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CR 93/19 (traduction)
CR 93/19 (translation)
Lundi 21 juin 1993
Monday 21 June 1993 Le PRESIDENT : Veuillez vousasseoir. Je donnela parole à
M. Maghur.
M. MAGWR: Monsieur le Président, Messieurs les Memd brela Cour.
Commenous l'avonsdit vendredi, la Libyeva maintenant passer à une
autre phase de sonargumentation. Cettepartiede sa thèsea traitau
différend territorial soumisà la Couret reposesur l'hypothèse qu'aucun
traitéen vigueurne fixede frontière entre la Libye l etTchad. La
tâche quela Libyeaborde maintenant dan sa plaidoirie consisteà
déterminer quel territoire des conf appartientà chacunedes Parties.
La tâche quim'incombeaujourd'hui - que je partageraiavec
M. Dolzer,qui prendrala parole demain - consisteà examiner le
fondementde la revendicationde la Libye àun titresur les confins
héritéde l'Empireottomanet des peuples senoussi. J'examinerai en
particulier les circonstanc propres à la présenteaffaire auxquelles
les principes juridiqued s,ntM. Crawford traitera aujourd'hui, doivent
être appliqués.Pour ce faire, je décrirai d'aborcdertainsdes aspects
pertinents de la géographiede la région et, ensuite je parlerai plus en
détaildes peuplesqui habitent ces confins.
J'analyserai ensuitela situationqui existaiten 1890lorsque
l'Empireottoman contestl aa reconnaissance pa la Grande-Bretagnde'une
sphèred'influence de la Franceallantde la côtealgériennne jusqu'au
lac Tchadau sud,dans lamesureoù il s'agissait de régionssur
lesquelles l'Empireottomanaffirmaitsa souveraineté.Il convientde
rappelerque, à l'appuide cettecontestation, l'Empireottomanavait
décrit en détail la zod ne l'arrière-pays tripolitain revendiq pare
le califed'Istanbul. J'examinerai aur ssipectivement dans quelle
mesure les revendications ottomae nefrançaises formuléesà l'époque
sont fondées. Ces confins font partied'unerégionde l'Afriquedu Nord dont
l'histoirecolonialese distinguenettementde celledes régions situées
plus au sudde ce continent. L'Afriquedu Nord au-dessudsu lse degré
de latitude nord,c'est-à-dire la partiede l'Afriqueconcernant
essentiellemenl te Saharaet les régions côtières situé ausnord de ce
vaste désert, a toujours ététournéevers la Pdédi,terr&e--avlecquelle
elle avait des liens. Ellen'a jamaisété colonisée de la même manière
que la partie de l'Afriquesituée ausud.
L'Afriquedu Nord au-dessousdu lse degréde latitude nord était
une possessionde l'Empireottoman. Ellen'a pas été accessible à la
colonisation européennechrétienne. Les tribusde cette région étaient
non seulement organisées maa isaientaussiune religion organisée :
l'Islam. En tantque musulmanes, elles faisaiena tllégeance au calife
d'Istanbul.
Le califerégnait souverainemes ntr les peuplesislamiqueset leurs
terres. Son autoritéétait à la foisreligieuseet temporelle, car
l'Islamne fait pasde distinction entreces deuxdomaines. Je ne
m'attarderai pas su l'histoireintéressante du califataprèsla mortdu
Prophèteen 632. Le califat passasuccessivemendte Médine à Damas,à
Bagdadet finalement à Istanbul, oùil étaitinstallé bien avant1800.
Pour lesTurcs,le calife était conn sous le nomde sultan. Pour les
autrespuissances, le califeétait appelé La Porte- et souvent la
Sublime Porte, cqeui signifie la"portela plusélevée". En Afriquedu
Nord,on l'appelait le calife. Tous cestitres appartenaientà la même
personne.
Le calife d'Istanbuéltaitle chefde l'Empireottoman. L'Empire
n'étaitpas un Etat centralisé;il fonctionnait essentiellement par
délégationde pouvoirs. Cette caractéristiqd ue l'administration
ottomaneest importante dans l'affairequi nous occupe. Le Tchadtientpour acquis que, commeles Ottomans n'administraient pas la région des
confins avec touu tn appareil militairepolicier,administratif, fiscal,
judiciaire, etc., l'Empireottomanne pouvaitprétendreà la
souveraineté.Cette conceptioe nst toutà faiterronée.
L'administratioo nttomaneétait indirecteo ,u déléguée, car'estainsi
que gouvernait l'Empireottoman. Il importe-eussdie-noterque cette
administration indirecé teaittout à fait suffisantàe l'époque. La
population reconnaissal it calife comme chef spiritue el temporel.
L'administration ottomane dans c lesfinsn'était pas une administration
étrangère et hostil et les Ottomanspouvaientcertainement s'appuyersur I
une délégation important de pouvoirs.
A titred'exemples de l'administratioonttomanepar délégation, on
peut citerl'envoipar la Porte de walis (c'est-à-direde gouverneurs),
en Algérie,en Tunisieet à Tripoli. La Portenommaun khédiveen Egypte
(l'équivalent égyptiendu wali). Les pleinspouvoirsd'administration
étaientdélégués à ces gouverneurs à, la seule conditiode respecter le
Coranet les actes du Prophète, d consulterles sages,et de faire
preuvede discernement.Les walis, à leur tour, déléguaient leurs
pouvoirs à des mdirs, par exemple,qui étaientdes administrateurd se
régions, lesquels le déléguaienteux-mêmesà des administrateurd se
districtsou kaimakams, termequi signifielittéralement "l'hommeassis
à la placed'un autre". Les walisrecevaient des titres allandte
celuide pacha, leplus élevé,à ceuxde bey ou dey,et de Mutassarif,
le plusbas.
Les walis del'Afrique du Nord
étaientdes Ottomans désignép sar
Istanbul. C'estle cas du premierdes Karamanlienvoyéà Tripoli,qui
portaitle titreéminentde pacha. Je voudraismaintenant donnerà la Cour un aperçude certaines
régionsd'Afriqueet de leurs habitants à la fin duXIX~ siècle.
J'aborderai toutd'abordla géographie physiquede cettepartiede
l'Afrique :
Sur la cartede l'écranon voit les principaux fleuve d'Afrique
- le Sénégal, le Nigerl,e Congoetas affhents, le-.lac.md.et le
Chari,et le Nil (NilBlancet Nil Bleu). Les régions traversées par ces
fleuveset la zonedu lac Tchadconstituaient l'objectifprincipal de la
colonisation européenne. Ces fleuves permettaienun accès vers
l'intérieur el tes terresqu'ilsarrosaient étaien ftertileset
peuplées. Ces régionsont été colonisées à partirde l'ouest et du sud,
non à partirde la Méditerranéeau nord.
Au nord s'étendentles vastesrégionsdésertiques du Sahara,y
e
comprisle désertde Libye,approximativemen tu nord du 15 degréde
latitude nord (pièce79 du dossier). Dans cemilieu hostile on ne
trouvaitque des établissements dispersd éstribusessentiellement
nomades. Il s'agissaitde tribusmusulmanes, qui avaient reconnu
l'autorité el te pouvoirdes Senoussi. Le califeconsidérait ces régions
et leurs populationdses possessionsde l'Empireottomanet l'allégeance
au califeétait expressément reconnue l par Senoussiet les peuples
qu'ilsdirigeaient.
Si l'onpoursuitl'examende la géographie physique,on constatera
que les régions montagneus deusTibestiet de 1'Ennedisont situées dans
ces confins,La topographie des confinsapparaîttrès clairemens tur la
cartedu reliefqui estprojetéesur l'écran et qui faitressortir
combienl'environnement y est rude. La lignequi figure sur cettc earte
publiéeen 1952 est celledu traitéde 1935. Outrela géographie physique la carte indiqueles grands
itinéraires commerciauet.lesprincipales oasisqui figurent également
sur la pièce 80 du dossier. Dans unerégion désertique comm celledes
confins,les itinéraires commerciae ux les oasisétaient indispensables +
C'estle long
à la vie économiquede ces contréeset de leurs habitants.
de ces itinérairesque l'ordredesdenoussf-établ.it-es-dwee, appelées
zaouïas. Je décrirail'ordredes Senoussiet la fonctiondes zaouïas
dans quelquesinstants.
J'enviensmaintenantaux lieuxoù vivaient généralemen les
principales tribu dans lesconfinset les régions avoisinantes :
En 1890, lesconfinsétaienthabitéspar des tribus musulmanes
organisées qui faisaient allégea auccalifed'Istanbul. Ellesétaient
en grande partienomades,dispersées entreles principaleo sasis du
désertet les rudes régions montagneusd esTibestiet de 1'Ennedi.
Certainesétaient incontestableme artabes- lesAwladSulaiman,les
Gadhadfaet les Orfella, qui avaient quittéla Cyrénaïqueet le Fezzan
pour s'installerdans lesud. Ellesentretenaient des échanges constants
avec les membresde leurs tribusqui étaient restésau nord.
L'explorateur allemaN ndchtigal,qui parcourutune grandepartiede la
régiondes confinsau coursdes années1860et 1870, nota que les
AwladSulaimancontrôlaient fermementà l'époqueune partieimportante de
la région deKanem.
On voit sur l'écranles lieuxoù vivaient généralemen ces trois
tribusdans la région ainsique les deuxgrandes tribus libyennes dans
les oasis deKoufra,lesMagharbaet les Zuwaya. Un nombreimportant de
marchands libyens établd isns les principaux centrdess confins
contrôlaient en grande partiela vieéconomique.Ce qu'on voit sur
l'écran est forcémentune image approximativ étantdonnéque ces tribus
menaientune vieessentiellemenn tomade. Deux autres tribusqui vivaientdepuisfortlongtemps dans lr aégion
sont les Touareg et les Toubou. Dans les régions partagéeentre la
Libye et l'Algérie,les Touareg,organisés en une confédération de
tribus, formaient la trid buminante. Le Tibesti appartenai tux Toubou
- ou plus précisémentà la branchede cettetribu connue sous le nom de
Teda Toubou. Bien que lesspécialistes-aient-beaucodu.piscutde
l'originedes Toubou,il est bien établiqu'àune époquereculée ils
avaientlongtemps dominu éne grandepartiedu Fezzanméridionalet de la
Cyrénaïque.11 était donc naturelqu'unefois installés au Tibesti,les
Toubouaient continué d'avoirleurs principaux liens avl eec nord.
On voit sur la carteque les régionhsabitéespar ces diverses
tribusse chevauchent.Toutesces tribus avaien des liens étroitsavec
le nord,soit en raison dl eeur origine arab eibyenne,soitdu faitde
leurslienshistoriques, sociauxet commerciaux avelca Libye - et
surtoutparcequ'ellessont toutes devenues des tribussenoussiqui
avaient reconnd ue pleingré l'autoritéet la doctrinesenoussi.
En 1952,le cheikhdes Awlad Sulaimanfutnomméwali ou gouverneur du
Fezzandans la Libye devenue indépendante.
Tel étaitalorsle territoire dans lequel avaient réussià pénétrer
par la forcedes armesles forces françaises, qui arrivèrentau lac Tchad
vers 1899-1900.
Il ne seraitpas possiblede considérer qu'à l'époql ues régions
des confins située au norddes sultanats soudanai étaientterra
nullius. En effet, si l'on se réfèreaux paragraphe8s0 et 81 de l'avis
consultatifrendudans l'affairedu Saharaoccidental, ces terres
étaient "habitée par des tribusou des peuplesayantune organisation
socialeet politique ... et placéessous l'autoritéde chefs compétents
pour les représenter".(C.I.J.Recueil 1975,p. 39, par. 80-81.) Ce que je tiens à souligner,c'est que destribus comme les
Awlad Sulaiman, les Gadhafaet Orfellaétaientdirigéeset représentées
par des cheikhslibyens.
Les Touboudu Tibestiétaientdirigés par un ~erd6. Les Touareg a
étaientune confédération de tribus dirigées palreurs cheikhs. Si ces
tribusont été considérées comme-hostile es insoumisespar lesEuropéens
venus dansla région, comparées à des peuples plussédentaires,c'est
parce qu'ellessouhaitaient qu'on les laisse tranquilleset étaient
hostiles à la présence d'intrus étrangers. Les rudes conditions du
désertdu Saharaet des régions montagneuses comme T lebestitendaient à
w'
rendre ceshabitantsd'un abord difficile, presque comme s'ils étaientle
refletdu milieu inhospitalier qui était le leur. C'est une
caractéristique que l'on retrouved'ailleursassez souventaujourd'hui
encorechez les peuplesnomadesdu désert.
Les forces françaises ont reconnu lesdirigeantsde ces peupleset
tribus ainsi que leuo rrganisation politique et socialede l'époque.
En 1862, le princede Polignacconclutdes accords commerciauxformels
avec les tribus touareg des Ajjer n aoum de la France. La Franceessaya
à plusieurs reprised se concluredes accords avec différent serdé des
Touboudu Tibesti, maislorsqueles forces françaisep sénétrèrentdans
les confins à partirde 1913, le~erdé des Toubou,plutôt que de se
soumettreaux Français,s'enfuitvers le nord, où des membresde sa tribu
vivaienten grandnombre dans le sudde la Tripolitaine et en Cyrénaïque.
En se frayantun cheminpar la force des armes ed nirection dulac a
Tchad, les Françaisavaientadoptépour tactiquede concluredes accords
avec les chefs locaux. Ce fut particulièrement le casdans les sultanats
soudanais,même si, là aussi,les Françaisse heurtèrentà des
obstacles. Le principalfut Rabbah. Néanmoins,les forces françaises
conjointesréussirent à le vaincre en1900, ouvrant la voie à laconclusion de nouveaux accordasvec les chefslocaux. Plus à l'est,le
sultandu Ouadaïse battitférocement, mais ses forcesfinirent par être
défaiteset le sultanfut déposépar les Français qui le remplacèrentpar
un autresultanplus docile de leur choix.
Monsieurle Président, la Libya e décriten détail- et a étayépar
des élémentsde preuve - ces faitsdans-.somnémoi-re.J%ppelle
particulièremenl t'attentionde la Coursur la quatrième partideu
mémoirede la Libyeet, au volume2 de sa réplique,sur les annexes
supplémentaires7 à 11.
Commel'expliquera M. Crawford,le fait queles confinsn'étaient
pas terra nulliusa une double signification dans cette affaire
~remièrement,que letitresur la région ne pouvait s'acquéri rar
l'occupation,deuxièmement, que les populationdes confins avaientla
capacité juridiqu dee détenirun titresur leursterres.
J'enviensainsi à l'arrivéedes Senoussi. J'ai délibérémenttraité
de la questionde terranullius enpartantde la situationdes confins
avant la venue deSsenoussi. Je voulaisen effetdémontrer que la région
n'étaitpas terranulliusavant l'arrivéd ees Senoussi. Mais si cette
questionétaitmise en doute - ce que je ne sauraisconcevoir - tout
doute à ce sujetest certainemenl tevépar l'établissemendte
l'ascendanceet de l'autoritédes Senoussisur les populations des
confins. Cet événement précéda l'arri vée Françaisqui, progressantà
partirde trois directiona stteignirentle lacTchad. Les Senoussi
avaientfermement établi leur pouvs oir les confins13 ans environ
avant que lesforces françaises fure nttorisées par leu rouvernement
à pénétrerdans lesconfinsen 1913. A partirde la deuxième moitié d xlxe siècle,cettenouvelle
force puissante que constitue l'oro drla confrérie des Senoussifit
son apparition. A la fin du siècle,les Senoussi avaientétabli leurs
zaouïas,ou loges,dans toute larégioncommele montrela carte 19du
dossierdes juges.
L'ordredes Senoussitoutcommeles zaouias-qu'ils avaient
installées sont décrits en détail dans les écrit deresLibye et les
piècesjointesen annexe, de sorteque je me borneraiici à résumer la
situation(mémoirede la Libye, à partirdu paragraphe 1.22 et
paragraphes3.44,4.78,4.151 et 5.221;contre-mémoire de la Libye, à
partirdu paragraphe5.11 et paragraphes 8.64 à 8.67; réplique dela
Libye, à partirdu paragraphe7.46 etparagraphes 9.16 et 10.6. Voir
aussi réplique de laLibye,vol. 2, annexe supplémentair no 3, note sur
"Le rôle del'ordre senoussidans le Sahara central"e ;t réplique dela
Libye,vol. 3, annexes13 et 14).
La Libye a préféré simplifieqruelquepeu la terminologieemployée.
On parle des "Senoussi"pour désignerla confrérieou l'ordresenoussi;
mais on parle aussides tribus oudes populations senoussi. Les Senoussi
en tant que telsne constituent pas une tribu. L'expression"tribus
senoussi" désigne let sribusqui, dans la région, adhèrenà la doctrine W
senoussi. Les Senoussi s'acquittaien de leurmission, religieuse et
civile,en s'appuyantsur les tribus organisées.
Il importe denoter que toutesles tribusdes confins, sans
exception,étaientmusulmanes, qu'elles adhéraientà la doctrinesenoussi
et qu'elles faisaien allégeanceau califed'Istanbul. Les tribus
auxquelles j'ai fait référence précédemmentles tribusAwlad Sulaiman,
Qadhadfaet Orfella - tribusarabes qui, partantde la Cyrénaïqueet du
Fezzan,s'étaient établie sans le sud- étaientdonc toutesdes tribus
senoussiqui adhéraientà la doctrineSenoussiet reconnaissaient lepouvoiret l'autorité senoussi. Il en va de même des Touareg edes
Toubou,en particulier de ces derniers,qui sont devenus les plus
fervents partisans deSenoussi. Cela est confirmé,par exemple,par une
dépêche militairferançaise de 1911, citéeau paragraphe5.71du
contre-mémoird eu Tchad,où l'onpeut lire queles Touboureçoivent leur
mot d'ordredes Senoussiet leur obéi-sent aveuglément.
Tout commele Tibesti, la régiondes Toubouétaitfermement
contrôlée par les Senoussilorsqueles Français sont arriva és lac
Tchad, en 1900d,e même que la régio nu Borkou,vers le sud. Le Tchad
le reconnaît dansson mémoire; ainsi que danson contre-mémoireoù l'on
peut lire, auparagraphe 5.69,qu'"enréalité lepouvoireffectifest
exercédans la régionpar les Senoussi". Il ne faitaucun doute, par
conséquent, que les Senous ésiaientla force dominante dans lc esnfins,
en 1900, lorsque lefsorces militaires français sont arrivéesau lac
Tchad. Les populations de la régionappartenaientaux tribussenoussi
qui avaientacceptéle pouvoiret l'autorité de l'ordresenoussi.
En 1899,l'ordresenoussia déplacéson centrevers le sud, le
transférantde Koufra, enCyrénaïque, à Gouro,à l'estdu massifdu
Tibesti,afinde se rapprocher des lieux où les forces militaires
françaisesse montraient de plus en plus menaçantes.
Les Senoussivenaientjuste deparvenir à réconcilier lestribus
Touareget AwladSulaiman - performance remarquable quo anndsonge que,
jusqu'alors,ces tribus étaienetn guerre les unes contre l autres.
