Contre-mémoire de l'Australie

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18702
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13422

COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

AFFAIRERELATIVEÀ DESQUESTIONS CONCERNANT LA SAISIE
ET LA DÉTENTION DE CERTAINS DOCUMENTS ET DONNÉES

(TIMOR-LESTE c. AUSTRALIE)

CONTRE-MÉMOIRE DÉPOSÉ PAR L’AUSTRALIE

VOLUME I

28 JUILLET 2014

[Traduction du Greffe] Table des matières

Page

CHAPITRE 1 INTRODUCTION ................................................................................................. 1
Section I Le différend............................................................................................................ 1

A. L’objet du différend ............................................................................................... 1
B. La question soumise à la Cour............................................................................... 2

Section II L’Australie et le Timor-Leste entretiennent des relations bilatérales
étroites et positives................................................................................................. 3

Section III La structure du présent contre-mémoire ................................................................ 4
CHAPITRE 2 QUESTIONS PRÉLIMINAIRES.......................................................................... 7

SectioIn Le droit à la souveraine té territoriale de l’Australie prend
le pas sur toute autre considération........................................................................ 7

A. L’Australie jouit de la souveraineté sur s on territoire et de la faculté
d’y exercer sa juridiction sur ses ressortissants...................................................... 7
B. La souveraineté territoriale de l’Australi e prend le
pas sur toute autre considération aux fins du règlement du présent différend....... 8

SectionII Les lois protégeant la sécurité national e relèvent de l’exercice nécessaire
et reconnu de la souveraineté territoriale............................................................. 10

A. La protection de la sécurité nationale constitue un exercice fondamental
de la souveraineté territoriale............................................................................... 10

B. Les lois protégeant la sécurité nationa le relèvent de la pratique habituelle
des Etats............................................................................................................... 11
CHAPITRE 3 LES FAITS PERTINENTS ................................................................................. 17

Section I Par les mesures qu’elle a prises, l’Australie a exercé sa souveraineté
territoriale à l’égard d’un ressortissant australien afin de protéger sa
sécurité nationale ................................................................................................. 17

A.«K» et C M o.llaery ont divulgué, sans autorisation,
des informations relatives à la sécurité nationale de l’Australie .......................... 17
B. Les divulgations non autorisées portaient atteinte à la sécurité nationale

de l’Australie et menaçaient la sécurité et la vie de certaines personnes ............ 19
C. Les mesures prises par l’ASIO étaient u ne réaction raisonnable
et nécessaire aux menaces que représentaient les agissements de «K»
et de M. Collaery.................................................................................................. 22

D. Le mandat a été exécuté afin d’atténuer les risques pesant sur la sécurité
nationale de l’Australie et n’a ni avantagé cet te dernière ni porté préjudice
au Timor-Leste dans la procédure d’arbitrage ..................................................... 25

Section II L’Australie a mis en Œuvre une série de mesures pour atténue r les risques
pouvant être causés à tout droit plausible détenu par le Timor-Leste ou
d’autres ................................................................................................................. 26

A. Des mesures de sauvegarde ont été mises en place pendant l’exécution
du mandat de perquisition.................................................................................... 27
B. L’Attorney-General a fait une série de déclarations, donné des instructions

et pris des engagements afin de préserver les droits du Timor-Leste.................. 27
Section III Il existe de sérieux doutes quant à la nature exacte des éléments en cause ........ 31 - ii -

CHAPITRE 4 IL N’EXISTE PAS DE DROIT ABSOLU À LA CONFIDENTIALITÉ
OU AU SECRET PROFESSIONNEL EN CE QUI CONCERNE LES

COMMUNICATIONS ENTRE L’ÉTAT ET SES CONSEILLERS
JURIDIQUES ...................................................................................................... 35
SectionI Le prétendu droit à la confidentialité des communications de l’Etat
avec ses conseillers juridiques et à la non-ingérence dans lesdites

communications est sujet à caution...................................................................... 36
A. Il n’existe pas de droit absolu à la conf identialité des communications
de l’Etat avec s es conseillers juridiques et à la non-ingérence
dans lesdites communications.............................................................................. 36

B. Le droit à la confidentialité et à la non-ingérence doit être délimité
de façon à ne pas prêter aux abus......................................................................... 37

C. La divulgation de l’information en cause emporte renonciation
au droit à la confidentialité et à la non-ingérence................................................ 39
Section II Le «droit au secret professionnel des avocats et conseils» n’est

pas une notion reconnue en droit international.................................................... 40
A. Le secret professionnel des avocats et conseils n’est pas
un principe général de droit ................................................................................. 40

B. Tout éventuel secret professionnel des avocats et conseils
en droit international devrait être convenablement et étroitement défini............ 44

C. Il existe des exceptions au secret professionnel des avocats et conseils
visant à éviter les abus de droit............................................................................ 45
D. L’exception en cas d’infraction pénal e est largement reconnue
comme une exception au secret professionnel des avocats et conseils................ 46

Section III Les demandes du Timor-Leste doivent être rejetées............................................ 47

A. Il n’existe pas de droit établi à la confidentialité ou au secret professionnel
en ce qui concerne les éléments en cause ............................................................ 47
B. LeTimor-Lestenesauraitin voquer la confidentialité ou
le secret professionnel à l’égard de tout él ément facilitant

la commission d’une infraction pénale ou y contribuant ..................................... 50
C. En tout état de cause, l’Australie a pri s toutes les mesures nécessaires
pour respecter tout droit à la confidentialité ou au secret professionnel
à l’égard des éléments en cause ........................................................................... 54

CHAPITRE 5 LE TIMOR-LESTE N’A PAS DÉMONTRÉ QUE L’AUSTRALIE
AVAIT ENFREINT LE DROIT RELATIF À L’INVIOLABILITÉ
OU À L’IMMUNITÉ DES BIENS DE L’ÉTAT ................................................ 57

Section I Aucune question d’inviolabilité ou d’immunité ne se pose
en ce qui concerne les éléments qui n’appartiennent pas au Timor-Leste .......... 57

A. L’inviolabilité ou l’immunité ne peut être invoquée relativement
à des biens que s’il existe des droits de propriété établis ..................................... 58
B. Le droit applicable pour déterminer les droits de propriété sur des biens
est la lex situs ....................................................................................................... 59

C. Au vu des faits qui ont été versés au dossier, les droits de propriété
auxquels prétend le Timor-Leste ne sont pas étayés par la lex situs .................... 61

D. Teimor- Leste n’a pas établi les droits de propriété qu’il invoque .................... 69 - iii -

Section II Il n’existe pas d’inviolabilité générale des biens de l’Etat,

et les régimes juridiques particuliers d’inviolabilité ne s’appliquent
pas en l’espèce ..................................................................................................... 71
A. L’inviolabilité et l’immunité des Etats étrangers: deux notions différentes
qu’il ne faut pas confondre .................................................................................. 71

B. La règle de l’inviolabilité s’applique à des obje ts précis en vertu
de régimes juridiques particuliers........................................................................ 73

C. Aucune pratique étatique n’étaye l’affirmation selon laquelle tous les biens
de l’Etat sont inviolables au regard du droit international coutumier.................. 76

Section III Le droit de l’immunité de l’Etat ne s’applique pas en l’espèce ........................... 78
A. Le droit de l’immunité de l’ Etat applicable entre les parties est le droit
coutumier, dont la convention de 2004 n’est pas l’expression exhaustive .......... 78

B. Le droit de l’immunité de l’Etat est inapplicable en l’espèce, étan t donné
qu’aucune procédure n’a été engagée contre un Etat ou l’agent d’un Etat .......... 81

C. Même si une telle procédure existait, il s’agirait d’une procédure pénale
qui ne serait pas de nature à faire jouer l’immunité ............................................. 89
D. Les demandes du Timor- Leste relatives à l’inviolabilité

et à l’immunité sont infondées et doivent être rejetées ........................................ 92
CHAPITRE 6 CONCLUSION.................................................................................................... 93

Section I Les principaux arguments de l’Australie ............................................................. 93
Section II Réponse aux remèdes sollicités par le Timor-Leste............................................. 94

A. Il n’est pas justifié d’ordo nner que les éléments en cause soient restitués
ou détruits ............................................................................................................ 94

B. En ce qui concerne les frais engagés, la Cour devrait s’en tenir
à la règle habituelle.............................................................................................. 96
C ONCLUSIONS .............................................................................................................................97

C ERTIFICATION ........................................................................................................................... 98

APPENDICE LA PROCÉDURE D’ARBITRAGE ET LE RÉGIME
CONVENTIONNEL DE LA MER DE TIMOR................................................. 99
Section I L’examen détaillé de la procédure d’ arbitrage est dépourvu

de toute pertinence aux fins de la présente instance ............................................ 99
SectionII Les conclusions du Timor-Leste concernant le régime conventionnel de la
mer de Timor sont erronées et doivent être rectifiées........................................ 100

A. Le régime conventionnel de la mer de Timor dans ses grandes lignes.............. 101

B. Le traité de 2002 sur la mer de Timor................................................................ 102
C. L’accord international d’unitisation (AIU) ........................................................ 105

D. Le traité relatif à certains arrangements maritimes dans la mer de Timor........ 106
Liste des annexes ........................................................................................................................... 109 - iv -

Annexe 1 Conférence des Nations Unies sur l’Organisation internationale, rapport
du rapporteur du comité er1/A à la commission I/1, chapitre II,
doc. 739 I/1/A/19 a), 1 juin 1945...............................................................115
Annexe 2 Conférence des Nations Unies sur l’Organisation internationale,

procès-verbal de la deuxième séance de la commission I, doc. 1123 I/8,
20 juin 1945..................................................................................................125
Annexe 3 Conférence des Nations Unies sur l’Organisation internationale,

rapport du rapporteur de la commission I à la séance plénière,
doc. 1179, 24 juin 1945................................................................................149
Annexes 4 à 9 [Non traduites]

Annexe 10 Affaire du Lac Lanoux (Espagne/France) (1957), RSA, vol. XII [extrait]..160

Annexe 11 à 28 [Non traduites]
___________ CHAPITRE1

INTRODUCTION

SECTION I

LE DIFFÉREND

A. L’objet du différend

1.1. La question de droit international soumise à la Cour en l’espèce est, en définitive, une

question simple : il s’agit de savoir si, dans les circonsta nces particulières du différend, l’exercice,
par l’Australie, de s a juridiction sur son propre territoire et à l’égard de ses pr opres ressortissants
afin de préserver sa sécurité nationale a été conforme au droit international.

déc3e1.2r.e 2013, le service de renseignement intérieur de l’Australie ( ci-après
l’«ASIO») a exécuté un mandat de perquisition dans les locaux d’u n avocat australien,

M.BernardJosephEdwardCollaery, au 5BrockmanStreet, à Narrabundah, Territoire de la
capitale australienne. A l’issue de la perquisition, l’ASIO a emporté et conservé certains
documents et données électroniques (ci-après les «éléments en cause»). Ce faisant, l’ Australie a

exercé son autorité souveraine consistant à prendre des mesures à l ’é1ard de ses ressortissants à
l’intérieur de son territoire, dans le but de préserver sa sécurité nationale , notamment en protégeant
la vie et la sécurité de ses citoyens, voire celles de citoyens d’autres Etats.

1.3. Dans le même temps, l’Australie a pris un large éventail de mesures visant à protéger les
éventuels droits des clients de M. Collaery, et notamment ceux du Timor-Leste. Les garanties ainsi
mises en place par l’Australie, qui ont été communiquées au Timor-Leste par l’intermédiaire de ses

représentants juridiques, ont permis de protéger tous les droits que celui-ci pouvait détenir à l’égard
des éléments en cause. Afin de protéger enco re davantage les éventuels droits du Timor-Leste,
l’Attorney-General de l’Australie, le sénateur George Brandis QC, a pris des engagements liant

l’Australie qui garantissaient que les éléments en cause n ’avaie2t pas été mis à la dispositio3 des
personnes qui la représentent dans la procédure d ’arbitrage , dans la présente instance ou dans
toute éventuelle négociation future entre les Parties , et qu’ils ne le seraient pas. Ces engagements
ont été confirmés et renforcés par l ’ordonnance rendue par la Cour le 3mars2014, à laquelle

l’Australie s’est pleinement conformée. Il s ’ensuit que l’exécution du mandat de perquisition n ’a
nullement désavantagé le Timor-Leste (que ce soit dans le cadre de la procédure d ’arbitrage ou
dans tout autre cadre).

1Déclaration relative à l’exécution des mandats de perquisition par l’ASIO, faite par le
sénateur George Brandis QC, Attorney-General de l’Australie, en sa qualité de ministre, le 4 décembre 2013 (annexe 52).

2Engagement écrit du sénateur George Brandis QC, Attorney-General de l’Australie, daté du 19 décembre 2013
et relatif à l’Arbitrage en vertu du traité sur la mer de Timor (annexe 74).
3
Lettre en date du 23 décembre 2013 adressée à M. DaviIrvine AO, directeur général de la sécurité, par le
sénateur George Brandis QC, Attorney-General de l’Australie (annexe 53).
4Engagement écrit du sénateur George Brandis QAttorney-General de l’Australie, daté du 21 janvier 2014 et
portant sur l’affaire relative àQuestions concernant la saisie et la détention de certains documents et données

(Timor-Leste c. Australie) (annexe 54). - 2 -

B. La question soumise à la Cour

1.4. Dans son ordonnance du 3mars2014, la Cour a déclaré que le «principal grief» du

Timor-Leste était qu’il y avait eu «violation de son droit de communiquer de manière confidentielle
avec ses conseils et avocats au sujet de q uest5ons faisant l’objet d’une procédure arbitrale en cours
et de futures négociations entre les Parties» . La Cour a expressément distingué trois catégories de
droits invoqués par le Timor-Leste. Il s’agit :

1) des «droits à l’inviolabilité et à l’immunité» des éléments en cause ;

2) du «droit à la confidentialité de toute communication» entre le Timor-Leste et ses conseillers
juridiques, et

6
3) du secret professionnel des avocats et conseils .

1.5. La Cour a conclu qu’

«au moins certains des droits que le Timor-Leste cherch[ait] à protéger  à savoir le
droit de conduire une procédure d’arbitrage ou des négociations sans ingérence de la
part de l’Australie, y compris le droit à la confidentialité de ses communications avec
ses conseillers juridiques et à la non-ingérence dans lesdites
7
communications  [étaient] plausibles» .

1.6. Une question juridique fondamentale qui se pose à la Cour concerne l’existence, la

portée et l’application des droits invoqués par le Timor-Leste au regard du droit international, ainsi
que le point de savoir dans quelle mesure ces droits sont compatibles, en droit international, avec
ceux, établis, d’autres Etats.

1.7. Tous les actes en cause ayant eu lieu sur le territoire australien, le point de départ de
l’examen de la Cour devrait être le droit de l’Australie d’exercer sa souveraineté territoriale. La
souveraineté territoriale est au cŒur de l’ordre juridique international , dont elle constitue un
élément essentiel. En tant que notion fondament ale du droit international, la souveraineté
territoriale d’un Etat ne peut être soumise qu’à des exceptions bien définies et limitées.

1snnre- mémoire, l’Australie replace ra les droits qu’invoque le Timor-Leste
dans leur véritable contexte et démontrera que :

1) lefait qu’elle ait ainsi exercé ses droits souverains à l’intérieur de son territoire et à l’égard de
ses ressortissants, pour des raisons de sécurité nationale, était conforme au droit international ;

2) en invoquant ces droits, le Timor-Leste tente, sans aucun fondement, de créer des principes

inédits de droit international ;

3) mêmesi l’on pouvait démontrer, d’un point de vue juridique, l’existence des droits invoqués
par le Timor-Leste, ceux-ci ne sauraient avoir la portée ou l’application large et illimitée qu’il
leur prête; par ailleurs, les actes du 3décembre2013 ne constituent pas une violation de ces

5
Questions concernant la saisie et la détention rtains documents et données (Timor-Leste c.Australie) ,
demande en indication de mesures conservatoires, ordonnance du 3 mars 2014, par. 27.
6Ibid., par. 24.
7
Ibid., par. 28. - 3 -

droits, lesquels ne sauraient l’emporter sur ceux, souverains, de l’ Australie, qui ont été
mentionnés au point 1 ci-dessus ; et que

4) la série d’engagements détaillés pris par l’ Attorney-General devant le Tribunal arbitral et la
Cour écarte tout risque qu’un préjudice soit causé à la position du Timor-Leste dans le cadre

des instances en cours ou à venir, ou de toute év entuelle négociation que pourraient engager les
Parties.

S ECTION II

L’A USTRALIE ET LE T IMOR -L ESTE ENTRETIENNENT DES
RELATIONS BILATÉRALES ÉTROITES ET POSITIVES

1.9. L’Australie et le Timor -Leste entretiennent des relations étroites et positives, et
l’Australie porte un intérêt profond et constant à la stabilit é, à la sécurité et à la prospérité de son
voisin. Aussi déplore-t-elle que, dans son mémoire, le Timor- Leste donne l’impression qu’elle a

agi à son détriment, notamment en ce qui concerne les ressources que renferment les fonds marins
entre les deux Etats . Dans cette pièce, le Timor-Leste ne reconnaît pas le caractère positif des
relations bilatérales et en fait une description erronée.

1.10. L’Australie a joué un rôle de premier plan dans les actions de maintien de la paix et de

stabilisation au Timor-Leste, notamment en conduisant, conformément à la résolution1264 du
Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies, la Force internationale pour le
9
Timor oriental qui s’est déployée en septembre 1999 , puis en prenant part à la force 10
stabilisation internationale, qui est intervenue en mai 2006 à la demande du Timor-Leste .

1.11. L’engagement de l’Australie en faveur de la sécurité et de la prospérité du Timor -Leste
est attesté par l’aide qu’elle lui a apportée pour répondre à ses besoins économiques et de

développement. En effet, depuis 1999, l’Australie constitue le plus important donateur sur le plan
de l’aide au développement et d e l’aide humanitaire au Timor -Leste, avec plus d’un milliard de
dollars australiens au total . L’Australie et le Timor -Leste continuent d’entretenir un partenariat
12
étroit en matière de développement, qui reflète les priorités du Gouvernement du Timor-Leste 13 .
Ainsi, conformément au propre plan de développement stratégique du Timor-Leste , l’Australie
investit dans les domaines de la productivité agricole , de l’éducation, des services de santé et des

infrastructures communautaires afin de favoriser la croissance économique et de réduire la

8Mémoire du Timor-Leste (MTL), par. 2.18-2.47.
9
NationsUnies, Conseil de sécurité, résolutio1264 (1999), adoptée à l’ unanimité le 15septembre 1999,
S/RES/1264 (1999).
10
Conférence de presse donnée le 24 mai 2006 à 9h50 par M. PeterCostello, premier ministre par intérim,
Parliament House, Canberra (consultée le 20 juillet 2014 sur le site Internet suivant : <http://parlinfo.aph.gov.au/parlInfo/
search/display/display.w3p;query=Source%3A%22PRIME%20MINISTER%22%20Author_Phrase%3A%22costello,%2
0peter%22;rec=7>).
11 o
Gouvernement australien, agence australienne pour le développement international, «Conclusi22, enquête
portant sur les relations entre l’Australie et le Timor-Leste, Conclusions soumises à la commission mixte permanente des
affaires étrangères, de la défense et du commerce extérieur (2 013), p. 8 (consultée le 20juillet2014 sur le site Internet
suivant : <http://www.aph.gov.au/parliamentary_business/committees/house_of_repres…
timor_leste_2013/subs/sub%20022.pdf >).

12Ibid.
13
Gouvernement du Timor-Leste, plan de développement stratégique du Timor-Leste 2011-2030 (consulté le
20 juillet2014 sur le site Internet suivant : http://Timor-Leste.gov.tl/wp-content/uploads/2011/07/Timor-Leste-Strate…-
Plan-2011-20301.pdf >). - 4 -

pauvreté. Par ailleurs, les ressortissants tim orais bénéficient en Australie de possibilités
d’éducation et de formation 14, le Timor-Leste participant au programme australien relatif aux
15
travailleurs saisonniers, qui facilite l’emploi des Timorais en Australie .

1.12. Les vues des deux Etats en ce qui concerne la délimitation de la frontière maritime

dans la mer de Timor ont longtemps divergé. Or, de telles divergences sont fréquentes entre Etats
dont les revendications maritimes se chevauchent. Par une série de négociations bilatérales,
l’Australie et le Timor-Leste sont cependant parvenus à un compromis constructif — matérialisé
par le régime conventionnel de la mer de Timor , qui prévoit de reporter la délimitation d’une

frontière permanente afin de développer conjoi ntement les ressources pétrolières de la mer de
Timor, au bénéfice des deux Etats . La coopération menée dans le cadre de cet arrangement et des
décisions prudentes du Gouvernement du Timor-Leste ont ainsi permis à ce dernier de se doter
d’un fonds pétrolier d’une valeur de 15, 7 milliards de dollars des Etats-Unis . L’Australie

demeure acquise au régime conventionnel de la mer de Timor, qui est le fruit de négociations entre
les Parties et leur permet, à court terme, de déve lopper conjointement les ressources de la mer de
Timor.

1C.1e3. régime conventionnel et la procédure d’arbitrage en cours qui en découle ne
soulèvent toutefois aucune question juridique soumise à la décision de la Cour. L ’attention
considérable que le Timor-Leste consacre dans son mémoire à l’examen de ce régime et de cette

procédure est donc dépourvue de toute pertinence . En tout état de cause, ses conclusions
concernant le régime conventionnel de la mer de Timor et l a procédure d’arbitrage sont sélectives
et incomplètes. Par ailleurs, le Timor-Leste réitère, dans son mémoire, des allégations et
affirmations nullement démontrées en les présentant comme des faits établis. C’est pourquoi

l’Australie, à toutes fins utiles, a ajouté en appendice au présent contre-mémoire, un bref aperçu du
régime conventionnel de la mer de Timor et de la procédure d’arbitrage rectifiant la présentation
erronée qui en est faite dans le mémoire.

SECTION III

L A STRUCTURE DU PRÉSENT CONTRE -MÉMOIRE

1.14. La structure du contre-mémoire de l’Australie est exposée ci-après.

e1a.oire.e la position de l’Australie sur le s principales questions juridiques
qui sous-tendent le présent différend, à savoir la primauté de la souveraineté territoriale et
l’adoption et l’application, par un très grand nombre d’ Etats, de législations en matière de sécurité
nationale.

14Gouvernement australien, agence australienne pour le développement international, rapport annuel 2012-2013,
30 octobre 2013, p. 86-89 (consulté le 20 juillet 2014 sur le site Internet suivant : <http:// aid.dfat.gov.au/AnnualReports/
Documents/rep13/ausaid-annual-report-2012-13.pdf >).
15
Gouvernement du Timor-Leste, secrétariat d’Etat chargé de la politique en matière de formation professionnelle
et d’emploi, programme relatif ax travailleurs saisonniers 2012 -2014, 30avril 2014 (annexe58); Gouvernement
australien, communiqué de presse, ambassade d’Australie à Dili, «Les «travailleurs s aisonniers» du Timor-Leste quittent
le Territoire du nord», 30 avril 2014 (annexe 59).
16
Gouvernementodu Timor-Leste, Banque centrale du Timor-Leste, Fonds pétrolier du Timor-Leste: Rapport
trimestriel, .0, n XXIV, 31mar2014] (consulté le 20 juillet 2014 sur le site Internet suivan:t
<http://www.bancocentral.tl/Download/Publications/Quarterly_Report35_en…;). - 5 -

1.16. Dans le chapitre 3 sont présenté s les faits pertinents aux fins de l’examen du différend
par la Cour, à savoir la divulgation non autorisée d’ informations confidentielles par des

ressortissants australiens, qui a mis en danger la sécurité de leurs compatriotes et celle de
l’Australie. Dans ce chapitre est également soulignée l’incertitude qui entoure la nature et le
contenu des éléments en cause, ce qui devrait conduire la Cour à faire preuve de prudence en tenant
dûment compte du peu de faits établis.

1.17. Dans le chapitre4, il est démontré qu’il n’existe aucun droit inconditionnel à la
confidentialité des communications entre un Etat et ses conseillers juridiques et à la non-ingérence

dans lesdites communications, ni aucune base permettant d’affirmer que le secret professionnel des
avocats et conseils est un principe général de droit. Même si pareils droits existent et s’appliquent
au présent différend, leur portée doit nécessairement être limitée; elle ne saurait être si générale
qu’elle permettrait à l’Etat étranger (le Timor- Leste) d’empêcher l’Etat du for (l’Australie)
d’exercer légitimement sa souveraineté territoriale sur son propre territoire et à l’égard de ses
ressortissants afin de protéger la sécurité de ces derniers (et, peut-être, de ceux d’autres Etats) et de
garantir sa sécurité nationale.

poa.eei8t.re l’allégation du Timor-Leste selon laquelle les éléments en cause
sont inviolables et protégés par la doctrine de l’immunité de l’Etat . Or, en ce qui concerne nombre
de ces éléments, le peu de faits disponibles ne permet pas d’établir que le Timor-Leste en est
propriétaire ni de confirmer la qualification qu’il en donne . Cependant, même si ce droit de
propriété pouvait être établi, il n’existe, contrairement à ce qu’affirme le Timor -Leste, aucun
principe général d’inviolabilité pouvant s’étendre auxdits éléments. Enfin, en l’absence de

procédure contre le Timor-Leste ou l’un de ses agents, ou de toute autre forme d’action dans
laquelle il serait possible d’invoquer l’immunité en tant qu’ obstacle procédural, la règle de
l’immunité de l’Etat n’est pas applicable.

cprloi.tre-mém oire en traitant la question des réparations
demandées. Il est suivi par l’exposé des conclusions finales de l’Australie.

1.20. Dans l’appendice, l’Australie répond aux arguments que le Timor -Leste a présentés
dans son mémoire concernant le régime conventionnel de la mer de Timor et la procédure
d’arbitrage.

1.21. Le présent contre-mémoire est étayé par un certain nombre d’ annexes contenant
l’essentiel des éléments de preuve et autres éléments sur lesquels s’appuie l’Australie. Ces annexes

comprennent des instruments internationaux, des extraits d’ouvrages, des articles de presse, des
procès-verbaux, des textes législatifs, des éléments de jurisprudence internationale et nationale,
ainsi que des documents émanant du Gouvernement australien et de celui du Timor-Leste.- 6 - - 7 -

CHAPITRE2

QUESTIONS PRÉLIMINAIRES

2.1. Cette affaire met en présence deux Etats souverains, l’un étant l’Etat du for (l’Australie)
et l’autre, un Etat étranger (le Timor -Leste). En l’espèce, l’Etat étranger a choisi d’engager, sur le

territoire de l’Etat du for, un avocat qui est ressortissant de ce dernier et y réside, et qui est soumis
au droit de ce même Etat. Ce fa isant, l’Etat étranger s’est délibé rément placé en dehors du cadre
diplomatique reconnu. Dans ce contexte, il cherche auj ourd’hui à faire valoir un droit étendu,
apparemment inconditionnel, à la c onfidentialité de ses communications et à l’inviolabilité et
l’immunité à l’égard des lois de l’Etat du for, ainsi qu’un «droit au secret professionnel des avocats
et conseils» en ce qui concerne des documents qui se trouvent en la possession de son avocat sur le

territoire de l’Etat du for. L’Etat étranger va jusqu’à revendiquer cette protection absolue
indépendamment de la finalité, de la nature et de la teneur des communications en question, du
préjudice susceptible d’être causé à l’Etat du for, ainsi q ue des dispositions et restrictions prévues
par le droit interne de celui- ci. Dans le présent chapitre, l’Australie démontrera que pareille
position est indéfendable et qu’il convient avant to ut de prendre en considération le droit à la
souveraineté territoriale de l’Australie, en tant qu’Etat du for exerçant sa juridiction sur son propre

territoire.

2.2. Dans la section I, il est précisé que, toutes les mesures en cause ayant été prises par les
autorités australiennes sur le territoire de l’Austra lie et à l’égard de ressortissants australiens, le
droit de l’Australie d’exercer sa souveraineté territoriale doit nécessairement constituer le point de

départ de l’examen de la présente espèce.

2.3. Dans la sectionII, il est démontré que les lois protégeant la sécurité nationale et les
mesures prises par les Etats en application de celles-ci  relèvent de l’exercice nécessaire,
raisonnable et légitime de la souveraineté territorial e, ainsi que cela ressort d’une pratique étatique

largement répandue et représentative.

S ECTION I

L E DROIT À LA SOUVERAINETÉ TERRITORIALE DE L ’A USTRALIE

PREND LE PAS SUR TOUTE AUTRE CONSIDÉRATION

A. L’Australie jouit de la souveraineté sur son territoire et de la faculté
d’y exercer sa juridiction sur ses ressortissants

E2.4. tant qu’Etat souverain, l’Australie jouit des droits inhérents à la pleine souveraineté,
et notamment à la souveraineté territoriale, sur laqu elle sont fondées la juridiction des Etats et leur

faculté d’énoncer des prescriptions, de juger et d’assurer le r espect des lois dans leur territoire et à
l’égard des personnes qui s’y trouvent (sous réserv e de certaines exceptions convenues). L’un des
principaux aspects de la souveraineté territoriale de l’Australie, comme de celle de tout autre Etat,
est son droit de faire appliquer la loi sur son territoire. En particulier, l’Australie a le droit
d’exercer sa juridiction lorsque sont en cause la commission d’infractions pénales ou des questions
de sécurité nationale, dans des locaux et à l’égard de personnes se t rouvant sur le territoire

australien. - 8 -

2.5. La faculté de l’Australie d’exercer sa souverai neté territoriale est conforme au principe

d’égalité souveraine, dont elle fait d’ailleurs p17rtie intégrante. Consacré par le paragraphe 1 de
l’article2 de la Charte des Nations Unies , ce principe fondateur du droit international joue un rôle
particulièrement crucial dans les relations entre Etats 1. Un certain nombre d’éléments constituant,
19
selon la Cour, des «corrolaire[s] du principe d’égalité souveraine» ont ainsi été énoncés dans la
déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la
coopération entre les Etats conformément à la Charte des NationsUnies 2. Parmi eux figure la

faculté des Etats d’exercer les droits inhérents à la pleine souveraineté, et notamment la
souveraineté sur leur territoire . 21

2.6. Au regard du droit international, les droits que les Etats tiennent du principe de l’égalité
22
souveraine doivent être respectés et exercés dans toute la mesure du possible et à tout moment .
Dans l’affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci
(Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique ), la Cour a confirmé l’importance cruciale que revêt la

souveraineté étatique en tant que fondement de l’ordre juridique international, se référant au
«principe fondamental de la souveraineté des Etats sur lequel repose tout le droit international» 23.

Le respect de la souveraineté de l’Australie sur so n territoire s’inscrit dans le droit fil du principe
de l’égalité souveraine établi par le droit international.

B. La souveraineté territoriale de l’Australie prend le pas sur toute autre
considération aux fins du règlement du présent différend

2.7. Lorsqu’il s’agit d’apprécier des mesures prises par l’Etat du for sur son propre territoire,
il doit être présumé que ces mesures relèvent de l’exercice licite, par cet Etat, de sa souveraineté

territoriale. Si un Etat étranger mène des activités sur le territoire de l’Etat du for, les droits du
premier ne l’emportent pas sur la souveraineté territorial e du second, sauf exception spécifique et
expresse limitant ladite souveraineté territoriale. Pareille exception s’applique alors en tant que

lex specialis, conformément à la maxime lex specialis derogat legi generali («le droit spécial
déroge au droit commun»). Sa portée et son appl ication doivent cependant être établies avec la

17Charte des Nations Unies, signée à San Fr ancisco le 26 juin 1945, Nations Unies, Recueil des traités (RTNU) ,
vol. 1, p. 16 (entrée en vigueur le 24 octobre 1945), paragraphe 1 de l’article 2.

18Immunités juridictionnelles de l’Etat (Allemagne c. Italie ; Grèce (intervenant)), arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (I) ,
par. 57.

19Activités militaires et paramilitaires au Nicaragu a et contre celui-ci (Nicaragua c.Etats- Unis d’Amérique),
fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, par. 202.

20Assemblée générale des Nations Unies, vingt-cinquième session, résolution 2625 (XXV), déclaration relative
aux principes du droit international touc hant les relations amicales et la coopération entre les Etats conformément à la
Charte des Nations Unies, Nations Unies, doc. A/RES/25/2625 (24 octobre 1970).

21Ibid. Cela est également confirmé par l’histoire rédactionnelle du paragraphe 1 de l’article 2 de la Charte. Voir
notamment : conférence des Nations Unies sur l’Organisation internationale, rapport du rapporteur du comité I/1/A à la
commissionI/1, chapitreII, doc.739 I/1/A/19a), 1 erjuin 1945, p.1 (annexe1); conférence des NationsUnies sur

l’Organisation internationale, procès-verbal de la deuxième séance de la commission I, doc. 1123 I/8, 20 juin 1945, p. 5
(rapporteur (Syrie)) (annexe2); conférence des Nations Unies sur l’Organisation internationale, procès -verbal de la
deuxième séance de la commission I, doc. 1123 I/8, 20 juin 1945, p. 6-7 (président (Belgique)) (annexe 2) ; et conférence
des Nations Unies sur l’Organisation internationale, rapport du rapporteur de la commission I à la séance plénière,
doc. 1179, 24 juin 1945, p. 593 (annexe 3).
22
Assemblée générale des Nations Unies, vingt-cinquième session, résolution 2625 (XXV), Déclaration relative
aux principes du droit international touc hant les relations amicales et la coopération entre les Etats conformément à la
Charte des Nations Unies, Nations Unies, doc. A/RES/25/2625 (24 octobre 1970).
23
Activités militaires et paramilitaires au Nicaragu a et contre celui-ci (Nicaragua c.Etats- Unis d’Amérique),
fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, par. 263. - 9 -

plus grande prudence 24, afin de s’assurer que, dans le cadre de l’examen des prétentions
concurrentes, les droits de l’Etat du for, et not amment son droit à la souveraineté territoriale, soient

dûment pris en compte, et de ne pas imposer de s restrictions susceptibles de limiter indûment la
faculté de cet Etat de répondre à des préoccupations légitimes en matière de sécurité, à l’intérieur
de son territoire et à l’égard de ses ressortissants.

2.8. A titre d’exemple, le droit international ac corde une immunité limitée aux activités d’un
Etat étranger à l’intérieur des frontières de l’Etat du for. En vertu du droit de l’immunité des Etats
(qui découle lui-même de la souveraineté et du principe de l’égalité souveraine), certains actes des

Etats étrangers et de leurs représentant échappent à la compétence des tribunaux de l’Etat du for,
nonobstant le principe de la juridiction territoriale. Cette approche trouve une illustration dans
l’affaire relative aux Immunités juridictionnelles de l’Etat (Allemagne c. Italie ;
Grèce (intervenant)), dans laquelle la Cour a pris en consid ération la souveraineté territoriale de

l’Etat du for  l’Italie , puis y a dérogé en faisant application des exceptions spécifiques prévues
par le droit international de l’immunité des Etats. Ainsi que la Cour l’a dit,

«la règle de l’immunité de l’Etat joue un rô le important en droit international et dans

les relations internationales. Elle procède du principe de l’égalité souveraine des Etats
qui, ainsi que cela ressort clairement du paragraphe 1 de l’article 2 de la Charte des
Nations Unies, est l’un des principes fondamentaux de l’ordre juridique international.
Ce principe doit être considéré conjointement avec celui en vertu duquel chaque Etat

détient la souveraineté sur son propre territoire, souveraineté dont découle pour lui un
pouvoir de juridiction à l’égard des faits qui se produisent sur son sol et des personnes
qui y sont présentes. Les exceptions à l’immunité de l’Etat constituent une dérogation

au principe de l’égalité souveraine. L’immunité peut constituer une dérogation au 25
principe de la souveraineté territoriale et au pouvoir de juridiction qui en découle.»

2.9. Dans l’affaire du Droit d’asile (Colombie c.Pérou) 26, la Cour a rappelé la nécessité

d’établir, dans chaque cas particulier, le fondement juridique spécifique justifiant de déroger à la
souveraineté territoriale de l’Etat du for. Elle a ainsi observé ce qui suit :

«Dans le cas de l’ asile diplomatique, le réfugié se trouve sur le territoire de

l’Etat dans lequel il a commis le délit. La décision d ’octroyer l’asile diplomatique
comporte une dérogation à la souveraineté de cet Etat. Elle soustrait le délinquant à la
justice de celui-ci et constitue une intervention dans un domaine qui relève
exclusivement de la compétence de l ’Etat territorial. Une telle dérogation à la

souveraineté territoriale ne saurait être admise, 27moins que le fondement juridique
n’en soit établi dans chaque cas particulier.»

2.10. Conformément au principe énoncé dans l’affaire du Droit d’asile, l’Australie jouit de la
souveraineté sur son territoire, à moins qu’une dérogation établie en droit international ne
s’applique dans la situation en question. Dans le cas du présent différend, le Timor- Leste n’a pas
été en mesure de se référer à la moindre excepti on de ce type, ni d’établir que pareille exception

s’appliquerait en l’espèce. Ainsi que l’Australie le démontrera aux chapitres 4 et 5, il n’existe, au

24
H. Lauterpacht, «The Problem of Juri sdictional Immunities of Foreign States», in E. Lauterpacht (dir. publ.),
International Law (Cambridge University Press, 1977), p. 325-326.
25Immunités juridictionnelles de l’Etat (Allemagne c. Italie ; Grèce (intervenant)), arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (I) ,
par. 57.

26Droit d’asile (Colombie/Pérou), arrêt, C.I.J. Recueil 1950, par. 274-275.
27
Ibid. - 10 -

regard du droit international, aucune exception applicable qui puisse limiter la souveraineté
territoriale de l’Australie en l’espèce. Cependant, quand bien même la Cour conclurait à
l’existence d’une telle dérogation, il conviendrait d’en délimiter et d’en définir rigoureusement la

portée, compte dûment tenu de ce que la protecti on de la sécurité nationale constitue un exercice
reconnu et légitime de la souveraineté des Etats en droit international.

S ECTION II

L ES LOIS PROTÉGEANT LA SÉCURITÉ NATIONALE RELÈVENT DE L ’EXERCICE

NÉCESSAIRE ET RECONNU DE LA SOUVERAINETÉ TERRITORIALE

A. La protection de la sécurité nationale constitue un exercice

fondamental de la souveraineté territoriale

2.11. La protection de la sécurité nationale est un aspect essentiel de la souveraineté

territoriale, et les mesures prises à cet effet par les Etats sur leur territoire constituent un exercice
légitime et reconnu de cette souveraineté. L’importance que les Etats attachent à la préservat ion du
droit de prendre pareilles mesures est illustrée par une pratique abondante qui consiste à limiter

certaines obligations conventionnelles par des clau ses prévoyant de prendre dûment en compte les
droits et intérêts légitimes des Etats en matière de sécurité nationale.

2.12. On trouve pareilles dispositions dans de s traités portant sur des domaines aussi variés
que le commerce, les droits de l’homme, la sécurité internationale ou la coopération en matière de

lutte contre la criminalité. A titre d’exemple :

1) l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 garantit expressément le droit

d’un Etat partie de prendre « toutes 28sures qu ’[il] estimera nécessaires à la protection des
intérêts essentiels de sa sécurité» ;

2) en vertu de la Convention des Nations Unies contre la corruption de 2003, l’entraide judiciaire

peut être refusée par un Etat partie si celui- ci «estime que l’exécution de la demande est
susceptible de porter atteinte à sa souveraineté, à sa sécurité, à son ordre publi c ou à d’autres
intérêts essentiels» ;9

3) les articles12, 13, 14, 19 et 22 du pacte international relatif aux droits civils et politiques
de 1966 autorisent les Etats à limiter l’exercice de certains droits pour des raisons liées à leur
30
sécurité nationale ;

4) en vertu du Statut de Rome de la Cour pénale internationale de 1998, un Etat partie peut refuser

de fournir des renseignements ou des éléments de preuve au31otif que cette divulgation
porterait atteinte à ses intérêts en matière de sécurité nationale .

28
Accord généerl sur les tarifs douaniers et le commerce, Genève, 15 avril 1994, RTNU, vol.1867, p.187
(entré en vigueur le 1anvier 1995), art. XXI.
29
Convention des Nations Unies contre la corruption, New York, 31 octobre 2003, RTNU, vol.2349, p.41
(entrée en vigueur le 14 décembre 2005), art. 46 21)b).
30Pacte international relatif aux droits civils et politiques, New York, 16 décembre 1966, RTNU, vol. 999, p. 171
(entré en vigueur le 23 mars 1976), art. 12, 13, 14, 19 et 22.

31Statut de Rome de la Cour pénale international, Rome, 17 juillet 1998, RTNU, vol. 2187, p. 3 (entré en vigueur
le 1rjuillet 2002), art. 72. - 11 -

2.13. Il est communément admis que la législation interne est le moyen principal dont

dispose un Etat pour exercer son droit souverain de prot éger sa sécurité nationale sur son territoire.
Les lois permettent de définir clairement la noti on de «sécurité nationale» et offrent une base pour
la règlementation et le contrôle judiciai re de toute mesure prise à cet effet. L’objet et le but de
pareille législation sont étroitement liés aux attributs fondamentaux de l’Etat, et obéissent avant

tout à l’intérêt public de celui-ci et de ses ressortissants, en protégeant la vie et la sécurité de ces
derniers ainsi que de la communauté dans son ensemble. Dans le cas de l’Australie, les objectifs en
matière de sécurité nationale, adoptés et officielle ment promulgués par le gouvernement, sont tout

à fait clairs : il s’agit de garantir la sécurité et la pérennité de la population, de protéger et de
renforcer la souveraineté nationale, de garantir la sécurité des infrastructures, institutions et biens
nationaux et de promouvoir un environnement international favorable 3. Ces objectifs servent de
point d’ancrage aux décisions et à la planification en matière de sécurité nationale et permettent de

s’assurer que ne sont prises que des mesures nécessaires et appropriées.

2.14. L’Australie exerce cet aspect de sa souveraineté territoriale au moyen de lois relatives à
la sécurité nationale démocratiquement adoptées, dont la teneur, légitime et précisément définie,
reflète les objectifs qu’elle poursuit en la matière. La notion de «sécurité» est définie à l’article 4
de l’Australian Security Intelligence Organisation 1979 (Cth) [loi australienne de 1979 relative au

service de renseignement intérieur, dite «loi ASIO »], qui fixe les responsabilités et prérogatives de
l’ASIO. Aux termes de cette clause, la «sécurité» s’ entend de la protection requise pour préserver
l’Australie et ses habitants de risques tels que le sabotage, les violences à caractère politique, les
33
attaques contre le système de défense nationale ou l’ingéren ce étrangère . La notion ainsi
étroitement définie recouvre donc un certain nombre de risques majeurs qui servent de lignes
directrices aux activités du service de renseign ement intérieur de l’Australie tout en les
circonscrivant. Cette définition précise, ainsi que les pouvoirs limités que cette même loi confère à

l’ASIO, contribuent à garantir que celle -ci ne prenne que des mes ures (telles que l’exécution de
mandats de perquisition) nécessaires, conformes aux objectifs légitimes de sécurité nationale et
soumises, en vertu de la Const itution, à une surveillance appropriée et à l’obligation de rendre

compte.

B. Les lois protégeant la sécurité nationale relèvent

de la pratique habituelle des Etats

2.15. Le cadre juridique qui sous-tend la sécurité nation ale de l’Australie comprend
l’établissement, par la voie législative, d’agen ces de renseignement (notamment l’ASIO et le

service de renseignement extérieur ou «ASIS») ains i que des lois interdisant la divulgation non
autorisée de secrets d’Etat. Le Timor -Leste s’est lui aussi doté d’un service de renseignement
national et a adopté des lois qui interdisent la di vulgation d’informations touchant à sa sécurité
34
nationale . Les méthodes adoptées par l’Australie et le Timor -Leste pour protéger leur sécurité
nationale sont, de fait, largement répandues parmi les Etats  si ce n’est universelles , que ce
soit dans les systèmes de droit civil ou de common law, et quelle que soit la région du monde.

32
Service de renseignement intérieur de l’Australie (Australian Security Intelligence Organisation, ASIO), Plan
stratégique 2013-2016, 2013, p.4 (consulté le 20 juillet 20sur le site Internet suivant: http://www.asio.gov.au/img/
files/ASIO-Strategic-Plan_2013-16_A4_web.pdf). Voir également : Bureau de l’ Attorney-General, «Service de
renseignement intérieur de l’ Australie», états budgétaires 2014 -2015, documents de l’ Attorney-General, p.257-258
(consulté le 20juillet 2014 sur le site Internet suivant: http://www.ag.gov.au/Publications/Budgets/Budget2014-15/
Documents/15%20PBS%202014-15%20ASIO.PDF).
33
Australian Security Intelligence Organisation Act (Cth) de 1979 (annexe 37), art. 4.
34Décret-loi n o3/2009 (Service de renseignement national) (Timor-Leste) (annexe 47), art.1 et 13;
o
décret-loi n19/2009 (Code pénal de la République démocratique du Timor-Leste) (Timor-Leste) (annexe 48), art. 200. - 12 -

Les lois relatives à la sécurité nationale en vigueur en Australie

2.16. Comme la plupart des Etats, l’Australie a établi un cadre juridique pour répondre aux
principaux risques liés à la divulgation d’informations touchant à sa sécurité nationale. Ce cadre
englobe des lois pénales visant à prévenir pareille divulgation ainsi que des textes régissant les

procédures d’enquête et l’application desdites lois.

2.17. L’ASIO a notamment pour fonction de recueillir et d’évaluer les informations ayant

trait à la35écurité, et de conseiller les ministres et les autorités du Commonwealth dans ce
domaine . L’ASIS, quant à elle, est char gée d’obtenir et de communiquer des renseignements
secrets concernant les moyens, intentions et activités de personnes ou d’entités se trouvant hors des

frontières de l’Australie, dans l’int36êt d e la sécurité nationale, de la politique étrangère et du
bien-être économique de cet Etat .

2.18. Pour protéger efficacement la sécurité nationale, il est essentiel que certaines
informations demeurent confidentielles. C’est pourquoi le code pénal austra lien interdit la
divulgation d’informations susceptibles de mettre en péril la sécurité nationale, et notamment celles
permettant d’identifier des agents des services de renseignement, dont la divulgation constituerait

une grave menace pour la vie et la sécurité de ressortissants australiens et d’autres personnes.

2L.19. ’Intelligence Services Act 2001 (Cth) [loi de 2001 sur les services de renseignement]
protège les informations relatives à l’ASIS et à l’ identité de ses agents en établissant deux types
d’infractions. Ainsi la communication de certaines informations concernant l’ASIS tombe -t-elle,
sous réserve d’exceptions limitées, sous le coup de l’artic le 39, qui s’applique lorsqu’une personne

communique des informations qui ont été établies par l’ASIS ou pour son compte, que ces
informations concernent les missio ns de l’ASIS ou leur exécution et qu’elles ont été obtenues par
ladite personne dans le cadre de ses fonctions au sein de cette organisation ou d’un contrat, d’un
37
accord ou d’un arrangement con clu avec elle . L’article 41 punit, quant à lui, le fait de rendre
publique l’identité de membres de l’ASIS, en interdisant à quiconque, d’une part, de se présenter
ou de présenter une autre personne comme un agent ou un ancien agent de l’ASIS, sauf rares
exceptions —dans le cas, par exemple, du directeur- général de l’ASIS, qui exerce des fonctions

publiques — et, d’autre part, de rendre publiques des informations qui pourraient raisonnablement
permettre de déduire l’identité d’un agent de l’ASIS, là encore sous réserve d’exceptions limitées
(notamment si pareille divulgation a été autorisée par le directeur-général) 38.

2.20 . L’article 91.1 de l’annexe de la Criminal Code Act 1995 (Cth) [loi de 1995 sur le code
pénal] érige en infraction distincte la commu nication à un autre Etat d’informations ou de dossiers

concernant les «opérations, capacités et moyens technologiques des agences de sécurité 39 de
renseignement du pays, ou les méthodes et les sources que celles-ci utilisent» . Enfin, aux termes
de l’article 70 de la Crimes Act 1914 (Cth) [loi de1914 sur les infractions pénales], constitue une

infraction pénale le fait pour un agent ou ancien agent 40 Gouvernement australien de divulguer de
manière non autorisée des informations officielles .

35Australian Security Intelligence Organisation Act (Cth) de 1979 (annexe 37), art. 17.
36
Intelligence Services Act (Cth) de 2001 (annexe 38), art. 6 et 11.
37
Ibid., art. 39.
38Ibid., art. 41.
39
Criminal Code Act (Cth) de 1995, annexe (annexe 39), art. 91.1.
40
Crimes Act (Cth) de 1914 (annexe 40), art. 70. - 13 -

2C.om. m e d’autres Etats, l’Australie procède à des enquêtes en cas d’infraction pénale
présumée et prend certaines mesures visant à empêch er que de nouvelles violations de la loi ne se
produisent. C’est une autorité indépendante, le Commonwealth Director of Public Prosecutions ,
41
qui prend, le cas échéant, la décision d’engager des poursuites .

Les lois relatives à la sécurité nationale en vigueur au Timor-Leste

T2i2eo.r- Leste dispose d’un «service de renseignement national» 42, agence unique
couvrant à la fois le renseignement intérieur et ex térieur. Les fonctions et responsabilités de ce

service en matière de sécurité sont similaires à celles de l’ASIO. Il dispose d’un «département du
renseignement intérieur», notamment chargé d’informer «les autorités comp étentes … des
informations et renseignements portés à sa connaissa nce, ayant trait à la sécurité intérieure ainsi
43
qu’à la prévention et à la répression du crime» .

