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CR 200214(traduction)
CR 200214(translation)

Jeudi21 févà10heures
Thursday 21February2002at 10a.m.0 2 8 Le PRESIDENT :Veuillez vous asseoir. La séanceest ouverte etje donne la parole pour la

Républiquedu Cameroun àM.Ntamark.

M.NTAMARK :

1.LA FRONTIÈRE TERRESTRE

7. Bakassi

b) L'administrafioncoloniale - saportée juridique

ii) L'époquedumandatet de la tutelle (première partie)

1. Monsieur le président, Madameet Messieurs de la Cour, nous voudrions, lors de la

présenteintervention, vousmontrer comment, de manière générallee, droitet la pratiquetels qu'ils

se sont développédsans le cadre des régimesdu mandat et de latutelle confirment les frontièresdu

Cameroun actuel, et en particulier que Bakassirelevait alors du domaineterritorial du Cameroun

britannique, fixant ainsi un cadre territorial'application du principe de l'uti possidetis au

moment de l'indépendance. Aprèsune introduction générald ee ma part, je vous exposerai les

principaux aspects de laquestion, avant de laisser la pàM. Shawpour quelques observations

supplémentaires.

2. Nous cherchons à démontrerles points suivants. En premier lieu, la communauté

internationale a confirmé, parle biais d'accords internationauxet par la pratique, les frontières

conventionnelles existanteset a établicomme frontièreinternationale celle séparantle Cameroun

britanniquedu Camerounfrançais. En second lieu,cette situationa été soumiseun mécanismede

contrôle international privilégianttout particulièrementles questions territoriales. En troisième

lieu, et ce point seratraitépar M. Shaw, il n'y avait aucun doute ni aucun désaccordquant au

régime gouvernantBakassini quant au tracéde la lignefrontière. La presqu'îlede Bakassi,entant

que partie intégrantedu territoire sous mandat puis sous tutelle du Cameroun britannique, fit

titre l'objet d'unereconnaissanceet d'un contrôlepar les instances internationales.tout aussi

manifeste que Bakassi, du point de vue de la souveraineté,ne relevait aucunement du Nigéria. .

est d'ailleurs révélaterue le Nigéria n'aitévoquéque superficiellementl'élément essentiqlue

constitue lapratique durantcette période. 3. Bien que,à ce stadede la procédure,nous nous intéressionsprincipalementà Bakassi, il

nous faudra élargir la discussionaux territoires sous mandat, et en particulier au Cameroun

méridional.

) O1 9 1.La confirmation du cadreterritorial par les instrumentsinternationauxpertinents

4. A l'issue de la premièreguerremondiale, il fut décique l'administrationde la colonie

allemande du Kamerun serait partagéeentre la Grande-Bretagne et la France dans le cadre du

régimedes mandatsde la Société desNations. Le régimedu mandat - puiscelui de latutelle, qui

lui succéda- présupposaitune répartitiondes compétences entre la puissance administrantet la

Société des Nations-et par la suite l'Organisationdes Nations Unies. Il allait de soi dans le

cadre de cette structure que la puissance administrante n'avait pas le pouvoir d'aliéner

unilatéralementle territoire administré. L'objectifdu régimedu mandat lorsqu'ilfut instauréétait

d'établirun statut international reconnu (affaire relative au Statut international du Sud-Ouest

africain, CCJ. Recueil 1994, p. 26), ce qui emportait inévitablementreconnaissance du statut

international des frontières du territoire sous mandat. Comme la Cour l'a dit en l'affaire du

Dzflérend territorial (Jamahiriya arabe libyenne/Tchad,C.I.J.Recueil 1950,p. 26), ««[d]éfinir»un

territoiresignifiedéfinirsesfrontières)).

5. Lorsqu'elle établitles frontièresdu Cameroun, la Sociétédes Nations suivit la ligne

décritedans la déclarationMilner-Simonde 1919,conformément à l'article premierde chacundes

mandats conférés à la Grande-Bretagneet à la France, si bien que toutes les régionsde l'ancien

Kamerunallemandqui se trouvaient àl'ouest de cette ligne revinreàla Grande-Bretagne,et les

régions àl'est de cette lignea la France. Par l'incorporation de la déclaration Milner-Snans

un second accord international'cette ligneacquit le statut de frontièreexpressément reconnuepar

laprincipale instanceinternationalede l'époque,de sortequ'unrégime territorial objectit tabli.

La ligne de 1919fut préciséedans la déclaration Thomson-Marchand, confirmée par l'échand ge

notes dejanvier 1931.

6. Ainsi, et l'exceptiondes légèremodificationsautoriséesà l'articlepremier desmandats

(en particulierlorsque leur intentionétaitde favoriserl'intérêdtes populations oude remédier

inexactitudes surla carte de Moisel), la ligne frontièrearrêtée dales mandats ne pouvait êtremodifiéeque par les parties intéresséeasvec l'accord exprès duConseil de la Sociétédes Nations.

Ce cas de figure ne s'est jamais produit. Cette définitiondu territoire fut confirméedans les

accords de tutelle qui se substituèrent directementaux accords de mandat aprèsla seconde guerre @

mondiale en vertu de la résolutionadoptéepar l'Assemblée générad le la Sociétédes Nations le

18avril 1946(documentde la SDNA.33, 1946,p. 5-6).

7. Les articles 79 et 85 de la Charte des Nations Unies disposentpour l'essentielquetoute

modificationde l'accord de tutelleou tout amendement à celui-ci doit êtreapprouvépar lesparties

directement intéresséeest par l'Assembléegénérale.La définitiondes territoires en questionétait

manifestementvisée,si bien que les Etats qui administraientun territoire en vertu d'un accordde

tutelle n'avaient en aucun cas la capacité juridiquede modifier unilatéralementles frontièresde

celui-ci. Ces frontièresbénéficiaient ainsd i'une double confirmation : d'une part, elles étaient

définies dansdes traitésinternationaux consacrant desrégimesde frontière objectifset, d'autre

part, elles étaientexpressémentreconnuespar l'ONU. L'articlepremier de chacundes accordsde

tutelle reprenait l'articlepremierdes deux mandats,àla différenceque, dans l'accordde tutelle du

Royaume-Uni, une référence à l'échangede notes de 1931 fut rajoutée à la mention de la

déclarationde 1919.

2. La confirmationpar les organesde surveillance

8. Au surplus, la délimitationtemtoriale fixéepar les accords de mandat et de tutelle fut

étayéeet confirméepar la pratique des organes de surveillance de la Société des Nations et des

Nations Unies. La commission permanentedes mandats et le conseil de tutelle, respectivement

instituéspar la Société des Nations et les Nations Unies, suivaient de près la situation dans les

territoires relevant de leur compétence, tout particulièrementlorsqu'étaienten jeu le statut

constitutionnel et la délimitationde ces territoires. Aussi cette pratique a-t-elle indéniablement

valeur de confirmationdu titre conventionnel,déjàreconnupar les accords demandat et de tutelle

correspondants.

9. Les faits révèlentclairement que toute proposition tendant à modifier les frontières

convenuesétaitscrupuleusementanalysée;il est remarquable de voir à quel pointa étérespectéela

règlefondamentale voulant qu'aucun remaniementne fût opéré sansl'approbation de la Société desNations. De fait, tout au long de lapériodedu mandatet de latutelle, il fut systématiquement

prêté ungerandeattention au moindre ajustementenvisagé dela ligne frontière franco-britannique

de 1919telle que préciséepar la déclaration Thomson-Marchand. C'est ainsi que fut préservée

danslapratiquel'intégritterritoriale desrégionssousmandat.

10.La commissionsepenchaparexempleplusd'une foissur des propositionsd'ajustements

relativement mineursde la ligne frontièredestinésprendre en compte les réalitésethniques11

fautbiensûr se garderd'exagérer l'importance defforts déployés, lesquelss'inscrivaienttoujours

dans le cadre de la possibilitélaisséepar les mandatsde modifier légèrement la frontière.en

I O ' est pas moins frappant de constater que le cas de tribus sépasar des frontières fut souleàé

diversesreprises. C'est ainsique les discussionssurlaquestionduKentu s'étendirentsurplusieurs

années :débutées en 1928 (MC, annexe 150), elles se poursuivirent en 1933 (MC, annexe 164)

pourne se terminer qu'en 1937,la commissionindiquantalors qu'elle serait((heureusede recevoir

l'assurance que,nonobstant l'usage du terme ((transfert)),cette opération[vait]pas eu pour

résultat d'apporterune modification quelconqueau statut du district ou de ses habitants)) (MC,

annexe171).

11. On le voit, la commission portait unintért arquéà ce qui n'étaiten réalitque des

questionsd'ordrerelativement mineurrelatives l'emplacement desfrontièresetà la possibilité de

lesmodifierlégèrement afinde réunirlesmembresd'unemême tribu. Or, onchercheraiten vain la

trace d'une quelconque discussion concernant les populations de la presqu'île de Bakassi, ou,

comme le Nigériavoudrait nous le faire croire, celles du territoire debar, et leur prétendue

division par la ligne frontière observéepar le Royaume-Uni. Le régimeadministrépar la

commissiondes mandats visait à assurerle bien-êtredes populations au sein d'un cadreterritorial

clairementdéfini.Si la situationde Bakassiavait telle que leprétendaitleNigéria,ellen'aurait

manquéde l'examiner. La commission étaitrésolue à ne rester indifférenàeaucune tentative,

réelleou supposée,d'apporter auxfrontièresdes territoires sousmandat desmodifications, quelque

minimesqu'en fussentles conséquences.Que la Société des Nations se soit intéresréellement

et demanière suivieaux questions derégimeterritorialest un faitque nul ne sauraitcontester.

12.Il en fut de mêmeavec le conseilde tutelle,organe de surveillancecompétent,et avecla

Quatrième Commission des Nations Unies, également compétente à cet égard. En effet, dès sa toute première session,celle-ci fit connaîtreson intptour la définitionterritorialedonnéepar les

accords de tutelle relatifs au Cameroun. Le représentant britanniqueréponditen l'assurant que

toute modification de lafrontièreeffectuédans l'intérêt depsopulationsserait évidemment portée

à l'attention du conseil de tutelle (MC, annexe 183, p. 109), conformément à la position

systématiquementmaintenuepar son gouvernement, à savoir que la définition desterritoires en

questionméritaituneattentionconstante delapart de la communautéinternationale.

13. Les rapports présentésau conseil de tutelle faisaient expressément référence à la

définitiondesfrontières concernées.Ils ne manquaientjamais de citerl'article premierdesaccords

de tutelle et d'évoquerles travaux de démarcation. En d'autrestermes, la questiondes frontières

était régulièrementportée devant cet organe, et fréquemmentmatière à interrogations età

discussions.

I 022 14. La frontière entre le Cameroun britannique et le Nigériafut évoquée à plusieurs

occasions, en particulierà propos de questions fiscales et d'immigration. Ainsi, au cours des

discussions qui eurent lieu en 1954 devant le conseil de tutelle, il fut noté que l'autorité

administrante s'interrogeait sur l'opportunité derestreindre les flux migratoires en directiondu

territoire soustutelle, notammentdepuis leNigéria (MC, annexe200)- questiondont on peutdire

qu'ellerevêt uneimportanceparticulièrepour Bakassi.

15. Nous pouvons donc formuler à ce stade un certain nombre d'observations.

Premièrement,les contours desterritoiresrespectivement placés sous administration britanniqet

sous administration française étaientterritorialement définis, d'unepart, par confirmation des

frontièresde l'ancien Cameroun allemand,qui demeuraient applicables à l'issue de la nouvelle

division et, d'autre part, par incorporation expresse de la ligne de 1919 séparantces deux

territoires. Deuxièmement,les accords en question étaientassortis de garanties territoriales,en ce

sens que les autorités administrantesnepouvaient en modifier les frontièressans le consentement

de l'organe international compétent,et étaienttenues de s'acquitterde leurs fonctions telles que

prévuespar les régimes internationaux de mandae tt de tutelle. Et troisièmement,les organesde

surveillancede la Société desNations et des Nations Unies ne cessèrentde veiller l'application

des accordsde mandatet de tutelle,en particulierau regarddu maintiende l'intégrité territoriale. Monsieur le président,je vous remercie de votre attention, etje vous prie de bien vouloir

donner laparoleà M. Shawpour luipermettrede poursuivrecet exposé.

Le PRESIDENT :Je vous remercie, MonsieurNtamark. Je donne maintenant la parole à

M. MalcolmShaw.

M. SHAW :Merci bien,Monsieurleprésident.

1.LA FRONTIÈRE TERRESTRE

7. Bakassi

b) L'administration coloniale- sa signzjicationdupoint de vuejuridique

ii) La périodedu mandatet de latutelle(deuxiéniepartie)

1. Monsieur le président,Madame et Messieurs de la Cour, nous avons vu comment les

accords de mandat et de tutelle ont confirmé le statut internationaldes territoires concernéset

comment celui-ci a été corroborpar la création d'organesde surveillance internationauxet par

leur pratique. Plus précisément,t il a lieu de le souligner d'emblée,il était clair que,dans le

cadre du régime dumandat commedans celuide la tutelle, les puissancesadministrantesn'étaient

pas habilitées,du point de vue juridique,odifier unilatéralementle statut ou la configuration

territoriale des régionsqui leuravaient été confiées. J'examimiaintenant,de manièreun peu

plus approfondie, certains des arrangements spéciauxen tant qu'ils touchaient aux questions

territorialeset sontpertinentssfins.

1. Lesaccordsadministratifsspéciaux conclus au sein ducadre territorialétabli

2. Le Nigériafait porter principalementson argumentation sur leseffectivités. La Cour a

déjàexaminé,dans l'affaireBurkinaFaso/République du Mali (C.I.J.Recueil1986,p.586-587),la

question de la relation entre cettepratique et le titre conventionnel. Lorsque les effectivités

correspondentau titre, elles ne remplissent qu'une fonctionconfirmative. Lorsque la pratiqueest

contraireau titre conventionnel,ellecèdele pas devant ce dernier et ne saurait prévaloir.

forte raison, une pratique reconnue'époque pertinente commene remettant pasen cause letitre

conventionnelne saurait êtreultérieurementexploitéede cette façon. Or, c'est précisément ce

quoi tend l'approche du Nigéria. En résumé l, Nigéria voudrait faire croire que certainsarrangements administratifs britanniques, qui étaientexpressémentautoriséspar les accords de

mandat et de tutelle, et dont il étaitpréciexpressémentqu'ils neremettaientpas en question le

statut territorial, revenaient à formuler une revendication territoriale contraire au titre

conventionnel. S'agissant deBakassi,le Nigéria prétend pour l'essentiel qu'ilen est le souverain

en raison d'actes souverainsaccomplis dans la presqu'île, y compris des actes accomplis par le

Royaume-Uniau cours de la périodedu mandat et celle de la tutelle. Le Nigéria cherche à faire

l'impasse sur le régime constitutionnel international qui protégeait l'intégritéterritoriale des

territoires sousmandat ousoustutelle. Il veut nousdonner l'impressionque,puisque Bakassiétait

administréeavec certaines régionsdu Nigériapendant la périodedu mandat et celle de la tutelle

c'est lapreuvequ'il détientle titre sur la presqu'île(voir notamment CMN,p. 184-186, 197, 199,

206). Point n'est besoin, bien entendu, de prendre en compte l'appareil juridique et les

prescriptionsdu régimedumandat et durégimedetutelle.

