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120-20070306-ORA-01-01-BI
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CR 2007/2 (traduction)

CR 2007/2 (translation)

Mardi 6 mars 2007 à 10 heures

Tuesday 5 March 2007 at 10 a.m. - 2 -

10 Le PRESIDENT: Veuillez vous asseoir. L’audience est ouverte. La Cour se réunit

aujourd’hui pour entendre la suite du premier tour de plaidoirie du Nicaragua. M. Brownlie, nous

aurons le plaisir de vous entendre plaider longuement ce matin. Je vous donne donc la parole.

M. BROWNLIE : Merci. Madame le président, Messieurs de la Cour.

Tracé de la ligne : la méthode qui aboutit à un résultat équitable

1. Il m’incombe aujourd’hui d’exposer la méthode de délimita tion que le Nicaragua

considère, d’un point de vue juridique, et comp te tenu des circonstances de la présente espèce,

comme la mieux à même d’assurer la délimitation des zones en litige du plateau continental et de la

zone économique exclusive.

Aspects sur lesquels s’accordent les Parties

2. En guise d’introduction, je passerai brièveme nt en revue certaines questions sur lesquelles

les Parties sont dans l’ensemble d’accord. Cette convergence de vues peut se résumer de la façon

suivante :

3. En premier lieu, les Parties sont d’accord pour demander à la Cour d’établir une frontière

maritime unique. Cette convergence de vues ressort de la requête du Nicaragua et des conclusions

des deux Parties. Dans ses conclusions au cont re-mémoire, le Honduras se réfère à «la ligne» ou à

«une ligne», mais, dans ses conclusions à la dup lique, il se réfère expressément à une «frontière

maritime unique». Le Honduras se déclare égalem ent favorable, dans s on contre-mémoire, à ce

«que la Cour détermine l’emplacement d’une frontière maritime unique» (CMH, vol. 1, par. 1.2).

4. En second lieu, il est clair que le droit a pplicable ne fait en principe l’objet d’aucun

désaccord entre les Parties. J’ insiste sur les termes «en principe». Ainsi les deux Parties

conviennent-elles que la convention de1982 est a pplicable et reflète le droit international

coutumier régissant les principes juridiques pertinents en la présente espèce.

5. Or, comme le Nicaragua a déjà eu l’occasion de le souligner, le Honduras manie le droit

applicable d’une façon peu régulière (voir RN , vol.I, par.8.10-8.27). La définition des

circonstances pertinentes, notamment, est traitée avec désinvolture dans son argumentation. - 3 -

11 La frontière proposée par le Nicaragua

6. J’en viens à présent au tracé de la frontière au-delà de la mer territoriale, tracé qui, ainsi

que l’a exposé le Nicaragua dans s es conclusions, reflète la géographie de la zone et des principes

juridiques applicables. Nous voyons à présent à l’écran la carte IB1 qui figure dans votre dossier.

La carte qui se trouve à l’écran est la grande car te dont la version imprimée est reproduite en

tant que figureA dans le volumeIII du mémoire. Comme sa projection à l’écran manque de

netteté, je vais utiliser, pendant toute la durée de mon exposé, une copie numérisée de cette carte,

intitulée ici IB2, qui apparaît plus nettement à l’écran et dont la vers ion papier, plus petite, est plus

maniable.

7. La délimitation y est constituée par la bissect rice des lignes représentant la direction des

côtes des Parties. La demande nicaraguayenne a été révisée afin de prendre en compte la nouvelle

laisse de basse mer à l’embouchure du fleuve, dont vous voyez, sous l’onglet IB3, l’image satellite

datée du mois de novembre 2006.

8. La bissectrice est calculée à partir de la direction générale de la côte du Honduras (de

gisement 98°10'48"), visible ici sur la carteIB4, et à partir de la direction générale de la côte

nicaraguayenne (de gisement 07° 19' 54"). Ces directions forment une bissectrice orientée selon un

gisement de 52° 45' 21", qui part de l’embouchure du fleuve Coco, située par15°00'11" de

latitude nord et 83° 07' 54" de longitude ouest, et suit un cap constant jusqu’à son intersection avec

la frontière d’un Etat tiers à proximité de Rosalind Bank.

9. La ligne proposée traverse la limite des 3milles en un point situé par15°02'00" de

latitude nord et 83°05'26" de longitude ouest. Toutes les positions et dire ctions sont relevées

selon le World Geodetic System (WGS) 84 et sont arrondies à la seconde la plus proche.

10. Cette ligne constitue la fr ontière à prendre en compte a ux fins de la délimitation des

zones contestées du plateau continental et de la zone économique exclusive. Le point de départ de

ce secteur de la délimitation est situé à la limite extérieure de la mer territoriale. La ligne se

poursuit jusqu’à la zone de fonds marins où, co mme vous pouvez le voir, les prétentions d’Etats

tiers entrent en jeu. - 4 -

11. Le point de départ et le point terminal de la frontière maritime, de même que la

délimitation de la mer territoriale, seront exam inés en détail jeudi par mon ami et collègue,

M. Pellet.

Le fondement juridique de la méthode de la bissectrice

12. Je vais tout d’abord examiner la genèse juridique de la méthode de la bissectrice.

Comme l’a souligné le Nicaragua dans ses pièce s de procédure, aucune méthodologie destinée à

12 produire un tracé n’a de légitimité propre. Le st atut juridique d’un tracé repose sur les principes

équitables faisant autorité sur le plan judiciaire ; or, ces principes font primer la configuration des

côtes donnant sur les zones maritimes à diviser. Il s’ensuit que la pertinence et le statut juridique

de la méthode de l’équidistance dans la cons truction d’une ligne sont liés à la situation

géographique réelle et à tous autres facteurs pertinents tels que la situation d’une frontière terrestre.

13. La méthode de la bissectrice présente un intérêt particulier dans les circonstances

géographiques et politiques de la présente espèce, alors que, pour des raisons techniques liées à

l’instabilité du point terminal de la frontière terrestre, la méthode de délimitation fondée sur

l’équidistance ne peut être appliquée de manière appropriée.

14. A ce stade, il convient de rappeler que, dans sa duplique, le Honduras assortit la demande

principale, qui repose sur la conduite alléguée des Parties, de deux formules subsidiaires. La

première consiste à recourir à une ligne d’équidistance provisoire, la seconde à construire une ligne

prétendument perpendiculaire à la direction générale de la côte. Je me réfère aux pages 130 à 132

de la duplique où le Honduras invoque, pour la pr emière fois, une ligne d’équidistance dans une

note de bas de page (p. 131, note 17).

15. Ces solutions proposées au nom du Ho nduras seront réexaminées en temps utile.

Concentrons-nous pour le moment sur la méthode de la bissectrice.

16. Les mérites de la méthode de la bissectri ce sont amplement reconnus par la doctrine.

Gidel en a analysé les principes fondamentaux en1934. Je citerai ses propres termes —et en

premier lieu le titre :

«Faveur généralement rencontrée en pratique et en doctrine par la solution de
la ligne médiane perpendiculaire à la direction générale de la côte. - 5 -

La solution qui a la préférence est celle de la ligne médiane, c’est-à-dire la
solution qui tend à attribuer aux Etats limitrophes une égale partie des eaux maritimes
proches de la côte. La «ligne médian e» au sens étroit se rapporte aux cas où les

voisins se font vis-à-vis d’une manière comp lète ou partielle, c’est-à-dire dans les
détroits, les archipels ou les baies

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Lorsqu’il s’agit de souverainetés qui s ont au contact latéral et non pas au
contact de front, la solution de la ligne mé diane consiste à tracer au point frontière
terrestre une perpendiculaire à la direction générale de la côte. La solution de la

perpendiculaire sur la côte n’est donc qu’ une modalité spéciale de la ligne médiane
entendue au sens large…» (Le droit international public de la mer , t. III, Paris, 1934,
p. 768-770 ; notes de bas de page omises.)

13 17. Dans ces passages, Gidel reconnaît que le tracé d’une perpendicu laire à la direction

générale de la côte à partir du point terminal de la frontière te rrestre est un prolongement logique

de la solution reposant sur la ligne médiane. La perpendiculaire se présente, bien entendu, sous la

forme de la bissectrice d’un angle de 180°.

18. La même analyse est effectuée par le M. Weil dans son ouvrage de référence sur la

délimitation maritime. Le passage pertinent se lit comme suit :

«Quant à la méthode appropriée pour obte nir la réduction spatiale équilibrée de
chacune des deux projections en concurrence su r le même espace, il est dans la nature
des choses qu’elle ait le même caractère que le titre juridique qui fonde ces
projections : en d’autres termes, qu’elle soit comme ce dernier d’ordre spatial.

La méthode la plus appropriée à cette fin est celle de l’équidistance, dont le
caractère spatial est indiscutable, puisque c’est précisément par référence à la distance
des deux côtes qu’elle déte rmine l’amputation que doit subir chacun des titres en

concurrence; même si elle touche au quantum de la distance, la délimitation
équidistante laisse intact le principe de distance. Il semble bien, en outre, que, de
toutes les méthodes, c’est celle de l’équidistance qui s’approche le plus de l’objectif de
la division égale de la zone de chevauchement.

M. Weil poursuit :

On ne saurait cependant méconnaître que la division de la zone de
chevauchement par parts à peu près égales peut être obtenue aussi par d’autres

méthodes, «plus ou moins différentes bien qu’elles procèdent au fond d’une même
inspiration»: la perpendiculaire, par exem ple, ou la bissectrice de l’angle formé par
les lignes côtières. A certains égards, il s’ag it-là de variantes de l’équidistance. Cela
est vrai, en particulier, de la méthode de la perpendiculaire à la direction générale de la

côte, qui a été préconisée parfois dans le passé pour la délimitation de la mer
territoriale, parce qu’entre côtes limitroph es rectilignes elle aboutissait au même
partage en parts égales de la zone de ch evauchement que la ligne médiane entre côtes
opposées. Gidel, par exemple, voyait dans la perpendiculaire une «modalité spéciale

de la ligne médiane entendue au sens large».» ( Perspectives du droit de la
délimitation maritime, Paris, Pedone, 1988, p. 64 ; notes de bas de page omises.) - 6 -

19. Dans le même contexte, les experts canadiens Hankey et Legault reconnaissent la

méthode de la bissectrice comme étant une variante de la méthode de l’équidistance et intitulent le

sujet «Bissection d’angles représen tant des façades maritimes». Leur commentaire se lit comme

suit :

«Une autre manière de modifier la mé thode de l’équidistance afin d’annihiler
l’effet des particularités et configurations côtières accidentelles sur le tracé de la
frontière consiste à construire deux lignes, dont chacune représente la façade maritime

de l’une des parties, puis à tracer la bissectrice de l’angle formé paosces deux lignes.
Dans l’accord de1964 entre Chardjah et Oumm al Qaïwaïn (n 7-10), les parties
tracèrent des lignes entre les points termin aux des frontières terrestres limitrophes
avant de tracer la bissectrice de l’angle formé par les deux lignes ainsi tracées.»

(Charney et Alexander, International Maritime Boundaries , vol.I, Dordrecht, 1993,
p. 210.)

14 La pratique pertinente des Etats

20. L’utilisation de méthodes de délimitation géométriques est étayée par la pratique des

Etats et il existe neuf exemples de ce type de délim itation. Aux fins de la présente espèce, je me

contenterai d’indiquer la principale caractéris tique de chaque cas. Les solutions adoptées

apparaîtront successivement à l’écran.

21. Le premier exemple est celui de la délim itation entre la France et le Portugal en1960,

présenté ici sur la carteIB5 (MN, p.111). La ligne d’azimut240° est la bissectrice de l’angle

formé par les lignes figurant approximativement la di rection générale des côtes du Sénégal et de la

Guinée-Bissau respectivement.

22. Le deuxième exemple, qui apparaît sur la carteIB6, est l’accord de délimitation des

fonds marins conclu en 1964 entre les souverains de Chardjah et Oumm al Qaïwaïn en 1964 (MN,

p. 111-112). La limite fut définie en utilisant la bissectrice de l’angle formé en traçant des lignes

droites entre les points terminaux des frontières terrestres.

23. Le troisième exemple, que vous voyez sur la carte IB7, est l’accord des frontières en mer

conclu entre AbouDabi et Doubaï en1968. La ligne qui départage le plateau continental est

perpendiculaire à la direction gé nérale de la côte. Les deuxEtats se partagent une côte

relativement droite à proximité de leur frontière terrestre (voir Charney et Alexander, vol.II,

p. 1475-1480). - 7 -

24. Le quatrième exemple, que nous voyons su r la carte IB8, concerne les délimitations

convenues par voie de traité entre les Etats- Unis et le Mexique le 24novembre1976 et

le4mai1978, en vue d’opérer une délimitation da ns le golfe du Mexique qui, pour l’essentiel,

ressemble à une perpendiculaire à la direction géné rale de la côte (voir Charney et Alexander,

vol. I, p. 427-445).

25. Sur la carte IB9 figure l’exemple suivant : l’accord conclu entre le Brésil et l’Uruguay

en1972 et entré en vigueur en1975. La délimi tation faisait intervenir une ligne quasiment

perpendiculaire à la direction générale de la côte (voir Charney et Alexander, vol. I, p. 785-792).

26. Sur la carte IB10 apparaît le sixième exemple de la pratique des Etats : l’accord, entre le

Gouvernement de l’Argentine et celui de l’Uruguay concernant la délimitation du Rio de la Plata et

la frontière maritime entre l’Ar gentine et l’Uruguay, conclu le 19novembre1973 et entré en

vigueur le 12février1974 (voir Charney et Alexander, op. cit. vol.I, p.757-776). Le premier

secteur de la frontière maritime (du point 23 au point A) consiste en une perpendiculaire à la ligne

adoptée par les parties comme ligne de fermeture du Rio de la Plata.

15 27. La figure IB11 illustre le septième exemple de pratique étatique, constitué par le traité

concernant la délimitation des espaces marins et la coopération maritime entre la République du

CostaRica et la République du Panama, signé le 2 février 1980 et entré en vigueur

le11février1982 (Charney and Alexander, vol. I, p.537-549). Le service géographique du

département d’Etat américain fait observer, s’agissant de la frontière dans le Pacifique :

«A partir du point terminal de la frontiè re terrestre à PuntaBurica, la frontière
se dirige dans une direction sud-ouest jusqu’à un point situé sur le 5 eparallèle de
latitude nord, à 200 milles marins de Punta Burica.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Bien qu’il soit dit dans le traité que cette frontière est également une ligne
médiane, celle-ci s’apparente encore davant age à une perpendiculaire à la direction

générale de la côte. Pour c onsidérer la frontière en tant que ligne d’équidistance, il
faudrait faire abstraction des irrégularit és de la côte, d’un grand nombre d’îles
panaméennes proches de celle-ci ainsi que de l’île costaricaine dénommée

Isla del Coco, cette dernière se trouvant à quelque 165 milles marins du point terminal
de la frontière maritime.» ( Limits in the Seas , p. 4-5, Charney et Alexander adoptent
la même caractérisation : op. cit. p. 544.) - 8 -

28. Le huitième exemple de pratique étatique, représenté ici sur la figureIB12, réside dans

l’accord conclu le 30janvier1981 entre le Gouve rnement brésilien et le Gouvernement français

concernant la délimitation de la frontière mariti me entre le Brésil et la Guyane française (voir

Charney et Alexander, op. cit., vol.I, p.777 (rapport n o3-3) ; ILM, vol.25 (1986), p.367). La

frontière établie est perpendiculaire à la directi on générale des côtes du Brésil et de la Guyane

française et l’accord est entré en vigueur le 19 octobre 1983 (voir figure XVII).

29. Le dernier exemple, ici sur la figure 13, concerne l’accord conclu entre l’Estonie et la

Lettonie sur la délimitation de la frontière maritime dans le golfe de Riga, le détroit d’Irbe et la mer

baltique, entré en vigueur le 10 octobre 1996 (voir Charney et Alexander, op.cit., vol. IV, p. 3016).

Dans cet accord, le segment le plus éloigné de la délimitation est une perpendiculaire à la ligne de

fermeture traversant la baie de Riga (voir en particulier l’article 3).

30. Le Honduras ne fournit guère d’élément dans sa critique de la pratique étatique rappelée

par le Nicaragua dans son mémoire, se bornant à indiquer : «Un examen de l’argumentation du

Nicaragua révèle que [dans la plupart des acc ords cités, il s’agit] en fait de frontières

perpendiculaires à la direction géné rale de la côte.» (DH, p. 122-123, par.7.13.) Toutefois,

Madame le président, la force de l’argumentation du Nicaragua ne s’en trouve guère affectée.

