Mémoire du Costa Rica

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165-20170302-WRI-01-00-EN
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Note : Cette traduction a été préparée par le Greffe à des fins internes et n’a aucun caractère officiel
14587
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
AFFAIRE RELATIVE À LA FRONTIÈRE TERRESTRE DANS
LA PARTIE SEPTENTRIONALE D’ISLA PORTILLOS
(COSTA RICA c. NICARAGUA)
MÉMOIRE DU COSTA RICA
2 MARS 2017
[Traduction du Greffe]
TABLE DES MATIÈRES
Page
CHAPITRE 1. INTRODUCTION ............................................................................................................ 1
A. Origine et portée du différend .................................................................................................. 1
B. La compétence de la Cour ........................................................................................................ 3
C. Structure du présent mémoire ................................................................................................... 3
CHAPITRE 2. QUESTIONS DE SOUVERAINETÉ ET DÉLIMITATION SOLLICITÉE ................................... 5
A. Introduction .............................................................................................................................. 5
B. Le contexte géographique......................................................................................................... 5
C. L’arrêt de la Cour du 16 décembre 2015 ................................................................................ 11
1. La question de la souveraineté sur la plage d’Isla Portillos est revêtue de l’autorité
de la chose jugée ............................................................................................................... 12
2. Seul l’emplacement précis de la frontière à chaque extrémité du banc de sable de la
lagune de Harbor Head reste à déterminer ........................................................................ 17
D. Les éléments juridiques pertintents pour les questions de souveraineté et la
délimitation de la frontière ..................................................................................................... 22
CHAPITRE 3. LA NOUVELLE VIOLATION, PAR LE NICARAGUA, DE LA SOUVERAINETÉ
TERRITORIALE DU COSTA RICA ................................................................................. 30
A. Introduction ............................................................................................................................ 30
B. L’établissement, par le Nicaragua, d’un campement militaire sur la plage d’Isla
Portillos ................................................................................................................................. 30
C. Les agissements du Nicaragua sont constitutifs de violations de la souveraineté et de
l’intégrité territoriale du Costa Rica, ainsi que de l’arrêt rendu par la Cour le
16 décembre 2015 .................................................................................................................. 35
D. Conclusion............................................................................................................................. 35
CONCLUSIONS ................................................................................................................................. 36
CERTIFICATION ................................................................................................................................ 37
LISTE DES ANNEXES .......................................................................................................................... 38
___________
CHAPITRE 1
INTRODUCTION
1.1. Le Costa Rica a introduit la présente instance le 16 janvier 2017. Dans sa requête, il prie
la Cour de déterminer l’emplacement précis de la frontière terrestre séparant Isla Portillos du banc
de sable de la lagune de Los Portillos/Harbor Head, et de dire et juger qu’en établissant un nouveau
campement militaire sur la plage d’Isla Portillos, le Nicaragua a violé la souveraineté et l’intégrité
territoriale du Costa Rica.
1.2. La Cour, par ordonnance du 2 février 2017, a fixé au 2 mars 2017 la date d’expiration du
délai pour le dépôt d’un mémoire par le Costa Rica en l’espèce. Par la même ordonnance, elle a
joint la présente instance à celle relative à la Délimitation maritime dans la mer des Caraïbes et
l’océan Pacifique (Costa Rica c. Nicaragua) (ci-après l’affaire relative à la «Délimitation
maritime»). Le présent mémoire est déposé dans le délai ainsi prescrit.
A. ORIGINE ET PORTÉE DU DIFFÉREND
1.3. En novembre 2010, le Nicaragua a envahi et occupé un territoire costa-ricien adjacent à
la mer des Caraïbes, dans la partie septentrionale d’Isla Portillos. Il a ensuite revendiqué la
souveraineté sur ce territoire, dont l’appartenance au Costa Rica n’avait jamais été contestée
auparavant. La Cour a rejeté cette prétention dans son arrêt du 16 décembre 2015 en l’affaire
relative à Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica
c. Nicaragua), jointe à l’affaire relative à la Construction d’une route au Costa Rica le long du
fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica) (ci-après l’affaire relative à «Certaines activités»),
confirmant que le Costa Rica avait souveraineté sur le «territoire litigieux»1. Dans son ordonnance
en indication de mesures conservatoires du 8 mars 2011, la Cour avait défini ce «territoire
litigieux» comme «la partie septentrionale [d’]Isla Portillos, soit la zone humide d’environ
trois kilomètres carrés comprise entre la rive droite du caño litigieux, la rive droite du fleuve
San Juan lui-même jusqu’à son embouchure dans la mer des Caraïbes et la lagune de
Harbor Head»2.
1.4. Alors que la procédure suivait son cours, le Nicaragua a établi un campement militaire
sur la plage d’Isla Portillos. Ce comportement, ainsi que la construction par le Nicaragua de deux
nouveaux caños artificiels dans le territoire litigieux, a conduit le Costa Rica à demander à la Cour
de rendre une deuxième ordonnance en indication de mesures conservatoires, ce qu’elle a fait le
22 novembre 2013. Dans cette ordonnance, la Cour a déclaré que la plage en question faisait partie
du «territoire litigieux» et a ordonné au Nicaragua d’en retirer son campement3. Dans son arrêt sur
1 Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) et
Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), arrêt, C.I.J. Recueil
2015 (II), p. 696-697, par. 69-70 et p. 740, par. 229, point 1) du dispositif.
2 Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua), mesures
conservatoires, ordonnance du 8 mars 2011, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 19, par. 55.
3 Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) et
Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan, mesures conservatoires, ordonnance du
22 novembre 2013, C.I.J. Recueil 2013, p. 365, par. 46.
- 2 -
le fond du 16 décembre 2015, elle a rappelé que la plage sur laquelle le campement nicaraguayen
avait été établi se trouvait en «territoire litigieux»4.
1.5. Postérieurement au prononcé de l’ordonnance du 22 novembre 2013, le Nicaragua a
établi un campement militaire sur le banc de sable séparant la lagune de Los Portillos/Harbor Head
de la mer des Caraïbes. Récemment, il a déplacé ce campement militaire jusqu’à la plage
d’Isla Portillos, qui fait partie du territoire costa-ricien.
1.6. Le 14 novembre 2016, le Costa Rica a écrit au Nicaragua pour protester contre
l’établissement de ce campement sur son territoire5. Dans une réponse datée du 17 novembre 2016,
le Nicaragua a non seulement refusé de retirer le campement, mais aussi revendiqué de nouveau la
souveraineté, cette fois sur «l’intégralité du segment de la côte caraïbe qui s’étend entre la lagune
de Harbor Head et l’embouchure du fleuve San Juan»6. Cette prétention va à l’encontre de ce que
la Cour a déclaré dans son arrêt du 16 décembre 2015, à savoir que le Costa Rica a souveraineté sur
le «territoire litigieux» (qui inclut la plage située entre la lagune de Harbor Head et l’embouchure
du fleuve San Juan)  déclaration désormais revêtue de l’autorité de la chose jugée. En outre, le
Costa Rica craint que la position récemment adoptée par le Nicaragua s’inscrive dans le cadre
d’une ligne de conduite constante de sa part, qui a commencé avec l’envahissement et l’occupation
du territoire costa-ricien (et la revendication ultérieure du même) à la fin 2010, s’est poursuivie
avec la violation de l’ordonnance rendue par la Cour en 2011 dans l’affaire relative à Certaines
activités (ce qui a conduit le Costa Rica à solliciter une nouvelle ordonnance en 2013, qu’il a
obtenue), et continue aujourd’hui avec l’établissement d’un nouveau campement militaire en
territoire costa-ricien7, en violation de l’arrêt rendu par la Cour en 2015, et la revendication
ultérieure de ce territoire.
1.7. Face à cette situation, et préoccupé par la ligne de conduite constante du Nicaragua, le
Costa Rica s’est efforcé de régler le différend sans tarder. Dans un nouveau courrier, il a rejeté la
position du Nicaragua (soulignant qu’elle était contraire à l’arrêt de la Cour du 16 décembre 2015)
et réservé ses droits8. Ce courrier est resté sans réponse. Compte tenu de la position adoptée par le
Nicaragua en fait et en droit, il est évident que de nouvelles négociations seraient vaines, et le
Costa Rica a donc été obligé d’introduire la présente instance. Vu le lien étroit qui existe entre
cette affaire et certains aspects de celle relative à la Délimitation maritime, il a sollicité et obtenu de
la Cour la jonction des deux instances9.
1.8. Le différend entre le Costa Rica et le Nicaragua porte sur l’emplacement précis de la
frontière terrestre dans la partie septentrionale d’Isla Portillos, c’est-à-dire celle qui sépare
4 Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) et
Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), arrêt, C.I.J. Recueil
2015 (II), p. 696, par. 69.
5 Lettre DM-AM-584-16 en date du 14 novembre 2016 adressée au Nicaragua par le Costa Rica (annexe 56).
6 Lettre MRE/DMC/250/11/16 en date du 17 novembre 2016 adressée au Costa Rica par le Nicaragua
(annexe 57) (les italiques sont dans l’original).
7 Le 24 novembre 2016, l’ouragan Otto a durement frappé Isla Portillos et a endommagé les installations des
services de police et de protection de l’environnement établis dans la région par le Costa Rica. Le Costa Rica croit
comprendre que le Nicaragua avait retiré son campement militaire avant qu’Otto ne touche terre. Toutefois, après le
passage de l’ouragan, le Nicaragua a rétabli, et maintient depuis lors, un campement militaire sur la plage d’Isla Portillos.
8 Lettre DM-AM-62[8]-16 en date du 30 novembre 2016 adressée au Nicaragua par le Costa Rica (annexe 58).
9 Délimitation maritime dans la mer des Caraïbes et l’océan Pacifique (Costa Rica c. Nicaragua) et Frontière
terrestre dans la partie septentrionale d’Isla Portillos (Costa Rica c. Nicaragua), ordonnance du 2 février 2017,
par. 18 2).
- 3 -
aujourd’hui le banc de sable de la lagune de Los Portillos/Harbor Head et Isla Portillos. Il concerne
également l’établissement illicite, par le Nicaragua, d’un campement militaire sur la plage
d’Isla Portillos, un territoire qui appartient au Costa Rica, ainsi que la Cour l’a confirmé dans son
arrêt du 16 décembre 2015 en l’affaire relative à Certaines activités10.
1.9. Par souci d’exhaustivité, le Costa Rica rappelle que, par l’ordonnance rendue le
31 mai 2016 en l’affaire relative à la Délimitation maritime, la Cour s’est prévalue de la faculté que
lui confèrent les articles 40 et 50 de son Statut de faire procéder à une expertise. Les deux experts
ainsi désignés doivent donner leur avis à la Cour sur «l’état de la côte» entre l’embouchure du
fleuve San Juan et Punta de Castilla11 et répondre à certaines questions précises12. Dans le cadre de
leur mandat, ils ont effectué une première visite sur les lieux en décembre 2016, et ils en feront une
seconde en mars 2017. Conformément à l’ordonnance de la Cour, ils établiront un rapport écrit sur
les points sur lesquels leur expertise est sollicitée. Naturellement, le Costa Rica formulera en
temps utile des observations et des questions sur l’avis ainsi exprimé.
B. LA COMPÉTENCE DE LA COUR
1.10. La Cour a compétence à l’égard du présent différend en application des dispositions du
paragraphe 2 de l’article 36 de son Statut, par le jeu des déclarations d’acceptation du Costa Rica et
du Nicaragua, datées respectivement du 20 février 1973 et du 24 septembre 1929.
1.11. La Cour a également compétence à l’égard du présent différend en application des
dispositions du paragraphe 1 de l’article 36 de son Statut, par le jeu de l’article XXXI du traité
américain de règlement pacifique signé à Bogotá le 30 avril 1948 (dit pacte de Bogotá)13. Les
Parties ont déclaré souscrire au pacte de Bogotá dans le pacte d’amitié (art. III) qu’elles ont signé à
Washington le 21 février 194914.
C. STRUCTURE DU PRÉSENT MÉMOIRE
1.12. Le mémoire du Costa Rica se présente comme suit :
a) Le chapitre 2 décrit la géographie actuelle de la zone pertinente, explique en quoi le principe de
l’autorité de la chose jugée fait obstacle à la revendication territoriale récurrente du Nicaragua à
l’égard de la plage d’Isla Portillos, et analyse la base juridique de la souveraineté du Costa Rica
et de la frontière demandée par celui-ci.
b) Le chapitre 3 explique comment le Nicaragua a violé une nouvelle fois la souveraineté
territoriale du Costa Rica en établissant et en maintenant un campement militaire sur la plage
d’Isla Portillos.
c) Enfin, le mémoire s’achève par les conclusions du Costa Rica.
10 Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) et
Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), arrêt, C.I.J. Recueil
2015 (II), p. 696-697, par. 69-70, et p. 740, par. 229, point 1) du dispositif.
11 Délimitation maritime dans la mer des Caraïbes et l’océan Pacifique (Costa Rica c. Nicaragua), ordonnance
du 31 mai 2016, par. 8.
12 Ibid., par. 10 2).
13 Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 30, p. 55. Le Costa Rica comme le Nicaragua sont parties au pacte de
Bogotá.
14 Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 1465, p. 221.
- 4 -
1.13. Sont jointes au présent mémoire, dans le même volume, vingt-six annexes
documentaires dont la liste figure ci-après (y compris les originaux en espagnol, le cas échéant).
L’instance ayant été jointe à celle relative à la Délimitation maritime, dans laquelle le Costa Rica a
soumis 45 annexes, la numérotation des annexes du présent mémoire commence à 46.
- 5 -
CHAPITRE 2
QUESTIONS DE SOUVERAINETÉ ET DÉLIMITATION SOLLICITÉE
A. INTRODUCTION
2.1. Le présent chapitre traite du contexte juridique et de la portée du différend qui oppose
aujourd’hui les Parties. Il y sera démontré que la Cour a pour unique tâche de déterminer
l’emplacement de la frontière aux deux extrémités du banc de sable séparant actuellement la lagune
de Los Portillos/Harbor Head de la mer, pour autant que ce banc demeure émergé à tout moment et
soit donc susceptible d’appropriation par un Etat.
2.2. Le présent chapitre comprend trois sections. La section B décrit le contexte
géographique du différend, en particulier tel qu’il se présente aujourd’hui. La section C examine
l’arrêt que la Cour a rendu le 16 décembre 2015 en l’affaire relative à Certaines activités, et montre
que, l’attribution au Costa Rica de la souveraineté sur la plage d’Isla Portillos étant revêtue de
l’autorité de la chose jugée, la nouvelle prétention territoriale du Nicaragua va à l’encontre de cette
décision. La deuxième partie de cette section analyse plus précisément le paragraphe 70 de l’arrêt
pour démontrer que seul l’emplacement de la frontière aux points visés ci-dessus doit être
déterminé par la Cour. La section D passe en revue les textes juridiques pertinents pour l’examen
de certaines questions de souveraineté et la délimitation sollicitée. Il y est également expliqué que,
la géographie étant susceptible de continuer à changer dans cette zone côtière, l’utilisation de
coordonnées exactes est peu appropriée pour définir la frontière ; une description verbale serait
suffisamment précise et permettrait d’adapter le tracé de la ligne aux changements géographiques,
ainsi qu’il était prévu dans la deuxième sentence Alexander.
B. LE CONTEXTE GÉOGRAPHIQUE
2.3. L’environnement géographique du présent différend est la zone côtière costa-ricienne
d’Isla Portillos, qui comprend l’embouchure du fleuve San Juan, la plage d’Isla Portillos, la lagune
de Los Portillos/Harbor Head et le banc de sable qui sépare cette dernière de la mer des Caraïbes.
Isla Portillos est circonscrite par le fleuve San Juan à l’ouest et par la mer des Caraïbes au nord ;
elle encercle la lagune de Los Portillos/Harbor Head, en forme de U, sauf au nord-est où celle-ci
fait face à la mer des Caraïbes, dont elle n’est séparée que par un étroit banc de sable (voir
figure 2.1).
- 6 -
Figure 2.1 : Le contexte géographique, image satellite du 3 octobre 2016 (reproduite à seule fin
d’illustration)
Légende :
Caribbean Sea = Mer des Caraïbes
Harbor Head Lagoon = Lagune de Harbor Head
San Juan River = Fleuve San Juan
2.4. Dans cette zone, les territoires costa-ricien et nicaraguayen ont été délimités par le traité
de limites de 1858, qui a établi que «[l]a limite entre les deux républiques, à partir de la mer du
Nord [la mer des Caraïbes], partira[it] de l’extrémité de Punta de Castilla, à l’embouchure du
fleuve San Juan de Nicaragua, puis suivra[it] la rive droite de ce fleuve»15. A l’époque, le San Juan
se jetait dans la baie de San Juan del Norte, dont les eaux se déversaient ensuite dans la mer.
2.5. Entre la signature du traité de limites de 1858 et les travaux de l’arbitre Alexander à la
fin des années 1890, l’embouchure du fleuve et ses environs ont connu d’importants changements
géomorphologiques. Le croquis annexé à la première sentence Alexander et reproduit à la
figure 2.2. ci-dessous illustre la configuration du fleuve, de la baie, de différentes formations
sableuses et de la mer à la fin du XIXe siècle. Il permet de faire un certain nombre de constatations.
A la fin des années 1890, la langue de sable réduite qui formait la baie s’était désagrégée, et seules
demeuraient une formation sableuse située au nord-ouest d’Isla Portillos, désignée «Old Is. Of
San Juan» (ancienne île de San Juan), et une étroite bande de sable prolongeant le territoire
costa-ricien à l’est de Harbor Head. La première sentence Alexander faisait une distinction entre ce
«banc de sable» éphémère16 et «l’extrémité nord-ouest de ce qui paraît être la terre ferme, sur la
rive est de la lagune de Harbor Head»17. Entre ces formations sableuses, une ouverture reliait à la
mer ce qui serait désigné par la suite Harbor Head. Le croquis montre le fleuve San Juan (le
15 Traité de limites entre le Costa Rica et le Nicaragua, San José, 15 avril 1858 (Cañas-Jerez) (ci-après le «traité
de limites de 1858»), Délimitation maritime dans la mer des Caraïbes et l’océan Pacifique (Costa Rica c. Nicaragua),
mémoire du Costa Rica, annexe 1, art. II.
16 Première sentence de l’arbitre E. P. Alexander sur la question de la frontière entre le Costa Rica et le
Nicaragua, rendue le 30 septembre 1897 à San Juan del Norte (ci-après la «première sentence Alexander»), p. 220
(annexe 48).
17 Ibid.
- 7 -
«fleuve … proprement dit»18) se déversant dans la lagune de Harbor Head via un bras oriental
avant d’atteindre la mer. C’est ce que l’arbitre Alexander appelle, dans sa deuxième sentence, le
«premier chenal rencontré» sur la ligne frontière qui suit la rive droite ou méridionale de
Harbor Head vers le fleuve19. Sur le croquis annexé à la première sentence Alexander, ce chenal
sépare Isla Portillos, sur sa rive droite ou méridionale, de l’ancienne île de San Juan, sur sa rive
gauche ou septentrionale.
Figure 2.2 : Croquis annexé à la première sentence Alexander
2.6. La configuration du fleuve, de la baie et de la côte dans ce secteur a continué de changer
au cours du XXe siècle et jusqu’au début du XXIe siècle. Les cartes officielles de 1988, tant celles
établies par l’Institut géographique national (IGN) du Costa Rica que celles établies par l’Institut
nicaraguayen d’études territoriales (INETER)20, montrent les derniers vestiges d’un bras reliant le
fleuve San Juan à la lagune de Harbor Head. Sur ces cartes de 1988, les rives du chenal sont
formées par Isla Portillos (rive droite ou méridionale), telle qu’elle se présente depuis la fin des
années 1890, et par un banc de sable nettement diminué, s’étirant à partir de l’angle nord-est de la
lagune de Harbor Head, en face d’Isla Portillos (rive gauche ou septentrionale). La carte officielle
nicaraguayenne établie en 2011 par l’INETER (à partir, notamment, d’images satellite de 2010)
témoigne de l’érosion continue et de la quasi-disparition du banc de sable qui formait la rive
gauche ou septentrionale du chenal. Sur cette carte, le banc de sable n’est plus qu’une mince
avancée qui s’étend en face de la lagune de Head Harbor/Los Portillos. Suite à l’érosion complète
de la rive gauche ou septentrionale du chenal, le fleuve n’est plus du tout relié à la lagune, et,
comme le montre la carte nicaraguayenne de 2011, la zone d’Isla Portillos est aujourd’hui un
territoire côtier doté d’une façade ouverte sur la mer des Caraïbes, quelle que soit l’exactitude de la
représentation qui y est faite sur cette carte de sa partie septentrionale, alors revendiquée par le
Nicaragua. Les extraits pertinents des cartes de 1988 et 2011 de l’INETER sont reproduits à la
figure 2.3 ci-dessous.
18 Deuxième sentence de l’arbitre E. P. Alexander sur la question de la frontière entre le Costa Rica et le
Nicaragua, rendue le 20 décembre 1897 à San Juan del Norte (ci-après la «deuxième sentence Alexander»), p. 224
(annexe 49).
19 Ibid.
20 Selon les sources fournies pour la carte de 1988 de l’INETER, celle-ci a été établie en 1960.
- 8 -
Figure 2.3 : Planche cartographique au 1/50 000 de San Juan del Norte établie par l’INETER
en 1988 et en 2011 (détail)
2.7. Ces changements se sont poursuivis, ainsi qu’en atteste une image satellite du
3 octobre 2016 (voir plus haut, figure 2.1) montrant la configuration côtière actuelle dans la région.
Un certain nombre d’éléments peuvent être observés sur cette image.
a) Premièrement, il apparaît clairement que le fleuve San Juan se jette directement dans la mer des
Caraïbes.
- 9 -
b) Deuxièmement, du fait de l’érosion massive de ce qui formait auparavant sa rive gauche ou
septentrionale, le chenal qui reliait le fleuve à la lagune a complètement disparu21.
c) Troisièmement, la lagune de Los Portillos/Harbor Head est aujourd’hui fermée par un étroit
banc de sable s’étirant à l’est et à l’ouest entre les deux extrémités de la terre ferme
d’Isla Portillos.
d) Quatrièmement, l’intégralité du segment côtier d’Isla Portillos entre l’embouchure du fleuve
San Juan et la lagune de Los Portillos/Harbor Head jouxte directement la mer des Caraïbes.
2.8. Du fait de ces conditions géographiques fluctuantes, la zone costa-ricienne
d’Isla Portillos est aujourd’hui un territoire côtier dont la projection en mer des Caraïbes est libre
de tout obstacle, et la frontière terrestre entre les Parties rencontre à présent la côte caraïbe en trois
points. Le point d’intersection primaire  son point terminal  est situé sur la rive droite du
fleuve San Juan, au niveau de son embouchure, la frontière séparant à cet endroit le territoire
costa-ricien (ici, Isla Portillos) des eaux nicaraguayennes du fleuve22. Il s’agit du point «A»
représenté sur la carte reproduite à la figure 2.4. A l’instar d’autres formations situées sur cette
côte, la langue de sable qui s’étire vers le nord-ouest à l’embouchure du fleuve a tendance à
connaître des changements de forme et de taille. Ainsi, sur la carte nicaraguayenne de 2011, elle
s’étend sur 500 mètres à partir de la lisière de la végétation, alors que cette distance est de
600 mètres sur l’image satellite du 3 octobre 2016. A d’autres époques, la langue de sable était
bien plus longue, et à d’autres encore, nettement plus courte23. Quoi qu’il en soit, le point
d’intersection primaire de la frontière terrestre avec la mer est situé à l’extrémité nord-ouest du
territoire d’Isla Portillos, là où le fleuve rejoint la mer24. La lettre «A» placée sur la langue de sable
indique l’emplacement général de cette intersection primaire ; elle n’est pas destinée à marquer un
point précis.
21 La Cour a fait procéder à une expertise aux fins de déterminer, notamment, s’il «[e]xiste …, entre les points
visés aux litt. a) et b) ci-dessus, un banc de sable ou une quelconque formation maritime», Délimitation maritime dans la
mer des Caraïbes et l’océan Pacifique (Costa Rica c. Nicaragua), ordonnance du 31 mai 2016, par. 10 2). Le Costa Rica
est convaincu que les experts, sur la base des visites effectuées sur place, des photographies aériennes et des images
satellite, concluront à l’absence de tout banc de sable ou autre formation au large du territoire costa-ricien d’Isla Portillos.