3. Le Nigériarelèvepar exemple : ((qu'elle se trouvâtsoumise au régimedu mandat et de

tutellejusqu'à l'accessiondu Nigériaà l'indépendance en1960,Bakassi a toujours été administrée

à partir duNigéria))-jusque là, tout vabien - mais il ajoute«et commefaisant partie de l'entité

politique nigériane))(DN, par. 2.27, p. 66). Oh non, Monsieur le président,absolumentpas.

Commenous le verrons, Bakassi étaitlégitimementadministréeavec la régionvoisine du Nigéria,

maisjamais ((commefaisantpartie del'entitépolitiquenigériane))p,arce quecela auraitsupposéun

arrangement relatif au titre ou à la souveraineté. Nous avons là un nouvel exemple de

l'argumentationinsidieuseduNigéria.

4. Il y a lieu de considérerde prèsla situationjuridique. L'article 22 du pacte de la Société

desNations prévoyaitquepour les mandatsB, comme ceuxquiétaientenvigueur au Cameroun,au

Togo et au Tanganyika, les puissances mandatairesétaient autoriséesà administrerle territoire en

question comme une partie intégrantedes territoires limitrophes. Toutefois,ces arrangementsne

remettaientpas en cause le statut internationaldesterritoiresni les frontièrestelles qu'elles étaient

établies. Ils tendaient en faità favoriser un exercice plus efficace du contrôle bureaucratique

imposépar la puissance administrante concernée. Ces arrangements étaientmis en Œuvre en

applicationd'autorisations expressescontenuesdansles accordsde mandatou de tutelle. 5. L'article 9 des deux accords de mandat autorisait expressémentdans les deux cas la

puissance administrante«à constituer ces territoires en unions ou fédératiodouanières, fiscales

ouadministrativesavec lesterritoiresavoisinantsrelevant de sa propre souverainetéou placéssous

son contrôle, à condition que les mesures adoptées à ces fins ne portent pas atteinte aux

dispositions du présentmandat)). Ainsi, la possibilitéd'administrer le Cameroun britannique à

partir de la colonie et du protectorat limitrophes du Nigéria découlaidte l'accord de mandat

lui-mêmetout en étantcirconscrit expressémentpar celui-ci. Le Gouvernement britanniqueen

avait parfaitementconscience, comme cela ressort de la lettre adressée le 14novembre 1922au

gouverneur du Nigéria. L'article 9de l'accord de mandat est intégralement citet il est proposé

que les deux régions septentrionalesdu Cameroun britannique soient administrées à partir des

provinces septentrionalesdu Nigéria. Mais il est précisé(au par. 5 de la lettr:)«sauf qu'elles

resteraient sujettes aux restrictions imposéespar les termes du mandat, cela s'entend)) (MC,

annexe 129).

6. La Iégislationbritannique elle-mêmeva dans ce sens. Les ordonnances en conseil

britanniques relatives au Cameroun, de 1923, ont prévuque les provinces septentrionaleet

méridionaledu Cameroun seraient ((administrées comme si elles faisaient partie, respectivement,

des provinces septentrionales et des provinces méridionalesduigéria))(MC, annexe 130).Pour

quecette positionsoit encore plusclaire,il était soulidans le rapport britannique de 1924sur le

Cameroun :

025- «il est précisque, si la zone sousmandat est administrée,conformémen t I'article9
du mandat, commesi ellefaisait partie intégranteduNigéria[cette expressionétait

mise en italiques dans le texte original], cet arrangement administratif n'impliqueni
fusion ni incorporation. Par conséquent,la position est strictement conforme à la
lettre eàl'espritdu mandat))(MC,annexe 137;voir égalementle rapport pour 1925,
MC, annexe 144).

7. Lasituation estdonc limpide. Les arrangementsliésau mandat quiont été décidépsourle

Cameroun britannique et pour le Cameroun français autorisaient les puissances mandataires à

administrer les territoires comme s'ils faisaientpartie de possessions limitroàhcondition que

lesmesures adoptées à cette fin ne contreviennentpas aux dispositionsde l'accord de mandat.En

fait,seuls lesBritanniquesont eu recoursl'article9, mais cefaisant, ils ont reconnuexpressément

dans la législation portant autorisatide procéder ainsique cette administration conjointe ne remettait pas en cause le statut du territoire sous mandat administré selon ces modalités.

L'ordonnance en conseil ne prévoyaitpas que les deux parties du Cameroun britannique seraient

administrées conjointement ((commefaisant partie))des deux provinces respectives du Nigéria.

Non. Pas du tout. La formule éloquentepour nous, qui a été employée était queles territoires

seraient administrés«comme s'ils faisaient partie)) des provinces nigérianes. Il y a là une

différencecruciale,contre laquellela prétention nigériane s'effondre puremnttsimplement.

8. Lorsque le régime demandat a étéremplacéaprès la seconde guerre mondiale par le

régimede tutelle, la mêmesituation s'est reproduite exactementdans les mêmestermes. Les

organes compétentsdesNationsUnies ontveilléscrupuleusement àétablir clairementque,tout en

comprenant les raisons qu'il avaità administrerle Cameroun britanniqueavec certaines régions

du Nigéria,une telle administration conjointe ne pouvait nullementporter atteinte et ne portait en

rien atteinte au statut du Cameroun britanniqueen tant que territoiresoustutelle. Ce territoire sous

tutelle n'a pas éintégréau Nigériaet aucunprocessussubtil dicté pardes raisons de commodité

bureaucratique n'est venu modifier son caractèrejuridique internationalde territoire soustutelle.

Un telprocessusauraitvidédetoute substancele conceptmême deterritoire soustutelle.

9. L'article 5,alinéa), de l'accord detutelle (MC, annexe 182) autorisait l'administration

conjointe du territoire sous tutelle avec les régions limitrophes et,dans ses rapports annuels au

conseil de tutelle de l'Organisation desNationsUnies, le Gouvernement britannique se référa

régulièrementau statut constitutionnel du territoire. C'est ainsi par exemple que, en 1951, le

représentantdu Royaume-Uniaffirme expressémentque «l'autoritéchargée del'administrationa

déclaréà plusieurs reprises qu'elle préserveraitle territoire soustutelle en tant qu'entitédistincte,

conformémentaux termes de l'accord de tutelle))(documentsofJicielsdu conseilde tutelle,1951,

p. 344,par. 26)et que

026
«[s]'ilest vrai que l'autorité charee l'administration envisaged'assurerl'évolution
progressivedes autochtonesdu territoire verslacapacitàs'administrer eux-mêmeesn
collaborationavec leursvoisins de laNigéria,cettemesure [etil s'agitici, Monsieurle
président, de l'entréeen vigueur de la nouvelle constitution nigérianede 19501
n'entraîneaucune modificationdu statut duterritoire soustutelle))(documentsofJiciels
duconseilde tutelle,1951,p. 132-133,annexeMC 198).Le conseil lui-même insista sur ce point lorsqu'il jugeabon d'inviter la puissance administrànte

(([prendre]des précautionsspécialespour s'assurerque les intérêtd su Nigeria ne l'emportent pas

sur ceuxduterritoire sous tutelle))(annexeMC 198,p. 41).

10.Durant la période dela tutelle, les liens institutionnelsentreles territoires du Cameroun

britanniqueet les régionslimitrophes duNigériachangèrent àplusieursreprises de nature. Chacun

de ces changements fut notifiéau conseil de tutelle, particulièrementattentàféviter toutedérive

institutionnellesusceptiblede porter atteinte, directement ou indirectement,au statut international

des territoires sous tutelle. Les arrangementsentre le Cameroun et le Nigéria, commetous les

autresarrangementssimilaires,n'échappèrenp tas àla règle.

11.C'est d'ailleurs rendrejusticeau Royaume-Unique de rappelerqu'il prit soinde préciser

la nature de ses arrangements administratifsau regard du territoire soustutelle et leur conformité

aux obligations internationales qu'il avait contractées. Le conseil lui-même examina

périodiquementles rapports présentée st lesréponsesauxquestions qu'il avait poséesà leur égard.

Il ressort clairement de la pratique du conseil qu'il n'ignorait pas la nature des arrangements

administratifsrelatifs au Cameroun britanniqueet les approuvaiten saqualitéd'organede contrôle

des territoiressous tutelle en généra. a résolution93 (VII)du conseilde tutelle concluaitainsà

propos du Cameroun britannique que «les arrangements ne sont pas désavantageuxpour le

territoire,mais méritent néanmoinlsaconstante attentionduconseil)).

12. En résumé,le droit et la pratique des organes de la Sociétédes Nations et de

l'organisation des NationsUnies montrent sans la moindre ambiguïtéque, si les arrangements

prévoyantune administration conjointe ou une associationavec les territoires limitrophes étaient

autoriséspar les accordsde mandatet de tutelle,ces arrangements devaientêtreconformesau statut

international spécifique des territoires sous mandatet sous tutelle et le respecter. La pratique

effectivede l'administration conjointe ne pouvait en aucun cas être considérécomme modifiant

directementou indirectement cestatut. Dèslors, le fait que les régionsdu Cameroun britannique

fussent administréesconjointementavec des parties limitrophesdu Nigéria nesignifiaitnullement

que ces territoires avaient perdu leur statut international distinct et avaient étépurement et

simplement discrètement rattachés au Nigéria. Non seulement les termes des accords

internationaux de mandat et de tutelle excluaient expressémentcette éventualitém, ais encore lapratiqueet lapolitique desorganesde contrôle internationauxvisaient précisémen t éviterqu'elle

ne se produisît. Pour cesraisons, direque le Nigériapeut dequelque manièreque ce soit arguerde

l'existence d'une administrationconjointe entre leCamerounméridionalet les régions limitrophes

du Nigériapour appuyer la thèseselon laquelle sa revendication en souveraineté sefonde sur les

effectivitésbritanniquesn'estqu'une fantaisiede laplus mauvaiseeau.

2. Bakassi faisaitpartie duCameroun méridional

13. Je vais à présentformuler quelques commentaires brefs mais précisconcernant la

presqu'île de Bakassi elle-même. Lesautoritésbritanniques n'ont jamais doutéque Bakassi fît

partie du territoire camerounais d'abordsous mandatpuis soustutelle, puisqu'elle avaitfait partie

du Camerounallemand en vertu dutraité de1913. Bakassi faisaitpartie intégrantede larégiondu

Cameroun britannique dite Cameroun méridional. Le Nigéria lui-mêmereconnaît dans son

contre-mémoireque des fonctionnaires britanniquesadmettaient que Bakassi faisait partie du

territoire sousmandat, maischerche-au reste assezmaladroitement - à mettre cette admission

sur le compte d'une simple méprise(CMN, p. 185). C'est peut-êtreune erreur, Monsieur le

président,quede conclureunpeutropvite que lesagentsde lafonction publiqueonttoujourstort.

14.Le rapport exhaustif que M. F.B. Carr,responsabledivisionnaireen exercice,a consacré

en 1922 aux «villages de pêcheurs dela zone du Rio del Rey» -rapport évoqué hier par mon

confrère, le professeur Tomuschat, dans un tout autre contexte - atteste que les Britanniques

considéraientBakassi comme faisant partie du territoire camerounais placé sousleur tutelle.

L'expressionFish Towns, c'est-à-dire «villages de pêcheurs))d ,ésignaitsouvent Bakassipendant

l'entre-deux-guerres. Orcerapport indique sanséquivoque :

«Le district estbordéau nord par lestribusIssangliet Archibong,au nord-ouest
par la rivière Akwa Jafe (Akwayafé)qui forme la frontière entre la province de

Calabaret le Cameroun. La frontièreméridionaleest constituéepar le golfe du Biafra
et l'océan.»(RC, annexe3, par. 6;CMN, vol.VI, annexe114 .)

15. Pendant l'entre-deux-guerres, notamment, ilfut question, sur place, de transférer à

Calabar l'administrationde Bakassi qui étaitassuréedepuis Victoria. Le Nigéria s'efforced'en

tirer argument,mais, en réalitéi,l ressort simplementd'un grand nombredes documents produits

queBakassin'était pasadministréelocalementdepuisl'autre côtéde la frontière internationale.En

1932, le responsable de district,iley, commence à mener campagne en faveur de ce transfert,( O 2 8 comme leNigérial'exposeen détaildans son contre-mémoire(p. 189et suiv.). Rileyrelevait qu'il

était difficile d'administrerBakassi depuis Victoria, parce que c'était nettement plus'est, et

proposait de déplacerl'administration. Mais ce qui nous importe ici, ce sont les propos sans

équivoque qu'iltenait danssa note:

«Je sais cependant quecela suscite des difficultésdèsqu'il s'agit de transférer
unerégion relevantduterritoiresousmandat;les villagesde pêcheurs ne pourraient-ils
pas rester dans la province du Cameroun mais êtreadministrés depuisCalabar ou
Eket ?» (Ibid.,p. 190.)

En d'autres termes,il était clairementadmis que Bakassi faisaitpartie duterritoire sous mandatdu

Camerounméridional.

16. Voici encore un exemple. Le 27 juillet 1936, le secrétaireen exercice chargé des

provincesméridionalesécria tu gouvemeurduprotectoratduNigéria à Lagos. La lettrecommence

en cestermes :«A lademandedu commissaireen chef en exercice,je vousinforme quela situation

administrativede la régiondite desvillagesde pêcheurs, ansla divisionde Victoria,au Cameroun

sous mandat britannique, n'est pas satisfaisante.))On ne saurait êtreplus explicitequant au statut

de Bakassi. Au paragraphe 7'de cette lettre est poséela question de savoir «si le gouvernement

accepterait,en principe,que l'administration dela région desvillages de pêchesoit transféréà

la province de Calabar,pendant la duréedu mandat...» (CMN, vol. VII, annexe 132). Ce à quoi

les autoritésrépondent,le 16 septembre 1936 -la lettre figure dans le dossier d'audience

(document 4517) :

«[Le] gouvemeurme prie de vousinformer qu'ily a certainesobjectionscontre
le transfert d'une partiedu territoire sousmandat situéesur la àôune province du
Nigéria. En dehorsde certaines difficultés législatisineures et des complications
qu'entraîneraient inévitablementles activités decontrebande dans la région des
villagesde pêcheursi,l est possible que cette initiativesoit mal inteàpGenèveet

qu'on luiattribuedesmotifs cachés.))(CMN,vol. VII,annexe 133.)

17.Cet échangeest révélateur àdeux égards.En premier lieu, ni les responsableslocaux ni

le gouvemeur du protectorat du Nigéria n'éprouvaienlte moindre doute sur le fait que Bakassi

faisait partie du territoire du Cameroun sous mandat britannique. Qu'ellepût faire partie du

Nigéria,ou êtreen dehorsdes arrangementsliésau mandatn'est mêmepas envisagé. En second

lieu, les instances supérieures étaatssez sensiblesaurisque de voir la commission permanente

des mandats à Genève interpréter la mesure proposée q,ui n'étaitpourtant rien de plus qu'un aménagementadministratif relevant parfaitement dela compétencede la puissance mandataire,

6 O 2 9 commeune tentative d'annexion deBakassiau profitdu Nigéria.La seule craintequ'onpût,àtort,

leurattribuer cette intention a manifestementsàfaire avortercette proposition. Mon confrère,

M.Mendelson, reviendraultérieurementsur d'autresaspectsde cette correspondance.

