Note verbale en date du 17 avril 2009 adressée à la Cour internationale de Justice
par l’ambassade de la République islamique d’Iran
[Traduction]
L’ambassade de la République islamique d’Iran présente ses compliments à la Cour
internationale de Justice et, se référant à la lettr e du greffier datée du 10 octobre 2008 relative à la
requête pour avis consultatif de l’Assemblée générale des NationsUnies sur la question de la
Conformité au droit international de la déclara tion unilatérale d’indépendance des institutions
provisoires d’administration autonome du Kosovo, a l’honneur de présenter l’exposé de la
République islamique d’Iran.
En raison de contraintes de temps, l’exposé est soumis en anglais uniquement. L’ambassade
de la République islamique d’Iran saisit cette occasion pour renouveler à la Cour internationale de
Justice les assurances de sa très haute considération.
___________ EXPOSÉ ÉCRIT DE LA RÉPUBLIQUE ISLAMIQUE D ’IRAN
[Traduction]
Au nom de Dieu
Introduction
La République islamique d’Iran tient tout d’a bord à réaffirmer son profond attachement au
respect des principes de règlement pacifique des différends et de la règle de droit au niveau
international consacrés dans la Charte des Nations Unies.
Le Gouvernement de la Républi que islamique d’Iran a le plai sir de soumettre à la Cour
internationale de Justice (CIJ) ses observations écrites sur la question de la Conformité au droit
international de la déclaration unilatérale d’indépendance des institutions provisoires
d’administration autonome du Kosovo , conformément à l’article66 du Statut de la Cour et à
l’article 104 de son Règlement. Cet exposé est présenté en réponse à l’ordonnance de la Cour datée
du 17octobre2008 et à la lettre du greffier dat ée du 10octobre2008, dans lesquelles les Etats
Membres des Nations Unies sont autorisés à soumettre des informations sur tous les aspects liés à
l’affaire mentionnée.
Le présent exposé écrit examinera brièvement la question de la compétence de la Cour pour
connaître de la présente affaire, et formulera de s observations générales sur certaines questions
juridiques liées à la question posée par l’Assemblée générale des NationsUnies telle qu’indiquée
dans la résolutionA/RES/63/3 datée du 8octobr e2008, à savoir: «La déclaration unilatérale
d’indépendance des institutions provisoires d’administration autonome du Kosovo est-elle
conforme au droit international ?»
1. La CIJ est compétente pour rendre l’avis consultatif demandé par l’Assemblée générale
des Nations Unies
1.1. En ce qui concerne la validité des demand es d’avis consultatif de la Cour, il sera fait
référence à l’article96 de la Charte des Nations Unies qui permet à l’Assemblée générale, au
Conseil de sécurité ainsi qu’à d’autres organes des NationsUnies ou à des agences spécialisées
agréées de prier la Cour de rendre un avis consulta tif sur toute question juridique. La République
islamique d’Iran est d’avis que l’Assemblée géné rale était dûment autorisée à solliciter le présent
avis consultatif et que la résolution pertinente 1 a été adoptée selon les règles de procédure de
l’Assemblée.
1.2. L’examen des questions liées au Kosovo par d’autres organes des NationsUnies,
notamment le Conseil de sécurité, ne constitue pas un obstacle juridique empêchant l’Assemblée
générale de demander un avis cons ultatif. Même si, conformément à l’article 24 de la Charte des
Nations Unies, le Conseil de sécurité s’est vu conférer la responsabilité principale du maintien de la
paix et de la sécurité internationales, l’Assembl ée générale joue un rôle bien défi2i à cet égard
selon la Charte également. Ainsi que le montre la pratique des NationsUnies , le Conseil de
sécurité ainsi que l’Assemblée générale pourraient examiner parallèlement cette même question
touchant le maintien de la paix et de la sécurité internationales, conformément à l’article12 de la
Charte.
1
Nations Unies, doc. A/RES/63/3, 8 octobre 2008.
