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102-20010628-ORA-01-01-BI
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CR 200113(traduction)

CR 200113(translation)

Jeudi28juin 20010heures

Thursday28June 200110a.m. Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. La séanceest ouverte. Nous sommes réunis

aujourd'hui pour entendre le deuxième tourde plaidoiries de la Républiquedes Philippineset je

donne immédiatementla parole au professeur MichaelReisman. ProfessorReisman,you havethe

floor.

M. REISMAN :

1. Monsieur le président, Madameet Messieurs de la Cour, je vous remercie, avec

M. Magallona, de nous donner la possibilitéde répondre aux éminents conseils de l'Indonésie et

des Philippines et de comger certains malentendus ou certainesdéformationsauxquels ont donné

lieu notre positionet nos divergences d'ordre juridique. Laissez-moicommencerpar évoquerune

divergence fondamentale. La Cour se rappellera que nous avons insisté sur ladouble utilitéde

l'article62 du Statu:d'une part pour1'Etatqui estime avoirun intérêptouvantêtre encause dans

un différend entredeux autres Etats, et d'autre part-ce qui est tout aussi important voire

davantage- pour la Cour, qui peut ainsi s'informer des conséquencesque sa décision risque

d'avoir surun Etat tiers, et que les Parties directement encause ne porterontpasson attention.

L'article 62 est aussi indispensableà la Cour pour rendre la justice qu'à cet Etat tiers pour

demanderjustice.

2. Pour les Philippines, en l'espèce, l'uneou l'autre des Parties,ou les deux, peuvent se

fonder sur des traitéset des accords et faire prévaloirdes interprétationsde ces instruments qui

pourraient être préjudiciablesà un intérêdt'ordre juridique des Philippines,c'est-à-dirà leur

revendicationde longue date sur les territoires duNord-Bornéo.C'est cette préoccupation,t non

une revendicationsur les îles contestées, qui nous apoussésdemandercommunicationdes pièces

de procédureet des documents annexés et à solliciter l'occasion de présenterdes observations

écriteset orales. Depuis mardi, il est évidentque, bien que les Philippinesne contestent pas les

demandes de l'une ou l'autredes Parties,toutes deuxmontrentun si completméprispour l'intérêt

des Philippinesque sans cette intervention,la Courne sauratout simplementrien de l'intérett des

vues des Philippines. Les Partiescette affaire s'opposenàl'interventionpourdifférentesraisons.

L'Indonésie reconnaîtqu'il existe une revendication de longue date sur un territoire du

Nord-Bornéo, àpropos de laquelle ellene prend pas position,maiselle s'opposà l'interventionaumotif que celle-ci est trop tardive. La Malaisie nie tout simplement l'existence d'un intérotu

estimeque les Philippinesn'ont pasréussi àl'établir.Les exposésde la Malaisieet de l'Indonésie,

mardi, présentent unecaractéristiquecommune :la dernière chose que souhaitent les deuxEtats,

c'estque laCourait connaissancede I'intérê dtesPhilippineset de la manièredont celui-ci pourrait

êtreen cause. Nous pensons nous être maintenant conformés exactemen atux dispositions de

l'article2 du Statutet de l'article81 du Règlementet devoir êtreautorisésà intervenir, carsi la

Cour ne nous y autorise pas,elle ne pourrapas être pleinement informédees effets éventuels desa

décisionqui pourraient porter atteinteaux intérêts d'oreridique desPhilippines.

Le caractère préliminairede la procédurede l'article 62
3. D'aprèsnotre lecture de la procédure prévue à l'article 62 du Statut, il ne s'agit pasici

d'une interventionàproprement parler,mais d'une décision préliminaire d le Cour sur le point de

savoir si une partie doit êtreautoriséeintervenir. Si cette procédure préliminaire aboutitune

décision positivede la Cour, alors l'intervenant reçoit copie des pièces de procédureet des

documents annexéset a le droit de présenterune déclaration écriteà laquelle les parties peuvent

répondrepar écrit,et de présenterau cours de la procédureorale des observationsmais seulement

((surl'objet de l'intervention». En vertu de l'article62 du Statut, la Cour ne se prononce pas sur

I'intérêett sur la façon dont il peut êtreen cause, mais elle dit seulement sitqui demande à

intervenira démontré qu'il aun intérêdt'ordre juridique etque celui-cipeut êtremis en causedans

la décision dela Cour. Nous ne disons absolument pas, comme lelaisse entendre M. Pellet et

comme ledit M.Cotyque la Courne prend pascettedécision.En revanche, nous disonsbien qu'en

l'absence de compétence ratione materiae et ratione personae, la Cour donne inévitablement

beaucoup de poids àl'appréciation subjectivde 17Etatqui demande à intervenir pour décider s'il

convient d'autoriser l'intervention. C'est seulement si la Cour fait droit à sa requêteque

l'intervenant,désormais muni des piècedse procédureet des documents annexés, peut participerà

la procédure dansles limitestrès étroitprévues àl'article85duRèglement. Il revientensuite à la

Cour de décider,s'ily a lieu, commenttenir compte de I'intérê dt'ordre juridique de l'intervenant

dans son propre arrêt. M. Magallona et moi-mêmeavions l'impressionmardi que nos éminents

amis se comportaient comme si nous avions reçu les piècesde procédureet documents annexés,comme si nous débattionsdéjàde ceux-ci et comme si nous étions tenusde présenternotre

argumentation,ce que nous ne ferions - et ne pourrions faire - que lors de la phase relative au

fond, une fois autorisésà assumer le rôle rigoureusementlimité d'intervenant. Or, nous n'avons

évidemmentpas reçu ces documents et nous ignorons leur teneur. En demandant le droit

d'intervenir,nous demandons notamment la communicationde ces documents.

L'intérêt d'ordjru eridique

4. En l'affaire du Dzflérend fiontalier terrestre, insulaire et maritime

(ElSalvador/Hondurm), requête àfzn d'intervention,,la Chambrea dit que

«il est...clair, d'unepart, que c'eàtl'Etatqui demande à intervenir d'établire façon
convaincantece qu'ilallègueet donc de supporterla charge de la preuve, d'autre part,
qu'ildoit seulement démontrerque son intérêt «peut» être affectéet non qu'ille sera
ou qu'ille sera nécessairement.)) (ArrêtC.I.J.Recueil1990,p. 117,par. 61 .)

Nous estimonsque nous avonsétablinotre intérê dt'ordre juridique d'unemanièrequi satisfaitaux

critèresde l'article 62. Premièrement,il existe un différend. L'Indonésiel'a reconnu mardi,en

parlant d'un différendqui existe depuis longtemps. M. Pellet l'a qualifié de((différend,ancienet

récurrent».La Malaisie,impliquéede longuedatedansce différend(son agent a même annoncéen

audiencepublique que sa propreposition n'étaitpas négociable)a maintenu - au méprisde toute

logique - qu'aucun différend n'existeet qu'en tous les cas lesPhilippinesn'ont aucundroit en la

matière. En soi, cela paraît une preuve éclatante de l'existenced'un différend,mais qui plus est,

les Parties ont toutes trois présentédes déclarationsconjointes qui confirment l'existence de ce

différend. Deuxièmement,ce différend n'estpas ;$e invention récenteet fantaisiste visant à

compliquerla présenteaffaire :au contraire,il est ancien et repose surdes argumentsjuridiques et

factuels très sérieux. Troisièmement,les Parties à cette affaire ont reconnu la revendication des

Philippines et, dans une déclaration internationale solennelle,elles ont confmé la position

commune selon laquelle cette revendication devrait être réglée conformément au droit

international. Nous soutenons que cette déclaration donnait une dimension internationale

importanteau différend,d'où découlend tes conséquencessur la procédurequi ont leur pertinence

dans une requêteau titre de l'article 62 du Statut. Quatrièmementynous avons démontré que

certains des traités surlesquelsnous pensons - avec encore plusd'assuranceaprèsavoir entendu

les argumentsexposésmardi - que les Parties sefondent sontdéterminantsen ce quiconcerne lesdroits que nous revendiquons sur certains territoires du Nord-Bornéo. Le fait que les conseils de

l'Indonésiedisentpouvoir invoquercertainsde cestraités alorsque ceux de la Malaisie prétendent

le contraire ne fait qu'accroître nos inquiétudes. Cinquièmement,nous avons démontré que les

interprétationsque la Cour peut être priéee suivreà la demande de l'une des parties pourraient

mettre en cause les intérêts dshilippines. En résumén ,ous estimonsque nous avons démontré,

commel'exige l'article 62, quenousavonsun intérê dt'ordrejuridique.

