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Uncorrected Translation
CR200018(traduction)
CR200018(translation)
Lundi5jui2n000à10heures
Monday5 June2000 at10a.m. The PRESIDENT :Please be seated. The sitting is openand 1give the floor immediately to
Sir Ian Sinclair. .
Sir Ian SINCLAIR :Thank you Mr. President. Monsieurle président,Madameet Messieurs
les Membresdela Cour :
LES DÉCISIONC SONCERNANT IiAWAR
1. Je reprends mon exposé sur les décisions britanniquese 1936 et 1939relativesaux îles
Hawar, mais je voudrais d'abord rappeler très brièvement à la Cour les éléments principaux de
l'argumentationquej'avais développéeavant de devoir m'arrêm tercredi dernier.
2. J'avaispriéla Courde se pencher attentivement surl'«examen approfondi))des éléments
de preuve auquelle Gouvernementbritannique prétendait s'êtr ivréavant d'annoncersa décision
du Il juillet 1939 accueillant la revendication de souverainetéde Bahre'insur Hawar. J'avais
égalementfait valoir,à titre de point de droitpréliminaire,qu'il aurait fallu de toute façonque les
à ce que le Gouvernement britannique trancheleur différendportant
deux souverains consentent
sur la propriétdes îles Hawar avant que cette décision,quelle que soit la façon dont on puisse la
qualifier, lie les parties et j'avais soutenu que le souverain de Qatar n'avait jamaisun tel
consentement,ni à l'époque en question ni par la suite. J'avais aussi citéunpassage d'unrapport
établien 1964par un fonctionnairedu ministèrebritannique des affaires étrangère, ans lequelon
admettaitqu'aucun desdeux souverainsn'avait étéinvitéàs'engager au préalableà reconnaîtrela
sentence niàle faire par la suite et qu'il s'agissaiten fait d'une décision«imp-séc'estle mot
mêmequi futemployé - d'en haut par les Britanniques.
3. J'avais entrepris ensuite l'analyse des élémentsde preuve invoqués par les autorités
britanniques pour justifier la «décision provisoire))de1936en faveur deahreein.La raison pour
I
laquelle les fonctionnaires britanniques dansle Golfe se sont délibérément abstenus d'informer
souverain de Qatar de la revendicationofftcielle formuléeàl'égardde Hawarpar le souverainde
Bahre-ïnenavril 1936ne saurait êtreque Loch et Fowle ne savaientpas au débutde 1936que le
souverain de Qatar revendiquait Hawar. Aprèstout, Loch, l'agent politique,avait participéàun
vol de reconnaissance de la RAF au-dessus de Qatar en 1934,au cours duquel les îles Hawar avaient étésurvoléesavec l'autorisation du souverain de Qatar. J'avais signaléqu'on n'avait
jamais vraiment cherchéàl'époqueàvérifierl'exactitudedesaffirmationspar lesquellesBelgrave,
dans sa lettredu 28 avril 1936,appuyaitlarevendicationdu souveraindeBahre'inetj'avais rappelé
0 9 à la Cour les documents des archives britanniques de 1933 et 1934 qui confirmaient la
reconnaissance parla Grande-Bretagnede l'appartenancedesîlesHawar àQatar.
4. J'ai également indiqué qu'il'existeaucune trace d'actes d'administrationaccomplis par
Bahreïn aux îles Hawar dans les archives officielles de Bahreïn avant 1937-1938 ni dans les
journaux de l'agent britannique avant 1938et j'ai parléaussi des conséquencescatastrophiques
pour Qatar de la ((décisionprovisoire)ritanniquedu 9juillet 1936accueillantla revendicationde
Bahre'insur les îles. J'ai terminémon exposémercredi passé enformulant des hypothèses quant
aux raisons susceptibles d'expliquer la «décision provisoire))britannique de 1936 et en disant
qu'une de ces raisons tenait peut-êtrela situation critique des finances publiques de Bahreïn au
milieu des années trente.
5. Monsieur le président,Madame et Messieurs lesMembresde la Cour,je puis maintenant
vous exposer la genèse dela prétendue«enquête»consacrée en 1938-1939 à la question de la
souverainetésur les îlesHawar.
La genèsedel'«enquêted »e 19383-193c9oncernantlaquestionde la souveraineté
surlesîles Hawar
6.Le processus consistantàchercherlaquelledes deuxrevendications, celledu souverainde
Bahreïn et celle du souverain de Qatar,était bienfondéeadébutpar un mémorandumqueFowle,
le résidentpolitique dans le Golfe,a adresàéSyrnonde 1'IndiaOffice le 5 avril 1938'en réponse
à une lettre lui demandant son avis sur la procédurequ'il y avait lieu de suivre pour réglerla
question de lasouverainetésurles îles Hawar. Fowle faisait lespropositionssuivantes
lui-même,en sa qualitéde résident politique, enverrait ausouverain de Qatar une lettre
a)
l'informantque, dans le cadre des négociationsque certainescompagnies étaientsur le point
d'engager, il devenaitindispensable de trancher la question de la propriétéde Hawaret de
Fasht ad Dibal; sur la base des élémentsde preuve dont le gouvernement de Sa Majesté
'Mémoird eeQatar,annexeI146,vol.7p.233. [Nv.] disposaità l'époque, ces îles semblaient appartenir au souverain de Bahreïn, mais le
gouvernement de Sa Majestéavait aussi des raisons de croire que le souverainde Qatar, pour
1
sa part, pourrait vouloir présenterune revendicationsur ces îles; dansffirmative,il faudrait
que le souverain de Qatarprésente ses revendications agouvemement de Sa Majestédans un
certain délai (disons deux mois), passé lequel aucunerevendication ne serait prise en
considération;
b) aprèscela, une letûe serait adresséeau souverainde Bahre'in,avec copie de celle qui aurait été
envoyée au souverain de Qatar,lui expliquant que la réponse éventuelle à cette dernièrelui
serait communiquée. Le souverain de Bahreïn aurait alors l'occasion de réfuter la
revendication du souverain deQatar,si ce dernieren formulaitune;
c) une deuxièmelettre devrait alors être adresséaeu souverain de Bahreein,qui ferait étatde la
premièrelettre (queje viens de décrire)et dans laquelleil lui serait demandé de bien vouloir
reporter les négociations avec les compagnies concernée jssqu'à ce que la question de la
propriété de Hawar eFtasht adDibal soit tranchée;
d) une nouvelle lettre devrait êtreadressée ensuiàePCL et àla BAPCO pour les informer des
mesuresprises.
7. Bien que les intérêtdsu souverain de Qatar eussënt été gravement, voire définitivement,
compromispar la ((décisionprovisoire))prise unilatéralemen lt9juillet 1936par le Gouvernement
britannique,il semblaity avoir au moinsquelqueespoirderétablir l'équilibre si lesropositionsde
Fowle étaient toutes adoptées.Or, lors d'une réuniontenue à lYIndiaOffice le 12avril 1938par
Fowle, des fonctionnairesde 1'IndiaOfficeet des représentantsde PCL pour discuterdes activités
de PCL dans le Golfe, il apparut rapidement que celle-ci étaitfermement opposéeà tout report des
négociations. Elle étaitmêmeopposée à un report très bref de deux ou trois mois à peine,
c'est-à-dire le temps de trancher définitivemelt question de la souveraineté. Ce fut d'ailleurs
cette réunion queLongrigg, de PCL, déclaraqu'«il pensait quant à lui qu'il serait dommage de
donnerdes idéesde propriété [des îleHs awar]au cheikhde ~atan>~.Compte tenu de cette prisede
position de la part de PCL et Longrigg affirmant que PCL était disposéeà prendre le risque de
Mémoird eeQatar,annexe111.14,ol.7,p.245.payer deux fois pour la même chose, Fowleretire la proposition de report des négociations.Il faut
relever qu'à aucun moment lors des discussions avec PCL, le 12avril 1938, il ne fut question,
même de lapart des fonctionnairesde l'hdia Office,des intérêtsu souverainde Qatarface àPCL.
Il est évidentque si les négociations concernantla concession pétrolière relativeau secteur non
attribué devaient se poursuivre uniquement avec le souverain de Bahreein, cela porterait
inévitablementpréjudice atuitre du souverainde Qatarsur les îles Hawar, que ce dernieravait déjà
évoqué auprès de Weightman en février1938, mêmesi ce dernier le niait encore de façon
spécieusele 15mai 1938~.Les négociateurs allaient deplus en plus partir de l'hypothèseque le
souverainde Bahre'ïnétaiten droit d'accorderune concession pour un secteur qui comprenait les
îles Hawar et ils allaient de moins en moins prêterattention au fait que le Gouvemement
britannique s'était formellement réservéle droit de prendre une décision définitivesur les
revendications concurrentesdes deux souverainssur ces îles. Les négociateurs-c'étaient des
gens intelligents- ne manqueraient pas de calculer que si le Gouvemement britannique
encourageait à la fois la BAPCO et PCL à faire des offies au souverain de Bahreïn pour une
concession couvrant l'ensemble de ce qu'on estimaim t aintenant êtrele secteur non attribué,ou
pour les seules îles Hawar, comme ce fut le cas pour PCL par la suite, c'est qu'il s'étaitdéjà
prononcéde façon définitive enfaveur de la revendication bahre'initesur les îles et ne procédait
qu'àun simulacred'enquête.
8. Monsieur le président, à part le fait qu'on abandonnala proposition initiale de Fowle
d'avril 1938 tendant à différerles négociationssur la concession pétrolièrejusqu'au moment où
une décision définitiveseraitprise sur l'identitédu propriétairede Hawar et de Fasht adDibal, le
scénariomis au point par Fowle pour procéder à l'enquête fuatcceptéen principe tant par l'hdia
Officeque par le ForeignOffice àLondres. Onconstate que la charge de réfuterla revendication
de Bahre'ïnsur les îles Hawarallait donc incomberàQatar. C'étaitla conséquence inévitabld ee la
((décision provisoire))prise par le Gouvemement britannique en 1936. On voit aussi que les
propositions deFowlene prévoyaientpas d'informerle souverain de Qatar des moyens de preuve
sur lesquels reposait la revendication de souverainetéprésentéepar Bahreïn, ni de lui donner la
- -
Mémoire dQ e atar,annexeIII.152,vol.7,p.261. possibilitéde réfuterces moyens de preuve. Enfin,la Cour auracertainementrelevéque, dansle
mémorandumqu'il a adresséà 1'IndiaOffice le 5 avril 1938,les propositions deFowle étaient
accompagnéesde ce commentairesidérantau paragraphe6 :(01 point devue politique,il serait
trèsbon quenous donnions HawaràBahre'incar cela contrebalanceranotre décision antérieuree
donnerZubarahà~atar.»~
Letitre sur lesîiesHawaret lesnégociationr selativesauxconcessionspétrolières
9.Monsieurleprésident,c'est àcepointdurécitqueje voudraisrappeleraux membresdela
Cour ce quej'ai appelé«le jeu réciproque entre cesdeux opérationsdistinctes mais liéesentre
elles», c'est-à-dire,la question du titre sur les îles Hawar d'une partet l'issue des négociations
concernant la concession pétrolièred'autre part.Commentces deux questions sont devenues
inextricablementmêléeà s partir de mai 1938,c'est ce que M.Shankardassa amplementmontré
dans sonexposé qui nousa tant éclairés ercredidernier. La Couren conclura sûrementqueles
1 2 autoritésbritanniquesdans leGolfe s'étaientalors tellementengluéesdans la toile qu'elles-mêmes
avaienttissée qu'ilne leur était toutsimplementpas possibledeprendreune décision objective et
impartialeconcernantla question du titre sur les îles Hawar. En pratique, cela voulaitdire que la
décisionprovisoire de 1936 étaitdevenueune décision définitive, avamtême que la prétendue
«enquête» sur la questiondu titre eûtcommencé.
Partipriset jugementparanticipation
10.Il vaut lapeine derelever que Bahreïnn'a pas directementcontesté,danssesécritu,asl
thèse de Qatar selon laquelle la règle interdisant toute partialité chez une aunvestie du
pouvoir dedéciderau niveauinternationalrepose sur deuxélémentprincipaux:
1) nul ne peut êtrejuge dans sa propre cause (nemojudex incausa sua), ce qui est
généralemenctompriscomme signifiantqu'unedécision ne doitpas s'inspirerde l'intérêt
personnel du décideurmais doit tenir dûment compte du bien-fondéde la thèse des
partiesen litige;
MémoirdeeQatar,annexeIII.146,vol.7,p.236. 2) le décideurne doit êtreprévenuni pour ni contrel'une ou l'autre desparties; il ne doit
pas non plus préjuger dela valeur d'une cause en se prononçant avant mêmed'avoir
donné véritablement aux parties, suurn pied d'égalitél,apossibilitéd'êtreentendues.
11.Or le commentaire tout à fait superflu qui figure au paragraphe 6 du mémorandumde
Fowle daté du 5 avril 1938fait manifestement entorseau premier élément de la règle interdisantle
parti pris,puisqu'il exprime un point de vue fondé sur ceque l'auteurjuge être l'intérétgoïstede
la Grande-Bretagne. Ce n'était d'ailleurs pasla première fois que de hauts fonctionnaires
britanniques dans le Golfe exprimaient un point de vue assez similaire; la Cour se rappellera
certainementque Loch, l'agentpolitique de l'époque, avaip trécisémentfaiv t aloir danssa lettredu
6mai 1936adresséeà Fowle qu'«il pourrait nous êtreutile sur le plan politique, dans certaines
situations, que Bahreïns'étendesur une zoneaussi vaste que possible»s. CommeQatarl'a déjà fait
remarquer,un décideur impartialn'a pas à prendre en compte ce qui serait bon politiquementpour
la Grande-Bretagne,surtoutsi ce décideur estle Gouvernementbritannique lui-même.
12. A ce stade,il ne me reste plus qu'à donner huitautres exemplesflagrantsde parti prisou
de préjugéen faveur de Bahreïn que des fonctionnaires britanniques, soit dans le Golfe soit a
Londres, ont manifestépendant ou après la prétendueenquêtemenée par Weightman sur la
questiondela souverainetérelativeauxîles Hawaren 1938et 1939 :
1) le comportement indéfendablede Weightman lorsqu'il a montré à Belgrave, conseiller
auprèsdu souverain de Bahre'ïn,le 22 avril 1939, en l'absencede tout représentantdu
souverainde Qatar, une copiedu rapport qu'il adressaitàcette date (peut-êtremêmesous
la forme d'un projet) au résidentpolitique sulra question dela souveraineté;
2) le fait que Weightmann'ait pas montré nimêmecommuniqué au souverain deQatar la
teneur del'«exposépréliminaire))(non sollicitéd)u 29 mai 1938présentant lesarguments
de Bahreeinau sujet de Hawar, alors que Weightman avait expressément ditque ce
documentfaisaitpartie du dossier;
MémoiredeQatar, annex eI106,vol.7p.27.3) les pressions exercées parWeightman sur le souverain de Qatar,dans la lettre qu'il a
adressée à ce dernier le 20 mai1938, pour qu'il soumette sa revendication sur les îles
Hawar «le plus tôt possible»6,ce qui a eu pour résultat que la revendicationa été #
présentéele 27mai 1938',alors qu'un délai peu contraignant avaié t tédonné àBahreïn
pour présentersa ((demande reconventionnelle)),qui ne fut d'ailleurs soumise que le
3janvier 1939,quelque quatre mois et demiaprèsqu'ilen eut étéprié;
4) les pressions du mêmegenre qui furent exercées surle souverain de Qatar pour qu'il
réponderapidement à la ((demandereconventiomelle»,dontune copie luifuttransmisele
5janvier 193g8,mais en anglaisseulement (languequele souverain ne comprenaitpas);
5) la preuve que la question de la souverainetéavait été directemend técidée d'avance par
Weightman lui-mêmelorsque, dans la lettre qu'il adresse à Fowle le 12février1939,il
discute des avantages financiers respectifs que présentent pour Bahreïn l'oMe de la
BAPCO pour l'ensemble du secteurnon attribuéet celle de PCL pour les îles Hawar y
compris les eaux temtoriales de ces îles et déclareque, pour ce qui concerne les îles
Hawar, «il n'y a guère de doute que la souverainetéappartient à Bahrein))et examine
quelle sera la situation «[l]orsque le gouvernement de Sa Majesté attribuerales îles
Hawar à ~ahreïn~~.
6) la preuve que Fowle avait préjugé la question dlea souverainetéquand, dans la lettre
qu'il adresseau secrétaired'Etatpour les Indes le 3novembre 1938,il fait valoir qu'une
décision du gouvernementde SaMajesté tendant àreporter les négociations relatives la
concession pétrolièresera considérée comme ayant pour objet d'empêcher ((1'Etatde
Bahreïn d'accroître considérablementses revenus));et lorsque Fowle, dans la même
lettre, reconnaît que (([gléographiquementl,es îles Hawar sont en dehors de la zone de
Bahreïn et proches de Qatar, où [PCL] a déjàune concession))et recommande pourtant
I
MémoiredeQatar,annexe111.156v,ol.7,p. 279.
MémoiredeQatar,annexe111.157v,ol.7,p. 285.