2.23. M. Xanana Gusmão, premier ministre du Timor-Leste, a lui-même reconnu le rôle
nécessaire et légitime des agences de sécurité po ur protéger les Etats et leurs ressortissants, en
déclarant ce qui suit :

«Les services de renseignement qui exis tent dans les Etats démocratiques n’ont
absolument rien à voir avec ceux des régimes totalitaires. Dans les sociétés modernes,

[ces services] mènent leurs activités dans le but de protéger les intérêts nationaux et
d’aider l’Etat à atteindre ses objectifs, et sont donc en première ligne pour ce qui est
de la défense et de la sécurité du pays.» 44

2.24. Le premier ministre Gusmão a plus partic ulièrement confirmé le rôle du service de
renseignement timorais dans la poursuite de ces objectifs, affirmant que celui- ci «s’effor[çait] de
45
sauvegarder l’indépendance, les intérêts et la sécurité extérieure et intérieure de la nation» .

2.25. Par ailleurs, le Timor-Leste a adopté de s lois érigeant en infraction pénale la
divulgation de secrets d’Etat, dont certaines, d’application générale, interdisent de communiquer de
manière non autorisée des informations touchan t à la sécurité nationale, à l’instar de la législation
46
en vigueur en Australie .

La pratique internationale en matière de sécurité nationale

2.26. Il est de pratique courante que les Etats disposent de services de renseignement et
érigent en infraction pénale la divulgation de secrets d’Etat.

41 Commonwealth Director of Public Prosecutions , rapport annuel 2012/2013, p.16-17 (consulté le
20 juillet 2014 sur le site Internet suivant : http://www.cdpp.gov.au/wp-content/uploads/CDPP-Annual-Report-2012-
2013.pdf).

42Décret-loi n 3/2009 (Service de renseignement national) (Timor-Leste) (annexe 47), art. 1 et 13.
43
Ibid., art. 5.
44
M. Kay Rala Xanana Gusmão, premier ministre, «Allocution prononcée à l’occasion du séminaire sur le
renseignement», Dili,juille2t009, p2. (consul té le 20 juillet 2014 sur le site Internet suivan:t
http://Timor-Leste.gov.tl/wp-content/uploads/2010/03/20090702_pm_SNI_Wo…).
45Ibid., p. 3.

46Décret-loi n 19/2009 (Code pénal de la République démocratique du Timor-Leste) (Timor-Leste) (annexe 48),
art. 200. - 14 -

2.27. Relevons avant tout que de nombreux Etats se sont dotés de services de renseignement
ayant des fonctions similaires à celles de l’ASIO, de l’ASIS et du se rvice de renseignement

national du Timor-Leste :

1) le cas des agences de renseignement qui, comme l’ASIO, sont responsables des questions de

sécurité est fréquent. Un examen de la législ ation d’un certain nombre d’Etats montre en effet
que le mode de fonctionnement de l’ASIO est conforme à la pratique couran te, et strictement
encadré sur le plan juridique . 47

2) Par ailleurs, nombre d’Etats disposent d’une agen ce telle que l’ASIS, spécifiquement chargée
48
du renseignement extérieur .

3) Enfin, il existe, dans certains Etats, un service unique couvrant à la fois la sécurité intérieure et
49
extérieure, à l’instar du service de renseignement national timorais .

2.28. Il apparaît donc clairement que le fait de se doter d’une agence de renseignement telle
que l’ASIO et de lui confier le pouvoir de recueillir des informa tions (notamment en exécutant des
mandats de perquisition) afin de répondre à des préoccupations de sécurité nationale constitue une

pratique étatique courante.

2.29. De même, la plupart des Etats  si ce n’est tous  ont établi un cadre juridique pour
se préserver des risques importants liés à la divulg ation d’informations concernant la sécurité
50
nationale , notamment par l’adoption de législations51nterdisant pareil comportement de la part des
agents de leurs services de renseignement . Il n’existe, semb le-t-il, aucun Etat doté de tels
services, dans lequel la divulgation, par leurs agents, d’informations touchant à la sécurité nationale

ne soit pas illégale et sévèrement sanctionnée.

Conclusion

2.30. L’Australie soutient que la Cour doit fonder avant tout son examen de la présente

affaire sur la primauté de la souveraineté territoriale. Le droit des Etats de prendre des mesures en
vue de protéger leur sécurité nationale est inhérent à la souveraineté territoriale; il trouve son

expression dans le droit international et relève de la pratique interne courante des Etats. A cet
égard, la législation et la pratique de l’Australi e en matière de sécurité nationale reposent sur un

47Tableau récapitulatif présentant des extraits de lois ternes portant création de services de renseignement
(annexe 49).

48Ibid.
49
Ibid.
50
On peut citer les exemples suivants : Albanie, Allema gne, Arménie, Australie, Bangladesh, Belgique, Brésil,
Bulgarie, République populaire de Chine, République de Croatie, Danemark, République d’Estonie, Etats -Unis
d’Amérique, F inlande, France, Géorgie, Inde, Irlande, Italie, Japon , République de Lettonie, République de Lituanie,
Malaisie, Maroc, Mexique, Nouvelle-Zéla nde, Ouganda, Philippines, Pologne, Royaume-Uni, Fédération de Russie,
Singapour, République slovaque, République de Slovénie, Confédération suisse, République tchèque, République
démocratique du Timor-Leste et République du Zimbabwe. Voir également: tableau récapitulatif présentant la
qualification des infractions que constitue dans différents Etats la divulgationon autorisée d’informations classées

secrètes (annexe 50).
51On peut citer les exemples suivants : Allemagne, Aust ralie, Belgique, Brésil, Bulgarie, République de Croatie,
Etats-Unis d’Amérique, Finlande, Géorgie, Ir lande, Italie, République de Lettonie, Malaisie, Maroc, Mexique,

Nouvelle-Zélande, Ouganda, Philippines, Royaume-Uni, Fédération de Russie, Singapour, République de Slovénie,
Confédération suisse, République tchèque, République démocratique du Timor-Leste et République du Zimbabwe. Voir
également: Tableau récapitulatif présentant la qualification des infractions que constitue dans différents Etats la
divulgation non autorisée d’informations classées secrètes (annexe 50). - 15 -

cadre législatif bien établi et tout à fait conforme à la pratique internationale et à celle des autres
Etats. Les actes qui font l’objet du présent différend ont été exécutés en vertu du droit légitime de

l’Australie d’exercer sa souveraineté territor iale, et dans les limites de ce cadre juridique interne
bien établi en la matière.

2.31. Au vu de ce qui précède, l’Australie prie respectueusement la Cour de faire preuve de
la plus grande prudence avant de faire droit à toute nouvelle restriction du droit de l’Etat du for
d’exercer sa souveraineté territoriale, tout particulièrement en ce qui concerne la protection des
intérêts dudit Etat en matière de sécurité nationale. Limiter l’exercice de la souveraineté territoriale

dans ce domaine, là où aucune restriction n’existe pour l’heure (en étendant les droits génériques
accordés aux Etats étrangers sur le territoire de l’Etat du for), pourrait en effet avoir de graves
incidences sur la sécurité et la stabilité juridiques internationales et créer une incertitude quant au
point de savoir dans quelle mesure l’Etat du for peut licitement agir pour défendre ses intérêts
publics en matière de sécurité nationale et de protection des vies humaines.- 16 - - 17 -

CHAPITRE 3

LESFAITS PERTINENTS

3.1. ’exécution, par l ’ASIO, le 3 décembre 2013, d’un mandat de perquisition dans les

locaux sis au 5Brockman Steet, à Narrabundah, Territoire de la capitale australienne, et
appartenant à M. Collaery, un ressortissant australien, est au cŒur du présent différend. En
application dudit mandat, l ’ASIO a pénétré dans lesdits locaux, les a perquisitionnés, a procédé à

un bref examen des éléments s ’y trouvant aux seules fins de les identifier, puis a pris et conservé
certains d’entre eux. Dans le présent chapitre, l’Australie exposera la base juridique et factuelle qui
a nécessité et justifié l’exercice de ces pouvoirs, ainsi que les mesures de sauvegarde dont celui-ci a
été assorti.

3.2. Dans la sectionI, l ’Australie démontrera que l ’exécution de mandats par l ’ASIO était
une mesure raisonnable et nécessaire, qu ’elle a prise en réponse à des préoccupations légitimes en

matière de sécurité nationale. Dans la section II, elle exposera les garanties qui ont été mises en
place pour atténuer tout risque de prejudice que l ’exécution des mandats aurait, à défaut, pu causer
aux droits plausibles du Timor-Leste. Dans la sectionIII, elle examinera le caractère limité des
faits qui ont été portés à la connaissance de la Co ur et à partir desquels la véritable nature des

éléments en cause doit être établie, ainsi que le s importantes difficultés qui en découlent pour
déterminer si le Timor-Leste possède des droits à l’égard de ces éléments.

S ECTION I

P AR LES MESURES QU ’ELLE A PRISES ,L’A USTRALIE A EXERCÉ SA SOUVERAINETÉ

TERRITORIALE À L ’ÉGARD D ’UN RESSORTISSANT AUSTRALIEN AFIN DE
PROTÉGER SA SÉCURITÉ NATIONALE

3.3. Les faits qui font l ’objet du présent différend montrent clairement que les agissements

de M.Collaery et de l ’un de ses clients, appelé «K», constituaient une divulgation non autorisée
d’informations relatives à la sécurité nationale de l ’Australie, mettant gravement en péril ladite
sécurité nationale ainsi que la vie de citoyens australiens. Dès lors, l ’exécution du mandat par
l’ASIO était une mesure raisonnable et nécessaire.

A. «K» et M. Collaery ont divulgué, sans autorisation, des informations
relatives à la sécurité nationale de l’Australie

3.4. ’après des déclarations émanant du Timor-Leste lui-même, les faits ayant finalement
donné lieu à la présente instance remontent à 2008, lorsque «K» a pris contact avec l ’inspection
générale des services de renseignement et de sécurité à propos d ’un litige professionnel l’opposant
52
à l ’ASIS , son ancien employeur. L’intéressé était mécontent de l ’issue d ’une procédure de
promotion. L’inspecteur général l’a informé des différentes possibilités qui s’offraient à lui pour
faire valoir ses griefs et «K» lui a demandé de mettre au courant son avocat, M. Collaery, afin que
54
celui-ci l’aide à introduire une réclamation .

5MTL, note de bas de page n 58.
53
Lettre en date du 6mars2008 adressée à «K» par M. Ian Carnell, inspecteur général des services de
renseignement et de sécurité de l’Australie (annexe 75).
54
Lettre en date du 12 mai 2008 adressée à M. Ian Carnell, inspecteur général des services de renseignement et de
sécurité de l’Australie, par «K» (annexe 76). - 18 -

3.5. En 1987, pour obtenir, en tant que fonctionnaire du Gouvernement australien, l ’accès à
55
des informations détenues par l ’ASIS, «K» s ’était engagé à en préserver la confidentialité .
Devenu par la suite agent de l ’ASIS, il s’est bien entendu de nouveau engagé à préserver la
confidentialité de certaines informations, aussi bien pendant la durée de ses fonctions au sein de

l’ASIS qu’après cet emploi, et ce, par écrit et à plusieurs occasions : en 1999, lors de son entrée en
fonction , en 2002, à la suite de l’introduction de nouvelles infractions relatives à la divulgation
57
d’informations aux articles39 et 41 de l ’Intelligence Services Act de 2001 , en 2006, lors de sa
cessation de fonctions , et en 2008, dans le cadre de sa correspondance avec l’inspecteur général . 59

3.6. Dans le cadre des instructions qu ’il a reçues pour lui permettre d ’aider «K» à présenter

sa réclamation à l ’inspecteur général, M.Collaery s ’est lui aussi engagé à préserver la
confidentialité de certaines inform ations «protégées», notamment l ’identité d’employés de l’ASIS

tels que «K». Le 29mai2008, il a signé un engagement écrit à cet effet, confirmant qu ’il ne
divulguerait et ne communiquerait aucune information protégée d’une manière qui serait contraire
à une quelconque loi 60.

3.7. En dépit de ces engagements écrits, il apparaît clairement (et ce point n ’est pas contesté
par le Timor-Leste) que :

1)dans des circonstances inexpliquées, «K» a révélé à MC . ollaery des informations
confidentielles qu’il n’était pas autorisé à réveler, en violation apparente du droit australien ;

2) dans des circonstances également inexpliqué es, ces informations confidentielles ont été
communiquées au Gouvernement du Timor-Leste, ce qui constitue un manquement apparent

aux obligations de «K» en vertu du droit australien, ainsi qu ’à l’engagement écrit signé par
M. Collaery et à ses obligations professionnelles en sa qualité d’avocat australien ; et

3) dans des circonstances tout aussi inexpliquées, M.Collaery a révélé publiquement ces
informations par l’intermédiaire des médias . 61

55Déclaration de confidentialité des fonctionnaires du Gouvernement et des forces armées, signée par «K» le
27 mai 1987 [version expurgée] (annexe 77).

56Accord de confidentialité conclu entre le Directeur général de l’ASIS et «K» le 29 novembre 1999 et signé par
«K» le 1erdécembre 1999 [version expurgée] (annexe 78).

57Accord de confidentialité conclu entre le Directeur général de l’ASIS et «K» le 7 janvier 2002 et signé par «K»
le 4 janvier 2002 [version expurgée] (annexe 79).

58Entretien de cessation de fonctions de «K», 30 octobre 2006 (extrait) [version expurgée] (annexe 80).
59
Lettre en date du 12 mai 2008 adressée à M. Ian Carnell, inspecteur général des services de renseignement et de
sécurité de l’Australie, par «K» (annexe 76).
60
Engagement de confidentialité signé par M. Bernard Collaery le 29 mai 2008 [version expurgée] (annexe 81).
61
E.Alberici, «Bernard Collaery, Lawyer for East Timor», Lateline, Australian Broadcasting Corporation
(3 décembre 2013) (consulté le 20 juille t 2014 sur le site Internet suivant : <htt p://www.abc.net.au/lateline/content/2013/
s3904428.htm>); C.Duffy, «New details emerge in claims of spying on East Timor», 7.30, Australian Broadcasting
Corporation (4décembre2013) (consulté le 20juillet2014 sur le site Internet suivant: <http://www.abc.net.au/news/
2013-12-04/new-details-emerge-in-claims-of-spying-oneast/5135404>); T.Allard, «East Timor claims it knows which

Australian spies bugged its offices», Sydney Morning Herald (10 décembre 2013) (consulté le 20 juillet2014 sur le site
Internet suivant: <http://www.smh.com.au/federal-politics/ political-news/east-timor-claims-it-knows-whichaustralian-
spies-bugged-its-offices-20131209-2z1tk.html>); «Raided East Timor Lawyer calls for Inquiry», Australian Associated
Press (4décembre2013) (consulté le 20juillet2014 sur le s ite Internet suivant: <http://www.news.com.au/national/
breaking-news/raided-east-timor-lawyer-calls-forinquiry/story-e6frfku9-1226774620861>) ; P. Lloyd, «ASIO raided
office of lawyer representing East Timor in spying case», ABC News , Australian Broadcasting Corporation

(3 décembre 2013) (consulté le 20 juillet 2014 sur le site Internet suivant : <http://www.abc.net.au/news/2013-12-03/asio-
raided-lawyerrepresenting-east-timor-in-spying-case/5132486>). - 19 -

3.8. Pas plus le Timor-Leste que M. Collaery n ’ont indiqué clairement pourquoi et comment
ces informations avaient été divulguées par «K » ou avaient été portées à la connaissance du
Timor-Leste. On ignore si celui-ci y a incité «K», M.Collaery ou les deux. Ce que l’on sait, en
62
revanche, c’est que «K» est un 63ient de M. Collaery depuis au moins 2008 , et que le Timor-Leste
l’est depuis 2010 au moins . Ce dernier ne conteste pas que de telles divulgations non autorisées
et apparemment illégales ont été faites par «K» et M. Collaery, et que les informations en question

lui sont ultérieurement parvenues.

3.9. Dans son mémoire, le Timor-Leste indique que M. Collaery agit pour son compte depuis

plusieurs années, notamment en ce qui concerne la procédure d ’arbitrage, dans le cadre de laquelle
l’intéressé a été engagé comme conseil du Timor-Leste, et son cabinet, Collaery Lawyers, comme
avocat . Par souci d’exhaustivité, il convient de mentionner que, le 7 juillet 2014, le Timor-Leste

a signalé des modifications dans la compositi on de sa représentation dans la procédure d ’arbitrage,
qui ne comprend plus M. Collaery, ni aucun autre membre de son cabinet 6.

B. Les divulgations non autorisées portaient atteinte à la sécurité nationale de l’Australie
et menaçaient la sécurité et la vie de certaines personnes

3.10. Les divulgations non autorisées dont «K» et M.Collaery se sont rendus coupables
constituent une grave infraction pénale en Australie, passible de 25 ans d ’emprisonnement . Les 66

conséquences en sont toutefois bien plus lourde s, puisque la divulgation de ces informations
compromet la sécurité nationale de l ’Australie, ainsi que la sécurité et la vie de certains
Australiens. M. Alfredo Pires, ministre du pétrole et des ressources minérales du Timor-Leste, l ’a

d’ailleurs confirmé, en reconnaissant, dans plusieurs dé clarations publiques, les risques pesant sur
la sécurité nationale de l ’Australie et, en particulier, sur celle des agents de renseignement
australiens. A titre d’exemple, le 9 décembre 2013, il a déclaré ce qui suit :

«Nous sommes parvenus à déduire certains noms. Nous les avons consignés
dans certains de nos ordinateurs ; or, de nos jours, la sécurité d ’un ordinateur ne peut

être garantie… Si ces noms tombent entre de mauvaises mains et que les intéressés
opèrent toujours dans d’autres parties du monde …ils devront redoubler de prudence
pour éviter d’être identifiés, car ils courent des risques. Nous ne voudrions pas qu ’il y
67
ait de nouvelles victimes dans cette affaire.»

3.11. De même, dans une séquence vidéo diffusée le 17mars2014 par l ’émission

Four Corners sur la chaîne Australian Broadcasting Corporation,M.Pires tenait les propos
suivants: «Nous avons entendu dire que certains se trouvaient ici à l ’époque; inutile de préciser

62Lettre en date du 12 mai 2008 adressée à M. Ian Carnell, inspecteur général des services de renseignement et de
sécurité de l’Australie, par «K» (annexe 76).
63
Extrait du portail électronique du Timor-Leste consacrà la passation des marchés publics, montrant la liste
des contrats octroyés depuis 2010 à M. Bernard Collaery pour des «services de conseil» (annexe 72).
64
MTL, par. 4.4.
65Lettre en date du 7juillet2014 adressée à M.Garth Schofield, conseil juridique devant la Cour permanente

d’arbitrage, par M. Joaquim da Fonseca, ambassadeur du Timor-Leste auprès du Royaume-Uni (annexe 82).
66Art. 39 et 41 de l’ Intelligence Services Act (Cth) de 2001 (annexe38); ar91.1 de l’annexe d e la Criminal
Code Act (Cth) de 1995 (annexe 39) ; art. 70 de la Crimes Act (Cth) de 1914 (annexe 40).

67R. Le May, «More whistleblowers in Timor spy scandal», Sydney Morning Herald, 9 décembre 2013 (consulté
le 20juillet2014 sur le site Internet suivant: <http://news.smh.com.au/breaking-news-national/more-whistleblowers-
intimor-spy-scandal-20131209-2z1nu.html>). - 20 -

qu’ils n’avaient pas fait la traversée à la nage. Nous avons leurs noms. Nous ne voulons pas les
mettre en danger.» 68

Les divulgations non autorisées représentent une grave menace pour la vie de certains

Australiens

3.12. Une fois que des informations confidentielles et à caractère personnel concernant des

agents de renseignement australiens ont été révélées, il n ’est plus possible de faire marche arrière.
Pareilles divulgations non autorisées peuvent faire courir un risque réel et irrémédiable à ces
personnes et nuire à leur capacité de trouver un emploi en tant qu ’agent du Gouvernement

australien, à quelque titre que ce soit. Par ailleurs, il est très difficile de rectifier des
informations  erronées  selon lesquelles certaines opérations ont été menées ou certaines

personnes sont associées à des activités de renseignement.

3.13. Le risque que soit causé un grave préjudice à certaines personnes est bien réel. Si une
personne travaillant officiellement à l’étranger pour l’Australie est identifiée (ou identifiable) à tort
comme un agent de renseignement, elle court un risque. On pourrait citer maints exemples

d’agents de renseignement, ou de personnes en rapport avec pareils agents, qui ont été tués à la
suite de la divulgation de leur identité (notamment les agents de la CIA Richard Welch 69 et
70 71
William Buckley ) ou de leurs activités de renseignement en ex-URSS , sans parler de ceux qui
ont été arrêtés ou exécutés au motif qu ’ils menaient des activités de renseignement dans un Etat
étranger . Ces risques pèsent à la fois spécifiquement sur les personnes identifiées ou dont

l’identification est rendue possible et, d’une manière plus générale, sur les catégories de personnes
identifiées. A tout le moins, la divulgation des informations confidentielles compromet la sécurité

de «K» et celle de tout autre individu identifié (à juste titre ou non) comme appartenant aux
services de renseignement australiens.

3.14. De surcroît, la divulgation de renseignements classés secrets, aussi insignifiants
soient-ils, peut avoir de graves conséquences pour certaines personnes. L ’Australian Law Reform
73
Commission [Commission australienne de réforme du droit] l’a confirmé dans son rapport intitulé
«Secrecy Laws and Open Government in Australia», dans lequel elle a déclaré ce qui suit :

«[M]ême de petits détails, quel que soit leur niveau de classification initial,
peuvent, s’ils sont recoupés avec d ’autres renseignements, compromettre la sécurité

68
M.Wilkinson et P.Cronau, «Drawing the Line», Four Corners , Australian Broadcasting Corporation,
17 mars 2014 (annexe 60).
69
Central Intelligence Agency, «Remembering CIA’s Heroes: Ri chard S. Welch», 29 juin 2011 (consulté le
20juillet2014 sur le site Internet suivant: https://www.cigov/news-information/featured-story-archive/2011-featured-
storyarchive/heroes-richard-s-welch.html).
70
Central Intelligence Agency, «CIA Remembers Agency Hero William Buckley», 14mars2014 (consulté le
20juillet2014 sur le site Internet suivant: <https://www .cia.gov/news-information/press-releases-statements/2014-
pressreleases-statements/cia-remembers-agency-hero-william-buckley.html>).
71
Federal Bureau of Investigation, «Famous Cases & Criminals – Aldrich Hazen Ames» (consulté le
20 juillet 2014 sur le site Internet suivant : <http://www.fbi.gov/about-us/history/famous-cases/aldrich-hazen-ames&gt;).
72
Par exemple, l’exécution de deux personnes en Iran : Y. Katz, «Iran hangs two spies for spying for Israel, US»
[Deux personnes accusées d’espionnage pour le compte d’Israël et des Etats-Unis pendues en Iran], The Jerusalem Post,
19 mai 2013 (annexe 61).
73
Agence fédérale chargée d’examiner les lois australiennes pour veiller à ce qu’elles offrent un meilleur accès à
la justice pour tous les Australiens, en rendant les lois et les procédures y afférentes plus équitables, modernes, justes et
efficaces. - 21 -

nationale. Aussi convient-il de veiller, par exemple, à ce que l’identité d’agents de
renseignement ne soit pas publiquement révélée.» 74

3.15. Dans ce même rapport était égalemen t citée la déclaration suivante de l ’Australian
Intelligence Community [communauté australienne du renseignement] :

«Même un élément d ’information apparemment anodin, comme le nombre de
jours de congé accordés aux membres du personnel de l ’ASIS ou de l ’ASIO ou leur
salaire, peut être significatif pour un service de contre-espionnage étranger, car ce type
d’informations peut permettre d ’identifier des agents de l ’ASIS ou de l ’ASIO. La

protection de l ’identité de ces agents est cruciale aux fins de la collecte de
renseignements de source humaine, étant donné que les intéressés travaillent à
l’étranger, sans bénéficier de la protection du Gouvernement australien, et que leur
identification peut nuire à la capacité de leur service de mener à bien la mission de
sécurité nationale qui lui incombe.» 76

Les divulgations non autorisées ont porté préjudice à la sécurité nationale de l’Australie

3.16. Les divulgations non autorisées représentent également une menace plus globale pour
la sécurité nationale. Elles peuvent notamment nuire à la capacité de l ’Australie de préserver sa
sécurité nationale, en permettant à des acteurs, étatiques ou non, de prendre des mesures de
contre-espionnage. Elles compromettent en outre la coopération et l ’échange de renseignements

entre les services secrets australiens et ceux d ’autres pays, dont dépend largement la connaissance
qu’a l ’Australie des stratégies, modes opératoires, agents, relations et activités de groupes et
d’individus menaçant sa sécurité nationale, ainsi que la paix et la sécurité internationales. Le fait
de pouvoir prendre part à pareil échange est donc essentiel à la sécurité nationale de tous les Etats

concernés. Or, celui-ci repose sur la confiance mu tuelle dans la capacité de chaque participant de
protéger les informations sensibles. En conséquence, il est fondamental pour le bon déroulement
des relations d’échange de renseignements, ainsi que pour la sécurité nationale de l ’Australie, que
les autres Etats continuent de se fier à la capaci té de celle-ci de préserver la confidentialité des
informations qu’elle détient.

3l.an.s ’affaire Regina v. Shayler, la Chambre des lords du Royaume-Uni a résumé ces
risques en ces termes :

«Nombre de sources internes faisant autorité soulignent la nécessité, pour un
service de renseignement ou de sécurité, d ’être lui-même sûr. Un tel service s’occupe
de traiter des informations secrètes et confidentielles. Si ce service n’est pas sûr, ceux

qui Œuvrent contre les intérêts de l’Etat, qu’il s’agisse de terroristes, d’autres criminels
ou d’agents étrangers, seront alertés et pourront se soustraire à l’action de cet Etat ; ses
propres agents risqueront d ’être démasqués, ses membres ne se feront plus
mutuellement confiance, ses sources d ’information redouteront de voir leur identité

74Rapport de l’ Australian Law Reform Commission, Secrecy Laws and Open Government in Australia , p. 112,
par. 8.53 (consulté le 20 juillet 2014 sur le site Internet suivant : <http://www.alrc.gov.au/publications/report-112&gt;).

75 L’Australian Intelligence Communityest composée de l’ Office of National Assessments , de l’ Australian
Security Intelligence Organisation , de l’ Australian Secret Intelligence Service , du Defence Signals Directorate , du
Defence Intelligence Organisation et du Defence Imagery and Geospatial Organisation .
76
Rapport de l’ Australian Law Reform Commission, Secrecy Laws and Open Government in Australia , p. 112,
par. 8.53. - 22 -

révélée et les pays étrangers refuseront de confier les renseignements dont ils
77
disposent à un interlocuteur vulnérable.»

3.18. Le fait que la divulgation d’informations en apparence mineures puisse avoir de graves

conséquences a été clairement établi par les tribunaux britanniques en l ’affaire dite du
«Spycatcher» :

«Dans un contexte d’espionnage ou de contre-espionnage, il est très difficile de
déterminer ce qui est anodin et ce qui ne l ’est pas. Les opérations d’espionnage et de
contre-espionnage ressemblent beaucoup à des puzzles. Un seul élément, pris

isolément, peut paraître quelconque. S’il est rapproché d’autres détails apparemment
tout aussi anecdotiques, il peut certes le rester mais aussi, le cas échéant, permettre
d’éclairer une situation dans son ensemble.» 78

3.19. Cet aspect a également été relevé aux Etats-Unis, par la juridiction saisie de l ’affaire
United States v. Marchetti :

pertinence ’une bribe d’information dépend souvent de la connaissance de
nombreuses autres. Ce qui peut paraître négligeable au profane peut revêtir une
grande importance pour quiconque possède une vue d ’ensemble de la situation et est
79
en mesure de replacer l’élément en question dans son contexte.»

l E.n0. ’espèce, il n’est pas possible de déterminer complètement la nature du risque sans

avoir connaissance de toutes les informations que «K» ou M. Collaery ont divulguées ou entendent
divulguer. En revanche, il est clair que les ré vélations non autorisées auxquelles ils se sont d’ores
et déjà livrés suscitent de graves préoccupations en matière de sécurité nationale et sont

susceptibles de constituer des infractions pénales au regard du droit australien, et notamment des
articles 39 et 41 de l’Intelligence Services Act (Cth) de 2001, de l’article 70 de la Crimes Act (Cth)
de 1914 et de l’article 91.1 de l’annexe de la Criminal Code Act (Cth) de 1995.

C. Les mesures prises par l’ASIO étaient une réaction raisonnable et nécessaire
aux menaces que représentaient les agissements de «K» et de M. Collaery

3.21. Face à ces menaces, il était tout à fait raisonnable que l ’Australie prît des mesures afin
de protéger ses ressortissants de tout préjudice et d’éviter toute atteinte ultérieure à sa sécurité

nationale. L ’autre possibilité consistait à s ’en remettre à la conscience de M.Collaery (et aux
décisions des représentants du Timor-Leste), qui avait déjà divulgué à plusieurs reprises des
informations sensibles, mettant ainsi en danger des Australiens . En pareilles circonstances, aucun

Etat n’accepterait d’être privé de la capacité de protéger ses ressortissants.

77
Regina v. Shayler [2002], WLR, vol. 2, p. 771, par. 25 (annexe 4).
78
Attorney-General v. Guardian Newspapers Ltd and others (No. 2) [1988], WLR, vol. 2, p. 870 F (annexe 5).
79United States v. Marchetti, F.2d 1309 (1972), vol. 466, p. 1318 (annexe 6).

80E.Alberici, «Bernard Collaery, Lawyer for East Timor», Lateline, Australian Broadcasting Corporation
(3 décembre 2013) ; C. Duffy, «New details emerge in claims of spying on East Timor7.30, Australian Broadcasting
Corporation (4décembre 2013); T.Allard, «East Timor claims it knows which Australian spies bugged its offices»,
Sydney Morning Herald (10 décembre 2013) ; R. Le May, «More whistleblowers in Timor spy scandal», Sydney Morning
Herald (9décembre 2013); «Raided East Timor Lawyer calls for Inquiry», Australian Associated Press
(4décembre2013); P.Lloyd, «ASIO raided office of lawyer representing East Timor in spying case», ABC News ,
Australian Broadcasting Corporation (3décembre2013); M. Wilkinson et P. Cronau, «Drawing the Line»,
Four Corners, Australian Broadcasting Corporation (17 mars 2014) (transcription) (annexe 60). - 23 -

3.22. En conséquence, ayant été informée de ce que M. Collaery facilitait la divulgation non
autorisée au Timor-Leste de renseignements relatifs à la sécurité nationale de l’ Australie, l’ASIO a

ouvert une enquête. Conformément aux fonctions de ce service, celle-ci avait pour objectif de
vérifier la véracité de cette information, afin que l ’ASIO dispose d’éléments concrets pour alerter
les ministres et les autorités australiennes de la menace qui pesait sur la sécurité nationale du pays.

3.23. Au vu de cette première enquête, l ’ASIO a conclu qu ’il convenait de demander à
l’Attorney-General de l’Australie un mandat l’autorisant à pénétrer dans les locaux de M. Collaery

et à les perquisitionner.

3.24. Les circonstances dans lesquelles l ’Attorney-General peut émettre un mandat de

perquisition sont régies par l’article 25 de la loi ASIO, qui se lit comme suit :

«1) Le ministre, si le directeur général lui en fait la demande, et s ’il estime avoir la
conviction mentionnée au paragraphe2 ci-après, peut délivrer un mandat

conformément aux dispositions du présent article.

Critère d’émission d’un mandat

2) Le ministre ne délivrera le mandat que s ’il est convaincu qu ’il existe des motifs
raisonnables de croire que, en accédant aux documents et autres éléments se
trouvant en un lieu donné (les locaux à perquisitionner ), l’ASIO apportera une
contribution substantielle à la collecte de renseignements relatifs à une question

importante touchant à la séc81ité (ci-après la «question de la sécurité»),
conformément à la présente loi.» [Les italiques sont dans l’original.]

3.25. Un mandat peut autoriser l ’ASIO à pénétrer dans des locaux et à les perquisitionner, à
inspecter et à examiner les dossiers et d’autres éléments qui s’y trouvent ainsi qu’à les prendre et à
les conserver . Il peut en outre autoriser l’ASIO à accéder à tout ordinateur se trouvant dans les
locaux et à l ’utiliser, par exemple, lorsqu ’il est raisonnablement permis de penser que cet
83
ordinateur contient des données intéressant la question de la sécurité .

l E.n6. ’espèce, un mandat de perquisition a été dûment émis par l’Attorney-General, qui a

déclaré être convaincu

«qu’il exist[ait] des motifs raisonnables de croire que, en accédant aux documents et
autres éléments se trouvant dans les locaux à perquisitionner, l’ASIO apportera[it] une

contribution substantielle à la collecte de renseignements relatifs à une question
importante touchant à la sécurité (ci-après la «question de la sécurité»), conformément
à la présente loi» .4

81
Paragraphes 1 et 2 de l’article25 de l’ Australian Security Intelligence Organisation Ac(Cth) de 1979
(annexe 37).
82Paragraphe 4 de l’article 25 de l’Australian Security Intelligence Organisation Act (Cth) de 1979 (annexe 37).

83Paragraphe 5 de l’article 25 de l’Australian Security Intelligence Organisation Act (Cth) de 1979 (annexe 37).
84
Mandat de perquisition émis le 2 décembre 2013 en vertu de l’article 25 de l’Australian Security Intelligence
Organisation Act de 1979 [version expurgée] (annexe 83). - 24 -

3.27. En vertu du paragraphe 4 de l ’article25 de la loi ASIO, l ’Attorney-General a autorisé
l’ASIO à :

«a) pénétrer dans les locaux à perquisitionner sis au 5 Brockman Street, à Narrabundah
ACT 2604 ;

b) perquisitionner ces locaux afin d ’y trouver des documents ou autres éléments
intéressant la question de la sécurité et, à cet effet, ouvrir tout coffre-fort, toute

boîte, tout tiroir, tout paquet, toute enveloppe ou tout autre contenant dont il y
aurait raisonnablement lieu de penser qu ’il recèle des documents ou autres
éléments de cette nature ;

c) inspecter, ou examiner selon toute autr e modalité, tout document ou autre élément

trouvé dans les locaux et photocopier ou reproduire tout document ainsi trouvé qui
semblerait pertinent aux fins de la collecte de renseignements par l ’ASIO, telle que
prévue par les dispositions de la loi ;

d) prendre et conserver tout document ou autre élément ainsi trouvé aux fins de

procéder à son inspection ou examen et, dans le cas de documents, de les
photocopier ou reproduire conformément aux termes du mandat ;

e) mettre en Œuvre tous les moyens raisonnablement nécessaires pour dissimuler le
fait que des mesures ont été exécutées en vertu du mandat ;

f) prendre toute autre mesure qui puisse raisonnablement se justifier aux fins
susvisées.» 85

3.28. En outre, l’Attorney-General a déclaré avoir la conviction qu’il était

«raisonnable de penser qu ’il y aurait moyen d ’accéder à des données intéressant la
question de la sécurité en utilisant un ordinateur, ou autre appareil électronique ou
support de stockage de données apporté ou trouvé dans les locaux à perquisitionner ou

qu’aurait avec lui Bernard Joseph E86ard Collaery, ainsi que ceux appartenant à toute
personne présente sur les lieux» .

3.29. En vertu du paragraphe5 de l ’article25 de la loi ASIO, l ’Attorney-General a aussi
autorisé cette dernière à :

«a) utiliser tout ordinateur ou autre appare il électronique ou support de stockage de
données apporté ou trouvé dans les locaux à perquisitionner pour accéder à des
données intéressant la question de la sécurité et, au besoin, ajouter, supprimer ou
modifier à cet effet d ’autres données stockées dans l ’ordinateur, l ’appareil

électronique ou le support en question ;

b) utiliser tout ordinateur ou autre appare il électronique ou support de stockage de
données apporté ou trouvé dans les locaux à perquisitionner dans l ’un quelconque

des buts suivants :

85Mandat de perquisition émis le 2 décembre 2013 en vertu de l’article 25 de l’Australian Security Intelligence
Organisation Act de 1979 [version expurgée] (annexe 83).

86Ibid. - 25 -

i) inspecter et examiner toutes données auxquelles il aurait été obtenu accès ;

ii) convertir en document toutes données auxquelles il aurait été obtenu accès et
qui sembleraient pertinentes aux fins de la collecte de renseignements par
l’ASIO, telle que prévue par cette loi, et prendre en sa possession tout

document ainsi établi ;

iii) copier, sur un support de stockage, toutes données auxquelles il aurait été
obtenu accès, et qui sembleraient per tinentes aux fins de la collecte de
renseignements par l ’ASIO, telle que prévue par cette loi, et prendre en sa

possession le support en question ;

c) mettre en Œuvre tous les moyens raisonnablement nécessaires pour dissimuler le
fait que des mesures ont été exécutées en vertu du mandat ;

d) prendre toute autre mesure qui puisse raisonnablement se justifier à l ’une
87
quelconque des fins susvisées.»

3.30. Le mandat de perquisition en question a été délivré le 2 décembre 2013 et a été exécuté
par l’ASIO le lendemain . Conformément à l’alinéa c) du paragraphe4 de l ’article25 de la loi,

l’ASIO ne s’approprie pas les éléments en cause, et, sous réserve que cela ne porte pas préjudice à
la sécurité, les restitue dans un délai raisonnable.

3.31. Par souci d’exhaustivité, l’Australie précise que, en vertu d’un second mandat, l’ASIO
a également pénétré dans les locaux de «K» le 3décembre2013 et les a perquisitionnés. Ni ce

mandat, ni les locaux en question, ni les éléments qui y ont été pris ne font toutefois l ’objet du
présent différend.

D. Le mandat a été exécuté afin d’atténuer les risques pesant sur la sécurité nationale

de l’Australie et n’a ni avantagé cette dernière ni porté préjudice
au Timor-Leste dans la procédure d’arbitrage

3.Llors ’audience sur les mesures conservatoires du 22 janvie2014, le
Solicitor-General a exposé comme suit les raisons pour lesquelles le mandat de perquisition avait
été exécuté :

«Le mandat de perquisition a été émis le 2décembre2013 et exécuté le
lendemain car l’Australie était alors en possession d’informations indiquant qu’il était
probable (au sens d’un risque réel) qu’une personne que j’ai nommée [«K»] :

 ait divulgué à M.Collaery, pour le compte du Timor-Leste, des informations
concernant la sécurité de l’Australie ;

 fasse de nouvelles révélations, dont l’objet, le but ou les destinataires
échapperaient à tout contrôle ou restriction de l’Australie ;

 puisse quitter, peut-être définitivement, le territoire australien dans les jours
suivants ; et

87Mandat de perquisition émis le 2 décembre 2013 en vertu de l’article 25 de l’Australian Security Intelligence
Organisation Act de 1979 [version expurgée] (annexe 83)

88Ibid. - 26 -

 puisse détruire des documents et données qui pourraient éclairer ces révélations.

Telles étaient les préoccupations qui ont imposé l ’adoption immédiate de trois

mesures étroitement liées: premièrement, l ’annulation du passeport de [«K»];
deuxièmement, la délivrance d’un mandat de perquisition visant les locaux de [«K»] ;
troisièmement, la délivrance d ’un mandat de perquisition visant les locaux de
M.Collaery. Il a été estimé que si ces mesures n ’étaient pas prises immédiatement,
89
elles risquaient, le moment venu, de ne pas pouvoir si aisément porter leurs fruits.»

3.33. Pour l’heure, il n’est pas possible, sans compromettre davantage la sécurité nationale
de l ’Australie, d ’exposer plus clairement les motifs ayant présidé à l ’exécution du mandat.

Cependant, toute accusation selon laquelle ce ma ndat aurait été exécuté pour désavantager le
Timor-Leste dans le cadre de l’arbitrage, notamment au cours de la première réunion de procédure
qu’a tenue le tribunal arbitral le 5décembre2013, est dénuée de tout fondement. L ’équipe
juridique représentant l’Australie lors de cette réunion n ’avait pas connaissance de l ’existence du
mandat. De plus, aucun des éléments en cause ne semble lié aux questions procédurales examinées

à cette occasion. En tout état de cause, le lendemain de l ’exécution du mandat, l’Attorney-General
s’est engagé à ce qu’aucun de ces éléments ne soit communiqué à l’équipe juridique chargée de la
procédure d’arbitrage au nom de l ’Australie et a fourni, depuis, d ’autres assurances renforçant cet
engagement. Dès lors, on ne saurait prétendre que l ’exécution du mandat était destinée à profiter

matériellement à l’Australie (ou à nuire au Timor-Leste) lors de la première réunion de procédure
ou, plus généralement, dans le cadre de l’arbitrage.

SECTION II

L’A USTRALIE A MIS EN ŒUVRE UNE SÉRIE DE MESURES POUR ATTÉNUER
LES RISQUES POUVANT ÊTRE CAUSÉS À TOUT DROIT PLAUSIBLE
DÉTENU PAR LE T IMOR -LESTE OU D ’AUTRES

3.34. Comme cela a été préci sé dans la section précédente, l’exécution du mandat de
perquisition par l’ASIO était une réaction raisonnable et nécessaire pour protéger des vies
australiennes (et, peut-être, d’autres vies) ainsi que la sécurité nationale de l’Australie. Nonobstant
le droit de cette dernière d’agir de la sorte, les autorités compétentes ont reconnu que certains des

clients de M.Collaery, dont le Timor-Leste, pourraient éventuellement revendiquer, en vertu du
droit interne austral ien, le principe du secret professionnel des avocats et conseils à l’égard de
certains des éléments en cause. Des mesures de sauvegarde ont donc été mises en place pour
atténuer le risque de violation de ce principe, tant en ce qui concerne l’exécution du mandat de

perquisition que, par la suite, la manière dont les éléments en cause ont été traités par les
fonctionnaires australiens. Le Timor- Leste a soutenu que «l’examen, la saisie et la rétention des
documents et autres éléments … pla[çai]ent l’Australie dans une position qui pourrait lui permettre
de porter préjudice aux intérêts timorais» 90. Ainsi que cela sera exposé ci- dessous, l’Australie a

pris de nombreuses mesures pour éviter pareille si tuation, et s’est assurée qu’il ne puisse pas être
porté préjudice aux intérêts juridiques légitimes du Timor-Leste.

89Questions concernant la saisie et la détentiotains documents et données (Timor-Leste c.Australie) ,
compte rendu corrigé CR 2014/4, 22 janvier 2014, par. 39 (Gleeson).
90
MTL, par. 1.9. - 27 -

A. Des mesures de sauvegarde ont été mises en place
pendant l’exécution du mandat de perquisition

3.35. A titre de mesure initiale, un juriste a accompagné l’équipe de l’ASIO chargée
d’effectuer l a perquisition le 3décembre 2013. Les éléments pris sur les lieux n’ont été que
brièvement examinés, afin de déterminer s’ils étai ent pertinents au regard de l’objet du mandat de

perquisition (la menace pour la sécurité nationale australienne qui avait é té identifiée) et d’en
donner une description sur la liste des biens saisis. Tous les documents ont été placés dans des
enveloppes en papier kraft qui ont été scellées, av ant d’être rangés dans des «sacs pour pièces à

conviction» transparents qui ont également été scellé s, si bien que, pour les examiner par la suite,
deux sceaux devaient être rompus. Une éti quette portant la mention «LPP» [pour «legal
professional privilege», c’est-à-dire secret professionnel des avocats et conseils] a été apposée sur
les documents écrits, auxquels un numéro d’identifica tion a ensuite été attribué, ce qui montre que

l’on suppos91t que le secret professionnel pourrait être invoqué à leur égard en vertu du droit
australien .

3.36. L’ASIO a demandé à un collaborateur de M. Collaery présent sur les lieux de signer
une attestation confirmant que les éléments saisis avaient été correctement décrits et consignés sur
la liste des biens saisis 9. Un exemplaire de cette attesta tion a été remis au collaborateur en

question. L’ASIO a également établi une liste des fonctionnaires qui étaient présents lors de
l’exécution du mandat de perquisition et qui ont eu accès à des éléments particuliers durant
l’opération.

93
3.37. A une exception près (un téléphone mobile qui a été restitué le 6 décembre 2013) , les
sacs pour pièces à conviction dans lesquels les éléments en cause avaient été placés sont demeurés
scellés jusqu’à ce jour. Une fois la perquisition ac hevée, les éléments en cause ont été placés dans

une caisse fermée à clé et y sont demeurés.

B. L’Attorney-General a fait une série de déclarations, donné des instructions

et pris des engagements afin de préserver les droits du Timor-Leste

3A.38s.sitôt après l’exécution du mandat de perquisition, et dans les semaines qui ont
suivi, l’ Attorney-General a fait des déclarations publiques, donné des instructions et pris des

engagements pour s’assurer que les éléments en cause seraient traités de manière à garantir qu’il ne
soit porté atteinte à aucun droit plausible du Timor-Leste.

La déclaration ministérielle du 4 décembre 2013

3.39. Le 4décembre 2013, l’ Attorney-General a fait, en sa qualité de ministre, une
déclaration devant le Sénat australien à propos de l’exécution du mandat de perquisition.

91Liste des biens saisis n o A 228909 A228915, 5Brockman St., 3décembre2013 [version expurgée]
(annexe 84).
92 o
Liste des biens saisis n A 228909  A 228915, 5 Brockman St., 3 décembre 2013 [version expurgée]
(annexe 84).
93
Un téléphone mobile appartenant à un collaborateur de M.Collaery, dont il a été ét abli qu’il n’était pas
pertinent aux fins de l’enquête, a été restitué le 6 décembre 2013. - 28 -

3.40. Il a indiqué que le mandat de perq uisition avait été délivré «à la demande de l’ASIO,
parce que les documents et données électroniques en cause incluaient des renseignements
intéressant des questions de sécurité nationale» . 94

3.41. L’Attorney-General a de surcroît précisé aux sénateurs qu’il avait

«donné pour instruction à l’ASIO de veiller à ce que la teneur des éléments saisis ou
de toutes informations auxquelles ceux- ci permettraient d’accéder ne soit en aucune

circonstance communiquée à l’équipe représentant l’Australie dans le cadre d e la
procédure d’arbitrage» . 95

3.42. Il ressort manifestement de cette déclarat ion que, au moment même de l’exécution du

mandat de perquisition, des mesures de sauvegarde avaient été mises en place pour éviter que le
Timor-Leste ne se trouve désavantagé da ns la procédure d’arbitrage du fait de ladite perquisition.
Les éléments en cause n’ont à aucun moment été communiqués à quiconque représentant

l’Australie dans le cadre de cette procédure.

L’engagement du 19 décembre 2013

3.43. Le 5décembre2013, le tribunal arbitral a tenu à LaHaye sa première réunion de
96
procédure . A cette occasion, le conseil du Timor-Leste a soulevé, en substance, la question dont
est à présent saisie la Cour. L’agent de l’Australi e a informé le tribunal que les éléments en cause
seraient traités conformément au droit australi en et ne seraient communiqués à aucune personne
97
représentant l’Australie dans le cadre de la procédure arbitrale . Il a également précisé que ces
éléments ne pouvaient pas alors être restitués et qu’aucun en gagement ne pouvait être pris quant à
la date à laquelle ils pourraient l’être 9. Copie de la déclaration de l’agent a été remise au tribunal
99
arbitral .

T3L4eo.r- Leste s’est également dit préoccupé de ce que l’Australie puisse être en
mesure de tirer avantage de la situation dans le cadre de l’arbitrage, et s’est enquis des moyens d’y

remédier. Il a notamment demandé que l’Australie prenne un engagement sur ce qu’il percevait
comme un conflit d’intérêt, et qui tenait au rôle joué par l’ Attorney-General de l’Australie à la fois
dans la procédure d’arbitrage et dans l’exécution du mandat de perquisition 100. L’agent de

94 D éclaration relative à l’exécution des mandats de perquisition par l’ASIO, faite par le

sénateur George Brandis QC, Attorney-General de l’Australie, en sa qualité de ministre, le 4 décembre 2013 (annexe 52).
95 D éclaration relative à l’exécution des mandats de perquisition par l’ASIO, faite par le
sénateur George Brandis QC, Attorney-General de l’Australie, en sa qualité de ministre, le 4 décembre 2013 (annexe 52).

96 Cour permanente d’arbitrage, procès -verbal de la première réunion de procédure entre le Timor-Leste et
l’Australie à La Haye, Arbitrage en vertu du traité sur la mer de Timor, 5 décembre 2013 (annexe 85).

97Ibid., p. 29 (ligne 19) à p. 36 (ligne 4) (Reid) (annexe 85).
98
Ibid., p.29 (ligne19) à p.36 (ligne4) (Reid); p.38 (ligne13) à p.39 (ligne6) (Reid); et p.40 (ligne 20) à
p. 41 (ligne 9) (Reid) (annexe 85).
99
Australie, déclaration relative aux procédures juridiques internArbitrage en vertu du traité sur la mer de
Timor, 5décembre 2013 (annexe 86) ; Cour permanente d’arbitrage, procès-verbal de la première réunion de procédure
entre le Timor-Leste et l ’Australie à La Haye, Arbitrage en vertu du traité sur la mer de Timor , 5 décembre 2013, p. 38
(lignes 7-12) (Reid) (annexe 85).
100
Cour permanente d’arbitrage, procès-verbal de la première réunion de procédure entre le Timor-Leste et
l’Australie à La Haye, Arbitrage en vertu du traité sur la mer de Timor, 5 décembre 2013, p. 49 (ligne 8) à p. 51 (ligne 3)
(Lowe) (annexe 85). - 29 -

l’Australie s’est engagé à répondre par écrit sur ce point au tribunal arbitral au plus tard le
19 décembre 2013 . 101

3.45. L’Attorney-General a ensuite fourni au tribunal arbitral un engagement écrit daté du
19 décembre 2013 et rédigé en ces termes :

«J’ai donné pour instruction à l’ASIO de veiller à ce que la teneur des éléments

saisis ou de toutes informations auxquelles ceux-ci permettra ient d’accéder ne soit en
aucune circonstance communiquée à l’équipe représentant l’Australie dans le cadre de
la procédure d’arbitrage.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Aucune émanation de l’administration australienne n’utilisera les éléments
saisis à quelque fin que ce soit qui serait en rapport avec cette procédure d’arbitrage.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Je prends devant le tribunal l’engagement

 de ne pas prendre connaissance ni chercher de quelque autre manière à avoir

connaissance de la teneur des éléments saisis ou de toutes informations auxquelles
ceux-ci permettraient d’accéder ; et,

 dans le cas où serait portée à ma connaissance une circonstance, quelle qu’elle
soit, pouvant nécessiter que je prenne connaissance des éléments saisis, de

commencer par en102former le tribunal, et de prendre alors devant lu i d’autres
engagements.»