5. M. Cot explique que I'intérêq tue nous avons décritest «politique» et dépourvu de

fondementjuridique. Pour parvenir àcetteconclusion, ilse fonde surla déclaration faite ence sens

par l'agent dela Malaisiejuste avant sa propre interventionM. Pellet soutient que l'intérêt des

Philippinesne représentepas un intérêt auens de l'article 62du Statutde la Cour. Nous adhérons

entièrement à la jurisprudence énoncéepar la Cour dans les affaires Tunisie/Libye et

El Salvador/Honduras; Nicaragua (intervenant), selon laquelleune préoccupation portant surdes

règles et des principes générauxde droit ne constitue pas un intérêt suffisanatu regard de

l'article 62. Cela dit, ilne s'agitpas icide principesgénéde droit mais detraitésprécis relatifs

à un territoire qui ont un effet sur nous. Aucune de ces autres affaires ne concerne une situation

dans laquelle l'interprétation d'un traité territorial sulrequel se fonde l'une des Parties risque

d'avoir une incidence, peut-être profondes,ur les intérêts'un Etattiers, dont celui-ci souhaite

informer la Courqu'ils risquentd'être compromis.Nous ne sommes pas du tout d'accord avec

M. Cot lorsqu'ildit que l'arrêtportantsur la requêàfin d'interventionduNicaraguaest pertinent

au regardde cette question.

L'intérê est-il encause?

6. Notre intérêjtridique est-il en cause en l'affai?eLe critèreque pose l'article 62 est

soumis à une condition. L'Etatquidemande à intervenirdoit seulementmontrer que la décision est

susceptible («muyu en anglais) de porter atteinteà son intérêt. Danu sne affaire de différend

frontalier maritime, un Etat tiers peut montrer surune carte le vecteur d'une ligne d'équidistance

provisoire. En l'espèce, les chosessont plus compliquées.Nous avons demandécommunication

des pièces de procéduree,n vain; nousdevons donc procéderpar suppositions. M. Pellet a raison

de dire queMalteaussi s'estvu refuser l'accèsaux documents avantsa requêteà fin d'intervention,mais il s'agissait d'une affairede délimitation maritioù il suffisaitde carteset d'un minimumde

connaissance des ((principeséquitables)p)our avoir l'impressionque ses intérêté s taientmenacés.

Nous ne nous trouvons pas dans la mêmesituation. Les Parties qui nous ontrefusél'accèsaux

documents soutiennent qu'il n'y a pas de rapport entre leur différendet notre intérêt. Alors

pourquoi, après avoir solennellementconstatél'existence d'un différend, se sont-ellesmontrées

aussi opposées à autoriser un Etat voisinà consulter les documentspour apaiser ses craintes très

réelles? Il ne s'agissait pas, commeM. Pellet le laisse entendre,d'une questionde ((curiosité)i

d'une mission ((académique)).Uneinterventionfaite en application de l'article 62 constitue une

démarchetrop grave - sansparlerde soncoûtpolitique - pourêtre entreprisepar purecuriosité.

7. Dans les circonstancesde l'espèce,à quels critères de spécificité devrons-nousrépond ?re

Je dois ici revenir un moment,Monsieur leprésident, Madame et Messieursde la Cour, sur lerejet

de notre demandede documentsfaite en applicationde l'article 53du Règlementde la Cour. Nous

ne tentons pas, soit dit en passant, de faire appel de cette décision,comme l'avance M. Bundy,

mais, étant donné la nature de cette affaire, le refus de communicationdes pièces et documents

annexés entraînenécessairemendtes conséquencessur la procédureet sur le fond. Il ne s'agitpas,

commeje l'ai dit, d'une affaire oùil sufit à 1'Etattiers de consulter une carte officielle. Nous

avons besoin d'informations, et si nousavonsété privésd'accès aux pièces et aux conclusionsdes

Parties, les Etats qui nous en ont privés,en nous disant d'en (<deviner»la teneur et en nous

reprochant ensuitede ne pas avoirété précis,parodientle droit. Dans les circonstancesde l'espèce,

le ccmay,d, e l'expression«maybeaflected))dans l'article62doitêtre plus élastique.

8. En fait, les exposés del'Indonésieet de la Malaisie, mardi, n'ont pu que confirmernos

soupçons que l'intérêt des Philippine pourraiteffectivementêtre misen cause. Au paragraphe 31

de sa plaidoirie(CR 2001/2),M. Cot énumère quatre traités et accordssur lesquels une desParties

ou les deux se fondent - ou qu'elles contesten- à l'appuide leur titre sur les îles en litige,et il
I
conclut au paragraphe33 que le Gouvernement des Philippines «ne cite ... à l'appui de ses

prétentions territoriales surleBornéo septentrional)ucunde cestextes. Or la Cour se souviendra

que M. Magallona a parlélundide trois de ces quatre traités.M. Cot poursuiten soutenantdans le

mêmeparagraphe queni l'Indonésieni laMalaisien'ont fondé leur revendicatiotn erritoriale sur la

concession faite par le sultan de Sulu en 1878. Mais la description que M. Bundy donne de la chaîne de succession dit autre chose (CR20001/2, p. 37). Les déclarations faitesmardi par

l'Indonésieet la Malaisie prouventque de nombreuxtraités etaccordssur lesquels la revendication

des Philippines sefonde seront invoquésdevant la Cour, et que celle-ci sera presséed'en donner

des interprétationsquimettront certainementencausel'intérêt de Pshilippines.

9. MM. CotetPellet affirment,de différentes façons,que l'intérêt d'ordre juridiqdee 1'Etat

qui demande l'autorisation d'intervenir doitvoir un lien de connexitéavec le différendentre les

Partiesàl'instance,et que ce sontlesconclusionsdesParties qui définissent la portée acceptable de

l'intérêdteI7Etattiers. Puisque les Philippines nientavoirun intédtans l'issuedu différenden ce

qui concerne lesîles,M. Cot etPellet en concluentque l'intérêdte cet Etat n'a pas de lien avec

l'affaire en courset ne réponddonc pas aux critèresde l'article 62. Ils s'appuient surla requête

formuléepar Malteen 1984et l'intervention du Nicaraguaen 1990. Or les arrêts rendusdans ces

affairesjouent en notre faveur. L'objet légitime de l'intervention evnertu de l'article 62 n'est

effectivementpas de greffer une nouvelle affaire sur celle qui est pendante devant la Cour,mais,

comme la Chambre l'a expliquéen 1990, «[]Jebut d'une intervention fondée sur l'article62 du

Statut est de protégerun ((intérêdt'ordrejuridique)) d'un Etatusceptible d'êtreazecté par une

décision,dans une affaire pendante entre d'autres Etats...» (DlfSérend frontalier terrestre,

insulaire et maritime (El Salvador/Honduras), requête à fin d'intervention, arrêt,

C.I.J.Recueil1990,p. 133,par. 97;les italiques sontde moi.)

15 10. Nous ne trouvons rien dans la jurisprudence qui dise que la portéeacceptable d'une

intervention est définiepar les termes des conclusions, mais plutôt qu'elle l'est par les

conséquences que pourrait entraîner la décisiode la Cour. Le critèren'est pas laonnexitém , ais

le lien decause à ezet; il ne s'agit pas de savoir s'il existe un «lien de connexité))avec les

conclusions - encore faudrait-ilsavoir ce que cela veut dire- mais si la décision dela Cour

pourrait mettreen cause l'intérêdt'ordre juridique d'un Etat tiers. La Malaisieinsiste sur le fait

que, si son argumentationau sujet des îles peut s'appuyer sur certainstraitésque les Philippines

pourraient aussi invoquer,elle n'a aucun rapport deconnexitéavec la revendicationphilippinesur

le Nord-Bornéo.Mais si sa thèseen l'affaireimplique unechaîne du titre qui est en contradiction

avec celle que les Philippines invoquentpour revendiquer des territoires dans le nord de Bornéo,

l'interprétationretenueaura des conséquences surdes intérêtds'ordrejuridique. Si, plus tard, lesPhilippines saisissaient la Cour de leur revendication sur le Nord-Bornéo, comm elles l'ont

souvent proposé, commentla Cour pourrait-ellestatuer sur cetterevendication si elle a déjàrendu

une décisionla concernant - en l'absencedesPhilippines ?

