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CR 2007/6 (traduction)
CR 2007/6 (translation)
Lundi 12 mars 2007 à 10 heures
Monday 12 March 2007 at 10 a.m. - 2 -
10 Le PRESIDENT: Veuillez vous asseoir. L’audience est ouverte. La Cour se réunit
aujourd’hui pour entendre le premier tour de plaidoiries de la République du Honduras. Je rappelle
que le Honduras conclura son premier tour de plaidoiries le vendredi 16mars, et je donne
maintenant la parole à l’agent.
M. VELÁSQUEZ :
1. Merci, Madame le président. Madame le président, Messieurs de la Cour, c’est un grand
honneur pour moi de comparaître devant la Cour et de représenter mon pays en qualité d’agent en
la présente affaire.
2. S.Exc.M.MiltonJiménezPuerto, secrétaire d’état aux affaires étrangères, rejoint
aujourd’hui notre délégation.
3. Le Honduras est une nation pacifique et r espectueuse du droit, a ttachée à la licéité
internationale. Il a participé à plusieurs affaires portées devant la Cour et s’est toujours conformé à
ses arrêts.
4. La Constitution du Honduras souligne l’importance fondamentale du droit international, et
son article 8 en garantit la primauté. L’article 9, quant à lui, définit les frontières internationales du
Honduras par référence aux décisions des juridicti ons internationales, aux sentences arbitrales et
aux traités. Enfin, l’article 15 dispose expressément que seront respectées les décisions rendues par
la Cour et par d’autres juridictions internationales compétentes.
5. Mon intervention de ce matin sera brève. J’épargnerai à la Cour une reprise intégrale de la
position hondurienne, position qui sera développée pa r nos conseils. En ma qualité d’agent, il
m’incombe toutefois d’aborder un certain nombre de questions de principe dont l’importance est
primordiale. J’en examinerai cinq, lesquelles s ont devenues particulièrement pertinentes compte
tenu des plaidoiries du Nicaragua de la semaine dernière. Ensuite, j’aurai le plaisir de présenter les
conseils qui s’exprimeront au nom du Honduras.
Ma6. première observation concerne la géographie, un facteur qui joue un rôle essentiel en
l’espèce. Dans son exposé introductif, l’agent du Nicaragua a fait une «description sommaire» des
territoires du Nicaragua et du Honduras, et reproché au Honduras de prétendre qu’une partie de sa
côte était orientée vers l’est. Je suggère resp ectueusement que, devant la présente Cour, il soit - 3 -
recouru à des sources juridiques faisant autorité et non à une encyclopédie. Si l’on se réfère à la
sentence arbitrale rendue en1906 par S.M. le roi d’Espagne, le territoire hondurien est décrit
11 comme confinant : «au sud, avec le Nicaragua, au sud-ouest et à l’ouest, avec l’océan Pacifique, le
1
SanSalvador et le Guatemala et au nord, au nord-est et à l’est avec l’océan Atlantique»
[traduction du Greffe]. De par sa déclaration, le Nicaragua semble aujourd’hui vouloir remettre en
cause la délimitation du territoire hondurien, y compris ses îles, telle qu’elle figure dans la sentence
arbitrale de 1906. Nul n’est besoin de rappeler à la Cour qu’elle a, en 1960, confirmé la validité et
le caractère obligatoire de cette sentence.
Ma7. deuxième observation porte sur le changement d’orientation aussi soudain que radical
qui a été opéré la semaine dernière par le Nicara gua. La Cour n’aura p as manqué de relever que,
dans sa requête, le Nicaragua s’est contenté de porter devant elle un différend relatif à une
délimitation maritime. Cela a c onduit la Cour à intituler l’affaire Délimitation maritime entre le
Nicaragua et le Honduras dans la mer des Caraïbes . Il n’était question, dans la requête, d’aucun
différend concernant la souveraineté sur des îles. Bien au contraire, le Nicaragua avait choisi de ne
pas aborder la question des îles situées à proximité immédiate de la côte hondurienne, îles
considérées depuis longtemps comme relevant de la souveraineté du Honduras. Et voilà
qu’aujourd’hui, le Nicaragua en vient, tardiv ement, à reconnaître que les îles constituent un
élément central de la géographie.
8. La souveraineté sur les îles a une incide nce déterminante sur la délimitation maritime.
Que le Nicaragua soit resté silencieux au sujet des îl es dans sa requête en dit long sur le bien-fondé
de la nouvelle demande qu’il a choisi de formuler à ce stade inhabituellement tardif.
9. Madame le président, Messieurs de la Cour, les principes et les règles du droit
international applicables en matière de souverainet é territoriale sont clairs. Ils permettent de
e
conclure avec fermeté que le Honduras détient un titre sur les îles situées au nord du 15 parallèle.
Cette souveraineté ne peut être méconnue. La Cour ne saurait statuer en dehors du cadre du droit
international et rendre un jugement ex aequo et bono, lequel pourrait incidemment tracer une ligne
d’attribution transférant du Honduras au Nicaragua la souveraineté sur ces îles.
1Sentence arbitrale prononcée par S.M.AlphonseXIII, ro i d’Espagne, dans le différend territorial entre les
o
Républiques du Honduras et du Nicaragua (annexes à la requête (np. 20). - 4 -
L1a0. troisième observation consiste à rappeler que le H onduras comparaît aujourd’hui en
tant que défendeur. Le Honduras a négocié des fro ntières maritimes dans la mer des Caraïbes avec
la Colombie, le Mexique et le Royaume-Uni (s’agissant des îles Caïmanes). Pour ce qui concerne
le Nicaragua, nous avons toujours considéré que le 15 eparallèle constituait une frontière acceptée
par nos deux pays. C’est la ra ison pour laquelle nous avons accu eilli favorablement l’invitation
formulée en 1977 par le Nicaragua de négocier une délimitation défin itive de la frontière qui avait
d’ores et déjà été reconnue dans les faits. Mais, en raison du changement soudain de gouvernement
12
et de politique au Nicaragua, ces négociations n’ont jamais vu le jour.
11. Attrait devant la Cour, le Honduras a pa rticipé de bonne foi à l’instance et il a toute
confiance que la Cour confirmera sa position. Cette position est ancienne. Elle n’a rien de
nouveau et n’a pas pour but de perturber les relations existant de longue date avec notre voisin. La
position du Honduras n’est pas fondée sur des théories juridiques nouvelles ou fantaisistes, elle est
ancrée dans l’histoire, la géographie et la conduite des Parties. Pendant de nombreuses années, le
Nicaragua s’est lui aussi fort bien satisfait de ce tte position. Voilà pourquoi, depuis le début de la
présente instance, le Honduras a réaffirmé la «ligne traditionnelle» fondée sur la conduite
réciproque des deux pays et résultant d’un modus vivendi ancien.
12. La quatrième observation que je souhaite formuler concerne le point de départ de notre
délimitation frontalière. Au para graphe 1.14 de sa réplique, le Nicaragua a accusé le Honduras de
nourrir le dessein «de s’emparer d’une partie de la ri ve droite du fleuve Coco». Cela est faux. Le
territoire auquel le Nicaragua faisait référence n’est pas situé sur la rive droite du fleuve Coco, mais
sur une petite île qui existe aujourd’hui dans l’embouchure du fleuve Coco. J’insiste sur le mot
aujourd’hui. Cela ressort clairement des cartes présentées dans les écritures du Honduras.
13. Je souhaite, au nom du Honduras, insister sur le fait ⎯et j’aimerais qu’il en soit pris
bonne note ⎯ que cette île n’appartient pas au Nicaragua. La sentence de 1906 est très claire à cet
égard : l’île appartient au Honduras, et non au Nicaragua.
14. La cinquième ⎯ et dernière ⎯ observation concerne la ligne de délimitation proposée
par le Honduras. Nos conseils démontreront que la ligne revendiquée par le Honduras peut être
tracée par l’application stricte des règles et principes du droit international, notamment de la
convention des NationsUnies sur le droit de la me r de 1982 et de la jurisprudence de la Cour. - 5 -
Nous avons constaté que le Ni caragua avait modifié sa thèse. Sa demande en délimitation
d’espaces maritimes semble sur le point de se transf ormer en une affaire de souveraineté sur des
îles. L’éminent agent du Nicaragua a indiqué que seraient présentées une nouvelle demande sur ce
point, ainsi qu’une demande revisée relativement au poi nt de départ de la lig ne de délimitation.
Nous prêterons une attention particulière à cette nouvelle demande, ainsi qu’aux précisions
13 apportées à la demande existante. Il se peut que le Honduras ait, dès lors, à reconsidérer ses
conclusions finales, et nous réservons notre position sur ce point.
15. Madame le président, permettez-moi d’en venir maintenant aux grandes lignes des
exposés du Honduras dans le cadre de ce premier tour de plaidoiries et de présenter les conseils qui
exposeront la thèse du Honduras.
16. M. Christopher Greenwood commencera pa r quelques observations essentielles relatives
à l’affaire, et présentera dans ses grandes lignes l’approche que suivra le Honduras.
17. M. Luis Ignacio Sánchez Rodriguez se penchera ensuite sur la question de la succession
d’Etats ainsi que sur le rôle et la place de l’ uti possidetis dans le cadre de la présente affaire de
e
délimitation maritime. Il montrera clairement que les îles situées au nord du 15 parallèle
appartiennent au Honduras en vertu du principe de l’ uti possidetis et que cela a des conséquences
importantes aux fins de la délimitation maritime.
18. M. PhilippeSands s’intéressera ensuite à la conduite des Parties. Son premier exposé
portera sur les effectivités concernant les îles ; le second, qu’il présentera plus tard dans la semaine,
portera sur la conduite à l’égard du respect de la ligne traditionnelle de division des zones
e
maritimes, le long du 15 parallèle.
19. M. CarlosJiménezPiernas se penchera sur l’histoire diplomatique, et montrera le
changement de politique du Nicaragua à l’égard de la ligne traditionnelle existant entre lui et le
Honduras. Il démontrera également que le Nicar agua n’a jamais, avant l’introduction de la
présente instance, revendiqué la souveraineté sur les îles.
20. M. Jean-PierreQuéneudec s’intéressera au contexte géographique. Il examinera plus
particulièrement la zone à délimiter, les côtes pertinentes et les principales caractéristiques
géographiques à prendre en considération. - 6 -
21. M. Pierre-MarieDupuy abordera ensuite le droit applicable, et insistera plus
particulièrement sur la question de la délimitation des espaces maritimes.
22. Après le second exposé de M. Sands consacré à la conduite des Parties, M. David Colson
examinera en détail la ligne revendiquée par le Honduras et exposera son caractère équitable.
23. Comme à l’accoutumée, le Honduras distri buera des dossiers des juges contenant des
copies des cartes qu’il présentera à l’écran. En outre, ses conseils indiqueront les références dans la
version écrite de leur plaidoirie.
14 24. Madame le président, ainsi s’achève mon exposé introductif. Madamele président,
Messieurs de la Cour, je vous remercie pour votre attention. Je vous prierais respectueusement de
bien vouloir appeler à la barre M. Christopher Greenwood.
Le PRESIDENT : Merci beaucoup, Excellence. J’appelle M. Greenwood.
M. GREENWOOD :
1. Madame le président, Messieurs de la Cour, plaise à la Cour. J’ai l’honneur de me
présenter devant vous, aujourd’hui, au nom de la République du Honduras, et le privilège de le
faire sous votre présidence, Madame le président.
1) Introduction
2. Je m’attacherai, ce matin, à reprendre dans leurs grandes lignes les arguments du
Honduras, tant les arguments positifs en faveur de la ligne frontière revendiquée par le Honduras
que ceux qui répondent à la thèse exposée par le Nicaragua la semaine dernière. Comme nous
l’avons fait dans les pièces de procédure écrites, et pour des raisons de simplicité, mes collègues et
moi-même retiendrons le terme de 15 eparallèle pour désigner la li gne marquant la frontière
traditionnelle entre les deux Etats, au lieu de donner les coordonnées précises, qui sont de 14° 59,8'.
3. Conformément au Règlement de la Cour 2, le Honduras se concentrera sur les questions qui
continuent de diviser les Parties, s’abstenant de répéter ce qu’il a dit dans ses écritures. Dans un
souci de clarté, permette z-moi toutefois de préciser que, sauf indication contraire expresse, le
Honduras maintient tout ce qu’il a affirmé dans ses pièces écrites.
2
Art. 60, par. 1. - 7 -
2) Les questions qui opposent les Parties
4. Madame le président, il est regrettable que les pièces déposées à ce jour, loin d’atténuer
les points de désaccord entre les Parties, les ont en fait amplifiés. L’éminent agent du Nicaragua
l’a clairement fait entendre en affirmant devant la Cour, lundi dernier, que «dans ses conclusions
finales qu’il présentera au terme des présentes plai doiries», le Nicaragua «demandera précisément
que la question de la souveraineté [sur les îles] soit tranchée» .
5. La requête présentée à la Cour par le Nicaragua porte uniquement sur une revendication
15
de frontière maritime. Il n’y est fait état d’au cun différend sur quelque territoire que ce soit. De
même, le mémoire ne dit pratiquement rien sur ce poi nt. La réplique en dit un peu plus, mais rien
n’y laisse pour autant entendre que le Nicaragua s ouhaite que la Cour statue qu’il détient un titre
sur les îles.
6. Puis, Madame le président, nous avons assisté à un spectacle étonnant, le demandeur ayant
fait savoir à la Cour, le premier jour des plaidoiri es, qu’il souhaitait que l’affaire sur la frontière
maritime dont il avait choisi de saisir la Cour porte également sur la question du titre territorial;
tout cela plus de sept ans après le dépôt de la requête et trois ans et demi après la clôture de la
procédure écrite au cours de laquelle le Honduras a expressément relevé que le Nicaragua n’avait
pas formé de revendication relative au titre sur les îles !
7. Madame le président, cette remarquable volte-face a néanmoins un avantage important:
les nouvelles pièces que le Nicaragua promet de produire donnent une idée très précise de la nature
de la tâche qui incombe à la Cour. A présent que celle-ci est appelée à trancher la question du titre
sur les îles et celle de la frontière maritime, deux points se détachent clairement.
8. Premièrement, il faut considérer l’ordr e dans lequel les deux questions doivent être
traitées. Selon un principe bien établi, c’est la s ouveraineté de l’Etat sur le territoire terrestre qui
détermine l’étendue et les frontières de ses espaces maritimes. Comme on a coutume de le dire «la
terre domine la mer» ( Plateau continental de la mer du Nord (République fédérale
d’Allemagne/Danemark) (République fédérale d’A llemagne/Pays-Bas), arrêt, C.I.J.Recueil1969,
p. 51, par. 96 ; Plateau continental de la mer Egée (Grèc e c.Turquie), arrêt, C.I.J.Recueil1978 ,
p. 36, par. 86 ; Délimitation maritime et questions territoriales entre Qatar et Bahreïn (Qatar
3
CR 2007/1, p. 46, par. 103. - 8 -
c. Bahreïn), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 2001, p.97, par.185). Cela signifie nécessairement qu’un
tribunal appelé à trancher un litige portant sur des espaces terrestres et maritimes, ainsi qu’il échet à
la Cour en l’espèce, doit régler la question de la souveraineté sur le territoire avant de passer à la
question des espaces maritimes. De plus, il est évident que le choix de la méthodologie du tracé de
la frontière maritime dépend de la relation du territoire terrestre d’un e Partie avec le territoire de
l’autre. Comme l’a dit M. Brownlie, «cette méthode donne une image fidèle des relations
4
côtières» . Il s’ensuit que la première question ⎯celle de savoir quelle est la Partie ayant
16 souveraineté sur les îles ⎯ doit être réglée avant que la méthodologie à utiliser pour répondre à la
seconde puisse être choisie.
9. Deuxièmement, Madame le président, il est clair à présent, si ce n’était déjà le cas, qu’il
convient de faire appel à deux s ources du droit tout à fait distinctes. La détermination de la
frontière maritime est régie par les dispositions de la convention sur le droit de la mer de 1982. Ces
dispositions sont toutefois sans rapport avec la questi on préalable relative au titre sur les îles. La
question du titre territorial, qu’il soit continental ou insulaire, est régie par des principes du droit
international tout à fait différents et distincts.
10. Il s’ensuit qu’en l’espèce, la question du titr e sur les îles doit d’abord être tranchée sur la
base des principes du droit international coutumier relatifs aux titres territoriaux. C’est seulement
une fois cette décision rendue que la relation en tre le territoire terrestre du Honduras et celui du
Nicaragua sera clairement établie et que la question des espaces maritimes pourra être abordée. A
ce stade, la Cour sera priée de déterminer la fron tière entre les territoires maritimes des Parties par
l’application du droit de la mer.
11. Le Nicaragua n’a rejeté e xpressément aucune de ces propositions ⎯il eût été pour lui
difficile de le faire. Il a même prétendu s’ y intéresser à divers moments, bien que toute
l’argumentation qu’il a développée la semaine dernière n’ait visé qu’à les éluder. M. Brownlie est
passé directement à son sujet préféré, la méthode de la bissectrice, sans tenir aucun compte des îles.
4
CR 2007/2, p. 16, par. 32. - 9 -
Bien qu’il ait dit à la Cour que la méthode de délimitation devait donne r une image fidèle des
relations côtières entre les Parties ⎯ ce qui est parfaitement exact ⎯ il semble que seules les côtes
qu’il veut bien prendre en considération déterminent sa méthode.
