Traduction
Non- Corrige
Uncorrected Translation
CR 93/13 (Traduction)
CR 93/13 (Translation)
Le vendredi 2 avril 1993
Friday 2 April 1993 Le PRESIDEm : L'audienceest ouverte.Nousnous réunissons
aujourd'hui pour entendre la répons eu défendeuret je donnetout
d'abordla parole à M. Zivkovic.
M. ZIVKOVIC :Monsieur le Président, Messieu desla Cour,plaiseà
la Cour. En ma qualitéde chargé d'affaire de l'ambassade de la
République fédérative de Yougoslavieà La Haye et de membrede son
servicediplomatique, j'ai le grandhonneur dem'adresserà cette
éminente instance juridique internation qule,st l'organe judiciaire
principalde l'Organisation des NationsUnies.
La tragédiede la guerreciviledans l'ex- osn nie-~erzégovine
soulève,en raisonde la tournure des événments,des passions
considérables, non seulement dansla partiede l'Europeoù ellese
déroule, mais pratiquement dans le monde entic er,quis'explique par la
férocitédes combatsd'unetrèsgrande ampleur qus ee livrentdes nations
et des groupesreligieux. On sembleavoir perdu de vue dans la
perceptionde ces événements le faitregrettable que la plupartdes actes
de violence sont commp isr des personnesqui étaientnaguèredes voisins
ou, du moins,vivaient depuis longtemps les unsà côtédes autres.
Cettesitutationtend, dans cette affaiq rei a été soumiseà
l'organejudiciaire suprême d l'organisatiodnes NationsUnies,à
occulter lefaitqu'ils'agitde toute évidencd e'uneguerrecivileentre
les peuples de l'ex-Républiqudee Yougoslavie,qui étaitcomposée de
Musulmans,de Serbes et de Croates.
Cecinous amèneégalement à l'undes principaux arguments avancés
dans cette instance intent par le gouvernementde Sarajevo contre la
République fédérative de Yougoslavieà savoirqu'ils'agit d'une
situation où un Etat commettrait une agressi contreun autre. Une
telle assertionest dénuée detout fondement. Il y a un fait évidentque laPartieadverses'estabstenue
délibérément de mentionner: c'estque les Serbesqui participent à la
guerrecivileen Bosniene sont pasdes Serbes venus de laSerbiemême
mais des Serbesbosniaques qui vivaientdepuisdes sièclesavecd'autres
groupes nationaux. Ilsne sont les "agentset auxiliaires" de personne.
Il faut mentionner c Jaitpertinentqui démontre que la République
fédérative de Yougoslavien'estpas un agresseurdans la guerre civile en
Bosnie. Dans la déclaration constitutionne lle27 avril1992,le
Parlementde la République fédérative de Yougosla avcieairementindiqué
que la République fédérative de Yougosl n'avaitaucune revendication
territoriale concernant les anciennes Républ deqYougoslavie qui se
sontdétachées de la République fédérative sociad liYougoslavie.
- Pas un seulsoldat de la République fédérat deveougoslaviene se
trouvesur le territoire de la "Républiqudee Bosnie-Herzégovine".
- La République fédérative de Yougosla neieournit desoutienmilitaire
à aucunedes forcesen présence dans ce conflit ar entrenationset
groupesreligieux.
- La République fédératid ve Yougoslavien'appuieen aucune façol na
perpétration dancsette ex-Républiqu yougoslave descrimes gravesdont
il estfaitétatdans la requête introductived'instance.Elle a au
contrairefaitpartpubliquement, et à maintes reprises ,e son
indignationface à tous les crimes contre l'human commisau cours de
cette guerre civile qu'ils'agissede la prétendue purification
ethniqueou d'assassinatsq,uelsqu'en soient lea suteurs. Elle a
d'ailleurs pridses mesures concrète qsi démontrentses engagementsà
cet égard, commeen témoignentles deux faits importants suivan :ts- ce fut la République fédérativ de Yougoslavieet les hauts
fonctionnaires des deux Républiques qui la composent,la Serbieet
le Monténégro, qui onp troposéles premiers deposterdes
observateursdes Nations Uniesaux frontières entre la Yougoslavie
et la Croatie d'un côté,et la l'Bosnie-Herzégovind e" l'autre;
- on estime qu'aumoins cinquantemillesdes près de
sept cent milles réfugiés qui setrouvent actuellemens tur le
territoire dela République fédérativ de Yougoslavie,en raison
de guerresciviles enCroatieet en "Bosnie-Herzégovine"s ,ont
d'originenationalemusulmane. Ils ont été accueillis et on
s'occuped'eux le mieux possible compte tend ues circonstances
exterêmement difficiles d la périodeactuelle, et absolument dans
les mêmes conditions queles autres réfugiés.La plupartdes
autres réfugiés sontd'origineserbe etsont, eux aussi,victimes
de persécutions,de pratiques de"purification ethnique e1'des
autres actesde violencequi sont perpétrés par tous les
participantsà cette guerrecivile. Il y aun faitévidentque lapartieadverses'estabstenue
délibérémentde mentionner :c'estque lesSerbesqui participent à la
guerre civile en Bosnn ie sontpas des Serbesvenusde la Serbie même
mais desSerbes bosniaqueq sui vivaientdepuis des siècleasvecd'autres
groupesnationaux. Ilsne sontles "agentset auxiliaires" de personne.
Il faut mentionnecre faitpertinentqui démontre que la République
fédérativede Yougoslavien'estpas un agresseurdans la guerre civileen
Bosnie. Dans la déclaration constitutionne dul27 avril1992,le
Parlementde la République fédérative de Yougosla avieairmentindiqué
que la République fédératidve Yougoslavien'avaitaucune revendication
territoriale concernant les anciennes Républ ieqYougoslaviesqui se
sont détachéedse laRépublique fédérative socialid stYougoslavie.
- Pas un seulsoldatde la République fédérati veeYougoslaviene se
trouvesur le territoirdee la "Républiqudee Bosnie-Herzégovine".
- La République fédérative de Yougosla neifeournitde soutienmilitaire
à aucunedes forces en présence dac ns conflitarmé entrenationset
groupesreligieux.
- La République fédérative de Yougosla n'appuieen aucunefaçonla
perpétration dans cete te-Républiqueougoslave des crimes gravesdont
il estfaitétatdans la requêteintroductive d'instance.Elle a au
contraire faiptart publiquement,età maintesreprises, de son
indignation faceà tousles crimes contre l'humanitcéommisau coursde
cette guerre civile,qu'ils'agissede la prétendue purification
ethniqueou d'assassinatsq,uelsqu'ensoient les auteurs. Elle a
d'ailleurs pridses mesures concrètequi démontrentses engagementsà
cet égard, commeen témoignent ledseux faits importantsuivants :
-ce fut la République fédératidve Yougoslavie etles hauts
fonctionnaired ses deux Républiquesui la composent, la Serbiet
le Monténégro, qu ont proposéles premiers de posterdes observateursdes NationsUnies auxfrontières entre lY aougoslavie
et la Croatie d'un côté,et la "Bosnie-Herzégovined "e l'autre;
- on estimequ'au moins cinquantemillesdes près de
sept cent milles réfugiésqui se trouventactuellementsur le
territoirede la République fédérativ de Yougoslavie,en raison
de guerrescivilesen Croatieet en "Bosnie-Herzégovine", sont
d'originenationalemusulmane. Ils ont été accueillis et on
s'occuped'eux le mieux possible compte tenu des circonstances
extrêmement difficiled se la périodeactuelle,et absolument dans
les mêmesconditions que les autresréfugiés. La plupartdes
w
autres réfugiés sont d'origin serbe etsont, eux aussi,victimes
de persécutions,de pratiques de"purification ethnique et des
autres actes de violencequi sont perpétrés par tous les
participantsà cette guerrecivile.
Je dois égalementsoulignerque, dans la mesurede ses possibilités
et de ses pouvoirs,et de sa propre initiative,le Gouvernementde la
République fédérativ ee Yougoslaviea pris des mesuresconstructives en
vue de parvenir à un règlementpacifique dela crisebosniaque. En même
temps, il a faitce qu'il a pu pourexécuter les décisionsdes organes
des NationsUnies.
Tout ceci nous ramèneau fait que lesévénements qui ont e lieu
dans l'ex-Républiqueyougoslavede Bosnie-Herzégovinn ee constituentpas
une agressiond'un Etat contreun Etat, mais une guerre civiled'une
ampleuret d'une intensité considérables. Pour cette raison,aucunedes
revendications formuléesà l'encontrede la République fédérativ de
Yougoslaviedans la requêtede la partie adverse n'a une quelconque
validité.
De l'avisde mon gouvernement, pour mettre unterme à la situation
intolérable danslaquelle setrouve l'ex-Républiqu yougoslave dela
Bosnie,les mesuressuivantes s'imposent :- en premierlieu, la cessationde toutes leshostilités,qui peut être
grandement facilitée par d lacisionde cessez-le-feudu 28 mars de
cette année à laquelle leGouvernement yougoslavea pris une largepart;
- deuxièmement,l'établissement d'un règlementpacifiquedurable,
effectifet juste pour toutesles parties;et
- finalement,une fois queles passions qui dominenl ta scène politique
se seront apaisées et une fois qu'on aura clairement établice qui
s'est réellement passé et ce qui se passe actuellementen Bosnie,des
poursuites seront engagées cont trous les responsables descrimes
commis.
Les revendications exposée dsans la requêtedu gouvernementde
Sarajevosont dénuéesde tout fondement. Ce fait à lui seultémoigne des
effortsdéployésactuellement pour atteindre immédiatemen des objectifs
politiques à long terme en exploitantune tragédiehumaine. La requête
dont est maintenantsaisiela Cour internationald ee Justiceconstitue
aussiune mesureprise dansce but.
L'avantageque danscette affaire le gouvernementde M. Izetbegovic
tireraitdans l'immédiatseraitla levéede l'embargosur les armes,qui
est une des mesures conservatoire que la Courest priée de prendre. Si
la Cour accède à cettedemande,la seule conséquence seraiu tne nouvelle
aggravation de la guerrecivile enBosnie.
A long termeet étantdonné que des personne de nationalitéserbe
habitentdans d'autresrégions etEtats que la Serbie en tant que partie
constitutive de la République fédérativ de Yougoslavie (en l'occurrence
dans l'ex-République yougoslavede Bosnie-Herzégovine)u ,ne telle
accusationde génocide, si délicate et politiquement sensible, portée
contre la République fédérati deeYougoslavie,fourniraitune occasiond'imposer un mode de règlementpolitiqueou autre basésur la forceet
qui trèsprobablementporteraitatteinteaux droitsfondamentaux des
personnesde nationalité serbq eui se trouventdans
l'ex-Bosnie-Herzégovine.
Et en cemoment,leurs droits lep slus fondamentauxv,oireleurvie,
sontviolés surle territoire de l'ex-Républiquy eougoslavde
Bosnie-Herzégovine. Ce fait,pourune raisonquelconque, n'a pas été
portéà la connaissancd eu grandpublic,commesi la vieet les droits de
l'hommedes Serbesen Bosnie-Herzégovine avaim eninsde valeur que ceux
des autres groupe nationauxvivantsur les territoireb sosniaques.
w
Je vous remercie, Monsieulre Présidentainsi que les membres l de
Cour,de votrecourtoisie et je vouspriede bienvouloir donner la
paroleà M. Rosenne,qui présenterl aes arguments juridiqud es
Gouvernementde la République fédérati veYougoslavie à ce stadede la
présenteaffaire.
Mercibeaucoup.
Le PRESIDENT: Je vous remercie MonsieuZivkovic. Je donnela
paroleà M. Rosenne.
M. ROSENNE: Monsieur le Président, Messied ursla Cour,plaiseà
la Cour.
Je tienstoutd'abord à vous dire combie je me sens honoréd'avoir
le plaisirde me présenterune fois de plusdevantle principal organe
judiciairedes NationsUnies. Plusde quaranteans se sont écoulés
depuisque j'aivécupour la première foic setteexpérience,également
dansune affaire relativeà la conventiopnour la préventionet la
répressiondu crimede génocide. J'aimeraissaisir cette occasion, Monsieur le Président, pour
exprimerma sympathie à la familledu regretté juge, M. ManfredLachs,
qui était un grand juristeinternational, un grand diplomate et un juge
éminent,ainsi qu'à la Cour dont il étail te Président.
J'aimeraiségalementexprimermes remerciements au Gouvernement de
la République fédérativede Yougoslaviede m'avoir fait l'honneurde me
chargerde la lourde tâche de présenter à la Cour les considérations
juridiquesqui nous paraissent importantes. J'estimeque mon devoir
envers laCour, et envers le Gouvernement yougoslav e,td'essayer
d'aider la Cour dans toute la mesurede mes possibilitésà prendre la
décisionqui s'imposedans cetteprocédure, qui est exclusivement
consacréeà la demande en indication de mesur conservatoires.
J'aimeraiségalement,à titre personnel, évoque urne mention
figurantau paragraphe 9 de la requête introductive d'instance. Il
s'agitd'une référence au refugo efferten Bosnie-Herzégovine notamment
aux juifs séfaradesqui ont échappé à l'inquisitionet aux progromset
en 1565 ont créé leur communautéà Sarajevo. Je descendsmoi-mêmed'une
de ces familles séfaradesl,a famille Fonseca, nom dont laCour a eu
connaissance à une autre occasion,qui a fui le Portugallorsque
l'inquisitions'est installée dans ce pays. Nous savons tous
parfaitement bien que l'Empireottoman, qui avaié ttenduson emprisesur
la Bosnie-Herzégovinb eien avant 1492,a joué un rôle de premierplan, de
même que certains paysd'Europeoccidentale,en particulier l'Italieet
les Pays-Bas, en accordantun refuge à ces victimes de la persécution,et
en ce quiconcernela communautéjuive de Sarajevoelle-même,je ne peux
dire qu'ellea donnédes grands dirigeants à 1'Etatd'Israël
d'aujourd'hui, y compris deux deses chefsd'état-major. Comme c'est l'usage, je m'abstiendraide mentionnerle texte
intégralde mes citations,mais celles-cifigurentdans le texteque j'ai
remis au Greffequi doitêtre vérifiéà l'auditionde ma déclaration, et
j'aimeraisqu'ellesfigurentdans le compte rendud'audience.