22 Traité de limites de 1858, Délimitation maritime dans la mer des Caraïbes et l’océan Pacifique (Costa Rica
c. Nicaragua), mémoire du Costa Rica, annexe 1, art. II.
23 Les mesures prises par les experts lors de leur visite de décembre 2016 indiquent que la langue de sable était
alors bien plus courte qu’en octobre 2016, date de l’image satellite utilisée pour établir la carte.
24 Le point terminal primaire de la frontière terrestre se distingue du point de départ de la frontière maritime dans
la mer des Caraïbes, que le Costa Rica a situé «à l’endroit où commence la langue de sable qui s’étend au nord-ouest
d’Isla Portillos, car cette formation éphémère, et de faible élévation, ne peut générer aucun point de base durable» :
Délimitation maritime dans la mer des Caraïbes et l’océan Pacifique (Costa Rica c. Nicaragua), mémoire du Costa Rica,
par. 4.15. Etant donné ce décalage entre le point terminal de la frontière terrestre et le point de départ de la délimitation
maritime, le territoire côtier costa-ricien (la langue de sable) ne génère aucune projection maritime.
- 10 -
Figure 2.4 : Croquis de la frontière terrestre sur la côte caraïbe (établi à seule fin d’illustration,
à partir de l’image satellite du 3 octobre 2016)
Légende :
Caribbean Sea = Mer des Caraïbes
Beach = Plage
Sandbar = Banc de sable
Los Portillos/Harbor Head Lagoon = Lagune de Los Portillos/Harbor Head
2.9. Les deux autres points où la frontière terrestre entre le Costa Rica et le Nicaragua
rencontre la mer sont liés à ce qui reste du banc de sable de la lagune de Los Portillos/Harbor Head
- 11 -
et au segment en forme de U de la frontière terrestre séparant la lagune d’Isla Portillos. Ces points,
désignés par les lettres «B» et «C» sur la figure 2.4., sont situés aux extrémités nord-ouest et
nord-est de la lagune de Los Portillos/Harbor Head. Tout comme pour le point «A», ces lettres, de
part et d’autre du banc de sable, ne font qu’indiquer l’emplacement général des deux intersections
secondaires ; elles ne sont pas destinées à marquer un point précis.
2.10. Le segment de près de trois kilomètres qui sépare les points A et B sur la côte
costa-ricienne d’Isla Portillos abrite une zone humide à la végétation dense jouxtant une plage de
sable qui descend jusqu’à la laisse de basse mer. La largeur de la plage, entre la lisière de la
végétation et la laisse de basse mer, varie entre moins d’un mètre et une centaine de mètres,
l’érosion l’ayant quasiment fait disparaître en certains endroits. Entre les points B et C se trouve
l’étroit banc de sable, actuellement long d’environ 750 mètres, qui ferme aujourd’hui la lagune de
Los Portillos/Harbor Head et la sépare de la mer. Ce banc de sable peu élevé mesure entre 25 et
75 mètres de large. Il forme une séparation ténue entre les eaux de la lagune et la mer, et présente
parfois une brèche, ainsi que le montre la photographie de juin 2012 reproduite à la figure 2.5.
A l’est du point C, la côte costa-ricienne d’Isla Portillos reprend et se poursuit, avec des
caractéristiques identiques à celles du segment entre les points A et B.
Figure 2.5 : Photographie aérienne de la lagune de Los Portillos/Harbor Head montrant la brèche
dans le banc de sable, 10 juin 2012
C. L’ARRÊT DE LA COUR DU 16 DÉCEMBRE 2015
2.11. La présente section analyse plus précisément les paragraphes 69 et 70 de l’arrêt
de 2015 afin de démontrer 1) que la décision de la Cour d’attribuer au Costa Rica la souveraineté
sur la plage d’Isla Portillos est revêtue de l’autorité de la chose jugée, et 2) que l’unique tâche de la
Cour au titre du premier point de la requête du Costa Rica consiste à déterminer l’emplacement
- 12 -
précis de la frontière séparant la plage d’Isla Portillos de chacune des extrémités du banc de sable
de la lagune de Los Portillos/Harbor Head25.
1. La question de la souveraineté sur la plage d’Isla Portillos est revêtue
de l’autorité de la chose jugée
2.12. La Cour connaît bien les faits intervenus dans la région septentrionale d’Isla Portillos
qui ont conduit le Costa Rica à introduire, le 18 novembre 2010, une instance contre le Nicaragua
et à demander l’indication de mesures conservatoires. Le Nicaragua avait envahi et occupé ce
territoire costa-ricien, construit un caño artificiel, puis revendiqué la souveraineté sur cette zone.
La Cour a indiqué des mesures conservatoires par ordonnance du 8 mars 2011, interdisant aux
parties d’introduire, sur ce qu’elle a qualifié de «territoire litigieux» et défini comme suit dans
ladite ordonnance, du personnel autre que des agents du Costa Rica chargés de la protection de
l’environnement :
«[L]a partie septentrionale [d’]Isla Portillos, soit la zone humide d’environ trois
kilomètres carrés comprise entre la rive droite du caño litigieux, la rive droite du
fleuve San Juan lui-même jusqu’à son embouchure dans la mer des Caraïbes et la
lagune de Harbor Head.»26
2.13. Au mépris de cette ordonnance, le Nicaragua a établi un campement militaire sur la
plage d’Isla Portillos et construit deux nouveaux caños artificiels sur le «territoire litigieux» en
2013, comportement qui a amené le Costa Rica à solliciter l’indication de nouvelles mesures
conservatoires. Lors des audiences y afférentes, le Nicaragua a revendiqué la souveraineté sur la
plage d’Isla Portillos pour des raisons indépendantes de sa «prétention» de faire passer la frontière
par la rive méridionale du caño construit par ses soins en 2010. Selon lui, la plage d’Isla Portillos
ne faisait pas partie du «territoire litigieux» tel que défini dans l’ordonnance du 8 mars 2011 de la
Cour.
2.14. La Cour, dans l’ordonnance en indication de mesures conservatoires qu’elle a rendue le
22 novembre 2013, a résumé comme suit la revendication, par le Nicaragua, de la souveraineté sur
la plage en question :
«[L]e Nicaragua affirme avoir le droit de maintenir des soldats, ou toute autre
personne, sur ce qu’il décrit comme un banc de sable s’étendant le long de la plage en
face du territoire litigieux. A une question posée par un membre de la Cour, le
Nicaragua a répondu que la plage située au nord des deux nouveaux caños
correspondait selon lui «au banc de sable, ou … île, qui a[vait] toujours été considéré
comme faisant partie de son territoire incontesté.»27
2.15. La Cour a rejeté la revendication du Nicaragua dans ladite ordonnance, précisant que :
25 La question de l’établissement et du maintien illicites par le Nicaragua d’un campement militaire sur la plage
d’Isla Portillos est traitée au chapitre 3 du présent mémoire.
26 Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua), mesures
conservatoires, ordonnance du 8 mars 2011, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 19, par. 55.
27 Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) et
Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan, mesures conservatoires, ordonnance du
22 novembre 2013, C.I.J. Recueil 2013, p. 364, par. 42.
- 13 -
«Le Nicaragua reconnaît la présence d’un campement militaire sur la plage
située au nord des deux nouveaux caños, qu’il estime être un banc de sable (voir
paragraphe 42 ci-dessus). La Cour considère toutefois que, contrairement à ce que le
Nicaragua prétend, ce campement se trouve sur la plage elle-même à la lisière de la
végétation, et est donc situé sur le territoire litigieux tel que défini par elle dans son
ordonnance du 8 mars 2011 (voir paragraphe 44 ci-dessus)28.»
2.16. Dans l’arrêt sur le fond qu’elle a rendu le 16 décembre 2015, la Cour a clairement dit
que la plage sur laquelle le Nicaragua avait établi son campement faisait partie du «territoire
litigieux»29. Le paragraphe pertinent de l’arrêt de 2015 est libellé en ces termes :
«69. Puisqu’il n’est pas contesté que le Nicaragua a mené certaines activités
dans le territoire litigieux, il y a lieu, pour rechercher si la souveraineté territoriale du
Costa Rica a été violée, de déterminer lequel des deux Etats a souveraineté sur ce
territoire. Dans son ordonnance du 8 mars 2011 portant indication de mesures
conservatoires, la Cour a défini le «territoire litigieux» comme «la partie
septentrionale [d’]Isla Portillos, soit la zone humide d’environ trois kilomètres carrés
comprise entre la rive droite du caño litigieux, la rive droite du fleuve San Juan
lui-même jusqu’à son embouchure dans la mer des Caraïbes et la lagune de
Harbor Head» (C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 19, par. 55). Le caño dont il est ici question
est celui que le Nicaragua a dragué en 2010. Ce dernier n’a pas contesté cette
définition du «territoire litigieux» et le Costa Rica l’a expressément adoptée dans ses
conclusions finales (point 2 a)). La Cour s’en tiendra à la définition du «territoire
litigieux» qu’elle a énoncée dans son ordonnance de 2011. Elle rappelle que, dans son
ordonnance en indication de mesures conservatoires du 22 novembre 2013, elle a
précisé qu’un campement militaire nicaraguayen «se trouv[ant] sur la plage elle-même
à la lisière de la végétation», à proximité d’un des caños dragués en 2013, était «situé
sur le territoire litigieux tel que défini par elle dans son ordonnance du 8 mars 2011»
(C.I.J. Recueil 2013, p. 365, par. 46).»30
2.17. Dans le dispositif de son arrêt de 2015, la Cour dit que «le Costa Rica a souveraineté
sur le «territoire litigieux», tel que défini par [elle] aux paragraphes 69-70 [de cet] arrêt»31.
2.18. Il découle du paragraphe 69 et du point 1) du dispositif de l’arrêt de 2015 de la Cour
que la plage d’Isla Portillos appartient au Costa Rica. Cette décision est revêtue de l’autorité de la
chose jugée, conformément aux articles 59 et 60 du Statut de la Cour. En l’affaire relative à la
Question de la délimitation du plateau continental entre le Nicaragua et la Colombie au-delà de
200 milles marins de la côte nicaraguayenne (Nicaragua c. Colombie), la Cour, se référant à la
signification et à la portée de l’autorité de la chose jugée, a conclu ceci :
«Les Parties conviennent que le principe de l’autorité de la chose jugée repose
sur l’identité des Parties (personae), de l’objet (petitum), et de la base juridique (causa
28 Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) et
Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan, mesures conservatoires, ordonnance du
22 novembre 2013, C.I.J. Recueil 2013, p. 365, par. 46.
29 Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) et
Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), arrêt, C.I.J. Recueil
2015 (II), p. 696, par. 69.
30 Ibid.
31 Ibid., point 1) du dispositif (les italiques sont dans l’original).
- 14 -
petendi). Elles admettent également que les articles 59 et 60 du Statut de la Cour
traduisent ce principe.»32
Et de poursuivre :
«Il ne suffit pas, pour l’application de l’autorité de la chose jugée, d’identifier
l’affaire en cause, caractérisée par les mêmes parties, le même objet et la même base
juridique, il faut encore déterminer le contenu de la décision dont il convient de
garantir le caractère définitif. La Cour ne saurait se contenter de l’identité des
demandes qui lui ont été présentées successivement par les mêmes parties, elle doit
rechercher si et dans quelle mesure la première demande a déjà été tranchée
définitivement.»33
2.19. Aux paragraphes suivants, le Costa Rica fera valoir que la revendication actuelle du
Nicaragua tombe sous le coup du principe de l’autorité de la chose jugée, tel que la Cour l’a
récemment rappelé.
2.20. Comme il a été dit plus haut, le Costa Rica a protesté contre le récent établissement
d’un campement militaire nicaraguayen sur la plage d’Isla Portillos, quelque 100 mètres au-delà de
la limite occidentale du banc de sable de la lagune de Los Portillos/Harbor Head34. Dans sa lettre
du 14 novembre 2016, il a fait parvenir au Nicaragua des photographies qui démontrent sans
l’ombre d’un doute que le campement militaire contesté se trouve sur la plage d’Isla Portillos35.
Dans sa réponse du 17 novembre 2016, le Nicaragua a rejeté la protestation du Costa Rica et
allégué (à tort) que
«les deux pays [avaient] toujours considéré comme nicaraguayens non seulement le
banc de sable situé en face de la lagune de Harbor Head, mais également l’intégralité
du segment de la côte caraïbe qui s’étend entre la lagune de Harbor Head et
l’embouchure du fleuve San Juan»36.
2.21. Pour tenter de dissimuler qu’il revendiquait de nouveau une souveraineté déjà rejetée
par la Cour en 2015, le Nicaragua a délibérément employé, dans sa lettre du 17 novembre 2016,
une formulation inspirée du paragraphe 70 de l’arrêt de 2015. Le Costa Rica démontrera
cependant, dans les pages qui suivent, que le paragraphe 70 ne peut en aucun cas être interprété
comme minant la décision prise par la Cour au paragraphe 69 de son arrêt, et revêtue de l’autorité
de la chose jugée, selon laquelle la plage d’Isla Portillos est costa-ricienne. Afin d’exposer
pourquoi ce principe empêche le Nicaragua de revendiquer ladite plage, il est utile de revenir ici
sur l’examen de la question qui fut effectué en l’affaire relative à Certaines activités, et ce, à deux
reprises : d’abord à l’occasion de la seconde demande en indication de mesures conservatoires,
en 2013, puis pendant les audiences sur le fond, en 2015.
32 Question de la délimitation du plateau continental entre le Nicaragua et la Colombie au-delà de 200 milles
marins de la côte nicaraguayenne (Nicaragua c. Colombie), exceptions préliminaires, arrêt du 17 mars 2016, par. 55.
33 Ibid., par. 59.
34 Lettre DM-AM-584-16 en date du 14 novembre 2016 adressée au Nicaragua par le Costa Rica (annexe 56).
35 Voir les appendices 3 et 4 de la lettre DM-AM-584-16 en date du 14 novembre 2016 adressée au Nicaragua par
le Costa Rica (annexe 56).
36 Lettre MRE/DMC/250/11/16 en date du 17 novembre 2016 adressée au Costa Rica par le Nicaragua
(annexe 57).
- 15 -
2.22. Au cours de la procédure orale tenue en 2013 sur la nouvelle demande en indication de
mesures conservatoires du Costa Rica, l’agent du Nicaragua, se référant à l’établissement d’un
campement militaire sur la plage d’Isla Portillos lors de la construction de deux nouveaux caños, a
affirmé ce qui suit :
«Le conseil du Costa Rica a ajouté que le Nicaragua devait enlever ses
installations dans la zone. Le Gouvernement nicaraguayen n’a pas d’installations sur
le territoire litigieux. Le conseil du Costa Rica doit penser aux installations mises en
place sur le banc de sable le long de la plage face à la lagune de Harbor Head et à la
zone côtière du territoire litigieux. Cette zone n’a jamais été litigieuse.»37 (Les
italiques sont de nous.)
2.23. Insistant sur cette position, le conseil du Nicaragua a ajouté au cours de la même
audience :
«M. Ugalde a présenté cette image satellite montrant le campement (tout en
haut de l’écran) d’un détachement militaire [ce cliché est reproduit sous
l’onglet no 10]. Or, il s’agit ici d’un campement installé sur la plage bordant la mer
des Caraïbes. Nous sommes donc en dehors de la zone litigieuse, sur un territoire que
le Costa Rica a toujours reconnu — au moins jusqu’à ce jour — comme appartenant
au Nicaragua.»38 (Les italiques sont de nous.)
2.24. Ce même conseil a en outre qualifié de «cordon littoral» la zone dans laquelle avait été
établi le campement militaire nicaraguayen39.
2.25. Lors de la phase orale sur le fond, l’agent du Nicaragua, se référant à la position du
Costa Rica selon laquelle seul le banc de sable fermant la lagune de Los Portillos appartenait au
Nicaragua, pour autant qu’il fût susceptible d’appropriation par un Etat, a déclaré ce qui suit :
«M. Kohen a affirmé que la partie de ladite formation (le banc de sable) qui
était située entre la lagune de Harbor Head et la mer appartenait au Nicaragua. Nous
nous exprimerons plus en détail sur ce point lorsque nous répondrons à la question de
Mme la juge Donoghue ... Le Nicaragua considère que l’intégralité de la zone fait
partie de son territoire.»40 (Les italiques sont de nous.)
2.26. L’agent du Nicaragua a ensuite prétendu que la partie septentrionale d’Isla Portillos
avait constitué l’île de San Juan au XIXe siècle, allégation manifestement indéfendable qu’il n’a
pas même réellement cherché à étayer. Pour reprendre ses termes, «l’île de San Juan est située
dans la zone litigieuse et fait indiscutablement partie du territoire nicaraguayen»41. Dans son
exposé, supposé traduire la position nicaraguayenne sur les questions soulevées par M. le juge
Yusuf et Mme la juge Donoghue, M. Argüello a précisé pourquoi le Nicaragua était censé avoir la
souveraineté sur la partie septentrionale d’Isla Portillos, y compris la plage :
37 CR 2013/25, p. 31, par. 15 (Argüello) (note de bas de page omise).
38 Ibid., p. 29, par. 44 (Reichler).
39 Ibid., par. 45 (Reichler).
40 CR 2015/15, p. 10-11, par. 4-5 (Argüello).
41 Ibid., p. 16, par. 31 a) (Argüello).
- 16 -
«Je n’essaierai pas de pontifier devant la Cour sur les conséquences juridiques
qui découlent de la diminution sensible de la taille du chenal séparant l’île de San Juan
du continent ou de sa disparition totale. Il est généralement admis que, lorsque le
cours d’eau qui constitue la limite entre deux Etats souverains disparaît, alors la
frontière entre ces deux zones continue de suivre le chenal originel. En conséquence,
les terres qui formaient l’île nicaraguayenne de San Juan existant toujours, elles
appartiennent encore au Nicaragua et il est possible d’établir leur emplacement sur le
terrain.»42
2.27. Dans sa réponse à la question posée par Mme la juge Donoghue au sujet de la
«formation sablonneuse entre la mer des Caraïbes et la masse d’eau appelée lagune de Harbor Head
ou lagune Los Portillos», le Nicaragua revendiquait encore plus précisément la plage
d’Isla Portillos. Il a notamment déclaré que la formation en question s’étendait au-delà de la
lagune de Los Portillos/Harbor Head, incluant par conséquent la plage d’Isla Portillos :
«La formation actuelle s’étend depuis la zone frontalière marquée par
Alexander à l’entrée de la lagune de Harbor Head jusqu’à Isla de San Juan en territoire
nicaraguayen. [Projection du document no 14a) figurant sous l’onglet no 14]
L’évolution de cette formation ressort clairement de la carte établie par la commission
binationale en 1897, sur laquelle on voit le banc de sable qui s’étend depuis l’île de
San Juan en direction de celui qui part de Punta de Castilla. Ces deux bancs se sont
rejoints pour constituer, il y a plus de cent ans, la formation que nous connaissons
aujourd’hui.»43
2.28. Il est évident que ce que le Nicaragua appelle «l’île de San Juan» et la formation
sablonneuse, et qu’il considère comme relevant de son territoire, correspond précisément à la partie
septentrionale d’Isla Portillos, avec sa plage. Le Nicaragua a déjà revendiqué la souveraineté sur
cette dernière en l’affaire relative à Certaines activités. Or, il a été débouté, la Cour ayant déclaré
que la plage faisait partie du territoire costa-ricien.
2.29. Si le Nicaragua continue de revendiquer la plage d’Isla Portillos, nous serons en
présence d’une demande caractérisée par des parties (le Costa Rica et le Nicaragua), un objet (la
plage d’Isla Portillos, en tant que partie du «territoire litigieux») et une base juridique (les
différents titres susceptibles d’être pris en considération relativement à la frontière entre les deux
pays : le traité de limites de 1858, la sentence Cleveland et les sentences Alexander) identiques à
ceux de la demande qui a déjà été définitivement tranchée par l’arrêt de 2015. Pareille demande
doit être déclarée irrecevable au motif qu’elle tombe sous le coup de la chose jugée.
2.30. La Cour a déjà eu l’occasion de souligner l’importance capitale du principe de
l’autorité de la chose jugée :
«Le caractère fondamental de ce principe ressort des termes du Statut de la Cour
et de la Charte des Nations Unies. La pratique judiciaire de la Cour en reflète les
caractéristiques et objectifs sous-jacents. Selon ce principe, les décisions de la Cour
sont non seulement obligatoires pour les parties, mais elles sont définitives, en ce sens
qu’elles ne peuvent être remises en cause par les parties pour ce qui est des questions
42 CR 2015/15, p. 15, par. 26 (Argüello).
43 Ibid., p. 23-24, par. 60, point 3 (Argüello).
- 17 -
que ces décisions ont tranchées, en dehors des procédures spécialement prévues à cet
effet, qui présentent un caractère exceptionnel.»44
2.31. La Cour a également exposé le rôle et les buts du principe de l’autorité de la chose
jugée :
«Le principe de l’autorité de la chose jugée répond, tant dans l’ordre
international que dans l’ordre interne, à deux objectifs, l’un général, l’autre particulier.
Premièrement, la stabilité des relations juridiques exige qu’il soit mis un terme au
différend considéré. La fonction de la Cour est, selon l’article 38 du Statut, de
«régler» les «différends qui lui sont soumis», c’est-à-dire d’y mettre un terme.
Deuxièmement, il est dans l’intérêt de chacune des parties qu’une affaire qui a d’ores
et déjà été tranchée en sa faveur ne soit pas rouverte. L’article 60 du Statut explicite
ce caractère définitif des arrêts. Priver une partie du bénéfice d’un arrêt rendu en sa
faveur doit, de manière générale, être considéré comme contraire aux principes
auxquels obéit le règlement judiciaire des différends.»45
2.32. Le Costa Rica a droit à ce que le Nicaragua respecte l’arrêt définitif et obligatoire que
la Cour a rendu au sujet de sa souveraineté sur la partie septentrionale d’Isla Portillos, dont sa
plage, et, partant, à ce qu’il respecte la souveraineté territoriale costa-ricienne. Toute tentative de
rouvrir ce malheureux différend provoqué par le recours à la force de la part du Nicaragua en 2010
porterait atteinte non seulement à la souveraineté du Costa Rica, mais également au principe du
règlement pacifique des différends et à l’autorité que la Cour tient de la Charte des Nations Unies
et de son Statut. Pareille tentative doit être fermement rejetée.
2. Seul l’emplacement précis de la frontière à chaque extrémité du banc
de sable de la lagune de Harbor Head reste à déterminer
2.33. Dans son arrêt de 2015, la Cour a relevé que les vues des Parties divergeaient quant à la
configuration exacte de la côte dans la zone concernée. Les Parties ont également abordé cette
question de la configuration de la côte pendant les audiences, tant celles consacrées à la seconde
demande en indication de mesures conservatoires du Costa Rica que celles consacrées au fond en
l’affaire relative à Certaines activités. Afin d’éviter un jugement défavorable au sujet de sa
présence militaire dans le territoire litigieux, et d’obtenir, en ce qui concerne la façade maritime, ce
qu’il n’avait pas obtenu en construisant le premier «caño», le Nicaragua a invoqué l’existence d’un
banc de sable, qui lui appartiendrait, le long de la partie septentrionale d’Isla Portillos. Pour ce
faire, il s’est largement appuyé sur une cartographie ancienne qui ne représente pas la géographie
actuelle de la zone.
2.34. La figure 2.6 ci-dessous est un croquis censé représenter l’emplacement du campement
militaire, qui a été soumis à la Cour par le Nicaragua le 17 octobre 2013. Ce document était fondé
sur un autre croquis figurant dans le mémoire présenté par le Costa Rica en l’affaire du Différend
relatif à des droits de navigation et des droits connexes, lui-même basé sur les cartes de 1988
mentionnées ci-dessus. Il est révélateur que le Nicaragua n’ait pas employé la carte officielle
réalisée en 2011 par son propre organisme, l’INETER.
44 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 90, par. 115.
45 Ibid., p. 90-91, par. 116.
- 18 -
Figure 2.6 : Emplacement du campement militaire de 2013 selon le Nicaragua
(schéma établi à seule fin d’illustration)
Source : Certaines activités, demande en indication de nouvelles mesures conservatoires, audiences, dossier
de plaidoiries du Nicaragua, 17 octobre 2013, onglet no 27 (AP.1.2).