16 Pour en terminer avec les exemples de pratique étatique, je relèverai qu’il n’existe pas de

différence pertinente entre l’emploi d’une perp endiculaire et l’emploi d’une bissectrice. Ces

méthodes sont similaires tant du point de vue juridique que du point de vue géométrique. Le choix

entre les deux méthodes dépend des circonsta nces géographiques. La méthode de la

perpendiculaire constitue un cas particulier, dans le quel les côtes simplifiées sont représentées par

une ligne droite unique; le plus souvent, toutefois, les côtes pertinentes ont cependant des

directions différentes, et c’est la méthode de la bissectrice qui est alors utilisée.

Les avantages de la méthode de la bissectrice

31. Je vous exposerai à présent les avantages de la méthode de la bissectrice aux fins de la

délimitation maritime. - 9 -

a) Cette méthode donne une image fidèle des relations côtières

32. En premier lieu, cette méthode donne une im age fidèle des relations côtières. Le choix

de telle ou telle méthode de délim itation est régi par des critères de droit et, dans ce contexte, la

primauté revient à la géographie et aux rela tions côtières. Dans certaines circonstances

géographiques, le recours à la méthode de la bi ssectrice (ou à une perpendiculaire à la direction

générale de la côte) est le seul moyen permettant de donner une image des relations côtières.

33. Compte tenu des circonstances géographiques de l’espèce, la méthode de l’équidistance

est plus ou moins impossible à appliquer, et ce en partie en raison des problèmes techniques liés à

la construction d’une ligne d’équidistance. L es caractéristiques géographiques de la côte à

proximité du fleuve Coco sont telles que les points de base seraient situés dans un espace très réduit

de chaque côté du fleuve Coco. La figure IB14 illustre cette difficulté et le chapitre X du mémoire

l’explique en ces termes :

«Si, en l’espèce, une délimitation de la mer territoriale devait être effectuée le

long d’une ligne médiane dont chaque point serait équidistant des points les plus
proches se trouvant sur les lignes de base à partir desquelles est calculée la largeur de
la mer territoriale, et que cette délimita tion ne tenait pas compte des circonstances
spéciales existant dans la région, il en résulterait nécessairement que les points de base

seraient situés chacun sur un bord du fleuve et que la ligne médiane serait équidistante
seulement de ces deux points, jusqu’à ce qu’elle aboutisse au point terminal retenu
pour la délimitation, quelle que soit la distance entre ce point et les côtes des
deux Parties…» (MN, p.159, par.25.)

34. L’instabilité de l’embouchure de ce fle uve est également source de confusion. La

figure IB15 illustre plusieurs solutions de lign es médianes que la forme de l’embouchure du fleuve

17 a permis d’envisager à un moment ou à un autre de puis1979. Mais le recours à la méthode de

l’équidistance aurait en outre une conséquence né gative, puisqu’elle aurait pour effet de repousser

la ligne de délimitation plus au nord que celle obtenue par un alignement reposant sur la bissectrice

et engendrerait ainsi un résultat inéquitable au détriment du Honduras.

35. En termes simples, compte tenu de la situation géographique donn ée, la méthode de la

bissectrice donne une image plus fidèle de la relation côtière.

b) Le principe de la division par parts égales des zones de convergence

36. En second lieu, la méthode de la bissectrice s’accorde avec le principe de la division par

parts égales des zones de convergence. Dans certaines situations géographiques complexes, la - 10 -

méthode de l’équidistance peut produire des résult ats particulièrement inéquitables. Ainsi, en

l’affaire du Golfe du Maine , comme le montre la figureIB16, la Chambre a évité la méthode de

l’équidistance pour adopter le principe de la divi sion par parts égales comme point de départ. La

Chambre a déclaré :

«Mais, pour en revenir aux préoccupati ons actuelles de la Chambre, c’est donc
vers une application au cas présent de critères relevant surtout de la géographie qu’elle
estime devoir s’orienter. Et il est évident que, par géographie, il faut entendre ici
essentiellement la géographie des côtes, qui comporte avant tout un aspect physique,

auquel s’ajoute, à titre complémentaire, un asp ect politique. Dans ce cadre, son choix
de base ne peut que se porter sur le critère à propos duquel l’équité est de longue date
considérée comme un caractère rejoignant la simplicité : à savoir le critère qui consiste
à viser en principe —en tenant compte des circonstances spéciales de l’espèce— à

une division par parts égales des zones de convergence et de chevauchement des
projections marines des côtes des Etats entre lesquels la délimitation est recherchée.»
(Délimitation de la frontière maritim e dans la région du golfe du Maine
(Canada/Etats-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 1984, p. 327, par. 195.)

37. Compte tenu des circonstances de la présen te espèce, la méthode de la bissectrice donne

un résultat qui satisfait au critère mentionné par la Chambre.

c) La méthode de la bissectrice évite de donner une importance exagérée à des caractéristiques
côtières très mineures

38. En troisième lieu, un certain nombre d’autorités recommandent le recours à la méthode

de la bissectrice précisément parce qu’elle évite de donner une importance exagérée aux

caractéristiques côtières secondaires. C’est ce que montrent les experts canadiens Legault et

Hankey dans leur essai figurant dans l’ouvrage publié sous la direction de Charney et Alexander,

International Maritime Boundaries (vol. I, p. 210).

18 39. De plus, la Chambre de la Cour a souli gné les défauts de la méthode de l’équidistance

appliquée aux circonstances géographiques du golfe du Maine. S’agissant du premier secteur de la

délimitation, la Chambre a observé :

«Comme elle l’a laissé entendre dans ses observations sur la ligne proposée par

le Canada, la Chambre a des objections quant à l’opportunité et à la possibilité même
d’utiliser, ne fût-ce que dans ce secteur, la méthode technique consistant à tracer entre
les deux côtes adjacentes une ligne d’équidist ance latérale telle qu’elle est définie par
la géométrie et par les termes du paragraphe 2 de l’article 6 de la convention de 1958

sur le plateau continental, et ceci pour une double raison. En premier lieu, la Chambre
doit relever qu’une ligne tracée suivant les indications données par cette disposition
(«l’équidistance des points les plus proches des lignes de base à partir desquelles est
mesurée la largeur de la mer territoriale de chacun de ces Etats») risque en fait d’être

une bonne illustration des défauts inhérents à une certain e manière d’interpréter et de - 11 -

mettre en pratique la méthode ici considérée… Ce que l’on risquerait, ce serait en
effet d’aboutir à l’adoption d’une ligne qui trouverait tous ses points de base sur
quelques rochers isolés parfois très éloignés de la côte ou sur quelques hauts-fonds,

exactement le type d’accident géographi que mineur dont, comme la Cour et la
Chambre l’ont souligné, il convient de fa ire abstraction si l’on veut qu’une ligne de
délimitation aboutisse autant que possible à une division par parts égales des zones de
chevauchement des projections maritim es respectives des cô tes des deux pays. »

(Délimitation de la frontière maritim e dans la région du golfe du Maine
(Canada/Etats-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 1984, p. 332, par. 210 ; les
italiques sont de nous.)

40. Ces divers éléments confirment ainsi les av antages substantiels tirés de la méthode de la

bissectrice. Ces avantages ne sont pas les seuls.

d) Le statut problématique du point de départ de la délimitation

41. L’un des aspects marquants des affaires dans lesquelles il a été fait recours à la méthode

de la bissectrice réside dans l’incertitude entouran t le statut juridique qui s’attache au point de

départ putatif de la délimitation. Cette questi on a revêtu une importance essentielle dans l’affaire

du Golfe du Maine s’agissant de la ligne revendiquée par le Canada. Dans la partie du jugement

consacrée au premier secteur de la ligne tracée par la Chambre, les raisons de ne pas recourir à la

méthode de l’équidistance ont été exposées en des termes très clairs :

«En deuxième lieu ⎯et c’est là la raison prin cipale des objections de la

Chambre à ce sujet ⎯[,] la détermination dans le secteur dont il s’agit du tracé d’une
ligne d’équidistance latérale, et ceci quels que soient les points de base à partir
desquels il serait établi, présente la difficulté due à l’incertitude qui persiste au sujet de
la souveraineté sur l’île M achias Seal, et au choix fait par les Parties du pointA

comme point de départ obligatoire de la ligne de délimitation…

La Chambre est donc d’avis que, pour ces raisons, et d’ailleurs pour mieux
assurer l’application réelle du critère dont elle a tout motif de s’inspirer, il faut

renoncer à l’idée d’utiliser ici la méthode tec hnique de l’équidistance. La Chambre
estime devoir donner la préférence à une mét hode qui, tout en pr océdant de la même
inspiration, évite les difficultés d’applica tion qui ont été signalées et soit en même
19 temps apte à produire le résultat recherché. La prémisse nécessaire de l’opération
consiste, de l’avis de la Chambre, à prendr e acte du fait que le point de départ de la

ligne de délimitation à tracer et, donc, de s on premier segment, doit être le point A et
non pas un autre point, quelle qu’en puisse être la justification. (Délimitation de la
frontière maritime dans la région du golfe du Maine (Canada/Etats-Unis
d’Amérique), arrêt, C.I.J.Recueil1984 , p.332, par.211-212; les italiques sont de

nous.)

42. La Chambre appliqua finalement le principe de la division par part s égales à la première

zone à délimiter, préférant la méthode de la bissectrice à celle de l’équidistance. Ainsi, la Chambre

conclut : - 12 -

«Pour mettre en pratique ce qui vient d’ être exposé, il apparaît donc justifié de
tracer, à partir du pointA, deux lignes respectivement perpendiculaires aux

deuxlignes côtières fondamentales qui entrent ici en considération, à savoir la ligne
allant du cap Elizabeth au point terminal de la frontière internationale et la ligne allant
de ce même point au cap de Sable. Ces de ux perpendiculaires forment entre elles, au
pointA, d’un côté un angle aigu d’environ 82 et de l’autre un angle obtus
o
d’environ 278 . C’est la bissectrice de ce second angle que la Chambre estime devoir
retenir pour le tracé du premier segment de la ligne de délimitation. La méthode
pratique ainsi utilisée réunit, de l’avis de la Chambre, l’avantage de la simplicité et de
la clarté à celui de produire, dans le cas c oncret, un effet qui est vraisemblablement le

plus proche possible de celui d’une divisi on par parts égales de la première zone à
délimiter.» (Ibid., p. 333, par. 213.)

43. La cour d’arbitrage a adopté un modus operandi largement similaire en l’affaire de la

Délimitation de la frontière maritime en tre la Guinée et la Guinée-Bissau (MN, p. 102-105).

Comme le donne à comprendre la sentence, dans ce tte affaire également, le statut du point de

départ putatif posa problème (voir la sentence, ILR, vol. 77, p. 682-683, par. 105-107).

Intérêt de la méthode de la bissectrice : conclusion

44. Je vais à présent résumer les points d’intérêt de la méthode de la bissectrice. Celle-ci

trouve essentiellement à s’appliquer dans deux situations. Tout d’ abord, elle est indispensable

lorsque le point terminal de la frontière terrestre n’est pas déterm iné et/ou ne relève pas de la

compétence du tribunal saisi. Dans ce genre de situations, les données politiques essentielles ne

sont pas disponibles et les éventuels points de base ne sont pas pris en compte. Dans d’autres cas,

comme en l’espèce, l’instabilité de la géographie côtière à l’embouchure du fleuve Coco cause un

problème de pertinence.

45. Par conséquent, au chapitre VII de son mémoire, le Nicaragua tire la conclusion suivante,

qui apparaît sur la figure IB2 :

«Nous examinerons dans ce chapitre la question du point terminal de la
frontière terrestre à proximité de l’embouc hure du fleuve Coco, question qui, comme

nous le verrons plus en dé tail, implique des difficultés tant géographiques que
juridiques. Le Gouvernement du Nicaragua estime opportun de rappeler à la Cour,
avec tout le respect qui lui est dû, les problèmes relatifs à ce point, notamment parce

20 que ce sont essentiellement ces problèmes qui l’ont conduit à conclure qu’il convenait
de retenir comme méthode de délimitation celle consistant à tracer la bissectrice d’un
angle.» (MN, vol. 1, p. 75.)

46. Comme je l’ai déjà indiqué, c’est l’incer titude autour de la géographie politique qui, en

l’affaire du Golfe du Maine , a été la «raison principale» de l’opposition de la Chambre au tracé

d’une ligne d’équidistance. - 13 -

47. L’intérêt le plus habituel de la méthode de la bissectrice réside dans le fait qu’il s’agit

d’une méthode facile et pratique permettant de faire face à des situations géographiques complexes.

Cette méthode fait à cet égard pe ndant à deux autres méthodes : celle de l’équidistance et celle de

la perpendiculaire à la direction générale de la côte.

48. Je vous invite maintenant à regarder la fi gure IB17. Ces méthodes, et le choix de l’une

ou l’autre d’entre elles, doivent rendre compte des configurations côtières des deux Etats dans la

région et de toute autre caractéristique géographique pertinente. Dans ce contexte, la méthode de la

bissectrice combine deux fonctions conjointes :

Premièrement, en tant que cette méthode est subordonnée à la configuration des façades

maritimes des deux pays, la ligne bissectrice rend co mpte de celles-ci. L’angle de la bissectrice

découle directement de l’orientation des deux lign es représentant la façade côtière des deux Etats

dans les zones à délimiter.

Deuxièmement, étant donné que la bissectrice résulte des deux lignes représentant les

façades côtières des deux Etats, elle devient une fonction de la configura tion côtière de chaque

partie au sein des zones à délimiter.

L’application de la méthode de la bissectrice : étapes pratiques du processus de délimitation

49. Je vais à présent analyser les étapes pratiques du processus de délimitation. J’ai présenté

les avantages de la méthode de la bissectrice —il s’agit à présent de l’appliquer. La première

étape pratique consiste à définir la zone en litige et la situation géographique des côtes pertinentes

aux fins de la délimitation.

A. La zone en litige et le rôle de la distance

50. D’une manière générale, les Parties semblent s’accorder sur la portée géographique du

différend dans les conclusions formulées. Le Ni caragua conclut son mémoire notamment de la

manière suivante :

Plaise à la Cour de dire et juger que :

«La bissectrice des lignes représentant les façades côtières des deux Parties,
telle qu’appliquée et décrite aux paragraphes 22 et 29 du chapitre VIII, et illustrée sur
la figure correspondante, constitue la ligne à retenir aux fins de la délimitation des - 14 -

21 secteurs contestés du plateau continental et des zones économiques exclusives dans la
région du seuil nicaraguayen.» (Les italiques sont de nous.)

Ces conclusions sont confirmées dans la réplique.

51. Dans ses écritures et conclusions, le H onduras ne cherche pas à contester cette position

du Nicaragua, si ce n’est, bien sûr, en présentant sa propre ligne, courant le long du parallèle. Dans

sa duplique, le Honduras ne tente pas non plus de limiter la portée gé nérale du différend, à

l’exception d’une condition relative à des îles, rochers et cayes (DH, p. 1-4, par. 1.03-1.10).

52. Cependant, la formulation des revendica tions des Parties n’intervient qu’après la

définition du contexte géographique et juridique de la délimitation.

53. Ce contexte inclut la délimitation des fa çades maritimes bordant la zone en litige. La

question du droit à une zone économique exclusiv e ou à un plateau continental précède celle de la

délimitation, et l’existence de côtes bordant la z one en litige est la meilleure preuve de ce droit.

Les décisions de cette Cour et d’autres instan ces ont reconnu l’importance de l’identification de

telles côtes.

54. Dans la sentence arbitrale rendue en l’a ffaire de la délimitation du plateau continental

entre le Royaume-Uni et la France, illustrée par la figure IB18, les passag es suivants, relatifs au

contexte géographique et juridique de la délimitation dans la ré gion Atlantique, méritent d’être

soulignés :

«Le principal de ces traits distinctifs [de la région Atlantique] réside dans le fait
que le plateau continental de la région A tlantique n’est pas enserré dans un bras de
mer relativement étroit mais qu’il s’étend au large des côtes des deux Etats dans les
espaces libres de l’océan Atlantique. Par conséquent, les zones du plateau continental

à délimiter se trouvent au large des côtes des deux Etats plutôt qu’entre les côtes des
deux Etats pour reprendre l’expression empl oyée par le Royaume-Uni. Il s’ensuit
aussi que le plateau continental dont la ligne de délimitation doit être fixée par le
Tribunal s’étend sur de grandes distanc es au large des côtes des deux Etats . En fait,
comme le Tribunal l’a déjà relevé au paragraphe 11 de la présente décision, la distance

qui sépare Ouessant de la limite de la zone d’arbitrage à l’isobathe de 1000mètres,
mesurée en direction du sud-ouest, est approximativement de 160milles marins,
tandis que la distance qui sépare les Sorli ngues de cette isobathe, mesurée dans la
même direction générale, est approximativ ement de 180 milles marins. Parmi les

autres traits distinctifs, il y a le fait que les lignes côtières effectives des deux Etats qui
bordent le plateau continental à délimiter sont relativement courtes, et le fait que, bien
qu’elles soient séparées par un espace maritime d’environ 100 milles, ces côtes se
trouvent, par rapport au plateau continen tal à délimiter, dans une relation

géographique réciproque à celles des côtes latérales plutôt qu’opposées» ( ILR,
vol. 54, p. 117, par. 233 ; les italiques sont de nous.) - 15 -

55. Et un peu plus loin dans la sentence :

«Le Tribunal estime que la méthode de délimit ation à adopter pour la région Atlantique doit

être en rapport avec les côtes des Parties qui bordent effectivement le plateau continental de cette

région.» (Ibid., p. 123, par. 248.)