12. Le discours de l’agent a toutefois révélé le dessein caché de la stratégie du Nicaragua.
L’éminent agent de ce pays affirme, aux paragr aphes77 à 79 de son discours, je cite, que «le
Nicaragua a estimé qu’en recourant à la bissectrice en tant que méthode de délimitation, il serait
possible de conférer une souveraineté sur ces formations [c’est ainsi que les îles sont nommées] à
l’une ou l’autre Partie en fonction de la position de la formation considér ée par rapport à la ligne
bissectrice» . Ainsi, choisissons d’abord la méthode de délimitation maritime, puis appliquons-la
pour déterminer la frontière maritime et le titre sur les îles sera établi, s’imposera tout simplement.
17 En clair, le Nicaragua laisse entendre que la mé thode de délimitation mar itime réglera la question
de la souveraineté sur le territoire ⎯ la terre suivra la mer au lieu de la dominer.
13. Madame le président, cela ne peut être ainsi. En cette affaire, les Parties n’ont pas laissé
entendre ⎯et ne pouvaient pas laisser entendre ⎯ qu’elles priaient la Cour de trancher une
question ex aequo et bono ; c’est une affaire dans laquelle cha que question doit être tranchée selon
le droit. Et il n’existe pas de loi justifiant la proposition selon laquelle le titre territorial peut être
déterminé par la méthodologie de la délimitation maritime. La stra tégie du Nicaragua est subtile ;
elle est présentée, comme l’on peut s’y attendre, de manière très habile mais elle repose tout
simplement sur une erreur de droit, et le H onduras est convaincu que la Cour l’appréciera comme
telle.
14. Malheureusement, le changement de pos ition adopté par le Nicaragua à la dernière
minute a empêché la Cour de recevoir des Parties l’aide qu’elle est en droit d’attendre sur certains
aspects essentiels de l’affaire, certains aspects ess entiels des questions qui lui sont maintenant
soumises. Pour tenter de pallier cette défailla nce, le Honduras a revisé substantiellement les
exposés qu’il prévoyait de faire. Toutefois, da ns l’ensemble, la thèse du Honduras est simple : la
question du titre territorial doit être réglée en premier et ce, conformément au droit applicable à
5
CR 2007/1, p. 38, par. 77. - 10 -
l’acquisition et la conservation de territoire terrest re. C’est seulement lorsque cette question aura
été tranchée qu’il sera possible de choisir la mé thodologie convenant à la détermination de
l’emplacement de la frontière maritime et d’appliquer cette méthode aux faits de la présente espèce.
3) Lesaffairesantérieures
15. Madame le président, avant d’en venir au différend concernant les îles, il convient de
replacer brièvement la présente instance dans son contexte historique. Ce n’est certes pas la
première fois que la frontière entre ces deux pays fa it l’objet d’une procédure judiciaire. Il existe
deux affaires antérieures: la sentenc e arbitrale rendue par le roi d’Espagne en 1906 (Sentence
arbitrale rendue par le roi d’Espagne le 23 décembre 1906 (Honduras c.Nicaragua),
(C.I.J. Mémoires, 1958, volI., .8)) ainsi que l’arrêt prononcé par la Cour en1960
(C.I.J. Recueil 1960, p. 192). Ces précédents constituent une part importante de la toile de fond de
la présente instance et comme il est impossible de comprendre correctement hors de leur contexte
les passages qui en ont été cité, il n’est sans doute pas inutile que je dise un mot sur ces deux
décisions considérées comme un ensemble.
18 16. Permettez-moi de commencer par la sentence de1906 dont il convient tout
particulièrement de relever quatre points. Prem ièrement, le compromis énoncé dans le traité
Gámez-Bonilla de1894 ( ibid., p.199) était solidement fondé sur le principe de l’ uti possidetis
juris. Cela ressort clairement des paragraphes 3 et 4 de l’article II du traité.
17. Deuxièmement, en appliquant ce princi pe, le roi d’Espagne examina expressément un
point que le Nicaragua a soulevé la semaine derniè re, à savoir que les installations côtières situées
sur cette partie de la côte caraïbe étaient ⎯au cours de la période précédant immédiatement
l’accession à l’indépendance ⎯ placées sous l’autorité du capitaine général du Guatemala et non
sous celle du gouverneur du Honduras ou du Nicaragua. Voici ce que la sentence indiquait à ce
sujet :
«quoique ces villages soient restés directem ent soumis à l’autorité militaire de la
capitainerie générale de Guatemala, les deux Parties ont convenu de reconnaître que ce
fait n’a altéré en rien les territoires des provinces du Nicaragua et du Honduras, cette
dernière République ayant prouvé par moye n de nombreux certificats de mandements
et de comptes qu’avant et après mil sept cent quatre-vingt onze l’intendance - 11 -
gouvernementale de Comayagua intervenait en tout ce qui était de sa compétence à
Trujillo, Rio Tinto et Cap de Gracias a Dios.» ( Sentence arbitrale rendue par le roi
d’Espagne le 23 décembre 1906, C.I.J. Mémoires 1958, vol. I, p. 20-21.)
18. Troisièmement, Madame le président, le Ni caragua prétendait dans cette affaire que la
ligne frontière «continu[ait] par le centre du cours d’eau jusqu’à sa rencontre avec le méridien qui
pass[ait] au-dessus du Cap Camarón et sui[vai]t ce mé ridien jusqu’à la mer, laissant au Nicaragua
Swan Island» (ibid., p. 624). Swan Island est représentée ici sur la figure CJG 1. Cette allégation
fut écartée mais elle démontre que le Nicaragua considérait que l’uti possidetis justifiait à la fois un
tracé de la frontière en ligne droite jusqu’à la mer et un titre sur une île située à quelque 90 milles
marins des côtes.
19. Enfin, la sentence de1906 ⎯dont le conseil du Nicaragua n’a cité qu’une partie
vendredi dernier ⎯ fixait le point terminal de la frontiè re terrestre au cap Gracias a Dios.
Permettez-moi de vous lire le passage dans son intégralité :
«Le point extrême limitrophe sur la côte atlantique sera l’embouchure du fleuve
Coco, Segovia ou Wanks, près du cap de Gracias a Dios, considérant comme
embouchure du fleuve son bras principal entre Hara et l’île de San Pío où se trouve
ledit cap, restant au Honduras les petites îles et îlots existant dans ledit bras principal
avant d’atteindre la barre, et le Nicaragua conservant la rive sud de ladite
embouchure principale, l’île de San Pío y comp rise, ainsi que la baie et le ville de
Cabo de Gracias a Dios et le bras ou «estero» appelé Gracias qui aboutit à la baie de
Gracias a Dios entre le continent et l’île de San Pío susnommée.» (Ibid., p. 25-26 ; les
italiques sont de nous.)
Madame le président, l’on peut voir ici à l’écran l’île de Hara, c’est la plus grande île, puis ces
19
deuxîlots: ils sont situés dans l’embouchure du chenal principal du fleuve et la sentence les
attribue clairement au Honduras. Cette zone , plus bas, représente l’île de San Pio qui,
o
conformément à la sentence, fait partie du Nicaragua (figure n 2).
20. Madame le président, en dépit de l’obliga tion que lui imposait très clairement le traité
de1894 de se conformer aux dis positions de la sentence, le Nica ragua s’est refusé à en appliquer
d’importants passages, et a continué à occuper la partie du territoire que vous voyez représentée sur
la figure no3 en violet. Cette carte a été versée au dossier d’audiences, la semaine dernière, par
l’éminent agent du Nicaragua; nous avons juste fa it ressortir la zone, au nord du fleuve Coco,
attribuée par la sentence au Honduras. Le Nicara gua a donc refusé de se retirer d’une partie de
cette zone, bien qu’aucun élément ne vienne étayer l’affirmation qu’il a avancée la semaine - 12 -
dernière, selon laquelle il aurait conser vé le contrôle de la bande cô tière s’étendant entre la borne
frontière, au capGraciasaDios, et l’extrémité la plus septentrionale ⎯ ici ⎯, CaboFalso. Je
voudrais juste appeler à ce propos votre attention sur le point suivant : en 1960, le Nicaragua et le
Honduras ont soumis la question de la validité de la sentence de 1906 à la Cour, qui a confirmé que
cette décision était valable et obligatoire ( C.I.J. Recueil 1960, p.192). Je ne redeviendrai que sur
l’un des griefs formulés par le Nicaragua, qui a lléguait que l’arbitre n’avait pas observé les règles
posées par le traité de 1894. Voici ce qu’en a dit la Cour : «ce grief n’est pas fondé, la décision de
l’arbitre reposant sur des considérations historiques et juridiques (derecho histórico) en conformité
avec les paragraphes 3 et 4 de l’article II» (ibid., p. 215). La Cour se souviendra qu’il s’agissait des
dispositions du traité de 1894 qui consacraient le principe de l’uti possidetis.
21. Madame le président, la Cour a donc reje té la thèse selon laquelle le territoire situé au
nord du fleuve Coco représentait, ainsi que l’indi que la carte soumise par le Nicaragua, «l’étendue
historique» de celui-ci. En réalité, entre 1960 et 1962, date de la mise en Œuvre finale de l’arrêt de
la Cour, le Nicaragua exerçait, dans la m esure où les terres considérées étaient situées au nord du
fleuveCoco, une occupation illicite. Le Nicara gua occupait de manière illicite un territoire qui
relevait, en droit, de la souveraineté du Honduras. Nous reviendrons plus tard sur les conséquences
exactes de cet état de fait; pour l’heure, l’im portant est de bien comprendre ce qu’était cette
occupation: une violation patente des obligations juridiques internationales incombant au
20 Nicaragua. Le Nicaragua s’est finalement retiré de tous les territoires qu’il occupait au nord du
fleuve Coco, non pas en 1963, comme il l’a laissé entendre la semaine dernière, mais en mai 1961,
6
ainsi que l’indique son mémoire .
22. Avant de passer à un autre point, je voudrais encore faire deux observations à propos de
cette carte. La première est que la légende qui lui tient lieu de titre, «l’étendue historique du
Nicaragua», semble avoir été ajoutée aux fins de la présente affaire ⎯la carte accompagnant les
écritures de1958 n’est pas présentée en ces termes. La Cour pourra s’interroger sur les motifs
ayant poussé le Nicaragua à ajouter ⎯tout à fait inutilement ⎯ une légende qui, au regard de la
sentence et de la précédente décision de la Cour, est manifestement inexacte.
6
MN, p. 30, par. 27. - 13 -
23. Ensuite, et ce sera ma seconde observation, l’ajout ⎯ à ce stade et aux fins de la présente
affaire ⎯ de cette légende est intéressant à un autre égard: les îles objets du présent différend
n’apparaissent pas sur cette carte.
24. Reste à mentionner une dernière étape de l’ instance précédente : en application de l’arrêt
rendu par la Cour en 1960, une commission mixte fu t établie par la commission interaméricaine de
la paix, afin de vérifier le point de départ de la frontière terr estre à l’embouchure du fleuve Coco.
C’est cette commission de délimitation qui fixa les coordonnées du point de départ ⎯ représenté
ici, sur la carte suivante (figure n 4) ⎯, à 14° 59,8' de latitude nord et 83° 8,9' de longitude ouest.
L’exemplaire versé au dossier des juges sera peut-être un peu plus facile à consulter que la carte
grand format au verso.
4) Titre sur les îles
a) La nature et l’emplacement des îles
25. J’en viens maintenant, Madame le prési dent, au différend qui nous oppose à propos des
îles ⎯ et j’y consacrerai davantage de temps qu’à la délimitation maritime, précisément parce que
ce point a été moins exhaustivement développé dans les pièces de procédure. Les conseils du
Nicaragua ont, la semaine dernière, employé tous les euphémismes que compte la langue anglaise
⎯ et, puisque M. Pellet était parmi eux, tous les euphémismes de la langue française ont sans doute
été utilisés également ⎯ pour éviter d’appeler ces îles des îles. Même lorsqu’il a indiqué à la Cour
qu’il lui demanderait de se prononcer sur la questi on de la souveraineté à leur égard, l’agent du
Nicaragua a préféré employer le terme de «formations». Mais le fait demeure ⎯ et aucune astuce
e
rhétorique ne doit être autorisée à l’occulter ⎯ qu’il y a, un peu au nord du 15 parallèle, quatre îles
21 à part entière : Savanna Cay, South Cay, Bobel Cay et Port Royal Cay (figures n os5 et 6). La carte
qui vient d’apparaître maintenant à l’écran nous perm ettra de concentrer notre attention sur la zone
en question. Je tiens, si vous me le permettez, à apporter une petite précision: lorsqu’il est fait
référence à la zone maritime en litige ⎯il s’agit seulement d’une par tie de la zone en litige ⎯
nous ne prétendons pas, quant à nous, que cette zone se limite à la pa rtie située entre la ligne noire
et la ligne rouge. Nous y reviendrons. - 14 -
o
26. Savanna Cay, que vous pouvez voir sur la figure n 7, se trouve à 28 milles marins de la
rive hondurienne de l’embouchure du fleuve Coco, et à 8,2 milles marins au nord du 15 e parallèle.
En1999, un groupe d’agents honduriens chargés de la réglementation de l’immigration se sont
rendus sur l’île, et, y ont recensé vingt-sixhabita nts (voir l’annexe146 du contre-mémoire). La
photographie que vous voyez maintenant, il s’agit en fait de deux photographies, dont la première
est une vue de l’île ⎯ Savanna Cay ⎯ elle-même, prise depuis la mer. La seconde montre le
repère géodésique qui fut posé sur l’île en1980-1981 (figure n o 8). Il le fut en application d’un
accord conclu en1976 entre le Gouvernement du Honduras et le département de la défense des
Etats-Unis en vue d’une collaboration en matière de «levés hydrographiques des ports et des eaux
côtières de la République du Honduras». Ce t accord est reproduit à l’annexe152 du
contre-mémoire.
27. J’en viens maintenant à l’île suivante : South Cay (figure n o9). Elle se trouve à 41 milles
e
marins de la rive hondurienne du fleuve Coco et à 8,2 milles marins au nord du 15 parallèle. Vous
voyez ici une photographie (figure n o10) qui représente l’île ⎯il s’agit cette fois d’une vue
aérienne ⎯ ainsi que le repère géodésique posé en application des dispositions de l’accord de 1976.
7
Dix-neuf personnes vivaient sur cette île au moment de l’inspection de 1999 .
28. L’île suivante est Bobel Cay (illustration n o11) qui se trouve à 27milles marins de la
e
rive hondurienne du fleuve Coco, et à 4,76 milles marins au nord du 15 parallèle. Nous avons là
encore une photographie de l’île (figure n o 12) et du repère géodésique qui y fut posé, et l’on peut
voir clairement qu’il s’agissait d’un instrument officiel hondurien. En outre, une antenne radio
d’une dizaine de mètres de haut fut installée sur l’île, en 1975, par l’Union Oil Company, titulaire
d’une concession octroyée par le Honduras (figure n o 13) . Si Bobel Cay était inhabitée lorsqu’elle
fut inspectée en1999, elle avait été occupée, à divers moments, au cours des trois dernières
décennies, comme le montrera demain mon éminent ami M. Sands.
7CMH, annexe 146.
8DH, annexe 264, p. 157, dont est extraite la photographie. - 15 -
22 29. Enfin, voici Port Royal Cay (figure n o14), qui se trouve à 32milles marins de
e
l’embouchure du fleuve Coco et à 7milles marins au nord du 15 parallèle. Malheureusement,
nous n’avons pu produire aucune photographie de l’îl e, mais la visite de1999 a révélé des traces
9
d’occupation récente .
30. Outre ces quatre îles principales (figure n o15) ⎯que l’on voit maintenant représentées
sur la carte suivante ⎯, cette zone comprend un certain nombre d’îles de taille plus modeste et de
cayes (figure n o 16). Les quatre îles principales et les cayes adjacentes sont parfois collectivement
dénommées «MediaLuna» ⎯toponyme qui prête cependant à confusion, car il est également
employé pour désigner l’une des cayes, plus petite, ains i que l’un des récifs de la zone. Je vais les
faire ressortir à l’écran : voici le récif et voici Media Luna Cay. Mais le nom de «Media Luna» est
également utilisé pour désigner ce groupe-ci d’îles ; on trouve un exemple de cette acception dans
l’une des annexes de la réplique du Nicaragua. Cette annexe, l’annexe 31, qui reproduit un extrait
du Geographic Index of Nicaragua , index géographique, non officiel, du Nicaragua, publié
en 1971, donne de «Media Luna (Demi-lune)» la définition suivante : «Groupe de cayes et de récifs
situé à environ 70kilomètres du cap Gracias a Dios sur le plateau sous-marin. Il inclut les îlots
suivants : Logwood, Bobel, Savanna, Sud, Half Rock , récif d’Alargado et Cock Rock. Il se situe à
15° 10' de latitude nord et 82° 35' de longitude ouest.»
31. Permettez-moi de mentionner également Logwood, qui figure parmi les cayes citées dans
o
l’index géographique (on la voit sur la figure n 16) ⎯Logwood se trouve ici. Sur les cartes les
plus anciennes, elle apparaît s ouvent sous le nom de «Palo de Campeche». Et c’est sous ce
toponyme qu’elle a fait l’objet de certaines des plus anciennes effectivités honduriennes.