2Conséquences juridiques de l’édification d’ un mur dans le territoire palestinien occupé , C.I.J. Recueil 2004,
p. 149-150. - 2 -
1.3. La requête de l’Assemblée générale priant la Cour de rendr e un avis sur la légalité de la
déclaration unilatérale d’indépendance des institu tions provisoires d’administration autonome du
Kosovo invite la Cour à examiner les règles et principes pertinents du droit international,
notamment les règles coutumières pertinentes. A cet égard, elle devra apprécier la pratique des
Etats ainsi que la pratique du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale sur des questions
pertinentes. Partant, la question a été «libell ée en termes juridiques et soul[ève] des problèmes de
3
droit international» et est «susceptible de recevoir une réponse fondée en droit» . Les questions
qui seront examinées par la Cour pourraient être qualifiées de «juridiques» au sens envisagé par
l’article 96 des Nations Unies.
1.4. Les aspects politiques de la question ou bi en les fins politiques des rédacteurs de la
résolution ne sauraient fonder la Cour à refuser d’exercer sa compétence consultative en l’espèce.
Il est vrai que la Cour possède le pouvoir discrétionnaire de rendre un avis consultatif , mais elle ne
saurait exercer ce pouvoir de manière arbitraire. Se lon la pratique établie de la Cour, seules des
«raisons décisives» peuvent constituer des motifs raisonnables de refuser de répondre à une
demande d’avis consultatif. La République islamique d’Iran est d’avis qu’il n’exis te pas de tel
motif en l’espèce.
1.5. Au vu de ce qui est exposé ci-dessus, la République islamique d’Iran prie la Cour de se
déclarer compétente pour rendre un avis sur la question posée par l’Assemblée générale. En
rendant son avis, la Cour contri buera indéniablement au maintien de la paix et de la sécurité
internationales et renforcera la règle de droit au niveau international.
2.Le principe de l’intégrité territorial e est reconnu en tant que norme impérative
(jus cogens) du droit international
2.1. Le droit international attache une grande importance à «l’intégrité territoriale» des
Etats-nations. Le principe de l’intégrité territo riale sera considéré comme une «norme acceptée et
reconnue par la communauté internationale des Et ats dans son ensemble en tant que norme à
laquelle aucune dérogation n’est permise» . Le principe de l’intégrité territoriale peut être décrit
comme la pierre angulaire de la Charte des Nations Unies, comme le principal objectif et la raison
d’être du concept de sécurité collective consacré dans la Charte. Le caractère et le statut hautement
respectés de ce principe du droit international i ndiquent qu’aucune dérogation à celui-ci ne saurait
6
être acceptée .
3 C.I.J. Recueil 1975, p. 18.
4 Paragraphe 1 de l’article 65 du Statut de la Cour.
5
Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969, art. 53, signée à Vienne le 23 mai 1969, entrée en vigueur
le 27 janvier 1980, Nations Unies, Recueil des traités, vol. 1155, p. 331.
6
Le paragraphe2 de l’article41 du projet d’articles de la Commission du droit international (CDI) sur la
responsabilité de l’Etat pour fait intern ationalement illicite dispose que «[a]uc un Etat ne doit reconnaître comme licite
une situation créée par une violation grave [d’une obligati on découlant d’une norme impérative du droit international
général], ni prêter aide ou assistance au maintien de cette situation» (rapport de la Commission du droit international,
Documents officiels de l’Assemblée générale, cinquante-sixième session, supplément n 10, doc. A/56/10, p. 286). - 3 -
2.2. Ce principe a été confirmé à plusieurs reprises par les instruments et décisions d’organes
internationaux, tant au niveau international que régional. Il existe de multiples références à ce
7 8
dernier dans nombre d’instruments et documents internationaux et régionaux .
3. Le principe de l’intégrité territoriale s’applique aussi à l’intérieur des Etats
3.1. La République islamique d’Iran estime que le principe de l’intégrité territoriale prévaut
aussi bien entre Etats qu’à l’intérieur de ceux-ci. On pourrait prétendre à tort que le principe de
l’intégrité territoriale s’applique uniquement entre Etats dans leurs relations, c’est-à-dire que seuls
les Etats sont obligés de respecter l’intégrité territoriale des autres Etats et de ne pas empiéter sur le
territoire de leurs voisins et d’autres Etats. En d’ autres termes, le principe de l’intégrité territoriale
ne s’applique pas à l’intérieur des Etats et, partant, la sécession ne viole pas le principe de
l’intégrité territoriale et les activités sécessionnistes sont sans rapport avec le principe susdit.
