Exposé de M. Marc Mangel (expert nommé par l'Australie)

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17404
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334
APPENDICE2

M. MANGEL , NA SSESSMENT OFJAPANESE WHALE R ESEARCH PROGRAMS U NDERS PECIAL

PERMIT IN THEANTARCTIC (JARPA,JARPAII) ASPROGRAMS FOR P URPOSES OFSCIENTIFIC
R ESEARCH IN THC ONTEXT OFC ONSERVATION ANDM ANAGEMENT OF W HALES AVRIL 2011

[ÉVALUATION DES PROGRAMMES JAPONAIS DE RECHERCHE SCIENTIFIQUE SUR LES BALEINES

DANS L’ANTARCTIQUE AU TITRE UN PERMIS SPÉCIA(JARPA,JARPA II) EN TANT QUE
PROGRAMMES MENÉS À DES FINS DE RECHERCHE SCIENTIFIQUE DANS LE CADRE
DE LA CONSERVATION ET DE LA GESTION DES BALEI]ES

Marc Mangel, PhD, FAAAS, FRSE
Université de Californie
Santa Cruz

335 À propos de l’auteur

Marc Mangel, PhD, est «Distinguished Professor» en mathématiques et statistiques
appliquées, et titulaire de la chaire financée par Jack Baskin en gestion des technologies et de
l’information à l’Université de Californie Santa Cruz (UCSC). Il dirige également le Center for
Stock Assessment Research (Centre de recherche sur l’évaluation des stocks), un programme de

coopération entre la Fisheries Ecology Division, le Southwest Fisheries Science Center, NOAA
Fisheries et l’UCSC, destiné à former les étudiants et les post-doctorants aux méthodes de biologie
quantitative des populations nécessaires à une pêche durable. Il a notamment été distingué par un
Fellowship de l’American Association for the Advancement of Science et de la Royal Society of

Edinburgh. Une biographie plus détaillée est fournie en Appendice A. - 2 -

Table des matières
336

1. Résumé........................................................................................................................................... 3

2. Introduction.................................................................................................................................... 4

3. Tour d’horizon de la chasse à la baleine dans l’Antarctique.......................................................... 5

4. Caractéristiques d’un programme mené à des fins de recherche scientifique.............................. 13

5. Description et évaluation de Jarpa et Jarpa II en tant que programmes menés à des fins de

recherche scientifique dans le cadre de la conservation et de la gestion des baleines ................ 21

Les observations..................................................................................................................... 26

La prise létale......................................................................................................................... 27

Autres outils........................................................................................................................... 27

Établir un lien entre les méthodes et les objectifs.................................................................. 28

Définition de la taille des échantillons................................................................................... 29

Établissement de liens entre les modèles mathématiques et les données............................... 31

Un programme mené à des fins de recherche scientifique prévoit un examen périodique
des propositions et résultats de recherche, suivi d’un éventuel ajustement........................... 32

Un programme mené à des fins de recherche scientifique dans le cadre de la conservation
et de la gestion des baleines est conçu de manière à éviter d’éventuelles répercussions
négatives sur les populations étudiées ................................................................................... 34

6. Conclusion.................................................................................................................................... 35

7. Bibliographie .............................................................................................................................. 38

8. Appendices Appendice A Eléments biographiques sur Marc Mangel...................................... 44 - 3 -

337 1. R ÉSUMÉ

1.1. Dans le présent rapport d’expertise, je procède à une évaluation des programmes

japonais de recherche scientifique sur les baleines dans l’Antarctique au titre d’un permis spécial,
JARPA et JARPA II, en tant que programmes menés à des fins de recherche scientifique dans le
cadre de la conservation et de la gestion des baleines, conformément aux pratiques et critères
scientifiques généralement admis, tels qu’ils ont été établis par la commission baleinière
internationale (CBI), en matière de recherches effectuées au titre d’un permis spécial.

1.2. Je commencerai par un tour d’horizon de la chasse à la baleine dans l’océan Austral, qui
entre dans l’évaluation des programmes JARPA et JARPA II en tant que programmes menés à des

fins de recherche scientifique dans le cadre de la conservation et de la gestion des baleines.
J’expliquerai en quoi la procédure de gestion révisée (RMP) de la CBI constitue un progrès en
matière de concept de gestion et permet une conservation et une gestion judicieuses des baleines,
ne nécessitant pas de disposer de connaissances biologiques précises ni d’avoir recours à des
données obtenues par des méthodes létales.

1.3. Conformément aux pratiques et critères scientifiques généralement admis, établis par le

comité scientifique de la CBI, mon avis est qu’un programme mené à des fins de recherche
scientifique dans le cadre de la conservation et de la gestion des baleines doit présenter les
caractéristiques essentielles suivantes :

a) avoir des objectifs bien définis et atteignables, conçus pour apporter des connaissances utiles à
la conservation et à la gestion des peuplements baleiniers ;

b) utiliser des méthodes adaptées permettant d’atteindre les objectifs annoncés, étant entendu que :

i. les méthodes létales ne doivent être utilisées que si les objectifs de la recherche ne peuvent

être atteints par d’autres moyens (par exemple, par l’analyse des données existantes ou le
recours à des techniques de recherche non létales) ;

ii. la taille des prélèvements doit être déterminée à l’aide de méthodes statistiques reconnues ;
et

iii. des liens cohérents doivent être établis entre les modèles mathématiques et les données ;

c) prévoir un examen périodique des propositions et résultats de recherche, suivi d’un éventuel

ajustement ;

d) être conçu de façon à éviter d’éventuelles répercussions négatives sur les populations étudiées.

1.4. J’évaluerai ensuite les programmes JARPA et JARPA II à l’aune de ces critères, puis
conclurai qu’ils n’en respectent aucun.

1.5. Premièrement, tout comme JARPA, le programme JARPA II n’a pas d’objectifs bien

définis et atteignables, conçus pour apporter des connaissances utiles à la conservation et à la
gestion des baleines. Tout comme JARPA, le programme JARPA II a des objectifs généraux et
338 vagues qui font l’amalgame entre exploration et exploitation. Les objectifs annoncés de ces deux
programmes pourraient être utilisés pour justifier quasiment n’importe quelle activité que le Japon
souhaiterait mener. La contribution de ces programmes à la gestion n’est toujours pas démontrée - 4 -

après 24 ans d’existence et l’éventualité que le programme JARPA II apporte des connaissances
nouvelles en matière de conservation et de gestion des baleines est très faible, voire nulle.

1.6. Deuxièmement, tout comme JARPA, le programme JARPA II n’utilise pas des
méthodes adaptées permettant d’atteindre ses objectifs annoncés. Bien que plusieurs méthodes
empiriques soient en principe utilisées dans le cadre de ce programme, la majorité des efforts porte
sur les prises létales, alors que les données générées par de telles méthodes sont problématiques et
qu’il existe d’autres méthodes, non létales, permettant de recueillir la quasi-totalité de ces
informations. Le raisonnement qui préside à la fixation de la taille des échantillons (le nombre

d’animaux mis à mort) et à la distribution des opérations d’échantillonnage est vague, peu clair, et
parfois tout simplement erroné. Les liens entre les modèles d’écosystèmes proposés et les
opérations de terrain, en particulier les prises létales, sont faibles et manquent de clarté.

1.7. Troisièmement, la plupart des travaux effectués dans le cadre des programmes JARPA
et JARPA II sont publiés hors du circuit classique des revues à comité de lecture. Seuls
15 % environ des articles publiés ont été relus par des spécialistes et sont potentiellement pertinents

au regard des objectifs annoncés. Le personnel des programmes JARPA et JARPA II n’a pas
démontré sa capacité à répondre aux critiques ou à reconnaître ses erreurs.

1.8. Quatrièmement, rien n’indique qu’une attention particulière ait été portée dans la
conception des programmes JARPA ou JARPA II au fait d’éviter des répercussions négatives
involontaires ; en effet, les programmes sont menés en partant du principe que la capture n’aura

aucun effet sur la population.

1.9. Ma conclusion est que, tout comme JARPA, le programme JARPA II est une activité
destinée à recueillir des données dans l’océan Austral. Toutefois, ces deux programmes n’ont pas
été en mesure de transformer ces données en connaissances ni d’améliorer la conservation et la
gestion des baleines. JARPA II n’est pas un programme mené à des fins de recherche scientifique
dans le cadre de la conservation et de la gestion des baleines.

339
2. INTRODUCTION

2.1. J’ai été sollicité par le Gouvernement australien afin de préparer un rapport indépendant
sur la deuxième phase du programme japonais de recherche scientifique sur les baleines dans
l’Antarctique au titre d’un permis spécial (JARPA II) et les questions y afférentes. Le mandat qui
m’a été confié se trouve en Appendice B. En résumé, il m’a été demandé :

d’identifier et de présenter de façon générale les caractéristiques essentielles d’un programme
mené à des fins de recherche scientifique ; et

de fournir une analyse critique des objectifs, méthodes et autres caractéristiques du programme
JARPA II et, ce faisant, d’évaluer si ce programme possède les caractéristiques essentielles
d’un programme mené à des fins de recherche scientifique.

2.2. Des documents de référence, décrits brièvement à l’appendice C, m’ont été remis.

2.3. Afin de mener à bien cette évaluation, il est essentiel de comprendre quelles sont les
caractéristiques d’un programme mené à des fins de recherche scientifique de façon générale, et
dans le cadre spécifique de la conservation et de la gestion des baleines. Il est également essentiel - 5 -

de comprendre la nature du programme JARPA II (et de son prédécesseur JARPA), afin de

déterminer s’ils répondent aux caractéristiques d’un programme mené à des fins de recherche
scientifique dans le cadre de la conservation et de la gestion des baleines.

2.4. Dans ce rapport, je me propose :

a) de fournir un tour d’horizon rapide de la chasse à la baleine dans l’Antarctique, en insistant sur
les points clés pertinents pour l’analyse qui va suivre ;

b) d’identifier les caractéristiques essentielles d’un programme mené à des fins de recherche
scientifique de façon générale, et dans le cadre spécifique de la conservation et de la gestion des
baleines ;

c) de présenter les aspects pertinents des programmes JARPA et JARPA II et de les évaluer au
regard des caractéristiques essentielles d’un programme mené à des fins de recherche
scientifique en général et dans le cadre spécifique de la conservation et de la gestion des
baleines ; et

d) de conclure par une synthèse de cette évaluation.

340
3. TOUR D HORIZON DE LA CHASSE À LA BALEINE DANS L ’ANTARCTIQUE

3.1. Dans sa forme moderne, la chasse à la baleine à des fins commerciales commence au
début du XX siècle, à partir de stations terrestres (Mackintosh 1965). La première station de
chasse à la baleine dans l’Antarctique est établie en Géorgie du Sud en 1904. Dans les îles Shetland

du Sud et les îles Orcades du Sud, la chasse à la baleine s’effectue presque exclusivement à partir
d’usines flottantes, qui sont en fait des pétroliers équipés d’une usine et amarrés à un port pour
servir de station terrestre flottante. La chasse à la baleine à partir d’une station terrestre prévaut
de 1904 à 1928, avant de laisser place à la grande ère de la chasse pélagique (en pleine mer).
Vers 1930/31, on dénombre 41 usines pélagiques et plus de 200 navires baleiniers à l’œuvre dans
l’Antarctique.

3.2. Toutefois, au cours de la campagne de chasse dans l’Antarctique 1930/31, la production
d’huile de baleine dépasse la quantité pouvant être absorbée par le marché mondial. Les
compagnies baleinières décident alors de limiter leur production et mettent au point un plan de
régulation des captures en fonction de la quantité d’huile produite. Dans la mesure où les captures à
e
des fins commerciales du début du XX siècle visent essentiellement la baleine bleue, le rorqual
commun, le rorqual boréal (autrement appelé «rorqual de Rudolf») et la baleine à bosse
(Mackintosh 1965), on tente de mettre en place un système d’équivalences. Une baleine bleue est
ainsi considérée comme équivalant à 2 rorquals communs, à 2,5 baleines à bosse ou à 6 rorquals
boréaux, ce qui aboutit à la création du concept d’»unité de baleine bleue» (Blue Whale Unit,
BWU) (Gambell 1999, Gillespie 2005).

3.3. Dans la figure ci-dessous (issue de Bannister 2002), je montre les tailles relatives de
certaines des baleines.

3.4. La baleine bleue, le rorqual commun, la baleine à bosse et le rorqual boréal étaient
appelés les grandes baleines. Lors de la création du système d’équivalences BWU, les petits

rorquals n’étaient pas considérés comme présentant un intérêt pour la chasse à la baleine à des fins
commerciales en raison de leur taille modeste. Tønnessen et Johnsen (1982) ont observé que, si les
petits rorquals avaient été inclus dans le système d’équivalences, une BWU aurait représenté 30,
voire 60 petits rorquals. - 6 -

341

Baleine du Groenland

Baleine franche

Baleine pygmée Humain

Baleine grise

Baleine bleue

Petit rorqual

Baleine à bosse

La commission baleinière internationale

3.5. La commission baleinière internationale (CBI) (Gambell 1999, Donovan 2002), instance
intergouvernementale, est chargée, entre autres, de réguler la chasse à la baleine dans l’océan
Austral. La CBI a été créée en 1946 par la convention internationale pour la réglementation de la

chasse à la baleine. La convention se décompose en deux parties : la convention elle-même et un
règlement y annexé, destiné à régir les opérations de chasse à la baleine. Les parties contractantes à
la convention s’engagent à :

a) sauvegarder, au profit des générations futures, les grandes ressources naturelles représentées par
l’espèce baleinière ;

b) protéger toutes les espèces de baleines contre la prolongation de l’exploitation excessive ;

c) faire en sorte que les peuplements baleiniers atteignent leur niveau optimum ;

d) donner à certains peuplements baleiniers actuellement insuffisants le temps de se reconstituer ;
et - 7 -

e) instituer un système de réglementation internationale de la chasse à la baleine qui soit de nature
342 à assurer d’une manière appropriée et efficace la conservation et l’accroissement des
peuplements baleiniers (Gillespie, p. 396-397).

3.6. La CBI dispose d’un comité scientifique qui se réunit chaque année, généralement
pendant deux semaines en amont de la réunion annuelle de la commission, et qui organise
également des réunions ad hoc entre les sessions.

3.7. Dès sa création et jusqu’à 1972 environ, la CBI a utilisé le système d’équivalences
BWU pour réguler la chasse à la baleine. La limite globale de capture fut initialement fixée à
16 000 BWU, sans précision d’espèces spécifiques, à l’exception de quelques-unes (par exemple,

les baleines franches ou les baleines à bosse) qui sont désignées comme protégées. Il s’agit
essentiellement d’une pêche à accès libre (telle que définie par Clark 2006) : les nations se livrent
alors à une véritable course pour capturer le plus de baleines possible avant que le quota ne soit
atteint, ce qui génère des déchets pendant le traitement et aboutit à une augmentation peu rentable
du nombre de navires baleiniers et à une mauvaise conservation des baleines (Donovan 2002). En
outre, les quotas sont souvent dépassés. À partir de 1952, on observe une prise de conscience des
problèmes liés à cette procédure de gestion et en 1963, un petit groupe d’éminents scientifiques

nommés par la CBI recommande la suppression du système d’équivalences comme méthode de
fixation des limites de capture (Clapham et Baker 2002). À partir de 1971/72, la limite de capture
est ramenée à 2 300 BWU et les baleines bleues et à bosse sont protégées de la chasse à la baleine à
des fins commerciales.

Fondamentaux des dynamiques de population

3.8. Je vais à présent décrire brièvement comment se caractérisent les dynamiques de
population, et fournir également une partie de la terminologie utilisée dans la gestion et la

conservation des baleines.

3.9. Dans les dynamiques de population, l’un des éléments centraux est l’évolution des
effectifs d’une année sur l’autre. On appelle cette notion la production nette, mesurée très
simplement comme étant le nombre d’individus d’une année moins le nombre d’individus de
l’année précédente. Cette production nette dépend normalement des effectifs actuels de la
population et correspond généralement au point culminant de la courbe correspondant aux effectifs

actuels de la population, comme le montre la figure ci-après : - 8 -

343

RMR

Production de l’année

NRMR

Effectif de population actuel

3.10. Lorsqu’il n’y a aucun individu et en l’absence d’immigration, la production nette est de zéro
puisqu’en l’absence d’individus, il est impossible de produire de nouveaux individus.

3.11. Lorsqu’il y a beaucoup d’individus (point indiqué par la lettre K sur l’axe des
abscisses), la production nette est également de zéro, car la compétition que se livrent les individus
pour se nourrir maintient l’équilibre entre les naissances et les décès (les taux de naissances et de
décès, ce dernier étant généralement dénommé taux de mortalité, sont appelés les paramètres

démographiques (ou biologiques) de la population). Lorsqu’on atteint un tel équilibre entre les
naissances et les décès, la population est dite en état de capacité porteuse. En l’absence de variation
des conditions environnementales, c’est à cet effectif que la population se stabiliserait si elle restait
inexploitée.

3.12. L’effectif de population permettant de maximiser la production nette est appelé le

niveau de rendement maximum de renouvellement (NRMR) et le niveau de production associé à
cet effectif est appelé le rendement maximum de renouvellement (RMR). Les captures supérieures
au RMR indiqué par le pic de la courbe présentée au paragraphe 3.8 ne sont pas viables, puisque
davantage d’individus sont prélevés de la population que celle-ci ne peut en produire. Le taux de
RMR (TRMR) est le ratio du RMR sur le NRMR. Pendant de nombreuses années, et encore
aujourd’hui dans certains cas, la gestion des pêches par rapport au RMR a été la règle.

3.13. Ricker (1975) définit le RMR comme «la capture ou le rendement moyen le plus
important pouvant être prélevé de façon continue dans une population dans les conditions
environnementales existantes». La définition de Ricker achoppe sur trois mots-clés : moyen,
344 continue et existantes. En effet, dans la nature, il n’existe pas de courbe unique telle que celle
présentée au paragraphe 3.8, mais plutôt un ensemble de courbes similaires, en fonction des
conditions environnementales (à la fois physiques et biologiques). Par exemple, l’évolution de la
biomasse de krill parallèlement à l’évolution des températures aura des répercussions sur la - 9 -

capacité porteuse des baleines (Wiedenmann et al. 2008). À mesure que les conditions
environnementales varient, la forme de la courbe, la localisation de la capacité porteuse (K) et la

valeur du RMR peuvent également varier. En outre, si l’on ne connaît pas précisément la courbe ni
l’effectif actuel de population, on ne peut jamais savoir si la capture est viable, même en tablant sur
des conditions environnementales constantes. Par conséquent, les incertitudes et les variations
environnementales font du RMR un concept fragile à des fins de gestion.

3.14. Selon Larkin (1977), le RMR doit être supprimé, car il aboutit, entre autres, à des
rendements qui sont trop élevés et non viables. Il écrit : «peu importe ce que l’avenir nous réserve

en termes de nouveaux concepts relatifs à l’exploitation des ressources des mers et des océans, il
est certain que le concept de rendement maximum de renouvellement ne pourra pas suffire»
(Larkin 1977, 10). Le RMR doit ainsi être considéré comme une contrainte plutôt que comme un
objectif, puisqu’une exploitation supérieure au RMR n’est pas viable (Mangel et al. 2002).

La nouvelle procédure de gestion

3.15. À partir de 1972, la CBI abandonne le système d’équivalences BWU et décide, en
1974, de procéder à un réalignement de ses procédures de gestion par l’élaboration d’une nouvelle
procédure de gestion (NMP). La NMP est conçue pour calculer les limites de capture de
peuplements baleiniers à l’aide des principes fondamentaux des dynamiques de population décrits
aux paragraphes 3.8 à 3.14. Les objectifs de la NMP sont d’amener chacun des peuplements
baleiniers au niveau spécifique de population auquel le RMR peut s’appliquer et de protéger les

stocks dont les effectifs sont jugés inférieurs à une fraction définie de leur niveau d’exploitation
préindustriel (Gambell 1999, Donovan 2002).

3.16. La NMP a pour objectif de séparer les populations en trois catégories, en fonction de
l’écart entre l’effectif de chacune des populations et le NRMR (Gillespie 2005) :

a) populations en début d’exploitation (PDE, considérées comme supérieures à l’effectif
permettant de générer le RMR et pouvant donc être exploitées jusqu’à ce niveau) ;

b) populations à renouvellement naturel (PRN, proches de l’effectif permettant de générer le RMR
et qui se maintiendraient à ce niveau) ; et

c) populations protégées (PP, qui ne feraient pas l’objet d’une exploitation).

3.17. Toutefois, au fil du temps, il devient évident que la NMP pose de sérieux problèmes

(Cooke, 1995 ; de la Mare 1986abc, Holt 2004). La NMP s’appuie sur le RMR, alors qu’à l’époque
où elle a été proposée, les données nécessaires pour calculer le RMR sont insuffisantes. Deux
règles ad hoc sont donc ajoutées. Premièrement, les populations ayant fait l’objet de captures
stables pendant de longues périodes peuvent continuer à être exploitées tant qu’il n’est pas prouvé
345 qu’elles déclinent. Deuxièmement, pour les populations n’ayant pas auparavant fait l’objet d’une
exploitation importante, les captures seront limitées à 5 % de l’effectif estimé de la population. Il
s’agit là d’une règle de précaution, dans la mesure où les estimations de population doivent être

obtenues avant que l’exploitation ne puisse commencer. Toutefois, la NMP n’aborde pas la
question de l’intégration des incertitudes dans l’estimation des effectifs de population. En effet,
l’un des échecs de la NMP est qu’elle ne stipule pas les modalités d’utilisation des données
existantes dans l’évaluation de l’état de la population et qu’elle n’est pas en mesure d’intégrer de
façon rigoureuse les incertitudes relatives à l’état de la population (Cooke 1995, p. 652). - 10 -

3.18. Cooke (1995, p. 648) note :

«La principale difficulté d’utilisation de la NMP était que les données
nécessaires à sa mise en œuvre étaient insuffisantes. Pour la plupart des populations, il
n’existait pas d’estimation fiable de l’effectif, et encore moins d’estimation du RMR
ou de la corrélation entre la population actuelle et le niveau de RMR. En outre, il
n’existait pas d’incitation particulière à collecter ces données. Même en présence de
données d’assez bonne qualité, on aurait tout de même constaté des incertitudes
importantes concernant l’état des peuplements baleiniers au regard des critères de la

NMP. Or, il n’existait aucune ligne directrice quant à la façon de gérer ces
incertitudes. Enfin, le «comportement» de la procédure était inconnu. Il faut entendre
par là les conséquences prévisionnelles à long terme de l’application de cette
procédure aux peuplements baleiniers.»

En raison des incertitudes liées aux estimations d’effectifs de population, il était en effet toujours
possible que les peuplements baleiniers déclinent malgré le strict respect de la NMP et l’adéquation
des dynamiques de population de baleines avec les hypothèses retenues dans la NMP (Cooke

1995).

346
Le moratoire de 1982 sur la chasse à la baleine à des fins commerciales

3.19. En 1982, la CBI adopte le moratoire sur la chasse à la baleine à des fins commerciales,
et fixe à zéro les limites de capture pour l’ensemble des populations, avec entrée en vigueur à partir
des campagnes côtières de 1986 et pélagiques de 1985/86. Le moratoire interdisant la chasse à la

baleine à des fins commerciales est encore en vigueur à ce jour.

3.20. La mise en place du moratoire a notamment été décidée afin de laisser le temps à la
CBI d’établir une estimation fiable des effectifs de population, tout en élaborant une procédure
permettant d’établir des limites de capture viables. Un moratoire sur la chasse à la baleine à des fins
commerciales permettait également à la CBI de mettre au point des mécanismes de régulation de
l’industrie baleinière afin d’éviter les problèmes rencontrés par le passé.

La procédure de gestion révisée

3.21. En raison des problèmes sérieux présentés par la NMP, la CBI passe près de dix ans à
élaborer une procédure de gestion révisée (RMP). Les objectifs spécifiques de la RMP sont les
suivants :

a) atteindre des limites de capture stables et, partant, rendre possible le développement ordonné et

la régulation de l’industrie baleinière ;

b) gérer le risque acceptable et faire en sorte d’éviter qu’une population ne décline au point que le
risque d’extinction devienne sérieux ; et

c) veiller au rendement maximal possible continu de chaque peuplement baleinier.

3.22. Afin d’atteindre les objectifs de la RMP, la CBI convient des points suivants (CBI
1994, 1999) :

a) la chasse à la baleine à des fins commerciales est autorisée uniquement pour les populations, les
zones et les campagnes pour lesquelles des limites de capture (calculées par le comité
scientifique et approuvées par la commission) sont en vigueur ; - 11 -

b) les captures atteignent leur niveau maximal lorsqu’une population est à 72 % de son niveau non
exploité ; et

c) les populations dont le niveau non exploité est inférieur à 54 % ne peuvent être chassées.

