Exposé écrit de l'Albanie (traduction du Greffe)

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Lettre en date du 14 avril 2009 adressé au président par le ministre des affaires étrangères de

la République d’Albanie

[Traduction]

Au nom de la République d’Albanie, conf ormément à l’ordonnance de la Cour datée
du 17 octobre 2008, j’ai l’honneur de transmettre à la Cour le prés ent exposé écrit dans le cadre de
la procédure consultative de l’affaire de la Conformité au droit international de la déclaration
unilatérale d’indépendance des institutions provisoires d’administration autonome du Kosovo.

Veuillez noter que pour toute information complémentaire, le point de contact sera
l’ambassade la République d’Albanie à La Haye :

Anna Paulownastraat 109 B, 2518 BD, La Haye,
Tél. +31 704272101, +31 703632021, télécopie +31 704272083
Courrier électronique : [email protected]

Veuillez agréer, etc.

___________ EXPOSÉ ÉCRIT DE LA RÉPUBLIQUE D ’ALBANIE

[Traduction]
Table des matières

PARTIE I ⎯ INTRODUCTION ........................................................................
............................... 3

PARTIE II ⎯ CONTEXTE ........................................................................
..................................... 4

A)Les événements qui ont précédé l’éclatement violent de la République fédérale
socialiste de Yougoslavie.............................................................
4..............................

B) Les développements postérieurs à 1989 au Kosovo .......................................5...........

C) Les accords de Rambouillet de février-mars 1999 ......................................12.............
D) L’intervention militaire de l’OTAN au Kosovo — l’opération «Force alliée»,

24 mars-10 juin 1999..................................................................13....
..........................

E)La résolution1244 (1999) et la création de la Mission intérimaire des
Nations Unies au Kosovo ..............................................................16........
...................

F) Le processus de négociation su r le statut définitif sous l’égide de la communauté
internationale ........................................................................
...................................... 16

G) La déclaration d’indépendance du Kosovo du 17 février 2008............................19....

PARTIE III ⎯ EXCEPTIONS D ’INCOMPÉTENCE ........................................................................
... 19
A) La déclaration d’indépendance est une question nationale qui n’est pas régie par le

droit international...................................................................19...
................................

B) Au titre de l’article 12, paragraphe 1, de la Charte des Nations Unies, l’Assemblée
générale n’était pas habilitée à faire une requête pour avis consultatif .............21.......

PARTIE IV ⎯ J USTESSE ET EXERCICE DU POUVOIR DISCRÉTIONNAIRE ..................................... 23

A) La Cour doit exercer son pouvoir discrétionnaire et ne pas rendre d’avis consultatif 23

B)Il ne doit pas y avoir contradiction entre l’exercice de la compétence de
l’Assemblée générale et l’exercice de la compétence du Conseil de sécurité ...........23

C)Le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale ont laissé les Etats libres de

reconnaître le Kosovo.................................................................23.....
.........................

D)Le Secrétaire général des NationsUnies et le Conseil de sécurité ont reconnu la
nouvelle situation au Kosovo..........................................................24............
..............

E) L’objet de l’avis consultatif concerne un différend bilatéral entre le Kosovo et la
Serbie........................................................................
.................................................. 27

F)L’avis consultatif ne peut contribuer à l’exercice de sa compétence par
l’Assemblée générale..................................................................28....
..........................

PARTIE V ⎯ L A DÉCLARATION D ’INDÉPENDANCE DU KOSOVO EST -ELLE CONFORME AU
DROIT INTERNATIONAL ?.........................................................28.............
.............

A)Le droit à l’autodétermination est solidement établi dans le droit international et
dans la jurisprudence de la Cour......................................................30................
.........

B)La politique institutionnalisée de répression et les violations caractérisées et
généralisées des droits de l’homme contre les Albanais du Kosovo .....................34... - 2 -

C) Les négociations prolongées sous supervision internationale n’ont pas donné lieu à
un accord........................................................................
.......37....................................

