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CR 96/8 (traduction)

CR 96/8 (translation)

Mercredi lermai 1996 (10 heures)

Weclnesday 1 May 1996 (16 a.m.) -2-

Le PRESIDENT :Veuillez vous asseoir. Ce matin la Cour reprend ses

8 audiences publiquesen 1'affaire relative5 1'Applicationde la

conventionpour la prévention et la répressiondu crime de génocide

(Bosnie-Herzégovinec. Yougoslavie). Je donne la parole à

S. Exc. M. Muhamed Sacirbey, agent de la Bosnie-Herzégovine.

M. SACIRBEY :Merci, Monsieur le Président

Monsieur le Président,Messieurs de la Cour. Je comparais au nom de

1'Etat demandeur, en qualité d'agent de mon gouvernement,assisté

également par ses conseils.

Cette requête est et a toujours été d'une importance considérable

pour la Bosnie-Herzégovine;dans le passé il est arrivé que mon Etat

c'ait pas été en mesure de faire face aux demandes de la Cour comme de se

préparer à faire valoir son argumentationdevant la Cour ainsi qu'il

aurait souhaité pouvoir le faire et je présente des excuses à la Cour

pour tous lesdésagrémentsqu'urietelle situation a pu causer; mais

j'émets le vŒu que la Cour ait compris que la Bosnie-Herzégovine,Etat

nouveau, n'endurait pas seulement des maux toujours plus nombreux,mais

àevait s'opposer à une tentativevisant 3 l'etranglerou à la mutiler dès

le départ.

Monsieur le Président, au lendemain de la signature de l'accord de

Dayton, nous discutions,un éminent diplomateaméricain et moi-même, de

l'arrestationdu général DjukiC, officier serbe de Bosnie de haut rang,

et de son extradition auprèsdu Tribunal international chargé de

connaître des crimescommis dans l'ex-Yougoslavie,qui se trouve ici à

La Haye. -3-

Comme le diplomate ,américain me l'a dit, le général Djukii:est la

preuve accablante,qui atteste l'existencedes liens entre le régime de

Belgrade et ce qu'il est convenu d'appeler l'armée bosno-serbe

Le général DjukiC était le chef de la logistiquede l'armée

bosno-serbe,alors même qu'il était officier de haut rang dans l'armée de

la République fédérative de Yougoslavie

En tant que commandant chargé des moyens logistiques, il avait une

C! connaissance approfondiede la possibilité, pourles deux armées, 1'armée

bosno-serbe et l'armée yougoslave, de se substituer l'une à l'autre.

Le président Milogevie, avec insistance,a essayé de persuader ce

diplomate américain, en févrierdernier, d'obtenir la libérationdu

général Djukii:. Très rircemment, le Tribunal pénal iriternational, à titre

de mesure provisoire, vient de libérer legénéral DjukiC, compte tenude

la phase terminale de sa maladie.

J'ai demandé son avis à cet éminent diplomate américain.

Pensait-il que le président Milogevie et le régime de Belgrade

pourraient êtreamenés A répondre da rôle qui a eté le leur dans la

commissiondu génocide en Bosnie ?

Il ne m'a pas répon,du.

Au lieu de cela, il a suggéré que nous, Bosniaques,aurions à faire

un choix : soit traiter avecle prisident Milogevie et son régime en tant

qu'autoritésd'un Etat rois sinec lequelnous devons travailler, soit

traiter avec eux en tant que responsables dugénocide commisen

Bosnie-Herzégovine.

Et, Messieurs de la Cour, j'ai le sentiment qu'il s'agit là d'une

question qui, en partie tout au moins, vous a retenu quelque peu, lors de

l'examen que vous avez consacré à cette affaire. Notre conclusion est la suivante : l'engagement qui est le nôtre de

rechercher une paix réelle et qui dure nous impose de suivre l'une et

l'autre de ces voies qui s'ouvrent devant nous.

Je citerai, pour le reprendre à mon compte, un propos de

M. Bill Clinton, président des Etats-Unis :

«Nous avons l'obligation de mettre en Œuvre-les leçons de
Nuremberg; ceux qui sont accusés de crimes de guerre, de crimes
contre l'humanité et de génocide doivent être traduitsen
justice. Il faut que la paix règne si l'on veut que la justice

prévale, mais il faut aussi que la justice s'impose lorsque la
paix prévaut. >>

Nous devons nous appliquer à faire en sorte que les relations que

nous entretenons avec nos voisins se situent à un niveau nomal et

positif, et nous devons nous assurer que la justice a aussi été rendue,

que l'histoire n'a pas été réécrite et que cette première étape de

1 . réconciliation n'est pas flouée et que, par conséquent, les fondations de
ILi

la paix ne sont pas minées

En suivant une de ces voies, conformément à l'accord de paix de

Dayton, nous avons proposé d'établir des relations diplomatiques à part

entière avec Belgrade.

Nous avons proposé de normalisernos relations économiques.

Malheureusement, nos initiatives n'ont pas reçu un écho favorable de

la part des autorités de Belgrade qui ont un comportement de vainqueur et

perçoivent l'accord de Dayton comme une nouvelle étape dansla poursuite

de leurs objectifs expansionnistes autant quecomme llabsolution des

opérations de génocide qu'elles ont commises.

Néanmoins nous continuerons à faire preuve d'un esprit d'ouverture en

nous engageant, sans condition, sur les voies qui mènent à la

normalisation de nos relations. Et, en tant qulEtat à qui il a été fait tortet qui a été la victime

d'une des pires vio1atio:ns du droit cy~'i1soit possible de subir, à

savoir un génocide, nous chercheronsaussi, par le truchementde la plus

haute juridictionde la communauté internationale, à ce que justice soit

rendue, de façon à permettre la réconciliation.

Monsie r le Président, la Bosnie-Herzégovineet son peuple ont subi
y

la pire des injustices qui aient pu être commises en Europe depuis les

horreurs sanspareil de l'Holocauste.

L'an passé, à la même époque, Son Eminence Vinko Puljiii,cardinal de

Sarajevo, et le cardinal de Zagreb ont lancé un appel pour qu'il soit mis

fin à la politique de purification ethnique;ils ont décrit la situation

critique que connaît aujourd'huila Boscie, tout en rappelant les

évgnernentsde la seconde guerre mondiale :

«Cette année, la communauté internationalecélèbre, avec le
cinquantièmeanniversaire de la fin de la seconde guerre
mondiale, une grande victoire sur une agression inhumaine. Au
même moment, ici, dans cetteparLie de l'Europe, une agression
est commise à l'instar de l'agressionqui a été perpétrée au

cours de la seconde zuerre monclale; le terrorisme rend
impossible llécoulemen:normal de ia vie quotidienne,et des
civils innocsnts sont exterminés jour après jour.»

De même, au mois de novembre 1992, M. Tadeusz Mazowiecki, rapporteur

spécial de la comrnissior ies Nati0r.s'Jr,iessur les droits de l'homme, a

décrit la situation critique de notre pays, avec cette mise en garde par

trop appropriée à l'épocpe :

«Personne nléc.happe aux souffrances. Mais la population
musulnàne est confrontée à rien de moins qu'une politique
11
d'extermination. Lleséléme~ts de preuve qui ont été rassemblés
ne laissent aucun d.oute quant à l'identitéde ceux qui sont
responsablesde l'horreur : les dirigeants politiqueset les
chefs militairesserbes en Bosnie-Herzégovine,appuyés par les
a.dtoritésde la Répubiique serbe. » -6-

Monsieur le Président, les dommages, si je peux utiliser ce terme,

qui ont été infligés, ne peuvent être aisément résumés,mais je dois

essayer de vous en fournir un résumé partiel :

Plus de 5 pour cent de l'ensemble de notre population, à savoir deux

cent cinquantemille personnes,et près de 10 pour cent de la population

bosno-musulmane,ou des citoyensbosniaques, pour la plus grande partie

des civils, ont été tués.

Sur l'ensemble de notre population, la moitiédes habitants ont dû

abandonner leurs foyerspour d'autres destinations,et une large majorité

de la population bosno-musulmane a été contraintede quitter ses lieux de

résidence.

Vingt mille femmespour le moins et peut-étre cinquante mille ont été

vioiées de façon systématique,et de nombreuses l'ont été dans ce qu'il a

été ccnvenu d'appeler des camps de viol, ce qui constituaitnon seuiement

un crime odieux à l'encontre de personnesinaisaussi une tentative de

compromettre la capacitéde reproduction de touteune génération.

Malheureusementnous ne concaîtrons jamais le nombre précis des

victimes de viol; nombreuses sont celles en effet quin'ont pas survécu

et ne peuvent relater cequi leur est arrivé; d'autres ne sont pas

capables de direce qu'elles ont subi, car elles se trouvent encore
.
beaucoup trop plongées dans un itat de choc et de confusion ou bien

craignent, si elles révèlent leurhistoire, d'être les victimes d'une

situation d'exclusion sociale.

Il n'est pas possible de déterminer le nombredes blessés. Les

lésions physiques sontle lot d'une bonne partie dela population;quant

aux séquelles psychologiquesdes blessuressubies, elles ferontpartie de

l'obstacle le plus difficile à surmonter pour le retour des personnes qui

en ont été victimes à une vie normale. Les dommages matériels qu'a subis le pays se résument ainsi :une

infrastructurelargement détruite et une économie paralysée.

Chaque mosquée, chaque objet religieux du culteislamique, dans les

zones occupées, Ont été clétruits. Dans ces mêmes zonesoccupées, la

plupart des églises cathc~liques, des monastères ainsi qued'autres objets

1% de culte ont aussi été d6truits ou endommagés. Permettez-moide citer le

passage suivant :

«De nombreux mois se sont maintenantécoulés depuis que le
terme «purification ethnique> fait partie de notre vocabulaire.
De nombreux mois se sont écoulésdepuis qu'ont trouvé
confirmation les premiers rapports faisantétat de viols, de

pillages, de camps de concentration, de meurtres,d'atrocités
innommables et d'actes de cruauté. Il ne s'agit pas là d'effets
secondaires dus aux hasards de la guerre; toutes ces horreurs
constituent les moyens mêmes qu'utiliseune guerre dont l'objet
est de terroriser la totalité d'une population, de faire des

Musulmans de Bosnie des réfügiés ou des cadavres, de rendre la
Bosnie Muslimrein.»

Cette déclaration a été faite le 22 décembre 1992, au cours de la

quatrième nuit de la fête juive de Hanukkah, sous la forme d'un appel

commun au monde entier, lancé par quasiment coutes les organisations

juives américaines de quelque importance

Messieurs les Membresde la Cour, nous avons parlé des souffrances

qu'a endurées notre peuple, mais maintenantnous devons aller de l'avant

pour reconstruire notrepays, dans le cadre du processus de

réccnciliation,en tenant compteen particulier desrelations existant

entre les deux pays qui s'opposent ici même

Lors de la célébration, dimanchedernier, de l0Aid ul Atha, la fête

musulmane la plusimportante, le Reis Ulema, le chef religieux le plus

important des Musulmans bosniaques, a lancé un appel en faveur de la

tolérance, de la coexistence,de la justice et a entrepris d'ouvrir la

voie de réconciliationet du pardon en Bosnie. Si je puis citer ses

paroles, les voici : «Je me dois de connaître la vérité. Toutes les autres
personnes ont droit à ce que justice soit rendue. Et nous
devons faire en sorte que notre patriecommune connaisse la paix

et la tolérance. A travers la vérité, nous découvronsla
véritable connaissance, la libertéet le salut, la paix et la
sécurité. Le mensonge est le manteau qui recouvrela confusion,
l'esclavage et la misère, les conflits et l'insécurité. Le
mensonge est un facteur quiperpétue les méfaits, et cautionne
leurs auteurs. La vérité prévient que le mal soit fait et place

le malfaiteur dansl'incapacitéd'agir. Nous devons savoir
comment défendrela vérité de façon à vivre en liberté, en paix
et dans la sécurité. Par conséquentnous devons faire la
différence entre ceux qui nous fontdu mal et ceux qui ne nous
en font pas. S'il n'y a pas de justice, alors il n'y a pas de

paix ni de liberté entre les peuples. Ce n'est que par la
vérité et la justice qu'il est possible d'achever la paix et de
reconstruireun système de coexistence basée sur la tolérance
entre différentes religionset cultures. Notre pays est un

exemple unique de pluralisme,puisqu'il comprend une large
palette de peuples, de groupes ethniques,de cultures et de
civilisationsqui diffèrentles uns des autres. Tel a toujours
été le cas en Bosnie-Herzégovineet il doit en aller ainsi dans
1'avenir.»

Messieurs les Membres de la Cour, cette instancen'est dirigée contre
1 7.
aucun individu. Une telle missionest laissée au Tribunal pénal

international ainsiqu'aux juridictions nationales compétentes.

Cette instancen'a pas été non plus introduite contrele peuple

serbe; eile n'a pas pour objet de falre condamner'lepeuple serbe dans sa

totalité. Le résultat de cette agressionest que denombreux Serbesen

ont souffert. Beaucoup parmieux ont combatto auprès d'autres Bosniaques

pour défendre notrepays, nos villes et les civils qui les habitent

Certains se sont efforcés de pours- ivre ces objectifs en tant que membres

de notre gouvernement, d'autres en tant que membres de nos forces armées.

D'une manière encore plus poignante, de nombreux Serbes sont

intervenus et se sont sacrifiés pour protéger des Musulmans, des Croates,

et d'autres voisins non Serbesvis-à-vis des forces serbes qui mettaient

en Œuvre systématiquementdes actes criminelsde génocide. -9-

Permettez-moide rappeler le cas héroïquede cette jeune fille serbe,

âgée de dix-sept ans, qui se trouve mentionnédacs les archivesqui ont

été déposées auprèsde la commissiond'experts;parce qu'elle avait tenté

de protéger ses voisins musulmansde soldats serbes, cette jeune fille,

pour cet acte de courage, accompli au nom de la défense de la tolérance,

a été égorgée; la fin de cette histoirea été que tous ses voisins

musulmans ont été brutalementassassinéspar les forces serbes, dépêchées

pour procéder à la purification ethniquede son village natal.

Plus récemment,permettez-moi de rappeler la situationde familles

serbes, vivant dans un immeuble divisé en appartements à Grbavica, partie

occupée de Sarajevo;ces familles,pendant près de quatre ans, ont caché,

dans sa totalité, une famille musulmane, à l'insu des forces d'occupation

serbes.

Ce conflit n'est pa::la manifestationd'une profonde et ancienne

haine d'origineethnique; la distinction entreethnies a été

l'instrument,sur le plan politique et territorial,d'une politique dont

la République fédérativede Yougoslavie portela responsabilitéet qui a

été poursuivie diune manière imglacable.

Cette instanceest dirigée contre1'Etat de la République fédérative

4 de Yougoslavie, quiporte la responsabilitédes violations de la

convention sur le génocide, dont ont souffert laBosnie-Herzégovineet

son peuple.

Monsieur le Président, la République fédérativede Yougoslavie,Etat

. défendeur, a maintenant soulevé devantla Cour des exceptions

préliminairesqui, ouvertement, sont fondéessur la questionde la

validité de la compétencede la Cour en cette affaire. - 10 -

Cependant, les arguments du défendeur, tels qu'ils ont été développés

devant la Cour, reposent massivementsur ie fondement suivant :la

négation de la qualité dlEtat de la Bosnie-Herzégovine; ces arguments

font appel au préjugé religieux,ou invoquent des questions qui devraient

être tranchées lors de la phase qui portera sur les faits et le fond de

l'affaire.

Le défendeur consacre la plus largepart de son argumentation à

soutenir que la Bosnie-Herzégovinen'est pas devenue, dans des conditions

régulières,un Etat indépendantou soutient qu'elle ne constitue même pas

un Etat. Ces arguments ne sont certainementpas pertinents pource qui

est des questions de compétence soumises à la Cour aujourd'hui.

Ils ne parviennent d'ailleurs pas à atteindre lebut qu'ils

p6ursuivent : semer, de façon crédible,le doute sur la qualité d'Etat

souverain et internationalement reconnude la Bosnie-Herzégovine.

Ces arguments ne constituentpas non plus un moyen-de défense pour

échapper à toute responsabilitéen matière degénocide.

Cependant cetteargumentationmet davantage en évidence lesmotifs du

gouvernement de Belgrade dans la guerre qu'ilmène contre la

Bosnie-Herzégovineet contre son peuple.

De façon plus inquiétante,cette argumentationjette le doute sur la

valeur de l'acceptationpar 1'Etat défendeur de l'accord de paix de

Dayton ainsi que sur la reconnaissance mutuelle que contient

implicitementun accord.

M. Ian Brownlie, conseil du défendeur, a soutenu que la

Bosnie-Herzégovinea été le théâtre d'une guerre civile. Tel n'est pas

le cas, comme le prouve notamment lefait que la République fédérativede

~ougoslavie a fait l'objet, jusqu'à une date récente, de sanctionsdu

' Conseil de sécurité et qulelle a, dans diverses enceintes,été mise encause pour le rôle, direct ou indirect, qu'elle a joué dans le conflic

qui s'est produit en Bos:nie-Herzégovine

A ce stade, permettez-moide citer rapidement les propos duprocureur

adjoint du Tribunal pénal international, lorsque récemment leTribunal a

procédé à l'inculpationd'officiersserbes :

«Ces inculpationsconstituentaujourd'hui un moyen de
pression directe su:rM. Milogevie. Dans le passé, les autorités
de Belgrade avaient la possibilitéde dire que les Serbes de

Bosnie constituaient: des entités séparées et que c'est à Pale
que devaient être menéesles enquêtes. Une telle ligne de
défense n'est plus possible maintenant. Si la Yougoslavie ne
respecte pas ses engagements,la conséquenceque nous en
tirerons sera d'informer le Conseil de sécurité et cette

démarche entraînera d'autres conséquences pour laSerbie.»

M. Ian Brownlie continue de développer son argumentation fondée sur

l'existenced'une suerre civile, en prétendant que, d'une manière ou

dlcne autre, toutes les parties sont égalementresponsables de ce qui est

arrive, en citant ce qui est en réalité l'Œuvre de M. David Erne, avocat

américain,mais qui a été présenté devantla Cour, lundi dernier, comme

quelque chosequi seraitappelé à devenir un élément du rapport officiel

de la commission d'experts des Nations U~ies.

Je lirai maintenant à la Cou-, si le permettez, une lettre que

m'a adressée hier M. Cherif Bassiouni,président de la commission

d'experts ec professeur de droit a l'universitéDePaul de Chicago :

«Cher Monsieur l'ambassadeur,

Mon attention a été appelée sur le fait que M. Ian Brownlie
a soumis aujourd'hui à la Cour la proposition selon laquelle un
rapport préparépar M. David Erne, avocat américain du
Wisconsin, est appelé à devenir un rapport officiel de la
commission d'experts des Nations Ucies, instituée conformément à

la résolution 780 (1992) du conseil de sécurité. Tel n'est pas
le cas cependant. Ce qu'il est convenu d'appeler le «rapport
Erne» n'a jamais fait partie du rapport de la commission
d'experts et toutes déclarations en ce sens sont inexactes. Un

document a été dist.ribué, de façon frauduleuse, sousle timbre
de la commission d'experts et tout a été mis en Œuvre pour faire
zesser sa diffusion. Vous trouverez sous ce pli deux lettres :
l'une émane de M. Hans Corell, Secrétaire généraladjoint et conseiller juridiquede l'Organisationdes Nations Unies, à
M. Erne et une autre de moi-même. Toutes deux se passent
d'explication. Le rapport finalde la commissionest le

document des Nations UniesS/1994/674 en date du 27 mai 1994.
Les cinq volumes d'annexes qui accompagnentle volume 1 ont été
distribués sous la cote S/1991/674/add.,le 31 mai 1995 et le
numéro du document qui correspond au volume 24 est
S/1994/674/add.du 28 décembre 1954. Tels sont les seuls

6 rapports officiels. Vous pouvez faire état de cettelettre, et
des pièces qui l'accompagnent, à tout organisme officiel.
1
Veuillez agréer, etc.