3.23. L’objectif de la RMP n’est pas d’essayer de calculer le RMR ou tout autre niveau
optimal, mais plutôt d’aboutir à une gestion judicieuse de la chasse, tout en tenant compte des
incertitudes inhérentes à l’écosystème de l’océan Austral. Holt (2004, p. xii-xiii) décrit la RMP
ainsi :

347 «Bien que la RMP s’appuie sur un modèle de population pour estimer l’état de
la population et calculer les limites de capture, il s’agit d’un modèle extrêmement
simplifié. Il ne cherche pas à reproduire la dynamique d’un quelconque peuplement
baleinier réel et n’inclut d’ailleurs pas de façon explicite de paramètres
démographiques, tels que le taux de mortalité naturelle. Ce modèle simplifié s’intègre
plutôt dans un algorithme élaboré librement qui a démontré, à l’aide de simulations,
qu’il pouvait répondre efficacement aux objectifs et résister aux erreurs et à d’autres

paramètres tels que les changements environnementaux.» (Holt 2004, p. xii-xiii, les
italiques sont de moi.)

3.24. Tout comme un bon joueur va estimer les chances que son adversaire possède telle ou
telle carte, la RMP s’appuie sur des méthodes statistiques afin de produire une distribution de
probabilités concernant la limite de capture et l’effectif de population actuel, mesuré comme étant

une fraction du niveau non exploité. Les limites de capture sont calculées à l’aide d’un algorithme
des limites de capture (ALC), qui fixe la limite de capture à 0 si l’abondance de la population est
jugée inférieure à 54 % de son niveau non exploité. Si l’abondance de la population est jugée
supérieure à 54 % de son niveau non exploité, la limite de capture est alors fixée à une fraction
spécifique de la population au-dessus de ce niveau.

3.25 Les données utilisées dans l’ALC comprennent uniquement :

a) les statistiques totales de captures sur la base des précédentes campagnes de chasse (données
passées) ; et

b) les données obtenues dans le cadre d’observations, au cours desquelles les navires suivent un
itinéraire défini et comptent le nombre de baleines visibles (données actuelles et futures).

3.26. La RMP élimine donc le recours aux données obtenues grâce à la chasse ou à d’autres

méthodes létales, qui sont souvent peu fiables à des fins de gestion, car elles correspondent à des
échantillons non aléatoires de la population. Conformément à ce principe, en 1995, la CBI adopte
une résolution (1995-9) qui prévoit entre autres «que les recherches scientifiques destinées à
contribuer à l’évaluation exhaustive des peuplements baleiniers et à la mise en œuvre de la
procédure de gestion révisée doivent être effectuées grâce à des méthodes non létales» (les italiques
sont de moi).

3.27. Le développement d’outils informatiques modernes, notamment la capacité d’effectuer
des simulations informatiques d’envergure, permet la réalisation de tests approfondis de la RMP
(Kirkwood 1992, Cooke 1995). La RMP a ainsi été testée à l’aide de pseudo-données, générées par
d’autres modèles de population plus complexes. Cette phase de tests avait pour but de répondre à la
question suivante : «quelle est l’efficacité de la RMP en matière de définition de limites de capture
permettant de maintenir ou de restaurer des niveaux de population acceptables lorsque plusieurs - 12 -

paramètres démographiques sont inconnus, ou lorsque la structure de la dynamique actuelle des
populations diffère de celle prise en compte dans la RMP ?»

348
3.28. Les tests ont permis d’évaluer les performances de la RMP en cas d’hypothèses
erronées concernant les dynamiques de population, d’abondance initiale différente, de biais dans
les observations, de différences dans les relations entre l’abondance réelle et les captures par unité
d’effort (mesure communément utilisée à la place de l’abondance), d’incertitudes ou
d’inexactitudes dans les historiques de capture et/ou de rares événements épisodiques (des
épidémies, par exemple). Les tests ont montré que la RMP pouvait résister à ces variations et

maintenir les captures tout en évitant le déclin des populations (Cooke 1995). Plus important
encore, les tests ont permis à la CBI de conclure au bon fonctionnement de la RMP, bien qu’elle ne
s’appuie pas sur des hypothèses spécifiques concernant les dynamiques de population de baleines
et ne tienne pas compte d’éventuelles erreurs dans les historiques de capture.

3.29 À l’inverse, je ne connais aucun article publié dans une revue à comité de lecture
démontrant l’existence de failles fondamentales dans la RMP qui pourraient être corrigées

uniquement grâce à des programmes de terrain impliquant des prises létales.

3.30 En conclusion, la RMP constitue «un progrès en matière de concept de gestion» (Holt
2004, p. xiii), et elle est cohérente avec d’autres travaux scientifiques concernant le degré le plus
judicieux de complexité pour les modèles utilisés dans la gestion de la faune et de la flore marines
(Ludwig et Walters 1985, Hilborn et Mangel 1997). En tant que membre du comité des conseillers

scientifiques de la commission américaine sur les mammifères marins (U.S. Marine Mammal
Commission) entre 1989 et 1996, j’ai pu observer le processus d’élaboration de la RMP, sans
toutefois y participer. De retour dans ce comité après 15 ans d’absence, je peux désormais évaluer
ce dispositif d’un œil neuf et ainsi partager l’avis du comité : la RMP constitue effectivement un
progrès important en matière de gestion.

3.31. Pour résumer :

L’écosystème de l’océan Austral se caractérise par des incertitudes sur de nombreuses
questions, parmi lesquelles les dynamiques de population.

Le moratoire interdisant la chasse à la baleine à des fins commerciales, en vigueur depuis 1986,
a permis à la CBI de mettre au point et de tester la procédure de gestion révisée (RMP) qui
constitue un outil efficace pour la gestion future de la chasse à la baleine.

La RMP

s’appuie sur un modèle volontairement simple de dynamique des populations ;

est conçue de façon à éviter le recours à des données obtenues par des méthodes
létales ;

est conçue de façon à encourager la collecte d’informations provenant de
l’observation ; et

a fait l’objet de tests rigoureux et a démontré sa solidité face aux écarts par rapport aux
hypothèses de base. - 13 -

4. C ARACTÉRISTIQUES D ’UN PROGRAMME MENÉ À DES FINS DE RECHERCHE SCIENTIFIQUE
349

La science en tant que processus

4.1. L’objectif de la science est de comprendre la nature en proposant un cadre capable
d’expliquer les observations déjà réalisées et de faire des prédictions à partir de nouvelles
observations. Cet objectif est atteint lorsque l’on replace les nouvelles connaissances dans le
contexte des connaissances existantes et que l’on reconnaît, même en cas de progrès, que les
conclusions sont transitoires (c’est-à-dire qu’elles peuvent faire en permanence l’objet de

vérifications et de révisions), alors que les méthodes ne le sont pas. Le processus de vérification
permanente est ce qui permet à la science de s’autocorriger. Sans cela, il est impossible de
prétendre pratiquer la science.

4.2 La science moderne est complexe, et cela a abouti à une sorte de «culte de l’expert»
(Jenkins 2004). Toutefois, cette complexité peut être largement comprise sans une longue
formation technique si l’on se concentre sur les caractéristiques de la science en tant que processus

permettant de transformer des données en connaissances. D’après Jenkins (p. 6), «l’essence de la
science ne réside pas dans quelques pépites d’information sur la nature, mais plutôt dans un
processus permanent qui permet de comprendre progressivement le fonctionnement du monde,
émaillé de progrès occasionnels sous la forme de découvertes majeures. À n’importe quel moment,
la compréhension d’un phénomène risque d’être incomplète et de voir s’opposer des explications et
des preuves différentes. Les scientifiques ont appris à tolérer ces incertitudes, voire à se délecter
des défis qu’elles génèrent.»

4.3 Il existe deux grands types de sciences : i) la science livresque (généralement apprise à
l’école) et ii) la science telle qu’elle est pratiquée par les scientifiques, dite «frontier science» ou
science marginale (Pickett et al. 2007).

4.4. La science livresque est généralement associée à la notion de «méthode scientifique»,
qui implique :

a) la conception d’hypothèses concurrentes ;

b) la conception d’une (ou plusieurs) expérience(s) avec différents résultats possibles qui
permettront, autant que possible, d’exclure une ou plusieurs des hypothèses ;

c) la réalisation de l’expérience afin d’obtenir un résultat aussi évident que possible ; et

d) le retraitement de la procédure, avec la formulation de sous-hypothèses ou d’hypothèses
séquentielles afin d’affiner les possibilités restantes.

Dans le domaine de la science livresque, une hypothèse est régulièrement remise en question à
l’aide d’expériences, et si l’hypothèse résiste à des expériences répétées, alors elle est considérée
comme exacte.

350 4.5. La science livresque est un processus simple et linéaire, et c’est également un mythe

(Grinnell 2009, l. 70). La science telle qu’elle est pratiquée est bien plus complexe et le chemin de
la découverte bien plus tortueux. Dans le domaine des sciences de l’écologie en particulier, il est
souvent impossible de réaliser des expériences, mais l’observation peut tout à fait les remplacer
(Mangel 2010). Par conséquent, les scientifiques procèdent par assemblage de divers éléments de - 14 -

preuve qui, s’ils sont recueillis correctement, s’inscrivent dans un ensemble de conclusions formant
une construction solide et intellectuellement juste.

4.6. Qu’elle soit livresque ou marginale, la science ne consiste pas simplement à accumuler
des données. En effet, nous sommes de plus en plus souvent confrontés à un problème de
«saturation», à savoir trop de données et des difficultés à les comprendre. Valiela (2001, p. 11)
souligne que «la description n’équivaut pas à la compréhension : des données descriptives ne
peuvent pas à elles seules expliquer les mécanismes qui sous-tendent les observations et ne
permettent pas non plus d’identifier les procédés qui ont généré la situation décrite. La formulation

de descriptions compliquées peut devenir l’objectif même et risque de nous faire croire que des
progrès ont été faits.» Pour Gopnik (2009, p. 71), «toute observation est empreinte de réflexion. Si
la science n’était qu’un récipient dans lequel se déversent les descriptions, cela ne formerait qu’une
accumulation de faits. C’est le saut en avant, vers la formulation d’une règle de portée générale,
d’une théorie, voire d’une vision, qui fait progresser la science.»

4.7. La science pratiquée par les scientifiques suppose invariablement de relier des faisceaux

de données afin de produire de nouvelles connaissances. La méthode dépend du problème étudié,
en particulier dans des situations écologiques complexes pour lesquelles il est difficile, voire
impossible, de procéder à des expériences. En résumé, l’essence de la science est de produire des
connaissances à partir des données recueillies ; si l’on ne sait pas à l’avance comment les données
seront analysées pour en extraire ces connaissances, c’est que l’on n’est pas prêt à collecter ces
données.

4.8. Conformément aux principes généralement admis de la pratique scientifique (Valiela
2001, Jenkins 2004, Pickett et al. 2007), un programme mené à des fins de recherche scientifique :

a) s’inscrit dans un cadre conceptuel général qui aboutit à une série de questions précises
(hypothèses) ;

b) s’appuie sur le bon éventail d’outils empiriques afin de répondre aux questions, parmi lesquels

la définition de la taille des échantillons à l’aide d’un raisonnement statistique correct et
l’établissement de liens cohérents entre les modèles mathématiques et les données ;

c) fait l’objet d’une évaluation en bonne et due forme par la communauté scientifique ; et

d) est conçu de façon à éviter des répercussions écologiques négatives involontaires.

351 Un cadre conceptuel général qui aboutit à une série de questions précises (hypothèses)

4.9. Un programme mené à des fins de recherche scientifique doit s’inscrire dans un cadre
conceptuel général. Sans cela, on ne peut procéder qu’à des «analyses exploratoires», en espérant
qu’un élément intéressant surgira de cette activité menée de façon aléatoire. Cette méthode
fonctionne rarement. D’après l’immunologiste Peter Medawar, lauréat du Prix Nobel, «aucun
principe nouveau n’a émergé d’une accumulation de faits.» Lorsque l’on parle de «la théorie de la
gravité de Newton», de «la théorie de la relativité» ou de «la théorie de l’évolution par la sélection

naturelle de Darwin», c’est à ces cadres conceptuels que l’on fait référence.

4.10. Le cadre conceptuel offre un contexte et un but clairement déterminés et permet de
mettre en place des objectifs bien définis et atteignables, mais ne fournit pas à lui seul un
programme de travail. Il doit plutôt servir de source d’inspiration et permettre de structurer les
recherches sur des questions et hypothèses particulières. - 15 -

4.11. Pour pouvoir être vérifiées, les questions et hypothèses doivent être définies en termes
opérationnels : il doit être possible de répondre à la question à l’aide de méthodes empiriques ou

théoriques existantes, ou bien il doit exister une excellente probabilité que de nouvelles méthodes
soient mises au point pour y répondre. Par exemple, Valelia (2001, p. 6) note que «le fait de se
préoccuper de la densité des anges sur une surface quelconque, et a fortiori la pointe d’une aiguille,
est une perte de temps si l’on ne dispose pas d’un séraphomètre en état de marche.»

4.12. Une idée qui ne peut pas être définie en termes opérationnels ne peut pas être étudiée
par la science empirique. De même, des objectifs qui ne peuvent pas être vérifiés ne sont pas

scientifiques et donc pas atteignables. Dans de nombreux contextes écologiques, contrairement à ce
que suggère la science livresque, les hypothèses ne s’excluent pas toujours mutuellement : une
observation peut exclure clairement l’hypothèse «A», mais pas l’hypothèse «B». Toutefois, même
dans ce type de cas, si les hypothèses sont définies en termes opérationnels, il est possible de les
vérifier et d’évaluer la solidité des hypothèses fournies par les données (Hilborn et Mangel 1997,
Wolf et Mangel 2008).

4.13. Dans le domaine des sciences de l’écologie en particulier, il est souvent impossible de
réaliser des expériences. Par exemple, il n’est pas possible d’effectuer des manipulations
expérimentales lorsqu’on tente de comprendre la dynamique de population des baleines bleues.
Ainsi, il est impossible de répliquer l’expérience, en raison du faible nombre d’individus : ces
individus constituent sans doute une population unique et la durée nécessaire pour observer leur
dynamique de population est très longue. Néanmoins, cela n’empêche pas de se poser des questions
sur les baleines bleues, et l’observation offre donc un moyen viable d’essayer d’y répondre (voir

par exemple Branch et al. 2004 sur les baleines bleues et Mangel 2010 sur les otaries de Steller).

352
Le bon éventail d’outils

4.14. Une fois que l’ensemble de questions a été établi, un programme mené à des fins de
recherche scientifique doit se pencher sur l’étape très importante d’identification des outils les plus
adaptés pour répondre à ces questions de la façon la plus claire et la moins ambiguë possible. Ces

outils doivent être sélectionnés après avoir évalué leur efficacité à atteindre les objectifs annoncés.

Définition de la taille des échantillons

4.15. La définition de la taille d’un échantillon de données à prélever afin d’estimer un
paramètre inconnu pour vérifier une hypothèse dépend des éléments suivants :

a) le degré d’exactitude nécessaire pour le paramètre (écart entre la valeur moyenne de

l’estimation et le paramètre inconnu) ;

b) le degré de précision nécessaire (variation autour de la valeur moyenne estimée) ; et

c) la teneur des évaluations statistiques réalisées à l’aide de ces données.

Les méthodes statistiques traditionnelles fournissent des procédures permettant de déterminer la
taille requise des échantillons afin d’obtenir un degré de confiance précis dans une conclusion

particulière. - 16 -

Une utilisation adaptée des modèles

4.16. Les modèles sont devenus la pierre angulaire de l’extraction de connaissances à partir
de données. Un modèle est une description simplifiée servant à l’analyse ou à l’explication d’un
phénomène. Un modèle n’est pas en soi une hypothèse, mais plutôt un outil utilisé dans
l’évaluation des hypothèses. Les modèles ont plusieurs usages possibles, dont celui d’aider à
déterminer ce qui doit être mesuré et le degré d’exactitude et de précision nécessaire pour ces
mesures. Les modèles revendiqués comme étant liés à des programmes de terrain doivent être
connectés de façon permanente et adaptée aux données issues du programme de terrain concerné.

Évaluation en bonne et due forme par la communauté scientifique

4.17. Les scientifiques s’organisent sous forme de communautés et de réseaux qui font le
lien avec le passé et permettent une mise en réseau dans le présent. Grinnell (2009, l. 158) note que
«chaque chercheur ou équipe de chercheurs initie des travaux dans un contexte d’expériences et de
convictions dominantes, qui constituent le point de départ et la justification de la réalisation
d’activités d’approfondissement.» Ainsi, les personnes engagées dans un programme mené à des

fins de recherche scientifique collaborent au sein d’une communauté capable de s’autocorriger. Les
plus grands génies de la science (Newton, Darwin, Einstein) travaillaient eux aussi au sein de
réseaux et de communautés et ont procédé à de nombreuses corrections de leurs programmes de
recherche.

353 4.18. Le débat et les désaccords scientifiques sont positifs s’ils débouchent sur des questions

pouvant être résolues grâce à des recherches sérieuses. Les avis qui ne peuvent pas faire l’objet
d’un débat parce qu’ils reposent sur des affirmations tranchées ne sont pas scientifiques dans la
mesure où ils ne peuvent pas bénéficier d’une autocorrection. Une communauté laissant libre cours
aux idées permet aux scientifiques d’identifier les éléments de leurs travaux de recherche sur
lesquels ils peuvent être dans l’erreur et leur offre la possibilité de changer d’avis. En effet, le
plaisir de l’inattendu est essentiel à la science : «constituant une quasi-exception dans les systèmes
de croyances, la science accueille la nouveauté, aussi troublante soit-elle» (Raymo 1991, p. 179).
Pour Grinnell (2009, l. 385), «ils [les scientifiques] sont ouverts à l’éventualité d’être dans

l’erreur.» Répondre aux commentaires critiques et modifier le cheminement de la recherche est un
élément essentiel de la pratique scientifique. Un individu qui n’est pas ouvert à l’éventualité d’être
dans l’erreur ne peut pas devenir scientifique. En outre, la communauté scientifique est tenue de
présenter des hypothèses, qu’elles soient issues de la science ou de la société, et d’explorer ce
qu’impliquent ces hypothèses pour la pratique scientifique (Pickett et al. 2007).

4.19. Ainsi, les scientifiques appartiennent à une communauté de penseurs indépendants qui
coopèrent dans un esprit de relative liberté, afin que plusieurs initiatives indépendantes se fondent
en une réussite commune en «s’ajustant mutuellement les unes aux autres, à chaque étape
successive, à la situation créée par l’ensemble des autres initiatives progressant de la même façon»
(Polanyi 1969, p. 51).

4.20. À titre individuel, les scientifiques sont à la croisée du monde qu’ils étudient (dans

lequel la découverte est l’objectif) et de la communauté des chercheurs (dans laquelle la crédibilité
est le mètre étalon). Chaque scientifique étudie le monde, et lorsqu’il/elle pense avoir fait une
découverte, le processus par lequel la découverte acquiert une crédibilité commence (Grinnell
2009, l. 83). Le rôle de la communauté scientifique est de mener à bien une évaluation et un
contrôle qualité des idées scientifiques, processus grâce auxquels la découverte est jugée crédible,
dans le cadre d’un examen par les pairs. - 17 -

4.21. L’examen par les pairs est un élément clé de l’évaluation de la valeur des idées (Resnik
2011) et son rôle est essentiel : lorsque la valeur d’une idée est remise en cause, cette idée doit être

rejetée. L’examen par les pairs est une forme de contrôle qualité à la fois en termes de normes
d’érudition et de méthodologie pour la communauté scientifique et dans la mesure où elle permet
aux auteurs d’améliorer leurs propositions de recherches et les publications qui en découlent.
L’examen par les pairs débouche sur la création et l’établissement d’avis scientifiques (Polanyi
1969), qui ne sont pas le fait d’un seul individu, mais d’un ensemble de scientifiques individuels
qui s’associent à l’avis des autres. Bien évidemment, un avis scientifique peut être faux, mais un
raisonnement scientifique rigoureux peut répondre à des critiques valides, et c’est ainsi que la

science progresse.

4.22. L’examen par les pairs doit s’appuyer sur une approche multidimensionnelle, à la fois
pour les propositions de recherche et pour les publications décrivant les résultats de ces recherches
(Polyani 1969). Pour les problématiques liées à l’écologie appliquée, l’examen par les pairs doit au
minimum évaluer :

354 a) la plausibilité de l’idée ;

b) la valeur scientifique de l’idée, à savoir son exactitude, son intérêt intrinsèque et son
importance ;

c) l’originalité de l’idée (souvent évalué par le degré de surprise que l’idée génère) ; et

d) l’applicabilité de l’idée, évaluée par la capacité de l’idée à éclairer la problématique appliquée

qui la justifie.

La plausibilité et la valeur scientifique encouragent la conformité, alors que l’originalité favorise la
réflexion créative et la divergence. L’applicabilité permet de s’assurer que les idées et travaux
contribuent à la résolution de la problématique appliquée qui est à la source de l’idée.

4.23. Les critères indiqués au paragraphe 4.22 peuvent être regroupés en questions
généralement posées par les lecteurs critiques qui évaluent les propositions de recherche (Grinnell

2009, l. 332) :

a) Y a-t-il une question à laquelle répondre ?

b) L’équipe de recherche peut-elle y répondre ?

c) L’obtention de la réponse en vaut-elle la peine ?

Tant que l’on ne peut pas répondre «oui» à chacune de ces questions, les travaux doivent être
suspendus.

4.24 Pour les publications qui interviennent après la réalisation des travaux de recherche, les
questions généralement posées par les membres du comité de lecture sont les suivantes (Grinnell
2009, l.715) :

a) Les techniques sont-elles adaptées ?

b) Les travaux auraient-ils pu être menés par n’importe quel autre scientifique ?

c) Les résultats sont-ils interprétés de façon adaptée ? - 18 -

d) Les études sont-elles raisonnables au regard des idées déjà acceptées par la communauté ?

Tant que l’on ne peut pas répondre «oui» à chacune de ces questions, la publication de l’article doit

être suspendue.

4.25. Les articles qui ne font pas l’objet d’un examen par les pairs sont considérés comme de
la «littérature grise» et ont moins de poids que ceux qui ont subi ce processus. Comme le montrent
les démentis publiés dans des revues très médiatisées, l’examen par les pairs n’est pas un exercice
parfait, mais il constitue tout de même une caractéristique essentielle de la pratique scientifique.

4.26. En résumé, il est essentiel pour un programme mené à des fins de recherche

scientifique qu’un examen par les pairs ait lieu en début de programme (un programme ne devant
normalement commencer que si le lien entre ses méthodes et ses objectifs a démontré sa
faisabilité), puis pendant le déroulement du programme (le programme devant répondre à
l’évolution des objectifs par l’ajustement des méthodes, voire par l’abandon du programme en cas
355 de progrès insuffisants), et qu’enfin les résultats soient publiés dans des revues à comité de lecture
(puisque c’est par ce canal que les découvertes revendiquées acquièrent une crédibilité
scientifique).

Une conception permettant d’éviter des répercussions écologiques négatives involontaires

4.27. L’histoire des interactions entre l’homme et la nature regorge d’exemples dans lesquels
l’intervention humaine a eu des répercussions inattendues et surprenantes. Les exemples les plus
parlants sont notamment la résistance des bactéries aux antibiotiques et celle des insectes et des
plantes aux pesticides et aux herbicides.

4.28. Les recherches scientifiques ont des répercussions involontaires qui augmentent le

risque que la population étudiée décline ou s’éteigne. Harrison et al. (1991) ont par exemple conclu
que leur propre étude d’une population de papillons en Californie avait pu provoquer leur
extinction.

4.29. Un programme mené à des fins de recherche scientifique doit donc être conçu pour
aboutir à un résultat clairement identifié, tout en évitant des répercussions négatives involontaires
risquant de mettre en péril la population ou le stock étudié. Cette démarche doit inclure une
identification des problèmes potentiels avant le démarrage des opérations de terrain et un suivi des

risques de répercussions négatives involontaires pendant la réalisation des travaux empiriques.

356
Critères de la CBI pour la délivrance d’un permis spécial autorisant la chasse à la baleine

4.30. Le comité scientifique de la CBI a réfléchi pendant plusieurs années au moyen
d’appliquer les concepts généraux présentés dans les paragraphes qui précèdent à la recherche
scientifique menée dans le cadre de la conservation et de la gestion des baleines. Ses réflexions les
plus récentes sont synthétisées dans le document CBI (2009). D’après ce document, les

propositions de recherches au titre d’un permis spécial doivent être structurées en fonction :

a) des objectifs de l’étude (par. 4.9-4.13 ; 4.39 a)) ;

b) des méthodes permettant d’atteindre les objectifs (par. 4.14-4.16 ; 4.39 b)) ; - 19 -

de l’évaluation des effets potentiels des captures sur les populations concernées (par. 4.27-4.29 ;
4.39 d)) ;

c) d’une note portant sur les modalités de recherche collaborative à la fois pour les études de
terrain et les études analytiques (par. 4.17-4.26 ; 4.39 c)) ; et

d) d’une liste de scientifiques pouvant se rendre aux ateliers d’évaluation intersessions
(par. 4.17-4.26 ; 4.39 c)).

