Observations écrites de la France

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MINISTERE

DES
AFFAIRES ETRANGERES Liberté • Ésalité • Fraternité
ET EUROPEENNES RÉPUBLIQUEFRANÇAISE

Le directeur des affairesjuridiques PARIS, le 06juillet 2009

N°)Lt4fo!DJ

MonsieurleGreffier,

Dans le délai fixé par la Cour internationale de Justice par son ordonnance du 17

octobre 2008,j'ai l'honneur de vous adresser ci-joint les observations écrites de la République

française en l'affaire relativela Conformité au droit international de la déclaration
unilatérale d'indépendance des institutionsprovisoires d'administration autonome du Kosovo

(Requêtepour avis consultatif).Conformément aux souhaitsxprimésdans votre lettre du 20

octobre 2008, l'original de ces observations écrites est accompagné de 30 exemplaires en
copie. En outre, je joins à cet envoi une version électronique sur CD-ROM de nos

observations.

Veuillez agréer, Monsieur le Greffier, l'expression desidération distinguée.

Edwige BELLIARD

Monsieur Philippe COUVREUR
Greffier de la Cour internationale de Justice

Palais de la Paix

2517 KJ La Haye PAYS BAS COUR INTERNA TIONALE DE JUSTICE

REQUETE POUR AVIS CONSULTATIF

CONFORMITE AU DROIT INTERNATIONAL DE LA DECLARATION UNILATERALE
D'INDEPENDANCE DES INSTITUTIONS PROVISOIRES D'ADMINISTRATION

AUTONOME DU Kosovo

ÜBSERV ATIONS ECRITES DE LA REPUBLIQUE FRANÇAISE

Juillet 2009 1. Par une ordonnance en date du 17 octobre 2008, et conformément à l'article 66,

paragraphe 4, de son Statut, la Cour internationale de Justice a autorisé les Etats ou

organisations ayant présenté un exposé écrit à déposer d'ici au 17 juillet 2009 des

observations écrites sur les autres exposés écrits 1.Les présentes observations sont soumises en

vertu de cette ordonnance.

2. Après avoir pris connaissance de l'ensemble des exposés écrits déposés auprès de la

Cour, la France maintient ses observations quant à la compétence de celle-ci et à l'opportunité

de l'exercer dans la présente espèce (I). Il lui paraît toujours tout aussi certain par ailleurs que

quand bien même la Cour déciderait de répondre à la demande d'avis, elle ne pourrait que

conclure à l'absence de contrariété de la déclaration d'indépendance du Kosovo avec le droit

international (II).

I. Les conditions d'exercice de la fonction consultative ne sont pas remplies

4. Toute une série de considérations conduisent, de l'avis de la France,à la conclusion

que la Cour devrait décliner la demande qui lui a été adressée.

1.La procédure consultative a été détournée de son objet et de safinalité

5. La demande d'avis soumise à la Cour, de l'aveu même de l'Assemblée générale, est

uniquement destinée à éclairer, à l'instigation de certains Etats, l'action d'autres Etats, voire à

faire trancher par la Cour ce qui apparaît exclusivement comme un différend interétatique. En

cela, la demande d'avis poursuit une finalité qui n'est pas celle de la procédure consultative.

6. Le seul élément de motivation présent dans la résolution 63/3 renvoie uniquement en
2
effet à l'existence d'un différend entre Etats Dan• l'affaire du Sahara occidental, la Cour,

pour déterminer si elle était en droit d'exercer la compétence consultative, s'est assurée que

l'Assemblée générale n'avait pas eu, en la saisissant, « pour but de porter devant la Cour, sous

la forme d'une requête pour avis consultatif, un différend ou une controverse juridique » entre

Etats et elle n'a écarté l'objection que parce que la controverse en question avait« surgi lors

1Ordonnance du 17 octobre 2008, par. 3.
2« Consciente du fait que cet acte [la déclaration d'indépendance] a suscité des réactions diverses de la part des
Membres de l'Organisation des Nations Unies quant à la question de savoir s'il était conforme à l'ordre juridique
international act»el

1 3
des débats de l'Assemblée générale et au sujet de problèmes traités par e »lle Ce n'est

clairement pas le cas en l'espèce 4• La Cour a insisté par ailleurs sur le caractère

nécessairement accessoire que doit revêtir la question posée par rapport aux activités

pertinentes de l'Assemblée De nou.eau, cette condition n'est pas remplie dans la présente

espèce, l'Assemblée ayant dû créer, et c'est un précédent en matière consultative, un nouveau

6
point à son ordre du jour à la seule fin de saisir la Cour d'un différend interétatique •Un Etat

au moins a d'ailleurs pleinement assumé dans son exposé écrit cette utilisation à des fins

contentieuses de la procédure consultative en accusant, de manière non-fondée, les Etats ayant

reconnu le Kosovo de s'être rendus coupables d'un acte qualifié d'« intervention »7. Une telle

allégation tout comme l'utilisation de la voie consultative àdes fins exclusives de consultation

8
juridique interétatique ne relèvent pas de la compétence que la Cour tient de l'article 96 de la

Charte. Il lui appartient d'en tirer les conséquences en ne donnant pas suite à la demande

d'avis.