(Signé) M. Cherif Bassiouni, ancien présidentde la
commission d'experts des Nations Unies, instituée conformément à
la résolution 780 (1992)du Conseil de sécurité.»

J'ai pris la liberté de faire mention de cettelettre en date du

29 avril 1996. Puis-je ajouter qu'il est connu depuis un certain temps

que ce rapport estun faux. Personne ici n'en sera surpris.

Le défendeur également, sansdoute peur se défendre, accuse notre

gouvernement d'assurer la promotion de ql~elquechose qii'ilqualifie

généralement, selon lestermes qu'il emploie, de «fondamentalisme

islamique»ou d'avoir l'intentionde creer un «Etat islamique».

A nouveau, nous ne parvenons pas à comprencre la pertinence de ces

accusations au regard du problèmede con:p&trnce qui se pose aujourd'hui.

Je ne vais pas tenter d'apporter une réponse approfondie à ces

accusations, car, si je le faisais, ;e serais exposé aurisque - à tout

le moins je le crains - de développer desarguments sailsrapport avec les

questions posées, dans l'immédiat, à la Cour ou de donner à des

accusations qui présentent unetelle dimensionet un tel dsgré de

généralité une crgdibilitéqu'elles ne méritent pas

Permettez-moicependant de clarifier cequ'est la situation et de

mettre un terme à cette campagnede contrevérités,de semi-véritéset de

fanatisme religieux, compte tenu desaccusations denature politiqueet

religieuse qui sont portées contre nous, afin d'enflammer les esprits. En premier lieu, le Gouvernement bosniaque n'a pas de caractère

confessionnel;c'est un gouvernement laïque, qui a été démocratiquement

élu dans le cadre d'un système multipartite.

Les Serbes, les Croates au même titreque les Musulmans et d'autres,

si je peux ajouter cette précision, participentau grand jour à

l'activitédu Parlement, du gouvernement,de la diplomatie et de l'armée

de notre Etat.

En second lieu,la personne du président Izetbegovien'est pas en

cause ici. A nouveau, cependant, et juste pour prévenir l'hypothèseoù

un dommage immérité lui serait infligé, le président Izetbegoviea

exprimé ce qui, à ses yectx,constitue la Bosnie, et ce dans les termes

suivants :«La Bosnie-Herzégovineest un Etat laïque et démocratiqueet

fera tout son possible pour asseoir sonrégime sur ces bases.»

La présidence de la Bosnie-Herzégovine,en 1992, a décrit plus
'1r!
explicitementnotre position :

«La Bosnie-Herz'égovine est un pays dont les citoyens font

partie d'un Etat souverain et indépendant,dont les éléments
constitutifs sont des peuples égaux : Musulmans, Serbes, Croates
et d'autres qui vivent à l'intérieurde ses frontières. La
République repose sur lesprincipe de la démocratie

parlementaire,ce qui inclut une économle libre de marché, le
pluralisme politiqueet le respect total des droits de l'homme
et des libertés.»

En troisième lieu, la Bosnie-Herzégovinea accepté toutes les

initiatives de paix dela Communauté européenne qui pouvaient s'appliquer

à la République fédérativede Yougoslavie en1991, et ce également lors

de la conférence de Londres de 1992, en 1993 à l'occasion du plan

Vance-Owen, en 1994 lors du plan établi par le groupe de contact, et

finalement lors de la corlclusion en 1995 de l'accord de paix de Dayton et

Paris. Il y a probablement quelques initiatives, à ce sujet, que jlai

omis de citer. - 14 -

En quatrième lieu et finalement, le statut juridiqueet la continuité

de la Bosnie-Herzégovinene sont pas remis en cause par llacccrd de paix

de Dayton, qui repose sur le principe accepté par toutes lesparties

concernées que la continuitéjuridique, en qualité dtEtat, de la

osn nie-Herzégovinf eait l'objet de l'accord de tous

La continuité juridiquede la Bosnie-Herzégovineet l'autorité qui

est la mienne en ma qualité d'agent sont inattaquables.

Plus important,l'engagementqui est le notre d'assurer le succès du

processus de paix, dans 1s but de crger un Etat démocratique, pluraliste

et d'assurer la réconciliationde toutes les parties,a été parfaitement

résumé par les mots qu'a prononcés le président IzetbegoviC,devant

25 000 personnes, à l'occasion d'une réunion politique, quise tenait

dans la ville de Zenica, dont la population est en majorité musulmane, il

y a un peu moins de deux semaines :

«Ecoutez-mois'il vous plaît. Je vous demande de réfléchir
à un mot clef. Je vous prle de preudre connaissance dumot

réconciliation, de vous accoutumer à ce mot. Celui qui aime la
Bosnie ne peut haïr cemot, parce qu'il n'est pas de Bosnie sans
recoriciliation.Nous voulons une Bosnie composée dc tous ses
élénents, dans laquelle règnera la liberté, et à l'intérieurde

iaquelle la tradition de pluralisme religieux, ethniqueet
politique sera perpétuée.>>

Le journal qui a fait état de ce 6iscsilrs, et que je cite, a aussi

S.r-
!t rappelé que, près de six années auparavant, avant que la guerre ne

commence, le 25 août 1990, M. IzetbegoviC,qui n'était alors que candidat

à la présidenze de la République,avait dSfendu des positions de principe

similaires,qui se situaient dansle droit fil des thèses qu'il soutenait

antérieurementlorsqu'il dénonçait le fascisme et la démagogie ethnique,

dans la ville de FoCa, où il rendait hommage aux victimesdu fascisme au

cours de la seconde guerre mondiale, - parmi lesquelles se trouvaient des - 15 -

Musulmans et des Serbes, - et déposait des fleurs auprès desfosses

communes où gisaient ces derniers.

La personne du président IzetbegoviEn'est vraiment pas la raison de

ce qui nous amène ici; elle n'est pas l'objet de cette affaire.

Monsieur le Présideint, Messieurs de la Cour, je me suis écarté

quelque peu de la véritable questionqui est posée devant vous, afin

d'avoir, à tout le moins en partie, la possibilité de répondre à la

tentative qui a été faire de prévenirla Cour contre le demandeur.

En fait, sur le p1a:njuridique iln'y a qu'une seule question que la

Cour est appelée à examiner, et il y a une question politique qui se

pose, sur laquelle je dirai quelques mots.

Tout d'abord,la Cour a-t-elle compétence pourse prononcer sur cette

aÉfaire, telle qu'elle se présente ?

Monsieur le Président, la représentation qui assure notredéfense

prendra la parole aprèsmoi et développera la position juridique quiest

la nôtre, à savoir que la Cour a bien compétence en cetteaffaire.

A partir de cette conclusion,nous serons prêts, au moment adéquat, à

exposer devantla Cour 1.efond des questions qui se posent.

En second lieu,compte tenu de l'accord de paix de Dayton, quelles

peuvent être, sur le plan politique, les conséquencesde la poursuite ou

de l'abandon de cette affaire ? Quelle peut êtrel'incidenced'un tel

choix au regard de la jiistice, du respect dela règle de droit, de la

réconciliation,du maintien d'une paix durable ? De plus, quelles

peuvent en être les conséquences quant à l'avenir de la conventionsur le

génocide, quant au caractère applicable du droit international

humanitaire et des trailzésqui s'y rattachent, à une époque où il est

fait de plus de plus référence à des distinctionsde caractère ethnique, - 16 -

racial ou religieux dès lors qu'il s'agit, à des fins politiques,de

commettre une injustice ?

J'ai déjà, au début de mon exposé, présenté ce que sera nctre ligne

1[1, de conduite dans cette affaire où s'entremêlentrecherche de la justice,

volonté de réconciliationet instauration de la paix.

Mais, avant que je ne continue, qu'il me soit permis de dire quelques

mots sur la stratégie qu'a suivie la République fédérative de Yougoslavie

dans les exposés qu'elle ,aprésentés à l'appui de ses exceptions

préliminaires.

Le but que poürsuit cet Etat est simple : son objectif est de

ralentir le cheminement de cetteaffaire et, ce faisant, de retarder le

règlement définitif qui doit être le sien sur le plan judiciaire.

Les autorités de Belgrade croient qu'elles seront en mesure de

contrôler les dirigeants serbesde Bosnie dans le gouvernementcentral

qui sera mis eriplace en Bosnie-Herzégovine,après les élections, et

qu'elles provoqueront ainsile retrait cette affaire. Comment peut-on

expliquer autrement la lettre en date du 30 janvier 1996 qu'a adressée à

la Cour M. Etinski ?

Permettez-moiaussi de relever ci que la Cour, dans le passé, a

invité les Parties à s'adresser l'une à l'autre d'une manière convenable.

Dans nos pièces écriteset devant vous aujourd'hui, je m'adresse à la

République fédérativede Yougoslavie ou, si telle est la préférence de la

Cour, à la Yougoslavie. Dans les pièces écrites qui ontété soumises à

- cette Cour, la Bosnie-Herzégovineest toujours désignée par les termes

suivants :«la prétendue Bosnie-Herzégovine». Nous nous sommes efforcés

de donner suite aux vŒux qu'a exprimés la Cour dès le mois d'août 1993. Si cette affaire est retirée,vraisemblablementil sera plus

difficile de faire disparaîtreles conséquencesde la purification

ethnique et du génocide, lorsqu'il s'agira de mettre, en application,

dans sa totalité, l'accordde paix de Dayton.

Désormais, chaque jour,des réfugiés, qu'ils'agisse d'individus ou

de petits gqoupes, cherchent à retourner dans les foyers dont ils furent

expulsés et où ils souhaitent revenir. De fait, certains, au cours des

derniers jours, ont été tués.

Rentrer chez eux co:rrespondau droit qui est le leur, en vertu des

2 [, accords de Dayton, mais Il s'agit également d'un des droits de l'homme au

regârd de l'applicationde normes internationales quesoulèvent cette

affaire.

Cette affaire prend aujourd'huitoute son importance,dès lors qu'il

s'agit de faire cesser la purification ethnique, d'obtenir le rejet du

prolet, que soutiennentae nombreux partisans, de procéder au

démembrement, su.ran plan etpinique, ae la Bosnie-Herzégovine,et dès lors

qu'il s'agit d'assurer le succès àü processus de réconciliationet de

réinsertiondes personnesdéplâcGes

De fait, la nécessité deprévenir et àe punir le crime de génocide,

dont l'importariceest fondamentale,n'a lanais été aussi grande.

Cette Cour, en sa qualité d'oroane judiciaire suprême de la

corninunautiénternationale,esc saisie à'une question qui touche à la

racine même du maintiend'un ordre internationalcivilisé.

Nous recormaissonsque cette affaire fournirala première occasion,

sur le plan contentieux,pour cette Cour qui mérite toute notre estime,

de procéder, à l'interprétationet à l'applicationd'un des textes

juridiques parmi les plus importants,tout en veillant à assurer son

existence. Nousreconna.issons que la tâche de veiller à assurer,.sans - 18 -

interruption,lleffectivitéde cette conventionconstitue, de manière

cruciale, une garantie contre toute formede brutalité, qu'elle soit

basée sur des critères ethniques, raciaux ou religieux,brutalité dont

les temps présentsoffrent, à ce qu'il paraît, et on ne peut que s'en

attrister, des exemples toujours plus nombreux.

De plus, des décisions de cette Cour ilest possible de tirer des

enseignements importantstant sur le plan juridique quesur le plan

historique. L'esprit d'objectivitéet l'expertiseque possède cetteCour

sont confrontés à une situationde fait que lui soumet llEtat demandeur

(et dont il s'efforcera,le moment venu, de prouver l'existence)qui

conduit à une conclusionet à une conclusion seulement : les iléments

ccnstitutifs, l'infrastructure et l'ensembledu peuple de la

Bosnie-Herzégovineont Oté soumis, dès le mois de novembre 1991 et par la

suite, à une campagne systématique,brutale et sanguinaire,basée sur la

terreur, qui a constitué un génocide, dirigé principalement contre la

population musulmane maisqui a eu pour effet d'ébranler les fondations

mêmes d'un Etat dont la tolérance e: la coexistence constituaient le

soubassement.

La tolérance et la coexistence cons~ituentun objectif pour la survie

L duquel mon gouvernement et mon peuple se sont battus, en aépit des

attaques les plus acharnées, et cer objectif, avec l'aidede Dieu, sera

restauré, quelle que soit l'importancedes atteintes qu'il ait pu subir,

dont llEtat défendeur assume la responsabilité.

Il est d'une importancevitale, si l'on veut qu'une paix durable

s'installe en Bosnie-Herzégovine,que justice soit faite,et pas

seulement en apparence. Depuis le début de ce conflit,et à toutes les

phases qu'il a traversées, la communauté internationale a fait clairement

connaître qu'elle était déterminée à poursuivre les individusqu'a mis en - 19 -

accusation le Tribunal pénal international,et l'accord de Dayton met à

l'écart de tels individus du processus politiquequi doit être mis en

Œuvre en Bosnie-Herzégovine.

Tout simplement il n'y a et il ne peut y avoir de place dans une

Bosnie-Herzégovinede caractère pluraliste pourceux qui ont été les

exécutants de politiques fondées sur la haine.

Cependant, la justice et la poursuite du processus de paixn'exigent

pas seulement queles criminels de guerre soient jugéset punis, s'ils

s'avèrent coupables;ces considérationsexigent aussi que cette Cour

détermine, sur le plan juridique,ce qui s'est passé en

Bosnie-Herzégovine.

L'arrêt que cette Cour est appelée à rendre constituera un élément

intrinsèquedu processus de réhabilitationqui, aussi douloureux soit-il,

doit etre mis en Œuvre, si l'on veut que lesdommages dont ont pâti les

élements constitutifsde notre société puissent être réparés. Les

souffrances qui ont été enduréeset les blessures qui en ont 6té la

conséquence présententu.ncaractère trop important pourqu'il soit

possible de les faire disparaître sous le tapis ou de les verser'dans les

annales du passé, en attendant qu'une déterminationjudiciaire des

responsabilitésintervieinne; Monsieur le Président,Messieurs de la Cour,

nous attendons de vous cpe vous répondiez à cette attente.

Je vous remercie de votre attentionet je vous demande de bien

vouloir appeler à la barre nos conseils.

Le PRESIDENT : Je remercie Votre Excellence pour son exposé. Je

donne maintenant,laparole à M. van den Biesen, du barreau d'Amsterdam M. van den BIESEN :

22 Remarques introductives

1. Monsieur le Président,Messieurs de laCour, oui, c'est pour moi

un grand honneur que de comparaîtredevant votre juridiction;et ce pour

défendre les intérêtset les droits de la Bosnie-Herzégovine,du peuple

de la Bosnie-Herzégovine. Cet honneur est seulementassombri par

l'horreur extrême des événements quiconstituentle fond de cette

affaire. Et, d'une certaine façon, cet honneur est également assombri

par la nature des exceptions préliminaires, dont nous débattonscette

semaine, et qui trouvent leur origine davantage dans la politiquq eue

dans le droit.

2. Ces exceptions préliminairesont, entre autres choses, pour

objectif de détournerl'attentionde la Cour et de l'opinion publiquede

par le monde du caractère extrêmement sérieux que constitue, par essence,

cette affaire. Monsieur le Présiaent, il s'agit d'une affaire de

génocide. Il s'agit d'une affalre qui met en jeu la convention sur le

génocide. Et c'est pour cette ralsor que je retiendrai quelque temps

l'âttentionde la Cour en présentant à ses membres le tableau général de

cette guerre, tableau qui situe clairement le comportement dela

République fédérative de Yougoslaviepar rapport à la convention sur le

génocide.

3. Ce faisant, nous accordons la considération qui luiest due au

fait que la requête du 20 mars 1993 et le mémoire du 15 avril 1994 n'ont

relaté seulementque le débur de ce qui s'est passé. Une telle situation

s'expliquepar le fait que la guerre a continué et que de nombreuses

atrocités présentantle caractère d'actes de génocide ont été commises

après les dates susmentionnées - permettez-moiseulement de rappeler les

événements de Srbrenicaen juillet 1995 - mais aussi parceque, à raison - 21 -

de la situationde guerre, le champ que couvraient les conclusionsque, à

deux reprises, nous avons soumises antérieurement avait,par nécessité,

un caractèreplutôt limité. A des moments critiques, les moyens de

communicationentre la Bosnie-Herzégovine et le monde extérieur étaient

sérieusementcompromis,pour ne pas dire quasimentimpossibles.

Nous développeronscet aspect de la question dans la phasede cette

2 2, instance qui porterasur le fond. Aujourd1hui je fournirai seulement à

la Cour une descriptionpréliminaire de ces événements.

Evaluation générale de la nature de cette guerre et du rôle de llEtat

défendeur

4. La guerre en Bosnie-Herzégovinea été une guerre au cours de

laquelle nombre d'atrocitésparticulièrementgraves ont été commisessur

une grande échelle. Quasiment tous les rapports disponibles surcette

guerre confirmentqu'une large majorité de cesatrocités ont été

perpétrées contreun seul côté : la population non serbede Bosnie et, de

manière prépondérante,la population musulmane deBosnie.

Il est certain que des Serbesont également étéaussi les victimes de

violations du droit inte~rnational humanitaire. Un tel fait ne peut être

mis en doute. Cependant.,selon ce dont a fait état la commission

d'experts (instituée en applicationde la résolution 780/1992 du Conseil

de sécurité) ces violati.ons ont été peu nombreuses si on les compare à

celles qui ontété commises par la partie serbe, et de plus ces

violations c'ont pas «[relevé] ... d'une politique de «purificatior,

ethnique»'. Sur ce point les conclusions dela commission d'experts ne

laissent place à aucun doute : «il est clair que les données factuelles

recueilliesne peuvent pas être invoquées pour établir une équivalence

'Rapportfinal de la commission d'experts, S/1994/674,27 mai 1994, p. 36,

par. 148. - 22 -

entre les factions en termes de «responsabilité morale^^. Les atrocités

les plus graves et les plus nombreuses ont été commises presque

exclusivement par un seul côté, et en a été presque exclusivement la

victime, et ce de façon prépondérante, la population musulmane de Bosnie.

Aussi la guerre en Bosnie a été une guerre au cours de laquelle quasiment

toutes les dispositions applicables du droit internatsonal humanitaire

ont été violées. Le simple fait, Monsieur le Président, que ces

atrocités d'une extrême gravité ont été délibérément, systématiquement,

dirigées contre la population non serbe de Bosnie a pour conséquence que

cette guerre relève du champ d'application de la convention sur le

génocide.

5. Monsieur le Président, bien qu'il ne s'agisse pas d'une question

qui se pose au regard de llapplicabilité de la convention sur le

génocide, nous soutenons l'affirmation que ce qui se passe en

Bosnie-Herzégovine n'est pas un cas de guerre civile, comme 1'Etat

.-1 défendeur continue de le suggérer; c'est une guerre que mène, par delà

une frontière, des Serbes contre des non-Serbes, et non l'inverse. C'est

une guerre qui est conduite par delà les frontières sous la direction

conjuguée de Belgrade et de Pale. Lors de la ?hase consacrée au fond de

cette instance, nous fournirons à la Cour, en abondance, des éléments de

preuve qui apportent confirmation de cette analyse des problèmes de

responsabilité qui se trouvent posés.

