de quémander la grâce, assurent
le «réexamen et la revision» prescrits par la Cour dans l’arrêt LaGrand. Pour commencer,
précisons que la Cour n’a pas besoin, pour réfuter l’argumentation des Etats-Unis, d’apprécier la
valeur ou l’impartialité de la procédure de recours en grâce dans les différents Etats américains.
Même à supposer, dans l’intérêt du débat, que les autorités chargées d’examiner ces recours soient
libres de toute influence politique — ce qui n’est pas le cas — et que la procédure comprenne des
garanties judiciaires étendues — ce qui n’est pas non plus le cas —, la position des Etats-Unis reste
indéfendable. En d’autres termes, contrairement à ce que les Etats-Unis voudraient vous faire
croire, la Cour n’a pas besoin d’établir que «la procédure de recours en grâce ne fonctionne pas
comme elle le devrait»1
. Car c’est justement en raison de la manière dont il fonctionne que ce
mécanisme ne peut en aucun cas constituer en droit un remède à une violation attestée de
l’article 36.
A. Les Etats-Unis invoquent un moyen incompatible avec l’arrêt LaGrand
262. Abstraction faite de toute rhétorique, les Etats-Unis définissent le réexamen et la
revision comme suit :
«Le réexamen et la revision signifient que chaque condamné doit pouvoir
présenter un écrit aux autorités chargées d’examiner les recours en grâce, dans lequel
il les implore de lui laisser la vie sauve. Ce faisant, le condamné peut demander à la
commission des grâces, ou au gouverneur selon le cas, d’envisager une commutation
de sa sentence capitale à titre de remède à la violation des droits qu’il tient du
paragraphe 1 de l’article 36.»
2

1 CMEU, par. 1.17.
2
Voir CMEU, par. 6.69.
- 3 -
263. Or, le recours en grâce ne peut permettre «un réexamen et [une] revision», et ce pour
trois raisons au moins. Premièrement, comme Mme Birmingham vient de le rappeler, la Cour
prévoyait clairement, dans l’arrêt LaGrand, que «le réexamen et la revision» revêtiraient la forme
d’une procédure judiciaire. Or, au risque de vous infliger un truisme, je rappellerai que les
commissions des grâces ne sont pas des tribunaux. La grâce est un geste de clémence de l’exécutif,
c’est ce qu’elle a toujours été depuis l’époque où les monarques tout puissants jouissaient, entre
autres prérogatives royales, du pouvoir de gracier les délinquants. C’est à juste titre que la Cour
suprême des Etats-Unis a qualifié le recours en grâce de «simple espoir unilatéral»3
. Les
Etats-Unis ne prétendent pas ¾ et ne pourraient d’ailleurs prétendre ¾ qu’il soit plus que cela.
264. A cet égard, il est utile de consulter la jurisprudence du comité judiciaire du conseil
privé, qui s’est longuement penché sur la fonction du recours en grâce devant l’exécutif. Dans
l’affaire Patrick Reyes v. The Queen, jugée l’année dernière, le tribunal a estimé que la simple
possibilité de demander grâce ne pouvait remplacer «un réexamen judiciaire des erreurs ayant
entaché une procédure judiciaire»4
. Le comité des droits de l’homme des Nations Unies a formulé
une conclusion analogue dans l’affaire Thompson c. Saint-Vincent-et-les-Grenadines5
.
265. Deuxièmement, dans l’arrêt LaGrand, la Cour a précisé que les Etats-Unis devaient
permettre le réexamen et la revision du verdict de culpabilité du ressortissant concerné aussi bien
que de sa peine6
. Or, dans la très grande majorité des affaires concernant un condamné à mort, la
seule question qui se pose aux autorités chargées de l’examen du recours en grâce est celle de
savoir si la condamnation à mort du prisonnier doit être commuée en une autre peine, en général la
réclusion à perpétuité. Une commutation de peine ne soustrait en aucun cas le condamné aux
conséquences juridiques de son crime.
266. En théorie, les autorités responsables des recours en grâce peuvent «gracier» n’importe
quel condamné, pour n’importe quel motif, et le dispenser ainsi de la peine, quelle qu’elle soit, qui

3 Ohio Adult Parole Authority v. Woodard, 523 U.S. 272, p. 280 (1998) (citant Dumschat, 452 U.S. p. 465).
4 Patrick Reyes v. The Queen, comité judiciaire du conseil privé (arrêt du 11 mars 2002), par. 44 (citations
d’origine omises); voir également The Queen v. Peter Hughes, comité judiciaire du conseil privé, arrêt du 11 mars 2002,
par. 13.
5 Comité des droits de l’homme, Thompson c. Saint-Vincent-et-les-Grenadines (2000), UNDOC/CCPR/C/70/D/
906/1998, par. 8.2.
6
LaGrand (Allemagne c. Etats-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 2001, par. 7; les italiques sont de nous.
- 4 -
lui a été infligée pour un crime donné. Mais à notre époque, les autorités de la Californie, de
l’Oklahoma et du Texas n’ont gracié aucun des trois cent quatre-vingt-douze condamnés à mort qui
furent finalement exécutés dans ces Etats. Et il va sans dire qu’aucun Etat n’a jamais gracié un
condamné à mort au vu d’une violation attestée de l’article 36. Par conséquent, la procédure de
recours en grâce ne permet pas de réexaminer le verdict de culpabilité d’un condamné en tenant
compte d’une violation de l’article 36 et, partant, ne remplit pas les conditions du remède requis par
la Cour dans l’arrêt LaGrand.
267. Enfin, troisièmement, les faits de l’affaire LaGrand montrent que si la Cour avait estimé
que le recours en grâce constituait un substitut adéquat au réexamen et à la revision d’une affaire
par les autorités judiciaires, elle n’aurait jamais jugé que les Etats-Unis avaient violé en l’espèce le
paragraphe 2 de l’article 36. Les membres de la Cour se souviendront que Walter et Karl LaGrand
avaient tous deux bénéficié d’une audience devant la commission des grâces, au cours de laquelle
fut évoquée la violation de l’article 36. Ainsi, d’après le sens que donnent les Etats-Unis à la
notion de «réexamen et revision», le cas des frères LaGrand a été «examiné» autant qu’il est prévu
en droit puisque, en fin de compte, tous deux ont eu le «droit» de demander la grâce et ont exercé
ce droit.
268. Mais à cela, les Etats-Unis opposent deux arguments. Pour commencer, ils affirment
que, dans l’affaire LaGrand, la Cour n’a pas véritablement examiné si la procédure de recours en
grâce constituait le mécanisme de «réexamen et revision» requis7
. Les Parties à cette affaire lui ont
pourtant toutes deux soumis un grand nombre d’éléments relatifs à la demande de grâce des
frères LaGrand. L’Allemagne a produit un enregistrement vidéo des audiences, et à deux reprises
au cours de la procédure orale de novembre 2000, le conseil des Etats-Unis a invité la Cour à les
visionner8
.
269. Ensuite, les Etats-Unis affirment que, à l’époque des audiences sur le recours en grâce
des frères LaGrand, ils n’avaient pas demandé à la commission des grâces de l’Arizona d’examiner
la question de la violation de l’article 36 ¾ comme si cela aurait changé quelque chose9
. Il nous

7
CMEU, par. 6.74.
8
LaGrand (Allemagne c. Etats-Unis d’Amérique), CR 2000/28 du 14 novembre 2000, par. 2.16, 2.45
(Napolitano).
9
CMEU, par. 6.72 et note 262.
- 5 -
suffit de lire les lettres que les Etats-Unis, après l’affaire LaGrand, ont adressées aux autorités
chargées de l’examen des recours en grâce de M. Gerardo Valdez et de M. Javier Suárez Medina,
pour savoir qu’ils n’auraient pas demandé à la commission des grâces de l’Arizona de commuer les
sentences capitales des frères LaGrand. Ils se seraient plutôt contentés, par une lettre
soigneusement formulée, de lui demander «d’examiner» les violations de l’article 36. Et si l’on en
croit l’expérience passée, la commission aurait remercié le département d’Etat de sa démarche, et
refusé la grâce.
B. Le moment où intervient le recours en grâce
270. Permettez-moi maintenant d’évoquer un des problèmes, d’ordre plus pratique, que
soulève le moyen proposé par les Etats-Unis. Le recours en grâce, comme les Etats-Unis en
conviennent, est souvent décrit comme un mécanisme de sûreté qui est utilisé «lorsque les voies de
recours judiciaires ont été épuisées»10. Dans la très grande majorité des cas, un condamné ne
demandera la grâce qu’au terme de tous ses recours en appel. Certaines autorités compétentes
refusent de même examiner une demande de commutation de peine avant que toutes les voies de
recours judiciaires n’aient été épuisées. Le président George Bush, par exemple, lorsqu’il était
gouverneur du Texas, n’annonçait sa décision de refuser la grâce que lorsque toutes les juridictions
concernées avaient rejeté les recours du condamné ¾ ce qui arrivait parfois quelques minutes avant
l’exécution11
.
271. Rien qu’en raison du moment où elle intervient, la procédure de recours en grâce ne
peut être une panacée aux violations de l’article 36. Manifestement, les Etats-Unis voudraient que
chacun de nos ressortissants attende pendant des années dans une cellule du couloir de la mort dans
l’espoir de pouvoir introduire un jour un recours en grâce, tout en reconnaissant que ces condamnés
n’ont qu’une chance extrêmement fugace d’obtenir un «réexamen» de la part de l’exécutif. En
Californie, où les prisonniers attendent en moyenne cinq ans la désignation d’un avocat commis
d’office pour les défendre en appel, on peut affirmer sans exagération que ces condamnés devront

10 CMEU, par. 6.68. Voir également Herrera v. Collins, 506 U.S. 390, p. 412 (1993).
11 Voir Alan Berlow, «The Texas Clemency Memos», The Atlantic Monthly, numéro de juillet/août 2003
(disponible à l’adresse : http://www.theatlantic.com/issues/2003/07/media-preview/berlow.htm) (dernière visite le
3 décembre 2003).
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attendre des décennies, après leur déclaration de culpabilité et leur condamnation, avant que leur
cas ne soit réexaminé pour la première fois par les autorités responsables des recours en grâce12
.
Par conséquent, sur le plan pratique, le moyen proposé par les Etats-Unis est inapplicable et se
traduirait en fait par une nouvelle violation du paragraphe 2 de l’article 36, puisqu’il reviendrait à
priver les étrangers de la possibilité de demander aux tribunaux un remède approprié à la violation
de leurs droits consulaires.
C. Le recours en grâce est une procédure standard, non transparente et inattaquable
272. Avant de conclure, permettez-moi de prendre quelques minutes pour répondre aux
Etats-Unis lorsqu’ils affirment que le pouvoir de grâce offre «un dernier refuge, libre de toute
contrainte de droit ou de procédure»13 et qu’il constitue de ce fait un mécanisme idéal pour
permettre l’examen des violations de l’article 36. Même si le fonctionnement pratique des recours
en grâce formés par des condamnés à mort ne fait pas partie des faits que la Cour est appelée à
trancher, il nous faut rectifier la description fantaisiste que donnent les Etats-Unis de cette
procédure, sans aucun rapport avec les réalités des procès où l’accusé est passible de la peine de
mort.
273. Bien que les différents Etats américains aient chacun leur propre système d’examen des
recours en grâce, ces systèmes présentent tous trois caractéristiques communes : ils ne suivent
aucune norme établie, ils donnent lieu à des décisions totalement discrétionnaires et, le plus
souvent, ces décisions sont à l’abri de tout réexamen. Les autorités qui examinent les recours en
grâce ne peuvent assurément prendre leurs décisions en jouant à pile ou face, ni refuser
arbitrairement à un condamné l’accès à la procédure14. Mais hormis de telles absurdités, ces
autorités ont généralement carte blanche pour examiner une demande de grâce sur le fond.
274. Par exemple, aux termes de la Constitution des Etats-Unis, les autorités responsables
des recours en grâce, dans n’importe quel Etat américain, pourraient adopter en toute légalité une
politique consistant à ne jamais commuer la sentence capitale d’un condamné qui aurait fondé son

12 California District Attorneys Association and Criminal Justice Legal Foundation, Prosecutors’ Perspective on
California Death Penalty, p. 17-18 (mars 2003) (disponible à l’adresse : http://www.cdaa.org/WhitePapers/DPPaper.pdf)
(dernière visite le 14 décembre 2003).
13 CMEU, par. 2.26.
14 Ohio Adult Parole Authority v. Woodard, op. cit., p. 289 (J. O’Connor, concurring opinion).
- 7 -
recours sur une violation reconnue et incontestée de l’article 36 ¾ et ce quelles que soient les
conséquences dramatiques de cette décision pour l’étranger dont les droits auraient été violés.
Semblable politique, même si elle est fondée sur une appréciation objectivement déraisonnable de
l’importance du droit international et de la portée de la violation, serait à la fois conforme à la
Constitution et exempte de tout contrôle judiciaire en vertu des précédents établis par la Cour
suprême des Etats-Unis et les autres juridictions fédérales inférieures15. Un Etat pourrait même
décider de supprimer purement et simplement la procédure du recours en grâce, sans pour autant
bafouer la Constitution des Etats-Unis.
275. Les Etats-Unis font valoir comme un atout le caractère ouvert et flexible de la grâce,
alors que c’est justement en cela qu’elle pèche ! Le recours en grâce s’accompagne de garanties
procédurales réduites, ce qui signifie dans la pratique que l’accès à ce mécanisme n’est pas égal
pour tous. Rappelons, pour ne donner qu’un exemple, que certains Etats ne fournissent pas
d’avocat aux condamnés qui veulent former un recours en grâce. Nombre des ressortissants
mexicains qui se trouvent dans le quartier des condamnés à mort sont atteints d’arriération mentale,
ne parlent pas anglais et n’ont pratiquement pas été scolarisés. Comment pourraient-ils préparer et
présenter une demande de grâce sans l’aide d’un avocat ? Face à ces réalités, l’argument des
Etats-Unis selon lequel chacun des cinquante-deux ressortissants mexicains a «le droit» de former
un recours en grâce n’est vraiment qu’une fleur de rhétorique vide de sens, puisque les Etats-Unis
ne sont pas en mesure de garantir à chacun de ces ressortissants les moyens de former un tel
recours.
276. L’attention accordée à l’examen des demandes de grâce varie aussi considérablement
d’un Etat à l’autre. En Arizona, comme nous l’avons vu dans l’affaire LaGrand, la commission
des grâces tient des audiences pour examiner chaque recours émanant d’un condamné à mort. Son
homologue du Texas, en revanche, refuse de tenir des audiences sur les recours en grâce, ne
convoque pas les témoins pour entendre leur déposition de vive voix, et ne se réunit pas non plus
¾ pas même par le biais d’une téléconférence ¾ pour examiner sur le fond les demandes

15 Id., p. 276.
- 8 -
individuelles de commutation de peine16. Les membres de la commission des grâces du Texas
utilisent systématiquement la télécopie pour communiquer au siège leurs décisions de vie ou de
mort.
277. Enfin, l’examen des recours en grâce dans les affaires concernant des condamnés à mort
est fortement influencé par des considérations politiques. Ce n’est pas là un sujet de controverse.
Les plus fervents défenseurs de ce mécanisme, notamment des universitaires et d’anciens
gouverneurs17 qui ont été saisis de recours en grâce, reconnaissent qu’il est politisé. Au Texas, où
la peine de mort est extrêmement populaire, cinq ressortissants mexicains risquent d’être exécutés
dans l’année à venir. Dans cet Etat, parmi les cent cinquante-sept derniers condamnés, un seul a vu
sa sentence capitale commuée en réclusion à perpétuité ¾ et il était innocent du crime pour lequel
il avait été condamné ! La grâce au Texas est une espèce d’Atlantide, elle n’existe qu’en tant que
mythe idéalisé. Mais c’est sans doute l’image employée par un ancien responsable du
gouvernement qui illustre mieux que tout autre l’influence de la politique dans les décisions en
matière de grâce : «si je vous disais que la politique n’a rien à voir [avec ces décisions], c’est
comme si un poisson vous disait que l’eau n’a pas d’importance»18
.
278. Les Etats-Unis ont apparemment déniché un article ¾ un seul ¾ écrit par un
universitaire qui enseigne le droit du travail et qui n’avait encore jamais rien publié sur la question,
selon lequel il n’existerait pas de corrélation «significative du point de vue statistique» entre la
politique et les décisions en matière de grâce. Il nous serait facile de réfuter l’analyse et la
méthodologie de ce jeune universitaire, mais ce n’est même pas la peine. Car même ce M. Heise
conclut ¾ dans une page que les Etats-Unis ont négligé d’inclure dans leurs annexes ¾ que son
étude «confirme une fois de plus que la peine de mort est appliquée de manière à la fois arbitraire
et inégale»19
.

16 Voir Faulder v. Texas Board of Pardons and Paroles, n
o
A 98 CA 803 SS, slip opinion, p. 9-12
(28 décembre 1998).
17 E. Brown et D. Adler, Public Justice, Private Mercy, 78-79, p. 84 (1989) (décrivant les considérations
politiques intervenues dans la décision d’un ancien gouverneur de la Californie, Edmund Brown, lorsque celui-ci refusa
de gracier un condamné à mort).
18 Beau Breslin et John J.P. Howley, «Defending the Politics of Clemency», 81 Or. L. Rev., p. 232 (2002).
19 Michael Heise, «Mercy by the Numbers: An Empirical Analysis of Clemency and its Structure», Virginia Law
Review, vol. 89, no
2 (2003), p. 244.
- 9 -
279. Le meilleur exemple du caractère personnel et ad hoc d’une décision en matière de
grâce nous est sans doute fourni par le gouverneur de l’Illinois, George Ryan, qui a décidé cette
année de commuer la sentence capitale de trois ressortissants mexicains, MM. Gabriel Solache,
Mario Flores et Juan Caballerro. Les Etats-Unis ont cité maintes fois ces commutations comme
étant la preuve incontestable que les autorités chargées de l’examen des recours en grâce pouvaient
tenir compte des violations de l’article 36, et qu’elles avaient, de fait, commué des peines capitales
au vu de telles violations20. Mais lorsqu’ils mettent en avant l’initiative du gouverneur Ryan, les
Etats-Unis oublient de mentionner que ce dernier a commué la peine de tous les condamnés à mort
de l’Illinois, soit cent soixante-sept au total ! Cette commutation collective fut l’une des dernières
mesures officielles de M. Ryan en qualité de gouverneur, et il l’a prise parce qu’il était,
personnellement, profondément convaincu que l’application de la peine de mort dans l’Illinois était
entachée de dysfonctionnements fondamentaux. Aucun commentateur n’a sérieusement supposé
que la principale raison de la commutation des peines de MM. Solache, Flores et Caballero était la
violation de l’article 36.
280. Quelle est donc la différence entre les cent soixante-sept graciés de l’Illinois et
Walter LaGrand, Angel Breard, Javier Suárez Medina, Miguel Angel Flores ou les centaines
d’autres prisonniers exécutés au Texas et en Oklahoma ? La différence, ce sont les convictions
personnelles du gouverneur Ryan. Et semblables disparités dans l’issue des procédures sont tout
bonnement inévitables dans un système où les décisions sont fondées sur les convictions
personnelles plutôt que sur des normes établies.
Monsieur le président, mon exposé s’achève là.
Le PRESIDENT : Je vous remercie, Madame Babcock. Je donne à présent la parole à
Monsieur l’ambassadeur Santiago Oñate.