Comme je l'ai déjà dit, mon devoiraujourd'huiest de présenter à la
Cour des considérations de droit qui,à notre avis, devraient amener la
Cour à refuser d'indiquer les mesuresconservatoiresdemandées.
Une première remarque s'impose.
La requête,un document quisous sa forme imprimée comprend
soixante-dixpages dans chaque langue, a été déposéeau Greffede la Cour
w
le 20 mars dernier. A cette époque, le texte avait été tranmispar
télécopie à la fois au ministèredes affaires étrangèresà Belgradeet au
représentant permanend te la Yougoslavie auprèdses Nations Uniesà
New York, maisnon à l'ambassade icà i La Haye pour uneraison
quelconque. La transmissionde ce long documenta ,insi que du texte la
demandeen indicationde mesuresconservatoires, exigeun certain temps,
de fait à peu prèsune heure,mais deplus quelques pages se sont perdues
ou étaient difficilemenl tisibles. L'anglaisn'est pas la langue dela
Yougoslavie,et sa traduction en serben'est pas chose aisée ouqui peut
être faite rapidement. Le 24 mars, avantque lesautorités deBelgrade
aient eu l'occasiond'étudiercomme il convientces documents, elles ont
été informées que la Cour avaitdécidé defixerau jeudi ler avril la
date du début de ses audiences. Je n'ai moi-mêmereçu des instructions à
Jérusalem quemercredimatin. Je signalece fait pour demanderà la Cour
son indulgence pourtoute imperfectioo nu imprécisionque pourrait
comportermon exposé. Monsieurle Président, ily a égalementun aspect matériel dans cet
élément detemps. Si l'on considère les deuxdernièresdemandesen
indicationde mesuresconservatoires - qui, dois-jele rappeler,ont été
rejetées - les requêtes introductive d'instanceétaient desdocuments
succinctset la situationétait la suivante.
Dans l'affairedu Passagepar le Grand-Belt(Finlande
c. Danemark),la requête introductive d'instancea été déposéele
17 mai 1991. La demandeen indicationde mesures conservatoirea s été
présentéele 22 mai. Les observations écrited se 1'Etatdéfendeur - qui
soit diten passant figuraiend tans un documentassez détaillé- ont été
déposéesle 28 juin. Les audiences ontcommencéle ler juillet,et
l'ordonnancea été rendue le 29 juillet. Je crois savoir que cette
procédureet cette ordonnance ont heureusement servi db ease au règlement
à l'amiablede cette affaire.
L'annéedernière,dans les deuxaffaires relatives à des Questions
d'interprétation ed'applicationde la conventionde ontr rédal 1971
résultant del'incidentaériende Lockerbie,les requêtes introductives
d'instanceet les demandesen indicationde mesuresconservatoires ont
été toutes déposées simultanément le3 mars 1992. Les défendeursn'ont
pas présentéd'observations écrites. Les audiences consacréea sux
demandesen indicationde mesures conservatoires on commencé le 26 mars,
et les ordonnancesont été rendues le 14 avril.
Je n'ai pas eu le tempsd'examiner d'autre procéduresde cette
nature, maisil nous semble quedans les circonstances dl ea présente
espèce,le délai laissé au Gouvernement yougoslavepour préparer cette
affaire, désignerson agent,choisirson juge ad hoc, voire décider
s'il souhaite en désignerun, et organisersa délégationest vraiment
très bref. Mon collègue,l'éminentreprésentantde la Républiquede Yougoslavie
faisantfonction d'agentainsi quemoi-même, avons déjàfait connaître à
la Cour la positiondu Gouvernementyougoslaveconcernantles faits
allégués dansla requête introductivd e'instance,et il ne m'appartient
pas d'ajouterquoi que cesoit à ce stadede la procédure incidente
concernantl'indicationde mesuresconservatoires.Je me limiterai à
examiner deux points liésentre eux, à savoirla compétencede la Cour
pour connaître dela requête, et la questionde la relationde cette
instance avecla procédureen cours devantle Conseil desécurité.
A proposde la compétencede la Cour, la requête introductive
d'instancerepose surune seule base decompétence,l'article IX de la
conventionpour la préventionet la répressiondu crimede génocide du
9 décembre1948. Cette disposition est ainsi conçue :
"Les différends entre lepsarties contractantes relati fs
l'interprétation, l'applicationou l'exécutionde la présente
convention, y compris ceuxrelatifs à la responsabilité d'un
Etat en matièrede génocideou de l'un quelconque des autres
actes énumérés à l'articleIII, sont soumis à la Cour
internationale de Justice,à la requêted'une partie au
différend."
Avant de traiterdu fond de cette partie de l'affaire,une question
préliminairese pose. Si nous comprenonsbien, la Bosnie revendique le
statut departie à cette convention en vert d'une
"notificationde
succession"qu'ellea déposée auprès du Secrétaire généralde
l'organisation des NationsUnies, en sa qualitéde dépositairede la
conventionsur le génocide. La Bosnie-Herzégovineest une entité
internationale indépendante.Elle a été admise comme membrede
l'organisation des NationsUnies le 22 mai 1992. De nombreusesquestions
touchantles nouveaux Etats indépendants de l'ex-Yougoslaviesont encore
en suspens,et l'une des plus importantes concerne q ce'on appelle
généralementla "successiond'EtatsW. Je ne vais pasexaminer endétailmaintenanttous les aspectsde
cette questionsauf pour dire qu'aucunerèglede droit international
contemporain - à ma connaissance - ne confèreà la Bosnie le droit de
proclamer unilatéralement au moyen d'un documentdénommé notification de
succession,qu'elleest maintenantpartie à la conventionà compterdu
6 mars 1992 simplement parce que la Yougoslavieest partie à cette
convention,et que la convention était applicable à ce qui est
aujourd'huile territoirede la Bosnie-Herzégovine par l'intermédiairede
l'ex-République fédérative socialistd ee Yougoslavie. Je trouve
confirmation de ce que je viens de dire dansla conventionde Vienne sur
la succession d'Etatsen matièrede traitésdu 23 août 1978. L'articl7
traitede l'application dans le tempsde la convention, et son premier
paragraphe dispose :
"1. Sans préjudice del'application de toutesrègles
énoncéesdans la présente convention auxquell les effets
d'une successiond'Etatsseraient soumis en vertu dudroit
internationalindépendamment de la convention, celle-ci
s'appliqueuniquement à l'égardd'une successiond'Etatsqui
s'est produite après soe nntréeen vigueur,sauf s'il en est
autrementconvenu." (La Commissiondu droit internationae lt
son oeuvre, 4e éd., p. 290 (Nations Unies,no de vente
F.88.V.1).)
Monsieurle Président, il est bien connu quela procédurede
"déclarationde succession",qui soit dit en passantn'est mentionnée
nulle part dans la conventionde 1969 sur le droit des traités(1155
UNTS 331), a été établiepour traiterdu problèmedes effetsde la
décolonisation sur les obligations conventionnelld ess anciennes
puissances colonialee st des nouveaux Etats indépendantsdécolonisés.
Cette convention n'est pas encore entrée en vigueur,bien que la
procédurede déclarationde succession soit pleinement admise et
appliquéedans lessituationsde décolonisation. A la fin de 1991 - dernière datepour laquelle je possèdedes
informationsà ce sujet - seulesneuf Etats l'avaientratifiéealors
qu'il en fallaitquinzepour que la conventionde 1978 entre en vigueur.
La Yougoslavieest signatairede cette convention et l'a ratifiée sans
formulerde réservesle 28 avril 1980. J'estimeque ceserait aller à
l'encontrede l'objetet du but de la conventionque d'appliqueren 1993
la notionde déclarationde successionà des circonstances qui n'étaient
pas envisagées lorsqul ea Commission dudroit international aélaboré
sont projetd'articlessur la questionet lorsque laconférence
diplomatiquea adoptéla conventionde 1978. A notre avis, la
notificationde successionde la Bosnie-Herzégovine qu aiété diffusée
par le Secrétaire générae ln sa qualitéde dépositairede la convention,
ne peut être assimilée àune déclarationde succession dans un cas de
décolonisation.
Ce queje dis est confirmé parles termes singuliers de la note du
dépositaire distribuép ear le Secrétaire général dle'organisationdes
NationsUnies le 18mars dernier. Selon cette note,le Gouvernement de
la Bosnie-Herzégovine a déposé cette "notificatiode succession1l'e
29 décembre1992, avec effet rétroactifau 6 mars 1992,date à laquelle
"la Bosnie-Herzégovinea assumé la responsabilit de ses relations
internationales".La Bosnie-Herzégovine est parfaitementen droit
d'adhérer à la convention selolne mode normal, conformémenàt
l'article XIII de la convention,
cette adhésionprenant effet aprèsun
délai de quatre-vingt-dixjours à dater dudépôt de l'instrumentauprès
du Secrétairegénéral del'organisation des NationsUnies.
En conséquence,Monsieur le Président, dan la requête introductive
d'instance, toute lapartie del'exposédes faits antérieurs à l'entrée
en vigueurde la convention conformémen àtl'articleXIII est en dehorsde la compétence dela Cour. La République fédérativd ee Yougoslavie ne
consentà aucune extension de la compétencede la Cour au-delàde ce qui
est strictementstipulé dansla conventionmême.
Tout en maintenant ces affirmations,je voudraispasser,
subsidiairement, à la convention propremend tite.
Je pense que la Cour admettra avemcoi que l'article IX de la
conventionpour la préventionet la répressiondu crime de génocide
représenteune forme inhabituelld ee clause compromissoireet qu'une
prudence exceptionnell e'imposeavant que la Cour ne fonde surelle sa
compétence dans la procédure principal eet, a fortiori,avant qu'ellene
fonde sa compétence minimale pour indiqu des mesures conservatoires à
ce stade accessoire.
La partiede la disposition de l'articleIX qui se réfèreaux
"différendsrelatifsà l'interprétation et à l'application" de la
conventionest évidemmentconçuedans les termes habituels, et à ce sujet
je me contenterai, à ce stade,de noter quela requête introductive
d'instanceet ses nombreuxéléments supplémentaire ne contiennent aucune
indication selon laquelleun tel différendait déjà surgi. Je dis cela
sans hésitation, compte ten due ce quej'ai pu apprendreau sujet des
travaux del'Assembléegénéraleet du Conseilde sécurité.
Le problèmeest posé parles termesde l'articleIX que je vais
citer. Je ne me proposepas, à ce stade,de discuterde la question de
savoirsi tous lestermes employés à l'articleIX, depuis ''l'exécutiod ne
la présenteconvention"jusqu'aux"actesénumérés à l'articleIII" ont
trait aufond et ce n'est pas celaqui nous occupe maintenant, si ce
n'est que nous réservons tousnos droitsquant à la manièredont nous
traiteronsde la compétence de la Couret du fond, le momentvenu. Ce que je me proposed'exposermaintenantest d'un ordre différend.
Si nous examinons attentivemen ta demandeen indicationde mesures
conservatoires,que trouvons-nous?
Nous trouvons quela Yougoslavie"avecses agentset auxiliaires"
- je ne sais pas ce qu'il faut entendreici par l'auxiliaire1'doivent
immédiatementmettre finà ce que l'autrePartie désignecommedes "actes
de génocideet assimilés1'e,xpression qui,me semble-t-il,est simplement
pléonastique. Ce que l'on veut dire par là peut être déduitde la
requête introductivd e'instance. Mais comme l'asoulignéla Cour, la
demandeen indicationde mesures conservatoires "doit,de par sa nature
w
même, se rapporterau fond de l'affaire,étant donné que, comme l'indique
expressémentl'article41 [du Statut],leur but est de préserverles
droitsde chacunedes Parties" (personne diplomatique et consulair des
Etats-Unis à Téhéran (mesuresconservatoires)1979, C.I.J.Recueil1979,
p. 16, par. 28).
C'est là que réside leproblème. Ce que demandentnos adversaires,
sous le déguisementd'une indicationde mesures conservatoires ,'est en
réalitéun jugement intérimairs eur le fond de l'affaire. Il ne peuy
avoir de douteà ce sujet et à notre aviscela situedirectement cette
affaire dansle champde la doctrine énoncép ear la Cour permanente dans W
l'affairebien connuede l'Usinede Chorzow,ordonnance du
21 novembre1927 (C.P.J.I.sérieA no 12, p. 10). Dans l'affairedes
Otages, la Cour aétabliune distinction entre leq suestions dontelle
était saisie et cellesdont avait étésaisi en 1927son prédécesseur. A
notre avis,Monsieur le Président,cette distinctionne peut pas être
faite dans le cas présent. Les détailsdes mesures conservatoires
demandéesdoiventêtre envisagésdans la perspective de l'énoncéformel
de la demandetelle qu'ellefigure dans la requête introductive
d'instance. Il faut ensuite sedemandersi, en vertu de l'article41 duStatut,les droitsrevendiqués, dans la mesureoù ils relèventde la
compétence de la Cour,ont besoinde la protection envisagée par
l'article 41. A notre avis,cettecondition essentiell n'estpas
remplie dans cecas.
Je me propose maintenant ddire un mot sur les résolutionsu
Conseilde sécurité. Permettez-mioii de rappeler que dans lpremière
résolution, la résolution713 du 25septembre1991, le Conseilde
sécuritéa insistésur le faitqu'ilagissait en vertudu chapitre VI1 de
la Charte. La dernière résolution edate,la résolution802 du
25 janvier,dans laquelle il rappelle touteses résolutions antérieures,
à partirde la résolutio7 n13,s'achèvesur la formule,fréquemment
employéepar le Conseil de sécurité,selonlaquellele Conseil"décidede
demeurer activement said si la question".J'ai dit que la
résolution 802 du 25 janvieétait ladernière, mais je crois avoirvu
dans la pressequ'unenouvellerésolution a été adoptéehier ou
avant-hier, qui ne m'estpas encoreparvenue,ce dont je prie laCour de
m'excuser,si bien que je ne connais passa teneur. Le Conseil de
sécurité demeure activeme sntiside l'ensemblede la question soulevée
dans la requête introductive dcette instanceet dans la demande en
indication de mesuresconservatoires.Je me permetsde demander
respectueusementà la Courde bienvouloir retenir cet aspect de
l'affaire.
