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CR 2000/27 (traduction)

CR 2000/27 (translation)

Lundi 13 novembre 2000 à 15 heures

Monday 13 November 2000 at 3 p.m. - 2 -

The PRESIDENT: Please be seated. The s itting is open and I now give the floor to

Professor Bruno Simma for the Federal Republic of Germany

M. SIMMA: Merci, Monsieur le président. Monsieur le président, avant la pause du

déjeuner, j’ai expliqué que le droit consacré par l’ar ticle 36 est un droit individuel et, ce faisant est

devenu un droit de l’homme en raison de l’évol ution des droits de l’homme qui a entouré la

convention sur les relations consulaires; j’aime rais poursuivre ma démonstration en examinant

l’incidence de certains droits de l’homme dans l’affaire LaGrand.

III. Incidence de certains droits de l’homme dans l’affaire LaGrand

15. Les normes relatives aux droits de l’homme qui sont applicables entre les Etats-Unis

d’Amérique et l’Allemagne jetten t un éclairage supplémentaire sur les incidences de l’article36

dans le contexte de condamnations à la peine de mort prononcées alors qu’il a été commis une

violation de cet article. Selon l’article5 de la déclaration adoptée par l’Assemblée générale en

1985, dont j’ai déjà parlé,

«les étrangers jouissent,… a)…[du] droit à la vie, à la sûreté de leur personne; nul
étranger ne peut être arbitrairement arrêté ou détenu; nul étranger ne peut être privé de
sa liberté, si ce n’est pour des motifs et conformément à la procédure prévue par la
loi».

Le droit à ce que le consulat soit averti qui est reco nnu par l’article 36 de la convention de Vienne

constitue une «procédure prévue par la loi» au sens de cette disposition. Les garanties de

procédure dans les cas où l’accusé est passible de la peine de mort sont donc particulièrement

importantes quand on analyse les incidences des violations de l’article 36.

16. En l’espèce, c’est sans aucun doute le Pacte international relatif aux droits civils et

politiques qui est la principale source des droits de l’homme reconnus aux étrangers traduits devant

les tribunaux des Etats. Aussi bien l’Allemagne que les Etats-Unis d’Amérique sont parties au

Pacte 1. Par conséquent, le Pacte constitue un ensemble de règles «de droit international applicable

dans les relations entre les parties» aux fins de l’ interprétation de l’article 36 de la convention sur

les relations consulaires.

1L’Allemagne a ratifié le Pacte le 17 décembre 1973 et les Etats-Unis d’Amérique le 8 juin 1992. - 3 -

1. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et les droits de l’homme

reconnus aux étrangers dans les affaires où ils encourent une peine capitale

17. Permettez-moi de rappeler en les citant les dispositions pertinentes du Pacte. Aux

termes de l’article 14 :

«Tous sont égaux devant les tribunaux et les cours de justice. Toute personne a
droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal

compétent, indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit du bien-fondé
de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle, soit des contestations sur ses
droits et obligations de caractère civil.»

L’article 6 dispose notamment :

«1. Le droit à la vie est inhérent à la personne humaine. Ce droit doit être
protégé par la loi. Nul ne peut être arbitrairement privé de la vie.

2. Dans les pays où la peine de mort n’ a pas été abolie, une sentence de mort ne
peut être prononcée que pour les crimes les plus graves, conformément à la législation

en vigueur au moment où le crime a été commis…»

Le paragraphe2 de l’article 2 fait en particulier obligation aux Etats parties «de prendre»…[les

arrangements nécessaires pour] l’adoption de…me sures d’ordre législatif ou autre, propres à

donner effet aux droits reconnus dans le présent Pacte».

Les dispositions que je viens de citer sont liées les unes aux autres. L’article 6 exige des

garanties spéciales de procédure dans les affair es où l’inculpé encourt la peine de mort et

l’article14 énonce des règles aux fins d’une bonne administration de la justice. Le Comité des

droit de l’homme a souligné dans plusieurs cas que la «législation en vigueur» dont il est question

au paragraphe 2 de l’article 6 concernant le dro it à la vie comprend des garanties non seulement de

fond mais aussi de procédure 2. Le Comité l’a également confir mé dans son observation générale

3
relative à l’article6 . L’article 2 du Pacte est conçu pour pe rmettre l’exercice effectif des droits

qu’il énonce dans le système juridique des Etats parties.

18. Les droits reconnus en vertu de l’artic le36 de la convention sur les relations

consulaires contribuent à garantir que les étrangers se trouvent sur un pi ed d’égalité avec les

ressortissants du pays de résidence. A ce sujet, la Cour interaméricaine des droits de l’homme a

donné il y a un an une explication importante, que voici : on doit prendre en considération

2 o o
Mbosge, communication n 16/1977 (1983), par. 17, Reid c. Jamaïque, n 250/1987, Human Rights Law Journal
11 (1990), n 3-4, p. 321, par. 11.5; Wright c. Jamaica, Human Rights Law Journal 13 (1992), p. 351, par. 8.7.
3 e
Observation générale relative à l’article 6 adoptée à la 16 session en 1982, par. 7. - 4 -

«la situation concrète dans laquelle se tr ouvent les étrangers contre lesquels est
instituée une procédure pénale. Leurs droits les plus précieux devant les tribunaux,

peut-être même leur vie, sont en jeu. Dans ces conditions, manifestement, savoir
qu’ils ont le droit de se mettre en rapport avec l’agent consulaire de leur pays améliore
considérablement leurs chances de se défendre et la procédure, dans l’affaire qui les

concerne, y compris les enquêtes de la poli ce, sera plus vraisemblablement conduite 4
conformément au droit dans le respect de la dignité de la personne humaine.»
[Traduction du Greffe.]

La Cour a donc estimé que :

«le droit de chacun à être informé, qui est reconnu à l’alinéa b) du paragraphe1 de
l’article 36 de la convention de Vienne sur les relations consulaires, fait … que le droit

à une bonne ad5inistration de la justice peut … avoir des effets pratiques dans des cas
concrets…»

19. Dans ces conditions, Monsieur le président, l’évolution du droit relatif aux droits de

l’homme renforce l’argumentation de l’Allemagne, qui est que l’article36 a toujours été, et

continue d’être, un droit de l’individu dont la composante «droits de l’homme» est importante

parce que cette disposition garantit la régularité de la procédure.

2. Article 36, le droit à la vie et la peine de mort

20. Monsieur le président, Madame et Messieurs les Membres de la Cour, j’ai déjà rappelé

quelle importance revêt le droit à la vie dans la présente affaire. Ainsi que l’Allemagne l’a

souligné d’emblée, la présente affaire ne concerne pas la légalité internationale vel non de la peine

de mort en tant que telle. Toutefois, cela ne signifie pas que la peine de mort soit ici sans

importance au regard des violations de l’article 36 de la conventi on de Vienne par les autorités des

Etats-Unis. Au contraire, l’article 36 de la convention sur les relations consulaires représentant une

garantie de procès équitable au sens du pacte international relatif aux droits civils et politiques, cela

revient à dire que si elle est suivie d’une exécu tion, une violation de l’article 36 sera aussi une

violation du droit à la vie consacré par l’article6 du pacte. Dans cette perspective, le comité des

droits de l’homme a observé dans l’affaire Lynden Champagnie c. Jamaïca, que «prononcer une

peine de mort à l’issue d’un procès où les dispos itions du pacte n’ont pas été respectées constitue,

si aucun autre recours contre ladite peine n’est possible, une violation de l’article 6 du pacte» 6.

4Avis consultatif OC-16/1999, par. 121.

5Ibid., par. 124.
6
Lynden Champagnie et al v. Jamaica, communication No 445/1991, International Human Righrts Reports
(1995), vol. 2, p. 106, par. 7.4. - 5 -

21. Dans les affaires où l’accusé est passible de la peine de mort, l’article 6 demande que

les garanties procédurales comme celles que constitue l’article36 de la convention de Vienne

soient respectées plus scrupuleusement encore que dans d’autres situations. La peine de mort est

un type de châtiment très particulier. Comme la Cour suprême des Etats-Unis l’a indiqué :

«[L]a mort est une catégorie de peine diff érente de toutes celles qui peuvent être

infligées dans ce pays. Du point de vue de l’accusé, elle diffère tant par sa sévérité
que par son aspect définitif… Du point de vue de la société, l’acte du souverain qui
prend la vie de l’un de ses citoyens diff ère aussi radicalement de tout autre acte
légitime de l’Etat.» 7 [Traduction du Greffe.]

La Cour interaméricaine des droits de l’homme, la Cour européenne des droits de l’homme et les

organes internationaux chargés de vérifier si les dr oits de l’homme sont re spectés, partagent tous

cette opinion. Il n’y a pas seulement une différ ence d’ampleur de la sanction, mais aussi une

différence de nature : alors qu’une certaine forme de restitutio in integrum est possible dans toutes

les affaires pénales n’entraînant pas d’exécution, «l a mort est autre» parce qu’ elle est irréversible.

Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, comme vous n’avez pas manqué de le

remarquer dans votre ordonnance du 3 mars 1999, l’exécution de Walter LaGrand a bien porté «un

8
préjudice irréparable aux droits revendiqués par l’Allemagne au cas particulier» .

22. Ainsi, une violation de l’article 36 dans le contexte d’un accident de la circulation ou

de questions de visa ⎯ si regrettable qu’elle puisse être ⎯ est différente d’une violation de l’article

36 dans une action conduisant à l’exécution d’un accu sé. Selon la Cour interaméricaine des droits

de l’homme,

«Il est évident que l’obligation de respec ter le droit à l’information devient ici

absolument impérieuse, étant donné le caractère exceptionnellement grave et
irréparable de la peine encourue par un condamné à mort. Si le respect de la légalité,
avec tous les droits et les garanties y a fférents, s’impose quelles que soient les

circonstances, il devient en l’occurrence d’autant plus important que le droit suprême
que toutes les conventions et les déclarations relatives aux droits de l’homme
reconnaissent et protègent est en jeu : la vie humaine.» [Traduction du Greffe.]

Se conformer à l’article 36 dans les affaires ou l’ accusé est passible de la peine capitale est une

question de vie et de mort. En conséquence, prononcer la peine de mort exige un respect aussi

7 Gardner v. Florida, 430 U.S. 349, p. 357-58 (1997) (références omises) (opinion de plusieursOhio Adult
Parole Authority v. Woodward, 118 S. Ct. 1244, 1256 (1998) (opinion dissidente de Stevens).
8
LaGrand (Allemagne c. Etats-Unis d’Amérique) , mesures conservatoires, ordonnance du 3 mars 1999,
C.I.J. Recueil 1999, p. 9, par. 24.
9
Avis consultatif OC-16/1999, par. 135. - 6 -

strict que possible de toutes les garanties proc édurales, y compris de l’article 36. Ainsi que la

Cour interaméricaine l’a indiqué :

«L’inobservation du droit à l’information d’un détenu de nationalité étrangère,
reconnu par l’alinéa b) du paragraphe 1 de l’article 36 de la convention de Vienne sur
les relations consulaires, est une atteinte aux garanties de procédure régulière; en
pareilles circonstances, infliger la peine de mort est une violation du droit à ne pas être
«arbitrairement» privé de sa vie, suivant le s dispositions pertinentes des traités relatifs

aux droits de l’homme, avec les consé quences juridiques qui s’attachent à une
violation de cette nature, à savoir celles ayant trait à la responsabilité internationale de
l’Etat et au devoir de réparation.» 10 [Traduction du Greffe.]

3. Conséquences

23. Monsieur le président, l’Allemagne soutient donc que l’impact de la composante «droit

individuel» et de la composante «droit de l’ homme» des droits prévus à l’article36 de la

convention de Vienne est triple: premièrement, puisque la violation de l’article36 par les

Etats-Unis ne porte pas seulement atteinte aux dro its de l’Allemagne en tant qu’Etat partie à la

convention mais constitue également une violation des droits individuels des frèresLaGrand,

l’Allemagne est fondée à formuler une réclamation au titre de la protection diplomatique de ses

ressortissants. Deuxièmement, le caractère de droit de l’homme que revêt le droit prévu à

l’article 36 rend l’effectivité de cette disposition plus impérieu se encore. Par là même et

troisièmement, l’application effective de l’article 36 devant les tribunaux nationaux suppose que les

Etats-Unis reconnaissent le droit des étrangers à former des recours contre les violations de la

convention de Vienne et que leur législation n’oppose pas d’obstacle procédural à l’accusé ou ne la

sanctionne pas pour ne pas avoir fait valoir un tel droit avant le moment où les Etats-Unis ont

procédé à la notification voulue.

IV. Conclusion

24. En conclusion, Monsieur le président, laissez-moi résumer les réclamations de

l’Allemagne concernant les violations par les Et ats-Unis de la convention de Vienne sur les

relations consulaires :

10Ibid., par. 131. - 7 -

⎯ en n’informant pas sans retard Karl et Walter LaGrand du droit qu’ils avaient d’aviser leur

poste consulaire, les Etats-Unis ont violé l’alinéab) du paragraphe1 de l’article36 de la

convention de Vienne sur les relations consulaires;

⎯ en violant ainsi les dispositions de l’alinéa b) du paragraphe 1 de l’article 36, les Etats-Unis ont

également violé les alinéas a) et c) du paragraphe 1 de l’article 36 car ils ont rendu impossible

l’exercice de la communication consulaire entre l’Allemagne et ses ressortissants;

⎯ en appliquant leurs règles de droit interne, tout particulièrement celle de la carence procédurale

et celles de la loi sur l’anti-terrorisme et lapplication effective de la peine de mort qui

interdisaient aux frères LaGrand de soulever la question de la violation de leurs droits, les

Etats-Unis ont aussi violé le paragraphe 2 de l’article 36 de la convention de Vienne;

⎯ en se fondant sur ces violations des droits i ndividuels de ses nationaux, l’Allemagne saisit la

Cour, non seulement en son nom propre, mais aussi au titre de son droit à assurer la protection

diplomatique de ses ressortissants.

25. Monsieur le président, Madame et Me ssieurs les Membres de la Cour, me voici

parvenu au terme de l’exposé de l’Allemagne sur ce point. Je vous remercie vivement de votre

courtoisie et de l’attention que vous avez bien voulu me porter et je demanderai maintenant à

M. Donovan de présenter notre argumentation surle lien de causalité et l’effet préjudiciable.

Le PRESIDENT: Je vous remercie, Monsieur le professeur, et je donne maintenant la

parole à M. Donovan.

DOMNO.:VAN

VII. E FFETS PREJUDICIABLES ET LIEN DE CAUSALITE

1. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, certes c’est un privilège que de

prendre la parole devant la Cour, toutefois je re grette les circonstances qui amènent les Etats-Unis

et l’Allemagne ici. Comme l’a déclaré M. Westdi ckenberg ce matin, la conduite pour laquelle les

LaGrand ont été condamnés ne peut être que prof ondément, très profondément déplorée et les

souffrances qu’elle a causées doivent être profondément, très profondément regrettées. Ni le crime

ni le châtiment ne sont jamais plaisants et les circonstances qui entourent la présente affaire ne - 8 -

sauraient nous distraire des importantes questi ons de droit international qu’ont soulevées la

condamnation des frères LaGrand et la peine prononcée contre eux. Je vais répondre à l’argument

des Etats-Unis suivant lequel l’Allemagne n’est pas parvenue à démontrer que les violations de la

convention de Vienne dont ils se sont reconnus coupables dans les affaires de Karl et de

WalterLaGrand aient eu quelque conséquence que ce soit. En particulier, les Etats-Unis

prétendent que les affirmations de l’Allemagne sur le rôle qu’aurait tenu l’assistance consulaire

sont, suivant leurs termes mêmes, «conjecturales et injustifiées» ⎯qu’elles ne sont, d’après eux

encore, que «des suppositions qu’avance l’Allemagne au sujet de ce qui aurait pu se passer si les

frères LaGrand avaient été informés comme il se doit» de leur droit de faire avertir leur consulat 1.

Bref, selon les Etats-Unis, les violations n’ont rien changé à l’affaire.

2. Pour prouver le contraire, je vais procéder en trois étapes. D’abord, je présenterai les

circonstances ayant valeur probatoire dans lesquelle s l’Allemagne saisit la Cour de cette affaire et

lui soumettrai des propositions sur la manière dont el le devrait en tenir compte si elle prend toute

décision concrète qui pourrait s’imposer.

3. En deuxième lieu, j’examinerai les éléments de preuve présentés par l’Allemagne, qui

démontrent de façon convaincante que ⎯exactement comme les rédacteurs de la convention de

Vienne, tout comme les Etats signataires de celle-ci, l’ont supposé ⎯ il y a tout lieu de penser que

la notification consulaire aurait modifié la situation dans les affaires qui nous intéressent.

4. Enfin, j’ajouterai quelques mots sur le co ntexte particulier dans lequel ont été commises

les violations en cause de la convention de Vienne ⎯à savoir une affaire de crime passible de la

peine capitale, où la vie de ressortissants de l’Etat d’envoi était en jeu.