Légende :
Punta Castilla and San Juan del Norte Bay Sector = Secteur de Punta Castilla et San Juan del Norte
Nicaragua Army Military Post Coord. = Coordonnées du poste militaire nicaraguayen
Current San Juan del Norte village = Village actuel de San Juan del Norte
Former site of Greytown (San Juan del Norte) = Ancien emplacement de Greytown
Free navigation zone = Zone de libre navigation
International limit = Limite internationale
Path passable only during dry season = Passage praticable uniquement pendant la saison sèche
Rivers = Cours d’eau
2.35. La figure 2.7 ci-dessous est la carte de Punta Castilla dressée par l’IGN en 1988,
indiquant les coordonnées du banc de sable tel qu’il existait autrefois ainsi que celles du
campement militaire nicaraguayen en 2013, qui a été présentée à la Cour le 16 octobre 2013 par le
conseil du Costa Rica.
- 19 -
Figure 2.7 : Planche cartographique de 1988
Source : Certaines activités, demande en indication de nouvelles mesures conservatoires, audiences, dossier
de plaidoiries du Nicaragua, 16 octobre 2013, onglet no 4.
2.36. Le Costa Rica a expliqué, tant en 2013 qu’en 2015, en s’appuyant sur des
photographies satellite46 et sur la cartographie officielle du Nicaragua47, que ce qui constituait
autrefois la rive gauche ou septentrionale du «premier chenal rencontré» mentionné par
l’arbitre Alexander avait naturellement disparu sous l’effet de l’érosion marine48. Une image
satellite projetée aux audiences de 2013 et de 2015 ainsi que la nouvelle carte nicaraguayenne
établie en 2011 sont reproduites aux figures 2.8 et 2.9 ci-dessous.
46 CR 2013/26, p. 20, par. 39 (Crawford), dossier de plaidoiries du Costa Rica du 16 octobre 2013, onglet no 5 ;
CR 2015/14, p. 31, par. 21 (Kohen), dossier de plaidoiries du Costa Rica du 28 avril 2015, onglet no 18 (source : image
satellite du 14 septembre 2013, Costa Rica, demande en indication de mesures conservatoires, 24 septembre 2013,
annexe 28 (couleur réelle)).
47 CR 2015/14, p. 31, par. 22 (Kohen) ; carte de San Juan del Norte établie par l’INETER en 2011 (annexe 63).
48 CR 2015/14, p. 31, par. 21 (Kohen).
- 20 -
Figure 2.8 : Image satellite du 14 septembre 2013 montrant le campement nicaraguayen, avec les
coordonnées de l’emplacement du banc de sable disparu
Source : Certaines activités, demande en indication de nouvelles mesures conservatoires, dossier de
plaidoiries du Costa Rica, 16 octobre 2013, onglet no 5 ; fond, audiences, dossier de plaidoiries du
Costa Rica, 28 avril 2015, onglet no 22.
Figure 2.9 : Carte de San Juan del Norte établie par l’INETER en 2011 (détail)
Source : Délimitation maritime, mémoire du Costa Rica, croquis 4.7.
- 21 -
2.37. Etant donné que les Parties présentaient différemment la situation géographique dans
la zone, la Cour a précisé ce qui suit dans son arrêt de 2015 :
«70. La définition précitée du «territoire litigieux» ne traite pas spécifiquement
du segment de la côte caraïbe qui s’étend entre la lagune de Harbor Head, dont les
deux Parties admettent qu’elle est nicaraguayenne, et l’embouchure du San Juan. Les
Parties ont bien, dans leurs plaidoiries, exprimé des vues divergentes sur ce point,
mais elles n’ont pas abordé la question de l’emplacement précis de l’embouchure du
fleuve, et n’ont pas davantage présenté d’information détaillée concernant la côte.
Elles n’ont ni l’une ni l’autre demandé à la Cour de préciser le tracé de la frontière par
rapport à cette côte. La Cour s’abstiendra donc de le faire.»49
2.38. Il est important de déterminer la portée exacte de la déclaration de la Cour. Le
Costa Rica comprend que certaines questions discutées en l’affaire relative à Certaines activités ne
relevaient pas de la juridiction de la Cour dans cette instance : premièrement, la question de savoir
s’il existe ou non une portion de territoire supplémentaire au large du territoire litigieux, c’est-àdire
au large de la plage d’Isla Portillos ; et deuxièmement, la question de savoir si un quelconque
territoire terrestre entre la lagune de Harbor Head et la mer nécessite une délimitation. Ces
questions seraient pertinentes en l’affaire relative à la Délimitation maritime, comme cela ressort de
l’ordonnance rendue le 31 mai 2016, par laquelle la Cour a désigné ses propres experts et défini
leur mission50.
2.39. Dans la première phrase du paragraphe 70, il est fait référence aux divergences de vues
entre les Parties en ce qui concerne la configuration «du segment de la côte caraïbe qui s’étend
entre la lagune de Harbor Head … et l’embouchure du San Juan». Il y est précisé que la définition
du «territoire litigieux» donnée au paragraphe précédent ne traite pas spécifiquement de ce
segment. Cette phrase explique simplement que la définition du «territoire litigieux» n’exclut pas
la possibilité qu’existe un territoire au-delà du territoire litigieux sur lequel le Nicaragua exerçait
ses activités en l’affaire relative à Certaines activités. Certes, le Nicaragua revendiquait l’existence
d’un autre territoire au large d’Isla Portillos, mais cette question a été considérée comme échappant
à la compétence de la Cour. Le paragraphe 70 ne saurait être interprété comme signifiant que la
plage d’Isla Portillos, sur laquelle le Nicaragua exerçait ses activités, n’était pas incluse dans la
définition du «territoire litigieux». Bien au contraire, elle y a été expressément intégrée. Ce que
cette phrase signifie, c’est que, s’il existait un quelconque autre territoire susceptible
d’appropriation en vertu du droit international, au-delà de la plage d’Isla Portillos  dont la Cour
venait de dire qu’elle était costa-ricienne , pareil territoire ne faisait pas l’objet de son arrêt de
2015. Cependant, ne pas se prononcer sur une «formation côtière» qui peut exister ou non ne
revient pas, comme le voudrait le Nicaragua, à laisser ouverte la question de la plage
d’Isla Portillos, que la Cour n’a manifestement pas laissée ouverte. S’il existait un autre territoire,
il serait nécessaire de définir l’emplacement exact de la frontière à cet endroit. Il n’existe
cependant pas de tel territoire, pas même de hauts-fonds découvrants, au large de la plage d’Isla
Portillos.
49 Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) et
Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), arrêt, C.I.J. Recueil
2015 (II), p. 697, par. 70.
50 Voir Délimitation maritime dans la mer des Caraïbes et l’océan Pacifique (Costa Rica c. Nicaragua),
ordonnance du 31 mai 2016, par. 10 2) c) («Existe-t-il, entre les points visés aux litt. a) et b) ci-dessus, un banc de sable
ou une quelconque formation maritime ? Si tel est le cas, quelles en sont les caractéristiques physiques ? En particulier,
ces formations, ou certaines d’entre elles, sont-elles constamment découvertes, même à marée haute ?»).
- 22 -
2.40. De même, après avoir précisé que les Parties considéraient que la lagune de
Los Portillos/Harbor Head était nicaraguayenne, la Cour s’est abstenue de définir une quelconque
frontière pour cette partie de la côte. De fait, il existe actuellement un banc de sable séparant cette
lagune de la mer des Caraïbes qui, s’il est susceptible d’appropriation en tant que territoire et s’il
est nicaraguayen, nécessiterait que soit déterminée la frontière séparant chacune de ses extrémités
de la plage d’Isla Portillos. C’est précisément l’une des missions confiées à la Cour par
l’introduction de la présente instance par le Costa Rica.
2.41. La Cour a également indiqué au paragraphe 70 que les Parties n’avaient pas abordé la
question de l’emplacement précis de l’embouchure du San Juan. Cette question sera traitée par les
experts qu’elle a désignés51. Il convient de relever que, aux fins de la délimitation de la frontière
terrestre entre les deux pays, il n’est pas nécessaire de procéder à une démarcation précise de cette
embouchure. L’arbitre Alexander lui-même s’est contenté d’indiquer de façon générale que la
frontière suivrait, à partir de cette embouchure, la rive droite du fleuve52.
2.42. Il découle de ce qui précède que, compte tenu de l’interprétation correcte du
paragraphe 70 ainsi que de la configuration physique actuelle de la zone, la Cour devrait considérer
que sa mission, pour déterminer l’emplacement exact de la frontière dans la partie septentrionale
d’Isla Portillos, se limite à situer la frontière aux deux extrémités du banc de sable qui sépare la
lagune d’Isla Portillos de la mer des Caraïbes. A l’heure actuelle, il n’existe aucun territoire
nicaraguayen dans la zone d’Isla Portillos en dehors de la lagune de Los Portillos/Harbor Head et
du banc de sable qui existe actuellement et qui sépare cette lagune de la mer, pour autant que ce
banc de sable soit émergé en permanence et que l’enclave puisse de ce fait constituer un territoire
appartenant à un Etat.
D. LES ÉLÉMENTS JURIDIQUES PERTINENTS POUR LES QUESTIONS DE SOUVERAINETÉ
ET LA DÉLIMITATION DE LA FRONTIÈRE
2.43. Les conclusions que nous venons de faire concernant l’étendue du «territoire litigieux»
sont confirmées par le traité de limites de 185853, la sentence Cleveland de 188854 et les première55
et deuxième56 sentences de l’arbitre Alexander, datées respectivement du 30 septembre et du
20 décembre 1897. Ces textes constituent les éléments juridiques sur lesquels la Cour s’est
appuyée pour rendre son arrêt du 16 décembre 2015 relatif à la souveraineté territoriale du
Costa Rica sur le «territoire litigieux» ; la Cour en a donc déjà donné une interprétation définitive
s’agissant des points pertinents pour la présente instance.
2.44. Au sujet du traité de 1858, voici ce que la Cour a précisé dans son arrêt :
51 Voir Délimitation maritime dans la mer des Caraïbes et l’océan Pacifique (Costa Rica c. Nicaragua),
ordonnance du 31 mai 2016, par. 10 2) a) («Quelles sont les coordonnées géographiques du point auquel la rive droite du
fleuve San Juan rencontre la laisse de basse mer ?»).
52 Deuxième sentence Alexander, p. 224 (annexe 49).
53 Traité de limites de 1858, Délimitation maritime dans la mer des Caraïbes et l’océan Pacifique (Costa Rica c.
Nicaragua), MCR, annexe 1.
54 Sentence arbitrale rendue par M. Cleveland, président des Etats-Unis d’Amérique, au sujet de la validité du
traité de limites de 1858 entre le Nicaragua et le Costa Rica (annexe 46).
55 Première sentence Alexander (annexe 48).
56 Deuxième sentence Alexander (annexe 49).
- 23 -
«59. … Le traité de 1858 fixait le tracé de la frontière entre le Costa Rica et le
Nicaragua depuis l’océan Pacifique jusqu’à la mer des Caraïbes. Selon l’article II du
traité …, une partie de la frontière entre les deux Etats longe la rive droite (c’est-à-dire
costa-ricienne) du San Juan, à partir d’un point situé à trois milles anglais en aval de
Castillo Viejo, petite localité nicaraguayenne, jusqu’à «l’extrémité de Punta de
Castilla, à l’embouchure du fleuve San Juan» sur la côte caraïbe.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
60. … En 1888, la sentence Cleveland confirma, en son premier paragraphe, la
validité du traité de 1858 et précisa, au point 1 de son troisième paragraphe, que, sur la
façade atlantique, la ligne frontière entre les deux pays «commen[çait] à l’extrémité de
Punta de Castilla à l’embouchure du fleuve San Juan de Nicaragua, en leur état
respectif au 15 avril 1858» [traduction du Greffe]. La sentence Cleveland régla
également les autres points d’interprétation douteuse soumis par le Nicaragua…»57
2.45. S’agissant de la première sentence Alexander, la Cour a noté ce qui suit :
«Dans la première [sentence], [l’arbitre Alexander] déclara que la ligne
frontière
«d[evait] suivre le bras … appelé le San Juan inférieur, à travers son port
et dans la mer.
L’extrémité naturelle de cette ligne est le promontoire droit de
l’embouchure du port.» (RSA, vol. XXVIII, p. 217 [traduction du
Greffe].)
Il précisa en outre que,
«dans tout le traité, le fleuve est considéré comme un débouché en mer
pour le commerce. Cela implique qu’il est considéré dans des conditions
d’eau moyennes, les seules dans lesquelles il est navigable.» (Ibid.,
p. 218-219 [traduction du Greffe].)
Il procéda ensuite à la délimitation du premier tronçon de la frontière, à partir de la
mer des Caraïbes, dans les termes suivants :
«[L]’emplacement exact où était l’extrémité du promontoire de
Punta de Castillo le 15 avril 1858 est depuis longtemps recouvert par la
mer des Caraïbes et il n’y a pas assez de convergence dans les cartes
anciennes sur le tracé du rivage pour déterminer avec une certitude
suffisante sa distance ou son orientation par rapport au promontoire
actuel. Il se trouvait quelque part au nord-est et probablement à une
distance de 600 à 1600 pieds, mais il est aujourd’hui impossible de le
situer exactement. Dans ces conditions, la meilleure façon de satisfaire
aux exigences du traité et de la sentence arbitrale du président Cleveland
est d’adopter ce qui constitue en pratique le promontoire aujourd’hui, à
savoir l’extrémité nord-ouest de ce qui paraît être la terre ferme, sur la
rive est de la lagune de Harbor Head.
57 Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) et
Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), arrêt, C.I.J. Recueil
2015 (II), p. 693, par. 59–60.
- 24 -
J’ai en conséquence personnellement inspecté cette zone et je
déclare que la ligne initiale de la frontière sera la suivante :
Son orientation sera nord-est sud-ouest, à travers le banc de sable,
de la mer des Caraïbes aux eaux de la lagune de Harbor Head. Elle
passera au plus près à 300 pieds au nord-ouest de la petite cabane qui se
trouve actuellement dans les parages. En atteignant les eaux de la lagune
de Harbor Head, la ligne frontière obliquera vers la gauche, en direction
du sud-est, et suivra le rivage autour du port jusqu’à atteindre le fleuve
proprement dit par le premier chenal rencontré. Remontant ce chenal et le
fleuve proprement dit, la ligne se poursuivra comme prescrit dans le
traité.» (Ibid., p. 220 [traduction du Greffe].)»58
2.46. Le croquis représentant le tracé de ce premier tronçon de la frontière annexé à la
première sentence Alexander a été reproduit par la Cour dans son arrêt en tant que croquis no 3 ; il
figure également au paragraphe 2.5 du présent mémoire (figure 2.2).
2.47. S’agissant de la deuxième sentence Alexander, la Cour a noté qu’y était envisagée la
possibilité non seulement que les rives du fleuve San Juan s’élargissent ou se resserrent de manière
progressive, mais aussi que ses chenaux soient radicalement modifiés. Elle a également relevé
l’observation suivante faite par l’arbitre :
«De tels changements, qu’ils soient progressifs ou soudains, auront
nécessairement des incidences sur la ligne frontière actuelle. Mais,
concrètement, les conséquences ne pourront être déterminées qu’en
fonction des circonstances particulières à chaque cas, conformément aux
principes du droit international applicables.
Le mesurage et la démarcation proposés de la ligne frontière seront
sans incidence sur l’application desdits principes.» (RSA, vol. XXVIII,
p. 224 [traduction du Greffe].)»59
2.48. Dans ce contexte, la Cour a conclu en ces termes :
«La Cour estime que le traité de 1858 et les sentences rendues par le président
Cleveland et le général Alexander amènent à conclure que l’article II dudit traité, qui
place la frontière sur la «rive droite d[u] … fleuve», doit s’interpréter à la lumière de
l’article VI …, aux termes duquel «la République du Costa Rica aura … un droit
perpétuel de libre navigation sur les … eaux [du fleuve], entre l’embouchure [de
celui-ci] et un point situé à trois milles anglais en aval de Castillo Viejo». Ainsi que le
général Alexander l’a fait observer lorsqu’il a procédé à la démarcation de la frontière,
le fleuve est, dans le traité de 1858, considéré, «dans des conditions d’eau moyennes»,
comme un «débouché en mer pour le commerce» ... De l’avis de la Cour, il découle
des articles II et VI, lus conjointement, que, pour que la rive droite d’un chenal du
fleuve constitue la frontière, ce chenal doit être navigable et offrir un «débouché en
mer pour le commerce». Il apparaît ainsi que les droits de navigation du Costa Rica et
58 Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) et
Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), arrêt, C.I.J. Recueil
2015 (II), p. 698, par. 73, citant la première sentence Alexander (voir annexe 48).
59 Ibid., p. 699, par. 74, citant la deuxième sentence Alexander, p. 224 (voir annexe 49).
- 25 -
la souveraineté sur la rive droite, qui a clairement été attribuée à ce dernier jusqu’à
l’embouchure du fleuve, sont liés.»60
2.49. Dans son arrêt, la Cour a ensuite examiné et rejeté l’argument du Nicaragua selon
lequel le «premier chenal rencontré», mentionné dans la première sentence Alexander,
correspondait au caño que cet Etat avait creusé en 2010. Elle a jugé que le Costa Rica avait la
souveraineté sur la rive droite du cours inférieur du San Juan jusqu’à l’embouchure de celui-ci
 ce qui ressort également des termes du traité de 1858 et des sentences soumises à la Cour, lus
dans leur sens ordinaire. La Cour s’est ainsi exprimée :
«La Cour conclut dès lors que la rive droite du caño que le Nicaragua a dragué
en 2010 ne correspond pas à la frontière entre [le Costa Rica et le Nicaragua] et que le
territoire relevant de la souveraineté du Costa Rica s’étend à la rive droite du cours
inférieur du San Juan jusqu’à l’embouchure de celui-ci dans la mer des Caraïbes. La
souveraineté sur le territoire litigieux appartient donc au Costa Rica.»61
2.50. Ainsi qu’il a été exposé plus haut à la section C, le «territoire litigieux» comprenait la
plage d’Isla Portillos située à l’est de la rive droite de l’embouchure du cours inférieur du San Juan,
dans le respect de la configuration géographique locale. Plus généralement, le droit international
ne considère pas les «plages» comme des formations distinctes du territoire dont elles font partie, et
rien ne permettrait d’avancer que le passage à une plage agisse comme une sorte d’interruption du
territoire souverain.
2.51. De plus, ni l’arrêt, ni le traité de 1858 ou les sentences sur lesquels s’appuyait la Cour
ne viennent étayer la récente revendication par le Nicaragua de la souveraineté sur «l’intégralité du
segment de la côte caraïbe qui s’étend entre la lagune de Harbor Head et l’embouchure du fleuve
San Juan»62. Il semble que cette prétention soit fondée sur l’existence alléguée d’un banc de sable
ou autre formation située juste en face de la plage d’Isla Portillos. A cet égard, il convient de
relever que, dans le contre-mémoire qu’il a déposé en l’affaire relative à la Délimitation maritime,
le Nicaragua a avancé ceci :
«Avec le temps, la configuration côtière de la région a assurément beaucoup
changé, mais le «banc de sable» qui sépare la lagune de Harbor Head  dont les
Parties conviennent qu’elle appartient au Nicaragua  de la mer des Caraïbes existe
toujours, comme le montrent des photographies satellite récentes (dont celles que le
Costa Rica a reproduites en page 60 de son mémoire), à l’endroit où M. Alexander
l’avait situé. Quel que soit le degré d’exactitude du croquis que l’arbitre a joint à sa
première sentence, il ne fait aucun doute que le point de départ de la frontière terrestre
qu’il a défini alors peut encore être situé aujourd’hui… Le Costa Rica, par ses
ambitions territoriales, cherche à obtenir ce que l’érosion marine et l’accumulation de
sédiments n’ont pas réussi à faire.»63
60 Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) et
Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), arrêt, C.I.J. Recueil
2015 (II), p. 700, par. [76].
61 Ibid., p. 703, par. 92.
62 Lettre MRE/DMC/250/11/16 en date du 17 novembre 2016 adressée au Costa Rica par le Nicaragua,
(annexe 57).
63 Délimitation maritime dans la mer des Caraïbes et l’océan Pacifique (Costa Rica c. Nicaragua),
contre-mémoire du Nicaragua, par. 3.49 (notes de bas de page et référence à la figure IIb-3 omises).
- 26 -
2.52. Si la référence à d’importants changements dans la configuration côtière est juste, la
position du Nicaragua reste néanmoins indéfendable. Il est utile de retracer l’évolution subie
depuis 1897 par la lagune de Los Portillos/Harbor Head et les formations sablonneuses de la zone,
y compris le «banc de sable» auquel s’est référé l’arbitre Alexander dans sa première sentence64.
La situation exacte, ainsi qu’elle est représentée sur la figure 2.10, sur laquelle les données tirées de
la minute Alexander no X ont été reproduites sur une série d’images plus récentes65, est la suivante :
a) Le lit du cours inférieur du San Juan, le «fleuve proprement dit»66, a assez peu changé.
L’embouchure du fleuve apparaît sur la figure 2.11 sous la lettre «A».
b) Le banc de sable «exist[ant] toujours … à l’endroit où M. Alexander l’avait situé», comme
l’affirme le Nicaragua (voir ci-dessus), n’est plus. Les photographies satellite récentes ne
montrent rien de tel, contrairement à ce que prétend le Nicaragua.
Figure 2.10 : Evolution du littoral de l’embouchure du San Juan à la lagune de
Los Portillos/Harbor Head
Montage du croquis tiré de la minute Alexander n° X, en surimpression avec la carte de 1899 et les
photographies satellite de 1961, 1997 et 2016 (établi à seule fin d’illustration).
2.53. Il résulte de ce qui précède qu’il est tout simplement impossible au Nicaragua de
fonder des revendications territoriales (y compris à l’égard de la côte) dans la zone allant de l’ouest
de la lagune de Los Portillos/Harbor Head jusqu’à l’embouchure du cours inférieur du San Juan.
En effet :
64 Voir les extraits de la première sentence Alexander (annexe 48), cités dans Certaines activités menées par le
Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) et Construction d’une route au Costa Rica le long du
fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), arrêt, C.I.J. Recueil 2015, p. 698, par. 73.
65 Cette figure est reproduite à seule fin d’illustration et l’élément superposé est quelque peu approximatif.
66 Voir la première sentence Alexander (annexe 48).
- 27 -
a) La plage, qui s’étend de l’ouest de la lagune de Los Portillos/Harbor Head (point «B» sur la
figure 2.11) jusqu’à l’embouchure du cours inférieur du San Juan (point «A» sur cette même
figure), constitue ce qui, à l’époque des sentences Alexander, était la rive droite ou méridionale
de la lagune de Los Portillos/Harbor Head et le «premier chenal rencontré». C’est ce qui ressort
clairement du croquis joint à la première sentence (figure 2.2) et de la figure 2.10. Cette rive
droite ou méridionale était considérée comme costa-ricienne par l’arbitre Alexander et il s’agit à
présent d’un segment de la côte caraïbe au large duquel il n’existe aucune formation, «banc de
sable» ou autre.
b) Le seul événement qui se soit produit est l’érosion et la disparition de la rive gauche ou
septentrionale de la lagune, ou du chenal, ce qui a eu comme résultat que la rive droite ou
méridionale jouxte à présent la mer des Caraïbes.
Figure 2.11 : Croquis de la frontière terrestre sur la côte caraïbe (établi à seule fin d’illustration, à partir de
l’image satellite du 3 octobre 2016) (voir également la figure 2.4)
Légende :
Caribbean Sea = Mer des Caraïbes
Beach = Plage
Sandbar = Banc de sable
Los Portillos/Harbor Head Lagoon = Lagune de Los Portillos/Harbor Head
- 28 -
2.54. Il est singulier que le Nicaragua, tout en faisant référence aux «ambitions territoriales»
du Costa Rica67, cherche à revendiquer un territoire considéré à l’époque comme costa-ricien par
l’arbitre Alexander et qui a relativement peu changé en soi au cours des 120 dernières années.
Aujourd’hui, le seul territoire nicaraguayen dans la zone d’Isla Portillos est  pour autant qu’il
s’agisse d’un territoire pouvant appartenir à un Etat  une enclave comprenant la lagune de
Los Portillos/Harbor Head et le banc de sable séparant celle-ci de la mer des Caraïbes.