32. Madame le président, le Nicaragua a consacré beaucoup de temps et d’efforts à
convaincre la Cour que ces îles étaient petites, insi gnifiantes et inhabitables. Petites, elles le sont,
et le Honduras n’a jamais préte ndu le contraire. Mais elles ne sont pas insignifiantes, comme le
prouvent les photographies, et les plus grandes d’entre elles ne sont pas inhabitées. Leurs habitants
sont des pêcheurs, qui migrent pendant l’année en fonction des conditions météorologiques et des
9CMH, annexe 146. - 16 -
stocks de poisson, mais qui tendent à y revenir chaque année et à y demeurer pendant une bonne
partie de l’année. Les pièces de procédure hondur iennes en apportent des preuves évidentes, que
mon éminent ami M. Sands vous présentera demain.
23 33. En outre, en dépit des efforts que déploie le Nicaragua pour dépeindre ces îles comme
des formations instables, risquant à tout mo ment d’être submergées au gré d’un caprice des
éléments, il ressort clairement des photographies que je viens de montrer à la Cour que les
quatre îles principales ne sont rien de tel ⎯ ces îles, de même que leurs habitants, sont mentionnées
e
dans des documents qui remontent au XIX siècle. Elles soutiennent assurément la comparaison
avec les îles récemment étudiées par la Cour dans le cadre de l’affaire entre l’Indonésie et la
Malaisie ( Souveraineté sur Pulau Ligitan et Pul au Sipadan (Indonésie/Malaisie), arrêt,
C.I.J. Recueil 2002, p.625) ou du différend opposant Qatar à Bahreïn ( Délimitation maritime et
questions territoriales entre Qatar et Bahreïn (Qat ar c.Bahreïn), fond, arrêt, C.I.J.Recueil 2001 ,
p. 40).
34. Plus important encore, Madame le préside nt, est le fait qu’elles constituent des îles au
sens de l’article 121 de la conve ntion sur le droit de la mer ⎯ des étendues naturelles de terre qui
restent découvertes à marée haute ⎯, et non des «rochers qui ne se prêtent pas à l’habitation
humaine ou à une vie économique propre» au sens du pa ragraphe 3 de l’article 121. Du reste, cet
aspect n’est pas contesté par le Nicaragua et constitue un point d’entente entre les Parties.
b) L’attribution de la souveraineté sur les îles
35. Voilà donc les caractéristiques des îles. La question suivante est celle de savoir comment
la Cour doit s’y prendre pour trancher entre les de ux revendications de souveraineté concurrentes.
Tout d’abord, il est clair que, contrairement à ce qu’indique le Nicaragua, elle ne peut le faire en
traçant une ligne de délimitation maritime (par la méthode de la bissectrice ou par toute autre
méthode) qui serait ensuite traitée comme une ligne d’attribution conférant la souveraineté sur les
îles à l’Etat qui serait situé du côté de la frontiè re maritime duquel chaque île se trouverait. Cette
approche est diamétralement opposée au principe et à la pratique que la Cour et d’autres
juridictions appliquent lorsqu’elles règlent d es différends mêlant des aspects territoriaux et
maritimes. La Cour a d’ailleurs fait observer ⎯ quoique dans un contexte légèrement différent ⎯
qu’«une «frontière», au sens ordi naire du terme, n’a pas la fonction que l’Indonésie confère à la - 17 -
ligne d’attribution que l’articleIV aurait établie au large de l’île de Sebatik, qui serait de répartir
entre les parties la souveraineté sur les îles se trouvant dans ce secteur» ( Souveraineté sur Pulau
Ligitan et Pulau Sipadan (Indonésie/Malaisie), arrêt, C.I.J. Recueil 2002, p. 648, par. 43).
24 36. Madame le président, pour déterminer la s ouveraineté sur les îles, la Cour doit au lieu de
cela appliquer les principes du droit international qui ont trait à l’acquisition et au maintien d’un
titre sur un territoire. Etant donné que les deux Pa rties relevaient jadis de l’Empire espagnol, il
faudra peut-être procéder en deux étapes. La pr emière consiste à appli quer le principe de l’ uti
possidetis juris. Si l’application de ce principe permet d’établir que, à la date de l’indépendance,
telle ou telle île est échue à l’une ou à l’autre des Parties, il s’agirait là d’un élément concluant, sauf
à ce qu’une preuve claire démontre que la Partie en question a abandonné ou perdu son titre par la
suite. La seconde étape consiste à examiner la pratique ou les effectivit és de chaque Partie à
l’égard des îles en litige. M. Sánchez Rodrí guez examinera en détail le principe de l’ uti possidetis
dans la suite de la matinée et M.Sands analyser a les effectivités demain. Je n’en donnerai ici
qu’un bref aperçu.
c) La date critique
37. Mais avant de commencer, je dois m’arrêter un instant sur la question de la date critique,
cette notion ayant occupé tant de place dans l’ argumentation exposée la semaine dernière par le
Nicaragua. Madame le président, les arguments du Ni caragua concernant la date critique sont à la
fois confus et erronés en droit. Le Nicaragua soutient que la date critique est en l’espèce le mois de
mai 1977. Pourquoi ? Parce que c’est en 1977 que son gouvernement s’adressa au Gouvernement
hondurien pour lui proposer d’engager des pourparl ers au sujet de la frontière, une proposition que
le Honduras accepta. Or, pour que cet échange de lettres puisse constituer une date critique ⎯ et à
fortiori la date critique ⎯ il devrait marquer ce que, dans l’affaire Indonésie/Malaisie, la Cour a
appelé «la date à laquelle le différend entre les Par ties s’est cristallisé», et tel ne pourrait être le cas
que s’il s’agissait du moment où des prétenti ons opposées sur les îles ont été avancées ( ibid.,
p. 682, par. 135). - 18 -
38. Il convient donc d’examiner les lettres que le Nicaragua invoque pour en connaître la
teneur exacte. La lettre du Nicaragua ⎯il s’agit du document n o 17 ⎯ apparaît maintenant à
l’écran. Le passage déterminant, qui est sur ligné, se lit comme suit : «mon gouvernement propose
d’engager des pourparlers en vue de la délimitati on définitive de la zone marine et sous-marine
dans l’océan Atlantique et la mer des Caraïbes».
o
39. Et voici, dans le document n 18, la réponse du ministre des affaires étrangères du
Honduras. Dans le passage essentiel (également surligné), le ministre accepte avec plaisir
l’invitation à négocier dans les termes qui étaien t utilisés dans la lettre précédente du Nicaragua.
Trois observations s’imposent au sujet de ces lettres.
25 40. Premièrement, elles ne font absolume nt aucune mention d’ un quelconque différend
concernant les îles. Il y est seulement question de négociations «en vue de la délimitation définitive
de la zone marine et sous-mar ine». Même avec beaucoup d’imag ination, nul ne peut prétendre
qu’elles ont cristallisé un différend sur les îles, pasplus qu’elles ne formulent, ni même laissent
entrevoir, des prétentions opposées sur les îles en question. Le Nicaragua a opéré une confusion
entre deux différends qui se révèlent maintenant être clairement distincts: l’un concernant le titre
sur les îles et l’autre la détermination de la frontière maritime. Quand bien même ces lettres
pourraient être considérées comme marquant la date critique aux fins du différend maritime, il n’en
va manifestement pas de même s’agissant du différend relatif aux îles.
41. Deuxièmement, Madame le président, même en ce qui concerne la frontière maritime, il
est franchement difficile de voir dans ces lettres la cristallisation d’un que lconque différend. On
n’y trouve aucun conflit de reve ndications, à quelque sujet que ce soit. Au lieu de cela, le
Nicaragua propose des négociations et le Honduras les accepte ⎯ négociations qui ne portent pas
sur un différend déterminé mais qui sont proposées dans le but de parvenir à une délimitation
définitive. Les termes utilisés ⎯loin de cristalliser un différend ⎯ n’en suggèrent même pas
l’existence. Au contraire, ils indiquent que les Parties s’accordent dans une large mesure, et tout ce
qui est demandé, c’est l’établissement d’une ligne frontière définitive. J’en dirai davantage sur ce
point à un stade ultérieur, si le Cour le permet. - 19 -
42. Enfin, même si elles marquaient effectivement une date critique, les lettres n’auraient pas
pour effet d’exclure des éléments de preuve ⎯ ni même d’en amoindrir le poids ⎯ si les éléments
en question se rapportaient à des activités qui, pour reprendre les termes de la Cour, «constituent la
continuation normale d’activités antérieures et pour autant qu’elles n’aient pas été entreprises en
vue d’améliorer la position juridique des Parties qui les invoquent». Les activités dont le Honduras
se réclame à l’égard des îles relèvent précisément de cette catégorie. Ainsi, pour prendre un
exemple, si la pose des repères de triangulation sur Savannah, South Cay et Bobel Cay peut certes
avoir eu lieu dans les années 1980 et 1981, elle faisait toutefois naturellement et directement suite à
l’arrangement qui avait été conclu avec les Etat s-Unis en 1976. De même, la visite des
fonctionnaires des services de l’immigration en 1999 que j’ai déjà évoquée s’inscrivait
manifestement dans la continuation de précédentes visites du même ordre.
43. Quelle est alors la date critique ⎯s’il en existe bien une ⎯ eu égard au différend
concernant la souveraineté sur les îles ? La réalité est qu’il en existe peut-être plusieurs. Dans la
mesure où la question du titre repose sur l’application de l’ uti possidetis, la date critique est 1821
⎯ l’année où le Honduras et le Nicaragua obtinrent leur indépendance de l’Espagne. Pour ce qui
est de la conséquence des effectivités, l’éventuelle date critique est naturellement bien ultérieure.
26 Ainsi que la Cour l’a indiqué clairement dans son arrêt de 1992 en l’affaire du Différend frontalier
terrestre, insulaire et maritime, le fait que différentes questions fassent intervenir différentes dates
critiques n’a rien d’inhabituel dans une affaire de cette nature ( Différend frontalier terrestre,
insulaire et maritime (El Salvador/H onduras; Nicaragua (intervenant)), arrêt, C.I.J. Recueil 1992,
p. 351, par. 67).
44. Etant donné le mal que le Nicaragua a eu à choisir quelle affaire au juste il allait lui
soumettre, la Cour pourrait fort bien estimer que la date critique eu égard aux îles est lundi dernier
au matin! Il est certain que cette date ne peut être antérieure à celle du dépôt du mémoire ⎯ le
21 mars 2001 ⎯ puisque c’est à ce moment-là que le Nicar agua a affirmé pour la première fois
qu’il détenait le titre sur les îles. La requête ne contient aucune affirmation de ce type et, - 20 -
Madamele président, le Nicaragua sait bien comment revendiquer un titre sur des îles dans une
requête à la Cour. Les membres de la Cour tr ouveront peut-être utile de comparer la requête
déposée en l’espèce avec celle que le Nicaragua a déposée contre la Colombie, dans le cadre de
l’affaire dont vous connaîtrez plus tard dans l’année.
45. Il s’ensuit que, dans la présente affaire, Madame le président, la Cour peut et doit tenir
pleinement compte de toute effectivité qui est antérieure à la date du dépôt du mémoire. Et,
naturellement, les actes de reconnaissance du titre d’un Etat par un autre Etat seront pertinents
quelle que soit leur date, tout comme les déclarations contraires aux intérêts de leurs auteurs.
d) L’uti possidetis iuris
46. Sans perdre cela de vue, je vais dire à pr ésent quelques mots au sujet de l’application de
l’uti possidetis, même si M. Sánchez Rodríguez examinera cette question de manière plus détaillée
et avec une plus grande compétence que celle dont je pourrai faire preuve. Il est important de noter
avant tout que les Parties s’entendent sur un point particulièrement important, à savoir que les îles
n’étaient pas terrae nullius au moment de l’indépendance et qu’elles ne le sont jamais devenues par
10
la suite. M. Remiro Brotóns l’a expressément reconnu mercredi dernier .
47. Il est évident que les îles ne sont pas restées espagnoles ⎯ dans les traités qu’elle signa
avec les Etats d’Amérique centrale dans les ann ées 1850 et 1860, l’Espagne renonça formellement
à tous les droits auxquels elle aurait pu prétendre après l’indépendance de ces Etats. Dans le cas du
Honduras, le traité de reconnaissance du 15ma rs1866 dispose expressément que l’Espagne
reconnaît la souveraineté du Honduras sur son territoire continental ainsi que sur les îles adjacentes
27
11
et qu’elle renonce à toute prétention qu’elle pourrait avoir . Il existe une disposition similaire dans
le traité signé en 1850 pa r le Nicaragua et l’Espagne 12. Manifestement, aucun des traités n’établit
lequel des deux Etats successeurs acquit un titre par l’ uti possidetis, mais ils précisent par contre
clairement qu’il ne pourra y avoir aucune re vendication de la part de l’Espagne après
l’indépendance. Les îles ne sont pas non plus revendiquées par un autre Etat sur la base d’un titre
ne remontant pas de l’Espagne.
10CR 2007/3, p. 36, par. 85 et 86.
11
CMH, vol. II, annexe 8.
12RN, vol. II, annexe 11. - 21 -
48. La seule question qui se pose est par con séquent celle-ci : Auquel des Etats successeurs
les droits de l’Espagne sur les îles ont-ils été dévol us? On remarquera ici, Madame le président,
que le Nicaragua ne prétend pas avoi r hérité des droits de l’Espagne sur les îles. Et il n’y a jamais
eu de telle prétention de la part d’un autre Etat, comme par exemple du Guatemala. Le Honduras,
et seul le Honduras, revendique la souveraineté sur la base de l’ uti possidetis. C’est ce qui rend
cette affaire sensiblement différente de celle, tran chée par la Chambre en 1992, dans laquelle aussi
bien ElSalvador que le Honduras avai ent avancé de telles prétentions ( Différend frontalier
terrestre, insulaire et maritime (ESl alva dor/Honduras ; Nicaragua (intervenant)), arrêt,
C.I.J. Recueil 1992, p. 351).
49. Au lieu de cela, Madame le président, le Nicaragua affirme que les îles relevaient de la
souveraineté de l’Espagne avant l’indépendance mais que, soit, elles ne furent pas attribuées à l’une
ou l’autre des provinces, soit on ne peut établir à la quelle elles appartenaient. Sur cette base, voici
ce que M. Remiro a indiqué à la Cour la semaine de rnière : «il faudra alors avoir recours à d’autres
titres ou appliquer le principe de la proximité» (CR 2007/3, p. 36, par. 85).
50. Madame le président, le Nicaragua a cher ché à élucider cette question mais la thèse qu’il
fait valoir devant la Cour soulève réellement de graves difficultés. Le principe de l’uti possidetis se
révèle être un principe important du droit relatif au titre sur un territoire, précisément en raison de
la stabilité qu’il apporte à la question fondamentale des frontières et de la souveraineté. Dans le cas
de ce qui fut autrefois l’empire espagnol des Améri ques, le principe signifie que tout territoire qui
était espagnol à l’époque de l’e ffondrement dudit empire fut transm is à l’un ou à l’autre des Etats
successeurs ⎯ le principe est d’une grande portée.
28 51. En l’espèce, il n’est pas contesté que l es îles étaient espagnol es immédiatement avant
l’indépendance, ni que l’Espagne y renonça; il n’ est pas non plus contesté que ces îles ne furent
terrae nullius à aucune époque considérée et, c’est là un élément décisif, elles ne sont revendiquées
sur la base de l’ uti possidetis que par un seul des Etats successeurs de l’Espagne. Dans ces
conditions, conclure ⎯comme le Nicaragua vous invite à le faire ⎯ qu’il ne peut être établi
absolument aucun titre sur la base de l’uti possidetis porterait gravement atteinte à l’efficacité de ce
principe. - 22 -
52. En outre, comme M.SánchezRodríguez l’ expliquera, l’analyse du Nicaragua est tout
simplement indéfendable. Preuve en est ⎯ cette preuve fut acceptée, comme nous l’avons vu, dans
la sentence de1906 ⎯ que la côte s’étendant au sud jusqu’au cap GraciasaDios, y compris les
établissements côtiers, faisait partie de la province du Honduras, ou de Comayagua comme on
l’appelait autrefois. Cette province comprenait les «îles adjacentes baignant le long de ses côtes»
⎯ pour reprendre les termes employés dans le traité de 1866.
53. Ces îles sont plus proches de la côte du H onduras que de celle de toute autre partie de ce
qui était alors l’empire espagnol. Et je ferai seu lement remarquer ici, Madame le président, que
c’est le caractère adjacent aux côtes qui fut mentionné en 1866 et qui fut important tout au long de
la période espagnole. La tentative faite pa r le Nicaragua pour développer un argument de
13
proximité sur la base de la distan ce séparant ces îles d’Edinburgh Cay , juste au sud du
15 eparallèle, révèle qu’il se raccroche vraiment à n’importe quoi.
54. En outre, la pratique suivie pendant la pé riode de l’empire consistait à recourir souvent à
des parallèles et à des méridiens comme base pour déterminer à laquelle de l’une ou l’autre des
provinces continentales devaient être attribuées de petites îles. Nous avons vu un exemple de
l’absence de succès que le Nicaragua rencontra lorsque, dans les arguments qu’il présenta pour
l’arbitrage de1906, il s’appuya sur cette thèse en utilisant un méridien. En l’espèce, c’est le
e
15 parallèle se prolongeant dans la mer à partir du cap Gracias a Dios qui fut considéré comme la
frontière pendant la période de l’empire.