MémoiredeQatar,annexeIII.177,vol.,p. 393.
Contre-mémoirede Qatar, annexe111,ol.3,. 265 (par. 8b)et 9b)). que l'on exerce des pressions sur le souverain de Bahreïn pour qu'il accorde une
concessionsur les Hawar àPCL";
7) la lettre que Peel (de 1'India Office) adresse à Bagallay (du Foreign Office) le
6juillet 1938, dans laquelleest notammentexaminéela question de savoir s'il y a lieu
d'inviter le souverain de Qatar à présenter ses observations sur la ((demande
reconventionnelle))deBahreïn,et dans laquelleil estdit ce qui suit
«pour des raisons pratiques,il n'y a guèreavantageàinviter le cheikh de Qatar
à présenter des observationssurlathèsede Bahreïn,puisqu'il estbien clair qu'il
n'a pas de preuvesà produire àl'appuide ses propresprétentions»11.
Voilà, avec cette lettre, un exemple typique de jugement par anticipation, mêmesi
Beckett, lejurisconsulte en second du Foreign Office, est intervenu pour faire en sorte
finalement qu'une copie dela ((demandereconventionnelle))du souverain de Bahreïnfût
transmise entempsutileau souveraindeQatarpourrecueillirses observations;
8) enfin, nous avons les termes extraordinairespar lesquels s'exprime Weightman dans la
lettre qui accompagne le rapport Packeret qu'il adresse à Prior le 5 décembre193912;
dans cette lettre, Weightman semble presque envisager avec plaisir une éventuelle
tentative d'assassinatsur la personnede l'héritier présomptidfe Qatar, le cheikh Hamad,
lorsqu'il succéderaau cheikh Abdulla commesouverain.
13. Je dois prier la Cour de bien vouloir m'excuser d'avoir a lui rappeler que certains
exemplesdeparti pris en faveurde Bahreïnet certainscas où la décisionrelativeà la questiondela
souveraineté sur les îles Hawar aété prised'avance sont imputables à des fonctionnaires
britanniques dans le Golfe et Londresau coursde cette période importantequi va de 1936à 1939.
Et je dois mêmedire que le dernier exemple de l'attitude quasi paranoïaque deWeightman à
l'égardde la famille régnantede Qatar me remeten mémoire quelquesvers quej'ai probablement
appris dans mon enfance, ily a plus de soixante ans. Ils disaientceci etje ne sais pas trèsbien ce
que cela donneen traduction :
((Toi,docteurFell,je ne t'aimepoint,
'Mémoird eeQatar,annexe111.17,ol.7,p.351.
lMémoird eeQatar,annexe111.16,ol.7,p.323etrépliqeeQatar,par.4.257.
'Contre-mémoid reQatar,annexe111.4,ol.3,p.275. Et pourquoi? Jen'en saisrien.))
Car Weightmann'explique pasvraimentpourquoi il éprouve uneantipathie profonde à l'encontre
du souverain de Qatarde l'époque et, plus particulièrement,àl'égarddu cheikh Hamad, l'héritier
présomptif. Il fait grief au souverain de son «avarice», en oubliant commodément queQatar ne
bénéficiait guère dreevenus pétroliersen 1939 et était beaucoupplus pauvre que Bahreeïn. 11
maugrée aussi àpropos des «impôts»levésparl'héritierprésomptif.Mais tout cela est bien loinde
le fonder à se proclamer calmement et ouvertement favorable à une éventuelle tentative
d'assassinat sur lapersonne de l'héritier présomptif. Après tBt,elgrave, dans son journal pnvé,
nous le savons, s'estmontréparfois extrêmement critiqueàl'égarddes dépenses extravagantesde
certains membres de la famille régnante de Bahreïnau cours de la récessiondu début des
années trente; maisil a su raison garderà ce sujet, ne fût-ce que dans son propre intérêt, eitl
n'envisage évidemmentpas, mêmedans son journal pnvé, l'assassinat comme une solution
possibleà ce typede maux.
14. M. Shankardassa bien entendu appelé notre attentionsur les éléments qui prouventue
des fonctionnairesbritanniquesà Londres et dans le Golfe souhaitaient, en 1938,pouvoir réaliser
un partage de ce qui étaitcensé constituer le ((secteurnon attr)) Bahre'ïnafin que PCLpuisse
obtenir une concession sur les îles Hawartout au moins tandis que la BAPCO severrait accorder
quant à elle une concessionsu. le reste du secteur non attribué. Maisil s'agiraitlà de concessions
qu'accorderaitlesouverainde Bahreïn. Ce serait Bahreeinet non Qatar qui aurait le bénéfice
exclusif des revenuspétroliers. Chercherà faire croire, comme le fait Bahreïn, que le dossier ne
contient aucune preuvede parti prisn faveur deBahreïn et contreQatar quand il est question des
revendications concurrentes de souverainetésur les îles Hawar, c'est vraiment trop demanderà la
crédibilité.En1930,Bahreeïnétait, ainsiqueWeightmanle faisaitcertainementvaloir danssalettre
du 18octobre 1938 àFowle, considéré par le Gouvernementbritannique del'époquecomme étant
«le seul émirat vraimentloyal detout le~olfe))'~.Bahreïn étaitaussi,pour l'Imperia1Airways,une
escale de sa liaisonaérienneavec lesndes dont l'importancestratégiquene cessait de croître. De
sorte que, toutà fait indépendamment dela conduite de certains fonctionnaires, il y avait quasi
forcémentun partipris britannique sur la question des îles Hawar en faveur de Bahreïn dont le
l3RépliqueeQatarannex 111.79v,ol.3,p.492. souverainverrait en outre s'allégerles soucis fuianciers quil'avaient assailliau début desannées
trente si les îles Hawar lui étaient accordées. Cette tendanàefavoriser Bahreüi s'est plutôt
renforcée en1938et en 1939lorsquela Grande-Bretagneeut à faire face au risquequi seprofiàait
l'horizon d'une seconde guerre mondiale contre l'Allemagne, fait qui allait mettre en lumière
l'importancepour la Grande-Bretagnede voies de communication avec l'Inde et avec l'Australie
passantpar le Golfe.
16 15. Mais on aboutit alors à un flagrant déni dejustice commis par le Gouvernement
britannique de l'époque sur lafoi d'une appréciationtendancieuse et viciéede la situation par
Weightman, l'agent politique britannique alors en poste Bahre'ïn. Il se peut bien que cette
évaluation tendancieuseait étexacerbéeentre autrespar lespréjugés profondémen etnracinésque
Weightmana continuéd'éprouver jusqu'au bout contrelafamillerégnante desAl-Thani àQatar.
16.Compte tenude toutes les conditionsdans lesquelless'est donc déroulcetteprétendue
«enquête» menéepar Weightman en 1938-1939au sujet de la souveraineté surles îles Hawar, eu
égarden outre à la sentencerendue par le tribunal saisi dans l'arbitrage qui a opposé Doàbaï
Chardjah,Qatar estimeque la décisionprise par le Gouvernementbritannique le Il juillet 1939ne
saurait êtrequalifiée de sentencearbitrale eta vraiment aucun doute sur ce point. De plus,
commeladite décision aété prisesans le consentementpréalable des deuxsouverains,elle ne les
liaitpas et n'a certainementjamais été acceptéepe souverainde Qatar de l'époqueni par aucun
de ses successeurs comme étantrevêtued'une quelconque force obligatoire. Les arguments
juridiques que Qatarfaitvaloir surcet aspectde l'affaire ont été exposés deapprofondiedans
sesdiversespièces de procédureécrite,etje prie respectueusementles membres de la Cour debien
vouloir sereporteraux sectionspertinentesde ces écritures.
Monsieur le président,ainsi s'achèvent mesobservations sur les décisionsbritanniques
de 1936et 1939concernantles îlesHawar. Je tiensà remercierMadameet Messieursles Membres
de la Cour d'avoir bien voulum'accorderleur attentionetje vous prie, Monsieur le président,de donner la parole à M. Shankardass qui exposera l'argumentation deQatar sur les prétendues
effectivitésdeBahreeïnavant 1936.
t
Le PRESIDENT :Merci beaucoup,sir Ian. Je donneàprésentlaparoleàM. Shankardass.
M. SHANKARDASS : Merci, Monsieur le président. Monsieur le président,Madame et
Messieursles Membresde la Cour :
17 RÉFUTATIONDESPRÉTENDUESEFFECTMTÉS ANTÉRIEURESÀ 1936 (EN DROITETENFAIT)
1.Dans mon exposéprécédentj,'ai attiré l'attention dela Cour sur lesnombreuxélémentd se
preuve qui établissentque les territoires deBahreiii ont une superficie limitéeet se composent
essentiellementd'ungroupecompact d'îles quin'ajamais englobé les îlesHawar.
2. Ma tâche consiste aujourd'huiàvous parler des thèses subsidiaires de Bahreïn,soumises
en vue d'appuyersa revendication sur les îles Hawar, en me fondant sur l'hypothèse quela Cour
voudrabien rejeter la conclusion principale deBahre'ïn,àsavoir que la questionest tranchéepar la
décisionbritanniquedejuillet 1939.
3. Bahreïn soutient tout d'abord que l'«origine historique)d)e son titre sur les îles Hawar est
la domination et l'autoriqu'il aexercées initialementsurtous les territoiresdu golfe deBahreïnet
de lapéninsulede Qatar. Monsieur le président, Madameet Messieursles Membres de la Cour,je
me permets d'indiquerque Qatar a déjàdémontré dans ses écritures queBahreeïnn'exerçait ni cette
1
domination, ni cette autoritéet, en tout cas, ne les exerçaitpas sur la péninsulede Qatar ni sur les
îles contiguësàcelle-ci aprèsles accordsde 1868.
4. Cette thèsesubsidiaire a un deuxième aspect consistantpour Bahre'ïnàtenter d'invoquer
des effectivités l'appuide sa revendicationen affumant avoir apportéla preuve de l'existence de
plus de soixante-dix «exemples»de l'exerciced'autoritépar Bahre'ïnsur les îles Hawar au cours
2 \
desXD(e et XXe siècles .Bahreïn a énuméré cesprétendus«exemples»dans saréplique,selon une
stratégiequeje qualifieraide stratégiede la «lisàepuces». Jeme permetstoutefois de direquela
1
RépliquedeQatar,par4.120à4.133.
2RépliquedeBahreïn,par28et 29.grande majoritéde ces <cpuces» énoncentde simplesaffmations, sans aucunepreuve à l'appui, et
ne méritentdonc pas d'êtreexaminéessérieusement.Aucune ne constitue un acte accomplipar
Bahreïnouen sonnom à titredesouverain.
5. Il n'y a guèreque trois decesprétendus «exemples» d'actesprétendument accomplip sar
Bahreïn avant 1936-1937,époque à laquelle Bahre'ïna occupé illégalement leîsles Hawar, qui
méritentun examenplus approfondi. Il s'agitd'abord, Monsieurleprésident,de la permissionque
les Al-Khalifa auraient accordée àla tribu des Dowasirde s'installerdans les îlesHawar àla suite
de la conquête par les Al-Khalifa desîles de Bahreïn auXVIiIesiècle;puis il s'agit de décisions
que des tribunauxbahre'ïnitesauraient renduessur des affairesde droits fonciers et de pièges à
poissonsaux îles Hawar; et enfin,il s'agitdu fait que les autoritébahre'ïnitespouvaientordonner
l'arrestationou la comparutionforcée devant des tribunaux de Bahreülde personnes déclaréeê s tre
des«résidents» desîles Hawar.
6. La premièreallégation atrait àla thèsede Bahreïnselonlaquellesa souverainetésur les
îles Hawar est corroboréepar la preuve de la présence continue sur les îles, à partir de 1800
3
environ, d'unepopulation de sujets deBahremin , savoir d'unebranche de la tribu des Dowasir,
aprèsque celle-cieut demandé etobtenu l'autorisation d'occupelr'île,qui lui fut accordéepar le
4
cadi de Zubarah, leplus haut magistrat religieuxet judiciaire dela famille Al-Khalifa . Bahreïn
soutient donc que «la juridiction et le contrôle queBahre'ïnexerce sur les îles Hawar remontent
5
ainsi à deux siècles» . Il s'ensuit donc nécessairemenq tu'en l'absencede toute juridictionou
contrôle avant cette date, Bahreïn n'étaitpas habilité à accorder la permission alléguée aux
Dowasir.
Bahreïn soutientpar ailleursqu'en 1845, ceuxqu'ilappelle les (Dowasir de Hawarnfurent
invitéspar le souverainde Bahreeïn às'installer sur l'île princieeBahre'ïn,sanschangerlemode
6
de vie qui étaitle leur sur les îles Hawar . Pour prouver cette affirmation, Bahre'ïncite une
3
Mémoire deBahreïn,par.345.
4
Mémoire deBahreei,ar.346et413.
5 Mémoire deBahreïn,par.36et37.
6 Mémoire deBahreïn,par.417. 7
observation de Lorirner relatiàel'arrivédesDowasir àHawaret àBahre'ïn,ainsi que le courrier
adressé en 1909paP rrideaux, l'agent politique britannia,u résidentpolitique concernant l'octroi
aux Dowasirde la permissionde résider à Hawar. Qataraffirme,Monsieurle président,qu'aucun
de ces élémentnse corroborece queBahreeintente d'établir.
7. Si l'onse reporte àl'observationcitéedans le Gazetteerde Lorimerde 1908;on constate
d'abordque Lorimerdécrivait les nombreux endroitosù l'ontrouvaitdes membresde la tribu des
Dowasir et que Hawar ne figure pas dans sa liste;on constate aussi que l'on indique que les
Dowasir deBahreeïnont immigrédu Najd ((d'oùils ont progressivement migré vers l'estet, après
avoir passéplusieurs annéessur l'île deZakhTiunaniyahs ,ont finalementarrivésà Bahreïn vers
1845sous la conduitedu grand-pèrede leurcheikh actuel»- fuide la citation deLorimer. Dans
cettemême observation,Lorirnernote égalementquecertainsdesDowasirsesontétablisàDoha,à
Qataret au Koweït,et que certaines(ramificationsde la communautéDowasirde Bahreïn))sesont
établiessurla côte perse.
19 8.La CournoteraqueLorimerne mentionnepas l'arrivéedes DowasiràHawarni via Hawar
en 1800,ni le fait que les(Dowasirde Hawam auraientétéinvitésen 1845par le souverainde
Bahreüi à s'installersur l'île principale deBahreein. En revanche, il mentionne explicitement
Zakhnuniyah,et mêmeDoha, Koweïtet la côte perse. Par conséquent, hormic sertainespreuves
par ouï-dire dansles lettresde 1909de Prideaux,l'agent politique, j'évoqueradi ansun instant,
iln'existepas de preuve réeldel'«occupation» deHawarpar les Dowasirni deleurprésencedans
l'îlà partir de 1800,que ce soit suite à une autorisation des Al-Khalifa ou autrement, et
certainementpasde preuved'uneinvitationbahreeïniteadresséeen 1845aux(aowasir deHawam.
9. Qatara déjà montréque,même aprèsquecertainsmembres delatribudes Dowasireurent
commencé àrésideràBudaiyaet àZellaq sur la côte nord-ouest del'îleprincipalede Bahre'ïni,ls
ont continué de formerune communautéparticulièrement indépendante.Ils n'ont pas accepté
8
l'autorité politiquedes souverains de Bahreeïn ; et lorsque le souverain a tenté, dans les
années vingtd'apporterà l'activité perlieesréformesqui les léseraient,ils ontconsidéqueces
réformesempiétaientsur leurindépendance et ils ont tout simplementquittéBahreïn pour'Arabie
MémoirdeeBahreïn, ar417etmémoire de Bahrean,nexe74,vol.3,p. 378.
8Contre-mémoiredQeatar, 3..82à3.95. saoudite. Bon nombre d'entreeux ont finalement regagnéZellaq maiscertainsne s'étaienttoujours
9
pas furésen 1933 . En outre, le roi Ibn Saoud les considéraitcommeses «sujets Dowasim lorsque,
en 1928,il adressait des remontrancesaux Britanniqueset au souverainde Bahre'ïnConcernant[les]
droits qu'ils ont àBahre'ïnO. Bahreïnn'adonc pas établiqu'àcetteépoque, lesDowasir formaient
une (population de sujets de Bahre'ïn)),i que leur occupationde Hawarétait((ininterrompue)).En
réalitéB, ahreïnlui-même reconnaît àprésentque les Dowasirvivaient à Buddaiya ou àZellaq, sur
l'îleprincipale de Bahreïn,et que leurs séjoursaux îles Hawar n'étaienqtue saisonniers, à des fins
11
de chasseet de pêche . Bahre'indéclare en outre qu'après ldeébutde la mise en valeur du pétrole
dans les annéestrente, «les conditions de vie sont devenues plus attrayantessur l'îleprincipale))et
que les activités sur Hawar,déjàlimitées,ont régressée,lles aussi2.
10. J'en viens à présent à l'unique preuve-je dis bien l'uniquepreuve - que fournit
Bahre'ïnpour confwer que les Al-Khalifa auraient autoriséla tribudes Dowasir à occuper lesîles
Hawar vers 1800.