A l'alinéam) des conclusionsde la requête introductive
d'instance, nouslisons :
"m)Que la résolutio7n13 (1991)du Conseilde sécurité
imposantun embargosur les livraisonsd'armementsà l'ancienne
Yougoslavie doiêttre entendued'unemanièretellequ'ellene
portepas atteinteau droit naturelde légitimedéfense,
individuelleou collective, dela Bosnie-Herzégovineen vertu
de l'article51 de la Chartedes NationsUnies et des règlesdu
droit internationacloutumier.
L'agentde la Bosnie-Herzégovin econsacréune grandepartiede sa
déclarationd'hier à cet aspectde son affaire. La résolution713 (1991)du Conseil desécuritéest la première
d'une longue sériede résolutions adoptées pa le Conseilde sécurité
depuis le 25 septembre1991. Le paragraphe 6 de cette résolutionest
redigé comme suit :
"Le Conseil desécurité
6. ~écide, en vertu du chapitreVI1 de la Chartedes
NationsUnies, que tous les Etats mettront immédiatement en
oeuvre,aux fins de l'établissement de la paix et de la
stabilitéen Yougoslavie,un embargogénéralet complet sur
toutes leslivraisonsd'armementset d'équipements militairesà
la Yougoslavieet ce, jusqu'àce que le Conseil de sécurite én
décide autrement,après quele Secrétaire général aure au des
consultations avel ce Gouvernement yougoslave.''
"Tous les Etats",Monsieurle Président.
Il s'agit là de la disposition-clé à laquellese réfèrentles
conclusions de la requête introductivd e'instance. C'est à cette
disposition que divers paragraphes de la demandeen indicationde mesures
conservatoires se réfèrent. Je pense en particulieraux paragraphes 4, 5
et 6 des mesuresconservatoires demandées. La Bosnie-Herzégovine a
toujoursété irritée par l'impartialité de la résolution 713du Conseil
de sécuritéet s'efforcemaintenantde la mettre en échec en recourantau
mécanismed'une demandeen indicationde mesuresconservatoires.
Monsieurle Président,Messieursde la Cour.
Quiconqueest familiarisé avec les travauxdu Conseil desécurité
sait que lelanguagede ces résolutionsest toujourstrèsminutieusement
choisi. Permettez-moi, à ce propos,de rappeler ce que la Cour avait à
dire à ce sujet en 1971 : "il faut soigneusement analysel re libellé
d'une résolution duConseilde sécurité" (Conséquences juridiquespour
les Etats de la présence continue de l'Afrique du Sud en Namibie
(Sud-Ouest africain)nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de
sécurité, C.I.J. Recueil 1971, p. 53, par. 53). En fait, le paragraphe6 de la résolution 713 (1991)n'exigepas
vraimentd'analyseapprofondie. Il signifie exactemenc te qu'il dit. De
plus, il n'est pas seul. Je tiens à rappelerque le Conseilde sécurité
a expressément réaffirml ée contenude cettedisposition à plusieurs
reprises depuis qu'ellea été adoptéepour la premièrefois, en 1991. Je
renvoie auxrésolutions du Conseilde sécurité724 du 15 décembre1991,
740 du 7 février 1992, 743 du 21 février1992 (voir en particulierle
paragraphe11) et à la résolution762 du 30 juin 1992 (voir en
particulierle paragraphe8). Le Conseil desécuritéa délibérément
adoptéet confirméla teneurde ce paragraphede la résolution713
(1991),agissant constammene tn vertu du chapitreVI1 de la Charte. Ce
chapitre, point n'est besoin dele rappelerà la Cour, traitede l'action
en cas de menace contre lapaix, de rupturede la paix et d'acte
d'agression, ec'estlà que le Conseil de sécurité disposede pouvoirs
exclusifsd'agir impérativement.En termes plus générauxl ,e Conseil de
sécuritéa réaffirmé la validitd ée la résolution713 dans la
résolution780 (1992)du 6 octobre dernier et dans la résolution787
(1992)du 16 novembredernier,après quela Bosnie-Herzégovine est
devenue membrede l'organisation des NationsUnies.
Ce que nos adversaires veulent que l Cour fasseaujourd'hui,sous
prétexted'une demande en indicatio ne mesures conservatoires ,'est
interpréter, voire modifiercettedispositionde la résolution713 (1991)
et la transformeren une disposition tendancieus et unilatérale,qui ne
serait pas conçue en vue de la réalisationdes objectifs laquelle aspire
le Conseilde sécurité, comme nous tous, le rétablissement dlea paix
dans la régionen question.
La Cour a toujours été extrêmemen minutieuseet prudente
lorsqu'elle étais taisiede questionsse rapportantà des actions du
Conseil de sécuritéet, peut-êtreen contraste avec ce qui est parfoisexprimé dans les ouvrage théoriques,ne s'est jamaislaissée orienter
vers aucuneformede confrontation avec le Conseil desécurité. Cela
était particulièrement manifeste l'an dernierlors de la procéduredans
l'affaire Lockerbie et je n'avaisni l'intentionni les moyens,dans le
temps limitédont je disposais pour préparer cette déclaration d,e passer
en revue le terraincouvertdans la procédure orale de cette affaire. Je
voudrais rappeler ici un paragraphe del'ordonnancedu 14 avrildernier
(je cite le textede l'ordonnancerendue par la Cour dans l'affaire
introduite contre le Royaume-Uni, mais on trouve cemême paragraphe dans
la deuxièmeinstance introduite contre lE esats-Unisd'Amérique).
Le paragraphe39 de l'ordonnancedans l'instanceintroduitecontre
le Royaume-Uniest ainsi libellé :
"Considérantque laLibye et le Royaume-Uni, en tant que
Membresde l'organisation des Nations Unies, son dtans
l'obligation d'accepteret d'appliquerles décisionsdu Conseil
de sécuritéconformément à l'article25 de la Charte;que la
Cour, qui, à ce stadede la procédure,en est à l'examend'une
demandeen indicationde mesuresconservatoires, estime que
prima facie cette obligation s'étend à la décisioncontenue
dans la résolution748 (1992);et que, conformémentà
l'article103 de la Charte,les obligationsdes Partiesà cet
égard prévalentsur leurs obligations ev nertu detout autre
accord international..."
Nous pensonsque la doctrinesur laquelle reposent ces considérants
dans l'ordonnancedoit prévaloir avec une force encore plus grand dans
la présenteespèce,où le Conseil de sécurité aagi en vertu du
chapitre VI1 de la Chartedès qu'il a commencéà s'occuperde ce problème.
A cet égard, la présente affaire sd eistingue facilemend te deux
affaires que les auteurstendent fréquemment à présenter comme traduisant
un conflitpotentiel entre la Cou et le Conseilde sécurité. Je veux
parlerdes affaires des Activités militaireset paramilitairesau
Nicaragua et contre celui-ci et de Lockerbie. Au moment où la Cour a
été saisiede chacunede ces troisaffaires,le Conseil de sécuritéavait
agi en vertu de dispositionsde la Charte autres que cellesdu chapitreVI1 (il acommencé à se référerau chapitreVI1 pendantles
délibérationsde la Cour surles affaires Lockerbie). Telle n'est pas
la situation danscette affaire où, ainsi queje l'ai déjà indiqué,le
Conseil desécuritéa toujours agien vertu du chapitre VI1 de la Charte,
avec toutesles incidencesque cela comporte pour tous les organes des
Nations Unieset pour tous les autresEtats, qu'ilssoientou non membres
de l'organisation des NationsUnies.
La questionrevêtune importancequi va au-delàdes relationsentre
les Parties danscette procédure. Ainsi qu'on l'a vu, le paragraphe6 de
la résolution 713 s'adresse à tous les Etats, et comme il a été adoptéen
vertu du chapitreVI1 de la Charte, ils'impose à tous les Etats. La
Cour voudrasans doute faire preuve d'une extrême prudence avant de
modifierde quelque manière quc ee soit lasignificationou le sens de
cettedispositionobligatoire,même indirectemeno tu au moyen d'une
interprétation et d'une procédure incidente en réalité sommaire et
impérative concernanu tne demandeen indicationde mesures conservatoires.
Je sais très bienqu'à de nombreusesreprises,le Conseil de
sécuritéa adopté desdécisions déplorand tiverses activités attribuées
au Gouvernement de la Yougoslavieou le critiquant d'une autremanière.
Mais si nous considérons ces résolutiod nsns leurensemble comme je suis
persuadéque la Cour voudra le faire - je les déposeraisi la Cour le
demande - je pense qu'il seraitjuste de dire quele Conseilde sécurité
s'est gardé de trop généraliser dans la déterminationdes
responsabilités, en ce qu concerne lasituationactuelle. La liste des
résolutionsen questioncomprendles suivantes,à l'exclusionde celle
adoptéeil y a un ou deux jours : 713, 721, 724de 1991, 727, 740, 743,
749, 752, 757, 758, 761, 762, 764, 769,770, 771, 776, 780, 781, 787,
795, 798 de 1992 - un nombre considérable de résolutions- et 802
de 1993. Il a toujoursinvitétoutes les parties à prendreles mesuresque prévoyaitune résolution particulière pour faire fà auen événement
ou à un incidentdéterminé. Et assurément, quand le Conseilde sécurité
a décidé queles actes du Gouvernementde Yougoslavieétaient
criticables,voire condamnables, nous ne devons pasoublierqu'il
s'agissaitde décisions politiques d'u organepolitique,et non de
décisions juridiques fondéessur un examenapprofondi de piècesde
procédure complètee st soigneusement rassemblées,et étudiéesdans le
cadre d'une procédure délibérémene tt parfaitementcontradictoire.Je ne
partagepas l'opinion,et je ne pense pasque la Cour ait jamais riendit
qui puissealler à l'appuid'une telle opinion,selon laquelleles
décisionsde ce caractèreque prend le Conseilde sécuritésont ..
llquasi-judiciairesq ",el quesoit le sens quepeut avoir cette
expressionmystérieuse. Il s'agitde décisions politiquer seposant.sur
.
l'interaction de facteurs politiqueq sui ne sont pas toujours
manifestes. Les membresde la Cour qui, à un autre titre, ont eu
l'expériencedes procédures duConseilde sécurité sont parfaitemen au
courant de cefait, et il est inutileque je m'étendedavantagesur ce
point.
Ce que la Bosnie-Herzégovine demandeà la Cour dans sa requête
introductived'instanceest de choisir certaines déclaratiod ns Conseil W
de sécuritéet de les transformerpar quelque processus d'alchimieen
décisionsde la Cour avec toutes lec sonséquencesqui s'y attachent. Et
ce que laBosnie-Herzégovine essae iesuitede fairedans cetteprocédure
de mesures conservatoires est d'obtenirde la Cour un jugement
provisionnelayant le même effet. Elle s'efforcede faire franchir
abusivementle seuil dela compétence de la Cour pour indiqued res
mesures conservatoires aux fins d'obtenirun jugement provisionnes lur le
fond,nonobstantque nous soutenonsen l'espèceque le seuil assurément
bas de la compétencede la Cour en vertu dela clause compromissoire
inhabituelle de la conventionn'a pas été atteint. Monsieur le Président je saisque lelatinn'estpas la langue
officielle des NationsUnies,mais permettez-moi de citerune maxime bien
connue,qui se trouve,je crois,dans le Digest : Narramihi facta,
narrabo tibi jus. La Cour est un tribunal,et nonun autre Conseil de
sécurité. Certains faits doivent manifestemê ente établis avant que
puissevalablement être di le droit,et cela est,bien entendu, reconnu
expressément par le Règlementde la Cour. Je penseque l'étudede la
jurisprudence de cetteCour et de sa devancière montreraqu'ellea
rarement été, se illel'a jamaisété, submergée par un flotde faitset
d'allégations de faits,avec sipeu de droit,comme cefut le cashier.
Il s'agitici d'uneprocédure incidente concerna une demande en
indication de mesures conservatoires conformémenà l'article41 du
Statut,et à la procédure défini eux articles73 à 78 du Règlement dela
Cour. Nous avonsl'intention de nous tenirautantque possible dans les
limitesfixéespar cetteprocédure. Partantde là, j'aborderai
maintenantla questionque vous avezsoulevéehier,Monsieur le
Président,quandvous vous êtes référéau paragraphe1 de l'article61 du
Règlement - je croisque c'estla première fois que cette disposita ion
été formellement invoquée- et que vous avez, en même temps, mentio unné
nouveaudocument déposé par la Partieadverse dont elle pensaitqu'il
pouvaitconstituerce qu'elle appelait "unfondement additionne de
compétence".
J'exprimeraid'abordmes plus expresses réserve s l'égardde cette
tentativede modifierla basede la compétence de lC aourdont je suppose
qu'elleétaitcenséeêtrejustifiéepar la réservedu droitde reviser,
compléterou modifierla requêteénoncéeau paragraphe 135 de l requête
introductived'instance. Ce n'estni le momentni le lieude présenter
une argumentation complèt quant à la mesuredans laquelle cetypede
réserveest compatible avec l'article40 du Statutet l'article38 du Règlementde la Cour. Je mentionnerai simplementl'étudedoctrinalede
ce problèmequ'a faite lejuristeitalienLuigi Migliorinodans le
volume 1989de la Rivista di dirittointernazionale. L'annéedernière,
dans l'affairede Nauru, la Cour aabordéce problèmeet a souligné la
nécessitéde maintenirune sécuritéjuridique dansles questionsque
soulèveune requête introductive d'instance,et je dirai queles mêmes
considérations sont valable ici. Hier après-midi,tandis queje
préparais mes notes pour ces observations,j'ai reçu du Greffier,après
qu'eut été levée l'audiencd e'hier,une lettrepar laquelleil me
communiquait quelquensouveaux"Elémentssupplémentaires à l'appuide la
w
requête". Ce documenta été présenté hier par l'agentde l'autre
Partie. Cela appelleune protestation énergiqu ee notre part. Comment
une partie à un différend, quellequ'ellesoit, peut-ellepréparersa
plaidoiriesi elle doit faire face à un déluge constant et apparemment
sans limitede documentset de supplémentset de nouvellesconclusionsde
son adversaire ? Ce ne peut être pourtous qu'unesourcede confusionet
je suis sûrque la Cour partage ce sentimentde confusion. Je prie la
Cour, respectueusement et instamment,de se penchersur ce problèmeet
d'en tirer lesconclusions appropriées.