55. Donc, pour toutes ces raisons, le Honduras soutient que le principe de l’ uti possidetis lui
fournit une base solide pour son titre sur les îles situées au nord du 15 eparallèle.
e)Leseffectivités
56. Permettez–moi d’aborder à présent, Mada me le président, la question des effectivités
telle qu’elle s’applique aux îles. En l’espèce, le s effectivités sont entièrement postcoloniales et,
29 comme le montre l’arrêt de 1992, nous intéressent de deux manières : premièrement, en ce qu’elles
13
CR 2007/1, p. 51, par. 8. - 23 -
confirment le titre établi par le principe de l’ uti possidetis et, deuxièmement, en ce qu’elles
constituent une autre base pour établir la souverain eté de façon autonome dans le cas où la Cour
conclurait que le principe de l’uti possidetis juris n’apporte pas de réponse suffisamment claire.
57. La semaine dernière, le Nicaragua n’a p as dit mot sur le droit relatif à ce sujet.
Heureusement, la Cour a récemment examiné sur ce droit dans l’arrêt qu’elle a rendu en l’affaire
Indonésie/Malaisie. Dans cet arrêt, la Cour a fait sienne la déclaration suivante, qui avait été
prononcée par la Cour permanente de ju stice internationale dans l’affaire du Statut juridique du
Groëland Oriental :
«[u]ne prétention de souveraineté fondée, non pas sur quelque acte ou titre en
particulier, tel qu’un traité de cession, mais simplement sur un exercice continu
d’autorité, implique deux éléments dont l’existence, pour chacun, doit être démontrée :
l’intention et la volonté d’agir en qualité de souverain, et quelque manifestation ou
exercice effectif de cette autorité» ( Souveraineté sur Pulau Li gitan et Pulau Sipadan
(Indonésie/Malaisie), C.I.J. Recueil 2002, p.682, par.134, citant l’affaire du Statut
juridique du Groënland Oriental, C.P.J.I. série A/B n 53, p. 45-46).
Dans cette affaire, la Cour avait précisé que la portée requise de la conduite était étroitement
liée à la nature du territoire en cause. Citons à présent la Cour elle-même en l’affaire
Indonésie/Malaisie :
«Dans le cas, en particulier, de très petites îles inhabitées ou habitées de façon
non permanente ⎯ telles que Ligitan et Sipadan, dont l’importance économique était,
du moins jusqu’à une date récente, modeste ⎯, les effectivités sont en effet
généralement peu nombreuses.» (Ibid., par. 134.)
Ces observations revêtent une importance particulière en l’espèce. A l’instar de Ligitan et de
Sipadan, les îles en cause dans la présente affa ire sont de petite dimens ion et d’une importance
économique limitée, même si elles représentent beaucoup pour ceux qui pêchent à ces endroits ou
dans les zones avoisinantes. Il convient égalem ent de noter, Madame le président, que toujours
dans Indonésie/Malaisie, la Cour a cité en l’approuvant un autre passage de l’affaire du Statut
juridique du Groënland oriental , dans lequel la Cour permanente de justice internationale avait
déclaré ce qui suit :
«Il est impossible d’examiner des décisions rendues dans les affaires visant la
souveraineté territoriale sans observer que, dans beaucoup de cas, le tribunal n’a pas
exigé de nombreuses manifestations d’un exercice de droits souverains pourvu que
l’autre Etat en cause ne pût faire valoir une prétention supérieure. Ceci est
particulièrement vrai des revendications de souveraineté sur des territoires situés dans
des pays faiblement peuplés ou non occupés par des habitants à demeure.» ( C.P.J.I.
série A/B n o53, p. 46.) - 24 -
58. A présent, Madame le président, le Nicaragua cherche à restreindre autant qu’il peut
toute référence à ces effectivités, et pour cause: il ne peut invoquer d’effectivités à l’appui de sa
revendication et, il a beau essayer, il ne trouve pas de réponse à la preuve de l’activité appréciable
déployée par le Honduras en relation avec les îles. Le Nicaragua a donc essayé de minimiser le
30 rôle des effectivités de deux manières : en restreignant la période à laquelle elles se rapportent et en
contestant les éléments de preuve produits par le Honduras. Chacune de ces manŒuvres appelle un
bref commentaire.
59. En ce qui concerne la première manŒuvre, le Nicaragua cherche à exclure tout fait
intervenu après mai 1977 ou, du moins, à en mini miser l’importance. Or, comme nous l’avons vu,
cette date ne saurait constituer la date critique du différend sur les îles.
60. Néanmoins, le Nicaragua a essayé discrètement d’invoquer un autre argument pour
restreindre la période retenue. Rien de ce qui s’est passé avant 1963 ne pourrait être pertinent étant
donné que le Nicaragua a dit que jusqu’à cette date, c’était lui qui contrôlait la côte située au nord
du cap Gracias a Dios. Et bien, Madame le président, cet argument appelle quelques observations.
A ce propos, cela a donné à l’éminent agent du Nicar agua l’occasion de faire un joli commentaire
selon lequel la période en question fut si courte que la tradition a pris fin avant même d’atteindre
l’âge de la maturité et du consentement. C’est une jolie formule, Madame le président, mais c’est
loin d’être exact. Tout d’abord, le Nicaragua reconnaît lui-même qu’il s’est retiré du territoire situé
au nord du cap Gracias a Dios en mai1961, et non en1963; les dates sont donc inexactes.
Deuxièmement, aucune preuve n’a été apportée à la Cour que c’était le Nicaragua qui contrôlait la
côte, contrairement à certaines zones à l’intérieur des terres entre le capGracias a Dios et
Cape Falso. Troisièmement, Madame le président, à supposer que le Nicaragua ait contrôlé la côte
durant cette période, il agissait illégalement, au mépris du principe de l’uti possidetis et en violation
patente de l’obligation que lui imposait le traité de 1894 d’appliquer la sentence rendue en 1906 par
le roi d’Espagne. Certes, le Nicaragua a contesté cette sentence devant la Cour, mais ses arguments
n’ont convaincu aucun membre de celle-ci à l’exception du juge ad hoc nommé par lui-même.
61. Cette illégalité a deux conséquences important es pour ces besoins. Tout d’abord, il est
clair que le Nicaragua ne peut être autorisé à en tirer un bénéfice juridique quelconque : le principe
du exinjuria jus non oritur l’en empêche. Deuxièmement, pour autant qu’il existe une pratique - 25 -
liant les îles à la côte située au nord du cap Gracias a Dios pendant la période de l’occupation, elle
doit être interprétée aujourd’hui comme profitant au Honduras, le souverain en droit, et non comme
ayant d’une certaine manière survécu au profit du Nicaragua même après le retrait tardif de ce
dernier du territoire occupé.
62. Il existe une autre conséquence, plus pratique que juridique. Jusqu’au retrait du
31 Nicaragua, il existait une certaine incertitude pour des tiers ⎯Etats ou individus et
gouvernements ⎯ au sujet du sort qui serait finalement réservé au territoire situé au nord du
capGracias a Dios. Il n’est donc pas surprenant que les activités liées aux zones situées juste au
large des côtes se soient intensifiées après la résolution de ce problème par la Cour dans l’arrêt
de 1960.
63. Voilà donc la première manŒuvre du Nicar agua. La deuxième a consisté à remettre en
cause les éléments de preuve produits par le Hondur as. Pour ce faire, le Nicaragua a notamment
recouru à la pratique judiciaire habituelle d’authentification de preuves en essayant de dresser la
liste des incohérences entre les déclarations des différents témoins. Cela est acceptable en soi,
même si la Cour pourrait penser que cela repose su r un postulat (à savoir que l’on peut appliquer à
la déclaration d’un pêcheur les mêmes techniqu es d’interprétation que celles qu’on appliquerait à
un traité de double imposition) sans doute un peu hardi. Mais le conseil du Nicaragua est allé
beaucoup plus loin et a semblé dire que certaines déclarations, au moins, étaient montées de toutes
pièces et ne pouvaient être prises en compte par la Cour.
64. Madame le président, vos collègues et vous-mêmes savez très bien que cette insinuation
est très grave et qu’elle constitue une allégation qu’aucune personne plaidant devant cette Cour ne
devrait formuler à moins qu’elle n’ait des preuves pour l’étayer. Le Nicaragua n’a rien présenté de
tel. Or, il se trouve que les déclarations de témoins ont été recueillies lors d’une visite effectuée sur
les îles en question par un de mes collègues ⎯un membre du barreau d’Angleterre ⎯ qui
comprend parfaitement le devoir qu’il a envers cette cour en matière de préparation d’éléments de
preuve et qui, bien entendu, s’est toujours plié au très strict code déontologique du barreau
d’Angleterre. Il a été dit aux témoins que leurs déclarations étaient requises dans le cadre d’une
procédure engagée devant la Cour, ce qui est parfaite ment naturel et justifié. Mais les témoins ont
dit ce qu’ils voulaient dire, et en toute honnêteté.Laisser entendre le contraire sans en apporter la - 26 -
preuve serait très mal venu. Nous sommes sûrs, Ma dame le président, que le conseil du Nicaragua
a fait cette allégation par inadvertance ou du moins sans se rendre pleinement compte de ce qu’elle
impliquait et nous espérons ne pas en entendre ou en dire davantage à ce sujet. Evidemment, si
nous en entendons davantage, nous aurons nous-mêmes plus à di re, et beaucoup plus, lors du
second tour des plaidoiries.
65. J’en viens à présent à ce qu’attestent les preuves d’effectivités soumises à la Cour.
Compte tenu de la petite taille des îles et de la nature changeante de leur peuplement ⎯ des
facteurs qui, comme l’a souligné la Cour , revêtent une impor tance considérable ⎯, le nombre des
effectivités honduriennes est en fait singulièrement élevé. Ces effectivités se rangent dans
sept grandes catégories.
32 66. Dans la première catégorie figurent les mentions que le droit hondurien fait des îles.
Bien évidemment, le droit hondurien ne répert orie pas nommément chaque île relevant du
Honduras; rares sont les systèmes juridiques qui le feraient. Malgré cela, les constitutions
successives du Honduras et ses lois agraires indiquent expressément que Palo de Campeche
⎯ Logwood Cay ⎯ fait partie du territoire du Honduras avec «toutes les autres [îles et cayes]
situées dans l’Atlantique». La constitution de1982 mentionne aussi expressément MediaLuna,
Rosalind Bank et Serranilla. Compte tenu de la grande proximité des îles les unes par rapport aux
autres, les références à Palo de Campeche et aux autres îles de l’Atlantique doivent être interprétées
comme visant aussi Bobel, Port Royal, Savannah et South Cay. En outre, nous avons déjà vu que
l’appellation «Media Luna» sert souvent à désigner le groupe d’îles et de cayes dans son ensemble ;
il en va de même des éléments de preuve invoqués par le Nicaragua devant la Cour.
67. La deuxième catégorie, Madame le préside nt, recouvre l’application du droit hondurien
dans les îles. Le droit pénal hondurien, par exemple, y est appliqué, comme l’indiquent de manière
détaillée les paragraphes 6.20 à 6.21 du contre-mémoire et les dépositions de témoins auxquelles ils
font référence. Ce droit a été appliqué à des a ffaires de vol et d’agression à South Cay, Savannah
et Bobel, entre autres. Le droit civil a été a ppliqué à des accidents de plongée et à d’autres
incidents survenus sur les îles et les cayes ou dans les environs de celles-ci. - 27 -
68. La troisième catégorie comprend l’appli cation aux îles des lois du Honduras en matière
d’immigration. La visite de1999, que j’ai men tionnée plus tôt et dont traite l’annexe146 du
contre-mémoire, en est un exemple ; mais il ressort clairement du rapport qu’il y avait eu, dans le
passé, d’autres visites des services d’immigration.
69. La quatrième catégorie comprend la pêche, activité qui est pratiquée sur les îles et à
partir de celles-ci. Dans l’affaire Indonésie/Malaisie, la Cour a bien précisé ⎯au sujet d’une
demande indonésienne ⎯ que «les activités de personnes privées ne sauraient être considérées
comme des effectivités», mais il convient de noter qu’elle a ajouté : «si elles ne se fondent pas sur
une réglementation officielle ou ne se déroulent pas sous le cont rôle de l’autorité publique»
(Souveraineté sur Pulau Ligitan et Pula u Sipadan (Indonésie/Malaisie), arrêt, C.I.J. Recueil 2002,
p.683, par.140). Or, c’est précisément ce qui s’est passé ici. Les activités de pêche qui se sont
poursuivies sur les cayes et à pa rtir de celles-ci ont donné lieu ⎯comme de nombreux témoins
l’ont expliqué ⎯ à la délivrance de bitacoras (permis) par les autorités du Honduras.
70. La cinquième catégorie inclut les éléments de preuve relatifs à la pratique en matière de
concessions pétrolières. Je me contentera i de dire pour le moment que le Honduras ⎯ et seul le
Honduras ⎯ a accordé des concessions pétrolières pour les zones entourant les îles et que les
33 seules compagnies pétrolières qui ont été exploitées sur ces îles ou autour l’ont été par des
concessionnaires honduriens; la construction, en19 75, d’un mât d’antenne par UnionOil sur la
partie de Bobel Cay qui lui avait été concédée en est un exemple.
71. Dans la sixième catégorie figurent les éléments de preuve ⎯ déjà évoqués ⎯ qui sont
tirés du relevé effectué conjointement par le Honduras et les Etats-Unis.
72. Enfin, comme le démontrera M.Sands, il y a les affirmations par le Honduras, dans le
cadre de ses relations extérieures, de sa souve raineté sur les îles et la reconnaissance de ces
affirmations par d’autres gouvernements ⎯ un élément qui a été considéré comme particulièrement
important dans l’affaire du Groenland oriental, par exemple.
73. A l’inverse, le Nicaragua n’a pour sa part présenté aucune preuve d’effectivités
comparables. En fait, on ne peut pas dire qu’il ait invoqué la moindre effectivité. Il en est réduit à
s’appuyer sur un index géographique, qui n’est p as une publication gouvernementale officielle, sur
une lettre à usage interne du Gouvernement britannique ⎯ formulée en des termes on ne peut plus - 28 -
mesurés ⎯ qui semble n’avoir jamais été communiqu ée au Honduras ou au Nicaragua et sur les
saisies de bateaux de pêche de1982 auxquelles, selon les propres termes du Nicaragua, il a été
procédé dans le cadre du contrôle des droits mariti mes exercés en vertu du droit de la mer, lesquels
ne peuvent pas être considérés comme une affi rmation de souveraineté sur les îles proprement
dites.
74. Ces points seront développés ultérieureme nt par mes collègues, mais il suffit d’en
parcourir le résumé pour se rendre compte que le Honduras présente de solides antécédents en ce
qui concerne ses activités ayant trait aux îles alors que le Nicaragua ne peut se prévaloir d’aucune
activité tangible. Le Honduras fera valoir que les él éments de preuve soumis à la Cour sont clairs,
convaincants, plus complets que ceux sur lesquels la Cour s’est appuyée, par exemple, dans
l’affaire Indonésie/Malaisie, et plus que suffisants pour établir sa souveraineté sur les îles en
question.
4) Lafrontièremaritime
a) L’importance des îles pour la frontière maritime
75. Madame le président, si je me suis attardé sur le différend relatif aux îles, c’est parce que
le changement de position du Nicaragua signifi e que le différend insulaire n’a pas été aussi
rigoureusement débattu que le différend sur la fron tière maritime. Mais c’est aussi parce que la
souveraineté sur les îles permet de bien comprendre la question de la frontiè re maritime. Lorsque
34 la problématique de ces îles a été comprise, qua tre aspects ressortent aussitôt du différend sur la
frontière maritime.
76. Premièrement, le Nicaragua justifie le fa it d’être passé directement à la méthode de la
bissectrice ⎯à laquelle il donne la préférence ⎯ par le postulat avancé avec aplomb par
14
M.Brownlie, selon lequel la construction d’une ligne d’équidistance provisoire est impossible .
C’est tout simplement faux. La figure (carte) n o 19 représente une ligne de ce type.
77. Le paragraphe 2 de l’artic le 121 de la convention du droit de la mer est tout à fait clair :
toute formation considérée comme étant une île aux termes du paragraphe 1 de l’article121,
c’est-à-dire «une étendue naturelle de terre ent ourée d’eau qui reste d écouverte à marée haute»,
14
CR 2007/3, p. 10, par. 192. - 29 -
dispose du même droit à une mer territoriale que d’autres territoires terrestres. En outre ⎯ sauf si
elle devait relever des dispositions du paragraphe 3 de l’article 12 1, selon lesquelles un rocher qui
ne se prête pas à l’habitation humaine ou à une vie économique propre ⎯, une île génère aussi un
plateau continental et un titre sur une zone écono mique exclusive. Les îles considérées dans la
présente espèce sont toutes des îles au sens de l’ article121 et n’entrent pas dans le cadre des
dispositions du paragraphe3 de l’article121. Les éléments de preuve soumis par le Honduras
pourraient l’attester, mais c’est de toute manière un fait incontesté. En conséquence, ces îles font
partie du territoire terrestre de l’une ou l’autre Partie. C’est pourquoi elles peuvent ⎯ et doivent ⎯
jouer un rôle dans la construction d’une ligne d’équidistance provisoire.
78. Ces îles seraient d’ailleurs tout aussi pertin entes à cet égard si elles se trouvaient sur le
territoire du Nicaragua, et non, comme c’est mani festement le cas, sur celui du Honduras. En
illustration de cette thèse, vous voyez, sur la figure (carte) no20, la ligne d’équidistance provisoire
calculée comme si les îles situées au sud du chen al de navigation étaient nicaraguayennes; elle
passe au sud du chenal de navigation, mais au nord du 15 eparallèle. Il mérite d’être relevé que
cette ligne continue de passer bien au sud de la ligne bissectrice que le Nicaragua vous invite à
tracer.