4.31. Selon le document CBI (2009), les objectifs de l’étude doivent :

a) être quantifiés autant que possible ;

b) être présentés en deux ou trois catégories (primaire, secondaire, accessoire) ;

c) inclure pour chaque catégorie primaire une déclaration indiquant si l’étude prévoit un
échantillonnage létal, un échantillonnage non létal, ou les deux ;

d) inclure au minimum une courte déclaration de l’intérêt de chaque objectif primaire évalué en
fonction de sa capacité à : i) améliorer la conservation et la gestion des peuplements baleiniers ;
ii) améliorer la conservation et la gestion de la faune et de la flore marines de l’écosystème ;

et/ou iii) à vérifier des hypothèses qui ne sont pas directement liées à la gestion de la faune et de
la flore marines ; et

d) faire référence, en particulier pour les points d i) et d ii), aux précédentes recommandations du
comité scientifique formulées dans le cadre de la mise en œuvre ou des évaluations de la RMP,
à une meilleure compréhension d’autres problématiques prioritaires ou aux recommandations
d’autres agences intergouvernementales.

4.32. Selon le document CBI (2009), les méthodes doivent inclure :

a) des méthodes empiriques décrivant l’espèce étudiée, le nombre de spécimens, le calendrier et la
zone concernée ; le protocole d’échantillonnage pour les aspects létaux ; et une explication
précisant pourquoi les méthodes non létales ou les analyses de données passées sont
insuffisantes ;

b) des méthodes de laboratoire ;

c) des méthodes analytiques, y compris, lorsque cela se justifie, des estimations indiquant si la
357
taille des échantillons proposée sera suffisante pour fournir des réponses exactes aux questions
étudiées ;

d) un calendrier présentant des objectifs intermédiaires.

4.33. Selon le document CBI (2009), l’évaluation des effets potentiels sur la population de la
prise envisagée doit inclure :

a) une synthèse des connaissances existantes concernant la structure du stock dans la zone
concernée ;

b) une estimation de l’abondance de l’espèce étudiée, comprenant une évaluation du degré
d’incertitude des estimations fournies ; - 20 -

c) la communication d’une étude de simulation sur les effets des prises autorisées sur les individus
capturés, qui tienne compte des incertitudes et se projette sur la durée du permis demandé et

au-delà.

4.34. Les scientifiques de la CBI, tout comme les biologistes spécialisés dans les
mammifères marins en général, comprennent que, dans certains cas, une prise létale peut fournir
des informations impossibles à recueillir par un autre moyen (par. 4.31, 4.32). Par exemple, malgré
les progrès réalisés, il n’existe toujours pas de moyen non létal de connaître l’âge des baleines : si
l’âge est une information absolument nécessaire, alors la prise létale l’est aussi.

4.35. La prise létale détruit l’objet même de l’étude et élimine donc la possibilité d’obtenir à
l’avenir d’autres informations de l’animal que l’on vient de mettre à mort. Les scientifiques doivent
donc s’interroger sur la quantité d’informations obtenues par une méthode létale, par rapport aux
informations obtenues par une méthode non létale. Par conséquent, avant de recourir à la prise
létale, il convient de bien peser l’intérêt des informations immédiatement obtenues grâce à la mise
à mort de l’animal et la perte d’informations futures qui auraient pu être obtenues en utilisant une

méthode non létale. À mon avis, la prise létale ne doit être effectuée que si les arguments en sa
faveur sont nettement supérieurs. En d’autres termes, les informations obtenues doivent être
proportionnelles aux répercussions liées à la perte de l’individu.

4.36. La Society for Marine Mammalogy, l’unique société professionnelle internationale
regroupant les spécialistes des mammifères marins, a récemment publié dans sa revue officielle

Marine Mammal Science des lignes directrices relatives au traitement des mammifères marins dans
les recherches de terrain. Ces lignes directrices reconnaissent que la prise létale peut parfois être
adaptée et indiquent que (Gales et al. 2009, p. 736) :

a) les chercheurs doivent privilégier des procédures non létales lorsqu’elles existent et répondent
aux objectifs des recherches menées ;

b) les animaux doivent être mis à mort par la méthode la moins cruelle et la plus rapide possible ;

c) les répercussions sur la population ou l’étendue du stock doivent être minimisées par une
sélection rigoureuse des animaux (en évitant si possible les femelles reproductrices, par
exemple) et une taille adaptée des échantillons ; et
358
d) dans la mesure du possible, il convient de s’appuyer sur des activités en cours menées hors du
cadre scientifique (par exemple, des campagnes de chasse, des captures organisées ou des
échouages) afin d’obtenir des matériaux d’étude scientifique des mammifères marins.

4.37. Les critères de la CBI reconnaissent également que lorsqu’une étude scientifique est
motivée par une problématique appliquée importante, comme la conservation et la gestion des
baleines, une autre dimension essentielle est de savoir si les connaissances extraites des données
peuvent être utilisées pour répondre à la problématique qui justifie l’étude. Si les travaux ne
permettent pas d’apporter de réponse à la problématique justifiant l’étude, cela signifie qu’ils ont
échoué dans la dimension essentielle de la recherche scientifique, et cela même s’ils produisent

d’autres données. Ainsi, un programme motivé par une problématique appliquée, telle que la
conservation et la gestion des baleines, doit produire des connaissances utiles à la problématique en
question. Il est de la responsabilité des promoteurs du programme de démontrer à la fois que les
objectifs sont atteignables à l’aide des méthodes proposées et que les travaux seront utiles à la
problématique appliquée concernée. - 21 -

Critères d’évaluation utilisés dans le présent rapport
359

4.38. Conformément aux critères de recherche scientifique généralement admis et aux
critères de la CBI présentés plus haut, je décris ci-après ce que me semblent être les caractéristiques
essentielles d’un programme mené à des fins de recherche scientifique dans le cadre de la
conservation et de la gestion des baleines :

4.39. Un programme mené à des fins de recherche scientifique dans le cadre de la

conservation et de la gestion des baleines doit :

a) avoir des objectifs bien définis et atteignables, conçus pour apporter des connaissances utiles à
la conservation et à la gestion des peuplements baleiniers ;

b) utiliser des méthodes adaptées permettant d’atteindre les objectifs annoncés, parmi lesquelles :

i. des méthodes létales uniquement lorsque les objectifs de la recherche ne peuvent être
atteints par d’autres moyens (par exemple, par l’analyse des données existantes ou le
recours à des techniques de recherche non létales) ;

ii. la fixation de la taille des échantillons à l’aide de méthodes statistiques reconnues ; et

iii. l’établissement de liens cohérents entre les modèles mathématiques et les données ;

c) prévoir un examen périodique des propositions et résultats de recherche, suivi d’un éventuel
ajustement ;

d) être conçu de façon à éviter d’éventuelles répercussions négatives sur les populations étudiées.

360 5. DESCRIPTION ET ÉVALUATION DE JARPA ET J ARPA IIEN TANT QUE PROGRAMMES

MENÉS À DES FINS DE RECHERCHE SCIENTIFIQUE DANS LE CADRE
DE LA CONSERVATION ET DE LA GESTION DES BALEINES

5.1. Il est maintenant possible de présenter les aspects pertinents du programme JARPA II,
ainsi qu’une évaluation de ces aspects au regard des caractéristiques essentielles d’un programme
mené à des fins de recherche scientifique dans le cadre spécifique de la conservation et de la
gestion des baleines. Bien que ce rapport porte principalement sur le programme JARPA II,

plusieurs aspects de l’évaluation sont de nature rétrospective (par exemple, l’examen par les pairs),
tandis que d’autres sont de nature prospective (la faisabilité du projet de recherche pour atteindre
les objectifs). Par conséquent, je m’intéresserai à la fois à JARPA et à JARPA II.

5.2. En bref, l’analyse proposée dans cette section débouche sur les conclusions suivantes :

a) Les objectifs du programme JARPA II sont généraux et mal définis ; ils reposent souvent sur un
raisonnement scientifique basé sur l’affirmation, s’appuyant sur des déclarations prononcées
comme si elles avaient été démontrées alors que cela n’est pas le cas, et ils sont formulés de
façon à faire l’amalgame entre exploration et exploitation.

b) Bien que plusieurs méthodes empiriques soient utilisées, la majorité des efforts du programme
JARPA II porte sur les prises létales, effectuées conjointement avec des observations dont les

résultats s’en trouvent compromis. Le lien entre JARPA II en tant qu’activité de terrain et des
modèles de gestion tels que la RMP n’a pas été démontré. En outre, le processus de définition
de la taille des échantillons dans le programme JARPA II ne repose pas sur un raisonnement - 22 -

statistique solide ou sur des analyses du degré d’exactitude nécessaire pour atteindre les
objectifs annoncés.

c) Le personnel du programme JARPA II est déconnecté de la communauté scientifique, prompte
à s’autocorriger, et n’a pas démontré sa capacité à réviser ou à corriger ses travaux ou ses
méthodes, notamment en changeant d’avis concernant les prises létales. La majeure partie des
travaux menés dans le cadre de JARPA et JARPA II est publiée hors du circuit classique des
revues à comité de lecture, et la plupart des travaux publiés dans ce circuit concernent
uniquement la physiologie et la biochimie de la reproduction chez les baleines, sujets qui ne

sont pas pertinents au regard des objectifs annoncés des deux programmes.

d) Rien n’indique qu’une attention particulière ait été portée dans la conception du
programme JARPA II au fait d’éviter des répercussions négatives involontaires.

5.3. Au regard des conclusions du paragraphe 5.2, de la pratique scientifique générale et des
critères de la CBI concernant les recherches effectuées au titre d’un permis spécial, je conclus que
361 JARPA II n’est pas un programme mené à des fins de recherche scientifique dans le cadre de la

conservation et de la gestion des baleines.

Un programme mené à des fins de recherche scientifique dans le cadre de la conservation
et de la gestion des baleines a des objectifs bien définis et atteignables,
conçus pour apporter des connaissances utiles à la conservation
et à la gestion des peuplements baleiniers

Des objectifs vagues et généraux

5.4. Ni les objectifs du programme JARPA, ni ceux de JARPA II, n’ont été clairement
formulés sous la forme d’objectifs bien définis et atteignables ou de questions ou hypothèses
scientifiques permettant d’apporter des connaissances utiles à la conservation et à la gestion des
peuplements baleiniers.

5.5. En 1987, les objectifs du programme JARPA étaient résumés de la façon suivante :

Objectif 1 : Estimation des paramètres biologiques [démographiques] afin d’améliorer la
gestion des populations de petits rorquals de l’hémisphère sud.

Objectif 2 : Meilleure compréhension du rôle des baleines dans l’écosystème marin de
l’Antarctique.

5.6. En 1995-97, deux objectifs supplémentaires y ont été ajoutés :

Objectif 3 : Meilleure compréhension de l’effet des changements environnementaux sur les
cétacés [baleines et dauphins].

Objectif 4 : Meilleure compréhension de la structure des stocks de petits rorquals de
l’hémisphère sud afin d’en améliorer la gestion.

5.7. L’objectif 1 était pertinent au regard de la NMP, mais ne l’est pas au regard de la RMP.
En outre, il n’a pas été atteint. Les objectifs 2, 3 et 4 sont si généraux qu’ils peuvent servir à
justifier n’importe quelle activité. Les objectifs 3 et 4 ont été ajoutés avec peu ou pas de - 23 -

justification ou de lien avec les résultats déjà obtenus dans le cadre du programme au moment de
leur ajout. Il est normal qu’un programme mené à des fins de recherche scientifique ajuste ses

objectifs au fur et à mesure de la collecte et de l’analyse des informations, mais cela doit être
effectué sur la base d’une justification et de références claires par rapport aux résultats déjà
obtenus.

5.8. A l’instar de JARPA, le programme JARPA II est doté d’objectifs généraux (CBI 2007a,
p. 6) :

Objectif 1 : Suivi de l’écosystème de l’Antarctique.

Objectif 2 : Modélisation de la compétition entre espèces de baleines et élaboration de futurs
objectifs de gestion.

Objectif 3 : Meilleure compréhension de l’évolution spatio-temporelle de la structure des
362 stocks.

Objectif 4 : Amélioration de la procédure de gestion des populations de petits rorquals.

5.9. Les objectifs du programme JARPA II sont un mélange de suivi et de modélisation
écologique (objectifs 1 et 2), d’opérations de terrain (objectif 3) et de gestion (objectif 4),
présentant peu, voire pas, de lien intellectuel. Ces objectifs démontrent une confusion entre, d’une

part, le suivi (qui peut avoir son importance s’il s’inscrit dans une démarche de gestion, mais ne
peut pas être considéré comme une activité de recherche en l’absence de questions ou d’hypothèses
précises) et la gestion et, d’autre part, une soi-disant investigation scientifique.

5.10. Dans la mesure où le programme prévoit des prises létales sans nécessité scientifique
démontrée, les objectifs du programme JARPA II confondent exploration scientifique potentielle et
exploitation des ressources. En outre, comme dans le cas du programme JARPA, les objectifs sont

suffisamment généraux pour autoriser quasiment n’importe quelle activité.

L’hypothèse de «l’excédent de krill»

5.11. Comme décrit précédemment (par. 4.9 et suiv.), l’application d’un cadre conceptuel
général devrait déboucher sur un ensemble de questions ou d’hypothèses précises à explorer : en
effet, en l’absence de questions claires, la probabilité d’établir de nouvelles connaissances est

faible.

5.12. Toutefois, la seule hypothèse clairement identifiable dans les programmes JARPA ou
JARPA II est celle de l’excédent de krill, selon laquelle la surexploitation des grandes baleines
aboutit à un excédent de krill, qui provoque lui-même une abondance de petits rorquals. Par
exemple, d’après Tamura et Konishi (2009), «le déclin rapide des grandes espèces de baleines à
fanons a provoqué un excédent annuel d’environ 150 millions de tonnes de krill (Laws, 1977ab).

Cet excédent est donc devenu disponible pour d’autres prédateurs de krill. On appelle ce
phénomène “excédent de krill sous l’effet du déclin des baleines à fanons”« (p. 23).

5.13. Parmi le personnel du programme JARPA, l’hypothèse de l’excédent de krill est
rapidement passée du statut d’hypothèse (c’est-à-dire une idée qui doit être explorée et peut-être
rejetée) à celui de théorème (c’est-à-dire un résultat démontré dont la véracité est connue). Par - 24 -

exemple, dans l’évaluation du programme JARPA effectuée par le Gouvernement japonais, Murase

et al. (2006) indiquent que «l’excédent de krill généré par l’exploitation commerciale intensive des
grandes baleines constitue le théorème central de l’étude de l’écosystème de l’Antarctique»

(p. 1). En décrivant l’éventuel «excédent de krill» comme «théorème central», Murase et al.
suggèrent qu’il a déjà été prouvé. Or cela n’est tout simplement pas le cas, comme va le montrer

l’explication qui suit.

5.14. L’Antarctique continue d’être perçu comme un écosystème d’une troublante
complexité, dans lequel les prédictions simples ne se vérifient pas (Karentz et Bosch 2001). La

363 figure ci-dessous (Mackintosh 1965) illustre le réseau d’interactions entre les prédateurs et les
proies (les flèches allant de la proie au prédateur).

HOMME

BALEINES PETITES
BALEINES CACHALOT
À FANONS DENTICÈTES

PHOQUE LÉOPARD
CRABIER DE MER ÉLÉPHANT
DE MER

OISEAUX
POISSONS CALMAR

PLANCTON
CARNIVORE

EUPHAUSIA AUTRE
(KRILL) PLANCTON
HERBIVORE

PLANCTON

5.15. Cette figure montre clairement que l’hypothèse de l’excédent de krill, telle qu’elle est

appliquée dans les programmes JARPA et JARPA II, ne concerne qu’une petite partie de
l’ensemble de l’écosystème de l’océan Austral. En outre, ni JARPA, ni JARPA II ne sont en

mesure de la vérifier (par. 5.36-5.37).

Les données recueillies et la RMP

5.16. Les publications relatives aux programmes JARPA et JARPA II incluent de
nombreuses références à une politique de chasse à la baleine reposant sur le rendement maximum - 25 -

de renouvellement (RMR) qui, comme cela a été décrit précédemment, a été abandonné de fait par
la CBI (par. 3.23 et suivants). Comme nous l’avons souligné, la RMP évite explicitement le recours

aux données issues de prises létales pour estimer l’abondance, et privilégie au contraire les données
obtenues grâce à des observations.

364
5.17. Les programmes JARPA et JARPA II ne démontrent en aucune manière comment les
opérations de terrain pourraient contribuer à l’analyse du RMR et du NRMR ou à l’amélioration
des lacunes de la RMP. Plus particulièrement, JARPA II n’indique pas en quoi l’amélioration des
procédures de gestion des populations de petits rorquals peut être considérée comme une activité de

recherche scientifique, ce qui aurait pu être potentiellement utile s’il avait été établi que la RMP
présentait de graves lacunes. Cependant, ni JARPA ni JARPA II n’ont démontré l’existence de
problèmes graves dans la RMP.

5.18. Le programme JARPA n’était pas pertinent au regard de la RMP qui (contrairement à
la NMP) choisit délibérément de ne pas dépendre d’estimations précises des paramètres
démographiques. Malgré cela, JARPA II suit le sillon tracé par JARPA. En particulier, la collecte

des paramètres démographiques des baleines par prise létale reste un élément central du
programme JARPA II, alors que cela n’est pas pertinent au regard de la RMP.

Modèle d’écosystème

5.19. Lors de la réunion de la CBI qui a suivi l’atelier intersessions de 2006 (CBI, 2007b),
«le Japon a réaffirmé l’objectif du programme JARPA II, à savoir le développement d’un modèle

d’écosystème débouchant sur une exploitation viable grâce à une gestion couvrant plusieurs
espèces» (CBI 2007b, p. 41). Les modèles à l’échelle de l’écosystème font référence à des modèles
conceptuels, mathématiques ou statistiques qui intègrent de nombreuses composantes de
l’écosystème, plutôt que de s’intéresser uniquement à une espèce.

5.20. Bien que le développement de modèles d’écosystèmes soit l’un des fondements d’une
gestion des pêches reposant sur les écosystèmes (Mangel 2010a), la contribution de programmes de

terrain tels que JARPA ou de JARPA II aux modèles de gestion à l’échelle de l’écosystème n’est
jamais mise en évidence. Malgré l’évolution des objectifs de JARPA II, ses pratiques n’ont en
revanche pas été modifiées de façon à collecter le type de données nécessaires à une étude
écologique bien plus vaste (voir par. 5.36-5.37).

5.21. L’une des justifications des programmes JARPA et JARPA II est leur capacité à
fournir des informations scientifiques nécessaires à la reprise de la chasse à la baleine à des fins

commerciales. On remarque d’ailleurs que les documents de JARPA et JARPA II n’incluent même
pas le commencement d’un modèle bioéconomique justifiant des recherches sur les conditions
biologiques et économiques devant être réunies pour rendre possible la chasse commerciale des
petits rorquals, alors même que l’on savait bien avant le lancement du programme JARPA qu’un
modèle bioéconomique apporterait des informations essentielles quant à l’avenir de cette chasse
(Lockyer 1976). Ces modèles sont pourtant au cœur de la recherche scientifique puisqu’ils posent
les bases biologiques, économiques et mathématiques d’une conservation et d’une gestion

judicieuses en tant que phénomènes dépendant du temps (Clark 2010).

5.22. En résumé,

il est difficile, voire impossible, d’identifier clairement les hypothèses des programmes JARPA
ou JARPA II ; - 26 -

les deux programmes présentent des objectifs généraux, qui font l’amalgame entre science,
365 gestion et exploitation ;

leurs objectifs annoncés pourraient être utilisés pour justifier quasiment n’importe quelle
activité que le Japon souhaiterait mener.

la contribution de ces programmes à la gestion n’est toujours pas démontrée et l’éventualité
que JARPA II apporte des connaissances nouvelles en matière de conservation et de gestion
des baleines est très faible, voire nulle.

À mon avis, le programme JARPA II ne satisfait pas à la première caractéristique essentielle d’un
programme mené à des fins de recherche scientifique dans le cadre de la conservation et de la
gestion des baleines.

Un programme mené à des fins de recherche scientifique dans le cadre de la
conservation et de la gestion des baleines s’appuie sur des méthodes adaptées permettant
d’atteindre les objectifs annoncés, parmi lesquelles : a) des méthodes létales uniquement
lorsque les objectifs de la recherche ne peuvent être atteints par d’autres moyens (par
exemple, par l’analyse des données existantes ou le recours à des techniques de recherche non

létales) ; b) la fixation de la taille des échantillons à l’aide de méthodes statistiques
reconnues ; et c) l’établissement de liens cohérents entre les modèles mathématiques et
statistiques et les données

Des outils empiriques adaptés

5.23. La recherche scientifique sur les baleines dans l’océan Austral peut s’appuyer sur une
grande diversité d’outils de recherche empirique, parmi lesquels :

a) des observations au cours desquelles les baleines sont comptées depuis des navires ou des
aéronefs (y compris par photo-identification des individus) ;

b) des prises létales ;

c) des analyses ADN effectuées grâce à des biopsies ;

d) des analyses biochimiques ; et

e) le marquage par balise permettant un suivi satellitaire.

Les observations

5.24. Les observations sont un élément courant des travaux de recherche portant sur
l’ensemble des peuplements baleiniers dans le monde et, si elles sont correctement réalisées,
peuvent constituer un outil empirique utile afin d’évaluer l’abondance et la répartition
géographique des baleines. Les missions récentes de JARPA II ont permis d’observer des baleines

bleues, des rorquals communs, des rorquals boréaux, des petits rorquals, des baleines à bosse, des
baleines franches de l’hémisphère sud, des cachalots et des hyperoodons australs (voir Ishikawa et
al. 2008).

366
5.25. Les observations peuvent fournir des informations concernant la densité de population
(Burt et Borchers 1997), les déplacements (Bannister et al. 1999, Rock et al. 2006), le lien entre
l’habitat physique et la distribution des baleines (Kasamatsu et al. 2000), et le lien entre
l’abondance de nourriture (krill) et la distribution des baleines (Murase et al. 2002). - 27 -

5.26. Comme décrit plus haut (par. 3.23 et suivants), la RMP s’appuie sur les observations
pour estimer l’abondance et non sur des informations obtenues par des méthodes létales. Toutefois,

certaines des observations menées dans le cadre des programmes JARPA et JARPA II sont
discutables, car les méthodes employées consistent à la fois à compter les baleines et à préparer la
prise létale.

La prise létale

5.27. À l’inverse des observations, la prise létale n’est pas une caractéristique courante des

travaux de recherche portant sur l’ensemble des peuplements baleiniers dans le monde. Bien que
l’on ne puisse exclure l’éventualité de situations dans lesquelles la prise létale est en mesure de
contribuer à un programme mené à des fins de recherche scientifique dans le cadre de la
conservation et de la gestion des baleines, les programmes JARPA et JARPA II affirment tout
simplement, mais sans le démontrer, que la prise létale est nécessaire. En outre, la méthodologie
létale constitue un centre d’intérêt disproportionné dans ces deux programmes.

5.28. Le Japon a cherché à justifier la prise létale comme moyen d’obtenir des estimations
d’âge pouvant à leur tour donner des informations sur le taux de mortalité naturelle (obligatoire
dans la NMP, mais pas dans la RMP). Or, comme cela a été souligné dans l’évaluation finale du
programme JARPA, cette démarche a échoué.

5.29. Cela s’explique par le fait que les données obtenues par des méthodes létales et
utilisées pour estimer l’âge des animaux posent des problèmes importants. Chez les baleines, les

bouchons de cérumen sont composés d’une alternance de bandes claires et de bandes foncées. En
principe, l’âge d’une baleine peut donc être déterminé en comptant les bandes, comme on le fait
avec les cernes des arbres (Morris 1972, Roe 1967, Lockyer 1974, de la Mare 1985). Néanmoins,
en raison des difficultés d’interprétation de ces couches de croissance, ces dernières constituent des
indicateurs d’âge moyennement fiables. En outre, il existe en premier lieu des problèmes de lecture
des bouchons de cérumen et chez la plupart des animaux mis à mort, les bouchons de cérumen ne
sont pas exploitables (Lockyer 2010).