18. De même, pendantla périodedu régimede tutelle, le Royaume-Uni démontre parsa

pratique que, pour lui, Bakassifait partie du Cameroun méridional. La Nigeria (Constitution)

Order of 1954 (ordonnance adoptéeen conseil relative à la constitution du Nigéria,(MC,

annexe201) revêtici une importance particulièrecar elle définitles territoires du Cameroun

septentrional et du Cameroun méridional, définition reprieans les ordonnances adoptéesen

conseilen 1960relatives l'une l'administrationduCamerounseptentrional(1VortherCameroons

(Administration)Order in Council, MC, annexe 222) et l'autreà la constitution du Cameroun

méridional (Southern Cameroons (Constitution) Order in Council), cette dernièreinstituant de

nouveaux arrangements constitutionnelsdans le cadre duprocessus d'accessionl'indépendance

(MC,annexe 223). L'ordonnancede 1954 définissaitla frontièreorientalede la régionde l'est du

Nigéria, quideviendrait la frontière internationaleentre le Cameroun et le Nigériaprès le

rattachementdu Cameroun méridional àla République duCameroun, de la manièresuivante : «à

partir de la mer. la frontière suitle chenal navigable de la rivière Akpa-Yafe;de là elle suit le

thalweg de ladite rivière Akpa-Yafe..

19. L'examen des cartes correspondantesmontre égalementqu'il était admisque Bakassi

faisait partie du territoire du Cameroun sous mandat puis sous tutelle britannique.Je me

contenterai ici d'indiquer que, pendant toute cette période-, akassi figure l'intérieurdu

territoire du Cameroun sousadministration britannique (voir parexemple la carieM7 reproduite

dans le mémoire du Cameroun et lecsartesnos36, 38,41, 43, 45 et 46 figurànl'annexe383 du

mémoire duCameroun). Certaines de ces cartes,. le président, figurentdans le dossier

d'audiencesousles nos46 à49,mais M.Cot va consacrer unexposéaux cartes.

20. La conclusion s'impose, claire et irréfutable. Les frontières conventionnellesdu

Cameroun sont confirmées. Premièrement, lesfrontières instituéespar la déclarationde 1919

prennent forme concrète car elles sont intégréesaux accords de mandat et de tutelle

correspondants. Deuxièmementl,a pratique des autoritésadministrantes,et, troisièmement, celle des organes internationaux de surveillance confirment ces frontières. Quatrièmement,ni le

Royaume-Uni en tant que puissance mandataire puis en tant qu'autoritéadministrante ni les

organes de surveillancede la Sociétédes Nations puis de l'Organisationdes Nations Unies, n'ont

jamais doutéun seul instantque Bakassifasse partiedu Camerounbritannique.

0 3 0 c) Leprocessm d'accession à l'indépendance

Introduction

1. Monsieur le président,Madame et Messieurs de la Cour, j'exarninerai maintenant le

processus quia conduit le Cameroun britannique,par l'exercice deson droitàl'autodétermination,

à l'indépendancesous la forme de deuxunitésdistinctes. Il s'agit là d'un point important,parce

quece processuss'est déroulé sous surveillance internationaleet a été officielletntérinépar la

communauté internationale;parce qu'il étayetout ce qui a été dit jusqu'à présentau sujet de la

confirmationdu titre conventionnel camerounais; parce qu'il apporte lapreuve irréfutableque la

presqu'île de Bakassi est camerounaise. Il est particulièrementintéressantde constater qu'un

processus internationalrevêtantune telle importance est à peine évoquédans l'argumentation

nigériane.Le Nigérian'yfait allusionqu'incidemment, escamotantbien entendu les questions-clés

enjeu (voir EPN, vol. 1, p. 10, par. 15et DN, vol. 1, p. 135, par. 3.181). La concisionest sans

douteune vertumais elledevient suspectedèslorsqu'elle confine à l'invisibilité.

1.Les modalitésd'extinctiondu régime de tutelle
2. Ni laCharte desNations Uniesni les accordsde tutelle qui ontété adopténsecontenaient

expressémentde dispositionsrelatives à l'extinctiondu régimede tutelle; dans ces conditions,la

passation de pouvoir ne pouvait être réaliséque par ceux auxquels ce pouvoir avait étéconfié,

autrement dit, sous la forme de mesures conjointesà prendre par I'autorité adrninistranet par

l'Assembléegénérale. C'est en effec te qui s'est passéchaque fois:des décisionssont prises de

conservepar I'autoritédetutelle et parl'Assembléegénéralec,e quiconfèreau processus,avecune

efficacité remarquable,légitimitéerteconnaissanceinternationales. 2. Comment ont pris fin lesrégimes detutelle dans les territoires camerounais

3. Le régimede tutelle exercépar la France a pris fin sans difficulté particulièreet

l'événement n'appelle padseplus amples explications. Toutefois, la situationétaitmoinsévidente

en ce qui concerne le Cameroun britannique,parce que le territoire étaitdivisé endeuxparties,

administréesconjointement avec les régions limitrophesdu Nigéria. Le sort à réserverau

Cameroun britannique a revêtuune importance cruciale quand il fut annoncé,en 1958,que le

Nigériaaccéderait à l'indépendancele 1" octobre 1960. En conséquence,l'Assembléegénérale

recommande en 1959 la tenue, sous la surveillance de l'Organisation des Nations Unies, de

plébiscitesséparésdans la partie septentrionaleet dans la partie méridionaledu Cameroun sous

administration du Royaume-Uni (résolution1350 (XIII)). Un plébisciteest donc organiséau
031
Cameroun septentrional en 1959, dont les résultatsmontrent que la majoritéde la population

préfêrerenvoyer la décision à une date ultérieure. Le commissaire des Nations Unies aux

plébiscites rapporte que cette opération a été conduite avec efficacitéet impartialité (MC,

annexe 217). L'Assemblée généralre ecommandeensuite l'organisation d'unnouveau plébiscite,

donnantaux électeursle choixentre le rattachementàla Fédération nigériane indépendante ola

République camerounaise indépendante (résolution 1473 (XIV)); le scrutin a lieu les 11

et12février1961.

4. En ce qui concerne le Cameroun méridional,le processusfait l'objetd'un mémorandum

du Secrétairegénéradles Nations Uniesen 1959 (sousle titre ((Avenirduterritoire soustutelle du

Cameroun sous administration du Royaume-Uni : organisation du plébiscite dansla partie

méridionaledu territoire)),5octobre 1959,AlC.41418; MC, annexe 216); dans ce document, les

préoccupationsde la population du Cameroun méridional sonr tecenséesavec soin; il s'agit de la

nature exacte des questionsà poser lors du plébiscite,des listes électoraleset des conditions

exigéespourparticiper auplébiscite.Il est ainsi prisnote de problèmesd'ordredivers, maisaucun

pétitionnaire,aucun représentant,aucun Etat- personne- ne soulève la question des limites

existantesdu Cameroun méridional.A l'évidence, celles-cie sontpas misesen question.

3. Définitionterritoriale du Cameroun méridional

5. Un processusde séparationentre leNigériaet les territoiresdu Cameroun britannique est

enclenché à l'issue du premierplébiscitetenu au Cameroun septentrionalen novembre 1959,dans l'optiquede l'indépendance imminente duNigériaeten vue de l'organisationdu second plébiscite

au nord et du premier au sud. Ce processus de séparationconsistenon seulement à apporter des

des modificationsadministratives et constitutionnelles(voir les ordonnances adoptéesen conseil

en 1960relatives, l'une,l'administration duCamerounseptentrionalet l'autreàla constitutiondu

Camerounméridional, annexes222 et 223),mais également àdonnerune définitionterritorialedes

frontièresentre leNigériaet leCameroun,laquelleestclaire.

6. Nous l'avons vu, le Cameroun septentrionalet le Cameroun méridional étaiend técrits

sous la forme d'unrenvoi à I'ordonnanceadoptéeen conseil relativeà la constitution du Nigéria

(1954), laquellà son tour renvoyait de manièregénéral e la définitionterritoriale énonceans

l'accord de tutelle. Le paragraphe 4 de la seconde annexe de I'ordonnance, qui définissaitle

Cameroun méridional, renvoyaitquant à lui à la proclamation de 1954 sur la RégionNord, la
4 032
RégionOuest et la RégionEst portant définitiondes frontières, entréeen vigueur la veille (MC,

annexe202). La frontière occidentale du Cameroun méridional, qui va devenir, après le

rattachement de celui-ciau Cameroun,la fiontièreinternationaleentre le Camerounet leNigéria,y

est définiecomme suivant le ((chenalnavigable de la rivièreAkpa-Yafe)),autrement dit,c'est la

frontièreque revendique le Cameroun et que contesteaujourd'hui le Nigéria. Ceque confirment

encore les termes de l'ordonnance adoptéeen conseil relative au plébiscitedu Cameroun

septentrional(1960, MC, annexe 221)' et entréeen vigueur lejour de l'indépendancedu Nigéria,

laquelleorganisait le déroulementdu plébisciteet divisaitla régionen vingt-six circonscriptions

électorales.

7. Ainsi, il existe des éléments irréfutablsttestant le tracéqui nous intéresse dansla

périodeimmédiatementantérieureau déroulementdesplébiscites. Ce qu'il nous faut souligner à

ce stade,c'est quel'autoritéadministrantea mis en vigueur une législation réaffirmanltes limites

en question peude temps avant qu'ait lieu le plébiscitesous la surveillancede l'Organisationdes

NationsUnies. Non seulement les autorités del'Organisation des NationsUnies étaient-elles

conscientesde lasituation,ais,commenous le verrons,le plébisciteplacésousla surveillancede

l'organisation s'est dérouléconformémentau découpageélectoral définidans I'ordonnance

relativeaux plébiscitesde1960.4. Le plébiscite

8. Le 1" octobre 1960, le Nigériaaccèdeà l'indépendanceet lestrois ordonnances de 1960

entrent en vigueur,dotant le Cameroun méridionald'une constitution, leCameroun septentrional

d'un régimeadministratif d'entité distincteet établissant par ailleurs le cadre dans lequel se

tiendraient les plébiscites.eux-cise déroulentles 11 et 12février1961. Le nord décide, à une

nette majorité,de s'unirau Nigéria,tandis qu'une importante majorité se prononc,ans le sud, en

faveur durattachement au Cameroun.

9. Dans le rapport qu'il soumet le3 avril 1961 au Conseil de tutelle, le Commissairedes

Nations Unies aux plébiscites approuve le processus (Nations Unies, document portant la

cote Tl1556, partiellement citéà l'annexe224 du mémoiredu Cameroun). Le 21 avril 1961,

l'Assemblée généra aeopte sa résolution1608(XV) danslaquelle elle prendactedes résultatsdes

plébisciteset dit qu'à son avis les populations des deux parties du territoire sous tutelle ont

librement exprimé,au cours d'un scrutin secret, leurs aspirations au sujetde leur avenir respectif

conformément à ses précédentesrésolutions1352(XN) et 1473(XIV). L'Assemblée générale

demande la mise en Œuvre immédiate desdécisionsqui viennent d'êtreprises. La Cour a déjà

examinéquel est l'effet de cette résolution- la résolution 1608. Dans l'affaire duCameroun

septentrional,elle a en effet observ:«Il ne fait pas de doute-et ce point n'est pas contes-é

que la résolutiona eu un effet juridique définiti(C.I.J.Recueil1963, p. 32) -position que la

Cour a réaffirmée dans l'affaire deCertainesterres à phosphates à Nauru (Nauruc. Australie),

exceptions prélinlinaires,arrêt,C.I.J.Recueil1992, p. 251. Cet ((effetjuridique définitif))a trait

non seulement au statut constitutionnel du Cameroun septentrionalet du Cameroun méridional,

mais également à leur définition territoriale. Le plébisciteet ensuite l'adoption des décisions

voulues ont eu lieudansun cadreterritorialreconnuet noncontesté.

10. Ce point trouve également confirmation dans les faits suivants. Aux fins de

l'organisation et du déroulement du scrutin, il convenaitde définir les régions relevant 1

respectivement du Cameroun septentrionalet du Cameroun méridional. Il a donc étéétablides

circonscriptionsde plébiscitequi sont soigneusementdécritesdans le rapport du Commissairedes

Nations Unies aux plébiscitesdaté du3 avril 1961,dont les pages qui nous intéressent figurent

dans le dossier d'audience (document no50). Ces circonscriptions recouvrent très précisément celles qu'avait établiesl'ordo~ance de 1960 relative au plébiscite, elles-mêmes héritées d'un

précédent découpageE . n tout, elles étaientau nombre de vingt-six [projection no11.a carte

jointe au rapportdu Commissaire,que vous pouvezvoir derrièremoi, etdontune copiefigureaussi

dans le dossier d'audience sous le numéro 51,donne le découpagede ces circonscriptions

électorales. J'ai déjà projeté cettcearte lors de ma plaidoirie de lundimatin.s-je, cette fois,

projeter un agrandissement de la mention qui figure tout en bas - on la voit à peine ici-

prouvant qu'il s'agit d'une carteémanantdes Nations Unies, et plus précisémentd , e la carte

no1199Rev 1 des NationsUnies datéede mars 1961 [fin de la projection no1 - projectionno2

(document no48/7)]. J'espère quel'imageest un peu plus claire, Monsieurle président. Ce qui

importebien sûr - etj'insiste surce point- c'est que cette carte émanede l'Organisationdes

NationsUnies, qu'elle était jointeau rapport du Commissaire des NationsUnies aux plébiscites

[finde la projection2 - retour à laprojectionno11.

11.En outre, lesfonctionnaireschargés deslistes électoralesont divisé lescirconscriptions

de plébisciteen zones d'inscription- 294 au total- et plus de 4500agents ont été chargésde

surveiller la consultation(NationsUnies,oc. Tl1556du 3 avril 1961). L'opération a étéonduite

par l'administrateur du plébiscite, lequel travaillait sous la direction du Commissaire aux

I O plébiscites.Une série de postesd'observationont été misen place danschaque circonscription,et

un observateura été affectéà chacun d'entreeux. Nous allonsnous occuperde la circonscription

de Victoria, à l'extrémitésud-est du Cameroun, subdiviséeen plusieurs secteurs :Nord-est;

Nord-ouest; Sud-estet Sud-ouest. De lacartejointe au rapport du Commissaire,et toujours visible

demère moi, il ressort clairement que la presqu'îlede Bakassi faisait partie de la circonscription

électoraledu Sud-ouest de Victoria. Cette circonscription, peut-on voir, regroupait sept zones

d'inscription. Preuve s'il en est que la presqu'île étaitreconnue par les Nations Unies comme

faisant partie intégrantedu Chmerounméridionalau moment crucial ou celui-ci allait déciderde

son sortsous la surveillancede la communautéinternationale.

12. Le rapport du Commissaire aux plébiscites-dont les pages qui nous intéressent

figurent dans le document no50- indique que, sur la liste électorale définitive figuraient

6813électeurspour la circonscriptiondu Sud-ouestde Victoria. Les résultatssont donnéspour ce

secteur et nous constatons que 2552personnes ont voté en faveur du rattachement au Nigériacontre3756 en faveurde l'unionavec le Cameroun. Et, permettez-moide le répéterc ,ettecartedes

Nations Unies accompagnantle rapport - annexéede fait au rapport- démontresans équivoque

que Bakassirelevaitde la circonscription électoradu Sud-ouestdeVictoria.

13. Le CommissairedesNations Uniesaux plébisciteset l'Assembléegénérale ont pris acte

des résultats de cetteconsultation. Aucun Etat n'a élevé la moindre protestation au sujet de la

définition territorialedu Cameroun septentrionalet du Cameroun méridional. Il est parfaitement

clair que le plébiscite aéscrupuleusementorganiséet surveillé. Il est tout aussiclair queBakassi

relevait du territoirefaisant l'objet du plébisciteiu moment des plébiscites,ni immédiatement

avant ou après, le Nigérian'a fait valoir que le découpageterritorial des circonscriptions de

plébisciten'étaiptasvalableparcequ'il englobaitunepartiede territoire nigérian.