L’instruction donnée au directeur général de l’ASIO le 23 décembre 2013

déc3.4eb.re 2013 (sans attendre que l’Australie fournisse son engagement écrit
conformément au calendrier établi par le tr ibunal), le Timor-Leste a déposé une requête
introductive d’instance auprès de la Cour. Afin de s’assurer que les droits potentiels du

Timor-Leste soient également protégés aux fins de cette nouvelle procédure, l’ Attorney-General a,
le 23décembre2013, donné au directeur général de l’ASIO l’instruction écrite de veiller à ce que
les éléments en cause ne soient pas communiqués à l’équipe représentant l’Australie aux fins de la
procédure menée devant la Cour et à ce que les mesures mentionnées dans l’engagement du

19décembre (à pro po103e l’arbitrage) soient également mises en Œuvre dans le cadre de cette
seconde procédure .

L’engagement du 21 janvier 2014

ja2v.er. 2014, l’Attorney-General a pris un autre engagement devant la Cour,
dans lequel il a bien précisé que les éléments en cause ne seraient en aucune circonstance divulgués
à quiconque et à quelque fin que ce soit, hormis pour des questions de sécurité nationale (à savoir,

101
Ibid., p. 72 (ligne 10) à p. 73 (ligne 9) (Reid) (annexe 85).
10Engagement écrit du sénateur George Brandis QC, Attorney-General de l’Australie, daté du 19 décembre 2013
et relatif à l’Arbitrage en vertu du traité sur la mer de Timor (annexe 74).
103
Lettre en date du 23décembre2013 adressée à M.David Irvine AO, directeur généra l de la sécurité, par le
sénateur George Brandis QC, Attorney-General de l’Australie (annexe 53). - 30 -

notamment, dans le cadre d’éventuelles enqu êtes de police et procédures judiciaires) 104. En
réponse aux préoccupations exprimées par le Timor-Leste devant la Cour le 20janvier2014,

l’Attorney-General a spécifiquement indiqué que cette rest riction concernait (sans y être limitée)
l’utilisation des éléments en cause à toute fin ayant trait à l’exploitation des ressources de la mer de
Timor, aux négociations y relatives et aux procédur es pendantes devant la Cour et le tribunal
arbitral.

Les engagements pris par l’Attorney-General sont confortés par le droit australien

3.48. Ces engagements sont confortés par un cadre juridique rigoureux en matière de
traitement des questions de sécurité nationale, qui établit une protection contre la divulgation des
éléments en cause dans l’intérêt de la sécurité nationale et des activités d’application des lois.
Ainsi, en particulier, toute présentation de ces éléments devant une juridiction australienne doit être

conforme à la National Security Information (Criminal and Civil Proceedings) Act 2004 (Cth) [Loi
de2004 sur les renseignements touchant à la sécu rité nationale (procédures pénale et civile)]
(ci-après, la «loi NSI») 10. En vertu de cette loi, une juridiction australienne peut interdire par voie
d’ordonnance la divulgation d’informations dans le cadre d’une procédure pénale menée au niveau

fédéral si pareille divulgation risque de nuire à la sécurité nationale de l’Australie. A cet égard, il
est précisé à l’article 8 de la loi NSI que les questions rela tives aux relations internationales de
l’Australie relèvent de la «sécurité nationale».

3.49. En l’espèce, au vu des allégations formulées par le Timor- Leste à l’égard des éléments
en cause, un problème touchant aux relations inte rnationales de l’Australie se pose et il ne fait
aucun doute que le Commonwealth Director of Public Prosecutions invoquerait le paragraphe1A

de l’a106cle 19 de la loi NSI ainsi que l’article 93.2 de l’annexe de la Criminal Code Act (Cth) de
1995 , afin d e s’ assurer de la confidentialité ( c’est-à-dire le huis clos) de toute audience à
l’occasion de laquelle les élém ents en cause seraient produits, de l’impossibilité pour quiconque
d’accéder à ces éléments (que ce soit avant, pendant ou après l’audience) sans accord du tribunal et

de l’obligation de détenir les éléments en cause conformément à de s règles de sécurité et de
manipulation strictes. Pareilles ordonnances limite raient la diffusion des éléments en cause et
garantiraient que leur utilisation ne porte pas préjudice au Timor- Leste. Dans l’hypothèse
improbable où de telles mesures ne seraient pas prises, l’Australie s’est engagée à consulter la Cour
107
avant de prendre la moindre initiative sur son territoire .

3.50. Enfin, le droit pénal australien s’applique aux actes des fonctionnaires australiens, ce
108
qui empêche toute diffusion non autorisée de ces informations .

3O.utr.e déclarations, directives et engagements de l’Attorney-General, des assurances
ont été données à DLA Piper, le cabinet d’avocats qui représente le Timor -Leste, par le Solicitor ou

conseiller juridique du Gouvernement australien (ci-après le «Solicitor»). Dans la correspondance
qu’il a adressée à DLA Piper, le Solicitor a indiqué à trois reprises au moins que le Gouvernement
australien était disposé à «ne prendre aucune mesure» à l’égard des éléments en cause tant que le

104Engagement écrit du sénateur George Brandis QC, Attorney-General de l’Australie, Questions concernant la
saisie et la détention de certains documents et données (Timor-Leste c. Australie), 21 janvier 2014 (annexe 54).
105
National Security Information (Criminal and Civil Proceedings) Act (Cth) de 2004 (annexe 41).
106Criminal Code Act (Cth) de 1995, annexe, art. 93.2 (annexe 39).

107Questions concernant la saisie et la détention de cert ains documents et données (Timor-Leste c.Australie) ,
CR 2014/4, 22 janvier 2014, par. 49 (Gleeson).
108
Crimes Act (Cth) de 1914, art. 70 (annexe 40). - 31 -

109
Timor-Leste réfléchissait à la stratégie à adopter . Le Solicitor a exposé la procédure permettant
au Timor-Leste d’engager une action devant les juridictions australiennes pour invoquer le secret
professionnel des avocats et conseils, prolongeant ainsi la période pendant laquelle le

Gouvernement australien «ne prendr[ait] aucune mesure» jusqu’au moment où le 110or -Leste
aurait achevé d’examiner l’éventualité d’engager de telles poursuites .

SECTION III

IL EXISTE DE SÉRIEUX DOUTES QUANT À LA NATURE EXACTE

DES ÉLÉMENTS EN CAUSE

3.52. En réalité, il existe une grande incertit ude en ce qui concerne les éléments en cause

dans la présente affaire, incertitude que, du fait de l’ordonnance rendue par la Cour le 3 mars 2014
et des engagements qui ont été pris, l’Australie n’est pas en mesure de lever.

3.53. Le Timor-Leste a fait valoir des droits sur les éléments en cause touchant non
seulement à la confidentialité et au «secret profes sionnel des avocats et conseils» (qui, pour autant

qu’ils existent, sont soumis à condition par le droit applicable et assortis d’importantes limites),
mais également à la propriété, à l’inviolab ilité et à l’immunité (droits que le Timor -Leste présente
comme inconditionnels et illimités). La question de l’exercice de ces droits, de façon générale

comme dans les circon stances spécifiques de l’espèce, est abordée plus loin dans le présent
contre-mémoire. Toutefois, en tout état de caus e, il est une condition que doivent nécessairement
remplir les prétentions susmentionnées, à savoir qu’il doit exister une base factuelle suffisante

établissant un lien entre le demandeur et l’objet revendiqué (ce que le Timor -Leste concède à
présent en renonçant à ses prétentions à l’égard de certains éléments, dont il admet désormais qu’ils
ne lui appartiennent pas) 111. Mais en réalité, les éléments factuels permettant de qualifier les

documents et données en cause sont fort rares et le Timor-Leste, qui pourrait fournir le peu
d’éléments factuels existants, a choisi de ne pas le faire. Par conséquent, les éléments factuels
disponibles sont insuffisants pour établir le bien-fondé des prétentions du Timor-Leste à l’égard des

documents et données dans leur ensemble.

3.54. Outre la description sommaire des éléments en cause qui figure dan112a liste des biens
saisis ainsi que dans la lettre que M. Collaery a adressée à M. Fonseca , les faits pertinents qui ont
été portés à la connaissance de la Cour sont les suivants :

1) M. Collaery est l’unique dirigeant du cabinet Collaery Lawyers et est titulaire d’un certificat
l’autorisant à exercer sur le Territoire de la capitale australienne 113;

2) Il dirige un cabinet d’avocats sis au 5 Brockman Street, à Narrabundah ;

109
Lettre en date du 16décembre 2013 adress ée à DLA Piper par le Solicitor du Gouvernement
australien(annexe55); lettre en date du 19décembre2013 adressée à DLA Piper par le Solicitor du Gouvernement
australien(annexe56); lettre en date du 24décembre2013 adressée à DLA Piper par le Solicitor du Gouvernement
australien (annexe 57).
110
Lettre en date du 16décembre2013 adressée à DLA Piper par le Solicitor du Gouvernement australien
(annexe 55).
111
MTL, pointsh) et o) du par. 4.23.
112Liste des biens saisis n A 228909-A 228915, 5 Brockman Street, 3 décembre 2013 (annexe 84) ; lettre en date
du 5décembre2013 adressée à M.JoaquimdaFonseca, ambassadeur du Timor-Leste auprès du Royaume-Uni, par
M. Bernard Collaery (annexe 87).

113B.Collaery, curriculum vitae de M. Bernard Joseph Ed ward Collaery (consulté le 20 juillet2014 sur le site
Internet suivant : http ://www.cclaw.com.au/wp-content/uploads/2013/09/130916-Bernard-Collaery-Res…). - 32 -

3) Ce cabinet relève du droit du Territoire de la capitale australienne, et en particulier du Legal
Profession (Solicitors) Rules 2007 (ACT) 114[règlement de 2007 relatif aux professions

juridiques (avocats) (Territoire de la capitale australienne)], établi en application de la
Legal Profession Act 2006 (ACT) [loi de 2006 relative aux professions juridiques (Territoire de
la capitale australienne)] 115 ;

4) «K» est client de M. Collaery depuis le mois de mai 2008 116au moins ;

5) M.Collaery exerce des activités de conseil pour le compte du Gouvernement du Timor-Leste
depuis au moins 2010 117;

6) depuis septembre2012, les travaux effectués par M.Collaery pour le Timor-Leste sont soumis
aux conditions énoncées dans le contrat de conseil que M.Collaery a conclu avec le
118
Timor-Leste ;

7) M. Collaery représente plusieurs autres clients, concomitamment aux travaux qu’il effectue
119
pour le Timor-Leste et pour «K» ;

8) le droit applicable dans le Territoire de la capitale australienne impose à M.Collaery de

conserver dans ses locaux un grand nombre des dossiers de ses clients, notamment ceux du
Timor-Leste et de «K» 120 ;

9) les éléments qui font l’objet du d ifférend se trouvaient dans ces locaux, dont ils ont été
retirés 121; et

10)les éléments en cause n’ont pas été examinés par l’équipe juridique de l’Australie et sont sous
scellés, conformément à l’ordonnance rendue par la Cour le 3 mars 2014.

3.55. Ce qui apparaît clairement au vu de ces faits, c’est que plusieurs parties pourraient faire

valoir des droits sur les éléments en cause, ou des intérêts à leur égard, dont M.Collaery, «K»,
d’autres clients de M. Collaery, l’Australie et le Timor -Leste. Ce dernier admet d’ailleurs
lui-même que certains des éléments en cause p ourraient appartenir à d’autres clients de
122
M. Collaery . Néanmoins, dans son mémoire, le Timor-Leste soutient, sans étayer ses
allégations :

114
Legal Profession (Solicitors) Rules (ACT) de 2007 (annexe 42).
115
Legal Profession Act (ACT) de 2006 (annexe 43).
116Lettre en date du 12 mai 2008 adressée à M. Ian Carnell, inspecteur général des services de renseignement et
de sécurité de l’Australie, par «K» (annexe 76).

117Extrait du portail électronique du Timor-Leste consacré à la passation des marchés publ ics, montrant la liste
des contrats octroyés depuis 2010 à M. Bernard Collaery pour des «services de conseil» (annexe 72)

118Instrument formel d’accord entre le Gouvernement de la R épublique démocratique du Timor-Leste et le
cabinet Bernard Collaery & Associates, dit Collaery Lawyers, représenté par Bernard Collaery , 17septembre2012,
signé par Xanana Gusmão (pour le compte du Timor-Leste) et M. Bernard Collaery (MTL, annexe 7).

119Sur le site Internet de Collaery Lawyers, on peut lire que le cabinet «a plaidé avec succès devant la plupart des
juridictions de la hiérarchie judiciaire australienne et [que son] équipe dispose d’une très grande expérience en matière de

représentation de clients dans le Territoire de la capitale ausralienne et au-delà» (consulté le 20juillet2014 sur le
site Internet suivant : http ://www.cclaw.com.au/).
120Voir chapitre 5 ci-dessous.

121Voir section I et II ci-dessus.

122MTL, par. 4.23, voir en particulier pièces 002, 003, LPP006 et LPP013. - 33 -

1) que les éléments en cause sont, «dans leur grande majorité», sa propriété 123, et

2) qu’il est en droit de prétendre au respect de la confidentialité et du secret professionnel invoqué
par ses conseillers juridiques à l’égard de tous ces éléments . 124

Sur ce fondement, le Timor-Leste prie la Cour d’ordonner que tous les éléments en cause lui soient
125
«restitués» . Il a toutefois admis dans son mémoir e que les piècesLPP006 et LPP013 ne lui
appartenaient pas . 126

3.56. Dans ces conditions, la Cour devrait faire preuve de prudence en attribuant des droits et

intérêts relativement aux éléments en cause, et notam ment les droits de propriété et autres intérêts
que le Timor-Leste a fait valoir sans étayer ses prétentions.

Charge de la preuve

3.57. A cet égard, c’est au Timor-Leste qu’il incombe d’apporter la preuve de l’existence des

faits qu’il invoque. La règle selon laquelle il appartient à la partie qui entend s’appuyer sur un fait
d’en prouver l’existence est appliquée de longue date par les juridictions internationales 127 et a
128
même été reconnue comme constituant un principe général de droit .

3.58. Conformément au Statut de la Cour, le Timor-Leste doit établir que ses conclusions
sont «fondées en fait» 129. Or, pour être fondée en fait, une conclusion doit être étayée par des
130
éléments de preuve clairs et convaincants .

3.59. Ainsi que cela est exposé ci-dessus, une grande incertitude subsiste en la présente
espèce sur des questions factuelles fondamentales: quels sont la teneur et l’objet d e chacun des

éléments en cause? Le droit de propriété et le droit à la confidentialité revendiqués par le
Timor-Leste ont-ils une base factuelle légitime ? Comme le démontrera l’Australie dans le présent

contre-mémoire, le Timor-Leste ne s’est pas acquitté de la charge de la preuve en ce qui concerne
certains faits qui sont a u cŒur même de la présente affaire, notamment en ce qui concerne la
véritable nature des éléments en cause. Or, s’il n’apporte pas la preuve des faits pertinents, le

Timor-Leste ne saurait établir le bien-fondé de ses prétentions en droit.

123MTL, par. 4.15.

124MTL, par. 4.15.
125
MTL, conclusions finales, point 1) et 3).
126
MTL, pointsh) et o) du par. 4.23.
127
Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c.Etats-Unis d ’Amérique),
compétence de la Cour et recevabilité de la requête, arrêt , C.I.J. Recueil 1984, par. 101 ; Usines de pâte à papier sur le
fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay), arrêt, C.I.J. Recueil 2010, par. 162.
128
J. L. Simpson and H. Fox, International Arbitration (Stevens and Sons Ltd, 1959), p. 194. Voir également :
S. Rosenne, The Law and Practice of the International Court, 1920-2005, volume III : Procedure (4thed., Brill Nijhoff,
2006), p. 1040 ; M. Kazazi, Burden of proof and related issues: a study on evidence before international tribunals
(Kluwer Law International, 1996), p. 369.

129Statut de la Cour internationale de Justice , San Francisco, 26juin1945, RTNU, vol.33, p.993 (entré en
vigueur le 24 octobre 1945), art. 53 2).

130MB. enzing, «Evidentiary Issues» [Questions de preuve], in A. Zimmermann, CT . omuschat,
K. Oellers-Frahm et C. Tams (dir. publ.), The Statute of the International Court of Justice: A Commentary (2 éd., Oxford

University Press, 2012), p. 1265 (annexe 29).- 34 - - 35 -

CHAPITRE 4

IL N’EXISTEPAS DEDROITABSOLUÀ LACONFIDENTIALITÉOU
AUSECRETPROFESSIONNELENCEQUI CONCERNE
LESCOMMUNICATIONSENTREL’ÉTAT
ETSES CONSEILLERSJURIDIQUES

4.1. Dans son ordonnance du 3mars2014, la Cour a sommairement qualifié de plausible,
parmi les droits revendiqués par le Timor-Leste, le droit à la confidentialité des communications de
l’Etat avec ses conseillers juridiques et à la non -ingérence dans lesdites communications. Le
Timor-Leste invoque également le droit au secret professionnel de s avocats et conseils, qu’il érige
en principe général du droit131, mais que la Cour n’a pas reconnu comme plausible, même si elle en

a fait état. Le présent chapitre montrera que le dr oit international ne reconnaît ni l’un ni l’autre de
ces droits et que, même dans l’hypothèse où ils existeraient et trouveraient à s’appliquer à tout ou
partie des éléments en cause, les mesures prises par l’Australie pour la sauvegarde de ceux -ci
amènent immanquablement à conclure que les droits du Timor- Leste n’ont fait l’objet d’aucune
violation.

4.2. La section I traite du prétendu droit à la confidentialité des communications de l’Etat
avec ses conseillers juridiques et à la non-ingér ence dans lesdites communications. On y verra
qu’un tel droit n’a jamais été reconnu par le droit international. Et si tant est qu’il doive l’être,
encore faudrait-il qu’il soit convenablement défini et délimité, surtout lorsqu’il a pour effet de
restreindre la capacité de l’Etat du for à exerce r sa souveraineté territoriale ou à protéger s es

intérêts légitimes en matière de sécurité. En pa rticulier, un tel droit ne devrait pas pouvoir être
exercé à des fins illicites, notamment pour couvrir une violation grave de l’obligation de réserve
que doit à l’Etat tout ancien fonctionnaire de celui -ci, ainsi que les agissements criminels qui
s’ensuivent. De même, il ne devrait pas pouvoir être invoqué lorsque l’information confidentielle
qu’il est censé protéger a déjà été divulguée par l’Etat cherchant à s’en prévaloir.

4.3. La sectionII aborde le secret professionnel des avocats et conseils avancé par le
Timor-Leste et montre que l’affirmation selon laquelle il s’agirait d’un principe général du droit ne
trouve aucun appui dans la jurisprudence ou la do ctrine. Si l’on devait conclure à l’existen ce, en
droit international, d’un droit spécifique au secret professionnel des avocats et conseils, son
contenu devrait être conforme à la jurisprudence interne, qui repose sur une longue expérience en la
matière. Sur ce point, la conclusion qui s’impose est qu’un tel droit ne saurait être invoqué lorsque

les communications en cause se rapportent à des agissements criminels ou frauduleux (ce que nous
appellerons ici l’«exception en cas d’infraction pénale»).

4.4. A la sectionIII, ces principes seront appl iqués aux faits de l’espèce. En bref, un Etat
étranger (le Timor-Leste) ne peut invoquer le dro it à la confidentialité ou à la non-ingérence pour

échapper à l’exercice légitime par l’Etat du for, à de s fins de sécurité nationale, de sa souveraineté
territoriale. De plus, Le Timor-Leste a renoncé à invoquer la confidentialité de certains des
éléments en cause en révélant lui- même à des tiers (par l’entremise de M. Collaery) le contenu de
la déclaration sous serment du témoin «K». S’agissant du secret prof essionnel des avocats et
conseils, sont visés par l’exception en cas d’ infraction pénale tous les éléments contenant des
renseignements qui se rapportent à la sécurité nationale et qui ont été révélés par le témoin «K», de

sorte que le Timor-Leste ne peut prétendre à aucun droit à leur égard. Il sera par ailleurs démontré
que, dans la mesure très limitée où certains élém ents pourraient être visés par le droit à la
confidentialité ou au secret pr ofessionnel, l’Australie a agi de bonne foi et pris toutes les mesures

13MTL, par. 6.2, 6.6, 6.11. - 36 -

nécessaires pour protéger ce droit. Les intérêts du Timor-Leste n’ont fait l’objet d’aucune violation

et aucun préjudice ne lui a été causé.

S ECTION I

L E PRÉTENDU DROIT À LA CONFIDENTIALITÉ DES COMMUNICATIONS DE L ’E TAT
AVEC SES CONSEILLERS JURIDIQUES ET À LA NON -INGÉRENCE

DANS LESDITES COMMUNICATIONS EST SUJET À CAUTION

A. Il n’existe pas de droit absolu à la confidentialité des communications

de l’Etat avec ses conseillers juridiques et à la non-ingérence
dans lesdites communications

4.5. Dans son ordonnance du 3mars2014, la Cour a réparti les droits revendiqués par le

Timor-Leste dans trois catégories :

1) les «droits à l’inviolabilité et à l’immunité» des éléments en cause ;

2) le «droit à la confidentialité» des communications entre l’Etat et ses conseillers juridiques ;

3) le droit au secret professionnel des avocats et conseils .132

4.6. S’agissant des deux dernières catégories, la Cour a conclu que le droit à la
confidentialité des communications entre le Timor -Leste et ses conseillers juridiques était

plausible, mais s’est abstenue d’en dire autant quant au supposé droit au secret professionnel des
avocats et conseils 133. Elle ne s’est pas prononcée sur les prétendus «droits à l’inviolabilité et à
l’immunité».

4.7. Dans son mémoire, le Timor-Leste assimile la confidentialité au secret professionnel,
notions entre lesquelles il déclare ne voir aucune différence importante 13. Dans ce chapitre,

l’Australie a, à l’exemple de la Cour, traité ces deux droit s de façon distincte. La présente section
traite du premier, le droit allégué à la confiden tialité des communications entre le Timor-Leste et
ses conseillers juridiques.

4.8. En réalité, il n’existe aucun droit absolu et d’application générale qui vienne protéger la
confidentialité des comm unications entre l’Etat et ses conseillers juridiques ainsi que la

non-ingérence dans lesdites communications.

4.9. La Cour n’a jamais reconnu de droit à la confidentialité et à la non-ingérence qui protège
de manière absolue les communications de l’Etat avec ses conseillers juridiques et aucune des
affaires citées par le Timor- Leste ne démontre l’existence d’un tel droit d’application générale 135.
Même dans celles où il a été reconnu que ces communi cations jouissaient d’une certaine protection

132Questions concernant la saisie et la détention de certains documents et données (Timor-Leste c. ,ustralie)
Demande en indication de mesures conservatoires, ordonnance du 3 mars 2014, par. 24.

133Ibid., par. 28.
134
MTL, par. 6.2, 6.3.
135Voir l’analyse de ces affaires à la section II, ci-dessous. - 37 -

liée à la confidentialité ou au secret professi onnel, les droits en question ont été délimités de
136
manière à ne pas prêter aux abus .

4.10. Le droit international reconnaît certes certains droits à la confidentialité, mais ils sont

codifiés dans des traités ou dans des règles qui en délimitent la portée et définissent les exceptions
applicables. Ainsi, il existe un droit à la conf identialité bien établi en ce qui concerne les
communications officielles entre l’Etat étranger et ses missions diplomatiques et postes consulaires,
137
énoncé par la Convention de Vienne sur les relations 138lomatiques de 1961 et la Convention de
Vienne sur les Relations consulaires de 1963 , respectivement. Dans le contexte de l’arbitrage
international, les droits à la confidentialité s ont exposés de manière assez détaillée dans les
139
règlements applicables, notamment le Règlement d’arbitr140 de la CNUDCI , le Règlement
d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale et le Règlement d’arbitrage de la Cour
d’arbitrage international de Londres 141.

4.11. Il n’existe en revanche, à la connaissance de l’Australie, aucun traité entre Etats qui
prévoie explicitement le droit de l’Etat à la confidentialité de ses communications avec ses

conseillers juridiques, ni, a fortiori, un droit d’une portée aussi vaste que celle qu’avance le
Timor-Leste.

B. Le droit à la confidentialité et à la non-ingérence doit être délimité
de façon à ne pas prêter aux abus

4.12. Même si la Cour devait reconnaître l’existence, en droit international, d’un droit à la
confidentialité des communications entre l’Etat et ses conseillers juridiques et à la non -ingérence
dans lesdites communications (ce que l’Australie ne concède pas), pareil droit devrait être défini et
délimité comme il se doit.

paEriou.lier, d’un tel droit devrait être soigneusement délimitée afin qu’il ne

puisse prêter aux abus de la part des Etats ou entrer en conflit avec d’autres droits reconnus par le
droit international, surtout dans l’hypothèse où l’Etat étranger chercherait à exercer s on prétendu
droit à la confidentialité sur le territoire de l’Etat du for, là où ce dernier devrait normalement
pouvoir jouir de sa souveraineté et veiller à l’application de sa loi pénale. Or, tel est précisément ce

que demande le Timor- Leste en l’espèce. En particulier, l’Et at étranger ne peut, en retenant les
services d’un conseiller juridique sur le territoire de l’Etat du for, se soustraire ou soustraire son
avocat à l’application normale des lois de cet Etat en matière de confidentialité et de secre t

professionnel. La décision d’engager un avocat local emporte acceptation du régime législatif
local.

136
Voir l’analyse de ces affaires à la section II, ci-dessous.
137Convention de Vienne sur les relations diplomatiques , Vienne, 18avril1961, Recueil des Traités, vol. 500,
p. 95 (entrée en vigueur le 24 avril 1964), art. 27.

138Convention de Vienne sur les Relations consulaires , Vienne, 24avril1963, Recueil des Traités, vol. 596,
p. 261 (entrée en vigueur le 19 mars 1967), art. 35.

139Commission des Nations Unies pour le droit commercial international, Règlement d’arbitrage de la CNUDCI
(version révisée en 2010), art. 28, par. 3), et art. 34, par. 5).
140 er
Chambre de commerce internationale, Règlement d’arbitrage, 1 janvier 2012, art. 22, par. 3), art. 26, par. 3),
et annexe 1, art. 6.
141Cour d’arbitrage international de Londres, Règlement d’arbitrage, 1 janvier 1998, art. 30. - 38 -

4.14. A supposer qu’il existe, en pareil cas, un droit international supérieur (inconnu à ce
jour) régissant la pratique professionnelle de l’avocat, l a portée du droit à la confidentialité doit

forcément être limitée de manière à exclure l’exercice de celui -ci à des fins illicites, notamment
pour favoriser la perpétration d’un crime. Il en est ainsi d’autres droits et immunités dont jouissent
les Etats étrangers sur le territoire de l’Etat du for et qui ne peuvent être exercés à des fins illicites.

Par exemple, le droit de l’Etat étranger de faire en sorte que sa valise diplomatique ne soit ni
ouverte ni détenue sur le territoire de l’Etat du for 142 ne peut servir à favoriser la perpétration d’une
143 144
infraction pénale telle que le trafic de drogues ou l’enlèvement de personnes . Il ne peut non
plus être exercé de manière à mettre le public en danger (pour le transport d’explosifs, par
145
exemple) ou à empêcher l’Etat du for de prendre des mesures légitimes pour assurer la sécurité
d’un aéronef 146. Pareils usages de la valise diplomati que seraient considérés comme illicites et

(malgré le principe établi de l’inviolabilité de la correspondance diplomatique) débo rdent
nécessairement la portée du droit reconnu aux Etats étrangers sur le territoire de l’Etat du for.

4.15. Le droit à la confidentialité fait l’objet de réserves importantes dans le droit interne de
nombreux Etats, son exercice étant assujetti à plusie urs catégories d’exceptions. Ces exceptions se

rapportent principalement à la perspective d’agissements criminels et du préjudice susceptible d’en
résulter pour le public ou une personne. Par exem ple, les obligations relatives à la confidentialité

ou au secret professionnel qui s’imposent aux avocats cessent généralement de s’appliquer lorsqu’il
s’agit d’empêcher la perpétration de crimes grav es tels que le blanchiment d’argent, notamment,

comme le147connaît le Timor-L148e dans sa pr 149 opre analyse150s régimes de dro151internes, en 152
France , en Autriche , en Belgique , au Danemark , en Estonie , en Finlande , en

142Convention de Vienne sur les relations diplomatiques , Vienne, 18avril1961, Recueil des Traités, vol. 500,
p. 95 (entrée en vigueur le 24 avril 1964), art. 27, par. 3).

143«Italy finds cocaine in Ecuador diplomatic pouch: Quito» [De la cocaïne dans une valise diplomatique

équatorienne en Italie], Agence France Presse, 10février2012 (annexe62); J.Bargent, «Ecuador tightens controls on
diplomatic mail after cocaine scandal» [Affaire de la cocaïne : l’Equateur resserre les contrô les applicables au courrier
diplomatique], Insight Crime , 14janvier2013 (annexe63); R.Tagg, «Cocaine found in diplomats baggage» [De la
cocaïne retrouvée dans les bagages d’un diplomate] , The Sunday Times , 26 octobre 2003 (annexe 64) ; J. Witherow,
«Embassy official jailed for drug smuggling» [Un employé d’ambassade emprisonné pour trafic de drogue] , The Times,

16 octobre 1980 (annexe 65) ; E. Denza, Diplomatic Law: Commentary on the Vienna Convention on Diplomatic e
Relations [Droit diplomatique : commentaire sur la convention de Vienne sur les relations diplomatiques], 3 éd., Oxford
University Press, 2008, p. 238, 242.

144E.Denza, Diplomatic Law: Commentary on the Vienna Convention on Diplomatic Relations [Droit
diplomatique : commentaire sur la convention de Vienne sur les relations diplomatiques], 3e éd., Oxford University Press,
2008, p.242, citant «Gagged man in diplomatic trunk» [Un homme bâillonné et ligoté retrouvé dans une malle

diplomatique], The Times , 18novembre1964 (annexe66); «Italy charges U.A.R Embassy Men» [Des employés de
l’ambassade des E.A.U. inculpés en Italie], The Times, 23 novembre 1964 (annexe 67) ; «Trunk man remanded in Israel»
[L’homme retrouvé dans une malle diplomatique déféré en Israël], The Times, 27 novembre 1964 (annexe 68).

145E. Denza, Diplomatic Law: Commentary on the Vienna Convention on Diplomatic Relations [Droit
diplomatique : commentaire sur la convention de Vienne sur les relations diplomatiques], 3e éd., Oxford University Press,

2008, p. 243.
146Commentaires et observations de la Suisse, Annuaire de la Commission du droit international , 1988,

volume II, partie I, A/CN.4/SER.A/1988/Add.1 (Part 1), p. 165.
147
Norton Rose, Disclosure and Privilege in Asia Pacific [Communication de documents et secret professionnel
en Asie-Pacifique], 2010 (MTL, annexe 24), p. 43.
148
DLA Piper, Legal Privilege Handbook 2013 [Guide du secret professionnel 2013], (MTL, annexe 22), p. 10.
149
Ibid., p. 12.
150
Ibid., p. 21.
151Ibid., p. 25-26.

152Ibid., p. 29. - 39 -

153 154 155 156 157 158 159
Grèce , en Lettonie , en Lituanie , à Malte , en Pologne , au Portugal , en Roumanie , à
Hong Kong , ainsi qu’au Brésil , en Chine161 162 et en Espagne . 163

4.16. Dans ces conditions, nous invitons respectueusement la Cour à rejeter les allégations

du Timor Leste concernant l’existence d’un droit à la confidentialité absolu et de portée illimitée, et

à opter pour une position plus modérée, conforme à la façon d ont sont définis et délimités d’autres
droits reconnus par le droit international.

C. La divulgation de l’information en cause emporte renonciation
au droit à la confidentialité et à la non-ingérence

4.17. S’agissant de définir la portée du droit à la co nfidentialité des communications entre

l’Etat et ses conseillers juridiques et à la non-ingérence dans lesdites communications, il est
nécessaire d’envisager les circonstances qui peuvent donner lieu à la perte de ce droit. Il est

largement reconnu que la divulgation de l’information en cause par la partie dont elle émane à une
partie adverse ou au public emporte renonciation au droit à la confidentialité et perte de celui-ci 164.

En pareil cas, l’information aura perdu son caractère confidentiel et la parti e dont elle émane aura
renoncé au droit d’en revendiquer la confidentialité. La raison en est que cette partie ne saurait être

admise à invoquer la confidentialité d’une information qu’elle-même a communiquée à des tiers (si

ce n’est dans le cadre de ses rapports avec son avocat).

153DLA Piper, Legal Privilege Handbook 2013 [Guide du secret professionnel 2013], (MTL, annexe 22), p. 35.

154Ibid., p. 49-50.

155Ibid., p. 53.

156Ibid., p. 55.

157Ibid., p. 64.

158Ibid., p. 67-68.

159Ibid., p. 69.

160Norton Rose, Disclosure and Privilege in Asia Pacific [Communication de documents et secret professionnel

en Asie-Pacifique], 2010 (MTL, annexe 24), p. 21.
161
C M C Aidar et D P de Castro, «Legal Privilege and Confidentiality in Brazil» [Secret professionnel de
l’avocat et confidentialité a u Brésil], in DGreenwald et MRussenberger (dir. publ.), Privilege and Confidentiality: An
International Handbook [Guide international du secret professionnel et de la confidentialité], 2 eéd., Bloomsbury
Professional, 2012, p. 36-37.

162FNing et SHuawei , «Legal Privilege and Confidentiality in China» [Secret professionnel de l’avocat et

confidentialité en Chine], in D Greenwald et M Russenberger (dir. publ.), Privilege aed Confidentiality: An International
Handbook [Guide international du secret professionnel et de la confidentialité], 2 éd., Bloomsbury Professional, 2012,
p. 87-88.

163ABravo et VArias, «Legal Privilege and Confidentiality in Spain»[S ecret professionnel de l’avocat et
confidentialité en Espagne], in DGreenwald et MRussenberger (dir.publ.), Privilege and Confidentiality: An
e
International Handbook [Guide international du socret professionnel et de la confidentialité], 2 éd., Bloomsbury
Professional, 2012, p. 250 (renvoyant à la loi n 19/2003 sur le blanchiment d’argent (Espagne)).
164
Voir, par exemple, International Bar Association, Règles de l’IBA sur l’administration de la preuve dans
l’arbitrage international, 2010, al. 9.3 d), qui dispose que, au moment d’apprécier les questions de confidentialité et de
secret professionnel, le tribunal arbitral est fondé à prendre en compte : «toute renonciation possible à la confidentialité

ou au secret professionnel, que ce soit par consentement, divulgation antérieure, utilisation effective du Document ou de
la déclaration, communication orale ou avis y figurant, ou autrement ». Selon le commentaire de l’IBA afférent à cette
disposition, celle-ci «énonce un exception importante à la protection du secret professionnel dans de nombreux pays, à

savoir la renonciation»: International Bar Association, Commentary on the revised text of the 2010 IBA Rules on the
Taking of Evidence in International Arbitration [Commentaire sur le texte revisé du règlement de 2010 de l’IBA sur
l’administration de la preuve en matière d’arbitrage international], p. 25. - 40 -

4.18. Il en est ainsi des limites apportées au dr oit à la confidentialité par maints régimes de
droit internes. Le droit à la confidentialité est généralement tenu pour avoir fait l’objet d’une

renonciation lorsque le client co mmunique l’information en question à une partie adverse ou au
public. Comme l’indique l’analyse des différents régimes internes effectuée par le Timor -Leste
165 166 167 168
lui-même, tel est le cas au Portugal , en Belgique , au Royaume-Uni , à HongKong , en
Arabie Saoudite , en Thaïlande 17, ainsi qu’en Australie 171, au Japon 172, en Espagne 173 et au
174
Canada .

S ECTION II

L E « DROIT AU SECRET PROFESSIONNEL DES AVOCATS ET CONSEILS »
N ’EST PAS UNE NOTION RECONNUE EN DROIT INTERNATIONAL

A. Le secret professionnel des avocats et conseils

n’est pas un principe général de droit

4.19. Le Timor-Leste affirme que le secret professionnel des avocats et conseils est un 175
principe général de droit au sens de l’alinéa c) du paragraphe 1 de l’article 38 du Statut . Or, non

seulement cela n’est étayé par aucun élément probant, mais il n’est assurément pas démontré que ce
secret professionnel a le caractère absolu que le Timor-Leste lui prête.

165
DLA Piper, Legal Privilege Handbook 2013 [Guide du secret professionnel 2013], (MTL, annexe 22), p. 66 :
«Le secret professionnel ne vise pas…les faits connus du public [ni] les faits énoncés dans des documents ou actes
publics.»

166Linklaters, Privileged: Privilege review 2009 [Secret professionnel: recensement 2009], (MTL, annexe23),
p. 4: «l’avis juridique cesse d’être protégé par le secret professionnel lorsque son auteur ou son destinataire agit comme

s’il ne l’était pas».
167
DLA Piper, Legal Privilege Handbook 2013 [Guide du secret professionnel 2013], (MTL, annexe 22), p. 22 :
«la protection du secret professionnel est perdue si les documents par ailleurs protégés contiennent des renseignements se
trouvant déjà dans le domaine public».

168DLA Piper, Legal Privilege Handbook 2013 [Guide du secret professionnel 2013], (MTL, annexe 22), p. 37 :
«les documents faisant partie du domaine public ne sont pas protégés par le secret professionnel»; Norton Rose,

Disclosure and Privilege in Asia Pacific [Communication de documents et secret professionnel en Asie-Pacifique], 2010
(MTL, annexe24), p.20: «la perte de la protection du secret professionnel résulte principalement … b) de la perte du
caractère confidentiel ; c) de tout acte ayant pour effet de faire entrer le document dans le domaine public».

169DLA Piper, Legal Privilege Handbook 2013 [Guide du secret professionnel 2013], (MTL, annexe 22), p. 73 :
«la communication d’échanges confidentiels à une tierce partie emporte renonciation au secret professionnel».

170Norton Rose, Disclosure and Privilege in Asia Pacific [Communication de documents et secret professionnel

en Asie-Pacifique], 2010 (MTL, annexe 24), p. 35 : «Comment la protection du secret professionnel de l’avocat peut -elle
se perdre ? Par la communication volontaire à un tiers.»
171
Mann v. Carnell (1999), CLR, vol.201, p.1, 13, 15 (J.Gleeson, président, et juges Gaudron, Gummow et
Callinan) (annexe 7) ; Evidence Act (Cth) de 1995 (annexe 44), art. 122.

172H Tezuka et M Yajima, «Legal Privilege and Confidentiality in Japan» [Le secret professionnel de l’avocat et
la confidentialité au Japon], in DGreenwald et MRussenberger (dir.publ.), Privilege and Confidentiality: An
e
International Handbook [Guide international du secret professionnel et de la confidentialité], 2 éd., Bloomsbury
Professional, 2012, p. 189-190.
173
A Bravo et V Arias, «Legal Privileg e and Confidentiality in Spain» [L e secret professionnel de l’avocat et la
confidentialité en Espagne], in DGreenwald et MRussenberger (dir.publ.), Privilege and Confidentiality: An
International Handbook [Guide international du secret professionnel et de la confidentialité], 2 eéd., Bloomsbury

Professional, 2012, p. 254.
174
MKoehnen et ECowling, «Legal Privilege in Canada» [Le secret professionnel d e l’avocat au Canada], in
D Greenwald et M Russenberger (dir. publ.), Privilege and Confidentiality: An International Handbook [Guide
international du secret professionnel et de la confidentialité], 2 éd., Bloomsbury Professional, 2012, p. 54.

175MTL, par. 6.2, 6.6, 6.11. - 41 -

4.20. Les principes généraux de droit au sens de l’alinéa c) du paragraphe 1 de l’article 38

découlent d’ordinaire de principes généraux des jurisprudences internes qui ont été adaptés comme
il convient à la sphère du droit international afin d’éviter toute «déformation» . 176

4.21. Pour tenter de démontrer que le secret professionnel des avocats et conseils est un
principe général de droit, le Timor-Leste se réfère abondamment à des analyses de législations
177
nationales faites par des tiers . La simple existence d’une forme de secret professionnel dans de
nombreux régimes juridiques nationaux ne suffit cependant pas à générer un nouveau principe
général de droit international, en particulier un principe qui s’appliquerait aux relations entre un

Etat et un conseiller juridique ressortissant ou résident d’un autre E tat et soumis aux lois de
celui-ci.

4.22. En outre, dans son mémoire, le Timor-Leste omet d’expliquer comment il convient
d’adapter, sans les déformer, les principes de dro it interne à la sphère du droit international, et
comment reprendre, en droit intern ational et devant la Cour, les procédures spécifiques et souvent

complexes prévues par les régimes juridiques internes pour invoquer et apprécier le secret
professionnel. Ce sont là des points fondamentaux qu’il appartiendra à la Cour d’examiner
lorsqu’elle décidera si elle reconnaît un nouveau «principe général de droit» qui, de par sa nature

même, s’appliquerait à tous les Etats et pas simplement aux Parties à la présente instance.

4.23. La Cour n’a jamais énoncé ni admis le secret professionnel des avocats et conseils en

tant que principe général de droit international. Par ailleurs, aucune des décisions judiciaires citées
par le Timor-Leste ne reconnaît expressément le secret professionnel comme un principe général de
droit au sens de l’alinéa c) du paragraphe 1 de l’article 38 du Statut. En ce qui concerne ces

décisions, l’Australie formulera les observations ci-après.

L’affaire des Actionnaires de la banque c. banque des règlements internationaux (BRI)

4.24. Dans l’affaire des Actionnaires de la banque c.banque des règlements internationaux
(BRI), certains actionnaires avaient présenté à l’en contre de la banque une demande

d’indemnisation fondée sur le retrait des actions. Au cours de l’ instance, la banque a invoqué le
secret professionnel s’agissant de certains documents que les actionnaires lui demandaient de
produire . La question principale était celle de savoir si elle pouvait l’invoquer à l’égard de ses
179
actionnaires .

4.25. Cette affaire se différencie clairement des faits de la présente instance. Dans l’affaire
de la BRI, les demandeurs entendaient en effet utiliser les documents demandés en tant
qu’éléments de preuve . E n l’espèce, en revanche, personne n’a demandé la production des

éléments en cause et ceux-ci n’ont pas été pris pour être exploités dans le cadre de la procédure
d’arbitrage ou de futures négociations. En réalité, comme l’a expliqué l’ Attorney-General de

176 e
R. Jennings et A. Watts (dir. publ.), Oppenheim’s International Law (9 éd., Oxford University Press, 1992),
p. 37. Cette interprétation des principes généraux de droit est citée et approuvée dans J. Crawford, Brownlie’s Principles
of Public International Law (8éd., Oxford University Press, 2012), p. 34-35 ; voir également M. N. Shaw, International
Law (6 éd., Cambridge University Press, 2008), p. 98-100.
177
MTL, annexes 22, 23 et 24.
178 Actionnaires de la banque c. banque des règlements internationaux (BRI), Cour permanente d’arbitrage,
o
ordonnance n 6 du 11 juin 2002, p. 1-2.
179 Actionnaires de la banque c. banque des règlements internationaux (BRI), Cour permanente d’arbitrage,
ordonnance n o6 du 11 juin 2002, p. 3. - 42 -

180
l’Australie et ainsi que celle-ci l’a exposé dans ses observations écrites , il n’y a aucun lien entre
la saisie des éléments en cause et une quelconque procédure juridique en cours.

4.26. En tout état de cause, dans l’affaire de la BRI, le tribunal n’a pas estimé que le secret
professionnel des avocats et conseils était un principe général de droit. Pour autant qu’il ait admis
l’existence d’une protection, il a affirmé que celle- ci, quelle qu’elle soit, était conditionnelle et

limitée. Plus précisément, le tribunal a affirmé que, si les informations en cause étaient
volontairement rendues publiques par la partie qui se prévalait du secret professionnel ou si celui-ci
était invoqué d’une manière abusive, profitant injustement à la partie autorisée à s’en prévaloir, le
181
secret professionnel serait levé . Cette dernière exception correspond à celle du «bouclier et [de]
l’épée», admise dans la jurisprudence interne des Etats-Unis d’Amérique . 182

L’affaire Libananco Holdings Co Limited c. République de Turquie

4.27. Dans l’affaire Libananco, la principale préoccupation de l’investisseur, le demandeur,
concernait l’usage que le défendeur, la Turquie, pouvait faire, au cours de la procédure d’arbitrage,
des communications interceptées 18. Il n’a jamais été donné à entendre que l’interception des

communications par les autorités turques était illégale ni que l’acte d’interception lui -même ne
respectait pas le secret professionnel des avocats et conseils invoqué par l’investisseur.

4.28. ans l’affaire Libananco non plus, le tribunal n’a pas considéré que le secret
professionnel était un principe général de droit. De fait, il a reconnu expressément le caractère
permanent du droit d’un Etat d’ enquêter sur des infractions pénales graves au regard de son droit

national, à condition qu’il l’ exerce en tenant dûment compte de toute invocation du secret
professionnel :

«ibeonasldèmammoea,mment , qu’un Etat souverain a bel et
bien le droit et le devoir d’engager des poursuites en cas d’infractions pénales graves
sans qu’une décision arbitrale de la CIRDI rendue à son encontre n’ait d’incidence sur

ce droit et ce devoir et sans que l’engagement d’une telle procédure à son encontre ne
suscite leur exercice.» 184

4.29. Cette approche mesurée trouve son expression dans les ordonnances du tribunal, lequel
a exclu de la procédure d’arbitrage tout documen t relevant du secret professionnel et indiqué

qu’aucune information dont les autorités turques chargées de l’enquêteauraient eu connaissance ne
devait être rendue accessible à des personnes appelées à représenter le défendeur dans le cadre de
cette procédure 18. Ces ordonnances correspondent, dans une large mesure, aux termes des

180Déclaration relative à l’exécution des mandats de perquisition par l’ASIO, faite par le sénateur George Brandis
QC, Attorney-General de l’Australie, en sa qualité de ministre , le 4 décembre 2013 (annexe 52) ; observations écrites de
l’Australie sur la demande en indication de mesures conservatoires du Timor-Leste, 13 janvier 2014, p. 11.
181
Actionnaires de la banque c. banque des règlements internationaux (BRI), Cour permanente d’arbitrage,
ordonnance no 6 du 11 juin 2002, p. 4.
182 nd
U.S. v. Bilzerian, 926 F.2d 1285 (2 Cir. 1991), p.1292 (annexe8); voir également, oActionnaires de la
banque c.banque des règlements internationaux (BRI), Cour permanente d’arbitrage, ordonnance n6 du 11 juin 2002,
p. 4.
183 o
Libananco Holdings Co. Limited c . République de Turquie, CIRDI, affaire nARB/06/8, Décisions sur les
questions préliminaires, 23 juin 2008, p. 16-22.
184Ibid., par. 79.

185Libananco Holdings Co. Limited c . République de Turquie, CIRDI, affairenoARB/06/8, Décisions sur les
questions préliminaires, 23 juin 2008, par. 82. - 43 -

engagements volontairement pris par l’Attorney-General (en ce qui concerne les éléments en caus186
devant le tribunal arbitral le 19 décembre 2013, puis la Cour le 21 janvier 2014 .

L’affaire AM & S Europe Ltd c. Commission des Communautés européennes 187

4.30. Même si elle a, dans cette décision, affirmé l’existence du secret professionnel des

avocats et conseils en tant que principe, la Cour européenne de Justice n’avait pas été appelée à
examiner la question de savoir s’il s’agissait d’un principe général de droit au sens de l’alinéac) du

paragraphe 1 de l’article 38 du Statut. En conséquence, la décision en question ne vient pas étayer
l’affirmation du Timor-Leste selon laquelle il s’agit d’un principe général de droit.

4.31. En tout état de cause, la Cour européenne a affirmé que, dans cette affaire, la

Commission était en droit d’exercer les pouvoirs d’investigation qu’elle estimait nécessaires pour
mettre au jour une infraction aux règles applicables en matière de concurrence . Elle a jugé que le

pouvoir d’investigation légitime de la Commission «rencontr[ait] cependant une limite dans
l’exigence du respect» du secret professionnel des avocats et conseils 189. Cette approche équilibrée

est loin de la formulation générale et incondit ionnelle du principe du secret professionnel
qu’avance le Timor-Leste.

La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme

4.32. A l’appui de son affirmation selon laquell e le secret professionnel des avocats et
conseils est un principe général de droit, le Ti mor-Leste cite certaines décisions de la Cour

européenne des droits de l’homme.

1) Toutes ces décisions concernent des articles de la convention européenne pour la sauvegarde
190
des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci -après la «convention européenne») ,
comme l’article 6 (droit à un procès équitable) 191 et l’article 8 (respect de la vie privée et
192
familiale) , dont aucun n’a pour objet de garantir un droit au secret professionnel applicable
entre des Etats et leurs conseillers juridiques ni, a fortiori, un principe général de droit au sens

de l’alinéa c) du paragraphe 1 de l’article 38 du Statut.

