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DJZ/IR 2009/113
Date 20 May 2009
Re French version of the written statement of the Kingdom of the Encl.
1
Netherlands (Kosovo)
Please find attached the French version of the written statement of the Kingdom
of the Netherlands related to the request of the United Nations General Assembly
to render an advisory opinion on the Accordance with International Law of the
Unilateral Declaration of Independence by the Provisiona/ Institutions of Self
Government of Kosovo. The original English version of this written statement was
submitted to the Court on 17 April 2009.
Yours sincerely,
E. Lijnzaad,
Legal Adviser
Page 1 of 1 COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
CONFORMITÉ AU DROIT INTERNATIONAL DE LA DÉCLARATION
UNILATÉRALE D'INDÉPENDANCE DES INSTITUTIONS PROVISOIRES
D'ADMINISTRATION AUTONOME DU KOSOVO
(REQUÊTE POUR AVIS CONSULTATIF)
EXPOSÉ ÉCRIT DU ROYAUME DES PAYS-BAS
17AVRIL 20091. Introduction
1.1 Dans sa résolution 63/3 du 8 octobre 2008, l'Assemblée générale des Nations unies a
décidé de demander à la Cour internationale de justice de rendre un avis consultatif sur la
question suivante :
« La déclaration unilatérale d'indépendance des institutions provisoires d'administration
autonome du Kosovo est-elle conforme au droit international ? »
La déclaration unilatérale d'indépendance des institutions provisoires d'administration
autonome du Kosovo àlaquelle il est fait référence est réputée corresponàla proclamation
de l'indépendance du Kosovo par l'Assemblée du Kosovo, réunie en séance extraordinaire le
17 février 2008 (déclaration d'indépendance du Kosovo).
1.2 Dans son ordonnance du 17 octobre 2008, la Cour a fixé au 17 avril 2009 la date
d'expiration du délai dans lequel les Nations unies et les États habilàtse présenter devant
elle peuvent lui soumettre un exposé écrit sur la question, conformément au paragraphe 2 de
l'article 66 de son Statut. Dans la même ordonnance, la Cour a en outre invité les auteurs de la
déclaration àlui soumettre des contributions écrites.
1.3 Le Royaume des Pays-Bas étant membre de l'Organisation des Nations unies et
également, en vertu de l'article 92 de la Charte des Nations unies, partie au Statut de la Cour,
il souhaite saisir l'occasion qui lui est donnée par !'·ordonnance de la Cour datée du 17 octobre
2008 de faire une déclaration écrite dans le contexte de la demande d'avis consultatif adressée
à la Cour par l'Assemblée générale.
2. Résolutions du Conseil de sécurité relative àsla situation au Kosovo
Introduction
2.1 Le Conseil de sécurité a adopté plusieurs résolutions sur la situation au Kosovo, dont
quatre sont couvertes par le chapitre VII de la Charte des Nations unies (1160, 1199, 1203 et
1244). Il considère ainsi, dans la résolution 1199, que la détérioration de la situation au
Kosovo constitue une menace pour la paix et la sécurité dans la région et, dans la résolution
1244, que la situation dans la région continàereprésenter une menace pour la paix et la
sécurité internationales. La résolution 1244 fournitla communauté internationale un cadre
général pour faire faceà la situation au Kosovo. Dans cette résolution, le Conseil de sécurité a
décidé,inter alia, des principes d'une solution politiqàela crise au Kosovo (paragraphe 1) et
du déploiement au Kosovo de présences internationales civile et de sécurité (paragraphe 5). Il
a autorisé le Secrétaire général, agissant avec le concours des organisations internationales
compétentes, àétablir une présence internationale civile au Kosovo (paragraphe 10), en
réponse àquoi le Secrétaire général a mis sur pied une Mission d'administration intérimaire
des Nations unies au Kosovo (MINUK). Le déploiement des présences internationales civile
et de sécurité est appelé se poursuivre tant que le Conseil n'en aura pas décidé autrement
(paragraphe 19).
2.2 Il est suggéré que la déclaration d'indépendance du Kosovo n'a pas affecté la validité de
la résolution 1244. En effet, ses auteurs ont explicitement affamé qu'ils agiraient
conformément aux principes du droit international et aux résolutions du Conseil de sécurité,
2dont la résolution 1244 de 1999 (déclaration d'indépendance du Kosovo, paragraphe 12). Le
Secrétaire général a également conclu que la résolution 1244 restait en vigueur après la
proclamation d'indépendance du 17 février 2008 et le resterait tant que le Conseil de sécurité
n'en déciderait pas autrement (S/2008/211, paragraphe 29). Les présences internationales
civile et de sécurité ont donc été maintenues au Kosovo après le 17 février 2008.
Présence internationale civile
2.3 Sans préjudice de l'applicabilité de la résolution 1244, la déclaration d'indépendance du
Kosovo a eu des conséquences pour la mise en Œuvre de la résolution sur le terrain. Le
Secrétaire général a ainsi observé qu'il« [était] évident que la déclaration d'indépendance du
Kosovo [avait] eu de profondes répercussions sur la situation du pays» (S/2008/211,
paragraphe 30). En l'absence de toute autre directive du Conseil de sécurité, il a, par voie de
conséquence, décidé de réorganiser la MINUK « de manière à adapter la Mission àla
nouvelle réalité etàrépondre aux besoins opérationnels actuels et naissants au Kosovo»
(S/2008/458, paragraphe 3). Il a à ce propos consulté toutes les parties prenantes, ce qui lui a
permis de noter, le 15juillet 2008, que « toutes les parties ont accepté la réorganisation de la
structure de la présence internationale et la modification de son profil[ ...] afin qu'elle
corresponde mieux à l'évolution de la situation» (S/2008/692, paragraphe 28). Le
24 novembre 2008, il a indiqué que la réorganisation« se [déroulait] de manière transparente
à l'égard de toutes les parties prenantes, et dans le respect de la position de stricte neutralité
adoptée par l'ONU sur la question du statut du Kosovo» (S/2008/692, paragraphe 49).