20 CMEU, par. 6.69, 7.22.
- 10 -
M. OÑATE : Monsieur le président, Madame et Messieurs les juges.
VIII. RECEVABILITÉ DES DEMANDES DU MEXIQUE
A. Introduction
281. C’est pour moi un honneur de me présenter une nouvelle fois devant votre honorable
Cour au nom du Gouvernement du Mexique. Ma tâche aujourd’hui est d’examiner et de réfuter la
première et la cinquième exceptions à la recevabilité des demandes du Mexique soulevées par les
Etats-Unis.
282. Avant de présenter mes arguments sur ces exceptions, permettez-moi de répéter ce qu’a
dit M. l’ambassadeur Gómez-Robledo tout à l’heure, c’est-à-dire qu’il y a lieu de rejeter dans leur
ensemble les cinq exceptions à la recevabilité des demandes du Mexique car les Etats-Unis les ont
soulevées trop tardivement. Cela dit, par courtoisie vis-à-vis de la Cour, le Mexique examinera
brièvement chacune de ces exceptions.
283. Mme Babcock a déjà examiné ce matin la troisième exception d’irrecevabilité, à savoir
que le Mexique n’aurait pas prouvé la nationalité des cinquante-deux personnes citées nommément
en la présente instance. Ma collègue, Mme Flores, traitera de la deuxième exception, selon laquelle
le Mexique ne saurait faire valoir ses droits en matière de protection diplomatique au motif que ses
ressortissants n’auraient pas épuisé les voies de recours internes, ainsi que sur la
quatrième exception, selon laquelle le Mexique n’aurait pas informé suffisamment rapidement les
autorités des Etats-Unis des violations de la convention qu’il allègue. Il m’appartient d’examiner la
première exception, qui est que le Mexique chercherait à faire de la Cour une juridiction d’appel en
matière pénale, ainsi que la cinquième exception, selon laquelle le Mexique ne devrait pas être
autorisé à invoquer des normes qu’il ne suivrait pas.
B. Première exception d’irrecevabilité
284. Monsieur le président, la première exception à la recevabilité des demandes du Mexique
soulevée par les Etats-Unis, qui est que celui-ci inviterait la Cour à faire office de juridiction
d’appel en matière pénale, n’est pas nouveau, comme vous le savez bien. En effet, vous vous
rappelez sans doute que les Etats-Unis avaient soulevé la même exception en l’affaire LaGrand,
- 11 -
dans laquelle la Cour a dit clairement qu’elle ne «[souscrivait] pas à l’argumentation des
Etats-Unis». Elle a fait remarquer que l’Allemagne priait «exclusivement … la Cour d’appliquer
les règles pertinentes de droit international aux questions litigieuses opposant les Parties à
l’instance». La Cour a fait remarquer en outre que «[l]’exercice de cette fonction, expressément
prévu par l’article 38 de son Statut, ne fait pas de cette Cour une juridiction statuant en appel sur
des questions pénales soumises aux tribunaux internes»21
.
285. Monsieur le président, il y a lieu en l’espèce de rejeter la première exception
d’irrecevabilité soulevée par les Etats-Unis exactement pour les mêmes motifs qu’en l’affaire
LaGrand. Tout ce que le Mexique prie la Cour de faire en l’espèce, c’est d’appliquer les règles
pertinentes de droit international aux questions en litige. Le fait que la Cour, pour examiner la
question, ait besoin de se reporter à la pratique suivie par les juridictions des Etats-Unis, dans la
mesure où cette pratique a une incidence sur l’application de l’article 36 de la convention de
Vienne, ne fait pas de la Cour une juridiction d’appel en matière pénale, pas plus que les mesures
demandées par le Mexique en application du droit international, qui produiraient bien évidemment
certains effets sur la législation ou la pratique judiciaire des Etats-Unis concernant les prescriptions
imposées par l’article 36 de la convention de Vienne — à laquelle les Etats-Unis, ne l’oublions pas,
ont adhéré de leur plein gré. Comme l’a fait observer la Cour permanente il y a de nombreuses
années, dans l’affaire concernant l’Echange des populations grecques et turques, un Etat doit
«apporter à sa législation les modifications nécessaires pour assurer l’exécution des engagements
pris»22. La première exception d’irrecevabilité des Etats-Unis est non seulement tardive, mais
également dépourvue de tout fondement, et il y a lieu dès lors de la rejeter.
*
* *

21 LaGrand, par. 50-52.
22 Echange des populations grecques et turques, 1925, C.P.J.I. série B n° 10, p. 20.
- 12 -
C. Cinquième exception d’irrecevabilité
286. Monsieur le président, je voudrais en venir maintenant à la cinquième exception à la
recevabilité des demandes du Mexique soulevée par les Etats-Unis, qui est que celui-ci ne devrait
pas être autorisé à invoquer des normes qu’il ne suivrait pas. Cette exception, à l’instar de la
première, a également été soulevée en l’affaire LaGrand. A cette époque, à l’appui de leur thèse,
les Etats-Unis avaient invoqué deux affaires dans lesquelles des juridictions allemandes avaient
infligé des peines relativement légères à des étrangers auteurs d’infractions pénales à l’issue de
procédures conduites en l’absence de notification consulaire. Les Etats-Unis ont soutenu que, dans
ces deux affaires, l’Allemagne n’avait pas ouvert de voie de droit analogue au remède qu’elle
demandait en l’affaire LaGrand. La Cour a rejeté l’exception d’irrecevabilité soulevée par les
Etats-Unis. Ce faisant, la Cour a fait deux observations importantes. En premier lieu, elle a estimé
que les Etats-Unis n’avaient pas prouvé, comme ils en avaient la charge, que la pratique suivie par
l’Allemagne n’était pas à la hauteur des normes qu’elle voulait imposer aux Etats-Unis23. La Cour
a fait remarquer que des affaires jugées en Allemagne dans lesquelles des peines relativement
légères avaient été prononcées n’étaient pas instructives dans une affaire où la peine de mort était
en jeu, car les remèdes en cas de violation de l’article 36 n’avaient pas à être identiques dans toutes
les situations. En second lieu, la Cour a fait observer que, puisque les Etats-Unis n’étaient pas
parvenus à s’acquitter de la charge de la preuve, point n’était besoin pour elle de déterminer si
l’exception soulevée par eux, à supposer qu’elle fût fondée, constituerait un motif valable
d’irrecevabilité de la demande.
287. Si vous me le permettez, Monsieur le président, je tiens à souligner qu’à l’origine de
notre affaire, il y a le manquement des autorités des Etats-Unis à leurs obligations découlant de la
convention, et non une prétendue violation de celles-ci par le Gouvernement mexicain. Il
semblerait donc non seulement injustifié mais encore sans intérêt pour notre affaire de procéder à
un examen approfondi des motifs d’irrecevabilité soulevés par les Etats-Unis en l’espèce. En tout
état de cause, comme en l’affaire LaGrand, les Etats-Unis ne sont pas parvenus à prouver, comme
ils en avaient la charge, que le Mexique a commis une violation. Au demeurant, l’exception
soulevée en l’affaire Avena est même moins solide que celle soulevée en l’affaire LaGrand. Les

23 LaGrand, par. 63.
- 13 -
Etats-Unis n’ont pas produit une seule décision judiciaire dans laquelle le Mexique aurait refusé
d’ouvrir à un ressortissant étranger les voies de droit qu’il demande.
288. Je ferais remarquer que, contrairement aux Etats-Unis, le Mexique n’a pas recours à la
peine de mort dans le cadre de son système de justice pénale. Les remèdes que le Mexique
demande en la présente affaire correspondent à la gravité sans pareille de la peine de mort et au
besoin concomitant de faire en sorte que la procédure prévue par la loi aboutissant au prononcé de
cette peine soit conforme aux obligations internationales auxquelles les Etats-Unis sont tenus en
vertu de la convention de Vienne. Pourtant, même s’agissant d’affaires pénales où des peines
sévères peuvent être prononcées, les Etats-Unis n’ont pu citer un seul cas dans lequel les autorités
mexicaines, qu’elles relèvent du pouvoir exécutif ou judiciaire, ne se sont pas conformées aux
obligations découlant de l’article 36 de la convention de Vienne, un texte que le Mexique prie
instamment les Etats-Unis d’appliquer. Là encore, cela n’aurait aucune pertinence en la présente
espèce. En outre, comme nous allons le soutenir, les Etats-Unis n’ont pas prouvé et n’arriveront
pas à prouver que le système judiciaire du Mexique fait obstacle à la réparation des violations des
droits individuels garantis par la convention de Vienne.
289. Je puis assurer à la Cour que le système juridique du Mexique est conforme aux
prescriptions de l’article 36 de la convention de Vienne. En effet, comme le signalent les
Etats-Unis dans une annexe à leur contre-mémoire24, le droit mexicain prévoit une notification
immédiate du consulat lorsqu’un ressortissant étranger est placé en détention25. L’article 128 du
code de procédure pénale fédéral établit les droits procéduraux fondamentaux. Parmi ces droits, le
paragraphe 4 de cet article prévoit expressément que «si [le] détenu est un ressortissant étranger,
sa détention est notifiée immédiatement à la représentation diplomatique ou consulaire
compétente»26. La législation de dix-neuf Etats mexicains prévoit également une obligation de

24 Déclaration de M. Jesus Zamora Pierce concernant certains aspects de la procédure pénale mexicaine, CMEU,
vol. 2, annexe 5.
25 CMEU, par. 6.36.
26 [Traduit par le Greffe à partir de la version anglaise citée par le Mexique]; les italiques sont de nous.
- 14 -
notification «immédiate» du même type27. Dans les Etats dont les codes pénaux ne prévoient pas
expressément une notification «immédiate», les obligations prévues par le paragraphe 1 de
l’article 36 de la convention de Vienne sont directement applicables car, à l’instar des autres traités
internationaux conclus par le Mexique, la convention de Vienne constitue à proprement parler la
«loi suprême du pays» et prévaut sur les lois étatiques et fédérales28
. Donc, même dans l’hypothèse
où les lois adoptées n’auraient pas donné pleinement effet aux obligations énoncées dans la
convention, que ce soit à propos de la notification ou des communications, le Mexique ne se
conformerait pas moins aux prescriptions de l’article 36 en vertu de sa Constitution.
290. Conformément au droit mexicain, la non-notification de la détention d’un ressortissant
étranger «immédiatement à la représentation diplomatique ou consulaire compétente» constitue une
violation du principe de légalité de la procédure pénale. Afin de remédier à une violation de ce
type, la loi permet de former des recours qui peuvent produire des effets divers sur la validité de
certains actes de procédure et même sur l’ensemble de celle-ci.
291. Le non-respect des prescriptions énoncées dans le code de procédure pénale fédéral
permet à l’accusé de demander le réexamen de l’affaire. Il a le droit d’interjeter appel (recurso de
apelación)29 des décisions judiciaires dans lesquelles le droit à une procédure régulière n’a pas été
dûment respecté.
292. Outre ce recours, un vice de procédure permettrait à la partie lésée d’utiliser les voies de
droit prévues à l’échelon fédéral. Au Mexique, le recours prévu par la Constitution en cas de
violation des dispositions garantissant une procédure régulière est l’amparo (juicio de amparo). Le
contrôle par le juge des décisions prises en violation de ce qu’il est convenu d’appeler la «garantie
du principe de légalité» est une voie de droit ouverte aux ressortissants étrangers déclarés
coupables ou condamnés dans le cadre d’une procédure où l’obligation de notification consulaire a
été violée.

27 Il s’agit du code de procédure pénale des Etats suivants : Aguascalientes (art. 143, par. 3), Coahuila (art. 53),
Colima (art. 119), Chiapas (art. 97bis, par. 4), Distrito Federal (art. 269, par. 4), Durango (art. 164, par. 4), Guanajuato
(art. 119bis, par. 4), Jalisco (art. 93, par. 3, al. f)), Nayarit (art. 117, par. 4), Nuevo Leon (art. 135, par. 6), Oaxaca (art. 22,
par. 2), Puebla (art. 70, par. 4), Quintana Roo (art. 22, par. 2), San Luis Potosi (art. 161, par. 4), Sinaloa (art. 122, par. 4),
Sonora (art. 129bis, par. 4), Tamaulipas (art. 110, par. 4), Veracruz (art. 130, par. 3), Yucatan (art. 241, par. 4).
28 Article 133 de la Constitution mexicaine; Cour suprême de justice, neuvième session, Gazette judiciaire
fédérale, vol. 10, novembre 1999, point P.LXXVII/99, p. 46 : «Dans la hiérarchie des normes, les traités internationaux
se situent au dessus des lois fédérales et en seconde position après la constitution fédérale.»
29 Code de procédure pénale fédéral, art. 363-391.
- 15 -
293. Les articles 14, 103 et 107 de la Constitution constituent le fondement de ce contrôle de
la régularité de la procédure. L’article 14 de la Constitution est libellé comme suit : «Nul ne sera
privé de sa vie, de sa liberté, de ses biens, de ses possessions ou de ses droits sans avoir été jugé par
un tribunal dûment constitué dans le respect des garanties procédurales essentielles et
conformément aux lois adoptées avant les faits.»30
294. A cet égard, il est pour le moins surprenant que la déclaration produite par les
Etats-Unis à l’annexe 5 de leur contre-mémoire oublie l’importance de ces voies de droit. Il n’est
aucunement fait référence à l’article 14 de la Constitution, fondement du contrôle judiciaire de la
légalité et voie ordinaire de recours en cas de violations diverses, par exemple le défaut de
notification consulaire.
*
* *
295. Monsieur le président, Madame et Messieurs les juges, même si les Etats-Unis s’étaient
acquittés de la charge de la preuve, ce qui n’est certainement pas le cas, leur cinquième exception
doit être rejetée pour des raisons juridiques. En effet, un Etat défendeur ne peut s’affranchir de sa
responsabilité juridique internationale au motif que le demandeur ne s’est pas conformé aux
normes auxquelles il voudrait voir tenir le défendeur. Il est révélateur que les Etats-Unis n’aient
pas cité une seule décision de la Cour ou d’un autre organe judiciaire international, ni la moindre
opinion doctrinale, à l’appui de leur thèse selon laquelle le Mexique doit établir qu’il se conforme à
certaines normes pour que soit recevable la demande qu’il présente contre les Etats-Unis.
296. La seule exception est l’affaire relative aux Prises d’eau à la Meuse31, que les
Etats-Unis invoquent pour affirmer que la bonne administration de la justice et l’égalité des Etats
exigent des deux Etats parties au litige qu’ils soient soumis aux mêmes règles de droit international.
Le Mexique adhère sans réserve à cette proposition. Il n’a jamais soutenu que les obligations
imposées par la convention de Vienne aux Etats-Unis et au Mexique étaient différentes. Il