3.2. On peut trouver, dans nombre d’instrume nts juridiques internationaux, des exemples du
fort attachement de la société internationale au principe de l’intégrité territoriale, y compris lors de
conflits armés non internationaux et dans les relations entre le gouvernement et la rébellion. La
pratique des organisations internationales offre quelques exemples d’une telle approche, comme
celle du Conseil de sécurité qui reflète la grande importance qu’il accorde au principe de l’i9tégrité
territoriale des Etats même en l’absence de conflits armés non internationaux .
7Voir : Charte des Nations Unies, art. 2, par. 4 ; déclaration relative aux principes du droit international touchant
les relations amicales et la coopération entre les Etats conformément à la Charte des NationsUnies, annexe à la
résolution 2625 de l’Assemblée générale, 24 octobre 1970 ; déclaration du Millénaire des Nations Unies, résolution 55/2
de l’Assemblée générale, 18septem bre2000; la déclaration à l’occasion du cinquantième anniversaire des
NationsUnies, résolution50/6 de l’Assemblée générale, 9 novembre1995; résolution sur le «maintien de la sécurité
internationale ⎯prévention de la désintégration des Etats par la violence, résolution53/71 de l’Assemblée générale,
4 décembre 1998 ; déclaration de Vienne et programme d’action, adoptés par co nsensus des représentants de 171 Etats à
l’issue de la conférence mondiale sur les droits de l’homme, Vienne, 14-25 juin 1993.
8Voir: déclaration sur les principes régissant les relati ons mutuelles des Etats partic ipants, acte final de la
conférence sur la sécurité et la coopéra tion en Europe, Helsinki, 30juillet au 1 eraoût1975, sous les auspices de
l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Eur ope, principe IV; Charte de Paris pour une nouvelle Europe,
21novembre1990, section relations amicales entre les Etats participants (a vec la participati on des Etats-Unis
d’Amérique et de l’Union soviétique).
9
Voir par exemple la résolution688 datée du 5avril1991 sur l’Irak. Dans cette ré solution, le Conseil de
sécurité, tout en étant
«[p]rofondément préoccupé par la répression des populations civiles irakie nnes dans de nombreuses
parties de l’Irak, y compris très récemment dans les zones de peuple ment kurde, laquelle a conduit à un
flux massif de réfugiés vers des fron tières internationales et à travers celles-ci et à des violations de
frontière, qui menacent la paix et la sécurité in ternationales dans la ré gion, Profondément ému par
l’ampleur des souffrances de la population…»,
a réaffirmé «l’engagement pris par tous les Etats Membres de respecter la s ouveraineté, l’intégrité territoriale et
l’indépendance politique de l’Irak et de tous les Etats de la zone». Le Conseil de sécurité a adopté la même position dans
la résolution 1287 datée du 31 janvier 2000 à propos de la Géorgie. Dans cette résolution, il
«[l]ance de nouveau un appel aux parties pour qu’elles renforcent leur engagement en faveur du processus
de paix mené par l’Organisation des NationsUnies, continuent d’approfondir le dialogue et fassent
montre sans délai de la volonté nécessaire pour obtenir des résultats substantiels sur les principales
questions en cours de négociation, en particulier la répartition des compétences constitutionnelles entre
Tbilissi et Soukhoumi, dans le cadre d’un règlement globa l et dans le plein respect de la souveraineté et
de l’intégrité territoriale de la Géorgie à l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues».