6. Monsieur le Président, si 1'Etat défendeur nie qu'on puisse lui

attribuer quelque responsabilité que ce soit, alors il lui appartient

d'expliquer à la Cour que la communauté internationale s'est trouvée dans

l'erreur quand, pcur la première fois, en mai 1992, elle a imposé des

'Ibid., p. 36-37, par. 149. - 23 -

sanctions à la République fédérativede Yougoslavie, dans lebut de

contraindre cet Etat à mettre un terme à l'aide active, et même massive,

qu'elle a apportée aux dirigeants Serbesde Bosnie3. Si la responsabilité

de Belgrade n'est pas en cause, alors, Monsieur le Président, il

appartient à 1'Etat défendeur d'expliquer à la Cour que la communauté

internationales'est trompée, lorsqu'ellea continué d'imposer des

sanctions à la Yougoslavie tout au long de l'année 19934. Si la

responsabilité deBelgrade n'est pas engagée, l'autre Partie doit alors

expliper à la Cour pour quelles raisonsc'est le président Milogevie

qui, pour le première fois, le 11 mai 1993, a annoncé que la Yougoslavie

interrompraitl'aide qu'elle fournissaitaux Serbes en Bosnie. Et alors,

1'Etat défendeur pourraiiraussi bien allerplus loin et expliquer

pourquoi, le 4 août 1994, quinze mois après cette déclaration, le

président MiloSeviE a annonc6 une nouvelle fois que son gouvernement

cesserait dlâpporter son assistance aux Serbesde Bosnie. Les sanctions

qu'avait imposées le Con:seilde sécurité n'étaient que suspendues,et en

partie seulement3 l'époque, lorsque la Yougosis.vie en septembre 1994, a

réitéré la promesse qu'elle avait fa~te de f~rmer la frontière qui la

sépare de la République de osn nie-~erzegovineM '.nsieur le Président,ce

n'est pas réellement une surprise que cette promesse n'ait pas été tenue;

et nous apporteronsplus tarà la demonstrationqu'elle ne l'a pas été.

7. Nous sommes tous bien entendu au courant des procédures qui se

trouvent engagées devant le Tribunal international des Nations Unies pour

les crimes commis dansl'ex-Yougoslavie(je mentionnerai cette

3Résolution 752 (1992) diiConseil de sécurité, 15 mai 1992, points 3 et 4;
résolution 757 (1992) du Conseil de sécurité, 30 mai 1992.

%Résolution 819 (1993) di1Conseil de sécurité, 16 avril 1993

'Résolution 943 (1994) di1Conseil de sécurité, 23 septembre 1994. - 24 -

juridiction sous l'appellation de Tribunal pour les crimesde guerre).

Nous savons tousque les dirigeants serbesde Bosnie, MM. ~aradZiE et

MladiE, ont été mis en accusation pour violationde l'article II de la

convention sur legénocide, dont les dispositions sont reprisesdans

l'article 4 du statut du Tribunal. Dans l'immédiat,nous sommes même en

présence de qes deux mises enaccusation distinctes, la premièrecouvrant

la période qui va d'avril 1992 à juillet 1995~,la seconde couvrant les

massacres organisés à Srbrenica en juillet 1995'.

Ainsi, Monsieur le Président, selon M. le procureur Goldstone, les

dirigeants serbesde Bosnie sont coupablesdu crime de génocide.

Et, Monsiexr le Président, selon la communauté internationale,

Belgrade a fourni, de faccn continue,son assistance à ces dirigeants

serbes d.e Bcs~iie. Telle étant la situation,nous n'avons pas vraiment

besoin de nous appesantir sur laquestion de savoir si 1'Etat défendeur a

violé la convention sur le génocide, mais plutôt denous préoccuper dela

question de savoir dans quelle mesurele gouvernement de Belgrade a violé

cette convention. Il n'y a quasiment pas de dispositionde cette

convention qxi n'ait pas fait l'obje;, en l'occurrence,de violation.

8. Monsieur le Président,non seulemen= le Tribunal pour les crimes

de guerre produit chaq~e jour davantage d'éléments de preuve, mais

l'image que no1.ia~vons de cette guerre, de par les autres sources

d'infcrmationsdont nous disposons, devient de plus en plus clair. Dans

llimmSdiatde quelle image disposons-nousexactement ?

6~ribunalinternationalpénal pour les crimes commisdans
l'ex-Yougoslavie,affaire nc IT-95-5-1,accusation, 24 juillet 1995.

'Tribunalinternational pénal pour les crimes commisdans
l'ex-Yougoslavie,affaire no IT-95-18,accusation, 16 novembre 1995. Nous disposonsde l'image d'événementshorribles pratiqués sur une

2 grande échelle,de massacres collectifsqui ont été commis à Prijedor, au

cours de l'été 1992 jusqu'auxmassacres collectifs, qui ont été perpétrés

à Srbrenica, en juillet 1995.

La moitié de la popillation de la Bosnie-Herzégovinea dû abandonner

ses foyers. Deux cent cinquante mille personnes ont été tuées (ce

chiffre correspond à 4 pour cent de la totalité de la population

bosniaque)'. Monsieur le Président,Messieurs de la Cour, essayez

seulement d'évaluer quels seraientles chiffres qui correspondraient au

déplacement dela moitié de la population dans chacun de vos pays, quel

serait le nombre des morts si 5 pour cent de la population d'un de vos

pays avaientété tués.

Ces chiffres mis à part, nous disposons de la description d'une

guerre bien préparée,bien organisée" dans laquellele meurtre du plus

grand nombre possiblede Musulmans étalt l'objectif explicite à

atteindre.

Selon un officier serbede Bosnie, aont le temoignage a paru

récemment dansl'hebdomadaireallemand Der miegel, M. KaradZi6 a donné

l'ordre à ses hommes de tuer des Musulmans, toutes les fois oùune telle

possibilité s'est présentée. M. Karadiit aimait énoncer,a cet égard, le

propos suivant :

'Banquemondiale/Reconstructionde la Bosnie-Herzégovine,«Prioritéspour
la réhabilitationet la croissance»,décembre
1995.

94apportfinal de la commissiond'experts, S/1994/674, 27 mai 1994, p. 35,
par. 142. «Le temps est maintenant venu pour les Musulmans de payer
pour les crimes qu'ils ont commis. Toutes les fois où
l'occasion se présente, ils doivent être tués - jusqu'à leur

disparition finale. »Ic

Et de fait, selon Der Spiegel, les généraux appartenant à la suite de

M. ~aradEiC se vantaient du nombre de Musulmans qu'ils avaient pu tuer.

De plus, n'étaient appelés à bénéficier de promotions que lesofficiers

qui avaient tué un nombre important de Musulmans. Plus un officier avait
nr
'
tué de Musulmans, plus grandes étaient ses chances de promotion".

La purification ethnique

9. Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, pendant cetteguerre,

1 'Endlosung (solution finale) a de nos jours trouvé son synonyme :

«purification ethnique»est le terme qui est entré dans l'usage pour

décrire d'une façon générale l'effroyable campagne contre la population

non serbe de Bosnie-Herzéqovine.

L'objectif préétabli de cette campagne&tait de débarrasser la plus

grande partie, voire l'ensemble au territoire de la Bosnie-Herzégovine de

la population non serbe et plus précisément desa population musulmane.

«Les Turcs dehors, ici c'est la Serbles,n'était pas seulement hurlé à la

face des Musulmans dans la partie monténégrine deSandiak en

septembre 1992"; on allait l'entendre par route la Bosnie-Herzégovine au

fur et à mesure que la guerre s'intensifiait. «Musulmans, sortez de chez

1°«EineRedeweise, die KaradZiC gern verwendete, lautete: Jetzt müssten
die Moslem für ihre Verbrechen bezhalen. Wo immer sich die Chance biete,
müssten sie getotet werden - bis zur totalen Vernictung. s Der Spiegel :
5/1996, janvier 1996.

''DerSpiegei, 5/1996, janvier 1996.

'2NormanCigar, «Genocide in Bosnia: The Policy of Ethnic Cleansing»,
1995, p. 193. - 27 -

vous ! Musulmans, sortez ! Rendez-vous,et tous seront saufs !», telle

était par exemple l'attitudegénérale à Kozarac près de Prijedor au cours

de 1'été 1992".

Puis, lorsque les Miisuimanssont sortis de chez eux, lorsqulils se

sont rendus, malgré les assurancesdonnées, de deux mille cinq cents à

trois mille Musulmans ont été tués dans ce grand village, dont la

population était à prédo,minancem~sulmane'~.

Il ne s'agit pas là d'un incident isolé. Il est caractéristiqued'un

dessein ou d'un schéma qui s'est reproduit de nombreuses fois, jusqulà la

signature desaccords de paix.

10. La purification ethniqueétait réaliséede façon systématique,
7 6
- minutieuse et à fond, et de fait, visait exclusivement la population non

serbe.

Par exemple, à Banja Luka au début de septembre1992, le chef serbe

du comité local de crise pendant la guerre a annoncé à la télévision

locale que survingt-huit mille Musulmans, mille seulement seraient

autorisés à rester dans la ville. Tous les autres devraients'en aller

«d'une maniere ou d'une autre>.''.

D'autres rapports ont clairement illustréce qui est arrivé aux

vingt-septmille contraintsde s'en aller «diune manière ou d'une autre».

Ils furent forcés de quitter leur ville natale en étantsoumis à des

intimidationset même à des déportations",ils ont abouti dansdes camps

''~aryBattiata, Washingt:on Post, 2 novembre 1992, cité dans Norman Cigar,
«Genocide in Bosnia: The Policy of Ethnic Cleansing»,1995, p. 56.

'*Ibid

''MaryBattiata, Washingi:on Post, 26 septembre 1992,cité dans Norman
Cigar, p. 50-51.

16~éclaration du CICR sur les méthodes d'intimidation à l'égard des

minorités à Banja Luka, citée par Patrick Bishop dans The Telegraph, - 28 -

de concentration, tels que le grand camp de Manjaca, juste à l'extérieur

de Banja Luka, ou, pire encore, ils ont fini dans des charniers comme

celui de Kotor VaroS1'. En mai 1993, on a estimé à trente mille le nombre

des Musulmans qui avaient dû fuir la région de Banja Luka à la suite des

opérations de purification ethnique, opérationsqui, comme le déclare

M. Mazowiecki, semblaient approcher de leur conclusion dans cette

région1!

11. L'affaire de «Bosanski Samacs, qui a été longuement décrite dans

l'accusation de MiljkoviÇ et autres devant le Tribunal (25 juillet 1993)

nous fournit un tableau analogue. En 1991, près de 17 000 Croates et

~uçulmans de Bosnie vivaient dans cette ville. En mai 1995, ce chiffre

de 17 000 était tombé à moins de 300".

20 mai 1993; le 25 février 1993, un ultimatum a été décrété contre les
trois mille Musulmans qui résidaient dans laville de Sipova, près de
Banja Luka, leur intimant l'ordrede quitter immédiatementla ville, ou
d'avoir à être déportés dans des camionsnon bâchés, ainsi qu'il est

rapporté dans une lettre adressée au Conseil de sécurité par le
représentant permanent dela Bosnie-Herzégovine. S/25332,
25 février 1993.

"Renseignements concernant les camps de concentrationdonnés dans une
lettre adressée par le représentant permanent deBosnie-Herzégovine au
Conseil de sécurité des Nations Unies, S/24404, 10 août 1992, p. 3; le
rapport d'un temoi~ oculaire qul a vu le charnier de Kotor VaroS, au

sud-est de Banja Luka, indiquant qu'un millier au moins de corps avaient
été ensevelis, est inclus dansune lettre adressée par le représentant
adjoint des Etats-Unisd'Amérique au Conseil de sécuritédes
Nations Unies, S/24918, 8 décembre 1992, p. 7.

"Les chiffres sont tirés du Daily Telegraph, 20 mai 1993
(PatrickBishop); rapport périodique présenté par Tadeuz Mazowiecki,
rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme, E/CN.4/1994/3,

5 mai 1993, p. 4.

"~ribunal pénal internationalpour l'ex-Yougoslavie,affaire no IT-95-9-1,
25 juillet 1995. Parmi les pratiques emplcyées lors de la purification ethnique dans

cet endroit, les Serbes avaient ordonné aux Croates et aux Musulmans de

Bosnie de porter des brassards blancs afin de les identifier comme

non-Serbes.

12. La commission d'experts a défini «purification ethnique» dans les

termes suivants :

«L'expression «purification ethnique» est relativement
~ouvelle. Dans le contexte des conflits sur le territoire de

l'ex-Yougoslavie, la.<purification ethnique» consiste à rendre
une zone ethniquement homogène en utilisant la force ou
l'intimidation pour faire disparaître de la zone en question des
personnes appartenant à des groupes détern~inés.*~»

La commission a aussi 6écrit comment il était réalisé :

«D'après les nombreux rapports décrivant la politique et
les pratiq~es appliquées dans l'ex-Yoilgoslavie,la «purification

ethnique» se réalise par le meurtre, la torture, l'arrestation
et la détention arbitraires, les exécutions extra-judiciaires,
le viol et les violences sexuelles, le cantonnement de la
population civile dans des ghettos, les déplacements, transferts

et déportations de population civile contre leur gré, les
attaques ou menaces d'attaques délibérées contre des civils dans
des zones civiles, et la deszruction aveugle de biens. Ces
pratiques [les déportations continuent] constituent des crimes

contre l'humanité et peuvent être assimilées à des crimes de
guerre bien définis. Cu; plus est, elles pourraient également
relever de la convention sur le génocide".»

13. La prise de Srbr-enicaainsi que ies expulsions et les exécutions

en masse de sa population, qui atteigna;: ;ilors 60 000 personr;.es,

constituent l'exemple accompli de ce qui est devenu un synonyme de la

guerre en Eosnie : la pu:rificatiocethr,ique.

Monsieur le Président, il ne peut pas y zvoir le moindre doute que la

purification ethnique da:nsle contexte de cette guerre est aussi synonyme

de : génocide

20Rapportfins1 de la Commission d'experts instituée conformément à la
résolution 780 (1992) du Conseil de sécurité S/1994/674, 27 mai 1994,

p. 32, par. 129 - 30 -

Il n'y a eu aucun doute à ce sujet au sein de l'Assembléegénérale

des Nations Unies lorsqu'ellea adoptg la résolution 47/121 le

18 décembre 1992 et qu'elle a défini «l'ignoblepolitique de

«purificationethnique», qui est une forme de génocide*.

14. Monsieur le Président,je vais maintenant démontrer à la Cour que

la convention sur le génocidea effectivement étéviolée sur pratiquement

tous les points. Ce faisant, j'aborderaiaussi la questionde la

responsabilitéétatique, c'est-à-direla responsabilitéde Belgrade. En

le faisant, j'ai mis en exerguequelques-unsseulement des événements

pertinents qui permettront de donner à la Cour l'idée de ce que voulait

signifier cette guerre.

Meurtre de membres du groupe

15. La définitiondu génocide est pour la première fois développée de

façon claire à l'article II de la convention sur le génocide qui qualifie

ce dernier «meurtrede membres du groupe». Zn effet, l'un des éléments

des schémas qui ont été décrits dans lescombreux rapports sur cette

guerre est l'ordre dans leqxel les viczimes ont été tuées. En de

nombreuses occasions, on commençaitpar rasseinbler la population

musulmane; aprèscela, on metrai: à par: les intellectuels,ainsi que les

perscnnes ayant apparemment des liens avec le parti de l'action

démocratique (SDA)'~, qui est le parti pclitique musulmanle plus

important,et L'on séparait aussi du groupeles notables et les nantis.

22LeSDA, parti de l'action démocratiquedans la République de
Bosnie-Herzégovine,avait le soutien de la majorité des Musulmanslors
des élections de 1990. Il est manifeste, par exemple, que cette méthode a été appliquée à

u 1 Zvornik, où deux hommes ont été arrêtéset déportés dans des camps sur la

base de listes qui avaient apparemment étépréparées d~avance'~.

Autre exemple :le camp de concentrationde Trnopolje. Là aussi on a

eu recours à des listes de noms pour sélectionnerles personnes. Des

témoins ont rapporté que des intellectuelset des personnes aiséesont

été mis à part sur la base de telles listes, avant de subir des sévices.

On ne connaît pas le nombrede ceux qui, parmi ces personnes, sont morts

des suites de mauvais traitement^^^

Ce schéma se retrouveaussi clairement à Omarska. En ce qui concerne

ce lieu, la commission d.'expertsne laisse aucune possibilitéde

malentendu :

«Malgré l'absence de toute menaceréelle de la part des
non-Serbes, il semble que le but des camps de concentration,
surtout à Omarska, mais aussi à Keraterm, ait été d'éliminer

l'élite non serbe. Les dirigeants politiques, personnalitésdu
monde judiciaire et de l'administration,universitaireset
autres intellectuels,chefs religieux,hommes d'affaireset
artistes de renom - les piliers des communautésmusulmane et
croate - ont été dépcrtés dans ces camps,apparemment dans

l'intentionde les éliminer définitivement. Le personnel dela
force publiqueet de l'armée ont eux aussi été lacible ae cette
campagne de destruction. »"

Monsieur le Président, on ne s'est pas limité à décapiter la

communauté musulmane. Les meurtres n'ontpas été limités aux seuls

«membres du orcupe», ils ont été @galement infligés à l'ensemblede la

population, ddfinie du point de vue ethnlque et religieux. Décapitéeen

23LudwigBoltzmann Institut für Menschenrechte,rapport sur «les
opérations de nettoyage ethnique»dans la ville de Zvornik (nord-estde
la Bosnie) d'avril à juin 1992, Vienne, 6 avril 1994, p. 25-26.

24Lettredatée du 5 mars 1993 adressée au Secrétaire général parle

représentantpermanent de l'Autricheauprès de l'Organisationdes
Nations Unies, S/25377, 6 mars 1993, p. 37.

2S~apportfinal, p. 43, par. 175. - 32 -

la personne de ses chefs, la population musulmane a fait ensuite

systématiquement l'objet de tueries en nasse.

Au cours des combats dans la région de BrEko, au nord de la Bosnie,

et après que cette ville ait été occupée au début de mai 1992, les forces

de l'armée populaire nationale yougoslave ainsi que les extrémistes se

sont emparés d'environ cinq mille civils non serbes et les ont internés

dans un camp de concentration dans cette ville. Après une sorte de

sélection, plus de trois mille hommes, femmes et enfants ont été

exterminé^^^.

En très peu de temps, au cours de l'été 1992, dans la région de

Bratunac, les terroristes du PDS2'et des mercenaires serbes ont tué ou

massacré mille trois cents personnes, tandis que près de cinq mille

Musulmans sont encore portés disparus2" A nouveau, la zone de ~rijedor

fournit de nombreux exemples d'horreur. Un prisonnier musulman du camp

dlOmarska a raconté qu'il avait été forcé d'aider à transporter ou à

ensevelir dix à vingt corps tous les jours. Il estime avoir porté entre

sept cents et huit cents cadavres penàant la périoae de neuf semaines où

il a été prisonnier".

A la fin de juin 1992, des exécutions en masse de Musulmans ont eu

lieu sur un pont traversant la rivière Drina près de Brod, à 4 kilomètres

au sud de FoEa, qui se trouve dans la parCie méridionale de la Bosnie.