30 [Traduit par le Greffe à partir de la version anglaise citée par le Mexique]; les italiques sont de nous.
31 Prises d’eau à la Meuse, arrêt, 1937, C.P.J.I. série A/B no
70, p. 20.
- 16 -
reconnaît pleinement qu’en sa qualité de partie à la convention de Vienne, il a les mêmes
obligations que les Etats-Unis pour ce qui est du respect des dispositions de cette convention.
297. Mais cette proposition évidente voulant que les Etats parties soient tous tenus aux
mêmes obligations en vertu de la convention de Vienne ne veut pas dire qu’un Etat partie doit
démontrer qu’il se conforme à ses obligations avant de pouvoir présenter une réclamation recevable
contre un autre Etat partie du fait de la violation de ses obligations. Il s’agit là d’une proposition
totalement différente.
298. Les conséquences que comporterait une telle proposition sont dangereuses : deux faits
internationalement illicites pourraient s’annuler mutuellement. La proposition des Etats-Unis
empêcherait la Cour de jouer son rôle d’interprète du droit international et d’organe de règlement
des différends internationaux.
299. Au lieu de cela, comme vous le savez, c’est dans le Règlement de la Cour que se trouve
le dispositif qu’il faut mettre en œuvre lorsque le défendeur pense que le demandeur ne s’est pas
conformé aux obligations juridiques dont il demande le respect. Plus précisément, l’article 80 du
Règlement de la Cour autorise le défendeur à présenter une demande reconventionnelle contre le
demandeur, ce qui permet à la Cour d’examiner à la fois les violations alléguées par le défendeur et
celles alléguées par le demandeur. Le Règlement prévoit donc un dispositif qui consiste à mettre
en jeu la responsabilité internationale des deux Etats si les violations alléguées sont avérées, et non
à exonérer l’un et l’autre. Le Règlement de la Cour permet à celle-ci de trancher et de rétablir la
primauté du droit dans les relations mutuelles entre les deux parties. Les Etats-Unis auraient donc
pu présenter une demande reconventionnelle contre le Mexique s’ils estimaient que celui-ci avait
violé l’article 36 de la convention de Vienne à l’égard de ressortissants de leur pays. Or, le fait est
que, comme vous le savez, ils ne l’ont pas fait et ne pouvaient le faire, car ils ne peuvent constater
la moindre violation par le Mexique de l’article 36 de la convention de Vienne à l’égard d’un
ressortissant des Etats-Unis dans des circonstances comparables à celles de la présente affaire.
- 17 -
D. Conclusion
300. Monsieur le président, avant de conclure, permettez-moi de vous donner les assurances
suivantes : le Mexique respecte la Cour en sa qualité d’organe judiciaire international suprême
habilité par la Charte des Nations Unies à régler les différends et à interpréter et appliquer le droit
international afin de protéger et promouvoir la primauté du droit. Le Mexique, Monsieur le
président, adhérera sans réserves à ce que dira la Cour dans son arrêt, et donnera plein effet à
celui-ci dans son ordre juridique interne, comme il attend des Etats-Unis qu’ils le fassent.
301. Monsieur le président, je vous prie à présent de bien vouloir donner la parole à
Mme Flores pour qu’elle examine la deuxième et la quatrième exceptions d’irrecevabilité soulevées
par les Etats-Unis.
Je vous remercie.
Le PRESIDENT : je vous remercie, Monsieur l’ambassadeur. Je donne à présent la parole à
Mme Flores.
Mme FLORES :
IX. LA REPONSE DU MEXIQUE A LA DEUXIEME ET A LA QUATRIEME EXCEPTIONS
D’IRRECEVABILITE SOULEVEES PAR LES ETATS-UNIS
302. Je vous remercie infiniment, Monsieur le président. C’est pour moi un honneur que de
me présenter aujourd’hui devant la Cour au nom du Gouvernement du Mexique. Ma tâche est de
répondre à la deuxième et à la quatrième exceptions d’irrecevabilité soulevées par les Etats-Unis
dans leur contre-mémoire. La deuxième exception porte sur la règle de l’épuisement des recours
internes efficaces dans le cadre de la protection diplomatique. La quatrième concerne l’allégation
des Etats-Unis selon laquelle le Mexique n’aurait dénoncé en temps voulu aucune des violations de
l’article 36.
303. Comme nous l’avons déjà expliqué, les exceptions préliminaires des Etats-Unis n’ont
pas été soulevées en temps utile, sont complètement dénuées de fondement et doivent être rejetées
par la Cour. Dans un souci d’exhaustivité, je répondrai toutefois aux deux exceptions que je viens
de mentionner.
- 18 -
A. L’épuisement des recours juridiques efficaces dans le cadre
de la protection diplomatique
304. Monsieur le président, il est clair que le Mexique a le droit d’exercer la protection
diplomatique à l’égard de ses ressortissants visés en l’espèce, et que la règle de l’épuisement des
recours internes ne fait nullement obstacle à la recevabilité.
305. Pour commencer, les Etats-Unis se gardent de reconnaître que la majorité des
ressortissants en cause ont formé, en vain, des recours judiciaires aux Etats-Unis. Comme il a été
dit, la plupart d’entre eux ont été déboutés de leur demande en raison de la doctrine de la carence
procédurale, parce qu’ils ne l’avaient pas présentée en première instance précisément parce que les
Etats-Unis ne les avaient pas informés de leurs droits comme ils y étaient tenus par le paragraphe 1
de l’article 36. Là encore, les Etats-Unis cherchent à éluder la question de l’incidence de la règle
de la carence procédurale en la matière, en soutenant que les intéressés «peuvent tout à fait
connaître en réalité les conditions de l’alinéa b) du paragraphe 1 de l’article 36, indépendamment
du fait que l’Etat de résidence ait ou non informé le ressortissant et son consulat»32. Mais la Cour a
déjà entendu cet argument. Dans l’affaire LaGrand, elle avait clairement dit que «les Etats-Unis ne
[pouvaient] se prévaloir … devant la Cour de cette circonstance pour faire obstacle à la
recevabilité …, dès lors qu’ils avaient eux-mêmes failli à l’exécution de leur obligation, en vertu de
la convention, d’informer les frères LaGrand»33
. Quant aux autres ressortissants, les Etats-Unis ont
présenté sous un faux jour l’obligation d’épuiser les recours internes en laissant entendre qu’il
s’agissait d’une règle absolue. Cela est faux. Comme la Cour l’indiqua en l’affaire de la
Barcelona Traction, la règle de l’épuisement «n’impose pas … aux intéressés d’engager une action
manifestement illusoire et dépourvue de portée, ni de tenter à nouveau une action qui s’est déjà
révélée vaine»34
.
306. Dans sa jurisprudence ultérieure, la Cour a confirmé le caractère limité de la règle de
l’épuisement des recours internes. En l’affaire de l’Elettronica Sicula, par exemple, les Etats-Unis
avaient bénéficié de cette interprétation restrictive. La Cour avait dit que «pour qu’une demande
internationale soit recevable, il suffit qu’on ait soumis la substance de la demande aux juridictions

32 CMEU, par. 4.8.
33 LaGrand, arrêt, C.I.J. Recueil 2001, p. 488, par. 60.
34 Affaire de la Barcelona Traction, Light and Power Company, Limited, exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 1970, p. 144-145.
- 19 -
compétentes et qu’on ait persévéré aussi loin que le permettent les lois et les procédures locales, et
ce sans succès»35
.
307. Ainsi que l’a indiqué Mme Birmingham, les juridictions des Etats-Unis n’ont jamais fait
droit au moindre recours judiciaire intenté par un ressortissant étranger pour une violation de
l’article 36. Ces juridictions déclarent soit que l’article 36 ne crée pas de droit individuel, soit
qu’un ressortissant étranger qui a été privé des droits qu’il tenait de l’article 36, mais qui a en
revanche bénéficié de ceux prévus par la Constitution et les lois américaines, ne peut établir
l’existence d’un préjudice et donc obtenir réparation. Dans onze des cinquante-deux cas où les
accusés avaient prétendument connaissance, par l’intermédiaire de leurs avocats, de la violation de
la convention de Vienne et ne l’ont pas invoquée, ce défaut d’invocation est manifestement absous
en vertu de la doctrine du caractère illusoire énoncée en l’affaire de la Barcelona Traction.
308. Il est clair qu’aux Etats-Unis, un ressortissant étranger formant un recours judiciaire
pour une violation de l’article 36 n’aura jamais gain de cause. La formule de la Commission du
droit international s’applique : «il n’existe aucune obligation de faire valoir un recours qui n’offre
aucune possibilité de remédier à la situation, dans les cas par exemple où il est clair dès le départ
que le droit que la juridiction locale devrait appliquer ne pourrait qu’aboutir à son rejet»36
.
309. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, les Etats-Unis affirment
également que les ressortissants mexicains doivent épuiser les recours en grâce auprès de l’exécutif
comme condition préalable à la recevabilité37. C’est faire bon marché du fait que la règle de
l’épuisement des recours internes est limitée aux recours judiciaires. Les recours internes qui
doivent être épuisés comprennent les recours d’ordre juridique, «mais non les recours d’ordre
extra-juridique ou les recours en grâce»38 ou encore ceux qui «ont pour objet l’obtention d’une

35 Voir l’affaire de l’Elettronica Sicula S.p.A (ELSI), arrêt, C.I.J. Recueil 1989, p. 46.
36 Projet d’articles de la CDI sur la responsabilité de l’Etat, commentaire du projet d’article 44, par. 5.
37 Voir CMEU, p. 50-51.
38 J. L. Brierly, The Law of Nations, 6e
éd. (H. Waldock, dir. de publ.), p. 281; I. Brownlie, Principles of Public
International Law, 5e
éd. (1998), p. 499 (dénommé ci-après «Principles»; C. F. Amerasinghe, «The Local Remedies Rule
in Appropriate Perspective» (1976), Zeitschrift für ausländisches öffentliches Recht und Völkerrecht, vol. 36, p. 747;
A. M. Aronovitz, «Notes on the Current Status of the Rule of Exhaustion of Local Remedies in the European Convention
of Human Rights» (1995), Israel Yearbook on Human Rights, vol. 25, p. 89; Grèce c. Royaume-Uni, requête no
299/57
(1958-1959), Annuaire de la Convention européenne des droits de l’homme, vol. 2, p. 193; voir l’arbitrage rendu en
l’Affaire des navires finlandais (1934), Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales, p. 1479 [texte français : Recueil
général périodique et critique des décisions, conventions et lois relatives au droit international public et privé, 1934,
Albert de La Pradelle, dir. de publ., partie II, p. 21].
- 20 -
faveur et non la revendication d’un droit»39
. La règle de l’épuisement des recours internes ne
s’applique pas aux recours qui, par nature, sortent du cadre judiciaire et revêtent un caractère
discrétionnaire40
.
310. Les Etats-Unis traitent la procédure de recours en grâce auprès de l’exécutif comme un
volet du processus judiciaire alors qu’il s’agit en fait d’un moyen extra-judiciaire d’obtenir
réparation. Comme l’a dit Mme Babcock, les mécanismes de recours en grâce visent à permettre
aux autorités d’étudier la possibilité d’accorder la grâce à un condamné. Aucun droit juridique
n’est examiné et la décision d’octroyer ou de refuser la grâce est totalement discrétionnaire.
311. Je dois souligner, comme Mme Babcock l’a aussi rappelé, que le délai qui s’écoule
entre le refus de la grâce et l’exécution est généralement très court; parfois une semaine, parfois
moins d’une heure. Si le Mexique devait attendre que la grâce soit refusée avant de recourir à la
protection diplomatique, cette protection perdrait alors tout son sens. Les Etats-Unis ne peuvent
attendre du Mexique qu’il soumette à la Cour des demandes de dernière minute chaque fois qu’un
recours en grâce est rejeté. La Cour sait déjà quels obstacles et difficultés cette approche pose à la
bonne administration de la justice41
.
312. Pour conclure, les Etats-Unis reconnaissent dans leur contre-mémoire que «la condition
de l’épuisement des voies de recours internes ne peut être écartée que lorsqu’il est «prouvé de
façon concluante» que les voies de recours internes auraient été refusées»42. Pas une seule
juridiction aux Etats-Unis n’a fait droit à un recours pour violation de l’article 36 de la convention
de Vienne. Le Mexique a «prouvé de façon concluante» que ces recours ne sont pas efficaces car
ils sont constamment rejetés.

39 De Becker c. Belgique, requête no
214/56 (1958-1959), Annuaire de la convention européenne des droits de
l’homme, vol. 2, p. 239; E. Jiménez de Aréchaga, «General Course in Public International Law» (1978-I), Recueil des
cours, vol. 159, p. 293.
40 Cançado Trindade, Application of the Rule, voir plus haut, note 28, p. 62; Amerasinghe, Local Remedies, voir
plus haut, note 6, p 161; J. E. S. Fawcett, The Application of the European Convention on Human Rights (1965), p. 295;
arrêt sur les exceptions préliminaires rendu le 26 juin 1987 par la Cour interaméricaine des droits de l’homme en l’affaire
Velásquez v. Rodríguez, Inter-Am Ct. H. R., series C no
1 (1994), p. 222, par. 64.
41 Voir LaGrand (Allemagne c. Etats-Unis d’Amériques), mesures conservatoires, ordonnance du 3 mars 1999,
C.I.J. Recueil 1999.
42 Voir CMEU, p. 50, citant le juge Lauterpacht en l’affaire relative à Certains emprunts norvégiens, arrêt,
C.I.J. Recueil 1957, p. 39 (opinion individuelle de sir Hersch Lauterpacht).
- 21 -
B. Le Mexique a employé différents moyens pour obtenir qu’il soit remédié aux
violations de l’article 36, en pure perte
313. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, j’en viens à présent à la
quatrième exception d’irrecevabilité soulevée par les Etats-Unis.
314. Les Etats-Unis prétendent que les demandes mexicaines sont irrecevables car le
Mexique avait connaissance de certaines violations mais ne les a pas signalées aux autorités
américaines, ou l’a fait «avec un retard considérable»43. Ils se fondent sur l’affaire de Certaines
terres à phosphates à Nauru, mais il est justement dit dans cette affaire que le droit international
n’impose aucun délai précis pour présenter des demandes44
.
315. Les Etats-Unis reprochent en outre au Mexique d’avoir créé, soit par son silence, soit
par son retard, «la nette impression que les Etats-Unis remplissaient les obligations qui leur
incombent en vertu de la convention de Vienne à l’égard du Mexique, ainsi que celui-ci les
interprétait»45. Mais la pratique antérieure des Parties à la présente affaire révèle clairement le
contraire.
316. Je résumerai brièvement les efforts déployés par le Mexique en vue de porter à
l’attention des autorités américaines les violations de la convention de Vienne.
317. En premier lieu, le Mexique a interjeté appel devant les juridictions des Etats-Unis,
mais celles-ci ont déclaré que ni le Mexique ni ses fonctionnaires consulaires ne pouvaient recourir
au système judiciaire fédéral pour faire valoir leurs droits en vertu de la convention de Vienne46
.
318. En deuxième lieu, le Mexique a également présenté des mémoires à titre d’amicus
curiae afin de convaincre les juridictions américaines de remédier aux violations de la convention
de Vienne. Il a même invoqué la décision LaGrand. Ces initiatives sont jusqu’à présent restées
vaines.
319. En troisième et dernier lieu, le Mexique a entrepris maintes démarches diplomatiques et
politiques dans l’espoir de gagner l’aide du pouvoir exécutif des Etats-Unis pour remédier aux

43 CMEU, par. 4.13.
44 Voir Certaines terres à phosphates à Nauru (Nauru c. Australie), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 1992, p. 253. Voir aussi le projet d’articles de la CDI sur la responsabilité de l’Etat, commentaire du projet
d’article 45, par. 7-11.
45 CMEU, par. 4.13.
46 United Mexican States v. Woods, 126 F.3d 1220 (9e
Cir. 1997), cert. denied, 523 U.S. 1075 (1998). Voir aussi
MM, par. 138-139.
- 22 -
violations de la convention de Vienne, mais sans beaucoup de succès. Dans certains des cas portés
à l’attention de l’exécutif, le seul résultat obtenu fut une lettre adressée aux commissions des
grâces.
320. Etant donné ces efforts diplomatiques, politiques et juridiques, les Etats-Unis font
preuve de mauvaise foi lorsqu’ils prétendent qu’ils ignoraient tout des griefs mexicains concernant
leur obéissance aux dispositions de l’article 36. En outre, compte tenu de leur pratique antérieure,
absolument rien ne permet de croire que, si des griefs avaient été portés à l’attention des
Etats-Unis, ceux-ci auraient agi pour corriger la situation.
321. La quatrième exception d’irrecevabilité soulevée par les Etats-Unis doit également être
rejetée par la Cour. Monsieur le président, je vous prie de bien vouloir appeler M. Bernal à la barre
afin qu’il poursuive la démonstration du Mexique. Je vous remercie.
Le PRESIDENT : Je vous remercie, Madame Flores Liera. J’appelle à présent M. Bernal à
la barre.
M. BERNAL :
X. L’ARTICLE 36 EN TANT QUE GARANTIE D’UNE PROCÉDURE RÉGULIÈRE
322. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, c’est un grand honneur pour
moi que de paraître devant la Cour au nom du Gouvernement du Mexique. La nature du droit à la
notification consulaire et du droit à la communication entre les consulats et les ressortissants est
une question de substance, et non de forme. C’est sur l’objet et l’effet de ces droits que la Cour
doit centrer son attention. La substance de ces droits relève de la compétence de la Cour, et c’est là
le propos de mon exposé.
A. La notification, l’information et l’assistance consulaires sont nécessaires pour
assurer la bonne administration de la justice et les garanties minimales
d’une procédure régulière
323. Quelle que soit la manière dont on les qualifie ou les appelle, les droits à la notification,
à l’information et à l’assistance consulaires ont sans contredit pour objet de permettre aux
fonctionnaires consulaires de «f[aire] les démarches nécessaires pour que les [ressortissants
- 23 -
étrangers arrêtés] soient traités avec humanité, défendus et jugés impartialement»47. Les droits à la
notification et à l’assistance consulaires sont une condition nécessaire pour qu’un ressortissant
étranger bénéficie de la procédure pénale équitable et juste à laquelle toute personne peut
prétendre. La participation d’un fonctionnaire consulaire est nécessaire pour assurer la bonne
administration de la justice et les garanties minimales d’une procédure régulière qui caractérisent
les nations civilisées48
. Compte tenu de son rôle essentiel et fondamental dans la procédure pénale,
le droit à la notification consulaire revêt naturellement toutes les caractéristiques d’une garantie de
procédure régulière : c’est un droit individuel qui s’impose de façon impérative et catégorique et
qui s’applique dès qu’un individu est mis en détention.
B. L’avis consultatif de la Cour interaméricaine contient des orientations pertinentes
sur les liens entre les droits découlant de l’article 36 et la régularité de la
procédure et sur le caractère essentiel de ces droits dans les
procédures pouvant conduire à la peine capitale
324. La Cour n’a pas à examiner la nature de ces droits dans le vide. Les incidences
juridiques de nombre des questions que j’aborderai, comme de celles qu’ont évoquées mes
collègues, ¾ les handicaps dont souffrent les ressortissants étrangers sur le plan de la procédure,
l’importance de la notification et de l’assistance consulaires pour surmonter ces handicaps et le lien
entre la régularité de la procédure et les droits découlant de l’article 36 ¾ ont déjà été examinées
avec soin par la Cour interaméricaine des droits de l’homme dans son avis consultatif OC-16/9949
.
Dans l’examen qu’elle fera de la substance de ces droits dans le cadre de l’article 36, la Cour
pourra se reporter aux conclusions de cet avis consultatif et à la reconnaissance et au soutien quasi
universels qu’elles ont reçus dans tout l’hémisphère occidental et, à vrai dire, dans le monde entier.
325. Comme la Cour le sait, la Cour interaméricaine est la principale juridiction de
l’Organisation des Etats américains en matière de droits de l’homme. Elle peut, si l’un quelconque
des Etats membres en fait la demande, rendre un avis consultatif sur l’interprétation des traités

