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CR 97/16 (translation)

CR 97/16 (traduction)

Monday 13 October 1997

Lundi 13 octobre 1997 Le VICE-PRESIDENT, faisantfonction de président :Veuillezvous asseoir. La séanceest

ouverte. La Cour est aujourd'huiréunie,conformémentau paragraphe 4 de l'article79 de son

Règlement,pour entendre les exposésoraux des Parties surdes exceptionspréliminairessoulevées
-_
dansdeux affairespar ledéfendeurleRoyaume-UnideGrande-Bretagneet d'IrlandeduNord dans
l'affairerelatiàedes Questions d'interprétatiet d'applicationde la conventionde Montréal

de 1971 résultantde l'incidentaéride Lockerbie (Jamahiriyaarabelibyennec. Royaume-Uni);

et les Etats-Unisd'Amérique dansl'affairerelaàides Questionsd'interprétatint d'application

de laconventiondeMontréalde 1971résultantdeI'incidentaériendeLockerbie (Jamahiriyaarabe

libyennec. Etats-Unis d'Amérique).

Bien qu'il s'agisse d'instancesdistinctesintroduites par des requêtes distin-,esla -

position du demandeurest, danscesdeux instances,la même;et il enva de même equi concerne

la position du demandeur en tant que défendeurvis-à-vis des exceptionspréliminaires soulevées

dans chacune de ces instances, car les réponses qu'ila adressées auxdeux séries d'exceptions

préliminairesreposent essentiellementsurle même fondement.La Cour a en conséquenceestimé

que des mesures s'imposaient l'effetde rationaliser le déroulementde la procédureorale sur ces

exceptionspréliminaires dansles deux affaires, et en particulier d'éviterd'inutiles répétitions; des

mesures de cettenature avaientdéjàété prises aux finsprocéduresafférentes aux demandesen

indication demesures conservatoiresprésentées dansles deux affaires. Après avoirconsultéles

gouvernements intéressés, laCour a décidéde procédercomme suit :elle entendra d'abord les

plaidoiriesduRoyaume-Unisurlesexceptionsqu'ilasoulevéesdansl'affaireibyec.Royaume-Uni,

qui est la premièredes deux affairàavoir étéinscrite au rôle; puis elle entendra les plaidoiries

des Etats-Unisd'Amériquesurlesexceptionsqu'ilsont soulevéedansl'affaireLibyec.Etats-Unis;

enfin, elle entendra les réponsesde la Liàyces plaidoiries dans les deux affaires.

L'article2 duRèglementde laCourprévoitque si lePrésidentdelaCour est ressortissant del'une

des parties dans une affaire, il n'exerce pasla présidencedans cette affaire. Le Présidentde la

Cour, M. Schwebel, n'exercerapas la présidencedans l'affaire qui oppose la Libye et les

Etats-Unis d'Amérique. Bien que l'article32 ne s'appliquepaà l'instanceentre la Libye et le

Royaume-Uni,M. Schwebelaestiméappropriédenepasexercerlaprésidenceégalemen dtanscette ,.--.,7, affaire. Il m'incombe,donc,enmaqualitédevice-présidentde laCour,d'assurerlaprésidencedans
."L;, ,.J

les deux affaires, conformément à l'article 13 du Règlement.

Par lettresen date du 23 novembre 1995, leGreffier a aviséles Parties aux deux affaires de

ce que Mme Higgins, conformément auparagraphe 1 de l'article 24 du Statut de la Cour, avait

demandé à ne participer aujugement d'aucunede ces deux affaires,au motif qu'avantsonélection

à la Courelle avait été conseilduRoyaume-Unidans l'affaireLibyec. Royaume-Uni. Par lettre du

5 mars 1997, l'agent adjoint du Royaume-Uni, se référantaux articles 31 du Statut et 37 du

Règlement, a fait connaître à la Cour son intentionde désigner sirRobert Jennings pour siégeren

qualité dejuge ad hoc dans l'affaire Libye c. Royaume-Uni; aux termes du paragraphe 1 de

l'article37 du Règlement :

«Si un membre de la Cour ayant la nationalitéde l'unedes parties n'estpas ou

n'estplus en mesure de siégerdans une phase d'une affaire,cette partie est autorisée
à désignerun juge ad hoc dans un délaifixépar la Cour ou, si elle ne siègepas, par
le Président.))

Conformément au paragraphe3 de l'article35 du Règlement, copie de cette lettre a été

communiquée par le Greffier au Gouvernement libyen, qui a été informé quela date d'expiration

du délaidans lequel laLibyepourraitprésenterlesobservationsqu'ellevoudraitfaire avaitété fixée

au 7 avril 1997. Aucune observationdu Gouvernement libyen n'est parvenue à la Cour dans le

délaiainsi fixé. Par lettres en date du 30 mai 1997, le Greffier a fait savoir à la Libye et au

Royaume-Uni, ainsi qu'auxEtats-Unis d'Amériqueque la Cour était disposée à recevoir d'eux,

le 30juin 1997 au plus tard, toutes observations qu'ils eussent souhaité formulerau regard du

paragraphe 5 de l'article 31du Statut. Cette disposition est ainsi libellée :

((Lorsque plusieurs parties font cause commune, elles ne comptent, pour
l'applicationdesdispositionsquiprécèden[ tconcernantladésignationdejuges ad hoc],
que pour une seule. En cas de doute, la Cour décide.))

Chacun des trois gouvernementsa adressédes observations à la Cour dans le délaiprescrit à cet

effet. Par lettres du 16 septembre1997, le Greffier a informéla Libye et le Royaume-Uni, ainsi

que lesEtats-Unis d'Amériqueque la Cour, aprèsen avoir délibéré é,tait parvenue à la conclusion

que la désignationd'unjuge ad hoc par le Royaume-Uni sejustifiait dans la phase en coursde la
,/Y,: P.
, 1 . procédureen l'affaire;et quesir Robert Jenningssiégeraitdèslorsaux fins desprésentesaudiences
J ! I..,

dans l'affaireLibyec. Royaume-Uni,et prendrait part aux délibérationsque la Cour tiendrait dans

cette phase de l'affaire. J'enviensdonc maintenant à l'agréabldevoir qui m'incombed'installer sirRobert Jennings.

Il n'esàl'évidenceplus besoin de présentercette éminente personnalit,ien connue de la Cour
-
commede voustous. Sir Robert, aprèsavoir accompliune longueetbrillante carrièreuniversitaire

et avoir étéle conseil trèsécoutédivers gouvernements,a étémembrede cette Cour de 1982 à

1995et en a étéle distingué présidete 1991 à 1994. Nous sommes à la fois honoréset heureux

de le retrouver parmi nous. L'article20 du Statut prévoit quetout membrede la Cour doit prendre

en séance publique l'engagemenstolenneld'exercersesattributionsenpleine impartialitéetentoute

conscience; le paragraphe6 de l'article31 du mêmeStatut rend cette disposition applicable

égalementauxjuges ad hoc. Par ailleurs, le paragraphe 3 de l'article8 du Règlementde la Cour

préciseque lesjugesad hocprononcentune déclaration à l'occasionde toute affaiàlaquelleils liir

participent,«même s'ilsenont déjàfait unelorsd'uneaffaireprécédente). n conséquencej,'invite

àprésentsir Robert Jennings à prendre l'engagementsolennel viséà l'article20 du Statut et je

demanderai à l'assistancede bien vouloir se lever.

Sir ROBERT JENNiNGS :

«Je déclare solennellementque je remplirai mes devoirs et exercerai mes
attributions de juge en tout honneur et dévouement,enpleine et parfaite impartialité
et en toute conscience.))

Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de président : Je vous remercie.
Veuillez vous

asseoir. Je prendsacte de l'engagementsolennelpris par sir Robert Jennings et le déclaredûment
-
installécommejuge ad hocdans l'affairerelatiàedes Questions d'interprétatint d'application

de laconventiondeMontréalde 1971résultand te l'incidentaérideLockerbie (Jamahiriya arabe

libyennec. Royaume-Uni)(Exceptions préliminaires).

Je rappellerai par ailleurs que, la Cour ne comptant pas sur le siègede juge de nationalité

libyenne, la Libye, dans chacune des deux affaires, s'est prévalue dudroit que lui confère le

paragraphe 2 del'article 31du Statutdeprocéderàla désignationd'unjuge ad hoc;M. El Kosheri,

-/ i désigné pour siéger en cettequalité dansles deux affaires, a étédûment installéen 1992,lors de
w . :
la phase de ces affaires consacréeaux demandes en indication de mesuresconservatoires.

Les instances ont été introduile 3 mars 1992par ledépôt simultanéau Greffe de la Cour

de deux requêtes séparéed se la Jamahiriya arabe libyenne,l'unecontre le Royaume-Uni de

Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord et l'autre contre les Etats-Unis d'Amérique,au sujet de différendsqui, selonces requêtes,concernentl'interprétationoul'applicationde la conventionpour

la répressiond'actes illicites dirigés contrela sécurité del'aviation civile, signéeontréalle

23 septembre 1971. Dans lesdites requêtes, il est fait référence à la destruction le

21 décembre1988, au-dessus de Lockerbie (Ecosse), de l'appareilqui assurait le vol 103 de la

Pan Am, ainsiqu'auxaccusationscontredeuxressortissantslibyens,prononcées respectivementpar

leLord Advocated'Ecosseetun GrandJury desEtats-Unisennovembre 1991,selon lesquellesces

deux ressortissants libyens auraient notamment fait placerà bord de l'appareilune bombe qui, en

explosant, l'auraitdétruit.

La Libye, dans chacune de ses requêtes, expose queles allégations faisantl'objetde ces

accusations constituent une infraction pénale auxfins de l'article premierde la convention de

Montréalde 1971; que cette convention est la seule convention pertinente en vigueur entre les

Parties qui traite detelles infractions;et que lesParties sonttenuesd'agiren conformitéavecladite

conventionpour toutequestionrelativeau vol 103de la Pan Am et aux accusés.La Libye soutient

que, alors qu'elle a satisfait pleinementà toutes ses obligations au regard de la convention de

Montréal - notamment en prenant toutes les mesures qui s'imposaient du faitque les accusésse

trouvaient sur sonterritoir-, le Royaume-Uniet les Etats-Unisont violéet continuentde violer

les leurs - notamment en tentant d'empêcherla Libye d'établir sa compétencleégitimepour

connaître de laquestion, enfaisant pression sur la Libye pour qu'elleleur remetteles accuséset en

refusant d'accorderl'assistancesollicitée par les autoritésjudiciailibyennes à l'effet depouvoir

mener à bienla procédure pénale engagéepar elles. Au termede chacune de sesrequêtes, laLibye

prie la Cour de dire et juger que le défendeur

«estjuridiquement tenu de mettre fin et de renoncer immédiatement à ces violations
et à toute forme de recours à la force ou à la menace contre la Libye, y compris la
menace de recourir à la force contre la Libye, ainsi qu'à toute violation de la
souveraineté,de l'intégrité territoriet de l'indépendancepolitique de la Libye)).

,'./, ,- Les requêtes invoquent comme base de compétencele paragraphe 1 de l'article 14 de la
,: ii

convention de Montréal, ainsi conçu :

((Tout différendentre des Etats contractants concernant l'interprétation ou
l'application de la présente convention qui ne peut pas êtreréglépar voie de
négociationest soumis à l'arbitrageà la demande de l'und'entreeux. Si,dans les six
mois qui suivent la datede la demande d'arbitrage,les Parties ne parviennentpas àse
mettre d'accordsur l'organisationde l'arbitrage, l'unequelconque d'entreelles peut
soumettre le différend à la Cour internationale de Justice, en déposant une requête
conformément au Statutde la Cour.)) Le 3 mars 1992,ayant déposé ses requêtes introductivd e'instance,le Gouvernement dela

Jamahiriya arabe libyennea égalementprésenté dans chaque affaire une demandeen indicationde

mesures conservatoiresconformément à l'article41 du Statut de la Cour. Ces demandes tendaient

d'une part à prévenirtoute action des défendeursvisant à contraindre la Libye à remettre les

personnes accusées,et d'autre partévitertoutemesurequi eût portéatteinteaux droitsde la Libye

dans lesaffairessoumises à laCour. Parordonnancesendate du 14avril 1992,laCour, seréférant

à la résolution748 (1992) adoptéepar le Conseil de sécuritéle 31 mars 1992, a dit que les

circonstances de l'espèce n'étaient pas neatureà exiger l'exercicede son pouvoir d'indiquerdes

mesures conservatoires.

Par ordonnances du 19juin 1992,la Cour a fixéau 20 décembre 1993 la date d'expiration W

des délais pourle dépôtpar la Libye d'unmémoiredanschaque affaire,et au 20juin 1995la date

d'expiration des délaispour le dépôtde contre-mémoirespar le Royaume-Uni et les Etats-Unis

d'Amérique,respectivement. Les mémoiresont été déposés dan lss délais ainsi prescrits. Dans

les délais fixépour le dépôtdes contre-mémoires,le Royaume-Uni et les Etats-Unis d'Amérique

ont chacun déposé des exceptionspréliminaires à la compétencede la Cour et àla recevabilité de

la requête. La procédure à suivre après le dépôt d'exceptions préliminaires est régipear le

paragraphe 3 de l'article79 du Règlement;conformément à cette disposition,dèsréceptionpar le

Greffe de l'acte introductifde l'exception,laprocédureest suspendueet une procédureparticulière

doit êtreorganisée pour permettre à la Cour d'examiner ces exceptions. Par ordonnances
*

du 22 septembre 1995, la Cour a fixéau 22 décembre1995 la date d'expiration des délais dans

lesquels laLibyepourraitprésenterdes exposésécritscontenantsesobservationset conclusions sur

les exceptions préliminaires soulevéesrespectivement par le Royaume-Uni et les Etats-Unis

.-~,:-,
; \.. d'Amérique.Dans les délaisainsi prescrits,la Libye aprésentédetels exposés,auterme desquels

elle a priéla Cour de rejeter lesexceptions préliminaireset de poursuivre la procédure quant au

fond du différenddans chaqueaffaire.

Par lettre du 12 mars 1992,le Greffier avait informéle secrétairegénéradle l'organisation

de l'aviationcivile internationale(OACI),conformémentau paragraphe 3 de l'article34 du Statut,

que l'interprétatide la conventionde Montréal étaim t ise en questiondans les deuxaffaires. Par

lettre du 19 février1996, le Greffier lui a communiquéles pièces de la procédureécriteen -7-

application de la mêmedisposition et a précisé,en se référantau paragraphe2 de l'article69 du

Règlement, que,si l'organisationsouhaitait présenteà la Cour des observationsécrites,celles-ci

ne devraient porterà ce stade que sur les questions de compétenceet de recevabilité. Par lettre

du 26juin 1996,le secrétairegénéradle I'OACIa faitsavoir àlaCour que l'organisation«nfa[vait]

pasd'observationsà fairepour le moment))mais désiraitêtretenue informéede l'évolution desdeux

affaires, afin d'êten mesure de déterminers'ilconviendrait de présenterdes observations à un

stade ultérieur.

Il incombe maintenant à la Cour d'entendreles Parties sur les questions afférenteà sa

compétenceet àlarecevabilitéde larequête danschacunedes deuxaffaires. Commeje l'ai indiqué

il y a un instant, la Cour a décidé d'entendre d'abord le Royaume-Uni dans l'affaire Libye

c. Royaume-Uni.

Avant de donner la parole à l'agent du Royaume-Uni, je dois annoncer que, après s'être

renseignée auprèsdes Parties, la Cour a décidé, conformémen atu paragraphe2 de l'article53 de

sonRèglement,derendreaccessiblesau public lesexceptionspréliminairesdu Royaume-Unietdes

Etats-Unisd'Amériquee ,t les observationset conclusions afférentesde la Libye. Les documents

qui étaient annexésàces pièces seronten mêmetempsrendus accessiblesau public, à l'exception

de l'annexeno 16 du Royaume-Uni.

Je donne à présent la parole à sir Franklin Berman, agent du Royaume-Uni de

Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord.

Je donne maintenant la parole à Sir Franklin Berman, agent du Royaume-Uni de

Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord.

Sir FranklinBERMAN :Monsieur le Président;Messieurs de la Cour.

, , /, 1.1.C'esttoujoursun honneurde comparaîtredevantvous entant qu'agentduGouvernement
.. :L+
du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlandedu Nord. C'est égalementun plaisir de me

présenter devantvous en cette qualité sitôt aprèsmaprécédentcomparution même si cette fois-ci

je me trouve dans la situation un peu moins confortable de représenter laPartie défenderesseà

l'action dontla Cour est saisie. Permettez-moi toutefoisde saisir cette occasion qui s'àmoie

d'offrir mes félicitations personnelles ainsi que celles de mon gouvernement à vous et à

M. Schwebelaprèsvos élections récentes aux postesde Vice-Président etde Présidentde la Cour - 8 -

et d'exprimernotre satisfactiànvousvoirassumerlaprésidence de laCour en laprésente instance.

Votre connaissanceapprofondiedudroitinternationalpublic, vosracinesjuridiques plongeantdans

un système qui combine deséléments du droit romain et de la Common law ainsi quevos écrits

sur le droit islamique vous confirent une compétence toute particulièrepour présider,avec la

compréhension quis'impose,une affaire où se mêlentde façon inhabituelleet stimulante le droit

pénal écossais, laprocédurepénaleécossaise,le droit des traitéset le droit de la Charte des

Nations Unies. Je dois égalementexprimer ma satisfaction toute particulièrede voirà nouveau

siégerparmivous l'éminentet trèsadmiréex-Président,sir Robert Jenning s même s'iln'occupe

pas sa place habituelle.

1.2.Monsieur le Président,j'ai dit devant cette Cour que nous comparaissionsen qualitéde e

défendeur à l'action intentéepar le Gouvernement libyen contre le Royaume-Uni, mais nous

comparaissons évidemmentaujourd'hup iour présenter, comme vous l'avezdéclarén,os exceptions

préliminaires par lesquellesnousprions la Cour de rejeter, au stade préliminaire,l'action intentée

par la Libye. Nous sommes à la fois demandeuret défendeur. Nous avonsdéposéa ,insi que nous

en avions l'obligation,nos exceptions préliminairespar écrit et,au cours de la plaidoirie, nousy

renverrons la Cour ainsi qu'auxannexes. Lors des plaidoiries, nous parlerons des ((exceptions

préliminairesdu Royaume-Uni))pour désignernos écritures et dela ((réponsedela Libye))pour

désignerlesobservationset conclusionsprésentéep sar cetEtat. Pour ménagerletempsde la Cour,

nous nous proposons égalementde ne pas donner le texte intégraldes références des auteurs ou w

documents que nous invoquons ou citons mais de les inclure plutôt dans le texte écrit que nous

remettrons au Greffier. Permettez-moi maintenantde présenternotre équipejuridique à la Cour :

Lord Hardie, procureur générald'Ecosse,MM. Christopher Greenwood et Daniel Bethlehem en

-.,,,-- qualitéde conseils; M. Anthony Aust, du Foreign and CommonwealthOffice, en qualitéd'agent
ij,,?
adjoint; M. Patrick Laydenduministèreduprocureurgénéral,M. Norman McFadyen,agentadjoint

de la Couronne,Mlle Susan Hulton et Mme Sarah Moore,du Foreign and CommonwealthOffice,

en qualitéde conseillers. J'expliqueraidans un instant à la Cour comment notre plaidoirie se

répartira,mais il me faut auparavant formuler un certain nombre d'observationspréliminaires.

1.3.Permettez-moitout d'abordde vous remercier, Monsieur le Présidentainsi quela Cour,

de la souplesse dont vous avez fait preuve en prenant les dispositions voulues pour entendre -9-

ensemble la présente instance ainsi que l'instancedistincte introduite contre les Etats-Unis

d'Amérique. Nous avonsconsenti certains sacrifices en acceptant ces dispositions, mais nous

sommes convaincusqu'ellesse révéleront, lorsqu'oln es considèredans leur ensemble,commodes

tant pour les Parties que pour la Cour et nous ferons tout en notre pouvoir pourprésenternotre

argumentation de façon concise dans le délaiconvenu. Nous sommes tout particulièrement

conscients du fait que ce que nous avons soumis àla Cour sont des questionspréliminaires,nous

nous y tiendrons et éviterons les questionsdefond qui ne peuvent et ne devraient être examinées

qu'àl'étape du fond - si l'affairese renà cette étape.

1.4.Dans ses conclusions principales, le Royaume-Uniprie la Cour de dire etjuger qu'elle

n'apas compétence à l'égarddes demandes formuléespar la Jamahiriya arabe libyennecontre le

Royaume-Uni etlou que les demandes formuléespar la Jarnahiriya arabe libyenne contre le

Royaume-Uni sont irrecevables.

Nous prions laCour derejeter enconséquencel'instance introduite parla requête de la Libye.

1.5. La Cour remarquera que nous présentonsces conclusions de façon conjonctive et

disjonctive et que la premièreconcerne la compétenceque la Cour tient du paragraphe 1 de

l'article6 de son Statut tandis que la seconde vise ce que l'onpourrait appeler la question de la

recevabilitéplus largequi seposedans le cadrede l'article79 du Règlement. Pour êtrp elus précis,

l'exceptionà la compétence dela Cour se fonde sur le fait qu'aucundifférendde fond au sens

reconnu à cette expression n'oppose,selon nous, les Parties relativement à l'interprétationou à

l'applicationde la convention de Montréal,traitésur lequel le demandeur cherche à asseoir la

compétence dela Cour. Nous démontreronsque la Libye n'est pas parvenue à indiquer, dans le

chef du Royaume-Uni,un acte quelconqueque l'onpourrait considérerde façon plausible comme

étantune violationde la conventionde Montréalet que l'actedont se plaint laLibyen'apas du tout

,-,6: ;. pour auteur le Royaume-Uni ou est un acte qui n'engage pas la responsabilité juridique du
~., :
Royaume-Uni. En bref, ce que le demandeur essaie d'obtenirpar la présenteinstance ne relève

simplement pas de la convention de Montréal mais constitue unetentative à peine voiléede faire

échec à l'exercice par le Conseil de sécurité des attributionsqu'il tient de la Charte des

Nations Unies. La Cour a déjàétésaisie en partie de cette argumentation lors de l'instance

introduite en1992 par la demandeen indication de mesures conservatoiresprésentée par la Libye. - 10 -

Si elle retient notre conclusion, la Cour devraévidemmentrejeter la requêtelibyenne pour défaut

de compétence.