5.30. Comme décrit au paragraphe 4.14, un outil ne doit être utilisé qu’après évaluation de sa
capacité à atteindre les objectifs annoncés. Le Japon n’a mené aucune évaluation de ce type. En ce
qui concerne les bouchons de cérumen, une évaluation a été réalisée près de 25 ans après le début
des programmes JARPA et JARPA II (Lockyer 2010) et a montré qu’ils ne permettaient pas de
fournir d’informations sur un lien éventuel entre l’âge et le taux de mortalité naturelle. Qu’il existe
ou non d’autres méthodes pour mesurer l’âge, l’approche retenue par le programme JARPA a

lamentablement échoué. Or, le programme JARPA II suit le même chemin.

367
Autres outils

5.31. Les autres outils généralement utilisés dans l’étude des populations de baleines sont
notamment les suivants :

a) des analyses ADN effectuées grâce à des biopsies ;

b) des analyses biochimiques ; et

c) le marquage par balise permettant un suivi satellitaire. - 28 -

5.32. Au cours des 20 dernières années, l’utilisation de l’ADN et d’autres technologies
moléculaires dans les études de populations a fait des progrès considérables. Un petit échantillon de

tissus fournit désormais suffisamment d’ADN pour effectuer différents types d’analyse sur la
structure du stock, le sexe des animaux, les liens de parenté entre les individus et d’autres
paramètres relatifs à la taille de la population (Waples and Gaggiotti 2006).

5.33. De même, il est désormais possible de mesurer la concentration de nombreux polluants
chez les baleines en réalisant des biopsies non létales (Kunito et al. 2002) et d’évaluer le statut
reproducteur grâce aux concentrations hormonales présentes dans la graisse des petits rorquals

(Mansour et al. 2002). Awruch et al. (2008) ont démontré que l’on pouvait obtenir la taille adulte
d’un requin à l’aide d’échantillons de sang dans lesquels on mesure le taux d’hormones. Ces
articles indiquent un axe prometteur de recherche pour l’identification d’une méthode non létale
permettant de déterminer le statut reproducteur des baleines.

5.34. Au cours des 20 dernières années, le marquage et le suivi des baleines grâce à des
émetteurs radio et à d’autres technologies associées, à des fins de collecte et d’analyse des données,

a connu des progrès rapides (Fedak 2004, Freitas et al. 2008). Les balises satellites ont une antenne
qui dépasse de la peau, et la baleine finit donc par les rejeter comme s’il s’agissait d’une écharde.
Mate et al. (2007) ont fait le bilan des progrès réalisés en matière de balises satellites.
Actuellement, les balises ont une durée de vie suffisamment longue pour couvrir l’une ou l’autre
période de migration annuelle ou la totalité de la saison de nourrissage et, d’ici une dizaine
d’années, elles pourront sans doute durer plusieurs saisons. Cette durée est suffisante pour répondre
aux questions essentielles concernant la structure des stocks, étape nécessaire à l’application des

règles de la RMP sur les populations multiples.

5.35. En 1987, le Gouvernement japonais (Japon 1987, p. 43) a souligné que «si le marquage
[ou balisage] et le marquage-recapture étaient disponibles à la fois dans les basses latitudes (aires
de reproduction) et les hautes latitudes (aires d’alimentation), cette méthode [de
marquage-recapture] produirait sans doute les informations les plus justes jamais obtenues par
d’autres méthodes précédemment utilisées pour établir les déplacements, la migration et

l’identification des populations.» À l’époque de la rédaction de ce document, la durée de vie des
balises était d’environ 3 semaines seulement. Or, cette norme méthodologique de référence,
réclamée par le Japon il y a près de 25 ans, peut aujourd’hui être atteinte. Ainsi, des méthodes non
létales peuvent désormais être mises en œuvre pour déterminer la structure des stocks.

368 Établir un lien entre les méthodes et les objectifs

5.36. Le Japon a suggéré que les programmes JARPA et JARPA II permettaient de vérifier
l’hypothèse de l’excédent de krill (Japon 2000, p. 1). Toutefois, ni JARPA ni JARPA II ne sont
suffisamment vastes ou approfondis pour pouvoir vérifier l’hypothèse de l’excédent de krill en tant
qu’hypothèse scientifique. En effet, il est probable qu’il soit tout à fait impossible de tester cette
hypothèse (Ainley et al. 2007). Nicol et al. (2007) font l’observation suivante :

«Elle [l’hypothèse de l’excédent de krill] est tout simplement difficile à soutenir

ou à réfuter si l’on ne dispose pas d’ensembles de données à long terme et collectées
de façon systématique sur le krill et ses principaux prédateurs. Hormis quelques
exceptions notables, nous ne sommes pas en mesure d’indiquer si les principaux
consommateurs de krill ont augmenté ou diminué à l’échelle mondiale sous l’effet du
déclin des grandes baleines, ni comment ces prédateurs risquent de réagir au
repeuplement de certaines de ces populations de baleines. En outre, nous demeurons
dans l’incapacité de fournir une estimation fiable de la consommation mondiale de - 29 -

krill actuelle ou passée, donnée essentielle pour étudier l’hypothèse de l’excédent de
krill.» (P. 292.)

5.37. Cela signifie qu’étant donné les énormes difficultés et les nombreuses incertitudes qui
entourent l’hypothèse de l’excédent de krill, un programme dont l’objectif est d’étudier cette
hypothèse devrait commencer par s’attarder de façon assez générale sur les interactions entre les
différents prédateurs du krill et sur la consommation de krill par ces prédateurs (voir l’illustration
au paragraphe 5.14). Les programmes JARPA et JARPA II ne s’y intéressent pas puisque leur
approche très ciblée est censée concerner trois espèces de baleines (et en pratique, essentiellement
une seule). On dira plutôt que ces deux programmes s’appuient sur l’hypothèse de l’excédent de
krill pour faire l’amalgame entre recherche et exploitation.

Définition de la taille des échantillons

5.38. Dans le cas des programmes JARPA et JARPA II, la taille des échantillons correspond
au nombre de baleines qui doivent être mises à mort. Il est très difficile de comprendre sur quelle
base statistique se fonde la fixation du nombre de prises létales, que ce soit dans JARPA ou dans
JARPA II.

5.39. Au début du programme JARPA, Tanaka et al. (1992) ont calculé la taille des
échantillons (la prise létale) associée à une erreur d’estimation du taux de mortalité naturelle. Ils
ont obtenu des courbes (Tanaka et al. 1992, figure 6) très plates. J’ai reproduit l’un de ces encadrés
ci-dessous (les autres sont similaires).

5.40. Dans cette figure, l’axe des abscisses correspond à la taille des échantillons (le nombre
de baleines mises à mort) et l’axe des ordonnées mesure l’erreur d’estimation du taux de mortalité
naturelle (SE, écart type). Les différentes courbes de cette figure montrent l’erreur d’estimation du

taux de mortalité naturelle représentée en fonction de la taille des échantillons, selon différentes
hypothèses d’exactitude des données.

369

Taille des échantillons - 30 -

5.41. Les flèches dénotent la taille d’échantillon qui donne l’écart type minimal. Toutes
choses égales par ailleurs, ces flèches indiqueraient la taille d’échantillon qu’il faudrait choisir si

l’on voulait minimiser l’erreur d’estimation.

5.42. Or, les courbes sont très plates, ce qui suggère qu’il serait possible de capturer un
nombre bien plus faible de baleines en obtenant une perte minimale d’exactitude. Par exemple, si
l’on s’intéresse à la courbe où T = 10, on remarque que si l’on capture 100 baleines au lieu de 300,
on ne diminue que de façon marginale l’exactitude de l’estimation de la mortalité naturelle : cela
indique qu’il serait possible de capturer un nombre bien plus faible de baleines sans que cela ne

remette en cause l’analyse qui en découlerait. En résumé, un nombre beaucoup moins élevé de
baleines mises à mort aboutirait à un degré d’exactitude quasiment identique.

5.43. En effet, Tanaka et al. (1992) ont eux-mêmes souligné que les captures situées
entre 200 et 400 baleines fournissaient un degré d’exactitude identique, tout en affirmant ensuite
que «malgré tout, dans les recherches proprement dites, d’autres facteurs doivent être pris en
compte» (p. 419) afin d’augmenter la taille des échantillons. Les autres facteurs ne sont pas

expliqués dans le contexte des objectifs du programme, et ne sont pas justifiés par la moindre
considération statistique. Aucune analyse ne montre une amélioration des connaissances ou de la
gestion en cas d’amélioration marginale du taux de mortalité naturelle associée à la capture de 300
individus au lieu de 100.

5.44. Le manque de clarté statistique se poursuit dans JARPA II. Par exemple, dans leur

réponse à la discussion autour de la proposition de permis au titre de JARPA II lancée par
Childerhouse et al. (2006), Hatanaka et al. (2006) indiquent que les captures «dans le cadre du
programme JARPA II ont été calculées pour correspondre au strict minimum nécessaire afin
d’obtenir des données statistiquement significatives. Étant donné l’abondance des populations
dans lesquelles seront prélevés les échantillons et, pour les baleines à bosse et les rorquals
370 communs, leur croissance rapide, il est assez logique que la taille des échantillons soit
proportionnellement importante» (les italiques sont de moi).

5.45. Cette conclusion n’est pas du tout logique. D’après les méthodologies scientifiques et
statistiques généralement admises, la détermination de la taille des échantillons doit être fondée sur
un raisonnement statistique. L’abondance des populations peut avoir une influence sur la capacité à
prélever un échantillon d’une taille précise, mais cela ne doit en aucun cas influencer la fixation de
la taille des échantillons.

5.46. Je considère que la distribution spatiale de la prise létale a également son importance.
La CBI a divisé l’océan Austral en six secteurs pour la communication des captures et d’autres
données. Entre les campagnes 1963/64 et 1985/1986, la très grande majorité des prises de petits
rorquals chassés par le Japon a eu lieu dans les zones IV et V de la CBI [celles qui sont les plus
proches du Japon], alors que très peu de baleines ont été prélevées dans les zones I et II [qui
nécessitent plus de carburant et de temps] (Ohsumi 1979).

5.47. La proposition de permis au titre du programme JARPA (Japon 1987) indiquait que
«très peu d’informations ont été obtenues [de l’activité commerciale] pour la zone I et la zone II»
(p. 8). On s’attendrait donc à ce qu’un programme mené à des fins de recherche scientifique
s’intéresse aux zones I et II, afin d’obtenir plus d’informations sur ces régions. Au contraire, les
programmes JARPA et JARPA II ont tous deux concentré leurs efforts sur les zones IV et V, car
cela «augmente l’efficacité des recherches» (p. 8). Cette affirmation peut être vraie si l’on mesure - 31 -

l’efficacité au nombre de baleines mises à mort par mission, mais beaucoup moins si on la mesure
en termes de nouvelles connaissances.

5.48. Ainsi, parce que le programme JARPA II porte essentiellement sur des régions dans
lesquelles le Japon a toujours traditionnellement chassé, ce programme collecte des données qui
existent déjà en grande partie grâce à la chasse à la baleine à des fins commerciales (avant JARPA)
et au programme JARPA lui-même. Le potentiel de développement de nouvelles connaissances
dans ce contexte est donc très faible.

Établissement de liens entre les modèles mathématiques et les données

5.49. Les modèles d’écosystèmes sont un des objectifs de JARPA II. Or la proposition de
permis au titre du programme JARPA II (Japon 2005, p. 11) évoque la modélisation de la
compétition entre espèces de baleines et l’élaboration de futurs objectifs de gestion, sans faire
référence aux autres composantes de l’écosystème. Les modèles utilisés en Appendice 9 de la
proposition de permis (p. 81-82) ne nécessitent pas les informations détaillées que JARPA II

propose de recueillir.

5.50. En effet, ni JARPA ni JARPA II n’expliquent l’affirmation présentée dans le cadre de
ces programmes, selon laquelle la prise létale est requise pour obtenir les données nécessaires aux
modèles, ou ne proposent d’explication ou d’indication sur la façon dont ces données vont être
utilisées dans les modèles. Environ 20 ans après le lancement du programme JARPA, Mori et
Butterworth (2006) ont proposé une «première étape vers la modélisation de la dynamique des
371
prédateurs de krill dans l’écosystème antarctique». Leur modèle (p. 225 et suivantes) ne nécessite
pas les données issues de la prise létale, soi-disant essentielle dans le cadre de JARPA II.

5.51. En résumé,

Bien que plusieurs méthodes empiriques soient en principe utilisées dans le cadre du
programme JARPA II, la majorité des efforts porte sur les prises létales, alors que d’autres

méthodes non létales pourraient permettre de recueillir la quasi-totalité de ces informations.

Les données issues des prises létales ne sont pas nécessaires pour la RMP.

Les données issues de méthodes létales posent des problèmes et de nombreux animaux sont
mis à mort sans pouvoir fournir de données exploitables.

D’autres outils (analyses ADN et biochimiques issues de biopsies de la peau, marquage par
balise permettant le suivi par satellite) peuvent fournir quasiment les mêmes informations que
les prises létales.

Le Japon n’a pas démontré que son objectif de développement d’un modèle d’écosystème
(par. 5.8) est atteignable à l’aide des données qu’il collecte grâce aux recherches létales.

L’ampleur du programme JARPA II n’est pas suffisante pour vérifier l’hypothèse de l’excédent
de krill, qui a été traitée non comme une hypothèse, mais comme un théorème démontré
pendant la majeure partie de JARPA et l’intégralité de JARPA II.

Le raisonnement qui préside à la fixation de la taille des échantillons (le nombre d’animaux mis
à mort) ou à la distribution des opérations d’échantillonnage est vague, peu clair, et parfois tout

simplement erroné. - 32 -

À mon avis, le programme JARPA II ne satisfait pas à la deuxième caractéristique essentielle d’un
programme mené à des fins de recherche scientifique dans le cadre de la conservation et de la
gestion des baleines.

372
Un programme mené à des fins de recherche scientifique prévoit un examen périodique des
propositions et résultats de recherche, suivi d’un éventuel ajustement

5.52. Lors de l’élaboration d’un programme mené à des fins de recherche scientifique dans
n’importe quel contexte appliqué, il est de la responsabilité des porteurs de projet de démontrer que
les objectifs sont importants et atteignables grâce aux méthodes proposées et qu’ils seront utiles au
problème en question. Cette démarche s’effectue grâce à un examen par les pairs des propositions

et des publications qui en découlent. Bien que les propositions au titre des programmes JARPA et
JARPA II aient, en quelque sorte, été étudiées au sein du comité scientifique de la CBI, rien ne
prouve qu’elles aient fait l’objet d’un examen par les pairs réalisé par des experts du domaine ou
que les propositions aient été modifiées de façon significative en réaction aux commentaires
formulés dans le cadre de cet examen.

5.53. Le personnel du programme JARPA a commencé, et celui de JARPA II poursuit sur
cette voie, à défendre de façon systématique la position selon laquelle la «prise létale est

nécessaire» (Ohsumi 1995), sans montrer la moindre capacité à changer d’avis ou à répondre aux
commentaires, lorsque la question de la prise létale est débattue.

5.54. Par exemple, en 1998, le personnel du programme JARPA a soutenu que «les analyses
génétiques par ADN peuvent être effectuées à l’aide d’échantillons prélevés par biopsie. Toutefois,
le nombre d’échantillons requis dans le cadre d’études sur l’identification de la population de petits
rorquals de l’hémisphère sud est important, et il convient de tenir compte de la taille de la collecte
d’échantillons» (CBI, 1998, p. 412). Les technologies de l’ADN ont tellement évolué depuis 1998

que cela n’est plus le cas (par. 5.32). Or, cela ne se reflète pas dans la position du personnel de
JARPA II, qui n’a pas évolué.

5.55. Les justifications imprécises relatives à la fixation de la taille des échantillons
(par. 5.39-5.48) et la justification des prises létales comme moyen de recouvrement des coûts
(Ohsumi 1995) constituent des exemples d’hypothèses et de politiques étrangères à la sphère
scientifique. Malgré tout, le personnel des programmes JARPA et JARPA II n’a pas dénoncé ces

hypothèses et politiques.

5.56. En 2010, le Japon a transmis à la CBI (Japon 2010) une liste des contributions
scientifiques des programmes JARPA et JARPA II (et leurs équivalents dans le Pacifique Nord).
Cette liste comprend 195 documents du comité scientifique de la CBI ou d’autres réunions et 107
publications dans des revues à comité de lecture pour JARPA et JARPA II.

5.57. J’ai divisé le gros tiers des publications (107 sur 302) dans des revues à comité de

lecture en catégories : gestion (y compris méthodes génétiques d’identification et de mise à mort
sans cruauté), écologie (dont toxicologie environnementale), évolution et génétique des
populations, physiologie de la reproduction ou biochimie des lipides. Les articles sur la gestion et
l’écologie sont potentiellement pertinents au regard des objectifs de JARPA et JARPA II, ceux
373 concernant l’évolution le sont moins, et ceux portant sur la physiologie de la reproduction ou la
biochimie ne sont même pas cités dans les objectifs. - 33 -

5.58. Sur ces publications dans des revues à comité de lecture, un peu moins de la moitié (51
sur 107) concernent la gestion ou l’écologie. Cela signifie que seul un sixième (la moitié d’un tiers,

ou environ 15 %) des articles est soumis à un comité de lecture et est potentiellement pertinent au
regard des objectifs annoncés. Près d’un quart seulement des articles concernant la gestion ou
l’écologie apparaît dans des publications spécialisées en écologie, hors publications de la CBI. En
bref, 1/12 (un quart d’un tiers) des publications portant sur l’écologie et la gestion des baleines
apparaissent dans des revues autres que les publications de la CBI.

5.59 Près de 40 % (39 sur 107) des articles soumis à un comité de lecture concernent la

physiologie de la reproduction, ou la biochimie des lipides, ce qui peut être perçu comme un usage
opportuniste des échantillons obtenus par des méthodes létales. Toutefois, on ne comprend pas en
quoi les connaissances portant sur la fécondation in vitro d’œufs de petits rorquals par du sperme
préalablement congelé, les tentatives d’injection de sperme dans des œufs congelés puis
décongelés, ou de maturation d’œufs de petit rorqual in vitro peuvent être de près ou de loin
pertinentes au regard des objectifs de JARPA ou JARPA II, tels que présentés dans les propositions
de permis déposées au titre de ces programmes.

5.60. Le Japon a affirmé (CBI 2007) que «de nombreuses revues scientifiques occidentales
refusent, pour des raisons éthiques, de publier des articles fondés sur des études sur les baleines
utilisant des méthodes létales». Puisqu’aucune information ne justifie cette affirmation, il est
difficile de savoir quelle est la fréquence de ces refus et s’ils s’appuient sur de prétendues raisons
éthiques ou sur la qualité objective des travaux soumis.

5.61. Je note toutefois que la revue de la CBI, The Journal of Cetacean Research and
Management, et la revue Marine Mammal Science (cf. par. 4.36.) publient toutes deux des articles
s’appuyant sur des études qui utilisent des méthodes létales, dans la mesure où les travaux sont de
qualité suffisante et qu’ils ont été menés dans la légalité. Des revues plus généralistes, telles
qu’Animal Behavior, ne prennent pas en compte les travaux s’appuyant sur des méthodes létales,
contrairement à d’autres revues, comme Oecologia ou Polar Biology.

5.62. En résumé,

L’évaluation des propositions de permis au titre des programmes JARPA et JARPA II a été
faible, et les réponses apportées suite à cet examen, encore plus faibles.

Le personnel des programmes JARPA et JARPA II n’a pas démontré sa capacité à répondre

aux critiques ou à admettre qu’il était dans l’erreur.

Le personnel des programmes JARPA et JARPA II n’a pas dénoncé les hypothèses et
politiques issues de sources extérieures.

Seuls 15 % environ des articles écrits dans le cadre des programmes JARPA et JARPA II ont
été publiés dans des revues à comité de lecture et sont pertinents au regard des objectifs

présentés dans les propositions.

374 À mon avis, le programme JARPA II ne satisfait pas à la troisième caractéristique essentielle d’un
programme mené à des fins de recherche scientifique dans le cadre de la conservation et de la
gestion des baleines. - 34 -

Un programme mené à des fins de recherche scientifique dans le cadre de la conservation
et de la gestion des baleines est conçu de manière à éviter d’éventuelles

répercussions négatives sur les populations étudiées

5.63. Les estimations du nombre de petits rorquals dans l’océan Austral ont connu des
fluctuations considérables et demeurent très incertaines, mais dans le cadre du présent rapport, on
peut considérer que l’estimation est de l’ordre de 300 000 à 500 000 individus (Gambell 1999,
Gillespie 2005). Les captures de petits rorquals entre 1974 et 1984 étaient de l’ordre de 5000 par
an, et les captures effectuées pendant les 18 années du programme JARPA étaient en moyenne de

435 individus par an. Dans le cadre du programme JARPA II, les captures s’élèvent à environ
550 animaux par an.

5.64. Dans le cadre du programme JARPA, et comme c’est toujours le cas pour JARPA II,
on est parti du principe que les prises létales n’auraient aucune répercussion sur la dynamique des
populations (Nakamura 1991, 1993 ; Nakamura et al. 1993). Le risque est qu’il s’agisse d’une
prophétie auto-réalisatrice : si l’on analyse des données en partant du principe que la capture n’aura

pas de répercussions sur la dynamique des populations, alors on est obligé d’arriver à cette
conclusion, puisque cela fait partie de l’analyse même. Autrement dit, l’hypothèse d’une absence
de répercussions des captures à des fins de recherche sur les populations est une conclusion
préconçue.

5.65. En outre, s’il existe plusieurs populations locales dans la zone de prélèvement de
JARPA II, il existe une possibilité que les captures ne soient pas réparties de façon équitable entre

les différentes populations locales, ce qui peut avoir des répercussions diverses. Même si cette
probabilité est faible, il est possible que l’on assiste au déclin de certaines petites populations, une
répercussion que JARPA II ne pourrait pas mesurer ou surveiller.

5.66. S’appuyer sur une estimation de l’effectif de population global peut également induire
en erreur pour une autre raison. JARPA et JARPA II prélèvent des bancs de petits rorquals
comprenant généralement de 1 à 4 individus présentant des degrés de maturité différents (Kato et

al. 1989, Fujise et al. 1993, Kasamatsu et al. 1993, Nishiwaki et al. 2005). En biologie des
populations, il existe un phénomène connu sous le nom d’effet Allee (Courchamp et al. 2008,
Mangel et al. 2010), selon lequel une fois que l’effectif de population a atteint un seuil
suffisamment bas (par exemple, par des effets anthropiques), la population continue de décliner,
même si l’on élimine la cause originelle du déclin. Les effets Allee peuvent avoir de nombreuses
causes (Courchamp et al. 2008), parmi lesquelles une perturbation de la structure sociale, telle
qu’elle pourrait survenir en retirant des individus de petits bancs. L’importance de la structure

sociale dans les bancs des petits rorquals dans les aires d’alimentation demeure incertaine, mais
aucune des publications de JARPA ou de JARPA II ne mentionne les effets Allee et aucun effort
n’est fait pour confirmer que les populations concernées ne présentent pas ce type d’effets.

375
5.67. En résumé,

Le Japon n’a pas démontré que le programme JARPA II n’aurait pas d’éventuelles

répercussions négatives sur les populations et, à l’inverse, suppose simplement que cela ne sera
pas le cas.

Il est possible qu’il existe toute une série de répercussions indirectes sur les populations, qui ne
sont même pas envisagées dans JARPA II. - 35 -

Un programme de recherche bien conçu reconnaîtrait l’existence de ces possibilités et

s’efforcerait de les vérifier, même en cas de faible probabilité de répercussions négatives sur la
population globale.

Je considère donc que le programme JARPA II ne satisfait pas à la quatrième caractéristique d’un
programme mené à des fins de recherche scientifique dans le cadre de la conservation et de la
gestion des baleines.

376 6. CONCLUSION

6.1. Un programme mené à des fins de recherche scientifique dans le cadre de la
conservation et de la gestion des baleines doit aller au-delà de la simple collecte de données : les
données doivent pouvoir servir de base à la production de nouvelles connaissances. En effet, les
méthodes qui génèrent le plus de données ne sont généralement pas celles qui génèrent le plus de
connaissances. Le programme JARPA est un exemple d’activités de collecte de données, qui n’a
pas réussi à générer de connaissances supplémentaires. Sur la base des documents que j’ai étudiés,

je considère que le programme JARPA II se poursuivra en tant qu’activité de collecte de données
mais que, tout comme son prédécesseur, il apportera peu de nouvelles connaissances utiles à la
conservation et à la gestion des baleines.

6.2. Les travaux de recherche scientifique doivent commencer par une question et non par
une réponse, puisque le fait d’adapter rétrospectivement une problématique à une solution constitue
rarement une bonne approche. Plus important encore, la collecte de données ne doit jamais débuter

tant que l’on ne sait pas comment ces données seront analysées ou utilisées. Les programmes
JARPA et JARPA II ont tous deux commencé par une réponse, qui est que la prise létale est
nécessaire, sans vision claire de la façon dont les données allaient être analysées ou utilisées.