Voir également la résolution 794 du Conseil de sécurité dat ée du 3 décembre 1992 sur la Somalie ; la résolution 1484 du
Conseil de sécurité datée du 30mai2003; et la résoluti on1501 datée du 26août2003 concernant la République
démocratique du Congo. - 4 -
3.3. 10Assemblée générale a adopté la même approche à l’égard du principe de l’intégrité
territoriale . Dans l’affaire relative à l’île comorienne de Mayotte par exemple, en dépit du conflit
armé non international qui sévissait aux Comores en vue de la séparation de l’île de Mayotte, d’un
référendum organisé à Mayotte dont le résultat reflét ait la volonté de la majorité des habitants de
l’île de ne pas rejoindre l’Etat nouvellement indépendant des Comores, l’Assemblée générale a
affirmé l’unité et l’intégrité territoriale des Co mores ainsi que la souveraineté de la République
fédérale islamique des Comores sur l’île de Ma yotte pendant près de deux décennies et dans de
nombreuses résolutions.
3.4. Même le statut de Rome de la Cour pénale internationale, premier instrument
international à qualifier de crimes de guerre les violations graves du droit humanitaire en cas de
conflits armés ne présentant pas un caractère internati onal, confirme que le pr incipe de l’intégrité
territoriale des Etats peut être invoqué contre la subversion en cas de conflit armé ne revêtant pas
un caractère international. Concluant la définiti on des crimes de guerre, ledit Statut affirme que
«[r]ien dans le pa ragraphe 2, alinéas c) et d) n’affecte la responsabilité d’un gouvernement de
maintenir ou rétablir l’ordre public dans l’Etat ou de défendre l’unité et l’intégrité territoriale de
l’Etat par tous les moyens légitimes» . Cette clause de sauvegarde a été introduite de manière à ne
pas laisser entendre que la lutte contre l’impunité pouvait saper le principe de l’intégrité territoriale
des Etats confrontés à des crises internes.
3.5. De plus, dans tous les accords régionaux, la question de l’intégrité territoriale a revêtu la
plus haute importance pour les pays participants. Les actes constitutifs d’instances et
d’organisations régionales offrent de nombreux exemples d’une telle approche 12. La pratique des
pays européens concernant la dissolution de l’ ex-Yougoslavie montre elle aussi l’importance du
principe de l’intégrité territoriale en cas de conflits armés ne revêtant pas un caractère international.
Lors de la conférence tenue à Londres sur le conflit en Bosnie-Herzégovine, les membres des
communautés européennes ont fait une déclara tion de principe indiquant qu’«un règlement
politique en Bosnie-Herzégovine devra comporter …le respect de l’intégrité des frontières
actuelles, sauf modification par voie d’accord mutuel.» 13
3.6. De plus, après la proclamation d’indépe ndance de la République Srpska par la minorité
serbe vivant en Bosnie-Herzégovine, la commissi on d’arbitrage de la communauté européenne
(commission Badinter) a spécifiquement évoqué le droit à l’autodétermination des Serbes au sein
de la Bosnie-Herzégovi ne, dans son avis n 2 du 11janvier1992. En réponse à la question «Les
populations serbes de Croatie et de Bosnie-Herzé govine, en tant que formant l’une des nations
constitutives de la Yougoslavie, bénéficient-elles du droit à l’autodétermination ?», la commission
a conclu que: «les populations serbes de Bosnie -Herzégovine et de Croatie ont le droit de
bénéficier de tous les droits reconnus aux minorités et aux groupes ethniques…» et «que ces
Républiques doivent faire bénéficier les membre s de ces minorités et de ces groupes ethniques de
l’ensemble des droits de l’homme et des libertés fondamentales reconnues par le droit international,
y compris, le cas échéant, le droit de choisir le ur nationalité». La commission les a considérées
comme une minorité et leur a refusé le droit de former un Etat indépendant et de faire sécession de
10
Voir, par exemple, les résolutions suivantes surer’île comorienne de Mayotte : 3161 du 14 décembre 1973, 3291
du 13décembre1974, 31/4 du 21octobre 1976, 32/7 du 1 novembre1977, 34/69 du 6décembre 1979, 35/43 du
28novembre 1980, 36/105 de décembre1981, 37/65 du 3 décembre 1982, 38/13 du 21novembre 1983, 39/48 du
11 décembre 1984, 40/62 du 9 décembre 1985, 41/30 du 26 octobre 1988, 44/9 d’octobre 1989, 45/11 de novembre 1990,
46/9 d’octobre 1991, et 47/9 du 28 octobre 1992.