S'agissant ici'une procédure accessoirceoncernantdes mesures
conservatoires demandée par l'autrePartie surla base des "faits
décrits dansl'exposédes faits figurant dans la requête",je me bornerai
à ce stadeà ces brèves observations, me réservantle droit de traiter le
problèmede manière plus complèta eu moment opportun.
Monsieurle Président,je me dois de direque nous ne sommespas ici
dans un tribunal criminel internation etlles notionsdu type de celles
que nous avons entendu présente hier, qui sont tiréesdu droit criminel
interne, n'ont pas leur place dans lesaffaires dont connaîc tetteCour.
La compétence dela Cour est définie par l'article 36de son Statut, et cet articlene lui confèrepas les pouvoirset fonctionsdes tribunaux
militairesqui ont jugé lesgrands crimineld se guerrenazisaprèsla
deuxième guerrm eondiale. Aucune dispositio de la conventionpour la
prévention et la répressiondu crimede génocidene modifiecelaet dans
cette affaire, Monsiel ur Président,la compétencede la Courest fondée
exclusivement sur le paragraph12 de l'article36 du Statut.
Le fondement additionnel de compéte decea Courqui estmaintenant
invoquépar l'autrePartie setrouve apparemmen aux paragraphes2 et 3
de la lettre du 8 juin 1992des Présidentsde la Serbieet du Monténégro
à M. Robert Badinter,présidentde la commissiond'arbitrage de la
conférence sur la Yougoslavieà Paris. Les paragraphes2 et 3 de cette
lettre, dans la traductionfournie par l'autrPartie,sont rédigés comme
suit :
"2.L'avisdu principe de la RF yougoslaveest que toutes
les questionstraitantde la solutioncomplète (overall
settlement)de la crise yougoslave devraient être résolues
dansun agrémententre la RF yougoslave et toutesles anciennes
républiques yougoslaves.
3. La RF yougoslavest d'avisque toutesles disputes
légalesqui ne peuvent pas êtr résoluesentrela RR yougoslave
et les anciennes républiquyesugoslaves,qu'ellesdevraient
êtresoumisesà la Cour internationale de l Paix,qui est le
principal organe judiciai des NationsUnies."
Cette lettreillustre laconfiance que le Gouvernemendte la
République fédératid ve Yougoslavieplacedans cette Cour. Elle traduit
la politique adopté ear cegouvernement suivant laquel les différends
juridiques avelca Yougoslaviequi ne peuvent pasêtre résoluspar
d'autresmoyens doivent l'êtreconformémentau Statutde la Cour. Mais
il n'y a rien danscettelettrequi puisse être interprété commuene
acceptation général de la compétencede la Cour pourtousles différends
de naturejuridiqueentre laRépublique fédératid ve Yougoslavieet les
ex-Républiqueysougoslaves. Il ne s'agitpas d'uneoffrequi puisseêtre
saisie unilatéralemep ntr un autreEtat,et les observations formuléeshier par M. Boyleau sujetde l'acceptatiodne cette offrene confèrent
aucune compétencà la Cour. Si la requêteest censéese situerdans le
champd'applicationdu paragraphe5 de l'article38 du Règlementde la
Cour,je dois indiquer clairement que la République fédér ative
Yougoslavie n'a pas donnéson consentement,t aucune procédurnee doit
être engagée. Je demande respectueusement la Courd'élucider ce point.
A mes yeux,Monsieur lePrésident,la situation,en fait,est
identique à celle devant laquells'esttrouvée la Couirl y a quelques
annéesdans l'affaireduPlateau continentalde la mer ~gée. Làaussi,
le requérant, lGarèce,a voulufonderla compétence de la Coursur un
communiqué conjoin par lequella Grèceet la Turquieannonçaientleur
décisionpolitiquede résoudrepacifiquement tou les problèmesentre ces
deuxpayspar l'intermédiairdee la Cour,sur la base du paragraph1 de
l'article36 du Statut. L'expressiotniliséedans ce communiquétait
"devraient êtrerésolus1'.
La lettredu 8 juin,tellequ'elleest traduite en françai par nos
adversaires, utilis la même expressiondevraientêtrerésolus". Ce
n'est là,ni en anglaisni en français,l'expressiond'uneobligation
juridique oud'uneacceptation ferm dee la compétencde la Couraux
termesde son Statut. C'est l'indicationd'uneintention de se mettre
d'accordavecd'autresEtatssur les conditions dans lesquel unesitige
donnéseraitsoumis à la Courconformémentaux termesde son Statut,et
je soutiens que,commeelle lefit en1978,la Courdevrait conclur" eque
le communiquén'avaitpas pour objee tt n'a pas eu pour effde
constituerun engagementimmédiat" du Gouvernemendte la République
fédérative de Yougoslavied'accepterinconditionnellement ql ueprésent
différendsoit soumisà la Courpar requêteunilatérale1*. Je citela
page 45, paragraphe107,de l'arrêtde la Courdans l'affairedu Plateau
continentalde la mer Egée. 11 y a un autre argumentui a été avancéau sujetde la compétence
de la Couret auquel il me faut répondre.
Je veux parlerde l'affirmationqu'à faiteM. Boyleà l'audience
d'hier(CR 93/12,p. 35) à l'effetque l'articleVI11 de laconvention
pour la préventionet la répressiodnu crimede génocide auraidt'une
façonou d'uneautrepour effet de conférer "expresséme unte compétence
juridique internationaleà la Cour internationadle Justice afinqu'elle
prennedes mesuresefficaces pourpréveniret réprimer tous les actes de
génocideet autres actes énumérésà l'articleIII"de laconvention.
J'ai relevé,sauferreurde ma part,que M. Boylen'a pas donnélecture
du textede cet articleVIII,ce que je ferai maintenanp tour qu'ilen
soit faitétatdans le compte rendude l'audience. Cetrticlese lit
comme suit :
"ToutePartiecontractante peut saisir lesorganes
compétentsdes NationsUnies afinque ceux-ciprennent,
conformémentà la Chartedes NationsUnies,lesmesuresqu'ils
jugent appropriée pour lapréventionet la répressiondes
actes de génocidoeu de l'unquelconquedes autres actes
énumérésà l'articleIII."
Je n'ai pas eu le temps,Monsieur lPrésident, d'entreprendruene
étudedes travaux préparatoires c dette disposition.Toutefois, sur la
base del'article31 de la convention de Vienne sl ur droitdes traités,
je me hasarderaià dire qu'uneinterprétation de bonn foi suivantle
sensordinaire à attribuer auxtermesdu traité dans leur contexteet à
la lumièrede son objetet de son but ne laisserait pas lseensambiguou
obscurou ne conduiraitpas à un résultatqui estmanifestement absurde
ou déraisonnabled'unemanièrequi justifierait d'avoirrecours aux
travaux préparatoiresC .et article signifiee que ces termes veulent
toutsimplement dire : un Etat contractanpeut saisirun organe
compétentdes NationsUniespour qu'ilprenneconformément à la Charte
les mesuresqu'iljugeappropriées. Le Statut dela Cour constitue uneannexede la Charte et en fait partie intégrante. Appliqué à la Cour, en
sa qualité d'organe principalet d'organejudiciaireprincipalde
l'organisation des NationsUnies, l'articleVI11 dit simplement que les
Etats contractants peuvens taisirla Courpour qu'elleexerce sa
compétenceen vertu de la Charteet du Statutde prendreles mesures
qu'ellejuge appropriées. Dans le contextedes mesuresconservatoires,
la compétence dela Cour est établiepar l'article 36, paragraphe1, du
Statut, lu dansle cadre de l'article IX de la convention; après ce point
de départ, il y a l'article41 du Statutet le pouvoirqu'il confèreà la
Cour, pouvoirque celle-ci,convient-ild'ajouter,doit exercer
conformémentà sa fonction judiciaire, comme tol uss autres pouvoirs
discrétionnaires qui lui sont conférés. Aucun amendementne peut être
apportéà la Charteet au Statutde la Cour parun autre traité.
J'en viens maintenant à la dernière partiede mes observationsqui
ont trait à la question desmesuresconservatoires, quc ionstituent
l'objetde la présente phase de la procédure.
Ma tâche aété facilitée parla communication qu'a adresséehier au
Greffier M. Jovanovic, ministrdees affaires étrangères dl ea ~épublique W
fédérativede Yougoslavie.
Dans cettecommunication, le ministrea indiquédans leurs grandes
lignes leséléments que devraient comporter m lesures conservatoires
indiquées,au cas où la Cour parviendrait à la conclusion qu'i yl a lieu
pour ellede rendreune telle ordonnance.
Premièrement : donnerdes instructions aux autorités dela
Bosnie-Herzégovine sous contrôle musulmanpour qu'ellesse conforment
strictementau dernieraccordsur le cessez-le-feu en Bosnie-Herzégovine,c'est-à-dire à l'accordqui estentréen vigueur le 28 mars dernier,
aprèsl'introductiod ne la présente instanc et après le dépôdte la
demandeen indication de mesuresconservatoires.
Deuxièmement :donner des instructioà nsces autoritéspour qu'elles
respectent et appliquent les conventio desGenèvede 1949pour la
protection des victimes de la guerret les protocoles additionnels
de 1977. Les Serbesqui viventdans la Républiquede Bosnie-Herzégovine
sont victimes de génocideet d'actesassimilables au génocide ainsique
de crimesde guerre très graves. Selonles informationq sue j'ai reçues,
la population serbede la Bosnie-Herzégovir neprésente environ
34 pour centde la population total de la République.
Troisièmement : donnerdes instructionsà ces autoritéspour
qu'ellesfermentimmédiatemene tt démantèlent toutelses prisonset tous
les campsde détentionse trouvantsur leurterritoire, campe st lieuxoù
des Serbes sontdétenus en raison d leurorigine ethnique et font
l'objetd'actesde violenceet de torturequi mettent sérieusemen en
danger leur vieet leur santé.
Quatrièmement: donner des instructio nsces autoritéspour
qu'ellespermettent auxhabitants serbes de quitt sarns tarderet dans
des conditionsde sécuritéTuzla, Zenica, Sarajevoet les autres
localités de la Bosnie-Herzégovione ils ont faitl'objetde
harcèlements et de mauvais traitements physiqueetmentaux,en tenant
comptede ce qu'ilsrisquentde subirle même sort que leS serbesen
Bosnie orientaleq ,ui a été le théâtrde massacresde plusieursmilliers
de civilsserbes.
Cinquièmement: ordonnerà ces autorités età leurs auxiliaires de
mettre immédiatementfin à la destructionet à la profanatiodnes églises
et des lieuxde culte orthodoxee st des autres élémentsu patrimoine
culturelserbe,et de cesserde maltraiter tous les prêtres orthodoxes
détenus. Sixièmenent : ordonnerà ces autoritésde mettre un terme à tous les
actes de discriminatiobasée sur la nationalitéou la religionainsi
qu'auxpratiquesde "purification ethnique",y compris la discrimination
exercée ence qui concernel'acheminementde l'aidehumanitaire, à
l'encontrede la populationserbe en Bosnie-Herzégovine.
Dans cette communication, le ministd res affaires étrangères a
également commentéles mesuresconservatoires demandéepar la
Bosnie-Herzégovine. Je veux parlerdes mesures conservatoires demandées
à la page6 du textede la demande distribué par l Greffe.
11 n'y a aucun motifde fairedroit à la demandede mesures
conservatoires énoncée au paragraphedudit document. Le Gouvernement
fédéralet les organesqui relèventde lui, y comprisl'armée,n'ont
commiset ne commettentaucun desactes visésà l'articleIIIde la
conventionpour la préventionet la répressiondu crime de génocide.
Depuis ledébut des conflits interethnique et inter-religieuxen
Bosnie-Herzégovine, Gouvernement fédéraylougoslaves'est constamment
employéà trouverune solutionpacifiqueà la crise. La partie
musulmane,et son présidentlui-même,supportent une lourde
responsabilité pour avoir déclenc etéétendu ceconflit à tout le
territoire de laBosnie-Herzégovine.Les allégations formulées contl re -
Républiquefédérativedans la massede documentsqui ont été adressésà
la Courpar la Partie adverse ne reposentsur aucune preuvesolide. Des
articles parusdans la presse,d'ailleurssouvent tendancieuxn ,e
suffisentpas à fonder des accusations ausg siaves contreun Etat
souverain.
Les mesuresproposéesaux paragraphes 2 à 6ne tombentsous le coup
d'aucunedes dispositionsde la conventionet n'atteignentdonc même pas
le seuil de compétencede la Cour, peu élevép,our cequi est d'indiquer
des mesures conservatoires.En outre, les affirmations faites pourjustifierde telles mesurense correspondent paà s la réalité.Une autre
raisonde rejeterles demandes énumérée aux paragraphes4, 5et 6 de
cette demandeest qu'y fairedroitne feraitque perpétuer le génocide et
les actes assimilables commis con lareopulationserbedu territoire de
la Bosnie-Herzégovine.
En guisede préfaceà cettepartiede ma plaidoirie, j'ai laissé
entendreque la Courpourrait parvenir à la conclusionqu'iln'y a pas
lieupour elled'indiquer de quelconques mesures conservatoiresl dans
présenteaffaire. Je dirai maintenanp tourquoitel est effectivementle
cas.
Dans le contexte del'article41 du Statut,la jurisprudence d ea
Coura établi à mon avisdeux critères fondamentaq uxi doiventêtre
réunis avant que l Cour puisse exerce son pouvoirdiscrétionnaire
d'indiquer des mesuresconservatoires.