79. Mais la question qui nous occupe pour le moment, ce n’est pas de déterminer où passe la
ligne, mais celle de savoir s’il est possible de la construire. Dès lors que la possibilité de tracer une
ligne d’équidistance provisoire ne fait plus aucun doute, les raisons invoquées pour justifier
l’abandon de la pratique habituellement suivie da ns des affaires de délimitation maritime et pour
s’empresser d’adopter la méthode de la bissectrice ⎯ la ligne que préconise le Nicaragua et qui n’a
rien, mais vraiment rien de provisoire ⎯ tombent simplement d’elles-mêmes.
35 80. Deuxièmement, Madame le président, c’est sur la mer territoriale, et non sur le plateau
continental ou la zone économique exclusive, que porte pour une large part le différend frontalier
maritime. C’est justement en s’intéressant aux îl es que l’on peut prendre toute la mesure de cet
aspect.
81. Comme l’a utilement rappelé le conseil du Nicaragua à la Cour la semaine dernière, les
dispositions de la convention su r le droit de la mer concernant le tracé d’une limite de mer
territoriale ne sauraient être plus claires. L’ article3 accorde à l’Etat côtier le droit à une mer - 30 -
territoriale d’une largeur de 12milles marins. S’il va de soi que ce droit est assujetti aux droits
d’autres Etats en matière de mer territoriale, il ne peut pas être écarté par des prétentions sur un
plateau continental ou sur une zone économique excl usive. En outre, lorsque deux Etats adjacents,
tels que le Honduras et le Nicaragua, revendiquent des zones de mer territoriale qui se chevauchent,
faute de pouvoir convenir de l’application d’une autre méthode, l’utilisation de la ligne médiane ou
de la méthode d’équidistance s’impose, sauf si, «e n raison de l’existence de titres historiques ou
d’autres circonstances spéciales, il est nécessaire de délimiter autrement la mer territoriale des
deux Etats».
o
82. La carte suivante, n 21, montre l’application de ces principes au présent différend;
toutes les îles de la zone sont représentées entourées d’un arc de 12 milles. La question ayant été
soulevée par le Nicaragua, permettez-moi de dire quelques mots de la méthode qui a servi à établir
cette carte. Elle a été établie sur la base de la carte28140 de l’Institut cartographique des
e
Etats-Unis d’Amérique ⎯ pour la zone située au nord du 15 parallèle ⎯ et de la carte 28130 de ce
même institut, pour la zone située au sud du 15 eparallèle. Chacune des formations situées au long
des côtes est montrée sur les cartes, avec une mer territoriale, sous forme d’une île et a donc,
o
automatiquement, droit à cette mer te rritoriale. La carte suivante, n 22, est un agrandissement de
la carte 28140 de l’Institut cartographique montrant deux îles; la zone émergée à marée haute est la
petite zone la plus sombre. Si l’ on regarde un instant Port Royal Cay ⎯ ici ⎯, on aperçoit cette
petite zone, dans le coin droit du haut de la carte : c’est la zone émergée à marée haute. La zone
verte qui l’entoure ⎯et qui se trouve dans la pénombre ⎯ est la zone qui n’est émergée qu’à
marée basse. Ainsi que le prévoit l’article 5 de la convention sur le droit de la mer, l’étendue de la
mer territoriale est mesurée à partir de la laisse de basse mer.
83. Nous avons appliqué ce cr itère au nord et au sud du 15 eparallèle. Il nous semble que le
fait que le Nicaragua ait, la semaine dernière, tiré grief de ce que nous ne l’aurions pas fait
systématiquement, pourrait être dû à une mauvaise interprétation des signes figurant sur les cartes.
La représentation de la portion d’une île visibl e seulement à marée basse se confond facilement
e
36 avec le signe indiquant des «bancs dangereux». En voici un exemple, au sud du 15 parallèle : le
signe que l’on voit ici, la ligne en pointillés, représente des «bancs dangereux» ou des «eaux
dangereuses» ; ceux-ci sont très nombreux dans ce tte zone, qui est notoirement dangereuse pour la - 31 -
navigation (carte n 23). Toutefois, Madame le président, il s’agit là d’une zone qui est en
permanence immergée et qui est, par conséquent, sans pertinence aux fins de mesurer la largeur de
la mer territoriale, bien qu’elle soit, bien entendu, très importante pour la navigation.
84. Troisièmement, Madame le président, si l’on considère que les îles appartiennent au
Honduras, il devient clair que la méthode de la bissectrice proposée par le Nicaragua aboutit à un
résultat totalement indéfendable. Si l’on super pose les lignes revendiquées par le Nicaragua et par
le Honduras sur la carte représentant les mers territoriales autour de toutes les îles, il devient clair
que la ligne nicaraguayenne ne pourrait être tracée ⎯ je vous renvoie à la carte n o 24. Au sud de la
ligne nicaraguayenne se trouveraient de vast es étendues de territoire hondurien et d’eaux
territoriales honduriennes ⎯ comme on la voit ici. Il n’est d’ailleurs pas étonnant que le Nicaragua
ait, tardivement, cherché à revendi quer les îles situées au nord du 15 eparallèle: toute sa stratégie
fondée sur une frontière maritime unique s’effondre si ces îles sont honduriennes. Cela ne peut
cependant avoir pour effet de modifier le dro it applicable aux différends relatifs aux îles; or
lorsqu’on applique ce droit, il apparaît claireme nt que la thèse du Nicaragua est sans fondement.
Dès lors, les conséquences pour sa frontière ma ritime n’apparaissent que trop clairement. La
semaine dernière, M.Brownlie a dit à la Cour que deux des objectifs poursuivis à travers une
délimitation maritime étaient la cl arté et la simplicité. Où les retrouve-t-on sur cette carte ? Dans
le patchwork que la ligne nicara guayenne créerait? Ou dans la ligne qui a servi aux Parties
pendant de nombreuses années en tant que frontière claire, simple et ne présentant aucune difficulté
pour leurs activités dans la région ?
85. Enfin, Madame le président, le fait de convenir que les îles font partie du territoire
hondurien met très nettement en évidence l’inéquité de ce que le Nicaragua demande instamment à
la Cour. La ligne proposée par le Nicaragua c ouperait le continent hondurien des îles et de leurs
mers territoriales ; elle priverait le Honduras de l’accès aux ressources naturelles de la zone située
autour de ses îles et aurait des conséquences évidentes sur sa sécurité en ce que les îles
honduriennes seraient isolées au milieu d’espaces maritimes nicaraguayens.
Madame le président, j’aurais encore besoin d’une quinzaine de minutes, mais peut-être que
la Cour préférerait-t-elle faire une pause? Je serais heureux de poursuivre si c’est cela que vous
préfèreriez. - 32 -
Le PRESIDENT : Je pense que nous préférerions que vous terminiez votre exposé.
37 M. GREENWOOD : Entendu, Madame le président.
Le PRESIDENT : Je vous remercie.
M. GREENWOOD :
b) Les failles dans l’approche du Nicaragua
86. Eh bien, Madame le président, la partie à venir porte sur cette question, à savoir que
selon les propres termes du Nicaragua, sa ligne est manifestement déficiente et que les arguments
avancés aux fins de démontrer qu’elle produit un r ésultat équitable sont viciés. Intéressons-nous à
e
la zone revendiquée par le Nicaragua. La côte nica raguayenne prend fin au 15 parallèle ⎯ au
capGracias a Dios. La sentence de1906 et l’arrêt de1960 donnent cela pour acquis. Si l’on
e o
s’intéresse ensuite à la zone située au nord du 15 parallèle ⎯ carte n 25 ⎯, on constate que le
Nicaragua n’a tout simplement aucun territoire à cet endroit, quoi qu’il ait pu affirmer à ce jour.
Nous voyons également, soit dit en passant, pourquoi la sentence de1906 a décrit le Honduras
comme étant limite à l’est, ainsi qu’au nord et au nord-est, par les Caraïbes.
87. Dans ces circonstances, il ne saute pas a ux yeux de l’observateur impartial en quoi il est
e
équitable que le Nicaragua ait un plateau con tinental et une zone s’étendant jusqu’au 17 parallèle,
voire au-delà (carte no 26). On a le sentiment que le Nicaragua cherche désespérément à gagner en
mer le maximum de ce qu’il aurait pu obtenir si le roi d’Espagne ou la Cour s’étaient prononcés en
sa faveur dans le cadre du différend territorial. Mais tel n’a pas été le cas. Il n’a pas été fait droit à
la revendication du Nicaragua sur une large portion du territoire hondurien, et cela a des
conséquences en mer aussi bien que sur terre.
88. En outre, Madame le président, la mé thode proposée par le Nicaragua présente des
failles. Nous avons déjà vu que le recours à cette ligne était fondé sur l’impossibilité qu’il y aurait
à tracer une ligne d’équidistance provisoire ayant un sens alors que, en réalité, tracer une telle ligne
est tout à fait possible. Nous avons également vu que la bissectrice proposée produit des résultats
impossibles à mettre en Œuvre en raison de la présence des îles honduriennes. La méthode
préconisée par le Nicaragua est, même sur la base de la logique qui la sous-tend, déficiente. - 33 -
89. Il n’y a rien d’intrinsèquement erroné da ns le fait de recourir à la méthode de la
bissectrice aux fins de construire une frontière maritime ⎯il s’agit de l’une des méthodes, bien
qu’elle ne soit pas la plus utilisée, existant dans la pratique des Etats. Mais la ligne est simplement
bonne autant que l’angle qu’elle définit. L’a ngle proposé par le Nicaragua est censé avoir été
construit en tenant compte de la direction des côtes des Parties. Les deux côtes ont été considérées
o
38 comme des lignes droites, ainsi que nous pouvons le voir sur la carte n 27. Dans le cas de certains
fronts côtiers, il peut s’agir d’une approche tout à fait raisonnable, mais dans le cas présent, cela
o
donne naissance à un angle sans aucun rapport avec les côtes réelles (carte n 28). Entre la ligne
supposée représenter la côte nicaraguayenne et le vé ritable emplacement de ladite côte se trouvent
quelque 7000 kilomètres carrés de mer des Caraïbes ⎯ c’est-à-dire ici, dans cette zone.
90. Mais le sort que le Nicaragua réserve au Honduras est bien pire encore. La ligne censée
représenter la direction côtière du Honduras est si éloignée de la côte réelle qu’il y a
22500kilomètres carrés de terre entre ladite ligne et la mer. Or, la superficie terrestre totale du
Honduras n’est que de 112 000 kilomètres carrés. Dè s lors, ce que le Nicaragua vous prie de faire
c’est, pour ainsi dire, de détacher du Honduras un cinquième du territoire total de celui-ci ⎯ soit
plus de cent mille fois la taille de l’iceberg qui a fait sombrer le Titanic. Ce n’est pas pour rien que
ces eaux sont indiquées sur toutes les cartes comme dangereuses pour la navigation !
91. En réalité, l’angle choisi par le Nicaragua est totalement artificiel. Il ne reflète en rien la
véritable relation existant entre les deux côtes.
92. Les autres arguments présentés par le Nicar agua dans le but de démontrer que sa ligne
permet d’aboutir à un résultat équitable ne sont p as non plus convaincants. Les autres membres de
la délégation hondurienne en traiter ont dans le détail. Permettez- moi simplement de mettre en
relief quatre points.
93. Premièrement, le Nicaragua reproche au Honduras de ne pas admettre que des
considérations de sécurité peuvent être des circonstances pertinentes aux fins d’aboutir à un résultat
équitable. Nous en avons beaucoup entendu parler la semaine dernière; on nous a expliqué que
nous n’avions pas compris. La question n’est toutefois pas de savoir si les considérations de
sécurité peuvent être des circonstances pertinentes, mais de savoir si elles le sont, au vu des faits de
l’espèce. Or, le Nicaragua n’a fait part d’aucune considération de sécurité le concernant sur - 34 -
laquelle la ligne proposée par le Honduras aurait une in cidence plus défavorable que la sienne. En
réalité, c’est la ligne nicaraguayenne qui a une in cidence en matière de sécurité pour le Honduras
en raison de la position des îles.
94. Deuxièmement, le Nicaragua a fait grand cas de ce qu’il est convenu d’appeler le «seuil
o
nicaraguayen», représenté ici sur la carte n 30. Ce dernier fait un peu penser, Madame le
président, à la corne du «rhinocéros orange» évoqué par M. Pellet la semaine dernière ⎯ et il faut
dire qu’il est à peu près aussi pertinent aux fins de l’espèce que cet animal mythique.
39 95. Il va de soi que le Nicaragua ne saurait acquérir des droits dans la zone maritime
simplement en qualifiant une fo rmation géomorphologique sous-mar ine de «seuil nicaraguayen».
En l’affaire du Golfe du Maine, la Chambre n’a eu aucune difficulté à rejeter l’idée selon laquelle
des droits dans ce golfe pouvaient être attri bués aux Etats-Unis d’Amérique au motif qu’il
s’appelait golfe du Maine et non golfe de Nouvelle-Ecosse.
96. Cependant, l’argument du Nicaragua pose un problème bien plus fondamental, à savoir
que la Cour a indiqué clairement (par exemple dans sa décision en l’affaire Lybie/Malte) que les
formations géomorphologiques telles que le «seu il nicaraguayen» ne saur aient déterminer la
méthode de délimitation qu’il convient d’adopter, ni jouer un rôle important au regard du caractère
équitable de la frontière devant être définie. Si l’on se penche sur les autres caractéristiques de la
présente affaire, telles que la pratique de longue da te en matière d’octroi de concessions pétrolières
⎯ pratique illustrée ici sur la carte n 31 ⎯ et la réalité de la souveraineté hondurienne sur les îles,
il devient plus que jamais manifeste que le fait de se fonder sur une formation sous-marine baptisée
par hasard «seuil nicaraguayen» est tout à fait hors de propos.
97. Troisièmement, Madame le président, j’ en viens à l’argument du Nicaragua concernant
l’accès équitable aux ressources naturelles. Celui-ci n’est vraiment rien de plus qu’une tentative de
reformuler son «argument du seuil nicaraguayen» po ur le mettre au goût du jour. Le Nicaragua
affirme que, si la Cour retena it la ligne hondurienne de préfér ence à la sienne, cela serait
inéquitable, étant donné que cela le priverait de l’accès aux ressources du «seuil nicaraguayen». - 35 -
Mais le Nicaragua n’a présenté aucun élément de preuve démontrant que les ressources naturelles
ont un lien particulier avec le «seu il nicaraguayen». Il formule une affirmation en ce sens pour ce
qui concerne les ressources halieutiques, puis ajoute qu’« [o]n peut penser qu’il existe un lien
15
analogue pour ce qui est de l’incidence des ressources pétrolières et gazières» .
98. Cela n’est cependant pas suffisant pour di stinguer cette portion particulière des fonds
marins et les eaux situées au-dessus d’elle. Le fa it que, pendant de nombreuses années, les deux
e
Parties ont considéré qu’une frontière située le long du 15 parallèle leur offrait un accès équitable
aux ressources naturelles est bien plus pertinent. L’utilisation de cette frontière par les deux Parties
o
aux fins de l’octroi de concessions pétrolièr es est particulièrement manifeste (voir carten 31).
Bien que le Nicaragua ait indiqué à la Cour que ses concessions auraient pu s’étendre au nord du
e
15 parallèle, le fait est qu’il n’a pas agi dans ce sens. Même lorsqu’un gisement pétrolier potentiel
40 à cheval sur cette ligne était appelé à être exploité par le même groupe ⎯ en l’occurrence
Union Oil ⎯, les deux gouvernements ont octroyé d es concessions distinctes à des filiales
distinctes, le 15eparallèle constituant la ligne de séparation. Il s’agit là de l’acte de consentement
mutuel le plus clair que l’on puisse trouver de la part des deuxEtats. Le fait que le Nicaragua
laisse entendre qu’ils ont agi de la sorte pour la convenance d’Union Oil est tout simplement
fantaisiste. Madame le président, Messieurs de la Cour, vous pouvez vous poser la question de
savoir pourquoi diable une seule et même sociét é se serait-elle embarrassée de la complication
qu’entraînent deux concessions distinctes, octroyées à deux filiales distinctes par deux
gouvernements distincts, si elle avait pu bénéfi cier d’une seule concession accordée à une seule
société par un seul Etat.
99. Enfin, Madame le président, il y a l’argument concernant l’incidence du droit au
développement. Je suis tout aussi attaché au dr oit au développement que M. Brownlie, mais en
quoi celui-ci a-t-il des conséquences sur le tracé d’une frontière maritime unique? La Cour a
indiqué clairement, et ce à maintes reprises, qu’elle ne considérait pas qu’une délimitation maritime
avait pour fonction de compenser en mer la richesse ou la pauvreté relative des Etats sur terre. Et
dans le cas présent, où les deux Parties sont des pays en développement avec du produit intérieur
15
MN, p. 127, par. 8 - 36 -
brut par habitant parmi les plus bas d’Amérique la tine, rien ne permet de dire que le droit au
développement d’une Partie justifie un empiét ement sur les espaces maritimes qui, autrement,
relèveraient de l’autre.