Des objectifs bien définis et atteignables, conçus pour apporter des connaissances
utiles à la conservation et à la gestion des peuplements baleiniers

6.3. En 2005, les objectifs du programme JARPA II étaient les suivants :

a) Suivi de l’écosystème de l’Antarctique (incluant les baleines, le krill et l’écologie alimentaire
des baleines, ainsi que les effets des polluants sur les cétacés et la surveillance de leur habitat) ;

b) Modélisation de la compétition entre espèces de baleines (incluant l’élaboration d’un modèle de
compétition entre espèces de baleines et de nouveaux objectifs de gestion, parmi lesquels la
restauration de l’écosystème des cétacés) ;

c) Meilleure compréhension de l’évolution spatio-temporelle de la structure des stocks ; et

d) Amélioration de la procédure de gestion des populations de petits rorquals de l’Antarctique.

6.4. Ces objectifs s’appuient sur un raisonnement scientifique reposant largement sur
l’affirmation : des revendications sont formulées comme si elles étaient démontrées par des études
rigoureuses, alors que cela n’est pas le cas.

6.5. Les objectifs du programme JARPA II sont extrêmement généraux et manquent de
précision. L’expérience de JARPA suggère que les objectifs généraux et imprécis de JARPA II
autorisent de fait n’importe quelle activité et sont utilisés pour justifier la prise létale. - 36 -

6.6. La RMP de la CBI propose une démarche pragmatique et éprouvée pour la gestion de la
377 chasse à la baleine dans l’océan Austral à l’avenir. Elle représente un excellent compromis entre la
complexité du modèle et la disponibilité des données, et permet de gérer les niveaux élevés

d’incertitude liés à l’écosystème de l’océan Austral.

6.7. Les données dont la collecte est envisagée par le programme JARPA II ne sont pas
requises dans le cadre de la RMP et les informations relatives aux mélanges de populations
(désormais collectées de façon plus précise grâce au marquage et au suivi par satellite et aux
analyses génétiques) ne contribueront que de façon périphérique à une éventuelle révision des
réglementations de la CBI concernant les populations. L’applicabilité potentielle de JARPA II à la
RMP est donc faible, voire nulle.

6.8. À mon avis, le programme JARPA II ne satisfait pas au premier critère permettant de le
caractériser comme programme mené à des fins de recherche scientifique dans le cadre de la
conservation et de la gestion des baleines.

Méthodes adaptées permettant d’atteindre les objectifs annoncés, parmi lesquelles :

i. des méthodes létales uniquement lorsque les objectifs des recherches ne peuvent être atteints

par d’autres moyens (par exemple, par l’analyse de données existantes ou le recours à des
techniques de recherche non létales) ;

ii. la fixation de la taille des échantillons à l’aide de méthodologies statistiques reconnues ; et

iii. l’établissement de liens cohérents entre les modèles mathématiques et statistiques et les
données.

6.9. La méthodologie du programme JARPA II inclut modélisation, observations, biopsies et
prises létales. Toutefois, la nécessité exprimée du recours aux prises létales s’appuie sur un
raisonnement scientifique basé sur l’affirmation, et la contribution de JARPA II à l’élaboration de
modèles de gestion, en tant que programme de terrain, n’est pas démontrée.

6.10. Les modèles mathématiques proposés en lien avec JARPA II sont, dans une large
mesure, indépendants des données de terrain collectées dans le cadre du programme, en particulier
les données létales.

6.11. Les observations, les biopsies et les modélisations constituent des outils empiriques
efficaces permettant de répondre aux objectifs actuellement annoncés. La prise létale n’est pas
nécessaire pour atteindre les objectifs de JARPA II.

6.12. Même si la prise létale était nécessaire, le processus de définition de la taille des
échantillons dans JARPA II ne repose pas sur un raisonnement statistique solide ou sur des
analyses du degré d’exactitude nécessaire pour atteindre les objectifs.

6.13. À mon avis, le programme JARPA II ne satisfait pas au deuxième critère permettant de
le caractériser comme programme mené à des fins de recherche scientifique dans le cadre de la
conservation et de la gestion des baleines. - 37 -

Examen périodique des propositions et résultats de recherche,
378 suivi d’un éventuel ajustement

6.14. La plupart des travaux effectués en lien avec JARPA et JARPA II sont publiés hors du
circuit classique des revues à comité de lecture. La majeure partie des publications parues dans des
revues classiques à comité de lecture concerne la physiologie et la biochimie de la reproduction
chez les baleines, des sujets qui ne sont pas pertinents au regard des objectifs annoncés de JARPA
et JARPA II. Seuls 15 % environ des articles issus des travaux de JARPA et JARPA II sont à la
fois soumis à un comité de lecture et potentiellement pertinents au regard des objectifs annoncés.

6.15. Les scientifiques participant aux programmes JARPA et JARPA II ont montré qu’ils

n’étaient pas du tout disposés à changer d’avis, en particulier pour ce qui est de la nécessité
affirmée d’avoir recours à la prise létale.

6.16. À mon avis, le programme JARPA II ne satisfait pas au troisième critère permettant de
le caractériser comme programme mené à des fins de recherche scientifique dans le cadre de la
conservation et de la gestion des baleines.

Conception visant à éviter d’éventuelles répercussions négatives

sur les populations étudiées

6.17. Rien n’indique qu’une attention particulière ait été portée dans la conception de
JARPA II au fait d’éviter des répercussions négatives involontaires.

6.18. À mon avis, le programme JARPA II ne satisfait pas au quatrième critère permettant de
le caractériser comme programme mené à des fins de recherche scientifique dans le cadre de la
conservation et de la gestion des baleines.

Évaluation globale du programme JARPA II

6.19. Le programme JARPA II est une activité de collecte de données dans l’océan Austral.

Toutefois, au regard de la pratique scientifique généralement admise et des critères de la CBI
concernant les permis spéciaux, JARPA II n’est pas un programme mené à des fins de recherche
scientifique dans le cadre de la conservation et de la gestion des baleines. - 271 -

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384 - 44 -

8. APPENDICES
385

A PPENDICE A

E LÉMENTS BIOGRAPHIQUES SUR M ARC M ANGEL

(Page Web : http ://www.soe.ucsc.edu/~msmangel/)

Marc Mangel, PhD, est «Distinguished Professor» en mathématiques et statistiques
appliquées, titulaire de la chaire financée par Jack Baskin en gestion des technologies et de
l’information, et directeur du centre de recherche sur l’évaluation des stocks à l’Université de
Californie Santa Cruz, où il exerce depuis 1996. Dans cet établissement, il a également occupé les
postes de directeur du laboratoire sur les systèmes d’information géographique (1996-1999), de
vice-recteur associé chargé de la planification et des programmes (1997-1999), et de directeur du
er
département de mathématiques et statistiques appliquées (2007-2009). Depuis le 1 juillet 2010, il
dirige également le programme de gestion des technologies et de l’information.

De 1980 à 1996, Marc Mangel a travaillé à l’Université de Californie Davis, où il a exercé en
tant que chargé de cours, maître de conférences, puis professeur titulaire pendant huit ans au
département de mathématiques et huit ans au département de zoologie, section évolution et

écologie. Il a dirigé le département de mathématiques (1984-1989) et a été le premier directeur et
fondateur du centre pour la biologie des populations (1989-1993).

Il a notamment obtenu les distinctions et récompenses suivantes : Koopman Paper Prize
délivré par l’Operations Research Society of America, 1982 ; JASA Applications Paper délivré par
l’American Statistical Association, 1983 ; Joseph Myerhoff Fellowship, Weizmann Institute of
Science, 1987 ; John Simon Guggenheim Memorial Fellowship, 1987 ; Fulbright Senior Research

Fellowship, Oxford University, 1988 ; George Gund Foundation Distinguished Environmental
Scholar, Case Western Reserve University, 1992 ; Distinguished Statistical Ecologist, International
Association for Ecology, 1998 ; Mote Eminent Scholar, Florida State University, 2000 ; Fellow,
California Academy of Sciences, 2000; Fellow American Association for the Advancement of
Science, 2003 ; UCSC Academic Senate Excellence in Teaching Award, 2003 ; Frohlich Fellow,
CSIRO Hobart, 2006 ; Astor Lecturer, University of Oxford, 2007 ; Kaeser Lecturer University of
Wisconsin, 2008 ; Fellow of the Royal Society of Edinburgh, 2009 ; prix du meilleur article (sur

95 candidatures) publié dans The Transactions of the American Fisheries Society pour
l’année 2009, pour des travaux sur les modèles de cycle de vie chez la truite arc-en-ciel sur la côte
centrale de la Californie, et Lamberson Ecology Trust Lecturer Humboldt State University, 2010.

Marc Mangel a publié de nombreux articles dans des revues et plusieurs ouvrages, parmi
lesquels Decision and Control in Uncertain Resource Systems (1985, Academic), Dynamic

Modeling in Behavioral Ecology (avec Colin Clark, 1988, Princeton), The Ecological Detective.
Confronting models with data (avec Ray Hilborn, 1997, Princeton University Press), Dynamic
State Variable Models in Ecology : Methods and Applications (avec Colin Clark, 2000, Oxford
University Press), et The Theoretical Biologist’s Toolbox. Quantitative methods for ecology and
evolutionary biology (2006, Cambridge, University Press). Il a dirigé les publications suivantes :
Classics of Theoretical Biology (A Special Issue of the Bulletin of Mathematical Biology. Partie I :
Volume 52, Numéros 1,2. Partie II : Volume 53, Numéros 1,2), Sex Allocation and Sex Change :

386 Experiments and Models (Lectures on Mathematics in the Life Sciences, Volume 22) et
Proceedings of the Second International Symposium on Krill (Canadian Journal of Fisheries and
Aquatic Sciences 57 (Supplément 3)). Il a assuré la direction de plus de 50 projets de recherche
d’étudiants ou de mémoires de fin d’études, 20 doctorats et 28 post-doctorats.

Marc Mangel et Douglas Butterworth ont été les deux premiers experts invités à participer au

comité scientifique de la Commission pour la conservation de la faune et la flore marines de - 45 -

l’Antarctique (CCAMLR) et Marc Mangel a fait partie de la délégation américaine auprès de la
CCAMLR en 1991. Ses travaux sur le krill de l’océan Austral ont bénéficié du soutien de NOAA

Fisheries (1994-97), de la National Science Foundation des États-Unis (1998-2002) et du Lenfest
Ocean Program (2006-2010). Marc Mangel a été membre pendant six ans (1990-1996) du comité
des conseillers scientifiques de la commission américaine sur les mammifères marins (U.S. Marine
Mammal Commission) et, dans ce cadre, a dirigé les travaux de mise à jour des principes de
conservation de la faune et la flore sauvages (Mangel et al. 1996). Il a également été membre du
comité spécial sur les phoques du Natural Environment Research Council du Royaume-Uni entre
2004 et 2011 et en a assuré la présidence entre 2008 et 2011. - 46 -

387 Appendice B

Mandat défini par le Gouvernement australien

Votre rapport doit porter sur la deuxième phase du programme japonais de recherche
scientifique sur les baleines dans l’Antarctique au titre d’un permis spécial (JARPA II). Toutefois,
il devra faire référence à la première phase du programme japonais de recherche scientifique sur les
baleines dans l’Antarctique au titre d’un permis spécial (JARPA), lorsque cela est pertinent.

Votre rapport doit refléter votre conviction sincère concernant les problématiques et les
questions posées.

Merci de bien vouloir traiter dans votre rapport des sujets/questions indiqués ci-après :

a) identifier et présenter de façon générale les caractéristiques essentielles d’un programme mené
à des fins de recherche scientifique ; et

b) fournir une analyse critique des objectifs, méthodes et autres caractéristiques du programme
JARPA II et, ce faisant, évaluer si ce programme possède les caractéristiques essentielles
auxquelles il est fait référence au paragraphe a).

388
Appendice C

Documents de référence fournis par le Gouvernement australien

le Gouvernement australien a communiqué les documents de référence suivants :

la convention internationale pour la réglementation de la chasse à la baleine, 1946 ;

une série de documents de la CBI concernant la chasse à la baleine au titre de permis spéciaux,
parmi lesquels :

les résolutions de la commission concernant la chasse à la baleine au titre de permis
spéciaux et les programmes JARPA et JARPA II entre 1987 et 2007 ;

des extraits pertinents des rapports annuels de la commission et du comité scientifique

entre 1985 et 2009, parmi lesquels les débats sur la chasse au titre d’un permis spécial
et sur la RMP ;

les rapports des évaluations intermédiaires et finales du programme JARPA réalisées
par la CBI ;

un récapitulatif des permis spéciaux délivrés entre 1951 et 1987 ;

une collection de documents préparés par le Gouvernement japonais, parmi lesquels :

les projets de recherche au titre des programmes JARPA et JARPA II entre 1987 et
2005 ;

les rapports de mission relatifs aux programmes JARPA et JARPA II entre 1988 et
2010 ; - 47 -

les permis spéciaux délivrés dans le cadre des programmes JARPA et JARPA II entre

1988 et 2010 ;

le rapport de la réunion d’évaluation du programme JARPA organisée par le
Gouvernement japonais du 18 au 20 janvier 2005 ;

les documents transmis à la CBI dans le cadre des évaluations intermédiaires et finales
du programme JARPA ; et

la liste des publications figurant sur le site Internet de l’Institut de recherche sur les
cétacés.

De nombreux articles et publications scientifiques m’ont également été fournis. Toutes les sources
citées apparaissent dans la bibliographie.1 COMPLÉMENT AU RAPPORT D ÉVALUATION DES PROGRAMMES JAPONAIS DE RECHERCHE
SCIENTIFIQUE SUR LES BALEINES DANS L ’ANTARCTIQUE AU TITRE D ’UN PERMIS SPÉCIAL

(JARPA,JARPA II) EN TANT QUE PROGRAMMES MENÉS A DES FINS DE RECHERCHE
SCIENTIFIQUE DANS LE CADRE DE LA CONSERVATION ET
DE LA GESTION DES BALEINES 1

M ARC M ANGEL , UNIVERSITÉ DE C ALIFORNIE

SANTA C RUZ , 15AVRIL 2013

Table des matières
2

1. Introduction.................................................................................................................................... 2

2. Observations générales à propos du contre-mémoire..................................................................... 4

3. Le programme JARPA II n’est pas mené «à des fins de recherche scientifique»......................... 5

Le programme JARPA II ne propose pas d’hypothèses vérifiables.............................................. 5

La définition de la taille des échantillons dans le programme JARPA II ne s’appuie pas
sur l’application constante d’une méthodologie reconnue....................................................... 7

Les modèles et les données notamment les données collectées au moyen de méthodes
létales ne sont pas reliés entre eux dans le programme JARPA II...................................... 9

Les travaux du programme JARPA II n’ont, en règle générale, pas fait l’objet d’une
évaluation par les pairs et la majorité des articles en ayant fait l’objet n’intéressent pas
la conservation ou la gestion des baleines ............................................................................. 11

4. Les données collectées pendant les 26 ans de mise en œuvre des programmes JARPA et
JARPA II n’ont pas apporté de contribution à la procédure de gestion revisée.......................... 14

Objectif de la procédure de gestion revisée ................................................................................ 14

Des modèles de gestion et d’exploitation sont utilisés dans le cadre de la RMP........................ 14

Les données nécessaires et les données accessoires.................................................................... 15

Essais de simulation de mise en œuvre et prise létale................................................................. 16

Amélioration et révision de la RMP............................................................................................ 17

5. Les données obtenues par des moyens létaux pourraient être obtenues par d’autres
méthodes..................................................................................................................................... 17

Le marquage par balises permettant le suivi par satellite............................................................ 18

1
J’ai rédigé ce rapport complémentaire conformément à la demande de la Cour, transmise par une lettre du
17 octobre 2012, qui souhaitait recevoir avant le 15 avril 2013 le texte intégral des rapports d’expertise. Ces observations
complètent mon rapport initial («évaluation des programmes japonais de recherche scientifique sur les baleines dans
l’Antarctique au titre d’un permis spécial (JARPA, JARPA II) en tant que programmes menés à des fins de recherche
scientifique dans le cadre de la conservation et de la gestion des baleines», Mangel 2011 ; appendice 2 du mémoire de
l’Australie). Ces deux documents constituent l’intégralité de l’exposé que je destine à la Cour. - 2 -

La biopsie.................................................................................................................................... 19

La photographie.......................................................................................................................... 20

En résumé.................................................................................................................................... 21

6. Réévaluation des objectifs du programme JARPA II .................................................................. 21

7. Conclusion.................................................................................................................................... 23

Appendice 1. Correspondance avec le professeur Bruce Mate au sujet du marquage des
baleines par balise à des fins de suivi par satellite, en date du 16 novembre 2010............ 29

Appendice 2. Correspondance avec le professeur Nick Gales au sujet du marquage des
baleines par balises à des fins de suivi par satellite, en date du 20 mars 2013...................... 30

3 1. INTRODUCTION

1.1. Le Gouvernement australien m’a demandé d’examiner à la lumière du contre-mémoire

du Japon du 9 mars 2012 le rapport dont je suis l’auteur sur l’évaluation des programmes japonais
de recherche scientifique sur les baleines dans l’Antarctique au titre d’un permis spécial (JARPA,
JARPA II) en tant que programmes menés à des fins de recherche scientifique dans le cadre de la
conservation et de la gestion des baleines.

1.2. On ne peut débattre de la question de savoir si le programme JARPA II est un
programme mené «à des fins de recherche scientifique» sans avoir donné une définition de ce type
d’activité. Le comité scientifique de la commission baleinière internationale ne l’a jamais fait. En
me basant sur la convention internationale pour la réglementation de la chasse à la baleine, sur la

pratique du comité scientifique de la commission baleinière internationale, sur la procédure de
gestion révisée de la CBI (RMP), en m’appuyant sur mon expérience personnelle en écologie
fondamentale et appliquée et sur les principes généraux régissant la pratique scientifique, j’avais
conclu qu’un programme, pour pouvoir être qualifié de programme mené «à des fins de recherche
scientifique» dans le cadre de la conservation et de la gestion des baleines (Mangel 2011

par. 4.39), devait :

«a) a[voir] des objectifs bien définis et atteignables, conçus pour apporter des
connaissances utiles à la conservation et à la gestion des peuplements baleiniers ;

b) utilise[r] des méthodes adaptées permettant d’atteindre les objectifs annoncés,
parmi lesquelles :

i) des méthodes létales uniquement lorsque les objectifs de la recherche ne
peuvent être atteints par d’autres moyens (par exemple, par l’analyse des

données existantes ou le recours à des techniques de recherche non létales) ;

2 J’étudie notamment depuis 1986 le krill de l’océan Austral (je suis l’un des deux premiers experts à avoir été
invités à la commission pour la conservation de la faune et la flore marines de l’Antarctique (CCAMLR) ; j’ai été
membre de la délégation américaine auprès de la CCAMLR, j’y ai ensuite travaillé en qualité de visiteur en 2006 et y ai
organisé en 2007 une réunion sur la résolution des incertitudes dans la gestion des modèles de pêche au krill). J’ai été
membre du comité des conseillers scientifiques de la commission américaine sur les mammifères marins (U.S. Marine
Mammal Commission) de 1990 à 1996 ; membre de la délégation américaine pour l’étude scientifique de la pêche
hauturière au grand filet dérivant ; membre, de 2004 à 2011, puis président, de 2008 à 2011, du comité spécial sur les
phoques du Natural Environment Research Council du Royaume-Uni (commission officielle ayant pour mission de
conseiller le Gouvernement britannique sur la conservation et la gestion des phoques)Enfin, je suis l’auteur de
nombreuses publications dans les domaines de l’écologie appliquée et fondamentale. - 3 -

ii) la fixation de la taille des échantillons à l’aide de méthodes statistiques
reconnues ; et

iii) l’établissement de liens cohérents entre les modèles mathématiques et les
données ;

c) prévoi[r] un examen périodique des propositions et résultats de recherche, suivi
d’un éventuel ajustement ;

d) [être] conçu de façon à éviter d’éventuelles répercussions négatives sur les
populations étudiées.»

1.3. Ces critères minimaux correspondent à la pratique établie et prennent aussi en compte
l’approche et les critères définis par la CBI. Ces critères doivent tous être remplis pour qu’une
activité puisse être reconnue comme étant un programme mené «à des fins de recherche
4 scientifique» dans le cadre de la conservation et de la gestion des baleines. A ma connaissance,
aucun expert n’a formulé à ce sujet d’avis divergent (postulant par exemple en que la science ne
requiert pas d’hypothèses vérifiables ou qu’il n’est pas indispensable de définir la taille des
échantillons de manière cohérente par l’utilisation de méthodologies statistiques pertinentes) ; de
telles opinions seraient très éloignées de l’opinion majoritaire prévalant en science moderne.

1.4. Une question essentielle mise en évidence par le contre-mémoire est celle de savoir si
chacune des parties à la convention internationale pour la réglementation de la chasse à la baleine
peut définir pour elle-même, sur la base de ses propres critères subjectifs, ce qu’est un programme
mené «à des fins de recherche scientifique» dans le cadre de la conservation et de la gestion des
baleines ou si un tel programme ne peut être défini que sur la base de critères objectifs. Pour
qu’une activité soit dûment qualifiée de programme mené «à des fins de recherche scientifique», il
faut pouvoir se fonder sur des principes solides et reconnus, et non sur des affirmations subjectives.

La détermination de ce qui constitue la «science» doit s’apprécier au regard de critères objectifs,
dans le cadre des limites fixées par la pratique et les principes. D’un point de vue scientifique, si
ces limites sont franchies, cette pratique ne relève pas de la «science».

1.5. Dans ce rapport complémentaire, je commencerai par faire état d’observations générales
au sujet du contre-mémoire ; puis je montrerai : i) que le programme JARPA II n’est pas mené «à
des fins de recherche scientifique», ii) que les données obtenues depuis 26 ans par des moyens

létaux n’ont pas apporté de contribution à la RMP et sont peu susceptibles d’y contribuer à l’avenir,
et iii) que les données collectées par des moyens létaux pourraient être obtenues grâce à d’autres
méthodes. Je reviendrai ensuite sur les objectifs du programme JARPA II (CM, par. 5.20) et les
réexaminerai à la lumière de mon précédent rapport, du contre-mémoire et de la présente étude. Je
conclurai en réaffirmant que le programme JARPA II n’est pas un programme mené «à des fins de
recherche scientifique» dans le cadre de la conservation et de la gestion des baleines. - 4 -

5 2. OBSERVATIONS GÉNÉRALES À PROPOS DU CONTRE MÉMOIRE

2.1. En tant que chercheur rompu à la pratique de l’évaluation par les pairs soit que mes
propres travaux en fassent l’objet, soit que je participe moi-même à l’évaluation de travaux de
pairs , je pensais que le contre-mémoire répondrait point par point à mon analyse. Or ce n’est

pas le cas, à l’exception de la réponse à mes commentaires sur l’effet Allee (Mangel 2011,
par. 5.64 à 5.67 ; contre-mémoire par. 5.86). En outre, le contre-mémoire entre dans certains
développements que j’estime hors de propos ou erronés, y compris par omission.

2.2. Le contre-mémoire pèche en ceci que :

La réponse apportée s’agissant des critères fondamentaux exposés au paragraphe 1.2 ci-dessus
est sommaire. Les auteurs du contre-mémoire qualifient ces critères d’arbitraires (CM,
par. III.15) et laissent entendre qu’ils ne sont que l’expression de mon opinion personnelle
(CM, par. 9.10). Toutefois, aucun élément étayant ces affirmations n’est avancé, si ce n’est
que le Japon compte aussi des scientifiques. Les auteurs du contre-mémoire ne parviennent pas

à présenter d’autres critères qui pourraient permettre à un programme d’être considéré comme
mené «à des fins de recherche scientifique». Avec une telle approche, n’importe quelle activité
menée par le Japon peut être qualifiée de scientifique.

En réponse à la conclusion à laquelle je suis arrivé, selon laquelle le programme JARPA II n’a,
pour l’essentiel donné lieu à la formulation d’aucune hypothèse nouvelle, à l’exception de celle

relative au krill (dont la véracité est davantage présumée que mise à l’épreuve dans le cadre du
programme), les auteurs du contre-mémoire indiquent ceci :

«Dans le cadre du programme JARPA II, cependant, on n ’entend pas vérifier
la validité de l’hypothèse de l’excédent de krill. Le but du programme est
d’intégrer des données concernant d ’autres animaux/poissons prédateurs du krill,

afin d’élaborer un «modèle de concurrence entre les espèces de baleines », en
envisageant diverses hypothèses susceptibles d ’expliquer les modifications
d’abondance de l’espèce des baleines à fanons, y compris en tenant compte de
l’hypothèse de l’excédent de krill. Les allégations de l ’Australie soutenant que le
programme JARPA II n’est pas conçu ni mené pour vérifier la validité de

l’hypothèse de l’excédent de krill ne sont donc pas pertinentes .» (Par. 5.31.)

