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CR 2000121(traduction)

CR2000121(translation)

Mardi27juin 2000

Tuesday27 June2000r 008 Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. Laséanceest ouverte et je donne la parole pour

17Etatde Bahreïn à MeJan Paulsson.

M. PAULSSON :Merci, Monsieurleprésident.

RÉCAPITULATIONDELA POSITIONADOPTÉEPARBAHREÏNSUR
LESQUESTIONSDESOUVERAINETÉ

1.Bahreïn estime utile, au début deson derniertour de plaidoiries,de récapitulerdevant la

Coursesthèsesence quiconcerneles questionsde souverainetéqus ionten litige.

2. A un niveau trèsgénéralc ,es questions se classent entrois catégories:en premier lieu

viennentles îles Hawar; en deuxième lieu,la régionde Zubarah;et, en troisième lieu,les dernières

îles et formations qui peuvent, les deux Parties s'accordant à ce sujet, faire l'objet d'une

souveraineté temtonale.

3. La raison pour laquelle les îles Hawar se trouvent dans une catégorieparticulière est

évidemmentqu'elles ont fait l'objet d'une décision dénué dee toute ambiguïtérendue par la

Grande-Bretagneen 1939.

4. En ce qui concerne les îles Hawar, Bahreïnfonde sa position sur quatre propositions

parfaitement incontestables, qui sont toutes compatibles l'une avecl'autre et qui sont chacune

sufisante en soi et par elle-mêmp eour prouver que le titre de souverainetésur les îles revient a

Bahreïn. Je vais indiquer ces quatre propositionssimples. Je sais par expérienceque, chez les

juges, chez les arbitres, les uns trouvent utiled'avoirsousles yeuxun plan de ce genretandis que,

pour les autres, c'est un élémenitrritant qui distrait leur attention et qui ne devrait pas sortir du

monde de la publicitétélévisuelle, auquel il appartient.Mais je suis pragmatique, Monsieurle

président,etje propose un plan de l'édificede la thèsebahreïnitepour ceuxqui voient[en fiançais

dans l'original] tandis que les autres pourront parfaitement ignorer les auxiliaires visuels et se

contenterd'écouter.Les quatrepropositions sont les suivantes :

1) leprincipeutipossidetisjuris

2) l'autoritéde la chosejugée

3) letitre originel

4) lesmanifestationseffectiveset ininterrompuesde lasouveraineté. 5. Bahreïn adopte pour position qu'une fois que la Cour donne effet au pnncipe de

l'utipossidetisuris, comme elle le doit en l'espèce,la souverainetéde Bahreïn sur les îles Hawar

seramaintenue,et il devientalors inutile d'examinersi ladécision de1939revêtbien l'autoritéde

lachosejugée.

6. De même, à supposer, par pure hypothèse, qu'onécartele principe de l'utipossidetis,
009

l'autorité dela chose jugée joue enfaveur de Bahreïn de sorte qu'il devientinutile d'examiner la

questiondu titre antérieur.En dernierlieu, ce n'est qu'au caoù, par extraordinaire, Bahreïn serait

censéavoir perdu sontitre originel que la Cour aurait besoin de se penchersur les effectivités qui

attestent la manifestation constantede l'autorité.

7. Les arguments ci-dessus ne sont pas nécessairementprésentésdans l'ordre de leur

importance,ils sont plutôt indiquésdans l'ordre de leur enchaînement logique. La Cour n'a pas

besoinde remonter plushaut que 1971,c'est pourquoinouspartons de là. Etsi 1971ne suffttpas,

la Courn'a pas besoin de remonter plushautque 1939. Mais, comme Bahreïnl'a maintesfois dit,

mêmesi la Grande-Bretagnen'avait pas réglé la questionde la souverainetésur les îles Hawar,la

situation demeurerait inchangée car une masse d'élémentp srouvent que les îles Hawar ont été

socialementet administrativement intégrées àBahreïn, font donc partie de l'histoire de la nation

bahreïniteet par conséquentde son identité.

1. LeprincipedeI'utipossidetis

8. Il n'empêche qu'ep nnncipe commeen bonnelogique, il faut commenceret aussi finirpar

cette règle. Il y a donc lieu d'étudierce que sont essentiellement sa nature et son effet. Mon

collègue, Fathi Kemicha,s'y arrêtera un peu plus en détail,mais aux fins de ce premier tour

d'horizon,il importede bien faire la distinction entrece principe et celuide l'autoritéde lachose

jugéequi est différent.

9. Je vouscite àprésentune définitionquine meparaîtpas devoirprêter à controverse:

«la ligne qui est protégéeesctelle qui existe au moment de l'indépendanceet non pas
celle qui existait autrefoisà un certain moment mal défini. Toute autre approche
introduirait une instabilité considérable dans une situation politique déjà
névralgique.»'[Traduction du Greffe. J

'Malcolm Shaw, ((TheHeritage of St:the Principles of Uti Possidetis Juris Today.)) BYBZL1996,p. 75,
p. 113. 10. En l'espèce, quelleest la ligne «qui existe au momentde l'indépendance) ?) En ce qui

concerne les îles Hawar, cette ligne ne prête à aucun doute : elle se situe entre les îles et la

péninsulede Qatar,c'est là que la Grande-Bretagne,la puissance exerçantle pouvoir,l'a tracée,et e

c'estlà qu'elle doitpasser, que l'on souscrivà ce résultat parceque la question esttranchéegrâce

à l'application du principe de l'uti possidetis,ou parce que le résultatrevêt l'autode la chose

jugée,ou encore parceque, dans le sillagede multiples manifestationsd'autorité,il y a eu création

de titreà où il n'enexistaitaucun.

11. Aux fins du principe de l'uti possidetisjuris, il n a pas lieu dejustijier la ligne qui

existaitau moment del'indépendance en 1971. Commeon l'a souventfait observer,beaucoup de

frontières coloniales prêtentà des critiques d'ordre moral; la règle de l'uti possidetis ne les

010 confirme que parce qu'elles existaient auparavant; mais le maintien de ces frontières sert un

objectif plus noble, le maintien de la paix. La Chambre de la Cour saisie du différend

El Salvador/Honduras l'a dit dans les termes suivants:«quand le principe del'uti possidetisjuris

est en jeu, le jus en question n'est pas le droit international mais le droit constitutionnel ou

administratif du souverain avant ~'indé~endance))~ P.ar conséquent,en ce qui concerne les îles

Hawar, du moment que l'administration britannique avait clairementrégléle problème, pour

quelquemotif que cesoit, bon ou mauvais, la questiondu titre de souverainetéest à peine posée

qu'elle s'arrêtlà. Et il est inutile d'examiner les effectivicar l'étenduedu territoire attribuéà

Bahreïnpar la Grande-Bretagnenefaitaucundoute.

12. La seule question litigieuse qui pourrait exister intéresseJanan et, sur ce point, la

Chambre de la Cour saisie du différendEl Salvador/Honduras a décidé,en adhérantà une

jurisprudence constante [en français dans l'original] que, s'agissantde petites îles inhabitées,la

question de la souverainetédevait recevoir une solution compatibleavec celle qui étaitadoptée

pour les îles plus grandes qui sont immédiatement adjacentes3. Comme M. Huber l'a dit en
l

arbitrantle différendrelatifàl'Ile de Palmas :«Pour ce qui est des groupes d'îles, ilest possible

qu'unarchipel puisse,dans certainscas, être regardé en droit commeune unité,et que le sort de la

C.I.J.Recueil1992,p. 559.
C.I. RJcueil1992,p.270et579. partie principale décidedu reste)?. En l'espèce,Qatar s'appuie dansson propre mémoiresur un

passage de Lorimer, dont la géographiene prêtepas à controverse,dans lequel il est dit que la

principaleîle desHawar est «flanquée» par an an'.

13.La Grande-Bretagne arendu en 1939 une décisionattribuant les îles Hawar à Bahreïn.

La Grande-Bretagne a repoussé leo sbjectionsformuléesparle cheikhde Qatar en répondantque la

question était réglée6C.ette situationestdemeuréeinchangéequand les deuxEtats ont puassumer

à nouveau intégralement leurs responsabilités internationales à titre d'Etats souverains et

indépendants. Peu importe que la décisionde 1939ait étéune sentence arbitraleou bien autre

chose. Peu importe que la décisionde 1939ait été contrairea l'avis donnéantérieurementpar des

fonctionnairesbritanniques(bienque,soitdit en passant,Bahreïnne croiepas quetelait été le cas).

Ce qui importe,c'est incontestablement la délimitationdont les deux Etats ont hérité quanitls ont

retrouvéleurtotale indépendanceen 197 1.

14.Le comportement n'a pas non plus d'importance,ni d'ailleurs leseffectivités. Comme

l'a dit la Courdans l'affaireBurkinaFaso/RépubliqueduMali :«Dansle cas où le fait correspond

exactement au droit, où une administration effective s'ajouteà l'uti possidetisjuris, l'effectivité
r
O ' l n'intervienten réalité qupour confumerl'exercicedu droitnéd'un titrejuridique.s7 En l'espèce,

quel est ce titrejuridiqu? C'est très évidemmenlte titre né del'application de l'uti possidetis

juris. Toutes leseffectivités,en l'occurrence, sont des effectivitésreïnites. «Le fait correspond

exactementau droit.)) Nous n'allons doncpas nous situerdans la deuxième hypothèse envisagée

dans l'affaire BurkinaFaso/Républiquedu Mali, c'est-à-direle cas où l'administration estassurée

parI'Etatnon détenteurdutitre. Enl'espèce,le casde figurese seraitproduit si Qataravait occupé

les îles Hawar postérieurement à 1971,c'est-à-dire postérieurement à la date à laquelle les deux

Etats ont retrouvéleur indépendance, et,en pareil cas, suivant la décision adoptée dans l'affaire

Burkina Faso/RépubliqueduMali,«il y a lieu de préférelretitulaire dutitre)),et letitulaire du titre,

malgré tout ceque donnerait Qatar pour êtresûr du contraire, est nécessairement Bahreïn : la

Revue généradlee droitinternatlublic,tomeXLII,1935,p. 156,p. 183.
Mémoire de Qatar,p. 68,par.5.38.

Contre-mémoirdee Bahreïn,par.188,p. 118'
'N. d.T.:les indicationsdeparagrapheetdepage sonterronées.

C.I.J.Recueil1986,p. 586-587. préférence estaccordée à 1'Etatà qui le titre revient à)la dateà laquelle il accèdeà la totale

indépendanceet ii) sous l'effet du principede l'utipossidetisjuris.

15. Comme le professeur Shaw le dit en concluant l'étude détailléequ'il a publiée #

récemment sousle titre «TheHeritage of States :The Principleof UtiPossidetisJuris ~ociay»8l ,a

ligne répondant à la règleutipossidetis est celle que l'ancienne puissanceexerçant le pouvoir a

établie«au moyen d'un actepositifd'autoritéadministrativeou législativeou à la suite d'une série

d'actespertinentset faisant autorité)).[Traductiondu Greffe.]

Qui peut douter que la Grande-Bretagne,qui était auxcommandesjusqu'au rétablissement

de l'indépendanceen 1971ait, par voie dedécision,attribuélesîles Hawar àBahreïn ?

16. Vous voyez à présent àl'écran,et elle figure aussi sous la cote 117dans votre dossier,

une carte que Bahreïn a insérée dans son mémoire déposé en 1996~. Il s'agit de la carteH-6C

publiée par ledirecteur du service cartographique de l'armédu Royaume-Uni. Cette carte a été

publiéeen 1972,c'est-à-dire qu'elleest pratiquement contemporainede l'indépendancede Bahreüi

et de Qatar. Surcette carte, la frontière internationaltn ne peut plus évidenteet en voitbienle

«domaine» de Bahreïn indépendane tt celuide Qatar indépendant.

17. Entre parenthèses, vous noterez que, 'aprèsla légendede cette carte, sont indiqués sur

celle-ci quatre types de routes, depuis l'autoroute deux voies jusqu'aux simples pistes pour

véhicules etanimaux. Je n'ai pas besoin de rappeler à la Cour que les cartographes militaires

relèvent trèsattentivementl'existencede routes. Or, sur la péninsulej,uste en face des îles Hawar,

0 2 aucune route n'est signalée, qu'il s'agisse d veoie principale, de voie secondaire, ou mêmede

«piste pou véhicules ou animaux)). CommeBahreïn l'a toujours soutenu, l'endroit étaitvide

même en 1972 et il ne l'estd'ailleursguèremoins aujourd'hui encore.

18.A ce sujet,je me permets de direàla Cour que laditecarte confirmeles pages tiréesde

l'édition de Al Munjid publiéeen 1975 qui vous ont été montrées lors du premier tour de
b

plaidoiries. Les îles Hawar y sont définiescomme appartenant à Bahreïn; la frontière

internationaleest située clairemententre les îles Hawar etla côte qatarienne; et,là encore, nousne

BYBIL1996,p.75,àlap.152.
MémoiredeBahreïn,p164.trouvons pas de routes sur le temtoire de Qatar, aucune route,nulle part, au voisinage des îles

Hawar.

19. Voilà tout ce qu'ily a à dire là-dessus. Lors du second tour de plaidoiries, Qatar a

cherché,de l'avisde Bahreïn,à confondreleprincipede l'utipossidetis et sonapplication. Si vous

le permettez, mon collègue Fathi Kemichava répondre dans un moment et remettreles choses en

place. Bahreïnse plaîtà penserque cette réfutation convaincrla Cour que letitre de souveraineté

sur les îles Hawar revientà Bahreïn sous l'effet du premier principe que je viens d'énonceren

termestrès simples.

2. L'autorité dela chosejugée

20. Ce n'est quesi la Cour,par impossible[en français dans l'original], écartailte principe

de l'uti possidetisjuris en ce qui concerneles îles Hawarqu'ilurait lieu de se demanderce que

représente lasentencede 1939.

21. Lors de son second tour de plaidoiries, Qatar a présentéun certain nombre de

conclusions,portantà la fois surles faitset le droit,queBahreïntiànréfuter.

22. Le 20juin, lors du secondtour de plaidoiries,. Salmon a consacré la quasi-totalitde

son exposéaux négociationsqui se sont déroulées au milieu des années soixante ausujet d'un

arbitrage que Qatar souhaitait voir organiser. Parmiles questions dont Qatar souhaitait débattre

dans le cadre de cet arbitrage figurait celle du titre de souverainetésur les îles Hawar. La

Grande-Bretagne acceptait l'idéequ'ilpuisse y avoir un tel arbitrage, à conditionque Bahreïny

consente. Qataren a tiréargument pourdire que la Grande-Bretagne reconnaissait implicitement

que la décisionde 1939n'étaitpas revêtue de l'autoritéde la chosejugée. Il y a là faille logique.

La Grande-Bretagne ne faisaitque constater un principeélémentaire :le consentementde Bahreïn

étaitrequis pourque l'autorité de la chojugée puisse êtrremise en cause.

23. En fait, on a plus vite fait deùtercet argumentque de l'échafauder.Ce qui étaiten

jeu au milieu des annéessoixanten'était pas ledifférend quiavait étréglé en 1939. Il s'agissait

d'un différendbien plus large, se rapportant principalement à la revendication de Bahreïn sur

Zubarah et à une controverse relativeà plusieurs bancs de perles. C'étaientlà des questions

litigieusessur lesquellesBahreïn souhaitaitêtre entendu depuide nombreuses années parcequ'iln'avaitjamais acceptéque letitre surZubarahpuissedécoulerde l'agressionarméede 1937. Qatar

n'étaitguèretenté parun débatsur cette question. C'est pourquoi, pour faire bon poids,il a

soulevé la question des îles Hawar. Il n'y a sûictement rien d'étonnantdans la réaction .

britannique. La question se seraitposée, dansle cadre du différendglobal, plus large, de savoir si

la décision de1939 avait ou non réglédéfinitivement laquestion de la souveraineté surles

îles Hawar. Il se serait agi d'unaccord de remiseen cause «spécifique,exprèset supplémentaire)),

un accord du type de celui qu'a évoquéM. Reisman le 9juin". Si c'est ce dont voulait débaître

Qatar, et si Bahreïn consentaità ce débat,la Grande-Bretagne n'avait aucune raison de s'y

opposer.

24. MaisBahreïnn'apasconsenti àla remise encausedela décisionrelative aux Hawar.

25. De sorte que cette décision a subsisté. Comme nous l'avons vu, cette décision

s'inscrivait certainement dans la conception que les Britanniques se faisaient d'un Bahreïn

pleinement indépendant tel que la Grande-Bretagne l'a rétabli en 1971. Et elle subsiste

aujourd'hui.

26. Qatar aprésentécertaines conclusionsdefait relativàla décisionde 1939que l'onm'a

chargéde traiter dans un exposédistinct,plus tardau cours de la matinée;M. Reismanrépondra

ensuiteauxargumentsjuridiquesde Qatarrelatifs àl'autoritéde lachosejugée.

3. Letitre originel

27. Le ((titreoriginel))n'est pasune expression technique,c'est simplement une manièrede

dire que, si les îles Hawar n'appartiennent pas à Bahreïn ni sur la base de son accession à

l'indépendanceen 1971ni sur la basede lasentence britanniquede 1939,c'est néanmoins Bahreïn

qui avaitantérieurementsur ellesun titrede souveraineté,etnon Qatar.

28.La Cour ne trouverapas trace dece débat dansles mémoireset les contre-mémoires. Ila

fait une apparition timidedans la réplique de Qatar,puis il est parvenuturitéet représente un

élémenc tlédela thèsede Qatardèsl'ouverturede laprésenteprocédure orale.

29. Cette nouveautéest directementliéeau retrait des quatre-vingt-deux documents. Tant

que Qatar pensaitpouvoir se fonder sur ces documents, Qatarétaitprêtàengageravec Bahreinla

'OCR 2000/12,p46-48par9-14,controversesur le terraindes effectivités.A l'origine,Qatarsoutenait qu'ilpouvait établirsontitre

relatif aux îles Hawar sur la base d'éléments de preuvseemblables à ceuxque Bahreïn a produits

devant laCour. Le seulproblème,bien entendu,était qu'il s'agissaid t e documentsfaux, etQatara

dû renoncer à les invoquer. Surquoi, Qatar s'est soudainementmis à plaider que les élémentdse

preuve de ce genre sont de toute façon sansvaleur, ils ne suffisent pas à établirle titre. Tout

comme le renard dans la fable dYEsope,sitôt qu'il a constaté queles raisins étaienthors de sa

portée,Qatar a prétenduqu'ils étaient trop verts. SirElihu Lauterpachta abordéce sujet devant

vous lors du premiertour de plaidoiries". Il a soulignéque Qatar devaitrespecter le critèrede la

force probante qu'il avait défendu implicitement,mais manifestement, à l'époqueoù il avait

produit de prétenduséléments de preuve de ses prétendues effectivités.Bahreïn n'a pas entendu

Qatarrépondreaux arguments de sirElihu.

30. Au lieu de cela, Qatar a conçu une nouvelle théorie,celle du titre originel, notion

purement abstraite dont Qatar semble espérer qu'elle occultera miraculeusemen e fait qu'il n'a

aucun élément de preuvd ee quelque sorte quece soit à produire pour établirqu'il ajamais exercé

sonautoritésurlesîles Hawar.

31. Mais si l'onexaminecette thèsedutitre originel, ellese révèlfavorable à Bahreein.

32. Qatar a reconnu à de nombreuses occasions et au premier chefau paragraphe 5 de la

requête introductived'instance qu'il adéposée devant la Cour en juillet 1991
qu'au moins

jusqu'en 1868 l'ensemble de la péninsule deQatar se trouvait sous autorité bahreïnite. Bahreïn

reconnaît tout àfait que Qatar s'est par la suite constituéen entitépolitique,tout d'abordàDoha

puis dans d'autres endroits de la péninsulet que, par voie de conséquence,Bahreïn a renoncéàsa

souveraineté surune zone de plus en pluslarge.

33.Mais,commepour Zubarah,Bahreïnn'a jamaisrenoncé àsontitre sur lesîles Hawar.

34. Qatar soutient maintenant que les Britanniques luiauraient en quelque sortecédles îles

Hawar. A cela,Bahreïnapportedeux réponses :

1) Commesir ElihuLauterpachtle démontrerademainmatinl ,e dossiern'étayepas la conclusion

selon laquelle la Grande-Bretagne aurait prétendument voulu attribuer à une nouvelle entité

"CR2000/11,p. 11,par7;voirégalemenpt. 13-14,par.11-13. politique qatarienne les îles Hawar, ni d'ailleursZubarah, ni d'ailleurs n'importe quel autre

lieu situé dansle golfede Bahreïn.