2..La Cour devrait refuser deprendre parti dans une controverse à l'égard de

laquelle les organes compétents des Nations Unies ont choisi de rester

neutres

7. Il apparaît clairement que la question soumise à la Cour par l'Assemblée générale l'a

été toutà la fois en dehors de toute activité de celle-ci sur la situation au Kosovo et en

présence d'une activité ininterrompue du Conseil de sécurité. Cette situation inédite pose

problème sur le plan de la compétence au regard de l'interdiction formulée à l'article 12 de la

Charte des Nations Unies tout autant qu'elle rend inopportun l'exercice de la compétence

consultative 10.

3 C.J.J.Recueil 1975, p. 26, par. 39 et p. 25, par. 34.
4V. l'exposé écrit de la France, pars. 1.23-1.26 ainsi que pars. 1.37-1.41, et celui des Etats-Unis, pp. 41-45.
5 Avis précité de 1975, pp. 26-27, par. 39; v. également l'avis du 21 juin 1971 dans l'affaire de Nlaamibie,

6.J.J.Recueil 1971, p. 24, par. 32
V. exposé écrit de la France, pars. 1.38-1.40.
7Exposé écrit de l'Argentine, par. 112. V. aussi l'exposé écrit du Venezuela, p. 2, dernier paragraphe.
8 Le Kosovo indique à très juste titre dans sa contribution écrite que la Cour ne devrait pas donner suite à la
demande d'avis« considering, inparticular, that the request was not made to assis! the General Assembly in its

work but as a ''legal advice''for Member States» (par. 7.21). V. dans le même sens et de manière plus détaillée
l'exposé écrit des Etats-Unis, pp. 41-45.
9V. l'exposé écrit de la France, pars. 1.28 et s.
10 V. l'exposé écrit de l'Irlande, par. 12. V. également les divers éléments invoqués par l'Albanie dans son

exposé écrit, pars. 54-70.

2 8. Un éventuel avis serait susceptible de rompre avec une attitude de neutralité

unanimement suivie jusqu'à maintenant par l'ensemble des organes des Nations Unies 11.

Comme le Secrétaire général l'a rappelé dernièrement, l'ONU a maintenu«em t aintiendra

une position de stricte neutralité vis-à-vis de la question du statut du Kosovo », conformément

à« la position de neutralité énoncée dans la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité »12•

Le Représentant spécial du Secrétaire général a également souligné l'intérêt primordial qui

s'attache, face à une situation politique extrêmement sensible 13,au respect de cette neutralité

pour garantir le maintien de la pai": au Kosovo 14. A cet égard, rien n'est plus éloigné de la

réalité que d'affirmer qu'un avis consultatif aiderait« les Nations Unies et les Etats Membres

dans leurs actions futures »15.Tout au contraire, la déclaration d'indépendance n'a nullement

16
été comprise comme un défi significatif à l'autorité des Nations Unies ;ni le Conseil de

sécurité, ni le Secrétaire général, ni moins encore l'Assemblée générale, dans le cadre de leurs

activités, n'ont exprimé le souhait d'obtenir des « directives juridiques (legal guidance)»

concernant l'action à prendre, pour autant qu'ils soient compétents à le faire, dans la situation

du Kosovo, selon l'objectif désormais assigné par la Serbie à la procédure devant la Cour 17 ;

une réponse de la Cour à la question qui lui est soumise romprait avec la position de neutralité

adoptée par l'Organisation des Nations Unies quant au statut définitif du Kosovo avec les

risques qui s'ensuivraient pour l'exercice de leurs missions par les autorités agissant au

Kosovo dans le cadre de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité.

11
Cette neutralité s'explique en particulier par le fait que l'ONU n'a reçu aucune compétence pour recommander
la reconnaissance collective de nouveaux Etats: v. l'exposé écrit du Royaume-Uni, par. 5.59, qui cite en ce sens
les travaux préparatoires de la Charte et le mémorandum du Secrétaire général de 1950.
12V. le rapport du Secrétaire général sur la MINUK, S/2009/300, 10juin 2009, pars. 6 et 40. V. également pars.

36, 39 et 41. La neutralité actuelle de l'ONU comme celle de la résolution 1244 (1999) vis-à-vis du statut
définitif du Kosovo ont été réitérées également lors de la séance du Conseil de sécurité du 17 juin 2009 : v.
S/PV.6144, p. 2 (Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la MINUK), p. 11 (Vietnam), p. 14
(Russie), p. 16 (Chine), p. 20 (Mexique), p. 21 (Ouganda).
13 La question du Kosovo constitue une «highly sensitive political issu» selon le représentant spécial du

Secrétaire général, M. Eide (cité dans l'exposé écrit de la Serbie, par. 395).
14V. S/PV. 6144 (17 juin 2009), p. 3 :« Notre neutralité vis-à-vis de la question du statut nous permet de nous
employer à encourager la réconciliation des communautés du Kosovo et à encourager la coopération régionale,
dans l'intérêt de tous les habitants du Kosovo et pour la stabilité et le développement dans l'ensemble de la

région».
15Exposé de la Serbie, p. 44 («The Advisory Opinion WillHelp the United Nations and Member States in Their
Subsequent Actions »).
16Exposé écrit de la Serbie, par. 87. V. l'exposé écrit de la France, pars. 29 et 2.70-2.81.
17Exposé écrit de la Serbie, pars. 91-94.