11.M. Cot semble reconnaîtreque le critèreest celui du lien de cause à effet lorsqu'il

déclareau paragraphe 23 de sa plaidoirie que ((l'intérê d'tordre juridique en cause...doit être

affecté ... par la décision de la Cour et non par la seule motivation)). Je ne souhaite pas

entreprendre l'étudede la mesure dans laquelle la motivation d'un arrêtfait partie de la chose

jugée, c'estun débatvénérable au seid ne cette Cour,que M. Anzilotti avaitabordédutemps de la

Courpermanente. Il suffitde dire que lesmotivationsdes arrêtsde la Cour sont la substance même

du droit international. Les traités relatifs à un titre territorial et leurs interprétations«ont

nécessairementdes conséquences à l'égard desEtats tiers», comme l'a déclaréle tribunal arbitral

en l'affairerythréemémen.

12.Nous concluons,sur la base de la partie dudossieràlaquellenous avons eu accès, que la

probabilitéque la décisionde la Cour ait des incidences sur les intérêtes Philippines répondau

critèredu «may»de l'article62 etjustifie l'interventiondesPhilippines.

Quelest le quantum requis ?

13. L'article 81, paragraphe 2, alinéab), dispose que la requêteà fin d'intervention doit

spécifier((l'objet précde l'intervention)). Compte tenu du handicap dont nous avons souffert

dans les circonstances exceptionnelles de cette instance, à la différence d'une affaire de

délimitation maritime,et notamment faute d'accèsaux documents, la requêtedes Philippines

formule,aux alinéas a) et b), les objets suiva:ts

«a) Premièrement, de préserver et sauvegarder les droits d'ordre historique et
juridique du Gouvernementde la République desPhilippinesqui découlentde la
revendicationde possession etde souveraineté que ce gouvernementforme sur le
territoire du Bornéoseptentrional dansla mesure où ces droitssont ou pourraient

êtremis en cause par une décisionde la Cour relative à la question de la
souverainetésurPulau Ligitanet PulauSipadan.

b) Deuxièmement, d'intervenid rans l'instance pourinformer la Cour de la natureet
de la portéedes droits d'ordre historiqueet juridique de la Républiquedes
Philippinesqui pourraientêtremis en causepar ladécisionde laCour.)) Il y a environsix semaines, l'Indonéset la Malaisie ontdéposéleurs observationssur notre

requête,ce qui nous a permis de disposer d'un peu plus d'informations. Grâce à ces données

supplémentaires,M. Magallona a été en mesure, lundi, d'expliquerde façon un peu plusdétaillée

nos préoccupationset nos objectifs. Nousremercions M. Pellet (p. 16)d'avoir admisque le butde

notre intervention, pour informer la Cour, était,comme la Chambre l'a dit à l'occasion de la

requête à fin d'interventiondu Nicaragua, un but légitime ausens de l'article 62. En effet, dans

son ordonnance de 1999,la Cour plénière aautoriséla Guinée équatoriale àintervenir pour((faire

connaîtreses vuesquant à lamanièredontles revendicationsdu Camerounet du Nigériaconcernant

leurfrontièremaritimepourraientou non porter atteinteaux droits légitimeset aux intérêts d'ordre

juridique de la Guinéeéquatoriale)).Dans l'affaire du Dzférend+ontalier terrestre, insulaire et

maritime, la Chambre de la Cour a déclaré que (([c'était] à 1'Etat désireux d'intervenir qu'il

[appartenait]d'identifier l'intérêt d'ordre juridique coparlui commesusceptibled'être affecté

par la décision rendre en l'espèceet de montrer enquoi cet intérê[trisquait]d'être aff... Par

ailleurs,la Coura reconnu lecaractère spécifique chaqueaffaire :«Ce que 1'Etatqui demande à

intervenir doitétablirne peut être appréciéque concrètementet que par rapport à toutes les

circonstancesde 1'espèce.))

14. Nous soutenons respectueusement que la requête c,omplétéepar l'étudefouillée dela

revendicationhistoriqueprésentéepar M. Magallona, démontre amplemenlt'objet de l'intervention

auxfinsd'unedécisionauxtermesde l'article 62.

15.Sir Eli prétend pourtantque ce n'est pas suffisantet mardi, il a rappeléle luxede détails

qu'il avait infligésla Cour il y a vingt ans, lorsqu'il a, lui, exposé lesobjets de la ràfinte

d'interventionde Malte. Etantdonnéque larequêtede Malte aété rejetée,la méthodede sir Eli ne

semblepas l'exemple àsuivre, maisnouscomprenonsbienpourquoi il nous la recommande. Nous

soutenonsque lesobjetsénoncéa sux alinéasa) et b)de la requêdécriventclairementlesobjectifs

viséspar les Philippinesdans leur requêtefin d'interventionauxtermes de l'article62,qu'ils sont

conformes à lajurisprudencede la Couret qu'ils satisfontamplementaux dispositionsduditarticle. Délaisde présentationdela requête

16.Monsieur leprésident, Madame et Messieursde la Cour,je vais brièvementrépondre àla

question de la présentation tardive dela requête,soulevéepar M. Bundy. Pour apprécierla

question générale des délais de présentatioil,st importantde faire le lien entre la requàtfin

d'interventionet lademande antérieurede communicationdes piècesde procédure déposée par les

parties, conformément à l'article 53 du Règlement. Commeje l'ai signalélundi, la présente

requête auraipu être évité si l'accèsaux piècesde procéduren'avait paété refusé.

17.Les Philippinesn'auraient paspu présenter plustôt leur requête au titre de l'are3du5

Règlement ou de l'article 62 du Statut. Hormis le cas évidentd'un différend relatif à la

délimitation d'une frontièremaritime, il est logique, pour un Etat qui estime avoir un intérêt

susceptible d'êtremis en cause dans une affaire opposant deux autres Etats, de demander la

communication des pièces de procédureconformément à l'article 53 du Règlement. Quand

l'Indonésie estime-t-ellequ'il aurait fuéposerla requête au titre de l'article53Avant que les

Parties n'aient déposé leurs conclusions écrites Ce serait absurde, car il n'y aurait rien eà

communiquer. Le moment opportun estceluioù la majeure partie des piècesont été déposéeE s.t

c'est précisémentà ce moment-làque la Républiquedes Philippinesa demandé,puis demandéune

seconde fois, communicationdes pièces deprocédureconformément àl'article 53.

18. En raison de la nature de la présenteaffaire, les Philippines auraient difficilementpu

adresser leur requêteà fin d'intervention au titre de l'article62 du Statut avant d'avoir essayé

d'obtenir les documents. C'est seulement lorsqu'ilest devenu évidentque la communication des

piècesne leur serait pas accordée que les Philippinont formuléleur requêteà fin d'intervention.

Dèslors, nonseulementles Philippinesontrespectétous lesdélaisprévus,mais elles n'auraient pas

pu, d'un pointde vue logiqueetpratique, déposer leurequêteplustôt.

19.Partant, nous soutenonsque dansuncalculbien pesédu moment opportunpour présenter

notre requête,la balance penche en notre faveur. Nous ne considérons pasnon plus que notre b

intervention, si elle est approuvéepar la Cour, occasionnerades difficultésde procédurepour les

Parties ou pour la Cour. Commenous l'avons précisé n,ousne demandonspasune modificationde

l'instance,ni de la compositionde la Cour,ni de la portéedes conclusions,et nous accepteronsles

délais quels qu'ils soient qu'il plairaCourde fixer. 20. Monsieur le président, Madameet Messieurs de la Cour,je vous faisais remarquerlundi

que cetteaffaire était sansprécédent poutrrois raisons étroitementliées: le caractèrede l'intérêl,e

caractèrede l'instancedans laquellecet intérêetst enjeu, et le refus de communicationdespièces

de procédureet des documents annexés. J'ai fait valoir que l'article 62 était toutaussi important

pour la Cour que pour l'intervenant potentiel et que, dans l'affaire pendante, il est mêmeplus

1 8 important pour la Cour, en raison de la nature de l'affaire et des handicaps dont souffrent les

Philippines. Nous soutenons que les Philippines ont satisfait aux exigences de l'article 62 et

qu'elles devraientêtreautorisées à intervenir.