2.4 Il est suggéré que la délégation par le Conseil de sécurité au Secrétaire général du pouvoir
de mise en place d'une présence internationale civile englobe la compétenceàautoriser, sous
l'égide du Conseil de sécurité, des ajustements pour autant que ceux-ci soient conformes àla
résolution 1244. Après la Déclaration d'indépendance du 17 février 2008 et les événements
qui s'en sont suivis au Kosovo, le Secrétaire général a fait usage de ce mandat pour refondre
la MINUK avec l'accord de tous les intéressés.
(i) Exercice du pouvoir délégué
Il est suggéré que la réorganisation de la présence internationale civile est conformeàla
résolution 1244. Lemodus operandi de ce processus est exposé au paragraphe 16 du rapport
du 12juin 2008 du Secrétaire général (S/2008/354). Le but initial de l'établissement d'une
présence internationale civile au Kosovo était d'y« assurer une administration intérimaire
dans le cadre de laquelle la population du Kosovo [pourrait] jouir d'une autonomie
substantielle au sein de la République fédérale de Yougoslavie, et qui [assurerait] une
administration transitoire de même que la mise en place et la supervision des institutions
d'auto-administration démocratiques provisoires nécessaires pour que tous les habitants du
Kosovo puissent vivre en paix et dans des conditions normales » (paragraphe 10 et Annexe 2,
paragraphe 5). Depuis ses débuts, la MINUK a contribuéàla réalisation de cet objectif. Selon
le Secrétaire général, la MINUK « a aidé le Kosovoàaccomplir d'importants progrès vers
l'établissement et la consolidation d'institutions provisoires d'administration autonomes,
démocratiques et responsables, et vers la mise en place d'une économie qui fonctionne.»
(S/2008/354, paragraphe 2). L'objectif initial a évoluéà la lumière de la nouvelle donne
résultant de l'instauration et de la consolidation d'institutions démocratiques et responsables
au Kosovo, de l'évolution de la recherche d'une solution politiqueàla crise (voir ci-dessous),
de la proclamation de l'indépendance du Kosovo le 17 février 2008 et des événements qui
s'en sont suivis. Pour faire facà cette nouvelle réalité, le Secrétaire général a observé que
3« guidée par la nécessité d'assurer la paix et la sécurité au Kosovo, la MINUK [avait] agi et
[continuerait] d'agir de façon réaliste et pragmatique en tenant compte de l'évolution de la
situation» (S/2008/211, paragraphe 30). À la lumière de l'objectif primordial consistanà
garantir la paix et la sécurité au Kosovo, la présence internationale civile a été réorganisée de
manière à répondreà ces nouvelles circonstances et à se rapprocher d'une cessation pacifique
del 'administration intérimairedu Kosovo par les Nations unies. Cette réorganisation a été
entreprise en vue de remplir l'un des objectifs premiers des Nations uniesàsavoir favoriser
et pérenniser le règlement pacifique de la situation au Kosovo. L'exercice, par le Secrétaire
général, des pouvoirs qui lui ont été délégués par le biais d'une réorganisation de la présence
internationale civile est donc conformeà la résolution 1244.
(ii) Acceptation de l'exercice des pouvoirs délégués
Dans nombre d'avis consultatifs, la Cour ne s'est pas limitéà une interprétation textuelle de
la législation pertinente en matière d'exercice des pouvoirs des organisations internationales.
Elle s'est aussi ultérieurement attachéà vérifier si une telle interprétation était en général
confirmée par la pratique (Réparation des dommages subis au service des Nations unies, avis
consultatif, C.I.J Recueil 1949,p.179; Certaines dépenses des Nations unies (article 17,
paragraphe 2, de la Charte), avis consultatif, C.I.J Recueil 1962, enparticulier p. 160 et
165 ; Conséquencesjuridiques pour les États de laprésence continue de l'Afrique du Sud en
Namibie (sud-ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970), avis consultatif, C.IJ
Recueil 1971,p. 22; Conséquences juridiques de l'édification d'un mur dans le territoire
palestinien occupé, avis consultatif, C.IJ Recueil 2004,p. 149-150). C'est donc cette
approche qu'il conviendrait de suivre ici. Il est suggéré que l'exercice des pouvoirs délégués
dans ce cas a, comme nous l'avons vu ci-dessus, été en général accepté dans la pratique. Le
Secrétaire général a informé le Conseil de sécurité de son intention d'opérer une refonte de la
MINUK (S/2008/211 ; S/2008/354) et lui a régulièrement rapporté l'état d'avancement de la
réorganisation de la MINUK une fois prise la décision de la modifier (S/2008/458 ;
S/2008/692; S/2009/149). Le 26 novembre 2008,
à l'issue de consultations au cours
desquelles cette réorganisation a été examinée, le Président du Conseil de sécurité a été
autorï"séàdéclarer, au nom de celui-ci, que« le Conseil de sécurité [prenait] note du rapport
du Secrétaire général sur la MINUK (S/2008/692) en date du 24 novembre 2008 et, prenant
en compte les positions de Belgrade et Pristina sur ce rapport, qui ont été exprimées dans leurs
déclarations respectives, se [félicitait] de leur intention de coopérer avec la communauté
internationale» (S/PV.6025, point 21). Dans son rapport suivant, le Secrétaire général
affirmait que « conformément àla déclaration du Président du Conseil de sécurité datée du
26 novembre 2008, la MINUK a accéléré le processus de réorganisation de la Mission en
application des dispositions de [son] rapport daté du 24 novembre 2008 et de [son] rapport
spécial daté du 12juin 2008» (S/2009/149, paragraphe 35). Ce rapport a dans l'ensemble été
salué lors d'une réunion ultérieure du Conseil de sécurité (S/PV.6097). Le Secrétaire général a
donc exercé de manière appropriée l'autorité qui lui a été confiée d'établir et, si les
circonstances l'exigeaient, d'adapter une présence internationale civile au Kosovo.
