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CR2002119(traduction)

CR2002119(translation)

Jeudi14mars2002 à15heures

Thursday 14March2002 at3 p.m. Le PRESIDENT :Veuillezvousasseoir. Laséanceest ouverteetje donne la parole,au nom

de la RépubliquefédéraleduNigéria, àM. AlastairMacdonald.

M. MACDONALD :Merci, Monsieurleprésident.

LA FRONTIERE TERRESTRE

1.Monsieur le président, Madameet Messieursde la Cour,c'est pourmoi un grand honneur

que de me présenter ànouveaudevant vous. Je n'ai cette fois que neuf cartestrèssimpleàvous

montrer, etje m'efforceraide garderrésolumentlespieds surterre.

2. Dans le cadre de ma première plaidoirie,j'ai montré,la semaine dernière,pourquoi le

Nigériajuge très problématique ladélimitationdessegmentsde la frontièreterrestrerelevant de la

déclarationde 1931 et de l'ordonnanceadoptéeen conseil de 1946. Au cours du secondtour de

plaidoiries du Cameroun,M. Simmam'a fait l'hommage,lundi 11mars, de s'acharner àbattre en

brèchema démonstration. Toutefois, l'agentdu Camerouna indiquémardidevant la Cour que le

Cameroun ne chercherait plus à réfuter lathèsedu Nigéria selon laquellecertaines parties des

instrumentsde délimitation seraientdéfectueuseset demanderaient êtremodifiées,en déclarant:

«Nous nous en remettons, Madame et Messieurs de la Cour, entièrement àvotre jugement sur ce

point.»1

3. Monsieur le président,Madame et Messieurs de la Cour, au vu de ce changement de

position du Cameroun,je m'attacheraià vous montrerque vous avez entreles mains les éléments

nécessaires pourtrancher. Ce faisant, je me propose de répondre aux critiques formuléespar

M. Simma à l'égarddes carteset du tracéde la frontièreinvoquéspar leNigériaainsi qu'à la thèse

défenduepar ce conseil, selon laquelle les instrumentsistantsrelatifàla frontièrefournissent

une délimitationvalable. Jeregrette queM. Simmaait dû repartiret ne soitpas là aujourd'huipour

entendre ma reponse. Maistout d'abord,je souhaiterais éclaircirune confusionmise en évidence

par M. pellet2concernant la longueurde la frontièreavancéeparle Nigériaau cours desdifférentes

phasesde laprocédure.

'CR2002117,p. 65,pa4(Ali).
CR200214,p. 24-25,par.23 (Pellet). 4. D'embléej,e tiens àpréciser qu'endonnant dans ses piècesune indicationde lalongueur

totale de lafrontière,le Nigéria n'avait d'ausouci que de rendre compte d'un contextegénéral.

Il ne songeaitpas que cette longueurseraitunfacteur déterminanten l'espèce. Nousavonsd'abord

avancédans notre contre-mémoireune estimation grossière :1600kilomètres. Soit 1000milles.

1 9 Nous avons ensuite présenté,dans notre duplique, une deuxièmeestimation résultant de calculs

plus détaillésrenant en compte lesméandressuivis par lafrontièrelorsquecelle-ciest reportéesur

des cartesà l'échelledu 1/50000'. D'où un chiffre plus important- 1840kilomètres. Parceque

nous ne l'avancionsqu'à titre indicatif,nous l'avons arrondà 1800kilomètres;c'est en revanche

le chiffre initial de 1840kilomètres que nous avons converti en milles-ce qui nous

donne 1150 -, et c'est cette dernière estimationque nous avons ensuite arrondie. Le Nigéria ne

peut que prier la Cour de l'excuser de la confusion qui s'en est ensuivie et lui suggèretrès

respectueusement de retenir le chiffre de 1800kilomètres,en tant qu'indication généraleet

approximativede la longueur delafrontière.

L'argumentdu Camerounselon lequel iln'apas lui-même proposéuntracé

5. J'enviens maintenant auxcritiquesformuléesparM. Simma à l'encontrede l'exposéque

j'ai présentau cours du premier tour.M. Simmacommence parévoquer3la lignefrontière décrite

en détailparleNigériadans l'atlasjointà saduplique. Il poursuiten rappelantà la Courque :

((LeCameroun n'a pour sa partjamais envisagéde proposer semblable ligne à
la Courcar, en tant que demandeuren la présenteinstance, il l'a priée derendreune
décisionn'allantpas au-delàd'une confirmation,quiferaitautorité,de la validitéet de
I'applicabilitdes instrumentsde délimitation.))

Monsieur leprésident, puis-je demanderà la Cour de se reporterau tableau figurant au chapitre6

de la répliquedu Cameroun,dont la deuxièmepage est reproduite sousl'onglet 10du dossier de

plaidoiries? Le texte du chapitre6 en explique le contenu. Le paragraphe6.04 précise

notamment :

((Les cartes auxquelles il est fait référenceà la colonne7 sont des cartes

officielles auxquelles les instruments juridiques pertinents se réfèrent.insi, les
représentations surces cartes- en particulier le tracéde la frontièr- expriment
l'accorddes Parties contractantes. Les deux dernièrescolonnes du tableau résument
lespositionsrespectivesdesParties.))

CR 2002115,p.49,par15(Simma). 6. Bien que les colonnes ne soientpas numérotéesl,a septièmesemble êtrecelle ayant pour

titre «Atlas carteno». Et que trouvons-nousdanscette colonne,Monsieur le président? Une liste

desdocumentsextraits de la sériede cartes au1200 000"produitepar leCameroun. Et qu'en dit le p

Cameroun ? Il dit que les représentations figurantsur ces cartes-enparticulier le tracéde la

frontièr- expriment l'accord des Parties contractantes. Une affirmation bien péremptoire,

Monsieur le président, contre laquelle, bien sûrl,e Nigéria s'inscrit enfaux. Dèslors,y a-t-il lieu

de s'étonnerque le Nigériaait ressenti le besoin de soumettresa propre ligne frontièrea Cour

danssa duplique ?

2 O Lacritique formuléepar le Cameroun à l'égarddes cartesutiliséesparle Nigéria

7. M. Simma a ensuite laisséentendre4que l'usage fait par le Nigériad'«assemblages de

cartes» et de «cartes topographiques)) ainsi que ses référencesaux cartes nigérianes et

camerounaises étaient contradictoireset trompeurs. Monsieur le président,je me féliciteque

l'occasion me soit donnéed'apporterà la Cour etànos contradicteurs deséclaircissementssur ces

questions.

8. Vous voyez apparaître sur l'écranun exemple d'assemblage de cartes nigérianeset

camerounaisesprésenté dansnotre duplique5. Il figure égalementsous l'onglet 11. Permettez-moi

à présentde répondreaux questions poséespar le conseil. Comment cet assemblage a-t-il été

réalisé? Les cartes du Directorate of OverseasSurveyset de l'Institut géographique nationalont

éténumériséeset réunieasu moyen d'outils logiciels,puis l'assemblageainsi obtenua étimprimé.

Dans quel but? Monsieur le président,nous n'en faisons pas mystère. Les cartes d'un pays

représententavec moins de précisionles autres nations. Notre but était simplement demontrerà

laCour par où, selon le Nigéria,passe la frontière, en cherchantà figurer au mieux le terrain

depart et d'autrede la lignefrontière. Le Nigéria estimequecette vue d'ensembleaide aussi bien

laCour que lesPartiesà mieux appréhender les circonstancesel'espèce.

CR 2002115p.50,par16 (Simma).
DN, fig7.1,voirp336. 9. Avons-nousprojetéla semaine dernièredes assemblagesde cartes d'origines nigérianeet

camerounaise? Bien sûr que oui. Si Madame et Messieurs de la Cour veulent bien avoir

l'obligeancede se pencher une fois de plus sur la carte projetée'écran,et de la comparer avec

celle-ci, qui est celle que je projetais la semaine dernière-et qui figure égalementsous

l'onglet 12-, ils pourront constaterqu'elles sontidentiquàsquelques détails près. Nousnous

sommes bornés à agrandir la carte projetéela semaine dernière pourque les choses soient plus

claires.

10. Qu'entendais-je par ((cartes topographiques?) J'ai employéce terme pour décrire

l'ensemble des cartes, qu'il s'agisse d'assemblagesou de cartes établies à partir de sources

nigérianesseulement, que j'ai utiliséesdans le cadre de mon exposé. Il s'agit d'un terme

génériquee,t c'esten ce sens queje l'ai employé.

11. Monsieur le président,les questions du conseil camerounais appellent des réponses

simples et lumineuses, que le Nigériaa été heureuxde fournir. En aucun cas elles ne ((nuisent

gravement à la valeurprobante detout l'exposé»6,ommevoudraitvous le fairecroireM. Simma.

12.Mais avant de poursuivre, puis-jedemander à la Cour de se pencher sur cette carte, qui

est un nouvel agrandissementde laprécédent- eelle figure sous l'onglet 13 Vous noterezque

les détails coïncident la jointure des deux section:comme vous pouvez le voir aux points

indiquéspar des flèches,les coursd'eau etlesroutes ne présententaucune solutionde continuitéde

l'une àl'autre. Bienque certainescourbes de niveau ne soient pas parfaitementajustéesen raison

2 1 des différents systèmese mesureutilisés- métriqueetanglo-saxon -, lareprésentationdurelief

n'en estpas moins remarquablement cohérente elle aussi. Cettecohérenceen dit longsur laqualité

du travail réalisé tant par le Directorate of Overseas Suweys que par

l'Institut géographiqueational. Deux administrations issues de cultures et possédant des

formations différentes,deux ensembles de photographies aériennes prisespar des sous-traitants

différents, sans doute au moyen d'appareils différents et à des altitudes différentes,

deux iypesd'instruments utiliséspour tracer les cartes-et le résultat obtenu est le même.

Monsieur le président, quelle meilleure expertise indépendante pourrait-on souhaiter?

CR2002/15,p.50,par. 16. Et M. Simma cherche à instiller en vous l'idée que ces documents cartographiques seraient

«fallacieux»'! ? Non, Monsieur le président,ces cartes ont étéétablies pardeux des meilleures

agences cartographiquesau monde. Ellesne pourraientêtre plus fiables. ,

13.M.Simma aprésenté à la Cour deuxexemples decartesde source nigériane, représentant

l'une Narki, l'autre la source de la rivièreTsikakiri, en arguantque l'absencede rivièresou autres

cours d'eau nonseulement laissait planerun doute sur la qualitéde ces cartes, mais mettait en

cause la lignenigériane elle-même. Monsieu lr président, jecrains qu'il ne nous faille ici nous

arrêterbrièvement sur les méthodesde représentation cartographique. Lorsqu'on dresseune

carte au 1/50 OOOe,il n'est pas toujours possible, ni même,diraient d'aucuns, souhaitable, de

représenterlemoindre détailvisiblesurlaphotographieaérienne. Keates, éminen stpécialistede la

cartographie,écrit8 :

((Certaines donnéestopographiques mineures .. peuvent êtreomises parce
qu'elles sont sans importance à l'échelle cartographique.La difficulté,en ce qui

concerne l'utilisateur -et cela est particulièrementvrai dans le cas des cartes
topographiques à moyenne échelle -, tientà ce que certains détailssont reproduits,
d'autresnon, bienqu'ils puissent êtrelesuns et lesautresreprésentés par un symbole.
Le réseaude chenaux d'écoulementque l'on trouve dans une régionmontagneuse,

dans deszones où les précipitationssont abondanteset le ruissellement important, en
constitueun exempleflagrant. Sur descartes àmoyenneéchelle, représentertous ces
chenauxreviendrait à tracer d'innombrablespetites lignes qui,outre qu'elles seraient
sans grande utilité,risqueraient de nuireà la lisibilitéd'autres détails. De sorte que
certainssont omis,d'autres reproduitspour donnerune indicationdes caractéristiques

généralee st de ladistributiondu drainage.))[Traduction du Greff J

14. Voilà donc un expert reconnu nous expliquant que la représentationsélectivede

cours d'eauest une pratiquetout à fait courantedans l'établissement de cartes a moyenne échelle

2 2 telles que cellesqui nous intéressentprésentement.Il seraitabusif de conclure de l'absenced'une

rivière sur la carte à l'emplacement de Narki ou d'un cours d'eauconstituant la source de la

rivièreTsikakirique les cartes sont, commeM. Simma voudrait vous le faire croire, «erronée[s],

incomplète[s]et inexacte[^] »oi,e«fallacieu[~es]»'~.

'CR200215, p.62,par40 (Simma).
CartographicDesignandProduction,J.S. Keat1989,IN0-582-30133-5p.41,chap.4.

CR 2002115,p.52,par21 (Simma).
'OIbid.,62, par40. 15.Quefait dèslors l'utilisateuravertipourobtenirdavantagede précisions ? Il se reportà

la photographie aérienne à partir de laquelle la carte a été réalisée. Cette photographreproduit

l'ensembledesdétails quiexistentdans la réalité et il luiest aisé d'établilre lien entreces données

et la carte.

16. Voici la photographie aérienne à partir de laquelle a étéréaliséela carte du

DirectorateofOverseasSznvey(DOS) représentant Narki -elle figure sous l'onglet 14 et a déjà

été présenté àela Cour. Nous voyonslà une granderivière,puissante, large et profondeen période

de crue, mais asséchée pendant une bonne partiede l'année. Elle s'écoule depuisla gauche et se

scinde en plusieurs bras avant de se perdre dans le marais dYAgzabamevers la droite. Elle ne

s'écoulepas, comme l'affirmait M. Sirnma,depuisle marais,depuisladroite.

17. Et sije peux me permettreune parenthèse,Monsieur le président,je voudrais répondre

aux interrogations du professeur quant à la direction quesuivent les rivières surces cartes". La

Courn'ignorepas,j'en suis certain,que les rivièresdescendentles pentes,de sortequ'il suffit,pour

déterminerla direction qu'elles empruntent,de se reporter aux courbes de niveau. L'immense

majorité des cartes que nousavons présentées indiquent lescourbes de niveau - encore aurait-il

fallu queM. Simmamette à profittoutes les informationsdontil disposait.

18. Pour revenir à la question initiale, nous voici en présenced'une grande rivièrequi se

ramifie en unemultitudede brasau-delà de Banki. Au fil des ans, ces bras voient leurtaille et leur

importancecroître ou diminuer,commec'est le cas dans n'importe quel delta. Il se peut fort bien

que certains des bras que les cartographes du DOS n'ont pas, en 1965, jugé dignes d'être

représentés aient éténettement plus importants en 1931. Nous ne pouvons en avoir la certitude,

mais nous voyons sur cette photographie aérienne, latrace de ces anciens bras d'eau, l'un passant

aunord de Narki, l'autre plus petit mais toujours visible, vers le sud. Toutefois, le

cartographeduDOS a choisi de ne pas les représenter. Il ne s'ensuit pas pour autant qu'ils

n'existentpasni que la cartesoit«fallacieu[se]»'*.