Les Senoussiont établi lazaouïa de Bir Alaliau Kanem,puis ont
entreprisde mobiliserles forces combattante de ces deux tribuspour
repousserl'attaque française.
Certaines partie su contre-mémoirdeu Tchad montrent quee Tchad
tentede s'écarterde la descriptioe nxactequ'ilfaisaitdu rôle des
Senoussi, dansun premier tempsd,ansson mémoire. Le Tchadprétend queles Senoussin'exerçaient qu'uneinfluencereligieuse dansla région. Il
laisseentendre,dans son contre-mémoireq ,ue l'ordresenoussin'était
même pas libyen,le grandSenoussi, fondateurde l'ordre,étantné à
Alger. Il est difficile de prendrecet argument asérieux. Napoléon
serait-il moins françaidsu faitqu'ilétaitné de parentsqui
s'appelaientCar10et Letizia-Buonaparte,--sur-. îlequi-n'avaitété
cédéeà la Francequ'unan auparavant ? Quoiqu'ilen soit,au débutdes
années1800, les questionsde nationalitéset de frontièresn'avaient
guèrede sensdans les régions musulman d'Afriquedu Nord. Ce qui
importait, c'étaitune foi islamique communet la loyauté enverlse
calife.
Pour que les choses soient clairepermettez-moi d'évoquern
certain nombrede faitsessentiels concernan les Senoussi. Il s'agitde
faits historiques sur lesque l'histoirepolitiqueplus récente des
Senoussien Libyen'a aucuneincidence. ce sujet,je dois dire que,
Justeaprès le début des plaidoiriedans laprésenteaffaire,un article
est paru dansLe Monde, le 15 juin,citantdes proposde l'agent
adjointdu Tchadconcernant l'utilisation fait ear la Libyede son
héritagesenoussi. Je ne doutepas queles propos deM. Pelletont été
mal cités. Personnen'a oubliéque le régimeactuellement au pouvoir en V
Libyea déposé feu le roi Senousside Libye en1969. Mais celane
signifie paspour autant que lesSenoussi aienctesséde fairepartiede
l'histoirede la Libye. Le plus grandhéros libyenest le légendaire
OmarMukhtarqui a conduit la luttedes populations libyennes contre les
Italiens. C'étaitun cheikh senousside toutpremierplan.
Le grand Senoussifondateur de l'ordreou de la confrérie senoussi,
étaitné à Alger vers1787, dans une famille de notablcesérifiens.
L'adjectif "chérifiens'emploie pour qualifieroute dynastie ayan un
lien avec leProphète. Le grand Senoussia faitses étudesà Fez jusqu'àce que, peu après
trenteans, il se rende enpèlerinage à La Mecque. C'estlà qu'ila
rencontréle futur Sultan du Ouadaïqui est devenu un adeptedévoué.
Quelques années plut sard,l'ordre senoussia même établiune zaouïaà
Abéché, capitald eu Ouadaï.
Le grand Senoussia fondé au nordde la Cyrénaïque,.présde la côte
méditerranéenne, en 1843, p laemièrezaouïa,qui estdevenue le centre
de l'ordre. En 1856,le grandSenoussi adéplacéle centrede l'ordre
vers lesud, l'installant dansune oasis inconnue, Djaraboub,qui a été
choisie parce qu'ellese trouvaitsur l'itinérairedes pèlerinages
est-ouestà traversl'Afriquedu Nord et 1'Egypteen directionde
La Mecque. Djaraboubest devenueun grandcentre intellectuel dot d'une
universitéet d'unetrès riche bibliothèqueoù se trouvaientdes ouvrages
portantsur dessujets très divers, tels ql ue religion,le droit,la
philosophie, l'histoire,l'astronomieet la poésie. Commele dit
l'historien britannique EvanPsritchard:
"il aurait été difficil de trouverà cette époque, ailleurs
dans le mondeislamique si ce n'est au Caire,un cercle
d'éruditsmieux éclairés".
Le fils que legrand Senoussi a e de sa seconde épouse, une
Libyenne,est devenule chefde l'ordresenoussi àla mortde son père.
C'étaitun homme pieux, commeson père,mais c'étaitaussi, selon les
termesd'EvansPritchard, un chef, bonorateuret meneurd'hommes,et un
organisateur detalent. Ses adeptesle révéraient, l'appelantle "Mahdi"
- mot qui désigne ledeuxième envoydéu Prophète.
En 1895,le centrede l'ordrea été déplacé vers le sud, à Koufra,
sur la pistecaravanière oriental qui allaitde Benghaziau Ouadaï. A
partirde là, l'ordre adéveloppé ses activités dans les conf indans
les régions situéepslus au sud et plusà l'ouest, où deszaouïasont
été établies dans desoasissituées lelongdes pistescaravanières.Puis,en 1899,en raisonde l'avancéedes forces militaires françaises,
le centrede l'ordrea à nouveauété déplacévers le sud : il a été
installéà Gouro, à l'estdu massifdu Tibesti, d'où il étaitplus facile
pour les Senoussid'organiser et de contrôler les tribu des confinspour
s'opposerà la menace militairf erançaise.
Le déplacement des Senoussi-versle sud asugviles routes
commerciales orientalp esrtant deBenghaziet les routescommerciales
occidentales partantde Tripoli. Vous pouvez le voir sur la carte
présentéeà l'écran. A partir dela première zaouïa senoussiinstallée
par le grand Senoussi à al-Baida,en Cyrénaïque, en 1843,l'ordre
senoussis'estdéplacé vers le sud, le longdes routes commerciales
orientales, installan des zaouïasen divers points clés. En ce qui
concerneles confins, d'importantes zaouïas ont étéétablies à
Ounianga-Kebir et Ounianga-Seghir en 1871-18d 72,s llEnnedidans les
années1880 et vers le sud,dans le Ouadaï, où une zaouïa a été établie
à Abéché. Le siègede l'ordrea été établiplus au sud,à Djaraboub,
en 1856,puis encore plus au sud,à Koufra,en 1895. Le chefde l'ordre
senoussia supervisé le creusementdes puits deSarraen 1898.
L'unedes principales zaouïasdes confinsa été établie ausud du
Tibesti, dans la régiondu Borkou, à Aïn Galakka. Peu de temps
auparavant, en 1896,les Senoussi avaient créé la grande zaouïa de
Bir Alali,à l'estdu lac Tchad. Les Françaisont détruit cette zaouïa
en 1902. Comme la zaouïa dlAïnGalakka - mais à la différence des
autres zaouïas sur lesquellesne pesaitaucunemenace français e la
zaouïa de Bir Alaliétait entourée de solid fortifications.
Alors que les Senoussiétendaient leur autorité ve lessud- et
après queles puissantestribusZuwayaet Magharba,dans la régionde
Koufra,soient devenued s'ardentsadeptesdes Senoussi- le commerceétaitflorissant le longdes grandes routes commerciales orientales
dirigéesvers le sultanatdu Ouadaï. Commeje l'ai déjà signalé, le
Sultandu Ouadaïlui-mêmeétaitun adepte dévoué des Senoussi.
Des zaouïassenoussiont aussi été créées très tôtà l'ouest, le
longdes routescommerciales bien établiesallantde Tripoli vers le sud,
dans les grandes oasis: Migda (1845),Mourzouk-(1850),--etc.-,.ai quei
vous pouvez le voir surla carte.
Encouragéespar le ~erdé, le chefdes Toubou dansle Tibesti, les
Senoussi ont créu énezaouïa à Bardaï,oasisqui jouitde la meilleure
situation, d'un pointde vue stratégique, dan le Tibesti,et les Toubou
sont devenus - et ils leresteront- les tribus senoussiles plus fidèles.
Telleétaitdonc la situatioa nu tout débutdu siècle, les Senoussi
contrôlant de vastesrégionsde l'Afrique du nord,notamment les régions
des confins.
Les zaouïasétaientle principal moyen,pour l'ordre senoussi,
d'exercerses fonctions.Les zaouïasétaient avant tou des centres
religieuxet d'enseignementm ,ais elles avaient aussune fonction
commerciale et étaientun lieu d'accueidles voyageurs, lleongdes
routescommerciales. Lorsqueles Françaisont commencé à envahirles
confins,les zaouïas les mieux situéd esunpointde vue stratégique
ont aussi servi deplacesfortes.
Les membresde la Cour voientmaintenant représentéeà l'écranune
zaouïa, oeuvre artistiqi uespiréede la zaouïad'AïnGalakka au
Borkou. J'aimerais maintenant explique le rôleet le mode de
fonctionnemendt'unezaouia,pourmontrer quelleé staientles fonctions
rempliespar les Senoussiet commentils exerçaient leur autoritésur les
populations desconfins. Je commencerai par montrerun croquisde Médine, la première ville
créée parle prophète, carune zaouïa reprenaitle conceptmusulman
d'uneville construite autou d'unemosquée dont Médiné etaitle
prototype. Ce que l'on remarquera avant toutc'estl'emplacement.Comme
Médineet d'autres centresde la foi musulmanel,es zaouïas étaient
traditionnellement établi dans-desoasis cl&,--lelong-despistes
caravanières- en des lieux où les voyageus rs rassemblaient,où il y
avaitdes échangesavec les autres oasie st où le commerceétait
florissai it
Avec votre permission, Monsie lerPrésident,je voudrais faireici
w
une petitedigression.Médinea étécrééepar le prophète lorsqu'ila
été contraint de s'enfuirde La Mecque - c'estl'hégire. Le calendrier
islamique part du premierjour del'hégirequi, chaque année, marql ue
débutde la nouvelle année islamique.Or, ilse trouve,
Monsieur le Président que c'estaujourd'hui le premier jour de l'hégire;
aussi permettez-moi,à cette occasiond ,e joindre mes voeu x ceuxde mes
frères musulmans, dans le mon entier.
Le croquis suivantt,iréde l'histoire militair de l'Afrique
équatoriale française, montre lazaouïad'Ah Galakka, avec lep suits
et les zonesde cultureavoisinantes.
Vous voyez maintenant, sc ur croquis, la configuratid oncette
zaouïa. Elle montre bien quellé esaientles différentes fonctions
rempliespar la zaouïa. La zaouïa pourraitse comparer àune ville
fortifiée de l'Europemédiévale, ou aux monastères chrétiens qui, en cas
de nécessité,étaientfortifiés et armés. En principe, unezaouïa
n'étaitpas fortifiée. C'estn raisonde l'avancéedes militaires
français que leszaouïas ont commencéà être fortifiées,tout comme
l'organisatiodnes tribus pour résisterà l'invasion françaiseest une
fonctionqui est venues'ajouter à celles habituellement rempli par les
Senoussi. Au coeurde la zaouïa, il y avaitla mosquée,qui apparaîtsur la
partie droite du croquis. Le mot zaouïa signifie"coin"en arabe.
C'estdans la mosquée, dans la partierecouverte d'un dôme appeléle
Kuba, quese trouvaitle "coin"du cheikh,l'endroitoù il se mettait
pourprier, face à La Mecque. La mosquée comportait la fois des
espaces ouvertest des espacesfermés. C'est-à--la-mosquée-l que jeunes
se rendaient pour étudis erus l'autoritédu cheikh. La familledu
cheikh vivaitde l'autrecôtéde la zaouïa. En temps normal, ep nlus
de la familledu cheikh, d'autres notables vivaient dans seceeur. Les
autres habitantdses oasis vivaientà proximitéde la zaouïa,là où
l'on installaitles chameaux et les chevauxet là où la terreétait
cultivée.
Vous voyezreprésenté ici,de façon schématiquet ,outl'éventaildes
fonctions remplie par les zaouïas dans différents domaine:
- religion,
- éducation,
- commerce,
- accueildes voyageurs,
- administration, le cheia khantnotammentpour fonctionde régler
les différends odue lever lesimpôts,
- communications,
- protectioncontreles forcesd'invasion françaises.
La situationpouvait évoluer rapideme entcasde menace. Les
grandes murailleéspaissesqui entouraient la zaouïapouvaienten faire
un bastion militaire dan lequelles habitantspouvaientvenirvivre. La
zaouïase transformait alor sn villefortifiée.
Les fonctionsrempliespar les Senoussireflétaient les obligations
qui incombentà l'autorité selon la doctrine islamiqu àesavoir: - défendrela foi;
- assurerla mise en valeurdes terres - ce qui, concrètement, dans
les régionsconcernéesde l'Afriquedu nord, signifiaitentretenir
et protégerles pistes caravanières e développeret protégerles
sourcesd'eau;
- protégerles sujetsde llEtat, qu'i~s.scbi.ent-mus~~~ ou non;
- recruterune armée;
- lever des fondspour assurer lefonctionnement de 1'Etat;
- appliquerles lois régissant ler selations entre les citoyens, ce
qui signifie notamment rendre j luasticeet réglerles différends;
*ri'
- enseignerla religionislamique.
Les Senoussise sont acquittés de toutes ces fonctions dan les
confins ainsi qu'ailleursen Libye. Ils ont rallié les tribus en
conflit,les unissantpour défendre l'Islamcontre les envahisseurs
français ausud et contreles Italiens aunord. Le grand Senoussia fait
creuserles puits de Sarra,au sud de Koufra, en 1898et c'estgrâce aux
Senoussique lesitinéraires commerciauxde l'est ont commencé à
prospérer. Leurs efforts étaient manifestement consacré sla protection
des sujets de 1'Etat. Ils mobilisaient des fond destinés à permettre
ces efforts. Ils agissaient en médiateurs en c asdifférend,
rassemblantles tribus en conflit.Dans leurs zaouïasi ,ls adoraient
Dieu, enseignaientle Coran et apportaient l'éducatio aux populations.
Mais le plus importantest que lesSenoussifaisaient tout celaau nom
de la souveraineté suprêmeottomane etsous le couvertde celle-ci.
Voilà doncune brève description de l'ordresenoussiet des
zaouïasque les Senoussiavaient établies partou dans leszones sur
lesquelles ils exerçaientleur autorité. Les cheikhs étaientnormalement
des Libyens nommés par le chef de l'ordre. Ses principaux adeptes ou
ikhwan,c'est-à-direles "frères",étaient aussi des Libyens.Cependant, les fonctionsdes Senoussiétaientaccomplies à l'intérieurdu
Les Senoussin'ontpas essayé de
cadretribaldes principales tribus.
remplacerl'autorité tribale pl ar leur. Les chefsde tribudes confins
se réjouissaientde l'autoritédes Senoussi etl'acceptaient.
Au coursde la périodequi a précédél'arrivéedes Senoussi, les
luttes constantee sntre letribusdu Fezzan,de La Cyrhaïque et des
confins avaiengtravement entrav le courantdes échangesle longdes
itinéraires commerciaux.Les Senoussiont réussi, à la fin des années
1890, à rassemblerles tribus,et une foisde plus les itinéraires
commerciauxpartant de Tripoliet pénétrantà l'intérieur du Soudanont
connu lasécurité. Dans l'est,les deux grandes tribus des oad sis
Koufraont embrassé la doctrie nel'autoritésenoussi,de sorte que les
itinéraires commerciaux orientad uxp,uis Benghazi jusqu'Oauadaï,ont
pu se développer. A l'époquede l'autorité desSenoussi,on disait
qu'unefemmepouvaitvoyager seule depuisla Cyrénaïque jusqu'au Ouadaï
sans risquer aucumnal. Et l'onaffirmaitdes chosessemblables quant à
la sécuritédes liaisonscommerciales occidentalesen directiondu sud,
depuis Tripolijusqu'au sultana du Bornou.
L'arrivéedes Senoussidansla régionet l'acceptation de leur
autorité parles populationsn'ontpas été bien comprisesà l'époquepar
les explorateurseuropéens dela région oupar les chancelleries
européennes.En effet, comme je l'ai déjàdit, il n'y a pas, dans
l'Islam,de divisionartificielle entr lee religieuxet le temporel. Ce
sont les deuxaspectsdu Prophète. Le califed'Istanbulétait lechef
religieuxdes peuplesislamiques, qui luijuraient allégeance et il
étaiten mêmetempsleurchef temporele
,xerçant lasouveraineté suerux
et sur les terresqu'ils habitaient.De même, l'ordresenoussiavaitun
rôle à la fois religieuext temporel. Cependant, bien que les Senoussaientouvertement critiqu les
règlesde la pratique islamique suivi par le calife à Istanbul,la
souverainetédu calife,sultande l'Empireottoman,était pleinement
reconnue. Les populationssenoussides confins étaienc tonsidéréeset se
considéraientcommedes sujets de l'Empireottoman. Les terres
qu'elleshabitaientétaientconsidérées comme étant.-soumiseà la
souveraineté ottomane. Les Senoussiont renforcéces relations,
apportantaux populations à la foisl'instruction religieuseet
l'éducation et unniveaud'organisation socialeet politiquequ'elles
n'avaientpas connujusque-là. Ils réglaientles différendsentreles
tribuset ouvraient les itinéraires commerci afin que le commerce
puisseprospérer. Par la suite,ils ont mobilisé les moyens militaires
des différentes tribuf saceà l'invasion françaiseI .l est toutà fait
inexactde dire des Senoussiqu'ilsn'ont eu qu'uneinfluence religieuse
dans larégioncommele faitle Tchad dansson contre-mémoire.
En fait,si grandsétaientle pouvoiret l'influence des Senoussi
qu'initialement cel aacausé une certain appréhensionà Istanbul.
Cependant, le califeen étantarrivé à connaîtreet à comprendre les
Senoussi,il s'estaviséqu'ily auraitavantage à forgerdes liensplus
étroits. La menace des Françai psuis l'invasiodnes Italiensétant W
devenues des réalités ces liens sondtevenusde plus en plus
importants.On peut trouverdes exemplesde celadans la réplique de la
Libye :
- Un rapportémanantde Benghazi adressé au gra vizir à Istanbul,
daté du5 août 1884 (répliquede la Libye,pièce8.2.)
- Des dépêches de 188e6t 1888(répliquede la Libye,pièces8.3.1
et 8.3.2.)
- Un document duConseild'Etatottoman(réplique de la Libye,
pièce8.1.) - Un rapportde 1891du Conseil impériao lttoman(réplique de la
Libye, pièce 8.5.1.) On trouvedans cerapportle passageci-après :
"Il importeau plushaut pointque (le chefdes Senoussi),
dont la parole exercuene très grande influenp caermiles
nomades etles tribus,prêteson appui à cetteentreprise pour
arriver à cette fin; ilestnécessaire de conseiller à la
Sublime Porte et au Palaisd'intercéderauprèsde lui (le chef
des Senoussi)de la manièrerequise."
Je pourraiscontinuer à donner lecturede trèsnombreux autres
documentsde cette mêmeveine,mais l'essentiel a ét dit. Ces éléments
de preuvesont résumésdans larépliquede la Libye (volume 2, annexe
supplémentaireno 8, et présentésdans les pièces connexd es volume3).
Que l'ordresenoussireconnaissait pleinemel natsouveraineté
ottomane, cela a été affirmétrès clairemene tn 1911dans la lettre
adresséepar le chef desSenoussiaux principales puissance esropéennes
- deux ansavantl'invasion militaire français des confins.