11
Statut de Rome de la Cour pénale internationale, art. 8, par. 3.
12Cf: acte constitutif de l’Union africaine, art.3b); acte constitutif de l’Union africaine, arth) ; acte
constitutif de l’union africaine, art. 4 b) ; le pacte de la Ligue des Etats arabes (Ligue arabe).
13Déclaration de principe, conférence de Londres sur le conflit en Bosnie-Herzégovine, 28 août 1992, point VIII. - 5 -
la Bosnie-Herzégovine (refus du droit à l’autodéterm ination externe). Par ailleurs, elle a affirmé
que les Serbes jouissaient du droit à l’autodétermination au niveau interne (bénéficiaient de tous les
droits accordés aux minorités par le droit international).
4. Inviolabilité du principe de l’intégrité territ oriale même en cas de violations graves des
droits de l’homme et du droit humanitaire
4.1. La violation à grande échelle et systématique du droit humanitaire international et du
droit relatif aux droits de l’homme dans certaines parties du territoir e de l’Etat concerné n’autorise
pas non plus les victimes à faire sécession unilatéralement. On pourrait faire valoir que la clause de
sauvegarde de la déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations
amicales et la coopération entre les Etats confor mément à la Charte des NationsUnies (1970)
soumet le principe de l’intégrité territoriale des Etats au respect de certains critères :
«tout Etat … se conduisant conformément au prin cipe de l’égalité de droits et du droit
des peuples à disposer d’eux-mêmes énoncé ci-dessus et doté ainsi d’un gouvernement
représentant l’ensemble du peuple appartenant au territoire sans distinction de race, de
croyance ou de couleur».
Certains pourraient avancer que la phrase su smentionnée autorise les minorités victimes de
violations des droits de l’homme et du droit humanitaire à grande échelle à exercer le droit à
l’autodétermination et à faire sécession. Nous estimons cependant que même dans ce cas, le
principe de l’intégrité territoriale doit être respecté, et qu’il a été respecté dans toutes les situations
analogues. En d’autres termes, le droit à l’aut odétermination des minorités est un droit interne,
associé au respect de la démocratie et des droits de l’homme, mais n’implique pas le droit de faire
sécession. Cela signifie que le droit à l’autodétermination n’est pas un principe d’exclusion ou de
séparation mais un principe d’inclusion.
4.2. A cet égard, certains exemples explicites permettent d’apprécier la pratique de la
communauté internationale dans les cas de violations graves et préoccupantes des droits de
l’homme et du droit humanitaire lors de conf lits armés non internationaux. Dans tous ces
exemples, la communauté internationale a fermement condamné ces violations et14’est efforcée d’y
mettre fin, n’abandonnant jamais le principe de l’intégrité territoriale .