D)La résolution1244 (1999) du Conseil de sé curité ne déterminait pas la forme du
règlement définitif du statut ni son mode d’expression...................................38.........

E)La déclaration d’indépendance a été a doptée par les représentants librement et
démocratiquement élus du Kosovo..........................................................39............
.....

F) Respect et sauvegarde des droits de l’ homme des minorités dans la Constitution et

le cadre juridique du Kosovo.............................................................40.........
..............
G) Politiques du Kosovo en matière d’avenir et de relations amicales.........................41.

PARTIE VI ⎯ C ONCLUSIONS ET OBSERVATIONS ........................................................................
42 - 3 -

P ARTIE I

INTRODUCTION

1. La Cour internationale de Justice (ci-après «la CIJ» ou «la Cour») a été saisie par
l’Assemblée générale d’une requête pour avis co nsultatif concernant la conformité au droit

international de la d1claration d’indépendance adoptée par les représentants du peuple du Kosovo
le 17 février 2008 . Afin de répondre à cette question, il convient de tenir compte des
circonstances historiques ainsi que des développements sociopolitiques et juridiques survenus dans

la région des Balkans. Les événements tumultueux qui se sont déroulés au cours des deux
dernières décennies dans l’ancienne Yougoslavie, notamment au Kosovo et en Serbie, revêtent une
importance particulière. Le présent mémoire présen tera d’abord le contexte nécessaire avant de

s’intéresser aux traits juridiques de l’affaire.

2. Une déclaration d’indépendance énumère géné ralement les griefs q2i ont donné lieu à la
séparation et à la création d’un nouveau corps politique indépendant . A cet égard, elle représente
une déclaration de politique nationale de la plus haute forme, dont le statut et les exigences ne sont

pas régis par le droit international.

3. La République d’Albanie affirme que la Cour n’a pas compétence à entendre la question

soumise par l’Assemblée générale, ou à titre subsidia ire, dans l’intérêt de la sauvegarde de son
caractère judiciaire et compte tenu des autres considérations importantes exposées en détail
ci-après, elle doit utiliser son pouvoir discrétionnair e et ne pas rendre d’avis consultatif. Si, en

dépit des exceptions, la Cour estimait qu’il est ju stifié et correct de rendre un avis consultatif,
l’Albanie avancerait que la déclaration d’indé pendance émise par les autorités kosovares est
pleinement conforme au droit international. La République d’Albanie se réserve le droit de

soumettre d’autres commentaires ou observations dans le cas où la Cour choisirait de répondre à la
requête.

1
La République d’Albanie considèr e que le fait de qualifier la déclaration d’indépendance du Kosovo
d’«unilatérale» prête à confusion puisque, avant de prendcette décision, le Kosovo a c onsulté un certain nombre
d’acteurs internationaux impliqués dans le processus de négociation. Dans ses rapports adressés au Conseil de sécurité
sur la situation au Kosovo, le Secrétai re général des Nations Unies utilise le terme de «déclaration d’indépendance». En
outre, l’expression «déclaration unilatérale d’indépendance» n’est pas une formule consacrée. En adoptant la déclaration
d’indépendance, les autorités kosovares n’agissaient pas en tant qu’institu tions provisoires d’administration autonome,
mais en leur qualité de représentants démocratiquement élus du peuple du Kosovo.

2Voir entre autres la déclaration d’indépendance des Etats-Unis du 4 juillet 1776 et la déclaration d’indépendance
du Kosovo du 17 février 2008. - 4 -

P ARTIE II

C ONTEXTE

A) Les événements qui ont précédé l’éclatement violent de la République

fédérale socialiste de Yougoslavie

4. L’entité étatique connue sous le nom de Yougoslavie a changé plusieurs fois de nom et de

cadre constitutionnel entre la fin de la seconde guerre mondiale et le début de son processus
d’éclatement violent au début des années1990. La Constitution de la République fédérale
populaire de Yougoslavie de 1946 disposait que le Kosovo faisait partie de la République populaire
3
de Serbie et lui accordait le statut de région autonome . En1963, le nom du pays est devenu la
République fédérale socialiste de Yougoslavie (ci-après «RFSY»). Selon les termes de la

Constitutio4 de1963, le Kosovo est passé du statut de région autonome à celui de province
autonome .