186
Engagement écrit du sénateur George Brandis QC, Attorney-General de l’Australie, daté du 19 décembre 2013
et relatif à l’ Arbitrage en vertu du traité sur la mer de Timor (annexe74;) Engagement écrit du
sénateur George Brandis QC, Attorney-General de l’Aus tralie, daté du 2j1anvie2r014 et relatif aux
Questionsconcernant la saisie et la détention de certains documents et données (Timor-Leste c.Australie) ,

21 janvier 2014 (annexe 54).
187
Affaire C-155/79, AM & S Europe Limited c. Commission des Communautés européennes, arrêt de la Cour du
18 mai 1982.
188
Ibid., point 17 du dispositif.
189
Ibid., point 27 du dispositif.
190
Convention européenne pour la sauvegarde des droi ts de l’homme et des libertés fondamentales, Rome,
4 novembre 1950, Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 213, p. 222 (entrée en vigueur le 3 septembre 1953).
191 o
Iliya Stefanov c.Bulgarie , Cour européenne des droits de l’homme, chambre, requête n 65755/01,
22 mai 2008.
192 o
Niemietz c.Allemagne , Cour européenne des droits de l’homme, chambre, requête n 13710/88,
16 décembre 1992 ; Campbell c. Royaume Uni , Cour européenne des droits de l’homme, chambre, requête n o13590/88,
25 mars 1992 ; Elci et autres c.Turquie, Cour européenne des droits de l’homme, chambre, requêtes n o23145/93 et

25091/94, o3 novembre 2003 ; Istratii et autres c.Moldovie , Cour européenne des droits de l’homme, chambre,
requêtes n 8721/05,o0805/05 et 8742/05, 27 mars 2007; Golovan c.Ukraine , Cour européenne des droits de l’homme,
chambre, requêten 41716/06, 5 juillet 2012 ; Michaud c.France, Cour européenne des droits de l’homme, chambre,
requête n 12323/11, 6 décembre 2012 ; Iliya Stefanov c.Bulgarie , Cour européenne des droits de l’homme, chambre,
requête no 65755/01, 22 mai 2008. - 44 -

2) Lorsqu’il est fait référence indirectement au secret professionnel des avocats et conseils dans
ces décisions, c’est dans le contexte de l’examen et de l’application du principe tel qu’il est
largement établi en ve rtu de la législation nationale d’un Etat et non au titre du droit

international (fondement essentiel de la prétention du Timor-Leste en l’espèce).

3) Toutes ces décisions se rapportent aux d roits ouverts aux particuliers contre l’action d’un Etat,
et notamment aux droits de l’homme dont ces derniers bénéficient au titre de la convention
européenne dans le contexte de procédures pénales engagées à leur encontre. De toute

évidence, leur portée ne s’étend pas au droit d’un Etat à invoquer le secret professionnel des
avocats et conseils pour empêcher que ne soient révélées à un autre Etat des communications
importantes.

4.33. Il s’ensuit que les sources citées par le Timor -Leste n’étayent pas s a prétention selon
laquelle le secret professionnel est un principe général de droit. En outre, pour autant que ces
décisions reconnaissent une certaine forme de secr et professionnel, elles renforcent la position de
l’Australie, selon laquelle la portée de celui-ci doit être délimitée et interprétée comme il convient,

en prenant en compte les autres droits dont bénéficient les Etats en droit international.

B. Tout éventuel secret professionnel des avocats et conseils en droit international
devrait être convenablement et étroitement défini

4S.34. i l’on admettait qu’il puisse exister un droit au secret professionnel des avocats et
conseils en droit international, il conviendrait d’adop ter la même démarche que celle dont nous
avons exposé les grandes lignes ci- dessus s’agissant du droit allégué à la confidentialité et à la

non-ingérence, à savoir que la portée d’un tel droit doit être convenablement définie pour s’assurer
que les Etats ne puissent pas en abuser ou qu’il ne puisse pas fausser d’autres droits prévus par le
droit international.

4.35. Le Timor-Leste adopte une formulation extr êmement générale du secret professionnel,
dont il soutient, au fond, qu’il constitue une protection inconditionnelle contre toute ingérence dans
toute communication entre un Etat et ses conseillers juridiques 193.

4.36. L’on ne saurait souscrire à une formulation aussi générale et inconditionnelle.
D’ailleurs, a ucun des textes législatifs nationaux cités par le Timor-Leste ne définit le secret
professionnel des avocats et conseils en ces termes. En effet, ils sont tous assortis d’importantes
mises en garde concernant la portée et le contenu du secret professionnel, précisant notamment les

circonstances dans lesquelles celui-ci peut être invoqué. C’es194e que montre l’étude , faite par
l’Australie, des approches suivies en droit interne en la matière 195 ce que confirment les analyses
des droits nationaux que le Timor-Leste a jointes à son mémoire .

4.37. En réalité, la plupart des régimes juridiques nationaux limitent l’év entail des
communications protégées. Par exemple, en Australie et dans nombre d’autres Etats, le secret
professionnel ne s’applique pas à toutes les communications entre un conseiller juridique et son

193
MTL, par. 6.1-6.2.
194Tableau récapitulatif présentant des textes législatifs nati onaux concernant le secret professionnel des avocats
et conseils et la confidentialité des communications : portée et exceptions (annexe 51).
195
MTL, annexes 22, 23 et 24. - 45 -

client . Les communications ne sont protégées que lorsque leur objet, ou celui du document

yafférent sont en rapport avec une demande de conseil juridique ou la formulat197 de pareil
conseil, ou entrent dans le cadre de la prestation de services juridiques .

4.38. La Cour devrait adopter une démarche tout aussi prudente s’agissant de la
reconnaissance de ce principe en droit international , et ce, d’autant plus qu’il n’existe aucune
enceinte ni aucun mécanisme établi pour apprécier l’invocation du secret professionnel en droit

international. Pour autant que l’Australie le sache , c’est la première fois qu’un Etat fait valoir
devant la Cour un moyen qui s’apparente au secret professionnel des avocats et conseils et, comme
le Timor-Leste le reconnaît implicitement 19, il n’existe aucune procédure ni garantie procédurale

pour aider la Cour à se prononcer sur de telles demandes. A l’inverse, les régimes juridiques
nationaux disposent de mécanismes sophistiqués et bien établis permettant d’apprécier pareil
argument en prenant en compte, parmi d’autres facteurs, la qualification correcte des documents en

cause et l’application d’exceptions appropriées (y compris l’exception en cas d’infraction pénale).

C. Il existe des exceptions au secret professionnel des avocats et conseils

visant à éviter les abus de droit

4.39. Pour éviter les abus, les Etats ont largem ent adopté, dans leur droit interne, des
exceptions au secret professionnel des avocats et conseils. Comme M. Sarvarian le fait observer :

«la protection juridique de la confidentialité de [certaines] communications crée un
risque d’abus. Des garanties juridiques et éthiques sont par conséquent nécessaires,

les premières permettant à un tribunal d’avoir accès aux communications
confidentielles dans des cas limités et le s secondes exigeant du conseil qu’il les rév èle
en cas d’abus.» 199

4.40. Sur le plan du droit international, la volonté d’empêcher tout abus de droit et d’assurer
la primauté du droit est la même. C’est ce qu’a expressément indiqué l’expert indépendant,

M. Spigelman, dans l’affaire St Marys VCNA, LLC v. Government of Canada :

«[le secret professionnel] ne s’étend pas aux communications qui portent atteinte à
l’intégrité de l’administration de la justice ou en constituent un abus. Les documents

établis dans un tel dessein ne sauraient en bénéficier.

Cela est largement admis dans de nombreux droits nationaux.» 200

4.41. Ce point trouve également son expression dans l’affaire des Actionnaires de la banque
c. Banque des règlements internationaux, dans laquelle le Tribunal a reconnu que, dans les cas où il

196Tableau récapitulatif présentant des textes législatifs na tionaux concernant le secret professionnel des avocats
et conseils et la confidentialité des communications : portée et exceptions (annexe 51).

197Voir, par exemple, Esso Australia Resources Ltd. v. Commission of Taxation (1999), CLR, vol. 201, p.73
(annexe 9) ; voir également l’Evidence Act (Cth) de 1995, art. 118-120 (annexe 44).

198MTL, par. 6.14.
199
A. Sarvarian, Professional Ethics at the International Bar (Oxford University Press, 2013), p. 132.
200James Spigelman, «Report on Inadvertent Disclosure of Priviliged Documents», Arbitration under Chapter II
of the North American Free Trade Agreement and the UNCITRAL Arbitration Rules 1976 between StMarysVCNA,
LLC v. Government of Canada, 27 décembre 2012, p. 4. - 46 -

était fait un usage abusif du secret professionnel et où celui-ci était invoqué d’une façon qui profite
injustement à la partie autorisée à s’en prévaloir, cette protection serait levée 20.

4.42. Le secret professionnel suscite également une autre préoccupation, liée à la précédente.

Tout droit invoqué par un Etat en droit internationa l doit être considéré à la lumière de ceux dont
jouissent les autres Etats. Il s’ensuit que le droit d’un Etat étranger à invoquer le secret
professionnel doit être interprété au regard du droit de l’Etat du for , qui l’emporte sur le premier ,

d’appliquer sa législation nationale en matière pénale à l’ égard de ses ressortissants et à l’intérieur
de son territoire, lorsque les communications en cause ont encouragé ou facilité la commission

d’une infraction pénale. Lorsque des Etats étrangers choisissent d’engager un conseiller juridique
ailleurs que sur leur territoire, ils sont tenus de respecter la législation nationale de l’Etat dans la
juridiction duquel ils ont choisi de s’adresser à ce conseil, y compris sa législation pénale. C’est ce

qu’a expressément reconnu le Tribunal dans l’affaire Libananco, lorsqu’il a affirmé les «droit et
devoir» des Etats d’«engager des poursuites en cas de commission d’une infraction pénale
grave» .202

D. L’exception en cas d’infraction pénale est largement reconnue comme

une exception au secret professionnel des avocats et conseils

4C.on.formém àent l’approche exposée ci-dessus, il importe de déterminer les exceptions
applicables à tout droit au secret professionnel des avocats et conseils qui pourrait exister en droit
international. Et c’est au regard des législations nationales dont pareil droit serait tiré qu’il

convient de procéder à cette détermination.

4.44. Les juridictions nationales prévoient généralement une exception au secret
professionnel des avocats et conseils lorsque les communications en cause sont faites ou préparées
pour favoriser la commission d’une fraude ou d’une infraction pénale, ou qu’elles sont en
203
elles-mêmes illégales ou frauduleuses (exception en cas d’infraction pénale ). De fait, la
généralisation de l’exception en cas d’infraction pénale ressort des analyses des droits nationaux

que le Timor-Leste a jointes à son mémoire et dans lesquelles 204est expressé205t reconnu que 206te 207
exception s’applique dans des pays comme la Chine , la France , la Lettonie , la Lituanie ,
l’Australie , le Royaume-Uni 209 et Hong Kong . 210

201 Actionnaires de la banque c. banque des règlements internationaux (BRI), Cour permanente d’arbitrage,
o
ordonnance n 6 du 11 juin 2002, p. 4.
202 Libananco Holdings Co. Limited c . République de Turquie, CIRDI, affaire n oARB/06/8, Décisions sur les
questions préliminaires, 23 juin 2008, par. 79.

203Tableau récapitulatif présentant des textes législatifs na tionaux concernant le secret professionnel des avocats
et conseils et la confidentialité des communications : portée et exceptions (annexe 51).

204DLA Piper, Guide du secret professionnel, 2013, p.17 (citant l ’article38 de la loi régissant la profession
d’avocat et l’article 46 de la loi de procédure pénale) (MTL, annexe 22) ; Norton Rose, Communication de documents et
secret professionnel en Asie-Pacifique, 2010, p. 15 (MTL, annexe 24).

205DLA Piper, Guide du secret professionnel, 2013, p. 31 (MTL, annexe 22) ; Linklaters, Privileged : Privilege
review 2009 (2009), p. 8 (MTL, annexe 23); Norton Rose, Communication de documents et secret professionnel en

Asie-Pacifique, 2010, p. 43 (MTL, annexe 24).
206DLA Piper, Guide du secret professionnel, 2013, p. 52 (MTL, annexe 22).

207DLA Piper, Guide du secret professionnel, 2013, p. 53 (MTL, annexe 22).
208
DLA Piper, Guide du secret professionnel, 2013, p.9 (MTL, annexe22); Norton Rose, Communication de
documents et secret professionnel en Asie-Pacifique, 2010, p. 11 (MTL, annexe 24). - 47 -

4.4o5rqeutte exception est soulevée, elle fait échec à l’ invocation du secret
professionnel. Les raisons qui la sous-tendent sont tout à fait claires : l’intérêt public que constitue

le fait d’encourager des clients à divulguer des informations à leurs conseillers juridiques n211aurait
prévaloir lorsqu’il porte atteinte à la primauté du droit et compromet l’équité du résultat . En cas
d’infraction grave à la législation pénale nationale, le secret professionnel ne saurait offrir une
protection à un client ou à son conseiller juridique ni faire obstacle à l’application de cette

législation.

4.46. Il s’ensuit que l’exception en cas d’infraction pénale constitue une exception légitime à

tout droit au secret professionnel des avocats et cons eils qui pourrait exister en droit international.
Cela fait écho à la reconnaissance générale de ce tte exception dans de nombreux systèmes de droit
interne et aux autres cas dans lesquels un Etat accepte volontairement l’obligation de respecter le
droit national d’un autre Etat . Il en va notamment ainsi lorsqu’un Etat conclut un contrat

commercial de droit privé régi212r la législation nationale d’un autre Etat et est par conséquent tenu
de respecter cette législation .

4.47. Le Timor-Leste, quant à lui, ne semble reconnaître aucune exception au principe du
secret professionnel des avocats et conseils qu’il invo que. Or, pareille application inconditionnelle
n’est reconnue dans aucun système juridique national où ce principe est admis, et elle ne devrait
pas l’être si celui-ci était énoncé sur le plan international.

SECTION III

LES DEMANDES DU T IMOR -L ESTE DOIVENT ÊTRE REJETÉES

A. Il n’existe pas de droit établi à la confidentialité ou au secret
professionnel en ce qui concerne les éléments en cause

4.48. Comme indiqué au chapitre 3, l’incertitude est grande quant à la nature des éléments en
cause en la présente espèce. Au vu des preuves disponibles, s’agissant des allégations de
confidentialité ou de secret professionnel, ces éléments semblent relever des catégories suivantes :

1) Les éléments à l’égard desquels le Timor -Leste n’invoque pas la confidentialité ou le secret
professionnel, ou qui font l’objet d’une demande émanant de tiers ;

2) Les éléments à l’égard desquels le Timor -Leste est privé de la possibilité d ’invoquer la

confidentialité ou le secret professionnel (en raison de l’exception en cas d’infraction pénale, de
la renonciation à la confidentialité de la part du Timor-Leste, ou du fait que lesdits éléments ont
été établis dans le but de commettre un acte répréhensible, ou d’en faciliter la commission) ;

3) Les éléments à l’égard desquels le Timo r-Leste pourrait invoquer la confidentialité ou le secret
professionnel.

209
DLA Piper, Guide du secret professionnel, 2013, p. 22 (MTL, annexe 22) ; Norton Rose, Communication de
documents et secret professionnel en Asie -Pacifique, 2010, p. 39 (MTL, annexe 24).
210DLA Piper, Guide du secret professionnel, 2013, p. 37 (MTL, annexe 22).

211B. Thanki QC (dir. publ.),The Law of Privilege (Oxford University Press, 2011), p.198 (annexe30);
J. Auburn, Legal Professional Privilege: Law and Theory (Hart Publishing, 2000), p. 159 (annexe 31).
212 e
H. Fox et P. Webb, The Law of State Immunity(3 éd., Oxford University Press, 2013), p. 402-404. - 48 -

Les éléments à l’égard desquels le Timor -Leste n’invoque pas la confidentialité ou le secret

professionnel, ou qui font l’objet d’une demande émanant de tiers

1) Pièce LPP006 : dossier portant l’étiquette «ICT product» (produit TIC) contenant un document

intitulé «Protocol for the operation of base stations» (Protocole d’exploitation des stations de
base). Le Timor-Leste affirme que, « [d]’après sa description, ce document ne semble p as [le]
concerner» . Il n’invoque pas la confidentialité ou le secret professionnel à l’égard de cette

pièce.

2) Pièce LPP013 : Instructions à l’intention du conseil au sujet de l’affaire Timor-Leste

c.Australie, en date du 19novembre 2013. Le Timor-Leste soutient qu’il semble s’agir
d’instructions adressées à M. Bernard Gross QC, au sujet de «K», et que, partant, «ce document
ne lui appartient pas» 214. Ainsi, même s’il était possible d’invoquer la confidentialité ou le

secret professionnel à l’égard de ce document, c’est «K» ou M. Collaery qui seraient à même de
le faire (aucun d’eux n’étant partie à la présente instance), et non le Timor -Leste. Une telle
demande dépasse le cadre de la présente instance et, par conséquent, le Timor-Leste ne saurait
invoquer la confidentialité ou le secret professionnel à l’égard de la pièce LPP 013.

3) Pièce 002: ordinateur portable ACER Aspire de couleur noire, portant le numéro de série
S/N 11600300725, et son cordon d’alimentation. Le Timor-Leste reconnaît que cet ordinateur

appartient à M. Collaery, et qu’il contient probablement toutes s215es de documents et de lettres
se rapportant à de nombreux autres clients de ce dernier . L’Australie a reçu une lettre d’au
moins un client de M.Collaery, au sujet du statut des documents détenus par celui-ci et à
216
l’égard desquels le client en question invoque le secret professionnel . Dès lors, en l’absence
d’autres éléments de preuve, le Timor -Leste ne saurait se prévaloir, de manière globale, de la
confidentialité ou du se cret professionnel concernant l’intégralité du contenu de l’ordinateur.

Remettre217t ordinateur au Timor-Leste (comme celui-ci le demande dans ses conclusions
finales) compromettrait toute prétention que d’autres clients de M. Collaery pourraient
formuler au sujet de documents qui y sont stockés.

4) Pièce003: clé USB Verbatim 4GB de couleur noire, NG04G2513008819DML . Le
Timor-Leste admet ne pas savoir si certains des documents qui y sont enregistrés le
concernent , et reconnaît également que certains pourraient appartenir à d ’autres clients de
219
M. Collaery . Etant donné que nul ne sait si la cléUSB contient des documents qui
concernent le Timor-Leste, celui-ci ne saurait formuler une demande globale de confidentialité
ou de secret professionnel à l’é gard de ladite clé. De plus, lui remettre cette pièce

compromettrait toute demande que d’autres clients de M. Collaery pourraient formuler au sujet
de documents qui y sont stockés.

213MTL, par. 4.23 h).
214
Ibid., par. 4.23 o).
215Ibid., par. 4.23 a).

216Lettre en date du 12décembre2013 adressée au sénateur George BrandisQC, Attorney-General de
l’Australie, par un client de M. Collaery [version expurgée] (annexe 88).
217
MTL, conclusions finales, 3).
218
Ibid., par.4.13 : «une clé USB susceptible …de contenir des informations de ce type» (les italiques sont de
nous) ; voir aussi MTL, par. 4.23 b).
219Ibid., par. 4.23 b). - 49 -

Les éléments à l ’égard desquels le Timor-Leste est privé de la possibilité d ’invoquer la
confidentialité ou le secret professionnel

1) Pièce LPP012: document sans titre assorti du commentaire manuscrit suivant: «Ceci est la
déclaration de []». Selon le Timor-Leste, ce document est un «projet de déclaration d’un tiers
consignée aux fins d’une procédure judiciaire à laquelle [il] participe» 220. Au vu de cette
description, il s’agit sûrement d’une version préliminaire de la déclaration sous serment de «K»,

dont la version définitive a été fournie à l’Australie et au tribunal dans le cadre de l’arbitrage.
Ce document contiendrait donc des éléments du té moignage de «K», qui ont été divulgués de
manière illégale à M.Collaery et au Timor-Leste. S’agissant de ce document, l’Australie
considère, pour les raisons exposées ci-après , que le Timor-Leste est privé de toute possibilité

d’invoquer la confidentialité ou le secret professionnel, ou qu’il y a renoncé. Par ailleurs, étant
donné que M.Collaery agissait en qualité de représentant juridique de «K», si un quelconque
droit au secre t professionnel était applicable à ce document, c’est «K» qui pourrait s’en
prévaloir, et non le Timor-Leste.

2) Pièce LPP014: plusieurs documents: déclaration écrite sous serment de [], déplacements y
afférents, courrier diplomatique et photographie d’un panneau portant la mention «Welcome to
Central Maritime Hotel Dili» (Bienvenue au Central Maritime Hotel à Dili). La position de

l’Australie concernant cette pièce est la même que pour la pièce LPP012.

Les éléments à l ’égard desquels le Timor-Leste pourrait invoquer la confidentialité ou le
secret professionnel

222
4.49. En ce qui concerne les autres éléments , le Timor-Leste a affirmé de manière générale
que, au vu de leur description, il s’a gissait de conseils juridiques qui lui ont été fournis et qui sont
donc soumis au secret professionnel qu’il invoque 22. Tel est peut-être le cas ; mais seul un examen

des documents en question permettrait de le confirmer et de déterminer s’il s’agit de
communications entre le Timor-Leste et M.Collaery en sa qualité de conseiller juridique de cet
Etat, que ce soit des conseils juridiques ou des communications à caractère juridique ayant trait à
une procédure judiciaire en cours ou à venir, et si aucune exception pertinente ne s ’applique (pas

même l’exception en cas d’i nfraction pénale ou la renonciation à la confidentialité de la part du
Timor-Leste).

4.50. Enfin, pour ce qui concerne les pièces LPP002 et LPP03, l’Australie formule les

observations suivantes :

1) LPP002 : document intitulé «Memorandum to Counsel» (Mémorandum à l’intention du conseil)
(scellé sous pli de couleur jaune) . Rien dans l’intitulé de ce document ne permet de dire qu’il

concerne le Timor-Leste de quelque manière que ce soit : même s’il s’agit d’un conseil
juridique, l’identité du client demeure incertaine.

2) LPP003 : document intitulé «Timor Sea Treaty, Dili 20 May 2002» (Traité sur la mer de Timor,

Dili, 20 mai 2002) (scellé sous pli de couleur jaune). Rien dans la description de cette pièce ne
permet de dire si celle-ci a trait à des cons eils juridiques ou à d’autres communications
confidentielles entre le Timor-Leste et ses conseillers juridiques. Il pourrait tout simplement
s’agir d’une copie du traité.

220Ibid., par. 4.23 n).
221
Voir par. 4.52 à 4.66 ci-après.
222Pièces LPP001, LPP002, LPP003, LPP004, LPP005, LPP007, LPP008, LPP009, LPP010, LPP011 et LPP015.
223
MTL, par. 4.23 et 6.25. - 50 -

B. Le Timor-Leste ne saurait invoquer la confidentialité ou le secret professionnel
à l’égard de tout élément facilitant la commission

d’une infraction pénale ou y contribuant

4c5i1.i ela a été précisé plus haut, deux droits distincts sont revendiqués à l’égard
des éléments, à savoir les prétendus droits à la co nfidentialité et au secret professionnel. Pour ce

qui concerne l’éventuel droit à la confidentialité, le Timor-Leste ne saurait s’en prévaloir à des fins
illégitimes (ce qui vaut notamment, mais pas exclusivement, en cas d’abus de confidentialité visant
à dissimuler une infraction pénale), et ne saurait invoquer ce droit alors qu’il y a renoncé de par ses

divulgations. Pour ce qui concerne le droit au secret professionnel, il existe une exception bien
établie dans les systèmes juridiques internes dont le Timor-Leste s ’est inspiré pour déduire le
principe qui empêche que ce droit puisse être invoqué lorsque cela facilite la commission d ’une
infraction pénale ou y contribue. Dès lors que ces principes sont correctement appliqués aux faits,

le Timor-Leste n ’est pas fondé à invoquer, de manière générale et inconditionnelle, le droit à la
confidentialité ou au secret professionnel à l’égard de l’ensemble des éléments.

Le Timor-Leste ne saurait invoquer la confidentialité à des fins illégitimes

4.52. Comme exposé au chapitre3, sur la base des informations parues dans les médias et
des déclarations du Timor-Leste lui- même, l’Australie a des motifs raisonnables de craindre que

«K» et M. Collaery aient fait224s révélations illégales, constituant, au regard du droit australien, de
graves infractions pénales . Il s’agit notamment d’infractions prévues aux articles 39 et 41 de
l’Intelligence Services Act (Cth) de 2001, de l’article 70 de la Crimes Act (Cth) de 1914 et de

l’article 91.1 de l’annexe de la Criminal Code Act (Cth) de 1995, comme l’Austr225e l’a exposé en
détail dans ses observations écrites au stade des mesures conservatoires .

4.53. Aux termes de ces dispositions, un document contenant des informations relatives à la
sécurité nationale divulguées illégalement est, au regard du droit australien, le résultat d’une
infraction pénale, et la transmission d’un tel document constitue une nouvelle infraction.

4.54. Comme indiqué plus haut, les pièces LPP012 et LPP014 ont chacune été décrites par le
Timor-Leste comme un «projet de déclaration d ’un tiers consignée aux fins d ’une procédure
judiciaire à laquelle [il] participe» 226. Compte tenu de cette information et des intitulés donnés à

ces pièces, il est raisonnable de conclure que celles-ci sont des versions préliminaires ou finales de
la déclaration de «K» produite par le Timor- Leste dans le cadre de la procédure d’arbitrage. Il
s’ensuit que chacune de ces pièces contient potentiellemen t des informations touchant à la sécurité
nationale illégalement divulguées par «K», et est le produit d’une infraction pénale.

224
E. Alberici, «Bernard Collaery, Lawyer for East Timor» («Bernard Collaery, conseil du Timor-Leste»),
Lateline, Australian Broadcasting Corporation (3 décembre 2013) ; C. Duffy, «New details emerge in claims of spying on
East Timor» («De nouveaux éléments concernant les allégations d’espionnage du Timor -Leste»), 7.30, Australian
Broadcasting Corporation (4 décembre 2013) ; T. Allard, «East Timor claims it knows which Australian spies bugged its
offices» («Le Timor-Leste prétend connaît re l’identité des espions australiens qui ont posé des micros dans les bureaux
de son gouvernement»), Sydney Morning Herald (9décembre 2013); R. Le May, «More whistleblowers in Timor spy
scandal» («De plus en plus d’informateurs dans l’affaire de l’ennage du Timor-Leste»), Sydney Morning Herald ,
(9 décembre 2013) ; «Raided East Timor Lawyer calls for Inquiry » («L’avocat du Timor -Leste perquisitionné demande
une enquête»), Australian Associated Press (4décembre 2013); P. Lloyd, «ASIO raided office of lawyer representing
East Timor in spying case» (« L’ASIO perquisitionne les locaux professionnels de l’avocat représentant l-Lester
dans une affaire d’espionnage»), Australian Broadcasting Corporation (3 décembre 2013).

225Observations écrites de l’Au stralie sur la demande en indication de mesures conservatoires du Timor-Leste,
13 janvier 2014, par. 55.
226
MTL, par. 4.23 n) et p). - 51 -

4.55. Cela a d’ailleurs été confirmé par le conseil du Timor-Leste lors de la première réunion
de procédure tenue le 5 décembre 2013 dans le cadre de l’arbitrage, le conseil ayant déclaré, au
sujet de «K», que «la divulgation d’une déclaration écrite faite par le témoin, à n’importe quel
227
stade, pourrait avoir, d’un point de vue juridique, valeur de publication» et qu’il était «possible
que cette divulgation traduise une intention de révéler des informations, en violation du droit
australien, et que cela pourrait donc nuire à la situation du témoin» 22.

4.56. Toute revendication, par le Timor- Leste, d’un prétendu droit à la confidentialité à
l’égard de ces documents constituerait donc une tentative de se prévaloir d e ce droit à des fins
illégitimes, à savoir pour dissimuler la commissi on de ce qui peut raisonnablement être considéré

comme un crime au regard du droit australien, et se prémunir contre l’exercice légitime, par
l’Australie, de sa souveraineté territoriale relativement à de tels agissements. Le fait qu’un
éventuel droit à la confidentialité doit être li mité en pareilles circonstances est confirmé par
d’autres exemples cités plus haut, qui montrent que l’Etat étranger ne saurait faire un usage abusif

d’un droit exercé sur le territoire de l’Etat du for, particulièreme229en cas de comportement criminel
susceptible de causer un préjudice aux personnes et au public .

4.57. Au vu des informations disponibles, il est difficile de savoir quels sont les autres

éléments dont la teneur pourrait être identique ou similaire à celle des piècesLPP012 et LPP014.
Pour autant que d’autres documents contiennent une partie ou l’intégralité de la déclaration sous
serment de «K», ou toute autre information relative à la sécurité nationale divulguée de manière
illégale, toute invocation, par le Timor-Leste, du droit à la confidentialité à l’égard de tout ou partie

de ces documents doit être rejetée en raison des limites dont pareil droit est assorti.

Le Timor-Leste a renoncé à tout droit à la confidentialité à l’égard de certains des éléments

en cause en diffusant publiquement des informations

4.58. Pendant plus d’un an, le Timor -Leste a, par l’intermédiaire de son conseiller juridique,
M. Collaery, divulgué et diffusé dans les médias, à maintes reprises, des informations figurant dans
le témoignage de «K» :

1) Le 29 mai 2013, dans un entretien accordé au journal The Australian, M. Collaery a ainsi donné
des informations détaillées sur la manière dont la prétendue opération avait été décidée et mise
en Œuvre :

«Ce traité a nécessité plusieurs sessions de négociations, et au cours de ce
processus … en octobre 2004, l’Australie a clandestinement écouté les salles occupées
par la partie adverse», a déclaré M.Collaery à The Australian. «C’était un genre de

Watergate. Ils sont entrés sans y être autorisés et ont posé des micros, en violation
totale de la souveraineté, dans les bureaux du premier ministre de l’époque, M. (Mari)
Alkatiri, et ceux du gouvernement. Ils ont dissimulé des dispositifs d’écoute dans une
salle de conférence du gouvernement.»

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

227Cour permanente d’arbitrage, procès -verbal de la première réunion de procédure entre le Timor-Leste et
l’Australie à La Haye, Arbitrage en vertu du traité sur la mer de Timo, 5décembre 2013, 58 (lignes1-6) (Lowe)

(annexe 85).
228Cour permanente d’arbitrage, procès -verbal de la première réunion de procédure entre le Timor-Leste et
l’Australie à La Haye, Arbitrage en vertu du traité sur la mer de Tim, 5décembre 2013, 84 (lignes19-24) (Lowe)
(annexe 85).
229
Voir par. 4.14 ci-dessus. - 52 -

M. Collaery soutient que M. Downer a directement a utorisé l’opération visant à
écouter les négociations se déroulant dans une salle de conférence gouvernementale,
qui avait été construite avec le concours d’équipes australiennes .0

2) Le 3décembre2013, dans une interview accordée à la chaîne de télévision Australian
Broadcasting Corporation (ABC), M.Collaery a divulgué des informations contenues dans le
prétendu témoignage de «K», précisant notamment ce qui suit :

BERNARD COLLAERY: Le nouveau directeur a envoyé une équipe
technique à Dili pour se met tre en rapport avec une équipe australienne d’assistance à
la construction qui effectuait des travaux de rénovation dans le cadre de la formation

de la nation timoraise; il s’agissait de rénover des locaux devant être utilisés par le
premier ministre timorais et ses collègues. Finalement, après plusieurs opérations
clandestines, des micros ont été posés dans une cloison creuse, et un poste d’écoute a
été installé pendant les négociations. La transcription des conversations a ensuite
231
circulé .

3) Le4déc embre 2013, dans une interview donnée à l’ABC, M. Collaery a fourni de nouvelles
précisions sur le prétendu témoignage de «K», notamment des éléments relatifs à la prétendue
opération, tirés de la déclaration sous serment de celui-ci :

BERNARD COLLAERY, AVOCAT DU TIMOR-LESTE : L ors d’une
réunion, le directeur de l’ASIS, nouvellement entré en fonction, a donné instruction au
responsable des services techniques de l ’ASIS, ainsi qu’à son adjoint, dont le nom

m’échappe, de se rendre en mission au Timor-Leste pour enregistrer, à leur insu, les
conversations des membres qui composaient alors l’équipe de négociation timoraise.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

CON DOUR:FFY Nous nous sommes procuré une partie de sa déclaration
sous serment, déclaration essentielle dans laquelle il affirme avoir été chargé de placer
un dispositif d’écoute au Timor -Leste, sur instruction de David Irvine, le chef actuel
de l’ASIO, qui dirigeait alors l’ASIS.

DÉCLARATION SOUS SERMENT D’UN ANCIEN EMPLOYÉ DE
L’ASIS (voix masculine) : «M. Irvine m’a chargé de faire venir une équipe à Dili et de
veiller à ce que toutes les conversations, avant et après chaque tour de négociations,

soient enregis232es, retranscrites et transmises à l ’équipe de négociation
australienne.» (Les italiques sont de nous.)

4.59. En s’adressant à un média aussi important, le Timor -Leste, par l’intermédiaire de
M. Collaery, a fait en sorte que ces informations soie nt diffusées le plus largement possible. Il ne
s’agissait pas d’une divulgation restreinte dans lecadre d’une relation entre un conseil et son client,
mais d’une diffusion à grande échelle d’informati ons dont l’Australie était fondée à protéger la

23L. Shanahan, «Aussie spies accused of bugging Timor cabinet» («Des espions australiens accusés d’avoir posé
des micros dans les bureaux du Gouvernement timorais»), The Australian, 29 mai 2013 (consulté le 20 juillet 2014 sur le
site Internet suivant: http://www.theaustralian.com.aonal-affairs/policy/aussie-spies-accused-…-

cabinet/story-fn59nm2j-1226652599040).
23E. Alberici, «Bernard Collaery, Lawyer for Eastmor» («Bernard Collaery, avocat du Timor-Leste»),
Lateline, Australian Broadcasting Corporation, 3 décembre 2013.
232
C. Duffy, «New details emerge in claims of spying on East Timor» («De nouveaux éléments concernant les
allégations d’espionnage du Timor-Leste»), 7.30, Australian Broadcasting Corporation, 4 décembre 2013. - 53 -

confidentialité. Ces divulgations répétées démentent toute volonté de préserver la confidentialité
du témoignage de «K».

4.60. D’ailleurs, le Timor -Leste a lui- même reconnu que les informations qu’il a rendues
publiques provenaient de «K». Lors d’une audience tenue le 29mars2014 dans le cadre de

l’arbitrage, en réponse à une question relative à l’origine des déclarations faites par M. Collaery
dans l’entretien qu’il avait accordé aux médias, le conseil du Timor-Leste a déclaré ce qui suit :

«M.Collaery a fait part des éléments dont il avait connaissance concernant les

manquements commis par le directeur-général australien, sur la base d ’informations
transmises par K.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

J’ai cru comprendre que M. Collaery avait connaissance de ces informations
bien avant que la déclaration sous serment ne soit établie, et que c’est en se fondant
233
sur sa connaissance du contexte qu’il s’est exprimé.» (Les italiques sont de nous.)

4.61. Les informations dont M. Collaery avait «connaissance» et qu’il a décidé, en toute

illégalité, de rendre publiques proviennent donc d’une source unique, le témoignage de «K». Or,
c’est ce même témoignage que le Timor-Leste a décidé de présenter au tribunal arbitral sous forme
de déclaration sous serment, celui-là même que le Timor-Leste a rendu public à maintes reprises
depuis le mois de mai2013 au moins, donnant aux allégations qui y figurent une publicité et une
234
diffusion encore plus larges . Et c’est à l’égard de ce même témoignage que le Timor -Leste tente
à présent d’invoquer le droit à la confidentialité.

4.62. Il s’ensuit que le Timor -Leste a perdu tout droit à la confidentialité qu’il ait jamais pu
avoir à l’égard des éléments dans lesquels figure le témoignage de «K». Il s’agit notamment des
piècesLPP012, LPP014 et de tout autre élément c ontenant des informations relatives à la sécurité
nationale illégalement divulguées par «K».

4.63. La décision du Timor-Leste de révéler des informations relatives à la sécurité nationale
par l’intermédiaire des médias porte également un coup fatal à toute velléité de ce dernier de faire

valoir que la divulgation des pièces LPP012 et LPP014 lui porte préjudice. Or, alo rs même qu’il a
rendu publiques des informations dont l’Australie ét ait fondée à protéger la confidentialité, le
Timor-Leste tente à présent de soutenir, de façon saugrenue, que ces informations sont sa propriété

et qu’elles doivent être protégées. Au vu des faits dont la Cour a connaissance, cet argument est
indéfendable.

233
Cour permanente d’arbitrage, compte rendu de l’audience concernant la demande de l’Australitendant à ce
que certaines déclarations de témoins soient jugées irrecevableArbitrage en vertu du traité sur la mer de Timor ,
29 mars 2014, 96, lignes 16-19 (Lowe) ; 97, lignes 7-10 (Lowe) (annexe 89).
234Par exemple : P. Cleary, «How Canberra and Woodside «bugged» Timor PM to strip fledgling nation of oil
billions» («Canberra et Woodside ont posé des micros dans les bureaux du premier ministre timorais pour priver une
jeune nation de milliards de dollars de revenus pétroliers»), The Australian, 6 janvier 2014 (consulté le 20 juillet 2014 sur
le site Internet suivant: http://www.theaustralian.com.u/national-affairs/policy/how-canberra-and…-

timor-pm-to-strip-fledglingnation-of-oil-billions/story-fn59nm2j-1226795417836)J. Pearlman, « Australia’s Timor
spying row deepens» («Le scandale de l’espionnage du Timor-Leste par l’Australie prend de l’ampleur») , Straits Times,
10 janvier 2014 (consulté le 20 juillet 2014 sur le site Internet suivant : http://www.straitstimes.com/st/print/1937650). - 54 -

Le Timor-Leste est privé de la possibilité d’invoquer le secret professionnel à l’égard de
certains éléments car ils tombent sous le coup de l’exception en cas d’infraction pénale

4.64. La tentative du Timor- Leste d’invoquer le secret professionnel en ce qui concerne les
éléments contenant des informations relatives à la sécurité nationale illégalement divulguées par
«K» correspond précisément au type de situation auquel s ’applique l’exception en cas d’infraction

pénale, et dans lequel le principe allégué est assorti de réserves afin d’éviter tout abus de procédure,
c’est-à-dire dans le cas où son invocation aurait pour effet de dissimuler une activité criminelle.

235
4.65. Pour les raisons exposées plus haut , un document contenant des informations
relatives à la sécurité nationale divulguées de manière illégale est, au regard du droit australien, le
résultat d’une infraction pénale, et la transmission de ce document constitue une nouvelle

infraction. Etant donné qu’il est raisonnablement permis de penser que les pièces LPP012 et
LPP014 ont été établies pour favoriser la commis sion d’une infraction pénale, elles tombent donc
clairement sous le coup de ladite exception. C’est la raison pou r laquelle le Timor-Leste est privé
de la possibilité d’invoquer le secret professionnel dont il pourrait autrement se prévaloir à l’égard

de ces pièces, ainsi que de toute autre pièce révélant illégalement des informations relatives à la
sécurité nationale ou ayant été établie pour favoriser la commission d’une infraction pénale.

4.66. D’une manière plus générale, un avocat australien exerçant une activité juridique en
Australie ne saurait, au regard de la règlementation juridique australienne, se soustraire aux
conséquences d’activités criminelles au seul motif que son client est un Etat étranger. Cela serait
contraire à l’administration de la justice et équivaudrait à une atteinte inacceptable à la souveraineté

territoriale de l’Australie.

C. En tout état de cause, l’Australie a pris toutes les mesures nécessaires pour respecter

tout droit à la confidentialité ou au secret professionnel
à l’égard des éléments en cause

L’Australie a respecté les droits invoqués par le Timor-Leste à l’égard des éléments en cause

4.67. L’Australie rejette l’allégation du Timor-Leste selon laquelle elle aurait violé les droits
invoqués par ce dernier à l’égard des éléments en ca use en la présente espèce. Elle a, de par les

engagements qu’elle a pris de ne pas examiner ce s éléments, respecté tout droit à la confidentialité
ou au secret professionnel qui pourrait y être attaché. Par ailleurs, l’Australie a mis en place toutes
les garanties procédurales nécessaires pour protéger tout droit éventuel à la confidentialité ou au
secret professionnel .236

4.68. Les engagements exhaustifs librement pris par l’ Attorney-General les 4, 19 et
23décembre 2013, ainsi que le 21janvier 2014, tiennent compte de toute prétention au secret

professionn237que le Timor-Leste pourrait dûmen t formuler, comme expliqué en détail au
chapitre 3 . Conformément à ces engagements et aux instructions de la Cour, les documents ont

235Voir chapitre 3 et par. 4.52-4.54 ci-dessus.
236
Voir chapitre 3 ci-dessus.
237 Déclaration relative à l’exécution des mandats de perquisition par l’ASIO, faite par le
sénateur George Brandis QC, Attorney-General de l’Australie, en sa qualité de ministre, le 4 décembre 2013 (annexe 52).
Engagement écrit du sénateur George Brandis QC, Attorney-General de l’Australie, daté du 19 décembre 2013 et relatif à
l’Arbitrage en vertu du traité sur la mer de Ti(annexe 74) ; lettre adressée à M. David Irvine AO, directeur général
de la sécurité, par le sénateurGeorge BrandisQC, Attorney-General de l ’Australie, 23décembre 2013 (annexe53);
Engagement écrit du sénateur George Brandis QC, Attorney-General de l’Australie, Questions concernant la saisie et la

détention de certains documents et données (Timorste c. Australie), 21 janvier 2014 (annexe 54). - 55 -

été placés sous scellés et le resteront jusqu’au te rme de la présente procédure et jusqu’à ce que la
Cour ait rendu son arrêt définitif.

4.69. Par conséquent, tout droit à la confidentialité ou au secret professionnel est préservé, et
aucun préjudice ne saurait être causé au Timor- Leste, étant donné qu’aucun responsable du

Gouvernement australien ni conseil prenant part à la d éfense de l’Australie dans la procédure
d’arbitrage, ou impliqué dans la présente affaire portée devant la Cour, n’a vu les éléments en
cause. Il n’existe aucun risque que ces éléments soient descellés ou utilisés par des membres des

équipes australiennes de défense dans la présente instance ou dans la procédure d’arbitrage. Il n’y
a pas non plus de risque que lesdits éléments soient utilisés à toute fin ayant trait à l’exploitation
des ressources de la mer de Timor ou aux négociations à ce sujet, comme indiqué expressément
dans l’engagement pris le 21 janvier 2014 par l’ Attorney-General. Ce faisant, l’Australie a

préservé la possibilité pour le Timor-Leste d’invoquer la confidentialité et le secret professionnel,
ainsi que celle de faire valoir le secret professionnel devant un tribunal australien.

L’Australie a agi de bonne foi en ce qui concerne les éléments en cause et la conduite des
négociations et procédures internationales

Tim.eo0r.- Leste tente d’établir un lien entre son invocation du secret professionnel et le

principe de la bonne foi, affirmant que «[l]a protection qui est reconnue aux communications entre
un client et ses conseils juridiques exige aussi que la confidentialité de pareils documents soit
préservée conformément au principe de la bonne foi» 238, et que «l’Australie a violé … le principe
de la bonne foi dans la conduite de négociations et de procédures internationales» 239. Cependant, le

Timor-Leste n’est pas parvenu à démontrer que l’Australie aurait manqué à l’obligation de bonne
foi, que ce soit dans le cadre de son invocation du secret professionnel ou de la conduite, par
l’Australie, de la procédure d’arbitrage.

4.71. Ainsi que la Cour l’a confirmé dans son ordonnance du 3 mars 2014 , il est présumé
que les Etats agissent de bonne foi 241; aussi le Timor-Leste ne saurait-t-il se contenter de simples

généralisations pour étayer son assertion selon laquelle l’Australie n’a pas agi de bonne foi.

4.72. Les mesures prises par l’Australie pour respecter les droits éventuels du Timor -Leste

au cours de la perquisition qui a eu lieu le 3décembre2014, ainsi que les garanties procédurales
qu’elle a mises en place par la suite, sont décrites au chapitre 3. Ces mesures montrent clairement
que l’Australie a agi de bonne foi en veillant à c e que les éléments soient placés sous scellés, et en
s’assurant qu’ils n’avaient pas été examinés, et qu’ils ne le seraient pas, par un conseil ou agent du

Gouvernement australien prenant part à la procéd ure d’arbitrage ou à la présente instance. En

23MTL, par. 6.15.

23Ibid., par. 6.29.
240
Questions concernant la saisie et la détention de cert ains documents et données (Timor-Leste c.Australie) ,
mesures conservatoires, ordonnance du 3 mars 2014, par. 44.
24Voir, par exemple, Lachs, qui définit la bonne foi comme une «présomption qui est à la base des relations
internationales»: Lachs, «Some thoughts on the role of good faith in international relations», in R.J.Akkerman,
P. J. van Krieken et C. O. Pannenberg (eds.), Declarations on Principles: A Quest for Universal Peace (Academic Book

Services Holland, 1977), p. 50 ; J. F. O’Connor, Good faith in international law (Dartmouth Publishing Company, 1991),
p. 99 ; «Les juridictions internationales conviennent généralement qu’il doit être présumé que les Etats agissent de bonne
foi»), Affaire du Lac Lanoux (Espagne/France) (1957), RSA, vol. XII, p. 305 (annexe 10). - 56 -

outre, l’Australie a, à maintes reprises, invité le Timor -Leste à faire valoir son prétendu droit au
242
secret professionnel en vertu du droit australien .

4.73. L’Australie rejette également l’affirmation implicite du Timor -Leste selon laquelle elle

aurait manqué au principe de la bonne foi dans la procédure d’arbitrage. Nonobstant les révélations
faites illégalement dans les médias et au cours de la procédure d’arbitrage par «K» et M. Collaery,
l’Australie a soigneusement veillé, dans ladite procédure, à exercer les droits qui étaient les siens
par les voies appropriées. Ainsi, elle a notamment présenté une demande tendant à ce que soit jugé

irrecevable le témoignage de «K», et a pleinement respecté l’ordonnance du tribunal admettant
celui-ci à titre provisoire seulement et décidant de ne se prononcer définitivement sur la question
qu’après la procédure orale (qui se tiendra du 27se ptembre au 2octobre 2014). Dès lors,

l’Australie a incontestablement agi de bonne foi et il n’a été causé, et ne pouvait être ca usé, au
Timor-Leste aucun préjudice dans la procédure d’arbitrage par suite de la saisie des éléments en
cause.

242Lettre en date du 16décembre2013 adressée à DLAPiper par le Solicitor du Gouvernement australien
(annexe 55) ; lettre en date du 19décembr e 2013 adressée à DLAPiper par le Solicitor du Gouvernement australien,
(annexe 56) ; lettre en date du 24 décembre 2013 adressée à DLAPiper par le Solicitor du Gouvernement australien

(annexe 57). - 57 -

CHAPITRE 5

LETIMOR-LESTEN’APAS DÉMONTRÉQUE L’AUSTRALIEAVAITENFREINT
LE DROITRELATIFÀL’INVIOLABILITÉOU
À L’IMMUNITÉDESBIENSDEL’ÉTAT

In.1é.paramnsennts qu’il avance quant à un prétendu droit à la
confidentialité et au secret professionnel, le Timor- Leste fait valoir un droit à l’inviolabilité et à
l’immunité des éléments en cause en la présente espèce. A cet égard, les demandes timoraises
reposent sur des affirmations de principe vagues et infondées, et ne tiennent aucun compte des
cadres établis en droit international régissant la portée et l’application de ces principes.

5.2. Contrairement aux droits à la confidential ité et au secret professionnel, revendiqués par
le Timor-Leste et examinés au chapitre précédent, les principes de l’inviolabilité et de l’immunité
sont bien établis en droit international, leur portée est clairement définie. Etant don né qu’ils
limitent la souveraineté de l’Etat du for, ces principes sont soumis à juste titre à certaines
conditions visant à éviter que les droits de l’Etat étranger ne soient favorisés de manière injustifiée

par rapport à ceux de l’Etat du for. Comme l’A ustralie le montrera dans le présent chapitre, il est
évident que ces principes ne s’appliquent pas aux circonstances de l’espèce.

5.3. Dans la sectionI, il est établi que le Timor- Leste ne saurait invoquer l’inviolabilité ou
l’immunité à l’égard des éléments en cause, sur lesquels il ne détient aucun droit de propriété.

5.4. Dans la sectionII, il est démontré que l’inviolabilité et l’immunité sont des notions
juridiques différentes et qu’il convientde les distinguer en tant que telles, ce dont il ressort
clairement que l’allégation générale d’«inviolabilité des biens de l’Etat » formulée par le
Timor-Leste n’est reconnue ni en droit international coutumier ni en droit conventionnel. En effet,
l’inviolabilité s’attache à des types particuliers de biens ét atiques, dans des circonstances précises,

et dans le cadre de régimes juridiques spécifiques, dont aucun ne trouve à s’appliquer en l’espèce.

5.5. Dans la sectionIII, il est précisé que, pour autant que la propr iété de certains des
éléments en cause puisse être revendiquée par le Timor- Leste, l’Australie a agi de manière licite et
en respectant pleinement les obligations que lui impose le droit international.

SECTION I

AUCUNE QUESTION D ’INVIOLABILITÉ OU D IMMUNITÉ NE SE POSE EN CE QUI CONCERNE
LES ÉLÉMENTS QUI N ’APPARTIENNENT PAS AU T IMOR -L ESTE

5.6. En l’absence de tout droit de propriété sur des biens, un Etat ne saurait invoquer

l’inviolabilité ou l’immunité en ce qui les concerne. Pour que le Timor-Leste (ou tout autre Etat)
puisse se prévaloir de l’immunité ou de l’ inviolabilité des biens de l’Etat , un certain lien de
propriété doit, en principe, le rattacher aux biens en question.