2) En outre, la Grande-Bretagnen'étaiptas détentricede ce titre et l'on nesaurait aliéner quece '
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que l'onpossède.Nemoda?quenonhabet.

35. Bahreïnn'a pas besoin de prouverqu'il détenaitle titre originelsur les îles Hawar parce

que Qatar l'areconnu. C'était àQatar deprouver qu'ila dépossédé Bahrein dece titre en 1868ou

par la suite: or, comme sir Elihu le démontrerade façon plus approfondie, Qatarn'y est pas

parvenu.

4. Lesmanifestationseffectiveset ininterrompuesd'autorité souveraine

36. Dans la phase écrite de la présente instanceQ,atar a présenté près d8 e 900 pages de

mémoireset autres pièces alors que Bahreïn n'a présentq éu'à peine plus de 2 300 pages. Et

pourtant, malgréune documentation quatrefois plus volumineuse, Qatar n'a pas encore réussi à

produireun seul élément attestant la ((manifestatieffective de son autorité-) à aucun moment

quecesoit.

37.L7histoirese répètedonc. Les raisons avancéespar la Grande-Bretagnepour reconnaître

le titre de Bahreïnsur lesîles Hawar en 1939seramenaientessentiellement à ce quisuit:

«Pour résumer : Le cheikh de Qatar n'a pasproduit la moindre preuve. Il se

fonde uniquement sur l'affirmationde sa souveraineté sans aucune preuveà l'appui,
sur la proximité géographique ainsi que sur les déclarationsqu'auraient faites
certainespersonnesnonidentifiées.»12

38. Soixanteans plus tard, alors qu'il à sa dispositiontoutes les ressources imaginables,y

compris une équipe de juristesdes plus compétentset des plus inventifs, Qatarn'a pas étéen

mesure de produire d'autres élémentq sue ceux que pouvaient produire le cheikh Abdullah

(oud'ailleursM.John Skirosde PCL) à cette époque.

39. On ne saurait mieux illustrerla sagesse du principe qui prescrit de ne pas rouvrir les

affairesclassées. Qatar n'arien apporté de nouveau.Tout ce qu'il veut, c'esttenter une nouvelle d

fois sa chance.

40. L'argument des ((frontièresnaturelles)s)ur lequel se fonde Qatar n'est qu'une nouvelle

version de l'argumentde la proximité. Dire queQatardevrait englober le temtoire qu'il convoite

''Rapportde sirHughWeightmandu22 avril 1939,mémoirede Bahreïn, annexe281,vol. 5,p. 13. parce qu'il auraitainsi la même étenduq eue la péninsule géographiqu-e et devrait comprendre

tout ce qui se trouve dans ses eaux temtoriales - c'est tout simplement formuler à nouveau

l'argumentde la proximité.

41. Il y a de multiplesexemples de régimes politiques voisinsapparusindépendammentles

uns des autres sans qu'il existe entreeux de frontièresnaturelles. De même,il y a de multiples
O1 6

exemplesde caractéristiquesnaturellesimportantes,fleuves ou chaînes de montagnes, qui n'onp tas

empêché les populationsde part et d'autrede se forgerun destinnational commun.

42. Ainsi, l'undes consultantsque Qatar lui-même cite en M. Prescott, écrivait-il

y a prèsd'unquart desiècleque

«L'idée de ((frontières naturelles)) est discréditéedepuis des dizaines
d'années ...toutes les fiontièrespolitiques sont artificielles,parce qu'elles supposent
le choix d'une ligne particulière à l'intérieur d'une zone dans laquelle les
modifications descaractéristiquesphysiques du paysage peuvent êtreplus ou moins

rigides.»14

43. D'ailleurs, letribunal arbitral chargé del'affaire Guinée-Bissacu. Sénégaal défini la

notion de ((frontièreinternationale)) par référence ((domaine de validitéspatial des normes de

l'ordrejuridique d'un~tat))'~.

44. Pour dire les choses simplement: Qatar n'apas prouvéque son ((ordrejuridique)) se soit

jamais étenduauxîles Hawar.

45. A la fin de son exposé, demain, sirElihu Lauterpacht montreraàquel point il estvain,

pour Qatar, de tenter encore de franchir le formidable obstacle juridique auquel se heurte toute

revendication fondéeexclusivement sur la proximité- mêmesi la partie qui formule cette

revendication essaie, commeQatar le fait bravement, de faire croire à l'existence d'un droit

particulierautorisant chasser sonvoisindesîles situéesdans la mertemtoriale.

46. M. Robert Volterra examinera ensuite les tentatives par lesquelles Qatar a cherché à

discréditerles effectivitésqueBahreïn a fait valoirde façon écrasante,et il reviendra notamment

surla fiction grotesqueselonlaquelle Bahreïn aurait envahiet«occupé»illicitementles îles Hawar

en 1937.

l3RapportMurphyE'rescott,ocumentssupplémentaieeQatar.

l4BoundariesandFrontiers(1978p. 106.
"ILR, vol83,p.36;RGDIP, tomeXCiV 1990p ,. 253. 47. Peut-être devrais-jjeustifier l'emploide ce mot ((grotesque))qui,je peux vous l'assurer,

est toutà fait délibéré. La Cou arentendu l'agent de Qatar évoqueravec émotionle 22juin la

manièredont Bahreïnaurait prétendumentviolé le temtoire de Qataren occupantles îles Hawar en i

1937. Quelle est la raison de cetteémotion? Y a-t-il eu un seul citoyen qatarien chasséde chez

lui? Y a-t-il eu une seule famille qatarienne quiait eu sa vie boulev?rYéa-t-il euune seule

communauté villageoise qatarienne qui ait été obligée euitter ses lieux de culte, ses pièàes

poissons,les sépulturesde sesaïeux?

48. Bien sûr que non. Il y a dans la présente affaireun fait tellement élémenteue l'on

risque peut-êtrede l'oublier. Voici ce fait élémentairens les milliers de pages de documents

qui ont été soumisesà la Cour, si l'on fait abstractiondes quatre-vingt-deux faux,il n'y a pas la

moindre parcelle de preuve indiquant qu'un seulatarienaitjamais vécusur les îles Hawar- ou

mêmequ'un seul Qatarien s'y soit rendu en visite.l est certain qu'aucun cheikh qatarien n'a

jamais poséle pied sur ces îles. Le seul casconnu de Qatariensayantjamais passé ne fût-ceque

quelquesmoments surles îles est celuides intrusde1938qui se faisaient passer pour despêcheurs

qatariens. En 1938, ily avait bien entenduun différendau sujet des îles, et on peut tout à fait

penser que le cheikh Abdullah avait envoyéquelques hommesjeter un coup d'Œilsur ces îles au

sujet desquellesson ignorance était totale.Les intrus firent immédiatementarrêe,mmenésdans

l'îleprincipalede Bahreïn,puis renvoyésàQatar.

49. J'ai eu l'occasion d'entretenir laCour assez longuement de ce phénomène étrange,

l'ignorance totale du cheikh Abdullah au sujet des îles Hawar- il ignorait mêmeoù elles se

trouvaient. Il croyait que cesîles se trouvaientdans le nord. Il disait qu'elles n'avaientjamais été

habitées, qu'il n'y avait jamaiseu de bétailsur les îles, qu'elles étaient cinqfois plus petites

qu'elles ne sont en réalit.e n'aipasmâché mesmots :

((Commentpeut-on être à la foisaussi convaincud'avoirraison et êtàcepoint
dans l'erreur? La réponsela plus simple est que le cheikh Abdullah qui, comme
l'agent politique l'affirme, nes'était jamaisrendu sur les îles Hawar, était tout

bonnement persuadéde revendiquerles petites îles à proximitéde la pointe de Ras
Rakkan, àfaible distancede zubarah.»I6

l6CR2000/12,p. 27,par.121-122. 50. Et pourtant, nous n'avons pas eu de réponsede Qatar lors du deuxièmetour de

plaidoiries. Qatar s'est contentéde gémisrur le fait quere0ïnavait <<occupéles îlesHawar en

violation de la nouvelle et mystérieuse théorie qatarienne du «titre originel. ans un monde

nouveau de réalitévirtuelle, peut-êtreQatar cherche-t-àldécrirele premier exemplehistorique

d'invasiondansl'abstraitou surpapier.

51. Malheureusement, nous le savons, il y a des situations réelles d'occupationdans ce

monde troubléqui est le nôtre. Malheureusement, l'histoirerécente est pleine d'exemplesde

destins tragiquesde famillesdéracinées, de personnes chassesleur demeureancestrale,de leurs

lieux de culteet de leurs écoles,privées de leurs racines. Les personnes donsmis,la famille

ont étassassinés,abattus,secomptentpar milliers. Pour certainsd'entrenous, la famille,les amis

ont subi ce destin tragique. Cespersomes-là ont le droit de parler avec une émotionvraie de

l'injusticequileur est faite,et commentpoumons-nousne paspartagerleurémotion?

52. Mais que Qatar prétendes'assimiler à ces victimes de destins tragiques, c'est un
09%

travestissementde l'histoire. C'estun manquede dignité.C'estinacceptable.

53. Ai-je besoin de dire que, pendanttout ce différendqui s'est transmis de généraenon

génération entreahrein et les cheikhsde Qatar, ileut un mort,en 1937,un seul- maispas sur

lesîles Hawar,pas desmainsde Bahrein.

54.Une fois que M. Volterra aura réfuté les argumendse Qatar concernantles effectivités,

Bahreinauradit ce qu'ilcroitdevoir dire au sujet de la souverasurlesîles Hawar.

55.Nous allons passer maintenantaux autres élémentsudifférendtemtorial.

1.Letitreoriginel

56. Contrairement à ce qui se passe pour les îles Hawar, Bahrein ne peut pas signaler

l'existence d'unefrontière précise trapear la Grande-Bretagnequi aurait en vigueur àla date

de sonindépendance,etquidélimiteraitsansambiguïtéune régiod ne Zubarahbahreïnite.

57. Pourtant, les documentsmontrent que la Grande-Bretagne avaitreconnu l'existence de

droits de Bahrein dans ces secteurs, et qu'elle n'était pas revenue surcette reconnaissance

l'époqueoù Bahreül a retrouvésa pleine indépendance. Les arguments qui seront développépsar

sirElihuau sujetdes îles Hawaraurontici aussi touteleurpertinence. 58. C'est également ici que les questionp soséespar M. Vershchetin le jeudi 15juin 2000

sont parfaitementpertinentes :en quoi consistaitle patrimoine dont Bahreïn a héritau momentde

l'indépendanceen ce qui concerneZubarahet les autresrégionsen litige qui,selon Bahreïn, étaient

sesdépendances ?

59. Puisque nos adversaires ont choisi derépondre à cette question par écrit,nous le ferons

aussi, dansun exposé quenousremettrons àla fin decesplaidoiries, après-demain.

2. Comparaisondes manifestations effective etininterrompuesd'autorité

60. Le mot ((effectivités)a) ététrès souvent prononcé dans cette grande salle d'audience

pendant ces quatre dernières semaines. Et pourtant, Qatar n'a réussi a faire valoir aucune

effectivité desa part, que ce soit'égardde Zubarah, des îles Hawar y comprisJanan ou des îles

et autres formations maritimes dans la zone en litige. Pas une seule ! De même, à part des

allégationsdépourvuesde fondement selon lesquelles les preuves produites par Bahreïn, et en

particulier les témoignages,ont un caractère((douteux)),Qatarn'a pasessayéde réfuterne fût-ce

qu'une seuledes preuves d'effectivités invoquée psar Bahreïn. Pas une seule ! Au momentoù
O1 9

Bahreïn s'apprête à conclurel'exposéde sa thèse,cette asymétrie frappanteentre les Parties doit

être relevéee ,t quelques observations s'imposent. Premièrement, bienque Qatar tente de se

dérober à la question, le titre, en droit international, est établi par des manifestations de

souverainetéou effectivités.Deuxièmement,Qatar lui-mêmee ,n revendiquant la souveraineté sur

plusieurs îles et hauts-fonds découvrantsdans les zones en litige, reconnaît queces derniers sont

susceptibles d'appropriation par un Etat, et que l'appropriation résultede la manifestation des

effectivités. Troisièmement, Bahreïn, pendanltes quelque cinq ans qu'a durécette affaire, a

consacrébeaucoup de temps à confirmerles effectivitéspertinentesdans cette espèce- àl'égard

de Zubarah,des Hawar, et desîles et autres formationsmaritimesen litige. Ces effectivités sont
b
exposéesdemanièretrèsdétailléd eansnos écritures :documentsextraitsdesarchivesbritanniques,

bahreïnites et ottomane^ 'h, t~gra~hies'~a,ctivitéspétrolières'sous concession et sous licence,

" Iles Hawar:mémoire deBahreïn, sect. 3.5-3.7, p.18;contre-mémoire de Bahreïn, section2.3, p. 69-
188 ;Répliquede Bahrein,sect. 2.1-2.4,p. 11-36etrépliquede Bahreïn,sect. 10,p. 81-88.
Zubarah: mémoirede Bahrein, sect. 2.1-2.12, p.27;contre-mémoirede Bahrein, sect.2.2, p. 12-68 et
répliquede Bahreïn,sect.4.1,p. 123-143. activités depêche20 a,ctivitédes garde-côtes21et témoignagessous serment de ~ahreïnites~~ et de

ressortissants dYEtatstiers23.Nous attendions avec intérê l'toccasion dedévelopper cette masse de

preuves dans nos plaidoiries, mais nos adversairesont choisi den'en rien dire, de faire commesi

ellesn'existaientpas. Elles existent pourtantet, nous lesoutenons respectueusement,elles ont une

importance décisive pourla solution des questionstemtonales en litige dans cette affaire. Nous

sommescertainsque la Courne les négligerapas.

61.Enfin,il serait injustepour 1'Etatde Bahreïnet pour mes collèguesqueje m'abstiennede

tout commentaire sur la tendance manifestéepar les conseils de Qatar à qualifier de ((douteux))

830 ceux de nos éléments de preuve écrite quiles gênent.La Cour aura constatéque les conseils de

Bahreïn n'ontjamais utilisé ce terme. Lorsquenous avions des doutes sur l'authenticitéd'un

document, nous l'avons examinéen temps utile, de manièreprofessionnelle et scientifique. S'il

étaitfaux,nous l'avons dénoncé commetel. S'ilétaitauthentique, ilse peut quenous ayonsmis en

doute son importance ou sa pertinence, mais nous n'avons pas essayé de lerejeter dans un

clair-obscurjuridique en le qualifiantde «douteux», impliquantpar là que nos adversaires étaient

en train d'essayer de présenter à la Cour un document non authentique. Mes collègues et

moi-mêmeconsidéronsque cette façon d'agir de Qatar à l'égard despreuves que nous avons

soumisesest déontologiquementregrettable. Elle estparticulièrementirritantevenant d'unePartie

qui s'est distinguéedemanièrepeu enviable ense faisantdémasqueraprès avoirdéposé 82 pièces

fausses devantla Cour internationaledeJustice.

62. Quoi qu'il en soit, dans lescirconstancesde l'espèce, les effectivitéjsouent deuxrôles

distincts : elles servent premièrement à confirmer le titre, et deuxièmement à apprécier les

Iles et formations maritime: mémoirede Bahrein, sect.6.1 et 6.2, p.247-281 ;contre-mémoirede Bahreïn,
sect.6.2,p. 220-234et réplique deBahrein, sect.5.3,p. 160-192.

l8Mémoirede Bahreïn,annexe 310, vol.6,p. 1329;répliquede Bahreïn, annexe25,vol. 2,p. 163-175 ;réplique
de Bahrein,photographiessuivantles pages172et 180 ;documentssupplémentairesde Bahrein,annexe 12,p. 100-139.

l9Mémoirede Bahreïn, sect.2.12,p. 101-108et contre-mémoirede Bahrein, sect.2.3g)p. 89-112.

20 Mémoirede Bahreïn, p. 181-182, par.405 ; mémoirede Bahreïn, p. 186, par. 415 ;mémoirede Bahreïn,
p. 193-194, par.433-436 ; mémoire de Bahreïn,p. 195-200, par. 439-447 ; mémoire de Bahreïn, p. 216-217,
par. 480-482; mémoire de Bahreïn, p. 259, par. 594-597 ; mémoire de Bahreïn, p. 274-281, par. 639-648 ;
contre-mémoirede Bahreïn,p. 150-151,par. 361et contre-mémoirede Bahreïn,p. 215-217,par. 497-501.
''Mémoirede Bahrein,p. 260,par. 599et répliquedeBahreïn,annexe24,vol. 2,p. 148.

22 Mémoirede Bahreïn, annexes 313-316, vol.6, p. 1363-1413 ; mémoire de Bahreïn, annexes348-349,
p. 1499-1506 ;répliquede Bahreïn,annexes 15-23,vol.2,p. 125-147;et réplique de Bahreïn,annexe31, p. 188-189.

23Répliquede Bahreïn,annexes26-30,p. 176-187.sous concessionet sous licence, activités de pêche20 a,ctivitédes garde-côtes21et témoignagessous

serment de ~ahreïnites" et de ressortissantsd'Etatstiersz3.Nous attendionsavec intérêlt'occasion

.
de développercette masse de preuves dans nosplaidoiries,mais nos adversairesont choisi de n'en

rien dire, de faire comme si elles n'existaient pas. Elles existentpourtant et, nous le soutenons

respectueusement, ellesont une importance décisivepour la solutiondes questionsterritoriales en

litigedanscette affaire. Nous sommescertainsque laCourne les négligera pas.

61. Enfin, il serait injuste pour1'Etatde Bahreïnet pourmes collèguesqueje m'abstiennede

tout commentaire sur la tendance manifestée parles conseils de Qatar à qualifier de «douteux»

La Cour aura constaté queles conseils de
ceux de nos éléments de preuve écriq teui les gênent.

Bahreïn n'ont jamais utilisé ceterme. Lorsque nous avions des doutes sur l'authenticitéd'un

document, nous l'avons examinéen temps utile,de manièreprofessionnelle et scientifique. S'il

étaitfaux,nous l'avonsdénoncé commetel.S'il étaitauthentique,ilse peut que nousayons misen

doute son importance ou sa pertinence, mais nous n'avons pas essayéde le rejeter dans un

clair-obscurjuridique en le qualifiant de«douteux»,impliquant parlà que nos adversaires étaient

en train d'essayer de présenter à la Cour un document non authentique. Mes collègues et

moi-mêmeconsidéronsque cette façon d'agir de Qatar à l'égarddes preuves que nous avons

soumisesest déontologiquementregrettable. Elle est particulièrementirritantevenant d'une Partie

qui s'estdistinguéede manièrepeu enviableen se faisant démasqueraprèsavoir déposé 82 pièces

faussesdevant laCourinternationale de Justice.

62. Quoi qu'il en soit, dans les circonstances de l'espèce,les effectivitésjouent deuxrôles

distincts : elles servent premièrementà confirmer le titre, et deuxièmement à apprécierles

Iles et formations maritime:mémoirede Bahreïn, sect. 6.1 et 6.2, p. 247-281; contre-mémoire deBahreïn,
sect.6.2,p. 220-234 etrépliquede Bahreïn,sect.5.3,p. 160-192.

Mémoirede Bahreïn,annexe 310,vol. 6,p. 1329;répliquede Bahrein,annexe25,vol.2, p. 163-175 ;réplique
de Bahreïn,photographiessuivantlespages 172et 180 ;documentssupplémentaires de Bahreïn,annexe 12,p. 100-139.

l9Mémoire deBahreïn,sect.2.12,p. 101-108et contre-mémoire de Bahreïn, sec2 t..3g)p. 89-112.
20Mémoire deBahreïn, p. 181-182, par. 405 ; mémoire deBahreïn, p. 186, par. 415 ;mémoirede Bahrein,
p. 193-194, par. 433-436; mémoire de Bahreïn, p. 195-200, par.439-447 ; mémoire de Bahreïn, p.216-217,
par.480-482 ; mémoire de Bahreïn, p. 259, par. 594-597 ; mémoire de Bahrein, p. 274-281, par.639-648 ;

contre-mémoirede Bahreïn,p. 150-151,par. 361et contre-mémoire de Bahreïn,p. 215-217,par. 497-501.
2'Mémoirede Bahreïn,p. 260,par. 599etrépliquede Bahreïn,annexe24, vol. 2,p. 148.