5. En1974, la Constitution de la République fédérale socialiste de Yougoslavie a été
promulguée pour remplacer celle de1963. La RFSY était définie par la Constitution de1974

comme une communauté étatique constituée de nations volontairement unies et de leurs
républiques socialistes, ainsi que des provinces du Kosovo et de la Voïvodine, représentées au
niveau fédéral et au niveau de la République socialiste de Serbie . Selon la Constitution de 1974, le

Kosovo avait sa propre constitution, ses propres c ours constitutionnelle et suprême, ses propres
parlement et conseil exécutif . Il avait ses propres représentants à la Chambre des républiques et
provinces de la RFSY ainsi qu’à la Chambre fédéra le et était également représenté à la Présidence

fédérale.

6. Comme le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) l’a observé dans son
jugement du 26 février 2009 dans l’affaire Milutinović et consorts,

3 Article2 de la Constitutionde1946, dans M. Weller, «The Crisis in Kosovo1989-1999», Documents and
Analysis, Publishing Ltd, Septembre 1999, p. 52.

4 Voir les articles111 et112 de laConstitution de1963, dans M. Welle r, «The Crisis in Kosovo1989-1999»,
Documents and Analysis, Publishing Ltd, septembre 1999, p. 53.

5 Article1 de la Constitution de la République fédéra le socialiste de Yougoslavie, dans H. Krieger, The Kosovo
Conflict and International Law: An Analytical Documentation1974-/999: An Analytical Documentation1974-1999
(Cambridge International Docu ments Series), Cambridge University Press, 2001, p.2 (ci-après «Krieger») et dans
M. Weller, «The Crisis in Kosovo 1989-1999», Documents and Analysis, Publishing Ltd, septembre 1999, p. 54 (ci-après

«Weller»). Cet article dispose :
«La République socialiste fédérative de Yougoslavie est un Etat fédéral ⎯ communauté

étatique de nations librement unies et de leurs Républiques socialistes ainsi que des Provinces
socialistes autonomes de Voïvodine et de Kossovo. Celles-ci sont des parties constituantes de la
République de Serbie basées sur le pouvoir d’autogestion de la classe ouvrière et de l’ensemble des
travailleurs ; il s’agit à la fois d’une communauté démocratique autogérée de travailleurs et de citoyens et
de nations et de nationalités égales en droits.»
6
L’article 4 de la Constitution de 1974 dispose :

«La Province socialiste autonome est une co mmunauté sociopolitique socialiste autonome,
démocratique et autogestionnaire fondée .sur le pouvoir et l’autogestion de la clasouvrière et de
tous les travailleurs, dans laquelle les travailleurs et les citoyens, les nations et les nationalités
exercent leurs droits souverains, et au plan de la République lorsque la Constitution de la République
socialiste de Serbie dispose que c’est dans l’itérêt commun des travailleurs et des citoyens, des
nations et des nationalités de la Républiqudans son ensemble.», dans Krieger,supra, note 5, p. 3. - 5 -

«cette Constitution octroyait aux provinces un degré d’autonomie considérable, qui les
habilitait notamment à rédiger leurs propres c onstitutions, à disposer de leurs propres

cours constitutionnelles, à avoir un représen tant à la présidence de la RFSY à
Belgrade, et leur donnait le droit de recour ir devant les cours constitutionnelles de

Yougoslavie et de Serbie. En outre, elles étaient représentées, au côté des républiques,
à la Chambre des républiques et provinces de la RFSY et à la Chambre fédérale,
l’organe législatif compétent pour amender la Constitution de la RFSY.» 7

7. Au titre de l’article 2458de la Constitution de 1974, les nations et nationalités de la RFSY
disposaient des droits égaux . En outre, il convient de noter qu ’au titre de l’article5 de cette
constitution, le territoire d’une république ou d’une province autonome ne pouvait être modifié
9
sans le consentement de ladite république ou province autonome , une disposition réaffirmée dans
le dernier paragraphe dudit article en ces termes : «Les limites des Ré publiques ne peuvent être

modifiées que moyennant leur accord, et 10il s’agit des limites des Provin ces autonomes en
vertu également de leur accord.» Autrement dit, outre d’autres droits, les provinces autonomes
avaient compétence sur leur territoire au même titre que les républiques constituant l’Etat fédéral.