3 3. La question soumise à la Cour ne se prête à aucune réponse juridique du

point de vue du droit international

9. La question soumise à la Cour - à la formulation de laquelle celle-ci doit se tenir, sans

possibilité d'en élargir les termes 18 - est privée de toute consistance et de toute portée

juridiques. Le droit international ne prohibant pas, sauf exceptions dont personne ne prétend

qu'elles s'appliqueraient au cas d'espèce, les sécessions en tant que telles, a fortiori les

déclarations d'indépendance (v. infra, II), la question faisant l'objet de la demande d'avis

consultatif s'avère intrinsèquement privée de tout objet et de tout intérêt juridiques et ne

constitue donc pas, malgré les apparences trompeuses de son libellé, une authentique question

juridique soulevant de véritables problèmes de droit international 1 •

4. L'avis demandé est voué à n'avoir aucun effet pratique sur la situation

actuelle du Kosovo

1O. Quel que soit le sens qui lui est prêté, la question adressée à la Cour est en elle-même

privée de toute portée concrète. Il est en effet, et à très juste titre, admis par l'ensemble des

Etats qui sont intervenus dans la procédure, à commencer par la Serbie elle-même, que la

question de l'existence de l'Etat du Kosovo n'est pas soumise à la Cour 20. La licéité des

nombreuses décisions de reconnaître cet Etat, notamment par un grand nombre d'Etats

européens parmi les plus directement intéressés à la stabilité de la région, n'est de même pas

mise en question 21. Si, non sans contradiction, certains Etats discutent toutefois

22
abondamment, pour la contester, de l'indépendance du Kosovo et de sa qualité d'Etat , il est

18La Cour« est en principe liée par le libellé des questions formulées dans la requête» et ne peut, tout au plus,
quand la nécessité s'en fait vraiment ressentir, qu'en interpréter les termes pour en préciser le sens (v. avis

consultatif du 20 juillet 1982, Demande de réformation du jugement n° 273 du Tribunal administratif des
Nations Unies, C.I.J. Recueil 1982,pp. 349-350, pars. 47-48).
19V. l'exposé écrit de la France, pars. 1.4-1.5.
20 Exposé écrit de la Serbie, pars. 23 et 964.
21Ibid., par. 22.
22
Ibid., pars. 964-985 (« Effectiveness A/one Is Not a Ground for Statehood»); v. aussi l'exposé de la
République de Chypre, pp. 41-49, pars. 159-192 (« The unilateral declaration has not created a State »).
Plusieurs exposés écrits d'Etats ayant refusé de reconnaître l'indépendance du Kosovo se placent principalement
sur le terrain de la licéité de la sécession; v. ainsi l'exposé de l'Iranno derogation is permittedfrom [the
principle of territorial integrity}. [...} States practice since 1945 shows very clearly the opposition of states ta

recognition or accepting unilateral secession outside the colonial context», p. 10, Conclusions), de la Chine
(« Secession is not recognized by international law and has always been opposed by the international community
of States», p. 6) ou de la Russie«(outside the colonial context, international law al/owsfor secession of a part
of a State against the latter 'swill on/y as a matter of selfdetermination ofpeop»,Conclusions, p. 39, par. 4).
V. encore l'exposé de l'Argentine, pour laquelle il importe que la Cour rejette « the position of the

"irreversibility" of the situation emergingfrom the unilateral declaration of independence [. ... 35.

4 parfaitement clair que tel n'est pas l'objet de la demande transmise à la Cour. La résolution

63/3 de l'Assemblée générale, comme y insistait son promoteur au moment de son adoption,

« est suffisamment claire» et «ne prête nullement à controverse » 23 :elle porte, comme le

rappelle son préambule, sur «l'acte» par lequel, le 17 février 2008, « les institutions

provisoires d'administration autonome du Kosovo ont déclaré l'indépendance du Kosovo de

la Serbie » 24•

11. Pas davantage que la question ne porte sur l'indépendance elle-même ou les

nombreusesreconnaissances dont elle a fait l'objet 25,la réponse de la Cour à la seule question

qui lui est posée ne peut avoir d'effet sur celle-là ou sur celles-ci. Quand bien même la Cour,

si elle donnait suite à la demande d'avis, conclurait au caractère illicite de la déclaration

d'indépendance du Kosovo, cela ne remettrait aucunement en cause la reconnaissance de

l'Etat du Kosovo par de nombreux Etats ou sa pleine et entière participation dans plusieurs

organisationsinternationales. En sens inverse, si la Cour devait conclure que la déclaration du

17 février 2008 n'était pas contraire au droit international, rien n'indique que la Serbie, ou

d'autres Etats qui s'y opposent, reconnaîtraient l'indépendance du Kosovo, comme ils n'y

seraient d'ailleurs juridiquement nullement tenus 26.L'avis de la Cour, quel qu'il soit, est à ce

titreprivé de tout effet et de toute utilité.