Cependant, aucune de ces «diverses hypothèses» n’est décrite, laissant au lecteur la tâche de
deviner ce à quoi elles peuvent correspondre.

Rien, dans le contre-mémoire, n’explique la nécessité de la prise létale ; cette nécessité est
simplement affirmée, comme c’est le cas depuis les débuts du programme JARPA.

6 Les auteurs du contre-mémoire présentent des informations dépourvues de pertinence afin de
détourner l’attention des élémen ts essentiels. On ne peut trancher la question de savoir si le
programme JARPA II est un programme mené «à des fins de recherche scientifique » dans le
cadre de la conservation et de la gestion des baleines à la lecture dquestions discutées dans le

contre-mémoire et portant : i) sur le point de savoir si la population des petits rorquals de

3Je siège actuellement aux comités de rédaction des revues scientifiques suivantes : The American Naturalist,
Environmental and Ecological Statistics, Evolutionary Ecology Research, Israel Journal of Ecology and Evolution,
Oecologia, and Theoretical Population Biology, et fais partie du haut conseil consultatif de la revue scientifique
d’écologie Natural Resources Modeling. De 1994 à 1999, j’avais exercé les fonctions de co-directeur de rédaction de la
revue Behavioral Ecology. J’avais occupé auparavant différents postes rédactionnels. - 5 -

l’Antarctique peut supporter une exploitation, ou si cette population est menacée oudanger de

disparition (CM, par. 40) ; ii) sur la question de savoir si l’on peut pêcher le petit rorqual, ce qui
est une question éthique (et politique) ne relevant pas de la démarche scientifique (voir par
exemple Weinberg 1972) ; ou iii) sur la politique publique de l ’Australie en matière de reprise de
la chasse à la baleine à des fins commerciales (CM, note de bas de page 318).

Les auteurs du contre-mémoire ont beau jeu de décrire en détail les télomères (extrémités

des molécules d’ADN) en tant que moyen de déterminer l’âge (CM, par. 4.67) et d’en
réfuter l’utilité, puisque je n’ai pas évoqué cette possibilité, et que les télomères ne sont à
aucun moment mentionnés dans le mémoire de l’Australie.

En revanche, le contre-mémoire n’aborde pas la question de l’utilisation d’échantillons de
sang pour mesurer les taux d ’hormones sexuelles (voir, par exemple, contre-mémoire,
par. 4.70) et exclut sans plus d ’explication l’utilisation de la biopsie pour mesurer les

polluants, arguant que l ’utilisation d’échantillons ainsi prélevés «ne serait pas possible pour
tous les polluants » (voir par exemple, contre-mémoire, par. 4.79). Cependant, faute d ’un
cadre conceptuel recourant à des hypothèses vérifiables, nous ignorons quels sont les
polluants jugés importants et les raisons pour lesquelles ils le sont.

3. LE PROGRAMME JARPA II N EST PAS MENÉ « À DES FINS DE RECHERCHE SCIENTIFIQUE »
7

Le programme JARPA II ne propose pas d’hypothèses vérifiables

3.1. Le programme JARPA II reste dans la lignée du programme JARPA : il s’agit d’un
programme de collecte de données dont il est affirmé qu’il contribuera, d’une manière ou d’une
autre, à la conservation et à la gestion des baleines dans l’océan Austral, mais qui est dépourvu du
cadre conceptuel nécessaire pour rendre ce résultat ne serait-ce que probable.

3.2. Quasiment tous les éléments présentés dans le contre-mémoire à l’appui de la
reconnaissance des programmes JARPA et JARPA II comme programmes scientifiques accréditent
en réalité davantage l’idée qu’il ne s’agit de rien de plus que de programmes de collecte de données
menés hors de tout cadre conceptuel, ne poursuivant pas des objectifs définis ou réalisables, et non
fondés sur des hypothèses qui soient clairement vérifiables.

3.3. Or la collecte de données ne peut relever de la recherche scientifique que si elle est
associée à telle ou telle hypothèse. Comme je l’ai indiqué précédemment (Mangel 2011, par. 4.9
à 4.13), un programme ne pourra être qualifié de «programme mené à des fins scientifiques» en
l’absence d’hypothèse vérifiable et définie en termes opérationnels. Autrement dit, il faut à la fois
une hypothèse (ou des hypothèses) et les moyens de la tester pour pouvoir tirer des enseignements

de l’observation de la nature.

3.4. Si ces préalables font défaut, la collecte de données a ura beau avoir lieu, le
programme ne pourra être assimilé à une recherche scientifique. Se contenter d’effectuer des
mesures n’est pas suffisant pour mener un programme «à des fins de recherche scientifique ».
Même l’induction (dans le cadre de laquelle la question pertinente est, non pas clairement

énoncée d’entrée de jeu, mais mise au point ou amenée à évoluer à mesure que l’on collecte des
données et sur la base de celles-ci) doit d’une manière ou d ’une autre se rattacher à une
problématique, sans quoi elle ne se différencie en rien de la simple collecte de don nées. - 6 -

3.5. Par exemple, les ornithologues expérimentés ont coutume d’établir des listes de tous
les oiseaux qu’ils ont pu observer ; et pourtant, il ne viendrait à l’idée de personne de considérer
ces listes comme des programmes scientifiques, car elles ne se rattachent à aucun cadre
conceptuel ni à aucune hypothèse.

3.6. De la même façon, personne ne conteste que la pratique du suivi soit un élément
essentiel de la protection environnementale. Cependant, même si ce suivi contribue à protéger
la santé humaine et l’environnement, ses partisans n ’ont jamais affirmé qu ’il constituait en
lui-même un programme «mené à des fins de recherche scientifique ».

e
8 3.7. Ce principe est reconnu par la communauté scientifique. Au XX siècle, un des
objectifs de fond de la philosophie des sciences a été de définir des critères permettant de
distinguer la science de la non -science . 4 Il est maintenant communément admis que «le
dénominateur commun de toute activité scientifique est la capacité d ’émettre et de vérifier des

hypothèses en se fondant sur la collecte systématique de données empiriques (par le biais
d’expériences ou d ’observations)» (Pigliucci 2010, p. 23). Aujourd’hui, le fait qu’une
hypothèse vérifiable ou un cadre conceptuel sont des éléments constitutifs indispensables à la
«recherche scientifique» est un principe bien connu et accepté par la communauté scientifique. La
simple collecte de données empiriques, sans hypothèse vérifiable, ne peut tout simplement pas être

considérée comme de la «recherche scientifique». En posant une problématique, une hypothèse
ou un cadre conceptuel rigoureux susceptibles d’être mis à l’épreuve de l’expérience, nous créons
des propositions scientifiques. Cependant, «les propositions (c’est-à-dire des hypothèses ou des
objectifs) construites si peu solidement qu’elles en sont invérifiables n’offrent guère de prise»
(Foster and Huber 1999, p. 233) puisqu’elles ne pourront jamais être évaluées.

3.8. Ainsi, la communauté scientifique reconnaît que la simple collecte de données ne peut
être qualifiée de scientifique. Pour tirer les enseignements des résultats trouvés, il est nécessaire de
se baser sur une hypothèse et de pouvoir la vérifier. Peters (1991, p. 223) relève que pour un

scientifique, la première étape «est d’identifier en tant qu’objectif de la recherche, une question ou
une hypothèse qu’il s’agit de vérifier». De même, Karban and Huntziger (2006, p. 60) indiquent ce
qui suit :

«Faire de la recherche nécessite en premier lieu d ’avoir à l’esprit une question

ou une hypothèse claire. Si vous n’êtes que vaguement intéressé par un système
(organisme ou interaction), vous n ’êtes pas prêt… Vous devez être capable
d’énoncer vos idées pour parvenir à une question claire. Sans question clairement
énoncée, s’astreindre à collecter des données (pertinentes ou non) se transformera
en tâche sans fin.» 5

3.9. Sans cadre conceptuel bâti sur le fondement d’hypothèses, on ne peut pas travailler de
manière scientifique. On peut bien sûr recueillir énormément de données, à l’exemple des
programmes JARPA et JARPA II, mais, ainsi que le note Platt (1964, p. 349),

«faute de s’être demandé, dès le départ, quelles seraient les expériences [ou les
observations] les plus importantes et convaincantes, on peut facilement perdre des

4
Cette démarche philosophique est associée aux travaux des grands intellectuels que furent Karl Popper,
Thomas Kuhn, Imre Lakatos, et Michael Polanyi, parmi d’autres.
5 Parmi les spécialistes soutenant cette idée, on compte notamment : Angier (2007, p. 32), Casti (1989,
p. 11-14), Chalmers (1999, p. 59-73), Cromer (1993, p. 20), Giere (1997, p. 29-38), Rigler and Peters (1995, p. 16),
Shermer (2001, p. 133), Ziman(1991, p. 32). - 7 -

années ou des décennies à amasser des observations et expériences ordinaires, qui ne
renseignent guère».

La communauté scientifique a reconnu et approuvé cette idée bien avant les débuts du programme
JARPA il y a 26 ans.

9 3.10. En résumé, en l ’absence d’hypothèses vérifiables, des données pourront être
recueillies dans le cadre de programmes à long terme (et même en quantités considérables), sans
que ces programmes puissent pour autant être dûment considérés comme étant «menés à des fins
scientifiques». Ainsi que je l’ai indiqué précédemment (Mangel 2011), sans avoir été contredit à
ce sujet par les auteurs du contre -mémoire, les hypothèses vérifiables constituent le fondement

même de la science, mais elles s ont absentes du programme JARPA II (Mangel 2011,
par. 5.22) ; le programme JARPA II n’est tout au plus qu’un programme visant à collecter des
données (Mangel 2011, par. 6.1, 6.19).

La définition de la taille des échantillons dans le programme JARPA II ne s’appuie pas sur
l’application constante d’une méthodologie reconnue

3.11. En l’absence d’hypothèses vérifiables, il est impossible de définir correctement la taille

des échantillons, car il faut pour cela se référer à ce qui permet de répondre à la problématique
centrale. A défaut d’une telle problématique, l’on ne sait à quelle aune déterminer quelle taille
devra avoir l’échantillon. J’avais constaté que les programmes JARPA et JARPA II manquaient à
cet égard de clarté (Mangel 2011, par. 5.38-5.48). Les auteurs du contre-mémoire donnent plus de
détails à ce sujet (par. 5.57-5.71), sans pour autant clarifier les choses.

3.12. Les précisions apportées dans le contre-mémoire quant à la taille des échantillons font
référence à un tableau publié par The Research Advisors (consultable à l’adresse suivante :

http ://research-advisors.com/tools/SampleSize.htm) (CM, note de bas de page 712) et aux
annexes de la proposition de permis au titre du programme JARPA II (CM, note de bas de
page 715).

3.13. Les auteurs du contre-mémoire utilisent (CM, par. 5.58) le tableau fourni par
The Research Advisors pour montrer qu’une population estimée à 761 000 individus (avec une
marge d’erreur de 3,5 % et un intervalle de confiance de 95 %) nécessite un échantillon de

783 spécimens chiffre très proche de la taille des échantillons utilisée dans le programme
JARPA II. Cependant, rien n’explique pourquoi on a choisi une marge d’erreur de 3,5 % en
d’autres termes, pourquoi fixer la marge d’erreur à ce niveau et pas à un autre ? Ainsi, pour une
marge d’erreur de 1 %, l’échantillon serait de 9400 individus ; mais pour une marge d’erreur de
5 %, l’échantillon requis serait de 384 spécimens seulement soit quasiment 25 fois moins. Et
pour une marge d’erreur de 10 % (cette hypothèse ne figure pas dans le tableau, mais pourrait tout
à fait être choisie scientifiquement à certaines fins), l’échantillon requis serait encore moins

10 important. Même s’il ne s’agit que d’un exemple, le Japon ne donne aucune explication justifiant
le choix d’une marge d’erreur de 3,5 %, et on ne sait ni comment ni pourquoi cette marge a été
retenue. Sans problématique spécifique, on ne peut pas faire de choix éclairé ; c’est seulement à la
lumière des éléments nécessaires pour répondre à une question spécifique que l’on peut choisir la
marge d’erreur idoine.

3.14. Autrement dit, pour savoir quelle marge d’erreur appliquer, il faut connaître la
problématique à laquelle on souhaite répondre et donc disposer d’une hypothèse. - 8 -

3.15. Les auteurs du contre-mémoire analysent ensuite (par. 5.59 et suivants) la manière dont
la taille de l’échantillon a été déterminée pour trois paramètres (âge adulte, taux de gestation et taux

de variation de l’épaisseur de graisse). En l’absence de toute référence à des hypothèses qui
permettraient de définir les marges d’erreur admissibles, ils concluent que les échantillons requis
dans les cas cités se situaient, respectivement, dans un intervalle de 594 à 1288 spécimens (CM,
par. 5.67), de 663 à 1617 spécimens (CM, par. 5.68) et de 818 à 971 spécimens (CM, par. 5.69).

3.16. Puis les auteurs du contre-mémoire indiquent que, pour ces trois paramètres, la taille
des échantillons se situe quelque part entre 594 et 1617 individus, que, concernant la majorité des

nombreuses données collectées (plus de 100 par baleine ; CM, par. 5.59), la taille des échantillons
nécessaire tourne autour de 800 individus par an (CM, par. 5.70) et que le programme JARPA II a
finalement adopté une taille d’échantillon de 850 individus (CM, par. 5.71). S’agissant des
paramètres pour lesquels cette taille d’échantillon est insuffisante, il est affirmé que la perte de
précision qui en découlera sera compensée par l’intégration systématique «de nombreuses données
et analyses différentes» (CM, par. 5.71).

3.17. Bien qu’un examen superficiel puisse laisser penser qu’un échantillon de
850 spécimens (ce qui correspond à peu près à la taille des échantillons du programme JARPA)
serait satisfaisant, les auteurs n’expliquent pas précisément pourquoi ils ont choisi cette valeur,
qu’on ne peut donc tenir pour justifiée. Au contraire, dans le cadre d’un programme «mené à des
fins de recherche scientifique», on retiendrait la limite supérieure de l’intervalle soit 1617 ,
pour chaque élément d’analyse, car, si l’on retenait une valeur moindre, pour certains des

paramètres étudiés, les échantillons ne correspondraient pas à la marge d’erreur ou à l’intervalle
de confiance retenus. En choisissant une taille d’échantillons inférieure à la taille maximale, on
change fondamentalement la marge d’erreur ou l’intervalle de confiance pour certains, au moins,
des paramètres pour lesquels le Japon avait indiqué, spécifiquement et de manière par ailleurs
arbitraire, que des échantillons de plus de 850 individus étaient nécessaires.

3.18. Que les choses soient claires : je ne suis pas en train d’insinuer qu’il faudrait tuer plus

de baleines, car il n’est en réalité nullement nécessaire d’en mettre à mort «à des fins de recherche
scientifique» dans le cadre d’un programme de conservation et de gestion. Je cherche simplement
ici à mettre en évidence les incohérences entachant l’application de cette méthodologie.

11 3.19. Ces exemples montrent que le Japon s’autorise à tort un manque de rigueur dans
l’utilisation qu’il fait des méthodes statistiques. Par exemple, le tableau précédemment cité
indique une taille d’échantillon, calculée en fonction de la taille de la population échantillonnée,

de la marge d’erreur considérée comme acceptable (1 %, 2 %, 3,5 % ou 5 %) et d’un intervalle de
confiance (95 % ou 99 %). Le manque de rigueur provient de ce que la marge d’erreur et
l’intervalle de confiance sont ici affaire de jugement arbitraire. Alors que le Japon pourrait choisir
des méthodes existantes et communément admises (comme indiqué précédemment, ce choix est
fonction de la problématique qui se pose), il ne fournit aucune explication pour justifier son choix.

3.20. Cette marge de discrétion que se laisse le Japon, au risque de générer des données

susceptibles d’être mal interprétées, se retrouve pour les exemples plus complexes donnés à
propos de l’âge de la maturité, du taux de gestation et de l’épaisseur de graisse. En réalité, elle est
même là plus flagrante encore, car outre les choix évoqués au précédent paragraphe, interviennent
ici le niveau de variation escompté ainsi que l’intervalle de temps au cours duquel est supposée se
produire la variation que l’on cherche à mettre en évidence. Le résultat de tout ceci est qu’en
l’absence d’un cadre conceptuel au sein duquel les données collectées seraient intégrées, on peut
fixer à peu près n’importe quelle taille d’échantillon et la justifier en se référant rétrospectivement - 9 -

à des paramètres dont le choix n’a pas été explicité. Cela semble être le cas dans le cadre du
programme JARPA II.

3.21. Les prises réelles, indiquées dans le contre-mémoire au paragraphe 5.72, sont bien en
dessous de l’objectif de 850, sauf pour 2005/2006, ce qui tend à jeter un doute sur l’ensemble des

échantillons depuis 2006/2007. Alors que les auteurs du contre-mémoire cherchent à expliquer
pourquoi les prises sont moindres, ils ne tentent à aucun moment d’expliquer de quelle manière la
perte de précision qui en découle sera compensée par l’intégration systématique «de nombreuses
données et analyses différentes» (CM, par. 5.71).

3.22. Pour résumer, la manière dont est définie la taille des échantillons dans le programme
JARPA II reste obscure. La seule observation que l’on puisse faire avec certitude est que cette
définition n’est pas opérée dans le respect des procédés requis dans le cadre d’un programme «à
des fins de recherche scientifique».

Les modèles et les données notamment les données collectées au moyen de méthodes
létales ne sont pas reliés entre eux dans le programme JARPA II

3.23. Dans le cadre d’un programme «mené à des fins de recherche scientifique» en vue de
la conservation et de la gestion des baleines, les modèles et les données doivent être reliés entre eux

de manière cohérente ; cela n’est pas le cas dans le programme JARPA II.

12 3.24. En écologie, les modèles sont notamment utilisés : i) à des fins de synthèse et
d’intégration de données ; ii) pour fournir des orientations à la recherche empirique ; iii) à des
fins de prévision. Les modèles complexes ne sont pas forcément plus utiles ou plus performants
6
que les autres ; au contraire, bien souvent, ils produisent des réponses moins précises que celles
obtenues par l’utilisation de variantes plus simples (Ludwig et Walters 1985).

3.25. Le Japon, dans son contre-mémoire, adopte à cet égard une approche qui n’est pas
rigoureuse : il affirme avoir pour objectif le développement d’un modèle d’écosystème, mais ne

poursuit cet objectif ni par les outils qu’il retient ni dans le programme qu’il met effectivement en
œuvre, lequel n’est consacré qu’à une fraction de l’écosystème. J’ai reproduit ici la figure 5-1 du
contre-mémoire représentant une version simplifiée de l’écosystème de l’océan Austral (fig. 1
ci-dessous).

6 Parmi les spécialistes qui souscrivent à ce point de vue scientifique, on trouve notamment : Giere (2006, p. 60),
Johnson (2001, p. 105 et suiv.), Karban and Huntzinger (2006, p. 25-27), Oreskes (2003), Rastetter (2003), Taper et Lele
(2004), van Fraassen (2010, p. 13), Ziman (1991, p. 77 et suiv.). - 10 -

Figure 1 : Vue simplifiée de l’écosystème de l ’océan Austral, figurant dans le
contre-mémoire et tirée de Beddington et May (198 2). On notera que dans le
cadre du programme JARPA II, les données qui sont collectées ne concernent

qu’une espèce de l’une des composantes de l ’écosystème (les baleines à fanons,
entourées d’un cercle rouge).

3.26. La démarche des auteurs du contre-mémoire pour les JARPA et JARPA II est moins
rigoureuse encore en ce qui concerne le développement d’un modèle d’écosystème. Le Japon
13
affirme : i) que le programme JARPA II conduira à l’élaboration d’un modèle de gestion pour les
baleines dans l’écosystème de l’océan Austral ; et ii) que la prise létale de petits rorquals est
nécessaire pour développer ce modèle, les méthodes non létales n’étant pas suffisamment précises . 7

3.27. Cependant, le programme JARPA II se concentre quasi exclusivement sur la collecte
de données relatives aux petits rorquals (quelques données relatives aux rorquals communs et
parfois au krill sont aussi recueillies), alors que ceux-ci ne représentent qu’une petite partie de
l’écosystème. Si les agents du programme JARPA II disposent donc, pour leur modèle
d’écosystème, d’une grande quantité de données présentées comme nécessaires concernant les

petits rorquals, on ignore sur quels éléments se fondera la description de la quasi-totalité des autres
éléments du modèle (par exemple, les autres baleines à fanons, les oiseaux, les mammifères). Un
modèle réalisé dans cette logique ne saurait fournir de résultats utiles à l’étude de l’écosystème.

3.28. En second lieu, les agents du programme JARPA II ne s’expriment pas toujours d’une

même voix en ce qui concerne l’idée que les méthodes non létales traditionnelles ne seraient pas
assez précises pour les besoins de la modélisation des écosystèmes. Deux d’entre eux, Tamura et
Konishi (2006), ayant comparé les estimations de consommation de krill élaborées en observant les

7 Par exemple, les auteurs du contre-mémoire indiquent que «les techniques allométriques non létales ne
permettent d’obtenir que des estimations approximatives et indirectes de la consommation alimentaire, lesquelles ne sont
pas suffisamment fiables pour servir de données d’entrée des modèles d’écosystème.» (CM, par. 4.72 ; une remarque
similaire est formulée au paragraphe 4.76.) - 11 -

modifications quotidiennes du contenu de l’estomac (méthode létale) à des estimations obtenues
par des méthodes classiques (Kleiber 1947) ne nécessitant pas de prises létales, sont ainsi arrivés à

la conclusion que «l’estimation de la consommation quotidienne de proies est similaire selon que
l’on emploie l’une ou l’autre d[e ces] deux méthodes» (p. 1) et que, si toutes deux pouvaient
contenir des erreurs, «les estimations obtenues sur la base de deux méthodes indépendantes étaient
bien concordantes (were concidence well each other)» (p. 6-7). Cet article a été présenté au
moment de l’évaluation du programme JARPA en 2006. Une version quelque peu différente en a
été publiée par la suite dans une revue à comité de lecture (Tamura et Konishi 2009) ; les données
se rapportant au contenu de l’estomac y étaient examinées, mais, seule la méthode non létale était

utilisée pour obtenir une estimation de la consommation de proies. Ainsi, des agents du programme
JARPA II eux-mêmes ont montré que les méthodes non létales étaient aussi précises que les
méthodes létales et ont, à l’intention de leurs collègues scientifiques, choisi de faire référence aux
méthodes non létales.

Les travaux du programme JARPA II n’ont, en règle générale, pas fait l’objet d’une
14 évaluation par les pairs et la majorité des articles en ayant fait l’objet

n’intéressent pas la conservation ou la gestion des baleines

3.29. Comme indiqué précédemment (Mangel 2011), l’existence d’un véritable examen par
les pairs (examen périodique des propositions de recherche et des résultats, et ajustement
correspondant des travaux) est un aspect essentiel de tout programme «mené à des fins de
recherche scientifique», car la science repose sur le progrès des connaissances consensuelles.
Ziman (1991, p. 3) écrit ainsi :

«les connaissances scientifiques sont le produit d’une entreprise humaine collective à
laquelle les scientifiques apportent des contributions individuelles qui sont ensuite
affinées et développées par le biais de la critique réciproque et de la coopération
intellectuelle ... l’objectif de la science est de réunir, pour un domaine aussi large que
possible, un consensus d’opinions rationnelles».

L’évaluation par les pairs joue un rôle-clef dans le développement de telles connaissances

consensuelles.

3.30. Un véritable examen par les pairs doit être réalisé en toute indépendance et
impartialité. C’est aspect est important car

«les experts d’un domaine donné peuvent être à ce point sous l ’emprise du
paradigme dominant que leur esprit critique et leur énergie créative s’en trouvent

inhibés, et eux-mêmes dans l’incapacité de «voir plus loin que le bout de leur nez».
En de telles circonstances, le progrès scientifique risque de marquer le pas le
savoir pouvant même régress er jusqu’à ce que des intellectuels tiers franchissent
les frontières interdisciplinaires et viennent porter un regard dénué d ’idées
préconçues sur le domaine.» (Ziman 1991, p. 134.)