" Ibid.,p. 55,par.27.
l2Ibid.,p.62,par.40. 19.J'en viens maintenant à la rivièreTsikakiri,etj'aurai recouàsun agrandissementde la

carte représentantla zone évoquéepar M. Simma-il apparaît à présentsur l'écran etfigure

q
égalementsous l'onglet 15. Monsieurle président,leNigériacherchait àlocaliserla source laplus

en amont de labranche méridionalede la rivière. Unefois de plus, l'utilisateuravertiaura penàé

se reporter aux photographies aériennes, dontles référencessont données surla carte et qui

demeurent consultables. Elles donnent une représentationtridimensionnelle - celle-là même

utilisée parles cartographes dans leurs levésd'origine- qui fait clairement apparaître une

petite valléefluviale s'élevant verssommet,indiquéeen bleu. Cettevalléeest égalementfigurée

par deux petiteséchancruresdanslescourbes deniveau-dont la significationne saurait,j'en suis

convaincu,échapperànotremontagnardde Savoie. J'ajouteraiencore quenous avons inclus cette

carte dans notre atlas dans le but d'indiquer non pas l'emplacement exact dela source de la

rivièreTsikakiri,mais letracé que,selonle Nigéria,suit la frontière.

20. Le Nigéria soutientque les prétenduescontradictions dont tire argumentle Cameroun

n'impliquent nullement que les cartes nigérianes soient «falla~ieu[ses]»'~,ni qu'elles soient

entachéesde quelque autre défautqui les rende suspectesdans le cadre de la présenteespèce. La

Cour n'a aucune raison de douter que les cartes produitespar le DOS et'IGNsatisfont à tous les

critèresd'exactituderequis.

Les critiques formuléespar le Cameroun à l'égard dutracéde la frontière proposé par le
Nigéria

21. Monsieur le président, Madameet Messieurs de la Cour, j'en viens maintenant aux

réservesexpriméespar le conseil du Cameroun quant à la fiabilitédu tracéde la frontièreque fait

valoir le Nigéria. Tout d'abord, M. Simrna a critiquéle fait que le village de Mada figure à

deuxendroits sur la carte 19 de l'atlasjoiàtla duplique duNigéria. Cette carte est actuellement

projetéeà l'écranet vouspouvez égalementla consultersousl'onglet 16. Mada est indiqué à l'est

- à l'endroitoù je pointemaintenant la flèch-, mais ce nom apparaît égalementencadréet en

caractèresgras à l'ouest,à proximitéde la ligne revendiquéepar le Nigéria. Cette dernière

localisationest fondéesur la cartejointà la déclarationde 1931, que vous pouvezvoir à présent

l3CR 2002/15p.62,par40 (Simma). projetéeà l'écran et dont un agrandissement figure sous l'onglet 17. Sur cette carte, la

localitédeMada est clairement représentée asuud de Sale. Aucune flèchen'apparaît sur la carte

figurant dans notre atlas, l'emplacement étanjtugéapproximatif - il s'agissait simplementde

fournirà la Cour une indication complémentaire,rien de plus. Pour ce qui est du village de

Mada à l'est, il se situe clairement en territoire camerounais et je ne pense pas pouvoir éclairer

M. Simma. Toutefois, quiconqueconnaît unpeu lesrégions sèchesdanscette partiedu monde sait

qu'ilest fréquentque des villages entiers se déplacenten quêted'eau ou de pâturages, emportant

avec eux leur nom. 11est tout à fait possible que le village figurant sur la carte de 1931 se soit

trouvéétablien un autre endroiten 1964.

2 4 22. M.Simma sembletrèspréoccupé par le sort de Djarandoua- que l'on voitsur la carte

projetéeà l'écranet figurant sous l'onglet 18. Monsieur le président,il n'a às'inquiéter. Le

Nigériapeut luidonner l'assurance catégoriququecette carteest fidèle;les coordonnéesGPSsont

exactes; Djarandouaest un village camerounaisen territoire camerounais. Le voicià l'écran,vu

depuis lepointGPS de la frontière. En réalitél,eNigéria a autoriles Camerounais àconstruire

cetteretenue d'eau, que l'onvoit ici depuis le mêmepoint GPS, de son côtéde la frontièrepour

leurpermettred'y puiserl'eaudont ilsont besoin pourleur bétail.Les deuxphotographiesfigurent

sousl'onglet 18.Il s'agitd'un bon exemplede coopération internationale, dontj,e suis sûr, la Cour

nemanquerapas de se féliciter.

23. Venons-enmaintenant à la question du confluent de la rivièreBénouet du Mayo Tiel.

M.Simma revient sur ce point, soulevépar son ami M. Khan au cours du premier tour de

plaidoiries. Le Nigéria n'avaitpas répondualors, mais, si vous le permettez, je vais le faire

maintenant. M. Khan a présenté un extrait14du feuillet 197 de la série de cartesau If100 deu

Nigériapubliée en1960. Il figure sousl'onglet 1M. Khan a également quel'article29

deladéclarationde 1931était ainsirédigé :«Puiselleest définiepar le cours duMayoTieljusqu'à

sonconfluentavec le Faro.»

lOnglet3414b), dossierd'audie,9févri2002.
lCR2002i2,p. 59,par.30 (Khan). 24. Je crains que le Cameroun ne nous donne là une nouvelle preuve de ses lacunes en

géographie. En réalité, l'article29 se lit comme suit : ((Puiselle est définiepar le cours du

MayoTieljusqu'à sonconfluentavec laBénoué.C )'est l'article30 qui nous mènejusqu'au Faro. e

M. Khan évoque ensuitela question de savoir si le Tiel sejette dans le Faro,alors qu'il aurait dû

I
parler de la Bénoué- et il ne s'agit pas là de quelque obscurruisseau mais de la deuxième rivière

duNigéria,qui possèdeun importantbassin hydrographiqueau Cameroun !

25. Ayant tiré auclairce qui relèvede la géographie,penchons-nous àprésentsur le grief de

M. Khan, àsavoir que la partie la plus orientale de la ligne frontièrereprésesur la carte 43 de

l'atlas du Nigéria- actuellement projetée à l'écranet figurant sous l'onglet 19 - serait en

((contradiction flagrante))avec la carte précédentet avec les termes de [la déclaration]». Au

confluent de ces deux grandes rivières qui parcourent de vastes plaines inondables, la

«topographie»,soutient égalementM.Khan, est ((dépourvue d'ambiguïté)).Monsieur le président,

la Cour est pleinement consciente de ce que représenteune rivière africaineen crue et de sa

capacitéà modifierson cours. Dans le cas du MayoTiel, cela signifie modifier enmême temps la

frontière.La situationne sauraiten aucun cas être qualifiée de ((dépourvued'ambiguïté)).

2 5 26. Le Nigériaa, dansson atlas,représenté le cours qui,selon lui, prévautactuellementdans

cette région hautement instable.Il reconnaît cependantqu'elle n'est pas sans poser problème. Il

s'agitde terres arables, fertiles,et toutemodification du coursprincipal du Mayo Tielpeut anéantir

les moyens de subsistance des agriculteurs. Le Nigéria reconnaît qu'unte elle situation nécessite

une approche adroite et diplomatiquede la frontière,tout particulièrement lors dela démarcation.

Il conteste en revanche que laligne représentéesur la carte 43 de son atlas soit en ((contradiction

flagranteavec lestermes de [ladéclaration])).

L'argument du Camerounselon lequella délimitationest valable

27. Monsieurle président,Madameet Messieurs de la Cour, plusieursconseils du Cameroun L

ont donné àentendreque lesproblèmesévoquéd sans ladupliquedu Nigéria seramenaienten fait à

de simples questions de démarcation, et n'exigeaient pas de procéder à plus ample

délimitation- quoiqu'ils soient aujourd'huimoins catégoriques à cet égard. Lesplaidoiries du

Cameroun comportent en réalité de nombreuses inexactitudes et contradictions sur leplan géographique,et trahissent souvent une totale incompréhensiondes limites de la déclaration

de 1931et de l'ordonnance adoptée en conseilde 1946. Les conseils se refusentàreconnaîtreleurs

propres inconséquences,mêmedans des cas aussi simples que celui du Maio Senche-que j'ai

évoqué la semaind eernière-' où la lignefrontièrequ'ilsdéfendent suitdeux ruisseaux,alors que

les dispositionspertinentes sonttrèsclaires :elle doit suivrela ligne de partagedes eaux.

28. Le conseila égalementqualifiéd'absurdes16les propos de sir Arthur Watts,qu'ila ainsi

cités: «Il est vrai qu'en 1931, le Royaume-Uni et la France pensaient que la déclaration

Thomson-Marchand était suffisamment claire pour permettre la démarcation ...[mais c'était

en 1931. Aujourd'hui,en 2002,on en saitbeaucoup plussur latopographielocale.))

29. Pardon, Monsieur le président,mais ne sont-ce pas là des faits qui vont de soi ? Le

conseil prétendensuite que, de ce que la démarcationd'un segmentde 135milles a été entreprise

avec succès en 1938-1939 sur la partie la plus méridionalede la frontière anglo-française'7,il

devraitnécessairements'ensuivreque lerestede celle-ci-plus de 800milles - ne poseraaucune

difficulté.Or tel n'est pasle cas,tant s'enfaut. Si vousfaites en voiture le voyage jusqu'à Rome

sans vous trouver pris dans le moindre embouteillage en Hollande, en aurez-vous pour autant la

certitude qu'ilen ira de même en Allemagne,en Suisseouen Italie ? Bien sûr que non.

Commentairessur les insufiïsancesdesinstrumentsde délimitation

30. J'examinerai maintenant certains des endroits mentionnéspar le professeur Simma.

M. Simmaa eu la sagesse de ne pas s'appesantir sur ~i~san'~,etje ne vois moi non plus aucune

raison d'y revenir. Je pense que le Nigériaa régléce problème,qui constitue la principaleraison

pour laquellelaquestion de lafrontièreterrestre a elleaussiété soulevée dansl'instance. En ce qui

concerne la «ligne erronéede partage des,eaux», M.Simma a donnél'impression'9d'approuver

sansréservelatranspositiondecette lignesur la cartemoderne réalisép ear leNigéria,maisnon les

efforts que nous avons déployés pour la rendre plus claire aux yeux de la population locale. Je

m'étonnequ'il ait condamné l'idée de déplacerla frontière «de quatre kilomètresvers l'est)).

lCR2002115,p. 57, par.31.
"MC, annexe185,p. 1416.

lCR2002115,p. 58, par.33(Simma).
'Ibid., p.59,par.34.D'abord, parce que le Nigéria ne l'a évoquéequ'à un endroit, Amsa, à mi-chemin entre le

mont Kuliet Muti. Ensuite, parceque si, au lieu de suivrela ((ligneerronéede partage des eauxr,,

la frontièreétaitdéplacée vers l'estdans cette région,elle correspondrait au tracéindiquépar le

Camerounsur ses propres cartes2'.

31. Le Nigéria aeu beau exposer dansle détaille problèmeposé parla ((ligneerronée de

partage des eaux», M. Simma n'ena pas moins ressenti le besoin de déclarerqu'il se trouvait en

présence d'un problème de délimitation là où «il n'en existe en réalité aucun)).

Monsieur leprésident,je ne puis imaginer que cette Cour ait jamais eu affaire à un texte aussi

extraordinaire, ne laissant entrevoir unquelconque espoir de parvenirà un semblant de solution

sans uneanalyse d'unetelle complexité.C'est à grandscrisqu'il appelleune délimitation correcte.

32. Une fois de plus, Monsieurle président,M. Simma n'avait pas grand-chose à dire au

sujet du mont Kombon - ou Itang~ill~',commenous l'appelons -, si ce n'est pours'interroger

sur les motivationsquiauraient pousséle Nigéria à proposercette ligne frontière. Entendons-nous

mettre la main sur l'intégralitéde Tamnyar? a-t-il demandé. Non, Monsieurle président.

Tamnyarest un villagesituépour l'essentieldu côténigériande la ligne de partagedes eaux, mais

la partie qui se trouve de l'autre côtéappartientsans conteste auCameroun, et nousavons suggéré

qu'il y demeure. Onaurait pu souhaiterque leCamerounfasse preuved'une honnêteté comparable

à l'égard deTuru ! Mais, avant de quitter cette région,je voudraisjuste attirer l'attention de la

Cour sur le paragraphe 1.15 des réponsesdonnéespar le Cameroun le 10mars aux questions

poséespar M. Fleischhauer. Je crains que nous n'ayons affaire, une fois de plus, à l'une de ces

petites inexactitudes géographiquesdont le Cameroun a émaillécette procédure. Le Cameroun

affirme que le mont Tonn est situéà18kilomètresdYItang Hill. Il n'enest rien. Le mont Tonnest

situéà 1'8kilomètredYItangHill.

33. Monsieur le président,Madame et Messieurs de la Cour, nous sommes heureux de
C
constater que le conseil est à présentd'accord22pour subordonner le tracéde la frontière à la

ligne de partage des eaux lorsque les instruments juridiques s'y réfêrent. Mais il est tout

RC,atlas,carte7.
''CR2002/15,p.60,par.36 (Simma).
''Ibid., p. 61-62,par.37-38 (Simma).bonnementridicule de laisser entendre,comme il le fait, qu'en régionmontagneuse,la sécheresse

peutmodifier l'emplacementd'une lignede partagedes eaux. Que se passe-t-il quandil ne pleut

pas ? Les montagnes rapetissent-ellesd'une quelconquefaçon ? Les lignesde crêtefondent-elles

sousl'effet de lachaleur? Biensûr quenon. Les bassinsfluviauxrestent,d'unemanièregénérale,

identiques qu'ilpleuve ou non-et il en va de mêmedes lignes de partage des eaux. Bien sûr,

dans des situations extrêmesmarquéespar des précipitationsintenses et ininterrompues,les eaux

peuvent éventuellementdéborderd'un bassin vers un autre. Mais pas sur les montsdu Mandara

-c'est tout simplement impossible. Ils sont en granit pur. LeNigéria s'esten revanche réjoui

d'entendre le conseil inviter la prudence23 : «Dans certaines circonstances», a-t-ilindiqué,«il

arrivemêmeque la nature empêche la ligne de partagedes eaux de suivre laformationnaturelle la

plusévidentedans ce cas, à savoir la lignede crêtes)).C'est làprécisémentce que nous disons au

sujetd71tangHill.

Conclusions

34. Monsieur le président,Madameet Messieursde la Cour, ayant montréque les critiques

formuléespar ses contradicteurs étaient dépourvues de tout fondement, le Nigériasouhaite à

présentinsistersurtrois point:

i) premièrement,le Camerouna beau protesterdu contraire,il a pourtantbien proposé,dans

l'atlas figurantau chapitree sa réplique,un tracé concernantlafrontièreterrestre.

ii) Deuxièmement,le Camerounn'est nullementparvenu à battre en brècheles élémentsde

preuve cartographiques avancés par le Nigéria, ni ses suggestions relatives aux

vingt-deux points litigieux de la frontièreterrestre et au tracéde celle-ci dans son

ensemble.

iii) Troisièmement, les questions qui se posent au sujet de l'ensemble des

vingt-deux problèmesde délimitation soulevéspar le Nigéria dans le cadre de la

procédureécrite et orale relèvent bien de la délimitation,et non seulement de la

démarcation.