12. Il est parfaitement vam de penser par ailleurs que le recours à la procédure

consultative pourrait permettre de modifier en quoi que ce soit le statut politique actuel du

Kosovo. Un tel avis ne pourrait permettre d'obtenir ce que plusieurs années de négociations

ont échoué à réaliser tandis qu'en revanche, il pourrait mettre en danger la seule issue

politique qui s'est avérée viable à l'issue de ces négociations et qui n'a été condamnée par

aucun des organes compétents des Nations Unies 27. Une telle attitude est en outre tout à fait

significative,en particulier par comparaison avec celle adoptée avant l'ouverture en 2005 du

processusvisant à déterminer le statut définitif du Kosovo. Avant cela, le Conseil de sécurité

23A/63/PV.22 (8 octobre 2008), p. 2 (Serbie).
24A/RES/63/3, 3• alinéa du préambule.
25A ce jour, le Kosovo a été reconnu par 60 Etats. 96 Etats ont par ailleurs voté en faveur de la candidature du
Kosovo au FMI et 95 en faveur de sa candidaturà la BIRD (v. S/PV.6144, p. 10 (Kosovo)).
26 V. l'intervention de M. Jeremié devant le Conseil de sécurité, le 17 juin 200«:La Serbie ne reconnaîtra
jamais, sous aucun prétexte, directement ou indirectement, la déclaration unilatérale d'indépendance par les

autorités de souche albanaise de notre province méridionale. Sur cette question, nous ne céderons pas, quoi qu'il
arrive. Nous continuerons de défendre notre intégrité d'une manière non conflictuelle en utilisant tous les
moyens pacifiques ànotre disposition» (S/PV.6144, p. 6).
27V. l'exposé écrit de la France, pars. 2.70-2.81.

5et les personnes agissant en son nom n'ont pas hésitéà condamner toute tentative

d'indépendance. Le fait même que ces condamnations n'aient plus jamais été réitérées après

2005 confirme nécessairement que l'option de l'indépendance n'était non seulement pas

exclue pour le statut définitif du territoire, mais était également devenue une solution

réellement viable. On ne s'expliquerait pas sinon une rupture aussi soudaine dans la position
28
des organes concernés •

13. Comme la France l'a indiqué dans son exposé écrit, il serait aussi vain que contre­

productif de chercher à établir aujourd'hui quelque responsabilité dans l'échec des

négociations politiques menées sur le statut définitif du Kosovo. Le fait est - cela a été

objectivement constaté à plusieurs reprises - que ces négociations ont abouti à une impasse

dont aux yeux de tous il était devenu totalement impossible à la fin de l'année 2007 de sortir

de manière consensuelle. Il est apparu tout aussi nettement par ailleurs que le maintien du

statu quo n'était plus tenable et aurait mis en danger la stabilité de la région. Dans ces

conditions, la voie des négociations ayant été définitivement épuisée, la seule option politique

viable ne pouvait être que celle de l'indépendance compte tenu en particulier des relations

récentes entre la Serbie et le Kosovo et de la nécessité de respecter la volonté du peuple

kosovar 29.

14. Certains Etats ont, dans leurs exposés écrits, avancé deux objectionà s cet égard.

15. Tout d'abord, le caractère unilatéral de la déclaration d'indépendance aurait été

contraire au processus mis en place par le Conseil de sécurité qui aurait exigé un règlement

négocié entre les deux parties intéressées et une décision du Conseil entérinant celui-ci 30.

Qu'une solution consensuelle eût été la meilleure des solutions, la France ne l'a jamais

contesté. Le Groupe de contact avait lui-même indiqué au moment de l'ouverture des

pourparlers sur le statut définitif du Kosovo qu'il s'agissait d'une option« prioritaire» et du
31
« meilleur moyen» de résoudre le différend . Mais cela n'équivalait pas à faire d'un

règlement négocié la seule issue possible. Il convenait en effet d'envisager une solution

28
V. à cet égard les exposés écrits de l'Autriche, par. 41 ; des Etats-Unis, pp. 24 et 85-86; de l'Allemagne, p.
42; de l'Espagne, par. 43, iv) et v), par. 44 ainsi que pars. 67-a contrario);et la contribution écrite du
Kosovo, pars. 9.24-9.27.
29V. l'exposé écrit de la France, pars. 2.40-2.62.
30V. les exposés écrits de Chypre, par. 98; de la Russie, pars. 59-64; de la Serbie, pars. 751-775 ; de l'Espagne,

pars. 76-82 ; et de l'Argentine, pars. 101-106.
31Exposé écrit de la France, par. 2.45.

6 alternative au cas où les négociations échoueraient, ce qui s'est produit et ce dont il est

impossible de faire abstraction sans s'affranchir des faits tels qu'ils sont.

16. Dès lors que la résolution 1244 (1999) n'imposait pas de parvenir à tout prix à un

règlement consensuei3 qu'elle prévoyait uniquement que le processus serait conduit « sous

les auspices» du Conseil de sécurité et de la MINUK 33 et qu'elle renvoyait seulement enfin,

via les Accords de Rambouillet, au respect de la volonté du peuple du Kosovo, il est clair que

l'issue de la sécession, tolérée par le droit international général, qui ne l'encourage pas ni ne

la prohibe, constituait un moyen d'avancer dans le processus en cas d'échec consommé des

négociations. Conscient de l'impasse dans laquelle pouvaient se trouver les négociations, le

Groupe de contact avait d'ailleurs, dès septembre 2006, indiqué qu' « aucune des parties ne

p[ouvai]t unilatéralement empêcher le processus de détermination du statut d'avancer»,

confirmant ainsi sans ambiguïté que l'hypothèse d'un règlement négocié (donnant à chaque