21. Monsieur Ie président,Madameet Messieurs de la Cour, nous comprenons bien que du

point de vue des Parties au litige, et dans une certaine mesure, du point de vue de la Cour, une

requête à fin d'interventionau titre de l'article62 est toujours embarrassanteet susceptibled'être

accueilliesans grand enthousiasme. L'intervenantest considéré commeun intrus, un importun,un

indésirable,un «trouble-fête» mal élevéu , n trublion. En ce sens, une intervention n'estjamais

((opportune)). Le paradigmedu Statut est binaire, bilatéral : un différendentre deux parties et,

mêmes'il y en a plus de deux, uniquemententre deux groupes d'intérêts.Cependant, les auteurs

du Statut se sont rendu compte que ce paradigme n'est pastoujours fidèle à la réalité.Mêmeun

différend bilatérapleut impliquer les intérêts dtieers, en ce sens que certainesdécisionsde la Cour

peuventmettre en cause ces intérêts. Lorsque ces dernier sont de naturejuridique, les auteursdu

Statut ont décidé,dans leur sagesse, qu'il étaitpréférableque la Cour, en tant que principale

institution judiciaire au monde, en soit informée plutôtque de rester dans l'ignorance et dans

l'oublide ces intérêts.

22. De lajurisprudence récentede la Cour il se dégageune nouvelle lecture de l'utilitéde

l'article62 et la reconnaissance du fait que, dans un monde d'interdépendancedont un nombre

croissant de différendss'inscrivent au rôle de la Cour, l'interventionconstitue l'autre facette de

l'interdépendance. Elle reflètela réalitéet elle a son rôleà jouer - un rôle normal- dans la

procédurede la Cour, quiest à la fois de protégerles intérêts'ordre juridique de1'Etattiers et de

protégerla fonctionjudiciaire. 23. Monsieur le président,Madame et Messieurs de la Cour, je vous remercie pour votre

attention. Monsieurleprésident,e vous invite appelerà la barrM. Magallona.

Le PRESIDENT : Je vous remercie, professeur Reisman. 1 will now give the floor to

Professor Merlin Magallona. 4

M. MAGALLONA :Monsieurleprésident,Madameet Messieursde la Cour.

1. Au cours des plaidoiries faites par l'Indonésie etla Malaisie le mardi 26 juin dernier,

plusieurs arguments ontété avancécsoncernant la définitionde ((l'intérêt d'ordre juriqeui est

en cause))pour les Philippines. Comme nousnous sommes efforcésde l'expliquer lors de notre

1 9 premiertour de plaidoiries,(d'intérdt'ordrejuridique))des Philippines repose sur l'interprétation

et l'application,ainsi que l'appréciapar laCour, de certainstraités, accords et autresdocuments

invoquéspar l'Indonésieet la Malaisie, et qui seraient susceptibles d'avoir une incidence sur les

revendicationsterritorialesémisesde longuedatepar lesPhilippines l'égard de certainsterritoires

duNord-Bornéo. L'existence d'un différen sdrieuxetancien quantà ces interprétationseà leurs

conséquencesnedevraitdésormais plus faire dedoute.

Réponse à l'Indonésie

2. L'agent de l'Indonésiea indiquéque son gouvernement n'avait pas pour l'instant

l'intention des'exprimer surle fond de la revendicationhistorique des Philippines concernant le

~ord-~ornéo'. M. Pellet a par ailleurs déclaréque l'Indonésie n'entendaitpas formuler

d'observationsur «ce différend, ancie...qui met aux prises...la Malaisie et les ~hili~~ines))~.

Mon gouvernement respecte cette position de l'Indonésie. Ainsi que nous l'avons souligné

lundidernier,les Philippinesn'ont pas,et n'ontjamais eu, l'intentionde développerles fondements

de leur revendication au cours de la présente procéduren,i de chercher à faire entériner, par

quelque gouvernement ou partie que ce soit, leurs arguments de fond concernant cette

revendication. Puis-je toutefois insister sur le fait que l'Indonésie, par ses déclarations,a

expressément reconnu qu'une revendicatiohnistorique avait été avancée,t que, selon ses propres

'CR 200112,p.10(Wirajuda).

CR 200112,p.22(Pellet). termes, il existait entre l'Indonésieet la Malaisie un ((différend,ancienet réàupropos de

cette revendication. Ces déclarationsne font que réitérer la positiojnudicieusement adoptée par

l'Indonésielors de l'accord de Manillede63,auquelj'ai déjàfait référence danmon exposé de

lundidernier.

3. Pourtant, tout enjouant l'indifférence enle fond de la revendication des Philippines

sur le Nord-Bornéo, l'Indonésieinvoquéces mêmeséléments de fond dans l'affaire qui l'oppose

à la Malaisie. Dans le volet de sa plaidoirie consacréaux conséquencesde la requête à fin

d'interventionsur le fond du différend entrel'Indonésie etla Malaisie,d^ ^affirmé quela

revendicationde la Malaisie sur les îles dedanet Ligitan avaitété affaibpar leséléments de

fond de la prétentiondes Philippines sur le Nord-Bornéo. Ainsi l'Indonésiereconnaît-elle les

éléments de fond positifs de la revendicationdes Philippinessur le Nord-Bornéo qui découlent de

la requêtedes Philippines et de la réaction dela Malaisieà celle-ci, ((qui ont une injuence

fondamentalesur la questionde la souverainetsurSipadanet Ligitan))opposant l'Indonésieet la

2 O Malaisie. A notre sens, les propos de l'Indonésie signqtue la déterminationde Ia souveraineté

sur Sipadan et Ligitan ne peut pas ne pas tenir compte, 1)d'un certain nombre de questions

centrales de la revendication des Philippines sur le Nord-Bornéo, et 2) de l'argument des

Philippines selon lequelle statutjuridique du Nord-Bornéo ne peutqu'être affpar la décision

qui sera rendue sur la question de la souveraineté dans l'affaire qippose l'Indonésie etla

Malaisie.

4. De toute évidence,la chaîne de successidR-du titre que la Malaisie considèrecomme

venant àl'appui de sa prétention territosur Sipadan& Ligitan,fondéecomme elle l'estsur ses

propres interprétations de trai,ccords et autres documents précis, en mêmtemps que sur les

représentationsqu'elle a formuléesleur égard,est liéà la successiondes titres sur lesquels les

Philippines se fondent pour faire valoir leur revendication territoriale sur le Nord-Bornéo.

Permettez-moi de m'attarder, pour l'étudieprlus en détail,sur cette «ramification», telle que

M. Bundy l'a décrite.

CR2001/2,p.36 (Bundy). 5. La Malaisiea fait étatd'au moinsquatretraitéset accordsdont elle soutientqu'ils ontune

incidence directe surla question de la souverainetésurSipadanet Ligitan. Si nouscomparonsles

arguments de la Malaisie avec ceux de l'Indonésie concernanlta chaîne de succession du titre

avancée parla Malaisie à l'appui de sesprétentions, nous auronsun bonaperçu de ce que pourrait

êtrel'atteinte portéeà l'intérêt dePshilippines-je dis si, parce que les Philippines n'ont pas eu

connaissancedesplaidoiriesde laMalaisie.

6. ~'Indonésie~ affme que la revendicationde souverainetéde la Malaisie sur Sipadanet

Ligitan repose sur un ensemble de droits de propriété, ou une successiod ne titres, qui obéià la

chronologiesuivante : initialement, ces deux îlesappartenaientau sultan de Sulu. Dans le courant

du XEe siècle,le titre du sultan a écédé à l'Espagne, laquelle l'à sontour cédé aux Etats-Unis

par letraitédu 7novembre 1900. Puis, parla conventionanglo-américainede1930,les Etats-Unis

ont cédé leutritreà la Grande-Bretagne, quia précédé dans sesintérêtlsaMalaisieactuelle.