2.5 Il est suggéré que les dispositions de la résolution 1244 relatàvla présence civile
internationale n'interdisaient pas la proclamation de l'indépendance du Kosovo. Le Secrétaire
général a souligné que« l'ONU [avait] conservé une position de stricte neutralità l'égard de
la question du statut du Kosovo » (S/2008/458, paragraphe 29). Il a également mis en avant
que la réorganisation s'était effectuée« dans le respect de la position de stricte neutralité
adoptée par l'ONU sur la question du statut du Kosovo» (S/2008/692, paragraphe 49). La
nature, la portée et les modalités de la réorganisation ayant été déterminées par la déclaration
4d'indépendance du Kosovo et ladite réorganisation étant jugée conforme à la résolution 1244,
la déclaration d'indépendance qui a précédé la réorganisation doit donc être considérée
comme conforme à la résolution 1244.
Solution politique à la situation au Kosovo
2.6 La résolution 1244 envisage un processus politique aboutissant à une« solution
politique» (paragraphe 1), un« règlement définitif» (paragraphe 1l(a)) ou un« règlement
politique» (paragraphe 1l(c)) de la situation au Kosovo. L'objectif ultime de ce processus
consiste à trouver un accord sur le statut du Kosovo qui récolte l'adhésion de toutes les
parties.
2.7 Il est suggéré que les dispositions de la résolution 1244 relatives au processus politique ne
préjugeaient pas de l'issue de celui-ci. Dans ses annexes, la résolution 1244 prévoyait les
principes généraux du processus politique. Ils faisaient référence, dans plusieurs paragraphes,
à l'intégrité territoriale de la République fédérale de Yougoslavie, ainsi qu'à« un processus
politique menant à la mise en place d'un accord-cadre politique intérimaire prévoyant pour le
Kosovo [une] autonomie substantielle, qui tienne pleinement compte des Accords de
Rambouillet et des principes de souveraineté et d'intégrité territoriale de la République
fédérale de Yougoslavie et des autres pays de la région » (annexe 1,point 6, et annexe 2,
paragraphe 8). Il apparaît donc que l'intégrité territoriale de la République fédérale de
Yougoslavie était un facteur pertinent à prendre en compte dans le processus politique.
Toutefois, la formulation employée ne préjuge pas de l'issue du processus et permet une
solution politique à la situation au Kosovo qui ne préserve pas l'intégrité territoriale de la
République fédérale de Yougoslavie. La même observation vaut également pour le préambule
de la résolution 1244, qui réaffirme« l'attachement de tous les États Membres à la
souveraineté et à l'intégrité territoriale de la République fédérale de Yougoslavie et de tous
les autres États de la région». Les références de la résolution 1244 à l'intégrité territoriale de
la République fédérale de Yougoslavie n'interdisaient donc pas, en elles-mêmes, la
proclamation de l'indépendance du Kosovo le 17 février 2008.
2.8 Le processus politique devant déterminer le statut futur du Kosovo a débuté enjuin 2005,
avec la désignation par le Secrétaire général d'un Envoyé spécial, l'ancien président
finlandais Martti Ahtisaari, chargé de superviser les pourparlers sur le statut définitif du
Kosovo. Le processus s'est poursuivi pendant plus d'un an sous la supervision de l'Envoyé
spécial, sans toutefois parvenir à une solution politique négociée. Dans son rapport, l'Envoyé
spécial a conclu que« les possibilités de parvenir à une issue négociée du commun accord des
parties [avaient] été épuisées » (S/2007/168, paragraphe 3 (26 mars 2007)) et que« la seule
option viable pour le Kosovo [était] l'indépendance» (S/2007/168, paragraphe 5). Il a
accompagné ces conclusions d'une proposition globale de Règlement portant statut du
Kosovo (S/20071168/Add.l). Le 26 mars 2007, le Secrétaire général a présenté ce rapport au
Conseil de sécurité, en déclarant:« Je souscris pleinement aux recommandations formulées
par mon Envoyé spécial dans son rapport sur le statut futur du Kosovo et à la proposition
globale de Règlement portant statut du Kosovo» (S/2007/168). Le Conseil de sécurité n'a ni
approuvé ni rejeté les conclusions de l'Envoyé spécial. Dans les mois qui ont suivi, de
nouveaux efforts n'ont pas davantage permis de parvenir àun accord sur le statut du Kosovo
auquel puissent souscrire toutes les parties. Le 10 décembre 2007, le Secrétaire général a
transmis un rapport relatif à ces efforts au Conseil de sécurité (S/2007/723). Au cours des
réunions du 19Décembre 2007, du 17janvier 2008 et du 14 février 2008, le Conseil de
5sécurité n'a pas été en mesure d'énoncer de nouvelles instructions qu ant négociation
d'une solution politique au statut du Kosovo.
2.9 Il est suggéré que les dispositions de la résolution 1244 relatives au processus politique
n'interdisaient pas la proclamation de l'indépendance du Kosovo du 17 février 2008 dans les
circonstances qui prévalaient à ce moment. Ce n'est qu'après l'épuisement de tentatives
répétées en vue d'une solution politique négociée et en l'absence de nouvelle instruction de la
part du Conseil de sécurité que l'indépendance du Kosovo a été proclamée le 17 février 2008,
dans le respect de la résolution 1244. Cette déclaration d'indépendance a modifié le statut du
Kosovo sans l'accord de tous les intéressés. Une solution politique sur le statut du Kosovo
recueillant l'adhésion de toutes les parties reste doncàtrouver.