La première conditio nst que l'instrumenitnvoqué commfondantla
juridictionde la Cour doit,primafacie,constituer une bas de
compétence à l'égarddes faits visés danls'instrumentau moyenduquella
procédurea été introduite,en l'occurrencela requête introductive
d'instance,sans référence quelconqu au délugede documents
supplémentaires auqun elus avonstous été soumis.
La deuxièmeest que les mesures conservatoid resandéesdoivent
êtrenécessaires pour sauvegarderles droitsqui risquentde faire
l'objetde la décisionde la Cour.
A notre avis,la demandeprésentée par l Bosnie-Herzégovin ne
répond à aucune de cesdeux conditions.
S'agissantdu premier aspectj,'ai déjà essayéde montrer- et
j'espèreavoir convaincu l Cour - que dansla mesureoù l'article IXde
la convention constituune basede la compétence de laCour,cette
compétenceest limitéeaux événements qui se sont produits après que l'adhésionde la Bosnie-Herzégovine à la conventiona pris effet. Il n'y
a aucune autre baseà la compétencede la Cour et, en particulier,
l'articleVI11 de la conventionn'élargitaucunementla juridiction, la
compétenceou le pouvoir dela Cour en vertu de l'article41 de son
Statut. En toutescirconstances, l'article103 de la Charte prévaut pour
ce qui est des obligationsincombantaux Etats en vertu de la convention
et des mesures décidéepsar le Conseilde sécurité conformémena tu
chapitre VI1 de la Charte.
En ce qui concerne ladeuxièmecondition, à savoir que les mesures
demandéesdoivent être nécessaire pour sauvegarderles droitspouvant
v
être reconnusle momentvenu à l'une ou l'autredes Parties, il me semble
que, si elle va au-delàde toutes lesaccusationset contre-accusations
échangées dans la présenteaffaire,la Cour doitparvenirà la conclusion
que lorsquele Conseilde sécuritéagit en vertu du chapitre VI1 de la
Charte,l'avissouvent répété de la Courà l'effetque l'article41 de
son Statut lui confèru en "pouvoir exceptionnel" doit prévaloi Sur ce
point, il y a lieu de se référer, par exemple à,l'affairedu Plateau
continental de la mer Egée, mesures conservatoires
(C.I.J.Recueil 1976, p. 11) et à l'affairedu Grand-Belt
(C.I.J.Recueil 1991, p. 29, opinionindividuelle de M. Shahabuddeen).
Il me semble quela Cour ena suffisammententendu,en dépit de la
réticenceque nous avons manifestée de ce côté de la tribunepour ne pas
exarcerberles relationsdans la présenteaffaire,pour montrerqu'il
existeune réelle possibilité que l Partieadversen'obtiennepas de la
Cour la décision demandée dans sa requête introductived'instance. Cela
étant, la Cour,si elle indiquaitmaintenantdes mesures conservatoires,
courraitle risquede se trouver plustard dans la même situation
difficile quecelle quia surgi en 1952 dansl'affairede 1'Anglo-IranianOil Companyet qu'avaientalors préditedeux éminents
membresde la Cour,M. Winiarskiet M. Badawi (voir
C.I.J.Recueil 1951, p. 97).
A notre avis, un examenattentifde la requête introductive
d'instanceet de la demandeen indicationde mesures conservatoires
n'établiranullement l'urgencede la demande. La ruse typographique et
la phraséologie ampouléd eu passagemis en reliefau paragraphe136 de la
page 138 de la versionimpriméede la requête introductive d'instancene
sauraienttenir lieu de démonstration de l'urgence. La questionest
soulevée devant la Cour chaque foisqu'unedemandeen indicationde
mesuresconservatoires est présentée,comme si la Courne connaissait pas
ses propres précédents et,pour ne pas perdrele tempsde la Cour, je
m'abstiendraiaujourd'huide répéterdes argumentsqu'ellea entendus
ad nauseam,il n'y a pas plus tard qu'ua nn dans d'autresaffaires.
Monsieur le Présidene tt Messieursde la Cour, je ne pense pas qu'il
soit nécessairede terminer cette plaidoirie pd ars conclusions
formellesqui, tel quej'interprètele Règlementde la Cour, ne sont pas
toujours requises danc se type deprocéduresincidentes. Les plaidoiries
ont montré quela demandesoulèveune série de questionscomplexes. Si
la Cour parvient à la conclusion qu'elldeoit exercer sonpouvoir
d'indiquerd'une façonou d'une autre les mesures conservatoir eu'elle
juge appropriéesd'adopter à cette étapede l'affaire,nous avons indiqué
quel type de mesures devraità notre avis êtreindiqué. D'un autre côté,
nous avons aussi suggéré qued,ans lescirconstances de la présente
affaire,il serait plusappropriépour la Courde refuserd'indiquerde
quelconques mesuresconservatoires.En tout état de cause,nous sommes
d'avisque lesmesures partiales et déséquilibréesdemandéespar la
Bosnie-Herzégovinene seraient en aucune circonstance approprié ets,
nous prions respectueusement la Coursd tatuerdans cesens. Voilà qui conclut ceque je voulaisdire à cette étapede la
procédure,de la procédure incidente tendantà obtenirl'indication de
mesuresconservatoires conformément à l'article41 du Statut. Le
Gouvernement de la République fédérativde Yougoslavie tienàt réserver
tous les autres droits qu lui reconnaissent lReèglementet le Statutde
la Cour,y compris,mais sans quececi ait un caractèrelimitatif,son
droitde présenterdes demandes reconventionnelles,
J'en ai maintenantterminéavec la plaidoirieque je voulais faire
au nom du Gouvernementde la République fédérativ de Yougoslavie.
Tandis que j'ai la parole,je voudrais cependandtemanderà la Cour
w
d'être indulgenteet de me permettre defaireune brève remarque
personnelle.
Dans sa déclarationd'hier,M. Sacirbey s'estréféréà plusieurs
reprises à l'holocaustenazi. Pour quiconquea une connaissance de
premièremain de ce qu'a été l'holocauste de ce qu'étaitcenséeêtre
son issue,de tellesdéclarations ne peuventêtre qualifiées qu de
blasphématoires.Rien de ce qui s'estpassé depuis lors en Europene
saurait être assimiléà cet épisode exécrabldee l'histoireeuropéenne.
Il ne me reste plusqu'à remercier laCour et le Greffier dela
courtoisie dont ils ont une foisde plus faitpreuveà mon égard.
Je vous remercie.
Le PRESIDENT : Nous allons maintenant entendune nouvelle
déclarationqui nous sera faiteau nom de la Bosnie-Herzégovinpear
M. Boyle.
M. BOYLE :Monsieur le Président, Messied ursla Cour,j'ai reçu
hier lacommunication émanantde M. Vladislav Jovanovic, Minist fédéral
des affaires étrangère de 1'Etatcroupionde Yougoslavie. Je n'ai pas
été gênéde la recevoirhier. Je l'ai examinée,et j'ai quelques
commentairesà faire au sujetde ce communiquédont M. Rosennea parlé. Premièrement,la base démocratiqu et la légitimitdu Gouvernement
de la Bosnie-Herzégovine qj uereprésenteet de notreprésident,
M. AlijyIzetbegovic, ont déjàété décritesaux paragraphes10 à 16 de la
requêtedu 20 mars. Je n'y reviendrapas. L'Etatcroupionde
Yougoslavie, et ses agentset auxiliaires en Bosnie, ont essa yésayé
de créersurnotreterritoire souverainun "Etatrejeton1a'rtificiel
appelé "RépubliqueSerbede Bosnie-Herzégovine' en,violationmanifeste
de l'article2, paragraphe4 de la Chartedes NationsUnies. Voilàoù
réside réellement le problèmela delégitimitédans la présenteaffaire,
et mon gouvernementn'en est pas la cause.M. Izetbegovicest encore
aujourd'hui reconnupar l'organisatiodnes NationsUnies commeétantle
chef dlEtatlégitimede la République deBosnie-Herzégovine.
M. Izetbegovica accréditéM. Sacirbey,qui a comparu devant vouhier,
en qualité d'ambassadeuret représentant permanent lde
Bosnie-Herzégovine auprès de'organisatiodnes NationsUnies,et
l'organisatioan accepté les pouvoirs de Sacirbey entant
qu'ambassadeuert représentantpermanentde laBosnie-Herzégovine. Voilà
qui devraitétablir à vos yeux la légitimitéu droitde mon gouvernement
de représenter1'Etatde Bosnie-Herzégovine.
De même,le présidentIzetbegovica personnellement accrédité
M. Sacirbey,qui a comparu devanvtoushier,et moi-mêmeen tantqu'agent
extraordinaireet plénipotentiair ee la Bosnie-Herzégovine auprdesla
Cour,et celle-cia manifestement accepn tés pouvoirs. Sinon,Je ne me
trouveraispas ici devantvous aujourd'hui.11 est donc clair que notre
gouvernementn,otrePrésidentet nos ambassadeurssont tousreconnuspar
l'organisatiodnes Nations Unieselle-même.
S'agissantdes négociationVance-Owen, il va de soitqu'ilfauty
voirune questiontout à faitindépendante et distinctede cellede la
reconnaissancpear l'organisatiodnes NationUnies. Seulela question de la reconnaissancede notre gouvernementpar l'organisation est
pertinentedans la présenteaffaire. En outre,en dépit de ce qu'a dit
le défendeur,l'accordVance Owen n'est pas encore entré en vigueur.
Lorsquele président Izetbegovic l' signé, il a subordonnésa signature
à des conditionsindiquantde façontout à fait clairequ'il n'en
découlerait absolumenatucun effetjuridiquetant que toutesles parties
ne l'auraitpas également signé, et toutes lespartiesne l'ont pas
encore fait. En outre,le Président asubordonnéla signaturede ce
document à un délai de quinze jours. Ae jour, parconséquent,ce
documentn'a en fait aucune existencejuridique.
La vérité est que c'est la légitimitéde la prétendue République
fédérativede Yougoslavie (Serbie et Monténégro) quia été contestéepar
le Conseilde sécurité, par l'Assembléegénéraleet par une grandepartie
de la communautéinternationale.En fait, l'Assembléegénéralea traité
1'Etat croupionde Yougoslaviede la façonqu'ellea traitéle régime
d'apartheidde Pretoria,c'est-à-direen suspendantson droit de
participeraux travauxde l'Assemblée. Cela devrait donneà r la Courune
idée du mépris danslequel lemonde tient llEtatcroupionde Yougoslavie.
Nous avonspleinementétablidans notrerequête la responsabilité
qui incombe à 1'Etat croupionde Yougoslavie pour les actesde génocide, V
les actes d'agressionet les attaques armées menéec sontre lepeuple et
1'Etatde Bosnie-Herzégovine.A ce propos,je tiens à appeler
particulièrement l'attentionsur la section F (par.32-83), intitulé
"Allégationsde faits précisconstituantdes actes de génocide")et la
section1 (paragraphe87 A, intitulé"Allégations de faits précisse
rapportantau comportementde l'ex-Yougoslavie et/ou de la Yougoslavie
(Serbieet Monténegro)).
Hier également,j'ai déposéun document supplémentair àe l'appuide
notre requêteet de notre demande pour remettreà jour cette section 1.
Ce document supplémentair contenaitsimplementles articles depressepubliés parle New York Timeset les nouvelles diffusées par la BBC que
j'ai citéshier. Ce documentest extrêmementbref et très succinctet
son but n'étaitpas d'abuserde la patiencede la Cour mais de faire en
sorte qu'ellepuisse avoirtout le tempsde prendre connaissancd ees
faits. Et comme l'a dit très clairementle 22 mars1993 le reporterdu
New York Times, le correspondant de guerreRoger Cohen :
"Si voir des hommesvoyageantà bord d'autocarsse
transformer de civilsen soldatsarmés jusqu'auxdents
lorsqu'ilsentrenten Bosnie est chose commune,il est rare de
voir une opérationsi manifestement coordonnée entl rees forces
yougoslaveset les forcesserbesbosniaquesque l'offensive
actuellementen cours dansla régionde Srebrenica."
C'est ce que l'on disait le 22 mars, et j'ai donné le texte de cet
articlepar écrit à la Cour.
C'est ainsi égalementque la BBC a faitsavoir queles attaques
serbescontreles villes bosniaques de Kovaceviciet Selimoviciétaient
appuyées pardes tirs d'artillerie à longue portéeen provenancedu
territoire dela Yougoslavie(Serbieet Monténegro).Cette nouvellea
été diffuséepar la BBC le23 mars.
Chacunsait qu'auxEtats Unis, le New York Times est un journalqui
fait autorité. Les tribunauxpeuvent,dans l'exercicede leurs fonctions
judiciaires, constater le faits relatésdans des journaux faisant
autorité, conformément au règles d'administrad tisopreuves applicables
devant les tribunauxaméricainset dans les circonstancea sppropriées.
Or, vu la nature extraordinaire des circonstances actuelle snous nous
trouvons en effet en présenced'un conflit armé, d'une agressionarmée,
d'un génocide - il est évidentque nous devonsnous baser sur lesrécits
faits par les correspondants de guerrese trouvantsur place pour établir
prima facie les faits quenous invoquonsen l'espèce. Que d'autre
pourrions-nousfaire ? Lors de la procédureau fond - lorsquenous en arriveronslà, si nous en arrivonslà - nous auronscertainementà citer
plus de faits provenantd'autressources. A ce stade, toutefoisv ,oilà
tout ce quenous pouvonsfaire,et cela devrait à mon avis être
suffisant.
Dans sa lettre,M. Jovanovica égalementessayéde dire que la Cour
devrait indiquer des mesuresconservatoires contr eous. Mais il
n'existeaucunepreuve crédible,dans tout ce qui a été publié,selon
laquellele Gouvernementde la osn nie-~erzégova ineommisdes actes de
génocidecontre quiconque.De plus, aucune preuve crédibl ne'aété
soumiseà la Cour à l'effetque la Bosnie-Herzégovine avait commisun
génodiceou une agression contre quiconque. On a entendu quelques
allusionsde la part du conseilde la Partieadverse,mais c'est tout.