1.6.Nous montrerons aussi toutefois - et c'estlà notre deuxièmeexception - que ce que

la Libyeaffirmeêtrela ou les questionsen litige entreelle-même et leRoyaume-Uniest maintenant

réglé parles décisionsque leConseilde sécurité a prisesen applicationdu chapitre VI1de laCharte

desNations Uniesetqui lientlesdeuxPartiesetque lesrésolutionsadoptéespriment conformément

a l'article103de laCharte en cas de conflit entre ce qu'elles exigentet les droits ouobligationsqui

découleraientde laconvention de Montréal. Il s'ensuit,selon nous, que la Libye ne peut obtenir

les mesures qu'ellesollicite de la Cour au titrede la conventionde Montréalet que la Cour devrait

dès lors exercer son pouvoir de déclarer irrecevablela requêtelibyenne. J

1.7. Nous croyons, Monsieur le Président,que ces deux exceptions revêtentun caractère

essentiellement préliminaireet nous prions la Cour de statuer sur celles-ci en application de

l'article79 du Règlement avantque se poursuivela procédure surle fond. Il ne m'estpoint besoin

d'en direplus à cet égardau sujet de la premièreexception d'incompétence tant sont évidents les

motifs pour lesquels il est souhaitable de faire trancher au stade préliminaireune exception

d'incompétence.Il en va de même,selon nous, de la deuxièmeexception qui est fondéesur des

motifs de recevabilitéplus larges. Je voudraistoutefois porter un autre facteur à l'attention dela

Cour. Facteur qui, selon nous, est de la plus grande importance.

1.8.Lespoursuitesintentéescontrelesdeux citoyenslibyensaccusésd'avoircommis l'attentat
I

de Lockerbie sont au centre de l'argumentationde la Libye. Cespoursuites ne sontnullement les

seuls éléments que nous prierons la Cour de prendre en considération, mais elles sontau centre

mêmede l'argumentationdéveloppée parlaLibye. Il sembleraitque les Parties ne contestentpas

que lesaccusésdoiventêtretraduits en justice, la seule questionest de savoir où. L'obligationde

.,...7
:? i les traduire enjustice est en outre un élémene tssentiel des résolutionsdu Conseil de sécurité.Il

incombe dèslors aux Parties et à la Cour de mener la présenteinstance en gardant cet objectif à

l'espritet de ne dresseraucun obstacle qui pourrait s'opposer à la réalisation decet objectif. Il est

égalementmanifesteque seulunprocèspénaloffrant touteslesgarantiesvouluesd'équité permettra

d'éprouver à leurjuste valeur les éléments de preuve présentés contre les accusés et d'établilreur

culpabilitéou innocence. - 11 -

1.9. Compte tenu de ce que nous venons de dire, nous croyons qu'ilconvient d'attacher

l'importancela plus grande aux rapports existant entre la présente instanceetlejugementà terme

desaccusés. Il nous semble évidentqu'ilne faut rienfaire qui puisse mettre en danger latenue du

procèset qu'il nefaut non plus de la même façon rien faire qui puisse mettre en dangerles droits

des accuséslorsqu'ilsseront traduits enjustice. Le procureur général en dira plusà ce sujet plus

tard.

1.10.Nous nepouvons évidemment à ce stade être certains dela suitedu déroulementde la

présenteaffaire. Je ne remplirais pas toutefois mon devoir sije ne signalaispasà la Cour le fait

qu'ellepourrait se heurter de graves difficultéssi elle tentaitde statuer au fond sur lesdemandes

libyennes. Cette difficultésurgira si la production des éléments depreuve que la Cour juge

nécessairespour trancher équitablementles questions en litige risque de compromettrele procès

pénalque doiventsubir les accusés.Cepoint - il va de soi -estdifférentde l'immensedifficulté

qu'ily a d'examinerdes faits et des élémentsde preuvetechniques complexesdans le cadre de la

procédurede la Cour, difficultésur laquelle le Royaume-Uni a déjà attirél'attentiondans ses

exceptionspréliminaires'.Je dirai que, pour lesfins qui nous occupent,nousavons pournotre part

jugépossible de ne décrireles faits que dans leurs grandes lignes, mais nous ne sommes pas

certains que nous pourrions encore le faire au stade du fond. Nous nous sentons dèslors obligés

de soumettre ces points à la Cour aujourd'huidans la mesure où ils constituent un motif probant

pour celle-ci de statuer sur ces exceptions autant que possibleun stade préliminaire.

1.11.Voilà le tableau dressé, Monsieurle Président. L'argumentationdu Royaume-Uni sur

lefond se présenteracomme suit :le procureurgénéralcommencerapar uneprésentationdes faits

et de l'enquêtepénalemenée relativement à l'incidentde Lockerbie. Il expliquera le déroulement

de la procédure pénaleen Ecosse ainsi que les garanties protégeant ledroit naturel de l'accusà
j:'! 6
bénéficiedr'unprocèséquitableet il décriraà laCour lesdispositionsparticulièresquelesautorités

écossaisesétaientprêtes àprendre pourgarantirque soit intégralementrespecté en l'espèce l'intérêt

particulier qu'alacommunauté internationale à latenue d'unprocèséquitable. Comptetenu de ces

élémentset compte tenu également des antécédentb sien établisde la Libye qui a encouragéet

appuyéle terrorisme international et qui y a également participé, ilexposera aussi en détailsles - 12-

efforts déployéspar le Royaume-Uni pourfairetraduire enjustice lesaccusésainsi que lesraisons

pour lesquellesleGouvernementdu Royaume-Unia, lorsquesesefforts sont demeurésvains,saisi

de la situation le Conseil de sécurité desNations Unies.

1.12. M. Bethlehem examinera ensuite pour le bénéficede la Cour les trois résolutions

directement applicables du Conseil de sécurité mais en tenant compteque l'intérê qtue le Conseil

de sécurité marque depuis longtemps pour le terrorisme international,surtout celui qui est dirigé

contre l'aviationcivile internationaledu fait de la menace qu'il présente pour la paiet la sécurité

internationales et en tenant compte aussi de l'intérêt préalab qlee le Conseil de sécurité avait

témoigné pour l'incidentde Lockerbielui-même. Il attirera l'attentionde la Cour sur la chronologie

trèsparticulièredes mesures quela Libye a prisesrelativement auxdémarches engagées devantle

Conseil de sécurité ainsi que surla grande importance qu'elles revêtenp tour bien comprendrela

présente affaire dont est saisiela Cour.

1.13. M. Greenwood examinera ensuite les conditions qu'impose le paragraphe 1 de

l'article 14 de la convention de Montréal,disposition sur laquelle la Libye cherche à établirla

compétencede laCour. Il démontreraquelarequête libyennene remplitpas les conditionsdecette

clause juridictionnelle et que la Libye n'atoujours pas, cinq ans et demi après avoir subitement

invoquéla convention de Montréal, démontré dans ses échangesavec le Royaume-Uni ou devant

la Cour l'existence,dans le cadre de cette convention, d'undifférendsusceptible d'entrerdans le

champ d'application de cetteclausejuridictionnelle.

1.14. LordHardie terminera alors l'argumentation juridiqueen montrant les incidencesdes

conditions imposéespar le Conseil de sécurité sur les questions dont la Cour a étésaisie par la

Libye eten démontrantque les résolutionsdu Conseilde sécurité sontcontraignantespour lesdeux

Parties et excluent dèslors les mesures que la Libye sollicite de la Cour; il établira quela Cour

devrait déclarer la requêtelibyenne irrecevable indépendammentde toute conclusion sur la

. , P. compétence tiréede la convention de Montréal. Il attirera de nouveau tout particulièrement
,: * Y

l'attention sur la chronologie des actions libyennes et sur l'importance qu'ellerevêtpour les

questions soumises à la Cour. Et je terminerai alors par un bref résumé del'argumentationdu

Royaume-Uni. -13-

1.15.Permettez-moitoutefois, MonsieurlePrésident,dedévelopperdeuxéléments dc ee qui

précède. J'ai indiquéque le Procureur général traiterait des élémentsde fait du différend. Il

m'incombecependantentant qu'agentd'aborderunaspectdesallégationslibyennesavancéescontre

le Royaume-Uni. En 1992, à l'époquedes audiences relatives à la demande en indication de

mesures conservatoiresprésentée par la Libye, on n'arrêtaitas de prédiresur un ton sinistre que

le Royaume-Uni menaçait de recourir dans l'immédiat à l'emploide la force pour atteindre ses

objectifs dans l'affaire de Lockerbie. Cetteaccusationétait totalementdépourvuede fondement à

cette époque et la suite des événementsau cours des quelque cinq années ultérieuresi'a

indubitablementprouvé.Ornos contradicteurscontinuentobstinémentd'entonner lemêmerefrain :

dans le mémoire dela Libye en 1993et de nouveaudans la réponse dela Libye à la finde 1995.

Monsieur le Président,maintenir cette accusationsans la moindreparcelle de preuve ni la moindre

probabilitéest tout simplementhonteux. Elle devrait en touteconscienceêtreretiréeetj'invitenos

contradicteursà le faire devant la Cour.

1.16. Le dernier point queje veux faire valoir, Monsieurle Président,concernela deuxième

exceptionpréliminairepar laquelle nous prionsla Cour de déclarerque lesrésolutionsprises dans

l'intervallepar le Conseilde sécurité otrivéde tout objet lesdemandes de la Libye, de sorte que

laCour devrait les rejeter. Le Procureurgénéradlévelopperal'argumentationjuridique surce point

demain. Mais permettez-moi de formuler en guise de préalable à son intervention quelques

observations liminaires. Le Royaume-Uni se rend parfaitement compte que cette exception

préliminaire conduitla Cour à s'aventurersur un terrain extrêmementdélicatet important. Le

Royaume-Uni le fait avec tout le sérieuxqui s'impose et en étantparfaitement conscient de

l'importance des questions soulevées. Le seul mobile qui nous pousse est d'assurer le bon

fonctionnementdu systèmemis enplacepar laChartedesNationsUnies. LeRoyaume-Uniattache

évidemmentune grande importance au rôle et aux prérogatives juridictionnelles de la Cour et, si

je puis me permettrede ledire, il démontre régulièremen cetattachementtant parsesactes que par

sesparoles. Nous reconnaissonsque le rôle particulierquejoue la Cour est un élémeni tmportant

dumaintien de la paixet de la sécuritéinternationales. Mais leRoyaume-Unidoit en même temps

,' 7 Y' êtreconscient de la mission particulièreque la Charte confie au Conseil de sécuriten matièrede
.-:L.L'
maintien dela paix et de la sécuritéinternationalesainsi que desresponsabilitésqui lui incombent en tant que Membre de l'Organisationdes Nations Unies et plus particulièrement entant que

Membre permanentdu Conseil de sécurité.

1.17.Le Royaume-Uni est fermement convaincu que les rôles de la Cour et du Conseil ne

s'opposentpas mais se complètent dansle cadre d'unsystèmeglobal de maintien de lapaix et de

la sécuritinternationales. Noussommesdès lors persuadésque laprésente affaire donneraliàu

une interprétatijudicieuse de ce systèmede la Charte qui respecteles fonctionsde la Cour et du

Conseil l'uà l'égardde l'autreeà l'égarddes questions particulièresdu terrorisme international

et delaconventionde Montréal. Touten étantdonc conscientde lapolémiqueet de l'effervescence

qu'a provoquéedsans certainsmilieuxjuridiques la présente instanceet la questionducontrôle des

-
décisionsduConseilde sécuritéc,e n'estpas sous cet anglequenous envisageonslaproblématique

commes'ils'agissait d'un combat e titans dont l'unou l'autre doitnécessairementsortirvainqueur

Nous ne sommesmêmepas certainsque laprésenteaffairesoulèveune question générale abstraite

opposantlaCourau Conseil. Nous croyons,comme l'a si biendit feuM. Lachs,que((l'intention..

n'étaipas d'encouragen)leConseilet la Cou«àexercer leursfonctionsparallèlementcomme avec

des Œillères, maisplutôt d'avoirentre eux une interaction fructueuse)).

1.18.MonsieurlePrésident,avecvotrepermission,je vousdemanderaimaintenantde donner

la paroleàLord Hardie.

Le VICE-PRESIDENT :Jevous remercie,sir Franklin.Je donnemaintenantlaparolà Lord

Hardie, procureurgénérald'Ecosse. e

Lord HARDIE :Monsieur le Président,Messieurs de la Cour.

Questionsde droit, defa&et deprincipe

2.1. Je suis trèshonoré deprendre la parole devant vous aujourd'hui. Legouvernementque

je représenteet qui n'est en fonctionque depuiscinq mois s'est publiquement engagérter son

plein appuiàla Cour en tant qu'institutioàerespecter le principe de laprimautédu droit dans

les relations internationalesdu Royaume-Uni. Malgréle long attachement du Royaume-Uniàla

Cour età sa compétence obligatoire,je suis le premier procureur générald'Ecosàeprendre la

-!2.!! parole devant vous, bien qu'un de mes prédécesseur- Lord Rodger d'Earlsferry-, l'ait fait

lorsqu'il était conseiller juridique de la Couronne en Ecosse. En tant que procureur général -15 -

dlEcosse, c'est-à-dire entant que premier conseiller de la Couronne en Ecosse et ministre du

gouvernement du Royaume-Uni, je souhaiterais dire quelques mots sur mes fonctions

constitutionnelleset leur rapport avecles poursuitesl'encontre des deuxaccusés quisont au cŒur

de la présenteaffaire. Maisjesuis icidevant vous aujourd'hui non passpécialement à ce titre mais

entant queconseil du Royaume-Unichargé d'exposernos exceptionspréliminaires àla requêtede

la Libye.

2.2.L'argumentationdu Royaume-Uniest trèssimple. Elle découle essentiellementdu fait

que la Libyeessayede faire valoir auprès dela Cour un moyen spécifiqueau titre de laconvention

de Montréal. Je n'entends cependantpas me pencher sur la nature de ce moyen, ce qui relèverait

largementdu fond - si la présenteaffaire devaitjamais atteindrece stade.Je me contenteraisdonc

d'examiner les questions de caractère préliminairesen évitantde soulever des questions non

pertinentes ou des questions sous-jacentesde fond.

2.3. Monsieur le Président,les arguments du Royaume-Uni sontles suivants :tout d'abord,

lorsqu'onexamine cetteaffaire, on peut constater qu'il n'ya pas véritablementde différendentre le

requérant etle défendeurau titre de la convention de Montréal;et en second lieu, mêmesi le

requérant etle défendeurne sont pas d'accordsur la conventionsur un point résiduel,ce point est

réglé par des résolutiondsu conseil de sécurité ayant force obligatoire.

2.4.Nous feronsporter lesargumentsquenousexposeronsaujourd'huiet demaindevant vous

sur ces deux questions essentielles. Mais je voudrais d'abord faire quelques observations

préliminairesafinde bien faire ressortir le contexte appropriédans lequel ily a lieu de considérer

laprésente affaire. Jeme limiteraià cet égardau minimumsans aucunementtoucherau fond. Je

suis cependanttenu dedire quelquesmots des faits en cause ainsi que de la nature de la procédure

pénaledans le systèmejuridique écossais.

Importance des faits

2.5.Je commenceraipar lesfaits tant parce qu'ils sontindispensablespour bien comprendre

les questions dont la Cour est saisie qu'en raisonde certaines étranges allégations contendans

la réponse libyenne. La Libye se plaint de la présence,dans nos objections préliminaires,d'une

section touchant les faits en cause, dont elle dit qu'ilsn'ontrienir avec les questions poséeà

laCour concernant l'interprétatioet l'applicationde la convention deMontréaletneseraient qu'une - 16 -

tentative de notre part pour brouiller ces questions en utilisant des arguments rhétoriqueset

idéologiquesce qui, selon la Libye, constituerait une ((tactiqued'intoxication))'.

2.6. C'estlà une allégation extraordinaire.La Libye prétend-elleréellementque la Cour

puisse se prononcer en la présente affaire commes'il s'agissait d'un problème entièremntstrait

et sanstenir aucunementcompte desfaits? Le droit n'opèrecependantpasdans levide ets'applique

à des faits. En l'espèc- quoique nous n'ensoyons qu'austade des exceptionspréliminaires-

la Cour doit avoir entièrement connaissancedes faitspertinents pourapprécierles argumentsdes

deux Parties et replacer l'affaire dansle contexte qui est le sien. C'est ainsi queles arguments de

M. Greenwood sur la compétence neporteront pas seulementsur une analyse des dispositions et

principesjuridiques mais aussi sur le comportementde la Libyeet du Royaume-Uniaux moments W

opportuns. LaLibyecontestedemêmelavalidité desrésolutionsdu Conseilde sécurité ayantforce

obligatoire. Bien qu'ils'agisse d'une allégation surprenantei,l faut y répondre.t effet, il est

nécessairenon seulementd'analyserles pouvoirs que la Charte conféreau conseil mais également

la pratique de ce dernier et, notamment, la manière dont il fait face la menace que pose le

terrorisme pour la paix et la sécurité internationales.

2.7. Je suis convaincu que la Cour considérerala présente affaire- comme toute autre

affaire telle qu'elle estcaractériséepar des faits particuliers qu'elle devraapprécierde manière

appropriée;mais cela uniquement, bien sûr,dans la mesureoù il sera nécessairepour se prononcer

équitablementsur les questions préliminaires dont elle estsaisie.

2.8. Je rappelleraidonc tout d'abord lecrime en questionet l'enqueriminelledont il a fait

l'objet. J'expliqueraiquelle est la procédure pénaleen Ecosse et, notamment, les garanties d'un

procèséquitable qu'offrele droit écossais. J'aborderai,en conclusion,les antécédende la Libye

en matière de terrorisme.

Le crime

2.9. La présenteaffaire découled'uncrime de caractèremassif. Le 21 décembre 1988,un

bŒing747 de la Pan American Ainvays a exploséau-dessus de la petite ville de Lockerbie, en

Ecosse, entraînant la mort des deux-cent-cinquant pessneersfet membres de l'équipage qui

. --+/ l'occupaient et deonze habitants de Lockerbie. Parmi les victimes, il y avait dix-sept enfants en
- .-\>

bas-âgeou de moinsde seize ans. Cela a étéde loin l'acte deterrorismeleplus grave quiaitjamais - 17-

frappémon pays. Vous vous imaginez les effets qu'ila eu sur tous les Ecossais à cette époque.

Il n'yapas de doute(et celan'ajamais été contesté)que l'explosiona étéprovoquéepar unebombe

placéedans les bagagestransportés dans cevol. Il n'ya pas de doute(et cela non plus n'ajamais

étécontesté)que la bombe a étéainsi placéedélibérémene tn vue de provoquer l'explosion.

Autrement dit,il s'estagilà d'ungrave actede terrorisme,un des plusmeurtriers de toute l'histoire

de l'aviationcivile. Ce sont là des faits incontestables qui constituent le contexte essentiel de ce

qui a suiviet qui aurait eu de toute manièreindépendammentde la personnalitéde l'auteurou des

auteurs de cet acte et de leurs mobiles. Mais il y a d'autres faits essentielset incontestables

l'explosions'estproduite dans l'espaceaérienbritannique, l'avionétaitaméricainet les victimes

innocentes (passagers, membres de l'équipageet résidents locaux) quiont péri étaientde

vingt-et-une nationalités différentes.Tout cela a donné à la tragédieet à l'enquête criminelle

correspondanteune dimension incontestablementinternationale. Ce grave incident de terrorisme

international n'adonc pas eu un caractère tout simplementécossaisou britannique mais a revêtu

d'embléeun caractère international.

2.10. Je relève néanmoins, Monsieulre Président,que,dans sa réponse,laLibye se plaint de

l'utilisationdu mot((internationalepour qualifierl'enquête. 'enquêtecriminellemenéeen Ecosse

a étébienentendu((internationale))en raison nécessairementdes élémentisnternationauxdu crime.

Elle a donc appeléla coopérationet l'assistancede différentsorganismes officiels etjudiciaires de

plusieurs pays. Il ne s'est cependant pas agi d'une enquête destinée à satisfaire d'autres

gouvernementsoula communautéinternationale.Elle n'étaic tertespas censée«satisfaire»non plus

le Gouvernement britannique. C'était une enquêtevisant, comme tout autre enquête criminelle, à

recueillirdes preuves età permettre au ministère publicde décider,à partir de ces preuves et sur

la base des règleset principes normalement applicables dans toute affaire, s'il étaitpossible de

procéder à des inculpations. Cela n'apas étéune quelconque interventionvaine ou facultative de

la part des autorités britanniqueset encore moins un mauvais prétexte pourexercer des pressions

-.;_ '+ politiques sur la Libye. Victime d'une attaque terroriste de cette gravité, toutgouvernement

responsableest tenudefairemener uneenquêtesérieuse, déterminéeetcomplète,to entrépondant

à l'inévitable demandecollective d'autresgouvernementsde façon à agir résolumentet de manière décisivepour faireface àlamenaceduterrorismeinternational,en générale,t celuivisant l'aviation

civile internationale, en particulier.