34
partie un droit de veto) n'était pas la seule envisageable . L'attitude adoptée par les Nations

Unies, et singulièrement le Conseil de sécurité et les personnes agissant sous son autorité, à la

suite de la déclaration d'indépendance le confirme là encore sans contestation possible 35•

17. La seconde objection soulevée par les mêmes Etats se situe à un autre niveau. Selon

eux, la Serbie de 2008 n'étant plus celle de 1999, il aurait été tout à fait envisageable
36
d'accorder une simple autonomie substantielle au peuple kosovar . C'est là, de nouveau, une

appréciation politique sur laquelle il n'appartient évidemment pas à la Cour de se prononcer,

d'autant moins que les négociations ne sontjustement pas parvenues à en faire accepter l'idée.

La France se contentera d'indiquer à ce propos que tous les motifs de préoccupations étaient

loin d'être levés au moment où le peuple du Kosovo a fait le choix de l'indépendance 37.

18. Quelle qu'ait pu être en effet l'évolution politique enregistrée en Serbie depuis la chute

du régime du Président Milosevié, les traumatismes et les cicatrices du passé étaient (et sont

32
Ibid., par. 2.34, dernier tiret.
33V. l'exposé écrit de la Serbie, par. 814.
34V. l'exposé écrit de la France, par. 2.62.
35 Comme l'a récemment souligné le Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la MINUK, la
position de neutralité des Nations Unies vis-à-vis de la question du statut du Kosovo trouve sa source notamment

dans la résolution 1244 (1999) elle-même. Ainsi« EULEX continue d'opérer au Kosovo, sous l'autorité générale
de l'ONU et dans le cadre défini par la position de neutralitéénoncée dans la résolution 1244 (1999) (séance
du Conseil de sécurité du 17juin 2009, SIPV.6144, p. 4 [italiques ajoutés]); v. égalesupra, par. 8.
36V. les exposés écrits de la Russie, pars. 46 et s. et pars. 98-101, et de la Serbie, par. 646.
37
V. l'exposé écrit de la France, pars. 2.56-2.57.

7toujours) très loin d'être effacés. La terrible répression - et les crimes internationaux qui l'ont

accompagnée - qui s'est abattue sur le peuple kosovar en 1998-1999 38, ne pouvait

qu'empêcher celui-ci d'envisager son avenir au sein de l'Etat serbe tant les blessures morales

restaient (et restent) profondes et le souvenir des atrocités commises enraciné dans les
39
consciences.Il est des crimes que la mémoire individuelle et collective ne peut oublier •

19. Le comportement des autorités serbes ayant succédé au régime de Milosevié n'a pas

permis par ailleurs de rassurer sur leur intention de rompre complètement avec le passé 40.Le

maintien d'une politique discriminatoire après 2000 et en particulier la non-association du

peuple kosovar au vote référendaire relatif à l'adoption de la Constitution de 2006 en

41
témoignentnotamment .

20. Le maintien du statu quo, en plus d'être porteur de grands risques économiques et

d'entraver le développement du Kosovo 42, aurait par ailleurs aggravé une situation déjà

instable. L'indépendance était à l'inverse la seule issue de nature à sauvegarder la stabilité

régionale.Les acteurs internationaux directement impliqués au Kosovo l'ont souligné en toute

objectivité et impartialité à de nombreuses reprises. Si l'administration du Kosovo sans

ingérence serbe a permis de « jeter la base d'une vie pacifique et normale pour toute la
43
population du Kosovo » , il restait «un risque réel que, si son statut futur rest[ait] indéfini,

les progrès réalisés par l'ONU et les Institutions provisoires au Kosovo ne puissent être

maintenus »44. Toute «nouvelle prolongation du processus relatif au statut futur du Kosovo

remettrait en question les résultats obtenus par les Nations Unies au Kosovo depuis juin

1999» et «les progrès accomplis jusqu'à présent risqu[ai]ent fort d'avoir été vains et de

38Ibid., pars.11 et s.
39 V. l'exposé écrit de l'Allemagne, p. 20 : s'il est vrai que « [t}he Serbia of today is not the Serbia of

1998/1999 » « there can be no doubt that the events of 1998/1999 have left an indelible mark on the collective
memory of the Kosovo A/banians».
40 La Cour a elle-même constaté qu'en 2007 la Serbie ne s'était toujours pas acquittée de son obligation de
poursuivre les auteurs des actes de génocide commis en Bosnie-Herzégovine (Application de la convention pour
laprévention et la répression du crime de génocide,rrêt du 26 février 2007, pars. 448-450).
41
V. les exposés écrits de la Suisse, par. 86; des Etats-Unis, pp. 27-28; et la contribution écrite du Kosovo, par.
8.40 infine, ainsi que la réponse non convaincante de la Serbie, par. 202 de son exposé écrit.
42Exposé écrit du Royaume-Uni, par. 6.33.
43 Rapport du Secrétaire général sur la MINUK, S/2007/395, 29 juin 2007, par. 30 : Au cours de huit années
d'administration intérimaire par l'Organisation des Nations Unies, le Kosovo a accompli des progrès

considérables dans la mise en place et le renforcement d'Institutions provisoires d'administration autonome
démocratiques et responsables et dans la création des bases nécessaires à une économie qui fonctionne. Les
Institutions provisoires ont jeté la base d'une vie pacifique et normale pour toute la population du Kosovo ».
44Ibid., par. 33.
45Rapport du Secrétaire général sur la MINUK, S/2007/582, 28 septembre 2007, par. 28.