08 est la documentation à l'appuide ces affirmations ? Où sont les
rapports ? Certainement pas ici. Vous avez devant vous notrerequêteet
les documentssupplémentaires que nous avons présentés, c'est-à-direune
cinquantaineou une soixantaine de pages depreuvessolides de ceque la
Yougoslaviea infligéau peuple et à 1'Etatde Bosnie-Herzégovine.En
revanche,on ne trouve rien dans le dossier présenté pal ra Partie
adverse,pas de faits,mais seulementdes affirmations,aucunebase
factuelle. J'en conclusdonc qu'iln'y a, même primafacie, aucun
élément depreuve qui justifieraitl'indicationde mesuresconservatoire
de quelquetype que cesoit contre la Bosnie-Herzégovine.
Je ne crois pasqu'il existenon plus, que ce soit en fait ou en
droit, une base quelconquequi permettrait à la Courd'indiquerdes
mesuresconservatoires contre la RépubliqueBo denie-Herzégovine.Le
défendeurdans la présente affaire n'a, prima facie,présenté aucune
base factuelle oujuridiquequi justifieraitl'une quelconque decesallégations formulée àsnotreendroit. Tout ce quenous avons entendu
dans cette salle,c'estquelques allégations fausse et,c'esttout. Ce
ne sontpas des preuves.
Le ler avril, dans maplaidoirie,j'aimodifiéla requêtede façon
à invoquerune base supplémentair de juridictionde la Cour tirée dlea
lettrede M. Milosovic adresséeà M. Badinterle 8 juin 1992et que j'ai
déposée auprèdse la Cour le 31 mars 1993.Encoreune fois,je prie la
Courde bienvouloirexcuserce dépôttardif. Je n'avaispas
connaissancede cette lettre lorsque qj ueaidéposéla requête le
20 mars. Pourquoi n1avais-jepas connaissance de cette lett avantle
20 mars ? En raison del'agressionbarbare que1'Etatcroupionde
Yougoslavie a infligéeau peupleet au Gouvernementde la
Bosnie-Herzégovine. Il m'est impossiblede communiquer aveScarajevo,
avecle Président. Voilàpourquoij'ai reçules pouvoirs que j'ai de
comparaître devant l Cour. Tout celaprendun certaintemps;j'ai fait
de mon mieuxdans ces circonstance mais,pour les raisons que
j'exposeraibientôt,il estincontestablp eour moique cette lettre donne
à la Cour compétencede connaîtrede toutes les revendications énoncées
dansnotrerequête.
Quant àl'affaire du Plateaucontinentalde la mer~gée, je crois
qu'ily a des différences significativ entrele communiqué dont il
s'agissaitdans cette affaireet la lettre dontil s'agiten
l'occurrence.Nous pourronsm ,e semble-t-il, expos ers différences
plus en détailquandnous arriverons à la procédureau fond, sinous en
arrivons là. Il ne faut cependanptas perdrede vue quel'objectif visé
par 1'Etatcroupionde Yougoslavie est de nous détruirede faireen
sorte quenousne parvenions jamais au stadede la procéduraeu fond, de
nous élimineren tant qulEtatnation souveraine,n tantque Membrede
l'organisatiodnes NationsUnies,et d'exterminer notrepeuple. C'est précisément pour éviter cela pour nous permettred'arriverjusqu'àla
procédureau fond que nous demandons'indicationde mesures
conservatoires.
Tous les autrepoints soulevésdans la lettredeM. Jovanonic
relèvent desaffaires intérieurese la Bosnie-Herzégovinet sont par
conséquent couverts par'article2, paragraphe7, de la Charte des
NationsUnies.
Je voudrais revenir brièvemensur lesobservations faitepsar le
chargéd'affairesde 1'Etatcroupionde Yougoslavie, quia déclaréqu'il
s'agit en lloccurrenced'une guerre civilen Bosnie-Herzégovine.Or,
w
commeje l'ai indiquéclairementdans la requête etdans notreplaidoirie
d'hier,nous sonmesen présenced'un cas flagrant d'agression
internationale perpétré p1'Etatcroupionde Yougoslavie contre la
Bosnie-Herzégovine.Rien ne sauraitêtre plus clair etc'estlà une
chose que j'ai établiedans la requête,dans nos documents
supplémentaireset dans nos plaidoiries.M. Rosennen'aime pas quela
Cour ait été inondéede faits. Mais tel est précisémentl'objetde la
présente procédure: fournirà la Courautantde faitsque possiblepour
qu'ellepuisse prendreune décision. Je suis convaincu qu'iest établi,
plus que prima facie, que'Etat croupionde Yougoslaviecommet -
actuellementune agression contre laosnie-Herzégovinea,ussi bien
directementqu'indirectementau moyend'agentset d'auxiliairesen Bosnie
et ailleurs. Sur ce point aussi,le document supplémentaire queai
déposéhier avait simplement poubut de mettre par écrit précisément ce
que je vous avaisdit précédemmentde la tribune.
Dans ses commentaires,. Rosennea commencépar mentionner
l'affairede Lockerbie. Que s'est-ilpassé dans cette affaire La
Libye a introduitune instancele3 mars de l'an dernieret la Cour a
ordonnédes audiencesqui, je crois,ont commencé le24 mars. Tandis que la Cour était réunie pour étudier l demandeen indicationde mesures
conservatoires présenté par la Libye, les deux gouvernementsdéfendeurs
ont décidéd'usurperle pouvoiret l'autorité de la Couren saisissant le
Conseil desécuritéet en n'ayantde cesse de faireadopterpar ce
dernier unerésolutioncontre laLibye sansmanifester à la Cour le
respect qui lui est dû et lui permettre destatuersur la demandeen
indicationde mesuresconservatoires présenté par la Libye. Comme la
Cour le sait, au momentmême où elle siégeaitici à La Haye, les deux
Etats défendeursont demandé la convocatio du Conseilde sécuritéet lui
ont fait adopter cette résolution peu aprèsla levéedes audiences.
La Cour se souviendra que dans leo spinions auxquelleas donné lieu
la demandeen indicationde mesures conservatoires présent dans
l'affairede Lockerbie,onze juges ont indiquétrès clairementque si
les deux Etatsdéfendeursn'avaientpas agide la sorte,la Cour aurait
accordéles mesuresconservatoires demandée par la Libye. Nombre des
membresde la Cour, dans leurs opinions concernan l'affairede
Lockerbie,ont exprimé entermes trèsénergiquesle sentimentque leur
avait inspiré la procédurm eenée devant le Conseil dseécuritéalors que
la Cour avait été saisie dela question;les deux Etat défendeurn se se
sont pas préoccupéd s'attendreque la Courait rendu sadécision.
Je crois,eu égardau sentiment alors manifesté que la Courne
devrait,dans lescirconstances actuelles éprouver aucune hésitationà
statuerimmédiatement sur notre demandeen indicationde mesures
conservatoires.Aux termesde la Charte,la Cour est investied'une
responsabilité indépendand teallerde l'avantet de faire droit à notre
demandeet de ne pas se préoccuper dela possibilité qu'une tentative
préventive soit faite au Conse delsécuritépour empêcherla Cour
d'exercerles pouvoirsqui luisont conférés par la Charte. S'agissantde l'argumenttiré par M. Rosennede la conventionde
Vienne sur la succession d'Etatsen matièrede traités,d'invitela Cour
à se référeraux actesde la commission Badinteq rui ontété publiés dans
le numéro de novembre 1992d'International Legal Materials,dont J'ai
parlé hier. Vous verrez,dans lesopinionsBadinter,que toutesles
parties à la conférence internationap leur la paixdans l'ex-Yougoslavie
ont reconnuqu'ellesseraient liéespar les termesde la convention de
Vienne sur la successiondlEtatsen matièrede traités(International
Legal Materials, p. ?). Par ailleurs,il va de soi que les règlesde la
conventionde Vienne représentent une codificati doundroit international
v
coutumiersur la questionde la successiond'Etatsen matièrede
traités. A mon avis, absolumentrien n'empêchela Courd'appliquerles
règlesde la conventionde Vienne sur la successiondlEtats,spécialement
si l'on considère que 1'Etatcroupionde Yougoslavies'est dit pleinement
disposé à être liépar ces règlespour toutes lesquestionsde succession
d'Etats entre 1'Etat croupionde Yougoslavieet les autres républiques
aujourd'hui indépendantes.
M. Rosenne a déclaré qul ees mesures conservatoire1s,2 et 3 lui
posaient problème.Il ne savaitpas exactement d'où ellesvenaient. Eh
bien, elles venaient presqu mot à mot des mesures conservatoires
indiquéespar cette Cour dans l'affairedu Nicaragua. Elles étaient
modelées surcette affaire, presquelignepar ligne. Cela est manifeste
pour quiconque regarde les trois premiers paragrad phsesmesures
conservatoires.Et je crois que je soutiendraisque si l'on estdisposé
à attribuerles trois premières mesures conservatoires au Nicaragua,
alors, à fortiori,on doit être prêt à attribuer lesmesures
conservatoires1, 2 et 3 à la Bosnie-Herzégovine.
Il s'agit d'une
situationbien plus grave, commeje l'ai fait observer hier, oùn'intervientpas simplement l'agression,directeet indirecte,d'un Etat
contreun autre,mais aussi des actes de génocideau sens dela
conventionsur le génocide.
M. Rosenne a aussiparlé de la résolution 713. Je crois quej'ai
établide façondécisivehier qu'aumoment où larésolution713 a été
adoptée,personnene songeaità la Bosnie-Herzégovine, parce que notre
Etat n'existait pas à ce moment-là. Il n'a commencéson existence que le
6 mars 1992. L'embargosur lesarmes aété appliquéà l'ex-Yougoslavie,
non à nous. De plus, il a été appliqué avec le consentemeent à la
demandede l'ex-Yougoslavie. Si l'ex-Yougoslavie souhaites'imposerà
elle-mêmeun embargosur les armes,c'est son affaire,c'est bien. Mais
le Conseilde sécuriténe nous a même pas pris enconsidération à
l'époque,parce que nous n'existionspas.
En ce qui concerne les réaffirmatio habituelles ou autres qu e'on
peut relever ultérieurement, c sont là des chosesnaturellesque les
conseilsde sécuritéfont dans les résolutions qu'ils adoptent; ils
réaffirment toujours leurs résolutia onsérieures. Mais lorsque la
Bosnie-Herzégovine est devenueindépendante, le6 mars, ou lorsqu'elle
est devenueun Etat Membredes Nations Unies, le 22 mai, il semble
n'existeraucune indication selon laquellequi que cesoit aitenvisagé
qu'ellepossédaitdès lors le droitde légitimedéfensereconnuedans la
Chartedes Nations Unies, à l'article 51, où l'on retrouve"aucune
dispositionde la présenteCharte1', et cela concerne aussi les
résolutionsdu Conseil de sécurité,
"Aucunedispositionde la présente Charte ne porte
atteinte audroitnaturelde légitime défense, individuelle ou
collective,dans le cas oùun Membredes NationsUnies est
l'objetd'une agressionarmée, jusqu'àce que le Conseil de
sécuritéait pris les mesures nécessairespour maintenirla
paix et la sécuritéinternationales."Et ilest manifesteque, du moins jusqu'ici,le Conseilde sécuritén'a
pas encore prisles mesuresefficacesnécessairespour maintenirla paix
et la sécuritéinternationales en cq eui concerne laBosnie-Herzégovine.
On continuede nous attaquer, et même, comme l'ont rapporté les
correspondantsdu New York Times et de laBBC qui se trouventsur
place, on nous attaqueaujourd'hui. On tue et l'onexterminenotre
peuple.
Et cela nous amène à parlerdes raisonspour lesquellesnous sommes
ici, demandantdes mesuresconservatoires. nous ne pouvons pasnous
défendre,nous seronsdétruitspar 1'Etatcroupionde Yougoslavieavant
même quenous ne parvenionsà traiterdu fond de nos revendications.
C'est là qu'est le but de ce qu'ilssont en trainde faire,nous détruire
complètement en tant qu'Etatet en tant que peuple. Et nous venons
devantvous au sujetdes points 4, 5 et 6 desmesures conservatoires,
fondamentalement, pour déclarq ere nous avons le droitde nous défendre
dans l'espoirqu'à un moment donnénous en arriverons au fond de cette
affaire. Mais si vousrefusezde nous accorder les mesuresvisées aux
points 4, 5 et 6, je doute sérieusementque vous puissiez nous voir ici
dans un an traiterl'affaire quant au fond. Tel est certainement
l'objectifde 1'Etat croupionde Yougoslavie.
Et j'insiste à nouveausur le fait que les pouvoirsdu Conseilde
sécuritésont limitéspar l'article 51. Les mots "aucunedisposition"
visent aussiles résolutionsdu Conseil desécurité. Et de même, les
pouvoirsdu Conseil de sécurité en vertudu chapitre VI1 sont aussi
limitéspar le paragraphe 2 de l'article24. Nos droits en tant
qu'Etat-nationsouverainde nous défendre indiduellemen tt
collectivement doivenê ttre respectéset ces droitsne peuventnous être
déniéspar des résolutions ambiguëd su Conseil desécuritéet qui étaient
destinéesà s'appliquerà l'ex-Yougoslavie à sa demandeet avec son consentement. Nous avonstoujourssoutenuque ces résolutionsne
s'appliquaient pas à nous, et ellesne peuvents'appliquerlégalementà
nous, car elles violeraient les dispositions del'article51 et du
paragraphe 2 de l'article 24.
Pour revenir maintenantà la lettredu 8 juin, je vous prie à
nouveaud'excuserla hâte avec laquelle ellv eous a été soumise. Je l'ai
soumiseaussitôt que j'ai pu le faireà mon retourà La Haye. Rous
croyons quecette lettre est certainementà distinguerdes circonstances
de l'affairede la Mer ~gée. Il s'agit ici d'une lettre en bonne et
due forme adressée par1'Etatcroupionde Yougoslavie à M. Badinter dans
le cadre d'une activitéinternationale, où l'on savait fort bien que
cette lettreserait communiquée à notre Gouvernement,ce qui a été fait,
pour examen, auquelnous avons procédé. Nous avonsexaminéla lettreet
je suis ici pour déclarer, commeje l'ai dit hier, que nous acceptons
l'offrede 1'Etatcroupion deYougoslavie de saisir,sans équivoque,
cette Courde tous lesdifférends énoncéd sans notrerequêteet dans
notre demandeen indicationde mesures conservatoires e,t je crois que
cela établitune base supplémentaire de compétence soumiseà l'examende
la Cour.