2.11.Si nous sommesbien d'accordjusqu'ici, Monsieurle Président,il s'ensuit qu'il est à la

fois naturel et entièrementjustifiéde demanderque les prétendus responsables de tels actes soient

découvertset traduits en justice, et de faire entendre cet appel aussi bien de la communauté

internationale qu'il l'est et l'a étéen Ecosse. Si elles avaient étémoins déterminéeset moins

persistantes dans leur enquête criminelle,les autoritésbritanniques n'auraient pasrempli leurs

obligations envers les victimes et leurs familles et n'auraientpas assuméleurs responsabilités

internationales. Tout gouvernement responsable aurait fait de même. Qu'ilme soit permis de

souligner que les buts et intentionsdu Royaume-Uni ont constammentétésimpleset directs en la w

matière. Il s'agissaitpour luid'identifierles responsables de ce crime et de les traduite enjustice

comme il se doit; et, pour ce qui est du terrorisme international, d'unirses efforts ceux d'autres

gouvernements et organismes internationaux afin de faire cesser cette menace pour la paix et

l'harmonie internationales. Je fais iciune distinction entre le désastre deLockerbieet la lutte plus

générale contre leterrorismeinternationalafindefaire ressortirque l'enquêtc eriminelleaété menée

exactementde la même manière qute oute autre enquêtedontdoit faire l'objettout acte criminelen

Ecosse. Etant donnéquetoute leurargumentationest centréesur la questionduprocèsdes accusés,

je ne vois pas du tout comment les auteurs de la réponselibyenne peuvent soutenir que cette

enquêtecriminelle et ses résultatsn'ontrien à voir avec les questions dont la Cour est saisie.

.'\,p;r 2.12. Les détails de l'enquêteont étésoigneusement rappelés dans nos exceptions
-'L. '.
préliminaires2.Point n'est besoind'yrevenirmaintenant, maisj'évoqueraitoutefoisbrièvementun

ou deux éléments essentiels pour étayermon argumentation.

2.13.Le fait que des recherchesont été menées su urnezone de2190 km2jusqu'à la côte est

de l'Angleterre,sur laquelle les débris del'avionont été éparpillésm, ontre l'amplitudedes efforts

accomplis. Le désastrea mobilisé,dans les quinze heures qui l'ontsuivi, 2000 membres de la

police, desforces armées,des servicesde secourset d'autres organismes d'assistance. Lapatinoire

à glace de Lockerbie a dû être réquisitionné peour accueillir provisoirement les dépouillesdes

victimes; on s'est servi d'un énorme hangar duCentral Ammunition Depot (dépôt centraldes

munitions) de Longtown, à Carlisle,à quelque20 miles deLockerbie, pourexaminerles morceaux récupérés dIe'avion,tout élémenrtetrouvé decet avion ayant été disposédanusn immense puzzle

qui a permis dereconstituer 80 pour cent de l'avion. On a utiliséun entrepôt de Lockerbie pour

yplacer lesbiens,bagagesetmarchandisesretrouvés, enidentifierlespropriétaireset examinerplus

attentivement certains éléments. Cepénibleprocessus de collecte de débris dansles maisons

détruitesou éparpillésdansla campagneet une soigneuse sélectionparmi uneénorme quantité de

matériaux ontpermis de retenir 4000 pièces pourexamen ultérieurou comme élémend t e preuve.

2.14. La semaine qui a suivi l'explosion,des preuves scientifiquesont permis d'établir que

l'avion avaitété détruitar un explosif plastiqueet que le désastreétoncdû à un acte criminel.

L'enquête criminelle s'estensuite étenduebien au-delà de Lockerbie et mêmede 1'Ecosseet du

Royaume-Unijusqu'àsoixante-dix paysdifférents. Lesorganesjudiciaires,depoursuiteetd'enquête

de nombreux paysont collaboré àune enquêted'uneéchelle sansprécédene tt mon gouvernement

leur est reconnaissantde leur coopération.

2.15. Les conclusions de l'enquêtont été publiées le14novembre 1991. Un résumé des

actes d'inculpationcorrespondants figure dans nos exceptions préliminaires3. Unénoncéplus

complet des preuvescontre les accusés a été envoyé au Gouvernemeln ityen ce même jour, avec

une demandederemisedesdeux accuséspour qu'ilspuissentêtretraduits enjustice en Ecosse. Cet

exposé des faits aétésoumis à la Cour au stade des mesures provisoires en tant que document
dLL'-!<

confidentiel et a étéprésenté à la Cour dans les documents soumis par le Royaume-Uni4.

J'expliqueraiplustard pourquoi ce document,présenté à la Cou? de manièreconfidentiellen'apas

été autrementpublié.

Procédurepénaleen Ecosse

2.16. Monsieur le Président,la Libye montre,dans sa réponse,une entièreméconnaissance

de l'essencemêmede la procédurepénaleécossaise touten tirant le plus grand profit de cette

ignorance. Comme cette procédure estd'une grande importance en l'espèce , vais en faire une

brève description. Beaucoup de cequeje vais dire n'aura rien de nouveau pourles membres de la

Cour,notammentceuxqui sontfamiliarisésaveclaprocédurepénaledansle systèmecontradictoire

de la Common law.

2.17. Comme la Courle sait bien, 1'Ecossepossède,au sein du Royaume-Uni, son propre

systèmejuridique distinct et c'est dans le cadre de ce systèmeque doit être traitéle crime de - 20 -

Lockerbie. La naturedistinctedu systèmeécossaisenmatièred'enquête etdepoursuitescriminelles

est d'ailleurs exposéedans les exceptions préliminaires6. Historiquementl ,e système écossais

combine des éléments du droit de tradition romaine et des élémentsde la Common law, et ceux

d'entrevous dont les pays sont de tradition romaine serez familiarisés avec ce queje vais diredu

rôle d'unmagistrat appeléprocureur.

2.18. En Ecosse, le procureur local est chargédes poursuites. Depuis des siècles, le

procureur est chargé d'enquête sur tous les décès soudainset suspectsainsi que d'instruireet de

poursuivretous lesactes criminelscommisdans sacirconscriptionterritoriale. EnEcosse,lapolice

reçoit donc les instructions du procureur dans les enquêtes criminelles.Le procureur est en fait

amené à se rendre sur la scène detous les décèssuspectset àprendreles dispositionsvoulues aux a*

fins d'uneenquêteinitialen,otammentencequi concerneles autopsieset lesexamensscientifiques.

En cas de mort soudaine, le procureur mène normalement à bien cette enquête sans audience

-. -.I publique. Parfois, cependant,il est tenu par la loi ou surordre duprocureurgénéral demener une
V: A-'/
enquêtepour accident mortel. Cette enquête alieu en public devantun juge.

2.19. Commeje l'aidéjà dit,l'enquête sur l'attentatde Lockerbiea étémenéeexactementde

la même manière que toute autre enquête criminelleL .e procureur a étéimmédiatementalerté

lorsque la catastrophe s'estproduiteet s'estrendu sur leslieux.l a pris des dispositionspour qu'il

soit procédéà desautopsieset donné des directives à lapolice pourles enquêtes à mener. Comme

dans tout cas d'homicide,il étaittenude rendrecompteau procureurgénéral. Et comme danstoute
*

affaire de cette nature, il étaittenu d'examiner s'ilétaitnécessairede procédàrune enquêtepour

accident mortel et vous savez sans doute qu'une telle enquêtea bien eu lieu durant le second

semestre de 1990jusqu'audébut de1991. A ce moment, si elle n'étaitpas parvenue au stade où

desinculpationspouvaientêtreformulées àl'encontredepersonnesdéterminées, l'enquê ctiminelle

se poursuivait activementet mon prédécesseur adû considérerla questionde savoir s'ilconvenait

deprocéder àuneenquête pouraccidentmortel. Il importe,avant d'entamerdespoursuitespénales,

de ne rien faire dans une enquêtepour accident mortel qui puisse gêner despoursuites. Le

procureur général a néanmoinsconclq uu'ilfallait déterminerles circonstancesdans lesquellesles

victimes avaient trouvé la mort et, notamment, d'examiner publiquement la possibilité de

défaillances dansle système de sécurité de l'aéroportde départdu vol, àcondition que l'enquête - 21 -

pour accident mortel ne traite aucune question touchant à la responsabilitépénale. Nous

expliquerons maintenant brièvementquelles sont les fonctions du procureur général.

Fonctions du procureur général

2.20.Le procureur généraelst nommépar lareine surrecommandation du premier ministre.

Une des fonctions du procureur général esdte conseillerle gouvernement sur toutes questions de

droit civil. Mais ila égalementunefonctionentièrementdistincte qui est celle depoursuivretoutes

les infractions commisesen Ecosse et d'enquêtesrurtous les cas de décèssoudains,fonction dont

il s'acquittepar l'intermédiairede ses procureurs locaux. Le procureur général etles procureurs

locaux sont entièrementindépendantsdans l'accomplissementde cette fonction et ne sont soumis

à aucune formede directionoudecontrôlepolitique. Lesconsidérationspolitiquesnejouent aucun

rôle dans la décisionde poursuivre dans telle ou telle affaire ni dans le choix du conseil pour

représenter la Couronnedans un cas déterminé.

2.21.Commeune desquestionsqu'il était possibled'examinerdanslecadre de l'enquêtp eour

accident mortel était cellede savoir si les dispositions de sécuritéaéroportde départdu vol

étaientsatisfaisanteset quel étaitle rôle des différents ministèreségard,le procureur général

de l'époque,qui avait étédésigné par un gouvernementconservateur, m'anommé conseilde la

Couronne à l'enquête pour accident mortealfin d'administrerla plupart des preuves. J'étaisalors

membre du barreau écossais eton savait que mes opinions politiques n'étaientpas celles du

gouvernement,ce qui montre l'indépendance dont a fait preuve le procureurgénérle l'époqueen

désignant comme conseilquelqu'unayant d'autresopinionspolitiques, notammentdansune affaire

où un ministèrepouvait faire l'objetde critiques en matièrede sécurité.

2.22. Commeje l'aidit, il n'yavait lieu d'examiner,lors de l'enquêpour accident mortel,

aucune question de responsabilité pénaleet l'on ne m'a donnéalors aucun détailsur l'enquête

criminelle en cours, comme on n'avaitd'ailleurspas lieu de le faire. J'aicependant pu apprendre

beaucoup de choses sur le désastre deLockerbie et ses effets sur la communautéetle pays d'une

manièregénérale. Je n'oublieraijamais les sinistres détailsdes preuves qui onprésentées lors

de l'enquête aucours de nombreux mois et je me rappellerai toujours la présence digneet

émouvante des parents desvictimes à cette enquête, laquelle d'ailleursils ont parfois participéet

auxquels je voudrais rendre encore hommage. - 22-

2.23. Lorsquej'ai été nommé procureur généraeln mai de l'année encours, je connaissais

donc déjàdes détailsde la tragédiede Lockerbie mais j'ai naturellement voulu êtrepleinement

informé del'enquête criminelle.Je suis le quatrième procureur générasl ccessiàexaminercette

affaire. Mes trois prédécesseursont été désigné par des gouvernements conservateurs,mais je

remplis mes fonctions sous le nouveau gouvernement travailliste. Chacun d'entrenous a, dans

l'exerciceindépendant de sonjugement et de sesresponsabilités,conclu que des preuvesjustifient

les inculpations qui ont été formuléeest qui doivent donc être examinées dmanière appropriée

dans le cadre d'uneprocédurejudiciaire. C'esà nouset ànous seulementqu'ilrevenaitde prendre

cette décision.Il est faux de prétendre que d'autres indicationtsendàmontrer que lecrime ait

pu avoir étécommis par d'autresn'ontpas étésuivies. Ces allégationsde la Libye ne sont guère iJ

fondées que sur des articles de journaux. Chacun de mes prédécesseurs a clairement

affirmé - commeje l'aifaitmoi-même et commeje suisdisposé à lerépétearujourd'hui pour lever

toutdoute à cetégard - qu'onexamineraittoute nouvelle preuveet qu'onmèneraitrigoureusement

une nouvelle enquêteselon les lignes que pourraientindiquer de telles nouvelles preuves.

Lesinculpations

2.24. Commeje l'aisouligné,cette affaire a été traitee la mêmemanièreque toute autre

affaire pénale,mais elle l'aété,bien entenduà une échelletout à fait sans précédentn Ecosse;

l'enquête a ainsi appeléla participation de plus de personnes et a été menée danu sne zone

géographiqueplus grande que danstoute autre affaire précédente oupostérieure. Bien que, ainsi .CI

queje l'ai déjindiqué,nousayons bénéficié d'unecoopérationet d'une assistanceconsidérablesde

lapart des autoritésjudiciaires, depoursuiteset d'enqeenombreuxautrespays, l'enquêtm e enée

parle procureuret lecommissairedepolicesous sadirection,l'aété indépendammen dtetouteautre

enquêteet ceux qui l'ontaccomplie n'onteu à rendrecompte qu'auprocureur générae ln exercice.

C'estle procureur général seul qui a conclu,aprèsconsultation avec le procureur et après avoir

examinétous les élémentsde preuve disponibles,qu'il y avait lieu d'exercer des poursuites en

Ecosse. Il y a eu, bien entendu, une coopérationétroite avec les autoritéscompétentesdes

Etats-Unis dans l'enquêteéalisée eltaCour relèveraque le momentoù des déclarationspubliques

ont étéfaites a étcoordonnéavecceluides déclarationsdes autoritéschargéedses poursuitesaux

Etats-Unis,à la suite des inculpationsqyiont étéformuléespar un grandjury. Les décisions de procéder à des poursuites pénalesont été prisesindépendammentpar les autoritésde chaque

juridictionà la suite de leurs propres enquêtes et suivant leur propresprocédures.

2.25. Conformément à la procédure pénalé e cossaise,lorsqu'il est convaincuqu'ilexiste des

preuves suffisantes pour exercer des poursuites dans une affaire grave, le procureur présenteune

demande à un juge local (appeléen Ecosse sheriff) formulant une inculpation et sollicitant un

mandatd'arrêt àl'encontrede l'accusé.Cetteinculpationénumère lesfaitsretenuscontrecedernier.

-, -> r:!
. -,, La Libye se plaint dans sa répliquede ce que les inculpations aient étéformuléesen l'espèce au
-1 ,:L:
présentde l'indicatif'. Elles ne pouvaient être cependantqu'expriméesainsi puisque telle est la

pratiqueen la matière,sans que cela signifieque les accuséssoientprésumés coupables. Lorsque

le procureur formule une inculpation, comme il l'afait en l'espèce,la police n'estpas autorisée à

interroger l'accusésur les charges pesant sur lui puisque ce ne sont pas de simplessuspects qu'on

souhaite entendre mais des personnes accusées qui relèventde la protection des tribunaux dès

qu'ellessont en état d'arrestation.

2.26. La Cour ne doit avoir aucun doutesur la nature des inculpationsformuléesen l'espèce.

Il ne s'agit pas simplement, comme on l'aparfois suggéré, d'une affaire où il se trouve que les

accuséssont des agents publics libyens. Avec lapermission de la Cour, je donnerai rapidement

lecture de la demandejudiciaire énonçant lescharges formuléesen Ecosse, qui est reproduite à

l'annexe17, il y est dit que les deux accusés

«ont conspiré ensembleet avec d'autresaux fins de servir les viséesdes Servicesde
renseignement libyens par des moyens criminels, à savoir la commission d'actesde
terrorisme dirigés à l'encontredes ressortissants et des intérêtses autres pays et, en

particulier, la destruction d'un avion civilet l'assassinatde ses occupants)).

2.27. Il importe de ne pasoublierque l'argumentation présentée pa lr Libye à laCourrepose

surson prétendu droit àpoursuivre elle-même enjustice les deux accusés. Mêmes'il nes'agissait

qued'une affaired'allégation deterrorismeintentéecontredeuxagentslibyens,ilseraitinacceptable

quela Libye exerce elle-mêmelespoursuitescorrespondantes. Etantcependant donné lecaractère

explicitedes chargesformuléesv ,isantdesactesdeterrorisme prétendumentperpétré csnformément

auxinstructionsdes Servicesderenseignementlibyens,commentpourrait-on imaginerqu'unprocès

en Libye puisse faire prévaloirla justice ? Et si l'onaccepte que la Libye ne saurait, selon le

principe nemo judex debet esse inpropria sua causa, accueillir le procèsde cetteaffairecriminelle, -24 -

toute labase de l'argumentationqu'ellea présentée à la Cour s'écroule.M. Greenwoodexaminera

plus avant cette question essentielle dans le contexte de la convention de Montréal.

. /'. . Principe d'un procès équitable
L, 'J :
- 2.28. Monsieur le Président,la Libye prétendque le Royaume-Uni cherche à convaincre le

monde entier de laculpabilité desdeux accusés endissimulantsoigneusementles preuvesretenues

et en faisant des déclarationsprésumant cetteculpabilité8. Cette allégation repose,il faut le

rappeler, sur une méconnaissancetotaledu caractère dela procédurepénaleécossaise.Ainsi que

dans beaucoup d'autres systèmesjuridiques, en Ecosse, le procureur ne peut faire connaître

publiquement les preuves retenues dans une affaire avant que celle-ci ait étéportéedevant les
rir
tribunaux pour quelesjurés nepuissent pas être influencésparcequ'ilsontpu avoir lu ou entendu.

Mes prédécesseure st moi-mêmen'avonseu quetrop consciencede notre responsabilitéde ne pas

compromettre un procès équitableen faisant connaître d'avanceles preuves donton dispose.

2.29. Bien qu'il ne soit pas normal de rendre publique, à ce stade, aucune information

supplémentaireenmatièredepreuve, ila éténécessaireen l'occurrence de demanderlacoopération

du Gouvernementlibyen pour que les accuséspuissent êtreprésents à leurprocès. C'est pourquoi

des informations supplémentairesrésumantl'affaire ont étédonnéesdans l'Exposédes faitsg.

Commeje l'aidéjàdit, ce documenta été remis,dès le14novembre 1991,aux autoritéslibyennes

avec unecopie de lademandecontenantletextedes inc~lpations'~.Et c'est parcequ'ilcontientplus

de renseignementsqu'il n'est habitueld'endonner dans une procédurepénaleau stade actuel que 'crr

cet Exposédes faits n'a pas étépublié maisprésenté à la Cour à titre confidentiel. Dans son

mémoire,la Libyese plaint de ce que le Royaume-Uniait toujoursrefuséde luifournir la moindre

preuve des allégations dont fontl'objet lesdeuxaccusés. La Libye dispose depuis prèsde six ans

de cet Exposédes faits qui contient un résumé de l'affaireplus détailléque ne le demandent de

nombreuxpays pourprocéder à uneextradition. LaLibye ne sauraitavoir undoutequelconquesur

le bien-fondé des charges énoncéesM . a positionen tant que procureur danscette affaire n'estpas

différentede celle que j'ai prise dans d'autres affaires où un accusé devait être arrêté. Des

inculpations - c'est-à-diredes allégations- ont étéformuléessur la base d'unedécisionselon

laquelle une affaire doit êtrejugée. Aucune présomptionn'est cependant formulée quant à la

culpabilitédes accusés, qui sontprésumés innocentjs usqu'à ce qu'ilssoientéventuellementjugés ., ..? coupables. En outre, la décision touchant l'innocenceou la culpabilité des accusésrelève
,& LI i
- uniquement d'unjury de quinze citoyens ordinaires choisis au hasard.

2.30. Mes prédécesseurs etmoi-mêmeavons donc soigneusement évitéde faire aucune

déclaration deprésomptiod neculpabilité.Unetelle réserveestfondamentaleauregardducaractère

équitablede notre système et les ministres et représentantsdiplomatiques britanniques l'ont

constammentobservéeenl'occurrence. Unefois arrêtéee st traduites devantuntribunal en Ecosse,

les personnes accusées recevront,bien entendu, des précisions sur lestémoins,les documentset

autres éléments de preuve retenus à leur encontre. En vue de leur procès, ellesauront droit aux

services de leurs avocats qui pourront mener leurs propres enquêteset interroger notammenten

privéles témoins, conformément ànotre pratique. Contrairement à ce que la Libye suggèredans

saréponse,nousne nouscontentonspas de rendreun ((hommagepurementverbal àla présomption

d'innocence»". Nous avons eu le plus grand soin de respecter cette présomptiondans tout ceque

nousavonsdit et fait. La suggestionde laLibye selonlaquellel'indépendance dupouvoirjudiciaire

que nous invoquonsn'est qu'un prétexte pour np eas apporter d'autres preuvesI2fait ressortir une

grave méconnaissancedes principes de base du système juridique écossaisqui repose, comme

beaucoup d'autres systèmesjuridiques, surle principe fondamental d'unprocèséquitable.

2.31.Avant de passer à d'autresquestions,je dois donc répondre à certains doutes qu'émet

la Libye dans sa réponsesur l'équité d'unprocès enEcosse.

2.32. Toute suggestion selon laquelle les accusésne bénéficieraientpas d'un traitement

équitableen Ecosse manque entièrementde fondement. J'ai déjà évoqué l'indépendance des

procureurs écossaispar rapport au gouvernement. En Ecosse, les procureurs sont spécifiquement

tenu d'agir équitablement.Le règlements'appliquant auministère publicprécise qu'un procureur

ne doitjamais agir demanièreinéquitable, qu'id loit révélerà la défensetouteinformationpouvant

aider cette dernière,mêmesi c'estau détriment dela position de la Couronneet qu'ildoit aiderla

défenseafin de lui permettre de prendre contact avec des témoins figurantou non sur la liste des

témoinsde la Couronne. Le procureur a le devoir essentiel de ne pas chercher systématiquement

à faire condamnerl'accusé mais d'assisterlestribunauxen essayantde faire en sorte quejustice soit

faite. - -
.; .L,L. 2.33.En outre, lestribunauxécossaisassurentuneforte protectionenvue du procèséquitable

des personnes accusées, tant avantle procèsque durant ce dernier. Les tribunaux protègentles

accuséscontretout interrogatoireettouttraitementinéquitable;ilsécartentlespreuves quin'auraient

pas étéobtenuesde manièreéquitableet traitentrapidementet fermementtout rapportpréjudiciable

de la part des médias.