26Comitédes droits de l'homme, CCPR/C/~~, 27 avril 1993, p. 6.

27Partidémocrate serbe en Bosnie-Herzégovine. Il existe un PDS en
Croatie et en Serbie proprement dite.

28Comitédes droits de l'homme, CCPR/C/89, 27 avril 1993, p. 5.

2926mai - 6 août 1992. Département d'Etat des Etats-Unis cité dans
S/24791, la troisième conclusion du Gouvernement des Etats-Unis
d'Amérique en réponse à la demande formulée au paragraphe 5 de la
résolution 771 (1992) du Conseil de sécurité. - 33 -

Un témoin oculairea raconté que de cent-vingt à cent-quaranteMusulmans

au total ont été tués et jetés du haut du pont ai:cours de trois nuits".

En juillet 1992, à \riSegrad(Bosnieorientale), sur le pont

traversant laDrina, quatre cent cinquante personnesau moins ont été

A la fin d'octobre 1-992,dix mille Musulmansétaient passés par le

«camp de prisonniers de FoEa», et au moins mille d'entre eux avaient

Ce massacre, comme le montrent les exemples donnés, ne s'est pas
33
limité aux premiers mois dela guerre. Les exécutionsen masse ont

continué pendant lesannées qui ont suivi.

On dispose de rappo~rtssür des meurtres commis dansdes camps de

concentration3' et des exécutionsde sang froid de civils non serbes

pendant toutel'année 1993 et 1994~~.

Monsieur le Président, à bien des égardsSrbrenica est le résumé de

toute la guerre en Bosnie-Herzégovine. Le schéma connud'événements qui

se sont produits en maintes occasions tout au long de la guerre s'est

répété en cet endroit, à la face même du personnel desNations Unies

'O~épêchedu département dlEtat des Etats-Unis, 28 décembre 1992, vol. 3,

no 52.

'l~uitièmeconclusion des Etats-Unis,doc. S/25959, 18 juin 1993, p. 8

32~omitédes droits de l'homme, CCPR/C/89, 27 avril 1993, p. 9.

ap appo rtnal de la con~mission d'experts, S/1994/674, 27 mai 1994,
vol. 4, annexe VIII; carripses prisonniers, par. 1101.

34~SNUno 40, p. 5; CSNU doc. 29, p. 15. - 34 -

Pendant des mois avant la prise de Srbrenica par les Serbes, des convois

de denrées alimentaireset de médicaments ont été systématiquement

détériorés par ces Serbes35.

Au cours des cinq jours qui ont précédé immédiatement laprise de la

ville, le bombardement meurtrierqu'a subi la population civile

presqu'exclusivementmusulmane s'est intensifié. AprèS que les Serbes

eussent pris la ville et laissé les forcesmilitaires de la FORPRONU

l'arme au pied, le général MladiE s'est rendu dans la ville et a assuré à

la population qu'elle n'avait rien à craindre. Le 12 juillet, M. MladiE

est arrivé à PotoEari, où le quartier militaire des Nations Unies avait

été installé. Là, il a redit aux Musulmans de Bosnie qu'ils seraient

transportés sainset sauf hors de Srbrenica3=.

Quelques joursaprès cela, des hommes ont été séparés des femmes et

des enfants. Ces derniers ont été entassés dansun très grand nombre

d'autocars et de camions, qui soudainementse trouvaient disponibles sans

délai (avec du carburact qui à l'époque était devenu introuvable dansla
-
5 4
région). La plupart des femmeset des enfants ont été transportés à

~uzla'-. Beaucoup d'hommes se sont enfuis dans lesbois, mais un grand

nombre sont restés prisonniers desSerbes. Une fois que les troupes de

la FORPRONU eurent quitté la région, ze qui a sans doute été le massacre

le plus affreux de cette guerre s'est produit.

35~apportpériodique final présenté parM. T. ~azowiecki, rapporteur
spécial de la Commission des droits de l'homme, E/CN. 4/1996/9,
22 août 1995, p. 4, par. 7.

36~ribunalpénal international pour l'ex-Yougoslavie,accusation, affaire
no IT-95-18-1, 16 novembre 1995.

37~oirle denier rapport périodique présenté par M. T. Mazowiecki,
rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme,
E/cN. 4/1995/9, 22 août 1995, p. 13 et suiv. - 35 -

Tous les éléments de preuve qui ont pu être rassemblésau cours cies

récents mois36étaient de plus en plus la conclusion que trois mille

personnes au moins, et peut-être jusqu'à huit mille, ont été les victimes

d'exécutions en masse par les forces serbes. On pense que la plupart de

ces personnes ont été tuées pendant les nombreuses exécutions sommaires

qui ont immédiatement suivi la prisede l'enclave,ou alors qu'elles

fuyaient vers la partie du territoireencore tenu par le Gouvernement de

osn nie-Herzégovine3".

Selon certaines dépositionsde témoins, le généralMladiC a pris part

à ces exécutions. Dès son arrivée dans l'ancienneenclave, le

12 juillet, il a annoncé un «festin» de sang», promettant [àses hommes]

que le sang leur msnterait jusqu'auxgenoux4'.

M. Mladic a supervi:sé en personne la prise de Srbrenica, en prêtant

beaucoup d'attenticnaux détails. Il a &té vu dans tous les lieux de

détention,de tcrture ou d'exécutions. Il existe aussi deséléments de
-7r
3 3 preuve selon lesquels M. MladiC a personnellement ordonnéque ces hommes

ne soient pas aéportésm.aisexécutési'.

Sur la base des preuvesdisponibles, :i n'est pas surprenant que les

exécutions en masseaient condult ie procureur du Tribunal pénal

international à accuser iVIM.M;adiC ainsi que Karadzié de génocide, pour

la seconde fois le 16 ncsvembre1995

38~apport présenté par Melle ElisabethRehn, rapporteur spécialde la

Commission des droits de l'hom~e, C/CN. 4/1996/63, 14 mars 1996, p. 5,
par. 11.

40~oyGutman, Newsday, 8 août 1995.

41Tribunalpenal international pourl'ex-Yougoslavie,examen de l'acte
d'accusation,affaire nc 11'-95-18-1, décision du 16 novembre 1995. Après l'examen des preuves présentéespar le procureur, M. Riad a

confirmé l'acte d'accusationen déclarant que :

«Après la chute de Srbrenica auxmains des forces serbesen
juillet 1995, il semblerait que la population musulmane ait été
massacrée de manière véritablementatroce. Les élémentsde

preuve produits par le Procureurfon~ état de scènes d'une
cruauté inimaginable : des milliers d'hommes exécutéset
enterrés dans des fosses communes, des centainesd'hommes
enterré v^vants, des hommes et des femmes mutiléset

sauvagementabattus, des enfants tués sousles yeux de leurs
mères, un grand-père obligé de manger le foie de son propre
petit-fils. Ces scènes de cauchemar comptentparmi les pages
les plus noires de l'histoirede

En conséquence,K. Riad a confirmé l'acte d'accusationet dit qu'il

considère «de prime abord q-ueles faits de l'affaire révèlent,avant

tout, la ccmmissiond'un génocide»43

Comme je l'aidéjà dit, MM. KaradZiC et MladiC ont été accusés à deux

reprises de génocide44. Ces actes d'accusationne sont pas limités aux

«meurtres des membres dü groupe» mais s'étendent à d'autres actes prévus

et punis par la convention sur le qénocide. En réalité, Monsieur le

Président, cette guerre offre nombre d'exemplesd'atrocitésévoquées dans

ie reste de l'article II

Atteinte grave à l'intégritéphysique ou mentale desembres du groupe
-7,L
3 0 L'article II de la convention sur le génocide viseaussi, en son

alinéa b), ll«ütteintegrave à l'intégritéphysique ou mentale de membres

du groupe». L'histoire abominable descamps de concentrationoffre à

satiété des exeniplesatroces qui correspondent bien à cette définition.

Je n'en mentionnerai que quelquesuns.

44~ribunal pénal et internationalpour l'ex-Yougoslavie,affaire
no IT-95-5-1,accusation, 24 juillet 1995;affaire no IT-95-18-1,
accusation. 16 novembre 1995. - 37 -

- Bien entendu, Prijedor fait partie de cesévénements,ayant été le

théâtre de nombreuses atrocitésde ce genre.

Dans le camp tristement célèbred10marska, un Musulman de 42 ans a été

détenu pendant de nombreux mois. Comme beaucoup d'autres, il a été

sauvagement torturépar les gardes serbes. Le 18 ou le 19 juin 1992,

il a été emmené dansilnepetite pièce où se trouvaient quatresoldats.

Là, il a été contraint de se dévêtir et de se mettre à plat ventre sur

le carrelagedu sol. L'un des gardes a pris une chaise métallique, l'a

placée sur son dos et s'est assis dessus. Un autre garde a prisun

gros fusil et a commencé à lui donner des coups surla colonne

vertébrale avecla crcssse,écrasant par deux fois chaque vertèbre. En

même temps, les deux autres gardes l'ont frappé à coups de pied sur

tout le corps. Le prisonniera perdu connaissancemais, lorsqu'il est

revenu à lui, les coups ont recommencé. Pourfinir, un garde a tiré un

couteau puis lui a coupé une rotule. La victime a pu dire plus tard

n'avoir même pas senti lecouteau tout en voyant le sang qui coulait de

sa jambe. Ce prisonnier a eu de la chance : il a survécu du mauvais

traitement. Biend'autres n'ont pas survécu.

- Dans le camp de conce.ntration de Luka, près de Breko, trois mille

hommes, femmes et enfants ont été tués au cours des mois de mai et

juin 1992. Plus nombreux encore sont ceuxqui ont été torturés.

- On a coupé les oreilleset le nez des détenus eton leur a arrachéles

yeux. On se servaitde couteaux afin de leur infliger des blessures

jusqu'à l'os; certains ont eu les doigts entièrementsectionnés. Tous

ces supplicesavaient lieu sous lesyeux des autres internés. En juin,

quelque cinquante à soixante hommesont eu leursorganes génitaux

arrachés. A un certain moment, on a gravé des croix au couteau sur le

front d'environ la mcitié des détenuset on leur a donné des noms - 38 -

orthodoxes, par exemple Alexandre. Les détenus étaientobligés de dire

«je m'appelle Alexandre». Les matraquages à l'aide de gourdins étaient

fréquents. L'un des gardes serbes obligeait les détenus à lécher le

sang sur le gourdin utilisé pour tuerd'autres compagnons de

détention4e.

- Ce schéma, Monsieur le Président, a été également constaté à Eelopek,

au nord de Zvornik. En ce lieu, une salle de cinéma étaitutilisée

comme centre de détention, et de nombreux hommes de la ville de Zvornik

ont été sauvagement torturés. On signale un incident typique dans

lequel un soldat serbe a sectionné l'oreille d'un prisonnier et le

pénis d'un autre puis a forcé les victimes à avaler leurs organes

mutilés.

Partout dans l'ensemble de la région le même scinario se retrouve :

les non-Serbes font l'objet de rafles, sont transportés jusqulau camp,

torturés, battus, violés, affamés, en bref : sauvagement brutalisés,

physiquement et mentalement. De nonibreuxMusulmans ont péri dans ces

camps, et 2lus nombreux encore vont ceux qui ont subi des traumatismes

mentaux les laissant marqués pourla vie.

Là encore, à Srbrenica, on a atteint le fond de l'horreur : des

milliers de Musulmansont été détenus, maltraités, et un grand nombre

d'entre eux ont finalementété abatcus.

23. Le Procureur du Tribunal pénal internationala conclu que les

camps de ccncentration ont été le théâtre d'actes de génocide et en

conséquence a lancé un acte d'accusation contre M. Zeljko MeakiC,

commandant du camp de concentration dlOmarska, M. DuSko Sikirica

(commandantdu camp de concentration de Keraterm) et M. Goran JelisiC

48Troisièmerapport du Gouvernement desEtats-Unis d'Amérique, S/24791,
10 novembre 1992, p. 8. - 39 -

(camp de concentration de Luka). MM. MeakiE et Sikirica n'ont pas

seulement été accusés du meurtre des membres dlm groupe (alinéa a)),

mais aussi d'avoir commi:sdes atteintes graves à l'intégrité physique ou

mentale (alinéa b)) de linpopulation musulmane civile de Bosnie.

24. La commission d'experts a établi la liste des camps de

concentration et a concli~que pour au moins trois cent trente-trois

camps, on dispose de preuves corroborées, soixante et onze de ces camps

étant situés non en Bosn.iemais en Serbie et Monténégro proprement dit.

La commission a constaté que tous ces camps étaient sous contrôle serbe49.

A la date d'aujourd'hui, Monsieur le Président, on ne peut faire que des

conjectures quant au noml3rede non-Serbes qui ont été victimes de sévices

dans ces camps.

25. Les motifs ethniques et religieux des atrocitésque j'ai décrites

sont mis en lumière par une catégorie particulière d'actes de brutalité :

il s'agit de la destruction systématique,minutieuse et complète de biens

qui sont liés à la relig.ionmusulmane. Plusieurs centaines de lieux de

culte musulmans ont été détruits. Sur huit mille-cimetières musulmans en

Bosnie-Herzégovine,près de la moitié ont été détruits ou dévastés et un

grand nombre ont été trainsformésen alres de stationnement ou en sites de

construction.

La destruccion de lieux saints musulmans a frappé au cŒur même de la

population musulmane. Monsieur le Président, ces actes ne peuvent être

expliqués que par un seul motif : effacer toute trace de la population

musulmane aujourd'hui et à jamais.

49Rapportfinal de la commission d'experts S/1994/674, 27 mai 1994,
vol. 4, annexe VIII, p. 11, par. 27. - 40 -

On pourrait débattrede la question de savoir si ces actesdoivent

être classésdans la catégorie définiecomme «atteinte grave à

l'intégritéphysique ou mentale de membres du groupe» ou «soumission

intentionnelledu groupe à des conditionsd'existencedevant entraîner la

destruction physiquetotale ou partielle». Il est probable que ces actes

correspondent à la fois à l'alinéa b) et c) de l'article II. En tout

état de cause, l'intentionde détruire, en tout ou en partie, un groupe

national, ethnique, racialou religieux, commetel, peut à l'évidence se

déduire de ces actes.

Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant
3c entraîner la destruction physique totale ou partielle
' /
26. Monsieur le Président,Messieurs de la Cour, les éléments de

preuve dont on dispose à ce jour offrent denombreux exemplesde cas dans

lesquels les conditions définies à l'article II, l'alinéa c), ont été

remplies : «Soumission intentionnelle du groupe à des coaditions

d'existencedevant entraîner sa destruction physique totale ou

partielle.»

Ici encore, les camps de concentration répondent à cette définition.

Mais clest aussi le cas de l'isolementforcé des parties non serbes de

Sarajevo, du blocus des prétendueszones de sécurité et de l'obstruction

systématiqueopposée aux transports à caractère humanitaire pour empêcher

qu'ils ne parviennent à la population nonserbe; tous ces exemples

correspondent à cet aspect particulier de la convention sur le génocide.

27. Là encore, la commissiond'experts a rendu compte de façon

détaillée de l'isolement forcé de Sarajevo, et a estimé que près de

dix mille personnesont été tuées ou portées disparues danscette villes0.

''Rapportfinal de la commissiond'experts S/1994/674,27 mai 1994,
vol. II, annexe VI, première partie. - 41 -

On a estimé à cinquante-six mille les personnes blessées, dont près de

quinze mille étaient des enfants. On a aussi estimé que pendant toute la

durée du siège en moyenne trois cent vingt-neuf obus ont pilonné la ville

tous les jours, en détruisant ou causant des dommages à plus de

cent mille logementssi.

28. La yille de Sarajevo n'est pas la seule à avoir été le théâtre de

cette pratique d'isolemeiltforcé.

- J1ai déjà mentionné les vingt-huit mille Musulmans de Banja Luka.

- Au début de 1993, jusqu'à trente-cinq mille hommes, femmes et enfants

risquaient de périr de maladieet de famine à Zepa. Les Serbes de

Bosnie refusaient de permettre l'entrée dans la ville d'aliments, de

médicaments et d'autres fournituress2.

- Un aütro exemple est celui de GoraHde, qui devait par la suite être

45 l'une des prétendues «zones de sécurité», et qui a subi le même type

d'isolement forcé que Sarajevo. Penaant les combats, la ville n'a pu

être approvisionnée enélectricité. Privés d'eau courante, les gens

ont été obligés de faire la queue aevant les puits, se trouvant ainsi

exposés aux tirs de tireurs isolés, ex UR granà nombre de personnes

ont ainsi trouvé la mort'. .

- Et en fin de compte, Srbrenica apparaît, tout ac long de la guerre,

comme le théâtre de c!etype d'isolement forcé conduisant 2 un

génocide. En avril 1992, le siège ae Srbrenica a commencé. Les

forces serbes n'ont laissé entrer aucune aide humanitaire depuisle

s2Dépêchedu Aépartement d'Etat des Etats-Unis, 8 février, 1993, vol. 4,

no 6, p. 79.

S3~apportpério6.iquesourriip sar M. Mazowiecki, rapporteur spécial de la
Commission des droits de l'homme, E/CN.4/1995/4, p. 2-3. - 42 -

11 décembre 1992. D'après l'organisationmondiale de la Santé, de

vingt à trente persornesmouraient de faim tous les A partir

d'avril 1993, les forces serbesde Bosnie ont continué à interdire à

des médecins d'entrer dans Srbrenica. Le scénario s'est poursuivi

jusqu'à la fin, en juillet 1995.

Il n'est donc pas étonnant, Monsieur le Président, que leprocureur

du Tribunal pénal internationalait accusé à la fois MM. MladiE et

KaradZie de soumission intentionnelledes Musulmans à des conditions

d'existence devant entraîner leur destructioc physique totale (art. II,

alinéa c) du chef de ces événements5=.

Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe

29. Tout au long de la guerre, l'un des éléments du schéma s'est

traduit par des viols en masse et/ou sévices sexuels infligés aux femmes.

La commission d'experts estime qu'au bas mot le nombre de victimes de

viols n'est pas inférieur à vingt miile. Monsieur le Président,point

n'est besoin d'expliquerque le viol, dans le contexte de cetteguerre,

le viol résolumentco~mis sur des membres d'un groupe national, ethnique,

racial ou religieux, correspond aux termes visés à l'article II,

4 1 alinéa b), de la convention sur legénocide : <<atteinte grave à

l'intégritéphysique ou mentale de membres du groupe». De plus, lorsque

le viol est pratiqué comme moyen pour empêcher les membres du groupe de

donner vie à de nouvelles générations, les autres catégoriesvisées à

l'alinéa c) sont alors aussi pertinentes («Soumissionintentionnelle du

"comité des droits de l'homme, ~/C~.4/1994/3,p. 8.

55Tribunalpénal international pourl'ex-Yougoslavie,affaire
no IT-95-16-1,acte d'accusation, 16 novembre 1995. - 43 -

groupe à des conditionscL1existence devant entraîner sa destruction

physique totale» et d) (amesuresvisant à entraver les naissancesau sein

du groupe» ) .

Les éléments du dossier non seulement démontrent que des violsen

masse ont eu lieu dans le cadre d'un scénario constant dans la plupart

des lieux où des atrocit6s contre la population non serbe se sont

produites, mais ces éléments révèlent aussi l'intention decommettre un

génocide. «Tu porteras LLIenfant serbe»,c'était ce qu'entendaient

continuellementles victimes de viols, entre autres chosess6.