8 laisser la place à l'instabilité au Kosovo et dans la région »46• Le Groupe de contact n'avait

pas dit autre chose enjuillet 2006 en rappelant que« [t}heprocess must be brought to a close,

not least to minimise the destabilising political and economic effects of continuing uncertainty

over Kosovo'sfuture status » 47.

21. Assurément un règlement consensuel aurait constitué la solution idéale pour résoudre

une situation faisant peser depuis trop longtemps une menace sur la paix et la sécurité

internationales. Mais face à l'impossibilité, qui s'est avérée insurmontable, de parvenir à ce

règlement consensuel et au risque que présentait le maintien du statu quo pour la paix et la

stabilité de la région, l'indépendance s'est imposée - sans avoir été condamnée par les

organescompétents des Nations Unies ni sur le terrain du droit, ni sous l'angle du maintien de

la paix - comme la seule issue politique permettant de respecter la volonté du peuple kosovar

et de préserver la paix dans la région. A cet égard là aussi, un avis de la Cour serait privé de

toute utilité

22. Le droit international ne régissant pas les déclarations d'indépendance et laissant

(consécutivement) aux Etats un pouvoir entièrement discrétionnaire en matière de

reconnaissance d'Etat (sauf existence d'une obligation de non-reconnaissance qu'aucun

organe politique des Nations Unies n'a imposé en l'espèce), il incombe en définitive de

constater:

- d'une part, qu'il est impossible à la Cour de remplir son rôle judiciaire qm

nécessiterait, selon la Serbie, « to assess the compatibility of the unilateral declaration of

48
independance with relevant principles and rules of international law » , lesquels,
49
précisément,font défaut ;

46
Ibid.par. 29.
47Déclaration du Groupe de contact en date du 24 juillet 2006. v. l'exposé écrit de la France, par. 2.46 et la note
158.
48 Exposé écrit de la Serbie, par. 61.
49 La Serbie précise que l'exercice par la Cour de sa compétence consultativeà l'égard d'une question juridique
suppose «the identification of the relevant principles and ru/es of international law, their interpretation and,
final/y, their application to the unilateral declaration of independance» (Puisque le droit international est

neutre sur la question de la licéité des sécessions en tant que iest clair que la Cour ne peut en l'espèce se
livrer cet exercice judiciaire. Si réponse juridiqildevait y avoirà la question soumise à la Cour, elle ne
pourrait tenir, au mieux, qu'en une seule phrase:«Given theformulation of the question, there is a simple
answer to the question posed, namely, that international law does not address the legality of declarations of
independanceper se and, accordingly, the Declaration of Independance by Kosovo is not incompatible with
internationallaw » (exposé écrit du Royaume-Uni, par. 0.24).

9 - d'autre part, que tout avis juridique, quel qu'il puisse être (s'il pouvaitq , uod non,

être rendu), serait dépourvu de la moindre utilité puisqu'un constat d'illicéité n'empêcherait

pas les Etats de reconnaître le Kosovo pas plus qu'un constat de licéité ne les obligerait à le
faire50.

23. Se demander si la déclaration d'indépendance du Kosovo est conforme ou non au droit

international est donc une question dépourvue de tout objet. Or, comme la Cour l'a souligné

dans son avis sur le Sahara occidental, sa fonction consultative « est de donner un avis fondé

en droit, dès lors qu'elle a abouti à la conclusion que les questions qui lui sont posées sont

pertinentes, qu'elles ont un effet pratique à l'heure actuelle et que par conséquent, elles ne

sont pas dépourvues d'objet ou de but »51•

II. La déclaration d'indépendance n'était nullement contraire au droit international

24. La France ne doute pas que si la Cour venait malgré tout à exercer sa fonction

consultative dans la présente instance, sa réponse ne pourrait que se borner à déclarer que la

déclaration d'indépendance n'était pas contraire au droit international. Aucun des Etats

soutenant la conclusion inverse (au nombre de dix seulement parmi les 192 Etats membres

des Nations Unies autorisés à déposer un exposé écrit) n'est parvenu à établir l'existence

d'une quelconque règle proscrivant le fait de déclarer son indépendance ni un quelconque

précédent dans lequel le simple fait de déclarer l'indépendance ou de proclamer l'existence

d'un Etat ait été jugé, en soi, contraire au droit international. Ni l'examen des termes de la

résolution 1244 ni celui du droit international général ne leur ont permis en effet d'étayer
leurs conclusions.

25. Il està peine besoin de revenir sur la première pour rappeler que bien loin d'interdire

l'indépendance et de requérir d'aboutir à tout prix à une solution consensuelle, cette

résolution s'est contentée de demander à la présence internationale civile de « faciliter un

processus politique visant à déterminer le statut futur du Kosovo »- formule dont la neutralité

et la souplesse sont fidèles au caractère purement factuel du processus de formation des Etats

dans la société internationale.