2.34. Monsieur le Président,en septembre 1993,la Libye a soulevé plusieurs questions sur

la procédurepénaleécossaiseet cherché desgarantiestendant à ce que lesaccusésbénéficiend t'un

traitementéquitable13.Les questions poséesont été répondueset les garantiesnécessaires ontété

foumies14.La Libye a confirméqueces garantiesétaientsatisfaisantes15.Il est donc curieux que,

dans sa réponse, la Libye mette en doute l'indépendancedes tribunaux écossais. Il en est I

particulièrement ainsi puisque, après avoir accepténos garanties tendant à assurer un procès

équitableenEcosse, laLibyea elle-même proposéplusieurs foisunprocèsécossais à conditionqu'il

se tienne en dehors de 1'Ecosse.

2.35. J'assurepersonnellement la Cour et la communautéinternationaleque le procès sera

entièrement équitable.C'est uneassurance qu'ilm'estfacile de donner étantdonnéqu'unde mes

devoirs en tant que procureur général - comme c'est le devoir de notre pouvoir judiciaire

indépendant - est de faireen sorteque tout procèstenuen Ecossesoitéquitable.Il faut cependant

s'assurer quejustice soit faiteet, enraison du large intét ternationalque provoquecette affaire,

nous sommes disposés à prendre des dispositions particulières. Au début du moisdernier, le
1

Gouvernement britannique a renouveléau Secrétairegénéral de l'Organisatiod nes Nations Unies

son offre de permettre à des observateurs internationaux d'assisterau procès et d'observer le

déroulementde la procédureen Ecosse. Commetout autre procès, celui-ciaura lieu bienentendu

entièrementen public, maisje tiens à préciserà la Cour quej'ai pris personnellementcontactavec

les autoritésjudiciaires écossaises,qui 'ontassuréqu'ellesétaient disposéesà réserver des places

dans la salle pour des observateurs del'ONUou toute autre organisationinternationalereconnue

pour leur permettre de suivre le procès; ainsi qu'à prendre les dispositions voulues pour

l'interprétationdesinterventionslorsduprocès.Lesobservateurspourraient donc s'assurer pae rux-

mêmede l'équité de la conduite du procèset en rendre compte à leurs organisationsrespectives. - 27 -

2.36. Mais j'ai fait plus, Monsieur le Président, en prenantcontact avec les autorités

pénitentiaires écossaises.Je peux confirmer que, en attente de leur procèset durant celui-ci, les

accusés seraient détenus dans deslocaux pénitentiairesspéciaux. Si les accusésle désiraient, ils

pourraient recevoir des visites d'observateurs internationaàxtout moment raisonnable. Cela

pourrait êtrechaquejour si les accusésle souhaitaientainsi.

2.37. L'endroitprécisoù setiendrait le procèset le lieu de détentiondes accusésne sauraient

êtredéterminésavantque l'onsaches'ilspourrontêtretraduitsdevantun tribunal écossais,maisles

autorités judiciaireset pénitentiaires écossaim'ontassuré quedes dispositions pourraient être

prises pour quedesreprésentantsd'organisationsinternationalespuissentvisiter maintenant oudans

un proche avenir le genre de salle de tribunal et d'installations pénitentiairesqui pourraient être

disponibles.

Garanties en matièrede preuve

2.38. Selon unecaractéristiquedu droit écossais,nul ne peut être convaincud'uncrime sur

la foid'unseultémoinou sur la based'une preuve provenantd'uneseulesource. Dans toute affaire

pénale, les faitsessentielsdoiventêétayés pardespreuves recoupées ne pouvantraisonnablement

éveiller aucundoute.En novembre 199 1, le procureurgénéradle l'époquea eu laconvictionqu'en

l'occurrencedes preuves recoupéesmettaienten cause deux Libyens, AbdelbasetAli Mohmed Al

Megrahi et Al Amin Khalifa Fhimah, agissant pour le compte des Services de renseignement

libyens. Il est uniquement parvenu àcette conclusionsur la base d'uneenquêtecomplèteet des

preuves disponibles. Je suis fermementd'avisque ces preuves doiventêtre maintenant examinées

de manière appropriée par lestribunaux criminels.

2.39. Comme je l'ai déjàdit, mes prédécesseursc ,omme moi-mêmesommes disposés à

examiner et à évaluer toutepreuve tendant àmontrer que les charges retenues contre les deux

accusésne sontpas fondéesou qued'autresparties sontimpliquées. Malgré de nombreuxrapports

hypothétiquesdesmédiasn ,i lapolice, nimes prédécesseurn,i moi-même n'avone su connaissance

d'aucune preuve susceptible de justifier un nouvel examen des inculpations formulées.-.-7,L Les thèsesdu complot
-, L,u
2.40. Dans sa réponse,la Libye cherche toutefois à semer le doute sur le fondement des

accusationsportéescontrelesinculpés. Il est évidemmenttropfacilede se livrerà des spéculations

sur les faits d'uneaffaire pénaleavant le procès lorsque les élémentsde preuve ne peuventêtre

rendus publics pour les motifs quej'ai déjà exposés. Au cours des quelquesix années quise sont

écouléed sepuisle dépôt desaccusations,l'affairea faitl'objetde nombreusesspéculationsdansles

organes de presse et ailleurs. L'exemple par excellence estcelui du film de télévision,Maltese

DoubleCross,commanditépar un groupe privé. Nousrelevons que la Libyea présenté une bande

vidéode ce film à la Cour. Nous ne sommes pas certains sur quelle base elle l'afait. Le film

n'établit aucuélémenm t atérielet on peut d'ailleurss'interrogersursarecevabilité.Je doisdèslors W

réserver expressémenttous les droits du Royaume-Uni à cet égard. Je signalerai cependant à la

Cour- puisqu'il s'agit làd'unfait rendu public par lestribunaux - que lemois dernierun certain

LesterKnox Coleman,l'undesprincipauxparticipantsdu film, sur lerécitduquelse fonde lathèse

qu'avancelefilm,aplaidécoupableauxEtats-Unisd'Amérique d'avoirfaitunfauxtémoignagedans

une déclarationsous serment qu'ilavait faiteà l'occasionde l'actioncivile découlantde l'incident

de Lockerbie. Il a maintenant reconnu devant les tribunaux que son récit,répété danlse film de

télévisioné, taitfaux.

2.41. Voilà un exempletypique de spéculationdangereuse et souvent basse qu'aentraînée

la présenteaffaire.Il est totalement dépourvu depertinence pour les questions dont la Cour est
1

saisiesauf qu'ilest riche d'enseignementssur les risques qu'entraînela spéculation.Les autorités

chargéesdes poursuites exerçant leur mission de façon responsable n'agissent passur la base de

spéculationsnon fondées, elles agissentsur la base de faits, d'éléments de preuveE. t c'estsur ce

seul fondementque moi-même et mes devanciers, enqualitéde procureurs générauxo,nt procédé.

Historique de la participationde la Libye au terrorisme

2.42. CommelaCour lesait, laLibye n'a fourniaucune réponsesatisfaisanteauxaccusations

portéesetà lademandede livraisondes accusés.MonsieurlePrésident,laCoura ledroitde savoir

pourquoile Royaume-Unia saisi ensuiteleConseil de sécurité de cette affaire. Il est vrai quecela

fait longtempsque la Libye appuie et encourage verbalement le terrorisme international. Ce fait -,.;i (= est bien établidans nos exceptionspréliminaires16.Pis encore, laLibye s'est montrée disposée à
J u,C.

recourir à la violencedansd'autrespays pouratteindresespropresfinsau méprisde lasouveraineté

de ces pays ou de la sécurité de leurs citoyens. Le Royaume-Unia étélui-mêmevictime de ces

agissements.

2.43.Au cours des annéesquatre-vingt,la Libye a lancéune campagnede violence- dont

on a beaucoup parlé - contre des dissidents libyens à l'étranger. En 1980, les Comités

révolutionnaires libyens ont ordonnél'assassinat de dissidents au Royaume-Uni. Un certain

Moussa Koussa, chef à l'époquede la mission diplomatique libyenne à Londres, a exprimé

publiquement son approbation de cette décision. Le gouvernement luia donc ordonnéde quitter

le territoire. En 1990,MoussaKoussa est devenuvice-ministredes affaires étrangèreset a ensuite

éténomméchef de l'Organisationde la sécurité extérieureet du renseignement de la Libye.

2.44. En 1984, un certain nombre de personnes ont été blesséeset une policière,

Mme Yvonne Fletcher, a été tuée pad res coupsde feu tirésde la mission diplomatique libyenne

à Londres. La Libye a refusé de coopére r l'enquêtepénaleouvertesurce crime trèsgrave,ce qui

a entraînéla rupture des relations diplomatiques.

2.45. En 1986,le Parlement libyen a demandéla créationde ((commandossuicides))dont la

mission serait notamment de«frapper les intérêtasméricainset sionistespartout)). Cetteannée-là,

un attentat au plasticà la discothèque«La Belle)) à Berlin a causétrois mortset plus dedeux cents

blessés. Cetteannée-ci,leprocureurgénérad leBerlin aportédesaccusationscontre cinqpersonnes

dont quatre sont aujourd'hui détenues. Le procureur allègue, en sefondant sur les élémentsde

preuve, que lesaccusés - même s'iln se sontpasdes ressortissantslibyens -ont commisle crime

sur les ordresdu servicede renseignementde 1'Etatlibyenet avec l'aide de lamission diplomatique

libyenne dans ce qui était alorsla République démocratique allemande.

2.46. En 1989, l'appareilassurant le vol 772 de I'UTAa été victime d'unattentat en vol qui

a provoqué laperte de 171vies. L'instructionjudiciairemenéepar la France sur le crimea mis en

cause plusieurs ressortissants libyens.

2.47.Un exempleéclatantde l'attitudede la Libye à l'égard duterrorisme :la déclarationdu

_ .-
, ,:,j, colonel KadhafidevantleParlementlibyenen 1991où, parlantde l'IRA,ila dit :((nousl'appuyons,
- -. . - 30 -

avec ou sans terrorisme)). Comme la Cour le sait bien, l'IRAa commis de nombreux actes de

terrorisme au Royaume-Uniet dans d'autresrégions de1'Europe.Or, après la décision du Conseil

de sécurité ordonnandtanssarésolution748 à la Libye de«cesserdemanièredéfinitivetoute forme

d'actionterroristeet toute assistanceauxgroupesterroristes)),laLibyea faitsavoirI'Organisation

des Nations Unies qu'elle«romp[ait]ses relations avectoutes les organisationset tous lesgroupes

impliqués dans le terrorisme international)). La Libye a notamment offert de fournir des

renseignementsauGouvernementbritanniquesurl'aidequ'elleapportait à I'IRA17L. aCourrelèvera

l'emploi significatifdu verberomp[ait]» dans la déclaration.La Libyen'afait aucun effort pour

nier son implication dans le terrorisme international.

2.48. Compte tenu du dossier de la Libye en faveur du terrorisme, il ne faut donc pas w

s'étonnerque le Royaume-Uni ait décidé de saisir le Conseil de sécurilorsque la Libye n'a pas

donné de réponsesatisfaisante aux décisions découlant del'enquête pénals eur l'incident de

Lockerbie. Le Conseil de sécuritése préoccupait depuislongtemps du terrorisme de ce genre

comme le montreraM. Bethlehem, et il s'étaitd'ailleursdéjà exprimé sur l'incident de Lockerbie.

Le chapitre VI de la Charte des Nations Unies abonde en indices montrant qu'ilappartient au

Conseil de sécuritéde s'occuperdes situations dont la prolongation est susceptiblede menacer le

maintien de lapaix et de la sécurité internationales. Je rappelàla Courque lesEtatsMembres

de l'organisationdesNationsUnies sonttenus, auxtermesde l'article 37de la Charte, desoumettre

les situations de ce genre au Conseil.

2.49.Monsieur le Président, Messieursde la Cour,je vous remerciede votre attention. Le

moment est peut-êtrevenu de faire unepause aprèslaquelleM. Bethlehem aborderala questiondu

rôle du Conseil de sécurité.

--
17Exceptionsréliminair,ar.2.25 et 2.26 et annexe55.;7 ci LeVICE-PRESIDENTfaisantfonctiondePrésident :Jevousremercie, lord Hardie.LaCour

fera une pause de quinze minutes.

L'audienceest suspenduede II h IO à II h 20.

'.Par. 1.2.

2,Par.2.28-2.51.

3.Par.2.36-2.42.

4.Annexe16.

',Par. 2.29, inj-a.

6.Paragraphes2.28 à 2.32 et annexe 18.

'.Par. 1.5.

'.Réponsede la Libye, paragraphes 1.4, 1.8 et 1.9.

9Annexe 16 des exceptions préliminaires.

''.Annexe17 des exceptions préliminairesdu Royaume-Uni.

".Paragraphe 1.8.

12.Paragraphes1.6et 1.7 de laréponsede la Libye.

13.Annexe 67 des exceptions préliminairesdu Royaume-Uni.

14.Annexe 68.

15.Annexe 69. - 32 -

Le VICE-PRESIDENTfaisant fonction de Président : Veuillez prendre place. Je donne

maintenant la parole à M. Bethlehem.

M. BETHLEHEM :Monsieur le Président,Messieurs de la Cour,je vous remercie.

3.1. C'est pourmoi un grand privilègeet un grand plaisir de me présenterdevant vous ce

matin et c'estun honneur de le faire pour représentermon pays.

3.2. Monsieur le Président,le procureur général d'Ecossea décritla situation de fait de

l'affaire- l'enquête,les preuves, les accusations - ainsi que les caractères essentiels de la

procédurepénaleécossaise, y compris les garanties accordées auxaccusés. Il a attirél'attention,

bien que brièvement,sur le dossier ancien et bien documenté dela participation dela Libye au
w

terrorisme international,facteurimportantpourapprécierlesmesuresparlesquellesleRoyaume-Uni

a portél'affaire devantleConseilde sécuritéa ,insi que laréponse duConseil. Taimaintenantpour

tâche de décrirela participationdu Conseil - quelle en a été l'origineet quelle est lanature de ses

préoccupations.En particulier,je voudraisparcourir avec vous la chronologieexactede l'examen

de la questionpar le Conseil :tout à fait en dehors de son importance intrinsèque, l'appréciatio dne

la chronologiemet aussi en lumière les motifsde la requête dontla Libye a saisi la Cour.

3.3.Toutau longdecetteaffaire,MonsieurlePrésident,déjàdepuis la demandeenindication
- -: \.i
" ,-,.l
de mesures conservatoires de mars 1992,la Libye s'est drapéedans le rôle d'unevictime, que le

Royaume-Uni a essayé d'empêcher d peorter l'affairedevant la Cour en recourant au Conseil de

-. .!r, sécurité.Or, il ressortde l'examendes faitsque c'estlà lecontrairede ce qui s'est réellement passé. I
J. .. .-

En réalitéb ,ien loin que leRoyaume-Uniait recouru au Conseilde sécurité pour essayerd'exclure

la compétence de la Cour ou d'écarte lr convention de Montréal,c'estla Libye qui s'estadressée

à la Couret a invoquélaconvention à cettefin, dans unetentative à peinedissimuléede subversion

et de limitation de l'exercice parle Conseil des responsabilités quilui incombent en vertu de la

Charte.

3.4. Monsieur le Président, Lachronologie des événementsillustre avec clarté cette

proposition. Permettez-moide résumer lasituation pour vous donner une sorte de carte où situer

les uns aprèsles autres lespointsde mon exposé.Les membresdu Conseilde sécuritéprocédaient

à un examen actif de l'affaire- l'incidentde Lockerbie et les allégationsd'uneparticipation

libyenne - quand laLibye a fait mentionde la conventionde Montréal pourla premièrefois. Le - 33 -

Conseil avait déjà prisune mesure, sous la forme de la résolution731,quand la Libye a introduit

une instancedevant la Couren se fondant sur la convention. La Libye a mêmeengagél'instance

lejour mêmeoù le Secrétairegénéral a faria tpport auConseil en déclarantque la Libye ne s'était

pas conforméeaux termesde larésolution 731. Le Conseil n'a pas suspendu l'examen de l'affaire.

Au contraire, resté saisi des points litigieux, il lui a donné suite en adoptant deux autres

résolutions - les résolutions748et 883 - dans l'exercice des pouvoirsd'exécution qu'il tientdu

chapitre VI1de la Charte. Il reste saisi de l'affaire à ce jour.

3.5. Monsieur le Président,Messieurs de la Cour, ce n'est là qu'un exposésquelettique.

Permettez-moi maintenant de donner corps à chacun de ces éléments plusen détail.

3.6. Il n'ya pas eu de réponse satisfaisantede la Libyequand la remise des accusés a été

requise le 14novembre 1991. En conséquencele Royaume-Uni et les Etats-Unis ont publiéune

déclarationconjointele 27 novembre 1991. Messieursde la Cour, vous trouverezcette déclaration

conjointe à l'annexe7 du volume 1des documentsdu Royaume-Uni2.Vous devriez avoir sousles

.'; ,'4 yeux une version française et une version anglaise des documents. Elle est dans le volume 1des
, . , i

documents. Dans cette déclarationle Royaume-Uniet les Etats-Unis ont demandé à la Libye de

livrer les accusésafin qu'ilssoienttraduits en justice, d'assumerla responsabilitédes agissements

des fonctionnaires libyens, de divulguer tous les renseignements en sa possession sur ce crime et

de permettrele libreaccèsauxéléments depreuve,ainsi que deverser des indemnités appropriées.

Je me référerai à ce document un peu plus tard.

3.7. Le mêmejour, la France s'est associéeau Royaume-Uni et aux Etats-Unis dans une

déclarationtripartitesur le terrorisme qui demandait à la Libye, à propos des attentats à la bombe

contre les appareils assurant les vols 103 de la Pan Am et 772 de I'UTA,de satisfaire aux

exigencesque luiavaient adresséesles trois Etats àpropos de ces incidents. La déclaration aaussi

demandé à la Libye d'assumerl'obligationde cesser toutes les sortes d'activitésterroristes3.

*N47/827* etS/23308*,31 décembre1991.

3A/46/828* etS/23309*,31 dkcembre1991;annexe 8 des documents du Royaume-Uni. - 34 -

3.8.Monsieurle Président,Messieursde la Cour,en detellescirconstances,leRoyaume-Uni

a estiméappropriéde porter l'affaire devantl'organisation desNationsUnies. Aussi a-t-il adressé

ces déclarations et d'autres documents connexes au Secrétaire générd ale l'organisation des

Nations Unies le 20 décembre1991. Le 31 décembre1991les documentsont été distribuéscomme

documents de l'Assembléegénérale et du Conseil de sécurité.

3.9. Le Royaume-Unin'apas porté l'affairedevant le Conseil de sécurité à la légèresans

donner d'abord àla Libye l'occasiond'examinerce dont il s'agissaià titre bilatéral. 11ne l'afait

qu'aprèsdesdélibérationsattentives,comptetend u'élémentsdepreuvdeepoids, quiindiquaientune

participation de la Libye à l'incidentet pour répondreà la demande de remise des accusésqui

n'avait pasétésatisfaite. De plus leRoyaume-Unia estiméqu'il s'agissait là d'uneaffaire dûment V

soumise au Conseil de sécuritéc ,ar le Conseil et l'organisation des Nations Unies de façonplus

générale s'étaien dtéjà préoccupédse questions relatives au terrorisme international. En attirant

,-,A p l'attentiondu Conseil sur l'affaire,le Royaume-Uni ne cherchaitdonc paà entraîner le Conseilen
-, L.i

dehors de son domainede compétenceétabli.11ne cherchaitpas davantage àexclure l'application

d'aucun autre instrumentourouageinstitutionnel. Enréalitél,aLibye n'avait invoquélaconvention

de Montréal à aucunmomentjusqu'alors dans ses relationsavec le Royaume-Uniou avec qui que

ce fût d'autre.

Les préoccupationsdu Conseil de sécurité dans le domaine du terrorisme international
rrr
3.10. Monsieur le Président, à ce stade, il peut être approprié qujee rappelle brièvement

certains aspects des préoccupationsde I'Organisation desNations Unies dans le domaine du

terrorisme international,car la compétenceduConseilde sécuritéà cet égardest l'unedesquestions

que la Libye a mise en cause en l'espèce.

3.11.Les préoccupationsde I'OrganisationdesNations Unies dans le domaineduterrorisme

internationalremontent àbiendesdizainesd'années etontété bienillustréesparM. Guillaumedans

les conférencesqu'ila faitesà l'Académie de La Haye soulse titre ((Terrorismeet Droit)). En ce

qui concerne le terrorisme contre l'aviationcivile, la premièremesure remarquable a étéprise

en 1970avec l'adoptionpar le Conseil desécuritéde la résolution 286, quia fait suitee marée

d'attaques contreles avions civils d'un certain nombre depays. Par cette résolutionle Conseil a demandéauxEtats «deprendretoutes lesmesuresjuridiques possibles pour empêcher tout nouveau

détournement ou toute autre ingérencedans les liaisons aériennes internationales civil es^^.

3.12. Deux ans plus tard, le 20 juin 1972,la résolution286 a étésuivie par une déclaration

présidentiellerelative, elleaussi, la question des attaquesterroristes contre l'aviationcivile5. La

déclarationillustremanifestementavecquellegravitélesmembres duConseilconsidéraientdetelles

attaques.