14. Monsieur le président,Madame et Messieurs de la Cour, voilà donc comment les

territoires du Cameroun sous tutelle britannique ont accédé à l'indépendance. A l'issue de

plébiscites placéssous la surveillance del'organisation des Nations Unies,et dans le cadred'une

délimitationclairement proclaméeet acceptée,ainsi que de l'action menéeen toute transparence

par l'autorité administrante,le Cameroun septentrionalet le Camerounméridionalont décidé de

s'unir l'un au Nigéria indépendanett l'autreau Cameroun indépendant. Il s'est agi d'unprocessus

démocratique,internationalet non contesté. Et ce qui est totalement incontestable, c'est le cadre

territorial dans lequel s'est dérouléce processus qui conduisit à l'indépendance. Les titres

territoriaux établispour partiepar le traitéde 1913,pour partie par la déclarationde 1919intégrée

ensuite aux accords de mandat et de tutelle ont étéconfirméspar ce processus d'accession à

l'indépendance.

Je vous remercie de votre attention et vous prie, Monsieur le président,de bien vouloir

appeler àla barreM. Mendelson.

Le PRESIDENT :Je vous remercie, M. MalcolmShaw. Je donne maintenant la parole au

professeurMauriceMendelson. M. MENDELSON :Je vous remercie,Monsieurle président.

LAFRONTIÈRE TERRESTRE

7. Bakassi

d) L'administration effectivede Bakassipar leCameroun etlaportéedesprétendueseffectivités
nigérianes

1.Introduction

1.Monsieur le président, Madameet Messieurs les Membresde la Cour, c'est pour moi un

grand honneur de me présenter devant vous. Je dois cependantvous avouer que ce n'est passans

éprouverun légerembarras que je m'apprête à prendre la parole, pour la première fois,sur les

effectivitéscamerounaiseset les prétendueseffectivitésnigérianes. Il faut en chercher la raison

dans la définitionlapidaire du rôle des effectivités qu'adonnée la Chambrede la Cour dans

l'affairedu D~férendfrontalier (BurkinaFaso/Républiquedu Mali). La partiede cette définition

qui nous intéresseici commence, comme vous le savez, en cestermes : «Dans le cas où le fait

correspond exactement au droit, où une administration effectives'ajouteà l'uti possidetisjuris,

l'«effectivité»n'intervient en réalitéque pour confirmer l'exercice du droit né d'un titre

juridique.»' Jusqu'ici, celacorrespond exactement àla situation du Cameroun : commecelui-ci a

un titre valable, toutes les preuves d'effectivités qu'ilapporte ont un caractère purement

confirmatif. En revanche, le Nigériase trouve, à notre avis, très exactement dans la situation

décriteàla phrase suivante:«Dans le casoù le fait ne correspond pas audroit, où leterritoireobjet

du différendest administréeffectivement par unEtat autre que celui qui possèdele titrejuridique,

ily a lieu de préférerle titulaire du titre.)) Cela posé, iln'y a logiquement plus grand-choàe

ajouter. D'où mon légerembarras à l'idéede devoir aborder malgré tout cettequestion devant

vous.

036 2. Car il se trouve que, dans sa duplique, le Nigériapersiste à ignorer les objections

juridiques bien réellesque le Cameroun oppose à son approche et s'obstine à multiplier les

exemples d'effectivitésnigérïanespour tenter de démontrerqu'il exercela souverainetésur la

presqu'île de Bakassi en raison de ce qu'il prétendêtreune «consolidation historiquedu titre)).

'C.I.J.Recue1986p.586-587. C'est pourquoije vais vous démontrer queleNigériacherche à situer ses effectivités(etcellesdu

Cameroun) dans un cadrejuridique aussi tendancieuxque trompeur, et qu'en outre, les faits sur

lesquels il s'appuie n'ont pasl'importance qu'ilvoudrait leur donner. La fiabilitéd'une partieau

moins des éléments de preuve apportéspar le Nigériaest également discutable,mais il est inutile

de s'attarder sur cepoint,mêmesi nous en avionsletemps. Nous pensonsen effet que nombre de

ces preuves, même se illes sont valables, confirment,une fois convenablementanalysées,la thèse

du Camerounet non celle du Nigéria; quantauxprétendues effectivités nigérianq esi restent,elles

sont insuffisantespour que l'on attribuela souverainetéa cet Etat. Nous ajoutons qu'à l'inverse,

les actes d'autoritésouveraine accomplis par le Cameroun confirment, si tant est que cela soit

nécessaire, untitre qui repose 'solidementsur des traitéset d'autres instruments reconnus par la

communauté internationaleorganiséetouteentière, à commencerpar le Nigéria lui-même. Enfin,

nous estimons que ces effectivitéscamerounaises sont plus que suffisantes pour démentir les

affirmations de nos adversaires lorsqu'ils prétendentque le Camerouna acquiescé à l'exercice de

l'autorité souverainepar le Nigéria. Je ne reviendrai pas en détail,dans le court délaiqui m'est

imparti, sur les éléments prouvanl tes effectivités camerounaises:on en trouve de nombreux

exemplesdans lemémoire2e ,t plusencore danslaréplique3.

3. Mais avant d'en venir aux faits,j'aimerais examinerbrièvement,commeje l'ai annoncé,

le cadrejuridique trompeurdanslequel le Nigériatentede situer laquestiondeseffectivités.

2. Le cadrejuridique trompeurdans lequel leNigériasitueses prétendues effectivités

4. Monsieur le président,le concept de ((consolidation historiquedu titre))joue différents

rôles en droit international,et leNigérias'en sert notamment pourdissimulerun certain nombrede

failles importantes.Il ne fait pas de doute que ce concept peut êtrutile dans certains contextes,

par exemple lorsquel'on ne voit pas clairementqui, de deux Etats concurrents, possédaitle titre
O37 .
originel. Il peut mêmeêtred'une certaine utilitépour résumerdifférentes règlesrelatives, par

exemple, aux divers modes d'acquisition. Mais il est aussi des cas où les bons vieux concepts

d'antan comme l'occupation (au sens d'occupatio en droit civil, c'est-à-dire d'acquisition

Par.4.420-4.456, vol.1,p. 486-496.

Voir en particulier,les.215-5.237,vol. 1,p. 307-312.originelle) et la prescription sont plus parlants. En particulier, la distinction entre ces concepts

permet de montrer que, pour déterminer à qui appartientun titre, il ne suffitpas de dénombrerles

actes de souverainetéde part et d'autrepour attribuer ensuitele titreEtatqui en comptele plus.

Lajurisprudence et lapratique desEtats sont clairesàcet égard. Pour déplacerun titre existant, il

faut fairevaloir des effectivitésbien plus importantesen nombre et en qualitéque celles que l'on

exige d'unEtat qui a déjàacquis un titre par voie de cession, de succession ou (bien que cela ne

soit paspertinenten l'espèce)par l'occupationd'un territoire inhabitéerra nullius).

5. Le Nigériaconsidère à l'évidenceque le conceptde consolidation historiquedu titre lui

convient assez bien, parce qu"i1lui permetde laisser dans le flou cette distinction importante,et

d'en faire autant avec les trois éléments,bien distincts si on les analyse, qui sous-tendent sa

prétentionà la souverainetésurlapresqu'îlede Bakassi.

6. Le Nigéria commencepar affirmerqu'il n'a cesséde consolider le prétendutitre desrois

et chefsdu vieux-calabar4. Or, cette thèseprésenteunefaille qui lui est fatale.Car mêmesià une

époquedonnée,cetteprétendueentité avaitexercéune autorité souverainesurBakassi-ce que le

Cameroun démentpour différentsmotifs déjàexposés parmes collègues- et mêmesi cette

prétendueautoritéavaitperduré - ceque le Cameroun dément également-pendant lapériode où

les Britanniques consolidaientleur propre pouvoir dans leur colonie et protectorat du Nigéria,

mêmesi tout cela étaitvrai (ce qui n'est pasle cas), il n'en resteraitpas moins qu'il y aeu une

rupture totale lorsque le territoire en causea étéplacésous mandat. En effet, ainsi que l'ont

démontré très clairement mes collègues,la Couronne britanniquene gouvernait pas à Bakassi en

tant qu'agentde ces«rois et chefs)),ni mêmeen tant quYEtastouverainagissant en son nompropre.

La Grande-Bretagnenefaisait qu'administrerle Cameroun britanniqueen vertu d'unmandatde la

Société desNations. La chaîne a donc été rompue et il n'y avait plus aucun titreconsolider. Le

titre des(roiset chefsdu Vieux-Calabar))nepouvait plusexister ni,partant'être consolidé.

7. Le deuxièmeargument sur lequelleNigériafonde sa thèsede la consolidation historique

se confond en partie avec le premier. Le Nigériafait valoir que le Royaume-Uni, en tant que

maître du Nigéria -non comme successeur des «rois et chefs))mais bien en tant que maître du

Duplique,vol.1,p.91, par.3.54.Nigéria -, a exercésur Bakassiune souverainetéeffectiveet incontestée,et que leNigéria ahérité

de ce titre. Je n'aborderai que très brièvemecte point dansmon analysedes faits; il est toutefois

assez évident,comme vous l'ont déjàdémontré mes éminents amisles professeurs Ntamark et

Shaw, que les Britanniquesont administrélapresqu'île entant que territoirejuridiquement distinct

du Nigéria,ce qu'ils étaient d'ailleursobligés defaire. Que l'autoritéadministrante duCameroun

britanniqueméridional,et donc deBakassi, fûten mêmetempsle maître enplace auNigériaest,du

point de vue juridique, une pure coïncidence. Que la Grande-Bretagne ait été autorisée p,ar

commoditédu point de vue administratif, à assurer en partie cette administratioà partir de la

régionde l'Est du Nigéria n'entre pasen ligne de compte. Si elle avait choisi d'administrer

Bakassi à partir d'Accra,ce n'est pas pourautantque la presqu'île feraitpartie du Ghana. La Cour

se souviendra,commeon l'a vu dans l'affairede la Délimitationmaritimeet questionsterritoriales

entre Qatar et Bahreïn qu'elle a jugéerécemment,que pendant longtemps, la compétence

britanniquedans les Etats arabesdu Golfe età l'égardde ces derniers a étéexercéepar le résident

politique britannique en poste à Bushire, une ville de Perse. Est-ce que les émiratsdu Golfe

faisaient pour autant partie de la Perse? On voit que ce volet de la thèse de la consolidation

historique, qui s'appuie sur le fait que l'exercice effectif,par le Royaume-Uni, d'une autorité

étatiqueà partir du Nigéria,à l'époquedu régimedu mandat et du régimede tutelle, présentelui

aussi une faille qui luiest fatale.

8. Nous pouvons d'ailleurs allerplus loin, et la logique nous y incite même. Puisque la

Grande-Bretagne, àl'époquedu régimedu mandatet du régimede tutelle,exerçaitsur Bakassiune

autorité juridiquement distincte de celle qu'elle exerçait sur le Nigéria, il s'ensuit

immanquablement que tous les actes d'administration effective accomplis par les Britanniques

concernant Bakassi, loin de consolider la thèse nigériane, contribuent en fait à l'affaiblir

-irrémédiablement- et confirment en revanche totalement le titre du Cameroun. Car cette

administration n'étaitpas assurée aunom du Nigériaou de quelque groupe «sans tête» (etsans

corps non plus, selonnous) de souverains locaux,elle étaitassuréeau contraire en vertu d'untitre

bien distinct. Le Royaume-Unijouait le rôle de puissance mandataire prévuau paragraphe 1 de

l'article 22 du Pacte de la Sociétdes Nations, au nom de la communautéinternationaleet des

habitants du Cameroun britannique méridionald ,ont ceuxde Bakassi. Et c'est précisémend te cetitre que la Républiquedu Cameroun a hérité.Par conséquent,le Cameroun est logiquementet

inévitablementen droit, à mon sens, de considérercomme siennes toutes les effectivitésde son

prédécesseur britannique etnitre, alors qu'à l'inverse,le Nigériane peut s'appuyer suraucunede

ces effectivités.

9. Monsieur le président,leNigéria tireuntroisième argumentdu concept de consolidation

historique, plutôtsotto voce cette fois,mais cela ne l'empêcpas de déclarer dans sa répliqueue

les élémentsde preuve qu'il apporte à cet égard((constituent, s'il s'avérait nécessaired'en

rapporter juridiquement la preuve, une source indépendantede titre fondé sur la possession

paisible, l'acquiescementet la consolidation historique depuis'indé~endance.))L ~e mot dont le

Nigéria apeur et qu'il évited'utiliser ici est celui de prescription. Peut-être l'évitiour des

raisons liéesàce que nous pourrionsprendre pour un souci de ((correctionpolitique)),parce qu'il

saitque laprescriptionestun processuspar lequel unEtat acquiertuntitreen prenant possessionde

ce qui, par définition, étaitiil'origine le territoire d'un autre Etat. Mais cette réticenceest

probablementplus pragmatiqueet s'expliquepar le fait que le Nigéria se rend compteque 1'Etat

prétendantau titre doit, pour qu'il y ait prescription, remplir un certain nombre de conditions

rigoureusesauxquelleslui-même nepeut espérersatisfaire.

10.Pour l'heure, nouspouvonsrésumercesconditionsde la manièresuivante. Les actesde

1'Etat qui ne possède pas le titre doivent êtreaccomplis dans le cadre de l'exercice de la

souveraineté,c'est-à-dire êtrerevendiquéscommeétantde droit, ouvertement, pacifiquement,en

l'absencede protestationou d'activité concurrentede la part du souverainexistant, et pendant une

période suffisammentlongue. S'agissantde cetélémenttemporel, la durée requise varie selon les

circonstances, telles que l'éloignementde la régionconcernéeou l'intensité desactivitésen

question. Pour certains auteurs, il faut aussi que le souverain existant donne son assentiment.

Quant à la protestation, il est certainque, si elle existe, elle fait àbla prescription. Il me

semble inutile d'invoquer le moindre précédent à l'appui de ces affirmations, car elles sont

élémentaires.Je reviendrai entempsutile sur l'application deces critèresaux faits de la présente

Par.3.54vol. 1,91 affaire. Il me suffit de dire,pour le moment, que ces critèrespermettent de balayer un trèsgrand

nombredeseffectivitésénumérée par leNigéria.

11.Monsieur le président, il estmanifeste que leNigériacherche àtirer encore un avantage

du concept de «consolidation historique dutitre»:il espère,en l'utilisant, contournerle problème

de ce que nouspourrions appeler «la charge du droit». S'agissantde prescription, en effet,s'il y a

conflitd'effectivités,il y a lieu de préférelre titulaire du titre)),ainsi que l'a la Chambre

dans l'affaire du Dzflérendfrontalier (Burkina Faso/République du Mali). Voilà sous forme

succincte cequi a toujours été la règle enroit international. Par conséquent, ilneuffva pas au

Nigériad'entasser exemple sur exemple de prétendueseffectivitésdans un des plateaux de la

balance, pour ainsi dire, puis de faire remarquer que ceux qu'apporte le Cameroun sont moins

nombreux. Le droit exige de la Cour qu'elle fasse pencherla balance de lajustice en faveur du

titulaire dutitre,et il faudrabeaucoup pesersur lefléau pourdéplacerce titre6.Car autrement,cela

reviendraità ne pas donner la prééminence à la souveraineté,t le premiervenu pourrait acquérir

untitre en secontentant de((créedesfaits))sur leterrain.

040 Monsieur le président,j7en suisàun tournant demon exposé. Serait-ilcommode à la Cour

defaire lapausemaintenant ?

Le PRESIDENT :Si le momentvous convient,il convientaussi àla Cour. L'audiencesera

suspenduepourune dizainedeminutes. Je vous remercie.