5. Cela dit, je voudrais commencer par une remarque préliminaire. Les Etats-Unis

prétendent au chapitreIV de leur réfutation des faits que s’ils s’étaient conformés à leurs

obligations de notification consulai re, cela n’aurait rien changé au sort des frères LaGrand. Mais

les Etats-Unis ne tirent de là aucune conséquence juridique. Il s’ensuit que, les parties ayant défini

les questions dont elles saisissaient la Cour, les Etats-Unis n’invoquent nullement l’absence

éventuelle de lien de causalité ni l’absence éven tuelle d’effets préjudiciables pour réfuter l’une

11Contre-mémoire, par. 24-25. - 9 -

quelconque des quatre conclusions de l’Allemagne. Par voie de conséquence, à l’inverse, la Cour

n’a pas à se prononcer concrètement sur aucune de ces questions. Nonobstant cette remarque

préliminaire, l’Allemagne tient à répondre à l’argument des Etats-Unis suivant lequel les violations

n’ont pas eu de conséquences, parce que celles qu’elles ont eues en l’espèce aident à comprendre la

teneur et l’importance de ces droits à la notifi cation consulaire auxquels nous nous intéressons

présentement.

6. Je passe maintenant à la production des élém ents de preuve. Si la Cour juge nécessaire

d’établir tel ou tel fait litigieux, l’ Allemagne la prie de bien vouloi r le faire en tenant compte de

deux obstacles concrets à la production de preu ves auxquels a été confrontée l’Allemagne du fait

de mesures prises par les Etats-Unis.

7. Tout d’abord, au risque d’énoncer des évidences, s’il y a dans la présente affaire une

quelconque question de lien causal, elle se pose pa rce que les Etats-Unis n’ont pas respecté leurs

obligations de notification consulaire en application de la convention de Vienne. Lorsque les Etats-

Unis essaient de dénigrer la démonstration factuelle de l’Allemagne en la qualifiant «de

spéculation» et de «conjecture», ils feignent d’ ignorer l’évidente réalité qui est que l’Allemagne

doit faire valoir sa position sur ce qui «serait arri vé» au lieu de ce qui «est arrivé» précisément

parce que, en raison du manquement des Etats-Unis, l’Allemagne n’a pu avoir accès à une trace

historique d’un événement concret. En d’autres termes, c’est le comportement même des Etats-

Unis qui oblige l’Allemagne à argumenter sur ce qui aurait été, ou aurait dû être, au lieu de ce qui

fut. Sur ce plan, de surcroît, la longue pé riode écoulée depuis les événements pertinents ⎯ du fait

encore du manquement des Etats-Unis ⎯ épaissit les obstacles auxquels se heurte l’Allemagne

pour obtenir des preuves de ce qu’elle avance.

8. Que ce point soit traité comme une règl e de la preuve ou un principe général d’estoppel,

on ne saurait laisser les Etats-Unis tirer quelqu e avantage que ce soit d’une violation qu’ils ont

commise. Il s’ensuit qu’au minimum, la démonstr ation par l’Allemagne des conséquences de la

violation des Etats-Unis doit être évaluée à la lumière des difficultés intrinsèques que rencontre une

partie pour recomposer une série d’événements su pposés, en particulier après qu’il s’est écoulé un

temps aussi long. Cela étant, s’il faut démont rer l’existence d’un quelconque lien de causalité, il

conviendrait ici, en raison des circonstances, que la Cour, présume en premier lieu que ce lien - 10 -

existe, et en second lieu, demande aux Etats-Unis d’aller au-delà de la présomption en apportant la

preuve que leur manquement n’a pas pu avoir d’incidence sur la condamnation ni la peine.

9. Deuxièmement, et de façon plus radicale encore, les Etats-Unis ont en l’occurrence, et

toujours par les mesures qu’ils ont prises eux-mê mes, privé l’Allemagne de sa meilleure source de

preuves sur les points concernant ce que les LaGran d auraient fait s’ils avaient été avisés de leur

droit de prévenir leur poste consulaire ⎯et cette source, bien entendu, aurait été Karl et

WalterLaGrand eux-mêmes. Certes, Karl LaGrand a été exécuté avant que la Cour ne rende son

ordonnance en indication de mesures conserva toires, mais il n’en demeure pas moins que

l’Allemagne n’a pas accès à son témoignage parce qu’il avait été exécuté. En conséquence, aux

fins de la présente action, entre l’Allemagne et les Etats-Unis, ce devrait être aux Etats-Unis de

pâtir de son absence, et l’Allemagne devrait bénéfi cier d’une décision la protégeant des préjudices

en matière de production de preuves qu’elle pourrait subir du fait de cette absence.

10. Il va sans dire que le droit de l’Alle magne à une décision conservatoire dans l’affaire

de WalterLaGrand est encore renf orcé par le fait que, comme le sa it la Cour, il a été exécuté au

mépris ouvert de l’ordonnance par laquelle celle-ci indiquait des mesures conservatoires.

11. Tant en vertu de son propre Règlement qu’au titre de sa compétence intrinsèque, la

Cour a incontestablement le pouvoir de définir les moyens par lesquels elle établira les faits

controversés 12. Ce pouvoir s’étend à celui de formuler des conclusions sans appel lorsqu’une partie

la prive de preuves pertinentes en refusant de les fournir ou, comme c’est le cas ici, en empêchant

la partie adverse de le faire 1.

12. La Cour doit appliquer ce principe en l’ espèce. Soit à titre de sanction pour avoir

enfreint les dispositions de l’or donnance indiquant des mesures c onservatoires, soit au titre de sa

compétence intrinsèque, la Cour doit protéger l’A llemagne des effets préjudiciables du défaut de

12
Par exemple, Statut de la Cour internationale de Justice, art. 48 et 49, Règlement de la Cour, art. 62, affaire des
Essais nucléaires (Australie c. France), arrêt, C.I.J. Recueil 1973, p. 253, par. 23; Sir Gerald Fitzmaurice, "The Law and
Procedure of the Interna tional Court of Justice , 1951-1954: Questions of Jurisdiction, Competence and Procedure",
1958 Brit. Y. B. Int’l L. 117 & n.1 ; voir aussi demande conditionnelle de la République du Paraguay tendant à ce que soit
rendue une ordonnance établissant certains faits de manière incontestable (9octobre1998), affaire relative à la
Convention de Vienne sur les relations consulaires (Paraguay c. Etats-Unis d’Amérique), par. 5.49-5.50.

13Sir Gerald Fitzmaurice, voir ci-dessus n 2, p. 51; Gilbert Guillaume, «Preuves et mesures d’instruction», dans
La juridiction internationale permanente : colloque de Lyon (1987), p.196. Application de la co nvention pour la
prévention et la répression du crime de génocide, mesures conservatoires, ordonnance du 13septembre1993, opinion
séparée de M.Shahabuddeen , C.I.J. Recueil 1993, p.368 (1993) (citation de E.Dumbauld, Interim Measures of
Protection in International Controversies 161 (1932). - 11 -

preuve imputable à l’exécution des LaGrand en considérant toute question controversée pour

lesquelles leur témoignage aurait été utile comme tranchée en faveur de l’Allemagne.

13. Il se trouve cependant que, en matière de preuves, l’Allemagne n’a pas besoin d’une

telle décision. Je passe donc à mon second point. En l’état présent, il est tout à fait évident que le

tort considérable causé tant à l’Allemagne qu’à se s ressortissants l’a été par le non-respect de la

notification consulaire dans les affaires de Karl et de Walter LaGrand.

14. L’exemple le plus marquant porte su r la complète inefficacité des arguments

concernant les circonstances atté nuantes présentées au nom des LaGrand. Ainsi que l’Allemagne

l’a expliqué dans son mémoire, une bonne argumentation de la défense sur les circonstances

14
atténuantes est une partie essentielle d’un système de défense contre la peine de mort . Comme

l’indique la spécialiste en atténuation de peine dont la déclaration figure dans les annexes au

mémoire de l’Allemagne, la seule façon d’exploiter dans une affaire les circonstances atténuantes

consiste à d’abord rassembler un dossier très complet et fouillé sur les antécédents sociaux de

15
l’accusé auprès de sources fiables et indépendantes . La spécialiste déclare en outre, s’agissant

plus particulièrement de Walter LaGrand : «il apparaît qu’aucun dossier de ce genre n’a jamais été

préparé et qu’aucune enquête sérieuse n’a été me née», nonobstant «des indicateurs évidents de

circonstances atténuantes importantes», notamment une «enfance placée sous le signe de la

violence et du chaos», un «isolement culturel et ra cial», et des «négligences attestées dès le plus

jeune âge, à un tel point que les enfants LaGr and durent être hospitalisés pour malnutrition à

diverses reprises, et que des poursuites pénales ont été intentées contre la personne qui s’occupait

16
d’eux» . Cette appréciation de l’expert en ce qu i concerne l’affaire de Walter fait écho à

l’«affidavit» (déclaration sous serment) de l’avocat de Karl, cité ce matin, qui indique qu’il n’y a eu

aucune tentative de ce type non plus pour fonder des circonstances atténuantes en ce qui concerne

Karl. Une comparaison entre la description de l’ex pert dans l’affidavit produit à la Cour de ce que

doit être une argumentation professionnelle prés entant des circonstances atténuantes et la

retranscription de l’audience relative aux ci rconstances aggravantes et atténuantes dans

14Mémoire, par. 4.61-4.67.

15Déclaration de Holdman, par. 7-13, mémoire, annexe 49, p. 1104-1106.
16
Déclaration de Holdman, par.13, mémoire, annexe49, p.1106-1107; voir aussi affidavit de Henry, par.2-6,
mémoire, annexe 52, p. 1215-1216; affidavit de Hirsh, par. 9-13, mémoire, annexe 50, p. 1113-1115. - 12 -

l’affaire LaGrand ― qui est aussi à la disposition de la Cour ― illustre très clairement les lacunes

17
de la défense dans la phase de détermination de leur peine .

15. Ce qui se serait passé si les fonctionnaires consulaires allemands avaient pu prêter leur

assistance est parfaitement démontré par ce qui s’est produit après qu’ils aient été consultés.

L’Allemagne n’a pas eu l’occasion d’étudier le document qui a été présenté à la Cour aujourd’hui

concernant une affaire différente, mais quels qu’aient été les faits de cette autre affaire, ils ne

sauraient être aussi convaincants que les événem ents concrets peuvent l’être dans l’affaire

desLaGrand. Dans leur cas, les fonctionnaires consulaires allemands ont commencé par fournir

l’assistance financière et logistique qui a permis de trouver et de rassembler les preuves d’abandon

et de maltraitance très graves subis par les LaGrand pendant leur prime enfance et leur enfance en

Allemagne 18. L’assistance consulaire prêtée par l’ Allemagne après1992 a également facilité

l’accès à des archives d’Etat qui ont aidé à lo caliser d’autres témoins, notamment le père

biologique de Walter LaGrand qui a fourni des renseignements importants sur la conduite de la

19
mère de Karl et de Walter pendant leur prime jeunesse . Il est légitime de conclure, au demeurant,

que les fonctionnaires consulaires allemands auraient été plus utiles encore si l’on avait pris contact

avec eux quand Karl et Walter ont été arrêtés en1982, car tant les témoins que les documents

auraient été beaucoup plus faciles à trouver dix ans auparavant.

16. Contrairement à ce que disent les Etats-Un is, les informations données dans le rapport

pré-sentenciel mis à la disposition du juge de première instance ne rende nt nullement compte du

profond abandon moral que les LaGrand ont connu dans leur enfance 20, et en aucun cas une

mention dans un tel rapport ne saurait remplacer un bon exposé de fond présenté à une phase de

détermination de la peine et étayé par des témo ignages appropriés d’experts. Les preuves de

circonstances atténuantes tenant à l’enfance extrêmement perturbée et au cadre familial des

LaGrand en Allemagne et aux Etats-Unis aura ient revêtu une grande importance dans la

17Mémoire, annexe 5, p. 309-423.
18
Troisième requête pour recours post-condamnation (de mars1999), mémoire, annexe51, p.1119-1127;
affidavit de Henry, par. 3-4, mémoire, annexe 52, p. 1215.
19
Affidavit de Henry, par.4, mémoire, annexe52, p. 1115; affidavit de Molina Lopez, mémoire, annexe54,
p. 1223-1226.
20Comparer le contre-mémoire, par.37-44 avec le contre-mémoire, pièce6; voir aussi mémoire, annexe5,
p. 309-422. - 13 -

détermination de la peine. La cour suprême de l’Arizona, par exemple, s’est récemment fondée sur

la preuve que l’accusé avait subi de graves violences dans son enfance et était assez jeune à

l’époque du crime pour justifier sa décision d’annu ler un verdict de peine de mort, bien qu’elle ait

aussi relevé dans cette affaire les preuves de facteurs aggravants que constituait concrètement le

fait que le crime avait été commis pour de l’ar gent et de façon particulièrement cruelle 2. Dans

l’affaire des LaGrand, toutefois, du fait de la violation par les Etats-Unis du paragraphe1 de

l’article36, le tribunal de pr emière instance n’a pas pu prendre connaissance de preuves

essentielles de circonstances atté nuantes pendant la phase de déterm ination de la peine; en raison

de la violation par les Etats-Unis du paragraphe 2 de l’article 36, aucun tribunal n’a été autorisé une

fois l’affaire mise en état à étudier celles-ci.

17. Je passe maintenant à mon troisième et dernier point. L’Allemagne se permet de dire

respectueusement que la Cour devrait hésiter long uement et beaucoup mûrir sa réflexion avant de

rejoindre les Etats-Unis et de n’accorder qu’une importance minimale aux droits de notification

consulaire, alors qu’au contraire les Etats partie s eux-mêmes attachaient de façon si évidente

beaucoup d’importance à ces droits.

18. Cette prudence doit être particulièrement fo rte dans la présente affaire parce que, bien

sûr, elle met en jeu la peine de mort, situation où l’intérêt qu’a l’Etat d’envoi à protéger ses

ressortissants atteint son paroxysme. Certes, cette affaire ne porte nullement sur la légalité de la

peine de mort au regard du droit international, mais la Cour doit reconnaître, comme l’a fait la Cour

interaméricaine des droits de l’homme, que dans une affaire où les accusés sont passibles de la

peine capitale, les garanties procédurales doivent être respectées de la façon la plus stricte et la plus

rigoureuse. Au nom du même principe, l’idée, comme celle que présentent ici les Etats-Unis,

qu’une violation de la convention de Vienne reconnue comme telle n’a eu aucune conséquence

dans une affaire qui s’est terminée par une cond amnation à la peine de mort doit être examinée

selon des critères tout aussi stricts et rigoureux.

21
State v. Trostle, 191Ariz.4, 19-21, 951P.2d 869, 884-86 (Ariz. 1997); voir aussState v. McMurtrey,
136 Ariz. 93, 101-02, 664 P.2d 637, 645-46 (Ariz. 1983). - 14 -

19. L’importance potentielle de la notificati on consulaire dans une affaire où la peine

capitale est en jeu ne peut être pleinement appréciée qu’examinée dans le contexte des difficultés

abondamment reconnues de l’administration de la peine de mort aux Etats-Unis.

20. En 1972, la Cour suprême des Etats-Unis a effectivement suspen du la peine capitale

aux Etats-Unis lorsqu’elle a déclaré que la législ ation en vigueur permettait d’infliger de façon

22
arbitraire et aléatoire la peine de mort . L’un des juges qui s’était rallié à cette position a expliqué

son vote en indiquant qu’arrivé à sa conclusi on, il ne pouvait donner qu’une conclusion ― ce sont

les termes mêmes du juge White ― fondée sur dix ans d’une confrontation presque quotidienne

avec les faits et les circonstanc es propres à des centaines et des centaines d’affaires pénales à

l’échelon fédéral et à celui des Etats, impliquant des crimes pour lesquels la mort est la peine

prévue. Et cette conclusion était pour lui la suivan te : «La peine de mort est très rarement requise

même pour les crimes les plus atroces», et «on ne saurait se fonder sur aucun élément significatif

pour distinguer les quelques cas dans lesquels [la peine de mort] est infligée de ceux, fort

nombreux, dans lesquels elle ne l’est pas»; un au tre juge également favorable à cette position s’est

dit préoccupé de ce qu’un des critères possibles de distinction puisse être le «critère de la race

23
inadmissible [constitutionnellement]» .

21. Quatre ans plus tard, la Cour suprême a effectivement levé cette suspension de la peine

capitale en approuvant une loi prévoyant la pein e de mort qui, selon la Cour, palliait les aspects

inconstitutionnels des lois de la génération antérieure en donnant aux juges et aux jurys une «liberté

d’appréciation encadrée» sous la forme d’une pr océdure séparée de détermination de la peine 24.

Vers la même époque, la Cour suprême a également posé un impératif de détermination

individualisée de la peine en déclarant inconstituti onnelles les lois qui imposaient la peine de mort

pour des crimes déterminés ou restreignaient la latitude qu’avait le juge de tenir compte de

circonstances atténuantes 25. Ces exemples et d’autres affaires connexes procédaient de l’action

menée pour que la peine de mort ne soit infligée que de manière équitable, cohérente et impartiale.

22Furman v. Georgia, 408 US 238 (1972).

23Furman, 408 US p. 313 (opinion convergente de M. White), p. 310 (opinion convergente de M. Stewart).
24
Gregg v. Georgia, 428 US 153 (1976).
25Woodson v. North Carolina, 428 US 280 (1976); Lockett v. Ohio, 438 US 586 (1978). - 15 -

22. Un quart de siècle plus tard, il est clair que la tentative a échoué. Ainsi, l’American

Bar Association, qui compte plusieurs centaines de milliers de membres, qui est de loin

l’association professionnelle de juristes la plus importante et la plus influente des Etats-Unis, et qui

n’est pas opposée systématiquement à la peine de mort en soi, a demandé en 1997 un moratoire sur

les exécutions dans les juridictio ns qui continuent d’appliquer la peine capitale jusqu’au moment

où il serait possible d’adopter une série de réformes fondamentales. Dans le rapport qui

accompagnait la résolution, l’administration de la peine de mort aux Etats-Unis était qualifiée de

26
«dédale aléatoire de pratiques inéquitables sans cohérence interne» .