56. Ce raisonnement détaillé du tribuna l d’arbitrage appelle un certain nombre

d’observations. Tout d’abord, celui-ci a adopté une vision large de la zone en litige, à savoir la

22 région Atlantique. Ensuite, comme corolaire de cette vision, il n’a pas cherché à morceler cette

région. Enfin, le tribunal a clairement indiqué (par.233) que même une façade peu étendue peut

revêtir de l’importance dans le cadre de la déli mitation des zones du plateau continental situées au

large des côtes des deux Etats plutôt qu’entre ces côtes.

57. L’examen du rôle des façades maritimes amèn e à souligner la complémentarité entre le

concept juridique de «droit» et la délimitation des zones du plateau continental et de la zone

économique exclusive. A la base du droit se tr ouve la possession de façades maritimes bordant la

zone en litige.

58. Depuis l’affaire Libye/Malte, illustrée par la figure IB19, la distance mesurée à partir de

la côte, plutôt que la prolongation naturelle, est reconnue comme se trouvant à la base du processus

de délimitation. La méthode de l’équidistance, qui est appliquée en déli mitation, est elle-même

fonction du principe de la distance, à l’instar des autres méthodes géométriques appliquées en

matière de tracé de frontières maritimes.

59. Dans ce contexte, c’est la côte et le principe de la distance qui nourrissent le processus

par lequel se constitue un droit et, en toute logiqu e dans le cas d’Etats se faisant face ou adjacents,

le processus de délimitation. Le rôle de la côte comme point de départ du processus a été souligné

par la Cour dans plusieurs passages de l’arrêt rendu en l’affaire du Plateau continental

(Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne), illustrée par la figure IB20.

Voici les passages qui nous intéressent :

«Le principe suivant lequel le prolongement naturel de l’Etat côtier est la base

de son titre juridique au plateau continen tal ne fournit pas nécessairement en l’espèce
de critères applicables à la délimitation de zones relevant d’Etats limitrophes. Dans la
mesure où la première partie de l’article 76, paragraphe 1, du projet de convention ne
fait que répéter ce principe, elle n’appo rte aucun élément nouveau et n’appelle donc

pas d’examen plus approfondi. Dans la m esure cependant où le paragraphe prévoit - 16 -

que, dans certaines circonstances la distance à partir de la ligne de base, mesurée à la
surface de la mer, fonde le titre de l’Etat côtier, il s’écarte du principe suivant lequel
ce serait le prolongement naturel qui en constitu erait la seule base. Il y a donc lieu de

se demander si la notion de plateau continen tal au sens de la deuxième partie de la
définition peut jouer un rôle dans la décision en l’espèce. Seule la base juridique des
droits sur le plateau continental — la simple distance de la côte — peut être prise en
considération comme pouvant influer su r les prétentions des Parties .» ( Plateau

continental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne), arrêt , C.I.J. Recueil 1982, p.48,
par. 48 ; les italiques sont de nous.)

Puis :

«Ainsi qu’il a été expliqué à propos du prolongement naturel, c’est la côte du
territoire de l’Etat qui est déterminan te pour créer le titre sur les étendues
23 sous-marines bordant cette côte. C’est l’adj acence au territoire de l’Etat côtier qui est
le critère primordial de définition du st atut juridique des zones immergées, par

opposition à leur délimitation, sans égard aux divers éléments ayant concouru à
l’extension de ces zones à mesure que les règles du droit international évoluaient.»

Et ensuite :

«C’est donc en partant de la côte des Parties qu’il faut rechercher jusqu’où les
espaces sous-marins relevant de chacune d’e lles s’étendent vers le large, ainsi que
par rapport aux Etats qui leur sont limitrophes ou leur font face. Les seules zones qui

puissent intervenir dans la décision sur les préten tions de la Libye et de la Tunisie au
plateau continental bordant leurs côtes r espectives sont celles qui peuvent être
considérées comme étant au large, soit de la cô te tunisienne, soit de la côte libyenne.
Prises ensemble elles représentent la régi on à prendre en compte pour la décision. »

(Ibid., p. 61, par. 73 et 74 ; les italiques sont de nous.)

60. La complémentarité entre le droit et la délimitation est exposée très clairement dans

certains passages de l’arrêt rendu en l’affaire Jamahiriya arabe libyenne/Malte [IB19].

Ainsi, selon le paragraphe 61 dudit arrêt :

«La Cour n’a guère de doute quant au critère et à la méthode qu’elle doit
employer en premier lieu pour parvenir à une position provisoire à propos du présent

litige. Le critère est lié au droit relatif au titre juridique d’un Etat sur le plateau
continental. Comme la Cour l’a constaté plus haut, le droit applicable au présent
litige, c’est-à-dire à des prétentions port ant sur des plateaux continentaux situés à
moins de 200milles des côtes d es Etats en question, ne se fonde pas sur des critères

géologiques ou géomorphologiques, mais sur un critère de distance de la côte, ou,
pour reprendre l’expression traditionnelle d’adjacence, sur le principe d’adjacence
mesurée par la distance. La Cour estime donc logique que le choix du critère et de la
méthode qu’elle doit employer en premier lieu pour parvenir à un résultat provisoire

soit effectué d’une manière cohérente avec les concepts à la base de l’attribution du
titre juridique.» ( Plateau continental (Jamahiriya arabe libyenne/Malte), arrêt ,
C.I.J. Recueil 1985, p. 46-47, par. 61.)

61. L’approche générale du rôle de la distance adoptée dans l’arrêt susmentionné n’a pas été

remise en cause par la suite dans la jurispruden ce de la Cour ou des tribunaux d’arbitrage. Par

ailleurs, cette jurisprudence se caractérise par une certaine cohérence et continuité en matière de - 17 -

délimitation — qu’il suffise de citer les affaires Qatar c. Bahreïn (C.I.J. Recueil 2001, p. 110-115,

par. 224-49), et Cameroun c. Nigéria (C.I.J. Recueil 2002, p.431-448, par.269-307) ainsi que la

sentence rendue le 11avril de l’ année dernière dans l’affaire Barbade/Trinité-et-Tobago

(par. 219-245).

62. Il convient par ailleurs de souligner que le principe de la distance s’applique également

au plateau continental et à la zone économique exclusive et devrait donc concerner des affaires

portant sur la délimitation d’une seule frontière maritime. L’application du critère de la distance au

plateau continental et à la zone économique exclusiv e a été confirmée par la Cour dans les affaires
24

Jamahiriya arabe libyenne/Malte ( C.I.J. Recueil 1985, p.33-34, par.34) et Qatar c.Bahreïn

(C.I.J. Recueil 2001, p. 110-111, par. 226-231).

63. L’implication juridique du critère de la distance en l’espèce réside dans le fait que le titre

qui dérive des côtes des deux Parties s’étend en principe, dans l’un et l’autre cas, jusqu’à la limite

de la zone économique exclusive. Cet aspect est illustré par la figure IB21 qui apparaît à présent à

l’écran.

64. La jurisprudence recourt au concept de chevauchement de revendications, ce qui tend

bien sûr à la pétition de principe. Comme je vais le démontrer, l’élément central des zones de

chevauchement, c’est-à-dire l’axe de délimitation, dépend de la nature des relations côtières dans la

région au sens large.

B. La méthode de délimitation doit être appropriée à la zone en litige

65. La phase suivante de ce processus de déli mitation consiste en l’analyse des relations

côtières. Il conviendrait toutefois d’examiner tout d’abord dans quelle mesure la méthode de

délimitation est conditionnée par les propriétés, pa r les caractéristiques générales de la zone en

litige.

66. Tout d’abord, la continuité du plateau continental dans la zone en litige est juridiquement

importante. Dans l’affaire de la délimitation de la frontière maritime entre la Guinée et la Guinée-

Bissau, la Cour d’arbitrage a fait observer que :

«[l]e plateau continental en face des deux Guinée est un. Il doit donc être délimité
comme tel. Les caractéristiques d’un plateau continental peuvent servir à démontrer
l’existence d’une rupture dans la continuité de ce plateau ou dans le prolongement des

territoires des Etats parties à une opération de délimitation. Mais, si par hypothèse le - 18 -

plateau continental est unique, aucune caractéristique en l’état actuel du droit
international ne saurait valablement être invoquée à l’appui d’un raisonnement fondé
sur la règle du prolongement naturel et ayant pour objectif de justifier une délimitation

consacrant une séparation naturelle.» ( Recueil des sentences arbitrales , vol.XIX,
p. 192, par. 117.)

67. En l’espèce, la géomorphologie du seuil ni caraguayen, que l’on peut voir ici sur la

carteIB22, présente un plateau continental unique, ou continu, dépourvu de toute caractéristique

qui pourrait être considérée comme une séparation naturelle.

68. Revenons à la carteIB16; un autre aspec t de la question concernant la méthode

appliquée aux zones contestées a été examiné par la Chambre en l’affaire de la Délimitation de la

frontière maritime dans la région du golfe du Maine de la manière suivante :

«Le caractère équitable des critères adoptés en fonction des circonstances du cas
spécifique va ressortir de façon plus conva incante, et on pourrait presque dire plus
tangible, lorsque du choix préalable des critères équitables à appliquer l’on passe à la
phase suivante : celle consistant à refléter lesdits critères dans un tracé de délimitation
25
déterminé grâce à l’utilisation de méthodes pratiques appropriées…

En ce qui concerne ces méthodes pratiques, on peut dite tout d’abord que, vu les
critères équitables sur lesquels la Chambre estime devoir se fonder dans le cas soumis

à son jugement, leur choix se trouve tout indiqué. Ces méthodes doivent être des
instruments aptes à traduire en pratique ces critères-là et non pas des critères qui en
différeraient foncièrement. Tout comme les critères à l’application effective desquels
les méthodes pratiques se rattachent s’appui ent fondamentalement sur la géographie,

les méthodes en question ne peuvent être, e lles aussi, que des méthodes qui se prêtent
à être utilisées sur la toile de fond de la géographie. Et, tout comme les critères dont
on s’inspire, les méthodes employées pour les mettre en Œuvre doivent, dans le cas
d’espèce, convenir aussi bien à la délimitati on des fonds marins et de leur sous-sol
qu’à celle des eaux surjacentes et de leurs ressources halieutiques. Elles ne peuvent

donc être, en définitive, que des méthodes géométriques.» ( Délimitation de la
frontière maritime dans la région du golfe du Maine (Canada/Etats-Unis
d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 1984, p. 328-329, par. 198-199.)

69. Aussi le Nicaragua soutient-il que la mé thode de la bissectrice est particulièrement

appropriée comme base de délimitation lorsque ce lle-ci est multifonctionnelle et que le plateau

continental ⎯ et d’autres zones concernées ⎯ revêt un caractère unique.

C. Analyse des relations côtières

70. Dans les décisions concernant la délim itation maritime, une question précise a posé des

difficultés. Il s’agissait de savoir si la relation entre les côtes des Parties bordant la zone en litige

était une relation de zones se faisant face ou adjacen tes. Cette question a revêtu une importance de

premier plan dans l’affaire de la délimitation du plateau continental entre Royaume-Uni de - 19 -

Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et République française , illustrée ici par la carte IB18. La

Cour d’arbitrage a répondu en qualifiant la rela tion entre les côtes respectives dans la région

Atlantique comme «celle de côt es latérales plutôt qu’opposées» ( Recueil des sentences arbitrales ,

vol. XVIII, par. 233). Les passages essentiels de la décision en l’affaire se lisent comme suit :

«La thèse avancée par les deux Parties selon laquelle on ne saurait, étant donné
que les deux côtes sont séparées par une vaste étendue de mer, ranger la situation de la
région Atlantique dans la catégorie juri dique des Etats «limitrophes», régie par
l’alinéa2 de l’article6, est une thèse qui a manifestement beaucoup de poids. Si ce

point de vue est accepté, il s’ensuit que la situation doit être considérée, juridiquement,
comme celle d’Etats qui «se font face», ré gie à ce titre par l’alinéa1 de cet article.
Par ailleurs, il est certain que, dans la région Atlantique, la situation est
géographiquement une situation mettant en présence des côtes qui sont dans un

rapport latéral et qui bordent le même plat eau continental, lequel s’étend à partir de
ces côtes sur une grande distance dans l’océan Atlantique vers le large. Le Tribunal
constate d’ailleurs que cette re lation latérale des deuxcôtes, du point de vue
géographique, est si évidente que les deuxParties, dans leurs écritures et plaidoiries,

ont trouvé une certaine analogie entre la s ituation de la région Atlantique et celle
d’Etats «limitrophes». Par conséquent, que la région Atlantique soit considérée
juridiquement comme un cas d’Etats qui se «font face» régi par l’alinéa 1 ou comme
un cas d’Etats «limitrophes» régi par l’alinéa2 de l’article6, il faut tenir compte,

lorsqu’on évalue les effets de n’importe quelles caractéristiques géographiques
26 spéciales sur la ligne d’équidistance, des deuxfaits géographiques suivants: la
relation latérale des deux côtes et la grande distance sur laquelle le plateau
continental s’étend au large de ses côtes…

Dans la mesure où l’on peut considér er que ce point a son importance, le
Tribunal est enclin à considérer que la régi on Atlantique relèverait plutôt de l’alinéa 2
de l’article6. Comme le Royaume-Uni l’a mis en évidence, il existe un certain
nombre de précédents dans lesquels les lignes de délimitation fixées au moyen de

l’équidistance entre des Etats qui «se font face» on été prolongées vers le large au-delà
du point où leurs côtes «se font face» géographiquement; il a ajouté qu’on semble
avoir admis que ces lignes de délimitation constituent des prolongements de lignes
médianes. On pourrait aussi estimer qu’au-delà du point où les côtes se font face

géographiquement le régime juridique cha nge et devient un régime analogue à celui
qui est applicable aux Etats limitrophes. Comme il est déclaré dans les affaires du
Plateau continental de la mer du Nord (et le Royaume-Uni a rappelé cette
constatation), dans certaines configurations géographiques, «la ligne d’équidistance

peut revêtir à des degrés divers le double caractère d’une ligne médiane et d’une ligne
latérale» (C.I.J., Recueil 1969, par. 6). Néanmoins, le Tribunal estime qu’il n’importe
guère de procéder à la classification juridique précise de la région Atlantique. Les
règles de délimitation prescrites aux alinéas 1 et 2 sont les mêmes, et c’est la relation

géographique réelle entre les côtes des deux Et ats qui détermine leur application. Ce
qui importe, c’est qu’au moment d’établir si la méthode de l’équidistance convient en
tant que moyen d’effectuer une délimitati on «juste» ou «équitable» dans la région
Atlantique, le Tribunal tienne compte, d’une part, du rapport latéral entre les

deux côtes lorsqu’elles aboutissent au plateau continental de la région et, d’autre part,
de la grande distance sur laquelle ce plateau continental s’étend au large de ces côtes.»
(Recueil des sentences arbitrales , vol.XVIII, p.250, par.241 et242; les italiques
sont de nous.) - 20 -

71. Ainsi, selon moi, les relations entre les côtes dans la région Atlantique sont à

d’importants égards analogues à celles entre les côtes du Honduras et du Nicaragua en l’espèce. Le

rapport entre les côtes en question est latéral et les zones contestées s’étendent au large sur une

grande distance.