2.55. Enfin, les prétentions du Nicaragua sur «l’intégralité du segment de la côte»68, dès lors
qu’elles sont fondées sur la souveraineté qu’il revendique à l’égard de ce qu’il est convenu
d’appeler Punta Castilla69, seraient directement contraires aux éléments suivants :
a) le raisonnement juridique et la conclusion de la première sentence de l’arbitre Alexander, dont
l’objectif n’était pas de retrouver une borne perdue, mais plutôt d’identifier la frontière au
regard des «exigences du traité et de la sentence arbitrale du président Cleveland» ;
b) le raisonnement juridique et la méthode suivis dans la deuxième sentence de l’arbitre
Alexander, qui a reconnu que l’érosion et l’accrétion susceptibles de se produire à l’avenir
auraient certainement une incidence sur la ligne qu’il avait tracée ; et
c) l’arrêt du 16 décembre 2015, notamment les passages auxquels il est fait référence aux
paragraphes 2.44 à 2.49 ci-dessus. A l’inverse de ce que le Nicaragua soutient dans son
contre-mémoire en l’affaire relative à la Délimitation maritime, et dans la suite logique du traité
de 1858 et des sentences Cleveland et Alexander, la Cour a conclu que, s’agissant de la
frontière terrestre, c’était l’emplacement de l’embouchure du cours inférieur du San Juan et non
«Punta Castilla» qui constituait un «facteur déterminant»70.
2.56. La question est alors de savoir comment définir au mieux l’emplacement exact de la
frontière terrestre entre Isla Portillos et chacune des deux extrémités du banc de sable de la lagune
de Los Portillos/Harbor Head  aux points «B» et «C» sur la figure 2.11. L’arbitre Alexander,
s’appuyant sur les instruments juridiques applicables à la situation géographique de son époque, a
décrit une frontière continue qui va du cours inférieur du San Juan, par le «premier chenal
rencontré» et, contournant le port, jusqu’au promontoire droit de l’embouchure du fleuve.
Cependant, la modification de la configuration géographique et la manière dont les eaux de la
lagune de Los Portillos/Harbor Head ont été considérées au fil des ans font que, aujourd’hui, il
67 Délimitation maritime dans la mer des Caraïbes et l’océan Pacifique (Costa Rica c. Nicaragua),
contre-mémoire du Nicaragua, par. 3.49.
68 Lettre MRE/DMC/250/11/16 en date du 17 novembre 2016 adressée au Costa Rica par le Nicaragua
(annexe 57).
69 Délimitation maritime dans la mer des Caraïbes et l’océan Pacifique (Costa Rica c. Nicaragua),
contre-mémoire du Nicaragua, par. 3.45.
70 Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) et
Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), arrêt, C.I.J. Recueil
2015 (II), p. 703, par. 92. Voir Délimitation maritime dans la mer des Caraïbes et l’océan Pacifique (Costa Rica
c. Nicaragua), contre-mémoire du Nicaragua, par. 3.45, où le Nicaragua a dit : «Si l’emplacement de l’embouchure du
fleuve avait été le facteur déterminant, [l’arbitre Alexander] aurait tout simplement établi où celle-ci se trouvait à ce
moment-là, sans avoir besoin d’un repère fixe. Or, c’est uniquement Punta de Castilla, et non l’embouchure du fleuve,
que l’arbitre Alexander recherchait.» Il s’agit là d’une interprétation incorrecte. M. Alexander considérait que la ligne
frontière «d[evait] suivre … le San Juan inférieur, à travers son port et dans la mer.» Il précisa en outre que,
«[l]’extrémité naturelle de cette ligne [était] le promontoire droit de l’embouchure du port.» Il recherchait l’embouchure
du fleuve San Juan, lequel coulait à l’époque à travers son port, la lagune de Harbor Head, et il l’a trouvée «à l’extrémité
nord-ouest de ce qui para[issait] être la terre ferme, sur la rive est de la lagune de Harbor Head.» Voir la première
sentence Alexander, telle qu’elle a été citée dans l’arrêt du 16 décembre 2015 (annexe 48).
- 29 -
existe une frontière détachée en forme de U autour de la lagune, créant une enclave nicaraguayenne
à l’est de la frontière terrestre principale, laquelle, comme l’a confirmé la Cour dans son arrêt, suit
la rive droite du cours inférieur du San Juan jusqu’à son embouchure dans la mer des Caraïbes
(point «A» sur la figure 2.11). C’est cette autre frontière terrestre que le Costa Rica prie la Cour de
délimiter : celle qui sépare la plage d’Isla Portillos de chaque extrémité du banc de sable de la
lagune de Los Portillos/Harbor Head (points «B» et «C» sur la figure 2.11).
2.57. Compte tenu de la nature changeante de la topographie locale, et conformément à
l’approche suivie par l’arbitre Alexander, le Costa Rica ne cherche pas à obtenir la démarcation du
reste de la lagune de Los Portillos/Harbor Head et du banc de sable séparant celle-ci de la mer des
Caraïbes. La figure 2.10 illustre clairement les effets locaux de l’érosion, et la souveraineté
nicaraguayenne sur l’enclave ne peut persister que tant que le banc de sable demeure émergé en
permanence et est donc susceptible de constituer un territoire appartenant un Etat.
2.58. Eu égard à ce qui précède, le Costa Rica considère que, à l’heure actuelle, la frontière
terrestre séparant Isla Portillos des deux extrémités du banc de sable de la lagune de
Los Portillos/Harbor Head, pour autant que ce banc de sable soit émergé en permanence et donc
susceptible de constituer un territoire appartenant un Etat, devrait relier l’extrémité nord-est de la
lagune à la mer des Caraïbes par la ligne la plus courte (point «C»), et l’extrémité nord-ouest de la
lagune à la mer des Caraïbes par la ligne la plus courte (point «B»). La géographie de cette zone
côtière étant susceptible de continuer à changer, il n’est pas approprié de définir ces segments de la
frontière à l’aide de coordonnées exactes. Une description verbale serait suffisamment précise, et
permettrait d’adapter la ligne à la géographie, comme le prévoyait la deuxième sentence Alexander.
- 30 -
CHAPITRE 3
LA NOUVELLE VIOLATION, PAR LE NICARAGUA, DE LA SOUVERAINETÉ
TERRITORIALE DU COSTA RICA
A. INTRODUCTION
3.1. La présente instance a été introduite en réaction à l’établissement, par le Nicaragua, d’un
campement militaire sur la plage d’Isla Portillos, en territoire costa-ricien, ainsi qu’à la
revendication de souveraineté, par ce même Etat, sur un territoire qui appartient au Costa Rica,
comme la Cour l’a reconnu dans son arrêt du 16 décembre 2015 en l’affaire relative à Certaines
activités. Dans ce chapitre, nous montrerons que le Nicaragua a maintenu un campement militaire
sur le banc de sable qui est situé juste devant la lagune de Los Portillos/Harbor Head, et qui sépare
celle-ci de la mer des Caraïbes, mais qu’en septembre 2016, ou aux alentours de cette date, il a
déplacé ce campement vers le nord-ouest, l’installant sur la plage située dans la partie
septentrionale d’Isla Portillos, qui est incontestablement costa-ricienne, en violation de la
souveraineté territoriale du Costa Rica.
B. L’ÉTABLISSEMENT, PAR LE NICARAGUA, D’UN CAMPEMENT MILITAIRE
SUR LA PLAGE D’ISLA PORTILLOS
3.2. La présence d’un campement militaire nicaraguayen sur le banc de sable en face de la
lagune de Los Portillos/Harbor Head a été pour la première fois constatée par le Costa Rica grâce à
une image satellite du 19 novembre 2010 (voir figure 3.1). Comme le montre cette image, le
campement militaire était installé en deux endroits sur le banc de sable qui sépare la lagune de
Los Portillos/Harbor Head de la mer des Caraïbes. Ce campement avait apparemment été établi
dans le cadre de l’occupation militaire de la partie septentrionale d’Isla Portillos par le Nicaragua,
quelques semaines auparavant, et des travaux réalisés par ce dernier, en territoire costa-ricien, pour
relier le fleuve San Juan à la lagune.
Figure 3.1 : Image satellite du 19 novembre 2010 montrant l’emplacement du campement militaire
nicaraguayen sur le banc de sable appartenant au Nicaragua
Légende :
Sandbar = Banc de sable
Los Portillos/Harbor Head Lagoon = Lagune de Los Portillos/Harbor Head
- 31 -
3.3. Comme la Cour s’en souviendra peut-être, au mois de février 2013, le Costa Rica s’est
rendu compte que le Nicaragua avait déplacé son campement militaire jusqu’à la plage d’Isla
Portillos, plus près de l’embouchure du San Juan, à proximité de l’endroit où il allait par la suite
creuser illicitement deux nouveaux caños artificiels. Le Costa Rica s’est plaint de la situation
auprès du Nicaragua71, et l’a portée à l’attention de la Cour le 15 mars 201372. L’emplacement du
campement apparaît sur l’image satellite du 30 juin 2013 (figure 3.2). L’établissement de ce
campement militaire constituait une violation de l’ordonnance en indication de mesures
conservatoires rendue par la Cour le 8 mars 2011. A la suite de la nouvelle ordonnance en
indication de mesures conservatoires du 22 novembre 2013, le Nicaragua a signalé à la Cour que
son «armée a[vait] procédé au démantèlement du campement militaire désigné par [elle] au
paragraphe 46 de son ordonnance.»73
Figure 3.2 : Image satellite du 30 juin 2013 montrant l’emplacement du campement militaire nicaraguayen
sur la plage d’Isla Portillos appartenant au Costa Rica
Légende :
Los Portillos/Harbor Head Lagoon = Lagune de Los Portillos/Harbor Head
Beach = Plage
Sandbar = Banc de sable
3.4. Il semble que le Nicaragua ait par la suite réinstallé et maintenu le campement militaire
sur le banc de sable juste en face de la lagune de Los Portillos/Harbor Head, comme le montrent
une photographie aérienne du 8 mars 2016 (figure 3.3) et une image satellite du 5 juillet 2016
(figure 3.4).
71 Lettre DM-AM-107-13 en date du 27 février 2013 adressée au Nicaragua par le Costa Rica (annexe 53).
72 Lettre ECRPB-016-13 en date du 15 mars 2013 adressée à la Cour par le Costa Rica (annexe 54).
73 Lettre HOL-EMB-252 en date du 9 décembre 2013 adressée à la Cour par le Nicaragua, p. 2 (annexe 55).
- 32 -
Figure 3.3 : Photographie aérienne du 8 mars 2016 montrant l’emplacement du campement militaire
nicaraguayen sur le banc de sable appartenant au Nicaragua
Légende :
Los Portillos/Harbor Head Lagoon = Lagune de Los Portillos/Harbor Head
Beach = Plage
Sandbar = Banc de sable
Figure 3.4 : Image satellite du 5 juillet 2016 montrant l’emplacement du campement militaire nicaraguayen
sur le banc de sable appartenant au Nicaragua
Légende :
Beach = Plage
Sandbar = Banc de sable
Los Portillos/Harbor Head Lagoon = Lagune de Los Portillos/Harbor Head
- 33 -
3.5. Toutefois, comme l’attestent une photographie aérienne du 7 novembre 2016
(figure 3.5) et une image satellite du 14 septembre 2016 (figure 3.6), le campement militaire
semble avoir ensuite été déplacé au nord-ouest du banc de sable de la lagune, sur la plage située
dans la partie septentrionale d’Isla Portillos, sur un territoire dont la Cour a conclu qu’il appartenait
au Costa Rica dans son arrêt du 16 décembre 2015 en l’affaire relative à Certaines activités.
3.6. Le 14 novembre 2016, le Costa Rica a écrit au Nicaragua pour protester contre la
présence du campement militaire sur son territoire74. En réponse, le Nicaragua non seulement a
refusé de déplacer le campement, mais il a aussi revendiqué l’intégralité de la plage d’Isla
Portillos75.
Figure 3.5 : Photographie aérienne du 7 novembre 2016 montrant l’emplacement du campement militaire
nicaraguayen sur la plage d’Isla Portillos appartenant au Costa Rica
Légende :
Los Portillos/Harbor Head Lagoon = Lagune de Los Portillos/Harbor Head
Beach = Plage
Sandbar = Banc de sable
74 Lettre DM-AM-584-16 en date du 14 novembre 2016 adressée au Nicaragua par le Costa Rica (annexe 56).
75 Lettre MRE/DMC/250/11/16 en date du 17 novembre 2016 adressée au Costa Rica par le Nicaragua
(annexe 57).
- 34 -
Figure 3.6 : Image satellite du 14 septembre 2016 montrant l’emplacement du campement militaire
nicaraguayen sur la plage d’Isla Portillos appartenant au Costa Rica
Légende :
Los Portillos/Harbor Head Lagoon = Lagune de Los Portillos/Harbor Head
Beach = Plage
Sandbar = Banc de sable
3.7. Le Costa Rica a obtenu, grâce à un survol de la zone effectué le 14 février 2017, des
éléments de preuve photographiques (figure 3.7) établissant que le campement militaire du
Nicaragua se trouvait toujours en territoire costa-ricien.
Figure 3.7 : Photographie aérienne du 14 février 2017 montrant l’emplacement du campement militaire
nicaraguayen sur la plage d’Isla Portillos appartenant au Costa Rica
Légende :
Los Portillos/Harbor Head Lagoon = Lagune de Los Portillos/Harbor Head
Beach = Plage
Sandbar = Banc de sable
- 35 -
C. LES AGISSEMENTS DU NICARAGUA SONT CONSTITUTIFS DE VIOLATIONS DE LA
SOUVERAINETÉ ET DE L’INTÉGRITÉ TERRITORIALE DU COSTA RICA,
AINSI QUE DE L’ARRÊT RENDU PAR LA COUR
LE 16 DÉCEMBRE 2015
3.8. Les Parties s’accordent à reconnaître que le Nicaragua a déplacé son campement
militaire à l’endroit indiqué sur l’image satellite du 14 septembre 2016 (figure 3.6 ci-dessus). Ce
nouvel emplacement se situe sur la plage de la partie septentrionale d’Isla Portillos, sur un territoire
dont la Cour a reconnu, dans l’affaire relative à Certaines activités, qu’il relevait de la souveraineté
du Costa Rica76, ainsi que cela a été exposé au chapitre 2 du présent mémoire. Ces agissements
constituant des atteintes à la souveraineté et à l’intégrité territoriale du Costa Rica, celui-ci s’est
une nouvelle fois vu contraint de demander réparation devant la Cour. La question de la
souveraineté présumée du Nicaragua sur le banc de sable situé juste devant la lagune de Harbor
Head est distincte et indépendante de celle de la souveraineté incontestable du Costa Rica sur la
partie septentrionale d’Isla Portillos, y compris sur la plage située en face de ce territoire.
D. CONCLUSION
3.9. Comme indiqué au paragraphe 1.6 plus haut, la position récemment affichée par le
Nicaragua semble s’inscrire dans le cadre d’une ligne de conduite constante de sa part, qui a
commencé avec l’envahissement et l’occupation du territoire costa-ricien (et la revendication
ultérieure du même) à la fin 2010, s’est poursuivie avec la violation de l’ordonnance rendue par la
Cour en 2011 dans l’affaire relative à Certaines activités (ce qui a conduit le Costa Rica à solliciter
une nouvelle ordonnance en 2013, qu’il a obtenue), et continue aujourd’hui avec l’établissement
d’un nouveau campement militaire en territoire costa-ricien, en violation de l’arrêt rendu par la
Cour en 2015, et la revendication ultérieure sur ce territoire. C’est dans ces conditions que le
Costa Rica s’est vu obligé d’introduire la présente instance. Il découle des raisons exposées plus
haut aux chapitres 2 et 3 que, en installant et maintenant un campement militaire sur ce territoire, le
Nicaragua a violé :
a) l’arrêt rendu par la Cour le 16 décembre 2015 ;
b) la souveraineté du Costa Rica, telle qu’elle a été convenue et définie par le traité de limites de
1858, la sentence Cleveland et les première et deuxième sentences Alexander ; et
c) les principes fondamentaux de l’intégrité territoriale et de l’interdiction de l’emploi de la force
consacrés par la Charte des Nations Unies et la charte de l’Organisation des Etats américains.
76 Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) et
Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), arrêt, C.I.J. Recueil
2015 (II), p. 696, par. 69 et p. 740, par. 229, point 1) du dispositif.
- 36 -
CONCLUSIONS
Le Costa Rica prie respectueusement la Cour :
a) de déterminer l’emplacement précis de la frontière terrestre séparant Isla Portillos des deux
extrémités du banc de sable de la lagune de Los Portillos/Harbor Head et, ce faisant, de déclarer
que le seul territoire nicaraguayen existant à ce jour dans la zone d’Isla Portillos se limite à
l’enclave comprenant la lagune de Los Portillos/Harbor Head et le banc de sable qui sépare la
lagune de la mer des Caraïbes, pour autant que ce banc de sable soit émergé en permanence et
que cette enclave puisse de ce fait constituer un territoire appartenant à un Etat, et donc de
déclarer que la frontière terrestre court à l’heure actuelle de l’extrémité nord-est de la lagune à
la mer des Caraïbes par la ligne la plus courte, et de l’extrémité nord-ouest de la lagune à la mer
des Caraïbes par la ligne la plus courte ;
b) de dire et juger que l’établissement et le maintien, par le Nicaragua, d’un nouveau campement
militaire sur la plage d’Isla Portillos emportent violation de la souveraineté et de l’intégrité
territoriale du Costa Rica, et contreviennent à l’arrêt rendu par la Cour le 16 décembre 2015 en
l’affaire relative à Certaines activités. En conséquence, le Costa Rica prie également la Cour de
déclarer que le Nicaragua doit retirer son campement militaire situé en territoire costa-ricien et
se conformer pleinement à l’arrêt de 2015. Le Costa Rica se réserve le droit de demander
d’autres réparations pour tout dommage qui a été ou pourrait être causé à son territoire par le
Nicaragua.
- 37 -
CERTIFICATION
J’ai l’honneur de certifier que les documents annexés au présent mémoire sont des copies
exactes et conformes des documents originaux et que leur traduction anglaise établie par le
Costa Rica est exacte.
Fait à La Haye, le 2 mars 2017.
Le coagent du Costa Rica,
(Signé) M. Sergio UGALDE.
___________
- 38 -
LISTE DES ANNEXES
Annexe Document Page
Traités et sentences arbitrales
46 Sentence arbitrale du président des Etats-Unis d’Amérique relative à la validité
du traité de limites entre le Costa Rica et le Nicaragua du 15 juillet 1858
(sentence Cleveland), rendue le 22 mars 1888 à Washington D.C.
40
Source : Nations Unies, Recueil des Sentences arbitrales, vol. XXVIII (2006),
p. 208-211
47 Convention sur la démarcation frontalière conclue entre la République du
Costa Rica et la République du Nicaragua, signée au Salvador
le 27 mars 1896 (convention Pacheco-Matus)
46
Source : Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales, vol. XXVIII (2006),
p. 211-213
48 Première sentence de l’arbitre E. P. Alexander sur la question de la frontière
entre le Costa Rica et le Nicaragua, rendue le 30 septembre 1897 à San Juan
del Norte
49
Source : Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales, vol. XXVIII (2007),
p. 215-222
49 Deuxième sentence de l’arbitre E. P. Alexander sur la question de la frontière
entre le Costa Rica et le Nicaragua, rendue le 20 décembre 1897 à San Juan
del Norte
56
Source : Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales, vol. XXVIII (2007),
p. 223-225
50 Troisième sentence de l’arbitre E. P. Alexander sur la question de la frontière
entre le Costa Rica et le Nicaragua, rendue le 22 mars 1898 à San Juan
del Norte
60
Source : Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales, vol. XXVIII (2007),
p. 227-230
51 Quatrième sentence de l’arbitre E. P. Alexander sur la question de la frontière
entre le Costa Rica et le Nicaragua, rendue le 26 juillet 1899 à Greytown
65
Source : Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales, vol. XXVIII (2007),
p. 231-236
52 Actes de la commission de démarcation Costa Rica-Nicaragua, 1897-1900
(extrait de la minute no X)
71
Source : Minutes originales, archives du ministère costa-ricien des affaires
étrangères et du culte [original espagnol non reproduit]
Correspondance
53 Lettre DM-AM-107-13 en date du 27 février 2013 adressée au Nicaragua par le
Costa Rica [original espagnol non reproduit]
74
54 Lettre ECRPB-016-13 en date du 15 mars 2013 adressée à la Cour par le
Costa Rica (annexes omises)
75
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55 Lettre HOL-EMB-252 en date du 9 décembre 2013 adressée à la Cour par le
Nicaragua (annexes omises)
79
56 Lettre DM-AM-584-16 en date du 14 novembre 2016 adressée au Nicaragua
par le Costa Rica [original espagnol non reproduit]
81
57 Lettre MRE/DMC/250/11/16 en date du 17 novembre 2016 adressée au
Costa Rica par le Nicaragua [original espagnol non reproduit]
87
58 Lettre DM-AM-628-16 en date du 30 novembre 2016 adressée au Nicaragua
par le Costa Rica [original espagnol non reproduit]
88
Cartes
59 Carte de la baie de San Juan del Norte montrant le point de départ de la ligne
de séparation entre le Costa Rica [et] le Nicaragua, établie par les commissaires
des deux Etats le 30 septembre 1897 et signée par Luis Matamorros et
Leónidas Carranza
89
Source : Francisco Xavier Aguirre Sacasa, Un atlas histórico de Nicaragua
(Managua, Nicaragua : Fundación Vida (2002))
60 Planche cartographique au 1/50 000 de Punta Castilla établie par l’institut
géographique national (IGN) du Costa Rica en 1970
90
61 Planche cartographique au 1/50 000 de Punta Castilla établie par l’institut
géographique national (IGN) du Costa Rica en 1988
91
62 Planche cartographique au 1/50 000 de San Juan del Norte établie par l’institut
nicaraguayen d’études territoriales (INETER) en 1988
92
63 Planche cartographique au 1/50 000 de San Juan del Norte établie par l’institut
nicaraguayen d’études territoriales (INETER) en 2001
93
Photographies et images satellite
64 Photographie aérienne de la lagune de Los Portillos/Harbor Head montrant la
brèche dans le banc de sable, le 10 juin 2012
94
65 Photographie aérienne de la lagune de Los Portillos/Harbor Head montrant la
brèche dans le banc de sable, le 3 août 2012
95
66 Photographie aérienne du campement nicaraguayen, le 8 mars 2016 96
67 Photographie aérienne du campement nicaraguayen, le 7 novembre 2016 97
68 Photographie aérienne du campement nicaraguayen, le 14 février 2017 98
69 Image satellite du 5 juillet 2016 (avec détail de la zone concernée) 99
70 Image satellite du 14 septembre 2016 (avec détail de la zone concernée 101
71 Image satellite du 3 octobre 2016 (avec détail de la zone concernée) 103
- 40 -
ANNEXE 46
SENTENCE ARBITRALE DU PRÉSIDENT DES ETATS-UNIS D’AMÉRIQUE RELATIVE À LA VALIDITÉ
DU TRAITÉ DE LIMITES ENTRE LE COSTA RICA ET LE NICARAGUA DU 15 JUILLET 1858
(SENTENCE CLEVELAND), RENDUE LE 22 MARS 1888 À WASHINGTON D.C.
[TRADUCTION DU GREFFE]
Source : Nations Unies, Recueil des Sentences arbitrales, vol. XXVIII (2006), p. 208-211
- 41 -
- 42 -
- 43 -
La sentence
Grover Cleveland, président des Etats-Unis d’Amérique, à qui de droit :
Les fonctions d’arbitre ayant été conférées au président des Etats-Unis en vertu d’un traité
signé en la ville de Guatemala le 24 décembre 1886 par la République du Costa Rica et la
République du Nicaragua, traité par lequel il a été convenu que la question qui se pose actuellement
entre les Etats parties au sujet de la validité du traité de limites qu’ils ont conclu le 15 avril 1858
serait soumise à l’arbitrage du président des Etats-Unis d’Amérique ; que, si l’arbitre juge le traité
valide, il devra dire aussi dans la même sentence si le Costa Rica a le droit de naviguer sur le fleuve
San Juan avec des bateaux de guerre ou des bateaux des douanes ; et que, de la même manière, en
cas de validité du traité est valide, l’arbitre devra se prononcer sur tous les autres points
d’interprétation douteuse que l’une ou l’autre des parties auront pu relever dans le traité et qu’elles
auront indiqués à l’autre partie dans les trente jours suivant l’échange des ratifications dudit traité
du 24 décembre 1886 ;
La République du Nicaragua ayant dûment indiqué à la République du Costa Rica
onze points d’interprétation douteuse relevés dans ledit traité de limites du 15 avril 1858 et la
République du Costa Rica n’ayant pas indiqué à la République du Nicaragua de point
d’interprétation douteuse qu’elle aurait relevé dans ce traité ;
Les Parties ayant l’une et l’autre présenté en bonne et due forme leurs thèses et leurs pièces à
l’arbitre, puis leurs réponses respectives aux thèses de l’autre partie, comme le prévoit le traité du
24 décembre 1886 ;
Et l’arbitre ayant, conformément à l’article 5 de ce traité, délégué ses pouvoirs à l’honorable
George L. Rives, secrétaire d’état adjoint, lequel, après examen et analyse desdites thèses, pièces et
réponses, a remis son rapport à ce sujet par écrit à l’arbitre ;
En conséquence, je soussigné Grover Cleveland, président des Etats-Unis d’Amérique, rend
par le présent acte la décision et sentence suivante :
Premièrement, le traité de limites susmentionné signé le 15 avril 1858 est valide.