2.10 Par ailleurs,ilest logique que les décisions concernant le statutfutur de Kosovo, prises
en 2002 et en 2003 dans le cadre del' Assemblée du Kosovo, aient été annulées par le
Représentant spécial du Secrétaire général (voir p. ex. S/2002/779, paragraphe 8 et
S/2003/113, paragraphe 12). Le 24 mai 2002, le Conseil de sécurité a adopté une déclaration
de son Président déplorant« l'adoption par l'Assemblée du Kosovo, à sa séance du 23 mai
2002, d'une "résolution relative à la protection de l'intégrité territoriale du Kosovo"» et
rejoignant« l'avis du Représentant spécial du Secrétaire général, selon lequel pareilles
résolutions et décisions del' Assemblée au sujet de questions qui ne relèvent pas de son
domaine de compétence sont nulles et non avenues» (S/PRST/2002/16). Il faut néanmoins
relever que, suiteà l'évolution de la situation au Kosovo, aucune mesure du Représentant
spécial ou du Conseil de sécurité n'a été dans le sens d'une annulation de la déclaration
d'indépendance du 17 février 2008. Les décisions susmentionnées de 2002 et 2003 ont été
prises avant le début du processus politique sur le statut du Kosovo, alors que la déclaration
d'indépendance n'a été proclamée qu'après épuisement du processus politique et en l'absence
de nouvelle instruction du Conseil de sécurité à ce propos. Ceci étaye l'opinion selon laquelle
la proclamation de l'indépendance du Kosovo du 17 février 2008 peut, selon la résolution
1244, êtrejustifiée dans les circonstances qui prévalaient au moment de ladite proclamation
ou n'était du moins pas interdite.
Conclusion
2.11 Le Royaume des Pays-Bas estime que :
• la proclamation de l'indépendance du Kosovo le 17 février 2008 n'a pas affecté
l'application de la résolution 1244 ;
• la résolution 1244 n'interdisait pas la proclamation de l'indépendance du Kosovo
le 17 février 2008 ; et
• une solution politique au statut du Kosovo recueillant l'adhésion de toutes les
parties doit encore être trouvée.
3. Droit international à l'auto-détermination
Introduction
3.1 Dans son avis consultatif sur les Conséquencesjuridiques de l'édification d'un mur dans
le territoire palestinien occupé,la Cour a noté que le principe de l'autodétermination est ancré
dans la Charte des Nations unies, réaffirmé par l'Assemblée générale dans la résolution 2625
(XXV) (résolution 2625), qui exige des États qu'ils s'abstiennent de recouriràtoute mesure
de coercition qui priverait les peuples de leur droià l'autodétermination, et inscrit dans le
6Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966 et le Pacte
international relatif aux droits civils et politiques de 1966 (Pactes de 1966), qui exigent des
États qu'ils respectent et favorisent l'exercice de ce droit conformément aux dispositions de la
Charte des Nations unies (article premier) (C.IJ. Recueil 2004, p. 136, paragraphe 88). Dans
l'avis consultatif susmentionné, la Cour a, pour la première fois, reconnu un droit à
l'autodétermination en dehors de tout contexte colonial, comme l'a noté le juge Higgins dans
l'exposé de son opinion individuelle, (C.IJ. Recueil 2004, p. 217, paragraphe 30).
3.2 Il est suggéré que l'obligation de respecter et de promouvoir le droità l'autodétermination
de même que celle de s'abstenir de recourir à toute mesure de coercition privant les peuples
de ce droit découlent d'une norme impérative du droit international général. Le droit à
l'autodétermination a été caractérisé comme un « droit inaliénable » (Déclaration et
Programme d'action de Vienne de 1993, tels qu'adoptés lors de la Conférence mondiale sur
les droits de l'homme, section I.2, commentaire général n°12 de 1984 de la Commission des
droits de l'homme sur l'article premier des Pactes de 1966, paragraphe 2). Dans le cas du
Timor oriental, la Cour a estimé qu'il n'y a« rien à redire» à l'affirmation selon laquelle le
droit des peuples à l'autodétermination présente un caractère erga omnes (C.IJ. Recueil 1995,
p. 90, paragraphe 29). Dans son avis consultatif sur les Conséquences juridiques de
l'édification d'un mur dans le territoire palestinien occupé, elle a observé que l'obligation de
respecter le droit des peuples à l'autodétermination est une obligation erga omnes (C.IJ.
Recueil 2004, p. 136, paragraphe 155). Concernant le cas du Timor oriental, la Commission
du droit international décrit« l'obligation de respecter le droit à l'autodétermination» comme
une norme dont le caractère impératif« semble recueillir l'adhésion générale » (commentaire
sur l'article 40 du projet d'Articles sur la responsabilité de l'État pour fait internationalement
illicite, paragraphe 5). La Cour a reconnu l'existence dans le droit international de normes
impératives dans l'Affaire des activités armées sur le territoire du Congo (Nouvelle requête:
2002), compétence de la cour et recevabilité de la requête (C.IJ. Recueil, 2006, p. 32,
paragraphe 64).
3.3 Les détenteurs du droit à l'autodétermination sont les « peuples ». Selon les Accords de
Rambouillet, considérés comme les directives du processus politique prévu par la résolution
1244 (annexe 1, point 6, et annexe 2, paragraphe 8), le« règlement définitif» concernant le
Kosovo doit reposer sur la« volonté du peuple» (chapitre 8, article I.3). De même, la
déclaration d'indépendance du Kosovo affirme refléter« la volonté du peuple »
(paragraphe 1) et se réfère au« peuple » dans plusieurs paragraphes de son préambule. Le 17
février 2008, l'indépendance du Kosovo a ainsi été proclamée par l'Assemblée du Kosovo,
réunie en séance extraordinaire et agissant au nom du« peuple ».
3.4Le droit à l'autodétermination comprend le droit des peuples à« déterminer librement leur
statut politique (article premier des Pactes de 1966), à « déterminer leur statut politique, en
toute liberté et sans ingérence extérieure» (résolution 2625), à« déterminer librement leur
statut politique» (section I.2 de la Déclaration et du Programme d'action de Vienne de 1993,
tels qu'adoptés par la Conférence mondiale sur les droits de l'homme) ou à« déterminer, en
toute liberté, [...] lorsqu'ils le désirent et comme ils le désirent, leur statut politique interne et
externe, sans ingérence extérieure, et de poursuivre à leur gré leur développement politique,
économique, social et culturel. » (section VIII del' Acte final de la Conférence sur la sécurité
et la coopération en Europe, auquel se réfère le préambule de la résolution 1244). La
proclamation par un peuple de son indépendance n'est que l'une des formes que peut revêtir
l'exercice de ce droitàl'autodétermination politique.