2 0 11. Cette preuve revêt lafonne de deux lettres écritesles 20 mars et 4 avril 1909 par
Prideaux, l'agent politique britannique. Bahre'ïnfait valoir que cette preuve montre aussi que la
décision écrite ducadiq ,ui date de 1800 environ, étaittoujours conservéepar les Dowasir 13
en 1909. Ces lettres apparaissent comme fondamentalespour Bahreïnquand celui-cirevendique
les îles Hawar,et des copies en ont été placéedsansle dossier desjuges commepièces nos44 et45.
Si la Cour le permet, je me propose de montrer à l'écran quelques-unsdes passages les plus
importants deces lettres.
12. Pour commencer,je me permettrai de dire quela correspondance sur laquellese fonde
Bahreïn ne visait pasà appuyerles revendicationsde Bahreeïnsur les îles Hawar et ne constituepas
à cet égardun quelconque élémend te preuve crédible. Son but étaittout autre. A la lecture des
9
RépliqudeeQatarp, ar.4.164;réplieeQatar,annexeIII.42,vol.3,p.270.
IO
RépliqudeeQatarp, ar.4.164;contre-mémoreQatar,annexe111.34v,ol.3, p.179.
II
Mémoird eeBahreïn,par. 9;voiraussirépliquee Qatar,ar.4.165etsuivants.
12Mémoird eeBahreeinp,ar.38.
13Mémoird eeBahreïn,par.413et424etnote dbas depage484. 14 15
deux lettresdePrideaux, datéesdu 20 mars 1909 et du 4 avril 1909, on constate à l'évidenceque
ce qui le préoccupait à l'époque,c'était,comme il le dit, le fait que les fonctionnaires turcs
cherchaient à affermir leur autoritédans le district, aux limites très floues, dont ils avaient la
16
charge et qu'ilavait pour cette raison décidé de se rendre àZakhnuniyah et dans l'îlede Hawar
afin de voir si, le cas échéantl,'activitédes Turcs s'intensifiait dans la région. Aprèssa visite, il
signale au résident politique, danune lettre manuscritenon officielle datéedu 20 mars 1909,qu'il
avait appris qu'unmudirturc était venuà Zakhnuniyah et avait tentéde convaincre les Dowasir
qu'ilyavait trouvés dese considérercomme dessujets turcs et de hisser le drapeauturc surl'île;et
que les Dowasir avaient réponduqu'ilsne pouvaient suivre que leur propre chefqui résidait à
Bahre'ïnet avaientrefusécatégoriquementd'adopterle drapeauproposé.
13.Dans cette première note manuscrite,les îles Hawar sont mentionnéespour la première
foislorsquePrideaux déclare, dansun passagequi apparaît à présentà l'écran:
«Il est de fait queles Dowasirde Budaiya et de Zellaq sur la côtenord-ouest de
Bahreeïnont coutumechaquehiverd'émigreren partie à Zakhnuniya et aux îles Hawar
pour la pêche(derequinset depoissons comestibles) et le colportage.»
14.F'rideauxfait une seule autre allusion àHawar quand il évoque cequi sembleavoir été
sonbut réel à l'époque,qu'ilformuledans les termesqui apparaissent à présentàl'écran :
«Si le cheikhIssa est disposé à revendiquer la souverainetésur Zakhnuniya,
notre position sera des plus faciles, mais les Dowasir, surtout en ce qui concerne
Hawar, ont tendance àse considérercomme les propriétaires indépendants des lieux,
se fondant en cela sur une décision vieilled'un siècled'uncasi de Zubarah (qui, en
réalité,étaità l'évidenceun fonctionnaire relevant des Al-Khalifa), et la question
mérite donc quelque réflexion.
Je déconseille fortementde laisser les Turcs conserver Zakhnuniya, parce que
cela les inciterait àpasser ensuità Hawar, mais si le cheikh Esa ne veutpas ou n'ose
pas affirmer sa souverainetésur Hawar, nous nous trouverons dans une impasse.
J'espèretoutefois pouvoir donner la semaine prochaine des nouvelles satisfaisantes
concernantsonattitude. )>
15. Il semble dèslors que le principal objectif dePndeaux fût de contrecarrer ce qui était
*
considérécomme l'expansionnismetenitonal turc dans cette région du Golfe. Comme je le
montrerai bientôt, ily réussit, mais pourun temps seulement, en ce qui concerne Zakhnuniyah,
14Mémoirede Qatar,annexe111.1,vol.6,p.233.
15Mémoirede Qatar,annexe111.53,ol.6,p.245.
16
Ibid.maispas en ce qui concerne Hawar. En effet, le cheikhEsa n'a formuléde revendicationformelle
de propriétéque pour Zakhnuniyah et, manifestement, «ne voulait ou n'osait pas affirmer sa
souverainetésur Hawm. La Courrelèveraque Prideaux confirmenéanmoinsque les Dowasirde
Bahre-ïnse rendaient uniquementchaque hiver surHawar pour la pêche et le colportage.Cen'est
manifestement que de manière incidente qu'il mentionne que les Dowasir affirment être«les
propriétairesindépendantsdes lieux,se fondanten cela sur une décisionvieille d'unsièd'u casi
de Zubaralw. Il signale bien que le casi, plus de cent ans auparavant, étaitprobablement un
fonctionnaire relevant des Al-Khalifa, mais il se bornàrecommander d'accorder à la question
((quelqueréflexion)).
16.Pndeaux fait officiellementrapport au résidentpolitique sur sa visàtZakhnuniya et à
Hawardans sa secondelettre datéedu 4 avril 1909. Il ne le fait qu'aprèsavoirvu le cheikh Esaet
17
s'êtressuréde cequ'ilqualifie,danssa lettreinformelle, de«sonattitude))au sujetdes île.
17. S'agissantde Zakhnuniya, il écritqu'ila trouvé surl'îlequelques pêcheursvivant dans
des huttes enfascines; et qu'il a remarqué udrapeau turc enrouléet attaché aubas du mât. Il
signale aussi que les membres de la tribu des Dowasir avaient réponduàune question du mudir
turcqu'ilsavaientdécidé dene pas suivre son conseilet de ne pas sereconnaîtrecomme des sujets
turcs par crainte de perdre éventuellementleurs possessionsà Bahre-ïn. En d'autres termes, ils
s'estimaient libresde faire ce choix, en toute indépendance, maisils avaient pris la décision
contrairede peur d'irriter l'agent politique britanou le souverain de Bahreeïn,dont les Turcs
revendiquaient également la chefferie.l est manifeste, par ailleurs, que les Dowasir accordaient
beaucoupplus de valeur àleurs possessionsà Bahreeinqu'auxquelques biens et effets personnels
qu'ilsemportaientaveceux lors de leursséjourssaisonniersZakhnuniyah.
18. Prideaux signale en outre que, depuis Zakhnuniyah,il gagna ensuitel'îlede Hawar, où
les Dowasir possédaient deux villages d'hiveru mêmetype; il y avait trouvé, à un endroit,un
ensemble de quarantehuttes placé sous l'autoritd'uncousin du cheikh tribal. La Cour relèvera
qu'ilfaisaitmanifestement allusioà un cousin d'uncheikh local des Dowasir, et pas au souverain
de Bahre'in. Prideaux note ensuite que cette personne, un certainIssa bin Ahmed Dosiri, «est
17
MémoirdeeQatarannex 111.5v,ol.6,p.245. égalementapparentéepar mariage au cheikh Issabin Ali)). Il semble que Bahre'ïnait supposé que
ce mariage pouvait,en quelque sorte, avoir servi de fondementla souverainetéducheikh Issasur
Hawar, maisje crois que la Cour concluraque Prideaux ne suggérait riende tel. fideaux déclara
ensuite dans son rapport que Dosiri, qu'ilavait rencontré,lui dit aussi, et ce passage apparàît
présentà l'écran:
«[Il me dit aussi] que, si Zakhnuniya était certes sans doute aucun une
possession du souverain de Bahreein,les Dowasir considéraientHawar comme leur
propre territoire indépendant,la propriétde l'îleayant étéoctroyéeà la tribu par le
casi de Zubarah plus de cent ans auparavant, dans une déclaration écritequ'ils
possèdentencore.))
19.Après avoirdéclaré dans sa lettredu 20 mars 1909que, puisque les Dowasirprétendaient
être les(propriétairesindépendants))deHawar, «la question méritait quelque réflexion)),rideaux
exprimait à présent,dans son rapport officiel du 4 avril, son propre avis:puisque le casi de
Zubarah était,àl'époqueu, n fonctionnairedes Al-Khalifa, l'île, selon les termesqui apparaissentà
présent àl'écran,((sembleraitêtreune dépendancede 1'Etatcontinental que le cheikh de Bahreïn
revendiqueencoresur leplanmoral et théorique)).
20. Il est clair que Pndeaux savait parfaitement quel effet avaient les accords de 1868 et
connaissait en 1909 la situation décritedans lezetteer de Lorimer de 1908,à savoirque lt«Etat
continental))désignait l'entité distinde Qatar. Il est clair que Bahreïn était etest encore une
structure entièrementinsulaire et que, par définition,il n'est pas possiblede la décrirecomme un
«Etat continental)). Par conséquent,l'«Etatcontinental))que le cheikh de Bahreïn revendiquait
encore en 1909 «sur le plan moral et théorique)),pour employer la formule très prudente de
Prideaux, étaitdonc manifestement l'entité distincte de Qatar.
21. Prideaux avait raison dese montrer circonspect. Comme sir Ian Sinclair l'a montréen
traitant de l'étenduegéographique dela principauté deBahreeïn,le Gazetteerde Lorimer de 1908
dit de Prideaux, à l'époqueagent politique à Bahreïn, qu'il a ((fourni des informations très
23 complètessur tous les endroitsplacéssous sajuridiction.. .» Le documentmontre égalementqu'il
participa activement en 1907 à la mise au point de la version finale de la description de la
principauté telle qu'elle figuredans le ~azetteer". Par conséquent, lesîles Hawar furent
l8Mémoir e eQatarannex e1.3vol3,p.61et87.considérées comme faisant partie intégrante ducôtéoccidental de Qataret comme n'ayant aucun
lien avec Bahre'ïn. Cette conclusion est solidement renforcée parl'absence de toute mentiondes
îles Hawar dans l'article consacrépar Lorimer à la principauté deBahreein.Mais quelques années
auparavant, avant que ces derniers renseignements ne fussent incorporésau Gazetteer, en 1905,
alors que les autorités britanniquesdans le Golfe envisageaient diverses options politiquespour la
région, l'une des trois suggestions avancéespar Pndeaux dans un mémorandum adresséau
commandant Cox, le résidentpolitique (à qui Bahreïn accordait une certaine c~nfiance)'~,était
qu'il seraitpossible de rétablirla souverainetéde Bahreïn sur la plus grande partie dela péninsule
de Qatar, tandis qu'uneautre suggestionpréconisait de reconnaître la souverainetéturquesur Qatar
à condition que le contrôledu littoral reste aux mains des Britanniques. Ces suggestionsfurent
rejetéesnon seulement par le résident politique,comme cela ressort clairement de sa lettre
du 16juillet 1905 qu'il adresse à S. M. Fraser, secrétairedu Gouvernement de l'Inde2',mais
égalementpar les supérieurs dece dernier au sein du Gouvernementde l'Indez1.Dans le dossier,
on trouve le commentairesuivant :«Quantaux propositions avancées parle capitaine Prideaux,le
commandant Cox ne les prend pas apparemment très au sérieux.. .». Il est également ditqu'on
pourrait facilement réaliserles objectifs envisagés par Prideauxen recourant à d'autresmesures,y
compris «la conclusiond'un traitéde protectorat avec ...El Katm. Dans un autre commentaire,il
y a lieu derelever ceci :
«Leprincipalbut du capitainePrideaux semble avoirété de prouver que l'ordre
envoyé aucolonel Ross en 1875, dans lequelon lit : «il a étémontré que lechef de
Bahreïn n'avait pas de possession surla terre continentale de Gutteret que ses droits
sur ces temtoires sont d'un caractèreincertain)) était inexact. Touteinformation
prouvant le contraire présenterait uneimportance incontestable, mais le rapport fmal
du capitaine Prideaux suffiraà prouver que ses opinions sur ce point sont toutà fait
exactes...»
Iln'y arien dans le dossierqui monirequ'untel revirement aitjamaisété sérieusementenvisagé.
22.Le demier commentairedeFraser surles suggestionsde Prideaux estle suivant :
-- ---- -
l9Contre-mémoireB dehreïn,par.120;répliqueeBahreïn,par.197.
20Mémoird ee Bahreina,nnexe71,vol.3,p.355.
21Documents supplémentad ires atar,dono4, p. 10. «Jepenseaussiqu'il n'y a aucunesuite à donner. Les faits historiquesrecueillis
par le capitaine Prideaux ne modifieraient en rien la politique que le Defence
Comrnitteepourrait recommander, car les membres de ce comité se laisseront
uniquement guiderpar l'opportunisme pour évaluelra situationpolitique dumoment.
Nous n'avons donc pas à envoyer le rapport à Londres en le joignant à notre
courrier hebdomadaire. Je pense mêmequ'il serait préjudiciablepour la chère du
capitaine Pndeaux que sa suggestionsaugrenue ...parvienneà1'IndiaOffice.))
23. Je reviensà la lettre officielledu 4 avril 1909 danslaquelle Prideauxrelate au résident
politique son voyage à Zakhnuniyah et Hawar;Prideaux dit qu'une fois informédu résultatde ce
voyage, le cheikh Esa ((déclaraimmédiatementvouloir envoyer une protestation par écrit
concernant l'occupation turque de Zakhnuniyah ...précisantque son père, le cheikhAli, y avait
construit le fort..et avait maintenu une garnison sur l'îlependant quelques années...». Prideaux
signale égalementune autre possession situéehors des îles de Bahrein et détenuepar le chef: le
récif,appeléLabainat,forméde deux îlots, où le cheikh levaitune taxe sur tous les bateauxqui y
amassent des carapaces de tortue; si les Turcs revendiquaient Zakhnuniyah, ils risquaient
égalementde revendiquer les deux îlots. A sonrapport du 4 avril 1909,Prideauxa par conséquent
joint la traduction d'une lettre du cheikhsa^^,qui figure dans le dossier des juges sous le no46,
dans laquelle le cheikhdit êtrelepropriétairede «Al Labainab)et aussi de ((l'îlede Zakhnuniyab.
24. La Cour remarquera immédiatementqu'à l'époque le cheikhde Bahre'ïn ne fait
absolument pas état dela moindre revendicationsur les îles Hawar. Le cheikh Esa s'est abstenu
d'évoquerson pèreet la construction d'un fort sur Hawar, ou le maintien d'une garnisonsur l'île
ou encore la collecte d'impôts; il était manifestementpeu disposéà revendiquer Hawar en faisant
uniquement valoir que les Dowasiry pêchaieno t u y chassaientde temps en temps. 11est clair que
Prideaux n'étaitpas parvenu àconvaincrele cheikh d'«oser»émettre une revendicationde ce type
surHawar.
25. Et pourtant, Bahreeïntente à présent d'invoquer ce qu'ona appeléle parallèle de
Zakhnuniyah àl'appuide sa revendicationsur ~awa8~. Bahreïnprétend que lespêcheursDowasir
se rendant pendant la saison de la pêcheàla fois sur Zakhnuniyahet sur Hawar et que les droitsde
Bahreïn sur Zakhnuniyah ayant été (ueconnus)) à l'époquede la convention anglo-ottomane
22MémoiredeQatar, annex e11.52v,ol.6,p. 241.
23Mémoire, deBahreïn,par.426-41.de 1913,ses droits sur Hawar doiventêtreadmis de la mêmefaçon. Pour Qatar, cet argumentest
totalement infondé. Comme le montre le rapport de Prideawc,tous les droits, mêmeen ce qui
concerne Zakhnuniyah, semblenten réalité avoié r tabandonnésbien avantqu'il se soit rendu sur
place. C'est pourquoi on a dit que le commandant Cox, le résidentpolitique, avait suggéré de
conseiller au cheikh d'y faire flotterson drapeau pendantl'hiver et de recruter parmi ses sujets
Dowasir qui s'y rendaient tous lesans un gardien permanent chargéde veiller aux couleurs24.En
d'autres termes, même à Zakhnuniyah, le cheikhde Bahre'ïnn'exerçait aucune autorité eton lui
conseillait de combler cette lacune pour étayersa revendication de souveraineté. Il n'est pas
concevable, Monsieur le président,que le cheikh ait pu exercer une autoritéde ce type sur les
îles Hawar alorsqu'iln'étaitmême pas disposé àles revendiquer àl'époque.
26. La question de Zakhnuniyahfut finalement tranchée parla convention anglo-ottomane
de 1913 qui reconnaissait la souveraineté ottomane sur Zakhnuniyah : c'étaitune île qui faisait
pratiquement partie du territoire continentaldu ~asa*~et par conséquent desa mer territoriale.