3.31. La nécessité, dans le cadre de programmes comme JARPA et JARPA II, d’une
évaluation menée par les pairs en bonne et due forme se comprend aisément à la lecture de
l’affirmation suivante :

«Tous les articles ou rapports scientifiques doivent être examinés de façon
approfondie par d’autres experts : c’est l’évaluation par les pairs. Les auteurs
scientifiques doivent prendre au sérieux les commentaires et les critiques formulés,
et ils doivent remédier aux erreurs qui ont pu être découvertes. Il s’agit de l’éthique - 12 -

fondamentale du travail scientifique : aucune allégation ne peut être considérée
comme valide même potentiellement avant d’avoir été validée par des pairs .»
(Oreskes et Conway 2010, p. 3-4.)

3.32. Oreskes et Conway (2010, p. 269) remarquent aussi qu’«en science, il n’est pas donné

de revenir à la charge, menant une guerre d’usure jusqu’à capitulation de l’adversaire». Et pourtant
c’est ce qui semble se passer au sein du comité scientifique de la CBI. Nombre d’autres experts au
sein de la communauté scientifique s’accordent à reconnaître le caractère essentiel d’un examen
impartial par les pairs .

3.33. Les auteurs du contre-mémoire jugent chronophages les évaluations par les pairs
réalisées en dehors du cadre du comité scientifique de la CBI (par. 4.108, 4.109) et estiment en
conséquence qu’elles ne valent ni les efforts consentis ni le retard qui en résulte. Il est certain
15 qu’une telle procédure peut parfois prendre du temps, mais c’est à notre connaissance le seul
moyen d’évaluer impartialement un travail de recherche. Une évaluation réellement efficace sera

effectuée de manière anonyme, imposera souvent que des ajustements soient opérés avant que le
projet (dans le cas de projets de recherche) puisse reprendre ou que les résultats (pour les
recherches proprement dites) puissent être publiés. Ainsi qu’il ressort du contre-mémoire
(par. 4.108, 4.109) et de Clapham et al. (2003), les évaluations réalisées au sein du comité
scientifique de la CBI ne satisfont pas à ces critères. Effectivement, Clapham et al. (2003, p. 212)

indiquent qu’au sein de ce comité, les auteurs d’un projet jouent un rôle majeur dans l’évaluation
de ce projet. A l’aune du critère de l’évaluation par les pairs, le programme JARPA II ne peut donc
être qualifié de programme «mené à des fins scientifiques».

3.34. Toutefois, les auteurs du contre-mémoire (par. 4.112-4.114) rendent compte d’un total

de 195 articles publiés par les agents des programmes JARPA et JARPA II entre 1988 et 2009,
dont 107 présentés comme ayant fait l’objet d’une évaluation par les pairs. J’ai déjà analysé la
documentation qu’ils utilisent dans la note de bas de page 511 (Mangel 2011, par. 5.58, 5.59) et j’ai
relevé : i) que les articles rédigés dans le cadre des programmes JARPA et JARPA II ne sont en
général pas publiés dans des revues à comité de lecture hors du cadre de la CBI ; ii) que seuls 1/6 e
d’entre eux environ, avaient fait l’objet d’une évaluation par les pairs et intéressaient globalement

la conservation et la gestion des baleines ; et iii) que près de 40 % des articles ayant fait l’objet
d’une telle évaluation traitent de la biochimie des lipides ou de la physiologie de la reproduction, et
sont donc sans rapport avec la conservation et la gestion des baleines ou avec les objectifs déclarés
du programme JARPA II.

3.35. Les auteurs du contre-mémoire font état (par. 5.99) de la publication de deux articles
rédigés dans le cadre du programme JARPA II et évalués par des pairs, et annoncent la parution de
beaucoup d’autres. Or les deux articles publiés à ce jour, et mentionnés dans la note de bas de page
n 774, traitent de morphologie des baleines et de physiologie reproductive en d’autres termes,
ils sont absolument sans rapport avec la conservation et la gestion des baleines ou avec les objectifs

déclarés du programme JARPA II.

3.36. Le contre-mémoire annonçant (par. 5.99) la publication prochaine d’articles évalués
par les pairs, il est instructif de revenir sur les «contributions scientifiques» des programmes
JARPA et JARPA II. Pour ce faire, j’ai consulté, le 4 avril 2013, le site Internet de l’Institut de

recherche sur les cétacés (http ://www.ictwhale.org/scJARPA.html) et téléchargé le rapport sur la
contribution scientifique des programmes JARPA et JARPA II (décembre 2012) (Scientific

8Voir, par exemple, Casti (1989, p. 14), Cromer (1993, p. 145), Legendre (2004, p. 53), Shermer (2001, p. 317). - 13 -

contribution from JARPA/JARPA II), qui énumère les articles rédigés chaque année soit une

version mise à jour du document mentionné en note de bas de page 511 du contre-mémoire. Il est
difficile, sur la base des seuls titres, de savoir quels articles ont trait au programme JARPA, d’une
part, et, au programme JARPA II, d’autre part ; je ne ferai donc pas ici cette distinction. Les
articles en question sont classés en deux catégories : évalués par les pairs ou «non publiés». Au vu
16 de ce qui a été dit du caractère impératif de ce type d’évaluation, je me concentrerai une fois de
plus sur les documents japonais en ayant fait l’objet.

3.37. S’agissant des «contributions» postérieures à 2009 (j’ai précédemment analysé les
contributions antérieures à cette date, voir par. 3.34 ci-dessus), les auteurs du contre-mémoire
affirment que dans le cadre des programmes JARPA et JARPA II, 25 articles ont été rédigés entre
2010 et 2012, dont 15 ont fait l’objet d’une évaluation par les pairs. Sur ces 15 articles, l’un est
rédigé en norvégien et 11 en japonais, ce qui les rend globalement inaccessibles aux autres
scientifiques, aucune traduction anglaise n’étant fournie. De plus, en s’appuyant sur les citations,
on constate que 7 de ces 11 articles en japonais se limitent à deux pages, et un autre à trois; il

semble qu’il ne s’agisse que de résumés de travaux, et non d’analyses exhaustives.

3.38. Les trois autres articles ayant fait l’objet d’une évaluation par des pairs portent sur :
i) la structure du stock et les trajectoires de migration des petits rorquals, étude effectuée à l’aide de
méthodes létales et non létales (comme je le décrirai dans la section 5 ci-après, cette recherche
aurait pu être effectuée en recourant uniquement à des méthodes non létales) ; ii) les estimations
d’abondance de baleines à bosse obtenues dans le cadre de missions d’observation recourant à des

méthodes non létales ; et iii) la diversité génétique chez les baleines bleues, établie sur la base de
d’échantillons prélevés par biopsie par des navires japonais dans le cadre des programmes IDCR
(programme de la décennie internationale de la recherche sur les cétacés) et SOWER (programme
de recherche sur les baleines et l’écosystème de l’océan Austral) et non dans le cadre des
programmes JARPA et JARPA II (Sremba et al. 2012, p. 3). En particulier, le dernier article
prouve que lorsque les chercheurs des programmes JARPA et JARPA II le veulent, ils peuvent très
bien utiliser des méthodes non létales (à propos de celles-ci, voir section 5 ci-après).

3.39. Sur les 15 articles présentés comme ayant fait l’objet d’une évaluation par les pairs et
rédigés dans le cadre des programmes JARPA et JARPA II entre 2010 et 2012, 12 ne peuvent être
soumis à une telle évaluation par la communauté scientifique et, pour les 3 autres, des méthodes
non létales ont été utilisées ou auraient pu l’être. Dans ce contexte, ces 15 articles ne viennent pas
étayer les thèses du Japon.

3.40. S’agissant du constat ainsi dressé à propos des programmes JARPA, Clapham et al.
(2003, p. 211) qui ont tous été membres du comité scientifique de la commission baleinière
internationale notent que beaucoup d’articles ayant fait l’objet d’une évaluation par les pairs
portent «sur des sujets ne présentant aucun intérêt en matière de gestion» et que «l’absence de
publications JARPA dans les revues scientifiques internationales de référence en dit long sur la
qualité et les motifs «scientifiques» de ces programmes». - 14 -

17 4. LES DONNÉES COLLECTÉES PENDANT LES 26 ANS DE MISE EN ŒUVRE DES PROGRAMMES
JARPA ET JARPA II N ONT PAS APPORTÉ DE CONTRIBUTION
À LA PROCÉDURE DE GESTION REVISÉE

Objectif de la procédure de gestion revisée

4.1. La procédure de gestion revisée (RMP, d’après le sigle anglais) a été conçue pour

répondre aux deux grands enjeux qui se posaient dans le cadre des régimes de gestion antérieurs :
i) éviter le déclin des populations de baleines ; tout en ii) maintenant au maximum la stabilité du
nombre de captures, en conformité avec i). Ce faisant, le comité scientifique de la CBI a écarté
l’idée, dont le caractère erroné avait été démontré, que le rendement maximum de
renouvellement (RMR) et le niveau de rendement maximum de renouvellement (NRMR) 9
pouvaient être mesurés sur le terrain. Il a au contraire admis que l’on n’aurait jamais qu’une

connaissance approximative des niveaux de population et des courbes de recrutement, et donc
qu’un système de gestion efficace devait pouvoir prendre en compte ces éléments d’incertitude.

4.2. Contrairement à ce qui est indiqué dans le contre-mémoire, la RMP n’est pas une
procédure complexe. Le meilleur moyen de la comprendre est de l’envisager comme une

simulation de chasse à la baleine au moyen d’un modèle informatique. Le nombre d’individus que
comptera une population baleinière l’année suivante est calculé à partir du nombre d’individus
qu’elle compte pendant l’année en cours, de la productivité nette (c’est-à-dire la différence entre les
nouvelles recrues et les baleines mortes de mort naturelle) et, s’il y en a eu, des prises réalisées
(pour plus de détails sur la dynamique des populations, voir Mangel 2011, par. 3.8-3.14). En règle
générale hors captivité , on ne connaît pas la taille exacte de la population avant son

exploitation (sa taille historique antérieure aux activités de chasse), le niveau de déclin par rapport
à cette taille, pas davantage que la productivité ; on ne peut en outre faire qu’une estimation
imprécise de la taille de la population actuelle.

4.3. Malgré tout, les simulations informatiques nous permettent de nous demander «quelle

sera la dynamique d’une population de baleines donnée si l’on estime à tant ou tant le nombre
d’individus avant exploitation et que l’on considère la productivité comme une fonction de la
taille de la population». On peut alors rapporter comparer la dynamique de la population de
baleines escomptée aux estimations d’abondance imprécises obtenues. La répétition méthodique
de cette procédure nous renseigne sur les valeurs les plus et les moins probables en matière de
productivité et de niveaux actuels de déclin. La RMP prévoit une règle (par. 4.5 ci-après) pour

définir le nombre de captures en fonction des estimations de productivité et de la taille de la
population.

18 Des modèles de gestion et d’exploitation sont utilisés dans le cadre de la RMP

4.4. L’approche adoptée par le comité scientifique de la CBI au moment de la mise au

point de la RMP, consistant à tester par simulation informatique des méthodes de gestion pour
déterminer les modèles permettant d’atteindre les deux objectifs mentionnés au paragraphe 4.1,
est communément appelée évalua tion de la stratégie de gestion ( MSE, d’après le sigle anglais )
(Smith et al. 1999, Mangel 2010). La MSE consiste à confronter un modèle de gestion à une
grande variété de «modèles d’exploitation». L’idée est que chacun de ces modèles

d’exploitation correspond à une version différente et virtuellement très complexe du
fonctionnement potentiel du monde. On recherche un modèle de gestion efficace, sans se
soucier de savoir lequel de ces modèles d ’exploitation est le plus fidèle (il est quasiment certai n

9Pour une définition de ces outils, voir Mangel 2011, par. 3.12. - 15 -

qu’aucun de ces modèles d ’exploitation n’est tout à fait exact, c’est pourquoi le modèle de
gestion doit valoir dans tous les cas ).

4.5. Le modèle de gestion de la RMP est connu sous le nom d’algorithme des limites de
capture (CLA). Le CLA est basé sur la constatation qu’on ne connaît pas l’état réel de la
population (niveau de déclin/abondance actuelle et productivité). Pour cette raison, le modèle de
population retenu est très simple. Ni ce modèle ni les valeurs des paramètres retenues ne sont
censés permettre d’aboutir à une représentation exacte de la dynamique de telle ou telle population
de baleines ; tel n’est pas leur objectif. En revanche, des simulations ont montré que ce modèle

permettait de calculer de manière fiable les limites de capture (IWC 1999). En outre, le CLA est
conçu pour étudier les paramètres essentiels régissant la dynamique productivité et déclin
des populations gérées, puisque l’application de la RMP ne nécessite pas d’autres prises létales
que celles relevées par le passé dans le cadre de la chasse commerciale.

4.6. Les auteurs du contre-mémoire affirment que les paramètres biologiques établis dans le

cadre des programmes JARPA et JARPA II sont «indispensables» au fonctionnement de certains
éléments de la RMP (CM, par. 4.165). Il est bien sûr possible, lorsque l’on teste le CLA, d’utiliser
des «modèles d’exploitation» très complexes basés sur un grand nombre de données biologiques.
La seule limite au développement de modèles d’exploitation est la créativité de leurs auteurs.
Cependant, il n’y a pas besoin d’avoir recours à des données obtenues par des méthodes létales
pour développer ces modèles d’exploitation. Si l’on s’attache prioritairement au modèle
d’exploitation, comme c’est le cas dans le cadre du programme JARPA II ou du contre-mémoire,

on peut collecter une quantité illimitée de données biologiques par prise létale au prétexte
d’améliorer ce modèle. Or on peut arriver au même résultat sans recourir aux prises létales,
comme expliqué dans la section 5 ci-après.

4.7. La RMP s’efforce de demeurer dans certaines limites, ce qui est nécessairement le cas
de toute procédure impliquant de larges marges d’incertitude et un vaste éventail de modèles
19 d’exploitation. La pratique conduisant à laisser une baleine «de plus» dans l’océan ou celle

conduisant à tuer une baleine de trop manquent toutes deux leur objectif à un individu près. Mais
le plus souvent, ces erreurs ne génèrent pas de conséquences symétriques pour reprendre cet
exemple schématique, la baleine laissée dans l’eau pourra toujours être pêchée l’année suivante
(autrement dit, il est possible de corriger l’erreur), mais la baleine mise à mort ne peut pas être
remplacée (il n’est pas possible de corriger l’erreur). La RMP tient également compte de cette
asymétrie.

4.8. L’avantage des simulations effectuées dans le cadre de la RMP est qu’elles rendent
inutiles les données biologiques détaillées obtenues par des prises létales (Kirkwood 1992,
Cooke 1995).

Les données nécessaires et les données accessoires

4.9. Les données nécessaires pour faire fonctionner la RMP sont : i) le nombre total de

captures passées ; ii) les données concernant l’abondance relative ; et iii) les estimations de
l’abondance absolue (IWC 1994, 1999 ; Kirkwood 1991). C’est-à-dire que les simulations
réalisées dans le cadre de la RMP (par. 4.2, 4.3 ci-dessus), ont pour seules unités de mesure le
nombre d’individus (capture et abondance). Au moment de l’élaboration de la RMP, le comité
scientifique de la CBI a envisagé d’inclure des données supplémentaires, mais au final, il y a
renoncé (Kirkwood 1991). - 16 -

4.10. En résumé, la RMP est un moyen à la fois simple et sophistiqué d’en apprendre plus
sur les incertitudes inhérentes à l’environnement. Cette procédure consiste à collecter des données

pertinentes et à les comparer aux prévisions de modèles connus et compris. Aucune des données
relatives aux paramètres biologiques tels que le taux de mortalité naturelle, le taux de gestation,
l’âge de la maturité sexuelle collectées au moyen de prises létales dans le cadre du programme
JARPA II n’est requise pour le fonctionnement de la RMP. On ne peut même pas dire qu’ils lui
soient utiles, ni qu’ils contribuent à son amélioration.

Essais de simulation de mise en œuvre et prise létale

4.11. La gestion menée par la CBI s’effectue dans un espace donné dont les limites ne
correspondent pas toujours à celles de la biologie réelle ou à la structure des stocks de baleines.
C’est ce qu’on appelle le «problème de l’identité des stocks» que la RMP résout en divisant les
espaces de gestion en «petites zones». Le CLA est appliqué dans chacune de ces zones
séparément, étant entendu que la zone choisie est suffisamment petite pour que soit une seule

population (stock) l’occupe, soit, si plusieurs populations y sont présentes, les individus s’y
trouvent considérablement mélangés. Le comité scientifique de la CBI a élaboré une série de
règles sur les populations multiples, pour permettre la mise en œuvre systématique du CLA.

20 4.12. Le comité scientifique de la CBI procède à ce qu’on appelle des essais de simulation
de mise en œuvre. On peut voir ces tests comme une variante de la méthode qui sous-tend la
RMP. Les chercheurs forment une série d’hypothèses quant au nombre de stocks existants et à la

manière dont les baleines se déplacent et se mélangent. Grâce au CLA, ils déterminent la limite
de capture pour chaque hypothèse. En ayant recours à la simulation informatique, ils peuvent
alors mettre la fiabilité de la limite de capture associée à telle hypothèse à l’épreuve d’autres
hypothèses. Ces tests peuvent être répétés jusqu’à ce que chaque limite de capture envisageable
ait été examinée en fonction de toutes les hypothèses possibles. En définitive, les chercheurs
déterminent ainsi la limite de capture la plus fiable possible compte tenu de l’inévitable marge
d’incertitude (dans la mesure où l’état réel de la nature reste inconnu).

4.13. Il s’agit d’une forme d’analyse des risques au moyen de laquelle les chercheurs
étudient les conséquences en les rapportant à l’écart entre l’état réel et l’état supposé de la nature.
Ces tests sont des outils reconnus et fiables en matière de protection environnementale. Dans le cas
de la RMP, ils permettent de dégager une règle valable dans tous les cas de figure.

4.14. Contrairement à ce qu’affirment les auteurs du contre-mémoire aux paragraphes 4.164,

4.165 et dans la figure 4-12, aucune des données relatives aux paramètres biologiques tels que le
taux de mortalité naturelle, le taux de gestation, l’âge de la maturité sexuelle collectées dans le
cadre du programme JARPA II au moyen de prises létales n’est nécessaire pour la conduite des
essais de simulation de mise en œuvre. Ces données sont accessoires, puisque l’on peut, en s’en
passant, et au moyen de méthodes non létales, élaborer les hypothèses requises (voir les exemples
donnés dans la section 5). En fait, l’affirmation des auteurs du contre-mémoire selon laquelle les

données obtenues par des méthodes létales sont indispensables à la réalisation de la RMP est le
contre-pied de l’objectif primordial de cette procédure, qui est de pouvoir se passer de toute donnée
collectée au moyen de prises létales autres que celles déjà obtenues par le passé dans le cadre de la
chasse commerciale. - 17 -

Amélioration et révision de la RMP

4.15. La RMP est appelée à s’appliquer à toutes les baleines à fanon, et pas seulement aux
petits rorquals. A cette fin, au début d’une simulation de population, les chercheurs prennent en
compte un large éventail de valeurs possibles en matière de productivité, le niveau actuel de
déclin des populations (allant de populations quasiment disparues aux populations inexploitées)
et la présence d’erreurs dans les relevés d’abondance. Lorsque des données sont récoltées grâce à
la mise en œuvre de la RMP à l’égard de telle population d’une zone particulière, un processus

d’acquisition de connaissances faisant partie intégrante de la procédure sur cette population
cible est mis en œuvre (mise en relation a posteriori du déclin et de la productivité ; voir CBI
1994, p. 148).

4.16. L’un des objectifs du programme JARPA II est de se servir des recherches sur le
21 terrain pour réduire l a fourchette des valeurs possibles en matière de productivité qui sert de

point de départ à la RMP. Cet objectif, quand bien même il serait réalisable, compromettrait
l’applicabilité de la RMP aux autres espèces de baleines à fanons. On pense en effet que, la
biologie des baleines différant d ’une espèce à l’autre, la productivité différera suivant l ’espèce
étudiée. Limiter l’hypothèse sur laquelle repose la RMP au cas des petits rorquals risque de
rendre impossible l ’application de cette procédure aux autres espèces.

4.17. Du reste, si le Japon souhaitait «améliorer» la RMP pour les petits rorquals de
l’Antarctique, il pourrait parvenir au même résultat en testant cette procédure dans une zone
limitée et en procédant, grâce au processus d’acquisition de connaissances intégré au modèle, aux
ajustements nécessaires au terme de plusieurs essais. Cette opération pourrait être réalisée en
utilisant uniquement des données collectées à l’aide de méthodes non létales, puisque seules les
observations d’abondance sont nécessaires à la mise en œuvre de la RMP.

22 5. LES DONNÉES OBTENUES PAR DES MOYENS LÉTAUX POURRAIENT ÊTRE OBTENUES
PAR D ’AUTRES MÉTHODES

5.1. Les auteurs du contre-mémoire s’inscrivent dans la longue tradition du Japon (voir, par
exemple, Ohsumi, 1995) en affirmant que les méthodes létales sont nécessaires dans le cadre des
programmes JARPA et JARPA II. Il semble qu’à aucun moment le Japon n’ait réellement

envisagé de recourir à d’autres méthodes. Au contraire, les autorités japonaises tiennent le recours
aux méthodes létales pour un principe acquis et affirment que les données collectées à l’aide de
telles méthodes sont indispensables à la mise en œuvre de la RMP, ce qui n’est pas le cas. Ainsi,
JARPA II utilise exactement les mêmes méthodes que JARPA, comme si 25 ans de progrès
scientifique et technologique ne séparaient pas ces deux programmes.

5.2. Les auteurs du contre-mémoire présument que les méthodes non létales ne sauraient
porter leurs fruits. Ils reprennent les propos de tiers, affirmant, par exemple, que des questions
logistiques et l’abondance des populations concernées «empêch[ent] sans doute qu’elles [les
méthodes non létales] ne soient utilisées avec succès» (CM, par. 4.61). Ils prétendent qu’il n’est
pas possible de pratiquer des biopsies cutanées car cela nécessiterait l’utilisation d’un nouveau type
de projectile, plus lourd, adapté à un usage en pleine mer plutôt qu’en zone côtière. Or,

«[l]’emploi de projectiles plus lourds exigerait d’avoir recours à des unités de
lancement plus puissantes capables de maintenir la portée et la trajectoire nécessaires.
Toutefois, l’ajout de masse et de puissance au projectile augmente le risque de
transpercer et de blesser inutilement l’animal cible» (CM, par. 4.75) . - 18 -

On reste perplexe face à la logique excluant une méthode au motif qu’il serait préférable de tuer un
animal de manière certaine plutôt que de risquer de le blesser.

5.3. A la différence des auteurs du contre-mémoire, je considère qu’il existe trois méthodes
de recherche non létales particulièrement importantes le marquage par balise, la biopsie, et la
photographie pour lesquelles de grands progrès ont été réalisés pendant la période de mise en
œuvre des programmes JARPA et JARPA II. Ces trois méthodes sont utiles à la recherche
scientifique, en particulier dans le contexte de la conservation et de la gestion des baleines.

Le marquage par balises permettant le suivi par satellite

5.4. Les auteurs du contre-mémoire affirment (par. 5.49, 5.50 ; notes de bas de page 696,
697) que le marquage par balises des petits rorquals est irréalisable, et que les prises létales sont
donc nécessaires. Le projet JARPA (Japon 1987, p. 43) indiquait : «si le marquage et le
marquage-recapture étaient disponibles à la fois dans les basses latitudes (aires de reproduction) et

les hautes latitudes (aires d’alimentation), cette méthode [de marquage-recapture] produirait sans
doute des informations plus justes que toute autre méthode utilisée jusqu’à présent pour
déterminer les déplacements, la migration et l’identification des populations.»

23 5.5. Or, cette technique de marquage et de marquage -recapture est depuis longtemps
surpassée par une autre méthode : le marquage et suivi par satellite, méthode qui vise à obtenir
les mêmes types de données relatives aux déplacements, aux migrations et à l ’identification des

populations. Ce type de marquage a permis aux spécialistes des mammifères marins d ’atteindre
l’objectif avancé dans le projet JARPA. Mate et al. (2007) ont passé en revue les progrès
effectués en la matière. Dans la figure 2, je reproduis un extrait des données qu ’ils ont
collectées, montrant que pendant les dix dernières années, la durée de vie des balises utilisées a
augmenté jusqu’à atteindre le niveau que le Japon appelait de ses vœux dans le projet
initial JARPA. Bien qu’ils n’aient pas encore essayé de marquer ainsi les petits rorquals, Mate
et al. (2007) ont rendu compte du marquage par balise d’un baleineau à bosse, qui fait à peu près

la même taille qu’un petit rorqual. En réponse à ma question sur la faisabilité du ma rquage des
petits rorquals, le pro fesseur Bruce Mate (directeur de l’institut des mammifères marins,
université d’Etat de l’Oregon) m’a notamment écrit :

«Les balises avec lesquelles nous travaillons peuvent dé sormais être
fabriquées dans un format plus petit, ce qui conviendrait mieux pour les rorquals.
Nous n’avons pas marqué ainsi de rorquals, mais vous verrez dans l ’article en pièce

jointe [Mate 2007] que le marquage, par erreur, d ’un baleineau à bosse ( même avec
l’ancien modèle de balise plus grand) a eu l’air de très bien fonctionner .» (Courriel
du 16 novembre 2010 ; annexe 1.)