23. On a beaucoup écrit sur l’application de la peine de mort aux Etats-Unis, et

l’Allemagne n’a pas l’intention de donner un aperçu de cette littérature. Aux fins que nous

poursuivons, il suffit de souligner trois défauts fondamentaux que les spécialistes et autres

observateurs, notamment l’American Bar Association, ont relevés. Chacun d’entre eux ― la

médiocrité généralisée des conseils dans les affaires où la peine capitale est en jeu, les restrictions

étroites apportées au réexamen des peines de mort après la condamnation, et la persistance de la

discrimination raciale dans la déte rmination de la peine capitale ― éveille une résonance dans

l’affaire des LaGrand. Je répète que ce n’est, bien entendu, pas de la question de la peine de mort

que la Cour est saisie, mais je rends compte des di fficultés, car les droits en jeu ici ne peuvent être

effectivement évalués que dans le contexte concret dans lequel ils auraient pu être exercés.

24. La première difficulté, du moins selo n l’interprétation de la Cour suprême des

Etats-Unis, tient à ce que la garantie constitutionnelle de l’assistance d’un conseil ne garantit pas en

fait que le conseil sera à la hauteur de la tâche qui consiste à défendre un accusé passible de la

peine capitale; comme le dit sans ambages un juge d’une juridiction de recours fédérale, «cela ne

signifie pas que l’accusé, même passible de la pein e capitale, doive être représenté par un conseil

capable ou efficace» 27. Cette observation fait écho aux commen taires de la juridiction de recours

de l’Arizona cités ce matin. Une étude parue en 1994 dans le Yale Law Journal concluait qu’«une

représentation juridique médiocre … est la norme da ns les juridictions qui comptent le plus de

26American Bar Association, Death Penalty Moratorium Resolution and Report , p.1 (adopté le 3 février 1997)
[ci-après rapport de l’American Bar Association 1997].
27 th
Rites v. McCotter, 799 F.2d 947, 955 (5 Cir. 1986) (le juge J. Rubin faisait partie de la majorité). - 16 -

28
condamnations à la peine de mort» . Il n’y a rien d’étonnant à ce que les spécialistes, eux aussi,

souscrivent largement à l’idée que les accusés indi gents risquent beaucoup pl us d’être représentés

par des avocats insuffisamment qualifiés et risque nt de ce fait plus facilement la peine de mort 29.

Ils attribuent ce problème à l’insuffisance des rému nérations des avocats dans les affaires de peine

de mort, à la relative inexpérience d’un bon nombre d’entre eux et au volume de travail toujours

croissant des avocats rémunérés à l’aide de fonds publics qui représentent des accusés indigents

30
passibles de la peine capitale . Pourtant le rapport de 1997 de l’American Bar Association

indiquait que :

«les juridictions qui infligent la peine de mort se sont montrées peu disposées à établir

le type de services juridiques nécessaires pour permettre aux accusés inculpés de31élits
passibles de la peine de mort d’être défendus comme ils le devraient» .

25. La deuxième difficulté, à savoir que la médiocrité fréquente des conseils de la défense

dans les affaires de peine capitale est encore plus préoccupante lorsqu’elle est associée aux

restrictions couramment imposées au réexamen après condamnation, ce qui rend difficile ou

impossible toute tentative pour remédier à une mauv aise prestation lors du procès. Le regretté

Thurgood Marshall qualifiait cette association d’«engre nage pernicieux», et c’est bien de cela qu’il

s’agit32. Reconnaissant l’existence du même problème, l’American Bar Association demandait

notamment dans son rapport de1997 des modifi cations à la législation fédérale en matière

d’habeas corpus, permettant aux juridictions fédérales d’«examiner les demandes qui n’ont pas été

formées correctement dans une juridiction étatique si le manquement du détenu a pour cause

33
l’ignorance ou la négligence de son conseil» ―une réforme qui aurait permis aux juridictions

28Stephen J. Bright, conseil pour les personnes démunies : "The Death Sentence Not for the Worst Crime but for
the Worst Lawyer" , 103 Yale L.J. 1835, 1840 (1994); voir aussi American Bar Association , "Toward a More Just and

Effective System of Review in State Death Penalty Cases", Am. U. L. Rev. 1, vol. 40, p. 76-92 (1990).
29Mémoire, par. 4.70, note 264 (citant les publications des théoriciens américains).

30Voir Bright, note 19 ci-dessus, Yale L. J. , vol.103, p.1840 (qui décrit les ressources plus importantes
consacrées aux poursuites et la lourde charge de travail des avocats de la défense dans les affaires où la peine de mort est
en jeu); Douglas W. Vick, "Poorhouse Justice : Underfunded Indigent Defense Services and Arbitrary Death Sentence",

Buff L. Rev., vol. 43, p. 329 (1995) (qui examine l’insuffisance des ressources publiques pour les représentants de la
défense dans les affaires où la peine capitale est en jeu).
31Rapport de l’American Bar Association de 1997, p. 6.

32Thurgood Marshall, "Remarks at the Second Circuit Judicial Conference", 86 Column L. Rev. 1, 2 (1986).

33Rapport de l’American Bar Association de 1997, p. 2. - 17 -

fédérales d’entendre les revendications au fond des LaGrand concernant la convention de Vienne,

et qui va dans le sens, selon l’Allemagne, des prescriptions du paragraphe 2 de l’article 36.

26. Le problème ne porte pas sur des détails techniques. Une étude récente du taux

d’erreurs dans les affaires où l’accusé est passible de la peine de mort réalisée par

M.JamesLiebman, de la faculté de droit de l’ Université Columbia, a montré que soixante-huit

pour cent des condamnations à la peine capitale prononcées au cours de la période 1973-1995 se

sont révélées entachées d’erreurs préjudicielle s entraînant l’annulation par une juridiction

34
supérieure . Quatre-vingt deux pour cent de ces cas d’erreur ont débouché sur le prononcé d’une

peine moins lourde que la mort pour l’accusé, tand is que sept pour cent se sont soldés par un

35
acquittement . Mais comme le montre la promulgation de la loi de1996 sur l’antiterrorisme et

l’application effective de la peine de mort, la tendance s’oriente très nettement vers un surcroît de

restrictions et ne favorise guère le réexamen.

27. Enfin, il existe des preuves convaincantes de ce que les condamnations à mort

continuent, aux Etats-Unis, à être entachées de di scrimination raciale. Des études ont montré que

la probabilité qu’un individu convaincu d’un crime po ur lequel il encourt la peine capitale soit

condamné à mort est beaucoup plus élevée lorsqu’il appartient à une minorité raciale que lorsqu’il

36
s’agit d’un Blanc . Il ressort d’une étude du département de la justice datant d’à peine deux mois

que 65% des personnes condamnées à mort par les tribunaux fédéraux au cours des douze

37
dernières années étaient membres de minorités . Des études ont également fait apparaître que les

membres de minorités raciales convaincus de crimes contre des Blancs courent un risque beaucoup

plus élevé d’être condamnés à mort que les membres de minorités raciales ayant commis des

38
crimes contre des membres d’autres minorités . Malgré certains efforts de réforme, des études

34
James S. Liebman, "A Broken System: Error Rates in Capital Cases, 1973-1995" (Columbia University
School of Law, 12 juin 2000) (disponible à http://justice.policy.net/studies (visité le 8 novembre 2000)).
35Ibid.

36 David C. Baldus, George G. Woodworth & Charles A.Pulaski, Jr., Equal Justice and the Death Penalty :A
Legal and Empirical Analysis (1990); UnitedStates General Accounting Office, Death Penalty Sentencing: Research
Indicates Pattern of Racial Disparities (Rapport aux commissions judiciaires du Sénat et de la chambre des
représentants) février 1990 [GAO/GGD-90-57].

37 Survey of the Federal Death Penalty System (1988-2000) , United States Department of Justice T306
(12 septembre 2000) (disponible à l’adresse http ://justice.policy.net/studies (site visité le 8 novembre 2000)).

38Michael L. Radelet & Gleen L. Pierce, Choosing Those Who Will Die : Race and the Death Penalty in Florida ,
Florida Law Review., vol. 43, p. 1, 22-28 (1991). - 18 -

récentes concluent que l’administration du système de la peine capitale continue à présenter des

39
caractéristiques de discrimination raciale . La Cour suprême des Etats-Unis a cependant jugé

qu’un accusé ne pouvait pas invoquer la violation de ses droits constitu tionnels en démontrant

l’existence d’un partipris dans l’ application de la peine de mort au niveau systémique; il fallait

qu’il apporte la preuve d’un parti pris effectif dans son propre cas, ce qui était pratiquement

impossible 40.

28. Peut-être est-ce simplement qu’aucune organisation judiciaire n’a les moyens de mettre

en place un système qui permette de choisir de façon équitable et impartiale ceux qui doivent

mourir pour les crimes qu’ils ont commis. C’est en tout cas la conclusion à laquelle était arrivé le

jugeHarryA.Blackmun en1994, peu avant de prendre sa retraite de la Cour suprême des

Etats-Unis. Mentionnant le double impératif de cohérence, par l’exercice d’un pouvoir

d’appréciation assujetti à certaines directives, et d’ équité, par la personnalis ation de la peine, il a

déclaré :

«Vingt années se sont écoulées depuis que cette Cour a déclaré que la peine
capitale devait être infligée de façon équitable et raisonnablement cohérente ou ne pas
l’être du tout et, malgré l’effort fait par le s Etats et les tribunaux pour mettre au point

des formules juridiques et des règles de procédure leur permettant de relever ce
redoutable défi, la peine de mort reste enta chée d’arbitraire, de discrimination, de
caprice et d’erreur… L’expérience nous a appris qu’il n’est pas possible d’atteindre

l’objectif constitutionnel d’élimination de l’ar bitraire et de la discrimination dans
l’administration de la mort sans mettre en péril un élément tout aussi essentiel de
l’équité fondamentale : la personnalisation de la peine.» 41

Après avoir longuement passé en revue la jurisprude nce de la Cour en matière de peine capitale et

ses propres prises de position dans les affaires en cause, M. Blackmun a conclu :

«A partir de ce jour, je ne chercherai plus à bricoler la machine de mort.

Pendant plus de vingtans, j’ai fait des efforts ―je me suis même battu ― aux côtés
d’une majorité des membres de cette Cour pour élaborer des règles de procédure et de
fond qui puissent conférer à l’institution de la peine de mort plus qu’une simple

apparence d’impartialité.»

Il a ajouté qu’au terme de ces efforts il se sentait :

39 David C. Baldus, George G. Woodworth, David Zuckerman, Neil Alan Weiner, & Barbara Broffitt, "Racial
Discrimination and the Death Penalty" in the Post-Fornum Era: An Empirical and Legal Overvieuw, with Recent
Findings from Philadelphia, Cornell Law Review, vol. 83, p. 1638 (1998).

40Voir McCleiskey v. Kemp, 481 US 279, 314 (1987).
41
Callin v. Collins, 510 US 1141, 127 S. Ct. 1127 (1994) (Blackmun, opinion dissidente jointe à l’ordonnance de
refus de certiorari) (références omises). - 19 -

«moralement et intellectuellement obligé de reconnaître simplement que l’expérience
de la peine de mort a échoué, qu’aucune combinaison de règles de procédure ou de

fond ne pourra jamais remédier aux déficien ces intrinsèques de la peine de mort au
regard de la constitution. A la question fo ndamentale : le système détermine-t-il avec
exactitude et cohérence quels accusés «méritent» de mourir ?, il ne peut être répondu
par l’affirmative.»2

29. Bien entendu, cette Cour n’a pas besoin, ni aucune raison, de se livrer au réexamen

critique rigoureux entrepris par M.Blackmun. Mais les caractéristiques de l’administration de la

peine de mort qui le troublaient tant n’en sont pas moins pertinentes en l’ espèce : elles renforcent

l’importance à attacher à l’assistance consulaire dans les affaires où l’accusé est passible de la

peine capitale et illustrent les difficultés auxquelles cette assistance aurait pu contribuer à remédier.

30. Compte tenu des circonstanc es particulières de l’affaire LaGrand, et notamment des

particularités de l’administration de la peine de mort aux Etats-Un is, la Cour devrait n’avoir aucun

mal à conclure que l’Allemagne a établi autant qu e peuvent l’exiger la convention de Vienne ou

d’autres principes du droit international applicable s en la matière l’existence d’un lien de causalité

et d’un effet préjudiciable.

The PRESIDENT: Thank you Mr. Donovan. I shall now give again the floor to Professor

Simma.

SIMMMr.A:

VIII. M ESURES DEMANDEES PAR L ’A LLEMAGNE

1. Monsieur le président, Madame et Messie urs de la Cour, l’Allemagne a établi ce matin

les différents points sur lesquels les Etats-Unis ont violé les dispositions de l’article36 de la

convention de Vienne sur les relations consulaires, violations qui touchent non seulement à tous les

éléments du paragraphe 1 de cet article mais aussi à son paragraphe 2.

Nous parlerons à présent de la responsabilité internationale des Etats-Unis à raison de ces

violations. Bien évidemment, nous nous appuierons dans notre argumentation sur le droit général

de la responsabilité des Etats. Si je sou ligne ce point c’est parce que, dans l’affaire Breard, le

conseil des Etats-Unis a paru soutenir, au cours de la procédure orale, que la convention sur les

relations consulaires relevait d’un régime distinct autonome qui la soustrayait à l’application du
43
droit général coutumier de la responsabilité des Etats . Dans la présente affaire, heureusement, le

42Ibid., p. 1130.
43
Affaire relative à la Convention de Vienne sur les relations consulaires (Paraguay c. Etats-Unis d’Amérique),
demande en indication de mesures conservatoir, plaidoirie du 7avril1998, compterendu non corrigé, CR98/7,
par. 3.20 (M. Crook). - 20 -

défendeur en la présente affaire semble avoir jugé bon, à la réflexion, de ne pas reprendre cette

thèse dans son contre-mémoire.

I. Les orientations offertes par le projet de la Commission du droit international

3. S’agissant du droit de la responsabilité de s Etats, vous n’êtes pas sans savoir que la

Commission du droit international a atteint récemm ent un stade décisif dans l’élaboration de son

projet d’articles sur le sujet. Elle en est actuellement à l’examen des articles en seconde et dernière

lecture et le comité de rédaction de la Commission a présenté cet été à la plénière une série
44
d’articles couvrant la totalité de la matière . Il y a quelques jours à peine, le projet d’articles a été

examiné par la Sixième Commission de l’Assemblée générale des Nations Unies. La Commission

du droit international a en outre demandé aux g ouvernements de faire connaître leurs observations

sur le projet par écrit d’ici le début de l’année proc haine. S’agissant de la présente affaire, le

problème des conséquences juridiques des faits illic ites imputables aux Etats-Unis et des mesures

demandées par la République fédérale d’Allemagne rejoint les questions qui étaient au cŒur même

du débat de la Commission il y a quelques mois encore. Par conséquent, l’arrêt que rendra la Cour

dans l’affaire qui nous occupe sera de la plus haute importance pour la suite des travaux de la

Commission du droit international sur la responsabilité des Etats.

4. J’ai bien entendu conscience que la tâche de la Commission du droit international se

limite à la codification du droit de la responsabilité des Etats existant en tant que droit international

coutumier ou principes généraux. Mais on est en droit de dire, me semble-t -il, s’agissant de la

pertinence du projet d’articles de la Commission du droit international en l’espèce, qu’il peut avoir

valeur de nouvel énoncé de la lex lata sur la responsabilité des Et ats, énoncé d’ une autorité

considérable sur lequel nous pouvons nous appuyer dans notre débat sur le sujet. Cette Cour a déjà

eu l’occasion de se référer au projet d’articles, sur cette base même, particulièrement dans l’affaire

45
Gabčíkovo-Nagymaros . S’inspirant ce précédent, la République fédérale d’Allemagne présentera

ses moyens concernant la responsabilité des Et ats-Unis et les mesures de réparation qu’elle

demande en suivant les propositions de la Comm ission du droit international. J’ajouterai

44
Commission du droit international, rapport sur les travaux de sa cinquante-deuxième sessioDocuments
officiels de l’Assemblée générale, cinq uante-cinquième session, supplément n 10, document des NationsUnies A/55/10
(2000), p. 124 et suiv. de la version anglaise.
45
Projet Gabčíkovo-Nagymaros (Hongrie c. Slovaquie), arrêt, C.I.J. Recueil 1997,p. 7, par. 49 et suiv. - 21 -

qu’aucune des critiques formulées à l’encontre du pr ojet de la Commission du droit international

lors du récent débat de la SixièmeCommission n’ avait trait aux dispositions que j’ai l’intention

d’invoquer.

II. L’Allemagne, Etat lésé

5. Monsieur le président, le premier moyen que nous ferons valoir est que l’Allemagne est

fondée à invoquer la responsabilité des Etats-Unis, en sa qualité d’ Etat lésé. L’Allemagne a en

effet subi un double préjudice: premièrement au ni veau des relations directes entre Etats, du fait

des violations de l’article 36 de la convention de Vienne analysées précédemment. A cet égard,

nous nous trouvons en présence d’un cas limpide de violation des dispositions d’un traité, violation

qui, je vous le rappelle, n’a été admise par les Etats-Unis que dans une mesure très limitée.