Comme Bahreüi l'a déjà fait observer (vraisemblablement à cause du tapage autour de
Zakhnuniyah),ilreçut dans le cadred'un arrangementdiscret unesommede 1000livres sterlingau
titre des revendications éventuellesqu'il aurait pu avoir sur ~akhnuni~ah~~.Par opposition, le
souverain de Bahre'ïnne voulant ou n'osant pas émettre de revendication similaire sur lesîles
Hawar, ces îles ne furent mêmepas mentionnées et les autorités britanniquen s'ont pas cherché à
lui en assurer la possession nà lesprotéger à son profit. On ne peut donc s'empêcher de penser
que si le souverain de Bahre'ïnavait revendiqué les îles Hawaren 1909, il aurait pu facilement
gagner quelques livres sterling de plus en 1913 et nous ne serions pas ici aujourd'hui. En
l'occurrence, cependant, les îlesHawar demeurèrentune {(dépendance de lYEtatcontinental))et
doncpartie intégrante de Qatar.CommeQatar l'a montréi,l fallut attendre que le pétroledevienne
un enjeu dans la région du Golfepour que le souverainde Bahreüi, vingt-sept ans plus tard, «ose»
en fait (dans ces circonstancesqueQatara déjàexpliquées)revendiquerles îles Hawar.
24Documents supplémentaidreQatar,documentno5,p. 13.
" Contre-mémoid reQatar,annexe 11.v,ol.2,p. 149.
26Mémoire dB eahreïn,par.410et430. 27. Monsieur le président,Madame et Messieurs les Membres de la Cour, à partir de ces
élémentd se preuve,Qatarénonceles conclusionssuivantes :
1. Les lettres de Prideaux montrent clairementque son seul souci étaitde contenir l'expansion
territoriale ottomane.
2. Il n'existe aucunepreuve crédible, historiqueou autre,attestantqu'une quelconquepermission
a étédonnée parles Al-Khalifah,en 1800,aux Dowasir d'occuperles îles Hawar. La Cour se
rappelle en tout cas qu'en 1800 Bahreïn défendaitson existence mêmecontre l'imam de
2 6
~ascate~', de sorteque le chef Al-Khalifahde Bahreïn aurait étbien enpeine d'octroyerune
telle permission. La seule prétendue «preuve» que Bahreïn invoque à ce sujet est une
conversation informelleque Pndeaux aurait eue avec un pêcheurdowasir quandil s'estrendu
aux îles Hawar en mars 1909. Prideaux se contente de répéterce que lui a dit aprèsl'avoir
entendu le pêcheurdowasir -«le cousin du cheikh principal de la tribu» qui se trouvait
également être((apparentépar mariage au cheikh Esa» -; il ne vit pas le texte de la
((déclarationécriteque [les Dowasir] possèdent encore))et iln'affirme pas que ce sont les
Al-Khalifah qui ont accordéla permission, se contentant d'indiquer, ce qui ne pouvait être
clairement qu'une supposition de sa part, que leas [cadi] de Zubarahétaitàl'époque[soit
cent ans auparavant]un fonctionnairedes Al-Khalifah. De fait, Prideaux conclutlui-même :
«il semblerait que l'île soitune dépendancede 1'Etatcontinental [c'est-à-dire Qatar],que le
chef de Bahreeïnrevendique sur le plan moral et théorique))(mais pas réellement, l'accord
de 1868lui interdisant de continuer exercer des droits quelconquessur ce temtoire àtravers
la mer). La Cour tiendra sans aucun doute compte du fait qu'en 1868, voire avant,Bahreïn
avait cesséd'exercertous ses droits sur l'émirat continentle Qatar et, par conséquentaussi,
sur toutes les dépendancesdu temtoire continentalde Qatar.
Le seul autre document citépar Bahreeïn à ce propos est le rapport de Weightman du
22 avril 1939(rédigé au cours du prétendu«arbitrage» dontj'ai eu l'occasionde parler), où celui-ci
se contente de répéter cque Prideaux a entendudire, en précisant toutefois que((l'agentpolitique
27 Mémoire de Qatar,par.3.24 et mémoire eatar,annexe11.5,vol. 3, p. 248 et 249; réple atar,
par.3.10 etrépliqeeQatar, nnexe11.6, ol. 2,p.365.a mentionnéune décision consignée par écrit,qui semble toutefoisavoir disparu aujourd'hui»2s.
Autrement dit, alors que Prideaux,en 1909, s'était entendu dique la décisionvieille de cent ans
étaitencore conservée,Weightmanparvient sans qu'on sache comment, trente ans plus tard, à la
conclusionquecettepiècea disparu.
Malgré ses incitations, Prideaux ne réussitpas, en 1909, à convaincre le souverain de
Bahreïn de l'époque de formuler une revendication sur les îles Hawar,ni mêmede réserver ses
droits concernantces îles. Bien au contraire,onne peut interpréterson comportementen 1909que
comme revenant à accepter que les îles Hawar soient désormais considéréec somme une
dépendancedu territoire continental de Qatar. Se fondant sur l'arrêtprononcépar la Cour dans
l'affaire du Temple de Préah Vihéar,Qatar conclut respectueusement que la non-formulation
en 1909 par le souverain de Bahre'ïnd'une revendication sur les îles Hawar équivaut à la
(ceconnaissance par la conduite)) des droits de Qatar sur Hawar en tant que dépendancedu
territoire continentalz9.
Ce comportementvaut égalementacceptationdes droits de Qatar selon la logiquede l'arrêt
rendu par la Courdans l'affairedesMinquiers et des ~créhous~d ~ans lequel la décision en faveur
de la Grande-Bretagnese fonde en partie sur lefait que la France s'est abstenue de revendiquerla
souverainetésurles Ecréhousenplusieurs occasions.
Nous savons aussi aujourd'hui,d'aprèsdes observations consignées par Belgrave dans son
journal le23 avril 1936dontsir Ian Sinclaira déjàfait état,que les cheikhs Al-Khalifah,cinqjours
seulement avantla revendication officielledu28 avril 1936,ne pensaientpas eux-mêmes pouvoir
valablementrevendiquerles îles Hawar.
28. Monsieur le président, permettez-moid'en venir maintenant au second des exemples
d'«exerciced'autorité)) queBahre-ïninvoque àl'appui de sarevendication de souveraineté, savoir
que «même avantla premièreguerre mondiale,Bahreïn manifesta son autoritésur les îles Hawar
par des décisionsde tribunaux bahreeinitesau sujet de droits foncierset de piègàspoissons dans
28Mémoird eeBahreïn, annee81,vol.5,p. 1 168.
*'C.I.J.Recueil1962,pauxpages30et31.
30C.I.J.Recueil1953,p.47. les îles»31. Dans son ((exposépréliminaire)d )u 29 mai 1938, tel qu'il fut remis par Belgrave à
Weightman (et dont aucune copiene fut montréeau souverain deQatar) dans le cadredu prétendu
((arbitrage)),Bahre'ïna soutenu que «les différends,qui étaientfréquents,concernant les droits de
pêcheet de pâture ont toujours été portésdevantle souverainde Bahre'ïn,les tribunauxcoraniques
bahreïniteset,plus tard, les tribunaux civilsen place. Ces affairespeuvent êtreproduites.)?2 Mais,
lors du dépôt desa demande reconventionnelleofficielle le 3janvier 1939 (soit sept mois plus
tard), Bahreïna expliquéque, lesdossiersdesaffairesn'étantpas régulièremenc tlassésni archivés,
la recherche d'affaires anciennes concernantHawar s'était révélée infmctueuse et qu'il n'étaipt ar
conséquenten mesure de produire que deux jugements33. Aucun autre jugement ne fut produit
devant les autorités britanniquesen 1938àl'appuide la demandereconventionnellede Bahre'ïnet
ces deuxjugements sont également les seulsqui soient citésdans le cadre de la présenteinstance.
La Cour ne manquera pas de voir que ces prétendus jugements,que Weightman qualifie,dans sa
lettre capitale du 22 avril 1939 consacrée à la propriétédes îles Hawar, de ((deuxjugements
2 8 remontant à une trentaine d'années ...d'une authenticitéindiscutable)), peuvent difficilement
répondre à la description qu'il enfait: (une preuve importante de la juridiction exercéepar le
cheikh de Bahreïn depuisdes années»34.De plus, il est difficile, voire impossible, decomprendre
comment Weightman parvint à la conclusion que même ces deux((jugements))étaient d'une
((authenticitéindiscutable)). La communication de Bahreeindu 3janvier admettait elle-mêmeque
cet émiratne disposaitpas, à l'époque,d'un systèmehabituel de classement ou d'archivageet ne
donnait aucune explicationsur la manièredont ces deux prétendus jugements (remontant même à
l'époqueprécédanlta premièreguerre mondiale))avaient été retrouvés. Toutes sujettesàcaution
qu'elles soient,les dépositionsde témoinsDowasir citéspar Bahreïn lui-même3s 'ignalent qu'en
cas de différend,portant généralemenstur desdroitsde pêcheet despièges àpoissons, lesDowasir
s'adressaient aux anciens de la ûibu dans la mesure où «ils ont toujours préféré réglerleurs
différendsentre eux)). Ces mêmestémoins déclarenq tue les membres de la tribu ne s'adressaient
3'Réplique de Bahreina,r.28, p. 15;mémoireahrein,par.433437,476478 et480-482.
32Mémoird ee Bahreïn, annee61, vol. 5,p. 1108.
3%émoiredeBahreïn,annexe274, vol.5,p. 1133.
34Mémoire dBeahreïn,annexe281,vol. 5,p. 1165.
35Mémoird eeBahreïn,annexe313a),vol. 6,p. 1363, annexea),p. 1392etannexe 39a),p. 1400. au souverain de Bahre'inou à ses descendants, vraisemblablement en qualité d'arbitres,que
lorsqu'ils étaientincapablesde réglerune affaire entreeux. C'est pourquoi, en tout cas,Monsieur
le président,l'authenticitédes deuxjugements(produits))par Belgrave doit être sérieusememtise
en doute.
29. Le premier deces deux jugements36 - tels qu'ils figurentdans le dossier desjuges sous
lesnoS47et 48 - date de 1909 etémanedu ((cadidu tribunal dela charia [tribunalcoranique]))de
Bahreïn. Le cadi [le magistrat]dit qu'un certainAhmed bin Shahin et trois autres personnes ont
comparu devant lui pour lui soumettre un «différend portantsur la propriétéde certains biens
terrestreset maritimesHawar. Ahmad binShahinprétendait queces biens étaient à lui et qu'ilen
avait héritde ses pèreset de ses ancêtres,tandis que Jabr et Bati prétendaientque ces biens leur
appartenaienten vertud'un documenten leurpossession.. .»
30. La seconde affaire date de 1910. Elle donna lieuà un jugement qui, à la différencede
celuide 1909,commenceainsi :
«Sur ordre du cheikhAbdullabin Isa Al-Khalifah,Ahmad bin ShahinDosari et
Isa bin Ahmad Dosari ont comparu devant moi dans le cadre d'un différend portant
surdes propriététserrestresetmaritimesà Hawar...»
31.Les deuxjugements sontsignéspar Sharafbin Ahmad,le cadidu tribunal coranique.
32. A l'examen de ces jugements, on constate qu'ils portent tous les deux sur les mêmes
biens terrestres et maritimes d'un seul individu, Ahmed binhahin Dosari, qui vit ses droits de
2 9 propriétéà Hawar contestéspar deuxparties différentes. Dans les deux affaires,caditranchaen
sa faveur, la décision de1910 étant baséesur celle de 1909. En d'autres termes, les deux
jugements, à supposerqu'ils soient authentiques, ne portaient enréaque sur uneseule instance,
dans laquelle un cadi [kazi] dut se prononcer sur des droits de succession invoquéspar un
particulier et concernant un bien terrestre et maritime correspondant, d'aprèsla description,
piège àpoissons. Commeje viens de l'indiquer,cesjugements sontaussi les seulsque Weightman
aitpris encompte pourtenter d'étayerles conclusionspéremptoires de sa lettdu22 avril 1939.
36Mémoire dBeahreïn, nnexes238-238a), vol.5,p. 1049et 1049a). 33. Mêmetels quels, les deux jugements peuventdifficilement passerpour la preuve de
l'exercice, quelqu'il soit, d'une juridiction de souverain. De plus, Qatar soutientqu'il est
totalementimpossible d'appliquerdes conceptsoccidentaux à la juridiction exercépar un cadi
exclusivement au titre d'une compétenceinpersonam visant des particuliers qui étaient
musulmans.
34.La Cour auraconstatéque lerésident politique del'époque,C.G. Prior, dans salettredu
26 octobre 19413',soulignait quependant les trois ans et demi qu'il avait lui-même passésà
Bahre'ïn(1929-1932), il n'avait jamais rien entendu qui donne à penser que les îles Hawar
appartenaientà Bah.eeïnet croyait qu'elles appartenaienà Qatar, opinionqui, a-t-il précisé, était
aussi celle deLorimer. Dans la même lettre,il affirmaitégalement que«lespartiesont lafaculté,
en vertu d'un accord, de porter leurs affairesdevant n'importequelcadi et deux Iraquiens dela
côtedela Trêvepourraientfairjeuger undifférendàKerbalas'ilsle souhaitaient...»
35. Qatar a égalementfait part de l'avis d'un éminentspécialistedu droit islamique, selon
lequel
«[l]orsquedeuxconcurrentsmusulmanscomparaissentdevant lecadiet lui demandent
de régler leurdifférendprivé,le cadidoit considérequ'il acompétence pour ce faire.
Par ailleurs, un cadi doit se considérercomme compétentpour réglern'importe quel
différend,tant qu'aucune partien'émedt'objectionàplaiderdevantlui...»
Ce spécialistefait remarquer que lesquatreécolesde droitmusulman partagentcetteopinion. Il
cite àson appuiun différendrelatif àdesterresportédevantle Prophète,dans lequel«[l]esparties
étaientoriginairesdu Yémen,la parcellede terre étaitsituéeau Yémen, mais l'affaire fu stoumise
auProphètealorsqu'ilse trouvaità~édine».~~
36. En conséquence, l'exemple d'uncadi siégeant quelque part àBahreeïn et statuant surdes
différendsprivésou concernantdes héritagesentre despêcheurs sunnites dowasirqui serendaient
sur les îles Hawar en hiver mais résidaient normalement à Bahre-ïn,ne constitue aucunementun
((exerciced'autorité»du souverainde Bahreüisur les îlesHawaret une telle pratiquen'étayedonc
absolumentpas larevendication de souveraineté de Bahreeinsurces îles.
37Mémoirdee Qatarannexe111.229,o1.8,p 127.
38Réplique deatarannexe111.9,ol.3,p604. 37. La troisième effectivitésur laquelle se fonde Bahreeïnrenvoie aux exemples suivants
d'exercice allégué de pouvoirsjudiciairesou quasijudiciaires par les autorités bahreïnites vis-à-vis
depersonnes qui auraientrésidé dans les îlesawa?' :
- tout d'abord, l'arrestation et la comparution forcée des soi-disant résidents des îles Hawar
devantdes tribunaux de ~ahreïn~~;
- deuxièmement,la comparution forcéed'unrésident des îlesHawar dansune instance civile,sur
ordre du souverainde Bahreïn, à lademandede la Grande-Bretagne elle-même en 191l4' ;
- troisièmement, une affaire portée en 1932devant les tribunaux de Bahreïn dans laquelle des
résidents desîlesHawar ontété citésà comparaître42;et
- quatrièmement,une affaire entre deux résidents des îlesHawar portéeen 1932 devant les
tribunauxde Bahreïn 43.
38. En ce qui concerne l'arrestation et la comparution forcée devant des tribunauxde
Bahreïnde personnes accusées d'avoircommisune infiaction,le seulcas précismentionné daterait
de 1936. Le document invoqué à l'appuide cette allégation4(4qui figure dans le dossierdesjuges
sous la cote 49) est une pièce d'archives selon laquelle «la police de Bahre-ïn[aurait] saisi les
tribunaux de Bahreïn d'un violent différend concernant des piègesà poissons dans les îles
~awan)~'. Ce documentne fournit aucunepreuve d'une arrestation ou d'une comparution forcée.
Il s'agit seulement d'une feuille dactylographiéenon signéequi se présentecomme un rapport
adressé «au tribunal))et contenant des informations relatives à la propriété contestéd ee certains
pièges à poissons situés«entre Bahreïn et Qataret proches desîles Hawam. Il y est questiond'un
avertissementdonnéauxparties en litige et le rapport porte soi-disant les ((empreintesdigitales))de
39RépliquedeBahreïn,par.28,p 15-16.
40Mémoire de Bahreïn, ar.479-480.
41Mémoire deBahreïn,par.436.
42Mémoire de Bahreïn, nnexes242et243,vol5,p 1065et 1066.
43Mémoire deBahreïn,annexes244a)-244c),vol.5,p 1067-1069.
44
Mémoire de Bahreïn, nnexe245,vol5,p 1070.
45Mémoire deBahreïn,par.480deux individus. Aucun original n'est produit et la Cour conclura sans aucun doute que ce
document ne peut avoir aucune valeur probante. En tout étatde cause, il ne saurait étayer
l'allégationd'«arrestationet de comparutionforcéedevantdestribunaux deBahrein)).