D'autres victimes rapportent que lesSerbes qui abusaient d'elles

leur disaient qu'ellesétaient violées pour«porter leur progéniture^^',

a£in de «£aire des bébés t~netniks»'~.

Selon les rapports, les auteurs de ces viols auraient ditqu'ils

avaient, effectivement,reçu des ordres de violer les femmes musulmanes59.

En décembre 1992 et en janvier 1993,une mission d'enquête de la

Communauté européenne,dirigée par Mme Ann Warburton, s'est rendue en

Bosnie. La mission est parvenue à la conclusion que les femmes

musulmanes représentent la grande majorlté des victimes deviols6': La

mission a également reconnuque :

56~apportdoAmnesty Inter:national, janvier 1993, p. 1993.

''~épêchedu 8 février 1993 du départementalEtat des Etats-Unis,vol. 4,
no 6, p. 77.

"sixième rapport des Etats-Unls d'Amérique

59~oyGutman, New York Newsday, 23 août 1992.

'"~ettredatée du 2 février 1993 adresséeau Secrétaire généralpar le
représentant permanentdu Danemark auprès de l'organisationdes
Naticns Unies, S/S5240, 3 février 1993, annexe 1, par. 9. «Sur la base de ces recherches, lamission est convaincue
que le viol des femmes musulmanes a été, et est peut-être encore
perpétré à grande échelleet d'une manière tellequ'il peut etre
considéra comme i;n élément important d'une stratégie de
guerre. »61

Au stade du fond nous démontrerons à la Cour que, effectivement,les

viols ne se sont pas produits commel'un des effets secondairesde la

guerre mais qu'ils constituaientune partie structurelle,planifiée, de

la politique de génocide de la «purification ethnique»

La responsabilité de Belgrade

Alors, le Gouvernement deBelgrade doit-ilêtre tenu pour responsable

de ce génocide ? Et, d'ailleurs,non seulement pour le génocide en tant

que tel, mais aussi pour «l'ententeen vue de commettre le génocide», «la

tentative de génocide», et «la complicité dans le génocide» ? Au stade

du fond de la présente instance, nous démontreronsque la réponse à cette

question est,sans aucun doute, «oui>>. Oui, avec peut-être une seule

exception. On peut raisonnablements'attendre à ce que «la tentative de

génocide» apparaîtraen fin de compte commenon pertinente dans la

présente affaire, puisque les actes dont l'existencea été établie

dépassent tellement lesbornes de ia «ten~ative»qu'ils se situent dans

le domaine du «génocide»lui-même (proprementdit) et/ou de «l'ententeen

vue de commettre le génocide».

LIEtat défendeur dit qu'il n'avait rien à voir avec la guerre en

Bosnie-Herzégovine;or nous, aujourd'hui,fournironsaussi à la Cour un

aperçu des faits qui, ultérieurement dans cette instancep ,ermettront

d'établir la responsabilitéde 1'Etat.

61~bid., par. 13. - 45 -

Selon le recensement. effectué en Bosnie en 1991, environ 31 pour cent

de la population ae Bosnie étaientd'origine serbe. Il est notoire qu'un

grand nombre de Serbes de Bosnie ont choisi de ne pas s'affronter à

d'autres Bosniaques. Par conséquent,les Serbes de Bosnie qui luttaient

contre des non-Serbes coi~stituaient une minorité encore pluspetite que

les 31 pour cent susment:ionnés.

Il est impossible qu'une minorité aussipetite puisse lever une armée

45 suffisamment forte pour :réussir,aumoyen d'une sorte de guerre éclair, à

conquérir les trois quarts du pays. Il est en fait impossible qu'une

telle minorité puisse maintenir une armée capabl de conserver les

régions conquises sous son contrôle,et en même temps effectivement

procède à l'isolement forcé de la capitale pendant de nombreuses années.

Cela est impossiblesans l'appui étendu, intensif,continu et massif

et la participation de quelque partenaire extérieur. Tout au long de la

guerre, le Gouvernement de Belgrade a été ce partenaire des Serbesde

Bosnie; ou, plus probablement,ce fut l'inverse.

Article III de la convention sur le génocide

Monsieur le Président, à la fin de mai 1992, l'armée nationale

populaire y~ugoslave (JNA) s'était retirée, du moins officiellement,du

territoire de la Bosnie. Par conséquent,les actes de génocide commis

par l'arméiepopulaire avantla fin de mai, relèvent sans le moindre doute

de la responsabilitédirecte au Gouvernementde Belgrade.

Les élémentsversés au dossier montrentque, effectivement,des

. forces de l'armée populaiirenationale ont pris unepart active à ce qui

par la suite devait être appelée «purificationethnique»; ils montrent

qu'un grand nombre de camps de concentration se trouvaientsous le

contrôle de l'armée populaire nationaleyougoslave, que les forces de - 46 -

cette armée n'agissaientpas de façon incontrôlée, maisau contraire,

qu'elles se trouvaient sous les ordres directs du Gouvernement de

elg grade^^.

Cependant, aprèsmai 1992, la participation del'armée populaire

yougoslave ipar la suite armée yougoslave)et de Belgrade se sont

poursuivies avecla même intensité. Cette participationapparaît comme

faisant partie d'un processus continu qui commença dès 1990 et 1991.

Dans notre mémoire du 15 avril 1994, nous avons fourni à la Cour un

4 bref aperqu du plan appelé <<plan RAMI : le mot <RAMI veut dire <<cadre> en

serbo-croate.

Nous avons montré comment, en 1990, les services secretsyougosiaves,

avec l'aide des services secretsdu ministère de l'intérieurserbe, ont

armé les communautés serbestant en Croatie qu'en Bosnie-Herzégovine.

Nous avons montré commentles services secretsyougoslaves étaient

également directementresponsablesde l'organisationdes brigades

paramilitaires de«Arkan», JoviC et SeSei), ces brigades ayant, en de

nombreuses occasions, joué un rôle et participé h la purification

ethnique enBosnie. L'appui de ces brigades paramilitairess'est

poursuivi tout aulong de la guerre".

Nous avons dans notre dossier,et nous soumettrons à la Cour au stade

du fond, une carte d'état-majorde la Bosnie, établie pour l'armée

populaire yougoslaveau début de 1992, et qui montre clairement quela

62~oirpar exemple : rapport final dela commissiond'experts, S/1994/674,

27 mai 1994, vol. 4, annexe VIII; camps de prisonniers, par. 1982, 1988,
1989, 1998, 2446, 2784; Blaine Harden, Washington Post, 15 avril 1992;
Ian Traynor, The Guardian, 15 avril 1995; huitième rapport desEtats-Unis
S/2569a, 18 juin 1993; Comité des droits de l'homme, CCPR/C/89,

27 avril 1993, p. 11.

63NormanCigar, Genocide in Bosnia: The Policy of Ethnic Cleansing, 1995,
p. 54. - 47 -

deuxième régionmilitairisde l'armée populaire yougoslavedevait prendre

le contrôle du territoire de la Bosnie-Herzégovine. Cette carte fait

apparaître comment, aumoment privu, l'armée populaire yougoslavea été

mise sur pied de guerre.

L'armée populaire yougoslave se préparait à la guerre. Une guerre

contre qui ? Les documeilts en notre possession révèlentque les

dirigeants du SDA (lesdirigeants du plus grand parti, à majorité

musulmane) étaient considérés comme üllennemi,. C'était la population

non serbe qui apparemmentétait l'ennemi de l'armée yougoslave.

D'autres éléments dc:preuve en notre possession sont les suivants :

- des transcriptionsde conversationstéléphoniques entre les chefs

serbes de Bosnie et les dirigeants deBelgrade;

- de longues «listesde commandes» adresséespar la République Srpska au

(15 quartier qénéral de l'armée populaire pour demander des quantités

précises de mâtériel militaire: et ce matériel a été livré;

- ie même type de <<listes de commandes>, demandant des quantités

importantesd'armes destinées à être distribuéesaux milices serbes;

là encore, ces armes ont été livrées;

- les documents rriontrarcitmment le quartier général del'armée

populaire yougoslave,en mars 1992, a donné l'ordre de déplacer du

matériel militaire de façon à apporter un appui aux Serbesde Bosnie;

des docaments relatifs aurecrutement forcéet continu de Serbes de

Zosnie par les autorités de Belgrade surle territoire de la Serbie

proprement dit;

.unedescription du fonctionnement du système radar qui fonctionnait

par le truchement deBelgrade, et qui a été utilisé par les Serbes de

Bosnie, lorsqu'ils o:ntabattu le chasseur américain F-16 le

2 juin 1995; - 48 -

- des documentsprouvant que l'armée yougoslavea continué d'effectuer

des survols du territoire de la Républiquede Bosnie-Herzégovine,

longtemps après avoir annoncéofficiellementqu'elle s'en retirait;

- une description desmodalités selon lesquelles les officiers serbesde

Bosnie recevaient leur solde par letruchement de banques établies à

Belgrade ;,

- les documentsmontrant que les soldats serbesde Bosnie, combattant en

Bosnie-Herzégovine pourle compte de l'armée serbe de Bosnie, étaient

en fait au service de l'armée yougoslave;

- des rapports de la mission spécialede la conférence internationale

sur l'ex-yougoslavie (CIY),indiquant que des transportsmilitaires

traversaient la frontièreentre la Yougoslavieet la Bosnie de façon

régulière longtempsaprès la retraite officielle del'armée populaire

yougoslave en mai 1992.

Bien entendu, nous sommes prêts à fvurnir ces documents dès

aujourd'hui à la Cour, si la Cour le souhaite.

La réunion de toutes ces preuves ne laisse aucun doute quant à

l'intensitéde la participation ae Beigraàt tout au long de la guerre.

Quant à savoir si celaconstitue une responsabilité directe poul re

génocide et/ou une cor.plicité aans le génocide, cela sera établi parla

suite au stade du fond. Nous d€mon~rerons la responsabilitécontinue et

directe de Belgrade pour ce qui est ae la purification ethnique qui, tout.

au long de la guerre, s'est poursuivi de façoncontinuelle dans la partie

orientale de la Bosnie-Herzégovine. Cette partie dupays relevait de la

responsabilitéde la première régionmilitaire de l'armée yougoslave. Le

quartier généralde cette régionmilitaire se situe à Belgrade. - 49 -

Pendant toute laguerre, il ne s'est pas trouvé un seul moment

pendant lequel leGouvernement de Belgraden'ait pas été impliqué. On en

trouve égalementla preuve dans les actesd'accusation de MM. Karadiie et

MladiE, qui rendent compte explicitementdu fait que des soldatsde

1'Etat défendeur étaient activement engagés dansla prise de Srbrenica en

juillet 1995~~.

D'autres preuves encore peuvent être trouvées dans des documents que

le Gouvernement bosniaque a depuis peu de temps en sa possession, depuis

que les Serbes ont abandonné leurs positions dans Sarajevo et alentours.

Je voudrais juste évoquer l'un de ces documents parce qu'il illustre

de façon très utilemon exposé d'aujourd'hui.

En juillet 1995, au moment où le monde venait juste de recevoir les

nouvelles relatives à Srbrenica,au moment où le monde était stupéfait,

troublé, n'en croyait pas ses yeux ni ses oreilles, était dans

l'incrédulité, abasourdi,devant ce qui s'était passé dans cettezone de

sécurité, devant ce qui était arrivé à la population musulmane, les

Serbes de Bosnie, à VogoSCa, près de Sarajevo, s'activaient à négocier un

contrat particulier.

VogoSEa est l'un des faubourgs de Sarajevo qui avaitété pris par les

Serbes, faubourg qui revGt aussi une grande importancedu fait qu'il s'y

trouve une aciérie de la compagnie Pretis qui fabrique du matériel
/:
-- / militaire.

Ce contrat particulierétait en train d'être négocié et conclu entre

Pretis à Sarajevo et l'iinstitut de maintenancetechnique de Kragujevac en

Serbie. L'usine de Kragujevac est la plus grosse usine de production de

64Tribunalpénal internationalpour l'ex-Yougoslavie,affaire

no IT-9561861, acte dlacc:usation, 16 novembre 1995. - 50 -

matériel militaireen Serbie, et elle est strictementsous le contrôle du

Gouvernement deBelgrade.

Grâce à ce contrat, que nous avons dans notre dossier et que nous

présenterons à la Cour au stade du fond, Pretis a commandé dix mille

mines, deux cents bombes à gravité (bombes volantes explosives),

deux millions de projectiles et du matériel complémentaire. Ce contrat

porte la date du 20 juillet 1995.

Le matériel en question a apparemment été livré. En août 1995, les

Serbes ont commencépar utiliser des bombes volantes (d'untype propulsé

par fusée) sur la ville de Sarajevo.

Pendant que MiloSeviE essayait de faire croire au monde qu'il avait

arrêté d'apporter son appui aux Serbesde Bosnie à compter de mai 1993

et/ou à partir d'août 1994, les affaires continuaient commed'habitudeet

ont continué ainsi tout au long de la guerre.

L'arrestation, récemment,du générai D. DjukiC, confirme ce point,

nous possédons dans notre dossierune autre «liste de commandes» qui a

été expédi-e par le ministère de la défense de la République Srpska à la

deuxième r6gior militaire à Sarajevo, pour demander qu'un nombre

important d'officiersde commandement solt envoyé par l'armée populaire

yougoslave à la République Srpska«dès que possible». La République

Srpska demandait, entre autres,un commandant de quartier général, un

officier de terrain, un officier de renseignement,un chef d'état-major,

etc. Parfois même un nom se trouvait indiqué parrapport à une fonction

et le nom du général DjukiC avait été indiqué comme«chef responsable des

activités d'organisationet de mobilisation>>.

Apparemment, Monsieur le Président, ces éléments ont été également

livrés et c'est ainsi que le général Djukie a obtenu ses fonctions. - 51 -

M. Djukie a fait l'objet d'un acte d'accusationdevant le Tribunal

pénal international le 25 février 1996. Les éléments contenus dansnotre
:q8

dossier prouvent qu'il était non seulement accrédité auprèsde l'armée

serbe de Bosnie mais que jusqu'à tout récemment il était membre de

l'état-majorgénéral de ],'arméeyougoslave. Il était membre de

l'état-majorgénéral de l'armée yougoslave jusqu'à ce'jour; or ce membre

de l'état-majorde llarm&e yougoslave était responsabledes questions de

logistiquepour l'armée serbe de Bosnie. Monsieur le Président, que

pourrions nous ajouterde plus comme explication ?

J'en viens maintenant à l'article 1 de la convention.

Article 1, l'obligation de prévenir

Indépendammentde la.responsabilité directe etindépendammentde la

complicité, point n'est besoin d'expliquerdavantage que llEtat défendeur

a constamment ignoréson obligation de prévenir le génocide.

Lord Owen a déclaré, en décembre 1992, que la machine de guerre serbe

en Bosnie pourrait être stoppée en une semaine dès que le Gouvernement

serbe cesseraiteffectivementd'apporter son appui. Nous avons fait

référence à cette déclaration dans notre mémoire (par.2.3.7.2). De

façon tout 5 fait explicite, lord Owen a perslsté dans cette façon de

voir dans le livre qu'il a récemment publié sur sa mission dans les

~alkans~'.

Les accordsde Dayton et les éléments de preuve recueillis surles

lieux des combats démontrent qu'ilavait raisonet que le Gouvernement de

Belgrade a effectivementmanqué de respecter ses obligationsen vertu de

la convention sur le génocide et ce, au moins, jusqu'à la signature de

l'accord de paix à Paris le 14 décembre 1995.

siDavidOwen, Balkan Odyssey, London, 1995, p. 348. Article 1, le devoir de punir

C'est exprès qxe j'ai dit «au moins» ce jour là, parce que jusqu'à ce

jour, il n'existe aucune preuve, quelle qu'elle soit, que Belgrade prend

des mesures pour faire traduire en justice les individus qui se sont

rendus coupables d'actes de génocide. Au contraire, rien que la semaine

dernière, jeudi dernier (25 avril 19961, le Président du Tribunal pénal
4 ç
international, M. Antonio Cassese, alors qu'il se trouvait à Strasbourg,

a demandé que des sanctions soient prises contre la Yougoslavie (Serbie

et Monténégro), parce que celle-ci n'apporte pas sa coopération au

transfert des suspectsde crimes de guerre à La Haye.

' Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, j'en arrive à une

conclusion.

Conclusion

Le tableau qui vous a été présenté aujourd'hui est, comme je l'ai dit

précédemment, juste un aperçu.

Mais c'est cependant un aperçu qui contient pratiquement toutes les

caractéristiques imaginables de ce que vise et concerne la convention sur

le génocide.

Un apercu qui contient toutes les caractéristiques imaginables de ce

que peut être la responsabilité d'un Etat en l'espèce.

Monsieur le Président, le Gouvernement de la République fédérative de

Yougoslavie a en vérité, beaucoup de choses à expliquer.

Je vous remercie vivement de votre attention - 53 -

Le PRESIDENT : Merci beaucoup, Monsieur van den Biesen, de votre

exposé; l'audience est stispenduepour un quart d'heure. La séance

reprendra à 11 h 40.

L'audience est suspendue de 11 h 20 à 11 h 40.

,l

The PRESIDENT: Please be seated. The sitting is resumed and 1 give

the floor to ProfessorAlain Pellet.

Mr. PELLET: Thank you Mr. President. Mr. President, Members of the

Court.

1. The Agent and Co-agent of Bosnia-Herzegovina have introduced.the

oral arguments of our team and placed them in their appalling factual

context. 1 do not think there is any need to underline again the

extraordinary importance cf the case you are considering toàay,it.slegal
5 f'
.< importance of course, but also tne excepzlonal moral issues it raises.

For it is genocide we are dealing with; this "crime of crimes" if ever

there was one, "the most serlous of the most serious" (cf. Reporz of the

International Law Comis:;.ior.oc the wori: of its tkirty-fif th session,

chap. II, "Dratt Code of Offences aoainsz the Peace and Security of

Mankind", i'earbook of the Interna tlonal Law Commission, 1983, vol. II

second part, p. 14). Moreover, I am sure it is pointless to dwell on it

at any length: you know it: and it is the Caurt which, as early as

1951, pointed out that genocide is:

"'a crime under international law' involving a denial of the

right of existence of entire human groups, a denial which shocks
the conscience of mankind and results in great losses to
humanity, and which is contrary to moral law and to the spirit
and aims of the United Nations" (Reservations to the Convention
on Genocide, Advisox-y Opinion of 28 May 1951, I.C. J. Reports,

1951, p. 23). - 54 -

Moreover, you have quoted this fundamental passagefrom your 1951 Opinion

in each of the two Orders for the indicationof provisional measuresof

8 April and 13 September 1993 (I.C.J. Reports 1993, pp. 23 and 348) .

But this is another way of saying how aware 1 am, even more than on

the other occasions whenyou did me the honour of listening tome, of the

responsibilitiesof a counsel before your distinguishedCourt.

2. It is now my task to presentto you two distinct aspectsof

Bosnia-Herzegovina'sargument. I shall first deal with the legal scope

anà significanceof the present proceedings asseen by the Governmentof

Bosnia-Herzegovina - and this wili, in fact, be a kind of introductionto

the more strictly legal part of Our oral argument. At the same time, 1

shall say a few words on the allegedproblems, discussed at length by

Messrs. MitiE and LopiCiC, relating to the processof the creationof

Bosnia-Herzegovinaand to the signatureof the Application. Then, at a

later stage, I shall ponder thevarious tities forming the basisof the

jurisdictionof the Court in thiscase.