Deuxièmement, la République du Costa Rica, en vertu dudit traité et des dispositions de son
article VI, n’a pas le droit de naviguer sur le fleuve San Juan avec des bateaux de guerre, mais elle
peut naviguer sur ledit fleuve avec des bateaux du service des douanes dans l’exercice du droit
d’usage de ce fleuve «aux fins du commerce» que lui reconnaît ledit article, ou dans les cas
nécessaires à la protection de ce droit d’usage.
Troisièmement, en ce qui concerne les points d’interprétation douteuse indiqués par la
République du Nicaragua comme il est dit plus haut, je décide ce qui suit :
1. La frontière entre la République du Costa Rica et la République du Nicaragua du côté de
l’Atlantique commence à l’extrémité de Punta de Castilla à l’embouchure du fleuve San Juan
de Nicaragua, en leur état respectif au 15 avril 1858. La propriété de tous atterrissements à
Punta de Castilla sera régie par le droit applicable en la matière.
2. Pour déterminer le point central de la baie de Salinas, on tracera une ligne droite à travers
l’entrée de la baie et on déterminera mathématiquement le centre de la figure géographique
fermée formée par cette ligne droite et la laisse de basse mer le long du rivage de la baie.
3. Le point central de la baie de Salinas s’entend du centre de la figure géométrique formée de la
manière susindiquée. La limite de la baie du côté de l’océan est une ligne droite tracée de
- 44 -
l’extrémité de Punta Arranca Barba, presque plein sud jusqu’à la partie la plus à l’ouest des
terres aux environs de Punta Sacate.
4. La République du Costa Rica n’est pas obligée de s’entendre avec la République du Nicaragua
sur les dépenses nécessaires pour empêcher l’obstruction de la baie de San Juan del Norte, pour
assurer une navigation libre et sans encombre sur le fleuve ou dans le port, ou pour améliorer
celle-ci dans l’intérêt commun.
5. La République du Costa Rica n’est tenue de contribuer à aucune part des dépenses que pourra
engager la République du Nicaragua pour l’une quelconque des fins susmentionnées.
6. La République du Costa Rica ne peut empêcher la République du Nicaragua d’exécuter à ses
propres frais et sur son propre territoire de tels travaux d’amélioration, à condition que le
territoire du Costa Rica ne soit pas occupé, inondé ou endommagé en conséquence de ces
travaux et que ceux-ci n’arrêtent pas ou ne perturbent pas gravement la navigation sur ledit
fleuve ou sur l’un quelconque de ses affluents en aucun endroit où le Costa Rica a le droit de
naviguer. La République du Costa Rica aura le droit d’être indemnisée si des parties de la rive
droite du fleuve San Juan qui lui appartiennent sont occupées sans son consentement ou si des
terres situées sur cette même rive sont inondées ou endommagées de quelque manière que ce
soit en conséquence de travaux d’amélioration.
7. L’affluent du fleuve San Juan connu sous le nom de Colorado ne saurait, en aucune partie de
son cours, être considéré comme la frontière entre la République du Costa Rica et la République
du Nicaragua.
8. Le droit de navigation de la République du Costa Rica sur le fleuve San Juan avec des bateaux
de guerre ou des vedettes des douanes est établi et défini au deuxième article de la présente
sentence.
9. La République du Costa Rica peut refuser à la République du Nicaragua le droit de dévier les
eaux du fleuve San Juan lorsque cette déviation arrêterait ou perturberait gravement la
navigation sur ledit fleuve ou sur l’un quelconque de ses affluents en tout endroit où le
Costa Rica a le droit de naviguer.
10. La République du Nicaragua demeure tenue de n’octroyer aucune concession à des fins de
canalisation au travers de son territoire sans avoir demandé au préalable l’avis de la République
du Costa Rica, comme le prévoit l’article VIII du traité de limites du 15 avril 1858. Les droits
naturels de la République du Costa Rica visés dans cette disposition sont les droits que, eu
égard aux frontières arrêtées par ledit traité de limites, elle possède sur les terres reconnues dans
cet instrument comme étant sa propriété exclusive, les droits qu’elle possède sur les ports de
San Juan del Norte et la baie de Salinas, et les droits qu’elle possède dans la partie du fleuve
San Juan située à une distance de plus 3 milles anglais en dessous de Castillo Viejo, mesurée à
partir des fortifications extérieures dudit château en l’état qui était le leur en l’an 1858, ainsi
éventuellement que d’autres droits qui ne sont pas énoncés expressément ici. L’atteinte à ces
droits est présumée dès lors que le territoire appartenant à la République du Costa Rica est
occupé ou inondé, que l’un ou l’autre desdits ports subit une intrusion qui porterait préjudice au
Costa Rica, ou que le fleuve San Juan est obstrué ou dévié d’une manière qui arrête ou perturbe
gravement la navigation sur ledit fleuve ou sur l’un quelconque de ses affluents en un endroit
où le Costa Rica a le droit de naviguer.
11. Le traité de limites du 15 avril 1858 ne donne pas à la République du Costa Rica le droit d’être
partie aux concessions que le Nicaragua peut octroyer pour des canaux interocéaniques ;
toutefois, dans les cas où la construction du canal porterait atteinte aux droits naturels du
Costa Rica, l’avis de celui-ci, mentionné à l’article VIII du traité, ne devrait pas avoir un
caractère seulement «consultatif». Il semblerait que, dans de tels cas, le consentement du
- 45 -
Costa Rica soit nécessaire et que celui-ci puisse exiger une compensation pour les concessions
qu’il serait prié de faire à cet égard ; toutefois, le Costa Rica ne peut prétendre de plein droit à
une part des bénéfices que la République du Nicaragua pourrait se réserver en contrepartie des
faveurs et privilèges que, de son côté, elle pourrait concéder.
En foi de quoi, j’ai signé la présente sentence et fait apposer sur celle-ci le sceau des
Etats-Unis.
Fait en trois exemplaires dans la ville de Washington le 22 mars de l’an 1888,
cent douzième année de l’indépendance des Etats-Unis.
Le président des Etats-Unis d’Amérique,
Grover CLEVELAND.
Le secrétaire d’Etat,
T. F. BAYARD.
___________
- 46 -
ANNEXE 47
CONVENTION SUR LA DÉMARCATION FRONTALIÈRE CONCLUE ENTRE LA RÉPUBLIQUE DU
COSTA RICA ET LA RÉPUBLIQUE DU NICARAGUA, SIGNÉE AU SALVADOR
LE 27 MARS 1896 (CONVENTION PACHECO-MATUS)
[TRADUCTION DU GREFFE]
Source : Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales, vol. XXVIII (2006), p. 211-213
- 47 -
Convention sur la démarcation frontalière conclue entre la République du Costa Rica et la
République du Nicaragua, signée au Salvador le 27 mars 1896
La médiation du Gouvernement du Salvador ayant été acceptée par les présidents du
Costa Rica et du Nicaragua afin de régler le tracé de la ligne de frontière entre les deux
républiques, ils ont nommé respectivement comme envoyés extraordinaires et ministres
plénipotentiaires Don Leonidas Pacheco et Don Manuel C. Matus, lesquels, après plusieurs
entretiens en présence du ministre des affaires étrangères, Don Jacinto Castellanos, spécialement
chargé de représenter le Gouvernement du Salvador, leurs pleins pouvoirs ayant été trouvés en
bonne et due forme, avec la participation du président de la République, le général
Rafael A. Gutierrez, qui a bien voulu être présent pour donner une plus grande solennité à l’acte,
ont conclu la convention suivante :
ARTICLE I  Les gouvernements contractants s’engagent à nommer chacun une commission
composée de deux ingénieurs ou géomètres afin de définir et marquer de manière appropriée la
ligne frontière entre les Républiques du Costa Rica et du Nicaragua, conformément aux
dispositions du traité du 15 avril 1858 et à la sentence rendue par le président des Etats-Unis
d’Amérique, M. Grover Cleveland.
ARTICLE II  Les commissions créées en application de l’article qui précède seront
complétées par un ingénieur dont la nomination sera demandée par les deux parties au président
des Etats-Unis d’Amérique et dont la fonction consistera notamment à régler tout différend pouvant
voir le jour entre les commissions du Costa Rica et du Nicaragua dans le cadre de leurs opérations.
L’ingénieur disposera de vastes pouvoirs pour trancher tout différend susceptible de se faire jour
dans le cadre de l’une ou l’autre de ces opérations, et sa décision sera définitive.
ARTICLE III  Dans les trois mois qui suivront la signature de la présente convention,
laquelle sera dûment ratifiée par les congrès respectifs des parties, les représentants à Washington
des deux gouvernements contractants demanderont conjointement au président des Etats-Unis
d’Amérique de nommer l’ingénieur susmentionné et de confirmer sa nomination. Si, en raison de
l’absence à Washington d’un représentant de l’un des deux gouvernements ou pour toute autre
raison, la demande n’est pas présentée conjointement dans le délai spécifié, le représentant à
Washington du Costa Rica ou du Nicaragua pourra, une fois ce délai expiré, présenter séparément
ladite demande, laquelle produira les mêmes effets que si elle avait été présentée conjointement par
les deux parties.
ARTICLE IV  Une fois la nomination de l’ingénieur des Etats-Unis confirmée, et dans un
délai de trois mois à compter de cette nomination, la démarcation de la ligne frontière sera
entreprise et devra être achevée dans les vingt mois qui suivront le début des travaux. Les
commissions des parties contractantes se réuniront à San Juan del Norte dans le délai prescrit à cet
effet et entameront leurs travaux à l’extrémité de la frontière qui, selon le traité et la sentence
susmentionnés, commence à l’océan Atlantique.
ARTICLE V  Les parties contractantes conviennent que si, pour un motif quelconque, la
commission de l’une ou de l’autre n’était pas présente au lieu spécifié le jour fixé pour le début des
travaux, ceux-ci seront entamés par la commission présente, avec l’accord de l’ingénieur du
Gouvernement des Etats-Unis, et que les travaux ainsi effectués seront valables, définitifs et non
susceptibles de recours pour la République qui n’aurait pas envoyé ses commissaires. Il en sera de
même si l’un ou l’ensemble des commissaires de l’une des deux républiques contractantes
s’absentent après le début des travaux ou s’ils refusent d’exécuter ceux-ci de la manière prescrite
dans la sentence et le traité susmentionnés, ou conformément à la décision de l’ingénieur nommé
par le président des Etats-Unis.
ARTICLE VI  Les parties contractantes conviennent que le délai fixé pour l’achèvement du
marquage de la frontière n’est pas impératif et que seront en conséquence valables toutes les
- 48 -
opérations qui pourront être effectuées après son expiration, soit parce qu’elles n’auront pu être
achevées dans ce délai, soit parce que les commissaires du Costa Rica et du Nicaragua seront
convenus, avec l’assentiment de l’ingénieur des Etats-Unis, de les suspendre de manière
temporaire, de sorte que le temps restant serait insuffisant pour les mener à bien.
ARTICLE VII  En cas de suspension temporaire des travaux de démarcation, toutes les
opérations effectuées jusqu’alors seront réputées définitives et achevées et la frontière, établie à
l’endroit concerné, même si, en raison de circonstances imprévues et impérieuses, cette suspension
devait durer indéfiniment.
ARTICLE VIII  Les minutes des travaux, à conserver en trois exemplaires après que les
commissaires y auront dûment apposé leur signature et leur sceau, constitueront la preuve de la
démarcation définitive de la frontière entre les deux pays, sans qu’il soit nécessaire pour les
républiques signataires de les approuver ou d’accomplir quelque autre formalité.
ARTICLE IX  Les minutes visées à l’article qui précède seront établies comme suit :
chaque jour, les opérations achevées seront décrites en détail, avec mention de leur point de départ,
du type de bornes utilisées, de la distance les séparant et de la direction de la ligne marquant la
frontière commune. Tout différend pouvant survenir entre les commissions du Costa Rica et du
Nicaragua en ce qui concerne un point particulier sera relaté dans la minute correspondante, ainsi
que la décision de l’ingénieur des Etats-Unis. Les minutes seront dressées en trois exemplaires: les
commissions du Costa Rica et du Nicaragua en conserveront un chacune, tandis que le troisième
sera remis à l’ingénieur des Etats-Unis qui, une fois les opérations terminées, le déposera au
département d’Etat de Washington.
ARTICLE X  Les frais de déplacement et de subsistance de l’ingénieur des Etats-Unis ainsi
que la rémunération qui lui sera due pendant l’exercice de ses fonctions seront pris en charge à
parts égales par les républiques signataires.
ARTICLE XI  Les parties contractantes s’engagent à faire ratifier la présente convention
par leurs congrès respectifs dans un délai de six mois à compter de ce jour, même si cette
ratification devait nécessiter la convocation desdits congrès en séance extraordinaire, après quoi
l’échange des ratifications aura lieu, dans un délai d’un mois à compter de la date de la dernière
ratification, à San José de Costa Rica ou à Managua.
ARTICLE XII  Le non-accomplissement dans les délais prévus des actes susvisés ne rendra
pas la présente convention nulle et non avenue, et la république fautive s’efforcera de remédier à
son omission dans les meilleurs délais.
En foi de quoi, les parties ont apposé leur signature et leur sceau sur la présente convention,
établie en deux exemplaires, en la ville de San Salvador, le vingt-sept mars dix-huit cent
quatre-vingt seize1.
___________
1 Memoria de Relaciones Exteriores (Costa Rica), 1897, p. 28.
- 49 -
ANNEXE 48
PREMIÈRE SENTENCE DE L’ARBITRE E. P. ALEXANDER SUR LA QUESTION DE LA FRONTIÈRE
ENTRE LE COSTA RICA ET LE NICARAGUA, RENDUE LE 30 SEPTEMBRE 1897 À
SAN JUAN DEL NORTE [TRADUCTION DU GREFFE]
Source : Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales, vol. XXVIII (2007), p. 215-222
- 50 -
- 51 -
San Juan del Norte, Nicaragua, le 30 septembre 1897
A l’attention des commissions des limites du Costa Rica et du Nicaragua
MESSIEURS : Conformément à la mission qui m’a été confiée en tant qu’ingénieur-arbitre
de vos deux organes, ayant reçu pouvoir de prendre une décision définitive sur tous points de
divergence qui pourraient surgir lors du tracé et du marquage de la ligne frontière entre les
deux républiques, j’ai examiné avec attention tous les arguments, contre-arguments, cartes et
documents qui m’ont été soumis concernant l’emplacement approprié de ladite ligne frontière sur
la côte caraïbe.
La conclusion à laquelle je suis parvenu et la sentence que je suis sur le point de rendre ne
concordent pas avec les avis des deux commissions. Par conséquent, par respect pour les très
excellents et très sérieux arguments exposés si fidèlement et loyalement par chaque commission
pour sa partie respective, j’indiquerai brièvement mon raisonnement et les considérations qui m’ont
semblé primordiales pour trancher la question ; et, parmi ces considérations, la principale et celle
qui domine les autres est que nous devons interpréter le traité du 15 avril 1858 et lui donner effet de
la manière dont il était compris à l’époque par ses auteurs.
Chaque commission a présenté un point de vue détaillé et bien argumenté selon lequel la
formulation du traité est conforme à sa revendication qui consiste à situer le point initial de la ligne
de démarcation à un endroit qui procurerait de grands avantages à son pays. Ces points sont situés
à plus de 6 milles l’un de l’autre et sont indiqués sur la carte qui accompagne la présente sentence.
Le point revendiqué par le Costa Rica se situe sur la rive gauche ou le promontoire ouest du
port ; celui revendiqué par le Nicaragua, sur le promontoire est de l’embouchure de
l’affluent Taura.
Sans tenter de répondre en détail à chaque argument avancé par l’un et l’autre côté à l’appui
de sa revendication, il suffira, pour répondre à toutes les questions, de montrer que les auteurs du
traité entendaient et avaient en vue un autre point, à savoir le promontoire est à l’embouchure du
port.
Il s’agit du sens donné par les personnes qui ont conçu le traité que nous devons examiner, et
non d’un sens éventuel que l’on peut imposer de force à des termes ou des phrases isolés. Et le
sens donné par ces personnes me semble tout à fait clair et évident.
Le traité n’a pas été rédigé à la hâte ou de manière peu consciencieuse. Chaque Etat avait été
amené par des années de vaines négociations dans un état de préparation à la guerre pour défendre
ce qu’il considérait comme ses droits, comme l’indique l’article premier. En réalité, la guerre avait
été déclarée par le Nicaragua le 25 novembre 1857 lorsque, par la médiation de la République
d’El Salvador, un dernier effort a été fait pour l’éviter, une autre convention a été tenue, et le
présent traité en est le fruit. Nous pouvons à présent trouver l’accord réciproque auquel les auteurs
sont parvenus en cherchant tout d’abord dans le traité pris globalement l’idée, le système ou le
compromis général sur lequel ils ont pu tomber d’accord. Ensuite, nous devons vérifier si cette
idée générale du traité est en totale harmonie avec toute description détaillée qui est donnée de la
ligne de démarcation et avec les noms précis des localités utilisées, ou non utilisées, dans ce cadre,
car la non-utilisation de certains noms peut être aussi importante que l’utilisation d’autres. Or, il
ressort de l’examen général du traité dans son ensemble que le système de compromis apparaît clair
et simple.
Le Costa Rica devait avoir comme ligne de démarcation la rive droite ou sud-est du fleuve,
considéré comme un point de sortie pour le commerce, à partir d’un point situé à 3 milles
au-dessous de Castillo jusqu’à la mer.
- 52 -
Le Nicaragua devait avoir le «sumo imperio» qu’il prisait sur toutes les eaux de ce même
point de sortie pour le commerce, également de manière ininterrompue jusqu’à la mer.
Il convient de noter que cette démarcation impliquait aussi, à l’évidence, la propriété, par le
Nicaragua, de toutes les îles dans le fleuve ainsi que de la rive et du promontoire gauche ou
nord-ouest.
La démarcation fait passer la ligne frontière (à supposer qu’elle soit tracée vers le bas le long
de la rive droite à partir du point à proximité de Castillo) à travers les bras Colorado et Taura.
Elle ne peut suivre ni l’un, ni l’autre, car aucun n’est un point de sortie pour le commerce,
puisqu’ils n’ont ni l’un ni l’autre un port à leur embouchure.
Elle doit suivre le bras restant, appelé le San Juan inférieur, à travers son port et dans la mer.
L’extrémité naturelle de cette ligne est le promontoire droit de l’embouchure du port.
Prêtons maintenant attention au libellé de la description utilisée dans le traité pour indiquer
où la ligne doit commencer et comment elle doit se poursuivre, en laissant de côté pour l’instant le
nom donné au point initial. La ligne doit commencer «à l’embouchure du fleuve San Juan de
Nicaragua, puis [suivre] la rive droite dudit fleuve jusqu’à un point distant de trois milles anglais de
Castillo Viejo».
Ce libellé est évidemment soigneusement choisi et précis, et il n’y a qu’un seul point de
départ possible pour cette ligne, à savoir le promontoire droit de la baie.
Nous en arrivons enfin au nom donné au point de départ, «l’extrémité de Punta de Castillo».
Cette dénomination de Punta de Castillo ne figure sur aucune des cartes originelles de la baie de
San Juan qui ont été présentées par l’une ou l’autre partie, et qui paraissent inclure toutes celles qui
ont pu être publiées avant ou après la conclusion du traité. C’est un fait important et sa
signification est évidente. Punta de Castillo devrait être et est certainement resté un point dépourvu
d’importance, politique ou commerciale, pour avoir si complètement échappé à toute mention sur
les cartes. Cela concorde parfaitement avec les caractéristiques de la côte continentale et du
promontoire droit de la baie. L’endroit reste à ce jour peu connu et inoccupé, à l’exception d’une
cabane de pêcheur. Cependant, son identification est d’autant moins douteuse qu’est incidemment
mentionné, dans un autre article du traité, le nom Punta de Castillo.
A l’article V, le Costa Rica accepte temporairement de permettre au Nicaragua d’utiliser la
partie costa-ricienne du port sans payer de droits portuaires et le nom de Punta de Castillo lui est
clairement appliqué. Nous avons donc à la fois l’idée générale de compromis qui ressort du traité
dans son ensemble, la description littérale de la ligne dans le détail et la confirmation du nom
donné au point initial par sa mention incidente dans une autre partie du traité, et par le fait que, de
tous les auteurs de cartes de tous les pays, aucun, ni avant ni depuis la conclusion du traité, n’utilise
ce nom pour aucune autre partie du port. Cela pourrait sembler un argument suffisant sur ce point,
mais, pour présenter l’ensemble de la situation encore plus clairement, une brève explication de la
géographie locale et d’une caractéristique particulière de cette baie de San Juan n’est pas inutile.
La principale caractéristique de la géographie de cette baie, depuis les descriptions les plus
anciennes que nous en avons, est l’existence d’une île à son embouchure, appelée sur certaines
cartes anciennes l’île de San Juan. Cette île était assez importante pour être mentionnée en 1820
par deux auteurs éminents, cités dans la réponse du Costa Rica à l’argumentation du
Nicaragua (p. 12), et c’est encore aujourd’hui une île, qui figure comme telle sur la carte jointe à la
présente sentence. La particularité de cette baie, qu’il convient de relever, est que le fleuve a un
très faible débit durant la saison sèche. Lorsque cela est le cas, notamment ces dernières années,
des bancs de sable, découvrants lors des marées ordinaires mais plus ou moins submergés par les
- 53 -
vagues aux grandes marées, se forment, fréquemment reliés aux promontoires adjacents, si bien
qu’il est possible de traverser à pied sec.
Toute l’argumentation du Costa Rica repose sur la présomption selon laquelle le
15 avril 1858, date de la conclusion du traité, il existait une continuité entre l’île et le
promontoire est, que cela transformait l’île en partie du continent et déplaçait le point initial de la
frontière jusqu’à l’extrémité occidentale de l’île. A cette argumentation il y a au moins
deux réponses, qui me paraissent toutes deux concluantes.
Premièrement, il est impossible de déterminer avec certitude l’état exact du banc ce jour
précis, ce qui est pourtant indispensable pour en tirer des conclusions importantes.
Toutefois, comme cette date se situait près de la fin de la saison sèche, il est très probable
qu’il existait une telle continuité entre l’île et le rivage est du Costa Rica ; mais, même si cela est
vrai, il serait déraisonnable de supposer qu’une telle continuité temporaire puisse avoir pour effet
de modifier de façon permanente le caractère géographique et la propriété politique de l’île.
Ce même principe, s’il était admis, attribuerait au Costa Rica toutes les îles du fleuve qui se seraient
ainsi rattachées à son rivage durant cette saison sèche. Or, dans tout le traité, le fleuve est
considéré comme un débouché en mer pour le commerce. Cela implique qu’il est considéré en
moyenne comme en eau, condition indispensable pour qu’il soit navigable.
Mais la considération majeure en l’espèce est que, en utilisant le nom de Punta de Castillo
pour le point de départ, et non pas le nom de Punta Arenas, les auteurs du traité entendaient
désigner le continent à l’est du port. Cela a déjà été débattu, mais aucune réponse directe n’a été
donnée à l’argumentation du Costa Rica, qui cite trois auteurs appliquant le nom de Punta de
Castillo à l’extrémité occidentale de l’île susmentionnée, point invariablement appelé Punta Arenas
par tous les officiers de marine et autres, géomètres et ingénieurs qui l’ont cartographié.