22Mémoire de Bahreïn, annexes313-316, vol. 6, p. 1363-1413 ;mémoirede Bahreïn, annexes 348-349,
p. 1499-1506 ;répliquedeBahreïn,annexes15-23,vol.2, p. 125-147 ;etrépliquede Bahreïn,annexe31,p. 188-189.

23Répliquede Bahreïn,annexes26-30,p. 176-187. revendications de souveraineté concurrentsans la mesure nécessaire pourdéterminer l'étendue

du titre. Je reviendrai, peut-êtrejavant la fin de l'audiencede demain,parler des effectivités

relativesà Zubarah, pour montrer que, bien que les actes d'occupationeffective de Bahreïn ne

soient pas aussiécrasantsdans ce cas que dans celui des Hawar, ils sontffisants eu égardau

contexteculturelet écologiqueet) entoutcas bien supérieuràceux deQatar, qui sont totalement

inexistants.

63.Puis, avant de conclure,je démontreraibrièvement deux propositionesn ce qui concerne

la décision britanniquede1939 relative aux îles Hawar. Premièrement,cette décision, avecle

temps, a définitivement régla question, qui n'aétéressuscitée ensuite parQatar que pour des

raisons purement tactiques. Deuxièmemento,utre qu'elle estdépourvue depertinencejuridique, la

contestationpar Qatar de la moralité de cette décision britanniquésiste pasà l'épreuvedes

faits.

64. Mes collègues,M. Reisman et M. Weil, répondront ensuiteà certaines des affirmations

formuléespar Qatar lors du second tour de plaidoiriesau sujet de la délimitationmaritime. Je

prierai respectueusementla Courde noter que, pour la cohérde laprésentationdenos éléments

de preuveet de nos arguments,mes collèguestraiteront ausside la questionde la souverainetésur

Fasht adDibal,Qit'atJaradahet diversesautresformations.

65.Dansl'espoir quecetterécapitulation sera utàlla Courpour comprendrela positionde

Bahreïn, je vous prie maintenant, Monsieur le président, debien vouloir appeler à la barre

M. Kernichapour qu'il exposeà la Cour ce qui constitue la première basede la souverainetéde

Bahreïn surlesîles Hawar.

0 3 1 The PRESIDENT: Thankyou, Mr.Paulsson. 1now givethe floorto Mr. Fathi Kemicha.

Mr. KEMICHA:

UTIPOSSIDETIS

1. Mr. President, Members of the Court,my task today consists in responding to the

argumentsdeveloped,in this Court by my eminent opponent, ProfessorSalmon,on the occasion of

his last oral statementon 20 June last. It will also be for me an opportunityto submit to you as clear a vision as possible of the position of the State of Bahrain vis-à-vis the applicabilityof uti

possidetis to the dispute between itand the Stateof Qatarconcerningthe HawarIslands.

2. 1 must beforehand avow to you that 1 did not thinkthat the arguments presentedby

Bahrain in favour ofthe application ofutipossidetis were going to spark controversy andpassion,

including outsidethe Court. True,it was tobe expected that Qatar wouldnot be particularlytaken

with utipossidetis, but not that it wouldmakea mountain outof amolehill!

3. It was therefore not without apprehension that1was preparing last Tuesdayto come and

hear the argumentsof our opponentsin thesecondround.

4. Having heard Professor Salmonin his statementof 20 June last, 1must Say,and without

having to draw upon La Fontaine, for whom my eminent opponent apparently hasquite a liking

(CR2000117,p. 15,para. 13),thatthe mountain hassimplybroughtfortha mouse!

5. Furthemore, our line of argumenton the applicabilityof utipossidetis is far fromhaving

been shaken, despite the repeated assaults of Our opponents. Quite the contrary, it is even

strengthenedby freshaspectssuppliedby the counselof Qatar.

6. Observing thathe could not agree "as to either fact or law" with the considerations1had

voiced, on behalf of the State of Bahrain, on utipossidetis, Professor Salmon first informed the

Court that he would not take up its time rebutting those general considerations "since they

[were] ... beside the point" (CR2000117, p.9, para. 2); or even, he was to add later, "doubly

irrelevant"(CR2000117,p.20,para. 17).

022 7. The Court will certainly have observedthat Professor Salmon tookup ... no less than

45 minutesattempting,unsuccessfully, torebut whathe hadregardedas being besidethe point.

8. There is nevertheless one point on which Bahrain and Qatar concur. Forthe counsel of

Qatar considersthat:

"the rule of utipossidetis is nowadays a generalrule of internationallaw in that it is
linked tothe phenomenon of accessionto independencewherever it occurs, andon the
strength of which States bom of decolonization succeedto the boundaries that were
theirs when they were under the administration of the colonial State"(CR2000117,
p. 9, para. 3).

9. ProfessorSalmonquotesin turn apassage from theJudgrnentof 22 December1986in the

case concerningtheFrontier Dispute (Burkina Faso/RepublicofMali), whereit is stated: "Uti possidetis, as a principle which upgraded former administrative
delimitations, established during the colonial period, to international frontiers,is
therefore aprinciple of a generalkind which is logically connected withthis form of
decolonization wherever it occurs."(I.C.J.Reports1986,p. 566,para. 23.)

10.Professor Salmonthen considersthat:

"Utipossidetis- the principleofthe successionof States - therefore impliesan
accessionto independence,that is, the emergenceof a new subject oflaw, furthemore

following decolonization"

before decreeing that"[nleitherof these two conditionsis present eitherin the case withwhich we

are concemed or, in general, in the Gulf Emirates." (CR2000117, p.9, para. 4; emphasisin the

original.)

11.Before examiningthis proposition,1wish withyour leave, Mr.President,to pause a few

minutesto identifythe subjectson the receivingend of utipossidetis.

12. We have already established thatutipossidetis applies, by the force of its own logic,

whereverthere is a process of decolonizationoraccession to independence.

13.Thepoint is that paragraph23 of the 1986Judgmentquoted bythe counsel of Qataris to

be read withthe previous paragraph 20 ofthatJudgment,whichStatesthat utipossidetis:

"is a general principle, which is logically connectedwith the phenomenonof the
obtainingof independence, whereverit occurs. Its obviouspurpose is to preventthe

independence and stability ofnew Statesbeing endangered by fratricidal struggles
provoked by the challenging of frontiers following the withdrawal of the
administering power." (I.C.J.Reports1986,p. 565, para.20; emphasisadded.)

14. Utipossidetis will therefore apply,firstly, to States bom of a decolonization process,

whatever its form and practicalities. Former protectorates will naturally have to fa11into this

category.

15. The same principle will apply, secondly, toStates having acceded to independence

outside the context of decolonization. That will mean that, men in the absence of a colonial

situation,such States will have utipossidetis applied to them; such was the case with the States

bom of the former Yugoslavia, a phenomenonto whichreferencewasmadeon 13Junelast.

16.In other words, decolonizationis nota prerequisite forthe applicationof utipossidetis. It

is altemativelyand not simultaneouslythat accession to independenceand decolonization opet nhe

wayto utipossidetis. 17.Even if Bahrain and Qatar had not been born of a decolonizationprocess, which is far

from being the case as we shall once more demonstrate, the very fact that they acceded to

independenceopensthe way for them toutipossidetisand the preservation ofthe fiontiersexisting

onthe date ofthat accessionto independence.

18.My purpose,thismorning,willbe to demonstratethatthe proclamationsof independence

of Bahrain and Qatar establish, beyondpossible doubt, thatboth States recoveredin 1971,and

at theery least,the full exercise of their internationalsovereignty.

19.Thataccessionto full independenceandtheemergence ontheinternational sceneoftwo

new playershave of themselves generatedaprocess of succession ofStates.

20.1am first going to set about rebutting the arguments developedbefore this Court by

Professor Salmon and demonstratingonce more that Bahrain and Qatar are former British

protectorates, andthat, in view of this,ossidetisis applicableto them as at the date of their

independence. 1shallneverthelessendeavournotto repeat what1said on 13June last.

1.BAHRAI NND QATAR AREFORMER BFUTIS PHROTECTORATESAND,IN VIEWOFTHIS,
UT1POSSZDETZS IS APPLICABLETO THEMAS ATTHEDATEOFTHEIRINDEPENDENCE

21. Professor Salmon still persists in considering that "the two Sheikhdoms were neither

colonies nor under a United Kingdom protectorate" (CR200015,p. 29, para. 6). But this time he

uses anew formof words:

"Neither Bahrain nor Qatar was mer regarded by the United Kingdom
034 [emphasisadded]as a 'colonyrora colonial-vpeIprotectorate'.They were 'protected

States',Etats protégéswr,hich is quite different.(CR2000117, p. 10, para.5;
remaining emphasisincludedin original.)

22. This is playing aroundwith words! Everyone knows that colonialism "speaks" several

tongues.

23. Qatar relies onarious official positions of the British Govermnent, such as that of

Lord Curzon,Viceroy of India, who is quoted inthe Dubai/SharjahAward, which the counselof ,

Qatar placedin thejudges'folder of 20June last, and for which he generously provided aFrench

translation.

24. Excuse me,Mr.President,for avowingthat1am no great expertin colonial literat1re.

nevertheless observethat the declarationcontainsa phrase whichenlightensthe reader as to Britishintentions at the time, for it mentions that "the British Government became your overlordsand

protectors".

25. Addressing, 1 quote Mr. Salmon, "those who have experienced a colonial

administration",he considers that "treatingthis state of fact and law as equivalent to a colonial

situationis an absurdity"! (CR2000117, p.13,para. 8.)

26. 1 do not know what idea of sovereignty is entertained by Professor Salmon, who

reproaches us for "fatally confus[ing] limitation of sovereignty and lack of sovereignty"

(CR2000117, p.15,para. 12).

27. Allowme, Mr. President, tofind quiteout of place, in this context, and precisely in this

courtroom,the- 1am sony to Say - heavy-handed parallelthat the counsel of Qatar establishes

between theEuropeanCornrnunity andthe happily bygone régime of the protectorate(CR2000117,

p. 15,para. 12).

28.1 persist,for my part, inconsidering,as1saidbeforethis Court on 13Junelast,that:

"In whatever mannerthe natureof these 'specialties'is characterized, itcannot
be claimed that Bahrain and Qatar possessed atthat time the full, exclusive intemal
and extemal powers which are the attributes of sovereignty." (CR2000113,p. 58,

para. 57.)

. 29. There is no doubt that Britain had made both a strategic and psychological choice to

describerelationswith the Gulf Statesas "specialtreaty relations". Inthe sameway, as counsel for

Qatar recalled, it had felt that there was no need to include the Gulf States in the list of

non-self-goveming territories transrnittedto the General Assembly of the United Nations under

Article73 (e)ofthe Charter.

30. On this subject, 1must say how surprised 1 am to see counsel for Qatar refer to the

procedure setup under Article73 (e), when it is known, as noted by an eminentjurist who is a

specialistin the issues of decolonization,that:

"The adrninisteringStateshad decidedat the outset that Amcle 73 would apply
onlyto those of their coloniesthattheywishedto placeunder the supervision provided
under this article... andthat in factAustralia,Belgium, Denmark,the United States,
France,theNetherlands,New Zealandandthe United Kingdomconferredin 1946and
drav up a list of 74 territones in respect of whichthey declared that they recognized
the obligations imposedunderArticle73." (Mohammed Bedjaouiin Cot (Jean Pierre)

and Pellet (Alain): "La Charte des Nations Unies'', Economica-Bruylant1991,
p. 1073.) [TranslationbytheRegistry.] (Emphasisadded.) 31. The least that can be said is that the procedure thus established was based on the

voluntaryassentof the administeringPower and that consequentlythe inclusionornon-inclusionof

,
any particularcountrywas subjecttothe sole discretionof thatsarnePower.

32. Mustwe then conclude that Bahrain and Qatarwere sovereign and independent States

prior to theirindependence? An affirmative answer,in ourview, wouldbe an absurdityin factand

in law,to paraphrasemy learned opponent.

33. On the contrary, everythingpoints to the fact that,der the treaties entered into with

Britain and in the light of thetual conduct of the various parties concemed, Bahrain and Qatar

were unable,before 1971,fullyto exercise their sovereigntyin domesticand foreignaffairs.

34. The two States were placedin the positionof protectorates, an institution wellknown in

internationallaw.

35. In thewake of the PermanentCourt of InternationalJustice and its Advisory Opinion of

7 February 1923 with regard to Nationality Decrees issuedin Tunis and Morocco (Advisory

Opinion, 1923, P.C.I.J., Series B, No. 4, p. 27)- to which 1 have already referred-the

International Court ofJustice inum consideredthe protectorate régimein the caseconceming the

RightsofNationalsof the UnitedStatesofAmericainMorocco.

36.In its Judgment of 27 August1952,the Court stated:

"Thethird group of treaties concemedthe establishmentof the Protectorate. It
includedthe agreements which preceded the assumptionby France of a protectorate
036 over Morocco,and the Treatyof Fez of 1912. Underthis Treaty,Morocco remained a
sovereign State but it made an arrangement of a contractual character whereby
Franceundertookto exercise certain sovereignpowers in the name and onbehalf of
Morocco,and, in principle, al1of the international relationsof Morocco." (I.C.J.

Reports 1952,p. 188; emphasisadded.)

37. Bahrain now respectfully invites the Court to bear in mind this extract from its

1952Judgment inconsidering ProfessorSalmon'sdescription of the status of Bahrain and Qatar

duringthe British "presence". Counselfor Qatarsaid:

"only the exercise of specific powers, essentiallyin regard to extemal relations, was
transferredby them by treaty to the United Kingdom,without the substanceof their
rights,whetherterritorialorother, being affected"(CR2000117,p. 9,para.4).

38. Moreover, ProfessorSalmonre-read to the Courtin his turn the exchange of letters of

15August and 3 September 1971between the United Kingdomand Bahrain on the one hand, and the UnitedKingdom and Qatar onthe other. Restassured,Mr. President,that 1will not readthem

out yetgain!

39. Nonetheless, 1 would note what counsel for Qatar said on this subject. The letters,

Professor Salmon toldus, "simplynote that thefull exerciseof their responsibilities as sovereign

Stateswasrestoredto them"(CR2000117, p.12para. 7)(emphasisinthe original),before adding:

"With the exception of a few specialmmitments,the intemal administration
of theterritory was entirely sovereign; onlythe exercise of extemal relations was
limited by the necessary intermediary ofthe United Kingdom."(CR2000117,p. 12,

para.8.)

40. Need 1recall that this is still ProfessorSalmonspeaking. The situation he describesis

similar on al1 counts to that depicted in the Court's 1952Judgrnent conceming the French

protectoratein Morocco. Obviously,itwillbe forthe Courtto draw theappropriateconclusions.

41. Thus, by the very fact of the abrogation of the special treaty relations, we see the

emergence on the internationalplaneof two new legalpersons. Thisis what leads me to speakof

State succession, somethingwhich,in the view of counselfor Qatar, must precede the application

ofutipossidetis.

II.BAHRAI NND QATAR INDEEDSUCCEEDEDTHE UNITED KINGDOMBY THEVERYFACT
f 027
THATTHEYREGAINEDTHEIR FULL INTERNATIONA RLESPONSIBILITIES

42. 1 have nothing to teach ProfessorSalmon in saying to hirn that the rules goveming

succession of States do not apply exclusively to changes in territorial sovereignty but also

encompass situations where itis a question of "replacement of one State by another in the

responsibilityfor the internationalrelationsof territory"(emphasis added).

43. Professor Salmon will have been swift to recognize this passage;itis taken fiom

Article2, paragraph 1,subparagrap(b)which is commonto the Viema Conventionsof 1978and

1983and which is wordedas follows:

"'Successionof States'means the replacement of one Stateby another in the

responsibility for the international relationsof territory" (Article2, paragraph 1,
subparagraph(b),common to the Vienna Conventions on Succession of States, in
respect of Treaties of 1978, and in respect of State Property, Archivesand Debts of
1983; emphasisadded).

44. This same definitionwas adopted in the ArbitralAward of 31July1989concemingthe

Delimitationof theMaritimeBoundarybetweenGuineaBissauandSenegal(RGDIP, 1990,p. 227) and by opinion No. 1 of the Arbitration Commission for Yugoslavia of 29November 1991

(RGDIP 1992,p. 265).

45. The endingof a protectorateis, quintessentially,a successionwhichsno change

ofterritorialsovereignty.

46. Therefore,in the case of Bahrainand Qatar, therewas arocess of State succession,

as is moreovershown by the exchange of letters of 1971, to which reference has alreadybeen

made.

47. Let us briefly recall what wasid in the British letter addressed to the Sheikhof

Bahrain:

"The special treaty relations betweenthe United Kingdom and the State of

Bahrain whichareinconsistentwithjùll internationalresponsibilityas a sovereign and
independentState,shallterminatewith effect from today'sdate." (Emphasisadded.)

48. The letteraddressed tothe Sheikhof Qatar bythe BritishPoliticalResidentspokein turn

of "the desire of Your Highness's Government that the State of Qatar should resume full

international responsibilityasereignand independent State".

49. Admittedly, the States of Bahrain and Qatarexist, as State entities, before 1971;

038 however proclaiming their independenceand regaining their "jullinternational responsibilityas

sovereign and independent State[sJnmade them new subjects of international law, precisely

becausethey replaced the protecting Powerin the exercise ofinternationalfunctions.

50. Can there be a better illustration ofthe emergence of a State on the internationalstage

than its request tojoin the United Nations?

51. Mr. President, Members ofthe Court, in the judges' folder [doc.No. 1181and on the

screen before you now, youill see the letter addressed to the Secretary-Generalof the United

Nations by the late Sheikh Isa bin Sulman Al-Khalifah, Ruler of the State of Bahrain.

Mr. President,allowme to read outthisletter:

LETTER DATED 15AUCUST 1971FROMTHE AMIR OFTHE STATE OFBAHRAIN
ADDRESSEDTOTHE SECRETARY-GENERAL

"Following the agreement reached between the Govemment of the
United Kingdom of GreatBritain and Northem Ireland and the State of Bharain on
15August1971 concerning the termination of the specialtreaty relations between
Bahrainandthe UnitedKingdom,and Whereas the said Agreement hasrecognized and conprmed thefact that the
State of Bahrain hm full international responsibilityforthe conduct of its foreign
affairs,and

Whereasthe independentStateofBahrainis desirousof becoming a Member of
the United Nationsin accordancewithArticle4 ofthe UnitedNationsCharter,

We thereforehavethe honourto make application forthe Stateof Bahrain tobe
admitted to the UnitedNations.

As a peace-loving State, Bahrain believes in the great value of the
UnitedNations to small and developing nations and therefore attaches great
importance to the acceptance ofits applicationformembership ofthe United Nations.

Accordingly,we shouldbe gratefulif you would begood enoughto submit this
application to the SecurityCouncilatthe earliestopportunity.

In accordancewith Rule 58 of the Rules of Procedure ofthe Security Council,
we have the pleasure to attachherewitha separate Declaration madein pursuance of
the saidRule.

(Signed)Isabin SulmanAl-Khalifah
Arnirofthe State of Bahrain" (Emphasisadded.)

52. Need we add that note shouldbe made of this highly symbolic act, undertakenby the

Ruler of the State of Bahrain the very day that his country acceded to independence on

15August 1971.

53. Furthermore, it willbe observed thatthe membershipof the State of Bahrain andthat of
r 029

the Stateof Qatar inthe United Nationswere approvedby that Organizationon the sarneday, viz.,

21September1971.

54. The relationships between succession of States and uti possidetis, with regard to

continuity ofthe boundariesexistingat the time of independence, were examinedby the Charnber

of the Court formed to hear the case concerningthe Frontier Dispute (BurkinaFaso/Republicof

Mali),which,in itsJudgrnentof 22 December1986,heldthat:

"There is no doubt that the obligation to respect pre-existing international
frontiersin the event of a State successionderivesfrom a generalrule of international
law,whetherornot the rule is expressedin the formulautipossidetis." (I.C.J.Reports
1986,p. 566,para.24.)