1. THE LEGAL SCOPE MTD SIGNIFICANCE
OF THE PROCEEDINGS

3. As 1 have just said, Mr. Presiaent, the case of which

Bosnia-Herzegovinahas seised the Court is clearly unlike any other.

Yugoslavia alone seems unaware of this.

The Gaverament of Bosnia-Herzegovinahas shown, in its observations

on tlïepreliminary objections,how improperthe Respondent'sattitude has

been; it has adopted a deliberate strategy of playing for time,

resulting in a 14-month delay before the filing of a document entitled

PreliminaryObjections, over half of which is devoted to the statementof

the "facts" - and 1 place the word facts in quotation marks. Virtually

al1 these alleged "factsU are based ailassertionsnot supported by any - 55 -

evidence andwhich, in axiycase, have no relevance at this stage in the

proceedings. As for the "preliminary objections" themselves - once again

quotation marks are requiired - they are seven in number and certainly do

not correspondto the idea one has of these incidental proceedingsbefore

the World Court. But they have achieved their aim, Mr. President;the

proceedings havebeen suspended. Yugoslavia has gained yetmore time,

which seems to be its sole concern in the present case . . .

Incidentally, thisdoes not point to a completely "clear conscience"on

the part of the Respondeilt, who does not seem particularlyanxious for

you to "cleanse"it of the grave suspicionsweighing upon it and which it

alleges are baseless.

4. It must be acknowledged that, seised of the Yugoslav objectionsas

5 it was, the Court scarcelyhad any choice; Article 79, paragraph 3, of

its Rules is worded in peremptory terms: "Upon receipt by the Registry

of a preliminaryobjecti~n, the proceedings onthe merits shall be

suspended . . ."

The question perhapsarises whetherthis provision continues to be

appropriate, inview of the developmentsin juàicial practice and'the

large number of cases on the General Lisc; this is obviously a matter

for tne Court alone to decide. But it is clear that Yugoslavia's

attitude inthis case,both in the vritten stage and in the oral

arguments raises the problem of the abuse of rights perhaps more acutely

than ever in a contentious international case.

5. In the view of the Governmentof Bosnia-Herzegovina,everything in

the present case points to the fact that the Respondent Statehas abused

its rights and divertedthe preliminary proceedings from their purpose -

not to speak of the most recent action by the Respondent,referred to by

Ambassador Sacirbey just.now, and whicn took the form of the submission - 56 -

to the Court, in disregard of the provisions of Article 56, paragraph 1,

of the Rules moreover, of a document wrongly presented as an official

United Nations publication (Doc. No. 6 in the dossier of Yugoslav Oral

Arguments; see letters from Mr. Cherif Bassiouni of 20 July 1994 and

29 Aprii 1956 and £rom Mr. Hans Corell, United Nations Assistant

Secretary-Generaï and Legal Counsel, of 24 October 1994, enclosed in the

Bosnian case file).

Of course, under Article 79, paragraph 1, of the Rules, the

Respondent may request a decision before any further proceedings by

raising objections to the jurisdictionof the Court or to the

admissibility of the application. However, these objections must

actually soek a decision by the Court on serious issues of a preliminary
5 3

nature.

This is not the case here.

The wholly artificial nature of the "preliminary objections" raised

by Yugosiavia is immediately apparent: the "facts", which as 1 have

already said, take up over half the staternent,are'a sort of manifesto,

and principally dispute the existenceof Bosnia-Herzegovina; in any

event, they are of no relevance at this stage, even if they did have any

relevance with respect to the merits, which is doubtful to Say the least.

6. As for the "objectionsu themselves, they constantly trot out the

same two ideas, namely:

(1) Bosnia-Herzegovina should no= have existed as a State,

"therefore" it does not exist . . . and consequently, it cannot be

considered a party to the 1948 Convention.

(2) This Convention, which the Respondent unhesitatingly and contrary

to al1 reason asserts is not a "human rights conventionw (CR 96/6, p. 21,

Mr. Suy), in any case allegedly envisages no criminal responsibility with - 57 -

respect to States (CR 96/5, pp. 50-53, Mr. Suy and CR 96/7, p. ..., Mr.

Etinski) .

Members of the Court, it will not have escapedyou that, on these two

points which it seeks to present as fundamental, the Respondent ascribes

to Bosnia-Herzegovinatheses which do not belong to it: we have never

said or written that the Genocide Convention penalizedthe criminal

responsibilityof the State, but its internationalresponsibility - its

responsibilitypure and 2;impleif 1 may Say so; Yugoslavia is tilting at

windmills here. Also, it invents an absolute theory of "automatic

succession^for al1 treaïies, which is not the one we have developedand,

above all, it refrains from refuting the arguments we haveput forward

and which establish thatJ regardless of whatever theory is accepted,
5 4

whether "clean slaten, "automatic succession" or selective continuity,

Bosnia-Herzegovinahas been party to the Conventionsince its accession

to independence. My colleagues,Brlgitte Stern and Thomas Franck, will

return to these two points this afternoon,but, here too, let me if 1

may, Mr. President,point out that it is not proper to attribute theses

to one's opponent whichit does not hola, onil-iater to appear to refute

them . . .

7. As regards the origin of al1 this, in other wûrds the assertion

that

uBosnia-Herzegc~vinh aas not obtained independent statehood
in conformity with the principle ofequality and
self-determinationof peoplesn (CR 96/5, pp. 12 and 14,
Mr. Etinski and pp. 16, 18, 28, etc., Mr. Mitie),

the Respondent, in its oral argumentson Monday, confined itself to

presenting a very slightlyamended versionof the same refrain, namely,

nothing thatBosnia-Herzegovinamay have done prior to December 1995 can - 58 -

be opposed to it as Respondent, since it did not recognizethe

This variant was thrustupon it by its explicit recognition of the

existence of Bosnia-Herzegovinain the Dayton/ParisAgreements but, where

the merits are concerned, nothing has changed: Our opponents have

confined themselves to repeating, sometimes word for.word,what they

wrote almost a year ago, without regardfor the provisions of Article 60,

paragraph 1, of the Rules of Court.

Bosnia-Herzegovina alsoformally protests against the Respondent's

attitude in demanding three full sessionsof oral pleadings, yet not
- k
5 " making full use of them. In so doing, it has singularly complicated the

organization of the hearings, obliged the Court to sit on a holiday and

osn nia-~erze toovpinpare its reply without the full benefit of the

services of the Registry, whereas two sessionswould have been more than

sufficient for the presentation of the Yugoslav thesis

8. Be this as it may, the Applicant State replied, in its

Observations,to the Yugoslav allegatlons concernlng the claimed

violations of the right of peoples to self-determination,from which the

creation of Eosnia-Herzegovinais said to have resulted. It is hard to

describe these allegations as anythingbut "fanciful",to Say the least,

and there seems little point in dwrlling on them. Apart, however, from

indicating to you, Mr. President,Members of the Court, Our surprise -

and that is an understatement! - at seeing Yugoslavia passingitself off

as the champion of the right of peoples to self-determination!

Here is a State which, on its own territory, denies its own

minorities al1 rights, which abolishes the traditionallyrecognized

independenceof the formerly independent provincesof Voïvodina and

Kosovo and, before the Court, poses as the herald of the fundamental - 59 -

principle of theequality of the rights of peoples and of their right to

self-determination! Here is a State, which is the perpetratorcf the

most abominable genocide inthe second half of the twentiethcentury, and

which in any case is accused thereofon the basis of presumptions which

are serious to Say the least and which, not without a certain

impropriety,, totally forgets that the firstright of peoples, the cne

which precedes and serves as the basis of al1 of them, is the right to

exist, a right which, as Mr. Crawford haswritten, "may be conceived of,

in the firstplace, as an obligation on the part of States not to engage

in, or allow, genocidal acts" ("TheRights of Peoples": 'Peoples'or

F 'Governments'?",in James Crawford ed., The Rights of Peoples, Clarendon
3 6
Press, Oxford, 1988, p. 57). A State which alsoforgets - as forcefully

pcinted out by the Badinter Commission,whose jurisprudencehas some

merit after all, regardless of what that State thinks - that "the right

to self-determinationis [firstof al11 a principle which protectshuman

rights" .

Here, moreover, is a State which comes here to lecture us on

territorial integrity - whereas it has grcssly -L-iolatet dhe territorial

integrity of Bosnia-He:-zegovina - ana wnereas it defends the thesis of

the Serbs, or some of the Serbs, of Bosniâ-Herzegovina,whose precise

objective was to dismemk~er that codntry. This makes a complete

hocchpotch of everything,Mr. President,and in particular confuses two

very different things: minorities haverights; these rights must be

respected. But these rights cannotextend tc the achievement of

independencé,disregarding the territorial integrity of the State into

which these minorities have been integrated(cf. Ian Brownlie, The Rights

of Peoples in Modern International Law and James Crawford, "Some

Conclusions", ibid., pp. 6 and 165). - 60 -

9. We are also surprised by another aspect, Mr. President. Yugoslavia

specifically, formally, recognized Eosnia-Herzegovinaby the Agreements

negotiated at Dayton and signed in Paris on 14 December 1995; it

expressly admitted as much in the oral pleadings (CR 96/5, p. 11,

Mr. Etinski, and pp. 35-36, Mr. MitiC or CR 96/6, pp. 23-24, Mr. Suy).

Would it havq recognized a State created in disregard of the manifestly

peremptory norm of international law, namely, the principle of the right

of peoples to self-determination? Thiswould be appalling,

Mr. President! But it is not what happened; quite simply, it recognized

a fact, namely the existence of Bosnia-Herzegovinaas a State, just as

al1 the States in the world and the United Nations had done long before

it!

The truth is that the Dayton/Paris Agreements add a final touch tû

\-> the controversy: the Federal Republic ofYugoslavia is party to thrse

Agreements, together with the Republic of Bcsnia-Herzegovina,which

implies that the two Statesmdtually recognize one another. Moreover,

Article X of the General Framework Agreement for Peace in

Bosnia-Herzegovina provides strikinq confirmation of tliis: "The Federal

Republic of Yugoslavia and the Republic of Bosnia-Herzegovinarecognize

each other as soverei~n independent Stateswlthin their international

borders."

The Respondent State which cannot, after all, continuously deny the

obvioüs, acknowledges that "These developments have made redundant some

of the argunientspresented within [itsl fourth Preliminary

Objection . . ."; but Yugoslavia immediately seeks tominimize the scope

of its forma1 recognition of Bosnia-Herzegovina. It withdraws just its

fourth Preliminary Objectionbased on the illegality of the recognition

of Bosnia by the other States (ibid.) and withdraws thisobjection only. - 61 -

But, Mr. President, the implicationsof the Dayton/ParisAgreements go

much further.

10. To begin with, t.hefourth PreliminaryObjection, which the

Respondent so ugenerously"withdraws, did not concern the recognition of

Bosnia-Herzegovinaby Yu!yoslavia but, curious as tnis may be, by third

States. Secondlyand above all, the period of creation, the

ltconsistencya "nd nature of the State so recognizedby Yugoslaviaare

unambiguouslyspelled outby the Agreements themselves.

Under Article V of the General Framework Agreementfor Peace in

Bosnia-Herzegovina:

"The Parties welcome and endorse the arrangementsthat have

been made concerninsj .he Constitutionof Bosnia-Herzegovina,as
set forth in Annex rk. The Parties shallfully respect and
- 5 promote fulfilment of the commitmentsmade therein.

However, Annex 4, which if 1 may Say so is an "ambivalentv

instrument, both conventional andconstitutional, isas clear as could be

on the point whichinteresEs us. As the first paragraphof its Article 1

entitled "ContinuationuStates:

"The Republic of Bosnia and Herzesovina,the official name
of which shallhenceforth be 'Bosniaand Herzegovina',shall
continue its legal existence under internationallaw as a State,
with its interna1 szructure modified as provided hereinand with
its present interna'tionally recognizedborders." (Emphasis

added. )

"Shall continue its legal existence under international law asa

State . . .", Mr. President; this leaves no room for any doubt, no room

for any interpretation. Inapproving thisprovision, the Parties,

Yugoslavia included, recognized not only thatBosnia-Herzegovina, al1

Bosnia-Herzegovina,exists,but also that it existed previously. Since

when? In accordance with the position taken by the Arbitration

Commission of the Conference forPeace in the formerYugoslavia in its

Opinion No. 11 dated 16 July 1993, "6 March 1992 must . . . be considered - 62 -

as the date on which Bosnia-Herzegovina succeeded the SFRY" (BGDIP, 1993,

p. 1104), this is the datewhirh has beenuniversally accepted by the

international community,and particularlyby the depositariesof the

treaties to which Bosnia-Herzegovinasucceeded,notably Switzerland, as

Brigitte Stern will show this afternoon. The Applicant State filed its

Application on 20 March 1993, i.e., over a year later, in other words on

a date when the existenceof Bosnia-Herzegovina can no longer be

disputed. Yugoslaviacannot question in The Hague what has Seen

5 5 formally, solemnly and contractuallyreroonized in Dayton and Paris.

This, Mr. President, dispenses with the assertions, repeated many

times by the Respondent, in the PreliminaryObjections (para.1.10,

pp. 72-73, paras. 1.17-18,p. 90, para. B.2, pp. 127-1291 and in the oral

arguments (CR 96/5, pp. 35-36, Mr. MltlE, and 96/7, p. - , Mr. ~rowliliej,

according to which three - or four? (ouropponents do not seem very sure

about this . . .) - States allegedly CO-existedon the territoryof

Bosnia-Herzegovina. Parenthetically, it mal-be nozed that the letter

addressed on 8 June 1992, on behalf of the Federal RepuSlic of

Yugoslavia, to the Presidentof the krblzrarion Conmission of the

InternationalConference for Peace in Yugoslavia,had already provided

implicit recognition of the statehood of Bosnia-Herzegovina,since, in

this letter, Yugoslavia hadpropose6 that the disputes between itself and

"former Yugoslav Republicsn be submitted to the International Courtof

Justice. Consequently,Yugoslavia had necessarily recognizedthe

statehood of these "former Yugoslav Republics", including

Bosnia-Herzegovina, since, under the Statute of the Court, "[olnly States

may be parties in casesbefore the Courtu. This also renders obsolete the bulk of the "preliminaryobjections",

which Yugoslavia claims to raise, not only the fourth one, as it itself

accepts (CR 96/5, p. Il), but also, very directly, in any case the third

and fifth objections, and also probably the second, and this undermines

the bases of al1 the others. This also shows how artificialand

time-wastingthese objectzions were and indeed are, since Yugoslavia

maintains them: what was true when theDayton Agreementswere signed was

just as truebefore: nothing new happened between 20 March 1993 and

6 ci 21 November 1995 to alter the basic factsof the alleged problem of the

existence of Bosnia-Herzegovinaas a State.

11. This does not mean that Yugoslavia "lets gou! And it even seeks

to turn the Peace Agreements to aàvantage inorder to invent what appears

t& be a new, eighth, 1 believe - there are so many one loses track! . . .

- as 1 was saying then, an eighth preliminary objection

On 30 January 1996, the Agent of Yugoslavia senta memorandum to the

President and Members of the Court, in which he wrote:

IlMyparticular concernis that the Court should take into
account the factthat, in the form of Dayton Agreement, the
internationalcommunity has recognized that the existing Government
of Bosnia-Herzegovina does not represental1 peoples living in the
country . . .

The Dayton Agreement also provides that the State of Bosnia and
Herzegovina shall be composed of two Entities, one of which is
Republika Srpska. The result is that the Applicant State is

presently representedby a transitionalauthority which, by
definition, does not reflect the views of the Government of the
Republika Srpska."

This is neither true, Mr. President,nor relevant.

12. It is not true, for the internationalcommunity has in no way

"recognizedthat the existing Governmentof Bosnia-Herzegovinadoes not

represent al1 peoples living in the country". It - or rather, the

signatoriesof the Agreement - considered that, in future, - 64 -

Bosnia-Herzegovina, as laid dom in Article 1 (3) of the Constitution,

shall "consist of the two Entities, the Federation of Bosnia and

Herzegovina and the Republika Srpska . . .". But nowhere are the

legitimacy of the creation of Bosnia-Herzegovina or the legitimacy of its

present Government called into question. On the contrary, it is this

State, represented by this Government which, together with the Federal

Republic of Yugoslavia, signed the actual Agreements from which

Yugoslavia claims to derive support with a view to disputing that

legitimacy !

Also, even if it were true - pod non of course - it would be devoid

of any trace of relevance. Under Article 34, paragraph 1, of the

Statute, "[olnly Stares may be parties in cases before the Court". So it

was Bosnia-Heszegovina,a State recognized by the whole international

community - and even, although very belatedly, by Yugoslavia - which

filed an Application instituting proceedings againstYugoslavia. That

Application was signed by an agent duly appointed by the President of the

Presidency of that State, as explained at lengt5 by Bosnia-Herzegovina in

its written statements (paras. 2.1 ts 1.2C! . However, it may be added

that it was this President whc slgned the Dayton/Paris Agreements on

behalf of Bosnia-Hrrzeggvina;that it is he who appoints and accredits

ambassadors and who, in general, performs al1 the international acts

whjch commit Bosnia-Herzegovina internationally. Here too, it is hard to

see how and why Yugoslavia mightdispute before the Courtwhat it

- accepted unresel-vedlyat Dayton and Paris.

13. In his oral argument, on Monday morning, Mr. LopiCiC returned at

length to the alleged illegality of the instituting of proceedings by

President IzetbegoviE (CR 96/5, pp. 44-49). 1 shall not follow him along this path, Mr. Presidentr for two reasons: firstly, Bosnia-Herzegovina

has dispensedwith these baseless accusations in its written Statement

(pp. 42-48) ; secondly, al1 of this is unimportant.

It is firmly established that a State has no business to set itself

2 up as constitutionaljudge of the acts of a foreign Çtate. As Professor

Philippe Cahger has written,

l'theinterpretation givenby a State of the constitutionof
another State iseqiiivalent to a kind of monitoring by foreign
authoritiesof the Playthe constitution is applied, which would
lead to interferencein the interna1affairs of a State, an
interferencewhich is inadmissible andwhich no State could

tolerate" (PhilippeCahier, "La violation du droit interne
relatif à la compétence pour conclure des traitéscomme cause de
nullité des traités, Riv. DI, 1971, p. 230; see also Jean-Paul
Jacque, Eléments pour une théorie de 1'acte juridique en droit

international public:, LGDJ, Paris, 1972, p. 94 or Oppenheim's
International Law, 9th ed., by Sir Robert Jenqings and
Sir Arthur Watts, Longman, London, p. 1288).

Article 46 of the Vienna Convention on the Law of Treaties relating to

improper ratifications enshrines this theoryof appearances and there can

be no doubt that the conaditions set out in this provision are, in al1

respects, fulfilled in this case. Furcher, the Permanent Courtitself,

in the case concerningEastern Gree~lacd, clearly applied these

principles toan unilateral actin consiaeringit "beyond al1 dispute",

that a "reply . . . given by the Minister for ForeignAffairs on behalf

of his Government [thiswas the celebratea 'Ihlendeclara'tionl] . . . is

binding on the country to which theMinister belongsu (P.C.I.J.,

Series A/B, No. 53, Judgment of 5 April 1993, p. 71); and

Judge Anzilottl, in his dissentingopinion, was cven more explicit:

"As regards the question whether Norwegian constitutional
law authorized the Minister for ForeignAffairs to make the
declaration,that is a point which, in my opinion, does not concern the Danish Government: it was Mr. Ihlen's duty to
reply until he had obtained any assent
refrain from givinghis
6 3 that might be requisite under the Norwegian 1aws.l.(Ibid.,
pp. 91-92.)