100. Madame le président, le Honduras étan t le défendeur, j’ai commencé mon exposé en
examinant la thèse formulée contre nous. Permettez-moi maintenant ⎯ et en guise de conclusion
sur la question de la frontière maritime ⎯ de dire quelques mots de la ligne hondurienne. Mes
collègues traiteront le sujet en détail dans le c ourant de la semaine, mais il y a quatre points qui
ressortent nettement.
101. Le premier est un point très simple mais absolument fondamental, à savoir que la ligne
hondurienne ⎯ par opposition à celle du Nicaragua ⎯ remplit l’office que toute frontière maritime
unique, et d’ailleurs toute frontière maritime quelle qu’elle soit , devrait remplir: elle s’étend
entre le territoire hondurien d’un côté et le territoire nicaraguayen de l’autre. Il n’y a ni enclaves ni
o
empiétements. Cela ressort très clairement de la carte n 24, si vous voulez bien que nous la
regardions de nouveau.
102. Le deuxième point est le fait que la li gne hondurienne est construite en utilisant de
véritables lignes côtières, un véritable territoire, etnon des «directions côtières» artificielles qui
soit se trouvent très au large de la véritable côte, soit laissent de côté de considérables étendues de
territoires situées entre la «direction côtière» et la mer. Les frontières maritimes doivent être
fondées sur la géographie réelle, et non sur une géog raphie virtuelle. Nous ne vivons pas dans un
monde virtuel déconnecté de la réalité, comme semble l’indiquer la bissectrice nicaraguayenne.
41 103. Le troisième point, Madame le président, est le fait que la ligne hondurienne est fondée
sur le comportement des Parties s’agissant des p êcheries, des concessions pétrolières et des autres
activités qui seront traitées en détail dans d es exposés ultérieurs. La position des concessions
pétrolières est particulièrement claire, comme le démontre la carten°31. Le comportement des
Parties s’agissant de ces concessions est un comportement qui, selon les termes employés par la
Cour en l’affaire Cameroun/Nigeria, est «fondé sur le consentement tacite ou l’acquiescement»
(Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigeria, arrêt, C.I.J. Recueil 2002 , p. 448,
par. 304). - 37 -
104. La semaine dernière, M. Brownlie a dit à la Cour que, «s’il y avait eu consentement de
16
la part du Nicaragua, nous ne comparaîtrions pas aujourd’hui devant [elle]» . Eh bien, Madame le
président, si tel était le critère, la Cour n’aurait jamais à connaître d’affaires portant sur la violation
d’un traité ou sur un manquement à un quelconque e ngagement. Mais tel n’est pas le cas, et tel
n’est pas le critère. Et, pour tout dire, il s’agit là d’une déclaration qui, venant du Nicaragua, est
particulièrement peu crédible. Bi en qu’ayant, dans le traité de 1894, consenti à se conformer à la
sentence arbitrale, le Nicaragua a refusé de le fa ire pendant cinquanteans, et ce pour des raisons
qui n’ont convaincu personne, à l’exception du juge ad hoc qu’il a lui-même désigné lorsque la
question a été portée devant la Cour.
105. La réalité est que le Nicaragua a changé d’avis lorsqu’il a changé de gouvernement, tout
comme il l’a fait à la même époque à l’égard du traité qu’il avait conclu avec la Colombie
cinquante ans auparavant. Mais ces revirements, pas plus que des changements de gouvernements,
ne peuvent permettre de réécrire l’histoire.
106. Le dernier point, Madame le président, est que la ligne hondurienne est en réalité plus
favorable au Nicaragua que ne le serait une ligne d’équidistance provisoire (voir, là encore, la
carte n°24).
107. Aucun de ces facteurs ne peut être pris isolément. Quoi que le Nicaragua puisse dire, le
Honduras ⎯pardon, mais je crains que ce qui est projeté à l’écran ne corresponde pas à que je
voulais vous montrer: il s’agissait d’une carte précédente de votre dossier, sur laquelle sont
représentées la ligne hondurienne et la ligne d’éq uidistance provisoire. Aucun de ces facteurs,
disais-je, Madame le président, ne peut être pris isolément. Quoi que le Nicaragua puisse dire, le
Honduras ne se fonde pas, et ne s’est jamais fondé, sur un argument à l’exclusion de tous les autres.
Ce sur quoi il se fonde, c’est la combinaison de ces différentes considér ations qui, ensemble,
e
démontrent que le 15 parallèle ⎯ une ligne claire et simple s’il en est ⎯ satisfait aux exigences du
droit de la mer et permet d’aboutir à un résultat équitable.
16
CR 2007/5, p. 31, par. 23. - 38 -
42 108. Telle est, en résumé, la thèse du Honduras. Je vous demanderai maintenant, Madame le
président, peut-être après la pause, de bi en vouloir appeler à la barre mon collègue
M. Sánchez Rodríguez, afin qu’il commence à développer cette thèse en détail.
Le PRESIDENT : Merci Monsieur Greenwood. La Cour fera à présent une courte pause et
l’audience reprendra dans une dizaine de minutes.
L’audience est suspendue de11 h 40 à 11 h 50.
Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. Professeur Sánchez Rodríguez.
Mr. SÁNCHEZ: Madam President, Members of the Court, let me begin by saying what an
honour it is for me to appear once more before the Court.
1. The main aim of the first part of my presentation is to demonstrate:
⎯ firstly, that before 1821 and also immediately afte rwards, Cape Gracias a Dios constituted the
land and maritime boundary between the provinces of Honduras and Nicaragua;
⎯ secondly, that on the occasion of the Arbitral Award made by the King of Spain in 1906,
Nicaragua attempted, entirely without success, to claim land, island and maritime boundaries
situated further north, in fact at Cape Camarón vi a the meridian 85° W. It thus tried to change
the initial orientation of the Nicaraguan coasts and islands in the Atlantic Ocean from an
east-west perspective to a north-south projection an d, to do this, it specifically sought a line
passing through an accident of geography and a specific co-ordinate. But the King of Spain
declared in 1906 exactly what the Spanish Crow n had decided before 1821, so that until the
twentieth century, Nicaragua had no insular or ma ritime projection of any kind north of Cape
Gracias a Dios. Nicaragua’s present claim to advance north of that Cape is therefore denied by
both history and law; and
⎯ thirdly, that for most of the last century, the attitude and conduct of the two States towards one
another took as established their implicit agreement to recognize Cape Gracias a Dios as having
both a land and a maritime projection. - 39 -
43 2. To do this, I shall be obliged to refer tothe common history of the two provinces before
independence, so as to establish the uti possidetis of 1821, and to the shared history of the two
Parties which then became new and independent States. Nicaragua had held the view since
independence that its only projection into the Caribbean Sea was in an easterly direction, as proved
by its legislative and treaty practices, and it unsuccessfully tried to remedy this in 1906 by
advancing towards the north. Thereafter, it accep ted the land, island and maritime situation for
several decades. Today, it is up to its old tricks again. It is seeking by another means ⎯ the
development of the law of the sea ⎯ to remedy what had determined its definitive legal status in
1906 (or rather, seeking a status that has never befitted it and that it has therefore never been
acknowledged to have) and in 1960, before this very Court, in the second of the decisions referred
to. In this context, I can only point out how su ch conduct is at odds with the principle of the
stability and intangibility of the frontiers inherited from decolonization.
A.The significance of Cape Gracias a Dios as a land and maritime boundary during the
colonial period: history and colonial law
3. During the colonial period, the administrative boundary between the provinces of
Honduras and Nicaragua followed the Segovia River (a lso called the Coco or Wanks River) to its
mouth at Cape Gracias a Dios 17. This boundary separated the territories under the jurisdiction of all
the civil and military authorities of the colony, which included not only the terra firma, but also the
adjacent maritime possessions and the continental an d insular waters bathing the mainland and the
islands. Hence the province of Honduras exercised its authority to the north of Cape Gracias a
Dios, and the province of Nicaragua to the south.
4. All the references to Cape Gracias a Dios situate it on or close to the 15th parallel north,
and there is no evidence that its designation or location gave rise to any doubts or difficulties either
during the colonial era or after independence in 1821. The proof of this was presented to the Court
44 by Nicaragua itself in the case decided in 1960 (see I.C.J. Pleadings 1958, Arbitral Award Made by
the King of Spain on 23 December 1906 (Honduras v. Nicaragua), Vol.I, Annexes to the
Counter-Memorial, pp.379-432). Thus a Note dated 23November1844 from the Minister of
17
See RH, Chap. 5. - 40 -
Nicaragua and Honduras to the Minister of the Foreign Office of Her Britannic Majesty expressly
recognized the sovereignty of Nicaragua over the A tlantic coast “from Cape Gracias a Dios in the
18
North to the dividing line which separates it from Costa Rica” .
5. I would also point out that there are no previous instances at all of disputes or conflicts
over boundaries in this region until 1870-1875, which implies that the conduct of the Parties for
50years following independence corroborates the uti possidetis juris of 1821. Likewise the legal
19
literature , which nonetheless observes that those first differences were not restricted to Cape
Gracias a Dios but extended to other sectors of the boundary. This is confirmed by Article I of the
20
Gámez-Bonilla Treaty of 1894, which reads as follows :
“The Governments of Honduras and Ni caragua shall appoint representatives
who, duly authorized, shall organize a Mixed Boundary Commission, whose duty it
shall be to settle in a friendly manner all pending doubts and differences, and to
demarcate on the spot the dividing line wh ich is to constitute the boundary between
the two Republics.”
6. Even more relevant to the present case, however, is the explicit recognition by the two
Parties of the application of the principle of uti possidetis juris in the above Treaty, in the form of
ArticleII, paragraph3, which states 21: “It is to be understood that each Republic is owner of the
territory which at the date of independence constituted, respectively, the provinces of Honduras and
Nicaragua.” Since the Arbitral Award of 1906 a nd the confirmatory Judgment delivered by this
Court in 1960 firmly establish the boundary betw een the two States along the Segovia River, with
the terminus at its mouth at Cape Gracias a Dios , it necessarily follows that Nicaragua, legally or
45 morally, surely cannot now claim the islands and ad jacent maritime areas to the north of the cape
without seriously breaching the uti possidetis and highlighting the obvious inconsistency of its
conduct.
7. But in a surprising and unjustified way, Nicar agua is repudiating, or reinterpreting in its
own way, in this case, the principle of uti possidetis juris. This requires me to deal now with the
main features of this principle in the context of Spanish American history.
18CMH, Vol. 2, Ann. 5.
19
CMH, Vol. 1, pp. 31-32, para. 3.7.
20
Ibid.
21Ibid. - 41 -
8. It is well known that the principle of uti possidetis juris does not conflict with current
international law on the delimitation of maritime ar eas but, on the contrary, is fully integrated into
such law by virtue of Article 15 of the United Nations Convention on the Law of the Sea of 1982.
This Article15, in defining the general principl e for delimitation of the territorial sea between
neighbouring States on the basis of the equidistan ce rule, provides for one important exception.
That rule does not apply where there are historic titles or other special circumstances, and there can
be no doubt that the latter include the application of uti possidetis in respect of the mainland and
islands. For this reason, in accordance with curre nt international law, the rule of equidistance
cannot take precedence over the applicable law as determined by the historical circumstances of the
case.
9. I would say that Nicaragua has tried to depreciate the application of uti possidetis in this
22
dispute . It is ignoring or manipulating internati onal case law in general and the case law of this
Court in particular. It is concealing the difficu lties and shortcomings in its arguments that are
prompted by the application of that principle to maritime areas.
10. As I have already shown by citing just a few precedents from historical practice in this
respect, Nicaragua is unable to call into question the application of uti possidetis to maritime areas
because it has always accepted that title as the basis for delimitation of its boundaries. Nicaragua
cannot now maintain that a lack of equity ⎯ in so far as such a claim might be founded ⎯ would
23
make this principle inapplicable to the delimitation of maritime areas . Because if one accepts the
principle, one also accepts that it is equitable. As Professor Remiro Brotóns, distinguished member
24
46 of the Nicaragua team, has put it : “es equitativo todo lo que ha sido consentido libremente”
(“everything that has been freely accepted is e quitable”). Which means that Nicaragua cannot at
one and the same time accept and reject the prin ciple, according to what may suit it. Moreover,
relying on abstract equity does not exclude the applicable law (I.C.J. Reports 1974, p. 33, para. 78).
22
RN, Vol. I, pp. 49-68, paras. 4.1-4.68.
23RN, Vol. I, p. 49, para. 4.2.
24A.Remiro Brotóns, “Problemas de fronteras en América: la delimitación de los espacios marinos”, in
A. Mangas Martín (ed.), La Escuela de Salamanca y el Derecho Inte rnacional en América: del pasado al futuro,
Salamanca, 1993, p. 129, in bold in the original. - 42 -
11. I should now like, Madam President, Memb ers of the Court, to make some rather
obvious points in relation to this principle. It is true that the principle of uti possidetis is not always
exactly the same, in terms of its origins or the form it takes, in all the inst ances of decolonization.
In the case concerning Frontier Dispute (Burkina Faso/Republic of Mali) ⎯ a delimitation
between two successor States of the same colonizer ⎯ the Chamber of the Court described it as “a
principle of a general kind which is logically conn ected with this form of decolonization wherever
it occurs” (Judgment, I.C.J. Reports 1986, p. 566, para. 23). In the present case, it must be borne in
mind that the succession of States took place from w ithin a single colonial Power. This implies
that the law governing the succession to territory sh ould be the internal régime of the predecessor
State as regards the delimitation of its local admi nistrative areas. It is the latter that will be
converted into States. All this leads us to Spanish colonial law in America.
12. In relation to the Spanish uti possidetis , the first point to take into account is the
statement by the Swiss Federal Council in its Arbitral Award of 1922 concerning boundary
questions between Colombia and Venezuela: “T his general principle offered the advantage of
25
establishing an absolute rule that there was not in the old Spanish America any terra nullius.” On
the same lines, the Chamber of the Court found as follows in 1992: “Thus the principle of uti
possidetis is concerned as much with title to territory as with the location of boundaries; certainly a
key aspect of the principle is the denial of the possibility of terra nullius.” (Land, Island and
Maritime Frontier Dispute (El Salvador/Honduras: Nicaragua intervening), Judgment, I.C.J.
Reports 1992, p. 387, para. 42.)
47 13. It was the Arbitral Award of 31July1989 in the Guinea-Bissau/Senegal case ⎯ a
delimitation between two successor States of two different colonial Powers ⎯ that attached the
general application of the principle of uti possidetis to decolonization, without allowing for
different legal régimes applicable either to land or sea: “From a legal point of view, there is no
reason to establish different régimes dependent on which material element is being delimited.” 26
25
UNRIAA, Vol. I, p. 228.
26
ILR, Vol. 83, p. 36, para. 63. - 43 -
14. And then, in the Judgment in El Salvador/Honduras: Nicaragua intervening of 1992, the
Chamber of the Court was even more specifi c in making two important statements on the
application of the principle in question. Firstly, that “the principle of the uti possidetis juris should
apply to the waters of the Gulf as well as to the land” (I.C.J. Reports 1992, p. 589, para. 386); and,
secondly, that:
“The Chamber has no doubt that the starting-point for the determination of
sovereignty over the islands must be the uti possidetis juris of 1821. The islands of
the Gulf of Fonseca were discovered in 1522 by Spain, and remained under the
sovereignty of the Spanish Crown for thr ee centuries. When the Central American
States became independent in 1821, none of the islands were terra nullius ;
sovereignty over the islands could not th erefore be acquired by occupation of
territory.” (Ibid., p. 558, para. 333.)
Madam President, in connection with this passage fr om the case law which I have just quoted, let
me try to give a rational explanation of why Ni caragua originally asked in its Application for
delimitation of the maritime areas, and then, in its Memorial ⎯ as a kind of afterthought ⎯
claimed sovereignty over the islands situated north of the 15th parallel. Nicaragua and its advisers
immediately realized that, unless they cited sovereignty over these islands, they would find
themselves without a case worthy of bringing before you.
15. Lastly, in the written phase, Nicaragua’s attempts to deny the application of uti possidetis
juris to the maritime areas adjacent to the mainland and island territories have no basis whatsoever.
The international case law has left no room for doubt in terms of the extension of this principle
both to the islands and the waters adjacent to th e mainland. As regards the islands, all those
48 adjacent to the mainland territories belonged to Spai n, and all automatically passed to their Central
American successors in 1821, excep t where they were the object of claims by a third State other
than Spain. That did not apply in the case of the Honduran islands and cays. Ignoring this fact
means choosing to overlook the application of the principle as it was envisaged in the recent
1992 Judgment of the Chamber of the Court which I have just quoted.
16. What I have said on the subject of the isla nds also applies to the Spanish territorial sea,
which became ipso jure and ipso facto the territorial sea, both contin ental and insular, of the new
States as a result of their colonial emancipation. And in fact the Spanish Crown, through a Royal
Decree of 17December1760, extended Spain’s con tinental and insular waters to 6nautical miles - 44 -
27
(2leagues) on that date , not only for reasons of security and defence, but also to combat
smuggling, which was very common along the coasts of the Caribbean. Consequently, the territory
acquired through succession also included the waters under such jurisdiction, which applied to all
the American coasts of the Spanish Empire on the critical date of 1821.
17. Moreover, within the reforms introdu ced in the eighteenth century and, more
specifically, as a consequence of the creation in 1739 of the Viceroyalty of New Granada (also
named Santa Fé deBogotá), two successive Roya l Orders were issued on the same subject:
improving the operation of the military districts and, logically, that of their maritime areas.