Bien entendu,ces questions devrontfaire l'objet d'un dossier plus
détailléà établir, quant au fond,lorsquenous enarriveronslà, mais je
maintiensque si vous ne nous accordez pasces mesuresconservatoires,
nous ne serons pluslà et ne pourrons revenir ici discuter cette affaire
quant au fond.
Il se peut que M.Rosennese soit mépris surl'argumentque j'ai
exposésur la base de l'article 8 de la convention sur lgeénocide. Je
n'avançaispas qu'il s'agissaitd'une base supplémentaird ee compétence
pour la Cour; ce que j'avançais,c'est que l'article8 fournità la Courune base pour nous accorder desmesuresconservatoires, intégralement et
aussitôtque possible. Et je voudrais vousinviterà relirel'article8
de la conventionsur le génocide.
Je comprends que nous présentonslà une demandeexceptionnelle, mais
il s'agitde circonstances extraordinaires,de génocideet d'actes
d'agressionet l'article8 étaitdestiné à traiterde circonstances
extraordinaires de cette espèce.
De plus, M. Rosennea cité leprétendu accord du 28 mars et là
encore jetiens à mettre leschosesau point. M. Jovanovica dit la même
chose, il n'existepas d'accordde cessez-le-feu du 28 mars. Il existe
un document signé à New York par le président Izetbegovic, assord ti
conditions,et l'unede ces conditions esq tue cedocumentn'aura pas de
signification juridique à moins quetoutes les partien se le signent,et
jusqu'iciune des partiesa refuséde signerce document. De plus, le
président Isetbegovia c aussi prévuune période dequinzejours au cours
de laquellel'autrepartiea le choix designerou de ne pas signer
l'accord. Mais l'accord n'a pas encore priseffet. L'accordn'existe
pas.
En outreM. Rosennea cité le prétendu accorddu 28 mai; de nouveau
je désire tirer les chosesau clair - M. Jovanovica dit la même chose,
il n'existepas d'accordde cessez-le-feu du 28 mars. Il y a un document
signé à New York par le présidentIzetbegovic, auquel sont attachées des
conditions. El'une de ces conditions esqtue le documentn'aura
d'effetjuridiqueque si toutesles Partiesle signentet jusqu'iciune
Partie a refuséde le faire. De plus le présidentIzetbegovic a
égalementfixé un délai de quinzejours dans lequell'autrePartiepeut
signerou ne pas signerl'accord. Mais l'accordn'est pas encore entré
en vigueur. Il n'y a pas d'accord. M. Rosennea égalementcitél'opinionindividuelle de
M. Shahabuddeen danls'affairedont il a été questionet de nouveauje
pensequ'ila bien fait;d'ailleurs je me feraiun plaisirde la relire
puisqueje croisqu'elleest très bien écrite et toutà faitpertinente.
"Si lasummariacognitio,qui est le proprede ce genre
de procédure,permettaitde retenir la possibilitdu droit
revendiquépar leGouvernementallemandet la possibilitédu
dangerauquel ce droit serait exposé, meilseraitdifficile
d'imaginerune demande en indicatidon mesuresconservatoires
plus juste,plus opportunep,lus appropriée que celle dont il
s'agit." (Lesitaliques sondtans l'original.)
C'estde nouveau unecitation de l'avisde M.Anzilotti.
Et commeje l'aidit hier il est difficilede concevoir une demande
en indicatiodne mesures conservatoirqesi soitplus juste,plus
opportuneou plus appropriée qu la demande en indication de mesures
conservatoires présentpéaer la Bosnie-Herzégovine.
M. Rosennea achevéses observations efnaisantréférenceà
l'holocauste nazi.Je croisqu'ilest important d'en tenircompte. La
conventionsur le génocidea sonorigine dansl'holocausteinfligépar
les nazisau peuplejuif,au peuplepolonais,au peuplerusse, aux
Tziganeset à d'autres collectivités Eenrope. Celaa conduità la
définitionde Nurembergdu crimecontrel'humanité; c'estla raisonpour
laquelle le crimceontrel'humanitéfiguredans le statut de Nuremberg,
pour tenir compte de l'extermination en masse de e radespeuples
commisepar les nazisici enEurope. Etc'estpourquoi l'Assemblée
généralea codifiéle crime contre l'humani dans le statutde
Nuremberg,et l'expériencede l'holocauste,ans la conventio sur le
génocide. Ec'estpourquoi j'aisuggéré hierqu'ilfallaitinterpréter
la conventionsur le génocidepar rapportàl'holocaustenazi,par
rapportau crime contrel'humanitédéfinisà Nuremberg;et il est
certainementvrai que nousn'en sommespas encoreau pointoù 1'Etat
croupionde Yougoslaviea tué autantde personnesque les nazispendant la seconde guerremondiale. Mais c'estjustement pour cett raison que
nous sommesici devant laCour,pour empêcher un holocausted'unetelle
ampleur,à l'encontre de touteune race,à savoirle peuple de
Bosnie-Herzégovine. La Bosnie-Herzégovinceompte4,5 millions
d'habitantset llEtatcroupionde Yougoslavie veut les exterminertous.
Ils n'y ont pas encoreréussi,mais ils réussirontsi vousne faîtespas
droità notredemandeen indication de mesuresconservatoires.Ils y
parviendront, ilsnous détruirontet nous n'arriveronsà traiter le fond
de cette affaire qu ei la Cournous accorde intégralementles six
mesuresconservatoires qu nous avons demandéee st ce leplus tôt
possible.
De nouveauje vous remercievivementde votre courtoisie et votre
attention. Que Dieu soit avecvous lorsque vousdélibérerez sur notre
demande.
Le PRESIDENT : Je vous remercie,MonsieurBoyle. La Yougoslavie
(Serbieet Monténégro) a naturellementdr leitde répondreet a, je
crois, l'intentio de l'exercer. Elle est disposéeà le fairecet
après-midi. Il conviendrait peut-êtrede suspendre la séancependant10
à 15 minutes, aprèq suoinous reviendrons pour entendre laréponse.
Mercibeaucoup.
L'audience est suspendue de17 h 25 à 17 h 35.
Le PRESIDENT :Je donne laparole àM. Rosenne.
M. ROSENNE : Plaiseà la Cour. Je vous remercie,Monsieur le
Président. Je voudraistoutd'aborddire combien ld aélégationde la
Républiquefédérative de Yougoslavie appréci l'amabilité dont
MM. les Membresde laCour ont faip treuve en consentan àtce que laprésente audience continue au-d del'heurehabituelle.Je tâcherai
d'êtretrèsbref,touten étant probablemen quelque peuincohérent,mais
je penseque vouspourrezm'en excuser, et jlespèreaussi que laPartie
adverse m'en excusera, eu égaàrdla rapidité avelcaquellese déroule
cetteprocédure. Je dois en toute honnêtetéire,Monsieurle Président,
que l'intéressantdeéclaration dMe. Boylene m'amènepas à retirer quoi
que cesoit dece que j'aidit cetaprès-midi. Je ne pensepas qu'ilait
réellement réussià réfuteraucun desprincipauxargumentset conclusions
que j'ai eu l'honneurde présenterau nom du Gouvernemendela
Yougoslavie conformément i auxtructionsque j'avaisreçues. Je désire
seulement présenter quelques considératione sntmaintenantdans leur
intégralitél'ensembledes observations formulé par mon collègueet
moi-mêmecet après-midi.Nousne voulons pas prolonger inutilement la
présenteprocédure.
En ce qui concerneune questionprimordialeje désireréitérer
l'opiniondu Gouvernementde la République fédérati deeYougoslavie
selonlaquelle la situationqui s'estcréée enBosnie-Herzégovin est une
situationde guerrecivile avec toutce quecela entraîne. A cet égard,
nous avonsl'impressionque le requéran tontinuede ne faire aucune
distinctionentreles actesdu Gouvernement fédére al les pointsde vue
du Gouvernement fédérdal la Yougoslavileui-même, d'upeart,et les
acteset les pointsde vue des Serbes deBosnie-Herzégovined'autre
part. Comme jel'aidéjà indiqué,selonles informationsen ma
possession,ils constituentenviron34 pour cent,soitun tiers,de la
populationde cette région.
Cette distinctioest absolument fondamentaleno ets avons constaté
que cet après-midM. Boyles'estréféré continuellemeà nune tierce
partiedont il n'indiquaitpas le nom. Nous supposonqsu'ilvoulait
parlerdes Serbes de Bosnie. Cettedistinctionexpliqueégalementlesobservations qui ont été formulées par le ministredes affaires
étrangèresdans la communication d'hier, à laquelleM. Boyle s'est référé
et que j'ai égalementreprisedans les observationsque j'ai formulées,
en ce qui concerne aussb iien les mesuresconservatoires que la Partie
adversedemande,que le type de mesuresconservatoires qui ànotre avis
conviendraient au cas où la Cour considérerait qu'ell doit indiquerdes
mesuresprovisoires nonobstanc te qui continued'êtrenotre position,à
savoirque dans cetteaffaire, tant que le Conseilde sécurité agit en
vertu du chapitre VI1 de la Charte, l'indicationpar la Courde mesures
conservatoires serait prématue ré inapproprié, particulièrement
s'agissantde mesuresconservatoires du type de celles quiont été
demandées.
J'ai eu beaucoupde mal à suivretout ce queM. Boyle a dit au sujet
des faits. Nous avons reçu un document qui, commeje l'ai déjà dit, n'a
été reçu en entierqu'hiermatin et qui consisteen une déclaration de
70 pages imprimées en caractères serrés intit" uléeuêteintroductive
d'instance". Monsieurle Président,très respectueusement - je regrette
d'avoir à souleverce point, il s'agitd'un point de nature techniqueet
je ne veux pas fondernotre positionsur des questionsde ce genre,mais
je dois le faire parce que j'y ai été contraint- aux termesde
l'article 38, paragraphe 2, du Règlementde la Cour, concernant les
requêtes : "la requête indique ... la nature précise dela demande" - je
n'ai rien à dire à cet égard - "et contientun exposé succinct def saits
et moyens sur lesquels cette demandr eepose".
Je ne vois vraiment pascommentun document de70 pages imprimées en
caractèresserréspourraitêtre considéré commu en "exposésuccinct des
faits etmoyens surlesquels cette demandr eepose". C'est pourquoije me
permetsde prier la Cour de bien vouloir,eu égard aux déclarationsqui
ont été prononcéesau sujet des faits,d'avoircet aspect dela questionégalementprésentà l'esprit. Comme je l'ai déjà dit, je ne désirepas
trop m'attacherà des points techniqued se ce genre,mais je ne peux pas
m'en empêcher car j'y ai été obligé. C'est dans le mémoire quetrouvent
leur place 70 pages relatant des faits - si tant est que cesoit des
faits,et je n'admetspas qu'ils le soient,cela estune autre
question -, et l'article49 du Règlementde la Courest parfaitement
clair à cet égard : "le mémoirecontientun exposédes faits surlesquels
la demandeest fondée". Et c'est dans le contre-mémoire que le
défendeur,un défendeur contre sog nré ou, plutôt,un défendeurqui a été
assignédevant la Cour dans dec sirconstances qui lui sont inconnues,
qu'iln'a pas pu prévoirs'il n'estpas un défendeurcontre songré dans
le sens où cette expression esf tréquemmentutilisée,car, comme je l'ai
signalé,nous pensons bien que la compétencede la Cour est limitée,mais
nous sommes disposés à continuerà plaiderl'affairedans les limitesde
la compétence dela Cour telleque nousl'entendons. C'est ainsi que le
contre-mémoire du défendeurcontiendra,une fois qu'il aura eu le temps
de réunirles éléments nécessaires, une reconnaissanceou une
contestation des faits.
On nous accusemaintenant,en réalité,de ne pas produirede faits
dans un certaindélai,mais quel est-ilexactement ? 48 heures,
72 heures, quelque chos ee cet ordre- en guise de réponseà 70 pages de
texte serré. Et, je le dis incidemment, d'autresdocuments arriventc ,ar
une autre enveloppe épaisse a été reçuecet après-midi, laquelle, jele
dis en toute franchise,je n'ai même paseu le tempsd'ouvrir. Je ne
sais pas ce qu'ellecontient. Allons-nous, d'ailleurec,evoir
davantaged'enveloppes avanq tue laCour rendesa décision danscette
affaire ? Je me pose la question caril sembleraitque nous allons
continuerà recevoirde nouvellesenveloppesjour après jour. Par conséquent,je demandeà la Cour, avec le plus grandrespect,de
tenir compteégalementde cet aspectde la question. Nous avons
l'intentionde déposerun contre-mémoire au moment opportunet dans les
limitesde la compétence de la Cour,telle qu'elleaura été déterminéele
moment venu.
J'ai quelquesobservationsà formuler au sujet des preuves. Je ne
connais riendu tout aux règles en matièrede preuvesqu'appliquentles
tribunauxdes Etats-Unisd'Amérique. Je suis tout à fait disposéà m'en
remettreà M. Boyle sur ce point. Je ne sais pas si l'on admet comme
preuve le New York Post, Playboyou leNew York Times. Je voudrais
w
pouvoir étudier lq auestionde bien plus prèsavant de reconnaître que du
fait que quelque chose aété publiédans le New YorkTimes nous avons
là, sans conteste,une preuve. Si le New YorkTimes - et ce malgré le
respectque nous avons pour leNew York Times - ou tout autre journal
appeléTimes, ou Le Monde, ou laFrankfurter AllgemeinZ eeitung,
n'importequel journal - est un journalayantvaleur probante,il a ce
caractère pour les documenq ts'il reproduit,non pour les articles des
journalistes, quelque éminenq ts'ils soient. J'ai toujours considérl ée
New York Times comme un journalqui peutêtre cité commeautoritépour
les documentsqu'il publie et ces documentspeuvent être admis comme
moyens de preuve et ils pourraient probablement êa treis même dans
cette Cour. Mais de là à affirmer audacieusemen que, parce quele
New York Tintesest un instrument,un journalqui peut être cité comme
autorité devant les tribunad uxs Etats-Unis,tribunauxdes états ou
tribunauxfédéraux,il est admissibleet peut êtreadmis ici, je pense,
Monsieur le Président, que leseul énoncé de cette propositionpo aur
effet de rendre évidents eon inacceptabilité.