L’Allemagne se considère comme lésée du fait non seulement de la violation du paragraphe 1 b) de

l’article36 mais aussi de la violation des paragraphes1 a) et 1 c), et, ce qui n’est pas moins

important, du paragraphe 2 du même article.

6. Deuxièmement, l’Allemagne considère qu’elle est également lésée de façon indirecte par

l’atteinte des Etats-Unis aux droits individuels de Karlet WalterLaGrand. Nous avons fait valoir

que l’article 36 de la convention cons ulaire établit non seulement des droits ― avec les obligations

corrélatives ― entre les Etats parties, mais aussi ―et je citerai à nouveau ici les plaidoiries

prononcées par notre défendeur dans l’affaire des Otages de Téhéran il y a vingt ans ― des droits

au profit, «ce qui compte peut-être encore plus, des ressortissants de l’Etat d’envoi auxquels la

convention garantit la liberté d’accès aux fonctionnaires et, par l’intermédiaire de ceux-ci, à

46
d’autres personnes» . Nous ne pouvons que souscrire à ce point de vue. Ce que l’Allemagne

exerce en l’espèce, c’est son droit de protecti on diplomatique, en «prenant fait et cause» ― pour

reprendre les termes de l’arrêt Mavrommatis — «pour [deux] des siens [et] en mettant en

47
mouvement, en [leur] faveur, … l’action judiciaire internationale» . Ce faisant, l’Allemagne ne

porte atteinte ni à la dignité ni à l’intelligibilité de la présente instance, comme les Etats-Unis, dans

48
leur contre-mémoire, nous accusent de le faire . A notre avis, cet exercice de la protection

46C.I.J. Mémoires, plaidoiries et documents 1980, p. 174 (version anglaise).
47 0 o
Concessions Mavrommatis en Palestine, compétence, arrêt n 2, 1924, C.P.I.J. série A n 2, p. 12.
48
Contre-mémoire, par. 74. - 22 -

diplomatique constitue une application de ce que la Commission du droit international appelle des

«règles secondaires» du droit inte rnational, et il ne peut faire aucun doute que c’est aussi une

«application de la convention» au sens de l’article premier du protocole de signature facultative à la

convention de Vienne, qui fonde la compétence de la Cour. Il n’y a rien d’exorbitant ni de

présomptueux à soutenir qu’un certain aspect de l’«application de la convention» ayant trait aux

droits reconnus à des ressortissants étrangers peut coïncider avec la protection diplomatique de ces

ressortissants lorsqu’un Etat partie à la convention consulaire a violé leurs droits conventionnels.

Puisque nous sommes dans le domaine de la protection diplomatique, il s’agit là d’un aspect de la

demande de l’Allemagne auquel s’applique la règle de l’épuisement des voies de recours internes.

Permettez-moi de souligner à cet égard que Karl et WalterLaGrand ains i que l’Allemagne n’ont

49
épuisé les recours judiciaires disponibles aux Etats-Unis qu’à la fin de 1998 .

7. Monsieur le président, mon collègue et ami le professeur Dupuy traitera en détail du

non-respect de l’ordonnance rendue par cette Cour le 3mars1999, après notre plaidoirie sur les

violations de la convention consulaire. J’ indiquerai simplement pour être complet, que

l’Allemagne se considère également comme lésée pa r le fait que les Etats-Unis ont passé outre à

cette ordonnance. Le mépris dans lequel ils l’ont tenue constitue en soi une violation, mais aggrave

aussi assurément les violations de l’article 36.

III. Le dommage subi

8. Je ne m’étendrai pas davantage sur le préjudice subi par l’Allemagne. Aux termes de

l’article31 sur la réparation proposé cet été par le comité de rédaction de la commission du droit

international, «le préjudice comprend tout dommage, matériel ou moral, subi en conséquence du

fait internationalement illicite d’un Etat». L’Allema gne a choisi de ne pas soulever la question du

dommage matériel. Par conséquent, le dommage su bi par l’Allemagne, qui en fait un Etat lésé

fondé à invoquer la responsabilité, réside dans le dommage moral que lui a infligé le défendeur,

d’abord en manquant aux obligations qui étaient les siennes en vertu de l’article36 de la

convention consulaire, et ensuite en exécutant Wa lter LaGrand au mépris de l’ordonnance de la

49 LaGrand v. Stewart , Cour suprême des Etats-Unis, 7décembre1998, 119.S.Ct.422 (Mem), mémoire,
annexe 11, p. 495. - 23 -

Cour alors qu’il avait pleinement conscience des faits illicites antérieurs qui lui étaient imputables

ainsi que des conséquences irréparables qu’aurait cette méconnaissance de l’ordonnance.

IV. Les mesures demandées par l’Allemagne

9. Monsieur le président, Madame et Messie urs de la Cour, quelles sont les conséquences

juridiques découlant de ces violations du droit international? A mon sens, la réponse à cette

question s’impose naturellement et spontanément, en quelque sorte, à tout observateur examinant la

situation sine ira et studio et avec bon sens: les Etats-Unis doivent reconnaître ces violations et

instituer des garanties nécessaires pour éviter leur répétition. Et c’est précisément cela que

l’Allemagne demande à la Cour: qu’elle veuill e bien rendre une décision confirmant, par un

prononcé faisant autorité, la réalité de toutes les violations commises par les Etats-Unis et déclarant

en des termes obligatoires que le défendeur doit offrir à l’Allemagne non seulement des excuses

mais aussi une assurance satisfaisante que ses actes illicites ne se répéteront pas et qu’il assurera à

l’avenir en droit et en pratique l’exercice effectif des droits prévus à l’article 36 de la convention de

Vienne, en particulier dans les cas où l’accusé est passible de la peine de mort.

10. Comparons à présent cette réponse, dictée en quelque sorte par le bon sens, avec le

système de conséquences juridiques et de mesu res de réparation élaboré cette année par la

Commission du droit international. Je dois pe ut-être mentionner qu’en ce qui concerne les

assurances et garanties de non-répétition, les pro positions faites par le co mité de rédaction ont

introduit un changement: alors qu e le projet adopté en première lecture traitait de ces garanties à

l’article40 en tant que forme particulière de répara tion, elles sont désormais associées, dans

l’article 30 du projet, à l’obligati on qu’a l’Etat responsable de cesser ses violations. Le comité de

rédaction a suivi en cela l’opinion du rapporteur sp écial M.JamesCrawford, et d’autres auteurs,

selon laquelle les assurances et garanties de non -répétition ont une fonction distincte et autonome :

50
elles sont tournées vers l’avenir et ont pour objet la prévention plutôt que la réparation . Ainsi, le

projet d’articles proposé par le comité de rédaction de la Commission du droit international énonce

50
Commissionedu droit international, cinquante-deuxième session (deuxième partie), compte rendu analytique
provisoire de la 2662 séance, 17 août 2000, document des Nations Unies A/CN.4/SR.2662 (4 septembre 2000), p. 6 et 7.
Voir aussi JamesCrawford, Troisième rapport sur la responsa bilité des Etats, document des NationsUnies A/CN.4/507
(2000), par. 53 à 59. - 24 -

en premier lieu l’obligation de l’au teur du fait illicite «d’offrir des assurances et des garanties de

non-répétition appropriées, si les circonstances l’exigent».

11. Nous suivrons cette distinction. Cepe ndant, par commodité, je traiterai des mesures

que j’ai mentionnées dans l’ordre inverse. C’ est ainsi que je commencerai par parler de la

réparation demandée par l’Allemagne, pour revenir ensuite, et me concentrer, sur l’obligation des

Etats-Unis de fournir des garanties appropriées cont re la répétition, cette mesure étant pour nous la

plus importante dans les circonstances de l’espèce.

1. Réparation

12. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, j’en viens donc à la réparation

que demande l’Allemagne. Comme la Cour pe rmanente l’a déclaré dans l’affaire de l’ Usine de

Chorzów :

«Le principe essentiel, qui découle de la notion même d’acte illicite … est que la

réparation doit, autant que possible, effacer toutes les conséquences de l’acte illicite et
rétablir l’état qui aurait vr aisemblablement existé si ledit acte n’avait pas été
commis.» 51

La Cour traitait ensuite de la restitution, puis de l’ indemnisation. Le projet de la Commission du

droit international suit le même ordre, puis cite une troisième forme de réparation, la satisfaction.

13. En ce qui concerne la restitution, vous vous souviendrez que, dans sa demande du

2mars1999 en indication de mesures conservatoir es, l’Allemagne demandait le rétablissement de

la situation qui existait avant les actes de détention, de poursuite, de déclaration de culpabilité et de

condamnation de WalterLaGrand. L’Allemagne priait également la Cour d’indiquer que les

Etats-Unis devaient, en attendant l’arrêt définitif, prendre toutes les mesure s en leur pouvoir pour

que Walter LaGrand ne soit pas exécuté. Suivant la demande de l’Allemagne, la Cour a indiqué à

l’unanimité que les Etats-Unis devaient prendre toutes les mesures dont ils disposaient pour assurer

ce résultat. Mais le défendeur, sans se la isser impressionner par l’ordonnance, a exécuté

Walter LaGrand, rendant ainsi impossible le rétablissement du statu quo ante.

14. Pour ce qui est de l’indemnisation, l’ Allemagne a décidé de ne pas présenter de

demande à cet effet, le but de sa requête dans la présente affaire étant de faire en sorte que les

51 0 o
Usine de Chorzów, fond, arrêt n 13, 1928, C.P.J.I. série A n 17, p. 47 (le texte français faisant foi). - 25 -

ressortissants allemands bénéficient à l’avenir d’une assistance consulaire appropriée et soient ainsi

à l’abri des conséquences fatales entraînées par les violations de l’article 36 dans des circonstances

comme celles qui ont conduit à la mort de Karl et WalterLaGrand. L’A llemagne renonce ainsi à

son droit à une réparation matérielle. Cette décision relève entièrement d’elle. C’est à l’Etat lésé

seul qu’il appartient de décider des mesures à de mander. L’Allemagne, ayant fait ce choix, prie

maintenant la Cour de se prononcer sur la satisfaction qui lui est due par les Etats-Unis.

2. Satisfaction

15. Il y a plusieurs raisons pour lesquelles l’Allemagne tient à obtenir satisfaction.

Premièrement, comme l’a confirmé la Commission du droit international, la satisfaction est une

mesure conçue spécialement pour les cas dans les quels le préjudice ne peut être réparé par la

restitution ou l’indemnisation 52. Tel est le cas en l’espèce.

16. La deuxième raison pour laquelle l’Allema gne prie la Cour d’obliger les Etats-Unis à

lui donner satisfaction tient à la gravité particulière du dommage moral qui lui a été infligé. Ainsi

que nous l’avons exposé dans notre mémoire 5, le Gouvernement fédéral des Etats-Unis pas plus

que l’Etat d’Arizona n’a fait le mo indre cas des requêtes pressantes et répétées émanant des plus

hautes autorités de l’Allemagne. Puis, le Solicitor General des Etats-Unis a plaidé devant la Cour

suprême en faveur du non-respect pur et simple de l’ordonnance de la Cour internationale de

Justice et contre toute immixtion fédérale dans le processus conduisant à la mort de

WalterLaGrand. Ainsi il a été causé un dommage moral atteignant à la fois l’autorité de cette

Cour et l’Allemagne. L’Allemagne n’a rien pu faire d’autre que de regarder les Etats-Unis bafouer

ses droits.

17. Aux termes de l’article38 du projet de la Commission du droit international, la

satisfaction peut consister dans une reconnaissance de la violation, une expression de regrets, des

excuses formelles ou toute autre modalité appropriée. Or, que nous ont offert les Etats-Unis ? Le

18 février de cette année, le département d’Etat a envoyé à l’ambassade d’Allemagne à Washington

une note dans laquelle il disait «regretter profondément» que ni Walter ni Karl LaGrand n’aient été

52Cf. article 38 adopté à titre provisoire par le comité de rédaction en seconde lecture, supra note 44, p.133 (de
la version anglaise).
53
Mémoire, par. 6.54. - 26 -

informés qu’ils pouvaient demander une assistan ce consulaire. Au nom des Etats-Unis, le

département d’Etat a offert au Gouvernement allemand ses «sincères excuses» pour l’inobservation

par les autorités des Etats-Unis des obligations établies par l’article 36. Le département d’Etat a en

outre informé le Gouvernement allemand qu’il avait procédé à une enquête approfondie sur

l’affaire Walter et Karl LaGrand et menait une vaste action pour améliorer la conduite des autorités

des Etats-Unis, au niveau fédéral comme au niveau des Etats, en matière de respect des obligations

de notification consulaire 5.

18. Un coup d’Œil au contre-mémoire des Et ats-Unis montre cependant que les Etats-Unis

considèrent n’avoir violé, dans l’article36 de la convention de Vienne, que l’alinéa b) du

paragraphe 1. Les affirmations de l’Allemagne se lon lesquelles les Etats-Unis ont également violé

les alinéas a) et c) du paragraphe 1 y sont rejetées comme étant de simples prétentions accessoires,
55
que les Etats-Unis jugent déplacées . Et les Etats-Unis nient être responsables d’une quelconque

violation du paragraphe 2. En outre, contrairem ent à ce que le défendeur soutenait lui-même il y a

vingt ans dans l’affaire de Téhéran 56, les Etats-Unis nient à présent que l’article 36 donne naissance

à des droits individuels. Et, apparemment, les Etat s-Unis considèrent qu’ils n’ont rien fait de mal

en passant purement et simplement outre à l’ordonna nce de cette Cour. Par conséquent, ce que les

Etats-Unis ont à offrir en fait de satisfaction, c’est-à-dire en fait de reconnaissance de ses violations

et en fait d’excuses, est clairement insuffisant. L’Allemagne prie donc la Cour de spécifier dans un

prononcé judiciaire chacun, je répète chacun, de s faits internationalement illicites qu’ont commis

les Etats-Unis dans la présente affaire.

19. Monsieur le président, no us considérons qu’un tel pronon cé judiciaire d’illicéité est la

forme de satisfaction la plus importante que nous puissions demander. Nous nous fondons à cet

égard sur la jurisprudence constante des cours et tribunaux internationaux, à commencer par l’arrêt

rendu par cette Cour dans l’affaire du Détroit de Corfou 57. Tous les auteurs contemporains, parmi

54Contre-mémoire, annexe 2.

55Contre-mémoire, par. 70.
56
C.I.J. Mémoires 1980, p. 174 (version anglaise).
57Détroit de Corfou, fond, C.I.J. Recueil 1949, p. 4. - 27 -

58 59
lesquels, au premier chef, le rapporteur spécial JamesCrawford , sont d’accord sur ce point .

Outre la réparation du dommage moral qui nous a été causé, et eu égard au point de vue

extrêmement étroit défendu par les Etats-Unis quant à l’étendue des obligations découlant de

l’article36, et notamment du paragraphe2 de cet article, ce que l’Allemagne attend de votre

prononcé en la matière c’est la certitude juri dique de ce qu’implique l’article36 comme

obligations.

20. Etant donné le mépris flagrant manifest é par les Etats-Unis tant pour les demandes

formulées par les plus hautes autorités de la République fédérale d’Allemagne que pour

l’ordonnance rendue par cette Cour, l’Allemagne prie la Cour de déclarer que les Etats-Unis sont

aussi tenus d’une obligation de lui donner satisfaction par l’instauration de garanties appropriées de

non-répétition, c’est-à-dire par des mesure s allant bien au-delà des dispositions ⎯ insuffisantes ⎯

déjà prises par le défendeur. Par conséquent, Monsieur le président, l’Allemagne ne fonde pas

o
seulement sa conclusion n 4 sur la position juridique, qu’elle partage avec la commission du droit

international, selon laquelle l’ob ligation d’offrir des assurances et garanties appropriées de

non-répétition est une conséquence juridique autonome orientée vers l’avenir. L’Allemagne

considère également ces garanties comme une «aut re modalité appropriée» de satisfaction, pour

reprendre l’expression de la Commission du dro it international. L’Allemagne demande de telles

garanties sur la base de deux fondements juridiqu es différents. Il est vrai sans doute que la

satisfaction n’est pas une forme de réparation habi tuelle. Mais il est vrai aussi que certaines

circonstances entourant des violations du droit international ou certaines conséquences de telles

violations appellent une forme de satisfaction appropriée. Dans cette optique, vu la façon cavalière

dont les Etats-Unis ont traité les demandes de l’ Allemagne et de la présente Cour, un prononcé

judiciaire qui ne se contente pas d’exiger de simples promesses mais fasse obligation à un Etat

portant la responsabilité de violations systématiq ues d’offrir une garantie valable de non-répétition

paraît hautement approprié. Dans le contexte d’affa ires où a été infligée la peine capitale, une telle

mesure n’est nullement hors de proportion avec le préjudice ― point sur lequel je reviendrai plus

58J. Crawford, Troisième rapport sur la responsabilité des Etat s, document des NationUnies
A/CN.4/507/Add.1 (2000), par. 182.
59
Pour d’autres références, voir mémoire, par. 6.62, note 580. - 28 -

tard ― et n’est en rien humiliante pour les Etats-Unis ―, pour citer deux limitations prévues par la

commission du droit international dans son projet.