L'audience est suspendud ee II h15à Il h25.

Le PRESIDENT :Veuillez vous asseoir. La séanceest reprise et je donne à nouveau la

paroleà M.Mendelson.

M. MENDELSON :Merci,M.leprésident. 4

3.Les faits

12. Monsieur le président,Madame et Messieursde la Cour, j'en viens à présentaux faits.

Avecvotre permission,je ne traiterai pas, en deux sectionstotalement distinctes, des effectivités

Voir par exemple l'affaire ràlla Souveraineté sur certainepsarcelles frontalières(C.I.J.Recueil1959,
p.209).camerounaises d'un côtéet des prétendueseffectivitésnigérianesde l'autre. Si, commeje viensde

l'expliquer, elles ont des caractéristiquesjuridiques différentescorrespondant l'identitédu

titulairedutitre l'époquedont onparle,ilest souventpréférable,poudres raisonsliéesau sujeten

question età la chronologie, de les examiner simultanément- mêmesi, pour la commoditéde

l'exposéj,e ne vais pas suivre strictementcette façon de procéder.J'ajoute qu'en raison dece que

je viens de dire et aussi pour des questions detemps, il m'esttout simplementimpossibledetraiter

de la totalitédes actes de souverainetépris individuellement,ou mêmedes catégories d'actesde

souveraineté,sur lesquelsles deux Parties sefondent. Je mecontenteraid'examinercertainspoints

importants.

a) Leseffectiva itlésmandes

13.Il est logiquede commencer par leseffectivitésde l'Allemagne, puisque ce pays fut en

quelque sorte le «grand-père»en titre du Cameroun. Mais M. Tomuschat a déjà démontré hier

dans sa plaidoirie que, contrairemenà ce qu'affirme le Nigéria,l'Allemagne a bien exercéune

autoritésouveraine surla presqu'îledeakassipendant lacourtepériodeoù elle a pu s'y implanter

et je n'ai pasà répéterce que M. Tomuschat a dit. Vous vous souviendrez qu'il a citédes

documents britanniques tirés du lot déposépar le Nigéria,qui prouvent que l'Allemagne a

effectivement exercé sasouverainetéetaccomplides actesd'administrationdans la presqu'île. Au

lieu de spéculer.comme l'a fait le Nigéria(dans son contre-mémoire, par exemple) surles

éventuelles raisonsde la prétendue absence del'Allemagnedans la presqu'île7,le Nigériaaurait

peut-être plutôtû rechercher la vérité danles documentsqu'il a lui-même annexés à ses pièces

écrites,bienque ce soit pour uneraisontouàfait différente.

14.Je signale cela parce qu'il ne s'agit enaucune façond'un exempleisolé. Le Nigériaa

présenté à la Cour une masse énormede documents à l'appui de sa thèse concernant la

«consolidation historiquedu titre)). Or, si l'onse plongedanscette masse, parfoisassezennuyeuse,

de documents qui sont, par exemple, des lettres qu'ont échangéesdes bureaucrates il y a

quatre-vingtsans, on constate assez souvent,si on les examine de près,que, loinde démontrerce

Je donneraitout à l'heure quelques exemples. Il
qu'affirmele Nigéria,ils prouventle contraire.

'CMN, vol. p. 177-180,pa..2-9.3.arrive aussi qu'un document quele Nigériaa déposé à une fin précisevienne en fait étayerles

affirmations du Cameroun sur un sujet tout à fait différent. Le document cité hier par

M. Tomuschat, à savoir le rapport d'évaluationsur la régiondes villages de pêcheursrédigen

février1922par M. Carr,le responsabledivisionnairesuppléant8,n est un exemple. Déposéparle

Nigéria àl'appuid'un argumentfantaisiste,fondésur les originesethniquesde certainespersonnes

qui pêchaientdans les eaux de Bakassi, ce document nous donne en fait la preuve d'effectivités

allemandes antérieures. La section II du même rapport (le rapport de Carr de 1922),d'ailleurs,

nous montre égalementqu'il n'existait ni roi ni chef Bakassi à l'époque,en 1922- c'est dit

expressément.Si les mythiques «rois et chefs du Vieux-Calaban)y ontjamais exercéune autorité

qui ait la moindre importance auregarddu droit internationale que leCameroun nie- onvoit

bien qu'ilsn'existaientplus en 1922,et sansdoutedepuis longtemps, contrairemeàtce qu'aff~nne

le~i~éria~.

b) L 'administrationbritanniquede 1922 à 1961

15.A lasuite de l'évictionde l'Allemagne,le Royaume-Unia vite imposésonautorité,ensa

qualitéde mandataire de la Sociétédes Nations. Mes amis MM. Ntamark et Shawvous ont déjà

parléde l'histoire du mandatet du régime detutelle, ainsi que des événementqui ont entouréle

plébiscite,ils l'ont fàplusieurs occasionsetà différentesfins. Je n'abuserai doncpas de votre

patienceen vous en parlantànouveau;je me bornerai àsoulignerque certains des documentscités

illustrent une fois de plus la malheureuse habitudequ'a leNigériade déposerdes documents qui,

pour lui, étayent incontestablement une certaiallégation, alorsqu'en réalitéils démontrentle

contraire. Monsieur le président, Madameet Messieurs de la Cour, on vous a donc présentéune

multitude de documentsavec l'intention devous convaincreque Bakassi étaitadministréeen tant

que partie duprotectoratnigérianoude lacolonie nigériane,que cela traduisait desliens sociauxet

ethniques, et que tout cela serait, en quelque sorte,révélateur''.Mais mes collèguesvousont déjà

montré, il y a quelques minutes, que, si certains fonctionnaires subalternes ont pu souhaiter

déplacerl'administrationde Bakassià Calabarpour des raisons pratiques,leurs supérieurs s'ysont

CMN,vol. 6, annexe114,p. 975.

Voirpar exempleCMN, vol. 1182par.9.12.
'OCMN,vol. VI,annexe14-133,p. 975; vol. VII,p. 1105. opposésparce qu'ils étaient très conscientsdes distinctionsjuridiques entre les deuxterritoires et

qu'ils craignaientles réactionsde Genève.

16. Je n'ai pasà refaire cette démonstration. Maisavant de quitter ces annexesdu Nigéria,

j'aimerais attirer votreattentionbrièvementsurdeux autreséléments.

17. Tout d'abord, lacorrespondancesur laquelle se fonde le Nigériafait état, vous vous en

souviendrez, d'un débatentre plusieurs fonctionnaires britanniques sur la question de savoir si

Victoria, au Camerounméridional,constituaitou non un meilleur siègeque Calabar(ou d'ailleurs,

Eket), au Nigéria,pouradministrerBakassi. Mais, alorsque leterritoirecamerounaispouvait, sous

le régimedu mandat, être légitimemen administré,commevous le savez, depuis le Cameroun ou

depuis leNigéria,selonce qui étaitle plus commode,leterritoirenigérian-je répète :letemtoire

nigérian- ne pouvait êtreadministréqu'à partir du Nigéria. (Je ne parle pas de droit

international,je parle de la loi et de lapratique coloniales britanniques.) Le territoire nigérian ne

pouvait êtreadministré que depuis le Nigéria. Si tel est le cas, comment se fait-il que des

fonctionnairesbritanniques examinent solennellement la question de savoirsi cette prétenduepartie

du territoire britannique doit êtreadministréeà partir de Victoria, qui est si clairement située au

Cameroun méridional ? Cela n'a aucunsens. Une fois de plus, les preuves présentées par le

Nigéria,loind'étayer sa thèse,prouventen fait le contraireet, au passage, contribuent à réfuterce

que dit leNigériaquandil affume, de façon extraordinaire,que «les responsablesbritanniquesqui

considéraient que Bakassi faisait partie, du moins en théorie, du territoire sous mandai, se

trompaient»' l.

r 043
18.Un autre élémentd , ans cette masse de lettres, est intéress: à côtéde la question de

savoir à partir de quel endroit il fallait administrer Bakassi se posait le très ancien et récurrent

problèmede la perception de l'impôt auprèsdes pêcheurs de Bakassq iui, comme vous pouvez

l'imaginer, ne tenaient pas vraiment à alimenter le fisc. On a un bon exemple de cette

correspondance qui est un rapport, présenté par le Nigéria,datédu 25 mars 1935et émanant du

responsable de district de la division deVictoria au Cameroun méridional12d ,ont M.Tomuschata

aussi parlé hier pour corroborer ce qu'il avait dit au sujet du recouvrement d'impôts par

" CMN,vol. 1,p. 185,par.9..19.
" CMN,vol. VII,ann. 125p.1063.l'Allemagne. Bien sûr, le document concerne principalement, commec'est le cas pour laplupart

desdocuments de cet ensemble, les collectesfiscalesopérées par leasutoritésbritanniques aprèsle

départdes Allemands. J'attirerai l'attention de la Cour sur le paragraphe 4 de cette annexe

-l'annexe 125 au contre-mémoiredu Nigéria, qui expose peut-êtrele point litigieux plus

succinctementque les autres documents decet ensemble-encore que lesdits documents étayent

tousce queje vaisdire. Je signale audépartque certains pêcheursne payaient pasdutout d'impôt,

de sorte que lesautoritésont organisé cequ'ellesont appelé des((descentesfiscales))pourque les

pêcheursne puissentaller se cacher au moment où l'impôt est normalement versé.Le problème

étaitd'autant pluscomplexeque les pêcheurs deBakassi avaientsouventunerésidence principale à

Calabar où ils payaient déjàdes impôts. Les autoritésbritanniques estimaient injuste d'assujettir

ces gens à unedouble imposition, cellede Calabaret celle de Bakassi. Mais elles n'ont pasvoulu

autoriser les pêcheurs deCalabar à ne verser leur dû qu'àCalabar et rien à Bakassi, rien au

Cameroun méridional.M. Bridgesexplique donc au paragraphe 4 de l'annexe:

((environ 120 hommes payent4 shillings à Calabar et 3 shillingà Victoria [qui se
trouve, bien sûr, au Cameroun méridional]. Il y a 140, peut-être145 hommes qui
payent (ouqui devraientpayer !)un impôtde 3 shillingsàVictoriaet 120,au bas mot,
qui préfèrenpt rendre la fuite plutôt que de payer leur dû. Enrègle générao,n peut
dire que la population permanente de Fishtown s'acquitte intégralementde ses
obligationsfiscales enversCalabaret Victoria.))

Nous avons la une preuve on ne peut plus claire,totalement corroboréepar de nombreux autres

documentsdecetensemblequ'a présenté leNigéria,des collectesfiscalesopéréesàBakassipar les

autoritésbritanniques du Cameroun méridionald'une façon tout à fait distincte du système fiscal

nigérian. Qui plus est, ces autoritésimposaient même les résidents deCalabar,mêmesi d'autres

lettres de la mêmesériemontrent que ceux-ci bénéficiaient d'une sorte d'arrangement d doeuble

imposition conclu entre les autoritésdu Nigériaet celles du Cameroun méridional. Mais les

documents montrentclairementque lesautoritésdu Cameroun méridional n'avaienp tas l'intention

de renoncer aux rentrées fiscales de Bakassi. Ils montrent aussi qu'à différentespériodesle taux

appliquéau Camerounméridionalétait différent de celui deCalabar - ce qui d'ailleursest le cas

dans la lettre queje viens de citer4 shillingà Calabar, 3 shillingà Victoria. Celan'aurait eu

aucun sens si Bakassi avait relevéde la même souverainetéque Calabar. Une fois de plus, des

documents déposés par le Nigériaà l'appui d'un argument fantaisiste faisant appelà des liens ethniques et d'une thèse manifestement inexacte consistanà affirmer que des fonctionnaires

britanniquesadministraientBakassi au nom du Nigérianous fournissent en fait de bonnespreuves

de l'exercice d'unpouvoir souverain, celui du fisc, parle prédécerntitre du Cameroun,et de

la distinction extrêmementette faite Bakassi entre le territoire fiscal du Cameroun méridional

d'uncôtéet, de l'autre,celui,prochede là, deabar.

19.Le Nigériane se contentepas de tireà tort argumentde l'administrationbritannique,il

insiste lourdement sur les origines ethniques et les liens tribaux de nombreux habitants de la

presqu'île,en particulier les pêcheurs.Mon ami M. Bipounoum a déjàexpliqué àla Cour que

les liens ethniques et la nationalitéétaient dépourvusde pertinencà cet égard. Vousme

permettrezpeut-être malgrcéela unetrèsbrève remarque, cellede quelqu'un qui n'est pasafricain;

elleatrait auxeffectivités,tant cellesquiprécèdent que csui suiventl'indépendance.

20. Monsieur le président,Madameet Messieursde laCour, une des premièreschoses que

l'on constate quand on va au Cameroun, c'est le très grand nombre de Nigérians quiy vivent,

même dans les régionsqui sont très éloignése lafrontière duNigéria etl'égarddesquellesce

derniern'a jamais contesté la souveraineté du Cameroun. Ceest particulièrement remarquabàe

Barnenda,par exemple, la capitale de la province du Nord-Ouest, qui est fort loin de la frontière.

Je ne parle pas de citoyens nigérians qui n'auraient queiens ethniques avec le Nigéria(bien

que, dans ses écritures,le Nigéria omette souventde faire cette distinction élémentaiveux Je

direque ces gens que l'onvoit Bamendasontd'authentiquescitoyens nigérians,qui sont installés

de façon définitiveau Cameroun ou qui, très souvent, font la navette entre les deux pays. Les

pauvressont souvent plus hospitaliersque les riches, et il existe au Camerounune longue et belle

traditionqui consistepermettre àdesNigérians età des personnes venant d'autres pays africains

limitrophesde venir s'y installeret de cheràhy gagnersa vie. Celane signifiepas pour autant

que les pêcheurs nigériansnt transportédans leurspirogues l'autoritésouverainedu Nigéria,pas

045 plus que ne le font les nombreuxtravaiIleurs immigrésdans les villes d'Europe, d'Amériquedu

Nordou d'ailleurs,quand bienmême ils constituent la majorde la population. Quand la Coura

diten se prononçant dans17afYairelSalvador/Hondu queases «effectivité.,lorsqu'ellessontpertinentes,doiventêtreappréciéee sn fonctionde faitsconcretset non pasde leur causesociale»13,

elle montre avec beaucoup de justesse que le simple fait que des personnes d'une certaine

nationalitévivent à l'étrangerne transforme pas ce territoire en une partie du pays d'où ces

personnes sont originaires. Le Nigériane parvient donc pas à construire une thèseplausible en

arguant du fait que ces personnes vivaientdans la presqu'île de Bakassi, qu'elles détenaientun

passeport nigérian,qu'elles faisaient, pour ainsi dire, une navette saisonnièreentre Calabar et

Bakassi, payaient des impôts aux deux endroits, et qu'elles avaient des liens d'allégeanceavec

diversgroupestribaux en dehors du Cameroun.

21. Sur cette question, le Nigériasemble ne pas avoir tenu compte non plus de la portéede

l'articleXVIde la convention anglo-allemandedu 11mars 1913 - articlequ'il n'a pas tentéde

dénoncer. Cetarticle s'énonce :«Les droitsde pêchede la populationindigènede la presqu'îlede

Bakasi [sic] dans l'estuaire de la rivièreCross demeureront comme ils sont jusqu'à présent)).

Ainsi, mêmeaprès que la presqu'île de Bakassi eut été transférée à la Grande-Bretagne par

l'Allemagne, les habitants du côténigérianont eu le droit de continuer à venir y pêcher(et vice

versa). Voilà quicomprometbien fortement la valeur probante des élémens tur lesquelsleNigéria

s'appuie silourdement.