La Malaisie affirme par ailleurs5que les Parties ont soumis quatre instruments juridiques,

parmi bien d'autres sans doute, à l'appui de leurs prétentions respectives devant la Cour. Ces

instrumentsjuridiques sont lessuivants :

- laconventionanglo-néerlandaisede 1891 ;

- la conventionconclueentre l'Espagne et lesEtats-Unisen 1900;

- l'échangedenotes intervenuentre les Etats-Uniset le Royaume-Unien 1907;et

- la conventionconclueentre les Etats-Uniset leRoyaume-Unien 1930.

Deux dates dans la successiondes titres de la Malaisietelle qu'elle a été décritear l'Indonésie,à

savoir 1900et 1930, correspondent à deux accords citéspar la Malaisie :la convention conclue

entre les Etats-Unis et l'Espagne en 1900 et la convention conclue entre les Etats-Unis et le

Royaume-Unien 1930. Dèslors, que se passerait-ilsi la Couraccueillaitl'interprétation suggérée

par laMalaisie de cesaccordsinternationaux ?

7. Examinons de plus prèsla convention conclue entre les Etats-Unis et le Royaume-Uni

en 1930. Il s'agitlà d'un instrumentjuridique déterminant,dans la mesureoù, si lepoint de vue de

la Malaisie tel qu'il estprésentépar l'Indonésie esctorrect- et il nous faudra nous en assurerau

CR 200112,p. 3(Bundy).
CR200112 ,.51,par.31(Cot). vu des plaidoiriesde la Malaisi-, alors la Malaisie prétend que la Grande-Bretagne obtenu son

titre suripadanet Ligitan du faitde la cession réaliear lesEtats-Unisen 1930. Il s'agitlà bien

sûr de l'interprétationde la conventionde 1930que nous supposons donnée par la Malaisie.Les

Philippiness'opposentà cette interprétationet fontvaloir lesargumentssuivants.

8.Tout d'abord, lesPhilippinesont un intérêdt'ordrejuridiquedirectdans l'interprétatide

la délimitationde frontièreconvenue entre les Etats-Unis et le Royaume-Uni en 1930, dans la

mesureoù ellesont succédédans ses intérêtsà l'unedes partieà cet accord,lesEtats-Unis.

9. En deuxième lieu, la convention de1930 ne saurait en aucune manière être interprétée

comme un instrument de cession. Commenous l'avons expliquél ,'objet et le but générle cet

instrument consistaient simplement à délimiterdes frontièresentre, d'une part, le temtoire des

~tats-unis6et, d'autre part, le territoire ({[apparàelYEtatde Bornéodu Nord sousprotectorat

britannique)). Laquestion du titre du Royaume-Unisur le territoire mentionnédans la convention

de 1930, ou dans l'échangede notes qui l'accompagnait, n'ajamais étésoulevée. La situation

juridique telle qu'elle a éillustrée lundi dernifait pendantà celle qui est néede la convention

anglo-néerlandaise de 1819. Celle-ci établitune ligne frontièreentre,d'une part, les «possessions

néerlandaises)et, d'autre part, le territoire dests sous protection))-en d'autres termes, elle

les séparelesuns des autres.L'Etatindépendant du Sabah sous protection britannique en1891est

le mêmeque 1'Etatindépendantdu Sabah sous protection britannique cité dansla convention

conclue entre les Etats-Unis et le Royaume-Uni en 1930. Les Philippines ont par ailleurs

clairement démontré que 1'Etatindépendantdu Sabah, de 1891 à 1930et au-delà, étaitadministré

par laBritishNorth Borneo Company par délégationd'autoritédu sultan de Suluà qui appartenait

la souverainetésur leNord-Bornéo.

2 2 10. En troisième lieu,dans leurs plaidoiriesde mardi dernier, ni l'agent ni le conseil de la

Malaisie ne se sontattardés surla questionde lacapacitéjuridiquedu Royaume-Uni à conclure des

accords concernant le Nord-Bornéo entre1878 et 1946. Pour les Philippines, cela signifie donc

que la Malaisie accepte: a) le caractèrequ'attribuent lesPhilippinesà l'autoritéexercéepar le

Royaume-Unisur le Nord-Bornéodurantcette période, b) le fait que leNord-Bornéo constituat n

OU((l'archipeldesPhilippines)).territoirerelevant indiscutablementde la souverainetédu sultande Suluet administrépar la BNBC

et, c) la réserve d'interprétation expressément formulée dans l'échange de note1 s9d0e7, selon

laquelle«le privilège d'administration))confér éla BNBC«n'[emporte]aucun droit immobilier)). *

Aucun effort de mémoire sélective ne saurait modifier ni réinterpréter l'esprit la convention
*
de 1930. La Grande-Bretagnene peut avoir acquis de souveraineté surSipadan et Ligitan par la

grâced'une interprétation que la Malaisiedonne de laconventionanglo-américainede1930.

11.Puisque, commel'affirmentlesPhilippines,le sultande Sulu a exercéde façoncontinue,

ininterrompueet internationalementreconnue,une souveraineté dejure sur le Nord-Bornéotout au

long de la période compriseentre 1878et 1962, il s'ensuit que les deux îles enquestion ont été

acquises par le Royaume-Uni en 1930pour le comptedu sultan de Sulu et au nomde celui-ci.

Ainsi, les deux îles dont le sultan avait perdu la possession au XIXe siècle sont revenuesau

Sultanaten 1930 !

12. Je voudrais préciserque les territoires cédépar le sultan aux Philippines en 1962 se

limitaientà ceux qui sont mentionnés et décrits danlse contratde bail Sulu-Overbeckde 1878. La

présenterequête à fin d'intervention se fonde uniquement surles droits du Gouvernementde la

Républiquedes Philippines cédés par le Sultanatde Sulu et acquis auprès de celui-ci. S'il existe

d'autres territoiresqui relevant du Sultanat,n'auraient toutefoispas été couverts ple contrat de

bail Sulu-Overbeck de 1878, les Philippines, en tant qu'agent et représentant duSultanat, ont

réservé leurpositionà l'égarddesditsterritoires7.

Réponse à laMalaisie

13. Puis-je aborder maintenant les argumentsque la Malaisie fait valoir contre la manière

dont les Philippines ont formulé leurintérêd t'ordre juridique ?L'argumentation dela Malaisie

repose sur la proposition critique selon laquelle les Philippines n'auraient pas ((d'intdt'ordre

juridique)) pertinent en l'instance parce qu'en dernière analyse leur revendication sur le

Nord-Bornéoest dépourvuede fondement et d'assise juridique8. Il me semble que j'ai déjà
i

' Cette réserveétéformulée pourla premièrefois lors des entretiens ministérielsanglo-phiàippinstenus
Londres en1963. Voira cet égardLa revendicationdes Philippinesconcernantle Nord-Bornéo,vol.II(Manille, Bureau
des impressions,68),p. 2.

CR2001/2,p. 39 (Moharnad);CR 200112,p. 48, par. 16(Cot);CR200112,p. 55,par. 6 (Lauterpacht).présentéà la Cour les élémentsles plus marquants de la revendicationet des droits historiquesdes

Philippines sur le Nord-Bornéo,dont nous estimons qu'ilssuffisenà satisfaire aux conditions de

fond de l'article2. J'ai démontré prima facie qu'il existe bienun différend juridiquesur la

question du statut du Nord-Bornéoentre, d'une part, la Malaisie en tant qu'elle a succédéaux

intérêtdse la Grande-Bretagne et, d'autre part, les Philippines. Je n'ai pas besoin d'y revenir.

Qu'il me soit permis toutefois de faire trois observationsen réponse aux points spécifsue la

Malaisiea soulevésmardi dernierquant à lavaliditéde larevendicationterritoriale des Philippines

sur leNord-Bornéo.