55. Sincethe two conditions laiddownby Qatar itself for the applicationof utipossidetis to

the disputebetween thetwo countrieshavethusbeen satisfied,1shouldnow, withyour permission,

Mr.President, liketo draw the Court'sattention to Bahrain'sposition concerningthe tenor of the

utipossidetisrule applicableinthepresent case. 111.RELATIONSHI BPSTWEEN TITLEANDEFFECTIVITÉS INTHE CONTEXT OF
UTIPOSSIDETZS APPLICABLETO THE HAWAR ISLANDS

56. Since the relationships between title and efectivitésin the context of uti possidetis

applicableto the Hawar Islandswere dealtwithat lengthin my earlier statementon 13June,1shall

today confinemyself to the cruxofthematter.

57.Bahrainhas demonstratedthat the applicationofutipossidetisinthe present case hadthe

advantageof taking into account the titles thatmaybe relied upon and at thesametime theproven

effectivitésas well.

58. Bahrain has also respectfullyormedthe Court thatit believed that it met the criteria

defmedin the first hypothesis consideredby the Chamberof the Courtin theFrontier Disputecase,

namelythat where "effective administrationis additionalto thessidetisjuris, the only roleof

effectivitéis to confirm the exercise ofthe right derived from a legal title" (I.C.J.Reports 1986,

p. 586, para. 63).

59. We have said that Bahrain's sovereignty over the Hawar Islands, where effective

administration naturally confirms legal title, constitutedion wherethe facts corresponded

exactlyto the law.

60. May 1 now, Mr.President, digress antum to Zubarah, which will be examined in

greater detailtomorrowby my colleague JanPaulsson.

61. His Excellency the Agentof the State of Qatar stated,in his last communication tothe

Court, and 1 quote: "In fact 1 am sure that Bahrainwould hardly have argued so strongly for

application of the principle ofpossidetisif it had really been serious in its claim to Zubarah."

«En fait, je suis sûr que Bahreïnn'auraitpas pu plaider si vigoureusement'applicationdu

principe de l'uti possidetis s'il avait sérieusement revenéubarah.)) (CR 2000119,p. 39,

para. 5.)

62. Irrespective of what he meant by this sentence, 1 am sony to have to inform

His Excellencythat in the case of Zubarah,like theHawar Islands,utipossidetisis of no benefitto

Qatar.

63. If we were to apply to Zubarah the "test",ifmay employ that word, usedby the

Chamberof the Court in theFrontier Disputecase, the situation of Zubarah wouldquite sirnplybe

as follows: "Wherethe actdoes not correspondtothe law, wherethe temtory which is the
subject of the dispute is effectively administeredby a State other than the one
possessing the legal title, preference should be given to the holder of the title."
(I.C.J.Reports 1986,p. 587,para. 63.)

64.By the very factof Zubarah'sillegal occupationby Qatar,followingthe use of force,the

State of Bahrain remains the holder of the legal title to Zubarah. As Professor Salmon said:

"Accordingtoa basicprincipleof internationallaw,no valid title mayarise from illegal occupation

of someoneelse'stemtory" (CR 2000117,p. 21,para.21).

65. Mr. President, Members of the Court,let us return, if we may, to the application of uti

possidetis to the HawarIslandsand to the harmoniousrelationshipsexistinghere betweentitle and

eflectivité.

66. Bahrain has clearly establishedthat its eflectivitésto a large extent predate the 1939

decisionand even formedthe basis on which sovereignty over theHawar Islands was attributedto

Bahrainby virtue of theBritishdecisionof 1939.

67. It has also beendemonstrated that theeffectivitésreliedupon by Bahrain cover both the

colonial and post-colonial period, the British decision of 1939 thus occuning within an

unintempted sequenceofeflectivités.

68. Bahrain hasbeen very careful to demonstrate,as Professor MichaelReisman will again

be doingtoday,that the decisionof 11July 1939indeed establishesa title on which Bahrain bases

its sovereignty overthe HawarIslands.

69.Now inthe contextof utipossidetis, it is of littleimportancewhetherthis decisionwasan

arbitral award or a political or even administrative decision! Herewe are dealing, as 1 said on

13June, witha legal title.

70. Professor Salmontreated this assertion with ironyand this time even called upon La

Fontaine's "bat"forassistance(CR 200011 7,p. 16,para. 13).

71. However, his colleague Sir Ian Sinclair conceded thatin a sense we were right by

admittingthat this decisionin his view constitutedafact: "the 1939decisionis no more than a fact

in the present case. It is part of the record, but not binding as an arbitral award or as an

administrative decision."[((Enl'espèce,la décisionde 1939n'est toutauplus qu'unélémend tefait.

Elle est versée audossier,mais n'apasforce obligatoirecomme l'aurait une sentence arbitraleou

une décision administrative.))]CR2000/19,p. 26,para. 29.) 72. It will be noted that in setting out his objections to this decision and the actions of his

formerForeignOffice colleagues,Sir Ian Sinclairpointedoutthat:

"a very limited number of British officiaisin the Gulf and in London actedwith less
than full impartialityand objectivity in settingup and participatingin the procedures
appliedbetween 1936and 1939to determine,as between Qatar andBahrain,the issue
of which of these two sheikhdoms had sovereignty over the Hawar Islands" [((un

nombre très restreintde fonctionnaires britanniquesen poste dans le Golfe et à
Londres n'ontpas agi avec toutel'impartialité et l'objectivité voulues lorsqu'ilnt
mis enplace laprocédure visant à trancherentre 1936et 1939 la questionde savoir
qui, de Qatar ou Bahreïn, avaitsouverainetésur les îles Hawar et lorsqu'ilsont
participé àcetteprocédure))] (CR2000119,p. 17,para. 9).

73. These assertions, the merits of which it will be for my colleagues to determine in the

present case, can only give credence to the idea that the situation was a quasi-colonialone, in

which the protecting Powerwas able, throughits agents, to have taken, according to theargument

developed by SirIan, a decision motivated by the view it took at the time of its strategic or

economicinterests.

74. Sir Ian calls upon the Court toconsiderthis decision not as an arbitral awardbut as a

fact. This decision, whateverits characterization,efectively createda de facto situationwhich

today imposes itself upon two States that emergedfrom British colonization, just asboundaries

delimitedby the colonialPowershad beenimposedeverywhereelse.

75. Whateverits legal nature,1repeatthat the 1939decisionis indisputablyan integralpart

of the colonial legacy. This is not to the likingof Professor Salmon(CR2000117,p. 20, para.20),

and even less soto that of Qatar. Butfacts arefacts!

76. Independence, which was achieved in 1971, placed this decision in a more general

context,namelythat of utipossidetis.

77. The former protectingPower accountedfor the situationit had bequeathed to Bahrain

and Qatar by drawing up in 1972, only a few months after the two countries had accededto

independence,amapwhich Mr.Paulssonhas presentedto you. Itrepresents akind of "inventory".

78. Mr.President, Membersof the Court,the situation in the case before us is as follows.

This is what 1saidon 13Juneand 1should like,withyour permission, to repeatit today: 79. A State,Bahrain,upon the proclamation of its independence,inheritsan utipossidetis of

which an integralpart is a decisiontaken by the colonial authorityexplicitlyrecognizingBahrain's

sovereigntyoverthe Hawar Islandsonthe basis ofproven, establishedeffectivités.

80.TheCourt, Bahrainis convinced,haseveryauthority to applyin this casethe principleof

utipossidetis and enable Bahrainto live in peace, securefiom any threat,within fiontiersbased on

internationallaw.

81. And so 1come to the end of my presentation.Mr.President, Members ofthe Court, it

remains formeto expressmy heartfeltand genuine gratitude for yourpatienceandindulgence.

82.1now cal1upon the Courtto givethe flooragainto my colleagueJan Paulsson.

The PRESIDENT: Thankyou, Mr. Kemicha. 1thinkthat this wouldbe an appropriate time

forthe Courtto adjoum for a quarter ofanour.

TheCourtadjournedfrom 11.20unti111.35am.

r 033 The PRESIDENT : Please be seated. The Sitting is resurned and 1 give the floor to

Mr.Jan Paulsson.

M. PAULSSON :Merci, Monsieurleprésident.

CINQ QUESTIONSDEFAIT CONCERNANT LASENTENCEDE 1939

1. Je vais étudiercinq questionsde fait concernantla sentence de 1939. Je ne promets pas

qu'il y ait un lien logique évidententre ces questions mais cela est normal s'agissant d'une

réfutation.

Lecontextedémographique

2. La décisionde 1939 doit êtrereplacéedans son contexte. Iy a à cet égardune donnée

fondamentale à savoir toute simple, quiest que la population de Qatar a toujoursété établiseur la

côte est de la péninsuleune distance plus grande des Hawar quecelle qui sépare celles-ci del'île

principalede Bahreïn. 9. Les éléments de preuve sont clairs:les habitants de Doha ne se sont pas établisprèsdes

Hawar. D'ailleurs, la Course souvientque la cartetrès discutéequi est annexéeà l'accord de

concession conclu en 1935 entre Qatar et PCLindiquait ce réseauroutier; cette carte est assez

éloquenteet elle figuresousla cote 19dansle dossierdesjuges.

10.Comment peut-on dire, pourreprendre lestermes de la décisionarbitrale rendue dansle

différendGuinéeBissau c. Sénégalq ,ue Qatar avaità la date de la sentence britannique de 1939

étendu «le domaine de validitéspatialedes normesjuridiques de 1'~tab)~de Qatar pour établir sa

dominationsur les îles Hawar ?

11. Permettez-moi maintenantd'exprimer levŒu quemon éminentadversaire, M. Bundy,

vivejusqu'à l'âgede cent ans; et quej'atteigne moi aussi cet âge vénérablej;e voudraisaussi que

nous restions bons amis mais j'ai un peu peur qu'ennous apercevant ensemble, les gensne nous

évitent endisant,voilà cevieux Bundyet ce vieux Paulsson, fuyonsavant qu'ilsne recommencent

à sequerellerau sujet decette épouvantablecarted'Istanbul.

12.J'hésiteen effetà montrerdenouveau à la Cour quelquechose qu'ellea déjàvu trois fois

maisje compte sur son indulgencepour m'autoriser àexercer un droit de réponse pendant trente

secondes. Permettez-moi de poserla question suivante :Pourquoi M. Bundy se préoccupe-t-ilsi

fortde la carte d71zze? C'est parce qu'il soutient que latotalité dece qu'il appelleles ((éléments

de preuve cartographiques))démontreque par Qatar, par le terme «Qatar», on entendait toute la

péninsule.La cartedu capitaineIzzetest donc gênante pouQ r atar. Naturellement,cettecarte a été

établiepar quelqu'un qui s'est effectivementrendu sur place en 1878-immédiatement aprèsle

momentauquel Qatar aimerait nous faire croire qu'il s'étendaistur l'ensembledu temtoire allant

d'une côte àl'autre. Or, l'imageprésentée palre capitaineIzzet esttrèsdifférente.

13. Pour notre part, nous faisons un constat très simple. Le capitaineIzzet a notéqu'il y

avait dans le golfe de Bahreïn des habitants, des implantations, bref, une concentration de

population. Les îles Hawarfaisaientpartie de cette concentration.

14.Il y avait aussi une autre concentrationde population plus faible et c'est ce qu71zzet

appelaitQatar.

Recueil des sentencesarbitrales, vol.64,p.144. 15.Entre les deux,il n'yavaitrien,un espace désertique.

16. Il est vrai queM.Bundy a fait remarquerqu'iln'étaitpas forcémentdifficiledetraverser

ce terrain désertique sablonneux.M. Bundy a raison :vous n'avezpas à vous tailler un cheminà

travers lajungle ou à traverser des cours d'eau redoutables. Mais sa remarque est à côtéde la

plaque : àl'époqueconsidérée la contrée était sauva etedangereuse. Vous vous souviendrezque

lorsqu'il l'a traverséen 1941, le résident politique,sir Rupert, remarquait ceci«vous avezun

sentimentétrangequand vous voyagez dans ces contrées sauvages ..sans aucune escortearmée»5.

Levoyageur qui quittaitDoharisquait souvent, dèsqu'ils'éloignait de la localitd,êtrevictimede

pillage,de piraterie,de vol, d'enlèvement. C'estainsi que lorsqu'onlit l'un des premiers rapports

annuels de l'agent politique concernant «Katr», comme le ditBahrein dans son mémoire6,on

constateque la partie du rapport relativeQatar estpresque entièrement consacréa eux problèmes

d'insécuritéc,'est-à-dire au raids,aux attaques,aupillage,auxembuscades. C'estpourquoil'agent

politique écrivait que«les escortes des caravanes ont été renforcée et comprennent maintenant

250cavaliers)). Cela représente une expédition importante et exige de grosses dépenses. Il n'y

avait aucune raison de traverser le déserttarien en montant de telles expéditionspour serendre

auxîles Hawar. Les habitantsdes Hawar vendaient leurmodesteproductiondepoissons,deperles

et de gypse sur les marchés de Manama et de Muharraq,qu'ils atteignaient en bateauaprèsune

brèveet plaisantetraverséeen direction du nord.

Le rapport de Laithwaite

17. Pour étayer sa thèse selon laquelle la Grande-Bretagne atoujours reconnu la

souverainetéde Qatar sur les îles Hawar jusqu'à un renversementsoudain de politique en 1936,

Qatarinvoqueuniquement comme élément de preuve les opinion espriméespar des fonctionnaires

britanniques àLondres lorsqu'ilscommencèrent à examinerla question de la souverainetésur les

îlesHawar en 1933.

18. La première remarque qui s'impose, c'est que si, comme le prétend Qatar, ces

fonctionnairesbritanniques avaient bienjugé en1933que lesHawarn'appartenaient pas à Bahreïn,

CR2000/12,p. 27,par. 127.
MémoiredeBahreïn,vol. 5, annexe237,p. 1047. cela aurait constituéune rupture extraordinaire avec au moinsun siècled'histoire marquépar le

rapport du capitaine Brucks de 1929 selon lequel Hawar appartenait à ~ahreïn', par la position

036 nette prise par la Grande-Bretagne à l'occasion de l'épisode de zakhununiyas, par la

reconnaissance dela présencerégulièredes Dowasirde Bahreïn sur les ~awar~et par les rapports

de l'amirautéde 1915-191 6".

19. En d'autres termes, une telle volte-face[en français dans l'original] en 1933aurait été

une aberration.

20. Mais si l'on examinede plus prèsle dossier, on constate qu'enfait, il n'y a pas eu de

rupture par rapport à la conclusion constamment réaffirméedans le passéqui est que Hawar

appartientàBahreïn.

21. Qatar citeune lettre adresséele 3 mai 1933par M. LaithwaiteàM. Starling. Il s'agissait

de deux fonctionnairesbritanniquesqui étaienten poste à~ondres". Dans sa lettre, M. Laithwaite

énumèreun certain nombre d'îled se l'archipelde Bahreïn. Les îles Hawarne figuraient pas surla

liste. Qatar en déduit quela position officielle du Gouvernementbritannique étaitque les îles

Hawar n'appartenaientpas à Bahreïn maisbien à Qatar. C'est évidemmenf torcer le texte de la

lettre de Laithwaiteau point de le rendre méconnaissable. Non seulement Laithwaite n'a pasdit

dans cette lettre ce qu'onveut lui faire dire mais sa lettre se poursuivait parle passage suivantque

Qatar a omis deciter :

((L'information susmentionnéequi, je le crains est plutôt décousue,a été
extraite de la nomenclature géographique (Gazetteer) de Lorimer. Le

PersianGulfPilot suggère que l'archipel est entouré de récifss'étendant surune
distance considérableet de bancs que le cheikh revendiquerait certainement si la
question étaitsoulevée. Pour évaluerune concession visantces dominions ou
Bahreïn, il semble qu'il serait nécessairede déjinir clairement les territoires
couverts.» (Lesitaliquessontde nous.)

Laithwaite conclutsa lettre en évoquantune réunion interministérielleprévu lemême jour oùl'on

devraexaminerleproblèmede l'étenduedutemtoire de Bahreïn :

'Mémoire de Bahreïn,nexe7, vol.2, p. 92.

Lettre du capitaine Prideaux, agenptolitiquebritanniqueau major Cox, résident pbritannique,
20 mars1909,mémoirede Bahreïn,annexe235,volp.,1034.
Ibid.etCR2000113,p. 18,par.92.

'Mémoire deBahreïn,par.171-172.
IMémoire deQatar,annexe111.8,ol. 6,p.431-435. «Je suggèreégalement à Moore de faire venir les représentants de l'amirauté
avec une carte pour compléterles informations plutôt fragmentairesque nous avons
obtenueslorsde la réunionde cette après-midi.))

22. Laithwaite semble encore en êtreau mêmepoint en août 1933 lorsqu'il continue à

émettrel'hypothèseselon laquellele temtoire de Bahreïn((semble ...exclureaussi Hawar qui, de

toute façon appartient géographiquement à Qatar et constitue l'archipelle pluà l'ouest etle plus

important situé toujtuste au largede la côtede~atar))'~.

23. Le conseilde Qatartirede ces deux lettres la conclusion suivant:

«Par conséquent,Laithwaite qui étaità l'époque lefonctionnaire de 1'1ndia

Office connaissantle mieuxla géographie - [la géographie, Monsieurle président !]
de cette région duGolfe, estime en 1933 sans éprouverle moindre doute que le
souveraindeBahreïnn'exerceaucuncontrôlesur lesîles ~awar.))'~

24. J'insiste: «estime sans éprouver lemoindre doute que le souverain n'exerce aucun

contrôle sur les îles Hawar.)) La Cour se rappellera assurémentque les remarques de

M. Laithwaite, expert en géographie,visaient un problème de géographie et non de souveraineté.

Quant à faire dire autexte de ceslettresque Laithwaite exprimesans éprouver le moindredouteun

avis sur lecontrôlepolitique 0 et pourquoi pas sur le titre C c'est là une interprétationpour le

moins surprenante.

25. Les lettres expriment clairement unpoint de vue provisoire, leurauteur ayant d'ailleurs

pris la précautionde préciser qu'aucune conclusion ne pouvait êtredégagéeavant que ne soit

disponible un véritablecomplémentd'information. Il est tout bonnementimpossible de dire que

ces lettres expriment l'opinion définitive du Gouvernement britannique selon laquelle les

îles Hawar n'appartiendraientpas à Bahreïn. Laithwaite indiquait queses informations étaient

«décousues»et ((fragmentaires))et qu'il avait demandéplus d'information afin de ((définir

clairement))lestemtoires couverts. Laithwaite ne souhaitaitmanifestemenp tasque l'onprenneses

remarques pourargentcomptant. Il prend laprécaution d'assortisesremarques géographiques sur

lesîles Hawardumot «semble».

26. Lorsque l'on replace dans son contextele court extrait de la lettre citépar le Qatar il

devient évident quecette lettrene peut servir d'argument poursoutenir la thèsede Qatar pour qui

Laithwaite -voire le Gouvernement britannique- avait décidéque les îles Hawar

lMémoiredeQatar, annexe111.9,o1.6,p.461-467.
lCR2000/p 6.,25, par.374). n'appartenaientpas à Bahreïn. Fait peut-être encore plus significatif, la lettre ne mentionne,ni

expressémentni implicitement, 1'EtatdeQatar,sonsouverainou les Al-Thani.

27. Or toute la thèsede Qatar, quand ce dernier dit que la Grande-Bretagne areconnu sa

souveraineté sur leîles Hawar,repose entièrementsurces deux lettresI4.

28. Les enquêtes effectuées ensuip tear les fonctionnairesbritanniqueschargésd'étudierla

question ont confirméque les îles appartenaient à Bahreïn. Le fait que la Grande-Bretagne a

considéré depuis 1820 jusqu'en 1939 et au-delà que les îles Hawar appartenaientà Bahreïn reste

donc incontesté.

29. Ce rappel des faitsnous met maintenanten mesure d'évaluer l'argumend t u professeur
038
Salmonpourqui «lesplus hautes autoritébritanniques»'5étaientparvenues à la conclusionqueles

frontièresde Qatar devaient êtresimplement acceptéescomme étantconstituéespar la mer sur

toute la longueur de son littoral. citaitun mémorandumde ~aithwaite'~,dans lequel, il est vrai,

celui-ci faisaitla mêmrecommandation,maisil estnon moins vrai quece long mémorandum était

entièrement consacré àla menace d'Ibn Saud et àla façon de tracer et de maintenir une frontière

sud de Qatar pour quela BritishPetroleumpuisse menerses activitésentoute sécurité.