39. Les autres documents sur lesquels s'appuie ~ahreïn~~à ce propos sont la lettre de
Belgrave du 28 avril 1936~'(où figure la première revendicationofficielle de Bahreïn sur les îles
Hawar), la note (c'est-à-dire l'exposé préliminaire) d2u9 mai 1938~~e 't la prétendue«demande
reconventionnelle» de Bahreïn du 3 janvier 1939~~'qui contiennent toutes des affirmations
générales dans lecontexte de la revendicationde Bahreeïnsur les îles Hawar. Le deuxièmede ces
documents indique que ((par le passélesfidawis du cheikh de Bahreïn étaient envoyés,s'il le
fallait, pour arrêtsur les îles Hawar les personnes citées à comparaître devant les autoritésde
Bahreüi)),et que ((depuisl'instaurationdu régimeactuel, les citationssont signifiéesde la manière
habituelle aux habitants des îlesawm. Aucun élémend te preuve ne vient étayerces assertions.
En tout étatde cause, la pratique consistant à envoyer des (fidawis))pour ((arrête)es individus
sur le territoire d'un autre cheikh ne saurait êtreinvoquée à l'appui d'une revendication de
souveraineté. Ainsi que l'ancien résident politique,Prior, une fois encore, l'a fait observerS0en
protestant contre la décisionde 1939, Bin Jiluwi d'Arabie saoudite envoyait fréquemment des
hommes àBahremïe nt àQatarpour procéderàdesarrestationslorsqu'ilétaitàBahreïn.
40. En ce qui concerne le deuxième élément relati f la «la comparution en 1911 d'un
résidentdes îles Hawar, sur ordre du souverainde Bahreïn, àla demande de la Grande-Bretagne))
(demandequi émanaiten fait de l'agentpolitique, le commandantKnox), le seulélémend te preuve
invoquéest une lettre adresséepar le souverain de Bahreeïnen personne à l'agent politique (elle
figure au dossier desjuges sous la cote50)' qui semble être laréponse àune demande tendant à
faire venir un marin qui se trouvait alors aux îles Hawar et que l'agent politiquea apparemment
aidé àse procurerun emploi de pêcheur de perless1.
46Mémoird eeBahreïn,par479.
47Mémoire de Bahreaïn,nexe246,vol5p 1071.
48Mémoire de Bahreaïn,nexe261, volp,1108.
49Mémoire de Bahreaïn,nexe274,vol5p 1133.
Mémoire deQatar,annexe111.229v,olp127, 130.
" Mémoird ee Bahreï,nnexe239a),vol.5,p 1050. 41. Il n'est pas fait allusion dans cette letàrune comparution devant un tribunal ; il ne
s'agit donc aucunement d'un cas d'«arresbtion et de comparution forcéede résidents desîles
Hawardevantdes tribunauxde Bahreïn)).
42. Bahrein, à l'appui des troisièmeet quatrième élémentrselatifs à des affaires soumises
en 1932 àsestribunaux impliquantdes(résidentsdesîles Hawar))ne s'appuieque surun ensemble
de feuilles dactylographiées enanglais52,dont une est une traduction. (Des exemplairesde ces
documents figurent également dans le dossierdes juges sous les cotes 51 et 52.) Ces documents
ontété établp isarBelgraveàpropos de la revendication deBahre'ïnet, de l'avis de Qatar, ils n'ont
pas de valeurprobante. Ilsn'illustrentcertainementpas «lespouvoirs queles tribunauxbahreïnites
avaientpour citer àcomparaîtredesrésidents des îles Hawam.Il y est question de lettresenvoyées
àune partie àune affaireet d'une demandeadresséeau souverain de faire comparaîtreun individu.
En fait, le contenu de ces documents laisse penser que malgrédes «demandes» répétéesl,es
personnes concernéesne se sont tout simplementpas présentées devanlte tribunal. En tout étatde
cause, rien ne suggère ici qu'un quelconque tribunal de Bahreïn aurait eu une compétence
territorialeurles îlesHawar.
43. L'affaireportée en1932devantles tribunauxdeBahre'hentre deux personnes présentées
comme des (résidentsdes îles Hawam (affaire611351)~~ les décrit ains: ((vivantà Hawar, sujet
bahreïnite)). Commeil est datédemars 1932,le dossier sembleavoirété étabe lin hiver lorsque les
pêcheurs Dowasip rouvaienten principese trouversurlesîles Hawar. En outre,rien ne prouveque
lesintéresséosnt comparudevant letribunal alorsqu'ils(résidaientdans les îles Hawam, puisqu'il
est indiqué que ledéfendeuravait «à nouveau été citéà comparaître))et que l'audience avait été
reportée.Cela donne en fait àpenser que l'intéressén'étaitpeut-être même pa rentréde Darnrnan
aumomentoù sa présence au tribunal était requise.
44. EnrésuméB , ahreeïn'a doncpas produit de preuved'arrestations surles îlesHawarni de
respect de citations comparaître (ce quiest de toute façon un concept occidental) adresséeà des
personnes décrites comme (résidant dans les îles Hawam qui, nous le savons maintenant,
séjournaientmomentanémentsur les îles. En outre,la Cour le sait bien, la pratique de la citatiàn
''Mémoire dBeahreïn,annexes242et243,vol.p,1065et 1066.
53Mémoire dBeahrein, nnexe244a),vol5,p 1067.comparaître adresséepar un Etat à une personne se trouvant dansun autre pays sans que cela ait
d'incidence en termes de souverainetéest tout à fait admise. La seule «preuve» de décisions
judiciaires concernantdes biens situéssur les îles Hawar reste celle quise rapporte aux décisions i
de 1909et de 1910 quej'ai précédemment analyséeest qui, commej'espèrel'avoir montré, sont
d'une authenticitédouteuse et n'ont en tout étatde cause aucune valeurprobante à l'appui de la
revendication de souveraineté de Bahreïn surles îles Hawar.
45. Les autres éléments de preuve54invoquéspar Bahreïnne sontnullementdes exemplesde
l'exercice d'uneautorité et, commeje l'ai déjàdit, ne méritentguèred'êtreexaminéssérieusement.
Ils ont trait au séjoursaisonnierdes Dowasir sur l'île deHawar, àdes preuves de leurs activitésou
de leur présence surcette île, à leur allégeanceet à leur nationalité, ainsiqu'à la prétendue
reconnaissance par les Britanniques, par les Ottomans ou par d'autres de certains des faits ainsi
allégués.Les deux lettres de Prideaux de 1909quej'ai analyséesprécédemmens tont de nouveau
citéesàl'appuide ceque Bahreeinappelle la confmtion et la reconnaissancepar les Britanniques
de la présencehabituelle et des activitésdes Dowasir sur les îles Hawar. Un certain nombre
d'autresdocumentsbritanniquesultérieurssontégalement cités àcet effet.
46. Qatar ne nie pas que les îles Hawar aient étéutilisées par les Dowasir,du moins
jusqu'en 1923,datede leur départen massepour Damrnai enArabie saoudite;il nie par contre que
des membres de cette tribuaient fait plus que des séjourssaisonnierssur les îles, qu'ilsaient les
seuls à les exploiter55ou que leur présenceet leurs activitésprivées fournissentune quelconque
indication sur une activitéétatique.De l'avis deQatar, ces activitésne constituentpas unepreuve
d'effectivitédèslorsqu'aucuned'ellesn'étaitmenée à titrede souverain.
47. La Cour se souvient, en ce qui concerne les îles Hawar, que Belgrave lui-même a noté
dans son journal, le 1" avril 1938(prèsde trenteans aprèsla déclarationde Prideauxselonlaquelle
les Dowasir affumaient que les îles leur appartenaient),que les Dowasir <mousen veulentd'avoir
mis en valeur cet endroitoù on ne venaitjamais dans le passéet qu'ils semblentconsidérercomme
" Réplique dBeahreïn,sect.2.3.
''RépliqudeeQatarp, ar.4.173d).leur bien>hs6.Ils pouvaient donc difficilement, Monsieurle président, être considérés comme
agissantpour lecompteouau nomde Bahreïn.
48. A supposermêmeque les Dowasiraient étédes sujets du souverainde Bahreïnou lui
aient fait allégeance,la nature de leurs activités saisonnidse pêcheet de chasse au fauconne
sauraiten droit étayerla revendication de souveraineté de Bahreïnur les îlesHawar. La Course
souvientque, dans l'arbitragerécemment renduen l'affaireElythréeflémen,le tribunala estimé
que,malgréles témoignages substantiels sulres pratiquesindividuellesde pêchec ,es pratiquesne
constituaientpas (une preuve d'effectivitpour la simple raisonqu'il ne s'agitdans aucunde ces
casd'actesaccomplis àtitrede souverain...»"
49. Ces principes ontaujourd'huiété clairemenctonfirméspar l'arrêtqu'a rendu la Cour
dansl'affairede l'ne deKasikili/Sedudu(BotswanahVamibieq )ue mon savant ami,M. Salmon,a
déjàmentionnéet selon lequel lesMasubia n'occupaient pasl'île à titre de souverainlorsqu'ils
l'utilisaient de façon intermittente, au grédes saisons et selon leurs besoins, à des fuis
exclusivementagricoless8.
50.SelonQatar,cetterègleadoptée parla Cours'applique mutatismutandis en l'espèceà la
questionde la revendicationde souveraineté de Bahreeïndèslors que cette revendicationse fonde
sur la présence saisonnièrees Dowasir sur les îlesHawar pours'y livreràla pêcheet àd'autres
activités.
51. Bahreïn prétendégalement,sans beaucoup de conviction je dois le dire, que les
Britanniques,les Ottomanset mêmeles Qatariensauraient admis queles îles Hawar appartenaient
àBahreïn.
52.En ce qui concerneles Britanniques,Bahreeincited'abordle levéeffectué parB~cks qui
mentionne égalementles villages de pêcheurssur les îles Hawar et qui, comme Bahre'ïnle
reconnaît,date des années1820 alors que Qatar était encore loind'apparaître comme une entité
distincte. La seconde référence concern le «reconnaissanceen 1909 par la Grande-Bretagnede
56RépliqueeQatar,par.4.178.
" RépliqueeQatar,par.4.182.
C.I.J.Recue1999,par.98.l'appartenance desîles Hawarà ~ahreïn»~~et se fondesur les deuxlettresde Prideaux. Commeje
l'ai exposé précédemment, cels ettres et, vrai dire, le levédu capitaine Brucks, n'équivalent
aucunement à une telle «reconnaissance» ou confirmation britannique. L'allégation d'une r
reconnaissancepar les autorités ottomanes,qui en fait, revendiquaientla souverainetésur Bahreïn
lui-même,et même parle souverain de Qatar, est pour le moins audacieusemais n'est en réalité
absolumentpas crédible.
53. Monsieur leprésident,je pense avoir montréàla Cour querienn'atteste unequelconque
activité étatiquede Bahreïn, qu'elle soit législative,judiciaire ou mêmeadministrative, avant
avril 1936 et que les séjours saisonniers desDowasirde Bahreïn sur l'îleprincipale de Hawar et
leurs activités surcette île ne sauraient constituerdes effectivitésdèslors qu'elles n'étaient pas
accomplies àtitre de souverain.
Monsieur le président,me voici parvenuà la fin de mon exposé etje remercie la Cour de
l'attention qu'ellea bien voulu m'accorder. Puis-jevous suggérer d'inviterl'orateur suivant, sir
Ian Sinclairà présenterle sien,à moins que le moment ne soit venu de faire notre pause de la
matinée.
Le PRESIDENT :Je vous remercie M. Shankardass. La séancede la Cour est suspendue
pour unquart d'heure.
L'audience est suspendude II h20 à II h 50.
LES ACTIVITESDE BAHREÏN APRES 1935 :DATECRITIQUE,ENGAGEMENTDE MAINTIENDU
STATUQUO,ABSENCED'ACQUIESCEMENTDE QATAR
Monsieur leprésident, Madameet Messieursde la Cour,
1.Vous serez sansdoute heureux d'apprendreque cet exposéest ledernier que fera Qataren
ce premier tour de plaidoiriessur les questionsquedoit trancherla Courdans le différendqui nous
oppose à Bahreïn au sujet de la souverainetésur les îles Hawar.Aprèsl'exposé quevient de
présenter M. Shankardass sur les effectivitésde Bahreïn avant 1936, je ferai l'analyse des
effectivités correspondantes deBahreïn pour la périodequi a suivi et j'évaluerai lepoids que la
46RépliqudeBahreïn,p. 15,par.28.Cour devraitleur accorder éventuellemenetn statuantsur la revendicationde souverainrelative
auxîles Hawar. Je diraiensuitequelquesmotsàpropos delapertinencedanscecontextede ceque
l'on a appeléla date ou périodecritique et du rôle que cettenotion ou d'ailleurs toute notion
comparablepeut jouer en l'espècedans l'appréciation des élémen despreuve. Il conviendrait
aussiqueje traite danscet exposé de questionconnexedesviolationscontinuellesparBahreïnde
l'engagement solennel qu'il a prisdès 1983 de respecterle statu quo. Enfin, je conclurai en
démontrantque, contrairementaux allégations de Bahreïn, persistantmsais entièrement dénuées
de fondement,Qatar n'a jamais, à aucun moment, acquiescé à I'occupationdes îles Hawarpar
Bahreïn. Mon exposé constitueradonc,je lecrains,un ensemblehétérogène.
2. Je voudrais toutefois faired'emblée une observation générle'.unedes caractéristiques
lesplus marquantes del'histoirede Qatar depuiscent cinquanteans est le faitque lesBritanniques
n'y ontjamais été officiellemeptrésentsenpermanenceavant 1949,annéeoùun attachépolitique
britannique,M. CharlesWilton, a été nommépour la premièrefois à Qatar, alors que le premier
agent politique dela Grande-BretagneàBahreïnavaitété nommédès 1900et qu'il y a toujours eu
à Bahreïnun agent politiquebritannique résidenjtusqu'à l'accessionde cet Etat a l'indépendance,
en 1971. En outre, depuis 1926, lesouverain de Bahreïna disposédes services d'unconseiller,
CharlesBelgrave. Il en allait tout autrementa Qatar, dontle souverain n'a pas eude conseiller
extérieur travaillant directementpour lui avant 1950. Jusqu'en1949, c'était l'agentpolitique
britanniqueàBahreïn quirendaitcompteàLondres,de tempsàautre,de ce qui se passaitàQatar,
mais comme lui-même et son supérieudansle Golfe, lerésidentpolitique, n'allaient querarement
à Qatar, leurconnaissancedela famille régnante de Qataert de la situationde cequi -taavant
la découverteet l'exploitation du pétroleatarà la fin des annéesquaranteet cinquante- une
régionaride et peu hospitalière, était forcément limitée. Ain ils,'est guère surprenant que,
comme MllePilkington l'a déjàfait observer, les indications provenante sources britanniques
officielles(ou d'ailleursd'autressources) surla situationàQatarentre 1916et 1936sonttrèspeu
nombreuses. A l'époque,les rapportsentre l'agent politique britanniqureésidentet le souverainde
Bahreïnétaientconstantset continusm, aisiln'yavaitriendetelavec le souveraindeQatar. 3. Les sources officielles britanniques fournissent donc, Monsieur leprésident,une très
abondante documentation écritesur la situation à Bahreüi au cours de cette période et sur les
activitésde la famille régnantede Bahreïn. Il s'y ajoute le journal de Belgrave, qui couvreau
moins une partie de cette même époqueet qui représenteune source inestimable d'informationsur
la vie quotidienne de ce que l'on pourrait appeler 1"'establishment" bahreïnite. Aucune
documentation écrite de ce genren'existe sur la situation à Qatar avant 1949, sauf quelques
documents isolés,comme le rapport Packer de 1939que Qatar a longuement commenté dansses
écritures'.C'estpourquoiiln'y a pas lieude s'étonnerde l'absencede preuvesécritesattestant des
séjours de membresde la famille Al-Thani sur lesîles Hawar pendantcettepériode. Il sepeut que
de tels séjours aienteu lieu, mais il n'enreste aucun témoignageécrit. Certes,l'un des documents
supplémentaires déposés paQ ratar le1" mars de cette année mentionneune visite à Zekrit, en
janvier 1938, du souverain de Qatarde l'époque, accompagné de Saleh el Mana, sans doute pour
inspecterles activités dela compagniepétrolièrequiexploitaitla concessionpétrolièrede ad; et
la Courserappelle, naturellementque Zekrit setrouve sur letemtoire continental de Qatar,justeen
face de Hawar.
4. Ce qui est étonnant, pourtant,c'est que malgré larichesse et la diversitédes écritsrelatifs
à Bahreïn datant de cette période,on ne trouve dans les archives britanniquesde l'époquepas un
seul document officiel faisant étatde la moindre activité officielle dela famille régnantede
Bahreeïn,ou entrepriseen sonnom, dansles îles Hawar ou serapportantàcelles-ci.