21. Monsieur le président, l’Allemagne consid ère qu’un jugement déclaratif sous la forme

d’un prononcé de cette Cour constitue dans les circon stances la forme de satisfaction, et partant la

modalité de réparation, la plus appropriée, notamment parce que les Etats-Unis n’ont reconnu

spontanément qu’une seule des violations qu’ils ont commises. Deuxièmement, eu égard aux

violations systématiquement répétées de l’article 36, l’Allemagne peut également prétendre à des

garanties appropriées de non-répétition en tant que «procédé spécifique de réparation de l’atteinte à

la dignité, à l’honneur [et] au prestige» de l’A llemagne, pour citer le deuxième rapport sur la

60
responsabilité des Etats de M. Arangio-Ruiz (1989) . L’Allemagne ne sa urait tolérer que des

violations de ses droits conventionnels et des droits de ses ressortissants, aboutissant à faire subir à

ces derniers, aux Etats-Unis, la peine de mort, soient traitées avec autant de désinvolture qu’il plaît

actuellement au défendeur.

V. En particulier : les assurances et les garanties de non-répétition

22. Monsieur le président, Madame et Messi eurs les Membres de la Cour, permettez-moi

de continuer à examiner les assurances et les garanties de non-répétition que l’Allemagne demande

en abordant leur fondement juridique subsidiaire, ou plutôt supplémentaire, que la Commission du

droit international a accepté et que j’ai déjà esqui ssé devant vous. Je vous ai dit en effet que la

Commission considère à présent que ces garanties so nt le corollaire de l’obligation de mettre fin

aux faits internationalement illicites. Toutefois, le revirement que nous opérons ainsi quant aux

mesures que nous demandons ne mo difie nullement celles-ci quant à leur importance ni quant au

fond.

1. Le fondement en droit international des assurances et garanties de non-répétition

23.Sous la forme d’assurances et de garantie s de non-répétition ces mesures sont peut-être

exceptionnelles, ne sont peut-être pas adapté es à toutes les situations, mais elles sont

incontestablement justifiées, elles s’imposent même , quand le risque existe très nettement, très

60
G. Arangio-Ruiz, «Deuxième rapport sur la responsabilité des EtaAnnuaire de la Commission du droit
international, 1989, vol. II (première partie), p. 33, par. 106. - 29 -

clairement, de voir la violation se répéter. C’est précisément le sens que revêt le membre de phrase

«si les circonstances l’exigent» que la Commission du droit international a ajouté au texte adopté

en première lecture. Et c’est précisément en ce sens qu’il faut entendre la demande de

l’Allemagne. Cette demande repose très solidement sur le droit international. Il est d’ailleurs

étonnant de voir avec quelle rapidité la pratique des Etats a entériné la proposition du rapporteur

spécial Arangio-Ruiz, adoptée par la Commission du dr oit international, qui tendait à ce que soient

expressément données des assura nces et des garantie s de non-répétition parce que c’était une

61
conséquence particulière des violations du droit international . Par exemple, dans l’affaire relative

au Projet Gab číkovo-Nagymaros, les deux parties ont demandé à la Cour de se prononcer sur ce

type de mesure 62. Dans son arrêt, la Cour s’est saisie de ces demandes en s’intéressant longuement

à la façon dont les deux parties allaient par la su ite s’acquitter de leurs obli gations internationales.

La pratique par laquelle les Etats donnent des assu rances et des garanties de non-répétition occupe

une place particulièrement impo rtante dans les affaires relatives aux droits de l’homme.

J’évoquerai à cette occasion le règlement amiable qui a mis fin, au début de cette année, à l’affaire

63
Danemark c. Turquie devant la Cour européenne des droits de l’homme ainsi que la jurisprudence

constante de la Cour interaméricaine des droits de l’homme 64. Il importe aussi de noter que, ni

dans leurs observations sur le projet d’articles de la Commission du droit international adopté en

première lecture en 1996, ni lors des débats récents à la Sixième Commission, aucun gouvernement

n’a envisagé de supprimer le projet d’article prescrivant les assurances et les garanties dont nous

65
parlons . Bien au contraire: dans leur majorité, le s gouvernements n’ont rien dit sur ce mode de

61 o
Pour le texte du projet d’article 46 (qui portait alors le n 10bis) soumis en première lecture et le commentaire y
relatif, voir le rapport de la Commission du droit inte rnational à l’Assemblée générale sur les travaux de sa
quarante-cinquième session, Annuaire de la Commission du droit international , 1993, vol. II (deuxième partie), p. 84-86;
on trouvera la proposition du professeurArangio-Ruiz dans son deuxième rapport sur la responsabilité des Etats,
Annuaire de la Commission du droit international 1989, vol.II (première partie), p.1, à la p.46, par.148-163 et p.60,

par. 191, art. 10.
62Affaire relative au Projet Gabčíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), arrêt, C.I.J.Recueil1997, p. 7, aux

p. 12, 16, 17. Voir également l’arrêt de la Cour, ibid., par. 130 et suiv.
63Cour européenne des droits de l’homme, Danemark c. Turquie , requête no34382/97, arrêt du 5avril2000,

règlement amiable, par.21, qu’il est possible de consulter sur le site Internet de la Cour, http://www.dhcour.coe.fr
(2 novembre 2000).
64
Par exemple, Cour ioteraméricaine des droits de l’homme, Loayza Tamayo , arrêt du 27 novembre 1998,
sérieD: décisions et arrêts, n 42, par.164; Cour interaméricaine des droits de l’homme, Castillo Petruzzi et al. , arrêt
du 30 mai 1999, série C : décisions et arrêts, n 52, par. 222.
65
Commission du droit international, cinquantième session, responsabilité des Etats, commentaires et
observations des gouvernements, document des Nations Unies A/CN.4/488 (1998), p. 121, 122. - 30 -

réparation, le tenant, semble-t-il, pour acquis, mais plusieurs Etats ont ouvertement dit être

satisfaits de son incorporation au projet d’articles 66.

24. Ce mode de réparation est également conforme à un principe de droit qui est commun

aux systèmes juridiques des deux Parties. C’es t ainsi que le droit alle mand offre aux demandeurs

le mécanisme de l’injonction préventive ou ordonnance de ne pas faire (vorbeugende

Unterlassungsklage) qui vise à imposer à l’exécutif l’obligation de s’abstenir de renouveler un

certain comportement qui a été déclaré illicite 67. Dans le droit des Etats-Unis, les actions faisant

appel à un jugement déclaratif sont souvent associées à des demandes visant la revision obligatoire

du comportement de l’exécutif afin que, une fois prononcée, l’illicéité de ce comportement soit

68 69
acquise aussi dans la pratique . Par exemple, dans l’affaire Gore v. Turner , le tribunal a recouru

à ce type d’injonction pour s’assurer que l’obliga tion juridique sous-jacente était bien mise en

application et respectée. Dans l’affaire Leblanc-Sternberg v. Flecher 70, le tribunal a ajouté que

l’injonction mettait «les parties dans une situation qui garantissait que leurs droits constitutionnels

demeuraient intacts». Les deux systèmes prévoient donc des mesures de réparation consistant à

ordonner à la partie coupable de s’abstenir de répéter des actes considérés comme revenant à violer

les droits de la partie adverse.

66
Voir par exemple, les déclarations à la Sixième Commission de la représentante de la Nouvelle-Zélande,
Mme Victoria Hallum, le 25 octobre 2000, qu’il est possible de consulter sur le site Internet de la mission néo-zélandaise
auprès des NationsUnies, http://www.un.int/newzealand/intlaw. htm (dernière visite en date: le 2novembre2000); du
représentant de la Croatie, M. l’ambassadeur LjerkaAlajbec, le25octobre2000, que l’on peut consulter sur le site
Internet de la mission croate auprès des Nations Unies, http://www.un.int/croatia/statem.html (dernière visite en date : le

2 novembre 2000); et du représentant de l’Italie, M. Leanza, le 25 octobre 2000, p. 4 de son texte manuscrit. Pour avoir
un aperçu complet des débats de la Sixième Commission sur le projet d’articles, voir les communiqués de presse des
Nations Unies GA/L/3154, GA/L/3155, GA/L/3156, GA/L/3158 en date des 23 à 27 octobre 2000, qu’il est possible de
consulter sur la page Internet corre spondante http://www.un.org/News/Press (dernière visite en date: le
2 novembre 2000).

67Décision du Bundesverwaltungsgericht (BverwG, tribunal administratif fédéral) du 16avri1 l971

⎯IVC66.67, pub. in DVBl.71, p.746; Dieter Lorenz, Veowaltungsprozessrecht, Enzyklopädie der Rechts- und e
Staatswissenschaft, Heidelberg2000, par2.4 n 19, p.07; Friedhelm Hufen, Verwalungsprozessrecht,3 éd.,
Munich 1998, par. 16 n 10 (p. 337-338); Hüttenbrink in: Wolfgang Kuhla, Georg Hüttenbrink, Der Verwaltungsproze β,
Munich 1998, p. 131, n 217.

68A. van Alstyne, " Judicial Protection of the Individual against the Executive in the United States of America",
in: Gerichtsschutz gegen die Exekutive/Judicial Protection against the Executive [La protection juridictionnelle contre
l’exécutif], vol. II, (pub. de H. Mosler), New York/Cologne 1970, p. 1123.

69 Gore v. Turner, 563F.2d à la p.165; voir aussi l’affaire Marable v. Walker, 1983704 F.2d 1219, 1221
e e
(11 Circ. 1983); l’affaireUnited States v. Jamestown Center-in-the-Grove Apartments, 557 F.2d 1079 (5 Circ. 1977).
70 e
Leblanc-Sternberg v. Flecher, 104 F. 3d 355, 355+, 1996 WL 699648, *5 (2 Circ. 1996). - 31 -

2. Les garanties sont indispensables en l’espèce

25. Monsieur le président, avant d’étudier pl us en détail la demande d’assurances et de

garanties formulée par l’Allemagne, permettez-moi d’apporter quelques précisions. Il est entendu

pour l’observateur que ces garanties sont subo rdonnées à la présence de deux paramètres, en

quelque sorte, c’est-à-dire la gravité de la violatio n et, par ailleurs, le risque et la crainte de voir

cette répétition se réaliser. Par ra pport aux deux paramètres, l’affaire LaGrand se situe très haut.

En outre, si les assurances sont normalement do nnées verbalement, les garanties de non-répétition

vont un peu plus loin et font appel à certaines mesures préventives à la charge de l’Etat responsable

qui soient spécialement conçues pour éviter la répétition. C’est ainsi que le comité de rédaction de

71
la Commission du droit international en parle dans son rapport du mois d’août dernier . Et, à notre

avis, il s’impose en l’espèce de ne pas se contente r de paroles ou d’actions futiles, et d’exiger des

résultats, sur le plan du droit interne des Etats-Unis aussi. Les auteurs du même rapport soulignent

que le terme «appropriées» et le membre de phrase «si les circonstances l’exigent» ont pour objet

de mettre en vedette la nature exceptionnelle de la mesure demandée 7. C’est-à-dire que des

situations d’urgence de caractère exceptionnel ap pellent des mesures exceptionnelles et que vous

êtes précisément face à ce type de situation aujourd’hui.

26. Monsieur le président, Madame et Mess ieurs de la Cour, l’Allemagne est fermement

convaincue que le différend en l’espèce est par excellence de ceux où il faut, en raison des

circonstances, que l’Etat responsable fournisse des assurances et des garanties qui soient

véritablement appropriées, pour reprendre les termes du projet d’articles de la Commission du droit

international. Si vous considérez cette affa ire, on dirait que la Commission envisageait

précisément ce type de situation quand elle a rédi gé l’article30 du projet sur la cessation et la

non-répétition. Si vous vouliez, parmi les mesures demandées, citer en exemple dans un manuel un

cas de figure où il n’est pas possible de rendre vr aiment la justice sans exiger des garanties de

non-répétition, vous l’auriez dans cette affaire qui associe l’ article36 et l’affaire de peine de mort

dont vous êtes aujourd’hui saisis.

71Commission du droit international, cinquante-deuxième session (deuxième partie), compte rendu analytique
provisoire de la 2662 séance, 17 août 2000, document des Nations Unies A/CN.4/SR.2662 (4 septembre 2000), p. 7.
72
Ibid. - 32 -

27. Voyons à présent les mesures que les Etats-Unis ont prises jusqu’à présent pour

«remédier» à la situation. Ces mesures sont décrite s assez en détail aux paragraphes 20 et suivants

du contre-mémoire et dans la note des Etats-Unis du 18 février 2000 dont j’ai déjà parlé et que vous

trouvez dans l’annexe. Ces mesures consistent e ssentiellement, je l’ai dit, à mener une campagne

d’information qui semble avoir démarré avec l’affaire Breard. Le fait est toutefois que ces mesures

ne vont tout simplement pas assez loin. Comme l’ont dit récemme nt deux observateurs

américains :

«ces démarches sont louables mais les mesures de ce type n’ont pas suffi dans le passé
et ne donnent pas vraiment lieu de penser qu’elles vont suffire désormais. Pour dire
les choses simplement, les mesures correctives actuelles n’incitent guère les autorités
de l’Etat ni les autorités locales au resp ect des dispositions de la convention de

Vienne. Qu’elles soient délibérées ou qu’elles résultent de l’ignorance, les violations
de la convention de Vienne sont actuell ement insuffisamment combattues et le
resteront tant que l’on n’aura pas adopté et mis effectivement en vigueur un mode de
réparation qui fasse mal.» 73

Nous ne pouvons que souscrire à cette analyse. Les mesures adoptées jusqu’à présent n’ont

tout simplement pas suffi à empêcher les violations de l’article 36. C’est ce qu’a reconnu aussi le

rapporteur spécial des Nations Unies sur les exécuti ons extra-judiciaires, sommaires ou arbitraires,

M. Bacre Waly Ndiaye, dans son rapport de 1998 sur la situation aux Etats-Unis, dans lequel il dit :

«Même si … le département d’Etat à plusieurs reprises a informé les

responsables de divers Etats, notamment les gouverneurs et les Attorneys General
[sic], des devoirs qui leur incombent en vertu de l’article36, il apparaît que les
communiqués périodiques émanant du département ne reçoivent aucune attention.» 74

Comme je le disais ce matin, en septembre encore, l’ Attorney General de l’Etat de

Californie lui-même ne savait pas que les obligations de notification découlant de la convention sur

les relations consulaires devaient être mises en Œu vre sur le plan interne et ne savait pas non plus

comment il fallait procéder.

28. Monsieur le président, ce que nous constatons, avec regret, c’est un comportement

quasi systématique de la part des Etats-Unis: les violations de l’article36 sont extrêmement

fréquentes; et on s’en débarra sse «d’un revers de main», en quelque sorte, avec les excuses

73E. Luna/D. Sylvester, " Beyond Breard", Berkeley Journal of International Law , vol.17 (1999), p.147, à la
p. 188.
74
Rapport présenté conformément à la résolution1997/61 de la Commission en date du 22janvier1998,
document des Nations Unies E/CN.4/1998/68/Add.3, par. 119. - 33 -

habituelles et la promesse que l’on fera vraiment tout pour empêcher de nouvelles violations. Mais

celles-ci se répètent, se renouvellent et le processus ne paraît pas devoir prendre fin.

3. Les mesures s’imposent avec une urgence toute pa rticulière dans les affaires où l’accusé

encourt la peine capitale

29. Compte tenu de ce qui précède, Monsieur le président, ce qu’il faut, c’est donc un

mode de réparation «qui fasse mal», pour reprendre la formule des observateurs des Etats-Unis que

je cite. Et le besoin de mesures à prendre par le défendeur qui ne fassent pas qu’effleurer la surface

mais qui aillent jusqu’au fond du problème est particulièrement urgent dans les affaires où l’accusé

encourt la peine de mort. «La mort, c’est autre chose.» Comme le disent les mêmes observateurs

américains :

«La peine capitale, une fois qu’elle est prononcée, est irréversible, elle n’est

susceptible d’aucune réparation. Une erreur qui aboutit à condamner erronément à la
prison est lourde à subir, mais au moins le détenu condamné à tort est vivant. Le
système juridique peut lui avoir supprimé des années d’existence, lui avoir enlevé sa
liberté et sa dignité, mais, sous une fo rme ou sous une autre, une réparation est

possible. Il en va tout autrement, bi75 sûr, de la peine de mort; là, c’en est fini, il ne
reste que les excuses officielles.» [Traduction du Greffe.]

C’est pourquoi, quand il s’agit de la peine de mort , les violations de l’article 36 revêtent un

caractère différent, beaucoup plus dangereux. Lais sez-moi répéter ce que disait dans l’avis qu’elle

a rendu en octobre dernier la Cour interaméricaine des droits de l’homme :

«[L’]inobservation du droit à l’informa tion d’un ressortissant étranger en
détention reconnu par l’article 36 est préjudic iable aux garanties de régularité de la
procédure judiciaire; dans de telles cond itions, prononcer la peine de mort est une
violation du droit à ne pas être «arbitraireme nt» privé de la vie, selon les termes des
76
dispositions pertinentes des traité s relatifs aux droits de l’homme .» [Traduction du
Greffe.]

30. Nous le soulignons à nouveau, face à des situations comme celles qui ont abouti à

l’exécution de M. Breard, de M. Faulder et des frères LaGrand — et, bien entendu, nous pourrions

allonger cette liste, comme on nous l’a dit ce matin — les excuses officielles présentées ex post

facto, les campagnes d’information, etc. sont ma nifestement insuffisantes. Par conséquent,

Monsieur le président, je dis que nous nous trouvons très précisément dans la situation envisagée à

75Luna/Sylvester, supra, note 31, p. 49.
76
Cour interaméricaine des droits de l’homme, The Right to Information on Consular Assistance in the
Framework of the Guarantees of the Due Process of LawerLe droit à l’information consulaire dans le cadre des garanties
de régularité de la procédure], avis consultatif OC-16/99, 1 octobre 1999, par. 131. - 34 -

l’article 30 du projet d’articles de la Commission du droit international : nous sommes en présence

d’une situation face à laquelle il faut absolu ment adopter des garan ties et des assurances

véritablement appropriées.

31. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, je me permets de vous

rappeler l’argument du lien de causalité que M. Donovan a défendu devant vous. Ce matin, nous

avons également montré que nous sommes véritabl ement ici en présence d’un cercle vicieux, une

situation dramatique que notre am i défunt, KeithHighet, qualifiait d’aussi «absurde que celle de

l’impasse 22, «Catch-22»» 77. Il est impossible de ne pas conclure que l’ensemble des éléments de

fait et des éléments de droit (de droit interne) qui vous a été décrit en détail rend absolument

indispensable l’adoption par les Etats-Unis de mesures correctives plus efficaces.

4. Le droit interne n’offre aucune excuse

32. Monsieur le président, l’ Allemagne ne prétend pas que la législation interne pertinente

des Etats-Unis et leur jurisprudence violent en tant que telles le droit international. Ce qui se passe

plutôt, c’est que l’application par les tribunaux inte rnes des règles de la «carence procédurale» au

droit à l’information défini à l’article 36 de la convention de Vienne nous donne la quasi-certitude

que le cercle vicieux va constamment se reproduire.

33. Je pense que nous allons entendre dire demain qu’il sera impossible aux Etats-Unis de

corriger la situation, de supprimer ce cercle vi cieux au moyen de changements apportés au droit

interne. On nous dira peut-être que le système fédéral des Etats-Unis limite nécessairement la

faculté du gouvernement fédéral d’intervenir dans la justice pénale des Etats, exactement comme le

Gouvernement des Etats-Unis l’a plaidé de vant la Cour suprême dans l’affaire Breard, en

s’opposant à l’idée que les Etats-Unis étaient légalement tenus de donner suite à l’ordonnance de la

Cour en cette affaire. Mais le droit internatio nal coutumier est lumineux à cet égard. Aucune des

caractéristiques du droit interne, qu’il s’agisse de fédéralisme ou de quoi que ce soit d’autre, ne

peut justifier la violation du droit international ni le refus de réparer un acte internationalement

illicite. Comme le souligne l’article32 du projet de la Commission du droit international, l’Etat

77
K.Highet, The Emperor’s New Clothes: Deat h Row Appeals to the World Court? The Breard Case As a
Miscarriage of (International) Justice , In Memoriam Judge José Maria Ruda , manuscript, p.6, annexe39 au
mémoire de l’Allemagne. - 35 -

responsable d’actes internationale ment illicites ne peut pas se prév aloir des dispositions de son

droit interne pour justifier un manquement aux obligations qui lui incombent à la suite de violations

du droit international, notamment le devoir d’ empêcher efficacement toute nouvelle violation.

Nous ne voulons pas nier les difficultés que le Gouvernement fédéral des Etats-Unis pourrait

éprouver à devoir offrir des assurances et des gara nties de non-répétition appropriées. Mais, je le

répète, les Etats-Unis ne peuvent tout simplement pas arguer du statu quo de leur droit interne pour

justifier le non-respect de l’obligation d’offrir de s garanties appropriées alors que les circonstances

imposent une démarche en ce sens. J’ai dit que ces garanties font désormais partie intégrante de la

pratique des Etats, tout particuliè rement dans le domaine des droits de l’homme. Et j’ai dit aussi

que le droit individuel consacré par l’article36 de la conventi on de Vienne revêt désormais la

qualité d’un droit de l’homme, tout particulièrement dans le contexte de la peine de mort.

34. Monsieur le président, Madame et Messieurs les Membres de la Cour, l’Allemagne ne

demande par conséquent rien d’exorbitant. Elle demande tout simplement à la Cour de confirmer

que les Etats-Unis doivent agir comme l’exige le dr oit international en vigueur. En ce sens, nous

vous prions de dire et juger, selon l’énoncé modifié de notre quatrième conclusion concernant les

mesures réclamées, que :

«les Etats-Unis devront donner à l’Allemagne l’assurance qu’ils ne répéteront pas de
tels actes illicites et que, dans toutes les ca s futurs de détention de ressortissants
allemands ou d’actions pénales à l’encontre de tels ressortissants, les Etats-Unis
veilleront à assurer en droit et en pratiq ue l’exercice effectif des droits visés à

l’article 36 de la convention de Vienne sur les relations consulaires».

Et ladite conclusion poursuit :

«En particulier dans les affaires où l’accusé est passible de la peine de mort cela
entraîne pour les Etats-Unis l’obligatio n de prévoir le réexamen effectif des
condamnations pénales entachées d’une violation des droits énoncés à l’article36 de

la convention ainsi que des mesures de réparation.»

Voilà ce que l’Allemagne estime approprié et indi spensable compte tenu des éléments de fait et de

droit propres à la situation. Lorsque des viol ations de l’article36 sont suivies par des

condamnations à mort et des exécutions, il n’est pas possible, pour toute mesure de réparation, de

formuler des excuses ou de distribuer des brochure s. Pour que la mesure soit efficace, il faut

apporter certains changements au droit et à la pratique des Etats-Unis. - 36 -

5. Nous ne tentons pas de faire abusivement de la Cour internationale de Justice une cour
d’appel en matière pénale

35. Monsieur le président, Madame et Messieurs les Membres de la Cour, ce que je vais

dire à présent revêt pour nous une extrême importance : en priant la Cour de dire que les Etats-Unis

sont tenus d’offrir des garanties efficaces, nous ne cherchons nullement à faire jouer à la Cour, à lui

faire jouer abusivement, le rôle d’une cour d’appel en matière péna le. Nous vous prions

uniquement de statuer sur les effets de certaines violations du droit international commises par les

Etats-Unis et de confirmer que le défendeur do it à l’Allemagne les formes de réparation et les

garanties de non-répétition que prévoit le droit inte rnational actuellement en vigueur parce que ces

mesures sont indispensables dans les circonstances de l’espèce.

6. Le choix des moyens est laissé aux Etats-Unis

36. Monsieur le président, nous avons libellé notre quatrième conclusion pour faire en sorte

que les Etats-Unis respectent à l’avenir les droits qui découlent pour les ressortissants allemands de

l’article36 de la convention de Vienne mais auss i de façon à laisser aux Etats-Unis le choix des

moyens propres à mettre en Œuvre les mesures que nous leur demandons. Nous n’avons pas

l’intention, et ce n’est pas non plus le rôle de la Cour, de proposer avec précision les moyens par

lesquels les Etats-Unis peuvent veiller à assurer la co nformité de leur droit et de leur pratique avec

les obligations découlant pour eux du droit internati onal. Mais nous estimons qu’il appartient à la

Cour de veiller à ce que les Etats-Unis s’acquitt ent de l’obligation que l’ article36 met à leur

charge. Voilà ce que l’Allemagne demande à la Co ur de faire, l’Allemagne ne lui demande rien

d’autre, elle ne lui demande nullement d’être une cour d’appel mondiale en matière pénale.

37. Pour en revenir à nouveau au libellé de notre quatrième conclusion, l’expression «en

droit et en pratique» qui y figure correspond à la nécessité pour les Etats-Unis de s’acquitter de

leurs obligations internationales non pas seulement en paroles mais aussi par des faits concrets.

Comme nous l’avons dit quand nous avons analysé l’ar ticle36, l’exercice effectif du droit à la

notification consulaire énoncé au paragraphe 2 exig e que, dans les cas où il n’est pas exclu que le

jugement prononcé soit vicié par la violation du droit à la notification c onsulaire, la procédure

d’appel autorise à revenir sur la décision et à, soit rejuger, soit prononcer une autre peine. - 37 -

38. Vous noterez que la formule dont nous nous servons dans cette quatrième conclusion

n’exclut pas que le droit interne exige de prouver qu’il y a eu sous une forme ou sous une autre

«effet préjudiciable», c’est-à-dire que le défaut de notification a exercé une influence sur la peine

prononcée. En revanche, notre formule est conçue de manière à exclure le cas qui correspond à la

pratique actuelle aux Etats-Unis où le droit in terne empêche d’envisager de façon réaliste la

possibilité de contester au moyen de l’article36 un verdict de culpabilité ou bien la peine

prononcée. Quand le droit interne exige de prouver qu’il y a eu effet préjudiciable, il faut obéir à la

prescription de façon raisonnable, comme la Co ur suprême des Etats-Unis elle-même l’a précisé

dans un arrêt qu’elle a rendu cette année 78, c’est-à-dire qu’il ne faut pas rendre vaines les mesures

que l’Allemagne demande de façon aussi systémat ique, quasi totale et automatique que c’est

aujourd’hui le cas. C’est d’autant plus important dans les affaires dans lesquelles le défendeur ne

connaissait pas le droit qu’il pouvait exercer préci sément parce que l’Etat, contrairement à ce que

prescrit l’article36, ne l’avait pas informé. Il ne faut pas permettre à l’Etat de tirer parti d’une

omission illicite. Le «réexamen» de condamnations pénales, par conséquent, n’exige pas la

«restitution», mais signifie qu’il n’est pas comp atible avec le droit international de faire

automatiquement échec à une demande postérie ure à la condamnation qui est fondée sur une

violation de l’article 36. La formule «en particu lier dans les affaires où l’accusé est passible de la

o
peine de mort» qui figure dans la seconde phrase de notre conclusion n 4 souligne que ce cas de

figure est distinct des autres. Comme nous l’avons dit, dans les affaires où l’accusé encourt la

peine de mort, les garanties de la procédure revêtent une pertinence et une importance particulières

et nous nous exprimons là avec beaucoup de modération. Bien évidemment, toutefois, cela ne veut

pas dire qu’il ne faut pas respecter l’article 36 dans les autres affaires également.

39. Monsieur le président, comme je l’ai indiqué clairement il y a quelques minutes, le

choix des moyens par lesquels il faut, dans les circonstances de l’espè ce, adopter les mesures

voulues sur le plan interne doit être laissé aux Etats-Unis. Mais je tiens à souligner, comme

l’Allemagne l’a exposé en détail dans son mémoire, que le système juridique des Etats-Unis donne

78Affaire William v. Taylor, 120 S.Ct. 1495 (2000). - 38 -

incontestablement aux autorités de ce pays les moyens dont il a besoin pour remédier à la violation

de l’article 36 de la convention de Vienne

40. Pour conclure, Monsieur le président, permettez-moi de dire une fois encore que

l’Allemagne n’a nullement l’intention de chercherà attirer la Cour dans les méandres du droit

interne des Etats-Unis. Comme je l’ai dit et répé té, c’est aux Etats-Unis qu’il appartient de choisir

les moyens de concrétiser dans son droit interne les garanties demandées par l’Allemagne.

Monsieur le président, Madame et Messieurs les Membres de la Cour, j’en ai terminé avec la

thèse de l’Allemagne sur les violations de la convention sur les relations consulaires commises par

les Etats-Unis et les mesures demandées par l’A llemagne. Je crois que nous en sommes à l’heure

de la pause mais ensuite, Monsieur le président, je vous prierai de bien vouloir donner la parole au

professeur Pierre-Marie Dupuy po ur la dernière partie de nos exposés qui est consacrée au

non-respect de l’ordonnance du 3 mars 1999.

Thank you, Mr. President.

The PRESIDENT: Thank you, Professor Simm a. The Court will adjourn for a quarter of

an hour.

The Court adjourned from 4.30 p.m. to 4.45 p.m.

DUMPr. Y:

IX. THE FAILURE OF THE U NITED STATES TO COMPLY WITH THE OBLIGATIONS LAID
DOWN BY THE O RDER OF 3 M ARCH 1999

1. Mr. President, Members of the Court, it is always a very great pleasure — mingled with

a sense of personal responsibility— for me to appear before the Court. In this case I am

particularly honoured by the trust placed in me by the Federal Republic of Germany, to which I am,

moreover, linked by special ties. The date 3 March 1999 will go down in the annals of the leading

international court. On that day the Members ofthe International Court of Justice unanimously

took an initiative that neither it nor its predecessor , the Permanent Court of International Justice,

had ever taken before. It decided to act of its own motioproprio motu, for the first time since

79
Voir le mémoire, au paragraphe 6.87. - 39 -

1920, pursuant to Article75 of its Rules of Court. And it did so to order provisional measures

requesting from the United States what is in fact the simplest thing it could grant it: time! A little

time, for the Court had demonstrated here, as it had the previous year in similar circumstances, that,

despite the modest material resources available to it, it can undoubtedly act very rapidly where

circumstances require. In that Order of 3March, the Court asked the United States to give it the

time it needed to adopt a final decision on the German Application in the present case.

2. The Court was able to act in such an unaccustomed manner because it considered its

jurisdiction in the proceedings instituted by Germany to be prima facie beyond dispute. But it also

acted because each of its Members was moved by "elementary considerations of humanity". The

crew of a ship at sea spontaneously agree to make a detour from its normal course in order to go to

the aid of a man in distress. The Court did the same. It unanimously decided to act rapidly, and on

its own account, precisely because what was at stake was a man's life. Prompt action was

necessary, as the Court already knew from experience, since the case concerning Francisco Breard,

whose execution nothing or no one had been able merely to delay. Wa lter LaGrand's execution

was scheduled to take place the same day, 3March 1999, and none of the efforts made by the

Federal Republic of Germany to save Karl's younger brother had succeeded. Nor had any of those

efforts been able to change the inexorable course of events for WalterLaGrand himself. Neither

the repeated appeals for clemency from the President of the Federal Republic; nor those of the

Chancellor; nor those from the German Minister for Foreign Affairs or the German Minister of

Justice. Like the appeal for clemency from the European Union, which had rallied around the same

conception of human rights, they all fell on deaf ear s. At the local level the explanations given by

the Ambassador and Consul of Germany to the Board of Executive Clemency had not had any

effect either.

3. Thus the hour was late because, up until the day before the execution, Germany had

endeavoured to exhaust every diplomatic channel be fore resorting to judicial proceedings. It was

all the later because the State Attorney of Arizona had waited until 23 February 1999, that is until

the day before Karl LaGrand's execution, before ad mitting publicly that he had always been aware

of the two brothers' German nationality. Hence, if it wished to claim to be effective, the Court had - 40 -

to throw its full authority — which had already been flouted once in identical circumstances a year

earlier — into the scales of international justice.

4. And yet, for the second time in less than a year, a number of the organs of state of the

United States had curtly intimated to the Court what scant regard they had for international law as

well as for the Court's own authority. Upon receiving the Order for the Indication of Provisional

Measures rendered by the Court in the Breard case, the United States Government had at least

reacted, via Mrs. Madeleine Albright, by calling upon the Governor of Virginia to take account of

this judicial act; it is true that, in the same lette r, the Secretary of State had clearly let it be known

that she considered such measures to be optional, which, in the circumstances, amounted to

destroying any chance of their being implemented. By contrast, in the LaGrand case there was no

reaction at all from the US federal authorities. They simply communicated the Court's Order to the

Governor of Arizona, who, however, had stated th e previous day that, "in the interest of justice",

she had decided that WalterLaGrand's execution should go ahead on the date on which it had

initially been scheduled to take place. As for the United States Supreme Court, to which this

matter had been referred by both the condemned man and by Germany, it maintained the same

posture of untouchability that it had already adopted in the Breard case. How, indeed, could this

have been otherwise, since the United States So licitor-General had himself made the following

statement: "an order of the International Court of Justice indicating provisional measures is not

binding and does not furnish a basis for judicial relief . . ."0[quoted in English in the original]. We

were therefore witnessing the remake of a trag ic film, although there was nothing fictitious about

it . . . An execution did indeed take place, at the end of that day, in an Arizona prison; however, it

was not that of the Court's Order but of WalterLa Grand, whom no one, finally, had been able to

save from the gas chamber.

5. Thus, faced with the Respondent's refusa l to recognize provisional measures indicated

by the Court, the Federal Republic of Germany has included in its submissions to the Court a

request for it to adjudge and declare

"that the United States, by failing to take a ll measures at its disposal to ensure that
Walter LaGrand was not executed pending the final decision of the International Court

8Memorial, Ann. 28. - 41 -

of Justice on the matter, violated its intern ational legal obligation to comply with the
Order on Provisional Measures issued by the Court on 3March1999, and to refrain
from any action which might interfere w ith the subject matter of a dispute while
judicial proceedings are pending".

This request therefore presupposes that the obligation contained in the Order of the Court be clearly

identified. It raises the wider question of th e precise legal effect to be given to provisional

measures. The re-examination of this problem— a classic one, albeit somewhat obscured by

glosses put on it— thus comes at a particularly ap propriate juncture in terms of the history of the

International Court. At a time when it is being so ught to contrast its powers in these matters with

those possessed by other international courts esta blished far more recently, there is sometimes a

tendency to jump to a conclusion unfavourable to the Court; there are those who still maintain that

the Court cannot order measures that are truly binding. Yet this is in no sense an academic

question, since the number of cases where such measures are nonetheless being sought from the

Court is currently on the increase.

6. Thus the classic problem of the legal ef fect of provisional measures, which we are

considering here as a question helpful to the settlement of the present dispute, is equally an issue of

topical relevance. Examining the issue objectivel y, as we are bound to do, we are led to the

following conclusion: the fact that the effect of provisional measures has long been a matter of

doctrinal debate is largely due to a tendency to distort their true meaning. It is therefore essential,

at least for the purposes of the present case, to re-examine the terms of a debate echoed in the

United States Counter-Memorial, before removing the confusion which fu els that debate and

conceals what is really at stake.