3.13. Pendant la période qui a suivi l'adoption de la résolution286 et la déclaration

présidentielle de juin 1972, le Conseil de sécurité a été saisi d'affairerselatives au terrorisme

international en de nombreuses occasions. Entre 1970et 1987 il a adopté diverses résolutions et

publié des déclarations quicondamnaient le terrorisme sous beaucoup de formes, y compris les

-. détournementset les autresingérencesdanslesliaisonsaériennesinternationalesciviles,lesattentats
- , L,
.- - 4
à la bombe contre les aéroports,les prises d'otageset les enlèvements. Le Conseila aussi pris des

mesures à titre spéciaà propos d'actes de terrorisme déterminés.Nos exceptions préliminaires

fournissent des documents sur des exemples de telles mesures6.

3.14. Messieurs de la Cour, voilà dans quelles conditions le Conseil de sécurité aréagien

présencede la destruction de l'appareil assurantle vol 103 de la Pan Am au-dessus de Lockerbie

et il l'a faàtpeu prèsaussitôt après qu'il eûtétéétabli quel'incidentn'étaitpas simplement un

accident tragique, mais un acte criminel de la sorte la plus grave. Agissant au nom des membres

du Conseil, le Président a publié, le 30 décembre1988 - neuf jours après l'incident- une

déclarationcondamnantla destructionde l'appareilassurant ce vol et invitant «tous lesEtats à aider

à saisir et poursuivre les responsables de cet acte criminel))'.

3.15. Le 14 novembre 1989, cette déclarationprésidentielleaétésuivie de l'adoption parle

Conseil de sécurité,àl'unanimitéd, e larésolution635,quicondamnaittous lesagissementsillicites

dirigéscontre la sécuritédel'aviation civileet demandaità tous lesEtats de coopérer à des mesures

4S/RES/286(1970);annexe 24 desdocumentsduRoyaume-Uni.

5S/10705,20juin1972.

6Paragraphe.3.

'SC15057,30 décembre 1988; annexe des documentsduRoyaume-Uni. - 36 -

visant àprévenirlesactes deterrorismes.Larésolutiondemandaitaussiinstamment à l'organisation

de l'aviation civile internationale d'intensifier ses travaux pour mettre au point un régime

internationalde marquagedesexplosifsplastiquesauxfinsde détection.Une convention à ce sujet

a étéadoptée à Montréalen mars 1991.

Décembre 1991-janvier1992

3.16. Messieurs de la Cour, aprèsavoir décidé que l'affairedevait êtresoumise à l'attention

de Conseil de sécurité,le Royaume-Unia entrepris des consultations - ce qui étaittout à fait

approprié et ce qui est usuel en de telles circonstances- avec les autres Etats étroitement

intéressés, enl'espècela France et les Etats-Unis. Desconsultationsont étéaussitenues avec un

'? ,.?A groupe d'Etatsplus ample. Le fait qu'ily avait des consultationsen cours entre des membres du
.,I.4

Conseil ne pouvait manquer d'être notoire depuis déjàle 4 janvier 19929.

3.17. Le 10janvier 1992, à la suite de ces consultations, lestrois gouvernements ontfait

distribuer aux membres du conseilun projet de ce qui allait devenir la résolution731 du Conseil

de sécurité.Le fait qu'unprojet de résolution ait été distribué et que le msembresdu Conseil en

aient entrepris l'examena fait l'objetd'unenotoriétépresque immédiateet mêmede commentaires

dans la presse internationale dès leIl janvier''.

3.18. Monsieurle Président,le lendemai dne la premièredistributiondu projetde résolution

aux membres du Conseil de sécurité pour examen - c'est-à-direle 11janvier 1992- alors que

w
l'on connaissait déjà la participationdu conseil, la Libye a envoyé à l'organisationde l'aviation

civile internationaleune lettredans laquelleelle mentionnaitpour lapremièrefoislaconventionde

Montréal. La Libye ne s'était référée a la convention dans aucune de ses lettres ou déclarations

antérieures à l'organisation desNations Unies, à l'organisation del'aviation civileinternationale,

ni au Royaume-Uni. Alors, le 18janvier, une semaine plus tard, la Libye a envoyé au

Royaume-Uniunelettre demandantqu'undifférend soitsoumis àl'arbitrageen vertu del'article 14,

paragraphe 1, de la convention. Cela s'estproduit à un moment où les membres du Conseil de

sécurités'étaientdéjàengagés du ans discussionactiveduprojetderésolution.C'étailtapremière

'SmES1635(1989); annexe40 des documentsduRoyaume-Uni.

voir, par exemple,New York Times,Late Edi-ioFinal, samed4janvier 1992,p. 2

"New YorkTimes,Late editio- Final. Samedi11janvier 1992,3. - 37 -

fois que la Libyese référai t la convention de Montréaldans ses échanges avec leRoyaume-Uni.

La résolution731 a été adoptée troisjourp slus tard le 21 janvier 1992.

La résolution731 (1992)

3.19. Monsieur le Président, Messieursde la Cour, si vous me permettez, je voudrais

parcouriravecvous quelquesdétailslarésolution731et les principauxdocumentsauxquelselle se

réfère.Vous trouverez la résolution à l'annexe2 des documents du Royaume-Uni.

3.20. Comme vousleverrez si vous vous reportezau sixièmealinéadu préambule (qui dans

laversion anglaisevient en dernier, au bas de la première page;il en va de mêmedans la version

française),il y est fait mention de cinq documentsprésentés au conseil àl'occasiondes procédures

dedroitrelativesaux attaquesperpétréescontre lesappareilsassurantles vols 103de laPanAm et

772de I'UTA . Permettez-moi donc, avant tout, d'examineravec vous les plus importantsde ces

documents :

- le premier document,que l'ontrouve à l'annexe511des documentsdu Royaume-Uni, concerne

l'enquêtejudiciaire française sulr'attaqueperpétrée contrel'avionUTA le 19septembre 1989.

Comme le paragraphe liminaire vous l'indique, l'enquêtaefait peser «de fortes présomptions

de culpabilitépour ce crime odieux sur plusieurs ressortissants libyens». Le communiqué

présidentiel exige ensuite que les autoritéslibyennes coopèrent avec la justice française,

notamment,en fournissanttous leséléments de preuve pertinentset en facilitant l'accèstantaux

documents qu'aux témoins;

- le second document, quifigure à l'annexe812,est la déclarationtripartite desEtats-Unis, dela

France et du Royaume-Uni à laquelleje me suisréféré pluh saut. Au paragraphetrois de cette

déclarationtripartiteà la page 3 du document, il est demandé à la Libye de se conformeraux

exigences des trois gouvernementss'agissantdes procéduresjudiciairesen cours relatives aux

attaques à la bombe contre les appareils assurant les vols 103de la Pan Am et 772 de I'UTA.

La déclarationdemande aussi a la Libye de ((s'obligerde façon concrète et définitiveàcesser

l'activité terroristesous toutes ses formes et toute assistancedes groupes terroristes));

-- ---
"S123306,31dCcembre1991.

I2S/23309,31dtcembre 1991. - 38 -

- le troisième document, qui figure à l'annexe613, contient deux déclarations du

14 novembre 1991, lapremièrede celui qui était alors procureurgénéral d'Ecosseannonçant

les chefsd'inculpation retenuscontreles accusés,laseconde duForeign Secretary britannique,

-1 ; L; destinée à faire connaître au Parlement les aspects essentiels de l'affaire. Il contientaussi les
- L.C,

déclarations publiéespar les Gouvernements britannique et américainle 27 novembre 1991.

Sous sa forme américaine, cettedéclaration figuredans le quatrième documentauquel fait

référence la résolution731 et qui se trouveà l'annexe714.

3.21. Messieurs de la Cour, le dernier document mentionné dansla résolutionest I'acte

d'accusationdélivrépar la Cour de district des ~tats-unis".

3.22.Dans cette perspective,Messieursde la Cour,permettez-moide revenir avecvous à la *

résolution731 qui figureà l'annexe2. Comme vous l'indiquentlesparagraphes du préambule de

larésolution,le Conseilrelève lespréoccupationsqueluiinspirentlesactesdeterrorismeen général

et les actes dirigés contre l'aviation civile en particulier et il réaffirme ensuite, dans les

paragraphes 3 et 4 du préambule, lesrésolutions286 de 1970 et 635 de 1989, quej'ai déjà

mentionnées. Ensuite, vous pouvez le voir, le Conseil rappelle, au paragraphe 5, la déclaration

présidentiellerelative l'incident deLockerbie du 30 décembre1988. Comme on en trouve là

l'illustration,le Conseil envisage l'incidentde Lockerbieet la destructionde l'appareilassurant le

vol UTA dans le contexte des préoccupationsplus généralesque lui inspire le terrorisme

international. Il indiqueaussi que la situation particulièrequi le préoccupen'est pasde celles qui
w

retiennent son attention pour la première fois. Au contraire, le Conseilréaffirmesa compétence

dans un domaine dontil a déjàétésaisi et à propos duquel ila déjàexprimédes vues énergiques

et réfléchies.

3.23. Messieurs de la Cour, pour passer aux paragraphes du dispositif de la résolution,

permettez-moi d'attirersimplement votre attention sur leurs termes:

- le paragraphe 1,dans lequel le Conseilcondamne la destructiondesappareils assurantles vols

Pan Am et UTA;

13S/23307,1décembre 1991.

'4S/2330831décembre 1991.

I5S/2317,23 décembre1991. - . -- - le paragraphe 2 - dans lequelle Conseildéplore vivemenlte faitque le Gouvernementlibyen
4i ..,?;
- n'ait pasencorerépondueffectivementaux«demandes»française,britanniqueetaméricaine«de

coopérer)),contenues dans les documents quenous venons d'examiner;

- le paragraphe 3 - dans lequel le Conseil demande instamment à la Libye d'apporter une

réponse complète et effective à ses demandes decoopération;

- leparagraphe 4- dans lequel leconseilprie le Secrétairegénérad le rechercher la coopération

de la Libye;j'aurai davantage à direà ce sujet dans quelques instants;

- leparagraphe 5 - dans lequelle Conseildemandeinstamment àtous les Etats d'encouragerle

Gouvernementlibyen à répondredefaçoncomplèteeteffectiveauxdemandesduRoyaume-Uni,

de la France et des Etats-Unis; et enfin

- le paragraphe 6 - dans lequel le Conseil décidede rester saisi de la question.

3.24. MonsieurlePrésident,Messieurs delaCour, lestermesde larésolutionsontdépourvus

d'ambiguïté.La résolutiona été adoptée à l'unanimité.On ne permettait donc pas à la Libye

d'hésiter,on ne lui permettait pasd'hésiter,sur ce que le Conseil exigeait d'elle.

3.25.Avantdequitter la résolution731,Messieursde la Cour,permettez-moidevous donner

brièvementle ton du débatau cours duquel cette résolution a été adoptée16 en mettant en lumière

deux interventions de membres du Conseil au débat,qui illustrent la gravitéavec laquelle on

envisageait cette situation.

3.26. Premièrement,il y a la déclarationdu représentantde la Hongrie :

«Les attentats perpétrés contre les avions de la Pan Am et d'UTAconstituent,
sans aucun doute, des actions qui mettent en danger la paix et la sécurité
internationales. Par conséquent,nous estimons qu'il est pleinement justifié et
hautement opportun que le Conseil de sécuritél,'organedesNations Unies chargé de
la responsabilitéprincipalede lapaixetde lasécurité internationales,se saisissede ces

manifestations de terrorisme.

La Hongrie estime que la question de l'éliminationdu terrorisme international
. . a sa place légitimeparmi lespréoccupations duConseilde sécuritél,equel, sur la base
- -. / ^ de son mandat inscrit dans la Charte, est tenu de suivre de près tout événement
./' ij. susceptible de mettre en danger la paix et la sécuritéinternationales...»''

"SPV.3033, 21janvier 1992;annexe 10des documents du Royaume-Uni.

"SPV.3033. 21janvier 1992;annexe 10des documents du Royaume-Uni,p. 91-92. 3.27. En second lieu, Monsieur le Président, permettez-moid'évoquerbrièvement la

déclaration faite par lereprésentantdu Venezuela au cours de la mêmeprocédure :

«Les pays qui ont parrainéle projet de résolution ..se sont engagés, avecle
groupe des pays non alignés représentéasu conseil, à faire une déclaration claireet
nette, auterme de laquelle cette résolutionrevêtun caractèreexceptionnel etne peut

êtreconsidéréed ,e quelque façon que cesoit, comme précédent, sinoe nxclusivement
dans les cas où des Etats sont impliquésdans des actes de terrorisme.

C'estune questionoù l'indécisionetlespositions équivoquesn'ont palseurplace.
Nous sommes conscientsqu'ilne suffit pas de faire une déclarationde principecontre
le terrorisme.

Enfin,je voudrais faire remarquer que, dans notre processusde décision,nous
avons tenu compte du résultat detrois années d'enquête réalisée par les trois pays
universellementreconnus pourlerespect desprincipesdu droit et pour l'indépendance
de leurs branchesjudiciaires. Nous avons égalementpris en considérationle fait que

les tribunaux de ces pays n'ont condamnépersonne et qu'ils se sont contentés
exclusivement de déterminer l'existence d'indicesqui justifieraient une procédure
criminelle impartiale.»''

3.28.Comme lemontrentcesdéclarations,larésolution 737a été adoptée à l'unanimitém, ais

non pas parce que les membres du Conseil estimaient que les questions sur lesquelleselle portait

se réduisaientà de vagues déclarationsdeprincipe ou d'intentionsusceptibles d'êtreincluses dans

quelque résolution pieuse,puis aiguillées versla voie de garage de l'histoire. Au contraire, les

membresdu Conseilavaientsous lesyeuxdesrenseignementsquiétayaientles accusationsdirigées

contre les accuséset qui mettaient en cause la Libye. Ils se sont attachés surtout la gravitéde
w

l'incidentet des accusations. Ils ont examinéla question de la compétence du Conseilde sécurité

pour detelles affaires. Ils-c'est-à-dire leConseil- ont décidé qu'ils'agissait d'unequestionpour

laquelle une décisiondu Conseil étaitappropriée.

3.29. Monsieur le Président, avant de passeraux autres résolutions,il faut encore présenter
-.'.-T,'

une autreobservationsurlarésolution731, àtitre de parenthèse.Dans saréponse,laLibyesoutient

que la résolution 731, avec les résolutions 748et 883, auxquellesje me référeraid'ici peu, sont

nulles, car le Royaume-Uni, les Etats-Uniset la France n'étaientpas habilitéà participer au vote

à leur sujetI9. A l'appuide son allégation,la Libye invoque la clause restrictive de l'article27,

18S/PV.3033, 1janvier 1992;annexe 10des documentsduRoyaume-Uni, p.101.

'%éponse de la Libye,par.4.43-4.48. paragraphe 3, de la Charte, qui dispose que les décisionsdu Conseil de sécuritésur les questions

qui ne sontpas de procédure sont prisespar un voteaffirmatif de neuf de ses membres,y compris

les voix des membres permanents, ((étantentendu que dans les décisionsprises aux termes du

chapitre VI et du paragraphe 3 de l'article2, une partieà un différend s'abstient devoter)).

3.30.Je ne m'étendraipas sur l'allégation dela Libye qui a trait aux résolutions748 et 883,

adoptées l'une et l'auten vertu du chapitreVI1de la Charte et doncexclues de l'applicationde la

clause restrictive de l'article27, paragraphe 3. Pources résolutions,la situation est claire. En ce

qui concerne la résolution731, le droit établi, affirmédans l'avisde la Cour en l'affaire de la

Namibie,c'est quecetteclause«exige ...pourêtreapplicable,queleConseilde sécurité ait constaté

au préalablequ'ilexiste un différend auquelcertainsmembres du Conseil soient Partie».'O

3.31.Messieursde la Cour, aucuneconstatationde ce genren'aété faite.Aucunmembre du

Conseil n'adonné à entendre qu'une constatationde ce genre fût nécessaire. De plus, le point de

l'ordredujour au titre duquel le Conseil a examinéla question se rapportait une «situation»,pas

àun «différend».La questionne relevait doncpasde laclause figurant à l'article27,paragraphe 3.

La proposition selonlaquellelarésolution73 1est entachéed'unenullitéde formene se fonde donc

sur rien, ni en fait, ni en droit.Il faut aussi rappeler que la résolution737 a été adoptée à

l'unanimité, queson adoptionne dépendaitpas du vote favorable des trois Etats contre lesquels la

< --
- G Libye serépandmaintenant eninjures. La suggestionselon laquellel'issue aurait été différente si
.i \.,
le Royaume-Uni, laFrance et les Etats-Unis s'étaientabstenus ne se fonde donc sur rien dans la

réalité.

Le rapport du Secrétaire générall,a requêteadressée par la Libye à la Cour et la
résolution 748 (1992)

3.32.MonsieurlePrésident,conformémentauparagraphe4 delarésolution731,leSecrétaire

générad l e l'organisation desNationsUnies, par l'intermédiairedesonenvoyéspécial,a recherché

la coopération dela Libye en vue d'apporterune réponsecomplèteet effective aux demandes

formulées dans la résolution. Le Conseil n'est donc pas passédirectement à des mesures

d'exécution.Toute possibilitéde répondre a été donnée à la Libye. Malheureusement,elle n'apas

"~arnibie, avis consultC.I.JRecuei1971, p17,par.26. - 42-

répondu.A la suite d'un rapportinitial du 11février1992*',le Secrétaire géalfait rapport au

Conseil de sécurité,le 3 mars 1992, déclarantque ses consultations avec la Libye relatives

l'exécutiondes termes de la résolutionn'avaient pasréussi22.

3.33.Lejour mêmeoù le Secrétairegénéraa l fait rapport au Conseil,le 3 mars 1992,lejour

mêmel,aLibye adéposé sa requêtedans la présenteaffaireet sa demande en indicationde mesures

conservatoires. Cependant, lesconsultationsentre lesmembresdu Conseilrelativàunenouvelle

résolution destinée imposer des sanctions contre la Libye se sont poursuivies. Elles ont abouti

à l'adoptionpar le Conseil, le 31 mars 1992, de larésolution748.

3.34.Messieursde la Cour, vous trouverez la résolution748l'annexe3 des documents du

Royaume-Uni. Les formats des versions anglaise et française different quelque peu, mais la W

résolutionest la même. Comme vous le verrez, au débutde la résolution 7à8l'alinéa3 de son

préambule,le Conseil se déclare gravementpréoccupéde ce que la Libye n'ait pasdonné une

réponsecomplèteet effective aux demandescontenuesdans sa résolution 731. LeConseilaffirme

ensuite sa préoccupation l'égarddes actes de terrorisme international, notammenten réaffirmant,

au sixième alinéadu préambule, au basde la page du texte anglais et au milieu de la seconde

-, - ,: colonnedans letextefiançais, que «chaqueEtata ledevoir de s'abstenir d'orgaet d'encourager
! 3 t
des actes de terrorisme sur leterritoire d'unautre Etat,d'yaider oud'yparticipem. Ensuiteet c'est

là, bien entendu, un élément critique,le Conseil constate, en se référantclairemànl'alinéa

précédentq, ue, je cite«le défaut dela part du gouvernement libyen de montrer par des actes
-
concrets sa renonciation au terrorisme et, en particulier, son manquement coàtrépondrede

manièrecomplèteet effective auxrequêtes contenuedans la résolution731(1992)constituentune

menace pour la paixet la sécurité internationale)).

3.35.Le Conseilaffirmeensuiteexpressémentqu'il agitenvertuduchapitreVI1de laCharte.

3.36.Bien entendu, la constatationque fait l'extraitqueje viens deciter est une constatation

en vertu de l'article39 de la Charte des Nations Unies. Comme ces alinéasl'indiquentavec clarté

etc'est significatif,cette constatationdiscernelamenacecontre lapaixet la sécuritéinternationales

non seulement dans le fait que la Libye n'ait pas donnéune réponsecomplèteet effective aux

21S1235741,1févr1992;annexe13auxdocumentsduRoyaume-Uni.

=S/23672,3 mars1992; annexe14 auxdocumentsduRoyaume-Uni. - 43 -

demandes de la résolution 731, mais aussi dans l'appui apportépar la Libye au terrorisme

internationaldefaçon plus générale.Le Conseil de sécuritése préoccupaitdoncde la question plus

ample et non pas des seules allégations relativesl'incident deLockerbie.

3.37. Messieurs de la Cour, pour passer aux élémendu dispositif de larésolution,le Conseil

décide,au paragraphe 1, comme vous le voyez, que la Libye doit désormais((appliquersans le

moindre délai le paragraphe 3 de la résolution 731 concernant les demandes)) des trois

gouvernements. Cette exigence est ainsi devenue une décisionobligatoire du Conseil avec toute

ceque cela implique. De plus, au paragraphe 2, le Conseil a décidégalementque laLibye devait

s'engagerà cesser «de manière définitive))toute formed'actionterroriste et toute assistance aux

groupes terroristes et qu'elledevait le montrer par des actes concrets. Ensuite, aux paragraphes 3

à6,le Conseil a imposédiverses sanctionséconomiqueset autrescontre la Libyejusqu'à ce qu'elle

se conforme aux termes des paragraphes 1et 2 et ces dispositionsont demandéque tous les Etats

adoptent les mesures en question. A propos de ces mesures, au paragraphe 7, le Conseil a aussi

demandé à tous les Etats eà toutes les organisations internationales d'agirde façon strictement

conforme aux dispositions de la présenterésolution, nonobstant «l'existencede tous droits ou

,P.
L obligationsconférésou imposéspar des accords internationaux ou detout contrat...)) Comme vous

leverrez dans les paragraphes quiviennentaprès, le Conseil a ensuiteétabliunsystèmepour suivre

et exécuterles sanctions. Enfin, au paragraphe 14 de la résolution,le Conseil a décidé de rester

saisi de la question. La résolution aétéadoptéepar dix voix contre zéro,avec cinq abstentions.