50V. l'exposé écrit de la République tchèque, p. 5 ; et celui de la France, pars. 1.7-1.18.
51Avis précité, p. 37, par. 73 (italiques ajoutés).

10 26. La seule exigence que posait la résolution 1244 (1999) était celle du respect de la
52
volonté du peuple kosovar . En revanche, le consentement de la Serbie pas plus que

l'adoption d'une décision du Conseil de sécurité sur le statut définitif du Kosovo n'ont été

requis par le Conseil 53.Cela explique d'ailleurs que la Serbie ait tenté de modifier le projet de

résolution qui est devenu la résolution 1244 (1999) pour que soit inscrit le principe selon

54
lequel l'indépendance devait être totalement exclue et, une fois qu'elle eut échoué à

l'obtenir, qu'elle ait interprété, pour la dénoncer, la résolution 1244 comme ouvrant la voie à

une possible indépendance du Kosovo 55. Cela explique aussi que les différentes autorités

ayant supervisé les négociations (en particulier M. Ahtisaari et la Troïka) aient pu faire de

l'indépendance l'une des optionsà négocier sans quejamais le Conseil de sécurité, le

Secrétaire général, son Représentant spécial au Kosovo ou le Groupe de contact aient indiqué

que cette option était interdite par la résolution 1244. L'absence de toute condamnation de la

déclaration d'indépendance par le Conseil de sécurité conduit à la même conclusion 56•

27. L'argumentation déployée en sens contraire ne peut permettre de faire dire aujourd'hui

à la résolution ce qu'elle n'a pas dit en 1999. Il ne peut être ainsi tiré argument du fait que

dans la situation antérieureà la résolution 1244 (1999) l'indépendance n'avait pas été retenue

comme l'une des options souhaitables aux yeux du Conseil de sécurité et de la communauté

57
intemationale , pour affirmer que celle-ci serait exclue dans la situation postérieureàla grave

crise de 1999 et l'adoption de cette résolution. De même, la résolution 1244 (1999) ne peut

être sollicitée au point de confondre les principes que le Conseil de sécurité entendait

appliquer au statut intérimairedu Kosovo avec les solutions sur lesquelles pouvait déboucher

52
V. l'exposé écrit de la France, pars. 2.28-2.39.
53Ce que concède d'ailleurs l'Espagne dans son exposé écrit:«[. .}esolution 1244 (1999) does not express/y
mention the needfor agreement» (p. 50, note 154). Ce silence est toutà fait volontaire dans les accords de
Rambouillet et la résolution 1244 (1999) qui y renvoie, comme le prouve a contrario l'étude des projets
antérieurs qui exigeaient expressément quantà eux le consentement de la Serbie (v. les exposés écrits des Etats­

Unis, p. 17 et pp. 65-68 ; et la contribution écrite du Kosovo, pars. 9.13-9.14).
54V. l'exposé écrit de la Suisse, pars. 49-50.
55V. les exposés écrits de la France, par. 2.26 ; et la contribution écrite du Kosovo, par. 4.22.
56V. l'exposé écrit de la France, pars. 2.70 et s. V. également le rapport du Secrétaire général du 17 mars 2009,

S/2009/149, par. 34. L'Union européenne n'a pas non plus condamné la déclaration d'indépendance (v. par
exemple les informations données dans la contribution écrite du Kosovo, pars. 2.44-2.45).
57V. par exemple les exposés écrits de la Roumanie, pars. 26 et s. et par. 41 ; de la Slovaquie, par. 22; de la
Russie, par. 44; de la Serbie, pars. 728 et s.; et de l'Espagne, par. 51. Le fait qu'une solution consensuelle, ou

tenant compte de l'intégrité territoriale de la République fédérative de Yougoslavie de l'époque, ait été appelée
de leurs vŒux par de nombreux Etats, y compris la France, comme le relève la Serbie (par. 661), ety compris au
moment de l'adoption de la résolution 1244 ou ultérieurement, ne signifie évidemment nullement que cette
dernière excluait l'accessioà l'indépendance du Kosovo.

11son statut définitif: là encore, il est impossible de s'appuyer sur les uns pour juger les autres,

commecesEtats le font de nouveau 58.

28. En n'interdisant pas l'option de l'indépendance, la résolution 1244 (1999) n'a fait en

réalité que s'aligner sur le droit international général qui n'interdit pas les sécessions en tant

que telles et, partant, le fait de déclarer son indépendance. A cet égard, la Serbie elle-même

admet le principe de la neutralité du droit international en matière de sécession puisqu'elle

place seulement le débat sur le terrain d'une réduction progressive de cette neutralité dans le

59
droit international contemporain • Or, l'obligation de non-reconnaissance est bornée pour

l'heure par le droit international à des situations dont la sécession ne fait pas partie en tant que

telle, et sans jamais qu'il est d'ailleurs été envisagé jusqu'à aujourd'hui de l'inclure dans

celles-ci 60.