28
18. The Royal Order dated 23August1745 created two military jurisdictions, a northern
one that ran from Yucatan to Cape Gracias a Di os, and a southern one from the same cape to the
Chagres River, both under the Captaincy-General of Guatemala. According to the text of this
Royal Order and the customary government practice of the Spanish authorities, this measure also
resulted in a division of jurisdiction in the surrounding maritime area. On the one hand, it thus
49 gave the Government of Honduras jurisdiction over the Atlantic coast up to Cape Gracias a Dios.
The Commandancia (General Command) 29of Nicaragua, then a territory more oriented to the
Pacific than the Atlantic, was responsible for th e maritime area off the Mosquito Coast, from Cape
Gracias a Dios to the south. To repudiate such an elementary statement is simply to deny the facts.
19. Half a century later, another Royal Orde r dated 20 November 1803, just 18 years before
independence was declared for Central America, confirmed this distribution of the areas concerned.
The King of Spain removed from the Captaincy-Gene ral of Guatemala the islands of San Andrés
and the Mosquito Coast from Cape Gracias a Dios to the Chagres River, making them dependent
on the Viceroyalty of Santa Fé and appointing a gover nor for the islands. It is therefore clear that,
27
For the text, see J.A. de Yturriaga (eEspaña y la actual revisión del Der echo del Mar, vol.II, Primera
Parte (Textos y Documentos), Madrid, 1974, p. 47.
28For the key quotations from the Report of the Commission d’Examen, which served as the basis for the decision
of the King of Spain in the Award of 1906, see CMH, Vol. 1, pp. 74-75, para. 5.13.
29The term “Commandancia” is a generi c one meaning “chieftain”. Applied to a territory, it indicates an
authority subordinated in the first instance to the Captain-General and in the second to the Governor. - 45 -
as a result of this text, Cape Gracias a Dios served as the boundary between the Captaincy-General
of Guatemala and the Viceroyalty of Santa Fé. I would add that the area to the north of Cape
Gracias a Dios remained under the authority of th e Captaincy-General of Guatemala, in practical
30
terms under the Government of Honduras .
[Map LISR 1]
20. As regards the powers of the Captaincies- General, they had control over “the land and
maritime forces” in all territories adjacent to coasts, to prevent the threats and risks that the very
thorough legal regulation was intended to avoid. In this respect, the historical evidence is
abundant: hydrographical surveys, the choice of safe havens (such as Puerto Cortés and Puerto
Trujillo), the building of fortifications, suppression of smuggling, and various military actions
against the British and the Mosquito Indians on th e coasts of Honduras and th e seas off it, to the
31
north of Cape Gracias a Dios . Particular attention should be drawn to the peacetime powers of
the Captaincies-General to suppress smuggling (“ille gal trade”), which required them to exercise
their authority both on land and at sea in the areas under their control.
50 21. I would point out that the Royal Order of 20 November 1803 ⎯ curiously consigned to a
footnote in Nicaragua’s Reply ⎯ reveals the explicit wish of the Spanish Crown to establish
military areas corresponding to the Captaincy-Gene ral of Guatemala and the Viceroyalty of Santa
Fé in the Caribbean Sea. Cape Gracias a Dios constituted the boundary between the
Captaincy-General and the Viceroyalty. It projected eastwards into the sea, so that all the islands
and adjacent waters to the east and north of the Cape fell under the military and maritime
jurisdiction of the Captaincy-General of Guatemala in the Atlantic Ocean. As a result, the Order in
question formed a perfect title for the origin and proof of uti possidetis juris. If Nicaragua persists
in denying what has just been set out, it will be continuing to reject a fact there is clearly no
escaping.
3CMH, Vol. 1, pp. 76-77, para. 5.17; RH, Vol. 2, Ann. 266 (pp. 7 and 14 of the report cited, which clearly sets
out the competencies of governors, thee being a local reflection of the powers that could be exercised by the
Captaincy-General).
3Map illustrating what is described in CMH, Vol.1, pp.75-76, paras.5.14-5.15; RH, Vol.2, Ann.266,
pp. 16 20. - 46 -
22. All this entitles the successor State (Honduras), in accordance with the Spanish law on its
overseas territories, to invoke the principle of uti possidetis juris on its behalf as regards the islands
32
and adjacent waters to the north of Cape Gracias a Dios . I should like to draw the Court’s
attention to the fact that all Nicaragua’s attemp ts to ignore, play down or misrepresent the
importance of the Royal Order of 1803 regarding Cape Gracias a Dios and the adjacent maritime
areas have been definitively refuted by the opinions of two of the most distinguished Spanish legal
experts on the geographical areas of the Spanish Cr own in the region, whic h may be found in the
annexes to the Rejoinder of Honduras.
33
23. All the equivocation that Nicaragua has engaged in regarding uti possidetis in general
and the Arbitral Award of 1906 in particular is thus meaningless, and specifically refuted by
Spanish colonial law. It is certain that the King of Spain fixed the land boundary between the two
States in 1906. However, under Spanish colonial law, his decision also irreversibly affects
sovereignty over the insular possessions and the waters adjacent to both the mainland and the
islands, at least up to 6 nautical miles (2 leagues) seawards.
24. In fact, Nicaragua has claimed without success that the Arbitral Award of 1906, by virtue
of the uti possidetis juris which it is now denying, should have recognized it as having sovereignty
51 to the east of meridian 85°W, identifying this meridian as a land, island and maritime boundary
with Honduras. Its submissions to the Arbitrator regarding the final section of the boundary line
leave no room for doubt: “it [the boundary] follows that same river, which is here called the
Patuca; it continues through the centre of the watercourse until it meets the meridian that passes by
Cape Camarón and follows this meridian to the sea, leaving Swan Island to Nicaragua” [translation
by the Registry] ( I.C.J. Pleadings 1958, Arbitral Awar d Made by the King of Spain on
23 December 1906 (Honduras v. Nicaragua), Vol. I, Annex 11 to the Reply of Honduras, p. 624) 34.
[Map LISR 2]
3RH, Vol.2, Ann.266, pp.13 and 8-10. The Captains-Gen eral of the armies were specifically equated to the
Captains-General of the navy and held general control and decision-making power over all the military forces within their
area, including the maritime forces.
3RN, Vol. I, p. 57 et seq., para. 4.30 et seq.
34
See the report of the Commission d’examen on the question of the boundaries between the Republics of
Honduras and Nicaragua, submitted to H.M.AlfonsoXIII as Ar bitrator on 22 July 1906. The text of this claim by
Nicaragua is also reproduced in the report of the Spanh Council of State of 15December1906, which adopted the
conclusions of the Commission d’examen (file No.94.446, p.3). For a gra phical representation of the rejected
Nicaraguan claim, see CMH, Vol. I, plate 9. - 47 -
25. But the King of Spain, giving full weight to the evidence presented in the case, rejected
Nicaragua’s claim to meridian 85° W, passing thr ough Cape Camarón. He opted for Cape Gracias
35
a Dios , which lies approximately on the parallel of 15°. According to the principle of res
judicata, Nicaragua cannot now surreptitiously revive its former claim, dismissed a century ago (in
1906), and once again aspire to sovereignty over th e islands and waters situated north of Cape
Gracias a Dios 3.
26. In the end, history shows that the Government of Honduras projected northwards, to the
north-east and east of Cape Gracias a Dios, as indicated by the treaty recognizing the independence
of Honduras of 1886. But faced with the asserti on by Honduras that Cape Gracias a Dios, as the
37
boundary of a military jurisdiction, was funda mentally identified with the 15° parallel during the
colonial period, Nicaragua has also sought to di scredit, without any evidence, the importance of
38
that parallel as a maritime boundary . What is certain is that the use of easily identified
geographical criteria, such as parallels and me ridians, was commonplace in Spanish colonial
52 practice when it came to dividing internal jurisdic tions which also included the maritime areas of
their military authorities (as in our case here). This was the only valid means of dividing clearly
and beyond doubt their military authorities’ respective maritime spaces, over which Honduras has
exercised and is exercising State jurisdiction in a peaceful, continuous and uninterrupted way.
27. The use of astronomical geography, both in the delimitation of their respective empires
by the Iberian Powers (Spain and Portugal) and in the colonial law of each Power, has been amply
demonstrated by the experts. The use of paralle ls was common in Spanish America to separate the
competencies of the Captaincies-General in the region, as shown by the map of the Viceroy of New
Granada (or Santa Fé) of 1774, now kept in the Naval Museum of Madrid. This map clearly shows
35CMH, Vol. I, pp. 72-73, paras. 5.6-5.10.
36
CMH, Vol. I, p. 74, paras. 5.11-5.12.
37CMH, Vol. I, pp. 18-19, para. 2.11
38RN, Vol. I, pp. 56-59, paras. 4.26-4.37. - 48 -
the line drawn to the place then called Cabo Blanco, very close to the parallel 5° S, as the general
boundary with the Viceroyalty of Lima . 39
28. What I have just explained can also be extended to non-Spanish America. As regards the
colony of Brazil, Portugal decided to control the mo st accessible area, that being the coast. It did
so (between 1534 and 1536) by dividing it between a series of Captaincies, following the coastline.
The northern and southern land and sea boundaries of each Captaincy were formed by two
geographical parallels, and where an internal boundary applied (towards the mainland), this was the
40
meridian of Tordesillas .
29. In the present case, to confine myself to the role of Cape Gracias a Dios, situated
approximately on the 15thparallel, as the lin e cartographically separating the land and naval
jurisdiction of the Captaincy-General of Guatemal a (which projected its possessions north of that
53 parallel) and the Viceroyalty of Santa Fé (w hich projected its possessions south), I can only
conclude that it formed a simple and precise re ference point for this purpose of cartographical
separation, since it was well known and very clear to any sailor who had navigated in those waters.
This cape and its parallel (15 °N) delimited (in accordance with the law of the Indies) the waters of
the Captaincy-General of Guatemala and the Govern ment of Guatemala, clearly and perfectly and
41
in all respects, particularly legal .
39See “Geographical Plan of the Viceroyalty of Santa Fé de Bogotá, New Kingdom of Granada, 1779” in RH,
Vol. 2, Ann. 232. Plan geográfico del Virreynato de Stª Fe de B ogotá, Nuevo Reyno de Granada que manifiesta su
demarcación territorial, islas, rios pr incipales, provincias, plazas de arma s, lo que ocupan los indios bárbaros y
naciones extranjeras, demostrando los dos c onfines de Lima y Méjico y establec imientos de Portugal sus lindantes: con
notas históricas del ingreso anual de sus rentas reales y noticias relativas a su actual estado civil, político y militar.
(Geographical plan of the Viceroyalty of Santa Fé de Bogotá, New Kingdom of Granada, showing the territorial
demarcation, islands, principal rivers and armed places, the lands occupied by barbarian Indians and foreign nations, and
showing the two boundaries of Lima and Me xico and the settlements of Portugal: with historical notes of the annual
revenue in royal income and notices of civi l, military and political status.) Form ado en servicio del Rey Ntro Sr por el
Dor D. Francisco Antonio Moreno Escandon, fiscal protector de la Real Audien cia de Stª Fe y juez conservador de
rentas. Gobernando el reyno el Excmo. Sr. Baylio Frey D. Pedro Messia de la Cerda, Marqués de la Vega Armijo (Ms ;
col ; 147x200 cm., dans en MN Sig. 27-C-10, [1774]).
40RH, Vol. 2, Ann. 267, opinion, heading “Parallels”; see in particular the maps attached.
41Ibid., opinion, headings “The Central American Atlantic Coast” and “A pplication to Honduras”, and the
”Conclusion”. - 49 -
B. Nicaragua’s untenable position on history and uti possidetis juris in the present case
30. The invocation of uti possidetis in the current maritime de limitation case is justified,
from the standpoint of intertemporal law, by its application to the present dispute as the law
governing the Parties in1821, in 1906, in 1960 and today. That is to say that throughout the
lifetime of the two Republics of Nicaragua and of Honduras that principle has always formed the
fundamental legal argument for the delimitation of their respective areas. That, however, is not all,
as the choice of CapeGracias aDios implied an equitable delimitation in accordance with uti
possidetis juris and the 15th parallel also complies with the delimitation principles of the new law
of the sea.
31. Thus, in physical terms, although the application of that legal title was initially territorial,
for both the mainland and islands, its application to certain maritime areas cannot be questioned.
Taking as its starting-point the well-known principle that “the land dominates the sea”, sovereignty
over the mainland and insular coasts inevitably en tails possession of the territorial seas off such
coasts. Thus, the respective territorial seas of Nicaragua and Honduras, at the moment of
independence in 1821, bore the respective hallmarks of territorial sovereignty. Moreover, when the
concept of the continental shelf emerged in the twentieth century, State jurisdiction over this new
area flowed ab initio and ipso jure from sovereignty over the corresponding coastal areas, so that
the 1958Geneva Convention did not even require a formal proclamation for the exercise of the
jurisdiction the riparian States were acknowledge d to have. And when the 1982United Nations
54 Convention on the Law of the Sea regulated the ex clusive economic zone, the basis for jurisdiction
over that area also lay in the territorial sovereignty of the riparian State.
32. In its Application of 8 December 1999, Nicaragua asked the Court to delimit its maritime
areas in the Caribbean “in accordance with equ itable principles and relevant circumstances
recognized by general international law as applicab le to such a delimitation [of a single maritime
boundary]”. With respect to that request, I should like to recall three fundamental points. First, uti
possidetis juris is “a principle of a general kind which is logically connected with...
decolonization wherever it occurs” (see Frontier Dispute (Burkina Faso/Republic of Mali),
Judgment, I.C.J. Reports 1986 , p.566, para.23), and its status as a general principle of - 50 -
international law was confirmed unequivocally by this Court in 1992, which also applied it to
maritime areas (see Land, Island and Maritime Fronti er Dispute (El Salvador/Honduras:
Nicaragua intervening), Judgment, I.C.J. Reports 1992, p. 589, para. 386). Secondly, that principle
42
is inherent in the notion of equity for various reasons, including its acceptance by the two Parties .
Lastly, there was no terra nullius in Spanish America 43, the clock having stopped at the date of
independence, and the Court proceeded with th e maritime delimitation taking that date as a
snapshot and on the basis of a condition sinequanon, namely, each Party’s certainty of its
territorial sovereignty over both the mainland and th e islands, that is to say, of the title derived
from uti possidetis juris.
33. Nicaragua’s Application of 6December 2001, filed in the Registry of the Court
instituting proceedings against another neighbouring Spanish American State, acknowledged all the
points which I have just mentioned. In particular ⎯ and I draw the Court’s attention to this
point ⎯ the Application acknowledged the in sular and maritime projection of uti possidetis juris
over the areas and features adjacent to the mainla nd territory, the global eastward projection of the
entire land mass, as well as the validity and appli cability of the principle for “the complete and
definitive determination of the maritime areas ap pertaining to Nicaragua and for any eventual
44
delimitation which might be necessary” . In that particular situation, Nicaragua raised no doubts
as to whether the uti possidetis juris was equitable or otherwise. Moreover, in requesting the
55
application of that principle for the determination of the maritime areas appertaining to Nicaragua,
as well as for the delimitation of areas with Colombia , Nicaragua clearly considers equity to be a
feature inherent in the principle of uti possidetis.
34. The Copernican revolution that took place in the course of a brief period of less than
twoyears between the two Nicaraguan Applications can be termed spectacular, but can also be
seen to be intrinsically contradictory, as what Nicaragua contends on its own behalf against
Colombia in 2001 is a position it had initially dismissed with respect to Honduras in 1999. I might
describe such conduct as schizophrenic ⎯ arguing one thing and then the opposite ⎯, but
4RH, Vol. I, pp. 29-30, paras. 3.03-3.05.
43
Ibid., pp. 32-34, paras. 3.10 and 3.15.
4Ibid., pp. 50-51, paras. 3.58-3.59. - 51 -
Nicaragua’s good sense is undoubtedly apparent in the most recent position it has adopted to date,
namely, full recognition of the application of uti possidetis for the equitable delimitation of
maritime areas in relation to mainland and insular boundaries.
35. It is well known that the 1906Arbitral Awa rd fixed the terminus of the land boundary
between the two countries at Cape Gracias a Dios. We also know that geographers and sailors had
been thoroughly conversant with the Cape since the sixteenth century, that it established an
objective and obvious dividing point, readily visible and with a projection from west to east, and
that the result, in terms of th e adjacent insular and maritime areas, could only be to leave the
islands, islets and cays north of this point to Honduras and those to the south to Nicaragua 45.
Moreover, it is certain that from1821 no dispute arose between the two countries regarding their
respective territorial seas and the islands lying i mmediately north and south of the 15thparallel.
This conduct by the Parties must undoubtedly be seen in the context of Article15 of the United
Nations Convention on the Law of the Sea, wh ich identifies historic title and other special
circumstances as exceptions to the application of th e equidistance line. And what we have here is
historic title and a very significant special circumstance: the uti possidetis juris that was declared
binding by the 1906 Arbitral Award.
56 36. When Nicaragua challenges the validity of the 1906 Award before the Court, it does so
because its previous claim had been specifically dismissed by the Arbitral Tribunal: namely, a
boundary running along the 85th meridian correspondi ng to Cape Camarón, which would have left
all the mainland territory concerned and the adj acent islands under its sovereignty. The Award,
46
however, chose Cape Gracias a Dios and the corresponding parallel . Parallels and meridians are
easy means to define and fix a boundary. Such means were claimed by both Parties in1906 and
the Award went in Honduras’s favour. In any case, these means are customary for territorial and
maritime delimitations in Spanish and Portuguese Am erica, as one of the most respected Spanish
47
geographical experts on Spanish America has undertaken to show . In any case, the recurrent use
of the notion of “adjacency” by Nicaragua is manifest, from1821 to2001, via 1906.