Maintenant, Monsieul re Président,je souhaiteraisdire quelques
mots au sujet du Conseilde sécuritéet de l'interprétation de la
Charte. Je voudrais rappeler à M. Boyle,avec les égards qul iui sontdus, les considérations qui sontà la base de la déclarationde
San Franciscosur l'interprétation de la Charte (je n'ai pas la référence
en main). Si je la comprendsbien, et je parle de mémoire, Monsieurle
Président,et vous voudrez bien me le pardonner, essentiellemene t,le
disposeque chacun desorganesdes NationsUnies interprètelui-mêmeles
dispositionsde la Charte quile concernent. Si un organequelconque
souhaiteobtenir d'autresinterprétations de la Charte,si, par exemple,
il veut obtenir decette Courune interprétation donnée, la façon
correcte deprocéder consiste à demanderun avis consultatif et je
voudraisrappeler àM. Boyle, si vous le permettezet avec leségards qui
lui sont dus,que l'Assembléegénérale, par exemple a,procédé ainsipour
certains articles dl ea Charte. L'article4 a été interprété par cette
Cour à la demandede l'Assembléegénérale. L'article17 a été interprété
par cette Cour, toujoursdans descirconstances concrètes,et non dans
l'abstrait,bien sûr.
Or, ni le Conseil desécurité,que je sache,ni aucun Membre du
Conseilde sécurité,que je sache,n'a contestél'interprétation de la
résolution713 relativeà l'embargosur lesarmes,que cesoit telle
qu'ellea été adoptéeà l'origineavant que la Bosnie-Herzégovine ne
devienne Membre desNationsUnies ou telle qu'elle a été répétéeet
délibérément réaffirmé ultérieurement.Or, Monsieurle Président,je
pense que voussavez que j'ai acquisune certaine expérience de sravaux
du Conseil desécuritéet je sais que M. Boyle est lui aussi familiarisé
avec une grandepartie destravauxdu Conseilde sécurité. Si le Conseil
de sécuritéspécifie,en donnantleurs numéros, certaine résolutions,
qu'il rappelle dansle préambule de sa résolution quantau fond, il le
fait délibérément,ce n'est pas une questionde routine. Le Conseil de
sécurité emploied'autresformulespour ceque le professeur Boyle
considèrecommeune simpleroutine. Cela pourraitêtre, par exemple,le rappelde résolutions antérieures su ur sujet donné- et je ne suis même
pas sûr qu'on puissedire cela parceque, commeje l'ai dit, les termes
employésdans les résolutionsdu Conseilde sécurité sont en fait
négociésavec beaucoupde soin. Ils ne sont pas jetés sur lp eapier;ce
n'est pas la même chose que lesrésolutionsde l'Assembléegénérale. Un
détailpeut donnerune idée de la différence; c'est ce que le Secrétariat
dispose,conformément au règlementintérieurde l'Assemblée générale,
d'un pouvoirgénéralpour leur mise au pointet si vous regardez la
versionimpriméedes résolutionsde l'Assembléegénérale, dans les
documentsofficielsde l'Assemblée,ces textes sont bien différentsde
w
ceux qui sontadoptéspar l'Assembléegénéraleelle-même et publiésdans
les célèbres communiquéd se presse queles habituésdes NationsUnies
commemoi-mêmeappellent"round-up"(résuméarrondi),parce qu'ilssont
mis au point parle Secrétariat. D'autrepart,Monsieurle Président, si
vous regardezla versionimpriméedes résolutionsdu Conseil desécurité,
qui sont publiées chaque année elles sont identiquesau texte,tel qu'il
a été adoptépar le Conseil desécurité,dans toutesles langues
officielleset les languesde travaildu Conseilde sécuritéqui sont
maintenantles mêmes. Ne parlons donc plus d'expressionsroutinières
ajoutéesde façon irréfléchie simplement parce que c'c estformeà la
routine. Il n'y a rien detel dans lesrésolutionsdu Conseilde
sécurité.
J'en viens à un autre point,Monsieurle Président. Rien de ce qu'a
dit M. Boylene me feraitchangerd'un iota cequi, selonmoi, serait la
règlede droit applicable à la lettredu 8 juin 1992 en ce quiconcerne
la compétence de la Cour. Aux termesde cette lettre,la compétence de
la Cour n'est pas conféréedu fait de l'acceptation,par la
Bosnie-Herzégovine,de l'offrefaite;l'offreest celle de saisirla Cour
d'une affaireavec un mandat convenu,d'une entente surla naturede la questionau sujet delaquelle laCour auraà se prononceret, comme je le
maintiens,comme je l'ai dit déjà, selonmoi, la situationen ce qui
concerne cettelettre,est identique, quana tu fond, à la situationà
laquellela Cour faisait face dans l'affairede la Mer ~gée.
Sur la question del'aggressionet les accusations quelque peu
échevelées quiont été formuléesdans cette salled'audience,je voudrais
simplementdire une chose. Je la dis avec respectet peut-êtreavec
réserveen raisondes contraintes imposées pa le tempsdont nous
disposonsmais, dans la mesure où j'ai pu le voir dansle dossier que
j'ai ici sur la table,je n'ai trouvé cemot, le mot aggression, dans
aucune desrésolutions du Conseil desécurité.
Je viens de direque je fais cettedéclaration avec des réserves,
d'espèreque je n'induispas la Couren erreur,je n'ai certainement pas
l'intentionde le faire. Je n'ai pas trouvé cemot au cours dela
lecturedes résolutions que j'ai faite durant la suspensiond'audience,
et je les ai toutes ici. Si je me trompe,j'accepte d'avancq eue la Cour
et la Partieadverseme corrigentet je présenteraimes excuses.
Les effortsdu Conseil desécurité,Monsieurle Président, visent un
but et un seul, qui est de rétablir la paix danlsa région. S'il n'a pas
encore atteint ce but, ce n'est pas fauted'avoiressayé. Il reste
activement saisi de la questionet agit en vertu du chapitreVII. Cela
n'a pas été réfutépar M. Boyle et je me permetsd'affirmerque c'est là
un facteur essentiel qud ievrait avoirdu poids pourla Cour lorsqu'elle
en viendra à délibéreret rendre sadécisionsur cette demandeen
indicationde mesures conservatoires.
Il y a un dernier pointque je souhaiterais mentionner, Monsieur le
Président,et c'estla questionde la légalitédu gouvernementfédératif,
du caractère représentati du Gouvernement fédérati de Yougoslavie.
Monsieur le Présidentt ,out cequ'a fait le Conseilde sécurité danscette résolution fort curieuc se,stdire que la République fédérative
de Yougoslaviene peut pas reprendreautomatiquementla qualitéde
membrequ'avait l'ex-Républiquf eédérative socialisdte Yougoslavie. Je
ne saispas bien ce que cela signifieexactement.La résolution de
l'Assemblée générale,telleque je l'interprèten,e cadrepas entièrement
avec cela;peut-êtrel'ai-jemal lue. Mais ce qui est curieux, c'estque
la Yougoslavie continu effectivementd'êtreMembrede l'organisatiod nes
NationsUnieset jlai ici devantmoi - je supposequ'ilfaudra que jlen
fasseune nouvelle pièceà soumettre à la Cour- un texte dontJe pense
qu'ilme serapermisde le lire,signépar M. Boutros Boutros-Ghali,
Secrétaire généralde l'organisatiodnes NationsUnies,datédu
26 février1993et adresséà S. Exc. [inaudible]m ,inistre fédéradles
affaires étrangère de la République fédérati deeYougoslavieà
Belgrade, invitan la République fédératidve Yougoslavieà participerà
la conférencedes Nations Uniessur les droitsde l'hommequi aura lieuà
Vienne enjuinprochain, àla suited'unedécisionde l'Assemblée
générale. Je ne pense pas que l eecrétaire général commettru ait
erreuren la matière. Il a adressé cette lettr au ministre fédéradles
affaires étrangères d la République fédérative de Yougosla etie'a
signée lui-même, BoutrB osutros-Ghali.Je déposerai ce document ce
week-end,si vous le voulez,Monsieurle Président, si vousjugezque je
dois le faire,et je pensequ'ilest simplement suffisan pourmontrer
que le caractère lége al la continuité de la qualidtéMembre de
l'organisatiodnes NationsUniesde la République fédérativ est une
questionqui ne peutplus fairel'objetd'aucunediscussion.
Je dois dire que ce sonlà des remarques disparateet peut-être
incohérentes, Monsieu le Président:nous sommestous extrêmement
fatigués. Je tiens à vous remercierencore trèsvivementde la courtoisieque vousnous aveztémoignéeet, même si nousnous sommes
montrés un peu dursl'un avec l'autre,je tiens à exprimerma
reconnaissance au requérantpour la façon dont lui auss en a usé avec
nous au coursde cette instance.
Peut-êtreest-ce là un exemple quelorsqu'uneaffaireoù règnentde
grandestensionsest plaidéepar des non-ressortissants des Etats en
cause, l'administratio de la justiceinternationale s'en trouve
facilitéedu fait que les conseilsqui comparaissent devant la Cour
s'investissent moins dans le fond de l'affaire. Je vous remercie,
Monsieur lePrésident.
Le PRESIDENT : Merci,MonsieurRosenne. MonsieurGuillaume.
Judge GUILLAUME: Thank you, Mr. President. 1 would like to put a
questionto each of theParties. This afternoon,the representative of
the Republicof Bosniaand Herzegovina referret do OpinionNo. 9 of the
ArbitrationCommissionof theConferencefor Peace in Yugoslavia,which
concerns the problemof succession. Paragraph2 of that Opinion, which 1
have beforeme, reads as follows:
"the succession ofStates is governedby the principlesof
international law embodiedin the Vienna Conventionsof 23
August 1978and 8 April1983,which al1 Republicshave agreed
should bethe foundationfor discussionsbetween them on the
succession ofStates at the Conferencefor Peace inYugoslavia".
My questionfor each of the Partiesis as follows: couldyou produce
within 24 hours the documentor documents,if any exist, in which Bosnia
and Herzegovinaand Yugoslavia (Serbia and Montenegro) accepted the
obligations referret do inparagraph 2 of OpinionNo. 9?
Thank you, Mr. President. Le PRESIDENT :Merci,MonsieurGuillaume.La réponseà cette
question pourraiê ttredonnéepar écrit,dès que possible, s'ilvous
plaît. Il serait commodd ee l'avoirdemain. Oui, Monsieur Boyle,vous
pouvez répondre maintenantvs ous le souhaitez.
M. BOYLE :Monsieur le Présideni t, n'y a absolument aucun moyen
que je puisse produircee documentsous 24 heures. Je ne peux mêmepas
communiquer aveS carajevo. Nousy sommesbombardéset attaquéspar
1'Etatcroupionde Yougoslavie.L'Etatcroupion de Yougoslavis e,s
agentset ses auxiliaires bombardentla présidence. Je ne peux mêmepas
communiquer avem con président,pourne pas parlerdu ministredes W
affairesétrangères.Je ne peux obtenir de documen desSarajevo. C'est
la raisonpour laquelleje n'ai pas pu produire cette lettr du 8 juin
jusqu'aujour oùje l'ai fait,lundi dernier. jie l'avaiseue avant
lundi,je vous l'aurais fait tenir. Je suisenvoyédevant votre Cour
avecdes pouvoirs extraordinairc esmmereprésentant personne et
plénipotentiaird eu présidentIzetbegovicet mes instructionsse résument
en cesmots : "Bonnechance :". Cecivous montre donc la gravitéld ae
situationà Sarajevo. Bien sûr,j'essaierai d'avoir cedocument, maisje
doute très sérieusemed ntpouvoir l'obtenir ava plusieurssemaines, de
w
sorteque je voudrais vous encourager, a finsde la présenteprocédure
en indication de mesures conservatoires procédersur l'affirmation
faite de bonnefoi parla commission d'arbitrageBadinter que cet accord
a été concluet qu'onen possèdele document. Je ne l'aipas, et il n'y
a aucun moyenpour queje puisseme le procurer rapidement. Ceci dû
au comportementdu défendeur.
Le PRESIDENT: Merci,MonsieurBoyle. MonsieurRosenne. M. ROSENNE : Merci,Monsieurle Président. Je ne vais pas fairede
déclarationpolitique. Je comprends très bienles raisonsde la question
de M. Guillaumeet je vois très bienpourquoiil souhaiterait avoir la
réponsesous 24 heures. Avec tout lerespect queJe dois à M. Guillaume
et aux Membresde la Cour, c'est le week-endet je souhaite,comme le
Présidentl'a dit, sauf votrerespectet si vous le voulezbien, Monsieur
le Juge, produireles documents pertinents dè qsue possible,ce qui je
pense devraitêtre vers le milieu de la semaineprochaine.
Le PRESIDENT: Oui, merci beaucoup.
11 ne me reste qu'àremercier les agents de dseux Partiesde l'aide
qu'ils ont apportée à la Couret de leurs observations sur la demandeen
indicationde mesuresconservatoires dans la présenteaffaire.
Conformémentà la pratique,je prie les agentsdes Partiesde demeurer à
la dispositionde la Cour pour lui fournirles informationsqu'elle
pourraitjugernécessaire deleur demander. Sous cetteréserve,je
déclare maintenant close la procédo urele.
La Cour rendra sa décision surla demandeen indication de mesures
conservatoires dès qup eossible,sous formed'ordonnance;il en sera
donné lectureen audience publique.La date de l'audiencesera
communiquée aux agentsdes Partiesen tempsutile. Je vous remercie.
L'audienceest levée à 18 h 30.
Traduction