72. Dans l’affaire de la délimitation du plateau continental entre Royaume-Uni de

Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et République française, la Cour d’arbitrage, en procédant à

la délimitation de la région Atlantique, traitait du problème relativement nouveau de la délimitation

«sur une longue distance». L’examen de la question a été approfondi par la Chambre dans l’affaire

du Golfe du Maine ; revenons à la carteIB16. Comme l’ a expliqué la Chambre à propos des

méthodes pratiques de délimitation :

«Tout ce que l’on peut faire en général c’est une observation relative aux
conséquences possibles de l’évolution rapide qui s’est produite quant à ce qui est

l’objet même d’une délimitation maritime. Les méthodes prises en considération dans
un passé qui est encore relativement récent — sous cet aspect les idées vieillissent très
vite— étaient peu nombreuses et procédaient d’inspirations très voisines. Ce choix

limité se justifiait lorsqu’il s’agissait d’appliquer ces méthodes sur de petites distances,
par exemple sur la longueur des frontières entre les mers territoriales d’Etats
limitrophes. Mais le même choix peut para ître moins justifié quand il s’agit d’établir
des tracés portant sur des cent aines de milles marins et destinés non pas à délimiter la

juridiction sur les eaux immédiatement attenant es à la côte, mais à partager en fait les
richesses minérales potentielles de plateaux c ontinentaux s’étendant jusqu’à la marge
continentale ou les ressources biologiqu es d’espaces maritimes et océaniques aux
proportions jamais envisagées auparavant. Il est évident que la préférence accordée à

une méthode déterminée pour tracer une dé limitation sur une très courte distance à
partir des côtes peut ne plus avoir sa raison d’être lorsque la délimitation doit s’étendre
très loin de son point de départ et lorsqu’il faut tenir compte de facteurs différents…

On pourrait ajouter qu’en fait, jusqu’ à l’apparition du différend actuel, le
problème d’une délimitation, pour ainsi di re de «longue distance», ne s’était posé
devant une instance judiciaire ou arbitrale internationale qu’en ce qui concerne le
plateau continental.» (C.I.J. Recueil 1984, p. 314, par. 160-161.)

73. Les particularités géographiques relevées dans l’affaire du Golfe du Maine ne sauraient

être décrites comme généralement similaires à celles propres à la présente espèce. Toutefois,

quelques similitudes apparaissent dans le contexte du troisième segment de la frontière hors des

eaux du golfe du Maine. Quoi qu’il en soit, l es passages de l’arrêt que j’ai mentionnés sont

importants en ce qu’ils indiquent les caractéristi ques particulières d’une délimitation réalisée sur

une longue distance et à des fins multiples. - 21 -

27 D. Le besoin de simplicité dans le processus de délimitation

74. Dans l’affaire du Golfe du Maine, la Chambre a insisté sur les facteurs de simplicité et de

clarté parmi les avantages du recours à une mé thode géographique pour délimiter le second

segment de la ligne de délimitation (C.I.J. Recueil 1984, p. 333, par. 213).

75. La Chambre a également fait une remarque importante concernant la délimitation de

zones de pêche et le tracé d’une frontière mar itime unique. Selon les termes employés par la

Chambre :

«Il faut ajouter qu’une ligne qui, à cause des raffinements de la méthode
technique utilisée pour déterminer son tracé, se trouverait avoir un cheminement
compliqué, parfois zigzaguant, formé d’une succession de segments aux orientations
changeantes, pourrait à la rigueur être acceptable comme limite divisant uniquement le

fond terrestre de la mer, c’est-à-dire co mme limite à respecter aux fins de la
prospection et de l’exploitation des ressour ces situées en des endroits déterminés du
sous-sol. Mais il semble beaucoup moins justifié d’adopter une telle ligne comme
limite appropriée de zones maritimes de pêche , à savoir de zones dont les ressources

exploitables ne sont pas, pour la plupart, des ressources fixées au sol. L’exploitation
des richesses halieutiques de la mer demande l’existence de limites claires et
constantes, n’obligeant pas ceux qui se consacr ent à cette activité à des vérifications
continues de leur position par rapport au tracé compliqué de la ligne à respecter…

En définitive [selon la Chambre], tout comme les critères à appliquer à la
délimitation, les méthodes à utiliser pour tr aduire en pratique ces critères ne peuvent
pas ne pas être influencées par les car actéristiques et les exigences propres d’une

délimitation par ligne unique du plateau contin ental et de la colonne d’eau surjacente
qui, loin d’être une véritable colonne aux contours définis, est en réalité une masse
liquide mouvante, constituant l’ha bitat d’une faune mouvante. Une exigence
élémentaire de simplification est donc indé niablement requise pour tracer une ligne
de délimitation dans un tel milieu .» (C.I.J. Recueil 1984, p.330, par.202-203; les

italiques sont de nous.)

E. L’utilisation de fronts côtiers simplifiés dans la pratique des Etats

76. Dans cet environnement, il n’est pas surprena nt de constater que l’utilisation de versions

simplifiées des fronts côtiers constitue une procédure normale dans la pratique suivie par les Etats

lors de délimitations par voie d’accords négociés.

77. Voici des exemples tirés de la pratique des Etats :

i) la carteIB6 concerne l’accord de délimita tion des fonds marins conclu entre Chardjah et

OummalQaïwaïn, accord entré en vigueur en1964 (voir Charney et Alexander (sous la

dir. de), International Maritime Boundaries, vol. II, p. 1549-1555) ; - 22 -

ii) la carteIB7 concerne l’accord de frontiè res en mer conclu entre AbouDabi et Doubaï,

accord entré en vigueur le 18février1968 (voir Charney et Alexander, op. cit., vol.II,

p. 1475-1480) ;

28 iii)la carteIB23 concerne la convention signée entre la République française et l’Etat

espagnol sur la délimitation des plateaux con tinentaux des deux Etats dans le golfe de

Gascogne (golfe de Biscaye), convention entr ée en vigueur le 5avril1975 (voir Charney

et Alexander, op. cit., vol. II, p. 1719-1734) ;

iv) la carte IB9 montre le résultat de l’accord conclu entre le Brésil et l’Uruguay concernant la

délimitation de leur frontière maritime, acco rd entré en vigueur le 12juin1975 (voir

Charney et Alexander, op. cit., vol. I, p. 785-792).

78. Cette pratique des Etats confirme que l es tribunaux préfèrent la simplicité dans le

processus de délimitation.

79. La phase suivante du processus de tracé d’une ligne de délimitation consiste à en définir

le point de départ.

F. L’extrémité de la frontière terrestre comme point de départ obligé

80. Le point de départ de la délimitation est en l’espèce constitué par le point terminal de la

frontière terrestre. Cette dernière fait nécessaireme nt partie du contexte juridique et géographique

de toute délimitation. Dans l’affaire du Golfe du Maine, la ligne de délimitation partait du point A,

dont les coordonnées figuraient dans le compromis du 29mars1979. La frontière terrestre n’en

continua pas moins à constituer un aspect essentiel du contexte juridique de la délimitation et son

tracé eut, de toute évidence, une incidence décisive sur un certain nombre de questions importantes

— notamment la détermination des côtes pertinentes et l’évaluation de la disparité dans la longueur

des côtes.

81. En effet, la frontière terrestre constitue pour ainsi dire de plein droit le point de départ de

toute délimitation. Citons entre autres l’affaire du Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya arabe

libyenne) (C.I.J. Recueil 1982, p. 18). Si l’affaire Qatar c. Bahreïn n’impliquait pas directement de - 23 -

frontière terrestre, celle délimitant les territoires r espectifs de Qatar et de l’Arabie Saoudite y joua

un rôle indirect, en ce sens qu’elle permit d’établir la direction du segment le plus méridional de la

frontière (C.I.J. Recueil 2001, p. 109, par. 221-222).

82. Comme la Cour pourra s’en rendre compte, la difficulté à asseoir le tracé d’une ligne

d’équidistance sur une base stable ⎯ motif essentiel du recours à la méthode de la bissectrice ⎯ ne

diminue en rien l’importance que revêt la frontière terrestre aux fins de l’opération de délimitation

dans son ensemble. Les problèmes liés au point de départ seront examinés dans le courant de la

semaine par mon ami Alain Pellet.

29 G. Délimitation à grande distance et absence d’un point de référence

83. En l’espèce, la ligne de délimitation abouti ssant au large à la limite extérieure des zones

économiques exclusives des Parties, que l’on voit ic i représentée sur le graphique21, ne sera

associée à aucun point de référence situé à proximité de son dernier segment, situation

géographique identique à celle pr évalant dans l’affaire de la délimitation du plateau continental

entre Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d ’Irlande du Nord et République française , dans

laquelle les façades côtières étaient de dimensi ons réduites mais associées à de larges étendues

marines. S’exprimant sur la méthode de l’équidi stance, le tribunal arbitral a souligné que le

principal des traits distinctifs de la région Atlantique

«résid[ait] dans le fait que le plateau c ontinental de [cette] région…n’[était] pas
enserré dans un bras de mer relativement ét roit mais qu’il s’étend[ait] au large des
côtes des deux Etats dans les espaces libr es de l’océan Atlantique[, que,] par
conséquent, les zones du plateau continenta l à délimiter se trouv[ai]ent au large des

côtes des deuxEtats plutôt qu’entre les côtes des deux Etats, pour reprendre
l’expression employée par le Royaume-Uni[, et qu’il] s’ensui[vait] aussi que le plateau
continental dont la ligne de délimitation d[ev ait] être fixée par le Tribunal s’étend[ait]
sur de grandes distances au large des côtes des deux Etats.» ( Recueil des sentences

arbitrales, vol. XVIII, p. 246-247, par. 233.)

84. Le tribunal insistera à plusieurs reprises dans le reste de sa décision sur la «grande

distance sur laquelle le plateau continen tal s’étend au large de ses côtes» ( ibid., p.250-251,

par. 241-242).

85. Dans l’affaire du Golfe du Maine , la Chambre a décrit la manière dont avait été

déterminé le tracé du troisième segment de la ligne de délimitation. Elle a insisté sur l’absence

d’un point de référence en dehors des côtes du golfe. - 24 -

86. La Chambre s’est exprimée en ces termes :

«Reste maintenant à déterminer le tr acé du troisième segment de la ligne de
délimitation, portion la plus longue du chemin ement entier de cette ligne. Il s’agit du
segment qui concerne la partie de l’aire de la délimitation se trouvant à l’extérieur du
golfe du Maine et en face de ce dernier… En fait, la portion de la ligne à déterminer

maintenant doit se situer, sur toute sa longueur, en plein océan. D’un point de vue
géographique, il n’y a aucun point de référence, en dehors des côtes mêmes du golfe,
qui puisse servir de base à l’exécution de l’opération finale requise. Dans ces
conditions, il paraît clair qu ’aucune méthode pratique ne saurait être prise en

considération à cette fin, hors, une fois encore, une méthode géométrique. Dans le
cadre des méthodes de ce type, la mieux appropriée est celle qui se recommande avant
tout par sa simplicité, et qui consiste en l’espèce à tracer une perpendiculaire à la ligne
de fermeture du golfe.» ( C.I.J. Recueil 1984, p.337-338, par.224; les italiques sont
de nous.)

H. Conclusions provisoires sur le contexte géographique de la délimitation en l’espèce

87. Madame le président, il nous faut, à ce stade, partir en reconnaissance et consulter la

boussole. L’accent a été mis, dans la jurisprudence, sur l’importance, en dr oit, des côtes bordant

30 les zones en litige. Il ne s’agit pas de négliger cet aspect, mais certaines difficultés demeurent.

Nous nous heurtons ici à celle que pose une délimitation à grande di stance. La Chambre a, dans

l’affaire du Golfe du Maine , insisté sur la portée de ce type de délimitations. J’ai déjà cité le

passage le plus important de son arrêt, que nous nous contenterons de faire figurer dans la

transcription :

«Les méthodes prises en considération dans un passé qui est encore
relativement récent —sous cet aspect les idées vieillissent très vite— étaient peu

nombreuses et procédaient d’inspirations très voisines. Ce choix limité se justifiait
lorsqu’il s’agissait d’appliquer ces méthodes sur de petites distances, par exemple sur
la longueur des frontières entre les mers territoriales d’Etats limitrophes. Mais le
même choix peut paraître moins justifié quand il s’agit d’établir des tracés portant sur

des centaines de milles marins et destinés non pas à délimiter la juridiction sur les
eaux immédiatement attenantes à la côte, mais à partager en fait les richesses
minérales potentielles de plateaux contin entaux s’étendant jusqu’à la marge
continentale ou les ressources biologiqu es d’espaces maritimes et océaniques aux

proportions jamais envisagées auparavant.» (C.I.J. Recueil 1984, p. 314, par. 160.)

88. En l’espèce, nous avons donc affaire à une délimitation à grande distance et à une

situation où il n’y a aucun point de référence qui puisse aider à déterminer un tracé s’étendant très

loin au large des côtes des deux Etats. Dans un tel contexte géographique, la démarche du juge a

consisté à rechercher les côtes pertinentes ; la jurisprudence offre deux exemples de cette approche. - 25 -

89. Revenons à la figur1 e8. Le pr emier exemple est tiré de l’affaire

Royaume-Uni/République française , et concerne une délimitation dans la région Atlantique.

Comme l’a souligné le tribunal, les lignes côtière s effectives des deux Etats bordant les zones à

délimiter étaient «relativement courtes» (voir la décision du tribunal arbitral, Recueil des sentences

arbitrales, vol.XVIII, p.247, par.233). Dans ce tte affaire, le Gouvernement français avait

soutenu qu’il convenait de tracer la frontière dans la région Atlantique en recourant à la bissectrice

de l’angle formé par les directions générales des côtes des deux pays sur la Manche. Le tribunal

n’a pas retenu la thèse de la France. Il s’est ainsi expliqué :

«La méthode «équitable» de délimitation que préconise la République française
et qui fait appel à une ligne médiane déterm inée par référence au prolongement des

directions générales des côtes des deux Etats sur la Manche ne semble pas au Tribunal
être compatible avec le régime juridique applicable au plateau continental. Avec cette
méthode, on procède à la délimitation en faisant presque complètement abstraction des
côtes qui aboutissent effectivement au plateau continental de la région Atlantique, si

bien qu’il n’est pas facile de la concilier avec le principe fondamental selon lequel le
plateau continental constitue le prolongement naturel du territoire d’un Etat sous la
mer. Dans la mesure où cette méthode pourrait se rapporter aux masses terrestres
respectives des Parties, on ne saisit pas pourquoi les directions générales de leurs côtes

sur la Manche, à elles seules, devraient être considérées comme une représentation de
tout ou partie de leurs masses terrestres… Aussi ne voit-on pas aisément comment ou
31 pourquoi les côtes de la Manche devraient…assumer une importance décisive pour
déterminer le tracé de la ligne de délimitation dans la région Atlantique…

Pour les raisons qui précèdent, le Tr ibunal ne peut accepter les prolongements
des directions générales des côtes des deux Etats sur la Manche comme une base
appropriée pour déterminer le tracé de la ligne de délimitat ion dans la région
Atlantique.» (Recueil des sentences arbitrales, vol. XVIII, p. 253, par. 246 et 247 ; les

italiques sont de nous.)

90. Le tribunal arbitral a ainsi rejeté l’ idée de se fonder sur des côtes pertinentes de

substitution. Il a confirmé que le s côtes de la Manche ne fourni ssaient pas une «base appropriée»

pour déterminer le tracé de la ligne de délimitation dans la région Atlantique.

91. La Chambre de la Cour a, dans l’affaire du Golfe du Maine , rencontré des difficultés

analogues s’agissant du troisième segment de la ligne envisagée illustrée par la figure 16 que vous

voyez de nouveau projetée à l’écran. Elle les a résolues en deuxtemps, traçant tout d’abord une

perpendiculaire à la ligne de fermeture du golfe.

92. La Chambre a utilisé une méthode géométri que, mais a fait observer que le tracé du

troisième segment était fonction de celui des de ux segments précédents —lesquels se trouvaient,

donc, à l’intérieur du golfe. La Chambre a dit à cet égard : - 26 -

«Reste maintenant à déterminer le tr acé du troisième segment de la ligne de
délimitation, portion la plus longue du chemin ement entier de cette ligne. Il s’agit du
segment qui concerne la partie de l’aire de la délimitation se trouvant à l’extérieur du

golfe du Maine et en face de ce dernier. Il paraît toutefois évident qu’en principe la
détermination du tracé en question est fonction de celui des deux segments précédents
de la ligne, ceux que l’on vient de décrire à l’intérieur du golfe et dont le cheminement
dépendait si évidemment de l’orientation des côtes des Parties qui donnent sur les

eaux du golfe. En fait, la portion de la ligne à déterminer maintenant doit se situer, sur
toute sa longueur, en plein océan. D’un point de vue géographique, il n’y a aucun
point de référence, en dehors des côtes mêmes du golfe, qui puisse servir de base à
l’exécution de l’opération finale requise. Dans ces conditions, il paraît clair qu’aucune

méthode pratique ne saurait être prise en considération à cette fin, hors, une fois
encore, une méthode géométrique.» ( C.I.J. Recueil 1984, p. 337, par. 224 ; les
italiques sont de nous.)