5.7. Comme exposé au chapitre 3, au vu des faits qui ont été présentés à la Cour, il apparaît

que plusieurs parties peuvent faire valoir des droits plausibles en ce qui concerne les éléments en
cause. A cet égard, il importe également de noter que, en cherchant à étayer ses propres prétentions
de propriété, le Timor- Leste s’est livré à une application sélective du droi t régissant les droits de
propriété (la lex situs). L’Australie soutient que, lorsque le droit pertinent est appliqué - 58 -

correctement, les faits connus ne suffisent pas à établir la propriété revendiquée par le Timor-Leste
sur les éléments qui font l’objet du présent différend.

5.8. L’Australie ne revendique pas la propriété des éléments en cause, sauf, comme nous
l’exposerons ci-après, en ce qui concerne certains rensei gnements classés secrets qui devraient en

réalité être considérés comme lui appartenant. L’enlèvement des éléments auquel l’ASIO a
procédé le 3décembre 2013 n’a pas constitué une confiscation, puisqu’il ne s’est agi que de les
examiner brièvement et de les conserver pour des raisons de sécurité. Le paragraphe4C) de
l’article25 de la loiASIO dispose en effet que les éléments pris en vertu d’un mandat ne peuvent

être conservés que s’ils représentent une menace pour la sécurité nationale. L’enlèvement des
éléments n’a donc pas pour effet de transférer la propriété de ceux-ci à l’ASIO ou à l’Australie.

A. L’inviolabilité ou l’immunité ne peut être invoquée relativement à des
biens que s’il existe des droits de propriété établis

5.9. Pour que l’immunité de l’Etat puisse être invoquée, un certain lien doit nécessai rement
exister entre l’exercice, par les juridictions de l’Etat du for, de leur compétence et un Etat étranger.

Lorsque l’Etat étranger est directement attrait devant un tribunal, ce lien est évident. En revanche,
si la mise en cause de cet Etat est indirecte et que la procédure se rapporte à des biens à l’égard
desquels il est susceptible de détenir un droit de propriété et auxquels une certaine forme

d’immunité pourrait s’appliquer, le lien doit être dûment établi afin de rattacher cet Etat à la
procédure en question. Ce point est clairement précisé dans l’ouvrage Oppenheim’s International
Law :

«lorsqu’un Etat prétend posséder un droit de propriété à l’égard de biens qui font

l’objet d’une procédure à laquelle il n’est pas partie, pareille affirmation ne suffit pas à
elle seule à écarter la compétence du tribunal ; pour avoir cet effet, pareille prétention
(à moins qu’elle ne soit admise) doit être étayée par des moyens de preuve, et ce, bien

que l’Etat ne soit pas te243de prouver de manière définitive son titre de propriété sur
les biens en question.»

5.10. S’il n’appartient pas à l’Etat étranger d’ét ablir définitivement qu’il est le propriétaire
244
des biens, il doit néanmoins démontrer que sa prétention est fondée au moins prima facie .
L’immunité accordée aux Etats étrangers et à certaines catégories de biens étatiques impliquant une
restriction de la souveraineté de l’Etat du for, il est raisonnable d’exiger qu’une invocation de
l’immunité relativement à des biens soit assortie d’un droit légitime sur ceux -ci, faute de quoi les

droits infondés des Etats étrangers seraient privilégiés par rapport à ceux de l’Etat du for.

5.11. De même, pour que le principe de l’inviolabilité puisse s’appliquer à des biens du point

de vue du droit international, il convient d’établir un lien suffisant entre ces biens et un Etat ou une
personne, organisation ou tout autre organe jouissant de l’inviolabilité au titre d’un régime
particulier de droit international. En l’absence de pareils droits de propriété, il n’est pas satisfait à

243 e
R. Jennings et A. Watts, Oppenheim’s International Law (9 éd., Oxford University Press, 1992), p. 349.
244Voir, par exemple, la State Immunity Act (United Kingdom) de 1978, par. 4 de l’art. 6 (consultée le

20juilt 014 sur le site Internet suivant: <http:// www.legislation.gov.uk/ukpga/1978/33/pdfs/ukpga_19780033
_en.pdf>), qui exige que l’Etat étranger produise u«commencement de preuve» à l’appui de sa prétention . Cette
disposition montre que le droit a évoldans le sens d’un durcissement du critère de la preuve en ce qui concerne les
revendications de propriété. Ainsi, dans l’affaire antérieure Juan Ysmael & Co. Inc. c. Gouvernement indonésien [1955],
AC 72 (annexe 11), le tribunal avait conclu qu’un Etat devait démontrer que «sa demande n’[était] pas illusoire, ni fondée
sur un titre manifestement entaché d’un vice» (p. 4). - 59 -

l’exigence selon laquelle un lien doit exister entre les biens et un Etat souverain et, partant , il n’y a
pas lieu de protéger ces biens.

B. Le droit applicable pour déterminer les droits de propriété
sur des biens est la lex situs

5.12. Il est largement admis que le droit applicable pour déterminer la propriété de biens
meubles est la lex situs (c’est-à-dire le droit du pays où se trouvent les biens) 24. Comme l’écrit

Staker,

«[p]our ce qui est des questions concernant la reconnaissance des droits de

propriété créés à l’étranger, la pratique des Etats , du point de vue de leur législation
interne, est, pour l’essentiel, cohérente et uniforme :

Aujourd’hui, le principe universel, qui trouve son expression dans nombre de
décisions et que tous les auteurs reconnaissent, est que la création, la modification et
l’extinction de droits sur des objets physiques tangibles sont régies par le droit du lieu

où ces objets se trouvent.

Si un Etat doit déterminer la propriété, aux fins du droit international, d’un objet

qui ne se trouve pas sur son territoire à ce moment précis, il se référera, pour ce246ire,
au droit interne de l’Etat dans le territoire duquel ledit objet se trouve.»

5.13. L’Australie et le Timor-Leste conviennent que la règle de la lex situs, en l’occurrence
le droit du Territoire de la capitale australienne, s’applique aux éléments en cause dans la présente
247
affaire .

5j.ei.ictinntesrnatio nales sont autorisées à interp réter et à appliquer le droit
interne lorsque cela est nécessaire à l’exercice de leur compétence pour régler des différends
internationaux . Les Parties s’accordant pour dire que le droit pertinent en vue de déterminer la

propriété des éléments concernés est celui du Territoire de la capitale australienne, il est clair que la
Cour peut appliquer ce droit, qui a une incidence sur le règlement du présent différend.

245Exemples: Japon, voir J.Koshikawa, «The Transfer of Chattels in the Conflict of Laws: Some Aspects of
Transnational Law in Japan» (1972), The American University Law Review , vol.21, p. 513, 514 (annexe 32) ;
Royaume-Uni, voir A.Briggs, The Conflict of Laws (3 éd., Oxford University Press, 2013), p.303; Inde, voir
V. C. Govindaraj, The Conflict of Laws in India (Oxford University Press, 2011), p. 162-163 ; Canada, voir J.G. Castel,
Canadian Conflict of Laws (2e éd., Butterworths, 1986), p. 413-415.

246C. Staker, «Public International Law and the Lex Situs Rule in Property Conflicts and Foreign Expropriations»
(1988), British Year Book of International Law 1987 , vol. 58, p.151, 163 (annexe33), citant E.Rabel, The Conflict of
Laws: A Comparative Study (1958), vol. 4, p. 66-69.

24MTL, par. 4.16.
248
Certains intérêts allemands en Haute-Silésie polonaise (Allemagne c. République de Pologne), arrêt, C.P.J.I.,
Série A, n° 7, p. 19 ; Affaire Nottebohm, (deuxième phase) (Liechtenstein c. Guatemala), arrêt , C.I.J. Recueil 1955 , p. 4,
52 (opinion dissidente de M.lejuge Guggenheim), par.4; Elettronica Sicula S.p.A.(ELSI) (Etats- Unis d’Amérique
c. Italie), arrêt, C.I.J. Recueil 1989, p. 15, par. 62. - 60 -

5M.1.. Collaery est l’unique dirigeant de CollaeryLawyers et il détient un certificat
d’exercice de la profession d’avocat dans le Territoire de la capitale australienne 249. Son cabinet,

ainsi que la propriété des éléments qui font l’objet du présent différend , sont régis par le droit du
Territoire de la capitale australienne, qui comprend la législation dudit Territoire et la common law
australienne.

5.16. La propriété des documents des clients dans le Territoire de la capitale australienne est
régie par la règle6 du Legal Profession (Solicitors) Rules (ACT) de 2007 250, texte adopté en
251
application de la Legal Profession Act (ACT) de 2006 et dont les passages pertinents se lisent
comme suit :

«6. Propriété des documents des clients —expiration ou résiliation de la lettre

de mission de l’avocat

6.1. L’avocat doit conserver, de manière sûre et confidentielle, les documents
auxquels un client a droit, pendant la durée de sa mission et au moins sept ans après la

fin de celle- ci, ou jusqu’à ce qu’il les remette au client ou à une autre pe rsonne
autorisée par celui-ci à les recevoir, ou que le client lui donne pour instruction d’en
disposer d’une autre manière.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

6.4. Les documents auxquels le client d’un avocat devrait en général avoir droit
sont :

a) les documents établis par l’avocat, en tout ou pour l’essentiel, pour le compte du
client et pour lesquels ont été ou vont être facturés des frais au client ; et

b) les documents communiqués par des tiers à un avocat dans le cadre de sa mission
pour le compte du client, au nom de ce lui-ci ou aux fins de ses activités
commerciales, et destinés à être util isés par le client, y compris à titre

d’information.»

5C.o7leore- Leste l’a fait observer dans son mémoire 252, la principale affaire
australienne traitant de la question de la propriété de documents détenus par un avocat est la

décision rendue par la Cour d’appel de Nouvelle-Galle du Sud en l’affaire
Wentworthv. De Montfort . Le document Australian Solicitors’ Conduct Rules and Commentary
[règles de conduite des avocats australiens et commentaire] de 2011 confirme que cette affaire

249
Curriculum vitae de M.Bernard Joseph Edward Collae ry (consulté le 20juillet2014 sur le site Internet
suivant : <http://www.cclaw.com.au/wp-content/uploads/2013/09/130916-Bernard-Colla…;) ;ACT Law
Society [barreau du Territoire de la capitale australieannuaire des avocats, «Bernard Joseph Edward Collaery»
(consulté le 20 juillet 2014 sur le site Internet suivant : <http://www.actlawsociety.asn.au/lawyersdirectory/search/
?command=viewEntityContact&entityType=0&entitySerial=7534&membershipSerial=1232>).
250
Legal Profession (Solicitors) Rules (ACT) de 2007, art. 6 (annexe 42)
251Legal Profession Act (ACT) de 2006 (annexe 43).

252MTL, par. 4.17.
253
Wentworth v. De Montfort (1988), NSWLR, vol. 15, p. 348 (annexe 12). - 61 -

demeure pertinente en ce qui concerne les droits de propriété sur différents types de documents
254
qu’un avocat est susceptible de créer dans le cadre des travaux qu’il effectue pour un client .

5.18. En l’affaire Wentworth, la Cour d’appel a appliqué un double critère. Dans un premier
temps, elle a conclu que, lorsqu’ un avocat agissait uniquement en tant que mandataire pour le

compte d’un client , les règles ordinaires en matière de re présentation s’appliquaient et que tout
document établi ou reçu par l’avocat en qualité de mandataire appartenait au client 255. Dans un

second temps, la Cour a jugé que, lorsqu’un avocat agissait pour le compte d’un client autrement
que comme mandataire, la propriété des documents établis ou reçus par cet avocat au nom du client
256
dépendait des principes régissant la relation entre un professionnel et son client . L’application
de ces principes repose donc, en partie, sur la question de la nature de la relation entre M. Collaery
et le Timor-Leste.

C. Au vu des faits qui ont été versés au dossier, les droits de propriété
auxquels prétend le Timor-Leste ne sont pas étayés par la lex situs

5.19. Les procédures engagées devant la Cour et devant le tribunal arbitral ont montré que la
nature de la relation existant entre M.Collaery et le Timor-Leste avait, selon les intérêts en jeu

dans chaque situation, été présentée de manières différentes par l’un comme par l’autre.

1) Dans le cadre de la procédure d’arbitrage, M. Collaery a été présenté tour à to257comme
«membre de l’équipe juridique du Gouvernement du Timor -Leste» , «conseil du
Timor-Leste» 258 et «conseiller juridique» , mais jamais comme «agent» . 260

2) Dans le cadre de la présente espèce, M.Collaery a été désigné comme «conseiller» 261 et
262
«agent» du Timor-Leste.

3) Dans le cadre du contrat de conseil entre le cabinet Collaery Lawyers et le Timor-Leste,
263
MC . ollaery est présenté comme «consultant» , mais pas comme représentant ou
«mandataire» 264.

254
Conseil juridique de l ’Australie, Australian Solicitors’ Conduct Rules 2011 and Commentary (août 2013),
p2.4 (consulté lejuille2t014 sur le site Interne t suivan:t <http://www.lawcouncil.asn.au/lawcouncil/
images/LCA-PDF/a-z-docs/SolicitorsConductRulesHandbook_Ver3.pdf >).

255Wentworth v. De Montfort (1988), NSWLR, vol. 15, p. 348, par. 353F (annexe 12).
256
Ibid.
257
Merrill Corporation, compte rendu de réunion entre le Timor- Leste et l’Australie à Bangkok, Arbitrage en
vertu du traité du 20 mai 2002 sur la mer de Timor, 18 février 2013 (annexe 90), p. 1.
258
Cour permanente d’arbit rage, compte rendu d e l’audience concernant la demande de l’Australie tendant à ce
que certaines déclarations de témoins soient jugées irrecevables, Arbitrage en vertu du traité du 20 mai 2002 sur la mer
de Timor, 29 mars 2014 (annexe 89), p. 3.

259Ibid., p. 104 (ligne 2) (Lowe).
260
Ibid., p. 103 (lignes 23-25) et 104 (lignes 1-2), 104 (lignes 20-25) et 105 (lignes 1-2) (Lowe).
261
Questions concernant la saisie et la détention de certains documents et données (Timor-Leste c. Australie,
compte rendu (corrigé) CR 2014/1, 20 janvier 2014, p. 4.
262
Ibid., par. 11 (Lauterpacht).
263
Lettre de mission et conditions générales du contrat de services de conseil, document signé par
Xanana Gusmão (pour le Timor-Leste) et par M. Bernard Collaery, 17 septembre 2012 (MTL, annexe 7), p. i.
264
Ibid., par. 13.8. - 62 -

4) A compter du 7juillet2014, il appert que ni M.Collaery ni le cabinet Collaery Lawyers
n’agissent comme conseiller juridique du Timor -Leste dans le cadre de la procédure
d’arbitrage .65

5.20. Les incohérences entre ces différents rôles sont évidentes. La seule chose que l’on
puisse affirmer avec quelque certitude est que la relation existant entre M.Collaery et le

Timor-Leste ne relève pas du mandat. Le contrat de conseil conc266entre eux (dont seule une
version expurgée a été fournie à la Cour et à l’Australie) dispose clairement que M. Collaery ne
doit pas, que ce soit aux termes du contrat de conseil ou pour quelque autre raison, être considéré
comme le mandataire du Timor-Leste. Ainsi, la clause 13.8 du contrat est ainsi libellée :

«13.8. Relations entre les parties et les principaux collaborateurs

a) L e présent contrat n’est pas censé avoir pour effet d’établir une relation de société,
de coentreprise ou de mandat entre la RD TL et le Consultant ou les principaux

collaborateurs.

b) La relation existant entre le Consulta nt et la RDTL est et doit rester ce lle d’un
consultant indépendant envers son client, et les principaux collaborateurs ne

doivent en aucun cas, que ce soit au titre du présent contrat ou pour quelque autre
raison, être considérés comme des représentants, mandataires, agents ou
fonctionnaires de la RDTL.» [Les italiques sont de nous.]

5.21. C’est ce qu’a confirmé le conseil du Timor -Leste dans le cadre de la procédure
d’arbitrage :

«M. Collaery n’est pas le mandataire du Timor, et je ne veux pas seulement dire

par là qu’il n’en est pas l’agent dans le cadre de la présente instance. Sa situation n’est
pas celle d’un mandataire par rapport à son mandant : il est le conseiller juridique du
Timor.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Ce que je voulais dire, c’est que M. Collaery ne jouit pas des pouvoirs généraux
d’un mandataire agissant pour le Timor-Leste. Cela ne change rien aux prétentions de
ce dernier quant à la situation dans laquelle se trouvait M.Collaery en tant que

dépositaire des documents enlevés de ses locaux, laquelle fait l’objet de l’instance
portée devant la Cour internationale de Ju stice. Cette position ne se trouve donc ni
affaiblie ni modifiée.» 267

5.22. On voit mal comment le Timor- Leste peut déclarer, d’une part, 1) que M. Collaery
n’est pas son agent, 2) que ce dernier ne jouit pas des pouvoirs généraux d’un mandataire et 3) que
lui-même a expressément exclu cette possibilité da ns le contrat de conseil, tout en soutenant,

265Lettre en date du 7 juillet2014 adressée à M. Garth Schofield, conseil juridique devant la Cour permanente
d’arbitrage, par M. Joaquim da Fonseca, ambassadeur du Timor-Leste auprès du Royaume-Uni (annexe 82).

266Lettre de mission et conditions générales du contrat de services de conseil, document signé par
Xanana Gusmão (pour le Timor-Leste) et par M. Bernard Collaery, 17 septembre 2012 (MTL, annexe 7).
267
Cour permanente d’arbit rage, compte rendu de l’audience concernant la demande de l’Australie tendant à ce
que certaines déclarations de témoins soient jugées irrecevables, Arbitrage en vertu du traité du 20 mai 2002 sur la mer
de Timor, 29mars2014 (annexe89), p.103 (lignes23-25) et 104 (lignes1-2), et 104 (lignes20-25) et 105 (lignes1-2)
(Lowe). - 63 -

d’autre part, que de tels rapports aient pu exister. Compte tenu du libellé du contrat de conseil et de
la déclaration faite par le conseil du Timor- Leste dans le cadre de la procédure d’arbitrage, la

prétention de ce dernier, selon laquelle la propriét é des éléments en cause lui reviendrait en vertu
de la situation de mandataire dans laquelle se trouvait M. Collaery à son égard (par application du
premier critère établi dans l’affaire Wentworth) , est indéfendable.

269
T5m.e3r.- Leste invoque l’affaire Rahimtoola v. Nizam of Hyderabad pour soutenir
qu’un Etat peut détenir des biens par l’entremise d’un mandataire. Or ce principe n’a aucune

application en l’espèce, puisqu’il est clairement établi que M. Collaery n’était pas le mandataire du
Timor-Leste et ne pouvait donc détenir les éléments en cause à ce titre.

5.24. Au regard du second critère établi dans l’affaire Wentworth, lorsque l’avocat n’agit pas
en tant que mandataire, la propriété des documen ts établis ou reçus par lui obéit aux principes qui
régissent la relation entre le professionnel et son client . Dans son arrêt, la Cour d’appel a dit que,
au moment de déterminer à qui revenait la propriété de tels documents, il y avait lieu de considérer,

entre autres, «si la production du document en cause a été facturée au client et si l’avocat a établi ce
document au profit de son client et pour le protéger, ou s’il l’a fait dans son propre intérêt et pour
se protéger lui-même» . 270

5.25. Tel est l’argument que propose le Timor -Leste, dans son mémoire, pour établir de
façon concluante que la propriété de documents en la possession d’un professionnel revient au
client, et c’est sur cette base que le Timor -Leste réclame la propriété de presque tous les éléments
271
en cause . Il s’agit toutefois là d’une lecture sélectiv e et incomplète de l’arrêt rendu en l’affaire
Wentworth, où la Cour d’appel a procédé à une analys e beaucoup plus nuancée que ce que laisse
entendre le mémoire du Timor-Leste quant à la dé termination de la propriété, analyse qui a été
272
développée encore davantage par la Haute Cour d’Australie dans l’affaire Breen v. Williams . En
particulier, le Timor- Leste n’a pas suffisamment tenu compte de l’importance attribuée dans ces
décisions aux facteurs suivants :

1) l’établissement du document au profit et pour la protection du client ;

2) la question de savoir si la production de tel document a ou non été payée par le client, et les
conséquences qui en découlent ;

3) la situation des versions pr ovisoires et des communications émanant du client et adressées à
l’avocat.

5.26. Appliquées comme il se doit à la relation existant entre M. Collaery et ses clients, les
décisions rendues dans les affaires Wentworth et Breen v. Williams conduisent à la conclusion
opposée à celle qu’avance le Timor-Leste : en l’absence de renseignements complémentaires, il ne

saurait être fait droit aux prétentions de ce dernier quant à la propriété des éléments en cause.

268MTL, par. 4.22, al. a).
269
Rahimtoola v. Nizam of Hyderabad [1958] AC, p. 379.
270Wentworth v. De Montfort (1988) NSWLR, vol. 15 (annexe 12), p. 355 (G).

271MTL, par. 4.22 et 4.25.
272
Breen v. Williams (1996) CLR, vol. 186 (annexe 13), p. 71. - 64 -

Documents établis au profit et pour la protection du client

5.27. Pour qu’un document qui se trouve en la possession d’un avocat ou d’un professionnel
soit considéré comme appartenant au client, il est esse ntiel qu’il ait été établi au profit et pour la
273
protection de ce dernier . Dans son mémoire, le Timor-274ste se contente d’affirmer que certains
documents ont été établis pour lui par M. Collaery . Cette affirmation repose exclusivement sur
le rapport superficiel qui existe entre lui et le titr e du document et sa désignation dans la liste des

biens saisis.

5.28. L’article 6.1 du règlement relatif aux professions juridiques (avocats) de 2007 oblige

l’avocat exerçant dans le Territoire de la capitale australienne à conserver les dossiers de ses clients
durant une période de septans après la fin de sa mission 275. M. Collaery a eu d’autres clients au
cours de la période e n question, notamment le témoin «K». A la suite de l’enlèvement des

éléments en cause par les agents de l’ASIO, l’Aust ralie a reçu d’au moins un des autres clients de
M. Collaery une lettre concernant des documents en la possession de ce dernier dont il revendiquait
la propriété en vertu des lois du Territoire de la capitale australienne 27.

5.29. Etant donné le peu d’information disponible, il est tout à fait possible que parmi les

éléments en cause se trouvent des documents qui n’ont pas été établis au profit et pour la protection
du Timor-Leste, mais pour d’autres clients de M. Collaery. La seule mention des noms «Timor» et
«Timor-Leste» dans le titre d’un document ne permet pas de conclure qu’il a été établi pour le

Timor-Leste.

Documents et versions provisoires dont la production a été payée par le client

5.30. Dans l’affaire Wentworth, la Cour d’appel a dit qu’il y avait lieu de tenir compte
également de la question de savoir si la production de tel ou tel document avait été facturée au
277
client :

« [L]orsque les modalités de facturation permettent de constater qu’il a payé
pour l’élaboration de toutes les versions pr ovisoires et copies de documents ainsi que

pour les lettres, instructions et notes se rapportant à des affaires contentieuses, le client
est en droit de réclamer les documents.» 278 [Les italiques sont de nous.]

5.31. La Cour d’appel a toutefois précisé ce qui suit :

«En l’absence d’arrangement particulier co ncernant les honoraires, je ne crois
pas que l’avocat soit en droit de facturer la r édaction de [notes concernant le travail
fait ou à faire]. Même si des honoraires à taux horaire ont été convenus, ce qui
suppose la facturation du temps consacré à l’élaboration des documents, je ne crois

pas que, pour cette seule raison, ceux-ci deviennent la propriété du client. Ainsi,
lorsqu’un tarif horaire a été convenu pour le travail hors prétoire, le temps que

273
Wentworth v. De Montfort (1988) NSWLR, vol. 15 (annexe 12), p. 355 (G).
274MTL, par. 4.23.

275Legal Profession (Solicitors) Rules (ACT) de 2007 (annexe 42), art. 6.1.
276
Lettre en date du 12décembre2013 adressée au sénateurGeorgeBrandis QC, Attorney-General de
l’Australie, par un client de M. Collaery [version expurgée] (annexe 88).
277
Wentworth v. De Montfort (1988) NSWLR, vol. 15 (annexe 12), p. 355 (F-G).
278Ibid., p. 355 (E), citant Cordery on Solicitors, 8 éd., 1988. - 65 -

l’avocat passe à noter par écrit les arguments qu’il entend présenter à l’audience sera
facturé au client. Cependant, je ne crois pas que les notes ainsi élaborées
appartiennent pour autant au client. Elles on t été rédigées par l’avocat aux seules fins

de l’exercice de son activité prof279ionnelle, même si c’est dans le cadre du travail
qu’il effectue pour son client.» [Les italiques sont de nous.]

5.32. En conséquence, la preuve du paiement de l’avocat par le client est un élément

pertinent, mais elle ne suffit pas à établir le dr oit de propriété de ce dernier sur le document en
question. Encore faut-il qu’il soit démontré :

1) que l’élaboration du document a été facturée par l’avocat ;

2) que, dans l’hypothèse où son élaboration a été facturée au client, le document a été établi
principalement au profit du client, plutôt que pour l’exercice de l’activité professionnelle de
l’avocat dans le cadre du travail qu’il accomplit pour son client.

5.33. Ainsi, on ne saurait présumer que les versions provisoires d’un document appartiennent
au client. Lorsqu’un avocat a été engagé pour four nir un avis juridique, c’est l’avis définitif qui,
sauf preuve contraire, donne lieu à la rémunération. Ce principe a été clarifié dans l’affaire
Breen v. Williams, qui mettait en cause une patiente cherchant à faire valoir des droits sur les

dossiers médicaux que détenait son médecin. Comme dans l’affaire Wentworth, la Haute Cour
s’est employée à distinguer la relation qui existe entre le mandant et le mandataire de celle qui lie le
professionnel à son client :

«Les documents que le mandataire élabore dans le cadre de son travail pour le

mandant appartiennent à ce dernier, qui peut exiger qu’ils lui soient rendus, mais il y a
lieu de souligner qu’il ne s’agit pas d’un mandat en l’espèce. Il s’agit de la relation
entre un client qui s’adresse à un professionnel pour obtenir son avis. A mon sens, ce
serait se méprendre complètement que d’appliquer à un tel rapport les effets juridiques

découlant de la relation très différente qui existe entre le mandant et le
mandataire… [Les documents en question] ont été établis par l’intéressé pour ses
propres besoins dans l’exercice de ses fonctions d’expert, et non comme l’aurait fait
un mandataire pour son mandant, de sorte qu’on ne saurait soutenir qu’ils
280
appartiennent à ce dernier.» [Les italiques sont de nous.]

5.34. Le contrat de conseil de M.Collaery ne permet pas de connaître les modalités de
facturation applicables. La clause4.1, alinéa c) dispose que «la RDTL s’engage à payer les
281
honoraires de consultation en conformité avec l’annexe 2» . Cette annexe a toutefois été
caviardée par le Timor-Leste, de sorte q u’il est impossible de connaître les modalités de
facturation, ce qui soulève un doute raisonnable quant à la question de savoir lesquels des éléments
en cause ont été facturés au Timor-Leste. S’agissant du droit de propriété, ce doute est encore plus

grand en ce qui concerne les versions provisoires des documents, lesquelles, en l’absence de preuve
de paiement par le client, doivent être présumées appartenir à l’avocat, en l’occurrence
M. Collaery.

279
Wentworth v. De Montfort (1988) NSWLR, vol. 15 (annexe 12), p. 359 (F-G).
280Leicestershire County Council v. Michael Faraday & Partners Ltd [1941] KB, vol. 2 (annexe 14), p. 216, cité
in Breen v. Williams (1996) CLR, vol. 186 (annexe 13), p. 101.
281
Lettre de mission et conditions générales du contrat de services de conseil, document signé par
Xanana Gusmão (pour le Timor-Leste) et par M. Bernard Collaery, 17 septembre 2012 (MTL, annexe 7), p. i. - 66 -

Communications adressées à l’avocat par le client

5.35. Dans l’affaire Wentworth, la Cour d’appel a cité le jugement rendu en
l’affaire Re Thomson 282à l’appui du principe selon lequel «l’avocat est en droit de conserver les
283
lettres que lui a adressées son client» . Conformément à ce principe, les lettres et autres
communications écrites ou adressées par le Timor-Leste à M.Collaery appartiennent donc à ce
dernier.

Déposition reçue d’une tierce partie (le témoin «K»)

5.36. La réception de la déposition d’une tierce partie par un avocat ne confère pas
automatiquement de droit de propriété au client sur cette déclaration.

5.37. Dans l’affaire Wentworth, la Cour d’appel s’est dite incapable de décider, au vu du
document constatant une conversation téléphonique entre l’avocat et une tierce personne (mais se
284
rapportant aux affaires du client), si ce document appartenait au client . Dans ce contexte, elle a
laissé entendre qu’une telle déclaration appartiendrait au client :

«Il arrive qu’un avocat s’entretienne avec un témoin et consigne ses propos. On

pourrait alors supposer qu’il a reçu cette déclaration au profit de son client tout autant
que pour ses propres besoins, et ce travail serait sans aucun doute facturé au client.» 285

5.38. A cet égard, la question essentielle est celle de savoir si l’avocat a reçu la déc laration
au profit de son client et, aux termes du règlement relatif aux professions juridiques (avocats)
286
de2007, «dans le cadre de sa mission» . Dans son mémoire, le Timor-Leste soutient que les
documents portant les cotes LPP012 et LPP014 sont des «projet[s] de déclaration d’un tiers
consignée aux fins d’une procédure judi ciaire à laquelle participe le Timor -Leste» . L’Australie
considère qu’il s’agit là de versions provisoi res de la déclaration sous serment du témoin «K».

Dans ces conditions, elle soutient, comme il est expliqué au chapitre 4, qu’il existe des doutes
sérieux quant aux circonstances dans lesquelles les pièces LPP012 et LP P014 ont été établies,
doutes qui soulèvent des questions importantes en ce qui concerne les droits s’y rapportant.

5.39. Sur ce point, le Timor-Leste a insisté pour dire qu’il n’était que le «destinataire passif»
288
des informations fournies par le témoin«K» , ce qui semble improbable. Tout au moins a-t-il,
par l’entremise de son conseiller juridique, M. Collaery, contribué à faciliter la commission des
infractions au droit australien attribuées à «K». Il semble tout à fait clair que, par l’entremise de

son conseiller juridique, M. Collaery, ou autrement, le Timor-Leste a été en rapport avec «K» pour
l’élaboration et la signature de la déclaration s ous serment de ce dernier, et pour confirmer qu’il
viendrait déposer au sujet du contenu de cette déclaration. Quoi qu’il en soit, puisque le

Timor-Leste soutient, d’une part, qu’il n’est que le «destinataire passif» des informations fournies

282Re Thomson [1855] Beav, vol. 20 (annexe 15), p. 545.
283
Wentworth v. De Montfort (1988) NSWLR, vol. 15 (annexe 12), p. 354 (B).
284Ibid., p. 359 (E).

285Ibid., p. 358 (F-G).
286
Legal Profession (Solicitors) Rules (ACT) de 2007 (annexe 42), art. 6.4, al. b).
287MTL, par. 4.23, al. n) et p).

288Timor-Leste, réponse du Timor- Leste à la demande de l’Australie tenda nt à ce que certaines déclarations de
témoins soient jugées irrecevables, Arbitrage en vertu du traité du 20 mai 2002 sur la mer de Tim, 28février2014
(annexe 91), p. 48. - 67 -

par «K», mais que, d’autre part, il est le propriét aire des éléments en cause, la question se pose

inévitablement de savoir à quel moment, en tant que «destinataire passif», il estime avoir «reçu» la
déclaration sous serment et en avoir ainsi acquis la propriété.

5.40. L’Australie considère que «K», en fais ant sa déclaration sous serment, et M. Collaery,
en la recevant, se sont rendus coupables, à tout le moins, d’infraction aux articles39 et 41 de
289 290
l’Intelligence Services Act (Cth) de 2001 , à l’article 70 de la Crimes291t (Cth) de 1914 et à
l’article 91.1 de l’annexe d e la Criminal Code Act (Cth) de 1995 . Qui plus est, le passage
introductif de la disposition du règlement relatif aux professions juridiques (avocats) de2007

portant sur les «relations avec les clients» énonce ce qui suit : «L’avocat devrait, dans le cadre des
services qu’il fournit à ses clients, s’abstenir de faciliter tous agissements destinés à desservir les
intérêts de la justice ou contrevenant autrement à la loi, ou d’y prendre part.» 292

5.41. Le contrat de conseil prévoit qu’il peut être mis fin à la mission de M. Collaery si
celui-ci se rend coupable de «toute faute professionnelle grave ou tout acte frauduleux ou
293
dolosif» ou est déclaré coupable d’une «infraction qui,294 l’avis raisonnable de la RDTL, nuirait
à ses intérêts ou à ceux de ses organes affiliés» . Il paraît donc logique de conclure que la
réception de la déclaration sous serment de «K» par M.Collaery débordait le cadre du contrat de

conseil, puisqu’elle allait à l’encontre de ses obligations à titre d’avocat, étant donné que, en la
faisant, son auteur se rendait coupable d’une infraction criminelle.

5.42. A supposer que le Timor-Leste conteste cette conclusion, les questions ci-après
paraissent légitimes :

1) Le Timor-Leste a-t-il payé pour la déclaration sous serment ?

Si la réponse est négative, la déclaration ne lui a ppartient pas. Si la réponse est positive, a-t-il

payé :

2) pour l’élaboration de la déclaration ou

3) pour en recevoir le texte définitif ?

Timleor.-i43. Leste a payé pour la déclaration sous serment, il n’était manifestement pas
(malgré ses affirmations répétées) le «destinataire passif» des informations qu’elle contenait. Qui
plus est, il est inconcevable qu’il ait pu ign orer que son établissement constituait

vraisemblablement une infraction au droit pénal austra lien de la part de «K» et de M. Collaery. A
l’évidence, le Timor -Leste avait en sa possession les informations révélées par «K» dès
février 2013 . Or il a, dans le cadre de la procédure d’arbitrage, continué à chercher à présenter

289
Intelligence Services Act (Cth) de 2001 (annexe 38).
290
Crimes Act (Cth) de 1914 (annexe 40).
291Criminal Code Act (Cth) de 1995, annexe, art. 91.1 (annexe 39).

292Legal Profession (Solicitors) Rules (ACT) de 2007 (annexe 42), art. 6.
293
Lettre de mission et conditions générales du contrat de services de conseil, document signé par
Xanana Gusmão (pour le Timor-Leste) et par M. Bernard Collaery, 17 septembre 2012 (MTL, annexe 7), clause 10.1 c).
294Ibid., clause 10.1 f).

295Merrill Corporation, compte rendu de réunion entre le Timor-Leste et l’Australie à Bangkok , Arbitrage en
vertu du traité du 20 mai 2002 sur la mer de Timor, 18 février 2013 (annexe 90), p. 19 (lignes 20-22), 34 (ligne 49) et 35
(ligne 17). - 68 -

296
les renseignements révélés par «K» sans autorisation, et ce, jusqu’en mars 2014 , soit pendant une
période amplement suffisante pour lui permettr e de s’enquérir de la légalité de l’élabo ration de la

déclaration sous serment de «K».

5.44. Les pièces LPP012 et LPP014 ayant été établi es en dehors de la relation existant entre
le Timor-Leste, en tant que client, et M. Collaery, en sa qualité de professionnel, et en violation des

obligations de ce dernier à titre d’avocat exerçant dans le Territoire de la capitale australienne, elles
ne sauraient être considérées comme étant la propriété du Timor-Leste.

Le contrat de conseil ne vient pas étayer les prétentions du Timor –Leste quant à la propriété
des éléments en cause au regard de la lex situs

5.45. Le Timor-Leste soutient, dans son mémoire, que le contrat de conseil étaye ses

arguments selon lesquels les éléments en cause lui appartiennent, et ce, en se fondant sur les
clauses de ce contrat qui disposent que tous les travaux réalisés par le conseil, ou au nom de
celui-ci, dans le cadre de la prestation des services de conseil qu’il fournit au Timor-Leste, sont la
297
propriété de ce dernier . Toutefois, au regard de la lex situs, le contrat de conseil ne saurait
permettre d’établir la propriété des éléments en cause.

5.46. La Haute Cour australienne a jugé, dans l’affaire A. v. Hayden , qu’un contrat portant
299 300
préjudice à la sécurité nationale ou à l’administration de la justice pouvait être nul au motif
qu’il était contraire à l’ordre public. Par ailleurs, un contrat peut être nul lorsque son exécution est
interdite par la loi 301.

5.47. Même si le contrat de conseil n’était pas considéré comme étant nul au regard du droit

australien, un tribunal refuserait probablement de faire droit à une demande (telle que celle tendant
à la restitution de documents sur la base d’un droit de propriété allégué) fondée sur une conduite

illégale adoptée en vertu d’un contrat. Pareil refus découle du principe ex turpi causa non oritur
actio («une action en justice ne saurait se fonder sur une base illégale»). Ce principe permet
d’empêcher qu’un tribunal soit «utilisé pour aider (ou favoriser) la commission d’actes illégaux, ce
302
qui pourrait être le cas s’il était fait application de droits découlant de pareils actes» . Le tribunal
peut refuser de faire droit à la demande, à tout le moins lorsque celle-ci repose sur une conduite
303
illégale, et ce, même si le contrat lui-même n’est pas considéré comme nul .

296
Cour permanente d’arbitrage, compte rendu d’audience concernant la demande de l’Australie tendant à ce que
certaines déclarations de témoins soient jugées irrecevables, Arbitrage en vertu du traité du 20 mai 2002 sur la mer de
Timor, 29 mars 2014 (annexe 89), p. 55 (lignes 13-21) (Lowe).
297
MTL, par4.25; Contrat de conseil conclu le 17septembre2012 entre M.XananaGusmão (au nom du
Timor-Leste) et M. Bernard Collaery, clause 9.1 (MTL, annexe 7).
298
A v. Hayden (1984), CLR, vol. 156, p. 532 (annexe 16).
299A v. Hayden (1984), CLR, vol.156, p.560 (annexe16). Voir également N.Seddon, R.Bigwood et
e
M. Ellinghaus, Cheshire & Fifoot Law of Contract (10 éd., LexisNexis Butterworths, 2012), p. 971-972 (annexe 34).
300A v. Hayden (1984), CLR, vol. 156, p. 553 et 557 (annexe 16).

301 N. Seddon, R. Bigwood et M. Ellinghaus, Cheshire & Fifoot Law of Contract (10 éd., LexisNexis
Butterworths, 2012), p. 964-965 (annexe 34).

302G. E. Dal Pont (dir. publ.), Halsbury’s Laws of Australia (LexisNexis, mars 2014), par. 110-7280 (annexe 35).
303
North v. Marra Developments Ltd (1981), CLR, vol. 148, p. 60 (annexe 17). - 69 -

Les informations classées secrètes appartiennent à l’Etat

5.48. Les informations classées secrètes que détient un Etat sont des informations établies et
recueillies par celui-ci pour son propre usage. La manière dont il les obtient, les conserve et les
utilise est telle que ces informations ne saur aient être considérées autrement que comme lui

appartenant. En outre, les Etats consacrent des moyens considérables à la collecte et à
l’établissement d’informations classées secrètes , qu’ils protègent ensuite avec le pl us grand soin.
Ainsi, de la même manière que les lois protègent la propriété individuelle contre le vol, elles
protègent les informations classées secrètes contre toute divulgation non autorisée. Pareilles lois
sont largement répandues . 304

5.49. Si les Etats conservent et protègent les informations classées secrètes, c’est en raison
des avantages que leur confèrent la propriété et l’usage de celles-ci. Parmi ces avantages figurent
notamment la préservation de la sécurité nationale de l’Etat et la protection de ses ressortissants.

c5Ensé.quenc e, la divulgation non autorisée d’informations classées secrètes n’éteint
pas les droits et intérêts d’un Etat à l’égard de ces informations. S eul l’Etat peut en effet décider
comment celles-ci peuvent être utilisées et par qui. Il a le droit de protéger ses informations
classées secrètes, comme ses biens, contre toute divulgation non autorisée, le corollaire étant qu ’il

en conserve la propriété si elles ont été divulguées sans autorisation.

5.51. La thèse selon laquelle un Etat conserve la propriété des informations classées secrètes
qui ont été divulguées sans autorisation est appliquée par d’autres Etats. Ainsi, lorsque les

Etats-Unis d’Amérique ont enquêté sur le soldat BradleyManning (devenu ChelseaManning) et
l’ont poursuivi en justice , les chefs d’accusation indiquaient que l’intéressé 305 avait «publié sur
Internet des renseignements appartenant au Gouvernement des Etats-Unis» .

5.52. Les informations classées secrètes doivent être considérées comme étant la propriété de

l’Etat, ce qui est consacré par le droit australien. Les piècesLPP012 etLPP014 constituant des
informations classées secrètes de l’Australie qui ont été divulguées par le témoin «K» sans
autorisation, elles doivent donc être considérées comme appartenant à l’Australie.

D. Le Timor-Leste n’a pas établi les droits de propriété qu’il invoque

5.53. Sur la base du peu d’éléments de preuve dont dispose la Cour, et en appliquant comme
il se doit le droit régissant la propriété, il ne saurait être établi que le Timor-Leste possède des
droits de propriété sur plusieurs autres éléments en cause. L’Australie soutient que, compte tenu de
l’incertitude inhérente à la nature de ces éléments, toute conclusion à cet égard doit reposer sur la

distinction suivante :

1) les éléments qui, comme le Timor-Leste l’admet, ne lui appartiennent pas ;

2) les éléments à l’égard desquels le Timor-Leste n’a pas établi son droit de propriété ;

304
divulgation non autorisée d’informations classées secrètes (annexe 50).ns que constitue dans différents Etats la

305Charge Sheet, Manning, Bradley, E., Additional ChargeII (Violation of the UCMJ, Article134),
Specification 1 (annexe 73). - 70 -

3) les éléments qui, à première vue, peuvent appartenir au Timor-Leste (mais pour lesquels cette
conclusion n’est guère étayée).

5.54. Malgré l’incertitude entourant les éléments en cause, tous ceux qui constituent des
informations classées se crètes de l’Australie et, à ce titre sont protégés par la législation
australienne, doivent appartenir à l’Australie.

Les éléments en cause qui n’appartiennent pas au Timor-Leste

5.55. Le Timor-Leste concède que les éléments en cause mentionnés ci-après ne lui
appartiennent pas .306

1) LPP006 : dossier portant l’étiquette «ICT product» ( produit TIC) contenant un document

intitulé «Protocol for the operation of base stations» (protocole d’exploitation des stations de
base).

2) LPP013 : instructions à l’intention du conseil au sujet de l’affaire Timor -Leste c. Australie, en
date du 19 novembre 2013.

Les éléments en cause à l’égard desquels le Timor-Leste n’a pas établi son droit de propriété

5.56. L’Australie soutient que le Timor -Leste n’a pas dûment établi son droit de propriété à

l’égard des éléments suivants et que, compte tenu de la possibilité que la propriété puisse en revenir
à une autre partie, il ne saurait être fait droit aux prétentions du demandeur.

1) Pièce002: Ordinateur portable ACER Aspire de couleur noire, portant le numéro de
série 11600300725, et son cordon d’alimentati on. Le Timor- Leste concède que l’ordinateur
307
portable appartient à M.Collaery . Il affirme, sans l’étayer, que cet ordinateur contient une
abondante correspondance entre le conseil et lui-même, dont la pièce LPP015. Il est cependant
fort probable qu’y s oient également contenues de nombreuses informations susceptibles
d’intéresser d’autres parties, comme des courriers électroniques, de s échanges de
correspondance et des conseils juridiques.

2) Pièce003: clé USB Verbatim 4GB de couleur noire, NG04G2513008819 DML . Comme dans
le cas de la pièce002, le Timor-Leste concède que cette cléUSB appartient à M.Collaery 308.
Quant à la propriété des informations qui y sont contenues, l’incertitude est la même qu’en ce
qui concerne l’ordinateur portable.

3) Pièce LPP012: document sans titre assorti du commentaire manuscrit suivant: «Ceci est la
déclaration de []». Selon l’Australie, il s’agit très probablement de la déclaration sous serment
du témoin «K», à l’état de projet. Or, comme nous l’avons exposé ci -dessus, un document
établi de manière illégale ou non conforme au contrat de conseil conclu par M.Collaery ne

saurait appartenir au Timor-Leste.

4) Pièce LPP014: plusieurs documents: déclaration écrite sous serment de [], déplacements
y afférents, courrier diplomatique et photographie d’un pann eau portant la mention

«Welcometo Central Maritime Hotel Dili» (Bienvenue au Central Maritime Hotel à Dili).
Comme pour la pièce LPP012, l’Australie soutient qu’il s’agit là d’une autre version de la

306
MTL, par. 4.23 h) et 4.23 o).
307MTL, par. 4.23 a).

308MTL, par. 4.23 b). - 71 -

déclaration sous serment du témoin «K». Pour les raisons susindiquées, ce document ne saurait
appartenir au Timor-Leste.

5) Pièce LPP01:5 sept lettres, à différents stades d’achèvement, adressées à
l’ambassadeur Joaquim AML da Fonseca par B. Collaery, toutes datées du 20 novembre 2013.
Les documents non définitifs demeurent la propriété de l’avocat ; dès lors, cette pièce (et les
documents qui la constituent) demeure la propriété de M. Collaery.

Les éléments en cause qui, à première vue, peuvent appartenir au Timor-Leste

5.57. Il ressort du peu d’éléments disponibles que les autres pièces peuvent appartenir au

Timor-Leste. Toutefois, faute d’indications plus précises, et compte tenu des droits que d’autres
parties pourraient détenir à l’égard de ces éléments , la Cour devrait faire preuve de prudence en se
prononçant sur leur propriété.

S ECTION II

IL N ’EXISTE PAS D ’INVIOLABILITÉ GÉNÉRALE DES BIENS DE L ’E TAT ,ET LES RÉGIMES

JURIDIQUES PARTICULIERS D ’INVIOLABILITÉ NE S ’APPLIQUENT PAS EN L ’ESPÈCE

5.58. Le Timor-Leste soutient, sans preuve , que l’émission et l’exécution du mandat par
l’Australie «constituent une violation du droit à l’inviolabilité et à l’immunité que le droit
international [lui] confère à l’égard [des] documents et données» 30. Toutefois, en ce qu’ils

constituent des restrictions à la souveraineté de l’Etat du for, les principes bien établis de
l’inviolabilité et de l’ immunité sont rigoureusement définis et ont une portée limitée. Cela est
conforme au principe sous-jacent (qui découle du droit à la souveraineté territoriale) selon lequel,
en l’absence de raisons précises et impérieuses, les droits des Etats étrangers ne sauraient être

privilégiés de manière injustifiable par rapport à ceux de l’Etat du for. C’est ce principe qui
s’applique aux circonstances de l’espèce, et non ceux de l’inviolabilité et de l’immunité.

A. L’inviolabilité et l’immunité des Etats étrangers :
deux notions différentes qu’il ne faut pas confondre

conI.i9.t de souligner que l’inviolabilité et l’immunité des Etats étranger s sont deux
notions distinctes en droit international qu’il ne faut pas amalgamer. Ainsi que MmeDenza l’a

noté, le droi310oderne «établit une distinction claire entre l’inviolabilité et l’immunité de
juridiction» .

5.60. Dans son mémoire, le Timor-Leste confond ces notions et utilise ces termes de manière
interchangeable. Il traite du développement de l’in violabilité des biens de l’Etat et de l’immunité
de celui-ci en droit internationa l coutumier, mais ne cite que des exemples tirés de la convention
des NationsUnies sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens de 2004 (ci-après
311
«la convention de 2004») . Or, cet instrument ne porte que sur les immunités juridictionnelles
des Etats, et non sur l’inviolabilité des biens de l’Etat d’u ne façon générale, et n’atteste
certainement pas l’existence d’une règle internationale coutumière d’inviolabilité des biens de
l’Etat.

309
MTL, point 1 des conclusions finales.
310E. Denza, Diplomatic Law: Commentary on the Vienna Convention on Diplomatic Relation(3 éd., Oxford
University Press, 2008), p. 154.
311
MTL, par. 5.3 à 5.14. - 72 -

5.61. L’inviolabilité est une noti on distincte de l’immunité, qui prévoit des protections
étendues et variées pour l’objet visé ( qu’il s’agisse d’un e personne, d’un bâtiment ou d’un autre

bien) et qui, en droit international, se présente sous deux aspects. Le premi er prévoit l’exemption 312
de toute procédure judiciaire ou de toute action coercitive par des fonctionnaires de l’Etat du for .
Le second suppose une obligation expresse, de la part de l’Etat du for, de prendre les mesures

nécessaires et appropriées pour protéger l’objet de l’ inviolabilité d’une intrusion physique, d’une
ingérence dans ses fonctions ou d’une attein te à sa dignité 313. De ce point de vue, i l s’agit d’une

catégorie nettement plus lar ge. L’inviolabilité protège l’objet non seulement de mesures de l’Etat
du for, mais aussi de l’ingérence de citoyens ou d’autres acteurs privés. A ce sujet, en l’affaire
Shearson Lehman Brothers Inc. v. Maclaine, Watson & Co Ltd, lord Bridge a déclaré ce qui suit :

«L’objectif qui sous-tend l’inviolabilité conférée est de protéger le secret des
communications diplomatiques. En cas de violation de ce secret par un citoyen, il irait

tout à fait à l’encontre de cet objectif que les autorités judiciaires de l’Etat hôte
approuvent cette violation en permettant à son auteur, ou à quiconque recevant le
314
document de sa part, d’utiliser les éléments en cause dans une procédure judiciaire.»