5. Intégrité territoriale et différence nettement établie entre les «droits des minorités» et le
«droit de faire sécession»
5.1. Parfois, on fait valoir que l’article 1 commun aux pactes relatifs aux droits de l’homme
qui dispose que «tous les peuples ont le droit de di sposer d’eux-mêmes, et qu’en vertu de ce droit
ils déterminent librement leur statut politique et s’emploient librement à réaliser leur
14Voir par exemple la pratique des Etats concernant la déclaration d’indépendance de la Tchétchénie le
2novembre 1991. Le Conseil de sécurité a également fr équemment réaffirmé «son attachement à la souveraineté, à
l’unité, à l’indépendance et à l’intégrit é territoriale du Soudan…» en l’affaire du Darfour. Voir les résolutions1841 du
15octobre 2008, 1828 du 31 juillet2008; 1779 du 28 septembre 2007; 1769 du 31 juillet2007; 1713 du
29septembre2006; 1672 du 25avril 2006; 1665 du 29mars 2006; 1651 du 21décembre 2005; 1591 du
29mars2005; 1574 du 19novembre 2004; 1564 du 18septembre 2004; 1556 du 30juillet 2004 et 1547 du
11juin2004 du Conseil de sécurité. La pratique des NationsUnies dans l’affa ire du conflit armé non international au
Kosovo démontre également clairement que le principe de l’intégrité territoriale s’app lique non seulement aux relations
entre les Etats mais aussi aux situations de sécessionnisme, et que les violations graves des droits de l’homme ne peuvent
affecter l’application du principe dl’intégrité territoriale. Voir les résolutions1203 du 24octobre1998; 1239 du
14mai1999 et 1244 du 10juin1999 du Conseil de sécurité. Le Conseil a adopté la même position dans d’autres
résolutions sur le conflit armé non in ternational ayant opposé le Gouvernement de la Yougoslavie/Serbie et l’armée de
libération du Kosovo, telles que les résolutions 1160 du 31 mars 1998 et 1199 du 23 septembre 1998. - 6 -
développement économique, social et culturel» ouvre la voie à la sécession des minorités. A cet
égard, il convient de bien comprendre la différence existant entre le droit à l’autodétermination, les
droits des minorités et la sécession. En droit intern ational et dans la prati que internationale, tous
les Etats ont l’obligation d’observer et de resp ecter l’ensemble des droits des minorités tels
qu’affirmés dans l’article27 du pacte international relatif a ux droits civils et politiques 15, mais
cette obligation ne contredit en rien le principe de l’intégrité territoriale.
5.2. Comme l’indiquent divers instruments et déclarations d’autorités internationales
compétentes, le droit international ne reconna ît pas le droit des minorités de faire sécession
unilatéralement. Ainsi qu’il a été dit plus haut , la commission d’arbitrage de la Communauté
européenne a nié le droit des minorités de faire sécession dans son avis sur la question des
minorités serbes de Croatie et de Bosnie-Herzégovine (la République Srpska), mais a confirmé
leurs droits en tant que minorités. Elle a déclaré que: «ces Républiques doivent faire bénéficier
les membres de ces minorités et de ces groupes ethniques de l’ensemble des droits de l’homme et
des libertés fondamentales reconnues par le droit international, y compris, le cas échéant, le droit de
choisir leur nationalité».
L’agenda pour la paix des NationsUnies a su ivi cette même approche: «Si chaque groupe
ethnique, religieux ou linguistique exige de constituer un Etat distinct, la division ne connaîtra plus
de limites, et la paix, la sécurité et le bien-être économique dans le monde seront encore plus
difficiles à atteindre...»
Et «[L]e règlement de ces problèmes passe notamment par le respect des droits de l’homme,
eu particulièrement égard à ceux des minorités ethniques, religieuses, sociales, linguistiques ou
autres.» 16
5.3. Garantir les droits des minorités n’emporte pas le droit de faire sécession, et il ne faut
pas perdre de vue la distinction existant entre les droits des minorités et le droit des peuples à
l’autodétermination, ce dernier ne s’appliquant pas aux groupes et minorités à l’intérieur des Etats.
A cet égard, il doit être fait réfé rence à l’observation générale n o23 du Comité des droits de
l’homme dans laquelle ce dernier déclare que :
«Dans certaines communications présentées au comité en application du
protocole facultatif, le droit consacré à l’ar ticle27 a été confondu avec le droit des
peuples à disposer d’eux-mêmes, énoncé à l’article premier du pacte…
Une distinction est faite dans le pacte entre le droit des peuples à disposer
d’eux-mêmes et les droits consacrés à l’article 27…
La jouissance des droits énoncés à l’article27 ne porte pas atteinte à la
17
souveraineté et à l’intégrité territoriale d’un Etat partie.»
15 Art.27: «Dans les Etats où il existe des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques, les personnes
appartenant à ces minorités ne peuvent être privées du droit d’avoir, en commun avec les autres membres de leur groupe,
leur propre vie culturelle, de professer et de pratiquer leur propre religion, ou d’employer leur propre langue.»