30. Quiconque serait tentéde croireque ce mémorandum avaitun rapport avec un problème

de principe juridique de délimitation aurait intérà lire le rapport militaire britannique détaillé

de 1939 intitulé((Evaluationde la situation concernantla défensede la péninsule de~atar))" qui

définissaitsans ambageslespréoccupationsqui avaientprésidé à sonélaboration, comme suit :

((5Il est nécessaired'examinerladéfensede Qatarpour les raisonssuivantes :

a) La promessedeprotectionfaitepar le gouvernementde SaMajesté.

b) La possibilitéque du pétrolesoit trouvéet que la compagnie pétrolière se
développe,ce quipourrait attribuerà Qatarune importance considérable du point
de vue de l'approvisionnement pétrolier d'Empire.

c) L'intérêt qu'yila a maintenirun terraind'atterrissagepourlaRAF à Doha.»

l4CR200016,p. 24-25,par.37 1)et 384).
l5CR200015,p.35,par.15a).

l6Contre-mémoiredQeatar,annexe111.40v,ol. 3,p.213.
" Mémoire dBeahreïn,annexe275,vol.5,p. 1136. 31.Ainsi le mémorandumde Laithwaite concernait uniquement la menaceque faisaitpeser

Ibn Saud. La position de Bahreïnn'y étaitmême pas examinéeet aucuneintentionde déposséder

cet Etat n'y étaitexprimée.Les autorités britanniques savaienqtuelles étaientles possessions de

~ahreïn''. L'idée qu'iyl aurait eu une intentionimplicitede dépossédeBr ahreïn desîles Hawar

serait évidemmenb tattueenbrèchepar ladécision de 1939quiest dépourvue de toute ambiguïté.

32. Pour clore cet examen desdeux lettres de Laithwaite, ilest intéressantde comparer la

façon dont Qatar y est traitécelle dont Qatarest traitépar M.H. G. Darwin du Foreign Office

britannique quiconcluaiten 1964que les îlesHawarappartenaient bien à Bahreïn. Comme nous

venons de le voir, Laithwaitefaisait des remarquesde caractèregéographiqueet notait que ses

informations étaient«décousues»et ((fragmentaires)).Il indiquaitque son point devue avaitun
O39

caractère préliminairet au momentmême où il le formulait,il demandaitdes élémentse preuve

permettant de détermineqrui avait le titre de souveraineté sulres îles Hawar. Aucune des parties

n'a étéen mesure de découvrirquelles étaientles conclusions définitiveset motivéesde

M. Laithwaite.

33. Malgrécela, Qatar s'efforce de faire croireà la Cour que les lettres de Laithwaite

présententunedécision motivéeet définitiveduGouvernementbritannique.

34. Examinonsmaintenantle pointde vuede M. Darwin. Ce point de vue étanqtue les îles

Hawar appartiennentlégalement àBahreïn, sirIanSinclaira déclaré quMe .Darwin avaitdonnéun

avis «nondocumenté))etse fondaitsurdes«doméesincomplètes»'g.Or M. Darwin était unjuriste

il était conseillerjuridique adjoint auprèsdu Foreign Office. En 1964,il demandaau Foreign

Office d'étudierle problème du titre de souveraineté sur les îles Hawar. C'est un certain

M. C.W. Longdu ForeignOfficequi fut chargéde cettetâche. Pourla mener àbien, il a eu accès

aux archives duForeignOffice commeen témoignentles sourcesque l'on trouve indiquées dans

sonmémorandum.

''Contre-mémoirdee Bahreïn,par.215-218; lettre de l'agent politiquebritanniqueau résident politique
britanniqdu29 mai 1933,contre-mémoidee Bahreïn, annex5e9, vol. 2,p.203-206;tédurésidentpolitique
au secrétad'Etataux coloniesdu 23juillet1933,mémoire atar,annexeIïi.85, vol.6, p.437;et tédugramm
résidetolitiquebritanniauGouvernemendtesIndes,31juillet 1933,mémoieatar,annexe111.,ol. 6,p.449.
lCR2000/19,p. 14,par.3. 35. M. Long rédigea un mémorandum qui tenait compte des preuves d'activités surles îles

Hawar. Cemémorandumne citepasmoins de quinzedocumentsextraitsdes archivesbritanniques

y compris le mémorandumétablipar sir HughWeightmanen 1939surles données de faitet surla

situation juridique, mémorandumqui présentaiten annexe des éléments de preuve. SiI ran a

déclaré quece mémorandum constituait uncompte rendu«abrégé et incomplet))des événements

de 1936et 1939. Cependant, iln'a pas indiquéquelsétaient selonlui, sur les quinze documentsou

leurs annexes, ceuxqui étaient abrégés. n I'a pas ditnon plus quels documents manquaient. Il est

vrai que les théoriesfantaisistesproposéespar Qatar sont absentes du mémorandum de M. Long.

Peut-être est-ceparce que M. Long n'avait pas autantd'imagination que lesavocats de Qatar et

qu'il s'estorné à examinerles faitsdontil avaitconnaissance.

36. M. Long envoya son mémorandumainsi que les documents qu'il avait utilisés à

M. Darwin. Celui-ci lut le mémorandumet les documents annexéset M. Darwin, avocat

international' est parvenu la seule conclusion autorisépar les fait:Bahreïn avaitdespreuvesde

sa souverainetéet Qatarn'avait aucunargument sinoncelui de sa proximité géographique de sorte

que ((Bahreïnl'emporteaisément)?'.C'étaitlàuneconclusiondéfinitive,fondée sur lesfaits.

040 37. Cela n'a pas empêché sir Ian de faire l'hypothèsesuivante :«il est fort possible...

que ...M. Henry Darwin ...n'avaitpas accèsàl'époqueaux trèsnombreux documents etcartes))

dont disposeprésentementla Cour etc'estpourquoi il aconcluen faveurde ~ahreïn~'.

38. Nous savons que le nombrede documents dont laCour est saisie est supérieurà celui

dont disposaitDarwin maisla substancereste la même.

39. SirIan a affirmé ensuitequeles conclusions de Darwinétaient fondées sur des postulats

que Qatar conteste a~jourd'hui~~.11appelle postulats ce qui est en fait des éléments de preuve

historiquestirés desarchives britanniques. Leseultort de M. Darwin, comme deM. Long, serait

donc d'avoir étémoins désireuxde défendreles thèses en faveur de Qatar que ne le sont

aujourd'huilesconseilsde Qatar.

20RépliquedeBahrein,annexe2p.2;réplique deBahreï, ar.120.
''CR2000119,p. 13,par.3.
l2Ibid. 40. En résumé, pous rir Ian, les vuesexprimées parM.Laithwaiteet qualifiées parlui-même

de préliminaireset fondées surdes informations«décousues» et ((fragmentaires))représentaientne

conclusion définitiveformuléeen connaissance de cause tandis que le jugement juridique sans

équivoque porté par M. Darwin sur les éléments de preuve qui lui ont été présenté apsrèsune

enquête du Foreign Office étaiterroné. Bahre'inne peut que constater que c'est tout bonnement

affirmerle contrairede la réalité.

L'allégeance desDowasir vis-à-visdeBahreïn

41. S'agissantdes îles Hawar,Qatarsemble principalementfaire valoir que l'allégeance des

Dowasir vis-à-vis de Bahreïn n'étaitpas suffisamment constante de sorte que leur présence à

Hawarn'équivautpas à une présence bahreïnite.

42. Je ferai tout d'abord observer que s'il estclair que certains Dowasir étaienten conflit

aveclesouverainde Bahreïndansles annéesvingt,ce n'étaitpas le cas de latotalitéd'entreeux.

43. En deuxièmelieu, les Dowasir n'étaientpas les seuls habitants des îles Hawar. La

famille des Al-Ghatam avait un rôle de premier plan au village nord; on peut encore y voir

aujourd'hui les vestiges d'unede leurs maisons. Les Al-Ghatam étaientdes gens importants.

Bahreïn a présentéses listes civiles pour 1924 où figurent les noms de neufmembres de cette

famillez3qui recevaient doncune dotation annuelleau titre de services particuliersrendus1'Etat

041 de Bahreïn. Les mariagesont de surcroît créé desliens avec les îles Hawar pour de nombreux

Bahreïnitesn'appartenantpas aux Dowasir. Ily a un siècle,pas moins, commel'arelevéPrideaux,

un parentdu cheikh Isabin Ali, le souverainde Bahreïn,était lechef local sur lesîles ~awar'~. Et

le nombrede ces mariagess'estnaturellementaccruau fildesannées.

44. En troisième lieu,les Dowasirqui ont effectivementquittéBahreïn se sont rendussur la

côte du Hasa; ils n'ont pas essayéde rester surles îles Hawar, ils savaient que celles-ci faisaient

partieduterritoirede Bahreïn.

45. Mon dernier point,mais ce n'est pasle moindre,est qu'il faut se garder de tirer trop de

conclusions du fait qu'il est question ici et d'une tribu «farouchement indépendante)).C'est

23Contre-mémoiredeBahreïn,annexe54,p. 173-174;voir aussiannexe55,p. 175-182.
24Mémoire deBahreïn, vol.5, annexe236,p.1042.souventvrai de ceux qui vivent en des lieux reculés.La populationd'oùje suis issumoi-mêmes ,i

vous me permettez une observation personnelle, est originaire d'unezone reculée dela Suède

septentrionale. Ces gens sont heureux lorsque le roi leur rend visitemais ils ont toujours préféré

l'inviter d'abord. Ils aimentà se considérercomme autonomeset ((farouchement indépendants))

-mais, pourêtreparfaitement honnêteo ,n sembleplutôt enclin àles trouver exaspérants. Quant

aux fonctionnaires deStockholm,moinsces gensduNord les voient, mieuxils se portent. Il y a un

siècle, avant quel'impôt n'amputeles revenus et que la sécurité sociale n'en restitue une partie,

Stockholm demeurait pour certains passablement abstrait. Mais cela ne signifie pas que ces

individusne se considéraientpascommeSuédois.Etje ne conseilleraicertainement à personne de

venirleurdire qu'avec leur espritd'indépendancei,ls devraient êtNorvégiens !

46. Aussi, même s'ie lst parfoisanivéque certains Dowasir soient mécontentst,out comme

bon nombre d'entre nous lorsquenous pensons à ceux qui nous gouvernent,il n'en demeure pas

moins que, depuis de nombreuses générations d,'annéeen année,de saison en saison, tous leurs

contactsétaient établis avecBahreïn. Ils n'avaient aucun contactavec Qatar. Aucun contact avec

Qatar.

47. La Cour aura remarquéque sir Ian Sinclaira tentéde réaliserl'exploit remarquablede

fairetoutsimplementdisparaîtreles Dowasir.

48. Ceux-ci, a-t-il soutenu, sont partis au coursdes années vingtet rien ne nous dit qu'ils

soient jamais revenus. Il a mentionnéle fait que certains des Dowasirqui étaientpartis étaient

encoreen 1933en train de revenu un à un à Budaiyaet ce fait, a-t-il insisté, neprouvenullement

qu'ilssoientjamais revenus auxîles Hawar.

49. Bahreïnse permet de direque Qatar devrait consacrerunpeu plus de temps à l'étude des

sourceshistoriques. Commeje l'ai indiqué, les Dowasir ne sonp tas tous partis.Ceux qui sont

partis venaientsurtout de Budaiya. Or la plupart des habitantsdes îles Hawar venaientde Zellaq,

ce qui est touà fait logique lorsqu'on considèrequeZellaq est quasi deuxfois plusprochedesîles

Hawarque Budaiya. 50. De plus,nous disposonsdes dépositionsde témoinsqui sontnésauxîles Hawar ou y ont

grandi au cours des annéesvingt et qui n'ont pas quittéBahreïn avec les Dowasir de ~udai~a~~.

Sur un ton empreint d'un scepticisme apparemment doctrinaq lu'il n'appliquecertainementpas à

ses propres affirmations historiques, Qatar soutient qu'il convient toutefois d'examinerces

dépositions((avecprudence)). Permettez-moidonc de dire quelquesmots du poids qu'il convient

de leur accorder.

51.Bahreïn sait parfaitement quela procédurede laCourne seprêtepas a la présentationde

témoignagesdevive voix. On n'aboutit d'ailleurs pas àgrand-choselorsquechaquepartie produit

un nombre égal detémoinset qu'un groupe yva d'affirmations catégoriques tandis que l'autre dit

exactementle contraire.

52. Mais la situation en l'espèce est totalement différenten ûiple point de vue, chaque

aspect étant important.

53. En premier lieu, Qatar n'a pas produit la moindre déposition.La raison en est simp:e

aucun Qatarien ne peut affirmer s'êtrejamais rendu sur lesîles Hawar, aucun Qatarien ne peut

affirmer que les Al-Thani administraient Zubarahavant 1937et aucun Qatarienne peut contredire

les effectivitésde Bahreïnsur les autresformationsmaritimesdansle golfe deBahreui. Autrement

dit, les dépositionsde témoinssontà la foisnon contestéesetconfirmées par lespiècesécritesdu

dossier.

54. En deuxièmelieu, les témoins n'exprimentpas dans leurs dépositionsde jugements

subjectifs ni d'opinionsprêtantà controverse. Le point principalest qu'ils existent, ce sont des

êtreshumainset ce ne sont que les faits les plus élémentaires de lrie qui nous intéressentOù

sont-ilsnés? Où ont-ils grandi? Quels étaientleurs voisins? Oùse trouventleurs maisons, leurs

pièges à poisson et les sépultures deleurs amis et de leur famil?eCe sont là des faits simples

qu'il estpossible de vérifier de diversesmanièrrèssimples.

55. En troisièmelieu,justement, Qatarn'a jamaischerchéàcontesterces dépositionsqui ont

étécommuniquées en 1996.Il ne faut guères'en étonner. Qu'est-ce que Qataa rurait pu dir?

r (44 3 Que ces témoinssont des imposteurs ? Qu'ilsne sont pas ceux qu'ils affirmentêtre? Qu'ilsne

25Mémoire de Bahreïn,annexe314, déclarnu 16 septembre1996de NasrbinMakkibin Ali al Dosanet
mémoiredeBahreïn,annexe315, déclaratnu15septembre1996deSalrnanbin IsabinAhmadbinSaadalposari.vivaient pas sur les îles Hawar à l'époqueoù ils l'affirment? Que les indications qu'ils ont

donnéessurlesbâtiments, les lieuxet les sépulturessonterronée? Maistoutesceschoses simples

peuvent être vérifiées. Ces témoins, entourés de leurs eamdss membresde leurfamille,suivent

à coupsûr tout le déroulementde la présente instance qui est retransmen directet intégralement

par la télévisiobahreïnite. Peut-on imaginer à quel point il serait totalementabsurde pour ces

patriarches dese voir démasquée st de s'entendre direqu'ilsont inventé leur idenl,ursparents,

leur éducation,et toute leur v?e

56. Cet aspect du litige illustreplus que tout, unefois encore, les faiblessesd'une demande

qui invite les juges composant la Cour internationalede Justice enquêteren l'an 2000 sur des

circonstancesqui ne pouvaientse comprendre parfaitement qu'à l'époque don iltest question, qui

ont été effectivement examinées à cette époqueet qui ont débouchésur une décisionqui

aujourd'huiconstituele fondementde l'existence depuisplusieurs générations.

La date critique

57. Ce qui précèdem'amène toutnaturellement à un thème queje n'examinerai que très

brièvement :celui de la date critique. Dans ses observations finales,l'agent de Qatar a insisté sur

le fait qu'il ne devraitpas être tenucompte en l'espècedes événements postérieursà 1983. On

pourrait s'interroger sur la question de savoir si la date à retenir devraitêtre1983ou bien 1991,

date àlaquelleQatara saisi la Courde sarequête.

58. Mais cette question est d'un intérêt purement théorique car Bahrne'ninvoquéaucun

fait survenu aucours des vingt dernièresannéescomme fondement deson titre. Les activitésque

Bahreïncontinued'exercerdanslesîles Hawar sontla conséquence de sontitre antérieuret nonpas

lasourcede cetitre.

59. Mais le conseil de Qatar abien entendu soutenuaussi qu'il conviendraitde retenir une

datecritiquebien antérieure, savoir 1936,et que la Cour nedevraitaccorderaucunpoids àtout ce

qui s'estpasséau cours des soixante-cinqdernièreannées.

60. Ce qui ne manquepas de plonger lesespritsles plus subtilsdans unabîme de perplexité.

Comment peut-on en effet estimeren particulier qu'on ne peut pas s'interroger sur ce qui s'est

passéentre 1939 et 1971,annéeau cours de laquelle Bahreïn a accédé à l'indépendance pleineet entière? Comment pourrait-onreprocheràBahreïn des'être conformé à une décision émanan dtes

plus hautesinstances du Gouvernementbritannique ? D'après Qatar,qu'est-ceque le souverainde

Bahreïn aurait dû dire à la Grande-Bretagne en 1939 ? En sa qualitéde puissance exerçant

l'autorité,la Grande-Bretagne a confirmé que les îles Hawar appartenaienà t Bahreïn. Cette
f Q 4 4
décision conféraidtes droits mais aussi des obligations. Le souverainde Bahreïn était-ilcensé

remettre lesBritanniquesa leurplace, expliquerque le caractère(dionteuxet sordide))des actesde

la Grande-Bretagne serait un jour probablement ou certainement dénoncé,que la décision

britanniquerevenait àabuser cyniquement,avec ((hypocrisie))de ses intérêts tue lui, souverain

de Bahreïn,nel'accepteraitenaucun cas ? Aurait-ildû s'empresser de direauxDowasird'évacuer

immédiatementles îles parce qu'il savait bien, malgréce que les Britanniques avaient dit, que

ceux-ci avaient depuis fort longtemps attribué un titre originelaux Al-Thani et que ce titre

s'étendaitàtoute la péninsule,eàtout ce quisetrouvaitdans samer temtoriale?

61. Voila une argumentation qui,pourBahreïn, ne méritepas d'êtreprise sérieusementen

considération.Si l'on acceptaitles élucubrationsde Qatar au sujetde la date critique,la moitié de

la planète seretrouveraitplongéeau beau milieude longues époquescritiques. L'ex-Yougoslavie,

pour ne prendre qu'elle, verrait probablementla totalitéde son territoire faire l'objet de dates

critiques qui se chevaucheraientet remonteraient très loin,jusqu'aux débutsdu Moyen Age, les

habitants de chaque régionet chaque groupe ethnique cherchantà obtenir réparationau titre de

griefstransmisde générationen génération.

62.Pourconclure surcepoint,je diraiquela datecritiqueque l'on peutconsidérercommela

plus ancienne,celle qui se situeplus tôt dans le temps,est celle que mentionnel'agent de Qatar

lui-même, à savoir 1983.

LesallégationsdeQatarreprochantàla Grande-Bretagnede s'êtrleivréeà des
manipulationsahonteuseset sordides»

63. J'en anive àmon cinquièmeet dernier pointqui concerne les circonstances entourantla

décisionde 1939. La Grande-Bretagne affirme Qatar a commis aux dépens de Qatarune

fraude de proportions historiques. Cette thèse révisionniste vise principalement

sirHughWeightman qui aurait nourri une aversion irrationnelle, teintée de paranoïa, contrlesAl-Thani bien que la Cour attende toujoursde savoir ce dont avaitpeur Weightman puisqu'on

ditqu'ilétaitparanoïaque.

64. En noircissantle nom de Weightmanet mêmecelui detous ceux qui ont eu la témérité

d'être d'unavis différent dusien, Qatar s'emploie aujourd'huiàtrouverune solution radicalepour

expliquer pourquoi il n'a pas présenté en 1938-193d 9'autre élément véritablemen ptrobant que

celui qui est fondé surla proximité. C'est ainsi que Qatar laisse entendre qu'ilaitprouvéle

bien-fondéde sa thèsesi l'on n'avaitpas fait disparaîtreses élémende preuve ou si on lui avait

donné suffisamment detemps ou encore si l'agent politique n'avait pasmal agi. Bien sûr, après

soixanteans de préparatifs, Qatar n'a toujours pafsaitmieux quele cheikhAbdullah..

65. Comme tant d'autres thèses de complot,l'histoire concoctée par Qatar est l'Œuvredu

désespoir.