5. Par opposition à l'absence singulièrede témoignagesd'activitésgouvernementales ou
officielles deBahre'ïndans les îles Hawar ou se rapportant àcelles-ci avant 1936, en dehors des
décisionsjudiciairesde 1909et 1910 quemon savant ami, M. Shankardass,a disséquées de façon
si convaincante ce matin, nous trouvons évidemmentune quantitéde témoignagesd'activités
officiellesdeBahre'ïndans les îles ou àleur sujet aprèsleur occupation clandestinepar la police et
d'autres gardes bahreïnites en 1936 ou 1937. Bien entendu, Bahreïn ne reconnaît pas que son
occupation se soit produiteà cette époque, puisques'il le faisait, il contredirait complètementsa
' Mémoire de Bahreïann,nexe292, vol.5, p. 1190, commdans le contre-mémoirdee Qatar, ..133
à3.142.
Documents suppiémentairesQatarno 15. thèse selon laquelle les îles Hawar ont éabitéesde façonrégulièrepar des membres de la tribu
Dowasir depuis une date antérieured'environcent cinquante ans à 1936. Bahreïn avait d'abord
affmé que des Dowasirétaient établis defaçonpermanentesur les îles Hawar pendant toute cette
période, maisa étéobligéderetirer cette allégation devantla preuve incontestable queles Dowasir
qui demeuraient à Zellaq et Budeya étaientpartis, en 1923, en exil volontaire à Dammam, en
Arabie saoudite,d'où ils ontrefuséderevenir avant 1928-1929au plus tôt. En fait,certains d'entre
euxrevenaient encorepeu à peu àBudeya,àBahreïn,en 1933~.
6. Ce que Qatar n'a cesséd'affmer, c'est que certains membres de la tribu Dowasir qui
résidaienà Bahre'inpeuvent avoir passél'hiver surles îles Hawar avant 1923, voire après1936,
pour se livrerà la pêche;mais qu'ils étaient loind'êtreles seuls pêcheàrse rendre àHawar en
hiver, car la pêche était alors unactivitépratiquéeen commun par les tribus de différentes
localitésde la côte méridionaledu Golfeet qu'il ne s'agissaitdonc pas d'une activitéuelle se
livrait Bahreüi, ou qui étaitmenéeen son nom, à titre de souverain. Je passe maintenant aux
activitésdeBahreeindans les îles Hawar et autour de celles-ci après 1936. Jecommence par le
balisage.
3 8
Les activitéde Bahreïndansles îlesHawaret à proximitéde celles-ciaprès1936 :le balisage
7. Le balisage des îles,îlots ou rochers, et mêmedes hauts-fonds découvrants dans les îles
Hawar et autour de celles-cia étl'unedespremièresactivitésauxquelles s'est livréBahre'haprès
son occupation del'îleprincipale deHawar en 1936ou 1937. Il le reconnaît lui-mêmevolontiers.
Dans son mémoire,il affme qu'«il a érigéà partir des années trente sur l'ensemblede ces
caractéristiques géographiquesdes monuments ou des bornes~~. Par ((caractéristiques
géographiques» Bahreeindésigneclairement (toutes les caractéristiquesgéographiques maritimes
situéesdans le golfe de Bahreïn depuis les îlesHawar au sudusqu'à Fasht al Dibal au nord»'. Il
va même plus loin, en exprimantsarevendication en destermes aussilarges que possib:e
Voirréplique deQatar,annexe11,ol.3,p. 84dutextefrançais.
MémoiredeBahreïn,par.575.
Mémoirede Bahreïn,par.568. «Les espaces maritimeset les formations,insulaires et autres, juridiquement
pertinentes, situésentre la péninsule [Qatar] et l'îleprincipalede Bahre'ïnfaisaient
toujours partie de l'entité politique deBahre'ïn comme, du reste, ces zones
péninsulairesquiétaientbahreïnite~.))~
8. Qatara déjàdémontré dans sonmémoireque ces activitésde balisage ont été entreprises
pour Bahreïn àl'instigationde Belgravependantl'hiver 1937-1938,manifestementpourtenterde
donner quelque semblantde crédibilité àla revendication de Bahreïnsur lesîles ~awar'. La Cour
se souvientaussique dans sonarrêten l'affaire des Minquierset des Ecréhouse ,llene tient aucun
compte du fait quele Gouvernement françaisa placédes bouées autour des récifsdu groupedes
Minquiersetmême du fait qu'il a édidesfeu temporairessurplusieursdecesrécifs8
Autres activitésdeBahre'ïndansles îlesHawar après1936 :lefort,la mosquée
et latentativede foraged'un puitsartésien
9. Immédiatement après avoir occup 'îleprincipalede Hawar versla fin des années trente,
Bahreuia aussientreprisde construireun fort en pierre comportantune tour, de bâtir unemosquée
etde forerunpuitsartésien.Dansl'«exposé préliminaire))transmipsar Belgravele 29mai 1938,il
est question de ce fort en pierre;mais l'on'y précisenaturellement pasque sa construction n'a
commencéqu'en 1937, comme le révèle lerapport annuel du Gouvernement de Bahre'ïnpour
3 9 l'année allantde mars 1937 à février1938. Ce rapport annuelcite, au nombre des (mouveaux
travaux)) entrepris au cours de l'année, le «fort de Hawan auquel est allouéun crédit de
17237 roupiesg. Le même rappora tnnuel indique aussique «le fort et la jetée deHawar furent
complétés àla fin de l'année,à l'exceptionde certainstravauxde réparation dumur de la corn).
Parmi les prévisions budgétaires concernant les travaux publicsde l'année suivante
(mars 1938-fév~ie1 r939) figure un montant destiné à l'«achèvementde la station de police de
Hawan); en outre, un montant de 28400 roupies est affecté, notammentà , la construction d'une
vedettedestinée à l'administratio: «lebesoind'unevedetteàmoteur gouvernementaledevientde
plusen pluspressant depuis le développemen atccrudesîlesHawam.
ibid.
'MémoiredeQatar,par. 6.4à6.45 et 6.146à6.154.
C.J.Recueil1953,p. 70-71.
Répliquede Qatar,annexe111.,ol.3,p. 361. 10. Le rapport annuel du Gouvernement de Bahre'ïn pour l'année suivante
(mars 1938-février 1939)relateaussi certains faitsintéressants.L'«achèvementdu fort deawar»
a coûtéen fait 11069roupies, mais ce montant comprend le coût del'érectiond'environvingt
balises en pierresur diversesîles deseauxbahreïnites. Ce rapportpréciseaussiqu'unevedettede
police construiteau cours de l'année((sertà assurer les patrouilles côtièreset la navette entre
Bahreïn et Hawan>et qu'une clôture en fil de fer barbeléfur érigée autour du fort à Hawar et
plusieurs citernes à eau réparées.Un autre passage révèleque ((l'îleprincipale du groupe des
Hawara faitl'objet d'unlevé»et que «sacartea été dressée»'0.
11.Je prie la Courdebien vouloir m'excuser dem'être arrêtéà cespetitsdétailsrelatifsaux
dépensesque le Gouvernement de Bahreïna consacréesàdes activitésde construction surles îles
Hawar peu après1936. Je l'ai faitdélibérément. Précisément parce qu's il'agit de montants si
insignifiants,on se serait certainement attenduàtrouverdesrubriques correspondantesde dépenses
portant surde petits projets dansles îles Hawaravant 1936si, commele prétendBahreeinc,es îles
lui avaientappartenudepuis unedate antérieureà 1800. Maisque trouvons-nous en consultant les
rapports annuels précédentd su Gouvernement deBahreïn ? Absolumentaucune mention de la
moindre dépense officiellepour des projets sur les îles Hawar. Cela s'explique-t-?l Cela ne
s'explique que si l'on ne fait absolument aucun cas de ce qu'affirme Bahreeïnsans la moindre
preuve, à savoir que des Dowasir occupaient les îles Hawar en permanence, ou même
régulièrement, depuis plus de cent cinquante ans avant 1936, et cela au nom du souverainde
Bahre'ïn. Etmêmesur cette base, cela ne s'explique que si l'on accepte l'essentielde
l'argumentationque Qatarvousa présentée : àsavoir, qu'avantl'occupation illicite des îlesHawar
4 0
par Bahreeinen 1936 ou 1937,celles-ci étaientinhabitées- virtuellement inhabitée-s mêmesi
despêcheurs deplusieursterritoiresvoisins,dontBahreeïn7vaient coutumed'y séjoumed re temps
àautreen hiverafin de selivreràlapêche dansles eaux oùsetrouventcesîles.
La datecritique
12. Monsieurle présidentj,'en anive maintenant àdiscuter brièvement dela notion de date
critiqueet d'autresnotions susceptiblesd'aiderla Cour apprécierla recevabilité ou l'opposabilité
'ORépliquede Qatar,annexe111, ol.3, p. 545. à Qatar des élémentsde preuve postérieursà 1936 que Bahreïn a produits à l'appui de sa
revendication sur les îles Hawar. Dans son contre-mémoire, Qatardit très clairementque c'est
délibérément qu's il'est abstenu de recoàrla notion d'une «date critique» précàslaquellele
différend relatifaux îles Hawar se serait cristalliséentre Bahreïn et Qatar.toutefois attiré
1
l'attention sur l'importance du 28avril 1936, àalaquelle Belgrave, dansune lettre adressàe
l'agent politiquàBahreïn de l'époque,a pour la première fois,au nom du souverain de Bahreïn,
revendiquéofficiellementlesîles Hawarcommefaisant partiede 1'Etatde Bahreïn.
13. Pourquoi la date du 28avril 1936 est-elle aussi importante en l'esp?ceParce que
jusqu'à cette date, les autorités britanniques dansle Golfà Londres ont sans hésitation,en
paroles comme enactes, reconnu ouvertement queles îles Hawar appartienneàQatar, ainsique
M. Shankardass l'a démontré en parland te l'étenduelimitéede Bahreïn et en retraçant les
premièrespéripétiesde l'histoire des concessionspétrolières. Dans ce contj, prierai la Cour
de bien vouloir examiner à nouveau attentivement les quatre élémentsde preuve datant de
l'été1933 que M. Shankardassa évoqués dans son exposé. Ils reflètentle point de vue qui àtait
l'époque celuide Laithwaite de 1'IndiaOff~cecomme celui de Loch, en sa qualitéde résident
politique par intérim,lesquels rejetaient avec mépristoute revendication de Bahreeïnsur les îles
Hawar. M. Shankardasset moi-même avone sn outre attiré l'attentionsur le vol de reconnaissance
au-dessusde Qatareffectuépar laRAFen 1934,qui avait comportélesurvoldesîles Hawar. C'est
le consentementdu souverainde Qatar,etnonpas-je répèteetnonpas - celui du souverainde
Bahreeïn,qui avait été sollicpour ce vol de reconnaissance. Nous avons ensuite en 1935la
concession pétrolièreatarienne,qui estmanifestementfondéesur l'hypothèse que lesîles Hawar,
dont plusieurs sont représentésur la carte sommairejointe au contrat de concession, font partie
4 1 intégrante dela péninsulede Qatar et donc de 17Etatde Qatar. Tous ces élémentsde preuve
démontrent que le Gouvernement britannique, au moins jusqu'au début de 193a6,constamment
reconnu queles îles Hawar appartenaientQatar.
14. Par ailleurs,nous savons queni Belgrave,ni les autorités britanniques dans leGolfe,ni
même PCL, en sa qualitéde concessionnairepétrolier exclde Qatar, n'ont révéau souverain
de Qatar au printemps ou pendantl'éde 1936l'existenced'une revendicationofficiellehreeïnite de souverainetésur les îles Hawar, ni mêmel'existence de la «décision provisoire))que le
Gouvemement britannique avait prise le 9juillet 1936 en faveur de la revendication bahreïnite.
Tout celaa étédélibérément cach au souverainde Qatar.
15.C'est certainementà la suitede la ((décisprovisoire))britanniquedu 9juillet 1936que
les autoritésbahreïnitesse sont senties suffisammentassurées, fin de 1936,voire en 1937,pour
donner à leur police eà leurs gardes l'ordre d'occuperclandestinement lesîles Hawar, ce qui a
provoquéla premièreprotestation vigoureuse du souverainde Qatar, en février1938, lorsqu'ilfut
pleinement informédesagissementsde Bahreeïnsur son temtoire.
16.Par conséquent,on pourrait soutenirqu'en un sens lacristallisationformelledu différend
entre les deux émiratsrelatifaux îles Hawar ne s'est produite qu'en février1938, lorsque le
souverain de Qataraprotestécontreles opérationsde constructionetles autres activités auxquelles
Bahreeins'étaitlivrésur Hawar. Mais ce serait prendrel'apparencepour la réalité.Le fait que la
revendication officiellesur lesîles Hawar formuléepar le souveraindereüile 28 avril 1936ait
étédélibérément cachée au souveraid ne Qatar, tout comme la ((décisionprovisoire)) du
Gouvemement britannique du 9juillet 1936 en faveur de la revendication bahre'ïnite,a de toute
évidence encouragéle souverainde Bahreeïnde l'époqueàprendredes mesures effectivestendantà
occuper l'île principalede Hawaà la dérobéeàla fin de 1936ou en 1937. C'estpourquoi Qatar
soutient que lesélémentse preuverelatifs aux activitésmenées parBahreïnaprèsle 28 avril 1936,
que celui-cia produitsl'appuide sa revendication de souverainetésules îles Hawar, doiventêtre
réputés entièremen trecevables, d'autant plus que ces activitésdoivent être considéresmme
équivalantà une occupation et une exploitation illicites d'une île dont mêmele Gouvemement
britannique reconnaissaitjusqu'alors qu'elle appartenaitar.
17. Mêmesi la Cour n'est pas disposéeà aller jusqu'à déclarer que les élémetse preuve
relatifs ces activitéssont irrecevables in limine, Qatar soutientqu'ils ne lui sont manifestement
pas opposables, d'autantplus que, comme je le démontreraiplus tard au coursdu présent exposé,
Qatarn'ajamais -je répètejamais - acquiescé àl'occupationillicitedes îles Hawar parBahreeïn
à la fin des années trente, quia d'ailleurs été caceu souverain de Qatar jusqu'a ce qu'il en
entende parlerau débutde 1938.
4 2 18. Enconséquence,Qatarprie la Cour,par ces motifs:a) de n'attacher aucunevaleur aux éléments de preuve relatifs à des activitésofficielles de
Bahre'insurlesîles Hawarouserapportantàcelles-cimenées aprèsle 28 awil 1936;
b) à titre subsidiaire,de considérerque ces activités officiellesde Bahrein ne sontpas -je
répètene sontpas - opposables à Qatar dansle règlement dela question dela souveraineté
sur lesîlesHawar.
Hawardansles années quarante
19. Avant d'examiner la mesure dans laquelle Bahreül a respecté sonengagement de
maintenir le statu quo, Qatar doit faire encore une remarque sur la pertinence (éventuelle)des
activités entreprisespar le gouvernementou par des ressortissantsde Bahre'insur les îles Hawar
depuis leur occupation par Bahre'ïnen 1936 ou 1937. Je n'ai pas l'intention de répéter les
observationssi complètesformuléesauxparagraphes3.143 à 3.158 du contre-mémoire de Qataret
auxparagraphes 4.173 à4.192 desarépliquequirépondent aux argumenta svancésparBahreinsur
la base de ses allégationsd'effectivité sules îles Hawar aussi bien avant qu'après 1936. Je
voudrais toutefoisappeler plusparticulièrement'attentionde la Cour surdeux piècesmentionnées
par Qatar dans sa répliquequi confirmentnettement ce queQatar a toujoursmaintenu ence qui
concerne lesconditionsexistantsurles îles Hawar dans lesannéestrenteet quarante. La première
de ces pièces atrait à la visite qu'Alban,le nouvel agent politiquà Bahreüi, a faite sur l'île
principalede Hawarle 13décembre1940,moins de deuxmois aprèsque Weightrnaneut quittéla
régiondu Golfe. Dansleparagraphe4.176de saréplique, Qatar a reproduitson bref compte rendu
de cette visitetel qu'il figuredans sonrapportsur ses activitésd'agentpolitiqueàBahre-ïnpour la
périodeallantdu 1"au 15décembre1940. Je projette maintenant sur l'écrac ne bref compte rendu
[projetersur l'écranle paragraphe 132(v)de l'annexeIII.94de la répliquede Qatar]. Vousvoyez
qu'il confirme ce quej'ai déjàdit ce matinsur le nouveaufort et sur la clôture de barbelésmais
surtout qu'Alban y indique que «quelquesDawasir de Zellaq y résident;il semble qu'ils aiment
Hawar en hiver et qu'ilsretournenàZellaqen été».Cela corrobore parfaitementce que Qatara
toujours dit sur le fait que lesasirde Zellaq ne venaientsur les îles Hawar qu'enhiver. La
seconde pièce concernel'utilisationfaite des îles Hawar dans les annéesquarantepar la famille
régnante deBahreïn. Dans sa réplique,Qatar a produitdes documentsmontrant quependant lesannéesquarante et au débutdes années cinquante,l'île principale de Hawar était utilisée par
Bahremïn comme un lieu de bannissement commode pour les jeunes membres indisciplinéset
récalcitrantsde la famillerégnante,notamment ceux qui s'étaientmal conduits en état d'ivresse.