Ces auteurs sont L. Montufar, un Guatémaltèque, en 1887, J. D. Gamez, un Nicaraguayen,
en 1889, et E. G. Squier, un Américain, à une date non précisée mais postérieure à la conclusion du
traité. Et même, de ces trois auteurs, les deux derniers n’ont utilisé qu’une fois chacun le nom de
Punta de Castillo au lieu de Punta Arenas. Face à ces sources, nous avons premièrement une
quantité innombrable d’autres auteurs qui méritent clairement davantage qu’on leur fasse
confiance, deuxièmement les auteurs originaux de toutes les cartes comme il a déjà été indiqué, et
troisièmement les auteurs du traité lui-même, qui utilisent la dénomination Punta de Castillo à
l’article V.
Il faut garder à l’esprit que, avant la conclusion du traité, Punta Arenas était depuis quelques
années de loin le point le plus important et le plus connu de la baie. On y trouvait des docks, des
ateliers, des bureaux, etc. de la grande société de transports Vanderbilt, qui contrôlait la ligne
New York-San Francisco durant la folie de l’or du début des années 1850. Là navires océaniques
et bateaux fluviaux se rencontraient et échangeaient passagers et marchandises. C’était le point que
cherchaient à contrôler Walker et les pirates.
Le village de San Juan était peu de chose en comparaison et il serait certainement facile de
produire des centaines de références à ce point désigné comme Punta Arenas, venant d’officiers de
marine et de diplomates de toutes les grandes nations, de résidents et de fonctionnaires éminents, et
d’ingénieurs et de géomètres qui constamment examinaient le problème du canal et avaient tous
une connaissance personnelle de l’endroit.
Etant donné tous ces éléments, l’attention scrupuleuse avec laquelle chaque partie a défini ce
qu’elle laissait à l’autre et ce qu’elle conservait, l’importance de l’endroit, l’unanimité de toutes les
cartes initiales concernant le nom, et sa notoriété universelle, j’estime inconcevable que le
Nicaragua ait concédé ce vaste et important territoire au Costa Rica et que le représentant de ce
dernier n’ait réussi à faire mentionner le nom de Punta Arenas dans aucune disposition du traité.
- 54 -
Et, pour des raisons tellement similaires qu’il n’est pas nécessaire d’y revenir, il est également
inconcevable que le Costa Rica ait accepté le Taura comme sa frontière et que le représentant du
Nicaragua n’ait réussi à faire mentionner le nom de Taura dans aucune disposition du traité.
La côte continentale située à l’est de Harbor Head ayant ainsi été indiquée de manière
générale comme l’emplacement du point de départ de la ligne frontière, il faut maintenant définir
ce point avec plus de précision afin que ladite ligne puisse être exactement localisée et marquée de
façon permanente. L’emplacement exact du point de départ est donné dans la sentence arbitrale
rendue par le président Cleveland : c’est l’extrémité de Punta de Castillo, à l’embouchure du
fleuve San Juan de Nicaragua, en leur état respectif au 15 avril 1858.
Une étude attentive de toutes les cartes disponibles et des comparaisons entre celles qui ont
été établies avant le traité, celles qui l’ont été plus récemment par les groupes d’ingénieurs et de
fonctionnaires de la société du canal, et celle que nous avons nous-mêmes établie pour
accompagner la présente sentence permet d’affirmer un fait très clair : l’emplacement exact où était
l’extrémité du promontoire de Punta de Castillo le 15 avril 1858 est depuis longtemps recouvert par
la mer des Caraïbes et il n’y a pas assez de convergence dans les cartes anciennes sur le tracé du
rivage pour déterminer avec une certitude suffisante sa distance ou son orientation par rapport au
promontoire actuel. Il se trouvait quelque part au nord-est et probablement à une distance de 600
à 1600 pieds, mais il est aujourd’hui impossible de le situer exactement. Dans ces conditions, la
meilleure façon de satisfaire aux exigences du traité et de la sentence arbitrale du
président Cleveland est d’adopter ce qui constitue en pratique le promontoire aujourd’hui, à savoir
l’extrémité nord-ouest de ce qui paraît être la terre ferme, sur la rive est de la lagune de
Harbor Head.
J’ai en conséquence personnellement inspecté cette zone et je déclare que la ligne initiale de
la frontière sera la suivante :
Son orientation sera nord-est sud-ouest, à travers le banc de sable, de la mer des Caraïbes
aux eaux de la lagune de Harbor Head. Elle passera au plus près à 300 pieds au nord-ouest de la
petite cabane qui se trouve actuellement dans les parages. En atteignant les eaux de la lagune de
Harbor Head, la ligne frontière obliquera vers la gauche, en direction du sud-est, et suivra le rivage
autour du port jusqu’à atteindre le fleuve proprement dit par le premier chenal rencontré.
Remontant ce chenal et le fleuve proprement dit, la ligne se poursuivra comme prescrit dans le
traité.
Veuillez agréer, etc.
E. P. ALEXANDER.
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CROQUIS DU PORT DE GREYTOWN (1897)
___________
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ANNEXE 49
DEUXIÈME SENTENCE DE L’ARBITRE E. P. ALEXANDER SUR LA QUESTION DE LA FRONTIÈRE
ENTRE LE COSTA RICA ET LE NICARAGUA, RENDUE LE 20 DÉCEMBRE 1897
À SAN JUAN DEL NORTE [TRADUCTION DU GREFFE]
Source : Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales, vol. XXVIII (2007), p. 223-225
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Deuxième sentence arbitrale rendue le 20 décembre 1897, à San Juan del Norte,
sur la question de la frontière entre le Nicaragua et le Costa Rica
Conformément à la mission qui m’a une nouvelle fois été confiée en tant
qu’arbitre-ingénieur entre vos deux commissions, il m’incombe de trancher la question qui m’a été
soumise en vertu du paragraphe ci-après du procès-verbal en date du 7 courant :
«La commission du Costa Rica a proposé que nous réalisions les mesures se
rapportant à la ligne qui, à partir du point de départ, suit le rivage de Harbor Head,
contourne, le long du rivage, le port jusqu’au moment où elle atteint le fleuve
San Juan proprement dit, par le premier chenal rencontré, puis remonte le long de la
rive du fleuve jusqu’à un point situé à trois milles en aval de Castillo Viejo, que nous
en dressions la carte et consignions le tout dans le procès-verbal quotidien. La
commission du Nicaragua a soutenu que les travaux de mesurage et de levé de ce
tronçon ne présentaient aucun intérêt puisque, selon la sentence rendue par le général
E. P. Alexander, la frontière était constituée par la rive [droite] de Harbor et du fleuve,
et que la ligne de séparation n’était donc pas permanente, mais sujette à
altération… A cet effet, les deux commissions ont décidé d’entendre la décision que
rendra l’arbitre dans un délai d’une semaine, sur la base des arguments soumis par
chacune d’elles à cet égard.»
Lesdits arguments ont été reçus et dûment examinés. Il convient de noter, pour mieux
comprendre la question, que le fleuve San Juan traverse, dans sa partie inférieure, un delta plan et
sablonneux, et qu’il est bien sûr possible non seulement que ses rives s’élargissent ou se resserrent
de manière progressive, mais aussi que ses chenaux soient radicalement modifiés. De tels
changements peuvent survenir de manière assez rapide et soudaine, et ne pas être toujours la
conséquence de phénomènes exceptionnels, tels des tremblements de terre ou de violentes
tempêtes. Nombreux sont les exemples d’anciens chenaux aujourd’hui abandonnés et de rives qui
se modifient sous l’effet d’expansions ou de contractions progressives.
De tels changements, qu’ils soient progressifs ou soudains, auront nécessairement des
incidences sur la ligne frontière actuelle. Mais, concrètement, les conséquences ne pourront être
déterminées qu’en fonction des circonstances particulières à chaque cas, conformément aux
principes du droit international applicables.
Le mesurage et la démarcation proposés de la ligne frontière seront sans incidence sur
l’application desdits principes.
Le fait que la ligne ait été mesurée ou démarquée ne renforcera ni n’affaiblira la valeur
juridique qui aurait pu être la sienne si ces opérations n’avaient pas eu lieu.
Ce mesurage et cette démarcation auront pour seul effet de permettre de déterminer plus
aisément la nature et l’ampleur des modifications futures.
Il y aurait sans nul doute un avantage relatif à être en tout temps capable de situer la ligne
originelle. Des divergences peuvent cependant se faire jour quant au temps et aux ressources à
consacrer à la recherche de cet avantage relatif. Tel est, aujourd’hui, le point de désaccord entre les
deux commissions.
Le Costa Rica souhaite que cette possibilité existe à l’avenir alors que le Nicaragua, pour sa
part, estime que l’avantage attendu ne justifie pas la dépense.
Afin de déterminer laquelle de ces positions doit l’emporter, il me faut m’en tenir à l’esprit et
à la lettre du traité de 1858 et déterminer si l’un ou l’autre contient des éléments applicables à la
question. Je trouve les deux choses dans l’article 3.
- 59 -
L’article 2 décrit, dans son entier, le tracé de la ligne de démarcation, de la mer des Caraïbes
au Pacifique. L’article 3 se lit comme suit :
«Les mesures correspondant à cette ligne de partage seront relevées, en tout ou
en partie, par les commissaires du gouvernement, qui s’entendront sur le temps voulu
pour procéder à ces mesures. Les commissaires auront la faculté de s’écarter
légèrement de la courbe autour d’El Castillo, de la ligne parallèle aux rives du fleuve
et du lac, ou de la droite astronomique entre la Sapoá et Salinas, à condition qu’ils
soient d’accord pour ce faire, afin d’adopter des repères naturels.»
Cet article, dans son intégralité, prescrit la manière dont les commissaires doivent s’acquitter
de leur tâche. Il leur est permis de ne pas se préoccuper de certains détails, attendu qu’il est précisé
que la ligne pourrait être délimitée en tout ou en partie et qu’il est sous-entendu que l’exactitude est
moins importante que l’établissement de repères naturels. Cependant, la condition expressément
énoncée concernant ce second point  et clairement sous-entendue concernant le premier  est
que les deux commissions doivent s’entendre.
A défaut, la ligne doit être mesurée dans son intégralité, en suivant chacune des étapes
énoncées à l’article 2.
Il est donc clair qu’en cas de désaccord quant au degré de précision des mesures à effectuer,
c’est la position de la partie favorable à une plus grande exactitude qui doit prévaloir.
Je rends en conséquence la sentence suivante : les commissaires entreprendront
immédiatement de mesurer la ligne, depuis le point de départ jusqu’à un point situé à trois milles en
aval d’El Castillo Viejo, ainsi que proposé par le Costa Rica.
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- 60 -
ANNEXE 50
TROISIÈME SENTENCE DE L’ARBITRE E. P. ALEXANDER SUR LA QUESTION DE LA FRONTIÈRE
ENTRE LE COSTA RICA ET LE NICARAGUA, RENDUE LE 22 MARS 1898
À SAN JUAN DEL NORTE [TRADUCTION DU GREFFE]
Source : Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales, vol. XXVIII (2007), p. 227-230
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- 62 -
Troisième sentence arbitrale rendue le 22 mars 1898, à San Juan del Norte,
sur la question de la frontière entre le Nicaragua et le Costa Rica
En exposant mes motifs dans la deuxième sentence, j’avais brièvement fait référence au fait
que, conformément aux règles bien connues du droit international, l’emplacement précis de la ligne
de séparation sur la rive droite du fleuve San Juan, que la présente commission s’attache
actuellement à déterminer, pourrait être modifié ultérieurement par d’éventuels changements des
rives ou chenaux du fleuve.
Le commissaire actuel du Nicaragua m’invite à présent à assortir cette nouvelle sentence
d’une déclaration plus définitive quant au caractère juridique et permanent ou à la stabilité de la
ligne de séparation, laquelle est démarquée quotidiennement.
De fait, il m’est demandé de déclarer que cette ligne ne demeurera la ligne de séparation
exacte que tant que les eaux du fleuve resteront à leur niveau actuel et que, à l’avenir, ladite ligne
de séparation pourra être déterminée à tout moment en fonction du niveau d’eau.
A l’appui de son argument, le commissaire du Nicaragua soutient ce qui suit :
«Sans vouloir me lancer dans un examen détaillé de ce que l’on entend par
l’expression «lit d’une rivière» ou le terme «chenal», c’est-à-dire l’intégralité de la
superficie d’un territoire traversé par un cours d’eau, je tiens à rappeler la doctrine des
experts en droit international public, que M. Charles Calvo a résumée dans son
ouvrage intitulé Le droit international théorique et pratique (tome IV, par. 295,
p. 385), à savoir que «Les frontières marquées par des cours d’eau sont sujettes à
varier, lorsque le lit ... du cours d’eau vient à changer...».»
Je fais observer que les dispositions contemporaines sont compatibles avec cette
doctrine, en ce qu’elles prévoient qu’une terre périodiquement submergée ou
découverte par un fleuve ou un lac ne vient pas s’ajouter à la terre adjacente parce
qu’elle constitue le lit du cours d’eau. Ainsi, l’article 728 du code civil hondurien
dispose qu’une terre occasionnellement submergée ou découverte par un cours d’eau
pendant les périodes de crue et de décrue ne se rattache pas à la terre attenante.
Il est donc évident que la ligne mathématique qui a été obtenue et continue
d’être obtenue sous la forme à laquelle il est renvoyé doit être utilisée à des fins
d’illustration et comme point de référence éventuel ; toutefois, cette ligne ne constitue
pas la mesure exacte de la ligne frontière, qui est et restera toujours la rive droite du
fleuve, où que celle-ci puisse se trouver à un moment précis.» [Traduction du Greffe.]
L’argument du commissaire, considéré à la lumière du mandat mentionné plus haut, procède
d’une interprétation erronée qu’il y a lieu de rectifier.
S’il est, à strictement parler, exact que «la rive droite du fleuve, où que celle-ci puisse se
trouver à un moment précis», constitue toujours la ligne frontière, il est en revanche évident que le
commissaire se fourvoie lorsqu’il affirme que l’emplacement juridique de la ligne définissant la
rive d’un fleuve change en fonction du niveau d’eau de celui-ci.
En effet, le terme «rive» est souvent employé au sens large pour désigner la première
étendue de terre ferme émergeant de l’eau ; cependant, il apparaît immédiatement que cet usage est
impropre si l’on considère l’exemple de fleuves qui sortent de leur lit sur de nombreux milles ou
dont celui-ci s’assèche complètement. Un langage aussi approximatif ne saurait être retenu aux
fins d’interpréter un traité de démarcation frontalière. Les frontières sont destinées à maintenir la
paix et, ainsi, à prévenir les différends en matière de juridiction. A cet effet, la frontière doit être la
plus stable possible.
- 63 -
Il serait évidemment intenable, pour les personnes ayant leur résidence ou leurs biens à
proximité de la frontière entre deux Etats, que la ligne délimitant le pays auquel elles ont prêté
allégeance et sont redevables fiscalement, et dont les lois régissent l’ensemble de leurs affaires,
puisse être située tantôt ici et tantôt ailleurs, car pareille ligne ne ferait que générer des conflits au
lieu de les prévenir. On imagine en effet aisément les difficultés qui se poseraient si certaines
terres et forêts ainsi que leurs propriétaires et habitants, ou les personnes y travaillant à quelque
titre que ce soit, devaient être costa-riciens pendant la saison sèche, nicaraguayens pendant la
saison des pluies et avoir soit l’une soit l’autre de ces nationalités pendant les saisons
intermédiaires. Or, de tels problèmes seraient inévitables si la ligne frontière entre les deux pays
variait en fonction des changements quotidiens de la rive, où la terre émerge d’abord du côté
costa-ricien, étant donné que, pendant la saison des pluies, les eaux du fleuve submergent de
nombreux milles de terre dans certaines localités.
C’est pour ces raisons que les auteurs de droit international soutiennent expressément que les
inondations temporaires ne donnent pas titre aux terres submergées. Tel est le véritable sens du
libellé du code hondurien cité par le commissaire du Nicaragua. Si on la transposait à l’espèce,
cette disposition se lirait comme suit : «Les terres costa-riciennes occasionnellement submergées
ou découvertes au gré de la fluctuation du niveau des eaux nicaraguayennes ne viennent pas
s’ajouter au territoire (nicaraguayen) adjacent.» Pour démontrer cette règle, je souhaiterais citer
des exemples tirés d’une série d’affaires aux Etats-Unis d’Amérique, où de nombreux procès sont
en cours entre des Etats dont la frontière suit la rive et non le centre d’un fleuve. Je connais très
bien l’une de ces instances, dans laquelle la rive gauche du fleuve Savannah constitue la ligne
frontière entre la Géorgie (rive droite) et la Caroline du Sud (rive gauche). Lorsqu’il déborde, le
fleuve submerge le territoire de la Caroline du Sud, ce qui n’étend toutefois pas pour autant le
pouvoir ou la juridiction de la Géorgie au-delà des limites qui étaient les siennes lorsque l’eau était
à son niveau normal. Dès lors, aucun avantage ne serait donné à la Géorgie, tandis qu’un tort
important serait causé à la Caroline du Sud. Je ne pense d’ailleurs pas non plus qu’il existe un seul
exemple d’une telle frontière mobile de par le monde.
Il est donc clair que, lorsqu’un traité dispose que la rive d’un fleuve doit être prise comme
frontière, il s’agit non pas de la bande de terre temporaire qui émerge lorsque le niveau d’eau est
exceptionnellement élevé ou bas, mais de la rive telle qu’elle existe lorsque les eaux sont à leur
niveau ordinaire. En outre, une fois établie par traité, cette ligne devient aussi permanente que la
surface du sol sur laquelle elle court. Si la rive recule, la ligne frontière recule avec elle et si la rive
se rapproche du fleuve, la frontière également.
Les crues et décrues périodiques du fleuve n’ont aucune incidence sur la frontière. Cette
approche est parfaitement compatible avec la règle de M. Charles Calvo, citée par le commissaire
du Nicaragua, selon laquelle les frontières marquées par des voies navigables sont sujettes à varier
lorsque le lit de celles-ci vient à changer. En d’autres termes, c’est le lit du fleuve qui exerce une
influence, et non l’eau qui se trouve entre, au-dessus ou au-dessous des rives de ce dernier.
Il serait inutile de tenter d’examiner tous les changements dont le lit ou les rives du fleuve
pourraient faire l’objet à l’avenir ni l’incidence qu’ils auraient, pas plus qu’il ne serait opportun
d’envisager des scénarios prospectifs.
Il n’appartient pas à la présente commission de fixer des règles portant sur des éventualités
futures, mais de définir et de marquer la ligne frontière actuelle.
Permettez-moi de résumer brièvement et d’exposer plus clairement la situation dans son
ensemble, conformément aux principes formulés dans ma première sentence, à savoir que, pour
interpréter le traité de 1858 dans la pratique, le San Juan doit être considéré comme un fleuve
navigable. Je décide donc que la ligne de séparation exacte entre les juridictions des deux pays est
la rive droite du fleuve, lorsque l’eau est à son niveau ordinaire et que le fleuve est navigable par
des bateaux et des embarcations d’usage général. Lorsque tel est le cas, toute partie des eaux du
- 64 -
fleuve se trouve sous la juridiction du Nicaragua et toute parcelle de terre située sur la rive droite,
sous celle du Costa Rica. Les travaux de mesurage et de délimitation auxquels les parties se livrent
actuellement chaque jour sur le terrain permettent de fixer sur cette ligne des points à des
intervalles commodes mais, entre ces points, la frontière ne suit pas une ligne droite ; ainsi que je
l’ai relevé plus haut, en effet, elle suit la rive du fleuve, telle qu’elle existe lorsque celui-ci est
navigable, en décrivant une courbe présentant d’innombrables irrégularités qui n’ont guère
d’importance et dont une démarcation minutieuse exigerait des dépenses considérables.
Les fluctuations du niveau des eaux n’auront aucune incidence sur l’emplacement de la ligne
frontière ; en revanche, toute modification des rives ou des chenaux influera sur le tracé de cette
ligne, d’une manière qui sera déterminée au cas par cas selon les règles du droit international
applicables.
___________
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ANNEXE 51
QUATRIÈME SENTENCE DE L’ARBITRE E. P. ALEXANDER SUR LA QUESTION DE LA FRONTIÈRE
ENTRE LE COSTA RICA ET LE NICARAGUA, RENDUE LE 26 JUILLET 1899
À GREYTOWN [TRADUCTION DU GREFFE]
Source : Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales, vol. XXVIII (2007), p. 231-236
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Quatrième sentence arbitrale rendue le 26 juillet 1899, à Greytown, sur la question
de la frontière entre le Costa Rica et le Nicaragua
En ma qualité d’arbitre chargé d’examiner les points de divergence susceptibles de surgir
entre vos deux commissions lors du tracé et du marquage des lignes frontières entre les républiques
que vous représentez, j’ai été appelé à trancher la question suivante :
Quel niveau des eaux convient-il de retenir pour déterminer la ligne de rivage du lac de
Nicaragua, parallèlement à laquelle il y a lieu de tracer, à deux milles de distance, la ligne frontière,
des abords du fleuve San Juan jusqu’à la Sapoá ?
Afin de faciliter la discussion, je vais commencer par définir les principaux niveaux auxquels
je serai fréquemment amené à me référer. Sous l’effet des saisons des pluies et des saisons sèches,
qui durent respectivement quelque sept et cinq mois, le niveau du lac de Nicaragua varie
constamment, de sorte que nous devrons nous pencher sur cinq niveaux différents.
Premièrement, le niveau d’eau haut extrême, qui n’est atteint que pendant les années de
précipitations maximales ou dans des conditions extraordinaires.
Deuxièmement, le niveau d’eau haut moyen, correspondant à la moyenne du niveau haut des
années types.
Troisièmement, le niveau d’eau bas moyen, correspondant à la moyenne du niveau bas des
années types.
Quatrièmement, le niveau d’eau bas extrême, qui n’est atteint que pendant les années de
précipitations minimales ou dans des conditions extraordinaires.
Cinquièmement, le niveau d’eau moyen, correspondant à la moyenne entre le niveau d’eau
haut moyen et le niveau d’eau bas moyen.
Selon l’argument qui m’a été présenté au nom du Nicaragua, le niveau à adopter en l’espèce
devrait être le premier, à savoir le niveau d’eau haut extrême. Cette ligne, et elle seule,
constituerait la véritable limite de ce qui est qualifié de «lit du lac». Le Costa Rica prétend, quant à
lui, qu’il y a lieu d’opter pour le troisième niveau, c’est-à-dire le niveau d’eau bas, en s’appuyant
sur deux motifs principaux. En premier lieu, il ressortirait de bon nombre de décisions judiciaires
que la plupart des Etats retiennent invariablement le niveau d’eau bas, soit extrême, soit moyen,
pour délimiter des étendues d’eau. En second lieu, il est affirmé que, en cas de doute, le bénéfice
devrait revenir au Costa Rica, puisque celui-ci concède un territoire qui lui appartient
géographiquement.
Je commencerai par traiter le premier argument du Costa Rica, en reconnaissant d’emblée le
caractère équitable de l’adoption d’une ligne de niveau d’eau basse pour toutes les limites
d’étendues d’eau, même s’il existe des exemples d’une pratique contraire.
Toutes les terres et eaux permanentes sont généralement séparées par une bande de terre,
tantôt découverte, tantôt submergée, que nous pouvons qualifier de «semi-submergée» dans un
souci de concision. Cette bande de terre étant sujette aux inondations, elle voit sa valeur nettement
amoindrie pour les usages généraux, mais en tant que complément d’une terre permanente, elle se
révèle souvent très précieuse. Si le propriétaire de la terre permanente parvient à clôturer la terre
semi-submergée, il peut en effet éviter d’avoir à protéger l’intégralité de son rivage. Il peut
également exploiter la valeur agricole que la terre semi-submergée est susceptible d’offrir pendant
les saisons sèches. Or, ces avantages seraient tous les deux perdus et inutilisables si la propriété
était donnée au propriétaire des eaux, de sorte que l’équité la confère toujours, et le droit
généralement, au propriétaire de la terre permanente.