66. 11est aisé delancer de telles accusations,mais difficile d'en démolrbien-fondé.En

l'espèce latâche est impossible. Ce que Qatar présente aujourd'hu,e sont des désirsqu'ilprend

pour desréalités.Qatar voudrait fairecroire à la Cour que la masse d'éléments dp ereuve que

Bahreïn a produits pour démontrer qu'il exerce la souverainets éur les îles Hawar étaient

systématiquement viciés et que Qatar disposait d'élémentsde preuve valables que l'on a fait

disparaître. Mais quels étaient-ils ces élémete preuve ? La Cour est aujourd'huien mesure de

serendrecompte qu'iln'y avait rienafaire disparaître.

67. Pour parvenir à ses fins, Qatar a inventé unehistoire faite de déductions et

d'insinuations. Les documentset les arguments que Qatar a présentés son trtèsloin de prouver le

bien-fondéde sa thèse. D'abord,les attaqueslancées contreWeightmanet sescollègues manquent

leurbut parce qu'ellesreposent surun tissu de conjectures invraisemblables. Ensuite, pourque la

thèse du complot tienne, il faut que Qatar démontre que beaucoupde hauts fonctionnaires

britanniques, et pas simplement Weightman, ont participé à la machination. Les allégationsde

Qatarsontaudacieuses,outrancières, irresponsableset totalementdénuéesde fondement.

68. Dans sonmémoire,Qatar s'estattaché àdonner l'impression queBahreein ne connaissait

mêmepas vraiment l'existence des îles Hawar jusqu'aux annéestrente, c'est-à-dire jusqu'au

moment où le cheikh Hamad de Bahrein a encouragéBelgrave à inventer de toutes pièces une

revendication injustifiée. 69. Or, il se fait heureusement que Bahreïn a étéen mesure de retrouver l'ouvrage de

M.Thomas Ward. La carte tirée decet ouvrage, qui a été soumis e la Cour le 1" mars 200oZ6,

montre de façon concluantel'inanitédes hypothèses échafaudées par Qatar. Contraireme ànM.

Bundy quiaffirmait que Bahreïn ne disposait pasde cartes contredisant la positionde Qatar, nous

disposonsd'une carte - tout comme la cartedYIzzet- établie pardes personnes qui vivaient et

travaillaient effectivementdans la région. La carte en question montre queles îles Hawar étaient

considérées comme faisantpartid ee Bahreïnbien avantque Belgraveeut misle pied à Bahreïn.

70. Lors du premier tourde plaidoiries, Qatar a montréàla Cour des cartes qui avaient été

établiespar le seul commandantHolmes,mais a pris soinde ne pas mentionner la «cartede Warh

- celle qui aétéen fait utiliséelorsdesnégociationsrelativesàla concessionbahreïnitede 1925.

71. Bahreïn n'a naturellement pas manqué de signalerce singulier oubli2'qui ôte toute

valeur àlathèse deQatar.

72. La semaine dernière,lors du second tour, Qatar a tenté de se tirer de ce mauvaispas de

deux façons.

73.En premier lieu,le conseil deQatars'estlivré à quelques conjectures. Il n'y avaitpas de
046

raison pour Holmes d'exclureles îles Hawarde son projet d'accordde concession, a-t-il soutenu,si

on avait penséqu'elles appartenaient à ~ahreïn". Holmes aurait certainementvoulu que le

temtoire de Bahreïn soitaussivaste que possible.

74.Mais ce que le conseil deQatarsembleavoir oublié dans saproprerelation antérieuredes

faits- qui sont indéniables-, c'est que Holmesavait tentéd'obtenird'Ibn Saud une concession

englobant latotalitéde la péninsule de Qatar.Et il en a été ainsijusqu'à ce que les Britanniques

parviennent à un accord avec Ibn Saud au cours de la fameuseréunion avecSir Percy Cox, haut

commissaire pourl'Iraq, auxtermes duquel il aété reconnu qu'Ibn Saud n'avaitpas d'autorité sur

Qatar. Maisjusque là, il étaitàpriori indifférenà Holmesde savoirqui contrôlaitles îlesHawar.

Pour reprendreune expression familière, Holmes((jouaisturles deuxtableaux)).

26Documentssupplémentairdes Bahreï, nnexe18p. 170.
''CR 2000114 ,.24,par33.

28CR 2000/18,p.19,par11. 75. Nous en venons maintenant àla deuxièmesolution, bienplus intéressante,à laquellele

conseilde Qatara eu recours lorsdudeuxièmetourde plaidoiriespour rattraperson argumentation

miseen péril.

76. Le conseilde Qatara déclaré que la cartee Holmes avaitété publiéeen 1965et qu'elle

indiquait l'étenduede la concessionbahreïniteaprèsla décisionbritanniquedejuillet 1939 qui,

commeQatar l'adit«[a attribué]atort Hawarà ~ahreïn))~'.

77. Cet argument,je regrette dele diremaisil me fautle dire, dépasseles limites de cequ'un

avocat peut raisonnablementplaiderdevantla Cour.

78. Le conseil aaffmé que la carte était postérieureà 1939- ((l'indicationfigure surla

reproduction)), c'est ce qu'il a déclaré3'Or, la carte indique toutà fait le contraire. Vous

trouverez cettecartesous la cote 120du dossierdesjuges. Wardprécise cequi suit :«Lacartevise

laconcessionoriginalepour lazoneneutredu 17mai 1924.))

79. Et lorsqu'onexaminecettemention sur la carte originale,on constatequ'elle se rapporte

expressément à «lazone viséedansla concessionde la zone neutrejointe en annexe)). En d'autres

termes,cette carteexistaiten mai 1924.

80. Partant, Holmes savaitquelque tempsavant le mois de mai 1924 que les îles Hawar
047
I
appartenaientàBahreïnet qu'ellesseraient comprisesdans le permis de recherche couvrant toutes

lespossessionsdeBahreïn.

81. Puis-jerappeleràla Courque cette carte n'estpas un documentd'importancesecondaire

enfoui dans les tréfondsde l'ouvragede 296 pages de M. Ward. Elle apparaît au tout débutdu

livre, enfrontispice, elle montre la scèneoù se déroulenttoutes les négociationsau cours des

annéesvingt. Et dans unpost-scriptum,àla page 255de son livre, Ward mentionne expressément

quecette carteestcelle qu'autiliséeHolmes «pourles premières négociationqsu'il a menées)).

82. Qatar en est-il maintenant réduit à laisser entendre que M. Ward, cadre américain

éminentet brillantde l'industriedu pétrole, a particiaux machinations((sordideset honteuses))

de la Grande-Bretagne ? Qu'ila, vingt-cinqans aprèsla décision de 1939,puisdans ses souvenirs

et remué sesdocuments à New York, et a modifiéla carte avant de rédigerson livre en 1965 ?

292000/1p 8,19par.12.
30CR200011p 8.,19par.12lign1e5.Quel aurait étéson mobile ? Etait-il de connivence avec Bahreïn ? Dans l'affirmative,pourquoi

n'a-t-il pas fait parvenir d'une manièreou d'une autre lelivre Bahreïn au lieu de nous laisserle

retrouverpar hasardau tout dernierstadede la présenteaffaire,ily a quelquesmois à peine ?

83.On remarquera pour terminerle cachet figurantsur la carte :«Au nom etpour le compte

de The Eastern & General Syndicate, Limited.» C'était, bien entendu, la sociétédu

commandantHolrnes. Celle-ci avait évidemmentrenoncé auxactivités pétrolière vsers la fin des

années vingt lorsqu'elleavait transférsesparticipationsàla StandardOil of California.

84.Point n'estbesoin pour Bahreïnd'en direplus sauf de constateravec regretque chaque

fois qu'ondénoncel'erreur historiquedansles thèses deQatar, celui-ci a pour réaction non pad se

reconnaître son erreur, mais de formuler une autre affirmation erronéeou d'avancer d'autres

allégations irresponsables.

85. Qatar a fait grand cas du fait que deux fonctionnaires britanniques,Prior et Alban, se

soient exprimés contre la décision de 1939. Mais leurs opinions ne sont jamais convaincantes.

Elles émanentde personnesqui n'ont pas examinél'argumentationdes parties et ne traduisentque

des impressions superficielles. En se disantopposésàla décisionde 1939,ils ne se fondent passur

des élémentsde preuvq eue le cheikh Abdullahauraitpu négliger.Prior et Albanne se sontjamais

rendus aux îles Hawar. Il est évidemmenttrèssain d'exprimerdes points de vue dissidentsmais

ceux-ci n'emportent pas invalidation de décisions officielles. Qu'arriverait-il, Monsieurle

président,si quelqu'unaffirmait que les seuls arrêtsde la Cour qui méritentd'être reconnus sont

ceux qui sont rendus sans dissidence? De surcroît, ceux qui exprimentune opiniondissidenteen

l'espècene siégeaientmêmepas au sein del'organe chargé de statuer. Aussi convient-il de citer,

car il est tout fait à propos, le passage suivanttiré dela sentencearbitrale renduedans l'affaire

«des notes de service ne représententpas nécessairementle point de vue ou la
politique d'un gouvernement et peuvent n'êtreque le point de vue personnel qu'un
fonctionnaires'est sentiobligéd'exprimeràun autre fonctionnaire à ce moment-là : il
n'est pastoujours facile de démêlelres éléments purement personnelsdans ce qui ne
constitue aprèstout que des notes internes, privéeset confidentiellesau moment où

elles sontrédigées)?['traductiondu Greffe].

3'Sentencearbitralerenduele 9 octobre1998lorsde lapphase,par.94. 86. Il est assez surprenant de constater que Qatar croit encore, en cette onzièmeheure,

pouvoir trouver quelque encouragement dans les vues exprimées parPrior selon lesquelles la

sentencearbitrale de 1939était«un gravedéni dejustice»32. Cette thèsea fait l'objet àl'époque

d'untrèsabondantecorrespondance à laquelle Bahreïna consacréjusqu'àvingt paragraphesde son

contre-mémoire. La Cour se souviendra queles supérieursde Prior n'ont pas jugéque son avis

étaitàprendre en considérationou nel'ontpas retenu33.Je ne vais pasreprendre ce thèmeusé,si

cen'estpour rappelerquePrior a particulièrementcritiquéles méthodesde Weightman critiques

que ce dernier a pu réfuterdans ses lettres et que le départementdes affaires étrangèresdu

Gouvernementindiena estimé que Pnor s'était laisemporterparune animositépersonnelle34.

87.Mais puisqueQatar continuedese fondersurcettenote internede Prior,il n'est peut-être

pas inutilede s'attarderencore un peusurM. Prior.

88. Quand ses supérieurslui ont fait savoir qu'ils contestaient ses vues sur la décision

de 1939,Pnor a demandél'aide du commandant Alban, qui venait d'êtrenomméagent politique

par intérimà Bahreïn,qui ne s'étaitmanifestementjamais rendului non plus sur lesîles Hawaret

avaitl'impressionqu'ilétaitpossibledepasser àguéde Qatar aux îles Hawar.

89. Dans la lettreque sir Ian Sinclair présentée à la Cour (écrited'aprèsune note établie

par Alban),Prior expliquaitcommesuitsacritique :

((L'affairedes îles Hawara été tranchée en fonction d'idéesoccidentales, et il
n'a été tenu aucuncompte des coutumeset des sentiments locaux. Aprèsavoir passé

trois ans et demi à Bahreïn, je n'ai jamais entendu parler de quoi que ce soit qui
donnât à penserqueces îles appartenaient à~ahreïn.»~~

90. Le lieutenant-colonel Prior était-ilun expert des «couturnes et sentiments locaux)) ?

Nous n'avons aucuneraison de le penser. Le fait est qu'on trouve dansle journal de Belgravela

descriptiond'une réunion à la résidencedu souverain de Bahreïn àlaquelle assistait Prior. «Il y

avait de longs silences)),écritBelgrave, et «de temps à autre Prior faisait une remarque par

1'intermédiairedesoninterprète»36 (lesitaliquessontde moi).

32Mémoire deQatar, nnexeIII.212,vol.8,p. 15.
33Contre-mémoirdeeBahreïn,par.288-308.

34Contre-mémoired Beahreïn,par.306.
35Lettredu26octobre1941,mémoirdee Qata,nnexe111.229,ol. 8,p. 38.

36A la datedu3 mars1930. 91. Belgravenous donne quelques indications du niveaude sensibilitéculturellede Prioren

rendant compted'une rencontre entre Prioret un vieux cheikh qui lui avaitdemandés'il était vrai

que le roi IbnSaoudluiavaitdonné, àune époqueoù il étaitun agentpolitiquede trente-sixans,un

beau cheval. Belgraveécrit quePrior avaitrépondu :«Oui,un cheval)) Ibrahim a répét( écub neau

cheval))et a semblé profondément choquq éuand Prior a dit qu'il aurait préféréun cadeau qu'il

n'ait pasà nourrir)?'.

92. Prior avait aussi l'habitude d'écrire des lettres irréfléchies. Qatarse fondant sur sa

correspondance concernant lesîles Hawar, permettez-moi d'évoquerdeux anecdotes tiréesdu

journal de Belgrave. (Jeme sens librede vousdonner lecturede ces réflexions personnellesp ,arce

que deux conseils de Qataront déjà cité cejournal.)

93. Au tout débutde la périodeoù Prior a exercé lesfonctionsd'agent politique à Bahreïn

(1929-1932)'une génératrice a été installéeàManarna. Elle dérangeait Prior. Nous lisond sansle

journal de b el grave :^'

«Priora encoreécritunelettre agaçantesurl'odeuret le bruitde la machine. Le
cheikh me l'a fait suivre et étaitévidemmenttrèscontrariéde cette lettre. ... En ce
qui me concerne,je ne trouve vraimentpas qu'il y ait beaucoup de raisons de se

plaindre de[cettegénératrice].»

94. Et un an après(30 mars 1932),ceci : ((Abdullahbin Jabr est entrévenant de chez le

cheikh.)) Permettez-moide vous rappeler quele cheikh est le souverainde Bahreïn, cheikhHamed

et que Abdullahbin Jabrétaitet est restébien des années lesecrétaire influentde l'émir. Je vous

rappelle aussi que sonnom complet était Abdullah binJabr al Dosari. Il a passé unegrande partie

de son enfance sur les îles ~awar~~.Son petit-fils, qui occupele poste de ministre des affaires

étrangèresde Bahreïn depuisprèsde trente ans, apar deux fois assistéavec nous à des audiences.

Retournonsaujournal de Belgrave :

((Abdullahbin Jabr est entrévenantde chez le cheikh et nous avons parléde la
lettre que Prior lui a écriàepropos d'une affaire récentedans laquelle le cheikh est
intervenu inopportunément.[On voit qu'il s'agit là de l'opinion de Prior sur cequi
étaitinopportun.] Le cheikh n'aime pasdu tout Prior et est trèsmécontentde cette

378 février1932.
388janvier1931.

39Mémoire de Bahreïan,nexe313et314.
4030mars1932. 95.Je pourraismultiplier les citations,maisje me contenteraid'indiquer qu'en1946,lorsque

l'émirapprendque Prior quitteenfinle Golfe, Belgraveécrit :«SonAltesse est trèssatisfaiteet très

soulagéede sondépart.»41

96. Belgrave constate avant quePrior ne parte que :«il semble maintenant ne plus songer

qu'à empêcherHugh Weighûnan ou Hay de lui succéder-il ne pense jamais à ce qui sera le

mieuxpourleGolfedès lorsqu'un intérêt personnelest en jeu»42.

97.Hormispeut-êtrelefait queWeighûnanétaitdiplômédel'universitéde Cambridgealors

que Pnor était unmilitaire,pur produitde Sandhurst,ilsembleque le péché capital de Weightman

fût d'avoir provisoirementrempli les fonctions de résidentpolitique par intérimen 1938, juste

avantPrior.

98. Mais la carrièrede Prior a tourné court. Si l'on se demande pourquoi, il suffit de

consulterson dossier,où l'on découvre qus eesproblèmesn'étaient pas limités à ses relations avec

l'émirde Bahreïn,Belgrave, ou Weightman. Deuxans avant qu'il ne quittela fonction publique,

Priorétait blâmé par son dernier supérieur,ir OlofCaroe, pourla raison suivante

«secontrôle mal lorsqu'il écrit. Celd aonnel'impressiond'une certaine immaturité. .
Ce n'est pas sans importance :étantdonné sa position de résidend tans le Golfe, ses
écritsne peuvent manquerd'être directemen vtus par le secrétaired7Etatet par divers

hautsresponsablesau Moyen

99. Prior a étémis en garde :«Son Excellence a observéque vous avez tendance à vous

laisserallerdansvos télégrammes c,e qui gâchesouventun bon dossier.))

100.Prior étaitconsidéré commeun ((maîtrede lapasquinade)) [en françaisdans l'original],

qui sembleêtrel'un deces mots français exclusivementutiliséspar certainsAnglais. Je le connais

mal mais ledictionnairenous dit qu'une pasquinade estune façon de tourner quelqu'un en ridicule

par cequ'onécritsur lui. Synonymes :caricature, parodie,travestissement.

101. Voici donc un homme réprimandé pour immaturité m, anque de réflexion dans
051

l'expression écritede ses opinions et incompatibilitéavec les hauts fonctionnaires. Prior a

démissionné, je l'ai dit,dans les deux annéesqui ont suivi. Il avait 50 ans, et a pris un emploi de

4' 13avri1946.

4218févrie1945.
4PaulRich,TheInvasions ofthGulfI,,annexesbiographiques.représentant locald'une banque. Belgrave fait part de la gênequ'il a éprouvée lorsque Prior, qui

lui rendait unevisite ayant uncaractèreamical inattendu,luia donné«un étuià cigarettesen argent

de la part desdirecteurs de la banque))et lui a demandé d'ouvrirchez eux un compte au nom du

Gouvemementde ~ahreïn~~.

102.Cequi est intéressanten 170ccurrencec'estquel'unedes cibles desdébordements écrits

de Pnor n'étaitautre que Weightman. En 1940,juste avantquecelui-cine quitte Bahreïnet ne soit

remplacépar Alban, Prior transmettait l'évaluation suivaneeWeightman :

«Il était aussiimpopulaire au sein de la communauté britannique locale qui

n'appréciait guèresa façon de vous regarder de haut en bas [c'est l'expression
fiançaise qu'a employée Prior] ... [Weightman] a recommandé à un poste de
responsable des forces arméesun vaurien qui s'est révélé êtrenon seulement un
ivrogne mais probablement aussi un pervers ... J'espère qu'il considérera la
décoration[de Commandeur del'EmpiredesIndes]commeun paiementanticipéet la
justifiera en continuantde s'intéresseraux affairesdu~01fe.o~~

103.Destinatairede cette évaluation,unplushaut fonctionnaire,qui n'estidentifiéque par la

lettre«L», y a porté uneannotation accablante-pour Prior: «Je n'ai pas l'intention de perdre

mon temps à essayer de corrigerM. Pnor de son outrecuidance. [Outrecuidanceest synonymede

fatuité,suffisance, prétention]. J'en conviel,svictimesdoiventêtreprotégées.)( )Ibid.)

104. Toujours est-il que l'une deses «victimes», Weightman, afait une bien meilleure

camèreque Prior.

105. Il a quittéBahreïn en août 1940 pour prendrele poste de vice-ministre des affaires

étrangères,puis de CO-ministredes affaires étrangèresdu Gouvemement indien, où il a travaillé

avec Nehru, avant d'être élevé au rang de chevalier. (Nous voyons maintenant que les

commentaires acerbes de Prior à l'encontre de Weightman sont ceux d'un homme pleinde

ressentiment, qui est restéloindemère son ancien subordonné, lequel aaccédé à des fonctions

ministérielles.)

106.Quant àM. Alban, juste un mot il a, semble-t-il, eula carrièrela moins brillante

de tous les fonctionnaires dont les noms apparaissent dans cetteaffaire. Engagédans l'annéeà

18ans,il estdevenu agentpolitiquepar intérim à Mascate à 25 ans, et dix-septansplus tard il était

de retourà Mascate au même poste -agent politiquear intérim. Entre-tempsi,l avait étagent

4410avril1950.
45Rich,p. 234.politiquepar intéri en quatre endroits, y compris deux foisà Bahreïn. On semblait toujours

vouloir l'envoyerailleurs.

107.Belgrave encore lui sugg èrepeut-être uneexplication dans une page de son

journal pour 1941 :

«Alban est venu et nous avons parlé d'électricité. Il s'est comportétrès
bizarrement tout à fait bizarrement. Il a hurlési fort que personne n'aimait les
Anglais que tous les employésl'ont entendu. Il est entrédans mon bureau dans un
drôle d'étatet a parléde têtes qu'on coupait. J'ae issayéde le calmer et y suis

finalementparvenu. Qu'il soit malade ou un peu détraquéi,l paraissait trèsmal en
pointquand il est

108.Ce que je veux dire,bien sûr, c'est que ces deux voix discordantesne méritentpas le

moindre crédit.