Conversely, of course, Denmark could not have involved itself in ensuring

that Norwegian constitutional lawwas respected. May 1 suggest,

Mr. President, that Yugoslavia should take inspiration from this wise

precedent?

As regards the question whetherthe Application shouldstand, this is

clearly even less a matter for Our opponents. There is probably nothing

to prevent Bosnia-Herzegovinafrom withdrawing it, if it found this

appropriate. But this is not the case and Yugoslavia cannot take the

place of the Bosnian authoritiesas regards assessingthe advisability of

discontinuance, whichthey are absolutely notcontemplating. As the

Agent of Bosnia-Herzegovinapointed out a few moments ago, this is not on

the agenda, contrary to what his Yugoslav opposite numberwrote in the

letter of 30 January, no negotiations are being held on this subject

The Application is pending beforethe Court; it is for the distinguished

Court to consider it in accordancewith its particular jiidicialrole.

14.Their artificialityand evident baselêssnessis not the only

anomaly in the preliminary objections raised by Yugoslavia. They are

also characterizedby their surprisinginconsistency.

During the considerationof the requests for the indicationof

provisional measures submitted by Bosnia-Herzegovina,the Respondent

presented a number of objections to the jurisdictionof the Court, while

accepting that jurisdictionon the basis, the essential basis - which 1

shall revert to later - of Article IX of the Genocide Convention. Inits

Orders, the Court took note of these objections without rulingon their validity. Moreover, thisis why, in its Memorial, the Bosnian Government

5 4 took the precautionof devoting a chapter of some 60 pages (pp. 129-1891

to a consideration of jurisdiction and admissibilityw ,hich, moreover, it

based essentially on Arti.cleIX of the 1948 Convention, out of a concern,

precisely, to avoid any dispute and to dissuade the Respondentfrom

raising preliminary objec:tion.s

Despite this moderation,Yugoslavia didraise preliminary objections

But, without troubling to refute the lineof argument put forward by

Bosnia-Herzegovina - whiczhwould seem to imply that it recognizes its

validity - it adopted a stanceon new and completelydifferent ground,

thus, moreover, compromising the"legai dialogue1', wkich is the very

essence of any legal actlon

15. A few moments ago, I referred to the letter fronithe Agent of

Yugoslavia of 30 January 1996. In that letter, to which he reverted

again on Monday morning (CR 96/5, p. Il), he wrote:

"In the light of these clrcumstances, 1 submit that it
would be appropriate,tc sal-the leasr, to postpone further
proceedings in this case until the new centralorgans of Bosnia
ana Herzegovina have been constituted inaccordance with the

Dayton Agreement ";

and stressea in conclusion:

"I respectfully proposetna: the further proceedings in the

case be postponed uritilafter the elections envisaged in the
Dayton Agreement ..."

At least this has the rneritof frankness or more accurately perhaps,

semi-franknuse: the purpose of al1 of this, as of the preliminary

objections themselves, i.sto gain time, to delay to tn- maximum the

settlement of the case in the vain hope that, eventually, therewill be a

Bosnian Governmentto withdraw the Applicat' ~lon. 16. However, Mr. President,it must be borne inmind that, while

5 5 Yugoslavia was indulging in these not particularly impressivejudicial

games, until just a few weeks ago, a human drama which has just been

described to you, was taking place, which has few precedents and of which

the Respondent State is accused of being responsible. Itslack of zeal

in enabling the Courtto rule on the merits can only, moreover, and

paradoxically, increase the suspicions hanging over it.

Shamelessly,Yugoslavia neverthelessdoes not hesitate to explain to

you, through its Agent, that there is no urgency "in view of the

cessation of the hostilities agreed on 5 October 1995 and consolidatedin

the provisionsof the Dayton Agreement". If this were true, it would

only be so for the present; not for the past. And this would in no way

alter the fact that Yugoslavia abused the procedure ofthe Court at a

time when acts of genocide were being perpetratedon a massive scale by

it and with its help. Moreover, it is not true; theurgency persists:

Yugoslavia and its trusty supporterson Bosnian territoryare actively

engaged in the suppressionof the evidence of genocide; cast your minds

if you will, Members of the Court, to the mass graves in Srebrenica . . .

In the recent past, you were not insensitiveto this aspect of the

situation and the consideratlonswhich led you to indicate provisional

measures on two occasions, with a view to the preservation of the

evidence needed for proceedlngs before the Court, are here yet more

urgent than they were in the cases concerning the Frontier Dispute (Order

of 3April 1985, 1.C.J. Reports 1985) and the Land and Maritime Boundary

between Cameroon and Nigeria (Orderof 15 March 1996). - 69 -

But above all, while it is true that genocide, the object of the
c 6
.LJ present proceedings, is:nolonger, if 1 may Say so, "in its active

phase", and while, in practical terms, the urgency may therefore perhaps

seem less acute than some months ago, the fact nevertheless remsins that

the determinationof the responsibilities - of al1 the responsibilities,

the personai ones by the InternationalCriminal Tribunal for the Former

Yugoslavia, and also State responsibilitiesby your distinguishedCourt

- this determinaticn,as 1 was saying and as Ambassador Sacirbey pointed

out not long ago, constitutes oneof the indispensable conditions forthe

normalization of the situation.

17. The Government ofBosnia-Herzegovinais not unaware that an

objection may come to mind. Indeed, at the start of the present

proceedings, that Governmentitself requested an extension of the

time-limit for its own Memorial; but, as it explained in his written

observations (pp. 4-5, para. 121, and as reiterated just now by the Agent

of Bosnia-Herzegovina,it was forced to ao so, against its will, by the

dramatic situation in its country. Since then, it has done everything in

its power to speed up the proceedings anaobtain a decision on the

merits, a decision which Yugoslaviais seeking to defer by unjustifiable

means. To do so, it is exploiting al1 the resources of the procedure in

order to prevent the Court from making a determination,while Yugoslavia

knows that it has no plausible argumentagainst the jurisdictionof the

Court or the admissibilityof the Application. For Yugoslavia, it is not

. a matter of ensuring that its own rights are respected,but of preventing

Bosnia-Herzegovina£rom exercising itsown rights and, first and

foremost, the right to obtain a judgment from the highest courtin the

world on the genocideesisentially perpetrated on its own territory, essentially againstits own nationals. By such action, the Respondent

displays its contempt for Bosniaand prejudices the dignity of the Court

itself. This, Mr. President, corresponds exactly to the definition of an
r'
5 /
abuse of rights.

As Sir Gerald Fitzmaurice has said:

"[a] State which, tnough not with the actual object of breaking
an international cbligationas such, uses its right to apply

them in a certain way, in such a manner that the obligation is
not in fact carried out, may be said to have committed an abuse
of rightsv ("TheLaw and the Procedure of the International

Court of Justice, 1954-59: General Principles and Sources of
InternationolLaw", BYBIL 1959, p. 209);

or, more simply as, Mr. Alexandre-CharlesKiss has written, the

"unjustifiedand unjustifiable"exercise of State powers may be

considered to be an abuse of rights ("L'abusde droit en droit

internationails[The Abuse of Rights in InternationalLaw], LGDJ, Paris,

There is no doubt that the concept is an established one in

internationallaw, as is seen fro% the case-law of the Court,

particularly the Judgments dellvered by the Permanent Courtof

International Justicein the cases concerning Certain German Interests in

Polish Upper Silesia, blerits, Judgment No. 7, 1926, P.C. I. J., Series A,

No. 7, p. 30 and Free Zones of CJpper Save). ana District of Gex, Order of

6 December 1930, P.C.I.J., Series A, No. 24, p. 12 and Judgment, 1932,

P.C. I. J., Series A/B, No. 46, p. 167. More recently in the case

concerning Certain Phosphate Lands in Nauru, the Court discussedthe

possibility of an abuse of process although dismissing such a possibility

in that case. - 71 -

18. The question then arises of determining the possible consequences

of Yugoslavialsrnanifestlyimproper behaviour. There is no doubt that

serious damage has been done and is still being done to

Bosnia-Herzegovinaby the attitude taken by the Respondent State in the

proceedings; and the question then arises as to what compensation it

rnightclaim.

The Bosnian Governrnent places itself unreservedly in the Court's

hands on that point. Hoiaever,irrespectiveof the compensationto which

it is entitled, for instance in the form of a declarationby the Court to

the effect thatYugoslavia misused its proceduralrights (cf. Corfu

Channel, Judgment of 9 April 1949, I.C.J. Reports 1949, p. 361, it

appears to theBosnian Governrnent that once the Court has ruled on its

jurisdiction,a 1egitima.te reaction would be to fix tirne-lirnit sor

resuming proceedings, tiine-limits which would beas short as is

compatible witha fair trial.

19. Bosnia-Herzegovinafor its part intends to firmly maintain the

strategy it adopted both in its Memorial and in its observations on

Yugoslavia'sobjections,however improperthese may have been. It will

refute the Yugoslav arguments as thoroughlyas possible, without dwelling

on them longer than is reasonable;this is whymoreover it did not seem

indispensable to usto have the same amount of time for Our reply as

Yugoslavia most improperly demanded for presenting itsown oral

arguments: the Court's time is precious; the Respondentlsarguments are

often futile.

Mr. President, Members of the Court, it is in this spirit that 1 now

corneto the second part of my oral argument andshall attempt to

enumerate the various grounds for the Court'sjurisdictionin this case. II. THE BASIS FOR THE COURT'S JURISDICTION

20. In its Application instituting proceedings, Bosnia-Herzegovina

mentioned Article IX of the Convention on the Prevention and Punishment

of the Crime of Genocide as the main legal ground on which it sought to

found the jurisdiction of the Court (pp. 109-114, paras. 88-101). In

conformity wkth the provisions of Article 38 (2) of the Rules of Court,

Bosnia-Herzegovina indicated these legal grounds "as far as possible".

Mr. President, it will easily be understood that the "possible" was

limited: riven by an armed conflict with atrocious consequences, cut off

£rom the world, deprived of the assistance of its most eminent academics,

the Applicant State had to make do by going for the most obvious ground

without being aDle to concern itself with investigatingother possible

grounds on which the Court's jurisdiction might be based.

21. Al1 the same, its interpretation was certainly correct and there

can be no doubt that this ground remains the prime and essential basis

for the Court's jurisdiction in this case. The Court moreover accepted

this in its Orders of 8 April and 13 September 1993, in which it was

stated that:

"Article IX of the Genocide Convention,to which both
Bosnia-Herzegovina and Yugoslavia are parties, thus appears . . . to

afford a bdsis OE which the jurisdiction of the Court might be
founded to the extent that the subject-matter of the'dispute relates
to 'the interpretation, application or fulfilment' of the Convention,
including disputes 'relating to the responsibility of a State for

genocids or for any of the other acts enumerated in Article III1 of
the Convention'" (I.C.bT.Reports 1993, pp. 16 and 338).

22. However, after more àetailed consideration, Bosnia-Herzegovina

realized that there were other possible grounds onwhich the jurisdiction

of the Court might be based. Hence, on 31 March 1993, the Agent of

osn nia-Herzegovin Eiled in the Registry of the Court a letter addressed on 8 June 1992 by the Presidentsoi Montenegro ana Serbia to the

President of the Arbitralcion Commissionof the International Conference

for Peace in Yugoslavia. Inthis ietter,acting on behalf of the Federal

Republic ofYugoslavia, they requested that your distinguishedCourt be

seised. Moreover, in thgocontext of the consideration of itssecond

request for,tne indication ofprovisionalmeasures, Bosnia-Herzegovina

relied on two additional groundsfor the jurisdictionof the Court: on

the one hand, Article 11 of the Saint-Germain-en-LayeTreaty of

10 September 1919 on the Protectionof Minorities in the Kingdom of the
n r'.
/ci Serbs, Croats and Slovenes; on the other hand the acquiescenceof

Yugoslavia itself to the jurisdictioo nf the Court as regardsdetermining

at leas= some aspects of the Application.

23. In the Orders nnder which it partly upheld the requests submitted

by Bosnia-Herzegovina,the Court held thatit was not able to consider

these elements as prima facie bases ofits jurisdiction in the case

However, in line with its settledcase-law, the Court forcefully recalled

that decisions made in the contex: of proceedings for the indicationof

provisionalmeasures,

"in no way prejudge[s] the quesEior.of the jurisdictionof the

court to deal with the merits of the case, or any questions
relating to the admissibility of the Application, or relating to
the merits themselves,and leaves unaffected the right of the
Governments of Bosnia-Herzegovinaand Yugoslavia to submit
arguments in respect of those questions" (I.C.J. Reports 1993,

p. 23 and 349; for an even more recent illustration of case-law
see the Order of the Court of 15 March 1396 in the case
concerning theLand and Mari time Boundary (Carneroon v. Nigeria),
para. 44) .

Therefore the question of the Court's jurisdictionhas not been

finally settled one way or the other, either with regard to the principle

of jurisdictionand to the bases for and scopeof its jurisdiction. - 74 -

24. However, in its Mernorial,Bosnia-Herzegovina,"hoping to avoid

preliminary objectionsof a dilatory character [decidedtol

concentrate . . . on the sole basis of jurisdiction residingin

Article IX of the Genocide Convention" (p. 133, para. 4.1.0.11). It

justified its position by three types of consideration:

- the extreme urgsncy of a judgment on the merits;

- the prima facie recognitionby the Court of its jurisdictionon this

basis which, even if it is not the same as a decision on jurisdiction,

nevertheless constitutesa presumption of jurisdiction;and above all,

- the acquiescence of Yugoslavia in the jurisdictionof the Court on this

basis (ibid., pp. 132-133, paras. 4.1.0.10 and 11, and p. 188,

para. 4.4.0.3).

At the same time, Bosnia-Herzegovinastated very clearly that if

Yuaoslavia, trampling onthe principle of good faith, were to rescind its

acceptance of the Court's jurisdiction,at least on the basis of Article

IX of the 1948 Convention,Bosnia-Herzegovinareserved thé right to

invoke al1 other relevant titlesof jurisaiction .(cf.Memorlal, p. 188,

para. 4.4.0.3). Bosnia-Herzegovinaconcluded lts irlemoriaw lith the

following words:

"If the Respondent were to reconsider its acceptance of the
jurisdictionof the Court under the terms of the Convention - which
it is, in any event, not entitled to do - the Government of Bosnia
and Herzegovina reservesits right to invoke also al1 or some of the

other existing titles of jurisdictionand to revive al1 or some of
its previous submissionsand requests." (P. 295.)

25. As might have beenexpected, Yugoslavia nonetheless raised

preliminary objections. The reasons which led Bosnia-Herzegovinato

refrain from pressing the case forgrounds of jurisdiction otherthan

Article IX of the Genocide Conventionare thereforeno longer valid and the Bosnian Government herebyformally declares that it intends to found

the jurisdictionof the Court on ail the titles which it is entitled to

invoke.

26. Members of the Court, as you know, Yugoslavia confineditself to

contesting the jurisdiction of the Court founded on the 1948 Convention,

r7r in both its preliminary objectionsand in the hearings this week. Yet,

it iormally accepted this basis in the previous stagesof the

proceedings. In its objections and in its oral arguments, on the other

hand, it refrains from entering into any discussionas to whether the

other grounds for the Court's jurisdictionare well founded and curtly

asserts thatthese other titles may notbe relied upon by

Bosnia-Herzegovina,since:

"This would mean a revision of the Memoriai and the formulation
of a new case, which is not permitted in this procedure."
(preliminaryObjections,p. 3, para. 1.)

27. Neither of these allegations is founded:

(1) Reconsiderationof the grounds for jurisdiction relied upon in

the Application, or during the previous stagesof the case in no way

constitutesa "revisionof the Memorial": as 1 have just recalled, the

Memorial expressly uphel-dthese titles, formally upheld them against the

eventualityof Yugoslavia raising preliminary objections, an eventuality

which uniortunately cameto pass.

(2) In the Military and ParamilitaryActivities case, the Court

stated:

"it is certainly desirablethat 'the legal grounds upon which the

jurisdictionof the Court is said to be based1 should be indicated at
an early stage in the proceedings, and Article 38 of the Rules of
Court therefore provides for these to be specified 'as far as
possible' in the application. An additional ground of jurisdiction

may however be brought to the Court's attention later, and the Court
may take it into acxount provided the Applicant makes it clear that it intends to proceed upon that basis (Certain Norwegian Loans,

I.C.J. Reports 1957, p. 25), and provided also that the result is not
to transform the dispute brought before the Court by theapplication
into another dispute which is different in character (Société
Commerciale de Belgique, P. C.I.J. , Series A/B, No. 78, p. 173 ."

(I.C.J. Reports 1984, Judgment of 26 November 1984, p. 427; emphasis
added .)

in their separate opinions, several judges strongly supported this line

of reasoning (see in particular the opinions of Judge Nagendra Singh and

Judge Ago, ibid, pp. 450-451 and 515).

(3) The two conditions recalled by the Court in its 1984 Judgment are

73 both met in this case. Both in the oral arguments relating to its

requests for the indication of provisional measures andin its Memorial,

Bosnia-Herzegovina has firmly stated its intention of continuing with

proceedings on the basis of additional titles of the jurisdiction of the

Co7~rt,at least if Yugoslavia were to raise preliminary objections,as it

has once again done. On the other hand, reliance on such titles of

jurisdiction in no way alters the nature of the dispute brought before

the Court in the Application. In its Written Observations, far from

increasing the scopeof the requests made at the end of its Application,

Bosnia-Herzegovina on the contrary expressly States that it:

"still intends to sharpen the focus of the dispute to the most
important natter: the heinous crime of genocide consti'ïutedby

the abhorrent practice of 'ethnlc cleansing' and other acts
intended to destroy in whole or in part the population, culture
and religion of non-Serbian Bcsnia and Herzegovina" (Statement,
pp. 12-13, para. 28),

and Bosnia-Herzegovinareferred clearly (ibid.) to the part of its

Memorial defiriingthe scope of the jurisdiction of the Court ratione

materiae (Sect. 4.2.4, pp. 176-183). Mr. President, this is still the 28. Members of the Court, you may well wonder why under such

conditionsBosnla-Herzegovinapersists in relying on additional titles of

jurisdiction, in additionto the glaringly obviousone constitutedby

Artlcie IX of the 1948 Convention. Apart from conditionsof judicial

precaution, which 1 think are quite understandable, thereare two reasons

for this : ,

- firstly, the various titles of jurisdictionwhich rnaybe relied on

reinforce and strengthen each other. In the words of the Permanent Court

in the case concerningThe Electricity Company of Sofia, Preliminary

Objection,

"the multiplicity of agreements concluded accepting the compulsory
jurisdiction is evidence that the contractingParties intended to

open up new ways of access to the Court ratherthan to close old ways
or to allow them to cancel each other out with the ultimate result
that no jurisdictionwould remainu (P.C.I.J., Series A/B, No. 77,
p. 76);

- secondly, and above all it is not impossible,indeed it is highly

likely, that sucn additional groundsfor its ~urisdictionwill enable the

Court to examine more fully the claims contained in the Application and

reiterated in the Memorial of Bosnia-Herzegovina,and to draw more

comprehensiveconclusions from its findings on the merits of the case

relating to Yilgoslavia's responsibilitl- for the acts of genocide

attributable toit.

Mr. President, this is why Bosnia-Herzegovinaholds that the three

additional titles of jurisdiction which 1 have mentioned should be

considered,together with that basedArticle IX of the 1948 Convention.