23Ibidp.62,par.38. 35. Avant de conclure, Monsieur le président,je souhaiterais évoquerun dernier point sur

lequelje suis en désaccordavecM. Simma. M. Simmaa prétendu24que la frontièretraversait«des

territoires très reculés, d'accdifficile, et quasiment inhabités»,avant d'ajoute:((Nousavons

affaire icià des contréesvéritablement sauvages.)) Ces affirmations ne tiennent pas debout.

Certes, les régionsen questionsont parfois inhabitées et difficiles d'accès,mais elles sont le plus
28
souvent peuplées, depart et d'autrede lafrontière,par des êtresde chair et de sang- agriculteurs,

commerçants, familles et enfants- qui se soucient bien qu'elles soient qualifiées

d'inhospitalières! Ilsy sont chez eux, tout simplement,que ce soità KodoMugdo, Banki, Turu,

Madaguva, Gembu-qui se trouve un peu à l'écartde la frontière mais demeure relativement

proche - Lip ou Mberogo. Des photographiesde ces hommes et de ces femmes figurent sous

l'onglet20.

36. Tous ces gens ont besoin de certitude dans leur existence. La Cour a aujourd'hui une

occasion unique de supprimer toutes les incertitudes qui entourent la déclaration de1931 et

l'ordonnance adoptéeen Conseilde 1946,et d'arrêteuntracé définitif.Le Nigéria exhorte la Cour

àsaisircette occasion,au nomdu droit internationalmaisaussi parce que ce quiest enjeu ici,c'est

la viequotidiennedes populations, nombreuses, qui vivent departet d'autre de lafrontière.

37. Monsieur le président,e remerciede leur patience Madameet Messieurs de la Cour, et

je vousprierais de donner la parole sir ArthurWatts,qui poursuivra la plaidoirie du Nigérdans

le cadrede ce secondtour.

Le PRESIDENT :Je vous remercie, Monsieur Macdonald. J'appelle maintenant à la barre

sir ArthurWatts.

M. WATTS :Je vous remercie, Monsieurle président.

LA FRONTIÈRE TERRESTREET BAKASSI *

1. Monsieur le président, Madameet Messieurs de la Cour, que M. Macdonaldayant réfuté

de manière si convaincante les arguments du Cameroun sur un certain nombre de questions

précisesqui onttraità la frontièreterrestreréfutationqui,je doisdire, reposeessentiellement sur

24Ibidp.64,par.44.la grandeexpériencequ'ilsetrouve posséderdans ce domaine et que le conseil du Camerouna eu

le tort de sous-estimer, je formulerai maintenant quelques observationsd'ordre généras lur les

argumentsavancés parle Cameroun cesderniersjours au sujet de la frontièreterrestre. Cefaisant,

je seraiamené à traiter souscertains aspects du problèmede Bakassi. Au cours de ma plaidoirie,je

tenterai égalementd'apporter, ne serait-ceque sous forme préliminaire, uneréponseaux questions

posées parcertainsjuges, M. Elaraby,M. Fleischhaueret M. Kooijmans.

2. Je commencerai donc parla frontière terrestre.Le conseildu Camerouna reconnuque les

Parties s'accordent sur les instruments pertinentsà utiliser aux fins de la déterminationde la

frontière terrestre entre le lac Tchad et Bakassi -ils'agit des instruments que les Parties ont

régulièremené t voquéest que la Cour connaîttrèsbien maintenant. A plusieursreprises, lorsde ces

plaidoiries, le Cameroun a accusé leNigériad'avoir accepté tardivementde reconnaîtreque ces

instrumentssontceux qui délimitentla frontièreterrestre.Or,tel est loind'être le cas.LeNigéria,

dans son contre-mémoire25 a,définiles instrumentsen question, et a indiqué qu'illes acceptaiten

principe; il a en outre préciséclairement que cette réservevisaituniquementcertaines lacunes

précisesde la délimitati~n~~C.ette positiona toujours été celduNigéria,et le Cameroundevrait

finir par le comprendre.

3. D'ailleurs, Monsieur le président, Madameet Messieurs de la Cour, entre le

lac Tchadet Bakassi, il y a accord non seulement surla pertinence de ces instruments,mais aussi

sur le fait que lesdits instruments délimitenteffectivement la frontière sur toute sa longueur

l'exception de22 secteurs précisdéfinispar le Nigéria. Dans l'ensemble,la délimitation dela

majeure partie de la frontièreterrestre, partie très largement majeure, est donc acceptée d'un

communaccord. Les divergencesentre leNigéria et leCameroun ne portentque sur cesquelques

secteursprécis.

4. Avant de passer àcertains aspectsparticuliersde ces emplacements,je me permettraiune

réflexiond'ordre généralC . ommeleNigéria l'amontré,il n'existeaucune différencenotableentre

le type de tâche qui incombe à la Cour pour cet aspect de l'affaireet celle qu'elle aaccomplià,

Bien
l'instar d'autres tribunaux internationaux,à l'occasion d'autres différendsfrontaliers.

25CMN, p.486-487,par.18.26-18.28.

26DN, p.311-314,par.6.42-6.49;CR2002111,p. 43-44,par.6 et 7 (Watts). souvent, ces autres affaires portaient exclusivement surun litige exactementdu mêmetype que

celuiquifait l'objet dudifférenden l'espèce à la différencequenousen avons ici vingt-deux,en

une seule fois, et qu'ils ne représententqu'un des volets d'une affaire qui est beaucoup plus

complexeet met enjeu d'autresquestions.

5. C'est le Cameroun qui a suscité l'occasion d'examinerces secteurs en demandant

initialementà la Courde ((préciserdéfuiitivement)l)a frontièreterrestre. Mais il faut bienconstater

que le Cameroun s'est abstenu de fournirà la Cour le moindre concourspour l'aiderà s'acquitter

de latâche dont ill'achargée.

6. Le Nigérianetient pas às'attarderexagérémenstur le fait que la requête invitailtaCàur

((préciserdéfinitivement))la frontièreterrestre. Il ne fait aucun doute que le Cameroun s'est

expriméen ces termes au paragraphe 17J de sa requêteadditionnelle. Pourtant, le Cameroun

déclaremaintenant qu'ilne voulait pas direceque leNigéria acru qu'il voulaitdire, et il accuse le

Nigéria d'interpréter ((unilatéralement)l)es propos du Cameroun -comme si le Nigéria

commettait là une sortede crime. Mais commentle Nigériapourrait-il lesinterpréterautrement?

-dans cet exercice, le Nigéria ne peut qu'être seul. Et comme je l'ai expliqué la

semainedernière,leNigériaa pris les proposdu Cameroun exactementdans leur contextelorsqu'il

a voulu les interpréter-l'idée que le Nigériales a pris hors contexte ou les a interprétés de

mauvaisefoi non seulementest contraire à lavéritémais fait aussi perdredu temps. Le Cameroun

3 0 peut difficilement reprocher auNigéria,ouà la Cour, de prendre les proposdu Cameroun au pied

de la lettre, c'est-à-dire decomprendre que la Cour est saisie d'une requêtevisantdélimiter la

frontièreterrestreavecexactit~de~~.

7. Le conseil du Cameroun n'en a pas moins continuéd'ergoter, reprochant encore au

Nigériade n'accepter les instruments dedélimitationqu'«en principe»2s,mais'il saitparfaitement

que cettequestion estbel et bien enterrée.LapositionduNigéria a étémaintesfois expliquéeavec

force précisions29.Le Cameroun n'est rigoureusementpas fondé à perdre davantage de temps sur

cettequestion.

27C.I.J.Recue1998,par.98.

CR2002115,p.46,par.7 (Simma).
29CR2002111,p.43-44,par.6 7t(Watts). 8.Il en va de même pour l'idéesur laquellele Cameroun revientsans cesse et qui est que le

Nigériacherche à récrire les instruments de délimitationet à les interpréter unilatéralement.

Commenous l'avonsexpliquéla semainedernière3',le Nigéria atout simplementdonnéson avis

sur la bonne interprétationqu'il faut adopter pour différentstextes qui suscitentdes difficultés de

délimitation;le Cameroun pense peut-êtrequ'on peut interprétervalablement certains termes en

utilisant exactement les mêmestermes mais, normalement, l'interprétationconsiste bien

évidemment à utiliserd'autres termesque ceuxqui sontsoumis à interprétation.

9.Le Camerounfausse ànouveaunotre argumentation quandil dit que leNigériadonnedes

dispositions entachéesde certains vices une interprétation tendant à établirune ligne qu'il

revendiquerait3'. LeNigériane cherche àrevendiquer aucunterritoire:il veut simplementtrouver

la bonneinterprétationdes instruments de délimitatiopertinentspourpouvoirensuite les mettreen

application.

10. En vérité,Monsieur le président, aussi curieux que cela puisse paraître, c'est

probablement là précisément cequecherchentlesdeuxParties :elles acceptentl'une et l'autreque

la frontièresoit délimitépar les quatre instruments pertinents,et leur désaccordne porte que sur

l'interprétatioà donner à un nombre préciset relativement restreint de ces dispositions. Le

Nigéria afirme queces désaccordssont flagrantsàla lumière destextespertinents, qu'ils revêtent

de l'importance etqu'ilsdoivent être résolus lors daprésenteprocédure,car il importe demettre

finà ce litige. En outre,toute commissionde démarcationqui pourraitêtreconstituéedevrasavoir

clairement ce qu'elle est censéedémarquer et, entre-temps,les populations locales doiventavoir

une idéeprécisedu tracéde la frontière. Pourle Cameroun, ces désaccords neprêtentpas à

conséquence,en principe, à ce stadede la procédure;le règlementpeut être acquisau stadede la

démarcation. Maisle Cameroun reconnaît lui-même maintenant qu'il peut seposer, en pratique,
31

des problèmesde délimitationque la Cour pourrait éventuellement trancher le cas échéant32O. r

c'est précisémencte quefait valoir leNigéria- il fauts'attelàrces questionsmaintenant,ne pas

les remettreàplustard.

'OIbid.,p. 53,par.42-44 (Watts).

3'CR2002115,p.49, par.15(Sirnrna).
32CR 2002115,p.62,par.40 (Simma);p. 34,par.17(Cot);CR200212,p. 59,par.30 (Khan). 11. La position du Cameroun est à vrai dire très surprenante. Le conseil du Cameroun

ironise et reproche au Nigériad'avoir présenté une argumentation cohérentetout au long de ces

plaidoiries33.Monsieur le président,la cohérencedansla présentationde sa thèseest bien la seule

chose qu'on ne saurait reprocher au Cameroun ! Le fait est particulièrement frappanten

l'occurrence. Tout au long de ces plaidoiries, le Cameroun a refusé d'examineren détailles

secteurs delafrontièreoù la délimitationest manifestementdéfectueuseet sur lesquelsle Nigériaa

appelévotreattention, soutenant qu'ilne s'agit que de simples questionsde démarcation. Il a été

dit- et répétécette semaine34- que le Nigériane cherchaitqu'à compliquer les choses. Mais à

présent, le Cameroun lui-mêmea dû reconnaître que le Nigéria avait raison et que certains

au moins des secteurs où la délimitationde la frontière est imparfaiteposent de réelsproblèmes,

qui pourraient êtretrop difficiles pour qu'on en confie le règlement à une commission de

démarcation,et qui pourraientdonctout aussibien êtreréglép sar la Cour.

12. Mais naturellement,après avoir attendu si longtemps pour se réveiller,le Cameroun

s'aperçoit qu'il a oublié defaire valoir son point de vue sur ces questions de détail. C'estdonc

maintenant le Cameroun qui, après avoir pendant des annéesaccuséle Nigéria deprovoquer

d'interminablesretards dans cette affaire, envisagede la retarderà sontour encore davantage - et

cela uniquement parce qu'ila attendu le dernier momentpour reconnaîtredes éléments de faiq tui

lui sautaient aux yeux depuis le départ. Le Nigériaestime, Monsieur le président,Madame et

Messieurs de la Cour, que toute tentative visant ainsi à obtenir un nouveau sursis devrait être

rejetéed'emblée. Le Camerouna choisi de ne pas faire valoir sa cause,alors que l'occasionlui en

a étédonnée à de nombreuses reprises. II a fait ce choix de son propre gré:il doit en assumer les

conséquenceset ne pasfaire payer auNigériale prix de sa stratégiemal aviséeen lui infligeantun

nouveau retardet de nouvellesdépenses.

13.Le moment estvenu pour moi de répondre à la proposition présenté àe la Cour mardien
6
fin de matinéepar l'agent du cameroun3'. Si vous me le permettez,je vous en rappellerai la

teneur. Ellecomporte, semble-t-il,sept principaux éléments : %

3CR2002115,p. 19-20,par.4-8 (Pellet).

3Ibid.p. 27, par.34.
3CR2002117,p.64et suiv.,par.1etsuiv.- en premier lieu, si la Cour estime que certainsdes problèmesde délimitation soulevép sar le

Nigéria peuventêtrreéglés par elle, leamerounn'y verrapas le moindreinconvénient;

- en deuxièmelieu, si, en revanche, la Cour ne s'estime pas en mesure de réglertoutes ces

questions et si par conséquentson arrêtlaissesubsister quelques incertitudes,le Camerounne

veut pasexaminer lesquestionsquisubsistententête àtêteavec le Nigéria;

- en troisièmelieu, dans cette hypothèse - c'est-à-dire si la Cour estime qu'elle doit laisser

subsister quelques incertitudes le Camerounest prêt à s'en remettre aux décisionsqu'un

organe constituésouslesauspicesd'un tiersimpartial pourraitêtreamené à prendreaux finsde

la nécessairedémarcationdes secteursfrontaliersnon encore démarqués;

- en quatrièmelieu, leCameroun souhaiterait vivementquecet organe soit constituépar la Cour

ou soussesauspices;

- en cinquième lieu, faute d'accord entre les Parties, cet organe pourrait êtreconstituépar

l'organisation des Nations Unies;

- en sixième lieu, dans un cas comme dans l'autre, cet organe pourrait comprendre des

représentantsde l'Allemagne,de laFrance etde la Grande-Bretagne;et

- en septièmelieu, pourpouvoir accomplirlatâche qu'onenvisage maintenant delui confier,cet

organe devrait se voir reconnaître des pouvoirsétendusen matièrede démarcation,mêmeau

sens largesi cela est nécessaire.

14. Monsieur le président,il est difficile pour le Nigériade savoir exactement comment

comprendre cette proposition. Est-ce là une proposition de négociation ? Ou est-ce une

proposition- autrement dit, une conclusion- visantlesmesures à prendrepar la Courlorsqu'elle

se prononcerasur l'affairedont l'a saisie le Camerou?

15. Comme il ne peut s'agir d'une conclusion relative aux décisions à prendre par la

Cour - pour des raisons queje vais exposer dans uninstant- ce serait donc une propositionde

négociation.Or, cela ne peut pas en êtreune nonplus, puisquele Camerouna dit clairement,avec

insistance, qu'il n'étaitpas disposéà engager des négociationsbilatéralesavec le Nigéria. En

outre, une proposition de cetype, mêmes'il s'agissaitd'uneproposition de négociation, arriveun

peu tard,à latoute dernièreminute du second tour de plaidoiries du Cameroun. Et en tout étatdecause,les Parties sont actuellement engagéesdans uneinstance devant la Cour,nous sommes tous

ici présentsen qualité de parties au litige et non de participants éventuels à une négociation

intergouvernementale.