3.38. Monsieur lePrésident,le14avril 1992,la Coura rendu son ordonnance surla demande

enindication de mesuresconservatoires,dans laquelle elle ajugé queles obligations d'exécuter les

décisionsdu Conseil de sécuritqui incombaient à la Libyeet au Royaume-Uni en vertu de l'article

25de la Charte s'étendaienà premièrevue àla décisioninclusedans la résolution 748.Elle a aussi

jugéque, conformément à l'article 103de laCharte, les obligations des Parties issues de la Charte

et de la résolution748 prévalaient sur leurs obligationsen vertu de tout autre accord international,

y compris la convention de Montréal. Certes, nous n'en sommes plus au stade des mesures

conservatoires et la Cour peut examiner ces questions de plus près,mais nous n'en adoptons pas

moins cette formulation de la Cour. En l'espècela question est donc de savoir si la Libye peut

écarterla présomptionselon laquelle l'obligation quiexiste en vertu de l'article de la Charte s'étendà l'exécutiode la décisioncontenuedans la résolution748. Selon nous,la Libye ne peut

pas le faire; mais c'estlà une question quele procureur génl'Ecosseexaminerademain matin

plus en détail.

La résolution883 de 1993

3.39.Dans lesvingt moisqui ont suivi l'adoption delarésolution748,laLibyea faitparvenir

à l'organisation des Nations Uniesde nombreuses communicationsdans lesquelles elle affirmait

s'êtreconformée à la résolution731de sorte que la résolution748étaitinjustifiée. Le Conseil de

sécuritén'étaitpas de cet avis. Il a adoptéla résolution883 le 11 novembre 1993 en raison du

non-respect parla Libye des conditions des résolutions748 et 731. Messieurs de la Cour,cette
v
résolution figurà l'annexe4 des documents présentés parle Royaume-Uni. Je ne ferai que vous

citer trèsbrièvementcertaines de ses dispositions essentielles. Dans le deuxième paragraphe du

préambule,le Conseilmentionneexpressémentle fait que laLibyene s'est toujours pas pleinement

.3 ?.-- conforméeauxconditionsdesrésolutionsprécédenteL s.e sixièmeparagraphedupréambuleprécise
,-:,.\a'
ensuite que le défautpersistant de la Libyede démontrersa renonciation auterrorisme et que son

manquement continu à répondrede manière complète et effective aux requêteset décisions

contenues dans les résolutions731 et 748 ((constituentune menace pour la paix et la sécurité

internationales)). Le Conseiléaff~rmeensuite agir en vertu du chapitre VI1de la Charte.

3.40. Commevous le verrez, le dispositif de la résolution exige,en son paragraphe 1,que la
-
Libye «se conforme sans plus de retard aux résolutions731 (1992) et 748 (1992))).Dans ses

paragraphes 2 à 8, la résolution élargit ensuitela portéedes sanctions impoàéla Libye. Au

paragraphe 12,leConseil, comme il l'avaitfait dans la résolution 748,demanàtous les Etats et

à toutes lesorganisationsinternationalesd'agirde façon conformeaux dispositionsde la résolution,

nonobstant ((l'existencede tous droits ou obligations conférés ou imposés pad res accords

internationaux)). Au paragraphe16,le Conseil se déclaredisposéà ((procédeà la revision))des

sanctions imposéesafin de les suspendreet les lever quand la Libyeaura pleinementsatisfait aux

résolutions731 et 748. La Libye n'a cessédepuis lors de tergiverser.

3.41. La résolutiona étéadoptéepar onze voix contrezéro et quatre abstentions. - 45 -

Résumé de la chronologie des événements

3.42. Monsieurle Président, Messieursdela Cour, voici commentle Conseil de sécuritéest

intervenu et comment les choses se sont passées. La questiona été soumise à l'attentiondes

membres du Conseil vers la fin de décembre1991. Des consultations non officielles se sont

déroulées entre les membres duConseil au début dejanvier 1992. A l'issuede ces consultations,

un projet de résolution a été distribué aux membres du Conseil le 10janvier 1992. Le

11 janvier 1992,la Libye a pour la premièrefois invoquéla conventionde Montréal. Ellene l'a

pas fait toutefois dans une communication adressée au Royaume-Uni, mais bien dans une

communicationadressée à l'organisation de l'aviationcivile internationale.

3.43. C'estdans une lettre du 18janvier que la Libye a pour la premièrefois soulevé cette

question avec le Royaume-Uni, à une époqueoù elle aurait dû savoir que le Conseil de sécurité

examinait activement la question. Troisjours plus tard, la résolution731 a étéadoptée.

3.44. Conformément à cette résolution,le Secrétairegénérl sollicité lacoopération dela

Libye. Le 3 mars 1992il a fait savoir que ses efforts avaient vains. Le mêmejour, la Libye

a introduit sa requêtedevant la Cour en la présenteinstance. Le Conseilest néanmoins demeuré

saisi de la question et,le 31 mars, agissant en vertu du chapitreil a adoptéla résolution 748

et puis la résolution883à la même date.

3.45. Monsieur le Président,la chronologiedes événements se passe de commentaires. Le

fait est que le recours de la Libyea Cour et son invocation de la convention de Montréaà cet

effetavait et continued'avoir pourobjet de faire obstacleexercicepar leConseil de sécuritédes

responsabilitésque lui confèrela Charte.

<&laisquelle boîte aux lettres et quel huissien>

3.46. Messieurs lesMembres de la Cour, permettez-moi d'achever cevolet de la plaidoirie

du Royaume-Uni en abordant brièvement unedernière question que mes distingués amis ne

La Libye soutient que le Conseil de
manqueront pas de développerdavantage en temps utile.

sécuritéjoue dans toute cette affaire un rôle de «boîte aux lettres))et d'«huissier»pour lecompte

du Royaume-Uni, de laFrance et des Etats-Unis23.Je seraistentéde répliquer, en paraphrasat n

23Réponsee la Libye, 2.11. -46 -

grand homme d'Etat :maisquelleboîte aux lettres et quelhuissier. Mais derrièrecette répartiese

profile toutefois un argument sérieux. Le Conseil n'est pasune entitésubalterne du systèmede

l'organisation des NationsUnies. Il en està l'instarde la Cour, l'unde ses organes principaux.

Il est de plus l'orgaàequi incombe la responsabilitépremièrede maintenir la paixet la sécurité

internationaleset il est inveàcet effet de pouvoirsconsidérables.Lorsqu'ilagit, il leàftitre

de Conseil de sécuritde l'organisation desNations Unieset non pas en qualitéd'agentde l'unou

de l'autredes Etats. Les observations de la Libye constituent une grave accusation contre la

réputationdes Etats qui siègentou ont siégau Conseil et ont agi collectivementen son nom.

3.47.Il convientausside noterquelacompositionduConseils'estmodifiéeaufildesannées.

11est incroyablede laisser entendreque tous les nouveauxmembres élusà tour de rôle au Conseil W

se sont contentésde se considérer commeune chambre d'enregistrementde tout cequi s'estfait

antérieurement.Jevoudraiségalementsouligner qu'aucunEtatnes'estprononcécontreaucune des

trois résolutionsprincipales qui nous intéressent. thèsede la Libye selon laquellele Conseil

de sécurités'est bornéà jouer le rôle de boîte aux lettres et d'huissier est dépourvuede toute

crédibilité.

3.48. MonsieurlePrésident,Messieursde la Cour,je vousremerciede votrepatienceet ainsi

se termine ma plaidoirie ce matin. Avec votre permission, M. Greenwood présenteranotre

argumentation sur la question dela compétence.

w
Le VICE-PRESIDENT FAISANT FONCTION DE PRESIDENT : Je vous remercie,

Monsieur Bethlehem. Je donne maintenant la parole à M. Greenwood.

M. GREENWOOD :Monsieur le Président,Messieurs de la Cour.

La convention de Montréal

4.1. C'est toujoursunprivilègepourunjuriste internationalde seprésenter devantcette Cour,

mais lesmembres de la Cour comprendrontque c'estun honneur particulier pour moi de prendre

la paroledevant vous aujourd'hui aunom de mon pays. Dansses remarquespréliminaires,l'agent

du Royaume-Uni a expliqué qu'ily avait deux parties distinctes mais cependant liéesentre elles

danslesexceptions préliminairesduRoyaume-Uni. Dans mesconclusionsde cematin,j'exposerai

la premièrede ces exceptions,àsavoir que laCour n'apas compétenceparce qu'il n'existepas de -47 -

différend entre le Royaume-Uni et la Libye qui relève du paragraphe 1 de l'article14 de la

convention de Montréal, seul fondementde la compétencede la Cour invoqué parla Libye.

4.2. Les conclusions du Royaume-Uni sur cette question de la compétenceont déjàété

exposéesde manièreassez détaillée, avec des référenceqsui font autorité, la troisièmepartie de

nos exceptions préliminaires,tandis que l'argumentationde la Libye figure au chapitre II de la

réponselibyenne. En conséquence, Monsieurle Présidentj,'éviteraidonc,autant quefaire se peut,

d'abuserdu temps de la Couren répétand tes argumentsqui ont déjàété exposéspar écrit. Je me

limiterai plutôt examiner surtout ce qui constitue les principaux points de désaccord entreles

Parties selon les pièces de procédure.

4.3. Je voudrais commencer par formuler quelques brèves observations concernant le

fondement de la compétence de laCour invoqué parlaLibye. Je soutiendraique le paragraphe 1

de l'articl14 ne fonde lacompétencedelaCour qu'àl'égard d'unecatégoriesoigneusementdéfinie

de différends etqu'ilappartientàla Libye de démontrerque ses griefs entrentdans cette catégorie.

Nous soutenons que la Libye n'apas fait cette démonstration.

4.4. J'aborderai ensuite, Monsieurle Président,les trois principales conclusions que je

souhaite vous soumettre et queje vais maintenant résumer.

Premièrement,il ne suffitpas que la Libye affirmed'unemanièregénérale qu'elle considère

que la convention de Montréalest applicable, et se plaigneensuite de ce que le Royaume-Uni ait

adoptéun point de vue différent. Car pour qu'ily ait un différend susceptibled'êtresoumis à la

justice entre la Libyeet le Royaume-Uniconcernant l'applicationde la convention (par opposition

à un désaccordabstraitconcernant sonapplicabilité),ilfaut que laLibye puisse mettre en évidence

un comportement du Royaume-Uni qui puisse êtreraisonnablement considérécomme pouvant

constituer une violation de la convention, soit que le Royaume-Uni ait accompli un acte que la

convention, convenablementinterprétéel,ui interdit soitque le Royaume-Uniait omisd'accomplir

un acte que la convention lui impose.

Deuxièmement,Monsieur le Président, bien quelaLibye ait accuséle Royaume-Uni d'avoir

violéplusieurs dispositionsspécifiquesde la conventionde Montréal,je soutiens que lorsque l'on

examine la question de plus près, l'on constate que ce sont des dispositions quin'imposentau

Royaume-Uni aucune obligation ou, en tout cas, aucune obligation qui soit en rapport avec la présenteaffaire. Ce ne sont pasdes dispositionsde nature à permettred'apprécier lecomportement

du Royaume-Uni et en conséquence iln'existepas de différend concernantleur application.

y ...r; Enfzn,la réponsede la Libye montre clairement qu'ellen'a saisini la nature ni la portée,
,.d '
s'agissant de la compétencede la Cour, de Fintervention du Conseil de sécuritéet qu'elle a

égalementmal interprétél'importance qu'attachele Royaume-Uni à cette intervention.

Dans lamesure oùje devraifaire référence à plusieurs des dispositionsde la conventionde

Montréalaucours de mes conclusions,ilpourrait êtrepratique pour les membres delaCour d'avoir

letexte de cet instrument sous les yeux. Celui-cise trouve à l'annexe1du volume 1des annexes

du Royaume-Uni.

1.Le fondement de la compétencede la Cour selon le demandeur

4.5. Monsieur le Président, à la lumière de mes remarques préliminairesconcernant le

fondement de la compétencede la Cour selon le demandeur, ilest bien sûr évidentque dans une

procédurecontentieusela Courn'a compétence que si ledemandeurpeutmettreen évidenceunacte

par lequel aussibien le demandeurque le défendeurontvalablementdonné leur consentement à la

compétencede la Cour. Mêmesi un tel acte est établi,laCour n'aura compétence qu'à l'égard des

griefsentrantdans le champ d'applicationde cet acte deconsentement. Ces deux propositions sont

bien sûr élémentaires,maiselles sont également essentiellesdansle systèmede compétencede la

Cour et ont étéréaffirméesdans ses décisionsde 1996 dans les affaires du Génocideet des

Plates-formespétrolièresz4.

4.6. Dans la présente affaire,la seule base de compétence dela Cour invoquéepar la Libye

est le paragraphe 1 de l'article 14. Cette disposition revêtune si grande importance pour les

questions soumises à la Cour queje demande à la Cour de bien vouloir m'autoriser à la citer en

entier. Elle stipule :

«Tout différend entre des Etats contractants concernant l'interprétationou
l'application de la présente conventionqui ne peut pas êtreréglépar voie de
négociation est soumis à l'arbitrage,à la demandede l'und'entre eux. Si, dans les
six mois qui suivent la date de la demande d'arbitrage,les Parties ne parviennent pas

24Affairerelative a l'Application de la convention pourle prévention et la répresdu crime de Génocide
(Bosnie-Herzégovine. Yougosfavie),arrêt11juillet 1996,et affairerelativeauxPlates-formes pé(sépublique
islamiqued'Iranc. Etats-Unisdilmérique),arrêtdu 12dtcembre 1996. à se mettred'accord sur l'organisatiode l'arbitrage,l'unequelconqued'entreellespeut
soumettre le différend à la Cour internationale de Justice, en déposant une requête
conformémentau Statut de la Cour.))

La question,MonsieurlePrésident, est desavoirsicettedispositionsatisfait à l'exigence d'un

acte de consentement et constitue donc une base de compétence dela Cour en l'espèce. Le

Royaume-Uni répondque cela ne l'estpas et ne peut l'être.

4.7. La conventionde Montréala bien sûr été en vigueur aussi bien pour la Libye que pour

le Royaume-Uni à toutes les périodes pertinentes. Il n'y a donc aucun doute quant à son

applicabilitégénérale. Cependantl,a question demeurede savoir si le paragraphe 1de l'article14

estapplicable ratione materiaeaux demandesde laLibye. Les termes de cettedispositionsonttrès

précis à cet égard. Elle ne confèrecompétence à la Cour qu'en cas de différend concernant

l'interprétationou l'applicationde la convention de Montréalet seulement dans ce casz5.

4.8. Cela signifie que la compétencene s'étendrapas aux griefs selon lesquels le défendeur

a violédes obligations découlantdu droit international généralou d'autres traités. La Cour ne

permettra pas à un demandeur de se prévaloir d'une disposition spécifiqud e'untraité de ce type

comme moyen de soumettre àla Cour un différendrelatif à l'application d'autres règlesde droit

international.

4.9. Cela ne veut pas direque desrègles de droit internationalou des instrumentsjuridiques

existant indépendammentdela conventionde Montréaln'ontaucune incidence dans cette affaire.

De toute évidence,si un demandeur se plaintde ce qu'undéfendeur a violéles dispositions de la

conventionde Montréal,ce défendeura la facultéd'invoquercomme moyend'autresrèglesdu droit

internationalz6.De même, dans la phase préliminaired'uneaffaire, lorsquela Cour examinesi elle

a compétenceenvertu d'uneclausede règlement prévue danu sn traité multilatéral,ellela faculté

de déclarerque les griefs formulésau regard de ce traitésont irrecevables du fait de l'existence

d'uneobligation en dehors de ce traité.

%air, par exemple, la décisionde la Cour permanente dans l'affaire relativeauxConcessionsMavrommatisen Palestine,
arrêto2, C.P.I.J. sérieA no2, p. 11et dkcisions de la Cour dans la récenteaffaire du Génocide,C.I.J. Recueil 1992,
p. 19,p. 344 et arrêtdu Il juillet 1996,par. 30.

26~insi,la décisionde la Cour dans l'affaire desPlates-formespétrolièresenvisage la possibilite d'invoquer le droid
légitimedéfensesur le fond. La fonction de la Courà la phase des exceptions préliminaires

4.10. Monsieur le Président, avant d'aborderles conclusions de la Libye concernant la

questionde savoir s'ilexiste un différendconcernantl'applicationde laconvention de Montréalj,e

voudrais dire quelques mots au sujet de ce que la Cour a appeléune approche adéquate d'une

question de ce type.

4.11. Dans sa récentedécisiondans l'affaire des Plates-formes pétrolières, la Cour a

clairementindiquéque lorsque,dans l'exercicedesa compétencee la compétence,elleest appelée

à déterminersi un différend existeconcernant l'applicationd'untraité,elle ne peut àedesrner

généralitémsais doit véritablementprocédeà l'interprétationdu traité. LaCour a notéque les

Parties s'opposent -

«sur la question de savoir si le différendsurgi entreles deux Etats en ce qui concerne

la licéides actions menéespar les Etats-Unis contre les plates-formes pétrolières
iraniennes est un différend((quaàtl'interprétationàul'application))du traitéde
1955»,

traité surlequel l'Irana cheràhfonder la compétencede la Cour, et la Cour a estiméqu:

((Afinde répondre àcette question, la Cour ne peut se boràeconstater que
l'une desParties soutient qu'ilexiste un tel différendet que l'autrele nie. Elle doit
rechercher si les violations du traité de1955 allsaréepIranentrent ou non dans
les prévisionsde ce traité et si,par suite, le différendest de ceux dont la Cour est
compétente pour connaître ratione materiae par application [de la clause
compromissoire contenue dans cetraité].»*'

4.12. En abordant cette tâche, la Cour a reconnu qu'elle ne peut travailler sur une base

impressionniste,elle doit doncentreprendreune analysedétaidechacunedesdispositionsde la
w
convention de Montréal qui,selon la Libye, aurait été viopar le Royaume-Uni. Suivantla

formule utiliséepar la Cour dans l'affairedes Plates-formespétrolières,la question est de savoir

si la licéide la conduite du Royaume-Unipourrait êtreappréciéau regard de chacune de ces

La thèselibyenne selon laquelle il existe un différend relevant du paragra1 de
l'article 14

4.13. Monsieur le Président, il incomàela Libye, en tant que demandeur, de définirle

différenddont elle affirme l'existenceentre elle-mêmeet leRoyaume-Uni et de démontrerque ce

"Arrêtdu12dtcembre 1996, paragraphe 16.

28Arrdu 12decembre 1996, paragra1.e5 différendentre dans le champ d'applicationdu paragraphe 1 de l'articl14. C'est,aprèstout, la

., ,/r. Libye qui a invoquéla compétencede la Cour et il appartient donc à la Libye de convaincre la
u, L'u

Cour qu'enl'espèceles exigences en matièrede compétence dela Cour sont satisfaites et que les

conditionssont réuniespour l'exercicede sa fonctionjudiciaire. De même,la Libye doit indiquer

au Royaume-Uni lesarguments auxquels il devrait répondre. Dans nos exceptionspréliminaires,

nous avons montré quela Libye a étéloin d'être cohérente danlsa manièredont elle a tentéde

formulerledifférendqu'ellesouhaitesoumettre à laCour. Cetteincohérenceestimportantecarelle

traduit la difficultéqu'aeue la Libye tout au long de cette affaire dans sa tentative pour formuler

un différend dontil peut être établq iu'il relève del'article4.

4.14. Dans ces circonstances, on peut être tentéde considérer qu'il existe, en réalité,

deux différends.Undifférendrestreint, bilatéralconcernantl'incidentde Lockerbie,et undifférend

de plus grande portéeconcernantplus généralemenlte soutienau terrorisme international. S'ilen

estainsi,estime-t-on,laCourauraitraisond'appliquerlaconventionde Montréalet seulementcette

convention,au différendrestreint,touten admettantqu'unensembleplus large derègles, y compris

lesdispositionsde laChartedesNations Unies, sontapplicablesau différenddeplusgrandeportée.

Untel raisonnementsembleraitêtre à l'originede l'insistancedéconcertantemaissi souventréitérée

du demandeur pour que la Cour déclare quela convention de Montréalest «le seul instrument

applicable à ce différend)).

4.15. Mais, Monsieur le Président,il ne peut pas en êtreainsi. Dans les procédures

contentieusesla Courn'estpas appeléeàstatuer sur une «affaire»comme s'il s'agissaitd'uneentité

abstraiteexistant dans levide. Elledoit statuersur lesdroitset les obligationsdesparties tels qu'ils

s'appliquentdans un différend donné. Procéda ertrementaboutirait à un résultatabsurdeet stérile.

Supposonsqu'enla présenteaffaire la Cour soit encline à examiner les questions soulevéespar la

Libyeconcernant la conventionde Montréalsans tenir comptede l'effet des résolutions du Conseil

de sécurité. Cela pourrait contraindre la Cour à examiner ces questions sur le fond. Si à ce

stade-là,et contrairement ànos conclusions,la Cour se prononceen faveur de l'analyseque fait la

Libye delaconventionde Montréal,laCourrendraitvraisemblablementun arrêtsurcettebase,tout

en sachant pertinemment que cet arrêt serait vide de sens. Il le serait parce qu'il ne serait ni

applicable,ni exécutable,comptetenu destermes des décisions antérieures du Conseil de sécurité qui demeurent en vigueur. Nous ne pensonspas que cela soit une manière adéquated'exercerla

fonctionjudiciaire. D'ailleurs,la jurisprudence dela Cour elle-mêmene va pas dans ce sens.