Permettez-moi de lirequelques passage dse cette lettre,qui figure en
tantque pièce47 du mémoire dela Libye :
Elle commencepar cettedéclaration :
"Nulne l'ignore,les Français sont engagés dans une
croisade contrel'orienten généralet l'Islamen particulier
sousprétextede répandrela civilisation."
Il y estquestionensuitede la déclaration franco-britanniqu de 1899:
"La Frances'estemparée illégalement d'une par tie
possessionsturques au norddu lac Tchadet de certainesterres
faisant partideu vilayetde Tripolitaine."
Le chef desSenoussi fait plu soin cette déclaratio d'allégeance:
"Il est égalementde notoriétépubliqueque la confrérie
senoussijouit depuis sa fondationde l'estimeuniverselle pour
l'oeuvrede ses chefs,qui ont propagé lv araie civilisatio et
la vraieconnaissance en réformantla religion musulman et
surtout endiffusantles enseignementd su Coran, sans jamais
cesser de conseilleraux peuples d'obéirà la Sublime Porte,
pour laquelle elle priait jour et nuit, se plaçant sous la
protection de sa baniere et reconnaissantson empire."Il est ensuite question dans la letd trela mission militairefrançaise,
et l'ony fait observer cq eui suit :
"La France ... ,lorsqu'elle commençaà pénétrer dans
cette région, trouvale contraire de ce à quoi elle
s'attendait, à savoir queses habitantsqu'ellepensaitêtre
des sauvagesétaienten réalité instruit et jouissaient des
bienfaitsde la civilisation islamique."
La lettrese terminepar les déclarations suivantes :
"Nousavonsexpliquéces faitsà la Sublime Portee ,n
appelantson attentionsur les violations qul ea France
perpétraiten territoire turcen tuantses sujetssous le
prétextede répandrela civilisatioj nusqu'aucentrede
l'Afrique, en tous avons bonespoirde la voir protester.
Nous publionsà présentces faits dans la press pour
porter à la connaissancedu monde civilisé la méthode do lnat
France useen Afriquecentrale à l'encontrede populations
paisibleset pacifiques, afin que les puissances européennes
éprisesde justicepuissent aidel re Gouvernementturc à
prévenirl'injustice capital que seraitl'invasion de notre
pays."
Je voudraismaintenant fairl ee pointde la situation autournantdu
siècle,c'est-à-dire au momentoù les Français sont entrés en sce tne
ont commencé leurs incursions dans r desionssur lesquellesle calife
avait revendiqué l saouveraineté. Quelle étaitnalaurede ces
revendications rivales et qui avait le meilleudrroitau titre ? Ce
conflitde 1890étaiten réalité le débud tu différend territoridal la
présenteaffaire. La protestation initialeet l'affirmationde leurs
droitspar les Ottomans ne constituaient qul ee premierde plusieurs
documents - notesverbaleset mémorandums - encoreplus détaillés qui
émanaientdu califeet dans lesquels lf eondement des droits des Ottomans
était affirméavecprécision à la fois des pointdse vue aussi bien
juridique que factuel.
La reconnaissancpear la Grande-Bretagned'unesphèred'influence
française au suddu lac Tchad avaiu tn caractère complètemedntfférent
de l'affirmationde souveraineté ottomane sl urhinterlandde laTripolitaine.Ces différences son exposéesen détaildans la quatrième
partiedu mémoirede la Libye, mais je voudrais mettreen relief
certaines d'entreelles :
Premièrement,sur le plan Juridiquel,'Empireottoman avait
revendiqué unesouveraineté existante. C'étaitune revendicatios nurun
territoire qui dépendaitd'unterritoireeoweraim, &.savoirla
Tripolitaine,pour laquellel'Empireottoman revendiquai tn
hinterland.La sphèred'influence françaisereconnuepar la
Grande-Bretagne en 1890n'étaitriende semblable; il n'y avaitaucune
affirmation de souverainetéfrançaise. L'affirmationottomaned'un
hinterland de Tripolitainmanifestait l'animusoccupandide l'Empire
ottoman,l'undes éléments essentiel de la souverainettéerritoriale.
En revanche, la sphèr e'influencefrançaisen'était pas davantage,
en 1890,qu'unaccordde modération mutuelleentreles Britanniques et
les Français. Les Français n'ont jamai eu véritablemend'animus
occupandien cequi concerne les confins, certainemep nts avant 1919
ni, en fait,avant1930. Quanles Françaisont avancé dans lesconfins
en 1913,c'étaitpouranéantirles Senoussi, et pas pour occuperle
territoire.
Une deuxièmedifférence majeure entl resphèred'influence
françaiseet l'hinterlandde Tripolitaine revendiqp uér le califeest
que la revendicatioonttomanen'étaitpas fondée uniquement surla
géographieou la contiguïté- elle étaitfondée égalemens tur
l'organisatiosnociale.
Il n'était pas questiopour les Ottomans,contrairementaux
Françaiset aux Britanniques, detracerdes lignes sur des carte là où
aucun hommeblancn'avaitjamais misle pied, selon l'expressionsi
souvent citéede lord Salisbury.Les terressur lesquelles l'Empire
ottomanrevendiquait la souveraineté e1n890 étaienthabitéespar despopulations musulmane faisantallégeance en dernier resso àrtn chef
commun, à une autoritécommuneà la fois en matière religieue seen
matière temporelle, l calife d'Istanbul.Le califeenvoyaitdans ces
régionsdes émissaires porteur de présents, présentqsui manifestaient,
dans lemonde arabe, la relatioe nntregouvernantet gouverné. Ces
émissaireslui faisaient rapport enretour4 Iet,enbull,'informantdes
faitsnouveauxconcernant les région et leurspopulations.Je fais
allusion en particulie aux rapports présentés e1888 et 1894par le
colonel Subhiet par MuhammadBasala(voirle mémoire de la Libye,à
partirdu paragraphe 4.122).
Des contactsencore plus étroit et plus fréquentsétaient
entretenus avecles populationsdes confinspar le wali deTripoli,qui
agissait en vertu d eouvoirsqui lui étaientdéléguéspar lecalife.
Dans sa réponseà la note ottomanede 1890,le Gouvernement françai as
montréson ignorance du fonctionnemendtel'Empireottoman,qui était
fondésur le principe de la délégation.Le Gouvernement françai as
essayéde minimiser la revendicationottomanede 1890en alléguant que ce
n'était pas le calim feis le wali de Tripoliqui entretenait des
contacts fréquent svec les populationdse l'hinterlande
Tripolitaine,méconnaissantle fait que le walaigissaitau nom ducalife.
Les itinéraires caravaniersord/sudqui ont étédécrits
précédemmentont une importance critiqupour cette relation. Comme
l'indiquela carteprojetéesur l'écran, la revendication ottomane
concernant l'hinterlae ndglobait les itinérair esmmerciaux qui,
depuisdes siècles, étaient essentiels la vieéconomique et socialedes
régions côtières méditerranéennes ldeTripolitaine.Le wali de Tripoli
exerçaitson autorité surles communications caravanières occidentales
ainsi quesur la pénétrationà l'intérieur. Une missionfrançaiseplacée
sous le commandement du colonel Flattqers s'étaitdirigéevers le suddepuis Alger sans tenircomptede la nécessitéd'obtenir un
laissez-passeo rttomana été décimée en 1881ce qui aarrêté pendant de
nombreuses années la pénétratd iosnFrançaisen directiondu sud à
partird'Alger(mémoirede la Libye,par. 4.123).
A la suitede diversévénements, le conflitgrandissant entre les
Françaiset les Ottomanss'estencareélargi, dépassanl te .cadrd'un
différend territoria :lil est devenu une lutte pour'autoritésur les
routes caravanières occidentales,t c'estalors que les préoccupations
du Gouvernement italie se sontavivées. En effet, l'Italieavait un
enjeu commerciae lt financiede plus en plus importanten Tripolitaine,
tout à fait indépendammen de sesespérances poucre qui étaitd'hériter
un jourde cettepartiede l'Empireottoman. Les Français ontcommencé
par essayer de détourner l commerceen provenancede Tripolipour faire
en sortequ'ilse dirigeversTuniset Alger. Cela constituait une
menace directepour l'Empireottomanet le vilayetde Tripoli,qui
comptaient sur les routescommercialesnord/sudqui partaientde Tripoli
et traversaientl'hinterlandde Tripolitaine.En fait, onconsidérait
commeessentiel pour la prospéritéde la Tripolitaineet de ses
populations que cecsommunications caravanièr nessoientpas détournées
vers l'ouestpar les Français.
Il est évidentqu'au tournandtu siècle,la revendicationottomane
sur l'hinterlandde Tripolitaineétaitune revendication d'u titresur
des régionset sur lespopulations vivan dans ces régionqsui avait
véritablementde la substance. A cetteépoque, les Françai n'avaient
formuléaucune prétentioa nu titresur les régionssituéesau sud de la
Tripolitaine.La Francen'avaitaucuneconnaissance de cette régi on
n'avait aucuncontact avecses populations.Pour les Français, comme
pour n'importequels autres Européens, f illlaitun laissez-passer
ottomanne fût-ceque pour pénétre rans larégion. Au lieud'essayerd'examinersérieusement la revendication ottomane
quantau fond,le Gouvernement françaa isbruyamment objectéà l'encontre
de ce qu'ilappelaitl'étendueexagéréede cetterevendication.
L'incohérence de la position dela Francea déjà été analyséeet
illustréeau coursdes plaidoiries de la Libye. En 1894,le Gouvernement
français avait officiellement reco l'nhinterlandégyptiende l'Empire
ottomanpresquejusqu'àl'équateur.En 1890,la déclaration
franco-britanniqu avaitreconnuune sphèred'influence algérienne qui
concernait un territoirepresque aussi étend que l'hinterlandde
Tripolitaine revendiquépar lecalife. Simultanément, l'intégrité de
w
l'Empireottomanavaitété garantiepar la Grande-Bretagne et la France
dans plusieurs traités,ce dont il avaitde nouveauété prisnote dans
l'actegénéral signé à Berlinen 1885.
L'expansion français au norddu lac Tchadétaitune tentative
flagranted'éluder cette garantie De même,en invoquant un soi-disant
titre conventionnel su les confins,la Francese livrait à de faux
semblants. Ellen'avaitacquis aucun titre de g ceenre. Le titre
demeurait là où il existaitdepuis longtemp s il appartenaitaux
populations senoussiet à l'Empireottoman,qui étaientprésents dans le
territoireen questionet qui l'administraient. ..iI
Monsieurle Président,ceci terminela partiequi me revenait de
l'historique entrepris,et je vous seraisreconnaissantde bien vouloir
maintenantdonnerla paroleà M. Crawford.
Le PRESIDENT: MonsieurMaghur,je vous remercie beaucoup. Nous
allons maintenanetntendreM. Crawford. M. CRAWFORD :Monsieurle Président, Messieur de la Cour.
A. Introduction
1. CommeM. Maghurl'a faitobserver, cette parti dee
l'argumentatiod ne la Libyetraitedu différendterritorial en partantde
l'hypothèse qu'iln'existe aucun traitéen vigueurétablissant une
frontière.Dans ces limites, 3'-essaier-aiderendre.durecul parrapport
à l'ensemble des événementset d'analyserun peu plus en détail ledroit
applicable.Cela comporterd aeux étapesdistinctes.
2. La premièrenous amèneà analyserle droit applicabl e la
déterminationdu titre dans une région telle qulees confins pendant la
périodeantérieure à 1919. Il s'agitévidemment là de la périodependant
laquelleprévalaitle droit traditionne de l'acquisitiondes territoires
et des titresterritoriaux. La deuxième étapneous amèneà analyserle
droit moderne ednéveloppement. A partirde 1919,de nouveaux éléments
sont entrés en lignede compte,en particulier l'interdictiodne la
conquête comme moye d'acquérir des territoires.Ces nouveaux éléments
recouvrent, complètentl'anciendroitet, à certains égardss,'y
substituent.Commeon le verra,la distinction entreces deuxétapesde
développementdu droit présentu ene importanceconsidérable enl'espèce.
B. Le droitdes titres territoriaux ava1 nt19
3. J'aborderai d'abord la questd iuodroit applicable au titres
contestés pendantla période antérieureà 1919. Pour cette période,
l'argumentation libyens ne fondesur les quatre propositions suivantes:
- proposition1 :les confins, la zone litigieusel' enspèce,n'ontété
territoiresansmaître à aucun momentpertinent;
- proposition2 : les accords franco-britanniqd ues1899 et 1919n'ont
pas eud'incidence sur le régimejuridique du territoire;- proposition 3 : en 1912, lasouveraineté appartenaa itx tribus
soumises à l'organisationet à l'influence de la confrériesenoussi,
conjointement avel c'Empireottoman qui représentai le territoireet
sa populationsur leplan international;
- proposition 4 : cette souveraineté fut acqui paer l'Italieen vertu du
traitéd'0uchyet l'héritageitalienfut-reconn. upard-'-autrEesats,y
comprisla France.
4. Dans unecertainemesure, lesrèglesde droit afférenteà s ces
quatrepropositions ne sontpas en litige et, je peux doncêtrebref.
Toutefois,il y a d'importants désaccords entreles Partiesau sujet de
v
la situation juridique et ceux-ciappellent quelquedséveloppements.
5. La raisonfondamentale des désaccords,c'estque le Tchadse
fondesur uneconception procoloniale extrê duedroit international.Il
s'agitdu pointde vue selon lequell'existence d'un régimejuridiqueou
de droitsnécessitait quelque acte expr d'acceptationde lacommunauté
internationale, communaua téorslimitée aux Etatsd'Europe. L'Empire
ottomanlui-même était censé avoirété accepté en ce sens en 1856. Il
s'agitdu pointde vuequi faisait dépendrela personnalité juridique
internationale de l'existenced'une civilisation assimiléeà la
civilisation européenn ou, selonles termesd'un auteur anglais,
"blanche". Il s'agit dupointde vuequi considérait les populations
autochtones occupant leurs propres ter crommede simples objetsdu
droit internationa elt des obstaclesà la colonisation.Tel étaitle
pointde vue dont s'inspirail t'attitude françaiseà l'époque, comme
Partschle fait observer dans son compte rendude l'incidentde Fachoda
dans 1'Encyclopediaof Publicinternational Law (vol.7, p. 86-87).
Peut-êtrela positiondu Tchads'en inspire-t-elle aussi maintenantp,ar
des procédés plussubtils. 6. Bien entendu,cette façon de voir a étérejetéepar la Courde
11 fautsouligner
façon décisive danls'affairedu Sahara occidental.
qu'encette affaire, lC aourn'a pas simplemend téclaré quele nouveau
droitde la Charte etde l'autodéterminatio devait s'appliquer plutôt
que l'anciendroitde l'agrandissement territorial. Evidemrnentl,a
question sur laquell portaitl'avisconsultatif-étai tel1e.de
l'autodéterminatio du Saharaoccidental.Deux questions ont été posées
à la Courau sujetde la situation juridique dans les ann 1880,mais
la raisonpour laquelle ces questions luifurent posées, comm on l'a
fait observer, étai que la réponspeouvaitse répercuter sur
l'autodéterminationdu territoire. On a donc demandéà la Cour,en
réalité,s'il existaitavant1884, entre le Saharaoccidental, d'une
part,et le Marocet l'ensemble mauritanien, d'autre part, d liens"de
nature à modifier ...la décolonisatiodnu Saharaoccidental"
(c.I.J. Recueil 1975,p. 68, par. 162). La Cour a donné une réponse
négativeà cettequestion, mais ellel'a nécessairementfaiten insistant
sur la situation juridiqp uendantla période antérieureà la
colonisation espagnole.En d'autrestermes,la Cour s'estattachée à la
situationet au statut despopulations intéressées pendl aent
années1880. Ce faisant, elle a appliqulée principedu droit
internationale ,llene lui en apas substitéun autre. Sa décisionest
donc capitale pour apprécil ers revendicationcsontradictoiredse
l'Empireottomanet de la Francependant la périod aentérieureà la
premièreguerremondiale.
7. 11 est remarquable que cette affan irefassenullepart l'objet
d'uneanalyse attentive dans lé esrituresdu Tchad. En réalité,le
Tchadne citeque quelquesphrasesde l'avis. De plus, dansle
traitement que leTchad estimedevoir lui réserver c,et avis est
minimisé,traité comme inapplicab et, pour finir, considércéommeinexistant.En réalité, ledit avie sst doublement pertinenen
l'espèce. Il l'estparcequ'ildéfinit avec autoritéle critèrede
territoire sansmaîtreet le conceptjuridiquecorrespondand te
l'occupation. Il l'est parcequ'il traitede l'appréciatiodne
revendicationd se souveraineté surn territoire qui, san êtresansêtre
un territoire sansmaître,étaitarideet avaitune populationclairsemée.
8. Dans cetteperspective générale,je vais maintenant aborde trois
questions juridiques fondamental qusi,donnent lieu un désaccordentre
les Parties au sujetdu droitapplicable pendanl ta période antérieure
à 1919. Les voici :
1) le critèreà appliquer pour déterminelre statut juridique des
confins avant 1919 et en particulier, lqauestionde savoirs'ils
étaientou étaientdevenusun territoire sans maître;
2) le régime des accords did ts sphèresd'influence;et
3) le critèreà appliquer pour établirla souveraineté su rn
territoire qui n'étaitpas un territoiresans maître,mais était arideet
avaitune population clairsemée.
Chacune de cesquestions abien sûrété abordée dans leé scritures
de la Libyeet ce quej'ai à en diredoit êtreenvisagé dans la
perspective de cette discussio(nvoiren particulier répliqd ue la
Libye,par. 7.01-7.68).