Au paragraphe4.189 de sa réplique,Qatar a citéun passage du rapport de l'agent politique à
Bahre'ïnsur ses activitéspendant la périodeallant du 16au 31mars 1940. La Cour constateraque
pendant cette période, l'agent politique etn fait encore Weightman, qui a signéce rapport. Je
projette maintenant sur l'écranle bref compterendu de Weightman relatif à un de ces incidents
imputables à l'ivrognerie[projeter sur l'écran le paragra33 i) de l'annexeIII.91 de la réplique
de Qatar]. J'appelleen particulier l'attention surla dernière phrasede ce compterendu«Il n'y a
pas d'autresplaisirsàHawar que de regarderde rares pêcheurs vider le poisson qu'ils viennent de
prendre et le résultatde cette mesure devrait êtreadmirable.)) Monsieur le président, cette
descriptiondes conditions existantàHawar audébutde 1940contraste visiblementavec celle que
l'on trouve dansla très importante lettre adressépar Weightman à Fowle le 22 avril 1939, sur
laquelle le Gouvernement britannique s'estsi fortement appuyépour parvenir à sa décisiondu
Il juillet 1939.
Engagement demaintenir le statu quo
20. J'en viens maintenant,Monsieur le président, à examiner la mesure dans laquelle
Bahre'ïna respectéson engagement de maintenir le statu quo pris initialement en vertu des
deuxième et troisième principes de l'accord-cadre proposé aux deux Partiep sar le roi Khalid
d'Arabie saouditeen 1983et approuvé le22mai 1983. Le deuxième deces principes prévoyait le
maintien du statu quoet déclarait quetout acte tendaàtle modifier n'aurait aucun effetjuridique.
Les deuxièmeet troisièmeprincipes ont étéconsacréspar la suite dans l'accord de 1987 que la
Cour elle-même, dans sonarrêt du le'juillet 1994sur la compétenceet larecevabilité,a caractérisé
comme un accord international «créantdes droits et des obligations pour lesParties)). Le second
point de l'accord de 1987 prévoit que, jusqu'à ce que les questions en litige soient réglées
définitivement, Qataret Bahre'ïnobserveront les principes du cadre de règlement dontils sont
convenus le 22mai 1983, et en particulier ce qui suit. [Projeter sur l'écranle second point de
l'accordde 1987,mémoirede Qatar,par. 1.18.1 Monsieurleprésident,MadameetMessieurs dela Cour, le secondpoint de l'accordde 1987
est maintenant sur l'écran. J'appelle l'attentionde la Cour, en particulier, sur la teneur de
l'alinéaa) :
«a)chacune des parties s'engage dès maintenant à s'abstenir de toute action qui
renforcerait sa position juridique, affaiblirait celle de la partie adverse, ou
modifieraitlestatuquoà l'égarddes questions en litige. Toute actionen ce sens
sera considéréecommenulle et non avenue et n'aura aucun effetjuridique en la
matière.»
21. Malgréces dispositions claires et péremptoires, Qatars'est vu obligé, pendanttoute la
durée dela présente procédured ,'appeler l'attentionde la Cour sur les nouvelles actimilitaires
et civiles entreprisespar le Gouvernementde Bahreïn ou par des sociétés privéeasvec l'aval de ce
gouvernement, sur l'île principale de Hawar et mêmedans les zones maritimes contestées. Les
paragraphes 1.16à 1.23du mémoire deQatar, ainsi que les appendices 1, 2 et 7, fournissent des
indications détailléesur les nombreuses protestationsadresséesà Bahreïn au sujetdes violations
continuelles par les autorités bahreïnites de l'engagement de maintenir le statu quo. Le
paragraphe 1.37du contre-mémoire de Qatar,ainsi que les appendices 1et 3 àce contre-mémoire,
appellent l'attention de la Cour sur les preuves relativesà la poursuite de grands travaux de
construction d'installations tant militaires que civiles menéssur les îles Hawar parahreeïnen
violation de l'engagement de maintenir le statu quo. Ënfin, les paragraphes 1.39 à 1.44 de la
répliquede Qatar,ainsi que les appendices3 et 4 àcette réplique, fournissentd'autresélémentsde
preuve des nouvelles activitésdeBahreeinqui gênentmanifestement l'engagementde maintenir le
statu quo que Bahre'ins'est formellementengagéàobserver. Desrenvois aux passages pertinents
du mémoire,du contre-mémoire etde la réplique de Qatar,ainsi qu'aux appendices à ces pièces
figureront dans le compte rendu de l'audience de ce matin. A cette longue liste d'actions de
Bahreïn violantsonengagement de maintenirle statuquo, il faut maintenant ajouterla construction
par Bahreeinau coursdes premiers mois dela présenteannéede trois îlots artificiels au largede la
côte occidentalede l'île principale de Hawar. Qatar a protestéauprèsde Bahreüile 21mars 2000
contre cette nouvelle violation manifestede l'engagementde maintenirlestatuquo qu'il avaitpris
dès 1983et a faitparvenir une copiede cetteprotestationàla Cour. 22. Le paragraphe 1.42 dela répliquede Qatar montre que c'est seulement au cours des
dernièresannées,et en particulier depuisle dépôt de larequêtede Qatar a la Cour, que Bahreïna
commencé,tout en renforçant et en étendantses installations militaires, a mettre égalementen
place sur l'île principalede Hawar des installations civiles. Un palais a étéconstruit avec ses
dépendancesavant 1991. Mais depuis quelques années, les activités deconstruction se sont
beaucoup accrues,puisqu'on a vu surgir du sol un nouveaucamp militaire, un port, une jetée,un
hôtel, deux groupes dechalets et d'autresbâtiments neufs. Il n'est pas nécessaireque je donne
d'autres détailssur ces violations continuelles par Bahreïn de son engagement de maintenirle
statu quo puisque S.Exc. l'agent de Qatar, dans sa déclarationd'ouverture, a décritde manière
saisissante ce que Bahreeinfait depuis quelques années pour tenter deprésenterles îles Hawar
4 5 comme un élémenv t ital de son économie. Les activités de construction les plusrécentesde
Bahre'ïnsur les îles Hawar, aussi bien militairesque civiles, ayant étéentreprises bien aprèsla
période critiqueen l'espèce,Qatar fait valoirqu'elles ne sauraient être prisesen compte comme
attestant ouconfirmant le titre de Bahreïn sur ces îles, d'autant plus que depuis 1938, toutes les
activités deconstruction de Bahre0ïnsur les îles Hawar ont été menées en violation ouverteet
flagrante de l'engagementdes deuxparties àmaintenir le statu quo. La Cour notera que, dansla
section 2.11 de la réplique deahreein(par. 173à 180),Bahre'ïnsembleallerjusqu'à s'enorgueillir
de divers projets envisagésou déjàen cours de développementéconomique desîles Hawar, en
dépitdu fait que la poursuite activede ces projets tant qu'un arrêt dela Cour n'a pasonfirméle
titre deBahreüi sur les îles Hawar constitueraitcertainementune nouvelle violation par Bahreïnde
son engagement de maintenir le statu quo. 11est intéressantde noter que, pour autant que Qatar
puisse enjuger, Bahreïnne fait aucunementionde son engagementde maintenir le statu quo dans
aucune de ses écritureset ne cherchenullementàrépondre aux accusationsde violationmanifeste
de son engagementlancées à maintesreprisespar Qatar eu égardaux opérationsde constructionet
autres activitésque Bahreüi a entreprises surles îles Hawar. La Cour voudra sans doute donner
pleinement effet au second des deux principes de l'accord-cadre approuvépar les deux Parties
en1983,tel que le clarifie l'alinéaa) du point 2 de l'accord de1987,déjà caractérispar elle dans
son arrêtdu lqjuillet 1994 sur la compétenceet la recevabilité commeun accord international
créant pour lesparties des droits et des obligations. Qatar soutient donc que toutes les opérations de constructionet les autres activitésmenées depuis1936par Bahreïn sur les îles Hawar, qu'elles
soient militaires ou civiles, doivent être entièrement abandonnées etêmeconsidérées comme
n'ayant aucun effet juridique dans le contexte de la décisionque la Cour doit prendre en
déterminant auqueldes deux Etatsest dévoluela souverainetésur les îles Hawar. Cela dit, je
rappellerai simplementà la Cour l'assuranceque S.Exc. l'agent de Qatara donnée à lafin de la
partie de sa déclaration d'ouvertureconsacréeaux violations continuelles par Bahreïn de son
engagementde maintenir le statuquo.
Absenced'acquiescement de Qatar
23. Monsieur le président, l'allégatinonstammentrépétée de Bahreeïnselon laquelle Qatar
aurait d'une certainefaçon acquiescéà l'occupation illicite desîles Hawar par Bahre'ïnne saurait
êtreretenue un seul instant. Qatar a déjà abondammentcité les nombreuses protestations deson
4 6 souverain contrela décision britanniquedu Il juillet 1939. La premièrede cesprotestations figure
dans une lettre ferme mais digne adressée le4 août 1939aurésidentpolitique. Une copiede cette
lettre est maintenant sur l'écranet figure égalementdans le dossier des juges [mémoirede Qatar,
annexe 111.21, vol. 8, p. 50-521. La Cour constatera que le souverain affirmeavec force queles
îles Hawar n'appartiennent pas à Bahre'ïnselon leur positionnaturelle et géographique,qu'elles
n'ont pas étédétachéesde leur mère, Qatar,ni ne sont détachéesd'elle par leur fait, et que le
Gouvernementde Bahre'ïnne les a ni conquisesni envahies, sauf àune époquerécente, lorsque les
circonstances lui ont semblé favorables etqu'il a agi sans droit pour les usurpeàl'abri d'une
fausseprétentioncontraire àtous les faitset principes)). Puis,le souverain fait observer qu'il aurait
pu empêchermatériellemen ltoccupation illiciteparhreein:
«J7avaisles moyens de l'empêcher de commettrecette transgressionàl'époque,
mais j'ai recouru au sens commun, je me suis fié à l'amitiédu gouvernement de
SaMajestéet àson appui dans le domainedu droit :c'est en ayant cette croyanceque
j'ai présentma protestation etma plaintelà oùil le fallaiten l'occurrence.»
C'est bienentendu une référence àla protestation oraleadresséepar le souverainàWeightman en
février1938 au sujet des activitésde Bahreïn sur les îles Hawar, compris la construction d'un
fort; et la Cour est certainement consciente du fait que Weightman n'a mêmepas signalé cette
protestation orale en écrivantson supérieurdansle Golfe,Fowle, avant le 15mai 1938,environ
trois mois plus tard.Il n'est pas étonnant quePrior, qui a succédà Fowle en tant que résident politique au débutde septembre 1939, aitété horrifié quandil a vu le dossier et ait fait observer
dans des minutes manuscrites : «Je ne doute pas qu'une graveinjusticeait étécornmise.»" Bien
que le souverain ait demandéque la questionsoit réexaminée, Prior, malgréla sympathiequ'il
éprouvait personnellement pour le souverain et son aversion à peine dissimuléepour les
machinations de Weightman,a déclaré le25 septembre 1939 en réponse àcette protestationque la
décision du Il juillet 1939 était définitiveet ne pouvait êtreremise en question. Toutefois,
peut-êtreparce qu'il prévoyaitcette réponse, le souveraina conclu sa lettre du 4 août 1939en
réservantpour son compte ses «droits sur les îles Hawar jusqu'à ceque la vraie situation aitété
tiréeau claim. Il ne pouvaitprévoir alorsque plusde soixante anss'écouleraientavantque lavraie
situationsoit tirée auclair.
24. Le souverain de Qatar étaitbien entenduloin d'êtresatisfait de la réponsede Prior du
25 septembre 1939 à sa lettre initiale de protestation. Il a donc rédigéune autre lettre de
4 7 protestation qu'il a adressée le 18novembre1939au résidentpolitique12. [Je projette maintenant
sur l'écranune copie de cette lettre qui figureaussi dans le dossier desjuges sous la co54.1 Le
souverain manifeste une certaine colère faceà la fin de non-recevoir que constitue la réponsedu
résidentpolitique àsa premièreprotestationdu4 août 1939mais poursuiten disantnotamment :((11
m'est donc impossiblede ne rien dire et de me soumettreen une telle affaire». Malgréles preuves
du contraire dont il aurait déjà dû se rendre compte, il ajoute : «Je ne puis penser que le
gouvernementde Sa Majesté prendrait parla contrainte les droitsde l'un pour les donnerà l'autre
carje sais trop à quel point son attitude est honorable entoute chose.)) Mais prévoyantpeut-être
qu'il ne serait pas tenu compte de sa nouvelle protestation, il réserveaussitôt aprèsde façon
complèteetradicale ses droits concernantles îles Hawar, dans lesmes suivants
«Je souhaite donc informer Votre Excellence queje ne reconnais ni n'admets
que le GouvernementdeBahre'ïnait lemoindrelien de droitavecles îles Hawaretque
je considère toute mesure prise ces dernierstemps par le Gouvernement de Bahreein
comme un défi etun empiétement surmes droits, contre lesquelsje proteste avec la
plus grandeénergie, eten conséquence,commeje vous en ai déjàinformé,je réserve
mes droits sur les îles Hawar etje ne reconnais aucunemesurequi puisse y avoir été
prise.. .»
"Mémoird eeQatar,annexe111.212v,ol.8,p.53.
lMémoird eeQatar,annexe111.213v,ol.8,p.62-63.On ne sauraitguèreréserverplus complètementses droitsqu'il ne l'afait ici. De plus, lestermes
utilisés montrenq tuecetteréservea été conçue comme s'appliquau nt e fois pourtoutesàtousles
actes ultérieursde Bahreüi dans les îles Hawar ou se rapportant à ces îles susceptibles d'être
interprétéc sommeempiétantsur lesdroits continusdes souverainsde Qatar àla souverainetésur
F
les îlesouyportantatteinte.
25. Le souverainde Qatar est néanmoinr sevenu àla charge le7juin 1940,en adressantune
nouvelle lettre de protestation à Weightman, en sa qualitéd'agent politique à Bahreein,pour se
plaindre cettefois de l'enlèvementd'un certain nombrede citoyensqatarienssur la côte ouestdu
temtoire continental de Qatar par l'équipagede huit bateaux mouillant habituellementaux îles
Hawar. Le souveraina considéré ces actes comme «uneagressionpure et simple))eta menacéde
prendre des mesuresefficacespourprotéger l'honneur ds eonpays et le sienpropreet sauvegarder
ses droitsdevantlesagressionsrépétées de Bahrec ïontresescôtes13.
26. L'agent politiqueàBahreüllui ayant demandéau début dejuillet 1946s'ilrevendiquait
le titre sur Fashtad Dibal et Qit'atJaradah, le souverainde Qatar a répondu affirmativemenlte
13juillet 1946. Mais il a saisi cette occasion pour réitéresra revendication de titre sur les
îlesHawar : «Vouslevoyez, Qatara été traité de façon injuste,lors que son droitest clair pourla
question desîlesHawar,dontje persiste obstinément à revendiquerlapropriété...» 14
27.Enfin,nousavons laréponse du souverain de Qatar endate du 21 février1948 à la lettre
de l'agent politique à Bahreeben date du 23 décembre1947qui lui notifiait le tracéde la ligne
appelée «lignede 1947~)délimitantla frontièreentre les zones de fonds marins appartenantau
souverainde Qatar etcellesappartenantau souverain de Bahreüi.
Deuxexceptionsétaient,bienentendu,faitesàla lignede 1947elle-même :
i) la régiondeshauts-fondsde Dibalet de Jaradahquiaffleurentaux marées basses de vive
eausontconsidéréec sommeétantsousla «souveraineté» du souverainde Bahreïn;
l3Mémoird eQatar ,nnexe111.219,ol8,p. 85.
l4Mémoird eQatar,annexe111.245,ol8,p. 203. ii) l'île de Hawar, les autres îles du groupe des Hawar (mais non Janan qui n'est pas
considérée comme englobée dans les îlesdu groupe des Hawar) et les eaux territoriales
qui en relèvent sont également considéréecsomme étant sous la «souveraineté»du
souverainde Bahre'ïn.