7. And, indeed, the stakes are high. What is being called into question is quite simply the

effectiveness of the judicial function, not to mention the authority of the Court. At all events, what

is at issue in the response that you give to the German Application, is not the existence of

responsibility on the part of the United States vis- à-vis Germany, but, in any event and at the very

least, the question whether that responsibility has been aggravated.

8. This presentation thus consists of three su ccessive parts: a re-examination of the terms

of the debate(I), the true significance of the binding nature of provisional measures(II) and,

finally, the responsibility of the United States on account of its disregard of the measures ordered

on 3 March 1999 (III). - 42 -

I. The terms of the debate

9. As in any academic dispute, there are those who support and those who oppose the

binding nature of provisional measures.

1. Arguments against recognizing the binding nature of provisional measures

10. Three arguments are generally put forward in this connection. They are based

successively on the relevant texts, on the practice of States, and indeed on the jurisprudence of the

Court itself. They are to be found in the Unite d States Counter-Memorial. Let us examine them

one by one.

(a)11. The texts: the argument most commonly used to dispute the binding nature of the

Court's Orders is also the one which most directly demonstrates its own flimsiness. It is based on

the wording of the English text of Article 41 of the Court's Statute. For want of anything better, it

was of course on this argument that the United States focused in its written pleadings, specifically

in paragraphs141 et seq ., and as we all know, having been repeatedly told so, Article41,

paragraph 1, reads as follows:

"The Court shall have the power to indicat e, if it considers that circumstances so

require, any provisional measures which ought to be taken to preserve the respective
rights of either party." [Quoted in English in the original.]

And the United States emphasized the words "indicate" and "ought to be taken", and

likewise drew attention to the fact that paragraph 2 of the same Article speaks of measures simply

"suggested" and not "ordered" by the Court.

12. Frankly, Mr.President, there is nothing here that could startle a Frenchman— and I

would ask you not to take this remark as being in any way chauvinistic! As those who support the

binding nature of provisional measures point out, the French version of this same text also reads:

"indiquer des mesures conservatoires" ; however, this, in the langua ge of Molière, can be taken to

mean that it "designates" such measures, without carrying any connotation as to whether or not

such designation is of a binding nature. Furthermor e, the French text of Article41 states that the

measures in question "doivent" [must] (and not "devraient" [ought to]) "être prises à titre

provisoire" [be taken on a provisional basis]. Of co urse, there can be no question of setting

Molière against Shakespeare, who, among other things, have humour in common! But it should be

borne in mind that, under United Nations law and, more importantly, under the law governing the - 43 -

Court since 1920, neither of the two versions, English or French, nor those of the other official

languages of the United Nations, takes precedence over the others, even on the Internet! Indeed, as

the Memorial submitted to the Court by Germany has shown, neither the Chinese, nor the Arabic

version, any more than the Russian or Spanish version of the text of Article41 of the Statute,

corroborates the interpretation which the Respondent seeks to give to this provision 81.

13. Moreover, the United States is indeed obliged to admit that Article 41 is "susceptible of

different readings" 82. It was, in fact, a very eminent British author, SirGerald Fitzmaurice, who,

himself a staunch supporter of the logically binding nature of provisional measures, pointed out the

flimsiness of the argument based on "should" and "ought" 83.

(b)14. The practice of States : the United States Counter-Memorial states that: "the

practice of States also shows that the Court's indications of provisional measures have not been
84
understood to impose binding legal obligations " [quoted in English in the Original].

Let us pause for a moment to consider the practice of States. It is characterized first by the

current increase in the number of requests for provisional measures: six under the Permanent Court

of International Justice, compared with 35 requests to the present Court, of which ten, admittedly,

were filed together by Yugoslavia against the Member States of NATO. The fact remains that the

last 25requests span a period of only some 20y ears. An astonishing practice if States really do

consider that the Court's Orders have no legal effect! It is true that at times a good number of those

States— including the United States on several occasions— have not paid great heed to the

measures effectively ordered in 14 out of the 21 cases in which the present Court has been asked to

intercede. However, a purely statistical approa ch takes little account of the differences between

States.

15. First, there are those who request the measures, and then there are those who are

subject to them, as the measures are often directed essentially at only one of the two parties to the

dispute. But, for the States requesting measures, it is precisely to their legal authority that high

8Memorial, p. 151, para. 4.149.
82
Counter-Memorial, p. 123, para. 153.
83
Sir Gerald Fitzmaurice, The Law and Procedure of the International Court of Justice , 1986, Vol.2,
pp. 548-550.
8Counter-Memorial, p. 129, para. 161. - 44 -

importance is attached, as, for instance, when the United States itself requested the Court to

indicate such measures because its diplomats had been taken hostage! In this connection one need

only look at the extreme embarrassment, to say no more, evident in the Counter-Memorial where it

endeavours to refute the observations in Germany's written pleadings concerning the statements

made in 1980 by Mr. Owen, the Agent for the United States at the time; he spoke quite explicitly of

85
the "obligations" imposed by th e Court upon Iran in that case . Where it felt itself threatened by

the imposition of similar measures in the Military and Paramilitary Activities case 8, the United

States did its utmost to avoid having them indicated. But why, Gentlemen, be so fearful of such

measures, if they are not binding?

16. Then there is a second category, that of States which reject measures because they are

convinced of the Court's lack of jurisdiction to make a ruling on their co nduct in relation to the
87
merits of the case. This was true in particular of Iceland in the Icelandic Fisheries case or of

France in the Nuclear Tests case. The latter case was, moreover, remarkable for the fact that, in the

final analysis, the respondent State shortly afterwards adopted conduct in full conformity with what

was expected of it by the Court, by deciding of its own accord to discontinue atmospheric nuclear

tests. Finally, there is a third category of cases, frequently associated with the previous one, where

certain States have been particularly reluctant to comply with the measures ordered by the Court

because they regarded them as being in fact in distinguishable from settlement of the plaintiffs'

substantive claims. If they did not comply with the Court's Order, it was not because they denied

the authoritative nature of provisional measures but, on the contrary, because they considered that

their implementation would prove excessively effective!

17. Moreover, an argument which seeks to derive from the conduct of litigants a

conclusion concerning the authority of the Court is utterly defective, at least in international law,

for the simple reason that it is based on a false premise: a failure to distinguish between the

85
Counter-Memorial, p. 126, paras. 157 et seq.
86Military and Paramilita ry Activities in and again st Nicaragua (Nicaragua v. United States of America),
Provisional Measures, Order of 10 May 1984, I.C.J. Reports 1984, p. 169.

87Fisheries jurisdiction (United Kingdom v. Iceland), Interim Protection, Order of 17 August 1972, I.C.J. Reports
1972, p.12; Fisheries jurisdiction (Fed eral Republic of Germany v. Iceland), Interim Protection, Order of
17 August 1972, I.C.J. Reports 1972, p.30; Nuclear Tests (Australia v. France), Interim Protection, Order of
22 June 1973, I.C.J. Reports 1973, p.99; Nuclear Tests (New Zealand v. France), Interim Protection, Order of
22 June 1973, I.C.J. Reports 1973, p. 135. - 45 -

binding nature of a judicial decision and the lack of power to enforce that decision on the part of

the body by which it is issued! But the United States itself never complied with this Court's

Judgment on the merits in its case against Nicaragua! And yet no one would dream of denying that

this Court's judgments have the force of res judicata. The Court has jurisdiction to order binding

measures but it does not have the power to enforce them.

(c)18. The case-law of the Court : the United States, in its Counter-Memorial, contends

that the Court itself has not, in its case-law, stated that it considered such measures to be binding

and that, as a result, it has also never ruled on the legal responsibility of States which have failed to

comply with its interim orders. In support of this argument, the UnitedStates curiously cites the

Anglo-Iranian Oil Co. case, where the Court stated that its Order "had ceased to be operative" 8. It

could simply be observed in response that, if the Order had ceased to be "operative", that means

that, previously, it had been operative. Similarly, it is strange that the United States finds support

in the Court's observation that the French Government, in the Nuclear Tests case, had committed a

"deliberate breach of the Order" 89. If the Court refers in that context to a "breach", is it not

precisely because it recognizes this legal measure as one imposing obligations? The

Counter-Memorial pays little heed to the presen ce of the term "breach" in the above-mentioned

case, but seeks on the other hand to derive support from the absence of that term from the language

used by the Court in the Hostages case, where the Court noted, and regretted, the failure to comply

with the Order it had addressed to the Islamic Republic of Iran.

19. Apart from this somewhat inconsistent use of your case-law, the authors of the

Counter-Memorial refrain from considering it in deta il, but largely confine themselves to a simple

observation. If this Court has never ruled on the international responsibility incurred by a State on

account of failure to comply with an Order for provisional measures, it is quite simply because,

90
until the Breard case, no State had ever requested such a ruling! However, the Breard case never

reached the merits stage, owing to the discontinuance of the Paraguayan proceedings.

8Counter-Memorial, p. 130, para. 162.
89
Ibid., para. 163.
90
See Luigi Daniele, Le misure cautelari nel processo dinanzi alla Corte internazionale de giustizia, 1993, p. 139. - 46 -

20. A consideration of the case-law shows in reality that the Court traditionally, and

logically, has based the wording of its orders on th e cautious language of Article 41 of its Statute,

more often than not reproducing its terms, either in English or in French. In all cases, the Court

begins with a general indication to both parties to "ensure that they avoid any act which might

aggravate or extend the dispute" or to "ensure that no measure is taken which might prejudice the

rights of the other Party". It then usually goes on to specify the conduct required of one or other

party in each particular case.

21. In this latter regard, the Court seems to be increasingly inclined to express itself more

firmly, at least if the circumstances so require; however, this tendency co ntinues to be hampered

by terminological differences between the French and English versions. Let us take two examples:

in the pending case between Bosnia and Yugoslavia, the Court in 1993 issued an Order, the French

text of which clearly states that Yugoslavia "doit immédiatement" [must forthwith] take all

measures within its power 91; it repeats this language in connection with Yugoslavia's duty to

"ensure that any military [or] paramilitary armed un its do not commit any acts of . . . conspiracy to

commit genocide ... or of complicity in genocide" 92. Yet the English original, in deference to the

English text of Article 41, confines itself in both cases to the use of the word "should".

22. Furthermore, in the case that is almost the twin to that which concerns us today, the

Court's Order expressly states in French that «les Etats-Unis doivent [must] prendre toutes les

mesures dont ils disposent pour que M.Angel Francisco Breard ne soit pas exécuté tant que la

décision définitive en la présente espèce n'aura pas été rendue» 9. Here again, however, the

English text states that the United States "should take . . .".

23. It is thus as if, bound by the linguistic ambivalence of its Statute, the International

Court of Justice felt itself unable, even though it considered that the circumstances so required, to

break away from the language imposed on it by one or the other version of Article41. But the

important thing is to focus on the actual intention of the Court. And here it does appear that — in

order to make that intention clearer— the Court has decided quite recently to free itself of the

91I.C.J. Reports 1993, p. 24, p. 52.

92Ibid.
93
Order of 9 April 1998, I.C.J. Reports 1998, p. 248, para. 241. - 47 -

uncertainties which might be entertained, particul arly by the countries to which its orders are

addressed, with regard to the precise force attaching to the measures which it "orders".

24. In the case concerning Armed Activities on the Territory of the Congo (Democratic

Republic of the Congo v. Uganda), the Court issued an Order, on 1July last, addressed to both

Parties to the dispute, the original of which is in French. It is true that the Court unanimously

"indicates" the measures concerned, while d eclaring three times that "the two Parties must,

forthwith, prevent and refrain from...". Here we find the same language as is used in the French

translation from English, which I have just cited from the Breard and LaGrand cases.

25. However, as if seeking to put an end to the debate over the capacity of provisional

measures to create obligations, the Court was at pains to state, in paragraph46 of the

above-mentioned Order, that a "decision in the present proceedings in no way prejudges the

question of the jurisdiction of the Court to deal with the merits of the case". "Decision" ⎯ the

language is illuminating. For, since the Court ha s itself no jurisdiction to amend its own Statute,

this must mean that if, on 1July2000, it describes an order for provisional measures as a

"decision", it is because that had already previ ously been the case. What has changed in the

year 2000 is perhaps the boldness of the description, but not the legal nature of the act to which it

relates. Moreover, any ambiguity appears to be removed since, in the English version based on the

French original, the Court, breaking with linguis tic tradition, was at pains to translate the words

"décision" and "doivent" by their exact equivalents in English, "decision" and "must".

Consequently, the jurisprudence of the Court fully justifies the conclusion that provisional

measures do effectively have binding force.

2. Arguments in favour of the recognition of the binding nature of provisional measures

Fu2rh.ermore ⎯ and I now turn to the consideration of arguments in favour ⎯ the

weight of the evidence confirms the binding nature of provisional measures.

27. First of all, their object, which consists, as the Permanent Court of International Justice

put it, in securing compliance with "the principle universally accepted by international tribunals . . .

to the effect that the parties to a case must abstain from any measure capable of exercising a - 48 -

prejudicial effect in regard to the execution of the decision to be given" 9. These measures are thus

protective in a number of respects. What is to be protected is the very subject of the dispute, so that

the judicial proceedings remain meaningful and effe ctive; it is also "the respective rights of the

parties pending [the Court's] decision", which "p resupposes that irreparable prejudice shall not be

caused to rights which are the subject of a dispute in judicial proceedings" ⎯ you will recognize

the language which you yourselves used in your Order in the Breard case 95. It is this purpose of

interim protective action which justifies the urgency and absolute priority accorded to measures of

this kind, as is moreover stressed in Article74 of the Rules of Court. It is understandable,

therefore, that SirGeraldFitzmaurice should declare: "The whole logic of the jurisdiction to

indicate interim measures entails that, when indicated, they are binding" 96.

28. However, having reached this conclusion, what are we really to understand by it? All

too often, because of certain authors' inability to apprehend the true meaning of the binding status

of such measures, their contributions have added little or nothing to the doctrinal debate referred to

above. It is therefore necessary, at this stage, to determine the true significance of the binding

nature of provisional measures.

II. The significance of the binding nature of provisional measures

29. For a proper understanding of such signific ance, it is necessary to analyse in turn two

distinct aspects, which must not be confused. The first concerns the legal nature and the

characteristics of the measures themselves. The second consists in considering the scope of the

legal obligations which they lay down. Each of these two elements will accordingly be considered

in turn.

1. Nature and characteristics of provisional measures

30. To put it simply, distinguished Members of the Court, provisional measures are not

judgments but are quite clearly legal decisions.

94Electricity Company of Sofia and Bulgaria, P.C.I.J., Series A/B, No. 79, p. 199.
95
I.C.J. Reports 1998, para. 35.
96
Sir Gerald Fitzmaurice, The Law and Procedure of the ICJ, op. cit., p. 548. - 49 -

(a)31. They are not judgments. A judgment by the Court on jurisdiction or merits cannot

be treated on exactly the same footing as a provisiona l measure. It is quite obvious that the former

are immediately vested with res judicata force in virtue of Article59 of your Statute. Judgments,

whether on jurisdiction or on the merits, bring closure either to a phase of the proceedings or to the

case itself. They constitute the terminal point of the proceedings.

32. Provisional measures, by contrast, have a dual character: they are both incidental and

provisional. As they are by definition adopted as a matter of urgency, their purpose is to permit the

continuation of the proceedings, not their closure. And that, moreover, is why the Court is

discriminating in its use of them, and refuses to indicate such measures if they are not required by

the circumstances or if they would prejudge the me rits of the case. Thus the Court exercises a

power of control in regard to the expediency of granting such measures. This difference between

judgments and provisional measures explains the reasoning of the Permanent Court in the Free

Zones case, when it stated that "orders made by the Court . . . have no 'binding' force (Article 59 of

the Statute) or 'final' effect (Article 60 of the Statute) in deciding the dispute brought by the Parties

before [it]"97. In order to clarify Germany's position on this subject, as expressed in its Memorial,

let me say that Article 59 and Article 60 do not ap ply to provisional measures or, to be more exact,

apply to them only by implication; that is to say, to the extent that such measures, being both

incidental and provisional, contribute to the exerci se of a judicial function whose end-result is, by

definition, the delivery of a judicial decision. There is here an inherent logic in the judicial

procedure, and to disregard it would be tantamount, as far as the Parties are concerned, to deviating

from the principle of good faith and from what the German pleadings call "the principle of

98
institutional effectiveness" .

33. Comparable conclusions would appear to apply, mutatis mutandis , with regard to

Article94 of the Charter, which does not—it is true—primarily concern the application of

provisional measures. This is what is required by a reasonable and, at the same time, realistic

interpretation of the terms of your Statute and of those of the Charter. The fact remains that, in

order to arrive at the binding and final judgment referred to in the above-mentioned provisions,

9Free Zones case, P.C.I.J., Series A, No. 22, p. 13.
98
Memorial, pp. 137 et seq. - 50 -

circumstances sometimes require your Court to have recourse to such measures, compliance with

which thus contributes to the construction of a binding judgment. An interim measure does not

render justice, but it enables justice to be rendered. And the fact that it is of a provisional nature

clearly in no way affects its capacity to create a legal obligation, any more than such obligation

may be called in question by the fact that you have no power of enforcement at your disposal.