1) Le critèrede territoire sans maître etles tribusdes confins
9. Sur lapremièrequestion,le critère de territoire sans maître,
le Tchad témoigne d réticences surprenantes.Dans son mémoire, ilse
contentede déclarer : "l'occupation effective e ... le fondementde la
souverainetésur les territoiresqui n'ontaucune organisation sociae te
politiquepropre"(mémoiredu Tchad,chap.II, par. 12, p. 49); il cite
ensuitel'avisconsultatif du Sahar occidental :c'estlà une des rares
citationsqu'ilen donne dans le mémoire. Etant donné que le Tchadmentionneconstamment la France commaeyant"occupé"le territoire, le
passage que j'ai cité donne lieue croire quele Tchad envisage
peut-êtreles confins commu en territoiresansmaître. Cependant, bien
qu'ilexprimed'obscures hésitations surle pointde savoir si lestribus
avaientune organisation sociale o politique(contre-mémoird eu Tchad,
par. 5.177),il ne définit jamais etnewes-exprèsla situation telle
qu'elleétait à son avis. Voilà qui est remarquableen soi, car ilest
indispensabldee régler cette question avad ntdécider lesqueldses
divers procédéds'acquisitiond'un territoire pourraien être
pertinents :l'occupation, la cession,ou (dansla mesureoù elles sont
reconnuesen droitinternational) l aonquête, voire même lprescription
10. L'unedes raisonsdes réticencesdu Tchadest un conflitsur ce
point à l'intérieurde ses exposés. A un endroitde son mémoire(mémoire
du Tchad,chap. V, par. 1.77,p. 254),il déclare sans équivoque que,
pendantles années 1899, 190e 2tjusqu'en1912,"c'étaitla Senoussis qui
exerçaitde tels droits[desdroitssouverains] sur la région". Il
semble assezévidentque, si les Senoussi exerçaien la souverainetél,e
territoiren'étaitpas un territoire sans maîtreet,non moins
évidemment,ne pouvaitfairel'objetd'uneoccupation.Toutefois, ce
passage estdésavoué dans le contre-mémoirdu Tchad (contre-mémoirdeu
Tchad,par. 1.31),où le Tchad affirme ql ue réalité est"plus
nuancée". Dans son contexte,le mot "nuancée"ne peut signifierici
qu'uneseule chose : la positiondu Tchadest inversée. Maintenant le
Tchad, réprimandant la Lib pourun argumentqu'ila invoquélui-même
dans son exposéantérieur,soutient que lnaotion desouveraineté était
inapplicableà toutmoment avant 1"'occupationf"rançaisedu territoire
(contre-mémoirdeu Tchad,par. 1.33;voir aussi ibid.,par. 5.15). 11 a pu se produireun déclindu pouvoirdes Senoussipendant la
première moitié de ce siècle, maisce n'était rien par comparais avec
le déclin qui semblse'êtreproduit entre 1991et 1992, les dates du
mémoire etdu contre-mémoird eu Tchad : d'entitéssouveraines qu'ils
étaient,les Senoussi sont devenus simplemu ent secte religieuse
incompétenteet fébrile !
11. Il fautadmettre que les symptômd esce déclin sont
reconnaissablemsême dansle mémoiredu Tchad,bien que ce dernier
reconnaisseen apparence les droits souverai dnes populationsdes
confins. Ainsile Tchaddéclare-t-il qu'audébutdu siècle, les confins -
.I
étaient "soumiàs l'autorité,directe ou indirecte de la Senoussia qui,
contrairementà la Sublime Porten,'avaitpas été 'admiseau bénéficedu
droitpublicde l'Europe'"(mémoiredu Tchad,chap.IV, par. 130).11 dit
de même de la Turquie que"reconnuecomme un Etatà part entière, elle
avait vocation à bénéficierdes mêmes'droits' que les autres Etats
européensau regarddu droit international prévalant alors" (méd moire
Tchad,chap. IV, par. 131). Voilà pour quelle raison,selonle Tchad,la
déclaration de 1899n'étaitpas opposable à l'Empireottoman (ibid.).
Or, il avait été reconnuet admisindirectemenq tue la déclaration
de 1899 était bien opposableaux Senoussi et aux tribus,lesquels,eux, W
n'avaientpas été admis aubénéficeduditdroit.
12. L'argumentest poussé beaucoup plu loin dans le contre-mémoire
du Tchad. En plusde rétracterla concession antérieur relativeaux
droits souveraind se la populationlocale sousl'autorité des Senoussi,
le contre-mémoire identif l'absence deterritoire sansmaître à une
thèse"libyenne" plein de "contradictione st apories"(contre-mémoirdeu
Tchad,par. 5.01-5.04). Selon le Tchad, l'avisrendu dansl'affairedu
Sahara occidentaln'estpas applicable "en dehorsdu contexte
spécifique sur lequel laCour astatué dans son avis" (contre-mémoirdeuTchad,par. 5.13),bien qu'iln'indiquepas quelétaitce contexte
spécifique.Après tout,la présenteaffaireet cetteaffaire-là se
rapportent l'uneet l'autre au statutde tribus sahariennes nomades
pendantles dernières dizaine ds'annéesdu XIX~siècle. La Cour a même
déclaréexpressément qu'elleavaitaffaireau même désert
(C.I.J. Recueil 1975,p. 41, par. 87).
13. Il y a certescertainesdifférences entre le deux affaires.
En particulier, celldeu Sahara occidentalconcernaitle sortde
l'ensemble d'un territoire ayanlte droitde disposerde lui-même
conformément au chapitreII de la Charte,tandisque la présenteespèce
porte surl'attributiod n'un territoireen litige entrdeeuxEtats
indépendants. Toutefois, dans lm aesureoù la Cour a statué surla
questiondu territoire sansmaîtreet de l'existencd ee liens dedroit
avecle Marocou avec l'ensemble mauritanien dans les années 18s 80,
décisionest directement pertinen ici. Peut-êtrele Tchad donne-t-ilà
entendre que ledroit international coutumn iertait pas le mêmaeu
Sahara orientaelt au Saharaoccidental ? Le pointessentiel que lCaour
entendait établi dans cette affaire c'étaitque ledroit international
n'estpas relatif ou régional,mais universel, qus ees règleset normes
ne sont pas déterminé par une seule culture ou une seule régi pour
influente qu'elle puisê sere,et que le droit international possède
assezde souplesse pour tenircomptede situations géographiques,
politiques et socialesdifférentes.On le voit,par exemple, dans la
manière dontelle envisage 1'Etatchérifien- c'est-à-dire le Maroc
soumis à son Sultan- commeun "Etat ... [ayant]un caractère
particulier"(C.I.J. Recueil1975, p. 44,par. 95). Dans ce contexte,
l'appeldu Tchadaux droitsqu'avaient "le .. Etatseuropéensau regard
du droitinternational prévalant alors" (mém duirehad,chap.IV,
par. 131) attestela faiblessede sacause. 14. Le Tchad, il est vrai, reconnaîtbien dansson contre-mémoire
que lespopulations autochtones avaie nes droitsexclusifssur leur
territoire(contre-mémoire du Tchad,par. 5.17). Toutefois, selon lui,
ce titrese rapportaitau droit coutumier des tribus(ibid.,
par. 5.18). Il ne procédait pasdu "droit international public en
vigueur à l'époque"(ibid.,par. 5.17). Ainsi,.lesdroits-dela .
populationautochtonesont-ilsamoindris par référenc àeleur droit
coutumier. Par définition,le droit coutumier n'étaitpas opposableaux
colonisateurs,Les droitsque la population autochtont eenaitde son
droit coutumier, des droits dontle Tchad est prêtà concéder
l'existence, n'étaientpas opposables aux Français. La concessionde
droitsterritoriaux, on le constate,n'est pas une concessiondu tout.
15. Tout cela est absolument incompatible avel'attitudede la Cour
dans l'affairedu Saharaoccidental. Le droitdont la Cour se
préoccupaiten l'occurrence étail te droitinternational.Le critère
des droitsterritoriaux des tribusautochtones tel qu'elle l'a défini
était un critèreen droitinternational.Le droit coutumier des tribus
elles-mêmes étaic tertes pertinentd,ans la mesureoù il aidait à établir
l'existence d'une organisation socialeet politiqueà l'échelonlocalet
de liens particuliere sntredes tribus déterminées. Il n'en est pas W
moins évident que la Cou ne procédait pas à l'application,ni à la mise
en oeuvre,d'une sorte dedroit coutumier tribal envisagé cot mme ou
pour lui-même, commele suggère l'argumentatio du Tchad.
16. L'analysefaitepar leTchad dela questiondu territoiresans
maître en l'affaire duSaharaoccidentalse présente,ce donton peut
s'étonner,dans la perspectivedu droit intertempore( lvoir
contre-mémoire du Tchad,par. 3.08-3.12).Je dis que l'on peut s'en
étonner car,commenous l'avonsvu, l'affaireportaitsur lamême période
de l'histoireque celle dontil s'agiten l'espèce : la fin duxlxe siècle. Rienn'indiquequ'à cet égardle droit internationa lit
changé entre 1884a,u débutde la colonisation espagnod le Sahara
occidental, et 1899ou 1913. La conférence de Berlinde 1885ne l'a
certes pas modifié, comm je le montrerai.
17. Le Tchad soutientcependantque la Cour, dansl'affairedu
Saharaoccidental n'ententaitpas-exclu~e-.p lassibilité-de
l'occupationd'un territoire sansmaître. Le Tchad évoque
"l'inexactituddee l'affirmation [libyenn se]lonlaquelledans
l'avisconsultatif concernantle Sahara occidental la Cour
aurait estiméqu'audébutdu XXe siècle,il était
juridiquementimpossible d'occuperun territoire lorsqudees
tribusqui disposaiend t'une organisation sociale et politique
s'y trouvaient"(contre-mémoirdeu Tchad,par. 3.38,voir aussi
ibid.,par. 3.09).
Le paragraphe crucial dan cetexposé estle paragraphe 3.12 du
contre-mémoire,où le Tchademploieà maintes reprises lt eerme
"occupation"et se fonde sur desconceptsantérieurs que la Cou ar
clairementrejetés dans son avis. Par la suite, le Tcha de cesse
d'employerle mot "occupation"(parexemple contre-mémoir du Tchad,
par. 3.51).
18. Certes,on trouvaitdes tracesd'uneconception plus étroitedu
droit internationa et de son applicationaux peuplesnon européens dans
la doctrineet aussi, de façonplus limitée, dans la pratiqu des Etats
européens pendanlta période1885-1935. Une autorité comme Oppenheim,
qui écrivaiten 1905,tiraitdu principe,lui-mêmedouteux, selon lequel
le droit internationa étaitune construction puremen occidentale ou
chrétienne,la conclusion qu'ils'appliquaitaux seuls Etatsoccidentaux
ou chrétiens, ouà d'autresEtatsexpressément reçuspar eux dans le
concertdes nations. Mais cette conclusion mentionnéeet invoquéepar
le Tchad (mémoiredu Tchad,par. 130) étaitun non-sequiturpur et
simple. la Courne l'a jamaisacceptée. Comme l'afaitobserver laCour
permanente, le seuelffetdu traitéde Paris de 1856 fut qu'il"élevait le rangde la Turquieen Europe" (Commissioneuropéenne duDanube,
1927, C.P.J.I. sérieB no 14, p. 40). Il n'estpas seulement
dégradant, mais historiqueme inexact,de dire que la situatio de la
Turquie endroit international fud te quelque manière établi ou
instaurée parce traité.
19. Bref, quellesqu'aientpu.être-1es.origine historiques ou
intellectuelledsu droit international- et il ne manque pasd'écrits,de
M. Ago et d'autres,pour illustrer la diversitéde ces origines - il
était parfaitemenc tapablede s'appliquer,sans autre forme de procès,
-
aux transactions et aux relationsinternationalesà l'échellemondiale. w
Telle étaitsans aucun doute la conceptiondes auteurs classique est
tellefut toujours celle de la Cour, comme danls'affairedu Droit de
passage, pourne citerqu'unexemple.
20. D'un autre côté,un étatd'espritplusmesquin etplus étroit
s'étaitrépandu dans les années1880 : s'associantà l'impérialismeet à
la mêléepour l'Afriquei ,l tentait d'utilisel r'héritageuniverseldu
droitdes gens pourses propres fins particulières.Cette"attitudequi
le prenaitd'assezhaut", comme vous l'avezappelée,Monsieurle
Président,dansun passagecitépar le Tchad,exerçaune certaine
influence (R. Y.Jennings, The Acquisition of Territory in International *
Law, 1963,p. 20, cité dansle contre-mémoird eu Tchad,par. 3.12).
En 1975,la Cour a décidé - à proposde lapériodemême quenous
envisageons - que cette"attitudequi le prenaitd'assezhaut"n'était
pas acceptéeen droit international positif. Je constate quele pointde
vue de la Cour est maintenantincorporé dans la neuvième édition
dlOppenheim(voir Oppenheim's InternationalLaw, publié sousla
directionde R.Jenningset A. Watts,9e id., 1992,vol. 1, p. 562,
note 2). 21. La première questiopnortéedevant la Cour dans cette affaire
étaitcellede savoirsi le Sahara occidentaé ltaitterranulliusau
momentde sa colonisation par l'Espagne. La Cour en a d'abord définiles
termes :
"L'expressionterra nulliusétaitun termetechnique
juridiqueemployé à proposde l'occupation en tant que l'un des
modes juridiquesreconnus d'acquisiticmde la-souverainetésur
un territoire. L'occupation étane tn droitun moyen originaire
d'acquérirpacifiquement la souverainetésur un territoire,
autrement quepar voie de cessionou de succession,l'unedes
conditionsessentielles d'uneoccupation valable étaitque le
territoireconsidéréfût une terra nullius - un territoire
sansmaître - au momentde l'actequi étaitcensé constituer
l'occupation." (c.I.J.Recueil 1975,p. 39, par. 79.)
Le point à trancher futdonc définipar la Cour comme suit :
"De l'avisde la Cour,on ne peut déterminer que le Sahara
occidental étaitterranullius au moment de la colonisation
par l'Espagnequ'enétablissant qu'à cette époquele territoire
n'appartenaità personne, en ce sens qu'ilpouvait êtreacquis
par le procédéjuridique del'occupation."(Ibid.)
22. Quel étaitalorsle critèrede terranullius, le critèrq eui
permettaitde savoir siun territoire avait ou non un maître? La Cour a
déclaré(au paragraphe 80 de l'avis) :
"Quelles qu'aienptu être les divergence s'opinionsentre
les juristes, ilressortde la pratiqueétatiquede la période
considérée que lesterritoireshabitéspar des tribusou des
peuples ayant une organisaton socia etepolitique n'étaient
pas considérés commeterra nullius. On estimait plutôten
général que lasouveraineté à leur égardne pouvaits'acquérir
unilatéralementpar l'occupation de laterranulliusen tant
que titreoriginaire, mais au moyen d'accordsconclusavec les
chefslocaux." (Ibid.)
23. Appliquantce critère,elle a ensuitedécidé à l'unanimité que
le territoiredu Saharaoccidental n'était pas une terranulliusainsi
définie(ibid.,par. 81).
24. Cet aspectde l'affaire appelluen certain nombre
d'observations.la premièreest que la Cour arejeté sommairement les
divers avis de "certains juristeso"u, selonl'expressionutiliséepar
M. Dillarddans son opinion individuelle, certaines "divergences
doctrinales au sujet de serres faiblement peuplée( s"bid.,par. 124). Les divergences doctrinalr essultaientde l'idéeque l'on
faisait circules relonlaquelle le droit internatioé naalitle refletdu
concertdes nations européenne et les droits territorianux pouvaient
être exercés qup ear des Etatseuropéensou par leur intermédiaire.Mais
les idéesde ce genre,sur lesquelles le Tchad semblese fonder,furent
rejetées par la Cou de façonpéremptoire.
25. La secondeconsidératiosne rapporte à la questionde la
conclusion de traitéspar les tribus. Il est vrai quel'Espagne, ainsi
que la Cour l'a faitobserver, n'avaitpas traité le territoire comme
mais avait conclu une sérd ieaccordsavec les
n'appartenant à personne, 'I
tribus. Cela était assurément pertinent pc ourfirmerla conclusionde
la Coursur la question du statut juridiqudeu territoire. Il ne pouvait
pourtants'agir là d'unequestion décisive en principe, au sens où une
décision différent de l'Espagne aurait faitdu territoire uneterra
nullius aprèstout. Bien que la reconnaissanceet la pratiquedlEtats
tiers soient pertinentp esur les questionsde statut juridique, la
décision négativd e'un seul Etatne saurait être déterminante Dans ces
conditions, si l'Espagneavaitdécidé de s'empare du territoire par la
forcedes armes au lieu de négocier,ellen'aurait pu soutenir qs uea
conduitese réduisaità l'occupation d'un territoiresansmaître. Les
droitsdes tribus socialemen tt politiquemenorganisées sur leur
territoiren'étaientpas reconnus en droit internationalà seule finde
permettreà ces tribusde renoncerà leursdroits.
26. La troisièmeconsidérationà formulerau sujetde la décision
consiste à faireressortirl'opposition entrela conclusion claireet
sans ambiguïtétirépar une Courunanimeet le traitement évasi et
taciturne quelui applique le Tchade,n particulierdans son
contre-mémoireo,ù le Tchadaccusela Libye"d'inexactitudeq "uand il
affirme quela Cour a exclu la possibilitd'uneoccupation au sensjuridiquepour un territoirequi n'était pasterra nullius
(contre-mémoirdeu Tchad,par. 3.38). Il ressortd'unesimple lecture
que c'est là précisémentce qu'a faitla Cour,et on peut donc dire que
toutel'inexactitude est imputable au Tchad. Pourtant,sans s'y arrêter,
le Tchad mentionne ensuite toutdu long l'acquisitio des confinspar la
France comme une "occupation".Il le-fait, à.llenZendre-,pour.deux
raisons,l'unegénérale et l'autreparticulière (contre-mémoirdeu Tchad,
par. 3.12). La raison généralec ,'estle droitintertemporel.Cela
revient à considérer qulea Cours'estpurementet simplement trompée sur
le droit en vigueur dans une autr partiedu même désertet presque
pendantla même période. La seconde raisons ,elonle Tchad,c'estque
"la France avait occupétoutle territoire" (lesitaliques sont ici du
Tchad). Or si le Tchadse sertdu terme "occupée "n un sensgénéralet
non "technique" -le sens général et "nontechnique" indiquépar la Cour
au paragraphe 40de l'avisrendu dansl'affaire du Saharaoccidental -
il laisseen suspenstoutesles questionsqui concernent la légalitl é,
validitéet l'étendue de cette"occupation".D'un autre côté si, comme
cela semble plus probable,Tl chadse sertde ce terme dans son sens
propreet technique, alors une fois p lus il méconnaît oucontreditla
décisionde la Cour,et celasans mêmeavoir envers la Courla courtoisie
d'expliquer pourquoi.
27. Il y a une autre explicatio-nbien que le Tchadn'aitpas osé,
jusqu'ici,invoquerun tel argument - qui estqu'en 1913, les confins
sont redevenuusn territoire sans maîtr lorsdu retraitottoman. Les
revendications françaisa estérieuressur le Soudan contenaientdes
élémentsd'unetelleidée. Quandles adeptesdu Mahdiprirentla vallée
méridionaledu Nil, la position française futque le territoireen
questionétaitdevenuun territoire sansmaître. C'estexactement ce que
le capitaine Marchan dit au généralKitchener lorsde leurrencontre célèbreet apparemment bienimbibéeà Fachoda. Le Soudanétait
"abandonnépar1'Egypteet donc sans propriétair en droit",déclara-t-il
(dépêchede Marchand,Le Figaro,20 novembre 1898, cité dans
T. Pakenham,The Scramblefor Africa(1991),p. 548). Là se
manifestait une foisde plus l'idéediscréditéeselonlaquellela
civilisationeuropéenne étaiutne conditiopréalable.dela souveraineté.