En réponse à cette notification, le souverainde Qatar, dans sa lettre du 21 février 194à l'agent
politiqueà Bahreeïn[que voici maintenant sur l'écranet dont une copie figure égalementdans le
dossier des juges, sous la cote551 rappelle la position qu'il atoujours prise sur la question de la
souverainetésur les îlesHawar :
«Toutefois j'appelle l'attention de Votre Excellence sur la correspondance
échangéeil y a quelque dixans au sujet des îles Hawar et sur la représentationque
j'avais clairement faite concernant leur situation dans la lettre que j'avais alors
adressée à l'agent politique de Bahre'ïnde SonExcellence, dans laquelle je lui
exposaismon point de vue concernantcette îlequi faitpartie de Qatar etj'élevaisune
protestation contre le comportement du Gouvernement de Bahre'ïn. Mais le
gouvernement de SaMajesté a agi comme il l'entendait, et je ne peux que me
soumettre,tout en meréservantmes propresdroits.»'5
28. Monsieur le présidentj ,'ai deux observationsà formuler au sujet de cette citationde la
lettre du 21 février1948. Enpremier lieu,c'estmanifestement àla lettre de protestation qu'ilavait
4 9 adresséetrès tôt,le 27mai 1938, à l'agent politique,àla suite de sa premièrelettre de protestation
envoyée au même destinatairle e 10mai 1938,quele souverain de Qatar fait a~lusion'~.Dans cette
deuxième lettre du 27 mai 1938, le souverain déclare notammentque : «Le Gouvernement de
Bahre'ïnn'a occupéque récemment[lesîles Hawar] et ce faitm'a incitéàprendre des mesuresen
l'occurrence età formuler desprotestations.»'7Le souverainpoursuit :
«J7ignorepour quelmotif le Gouvernementde Bahreeina récemment accompli,
sur ces îles, les actes qui ont soulevédes objections de ma part. O! agent politique,
pendant longtemps cette île est demeuréeexempte de toute ingérenceou de toute
entreprise de nature à attirer l'attention et susciter du ressentiment, elle est restée
comme les autres îles. Certains pêcheurs,il est vrai, vont sur cette île quand ils
prennent la mer pour pêcher, demêmequ'ils vont sur d'autres îles en vertu d' une
pratique considérée commehabituelle.))
" Mémoird eeQatarannexe111.259v,ol. 8,p.277.
l6Mémoird ee Qatar,annexe111.150v,ol.7,p.253.
l7Mémoird eeQatar,annexe111.157v,ol.p. 285. 29. La secondeobservationqueje formuleraisur la lettredu 21 février1948du souverainde
Qatar consisteà appeler l'attentionsur la phrase qui suit immédiatemensta protestation manifeste
contre le comportement du Gouvernement de Bahreïn. Cette phrase se litcomme suit :«Mais le ,
gouvernement deSaMajesté aagi commeil l'entendait,etje ne peux que me soumettre,tout enme
O
réservantmes propres droits.»'* L'emploidans cette phrase du terme «se soumettre)),détaché du
reste de la lettre, pourrait en théorie donner penser que Qatar acquiesçait dans une certaine
mesure à la situationrésultant dela décision britanniquedu Il juillet 1939. Mais ce serait làune
interprétation toutfaiterronéedelapenséedu souverain. CommeQatarl'a fait observerdans son
mémoire,le terme «se soumettre)),dans le contexte du reste de la lettre «traduit non pas une
acceptation volontairede sa part mais la consciencede son incapacitéàobtenir une revision de la
décision)par le Gouvernementbritannique'9.
30. Tous ces élémentsde preuve distincts montrent de façonconcluante, Monsieur le
président, quele souverainde Qatarn'ajamais acceptéla décisionbritanniquedu 11juillet 1939en
faveurde la revendication de Bahreïnsur lesîles Hawarni acquiescé à cette décision. Ce n'estpas
seulement l'opinion de Qatar sur la question. C'est aussi l'analyse faite par le
Gouvernementbritannique en 1964. Cette année-là,M.Frank Brenchley, alors directeur du
département arabe du Foreign Office, a soumis le 6juillet au sous-secrétaireen second ou
sous-secrétaireadjoint- je ne me souviens pas exactement quelleétait sa fonctionàl'époque -
sir StewartCrawford, une proposition relative au différend entre Bahreïn et Qatar sur les fonds
5 0 marins. Bien que cette proposition ait étéaxée surle différendrelatif aux fonds marins, elle
mentionnait incidemment celui concernant lesîles Hawar dans les termes suivants (la partie
pertinente de ce document - le document supplémentaireno17 de Qatar- est maintenant
projetéesur l'écran)etje cite
«Le souverain de Qatar formulera probablement,lorsque la revendication de
Bahreïn lui sera présentée,une contre-propositiontendant à ce que l'île de Hawar
figure aussi parmi les questions sur lesquellesportera l'arbitrage. L'île de Hawar,qui
est proche de la côte occidentalede Qatar et lui est presquerelàémaréebasse, a été
atîribuée par le gouvernement de SaMajesté à Bahreïn en 1939 de façon
'*Mémoirede Qatar,annex111.25vol.8,p.277.
l9MémoiredeQatar,par6.242. analogueà la manière dontla ligne de 1947aété tracée,t les Qatariensn'ontjamais
acquiescéà cettedécision. Si cette îleétaitsoumiàel'arbitrage et attribuéeàQatar,
il serait beaucoup plus simple de tracer la ligne médiane~ahre-ïn/~atar.»~~(Les
italiquessont denous.)
31. Dans ce texte,un haut fonctionnaire du ForeignOffice reconnaît clairement que Qatar
n'avait jamaisacquiescé la décision du 11juillet 1939Gouvernementbritanniqueen faveur de
la revendicationdeahreeinsur les îles Hawar. Face àcela,Bahreïnne peut qu'invoquer une lettre
adressée le 21 février1961 par M. MorganMan, de la résidence britannique à Bahreein,à
M. Beaumont,dans laquelleM. Mandéclaraitavoir entendurapporter que «le cheikh Ahmadavait
dit récemment au résident politique qu'ne contestait pas notre décisionconcernantawan>2'.
Comme ce rapport de deuxièmemain sur une information peuplausible suit immédiatementune
référence deM. Man à«la menace du cheikhAhmad de soumettre aussi bien les îles Hawar que
Zubarah à un arbitrage international)),elle ne peut mériteraucun crédit. Qatara déjà dit que
M. Man, en déclarantque les îles Hawar (représentaient au moinsn problèmeque nous avons
réussi réglem,prenait«ses désirspour la réalit),e àquoi il était sans aucundoute d'autant plus
enclin qu'il ne tenaits à voir les différendsrelatifs aux îles HawaràeZubarah être soumis
ensemble àun arbitrage. Malheureusement,le souhaitde M. Man de mener une viepaisible avaàt
l'époqueun effetmalencontreuxsursondiscernement.
32.Monsieur leprésident,Madameet Messieurs de la Cour,ce point conclutle premiertour
de plaidoiries de Qatar sur la question des îles Hawar.Je vous demande respectueusement,
Monsieurleprésident,d'appelermaintenantM. Davidqui vousparlera de la questionde Zubarah.
Le PRESIDENT :Merci beaucoup,sirIan. 1now givethe floorto ProfessorDavid.
5 1 Mr. DAVID: Thankyou Mr. President.M.. President,distinguishedMembersofthe Court,
1.It is an honourfor me not onlyto appearbefore the Court again but also to pleadonbehalf
of the Stateof Qatar. fact it is almostapleasureas 1believethe sectionof the casethat1shallbe
addressing,i.e., the Bahraini claim to the Zubarah region, is not the most complicatedto cover,
even if it isno doubtthemosturprising.
'ODocumentssupplémentairesdeatarno17,par.10.
''MémoirdeeBahrein, nnexe299, vol.5,p. 1212. Mr. President,distinguishedMembers of the Court,
This claim haunted relations between Bahrain and Qatar,both literallyand figuratively,for
three-quartersof a century, fkom1873to 1954but was thoughtto have been completelylaid torest
since 1954'. True,Bahrain did pressits claimon theBritishagainin 1957and 1961,but eachtime
f
the British rejectedit Ijudges'folder,Nos. 58 and 591and didnot even feelthat there wasanyneed
to inform Qatarofthis claim, so confidentweretheythat thematterhad longbeen settled2.
2. Moreover, when, in 1964,Bahrain and Qatar attempted toreach agreement to submitto
arbitral or judicial settlement the whole of their territorial dispute3, Bahrainmade no allusion
whatsoever to Zubarah, and another 24 years were to pass, from 1964 until 1988, beforeBahrain
exhumed a ghost that was thought to have been swept awayby the desert winds and the tides of
history4.
3.In fact,the ghost had alsomutated, sincethe subjectof the claim changedconstantlyover
the years, with Bahrain'smood: presented initially,in 1873,as a claim of suzerainty overa tribe
that frequented the Zubarah region5, it later became a claim of sovereignty over the site of
zubarah6, then reverted to being a claim of persona1jurisdiction over the Naim of 2ubarah7;it
subsequentlybecame merely a claim either to privatepropertyrights over theruins of 2ubarahsor
to rights tograze animals and use fish traps in zubarahgbefore, in 1988,taking on the form of an
undefined and, to Saythe least, unusual claim in which Bahrainreserved the right to ask for the
maximum possible, without further details". In sum, it cannot be said that the distinguishing
characteristicof this claim, which defies any attemptto categorizeit, is either one of strict logicor
legal certainS.
'MemonalofQatar,paras.8.51et seq.
2~emorialof Qatar,paras.8.52-8.54.
3~ernonalofQatar onJurisdictiandAdmissibilityp,aras.3.01eseq.
4ZbidA n,.11.22,Vol. III,p. 141.
'~ernorial of Qatar,Ann.II.8,Vol. 4,p. 187.
6ibid.,p89.
'Mernorialof QataAnn. 111.297, ol. 8,p. 491.
*MernonalofQatar,Ann. 111.260, ol. 8,p. 291.
'~ernonal ofBahrain,Vol.4,pp.798-799.
%fernorialof Qataron Jurisdictionand Admissibility,Ann1,Vol.III,p. 203. 4.But it is not onlythe subjectof the claim,Mr.President,that has variedwithtime,but also
its extent. While Bahrain is now claiming sovereignty over ~ubarah", the ghost has acquired
greater substance sincethe claim, which originallyconcemed the site of the old town of Zubarah,
now extends over a tenitory that, as you can see, is more than one third of the size of the main
islandofBahrain andalmostfourtimesthat of the Hawar Islands!
The fact that even in 1948 the British said, not without irony, that this claim was about as
good as Iran'sclaim to~ahrain'~,means that thereisno need to dwellat length on the strengthof a
claimthat has arisen in these circumstances: it is a proceduraltactic, the aim of whichhas already
been explainedby H.E. the Agentof Qatar. The onlymaterialresult of this strategyis, for the time
being, toencurnberand considerablylengthenthe proceedings,bothatthe writtenand oral stages.
Forgiveme, Mr. President,for reiterating the background tothis claim,but 1have had todo
so in order to explain the unease felt by anyone who laiows even only a little aboutthe Zubarah
situationwhenputtingbefore the Court a bodyof obvioustruths.
5. One last remark: the claim to Zubarah dates from 1873,and the documentary evidence
bearing on itruns to thousands of pages; not- and this is worth repeating- that the question
was particularlydifficult, since the British considered that Bahrain'sclaim was withoutfoundation
right from the start, but it is also tme that certain British officials did not always make this
sufficientlyclear to Bahrain,and this may explainwhy Bahrainrelentlessly and doggedly pursued
the matter. This being so,and given the huge amountof such documentaryevidence,it would be
possible to devote whole volumes just to the Zubarah question and to plead for hours on the
subject. Butbearing in mind the time allotted for the oral arguments,the Court will doubtlessnot
hold it against me if 1limit myself to what is essential anddo not go into detail on al1the points
raisedby ouropponents.
6.Thispresentation,Mr.President,willbe in four partsand will deal in turn withthe history
of the origins of Zubarah, the basisof Qatar'stitle to Zubarah, theonfirmationof this title and,
fmally, the substance of Bahrain'sarguments that are based mainly on the tribal ties between the
Ruler ofBahrain andtheNairn tribe.
"~emonal ofBahrainp, ara.34andp.301.
'*hilemonaolfQata, nn.111.26, ol.8,p. 298. I.HISTORYOF THE ORIGINS OF ZUBARAH
7. Bahrain argues that Zubarah was founded by the ~l-Khalifah13,a sectionof the Al-Utub
tribe, who hailedfiom Kuwait, when they became establishedin this part of the Qatarpeninsulain
1766. Although this issue is not of fundamental importancein determining sovereignty over
4 -
Zubarah, it will nevertheless be noted that Bahrain's claimto have founded Zubarah is already 5
questionable. Whilethe town of Zubarah clearly did developin commercialterms after thearriva1
of the Al-Khalifah,there is no proof that the townwas foundedby them. Onthe contrary,Lorimer
suggests that Zubarah already existedin 1766, when he writes that it was at that time that the
Al-Utubarrivedin2ubarahI4.
AiTivingin Zubarah is not the samething as founding Zubarah. An authorcited by Bahrain
recognizesthatthe town may have already existed, acenturybeforethe Al-Khalifaharri~ed'~.And
if atribe'splace of origin can confer specificterritorialrights over the place in question,why does
Bahrain not also claim rights over the parts of Kuwait fiom which the Al-Khalifah farnily
originates?
8. Zubarah'srapid commercial developmentafter 1766provokedrivalry, then open hostility,
5 4 withthe Persians,who then occupied the island ofBahrain. The Al-Khalifah,in alliancewith other
tribes fiom Qatar, invaded Bahrainin 1783,expelledthe Persiansand transfered their headquarters
there, whichhad untilthen been inzubarahI6.
However, the region did not enjoymuch tranquillity. In 1800,the Al-Khalifah werein tum
forcedout of the islandof Bahrainby Muscat; theyreturnedbrieflyto Zubarahfor long enoughto
recover their strengthand, more importantly,to retake Bahrain in 1801,th& to the assistance of
the ahh ha bis".
9. From then on, Zubarah's days were nurnbered. In 1809 the Wahhabis established
themselvesin the town and stayed there until 1811. Muscatthen took advantageof their deparhue
to takeZubarahanddestroy itby fireI8.
13~ounter-~emoriolf Bahrain,para.63.
'4~emo~alofQatar,Ann.11.4,Vol.3,p. 141.
lS~ounter-~emorialfBahrai nnn. 115-116,Vol. 2,p.366.
16MemorialofQatar,paras.3.and8.10.
"Memorialof QatarAnn.11.5,Vol.3,pp.248-249.
'8~emorialof Qatar,para.3.19; Memorialof Ann.r11.5,Vol. 3,pp. 196-198. This was the end of Zubarah as a town, and there is no furthernews of it until the brief
sojourn at the now deserted site in 1842-1843by two rival sheikhs of ~ahrain'~. Zubarah is not
mentioned again until 1873, when the Turks demanded that the Naim living there pay them
allegiance2'.
10. This brief account of the origins of Zubarah, Mr.President, shows, first, that the
Al-Khalifah's occupation of Zubarah from1766to 1783, 1800to 1801 and 1842to 1843was both
intermittentand of short duration, second,thatthe Wahhabismovedinto the town in 1809andthen
that the town was destroyedby Muscat in 1811, fiom which time it ceased to exist as such.
Regardless of subsequentevents, occupationas partial as this in a nomadic area, punctuated by a
seriesof abandonments,wouldnot appearsufficientto justifi specificrights of property, let alone
sovereignty,overthis area.
11. Bahrain is even less justified in relying upon its sojourn at Zubarah to claim historic
rights to that place, given that the Al-Khalifahwere not the only tribe to fiequent Zubarah. The
other tribes includedthe Al-Ma'adhid, of whichThani bin Muhammad,the eponymous ancestor of
Qatar'spresentrulingfamily,theAl-Thani, was amembe?'.
5 5 It is thereforenot Zubarah'sturbulenthistory fiom 1766to 1811and its subsequentreturnto
the desertafter 1811that canjustify Bahrain'spresentclaims.
1shouldnow liketojust make astart, as 1think that time is mingout, on the second part
of thispresentation,narnelythebasis of Qatar'stitleto Zubarah.
II.THE BASISOF QATAR'S TITLETO ZUBARAH
12.The basis of Qatar'stitle to Zubarah is bound up with the establishment of the authority
of the Al-Thani overthe whole of the peninsula. Recognized fromthe middle of the nineteenth
cen*, this authority was officially confmed by the separate treaties the British signed with
Bahrain and Qatar in 1868, and also at the time of Qatar's submissionto the Ottomans in 1871.
Given that it is thetirety of the peninsula whose separationfkomBahrain was recognized, and
lg~emonalofQatar,Ann.11.5,Vol.3,p.206.
Zo~emonaol f Qatar,Ann.11.7,Vol.4,p.53.
21~ounter-~emoriolf Qatar, 2..24.
z2~ounter-~emonaolf Qatar, 2..25.not a part, as Bahrainwould have usbelieve,the legal situation ofZubarahis the sameas that of
the wholepeninsula: accessoriumsequiturprincipale (the accessory follows the principal). This
point, whichis sufficienttostiQ Qatar'stitle toZubarah,wasalreadymadeby MsPilkingtonlast
weekandmy argumentcouldresthere.
But evenif it were arguedthat the case of Zubarah shouldbe distinguishedfromthat of the
rest of the peninsula,historyshowsthat Bahraincannotavailitself of anyrightsoverthis areaand
that Qatar's titlewas substantiallynfmed between 1873 and 1878, six years that were very
eventfulfor Zubarah andcan be dividedinto three penods - 1873, 1874-1875 and1878- each
ofwhich confms that Zubarah belongsto Qatar.
Mr. Resident, perhaps you wouldprefer me to leave you in suspensewith regard to what
happened over the yearsin questionandallowmeto stopatthisjuncture.
The PRESDENT: That is a welcome suggestion. Thank you, Professor. The Court will
suspendits sittingandresumethis afternoonat 3p.m.
The Courtrose at I p.m.
Traduction