(b)34. Moreover, as I was saying, while provisional measures are not judgments, they are

decisions. And in many respects, these decisions are very much akin to, if not always totally

assimilable to, orders which the Court makes "for the conduct of the case", deciding "the form and

time in which each party must conclude its argum ents" or arranging for "the taking of evidence",

all of which are decisional measures provided for in Article48 of your Statute. In other words,

they are decisions relating to procedure, not to judgment. They are part of the administration of

justice, but do not deliver that justice.

35. Hence, as decisions relating to procedure, albeit not to judgment, provisional measures

are quite clearly legal decisions, a fact noted by the most assiduous analysts of your Statute, such as

Sir Gerald Fitzmaurice or Shabtai Rosenne, the latt er in his classic work "The Law and Practice of

the International Court of Justice" 99.

36. At this juncture, we must dispose of a curious notion, which periodically surfaces in a

somewhat deluded version of doctrine. This is the thesis, reiterated for want of anything better in

the American pleadings, that the obligation laid do wn by the Court in such an order is purely a

"moral obligation". A notion which, if I may say so, is singularly lacking in foundation! Thus it is

hard to see by what mysterious alchemy the Cour t might suddenly take it upon itself to give the

parties moral instruction with a view to protecting specifically legal interests. "Come now,

wheedles the Court to the disputant States, make an effort, be nice . . . Do as I ask, so that we don't

make matters any worse . . ." You've got to be joking! There is only one case and one only, which,

moreover, has never occurred in practice, in which your Court is authorized to do anything but state

the law. This, which remains the one and only case, would be where the parties asked the Court to

rule ex aequo et bono , pursuant to Article38, paragraph2. Otherwise, the Court does only one

92nd ed., 1985, p. 125. - 51 -

thing; it lays down the law! Which, moreover, in no way prevents it as an institution from

enjoying great moral authority. Indeed, this was the conclusion of Sir Hersch Lauterpacht, when he

said: "It cannot be lightly assumed that the Statute of the Court ⎯ a legal instrument ⎯ contains
100
provisions relating to any merely moral obligations of States" [quoted in English in the original].

37. Furthermore, if the slightest doubt had remained in some people's minds as to the

nature of provisional measures as "decisions" en tailing legal obligations, any such doubt should

now be removed by the very exp licit characterization of the "decisi on" applied by the Court itself

to the provisional measures it indicated on 1July2000 in the case pending between Congo and

101
Uganda .

38. On the subject of the legal nature of this legal act, we may therefore conclude by saying

that provisional measures must be distinguished fr om judgments; they are indeed legal decisions,

but they are decisions of procedure (even though they may themselves involve a substantive

content). Since their decisional nature is, however, implied by the logic of urgency and by the need

to safeguard the effectiveness of the proceedings, they accordingly create genuine legal obligations

on the part of those to whom they are addressed. Having reached this point in our analysis, we

must now consider the precise scope of those obligations.

2. The scope of the obligations created by provisional measures

39. I shall first analyse, in general terms, the scope of all provis ional measures, before

considering more specifically the provisional measures addressed to the United States in the

present case.

40. (a) As already pointed out above, there are, in general, two stages in the process of the

indication of provisional measures. First, and I quote, the Court reminds "both Parties of the

obligation to prevent and refrain from any actio n which might prejudice the rights of the other

Party". This is an obligation at once mutual an d generic, which normally, owing to its virtually

standard formulation, may be treated as a general obligation of diligence due by the parties to each

other, and by both of them to the Court itself as guardian of the proceedings.

10Sir Hersch Lauterpacht, The Development of International Law by the Court, op. cit., p 253.
101
Order of 1 July 2000, op, cit., para. 46. - 52 -

41. As always where diligence is concerned, th e means of giving effect to this obligation

are left, if not always to the entire discretion of the two States, then at least to the reasoned

appreciation which each of them may make of the situation and of the conduct which it calls for,

with a view to the same end, which is also general yet clearly defined, namely, not to prejudice the

rights of the other party or to undermine the force or effectiveness of the future judgment. But an

obligation does not cease to be an obligation beca use it is formulated in general terms. On the

contrary, an inherent part of any obligation of due diligence is an implicit reference to standards of

conduct whose precise implications it is for every "well governed State" ⎯ to use the expression of

the arbitrators in the Alabama case ⎯ to assess and implement.

42. Apart from thus indicating general measures , the Court, more specifically by means of

individual measures, designates a particular conduct or a specific result to be achieved. In this case,

the Order may go on to formulate more precisely determined obligations, which does not mean that

they will cease to be obligations of diligence.

43. Here are some further examples of this.

"Yugoslavia must . . . take all the measures within its power to prevent commission
of the crime of genocide . . ." 102;

"the United States should take all measures at it103isposal to ensure that
Angel Francisco Breard is not executed . . ." ;

"both Parties must, forthwith, take all measures necessary to ensure full respect within

the zone of conflict for fundamental human rights and for the applicable provisions of
humanitarian law" . 104

All these cases, however, show that, although becoming more specific in content, the obligation

laid down always leaves some discretion to th e parties in light of an aim now more precisely

defined.

44. This discretion for the States concerned, which nonetheless imposes a specific

obligation on them, seems to us to be very prec isely reflected in the language used notably by the

Court in its 1986 ruling in the case between Nicaragua and the United States, when it stated, and

10I.C.J. Reports 1993, p. 24, para. 52.
103
I.C.J. Reports 1998, Order of 8 April 1998, para. 41.
104
Order of 1 July 2000, para. 47 (3). - 53 -

here I am going to quote the English text, so that I cannot be accused of playing on the

terminological differences between the English and French versions of the Judgment:

"When the Court finds that the situation requires that measures of this kind should be
taken, it is incumbent on each party to ta ke the Court's indication seriously into
account, and not to direct its conduct solely by reference to what it believes to be its
rights."105

45. Furthermore, the room for manoeuvre left to the State to whom the measures are

addressed also applies to the Court as regards the assessment it may have to make of whether that

State's conduct complies with the objective required of it. It may itself take into account the

balance of interests at stake on either side, as well as the degree of urgency on the one hand, and on

the other, the consequences that implementation of the specific measures may have upon the

situation of the State to which they are addressed.

46. The Court may thus determine not only the degree of authority attaching to what it

orders, but also the flexibility of the criteria it s ubsequently applies in order to assess how far the

State or States concerned have or have not complied with their obligation. It is precisely the

flexibility inherent in this type of measure which may be seen as reflected in the prudent language

used by the English version of Article 41 of the Statue.

( 47. b) Hence it is particularly instructive to turn to the Order made by the Court in the

LaGrand case, which I quote—for the same reasons as before—in the English original: "The

United States of America should take all measures at its disposal to ensure that Walter LaGrand is

not executed pending the final decision in these proceedings". What, here, is the sense and scope

of the conduct required of the United States by th e Order? Was the intention to order it to waive a

power inherent to its sovereignty, which might admittedly be seen as an encroachment upon a

specific legal interest, thus pr ompting the United States to do only the bare minimum in this

regard? It would appear not. By that incidental decision ⎯ which is what an Order for provisional

measures is ⎯ the Court was merely requesting the United States of America not to waive its

exercise of a power, but merely to suspend that exercise for a limited period ⎯an obligation of

simple abstention, which did not jeopardize any major or fundamental sovereign interest. True,

there are cases in which allowing time to elapse may cause harm.

10I.C.J. Reports 1986, p. 144, para. 289. - 54 -

48. These are cases in the financial or commercial fields, where time is money! Yet here,

time would have cost no more than the price of an extended stay on death row with, as counterpart,

the possibility of still leaving life a chance. Indeed , the balance of interests here, on the basis of

which the Court may assess to what extent the St ate took "the Court's indication seriously into

account, and [did not] direct its conduct solely by reference to what it believes to be its rights", tells

us a great deal. On the one hand, there is the United States, whose basic legal interests would not

have been prejudiced by the 12 or so additional months required for the international proceedings,

after the 17 years the LaGrand brothers had already spent in prison. On the other hand, there is the

respect for the rights of another sovereign State, Ge rmany, both in its own right and in that of two

of its nationals. On the one hand there is the temporary suspension of the exercise of a judicial

power; on the other, the possibility, bearing in mind what was actually at issue in the case, of

giving one final chance to the "right to life": a fundamental human right, defined in similar terms

in enough international conventions to warrant its being considered a norm of customary

106
international law, indeed even of peremptory law— the view which ProfessorThéodoreMeron

appears to favour in his writings.

49. The position of the Federal Republic of Germany, Mr.President, Members of the

Court, is thus that, in the particular circumstances of this case, bearing in mind the legal nature of

provisional measures in general and of the content of the obligations created by the provisional

measures indicated by yourselves on 3 March 1999, the United States had a simple course of action

to follow, but only one: to refrain from executing WalterLaGrand and suspending his execution

for the duration of the proceedings. By deliberately ignoring your Order, the United States thus

incurred international responsibility ; by doing no more than simply transmitting the text of the

Order to the authorities in Arizona, the United Stat es did not comply with its legal obligation to

"take all the measures at its disposal to ensure that Walter LaGrand [was] not executed pending the

final decision in these proceedings". The behaviour of others acting on behalf of the United States

was even more deliberately contemptuous of the provisional measures indicated by the Court.

First, there was the Solicitor- General, who purely and simply maintained the position he had

10T. Meron, Human Rights and Humanitarian Norms as Customary Law, pp. 193-194. - 55 -

adopted in the Breard case, according to which provisional measures are in no way binding on the

United States. Then there is the United States Su preme Court, which, although cognizant of the

situation through the still very recent precedent of the Breard case, also restated a position clearly

signifying that the law of the United States, as interpreted by the Supreme Court itself, takes

precedence over public international law. This attitude has been radically criticized by a number of

eminent American jurists, including ProfessorLouisHenkin 107 in the columns of the American

108
Journal of International Law , or Mr.KeithHighet in the last article he wrote, the same

Mr. Keith Highet, who was my colleague the last time I appeared before this Court. Both stressed

the binding nature in international law of the pr ovisional measures indicated by the Court in the

Breard case, which were essentially identical to those in the present case. They did so both taking

account of the provisions of the American Constitut ion and by reference to the elementary rule of

international law that a State incurs responsibility through the acts of its own organs.

50. I would add that, while there may be instances in which a State, bearing in mind the

particular circumstances of the case concerned, may consider that the Court leaves it a certain

discretion — a matter already referred to — there was no possible doubt here as to the strict nature

of the duty placed upon the Respondent. Indeed, one must bear in mind the point I began with,

namely, the very special case—radical, unprecedented—of an Order for provisional measures

made proprio motu which left no possible ambiguity regarding the importance and authority which

the Court, acting unanimously, attached to compliance with the simple measure of abstention

which it was ordering, bearing in mind the extreme urgency of the situation and the literally vital

issue of its implementation. To quote the word s of Keith Highet in his commentary on the Breard

case: "the death row situation is the quintessen tial instance where an order indicating provisional

measures from the I.C.J. could have been applied, but was not" [quoted in English in the original].

Hence, it is indispensable at this stage in the an alysis to turn to a consideration of the legal

107
Louis Henkin, "Provisional Measures, U.S. Treaty Obligations and the StateAJIL 1998, Vol.92, pp.679-
683.
10Keith Highet, "The Emperor's New Clothes: Death Row Appeal to the World Court? The Breard case as a
Miscarriage of (International) Justice, in Essays in Meriam JudgeJosé-Maria Ruda", Universidad Austral, 2000.

Reproduit dans le Mémoire, Ann. 39, pp. 765 et seq. - 56 -

consequences, for the United States, of the failure to comply with the provisional measures of

3 March 1999, and that will bring my oral argument to a close.

III. The legal consequences for the United States of failure to comply with
the provisional measures of 3 March 1999

51.

"The essential principle contained in the actual notion of an illegal act — a principle
which seems to be established by internationa l practice... is that reparation must, as
far as possible, wipe out all the consequences of the illegal act and restore the situation
which would, in all probability, have existed if that act had not been committed." 109

I could have stopped my reading of this quotation as soon as I started, as you obviously all know it

by heart, yet the purpose of this reminder of a dictum of the Permanent Court in the Factory at

Chorzów case is not to repeat a now somewhat time-worn ritual, but to define the terms of the legal

situation to be analysed. On 3 March 1999, the Court ordered the United States to adopt a course

of conduct which, effectively, left it no option but to apply strictly the decision addressed to it.

Moreover, the content of that decision was not particularly constrictive, simply amounting to the

provisional suspension of a penal power. The United States ignored it, in so doing tampering with

the very subject-matter of the dispute on the merits while the international legal proceedings were

ongoing. As a result, having committed a further wrongful act, it incurred further international

responsibility ⎯ a fresh head of responsibility, founded on actions distinct from those with which it

was charged in the Application. Yet that head nonetheless remains closely bound up with the

responsibility incurred on the merits, a point which needs to be briefly rehearsed again.

Link between responsibility for disregarding the Order and responsibility on the merits

52. By virtue of its Order, the Court showed that it was in no doubt either as to the prima

facie existence of the rights of the Applicant or as to the existence of a danger of irreparable harm.

The Applicant's rights were based on the fact that Article 5 of the 1963 Vienna Convention gives

every party the right to "protect [ . . .] in the receiving State the interests of the sending State and of

its nationals, both individuals and bodies corporate . . .". They are also founded on the rights which

Germany derives from Article 36, which I shall not analyse again here. On the other hand, I shall

10Case concerning Factory at Chorzów, P.C.I.J. Reports, Series A, No. 17, p. 47. - 57 -

consider your finding of 3 March 1999 that there was a danger of irreparable harm. What exactly

does this mean? The harm caused consists in the fact that it is now impossible for Germany to seek

restitutio in integrum. This harm is irreparable, not because no reparation could ever now be made

to Germany, but because no reparation can ever "re-establish the situation which would have

existed if the said act had not been committed".

53. In other words, until Walter LaGrand had been executed, and if the Court had been able

to consider the issue of whether the United Stat es had or had not violated Article36 of the

Convention, there was still every possibility, should you accept Germany's claims, of the

proceedings being resumed in the American courts; but, this time, respecting Germany's rights and

the rights of its nationals. Last but not least, it might well have happened that, provided with the

best lawyers, and given due notice of his rights, Walter LaGrand's life could have been saved. His

execution at the start of the proceedings does not render them moot, but makes them incapable of

restoring the status quo prior to the commission of the wrongful acts by the United States.

54. It is clear, therefore, that Germany's ri ghts to secure compliance by the United States

with its obligations towards it, and the rights wh ich it exercises on behalf of its nationals through

diplomatic protection, constitute evidence of a direct link: between the life of one of its nationals

and a legal interest specific to Germany. In no sense therefore is this a matter of seeking to place

the Court in the position of an inte rnational court of criminal appeal ⎯ as has already been

sufficiently emphasized.

55. Since the execution of Walter LaGrand, there remains a legal dispute between the two

Parties, first on the interpretation and applicati on of Article 36 of the 1963 Vienna Convention and

also on the responsibility incurred by the United States by reason of its violation vis-à-vis

Germany. But the violation of this provision by the United States eventually resulted in an ultimate

prejudice which nothing and nobody can ever make good. Simple reparation by means of the

stunted and somewhat disdainful form of satisf action to which the United States has resorted

cannot suffice in these circumstances, particularly in view of the scant commitment to the future

shown by it in the past, as has just again been demonstrated by the recent execution of Mr. Flores.

Indeed, all will agree that it is totally unacceptable that this State, for th e second successive time,

should violate Article36, the rights of a State and the rights of its na tional, then ignore the - 58 -

provisional measures ordered by the Court, thus creating irreparable harm — and then regard itself

as having satisfied its obligations in terms of in ternational law merely by recognizing that it has

committed a violation. I break the law, I ignore th e measures ordered by the Court, I carry out the

execution ⎯ next one please. . .!

II. Conclusion

56. In conclusion, Mr. President, Members of the Court, I shall make two observations, the

first of which concerns the scope of provisional measures and, the second, the consequences of

their violation, both of them in the particular circumstances of this case.

57. (a) First, the LaGrand case demonstrates in a particularly pertinent manner how

important it is to remove any remaining ambiguity regarding the scope of provisional measures, at

a time when many States are only too inclined to put about the idea that the Court is in this respect

less well equipped than other international tribunal s. In reality, provisional measures are true

procedural decisions, distinct from decisions constituting judgments, yet closely linked to the latter

by their purpose, which is to protect the rights of the parties and the subject-matter of the dispute.

58. In this case, the prospect of harm that was truly irreparable, both because it rendered

any restitutio in integrum impossible and because it violated human life, rendered the Order of

3March1999 strictly applicable, all the more so because the balance of interests involved merely

imposed on the United States a simple and temporary obligation to abstain.

59. (b) My second observation is that the conseque nce of the violation of a right is always

to incur international responsibility. The responsibility incurred by the United States in ignoring

your Order, as distinct from its responsibility for th e violations of Article 36, yet bound up with it,

can hardly be considered as a totally separate issue. It follows that, for having caused irreparable

harm to the Applicant, that responsibility must at the very minimum be treated as what it is, namely

a very serious aggravating factor to the initial responsibility of the United States for its violation of

Articles 36, paragraphs 1 and 2. The specific result of this must be that the meagre, stunted form of

satisfaction proffered by the United States cannot be acceptable as the reparation due by the

United States to Germany. - 59 -

Mr. President, I have now reached the end of the first phase of Germany's oral argument in

the LaGrand case. I thank the Court for its kind attention during this long day.

The PRESIDENT: Thank you, ProfessorDupuy. The sitting is adjourned. We will

resume tomorrow morning at 10 a.m. to hear the oral argument of the United States.

The Court rose at 5.50 p.m.

___________

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