-.\,.- 4.16. Sinousexaminonsle différendtel quelaLibyea cherché à leformuler,nous constatons
._ ..I!
' d'embléeque plusieurs des demandes de la Libye ne relèventmanifestementpas des dispositions ,.

de l'article 14. Par exemple, il en est ainsi des affirmationslibyennes,qui sonttotalement dénuées

de tout fondement, selon lesquelles le Royaume-Uni a menacéde faire usage de la force, en

violation des dispositions de la Charte des Nations Unies.Il en est égalementde mêmede ses

griefs selon lesquels l'imposition de sanctions par le Conseil de sécurité étaitinjuste et

discriminatoire. Le premier point n'est clairementpas un différendrelatifàl'interprétationouà

l'application dela convention de Montréal. Quantau second,non seulement il n'aaucun rapport -

avec la convention mais en plus il ne s'agit mêmepas du tout d'un différendentre la Libye et le

Royaume-Uni. Il s'agit plutôtd'unproblèmeentre la Libye et le Conseil de sécurité.Il est donc

clair que certaines des demandes formuléespar la Libye ne peuvent,quelle que soit l'analyseque

l'onen fait, relever de la compétencede la Cour en vertu du paragraphe 1de l'article 14.

4.17. Mais les exceptions soulevées parle Royaume-Uni vont encore plus loin. Notre

conclusionest que,bien analysées,la requête libyenneet les piècesde procédureultérieuresne font

apparaître aucun différend - au sensjuridique du terme - entre la Libye et le Royaume-Uni

relevant du paragraphe 1 de l'articl14 de la convention deMontréal.

II. L'affirmation générale de la Libye selon laquelle laconvention de Montréalest w
applicable ne suffit pas à établirla compétencede la Cour

4.18. J'enviens maintenant àla premièrede mestrois principalesconclusions. Tout au long

de cette affaire, la Libye a affirméque la convention de Montrélst applicable,que la Libye s'est

conformée à ses dispositionset que le Royaume-Unia créé un différendavec laLibye en refusant

d'appliquer ladite convention. En outre la Libye soutient qu'elleest en droit deireappliquer la

convention))et de ne pas la laisser «mettreàl'écart))parle Royaume-Uni. Cette argumentation

repose essentiellement sur la thèselibyenne selon laquellela convention constitue un mécanisme

exclusif supplantantmêmela Charte des Nations Unies, au motifque la conventionde Montréal -53 -

est lex posterior et lexspecialis, par rapport à la Charte29. Monsieur le Président, très

respectueusement,je dis que ces arguments sontmanifestement erronés.

4.19. La conventionde Montréala été conçue pour résoudr e problèmeque posait le fait

que des terroristes ayant commis des attentats contre des aéronefsn'étaientpas traduits enjustice

; 6:2 grâce à ce qui étaitperçucomme étant desfailles dans le systèmedejuridiction existant en vertu
./ .d.
des règlesde droit international coutumierou résultantde l'ensembled'accordsd'extraditiondans

le cadre de traitésexistants. L'objectif dela conventionétaitde comblerces lacunes. Elle n'apas

remplacéou supplantélesrèglesexistantespar lesquellesla compétencepouvait êtreétablie. Elle

n'apas remplacénon plusles accords existantsen matière d'extraditionet de remises de suspects.

La convention de Montréal a étéconçue pour compléter etnon pour supplanter le droit existant.

4.20.Cet objectifapparaît defaçonévidentedansplusieursdesdispositionsde laconvention.

Par exemple,les paragraphes 1et 2de l'article5fixentlescirconstancesdans lesquellesun Etatest

tenu de prendre des mesures pour établir sacompétence au regard d'une conduite entrant dans le

champ d'applicationde l'articlepremier. Le paragraphe 3 de l'article5 dispose en outre quela

présenteconventionn'écarte aucunecompétencepénale exercéeconformémentaux loisnationales)).

Il est donc clair que cela ne modifie en rien lesdispositionsexistantes en matièred'établissement

de la compétence. D'ailleurs, aussi bien le Royaume-Uni que la Libye revendiquent leur

compétence à l'égard desdeux accusésen se fondant sur des dispositions du droit national qui

existaient avant l'adoptionde la conventionde Montréal3'.

4.21. De la même façon, l'article11de la conventionsur lequelse fonde également laLibye

indique clairement que la convention est destinée compléteret non à supplanter d'autrestraités

d'assistance mutuelledans les affaires pénales. Le second paragraphede cet article stipu:e

«Les dispositions du paragraphe 1 du présent article n'affectentpas les

obligations découlantdes dispositions de tout autre traitéde caractèrebilatéral ou
multilatéral quirégitou régira entout ou en partie le domainede l'entraideen matière
judiciaire.))

4.22.Les dispositionsde l'articleoncernantl'extraditionsont toutaussi clairementdestinées

à compléter lesaccordsd'extraditionexistants.Leparagraphe 1de l'articl8 se fonded'embléesur

29Réponsee la Libye, par. 2.16 et suiv.

"Voir, respectivement, le paragraphe2.46 des exceptions préliminaires nti les annexes 17 et 19;et le

paragraphe2.7 du mémoirede la Libye.i-dessus. les traitésd'extraditionexistants tandis que le paragraphe 3 de l'article8 repose sur les accords

conclus par des Etats qui ne subordonnent pas l'extraditioà l'existence d'un traité. Dansde

nombreuses affaires un accusé apu êtreremis par un Etat à un autre afin d'y êtrejugé pouurne

infractionrelevantde la définitionde l'articlepremier de la conventionde Montréal,sansqu'il soit .=

-, fait référencà cette convention. Par exemple,si 1'EtatA souhaitetraduire enjustice une personne
d -'5

soupçonnéed'êtrle 'auteurd'une telleinfractionet que cette personnea fui dans 1'EtatB, Etat avec

lequel1'EtatA a conclu un accord d'extradition, iln'ya pas de raison pourque cette extradition ne

puisse pasêtredemandéeet accordéesimplementen vertu destermes de ce traité. En fait, il serait

absurde de prétendre qu'ense comportantde la sorte, les Etats concernésagiraienten violation de

la convention de Montréal. -

4.23. De même,aucune disposition de la convention de Montréaln'empêche un Etat de

demander à un autre Etat de lui livrer un accusépour le traduire en justice en dehors du cadre de

laconventionde Montréal, même en l'absenced'accordsbilatérauxd'extradition. C'estexactement

ce qui s'estproduit dans la présenteaffaire. Ayant demandé à la Libye de lui livrer les deux

accuséspourqu'ilssoientjugésen Ecosse,leRoyaume-Unin'était, bien sûr, pasendroitde prendre,

pour faireexécutersa demande, desmesurescontrairesaux règlesdu droit international,et il ne l'a

pas fait. Mais cela ne signifiepas que la demandeinitiale du Royaume-Uni devaitêtre fondéeur

un droit correspondantà une obligationjuridique de la Libye de s'yconformer.

4.24. Monsieur le Président,ce point a ététrès clairement expliquédans la déclaration
'iJ
commune des juges Guillaume, Evenson, Tarassov et Aguilar Mawdsley dans le cadre de la

procédurede 1992. Cette déclaration communese lisait commesuit :

((Avanttoute interventiondans cette affaire du Conseilde sécuritél,a situation

juridique étaià,notre sentiment, claire. Les Etats-Uniset le Royaume-Uniétaient en
droitde demander à la Libye l'extraditiondes deux ressortissantslibyens accusés par
les autorités américaines etbritanniquesd'avoircontribué la destruction de l'avion
disparu lors de l'incidentde Lockerbie. Ils pouvaient meneà cette fin toute action
conformeaudroit international. La Libyeétaitdeson côtéen droit de refuserunetelle
extradition..D~'

Monsieurle Président, leRoyaume-Uni n'ajamais prétendu quela conventionde Montréal

obligeait laLibyea livrer les deuxaccuséspourqu'ilssoientjugésau Royaume-Uni. La convention

deMontréaln'oblige pasnon plus leRoyaume-Uni à formulerunetelle demandeni às'enabstenir.

"C.I.J. Recu1992,p. 24, pa1. - 55 -

Comme il est dit dans la déclaration commune,en droit international, «tout Etat est libre de

solliciter une extradition et tout Etat est libre de larefuser»32.

.' ,' ,: 4.25. Ou, comme M. Oda l'a reconnu dans la déclaration qu'ila faite dans le cadre de
._.-.!L+
l'instancede 199233,ce n'estque si le Royaume-Uni avait cherchéa faire exécutersa requêtepar

des moyens non seulementincompatiblesavec ledroit internationalmais égalementcontraires aux

dispositionsde la conventionde Montréal,et uniquement dansce cas, qu'ilexisterait un différend

entre la Libye et le Royaume-Uni relevant du paragraphe 1 de I'article14. Or, qu'a fait le

Royaume-Uni ? N'ayant obtenude la Libye aucuneréponsesatisfaisante,il a, de concert avecque

les Etats-Unisd'Amérique etla France, portél'affairedevant le Conseil de sécurité.En quoi cela

pouvait-ilêtre contraire audroit international ? Comme M. Bethlehem l'aexpliqué,le Conseil de

sécurité étaitdepuis longtempspréoccupé par lesquestionsdeterrorisme et avaitdéjàpris certaines

mesures concernant l'incidentde Lockerbie lui-même. Il ne fait donc aucun doute qu'il avait

compétencepour traiter de cette question.

4.26. Endépitde ce fait, laLibye objecteque (etje cite la traduction de la Cour de la pièce

de procédurelibyenne)«le systèmede la conventionde Montréalconstitue, par rapport à la Charte

desNations Unies, à lafois unelexposterior et une lex ~pecialis>>~D ~.'aprèslaLibye, il en résulte

que, s'agissantdes questions relevant de la convention de Montréal,la convention doit à priori

l'emportersur le systèmeprévu parla Charte.

4.27. Monsieur le Président,Messieurs de la Cour, il ne peut vraiment pas en être ainsi.

L'argumentation libyenne ne tientabsolument aucun compte de la position spécialequ'occupela

Charte desNations Unies dans le système juridiqueinternationalet du rôle très importantque la

Charte attribue au Conseil desécuritédansle maintien de la paix et de la sécurité internationales.

En stipulantqu'encas de conflit entre les obligationsdes membresdes Nations Unies en vertu de

laCharteet leurs obligationsenvertude tout autre accord international,les premièresprévaudront,

I'article103de la Charte crée expressémenu tne hiérarchiede traités etsoustrait ainsi la Charte a

l'applicationdes principesordinairesrégissantlestraitésqui sontlexposterior ou lexspecialis. La

32CI..J.Recueil1992. p. 24, par.2.

33C.I.. ecueil1992, p. 19.

"Réponsede laLibye, par.2.16. -56-

position spéciale dela Charte àcet égardest reconnue par l'article 30 de la convention de Vienne

sur le droit des traités qui établit des priorités entre led sifférentstraitésmais commence par

indiquerque leursdispositions sont soumises à la ((réservede l'articl103de la Charte)). Le statut

spécial de la Charte a également été reconnu dans la jurisprudence de la CouPSet dans ses S .

principaux commentaire^^^.

4.28. Le principe selon lequel le fonctionnementde la Charteet, en particulier, les pouvoirs

qu'a le Conseil de sécurité des'occuper d'une menacecontre la paix et la sécurité internationales

ne dépend pasd'autres accords internationaux, mêmesi ces accords sont lex specialis ou

lexposterior, a étédémontréen de nombreuses occasions. Le Conseil a pris des décisions en

matière de trafic aérien quiont été appliquéen sonobstant les dispositions de la convention de W

Chicago et celles d'autres accordsinternationaux3'.Il a pris des mesuresen matièrede navigation

qui ont prévalusur le régimespécial du Danube3e *t il a créé des tribunauxinternationauxayant

compétencepour statuer sur les violations graves des conventions de Genève, nonobstant les

dispositions expresses aut dedere a~tjudicare que contiennent ces convention^^^.

4.29.Enoutre,mêmel'organisationde l'aviationcivileinternationale,sousl'égide delaquelle

a étéconcluela convention de Montréal,est tenue, envertu de l'accordpar lequelelle est devenue

une institutionspécialiséed ,e fournir une assistanceque le Conseil((pourraitdemander, y compris

35AffairedesActivités militetparamilitairesauNicaragua et contre celui-ci (Nicaa. Etats-Unis d'Amérique),
C.I.J. Recueil1984,par. 106-107; voir aussi l'ordde 1992dans la présente affaire.

36Voirparexemple Goodrich,Hambroet Simmons, UnitedNations Charter(3' Cd.,1969),p. 614 et suiv.et Simma(éd.),

United Nations Charter(1994),p. 1116et suiv.

37~oir,parexemple,résolution670 (1990),par. 3 et résolution 757(1992),par. 11.

38~ésolutio820 (1993), par. 12-30Voir aussi le rapport final du comitédes sanctions établi conformément
résolution724, doc. des Nations Unies, Sl19961946,par. 4 et 33-40.

3%ésolution827 (1993) créantle Tribunai pénalinternationalpour l'ex-Yougoslavieet résolution955 (1994) créantle
Tribunal internationalpour le Rwanda. Voir aussila premièreconventionde Genèvepour l'améliorationdu sort des
blesséset des malades dansles forces arméesen campagne, 1949,75cueil destraitésdes NationsUnies,vol. 31,
art. 49;ladeuxièmeconventionde Gentve pour l'améliornu sortdes blessés,desmaladeset desnaufragésdesforces

arméessur mer, 1949,75 Recueil des traités desNations Unies,vol. 85, art. 50; la troisiémeconvention de Genève
relative au traitement des prisonniersde guerre, 1949, 75 Recueil des traités desNations Unies,vol. 135, art. 129; la
quatriémeconventionde Genéve relativeau traitementdes personnesciviles en tempsde guerre, 1949,75 Recueildes
traitésdesNations Unies,vol. 287, art. 146. -57 -

l'assistancedestinéeà permettre l'exécutiondes décisionsdu Conseil de sécurité pour le maintien

et le rétablissementde la paix et de la sécuritinternationale^))^^.

4.30. Monsieur le Président,sij'attire l'attentionde la Cour sur ces faits, ce n'estpas pour

insinuer que l'organisation del'aviationcivile internationaleavait des responsabilitésspécifiques

ayant un rapport avec l'incidentde Lockerbie. Je le fais simplement pour souligner qu'il est

parfaitement admismême dansle domaine de I'aviationcivile que le Conseil de sécurité puisse y

avoir desresponsabilitésetdanscecas, lorsquel'exercicede ces responsabilitésaboutità l'adoption

de résolutions impérativespour le maintien ou le rétablissementde la paix et de la sécurité

internationales,ces décisionsprévalent.

4.31.CommeM. Bethleheml'aexpliqué, leConseilde sécuritéa étépréoccupé par l'incident

de Lockerbiedèsle début. Le fait pour le Royaume-Uni de s'adresserau Conseilde sécurité et de

soulever la question de l'implicationde la Libye dans cet incident et dans d'autres actes de

terrorisme étaitdoncparfaitementcompatible avec lesobligations duRoyaume-Unien vertu de la

convention de Montréal. Cela est évident compte tenu de la place qu'occupe la Charte au seindu

systèmede droit international. Cela est aussi évident comptetenude la responsabilité duConseil

de sécuritéà l'égarddes menacescontre la paix et la sécuritinternationalesdans le systèmede la

Charte, de mêmequ'àla lumière de laréaction desautresmembres du Conseil de sécurité et des

autres partiesàla conventionde Montréal, à l'exception, cequi n'estguèresurprenant, dela Libye

elle-même. Et cela ressort clairement du texte même dela convention, car celui-ci ne contient

aucune disposition qui explicitement ou implicitement tend à limiter le droit d'un membre des

Nations Unies de soumettre une question de cette importance auConseil de sécurité.

4.32. L'explosionqui a détruitl'avionassurant le vol 103 de laPan Am s'estproduite sur le

territoiredu Royaume-Uni. Ledroit du Royaume-Uni,en vertu dudroit international,dejuger les

responsables de ce crime - un droit dont la Libye a expressémentreconnu l'existencedès le

début - ne procèdepas de la convention de Montréalmais d'unerègle de droit international

coutumierétabliede longuedate selonlaquelleun Etata compétencepour connaîtredes infractions

commises sur son propre territoire. Lorsque le Royaume-Uni a rendu public les résultatsde son

40ArticleVI1de raccordconcluentre les Nations Unies et l'Organisatiodne l'aviationcivile internationale datantde 1947. -58 -

enquête surle crime abominablede Lockerbieet a invité la Libye à lui livrerles accuséspour les

juger, il n'apas invoquéla convention de Montréal. Et il ne l'afait àaucuneétapeultérieure.

4.33. Maisplus importantencore,MonsieurlePrésident,laLibyeelle-même n'afaitréférence

pour la premièrefois àla conventionque près dedeux mois aprèsqueleRoyaume-Unia demandé ..

que les deux accuséslui soient livrés. Comme M. Bethleheml'amontré,en dépitdu fait que la
-! / ri
-' .
Libye soutienne désormais devantla Cour que la convention deMontréalest le seul accord

international pertinent dans l'affaire deLockerbie, la Libye n'amentionnécette conventionque

lorsqu'elleaadresséunelettrenonpas au Royaume-Unimais àl'OACI,endatedu 11janvier 1992,

c'est-à-dire le lendemain de la distribution par le Royaume-Uni, les Etats-Uniset la France aux

membres du Conseilde sécuritédu projeq tuiallait devenirla résolution731. LaLibye n'asoulevé w

la question de l'applicationde la convention deMontréal avec leRoyaume-Unique dans sa lettre

du 18janvier 1992, qu'ellea rédigéeau moment où elle savait parfaitement que ce projet de

résolution avait étdistribué.

4.34. Le fait que la Libye affirme maintenantque la convention de Montréalest néanmoins

applicable ne suffit pasà créerun différendentre les deux Etats concernant l'applicationde la

convention. Dans l'affairedes Plates-formes pétrolières,l'Iran a soutenu que le traitéd'amitié

de 1955entre lui-même et les Etats-Unisétait applicabàel'action entreprisepar les Etats-Unis,et

les Etats-Unisont contestéquece traité soitapplicableà l'usagede la force. Detoute évidence, les

deux Etats ont adoptédespointsde vue divergentsquant à l'applicabilitdutraité.Maisla décision I

de la Cour montretoutefois que cette divergenceentre eux ne suffit pas en soà donner naissance

àun différendconcernantl'application dutraité, différend surlequel laCouraurait eu compétence.

Au contraire la Cour a insistésur le fait qu'elledevait déterminer siles actionsentreprisespar les

Etats-Unis, que l'Iran estimaitcontrairesau traité, relevaienteffectivementduchamp d'application

des dispositionsdudit traité4'. La Cour a examiné non pas les affirmationsgénérales concernant

l'applicabilitédutraité,mais lesquestionsspécifiquesrelatives sonapplicationpar lesEtats-Unis.

Il fallaitdoncque la Courpose laquestionde savoirsi laconduitedesEtats-Unispouvaitconstituer

une violation du traité. C'est seulement dans le cas où la Cour a estiméque la conduite des

Etats-Unis pouvait constituer une telle violation qu'elle s'est déclaréeompétente. Monsieur le

41Arrê tu12 décembre1996,par.16. -59 -

Président,de la mêmefaçon il est nécessaireen la présenteaffaired'examinerla question de savoir

si la conduite du Royaume-Uni peut être appréciéa eu regard des dispositions spécifiquesde la

convention de Montréalafinde pouvoirdéterminers'ilexisteun différendrelevant du paragraphe 1

de l'article 14.

4.35. La Libye ne peut pas non plus établirl'existenced'un teldifférend enffirmant qu'elle

s'est conforméeaux dispositions de la convention de Montréalet est donc fondée à exercer sa

compétence à l'égarddes deux accusés4*.Il n'existe pas de différendau sensjuridique définipar

la Cour permanente dans l'affairedes ConcessionsMavrommatissur la base de l'argumentde la

Libye selon lequel elle a respectéles dispositions de la convention. C'est la Libye et non le

Royaume-Uni qui a soumis cette affaire et formule des accusations concernant des violations de la

convention de Montréal. L'affirmation parun Etat qu'il agit conformément à un traiténe crée pas

en soi un différendentre cet Etat et une autre partie concernant l'applicationde ce traité.

4.36.On nesauraitpas non plus en aucun cas considérercommefondél'argumentde laLibye

selon lequel il existe un différendrelevant du paragraphe 1de l'article 14, simplementparce que

la Libye a proposé enjanvier 1992que le Cour internationale de Justice soit priéede rendre une

décision sur l'application de la convention et que le Royaume-Uni n'a pas souscrit à cette

suggestion. Un tel raisonnement est tout à fait circulaire.Il revientà dire que, aux fins du

paragraphe 1 de l'article 14, un différendconcernant l'application de la convention de Montréal

survient simplement parce que une partie invoque les dispositions relatives au règlement des

différendsde cet instrument. Toutefois, le différendauquel seréfêre leparagraphe 1de l'article14

ne saurait êtreun différend sur le point de savoir s'il faut ou non appliquer cette disposition

elle-même. Il doits'agird'undifférendconcernant l'interprétation ou l'applicatioeertainesautres

dispositions de la convention. Soutenirle contraire, Monsieur le Président,reviendrait dire qu'un

différendconcernant l'interprétationou I'application d'un tramultilatéralexistesimplementparce

qu'une des parties a dit qu'ilen est ainsi. Lajurisprudence de la Cour sur ce sujet, depuis l'affaire

des ConcessionsMavrommatis à l'époquede la Cour permanentejusqu'à l'affaire desPlates-formes

pétrolièresl'annéedernièremontre clairementqu'unetelle conception desdispositions relatives aux

différends dans les traités multilatérauxne saurait êtreadmise.

42Mémoirep , ar.1)b). - 60-

III. Les dispositionsspécifiques invoquées par la Libye

4.37. Avec votre permission, M. le Président,je vais maintenantaborder un second point, le

fait que la Libye n'a pasréussi à démontrerque le Royaume-Uni a accompli un acte qui était

interdit par des dispositions spécifiquesde la convention de Montréalou s'est abstenud'accomplir >,

un acte que la convention l'obligeaià accomplir.