La portéedu différendsur leNord-Bornéo

14.Premièrement,je tiens à préciser que la revendicatides Philippines ne portepas sur la

légitimitde la Républiquede la Malaisieou de 1'Etatdu Sabah qui en fait partie; il nes'agitpas

davantage de prétendreque l'autodéterminationexpriméepar ce dernier n'est pas valable ou

qu'elleest mise en cause en quoique ce soit. La Républiquedes Philippines reconnaîtla légitimité

de lYEtatde Malaisie et de ses composantes politiques,comme cela ressort de leurs relations

diplomatiques, en particulier de leur participationNASE. La revendicationdes Philippinesest

d'ordre territorial et elle porte sur une partie du Sabah,qui appartient de droit aux Philippinesen

vertu d'un titre solide au regard du droit international, partie du Sabah que la Malaisie occupe

abusivement en se réclamantd'un titre vicié qui luia ététransmis par un précédent détenteur

illégitime du titre. Ni la confirmation par le Secrétaire générad les Nations Unies de

l'autodéterminationdu peuple de Sabah ni l'admission de la Malaisie aux Nations Unies ne

signifiaient rien de plus qu'une confirmation par la communautéinternationale de l'identité

politiquede la Malaisie. Tel est le caspour tous lestsadmisauxNations Unies. Aucune deces

actions n'impliquait une confirmation internationale de revendicationsterritoriales de la Malaisie

susceptiblesd'être contestéesD. e sorte que les argumentsde la Malaisie sur l'autodétermination

ou la non-négociabilitéde ((l'avenirdu peuple du Sabah» ne sont pas pertinents puisqu'ils ne

portent pas sur la revendicationdes Philippines,et c'estort que la Malaisie s'efforce d'imputer

aux Philippines des desseins dirigéscontre sa structure politique. En bref, les Philippines ne revendiquent pas l'ensembledu temtoire du Sabahet ne contestentpas la légitimité politique de ce

2 4 dernier. La République des Philippines revendiqueune partie d'un territoireauNord-Bornéo.A la

base,cetterevendicationdoit êtreévaluée en examinant la chaîne de successio dutitre.

Lesaccordsrelatifsau statutjuridiqueduNord-Bornéo

15.Deuxièmement, il sembleraitque les argumentsdes Philippines présentés lundd iemier

concernantla position desPhilippinessur le statutjuridique duNord-Bornéoaient été mal compris.

Ainsi, M. Cot a énuméré quatre instrumentsjuridiques9qui, selon la Malaisie,ont étinvoquéspar

l'une des Parties ou les deuxà l'appui de leurs thèses: 1)l'accord de frontièrede 1891entre le

Royaume-Uni et les Pays-Bas, tel que complété pal res accords de 1915 et 1928; 2) le traitéde

1900entre les Etats-Uniset l'Espagne;3) l'échangede notes de 1907entrele Royaume-Uniet les

Etats-Unis; et 4) l'accord de frontièrede 1930 entre les Etats-Unis et le Royaume-Uni. Il est

inexact dedire que nous n'avons mentionnéaucunde ces instrumentsjuridiques pour expliquerla

revendicationdes Philippinessur le ~ord-BornéolO.Nous avonscité troisde ces instrumentsdans

lecadre de lathèsegénérale que nousvoulions exposer, à savoirque cestextes s'inscrivent dansun

ensemble d'instrumentsjuridiques liésentre eux qui, placés dansle contexte normatif approprié,

rendraient assurémentcaduc tout titre de souverainetésur le Nord-Bornéoque ferait valoir le

Royaume-Uniou 1'Etatqui lui a succédédans sesintérêtsà,savoirla Malaisie.

16. On a également affmé que les Philippines avaient reconnu à quatre reprises le titre

britannique sur le ~ord-Bornéo". M.Lauterpacht a dit que les Philippines l'avaient fait en

concluantavec le Royaume-Unidifférentsaccords :les deux accordsrelatifs aux services aériens,

celui qui concerne l'emploide main d'Œuvreet un quatrièmequi est un échangede notes au sujet

d'une demande adressée aux Philippines par le Gouvernement britannique concernantun phare

situésur une île qui relèvede la souverainetédes Philippines. Les Philippines ne voientpas

comment des accords bilatéraux spécialisés relatifs aux services aériens ou a l'emploi de

maind'Œuvre,ou une proposition relative à l'entretien d'un phare, conclusentre 1948 et 1955,

pourraient leurêtreopposés commeconstituantde leur partunereconnaissancedu titre britannique

CR200112,p. 51,par.31(Cot).

'OVoir CR200112,p. 51,par. 32 (Cot).
IICR200112,p. 56,par. 11(Lauterpacht).sur le Nord-Bornéo ouun acquiescement àcelui-ci. En outre, c'est se méprendre surla théorie

fondamentalesur laquelle reposela revendicationdes Philippines sur le Nord-Bornéo.Commeje

l'ai expliquélundi dernier, le titre des Philippines sur le Nord-Bornéose fonde sur la cession de

certainsterritoires du Nord-Bornéoeffectuépear le Sultanatde Suluen faveur des Philippines. Du

pointde vuejuridique et logique,lesPhilippinesne pouvaientcontester les prétentionsbritanniques

relativesàlasouverainetésur leNord-Bornéoqu'après cette cession,réaliséen 1962.

La théorie philippinedudroitde souveraineté sur leNord-Bornéo

17. Ceci me conduit à mon troisièmepoint :la revendication des Philippinesà l'égarddu

Nord-Bornéon'étaip tossible qu'à partirde 1962,après quele Sultanatde Sulu ait finalementcédé

le Nord-Bornéoaux Philippines. Evidemment,cette positionest diamétralementopposée à lathèse

de la Malaisie, selonlaquellele Sultanatde Sulu a «disparu»en tant qu'entitéjuridiqueplusieurs

reprises. SelonM. Lauterpacht, le Sultanatde Sulu «a disparu))ou a été«aboli» comme entitéen

1878 àla suite de la conquêteespagnole,puis en 1915,dans des circonstances inconnues sousle

régimeaméricain,puis denouveau en 1936par une mesure qui n'estpas précisée qu'auraien ptrise

les Etats-Unis et une autre fois encore en 1936,la mort du sultanI2. Nous pouvons ajouterune

autre date de décès dusultan - 1946, annéeoù la Grande Bretagne a dissous unilatéralementle

Sultanatde Suluen annexantle Nord-Bornéopour en faireune coloniebritannique.

18.Le rappelde ladate critiqueà laquelleleNord-Bornéoa été cédaé ux Philippinesne peut

que réfuterl'argumentqu'a égalementprésentéM. Lauterpacht, selon lequel les Philippines se

seraient pour ainsi dire endormies sur leurs droits ou qu'elles auraient pu protester contrea

Grande-Bretagne, mais auraient alors préféré garder le silence. M. Lauterpacht dit que les

Philippines auraient pu s'opposer aux prétentions britanniques à exercer un droit sur le

Nord-Bornéoen 1947,au moment où un conseilleraméricaindu président des Philippines incitait

le Gouvernement philippin à dénoncer l'ordonnancebritannique de 1946 portant cession du

Nord-Bornéo. Toujours en 1947, selon lui, la Constitution philippine a été ratifiéepar un

référendum. Tous ces exemples de prétendue négligence des droits remontent à une époque

12VoirCR 200112,p. 5e58,par.12et15(Lauterpacht). antérieure à l'acquisition par le Gouvernement philippin de ses droits territoriaux sur le

Nord-Bornéo, qu'il tientdu Sultanat. En outre, un grand nombre de ces affirmations sont

inexactes.

19.M. Lauterpachta trouvéà redireàce que les Philippinesaientadoptéen 1961une loisur
CL
les lignes de base qui ne mentionne ((aucunerevendicationdes Philippines sur le Nord-Bornéo)).

La raison pour laquelle cette revendicationne pouvait alors figurer dans ce texte de loi doit être

évidente désormais, car les Philippines n'ont acquilse titre sur le territoire du Nord-Bornéo

2 6 qu'en1962. Les Philippines ont dûment amendé cetteloi de 1961 en 1968. La loi 5446 de la

République, amendantla loi3046 de 1961,dit bien quelesPhilippinesont acquisla possessionet

la souveraineté))l'égarddu Sabah,qui setrouve dans leNord-Bornéo.

20. A partir de 1962, la revendication philippinede possession et de souverainetésur une

partieduNord-Bornéo est devenueun droit d'ordre juridique.Sielle avaitexpriméeavantcette

date, elle aurait puuste titre être qualifiée de revendicationpoli. près l'actede cessiondu

Sultanat, les Philippines ont acquis des droits sur le territoire du Nord-Bornéo,qu'ellesétaient

tenues,en tant quesouverain,de préserveret de sauvegarder.