22. J'enviensenfin à lapériodequia suivi l'indépendance.

c) Lapériodepostérieure à l'indépendance

23. Monsieur le président,Madameet Messieurs de la Cour, le Nigériavous a soumis une

trèslongue listede ses prétendues effectivités. Nombrd e'entre ellesne présentent pasle caractère

de véritables effectivités,our les raisonsque j'ai déjàénoncées et pour d'autres quej'évoquerai

dans un instant. Leur liste n'en demeure pasmoins longue, du moins en apparence. Celle que

fournit le Cameroun est plus courte - mais c'est là chose délibérée.Pour les raisons d'ordre

juridique queje vous ai déjàexposées,leCameroun,en sa qualitéde détenteurdu titre, atrèspeu à

prouver (si tant est qu'il ait quelque choàeprouver) pourcorroborer son titre. C'est pourquoiil

s'est délibérémen gtardédejouer le jeu du Nigéria, jugeant totalementhors de propos d'aligner

comme lui un exemple après l'autre. En outre, quiconque se trouve chez soi sur son propre

"C.I.J.Recuei1992,p.396,par58.territoirene va paschercheràamasser despreuves dece qui éclateaux yeux. Aprèsleplébiscite,

et pendant unepérioderelativement longue,le comportementduNigéria n'a donné au Cameroun

aucuneraison de soupçonnerqu'il avait des viséessur Bakassi. Au contraire, les déclarationsdu

Nigériaau moment du plébiscite,sa conduite lors de la signaturedes accords de Yaoundéet de

Maroua dans les annéessoixante-dix, et de nombreux autres exemples, tels que les visites

consulaires auxquellesje ferai référence demain,ont amené le Cameroun à croire que sa

souverainetésur Bakassi non seulementne faisait l'objet d'aucunecontestation, mais ne soulevait

même la moindre interrogation. Pourquoidèslors aurait-il accumulédes preuves? Il ne faut pas

oublier non plus que, compte tenu de toutes les difficultésauxquelles s'est trouvéconfronté ce

jeune Etat qu'étaitle Cameroun durant les quelque dix annéesqui ont suivi son accession à

l'indépendance,ilne serait pas surprenantqu'une partie de sonterritoire relativementexcentréeet

inaccessible n'ait pasreçu lamême attention qu,arexemple, Douala.

24. Monsieurle président, peudetempsaprès son indépendance, leCamerouns'esttoutefois

lancédans certaines activités particulièrementimportantes, à savoir l'attribution de permis

d'exploration et d'exploitation des hydrocarbures dans la péninsule elle-mêmet au large. Les

Parties s'accordenà reconnaître que de nombreuseslicences de ce type ont étéattribuéespar le

Cameroun. De fait, plusieurs des superbes cartes présentéespar le Nigéria à l'appui de ses

prétentionsmaritimes le démontrent. Je me référeratiout d'abordà la sériede cartes prétendant

illustrer l'historiquede l'attribution des concessions,qui fait l'objet du chapitre10 de la duplique

du~i~éria'~.Même si le Cameroun émetde sérieuxdoutes surces cartes à d'autres égards,vous

constaterez qu'elles font apparaître une importante activitéde la part du Cameroun en matière

d'attribution de concessions sur l'ensemble de la péninsuleet au large de ses côtesartir de

1963,avec une quasi absence de chevauchement entreles concessionsdu Nigéria etla péninsule

elle-même ouson littoral immédiatjusqu'à lafin de la périodecouverte par ces illustrations,

c'est-à-dire 1999. Vous verrez égalementsur la figure 13.6,quisetrouve en regard de lapage4

du volume II de la duplique, les puits effectivementforés,aux dires du Nigérialui-même,ar le

Cameroun àpartirde 1967. Il s'agit de lafigure que vous voyezmaintenant projetée[débutde la

l4Vol. II,459etsuiv.projection], et dont vous trouverezun exemplaire dansvos dossiers sous la cote 53 4. Celle-ci

montre très clairement de nombreux champs pétrolifères off-shore camerounais - marquésen

rouge -' situésnon seulement à l'ouest et au sud de Bakassi,mais aussi et surtout au sud-ouest.

concernant la questionde la délimitationmaritime, leNigériaaffirmeen substance quele forage

de ces puits par les deux Parties n'a faitl'objet d'aucune contestation,et soutient que, si la Cour

devait déciderque Bakassi appartient au Cameroun, la frontièremaritime devrait êtreétablieen

traçant une ligne de séparationentre les puits. Cette question seratraitéedemainpar moncollègue

M. Kamto, dans le cadre de l'examen de la délimitation maritime.Mais s'agissant du point qui

nous préoccupeici, à savoirlasouverainetésur la presqu'îlede Bakassi,le faitest que ces puitsont

étéforéssous autoritécamerounaisetout à fait ouvertement;et que leNigéria reconnaîtlui-même

n'avoirémisaucune protestation. La notionmêmed'absencede protestationn'aurait aucunsens si

Bakassi avait appartenu au Nigéria,et les valeureuses tentatives de son conseil pour soutenir le

contrairene sont, sije puis m'exprimerainsi,nullementconvaincantes. [Fin de la projection.]

25. Mais laissons maintenant de côtéles concessions pétrolières,dont l'attribution s'est

poursuivie après 1963. Le Nigériaentend faire valoir que les autres activitésdu Cameroun à

Bakassipeuvent êtrescindéesen trois périodes : la périodeallant de 1960à 1972,la périodeallant

de 1973 au 29 mars 1994 (date de la requêtecamerounaise), et la période postérieure à cette

denière dateI5-découpage intéresséq ,ueleCameroun,soit dit enpassant,ne saurait accepter.

26. Il sera plus commode,pour vous expliquer les raisons pour lesquellesnous ne saurions

accepterce découpage,de commencerpar la dernière période,autrementdit lapériodepostérieure

au dépôtde la requête. Le Nigéria ladéfiniten effet comme débutant à la date du dépôtde la

requête du Cameroun.En réalitél,a date de référence devraiêt tre,u plus tard,celle de l'invasion

de Bakassi,de décembre1993 à janvier 1994- c'est cette date quidevrait êtconsidérée comme

la dernièredate critique. Mais c'est en fait dès le débutdes années quatre-vingt-dixque l'on

observe une intensification des tentatives du Nigériapour asseoir sa souverainetésur Jabane et

d'autresvillages, avec l'intentionmanifeste de constituer un dossier d'effectivités. Ce qui s'était

en grande partie limitéà des revendications verbales d'autoritése manifestait désormaispar des

''CMN, vol.1,p.267-280,pa10.154-10.186.actions concertées associéesà une campagne visant à gagner à la cause du Nigéria la population

résidente d'ethnie nigériane.destentativesde hisser ledrapeaunigérianen 1990et 1991'~~ l'afflux

soudain de Nigérians à Jabane, les mesures prisespar le Nigéria pour financerdes écoles etdes

centresde soin^' 'apparition,enjanvier 1993,depanneauxrevendiquantlevillage comme faisant

partie du~i~éria", la construction d'installations militaires suiàel'invasion et les manŒuvres

tendant àempêcher les autoritéscamerounaisesd'administrerlarégion :tout concourtà établirune

tentative concertéedes autoritésnigérianespour établirun titre sur Jabane - et, partant, sur

Bakassi - en fabriquant de toute piècedes éléments de fait sur le terrain. C'est ainsi que toute

activité nigériane survenueàpartir d'avril 1990 environ, datà laquelle les forces nigérianesont

débarqué à plusieurs reprisesà Jabane et remplacéle drapeau camerounaispar le leur, doit être

considéréc eommes'inscrivant dansunepériodesuspecte.

27. En n'énumérant pas d'effectivité psostérieures la requête danscette partie de son

contre-mémoire,qui subdivise la situation postérieure à l'indépendance en plusieurspériodes

distinctes,leNigériasembleadmettre qu'il ne peut se fonder sur des effectivitéspostérieuresàla

requête,ce qui devrait assurément êtrlee cas. Pourtant, dans d'autres parties de saduplique, le

Nigériainvoquedes faits bien postérieursà la date de la requête. C'estainsipar exemple quesous

letitre «Exercicede l'autorité militairil, fait référenàl'arrestationde contrebandiersen 1999,

à l'interceptionde deux chalutiersnon munis de permisen 2000, et au sauvetagede passagers qui

se trouvaientà bord d'un navire en perdition (ce qui, en tout état decause,n'a pas grand chosà

voir avec une effectivité)en 200019. Sur ce point, comme c'est bien trop souvent le cas en la

présenteespèce,leNigériasemble essayer dejouer surles deuxtableaux.

28. S'agissant d'activitésmilitairesou apparentées, lorsque,dans ses pièces,le Nigériafait

référenceaux activités militaires camerounaises à Bakassi dans les décennies ayant précédé

l'invasion nigérianei,l décrit celles-cicomme du harcèlement,voire pire. Monsieur le président,

l6MC,annexes362-363,vol. VII,p. 2909et 2915.
" CMN,par.10.100.

l8MC,annexe325, vol.VII,p. 2709.
l9DN, vol1,p. 117-118,par.3.130. chaque Partie peut médirede l'autre, mais ils'agissaitlà pour leCameroun de l'exercice régulier,

lorsquele besoin s'en faisaitsentir,de l'autoritéde'Etatsursonpropretemtoire.

29. Après avoir définiune date butoir, nous pouvons à présentremonter dans le temps et

d'examiner les annéesqui précèdent, lesquelles commencena t,ux dires de la Partie adverse, avec
I
l'accessionà l'indépendancedes deux Etats. Le Nigéria,je vous le rappelle, entend diviser cette

premièrepériodeen deux parties, la premièreallant de 1960 à 1972, et qu'il définitcomme une

périodeoffrant des preuves de l'acquiescement du Cameroun à l'exercice de la souveraineté

nigériane, la secondepériodeallant,selon leNigéria,de 1973 à la date de la requêteen 1994,et au

sujet de laquelle il affirm:«Apartir de 1973,les témoignagesmontrent que le Gouvernementdu

Cameroun a décidé de chercher à altérerla nigérianité dela régionde Bakassi et d'essayer de

montrer qu'il existaitun certain degré de présence camerounaisd eans la régionn2'.Monsieur le

président, l'audacedont font preuve nos adversaires en avançant un tel argument force

l'admiration, puisquec'est précisémenltecontrairequi s'est manifestementproduit.

049
30. Le fait est que le Camerouna, dès ledépart, continûmentexercésa souveraineté. J'ai

déjà évoqué l'attributiod ne concessions pétrolièresdès le débutdes années soixante,mais de

nombreux autres exemples sont fournis par les pièces du cameroun2'. Parmi ceux-ci figurent

notamment le recouvrement des impôts, l'organisation des circonscriptions électorales, la

nomination de sous-préfetset d'autres fonctionnaires, la productionde rapports économiqueset

l'élaborationde plans de développement régional, l'ouverturd e'écoleset la mise en place de

programmes de formation des agriculteurs, les propositions et contre-propositions formulées

en 1971 dans le but de déplacer le chef-lieu du district de Jabane en raison des risques

d'in~ndation~~,et les opérations de policede nature variée. Mais les pièces du Nigéria

elles-mêmes2c 3omportent d'autres exemplesdes effectivités camerounaises. Y sont notamment

citéesl'arrestation de trois soldats nigérianset la saisie d'un hydravionà Jabane en 1968~~.Le

20CMN,vol. 1,p. 269, par. 10.162.

2'Mémoiredu Cameroun, vol. 1, p. 490-495, par. 4.430-4.454; répliquedu Cameroun,1,p. 307-311,
par. 5.218-5.233,et annexescorrespondantes.

22RépliqueduCameroun,vol.IV,annexe28,p. 395.
23Contre-mémoiredu Nigéria, v. ,p. 267-269,par. 10.157-10.161.

24Contre-mémoiredu Nigéria, v. III, annexe206,p. 1673.Nigériapeut naturellement dénoncer cequi constitue selon luiune violation dece qu'il enest venu

à considérer,trèstardivement, comme sa souverainetéterritoriale; mais tel est précisément l'objet

du litige. Pour le Cameroun, il s'agissait simplement d'exercer avec fermetéson autorité

souveraineet de défendresonintégritéterritoriale.

31. Comme nous n'avons que peu de temps,je ne parlerai que d'un dernier élémentde

preuve du Cameroun, qui est le dictionnaire des villages dela Ndian, publié en juin1973 par

l'office françaisde la recherchescientifiqueet techniqueoutre-mer (ORSTOM). Ce documentest

l'annexe244 du mémoire2'.Bien qu'intitulé dictionnairedes villagesde la Ndian, cet ouvrageest

en fait bien plus qu'un dictionnaire car il décritde manière détaillél'organisation locale,les

chiffres des recensements et ainsi de suite. Par exemple, plusieurs localités de Bakassisont

énumérées à la page 11. A la page 5 (p. 3 de la version française, car il s'agit d'un document

bilingue)il est dit que les limitesterritoriales du département dela Ndian ont été fi1968et

le document fait état de décretsprécis,datant de 1965, 1969 et 1973, portant définitiondes

arrondissements. Dans son contre-mémoire,le Nigériadéclare, à propos de ce rapport, qu'il ne

semblepas faire autorité26.Voilà qui est, si je puis me permettre, fort peu convaincan:il est

préciséd'emblée, à la page4 (p. 2 de la version française) que ce rapport a été réalévec la

coopération desautoritéscamerounaises et qu'il émaned'un organe de recherche-hautement

respecté- de la République française,comme l'indique le bordereau de transmission joint au

rappod7. Cet ouvrage n'estque l'un desnombreuxélémentsde preuve qui attestent l'autoritéque

le Camerouna exercéedanscette régiondurant lesdixpremières annéesde son existenceet par la

suite.

32. J'aurai l'occasion de vousparler demaind'uncertain nombre de visites que le personnel

diplomatique et consulaire du Nigériaa rendues dans la presqu'île. Celles-ci prouvent non

seulement,de manièretrèsclaire, que le Nigériareconnaissait la souverainetédu Cameroun sur

Bakassi, mais égalementque c'est le Cameroun qui étaitbien «chez lui» sur la presqu'îl«à la

maison»et non leNigéria.

25VolV, p.1987-2006

26Par10.135.
27P.2005. 33. Le Nigériaa parfois élevé quelques protestations. Maicselles-ci portaient sur ce qu'il

estimaitêtrela gravitédes agissementsdu Cameroun - parexemple, l'arrestationde trois soldatà

Jabane et la confiscation de leur hydravion - ou sur une certaine duretéqu'il percevait à

l'encontredes habitants «nigérians»de certainsvillagesde Bakassi. Ce n'est que plus tardivement i

que leNigéria a protestésérieusementcontrelaprésencemême du Cameroun àBakassi.

34. En revanche, le Camerouna, pour sa part, protestécontre le comportementdu Nigéria

quand selon lui,leNigériaviolait sa souveraineté.Un exemple caractéristique,quidate de 1969,

figure à l'annexe 148du contre-mémoire28.Ces protestations sontbien formuléesgénéralement

commeun appel à des relationsde bon voisinage, maisilne s'agitpas moins de protestations.

35. Il me reste trop peu de temps pour examiner en détail les prétendues effectivités

nigérianes aprèsl'indépendance. Maisnombre d'entre elles ne permettent pas d'établirun titre

acquisparvoie deprescriptionqui,je lerépètee ,st la seule formede «consolidation historiqued'un

titre))qui pourrait un tant soitpeut êtredéfendable, dela part du Nigéria,en l'affaire. En effet, si

l'on applique les critèresde laprescriptionquej'ai brièvementévoqués toutà l'heure, et qu'on les

confionte de manière relativement détailléa evec les preuves soumises par le Nigéria,on peut

formuler les observations suivantes: Premièrement,la possession doit êtrepacifique :ainsi, tous

les actes duNigériadepuis qu'il a envahi Bakassi, voiretous les actes de violence commis même

avant cette invasion patente, ne comptent pas. Cela vaut égalementpour les manifestations

d'autorité civile exercésous l'égide d'uneoccupation militaireet toutes les pratiques de ce type.