16
Paragraphe17 de l’agenda pour la paix, 30juin 1992, agenda pour la paix: diplomatie préventive,
rétablissement de la paix, maintien de la paix, rapport du Secrétaire général conformément à la déclaration adoptée par la
réunion au sommet du Conseil de sécurité le 31janvier1992. Voir également: le droit inte rnational en tant que langue
des relations internationales, débatdu Congrès des NationsUnies sur le droit international public, NewYork,
13-17 mars 1995, p. 596.
17Observation générale n 23 : Les droits des minorités, art. 27, 08/04/94, CCPR/C/21/Rev.1/Add.5, observation
générale no3 (observations générales). - 7 -
5.4. Le Conseil de sécurité des Nations Unies a suivi la même approche lorsqu’il a examiné
la situation des minorités albanaises de souc he au Kosovo. La solution envisagée par la
résolution1244 concernant la situation au Kosovo, quoique prévoyant pour le Kosovo une
autonomie substantielle, tient pleinement compte du principe de souveraineté et d’intégrité
territoriale de la Serbie.
Conclusion
Le principe de l’intégrité territoriale a une place importante en droit international. La
pratique des Etats et des organisations internationales indique qu’il n’est pas permis de déroger à ce
principe. Depuis1945, la pratique des Etats montre très clairement l’opposition de ceux-ci à
reconnaître ou accepter la sécession unilatérale hors du contexte colonial. De fait, les seules
exceptions à cette règle générale portent sur la dissolution d’une fédération ou la sécession
consensuelle, c’est-à-dire avec l’accord de la mère patrie.
L’un des anciens Secrétaires généraux des NationsUnies, dans sa déclaration du
9janvier1970, a indiqué que: «En tant qu’organ isation internationale, l’ONU n’a jamais accepté
et n’accepte pas, et je doute qu’elle l’accepte jamais, le principe de sécession d’une partie d’un Etat
Membre.» 18
Enfin, la République islamique d’Iran tient à souligner que la Cour internationale de Justice,
en tant que principal organe judiciaire de l’Organisation des Nations Unies, a le devoir de garantir
l’intégrité de la Charte des Nations Unies, dont le paragraphe 4 de l’article 2 considère le principe
de l’intégrité territoriale comme l’un des principaux buts et objets de la Charte.
La jurisprudence de la Cour internationale de Justice montre qu’elle a toujours joué un rôle
important dans le maintien de la paix et de la sécurité internatio nales, de par la position juridique
généralement adoptée. C’est la raison essentielle pour laquelle la République islamique d’Iran a
voté en faveur de la résolution de l’Assemblée générale demandant un avis consultatif à la Cour.
La réponse de la Cour internationale de Justice en l’espèce à la question posée par
l’Assemblée générale doit donner le bon signal. Si la Cour devait négliger le principe de l’intégrité
territoriale des Etats, certains groupes séparatistes pourraient y voir un encouragement à faire usage
de la violence, amenant ainsi les autorités gouvernementales à répondre par les mêmes moyens et à
violer le droit humanitaire, ce dont ils tireraient profit. Ce cercle vicieux de la violence
compromettra non seulement l’intégrité territoriale d es Etats mais mena cera la paix et la sécurité
internationales.
Enfin, les célèbres phrases du Secrétaire géné ral des Nations Unies de l’époque, prononcées
lors de la session de clôture du Congrès des Nations Unies sur le droit international, semblent être
pertinentes aujourd’hui :
«On peut respecter les minorités, comprendre les particularités, accepter la
diversité sans céder pour autant à l’émiettement et au fractionnisme. Ce serait là une
interprétation fort perverse du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes que de
considérer que chaque entité sociale ou ethnique qui s’estime différente de son voisin
pour des raisons souvent ambiguës et parfois condamnables peut accéder à la
reconnaissance internationale.» 19
___________
18
U. Thant, entretien du 9 janvier 1970, Chronique mensuelle des Nation Unies, février 1970.
19
Boutros Boutros-Ghali, 13 mars 1995, quartier général des Nations Unies, New York.
Exposé écrit de la République islamique d'Iran (traduction du Greffe)