47 Article 10, règlements consulaires, Bruxelles, 1857, p. 70. Cité par la Cour suprême des Etats-Unis en l’affaire
Wildenhus, 120 U.S. 1 (1887). Le texte original de la citation intégrale est : «le consul, si l’autorité locale les arrête ou
procède contre eux, fera les démarches nécessaires pour que les Belges ainsi arrêtés soient traités avec humanité,
défendus et jugés impartialement».
48 Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 19 décembre 1966, art. 14, Nations Unies, Recueil des
traités, p. 171 (entré en vigueur le 23 mars 1976) [ci-après le PIDCP].
49 Cour interaméricaine des droits de l’homme, avis consultatif OC-16/99 du 1er octobre 1999, série A no
16,
1999.
- 24 -
relatifs à la protection des droits de l’homme dans les Etats américains50. Comme l’a affirmé son
premier président, les avis consultatifs de la Cour interaméricaine ne sont pas des «exercices
théoriques; ce sont des prononcés judiciaires»51
. Le fait que la Cour interaméricaine ait traité la
nature des droits consulaires dans un avis consultatif plutôt que dans le cadre d’une affaire
contentieuse «ne diminue en rien la légitimité du principe juridique qu’elle y énonce ni l’autorité
qui s’y rattache»52
.
326. En 1997, le Mexique a déposé une requête pour avis consultatif auprès de la Cour
interaméricaine, où il demandait si le respect des dispositions de l’article 36 garantissait la
régularité de la procédure et protégeait les droits fondamentaux de la personne, en particulier dans
une procédure mettant en jeu la peine de mort53. Les Etats-Unis et six autres membres de
l’Organisation des Etats américains ont participé pleinement à ces débats.
327. En examinant la nature des droits découlant de l’article 36, la Cour interaméricaine a
formulé deux conclusions fondamentales : premièrement, le droit à l’information consulaire est un
élément essentiel des garanties d’une procédure régulière et du principe d’un procès équitable; et
deuxièmement, le respect de ce droit est vital dans des procédures où l’accusé encourt la peine
capitale, lorsque la vie humaine est en jeu54
.
328. La Cour est parvenue à ces conclusions en trois étapes.
329. Premièrement, la Cour a dit que lorsqu’il s’agit de déterminer si des procédures pénales
dans lesquelles il y a eu violation de l’article 36 sont équitables, «il faut prendre en compte la
situation réelle des ressortissants étrangers»55. Comme l’a expliqué Mme Babcock, les
ressortissants étrangers en détention sont désavantagés dans les systèmes de justice pénale des Etats
de résidence. Ils doivent faire face aux obstacles considérables que constituent la langue et la
culture, la connaissance insuffisante du système juridique, la crainte de l’expulsion et le fait d’être
éloignés de leur famille et de leur communauté. En outre, les ressortissants mexicains aux

50 Convention américaine relative aux droits de l’homme entrée en vigueur le 18 juillet 1978, art. 64,
Nations Unies, Recueil des traités, vol. 1144, p. 23.
51 T. Buergenthal, International Human Rights in a Nutshell (2e
éd., 1995), p. 220.
52 Id.
53 OC-16, par. 26.
54 Ibid., par. 141 7).
55 OC-16, par. 121 [traduction du Greffe].
- 25 -
Etats-Unis font fréquemment l’objet d’un traitement discriminatoire du fait de leur race et des
stéréotypes entourant l’illicéité de leur statut d’immigré. A ce propos, la Cour interaméricaine a
fait observer que «[l]’existence de [ces] handicaps réels requiert des mesures de compensation
permettant d’atténuer, voire d’éliminer les obstacles et les carences qui empêchent une personne de
défendre efficacement ses intérêts»56
.
330. Deuxièmement, la Cour a conclu que les mesures de compensation nécessaires pour
remédier aux handicaps dont souffrent les détenus de nationalité étrangère sont les droits garantis
par l’article 36. «[I]l est évident», a fait observer la Cour, que la notification et l’assistance
consulaires «accroissent considérablement les chances de se défendre et [que] les procédures …
sont davantage susceptibles d’être compatibles avec le droit et le respect de la dignité de la
personne humaine.»
57 En fait, ces droits sont, comme le dit la Cour, «étroitement liés» aux droits
fondamentaux à une procédure régulière et «font partie des garanties essentielles minimales» du
droit à présenter une défense et à ne pas témoigner contre soi-même58. La Cour interaméricaine a
donc déclaré à l’unanimité que le respect de l’article 36 «permet[tait] au droit à une procédure
régulière … d’avoir des effets pratiques dans des affaires concrètes»59
.
331. Troisièmement, du fait des liens étroits qui existent entre les droits à la notification et à
l’assistance consulaires et le droit à une procédure régulière, la Cour a déclaré que les violations de
l’article 36 dans le cadre d’une procédure où l’accusé encourt la peine de mort sont contraires au
pacte international relatif aux droits civils et politiques et à d’autres traités relatifs aux droits de
l’homme60
. Selon la Cour, il est bien établi en droit international que le «respect des [droits de la
défense] devient d’autant plus important qu’est en jeu le droit suprême reconnu et protégé par
chaque traité ou déclaration concernant les droits de l’homme, à savoir le droit à la vie humaine»61
.

56 OC-16, par. 119.
57 OC-16, par. 121.
58 OC-16, par. 122.
59 OC-16, par. 141 6).
60 OC-16, par. 137.
61 OC-16, par. 135; voir aussi Reid v. Jamaica (no
250/1987), rapport de la Commission des droits de l’homme,
documents officiels de l’Assemblée générale, GAOR, 45e
séance, supplément no
40, vol. II (1990), annexe IX, J,
par. 12.2; Beck v. Alabama, 447 US 625 (1980).
- 26 -
C. L’avis consultatif de la Cour interaméricaine a été largement reconnu
et soutenu par la communauté internationale
332. Les Etats-Unis décrient l’avis consultatif OC-16 de la même manière qu’ils ont, ainsi
que leurs juridictions, rejeté les décisions de la Cour internationale de Justice concernant
l’article 36. Dans le contre-mémoire, ils ne mentionnent cet avis consultatif pratiquement que pour
remettre en question la compétence de la Cour interaméricaine à appliquer le libellé clair de la
convention de Vienne aux notions universelles et aux exigences bien établies qui sont rattachées à
une procédure régulière62. Dans leur contre-mémoire, ils n’examinent ni ne prennent la peine
d’aborder le raisonnement réfléchi de la Cour interaméricaine. Ils rejettent tout simplement l’avis
consultatif comme étant «entaché … d[’] … erreurs de raisonnement»63
.
333. Les Etats-Unis affirment aussi qu’il faut considérer l’avis consultatif comme une
décision à laquelle ne s’est ralliée «aucune autre juridiction»64. Avec l’autorisation de la Cour, je
dirai que cette affirmation est à la fois trompeuse et erronée.
334. Il existe une explication simple au fait qu’aucune autre juridiction n’a eu l’occasion
d’appuyer l’avis consultatif. Au cours des quatre années qui se sont écoulées depuis l’adoption de
l’avis consultatif, les seuls cas de peine capitale où il y ait eu violation de l’article 36 se sont
produits aux Etats-Unis.
335. Les Etats-Unis ne peuvent donc avoir à l’esprit que leurs propres tribunaux lorsqu’ils
affirment que les principes de l’avis consultatif n’ont «rallié aucune juridiction». A n’en pas
douter, les tribunaux des Etats-Unis ont rejeté l’avis consultatif et soutenu que cette décision
n’impose aucune obligation de remédier aux violations de l’article 3665. Le Mexique ne conteste
pas que l’avis consultatif, comme les décisions de la Cour internationale de Justice sur l’article 36,
ait eu un effet apparent sur les orientations générales et la pratique des Etats-Unis ou de leurs
juridictions. Mais c’est précisément cette situation que le Mexique soumet à la Cour.
336. En tout état de cause, l’affirmation des Etats-Unis selon laquelle aucune juridiction ne
s’est ralliée à l’avis consultatif est aussi carrément erronée. L’avis consultatif et son raisonnement

62 CMEU, par. 6.84, note 281.
63 CMEU, par. 6.84, note 281.
64 CMEU, par. 6.84.
65 Voir par exemple United States v. Li, 206 F.3d 56, n. 4 (1er Cir. 2000) (en formation plénière).
- 27 -
ont été, et sont de plus en plus, largement reconnus et appuyés. Depuis sa publication, dans au
moins six affaires où le requérant risquait la peine de mort et où des violations de l’article 36
avaient été commises par les Etats-Unis d’Amérique, trente pays ont exprimé leur appui aux
conclusions de la Cour interaméricaine. Quinze Etats, la Commission européenne et l’Union
européenne au nom de ses quinze Etats membres, ont déposé à titre d’amici curiae des mémoires à
l’appui de l’avis consultatif ou de ses conclusions66. Par ailleurs, les représentants de
dix-neuf Etats ont adressé des communications officielles à des gouverneurs et à des commissions
des grâces et des libertés conditionnelles des Etats-Unis pour soutenir des recours en grâce engagés
par des ressortissants étrangers condamnés à mort. Dans ces communications, les conclusions de
l’avis consultatif sont invoquées pour demander la grâce en faveur de ressortissants étrangers
condamnés à mort dont les droits à la notification consulaire n’ont pas été respectés67
. Quatorze
Etats d’Amérique latine sur dix-huit ont manifesté leur appui à l’avis consultatif ou à ses
conclusions68 : Argentine, Brésil, Chili, Colombie, Costa Rica, El Salvador, Guatemala, Honduras,
Mexique, Panama, Paraguay, République dominicaine, Uruguay et Venezuela. Outre l’Union
européenne, l’Allemagne, l’Espagne, l’Islande, la Pologne, le Saint-Siège, la Slovénie et la Suisse
ont apporté leur soutien à l’avis consultatif ou à ses principes69
.
337. De plus, depuis 2000, l’Assemblée générale de l’Organisation des Etats américains a
adopté chaque année une résolution envisageant l’avis consultatif OC-16 «dans le cadre de la
procédure judiciaire régulière» et réaffirmant catégoriquement qu’il est du devoir de tous les Etats
membres de respecter l’article 3670. Enfin, dans le cadre de l’examen de l’importance de la
procédure régulière dans les affaires où l’accusé encourt la peine de mort, la Cour européenne des
droits de l’homme a cité l’avis consultatif OC-16 comme étant un précédent juridique international
d’une grande pertinence71
.

66 Voir MM, annexe 27, Javier Suárez Medina v. State of Texas, Mémoire déposé à titre d’amicus curiae par les
Gouvernements des Etats-Unis du Mexique, de l’Argentine, du Brésil, du Chili, de la Colombie, d’El Salvador, du
Guatemala, du Honduras, du Panama, du Paraguay, de la Pologne, de l’Espagne, de l’Uruguay et du Venezuela,
13 août 2002.
67 Ibid.
68 Ibid.
69 Ibid.
70 OEA/Ser.P AG/RES. 1717 (XXX-O/00) 5 juin 2000.
71 Ocalan c. Turquie, Cour européenne des droits de l’homme, arrêt du 12 mars 2003, par. 63 et 203.
- 28 -
338. Monsieur le président, l’avis consultatif OC-16 donne des orientations importantes sur
la substance des droits découlant de l’article 36, question même dont la Cour est saisie. La Cour
interaméricaine est parvenue à ses conclusions non pas en s’attachant à des considérations
sémantiques, mais en analysant avec soin la fonction essentielle que remplissent les droits de
notification, d’information et d’assistance consulaires pour combler les différences objectives qui
existent entre un ressortissant de la juridiction où a eu lieu l’arrestation et un ressortissant étranger
dans la procédure pénale de l’Etat de résidence. En particulier dans les instances mettant en jeu la
peine de mort, le raisonnement de la Cour étaye la conclusion selon laquelle l’article 36 permet
d’assurer la bonne administration de la justice et les garanties minimales d’une procédure régulière
que prévoit le droit international. Le fait que l’avis consultatif a été reconnu par un grand nombre
d’Etats et d’institutions régionales et internationales importantes fait honneur à la Cour pour le
caractère approfondi et rigoureux de son analyse.
339. Monsieur le président, ici s’achève mon exposé.
Le PRESIDENT : Merci, Monsieur Bernal. La séance est maintenant suspendue et reprendra
à 16 h 20.
L’audience est suspendue de 16 h 5 à 16 h 20.
Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. Je donne la parole à M. Donovan.
M. DONOVAN : Merci, Monsieur le président.
XI. LES REMÈDES
A. Introduction
340. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, si vous le voulez bien, le
Mexique va aborder maintenant la question des remèdes.
341. Le Mexique demande en l’espèce ce que l’Allemagne ne pouvait demander dans
l’affaire LaGrand : une réparation, en son nom propre et au nom de ses ressortissants, sous forme
d’une restitutio in integrum, pour les violations des paragraphes 1 et 2 de l’article 36 commises par
les Etats-Unis.
- 29 -
1. Le préjudice
342. Monsieur le président, pour examiner les remèdes, il nous faut au préalable définir le
préjudice pour lequel un remède est sollicité. En l’espèce, le Mexique demande réparation pour
deux types de préjudices.
343. Il y a d’abord le préjudice que le Mexique a subi en son nom propre du fait que les
Etats-Unis l’ont empêché de fournir une protection consulaire à ses ressortissants, au moment
précisément où ces derniers se trouvaient dans une situation ¾ une procédure judiciaire pour crime
passible de la peine capitale ¾ où le Mexique avait particulièrement intérêt à les aider.
344. Les Etats-Unis passent sous silence pour ainsi dire ce préjudice. Mais la Commission
du droit international a clairement énoncé ce qui constitue un fait incontestable : lorsqu’un Etat
partie à un traité empêche un autre Etat partie d’exercer les droits qu’il tient de ce traité, l’Etat ainsi
lésé subit un préjudice qui ouvre droit à réparation72. Au titre des cinquante-deux cas soumis à la
Cour, le Mexique a subi un préjudice de cet ordre chaque fois que les Etats-Unis, à cinquante-deux
reprises, ont manqué aux obligations auxquelles ils sont tenus à son égard en vertu de l’article 36.
Le préjudice causé au Mexique est donc clair et simple.
345. Ensuite, il y a le préjudice subi par chacun des cinquante-deux ressortissants
eux-mêmes. En se fondant sur les enseignements de l’affaire des Concessions Mavrommatis en
Palestine et sur la décision explicite de la Cour en l’affaire LaGrand, le Mexique demande
réparation pour ce préjudice dans l’exercice de son droit de protection diplomatique73
.
346. Quel fut le préjudice causé à nos cinquante-deux ressortissants ? Dans un premier
temps, il a consisté en un déni du droit qu’ils avaient d’être informés de leur droit de prendre
contact avec le consul mexicain. Cette omission, à son tour, a eu pour effet de les empêcher de
bénéficier de l’assistance consulaire dans le cadre d’une procédure où ils encouraient la peine
capitale. Comme mes collègues vous l’ont expliqué ce matin, cette privation de l’assistance
consulaire a causé un préjudice du fait qu’elle a empêché ces accusés passibles de la peine de mort
d’exercer véritablement et efficacement leur droit de bénéficier de garanties judiciaires pendant la

72 Commission du droit international, projet d’articles sur la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement
illicite, commentaire de l’article 31, par. 8; projet d’article 40, par. 1, adopté en 1985, Annuaire de la Commission du
droit international, 1985, vol. II (deuxième partie), p. 25-27; Commission du droit international, «Troisième rapport sur
la responsabilité des Etats» présenté par J. Crawford, doc. A/CN.4/507, par. 66 et suiv.
73 Affaire des Concessions Mavrommatis en Palestine, compétence, 1924, arrêt no
2 C.P.J.I. série A n° 2, p. 12.
- 30 -
procédure pénale dont ils faisaient l’objet. Le préjudice subi par les cinquante-deux ressortissants
mexicains en raison des violations commises par les Etats-Unis revêt donc la forme d’une
procédure pénale inéquitable. Et ce préjudice est lui aussi clair et simple.
2. L’annulation
347. Le préjudice étant défini, je passe à présent au remède.
348. Monsieur le président, la demande de réparation du Mexique repose sur les principes les
plus élémentaires en matière de responsabilité des Etats. L’article 34 du projet d’articles de la
Commission du droit international sur la responsabilité de l’Etat codifie le principe général selon
lequel la réparation intégrale peut prendre «la forme de restitution, d’indemnisation et de
satisfaction, séparément ou conjointement».
349. La restitution est bien sûr l’une des principales formes de réparation auxquelles peut
prétendre un Etat lésé par un fait internationalement illicite74. Elle exige que l’Etat responsable du
fait en question rétablisse la situation qui existait avant la commission de ce fait75. Selon la
définition de la restitution proposée par la Commission du droit international dans son projet
d’article 35, l’Etat responsable doit rétablir le statu quo ante, c’est-à-dire «la situation qui existait
avant que le fait illicite ne soit commis».
350. Pour déterminer quelle était la situation qui existait avant la survenance du fait illicite,
nous devons examiner les faits propres à l’affaire ainsi que la violation appelant un remède76. En
l’espèce, le Mexique demande à la Cour de remédier à l’impossibilité où il s’est trouvé de fournir
une protection consulaire dès le début d’une procédure pénale dans laquelle l’accusé était inculpé
des crimes les plus graves et encourait la peine de mort s’il était déclaré coupable. Par conséquent,
pour rétablir le statu quo ante, autrement dit, pour rétablir une situation dans laquelle le Mexique
puisse exercer son droit de fournir l’assistance consulaire, et dans laquelle le ressortissant concerné
puisse exercer son droit de bénéficier de cette assistance, nous devons remonter dans le temps
jusqu’au tout début de la procédure pénale et repartir de zéro.