16.J'envisagerai doncmaintenant l'autre possibilité, peut-êtrpelus évidenteà savoir que le

Camerounfait uneproposition àla Cour,lui soumet une conclusionaux finsde la décisionqu'elle

est appelée à rendre. La proposition du Cameroun comprend alors en réalitédeux parties.

Toutd'abord, ditle Cameroun,si la Cour peut donnerla bonne interprétationdes dispositionsqui

présentent,dansles instrumentsde délimitation, desinsuffisancesou des incertitudesquantau tracé

de la délimitation,tout va trèsbien:le Cameroun acceptera la décisionde la Cour. Ensuite, dit

aussi le Cameroun, si la Courestime qu'elle n'estpas en mesurede se prononcer sur certaines de

ces questions,qu'il soit constituéun organe impartialqui sera chargé deréglerlesdites questions

danslecadre d'unéventuelprocessusdedémarcation.

17.Je m'arrête sur lepremier volet de la proposition- le Cameroun est disposé à accepter

la décisionde laCour sur lesinsuffisancesou les incertitudesdutracéde la délimitation auxquelles

elle s'estimeraàmêmede répondre. Mais, Monsieurle président,c'est là ce àquoi le Cameroun

s'est engagé detoute façon. En se présentantdevant cette Cour en qualitéde demandeur, le

Camerouns'est d'oreset déjàengagé à accepter la décisionde la Cour surtoutes.lesquestionsdont

ill'a saisie: l'arrêtde la Cour aura force obligatoire pour le Cameroun. Sous cet aspect-là,

la propositionduCameroun n'apporte doncrien denouveau àlasituation.

18.Le second volet de la propositiondu Camerounapportetoutefois quant à lui un élément

nouveau - la créationde cequi corresponden fait àun organismede démarcationet derèglement

des différends,chargédes insuffisances de la délimitationque la Cour ne s'estimerait pas en

mesurede régler. Monsieur leprésident, ilconvientde poser d'embléeune questiontrès simple -

de quelpouvoir la Cour est-elle dotée pour constitueun tel organisme ? Car c'est bien ce que le

Camerouncherche : il déclaresouhaitervivementvoirl'organedont il propose la créationconstitué

par laCour ou sousses auspices36.

36CR 2002/17,p66,par.8(Kamto). 19.En réalitél,a Cour sait parfaitementque, dans le cadre de sa compétencecontentieuse,

elle n'est pas habilitéeà constituer des organes subsidiaires, encoremoins des organes faisant

appel, commele Camerounle souhaitevivement,au concours dYEtatstiers qui ne sontpas partiàs

l'instance- car il s'agit là d'un élémentondamentalde la propositiondu Cameroun :il ne veut

pas être contraintautêteà têteavec le Nigéria.En outre,la compétence de laCour en l'espècene

s'étendpas à la gestion ni au contrôle de la phase de démarcationde l'éventuel règlemenq tui

pourraitêtreacquis enmatièrededélimitation.

20. Peut-êtrele Cameroun a-t-il conscience de tout cela, puisque dans sa proposition, il

envisageune double possibilité :l'organisme pourrait êtrceréépar voie d'accord entre lesParties

ou, faute d'accord, par l'Organisation desNations Unies. Etant donnéque le Cameroun refuse

catégoriquementtoute négociation bilatérale avec le Nigéria,la première possibilitéest de toute

évidencefictive. 11ne reste doncplus que l'intervention del'organisation des Nations Unies. Or,

qu'est-ce que cela aà voir avec la Cour au moment où celle-ci doit se prononcer ? Absolument

rien, Monsieur le président,Madameet Messieursde la Cour.

21.Mais que cetorgane soitcréépar la Cour ou par l'organisation des Nations Unies,il se

pose dansles deux casde figuretrois questionsfort importantes.

- Premièrement, rien ne dit qu'il sera facile deconvaincre l'Allemagne, la France et le

Royaume-Uni de participer aux travaux de cet organeéventuel - ou même de convaincre un

autre triod'Etats qui aurait l'agrément desdeux Parties, car quels que soient les Etats tiers

concernés, lesdeuxParties devront approuverleurprésence.

- Deuxièmement, quiva déciderdu mandatde cet organe ? Rendons-nous à l'évidence,celane

sera pas chose facile puisque le Cameroun prévoitque cet organe devra êtrechargédu

règlementdes différendsen susdes travauxde démarcation purset simples.

- Troisième question,et non des moindres : qui assurera le financement de cet organe ? Le

Fonds d'affectation spécialedu Secrétaire généra nle pourra probablement pas couvrirdes

dépensesqui seront àl'évidence considérablee s,j'imagine que les ressources budgétairesde

la Coursont mobiliséespar desproblèmesplus urgents. 22. Il est évidentnon seulement que cette proposition du Cameroun est boiteuse, mais

également qu'elle n'a pas sa place dans l'arrêtque la Cour rendra en l'espèce. Cela étant,

précisonsque le Nigériane voit pas sous un jour totalement négatifles propos tenus mardi par

l'agent du Cameroun. Car le Nigéria comprendce qui motive véritablement cette proposition et

comprend doncfort biendans quellesituationleCamerounsetrouve actuellement.

23. Le Cameroun a reconnu on ne peut plus clairementque quelques-unesau moins des

vingt-deuxdélimitationsdont le tracé estimparfaitou incertainet que leNigéria évoque soulèvent

de véritables problèmes. Cette admission vient à point nommé et confirme des signes

annonciateurs constatés dans les plaidoiries de plusieurs des conseils du Cameroun. Et le

Cameroun se réjouit que la Cour examine, sur les vingt-deux délimitations problématiques

soumises par le Nigéria,tous les cas qu'elle s'estimeraen mesure de régler. Le Nigérias'en

félicite:voilàtout ce qu'ilattend de laCour depuis ledébut.

24. Le Cameroun poursuit en expliquant que son ((unique souci est que la frontièresoit

précisée définiti~ement))~'M. onsieur le président,cette phrasedonne une impression de déjàvu.

Au départ,larequête additionnelle parlait de ((précisréfiniti~ement)?~lafrontière,-eh bien, la

formuleest devenue avec letemps cellede lafrontière((précisée définitivement».Jamais la boucle

n'a étéboucléeavec tant de précisionet d'élégance ! Bien sûr, le Nigériasouhaiteque la frontière

soit préciséedéfinitivement,tout comme son adversaire :c'est ce qu'il n'a de cesse de demander

depuis ledébut - avec une cohérencequeleconseildu Camerouna tournéeen ridicule3'maisqui

auraitpourtantservi sa cause s'ilen avait faitpreuve.

25. Le Nigériaest resté fidèle à sa position, position constante qu'il a étayéepar tous les

arguments et toutes les preuves cartographiques nécessaires.Dans ces éléments de preuven ,ous

avons les cartes pertinentes,dont la source, quellequ'elle soit,est toujoursla meilleure disponible.

Le Nigériaa principalement utiliséla sériede cartes à l'échelle1/50000' qui furent produites

entre 1965et 1969 par le Directorate of OverseasSuwey (DOS) et les cartes dresséeà la même

échellepar l'Institut géographiquenational fiançais dans les années soixante. Le Nigériaa

37CR2002117,p. 65,par. 5 (Karnto).

38Requêteadditionnelle,par.a1.j.
39CR2002115, p. 19-20,pa4-8(Pellet). patiemmentet minutieusement exposéles problèmesde délimitation quise sont posés,et a indiqué

ce qu'il croit êtrela bonne interprétationdes délimitationsimparfaites. Face à tout cela, le

Camerounn'a rien fait-et c'estunchoix délibéré- pour aiderla Coura résoudrelesproblèmes

qui étaientpourtant intrinsèquement liésà sa demande initiale, par laquelle il priait la Cour de

préciserdéfinitivemenlta frontièreterrestre.

26. Bien sûr, le Cameroun a le droit de choisirde perdre sa cause par défaut. Mais comme

c'est le Cameroun qui a saisi la Cour et lui a demandé de déterminelra frontière terrestreavec

exactitude, et que c'est le Nigériaqui a présenté la Cour tout le matériaucartographiqueet les

argumentsjuridiques nécessairespour qu'elle puisse décider,en toute connaissance de cause, de

l'interprétationà donner a l'instrument de délimitation, alors lamoindre des choses serait

d'empêcherle Cameroun de détournerla Cour de la tâche qu'il luia lui-même confiée e,t de lui

permettrede mener cettetâche àbien.

27. En résumél,e Nigériaconvientavec le Camerounqu'ilfaut que la Cour se prononce sur

les vingt-deux secteurs de délimitationsouffrantd'insuffisances oud'incertitudeset, bien entendu,

le Nigériasera liépar sa décisiontout comme le Cameroun. En outre le Nigéria estime -à la

3 6 différencedu Cameroun apparemment- que la Cour dispose déjàde toutes les informationset

documents nécessaires pour prendre une telle décision sur absolument chacune des

vingt-deuxdélimitationsproblématiques. Parconséquent,le Nigériadéclarerespectueusement à

titre de conclusion quelaCour peutetdoit étudierchacun de cescas sur labase du matériau quilui

a été fourni,et se prononcerur ces questions suivantles modalitésindiquéespar leNigéria.

28. Monsieur le président,Madame et Messieurs de la Cour,je m'arrête à présent surun

autre point. Au terme du premier tour de plaidoiries, M. Fleischhauer a posé aux Parties

deuxquestionsconnexes qui sont lessuivantes :((Comment,tant avant qu'aprèsl'indépendancel,e

problèmede la frontière terrestre était-ilrégléen pratique dans les zones précisesoù le Nigéria

conteste l'exactitudede la délimitation En particulier, où situait-onle tracéde la frontièredans

ceszones ?»

29. La Cour comprendra assurémentque pourrépondrede manièreexhaustiveet préciseaux

questionsdeM. Fleischhauer, il faudramener enquête auprèsdesautoritésde toutesles localitésen

question. Tous les exposésdu Nigéria,tant ses écritures quesesplaidoiries,concernant la frontièreterrestre se sont largement inspirés- et ont largement bénéfici-é des recherches approfondies

menéespar les différentes autoritésdu Nigéria, en particulier la commission nationale des

frontières,et le Nigéria feraencore une fois en sorte que lesditesautorités fassentles recherches

nécessaires pour donner uneréponse complète auxquestionsde M.Fleischhauer.

30. Mais peut-êtrepuis-je être utileà la Cour en répondantdès à présent à ces questions

brièvement, sousune forme préliminaire,mêmesi l'on doit encore attendrece que produirontles

recherches ultérieures dNigéria.

31. La Cour sait que le Nigéria a attiré son attention sur vingt-deux endroits où la

délimitationtelle qu'elle est définiedans la déclarationThomson-Marchand ou l'ordonnance

adoptée en conseil de1946pose problème. Maisces vingt-deuxdélimitationsproblématiques sont

de deux sortes. Dans treize cas, le Nigériaa constatélui-même que c'est l'énoncéproprement dit

de ladélimitation quiest fautif, c'est-à-dire ladélimitationentantque telle.

32. Dans les neufautres cas, le problème estd'une autrenature. Il s'agit d'endroitsoù, pour

le Nigéria,la délimitationest claire et bien définie.i le Nigériaa attirévotre attention sur ces

neufsecteurs, c'est uniquement parce quele Cameroun a adoptéune position qui ne concordepas

avec la délimitationclaire et précise prescritedans l'instrument pertinent. En l'occurrence, le

Nigériaa simplement demandé à la Cour de confirmer que les dispositions en question des

instruments de délimitationdélimitentbien la frontière, et d'enjoindreau Cameroun de respecter

cette délimitationet d'agiren conséquence.

33. La distinction entre les deux sortes de délimitationsimparfaites sera indiquéedans la

réponsefinale a la question de M.Fleischhauer- réponseque la Cour recevra par écritd'ici

le4 avril au plustard,comme elle l'a demandé.

34. Lors du premiertour de plaidoiries, aprèsson exposésur la frontièreterrestre, leNigéria

a indiqué quel étailte tracéde la frontièredans la régionoù le traitéanglo-allemand de1913est

rendu inopérantpar des dispositions défectueuses,dites les ((dispositionsrelativesalcassi». Le

Nigériaa décritcette ligne dans sa d~~li~ue~~une ligne de caractère coutumierpuisqu'il n'y a

40DN, p.289-293,par.11.7-11.19. pas de ligne conventionnelle effective- et aussi à l'occasion des plaidoiries de la

semaine dernière41.Cette ligne figuresur la carte quiest désormais à l'écran,et qui correspond à

l'onglet21devotre dossier.

35. Au sujet de cette ligne, le Cameroun a réagi defaçon très succincte4*. Le conseil du

Camerounne nous a opposésque quatre observations. Il a dit que la ligne n'étaitpas une ligne

conventionnelle. C'est vrai: mais cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de frontière. Aucun

principe de droit international n'impose d'établirles frontières exclusivement par la voie

conventionnelle. Les frontièressont nombreuses à ne pas êtredéfiniespar un traité. En l'absence

d'un traité,la frontièresera coutumière,et cette notion est très présente dansle droit et dans la

pratiqueinternationale.

36. Deuxièmement,le conseil du Cameroun a déclaréqu'aucun document administratif

n'établissaitla frontière. Non, il n'y a pas de documentadministratif- et ce n'est nullementune

obligation. D'ailleurs, c'estsouvent cequi caractérisjustement une frontièrecoutumière.

37. Troisièmement,le conseil du Camerouna dit que la frontièrecoutumièredont leNigéria

parlait ne reposait sur rien. Il a tort, encore une fois. La frontière se compose de deux

segments -le premier, terrestre, relie 1'AkpaYaféet la source du Rio del Rey, et le second

descend le Riodel Rey et part vers le large. Cettefrontière terrestre a la dimension du domaine

territorial et correspond au pouvoir des rois et chefs du Vieux-Calabar. Leur domaine et leurs

pouvoirs s'étendaient jusqu'à la régionen rouge qui apparaît sur la carte actuellement à l'écran,

3 8
laquellefiguresous l'onglet22 de votredossier- une carte que laCour a vue la semainedernière.

LaCour constatequ'il y a adéquationentre l'extrémité septentrionalede cette région etla frontière

queleNigériainvoque aujourd'hui.

38. Pour ce qui est de la frontière situéedans le Rio del Rey, elle se fonde sur

deuxéléments :les limitesterritoriales du domainedes rois et chefs du Vieux-Calabard'une part

et, del'autre, lefait que lestraitésanglo-allemandseffectivemententrésen vigueur reconnaissaient

4LCR 2002111,p. 59-62,par.67-80 (Watts).
42CR 2002115,p.23, par.19(Pellet).clairementque leRio del Reyétaitla ligne qui,àla fois, partageaitlessphèresd'intérê btritannique

et allemandeet représentaitla limite occidentalede l'expansion territoriale de~llernagne~~L. 'un

de cesaccords localisaitégalementla sourcedu Rio del ~e~~~.