Deuxièmement, ces actes doivent êtredes actes accomplis à titre souverain. Par exemple,

l'installation d'écoles oud'hôpitauxà Bakassi par des entités privéesbaséesau Nigéria,comme

des églises,ne compte pas. Troisièmement, les actes qui ne procèdenp t as directement d'une

revendication légitimede la souverainetésur le territoire ne comptent pas. Le fait de délivrerdes

passeports àdesNigériansétablis àBakassine comptepas,tout comme la délivrance,par le consul

britannique à La Haye, d'un passeport à un citoyen britannique ne saurait êtreconsidéréecomme

une effectivitébritanniqueauxPays-Bas. Quatrièmement,leNigériane peut se prévaloir des actes

pour lesquelsil auraitreçu l'autorisationdu souverainterritorial,ce qui fut par exemple lecas pour

2sVol.VII,p. 1209. Une copie dela lettre originalefigureaux pages1212-1213. Voiraussi lesannexesRC62,
vol.V,p. 623;MC325,vol. VII,p.2709pour d'autres exemples.la délivrance de passeportspar des fonctionnaires nigérians. Cinquièmemenlte,s actes qui ne sont

pas accomplis ouvertement ne sont pas valables non plus. On peut concevoir que, dans une

presqu'îleoù résidentde nombreux citoyens nigérians oude personnes ayantdes liens, ethniques

notamment, avec le Nigéria, certains actes aient étécommis sans que le Cameroun en ait

connaissance. Permettez-moi,pour évitertout malentendu, d'insistersur ceci :je ne dis pas qu'un

Etat quiaurait dû savoir ce quise passait sur son territoirepuisse se contenter de dire qu'il ignorait

les faits. Ce quej'affirme, c'est que si,dansles circonstances propresl'espèce, quelquechose se

pratiquaitdans cette région, quise trouve loin des grandscentres camerounais,quelquechose dont

le Cameroun ne peut pas être raisonnablement censé avoir connaissance, cela ne compteraitpas

comme uneeffectivité.

36. Appliquer lescinq critèresqueje viens de citerva éliminer bonnombre des effectivités

alléguéep sar leNigéria.Il se peut, bien sûr,que d'autrespassent entre les mailles du filet. Maisil

reste d'autres obstacles quele 'Nigéria devaurmonter. En effet, sixièmement, la protestationfait

échec à la prescription, et le Cameroun a bel et bien protesté,comme nous l'avons vu. La

protestation excluttout consentement, et rien ne prouve en tout cas qu'il y ait eu consentement

tacite de la part du Cameroun. Septièmement, larèglede la prescription ne «marche»pas lorsque

le titulaire du titre exerce lui-même soautoritésouveraine sur le territoire en cause, ce qui était

effectivement le cas du Cameroun commeje l'ai montré. Et huitièmement, la possession parle

contestant doit avoir duréuri temps suffisamment long. La durée requiseest fonction des

circonstances, mais en l'espèce,il ne s'est écouléque trois décenniesentre l'indépendanceet la

décisiondu Nigériad'envahir Bakassi,au débutdes années1990,et ce délai est bientrop court, à

fortioriquand le Cameroun,loïn d'êtrerestéinactif,a exercé sapropresouveraineté,commeje l'ai

dit, sans parler des protestations qu'il a élevéescontre le Nigériaquand celui-ci violait sa

souveraineté.

37.En fait, Monsieurle président,si l'onessayaitde faire la somme detoutes les effectivités

dans un camp et dans l'autre,c'est le Cameroun qui arriverait en tête,nonobstant la trèslongue

liste que le Nigériaa fournie. Carje dois rappelerà la Cour que, commeje l'ai déjàexpliqué,le

Cameroun peut se prévaloirnon seulementde ses propres actes de souverainetéaccomplis après

l'indépendance,mais égalementde tous ceux - etj'ai bien dittous ceux- que le Royaume-Unia accomplis au nom du Camerounpendant prèsde quaranteans, c'est-à-dirependant le régimedu

mandat et le régime detutelle exercés parle Royaume-Uni, sans parler des actes accomplis par

l'Allemagne,précédenttitulaire dutitre. Maisilest par principe inutileau Camerounde démontrer

que le nombre de ses effectivités l'emportepour ainsi dire sur le nombrede celles de son voisin,

parce que les règles de droiten matière de prescriptionainsi que le principe prépondérante l'uti

possidetis et, enfin, le principe, peut-encoreplus impératif,qui interditde modifier le titresur

un territoire par des actes de violence illicite,nous mènenttousla même conclusion :letitre du

Camerounest meilleur.

4. Conclusion

39. Monsieurleprésident, Madameet Messieurslesmembresde laCour,pour concluremon

exposé surles effectivités,je voudrais formulerune observation généralseur le tableau qui ressort

de l'examen du droit relatif aux effectivités et des faits de l'espèce. Le Nigériaparviendra

peut-être à prouver qu'il a accompli certains actes d'administration à Bakassi, comme un

recensement par exemple. Bien entendu, cela ne prouve pas que le Cameroun n'en a pas fait

autant, et d'ailleurs, pour prendre cet exemple précis,j'ai déjà faitmention d'élémentprouvant

que le Cameroun avait bien procédé à des recensements. Mais cela ne signifie pas que les

recensementsdes deux Etats,ou quetous les autresactes d'administration, s'annulent.S'ilest vrai

que les rois et les chefs du Vieux-Calabarn'ontjamais exercéla souverainetésur Bakassi, ou que

les Britanniques, en colonisant le Nigéria, ont réduit à néant toute personnalitéjuridique

internationaleque les rois et les chefs auraientpendanuntemps peut-êtrepu revendiquer,ou que

l'Allemagnea éteint leur titreen les conquérant,ou que l'accord de Londres de1913a conféré la

souverainetésurBakassi à l'Allemagne, ouquele mandatde la Société desNationsou le régimede

tutelle des Nations Unies a donnéà l'autoritéadministrantebritannique le pouvoir sur Bakassiau .

nom du Cameroun méridional (plutôtqu'au nom du Nigéria),ou que les actes de l'administration
I

britannique dans la presqu'île durant cette périodede près de quarante ans représentaientun

contrôle effectif exercéau nom du Cameroun méridional,ou que le plébisciteet ses suites ont

confirméle titre du Cameroun,ou encore que les nombreuses manifestationsde la reconnaissance et l'acceptationduNigéria luisontaujourd'hui opposabl-ssi l'unede ces hypothèses se vérifie,

et il suffitqu'une seule de ces hypothèsesse vérifie,- alors l'un des deux Etats a fatalementplus

d'effectivitésque son voisin. A partirde là, le Camerounest le souverainet leNigériaest l'intrus.
Q 5 3

Pour le Cameroun,il faudrait que leNigériapuisse prouverqu'il aexeàctitre de souverain,bien

plus d'activités pacifiques qu'ilne peut le prouver et qu'il puisse prouver que le Cameroun a

reconnu la souveraineténigériabeaucoupplus largement,sur une périodebeaucoupplus longue,

pour que letitre lui revienne. La charge de la preuve incombeau Nigéria, etnousaffirmonsqu'il

est bien loind'avoirprouvé quoiquece soit.

40. Monsieur le président,Madameet Messieurs les membres de la Cour,je vous remercie

de votre attentiànune plaidoirie qui,je le regrette, étaitplus longuequ'elle aurait pu l'êtresi le

Nigéria n'avaitpasessayéde 'bouleverserlesrègles dedroitsur les effectivitéset d'embrouiller les

faits.

41.Monsieurleprésident,je vous seraisreconnaissantde bienvouloir passerla paàomon

collègueet ami,leprofesseur Jean-PierreCot.

Le PRESIDENT :Je vous remercie, M. Mendelson. Je donne maintenant la parole au

professeurJean-PierreCot.

Mr. COT:

K.THE LANDBOUNDARY

7. Bakassi

(e) Thecartograpliic confirmation

1. Prologue. What evidentiaryweight shouldbe attributedto theabsence ofmaps?

Mr. President, Members of the Court, it falls to me to deal with the cartographic

confirmation of Cameroon's title to Bakassi. But, before doing so, 1 should like, by way of

prologue,to pose a question: whatidentiw weight shouldbe attachedto the absence ofmaps?

1.There is infact an abundant,well-establishedinternationaljurisprudenceon the evidential

value ofmaps in internationalproceedings.

2. But, to my knowledge, there is nojurisprudence on the absence of maps. What happens

when one party produces not a single map to support the boundary claimed, whereas the other produces a reasonablenumber? Whatconclusionisto be drawnfrom this cartographic abdication?

1sit an admission? A signof weakness? It will beyour taskto assess this singular situation,inthe

Lake Chad andBakassiPeninsula sectorsalike.

054 3.Nigeriaproducesabundant mapevidence,notably in itstwo atlases,one consisting oftwo

volumes, annexed to its Counter-Memorial(80 maps), the other slightly slimmer, but with more

reproductions (well over a hundred), annexed to its Rejoinder. But these maps are somewhat

strange, giventhat they are intended to illustrate a's claimsin a frontierdispute. Strangethey

are indeed, includingwell-presented sketch-maps,maps with overprints, satellite photographs,but

not a single map indicatingthe boundaryclaimedby Nigeria in Lake Chad, as we notedthe other

day, or inthe Bakassi Peninsula.

4.Thereare admittedlya few maps intheseatlases indicatinga boundary line, butthey date

from prior to 1913 or 1919, in other words, from before the instniments establishing the

conventionalboundary.

5. As for the maps annexed to the treaties, they have to be unearthed from the impressive

aggregate of volumes comprising Nigeria's Counter-Mernorial,where they are hidden away in

Volume v2'.

6. Two fine atlases without a single map is quite an achievement. Moreover, Nigeria

informsus, and1quote fromthe Rejoinder: "TheGovernmentofNigeria doesnot intendto trouble

the Court witha collectionofjudicial assessmentsof map evidence." Whichis whatwe inFrench

cal1a "litotes", a euphemism,an "understatement",as1believethe EnglishSay.

7. Mr.President, Carneroon produces maps in its written pleadings. Maps from various

sources andof unequal value certainly. Nigeria stresses thatmany of thesemaps areon a scaletoo

small to haveany significance. Butthe scale is a matter of proportion. Everythingdependson the

individualdetail which it is desired to identiQ. A scale appropriatefor identiFyingthe Akwayafe

boundarywillnot do for making a choiceas betweenthe twobranchesofthe Ebeji.

8. Confiningmyselfto Cameroon's writtenpleadings, includingthe cartographicannexes in T

Volume VI1of OurMemorialand Volume IIof OurReply, 1havecounted,if1amnotmistaken:

29~ounter-~emorialof Nigeria, Vol.V, Anns. 46, 47, 40 and 54. Map No. 50 in the Atlas annexedto the
Counter-Mernorialis simplyxtract fromtheMoiselmap. - 39maps indicatingthe boundarywhich weclaiminLake chad30;

055
- 58maps indicatingthe boundarywhich weclaiminthe Bakassi sector3'.

Some of these maps have been produced twice or three times and may overlap, but 1 am not

seekinghereto rack upa total, ratherto conveya picture.

9. We have even produced two maps indicatingthe boundary claimed by Nigeria in the

Bakassi ~ector~~m, aps which Nigeria did not see fit to produce, because they are actually an

embarrassmentto Nigeria,as we shall see.

10.Mr. President,1am riotseeking in this case to engage in a relatively unhelpfulstatistical

exercise. We could actually have producedmany more such examples: take any good atlas in the

library of the Peace Palace andyou will find in it the two characteristicdelimitations showingthe

boundaryin the northwith a brokenline inLakeChad,andin the souththe Akwayafeboundary.

11. But 1 am bound from the outset to emphasize this imbalance in the map evidence

producedby the two Parties. Nigeriahas not soughtto discussthe mapsproducedby Cameroon. It

has chosento ignorethe problem,to shun anydebate. 1would askyouto note this fact.

12.We are ina situationthe oppositeto that considerednot longago by yourChamberin the

case concerningthe FrontierDispute (BurkinaFaso/RepublicofMali). At the time, the Chamber,

observingthat it was facedwith a considerablebody of maps, sketchesand drawingsproducedby

the two Parties, added that"no indisputable fiontier line is discernible from this abundance of

cartographic mate rial^'"^.It was almost submerged. Here, there is an appreciable body of

material- the material we have produced- and the boundary is indisputable, as 1 shall try to

convinceyou, as far asthe Bakassisector isconcerned.

'O~emorialof Cameroon,Vol. 1,mapsM5, M6,M7,M8,M12,M15, M16,sketchNo. 5; Memonal of
Cameroon,Vol.VI1(cartographicannex),maps M 324 35,42,43,45,46, 47,48, 51,54, 55,56, 58,59,61,67,71, 73c,
74, 75, 78,79, 82, 83, 85,88, 89, 91, 92,93a.; Reply of Cameroon,Vol.1,map R1.
''~emorialofCameroon I,V~~s. ~,M~,M~,M~,M~,MII,M12,M13, M14,M15,M17, M19,M20,
M21, M22,M23, M24; Memorialof Cameroon,Vol.VI(cartographicannex),Mma26b), 29b),31,32e),34,35,36,
37, 38, 39,40, 41, 42, 43,45, 46, fj,51, 52,55,57, 58,59,60, 61, 67,71,73a), 75, 79,80,81,83, 85,86, 87,
88, 91; Replyof Cameroon,Vol.iaps R19,R29; Replyof Cameroon,Vol. II (atlas),sheets27and28.

jZ~apM 18aandM 18b,Memorialof Cameroon, Vol.1,p.305;Vol. VII,M93a and 93b.
3%~.J.Reports 1986,p. 584, para.58.O
2. The mapsof the BakassiPeninsula: generalremarks

13.Mr.President,rest assuredthat 1have nointention of presentingto the Court a58 maps

produced by Cameroon confirmingits territorial title to the Bakassib en insu l ash^.ll merely

comment on some of the most significant ones and for the others refer the Court to Ourwritten

pleadings (references will of coursebe provided in the form of foomotesto the verbatim record). i

First, however,1 must counter some of the criticisms of Ourproductions made by Nigeria in its

Rejoinder.

14.1wouldpoint out thatwe are not seekingto makethe maps Saysomethingwhich theydo

not, and thatOurobservations will be in line with the Court's previous decisions, particularlyits

Judgments in the cases concerning the Frontier Dispute (Burkina Faso/Republic of Mali) and

Kasikili/SeduduIsland (~otswand~amibia)~~. 1 note that the58 maps which we produced al1

place Bakassi in Cameroonianterritory. As the Arbitral Tribunal noted in the Beagle Channel

case:

"Where there is a definitepreponderanceon one side, particularlyif it is a very
marked preponderance and while of course every map must be assessed on its own
merits, the cumulative impact of a large number of maps, relevantfor the particular
case thattell the samestory,especiallywhen someofthem emanatefromthe opposite
party or from third countries, cannot but be considerable either as indications of

general,or at least widespreadrepute or belief, or else as confinnatory of conclusions
reached,as inthe present case, independentlyofmaps."

15. Curiously, Nigeria deems the maps predating its independence, in 1960, to be

irrele~ant~~.This is clearly an endeavour to delete with a stroke of the pen the principle of uti

possidetis, by seeking to preclude one Party from producing one of the elements constituting

evidenceof theterritorialtitle inheritedon independence.