74 Commission du droit international, articles sur la responsabilité de l’Etat, commentaire du paragraphe 1 de
l’article 35.
75 Commission du droit international, articles sur la responsabilité de l’Etat, art. 35.
76 Commission du droit international, articles sur la responsabilité de l’Etat, commentaire du paragraphe 6 de
l’article 35.
- 31 -
351. C’est pourquoi la restitution, en l’espèce, doit prendre la forme d’une annulation des
verdicts de culpabilité et des peines prononcés à l’issue des procédures entachées de violations de
l’article 36. Par sa nature même, la restitutio exige que si une obligation internationale a été violée
dans le cadre d’un acte juridique, cet acte doit être annulé et privé de tout effet ou valeur en droit
interne. Il n’est donc pas surprenant que, selon une pratique bien établie, il puisse être nécessaire,
pour rétablir le statu quo ante, d’ordonner l’annulation d’une décision rendue par une juridiction
nationale. Ainsi, dans son commentaire sur le projet d’articles sur la responsabilité de l’Etat, la
Commission du droit international déclare explicitement que la restitutio in integrum peut revêtir la
forme «d’une annulation d’un acte juridique»77
.
352. Récemment, dans l’affaire relative au Mandat d’arrêt, la Cour a prescrit l’annulation
d’un mandat d’arrêt qu’une autorité judiciaire belge avait délivré à l’encontre du ministre congolais
des affaires étrangères, au mépris de l’immunité internationale de l’intéressé78
. Le mandat d’arrêt
illicite étant encore valide au moment de l’arrêt, la Cour a demandé à la Belgique de le mettre à
néant, par les moyens de son choix, et d’en informer les autorités auprès desquelles il avait été
diffusé79
.
353. C’est l’affaire Martini qui offre bien entendu l’exemple par excellence de
l’annulation80. Dans cette affaire opposant l’Italie au Venezuela, le tribunal arbitral conclut que
certaines obligations de paiement imposées par une juridiction vénézuélienne devaient être
annulées parce que la procédure avait été entachée d’«injustice patente» et qu’il y avait eu par
conséquent violation du droit international. En prononçant cette annulation, le tribunal arbitral
s’est contenté d’appliquer, selon ses propres termes, «le principe que les conséquences [d’un] acte
illicite doivent être effacées»81
.

77 Commission du droit international, articles sur la responsabilité de l’Etat, commentaire du paragraphe 5 de
l’article 35.
78 Affaire relative au Mandat d’arrêt du 11 avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique), arrêt,
C.I.J. Recueil 2001.
79 Ibid., par. 76.
80 Affaire Martini, Recueil des sentences arbitrales, 1930, vol. II, p. 973.
81 Ibid., p. 1002 («en prononçant leur annulation, le tribunal arbitral souligne qu’un acte illicite a été commis et
applique le principe que les conséquences de l’acte illicite doivent être effacées»).
- 32 -
354. En l’espèce, les Etats-Unis ne contestent pas que la Cour ait le pouvoir de prescrire la
restitutio sous forme d’une annulation des décisions rendues par des juridictions nationales. Mais
ils prétendent que le précédent de l’affaire Martini n’est pas applicable ici. Il me faut donc ouvrir
une parenthèse pour répondre à l’interprétation que donnent les Etats-Unis de l’affaire Martini.
355. Pour tenter de démontrer que ladite affaire est différente, les Etats-Unis soulignent que
le tribunal arbitral avait ordonné l’annulation de l’acte juridique, et non de la décision de justice,
laissant à l’Etat défendeur le choix des moyens pour parvenir au résultat requis ¾ par une décision
judiciaire, par la publication d’un décret ou par l’adoption d’une loi82. Mais cela ne réduit en rien
l’importance ou la pertinence que revêt l’affaire Martini aux fins de celle qui nous occupe.
356. Aux Etats-Unis, l’annulation d’une décision se fait souvent, voire toujours, par
l’adoption d’une ordonnance portant annulation de cette décision, qui perd ainsi tout effet ou
valeur. Du point de vue juridique, une fois qu’une décision est annulée, elle est réputée ne plus
exister. Tel est également le résultat de toute annulation.
357. Cependant, pour éviter toute confusion, permettez-moi de préciser clairement que le
Mexique ne conteste nullement l’argument suivant lequel, si une annulation était ordonnée, les
Etats-Unis conserveraient le choix des moyens à mettre en œuvre ¾ par la voie judiciaire,
exécutive ou législative ¾ pour faire en sorte que le verdict de culpabilité et la peine prononcés à
l’encontre des cinquante-deux ressortissants mexicains perdent tout effet ou valeur en droit interne.
Ce que les Etats-Unis ne sauraient conserver, c’est un quelconque pouvoir discrétionnaire de
parvenir à un résultat autre que celui-là.
a) La jurisprudence des juridictions internationales impose la restitutio en cas d’iniquité de la
procédure pénale
358. Monsieur le président, en demandant à la Cour d’ordonner la restitutio par voie
d’annulation pour remédier aux procédures pénales inéquitables, le Mexique ne lui demande
nullement de s’engager dans une quelconque innovation. Il y a quelque vingt ans, bien avant que la
Cour ne soit saisie d’affaires relatives à la convention de Vienne, MM. Verdross et Simma
déclaraient dans leur traité sur le droit international «[qu’]il [était] loisible à un Etat de demander

82 CMEU, par. 8.24 et note de bas de page 417.
- 33 -
l’annulation d’une décision non conforme au droit international public ¾ c’est-à-dire, par exemple,
de demander non simplement la grâce, mais l’annulation d’un verdict de culpabilité pénale»83
. Tel
que dit dans cette observation, les juridictions et autres organes internationaux qui ont eu à
examiner la question aujourd’hui soumise à votre Cour ont régulièrement reconnu l’annulation
comme étant la forme de restitution appropriée pour remédier au préjudice causé par une procédure
pénale inéquitable.
359. Il me faut préciser, cependant, au moment où je vais évoquer des précédents en matière
de droits de l’homme, que mon propos n’est pas ici de soutenir, comme l’Allemagne l’a fait dans
l’affaire LaGrand, que les droits conférés par l’article 36 à l’individu ont désormais acquis le
caractère d’un droit de l’homme. Il importe peu de savoir si l’article 36 traduit ou non un droit de
l’homme, pas plus que n’importe le nom qu’on donne à ce droit. Comme l’a dit M. Bernal, ce qui
importe c’est la substance des droits que l’article 36 confère au Mexique et à ses ressortissants, et le
remède approprié à apporter à la violation de ces droits. Ce que démontrent les précédents que je
vais examiner, c’est que l’annulation constitue le remède reconnu en droit international pour un
préjudice causé par une procédure pénale inéquitable.
360. Etant donné que les Parties appartiennent l’une et l’autre à l’hémisphère occidental, je
commencerai par la Cour interaméricaine des droits de l’homme. Dans son mémoire, le Mexique a
démontré que dans plusieurs affaires qui lui avaient été soumises, la Cour interaméricaine a jugé
qu’en cas de violation du droit à une procédure régulière, le remède approprié consistait en la
restitutio in integrum par voie d’annulation de la décision entachée d’irrégularité84
.
361. Dans l’affaire Castillo Petruzzi, par exemple, la Cour interaméricaine a conclu que le
Pérou avait violé un certain nombre de droits de la défense lors de procédures engagées à
l’encontre d’un groupe de ressortissants chiliens. Pour remédier aux violations des droits en
question, la Cour interaméricaine a annulé les décisions rendues par les juridictions péruviennes.
Voici comment la Cour motivait sa décision : «[s]i la procédure sur laquelle repose le jugement

83 A.Verdross, B. Simma, Universelles Völkerrecht, Theorie und Praxis, p. 1295, 3e
éd., 1984 [traduction
française établie par le Greffe à partir de la traduction anglaise du texte allemand fournie par le Mexique].
84 Voir MM, par. 368-370, citant l’arrêt du 30 mai 1999, Castillo Petruzzi et al. v. Peru, Inter-Am. Ct. H.R.,
p. 219; arrêt du 3 décembre 2001, Cantoral Benavides Case, Reparations, Inter-Am. Ct. H.R., série C n
o
88 (2001),
par. 78; arrêt du 29 septembre 1999, Cesti Hurtado, Inter-Am. Ct. H.R., série C no
56 (1999).
- 34 -
recèle des vices graves qui la privent de l’efficacité qu’elle devrait avoir en temps normal, alors le
jugement ne tient pas». La Cour expliquait que, en pareilles circonstances, la décision «n’a[vait]
pas l’assise nécessaire, à savoir un procès conforme au droit»85. Et, concluait-elle, «[l]a légitimité
du jugement repose sur la légitimité du procès»86
.
362. La Cour interaméricaine savait qu’en ordonnant l’annulation, elle ne faisait rien de
nouveau. Elle a décrit l’annulation comme un remède «bien conn[u]»87. Et, contrairement à ce qui
en est dit dans le contre-mémoire88, la Cour ne s’est fondée sur aucune règle spéciale prévue par la
convention américaine pour ordonner l’annulation comme remède. Elle s’est fondée sur le droit
international général ¾ ce même droit international général qui est appliqué par votre Cour, ce
même droit que la Cour interaméricaine a dit appliquer chaque fois, depuis l’affaire
Velasquez Rodríguez, où elle a ordonné la restitutio89
.
363. Le comité des droits de l’homme, institué par le pacte international relatif aux droits
civils et politiques, a lui aussi confirmé que l’annulation d’une décision constituait le remède
approprié en cas de violations des droits de la défense. Par exemple, dans Brown c. Jamaïque et
Mc Leod c. Jamaïque, deux affaires dans lesquelles l’accusé encourait la peine capitale, le comité
des droits de l’homme a conclu à des violations des droits de la défense, en raison d’une assistance
inefficace des conseils. Le comité a statué que l’Etat partie était tenu de fournir au demandeur un
«recours utile, en ordonnant un nouveau procès avec toutes les garanties [d’une procédure
régulière] … ou en le libérant, ainsi que de lui accorder une commutation de peine et une
indemnisation immédiates»90
.
364. La pratique établie par la convention européenne des droits de l’homme va dans le
même sens, bien que je doive signaler d’emblée qu’il existe une distinction importante entre la

85 Arrêt du 30 mai 1999, Castillo Petruzzi et al. v. Peru, Inter-Am. Ct. H.R., p. 219.
86 Ibid.
87 Ibid.
88 CMEU, par. 8.24.
89 Voir, par exemple, l’arrêt du 21 juillet 1989 en l’affaire Velasquez Rodríguez, Inter-Am. Ct. H.R., série C,
par. 25 (citant l’affaire relative à l’Usine de Chorzów, compétence, arrêt no
8, 1927, C.P.J.I. série A no
9, p. 21, et Usine
de Chorzów, fond, arrêt no
13, 1928, C.P.J.I. série A n
o
17, p. 29; Réparation des dommages subis au service des
Nations Unies, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1949, p. 184).
90 Brown c. Jamaïque, communication no
775/1997, Nations Unies, doc. CCPR/C/65/D/775/1997 (1999) [texte
français : Rapport du comité des droits de l’homme, vol. .II, Nations Unies, doc. A/54/40, chap. GG, p. 270, par. 8];
McLeod c. Jamaïque, communication no
734/1997, Nations Unies, doc. CCPR/C/59/D/734/1997 (1998).
- 35 -
convention européenne et le droit international général. La plupart des juridictions internationales,
telles que la présente Cour et la Cour interaméricaine des droits de l’homme, ont la faculté
d’ordonner tous les remèdes disponibles en droit international public. Pour des raisons historiques
toutefois, la convention européenne a créé un régime qui s’écarte des règles générales du droit
international.
365. Concrètement, lorsque la Cour européenne des droits de l’homme constate une violation
de la convention européenne, c’est à l’Etat défendeur lui-même qu’il échet en premier lieu d’y
remédier sous le contrôle du comité des ministres. Sous le contrôle de ce comité, l’Etat défendeur
peut choisir les mesures générales et, s’il y a lieu, particulières, devant être adoptées dans son ordre
juridique interne afin de remédier à la violation91. La Cour européenne ne joue qu’un rôle
subsidiaire : si elle arrive à la conclusion que l’Etat défendeur n’a pas pleinement remédié à la
violation, elle peut accorder au requérant une satisfaction équitable sous la forme d’une
indemnisation pécuniaire.
366. Il n’empêche que, même si la convention européenne ne l’autorise pas à imposer le
remède de droit international général de la restitutio in integrum, la Cour européenne a
invariablement conclu que, en cas de violation des droits de la défense, l’annulation de la décision
et la réouverture du procès de l’accusé conduisait, selon les termes qu’elle utilisa en l’affaire
Piersack c. Belgique, à un résultat «aussi proche d’une restitutio in integrum que la nature des
choses s’y prêtait»92. Par conséquent, l’annulation du verdict de culpabilité pénale et la réouverture
consécutive du procès constituent le remède reconnu de plus en plus comme celui qu’il convenait
d’apporter à une violation du droit de l’accusé à un procès équitable. Cette reconnaissance est
illustrée par une série d’affaires dans lesquelles la Cour européenne était appelée à réexaminer la
manière dont une décision précédente avait été appliquée dans le système juridique national au sein
duquel l’affaire avait initialement vu le jour93
.

91 Voir, par exemple, l’arrêt rendu le 24 octobre 2002 en l’affaire Pisano c. Italie (rayée du rôle), requête
n
o
36732/97, par. 43.
92 Piersack c. Belgique, CEDH, série A no
85 (1984), par. 11.
93 Barberà, Messegué et Jabardo c. Espagne, CEDH, série A no
285-C (1994), par. 11; Windisch c. Autriche,
CEDH, série A no
255-D (1993), par. 14. Voir également l’affaire Unterpertinger (Unterpertinger c. Autriche), arrêt du
24 novembre 1986, série A no
110; Oberschlick c. Autriche (no
2), arrêt du 1er juillet 1997, Recueil 1997-IV.
- 36 -
367. Le comité des ministres du Conseil de l’Europe, organe rassemblant les ministres des
affaires étrangères de tous les Etats membres de la convention européenne, a exprimé le même
point de vue. Dans une recommandation formelle publiée en 2000, le comité a fait observer que,
fort de son expérience en matière de contrôle de l’exécution des arrêts de la Cour européenne, il
avait constaté que l’annulation et la réouverture du procès s’étaient révélées être les moyens les
plus efficaces pour réaliser la restitutio94. Aussi le comité avait-il encouragé les Etats parties à la
convention européenne à examiner leurs systèmes juridiques nationaux en vue de s’assurer que ce
remède y était disponible aux fins des affaires où la Cour avait constaté une violation de la
convention.
b) Incidence de la restitutio en cas de réouverture d’un procès
368. Monsieur le président, l’annulation en elle-même ne suffit pas à remédier aux
violations. Si l’annulation doit être suivie d’un nouveau procès, la procédure doit permettre le
plein respect des droits conférés au Mexique et à ses ressortissants par l’article 36 et doit être
exempte de toute trace du comportement illicite qui a conduit à l’annulation. Par exemple, si des
déclarations à charge obtenues de l’accusé avant la notification consulaire et la communication
avec les autorités consulaires étaient utilisées dans le nouveau procès, l’objectif de la restitutio ne
serait pas atteint.
369. C’est dans cette même logique que les juridictions ordonnant l’annulation des
déclarations de culpabilité pénales, comme la Cour interaméricaine dans l’affaire Castillo Petruzzi,
ordonnent également que, dans tout nouveau procès, les droits procéduraux de l’accusé soient
scrupuleusement respectés95
.
370. Nous le répétons ¾ les Etats-Unis doivent avoir le choix des moyens d’assurer ce
résultat. Contrairement à ce que prétendent Etats-Unis, le Mexique n’affirme pas qu’il y aurait des
règles «automatiques» ou «catégoriques» à suivre à cet effet.
371. Nous prions une fois encore respectueusement la Cour d’indiquer clairement le résultat
visé.

94 Recommandation no
R (2000) 2 sur le réexamen ou la réouverture de certaines affaires au niveau interne suite à
des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, adoptée par le comité des ministres le 19 janvier 2000.
95 Castillo Petruzzi et al. v. Peru, Cour interaméricaine des droits de l’homme, arrêt du 30 mai 1999, p. 221.
- 37 -
372. Comme nous l’avons souligné, un moyen classique de garantir qu’une nouvelle
procédure ne soit pas contaminée par un comportement illicite antérieur est d’exclure tout élément
de preuve vicié par ce comportement. Les Etats-Unis s’élèvent avec véhémence contre
l’invocation, par le Mexique, de la règle d’inadmissibilité en tant que moyen de mettre en œuvre
toute demande de restitutio et de garantir ainsi que toute procédure future assurera la pleine
réalisation des droits accordés par l’article 36. Mais la déclaration exhaustive de M. Weigend
montre exactement pourquoi le Mexique attire l’attention sur cette règle.
373. Selon la démonstration qui en est faite par M. Weigend, la règle d’inadmissibilité est à
présent largement acceptée par les juridictions internationales et nationales en tant que moyen
d’assurer l’équité des procédures pénales. Si, comme les Etats-Unis l’affirment, cette règle était
considérée dans les années 1970 comme une «particularité» du droit américain96, M. Weigend a
parfaitement démontré que tel n’était plus le cas aujourd’hui. Les limites précises et les modalités
d’application de cette règle peuvent varier, mais ses principes sont clairs : doivent être exclus les
éléments de preuve qui ont été obtenus d’une manière contraire à certaines exigences d’une
procédure régulière.
374. Là aussi, il importe peu, dans l’argumentation du Mexique, que la règle
d’inadmissibilité ait ou non le statut de principe général du droit procédural, même s’il en est ainsi.
Ce qui importe, c’est que la règle constitue un moyen extrêmement commode pour les Etats-Unis
d’atteindre le résultat que le Mexique demande à la Cour d’indiquer.
375. Le Mexique ne mentionne cette règle qu’à titre d’exemple. Si votre Cour ordonne la
restitutio, les Etats-Unis pourront recourir à cette règle pour se conformer à ce jugement, comme
cela arrive couramment dans leur propre système judiciaire lorsqu’il s’agit de remédier à toutes
sortes de violations de procédure régulière. Mais les Etats-Unis pourront tout aussi bien choisir
d’employer un autre moyen. Le Mexique demande toutefois à la Cour de bien spécifier que les
Etats-Unis devront parvenir au même résultat que celui atteint par la règle de l’inadmissibilité, à
savoir garantir que l’illicéité antérieure demeure sans effet sur les nouvelles procédures.