7Autodétermination interne et autodétermination externe
3.5 Il est suggéré qu'un peuple doit exercer son droit à l'autodétermination politique dans le
respect du droit international, lequel inclut le principe de l'intégrité territoriale. Il est donc
pertinent de déterminer si le droit à l'autodétermination est exercé d'une manière qui préserve
les frontières internationales (autodétermination interne) ou si son exercice implique une
modification <lesditesfrontières (autodétermination externe). La déclaration d'indépendance
du Kosovo impliquant un changement des frontières internationales, elle constitue dès lors un
exemple d'exercice du droit àl'autodétermination externe.
3.6 Il est suggéré qu'en dehors du contexte de territoires sans administration autonome, d'une
occupation étrangère et d'un accord consensuel, un peuple doit,en règle générales ,'efforcer
d'exercer son droit à l'autodétermination dans le respect du principe de l'intégrité territoriale
et donc dans les limites des frontières internationales existantes. Il est également suggéré que
le droit à l'autodétermination politique peut évoluer vers un droit à l'autodétermination
externe dans des circonstances exceptionnelles, c'est-à-dire dans des cas très spécifiques ou
dans des cas sui generis. Il s'agit là d'une exception à la règle, dont l'interprétation doit rester
restrictive. Le recours à une autodétermination externe est en effet considéré comme un
ultimum remedium.
3.7 L'existence d'un droit à l'autodétermination, en dehors du contexte des territoires sans
administration autonome, d'une occupation étrangère et d'un accord consensuel, est étayée,
quoique a contrario, dans la résolution 2625. Celle-ci dispose ce qui suit:
« Rien dans les paragraphes précédents [relatifs au principe de l'égalité de droits et de
l'autodétermination des peuples] ne sera interprété comme autorisant ou encourageant
une action, quelle qu'elle soit, qui démembrerait ou menacerait, totalement ou
partiellement, l'intégrité territoriale ou l'unité politique de tout État souverain et
indépendant se conduisant conformément au principe de l'égalité de droits et du droit
des peuples à disposer d'eux-mêmes énoncé ci-dessus et doté[s] ainsi d'un
gouvernement représentant l'ensemble du peuple appartenant au territoire sans
distinction de race, de croyance ou de couleur. » (Voir aussi la section 1.2de la
Déclaration et du Programme d'action de Vienne de 1993, tels qu'adoptés par la
Conférence mondiale sur les droits de l'homme).
Il ressort de ce paragraphe que le principe de l'intégrité territoriale ne saurait prévaloir en
toutes circonstances si la conduite des États n'est pas celle d'États agissant« conformément
au principe de l'égalité de droits et du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes énoncé ci
dessus et doté[s] ainsi d'un gouvernement représentant l'ensemble du peuple appartenant au
territoire sans distinction de race, de croyance ou de couleur». On rappellera à cet égard que
la Cour avait accordé une importance particulière à la résolution 2625 pour établir le droit
international coutumier dans !'Affaire relative aux activités militaires etparamilitaires au
Nicaragua et contre celui-ci, Merits (C.IJ. Recueil 1986, p. 14, paragraphe 188).
3.8 La Commission d'arbitrage de la Conférence sur l'ex-Yougoslavie (Commission
Badinter) a estimé qu'il était bien établi que, quelles que soient les circonstances, le droit à
l'autodétermination ne peut entraîner une modification des frontières existant au moment des
indépendances ( utipossidetis juris) sauf en cas d'accord contraire de la part des États
concernés (avis n°2 du 11janvier 1992, in: ILM, vol. 31, 1992, p. 1497). Cette conclusion
fait uniquement référence à une règle permettant d'identifier les frontières après la
8proclamation de l'indépendance, sans préjudice de l'existence du droit d'un peuple à
proclamer son indépendance. Les frontières internationales du Kosovo suivent le tracé de
celles déjà existantes et des anciennes limites internes et, partant, respectent cette conclusion
de la Commission d'arbitrage. Dans !'Affaire du différendfrontalier, la Cour a traité du lien
entre le principe d'uti possidetis et le droit à l'autodétermination. Elle a estimé que« à
première vue en effet ce principe [d'utipossidetis] en heurte de front un autre, celui du droit
des peuples à disposer d'eux-mêmes» et a conclu que, dans le contexte régional de cette
affaire, « c'est le besoin vital de stabilité pour survivre, se développer et consolider
progressivement leur indépendance dans tous les domaines qui a amené les États africains à
consentir au respect des frontières coloniales, et à en tenir compte dans l'interprétation du
principe de l'autodétermination des peuples»(C.1.J Recueil 1986, p. 554, paragraphe 25). Le
contexte du cas qui nous occupe est différent et requiert par conséquent une analyse plus
approfondie de la relation entre le principe d'uti possidetis et le droit à l'autodétermination,
satisfaisant à l'exigence essentielle de la stabilité.
3.9 Il est suggéré que l'exercice du droià l'autodétermination externe est soumis à la
réalisation de conditions de fond et de procédure cumulées. Ce droit n'existe qu'en cas de
« violation grave » de (a) l'obligation de respecter et de promouvoir le droit à
l'autodétermination ou de (b) l'obligation de s'abstenir de recourir à toute mesure de
coercition privant les peuples de ce droit (condition de fond). La violation d'une obligation
découlant d'une norme impérative de droit international général est considérée comme grave
si elle dénoteun« manquement flagrant ou systématique » envers l'obligation en question
(article 40.2 des Articles sur la responsabilité de l'État pour fait internationalement illicite).
Selon la Commission du droit international, une violation est systématique si elle a été
« commise de façon délibérée et organisé e,et flagrante s'il s'agit de« violations manifestes
qui représentent une attaque directe contre les valeurs protégées par la règle (commentaire sur
l'article 40 des Articles sur la responsabilité de l'État pour fait internationalement illicite,
paragraphe 8).