93. La Chambre ayant opté pour la méthode consistant à tracer une perpendiculaire à la ligne

de fermeture du golfe, le second temps de l’opér ation consistait notamment à fixer l’emplacement

du point d’intersection entre la perpendiculaire et la ligne de fermeture. La Chambre a ainsi

expliqué cette opération :

«Le choix de la Chambre allant da ns le sens qui a été indiqué, il reste
néanmoins à résoudre l’essentiel, à savoir la détermination du point exact, sur la ligne

de fermeture du golfe, à partir duquel la pe rpendiculaire à cette ligne doit se diriger
vers le large. Si toutefois l’on estime nécessaire de s’en tenir encore à la géographie,
toutes les considérations déjà exposées à propos de la déterm ination du tracé du
32 dernier segment de la ligne concordent pour faire coïncider ce nouveau choix avec le

point même où la ligne médiane corrigée renc ontrait la ligne de fermeture du golfe.
C’est en effet en ayant toujours présent[e] à l’esprit la détermination du dernier
segment de la ligne de délimitation que la Chambre s’est attachée avec tant d’attention
à établir le tracé des segments précédents. Il serait impensable que, dans la partie de

l’aire de la délimitation qui se trouve en dehors et en face du golfe, la ligne de division
ne suive ni ne continue celle tracée à l’intérieur du golfe, en fonction des
caractéristiques particulières des côtes de celui-ci. Si l’on cherchait une illustration
typique de la signification de l’adage «la terre domine la mer», c’est ici qu’on la

trouverait.» (Ibid., p. 338, par. 226.)

94. Madame le président, dans l’affaire du Golfe du Maine, la Chambre s’est donc basée sur

les côtes bordant les eaux du golfe, et non sur des points situés «en dehors des côtes mêmes du

golfe». Il est clair que, par ricochet ⎯ pour ainsi dire ⎯, le tracé du troisième segment de la ligne

qu’elle a fixée s’appuie sur des côtes qui n’étai ent pas directement pertinentes aux fins de sa

délimitation.

95. Parvenu à ce stade, le Nicaragua avance donc respectueusement que, quoique différentes,

l’affaire Royaume-Uni/République française et l’affaire du Golfe du Maine présentent des

analogies fort utiles aux fins de l’exercice de déli mitation qui nous occupe ici. La présente affaire

implique la délimitation à grande distance d’une ligne qui s’étend très au large des côtes des deux - 27 -

Etats. Or, loin des côtes et du point de départ de la ligne, il n’existe aucun point de référence qui

puisse faciliter l’exercice de délimitation. De telles conditions justifient le recours à la méthode de

la bissectrice.

Madame le président, ce n’est pas encore l’heure de la pause, mais il serait peut-être bon que

je m’interrompe ici, avant d’entamer une nouvelle partie.

Le PRESIDENT : Tout à fait, Monsieur Brownlie. La Cour marquera une courte pause.

L’audience est suspendue de 11 h 25 à 11 h 45.

Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. Monsieur Brownlie, vous avez la parole.

M. BROWNLIE : Je vous remercie, Madame le président.

96. L’examen de la jurisprudence auquel nous venons de nous livrer fait apparaître un certain

nombre de points :

⎯ premièrement: il est difficile de trouver des côtes pertinentes et attenantes dans les cas

impliquant une délimitation à grande distance ;

⎯ deuxièmement : la frontière terrestre est, dans le type d’affaires qui nous occupe aujourd’hui, le

point de départ obligé ;

33 ⎯ troisièmement: dans les affaires de ce type, en l’absence de tout point de référence capable

d’influer sur les segments de la ligne situés plus au large, tout le travail de délimitation repose,

pour ainsi dire, sur les côtes attenantes ;

⎯ quatrièmement: la pratique courante est d’ utiliser des versions simplifiées des façades

côtières ;

⎯ cinquièmement : des points de base ne pouvant êt re définis à l’embouchure du fleuve Coco, du

fait de l’instabilité de celle-ci, la méthode de l’équidistance n’est pas applicable.

97. La figure24 illustre la ligne de délim itation des zones situées au-delà de la mer

territoriale proposée par le Nicaragua, que l’on peut décrire ainsi : la bissectrice est calculée sur la

base de la direction générale de la côte du Honduras (gisement de 98 o10' 48") et de celle de la côte

du Nicaragua (gisement de 7° 19' 54"). La bissectrice ainsi formée suit un gisement de 52° 45' 21",

depuis le centre du chenal principal de l’embouc hure du fleuveCoco, situé par 15°00'11" de - 28 -

latitude nord et 83° 07' 54" de longitude ouest, ju squ’à un point situé sur Rosalind Bank. La ligne

joignant ces deux points suit un azimut géodésique de 52° 26' 25".

98. Ce point de départ est le point d’inter section des deux lignesA etB qui sont indiquées

sur la figure A du volume III (cartes) du mémoire. La ligne A représente la direction de la côte du

Honduras bordant les zones à diviser, et la ligne B celle de la côte du Nicaragua. La ligne proposée

est constituée par la ligne droite formant la bi ssectrice de l’angle décrit par l’intersection des

lignes A et B ; il s’agit d’une ligne géodésique projetée à partir de l’embouchure du fleuve.

99. La ligne bissectrice n’est utilisée que de manière provisoire étant donné que, comme le

montre la figureIB15, la géométrie des littoraux du Nicaragua et du Honduras ne permet pas de

définir une ligne médiane ou équidistante viable. Du fait de la formation en coude des côtes, seuls

des points de base situés sur chaque rive de l’embouchure du fleuve pourraient servir à la

détermination mathématique d’une ligne médiane, dont tous les points seraient équidistants des

points de base les plus proches des rives de l’embo uchure, aucun autre point de base situé sur la

terre ferme ne pouvant se trouver aussi près de la ligne que ceux établis à l’embouchure du fleuve.

100. Si l’on souhaite tenir compte de l’ensemble des côtes du Nicaragua et du Honduras dans

la construction de la ligne proviso ire, le recours à la méthode de la bissectrice s’impose. Je vous

invite à présent à regarder la figureIB25 projet ée à l’écran, qui me permettra de vous exposer le

34 processus de construction de la bissectrice. La prem ière étape consiste à calculer la moyenne de

l’ensemble des vecteurs compo sant la côte hondurienne afin d’obtenir une ligne unique

représentant la direction générale de cette côte ; la même opération sera répétée pour la côte

nicaraguayenne.

101. Ces lignes obtenues à partir de la moyenne des vecteurs visent seulement à indiquer la

direction générale des côtes et, à la différen ce d’un calcul proportionnel, ne résultent pas d’une

projection de la façade côtière ni ne recourent au concept de côte pertinente. La direction moyenne

de la côte donne une valeur égale à chaque point situé sur les littoraux des deux Etats.

102. Est ensuite construite, à pa rtir du point d’intersection des lignes indiquant la direction

générale des côtes, la bissectrice de l’angle formé par ces lignes, comme indiqué sur la figure IB26.

103. La bissectrice ainsi obtenue est ensuite reportée de manière à passer par l’embouchure

du fleuve Coco ⎯opération représentée à la figureIB27. Il convient de la faire partir du point - 29 -

terminal du thalweg situé à l’embouchure du fleuve et, comme nous ne disposons pas d’un relevé

actuel et précis de la ligne du thalweg, c’est un point situé au centre de l’embouchure du fleuve qui

a été retenu.

104. Lors de la construction de la bissectrice, il n’est procédé à aucun ajustement visant à

tenir compte des longueurs relatives de la côte de ch aque Etat, et ce, afin de s’assurer que la ligne

obtenue est directement fonction de la direction moyenne des côtes de chaque Etat.

105. C’est cette ligne que le Nicaragua a u tilisée dans son mémoire pour représenter la ligne

de délimitation entre les Etats telle qu’elle apparaît su r la figure IB2. Cette ligne, dont le point de

départ est situé à environ 3 milles des côtes, pass e par un point intermédiaire situé à l’intersection

avec la limite des 12milles puis suit la direction d’un azimut géodésique qui la projette vers le

large jusqu’à sa jonction avec les frontières d’Etats tiers dans le voisinage de Rosalind Bank. Au

moment où le Nicaragua rédigeait s on mémoire, le point de départ et le point intermédiaire de la

bissectrice avaient été calculés à partir des ren seignements les plus fiables dont il disposait sur

l’embouchure du fleuve. De toute évidence, au cours des cinqannées écoulées, l’embouchure du

fleuve s’est déplacée et ces données ne sont plus justes. Toutefois, par rapport à l’ensemble des

côtes du Nicaragua et du Honduras, ces modifi cations locales intervenues au niveau de

l’embouchure du fleuve n’ont guère d’incidence sur le calcul de la direction de la bissectrice, qui

demeure la méthode la plus efficace pour établir la direction de la ligne de délimitation à partir des

côtes continentales de chaque Etat.

106. L’approche à adopter consiste à tirer pa rti de la méthode de délimitation géométrique

35 choisie. Pour que le système fonctionne, il est néce ssaire de définir la direction générale des côtes

de part et d’autre du point terminal de la frontière terrestre. Il y a lieu pour ce faire de construire

les vecteurs des façades côtières.

107. En se fondant sur les deux vecteurs, il est possible de construire une ligne bissectrice

appropriée comme celle représentée à la figureIB4. Le recours aux vecteurs est conforme à la

pratique habituelle qui consiste à convertir une géographie côtière complexe en une ligne droite

fictive représentant la direction générale de la côte.

108. L’impératif de simplicité est reconnu par la jurisprudence. C’est ainsi que, en l’affaire

du Golfe du Maine, la Chambre de la Cour a observé ce qui suit : - 30 -

«C’est la bissectrice de ce second angle que la Chambre estime devoir retenir
pour le tracé du premier segment de la ligne de délimitation. La méthode pratique
ainsi utilisée réunit, de l’avis de la Chambre, l’avantage de la simplicité et de la clarté

à celui de produire, dans le cas concret, un effet qui est vraisemblablement le plus
proche possible de celui d’une division pa r parts égales de la première zone à
délimiter. Et, de l’avis de la Chambre, par rapport au secteur considéré, l’application
de ce critère ne devrait pas prêter à de sérieuses objections.» ( C.I.J. Recueil 1984,

p. 333, par. 213.)

J. La ligne bissectrice produit un résultat équitable

109. Madame le président, les divers élém ents juridiques évoqués doivent à présent être

replacés dans un ensemble cohérent. Bien que chacun d’entre eux, notamment le recours à la

simplification des façades côtières ou l’emploi de la méthode de la bissectrice, ait une fonction

essentielle dans le processus de délimitation, ils ne suffisent pas à valider l’ensemble de la

démarche: encore faut-il s’assurer au moment d’ en faire la synthèse que la délimitation aboutit à

un résultat équitable. Les dispositions de la conve ntion des NationsUnies sur le droit de la mer

relatives à la délimitation de la zone économique exclusive et du plateau continental prévoient en

effet que la délimitation a pour objet «d’aboutir à une solution équitable».

110. Le Nicaragua soutient que la frontière qu’il préconise est équitable. Tout d’abord,

l’orientation de la ligne est directement fonction de celle, moyenne, de l’ensemble de la côte de

chaque Etat. De plus, en l’absence de tout point de référence situé en mer, l’utilisation des façades

côtières des Parties constitue la seule et unique base de délimitation appropriée.

111. Dans ce contexte général, il n’est pas i nutile de rappeler qu’en la présente espèce, la

Cour est appelée à fixer une délimitation à grande distance à partir de côtes pertinentes aisées à

établir, ce qui n’était pas le cas des autres exemples cités. Il convient donc d’établir une distinction

entre les circonstances de la présente espèce et celles qui caractérisaient l’arbitrage

Royaume-Uni/République française et l’affaire du Golfe du Maine, dans lesquels la détermination

juridique des côtes pertinentes se heurtait à des difficultés considérables.

36 112. La méthode de la bissectrice satisfait ég alement au critère du principe de division par

parts égales. Dans l’affaire du Golfe du Maine , la Chambre de la Cour a, à diverses reprises,

confirmé la validité du critère de la division par pa rts égales. Au paragraphe 195 de son arrêt, elle

en a généralisé l’application, observant, à propos de la géographie des côtes : - 31 -

«Dans ce cadre, son choix de base ne pe ut que se porter sur le critère à propos
duquel l’équité est de longue date consid érée comme un caractère rejoignant la

simplicité : à savoir le critère qui consiste à viser en principe ⎯ en tenant compte des
circonstances spéciales de l’espèce ⎯ à une division par parts égales des zones de
convergence et de chevauchement des projec tions marines des côtes des Etats entre
lesquels la délimitation est recherchée.» (C.I.J. Recueil 1984, p. 327, par. 195.)

113. A nouveau, au paragraphe 197, la Chambre est parvenue à la conclusion suivante :

«Aussi la Chambre estime-t-elle devoir maintenant confirmer définitivement
son choix, consistant à partir du critère déjà mentionné de la division, en principe par

parts égales, des zones de convergence et de chevauchement des projections maritimes
des côtes des Etats impliqués dans la déli mitation, critère dont le caractère équitable
est inhérent à son simple énoncé.» (Ibid., p. 328.)

114. Le principe de division par part s égales tire son origine des affaires du Plateau

continental de la mer du Nord, où la Cour a fait observer ce qui suit :

«[L]es zones de plateau continental se trouvant au large d’Etats dont les côtes se

font face et séparant ces Etats...se rencontre nt, se chevauchent et ne peuvent donc
être délimitées que par une ligne médiane; si l’on ne tient pas compte des îlots, des
rochers ou des légers saillants de la côte, dont on peut éliminer l’effet exagéré de
déviation par d’autres moyens, une telle ligne doit diviser également l’espace dont il

s’agit.» (C.I.J. Recueil 1969, p. 36, par. 57.)

La Cour cite également ce passage dans l’affaire Libye/Malte (C.I.J. Recueil 1985, p. 47, par. 62.)

115. La méthode de la bissectrice présente en outre l’avantage, du point de vue de l’équité,

d’éviter un résultat disproportionné, ce que montre la figureIB28. Le Nicaragua estime que le

critère approprié devrait prendre la forme de la question suivante: existe-t-il une disproportion

évidente entre les zones attribuées respectivement à l’une et à l’autre partie ? Comme elle l’a fait

remarquer dans l’affaire Libye/Malte,

«[l]a Cour ne pense pas qu’il soit conf orme aux principes de l’opération de
délimitation d’essayer de parvenir à un ra pport arithmétique préétabli entre les côtes

pertinentes et les surfaces de plateau con tinental qu’elles engendrent. La longueur
relative des côtes pertinentes des Parties a, bien entendu, déjà été prise en
considération pour déterminer la limite ; si la Cour envisage maintenant l’étendue des
zones de plateau de part et d’autre de la ligne, il lui est possible de se faire une idée

approximative de l’équité du résultat sans toutefois essayer de l’exprimer en chiffres.
37 La conclusion de la Cour à cet égard est qu’il n’y a certainement pas de disproportion
évidente entre les surfaces de plateau attr ibuées à chacune des Parties, au point que
l’on pourrait dire que les exigences du critère de proportionnalité en tant qu’aspect de

l’équité ne sont pas satisfaites.» (C.I.J. Recueil 1984, p. 327, par. 195.)

116. Dans les circonstances de l’espèce, le Nicar agua affirme que, du fait de l’emploi de la

méthode de la bissectrice, il n’existe «aucune di sproportion évidente» entre les zones maritimes

attribuées respectivement à l’une et à l’autre Partie. Quoi qu’il en soit, à aucun moment le - 32 -

Honduras ne soutient, ni dans son contre-mémoire ni dans sa duplique, que la ligne proposée par le

Nicaragua irait à l’encontre du critère de la proportionnalité.

La méthode de la bissectrice : la réponse du Honduras

117. Tant dans son contre -mémoire que dans sa répli que, le Honduras n’avance aucun

argument de principe ou d’ordre pratique qui pe rmettrait d’écarter la méthode de la bissectrice

(CMH, p. 5, par. 1.20, et p. 56, par. 4.14 ; DH, p. 120-122, par. 7.11-7.17).

118. Le Honduras reconnaît pourtant dans sa dupliq ue que les précédents et la pratique des

Etats sont plutôt favorables à la méthode géométrique de délimitation :

«Le Honduras ne nie pas que, dans certaines situations, les précédents et la
pratique des Etats révèlent que c’est une méthode géométrique de délimitation comme
celle des bissectrices angulaires et des perpe ndiculaires à la direction générale de la
côte qui a été adoptée.» (DH, p. 121, par. 7.14.)