28. La positionest la suivante:un territoireune fois occupépar
une société organisé ne pouvaitdevenirun territoiresansmaître que
par abandon et,toutcommel'abandon de la souverainetn'étaitpas
présumé,de même on ne présumaitpas qu'unterritoirefût devenueun
w
territoire sansmaître. Etant donné qunei la reconnaissanc ee la part
du concertdes nations européennes ni la "civilisation"'étaient
requisespour qu'unterritoire ne fût pas un territoirsansmaître,
l'instauratiodnu pouvoirsur un territoirepar la populationindigène
qui expulsaitune puissance européennne pouvaitavoir poureffetde
fairedu territoireun territoiresansmaître. Aplus forte raison en
allait-ilde même du tranfertdu titred'un "Etatcivilisé"(l'Empire
ottoman) à un autre(l'Italie).Rienne justifie donc l'idéeque les
confins devinrenutn territoiresans maître aprèlse retrait ottoman
en 1913.
29. Jusqu'icij'ai supposé qu'iétaitimprobable que la Cour juge
que lesconfinsen droitun territoire sansmaître. Après tout, ils
partageaientnombre descaractéristique du Sahara occidentalen termes
à la fois géographiqueet humains. Les faitsdans la présentienstance
ont déjà étéesquissés parmon collègueM. Maghur. Si on appliquele
critèrede l'organisatiosnocialeet politique, il est toutà fait
évidentque lesconfinsn'étaientpas un territoire sansmaîtreen 1912,
ni d'aillleursen 1899. Je feraisimplement observer que lzaouiadeBir Alali contenaitune bibliothèque de 700 volumes, chiffre appréciable
pour l'époque. Une bibliothèqun e'estpas quelque chose qu'on
s'attendrait à trouverdansun territoire sansmaître.
L'audience est suspendue de 11 25 à 11 h45
Le PRESIDENT :Veuillez vous asseoir. MonsieurCraw.ford.
M. CRAWFORD :
2) Le statut juridique de "sphèresd'influence"
30. Monsieur le PrésidenM t,ssieursde la Cour, avantla suspension
d'audience, je discutais de lparemièredes trois considérations
juridiques à propos desquelle ses Partiessonten désaccordsur le droit
d'avant 1919, à savoirle critère àappliquer pour déterminersi un
territoire est terra nullius. Je passe maintenanàt une deuxième
questionau sujetde laquelleil y a d'importanted sifférencesentreles
Parties : je veuxparlerdu statutjuridique des sphère d'influence.
31. A dire vrai,il existe bienun certainaccordsur cepoint. Le
Tchadne soutient pas qul ea déclaratiodne 1899ait eu pour effet
d'instaurer une frontière territoriasluer-le-champ. Il reconnaîtqueles
accordsétablissant des sphèresd'influence ''neremettaienten principe
pas en question les droit appartenantaux dirigeantsindigènes" (mémoire
du Tchad,chap. II, par. 55),même si, nous l'avonsvu, il considère
maintenantces droitscommede toutefaçon inexistant par définition.
Il admet qu'unaccordrelatif aux sphère d'influencesoitpour les Etats
tiers res inter alios acta(contre-mémoirdeu Tchad,par. 8.13). Dans
cette mesure trèlsimitée,les Parties sond t'accord.
32. D'un autrecôté,le Tchadsupposemanifestement qu'unaccord
délimitantdes sphèresd'influence produi un certaineffetobjectif,car
il dit : "Quanddes Etats, dans un traité,se sontmis d'accord
pour établirun tracé entre leurs sphèresd'influence
respectives ...il s'ensuitque cetracé prend les
caractéristiqued s'unefrontière internationale qul andtitre
de souverainetésur le territoired,ans un sensplus général,
est établi... [L]etitrejuridique par rapportà la frontière
même est celuidéterminépar les traitésen question."
(Mémoiredu Tchad,chap.II, par. 11.)
Si le sens detoutcela,c'estque lorsqu'un Etatvise un territoire pour
l'acquérir par voied'accordavecun autre Etatet l'acquiert
effectivement, alors l territoire ainsaicquisest le territoire visé,
il s'agitd'un truisme. Toutefois, semble-t-il, le Tchads'efforce
d'attribuer une certaine valeujruridiqueà l'opérationqui consisteà -
prendrele territoire pour objectif, cequi est toutautrechose. Car il W
dit : "la présenceeffective de la Franceconstituele signeque la
ligne définie par les accords...constituait bienune frontière
internationale" (mémoi rueTchad,chap.II, par. 37, les italiquessont
de nous). Selonlui, leseffectivités et l'acquiescemenutltérieurs
n'ont qu'un effet :ils "confirmenl t'existencde cedroit",autrement
dit de cetitrejuridiquepré-existant (ibid.). Voilàpour quelle
raison il affirme que la Déclaration 1899 avait"unevaleur juridique
en [elle-même]"(mémoiredu Tchad,chap.IV, par. 238).
33. Bref, selon leTchad,un accord établissan des sphères
d'influence crée "untitre imparfait("répliquedu Tchad,par. 4.22) :
imparfaitpeut-être, mais un titretoutde même. L'acquisition
ultérieuredu territoire ne fait queconfirmer cetitre(cf.mémoiredu
Tchad,chap.V, par. 127,par. 181; contre-mémoird eu Tchad,par. 9.02).
34.En d'autrestermes,selonla thèsedu Tchad, une zone
d'influence délimite un frontière territoriaelte est un statut
territorial manqueét manqué seulementà titretemporaire.Lareconnaissancepar un Etat tierstransforme la zone enun droit
territorial, du moinsvis-à-visde cet Etat, et prévautsur tout droitou
toute réclamatiod n'ordreterritorial éventuelde cet Etat(mémoiredu
Tchad,chap.IV, par. 121; contre-mémoird eu Tchad,par. 3.38).
35. De même, c'estparce que cesdroitsconventionnels lui
semblaient revêtud s'unesortedf-e~~stence-object ive le Tchada pu
soutenirqu'ilsétaientappelésà prévaloirsur l'acquisition ultérieure
du titresur ceterritoire parl'Italiequandelle succéda à l'Empire
ottomanpour ses territoires libyen(srépliquedu Tchad,par. 2.59).
36. Le Tchad est si obsédépar cette conceptionuasi-territoriale
des sphèresd'influence que, tout en reconnaissanl'absencede
réciprocité qui caractéril searticle3 de la Déclaratiodne 1899
(contre-mémoirdeu Tchad,par. 8.20),il persisteà parler dela
reconnaissance"implicite" d'unz eone britannique, ainsque del'abandon
ou de la cession dutriangledu Sarrapar les Britanniques au profitde
l'Italieen 1934(ibid.,par. 8.21;voir aussiibid.,par. 8.64,8.74
("sespropresdroits");mémoiredu Tchad,chap. 1, par. 24). Selonce
pointde vue, l'Italiea effectivement succédéà la Grande-Bretagndeans
cet important secteu en 1934 (mémoiredu Tchad,chap. IV,par. 207).
Sans doutele Tchada-t-ilbesoind'inventer une zonebritannique de
l'autrecôté dela lignede 1899 pourdéfendrela thèseselonlaquellele
territoiresitué del'autrecôtéde laligne,du côté britanniqud ee la
ligne,n'étaitpas ottomanou italien, mais britanniquo e, dumoins -
d'aprèsla conceptiontchadienne des sphèresd'influence- virtuellement
britannique.La conséquence remarquabls e,lonce raisonnemente,st que
la ligne étaitune frontière internationaeletrela Grande-Bretagne et
la France, lesparties auxaccords de 1899et 1919 (répliquedu Tchad,
par. 4.21). L'on dit parfois, Monsieulre Président,que c'estparinadvertance que l Royaume-Uni a acquisson Empire,et nous semblons
nous trouverici en présencede l'exemplele plus frappant de ce
phénomène.
37. Dans cetteperspective de l'inflationtchadiennedu conceptde
sphèresd'influence, on est un peu soulagéde passerau droit. Le point
essentiel, c'estque l'expression"accord-de-sphèresd'influence", comme
nombred'autrestermesqui ont pris corps au tempsde la colonisation
occidentale, présent un caractèredescriptif et ne désigne pasun statut
juridiquedistinct. On peut en dire autant, par exemple,du
protectorat.Il ne s'agitpas de savoircommentdéfinir un "accordde
sphèresd'influence" mais plutôtde déterminer les effetsde l'actedont
il s'agit. Dans le contexteactuel,il s'agitde savoir quelles sont les
clausesdu traitépertinentet quels sont ses effets commetraité.
38. Aussiun accordde sphèresd'influence n'est-i que cela :un
traité,comme la Cour l'c alairement indiqu dans l'affairedu Sahara
occidental, danusn passage que le Tcha n'a pas non plus cité. La Cour
avait été invitéeà prendreen considératio nn certain nombred'accords
de cegenre conclus par l'Espagne,la Franceet l'Allemagne et relatifs
au Maroc. Une des caractéristique des accordsde sphèresd'influence,
c'estqu'ilsse rapportent au territoired'unetiercepartie. Par une
étrange ironie, dan cetteaffaire, les accords étaient invoqu pasr la
victime,le Maroc, carils indiquaienl t'étenduedu territoire alors
reconnu comme luaippartenant.La Courn'a pas accueillicet argument.
Commele déclare leparagraphe 126 de l'avis :
"Cesaccordsn'ontqu'unevaleurrestreinte ... car leur
but n'étaitni de reconnaîtreune souveraineteéxistantesur un
territoireni d'ennier l'existence.Ils avaientplutôt pour
but, dans descontextesdivers,de reconnaître ou de réserverà
l'unedes parties ouaux deux une zoned'influence, au sensoù
l'entendaitla pratiquede l'époque. Autrement dit, une partie
accordaità l'autrela liberté d'action dans certair nesions
bien définies, osu'engageaità ne pas intervenir dans une
région que l'autrreevendiquait. De tels accordsétaientde
natureessentiellemenc tontractuelle."(C.I.J.Recueil 1975,
p. 56.) 39. Le rejet parla Courdes sphères d'influence com" meenature
essentiellemenc tontractuellen'' constitueen rien une rationalisation
rétrospective d'un phénomènedéplaisant. Il exprime la meilleure
interprétation donnépar les puissancescoloniales elles-mêmesà
l'époque. C'estce que sir Eric Beckett,alors deuxièmeconseiller
juridique auprèd suForeign Officebritannique, déclara ausujet des
accordsde sphèresd'influence dansun mémorandum du 29 août 1934:
"En droitinternationall ,es sphèresd'influence,quelle
que puisse êtreleur importancepolitique, ne signifient rien
du tout. Si un Etat admetqu'ilne possède pasla souveraineté
de sa sphèred'influence, alors,mis à part les obligations
conventionnelles lian telleou telle puissancqeui se sont
engagées à ne pas pénétrerdans ladite sphèrde'influence...
n'importequellepuissancepeutpénétrerdans ce territoire et
prendredes mesures en vue de s'enrendresouverain."
(Contre-mémoirdee la Libye,pièce12.)
40. Bref, lesaccordsde sphèresd'influence n'étaien riende plus
que des arrangementsconventionnels conclus ent dreuxEtatset régispar
le droitdes traités : ils n'étaienten aucunsens desarrangements
territoriaux régispar le droitdu statut territorial.Cette façon
simple, mais suffisantd e, les envisager permedte répondreà touteune
gammede questions, par ailleurs difficilesà leursujet.
41. Pour commencerpar la question laplus simple,quel était
l'effetjuridique des accordsde sphères d'influence? La réponseest
qu'ilsétaient purement bilatéra etxne donnaientnaissance à aucun
droitterritorial queq lu'ilfût. Il estnécessaire d'y insister,ne
serait-cequ'à cause de la diversitédes formules utilisée par le Tchad
pour essayerde susciterl'apparition d'unesortede statut juridique
issude la déclaration de 189 et de l'accordde 1919. En particulier,
un accordde sphèresd'influence n'avait pas poureffetde dispenser
1'Etatintéressé de seconformer aux exigencesdu droitinternational
relativesà l'acquisitiod ne territoire.Un accordde sphères
d'influencene modifiaitpas ledroitapplicable à l'acquisitionde territoire,Il ne donnait pas naissanc àeun commencementde titre,
commele faisaitpeut-êtrela découverte d'un territoire inhabité dans
les sièclesantérieurs. Il produisaitun effetpurement négatie ft
essentiellement politique :s'il était exécutéi,l éliminait un rival
éventuel.
42. Cela ressort mêmdees meilleurseffor-tdséployésgar-leTchad
pour conférer une certaine teneujruridique à "l'institution " comme
l'appellele Tchad - des sphèresd'influence. Il dit par exemple :
"le droit applicabla eux zonesd'influence étai ... bien
fixé : si leur reconnaissanc ne constituaitpas un titre
territorial opposabl aux tiers, ellesn'étaientpas moins,
dans l'immensemajorité des cas, le préludeà l'établissement,
de part et d'autrede la ligne convenued ,e la domination
coloniale des puissancessignataires" (contre-mémoirdeu Tchad,
par. 8.15).
Toutefois,la proposition selon laqueld letels accords étaientle
prélude à une dominationcoloniale ne constitue en rieunne proposition
juridique. Le préluden'étaitqu'unactepréliminaire et essentiellement
dépourvud'effetjuridiqueintrinsèque vis-à-visdu territoire lui-même.
De même, danssa réplique,le Tchad concède :"qu'un traité établissant
une sphère d'influencene créait pas un titresuffisantà la souveraineté
et constituait un simple'pas'vers celle-ci"(réplique du Tchad,
par. 4.08). Mais un "pas"n'estpas davantage une institution juridique W
que ne l'estun "prélude".La véritéest que le Tchadest en train
d'inventersubrepticement unt eelleinstitution, une instituti qouin'a
jamaisété reconnue ouconfirméeen termes distinctp sar le droit
international.
43. Une deuxième questiosne pose. Quel serait l'effet juridique de
la reconnaissancde'un accord concernan une sphère d'influencepar un
Etats tiers intéressé La question suppose l'amalga me deuxconcepts
problématiques- "sphèresd'influencew et "reconnaissance"L .a
reconnaissanceest simplement l'acte - qui peutprendre diversesformes - par lequelun Etat accepte une situatid onnnée. Ce que peuvent
êtreles conséquences juridiqud es cet acte,au moment considéré o par
la suite, dépendra decsirconstancedse l'espèceet des termes utilisés
par les parties. Ici commeailleurs,la "reconnaissancen "'a aucuneffet
magique. Mais, dans la mesure où les généralisations sont possibles, on
peutdire ceci :la reconnaissanceb,ien qu'-elle.puissrzndre.n statut
ou une situation juridique opposable son auteur,ne modifie pas cette
situation, ne fait pasqu'unechosequi est d'unecertaine nature
devienne une chosd e'uneautrenature. En particulier, la reconnaissance
par un Etat tiersd'unesphèred'influence ne fait pasde la sphère
d'influence quelque chosequ'ellen'estpas, commepar exempleun titre
territorial.
44. Et il y a ensuite unetroisièmequestion. Quel auraitété
l'effet juridique d'un infractionà un accord concernan tne sphère
d'influence, pouc re qui est du titr? Par exemple,si un Etat avait
acquisun territoire du mauvais côtéde la ligned'un accordde sphère
d'influence auquel ilétait partieou qu'ilauraitreconnue,quel aurait
alorsété l'effetjuridique ? La réponseest claire.Etant donné que
l'accordde sphèred'influence constitue simplementune obligation
conventionnelle bilatéral lea,réponseestnécessairement qu'unetelle
acquisition,par un Etat,nonobstant le faitqu'elle constituerau ite
infraction au traité produirait juridiquement efa fetregardde
l'ensembledu monde. A l'égardde l'autreEtat partie, l'acquisition
pourraitêtre une infractionà un traité quipourrait appeleurne
réparation, ouà laquelleil pourraitêtreremédiépar une reconnaissance
de lapart de 1'Etatlésé,ou encore qui pourrai simplement être
ignorée. Cependant, toutcommeun Etatne perdpas la souveraineté sur
un territoireen violantune obligation conventionnelle bilatérale concernant ce territoir e,même il ne cesse pasd'acquérir un
territoiredu faitque son acquisitionest contraireà un traité
bilatéral.
45. Pour résumer cette partide mon argumentationl,es accords de
sphèresd'influence étaientsimplement des arrangements entre
colonisateurs potentieq lsi-pouvaientfaire naltredes-obligationesntre
les partiesmais qui, intrinsèquemenn t,avaientpas d'effet juridique
objectifet quine pouvaient pas eux-mêmes donner naissanceà des titres
territoriaux.En outre, ilsne constituent pau sne catégorie juridique
distincte. Les effets juridiques précq is'ilsavaient, entreles
partiesou à l'égardd'unEtat tiers qui les auraient reconnus,
dépendaient toujour des termesde l'accordou de lareconnaissance,
considérés à la lumièreà la foisdu droitdes traitéset du droit du
statut territorial et ils étaientessentiellement étrangersàce dernier.
46. Au coursde l'examende ce problèmej'ai pris pourhypothèse,
pour les besoinsde l'argumentationq,ue l'article3 de ladéclaration
de 1899 créaitun accordde sphèred'influence dans le sens oùj'ai
utiliséce terme. Certes,le Tchaden parle comme d'un exempc leassique
des accords dece ''typew(mémoiredu Tchad,chap.II, p. 60, par. 54).
Mais, là encore,son argumentation souffr de ce queje peux seulement
appelerun colonialisme latent,de la propensionà voir dans chaqueacte,
dans chaque transaction,la confirmationde revendications coloniales
même si ces dernièresn'avaientaucunrapport avec la réalité. Comme
M. Sohierl'a montré,l'article 3 de la déclarationde 1899étaitun
arrangement trèpsarticulier. Il a pris la forme d'unestipulation
négativeet unilatérale, qui manifestemn entréglait en aucun sens le
sortd'un territoire.Ainsila ligne del'article 3 ne créait-ellemême
pas une sphèred'influence "àproprement parler -"à supposer quel'on
puisse parler proprement d'unsphèred'influence - et ellene saurait
avoirles effets important que le Tchadlui attribue.3) Le critèrede la souveraineté sur deszonesdésertiques : l'autorité
et l'allégeance
47. Je vais maintenanttraiterdu troisièmeet sans aucun doute du
plus importantdes problèmesjuridiques qui se posenten ce qui concerne
le droitdes titresterritoriaux avant 1919 Le problèmeest le
suivant : quel est, en droiitnternationall,e critère de l'acquisition
de souveraineté, parun Etat, sur des zones telles que les con fins
Pour les besoind se cet examen,je prendspourhypothèse que les zones
n'étaient pas, à l'époqueconsidérée,un territoire sansmaîtreet que
leur statut juridiqu n'a pas été affecté palra déclarationde 1899.
48. Je le répète,sur ce problèmeles arguments présenté par le
Tchadse distinguent par leur illogismeet par ce qu'ilscomportent de
réticences.Ayant initialement attrib des droits souverains sur les
confinsaux Senoussi(mémoire du Tchad,chap. 1, par. 177),le Tchad
opère ensuiteune volte-face - ce qu'ilappellelui-mêmeun replisur une
position"plusnuancée" - et il soutientque toute la notionde
souveraineté était inapplicableà l'époquequi a précédél'"occupation"
française(contre-mémoird eu Tchad,par. 1.33).