However, since the Respondent Statedid not deign todiscuss these

additional grounds, in either its writtenpleadings or itsoral

arguments, 1 shall refrain from dwellingon the first two, at least as - 78 -

distinct grounds of your jurisdiction, and shall confine myself togiving

some considerationto the acquiescenceby Yugoslavia in the jurisdiction

of the Court in various circumstances, particularlyin the proceedings

for the indicationof provisionalmeasures.

29. Proceedings beforethe Court are notacademic sparringcontests

What the parties Say in such circumstances through theiragent or counsel

is legally binding on them (cf.Arbitral Awardof 17 July 1986 in the

case concerningFilleting in the Gulf Saint-Lawrence, RGDIP, 1986,
PIrT
!4 p. 756). This finding, which is no more than a consequenceof the

respect due byStates to the World Court, moreover results very directly

£rom the provisions of Article 42 of the Statute and Article 40 of the

Rules of Court. It lies at the origin of the principle of forum

prorogatum, which involves "an element of consent regarding the

jurisdictionof the Court" arising £rom the conductof the Respondentin

the proceedings (cf. Anglo-Iranian Oil Co., Judgment of 22 July 1952,

I.C.J. Reports 1952, p. 114), a principle which the Courtapplied in the

Corfu Channel case, Preliminary Objec~ion, 1.C.J. Reports 1946-1948,

In this case, the Respondent Statehas not just recognized in the

proceedings that thejurisdictionof the Court could be based on

Article IX of the 1948 Conventionon the Prevention and Punishmentof the

Crime of Genocide. It has gone further than that. It has agreed tothe

Court exercisingits jurisdictionbeyond the strict termsof this

provision and, in this respect, the principle of forum prorogatum may

certainly be applied. 1 shall consider this aspect first, moving on to

show that the FederalRepublic of Yugoslavia has among otherthings - 79 -

acquiesced in the jurisdictionof the Court on the basis of Article IX of

the Genocide Convention.

A. FORUM PROROGATUM

30. The Court itself very clearly setout the factsof the matter in

its Order of 13 Septembe:r1993:

"in thé context of the first request made by the Applicant for
the indicationof provisional measures, the Respondent also, by
a communicationof 1-April 1993, recommended that such measures

be indicated . . .; some of the measures so requested might be
directed to theprotection of rights going beyond those covered
by the Genocide Convention" (I.C.J. Reports 1993, p. 341) .

This uxïdoubtedly applies to the following measures (1 shall not

7 quote word for word from this document which bristles with gratuitous

insults to the Bosnian Gwernment; 1 shall just refer to the measures).

Those measures were aimed atensuring compliancewith the ceasefire

current at the time, and respect for the1949 Geneva Conventionsand the

1977 Additional Protocols(WrittenObservations of 1 April 1993,

see ibid., p. 330) .

This led the Courttzothe followingcomment:

"the question tnus arises whether bu requesting such measures,
the Respondent mighz have agreed tnat the Court shoüld have a
wider jürisdiction,in accordance witn the doctrine known as
that of form proroy.acuru (ibiC., p. 3;;) .

31. The Court replied to thisquesti~n in the negative, considering

that :

(1) "the provisional measure requected by Yugoslavia in a

subsequent request dated 9 August 1993 was directed solely
to protection of asserted rightsunder the Genocide
Convention";

(2) "the Respondent has constantly deniedthat the Court has

jurisdiction to entertain thedispute, on the basis of that
conventim or on any other basis"; and the Court deduced that,

"in the circumstances, the communication£rom Yugoslavia

cannot, even prima facie be interpretedas 'an unequivocal
indication' of a 'voluntaryand indisputable'acceptance of the
Court's jurisdiction' (cf. Rights of Minorities in Upper
Silesid (MinoritySchools), P.C.I.J., Series A, No. 15, p. 24;
Corfu Channel, Preliminary Objection, Judgmen t,

I.C.J. Reports 1947-1948, p. 27)".

With al1 due respect to the Court, the Bosnian Government cannot

share this view

32. In the first place, the Bosnian Government has great difficulty

understanding how and why the fact that, in considering

Bosnia-Herzegovina'ssecond Request for the indicationof provisional

measures, Yugoslavia should have filed a counter-claimeffectively

limited to the protectionof the rights guaranteed under the
7
1948 Convention might somehow have "erased" the previous Yugoslav claim

which clearly went further than that. September constituteda fresh

stage in the proceedings, distinct £rom the April stage. Yugoslavia has

not claimed to replaceits first claim by a fresh one; it has formulated

a different claim and once again, witn al1 due respect to theCourt, it

is difficult to see what can be deducea £rom thir in legal terms

Yugoslavia's first claim, that of 1 April, produced its legal

effects; it reflected acceptance by the Respondent Stateof the Court's

jurisdiction,not, it is true, acceptance of its jurisdiction to hear the

Bosnian Application in its entirety, but to the extent necessary for the

Court to entertainits own counter-claims. These counter-claimsrelated

on the one hand to the dispute betweenthe two States concerning

genocide, and on the other CO the two points 1 referred to earlier,

i.e., the violation of the ceasefire and above al1 the breaches of the

1949 Conventions and the 1977 Protocols. To that extent, there was "a - 81 -

voluntary and indisputable acceptanceof the Coürt's jurisdiction"

(Corfu Channel, PreliminiaryObjection, Judgment of 25March 1.948,

I.C.J. Reports 1947-1948, p. 271, based on "acts conclusively

establishing [consent]." This must be considered as an unequivocal

expression of Yugoslavials desire to become involved in the proceedings

(cf. Rights of Minoritie,sin Upper Si1esia (Minority Schools), P.C.1.J.,

Series A, No. 15, p. 24).

No doubt, unlike the?Corfu Channelcase or the Minority Schools case

to which 1 have just referred, the "acts conclusively establishing"the

Court's jurisdictiondir,ectlyconcerned therneritsof the dispute,

whereas Yugoslavia's requests of 1 April 1993 concern the indication of

provisional rneasures. However, this is hardly relevant: as Judge Oda

' 7
wrote in the Essays in Honour of Sir Robert Jennings, requests for the

indication of provisional measures are "incidentalto, not CO-incidental

with the proceedings on the merits of such contentious disputesas fa11

within the jurisdictionof the Courtu ("ProvisionalMeasures;

The Practice of the International Courtof Justice", in V. Lowe and

M. Fitzmaurice eds ., Fifty Years of the InternacionalCourt of Justice -

Essays in Honour of Sir Robert Jennings, Cambridge University Press,

1966, p. 554; emphasis in text). The inevitable conclusion is that in

requesting provisional rr~easuresugoslavia recognized thatthe Court has

the principal jurisdictionconstitutingthe necessary basis for

exercising itsincidental jurisdiction.

33. Similarly it seems difficult to accept thatYugoslavia might

have "protected"itself from the effects of its recognition of the

Court's jurisdictionmer-elyby reserving al1 rights of objections to the

jurisdictionof the Court andto the admissibilityof the Application" at the same time as it requested the indicationof provisional measures.

Moreover, it did so only in its second claim, that cf 9 August 1993,

using far more ambiguouswording in the first claim, that of

1 April 1993, to which 1 shall return in a moment.

Be this as it may, the basic principle of good faith dictates that

"one cannot blow hot and cold at once" or as folk wisdom has it, "one

cannot have one's cake and eat itu. Members of the Court, Yugoslavia

cannot ask you to uphold the incidentalclaims which suit it and at the

same tine reject the Court's jurisdiction on the main issue.

34. The famous letter addressed on 8 June 1992 by Messrs. Momir
C
1 Bulatovie and Slobdan Milosevie, Presidents of the Republics of

Montenegro and Serbia respectively,to Mr. Badinter, Presidentof the

~rbitration Commission, also belongs in this general context. This

unilateral commitment by Yugoslavia also provides grounds for the Court's

jurisdiction to entertain the Application of Bosnia-Herzegovinaand forms

part of the wider context which concernsus here, that of acquiescence in

the Court's jurisdiction by the FecieralRepublic of Yugoslavia, made up

of Montenegro and Serbia.

As Judge Alfaro stnted in the important separate opinion, which he

appended to theCourt's second Judgment ln the Temple of Preah Vihear

case, whatever terms areused to describe the principle, whether

"estoppelu, "preclusion", "forclusion",or uacquiescenceH:

"its snbatance is always the same: inconsistencybetween claims or

allegaticns put forward by a State, and it previous conduct in
connection therewith, is not admissible (alleganscontraria non
audiendus est). Its purpose is always the same: a State must not be
permitted to benefit by its own inconsistency to theprejudice of

another State (nemopotest mutare consilium suum in alterius
injuriaml . . . Finally, the legal effect of the principle is
always the same: the party which by itsrecognition, its
representation, its declaration, its conduct or its silence has maintained an attitude manifestly contrary to the right it is
claiming beforean internationaltribunal is precluded £rom claiming
that right (venire contra factum proprium non valet) ."

(I.C.J. Reports 196.2,p. 63.)

B. ACQUIBSCENCB IN THE LmRISDICTION OF THE COURT FOUNDED ON ARTICLE IX
OF THE GENOCIDE CONVENTION

35. In the opinion of Bosnia-Herzegovina,these considerationshold

true for al1 the points in the RespondentStatels requests for the

indication of provisional measures as stated in its memorandum of

1 April 1993. These points cover, but are not limited to, the central

issue of genocide. Moreover, where genocide itself is concerned, there

are more points.

Yugoslavia has repeatedly stated that it does not reject the Court's

8 b jurisdictionon this focalpoint. ït has sometimes said so cïearïy and

distinctly; in other circumstances,its conduct has been more

circumspect, in that having stated verbally or in writing thai tt accepts

the Court's jurisdictionon the basis of Article IX of the 1948

Convention, it has sought to temper its acceptance by "reservingthe

right" to quescion it. However, as 1 believe 1have shom, such attempts

to blow hot and cold at once are doomed to failure: giving and

withholding is worthlesç; and is impossible. There is therefore no

point in wasting time O::these artificial nuances - 1 was tempted to Say

cock and bu11 stories - nor is there any point in making a distinction

between declarations,by which the Respondent quite simply accepts the

jurisdiction ofthe Court on the basis of the Convention, and

declarationswhich reflect "tempered"acquiescence.

36. Nuances or no, when has Yugoslavia acquiescedin the

jurisdictionof the Court on the basis of the Convention? So many times

Mr. President, that 1 can give only an overview: - firstly, in the memorandum of 1 April 1993;

"The Government of the Federal Republic ofYugoslavia avails

itself of this opportunity to inform the Court thatit does not
accept the competenceof the Court in any request of the A~plicant
which is outside the Convention on the Prevention and Punishment of
the Crime of Genocide. " (Emphasis added. )

Therefore, it accepts the jurisdictionof the Court in respect of the

Convention;

- subsequently,in the oral argumentson 2 April 1993:

"The Federal Republic of Yugoslavia does not consent to any
extension of the jurisdictionof the Court beyondwhat is strictly

stipulated in the Convention itself" (CR 93/3, p. 16; emphasis
added; see also page 34),

so, in the context of the Convention,it consents to the jurisdiction

b 1 of the Court;

- in tnis very hearing, Mr. Rosenne, acting as agent, was heard to Say:

"we do think that thejurisdlctionof the Court is limited,but we
are prepared to continue to litigate the case within the limits of
the jurisdiction as we understand it" (ibid., p. 54; emphasis
added) .

Here there is not a hint of ambiguity, especially since Yugoslavia

expressly States, in the same passage, that it is preparing to argue

the case oa the merits andto discuss mattersof fact;

- in its observationsof 29 August 1993, it said the same thing:

"concerningthe jurisdictionof the Courtunder the Genocide
Convention, this is a matter relacing to the meri ts and should be
pleaded in the .CIemorialn (p. 72, para. 27; emphasis added) ;

- lastly, in its memorandum of 9 August 1993, Yugoslavia not only

requested the Court to indicate provisional measures aimed at ensuring

that the Convention is respected; it goes further, complainingthat

the measures requested by Bosnia-Herzegovina "are not within the scope

of the Convention" (p. 5, para. 4; emphasis added) . - 85 -

37. Mr. President, this makes a very impressive setof statements

after all. As Judge Shahabuddeennoted in his separate opinion appended

to the Order of 13 Septenber 1993, they are indeed "clear statements on

the basic jurisdictiocalposition taken by Yugoslavia" (I.C.J. Reports

1993, p. 354). Bosnia-Herzegovinabelieves that theRespondent State has

accepted the jurisdictionof the Court on a broader basis than on the

1948 Convention alone. A short while ago, 1 explained why the Bosnian

Government takes the view that this has resulted in forun!prorogatum. In

any event there can be no doubt wnere the arbitration clause in

Article IX is concerned: Yugoslavia recognizesas a valid basis for the
- -
."Li,
jurisdictionof the Cour':

This is no longer a case of forum prorogatum stricto sensu, since

forum prorogatum can be ienvisaged only in the absence of a further title

of jurisdiction,whereas in this case jurisdictionon the basis of the

Convention is clearly undeniâble. It is nonetheless useful for there to

be a further basisof jurisdictior in Yugoslavia'sacquiescence in the

applicationof Article IX. Admittedly, concrary'tothe forumprorogatum

constitutedby the "acts conclusivel~. establishing [consent]" to which 1

have just referred, the argument I am now setting out cannot resultin

any extension of the Co3~rt's jurisnictionbeyond that conferred by

Article IX. However, apart £rom the fact that it reinforces thebinding

nature of this provision, were thisnecessary, it also has a very

important "proceduralueffect: it allows the Court to dispense with the

discussion cf the prelirinary objections artificiallyraised by

Yugoslavia,which, precisely, relate exclusively to theapplicabilityof

Article IX of the Genocide Convention. Members of the Court, you need

only establish that, by its declarations and itsconduct, this country has expressly acceptedthe jurisdictionof the Court on this basis and

that it cannot now rescind this acceptance.

38. In that event, the principles so authoritatively recalledSy Sir

Gerald Fitzmaurice in the Temple of Preah Vihear case, apply in their

entirety:

"in those cases where it can be shown that a party has, by conduct,
or otherwise, undertaken,or become bound by, an obligation, it is
strictly not necessaryor appropriate to invoke any rule of
preclusion or estoppel, although the language of that rule is, in
practice, often employed to describe the situation . . .

The essential condition of the operation of the rule of
preclusion or estoppel, as strictly to be understood, is that the
party invoking therule must have "relieduponu the statementsor
8 conduct of the other party, either to its own detriment or to the
other's advantage." (I.C.J. Reports 1962, p. 63.)

In reality, this case is probably moreclosely related to the

possibility of "false estoppelv described by Fitzmaurice

Bosnia-.Herzegovina, 1 must Say, "almost"relied upon the declarations

made by Yugoslavia in the proceedings and in its Mernorial"almost"

refrained fromreferring to any basis of jurisdictionother than that

founded on Article IX of the 1948 Convention. I.said so when 1 began

this part of my oral arguments, out of a aesire to move the proceedings

along and to come straight to the polnt. Subsequentiy,as a precaution,

Bosnia-Herzegovinachanged i~s mlnd; it expressly warnedthe Respondent

that it would continue to rely fully on al1 possible grounds for the

Court's jurisdlction,in the event that, despite its acquiescence,the

Respondent were to raise preliminary objections on this count.

Subsequent events showed thatthe Applicant's mistrust was anything but

unfounded since, despite its acquiescence,Yugoslavia raised preliminary

objections, thereby excluding anypossibility of a rapid judicial

decision. - 87 -

39. Members of the Court, to conclude the second part of my

arguments, 1 would like to draw your attention to the following points,

which seem to me to derive from what 1 have just said:

(1) The jurisdictioin of the Court in this case is solidly founded

on several grounds, first.1 ~

- on the acts of the Res]?ondentState "conclusivelyestablishing

[consent]",i.e., establishing the jurisdictionon the Court in

accordance with the pr:incipleof forum prorogatum;

- and of coiirse,on Article IX of the Convention on the Prevention and

94 Punishment of the Crime ofGenocide;

(2) On the second point, the jurisdictionof the Court has botha

unilateral and a treaty basis, applying to Yugoslavia in a twofold way:

firstly because, like Boçnia-Herzegovina,Yugoslavia is a party to the

Convention,by which it 1s therefore boundunder the principle pacta sunt

servanda - and this afternoon my colleagues will concentrate on this

aspect of the case; secondly because, in an impressive series of

unambiguous declarations,the Respondent Stateexpressiy, in the

proceedings, acquiesced inthe jurisdictionof the Court on this basis,

and because even irrespectiveof its participation in the Convention, it

no longer has the right to rescind its acquiescence.

(3) Article 11 of the 1919 Saint-GermainTreaty and the letter of

8 June 1992 addressed to the President of the Arbitration Commissionby

the Presidents of Montenegro and Serbia also constitute bases for the

jurisdictionof the C0ur.tin this case, bases which Bosnia-Herzegovina

has never renounced sinc,eYugoslavia, despite its previous acquiescence,

raised alleged preliminary objections. - 88 -

(4) Lastly, the various titles'of jurisdiction complement and

reinforce each other, without fully overlapping. For example, the letter

of 8 June 1992 has a rnuchbroader scope than the other grounds; it

justifies the seisin of the Court on any issue in which the Parties are

in dispute. On the other hand, Article 11 of the Saint-Germain Treaty

offers a narrower basis for the Court1s jurisdiction, confining itself to

opening the right to initiate proceedings for the protection of the

rights of minorities - the foremost among which is unquestionably that of

not being a victim of genocide, the complete and utter negation of the

rights of rninorities. As for the title of jurisdiction based on the

95 principle of forum prorogatum, it founds the jurisdiction of the Court on

a broader basis thân Article IX of the 1948 Convention.

In any event, as stated several times in its written pleadings and

by its AgeTt a short while ago, Bosnia-Herzegovina intends these

proceedings to be exemplary ând thereforeto lirnitthe subject-matter to

the crime of genocide. However, since the acts which it accuses

Yugoslavia of having committed or having helped to commit were the result

of aggression and of serious violations of the 1949 Geneva Conventions

and the 1975 Protocols, Bosnia-Herzegovina reserves the right to revert

to this point in subseq~ent stages of the proceedings. This is possible

on the groünds of Article IX of the 1948 Convention alone; the letter of

8 June 1932 and the act of forum prcrogarum constituted by the

counter-claim for the indication of provisional measures addressed bythe

. Respondentls Agent to the Registrar on 1 April 1993 confirm and reinforce

this possibility. - 89 -

40. Mr. President, as 1 said, the oral arguments presentedby

Bosnia-Herzegovinamight well stop here. Yugoslavia has recognizedthe

jurisdictionof the Court to rule ûn the basis of Article IX; it has

gone further, extending itsrecognition of the Court's jurisdiction

sufficiently for the Court to rule on Yugoslavia's requests for the

indication qf provisional measures. It no longer has the right to

rescind this twofoldacceptance.

It is thereforeo~ly to be on the safe side that rnycolleagues

Prcfessors Brigitte Stern and Thomas Franck will shortly show tnat,

irrespectiveof its acq-uiescencein the proceedings, Yugoslaviais bound

by the Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of

9 6 Genocide, Article IX cf which unquestionablyestablishes the jurisdiction

of the Court.

Mr. President,Menbers of the Court, thank you for your attention.

Mr. President, rnay 1 request you to give the floor to Mrs. Stern, after

lunch 1 would imagine.

The PRESIDENT; Tha:nkyou fcr your stacemerit, Professor-Pellet. The

Court will resume its hearings ac 3p.x.

The Coürt rose a z1.05 p.IL

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