39. Cela prouve donc que les deux segments de la frontière coutumière dontle Nigéria

affirme l'existencesont tous deux parfaitementfondés.

40. Pendantque la carteest toujours àl'écran, je vaisrépondreà un argument soulevépar un

autre conseil du Cameroun, qui a fait observer que la zone en rouge s'étendjusqu'à la

rivièreNdian. Aussi s'est-il interrogé:celasignifie-t-ilque le Nigériarevendiqueà présenttout ce

territoirejusqu'à laNdian, en d'autres termesbien au-delà duRio del Rey ? Et si tel n'étaitpas le

cas, pourquoi le Nigérian'allait-il pas jusquelà? Monsieur le président,la réponseest simple.

Cette carte indique quelle fut l'étendue des pouvoirs et du domaine des

roiset chefs du Vieux-Calabar avant le traitéde protection de 1884, comme le Nigérial'a dit

clairement la semaine dernière45. A cette occasion, le Nigéria a égalementpréciséque le

consul britannique avait déclarédans son rapport, à son retour à Londres en 1890, que les

rois etchefs du Vieux-Calabar s'étaientretirés d'eux-mêmes de leut rsrritoires situésle plus

à l'est. Iln'y a icirien de mystérieux.

41. Revenons aux quatrecritiques que le Camerouna formuléessur la fiontièreterrestredu

Nigériaentre 1'AkpaYafé et l'amontdu Riodel Rey. Le conseil du Camerouna dit pourfinirque

les divers accidents naturels de terrain que le Nigéria avaitutilisés pourdéfinirsa ligne frontière

étaient introuvables,et qu'il doutaitmêmede leur existence. La cartequi est actuellementàl'écran

-et sous l'onglet23 dans votre dossier- localise clairement les diverscreeks et cours d'eau

auxquelsleNigériase référait - ArchibongCreek, sonaffluentvenudu sud,et Ikankan Creek, qui

mène à la sourcedu Rio del Rey.

43CR 200218, p.51-53,par.55-63 (Watts).

44CR 2002/11,p. 61, par.77(Watts).
45CR 200218,p. 77, par.8(Watts). 42. Il est intéressantde noter que leNigéria a présenté dason contre-mémoire sa frontière

dans cetterégion,et que leCameroun aattenducette semainepourtenter d'y répondrerapidement,

3 9 en un paragraphe,dans son second tour de plaidoiries. Et il nous répond fort mal,malgrétout le

temps qu'il a eupourpréparerladite réponse.

43. Monsieur le président, Madameet Messieurs de la Cour, la question de Bakassi étant

ainsi introduite, nous pouvons fort bien, me semble-t-il, examiner ici les arguments que le

Cameroun fait valoir pour réfuter lesarguments du Nigériarelatifs au protectorat et au traité

de 1913,et donc contesterauNigériasontitre sur Bakassi.

44. Le conseil du Cameroun a fait valoir,je pense, quatre grands arguments. Le premier

consiste à contester aux rois et chefs du Vieux-Calabar la personnalité internationaleleur

permettant de prétendre à un titre territorial,et les raisons invoquéessont diverses et variées. Le

conseil du Cameroun a dit qu'il s'agissait simplementde cités-Etats qui faisaientpartie d'une

fédération peu structurée,ce qui prouvait bienqu'il ne s'agissait pas d'entités indépendantes au

regard du droit internationa~~~M. ais il considère alorscette communauté d'un pointde vue trop

contemporain,me semble-t-il,trop ((débutdu vingt et unièmesiècle))au lieu de se placer dans le

contexte d'alors-et d'adopter unevisionplus intertemporelle. Nousne parlons pas d'unEtat qui

veut entrer àl'organisation desNations Unies,nous considéronsune entitédont les structures peu

rigides, le caractèreinformel, étaienttrèscaractéristiquesd'une bonne partie de l'Afrique-et

d'ailleurs, en Asie par exemple- à I'époqueen question. L'idée d'une((fédération peu

structurée))ne cadre peut-êtrepas très étroitementavec la notion moderne de la personnalité

internationalede I'Etat,maisl'idée n'ariend'extraordinairequand on se replaceen Afriqueet à la

fin du XIXe siècle.

45. Le conseil du Cameroun, en concluant que les rois et chefs du Vieux-Calabar étaient

dépourvusde la personnalité internationalenécessaire, netire apparemment pas les conclusions

qu'il faut de l'avis consultatif rendu par la Cour dans l'affaire duhara occidentap7. La Cour

était appelée en l'occurrenceà juger la situation quiexistait en 1884- simple coïncidence, c'est

aussi l'annéedu traitéde protectionqui nousintéressedansla présenteespèce. A l'époquel,aCour

4CR2002116 ,.21,par.12(Shaw).
4C.I.J.Recueil1975,p.12. avait conclu que «le Sahara occidental étaithabitépar des populations qui, bien que nomades,

étaientsocialement et politiquement organisées en tribuset placéessous l'autorité dechefs

compétentspour les représenter»48.C'est sur cette base que la Cour a conclu que le territoire

qu'habitaient ces tribus n'était pas terra nullius, c'est-à-dire que le droit international leur

4 O reconnaissait un titre sur leurs terres, titre dont procéderait obligatoirement celuides détenteurs

ultérieurs.Chez lesroiset chefs duVieux-Calabar,le degréd'organisationsociale etpolitiqueet la

stabilité territorialeétaienttrès supérieursce qu'ils étaientchez les tribus auxquelles la Cour

s'intéressaitalors. Leur capacité internationale à détenirun titre territorial est donc acquise

à fortiori.

46. Puis le conseil du Cameroun a affirmé qu'aucun Etat n'avait reconnu la personnalité

juridique des rois et chefs du Vieux-Calabar, c'est-à-direqu'il oublie encoreune fois que nous

sommes à la fin duXIXe siècle,et non pas aujourd'hui,au XXIe. La reconnaissancen'étaitpas

alors une condition fondamentale àremplir pourse prévaloirde la personnalité internationale.La

Cour n'a jamais fait mention d'une quelconque obligation de reconnaissance dans

l'affaireduSahara occidental. Detoute façon, laquestion ne se serait poséequ'au cas où d'autres

Etats auraient dû donner une dimension internationale à leurs relations avec la communautéen

question. Et lorsque les Etats eurent effectivement besoin d'avoir des relations avec cette

communauté,ils n'ont pas hésité à donner à ces relations la dimension internationale- par

exemple, en désignantun consul pour la région,ce que la Grande-Bretagnefit dès1~49~~ e't en

concluantdes traités,ceque la Franceet la Grande-Bretagnefirent l'uneetl'autre50.La conclusion

de traitésn'est pasde cesdémarchesque l'onpeutprendre à la légèreetécarterd'unsimple revers

comme le conseil du Cameroun a cherché à le fair: la capacitéde conclure destraitésest un

aspect capital de l'acquisitionde la personnalitéinternationale'et il est acceptédepuis longtemps

que laconclusion detraités bilatérauixmportantsvaut nécessairementreconnaissanceimplicite.

48Ibid.,p. 39, par.81.

49CMN,p. 74, par.5.14.
CR200218,p.43,par.22-23 (Watts). 47. Le conseil du Cameroun a dit encore sur cette question que 1'0ne savait pas bien

comment, quand,ni par quels moyenslesrois et chefsdu Vieux-Calabaravaient opéré ltaransition

avec le Nigéria d'aujourd'hui. Je me contente ici de formuler une mise en garde contre toute

conceptiontrop formaliste de questions qui procèdentsouvent, etfortiori il y a centans, d'une

évolution graduelle, progressive,car je pense qu'il vaudrait peut-être mieux répondre cet

argument en mêmetemps que je répondrai à titre préliminaireux questions posées par

M.Kooiljmans.J'y reviendraidonc dansun moment.

48. Le deuxièmegrandargumentdu conseil duCamerounmanque toutautant de consistance

que le premier. Le conseil du Cameroun met en doute l'étendueterritoriale du domaine des

roiset chefs du Vieux-CalabarIl a montréànouveaula carte que le Nigéria avait présentm,ais

il ometde la situerdans son contexte historique.J'aidéjàparléde cette carteoicà nouveau à

l'écran,elle figure sousl'onglet22 devotre dossier. Le conseil duCamerouna laisséentendreque,

d'après cette carte,le Nigériaallait selon toute probabilitérevendiquer des territoires vers l'est

4 1 jusqu'à larivière Ndian. Commeje l'aidéjà dit,ilest clair que les rois et chefs du Vieux-Calabar

avaientrenoncéd'eux-mêmes à cellesde leurs terresqui étaient situpluseàl'est; ilsen avaient

parfaitement le droit, bien entendu. Cela n'a rien de mystériàcette fin, la Grande-Bretagne

n'a pas eu à exercer de prétenduspouvoirs dont elle aurait été investie. Maisle conseil du

Cameroun s'est contenté decette observation.Il n'a rien dit qui laisse entendre que la zone en

rouge sur la carte ne représente pas en fait l'étendue territoriale du domaine des

roiset chefs du Vieux-Calabar.

Monsieur le président,je vaisàprésentparler du traité de protectionde 1884 et cela va

prendreun moment. Jecontinue volontiers mais,si vous estimezque le moment est venu de faire

unepause, celame conviendraittout autant.

Le PRESIDENT :Je l'ai déjàdit,c'est commeil vous plaira. La Cour va donc suspendresa

séanceune dizaine de minutes.

L 'audienceestsuspenduede 16 h 15 à 16h25. Le PRESIDENT :Veuillez vous asseoir. La séance est repriseet je donne la parole à

sir Arthur Watts.

Sir Arthur WATTS : Merci, Monsieur le président. Avant la suspension,j'ai commencé à

examiner quatre arguments avancéspar le Cameroun, en abordanttout d'abord la personnalité

internationale des rois et des chefsdu Vieux-Calabar,puis l'étenduterritorialede leurs domaines.

Je poursuivrai donc,si vous levoulez bien.

49. Le conseil duCameroun,n'ayant pudémontrerquelesroiset les chefsdu Vieux-Calabar

n'avaient pas la personnalitéinternationale, ni établir -ou mêmesoutenir- que Bakassi ne

faisait pas partie de leur territoireet ne relevaitpas de leurautorité,s'est inensuite- ce qui

formait son troisième argumentprincipal - au traité de protection de 1884. Je répondrai

brièvementpar sixremarques.

- Premièrement : le conseil du Cameroun a soutenu que les dispositions du droit interne

établissantune distinction entre colonie et protectorat étaienthors de propos. Rienn'est plus

faux. En réalitél,e fait que dèsl'origine etjusqu'en 1960, le législateurait traitéles affaires

relatives au protectorat du Nigéria comme concernant un pays étrangerdans lequel la

4 2 Grande-Bretagneavait acquisl'autoritéenvertu d'un trait et nonpas comme une colonieest

extrêmement importantparrapport àcequi nous occupeS1.Que le Gouvernementbritannique

n'ait laissé planer aucun doute quant au fait que telle étaitson intention est également

important : les données historiquestelles qu'elles sont exposéesdans le contre-mémoiredu

~i~éria~*et notamment, les déclarations de ministres britanniques (y compris le

lord-chancelierSelborne) attestent bien que la Grande-Bretagne ne souhaitait nullement

acquérir une colonieet voulaituniquementmettre en place unprotectoratlimité.

- Deuxièmement : le conseil s'est ensuite lancé dansun exposégénéral fortinstructif sur ce

qu'étaient d'après luiles caractéristiquesdes protectorats. Par exemple, il a parléde la

«mutation» de certains protectorats en colonies, permettant un Etat protecteur d'acquérirla

souveraineté. Tout celaétaitcaptivant, maishors de propos. En ce qui concerne le protectorat

CMN, p. 117-122,par.6.72-6.80.
52Ibid .,101-106,par.6.45-6.57. qui nousoccupe,il est toutà faitmanifeste, commeje viens de le dire, que la Grande-Bretagne

n'avaitnullement l'intention d'acquérirune nouvellecolonie, et rien de ce qu'elle afait-ni

lestermes dutraitéde protectionqu'elle a conclu,ni lesdispositionsde sa législation interne en

vertu desquelles elle exerçait les droits que le traité luiavait conférésinciteà penser le

contraire.

- Troisièmement :le conseil ne s'en est pas teàudes généralitéintéressantesmais finalement

hors de propos. Le Cameroun a -enfin, mais à l'avant-dernier jour seulement de ses

plaidoiries dans cette instance-examinéconcrètement lestermes du traitéde protection. Il

nous a parlélonguement des dispositions des articles III, IV et V et nous a montréqu'ils

conféraient devastes pouvoirs à la Grande-Bretagne. C'estexact, mais tous ces pouvoirs

étaientlimitésà des questions touchant les affaires internes. Bien plus, le dernier argument

qu'il a avancé -le fait que les recours étaient formésauprès du Gouvernement

britannique- montre qu'il s'agissait biend'un traitéinstituant un protectorat, puisqueces

recours étaient adressésau secrétairedYEtataux affaires étrangères-autrement dit, au

secrétaireYEtatchargé desrelationsavec les pays étrangerset non au ministre des colonies,

ce quieût éténormals'il s'étaitagi d'une colonie.

- Quatrièmement :ce qui nous a véritablementsurpris dans l'analyse du traitéde protection

présentéepar le conseil, c'est qu'iln'a pas ditseul motau sujet du sens des deuxarticles

- lesseuls-qui énoncentlesconditions de laprotectioninternationale,laquelle estau cŒur

4 3 du traitécomme du statut de protectorat du Nigéria. Les seuls articles qui concernent les

disposition relativesau caractèreinternational de la protection mise en place par ce traitéen

particulier sont passés soussilenc! Le Cameroun fait fi du principe énoncédans l'affaire

relative aux Décretsde nationalité promulguée sn Tunisieet au ~aroc~~selon lequel la

situation de chaque protectorat dépenddes conditions particulièresde son propre traitéde

protection. Le Cameroun n'a aqas de réponse à opposer à l'argumentation du Nigéria
1
selonlaquelle siles droits beaucoup plusétendusxonféré àsla France par letraitéde Fezn'ont
\.

pas empêché la France comme la Cour d'estimer quele Maroc conservait la personnalité

53C.P.J.I.sérieBno4, p. 27. internationales4,les rois et chefs du Vieux-Calabaravaienà plus forte raison conservéla leur.

Pour leNigéria,le fait que le Camerounne souffle motdes articles 1et II du traitéde 1884est

tout àfait surprenant-mais aussi gratifiant, Monsieurle président,puisque cela signifieque

l'opinion du Nigéria au sujet de ces articles une opinionexposée dèsle mois de mai 1999

b
dans le contre-mémoiredu ~i~éria~'- n'a pas été contestée.Le Nigéria compteque la Cour

en prendradûmentnote.