96 CMEU, par. 8.29.
- 38 -
c) Le lien de causalité
376. Monsieur le président, la jurisprudence en matière d’annulation que j’ai examinée tout à
l’heure montre ce que les juridictions internationales ont entrepris pour remédier aux procédures
inéquitables. J’aimerais à présent voir pourquoi elles ont autorisé ce remède. Cette question nous
amène à nous pencher sur le lien de causalité qui existe entre la violation et le préjudice. Les cas
dont vous êtes saisis illustrent comment la violation d’une procédure régulière rend nécessairement
la procédure inéquitable, au préjudice de l’accusé.
377. La Cour européenne des droits de l’homme en a donné un exemple dans l’affaire Artico.
Elle a constaté qu’il serait impossible d’établir «avec certitude» que le résultat d’une procédure
[dans laquelle il n’y aurait pas eu] violation en matière de procédure régulière aurait été différent.
Au contraire, elle a estimé que la «plausibilité» ou la «probabilité» suffisaient à justifier les
réparations demandées97. Et dans l’affaire John Murray c. Royaume-Uni, la Cour a expliqué qu’il
ne lui appartenait pas de «spéculer» sur ce qui se serait produit s’il n’y avait pas eu violation Au
contraire, elle a estimé qu’il suffisait que le défendeur soit «directement affecté» par la violation98
.
378. Le raisonnement de la Cour européenne reprend la logique de la Commission du droit
international exigeant le rétablissement de la situation telle qu’elle existait plutôt que la situation
telle qu’elle aurait existé. La CDI a expliqué que sa définition présentait l’avantage «de privilégier
l’évaluation d’une situation de fait et d’éviter un examen éventuel de la situation qui aurait existé si
le fait illicite n’avait pas été commis»99
.
379. De fait, votre Cour a défendu la même thèse dans l’affaire LaGrand en soutenant que la
violation de l’alinéa b) du paragraphe 1 de l’article 36 avait conduit à une violation de l’alinéa c) du
paragraphe 1 de l’article 36. Plus particulièrement, la Cour a estimé que peu importait de savoir,
pour établir une violation de l’alinéa c) du paragraphe 1 de l’article 36, si les frères LaGrand
auraient exercé leur droit de solliciter l’assistance consulaire en vertu de l’alinéa b) du paragraphe 1
de l’article 36, si l’Allemagne leur aurait apporté cette assistance ou, si, le cas échéant, cette

97 Artico c. Italie, CEDH, série A, no
37 (1980), par. 35 et 42.
98 John Murray c. Royaume-uni, CEDH, Recueil 1996 (I), par. 60.
99 Commentaire du projet d’article 35 sur la responsabilité de l’Etat, par. 2.
- 39 -
assistance aurait influé sur le résultat. Pour la Cour, le fait que les frères LaGrand avaient été
privés de la possibilité de se prévaloir de leurs droits a été suffisant100
.
380. Ces précédents, et tous ceux que j’ai passés en revue, montrent bien que, en affirmant
que le Mexique n’a établi aucun lien de causalité entre la violation et le préjudice101, les Etats-Unis
saisissent mal la nature du préjudice. S’ils saisissent mal la nature du préjudice, c’est ¾ comme
nous l’avons vu en comparant leur interprétation de l’article 36 à celle du Mexique ¾ parce qu’ils
refusent de prendre au sérieux les droits établis par l’article 36. Ils refusent de reconnaître le rôle
crucial de la protection consulaire en tant que moyen de compenser les inégalités par la garantie
qu’un accusé comprendra et exercera de manière effective ses droits à une procédure régulière 102
.
381. Ce raisonnement vaut particulièrement pour les affaires susceptibles de déboucher sur
une condamnation à la peine de mort. Dans une affaire de ce type, toute violation d’un droit
procédural fondamental de la défense doit suffire à jeter le doute sur la légitimité du verdict de
culpabilité et de la peine, de telle sorte qu’il n’est plus justifié de mettre délibérément fin à une vie
humaine.
382. Pour cette raison, les instances internationales — y compris la Cour interaméricaine
dans son avis consultatif OC-16 — affirment invariablement que le non respect des garanties
procédurales entraîne un préjudice sous la forme d’une procédure inéquitable, laquelle ne saurait
fonder aucune condamnation à mort103
.
383. Monsieur le président, avant de clore cette partie de non-intervention, je voudrais
souligner que j’ai évoqué ici le préjudice causé à l’accusé et, par voie de conséquence, le préjudice
que le Mexique affirme avoir subi dans l’exercice de sa protection diplomatique. Il va de soi que,
ayant été privé de son droit d’exercer sa protection consulaire, le Mexique a aussi subi un préjudice
en son nom propre. Les Etats-Unis ne contestent pas le lien de causalité qui existe entre cette
violation et le préjudice subi par le Mexique, probablement parce que le lien est trop évident pour
être contesté : si les Etats-Unis n’avaient pas violé leurs obligations en vertu de l’article 36, le

100 LaGrand, par. 74.
101 CMEU, par. 8.18-8.19.
102 MM, p. 127-136.
103 Pratt et Morgan c. Jamaïque, Comité des droits de l’homme de l’ONU, nos 210/1986 et 225/1987, par. 14-15;
avis consultatif OC-16, Cour interaméricaine des droits de l’homme, par. 136; Öcalan c. Turquie, requête no
46221/99,
ECHR, arrêt du 12 mars 2003, par. 203.
- 40 -
Mexique aurait été pleinement capable d’exercer ses droits conventionnels en vertu de cet article.
De ce fait, comme les Etats-Unis le reconnaissent implicitement, la question du lien de causalité ne
se pose même pas dans l’examen de la demande présentée par le Mexique en son nom propre, et la
restitutio sous forme d’annulation est l’unique manière de rétablir le statu quo ante concernant le
Mexique.
d) LaGrand et la restitutio in integrum
384. Monsieur le président, comme je l’ai dit tout à l’heure, les Etats-Unis ne contestent pas
les principes fondamentaux de la responsabilité des Etats sur lesquels le Mexique fonde sa
demande en réparation. Au contraire, ils choisissent une autre stratégie. Ils commencent par
mettre en exergue le dictum de la Cour en l’affaire LaGrand selon lequel les Etats-Unis doivent
permettre le réexamen et la revision des verdicts de culpabilité et des peines entachés d’une
violation de l’article 36. Ensuite, ils affirment que, lorsque la Cour, en disant que soit donnée une
assurance en ce sens, entendait régler toutes les questions de réparation susceptibles d’être
soulevées par une violation de l’article 36.
385. Monsieur le président, le Mexique s’est félicité de l’arrêt rendu par la Cour en l’affaire
LaGrand, et il appuie entièrement les décisions de la Cour en cette affaire Toutefois, le Mexique
ne saurait accepter l’interprétation des Etats-Unis selon laquelle, dans l’arrêt LaGrand, la Cour a
dépassé les limites de l’affaire portée devant elle afin de statuer sur des demandes que l’Allemagne
n’avait pas faites et de régler des questions que, dans les circonstances particulières de l’espèce,
l’Allemagne n’aurait tout simplement pas pu soulever.
386. Comme le Mexique l’a expliqué tout au long de la journée, la présente espèce est
comparable à l’affaire LaGrand, mais une différence capitale les distingue, car en l’occurrence les
ressortissants mexicains sont vivants. En l’affaire LaGrand, la Cour n’avait aucune raison
d’envisager la forme de restitution qui aurait été appropriée si la restitution avait été possible. Et la
Cour se souviendra sans doute que, si l’Allemagne demandait effectivement la restitution dans sa
requête, du vivant de Walter LaGrand, elle la supprime de ses conclusions à l’audience, l’intéressé
ayant bien sûr été exécuté entre-temps.
- 41 -
387. Si la restitutio était matériellement impossible à l’époque de l’affaire LaGrand, de sorte
que l’Allemagne ne l’avait même pas demandée, il est clair que la Cour n’avait alors pas la
possibilité de définir l’étendue ou la forme de la restitutio susceptible d’être appropriée au
règlement d’affaires ultérieures dont les circonstances seraient celles de la présente espèce.
388. Cela ressort tout aussi clairement de l’arrêt de la Cour, car celle-ci ne peut certainement
pas avoir eu l’intention de statuer sur le caractère approprié d’un remède alors qu’elle ne l’avait pas
même mentionné.
389. Comme l’a dit le Mexique à l’audience consacrée à la demande en indication de
mesures conservatoires, si l’affaire LaGrand a permis de préciser les principes de l’article 36, sur
lesquels la Cour peut fonder son arrêt, la présente espèce donne l’occasion à la Cour ¾ et lui fait
même obligation ¾ d’achever sa réflexion sur cet article. L’un des aspects de cette réflexion
consistera à appliquer le remède constitué par la restitutio à des situations, comme celle de chacun
des cinquante-deux ressortissants qui font l’objet de la requête, dans lesquelles il demeure
manifestement possible, par la voie de l’annulation, de rétablir pleinement le statu quo ante.
e) La charge qui pèserait sur les Etats-Unis et la prétendue ingérence dans des affaires relevant
de leur souveraineté
390. Avant de conclure, Monsieur le président, j’aimerais répondre à l’objection des
Etats-Unis selon laquelle, si votre Cour accorde au Mexique le remède que les principes
fondamentaux de la responsabilité des Etats imposent, cette décision pèsera indûment sur les
activités des autorités judiciaires américaines et constituera une ingérence abusive dans les affaires
intérieures des Etats-Unis.
391. En substance, les Etats-Unis dénoncent le fait que, si la Cour ordonne la restitutio par
voie d’annulation, ils devront rouvrir le procès de chacun de ces ressortissants. Ils dénoncent
vigoureusement le poids que représenterait une telle obligation, en particulier compte tenu du
temps qui, dans certains des cinquante-deux cas, s’est écoulé depuis le procès initial.
392. Or, la réouverture occasionnelle de procès est une particularité inhérente à tout système
de justice pénale qui s’efforce de veiller au respect des garanties d’une procédure régulière, et c’est
- 42 -
une situation que l’on retrouve couramment dans le système de justice pénale des Etats-Unis104. Il
y a seulement une semaine de cela, la Cour suprême des Etats-Unis entendait des plaidoiries en une
affaire où l’accusé encourait la peine capitale au Texas, alors que le procès initial avait eu lieu près
de vingt-quatre ans auparavant105. Pourtant, si la Cour suprême ordonne la réformation du
jugement initial en conséquence de la décision qu’elle aura rendue sur la question l’ayant amenée à
faire droit à la demande de recours, cette décision fera obligation de rouvrir le procès. En l’espèce,
la réouverture des procès des cinquante-deux détenus ne serait en rien différente des réouvertures
qui se produisent régulièrement dans les juridictions de n’importe lequel des Etats fédérés.
393. Toutefois, même si les Etats-Unis avaient démontré qu’il leur faudrait ainsi supporter
une charge inhabituelle, ils n’ont certainement pas indiqué la nature ou l’ampleur de la
disproportion qui justifierait que le Mexique se voie refuser la restitution intégrale à laquelle il a
droit. S’appuyant à nouveau sur l’article 35 des articles de la CDI sur la responsabilité de l’Etat, le
Mexique a expliqué dans son mémoire que, les ressortissants étant en vie, le rétablissement du
statu quo ante n’était pas matériellement impossible et que les remèdes demandés étaient
proportionnels aux dommages causés.
394. On ne saurait concevoir que le remède constitué par la restitutio ne fasse pas obligation
aux Etats-Unis d’entreprendre ne serait-ce que quelque chose pour s’acquitter de leurs obligations
internationales. L’impossibilité matérielle ne saurait être un argument valable. Comparons donc
les charges respectives. Les Etats-Unis ont pour leur part intérêt à éviter la charge de rouvrir des
procès, quoique leurs juridictions soient régulièrement appelées à le faire dans les situations les
plus variées. Le Mexique a, quant à lui, intérêt à assurer la protection consulaire de ceux de ses
ressortissants qui font l’objet de poursuites pénales susceptibles de déboucher sur une
condamnation à la peine capitale ¾ intérêt qui a comme corollaire celui de ses ressortissants à
bénéficier d’un procès équitable alors que leur vie est en jeu. Monsieur le président, il n’y a tout
simplement pas de comparaison possible.

104 Wright, King, and Klein, Fed. Prac. & Proc., par. 551, citant U.S. v. Leach, 427 F.2d 1107, 1111
(1e
circ. 1970). Voir aussi 58 Am. Jur. New Trial, par. 2, citant U.S. v. Ferguson, 246 F.3d 129 (2e
circ. 2001).
105 Banks v. Dretke, US Supreme Court No. 02-8286 (affaire plaidée le 8 décembre 2003).
- 43 -
395. Le Mexique demeure donc convaincu que la Cour ne se laissera pas intimider par les
arguments des Etats-Unis relatifs à la charge, qu’elle rappellera à ces derniers les obligations
internationales qui leur incombent et qu’elle prescrira les remèdes appropriés à la violation qu’ils
ont commise.
396. Monsieur le président, outre la restitutio, le Mexique demande une décision exigeant
des garanties de non-répétition. Afin de présenter les conclusions du Mexique sur ces remèdes, je
prie le président de bien vouloir appeler à la barre mon collègue M. Prager.
Le PRESIDENT : Merci, Monsieur Donovan. Je donne à présent la parole à M. Prager.
Mr. PRAGER:
XII. CESSATION AND GUARANTEES OF NON-REPETITION
A. Introduction
397. Mr. President, Members of the Court, it is a great honour to appear before you as
counsel for the Government of Mexico. It is my task to discuss the requests for cessation and
guarantees of non-repetition.
398. My colleague Mr. Donovan has just explained why Mexico is entitled to restitutio in
integrum, consisting in this case of the annulment of the convictions and sentences of the
52 Mexican nationals. However, the obligation of restitution remedies solely those violations of
law committed in the past. Consequently, restitution will resolve this dispute only in part. As
Ms Birmingham and Ms Babcock explained this morning, Article 36 violations by the United
States authorities are continuing. Moreover, given that these violations are many and repeated,
similar violations will assuredly occur in the future. With more than 8 million of its nationals
living in the United States, Mexico has a particularly strong interest in ensuring that these
Article 36 violations cease and are not repeated in the future. That is why Mexico is asking you to
order the United States once and for all to cease all violations of Article 36 of the Vienna
Convention vis-à-vis Mexico and its nationals and to provide Mexico with specific, and above all
effective, guarantees of non-repetition.
399. Mr. President, the United States is wrong when it claims that these measures have no
basis in international law. Quite to the contrary, “cessation” and “guarantees of non-repetition”
- 44 -
measures are well established in public international law, as shown by the work of the International
Law Commission and the decisions of this Court and other international judicial bodies.
1. Cessation
400. In respect of cessation, the Articles on Responsibility of States have codified in
Article 30 the well-established principle of customary international law that a “State responsible for
[an] internationally wrongful act is under an obligation . . . to cease that act, if it is continuing”.
Thus, there is nothing shocking in the idea that a State must cease an internationally wrongful act.
In truth, the United States allegation that “express orders of cessation are granted only in the most
exceptional of cases”106 finds no support. To the contrary, as the International Law Commission
has stated, cessation, along with reparation, “is one of the two general consequences of an
internationally wrongful act”. Between them, “cessation . . . is the first requirement in eliminating
the consequences of wrongful conduct”.
401. This Court ¾ and there is no need to point this out ¾ has ordered many States to cease
internationally wrongful acts in a number of cases, including the case concerning United States
Diplomatic and Consular Staff in Tehran and the case concerning Military and Paramilitary
Activities in and against Nicaragua.
2. Guarantees of non-repetition
402. Guarantees of non-repetition, while separate, are linked with cessation. According to
the International Law Commission, these two measures are “[b]oth . . . aspects of the restoration
and repair of the legal relationship affected by the breach”. But, while cessation secures an end to
continuing wrongful conduct, guarantees of non-repetition serve a preventive function aimed at the
future and they are designed to ensure that violations of the same sort are not repeated in the
future107
.
403. Article 30, paragraph 2, of the Articles on Responsibility of States lays down that “[t]he
State responsible for the internationally wrongful act is under an obligation to offer appropriate
assurances and guarantees of non-repetition, if circumstances so require”. Despite this clear

106CMUS, para. 8.40.
107Commentary on Article 30 of the Articles on Responsibility of States, para. 1.
- 45 -
provision, the United States claims that there is no precedent for guarantees of non-repetition.
Once again, the opposite is true.
404. Let us recall the LaGrand case, for obvious reasons so often cited during today’s
argument. The United States advanced a similar argument there. However, although the Court did
not enter into a discussion specifically concerning the basis of guarantees in the international legal
order, it did not call into question the fact that such guarantees can be required ¾ and it decided the
question as to which assurances were necessary to prevent repetition of Article 36 violations by the
United States in the future.
405. Moreover, the LaGrand case is not the only one in which this Court has given specific
instructions aimed at the future conduct of one or both parties, with the specific aim of avoiding the
repetition in the future of a violation of an international obligation. Let us consider, for example,
the Gabèíkovo-Nagymaros case, in which this Court, admittedly without using the expression
“guarantees of non-repetition”, indicated specific measures aimed at the international obligations of
the two parties in respect of their joint project. Let us also consider the case concerning United
States Diplomatic and Consular Staff in Tehran, in which the United States sought, and the Court
ordered, specific measures, including for example the obligation to refrain from keeping any
diplomatic or consular staff member in Iran in order to subject him or her to judicial proceedings or
to require him or her to participate in them as a witness. The Court undoubtedly understood in
those two cases that these specific measures concerning future conduct were necessary in order to
resolve the dispute in its entirety.
406. Mexico provided other examples in its Memorial, including the Trail Smelter case108
and the practice of human rights committees and regional courts to order States parties to take
specific measures to ensure that a violation is not repeated in the future109
.