5.62. L’immunité de l’Etat, quant à315le, constitue une restriction procédurale à l’exercice ,
par les juridictions de l’Etat du for , de leur compétence y compris en matière d’ ordonnances
d’exécution (qu’elles soient antérieures ou postérieures à la décision au fond) à l’égard d’un Etat

étranger. L’application de cette restriction procédur ale n’est pas absolue, le droit international
coutumier étant désormais fondé sur une conception restrictive de l’immunité ( entendue comme
une règle générale as sortie d’exceptions précises) , qui a été à l’origine des différents régimes

nationaux ainsi que de la convention de 2004.

5.63. La distinction entre l’immunité de l’Etat et l’inviolabilité est largement admise.
S’agissant des biens de l’Etat, elle est particulièrement manifeste si l’on considère la conception

restrictive qui est celle de l’immunité. L’ inviolabilité contraint l’Etat du for à prendre toutes les
mesures appropriées pour prévenir toute ingérence relativement à certaines catégories d’individus,
de biens ou de documents, par exemple en interdisan t leur arrestation ou leur saisie. En revanche,

la conception restrictive de l’immunité de l’Etat permet aux juridictions de l’Etat du for d’exercer
leur compétence à l’égard d’un Etat étranger et de ses biens dans certaines circonstances.

312Sir Ivor Roberts (dir. publ.),Satow’s Diplomatic Practice (6 éd., Oxford University Press, 2009), p.102.
Voir également The Queen on the Application of Louis Oliver Bancoult v.Secretary of State for Foreign and
Commonwealth Affairs [2014] EWCA Civ 708, par.61, où la juridiction a déclaré que «la définition universelle de
l’«inviolabilité» [était] l’exemption de tout acte d’ingérence de la part de l’Etat de résidence».

313Sir Ivor Roberts (dir. publ.)Satow’s Diplomatic Practice (6 éd., Oxford University Press, 2009), p.104;
E. Denza, Diplomatic Law: Commentary on the Vienna Convention on Diplomatic Relations , (3 éd., Oxford University
Press, 2008), p.135. Pour d’autres exemples, voir la convention de Vienne sur les relations diplomatiques , Vienne,

18 avril 1961, RTNU, vol. 500, p. 95 (entrée en vigueur le 24 avril 1964), art. 22 e, et l’affaire relative au Personnel
diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran (Etats- Unis d’Amérique c. Iran), arrêt, C.I.J. Recueil 1980, par. 76,
dans laquelle la Cour a estimé que l’Iran avait manqué à ses obligations internationales en ne prenant aucune mesure en
vue de prévenir l’atteinte. Selon elle, l’Iran a approuvé les actes en question et n’y a pas mis fin. La Cour a jugé que cela

«a[vait] manifestement entraîné des manquements répétés et multiples aux dispositions applicables des
conventions de Vienne, manquements encore plus graves que le fait, pour ces mêmes autorités, de n ’avoir
pris aucune mesure en vue de prévenir les atteintes à l ’inviolabilité des locaux et du personnel de
l’ambassade».

314Shearson Lehman Brothers Inc. v. Maclaine, Watson & Co Ltd, International Tin Council Intervening (No. 2)
[1988] WLR, vol. 1, p. 16, par. 27 G (annexe 18).
315 e
J.Crawford, Brownlie’s Principles of Public International Law (8 éd., Oxford University Press, 2012),
p. 487. - 73 -

Lorsqu’elle s’applique, l’inviolabilité est absolue 31, contrairement à l’immunité de l’Etat qui , pour
sa part, est soumise à des exceptions claires.

5.64. En autorisant les juridictions d’un Etat à connaître de procé dures visant les biens d’un
Etat étranger, le droit international relatif à l’imm unité de l’Etat exclut implicitement l’application

de tout principe tel que celui que le Timor-Leste fait valoir, à savoir une inviolabilité générale des
biens de l’Etat, en quelque lieu qu’ils puissent se trouver et en toutes circonstances.

B. La règle de l’inviolabilité s’applique à des objets précis en vertu
de régimes juridiques particuliers

5.65. Etant donné les protections absolues que l’inviolabilité confère à l’objet visé, sa portée

et son application sont néce ssairement limitées. Aussi n’existe-t-il pas d’inviolabilité générale
accordée aux Etats ou à leurs biens. Selon ce que les Etats estiment approprié au bon
fonctionnement des relations internationales, l’inviola bilité est au contraire octroyée à des

catégories précises de personnes et de biens, en vertu de régimes juridiques particuliers. Le
Timor-Leste ne tente même pas de prouver que les éléments en cause relèvent de l’un ou l’autre de
ces régimes et, selon l’Australie, ne saurait en tout état de cause y parvenir, compte tenu de ce que
l’on sait desdits éléments.

5.66. En matière d’inviolabilité, les biens de l’Etat ne sont soumis à aucun régime général,
mais certaines catégories particulières de personnes ou d’activités peuvent en bénéficier. Les biens

appartenant à pareilles catégories, tels que les biens consulaires ou diplomatiques ou les biens
appartenant à des forces armées étrangères présentes sur le territoire d’un Etat avec le
consentement de celui-ci, relèvent de régimes juridiques particuliers. A titre d’ exemple, la
convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961 317 définit les règles spécifiques

relatives à l’inviolabilité des biens diplomatiques , ainsi que des archives et documents
diplomatiques 318.

5.67. Toutefois, les biens d’un Etat étranger qui se trouvent sur le territoire de l’Etat du for
peuvent aller bien au-delà de ces catégories. Il en va ainsi, par exemple, des bâtiments et autres
formes de biens immobiliers détenus à des fins d’investissement à l’étranger ou d’hébergement lors

de vis319s officielles, des anciens locaux diplomatiques qui n’ont pas encore été affectés à un autre
usage et des comptes bancaires au nom de l’Etat, qui peuvent être utilisés pour des
investissements commerciaux ou servir de réserves dans la devise de l’Etat ou de fonds souverains.

316
Voir, par exemple, G. E. do Nascimento e Silva, «Diplomatic and Consular Relations» dans M. Bedjaoui
(dir. publ.), International Law: Achievements and Prospects (Martinus Nijhoff Publishers, 1991), p. 443.
317Convention de Vienne sur les relations diplomatiques , Vienne, 18 avril 1961, RTNU, vol. 500, p. 95 (entrée en
vigueur le 24 avril 1964).

318Ibid., art. 22, 24 et 30.
319
Voir, par exemple, en ce qui concerne les anciens locaux de l’ambassade d’Iran à LondrWestminster City
Council v. Government of the Islamic Republic of Iran [1986] WLR, vol. 1, p. 979 (annexe 19). - 74 -

S’agissant de ces autres catégories de biens d e l’Etat, aucune règle générale de droit international
ne leur accorde l’inviolabilité à l’égard des mesures prises par l’Etat du for . 320

5.68. S’il est vrai que les Etats du for respectent les biens des Etats étrangers sis sur leur
territoire et leur accordent une attention particulière, tout indique qu’ils agissent ainsi par
courtoisie, prudence et politesse, et non en raison d’ une obligation juridique spécifique , ni,

a fortiori, d’un quelconque principe d’inviolabilité. Ainsi, les biens de l’Etat

«semblent pouvoir faire l’objet d’une saisie temporaire, d’une expropriation ou de
mesures limitant la liberté de l’Etat étranger d’ en disposer ou lui enjoignant d’en
disposer d’une certaine façon , et pourraient être soumis à l’imp ôt. Pareilles mesures
321
prises par l’Etat du for ne sauraient toutefois être arbitraires» .

5A.69. l’appui de son allégation selon laquelle il existerait une inviolabilité générale, le
Timor-Leste avance principalement l’argument suivant : «L’inviolabilité et l’immunité des biens et

documents de l’Etat sont expressément prévues dans les conventions internationales qui régissent
certains domaines du droit, tels que le droit diplomatique et consulaire, le droit relatif aux missions
322
spéciales et le droit des organisations internationales.» Il poursuit en citant des dispositions d’un
certain nombre de conventions internationales: la convention de Vienne sur les relations
diplomatiques de 1961 32, la convention de Vienne sur les relations consulaires de 1963 324, la
325
convention de New York sur les missions spéciales de 1969 et la convention sur les privilèges et
immunités des institutions spécialisées de 1947 32.

5.70. S’il est vrai qu’ils prévoient l’inviolabilité de certains documents et d’autres biens , ces

instruments n’attestent cependant pas l’existence d’un principe général d’inviolabilité de tous les
biens de l’Etat , en toute circonstance et en quelque lieu que ceux-ci se trouvent. Une telle
conclusion serait tout à fait incohérente avec la pr atique des Etats et dépourvue de tout fondement

en droit international. En réalité, ces conventions confirment simplement que le droit international
reconnaît des catégories particulières de documents et d’autres biens, qui, en raison de leur s statut

et objet spécifiques, nécessitent une protecti on supplémentaire par le biais du principe de
l’inviolabilité.

320Sur ce point, X. Yang relève que, étant indissociables du territo ire de l’Etat du for, les biens immobiliers ne
sauraient être soumis à d’autres lois que celles de l’Etat où ils se trouvent ; voir X. Yang, State Immunity in International
Law (Cambridge University Press, 2012), p. 67. Cela signifie que les biens immobiliers appartenant à un Etat étranger
(autres que des biens relevant d’un régime juridique particulier, tels que des biens diplomatiques) ne sauraient être

inviolables à l’égard de mesures prises à leur encontre par l’Etat du for. De même, les biens diplomatiques d’un Etat
étranger peuvent perdre leur caractère inviolable s’ils sont ut ilisés d’une manière incompatible avec les fonctions d’une
mission diplomatique ; E. Denza, Diplomatic Law: Commentary on the Vienna Convention on Diplomatic Relations
(3 éd., Oxford University Press, 2008), p.42-43. Voir également R.Jennings et A.Watts, Oppenheim’s International
Law (9 eéd., Oxford University Press, 1992), p. 363.

321R. Jennings et A. Watts, Oppenheim’s International Law (9 éd., Oxford University Press, 1992), p. 363-364.
322
MTL, par. 5.55.
323
Convention de Vienne sur les relations diplomatiques , Vienne, 18 avril 1961, RTNU, vol. 500, p. 95 (entrée en
vigueur le 24 avril 1964).
324
Convention de Vienne sur les relations consulaires , Vienne, 24 avril 1963, RTNU, vol. 596, p. 261 (entrée en
vigueur le 19 mars 1967).
325
Convention sur les missions spéciales , New York, 8 décembre 1969, RTNU, vol.1400, p.231 (entrée en
vigueur le 21 juin 1985).
326
Convention sur les privilèges et immunités des institutions spécialisées, New York, 21 novembre 1947, RTNU,
vol. 33, p. 261 (entrée en vigueur le 2 décembre 1948). - 75 -

5.71. A titre d’exemple, la convention de Vienne sur les relations diplomatiques de1961
prévoit l’inviolabilité de certaines catégories de biens dipl omatiques, notamment les locaux 32, les
archives et les documents d ’une mission 328, la demeure d’un diplomate 329 et ses documents, sa
330
correspondance et (sous certaines réserves) ses biens . L’octroi de cette inviolabilité vise à
assurer l’accomplissement efficace de s fonctions d’une mission diplomatique 331, et la

reconnaissance de la protection ainsi établie ne vient pas étayer l’existence d’ une règle
inconditionnelle et générale d’inviolabilité des biens de l’Etat.

5.72. De même, la convention de Vienne sur les relations consulaires de1963 prévoit
l’inviolabilité des locaux 332, des archives et des documents consulaires 333. La convention sur les

privilèges et immunités des institutions spécialisées de 1947 prévoit l’inviolabilité de tous papiers
et documents détenus par les représentants des Etats membres pendant l’exercice de leurs fonctions
et au cours de leurs voyages à destination ou en provenance d’un lieu de réunion . Il ressort donc

clairement des dispositions énoncées par ces instruments que l’inviolabilité n’est octroyée qu’à des
catégories limitées et particulières de biens, et non d’une façon générale, à toutes les catégories de
biens de l’Etat qui peuvent se trouver sur le territoire de l’Etat du for.

T5i.e3r.- Leste affirme qu’«il n’est évidemment pas rare qu’un traité (en vigueur ou

non), certaines de ses dispositions ou encore des proj ets d’articles reflètent le droit coutumier dans
un domaine donné» 335. Cela est vra i en tant qu’observation générale ; il n’en demeure pas moins

qu’aucun principe général d’inviolabilité de tous les documents ou papiers d e l’Etat, en quelque
lieu qu’ils se trouvent ou quel qu’en soit le détenteur , n’a jamais été formulé par une source faisant
autorité. L’affirmation selon laquelle les conventions invoquées par le Timor-Leste sont

l’expression d’une règle coutumière de droit international qui accorde l’inviolabilité aux documents
et archives de l’Etat d’une manière générale est tout à fai t indéfendable. Si cette allégation était
exacte, toutes les conventions octroyant l’inviolabilité dans des domaines précis seraient

superflues, tout comme les négociations de nouveaux accords prévoyant pareille inviolabilité.

5.74. Le Timor-Leste ne peut pas non plus s’appuyer sur des conventions particulières ayant
trait au fonctionnement des institutions des Nations Unies pour démontrer l’existence d’un principe
général de droit s’appliquantaux Etats. La convention sur les privilèges et immunités des

institutions spécialisées de 1947 ne porte pas su r la question des privilèges et immunités des Etats
ou de leurs biens. En vertu de ce régime, l’inviolabilité ne s’attache qu’aux biens et avoirs des

327Convention de Vienne sur les relations diplomatiques , Vienne, 18 avril 1961, RTNU, vol. 500, p. 95 (entrée en
vigueur le 24 avril 1964), art. 22.

328Ibid., art. 24.

329Ibid., art. 30, par. 1.
330
Ibid., art. 30, par. 2.
331 e
Sir Ivor Roberts (dir. publ.),Satow’s Diplomatic Practice (6 éd., Oxford University Press, 2009), p.100.
Voir aussi la convention de Vienne sur les relations diplomatiques, Vienne, 18 avril 1961, RTNU, vol. 500, p. 95 (entrée
en vigueur le 24 avril 1964), préambule.
332
Convention de Vienne sur les relations consulaires , Vienne, 24 avril 1963, RTNU, vol. 596, p. 261 (entrée en
vigueur le 19 mars 1967), art. 31.
333Ibid., art. 33 et 61.

334Convention sur les privilèges et immunités des institutions spécialisées, New York, 21 novembre 1947, RTNU,
vol. 33, p. 261 (entrée en vigueur le 2 décembre 1948), article V.

335MTL, par. 5.58. - 76 -

institutions spécialisées des NationsUnies qui y sont énumérées, afin d’assurer leur bon
336
fonctionnement et l’accomplissement de leurs missions .

5.75. Les régimes particuliers régissant l’inviolabilité visent à assurer le bon fonctionnement

des relations diplomatiques et consulaires entre les Etats et à garantir que certaines organisations et
institutions internationales puissent s’acquitter de leurs fonctions à l’abri de toute ingérence. Ils
n’ont pas pour effet de rendre inviolables toutes les catégories et tous les type s de biens de l’Etat ,
en quelque lieu que ceux-ci se trouvent. Pareille conclusion reviendrait à étendre la portée du droit

international coutumier en matière d’inviolabilité bien au-delà de ce qui est admis. Pour la grande
majorité des Etats, cela serait inacceptable.

C. Aucune pratique étatique n’étaye l’affirmation selon laquelle tous les biens de l’Etat
sont inviolables au regard du droit international coutumier

T5i7eo.r- Leste tente également d’invoquer des exemples particuliers de la pratique
étatique à l’appui de l’affirmation selon laquelle les biens de l’Etat sont inviolables en toutes
circonstances. Il soutient que les exemples énumérés dans son mémoire

«reflètent le principe fondamental selon lequ el l’inviolabilité s’applique de manière
générale aux documents de l’Etat, en quelque lieu qu’ils se trouvent et même s’il ne
s’agit pas d’archives de l’Etat au sens st rict du terme, ou d’archives d’une mission
337
diplomatique ou d’un poste consulaire» .

5.77 . Il n’en est rien. Bien au contraire, les exemples cités sont à la fois dénués de

pertinence en la présente instance et se distinguent aisément du cas d’espèce ou bien s’inscrivent
dans le cadre du régime conventionnel existant prévu par la convention de Vienne sur les relations
diplomatiques de 1961, qui confère l’inviolabilité aux documents et archives diplomatiques.

5.78. Citant l’ouvrage Oppenheim’s International Law à l’appui de ses dires, le Timor-Leste
affirme que les personnes et les papiers officiels des agents n’ayant pas un statut diplomatique ou
338
consulaire sont inviolables . Or, l’inviolabilité dont peuvent bénéficier ces agents n’est pas
pertinente en l’espèce. Lorsqu’ils renvoient à des «agents n’ayant pas un statut diplomatique ou
consulaire», les éminents auteurs de cet ouvrage font référence aux personnes qu’un Etat peut
envoyer à l’étranger , autres que des agents diplomatiques, consuls et personnels en mission

spéciale. Entrent dans cette catégorie les «age nts politiques et commer339ux, les espions, les
membres de commissions, ainsi que les observateurs et inspecteurs» . Le passage cité par le
Timor-Leste au paragraphe5.62 de son mémoire porte sur les agents politiques envoyés par des

Etats pour différents types de négociations. Malgré la manière confuse dont le Timor-Leste a
qualifié la relation qu’il entretient avec M. Collaery, il est clair que ni celui-ci ni «K» ne sauraient

336Convention sur les privilèges et immunités des institutions spécialisées, New York, 21 novembre 1947, RTNU,
vol.33, p.261 (entrée en vigueur le 2décembre1948). La section 4 de l’article III dispose que «[l]es institutions
spécialisées, leurs biens et a voirs, en quelque endroit qu’ils se trouvent et quel qu’en soit le détenteur, jouissent de
l’immunité de juridiction, sauf dans la mesure où elles y ont expressément renoncé dans un cas particulier». La section 5
dudit article se lit comme suit: «Leslocaux des institutions spécialisées sont inviolables. Leurs biens et avoirs, en
quelque endroit qu’ils se trouvent et quel qu’en soit le détenteur, sont exempts de perquisition, réquisition, confiscation,
expropriation ou de toute autre forme de contrainte exécutive, administrative, judiciaire ou législative.»

337MTL, par. 5.65.
338
MTL, par. 5.62.
339R.Jennings et A.Watts, Oppenheim’s International Law (9éd., Oxford University Press, 2008),

p. 1174-1175. - 77 -

être considérés comme des agents politiques du Timor-Leste et que, en conséquence, le droit
régissant l’inviolabilité ou toute autre protection de la personne d’un agent politique ou des papiers
et biens qui se trouvent en sa possession est dépourvu de toute pertinence.

T5i.e9r.- Leste dénature les propos du conseiller juridique du département d’Etat des
Etats-Unis d’Amérique en ce qui concerne les biens de l’Etat détenus par des tiers . Cette

déclaration portait sur des papiers diplomatiques et ne saurait démontrer l’existence d’un principe
juridique bien plus large conférant l’inviolabilité à toutes les catégories de biens de l’Etat. En tout
état de cause, le département d’Etat a explicitement reconnu que la question soulevée était
341
«nouvelle et complexe» , précisant que sa position dans cett e affaire ne reflétait pas une règle
générale de droit international coutumier. Quant à l’autre exemple donné par le Timor-Leste, celui
de la correspondance britannique officielle interceptée en transit 342, le ministère des affaires

étrangères et du Commonwealth n’a nullement mentionné l’inviolabilité. Il ne s’est appuyé que sur
les principes énoncés dans la convention de Vienne sur les relations diplomatiques de1961,
principes qui s’appliquent dans le contexte diplomatique pour protéger certains documents relevant

d’un régime juridique particulier et bien défini.

5.80. La pratique étatique relative à la saisie de passeports étrangers illustre clairement le fait
reconnu qu’il n’existe aucune doctrine générale de l’inviolabilité des biens de l’Etat, outre les
régimes juridiques particuliers susmentionnés. Il est admis qu ’un passeport appartient à l’Etat qui

l’a émis, et non la personne qui le détient. La pratiq ue étatique démontre toutefois la volonté de
permettre aux autorités compétent es de l’Etat du for de confisquer ou de saisir (au moins
temporairement) un passeport étranger.

5.81. Ainsi, dans ses instructions de service, le Département de la sécurité du territoire des

Etats-Unis demande, dans certaines circonstances, à ses agents qui ont pris possession du p343eport
d’un ressortissant étranger de le conserver et de ne pas le restituer à l’intéressé , et ce, bien qu’il
soit admis dans lesdites instructions que le passeport demeure la propriété de l’Etat qui l’a délivré.

Le droit national australien autorise lui aussi la sais ie de p344eports étrangers dans certains cas à
des fins d’application du droit international ou interne . De telles saisies peuvent être autorisées
pour un certain nombre de raisons, notamment au titre de la réglementation de l’immigration ou de

la sécurité nationale. Le droit français fournit un autre exemple, puisque la police est habilitée à

34MTL, par. 5.60 et 5.61.

341«Vienna Convention on Diplomatic Relations: Saudi Ar abian Embassy Documents» [Convention de Vienne
sur les relations diplomatiques : documents de l’ambassade d’Arabie saoudite] dans S. J. Cummins et D. P. Stewart
(dir. publ.), Digest of United States Practice in International Law 2002 (International Law Institute), p. 570 (annexe 36).

34MTL, par. 5.63 et 5.64.
343
Mémorandum de M.John Torres, secrétaire adjoint par intérim, aux directeurs des missions, services
d’immigration et de douane des Etats-Unis, «Detention and Deportation Of ficer’s Field Manual, Update: Chapter 1» ,
(27 mars 2006), au point 16.1 a) («Ne restituez pas le passeport d’un étranger faisant l’objet d’une mesure d’expulsion »)
(consulté le 20 juillet 2014 sur le site Internet suivant : http://www.immigration.com/sites/default/files/icedetention.pdf).
344
Foreign Passports (Law Enforcement and Security) Act 2005 (Cth) [Loi de 2005 sur les passeports étrangers
(application de la loi et sécurité)] (Australie), art.16 (annexe45). Voir aussi le par.23 de l’arrêt rendu en
l’affaire Riener c. Bulgarie (Cour européenne des droits de l’homme, arrêt de la chambre du 23 mai 2006, requête
n 46343/99), qui renvoie à une décision antérieure du tribunal de Sofia, lequel avait jugé que certaines lois, appliquées
conjointement avec les réglementations pertinentes , autorisaient la confiscation d’un passeport étranger (aut, enien
l’occurrence) comme mesure légitime à l’encontre d’un e personne faisant l’objet d’une ordonnance lui interdisant de
quitter la Bulgarie. - 78 -

retenir le passeport ou un autre document de voyage d’un ressortissant étranger en situation
irrégulière .45

5.82. Quoique M.Turack ait précisé que, dans de nombreux cas, les Etats ne prennent pas

possession d’un passeport étranger sans en avertir les représentants de l’Etat qui l’a émis et le leur
restituer rapidement 346, la protection accordée par l’inviolabilité est telle que toute mesure

administrative ou coercitive prise par les autorités de l’Etat du for, fût-ce la saisie ou la confiscation
temporaire d’un passeport étranger, constituerait clairement un manquement , et ce, même si l’Etat
ayant délivré le document était informé de l’exécution de la mesure en question . S’il existait en

droit international coutumier un principe confér ant l’inviolabilité à tous les biens et, en pa rticulier,
à tous les documents de l’Etat, en quelque lieu qu’ils se trouvent, il est peu probable que la pratique
347
relative aux passeports étrangers continuerait d’avoir cours sans susciter de vives protestations .

5.83. La seule conclusion que l’on puiss e tirer de ce qui précède est qu’il n’existe pas de
règle d’inviolabilité d’application générale en ce qui concerne les biens de l’Etat. Par ailleurs, les
régimes juridiques particuliers qui confèrent l’inviolabilité à certaines personnes et types de bien s

ne sont pas applicables en l’espèce. En conséquence, la demande du Timor -Leste relative à
l’inviolabilité doit être rejetée.

S ECTION III

L E DROIT DE L ’IMMUNITÉ DE L ’E TAT NE S ’APPLIQUE PAS EN L ’ESPÈCE

A. Le droit de l’immunité de l’Etat applicable entre les parties est le droit coutumier,
dont la convention de 2004 n’est pas l’expression exhaustive

n 5I.l84. ’existe pas de traité auquel l ’Australie et le Timor-Leste sont parties (ni de traité
d’application générale) qui établisse le droit de l ’immunité de l’Etat tel qu’il s’applique entre les

Parties. Le droit pertinent est donc nécessai rement le droit international coutumier, comme c’était

345Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (France), articleL611-2 (consulté le

j2ul0t14 sur le site Internet suivtttp ://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?cidTexte=
LEGITEXT000006070158). Voir aussi l’article 56 du Code de procédure pénale (France) (consulté le 20 juillet 2014 sur
le site Internet suivant: <http://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?cidTexte=LEGITEXT0000060711…;), qui
autorise la saisie de certains documents encas d’infraction pénale et sert de b ase juridique à la saisie de passeports
étrangers. L’application de l’articl56 a été examinée par la Cour européenne des droits de l’homme en l’affaire
Baumann c. France (Cour européenne des droits de l’homme, arrêt de la chambre du 22 mai 2001, requête no 33592/96 ;
voir les points59 et 64), dans laquelle le Gouvernement fran çais a estimé que la saisie du passeport était parfaitement

conforme aux prescriptions légales en la matière et justifiée durant la phase d’instruction.
346D. C. Turack, The Passport in International Law (Lexington Books, 1972), p. 226.

347Il existe peu d’exemples d’Etats ayant protesté contre la saisie de passeports. En 2011, l’Australie ne s’est pas
opposée à la saisie, par les autorités jordaniennes, du passeport de l’un de ses ressortissants ; voir D. Welch, «Australian’s
passport seized in Jordan [Un passeport australien saisi en JordanieThe Sydney Morning Herald , 14 novembre 2011

(annexe 69). En 2010, le Guatemala a officiellement protesté c ontre la saisie et l’inspection en Floride, par des
fonctionnaires des Etats-Unis, de passeports guatémaltèques ; voir J. Preston, «Guatemala protests arrest of 3 in Florida
over passports» [Le Guatemala proteste contre l’arrestation de 3 de ses ressortissants en Floride pour une question de
passeport], The New York Times , 19janvier2010 (annexe70). Cette protestation était toutefois due à la détention
apparente de citoyens guatémaltèques, au manquement à des accords entre le Guatemala et ces citoyens et à l’absence de
notification, et ne reposait pas su r l’inviolabilité de documents de l’Etat. De même, en 2010, le Pakistan a menacé de
s’élever contre la saisie du passeport de l’un de ces ressossants par les autorités indiennes, au motif qu’un tribunal

n’aurait pas dû poursuivre un citoyen pakistanais , et non que le passeport était inviolable ; voir «Pak may protest seizure
of Shoaib’s passport [Le Pakistan risque de protester contre la saisie du passeport de Shoaib]»The Indian Express ,
5 avril 2010 (annexe 71). - 79 -

déjà le cas dans l ’affaire relative aux Immunités juridictionnelles 348, dans laquelle la Cour avait

jugé que, dans les rapports entre les Partie s, seul le droit international coutumier et non des
dispositions conventionnelles  pouvait établir un quelconque droit à l’immunité ; il revenait donc

à la Cour de déterminer l’existence d’une coutume internationale comme preuve d ’une pratique
générale acceptée comme étant le droit conférant l ’immunité à l’Etat et, le cas échéant, quelles en
étaient la portée et l’étendue 349 .

5.85. Dans son mémoire, le Timor-Leste invoque abondamment la convention de2004, qui
refléterait selon lui le droit international coutumier relatif à l ’immunité de l’Etat ; cet instrument ne

devrait cependant pas être considéré comme en étant l’expression exhaustive . En effet, la
convention de2004 n ’a, à ce jour, été signée et ratifiée que par 28et 16Etats, respectivement, et
n’a pas encore recueilli les 30 ratifications requises pour son entrée en vigueur 350. L’Australie ne

l’a pas signée, contrairement au Timor-Leste, qui ne l ’a toutefois pas ratifiée. Ainsi que la Cour
elle-même l’a fait observer en l ’affaire relative aux Immunités juridictionnelles , la convention
de 2004 n’a emporté l’adhésion que d’un petit nombre d’Etats 351.

5.86. La tiédeur dont font preuve les Etats non signataires pour contracter les obligations

énoncées dans la convention de2004 affaiblit la conclusion du Timor-Leste selon laquelle cet
instrument, pris dans son ensemble, serait l’expression du droit international coutumier. Il serait
plus erroné encore de partir du principe que la c onvention peut être utilisée par analogie pour créer
de nouvelles règles de droit en ce qui concer ne des sujets (la détention administrative de

documents, qui ne sont pas en la possession d ’un Etat étranger, alors que sont en jeu des questions
ayant trait à la sécurité de l ’Etat territorial ou à l’application de son droit pénal) dont elle ne traite
manifestement pas.

5.87. Le Timor-Leste cite certaines lois nationales relatives à l ’immunité de l ’Etat pour
démontrer que la convention de2004 est considérée comme une expression autorisée du droit
352
coutumier dans certains droits internes . Toutefois, ces lois du Royaume-Uni, des Etats-Unis
d’Amérique et de l’Australie ont toutes été promulguées av ant la publication, en1991, des projets

d’articles de la Commission du droit international , et bien avant l’ adoption de la convention
de 2004. Ainsi, la Foreign Sovereign Immunities Act 1976 (United States of America) [loi de 1976
sur l’immunité des Etats étrangers (Etats-Unis d’Amérique)] et la State Immunity Act 1978 (United
Kingdom) [loi de 1978 sur l’immunit é des Etats (Royaume-Uni)] ont été adoptées avant que la
353
Commission du droit international n’examine le sujet en détail . Al ’évidence, le Timor-Leste
n’est pas parvenu à démontrer, par ses exemples, dans quelle mesure la législation nationale
reflétait les dispositions de la convention de 2004 et était cohérente avec celles-ci. Par ailleurs, en

citant ces textes, il laisse entendre que l ’Australie, le Royaume-Uni et les Etats-Unis d ’Amérique
font partie des très rares Etats à avoir ratifié la convention de2004, ce qui est tout à fait inexact,
puisqu’aucun de ces Etats ne l’a fait.

348
Immunités juridictionnelles de l ’Etat (Allemagne c. Italie; Grèce (intervena, arrêt, C.I.J. Recueil 2012,
par. 54.
349 Immunités juridictionnelles de l ’Etat (Allemagne c. Italie; Grèce (intervena, arrêt, C.I.J. Recueil 2012,
par. 55.

350Nombre des Etats signataires et parties à la convention de 2004 au 20 juillet 2014.
351
Immunités juridictionnelles de l ’Etat (Allemagne c. Italie; Grèce (intervena, arrêt, C.I.J. Recueil 2012,
par. 54.
352 o
MTL, par. 5.16, note de bas de page n 94.
353Ce n ’est qu’en 1977 que l ’Assemblée générale des NationsUnies a décidé d ’inclure le sujet de l ’immunité
juridictionnelle des Etats et de leurs biens, que la Commi ssion du droit international a examiné pour la première fois lors
de sa 31 session, en 1979. - 80 -

ou.n8,. l’on ne saurait considérer que l’ adoption de la convention de2004 mette un

terme au développement continu du droit international coutumier. L ’immunité de l ’Etat a déjà
beaucoup évolué, puisque l’on est passé d’une conception très large d ’application absolue à une
immunité limitée, soumise à un certain nombre d’exceptions importantes. Comme le relève Shaw,
«[l]a liste des cas dans lesquels l ’immunité ne trouve pas à s ’appliquer est si longue qu’il convient

de réaliser que, en réalité, les ex ceptions à la juridiction de l’Etat du for sont de plus en plus
rares» 354.

edisle9. ’ores et déjà des exemples de pratique étatique dans lesquels des exemptions
supplémentaires, qui ne figurent pas dans la convention de2004, ont été adoptées dans les
législations internes. A titre d’exemple , les Etats-Unis d ’Amérique et le Canada ont tous deux

adopté des dispositions prévoyant une exception à l’ immunité de l ’Etat dans le cas de la
participation présumée d’un Etat étranger à un acte de terrorisme 355. A cet égard, s ’intéressant à
l’immunité de l ’Etat dans le cadre de la Foreign Sovereign Immunities Act (United States of

America) de 1976, Damrosch a précisé ce qui suit :

«la convention [de 2004] ne peut empêcher l ’existence et le développement progressif

d’un corpus parallèle du droit international coutumier relatif à l’immunité, qui ne doit
pas nécessairement être identique aux règles contenues dans cet instrument. Ce n ’est
qu’entre parties à la convention , et pour autant que les dispositions qui y sont
énoncées traduisent l’intention d’établir une liste d’exceptions exclusive , qu’il serait

raisonnable de conclure que l’ immunité doit être accordée en l’absence d’une
exception expresse.» 356

357
5.90. ’affaire néo-zélandaise Controller and Auditor-General v. Sir Ronald Davison
illustre ce même point dans un contexte diffé rent. Cette affaire portait sur des documents

appartenant à un Etat étranger et se trouvant en Nouvelle-Zélande, qui démontraient prétendument
la participation de l’Etat étranger à un système d’évasion fiscale à grande échelle. Si l’ immunité a
été refusée pour d’autres motifs, l’existence d’une exception «d’ordre public» dans la common law
relative à l’immunité de l’Etat 358 a cependant été étayée par quatre décisions judiciaires distinctes.

Cela montre que l ’éventail d ’exceptions à l’immunité de l ’Etat susceptibles d’exister en droit
international n’est pas fixé par la convention de 2004.

5.91. En conséquence, si certains textes de doctrine et décisions rendues par des tribunaux
nationaux donnent à penser que les dispositions de la convention de2004 pourraient refléter «un
consensus international sur l’immunité de l’Etat» 359, cette position a surtout été exprimée en ce qui

concerne l’adoption, en droit international, de la conception restrictive de l’immunité de l’Etat et la
fin de l’«immunité absolue des Etats étrangers» dans le s procédures civiles engagées contre eux.
L’Australie affirme respectueusement que la Cour devrait se montrer très prudente en cherchant à

354 e
M. N. Shaw, International Law (6 éd., Cambridge University Press, 2008), p. 749.
355
Foreign Sovereign Immunities Act (United States of America) de 1976, code des Etats-Unis d ’Amérique,
vol. 28, art. 1605A ; State Immunity Act 1985 [Loi de 1985 sur l’immunité des Etats] (Canada), art. 6.1.
356L. F. Damrosch, «Changing the International Law of Sovereign Immunity Through National Decisions»
(2011), Vanderbilt Journal of Transnational Law, vol. 44, p. 1191.

357Controller and Auditor-General v. Sir Ronald Davison [1996], NZLR, vol. 2, p. 278 (annexe 20).
358
Controller and Auditor-General v. Sir Ronald Davison [1996], NZLR, vol. 2, p. 290 (juge Cooke P.), 304-307
(opinion individuelle des juges Richardson J. et McKay J.), 309 (juge Henry J.), 310 (juge Thomas J.) (annexe 20).
359J. Crawford, Brownlie’s Principles of Public International Law (8 éd., Oxford University Press, 2012),
p. 490. Voir également Oleynikov c.Russie (Cour européenne des droits de l’homme, chambre, requêten o 36703/04,

14 mars 2013). - 81 -

transposer par analogie des immunités applicables dans des procédures civiles au contexte fort
différent de l’espèce.

B. Le droit de l’immunité de l’Etat est inapplicable en l’espèce, étant donné
qu’aucune procédure n’a été engagée contre un Etat ou l’agent d’un Etat

5.92. Le Timor-Leste formule des allégations vagues et dépourvues de fondement selon
lesquelles les mesures prises par l’Australie auraient porté atteinte à l’immunité de ses biens. Or le
droit coutumier relatif à l’immunité de l’Etat ne s’applique pas en l’espèce, pas plus que la

convention de 2004 (même si elle était en vigueur).

5.93. L’immunité de l’Etat fait obstacle à la juridiction des tribunaux de tout autre Etat ainsi
qu’aux mesures d’exécution découlant d’une instance introduite devant les tribunaux de tout autre

Etat. Qui plus est, elle ne s’applique que lorsque l’ Etat ou l’agent de l’Etat en cause est une partie
effective ou indispensable à l’affaire : il s’agit donc d’une imm unité in personam. Pour ce qui est
de l’immunité de juridiction dont font l’objet les biens de l’Etat, le droit coutumier prévoit qu’elle
protège ces biens des mesures de contrainte, tant avant qu’après jugement, dans le cadre des actions

engagées devant les tribunaux de l’Etat du for. En ce se ns, que l’Etat étranger soit directement
attrait ou que son intérêt soit limité à la prise de mesures visant ses biens, encore faut- il qu’une
instance ait été introduite devant les tribunaux de l’ Etat du for. Or, la délivrance et l’exécution du

mandat ne constituent pas un acte de juridiction de la part des tribunaux australiens ; le droit relatif
à l’immunité de l’Etat ne trouve donc pas à s’appliquer.

5.94. En outre, si une procédure avait été engagée en l’occurrence, il s’agirait d’une

procédure pénale. En effet, co mme il a été établi au chapitre 3, les mesures prises par l’Australie
faisaient directement suite à la communication vr aisemblablement illégale de renseignements
confidentiels par «K» et M.Collaery. Et si des poursuites devaient être intentées à l’avenir, il
s’agirait de poursuites pénales à l’encontre de ces deux ressortissants australiens, dont ni l’un ni

l’autre n’est l’agent ou le mandataire d’un Etat étranger agissant dans l’exercice de son pou voir
souverain. Or, le droit sur lequel cherche à s’appuyer le Timor -Leste pour invoquer l’immunité ne
s’applique pas en matière pénale et n’est pas pertinent en l’espèce.

L’engagement d’une procédure judiciaire est un élément essentiel du droit de l’immunité de
l’Etat

5.95. L’immunité dont jouissent les Etats étrang ers et leurs biens prend la forme d’une
exception d’ordre procédural à l’exercice de la juri diction des tribunaux internes de l’Etat du for et
aux mesures d’exécution découlant des procédures engagées devant ces tribunaux 36. A cet égard,
elle permet à l’Etat étranger et à ses représentants de s’acquitter de leurs fonctions officielles sans

risquer d’être p361suivis dans le cadre d’une instance introduite devant les tribunaux internes de
l’Etat du for . Elle «empêche les tribunaux de l’Etat du for d’exercer leurs pouvoirs

360 e
J. Crawford, Brownlie’s Principles of Public International Law, 8 éd., Oxford University Press, 2012, p. 487.
361
Ibid. ; X. Yang, State Immunity in International Law , Cambridge University Press, 2012, p.34;
C.Tomuschat, «International Law: Ensuring the Survival of Mankind on the Eve of a New Century» in Recueil des
Cours: Collected Courses of TheeHague Academy of International Law , Martinus Nijhoff, 2001, p. 176 ; A.eAust,
Handbook of International Law, 2 éd., Cambridge University Press, 2010, p. 145 ; A. Cassese, International Law, 2 éd.,
Oxford University Press, 2005, p. 98 ; P. Stoll, «State Immunity, Max Planck Encyclopaedia of Public International Law
(édition en ligne), par. 1 et 22. - 82 -

362
juridictionnels et d’exécution dans certains type s d’affaires mettant en cause un Etat étranger»
(les italiques sont de nous).

5.96. Sucharitkul confirme que le fait qu’une action ait été engagée devant un tribunal

interne de l’Etat du for constitue un élément essentiel du droit de l’immunité de l’Etat : «[c]e n’est
que lorsqu’une action a été engagée contre un Etat devant un tribunal d’un autre Etat que l’on peut
363
considérer que la question de la jouissance de l’immunité se pose» . Cet auteur ajoute que
l’expression «être attrait» doit être interprétée largement, mais que l’élément essentiel demeure
l’engagement d’une «procédure visant à contraindre l’Etat à se soumettre à la juridiction ou à
364
supporter les conséquences d’une décision de justice» [les italiques sont de nous]. Dupuy, pour
sa part, précise que l’immunité « est une exception de procédure opposée à la compétence

territoriale d’après laquelle un Etat ou une organisation internationale inte365uvernementale ne
peuvent être attraits devant les tribunaux internes de l’Etat territorial.»

5.97. Fox et Webb abondent dans ce sens, affirmant que l’immunité de l’Etat empêche que
l’Etat étranger soit attrait devant les tribunaux in ternes d’un autre Etat, que ce soit directement ou
366
indirectement par l’engagement d’une procédure visant ses biens .

5.98. La jurisprudence internationale et le droit des traités confirment par ailleurs que
l’exercice de l’immunité de l’Etat est subor donné à l’introduction d’une instance devant les

tribunaux de l’Etat du for. Ainsi, dans l’ affaire relative aux Immunités juridictionnelles de l’Etat,
la Cour a indiqué ceci : « [Les règles] qui régissent l’immunité de l’Etat sont de nature procédurale
et se bornent à déterminer si les tribunaux d’un Etat sont fondés à exercer leur juridiction à l’égard
367
d’un autre.» [Les italiques sont de nous.]

5.99. La nécessité du lien entre l’exercice par un tribunal de sa juridiction et l’immunité dont
bénéficient l’Etat étranger et ses biens est égalem ent mise en lumière dans la convention de 2004,

dont l’article 5 définit l’immunité de l’Etat comme «l’immunité de juridiction devant les tribunaux
d’un autre Etat» [les italiques sont de nous]. Ainsi, cette dispos ition se contente de faire obstacle à
l’engagement de poursuites judiciaires ; elle n’énonce pas une irresponsabilité de fond à l’égard du
368
droit interne qu’appliquent les tribunaux de l’Etat du for . L’article 6 dispose que ce dernier doit
donner effet à cette immunité «en s’abstenant d’exercer sa juridiction dans une procédure devant

ses tribunaux contre un autre Etat…» [les italiques sont de nous]. Les articles 18 et 19 interdisent
les «mesure[s] de contrainte, telle[s] que saisie ou saisie-arrêt, contre les biens», mais seulement
«en relation avec une procédure devant un tribunal».

362 e
J. Crawford, Brownlie’s Principles of Public International Law , 8 éd., Oxford University Press, 2012, p. 487.
363S.Sucharitkul, «Immunity of States» in M.Bedjaoui (dir.publ.), International Law: Achievements and
Prospects, Martinus Nijhoff, 1991, p. 333.

364Ibid.

365P. Dupuy, Droit international public, 8 éd., Dalloz, 2006, p. 126.
366 e
H. Fox et P. Webb, The Law of State Immunity , 3 éd., Oxford University Press, 2013, p. 11. Voir également
R. Jennings et A. Watts, Oppenheim’s International Law, 9e éd., Oxford University Press, 1992, p. 342, 348-349.
367
Immunités juridictionnelles de l’Etat (Allemagne c. Italie ; Grèce (intervenant)), arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (I) ,
par. 93.
368
R. O’Keefe et C. Tams (dir. publ.), The United Nations Convention on Jurisdictional Immunities of States and
Their Property: A Commentary, Oxford University Press, 2013, p. 101. - 83 -

5.100. Dans son commentaire relatif à l’article premier des articles sur les immunités

juridictionnelles des Etats et de leurs bien s, la commission du droit international s’ est exprimée
ainsi: «Les mots «devant les tribunaux» ont pour objet de confirmer que la portée du sujet est
369
essentiellement limitée à l’immunité de juridiction «devant les tribunaux» des Etats.»

5.101. Cette position correspond pour l’essentiel à celle des législations internes des Etats en
matière d’immunité. Ainsi, la Foreign States Immunities Act 1985 (Cth) [loi australienne de 1985

sur l’immunité des Etats étrangers, ci-après la «FSI Act»] dispose que, sous réserve de certaines
exceptions, l’Etat étranger bénéficie de l’immunité de «juridiction dans le cadre de toute procédure
370
devant les tribunaux de l’Australie» . Le Royau371Uni accorde également aux Etats étrangers
l’immunité de juridiction devant ses tribunaux . En Argentine, les Etats étrangers «jouissent de
l’immunité de juridiction devant les tribunaux argentins» 372. Au Canada, aux termes de la State

Immunity Act [loi sur l’immunité des Etats], «l’Etat étranger bénéficie de l’immunité de juridiction
devant tout tribunal au Canada» 37. A Singapour, l’Etat étranger jouit de l’immunité de «juridiction
374
devant les tribunaux» internes . Aux Etats- Unis d’Amérique, enfin, la Foreign Sovereign
Immunities Act (United States of America) de 1976 accorde à l’Etat étranger l’immunité de
375
juridiction «devant les juridictions fédérales et les tribunaux des états» .

5.102. L’existence d’une procédure judiciaire est également le corollaire nécessaire à
l’immunité de l’Etat à l’égard des mesures de contrainte. Dans le contexte de l’immunité de l’Etat,

les mesures de contraintes sont les mesures de coercition ou d’exécution que prend un «tribunal
soit pour restreindre la faculté de l’Etat étrang er à disposer de ses biens», soit «pour mettre
376
autrement sous main de justice, notamment par saisie, les biens de l’Etat ét ranger» . En outre,
l’immunité de l’Etat à l’égard des mesures de c ontrainte est conçue largement dans la convention
de 2004 et vise toute forme de contrainte ordonnée judiciairement . 377

5.103. Les législations internes exig ent également que la mesure de c ontrainte à l’encontre
de laquelle l’immunité est invoquée s’inscrive dans le cadre d’une instance judiciaire. Ainsi, la
FSI Act prévoit que :

369
Rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa quarante-troisièmesession o
(29avril-19juillet1991), documents officiels de l ’Assemblée générale, quarante-sixièmesession, supplément n 10,
doc. A/46/10, Annuaire de la Commission du droit international 1991 , voIlI., deuxièmpeartie,
A/CN.4/SER.A/1991/Addl.(Part2.), p1.3 (consulté le 20 juillet 2014 sur le site Internet suivan:t
http://legal.un.org/ilc/publications/yearbooks/Ybkvolumes(f)/ILC_1991_v…, ).

370Foreign States Immunities Act (Cth) de 1985 (annexe 46), art. 9.

371State Immunity Act (United Kingdom) de 1978, art. 1, par. 1).
372
Immunity of foreign States from the jurisdiction of Argentinian Courts [Loi sur l’immunité de juridiction des
Etats étrangers en Argentine], loi n o24,488 (traduction anglaise tirée de A.Dickinson, R.Lindsay et J.Loonam,
State Immunity: Selected Materials and Commentary, Oxford University Press, 2004, p. 465-468), art. 1.

373 State Immunity Act (Canada) de 1985 (consulté le 20juille t2014 sur le site Internet suivant:
http://laws-lois.justice.gc.ca/fra/lois/S-18/TexteComplet.html), par. 3 1).

374State Immunity Act 1979 (Singapore) [Loi de1979 sur l’immunité des Etats (Singapour)], art. 3, par. 1)
(http://statutes.agc.gov.sg/aol/search/display/view.w3p;page=0;query=Doc…-

39d3a51b7b70%22%20Status%3Ainforce%20Depth%3A0;rec=0, consulté le 20 juillet 2014).
375Foreign Sovereign Immunities Act (United States of America) de1976, code des Etats-Unis d ’Amérique,

vol. 28, art. 1604 (consulté le 20 juillet 2014 : http://www.law.cornell.edu/uscode/text/28/1604).
376X. Yang, State Immunity in International Law, Cambridge University Press, 2012, p. 343.

377C.Brown and R. O’Keefe, «Part IV: State Immunity from Measures of Constraint in Connection with
Proceeding before a Court», in R. O’Keefe et C. Tams (dir. publ.), The United Nations Convention on Jurisdictional

Immunities of States and Their Property: A Commentary, Oxford University Press, 2013, p. 287. - 84 -

«les biens de l’Etat étranger sont exempts de toute procédure ou ordonnance

provisoire ou définitive émanant des tribunaux de l’Australie et tendant à la
satisfaction ou à l’exécution de tout jugeme nt, ordonnance ou sentence arbitrale, ou,
en matière maritime, à la saisie, à la rétention ou à la vente desdits biens» . 378

5.L0a4. State Immunity Act (United Kingdom) de 1978 dispose que «les biens de l’Etat
étranger sont exempts de toute procédure d’exécution des jugements et sentences arbitrales» 379. La
formule «exécution des jugements et sentences ar bitrales» suppose nécessairement l’engagement

préalable d’une procédure judiciaire. En Israël, aux termes de la Foreign States Immunity Law [loi
sur l’immunité des Etats étrangers ], «les biens de l’Etat étranger sont soustraits aux procédures
d’exécution des jugements et autres décisions des tribunaux d’Israël» . 380

5.1A05. l’évidence, l’application du droit international relatif à l’immunité de l’Etat est
subordonnée à l’engagement d’une action civile devant les tribunaux internes de l’Etat du for. En

conséquence, trois conditions essentielles doivent être réunies pour que le droit relatif à l’immunité
de l’Etat puisse trouver à s’appliquer. Prem ièrement, une «procédure» doit être en cours.
Deuxièmement, celle- ci doit avoir été introduite devant un «tribunal» de l’Etat du for.

Troisièmement, elle doit mettre en cause un Etat étranger ou l’agent d’un tel Etat, en tant que partie
indispensable à l’instance. Or, comme on le verra ci -après, la délivrance et l’exécution du mandat
dont il est question en l’espèce ne peuvent aucunement être assimilées à l’engagement d’une
procédure devant un tribunal. En l’absence de toute procédure devant un tribunal de l’Etat du for,

l’immunité de l’Etat ne saurait s’appliquer aux éléments en cause.