50. Enfin, Monsieur le président, Madameet Messieurs de la Cour, le conseil, dans la

dernièrepartiede son argumentation, s'estintéresséau traitéde 1913. Puis-je toutd'abordrappeler

à la Cour la question quej'ai poséeà de nombreusesreprisesla semaine dernière : qui a donnéà la

Grande-Bretagnele pouvoir de céderBakassi à l'Allemagne ? Et comment ? A quel moment ? Il

s'agissait d'un défi,voulu commetel, lancéau Cameroun,et celui-ci a tout bonnementrefuséde

répondre. Il n'a pasde réponse. Commeje viens de le montrer,il a éludé tout examendes seules

dispositions du traitéde protection qui touchent à ce problème. Il s'est simplement borné à

soutenir que le protectorat du Nigéria étatn réalitéune colonie, même si absolumentrien dans le

traité deprotection ne permet de l'inférer,mêmesi le Gouvernement britanniquea expressément

indiquéquecela ne correspondait pas à ses intentions, etmême si la législation britannijusqu'à

l'indépendance en1960 infirmait carrémentcette thèse. Le Nigéria arépondusans détours à la

question «qui a donné à la Grande-Bretagnele pouvoir de céderBakassi et quand ?» la semaine

dernière :«personne» et ((jamais)). C'est à peine si le Cameroun a tentéde donner une réponse

différente.

51. Une dernièreremarque concernantle traitéde 1913 :j'aimerais direquelques mots en

réponse aux observations du conseil du Cameroun au sujet de la divisibilité des

articles XVIIIà XXII dudittraité.Le conseila fait trois remarquesauxquellesje voudrais répondre

brièvement.

54Droits des ressortissants des Etats-Unis d'Amérique auMaroc,arrêt,C.I.J.p. 185; CR200218,
p.49,par.44(Watts).

55CM, p. 109-111par.6.63-6.65. 52.Premièrement, ila affirméque la divisibilitéde ces articlesne pouvait êtreadmise dans

la mesure où elle étaitcontraireà ce qu'étaient,selon lui, les principes de l'indivisibilitéet de

I'exhaustivité -des principes, a-t-il indiqué, particulièrement applicasux traitésde frontière.

Or, la convention de Vienne sur le droit des traités,qui tient compte en son article2 du cas

particulier des traités defrontière,n'apporte aucune réservede ce genre à l'article44, dont le

paragraphe3 autoriseexpressémentla divisibilitédesdispositionsconventiomelles.

53. Deuxièmement,le conseil a soutenu que les articlesXVIII à XXII ne pouvaient être

retirésdutraitéparceque cela porteraitatteinteaux autres dispositionsrelatives auxfrontières. Or

il n'a à aucun moment examiné ces autres dispositions ni tenté de démontrer que les

articlesà XVII et XXIII à XXXne pouvaientcontinuer à s'appliquermême unefoisdisparuesles

«dispositions[viciées]relativesBakassi)).

54.Troisièmement,le conseila accusé ànouveau leNigériadevouloir «faire letri)),comme

si le Nigériachoisissait de manière arbitraire de conserver les articles qui lui accordent des

avantages et de rejeter ceux qu'il juge préjudiciablespour lui. Or l'attitude du Nigérian'a rien

d'arbitraire. Les articles XXVIIIà XXII sont entachésd'un vice juridique fondamental et ne

peuvent dèslors produire d'effet en droit.l n'en va pas de même pourles autresarticles. Et il

n'est pas juste de considérerles autres articles, non entachésd'un vice, comme présentantdes

avantages particuliers pour le Nigéria: les deux Etats bénéficienten toute égalitéde leurs

dispositions.

55. Monsieur le président,Madame et Messieurs de la Cour, outre les réponses qu'ila

apportéesau sujet despoints soulevéspar le Camerounlorsde son secondtour, leNigéria souhaite

saisir cette occasion pour répondre, titre préliminairetout au moins, aux questions que lui ont

poséesdeuxjuges, M.KooijmansetM. Elaraby. Leurs questionsconcernaientle différendau sujet

de Bakassiet elles trouvent donctoutnaturellementleurplaceà ce stade dema plaidoirie.

56. Sije dis que ma réponsesera «préliminaire»,c'est parce qu'il apparaîtqu'une réponse

complètenécessiteracertainesrecherchesque,par manquede temps, nous n'avonspuencorefaire,

ces questionsayant étéposées à la fin de la semaine dernière. Parconséquent,ce queje vais dire

maintenant ne préjugeen rien la réponseécriteplus complète que le Nigériafournira d'ici

le 4 avril. 57. Les deux premières questions de M.Kooijmans concernaient la fréquence des

consultationstenues avec les rois et leschefs du Vieux-Calabar pendantles annéesqui ont suivi la

signature du traitéde protection de 1884. Avant de traiter brièvementde ces deux questions,je

ferai deux remarquesgénérales.
b
58. La premièreest que les contactsavec les rois et les chefs du Vieux-Calabaront eu lieu

presque exclusivement au niveau local dans ce que, par commodité,je continuerai d'appeler le

Nigéria,mêmesi cette dénominationn'est pas strictementcorrecte pour le débutde la période.

Pour reprendre la premièrequestion deM. Kooijmans,tout document ayanttrait, par exemple, aux

rencontres officiellesentreles rois et leschefs du Vieux-Calabar entant qu'entitédistincteet

protecteur aprèsla signaturedu traitéde protectionauraàl'origineété établpi,roduit et conservé

localement.

59. Autrement dit, ces documentsse seronttrouvéstout d'abord au Vieux-Calabar,devenu

par la suite la ville modernede Calabar,ou ensuità Lagos-en effet, si Lagos et ses alentours

étaient quant à eux une colonie, ayant donc toujours étéconstitutionnellement distincte du

protectorat,àpartir de 1906environ, Lagos est devenue le centre administratif britanniquepour

l'ensemble duNigéria. La Grande-Bretagne avait généralemen ptour pratique, en ce qui concerne

l'administration de ses territoires d'outre-mer, de ne pas transférer en bloc à Londres la

documentation officielle locale-ni à l'époque,ni par la suite, et notamment pas au momentde

l'indépendance. Si un événementétaitsuffisamment important, le gouverneur local faisait un

rapport officieà Londres; il est possible qu'en pareil cas, le rapport se trouve encore dans les

archives du Foreign OfJiceou du Colonial OfJice,aujourd'hui conservéespar le Public Record

OfJiceà Kew.

60. En tout étatde cause, la plupart des documents britanniques relatiàsdes rencontres

entre des fonctionnairesbritanniques et des représentantsdes populations locales n'auraient pas

mérité d'être entreposés ailleuqus'àCalabar ou àLagos. Normalement,on les aurait conservés

pendant un temps limité :quelques annéespeut-être,mais certainement pas plusieurs décennies. .

Quant aux documentséventuellementétablispar lesrois et leschefs eux-mêmesi,l est douteuxque ces derniers aient eu la fibre administrative aussidéveloppéequeles fonctionnairesbritanniques,et

il est encore moinsvraisemblablequ'ilsaient conservétrèslongtempsd'éventuelscomptesrendus

écritsde leurscontactsavec les Britanniques, à supposerqu'ils l'aient fai.

4 6 61. Une seconde remarque générale s'impos eainsi que le Nigérial'a indiquédans son

contre-mémoire, lesrois et les chefs du Vieux-Calabarne formaientpas une entitéunitaire simple.

Il est précisédans le contre-mémoirequ'ils formaientce que 1'011pourrait appeler aujourd'huiune

fédération lâche. Il existait un certainnombre de rois et de chefsqui avaientceci de communque

leur territoire se situait dans et aux alentours de la régiondu Vieux-Calabar; selonun processus

assez courant, ils ont progressivement reconnula prééminence de l'un d'entre eux,en l'espèce,le

souverain du Vieux-Calabar. Au fildu temps, la primautédu Vieux-Calabar s'est transforméeen

obongship du Vieux-Calabar et aujourd'hui, de Calabar. Il semble que la date importante

soit1902, dateà laquelle les rois et les chefs sont convenus d'un systèmeen vertu duquelles plus

anciens d'entre eux étaientchoisis à tour de rôle comme obong, titre qui, dans la langueefik,

équivaut à celuide roi.

62. C'est ainsiqu'en 1884, lorsqu'ilsont dûconstituer uneentitéunique en vue d'êtrepartie

au traitéde protection auquel la Grande-Bretagneétaitl'autre partie,ils ont agi ensembleen tant

qu'unité. Comme l'a montréle Nigériaau cours du premier tour de plaidoiries56,lors de la

signature du traité,des mesures spécifiquesont été prises dans le but explicite d'étendrele champ

d'applicationdecet instrument àuncertainnombrede royaumeset chefferieslocalesquirelevaient

de la compétenceet de l'autoritédes roiset chefsdu Vieux-Calabar. Toutefois, lorsqu'ilétaitplus

opportun pour un ou plusieurs d'entreeux d'agirseul dans leursrelations avec d'autres Etats, ils le

faisaient: au grédes circonstances,ilsagissaiententant qu'unité ouen tant qu'entitésconstitutives

distinctes. La fédération étaità la fois lâche et informelle, mais elle n'en étaitpas moins réelle

-elle était,pour reprendre les termes de la Cour dans son avis consultatif relatif à l'affaire du

Sahara occidentaP7, une «organisation sociale et politique)) des collectivitéslocales. Il a été

CR200218,p. 45, par.30 (Watts); russiCMN,p.93-94, par.6.33.

''C.I.J.Recueil1975,p.39, par.80. reconnu que la signature, par des dirigeants locaux, de traitésde protectiontel que celui de 1884,

((constitueune reconnaissanceaussi bien de lapersonnalitédu souverain que de celle du peuple

63. C'est dans ce contexte que je me propose d'aborder,à titre préliminaire,les questions

poséespar M. Kooijmans. Il a d'abord demandé((combiende foiset dans quelstypes de situations

les rois et les chefs du Vieux-Calabar, en tant qu'entité dis,nt eu des contacts formelsavec

la puissance protectrice après la signature du traitéde protection de 1884)). Hormis un seul

incidentquej'évoqueraidansun instant, leNigéria ne possède actuellemenatucune informationsur

4 cette question, ni dans un sens ni dans lhutre. Il ne peut pas dire que de telles rencontresn'ont

jamais eu lieu, ni le contraire. D'après ceque l'on sait actuellement, les documents qui

permettraient de répondreà la question n'existent probablementplus, àLondres,ni à Calabarou

à Lagos, nidans lesarchivesnationales duNigéria àEnuguou àIbadan.

64. L'incident dont je voudrais parler est le voyage à Londres en 1913 de certains

roiset chefs duvieux-~alabar~~.Cette année-là,ils ontvigoureusementprotesté à Calabarcontre

ce qu'ils considéraientcommeun projet britanniquede modifier le régime autochtonedepropriété

foncièreapplicable dans le Sud-Est du Nigéria(une régionqui comprend bien entendu Bakassi).

Les rois et chefs ont envoyéune délégationàLondres pour soulevercette question, quin'était pas

de moindre importance à l'époque. Ils ont fourni des élémentsde preuve à la commission

parlementaireétabliepour examiner cette questiondu régime foncier.Une question a été posé en

leur nom au parlement. La délégation avaitété envoyé pear EyoHonesîy VIII,Obong deCalabar,

et son conseil des etubom. La délégation comprenaitune vingtaine de membres : les deux

membresdirigeants de la délégationétaientleprince BasseyDukeEphraimIX (membre duconseil

autochtone de Calabar et fils de feu le Roi Duke) et le prince James Eoy Ita VII,

chef de Creek Townet petit-filsdu Roi Eyo.

65. La seconde question posée par M. Kooijmans était de savoir si les

rois et chefs du Vieux-Calabar avaient été«consultéslorsque, en1885, la puissance protectrice

a[vait] incorporéleur territoire dans le protectorat britanniquedes districts du..,gqui avait

'*Shaw, Titleto Territory inAfrica: InternationalLegalIssues (1986),p.37:citédansleCMN,p. 88,par.6.20.
59CMN,p. 179,par.9.3 5). lui-mêmeétéintégréau protectorat du Nigéria méridional lors de la signature du traité

anglo-allemand de 1913 ?». Si tel n'étaitpas le cas, M. Kooymans voulait savoir pourquoiils

n'avaient pas étéconsultés;s'ils avaient été consultési,l voulait savoir quelle avait étéleur

réaction,etsi celle-ci apparaissaitdansun documentofficiel.

66. Cela est une question,je le répète,au sujet de laquellele Nigériane disposeprésent

d'aucune informationni dans un sens ni dans l'autre. Pour autant qu'on le sache aujourd'hui,les

archives qui permettraient de répondre à la question n'existent probablement plus, que ce soit

à Londres, à Calabar ou à Lagos, ou dans les archives nationales du Nigériaqui se trouvent

à Enugu et Ibadan. Il sera probablement impossiblede répondreavec certitude, preuveà l'appui,

que les roiset chefs n'ontpas éconsultés, ou qu'ilsl'ontétet ont donnételle outelle réponse.

4 8
67. J'ajouterai simplementque la loi britannique ne prévoyait pasque les souverains des

territoires sous protectorat devaient êtreconsultésavant qu'il puisse être procque plusieurs

protectorats britanniques distincts existant au Nigérial'époque seraientunifiés pourne plus

constituer qu'un seul protectorat. Par conséquent,le droit anglais n'imposait pas d'indiquer dans

ladite proclamation qu'une consultation avaiteu lieu et, de même,si la consultation avait

effectivement eu lieu, ce n'étaitpas un point dont il devait nécessairementêtrerendu compte

officiellementàLondres.

68. La troisième questionde M. Kooijmansétaitde savoir si «l'incorporation [du territoire

des rois et chefs du Vieux-Calabarau protectorat britannique sur les districts du Niger avait] mis

fin à la prétenduepersonnalité internationale desrois et des chefs du Vieux-Calabar en tant

qu'entité distincte,et,«si tel nYa[vai]as étélecas, quandcelle-ci a-t-ellecesséd'exister?»

69. Je réponds aujourd'huipar la négativeà la proposition principale de la question- et

c'est une réponsepréliminaire. L'unification deertainsterritoiresplacéssous protectoratn'a pas

entraînéladisparition immédiate,surle plan international,desrois et chefs du Vieux-Calabar. S'il

étaitpeut-être- et mêmeprobablement -pratique, à des fins administratives britanniques, de

traiter tous les territoires sous protectorat commeune seule unité,cela ne veut pas dire pour autant

que les communautés protégéep serdaient leur personnalijuridique en tant qu'entitésdistinctes.

Ces personnalitésdistinctes subsistaient,sous réservedes droits et obligations définisdans chaque

traité de protection. 70. Le maintien en vigueur de ces traités de protection, c'est-à-direle maintien des parties

initiales aux traitéset de leurs successeursà ce titre, constitueune caractéristiqueimportantede la

législationbritanniquejusqu'au moment de l'indépendance. Commele Nigérial'a montré dans

son contre-mémoire6',les lois adoptées parla Grande-Bretagneau sujet du Nigériaont toujours,

jusqu'au momentde l'indépendanceen 1960, établiune distinction claireet systématique entrela

colonie de Lagos et le protectorat du Nigéria. Le protectorat du Nigéria étaitrégipar les

dispositions desForeign Jurisdiction ~cts~',qui prévoyaientque des ordonnances pouvaientêtre

adoptéesen conseil dans les cas où la Couronne britannique avait acquispouvoir et compétence

dans un pays étranger «en vertu de traités, capitulations,concessions, coutumes, toléranceset

autresmoyens licites)).