- 68 -
J’ai reconnu et appliqué ce principe en rendant ma troisième sentence, dans laquelle j’ai
décidé que la ligne frontière longeant la rive droite du fleuve San Juan, au-dessous de Castillo,
suivait le niveau d’eau le plus bas du fleuve à l’état navigable. En outre, si, au stade actuel, le
rivage lacustre constituait lui-même la frontière du Costa Rica, je n’hésiterais pas à déclarer que le
territoire semi-submergé ferait partie de la terre permanente et qu’il marquerait les limites de celuici
au moins jusqu’à la ligne de niveau d’eau bas moyen.
Toutefois, la présente espèce ne porte pas sur les limites d’une étendue d’eau, pas plus
qu’elle n’est similaire, ni même comparable, à un tel cas de figure, étant donné qu’aucune des
considérations d’équité susmentionnées n’a la moindre application. Il s’agit d’un cas rare et
singulier qui, à ma connaissance, est sans précédent. Il est certes question d’une ligne de niveau
d’eau, mais celle-ci ne fait pas office de frontière. Elle sert uniquement à donner des points de
départ permettant de mesurer une certaine bande de territoire. A l’évidence, ce cas est unique et
doit être régi strictement par l’instrument dont il découle, à savoir le traité de 1858, qui dispose ce
qui suit :
«De là, la ligne se poursuivra en direction de la rivière Sapoá, qui se jette dans
le lac de Nicaragua, et longera la rive droite du fleuve San Juan en suivant toujours ses
méandres à une distance de deux milles, jusqu’au débouché du lac dans ce fleuve ; de
ce point, elle suivra la rive droite du lac jusqu’à la rivière Sapoá, où cette ligne
parallèle à la rive du lac se terminera.»
Les principes à suivre pour interpréter le libellé et l’intention des traités sont bien exposés,
dans l’argument du Costa Rica, par de nombreuses citations d’auteurs éminents. Ces derniers
s’accordent tous à dire que, dans la mesure du possible, les termes doivent être pris dans leur sens
premier le plus simple, c’est-à-dire «dans leur sens naturel et évident, conformément à leur emploi
courant», «dans leur sens habituel, et non dans une quelconque acception extraordinaire ou
inusitée» [traduction du Greffe].
Le libellé du traité cité plus haut semble indiquer que les auteurs de cet instrument devaient
s’être fait une idée bien précise du lac, de sa rive et de la bande de territoire de deux milles.
Manifestement, la situation leur a paru si simple et si évidente qu’ils n’ont pas jugé nécessaire de
donner davantage de précisions. Commençons tout d’abord par imaginer à quoi ressemblerait le
lac avec différents niveaux d’eau et étudions lesquels nous paraissent les plus naturels, évidents et
raisonnables.
Compte tenu des efforts à déployer pour se représenter le lac avec un niveau d’eau
extrêmement haut ou extrêmement bas, je pense que l’on peut immédiatement écarter ces niveaux.
De fait, ces conditions me paraissent toutes deux inhabituelles et me donnent à penser que si elles
avaient été envisagées, des détails supplémentaires auraient été indiqués.
Le niveau d’eau bas moyen constituerait-il alors la première image, la plus évidente et la
plus naturelle, évoquée par l’expression «la rive du lac» ? J’en doute fort, car pendant quelque
onze mois de l’année, cette ligne est submergée, invisible et inaccessible. Selon moi, elle constitue
dès lors une ligne technique plutôt qu’une ligne naturelle. L’idée que l’on se fait d’une rive est
celle d’une étendue d’eau délimitée par une terre ferme comportant quelques éléments de
permanence. Même au cours de la brève période pendant laquelle la ligne est découverte, ce
niveau évoque bien davantage la boue et la végétation aquatique que la terre ferme et la végétation
forestière.
A mon sens, seule la ligne de niveau d’eau haut moyen est à même de répondre à l’idée
naturelle, simple et évidente que l’on se fait de la rive d’un lac dans un tel climat. Tout d’abord, ce
cas de figure se caractérise par la présence d’une étendue de terre ferme du début à la fin d’une
année type. Ensuite, l’observateur, pendant chaque cycle annuel de saisons ordinaires, voit les flots
avancer vers ses pieds avant de reculer à nouveau, comme si quelque puissance avait tracé une
- 69 -
ligne et ordonné aux eaux : «Vous pouvez aller jusqu’ici, mais vous n’irez pas plus loin.»
Par ailleurs, la lutte entre la végétation forestière et aquatique commence à changer le paysage.
Enfin, l’empreinte des flots ainsi que le flux et le reflux des vagues indiquent naturellement les
limites du «lit du lac».
Il nous reste à examiner le niveau d’eau moyen du lac, c’est-à-dire la moyenne de tous les
niveaux d’eaux. Dans un climat différent, où les précipitations se répartiraient plus uniformément
sur l’ensemble de l’année, les lignes de niveau d’eau haut moyen et bas moyen, ainsi que toutes
leurs caractéristiques respectives, seraient assez similaires et tendraient finalement à se rejoindre
vers la ligne de niveau d’eau moyenne. En revanche, lorsqu’il existe des saisons des pluies et des
saisons sèches, comme c’est le cas en l’espèce, la ligne de niveau d’eau moyen ne présente aucune
des caractéristiques évidentes et est submergée pendant de nombreux mois de l’année. Elle
constitue une ligne purement technique, et non une ligne naturelle, qui ne doit être envisagée que
lorsque cela est expressément précisé.
Contestant la prétention du Nicaragua, qui préconise d’opter pour la ligne de niveau d’eau
haut extrême, le Costa Rica invoque la pratique générale des géographes et des scientifiques,
lesquels, aux fins de réaliser les cartes topographiques ordinaires, n’adoptent jamais les lignes
extrêmes de débordement pour tracer les contours des lacs. Cet argument a certes un poids
important, mais il va aussi à l’encontre de la demande du Costa Rica relative à la ligne de niveau
d’eau bas moyen. Dans une région d’alternance de saisons des pluies et de saisons sèches, la
pratique générale consiste en effet à considérer le niveau d’eau haut moyen comme l’état normal,
qu’il convient toujours d’envisager en l’absence d’indication contraire, et la ligne est réputée
constituer la frontière lacustre sur toutes les cartes topographiques ordinaires, comme l’illustrent
deux citations tirées du rapport que le commandant Lull a établi sur son levé du canal nicaraguayen
(«Rapport du secrétaire à la marine», 1873, p. 187) :
«Dans le cadre d’un levé réalisé il y a bien des années, M. John Baily prétendait
avoir trouvé une passe située 56 pieds à peine au-dessus du niveau du lac, mais la
plupart de ses déclarations se sont révélées peu fiables... Il estimait par exemple que
le lac de Nicaragua se trouvait 121 pieds au-dessus de la marée moyenne dans le
Pacifique, alors que la véritable différence de niveau n’est que de 107 pieds.» (Ibid.,
p. 199.) [Traduction du Greffe.]
«La surface du lac de Nicaragua se situe 107 pieds au-dessus de la marée
moyenne dans les deux mers.» [Traduction du Greffe.]
En comparant ce niveau à ceux indiqués par d’autres levés, il ne fait aucun doute que M. Lull
considérait le chiffre en question comme le niveau d’eau haut moyen, ainsi que le montre sa section
de nivellement.
Compte tenu de ces considérations, je suis porté à croire que la ligne de rivage du lac
envisagée dans le traité est la ligne de niveau d’eau haut moyen.
Par ailleurs, la position de la bande de territoire de deux milles m’amène à tirer la même
conclusion.
Le traité ne nous donne aucune indication quant à la finalité de cette concession, et nous
n’avons donc pas le droit d’en déduire une, qu’elle soit d’ordre politique ou commercial. Nous
devons nous borner à examiner les deux conditions que le traité impose à la bande de territoire.
En temps ordinaire, il doit toujours s’agir d’une étendue de terre ferme de deux milles de large, ce
qui ne serait pas le cas si nous adoptions la ligne de niveau d’eau bas moyen ou la ligne de niveau
d’eau moyen. Dans ces deux hypothèses, la bande serait trop étroite pendant respectivement onze
et cinq mois environ d’une année normale.
- 70 -
Je conclus donc sans le moindre doute que le niveau d’eau haut moyen constitue le rivage
lacustre, et il ne me reste désormais plus qu’à désigner ce niveau et la manière de le déterminer.
Outre le rapport du commandant Lull que j’ai déjà cité, l’itinéraire proposé pour le canal
nicaraguayen a fait l’objet de plusieurs autres levés au cours de ces cinquante dernières années,
chacun d’entre eux fournissant une certaine estimation du niveau d’eau haut moyen du lac. Il
pourrait donc sembler aisé de faire la moyenne de ces indications mais, les auteurs des travaux en
question ayant tous adopté un repère différent par rapport à l’océan et tracé leur propre ligne de
niveau, je ne puis ramener les données en question à un dénominateur commun. Par conséquent, la
meilleure solution consiste selon moi à reprendre les valeurs du dernier levé en date, le plus
approfondi d’entre tous, qui tire parti des enquêtes réalisées dans le cadre de l’ensemble des levés
précédents et expose les repères adoptés relativement au lac, ce qui nous permet de les prendre
comme référence. Ce levé mené sous la direction de la commission du canal des Etats-Unis est
toujours en cours et ses résultats n’ont pas encore été publiés, mais le contre-amiral J. G. Walker,
qui préside la commission, a eu l’amabilité de me les communiquer dans une lettre datée du
10 juillet 1899, que je cite :
«En réponse à votre demande, je vous télégraphie ce jour le texte suivant :
«Alexander, Greytown, six», le chiffre six signifiant, conformément à votre lettre,
106 [pieds] comme niveau d’eau haut moyen du lac. Cette élévation de 106 [pieds]
constitue, à notre connaissance (c’est-à-dire d’après M. Davis, notre hydrographe),
le niveau d’eau haut moyen depuis un certain nombre d’années... En novembre 1898,
le niveau le plus élevé du lac s’élevait à 106,7 [pieds]. Notre repère situé à l’extrémité
de l’élévation (caldera) de San Carlos est à 109,37 [pieds].» [Traduction du Greffe.]
Copie intégrale de la présente lettre vous sera remise, accompagnée de cyanotypes des cartes
de la partie méridionale du lac réalisés par la commission et susceptibles de faciliter vos travaux.
La présente commission étant la plus haute autorité existante, j’adopte sa conclusion et rend
la sentence suivante :
La ligne de rivage du lac de Nicaragua, située au niveau de 106 pieds conformément aux
repères de la commission du canal nicaraguayen des Etats-Unis, est considérée comme la rive dudit
lac mentionnée dans le traité de 18581.
___________
1 Bulletin mensuel du Bureau des républiques américaines, 1899, vol. VII, p. 877.
- 71 -
ANNEXE 52
ACTES DE LA COMMISSION DE DÉMARCATION COSTA RICA-NICARAGUA, 1897-1900
(EXTRAIT DE LA MINUTE N
O X) [TRADUCTION DU GREFFE]
Source : Minutes originales, archives du ministère costa-ricien des affaires étrangères et du culte
[Original espagnol non reproduit]
COMMISSION DU COSTA RICA
Actes relatifs au début des travaux de démarcation de la frontière
entre le Costa Rica et le Nicaragua
A San Juan del Norte dans la République Majeure de l’Amérique centrale, le quinzième jour
de mai mille huit cent quatre-vingt-dix-sept, les ingénieurs soussignés Luis Matamoros et
Leonidas Carranza, commissaires du Gouvernement du Costa Rica, et Salvador Castrillo et
W. Climie, commissaires du Gouvernement du Nicaragua, se sont réunis en vue de tracer et
démarquer de manière permanente la ligne frontière entre ces deux pays, conformément au traité de
limites du 15 avril 1858 et à la sentence arbitrale rendue par Grover Cleveland, président des
Etats-Unis d’Amérique, assistés du général E. P. Alexander, ingénieur-arbitre, désigné par le
président des Etats-Unis susmentionné pour constituer les commissions et trancher les questions
exposées à l’article II de la convention qui s’est tenue à San Salvador le 2 mai 1896 ; ils nous ont
présenté leurs lettres de créance respectives, que nous avons jugées recevables ; nous les avons
acceptées et avons déclaré la mise en place desdites commissions ; et nous avons annoncé que la
mission qui nous a été confiée commençait ce jour ; en outre, il a été convenu de visiter
immédiatement les lieux se rapportant au point initial de la ligne frontière en tant que procédure
préliminaire à la fixation dudit point initial susmentionné ; le présent acte a été enregistré en double
exemplaire dans les registres respectifs, et les commissaires et l’ingénieur-arbitre l’ont signé et
y ont apposé leur sceau provisoire ; l’un des exemplaires a été établi en anglais. Luis Matamoros,
Leonidas Carranza. Salvador Castrillo, W. Climie.
E. P. ALEXANDER.
Minute no X
Dans la ville de San Juan del Norte, à huit heure du matin, le deux mars de l’an mille huit
cent quatre-vingt-dix-huit, dans les lieux habituels, les commissaires de l’Etat du Nicaragua étant
absents, conformément à leur document en date du sept janvier de l’an mille huit cent
quatre-vingt-dix-huit, l’ingénieur Andres Navarrete, commissaire représentant le Gouvernement du
Costa Rica, a demandé qu’aux termes de l’article V de la convention de délimitation
Pacheco-Matus du 27 mars 1896 l’ingénieur-arbitre participe aux opérations de délimitation devant
être menées en l’absence de ceux-ci. Les commissions de délimitation, reconstituées avec la
participation de l’ingénieur-arbitre, ont entrepris en priorité de placer le monument déterminant le
point initial de la ligne de démarcation sur la côte de la mer des Caraïbes, et de le relier au centre de
la Plaza Victoria à San Juan del Norte. Pour ce faire, les opérations suivantes ont été réalisées :
observations astronomiques afin de déterminer les azimuts.
San Juan del Norte - Janvier 1898
Tableau
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
- 72 -
Note : Les mesures réalisées le 23 janvier ont été enregistrées au moyen d’un petit théodolite
Hildebrand, selon lequel l’axe horizontal est ajusté directement, tandis que les mesures effectuées
le 30 janvier ont été enregistrées avec un tachéomètre Salmoiraghi, avec lequel l’axe horizontal est
ajusté de manière inverse. Concernant la position géographique pour la mesure de ces azimuts,
celle correspondant au poteau de triangulation M° III [sic] décrit ci-dessous a été utilisée. Ledit
poteau a été installé devant l’emplacement jadis occupé par l’église de San Juan del Norte, pour
laquelle les tableaux de la Connaissance des Temps (bureau des longitudes) (Paris, 1897)
indiquent 10° 55' 14" de latitude nord et 86° 02' 19" de longitude (Maxwell, 1878-1895). La
commission de démarcation a retenu la position susmentionnée, sous toutes réserves, et en tant que
simple approximation permettant de déduire, aux divers points de la ligne des opérations, les
éléments requis pour orienter les alignements. La moyenne des calculs qui précèdent donne
153° 35' 50" pour les azimuts du côté (du phare) ; aussi la mesure 153° 36' 00 est-elle retenue en
tant qu’approximation suffisante. Ces azimuts sont mesurés selon un référentiel géodésique dans la
direction sud-ouest-nord-est, avec le point zéro au sud. La triangulation visait à relier le monument
du point initial ou premier marqueur au centre de la Plaza Victoria de San Juan del Norte.
Tableau
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Graphique
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Tableau
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Les coordonnées du monument, qui constitue la première borne, en prenant comme point de
départ le centre de la Plaza Victoria à San Juan del Norte, sont donc x = 4268,28 E et
y = 2004,54 N (méridien astronomique), ce qui donne une distance de 4715,55
(quatre mille sept cent quinze mètres et cinquante-cinq centimètres) entre ledit centre de la
Plaza Victoria et le monument (borne), avec un azimut géodésique, en unités sexagésimales, de
244° 50' 23" (deux cent quarante-quatre degrés, cinquante minutes, vingt-trois secondes).
Par conséquent, sur la plaque de bronze mentionnée dans la minute n° VI du 2 octobre 1897
devront être gravées les coordonnées de la borne et l’inscription suivante : «ce monument est situé
à 4715,55 mètres, selon un azimut géodésique, en unités sexagésimales, de 244° 50' 23", du centre
de la Plaza Victoria à San Juan del Norte». Il a également été convenu que les bornes de référence
seraient positionnées par rapport à cette borne initiale, l’une sur la rive opposée de la lagune de
Harbor Head, à 1139 mètres de la première, en un point marqué selon un azimut de 66° 41' 05", et
l’autre audit centre de la Plaza Victoria à San Juan del Norte. Concernant ces marqueurs qui
serviront de points de référence pour le premier monument, il a été convenu d’utiliser ce qui suit :
pour le premier sur la rive droite de la lagune de Harbor Head, un tuyau en fer, d’environ
40 centimètres de diamètre (rempli de béton) et deux mètres de long, enterré à un mètre et demi de
profondeur et rempli de béton ; et pour le second, au centre de la Plaza Victoria de
San Juan del Norte, le même type de tuyau en fer, enterré de manière à ce que l’extrémité
supérieure apparaisse au niveau du sol. Puis, conformément à la sentence rendue par
l’ingénieur-arbitre le 20 décembre 1897, la ligne frontière a été mesurée ainsi qu’il est décrit dans
la sentence du 30 septembre 1897, en partant de la première borne et en suivant le rivage autour du
port jusqu’à atteindre le fleuve proprement dit par le premier chenal rencontré, puis en continuant
jusqu’au piquet n° 40, près de la source du Taura (et conformément à la sentence du 20 décembre
1897 rendue par l’ingénieur-arbitre). Il est rendu compte de ces opérations et de leurs résultats
dans le tableau ci-après, intitulé «Levé de la rive droite de la lagune de Harbor Head et du fleuve
San Juan, qui constitue la frontière entre le Costa Rica et le Nicaragua».
- 73 -
Tableau
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Graphique
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Tableau
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Tableau
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Tableau
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Tableau
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Note : Les abscisses, ou X, sont considérées comme étant sur un axe est-ouest, et les ordonnées,
ou Y, sur un axe nord-sud. Il convient de noter que, dans la colonne intitulée «Points observés»,
les chiffres arabes suivis de la lettre «b» (pour «bis») correspondent aux points situés sur le
territoire du Nicaragua et dont le levé n’a été réalisé que pour faciliter les opérations ; les points
dont les chiffres ne sont pas suivis de la lettre «b» sont situés sur la ligne frontière entre les
deux pays. Les angles ont été obtenus en établissant une moyenne à partir des différentes
observations. Il est souligné que, pour plus de clarté et avec la permission de l’ingénieur-arbitre, il
a été convenu de faire figurer les résultats du levé de la frontière dans les documents officiels sous
forme de petits segments, plutôt que selon une fréquence journalière, ce qui facilitera également les
corrections éventuellement nécessaires. Il a également été convenu de placer chacun des points de
la directrice polygonale en se référant directement à la borne initiale à l’aide de coordonnées
rectilignes, en partant du principe que le point zéro ou point de départ se situe au niveau de ce
monument. Et aux fins de l’article 8 de la convention Pacheco-Matus, nous confirmons tout ce qui
précède dans ces actes, que nous signons et approuvons en y apposant nos sceaux. Rectificatif : à
la page 28, ligne 23, entre les mots «géographique» et «celle correspondant», lire «position de
l’observation». A la page 28, ligne 30, entre les mots «poteaux» et «a été», lire «No. III». Et à la
page 28, ligne 21, les mots «rempli de béton» sont nuls. A la page 31, lignes 32 à 34, les mots
«puis» jusqu’à «arbitre» sont nuls. A la page 31, ligne 41, les nombres 365,83 = 323,90 = 170,06 =
écrits sur ce qui a été effacé sont valables. A la page 32, ligne 11, les nombres 66° 10' 00" écrits
sur ce qui a été effacé sont valables. A la page 32, ligne 12, les nombres 77° 13' 00" écrits sur ce
qui a été effacé sont valables. A la page 32, ligne 13, la correction 46° 37' 00" est valable. A la
page 35, ligne 26 dans la colonne «angles horizontaux», lire 189° 31' 40". A la ligne suivante de la
même colonne, lire 323° 08' 40", et à la ligne suivante de la même colonne lire 345° 38' 40". A la
page 36, lignes 7, 13 et 14 de la colonne des azimuts, les nombres barrés sont nuls.
E. P. ALEXANDER,
Andrés NAVARRETE.
___________
- 74 -
ANNEXE 53
LETTRE DM-AM-107-13 EN DATE DU 27 FÉVRIER 2013 ADRESSÉE AU NICARAGUA
PAR LE COSTA RICA [TRADUCTION DU GREFFE]
[Original espagnol non reproduit]
Je me réfère à l’envoi, annoncé par les médias de votre pays, de nouveaux groupes de
ressortissants nicaraguayens à Isla Portillos, et plus particulièrement dans la zone où la Cour
internationale de Justice a interdit leur présence. Comme l’indiquent différents articles de presse, il
s’agit du 79e contingent envoyé dans le cadre d’un programme éducatif contre lequel le Costa Rica
a déjà émis des protestations en juin 2012  protestations auxquelles le Nicaragua n’a pas
répondu.
Le Costa Rica est extrêmement préoccupé par les termes employés par l’un des instructeurs
de ce programme à financement public, qui a déclaré : «Nous devons adopter une attitude
guerrière ; il s’agit, selon moi, d’une mission importante qui est confiée à ces jeunes, et à nous tous,
en tant que nation». Ces propos ont été rapportés le 27 janvier dans le périodique officiel
El 19 Digital. L’incitation à la belligérance est un fait très grave et le Costa Rica attend du
Nicaragua qu’il prenne des mesures pour éviter ce type de provocation.
Par ailleurs, les photographies qui accompagnent l’article en question témoignent de la
présence permanente de ressortissants nicaraguayens sur le territoire désigné par la Cour dans son
ordonnance en indication de mesures conservatoires du 8 mars 2011. Un nouveau campement a, de
surcroît, été installé dans la partie septentrionale de l’île.
Ces événements constituent de graves violations de l’ordonnance de la Cour et mon
gouvernement se voit contraint, une fois de plus, d’élever les plus vives protestations à cet égard, et
d’inviter le Gouvernement du Nicaragua à se conformer pleinement aux mesures conservatoires
indiquées dans l’ordonnance de la Cour, notamment en évacuant le territoire en question et en
s’abstenant d’y mener une quelconque activité.
Veuillez agréer, etc.
___________
- 75 -
ANNEXE 54
LETTRE ECRPB-016-13 EN DATE DU 15 MARS 2013 ADRESSÉE À LA COUR
PAR LE COSTA RICA (ANNEXES OMISES) [TRADUCTION DU GREFFE]
J’ai l’honneur de me référer à l’ordonnance rendue par la Cour le 8 mars 2011 en l’affaire
relative à Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica
c. Nicaragua), ainsi qu’à la communication du Nicaragua adressée à la Cour le 28 février 2013 et
transmise au Costa Rica par la note no 28022013-01 datée du même jour.
Le Costa Rica observe, à cet égard, que, si la communication du Nicaragua fait référence à
de prétendues violations, de la part du Costa Rica, de l’ordonnance rendue par la Cour le
8 mars 2011, l’ensemble des allégations formulées et des prétendus événements invoqués concerne
des demandes présentées dans l’affaire relative à la Construction d’une route au Costa Rica le long
du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica). Si nécessaire, le Costa Rica se réfèrera donc dans
son contre-mémoire déposé en ladite affaire à ces allégations, ainsi qu’aux articles de presse
invoqués à l’appui de celles-ci. Afin qu’aucun doute ne subsiste, le Costa Rica récuse les
allégations formulées dans la communication du Nicaragua, et tient en particulier à affirmer que la
construction d’une route sur son territoire souverain n’a causé aucun dommage au fleuve San Juan,
pas plus qu’elle n’en cause aujourd’hui.
Eu égard à l’ordonnance rendue par la Cour le 8 mars 2011 en l’affaire relative à Certaines
activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua), le
Costa Rica transmet ci-joint à la Cour copie de sa note no DM-AM-107-13 datée du 27 février 2013
avec l’ensemble de ses annexes. Dans cette note, le Costa Rica proteste de nouveau contre le
programme conduit à l’initiative de l’Etat nicaraguayen en vue d’assurer la présence constante de
nationaux nicaraguayens dans la zone définie par la Cour dans son ordonnance du 8 mars 2011, soit
la zone que le Nicaragua désigne «Harbour Head». La note contient deux photographies prises le
5 février 2013. La première représente de nouveaux camps nicaraguayens établis dans la partie la
plus septentrionale de la zone, et la seconde, des citoyens nicaraguayens et une infrastructure, dont
une clôture de fil de fer barbelé, à l’embouchure du caño artificiel. Les clichés originaux sont
annexés à la présente communication, de même qu’une carte représentant les zones exactes
auxquelles ils correspondent.