119. Lorsque le Honduras, non sans une certaine réticence, aborde enfin la question de la

méthode de la bissectrice dans le contexte de la pr ésente affaire, il en conteste l’applicabilité dans

les faits. Le passage pertinent de la duplique se lit comme suit :

«Le chapitre 6 ci-dessus montre que la frontière terrestre entre le Honduras et le
Nicaragua rejoint la côte centraméricaine à l’endroit où cette côte est orientée vers

l’eot. Comme on l’a vu au chapitre6, Puerto Cabezas, situé au Nicaragua à environ
14 de latitude nord, et CaboFalso, situé au Honduras à environ 15°15' de latitude
nord, se trouvent pratiquement sur la même l ongitude. Il en est ainsi malgré la saillie
orientale que forme la côte nicaraguayenne à Punta Gordo, et la protubérance orientale

commune de la côte centraméricaine orientée vers l’est que constitue le cap Gracias a
Dios. Ces deux sinuosités côtières, PuntaGo rda et le cap Gracias a Dios, s’étendent
vers l’est sur une distance à peu près égale. Ainsi, entre Puerto Cabezas au Nicaragua
et Cabo Falso au Honduras, la côte centram éricaine suit essentiellement une direction

sud-nord malgré ses sinuosités. Comme ces deux lieux, séparés de 75 minutes environ
en latitude (ou 75 milles marins), se trouvent sur la même longitude, on ne peut guère
affirmer qu’il y a eu changement de la dir ection générale de la côte centraméricaine

qui les relie, et au milieu de laquelle est situé le point terminal de la frontière
terrestre.» (DH, p. 120, par. 7.11.)

120. La thèse avancée par le Honduras à cet égar d est illustrée à la planche 42 du chapitre 6

de sa duplique, actuellement projetée à l’écran en tant que figure IB29.

38 121. Le Nicaragua considère que l’analyse ainsi formulée est irrecevable à plusieurs titres.

Pour ne pas perdre de vue le contexte de l’espèce, j’invite à nouveau la Cour à examiner la figure A

ainsi que les lignes A et B représentée sur la figure IB2. - 33 -

122. Premièrement, le secteur compris entre CaboFalso au Honduras et PuertoCabezas au

Nicaragua, actuellement à l’écran sur la figur eIB30, est présenté comme constituant le secteur

critique aux fins de la détermina tion de la direction générale de la côte. Deuxièmement, l’analyse

porte sur «la côte centraméricaine» et non sur les côtes des Parties. Troisièmement, le Honduras

conclut, d’une part, que «la côte centraméricaine comprise entre ces points est orientée vers l’est»

et, d’autre part, que le parallèle (qu’il revendique comme frontière maritime) «se dirige plein est à

partir de cette côte orientée vers l’est». C’est ce que montre la planche 42, reproduite ici à la

figureIB31. Or, le tracé de la direction côtière est de piètre qualité. L’examen de points se

trouvant effectivement sur la côte, tels que représen tés sur la figure IB32, montre que la côte n’est

pas du tout orientée vers l’est. Il est par ailleurs intéressant de noter que le Honduras décrit ce petit

segment de côte comme étant «presque linéaire» (D H, par. 6-17), alors même que les côtes qui se

rejoignent à proximité de l’embouchure du fleuve décrivent plus ou moins un angle droit.

123. Avec tout le respect que je dois à nos collègues de la Partie adverse, ce raisonnement

n’est pas convaincant, et il est inac ceptable sur le plan juridique. Il saute aux yeux que la thèse du

Honduras est sans rapport avec la configuration réelle des côtes dans les zones en litige et avec

l’importance juridique des côtes des Parties. Pour commencer, le choix du secteur de

Cape Falso-Puerto Cabezas comme élément prépondérant de la géographie côtière est extrêmement

arbitraire. Si la Cour veut bien regarder de nouveau la carte IB30 projetée à l’écran, elle constatera

que ce secteur de Cape Falso-Puerto Cabezas est un élément artificiel de la géographie côtière.

124. Et il y a d’autres difficultés de taille. Au cune raison ni aucun principe n’étaye la thèse

selon laquelle seul un secteur côtier faisant face à l’est constituerait le front côtier pertinent aux fins

de la délimitation. D’ailleurs, il n’existe aucune côte qui, à proprement parler, soit face à l’est. Et,

encore une fois, il n’y a aucune raison ni au cun principe justifiant le choix d’un secteur

prétendument orienté nord-sud. - 34 -

125. En fait, le besoin de créer de toutes pi èces une côte face à l’est est lié à la «ligne

traditionnelle» invoquée par le Honduras, laquelle «part plein est à partir de cette côte orientée vers

l’est» (DH, p.122, par.7.12). Cela est tout à fait extravagant. La ligne traditionnelle est fondée

39 sur un parallèle qui ne reflète aucune caractéristique côtière et qui part simplement d’un point de la

côte. Ce parallèle n’est pas un tracé lié à la configuration côtière de la zone mais une

caractéristique extérieure.

126. En tout état de cause, le Honduras, à cet égard, fait tout simplement fi des éléments

pertinents en matière de délimitation maritime, à savoir :

Premièrement : la détermination de la zone pertinente, que l’on voit ici sur la carte IB33.

Deuxièmement : sur la base de cette première détermin ation, celle des fronts côtiers contigus

à la zone en litige, lesquels sont représentés ici, sur la carte IB34.

Troisièmement : le tracé des lignes représentant les fronts côtiers pertinents des deux Etats.

127. Le secteur qui s’étend de Cape Falso à Puerto Cabezas ne répond tout simplement pas à

ces critères juridiques. Il laisse de côté, au nord aussi bien qu’au sud, d’importants segments de

côtes contiguës.

128. Après avoir examiné l’approche du Honduras sur ces points, j’en viens maintenant à la

position du Nicaragua concernant certaines autres questions.

Le caractère équitable de la méthode de la bissectrice est confirmé par les critères
indépendants du résultat équitable

129. J’aimerais maintenant examiner les élém ents qui démontrent que la méthode de la

bissectrice est de nature à produire un résultat équ itable en l’espèce. Ces éléments sont au nombre

de quatre.

130 a). Le premier, qui a déjà été souligné ce ma tin, est le fait que cette méthode reflète la

réalité des relations côtières.

131 b). Le deuxième élément est le fait que la bissectrice aboutit à un résultat qui est

l’expression du principe de la division égale. Co mme le montre la décision rendue en l’affaire du

Golfe du Maine , la division égale des zones en litige pe ut être obtenue non seulement par la

méthode de l’équidistance, mais aussi par d’autres mé thodes, dont celle de la bissectrice de l’angle - 35 -

formé par les lignes perpendiculaires aux deux li gnes côtières de base à prendre en compte. En

l’espèce, c’est une version très simplifiée de la méthode de la bissectrice qui est utilisée.

132 c). Compte tenu des caractéristiques géographiques de la présente affaire, la méthode de

la bissectrice présente l’avantage de respecter le principe de non-empiétement, principe qui a été

constamment réaffirmé par la jurisprudence. Il convient de rappeler que, dans l’affaire du Golfe du

40 Maine, la Chambre a précisé que ce principe s’appliquait à la délimitation d’une frontière maritime

unique, et non pas exclusivement à la délimitation de plateaux continentaux.

133. En la présente espèce, la ligne de délim itation le long du parallè le revendiquée par le

Honduras, et qui est représentée ici sur la carte IB35, ne correspond à aucune considération

géographique et, de par sa nature même, entraîne un empiétement sur le titre qui devrait

normalement découler du front côtier du Nicaragua. Au contraire, la bissectrice reflète la réalité

géographique de la région et n’a pas pour effet de tronquer les projections côtières des Parties.

134 d). Au nombre des principes équitables figure également celui de prévenir, autant que

possible, toute amputation de la projection maritime de la côte de chacun des Etats concernés. A

l’évidence, ce principe est le pendant de celui du non-empiétement. En tant que notion juridique

distincte, le principe consistant à éviter touteamputation des projections maritimes des Parties, a

été affirmé d’abord en1985, dans la senten ce du tribunal arbitral en l’affaire de la Délimitation

maritime entre la Guinée et la Guinée-Bissau ( International Law Report , vol. 77,

6.36-681, par.03), puis dans la se ntence du tribunal arbitral en l’affaire

Terre-Neuve-et-Labrador/Nouvelle-Ecosse concernant des zones situ ées en pleine mer (seconde

phase, 2002, sentence, p. 33-34, par. 5.15).

135. Quoi qu’il en soit, la formulati on employée par la Cour en l’affaire du Plateau

continental est généralement acceptée, et je cite :

«Le caractère normatif des principes équ itables appliqués dans le cadre du droit
international général présente de l’importance, parce que ces principes gouvernent non
seulement la délimitation par voie judiciaire ou arbitrale mais aussi, et d’ailleurs
surtout, l’obligation incombant aux Parties de rechercher en premier lieu une

délimitation par voie d’accord, ce qui revient à viser un résultat équitable. Que les
principes équitables soient exprimés en termes susceptibles d’une application
générale, c’est ce qui ressort immédiatement de plusieurs exemples bien connus: le
principe qu’il ne saurait être question de refaire complètement la géographie ni de

rectifier les inégalités de la nature; le principe voisin du non-empiétement d’une
partie sur le prolongement naturel de l’autr e, qui n’est que l’expression négative de la - 36 -

règle positive selon laquelle l’Etat côtier jou it de droits souverains sur le plateau
continental bordant sa côte dans toute la mesure qu’autorise le droit international selon

les circonstances pertinentes…» ( Plateau continental (Jamahiriya arabe
libyenne/Malte), C.I.J. Recueil 1985, p. 39, par. 46.)

136. Dans sa duplique, le Honduras affirme que la bissectrice «ampute» la projection de la

façade côtière hondurienne orientée vers l’est, au sud de Cape Falso (DH, p. 124). L’énoncé de ce

o
grief est illustré par la planche n 45, reproduite ici sur la carte IB36, sur laquelle ne figurent pas les

vecteurs ou lignes de construction utilisés par le Nicaragua pour appliquer la méthode de la

bissectrice à la zone litigieuse dans son ensemb le. Comme par hasard, la carte utilisée fait

également disparaître toute la projection du Nicaragua vers le nord, alors qu’une vue plus large —

projetée ici sur la carte IB28 — remet la prétendue amputation en perspective.

41 137. L’argument de l’amputation est fondé sur l’hypothèse fallacieuse selon laquelle le front

côtier d’un Etat ne donne naissance à des droits que sur des zones faisant directement face à la côte

en question. C’est méconnaître le caractère général de la délimitation à longue distance, lorsque les

zones litigieuses sont situées au large de la côte considérée et non entre des côtes qui se font face.

La méthode du Honduras

138. L’étape suivante du raisonnement permetta nt d’établir que la délimitation proposée par

le Nicaragua aboutit à un résultat équitable est l’ex amen des circonstances pertinentes à prendre en

considération. Il est généralement admis dans la jurisprudence que la délimitation doit être

effectuée conformément à des principes équitables et compte tenu de toutes les circonstances

pertinentes : voir, par exemple, l’arrêt rendu en l’affaire du Plateau continental (Jamahiriya arabe

libyenne/Malte) (C.I.J. Recueil 1985) —dans l’arrêt lui-même (p.38-39, par.45), et dans le

dispositif (p. 56-57, par. 79).

139. Avant de s’atteler à cette tâche, il est tout efois nécessaire de relever l’excentricité de la

méthode hondurienne en général. Le fait est que le Honduras a adopté une position fort ambiguë à

l’égard du droit applicable et de la question connexe de la configuration géographique. Sa méthode

a été examinée de manière relativement détaillée dans la réplique, et il suffira ici d’en rappeler les

principales bizarreries.

140. Premièrement, le Honduras, dans ses écritur es, fait fi de la géographie côtière et des

principales relations côtières (voir RN, par. 2.3-2.7). - 37 -

141. Deuxièmement, l’argumentation ju ridique présentée par le Honduras repose

e
exclusivement sur la conduite alléguée des Parties en ce qui concerne le 15 parallèle (voir RN,

par. 2.8-2.12). Cette argumentation n’a absolume nt aucun rapport avec le contexte géographique.

Le clivage absolu entre la revendication fondée sur le 15 eparallèle et la délimitation maritime

apparaît clairement dans une série de passages du c ontre-mémoire. Le paragr aphe7.25 en est un

parfait exemple :

«Compte tenu de ces éléments de preuve et de la pratique commune et ancienne
examinée au chapitre 6, une frontière maritime longeant approximativement
le 15e parallèle en direction est était bien ét ablie dès1979. Aucune règle de droit ne

faisait obligation aux Parties de consigner leur accord par écrit sous la forme officielle
d’un traité, quelque souhaitable qu’eût été une telle précaution. Ce serait une grave
erreur que de permettre au nouveau gouvernemen t de l’une des Parties de réévaluer

les «éléments d’équité» de la situation et d’ exiger, de droit, une revision de l’accord
ou d’affirmer, comme le fait à présent le Nicaragua, qu’il n’existe aucun accord et
qu’il faut procéder de novo à une nouvelle délimitation équitable.» (Les italiques sont
de nous.)

42 142. Troisièmement, la conception hondurienne des circonstances pertinentes est entachée

d’erreurs juridiques. C’est là une question sur laquelle je reviendrai le moment venu.

Les circonstances pertinentes confirmant le caractère équitable du résultat obtenu selon le
principe de la bissectrice

143. La jurisprudence de la Cour a confirmé qu’il y a lieu de tenir compte des circonstances

pertinentes pour déterminer si une méthode de délimitation aboutit à un résultat équitable. A cet

égard, on peut citer les arrêts rendus dans les affaires Libye/Malte (C.I.J. Recueil 1985, p.39,

par. 46), Jan Mayen (C.I.J. Recueil 1993, 6.4, par.9) et Cameroun c N.igéria

(C.I.J. Recueil 2002, p. 441-442, par. 288-290).

144. Cependant, l’appartenance de tel ou te l élément à la catégorie des circonstances

pertinentes est une question d’ordre juridique, et elle a été soigneusement circonscrite par la

jurisprudence. Une circonstance pertinente ne peut avoir d’incidence sur le tracé provisoire que si

elle repose sur une base factuelle claire et si certaines conditions sont réunies.

145. La première de ces conditions résulte du fa it qu’il existe un lien juridique entre le titre

de l’Etat côtier — titre fondé sur son front côtier — et la notion de circonstances pertinentes. Par

conséquent, pour pouvoir être retenu comme une circonstance pertinente, l’élément considéré doit - 38 -

se rapporter à l’institution du plateau continental. La Cour l’a précisé dans l’arrêt qu’elle a rendu

en l’affaire Libye/Malte :

«Après l’application des principes équ itables il reste donc encore à la Cour à
apprécier le poids qu’il convient d’accorder aux circonstances pertinentes dans une
délimitation particulière. Selon un dictum fréquemment cité de la Cour dans son arrêt

de 1969 :

«En réalité il n’y a pas de limites juridiques aux considérations que
les Etats peuvent examiner afin de s’assurer qu’ils vont appliquer des

procédés équitables et c’est le plus souvent la balance entre toutes ces
considérations qui créera l’équitable plutôt que l’adoption d’une seule
considération en excluant toutes les autres. De tels problèmes d’équilibre
entre diverses considérations varient naturellement selon les

circonstances de l’espèce».» (C.I.J. Recueil 1969, p. 50, par. 93.)

Et cet arrêt de poursuivre :

«Pourtant, bien qu’il n’y ait peut-être pas de limite juridique aux considérations

dont les Etats sont en droit de tenir compte , il peut difficilement en être de même
lorsqu’une juridiction applique des procédures équitables. En effet, bien qu’il n’y ait
certes pas de liste limitative des considérations auxquelles le juge peut faire appel, de
toute évidence seules pourront intervenir celles qui se rapportent à l’institution du

plateau continental telle qu’elle s’est constituée en droit, et à l’application de principes
équitables à sa délimitation. S’il en allait autrement, la notion juridique de plateau
continental elle-même pourrait être boulev ersée par l’introduction de considération
étrangères à sa nature.» (C.I.J. Recueil 1985, p. 40, par. 48.)

146. La masse terrestre d’un Etat ne peut donc pas être considérée comme une circonstance
43

pertinente dans la mesure où elle ne constitue pas la base de droits relatifs au plateau continental ou

à des espaces de la zone économique exclusive.