71. S'agissant du protectorat du Nigéria,cette décisiona été appliquée dans une série

d'ordonnances adoptéesen conseil, qui comprenaientune définition du terme «traité»aux fins des

ordonnances. Cette définitionse lit comme suitdans la partiede l'énoncé qui est pertinente :«le

terme «traité» s'entendde tout traité, convention,accord ou arrangementconclu par ou au nom de
62
[laCouronne]avec ...unetribu, un peuple,unchefou un roi indigène ...))

72. Cette définition couvre manifestement le traité de protection conclu avec les

roiset chefs duVieux-Calabaren 1884. En outre,dans les ordonnancesadoptéesen conseil,il était

généralemenitndiqué quelesdites ordonnancesne pouvaientautoriser à dérogeraux droitsgarantis

à la communautéprotégéeen vertu de traitésou accords et que «tous les traitéset accords en

question [étaient]et demeur[aient]envigueur et exécutoires,et ...toutes lesassurancescontractées

et tous les engagements souscrits dans lesdits traités et accordsdemeur[aient] mutuellement

obligatoiresentretoutes lesparties auxditstraitésetaccords»63.

73. On a continuéde recourir à cette formule dans les ordonnancesadoptéesen conseil au

sujet des protectoratsjusqu'au momentde l'indépendanceen 1960. Elleconfirme que l'existence

juridique du traitén'a prisfin qu'au momentde l'accession à l'indépendanceen 1960.

CMN,p.107,par.6.58;p. 117-118,par.6.72;p. 121-122,par.6.79-6.80.
61CMN,p.118-122,par.6.73-6.80.

62Le textecompletfiguredansle contre-mémoidruNigéria,p. 165,par.8.46, ainsi qu'auxannexesCMN44
et53.
63Cm, p.165-166,par.8.47. 74. Il est impossible de savoir précisémente qu'il est advenu de la personnalité juridique

internationaledesrois et chefs du Vieux-Calabaraprès885,date à laquelle leurstemtoires ont été

auxfinsde l'administration britanniquefusionnésavec les autresterritoires placés sous protectorat.

L'évolution fut progressive,omme ce fut le cas sur le planconstitutionnel et international pour

une bonne part de l'empire britannique à la fin du XIX'siècle et dans la première moitié

du XXesiècle. L'accession à la totale indépendanceinternationale de l'Australie, du Canada,

del'Inde,de la Nouvelle-Zélande,par exemple, est l'aboutissement d'un processus lent;et il est

difficiled'identifier un événementrécisqui, danschaque cas, aurait marquélafin du processus:

cettequestionfaisaià l'époquel'objetd'abondantes discussions.

75. Il en va de même pour leVieux-Calabar. On constatelà deux processus. Le premierest

celui de l'apparition progressived'une entiténigérianeunique.l semble que le terme ((Nigérim

ait étéutilisépour la premièrefois dans des instrumentsjuridiques britanniques officiels dans

deuxordonnances de 1899adoptéesen conseil64. Il s'agissait là probablement d'unhyperonyme

inventépar commoditépour l'administration. Apartirde ce moment-là, la notion de«Nigéria»est

progressivementdevenue la notion prédominanteet a fini par représenter à de nombreuses fins

(mais pasforcémenttoutes) la personnejuridique quifaisait l'objetdu protectorat.

5 O 76. Le second processusest celuide la transformation desrois et chefs du Vieux-Calabaren

obongship de Calabar. Le régimedes souverains locaux n'a néanmoins jamais cessé d'exister.

Quecesoit en tant qu'entitédénommée les «roiset chefs du Vieux-Calabar)),ou entant que roiset

chefs individuels commeéléments constitutifsde cette entité, ou en tant qu'obongsde Calabar,

l'autoritéde ces souverains locaux s'estexercéede façon continue et s'exerce encoreaujourd'hui.

L'autoritédes chefs traditionnels occupetoujours une place importante dans celle qu'exercent les

collectivités locales.

77.Il est impossiblede déterminer préciséme ntquel stadede ce processus cesrois et chefs

ont cesséde bénéficiedre leur personnalité internationale. Ca probablementété le cas en1960,

lorsque le Nigériaest devenu 1'Etatindépendant reconnu à l'égard de leurs territoires.Mais il

'Cm, p.113-114par.6.685). semble que cette personnalitéaurait perduré à certaines fins au moins, en tous cas jusqu'à ce

moment-là. Il est certain que 1'Etatprotecteur,le Royaume-Uni,considéraitque les traités conclus

aveceux,y comprisle traitédeprotectionde 1884,étaienttoujours«exécutoireset en vigueur».

78. La Cour et sa devancière ont défini certains critères concernant la personnalité

internationalede diverses entités naissantes,et ont formulécertaines conclusionsàce sujet dans

l'affaire relative auxécretsde nationalitépromulguésen Tunisieet au ~aroc~~,dans l'affaire

relative aux Droits des ressortissants desEtats-Unisd'Amérique au ~aroc~~ et dans l'affaire du

SaharaoccidentaP7.Si l'oncompareleur casaux situationsparticulièresdontla Cour a traitédans

lesditesaffaires (la sociététribale nomadedans l'affaire duSaharaoccidentalet les protectorats

dans les deux autresaffaires), il ne fait pas de doute que les roiset chefs du Vieux-Calabaravaient

la personnalitjuridique internationaleau momentde la conclusion dutraitédeprotectionde 1884,

la conclusion dudit traitéétanten soi une manifestation de cette personnalité. Il ne fait pas de

doutenon plus quelesdits roiset chefs n'ontpas perdu leur personnalitéjuridiquesous l'effetde ce

traité, et que celle-ci a survécu aux différents changements qui ont eu lieu dans les

annéessuivantes,jusqu'à l'indépendanceen 1960.

79. Vous constaterez donc,Monsieur le président, Madameet Messieursde la Cour,que les

réponsesqui précèdentaux trois questions poséespar M. Kooijmans ne peuvent êtreque des

réponsespréliminaires,commeje l'ai dit dèsle départ. Il faudra, pour la préparationde réponses

complètes,approfondir les recherches,en particulierauNigéria.L'équipeduNigériaa déjà réalisé

5 1 un travail énormepour la mise au point de l'argumentation duNigéria,dont mes collègueset

moi-même lui sommes extrêmemenr teconnaissants. L'équipea déjàmis en Œuvreles recherches

supplémentairesnécessaires,dans l'espoir que le Nigéria pourraapporter uneréponseplus précise

que celle quej'ai pu donner aux trois questionsde M. Kooijmans. Ces nouvelles réponses seront

prêtesd'ici le avrilau plustard, ainsi que laCour l'a demandé.

65CP.J1.sérieBnO4.
66C.I.J. Recu1952.

" CI.J. Recue1975. 80. Monsieur le président,Madameet Messieursde la Cour,je vais à présent,si vous me le

permettez,essayer de donner une nouvellefois ne serait-cequ'un débutde réponse àla question

poséeauNigéria par M.Elaraby. Aprèsavoir relevélesréférencef saites au régimejuridique établi

par lemandat de la Société desNations et l'accord detutelle de l'Organisationdes Nations Unies,

M. Elarabya demandé s'ilestpossible «dedonner davantagede détails etdecommenterplus avant

pour la Cour la pertinence des frontièresqui existaient pendant la période où le régimea été

appliqué)).

81. Peut-être sera-t-il tile pour la Cour queje rappelle ici,l'aide de croquis, de quelle

manièrela frontièreentre leNigéria etleCamerounpritforme.

82. Aprèsla signatureen 1884desdeux traitésde protection entre la Grande-Bretagneet les

rois et chefs du Vieux-Calabar d'une part, et, de l'autre,l'Allemagne et les roisaet Bell, la

Grande-Bretagneet l'Allemagne conclurentun certainnombre de traités fixantla frontièreentre

leurs territoires respectifs. Au moment où éclatela première guerre mondiale en 1914, cette

délimitationconventionnelleentre la Grande-Bretagneet l'Allemagne part du lac Tchad au nord

jusqu'à un point sur 1'AkpaYafésituéjuste au nord de la presqu'île de Bakassi. Le tracéde cette

ligne conventiomelle est à présent indiqué à l'écranet figure dans le dossier des juges, à

l'onglet24.

83. Au début de la guerre, les forces britanniques, françaises et belges occupent le

territoire allemand du Cameroun. Une fois cette occupation achevée vers 1916, la

Grande-Bretagneet la Franceassument l'administrationdu territoire. Des négociationsont ensuite

lieuentre la France, représentéear Picot,et la Grande-Bretagne,représentéepar Strachey,au sujet

de l'administration provisoiredu Cameroun,notammentafin de tracer sur une carte une ligne de

séparationentre les territoires relevant de l'administrationde chaqueays68. Par un échangede

notesen date des 3 et 4 mars 1916, lesdeuxgouvernementsacceptent les lignestracéessur la carte

signéepar les deux négociateurs. Toutefois,ni l'une ni l'autre des Parties n'ayant retrouvé

l'originalde cette carte, on ignore le véritabletracéde cette ligne.out cas, quel qu'aitpu être

cetracé,la ligneest caduqueen 1919quandest signéunnouvel accord franco-anglais.

Voir CMN,p.488,par.18.30. 84.A l'issue de la guerreen 1918, l'Allemagnerenonce à son titre sur l'ancien territoire du

Camerounen applicationdes articles 118et 119du traité de Versaillesde 1919~~I .l est admisentre

les Parties que la possession allemande du Cameroun était l'une des possessions allemandes

d'outre-merviséesparces articles.
i
85. Le dispositif provisoiremis en placeentre lesprincipalespuissances alliées etassociées

prévoyaitnotammentque le Cameroun allemandcontinuerait d'être administré sousl'autoritédes

Gouvernements français et britannique. Le 10juillet 1919, leRoyaume-Uni et la France signent

une ((déclarationfranco-britannique»'',généralemena tppelée déclaration Milner-Simon, du nom

des ministresbritanniqueet françaisqui l'ontsignée.

86. Cette déclarationMilner-Simon décritla frontièreterrestre depuis le lac Tchad - à

l'embouchure de 1'Ebedji - jusqu'à l'océan Atlantique- en directionde la mer à partir du point

de rencontredes coursd'eau («creeks»)Matumalet Victoria, enréalitéjusqu'àl'embouchurede la

rivière Cameroun. Cette ligne constituait donc la frontièreorientale du territoire du Cameroun

britannique et la frontièreoccidentale duterritoiredu Camerounfiançais. Elle est indiquéesur la

carte projetéeàprésent àl'écran qufiigure dansle dossierdesjuges, à l'onglet 25.

87. En 1922, l'administration provisoire franco-britannique prend fin pour devenir

l'administration par la France et le Royaume-Uni, puissancesmandataires, de leurs temtoires

respectifs. L'étendue du territoire du Cameroun sous mandat britannique est définie à

l'articlepremier du mandat danslestermes suivants :«[l]esterritoiresdont SaMajestébritannique

assume l'administration sous le régimede mandat comprennent la partie du Cameroun qui est

situéeà l'ouest dela ligne fixéedans la déclaration signélee 10juillet 1919, dont une copie est

ci-annexée)).Cette ((déclaratione))t bien entendula déclarationMilner-Simon.

88. L'article premierdu mandatrenvoyant à la déclaration Milner-Simon, la définition de la

ligne ne concerne que la j-ontière orientale du Cameroun britannique. Les frontières

septentrionale,méridionaleetoccidentalenesont sous-entenduesqueparce quefigure dans letexte

69Cm, vol.V,annexe49,p.476.
'OCm, p.488-490,par.18.31-18.3;nnexe50. le membre de phrase «la partie du Cameroun)) : c'est-à-dire que si un territoire fait partie du

5 3 Cameroun et est situé à l'ouest de la ligne définiedans la déclaration Milner-Simon,il relèvedu

mandatetfait partie du Camerounbritannique.

89. Par conséquent,les frontièresdu territoire du Cameroun sous mandat britannique sont

grosso modo les mêmesque celles qui délimitaientle territoire sous administration provisoire

britannique aux termes de la déclaration Milner-Simon, dontle tracéest indiquésur la carte

toujoursprojetée àl'écran,ce qui revientà direque

- la frontièreseptentrionaleestcellede l'ancien Cameroun allemandqui longeaitle lac Tchad;

- la frontière méridionale estla côte (avec sa mer territoriale) de l'ancien Camerounallemand,

faceau golfe de Guinée;

- la frontière occidentale est celle qui séparait le protectorat du Nigéria de

l'ancien Camerounallemand,tellequ'elle estdéfiniedansplusieurstraitésanglo-allemands.

90. En résumé,l'énoncéde l'article premier du mandat sur le Cameroun britanniquequi

définitle territoire (et l'énoncéexactement conforme utiliséà l'article premier du mandat sur le

Cameroun français) ne permet pas de savoir si telle ou telle étendue de territoire faisaitou non

((partie du Cameroun)). Cette question est bien entendu particulièrementpertinente en ce qui

concerne la presqu'île deBakassi, pour des raisonsdont la Cour est évidemmentconscienteet qui

sont amplement exposéesdans lesécritureset lesplaidoiriesduNigéria.

91. Tout le temps qu'a duréle régime de mandat,il n'est apportéaucune modification

formelle aux termes de l'article premier dumandatbritanniqueet du mandat français. Cela dit, le

gouverneur du Nigéria, sir GraemeThomson, et le gouverneur du Cameroun français,

Paul Marchand, ont néanmoinspris des mesures pour préciserdavantage la frontière entre le

Camerounbritanniqueet le Camerounfrançais,d'où une nouvelle((déclaration ...définissant...la

frontière entre le Camerounbritannique et le Cameroun français»71. Cette déclarationn'est pas

datée-bien qu'elle soitapparemment signéeen 1929. Elle est désignéesous le nom de

((déclarationThomson-Marchand))et définitla frontièreanglo-françaisedans sa totalité,depuisle

lac Tchad jusqu'à la mer, en réalitéjusqu'à l'embouchure de la rivière Cameroun. Cette

" AnnexeCMN 54,p.4 déclaration est approuvéepar les deux gouvernements dans un échange de notes daté du

5 4 9janvier 193i72. Elle ne fait en grosque reprendreplus en détail la déclaration Milner-Sim.eL

tracéde la frontièrene subitpar conséquent aucune modificationet demeure celui qui est indiqué

sur la cartetoujours projetéel'écran.
I
92. En 1946, à l'issuede la seconde guerremondiale et en préludeau régime detutelle qui

va êtreinstaurésous l'égidede l'ONU,le Royaume-Uni procède à uneréformede l'administration

et du mode de gouvernement du Camerounbritannique. Il divise notamment le territoire sous

mandat enunepartie septentrionaleet une partieméridionale.Le tracéde cette lignede séparation

est défini l'annexe2 de l'ordonnance adoptée en conseil de 1946relativeau Nigéria (protectorat

et~ameroun)~~ -c'est-à-dire l'«ordonnancede 1946))qui a étéinvoquéelors de la partie des

plaidoiriesconsacréeà la frontièreterrestre. Cetteréformeconcerne uniquementle découpagedes

circonscriptionsadministrativesinternes, et nàacette époqueaucune incidence sur les frontières

externes du territoire sous mandat, en particulier la frontière avecle Camerounfrançais, qui

demeure inchangée. Elleentraînenéanmoins lepartage d'esten ouest du Camerounbritannique de

la manièreindiquéesur la carte projetée présentàl'écranetqui figuredans le dossierdesjuges à

l'onglet 26.