29. Plusieurs exposés écrits ont en revanche très justement signalé les précédents, parmi

d'autres, de la Slovénie, de la Croatie et de la Macédoine, qui se sont déclarées indépendantes

à une époque où l'Etat prédécesseur yougoslave existait toujours et contre la volonté par

ailleurs de la Serbie, sans que pour autant cela eûtjamais été perçu comme une violation du

droit internationalni même comme une question régie par celui-ci 61. La Serbie reconnaît elle­

même d'ailleurs, non sans contradiction, que les conséquences du principe de l'intégrité

territorialesont à tirer du côté du principe du non-recours à la force et de la non-intervention,

et non de l'interdiction en soi de la sécession 62•

30. Il est vrai, enfin, que dans certaines situations le Conseil de sécurité a pu, aux fins du

maintien de la paix et de la sécurité internationales, imposer le respect de l'intégrité

58V. l'exposé écrit de la Serbie, par exemple pars. 697 et s. ; ou celui de l'Espagne, pars. 35 et s.
59 Exposé écrit de la Serbie, par. 1019: «[...] international law plays an increasing role in prohibiting the

creation of a State [... ]»(italiqueajoutés); v. dans le même sens l'exposé écrit de l'Argentine qui prétend
décrire le droit international tel qu'il s'appliquerait« days » ou « today », mais sans indiquer quand le droit
international aurait changé de direction ni sous l'impulsion de quel facteur en particulier (par. 129).
60 Dans le commentaire de l'article 41 des Articles de 2001 sur la responsabilité des Etats pour fait
internationalement illicite, la Commission du droit international n'envisage que l'hypothèse où l'intégrité
territoriale d'un Etat est atteinte par l'usage de la force d'un autre Etat ou celle de la violation du droit des

61uples à disposer d'eux-mêmes (A/56/10, par. 77, commentaire de l'article 41, pars. à 10).
V. la présentation que font de ces précédents les Etats-Unis dans leur exposé écrit (pp. 52-55). V. également la
contribution écrite du Kosovo, pars. 8.28-8.29 et 8.35-8.36 ; l'exposé écrit de l'Autriche, par. 24. Sur la
neutralité du droit international en matière de sécession, v. également l'exposé écrit de l'Allemagne, pp. 27 et s.
et la contribution écrite du Kosovo, pars. 8.07 et s. V. également le précédent de l'affaire ducide (Bosnie­
Herzégovine c. R.F.Y.) cité par le Kosovo au par. 8.43 de sa contribution écrite, dans laquelle la Cour a considéré
que « peu import[aie]nt [... ] les circonstances dans lesquelles [la Bosnie-Herzégovine] a[vait] accédé à

l'indépendance» (C.J.J.Recueil 1996, p. 611, par. 19).
62Exposé écrit de la Serbie, pars. 492-497.

12territoriale à des entités non étatiques et, ce faisant, exclure une sécession. Mais cela ne
63
saurait suffire, à soi seul, comme l'allèguent certains Etats , à établir l'existence d'une règle
internationale « erga omnes » et «absolue» de protection de l'intégrité territoriale

s'appliquant «not on/y to neighbouring and other States, but also to those groups within the

State in question that seek non-consensual secession »64• Le fait même que le Conseil de

sécurité n'ait pas édicté une telle interdiction dans la résolution 1244 (1999) indique au

contraire qu'il n'a justement pas entendu procéder à l'extension de la portée du principe de

l'intégrité territoriale au-delà de son acception ordinaire, celle d'une règle ne jouant qu'entre

Etats en vertu de toutes les grandes conventions ou déclarations - au premier chef la Charte

desNations Unies - reprenant ce principe 65.

31. A défaut de pouvoir trouver la moindre règle juridique qui interdirait en tant que telle

la déclaration d'indépendance du Kosovo - situation qui rend totalement superflue la

discussion de circonstances qui pourraient justifier un éventuel droit de faire sécession -, et

pour l'ensemble des raisons décisives précédemment rappelées, la Cour ne peut que conclure

dans le cas présent à l'impossibilité de répondre à la demande d'avis qui lui a été soumise. Si

elle estimaitnéanmoins pouvoir tout de même exercer sa fonctionjudiciaire, il lui incomberait

de constater l'absence évidente de contrariété de la déclaration d'indépendance du Kosovo

avec le droit international.

Pour le ministre des Affaires étrangères et européennes et par délégation,
le directeur des affairesjuridiques

Edwige BELLIARD

63V. les exposés écrits de la Roumanie, par. 80, pars. 97-98 et par. 108 ; de la Serbie, pars. 440-476 et par. 501 ;
et de l'Iran, pars. 3.1-3.6.
64Exposé écrit de la Serbie, par. 476.
65V. l'exposé écrit de la France, par. 2.6. Ces instruments sont longuement évoqués dans l'exposé écrit de la
Serbie, pars. 477 et s.

13 TABLE DES MATIERES

I.Les conditions d'exercice de la fonction consultative ne sont pas remplies ..................1.

1. La procédure consultative a été détournée de son objet et de sa finalité ....................... 1

2. La Cour devrait refuser de prendre parti dans une controverse à l'égard de laquelle les

organes compétents des Nations Unies ont choisi de rester neutres ................................. 2

3. La question soumise à la Cour ne se prêteà aucune réponse juridique du point de vue

du droit international .................................................................4......
.................................

4. L'avis demandé est voué à n'avoir aucun effet pratique sur la situation actuelle du

Kosovo ........................................................................
........4.............................................

II.La déclaration d'indépendance n'était nullement contraire au droit international.. 1.0

14

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Observations écrites de la France

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