108Trail Smelter (United States/Canada) III UNRIAA 1905, 1934 (1938, 1941), Martens, Nouveau Receuil,
2nd series, Vol. XXIX, 456, 486.
109Torres Ramirez v. Uruguay, decision of 23 July 1980, A/35/40, p. 126, para. 19; Lanza v. Uruguay, decision
of 3 April 1980, ibid., p. 119, para. 17; Dermit Barbato v. Uruguay, decision of 21 October 1982, A/38/40, p. 133,
para. 11.
- 46 -
3. Applicability to this case
407. Mr. President, having established that measures calling for cessation and guarantees of
non-repetition are well established in international law, I need only show that these measures are
applicable in the present case.
408. In respect of cessation, Article 30 of the Articles on Responsibility provides that a State
is under an obligation to cease a wrongful act “if it is continuing”. Under Article 14, paragraph 2,
an internationally wrongful act is continuing if it “remains not in conformity with the international
obligation”. The most typical example, it seems to me, of a continuing act is an abstention from
acting. An abstention such as abstaining from notifying a foreign national of his right to contact his
consulate or from allowing review and reconsideration of a conviction and sentence. Furthermore,
as the International Law Commission has clearly noted, the notion of a continuing act under
Article 30 “also encompasses situations where a State has violated an obligation on a series of
occasions, implying the possibility of further repetitions”110
.
409. In respect of guarantees of non-repetition, Article 30, paragraph 2, provides that a State
responsible for a wrongful act must offer appropriate guarantees of non-repetition, “if
circumstances so require”. Before guarantees can be ordered, it is therefore necessary to determine
the specific acts in the case and to consider “the nature of the obligation and of the breach”111
.
Moreover, the Commission has observed that guarantees may be indicated when “the mere
restoration of the pre-existing situation does not protect [the injured party] satisfactorily”112
.
410. In the present case, there can hardly be any doubt that these conditions are fully met
and, I dare say, it is difficult to think of a better archetype than the present case for the ordering of
cessation and guarantees of non-repetition.
(a) Ineffectiveness of the consular protection programme to prevent violations of Article 36 (1)
411. I shall begin with the violations of the first paragraph of Article 36. As you will recall,
Germany sought assurances in the LaGrand case that there would be no further violation of
Article 36 of the Vienna Convention in the future. In ruling on this request, the Court noted that

110Commentary on Article 30 of the Articles on Responsibility of States, para. 3.
111Id., para. 13.
112Id., para. 9.
- 47 -
the United States had implemented an educational programme concerning Article 36, involving the
distribution of brochures, small cards and videos, together with a training programme. The Court
observed that, in repeatedly referring to this programme, the United States had assumed a
“commitment” to ensure compliance by the competent authorities with their obligations under
Article 36113. The Court considered this commitment “as meeting Germany’s request for a general
assurance of non-repetition”114. I note that the United States, in the present proceedings, has
reiterated this commitment and maintains that that programme should satisfy Mexico’s request for
cessation and guarantees of non-repetition.
412. Mr. President, Mexico does not deny that the United States has taken these measures.
But what counts in the present case is not the measures taken, even if taken with the best of
intentions; it is the result. And, unfortunately, since the Court gave its judgment in the LaGrand
case, the programme has not succeeded in preventing repeated, continuing violations by the
competent authorities in the United States of the rights conferred by Article 36 of the Vienna
Convention. Ms Babcock informed us this morning that Mexico’s consular agencies have
documented 100 or more cases since the judgment in the LaGrand case in which Mexican nationals
have been detained and charged with serious crimes without having been informed of their rights in
respect of consular notification. Given the nature of this violation, it can clearly be presumed that
there are many more Mexican nationals whose notification rights have been violated, without the
consular agencies knowing about them. Mexico understands that it is impossible to ensure perfect
compliance with the consular notification obligation. But more than 100 cases involving Mexican
nationals in two years, and after LaGrand, is too many! And this continuous chain of violations,
before and after the judgment in the LaGrand case, makes clear more than just a risk of repetition;
it gives rise to a worrying near-certainty that these violations will be repeated in the future. It is
therefore necessary for the Court to order more specific and more effective measures to ensure that
these violations of Article 36, paragraph 1, in regard to Mexico and its nationals cease and do not
reoccur in the future.

113LaGrand, para. 124.
114Id.
- 48 -
(b) Breach of the obligation to allow review and reconsideration
413. In its judgment in the LaGrand case, the Court also identified the obligations of the
United States in respect of the rights covered by Article 36, paragraph 2, in cases where the United
States breached its obligation of consular notification. The Court remarked that, in cases where the
individuals concerned had been subjected to prolonged detention or sentenced to severe penalties,
“it would be incumbent upon the United States to allow the review and reconsideration of the
conviction and sentence”115. The Court then immediately observed that “[t]he choice of means
must be left to the United States”116
.
414. The means chosen by the United States ¾ we have already heard this on several
occasions and we will certainly hear it again tomorrow ¾ is clemency. Ms Babcock explained
earlier this afternoon why the remedy of clemency can never allow review and reconsideration of a
conviction and sentence. In truth, this interpretation by the United States of the obligation imposed
in the LaGrand case represents a deliberate decision to continue to apply all those doctrines which
prevent Mexican nationals from obtaining review and reconsideration by a court of law on the basis
of their claims in respect of violations of Article 36, paragraph 1.
415. In other words, Mr. President, nothing has changed since the LaGrand case. Violations
of Article 36, paragraph 2, continue, and they will continue in the future, unless the Court indicates
more specific measures and orders more effective measures. Need it be recalled that, since
Mexico’s submission of its Application in the present case, less than a year ago, Mexico has
learned of the sentencing to death of two more Mexican nationals whose rights under Article 36
were violated?
4. Restoration of compliance with the obligations under Article 36
416. Mr. President, it is obvious that this sobering prospect of future violations of Article 36
is of the greatest concern to the Mexican Government, which is under an obligation to protect its
more than 8 million nationals living in the United States. Accordingly, Mexico is asking you to
order the measures necessary to restore compliance by the United States authorities with their
obligations under Article 36 of the Vienna Convention. But, in order to ensure that compliance

115Id., para. 125, see paras. 127, 128 (7).
116Id.
- 49 -
with these important obligations is restored as effectively as possible, Mexico stresses that it is
absolutely crucial that the Court indicate, in precise terms, the measures which the United States
must take. Mexico requests this Court to explain in greater detail the obligations imposed in the
LaGrand case in order to dispel all doubt as to their true scope.
417. It is not in Mexico’s interest to return before this Court whenever a future violation
occurs in order to ask you to order appropriate reparation. And even though I can only speak for
Mexico, it seems to me correct to say that nor is it in the interest of other States having nationals in
circumstances similar to those of our 52 Mexican nationals to bring a fourth or fifth or nth case
before the Court concerning Article 36 of the Vienna Convention. It is in the interest of the sound
administration of justice that there be a final, definitive decision on the question of the obligations
covered by Article 36 of the Vienna Convention and on the reparation which follows from a
violation of those obligations.
418. Mr. President, that concludes my presentation and I thank you, Members of the Court,
for your attention at this late hour.
419. Mr. President, I ask that you please give the floor to Professor Dupuy.
Le PRESIDENT : Merci, M. Prager. Je donne maintenant la parole à M. Dupuy.
Mr. DUPUY:
XIII. THE UNITED STATES VIOLATIONS
420. Mr. President, Members of the Court, it is always a great privilege for me to address
you and I am conscious of it once again. On this occasion, I owe that privilege to the Government
of Mexico, to which I express my thanks for entrusting me with this honourable task.
421. I would add that, having been entrusted with a similar duty a few years ago by the
Federal Republic of Germany, in a case that was in many ways similar, for the first time in my
experience of advocacy I almost have an impression of “déjà vu”! This may be a new case, but I
nevertheless feel that I am here to denounce the persistence and repetition of the very same
unlawful acts that have been committed once again by the same State, the United States of
America. Except that this time they have been committed against Mexican rather than German
- 50 -
nationals. The cases do significantly differ, however, in that the LaGrand brothers were already
dead by the time I had the honour of pleading before you on behalf of Germany, whereas the
52 Mexican nationals I will speak of today are still very much alive.
422. Mr. President, it is getting late and the Court has already heard a great deal of argument
and exposition from the Mexican delegation during this long day. The Court may well consider
that it has already been fully enlightened as to the substance of Mexico’s Application. My
contribution will therefore be modest. It will largely consist of summing up the arguments that you
have already heard, placing them in the context of positive law and focusing on the question to
which all others lead ¾ that of reparation. You will thus hear me speak once again, for the last
time in this first round, of the two Parties to these proceedings, but I also wish to speak about
yourselves, that is to say about the Court’s judicial function.
423. Whilst the United States has endeavoured to portray itself as having complied with the
points of law arising from the 1963 Vienna Convention in accordance with the Court’s ruling in the
LaGrand case, it has also sought once again to frighten or intimidate you by using the same
argument, albeit cleverly presented in slightly different form, namely that Mexico ¾ like Germany
on the previous occasion ¾ is seeking to have the Court usurp its role; to lead you astray by
inviting you to become a court of appeal ¾ or even of cassation ¾ to review judgments handed
down by domestic criminal courts of the United States: to use international justice to meddle
improperly in the internal affairs of a sovereign State.
424. So what exactly is Mexico requesting of you in the present case? The answer to that
question is quite simply: reparation! Nothing but reparation, but full reparation. The full
reparation that it is within the power of the Court to award, within the framework of a legal
order ¾ the international legal order ¾ and on the basis of a single law ¾ international law. It is
true ¾ a proposition enshrined in your own recent jurisprudence ¾ that such reparation, as
decided and awarded by the Court under international law, will in this case be reflected in an
obligation on the responsible State to take one or more measures within its own municipal legal
system in order to comply with that award. But that has nothing to do with transforming the
International Court of Justice into a court of appeal. I would thus like to focus, if I may, on a legal
analysis of the reparation that the responsible State is obliged to make to the injured State.
- 51 -
425. In any case of responsibility, reparation is a function both of the wrongful act and of the
injury suffered. In order to define the form and terms of appropriate reparation ¾ a question I will
leave to last ¾ it is thus necessary successively to consider each of the wrongful acts, so as to
determine their main features and legal characterization. I will then address the nature of the injury
caused by those wrongful acts. My statement will thus necessarily be divided into three parts: the
wrongful acts, the injury, reparation.
A. The wrongful acts
426. Do not be alarmed! I have no intention of giving yet another detailed account of all the
ways in which the United States has flouted its obligations with respect to the 52 Mexican nationals
under Article 36 of the 1963 Vienna Convention. These have already been addressed
comprehensively, both orally and in writing. I will simply endeavour now to characterize those
wrongful acts. They share four characteristics: they are all identical, interconnected, cumulative
and continuing, thus resulting ¾a specific feature of this case rarely encountered ¾ in an
aggregate of violations all of whose constituent elements affect the same injured party: Mexico.
427. A. The identical nature of the wrongful acts. If we confine our analysis for the time
being to the circumstances underlying each of the 54 cases presented by Mexico in its Application,
the wrongful acts committed by the United States against the Mexican nationals are all essentially
identical. The facts are identical, but for a few subtle differences, as pointed out in Mexico’s
Memorial and again this morning117. We now know that there have been 52 instances in which
Mexican nationals, not having been apprised of their right to notify “without delay” the consular
post of their State of nationality, and accordingly to benefit from consular assistance, definitively
lost any chance of not being convicted ¾ of avoiding being sentenced to death.
428. In each of those cases, if Mexico had been notified in a timely manner, it could have
provided its national with the whole comprehensive package of consular assistance established by
it precisely for the benefit of its nationals who face trial before American courts.
429. It can therefore be said, contrary to the United States’ attempts in its Counter-Memorial
to speculate on certain minor discrepancies that may exist between one case and another, that the

117MM, pp. 38-40, paras. 89-93.
- 52 -
wrongful acts giving rise to these entire proceedings are essentially identical. Everywhere we can
see the culpable and continuing negligence of the United States authorities. This case is known as
the Avena case, because the case of Carlos Avena Guillen, as described in the Mexican
pleadings118, being the first on the alphabetically-ordered list, is emblematic of the situation of his
51 compatriots.
430. It is hardly necessary to point out that if the Avena case had only concerned that one
man, Carlos Avena Guillen, it would already have been quite sufficient to engage the international
responsibility of the United States with respect to the State of nationality in question, Mexico.
431. B. The wrongful acts of the United States are not only identical, they are also
interconnected. There is without any doubt a single causal link underlying the various wrongful
acts committed by the United States against each of the Mexican nationals in question. It was
above all because the 52 Mexican defendants were not apprised of their rights under Article 36,
paragraph 1 (b), that the Mexican authorities were unable to exercise their own rights under
Article 36, paragraph 1 (c), namely, the possibility for Mexico to provide its nationals with
consular assistance. The violation of the rights of each of the Mexican citizens in question thus led
to 52 separate occasions when their State of nationality was unable to provide timely consular
assistance.
432. But the interconnectedness of the wrongful acts of the United States does not stop there.
When the Mexican authorities were eventually advised of the detention, prosecution and conviction
of their nationals, they were still prevented from providing assistance to them as a result of the
various legal impediments that exist in the municipal law of the United States, of which the
procedural default doctrine arises most frequently, though there are also others. That in itself is
certainly a wrongful act and is totally distinct from the previous one; for the legal rules
respectively laid down by paragraphs 1 and 2 of Article 36 are in no way identical. The first
paragraph covers the failure to notify; the second relates to bars to any complaint of that violation
of international law before domestic courts. Both concern Mexico’s right to provide consular
assistance, but it is not difficult to appreciate their mutual dependence. If it were not for the first

118Ibid, pp. 45-46, paras. 114-122.
- 53 -
negligent omission, the impediment raised by the second could not have resulted in a denial of
justice. Both categories of wrong have caused injury to Mexico through the violation of its
nationals’ rights. They remain distinct, yet interconnected by the same direct causal link.
433. There is thus a third attribute to be found in the wrongful acts committed by the United
States. They are identical and repetitive, linked one to the other. But they are also cumulative.
Affecting the same country through 52 different individuals, they have an aggregate effect, even
though one such instance only would have been sufficient.
434. If one were to apply a sort of judicial arithmetic, one could say that, since none of the
52 individuals sentenced to death after being deprived of consular notification has been able to
obtain redress for the violation of his rights, neither initially nor subsequently, then the United
States is responsible in the present case for three times 52 violations, making a total of
156 violations of the law ¾ and each of them affects Mexico through the flouting of its rights in
the same way that those of its nationals have been flouted.
435. What began with one provision, granting rights to the nationals of States parties to the
1963 Convention under Article 36, paragraph 1 (b), thereof has ended up, after the persistent
flouting of that original provision, in the commission of some 150 wrongful acts, all, for the same
reason, affecting the same State.
436. D. Lastly, those wrongful acts are not only identical, interconnected and cumulative,
they are also continuing acts. This latter element is enshrined in the general law of responsibility.
Such acts are defined by the International Law Commission in its final draft Article 14: “The
breach of an international obligation by an act of a State having a continuing character extends over
the entire period during which the act continues and remains not in conformity with the
international obligation”.
437. Such acts may consist of actions, but they may also consist, as in the present case, of
omissions. Accordingly, whilst it may be true, as stated in the Commission’s commentary, that
- 54 -
“the distinction between completed and continuing acts is a relative one”119, in the present case it
does not seem to be, although technically one must of course distinguish between the wrongful act
and its injurious effects.
438. As long as the Mexican defendants had not been apprised of their right to consular
assistance, the failure by the United States to comply with its obligation under Article 36,
paragraph 1 (b), continued. And that was reflected in a prolongation of the period during which
Mexico was deprived of its rights to provide them with assistance.
439. This chain of repeated omissions was further extended in time by the persistence of the
courts in applying the doctrine of procedural default and other bars under municipal law ¾ albeit
that those again were separate and distinct acts.
440. What we thus see is a form of relay race from one generation of wrongful acts to the
next ¾ an echo chamber reverberating with the continuing clamour and fatal consequences of this
aggregate of endless wrongful acts ¾ acts distinct, interconnected and convergent, and causing
injury to the same State. Mr. President, Members of the Court, will you often find yourselves faced
with a case such as this one?
441. So, from a legal point of view, how important are the nature and characterization of
these wrongful acts committed by the United States? Well, Mr. President, that importance can be
assessed at two levels: first, the nature of the injury; then, consequent thereon, that of its
reparation.
B. The injury
442. An analysis of the injury suffered by Mexico should begin with the observation that it
of course partakes of the four characteristics that I have just set out concerning the wrongful acts.
443. There can thus be no doubt that they have the effect of aggravating the injury ¾ an
injury constantly nurtured, enlarged and amplified ¾ caused to Mexico by its neighbour. There is

119Commentaries to the draft articles on Responsibility of States for internationally wrongful acts, adopted by the
International Law Commission at its fifty-third session (2001),
http://www.un.org/law/ilc/texts/State_responsibility/responsibilityfra…
- 55 -
no need for any macabre arithmetic, as this is not a case where the pretium doloris is calculated on
a “per-head” basis.
444. Nevertheless, as you know, since these proceedings began there have already been two
further cases, in addition to the previous ones, in which Mexican nationals, once again deprived of
their right to consular assistance, have been sentenced to death. This accumulation of wrongs has
to be taken into account in order to appreciate the seriousness of the cumulative injury thus suffered
by Mexico. Just one single instance of a national facing the death penalty and being refused
consular assistance would have given Mexico sufficient reason to seise this Court. But there are
now 52 ¾ or in reality 54 ¾ such cases, and it can hardly be said that there is no difference
between one and 52.
445. In view of the flood, thus far unstoppable, of cases of multiple violations by the United
States of its obligations, the present proceedings have become a veritable national cause in Mexico.
At the present stage of our argument, no purpose would be served by enlarging upon that point.
However, it is a significant factor that I am sure the Court will recall when it comes to address the
technical characteristics of reparation.
446. For the time being, I shall simply make two important points, which will no doubt be
familiar to you, on this subject of injury. The first point is that, in certain cases, the injury is
“mediate”, but never indirect. The second point is that, at least for the most part, we are speaking
of a “juridical” injury.
447. A. The “mediate” injury. It is a matter of “mediate” injury because, while it is true that
the initial violations of rights were of course committed against Carlos Avena Guillen, Cesar Fierro
Reyna, Eduardo David Vargas or Ramiro Hernandez Llanas, this then brings into play the classical
doctrine of diplomatic protection, as enshrined in the well-known dictum of the Permanent Court:
“By taking up the case of one of its subjects and by resorting to diplomatic
action or international proceedings on his behalf, a State is in reality asserting its own
right, the right to ensure in the person of its subjects respect for the rules of
international law”120
.