93. Pour l'essentiel, lesfrontièresdemeurentégalement inchangéessous le régimede tutelle.

L'accord detutelle pour leterritoiredu Camerounsous administrationbritanniqueentreen vigueur

le 13décembre 1946~~L . es termes définissantson champ d'applicationterritorial ressemblenà

ceux qui figuraientà l'article premier du mandat. Toutefois,à l'article premier de l'accord de

tutelle, pour la définitiondutracéde lafrontière, ilest fait mentionnon seulementde ladéclaration

Milner-Simon, mais encorede la déclaration Thomson-Marchand.Etje relèveraisimplementici,

puisque la frontièreorientale du territoire sous mandat britanniqueet la frontièreoccidentale du

-

7Annexe Ch4N 54.
7Annexe Ch4N 55.

7Annexe Ch4N 56.territoiresous mandat fiançais sont censéesêtreidentiques,une disparitéentrel'article premierdes

deux accords detutelle en ce que,plutôt curieusement, l'accordfrançais ne faitpas du toutmention

de ladéclaration ~homson-~archand'~.

94. Toujours est-il qu'à l'instardu mandat, l'accord de tutelle, en son article premier, ne

définit que la frontière orientale du Cameroun britannique puisque cet article renvoie aux

déclarations Milner-Simonet Thomson-Marchand. Une fois encore, les frontièresseptentrionale,

méridionaleet occidentale ne sont définiesque par sous-entendu, sous couvert du membre de

phrase «la partie du Cameroun)) :c'est-à-dire que si un territoire fait partie du Cameroun et est

situé à l'ouest dela ligne définie dans les déclarations Milner-Simoe nt Thomson-Marchand, il

relève alors de l'accordde tutelle. Celane résouttoujours pasla question de savoir si telle ou telle

étenduede territoire fait ou non ((partiedu Cameroun»-une question qui, comme je l'ai déjà

expliqué, estparticulièrementpertinenteauregard dustatutde lapresqu'île deBakassi.

95.Lorsque leNigériaet leCamerounaccèdent à l'indépendanceen 1960,un référendum est

organiséau Cameroun britannique poursavoir si la population veutfaire partiedu Nigériaou bien

du Cameroun. Le Cameroun septentrional se prononce pour le rattachement au Nigéria,et le

Cameroun méridionalpour le rattachement au Cameroun. D'où la frontièrequi est alors fixée

comme indiquésur lacarte projetée à l'écranqui figuredans votredossier àl'onglet27. Et c'est la

frontièreactuelle.

96.Comme,pendanttout le tempsqu'ont durélerégimede mandat et lerégimedetutelle, la

frontièreoccidentale du territoire n'est définieque par renvoi au membre de phrase ((partiedu

Cameroun)),par conséquent,pendant toutecette période,la question du statut de la presqu'île de

Bakassi, c'est-à-direla questionde savoirsi la presqu'îlefaisaitpartie du territoiresousprotectorat

ou du territoire sous mandat, puis par la suite du territoire sous tutelle, est liée la question

préalable desavoir si la presqu'île faisait partie de la possession allemande du Cameroun

en 1914-et cette question est liéequantà elleà labonne interprétationdu traitéanglo-allemand

--

75VoirCMN,p. 542-543,par. 19.68-19.70.de mars 1913. Or,pour les raisonsque leNigériaa exposéesen détail, la réponsàecette question

est forcémentque la Grande-Bretagne n'avaitni le droit ni lepouvoir envertu de cetraitéde 1913

de céderBakassi à l'Allemagne.

97.Il s'ensuit que lesfrontièresdesterritoiressoumisaurégimede mandatpuisau régimede

tutelle étaient,lorsqueces régimesprirent fin, précisément lesmêmesque lesfrontièresinitiales,

c'est-à-dire celles de 1922. C'est la seuleconclusion possible car, dans le cadre du régimede

mandat et du régimede tutelle, il est accepté en droit que 1'Etat mandataire et l'autorité

administrante au titre d'un accord de tutelle n'avaient pas souveraineté surles territoires qui

relevaient de leur administration. En particulier, ils n'avaient pas le pouvoir de modifier

unilatéralementlesfrontièresdesterritoires,que ceoiptour étendre leurslimites,ou pour réduire

la superficiede territoire administré. S'agissantde la presqu'île deBakassi, étantdonnéque ni la

Société desNations ni les organesde surveillance de l'Organisationdes Nations Unies n'avaient

approuvéla moindre cession de territoire, la presqu'île avait en 1960 le mêmestatut territorial

qu'en 1922. Dès lors que, comme le Nigérial'a démontré, la Grande-Bretagnn e'a pu céderla

presqu'île de Bakassià l'Allemagne à aucun moment auparavant, la presqu'île devait forcément

encore à cette époquefaire partie du territoire sous protectorat régipar le traitéde protection

de 1884,statut qu'elleconservejusqu7àl'accession du Nigérial'indépendanceen 1960.

98.J'espère,Monsieur leprésident,que ce débutde réponse sera utileà la Cour. En outre,

commeje l'ai déjà dit,le Nigériarépondraplus amplementpar écrità la questionde M. Elarabyet

à celles deMM.Kooijmanset Fleischhauerle4 avril au plustard, commela Courl'ademandé.

99. Monsieur le président,j'arriveàla fin de mon exposé. Je remercie la Cour de son

attention. Je vous pràeprésent dedonner laparoleà M. Brownlie pourla suite dusecondtourdes

plaidoiriesdu Nigéria.Je vous remercie beaucoup.

Le PRESIDENT : Je vous remercie, sir Arthur. Je donne maintenant la parole au

professeurIanBrownlie. M. BROWNLIE :Je vousremercie,Monsieurle président.

LE LAC TCHAD

1.Monsieur leprésident,Madame et Messieurs dela Cour, il me faut revenàrla barre lors

de ce second tour de plaidoiries pour répondre à certains points évoquéspar le conseil du

Camerounau sujet dulac Tchad. Cette réponseserarelativementbrèvecar le conseildu Cameroun

ne s'estpas étenduaussi longuementsur lesquestionsportant spécifiquementsur le lac Tchadque

sur celles,plus générales, relativesfrontièreterrestre etaux instruments correspondants.

2. A titre préliminaire,le Camerouncontinued'affirmer qu'unefrontièreconventionnellene

peut êtrmodifiée qu'avecle consentementdes deux parties. Le Nigériane partage pas cette idée

que leCamerounsefaitdu droit.

3. Egalement a titre préliminaire,mon éminent contradicteurnie que l'échangede notes

de 1931ait eu un caractère programmatique. Or, Monsieur le président,tel était pourtantle cas

(CR 2002115, p. 36,par.22). LadéclarationThomson-Marchand n'étaiptas directement applicable

et une commissionde délimitations'imposait. Ce dispositifn'ayant pas permis de procédere

délimitationsur le lacTchad, un nouveau cadret mis en place aprèsl'accessionduNigériaet du

Cameroun àl'indépendance :lacommissiondubassindu lacTchad.

4.Le Cameroun, aussi bien dans sa répliqueque durant le second tour de plaidoiries, a

prétenduque le Nigériacherchait à revenir sur des questions déjàrésoluesdans l'arrêtsur les

exceptions préliminair(CR 2002115,p. 35-36, par. 20).

5. Cene affirmation du Cameroun repose, selon moi, sur un malentendu et peut être

rapidementréfutée.Dans la partie de l'arrêt qu'invoqee Cameroun, la Cour fait remarqueren

conclusion dans les passages pertinentsC.I.J. Recueil 1998, p. 307-309, par. 70-72) que les

questionsrelatives auxattributionsde la CBLTet aux conséquencesjuridiquesdes délibérations de

celle-cidevront êttranchéeslorsde la phasede l'instanceconsacréeau fond. Pourreprendre les

termesde la Cour,

«La Cour n'apas à ce stadeàprendre partisurces thèsesadverses.Il lui suffira
de constater que le Nigéria ne saurait soutenirà la fois que la procédure de
démarcationengagée auseinde la commissiondu lac Tchad n'estpas parvenue à son terme et que cette procédurea en mêmetemps rendu sans objet les conclusions du
Cameroun.Il n'ya dèslors aucuneraisond'opportunité judiciaire qui puisse amener la
Cour àse refuserà statuerau fondsurcesconclusions.» (P.309, par.72.)

6. Pourréfuterlathèse du Nigéria concernant l'échang de lettresde 1931et l'historique de

la délimitationet de la démarcationdu lac Tchad,M. Cotfait valoir qu'en 1931,le lac étaitrempli

d'eau et que, partant, la démarcation était matériellement impossib(lC e R 2002115, p.36-37,

par. 23).

7. Monsieur le président,le Nigéria apprécile sensde l'humourde M. Cot mais, sij'ose

dire, son argumentationprend l'eau. Leprogrammede délimitationet de démarcationde la CBLT

étaitindépendantde la présenceou de l'absenced'eau dans le lac, et rienne permet de penser que

le programme franco-anglais de délimitationde 1931 ait étésubordonné à l'existence d'un lac

asséché.

8. Le Nigériaconnaît très bien la situation sur le lac Tchad. Plusieurs membres de son

équipese sont rendus dans la région. Même quand ily a de l'eau, elle est trèspeu profonde. En

outre, la délimitationdes lacs internationaux constitue une réalité politique couranteje vous

renvoie à l'ouvragede Pondaven,Leslacs-JFontièrep , ubliéchez Pédone en1972,avec une préface

de Charles Rousseau.

9. Le conseil du Camerounpartensuitedansune discussionsur leseffectivitésinvoquéespar

leNigéria à l'appui desarevendicationsur lesvillages(CR2002115,p. 37-38,par. 24-25).

10.M.Cot insiste surle fait qu'en 1960(l'une des dates citéesparmi les élémende preuve

du Nigéria),les villages en questiondevaientsetrouver sousl'eau, sinonen permanence,dumoins

de manière saisonnière.Comme dans ses autrespropos en la matière,le conseil du Camerounse

trompe. Les villages en question furent fondés l'originesur des îles émergéeslorsque le niveau

des eaux décrut. Des villages comme Katti Kime, aujourd'hui situéssur le lit asséchdu lac, se

trouvaient auparavantsurdesîles.

11.Les éléments de preuves du Nigériarelatifs au lac Tchad, tout comme ceux concernant

Bakassi, n'ontpas étéexaminés deprès. Nous sommesdoncen mesure deréaffirmerla matérialité

des faits qu'ils attestent, et devons présumerque M. Cot n'a sérieusementcontesténi la

compétenceni la bonne foi de MeChristopherHackfordetde M. CliveSchofield,les rédacteursdu

rapport, ainsique des personnes qui ont évalué leurs travaux. 12.Aux dires du Cameroun,le conseil nigérian auraitreconnu que le Cameroun administrait

les villagesavant 1987(CR 2002112,p. 49, par. 141)et qu'il ne pourraity avoir dès lorsde long

usage établi(CR 2002115, p.37, par.25). Orvoici ce quia réellementétédit anuomdu Nigéria :

«[Iles élémentsde preuve [produits dans la répliquedu Cameroun] présententde
graves insufisances. Tout d'abord, mis à part une minoritéd'entre eux, ils ne
concernentque lesannées1982 à 1988,alors que ceuxrelatifs auxactivitésnigérianes
couvrentune périodebeaucoupplus longue.))

13. Le Nigéria a produitde solides élémentsde preuve concernant la période antérieure

à 1982,celleallant de 1982à 1988,et celle postérieurà 1988. Là encore,le Camerounse refuse à

examinerdeprèsles preuvesd'effectivitésnigérianes.

14.M.Cot faitvaloirque, dansle présentcontexte,la présencenigérianene constituepasun

«long usage établi)). Or, le processus de consolidation historique n'est aucunement soumis à

l'écoulementd'une périodepréfixe. Comme la doctrine pertinente l'indique clairement, la

consolidationhistorique se distinguede la prescription.

15. Sivous me permettezde citer une nouvellefoisCharles de Visscher,

«Le longusageétabli, quien est lefondement,ne fait quetraduire un ensemble
d'intérêtest de relations qui tendent par eux-mêmesà rattacher un territoire ou un
espacemaritime àun Etat déterminé.Ce sont ces intérête st relations, variablesd'une

espèce à une autre,et non l'écoulementd'une périodepréfixe,d'ailleurs inconnuedu
droit international, qui sont pris directement en considération par le juge pour
apprécierin concreto l'existence ou la non-existence d'une consolidation par titres
historiques.))

16.Au moins le conseil du Camerounne pourra-t-ilécarterla doctrine du droit international

en prétendantqu'elle étaitmenacéed'inondation àl'époqueen question.

17.Le conseil du Cameroun reconnaîtque de nombreux habitantsdes villages viennent du

Nigéria, mais il prétendque, jusqu7en 1987, ils ont exercéleurs activitésdans le cadre des

lois camerounaises(CR 2002/15,p.38, par.26).

18.LeNigériacontesteque les lois camerounaisesse soient appliquéesjusqu'en1987. Lors

de cettemême partie deson intervention,leconseildu Camerouna évoqué certainspoints relatifs

i'ethnicité. Bien entendu, le Nigérian'a jamais prétenduque les Hausa et les Kanouris seraient

tous nigérians. Il a seulement préciséque les résidents des villagesen question étaientissus de

tribus nigérianes,dont les Kanouri et les Hausa constituent les groupes les plus importants

(voir CR2002112, p.36, par. 70). 19. Enfin, le Cameroun réitèsa position concernant l'acquiescement(CR 2002115,p. 38,

par. 27). Les Parties ne sont pas revenues sur la leurà cet égard,et le Nigéria renvoie

respectueusement la Cour à l'intervention consacréà cet aspect lors du premier tour des

plaidoiries (CR 2002112,p. 50-54, par. 151-168). Le Camerounreconnaît en particulier qu'iln'a
c-

pasprotestécontrela présenceduNigériadans cesvillagesjusqu'en 1994.

20. Monsieur le président,je réaffirmepour conclure la position du Nigériaconcernant le

lacTchad, positionquej'ai amplementexposéelorsde mon interventiondupremier tour consacrée

àcettequestion(CR 2002112,p. 18 à55).

21. Je tiens également à remercier MmChristopher Hackford et DavidLerer et

M.Clive Schofieldpour leurconcours.

Monsieur le président,'en ai terminéavec notre présentationd'aujourd'hui. Je tienà

remercier la Cour pour sa patienceet sa courtoisiehabituelles. Mon ami et collègueM.Abi-Saab

vousdemanderademain matinde prendrela parole.

Le PRESIDENT :Je vous remercie, Monsieurle professeur Brownlie. Cecimet donc un

terme àla séancede cet après-midi. LaCour se réunirà nouveau demain matin à 10heures. La

séanceest levée.

L'audienceest levéeà 17h 45.

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