4.38. A cet égard,la Libye invoque maintenant cinq dispositions de la convention : les

paragraphes 2 et 3 de l'article5, l'article7, le paragraphe 3 de l'article 8 et le paragraphe 1 de

l'article 11. Conformément à la décisionrendue par la Cour dans l'affaire des Plates-formes

pétrolières, quej'ai déjàévoquéel,a question qui se pose cette phase de laprocédureoù elle doit

décidersi elle a compétenceounon est la suivante :une de ces dispositions permet-elle d'apprécier W

la licéitédes actions du Royaume-Uni dans cette affaire43?

4.39. Pour commencer, Monsieur le Président,je vais citer le paragraphe 2 de l'article 5qui

dispose :

«Tout Etat contractant prend égalementles mesures nécessairespour établirsa
compétenceaux fins de connaître des infractions prévuesaux alinéasa), b) et c) du
paragraphe 1"de l'article l", ainsiqu'au paragraphe2 dumêmearticle,pourautantque
ce dernier paragraphe concerne lesdites infractions, dans le cas où l'auteur présumé de

l'uned'elles setrouve sur son territoire et où ledit Etat ne l'extradepas conformément
à l'article 8 vers l'undes Etats visésau paragraphe 1" du présent article.))

Cettedisposition imposel'obligationàchaquepartie à laconventiond'«établir» sacompétence

auxfins de connaître des infractions visées par la conventiondans certaines circonstances. Le sens

naturel de l'expression «établir sa compétence)) estque 1'Etatconcernédoit prendre toutes les w

mesures nécessaires dans le cadre de son propre système juridique pour veiller à ce que ses

tribunaux aient compétence pourtraiter du cas de l'auteurprésuméd'uneinfraction qui est traduit

devant eux dans les circonstances décritesdans cette disposition. Elle n'imposepas l'obligatiàn

1'Etatde juger un auteur présumé,mais uniquement de mettre en place les mécanismes qui

permettraient de le faire.

4.40. Cette interprétation du paragraphe2 de l'article5 est renforcéepar la lecture d'autres

dispositions de la convention. Le paragraphe 1 de l'article 5 prescrit égalemenàau moins trois

Etats différents d'«établin>leur compétenceaux fins de connaître des infractions viséespar la

43~rrêdu 12 décembre1996.par. 51. -61 -

convention.Si, commelaLibyele donne à entendre, l'obligationd'«établisacompétencedoitêtre

interprétéecomme une obligation d'«exercer» sa compétence, cette obligation serait imposée

simultanément à plusieurs Etats différents.Il n'a pu certainement pas êtredans l'intentiondes

parties que tous ces Etats devaient simultanémentengager des poursuites contre l'auteur présumé.

2-.-;'L! Mais il est parfaitement raisonnable de dire que tous ces Etats doivent veiller à ce que leur

législationleur permette d'exercerleur compétencele cas échéant.

4.41.De surcroît, l'article7 de la conventionprévoitqu'unEtat qui n'extradepas un auteur

présumé ((soumetl'affaire ..à ses autorités compétentepsour l'exercicede l'actionpénale))et que

ces autorités«prennentleur décisiondans les mêmes conditions que pour touteinfraction de droit

commun decaractèregrave conformémentaux lois decet Etat)). Cette dispositionseraitsuperflue

si la prescription énoncéau paragraphe 2 de l'article5 d'«établir»sa compétenceest interprétée,

comme le laisse entendre la Libye, comme une obligation d'«exercer»sa compétence. De plus,

l'article 7 laisse clairementouverte lapossibilité que les autorcompétentesd'unEtat, agissant

dans les conditions prescritespar la deuxièmephrase de l'article7, décident dene pas exercer une

actionpénaledans uneaffaireparticulière.Commentl'existenced'unetellepossibilité peut-elleêtre

conciliéeavec la notion d'uneobligation d'exercersa compétenceconformément au paragraphe 2

de l'article5? La conclusion logiqueest que le paragraphe 2 de l'article5 a traàtla créationde

la compétenceet l'article7 à l'exercice decette compétence.

4.42.Une foisqu'on se rendcompte que leparagraphe2 de l'article5 se réfêre à la création

et nonà l'exercicede la compétence, ildevient évident que cettedispositionest sans rapport avec

la présenteespèce. Le Royaume-Unin'ajamais laisséentendre que le Libyen'avaitpas établisa

compétence comme elledevait le faire et le Royaume-Uni n'a rien fait - au demeurant il ne

pourraitrien faire - pour empêcher la créationd'unetelle compétence en droitlibyen. Au surplus,

mêmesi, comme le soutient la Libye, le paragraphe 2 de l'article5 doit êtreinterprétécomme

imposant l'obligation à un Etat d'exercer la compétence dans les circonstances décrites,il

n'imposeraitdes obligationsqu'àla Libye, et non au Royaume-Uni ou àd'autres Etats.

4.43.Le même argument s'appliqueau paragraphe 3 de l'article5. Il s'agitd'une clausede

sauvegardeque j'ai déjàévoquée. Elle est destinéeàindiquer clairementqu'aucune dispositiondela convention ne peut conduire à restreindre l'exercice d'une compétencpénaleexistant en droit

interne. Une telle disposition n'impose pasd'obligationsà un Etat quelconque.

4.44. La dispositionsuivante àlaquelle la Libye se réfèreest l'article7. Commeje l'aidéjà

f'
indiqué,Monsieur le Président, cettedisposition prévoitqu'unEtat sur le territoire duquel I'auteur

présumé d'une infraction est découvert doit soumettrel'affairà ses autoritéscompétentespour

l'exercicede l'actionpénales'iln'extrade pasce dernier. La Libyedit que c'est ce qu'ellea fait et

le Royaume-Unine le conteste pas. Où se trouve donc la base de I'existence de tout différend

vertu de cet article L'article7 n'impose pasd'obligationsaux Etats saufà celui sur le territoire

duquel l'auteur présuméest découvert. Sila Libye a des griefs à formuler au sujet des chefs

d'accusationpénaleretenus par I'Ecosse,elle ne saurait le faire en s'appuyant surl'article7. Il en 1

est de mêmede la demande du Royaume-Unitendant à lui remettre les deux accusés,et de son

recours au Conseil de sécuritéà l'appuide cette demande. Il n'existepas de différend concernant

l'application de cet article qui conféreraitcompétence à la Cour en vertu du paragraphe 1 de

l'article14.

4.45. S'agissantdu paragraphe 3 de I'article8 invoquéaussipar la Libye, les Membres dela

Cour se rappelleront qu'ilest ainsi rédigé

«LesEtats contractants qui ne subordonnentpas l'extraditionà l'existenced'un
traité reconnaissent les infractions comme cas d'extradition entreeux dans les
conditions prévuespar le droit de l'Etatrequis)).

Dans saréponse,laLibyea décritcettedispositioncommeconstituant «lefondementdu refus
J

de la Libye de livrer les suspects aRoyaume- uni^^" .es Membres de la Cour pourraientjuger

ces termes surprenantscompte tenu du fait que la Libye n'amentionnéle paragraphe 3 de l'article

8 ni dans sa requêteà la Cour ni au coursde la procédureorale de 1992, car dans l'intervalle elle

avait déjàdécidéde ne pasremettre lesdeuxsuspectset avaitvraisemblablementréfléchi davantage

au fondement de ce refus.

4.46. Mais le paragraphe3 de l'article8 entraînela Libyeencoreplus loin. Ilest évidentque

cette disposition signifie que la conventionde Montréal prévoit qu'untat qui ne subordonnepas

l'extraditionà I'existenced'un traitéd'extraditiondoit considérerles infractions relevant de la

conventioncommedes cas d'extradition. Toutefoisil n'imposepas l'obligation à un Etat d'extrader

4Observationset conclusionsde la Libye,par.2.26. - 63 -

un auteur présumé dans des circonstances qui seraient contraires au droit interne de cet Etat. Le

Royaume-Unin'ajamais indiquéque le paragraphe 3 de l'article 8 imposà la Libye l'obligation

d'extraderles deux suspects. Cette dispositionn'imposepas d'obligationau Royaume-Uni. Dans

ce cas également,il n'existe pas de différendentre le Royaume-Uni et la Libye concernant

l'applicationde cet article.

4.47. La Libye ayant maintenant indiquéclairement qu'ellene souhaite plus invoquer le

iL
paragraphe 2 de l'article8, qu'elle a mentionnédans sa requête,et en 1992, le Royaume-Uni

n'examinera pascette disposition devant la Cour.

4.48. Il subsiste donc que le paragraphe 1 de l'article 11 quidispo:e

«LesEtatscontractantss'accordentl'entraidejudiciairelaplus largepossibledans
toute procédurepénalerelative aux infractions. Dans tous les cas, la loi applicable
pour l'exécutiond'unedemande d'entraideest celle de 1'Etatrequis.))

Dans sesobservations,la Libyes'estbeaucoup appuyéesur lecommentaireduRoyaume-Uni

concernant le paragraphe 1 de l'article 11, figurant au paragraphe 3.32 du nos exceptions

préliminaires. La Libye a considéré ce commentairecomme une reconnaissance qu'undifférend

existe entre les parties concernant l'applicationde cette dispositioEn vérité, cetteprétendue

((reconnaissance))n'est pastoutefois celle que laLibye chercheà laisser entendre.

4.49. Le fondement de la demande de la Libye concernant le paragraphe 1 de l'article 11

sembleêtreque des lettres qui ont étéadresséespar la Libye au procureur généradl'Angleterreet

du Pays de Galles le 27 novembre 1991 et au ministre de lajustice le 14janvier 1992 pour leur

demander de lui fournir des informations concernant les charges retenues contre les accusés.

Aucune de ces lettres ne faisait référence la convention de Montréal. Le Royaume-Unia déjà

fournià la Libyedes copies de l'acte indiquant lescharges retenuespar I'Ecosse,du mandat d'arrêt

des accuséset l'exposédes faits établi parle procureur générale,t a refusé de fournirdavantage

d'informationsà la Libye.

4.50. En examinant le point de savoir si le comportement du Royaume-Uni à cet égard

pourrait être contraireà l'article 11, un certain nombre de questions doivent êtreprises en

considération. Premièrement, à 1'époqueoù ces demandes ont été faites,la Libye n'avait pas

elle-mêmeinvoqué la convention de Montréa dlans l'unequelconquede ses correspondancesavec

le Royaume-Uni. Le Royaume-Uni n'avaitpas non plus invoquécette convention. Pour que le - 64-

refus du Royaume-Unide fournir de plus amples informations à la Libye constitue une violation

de l'article 11, la convention aurait dû au moins avoir étéinvoquéepar un des Etats concernés.

4.51.Deuxièmement,il y avait de bonnes raisons de considérerque la Libye n'étaitpas un
.-
forum approprié alors que c'étailte cas de'Ecosse.Comme le procureur générall'aexpliqué,il

était imputé auxdeux accusésd'avoir commisdes infractions en tant que membres du service de

renseignement libyen et dans le but de favoriser les objectifs de ce service.

-,-1 - 4.52 Enoutre,lorsqueleConseilde sécuritéaadopté la résolution731,trois jours seulement
- 44
aprèsla deuxième lettreà laquelleje viens de me référeri,l a expriàl'unanimité,l'avis, dontle

Royaume-Unine sauraitne pastenir compte,que laLibyen'était pas unforumappropriépourjuger

les deux accusés. L'adoptionde la résolution731 a été suiviepar une série decontacts entre le '(ir

représentant spécialu Secrétairegénérae lt le Gouvernement de la Libye. Ces contacts ont été

marquéspar une diversité depropositions, souvent contradictoires, émanantde la Libye, dont la

plupart portaient sur des suggestionstendantce que le procès aitlieu en dehors de la Libye. A

l'issue de cette période, la résoluti748 a été adoptée.Le Royaume-Uni soutient que son

comportementdurantcette périodene peut être considérécommeuneviolation du paragraphe 1de

l'article1.

4.53E.nfin, MonsieurlePrésident,dès lorsquela résolution748a étéadoptép ear leConseil

de sécuritle31 mars 1992,laLibyeétaitdans l'obligationimpérativederemettre lesaccuséspour

qu'ilssoientjugés,une obligation qu'ellen'apas encore respectée,cinq anset demi plus tard. Une
v

fois que cette obligationa éimposée, il n'était nullement questque leprocès aitlieu en Libye

et toute obligation que pourrait avoir eu le Royaume-Unide fournir des élémentsde preuveà la

Libye étaitmanifestementannuléepar les dispositions de la résolution.

4.54L.e paragraphe 1de l'article 11diffère des autresdispositionsinvoquéespar la Libye,

en ce sens qu'il imposedes obligations à d'autresEtats. Il peut donc, dans l'abstrait, donner

naissance àun différend entrela Libye et le Royaume-Uni sous une forme différente des autres

dispositions invoquéespar la Libye. Toutefois, si le paragraphe 1 de l'article1 est analysé

minutieusementen tenant compte des faits de l'espèce,on peut constaterqu'iln'existe pasnon plus

de différend entrela Libye et le Royaume-Uni dans ce cas. -65 -

Le VICE-PRESIDENT,faisant fonction de PRESIDENT :Pensez-vouspouvoir poursuivre

votre exposé demain ? Comme cela vous conviendra.

SirFranklin BERMAN :Monsieur le Président, l'exposéde M. Greenwood prendra encore

cinq minutes.

Le VICE-PRESIDENT,faisant fonction de PRESIDENT :Certainement,je vous remercie

beaucoup.

-,1-7 ,4 M. GREENWOOD :Je vous remercie, Monsieur le Président. Je me rends
-, ,.'+
compte que le temps passe.

IV. La Libye a mal interprété la portéede l'intervention du Conseil de sécurité

4.55. Mon troisièmepoint est que les arguments de la Libye concernant la question de la

compétence démontrent quela Libye a mal interprété la nature et la portéede l'interventiondu

Conseil de sécurité.Ce point est manifestementétroitement liéà l'argumentdu Royaume-Unisur

les effets des résolutions duConseil de sécuritéet sera examinéplus en détaildemain. Pour le

moment,j'aimerais formuler deuxbrèves observations.

4.56. Premièrement,le Royaume-Uni ne soutient pas que la convention de Montréala été

rendue inapplicable parce que le Royaume-Uni a soumis la question du soutien de la Libye au

terrorisme et de I'actehorrible de Lockerbie au Conseilde sécurité.Le Royaume-Uni ne prétend

pas, comme le donne à entendre la Libye, que l'acte consistant à saisir le Conseil de sécurité

((institutionnalisait))le différend. Il soutient qu'iln'ajamais existéde différendentre lui-mêet

la Libye concernantl'application dela conventionde Montréal. Ceque nous disons c'estque une

fois que le Conseilde sécurité aadopté une décisionl,e terrainjuridique a changé, commela Cour

l'areconnu dans son ordonnance du 14 avril 1992. Aux termes de l'article 103 de la Charte, les

obligations de tous lesEtats membresen vertu delaCharte prévalent surleurs obligationsen vertu

d'autres accords internationaux, y compris la convention de Montréal. Il s'ensuit que pour

déterminersi un comportementparticulierpeut être assimiléà uneviolation de la convention,ilest

impossible de ne pas tenir compte des obligations impératives créées par les résolutions. - 66 -

4.57. Deuxièmement,le Royaume-Uni soutientque les griefs de la Libye concernantle fait

que les sanctions qui lui ont étéimposéessont injustes ou illicites et que le Royaume-Uni a
.b
appliqué des sanctions contre la Libye, ne relèventpas des dispositions du paragraphe 1 de

l'article4 de la convention de Montréal. ..:

4.58. Une fois qu'unesituation a étdûment soumiseau Conseil desécuritél,a suite qui lui

est donnéeparleConseilrelèvede laresponsabilitéduConseillui-même entant qu'organecollectif,

et cesse d'être celle des membresagissant dans leurs fonctionsnationales. Il en est ainsi en dépit

du fait que des mesures particulières commedes projets de résolution peuventêtresoumises à

.-\i c, l'initiativede membres du Conseil, étantdonnéqu'uneproposition, unefois qu'elleest examinée,
-: ,'b'
ne relèveplus de son auteur et devient une question relevant d'une décisinollective du Conseil W

dans l'exercicedes pouvoirs qui lui sontconférépar laCharte. 11s'ensuitque la procéduredevant

le Conseilet les décisionsqu'iladopte ne peuvent constituer un motif d'actioncontre un Etat, quel

que soit le rôle que cet Etat ajoué dansla procédure devantle Conseil. Si la Libye a un différend

avec quiconque concernant l'adoptionet l'application demesures par le Conseil, elle a un tel

différend avecle Conseil lui-même.

4.59. Rien de ce que le Royaume-Uni a fait concernant l'applicationde sanctions contre la

Libye ne donne naissance à un différend entre la Libye et le Royaume-Uni concernant

l'interprétationou l'applicationde la convention de Montréal.Dans la mesureoù il existevraiment

un différend concernantl'application de sanctions, Monsieurle Président, c'estun différend entre -

la Libye et le Conseil de sécurité, qiien entendun'estpas et ne peut être partàecette instance.

Le Royaume-Uni ne peut être tenu juridiquement responsable desactions du Conseil.

V. Conclusion

4.60. Monsieur le Président,une fois que le terrain est déblayé,ous constatez que toute

l'argumentation de la Libye repose sur la proposition selon laquelle laLibye est dotéedu droit

inaliénabledejuger ces accusés, eqt ue ceux-ci ne peuvent'êtredans aucunautre Etat. Sanscette

proposition, toute la thèse de la Libye est réduiteà néant. Mais la Cour ne trouvera aucune

confirmation d'une telle proposition dans les dispositions de la convention de Montréal. Cela

explique sans aucune doute pourquoi, cinq ans et demi après le dépôt dela requête,la Libye s'efforce encore de démontrer à la Cour (et à plus forte raison à nous en tant que défendeur)

exactement sur quoi - aux termes de la convention- les Parties étaientcenséesêtre enlitige.

4.61. Permettez-moide rappeler un bref passagede l'opiniondissidente de M. El Kosheri à

la phase des mesures conservatoires :

«étantdonnéque les deux suspects libyenstravaillaient ou travaillent encore pour le
gouvernement de leur pays et que leur procèspourrait finalement débouchersur une
affaire ultérieurede responsabilitéinternationaledes Etatsdans laquelle laLibyeserait
accusée,cette situationde faitconstitueselonmoi une raisonsuffisantede douterque,
si le procès avait lieuen Libye,cela serviraitvéritablementl'intérêt manifesté à la fois
par lesEtats-Uniset le par le Royaume-Uni pource qui estde faire en sorte qu'il soit

équitable. Quels que soient les mérites d'unsystème judiciaire libyen dans des
circonstances normales, le souci d'une solution impartiale et juste me conduit à
> 5!;i-, considérer, dans le contexte particulier de la présenteaffaire, que les tribunaux
.., .L' nationaux libyens ne pourraient constituer unforum conveniens. Cette conclusion
découle logiquement et nécessairement des principesjuridiques fondamentaux,
profondément enracinés dansles traditionsjuridiques des principaux systèmes, eten

particulier du droit islamique ...selon lesquelsnemo debetessejudex inpropria sua
~awa.»~'

4.62. Il s'agitd'uneopinion à laquelle denombreusespersonnes pourraientdifficilement ne

pas souscrire. J'observe seulementque ni cette opinion ni leraisonnement qui le sous-tend ne

procèdentde la convention de Montréal.

4.63. En conclusion, Monsieur le Président,le Royaume-Uni soutient que la Libye n'a pas

démontré l'existenced'undifférendentre elle-même et le Royaume-Uni relevantdes dispositionsde

l'article14. Dans toutes ses pièces,laLibye a faitvaloir que laconvention de Montréalest le seul

traitéapplicable à cet aspect de ses relations avec le Royaume-Uni,qu'elleoccupe uneposition si

centraleque mêmelaChartedes Nations Unies elle-même doitêtre considéré comme secondaire.

Toutefois, la Libye elle-mêmen'a pasfait une seule fois mention de la conventionavant qu'une

actiondu Conseilde sécuriténe soiitmminenteetmême aujourd'hui c,inq anset demi aprèsqu'elle

aitpour la premièrefoisprésenté unedemande àla Cour, elle estloin de pouvoirdéfinir lestermes

d'undifférendqui relèvevraiment desdispositionsde l'article 14. Les affirmationsgénérales de la

Libyeselon lesquellesla conventionest applicablene créentpasun tel différend. La Libyen'apas

nonplus été enmesure d'indiquerune disposition de la conventionqui pourraitavoir été violép ear

le comportement du Royaume-Uni.

4 5 ~ Recueil 1992,p.112. 4.64.Au surplus, lesargumentsde laLibye sont fondamentalementviciéscar ilsreposent sur

une interprétation totalement erronée dela portée des actionsdu Conseil de sécurité dans cette
*
affaire. Demain, Monsieur le Président, le procureur généraldémontrera que dans les

résolutions748 et 883 le Conseil de sécurité apris des décisions qui créentdes obligations .

juridiquescontraignantespour laLibyeetpour leRoyaume-Unietque,conformément à I'article 103

de la Chartedes Nations Unies, i'obligationdécoulantde l'article25 de respecterces décisionsdu

Conseil prévautsur tous droits ou obligationsque laLibyepourraitavoir en vertu de laconvention

de Montréal.En attendant, Monsieur le Président,je termine ainsi la présentation des conclusions

du Royaume-Uni.

7,:i,/ Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de PRESIDENT : Je vous remercie beaucoup,

Monsieur Greenwood. L'audiencereprendra demain matin a 10heures.

L'audience estlevée à 13 h 12.

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