3.10 Il est suggéré qu'il y a violation de l'obligation de respecter et de promouvoir le droit à
l'autodétermination dans le cas (i) d'un déni des droits humains fondamentaux ou (ii) de
l'existence d'un gouvernement qui ne représente pas l'ensemble du peuple appartenant au
territoire. Dans la résolution 2625, l'Assemblée générale a reconnu qu'un déni des droits
humains fondamentaux « constitue une violation du principe [de l'égalité de droits des
peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes] ».Elle a également reconnu que seuls les
États dotés d'un« gouvernement représentant l'ensemble du peuple appartenant au territoire
sans distinction de race, de croyance ou de couleur» se conduisent conformément au principe
de l'égalité de droits des peuples et de leur dràidisposer d'eux-mêmes. L'absence d'un
gouvernement représentant l'ensemble du peuple appartenant au territoire reviendrait donc à
ne pas respecter ce principe. Or, un tel non-respect peut aussi être décrit comme une violation
du droit à l'autodétermination interne.
3.11 Par ailleurs, tous les recours effectifs visant à trouver un règlement doivent avoir été
épuisés (condition procédurale). En conséquence, toutes les pistes ont dû être explorées en
vue de garantir le respect et la promotion de l'autodétermination par le biais des procédures
disponibles, et notamment par le biais de négociations bilatérales, de l'assistance de tiers et,
lorsque cela était possible ou convenu, du recours à des tribunaux et cours d'arbitrage
nationaux et/ou internationaux.
9Violation grave de l'obligation de respecter et depromouvoir le droit à l'autodétermination
au Kosovo
3.12 Il est suggéré qu'il y a eu une violation grave de l'obligation de respecter et de
promouvoir le droit àl'autodétermination au Kosovo.
(i) Absence d'un gouvernement représentant l'ensemble du peuple appartenantàla
République fédérale de Yougoslavie
En République fédérale socialiste de Yougoslavie (RFSY), le Kosovo avait le statut d'une
province autonome. Le statut autonome du Kosovo et d'autres provinces trouvait son origine
dans une décision del' Assemblée du peuple de la République populaire de Serbie de 1945
conformément àla volonté expresse de la population de ces régions (article111de la
Constitution de la RFSY de 1963 ; voir aussi l'article 2 des Constitutions de 1946, 1974 et
1981).
Les autorités yougoslaves et serbes ont progressivement mis un terme à l'autonomie du
Kosovo et se sont efforcées de prendre le contrôle de celui-ci, avec succès, ce qui a entraîné la
marginalisation totale des Albanais vivant sur ce territoire. Ce processus a été décrit par la
Chambre de première instance du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie dans la
sentence qu'elle a rendue en date du 26 février 2009 dans l'affaireMilutinovié et consorts
(affaire n° IT-05-87-T) introduite à l'encontre de six personnalités politiques, militaires et
policières yougoslaves et serbes de haut rang. La Chambre a reconnu cinq des accusés
coupables de crimes contre l'humanité et de violations des droits ou coutumes de la guerre, et
les a condamnés àde lourdes peines de prison.
Selon la Chambre de première instance, au début des années 80, après le décès du Président
yougoslave Josip Broz (Tito), les Albanais du Kosovo se sont efforcés de faire reconnaître le
Kosovo en tant république au sein de la RFSY. Ceci a conduit à des manifestations, dont
certaines violentes, et du déploiement de la police et de l'armée yougoslave. Dans le même
temps, les Serbes ont réclamé de plus en plus fort une réduction de l'autonomie du Kosovo.
Dans le contexte de l'implosion de la RFSY, ceci a conduit àun amendement de la
Constitution serbe en 1989, pointant la nécessité de « normaliser »la« situation détériorée »
au Kosovo. Des mesures spéciales ont été mises en place, rendant les autorités fédérales les
responsables de la sécurité au Kosovo. Dans l'affaireMilutinovié et consorts,la Chambre de
première instance a conclu:
«Vers 1989, l'écart entre les aspirations de la majorité de la population albanaise du Kosovo et les
projets des autorités de la RFY et de l'État serbe a créé un environnement marqué par les tensions et
l'instabilité. Les efforts des autorités en vue d'exercer un contrôle plus strict sur la province et de
diminuer l'influence des Albanais du Kosovo sur la gouvernance locale, les services publics et la vie
économique ont polarisé la communaut. cet égard, des lois, politiques et pratiques discriminatoires
envers les Albanais ont été instituées, ce qui a alimenté le ressentiment local et le sentiment de
persécution.[Jugement, volume 1,paragraphe 237, traduction non officielle]
« Un "système parallèle" s'est ainsi développé, avec un "gouvernement" officieux et des serviceàsla
population albanaise du Kosovo financés par une diaspora nombreuse et un "impôt de solidarité"
volontaire.[Jugement, volume 1,paragraphe 226, traduction non officielle]
Ces conclusions démontrent l'absence d'un gouvernement représentant l'ensemble de la
population appartenant à la République fédérale de Yougoslavie, ce qui constitue une
violation de l'obligation de respecter et de promouvoir le droit à l'autodétermination du
10Kosovo. Cette violation était grave parce que systématique : l'amendement apporté à la
Constitution, de même que les lois, politiques et pratiques discriminatoires prouvent qu'elle
était commise de façon délibérée et organisée. La violation était également grave parce que
flagrante : le développement d'un système parallèle d'administration pour les Albanais du
Kosovo prouve la nature manifeste de la violation, qui représente une attaque directe contre
les valeurs protégées par la règle relative à un gouvernement représentatif.