L’ordre juridique interne dans lequel opère un organe est déterminant pour ce qui est de

savoir s’il s’agit d’un «tribunal»

5.106. L’immunité de l’Etat se rapporte aux fonctions juridictionnelles et d’exécution des

tribunaux internes. Ses exigences sont régies par le droit international, mais c’est le381oit interne de
l’Etat du for qui en détermine la portée et les modalités d’application précises . Comme l’a écrit
Hess, «l’immunité de l’Etat a ceci de particulier qu’elle se situe aux confins du droit international
et du droit procédural interne» 38.

5.107. C’est en effet l’ordre juridique et constitutionnel interne de l’Etat du for qui est
déterminant lorsqu’il s’agit de savoir si tel ou tel organe de celui -ci peut être considéré comme un

«tribunal». Les tribunaux tirent leur origine ainsi que leurs pouvoirs et fonctions juridictionnelles
de l’ordre juridique dans lequel ils opèrent. C’est donc au regard de cet ordre juridique qu’il y a
lieu de rechercher, aux fins de l’application de l’immunité de l’état, si tel organe est un «tribunal»

susceptible d’exercer des pouvoirs judiciaires ou quasi judiciaires.

5.108. Dans son mémoire, le Timor-Leste soutient que ce qui importe au regard du droit

international coutumier, lorsqu’il s’agit de déterminer si tel ou tel organe peut être assimilé à un

378
Foreign States Immunities Act (Cth) de 1985 (annexe 46), art. 30.
379State Immunity Act (United Kingdom) de 1978, art. 13, par. 2), al. b). On trouve une disposition analogue au
paragraphe 2) de l’article 15 de la State Immunity Act 1979 [Loi de 1979 sur l’immunité des Etats] de Singapour.

380Foreign States Immunity Law (Israel), loi n 5769-2008 (voir MTL, annexe 18), art. 15, al. a).
381 e
H. Fox et P. Webb, The Law of State Immunity, 3 éd., Oxford University Press, 2013, p. 17.
382B. Hess, «The International Law Commission’s Draft Convention on the Jurisdictional Immunities of States

and Their Property», 1993, European Journal of International Law, vol. 4, p. 271. - 85 -

tribunal, ce sont l’objet et la nature des actes et procéd ures en question. Comme il le fait observer,
aux termes de l’alinéa a) du paragraphe 1 de l’article 2 de la convention de2004, «[l]e terme
«tribunal» s’entend de tout organe d’un Etat, quelle que soit sa dénomination, habilité à exercer des

fonctions judiciaires». On trouve une explication fort à propos du terme «fonctions judiciaires»
dans les commentaires relatifs au projet d’articles sur les immunités juridictionnelles des Etats et de
leurs biens :

«[C]es fonctions varient selon les systèmes constitutionnels et juridiques. C ’est
pour cette raison que la commission a décidé de ne pas définir cette expression dans le

présent article… Cependant, bien que les fonctions judiciaires soient déterminées par
l’organisation interne de chaque Etat, cette expression ne recouvre pas, aux fins des
présents articles, l’administration de la justice sous tous ses aspects, laquelle peut, tout

au moins dans certains systèmes j383diques, englober d ’autres fonctions liées à la
nomination des magistrats.»

5.109. On lit en outre dans le même commentaire que la définition du terme «tribunal»
«peut, selon les systèmes constitutionnels et juridiques, inclure l’exercice du pouvoir d’ordonner ou
d’adopter des mesures d’exécution (on parle parfois de «fonctions quasi judiciaires») par tel ou tel
384
organe administratif de l’Etat» . [Les italiques sont de nous.]

e
5.110. Lors de la 1749 séance de la commission, le président du comité de rédaction,
M.SompongSucharitkul, a déclaré que les termes «organe» et «fonctions judiciaires» avaient été
jugés «suffisamment souples pour englober les divers éléments que peuvent recouvrir ces notions
385
dans le droit interne des Etats» . Ainsi, la définition du terme «tribunal» proposée par la
commission dans le contexte de l’immunité de l’Etat pré sentait elle-même assez de souplesse pour
être adaptée aux différents ordres judiciaires des Etat s. Sur ce point, il y a lieu de mentionner la

proposition du Chili :

«[L]a définition du terme «tribunal» pourrait être la suivante : «tout organe d’un

Etat, quelle que soit sa dénomination ou sa situation, habilité par le droit interne de cet
Etat, et sous réserve qu’il agisse à ce ti tre, à exercer des fonctions judiciaires (ou
compétent pour connaître d’affaires, statuer et faire exécuter des jugements en
386
matières civile, pénale ou administrative)».»

5.111. Les propos précités montrent claireme nt l’intention qu’avait la commission

d’englober toute la gamme des fonctions judiciaires et quasi judiciaires que peuvent exercer les
tribunaux d’un Etat, au regard de l’ordre constitutionnel et juridique de celui-ci.

383Rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa quarante-troisième sessiAnnuaire de

la Commission du droit international 1991 , volume II, deuxième partie, doc. A/CN.4/SER.A/1991/Add. l (Part 2),
commentaire afférent à l’article 2, par. 3, p. 14.
384Ibid., par. 4, p. 14.

3851749 séance de la Commission internationale du droit, doc.A/CN.4/L.342, 20juillet1982, Annuaire de la
Commission internationale du droit 1982, vol. I, p. 320, par. 23-24.
386
Convention sur les immunités juridictionnelles des Etat s et de leurs biens, rapport du Secrétaire général,
doc.A/55/298, 17août2000, par.18-19. La définition du terme «tribunal» a par ailleurs été peu commentée par les
Etats. Le Liban a déclaré pour sa part ce qui suit: le projet d’articles retient le critère fonction nel au lieu du critère
organique, ce qui nous semble satisfaisant» (convention sur leimmunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens,
Rapport du Secrétaire général, doc. A/54/266, 19 août 1999, p. 3). - 86 -

5.1A12s.ts-i il impératif, lorsqu’il s’agit d’établir si un Etat a été attrait dans une

procédure devant un «tribunal» aux fins de l’applic ation de l’immunité de l’Etat, de vérifier si
l’organe en question exerce des pouvoirs judiciaire s ou quasi judiciaires dans l’ordre juridique de
l’Etat du for. Dans la FSI Act, le terme «procédure» est défini comme «toute procédure devant un

tribunal», à l’exclusion de «toute pou387ite pénale ou tout appel ou autre recours de même nature se
rapportant à une telle poursuite» . Le terme «tribunal» y est par ailleurs défini comme «tout
organe judiciaire ou autre, quelle qu’en soit la dénomination, investi de fonctions ou de pouvoirs
388
judiciaires ou de nature semblable» . Dans son rapport sur l’immunité des Etats étrangers, duquel
est inspirée la loi précitée, la commission de ré forme du droit de l’Australie avait recommandé que
la définition du terme «tribunal» soit suffisamment large pour englober tout organe australien
exerçant des fonctions judiciaires 389. C’est donc l’ordre constitutionnel et juridique en vigueur

dans l’Etat qui, en dernière analyse, permet de déterminer les actes qui peuvent y être considérés
comme correspondant à l’exercice de fonctions judiciaires.

L’Attorney-General n’exerçait pas de fonctions judiciaires ou quasi judiciaires dans l’ordre
juridique interne de l’Australie

5.113. L’acte qui fait l’objet de la présente instance est la délivrance d’un mandat par
l’Attorney-General de l’Australie et l’exécution subséquente de ce mandat par la perquisition des
locaux de M. Collaery, à titre de mesure de renseignement essentielle dans une affaire de sécurité.

Le Timor-Leste affirme que la délivrance et l’exécu390n d’un mandat autorisant la saisie de biens
«est, par essence, une fonction judiciaire» . Or, selon l’ordre constitutionnel et juridique
pertinent, c’est-à-dire celui de l’Australie, l’ Attorney-General n’exerçait pas, au titre de la loi sur

l’ASIO, de fonctions judiciaires ou quasi judiciaire s. En conséquence, la délivrance du mandat de
perquisition en cause par l’Attorney-General ne saurait être assimilée à une procédure, aux fins de
l’application du droit relatif à l’immunité de l’Etat.

5.114. L’article 71 de la Constitution australienne dispose que le pouvoir judiciaire du
Commonwealth d’Australie est réservé à la Haute Cour ainsi qu’«aux autres tribunaux fédéraux

que le Parlement peut constituer et aux autres tribunaux qu’il investit de pouvoirs relevant de la
compétence fédérale». En outre, conformément au principe de la séparation des pouvoirs, le
pouvoir judiciaire doit, selon le droit australie n, être exercé indépendamment des autres pouvoirs
du Commonwealth, notamment le pouvoir exécutif. Il s’ensuit que, en droit australien,

l’Attorney-General n’exerce pas de pouvoirs judiciaires.

5.115. L’exercice du pouvoir judiciaire se rapporte normalement au règlement de différends
mettant en cause des droits et obligations existants. Il convient alors de déterminer quels sont les
droits et obligations respectifs des parties, par a pplication des principes de droit aux faits avérés.
Tel est le facteur retenu dans nombre de décisions australiennes où il s’agissait de déterminer si des
391
pouvoirs judiciaires avaient été exercés . De même, l’exame n et la définition des questions en
litige «sont des fonctions judiciaire s si elles ont pour objet la détermination juridictionnelle de

387Foreign States Immunities Act (Cth) de 1985 (annexe 46), art. 3, par. 1).

388Ibid.
389
Australian Law Reform Commissiono[commission de réforme du droit de l ’Australie], Foreign State Immunity
[Immunité de l’Etat étranger] , rapport n 24, p.76 (consulté le20juillet2014 sur le site Internet suivant:
http://www.austlii.edu.au/au/other/lawreform/ALRC/1984/24.html).
390
MTL, par. 5.41.
391 Precision Data Holdings Ltd v. Wills (1991) CLR, vol.173 (annexe21), p.188-189, citant Re Ranger
Uranium Mines Pty Ltd; Ex parte Federated Mi scellaneous Workers’ Union of Australia (1987) CLR, vol.163
(annexe 22), p. 666 ; Attorney-General (Commonwealth) v. Alinta Ltd (2008) CLR, vol. 233 (annexe 23), par. 94, citant
R v. Trade Practices Tribunal; Ex parte Tasmanian Breweries Pty Ltd (1970) CLR, vol. 123 (annexe 24), p. 374. - 87 -

392
droits et d’obligations» . En outre, toute décision judiciaire s’impose aux parties, sous réserve
des recours disponibles . 393

5.116. Bien que la délivrance d’un mandat puis se être confiée à un tribunal, elle ne

correspond pas nécessairement à l’exercice d’un pouvoir judiciaire. La position du droit australien
sur ce point a été mise en évidence dans l’affaire Grollo v. Palmer, où la Haute Cour d’Australie a

statué que le pouvoir de délivrer un mandat ne relevait pas du pouvoir judiciaire du 394
Commonwealth, car elle n’emportait pas détermination juridictionnelle des droits des parties . La
HauteCour a établi une distinction importante entre l’exercice d’un pouvoir judici aire et

l’obligation d’exercer «judiciairement» un pouvoir non judiciaire, c’est -à-dire d’une manière
équitable et impartiale 395. La décision de délivrer un mandat de perquisition entre dans cette

dernière catégorie, c’est-à-dire qu’elle relève d’un pouvoir non judiciaire devant être exercé d’une
manière équitable et impartiale. Et la position de l’Australie n’a rien d’unique à cet égard. Ainsi,
la commission irlandaise de réforme du droit a estimé qu’il était bien établi en droit irlandais que la
396
délivrance d’un mandat de perquisition était une fonction administrative et non judiciaire . De
même, au Canada, dans l’affaire Ministre du Revenu national c.Coopers and Lybrand , la Cour

suprême a jugé que le pouvoi r du ministre d’autoriser la visite et la fouille de locaux relevait de
l’instruction et devait en conséquence être considéré comme « fondamentalement de nature
administrative» 397 et non juridictionnelle.

5.117. La nature non judiciaire des mandats de perquisition et autres mandats analogues est

également reconnue par le droit interne de nombr e d’autres Etats, où leur délivrance pour la
perquisition de locaux ou l’interception de communications est confiée aux agents de

l’administration ou à d’autres organes non judiciaires. Ainsi, en vertu du Code de la sécurité
intérieure français, le premier ministre peut délivr er une autorisation écrite (comparable à un
mandat) permettant l’interception de télécommunications à diverses fins, notamment dans l’intérêt

de la sécurité nationale ou pour la prévention du te rrorisme. Pareille autorisation est délivrée à la
demande du ministre de la défense, du ministre de l’intérieur ou du ministre chargé des douanes

392 Precision Data Holdings Ltd v. Wills (1991) CLR, vol.173 (annexe21), p.189-190, citant Re Ranger
Uranium Mines Pty Ltd; Ex parte Federated Mi scellaneous Workers’ Union of Australia (1987) CLR, vol.163

(annexe 22), p. 666.
393Attorney-General (Commonwealth) v. Alinta Ltd (2008) CLR, vol. 233 (annexe 23), par. 158-159, 173.

394 Grollo v. Palmer (1995) CLR, vol. 184 (annexe 25), p. 360. Dans l’affaire Love v. Attorney-General (NSW),
la Haute Cour d’Australie a jugé que le pouvoir conféré par une loi de l’Etat à la cour suprême de la Nouvelle-Galles du
Sud de délivrer un mandat autorisant la mise en place d’un dispositi f d’écoute était de nature administrative et non

judiciaire. L’exercice de ce pouvoir n’était pas, lui non plus, de nature judiciaire en ce qu’il aurait emporté détermination
juridictionnelle des droits des parties : Love v. Attorney-General (NSW) (1990) CLR, vol. 169 (annexe 26), p. 320-322.
395
Grollo v. Palmer (1995) CLR, vol. 184 (annexe 25), p. 359-360.
396 Irish Law Reform Commission, Search Warrants and Bench Warrants (2009), par.4.16 (consulté

l2uil2t014 sur le site Internet sui:thttp://www.lawreform.ie/_fileupload/consultation%20papers/
cpSearchWarrantsand BenchWarrants.pdf). La Criminal Justice (Search Warrants) Act de 2012 (Irlande) (consulté
le 20 juillet 2014 sur le site Internet suivant: http://www.irishstatuteb ook.ie/2012/en/act/pub/0033/sec0001.html#sec1)
autorise certains membres de la Garda Síochána (la police irlandaise) à délivrer des mandats de perquisition, à condition
de n’avoir aucun intérêt dans l’enquête concernant l’infraction à laquelle se raple mandat. Dans l’affaire Bucnys v.
Ministry of Justice [2013] UKSC, p. 71, la Cour suprême du Royaume-Uni a examiné la question de savoir si le ministère
de la justice ou un autre organe non judiciaire d’un pays pouvait être assimilé à une «autorité judiciaire» pour

l’application de la décision-cadre du Conseil 2002/584/JAI relative au mandat d’arrêt européen . Elle a conclu que le
ministère de la justice ne pouvait être assimilé à une autorité judiciaire que s ’il agissait à la demande d’un tribunal ou d e
quelque autre personne ou organe susceptible d’être valablement considéré comme une autorité judiciaire. Le ministère
de la justice d’un Etat étranger agissant de sa prop re initiative ou à la demande d’une autorité non judiciaire ne saurait
être assimilé à une autorité judiciaire pour l’application de la décision-cadre (par. 66).
397
Ministre du Revenu national c. Coopers and Lybrand [1979] R.C.S., vol. 1, p. 507. - 88 -

398
(ou de leur représentant) .399 Suisse, un nombre limité de fonctionnaires sont habilités à délivrer
des mandats de perquisition . Rien n’exige que ces personnes aient quelque lien avec la justice.
Au Royaume-Uni, la Regulation of Investigatory Powers Act 2000 [loi portant sur la

réglementation des pouvoirs d’enquê te] dispose que les mandats autoris400 l’interception de
communications doivent être délivrés par le Secrétaire d’Etat . Enfin, la Security Intelligence
Service Act 1969 de la Nouvelle-Zélande [loi sur les services de renseignement de sécurité] permet

au ministre responsable des services de renseignement et au commissaire aux mandats en matière
de sécurité de délivrer conjointement un mandat autorisant la saisie de communications ou de
documents . 401

5.1me8r.- Leste cite l’arrêt rendu par la Cour en l’ affaire relative au Mandat d’arrêt
pour soutenir que la «seule émission» d’un mandat constitue une action judiciaire et une violation
402
de l’immunité . Or il y a lieu de distinguer sur ce point la présente espèce de cette affaire, où il
s’agissait de l’inviolabilité dont jouissait, en vertu du droit international, un ministre étranger en
exercice 403. Une telle inviolabilité soustrait son bénéfici aire à toute forme de juridiction de l’Etat

du for, y compris les formes non judiciaires de celle- ci. Ainsi, la décision de la Cour dans cette
affaire ne dépendait pas de la question de savo ir si la délivrance du mandat avait un caractère
judiciaire. En ce qui concerne les biens des Etats, il n’existe pas d’inviolabilité générale et l’affaire

relative au Mandat d’arrêt est donc très différente de celle dont la Cour est à présent saisie. En
outre, celle-ci a dûment tenu compte, dans l’affaire relative au Mandat d’arrêt, «de la nature et de
l’objet» du mandat en question, y compris le fait qu’il avait été délivré par l es autorités judiciaires
404
belges . En l’espèce, aucune autorité judiciaire au stralienne n’est intervenue dans la délivrance
ou l’exécution du mandat de perquisition en cause.

5.119. En exerçant les pouvoirs prévus à l’article 25 de la loi sur l’ASIO, l’Attorney-General
n’exerçait pas, au regard de l’ordre juridique et constitutionnel australien, des fonctions judiciaires

ou quasi judiciaires. La seule délivrance d’un ma ndat ne saurait être assimilée à l’exercice d’une
telle fonction. Ainsi que l’a indiqu é le juge ad hocCallinan dans son opinion dissidente,
l’Attorney-General :

«n’exerce pas davantage un pouvoir judiciaire ou quasi judiciaire lorsqu’il vérifie s’il
y a lieu de délivrer un mandat de perquisition que ne le fait l’agent de police qui

ordonne un prélèvement sanguin sur la personne d’un suspect ou le professionnel de la

398 Code de la sécurité intérieure , art.L242-1 (consulté le20juillet2014 sur le site Internet suivant:
http://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do;jsessionid=183CC8F37AD10FB8…

SectionTA=LEGISCTA000025508244&cidTexte=LEGITEXT000025503132&dateTexte=20120618).
399Loi fédérale sur le droit pénal administratif du 22 mars 1974 , art. 48, par. (3) (consulté le 20 juillet 2014 sur le
site Internet suivant : http://www.admin.ch/opc/fr/classified-compilation/19740066/201305010000…).

400Regulation of Investigatory Powers Act (United Kingdom) de 2000, art. 7, par. 1) (consulté le20 juillet2014
sur le site Internet suivant : http://www.legislation.gov.uk/ukpga/2000/23/pdfs/ukpga_20000023_en.pdf).
401
New Zealand Security Intelligence Service Act de 1969, art. 4A (consulté le 20 juillet 2014 sur le site Internet
suivant : http://www.legislation.govt.nz/act/public/1969/0024/latest/whole.html#D…).
402
MTL, par. 5.42.
403Mandat d’arrêt du 11 avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique), arrêt, C.I.J. Recueil 2002 ,

par. 70.
404Ibid. - 89 -

santé qui effectue ce prélèvement, mesure attentatoire à la vie privée couramment
405
appliquée partout dans le monde» .

5.120. Compte tenu de ce qui précède, en l’absence d’une «p rocédure engagée devant un
tribunal» de l’Etat du for, le droit relatif à l’immunité de l’Etat ne s’applique pas. Le Timor -Leste

n’a pas été attrait en justice, que ce soit directement ou indirectement, dans le cadre d’une instance
introduite devant un tribunal et, en conséquence, ses prétentions concernant l’immunité doivent être

rejetées.

C. Même si une telle procédure existait, il s’agirait d’une procédure pénale
qui ne serait pas de nature à faire jouer l’immunité

5.121. Quand bien même il existerait une procédure, celle-ci devrait être considérée comme
étant de nature pénale et ne serait pas intentée contre le Timor-Leste ou ses organes ou agents. Or,

le Timor-Leste ne s’est fondé sur aucune source faisant autorité en ce qui concerne la portée de
l’immunité des biens de l’Etat dans le cadre d’actions pénales. Au lieu de cela, il a abondamment

cité la convention de2004 et différentes lois internes dans lesquelles il est expressément indiqué
que les procédures pénales ne sont pas visées.

5.122. Les Membres des Nations Unies qui ont voté en faveur de l’adoption de la convention

de 2004 avaient clairement l’intention d’exclure le s procédures pénales des dispositions de cet
instrument . Dans tous les pays, sans exception aucune, qui possèdent des lois sur l’immunité de
407
l’Etat, celles-ci ne s’appliquent jamais aux procédures pénales . Une distinction claire est donc
opérée, aussi bien en droit international qu’en droit interne , entre les procédures civiles et pénales.

Le Timor-Leste affirme que «[l]e d roit coutumier relatif à l’immunité de l’Etat et de ses biens a

405
Questions concernant la saisie et la détention de cert ains documents et données (Timor-Leste c.Australie) ,
demande en indication de mesures conservatoires, ordonnance du 3 mar2s014, opinion dissidente de
M. le juge ad hoc Callinan, par. 29.
406
L’intention de limiter les dispositions d e la convention de 2004 aux procédures civiles n’est exp rimée nulle
part dans l’instrument proprement dit, mais il est indiqué dans le commentaire que, «[b]ien qu’il ne soit pas expressément
défini dans les présents articles, le terme «procédure» doit être entendu comme excluant la procédure pénale» (voir le
rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa quarante-troisième session, Annuaire de la

Commission du droit international, 1991, vol. II, deuxième partie , doc. A/CN.4/SER.A/1991/Add.l (Part 2), commentaire
du projet d’article 2, par.2), 14). Dans sa résolution 59/38, l’Assemblée générale des Nations Unies a bien précisé
qu’elle «[p]artage[ait] la conclusion générale à laque lle le Comité spécial [était] parvenu, à savoir que Convention
[de2004] sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens ne couvr[ait] pas les poursuites au pénal»
(résolution 59/38 de l’Assemblée générale des Nations Unies, «Convention des Nations Unies sur les immunités
juridictionnelles des Etats et de leurbiens», doc.A/RES/59/38, 2décembre2004). Cette position correspond à une

recommandation du Comité spécial, qui est clairement mentionn ée dans la déclaration faite par M.Hafner devant la
Sixième Commission lors de la présentation du rapport dudit Comité et elle-même visée dans la résolution. (Voir le
compte rendu analytique de la 13 eséance de la Sixième Commission, New York, 25 octobre 2004, doc. A/C.6/59/SR.13,
par. 32).

407Le paragraphe 4 de l’article 16 de la State Immunity Act (United Kingdom) de 1978 précise expressément que
cette loi ne s’applique pas aux procédures pénales. Des dispositions similaires figurent dans State Immunity Act 1979
[Loi de 1979 sur l’immunité des Etats] (Singapour), art.192) b), la State Immunity Ordinance 1981 [Ordonnance de

1981 relative à l’immunité des Etats] (Pakistan), art. 17 2) b), dans A.Dickinson, R.Lindsay et J.Loonam, State
Immunity: Selected Materials and Commentary (Oxford University Press, 2004), p.496-503, et la State Immunity Act
1982 [Loi de 1982 sur l’immunité des Etats] (Canada), art. 18 (cette loi ne s’applique pas aux procédures pénales ou de
même nature). La Foreign States Immunities Act (Cth) de 1985, art. 3 1), exclut de la définition d’une procédure «les
poursuites pour infraction et les appels ou autres procédures de même nature y relatives» (annexe46 ). La Foreign
Sovereign Immunities Act (United States of America) de 1976, code des Etats- Unis d’Amérique, vol. 28, art. 1330 a),

limite formellement la juridiction aux «actions civiles sans jury». - 90 -

évolué et [qu’il] reconnaît aujourd’hui certaines exceptions, mais uniquement en matière civile» 408.
Il soutient également que,

«[e]n matière pénale (comme dans toute autre procédure non civile), le droit
international coutumier reconnaît aux Etats et à leurs biens l’inviolabilité et
l’immunité absolues vis -à-vis de toute juridiction interne quelle qu’elle soit,
409
lorsqu’aucune des exceptions coutumières ne s’applique» .

Le Timor-Leste n’a toutefois aucunement étayé cette allégation, qui a été contestée 410.

5.1Il23. ’existe à ce jour aucune pratique consistant à tenir les Etat étrangers pour
pénalement responsables devant les tribunaux nationaux de l’Etat du for. Ainsi, en l’affaire relative

aux Immunités juridictionnelles, la Cour a cité l’affaire anglaise Jones v. Ministry of the Interior of
the Kingdom of Saudi Arabia, dans laquelle lord Bingham était parvenu à la conclusion suivante :

«Un Etat ne peut agir que par l’entremise de fonctionnaires et d’agents, dont les
actes officiels constituent les actes de l’Etat, l’immunité de celui-ci en ce qui concerne
ces actes étant essentielle au principe de l’immunité de l’Etat. En raison de cette
erreur [de la Cour d’appel], il a été considéré que le Royaume jouissait de l’immunité,

tout comme le ministère de l’intérieur, en tant que partie du gouvernement, alors que
le ministre qui le dirigeait (le quatrième dé fendeur dans la seconde action en justice)
n’en bénéficiait pas, ce qui constituait une anomalie saisissante.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Un Etat n’est pas pénalement responsable en droit international ou en droit
anglais, et il ne peut donc être mis en cause directement dans une procédure
411
pénale.» (Les italiques sont de nous.)

5.124. Quoi qu’il en soit, l’Australie ne cherche pas à tenir le Timor-Leste (ni un quelconque
haut responsable timorais) pour pénalement responsable devant ses tribunaux nationaux, ce qui
constitue en soi une réponse suffisante sur ce poin t et n’appelle pas un examen plus approfondi de

408MTL, par. 5.21.

409MTL, par. 5.28.
410
A cet égard, voir R. Higgins, Themes & Theories: Selected Essays, Speeches, and Writings in International
Law (Oxford University Press, 2009), p. 327. Mme Higgins déclare que «des incertitudes subsistent quant au point de
savoir si les Etats sont effectivement obligés d’accorder les mêmes immunités lorsqu’il est question d’atteintes au droit
pénal».
411
Jones v.Ministry of the Interior Al-Mamlaka Al- Arabiya AS Saudiya (Royaume d’Arabie sao udite) [2006],
UKHL, p. 26, par. 30-31. - 91 -

la Cour. Les mesures que l’Australie a prises ne mettent pas en cause le Timor-Leste, ni ses hauts
responsables, dans une affaire pénale 412.

5.125. En ce qui concerne l’immunité des biens de l’Etat à l’égard des procédures pénales, le
Timor-Leste n’a invoqué aucune source faisant autorité à l’appui de son assertion selon laquelle ces

biens, par le jeu de l’ immunité, ne sauraient être utilisés comme éléments de preuve en pareille
procédure, et selon laquelle, à supposer qu’une telle immunité existe, celle-ci serait absolue. La
proposition selon laquelle un Etat serait en droit d ’exiger la restitution immédiate et
inconditionnelle des biens qui se trouvent dans l’Etat du for, ont été enlevés dans des locaux privés

conformément au droit de celui-ci et constitu ent des éléments de preuve matériels dans une
procédure pénale en cours ou à venir dans cet Etat est dépourvue de tout fondement.

5.126. ’agissant de la catégorie particulière des biens diplomatiques, qui relève d’un régime
spécifique en droit international, la pratique des Etats est contradictoire. En l ’affaire canadienne
Rose v. The King, le tribunal a jugé que l ’inviolabilité générale des documents d’une mission était
soumise à une exception dans le cas de documents mettant en péril la sécurité de l’Etat auprès

duquel la mission était accréditée. Dans cette affaire, les documents en question, une fois saisis par
l’Etat canadien, ont perdu la protection liée à l’immunité, après quoi ils ont été produits comme
éléments de preuve à l’encontre d’un ressortissant canadien 413. Dans l ’affaire britannique Fayed
414
v. Al-Tajir, ce raisonnement n’a certes pas été retenu, mais il n’a pas été rejeté pour autant .

5.127. Bien que ces exemples ne soient pas directement applicables en l’espèce (les éléments

en cause ne constituant pas des biens diplomatiques et n’étant donc pas protégés par ce régime), ils
n’en sont pas moins instructifs. Le fait que des exceptions à l ’inviolabilité des documents
diplomatiques (qui béné ficient de protections plus étendues que n’importe quelle autre forme de
biens étatiques) aient été envisagées donne à penser que, au regard du droit international coutumier,

d’autres types de biens de l’Etat ne sauraient être écartés en tant qu’éléments de preuve dans des
procédures pénales par le jeu de l’immunité.

5.128. Par ailleurs, il convient d’établir une distinction entre les biens d’un Etat étranger qui
font l’objet d’une procédure pénale (par exemple en cas de confiscation) et l’utilisation de ces biens
en tant qu’éléments de preuve dans une telle procédure. Pareille utilisation ne vise pas à soumettre
les biens en cause à l’exercice de la compétence d’un tribunal. Le fait que les biens étatiques soient

recevables comme éléments de preuve n ’implique pas que le tribunal en question rende une
ordonnance ou prenne une mesure de contrainte visant ces biens. De ce point de vue aussi,
l’utilisation de ces derniers en tant qu ’éléments de preuve peut être distinguée de la question de
l’immunité de juridiction.

412L’Australie relève que, au paragraphe 5.24 de son mémoire, le Timor-Leste a totalement déformé les propos
du conseil australien, en déclarant que «[ledit] conseil ... a[vait] ensuite décrit la procédure à laquelle pourrait donner lieu
l’enquête en cours : «Tout d’abord, un tribunal australien pourrait examiner ces documents pour déterminer si l’exception
en cas de fraude ou d’infraction pénale s’applique »». Or, M. Gleeson n’a pas dit cela, mais ceci : «[t]out d’abord, aucun
tribunal australien ne pourrait examiner ces documents» (les italiques sont de nous) ( Questions concernant la saisie et la
détention de certains documents et données (Timor-Leste c. Australie), compte rendu corrigé CR 2014/2, 21 janvier 2014,
par.33 (Gleeson)). Par ailleurs, le Timor-Leste a dé formé le sens de cette déclaration. En effeSolicitor-General
n’exposait pas la «procédure à laquelle pourrait donner lieu» une enquête en cours, mais faisait observer que la demande
en indication de mesures conservatoires que le Timor-Leste avait présentée à la Cour empêcherait les tribunaux
australiens de s’acquitter de leurs fonctions normales, à savo ir examiner une prétention relative au secret professionnel
des avocats et conseils au regard du droit interne ( Questions concernant la saisie et la détention de certains documents et
données (Timor-Leste c. Australie), compte rendu corrigé CR 2014/2, 21 janvier 2014, par. 33 (Gleeson)).

413Rose v. The King [1947], CCC, vol. 88, p. 114, 147 (juge Bissonette J.) (annexe 27).
414
Fayed v. Al-Tajir [1988], QB, vol. 1, p. 712 (annexe 28). - 92 -

D. Les demandes du Timor-Leste relatives à l’inviolabilité et à l’immunité
sont infondées et doivent être rejetées

5.129. Pour les motifs exposés ci-dessus, le droit de l ’immunité de l’Etat ne s’applique pas
en la présente espèce, en particulier du fait qu’aucun tribunal australien n’a exercé sa compétence
de quelque manière que ce soit dans le cadre d’une procédure à laquelle le Timor-Leste ou l’un de
ses organes ou représentants serait partie ou qui mettrait celui-ci indirectement en cause. Il n’existe
pas non plus de principe de droit international prévoyant l ’inviolabilité de documents qui ont été
établis dans l’Etat du for ou y ont été introduits, ont été saisis conformément au droit de celui-ci et

détenus en tant qu’éléments de preuve de graves infractions pénales qui semblent avoir été
commises sur le territoire de cet Etat par des personnes privées. En conséquence, l’Australie prie
respectueusement la Cour de rejeter les demandes du Timor-Leste qui reposent sur le droit de
l’immunité ou de l’inviolabilité. - 93 -

CHAPITRE 6

CONCLUSION

6.1. Dans le présent chapitre, l’Australie conclura son propos en formulant quelques
observations finales.

rénIl.ons es principaux arguments de l’Australie. Dans la
section II, celle-ci fait valoir que, même si la C our estime que le Timor-Leste est fondé à présenter
certaines de ses demandes, les remèdes sollicités par ce dernier sont inutiles et disproportionnés, et
qu’il ne devrait pas y être fait droit.

SECTION I

LES PRINCIPAUX ARGUMENTS DE L ’A USTRALIE

6.3. Pour les raisons exposées dans le présent contre- mémoire, les actes de l’ASIO ont
constitué un exercice légitime et légal de la souveraineté territoriale de l’ Australie, ont été
accomplis à des fins tout aussi légitimes et ont ét é assortis de mesures visant à atténuer le risque
que soit causé un préjudice aux droits potentiels du Timor-Leste. D ’un point de vue juridique,

toute exception à l’exercice de la souveraineté territoriale doit être dûment fondée en droit, et sa
portée doit être limitée de façon appropriée. De fait, pour invoquer toute exception de ce type, il
convient d’établir que celle-ci s’applique aux circonstances de l’espèce.

6.4. Selon l’Australie, les droits revendiqués par le Timor-Leste dans la présente instance ne
sont pas établis en droit international, et ne son, en tout état de cause, pas applicables dans les

circonstances factuelles de l’espèce.

6re. ièrTileotr,-Lteesv ndique un droit absolu à la confidentialité (qu’il
assimile au droit au secret professionnel), d’une portée très large , qui empêcherait l’Australie
d’exercer sa juridiction sur des ressortissants australi ens relativement à des actes commis sur le
territoire australien, actes constitutifs d’infractions pénales au regard du droit de la totalité ou de la

quasi-totalité des Etats. Le Timor-Leste cherche à appliquer ce prétendu droit sans aucune
exception, ce qui lui permettrait (ainsi qu’à n’importe quel autre Etat) de s’en prévaloir à des fins
illégitimes, y compris pour se soustraire aux conséquences de la commission d’infractions pénales.

6.6. L’Australie considère qu’il n’existe pas de droit absolu à la confidentialité ou au secret
professionnel tel que celui qu’invoque le Timor-Leste, et que rien ne permet de soutenir que l’ un

ou l’autre de ces droits est un principe juridique général. En tout état de cause, même si pareil droit
surgi de nulle part existait, sa portée devrait nécessairement être limitée de sorte à reconnaître
comme il se doit la juridiction territoriale de l’Australie, ce quipermettrait notamment d’éviter
qu’il en soit fait usage à des fins illégitimes. En outre, quand bien même la portée d’un tel droit
serait suffisamment large pour soustraire les actes de M. Collaery à l’exercice, par l’Australie, de sa
juridiction, les mesures mises en place par celle-ci suffisent de toute évidence à empêcher qu’un
éventuel préjudice soit causé au Timor- Leste dans la procédure d’arbitrage. Quoi qu’il en soit, le

Timor Leste a renoncé à tout droit à la confidentialité à l’égard de certains des éléments en cause en
la présente affaire en divulguant publiquement (par l’intermédiaire de MC. ollaery) des
informations confidentielles touchant à la sécurité nationale. - 94 -

6.7. Deuxièmement, le Timor-Leste affirme que les éléments en cause sont sa
propriété allégation largement non étayée , et qu’ils sont protégés par les principes généraux
de l’inviolabilité et de l’immunité des biens appartenant à un Etat ét ranger, principes d’application
apparemment illimitée. Contrairement aux prétendu s droits à la confidentialité et au secret
professionnel (dont l’existence et la portée n’ont pas été é tablies), les principes de l’immunité et de

l’inviolabilité sont tout à faits reconnus en droit interna tional, mais leur po rtée est clairement
définie et limitée. Chose importante, ce sont de s principes différents et distincts, d’application
différente et distincte. Ils ne sont pas applicables dans les circonstances de l’espèce.

6.8. Selon l’Australie, le principe de l’inviolab ilité s’applique à des catégories précises et

restreintes de personnes et de biens, aucune n’étant concernée de près ou de loin par la présente
affaire. De la même manièr e, le principe de l’immunité d’un Etat étranger ne s’applique qu’à
l’égard d’une procédure devant une juridiction ou une instance judiciaire équivalente, l’Etat en
question étant directement ou indirectement attrait en justice; il constitue un obstacle procédural
visant à protéger, dans certaines circonstances, l’Etat étranger de la juridiction de l’Etat du for. Or

il n’existe , en la présente espèce, aucune instance ou procédure de cette nature, dans laquelle
l’immunité pourrait jouer pareil rôle. Faire droit aux demandes du Timor-Leste sur ce point
reviendrait donc à créer une immunité d’un nouveau type, étendue et sans précédent. Cela aurait
pour effet de limiter de manière inacceptable la capacité de l’Etat du for à exercer les droits
inhérents à la souveraineté, l’empêchant d’exécuter des mandats visant des locaux privés situés sur
son propre territoire, à l’égard de se s propres ressortissants dont les actes constituent une menace

pour la sécurité de ses propres citoyens. Ces demandes doivent également être rejetées.

SECTION II

R ÉPONSE AUX REMÈDES SOLLICITÉS PAR LE TIMOR -L ESTE

Ti6e9.- Leste n’est pas parvenu à démontrer que les actes accomplis par l’ASIO le
3 décembre 2013 constituaient une violation des droits qui sont les siens en vertu du droit
international. En l’ab sence de fait internationalement illicite, le Timor- Leste n’est pas fondé à ce
que soient ordonnées les mesures qu’il sollicite dans ses conclusions finales. En tout état de

causes, ces mesures sont, au regard des griefs qu’il a formulés, inutiles et disproportionnées.

A. Il n’est pas justifié d’ordonner que les éléments en cause
soient restitués ou détruits

6.10. Si l’on fait abstraction de ses accusations sans fondement selon lesquelles l’Australie

aurait communiqué les éléments en cause à des tiers, le Timor-Leste demande l415estitution desdits
éléments et la destruction définitive de toutes copies qui en auraient été faites .

6.11. La restitution des éléments et leur destru ction n’est pas nécessai re pour rétablir la
position qui était celle du Timor- Leste avant l’exécution du mandat par l’ASIO, étant donné que

cette position n’a pas été modifiée par suite des actes de l’ASIO :

1) Le Timor-Leste a toujours accès aux informations contenues dans les éléments en cause. Dans
leur très grande majorité, ces éléments n’existent assurément pas en un seul exemplaire, et il est
fort probable que des duplicata contenant les mêmes informations (sous forme électronique ou

sur papier) se trouvent en la possession du Timor-Leste, de M. Collaery ou d’autres conseils

41MTL, conclusions finales, 3). - 95 -

représentant le Timor-Leste (comme l’a d’ailleurs reconnu le conseil du Timor-Leste lors de la
première réunion de procédure) 416 ;

2) Il n’est d’ aucune manière porté atteinte à la posi tion du Timor-Leste dans le cadre de
l’arbitrage. Conformément aux engagements pris par l’ Attorney-General de l’Australie, les
éléments en cause n’ont pas été et ne seront pas rendus accessibles à quiconque prenant part à
l’arbitrage (ou à la présente procédure) pour le compte de l’Australie.

6.12. Il apparaît donc clairement que, pour ce qui concerne ses relations actuelles avec
l’Australie, le Timor -Leste conserve la position qui était la sienne avant le 3décembre 2013; le
Timor-Leste et ses conseillers juridiques ont touj ours accès au contenu des éléments en cause,
lesquels, en revanche, ne sont pas accessibles à l’Australie aux fins de l’arbitrage.

6.13. En outre, il n’a aucunement été porté atteinte à la position du Timor-Leste dans le cadre
d’éventuelles négociations à venir avec l’Australie. Conformément à l’engage ment pris par

l’Attorney-General, aucune entité du Gouvernement australien n’aura accès aux éléments à quelque
fin que ce soit, hormis pour des questions de sé curité nationale (concrètement, il s’agirait de
l’enquête sur les divulgations illégales d’informations et des poursuites qui pourraient en résulter,
comme exposé au chapitre3 du présent contre-mémoire), et ce, jusqu’à ce que la Cour ait
définitivement statué dans la présente instance ou qu’elle en ait décidé autrement à un stade

ultérieur ou antérieur.

6.14. Il n’y a donc pas lieu de restituer ni de détruire les éléments en cause puisque, de fait,
le Timor-leste reste dans «l ’état qui aurait vraisemblablement existé si [un tel] acte n’ avait pas été
417
commis» .

6.15. Par ailleurs, le Timor-Leste a précisé qu’il ne revendiquait pas la propriété de certains
des éléments en cause (ni, partant , le droit à l’inviolabilité ou à l’immunité à leur égard). De plus,

en dépit de ses affirmations générales concernant la confidentialité et le secret professionnel, il a
admis qu’au moins certains des éléments avaient été établis pour le compte d ’autres clients de
M. Collaery, ou ne faisaient pas l’objet d e pareille revendication de sa part. Par conséquent, il est
un certain nombre de pièces à l’égard desquelles l e Timor-Leste formule des demandes au mieux

douteuses et indirectes, et l’Australie soutient respectueusement que la Cour ne devrait pas
ordonner que lesdites pièces lui soient restituées.

6.16. Enfin, l’Australie fait observer que toute éventuelle décision tendant à la restitution des

éléments en cause devrait prescrire que ceux-ci soient restitués à M.Collaery (dans les locaux
duquel ils ont été enlevés, d’autres clients de l’avocat étant également concernés par certains
d’entre eux), et non au Timor-Leste.

416Cour permanente d’arbitrage, procès -verbal de la première réunion de procédure entre le Timor-Leste et
l’Australie à La Haye, Arbitrage en vertu du traité sur la mer de Timor, 5 décembre 2013, 39 (lignes 14-20) (Lowe) et 42
(lignes 8-11) (Lowe) [annexe 85].
417 o o
Affaire relative à l’Usine de Chorzow (Allemagne c. Pologne), arrêt n 13, 1928, C.P.J.I. Série A, n 17, p. 47. - 96 -

B. En ce qui concerne les frais engagés, la Cour
devrait s’en tenir à la règle habituelle

6.17. L’Australie soutient que les frais engagés par le Timor-Leste ne devraient pas lui être
remboursés. Il ressort clairement de l’article 64 du Statut de la Cour que chaque partie supporte ses
frais de procédure. La Cour n’a jamais, au cours de son histoire, adjugé les dépens, et ce, bien que
les parties en aient fait la demande dans plusieurs affaires. La Cour permanente ne l’avait
d’ailleurs jamais fait non plus. La pratique établie veut que les parties à une instance devant la
Cour supportent leurs frais respectifs, et il doit exister des raisons convaincantes pour que celle-ci

décide de s’en écarter. Or, le Timor-Leste n’en a donné aucune. - 97 -

CONCLUSIONS

Pour les motifs exposés dans son contre-mémoire, et se réservant le droit de compléter ou
modifier les présentes conclusions, l’Australie pr ie la Cour de dire et juger que les demandes
formulées à son encontre par le Timor-Leste et le s mesures que celui-ci sollicite en conséquence
sont rejetées.

L’agent de l’Australie,

) é n g i S ( J. D. REID.

j2ilLte. - 98 -

C ERTIFICATION

Je certifie par la présente que les documents annexés au présent contre-mémoire sont des
copies conformes des originaux et que leur traduction est exacte.

L’agent de l’Australie,

) é n g i S ( J. D. REID .

j20lLte.

___________ - 99 -

APPENDICE

LAPROCÉDURED’ARBITRAGEETLE RÉGIMECONVENTIONNEL
DELAMER DE TIMOR

1. Le présent appendice répond aux observations que le Timor-Leste a présentées dans son

mémoire au sujet de la procédure d’arbitrage et du régime conventionnel de la mer de Timor, et
vise à rectifier un certain nombre d’erreurs et d’omissions qu’elles contiennent. L’Australie relève
en particulier que :

1) l ’examen détaillé de ces questions est dénué de toute pertinence aux fins du différend soumis à
la Cour,

2) les observations du Timor-Leste sont sélectives et incomplètes, et

3) le Timor-Leste réitère des allégations nulle ment démontrées, et qui doivent encore être
examinées par le Tribunal arbitral, en les présentant comme des faits établis.

SECTION I

L’ EXAMEN DÉTAILLÉ DE LA PROCÉDURE D ’ARBITRAGE EST DÉPOURVU
DE TOUTE PERTINENCE AUX FINS DE LA PRÉSENTE INSTANCE

Timeo2-. e 418 Leste affirme que l’arbitrage est «tout à fait distinct de la présente
espèce» , il consacre beaucoup de temps et d’effort s à répéter devant la Cour les arguments qu’il
présente dans le cadre de cette procédure. Plus précisément, au chapitreIII de son mémoire, il
reprend de longs passages d u mémoire en demande qu’il a soumis dans le cadre de l ’arbitrage
419
(allant même jusqu’à joindre ce document dans sa quasi-totalité en annexe de son mémoire) . S’il
procède ainsi, c’est, selon ses dires, parce que la présente affaire «s’inscrit dans le contexte de
[l’]arbitrage»420et que certains des éléments en cause que l’ASIO a examinés et conservés ont été
«établis par le conseiller juridique du Timor-Leste en vue de [l’]arbitrage» en vertu du traité su r la
421
mer de Timor .

L 3. ’examen détaillé de la procédure d’arbitrage et les conclusions des parties dans ce tte
procédure sont dépourvues de toute pertinence aux fins de l’espèce et la Cour ne devrait pas les

prendre en considération. Tout d’abord, le détail des écritures présentées par le Timor-Leste dans
le cadre de l’arbitrage ne permet pas d’établir le contenu et le but des éléments en cause en la
présente affaire ni d’apporter d’autre éclaircissement sur les questions en litige entre les Parties.
Ensuite, ces écritures constituent l’argumentation d’une seule partie à l’arbitrage et, à ce titre, ne

sauraient être considérées comme une description objective des faits. En fin, l’Australie soutient
que le mémoire en demande soumis par le Timor-Leste dans le cadre de l ’arbitrage est confidentiel
entre les parties à cette procédure et devrait le rester (sachant que le Tribunal arbitral prendra des
décisions définitives à ce sujet à l’issue de l’arbitrage).

41MTL, par. 1.8.
419
MTL, par. 3.4 et annexe 5.
42MTL, par. 3.1.
421
MTL, par. 3.8. - 100 -

4. Ainsi que cela a été indiqué au chapitre3 du présent contre-mémoire, seuls deux aspects
essentiels de la procédure d’arbitrage sont pertinents à l’égard de la présente instance :

1) le fait qu’une procédure d’arbitrage soit actuellement en cours entre l’Australie et le
Timor-Leste,

2) le fait que M. Collaery ait, à un moment donné, été engagé par le Timor-Leste pour le conseiller
sur le plan juridique dans le cadre de l’arbitrage, même si cela n’est apparemment plus le cas.

5. Par souci d’exhaustivité, l’Australie présentera quelques brèves informatio ns
complémentaires afin de répondre aux conclusions sélectives et incomplètes du Timor-Leste
concernant la procédure d’arbitrage.

6. Le 23 avril 2013, le Timor-Leste a engagé une procédure d’arbitrage au titre de l’article 23
du traité sur la mer de Timor 42, procédure dans laquelle il invoque la nullité du Traité de 2006
entre l’Australie et la République démocratique du Timor -Leste relatif à certains arrangements

maritimes dans la mer de Timor. L’Australie a présenté une réponse à la notification d’arbitrage du
Timor-Leste le 19 juin 2013 et continue de partic iper activement et de manière constructive à cette
procédure. Le Timor-Leste a déposé son mémoire en demande le 18 février 2014 et l’Australie son
mémoire en défense le 19 mai 2014. Le Timor-Leste a ensuite déposé sa réplique le 18 juillet 2014

et l’Australie fera de même avec sa duplique le 18 août2014. Le Tribunal arbitral entendra les
plaidoiries des parties à compter du 27 septembre 2014 et rendra sa décision finale en temps voulu.

Dl7.s procédure d’arbitrage, le Timor -Leste affirme que le traité relatif à certains

arrangements maritimes dans la mer de Timor est nul en raison de l’espionnage auquel se serait
livrée l’Australie au cours de s négociations ayant abouti à la conclusion de cet instrument,
s’appuyant à cet égard sur le prétendu témoignage de «K». L’Australie estime au contraire que
ledit traité est valide, et ce, pour des raisons de fa it et de droit. Conformément à sa pratique déjà

ancienne en la matière  qui est aussi celle d’autres Etats , elle ne saurait confirmer ou nier des
allégations spécifiques portant sur des questions de renseignement. Dans le cadre de la procédure
d’arbitrage, elle a cependant contesté le prétendu témoignage de «K» en invoquant plusieurs
motifs . Le Tribunal doit encore se prononcer définitivement en cette affaire, y compris en ce qui

concerne la recevabilité du prétendu témoignage de «K».

8. Dès lors, la Cour devrait écarter l’intégralité des allégations relatives à la procédure
d’arbitrage que le Timor-Leste a formulées, et notamment le prétendu témoignage de «K», lequel

est indirect, infondé et ne devrait pas être considéré comme reflétant la réalité des faits.

SECTION II

L ES CONCLUSIONS DU T IMOR -L ESTE CONCERNANT LE RÉGIME CONVENTIONNEL
DE LA MER DE TIMOR SONT ERRONÉES ET DOIVENT ÊTRE RECTIFIÉES

9. Le régime conventionnel de la mer de Timor est l’aboutissement d’une série de
négociations entre l’Australie et le Timor -Leste dans lesquelles les deux Etats ont effectué des

422Timor- Leste, notification d’arbiArbitrage en vertu du traité sur la mer de Ti, 23avril2013
(annexe 92).
423
Australie, demande tendant à ce que certaines déclarations de témoins soient jugées irrecevables, Arbitrage en
vertu du traité sur la mer de Timor, 31 janvier 2014 (annexe 93). - 101 -

compromis constructifs afin de parvenir à des résultats à la fois satisfaisants pour les deux parties et
conformes au droit international. Le Timor-Leste a négocié et signé librement ces traités, en vertu

du droit de conclure des engagements internati onaux contraignants qui est le sien en droit
international (et qui constitue un aspect essentiel de sa souveraineté).