147. Une condition liée à la précédente est que les circonstances pertinentes doivent être

liées à l’objectif que les Etats ont en vue lorsqu’ils formulent des prétentions sur les fonds marins.

Ainsi, dans ce même arrêt, la Cour a fait observer, en réponse à un argument de Malte :

«La Cour ne considère cependant pas qu’une délimitation doive être influencée
par la situation économique relative des deux Etats concernés, de sorte que le moins
riche des deux verrait quelque peu augment ée, pour compenser son infériorité en

ressources économiques, la zone de plateau continental réputée lui appartenir. De
telles considérations sont tout à fait étra ngères à l’intention qui sous-tend les règles
applicables du droit international… Si le concept de zone économique exclusive a
inclus dès l’origine certaines dispositi ons spéciales au bénéfice des Etats en

développement, celles-ci n’ont porté ni su r l’extension de ces zones ni sur leur
délimitation entre Etats voisins, mais seulement sur l’exploitation de leurs ressources.
Les ressources effectivement contenues da ns le plateau continental soumis à
délimitation, «pour autant que cela soit c onnu ou facile à déterminer», pourraient

effectivement constituer des circonstances pe rtinentes qu’il pourrait être raisonnable
de prendre en compte dans une délimitati on, comme la Cour l’a déclaré dans les
affaires du Plateau continental de la mer du Nord ( C.I.J. Recueil 1969, p.54, - 39 -

par. 101 D 2). En effet, ces ressources représentent bien l’objectif essentiel que les
Etats ont en vue en avançant des prétentions sur les fonds marins qui les recèlent. En
la présente espèce, toutefois, les Parties n’ont fourni à la Cour aucune indication à ce

sujet.» (C.I.J. Recueil 1985, p. 41, par. 50 ; les italiques sont de nous.)

Les circonstances pertinentes invoquées à l’appui de la thèse du Nicaragua

148. J’en viens maintenant aux circonstances pertinentes invoquées par le Nicaragua en la

présente affaire. Ce sont les suivantes :

a) Premièrement : l’incidence des ressources naturelles dans la zone contestée

149. Depuis les affaires du Plateau continental de la mer du Nord , il est reconnu que

l’existence de ressources naturelles dans la zone contestée peut être une circonstance pertinente

ayant une incidence sur la délimitation. Dans le dispositif des arrêts rendus dans les affaires du

Plateau continental de la mer du Nord , la Cour a précisé que «les facteurs à prendre en

considération» devaient comprendre les ressour ces naturelles des plateaux continentaux en cause

«pour autant que cela soit connu ou facile à déterminer» (C.I.J. Recueil 1969, par. 101, p. 53-54).

Dlqrrêtlle a rendu en l’affaire du Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya arabe

libyenne), la Cour a indiqué que :

«Quant à la présence de puits de pétrole dans une zone à délimiter, cette
présence peut, selon les faits, représenter un élément à considérer dans le processus au

cours duquel tous les facteurs pertinents s ont soigneusement pesés pour aboutir à un
résultat équitable.» (C.I.J. Recueil 1982, p. 77-78, par. 107.)

44 150. D’autres décisions judiciaires sont citées dans le mémoire (p. 123-127). Il convient d’y

ajouter une décision plus récente. Ainsi, en l’affaire Cameroun c. Nigéria , la Cour a examiné la

question soulevée par le Nigéria de savoir si la pratique pétrolière des parties fournissait des

indications utiles aux fins de la délimitation. La Cour a jugé que :

«Dans l’ensemble, il ressort de la juri sprudence que, si l’existence d’un accord
exprès ou tacite entre les parties sur l’emplacement de leurs concessions pétrolières
respectives peut indiquer un consensus su r les espaces maritimes auxquels elles ont
droit, les concessions pétrolières et les puits de pétrole ne sauraient en eux-mêmes être

considérés comme des circonstances pertin entes justifiant l’ajustement ou le
déplacement de la ligne de délimitation proviso ire. Ils ne peuvent être pris en compte
que s’ils reposent sur un accord exprès ou tac ite entre les parties. En la présente
espèce, il n’existe aucun accord entre les Parties en matière de concessions pétrolières.

La Cour considère partant que la pratiq ue pétrolière des Parties ne constitue pas
un facteur à prendre en compte aux fins de la délimitation maritime en l’espèce.»
(Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun - 40 -

c.Nigéria; Guinée équatoriale (int ervenant)), arrêt, C.I.J.Recueil2002 , p.447-448,
par. 304.)

151. La Cour notera que, dans l’affaire Cameroun c. Nigéria , elle n'a pas examiné la

question générale de l’incidence des ressources naturelles, mais l’importance des concessions

pétrolières et des puits de pétrole eux-mêmes. Les éléments de preuve relatifs aux concessions

pétrolières seront examinés le moment venu par M. Remiro Brotóns.

152. Ces circonstances pertinentes n’ont fait l'objet d'aucun commentaire du Honduras dans

son contre-mémoire.

Le second type de circonstances pertinentes découle du :

b) Principe de l’accès équitable aux ressources naturelles de la zone contestée

153. Le principe de l’accès équitable aux r essources naturelles est manifestement apparenté

au facteur que constitue l’incidence des ressources na turelles. Quoi qu’il en soit, ce principe a été

formulé pour la première fois en tant que te l dans l’arrêt rendu par la Cour en l’affaire Jan Mayen,

dont les passages pertinents sont reproduits dans le mémoire, aux pages 128 à 130. Il est apparu de

manière significative dans le contexte d’une affair e dans laquelle, ainsi que l’a relevé la Cour, les

parties s’opposaient principalement sur la question de l’accès aux ressources halieutiques.

45 154. La question de l’accès aux ressources a été examinée avec beaucoup d’attention dans la

sentence arbitrale Terre-Neuve-et-Labrador/Nouve lle-Ecosse, et notamment dans la sentence

rendue par le tribunal au terme de la seconde phase. Après avoir résumé les arguments, le tribunal

conclut que :

«Il est désormais bien établi qu’une juridiction chargée d’une délimitation

maritime ne peut prendre en considérati on ni la richesse relative ni les ressources
naturelles des Etats concernés ou de leurs populations; il s’agit là de questions
totalement extérieures. Aucune des Parties n’a d’ailleurs prétendu le contraire. Quant
à l’accès aux ressources spécifiques de la zone en question, le Tribunal n’estime pas

que ce facteur soit sans pertinence. En fa it, la jurisprudence antérieure semble
indiquer que l’accès aux ressources de la zone objet de la délimitation peut être
pertinent de deux manières. La première se rapporte à l’hypothèse selon laquelle une
délimitation particulière pourrait avoir «d es répercussions catastrophiques pour la

subsistance et le bien-être économique d es populations» des pays concernés; mais
cette hypothèse peut clairement être écart ée en l’espèce. En revanche, l’éventuelle
prise en considération, lors d’une délimitati on, des ressources naturelles de la zone en

question «pour autant que cela soit connu ou facile à déterminer» ⎯ hypothèse déjà
reconnue dans les affaires du Plateau continental de la mer du Nord ⎯ est plus
pertinente. Elle a été déterminante en l’affaire Jan Mayen, en ce qu’elle a permis de
tracer une ligne d’équidistance ajustée défi nitive. Il est vrai que la prise en

considération de l’emplacement de ressources potentielles est un peu en contradiction - 41 -

avec le principe souvent rappelé selon lequel une juridiction chargée d’une
délimitation maritime ne procède pas au pa rtage d’un ensemble indivis. Pour les

raisons déjà exposées, le Tribunal se trouve da ns la même situation s’agissant de la
délimitation du plateau continental indivis du Canada entre les deux Parties aux fins
des Lois de mise en Œuvre . Dès lors, il ne lui incombe pas de partager équitablement
les ressources en mer, réelles ou hypothétiques, quel que soit leur emplacement. Selon

lui, cependant, l’incidence d’une ligne proposée sur l’attribution des ressources est un
élément qu’il peut dûment prendre en comp te au même titre que d’autres facteurs.»
(Par. 2.31.)

Et le tribunal poursuit ainsi :

«Ainsi que cela ressort de la carte n o4 [reproduite ici sous le n oIB37], chaque
Partie revendiquait une ligne lui attribua nt la plus grande partie du sous-bassin

laurentien. (Bien qu’il n’en soit pas fa it mention dans la sentence du Tribunal
d’arbitrage, laquelle a plutôt insisté sur les ressources halieutiques, le couloir de
Saint-Pierre-et-Miquelon traverse également ce sous-bassin.) [Il s’agit ici d’une
référence à Saint-Pierre-et-Miquelon]. Les autorités des deux Parties ayant indiqué

qu’une zone de ressources potentielles était en jeu, le Tribunal n’estime pas que la
formule employée dans les affaires de la mer du Nord («pour autant que cela soit
connu ou facile à déterminer») doive être a ppliquée strictement. Dès lors, l’incidence
de toute délimitation sur l’accès à ces ressources est un facteur potentiellement

pertinent en l’espèce.» (Par. 3.22, notes de bas de page non reproduites [traduction du
Greffe].)

155. Cette délimitation confirme le principe de l’accès équitable dans le contexte de

l’exploration et de l’exploitation d’hydrocarbures (voir la sentence, par. 3.19-3.20).

156. Dans son contre-mém oire, le Honduras ne répond au cunement aux passages du

mémoire consacrés à l’accès équitable. Et il garde encore le silence dans la duplique.

157. Ma conclusion sur ce point est que la ligne fondée sur la méthode de la bissectrice

produit un résultat qui satisfait au critère de l’accès équitable aux ressources situées dans la région

du seuil nicaraguayen, représentée sur la carte IB22.

46 158. J’en viens à présent à la troisième circ onstance pertinente évoquée par le Nicaragua

dans son mémoire, à savoir :

c) Le seuil nicaraguayen comme formation géol ogique et géomorphologique partagée par le
Nicaragua et le Honduras

159. Cette formation se caractérise par l’absence de toute ligne de division naturelle. Il est

inutile de répéter l’analyse présentée dans le mémoire, aux pages131 à133. L’importance du

caractère unitaire des fonds marins est établie dans la jurisprudence.

160. Ainsi, dans la sentence rendue en l’affaire Saint-Pierre-et-Miquelon, le tribunal

d’arbitrage a indiqué que - 42 -

«dans cette région, le plateau continental est un continuum caractérisé par l’unité et
l’uniformité de l’ensemble des fonds marins , «de l’Arctique à la Floride», comme l’a
admis le Canada et comme l’a reconnu la Chambre de la Cour internationale de Justice

en l’affaire du Golfe du Maine. Dans cette dernière affaire, la Chambre est parvenue à
la conclusion suivante : «Le plateau continen tal de l’ensemble de cette zone ne forme
qu’une partie fondamentalement indistincte du plateau continental de la côte orientale
de l’Amérique du nord» (par. 45). Comme il s’agit d’un seul et même plateau, on ne

saurait le considérer comme exclusivement can adien. Chaque segment de côte a sa
part de plateau.» (International Law Reports, vol. 95, p. 665, par. 46.)

161. Pour conclure, le rôle du seuil nicaraguayen peut être décrit de la façon suivante :

«On peut considérer que le seuil nicaraguayen, compte tenu de son homogénéité
géomorphologique, constitue une zone frontière... Cette masse homogène n’impose
pas seule la frontière, mais confirme bien le caractère équitable du tracé de la frontière
obtenu sur la base d’autres considérations . La frontière proposée par le Nicaragua

respecte le caractère unitaire du seuil nicaraguayen, en le partageant en deux de
manière à peu près égale entre le Nicaragua et le Honduras. Les façades côtières du
Nicaragua et du Honduras situées devant les parties submergées du seuil nicaraguayen
étant dans l’ensemble de même longueur, un partage égal tel que celui-là apparaît

intrinsèquement équitable.» (MN, p. 133, par. 21)

162. En réponse à la thèse du Nicaragua relative au seuil nicaraguayen, le Honduras, dans

son contre-mémoire (par.4.33), se fonde exclusiv ement sur la solution judiciaire apportée en

l’affaire Libye/Malte, où les arguments de la Libye étaient de nature totalement différente. En cette

affaire, la Libye avançait que la «zone d’effo ndrement» située au sud de Malte constituait une

frontière géologique, et donc juridique. La Libye plaidait pour une délimitation des fonds

marins ⎯une délimitation des fonds marins ⎯ géologique. En la présente affaire, la thèse du

Nicaragua est que, en l’absence de lignes de partage naturelles, la géologie est pertinente.

47 d) Considérations de sécurité en tant que circonstance pertinente

163. J’en viens maintenant à l’examen d es considérations de sécurité en tant que

circonstance pertinente. Les juridictions interna tionales ont, dans leur jurisprudence, reconnu la

pertinence juridique des considérations de sécurité aux fins de déterminer le caractère équitable

d’une délimitation.

164. Il s’agit, dans l’ordre chronologique, d es décisions suivantes. Dans l’arbitrage rendu

dans l’affaire de la Délimitation maritime entre la Guinée et la Guinée-Bissau

(Guinée/Guinée-Bissau), ordonnance du 8 novembre 1995, le tribunal a indiqué qu’

«[a]ux circonstances économiques, les Parti es ont lié une circonstance tirée de la
sécurité, laquelle n’est pas sans intérêt, bien qu’il convienne de souligner que ni la
zone économique exclusive, ni le plat eau continental ne sont des zones de

souveraineté. Cependant les implications que cette circonstance aurait pu avoir sont - 43 -

déjà résolues par le fait que, dans la solu tion qu’il a dégagée, le tribunal a tenu à ce
que chaque Etat contrôle les territoires maritimes situés en face de ses côtes et dans
leur voisinage. Cette préoccupation a c onstamment guidé le tribunal dans sa

recherche d’une solution équitable. Son objectif premier a été d’éviter que, pour une
raison ou pour une autre, une des Parties voie s’exercer en face de ses côtes et dans
leur voisinage immédiat des droits qui pourraient porter atteinte à son droit au
développement ou compromettre sa sécurité.» ( International Law Reports , vol.77,

p. 689, par. 124.)

165. Dans l’arrêt qu’elle a rendu en l’affaire Libye/Malte, la Cour a clairement reconnu que

les considérations de sécurité entraient dans la catégorie juridique des circonstances pertinentes

(voir C.I.J. Recueil 1985, p. 42, par. 51).

166. Le fait que les considérations de sécurité sont applicables à toutes les délimitations

maritimes, et non pas uniquement aux zones du plateau continental, a été ainsi confirmé par la Cour

dans l’affaire Jan Mayen :

«La Cour considère que l’observati on qu’elle a formulée dans l’arrêt

Libye/Malte (C.I.J. Recueil 1985, p.42, par. 51) selon laque lle «les considérations de
sécurité ne sont pas sans rapport avec le c oncept de plateau continental», constituait
une application particulière au plateau contin ental, dont la Cour avait alors à traiter,
d’une remarque de portée générale concernant tous les espaces maritimes.»

(C.I.J. Recueil 1993, p. 75, par. 81.)

167. Ainsi que le Nicaragua l’a relevé dans le mémoire, le tracé proposé par le Honduras

contredit manifestement le principe de sécurité. Dans le contre-mémoire, le Honduras convient que

la Cour a reconnu la pertinence d’un argument fondé sur la sécurité (CMH, p.134, par.7.5). Il

soutient toutefois que la sécurité du Nicaragua n’est menacée en rien car le parallèle «demeure bien

à l’écart des côtes du Nicaragua». Sauf le respect qui est dû à la partie adverse, c’est là une attitude

qui frise la mauvaise foi.

168. Il est généralement admis que le déve loppement du plateau continental en tant que

concept juridique fondé sur l’éga lité des Etats traduisait la tend ance générale des Etats à vouloir

48 parer à une multiplicité de prétentions émanant d’in térêts extrarégionaux et à la notion mouvante

d’exploitabilité. C’est ainsi qu’émergea le droit naturel de l’Etat riverain en tant que tel. Donc, dès

le début, la tendance était contre le recours aux modes d’acquisition territoriale en tant que

fondement des droits sur les zones sous-marines. Hersch Lauterpacht étudia ces problèmes dans un

article publié en 1950 dans le British Yearbook (vol. 27, p. 376-433).

169. La situation a été analysée sous l’an gle de l’interprétation du principe de

non-empiétement. Dans son opini on individuelle en l’affaire du Plateau continental - 44 -

(Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne) , le juge Jiménez de Aréchaga rejeta l’idée selon laquelle le

principe de non-empiétement aurait été lié à la géologie. Le non-empiét ement traduisait donc la

continuation en mer de la façade côtière d’un Etat.