49. Selonle Tchad,l'ordresenoussine pouvaitpas posséder"un
titrejuridiqueinternational - autrementdit, des droitdse
souveraineté -sur le territoire don il est question" (contre-mémoirdeu
Tchad,par. 5.136),la raisonétantque lesentitésnon étatiques ne
pouvaientalorsposséderaucundroitau regarddu droitinternational
(ibid., par5 ..137, 5.139,5.164-5.165),à la différencede ce que
pouvaitêtre la situatioa nu regardde leur propre droi ctoutumier
(ibid.,par. 5.167et suiv.). Le Tchads'efforce d'exorciserle
spectre des droits des Senousc si, les reconnaîtrseerait négliger
totalement "lesdroits souveraina scquispar la Franceen conformité avec
les règlesdu droit internationa eln vigueurà l'époque,aussi
critiquablesque celles-ci paraissentaujourd'hui" (contre-mémoirdeuTchad,par. 5.191). Cet argument a tendance àoublierun point
important, à savoir quele problèmemême qui se pose dans laprésente
affaireest celui de savoir si les droits souverai desla France surla
totalitéou sur unepartiedes confinsont été "acquis... en conformité
avec les règlesdu droitinternational en vigueurà l'époque", et que,
pour trancher sur ce problème, iest impossibldee--néglige re rôledes
Senoussi. L'argumentdu Tchadrenverse précisémen le problème, comme si
les Senoussi étaientarrivés après les Français.
50. Et danssa répliquele Tchadva plus loin,écartantles Senoussi
d'un reversde la mainmais sans une larme. Il dit seulemenqu'"ilne
1
paraîtpas utilede revenirà ce stade"sur cette ancienne entité
souveraine(réplique du Tchad,par. 2.27).
51. De la même façon, letsribuselles-mêmesn'avaientpas de droits
pertinents :dansun mondecirconscrit aux Etats souverainsd,e simples
tribusne pouvaientpas du toutavoirde "droitssouverains
- c'est-à-direde droitsrelevantdu droit international public"
(contre-mémoird eu Tchad,par. 5.183). De toutemanière, les droit ses
peuples autochtones, sell onTchad, sont "un sujet,en soi,non dépourvu
de controverses"(contre-mémoirdeu Tchad,par. 5.181),et il passe
allègrementsous silence un point important, savoir que leproblèmeest V
ici le droitd'unpeuple autochton eses propres terres avant la
colonisation,et non la situationd'un reliquatautochtone dont lsetatut
indépendantet les droitsont déjà été perdus.
52. Quantà l'Empireottoman,son sort n'estpas meilleur.Selon le
Tchad, l'influencede la Turquie dans les confiansant1908était"fort
ténue - si même elle enavaitune". Et cette influences,i elle existe,
"ne s'apparenteen aucune manièràe une quelconque souveraineté
territoriale"(mémoiredu Tchad,chap.IV, par. 130). Après 1908, admet
le Tchaddu bout des lèvres, la position des Ottoma s'estaméliorée,mais pasde beaucoup. Le Tchadreconnaîtque la présence ottomane dans
les confins auraitpu conduireà une acquisitionde souveraineté
(mémoiredu Tchad,par. 135) et que l'Empireottoman, à la différencedes
tribus senoussi, aurait b punéficierdu droit internationaeln vigueurà
l'époque. Mais le problèmeest maintenantque la présence ottomaaneété
trop éphémère (ibid., par1.37).
53. Bref,le Tchadparaîtsoutenir qu'étantdonnéqu'aucune des
trois parties intéressées,l'Empireottoman,les Senoussiet les tribus,
n'exerçaitelle-mêmetoutela gammedes pouvoirsau regard dudroit
international(et en fait deuxd'entreelles,par définition, n'auraient
pas pu lefaire),il n'existaiten droitinternational aucundroitsur le
territoire.Cette stratégie argumentai poeurrait êtrerésumée par la
devise"diviser pour vaincre"- sansdoutele Tchad préférerait-i dire
"diviser pouroccuper".
54. Tournons-vous maintenant vers le da roiticable.On part de
la proposition fondamenta seelonlaquelle- selonles termes de la Cour
permanentedans l'affairedu Groenlandoriental
"uneprétention de souveraineté fondéenon pas sur quelque
acte outitre particuliet rel qu'untraitéde cession, mais
simplementsur un exercicecontinud'autorité, impliquedeux
élémentsdont l'existence,pour chacun,doit êtredémontrée:
l'intentionet la volonté d'agiren qualitéde souverain,et
quelque manifestation oexerciceeffectifde cette autorité"
(C.P.J.I.série A/B no 53, p. 45-46).
Cettedéclaration, évidemmenc t,ncernaitun différendportantsur
l'acquisitionde souverainetépar des moyensessentiellement pacifiques
sur un territoirenon revendiqué paurn quelconqueautreEtat. En ce qui
concerneles confinsavant1913,c'étaitlà la situation de
l'Empireottoman,pas celle de la France. En ce qui concerne la
situation après1913,la Francen'étaitpas un occupant pacifique ,t
elles'est trouvée à toutmomenten opposition à la revendicationde
l'Italieen tantque successeud re l'Empireottoman. 55. Néanmoins, sur ce problème,je doisune foisde plus relever
certains points d'ententeentre lesParties. Premièrement,nous sommes
en droit, entre
d'accordpour direqu'il y a une distinction,
l'acquisition et la pertede la souveraineté territoriale. L'acquisition
de la souveraineté territoriad leit être démontrée ente se présume
pas. En particulier, elln ee se-présumepas à partirde la simple
existenced'accordsentre Etatstiers,telsque desaccordsde sphères
d'influence (voirC.I.J. Recueil 1975, p. 49 et suiv.). En revanche,
une foisla souveraineté territorialeacquise,on présumequ'ellen'a pas
été abandonnée : des absences temporaire (parexempleen périodede WV
conflitarmé oude guerrecivile)n'aboutissent pa ds'emblée aurésultat
que l'anciensouveraina été déplacé. Le deuxièmepoint d'entente est le
suivant : il n'y a aucune norme stricte o invariabled'administration
territoriale pour détermineq rui estle souverain territoria àlun moment
donné. Le droitinternational tien comptede circonstances diverses.
Si un différend surgit au sujetdu titre,le problème qus ie pose est de
savoir lequel des deuxprétendants potientelsle as meilleursarguments.
Et troisièmement, il faup t,urjuger des revendicatiod nes souveraineté,
garder présentes à l'espritla naturedu terrain ainsi que les
adaptations au terrai et au climatnécessairement accomplip esr la
population local( evoirC.I.J. Recueil 2975, p. 41, par. 87).
56. Sur ces trois points, l Tchadet la Libye sont d'accord : il
appartiendra à mon collègueM. Dolzerde montrerde quelle manière ils
concernaient les confinsà l'époquepertinente, c'est-à-dire, pour ce qui
nous intéresse actuellement, p lariode immédiatemea nttérieure à 1913.
57. Mais cela soulève la questi densavoirquel estle critèrequi
doit êtreappliquépourdéterminer la validité juridiqudee
revendicationd se souverainetésur un territoire teqlue lesconfins. Ce
problèmeétait implicitd eans la deuxième question poséeà la Courparl'Assemblée générale dansl'affairedu Saharaoccidental.Toutefois,
l'analyse que fait le Tchadcd etaspectde la décision, comme du
premierproblème,celuiqui concerne la terra nullius,est
superficielle (voircontre-mémoirdeu Tchad,par. 5.185-5.193, en
particulier par. 5.192). Le Tchad affirmeque l'affairen'a nullement
valeurde doctrine juridique générale--!!Getavie.-ne-vauque-pour le
contexte historique spécifique sur leque poile" (Contre-mémoird eu
Tchad,par. 5.186.) Mais de toutemanière,selonle Tchad,invoquer
l'affaire ne serviraitpas la Libye ici. La raisonest la suivante :
"L'existenced'un lien juridiqued'allégeance entr ee
sultandu Marocet quelques-unes des tribus occupant le
territoire,et une démonstration manifesd tel'autorité du
sultan surces tribus n'ontpas étéjugées[parla Cour]
suffisantespour fonder un lien juridique de souveraineté
territoriale.Mais mêmesi l'onreconnaissait l'existen ce
liensquelconques entreles tribus indigènesdu BET et les
senoussistes,il fautnoterque laLibyen'estpas dans une
positioncomparable à celledu Marocdans l'affairedu Sahara
occidental." (Contre-mémod irTchad,par. 5.192;réaffirmé
sansautreprécision dans la réplique du Tchad,par. 4.19.)
58. Il est utile d'analyser les raisons p lesrquellesla Cour
internationaldee Justicea rejeté l'affirmatio du Marocselonlaquelle
il exerçait lasouveraineté sur le Sahara occidentalvant1884,utilene
serait-ce que parc que le Tchad,dans le passage qujee viens de citer,
énonceet comprendces raisonsde façonforterronée.
59. Tout d'abord,les affirmationsdu Maroc étaientfondées
essentiellemenstur la "possessionimmémoriale"(C.I.J.Recueil1975,
p. 42, par. go),mais cetteprétention, a estimé laCour,était fondée
sur desélémentsde preuve"équivoques" (ibid.).
60.Les principales manifestations inter deel'autoritédu Maroc
sur le territoiredécoulaient,alléguait leMaroc,d'''élément prouvant
l'allégeancede caïdssahariensenvers leSultan..."
(C.I.J.Recueil1975,p. 45, par. 99). 11 importe de releveq rue la
Courn'a pas rejeté l'argument fon sur l'allégeance.Loin de là : elleavaitprécédemment admisexpressément que le caractèrpearticulierde
1'Etatchérifien devaiê ttrepris en considération
(C.I.J.Recueil1975,p. 43-44,par. 94). Dans ce contexte,elle a
faitobserver que cettp earticularité
"tenait à ce qu'ilétait fondé surle lien religieuxde l'Islam
qui unissait lespopulationset sur l'allégeancede diverses
tribusau Sultan,par l'intermédiaird ee leurscaïdsou de
leurs cheikhs, plus que sl urnotion deterritoire.Or, des
liens religieux communs oé ntidemmenexisté dans biednes
régionsdu mondesansque cela implique un lienjuridique de
souverainetéou de subordinationà un souverain... les liens
politiquesd'allégeanceà un souverain ...[doivent]
incontestablemen ttre effecti[fs]et se manifesterpar des
actes témoignandte l'acceptatiodne l'autoritépolitiquedu
souverain, pourpouvoir êtreconsidérés commeun signede sa
souveraineté.Autrement, il n'y a pas de manifestatioou
d'exerciceauthentiquede l'autorité étatique."
(C.I.J.Recueil 1975, p. 44, par. 95.)
61. On notera que la distinction q ueitla Couren l'occurrence
n'est pas une distinction ent l'allégeance,d'une part,et l'autorité
politiqueeffective, de l'autre. C'estune distinction entre d'un côté,
l'allégeancequi se manifeste dansl'acceptatiodn'une autoritépolitique
et, de l'autre, l'allégeand ce caractèrspirituelou religieux qui
n'estpas associée à une forme ou uneautrede subordinatiop nolitique
ou à l'acceptationde l'autoritépolitique. Sans aucun doute, les
adeptesd'unereligionpeuventêtreassujettis à des exigences
particulières,s'ajoutant àl'allégeancequi découledu fait d'appartenir
à un Etat donné. Toutefois,la Cour internationad leJusticen'est pas
un tribunalde conscience liéà une tradition religieuse donnée.Ce qui
l'intéresse, c'es l'exerciceeffectifde l'autorité politique,y compris
à traversl'allégeance d'un peuple oud'ungroupe à l'égard d'une
autoritésupérieure. Nul doute que l'existendcerespect oude
l'attachement religiep uxut être pourun peupleou un groupe une raison
d'accepterl'autorité d'un supérieur.Mais cequi importe,c'est
l'acceptation,et la manifestatiodne cetteacceptation. 62. Et c'estprécisément cettaecceptation,et sa manifestation,que
le Marocn'a pas pu suffisamment démontr erns l'affaire duSahara
occidental. Ce n'estpas, commele Tchadl'affirmedans le passageque
d'ai déjà cité (contre-mémoirdeu Tchad,par. 5.192),que l'existence
d'un lien juridiqued'allégeanceentrele Sultandu Maroc et les membres
des tribus, combinéeavec-unedémnstrationmanifestede l'autoritédu
Sultan surles tribus,ait étéjugée parla Cour insuffisante pour
établirla souveraineté. C'estque l'on n'apas prouvéqu'ilexistait,
tout aumoins qu'ilexistaitdansune mesure importante, un lien
juridiqued'allégeance et une démonstratiod'autorité manifeste. En
substance, laCour a admis l'argumentde l'Espagneselonlequelles
preuves documentaire et autresde l'autoritédu Sultanconcernaient des
zonesdu Maroc méridional lui-même,et non le territoire en litig(voir
C.I.J.Recueil 1975, p. 46, par. 100;p. 47-48,par. 104-105). Les
expéditions lancéepsar le Sultanen directionde la zoneet invoquées
par le Marocn'avaientpas atteint cettz eone (ibid.,p. 46,
par. 100-101;p. 47-48,par. 104). La désignation de caïdsauraitété
pertinente, maislà encoreles nominations invoquées concernaient
seulementdes zonessituées à l'intérieur du Maroc lui-même(ibid.,
p. 47, par. 103). Ce n'est pas quel'allégeancedes tribusn'aurait pas
été à prendreen considérationpour la prétentiondu Sultanà exercer
l'autorité :la Cour aestiméqu'iln'y avait"aucunepreuve
convaincante"de cetteallégeance.
63. En fait,c'estprécisément parce qu'i existaitdes éléments
tendant àprouverl'allégeance de certaines des tribudsu territoire
(quoiquepas les plus importantes)que laCour a puconsidérerqu'il y
avaità l'époquepertinente des liensjuridiquesentre leterritoireet
le Maroc(voiren particulier ibid. p. 48-49,par. 105-107). 64. Cette conclusionn'a pas étéévincéepar les élémentsde preuve
relatifs à des arrangementsinternationauxy, comprisdes accordsde
sphèresd'influence, concernantou pouvant concerne re territoire(voir
ibid.,p. 49-57,par. 108-129). Au contraire, les élémend tes preuveà
la fois internee st internationauxorroboraientla conclusionde la Cour
selonlaquellele rôledu Sultan dansle territoire.étail timitéà une
influence politique,chosedistinctede l'autorité directeou même
indirecte(ibid.,p. 56-57,par. 129).
65. Dans le jugementqu'ellea portésur les argumentsconcernant la
souveraineté marocain avant1884, la Coura dû être influencépear les
v
élémentsde preuve concernan des relationsjuridiques concurrenta esec
une entiténon étatique, dite entité mauritanienn(jem'arrêteici un
moment, Monsieur le Présiden pour faire observe que, dans
l'argumentatiod nu Tchad, l'idée mêmeu'ilait pu existedres relations
juridiquesinternationalea svec uneentiténon étatiqueest une
contradiction dans le termes- autreexemplede la tendancedu Tchad à
négliger ou à contredirele raisonnemende la Cour). En revanche,la
Cour était parfaitemen tisposéeà admettrecette idée, eninvoquant
l'affaireconcernant lR aéparationdes dommagessubis auservicedes
NationsUnies (C.I.J.Recueil1949,p. 178). Toutefois,étant donné
l'absence "d'institutio ousd'organesmême réduitsau minimum, qui leur
auraient étécommuns"(communsaux émiratset aux tribus),l'entité
mauritanienne n'avai pas de personnalitjuridique distincte
(C.I.J.Recueil1975,p. 63,par. 149). Toutefois, aux fin qui nous
occupent, lepoint importane tst que la superpositidnes prétentions
marocaineset des prétentions mauritaniennes milite aite-mêmecontre le
Maroc,étantdonné que ce dernie revendiquaitla souveraineté
territorialeet que cette revendication espt,r nature,exclusive. 66. Il peut êtrede quelque utilitp éour la Cour,afin de statuer
sur la questionqui faitl'objetdes présents débatsd ,e se reporterà la
décisiondu tribunal arbitrae ln l'affaireSharjah-Dubaï,maintenant
publiéedans les InternationalLaw Reports (affairede la Frontière
entre les émirats de Dubaïet Sharjah (1981),ILR, volume91 (543). Le
tribunal arbitraé ltaitsaisid'-un différendterritorial--relat àifne
région aride de la péninsulearabique. Le différendportaitsur le
territoire occupp éar les Bani Qitab, une trib nomade, qui devaitde
façongénérale allégeance à la famillerégnantede Sharjah, maisfaisait
preuve d'indépendanc d'espritet ne croyaitpas dérogeren concluantdes
alliances temporaires avecd'autressouverains.
67. Le tribunalarbitral afaitobserverque, surtout aux époques
antérieures, c'étaiten grandepartiepar le moyen del'allégeance de
diverses tribuq sue s'exerçaienl te pouvoiret partantla souveraineté de
l'émiraten cause. Il a doncenvisagé l'allégeance l etautorité comme
un double critèrd ee la souveraineté: les défaillanceq su'ily avait
d'un côtépouvaient être compensé par laprésence de l'autre.
68. Le tribunalarbitrala souligné l'importancedu tempset du lieu
de l'apparition de la question litigieus et il a fait observer:
"Lesdeux critèresde l'allégeance et de l'autorité
doivent,dans leurapplication, tenir comptede la régiondont
il s'agit. A l'intérieurde la zonede la frontièreen litige
le critère de l'autoritén'a eu peut-êtrequ'une portée très
limitéedansun passélointain mais a peut-êtreeu une portée
un peu plusgrandedans un passé plus récent. 11 s'agit
toujoursd'unerégion désertiqua evecune population nomade."
(ILR,1981,vol. 91, p. 589.)
69. Le tribunalarbitral appliqu ansuitece double critèreaux Bani
Qitab,en insistant en particulier sur la questi doenl'allégeance. Il
conclut :
"que lesBani Qitab quh iabitent le territoire enlitige
devaient allégeance au souverd ainSharjah,même s'ily a eu,
à diversmoments,des interruptions temporairesde celien"
(ILR,vol. 91, p. 652). 70. Je devrais ajouter qulee tribunalarbitrala estimé nécessaire
d'établir une distinctionentrecette affaire et l'avisconsultatif dans
l'affairedu Saharaoccidental(habitude qui se généralisede plus en
plus),qui, selonlui, "concernait une situation très différenq teantà
la régionet à l'époque"(ibid.,p. 641). Il estimaitpeut-êtreque la
Courn'avaitpas assez tenu compt de la possibilitdé'uneautorité
marocaine indirecte exerc éer l'intermédiair de l'allégeancedes
tribusdu Saharaoccidental. Il a aussi soulign- qui pourrait le
nier - que "chaqueproblèmeterritorial a ses proprescaractéristiques"
(ibid.). Toutefois, commjee me suisefforcéde l'indiquer, dans
l'affairedu Saharaoccidental la Cour a pleinemenatcceptél'idéeque
l'autorité pouvaitse manifesterpar l'allégeanced'une tribuou d'un
peuple,dès lorsqu'ils'agissait d'uneallégeance véritabl et exprimée
sousune formeou une autre. Ellen'a certespas estiméindispensable
que cette manifestation revê aucune formeparticulière,par exemple le
paiementd'impôts.