120P.C.I.J., Series A, No. 12, p. 12.
- 56 -
448. Of course, such injury is “mediate”, albeit never indirect. However, the injury that this
same State of Mexico suffers when its consular services are prevented from providing assistance to
its nationals in proceedings before American courts is clearly direct and “immediate”.
449. That brings me to a point of law of which you have already been reminded, in particular
by my colleague Carlos Bernal: why did Mexico, particularly in its Memorial, place so much
emphasis on the fact that the rights inuring to the benefit of Mexican nationals, pursuant to
Article 36, paragraph 1 (b), constitute fundamental rights of those nationals?
450. It was not for procedural reasons, as you have heard. It was for reasons of substantive
law. In other words, the reasons do not relate to locus standi; they relate to the substance of the
reparation. In the LaGrand case, the Court clearly, and quite rightly, emphasized this as follows:
“Given the foregoing ruling by the Court regarding the obligation of the United
States . . . to review and reconsider convictions and sentences, the Court need not
examine Germany’s . . . argument which seeks to found a like obligation on the
contention that the right of a detained person to be informed without delay . . . is not
only an individual right but has today assumed the character of a human right.”
451. That finding also holds good in the present case; and Mexico ¾ as the Court will have
seen ¾ does not in fact request in its submissions that any different conclusion be reached. Even
though the individual rights of the Mexican nationals under Article 36, paragraph 1 (b), are strictly
personal rights, it must be said that, in terms of the procedural conditions governing their defence
before the Court, which is only open to States, the rights of those individuals can be invoked before
you only by Mexico itself, which has espoused their cases.
452. It is thus certainly worthwhile, even if only in order to examine the most relevant
international practice, to look at what view other courts, in particular the Inter-American Court of
Human Rights, take of the rights arising from Article 36, paragraph 1 (b), in terms of their nature,
and thus also of their substance and content.
453. Bearing in mind that we are speaking of human rights, that case-law of a regional
human rights court provides us with confirmation that the crux of the matter is really the restoration
of the conditions required to guarantee a fair trial. That does not of course have any bearing on the
proceedings before this Court, but on the indications that it may see fit to give in defining the
conditions of the reparation owed to Mexico by the United States. This is particularly true in the
context of restitutio in integrum.
- 57 -
454. B. The second aspect of the injury suffered by Mexico is the fact that we are speaking of
“juridical” injury. But that is not to say that the injury in question has not resulted in practice in
material, financial injury. Mexico has clearly incurred great cost in seeking unsuccessfully to
provide its nationals with assistance.
455. However, it is not initially for that kind of injury that Mexico is seeking reparation
today. What Mexico really wants is what I have just been speaking of. It is, above all, the right of
its nationals to a fair trial, which, through the possibilities they will be given to have their cases
reheard, will provide reparation for that constantly growing aggregate of repeated injuries, whose
ultimate burden always ends up being borne by Mexico.
456. In other words, the prejudice to Mexico has been caused by juridical acts. And the
injury thus suffered by Mexico is likewise a juridical injury. So, Mr. President, Members of the
Court, what can be done to repair it?
C. Reparation
457. Mr. President, I have been at some pains to undertake a detailed analysis of the
wrongful acts and of the injuries caused thereby so that the Court may clearly appreciate the
exceptional character of this aggregate of accumulated wrongs. In such a context, in the face of so
massive an accumulation of violations, the issue of reparation must be addressed with particular
care, and its treatment defined with a rigour commensurate with the accumulated injuries suffered.
458. That said, I return to what I was telling you a moment ago: this is not a question of
money, but of rights. Mexico seeks redress; it wants you first to “stop the film”, giving us an
image of the situation as it stands at present, and then, insofar as that is possible, to go back in time:
to replay the tragic film of these 52 dramatic cases backwards, so as to restore the situation to what
it was before the United States violated the obligations owed by it to Mexico.
459. “Erase the past and start again!” one is almost tempted to say. That, in simplistic terms,
is what Mexico is asking of you.
460. There are thus three points which I wish to address ¾ three aspects with which the
Court is already quite familiar ¾and I will therefore be brief.
- 58 -
461. My first point is that restitutio, according to the forms required by the nature of the
injury suffered in this case, constitutes the appropriate mode of reparation. My second point is that
restitutio imposes on the responsible State an obligation of restoration, and that that obligation is
an obligation of result. The third and final point is the following: notwithstanding its
appropriateness, restitutio in integrum is, however, not in itself a sufficient form of reparation. It
must again be supplemented, having regard to the nature of the wrongful acts in question and of the
injury caused thereby, and to the fact that they are continuing and repeated, by a direction from the
Court in its Judgment that the commission of such acts shall cease, and, for the future ¾ in view of
the persistence of America’s wrongful conduct ¾ by a provision requiring the United States to
462. A. Restitutio in integrum constitutes appropriate reparation because that is precisely the
remedy enabling the situation to be restored to what it was before commission of the wrongful act.
As I have already had occasion to state elsewhere121 in regard to the work of Dionisio Anzilotti,
founding father of the ultra-positivist approach to State responsibility, restitutio is primarily a form
of “restauratio”; a restoration of international legality; a way of redressing a situation so as to
bring it into conformity with the law, and at the same time a procedure enabling a given State to
regain its subjective rights, and its nationals their individual rights, where it was the latter who
initially suffered.
463. It is this juridical ¾ albeit non-material ¾ component of restitutio which is particularly
manifest in cases like those which concern us here, in which the wrongful acts in question are
themselves not material acts, such as destructions of buildings, frontier violations, unlawful
occupations of territory, but “juridical acts”, namely acts of domestic jurisdictions, tainted in terms
of international law by the fact that they were carried out in violation of the rights which Mexican
nationals should have been able to enjoy under Article 36 (1) (b) of the 1963 Vienna Convention.
464. To apply restitutio, the formula ¾ if I may say so ¾ is simple. We have to ask one
question, one question alone, namely the following: what was the existing situation in which
Carlos Avena or any other of his 51 fellow-nationals found themselves prior to the delay by the
United States authorities in informing them of their rights under Article 36?

121P. M. Dupuy, Le fait générateur de la responsabilité internationale des Etats, Collected Courses of the Hague
Academy of International Law, Vol. 188, pp. 95 ff.
- 59 -
465. And here is the reply. True, it was a difficult situation, inasmuch as these Mexican
nationals had been arrested and would be brought before the competent criminal authorities, in the
circumstances described to you this morning, where the acts alleged against them would be
investigated, their guilt determined and appropriate penalties imposed. But that was the situation
immediately following their arrest, where they could still be notified, in timely fashion, of the
assistance to which they were entitled from their consular authorities if they so requested. A
situation in which it was still possible for them to secure the best means either for asserting their
innocence or for putting forward mitigating circumstances.
466. That, Mr. President, Members of the Court, was the situation which prevailed before the
United States breached its obligation under Article 36 (1) (b): a situation in which there was still
everything to play for. It is quite simply that situation which has to be re-established.
467. By going back in time, as I said just now, taking the film and, for specific individuals,
not mere abstractions ¾ for Carlos, for Enrique, for Marcos, for Angel, for Juan, for Arturo ¾
running it backward ¾ a film set in the United States but under international direction, we thereby
unravel this tangled skein of accumulated wrongful acts. The positive aspect of the chain of
causality which links each individual wrongful act to the next is that, if we rewind the film, we
shall thereby put a halt to this endless series of self-perpetuating wrongs.
468. That, Mr. President, Members of the Court, is why Mexico is seeking restitutio. In the
case of Angel Breard, as in that of the LaGrand brothers, it was too late. But not here. Carlos
Avena and his 51 unfortunate companions can still recover their right ¾ a right enshrined in the
international order ¾ to a fair retrial. Fair, in the sense of being provided by their consular
services with a tried and tested defence team, which will not be able to secure their acquittal if they
are guilty but will be in a position to exercise to the full all the rights of the defence . . .
469. In seeking this remedy, Mr. President, is Mexico asking you, as the United States
claims, to usurp your role, to descend into the arena of American criminal law, to go off and
meddle in the administration of justice in its individual component States? Certainly not! No site
visits! Mexico is not asking you to leave The Hague, whose discreet charm, as it well knows,
Members of the Court, you so greatly appreciate! It is not asking you to quit your judicial function,
- 60 -
which is a strictly international one. And I am going to illustrate this by considering the nature of
the obligations of the responsible State.
470. B. A State’s obligations under the restitutio rule are obligations of result, in the classic
sense of the term. What that implies here is that the United States has a choice of means. Or rather
a certain choice of means, since these must attain a precise, concrete, specific result:
re-establishment of the status quo ante.
471. Admittedly, an obligation of result leaves open the choice of means, but only to the
extent and on condition that these are effective. And that is why, for example, as Ms. Babcock
explained to you earlier, the clemency procedure is not only insufficient but simply not appropriate
at all, because of its extra-judicial, arbitrary, subjective and random nature.
472. Already, in the LaGrand case, when it was describing what the conduct of the United
States should be in the future, the Court was saying nothing other than what Mexico is asking it
today to rule in regard to the past under the restitutio rule.
473. Need I re-read paragraph 125 of your Judgment? Yes, perhaps I should, given that the
United States Counter-Memorial seeks to persuade the Court that we want to make it go further
than in the LaGrand case. I will therefore re-read the paragraph:
“The Court considers . . . that if the United States . . . should fail in its
obligation of consular notification to the detriment of German nationals, an apology
would not suffice in cases where the individuals concerned have been subjected to
prolonged detention . . . In the case of such a conviction and sentence, it would be
incumbent upon the United States to allow the review and reconsideration of the
conviction and sentence by taking account of the violation of the rights set forth in the
Convention. This obligation can be carried out in various ways. The choice of means
must be left to the United States.”
474. Well, Mr. President, Mexico can only subscribe, word for word, to that statement by the
Court. The United States does indeed have a choice of means. But they are not that many, if we
consider the objective to be attained, which itself is clearly defined: “to allow the review and
reconsideration of the conviction and sentence by taking account of the rights set forth in the
Convention”. And I beg you, Members of the Court, let us not get ourselves bogged down in
linguistic niceties here. In its Memorial Mexico speaks to you, in English, of “vacating the
convictions and the sentences of the 56 Mexican nationals”. But when we look at the French text
of the LaGrand case, whose language was clearly not chosen at random, we find that it instructs the
- 61 -
Respondent “de permettre le réexamen et la revision du verdict de culpabilité et de la peine”,
which amounts virtually to the same thing. In French, whether it be in criminal or other
proceedings, when we speak of a “revision” procedure, that means the case is subjected to full
re-examination, which implies that the proceedings are recommenced ab initio. Here, revision, in
the context of conviction and sentencing, presupposes that the proceedings are recommenced from
zero, going right back to the time of arrest. In that sense, revision thus makes it possible, in
accordance with the requirements of restitutio in this case, to return to the status quo ante, to the
situation which existed before proceedings were commenced on a basis tainted by the breach of the
obligations laid down by Article 36.
475. What is more, Mr. President, that is precisely what happens, when, in absolutely classic
fashion, we apply restitutio in integrum to circumstances where the injury, or, as in this case, the
totality of successive injuries, is essentially, as I explained earlier, a juridical injury.
476. I should like you to listen to this:
“Direct reparation on account of violation of the duty of judicial protection as a
result of a denial of justice should normally occur through restitutio in integrum ¾
through the re-establishment of the situation which would have existed if the wrongful
act had not been committed. Thus such a form of restitution must be effected
whenever it is materially possible and authorized by international law . . . In
particular, it is incumbent upon [the responsible State] to annul convictions handed
down by domestic courts in breach of its international obligations or to nullify the
legal consequences flowing therefrom.”
477. Is this some inexperienced young lawyer so addressing us in 2003, confusing lex lata
with lex ferenda? Absolutely not! It is Charles de Visscher in 1935, in his course at The Hague
Academy122! And then in 2001 we find the following statement from the International Law
Commission in its commentary on Article 35 of its final draft: “The term ‘juridical restitution’ is
sometimes used where restitution requires . . . the modification of a legal situation, either within the
legal system of the responsible State or in its legal relations with the injured State”. The
Commission then confirms:
“Such cases include the revocation, annulment or amendment of a constitutional
or legislative provision enacted in violation of a rule of international law, the

122Charles de Visscher, “Le déni de justice en droit international”, Collected Courses of The Hague Academy of
International Law, 1935-II, pp. 433 et seq., at p. 436.
- 62 -
rescinding or reconsideration of an administrative or judicial measure unlawfully
adopted in respect of the person or property of a foreigner.”123
And it is at this point that the Commission cites the celebrated Martini case124
.
478. This analysis of positive law is corroborated by the leading exponents of the voluntarist
school. Thus, in a manual of international law, competing with my own it is true, but nonetheless
an admirable work, my colleagues Jean Combacau and Serge Sur observe correctly: “restitutio in
integrum is dependence on strict conditions: if the wrongful act is a legal act, it must be possible
for it to be withdrawn (and not simply abrogated for the future) or annulled by an authority higher
than that which adopted it . . .”125. You yourselves did exactly that, Mr. President, Members of the
Court, in the Yerodia Judgment, when you ordered Belgium to cancel an arrest warrant.
479. It follows that, yes, restitutio, whether or not we wish to call it “juridical restitution”
when it requires the modification of a legal situation, is an obligation of result. But let us make no
bones about it. If the wrongful act is a juridical one, it is difficult to see what else the responsible
State can do but to take steps to have that act annulled. And when the act in question is a judicial
decision, then the United States must be ordered to annul it. It will not be you yourselves doing the
annulling, but the United States ¾ compelled to do so by the provision for “revision” in the
judgment that we are seeking from you here today. Any other result would involve further
wrongful acts; for the execution of a wrongful act constitutes a further such act.
480. That is what Mexico meant in its submissions, when it spoke of the “‘vacating’ of the
convictions and of the sentences of the 54 Mexicans” (now 52). How to achieve that result? That
is indeed for the United States itself to determine, “by means of its own choosing”/“en mettant en
oeuvre les moyens de leur choix”, as the Court quite correctly states in the seventh paragraph of the
dispositif in its Judgment in the LaGrand case.
481. It is however clear that when, on 27 June 2001, the Court took that decision in the
LaGrand case, it in no way exceeded its powers in terms of the guarantees which it required of the
United States for the future. It is difficult to see how matters could be any different if the Court

123ILC Articles on State responsibility, op. cit. supra, p. 240.
124UNRIAA, II, p. 973 (1930).
125Jean Combacau/Serge Sur, Droit international public, 5th ed., 2001, p. 527.
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were today to do the same ¾albeit in relation to the past ¾ in the exercise of its power of
restitutio.
482. Yes, but . . . We are not just dealing with the past in this case. As in the LaGrand
case ¾ perhaps even more so here ¾ Mexico, noting the persistence of the United States in its
unlawful conduct, is asking the Court to decide that the United States must give assurances and
guarantees of non-repetition. It is under this aspect that restitutio in integrum, while certainly
appropriate, is insufficient. And that is the final point which I shall now address.
483. C. Supplemental remedy. Given, as I have already demonstrated at some length, the
scope and complexity of this aggregate of accumulated unlawful acts ¾ increasing exponentially
under the domino effect of earlier acts on later ones ¾ the remedy of restitutio requires
supplementation. Thus it needs to be strengthened “upstream” ¾ as indeed the Court did in the
LaGrand case ¾ by a judicial finding that the United States has been in breach of its obligations
under Article 36, paragraphs 1 and 2.
484. However, steps equally have to be taken to secure cessation of the wrongful acts, whose
continuing nature I have already emphasized. In reality, this is a remedy that goes hand-in-hand
with restitutio. As I already said just now, if we go back in time so as to recreate the situation
which existed before the violation of the rights of the Mexican nationals so that they may be
re-tried, by definition we put an end to the persistent flouting of those rights. It is thus on this latter
element that the emphasis must be placed: on the obligation to provide assurances and guarantees
of non-repetition.
485. It would serve little purpose, from the standpoint of law, to re-address this point, since
the Court already accepted such a request by Germany in the LaGrand Judgment, precisely in
relation to the same kinds of violation. True, the LaGrand Judgment, rendered with the qualified
authority of res judicata, formally concerned only relations between the two parties to that case, the
Federal Republic and the United States.
486. Nonetheless, in relation to operative paragraph 7 of the Court’s Judgment in that case,
President Gilbert Guillaume was at pains to point out in his declaration appended to the Judgment
that, notwithstanding that the obligation to “review and reconsider” sentences involving heavy
penalties applied only to relations between the parties concerned, there could be no question of its
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being interpreted as sanctioning such conduct by the United States in respect of nationals of other
signatories to the 1963 Convention.
487. Yet, generally speaking ¾ and I am not the first to have asked this ¾ what has
happened since the LaGrand case in terms of any concrete improvement in the practices of the
American administration so as to avoid any violation of the obligations laid down by Article 36?
Nothing! Or rather, yes: certain efforts have doubtless been undertaken, in particular at federal
level, and we would certainly not claim that officials of the State Department are unaware of the
need for their country to comply with the constraints imposed upon them in this field, as in others,
by international law. But we have to look at the facts, the tangible results. And the facts,
unfortunately, speak for themselves. In the present proceedings, instituted almost two years after
the LaGrand Judgment, yet two more cases were added last June to the 54 assembled by Mexico at
the time of its Application. You have already been addressed earlier today on the post-LaGrand
practice ¾ of I may so call it ¾ of the United States.
488. The Court is today dealing with the third case brought before it in consequence of the
persistent and cumulative violations of Article 36 of the Vienna Convention. Breard, LaGrand,
Avena. However, to my knowledge, the Court has absolutely no need of a line of litigation
constantly refreshed as a result of the persistent disregard by the United States of its obligations
under that Convention. Its Registry is quite busy enough as it is! It has absolutely no need of a
new case every two or three years involving a violation of Article 36 of the Convention on
Consular Relations.
489. Indeed, faced with such consistent violations of the law, one would be almost tempted
to re-quote Cicero in his Catiline discourse: “Quae quo usque tandem America . . .!”. How long
are the Americans going to continue failing to implement Article 36 of the 1963 Convention?
490. It is time, Mr. President, high time . . .
491. The Avena case has once again ¾ and, it is to be hoped, for the last time ¾ provided
the Court with a solemn opportunity to require of one of the world’s greatest democracies that it ¾
finally ¾ comply with the rule of law.
Mr. President, that ends Mexico’s first round presentation. Thank you.
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Le PRESIDENT : Merci, M. Dupuy. L’exposé de M. Dupuy conclut le premier tour de
plaidoiries des Etats-Unis du Mexique. La Cour entendra le premier tour de plaidoiries des
Etats-Unis d’Amérique demain matin à 10 heures. L’audience est levée.
L’audience est levée à 18 heures.
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