16. Nigeria has moreover notedthat many of Ourmaps repeat each other, and are copied

from each other. That is true in some cases. Yet the element of repetition also represents an

element of common knowledge. It makes al1the more inexcusableNigeria's prolonged lack of

protest faced with the widespread use, throughout the world, of numerous maps showingthe

Akwayafe as the boundary. Let us add, Mr. President, that some of these maps, destined for .

34~ejoinderof Nigeria, Vol.1,p. 185,para. 3.328.
35~.C.~eports1986p. 584, para.58; I.C.J. R1999para.84.

36~ejoinderofNigeria, Vol. 1,p. 185,paras. 3.327-3.328.professionaluse, reflectpractice on the ground[projectionof rnapNo. 541. For example, the rnap

you will find as documentNo. 54 in the judges' folder, this geological rnap dating fiom 1964,

showsthat Nigerian engineersdid not considerthe geological structureof the Bakassi Peninsulato

be theirconcem. To take a further example,the 1966rnap of forestryreserves excludes Bakassi

from Nigeria's forestryassets [projectionof rnapNo. 551. Here it is,Mr. President,rnapNo. 55 in

thejudges' folder.

17.The marinechart whichyou will findas documentNo. 56 inthejudges' folder, entitled

"Approaches to Cross River", is a chart which shows the boundary lying in the channel of the

Akwayafe. 1note, moreover, thatthe International Maritime Organization,with the agreement of

the International Hydrographic Organization, has given the responsibility for internationally

CO-ordinating zone IIofthe globalocean to theServiceHydrographiqueet Océanographiquedlea

MarineFrançaise(SHOM) (Hydrographicand OceanographicDepartment of the French Navy),

whose head office is in Brest. Today, this global waming agency shows the Akwayafe as the

international boundary betweenNigeria andCameroon. Internationalmarine chartsare preparedin

accordancewith this decision.

3. Mapsannexed toaninternationalinstrument

18.The Courtwill accord officia1mapsannexedto an international instrumentthe attention

they merit. Already inthe IslandofPalmascase,Max Huber noted, and1quote: "Above all,then,

officia1or semi-officia1maps ... would be of special interestin caseswhere they do not assertthe

sovereigntyof the countryof whichthe governmenthas causedthemto be issued." (RUA, Vol. II,

p. 853). Moreover, in its Judgment of 1986,in the case concerningthe Frontier Dispute(Burkina

Faso/RepublicofMali),the Cihamberof the Court notedthat such maps may acquire the authority

of "a document endowed b:y intemational law with intrinsic legal force for the purpose of

establishingterritorialightsW3'T. his appliestothree maps inthe Bakassisector.

19.Map TSGS2240, s'heet2 (which was projected the other day) and which was drawn up

in 1905-1906 by CaptainWoodroffe acting for Great Britain, and Captain Hermann acting for

Germany,was annexedto the Treaty of 11March 1913[projectionof No. 571. Professor Simma

-
37~.J. Report1986,p. 582para54.has already commented on this map, which was signed by both Parties, and to which the Treaty

explicitlyrefers in Articles 18and 30.

20. Doubtlessthe principal purpose of the rnap annexedto the Milner-Simon Declaration of

10July 1919 [projection of rnap No. 591- this is Moisel's map, which 1 have taken from
I

Nigeria's Counter-Memorial, andin passing 1thank Nigeria for this assistance in the presentation

of my argument (Vol. V, sheet G-1Bueia) - was to determine the boundary between thetwo

mandates,the British and French mandates. It did not concemBakassi directly, but incidentallyit

also defined theterritoriesallocatedrespectivelyto each power. And you can seefromthe littlered

dot on this rnap G-1, that Moisel7srnapG-1Bueia, authenticatedby the negotiatorsof 1919, very

clearly placed the Bakassi Peninsulawithin British Carneroonand not within Nigeria. And this

was undoubtedlywhat the negotiatorsof the 1919Peace Conferencebelievedto bethe position.

21. After independence, chart3433 (whichwe shall hear more about when it comes to the

maritime boundary) [projection ofrnapNo. 601was annexedto two internationalinstruments,the

YaoundéII Declarationof 4 April 1971and the Maroua Declarationof 1June 1975. It was signed

by the two Heads of State,PresidentAhidjo on behalf of Cameroonand General Gowon on behalf

of Nigeria. It was even signedtwice [projectionof rnapNo. 611,once in Yaoundé for thepurpose

of determiningthe course ofthe boundary up to the 3-mile limit,then a second timein Marouafor

the purpose of prolonging the line to the limit,up to point G [projectionof rnap No. 621. To my

knowledge, thesignature on two occasions, successively,of a rnap annexedas a single instrument

to two different instruments,the YaoundéII Declaration and the Maroua Declaration, is a unique

occurrence. It is a curiosity of internationallaw which doubtless warrantsOurattention. More

importantly, ten years after independence, this rnap constitutes the official recognition of the

Akwayafeboundary, recognitionreiteratedby bothParties represented atthe highest level.

4. The mapsused in the context ofthe mandateand the trusteeship

22. Themaps transmittedbythe administeringpower, here GreatBritain,duringits mandate,
t
then trusteeship,are especiallyinterestingsincethey reflectthe administeringpower7svisionofthe

territorial basisof the mandatethen trusteeship,and would be subjectto any reactiononthe part of

the League of Nations or the United Nations, the international organizations supemising theO 59 mandate or trusteeship. Professor Shawand ProfessorNtamarkhave explained with what degree

of vigilancethe PermanentMandates Commission,then the Trusteeship Council, verifiedthat the

territorial bounds of the mandate were observed, as well as monitoring border problems andany

boundary rectifications proposed by the administering powers. Now,al1the maps transmittedby

the United Kingdom, whether to the League of Nations or the United Nations, locateBakassi as

lyingwithinthe territory of its mandate. 1have includedin thejudges' folder one ofthe first maps

which we found, produced by the SurveyDepartment of Nigeriain 1926,which you will find as

documentNo. 63. And here is a maptransmittedto the TrusteeshipCouncil in 1949; 1have kept

the southem half only. It is interestingbecause it does showthe Fish Towns-thoseFish Towns

to which my colleague MalcolmShawreferred earliertoday, the Fish Towns of Bakassi - it does

showthese Fish Townsto be on the Camerooniansideof the boundary(of that there is no possible

doubt) [projection ofmapNo.. 641. You can see the Fish Townsmarked and the boundary, which

very clearly follows the line of the Akwayafe. 1 would also request the Court to refer to

mapsM 41, 45, 46 and 47, included in Cameroon's Memorial, which show similar findings. 1

repeat, al1the maps transmitted to the authority supervisingthe trusteeship, be it the Trusteeship

Council or,before that, the Permanent Mandates Commission,do show Bakassi to be within the

territoryofthe mandate ortrusteeship.

5. Maps prepared bythirdparties

23. Maps prepared by third parties have in principle no official status.ver,they do

reflectthe position as it is understoodintemationally. They also enjoya presumption ofneutrality,

beingpreparedby the cartographicdepartmentsof countrieswith no directinterest inthe dispute.

24. Thisis the casewith the mapsof IGN France,the qualityof which was recognizedbythe

Chamber of the Court in the .Frontierdispute (BurkinaFaso/RepublicofMali) case3*.Moreover,

the riparian States of LakeChad, includingthe two Parties, Nigeria and Cameroon, have had no

hesitation inentnisting to this body, of acknowledged impartiality,the task of demarcation

operations in that sector.Now al1the IGN maps- you will fmd one dating fiom before the

Second World War in thejudges' folder, reference No.6- place Bakassi in the territory under

38~.~.Reports 1986,p585-586paras.61-62. British mandate or trusteeship, and, since independence, in Cameroon. Here is a recent IGN
060
France rnap whichis very clear, and which youwill find under reference No. 66 in the judges'

folder. This isa rnapon which it can be clearly seen that Bakassilies onthe Camerooniansideof

the Akwayafe boundary, Bakassibeing shown in Camerooniancolours, Nigeria in white [project
i

mapl.

25. The rnap published by the Geographer, the official agency of the American State

Department, which is seen here, is just as clear [project map, reference No. 671. At least as

interestingis thelegendat the foot ofthe map,which is difficultto see butwhich 1will readto you;

it clearly statesthat the frontier "follows the thalweg of the Akpa-Yafeto a line between Bakasi

Point and King Point on the Bight of Biafra". Thus this is a rnap which indicates the various

boundarypillars set up on the Anglo-Geman boundary andthen clearly shows both the Akwayafe

and the point, between KingPoint and Bakassi Point, where the boundary reaches the Bight of

Biafra.

6. British maps from the mandate and trusteeship period, and subsequent Nigerian maps
since independence

26. 1 do not dwell on the maps publishedeither by Franceat the time of the mandate orby

Cameroon since Cameroonian independence,since these are by definition maps emanatingfrom

one of the Parties to the proceedings. 1merely note in passing that al1these maps show that

Bakassi lies on the Cameroonian side of the b~undary~~.The case of the British maps fiom the

periodof the mandateand the trusteeship, and subsequentlythe Nigerian maps since independence,

seemsto me to be more interesting. When producedby a partyto the dispute or its predecessor,

theymay be invokedagainstthat party in accordance withthejurisprudenceto which 1 referred the

Court on Tuesdaymorning when dealing withthe role of maps in the Lake Chad sector4'. They

may amount to an "admission against interest" ifthey contradictthe presentposition ofthe partyin

contention. As the Judicial Committee of the Privy Council noted in 1927 in the Labrador

t
Boundarycase:

39~eeinparticulmapsM 8, M 11,M 78,M 80.
4 0 ~200212,p. 36, para.64. "The fact that througha long seriesofyears and untilthe present disputearose,
al1the maps issuedin Canadaeither supportedor were consistent with the claim now

put fonvard by Newfoundlandis of somevalue as showingthe constructionput upon
the Ordersin Counciland statutesby personsof authorityand by the general publicin
the Dominion."

27. Until the beginningof the 1990sal1ofthe maps- 1 stress al1of the maps- published

bythe United Kingdom and subsequentlypublished byNigeria after independence,al1these maps

recognize that Bakassi is in Cameroon. Here, for example, is a Nigerian rnap of 1963: the

"Calabar" page of the 1/250000rnap [project map,reference No.681(Nigerian post-independence

rnap).Al1otherBritish orNigerianmaps datingfiom before 1990that we have foundal1showthe

sameboundary4'. 1shallnot enumeratethem; youwill finda list as anoteto the verbatim record.

28. Since 1990 it is tnie that there have beena few exceptions,but not many- two in fact.

Nigeria's changeof position seems to date cartographically from 1990. It is the "Administrative

Mapof Nigeria", tenth editioriof 1991,that showsfor the firsttime the new boundary claimedby

Nigeria[projectmap, referenceNo. 691. You canseethe boundary, which abruptlyswingsawayto

join the Rio del Rey at the bottom and so leave Bakassi in Nigeria. This rnap is marked "tenth

edition",the tenth edition of the administrativep. This one is good forNigeria; or it would be

good if we had not found the third administrative map, thirdedition, dated 1956~'; the fourth,

dated 1960~~;the seventh, dated 1972~~ [project map, referenceNo. 701. And you can see the

boundary. Thesepreviouseditionsal1place Bakassi inCamerooniantemtory. The sameappliesto

thesecondexception,the "Map of Nigeria. ThirtyStates" [projectmap, referenceNo. 711; we see

thefiontier swing away, giving Bakassito Nigeria. This is the third edition,which dates fromthe

beginning of the 1990s; it is not precisely stated but it doubtless dates from then, and it places

Bakassi in Nigerian territory. Unfortunately for Nigeria, the second edition from the 1980s,

entitled"Map of Nigeria. Twenty One States", beforethe administrativereform, places Bakassiin

Cameroonianterritory. It is the samegarne, if 1may Sayso. These maps, primafacie favourable
/
O to Nigeria as you see, become evidenceagainst it, because they record and date Nigeria's sudden

41~eemaps M7, M9, M 13?M 17, M24, M31, M 32, M34, M 35, M36, M37, M38, M39, M40, M 41,
M42, M43, M45,M46,M47,MSI,M53,M 55,M 57,M59,M60, M61,M67,M74,M75,M79,M81,M 86.
42~emorialof Cameroon,Vol1rnapM 19.

43~bid.r,napM 20.
44~bid.r,napM 21.change of position. It will doubtless be rememberedthat a similarsudden change was seen in the

Palmascase, where it had been possible to establish also that a series of maps had been abruptly

interrupted,andreplaced by a different descriptionofthe boundaryline.

29. These maps which show Bakassiin Nigeria belong to what the Court in the Minquiers

andEcrehoscase called "measure[s] .. .taken with a view to improvingthe legal positionof the

Party~oncemed''~.They accordinglycannotbe citedas evidenceinNigeria's favour; ratherthey

wouldtend to condemn it,but 1do not labourthe point.

30. On the other hand, 1do wish to emphasize that Nigeria has been at pains not to reply,

over a period of eight years and after lengthyand prolix written proceedingsbefore you, to these

facts, which were put fonvard by Cameroonas fa back as its Memorial, in 1995. Nigeria has

never attempted to explain itself regardingthis sudden change of position. Its stubborn silence

doubtless speaksvolumes aboutthe embarrassmentof Ourcolleagues on the other side of the bar.

We await with interest the explanationsthat Nigeria will mostcertainly be givingthe Court inthe

days to come. This series of maps, Mr. President, supportsthe analysis resulting fromthe text of

the Agreement of 11March 1913, and from the decisions and attitudes of the authorities

responsibleforthemandate andthe trusteeship andfiomthe subsequentconductof the parties. As

the Permanent Court observedin the Jaworzinacase:

"It isrue that the maps andtheir tables of explanatorysigns cannotbe regarded
as conclusiveproof, independentlyofthe text ofthe treaties and decisions; but inthe
present case they confirm in a singularly convincingmanner the conclusions drawn
fiom the documents and fiom a legal analysis of them." (P.C.I.J.SeriesB No.8,
p. 33.)

And those conclusionsare certainlynot contradictedin anytext inthis case,Mr. President. Wesay

no more.

31. Lastly, 1 must emphasize, or rather return to, the strange silence of the Nigerian

authorities with regard to this abundance of maps fiom al1sources. Cameroon- and before it
4
France- third States and international organizations have alwayssteadfastly and publiclyplaced

the Bakassi Peninsula in territory under British mandate, and subsequently in Cameroonian r

territory. For nearly 80 years the United Kingdom, the administering power, and subsequently

45~.C.JR.eport1953,p.59.Nigeria, the independent power,have not thought fit to challengethese maps. Indeed,they have

contributedto this consensusby producingtheir own maps, givingthe same information regarding

theterritorialsovereigntyofCameroon over Bakassi.

32. France, and subsequently Cameroon, were entitled to rely on the cartographic

representation ofthe Bakassi Peninsula by the United Kingdom, and subsequentlyNigeria. This

representation consistentlyand repeatedlyplaced Bakassiin Cameroonunder British mandate,and

subsequently in the Republic of Cameroon. Nigeria is ill-placed today to challenge that

Camerooniansovereignty.

Mr. President, Members of the Court, 1 thank you for your attention. May it please the

Court,tomorrow moming ProfessorMauriceMendelsonwill present our views on the recognition

ofCamerooniansovereigntyover Bakassi.

The PRESIDENT: Thank you, Professor; this brings the morning's sitting to an end. The

Courtwill resumeits hearingstomorrowmorningat 10a.m. The sittingis closed.

TheCourtrose ut 1p.m.

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