D’autres chercheurs ont employé le marquage par balise e n Antarctique en vue de revoir l es
limites des zones de gestion pour les baleines à bosse sans avoir à recourir aux méthodes létales
(Dalla Rossa et al. 2008). - 19 -

de vie

Figure 2 : La durée de vie des balises a augmenté au cours des 10 dernières années,
atteignant le niveau que le Japon appelait de ses vœux dans le projet initial du
programme JARPA. Les agents du programme JARPA II se sont néanmoins

opposés à l’adoption de ces technologies.

24 5.6. Lockyer (2007) constate que, grâce à l’utilisation de très hautes fréquences, de balises
et d’enregistreurs de temps/profondeur, les chercheurs ont pu, ces dernières années, collecter à
distance des données concernant les modes de plongée, la vitesse de nage et les périodes
d’alimentation des cétacés. Lockyer observe aussi que les émetteurs ingérés fournissent des
informations sur la température de l’estomac, donnant de ce fait des indications sur l’alimentation.

5.7. En février 2013, un groupe de chercheurs, parmi lesquels Nick Gales, ont procédé avec
succès au marquage de 18 petits rorquals de l’Antarctique, à l’aide de 4 types différents de
balises. Dix-neuf autres petits rorquals de l’Antarctique ont fait l’objet de prélèvements par
biopsie (échange de courriels entre N. Gales et moi-même, le 20 mars 2013 ; appendice 2).

5.8. Ces progrès peuvent paraître récents et modestes (au regard du nombre de baleines
concernées par les prises létales dans le cadre du programme JARPA II), mais ils montrent que ces
méthodes sont non seulement possibles, mais aussi fructueuses lorsque des efforts sont consentis
pour les améliorer et les mettre en œuvre. Il en ressort aussi clairement que si le programme
JARPA II était un programme «mené à des fins de recherche scientifique» dans le contexte de la
conservation et de la gestion des baleines, des efforts considérables auraient été faits pour faire
progresser les méthodes de marquage.

La biopsie

5.9. De la même manière, les auteurs du contre-mémoire ne font guère de cas de la biopsie
(par. 4.75, note de bas de page 453), que l’on utilise notamment pour collecter de manière non
létale des informations sur la gestation ou sur les polluants (Mangel 2011, par. 5.33). Des travaux
récents semblent indiquer qu’on peut aussi utiliser le mélange de graisses composant le pannicule - 20 -

adipeux obtenu lors de la biopsie afin d’évaluer la répartition par âge des baleines (Herman et al.
2008, 2009).

5.10. Peu de temps après l’entrée en vigueur du moratoire, et alors que la mise en œuvre du
programme JARPA venait à peine de commencer, Hoelzel et Amos (1988) révélèrent qu’il était
possible d’appliquer les techniques de génétique moléculaire à partir de petits échantillons de peau
(environ deux dixièmes de gramme) prélevés sur des baleines évoluant dans leur milieu naturel au
moyen de fléchettes munies de dards, tirées à l’aide d’arbalètes et récupérées avec une ligne de
pêche (technique ancienne ayant précédé les techniques actuelle de biopsie). Ainsi, dès les débuts

de la mise en œuvre du programme JARPA, les techniques permettant l’identification des individus
et la collecte d’informations essentielles sur les populations existaient, mais les scientifiques du
programme JARPA n’ont pas contribué à les développer.

5.11. Au cours de l’entretien cité en note de bas de page n 418 du contre-mémoire, J. Zeh
(qui, après avoir travaillé à l ’université de Washington, a p résidé le comité scientifique de la
CBI) a été interrogé e sur le point de savoir si l’utilisation d’une méthode non létale permettait

d’obtenir les mêmes données que le recours à une méthode létale. Elle a répondu :

25 «Eh bien, beaucoup de scientifiques utilisent le prélèvement d’échantillons par
biopsie et cela fonctionne très bien pour les baleines à bosse. Cela a un peu moins
réussi pour les petits rorquals ; je ne sais si cela est dû au fait que cette méthode a été
insuffisamment testée et que l’on n’a pas encore mis au point de meilleures techniques
ou parce qu’il est, en un sens, et selon moi, un peu moins facile de pratiquer des

biopsies sur des petits rorquals que sur des baleines à bosse.»

Une douzaine d’années plus tard, la mise en œuvre du programme JARPA II ne nous aura pas
éclairés sur ce point, même si, comme Clapham et al. (2003 p. 212) tous membres du comité
scientifique de la CBI l’ont noté, «si une baleine peut être atteinte par un harpon, la même
cible peut tout aussi aisément être atteinte par les fléchettes utilisées pour pratiquer des

biopsies». Les chercheurs ont démontré qu ’il est aujourd’hui possible de prélever par biopsie
des échantillons sur les petits rorquals de l ’Antarctique dans l ’océan Austral, à l’exemple des
19 animaux sur lesquels ont été pratiqué s, avec succès, de tels prélèvements lors de la récente
expédition de recherche à laquelle a participé Nick Gales (voir par. 5.7 ci-dessus, et l’échange de
courriels à l’annexe 2).

La photographie

5.12. Concernant l’échantillonnage réalisé par des méthodes non létales en matière
d’observation de l’environnement, Sagarin et Pauchard (2012, p. 98) indiquent que

«[l]a photographie numérique permet, pour un coût peu élevé, de collecter et
d’archiver des informations très détaillées sur des spécimens qui sont ensuite
relâchés dans leur milieu d ’origine. On a la possibilité de collecter des données
génétiques puis de les archiver à partir de petits échantillons de tissu animal obtenus

à l’aide de méthodes non létales, même dans le cas d ’espèces menacées. Par
exemple, les baleines peuvent être répertoriées à la fois grâce à la photographie d e
leurs marques distinctives et à l’analyse génétique de petits échantillons de graisse
prélevés lorsqu’elles font surface».

5.13. Le Japon rejette de façon sommaire la technique photographique, technique importante
et non létale (CM, par. 4.62, 4.70). Il y a près de 25 ans, Hoelzel et al. (1989) ont utilisé la - 21 -

photographie pour identifier des petits rorquals puis étudier la spécialisation alimentaire de chaque

individu. Plutôt que d’adopter et de développer ces nouvelles technologies ce qui se serait
produit dans le cadre d’un programme «mené à des fins scientifiques» , les agents du
programme JARPA II s’y sont refusés, continuant de procéder comme ils avaient coutume de le
faire.

En résumé

5.14. En constante évolution, les techniques de marquage, les méthodes de biopsie et la
photographie ont constitué et continuent de constituer des révolutions technologiques nous
permettant de rompre nettement avec le passé (qu’on songe simplement aux progrès technologiques
accomplis entre 1990 et aujourd’hui). Un programme scientifique devrait adopter ces techniques,
au lieu de les rejeter de façon sommaire pour continuer sur la même voie. La mise en œuvre du
programme JARPA II se caractérise par un rejet manifeste de toute innovation, qu’il s’agisse de
nouvelles technologies de marquage ou de nouvelles méthodes de biopsie ; envers et contre tout,
26
des baleines continuent, sans bénéfice aucun, à être mises à mort, sans que le recours à d’autres
solutions soit jamais envisagé. Enfin, en l’absence d’hypothèse vérifiable, il est impossible de
savoir sur quelles bases les solutions non létales devraient être exclues.

5.15. Corkeron (2009), à propos de la recherche pratiquée sur le terrain à l’aide de méthodes
létales dans le cadre du programme JARPA II (équivalent du programme JARPA II pour le
Pacifique Nord), estime que le programme se fonde sur une «conception rudimentaire de l’étude de

l’écologie alimentaire» des baleines à fanons, que les analyses de données «[sont] simplistes» et
que les études basées sur des méthodes non létales, utilisant beaucoup moins de moyens, «ont
fourni des informations plus précises» (p. 305). Ce constat doit être le même pour le programme
JARPA II.

27 6. RÉÉVALUATION DES OBJECTIFS DU PROGRAMME JARPA II

6.1. Il est maintenant possible de réévaluer l es objectifs du programme JARPA II
(CM, par. 5.20) à la lumière de m on précédent rapport, du contre -mémoire et du présent
rapport.

6.2. Le premier objectif du programme JARPA II est d’assurer :

1) le suivi de l’écosystème de l’Antarctique

i) suivi des tendances en matière d’abondance de baleines et des paramètres biologiques

ii) suivi de l’abondance de krill et de l’écologie alimentaire

iii) suivi des effets des polluants sur les cétacés

iv) surveillance de l’habitat des cétacés.

6.3. Réévaluation : cet objectif est vaste et général, et aucune hypothèse précise et
vérifiable n ’est formulée (Mangel 2011, par. 5.9-5.10). Comme je l ’ai expliqué
(par. 3.1-3.10), effectuer un suivi en l ’absence d e telles hypothèses s ’apparente tout au plus à
de la collect e de données , laquelle, en soi, ne peut être considérée comme une activité
«menée à des fins scientifiques». De plus, il n ’y a pas besoin de prise s létales pour pouvoir
mener à bien les objectifs définis aux points i) à iv) ci -dessus, à savoir observer da ns la durée - 22 -

l’abondance des baleines et du krill, l ’écologie alimentaire des baleines, les effets des
polluants et l ’habitat des cétacé s. En outre, le suivi des paramètres biologiques est

totalement inutile s’agissant de la conservation et de la gestion d es baleines et s’est révélé
irréalisable à un niveau de précision exploitable .

6.4. Le deuxième objectif du programme JARPA II a été défini ainsi :

2) Modélisation de la compétition entre espèces de baleines et de nouveaux objectifs de gestion

i) élaboration d’un modèle de compétition entre espèces de baleines

ii) nouveaux objectifs de gestion incluant la restauration de l’écosystème des cétacés

définition de nouveaux objectifs de gestion

estimation de l’excédent de production (et donc des captures admissibles) par espèces,
dans le cadre de certains des objectifs de gestion

contribution à la mise en place d’une gestion multi-espèces des baleines.

6.5. Réévaluation : ainsi que je l’ai expliqué précédemment (par. 3.25-3.27), les agents du
programme JARPA II ne collectent pas suffisamment de données pour atteindre l’objectif énoncé
au point i), parce que leurs recherches ne concernent qu’une petite partie de l’écosystème de
l’océan Austral et faute d’une collaboration plus large avec d’autres programmes scientifiques. En

outre, certains agents ont eux-mêmes démontré (par. 3.28) que le développement de modèles ne
requérait pas de prises létales. Les objectifs énumérés au point ii) sont vagues et n’ont rien à voir
avec les activités menées «à des fins de recherche scientifique» ; ils constituent une tentative de
28 réviser la RMP en dehors des procédures définies par la CBI. Compte tenu de l’incapacité avérée
de déterminer avec la précision nécessaire les valeurs de paramètres tels que la productivité
ainsi que le comité scientifique de la CBI l’a appris à ses dépens en tentant en vain de mettre en

œuvre son précédent régime de gestion (nouvelle procédure de gestion, ou NMP) , il est
hautement improbable que certains de ces objectifs puissent être atteints.

6.6. Le programme JARPA II a pour troisième objectif :

3) une meilleure compréhension de l’évolution spatio-temporelle de la structure des stocks.

6.7. Réévaluation : comme indiqué précédemment (par. 3.1-3.10), en l’absence
d’hypothèses vérifiables, cet objectif ne peut pas être considéré comme recouvrant des activités
menées «à des fins de recherche scientifique». En effet, se contenter de surveiller les
changements de structure des stocks dans l’espace et dans le temps, sans se préoccuper des
questions plus générales que ce type de surveillance doit expressément permettre d’étudier, ne
peut être assimilé à de la «recherche scientifique». En outre, étant donnés les progrès effectués
en matière de marquage (par. 5.4-5.8), de biopsie (par. 5.9-5.11) et d’autres méthodes non létales

(par. 5.12) au cours de ces 25 dernières années, rien ne justifie de procéder à cet effet à des prises
létales.

6.8. Le quatrième objectif du programme JARPA II est ainsi défini :

4) amélioration de la procédure de gestion des populations de petits rorquals de l’Antarctique. - 23 -

amélioration des estimations du TRMR (taux de rendement maximum de

renouvellement) pour les petits rorquals de l’Antarctique

redéfinition de zones de gestion pertinentes

intégration des effets découlant des relations entre différentes espèces de baleines.

6.9. Réévaluation : Comme il a été expliqué précédemment (par. 4.1-4.8), la RMP est conçue

pour pouvoir étudier le TRMR sans recours à des prises létales (hors du cadre de la chasse à la
baleine à des fins commerciales). Elle a été conçue dans le but exprès d’éviter d’avoir à mesurer ce
taux sur place (le programme JARPA ainsi que les tentatives du comité scientifique de la CBI de
mettre en œuvre la NMP ayant montré que cette évaluation sur le terrain était fondamentalement
impossible). La redéfinition de zones de gestion, encore une fois, ne relève pas d’une activité
menée «à des fins de recherche scientifiques». En tout état de cause, comme indiqué plus haut,
cette redéfinition ne nécessite pas de prises létales en raison des progrès réalisés en matière de

marquage et de biopsie. Le dernier point (l’intégration des effets découlant des relations entre
différentes espèces de baleines) est extrêmement vague, mais semble indiquer une évolution vers
un tout nouveau type de procédure de gestion multi-espèces. Dans la mesure où, par ce
29 sous-objectif, on entend étudier les interactions entre différentes espèces de baleines, il présente un
défaut rédhibitoire : seule une espèce est effectivement étudiée (voir par. 6.5 ci-dessus). Là non
plus, cet objectif ne relève donc pas d’une activité menée «à des fins de recherche scientifique».

30 7. CONCLUSION

7.1. Le programme JARPA II s’inscrit dans la tradition du programme JARPA en tant que
programme de collecte de données par des méthodes létales, postulant que, d’une manière
indéterminée, celles-ci contribueront à la conservation et à la gestion des baleines dans l’océan
Austral. Cependant, le programme JARPA II ne se fonde sur aucune hypothèse, étudie des
échantillons dont la taille est déterminée sans la moindre rigueur, ne relie pas correctement entre

eux les modèles et les données, opère, à bien des égards, loin de toute évaluation par des pairs et,
en tout état de cause, de toute évaluation de ce type menée en toute bonne foi.

7.2. La raison pour laquelle les articles publiés dans le cadre des programmes JARPA et
JARPA II sont en général sans rapport avec les objectifs affichés dans les programmes mêmes est
évidente : le programme JARPA II n’est pas un programme mené «à des fins de recherche
scientifique» dans le contexte de la conservation et de la gestion des baleines. Il s’agit en réalité

d’un programme de collecte de données. Or les données collectées par des moyens létaux n’ont,
depuis 26 ans, aucunement contribué à la RMP, et il est très peu probable qu’il en soit autrement à
l’avenir. En outre, toutes les données présentant un quelconque intérêt en matière de conservation
et de gestion des baleines peuvent être obtenues par des méthodes non létales.

7.3. Burnett (2012) a passé en revue l’histoire des expériences scientifiques avortées et ayant
conduit à la destruction des grands cétacés au XX siècle ; il a notamment étudié l’action du

Discovery Committee, aujourd’hui frappé de discrédit, qui a consisté en une série d’expéditions
menées entre 1925 et 1940 dans l’océan Austral, depuis des navires ou depuis la terre ferme, afin
d’étudier les baleines. Ces travaux recouvraient principalement : i) l’étude de l’anatomie et de la
physiologie des baleines effectuée sur les chantiers de dépeçage ; et ii) des expéditions de
«marquage» en pleine mer au cours desquelles on tirait sur les baleines des fléchettes en acier
numérotées, qui étaient ensuite récupérées sur les animaux capturés lors d’opérations de chasse
commerciale («études de marquage»). Pour Burnett, les travaux du comité «ont fini par

transformer les scientifiques en baleiniers» (p. 30). - 24 -

7.4. Les programmes JARPA et JARPA II, dans le cadre desquels on s’efforce de faire
passer pour de la science la chasse à la baleine à des fins commerciales (aux antipodes des leçons

tirées de l’expérience Discovery), présentent certaines caractéristiques communes avec les travaux
du Discovery Committee. En me basant sur la description qu’en a donnée Burnett et sur les travaux

du comité scientifique de la CBI lors de ses premières années d’activité, j’ai pu établir les points
communs entre ceux-ci et les programmes JARPA et JARPA II : i) amalgames entre «science» et
chasse à la baleine à des fins commerciales ; ii) publication d’articles hors du circuit international
11
des travaux soumis à l’évaluation de pairs ; iii) imprécision entourant la manière dont la collecte
31 de données pourrait contribuer à la gestion ; iv) confusions au sujet de la collecte de données et de
13
la méthode scientifique ; v) collecte de données ne contribuant pas à la conservation et à la 14
gestion des baleines, les objectifs demeurant inchangés en dépit des critiques ; vi) attitude
consistant à poursuivre envers et contre tout sur la même voie, sans changement de cap ; et 15
16
vii) refus de prendre en considération l’existence d’autres méthodes, non létales .

7.5. A la lecture du contre-mémoire, ma conclusion demeure inchangée : le programme
JARPA II est une activité de collecte de données dans l’océan Austral. Ce n’est toutefois pas un

programme mené à des fins de recherche scientifique dans le cadre de la conservation et de la
gestion des baleines.

___________

10
Burnett (2012), p. 29,174.
11
Ibid., p. 138.
12Ibid, p. 173.

13Ibid., p. 430.

14Ibid, p. 448, 476.

15Ibid., p. 496.
16
Ibid., p. 399. - 29 -

Appendice 1
36

Correspondance avec le professeur Bruce Mate au sujet du marquage des baleines
par balise à des fins de suivi par satellite, en date du 16 novembre 2010

Bruce Mate <[email protected]> 16 novembre 2010

A Marc

Cher Marc,

Voici pour vous aider à commencer. Les balises avec lesquelles nous travaillons peuvent
désormais être fabriquées dans un format plus petit , ce qui conviendrait mieux pour les rorquals.
Nous n’avons pas marqué ainsi de rorquals, mais vous verrez dans l’article en pièce jointe que le
marquage, par erreur, d’un baleineau à bosse (même avec l’ancien modèle de balise, plus grand) a
eu l’air de très bien fonctionner

Je pense que je vais prendre contact avec Mike pour que nous puissions faire avancer le
projet.

Bruce

BruceMate
Directeur, Institut des mammifères marins
Université de l’Etat de l’Oregon

HatfieldMarine ScienceCenter [centre des sciences de la mer de Hatfield]
2030 SEMarine ScienceDrive
Newport,OR 97365

Le 16 novembre 2010 à 7 h 14, Marc Mangel a écrit :

Cher Bruce,

Je suis en train d’écrire un papier dans lequel je souhaite évaluer la possibilité d’équiper des
petits rorquals de balises basiques (indiquant la date, l’identifiant du cétacé et sa localisation) à
longue durée de vie. Mike Fedak m’a conseillé de vous contacter pour obtenir des informations sur
votre expérience avec des cétacés plus gros, et vous demander si vous pensez possible de faire de
même avec de petits rorquals. Si vous pouviez m’envoyer des articles à ce sujet, ce serait
formidable.

Mike vous salue, il a toujours l’intention d’essayer de fixer ses balises en utilisant vos
méthodes.

Merci d’avance,

Marc
Marc Mangel
«Distinguished Professor», mathématiques et statistiques appliquées,

chaire Jack Baskin, gestion des technologies et de l’information
directeur, centre de recherche sur l’évaluation des stocks

___________ - 30 -

Appendice 2
37

Correspondance avec le professeur Nick Gales au sujet du marquage des baleines par balises
à des fins de suivi par satellite, en date du 20 mars 2013

De : Nick Gales [email protected]
A : «[email protected]» [email protected]
Date : mardi 19 mars 2013 à 21 h 14
Sujet : marquage des petits rorquals [sécurité : non classifié]

Envoyé par :aad.gov.au

Cher Mark,

Suite à notre discussion, je vous écris ce courriel pour vous apporter des précisions sur le
marquage de petits rorquals que nous avons, entre autres, effectué en février 2013. Comme vous le
savez, aucun petit rorqual de l’Antarctique n’avait fait l’objet de marquage par balises avant cet été.
En février dernier, j’ai passé une dizaine de jours à bord du Point Sur (navire de recherche de la

fondation nationale pour la science des Etats-Unis (National Science Foundation ou NSF)) à
travailler avec un groupe de scientifiques américains sous la conduite d’Ari Friedlaender. Ce
projet, soutenu par l’USAP [«United States Antarctic Program»], faisait partie d’un projet de
recherche collaboratif du partenariat de recherche non létale dans l’océan Austral (Southern Ocean
Research Partnership SORP) placé sous l’égide de la CBI.

L’objectif de cette mission était d’équiper, au large de l’ouest de la péninsule antarctique,

des baleines à bosse et des petits rorquals de balises satellite indiquant seulement la position
et de balises à ventouse pour l’enregistrement de données. Dans le cadre de ce projet, on était
précédemment parvenu à équiper des baleines à bosse de telles balises. C’était la première fois
qu’on projetait d’en équiper de petits rorquals.

J’ai réussi à équiper 10 petits rorquals de balises satellite donnant seulement la

position implantables dans le pannicule adipeux. Les balises ont été mises en place à l’aide d’un
fusil à air comprimé ordinaire d’une portée de 4 à 10 m depuis des bateaux pneumatiques à fond
renforcé. Elles sont plus petites que les balises implantables que nous utilisons normalement pour
de plus grands cétacés comme les baleines à bosse, les baleines bleues ou les baleines franches
australes. Ces balises sont semblables à celles utilisées par Bruce Mate.

Robert Pitman et John Durban faisaient partie de l’expédition sur le Point Sur. Ils étudiaient

les orques et mettaient en place des balises pour nageoire dorsale, que l’on projette sur le côté de la
nageoire et qui sont tenues en place par deux broches pénétrant le cartilage. M. Durban a posé
trois de ces balises sur des petits rorquals. Deux d’entre elles étaient équipées de capteurs de
profondeur et transmettaient donc des relevés de plongée ainsi que des informations sur la
localisation. Ces balises ont été implantées à l’aide d’une arbalète.

MM. Pitman et Durban avaient passé du temps en mer de Ross dans le courant de l’été et
avaient alors réussi à installer trois de ces balises sur des petits rorquals.

Deux balises à ventouse ont aussi été posées sur des petits rorquals. Ces balises sont
destinées à ne rester en place que pour une période courte (< 1 jour) et fournissent de nombreuses
données tridimensionnelles sur les déplacements de l’animal pendant cette période. Ces
informations sont suffisamment précises pour permettre de déterminer à quel moment et à quelle
fréquence le cétacé se nourrit en plongée. Pendant qu’on installait ces deux balises, nous avons fait
des recherches sur les «terrains de chasse», à l’aide d’échosondeurs scientifiques. - 31 -

Dix-neuf biopsies ont été pratiquées sur des petits rorquals. On aurait pu prélever beaucoup
plus d’échantillons si on avait prévu davantage de temps pour ce faire.

Dix-huit petits rorquals au total ont ainsi été équipés de balises (3 en mer de Ross et
15 à l’ouest de la péninsule antarctique) de quatre types différents. Des prélèvements par biopsie
ont été effectués sur 19 autres.

Nous avons découvert que lorsque les baleines étaient par groupes de deux ou plus et en train
de se nourrir ou de se livrer à des activités sociales, il était relativement facile (d’autant plus que le
groupe était nombreux) pour nous de les approcher à bord d’une petite embarcation, à condition de
prendre notre temps. Les animaux se trouvaient en pleine mer, au milieu de morceaux de banquise,
dans des conditions météorologiques calmes. On rencontre ce type de conditions de vie et d’habitat

dans tout l’Antarctique ; je suis convaincu que ces travaux apportent la preuve que le marquage par
balise est praticable dans la plupart des zones antarctiques par vent faible. Lors de précédentes
expéditions de recherche sur les baleines bleues et les baleines à bosse dans la partie orientale de
38 l’Antarctique, nous avions démontré qu’il était possible et fructueux d’effectuer des marquages par
balise en haute mer à partir de petites embarcations.

Nous présenterons à la CBI les données collectées pendant les programmes de recherche de
cet été lors de la réunion qui se tiendra en juin sur l’île de Jeju, en Corée du Sud, puis nous les

publierons dans des articles qui se seront soumis à l’évaluation de nos pairs.

Bien cordialement,

Nick

Nick Gales
Directeur scientifique
Programme antarctique australien

___________

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Exposé de M. Marc Mangel (expert nommé par l'Australie)

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