Observations écrites de la Suisse

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Conformité au droit international de la déclaration unilatérale
d'indépendance des institutions provisoires d'administration

autonome du Kosovo

(Requête pour avis consultatif)

Observations écrites

adresséesàla

Cour internationale de Justice

par la

Confédération suisse

conformément
à l'Ordonnance de la Cour
du 17 octobre 20081.Dans son ordonnance datée du 17 octobre 2008, la Cour internationale de Justice (ci-après
« la Cour») a décidé que l'Organisation des Nations Unies et ses Etats Membres étaient

susceptibles de fournir des renseignements sur la question soumise à la Cour pour avis
consultatif. Elle a fixé au 17 avril 2009 la date jusqu'à laquelle des exposés écrits sur la
question posée à la Cour pouvaient être présentés. En outre, la Cour a laissé jusqu'au
17juillet 2009 la possibilité aux Etats membres ou organisations ayant précédemment

présenté un exposé écrit de soumettre des observations écrites en réponse aux autres exposés
écrits.

2. En date du 15 avril 2009, la Suisse a fait usage de la possibilité offerte par la Cour. Cet
exposé écrit garde toute sa validité. La Suisse a examiné tous les exposés écrits des autres
Etats et souhaite, dans les présentes observations, étayer certains arguments relatifs aux

considérations présentées par d'autres États.

3. De l'avis de la Suisse, la déclaration d'indépendance n'a pas été proclamée par les
institutions provisoires d'administration autonome du Kosovo, quand bien même la
formulation de la question posée àla·Cour le suggère. En effet, la proclamation a été le fait

des représentants du peuple du Kosovo, démocratiquement élus, qui ne s'étaient pas réunis en
tant qu'organe des institutions provisoires d'administration autonome, et n'agissaient par
conséquent pas à ce titre. En proclamant l'indépendance, ces représentants exprimaient la

volonté démocratiquement établie de lapopulation du Kosovo.

4. La Suisse estime que le respect de l'intégrité territoriale est un principe important du droit
international. Il est toutefois ni absolu ni isolé des autres principes fondamentaux du droit
international.

5. La Suisse réitère son argumentation selon laquelle le principe de l'intégrité territoriale
figurant notamment dans la Charte des Nations Unies (ci-après «la Charte») s'applique

uniquement aux relations internationales, et non à l'intérieur même d'un État. Dans cette
perspective, la Suisse considère que le principe de l'intégrité territoriale n'est pas pertinent

dans l'examen des déclarations d'indépendance d'entités sécessionnistes.

6. Subsidiairement, même si le principe de l'intégrité territoriale devait être compris comme

un principe juridique de portée générale allant au-delà de l'article 2, paragraphe 4, de la
Charte - c'est-à-dire s'appliquant à l'intérieur même d'un Etat-, la Suisse considère que la
situation du Kosovo remplissait l'ensemble des conditions strictes dans lesquelles un peuple

peut exceptionnellement revendiquer l'indépendance en se prévalant du droit à disposer de lui­
même. A ce titre, la Suisse renvoie aux arguments développés aux paragraphes 57 à 97 de son

exposé écrit, en insistant sur la condition dl'ultima ratio.

7. La condition de l'ultima ratio présuppose un processus établissant clairement que, afin

d'exercer son droit à l'autodétermination, un peuple n'a aucune alternative autre que la
sécession. Le droit à l'autodétermination ne peut être exercé de manière externe qu'après
l'épuisement de toutes les solutions envisageables visant à rétablir une situation respectueuse
des droits de l'homme, y compris du droit à l'autodétermination interne 1• Un tel processus

implique du temps. La Suisse est d'avis que, dans le cas du Kosovo, toutes les solutions

1Pour les notions de «autodétermination externe» et«autodétennination interne», la Suisse renvoie aux paragraphes 64-66
de son exposé écrit.

2envisageables ont clairement et indubitablement été épuisées. En effet, dans le cas du Kosovo,
la communauté internationale a mis en place un cadre mettant fin à des violations graves et

systématiques des droits de l'homme et a Œuvré, pendant presque neuf ans, pour trouver un
règlement entre les parties concernées. Ce serait vider cette condition del'ultima ratiode son
sens que de tirer argument de la cessation des violations des droits de l'homme grâce à la

présence internationale pour en conclure que le peuple du Kosovo ne pouvait plus se
prévaloir, le 17 février 2008, de l'exercice de son droit à l'autodétermination de manière
externe. Au contraire, le processus de médiation internationale qui s'était achevé - et par
conséquent le temps qui s'était écoulé depuis 1999 - a permis d'assurer que la condition de

l'ultima ratio soit remplie. Le peuple du Kosovo pouvait de toute évidence se prévaloir de
l'exercice de son droit à l'autodétermination de manière externe une fois ce lapse de temps
écoulé.

8. A partir de l'année 2005, le Secrétaire général des Nations Unies et le Conseil de sécurité
se sont, à plusieurs reprises, accordés pour dire qu'un échec dans la résolution du statut futur
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du Kosovo aurait pour conséquence de déstabiliser ce dernier et la région • Après plusieurs
années sans développements majeurs en vue d'un règlement, la situation était devenue
intenable au point qu'il n'était tout simplement pas envisageable de laisser la question de son
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statut futur irrésolue•Le maintien du status quo n'était donc plus une situation viable. C'est
précisément à ce moment-là que le Conseil de sécurité a lancé les négociations sur le statut
futur sous les auspices du Secrétaire général et de son Envoyé spécial.

9. Dès la fin de l'année 2007, malgré tous les efforts de négociation entrepris pour le
règlement du statut futur du Kosovo, il était largement admis qu'aucun accord ne pourrait
·intervenir entre le Kosovo et la Serbie. Ainsi, tous nouveaux efforts de négociations auraient

été futiles. La déclaration d'indépendance du 17 février 2008 a été proclamée après que le
Secrétaire général et son Envoyé spécial avaient établi que l'unique solution envisageable
était l'indépendance du Kosovo sous la supervision de la communauté internationale (mars
2007)4 et seulement une fois qu'il était largement admis qu'aucun accord ne pourrait être
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conclu (décembre 2007) •

10.En outre, il sied de relever que laRésolution 1244 du Conseil de sécurité ne conditionnait

le règlement du statut futur du Kosovo ni au consentement de la République fédérale de la
Yougoslavie ou de la Serbie, ni à celui du Conseil de sécurité. En revanche, la Résolution
1244,en se référant aux Accords de Rambouillet, exigeait une solution qui respecte la volonté
dh peuple du Kosovo. Partant, ladite résolution n'excluait pas la possibilité de l'indépendance

du Kosovo, pour autant que cette dernière corresponde à la volonté du peuple du Kosovo. La
Suisse estime dès lors que la Résolution 1244 n'interdisait aucunement l'indépendance du
Kosovo.

SUISSE

minik M. ALDER

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