109.Je n'ai pasà démontrerla bonne foi de sir Hugh Weightman, sirTrenchard Fowle, ou

sir Eric Caroe, ni des divers autres fonctionnaires des Gouvernements britannique et indien

-notamment le marquis de Betlandet lord Halifax- qui ont pris la décision de reconnaîtrele

titre de Bahreïn sur les îlesawar,dans le cadre de leurs pouvoirs en tant que représentants de

leurs gouvernements respectifs. J'aidéjàeu l'occasion dedéclarerà la Cour queles accusationsde

parti prisà l'encontre de Weightmanne sont que pures spéculationsde Qatar. Je me bornerai

maintenant àajouter, avant de laisserlejournal de Belgrave,qu'on y trouve une note brève,mais

assez éloquente,qui porte un coup aux attaquesde Qatar contreWeightman. Il s'agit d'un extrait

du 26 avril 1939,soit prèsde deuxans aprèsl'offensive de Qatarsur Zubarah. Les réfugiés Naïm

campent sur l'île principale de Bahreïn. Weightman est résident politique à Bahreïn. Belgrave

note que l'émiret d'autres membres éminentsde la famille Al-Khalifa sont venusle voir pour

parlerde Zubarah. Il écri: «Toustrèsmécontents d'entendre dire qu'Abdulla [alThani de Qatar]

est en train deconstruire Zubarah. Rédigé une protestation- inutile.^^'

110. La protestation était, bien entendu, adresséeà Weightman, qui, selon Qatar, était

favorable à Bahreïn et, selon sir IanSinclair,devait, pour uneraison incompréhensible, détestelr

cheikh Al-Thani. Mais alors, pourquoiWeightman n'a-t-ilpas saisi l'occasion de venir en aide à

Bahreïn ? Pourquoi n'a-t-il pas cherché à mobiliser les partisans d'une expédition punitive?

-

46 Il janvier 1941.
47Il janvier 1941.Bahreïn ne peut répondreà ces questions; nous savons seulementqu'il ne l'apas fait et que son

attitude en lacirconstancea vivementdéçuBahreïn.

111. Je sais quej'ai parlétrop longtempsde ces vieilles histoires. Il y a trop de rumeurs,

trop de rancunes et d'animosités personnellest,rop d'interprétations defragments d'anciennes

archives qui peuvent êtretout fait trompeuses. Si Pior a tenu un journal, nous ne l'avons pas

trouvé. Nous n'avons pas non plus, malgrétous nos efforts,trouvé lesjournaux du commandant

Holmes ou de M. Skliros. Et autant que nous le sachions, le cheikh Abdullah n'a pas tenu de

journal.

112.Aussi ai-jele sentimenttrèsréelde faire perdre sontempsa Couravec des réflexions

subjectives sur des gens que nous n'avons jamais rencontst sur les raisons pour lesquelles ils

ontpu agir commeils l'ontfait bien avantquebeaucoupd'entre nous nesoient nés.

113. Mais c'est justement ce quee tiensà faire remarquer:on ne saurait demanderaux

juges qui en cette année2000composentla CourinternationaledeJustice de se plongerdanstoutes

sortes d'hypothèses surce qu'ont fait ila soixante ou soixante-dix ans des individus plus ou

moins obscurs et sur leurs mobiles. Allons-nousmaintenantinviter le monde entàeretracer les

frontièresexistantes en fonctionde conjecturessur les mobiles des puissances colonialesn

sûrquenon. C'estune questionou le bon senss'imposeabsolumentet par bonheur, M. Reisman le

confirmera, ilcoïncideavecle droit.

114. Puis-je vous demander, Monsieur le président,de bien vouloir inviter maintenant

M. Reisman àprendrela parole.

The PRESIDENT: Thank you,Mr. Paulsson. Je donnemaintenantla paroleàM. Reisman.

M. REISMAN :

RÉPONS SEURLA RESJUDZCATA

1.Monsieur le président, Madameet Messieursde la Cour,j'ai eu l'honneurde présenter la
,
thèsede Bahrein en ce qui concerne l'examen de la décisionde 1939 lors du premier tour de

plaidoiries. Le temps que chacune des Partiesa consacrécet aspect de l'affairemontre qu'elles

sontl'une et l'autreconvaincuesque celui-ciest importantet pourrait régler la qudu titre sur lesîles Hawar. Je prie donc la Courd'accueillir avecindulgenceune analyseassez approfondiede

la réponse finaledeQatar à ce sujet.

Les pointslitigieux

2. Pour ce qui est des points litigieux,la décisionde 1939ne peut rester entièrementsans

qualificationjuridique. Selon Bahrein, cettedécisionétait soitune sentence arbitrale, auquelcas

elle est chosejugée, soitune décision administrative, politique, auquelas elle est définitive. Si
I 0 Fj4

c'est une sentencearbitrale, une question préliminaire spose, celle de savoir si le consentement

spécialque la Cour ajugénécessaire pour lui permettre de réexamine lr chosejugéepar un autre

tribunal internationala en fait étdonné. Si tel n'est pas le cas, la Cour, selon Bahrein, devrait

confirmerle caractèredéfinitifde la sentenceen se fondant surle principe de laresjudicata et ne

pas examinerplus avant la question de la souverainetésur les îles Hawar. Ce n'estque si la Cour

détermineque leconsentement spéciaa l étédonné par Bahreinqu'elle doitexaminerles allégations

de Qatar selon lesquellesla sentence de 1939est nulle pour les raisons suivantes: i) absence de

consentement,ii) parti pris de l'arbitre,iii) irrégulasrocéduraleset iv) absence demotifs. Les

diverses allégations departi pris de Qatar peuvent toutefois êtreelles-mêmes irrecevablesl,es

Parties convenant maintenant,me semble-t-il, quele Gouvernementdu Royaume-Uniétaitl'arbitre

ou le décideuret que les allégations de partipris formulées à l'encontre du Royaume-Uni

exigeraient que la Cour se prononce sur la légalitéde l'action d'un gouvernementqui n'a pas

consenti à sa juridiction. Si la décisionde 1939 est définie commeune décision administrative,

politique, aucun des critères de détermination de la validité de l'arbitrage international ne

s'applique; la seule question relative à sa licéité est cde savoir si elle a été autoriséear un

consentement spécifique oupar unpouvoir plusgénéraa lccordé envertu d'un traité.

3. Heureusement,ma tâche est limitéepar plusieurs facteurs. Qatar ayant choisi de ne pas

répondre surplusieurs de ces points - ainsi, la protestation queQatar étaitcensééleversemble

avoir étéabandonnée-et paraissanten avoir concédé d'autres- ainsi, le fait quel'absencede

procédureorale n'est pas pertinente je n'ai à formuler d'observationsque sur les points qu'ila

soulevés. Et mon ami M. Paulsson ayant traité plusieurs deallégationsdeQatar sur les vicesde

procédure lorsdu premier tourde plaidoiries, il n'estpas nécessairequeje m'y attarde. Je ne ferai pas de commentaire sur la qualification répétée ea tssez sarcastique de l'arbitrage par nos

adversaires,qui ont parléde «prétendu arbitrage». Il est incontestable, selon q,u'il a eu une

procédurearbitrale, bien que simple, avec consentement, procédurem, otifs et sentence. Si on ne

part pas de l'hypothèsequ'ily a eu arbitrage, aucunedes objectionsàcelui-ci soulevéepar Qatar

n'est pertinente, une décisionpolitique n'exigeant pas que l'on se conforme aux règles de

l'arbitrage; une fois le consentement établi-et nous pensons qu'il n'y a à ce sujet aucune

question sérieuseen ce qui concerne les faits- le titre de Bahreïn sur les îles Hawar devient

incontestableàpartir de 1939. Qatarnepeutjouer sur lesdeux tableaux.

4. Si la Cour le veutbien,je passeaux questionsquicontinuent deprêteràcontroverse.
i 055

Le consentement spécial nécessairepour réexaminerla chosejugéepar
un autre tribunal international a-t-il édonné àla Cour

5. En ce qui concernela question((planchen)de savoir siBahreïn a expressément consentià

renoncer àses droits surle caractèrede resjudicata de lasentence de 1939,nous présumons,au vu

des observations de M. salmonl et de celles, plus détailléesf,aites par lYagen?,que Qatar ne

contestepas que trois affairessuccessives,unesurlaquellea statuéla Cour~emanente~et deuxsur

lesquelles la présenteCour a statué4,ont établiune jurisprudence constanteà l'effet que même

l'acceptationla plus généralde lajuridiction, allantjusqu'àaccepterlajuridiction laplus largeen

vertu de l'article 36,paragraphe2, du Statut, ne donnepas par elle-mêmele consentement spécial

requis par la Cour avantde remettre en cause une chosejugée parun autre tribunal international.

La question controverséeest donc ramenéeà un point de fait : Bahreïn a-t-il acceptéune telle

juridiction spécialedansle procès-verbalde Doha ?

6.Qatar a répondudiversementàcettequestion. SirIan a dit quelajurisprudencede la Cour

étaitsanspertinence parce que l'arbitrage n'en étatasun5. Mais, commeje l'ai dit, sice n'était

'CR 2000117,p.20, par.18.

CR 2000119,p.42,par.22.
Sociétcommercialede Belgique(BelgiqueGrèce),(1939),C.P.J.I.sérieA/Bno 78,p. 160.

Affairede la Sentencearbitrale renduepar le roi d'Espagnele 23 décembre1906 (Hondurasc. Nicaragua),
arrêt u 18novembre1960,.Z.J.Recueil 1960,p. 192;Sentencearbitraledu31juillet 1989(GuinéeBissauc. Sénégal),
C.JI.Recueil1991,p. 53.
CR 2000119,p. 14,par.4. pas un arbitrage, toutes les objections liéàscela que sir Ian s'est évertuéà formuler sont sans

pertinenceet la décision de1939est valable entant que décision politique.M. Al-Muslemaniadit

que «le Gouvernementbritannique est convenu,dans les annéessoixante, que sa décisionpouvait

êtreréexaminée dans une procédure arbitrale...n6Sir Ian, lui aussi, a éimpressionnépar le fait

que «l'«arbitre» unique, le Gouvernement britannique était disposé il y a trente-cinaq ns à

soumettre ses décisions de1939 et 1947sur les îles Hawar et sur la délimitationmaritime à un

mécanisme d'arbitrageindépendantentre Qatar et ~ahreïn))'. Mais appartient-il à un arbitre

antérieur,longtemps aprèsqu'il a cessé d'exercerses fonctions, de renoncer à l'effet dechose

jugée d'unesentence ? Ou est-ce les parties, et en particulier celle qui a eu gain de cause qui,

seule,peut annulerle caractèredechosejugée ? Qatar étant inébranlabldeans son insistancesurla

nécessité de son propre consentement à la procédure arbitralede 1939, c'est cavalièrementque

O56
M. Al-Muslemani et sirIan rejettent la nécessité correspondanteque Bahreïn donne son

consentement. M. Salmonaffirme, enune seule phrase, que cette compétence résulte d leéchange

de lettres de 1987et du procès-verbal deDoha de 1990~. M.Al-Muslemani affirme, aussien une

seule phrase,que la Coura déjàstatuésur cepoint9.

7. La questionde savoir s'ily a eu consentement spécialpourréexaminerune chosejugéeest

importanteet difficile, aussibien en fait quedu point devue de la politique internationale. Elle ne

saurait êtrécartéepar desphrases d'une ligne.La Cour saitbien que Bahreïn ne pensaitpasquele

procès-verbalde Dohaconstituait en quoi quece soit un compromiset elle a d'ailleursdonnéaux

Parties l'occasion d'enrédigerun, aumoyen duquelle différendauraitalors été soumislO.Lorsque

cette initiative a échouéet que la Cour elle-même aétabli les modalités de sa compétence1',

Bahreïn s'y est, au cours de la première phasede l'affaire, vigoureusement opposée ,n soutenant

Ibid.,p. 43,par.23.

'Ibid.,p. 17,par.8.
CR2000/17,p. 20,par.18.

CR 2000/19,p.43par.23.
'OAffaire delaDélimitationmaritime et questions territoriales entre Qatar et Bahreïn (Qatar c.Bahreïn)
compétenceetrecevabili, .I.J.Recueil 1994,p. 125,par.38.

" Affaire de la Délimitationmaritime et questionsterritoriales entre Qatar et Bahreïn (Qatar c.Bahreïn)
compétenceet recevabil,.I.J.Recueil 1995.que leprocès-verbalde Dohane constituaitpas une soumissiondu différend.La Cour n'atoujours

pas abordé laquestionprécisede savoirsi Bahreïn a donnéle consentementspécial nécessairp eour

remettreen questionune chosejugéeparun autre tribunal.

8. Bahreïn a fait valoir que ni le procès-verbal deDoha, ni les arrêtsde la Cour sur la

compétencen'ont abordécettequestionquireste donc àtrancher. Danssesarrêts précédents sc uer

problème général, lC aour a insisté surla nécessitéd'consentementtrèsexpliciteet sans aucune

équivoqueàcette compétencespéciale.Touteapprocheplus laxiste- etenparticulierun nouveau

corollaire du consentement spécial(dacite))- incitera toutes lesparties perdanteà essayer de

saisir un tribunalde leur affaireet, même illes ne le peuvent pas, cela leur permettrade rejeter,

dans le cadre pluslarge des tribunespolitiquesce qui serait sinonl'autoritéet lecaractère définitif

incontestablede la sentenceou de l'arrêt.En somme,le principe dela chosejugées'affaiblira.

9. Lorsque la Cour abordera cette question, nous lui demandons d'examinersi un indice

quelconque, sans parler d'un hypothétiquemotif, montre que Bahreïn, île minuscule dont la

population est dense, qui a eu gain de cause dans la sentence de 1939, écarteraitpurement et

simplementla resjudicata qui lui assurela possession d'un espacequi représente virtuellementun

tiers de sonterritoire. Bahreïnn'a certespasrenoncéexpressémen t ses droitsen vertu delachose

jugée. Est-ilraisonnablede présumerqueBahreïn a renoncé implicitement à sontitre confirmésur

un tiers de son temtoire-en admettant, bien entendu, que la loi autoriseen l'occurrenceune

renonciation tacite. Nousferont trois observations. Premièrement,Bahreïn n'a jamais donnéle

consentementspécial nécessaire pourremettre en question la chosejugée. Deuxièmement, ilest

dans l'intérêdte l'ordre public internationalde faire en sorte que le consentement spécial requis

reste trèsexplicite. Et, troisièmement,la Cour devrait, conformémeàtsaproprejurisprudence,se

limiter en l'absenced'un tel consentementspécialà proclamerle caractèredéfinitifde la sentence

de 1939,qui a confirméla souverainetédeBahreïn sur lesîles Hawar.

Qatar a-t-il consentiàla procédure de 1939 ?

10. Les Parties sont toutà fait d'accord pour considérerque le consentement est une

conditionde validité pourun arbitrage international. Le droit international autorisede nombreusesformes d'expression du consentement, explicites aussi bien qu'implicites. Et d'ailleurs,

sir Ian Sinclair, suivantle titre qu'il avaitépoque, aécritdans un compte rendu du 9 mai 1962

duForeignOfficeportantsur le différend BahreïdQatar que«le seul fondementjuridiquede nos [il

s'agit ici du Gouvemement britannique] décisionsd'«attribution» de territoire dans le golfe

Persique était l'accord implicite, screpoint, des souverainsen question...»12

11. Monsieur le président,Madame et Messieurs de la Cour, le conseil de Qatar semblant

avoir du mal à comprendre lathèseque nousdéfendons ici, permettez-moi de projeteà r nouveau

les passages pertinentsdes deux lettres envoyées parle souverain de Qatar le 10mai 1938 et le

27 mai 1938,dans lesquelles il a expressément donné son consentement à l'arbitrage noir sur

blanc. Ces lettres figurent dans votre dossier sous la cote 121 et je n'en donnerai donc pas à

nouveaulecture. Pourtant,malgréces lettres, sir Ian a, le 22juin, conclu l'exposé deQatar sur ce

point en disant: ((Qatarnie absolumentce qu'affme Bahre'inquand celui-cidéclareque du fait de

ses lettres du 10 et du 27mai 1938, le souverain de Qatar aurait indirectementconsenti à une

procédured'arbitrageavecle Gouvemementbritannique commearbitreunique»'3.

12. Monsieur le président,Madame et Messieurs dela Cour, la déclarationuniverselle des

droitsde l'hommenous indique que tous les individus ont droit àla libertéd'opinion. Et pourtant,

ils n'ont pas droit aux faitsqui les concernent personnellement. Et les faits sont lessuivantsnon

seulementle souverainde Qatar a consenti expressémene ttpar écrit à la procédured'arbitrage de

1939,mais c'est luiquiaengagé ceprocessus. Il n'y avaitlàrien d'indirect !

13.La Cour se souviendra que sir Ian avait reconnu auparavantque ces lettresauraient pu

constituer un consentement,mais non un arbitrage14. Mais invoquer les termes de «justice» et

d'«équité» comme critèrd es décision dément évidemmec netla et l'argumentcontestablede Qatar

sembleavoir été abandonnéen faveur d'une nouvelle thèse : la nécessitéd'un consentementdonné

en «connaissance decause»". Selon l'exposéfait par sir Ian le 22juin, le souverainde Qatar a

peut-êtreconsenti, mais il n'aurait pas consenti s'il avait su, premièrementque Bahrein avait

'Compterenduendatedu9 mai 1962de Sinclair(FO371/162824),mémoire de Qatar,annexeIV.240, vol. 11,
p.253dutexte français.

lCR2000/19,p.20,par.15.

lCR200017,p. 47,par.6.
lCR2000119,p.20,par.15. Lesitaliquessontdansl'original. revendiquéles îles Hawar dans le cadre de négociations relativeà une concessionpétrolièreet,

deuxièmement,qu'en1936,le Gouvernementbritanniqueavaitdéclaré qu'«illui semblequ'Hawar

appartienne au cheikh de Bahreïn et qu'il incombeà tout autredemandeur éventuelde réfuterle I

bien-fondéde sa revendication ^ '^.tout lerespect quivousest dû, sirIan,si le souverainavait

seulementsu ces choses,iln'auraitpas consenti.

14.Monsieur le président,Madameet Messieurs de la Cour,veut-on maintenantnous faire

croire que le souverain de Qatar, occupéà tenter de signer des concessions pétrolièrsour un

territoireaussi vaste que possible, nesavaitpas qu'il nepouvaitsigner de concessionpour les îles

Hawar ? Veut-on nous faire croire qu'il ne savait pas que Bahrein, avec l'approbation des

Britanniques,accordait des concessions sur lesHawar, grouped'îles qu'il,selonnos amis, croyait

être àlui? Veut-on nous faire croire qu'ilne savait pas que son propre concessionnaire négociait

avec Bahrein des droits d'exploitation dans les îles Hawar parce que le souverain de Qatar ne

pouvait les accorder? Veut-on maintenant nous faire croire qu'il ne savait pas que la Grande-

Bretagne réexaminait toutesses négociationsde concession -et celles de Bahreïn- et les

approuvaitou les désapprouvait? Veut-on maintenant nous fairecroire qu'iln'étaitpas au courant

de l'activité intensedont les îles Hawar, sesîles chéries,situéespeine a 80milles de Doha,

étaientle théâtre- et ce depuis plusieurs années? SirIan a peut-êtreoubliéqu'il y a deux

semaines, il a lui-même cité llettre de 1939 du souverain dans laquelle celui-ci a déclaré qu'il

étaitau courantdes activitésmenées surlesîles Hawar avant février938et qu'il s'en plaignait?"

En dépit dela déclarationantérieurede sir Ianet des élémentse preuve soigneusementprésentés

par M. Shankardassqui montrent que c'étaitun dirigeantpolitiquetrèsaviséet trèsbien informé,

sir Ian voudrait maintenantnous faire croire que le souverain étaitun homme très mal informé,
O5 9
voire vivant dansune ignoranceparfaite ettotalede tout ce qui se passait autourde lui. N'importe

quoi.