(ii) Déni des droits humains fondamentaux au Kosovo
Selon la Chambre de première instance dans l'affaire Milutinovié et consorts,la crise
politique au Kosovo a, dès la mi-1998, culminé dans un conflit armé impliquant les forces de
la République fédérale de Yougoslavie, la République de Serbie et les forces de l'Armée de
libération du Kosovo. Ce conflit s'est poursuivi pendant la campagne de bombardements
aériens de l'OTAN, du 24 mars au 10juin 1999. Tout au long du conflit armé se sont produits
des incidents au cours desquels l'armée yougoslave et les forces du ministère serbe de
l'Intérieur ont fait usage d'une force excessive et aveugle. Celle-ci a entraîné des dommages
aux biens des civils, des déplacements de population et des victimes civiles.À l'époque de la
campagne de l'OTAN, une entreprise criminelle commune était en place. La Chambre de
première instance a estimé que :
« l'objectif de l'entreprise criminelle commune était de s'assurer que la RFY et les autorités serbes
conservent le contrôle du Kosovo et d'y parvenir par des moyens criminels. La population albanaise du
Kosovo devait être déplacée par la forceà l'intérieur du Kosovo qu'en dehors de celui-ci, par le
biais d'une campagne de terreur et de violence à la fois généraliséeet systématique. Conscients
qu'espérer expulser jusqu'au dernier les Albanais du Kosovo était irréaliste, les membres de l'entreprise
criminelle commune avaient pour objectif d'en déplacer un nombre suffisant pour faire basculer
l'équilibre démographique vers une égalité ethnique qui permette de leila soumission»
[Jugement, Volume 3, paragraphe 95, traduction non officielle]
Les forces de la RFY et de la République serbe ont délibérément expulsé au moins
700 000 Albanais du Kosovo, soit en leur ordonnant de partir soit en créant un climat de
terreur propre à les y pousser. Dans tout le Kosovo, les forces de la RFY et de la République
serbe ont mené une vaste campagne de violence à l'encontre de la population albanaise,
notamment par le biais de meurtres, de violences sexuelles et de destructions intentionnelles
de mosquées.
Ces conclusions démontrent que les campagnes de terreur et de violence ont débouché sur le
déni de droits humains fondamentaux, ce qui constitue une violation de l'obligation de
respecter et de promouvoir le droit à l'autodétermination du Kosovo. Cette violation était
grave parce que systématique, l'existence d'une entreprise criminelle commune, notamment,
prouvant que cette violation était délibérée et organisée. La violation était également grave
parce que flagrante : le nombre d'Albanais du Kosovo expulsés, de même que la nature et la
portée des violences exercées à leur encontre prouve la nature manifeste de la violation, qui
représente une attaque directe contre les valeurs protégées par la règle relative à un
gouvernement représentatif.
Violation grave del 'obligation des 'abstenir de recourirà des mesures de coercition privant
lespeuples de leur droit à l'autodétermination au Kosovo
3.13 Les conclusions de la Chambre de première instance du TPIY déjà évoquées ci-dessus,
notamment eu égard au déplacement forcé des Albanais du Kosovo, ont également établi qu'il
11y avait eu une violation grave de l'obligation de s'abstenir de recouàides mesures de
coercition privant les peuples de leur droàtl'autodétermination.
Épuisement de tous les recours effectifs pour parvenir à un règlement sur le statut du Kosovo
3.14 Il est suggéré que tous les recours effectifs pour parveàiun règlement sur le statut du
Kosovo ont été épuisés. Un processus politique avait été mis en Œuvre à cet effet, sous l'égide
du Conseil de sécurité. Ce n'est qu'après de nombreux efforts en vue d'un règlement sur le
statut du Kosovo que l'Envoyé spécial du Secrétaire général a conclu que« toutes les
possibilités de parveniràune issue négociée du commun accord des parties [avaient] été
épuisées» (S/2007/168, paragraphe 3 (26 mars 2007)) et que« la seule option viable pour le
Kosovo [était] l'indépendance» (S/2007/168, paragraphe 5). Ces conclusions ont été
approuvées par le Secrétaire général (S/2007/168). Par la suite, lorsqu'il est apparu que le
Conseil de sécurité ne parvenait pasà adopter une résolution qui appuie les propositions
formulées par l'Envoyé spécial, le Groupe de contact (France, Allemagne, Italie, Fédération
russe, Royaume-Uni et États-Unis) a proposé de mettre sur pied une troïka composée de
représentants de l'UE, de la Fédération russe et des États-Unis pour tenter de trouver une
solution. Elle a travaillé d'arrache-pied sur la question du statut futur du Kosovo pendant
quatre mois, son programme de travail comprenant 10 sessions au plus haut niveau possible,
dont une conférence finale de trois joursàBaden, en Autriche, ainsi que deux missions dans
la région. La troïka a rendu son rapport le 4 décembre 2007 (S/2007/723, pièce jointe). Son
objectif était de faciliter un accord entre les parties. En dépit de discussions intenses de haut
niveau sur des questions de fond entre Belgrade et Pristina, il n'a pas été possible de trouver
un accord sur le statut définitif du Kosovo. Selon le rapport de la troïka,« ni l'une ni l'autre
[partie] n'était prêtàmodifier sa position sur la question fondamentale de la souveraineté du
Kosovo» (S/2007/723, pièce jointe, paragraphe 2). D'autres discussions approfondies ont eu
lieu lors de différentes réunions du Conseil de sécurité (le 19 décembre 2007 (S/PV.5811), le
16janvier 2008 (S/PV.5821 et S/PV.5822) et le 14 février 2008 (S/PV.5835)), sans résultat.
Ce n'est donc qu'après avoir mené le processus politique à son terme et en l'absence de toute
nouvelle instruction du Conseil de sécurité que l'indépendance du Kosovo a été proclamée le
17 février 2008.
Résolution 1244
3.15 Il est suggéré que le droit inaliénabàel'autodétermination n'a été affecté ni par la
résolution 1244 ni par le délai écoulé depuis la grave violation de l'obligation de respecter et
de promouvoir le droit à l'autodétermination au Kosovo et de l'obligation de s'abstenir de
recourir àdes mesures de coercition privant les peuples de ce droit. Bien au contraire, ce délai
a été misà profit pour satisfaire à la condition procédurale relativeà l'exercice du droità
l'autodétermination externe,à savoir l'épuisement de tous les recours effectifs pour parvenirà
un règlement sur le statut du Kosovo.