4CMH, Vol. I, Chap. V, p. 71 et seq.
46
Ibid., pp. 72-74, paras. 5.8-5.12; RH, pp. 37-38, paras. 3.23-3.25.
4RH, Vol. I, p. 40, paras. 3.30-3.31; and Vol. II, Ann. 267, which contains the geographer’s opinion. - 52 -
Consequently, I must emphatically draw your attention to the characterization by the other Party of
48
the concept of “adjacent island s” as “ambiguous” and “unacceptable” . Once again the opposing
Party makes contradictory and irreconcilable asser tions. Our colleagues in the other Party should
explain to the Court why Honduras’s references to adjacency deserve such a negative verdict, when
Nicaragua took an identical line from 1821 to 2001, via 1906 and 1960. Can a State contend both
one thing and its opposite before this Court without any adverse consequences for the soundness
and rigour of its arguments?
37. The effectivités of the republics immediately after the date of independence clearly prove
the uti possidetis principle for the mainland and islands whic h I previously mentioned. This is not
a sudden or partial opinion. On the contrary, the effectivités of the republics were asserted by
judicial process in 1906 and Nicaragua, a century later and showing gross disregard for this Court’s
1960 Judgment, has returned to the attack 40 years later. This means that for Nicaragua the basic
principle of res judicata does not exist. In 1906, a binding decision was made that CapeGracias
a Dios constituted the land boundary between the tw o countries on the Atlantic Ocean coast. The
57 Arbitral Award added a number of other noteworthy assertions: (a) that Nicaragua had never
exercised jurisdiction north of Cape Gracias a Dios; (b) that the only country to have exercised its
jurisdiction south of CapeGracias aDios was Honduras, albeit ephemerally and in an imprecise
manner; (c) that diplomatic practice following independence proved that Nicaragua had always
recognized Cape Gracias a Dios as the common boundary; (d) that the principle of Cape
GraciasaDios is “the point which best answers the purpose by reason of a historical right, of
equity and of a geographical nature, to serve as a common boundary on the Atlantic coast between
the two contending States”; and (e) that Cape Gracias aDios constitutes the common boundary
between the two States “for the Atlantic coast” (I.C.J. Pleadings 1958, Arbitral Award Made by the
King of Spain on 23December1906 (Honduras v. Nicaragua) , Vol.I, pp.21-23). Nicaragua
disregarded the authority of res judicata in1906, repeated that c ontempt in1960 and is still
resisting res judicata in 2007.
48
RN, Vol. I, p. 61, para. 4.43; and also RH, Vol. I, p. 43, para. 3.40. - 53 -
38. Another specific issue relating to uti possidetis juris in Spanish America, to which I
would like to draw the Court’s attention because of its particular relevance to the present case and
which our opponents have continually tried to disr egard, concerns the choice of CapeGracias
aDios and the 15thparallel as a key point in the sep aration of military (that is to say territorial,
insular and maritime) jurisdiction at the critical date for uti possidetis, namely, 1821.
39. Honduras has categorically demonstrated that Cape Gracias aDios, following the
RoyalOrder of1803, constituted the boundary sep arating the Captaincy-General of Guatemala
from the Captaincy-General of Santa FdeNu eva Granada (now Santa Fé de Bogotá in
Colombia) 49. It should be noted before the Court that the significance of those Captaincies-General
for uti possidetis relating to island and maritime areas was expressly acknowledged by Nicaragua
50
in its Application of 6 December 2001 instituting proceedings against Colombia .
40. Consequently, any objective observer will be struck by the new contradiction inherent in
Nicaragua’s assertions and arguments, depending on whether they are levelled at Honduras or
Colombia. On the one hand, because Nicaragua has attempted to downplay the significance of this
51
58 decisive element ; on the other, because Nicaragua has tried unsuccessfully and, what is worse,
without the slightest attempt to respect historical rigour, to misrepresent the vital importance of the
1803RoyalOrder. Honduras submitted an expert opinion from possibly the greatest Spanish
authority on the military administration of the Spanish Crown in the Americas. That opinion, to
which I will of course return later, entirely re futes the artifices, subterfuges and inaccuracies
contained in the Nicaraguan position 52. The expert’s conclusions ar e decisive, bear out on every
point the assertions made by Honduras in its Counter-Memorial, and served as the basis for their
ratification by Honduras in its Rejoinder. Honduras holds probate, original, full and legal title to
the land and islands north of the 15thparallel whic h runs through CapeGracias aDios. As for
Nicaragua, it has provided no evidence, not even a semblance of legal title on this point.
4CMH, Vol. I, pp. 74-78, paras. 5.13-5.18.
5Ibid., p. 83, para. 5.31.
51
RN, Vol. I, pp. 56-59, 60 and 66, paras. 4.26-4.37, 4.40, 4.41, 4.60 and 4.61.
5RH, Vol. I, pp. 35-41, paras. 3.18-3.32, and Vol. II, Ann. 266. - 54 -
41. In summary, Nicaragua denies that Honduras holds any title derived whatever from
uti possidetis (although Nicaragua accepts the principle it self) with respect to the islands, cays and
islets north of the 15th parallel. However, the facts and objective evidence submitted by this Party
most undoubtedly refute its empty claims, just as they expose the naked truth. Nicaragua has
proved nothing north of the 15th parallel. And it should be borne in mind that each of the islands
there possesses its own territorial sea. Nicaragua co ntends that the concept of “adjacent islands” is
ambiguous and unacceptable (that is to say, it denies uti possidetis over the islands by submitting
that insular terrae nullius exist), but Honduras has shown not only that this principle was inherent
in all Spanish colonial practice, but also that it has been accepted by the jurisprudence. It has even
been upheld by Nicaragua, in the very same regi on, in its claims against Colombia. Lastly,
Nicaragua submits that the application of uti possidetis is irrelevant with respect to the existing
53
continental shelf and exclusive economic zone . This assertion does not stand up, since it patently
overlooks the essential principle that the land domin ates the sea for both the continental shelf and
59 the exclusive economic zone. It is true that regulation of that zone has lagged far behind in
Nicaraguan legislation, as the 19 December 1979 law on the continental shelf and adjacent sea does
not precisely cover that area. I would recall, in this respect, that Nicaragua acceded to the
1982United Nations Convention on the Law of Sea only after it had filed its Application in this
case. In sum, Nicaragua’s whole fragile case regarding uti possidetis juris , poorly constructed,
ill-argued and lacking in evidence, simply collapses.
42. Madam President, Members of the Court, I would point out that the two written
pleadings submitted by Nicaragua have not onl y been drafted on the basis of recurrent
contradictions in its arguments, but also that th ey exhibit one astonishing singularity: its persistent
amnesia with regard to the international jurisprudence most directly relevant to the case with which
we are concerned.
43. In this connection, I must acknowledge to the Court that the written pleadings of
Honduras present no such singularity in this regard , having been constructed on the basis of a
literal, rigorous, reiterated and system atic application of international jurisprudence. This visceral
53
Ibid., pp. 43-44, para. 3.40. - 55 -
rejection by Nicaragua of the applicable internati onal jurisprudence is par ticularly revealing with
regard to the 1992Judgment. Why? For perfec tly explicable reasons. Because that Judgment
affirms: (a) the relevance of uti possidetis juris as regards its application to continental, insular and
maritime areas; (b) the non-existence of terrae nullius in Spanish America; (c) the pertinence of
the concept of “adjacent islands”; (d) the importance of the Captaincies-General; (e) the
possibility of evaluating the conduct of the Partie s subsequent to indepe ndence, as a means of
confirming the existing uti possidetis; and (f) the pertinence of the aforementioned principle in
generating rights, beyond the territorial sea, over the continental shelf and the exclusive economic
zone (for example, that of Honduras in the Pacific Ocean).
44. One of Nicaragua’s leitmotifs in rejecting the application of uti possidetis juris to
maritime areas (irrespective of the territorial sea of the continent and islands) is the total lack of
conformity of such application with the new law of the sea, especially as regards the continental
60 shelf. Naturally, that position implies a flagrant ignorance of the jurisprudence established by this
Court in1992, despite Nicaragua’s intervention in that case. As the Court affirmed in the
El Salvador/Honduras: Nicaragua intervening Judgment:
“Nevertheless the modern law of the sea has added territorial sea extending
from the baseline, i.e., the low-water mark or the closing line of waters claimed in
sovereignty; has recognized continental sh elf as extending beyond the territorial sea
and belonging ipso jure to the coastal State; and confers a right on the coastal State to
claim an exclusive economic zone extending up to 200 miles from the baseline of the
territorial sea.
There can be no question that this law applying to the seas and seabed and
subsoil off a coast, applies now to the area off the Gulf of Fonseca; and that, as
always, the entitlement to these rights depends upon and reflects the territorial position
of the coast to which the rights are appurtenant.” (Judgment, I.C.J. Reports 1992,
p. 608, paras. 419-420.)
45. How can it be possible that my eminent co lleagues from the opposing Party were able or
willing to overlook or forget this important p assage from the Court’s 1992Judgment, given that
Nicaragua intervened in the case? Could the continental shelf and the exclusive economic zone
have come from nowhere or, on the contrary, c ould they have derived from sovereignty over the
land and could they be adjacent to the territorial sea? If the land dominates the sea, a state of
affairs of which there is not the slightest shadow of a doubt in the mind of this Court, is it then not
of the utmost importance to clarify beforehand the question of the legal titles deriving from the uti - 56 -
possidetis juris of Nicaragua and Honduras respectively in this case? Is it possible to delimit their
maritime areas without first determining the territorial titles that generate the rights over these areas
that each riparian State may establish? In the cas e before us, it is essential to ascertain whether
Nicaragua possesses any type of legal title north of Cape Gracias a Dios. If Nicaragua has no title
north of Gracias a Dios ⎯ and I have proved that such is the case ⎯, on what legal basis does it
justify its maritime claims? And our prestigious co lleagues cannot be unaware of the fact that the
islands situated to the north of parallel 15º also generate their own territorial sea, their continental
shelf and their exclusive economic zone. Conseque ntly, the insular title is a definitive title for the
purposes of Nicaragua’s claim to any territorial s ea, continental shelf or exclusive economic zone
whatsoever north of Cape Gracias a Dios.
46. Here, let me refer again to this Court’s Ju dgment of 1992 with regard to the question of
61 the evolution of the law over time. This is the real reason why Nicaragua has striven to take this
case out of its historical legal context and seeks to place it exclusively in the sphere of the “new”
law of the sea, thereby ignoring the “old” law of the sea. That latter law is by no means
incompatible with the new law, as the aforemen tioned Judgment of the Court reminds us, because
at the origin of the State maritime areas to be delim ited lies the territorial jurisdiction of the State.
Now, when Nicaragua finds that it has no original le gal title to the territory in question, it tries to
use the unacceptable short cut of the “new” law of the sea. Madam President, Members of the
Court, there was no doubt whatsoever as to the authority of this Court in 1992, and this continues to
be so at the present time, despite the artifices to which Nicaragua persistently resorts. Why does it
disregard the authority of res judicata of the 1906 Arbitral Award? Precisely because that Award
rules out its initial claim to establish the land bound ary at meridian 85º and to award it the Swan
Islands (which Nicaragua afterwards calls “adjacen t islands”); in other words, because it denied
Nicaragua’s projection towards the north and north- east of the Caribbean Sea, the King of Spain
having strictly limited that projection eastwards and as far as Cape Gracias a Dios 54. Today,
Nicaragua obstinately ignores the authority of res judicata of the Court’s 1960Judgment, which
confirmed the validity of the foregoing. It also tu rns a deaf ear to the ju risprudence established by
54
All this, with regard to the claim by Nicaragua made in 1904 and in respect of which the Award was made in
1906, is perfectly clearly illustrated by the map submitted in the Counter-Memorial of Honduras, Vol. III (part 1), plate 9. - 57 -
this Court in 1992. All this to claim now an in sular and maritime projection north of the parallel
that passes through Cape Gracias a Dios, a projection rejected, as I have just said, by the King of
Spain in 1906. It is thus difficult to explain the historical legal arguments on which Nicaragua
relies for its claim before this Court today.
47. In my opinion, what Nicaragua must cl arify once and for all are the following points:
first, does it or does it not accept the application of uti possidetis to the islands? Secondly, does it
or does it not accept that each island possessed its own territorial sea in 1821 and has continued to
do so to the present day? Thirdly, does it or does it not accept the decisive character of the concept
of “adjacent islands” in our case? Fourthly, does it or does it not accept the insular uti possidetis
either in respect of the populated islands alone, or for all the islands, islets and cays of the area?
And, fifthly, does it or does it not accept that as a general rule they give rise to a continental shelf?
62 I would ask my distinguished colleagues on the Nicaraguan side to provide specific answers to
each of these points. I would invite them to reflect on what may flagrantly contradict their
arguments against Colombia in another case that is before the Court.
Madam President, may I continue for two minutes and leave the second part of my
presentation until tomorrow?
Le PRESIDENT : Oui, je pense que cela conviendrait bien.
M. SÁNCHEZ : Je vous remercie infiniment.
48. I shall take a revealing example. In Chapte r IV of its Reply, Nicaragua contends that the
legal principle ⎯ not the doctrine ⎯ of uti possidetis juris is not applicable to the adjacent islands
55
and still less to the remote and unpopulated islands . Such an affirmation is extremely perilous for
Nicaragua, because, in addition to the fact that it is unaware that no terra nullius (including insular
terra nullius) exists in Spanish America, it simultaneous ly rejects the principle of State succession
to territory, as was demonstrated by another arb itral award, of the Queen of Spain, in the
Aves Island arbitration. Why should all the islands, islets, cays and archipelagos south of
CapeGracia a Dios (at a great distance from the coast) be Nicaraguan, unless because of the
55
See particularly the affirmations by Nicaragua in RN, Vl. I, p.52,para.4.16; p.54, para.4.21; p.56,
para. 4.28 ; p. 60, paras. 4.40-4.41; p. 61, para. 4.43 ; p. 65, para. 4.57 ; p. 66, paras. 4.60-4.62 ; p. 67, para. 4.64, etc. - 58 -
distance separating them from the coast, the absence of any colonial effectivités over them, their
expanse and the fact that they are inhabited or otherwise? And, purely hypothetically, if there were
a judicial finding that, at the critical date of 1821, the islands in question were Nicaraguan by virtue
of the principle of uti possidetis juris, would the original title not serve to affirm its rights over the
continental shelf and the adjacent exclusive economic zone? I am not forgetting that a judgment or
award does not constitute the original title derived from uti possidetis juris , but that it simply
declares that it exists.
It is 1o’clock, I think. If you wish, I can stop, or I can continue for another two or three
minutes. I really do not wish to inconvenience you.
63 Le PRESIDENT: Cela est bien aimable de votre part. Je pense qu'il vous appartient,
M.SánchezRodríguez, de décider si vous souh aitez vous arrêter maintenant ou dans quelques
minutes. Ce qui est évident, c'est que vous aurez à poursuivre demain. Veuillez donc choisir, dans
les minutes qui suivent, un moment qui convienne pour vous arrêter.
M. SÁNCHEZ : Je vous remercie.
49. Nicaragua has said nothing regarding the c onduct of the Parties since immediately after
independence as a factor confirming the existence of uti possidetis juris commonly accepted and
acknowledged by the Parties. However, and taking account of the statement that “[l]egislation is
one of the most obvious forms of the exercise of sovereign power” ( Legal Status of Eastern
Greenland, Judgment, 1933, P.C.I.J., SeriesA/B, No.53, p.48), the Nicaraguan legislation
56
subsequent to 1821 could not be more explicit . Article2 of the 1826Constitution defines the
territory as extending solely eastwards in the Sea of the Antilles, whereas northwards only the State
of Honduras is mentioned. And Article 1 of the Political Constitution of 1911 also includes in the
national territory the “adjacent islands” , all this in the context of the common acceptance of
uti possidetis juris. Why, then, do our colleagues from the other Party now accord no credit to the
constitutional legislator of the country that they represent?
56
See RH, Vol. I, pp. 41-42, paras. 3.34-3.35. - 59 -
50. The fact of the matter is that for more than 150years from 1821, the two Parties
consistently considered that their respectiv e territorial seas were located northwards and
southwards of Cape Gracias a Dios. And that all the islands situated to the north fell under
Honduran sovereignty, whereas those to the south were Nicaraguan. It is an objective fact that the
terminus of the land boundary, at the mouth of the River Coco, at Cape Gracias a Dios, was located
on parallel 15°. Where, then, could the respective territorial seas begin or end? If sovereignty over
the territorial sea derives from the land and ifsovereignty over the adjacent islands derives from
sovereignty over the continental land areas, and taking account of the uti possidetis existing in
1821, declared by the King of Spain in 1906, by what legal title can Nicaragua lay claim to these
64 maritime areas or to sovereignty over the islands to the north of Cape Gracias a Dios? There is no
title, MadamPresident and Members of the Court. None whatsoever. Thank you very much,
Madam President.
Le PRESIDENT : Merci beaucoup, Monsieur Sá nchez Rodríguez. L’ audience est à présent
levée. La Cour se réunira de nouveau demain à 10 heures pour entendre la suite des plaidoiries du
Honduras.
L’audience est levée à 13 h 10.
___________
Traduction