71. Les deux décisions sondtonc toutà faitcompatibles, commc eela
ressortde l'importance attribuéepar la Cour, dans l'affaid re Sahara
occidental,
au critèrede l'allégeancevis-à-visde la partiesud du
Maroc. Ce sontprécisément les facteursque le Tchadprétend
inappropriéspour apporter la preuvede la souveraineté sulre Sahara
occidental que lCaour a retenus- dans leurapplication aux tribusdu
sud du Maroc- comme suffisantp sour établir lsaouverainetéde 1'Etat
marocain dans cett région.
72. Pour résumer, opneut envisagelra situation dans le confins
en 1912de deuxfaçons différentes : l'unefondéesur l'idée
d'association, l'autre sur l'idée de fusio seiaud'unehiérarchie.Si
on retientl'argument de l'associationo,n peut considérer la situation
commefondéesur une sortede partagede droits ou de partagedesouveraineté.Le droit internationa le permettaitassurément,par
exemple dans le cadredu protectoratsousses diversesformes. Le
partage descompétences souverainesentredes unités différente s'a rien
d'extraordinaire qu'ilsoiteffectué à l'intérieurd'une fédération,
d'un condominium,ou de quelqueautre organisatio politique.
73. Si l'onpréfère,on peut chercher--déterminerau sein de quelle
entité l'allégeance, l'administrae tiol'organisatiosnocialese
fondent, bienqu'aucune des unités sociales ou politiquà l'intérieur
de cette entiténe soità elleseule dépositaird ee tous ces élémentest
bien queles relationsentreles diverses unitép suissentparfoisêtre
tendues. Dès lors quel'unitésubordonnéen'a pas entièrementrompu ses
liens avecl'entitéen affirmantson indépendance, il convientde traiter
l'entité dansson ensemble commuen seul Etat;voilàce qu'a fait la Cour
permanente, par exempl e,ns l'affairdes Phares en Crète età Samos
(C.P.J.I.série A/B no 17 (1937)).
74. Ce qu'onne peut certespas faire,c'estnier la pertinence de
la souveraineteét de la participation populaireà l'un ou l'autre
niveau : c'est-à-dire,en l'espèce, nier qule peuplesenoussiait eu de
vrais droits ete,n même temps, nier la pertinen deesesactivitéset de
son allégeance dans lcaonstitutionde la souverainetottomane. Or,
cette attituderéductriceest précisémentcelledu Tchad. Bien au
contraire,l'effetde l'applicatiod nes règleset principesque j'ai
indiqués,c'estqu'en 1912 l'Empireottomanexerçaitla souveraineté sur
le territoireoccupépar les peuples qui se soumettaient son autorité,
c'est-à-diresur tous les peuples senoussi.Il faut tirercette
conclusion, quel'onadopte, comme modèl analytiqueapproprié, l'idéede
l'associationou celle dela fusion àl'intérieur d'unehiérarchie. De
toutefaçonl'Empireottomanétaitsouverain sur les territoiresce anuse
en l'espècepar l'effetcombinéde ses propresrevendicatione st des
activitésexercéessous ses auspices et non à son encontre.4. Deux questions apparentée sla doctrinede l'hinterland et la
pertinencede la conférence de Berlin
75. Monsieur le Président, Messieu desla Cour, avantd'aborderla
discussiondes effets, dans le présentdifférend, des changemeni tssus
du Pactede la Sociétédes Nationset des actes ultérieurs je voudrais
évoquer brièvement deux autr qusestions: d'abordla doctrine de
l'hinterland; ensuite,les effetsde la conférence de Berlinsur la
situation juridiqud ee l'Empireottoman.
76. Cette question de la revendication sulr'hinterlandformulée
depuis longtempp sar l'Empireottomanest discutée dans les répliques des
Parties(répliquedu Tchad,par. 2.06-2.26; répliquede la Libye,
par. 7.57). Les revendications relativesà l'hinterland ne tenaient
lieuni du pouvoir,ni de l'acceptation de l'autorité palra population
des territoires intéressés.D'autrepart,l'idéeque la souveraineté sur
un territoire côtief raisaitnaître unecertainesorted'hinterland a
exercé une influenc eonsidérableet le droitinternational pouvait
réserver une place à la reconnaissancdees revendications su un
hinterlanden plus descritères fondamentaux de l'allégeanceet de
l'autorité. Les revendications relativesà l'hinterland remplissaient
aussi diverses fonction externes,en particulier cellede bien indiquer
l'animusoccupandides Etatsqui les formulaient.Après toutun
hinterlandest une zonerelevant d'un territois reuverainet une
revendication suu rn hinterland- à la différenced'un accordde
sphèresd'influence - consistaità revendiquerune souveraineté existante
77. Il convient ausside direqu'il y aune différence importante
entre les revendication relatives à l'hinterlandfondées simplement
sur la géographie -que l'on pourraid ténommer revendication
sectorielle - et cellesqui se fondaientsur l'organisation sociale.
Même les revendication portantsur un hinterlandgéographique ont
obtenu unecertaine reconnaissance à l'époquepertinente, commo en l'adéjà vu. Par contre,la revendication ottomanportaitsur un
hinterland où les populationstaient connued se 1'Etatqui la
formulaitet où, dans une large mesure, elles accepta sonntutorité.
78. La deuxième question quje voudrais évoquer brièvemeenstt la
pertinence del'Actefinalde la conférence de Berlinde 1885 dans la
présenteaffaire. Le chapitreVI de l'Actefinalétaitbtitulé
"Déclaration relativeaux conditions essentiellàesremplir pour que des
occupations nouvelles sur les côd tescontinentafricain soient
considérées commeeffectives".Le chapitreVI comprenait deux articles.
Celui qui est pertinea ntx finsquinous occupentest l'article 35, par
lequel les Etats partir esconnaissaient:
"l'obligation d'assure dans lesterritoires occupés par
elles,sur les côtesdu continent africain,l'existenced'une
autorité suffisant pour fairerespecterles droits acquis et,
le cas échéant, la libertdu commerceet du transit..."
(mémoirede la Libye, Annexedtaccordset de traites
internationauxv,ol. 2,no 1).
Littéralement cel ae s'appliquait qu'là'occupation llongdes côtes,
mais on l'appliquaitaussien pratiqueaux acquisitionsà l'intérieurdes
terres. Le point importana tux fins quinous intéressentc'est qu'il
étaitconvenu que le chapitreVI s'appliquerait seulement aux
noccupationsnouvelles" et qu'iln'étaitdoncportéaucune atteinte aux
droits territoriau existantsde l'Empireottoman. La distinction ainsi
faite entre l'acquisiti dentitresnouveauxet le maintien de titres
existantstrouveégalement son expressionen droitinternational général.
Là où la population localaecceptaitdes revendicationse souveraineté
formuléespar l'Empireottomanet coexistait avec celles-ci,ces
revendicationdse souverainetéétaient légitime st susceptiblesde
reconnaissance. L'affirmatdionn titrenouveau contre les voeu d'un
souverainexistantet de la populationdu territoire étaiutne toute
autreaffaire. C. L'incidencedu droit moderndes titres territoriaux
79. Monsieurle Président, Messieurde la Cour,j'abordemaintenant
la phase finalede mon exposé, qui comportune analysedu droitmoderne
en développemendu régimeterritorialdans la mesureoù il est pertinent
en l'espèce. Certes ily a eudans ledroitune très largecontinuité.
Par exemple lesélémentsfondamentauxde "l'exercicecontinuet pacifique
du pouvoir effectif dans la régi contestée''continuéde s'appliquer
dans le cas d'un territoirqu'aucunautre Etatne revendiquait (affaire
de 1'Ilede Palmas, 1928, Nations Unies, Recu eilsentences
arbitralesinternationales vol. 2, p.857). Dans le cas d'un territoire
-
appartenant àun autre Etat la présomptisonlonlaquelle la souveraineté
n'estpas abandonnée a continuéde s'appliquer,ainsi quela protection
assuréeaux droits acquispar les règlesplutôtrigoureuses de la
prescriptionextinctive- si tant estqu'unetelleinstitution ait
vraiment existé- surtout dans leasffairesoù le souverain supplanté
continuait àprotestercontreson éviction. De plus, à partirde 1919,
le droits'estdéveloppé dans le sen de l'interdictiodne toute
acquisitionde territoirepar la force.
80. La premièreétapede cetteévolutionfut l'article Xdu Pactede
la Sociétédes Nations, destinéà proscrire lguerre comme moyen de
remettre en causle'intégritéterritorialedes Etats. Il disposait:
"Lesmembres dela Société s'engagenàtrespecteret à
maintenir contrteouteagressionextérieurel'intégrité
territorialeet l'indépendanceolitiqueprésentede tous les
Membresde la Société."
Le Tchad soutient(contre-mémoirdeu Tchad,par. 3.43-3.49)qu'unetelle
obligations'appliquaitseulement aux autres Membr eesla Société des
Nationset que les Etats partiesàcelle-cirestaientlibresde commettre
des actesd'agressioncontre le restdeu monde. Cet argumentest
controversé, maiasussidépourvude pertinence.En effetl'ItalieétaitMembrede la Sociétédes Nationset, en vertudu traitéd'ouchy,elle
avait acquis par succession la souveraineté otte onmLibye dans son
intégralité : une successioninconditionnellemenreconnuepar la France.
81. Indépendammendte cela,on ne sauraitsans affronterde réelles
difficultés supposer quele Pacteait laisséles Etats Membres
entièrement libresde recourirà la-.guerr eontre--Jes-Etanosn membres,
ou contreles peuples, tels les Senoussi ,ui n'étaientpas reconnus
commedes entitésétatiques. Car si le droitinternational reconnaissait
leur capacitéde détenir un territoire,si bien que leur terrn'était
pas terra nullius,cela n'aurait guèr ee sensà la foisde reconnaître
leur titre juridiqu et de priverce titrede touteprotection.Le
nouveau principdee la proscriptiodne la guerren'étaitcohérentque
s'ilprotégeait l'intégrité territorialede toutesles entitéset de tous
les peuples donlte titre territorial étar itconnuen droit.
82. De toute manièrece futla Franceelle-mêmequi prit
l'initiativedu traitégénéral derenonciation à la guerre de 1928, le
pactede Paris,qui contenait une nouvelle renonciatig onnéraleà la
guerre. Il disposait:
"LesHautes Partiescontractantedséclarent
solennellement... qu'ellescondamnent le recou rsla guerre
pour le règlementdes différends internationau et, renoncent
en tant qu'instrumendte politiqunationale dans leurs
relationsmutuelles."
83. Monsieurle Président,on dit parfois que les échecs manifestes
des annéestrente, l'effondremed nt la Société deNsations,l'inaptitude
du Pactede la Société des Nation et du pactede Parisà sauvegarder la
paix, latragédiede l'apaisemente ,urentconjointement pour effet
d'annulerles progrès escompté après1919. Il est pourtantde fait que
le droit internationa fut invoquécontrel'agression pendan les années
vingtet trente.Même dansl'entre-deux guerrela proposition selon
laquellele droit international interdisl aiconquête rallia une ample
adhésion. 84. De plus,cette propositiosne rapportaità deux autres aspects
des règles relativeasux titresterritoriaux enracinéesdans l'ancien
droit. La premièreétaitl'idéeque l'autorité sur un territoiredevait
être pacifique et incontesté: commele montreraM. Bowett, les attaques
françaises contre les confin'sétaientni pacifiques,ni incontestées,
qu'ils'agissedes tribus senoussiou de l'Italie. Même le droit
international traditionnel permettaià un souverain évincdée continuer
à affirmerses droitspendantde trèslongues périodee sn protestantet
une telle positionn'a pu qu'êtrerenforcéesous le régimeen coursde
développement quciherchait à interdiretoutà faitl'emploide la force
w
dans les relationsinternationales.
85. Le deuxièmeaspectdu droit traditionne que l'évolutionà
partirde 1919n'a pu querenforcer concernait la pld acela conquête
elle-mêmecommefondement du titre. On dit quelquefoisde façon
imprécise que lcaonquête étaiutn procédé d'acquisitid on titre
susceptible de tenirlieude cession. Or en réalitéla conquête pouvait
aboutir à une cessionde territoirequi fûtvalide, bien qu1e'Etat
vaincun'eût d'autre choixque d'y consentir.La caractéristiqud ee
l'anciendroitn'étaitpas que la conquêt ceommetelle fûtun fondement
du titre, mais que lestraités fussenvtalables même s'ilavaient été
obtenuspar l'emploide la force. Le droit traditionnel tenait aussi
comptede la seule situation que lt esaitésde paix oude cessionne
pouvaientrégler,c'est-à-dire la debellatio, le cas dalnesquel1'Etat
adverseavaitcesséd'exister, de tellesortequ'ilne subsistait aucun
détenteurdu titre, aucunepersonne capabld ee conclurele traitéde
cession. Dans les confins, il n'eyutni cession,ni debellatio.Au
contraire ily eut des protestationspersistentesde l'Italieet les deux
parties admettaien qu'ilfallait encordeéterminer les limites des
possessions respectivd es la Franceet de l'Italie. D. Conclusion
86. Monsieurle Président, Messieurs les Membr desla Cour, à ce
propos comme à d'autreségards,la position du Tchadest étrange. Il ne
nie pas que maintenant l deroit interdisel'acquisitionde territoires
par la force,ou l'emploide la force contre des peuples,qu'ilssoient
ou non organisésen Etats. Il paraîtadmettre quel'-affair eu Sahara
occidental correspo ndla situation modern esinonpourquoi le Tchad
en discuterait-is lous l'intitulédu droitintertemporel ? Tous ces
aspects évolutifd su droit,le Tchadles accepte,mais iltentepar tous
les moyensde retarder leur consécration, de lestenir à l'écartjusqu'à
ce queson titresur lesconfins ait pu êtrerendu parfait, mêmp ear des
procédésqui étaient, il le reconnaît,llcritiquable(sc"ontre-mémoirdeu
Tchad,par. 5.191). A cet égard,la position du Tchad rappellu en peu
cellede Saint Augustin avantsa conversion :Seigneur fais quj ee sois
Juste,mais pas toutde suite. Toutefois il y a un pointsur lequella
comparaison ne s'applique pas: ellesuppose que la conduite suivie
aurait pu avoir l'effetde produire le résulta stouhaitépar le Tchad,
même selonl'ancien régime. Or cela,M. Bowettva le montrer maintenant,
n'étaitnullement le cas.
Merci,Monsieurle Président.
Le PRESIDENT :Je vous remercie, Monsieur CrawforJ d. donnela
parole à M. Bowett.
M. BOWETT :Merci,Monsieur le Président.
La revendicatiodn'un titre parle Tchad
Monsieurle Président, Messieursde la Cour,ma tâche consiste à
examinerla revendicatiop nar le Tchaddu titresur lesconfins.
J'utilise à dessein cetteexpression.Le Tchadpréférerait que nous
examinions simplemen la question des frontières, ma une frontièreprésuppose que les Etats situ despart et d'autrpeossèdentun titre
validesur ce territoire. Or, vousne pouvez pas demandeà un tribunal
de déterminer le trac é'unefrontière sans lui avoir donné auréalable
la preuveque vous possédezun titresur la totalitédu territoire situé
de votrecôtéde la frontière.
1. Les trois théoriedsu Tchad justifianlta ligneditede 1899-1919
Le Tchad fondesa thèse concernanlta ligne ditde 1899-1919sur
troisthéories.
Premièrement,à l'article3 du traitéde 1955, les partiesseraient
convenues que la frontiè deevrait être laigne déjà fixéepar les actes
internationaux énumérésàl'annexe1.
Deuxièmement,la ligne de 1899, sanstreà l'origine une véritable
frontière, en serait devenue une duaitde l'occupatiofnrançaise(les
effectivités)entre 1913et 1919et cetteligne aurait été reconnueen
tantque frontière tant parla Grande-Bretagne que p l'Italie.
Troisièmement,et indépendammendte touttraité, cette mêmleigne
serait devenueune frontièreen 1919du simplefaitdes effectivités
françaises.
Je ne contestepas ledroitdu Tchadd'avancerautantde théories
qu'ille souhaite. Mais lorsque la Couren viendraà peserces théories,
sa réaction devrareposerdans unecertaine mesurs eur lacohérence avec
laquelle ces théorie ont étéavancées. La nouveautépeutne pas être
fatale, mais elle appelulne certainscepticisme.
Le Tchad fondeindubitablemensta revendicatiosur le faitqu'ila
succédéà la France. Pourtant,il estmanifeste que devan t'ONU,en
1950-1951,la Franceavançaitune théoriedifférente, à savoirque la
frontièrede 1899-1919 avait clairement été établie desaactes
internationauext non par le traitde 1955,comme le veut lp aremière
théoriedu Tchad. En effet, la Francnee se fondaitpas et ne pouvaitpas se fonder sur letraitéde 1955,postérieur en date. Elle ne se
fondaitpas non plus sur l'occupationou la reconnaissance, coml mefait
le Tchad dansses deuxièmeet troisièmethéories.
Effectivement, comm nous l'avonsvu, l'effetde l'article 3 du
traitéde 1955étaitd'exclureles effectivités, et c'étaittout à fait
intentionnel de la partde la France. La France.souhaitaiqtue les
négociations avelca Libyereposent exclusivemes ntr lestraités
énumérés à l'annexe1, selon leconseildu gouverneur général français de
1'AEF. La raisonpour laquelle la France souhaitait éviterlq 'onse
fonde surles effectivités ne ressortpas clairemendtes archives. Il se
peut que la France n'aiptas été convaincue qs ue propre occupation
répondît suffisamment a critèred'effectivité. La Franceétait
certainement préoccupée p les revendicationdse l'Italiefondéessur
l'occupationet, lors des négociatiod ns 1935avec cette dernièree ,lle
avaitévitétoutediscussion des effectivités.Il se peut même que la
France ait reconn qu'uneoccupation basée sur la for militaire était
trèscontestable, en droit après1919. Quellequ'en soitla raison,le
faitdemeurequ'en1955,la Francea exclu toute revenducation fondée sur
les effectivités.
Il en résulte que, dan sa mesureoù la deuxièmeet la troisième
théoriesdu Tchadse fondentbien surles effectivitéf srançaises, ces
théories sontaujourd'hui suspectespourdeux raisons :
i) La cohérence: quelle crédidtoit-onattacher à une revendication
lorsque les motifs sulresquelsellerepose ont varia éussi
radicalementau fil des ans?
ii) La succession: si le Tchad revendiqu ue titredu faitde sa
successionà la France,peut-ilaujourd'hui revendiquer ce titre
en s'appuyant sur desmotifstoutà faitdifférents de ceux
avancéspar 1'Etatprédécesseur, la France? Il est difficile d'accepterqu'unchangement radical dansle fondementdu titre
invoqué parun Etat successeur dansa revendication rehausssa
crédibilité.Au contraire, le manquede cohérenceentre1'Etat
prédécesseuret 1'Etatsuccesseur tendràa réduire lacrédibilité
de la revendication.