170. Le juge Jiménez de Aréchaga vit que, essentiellement, il s’agissait de mettre en place un

régime d’ordre public approprié. Je le cite :

«Cette interprétation est confirmée par la raison d’être de l’institution du plateau

continental, telle que celle-ci est née et s’ est développée au milieu de ce siècle. Si
cette doctrine a été largement et immédiatement acceptée, ce n’est pas tellement parce
qu’elle permet d’exploiter les ressources naturelles du plateau, mais plutôt parce
qu’elle autorise tout Etat riverain à s’opposer à ce qu’un autre Etat entreprenne

d’exploiter le fond et le sous-sol de la mer devant ses côtes. A l’époque, seule une
poignée d’Etats industrialisés possédaient les techniques nécessaires à cette
exploitation. Cependant, tous les Etats riverains ont accepté la doctrine sans hésitation
en raison de ses effets négatifs, à savoir qu’elle empêchait la ruée vers les ressources

des fonds marins à laquelle quelques Etats se seraient livrés, au nom du dogme de la
«liberté des mers» cher à Gr otius. C’est pour cette raison que la convention de 1958
ne subordonne pas les dro its souverains existant ab initio à l’exploitation ou à
l’occupation effective, ni même à la proclamation desdits droits.» ( Plateau

continental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne), arrêt, C.I.J. Recueil 1982,
p. 119-120, par. 70.)

171. Dans les circonstances du présent différe nd, la prétention basée sur un parallèle tend

mutatis mutandis à réveiller les fantômes qui avaient été dissipés à la troisième conférence des

NationsUnies sur le droit de la mer. Comme l’hi stoire le montre clairement, la question de la

sécurité faisait intervenir le non-empiétement et l’opposition à l’exploitation des ressources

naturelles en face des côtes d’un autre Etat.

e) L’accès au principal chenal navigable dans les zones côtières adjacentes

172. J’en viens maintenant au rôle du Main Ca pe Channel, qui traverse le banc Miskito. Ce

chenal est représenté ici sur la carte n o28140 des Etats-Unis, reprise sous le numéroIB38. Des

49 sources judiciaires faisant autorité ont retenu le point de vue selon lequel l’accès aux chenaux

navigables situés dans des zones côtières adjacent es constitue une circonstanc e pertinente dans le

cadre de la délimitation maritime. Dans l’ordre chronologique, la première de ces sources est le

rapport et la décision du tribunal d’arbitrage dans l’affaire du Canal de Beagle . Le passage

pertinent se lit comme suit :

«Pour tracer la ligne figurant sur la carte de délimitation jointe, décrite plus haut
aux paragraphes104 et 105, le tribunal s’ est fondé sur les considérations exposées à
l’annexe IV (qui montre comment la ligne a été tracée), en particulier sur des facteurs - 45 -

mélangés de rattachement, de configurati on côtière, d’équidistance, et aussi de
commodité, de navigabilité, ainsi que le souci de permettre à chaque partie de

naviguer autant que possible dans ses propres eaux. Aucun de ces éléments n’a
provoqué de déviation sensible par rapport à la ligne médiane proprement dite, sauf,
pour des raisons évidentes, à proximité de l’île de Gable, où le chenal navigable
généralement utilisé a été suivi.» (International Law Reports, vol. 52, p. 185, par. 110

[traduction du Greffe].)

173. Dans la sentence rendue en l’affaire de la délimitation du plateau continental entre le

Royaume-Uni et la France, le tribunal arbitral a reconnu que des intérêts en matière de navigation

dans la région «peuvent étayer et renforcer » des conclusions «déjà déduites des éléments

géographiques, politiques et juridiques de la région» ( Recueil des sentences arbitrales, vol. XVIII,

p. 226, par. 188).

174. Il est vrai, bien sûr, que dans l’arbitrage concernant le Canal de Beagle le tribunal

délimitait la mer territoriale dans la partie étroite du canal, tandis que l’arbitrage franco-britannique

concernait la délimitation du plateau continental. Dans la présente affaire, rien ne permet de penser

que le facteur de la navigabilité doive être c onsidéré comme dénué de pertinence lorsqu’il s’agit

d’une frontière maritime unique. Dans son important traité, Prospe rWeil cite le passage de la

sentence relative au Canal de Beagle dont je viens de donner lecture, puis exprime sa réaction. La

voici :

«le raisonnement aurait-il été différent s’ il s’était agi de délimiter des plateaux
continentaux ou des zones économiques excl usives? Non moins significative est
l’absence de toute suggestion, dans Guinée/Guinée-Bissau, d’une quelconque

distinction entre les règles à appliquer à la partie de la ligne de délimitation afférente à
la mer territoriale et celles à appliquer à la partie de la ligne afférente à la fois au
plateau continental et à la zone économique exclusive.» (Weil, Perspectives du droit
de la délimitation maritime, 1988, p. 153.)

175. Le Main Cape Channel, qui fait partie du banc Miskito ⎯et que vous pouvez voir ici
o
sur la carte n 1218 du service hydrographique britannique et sur la carteIB39 à l’écran ⎯ est

décrit dans la source officielle britannique, le East Coasts of Central America and Gulf of Mexico

Pilot, de la manière suivante :

50 «Main Cape Channel

3.135

Informations générales. Main Cape [coor données] (15° 00' N 82° 55' O) est l’un des

principaux chenaux traversant le banc Miskito et relie les alentours du cap
GraciasaDios [coordonnées] (15°00'N 83°09'O) aux eaux profondes situées au
NNE. Les profondeurs généralement relevées dans ce chenal ⎯qui fait au moins

5 milles de large ⎯ sont comprises entre 18 et 30 mètres.» - 46 -

Cette description est extraite de la quatrième édition récemment publiée du Pilot (p. 88).

176. L’importance du Main Cape Channel est c onsidérablement renforcée par sa relation au

seul port de la région, le port de Cabo Gracias a Dios à l’embouchure du fleuve Coco, qui se trouve

au Nicaragua. L’agent du Nicaragua a expliqué hier en détail la situation des ports dans la région.

177. Ayant achevé mon examen des circonstances pertinentes invoquées par le Nicaragua, je

vais maintenant passer à l’examen des arguments du Honduras sur ce sujet.

Les circonstances pertinentes invoquées par le Honduras

a) La notion de circonstances pertinentes adoptée par le Honduras est erronée

178. Tout d’abord, il est clair que la noti on de circonstances pertinentes adoptée par le

Honduras est erronée. L’approche hondurienne n’est conforme ni au droit applicable, ni à la

jurisprudence correspondante. Ainsi que le Nicara gua l’a relevé dans sa réplique, le Honduras fait

partout une confusion entre la pratique étatique comme preuve du titre sur les îles, d’une part, et les

circonstances pertinentes, facteur à prendre en co mpte dans le cadre d’une délimitation maritime,

de l’autre. Cette confusion apparaît au chap itre6 du contre-mémoire, où les activités censées

attester les effectivités sont invoquées au sujet tant des îles que des eaux «dans la zone en litige au

nord du 15 eparallèle» (p. 81, par. 6.1). Elle est mainte nue et même aggravée au chapitre 7, dans la

section consacrée aux «circonstances pertinen tes dont ne tient pas compte le Nicaragua»

(p.137-140). Comme il ressort clairement du contenu de cette section, les éléments présentés le

sont dans le contexte de la délimitation maritime.

179. Aux chapitres6 et7, le Gouvernement du Honduras invoque certains types d’activités

dans le contexte de la délimitation maritime.

a) Premièrement, la réglementation de l’immigration (par. 6.51-6.59) ;

b) deuxièmement, les patrouilles militaires et navales (par. 6.60-6.62) ;

51 c) troisièmement, les opérations de sauvetage (par. 6.62) ;

d) quatrièmement, les aides à la navigation (par. 6.64-6.66) ;

e) et, enfin, les études scientifiques (par. 6.67).

Ces cinq types d’activités ne sauraient entrer en considération en tant que circonstances

pertinentes aux fins de la déte rmination d’une frontière maritime unique. Ils ne satisfont tout - 47 -

simplement pas aux conditions qui permettraient de les inclure dans la catégorie des circonstances

pertinentes ⎯ conditions que j’ai déjà énoncées.

180. La position du Honduras contredit abso lument la jurisprudence des tribunaux

internationaux. En fait, l’argumentation hondurienne reprend celle des Etats-Unis dans l’affaire du

Golfe du Maine. Dans cette affaire, la Chambre de la Cour, au paragraphe 233 de son arrêt, résume

les arguments des Etats-Unis de la manière suivante :

«Pour les Etats-Unis, la considération principale est ici la présence historique de

l’homme sur les lieux contestés. En l’espèce, le facteur décisif est à leurs yeux
l’activité exercée par les Etats-Unis et par leurs ressortissants, depuis leur accès à
l’indépendance et même avant cela, activité dont ils disent avoir eu pratiquement
l’exclusivité pendant la plus grande partie de cette longue période. Leur raisonnement

est simple et se rapprocherait quelque peu d’une invocation de droits historiques, bien
que cette expression n’ait pas été utilisée. Cette présence humaine constante s’est
traduite avant tout par des activités de pêche, de conservation et de gestion des
pêcheries, mais elle a aussi comporté d’au tres activités maritimes, concernant l’aide à

la navigation, les secours, la recherche, la défense, etc. Toutes ces activités, qui,
d’après cette Partie, dépassent de loin, en durée et en importance, celles plus récentes
et plus limitées du Canada et des Canadi ens, doivent selon elle représenter une
circonstance pertinente principale aux fins d’une solution équitable en matière de

délimitation.» (C.I.J. Recueil 1984, p. 340-341, par. 233.)

En réponse, la Cour fait observer :

«Il est donc évident, aux yeux de la Chambre, que l’ampleur respective de ces

activités humaines liées à la pêche ⎯ ou à la navigation, à la défense, ou d’ailleurs à
la recherche et à l’exploitation d’hydrocarbures ⎯ne saurait entrer en considération
en tant que circonstance pertinente ou, si l’ on préfère, en tant que critère équitable à

appliquer à la détermination de la ligne de délimitation.» (Ibid., p. 342, par. 237.)

181. D’une manière générale, cette argumentation du Honduras tend à confondre

l’importance juridique des effectivités en tant que preuve du titre sur un territoire avec la question

de la délimitation maritime et des circonstances pertinentes. Et, de toute façon, les éléments de

preuve que le Honduras a produits à l’appui de ses prétendues effectivités n’emportent pas la

conviction (RN, chap. V, p. 71-89).

b) Les circonstances pertinentes dont le Nicaragua ne tiendrait pas compte

182. Le Honduras a consacré une partie de son contre-mémoire à une question qu’il a

intitulée «Les circonstances pertinentes dont ne tient pas compte le Nicaragua» (p. 137-143). Pour

52 l’essentiel, cette partie se rapporte à l’argument que le Honduras tire de la conduite des Parties

(p.137-140). En l’espèce, la prétendue conduite qui est invoquée ne peut être reconnue comme - 48 -

faisant partie des circonstances pertinentes. Il ne fait aucun doute que le consentement ou

l’acquiescement peut être utilisé pour infléchir les effets normaux du critère du caractère équitable

mais, dans la présente affaire, ils ne constituent pas une circonstance pertinente. Le consentement

allégué, qu’il soit exprès ou tacite, ne découle pas de considérations d’équité.

183. La Chambre de la Cour l’a dit clairement dans l’affaire du Golfe du Maine, en relevant

«l’impossibilité de conclure de la conduite des Parties à l’existence dans leur s rapports bilatéraux

d’une obligation juridique qui s’imposerait à elles, quant à l’utilisation d’une méthode particulière

pour la délimitation de leurs juri dictions maritimes respectives» ( C.I.J. Recueil 1984, p.312,

par. 154). Cette idée se retrouve aussi au paragraphe 148 de l’arrêt de la Chambre.

«Sur la base de l’ensemble des considérations exposées, la Chambre tient que,
dans le cas d’espèce, ne se trouvent pas réunies les conditions d’un acquiescement de
la part des Etats-Unis, qui, même à défaut d’autres bases, aurait pour effet de rendre

obligatoire, sur le plan des rapports bilaté raux entre les Etats-Unis et le Canada,
l’application de la ligne médiane à la détermination des juridictions maritimes
respectives de ces deux Etats. Il en va de même en ce qui concerne l’éventualité d’un
estoppel, et ceci sans préjudice des problèmes que peut poser en général l’application

de cette notion en droit international.» (C.I.J. Recueil 1984, p. 310, par. 148.)

184. Il ressort clairement du contre-mémoire et de la duplique que la position juridique du

Honduras repose avant tout sur la frontière traditionnelle alléguée. Certes, le Honduras prétend que

tracer une ligne suivant le parallèle produit un résultat équitable (DH, par.2.45), mais son

argument principal est celui d’une frontière prétendument convenue.

185. En vérité, dans de nombreux passages de ces écritures le Honduras traite un accord

comme une forme juridique spéciale supérieure aux principes équitables eux-mêmes. Ainsi, dans

le contre-mémoire, le Honduras déclare ce qui suit :

«Compte tenu de ces éléments de preuve et de la pratique commune et ancienne
examinée au chapitre 6, une frontière maritime longeant approximativement
le 15 parallèle en direction est était bien établie dès1979…Ce serait une grave

erreur que de permettre au nouveau gouvernement de l’une des Parties de réévaluer les
«éléments d’équité» de la situation et d’ex iger, de droit, une revision de l’accord ou
d’affirmer, comme le fait à présent le Nicara gua, qu’il n’existe aucun accord et qu’il
faut procéder de novo à une nouvelle délimitation équitable.» (Par. 7.25.)

186. Tout d’abord, dans cette affirma tion du Honduras, il y a l’acceptation que la

revendication d’une ligne sur le pa rallèle n’est pas équitable. Dans ce passage, les «éléments

d’équités» revêtent un statut s ubordonné et contingent et le message adressé à la Cour est

53 simplement que les principes généraux de la délimita tion maritime ne sont pas applicables. Cette - 49 -

approche juridique fondamentale est confirmée dans plusieurs passages de la duplique. Parmi les

exemples qui peuvent être cités figurent les suiv ants. Premièrement, au paragraphe2.45 le

Honduras écrit

«En d’autres termes, l’invocation par le Honduras de la ligne traditionnelle

unique, qui découle elle-même de son titre territorial (uti possidetis juris), et l’histoire
très ancienne d’une frontière établie et acceptée, sont renforcées et confortées et
étayées par le fait qu’elles produisent un résultat équitable.» (DH, p. 21, par. 2.45.)

Cette formulation confirme que la «ligne traditionnelle» ne cons titue point, fondamentalement en

droit, une délimitation maritime.

187. Et le deuxième exemple peut être trouvé au paragraphe 2.47 :

«Le Honduras convient avec le Nicaragua que «les circonstances pertinentes ont
essentiellement pour rôle de confirmer le caractère équitable d’une frontière».
Toutefois, la position du Honduras reste que le principe du respect d’une frontière

existante convenue est la plus pertinente de toutes les circonstances. Cela est encore
plus vrai lorsque, dans un souci raisonnable et d’équité, le Honduras ne demande que
le respect de cette frontière, sans chercher à faire valoir la position la plus avantageuse
possible consistant à prendre en considér ation les îles sur lesquelles le Honduras

exerce quoi qu’il en soit sa souveraineté.» (DH, p. 21, par. 2.47.)

188. Enfin, le Honduras affirme que le Nicar agua a ignoré, en tant que circonstances

pertinentes, la présence des îles et les traités im pliquant des Etats adjacents de la région (CMH,

p. 140-143). Ces questions ne seront pas abordées ici. Mon collègue Oude Elferink a déjà procédé

à une analyse des traités, et examinera la questi on de la présence des îles dans le deuxième exposé

qu’il fera cette semaine.

189. Je vais à présent m’intéresser à la ligne proposée par le Honduras dans sa duplique en

tant que ligne d’équidistance provisoire (DH, p. 130-131).

Madame le président, il serait utile que je puisse arrêter là mon exposé. Nous nous

attendions d’ailleurs à déborder d’une vingtaine de minutes sur l’audience de demain matin.

Le PRESIDENT: Le choix est la vôtre. La Cour aurait été disposée à siéger quelques

minutes de plus encore. Mais si c’est là ce que vous préférez, et je crois comprendre qu’il en est

ainsi, alors l’audience sera levée maintenant. N ous allons considérer l’audience de ce matin

comme étant arrivée à sa fin et la Cour se réuni ra de nouveau à 10heures demain matin pour

entendre la suite des plaidoiries du Nicaragua. - 50 -

M. BROWNLIE : Je vous remercie infiniment.

Le PRESIDENT : L’audience est maintenant levée.

L’audience est levée à 13 heures.

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