Statut du droit international concernant l'autodétermination externe
3.16 Le Royaume des Pays-Bas reconnaît que l'émergence du droit à l'autodétermination
externe ne s'est pas faite sans controverse. D'une part, l'exercice de ce droit résulte en une
réorganisation de la communauté internationale et peut affecter l'exigence essentielle de
stabilitéà laquelle la Cour se réfère dans!'Affaire du différend frontalier. D'autre part, à la
lumière des événements passés, il est possible que la stabilité ne puisse être obtenue que par le
12biais d'un changement. Le droit, et plus particulièrement les dispositions en matière
d'autodétermination, devrait guider ce processus de changement.
3.17 En 1992, la Commission d'arbitrage de la Conférence sur la Yougoslavie a estimé que
dans l'état actuel de son développement, le droit international ne précise pas toutes les
conséquences du droit à l'autodétermination (avis n°2). En 1998, la Cour suprême du Canada
a pu en répertorier quelques-unes, et notamment concernant le droit à l'autodétermination
externe. Elle s'est ainsi penchée sur la question de savoir si« lorsqu'un peuple est empêché
d'exercer utilement son droit à l'autodétermination à l'interne, il a alors droit, en dernier
recours, de l'exercer par la sécession» (Renvoi relatif à la sécession du Québec,[1998] 2
R.C.S. 217, paragraphe 134). Aux fins de l'affaire qui l'occupait, la Cour suprême du Canada
ajugé inutile de se prononcer sur cette proposition et s'est contentée d'affirmer« qu'on ne
[savait] pas encore avec certitude si cette thèse reflète réellement une norme juridique
internationale établie» (paragraphe 135). Dans le même temps, elle a cité la référence de la
résolution 2625 à« un déni des droits fondamentaux de l'homme» dans le contexte d'un
« cas manifeste d'application du droit à l'autodétermination externe» (paragraphe 133).
3.18 La nature controversée des conséquences du droit à l'autodétermination se reflète
également dans la position des États. On note ainsi que quelques États ont émis des réserves
ou formulé des déclarations quant aux Pactes de 1966, limitant ainsi la portée du droit à
l'autodétermination à certaines catégories de peuples, et notamment aux peuples sous
occupation étrangère. Le Royaume des Pays-Bas a objecté à de telles réserves et déclarations,
soulignant que toute tentative visant à limiter le champ d'application de ce droit ou à l'assortir
de conditions n'ayant pas été prévues dans les instruments ad hoc sape le concept même de
l'autodétermination et en affaiblit ainsi fortement le caractère universel. D'autres États ont
soulevé des objections similaires.
3.19 Il n'est dès lors pas surprenant que les points de vue des États sur la déclaration
d'indépendance du Kosovo du 17 février 2008 divergent. Cet état de fait a été reconnu dans le
préambule de la résolution 63/3 de l'Assemblée générale, qui souligne que cette dernière est
consciente du fait que ladite proclamation d'indépendance« a suscité des réactions diverses
de la part des membres de l'Organisation des Nations unies quant à la question de savoir si
[elle] était conforme à l'ordre juridique international actuel».
3.20 La réaction des membres de la communauté internationale à la désintégration des États
dans les années 1990 a fourni de nouvelles informations sur la pratique et les avisjuridiques
des États. Si la Cour n'est pas en mesure de conclure qu'une règle de droit international
coutumier a émergé en matière de droit à l'autodétermination externe en dehors du contexte
des territoires sans administration autonome, d'une occupation étrangère et d'un accord
consensuel, notre thèse est que le droit international n'interdit pas non plus l'exercice de
l'autodétermination externe dans des circonstances exceptionnelles, c'est-à-dire dans des cas
très spécifiques ou dans des cassui generis. C'est ce qui ressort de la pratique et des avis
juridiques de plusieurs États, y compris ceux du Royaume des Pays-Bas.
Conclusions
3.21 Le Royaume des Pays-Bas est d'avis que le droit à l'autodétermination politique inclut le
droit à l'autodétermination externe dans le cas d'une violation grave de l'obligation de
respecter et de promouvoir le droit des peuples à l'autodétermination ou de l'obligation de
s'abstenir de recourir à des mesures de coercition privant les peuples de ce droit, lorsque tous
13les recours effectifs ont été épuisés. La reconnaissance du Kosovo par le Royaume des Pays
Bas repose sur cet avis juridique et constitue un exemple de pratique de l'État dans un cas où
les conditions relatives à l'exercice du droità l'autodétermination externe sont réunies.
3.22 Si la Cour n'est pas en mesure de conclure qu'il existe une règle de droit international
coutumier en matière de droitàl'autodétermination externe en dehors du contexte des
territoires sans a0Odministration autonome, d'une occupation étrangère et d'un accord
consensuel, notre thèse est que le droit international n'autorise ni n'interdit la proclamation de
l'indépendance du Kosovo le 17 février 2008.
4. Conclusions générales
4.1 Le Royaume des Pays-Bas est d'avis que:
• la proclamation de l'indépendance du Kosovo le 17 février 2008 n'a pas affecté
l'application de la résolution 1244;
• la résolution 1244 n'interdisait pas la proclamation de l'indépendance du Kosovo
le 17 février 2008 ;
• une solution politique au statut du Kosovo recueillant l'adhésion de toutes les
parties doit encore être trouvée ;
• il y a eu au Kosovo une violation grave de l'obligation de respecter et de
promouvoir le droit à l'autodétermination ainsi que de l'obligation de s'abstenir de
recourir à des mesures de coercition privant les peuples de ce droit, violation qui a
justifié la proclamation de l'indépendance du Kosovo le 17 février 2008, après
épuisement de tous les recours effectifs permettant de parvenir à un règlement sur
le statut du Kosovo.
4.2 Il est dès lors de l'avis du Royaume des Pays-Bas que la réponse àla question posée
devrait être que la proclamation de l'indépendance du Kosovo le 17 février 2008 est conforme
au droit international ou, àtout le moins, que le droit international n'autorise ni n'interdit
ladite proclamation.
E. Lijnzaad
Représentant du Royaume des Pays-Bas
Le 17 avril 2009
14
Exposé écrit des Pays-Bas (traduction du Greffe)