15. Monsieur le président,Madame et Messieurs de la Cour, ces argumentsfont tellement

violence à la crédulitqu'ils en deviennent futiles. S'il y a une chose qui est claire et ne souffre

l6Mémoirede Qatar,annexe111.110,7,p. 4citédanCR 2000119,p. 20, par. 15.
" CR 200018,p. 4par.23 citant la lettre du 4 août 1939du souverain de Qatar,annexe111.21du mémoirede
Qatar.absolument aucun doute, c'est que le souverain de Qatar était demandeur de l'arbitrage

de 1938-1939,qu'il y a consenti expressémen ett ((directement)),qu'il y a particet que les deux

souverains comprenaientle principe et les caractéristiquesessentielles de l'arbitrage. Ce sont là

des faitsetnon des questionssur lesquelleschacunpeutavoirson avis.

Lesallégations departi pris formulée às l'encontreduRoyaume-Uni

16.Monsieurle président,Madameet Messieursles Membresde la Cour, Bahrein a soutenu

que les allégationsde parti pris formulées à l'encontre du Royaume-Uni sontirrecevables parce

qu'ellesexigeraientque la Cour se prononce surla licéité du comportement d'un Etatqui n'a pas

accepté sajuridiction.Au cours des quatredernières semaines,Qatar n'a pascontestéce point de

droitmais a essayéd'éluderl'obstacle juridictionnel inévitable auque sle heurte sonargumentation

en rectifiant les faits. La Cour a assistéà un changement continuelde la cible des allégations.

Initialement, dansle mémoire,elles visaient expressémentle ~o~aume-uni"; dans la réplique,

elles ne sont plus adresséesqu'à des individus19puis, dans le premier exposéoral de sir Ian,il

s'agissaitdes acteurs d'une ((histoiresordideet ..honteuse»20;dans sa plaidoirie dusecond tour,

d'«unnombre très restreintde fonctionnairesbritanniquesen postedans le Golfeet àLondres [qui]

n'ont pas agi avec toute l'impartialitéet l'objectivité voulueslorsqu'ils ont mis en place la

procédure visant a trancher entre 1936 et 1939...»21. Et finalement,on nous parle d'individus qui

ne sont plus les conspirateurs d'une histoire honteuseet sordide mais ne sont coupables que de

n'avoir pasdit «toutelavérité» ou, cequiest plusgénéreux, de «s'abuser»eux-mêmesz2.

17.J'épargneraiàla Cour d'autresprécisions sur la désescaladd ees euphémismesde plus en

plus euphémiquesde Qatar. Monsieur le président, Madameet Messieurs de la Cour, les

gouvernementsne peuvent agir que par l'intermédiaire deleurs fonctionnaires. Les actes de ces

derniers sont ceuxdu gouvernement. L'arbitragede 1938-1939n'était pasune opérationmenée

par des «voyous». C'étaitune action du Gouvernementbritannique conduite, commetoute action

'Mémoirede Qatar, pa6.251.
l9Répliquede Qatar,pa4.295.

CR 2000f7,p.45,par. 3.
*'CR 2000/19,p. 17,par9.

22Ibid., p. 13,p2..d'un gouvernement doitl'être, par sefsonctionnairesdûmentautorisés. Cette action aétécontrôlée

et approuvée à Londres auxplus hauts niveauxde l'Etat, comme sir Ian lui-mêmele reconnaîtz3.

Les allégationsde parti pris de Qatar sont nécessairementdes allégations relatives à la licéité

d'actes officielsduRoyaume-Uniet ellesne sontpas recevables.

18. Mon ami, M. Paulsson, a montré à quel point sont fantaisistes, en réalité, toutess

«théoriesde la conspiration))et il n'est doncpas nécessairequeje revienne sur cela, mais je dois

releverl'absurdité d'une des allégationqsuia étéreprissousune autreformele 22juin par sir Ian.

Il s'agit de l'allégationde préjugéet de parti pris provoquéepar la réponsebritannique à la

demande formuléeen 1936 par PCL au sujetdes îles Hawar. Heureusement,quatre semaines de

procédureorale ont clarifiéun certain nombre dequestions. Qatar ne soutient plus quela réponse

britannique de 1936étaitun arbitrage. Faire valoir que les partiesn'y ont pas participé estdonc

dépourvude pertinence. Il n'y avait pas departies en 1936. Qatar semble maintenant convenir

que laréponsebritannique,selon ses proprestermes, étaitprovisoire,et qu'à la demande officielle

de Qatar, l'ensemble de la question a étéréexaminéau cours de la procédure de 1938-1939.

Bahreïn aurait cru que cela mettrait un terme àcette argumentation assez artificielle. Mais elle a

maintenant étérecyclée. Cette «décisionprovisoire)), nous dit aujourd'hui sir Ian, «avait

évidemment conduit certains fonctionnairesbritanniqueschargés de l'affaireàpenser que Bahreïn

finirait paravoir gaindecause»24.

19. Lorsqu'on lit le mémoired'avril 1939exposant le droit et les faits qui ont fondéla

sentence britannique,on ne trouve aucun élémenttendant à prouver l'existence d'un préjugé; ce

mémorandum présente sans détouraucun les points de fait et de droit. Comment, d'ailleurs,

aurait-il pu en être autremen? Le droit étaitclair et Qatar n'a fourni aucunélément depreuve.

Donc, Qatar fait-il valoiren réalitéque les décisions administratives provisoires qui précèdets

décisionsjudiciaires finales invalident de par leur nature mêmeces dernières parcequ'elles «ont

conduit ...à pensen) que le bénéficiaireauraitgain de cause ? Les mesures conservatoiresde la

O
Cour, en particulier celles qu'elle prend de sa propre initiative, indiquent-ellesqu'elle a un parti

23Ibid .,16,par.6.

24CR2000/1 p9,18,par.13. pris et invalident-ellesla décisionfinale lorsqu'ilse trouve que cette décisionfinale confirme les

mesures conservatoires?

061 20. Le moulin de lajustice moud finement,mais souventlentement,et il est de plus en plus

fiéquentque la vie ne puisse tout simplementpas attendre. La techniquedes décisionsprovisoires

est largement utilisée danstous les systèmesdéveloppés etremplit une fonction indispensable.

Bahreïn soutientque la décision administrativeprovisoide 1936étaitexactementce qu'elledisait

être: (provisoire)). En tant que telle, elle était raisonnable eu égard aux circonstances,

convaincantedu point de vue des élémentd se preuve disponibleset, comme le montre clairement

le mémorandumd'avril 1939, elle n'a joué aucunrôle préjudiciableà l'arbitrage ultérieur de

1938-1939.

Monsieur le président,si je puis me permettre,'aurais besoin d'une quinzaine de minutes

pour conclure et, si la Cour m'accorde cette faveur,je pense pouvoir achever cet exposévers

13h 10. En tout cas,je tiens àpréciser queBahreïnn'aura certespas besoinjeudi de tout le temps

qui lui est imparti, desortequ'être indulgent aujourd'hui ne déséquilibreraaapsrocédure.

The PRESIDENT :If the extra time you take today is made up for another day,you can go

onto the end,ProfessorReisman.

M. REISMAN

L'allégation d'absenc de motifsest-ellefondée ?

21. Sur ce point aussi, heureusement, quatresemainesd'audiencesont beaucoup circonscrit

les questions. D'aprèsnotre examen des comptesrendus et de ce qu'a dit - ou n'a pas dit-

Qatar, Bahreïn considèreque les deux Parties conviennent à présentque, d'une part, la décision

de 1939 étaiten fait fondéesur des motifs clairement exprimésdans le mémorandum exposantle

droit et les faits,mais que, d'autrepart, seulle dispositif,sanslesmotifs, a étéaux partiesle

Il juillet 1939. Au second tour, M. Shankardass et sir Ian ont mis en doute la validitéet

l'exactitude des motifs,sir Ian soutenantcet égardque le fait que la Grande-Bretagnen'ait pas

transmis lesmotifs auxpartiesrendaitla sentencenulle. 22. Bahreïn soutient qu'il est inadmissible de mettre en causela validitéd'une sentence

arbitrale sous prétexteque lesmotifs sontinexactset soutient que lajurisprudence de laCourdans

l'affaire duoi d'Espagneet dans celle opposant la Guinée-Bissau au sénéga12 -' selon laquelle

un réexamen n'équivau ptasà un appel-règle cettequestion. Maismême si, malgrél'absencede

()6 2 consentement spécial de Bahreïn, laCour décidait qu'ellepouvait réexaminerla sentence, sa

jurisprudence ne lui permettraitpas selon nous, d'accepterun appel fondésur l'exactitude deses

motifs.

23. Pour ce qui est du fond, la critique que Qatar fait de ces motifs découlede la lettre du

capitainePrior de 1941. Monami, M. Paulsson, a soulevéun certainnombrede questionsrelatives

àla crédibilitgénérale de ce témoin-là.

24. Cela mis à part, quelle est la critique que Prior fa?t((L'affairedes îles Hawar a été

tranchéeen fonction d'idées occidentalese ,t il n'a été tenu aucuncompte des coutumes et des

sentimentslocaux.»26 .«Idées occidentales)),roit internationalOù est le problème? Aprèstout,

Qatar a passé deuxdes quatre dernières semaines à soutenir qu'il est un Etat depuis le milieu

du XIXesiècle. Quel droitdoitêtreappliqué àun Etat si ce n'estle droitinternation?l

25. Puisque les deux Parties reconnaissent à présentque des motifs fondent la sentence

de 1939, la principale objectionde sirIan à cet égard portesur le fait que les motifs n'ont été

communiquésà aucune des parties,ce qui est exact. Dans l'exposéquej'ai présenté à la Cour le

9juin, j'ai passéen revue lesarbitragesinternationaux publicsdans lesquelsn gouvernementétait

le seul arbitre, etj'ai montréque pour ce genre d'arbitrage, la communicatiode motifs détaillés,

tels que ceux qu'aurait formulés un groupe dejuristes, n'étaitni attenduenidemandée27E .n fait,

l'affaire de délimitation frontalièrequi a opposéla Bolivie au Pérouen 1909 a abouti à une

sentence d'une demi-page renduepar le présidentde la Républiqueargentine. Cette pratique

n'était pasnonplus inconnuedans la régionqui nous concerne : selonlanote de InternationalLaw

Reports, la sentence Qatar Petroleum Companyc. Qatar de 1950 «est limitée à une simple

''Affaire delaSentencearbitralerenduepar leroi d'Espagnele 23 décembre190C,.I.J.Recueil1960,
p. 192;affairerelativeàlaSentencearbitraledu31juillet 1, .I.J.Recueil1991,p. 53.

26Mémoire dQeatar,annexe111.2,ol 8,p. 127-129.
''CR2000/12,p.56,par.38. décisionsans aucune indication du raisonnement sur lequel elle estfondée^ ^a.tar n'a donné

aucune réponse surces points, et j'ajouterai qu'il a soigneusementévité deparler de la décision

de 1962 relativeà l'affaire de l'Ile de Halul opposant Qatar et Abou Dhabi, par laquelle la

Grande-Bretagneaattribuécette îleàQatar. Dans cette procédureégalement,seul le dispositifa été

communiquéaux parties; 38 ans plus tard, celles-ci n'ont toujours pas connaissancedes motifs.

Qatar, qui a eugain de cause dans cette affaire, n'a jamais, pour autant que nous le sachions, ni

contesté cette décision ni invoqué sa nullité sous prétexte que ses motifs n'ont pas été

communiquésauxparties.

063 26. SirIan méconnaît totalement l'existence, l'époque,de cette pratique dans la région,

mais déclarepour lapremièrefois que «[L]a règleselon laquelleune sentence arbitraledoit être

motivéesejustifie parla nécessitde faire connaître la partie perdanteles moyens surlesquels la

décisionest fondée.»29Je me permets de dire que je ne suis pas d'accord. La raison d'êtrede

l'exposédes motifsest que cela oblige celuiqui prend la décision enl'affaàrse disciplineret lui

évite de tomber dansl'arbitraire. Et Bahreïn soutientque la lecture dumémorandumexposant le

droit et les faitset la preuve du réexamen de lasentenceauquel il aétéprocédéndresàun plus

haut niveau établissent incontestablemenqtue ces objectifsontétépleinementtteints.

27. Bahreïn conclut que les objections de Qatar la sentence sous prétexteque les motifs

auraient étéinexacts sontà la fois injustifiableset irrecevables, et que sa demanded'annulation

reposantsurla non-communicationdesmotifsaux partiesest dépourvuede fondement.

Lesvicesdeprocédure allégués

28.M. Paulssonayant examiné endétaillorsdu premiertourde plaidoirieslesallégationsde

Qatar relatives des vices de procédure,j'ai trèspeu de remarquesà faire. SirHughWeightman,

qui n'était pas juriste, a procàél'arbitrage sous le contrôle du Foreign Office.orsqu'il s'est

fourvoyédans la procédure, lesfonctionnaires chargés de ce contrôle le lui ont signaléet il y a

remédié, exactemenctomme si, par exemple, un fonctionnaire du Greffe de cette Cour oubliait de

communiquer un document, qu'un de ses supérieurs s'enrendait compte et qu'il y remédiait

28PetroieumDevelopment(Qatar)Ltd.v.Rulerof Qatar,sentenc1950,18ILR ,164.
29CR2000119 ,.22,par18 promptement. Lorsqu'une erreur a étécommise et qu'un document n'a pasété,initialement,

communiqué à l'autre partie,Qatar déclareque cela a étéfait «volontairement»30.Mais aucune

pièce d'archives nevient étayercetteallégationd'irrégularitdélibérée. .

29. SirIan voudrait voir la Cour récuseraussi la sentence pour uneautre raison:la prise en 9

compte par sir Hugh,outre l'argumentationdes parties,detrois autres questions. Tout d'abord,les

déclarationsfigurant dans le Gazetteer de Lorimer, qui était à ce moment-là un document

confidentiel; ensuite les archives de l'agence partir de 1909; enfin, ses propres connaissances,

acquises au cours de deux brèves visites effectuées à Hawar en 1938 et 1939~'. Mais c'étaitla

nature mêmed'une procédure danslaquelle un gouvernement jouait le rôle d'arbitre. Un

fonctionnairebritannique pouvait difficilementperdre de vue dans ce type d'arbitragela mémoire

f O6 4 collective de son gouvernement, et ce n'était pasnon plus ce qu'on aurait attendu de lui, en tant

qu'arbitrechoisi parle souverainde Qatar. Surtout,etje soulignecela, aucundes actesde sir Hugh

n'a eu d'incidence,positive ou négative,surles intérêtseBahreïn oude Qatar.

30. A cet égard,je pense comme sir Ianque l'important dansl'évaluationdu caractère

équitablede la procédure,c'est ce qu'il appelle le ((principede l'égalité des parties»32,mais

Bahreïn soutient que toute lecture objectivedu dossier montre que ce principe aététout à fait

respecté. Chaquepartie a soumisses éléments de preuve et a eu connaissancede ceux quiont été

présentéspar la partieadverse,et Qatar aeu lapossibilité d'en apporter encore'autres,maisne l'a

pas fait-ou n'a pas pu le faire. Dans ce contexte, il n'y a eu aucun vicede procédure,ni,

d'ailleurs,aucunincidentde procédurequiauraitpujustifier que la sentencesoit infmée.

La sentenceDoubai/Chardjahest-eiiepertinenteenl'espèce?

31.Enfin,Monsieur le Président,et entre parenthèses,je dois répondreaux brèves allusions

que fait finalement Qatar, dans sa réplique, à la sentence rendue en 1981 dans l'affaire

DoubaiLhardjah. Incidemment,une analyseapprofondie est consacréedans nos piècesécritesà

cette affaire3)ou une majoritéa considéré qu'une série dedécisionsprises en 1956 et 1957par

30CR 2000119,p 24,par 21.

3'Ibidp,24,par 23.
32Ibidp,24, par21.

33Voirrépliquede Bahreïn,p. 59-61,pa-110.1Tripp, l'agent politique local a l'époque, enréponseaux demandes d'arbitrage respectivesdes

souverains, ne pouvaient êtreassimilées à des sentences arbitra~es~~,pour deux motifs :

~~I'impossibilitpéour les Partiesde faire valoir leursmoyens et la non motivationdes décision^)?^.

En ce qui concernel'occasion de présenterleur argumentationqui doit êtredonnéeaux parties, le

tribunal a constaté queles représentants deDoubai n'ont jamais parléau fonctionnaire qui

rassemblaitles preuves36.

32. Aucun de ces deux motifsne s'applique à la sentencede 1939. Celle-ciest entièrement

motivée,et c'est là un point sur lequel les Parties ne semblent plus êtreen désaccord. Et le

souverain de Qatar a lui-même eu à deux reprises l'occasionde s'adresser à l'arbitre. En revanche,

deux autres constatationspourraient avoir une certaine pertinence enl'espèce :premièrement,le

tribunal del'affaireDoubai/Chardjaha déterminé qu'il y avac itonsentementcar, a-t-il indiqué,la

({Courest d'avis quele droit international n'exigepas ici un formalismeexcessif. Ce n'est pas la

forme du consentement qui importe mais sa réa~ité.)?D~euxièmement, le tribunal a rejeté

l'allégationselonlaquelleTripp,entant qu'agentpolitique, manquait d'indépendance3'.

33. Bien que la sentenceDoubai/Chardjahpuisse être citée en faveur de Bahreïn, celui-ci

n'a pas souhaité se fonder sur elle, du fait, entre autres raisons, de ce qu'on pourrait appelerson

({anachronisme)).Les procédures examinéed sans cette affaire datant de 1956 et 1957, et pour

reprendre la formuleutiliséepar letibunal, «la notionmoderned'arbitrageayant alorsété très vite

comprisedans la région du ~olfe)?~,la majoritéa appliquéles normes du ((Modèlede règlessurla

procédure arbitrale)a)doptéen 1958par la Commissiondu droit international. Notre arbitragedate

de 1938-1939,unevingtaine d'années auparavant, alors qun ei le((Modèlede règles»n , i d'ailleurs

la commission dudroit international elle-même, n'avaien tté conçusS . urtout, commeje l'ai dit le

9juin, «les procédures idiosyncratiques de l'arbitrage internationalpublic ne faisaientpas encore

partie de la tradition juridique régionaleet étaientmal connues des souverains de Qatar ou de

3Dubai-SharjahBorder Arbitration,Award19October1981,InternationalLaw Reports,vo(1993 ),577.

3Ibid.
36Ibid.,576.

37Ibid.
38Ibid.

39Ibid.p575. Bahreïn. Il auraitpu se révéleirnjuste de les leur D'ou ilrésulte, comme je l'ai aussi

dit cejour-là, que la procédure de1939étaitun ((arbitragesimple,étantdonnéqu'aucun desdeux

souverains n'étaittrès au fait de la procédure internationale.Mais un arbitrage tout de même, *

remplissant toutesles conditionsrequises.»41 b

Conclusion

34. Monsieur le président,Madame et Messieurs les Membresde la Cour, pour toutes les

raisons que j'ai exposées, Bahreïn conclut que la Cour devraictonfirmer l'autoritéde la chose

jugéede la sentencede 1939,selon laquelle la souveraineté sulresîlesawarappartient àBahreïn.

De façon plus générale, Bahreïn suggère respectueusement à la Cour de constater que la

revendicationde Qatarmenacele principemême de la chosejugée.L'importance de ceprincipe ne

saurait êtreexagéréedans une régionoù de nombreux accordsfrontaliers et temtoriaux, émanant

pour certainsd'arbitrages etde décisionsremontantà l'époque coloniale,déchaînent encore colère

et passions. Qatar lui-mêmedevrait être consciendt e l'importancede ce principe, puisqu'il a la
066

jouissance de l'îlede Halul grâceàla sentencedu mêmenom.Il n'est pasexcessif de dire quele

principe de la chosejugée estune clef de voûte de l'édificedes fi-ontièrespolitiques d'unordre

régional parfois précaire.

35. Monsieur le président,Madame et Messieurs de la Cour, je vous remercie de votre

attention.

36. Monsieurle présidentj,e vous suisreconnaissantdem'avoir laissé terminer. Puis-jevous

demander d'inviter demain SirElihu à prendre laparole si la Courle permet. Merci.

Le PRESIDENT :Merci beaucoup,M. Reisman. The Court is adjoumed and we will meet

againtomorrowmomingat 10a.m.

TheCourtroseat 1.lOp.m.

CR 2000/12,p55,par.34.
4'Ibidp.45,par.6.

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