L'absencede fondementd'untitredela Malaisie à l'égardduNord-Bornéo,

la reconnaissanceparla Malaisiedela revendicationdesPhilippines,
et son obligationde résoudrele différendrelatiau Nord-Bornéo
par desmoyenspacifiques

21. Permettez-moi, Monsieur le président,Madame et Messieurs les membresde la Cour,

d'analyser unpeu en détail l'attide la Malaisie envers la revendication des Philippines. Dans

nos plaidoiries de lundi dernier, le 25juin 2001, nous avons exposéouraussi brièvementque

nous le pouvions les fondements historiques de la revendication des Philippines l'égardde

certains territoires du Nord-Bornéo parce quele fondementjuridique de cette revendicationest

intimement liéavec cette histoire. Simultanément,nous avons ainsimontréque le Gouvernement

britannique, tout comme la Malaisie qui lui a succédé dans ses intérêtn, raison des mêmes

considérations historiqueset juridiques, n'avait pas pu acquérirde titre de souverainetésur le

Nord-Bornéo. 22. Or, M. Lauterpacht nousdit que de ce fait «les Philippines se sont totalement méprises

sur lefondementdu titre de la Grande-Bretagne,et maintenantde laMalaisie,surle Nord-Bornéo».

Il a ainsi écarté touteréférenceau passé et voudrait désormais s'en tenir au fondement

contemporaindu titre britannique etlou malaisien. Selon lui,«ce titre ne repose aujourd'hui en

aucunefaçon surdesconcessionsou destraitésdu XIXesiècle)).Ne pouvant expliquercommentle

Gouvernement britannique a obtenu sontitre de souverainetésur le Nord-Bornéo, il lui est

évidemmentcommode de fairetablerase dupassé.

23. M. Lauterpacht a énuméré un certain nombre de points pour tenter d'asseoirce titre

hypothétiquesur un fondement contemporain. Toutefois,ces points reposent en grande partie sur

un malentendurelatifà lanaturede larevendicationdes Philippines.

24. Par exemple, M. Lauterpacht a accusé les Philippines non seulement de s'être

((endormies)sur leursdroitsdepuis 1946,maisde formuler unerevendicationfondée sur«centans

d'absence))du Nord-Bornéo. En réponse, nous devons de nouveau rappeler notre thèse

fondamentale, à savoir que la revendicationterritoriale des Philippines se fonde sur le transfert de

propriétéet de souverainetésur une partie du Nord-Bornéo parle Sultanat de Sulu, au profit du

Gouvernement des Philippines en 1962. Aussi, toute référence à des événements et à des

transactionsantérieurà cette cessionde 1962est mal venue s'il s'agitd'imputer auxPhilippinesun

défautd'affirmationde leursdroitsterritoriaux.

25. Deuxièmement, M.Lauterpachtinvoqueaussi une constitutionde 1947qui n'existepas,

et un référendumconcernanlteterritoirenational- maisil n'yen a pas eu.

26. Troisièmement,au sujet de la convention conclue en 1930 entre les Etats-Unis et le

Royaume-Uni :même s'ia lvait étéopportun pour les Philippines d'affirmer leur revendication

territoriale en s'abstenant de se référerraité entreles Etats-Uniset le Royaume-Unidans cette

constitution, il n'y avait guère de bonne raison dele faire parce que, comme l'a reconnu

M. Lauterpacht,le traitémentionne ll«Etatde Bornéodu Nord)) comme étantsimplement «sous

protectorat britannique))et non comme relevant d'unitrebritannique)). 27. Quatrièmement, M. Lauterpachtaurait dû se référer à la Constitution de 1935, qui

renvoyaitàcetraitéconcluentre les Etats-Uniset le Royaume-Uni,maià l'époque, lshilippines

n'avaient pas le statutd'Etat indépendantet souverain et ne pouvaient guère formuler de -

revendication. En outre, la Constitution de 1935a étéadoptée vingt-septans avant la cessiondu
.
Nord-Bornéo parle sultan de Suluaux Philippineset alorsquedes loyers étaient encore versés.

28.Nous savonsdonc maintenant quele titre de la Malaisiesur leNord-Bornéoest précaire,

et que les Philippines ont présenleur revendication au moment le plus approprié. Que nous

indique encore sur sa légitimité l'historique de la revendicationaprèsM. Lauterpacht, la

revendicationest ((notablementdéfaillante, ais s'il prend le temps d'étudierla position adoptée

par la Malaisie vis-à-visde celle-ci, la conclusion est tout autre. La Malaisie a, en maintes

occasions,non seulement reconnuqu'une revendicationétaitposée,mais qu'il fallaitla réglerdès

que possible,sans exclurequ'elle soitportéedevant la Cour internationaledeJustice.

29. C'est ainsi qu'enfévrier1964, le premier ministre malaisienest parvànun accord

avec le présidentphilippin pour débattre-selon leur communiqué - «dès que possible du

meilleur moyen de réglerle différend, sans exclure dele porter devant la Cour internationale de

Justice)). En août 1964,les Gouvernements malaisienet philippinont décidécommunaccord,

dans un échanged'aides-mémoires,d'organiser une réunionde leurs représentantsBangkok en

vue de préciserla revendication philippineet d'étudierles moyens de réglerle différend. En
*
février1966,les Philippines, répondaàtune note diplomatiquepar laquelle la Malaisie réitérait

son engagementde respecter les dispositions del'accordde Manilleet de la déclaration conjointe,

ont proposé«que les deux gouvernementsconviennent dès que possibled'un mode de règlement

qui soit mutuellement acceptable par les deux parties)). En juin 1966, les deux gouvernements,

dans un communiquéconjoint, convenaientune fois encore de se conformer l'accord de Manille

et à la déclaration conjointe, et ils réaffirmaient leur commune intention de préciser la

revendication philippineet les moyens de réglerla question. En août 1968,nouveau dans un

communiqué conjoint, les deux gouvernements décidaient detenir à l'échelon officieldes

entretiensconcernant la revendication philippinesur le Sabahaussitôt que ce serait matériellement

possible. En mai 1968,ils échangeaient des notesdiplomatiquesdans lesquelles ils convenaient

d'organiser des pourparlers officiels concernant la revendication des Philippines et les meilleurs moyens derégler ledifférendentre eux. A l'occasiondes entretiensde Bangkok, enjuillet 1968,la

délégation philippine posait la délégationmalaisienne une questionécrite:((Débattrez-vousavec

nous des modesde règlement denotre revendication dansle cadre de cette conférencede Bangkok,

que vousjugiez suffisantsou non, pour votre part, leséclaircissementsdonnés» La réponsede la

Malaisiefut sansréserveaffirmative.

30. Il ne s'agit là nullement d'efforts unilatérauxdes Philippines. Ils ont étémenés

conjointement, comme l'attestent les documents, par la Malaisie et les Philippines. Ils ont été

l'expression répétéed'une reconnaissance par la Malaisie de l'existence d'une revendication

philippine sur leNord-Bornéoet de son désir de régler pares moyenspacifiqueset à l'amiablele

différendquien découlait.

31. Enfin et surtout, que dire de l'allégationM. Lauterpachtselon lequel les Philippines

((n'ont pas étédisposées à assumer les conséquencesd'une véritableprocédure contentieuse

aboutissant àun arrêtpar lequelelles seraient liéesen tant que parti?13 Il suffit de se reporter

aux archivespourprouver quecette allégationest mensongère.

32. Qu'est-il arrivéen réalité? Devant la volontéde plus en plus marquéede l'opinion

publique des Philippines defaire valoir sa revendicationsur une partie du Nord-Bornéo, c'estle

Gouvernement britannique qui, dans un aide-mémoire au Gouvernement philippinen date du

24 mai 1962, s'est résolumentopposé-je cite- à (toute revendication sur une partie du

Nord-Bornéo,qu'elle soit présentéepar le Gouvernement philippinou par des particuliers aux

9 Philippines)). Cette déclarationétait assortie dansce mêmetexte de la menace qu'un différend

public avec le Gouvernementphilippin sur le Nord-Bornéo-je cite à nouveau un passage de

l'aide-mémoire- ((risqued'altérerles relationsamicalesactuellesentre la Grande-Bretagneet son

alliée,la Républiquedes Philippines)). Ce ne sont pas des propos qu'un petit Etat nouvellement

indépendantpeutprendre àla légère.