La note no DM-AM-107-13 contient également quatre articles de presse rapportant les
derniers événements liés au programme commandité par le gouvernement du Nicaragua pour
assurer la présence constante de ressortissants nicaraguayens dans la zone définie par la Cour, et
aux activités auxquelles ces derniers se livrent dans ce secteur. Parmi ces coupures de presse figure
notamment un article paru dans le Nicaragua Dispatch le 26 septembre 2012, dans lequel son
auteur, le journaliste indépendant Tim Rogers, décrit ce qu’il a lui-même observé lors de sa visite
sur place.
M. Rogers confirme tout d’abord la présence de représentants nicaraguayens dans le secteur,
comme le montrent les deux paragraphes reproduits ci-après :
««Il s’agit de susciter une prise de conscience écologique, de créer un sentiment
de fierté nationale et de défense de la patrie», explique le moniteur principal Oscar
Garcia, également ingénieur forestier auprès du ministère de l’environnement et des
ressources naturelles (MARENA).
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
M. Garcia était le seul adulte présent sur l’île lors de notre visite, mais il a
indiqué que deux autres fonctionnaires du gouvernement arriveraient prochainement
de Managua pour l’aider à encadrer le groupe.»
- 76 -
Les propos de M. Rogers confirment non seulement que des représentants nicaraguayens
sont présents dans la zone, mais surtout que l’existence de ce camp destinée à la Jeunesse
sandiniste est organisée et financée par le Nicaragua. Ainsi écrit-il :
«Au plus profond de la jungle, sur une berge marécageuse dangereusement
proche de la frontière costa-ricienne, le gouvernement nicaraguayen a établi un camp
de vacances destiné aux adolescents qui s’intéressent à la protection de
l’environnement et du patrimoine national.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Bienvenue au «Camp Harbour Head», camp du gouvernement nicaraguayen
destiné aux jeunes sandinistes et soi-disant consacré à la défense de l’environnement
et du territoire national. Le camp est entièrement gratuit grâce à des subventions
ponctionnées sur les budgets municipaux pourtant serrés. Ce campement de fortune
fonctionne à plein régime depuis avril 2011, soit trois semaines après que la Cour
[internationale] de justice … a ordonné au Nicaragua et au Costa Rica de retirer leurs
agents de sécurité de la zone frontalière en litige. Plus de 70 «brigades
environnement» se sont succédé ici pour des séjours d’une semaine. Les campeurs
commencent par suivre une semaine de formation à Managua, avant de venir à
Harbour Head pour huit jours de travail de terrain.»
Il est particulièrement préoccupant de constater que, comme le confirme M. Rogers, les
jeunes sandinistes poursuivent bel et bien des travaux dans la zone définie par la Cour pour
s’assurer que le caño creusé par le Nicaragua entre novembre 2010 et janvier 2011 demeure ouvert.
A cet égard, les passages reproduits ci-après sont révélateurs :
«Les «campeurs», membres d’une brigade environnement de la Jeunesse
sandiniste connue sous le nom «Guardabarranco», passent au camp une semaine
entière à travailler sur des projets de protection de l’environnement tels que des
travaux de reforestation et de dragage du fleuve. Des enseignements leur sont
également dispensés en matière de défense de la patrie et de protection des frontières.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Pour protéger l’île, les campeurs travaillent sans interruption au dégagement des
débris et sédiments des canaux (ou caños en espagnol). Tant que le fleuve San Juan
continue à couler autour de l’île, ses eaux la séparent du Costa Rica et protègent la
prétention nicaraguayenne sur ce territoire, explique Oscar Garcia. Mais si les canaux
s’envasent, Harbour Head cessera d’être une île et commencera à ressembler à un
prolongement péninsulaire de l’île Calero du Costa Rica, située juste au sud du
San Juan.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Edén Pastora, ancien chef de guérilla nicaraguayen et capitaine de dragage
autoproclamé, qui perçoit, semble-t-il, un salaire à six chiffres du gouvernement
sandiniste, est célèbre pour avoir conduit le dragage des canaux litigieux fin 2010. Le
Costa Rica a alors protesté contre cette mesure, consistant, selon lui, à creuser un
nouveau canal sur son territoire afin de déplacer le fleuve vers le sud et de spolier les
Ticos d’une partie de leurs terres.
Le Costa Rica avait alors assimilé les activités de dragage menées par
Edén Pastora à une invasion militaire. Depuis, les sédiments ont de nouveau envahi
- 77 -
les canaux qui avaient été dégagés. C’est là qu’interviennent les jeunes du camp
Harbour Head.
«Les eaux du San Juan alimentent ces canaux, lesquels se sont
malheureusement rebouchés en raison de la sédimentation», explique Oscar Garcia.
«Il s’agit de canaux naturels, mais qui ont été totalement bouchés par la vase qui s’y
accumule depuis 50 ans. Notre mission est de les nettoyer pour permettre à l’eau de
reprendre son cours naturel.»
Outre la sédimentation normale acheminée par les eaux du fleuve, l’autoroute
costa-ricienne récemment construite le long du fleuve a eu «un impact considérable
sur le fleuve», déclare le représentant du MARENA.
«Des travaux de nettoyage vont devoir être menés sans relâche. Une fois le
fleuve entièrement dragué, son débit sera suffisamment important pour que les canaux
se désengorgent naturellement, mais pour l’instant nous avons besoin du travail des
jeunes», indique le moniteur.»
Il apparaît clairement que le Nicaragua a poursuivi une politique de méconnaissance totale
de l’ordonnance du 8 mars 2011 de la Cour. Le fait qu’il ait pris des mesures concrètes pour
maintenir ouvert le caño artificiel est particulièrement grave. Dans des circonstances naturelles, il
se fermerait de lui-même, mais le Nicaragua semble déterminé à le garder ouvert.
Les trois autres articles annexés à la note no DM-AM-107-13, qui sont tous issus du journal
nicaraguayen officiel de diffusion électronique El 19 Digital, font référence au 79e «contingent» de
jeunes sandinistes envoyés dans la zone en litige début février 2013. Ils rapportent que des jeunes
originaires des villes de Leon et Chinandega ont été envoyés pour une semaine, à l’issue d’une
première semaine de formation, dans la zone définie par la Cour dans son ordonnance du
8 mars 2011. 6 000 jeunes sandinistes se seraient ainsi rendus dans la zone à ce jour.
Ces articles, ainsi que les autres éléments de preuve présentés devant la Cour par le
Costa Rica, confirment sans équivoque que le Nicaragua soutient la présence continue de
représentants et de ressortissants nicaraguayens dans la zone définie par la Cour. A la lumière de
ce constat, la récente note no MRE-DM-AJ-127-03-13 du 5 mars 2013 (ci-jointe) adressée par le
Nicaragua en réponse à la note no DM-AM-107-13 contredit ouvertement ce qui constitue
aujourd’hui un fait établi, à savoir, que le Nicaragua a enfreint  et continue à enfreindre 
l’ordonnance rendue par la Cour le 8 mars 2011. Cette note indique en effet que «le Gouvernement
du Nicaragua … a pris toutes les mesures nécessaires pour mettre un terme à la présence d’agents
nicaraguayens militaires ou civils dans la zone». Elle contient également l’affirmation encore
moins crédible selon laquelle, «[c]oncernant les informations relatives aux jeunes membres du
camp environnement, il s’agit … d’un projet de nature privée, qui n’est ni dirigé, ni coordonné par
les autorités gouvernementales, et ne saurait donc être imputé au Gouvernement du Nicaragua.»
Le Costa Rica réfute ces affirmations et prie la Cour de prendre acte des éléments de preuve
nombreux et concluants qui étayent la thèse inverse.
Enfin, comme la Cour en a déjà été avisée, une équipe de neuf professionnels du ministère
de l’environnement du Costa Rica a conduit, le 7 mars 2013, une visite d’inspection dans la zone
définie par la Cour, en application du paragraphe 86 (2) de son ordonnance du 8 mars 2011 ainsi
que du plan d’action contenu dans le rapport présenté par le Costa Rica au secrétariat de la
convention de Ramsar le 28 octobre 2011, et avalisé par celui-ci le 7 novembre 2011. Il est rappelé
que le Nicaragua et le secrétariat de la convention de Ramsar ont été informés à l’avance de cette
visite.
- 78 -
Lors de l’inspection, les agents du ministère costa-ricien de l’environnement ont rencontré
un groupe d’une quinzaine de ressortissants nicaraguayens dans la zone en question. Ils ont
également constaté la présence, dans le secteur situé au nord de l’embouchure du caño artificiel,
d’une clôture partant de ladite embouchure et se poursuivant tout le long du caño en direction du
nord-est. L’une des photographies prises pendant la visite est jointe à la présente note. Elle
comporte une vue en gros plan de la zone représentée sur l’une des photographies du
5 février 2013, laquelle montre clairement l’infrastructure et la clôture de fil de fer barbelé
installées par les ressortissants nicaraguayens à l’entrée du canal artificiel, ainsi que les drapeaux
nicaraguayens qui y sont plantés.
Le Costa Rica continuera à informer la Cour des développements concernant la situation
existant dans le nord de Isla Portillos.
Veuillez agréer, etc.
___________
- 79 -
ANNEXE 55
LETTRE HOL-EMB-252 EN DATE DU 9 DÉCEMBRE 2013 ADRESSÉE À LA COUR
PAR LE NICARAGUA (ANNEXES OMISES) [TRADUCTION DU GREFFE]
J’ai l’honneur de me référer à l’ordonnance rendue par la Cour le 22 novembre 2013 dans les
affaires relatives à Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière
(Costa Rica c. Nicaragua) et à la Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve
San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), et en particulier au point 2 B) du paragraphe 59 de cette
ordonnance, aux termes duquel :
«Nonobstant le point 2 A) ci-dessus et le point 1 du paragraphe 86 de
l’ordonnance du 8 mars 2011, le Nicaragua devra, dans un délai de deux semaines à
compter de la date de la présente ordonnance, combler la tranchée creusée sur la plage
au nord du caño oriental ; il devra informer immédiatement la Cour de l’achèvement
des travaux de comblement de la tranchée et lui fournir, dans un délai d’une semaine à
compter de cet achèvement, un rapport contenant toutes les précisions nécessaires,
photographies à l’appui.»
Dès le prononcé de l’ordonnance de la Cour, la République du Nicaragua a annoncé qu’elle
mettrait en oeuvre les mesures y indiquées3, et a sans délai pris les dispositions nécessaires. A cet
égard, le président du Nicaragua, M. Daniel Ortega Saavedra, a donné au commandant en chef de
l’armée, le général Julio Aviles Castillo, l’instruction de mettre rapidement en oeuvre les
dispositions de l’ordonnance rendue par la Cour, et notamment de faciliter le comblement par
l’autorité portuaire nationale et le ministère de l’environnement et des ressources naturelles de la
tranchée creusée sur la plage au nord du caño oriental dans un délai de deux semaines à compter de
la date de ladite ordonnance4. Par son ordre no 37 en date du 23 novembre 2013, le commandant en
chef de l’armée a informé le détachement militaire sud des instructions à exécuter5.
Le même jour, le secrétaire privé en charge des politiques nationales, M. Paul Oquist, a
adressé une lettre au président exécutif de l’autorité portuaire nationale, lui demandant de procéder
au comblement de la tranchée creusée sur la plage au nord du caño oriental et d’établir un rapport
contenant toutes les précisions nécessaires, y compris des photographies attestant de ces travaux6.
Conformément à ces instructions, l’autorité portuaire nationale a procédé au comblement de la
tranchée du 28 au 30 novembre 20137. De même, l’armée a procédé au démantèlement du
campement militaire désigné par la Cour au paragraphe 46 de son ordonnance8.
3 Voir le communiqué de presse figurant à l’annexe 1 de la lettre en date du 3 décembre 2013 adressée au greffier
par le Nicaragua.
4 Lettre en date du 23 novembre 2013 adressée à l’armée nicaraguayenne par le président du Nicaragua.
(Annexe 3.)
5 Ordre no 37 du commandant en chef de l’armée en date du 23 novembre 2013. (Annexe 2A.)
6 Lettre en date du 23 novembre 2013 adressée à la compagnie portuaire nationale par le secrétaire privé en
charge des politiques nationales. (Annexe 4.)
7 Rapport d’exécution technique, « Comblement de la tranchée au nord du canal oriental, San Juan de
Nicaragua », direction technique de l’autorité portuaire nationale, décembre 2013. (Annexe 1.)
8 Lettre en date du 2 décembre 2013 adressée au commandant en chef de l’armée par le chef du détachement
militaire sud. (Annexe 2B.)
- 80 -
La République du Nicaragua joint à la présente tous les documents afférents au comblement
de la tranchée creusée sur la plage au nord du caño oriental, qui contiennent toutes les précisions
nécessaires, y compris des éléments de preuve photographiques montrant l’achèvement des
travaux, qui ont été effectués dans le délai indiqué par la Cour.
Veuillez agréer, etc.
___________
- 81 -
ANNEXE 56
LETTRE DM-AM-584-16 EN DATE DU 14 NOVEMBRE 2016 ADRESSÉE AU NICARAGUA
PAR LE COSTA RICA [TRADUCTION DU GREFFE]
[Original espagnol non reproduit]
La présente a trait à l’affaire relative à Certaines activités menées par le Nicaragua dans la
région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) ainsi qu’à l’affaire relative à la Délimitation maritime
dans la mer des Caraïbes et l’océan Pacifique (Costa Rica c. Nicaragua).
Le Costa Rica a récemment appris que le campement militaire du Nicaragua auparavant situé
sur la plage séparant la lagune de Los Portillos de la mer des Caraïbes avait été déplacé pour être
installé au nord-[ouest] de ladite lagune sur la plage d’Isla Portillos, qui se trouve en territoire
costa-ricien, ainsi que la Cour l’a déclaré dans son arrêt du 16 décembre 2015 en l’affaire relative à
Certaines activités.
Le Costa Rica joint à la présente les images et photographies suivantes :
1. une image satellite en date du 5 juillet 2016 montrant, par un cercle rouge, le précédent
emplacement du campement militaire du Nicaragua (annexe 1) ;
2. une photographie aérienne en date du 8 mars 2016 montrant le précédent emplacement du
campement militaire du Nicaragua (annexe 2) ;
3. une image satellite en date du 14 septembre 2016 montrant, par un cercle rouge, le nouvel
emplacement du campement militaire du Nicaragua (annexe 3) ;
4. une photographie aérienne en date du 7 novembre 2016 montrant le nouvel emplacement du
campement militaire du Nicaragua (annexe 4) ; et
5. une superposition des images satellite des 8 mars (sic) [5 juillet] et 14 septembre 2016
montrant, par une ligne rouge, le déplacement du campement militaire du Nicaragua (annexe 5).
Le Costa Rica rappelle que, au point 1) du paragraphe 229 de son arrêt du
16 décembre 2015, la Cour a jugé que le Costa Rica avait souveraineté sur le «territoire litigieux»
qu’elle avait défini au paragraphe 69 de ce même arrêt comme «la partie septentrionale [d’]Isla
Portillos, soit la zone humide d’environ trois kilomètres carrés comprise entre la rive droite du caño
litigieux, la rive droite du fleuve San Juan lui-même jusqu’à son embouchure dans la mer des
Caraïbes et la lagune de Harbor Head», «la plage» étant incluse dans ce territoire.
Compte tenu de ce qui précède, le Costa Rica élève les plus vives protestations contre cette
toute nouvelle violation de sa souveraineté et de son intégrité territoriale par le Nicaragua. Les
actes du Nicaragua violent également l’arrêt rendu par la Cour le 16 décembre 2015 en l’affaire
relative à Certaines activités, qui est toujours inscrite au rôle, la question de l’indemnisation due
par celui-ci demeurant pendante.
Le Costa Rica demande au Nicaragua de retirer son campement militaire du territoire
costa-ricien susvisé et de s’abstenir de tout acte qui risquerait d’aggraver le différend dont la Cour
est actuellement saisie en l’affaire relative à la Délimitation maritime, ou d’en rendre la solution
plus difficile.
Veuillez agréer, etc.
- 82 -
Appendice 1
Image satellite en date du 5 juillet 2016
- 83 -
Appendice 2
Photographie aérienne en date du 8 mars 2016
- 84 -
Appendice 3
Image satellite en date du 14 septembre 2016
- 85 -
Appendice 4
Photographie aérienne en date du 7 novembre 2016
- 86 -
Appendice 5
Superposition des images satellite des 5 juillet et 14 septembre 2016
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- 87 -
ANNEXE 57
LETTRE MRE/DMC/250/11/16 EN DATE DU 17 NOVEMBRE 2016 ADRESSÉE AU COSTA RICA
PAR LE NICARAGUA [TRADUCTION DU GREFFE]
[Original espagnol non reproduit]
La présente fait suite à votre lettre DM-AM-584-16, dans laquelle vous protestez contre la
présence d’un campement militaire nicaraguayen dont vous alléguez qu’il est situé en territoire
costa-ricien, et dont vous demandez le retrait dudit territoire, que l’arrêt rendu par la Cour
internationale de Justice le 16 décembre 2015 aurait eu pour effet d’attribuer à votre pays.
Permettez-moi de faire observer que le Costa Rica sait, pour l’avoir lui-même constaté, que
le Nicaragua a toujours exercé sa souveraineté sur le banc de sable qui sépare la lagune de
Harbor Head de la mer des Caraïbes, et que la présence d’un campement militaire nicaraguayen sur
ce banc de sable, quel qu’en soit l’emplacement exact, est connue tant de la Cour que de lui-même
depuis de nombreuses années.
A cet égard, je dois vous rappeler que, contrairement à ce qui est affirmé dans votre lettre, le
Costa Rica a reconnu la souveraineté du Nicaragua sur ce banc de sable situé en face de la lagune,
et ce, à plusieurs occasions, la dernière en date remontant aux audiences d’avril 2015. Voici ce que
le Costa Rica a déclaré à l’audience : le «banc de sable séparant la lagune [de Harbor Head] de la
mer … ne peut être considéré comme étant susceptible d’appartenir à un Etat que si, à marée haute,
il demeure émergé en permanence, auquel cas il appartiendrait au Nicaragua». La Cour a confirmé
ce point dans son arrêt du 16 décembre 2015.
En conséquence, cette nouvelle revendication du Costa Rica est dépourvue de fondement et
contredit tous les actes et déclarations officiels de votre pays.
Par ailleurs, comme vous n’êtes pas sans le savoir, et comme le montrent les cartes
officielles du Nicaragua et du Costa Rica depuis déjà un certain nombre d’années, les deux pays
ont toujours considéré comme nicaraguayens non seulement le banc de sable situé en face de la
lagune de Harbor Head, mais également l’intégralité du segment de la côte caraïbe qui s’étend
entre la lagune de Harbor Head et l’embouchure du fleuve San Juan.
Le Nicaragua ne peut que s’étonner du moment choisi par le Costa Rica pour présenter cette
nouvelle revendication, compte tenu notamment de la visite prochaine sur les lieux des experts
désignés par la Cour dans le cadre de l’affaire relative à la Délimitation maritime dans la mer des
Caraïbes et l’océan Pacifique (Costa Rica c. Nicaragua), affaire sans rapport avec la question et
dans laquelle la phase de la procédure écrite est close.
Partant, le Gouvernement de réconciliation et d’unité nationale du Nicaragua rejette la
protestation injustifiée et les nouvelles prétentions du Costa Rica, ainsi que tout effet juridique
susceptible de leur être prêté.
Veuillez agréer, etc.
___________
- 88 -
ANNEXE 58
LETTRE DM-AM-628-16 EN DATE DU 30 NOVEMBRE 2016 ADRESSÉE AU NICARAGUA
PAR LE COSTA RICA [TRADUCTION DU GREFFE]
[Original espagnol non reproduit]
La présente fait suite à la lettre MRE/DMC/250/11/16 du Nicaragua en date du
17 novembre 2016 concernant le campement militaire situé sur la plage d’Isla Portillos, à l’ouest de
la lagune de Harbor Head, lettre qui répondait à celle du Costa Rica en date du 14 novembre 2016
portant la cote DM-AM-584-16.
Le Costa Rica déplore la nouvelle revendication formulée par le Nicaragua à l’égard d’un
territoire qui relève de la souveraineté costa-ricienne, ainsi que la Cour internationale de Justice l’a
déclaré dans son arrêt du 16 décembre 2015. Le Costa Rica rejette l’intégralité des arguments
avancés par le Nicaragua dans sa lettre. Le comportement de ce dernier constitue un rejet et une
violation dudit arrêt.
A supposer que le Nicaragua persiste dans sa revendication et dans son occupation du
territoire costa-ricien en question, le Costa Rica se réserve le droit d’utiliser toute voie de recours à
sa disposition sur le plan juridique.
Veuillez agréer, etc.
___________
- 89 -
ANNEXE 59
CARTE DE LA BAIE DE SAN JUAN DEL NORTE MONTRANT LE POINT DE DÉPART DE LA LIGNE DE
SÉPARATION ENTRE LE COSTA RICA [ET] LE NICARAGUA, ÉTABLIE PAR LES COMMISSAIRES
DES DEUX ETATS LE 30 SEPTEMBRE 1897 ET SIGNÉE PAR LUIS MATAMORROS
ET LEÓNIDAS CARRANZA
Source : Francisco Xavier Aguirre Sacasa, Un atlas histórico de Nicaragua (Managua, Nicaragua :
Fundación Vida (2002))
___________
- 90 -
ANNEXE 60
PLANCHE CARTOGRAPHIQUE AU 1/50 000
DE PUNTA CASTILLA ÉTABLIE PAR L’INSTITUT
GÉOGRAPHIQUE NATIONAL (IGN) DU COSTA RICA EN 1970
___________
- 91 -
ANNEXE 61
PLANCHE CARTOGRAPHIQUE AU 1/50 000
DE PUNTA CASTILLA ÉTABLIE PAR L’INSTITUT
GÉOGRAPHIQUE NATIONAL (IGN) DU COSTA RICA EN 1988
___________
- 92 -
ANNEXE 62
PLANCHE CARTOGRAPHIQUE AU 1/50 000
DE SAN JUAN DEL NORTE ÉTABLIE PAR L’INSTITUT
NICARAGUAYEN D’ÉTUDES TERRITORIALES (INETER) EN 1988
___________
- 93 -
ANNEXE 63
PLANCHE CARTOGRAPHIQUE AU 1/50 000
DE SAN JUAN DEL NORTE ÉTABLIE PAR L’INSTITUT
NICARAGUAYEN D’ÉTUDES TERRITORIALES (INETER) EN 2001
___________
- 94 -
ANNEXE 64
PHOTOGRAPHIE AÉRIENNE DE LA LAGUNE DE LOS PORTILLOS/HARBOR HEAD MONTRANT LA
BRÈCHE DANS LE BANC DE SABLE, LE 10 JUIN 2012
___________
- 95 -
ANNEXE 65
PHOTOGRAPHIE AÉRIENNE DE LA LAGUNE DE LOS PORTILLOS/HARBOR HEAD MONTRANT LA
BRÈCHE DANS LE BANC DE SABLE, LE 3 AOÛT 2012
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- 96 -
ANNEXE 66
PHOTOGRAPHIE AÉRIENNE DU CAMPEMENT NICARAGUAYEN, LE 8 MARS 2016
___________
- 97 -
ANNEXE 67
PHOTOGRAPHIE AÉRIENNE DU CAMPEMENT NICARAGUAYEN, LE 7 NOVEMBRE 2016
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- 98 -
ANNEXE 68
PHOTOGRAPHIE AÉRIENNE DU CAMPEMENT NICARAGUAYEN, LE 14 FÉVRIER 2017
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- 99 -
ANNEXE 69
IMAGE SATELLITE DU 5 JUILLET 2016
(AVEC DÉTAIL DE LA ZONE CONCERNÉE)
- 100 -
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- 101 -
ANNEXE 70
IMAGE SATELLITE DU 14 SEPTEMBRE 2016
(AVEC DÉTAIL DE LA ZONE CONCERNÉE)
- 102 -
___________
- 103 -
ANNEXE 71
IMAGE SATELLITE DU 3 OCTOBRE 2016
(AVEC DÉTAIL DE LA ZONE CONCERNÉE)
- 104 -
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Document file FR
Document Long Title

Mémoire du Costa Rica

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