A. Le régime conventionnel de la mer de Timor dans ses grandes lignes

10. L’Australie et le Timor -Leste n’ont pas procédé à une délimitation permanente des

espaces maritimes qui les séparent. A la suite de longues négociations  durant lesquelles le
Timor-Leste s’est adjoint les conseils d’experts , les deux Etats ont conclu trois traités bilatéraux
qui, conformément à la Convention des NationsUnies sur le droit de la mer de1982 (ci-après la
«CNUDM») , établissent et réglementent l’exploitation commune des ressources pétrolières de la

mer de Timor. Il s’agit du traité sur la mer de Timor entre le Gouvernement du Timor oriental et le
Gouvernement de l’Australie de 2002 (ci-après le «traité sur la mer de Timor») 425, de l’accord entre
le Gouvernement de l’Australie et le G ouvernement de la République démocratique du
426
Timor-Leste concernant l’unitisation des champs de Sunrise et de Troubadour de 2003 et du
traité entre l’Australie et la République démocratique du Timor-Leste relatif à certains
arrangements maritimes dans la mer de Timor. Ce sont là des «arrangements provisoires» au sens
du paragraphe 3 de l’article83 de la CNUDM . 427

11. Le traité sur la mer de Timor établit une zone d ’exploitation commune dans cette mer.
L’accord d’unitisation entre le Gouvernement de l’Australie et le Gouvernement de la République

démocratique du Timor-Leste définit un cadre pour le développement concerté des champs gaziers
de Sunrise et de Troubadour (regroupés sous la dénomination de Greater Sunrise), lesquels
s’étendent au-delà de la zone d’exploitation commune, jusque dans un secteur où les fonds marins
relèvent de la juridiction exclusive de l’Australie, ce qui exige donc une unitisation. Quant au traité

entre l’Australie et la République démocratique du Timor-Leste relatif à certains arrangements
maritimes dans la mer de Timor, il accroît de manière substantielle la part des revenus que le
Timor-Leste tire des champs gaziers de Greater Sunrise, étend la portée temporelle du traité sur la

mer de Timor et établit un moratoire provisoire sur les revendications maritimes des deux Etats.
Ensemble, ces instruments mettent en place une solution pratique qui apporte la sécurité qu’exige
l’exploitation rapide et concertée des ressources pétrolières de la mer de Timor au bénéfice des
deux Etats.

12. Un bref résumé des négociations qui ont abouti à l’adoption de chacun de ces traités
figure ci-après ; il donne une idée plus précise de la manière dont les instruments qui constituent le

régime conventionnel de la mer de Timor ont été négociés.

424Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, Montego Bay, 10 décembre 1982, RTNU, vol. 1835, p. 3
(entrée en vigueur le 16 novembre 1994).

425Traité relatif à la mer d u Timor entre le Gouvernement du Timor oriental et le Gouvernement de l’Australie,
Dili, 20 mai 2002, RTNU, vol. 2258, p. 3 (entré en vigueur le 2 avril 2003).
426
Accord entre le Gouvernement de l’Australie et le Gouvernement de la Répub lique démocratique de
Timor-Leste concernant l’unitisation des champs de Sunrise et de Troubadour, Dilimars 2003, RTNU, vol.2483,
p. 317 (entré en vigueur le 23 février 2007).
427
Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, Montego Bay, 10 décembre 1RTNU, vol. 1835, p. 3
(entrée en vigueur le 16 novembre 1994), art. 74 3) et 83 3). - 102 -

B. Le traité de 2002 sur la mer de Timor

13. A la suite de la séparation du Timor- Leste de l’Indonésie en 1999, l’Australie a conclu
des accords avec l’ administration transitoire des NationsUnies au Timor oriental (ci-après
«ATNUTO») afin de pouvoir poursuivre, avec le Timor-Leste, ses activités pétrolières dans la mer
428
de Timor . De hauts représentants du Timor-Leste ont participé aux négociations relatives à la
mer de Timor entre l’Australie et l’ATNUTO.

14. L’Australie a également entamé des négociations au sujet de la mer de Timor avec des

représentants du Timor-Leste, notamment MarA i lkatiri et JosRamos-Horta, qui, à
l’indépendance du Timor -Leste, sont respectivement devenus premier ministre et ministre des
affaires étrangères. Les représentants du Timor-Leste ont reçu de nombreux conseils d’experts tout
429
au long de ces négociations et de celles qui ont suivi . La conduite des négociations par le
Timor-Leste était supervisée par Xanana Gusmão, ancien chef de la résistance timoraise, qui est par

la suite devenu le premier président du Timor-Leste et en est l’actuel premier ministre.

15. Les négociations ont débouché sur le Mémorandum d’accord concernant l’arrangement
relatif à la mer de Timor (ci-après l’«arrangement relatif à la mer de Timor»), qui a été signé le
430
5 juillet 2001 et était spécialement conçu pour pouvoir être adopté en tant que traité au moment
où le Timor-Leste accèderait officielle ment à l’indépendance. Le traité sur la mer de Timor
lui-même, dont les termes sont presque identiques à ceux de l’arrangement relatif à la mer de

Timor, a été signé à Dili le 20mai 2002, date de l’accession à l’indépendance du Timor -Leste.
L’Australie et le Timor-Leste ont également signé un échange de notes pour donner
431
temporairement effet au traité sur la mer de Timor en attendant son entrée en vigueur .

16. Conformément au paragraphe 3 de l’article 74 et au paragraphe 3 de l’article 83 de la
CNUDM, le traité sur la mer de Timor est un arrangement provisoire de caractère pratique qui est
sans préjudice de la délimitation définitive des frontières maritimes entre l’Australie et le

428Echange de notes constitutif d’accord entre le Gouverneme nt de l’Australie et l’administration transitoire des
Nations Unies au Timor oriental (l’ATNUTO) concernant la poursuite de l’app lication du traité conclu le
11 décembre 1989 entre l’Australie et la République d’Indonésie relatif à la zone de coopération établie dans un secteur
situé entre la province indonésienne du Timor oriental et l’Australie septentri onale, Dili, 10 février 2000, [2000] ATS 9

(entré en vigueur le 10 février 2000 avec effet à compter du 25 octobre 1999).
429La composition de la délégation du Timor-Leste et de ses conseillers était la suivante : Nuno Antunes  alors

juriste au service de la marine portugaise, dont la thèse doctorat et la maîtrise (université de Durham) avaient pour
objet la délimitation maritime; NinyBorges juriste timoraise formée dans les un iversités australiennes, qui avait
auparavant travaillé pour l’autorité conjointe du Timor Gap et pour l’autorité désignée pour la mer de Timor ;
Paul Cleary -- journaliste australien expérimenté ; Kathryn Khamsi - juriste américaine qui a étudié à l’université de
Harvard et à la McGill University; Jonathon Morrow  juriste australien titulaire d’un doctorat de la
Monash University ; Philip Daniel économiste britannique spécialisé dans les ressources naturelles disposant de

peusieurs décennies d’expérience en tant que conseil au service d’Etats sur ces questions et ayant effectué des études de
2 cycle aux universités d’Oxford et de Cambridge ; Dato Dominic Puthucheary  juriste malaisien expérimenté
spécialisé en droit constitutionnel ; Einar Risa  expert norvégien du secteur pétrolier, disposant de plusieurs décennies
d’expérience au service du ministère norvégien des affaires étra ngères et de l’entreprise pétrolière nationale norvégienne
Statoil ; Alistair Watson  expert en fiscalité ; et Geir Ytreland  géologue norvégien disposant de plusieurs décennies

d’expérience dans le domaine de l’exploration et de la producti on pétrolières et gazières au service de sociétés telles que
Unocal et Saudi Aramco.
430
Mémorandum d’accord concernant l’arrangement relatif à la mer de Timor , Dili, 5juillet2001 (consulté
le 20 juillet 2014 sur le site Internet suivant : http://www.austlii.edu.au/au/other/dfat/special/MOUTSA.html).
431Echange de notes constitutif d’accord entre le Gouvernement de l’Australie et le Gouvernement de la

République démocratique du Timor oriental concernant les arrang ements relatifs à l’exploration et l’exploitation de
pétrole dans une zone de la mer de Timor conclu entre l’Australie et le Timor oriental, Dili, 20 mai 2002, [2002] ATS 11
(entré en vigueur le 20 mai 2002). - 103 -

432
Timor-Leste . Il établit une zone d’exploitati433pétrolière commune (ci -après la «ZEPC»), dans
un secteur défini de la mer de Timor et prévoit que le Timor-Leste est propriétaire de 90% du
434
pétrole produit dans cette zone , et l’Australie de 10 % . Les dispositions du traité sur la mer de
Timor régissent des questions juridiques, administratives, fiscales et autres.

17. Le traité sur la mer de Timor est entré en vigueur le 2 avril 2003 mais, conformément au

paragraphe b) de son article 25, il est réputé avoir pris effet et s’appliquer depuis la date de sa
signature, le 20 mai 2002.

18. Dans son mémoire, le Timor-Leste formule une allégation sans fondement ni pertinence,
selon laquelle l’Australie aurait «menacé de différe r la ratification du traité [sur la mer de Timor],

en dépit du435it que le Timor-Leste, pays démuni, avait besoin des redevances qui devaient être
versées» . Il soutient également que, en différant la ratification, le premier ministre australien a
436
«fait pression sur un pays pauvre et faible en exerçant sur lui un chantage» . Ces allégations sont
sans fondement. De telles menaces n’ont jamais été proférées, la ratification du traité sur la mer de
Timor n’a pas été retardée et aucune redevance n’a été refusée au Timor -Leste. Les redevances et

autres revenus provenant de la ZEPC étaient versés au Timor-Leste lorsque le traité sur la mer de
Timor a été signé le 20mai 2002 et ont continué à l’être après cette date 43. Du fait des
438
arrangements que les Parties avaient mis en place , ces revenus étaient versés au Timor-Leste
depuis le mois d’ octobre 2000 . Ils se composaient de redevances et de recettes fiscales, le

Timor-Leste ayant été autorisé à appliquer sa législation fiscale à 90% du pétrole produit dans la

432
Traité sur la mer de Timor entre le Gouvernem ent du Timor oriental et le Gouvernement d’Australie , Dili,
20 mai 2002, RTNU, volume 2258, p. 3 (entré en vigueur le 2 avril 2003), article 2.
433
Voir carte 1 a) (croquis): a rrangements maritimes consolidés entre l’Australie, l’Indonésie et le
Timor-Leste (annexe 94) ; carte 1 b) (image): a rrangements maritimes consolidés entre l’Australie, l’Indonésie et le
Timor-Leste (annexe 95).

434Traité sur la mer de Timor entre le Gouvernement du Timor oriental et le Gouvernement d’Australie , Dili,

20 mai 2002, RTNU, vol.2258, p.3 (entré en vigueur le 2avril2003), article4 a)) ; carte 2 : zone d’exploitation
pétrolière commune (ZEPC) établie par le traité sur la mer de Timor (2002) (annexe 96).
435
Mémoire du Timor-Leste, par. 2.28.
436
Voir mémoire du Timor-Leste, par. 2.28, note de bas de page 34, citant le sénateur Bob Brown. Voir mémoire
du Timor-Leste, annexe 2.
437
Cela en vertu de l’ Echange de notes constitutif d’accord entre le Gouvernement de l’Australie et le
Gouvernement de la République démocratique du Timor oriental concernant les arrangements relatifs à l’exploration et
l’exploitation de pétrole dans une zone de la mer de Timor conclu entre l’Australie et le Timor oriental , Dili,
20 mai 2002, [2002] ATS 11 (entré en vigueur le 20 mai 2002).

438Echange de notes constitutif d’accord entre le Gouvernement de l’Australie et l’administration transitoire des

Nations Unies au Timor oriental (l’ATNUTO) concernant la poursuite de l’app lication du traité conclu le
11 décembre 1989 entre l’Australie et la République d’Indonésie relatif à la zone de coopération établie dans un secteur
situé entre la province indonésienne du Timor oriental et l’Australie septentrionale , Dili, 10février2000 (entré en
vigueur le 10 février 2000 avec effet à compter du 25 octobre 1999).

439Communiqué de presse de l’Administration transitoire des Nations Unies au Timororiental, «East Timor
receives first royalty payment from oil exploitation in Timor Gap», 24 octobre 2000 (consulté le 20 juillet 2014 sur le site

Internet suiv:anhtttp://www.un.org/en/peacekeepin g/missions/past/etimor/news/N241000.htm) ; «Table 11.
Timor-Leste : Oil/gas Revenues, FY2000/01-FY2004/05 », in V.Fichera, A.Bhundia and Y. K. Kim, «Democratic
Republic of Timor-Leste: Selected Issues and Statistical Appendix», International Monetary Fund Country Report
No. 05/250, m20i05,51. (consultéuie0t14 sur le site Internet suiv:nt
http://www.imf.org/external/pubs/ft/scr/2005/cr05250.pdf). - 104 -

ZEPC à partir du 20 mai 2002 et ce, alors même que le traité sur la mer de Timor n ’était, à cette
440
date, pas encore entré en vigueur .

surcer.î,tr s’a441rer qu’il pourrait être donné effet au traité sur la mer de Timor 442
dès sa signature le 20 mai 2002 , et comme convenu par les deux Etats dans l’échange de notes ,
une partie des revenus dus au Timor-Leste en ap plication de cet instrument a été placée sur un

compte séquestre et versée au Timor-Leste une fois le traité entré en vigueur. Autrement dit, le
Timor-Leste a perçu la totalité des redevances auxquelles il avait droit en vertu du traité sur la mer
de Timor à compter de la date de la conclusion de cet instrument (ce qui aurait d’ailleurs été le cas
443
même si la ratification avait été différée) .

20. Sur la base de sa présentation sélective des arrangements initiaux relatifs au traité, le

Timor-Leste soutient en outre ce qui suit :

«l’exercice, par le Timor-Leste, de ses droits souverains sur les ressources du plateau

continental adjacent à ses côtes est entravé pa r le refus de l’Australie de négocier un
accord de délimitation maritime, auquel s’ajoutent les dispositions de la série de traités
que celle- ci a conclus au sujet de la mer de Timor (d’abord prétendument avec

l’Indonésie, puis avec l’Administration transitoire des Nations Unies au Timor oriental
(ci-après «l’ATNUTO») et, enfin le jour même de son indépendance , avec le
Timor-Leste lui-même)» . 444

21. Cette allégation particulière est inexacte et trompeuse, et ce, pour les quatre raisons
suivantes :

1) Premièrement, le fait est que les fonds de la mer de Timor s ont l’objet de revendications
concurrentes de la part du Timor-Leste et de l’Australie. En parlant de «ses droits souverains»,

comme si ceux- ci existaient effectivement en l’absence de toute délimitation, le Timor -Leste
emploie donc une expression trompeuse.

2) Deuxièmement, à partir du moment où le Timor- Leste s’est séparé de l’Indonésie , entre1999
et 2006, il a mené avec l’Australie une série de négociations de bonne foi en vue d’apporter une
solution aux revendications concurrentes des deux Etats . L’Australie n’a à aucun mome nt

refusé de négocier avec lui sur les frontières maritimes ou un quelconque aspect du régime de la
mer de Timor.

3) Troisièmement, les représentants et conseill ers du Timor-Leste ont été informés de tous les

traités et arrangements conclus par l’ATNUTO et le Timor-Leste, et ont activement participé

440
Echange de notes constitutif d’accord entre le Gouvernement de l’Australie et le Gouvernement de la
République démocratique du Timor oriental concernant les arrangements relatifs à l’exploration et l’exploitation de
pétrole dans une zone de la mer de Timor conclu entre l’Australie et le Timor oriental, Dili, 20 mai 2002, [2002] ATS 11
(entré en vigueur le 20 mai 2002), par. 4 a) et 4 b).
441
Traité sur la mer de Timor entre le Gouvernementdu Timor oriental et le Gouvernement d’Australie , Dili,
20 mai 2002, RTNU, volume 2258, p. 3 (entré en vigueur le 2 avril 2003), article 25 b).
442
Echange de notes constitutif d’accord entre le Gouvernement de l’Australie et le Gouvernement de la
République démocratique du Timor oriental concernant les arrangements relatifs à l’exploration et l’exploitation de
pétrole dans une zone de la mer de Timor conclu entre l’Australie et le Timor oriental, Dili, 20 mai 2002, [2002] ATS 11
(entré en vigueur le 20 mai 2002), par. 4 c) et 4 d).
443
Traité sur la mer de Timor entre le Gouvernementdu Timor oriental et le Gouvernement d’Australie , Dili,
20 mai 2002, RTNU, volume 2258, p. 3 (entré en vigueur le 2 avril 2003), article 25 b).
444Mémoire du Timor-Leste, par. 1.7. - 105 -

aux négociations qui ont mené à la conclusion de ce s instruments. En particulier, l’Australie et

le Timor-Leste ont pu conclure un accord établissant un régime conventionnel qui répondait à la
quasi-totalité des objectifs que le Timor-Leste avait fait connaître à l’Australie.

4) Quatrièmement, le régime conventionnel permet l’exercice concerté de droits souverains , de
sorte que les ressources de la mer de Timor puissent être au plus vite exploitées au profit des
deux pays, d’une manière parfaitement compatible avec les procédures prévues par la CNUDM

en pareilles situations. L’exercice des droits souverains n’a donc pas été «entravé».

C. L’accord international d’unitisation (AIU)

22. L’AIU fixe le cadre régissant le développement et l’exploitation intégrés des gisements
gaziers de Greater Sunrise en tant qu’entité unique 445. Une partie de ces gisements se trouve dans

la ZEPC et l’autre, dans une zone de fonds marins relevant de la juridiction australienne.
Conformément au taux de répartition convenu en application de l’article 9 et de l’annexe E du traité
sur la mer de Timor, l’AIU prévoit que 79,9% de la production pétrolière issue de ces gisements
446
soit attribuée à l’Australie . A bien des égards, cet accord découle du traité sur la mer de Timor,
comme nous l’exposerons ci-après.

23. L’article 9 du traité sur la mer de Timor crée, pour l’Australie et le Timor-Leste, une
obligation spécifique de «proc[éder] promptement et en toute bonne foi» afin de parvenir à un

nouvel accord sur le développement de rése rvoirs pétroliers s’étendant au -delà de la ZEPC.
Lorsqu’ils ont négocié cette disposition, les deux Etats avaient à l’esprit les gisements de
GreaterSunrise, découverts en 1974 et au sujet desquels ils étaient bien informés 447. Ainsi que

cela est exposé dans l’annexe E du traité sur la mer de Timor, l’Australie et le Timor-Leste sont
expressément convenus de mettre en commun la gestion de ces gisements, en attribuant 20,1 % de
448
leur production à la ZEPC et 79,9 % à l’Australie . De toute évidence, ces dispositions du traité
sur la mer de Timor ont directement conduit aux négociations relatives à l’AIU.

24. Parallèlement à la signature, le 20 mai 2002, du traité sur la mer de Timor, l’Australie et
le Timor-Leste ont signé un mémorandum d’accord dans lequel ils se référaient à l’article 9 et à
l’annexe E du traité sur la mer de Timor et s’engageaient à conclure, avant le 31 décembre 2002, un

accord portant sur les arrangements relatifs à l’ exploitation commune des gisements gaziers de

445 Accord entre le Gouvernement de l’Australie et le Gouvernement de la République démocratique de
Timor-Leste concernant l’Unitisatio n des champs de Sunrise et de Troubadou, signé à Dili le 6mars2003, RTNU,
vol.2483, p.317 (entré en vigueur le 23février2007); carte3: unitisation et répartition des gisements gaziers de

GreaterSunrise en application de l’accord entre le Gouvern ement de l’Australie et le Gouvernement de la République
démocratique de Timor-Leste concernant l’Unitisation des champs de Sunrise et de Troubadour (2007) (annexe 97).
446 Accord entre le Gouvernement de l’Australie et le Gouvernement de la République démoc ratique de
Timor-Leste concernant l’Unitisation des champs de Sunrise et de Troubadour, signé à Dili le 6mars2003, RTNU,

vol. 2483, p. 317 (entré en vigueur le 23 février 2007) ; article 7 ; carte 3 : unitisation et répartition des gisements gazier s
de Greater Sunrise en application de l’accord entre le Gouvernement de l’Australie et le Gouvernement de la République
démocratique de Timor-Leste concernant l’Unitisation des champs de Sunrise et de Troubadour (2007) (annexe 97).
447Woodside Petroleum Ltd, Sunrise LNG (consulté le 20juillet2014 sur le site Internet suivant:
<http://www.woodside.com.au/our-business/sunrise/Pages/default.aspx&gt;).

448Voir carte3: unitisation et répartition des gisements gaziers de Greater Sunrise en applicatil’accord
entre le Gouvernement de l’Australie et le Gouvernement de la République démocratique de Timor-Leste concernant
l’Unitisation des champs de Sunrise et de Troubadour (2007) (annexe 97). - 106 -

Greater Sunrise 449 . Dans son mémoire, le Timor-Leste s’est bien gardé de se référer à cette

disposition et à cette annexe du traité sur la mer de Timor, qui est pourtant à l’origine de la
répartition convenue. Au lieu de cela, il a mis l’accent sur le mémorandum d’accord pour tenter de
450
montrer qu’il avait été «contraint» d’accepter le taux de répartition figurant dans l’AIU , ce qui
est faux. En effet, le Timor-Leste et l’Australie avaient déjà réglé cette question dans le traité sur la
mer de Timor lui-même. L’AIU a simplement créé le cadre technique nécessaire pour développer
les gisements gaziers en tant que ressource unique.

25. L’Australie et le Timor -Leste ont entamé les négociations relatives à l’AIU en

juillet 2002, celles-ci s’étant conclues le 6 mars 2003 avec l’adoption de cet instrument.

26. Conformément à l’obligation de parvenir «promptement et en toute bonne foi» à un

accord sur la gestion commune des gisements de GreaterSunrise , l’Australie a pris des mesures
pour ratifier l’AIU peu après la signature de celui-ci. Dans un premier temps, l’AIU a été soumis
au Parlement australien, le 14mai2003, accompagné d’ une analyse des intérêts nationaux

précisant les raisons pour lesquelles l’Australi e souhaitait devenir p451ie à cet accord et les
conditions à remplir pour mettre celui-ci en Œuvre au niveau national .

27. Le Timor-Leste a, quant à lui, reporté la ratification de l’AIU pour faire pression sur
l’Australie et l’amener à négocier un nouvel accord en core plus favorable à ses intérêts. Ce n’est
qu’en février 2007 qu’il a ratifié cet instrument — soit près de quatre ans après l’avoir signé —, en

même temps que le traité relatif à certains arrangements maritimes dans la mer de Timor.

D. Le traité relatif à certains arrangements maritimes

dans la mer de Timor

28. En 2003, étant donné que le Timor- Leste n’avait pas ratifié l’AIU, l’Australie s’est

trouvée dans une impasse en ce qui concerne le développement concerté des gisements de
Greater Sunrise. Elle a donc accepté d’engager de nouvelles négociations avec le Timor-Leste, qui
ont finalement débouché sur l’adoption du traité relatif à certains arrangements maritimes dans la

mer de Timor. Compte tenu des difficultés et re tards auxquels les Parties avaient été confrontées
pour régler la question du développement des gisements de GreaterSunrise (ainsi que du souhait
du Timor-Leste d’obtenir des revenus supplémentaires) , cet instrument, comme cela est exposé
452
dans son préambule , visait à créer une base durable régissant les activités pétrolières menées
dans la zone de fonds marins située entre l’Australie et le Timor -Leste, ce qui devait profiter aux
deux Etats et renforcer leurs relations amicales en réglant une question litigieuse.

449
Mémorandum d’accord conclu entre le Gouvernement de l’Australie et le Gouv ernement de la République
démocratique de Timor oriental au sujet d’un accord international d’exploitation commune du gisement de
Greater Sunrise, signé à Dili lma2i002 (consulté le juillt014 sur le site Internet suivan:t
<http://www.austlii.edu.au/au/other/dfat/special/etimor/MOU-EastTimor_17…;).
450
MTL, par. 2.27-2.28.
451Gouvernement australien, ministère de s affaires étrangères et du commerce, National Interest Analysis No. 6
o
of 2003 [Analyse des intérêts nationaux n 6 de 2003], soumise le 14mai2003 (consultée le 20juillet2014 sur le
site Internet suivant : <http://www.austlii.edu.au/au/other/dfat/nia/2003/6.html&gt;).
452 Traité entre l’Australie et la République démocratique de Timor-Leste relatif à certains arrangements
maritimes dans la mer de Timor , signé à Sydney le 12janvier2006, RTNU, vol.2483, p.359 (entré en vigueur le
23 février 2007), préambule. - 107 -

29. Loin de modifier fondamentalement le régime de développement conjoint mis en place

par le traité sur la mer de Timor et l’AIU , le traité relatif à certains arrangements maritimes dans la
mer de Timor y apporte plusieurs changements que le Timor-Leste avait, de fait, demandés tout au
long des négociations et que l’Australie , soucieuse de parvenir à un compromis constructif, a

acceptés. Ces changements sont les suivants :

1) l’adoption d’u n moratoire de cinquante ans sur les revendications en matière de frontière
453
maritime ;

2) une prorogation du traité sur la mer de Timor, dont la durée est désormais alignée sur celle du
traité relatif à certains arrangements maritimes dans la mer de Timor (changement qui profite au

Timor-Leste puisque la période pendant laquelle celui-ci a l’assurance de re cevoir 90% des
revenus issus de la ZEPC est allongée) 454 ; et

3) une modification de la répartition des recettes provenant des gisements de Greater Sunrise, qui
se traduit par un partage équitable, entre les deux Etats, des revenus issus du gisement dans son
intégralité (y compris les 79,9 % relevant de la juridiction australienne) 455.

30. Dans son mémoire, le Timor-Leste a dépeint le traité relatif à certains arrangements
456
maritimes dans la mer de Timor comme préjudiciable à ses intérêts . Pourtant, dès le mois de
janvier 2003 et avant même l’ouverture des négociations, ce même Timor-Leste préconisait déjà de
partager équitablement les recettes provenant de Greater Sunrise, de proroger le traité sur la mer de

Timor et de reporter les négociations relatives à la délimitation d’une frontière maritime
permanente. Au début du processus de négociation , l’Australie avait en effet tenté de parvenir à
une telle délimitation, mais s’était heurtée au refus du Timor-Leste. Tout au long des pourparlers,
celui-ci a répété les objectifs susmentionnés, par la voie diplomatique, dans le cadre des cycles de

négociation et dans des déclarations publiques. A l’évidence, le traité relatif à certains
arrangements maritimes dans la mer de Timor in corpore la quasi-totalité des objectifs que le
Timor-Leste avait poursuivis. Il est donc surprenant que, après avoir constamment cherché à

obtenir les principaux changements apportés par cet instrument, le Timor-Leste prétende à présent
ne jamais avoir voulu le signer et avoir été, sans que l’on sache comment, contraint à le faire.

31. Le Timor-Leste a particulièrement insisté sur le risque que certaines ressources
d’hydrocarbures de la mer de Timor, et notamment les gisements de Greater Sunrise, ne s’épuisent
pendant la durée de validité du régime conventionnel. A l’appui de cette thèse, il a annexé à son

mémoire un rapport de Gaffney, Cline and Associates fondé sur nombre d ’hypothèsesdiscutables
et que l’Australie a contesté dans le cadre de l’arbitrage . Ces hypothèses ne sauraient être
considérées comme des faits établis. L’Australie montrera devant le tribunal arbitral que :

453
Traité entre l’Australie et la République démocratique de Timor -Leste relatif à certains arrangements
maritimes dans la mer de Timor , signé à Sydney le 12janvier2006, RTNU, vol.2483, p.359 (entré en vigueur le
23 février 2007), article 4.
454
Traité entre l’Australie et la République démocratique de Timor -Leste relatif à certains arrangements
maritimes dans la mer de Timor , signé à Sydney le 12janvier2006, RTNU, vol.2483, p.359 (entré en vigueur le
23 février 2007), article 3.
455 Traité entre l’Australie et la République démocratique de Timor -Leste relatif à certains arrangements

maritimes dans la mer de Timor , signé à Sydney le 12janvier2006, RTNU, vol.2483, p.359 (entré en vigueur le
23 février 2007), article 5 1) ; voir carte4: partage des recettes en amont ejuridiction sur les colonnes d’eau en
application du traité entre l’Australie et la République démocratiq ue de Timor-Leste relatif à certains arrangements
maritimes dans la mer de Timor (2007) (annexe 98).
456MTL, par. 1.8. - 108 -

1) laprorogation du traité sur la mer de Timor était l’un des objectifs du Timor-Leste, que celui-ci
l’a poursuivi tout au long des négociations portant sur le traité relatif à certains arrangements

maritimes dans la mer de Timor et que l’Australie y a consenti ;

2) le Timor-Leste et ses conseillers-experts connaissaient les estimations ayant trait aux ressources
des gisements de Greater Sunrise et qu’ils ont participé activement aux négociations concernant
le moratoire dans l’intention de s’assurer que le traité relatif à certains arrangements maritimes
dans la mer de Timor s’applique pendant une durée suffisante pour permettre l’exploitation et
l’épuisement complets desdites ressources ;

3) le fait que les gisements seront épuisés d’ici 2056 , qu’invoque le Timor-Leste, était bien connu
des deux Parties au moment des négociations, le report de cinquanteans des revendications
maritimes visant précisément à tenir compte de cette échéance ; et que

4) denouveauxgisementsd ’hydrocarbures pourraient être découverts dans la ZEPC et les fonds
marins environnants.

32. En conclusion, l ’argumentation du Timor-Leste concernant l’arbitrage et le régime
conventionnel régissant la mer de Timor est erronée à d’importants égards , et sélective ou
incomplète à d’autres. Ces considérations étant par ailleurs dépourvues de pertinence aux fins de la
présente instance, la Cour devrait les ignorer.

___________ - 109 -

LISTE DES ANNEXES

Volume I : annexes 1-28

N o Titre

Documents de l’Organisation des Nations Unies

1 Conférence des Nations Unies sur l’Organisation internationale, rapport du rapporteur du
comité I/1/A à la commission I/1, chapitre II, doc. 739 I/1/A/19 a), 1 juin 1945

2 Conférence des Nations Unies sur l’Organisation internationale, procès -verbal de la
deuxième séance de la commission I, doc.1123 I/8, 20 juin 1945

3 Conférence des Nations Unies sur l’Organisation internationale, rapport du rapporteur de la
commission I à la séance plénière, doc. 1179, 24 juin 1945

Décisions judiciaires
4 Regina v. Shayler [2002], 2 WLR 754 [extrait]

5 Attorney-General v. Guardian Newspapers Ltd and others (No.2) [1988], 2 WLR 805
[extrait]

6 United States v. Marchetti, 466 F 2d 1309 (1972)

7 Mann v. Carnell (1999), 201 CLR 1 [extrait]
nd
8 U.S. v. Bilzerian, 926 F.2d 1285 (2 Cir. 1991) [extrait]
9 Esso Australia Resources Ltd. v. Commission of Taxation (1999), 201 CLR 49 [extrait]

10 Affaire du Lac Lanoux (Espagne/France) (1957), RSA, vol. XII [extrait]

11 Juan Ysmael & Co. Inc. c. Gouvernement indonésien [1955], AC 72

12 Wentworth v. De Montfort (1988), 15 NSWLR 348

13 Breen v. Williams (1996), 186 CLR 71 [extrait]
14 Leicestershire County Council v. Michael Faraday & Partners Ltd [1941], 2KB205

[extrait]
15 Re Thomson [1855] 20 Beav 545

16 A v. Hayden (1984), 156 CLR 532 [extrait]

17 North v. Marra Developments Ltd (1981), 148 CLR 42 [extrait]

18 Shearson Lehman Brothers Inc. v. Maclaine, Watson & Co Ltd, International Tin Council
Intervening (No. 2) [1988], 1 WLR 16

19 Westminster City Council v. Government of the Islamic Republic of Iran [1986], 1 WLR
979

20 Controller and Auditor-General v. Sir Ronald Davison [1996], 2 NZLR 278 [extrait]
21 Precision Data Holdings Ltd v. Wills(1991), 173 CLR 167 [extrait]

22 Re Ranger Uranium Mines Pty Ltd; Ex parte Federated Miscellaneous Workers’ Union of
Australia (1987), 163 CLR 656 [extrait]

23 Attorney-General (Commonwealth) v. Alinta Ltd (2008), 233 CLR 542 [extrait]

24 R v. Trade Practices Tribunal; Ex parte Tasmanian Breweries Pty Ltd (1970), 123 CLR
361 [extrait] - 110 -

o
N Titre
25 Grollo v. Palmer (1995), 184 CLR 348 [extrait]

26 Love v. Attorney-General (NSW) (1990), 169 CLR 307 [extrait]

27 Rose v. The King [1947], 88 CCC 114 [extrait]

28 Fayed v. Al-Tajir [1988], 1 QB 712

Volume II : annexes 29-73

Doctrine

29 M. Benzing, «Evidentiary Issues» [«Questions de preuve»], in AZ. immermann,
C. Tomuschat, K. Oellers-Frahm et C. Tams (dir. publ.), The Statute of the International
Court of Justice: A Commentary (2 éd., Oxford University Press, 2012) [extrait]

30 B. Thanki QC (dir. publ.), The Law of Privilege (Oxford University Press, 2011) [extrait]

31 J. Auburn, Legal Professional Privilege: Law and Theory (Hart Publishing, 2000) [extrait]
32 J.Koshikawa, «The Transfer of Chattels in the Conflict of Laws: Some Aspects of

Transnational Law in Japan » (1971-1972), 21 The American University Law Review 513
[extrait]
33 C.Staker, «Public International Law and the Lex Situs Rule in Property Conflicts and

Foreign Expropriations » (1988), 58 British Year Book of International Law 1987 151
[extrait]
e
34 N.Seddon, R.Bigwood et M.Ellinghaus, Cheshire & Fifoot Law of Contract (10 éd.,
LexisNexis Butterworths, 2012) [extrait]

35 G. E. Dal Pont (dir. publ.), Halsbury’s Laws of Australia (LexisNexis, mars2014),
[110-7280]
36 «Vienna Convention on Diplomatic Relations: Saudi Arabian Embassy Documents

[Convention de Vienne sur les relations diplomatiques : documents de l’ambassade
d’Arabie s aoudite]» dans S.J.Cummins et D.P.Stewart (dir.publ.), Digest of United
States Practice in International Law 2002 (International Law Institute) [extrait]

Législation australienne

37 Australian Security Intelligence Organisation Act (Cth) de 1979 [extrait]
38 Intelligence Services Act (Cth) de 2001 [extrait]

39 Criminal Code Act (Cth) de 1995 [extrait]

40 Crimes Act (Cth) de 1914 [extrait]

41 National Security Information (Criminal and Civil Proceedings) Act (Cth) de 2004 [extrait]
42 Legal Profession (Solicitors) Rules (ACT) de 2007 [extrait]

43 Legal Profession Act (ACT) de 2006 [extrait]

44 Evidence Act (Cth) de 1995 [extrait]

45 Foreign Passports (Law Enforcement and Security) Act (Cth) de 2005 [extrait]

46 Foreign States Immunities Act (Cth) de 1985 [extrait] - 111 -

o
N Titre
Législation timoraise

47 Décret-loi n° 3/2009 (Service de renseignement national) (Timor-Leste)

48 Décret-loi n°19/2009 (Code pénal de la République démocratique du Timor-Leste)
(Timor -Leste)

Autres législations
49 Tableau récapitulatif présentant des extraits de lois internes portant création de services de

renseignement
50 Tableau récapitulatif présentant la qualification des infractions que constitue dans différents
Etats la divulgation non autorisée d’informations classées secrètes

51 Tableau récapitulatif présentant des textes législatifs nationaux concernant le secret
professionnel des avocats et conseils et la confidentialité des communications: portée et

exceptions
Correspondance et engagements

52 Déclaration relative à l’exécution des mandats de perquisition par l’ASIO, faite par le
sénateur George Brandis QC, Attorney-General de l’Australie, en sa qualité de ministre, le
4 décembre 2013

53 Lettre en date du 23 décembre 2013 adressée à M. David Irvine AO, directeur général de la
sécurité, par le sénateur George Brandis QC, Attorney-General de l’Australie

54 Engagement écrit du sénateur George Brandis QC, Attorney-General de l’Australie,
Questions concernant la saisie et la détention de certains documen ts et données
(Timor -Leste c. Australie), 21 janvier 2014

55 Lettre en date du 16décembre2013 adressée à DLA Piper par le Solicitor du
Gouvernement australien

56 Lettre en date du 19décembre2013 adressée à DLA Piper par le Solicitor du
Gouvernement australien

57 Lettre en date du 24décembre2013 adressée à DLA Piper par le Solicitor du
Gouvernement australien

Articles de presse

58 Gouvernement du Timor-Leste, secrétariat d’Etat chargé de la politique en matière de
formation professionnelle et d’e mploi, programme relatif aux travailleurs saisonniers
2012 -2014, 30 avril 2014

59 Gouvernement australien, communiqué de pr esse, ambassade d’Australie à Dili, «Les
«travailleurs saisonniers» du Timor-Leste quittent le Territoire du nord», 30 avril 2014

60 M.Wilkinson et P.Cronau, «Drawing the Line», Four Corners, Australian Broadcasting
Corporation, 17 mars 2014 [transcription]
61 Y.Katz, «Iran hangs two spies for spying for Israel, US [Deux personnes accusées

d’espionnage pour le compte d’Israël et d es Etats-Unis pendues en Iran]», The Jerusalem
Post, 19 mai 2013
62 «Italy finds cocaine in Ecuador diplomatic pouch: Quito» [«De la cocaïne dans une valise

diplomatique équatorienne en Italie»], Agence France Presse, 10 février 2012
63 J. Bargent, «Ecuador tightens controls on dipl omatic mail after cocaine scandal» [«Affaire

de la cocaïne : l’Equateur resserre les contrôles applicables au courrier diplomatique»],
Insight Crime, 14 janvier 2013 - 112 -

o
N Titre
64 R.Tagg, «Cocaine found in diplomats baggage» [«De la cocaïne retrouvée dans les

bagages d’un diplomate»], The Sunday Times, 26 octobre 2003
65 J.Witherow, «Embassy official jailed for drug smuggling » [«Un employé d’ambassade

emprisonné pour trafic de drogue»], The Times, 16 octobre 1980
66 «Gagged man in diplomatic trunk» [«Un homme bâillonné et ligoté retrouvé dans une
malle diplomatique»], The Times, 18 novembre 1964

67 «Italy charges U.A.R Embassy Men» [«Des employés de l’ambassade des E.A.U. inculpés
en Italie»], The Times, 23 novembre 1964

68 «Trunk man remanded in Israel» [« L’homme retrouvé dans une malle diplomatique déféré
en Israël»], The Times, 27 novembre 1964

69 D. Welch, «Australian’s passport seized in Jordan [Un passeport australien saisi en
Jordanie]», The Sydney Morning Herald, 14 novembre 2011

70 J. Preston, «Guatemala protests arrest of 3 in Florida over passports [Le Guatemala proteste
contre l’arrestation de 3 de ses ressortissants en Floride pour une question de passeport]»,
The New York Times, 19 janvier 2010

71 «Pak may protest seizure of Shoaib’s passport [Le Pakistan risque de protester contre la
saisie du passeport de Shoaib]», The Indian Express, 5 avril 2010

Autres

72 Extrait du portail électronique du Timor-Leste consacré à la passation des marchés publics,
montrant la liste des contrats octroyés depuis 2010 à M. Bernard Collaery pour des
«services de conseil»

73 Charge Sheet, Manning, Bradley, E.

Volume III : annexes 74-98

Annexes confidentielles

74 Engagement écrit du sénateur George Brandis QC, Attorney-General de l’Australie, daté du
19 décembre 2013 et relatif à l’Arbitrage en vertu du traité sur la mer de Timor

75 Lettre en date du 6mars2008 adressée à «K» par M.IanCarnell, inspecteur général des
services de renseignement et de sécurité de l’Australie [version expurgée]

76 Lettre en date du 12 mai 2008 adressée à M. Ian Carnell, inspecteur général des services de
renseignement et de sécurité de l’Australie, par «K» [version expurgée]

77 Déclaration de confidentialité des fonctionnaires du Gouvernement et des forces armées,
signée par «K» le 27 mai 1987 [version expurgée]

78 Accord de confidentialité conclu entre er Directeur général de l’ASIS et «K» le
29 novembre 1999 et signé par «K» le 1 décembre 1999 [version expurgée]

79 Accord de confidential ité conclu entre le Directeur général de l’ASIS et «K» le
7 janvier 2002 et signé par «K» le 4 janvier 2002 [version expurgée]

80 Entretien de cessation de fonctions de «K», 30 octobre 2006 (extrait) [version expurgée]
81 Engagement de confidentialité signé par M.Bernard Collaery le 29mai2008 [version

expurgée ] - 113 -

o
N Titre
82 Lettre en date du 7juillet2014 adressée à M.Garth Schofield, conseil juridique devant la

Cour permanente d’arbitrage, par M. Joaquim da Fonseca, ambassadeur du Timor- Leste
auprè s du Royaume-Uni

83 Mandat de perquisition émis le 2décembre 2013 en vertu de l’article 25 de l’ Australian
Security Intelligence Organisation Act de 1979 [version expurgée]
84 o
Liste des biens saisis n A 228909  A 228915, 5 Brockman St., 3 décembre 2013
[version expurgée]
85 Cour permanente d’arbitrage, procès -verbal de la première réunion de procédure entre le

Timor-Leste et l’Australie à La Haye, Arbitrage en vertu du traité sur la mer de Timor ,
5 décembre 2013

86 Australie, déclaration relative aux procédures juridiques internes,Arbitrage en vertu du
traité sur la mer de Timor 5 décembre 2013

87 Lettre en date du 5décembre2013 adressée à M.JoaquimdaFonseca, ambassadeur du
Timor -Leste auprès du Royaume-Uni, par M. Bernard Collaery
88 Lettre en date du 1décembre 2013 adressée au sénateur George Brandis QC,

Attorney-General de l’Australie, par un client de M. Collaery [version expurgée]
89 Cour permanente d’arbitrage, compte rendu de l’audience concernant la demande de

l’Australie tendant à ce que certaines déclarations de témoins soient jugées irrecevables,
Arbitrage en vertu du traité sur la mer de Timor, 29 mars 2014

90 Merrill Corporation, compte rendu de réunion entre le Timor- Leste et l’Australie à
Bangkok, Arbitrage en vertu du traité sur la mer de Timor, 18 février 2013
91 Timor-Leste, réponse du Timor- Leste à la demande de l’Australie tendant à ce que

certaines déclarations de témoi ns soient jugées irrecevables, Arbitrage en vertu du traité
sur la mer de Timor, 28 février 2014

92 Timor-Leste, notification d’arbitrage, Arbitrage en vertu du traité sur la mer de Timor ,
23 avril 2013

93 Australie, demande tendant à ce que certaines déclarations de témoins soient jugées
irrecevables,Arbitrage en vertu du traité sur la mer de Timor, 31 janvier 2014
94 Carte 1 a) (croquis) : arrangements maritimes consolidés entre l’Australie, l’Indonésie et le

Timor-Leste
95 Carte 1 b) (image) : arrangements maritimes consolidés entre l’Australie, l’Indonésie et le

Timor -Leste
96 Carte 2 : zone d’exploitation pétrolière commune (ZEPC) établie par le traité sur la mer de

Timor (2002)
97 Carte3: unitisation et répartition des gisements gaziers de Greater Sunrise en application
de l’accord entre le Gouvernement de l’Australie et le Gouvernement de l a République

démocratique de Timor -Leste concernant l’Unitisation des champs de Sunrise et de
Troubadour (2007)

98 Carte 4 : partage des recettes en amont et juridict ion sur les colonnes d’eau en application
du traité entre l’Australie et la République dé mocratique de Timor-Leste relatif à certains
arrangements maritimes dans la mer de Timor (2007)

___________- 114 - - 115 -

ANNEXE 1

CONFÉRENCE DES N ATIONS UNIES SUR L’ORGANISATION INTERNATIONALE ,
RAPPORT DU RAPPORTEUR DU COMITÉ I/1/AÀ LA COMMISSION I/1,
CHAPITRE II,DOC . 739 I/1/A/A), 1RJUIN1945Annex 1
- 116/124 -

180 Annex 1
- 117/124 -

181Annex 1
- 118/124 -

182 Annex 1
- 119/124 -

183Annex 1
- 120/124 -

184 Annex 1
- 121/124 -

185Annex 1
- 122/124 -

186 Annex 1
- 123/124 -

187Annex 1
- 124/124 -

188 - 125 -

A NNEXE 2

CONFÉRENCE DES NATIONS U NIES SUR ’ORGANISATION INTERNATIONALE ,

PROCÈS VERBAL DE LA DEUXIÈME SÉANCE DE LA COMMISSION I,
DOC. 1123 I/8,2JUIN1945Annex 2
- 126/148 -

208 Annex 2
- 127/148 -

209Annex 2
- 128/148 -

210 Annex 2
- 129/148 -

211Annex 2
- 130/148 -

212 Annex 2
- 131/148 -

213Annex 2
- 132/148 -

214 Annex 2
- 133/148 -

215Annex 2
- 134/148 -

216 Annex 2
- 135/148 -

217Annex 2
- 136/148 -

218 Annex 2
- 137/148 -

219Annex 2
- 138/148 -

220 Annex 2
- 139/148 -

221Annex 2
- 140/148 -

222 Annex 2
- 141/148 -

223Annex 2
- 142/148 -

224 Annex 2
- 143/148 -

225Annex 2
- 144/148 -

226 Annex 2
- 145/148 -

227Annex 2
- 146/148 -

228 Annex 2
- 147/148 -

229Annex 2
- 148/148 -

230 - 149 -

A NNEXE 3

CONFÉRENCE DES NATIONS U NIES SUR ’ORGANISATION INTERNATIONALE ,

RAPPORT DU RAPPORTEUR DE LA COMMISSION IÀ LA SÉANCE PLÉNIÈRE,
DOC . 1179, 2JUIN1945- 150/158 -- 151/158 -- 152/158 -- 153/158 -- 154/158 -- 155/158 -- 156/158 -- 157/158 -- 158/158 - - 159 -

A NNEXES 4 À9

[NON TRADUITES ]

___________ - 160 -

A NNEXE 10

AFFAIRE DU L AC LANOUX (E SPAGNE /FRANCE ) (1957), RSA,VOL . XII EXTRAIT ]

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Le lac Lanoux est situé sur le versant sud des Pyrénées et sur le territoire de la
République Française, dans le département des Pyrénées-Orientales. Il est alimenté par des
ruisseaux qui tous prennent naissance sur le territoire

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Mais il n’est pas allégué que les travaux dont il s’agit aient pour but, en dehors de la

satisfaction des intérêts français, de créer un moyen de nuire aux intérêts espagnols, au moins
éventuellement; cela serait d’autant plus invraisemblable que la France ne pourrait tarir que
partiellement les ressources constituant le débit du Carol, qu’elle frapperait aussi toutes les terres
françaises irriguées par le Carol et qu’elle s’exposerait, sur toute la frontière, à de redoutables
représailles.

D’autre part, les propositions du Gouvernement français qui font partie intégrante de son
projet comportent «l’assurance qu’il ne portera, en aucun cas, atteinte au régime ainsi établi»
(annexe 12 du Mémoire français). Le Tribunal doit donc répondre à la question posée par le
Compromis sur la base de cette assurance. Il ne saurait être allégué que, malgré cet engagement,
l’Espagne n’aurait pas une garantie suffisante, car il est un principe général de droit bien établi
selon lequel la mauvaise foi ne se présume pas. Il n’a d’ailleurs pas été soutenu qu’à aucune

époque un des deux Etats ait violé sciemment, aux dépens de l’autre, une règle relative au régime
des eaux. Par ailleurs, tout en s’inspirant d’un juste esprit de réciprocité, les Traités de Bayonne
n’ont institué qu’une égalité juridique, non une égalité de fait. S’il en était autrement, ils auraient
dû interdire, des deux côtés de la frontière, toutes les installations et travaux d’ordre militaire qui
peuvent assurer à l’un des Etats une prépondérance de fait dont il peut se servir pour violer ses
engagements internationaux. Mais il faut aller plus loin encore; l’emprise croissante de l’homme

sur les forces et les secrets de la nature a remis en ses mains des instruments dont il peut se servir
tant pour violer ses engagements que pour le bien commun de tous ; le risque d’un mauvais emploi
n’a pas conduit, jusqu’à présent, à soumettre la détention de ces moyens d’action à l’autorisation
des Etats éventuellement menacés. Même si l’on se plaçait uniquement sur le terrain des relations
de voisinage, le risque politique allégué par le Gouvernement espagnol ne présenterait pas un
caractère plus anormal que le risque technique dont il a été parlé plus haut. En tout cas, on ne

trouve ni dans le Traité et l’Acte additionnel du 26 mai 1866, ni dans le droit international commun
une règle qui interdise à un Etat, agissant pour la sauvegarde de ses intérêts légitimes, de se mettre
dans une situation qui lui permette, en fait, en violation de ses engagements internationaux, de
préjudicier même gravement à un Etat voisin.

Il reste encore à apprécier si le projet français est contraire aux règles de fond posées par

l’article 11. Cette question sera examinée plus loin, dans le cadre général de cet article
(cf. par. 24). Sous cette dernière réserve, le Tribunal répond négativement à la première question,
énoncée au paragraphe 3 a.

___________ - 161 -

A NNEXES 11 À28

[NON TRADUITES ]

___________

Document file FR
Document
Document Long Title

Contre-mémoire de l'Australie

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