33. Lors des entretiens anglo-philippins tenusLondres en février1963 à l'initiative des

Philippines, les délégations philippine etbritannique ont consacrédes débatsprolongés à la

revendicationphilippine sur le Nord-Bornéo. Dans ces conversationsl,es Philippines ontproposé

lCR2001/2,p. 61,par.25,(Lauterpacht) de soumettre le différendjuridique portant sur cette régionà la Cour internationale de Justice.

Cette proposition a été renouveléuen mois plustard dans des réunions organiséeesntre les deux

gouvernements à Manille. En août 1963, le ministre philippin des affaires étrangèresa

expressémentproposé unefois encorede saisirla cour14.
*
34. Toujours en 1963, le ministre philippin des affaires étrangères a envoyéune note à

l'ambassadeurde Malaisie àManillepar laquelleil lui demandaitson concours((pourfaire en sorte

que le Gouvernement britannique consente à soumettre le différendsur le Nord-Bornéo à la

juridiction de la Cour internationalede Justice)). Une note analogueétaitadresséeambassadeur

d'hdonésie à Manille.

35. Dans une déclarationde politique générale devantla vingt-quatrième session de

l'Assembléegénérale des Nations Unies, le ministre philippin desaffaires étrangères aréitéré sa

proposition de porter le différendsur le Nord-Bornéodevant la Cour internationale de Justice.

L'année suivante, en 1970, le ministre des affaires étrangères philippin, à nouveau devant

l'Assemblée générald ees Nations Unies, a exprimél'espoir que la Malaisie accepterait de

soumettrela revendication philippinesurleNord-Bornéo àla Courinternationalede Justice.

36. Un peu plus tôt, en octobre 1968, à l'Assembléegénérale des Nations Unies, les

Philippines avaient appeléla Malaisie à saisir la Cour internationale de Justice pour régler le

différend. Elles répondaient ainsiaux critiques de la Malaisie concernant la revendication

philippine, qualifiéepour reprendre les termes du délégué malaisien d'«une accumulation de

chimères, de contre-vérités etde fiction)). Ces mots ont trouvé unéchomardi dernier chez

3 O M. Lauterpacht,qui a appeléla revendication philippineune prétentionfallacieuseet ((notablement

défaillante)).Mais qu'établissentdonc lesfaits La ((prétentiofallacieuse))est un aveu de lapart

de la Malaisie qu'elle reconnaît la revendicationdes Philippines, ainsi que l'obligationqui est la

siennede réglerledifférend surleNord-Bornéo de manière pacifique.

l4Il étaitproposé«queles deux gouvernements conviennentde signerun compromis pour porter le différend qui
les opposaitdevant la Cour internationalede Justice, afinque celle-ci décidesi la souverainetésur le Nord-Boméo etsa
possession reviennent République des Philisu au gouvernementde Sa Majes; ote des Philippinesen date
du 21 août 1963, adreàTheo Peters, chargéd'affairesde l'ambassade BretagnàeManille. Texte dansLa
revendication philippine sur le Nord-BII,Manill:bureaudes impressions,1968,p. 112-113. Conclusion

37. Monsieur le président,Madame et Messieurs les Membres de la Cour, j'aimerais

terminer en rappelant une observationqu'a faite M. Lauterpachtdevant vous mardi.l a citéune

maxime latine,exfactisjus. C'est unadage cyniqueet menaçant,l'antithèsemêmedu droit, car il

signifie que la force fait le droit. SirHersh Lauterpacht, quisiégeait autrefois Cour, disait

l'inverse.Sa maxime à lui étaitex delicto nonoriturjus. Le droit ne saurait procéderdu délit.

Mon pays croit au droit international et c'est avec confiance qu'il s'est tourné vers aour

internationalede Justice,persuadéque la mission de la Cour est de faire triompherle droit, et non

la force brute. Permettez-moi, Monsieur le présiden, adame et Messieurs de la Cour, de vous

inviteràdonnerla paroleà notre agent,M. Eloy Bello, poursa déclarationfinale qu'ilva prononcer

au nomde laRépubliquedes Philippines. Je vousremerciede votre aimableattention.

Le PRESIDENT :Je vous remercie beaucoupMonsieur le professeur. 1now givethe floor

to AmbassadorEloyBello,Agent oftheRepublicofthe Philippines.

M. BELLO :

1. Monsieur le président, Madameet Messieurs les Membres de la Cour : au nom de la

Républiquedes Philippines,je tiensà remercier la Cour de m'ofir cette occasion d'exposerles

motifs de la requête à fin d'intervention, déposéear le Gouvernement de la Républiquedes

Philippines en l'affaire relativeà la Sozcverainetésur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan

(Indonésie/Malaisie)C. ommeje l'ai indiquédans mes remarquespréliminaires, la Républiqudees

Philippinesattacheune importancecrucialeà cette affaireet est profondémenthonoré-e commeje

le suismoi-même - de l'occasionqui luiest donnée dedéfendresa cause devantvotreCour.

2. Les conseilsdesPhilippinesse sont chargés de réfuter les argumentsd'ordre jurideuiq

ont été opposésà notre requêteà fin d'intervention, maisl'un des points soulevéspar les parties

adverses comporteune critique d'ordre politiquecontre mon gouvernement,à laquelleje me dois

de répondre. Eneffet, nos adversaires prétendent,non pas que le Gouvernementdes Philippines

n'aurait pas respectéun délaiixpéar la Cour, ce qui seraitd'ailleurs faux, maisbien qu'il n'a pas

soumis ses requêtes, d'abord fin de communicationdes pièces puisàfin d'intervention, entemps

utile. Bien que notre conseil ait déjàréfuté cette allégation, je tienà souligner que mongouvernementa agi avec prudenceet mesure,eu égard au respectque nous avonspour la Couret à

nos relations amicales avec la Malaisie et la Républiqued'Indonésie, et conscientsde ce qu'une

interventiondevantla Cour internationaledeJusticeest une démarchegrave. Je récuse - etje sais

que la Cour récuseraaussi - toute allégation insinuanqt ue la requête desPhilippinesn'estqu'une

aventureou un élément de propagande politique.

3. Au nom de la Républiquedes Philippines,je souhaiteénoncer à nouveau les mesures que

mon gouvernement sollicite de la Cour dans le cadre de la présente requête à fin d'intervention.

Nous demandonsl'applicationdes dispositions del'article 85 duRèglement, àsavoir :

- paragraphe 1 : «I7Etat intervenant reçoit copie des pièces de procédureet des documents

annexés et aledroit de présenterune déclarationécrite dansun délai fixé par laCour)),

- paragraphe 3 :«L7Etatintervenanta le droit de présenterau cours de la procédureorale des

observationssur l'objet de l'intervention.»

Comme notre conseil l'a déjà indiqué s,i la lecture des documents nous permet de dissiper les

préoccupations suscitées par le compromis ainsi que par diverspassages des observations de la

Malaisie, les Philippines en informeront la Cour et renonceront à exercer les voies de droit qui

s'offrentà elles.

4. Pour terminer, je désireattirer l'attention de laCour sur le fait que la requêtedes

Philippines à fin d'interventions'inscrit dans le contexte plus large des conflitsterritoriauxrestés

en souffrance dans notre région, en sombre héritage de l'impérialismeet du colonialisme

occidental. Celadevraitrappeleraux paystelsque l'Indonésie,laMalaisie et les Philippinesque le

règlementjudicieux de tels problèmesest vraiment un défiqui exige créativité et patience pour

mettre en Œuvre et rechercher des moyensjuridiques et pacifiques de résoudredes différends

politiques héritésdu passé. Dans cette optique,les Philippinesconsidèrentque le rôle de la Cour

est essentielà un doubletitre :non seulement commeinstance dont les décisionsfont autoritépour

réglerles différends,mais aussi en tant que cadre permettant un dialogue ouvert et la résolution

généraliséedes conflitsdanls emonde post-colonialdu XXIesiècle. Merci, Monsieurle président,

Madameet Messieursles Membresde la Cour. Le PRESIDENT:Thank you, Mr.Arnbassador. That concludes the second round of oral
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argumentof the Republicof the Philippines. The Courttakes note of the final submissions which

you haveread on behalf of the Philippines. The Court meet again tomorrow, Fnday 29 June,

at 10a.m., for the second roundof oral argument of Indonesia and Malaysia.k you. The

Sittingis closed.

TheCourtrose ut Il1Oa.m.

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