2. Les effectivités invoquées p arTchad
Même si leTchadpeut invoquerles effectivitésfrançaises, endépit
de l'article3 du traitéde 1955, les deuxièmeet troisième théoriedu
Tchadse heurtentà des obstaclesinsurmontables.
Essentiellementl,e Tchaddoit choisir: il doit fairevaloirsoit
que le territoireétaientsansmaître, de sorte que la Fran aacquis
son titre parl'occupation,soit que,n'étantpas terra nullius, ila
été acquispar la conquête.
Je vais examiner séparémences deuxhypothèses.
a) Occupationd'un territoiresansmaître
La région desconfinsne pouvaitde toute évidencêetrequalifiée de
territoiresansmaîtreau cours de la période 1913-1919. Cette hypothèse
s'effondredonc d'emblée.
Mais mêmes'iln'en était pas ainsil,a thèsedu Tchadse heurteà
de sérieuses difficultéscar il devraitdémontrer dans lefsaitsque la
France avaitétabliau cours des année 1913-1919une possession
effectiveet pacifiquedu territoire conformémea ntx critèreen vigueur
en droità l'époque. Le Tchadne prouve pas, et ne sauraitprouver,le
bien-fondéd'unetelleaffirmation.
i) Les faits
Entre 1919et 1913, lapousséemilitaire française vers le nord
avaitété arrêtée sur lesinstructionsdu Gouvernementfrançais. Les
forces ottomanes, en coopérata ionc les tribuslocales organiséesar les Senoussi,détenaient les confin et une sortede frontièrede facto
s'étaitdessinéeentreles deuxparties enprésence. On voit cetteligne
sur la cartequi apparaîtmaintenent à l'écran(carteno 48). En 1912,
les forces ottomane sse trouvaientà Bardaï,Zouar, AïnGalakka,Baki
(prèsde Fada)et Oum Chalouba.
Dans son contre-mémoire(par. 6.51-6.55),4e Tchad-&**se--entendre
que la Franceavaitarrêtéson invasionpour lasimple raison qu'ellene
voulaitpas mettre un allié,l'Empireottoman,dans l'embarras.Les
raisonsimportent peu. Les faits sontque les Françaisavaientcompris
qu'ilsavaient devant eux une alliance Ottomans-Senoussi, que la France
savait que les Ottoman et les Senoussioccupaient le territoie re vertu
d'unerevendication de droit,et que toutenouvelleavancedes Français
vers lenord conduirait à des hostilités.
Mais la situatioan alorschangé. Après l'invasion de la
Tripolitaine-Cyrénaïqp uer l'Italieet la défaite del'Empireottoman,
les Ottomansont dû, conformément au traitéd'ouchy,retirerleur
administratiod ne ces régions.En mars 1913,les Ottomans s'étaient
retirés,laissant les Senoussi poursuivr seulsla lutte. En juin 1913,
le Gouvernement françai autorisa le colone Largeau,commandant les
forces françaises e AEF, à entrerdans le Borkou. En autorisantles
forcesfrançaises à pénétrer dansles confins,le Gouvernement français
n'étaitpas mû par le désiret l'intention d'occuper r lagion: c'était
un mouvementpurementdéfensif dans ce que lesmilitaires français
appelaient le "fron septentrionalp"ourprotégerles régions plus
fertileset plus peuplées situéesau sud du 15~parallèle,que les
Françaisétaientalors en train d'occuper,finalement avec l'accord
réticentdes populations qui s'y trouvaient. L'absend'intention
d'occuperla régionest expressément attestéepar les trois décrets
français publiéesntre1900 et 1906au sujetde l'administration
militaire de1'AEF(mémoirede la Libye,par. 4.115-4.120). Aïn Galakkafut attaqué en novembr1 e913, Fayaen décembreet Gouro
quelquesjoursplus tard. Une colonnefrançaise parvinta ,u nord,
jusqu'auxpuitsde Sarraen avril1914, à une centainede kilomètresau
nord de l'endroit oùla cartedu Livre jaune aurait placéla ligne
(carte no 81). Mais ces pénétrations militaire n'étaient pas
i
permanentes.En effet,l'expédition aux puits-de-Sarra..v.is simplement
à voir s'ilspouvaientêtre détruits.Les colonnes frappaient chaque
foisqu'ellessentaient que la résistan des Senoussiétaitfondéesur
le nombreet ensuite elles se retiraient.Seuls deuxpetits avant-postes
furentlaissés aunord du Borkouet dans l'ounianga :l'un à Gouroet
w
l'autre à Ounianga-Kebir.
Cependant,les Français attaquèrent ensuite Tliebesti envenant
d'uneautredirection(carteno 81). Cettefois, une colonnf erançaise
arrivanon pas du sud où avaientopéré les forcesfrançaises sous les
ordresdu colonelLargeau,mais de l'ouest, à partirde l'Afrique
occidentale française(1'AOF). Zouarfut occupéle 13 décembre 1913,
Bardaïen juillet1914et des patrouilles de reconnaissancfeurent
dépêchées vers Aouzou Yao,Wour et Kayougue.
Mais les Français rencontrèrentla depart des Senoussi une
résistance farouch qui leur rendit la vi eifficileet décidèrentde
disperserla colonne dans le Tibesti,ce qui fut fait enoctobre 1914,
laissantun détachement de quatre-vingthommesà Bardaïet un détachement
plus petitencore, deux sections seulement,àZouar. Mais, à la fin de
juillet1916,ces deuxdétachements furent retirés.
Ainsi,il n'y eut dans le Tibestiaucuneprésence français d'aucune
sortede juillet 1916à novembre1929,lorsqu'une compagnie française
d'environquatre-vingt-dih xommesrevintà Bardaï.
En ce quiconcernele Borkouet llEnnedi,les Français y
conservèrentun petitnombre depostesisolés(carteno 82). Le
contre-mémoirdeu Tchad(par.6.74)indiquequ'ily avaitun bataillon àMao et deux compagniesencore à Faya et Fada,avecdes petits postes
supplémentaires à Aïn Galakka, Gourot Ounianga. Nousne connaissons
pas leseffectifsde ces troupes, mais il s'agit probablemen de
trois centà quatrecenthommesau maximum,pour établir une occupation
effective d'un territoire représental nts quatre cinquièmede la France
métropolitaine.Ce qui est significatic f,estqu'à+art -cetteprésence
purement militaire nousn'avonsaucunepreuve d'une administration
civileni d'uneintention d'établirun gouvernement effecti du
territoire.Les tribus étaienl taisséesà elles-mêmes.Le soucide la
Franceétaitde protégerses garnisons, les caravaneset le "Tchadutile"
au sud.
Il fautse rappeler que lathèsedu Tchadest que le titre de la
France, fondé sulr'occupation,était établi en 1914ou au plustard
en 1919 (danssonmémoire,le Tchad utilise la dat de 1919, maisavance
au paragraphe 6.23 du contre-mémoire, cetdteteà 1914). Ce choix de
datesest intéressant.On peut se demander pourquol ie Tchadne se fonde
pas sur les effectivitésfrançaisesdes années1920ou 1930. Le Tchad
lui-mêmene donnepas la réponse, de sorte qu'il faut spéculer.
Voulait-ilmontrer qu'untitre français était étab eni1919de manière à
ce qu'ilcoïncide avec la convention franco-britan niq1919et faire
ainsi porterles revendications italienn des annéesvingtet trente sur
une cessionde territoire français Ou bien le Tchad admet-ilque la
conquête militairferançaise après 191 s'esttrouvée interdite parle
Pactede la Société des Nation ?s Ou est-ceque la datede 1914présente
plus d'attrait parcqeu'elleévitede mettreen reliefl'incidence du
Pactede la Société des Nations commefl aitla datede 1919 ? Ou
est-cepeut-êtreparce que leF srançaisétaient encora eu Tibesti
en 1914 ? Nous reviendronsen tempsvouluà chacunede ceshypothèses. Si tels sontdonc les faitsi ,l nous faut examinersi, au regarddes
critères établipsar ledroit àl'époque, la France auraitpu acquérirun
titre valide fondséur l'occupation.
ii) Application des critères régissan t'acquisitiond'un titrepar
l'occupation
Commel'a expliquéM. Crawford, les conditions-traditionnelle d'une
occupationeffectivesontde deux ordres : l'animusoccupandi
- l'intention d'occuper à titre souverai n et le corpusoccupandi - la
preuvede l'occupation effective. En ce quiconcerne la première il
sembleressortir clairementde ce que j'ai déjà dit des incursions
militaires françaises qu'iln'existaità l'époque - je veux dire
en 1913-1919- aucune intentiod n'établirune souveraineté.La France
savaitque ses ressources étaientlimitées. Tout au plus pouvait-elle
espérerutiliserses ressources militaires limité peour "neutraliser"
les confins afin d'être sûqruee les tribusSenoussine menacentpas
l'autoritéfrançaisesur le territoire situéau suddu 15~parallèle.
Quantà la seconde condition peut-on réellemen dire que laFrance
ait fait preuvd e'un corpusoccupandisuffisant, de ce que Huberallait
décrire dans l'affairede 1'Ilede Palmasen ces termes : "l'exercice
continuet pacifique du pouvoir effectid fans la régioncontestée...''
(RGDIP,1935,p. 185).
En ce qui concernela continuité, nous pouvonsaccepterque cette
notionvarieselonla nature duterritoire : commel'a reconnu Huber
lui-même(p. 867-867),on peut tolérerun certain degré de discontinuité
lorsquele territoire est inhabité ou peu peuplé.
Mais dansla présenteaffaire,dans lecas du Tibesti,il n'y a eu
aucune continuité de 1916à 1929 : les Françaisétaient totalement
absents de cette vast bandede territoire. Il est donc impossible de
voir comment la Franceauraitpu acquérirun titresur le Tibestien 1919ou à n'importequelmomententre1916et 1929. Même lorsquela France
est revenueau Tibesti, en 1929,son arméetoutentièrene comptait que
centquatre-vingt-di hxommes(mémoiredu Tchad,vol. III,p. 110).
Commentpeut-onimaginerqu'ons'efforced'occupereffectivement
l'ensemble du Tibestiavec centquatre-vingt-di hommes !
En ce qui concerne lacondition queles pouvoirs.de1'Etat.occupant
constituent un exercice"pacifique"de souveraineté, cette conditi aon
servi à établirune nette distinction entr un titreacquis par
l'occupation etun titre acquispar la conquête. Commenous le verrons,
ce dernierétaitsoumisà des règlestrèsdifférentes et s'appliquaità
des circonstancet soutà fait différentes. Du moinsen était-ilainsi en
droitclassique.Mais la notion classique d'occupation"pacifique"
devait être appliqué en conformité avec le règles changeante su droit
internationag lénéral. Commel'anoté la Cour dans l'affai rePlateau
continental de la mer~gée (C.I.J.Recueil 1978,p. 33, par. 80),les
mots ou conceptd soivents'interprétedrans leursens contemporain
conformément aux règleschangeantesdu droit.
Après 1919, lorsque le Pac deela Société des Nation as introduit
la nouvelle règlienterdisantla guerre comme moye d'acquisitionde
territoire, ilest devenu nécessairde'interpréterla condition
traditionnelldee l'occupation "pacifiqu e"un territoiresansmaîtrede
manière à la rendreconformeà la nouvelle règle.
Ainsi, pour la France, li par le Pactede la Sociétédes Nations,
l'exigenced'uneoccupation "pacifique"et l'obligationde s'abstenirde
recourir à la guerrese sont fusionnées. Il n'étaitplus possibleà la
Francede prétendreque les hostilités menép esur soumettre les
habitantsd'un territoire sans maîtreétaientlicites - car le Pacte
interdisaituniquement la guerrecontreles Etats - ou, inversement, de
prétendreque leconceptde l'"occupatiop nacifique" en droit coutumierdésignait uniquement un "occupationnon belligérante"- afinque la
condition soit remplipour autant quellEtatoccupantne se considère
pas commeune puissancebelligérante.La fusiondu conceptdu droit
coutumieret de la nouvelle interdiction conventionnelle signifiait
qu'indépendammen du statutdes habitants, s'efforce d'acquérirune
souveraineté sur leur territoiretaitillicite. En bref, cela
signifiait que,lorsqu'un Etat utilisait lfaorcepour occuperun
territoire, que cesoit contreun autre Etatou contre unpeuple
possédant un titre,cet usagede la forcel'empêchait d'acquérirun titre
valide.
J
Il faut bienpréciserque,pour ce qui estdu Borkouet de llEnnedi,
la présencefrançaise n'étaitpas "pacifique". Ellene pouvaitl'êtresi
cette présenceétait entièremen militaire. 11 n'y aurait guère eu
d'intérêt à maintenirun pouvoir puremenmtilitairesi laFranceavait pu
administrer pacifiquementle territoireà l'aided'uneadministration
civile plus normale e d'uneforcede police. Mais la France avait
évidemment besoind'uneprésencemilitaire. La résistance des tribus
senoussis'estpoursuivie longtemps après la fide la premièreguerre
mondiale,des attaques des avant-postes français étant enc signalées
dans les annéestrente(voirle contre-mémoird ee la Libye,
par. 5.35-5.94).
L'Histoiremilitaire officiell publiée parla Franceindiqueune
séried'attaquesau cours des années 1915, 191 1917 et 1918,le
cheikh Erbeimiconduisantun contingent importan de huit centhommes
contre les Françai(svoirle contre-mémoirdee la Libye,vol. 2,
pièce 13,p. 467).Cet ouvrage dont il est question danla partie
correspondante deéscrituresde la Libye,vaut la peined'êtrelu par
tous ceuxqui sont disposésà accorderfoi à l'opinionque la France
avaitétabliune occupation "pacifique". Les "représaillesd"e la Franceont continué au nord de 1'Ennedien 1926et 1927. L'étenduedu
territoire où des combatsfurentmenésau coursde la période1914-1927
ressortde la carte que l'onvoit derrière moi (carteno 83). Un rapport
du gouverneur généra dle1'AOFau ministredes coloniesde juillet 1926
décrivaitla situationen ces termes :
"En résumé: le faitsaillant qui -rsosortde-ce..ensemble
d'événements,c'estl'autorité incontestabldeont jouissent les
chefsde la Senoussia, dant sousles territoires qutiouchent
aux frontièresNord-Estde la Colonie du Niger oudu Tchad,
autoritéqu'ilspourraient, le cas échéant,employer à grouper
contrenous les populations, for bien armées, qui leur
obéissent strictement et cellesdes zones limitrophes, telles
que le Tibestiqui échappentà notresurveillance directe."
(Répliquede la Libye,vol. 3, pièce 11.4.)
Le rapportdu capitaine Auberdte 1929 est encoreplus éloquent.
Parlantde la région d'Aouzou,où la France avaitdécidéde revenir, il
la décrivait comm une :
"région qui, depuils'évacuationdu Tibesti,n'a été visitée
qu'uneseule fois en 1923 dont les habitantsn'ontjamaisété
soumis à la moindreactionpolitiqueet d'oùsont sortis,
surtouten 1926et 1927, de nombreur xezzoussur leNord de
1'EnnediW(contre-mémoire production 45).
Mais larésistance s'est poursuivie ap lrèretourdes Français.
Un rapportde 1933parlede Modracommed'un "centrede rébellion"
(réplique de la Libye,vol. 3, pièces7.3-7.4).
Telleétait donc la situation: une force française réduite,
installée principalementde euxpoints - Faya et Fada- et des postes
avancés moinsimportants à Aïn Galakka, Gouroet Ounianga(carteno 82).
Il n'y avaitaucuneintention d'établi une souveraineteét aucune
prétention àoccuper effectivemet ntutle territoire.Si les hostilités
étaientsporadiques, c'estsimplement parce qu les tribus continuaient
de mener leurvie normale, comme si les Françain'existaient pas,
d'autantqu'uneguerrede guérilla où la tactiqueconsiste à frapperpuis
à s'enfuirétaitle typed'action qui convenaitle mieux aux tribus. Les
Françaisne les dérangeaienten effet pasbeaucoup. Ilsn'exerçaient pasvéritablement de contrôle administratin f, faisaient appliquer aucune
législationet, apparemment,à cette époque,ne prélevaientaucunimpôt.
Cependant,la présence français n'a jamaisété acceptée et le refusde
cetteprésencese manifestait occasionnellement d par raids- à propos
desquels les Françaiparlaientde wrezzou" - contreun de leurs
détachements ou unecaravanede ravitaillement. En zéalité,ces attaques
des tribus Senoussi refétaie netprofondrejetde cette intrusion
étrangèresur leursterres. Le 30 juillet1930,rendant compte au
ministrefrançaisdes affaires étrangères le ministrefrançaisdes
colonies reconnaissasitnsambages, àproposdu Tibesti,de 1'Ennediet
..ii
du Borkou,que la Francen'avaitrien faitde plus que d'y assurer"une
occupation rudimentaire"(mémoiredu Tchad,vol. III, annexe114). Or,
une "occupation rudimentain reestpas une occupation effective.
La notiond"'occupation effective"n'a jamaisété appliquéeà cette
formede présence militair eominale,superficielle : ellea toujours
impliquél'idéede gestionou d'administratiod nu territoire.
La résolutionde l'Institut de droitinternational adopté àe
Lausanneen 1888mettaitdeux conditions à la reconnaissance d'une
occupation comme effective: 1) prise de possessio n'un territoire,et
2) notification officiellede la prisede possession(Annuaire de W
1'I.D.I.(1888-9)173,201-4.)
Ces deux conditionsn'ont jamaisété remplies.La Francen'a jamais
vraimentessayéde les remplir. Ce n'estqu'en1933-1934 que la France a
tenté, sansgrandsuccès, depréleverun impôtet d'effectuer un
recensement (répliquedu Tchad,vol. III,p. 363-365). Cela signifieque
la Francen'a jamaisréellement considér son invasionmilitairedes
confins commel'occupation pacifiqued'un territoiresansmaître.
C'étaitune tentative de conquête militaire qune différaiten riendes
guerresque les Françaisavaient livréesd ,ans les zones située plusau
sud, contreles forces senoussidéfendant BirAlali,en 1901-1902. Par conséquent,la questionqu'il fautmaintenantse poser est de
savoirsi le titre français peut avoir un autre fondement,en
l'occurrenceune occupationpar la conquête. Mais je crois,Monsieurle
Président, que nous devronsen rester là poua rujourd'hui.
Le PRESIDENT :Entendu, Monsieur Bowett;nous reprendronsdemain.
Je vous remercie.
L'audience est levée à 13 h10. Non- Corrigé Traduction
Uncorrected Translation
r
CR 93/19(traduction)/Corr.
Le 5 juillet1993
(Français seulement)
Rectificatifau compterendu CR 93/19(traduction)
1) Page 3,neuvièmeligne :au lieude "au-dessous",lire "au-dessus".
2) Page 38,trois lignes avanlta fin :au lieude "taciturne",lire
"laconique".
3) Page 73, trois lignes avanta fin :au lieu de "car",lire
"parceque".
Traduction