B) Les développements postérieurs à 1989 au Kosovo

8. En 1989, les autorités serbes ont révoqué l’autonomie du Kosovo au mépris de la volonté
11
et du consentement du peuple kosovar . Les amendements de mars 1989 à la Constitution de la
République socialiste de Serbie violaient la lettre et l’esprit de la Constitu tion de 1974 de la RFSY,
en particulier le principe d’égalité entre les nations et les nationalités 12. A cet égard, ceux-ci

étaient en contradiction avec l’article 145 de la C onstitution de 1974 de la République socialiste de
Serbie, qui disposait que les nations et les nationalités au sein de la Serbie devaient être égales. Les

mesures entreprises par les autorités serbes pour a ssimiler de force le Kosovo à la Serbie ont
marqué le début de l’éclatement de la RFSY 13. En plus de déclencher une réprobation générale au

Kosovo, exprimée par des manifestations largement suivies, ces mesures, qui visaient à limiter les
pouvoirs autonomes du Kosovo, ont fait naître un malaise au sein des républiques yougoslaves sur
les questions de partage du pouvoir politique 14. Ce sentiment a été accentué par d’autres mesures,

7
TPIY, Le procureur c.Milan Milutinovi ć, Nikola Sainovi ć, Dragoljub Ojdani ć, Nebrojsa Pavkovi ć, Vladimir
Lazarević, Sreten Luki ć (ci-après «Le procureur c.Milutinovi ć et consorts» , affaire n o IT-05-87-T, jugement du
26 février 2009, vol. 1, p. 83-84, par. 213, disponible sur le site du TPIY: http://www.ic ty.org/case/milutinovic/4#tjug
(dernier accès le 15 avril 2009).

8Voir Krieger, supra, note 5, p. 3.

9Ibid.
10
Article 5 de la Constitution de la République fédérale so cialiste de Yougoslavie, Gazette officielle de la RFSY,
no 9/1974
11
Voir entre autres Krieger, supra, note 5, p. 1. Voir également TPIY, Le procureur c. Limaj et consorts, affaire
n° IT-03-66, jugement du 30 novembre 2005, p. 16-17, par. 38-40.
12
Les amendements de1989 et les lois sur le Kosovo adoptées ultérieurement par les autorités serbes
enfreignaient les principes de base de la constitution de la RFSY de 1974, à savoir, la liberté et l’indépendance nationale,
la fraternité et l’unité des nations edes nationalités, un système de relations socioéconomiques et les fondations
uniformes d’un système politique garantissant les intérêts communs de la classe ouvrière et de l’ensemble des travailleurs
ainsi que l’égalité des nations et des nationalités (les italiques sont de nous). L’article 206 de la Constitution de la RFSY

de1974 disposait que les constitutions républicaines et les constitutions provinciales ne pouva ient être contraires à la
constitution de la RFSY.
13
Ces actions ont été précédées par le mémorandum de l’Académie serbe des arts et des sciences, qui esquissait
les politiques agressives à l’origine de la division et de l’ éclatement de la RFSY. Ce mémorandum contenait une très
vive rhétorique nationaliste à l’encontre des Albanais de souche.
14
Voir R. Lukic and A. Lynch, Europe from the Balkans to the Urals : The Disintegration of Yugoslavia and the
Soviet Union, SIPRI, Oxford University Press : New York, 1996, p. 151-162. - 6 -

comme la décision prise par la Serbie de frapper de droits de douane les biens entrant en Serbie en

provenance d’autres républiques yougoslaves et de différer le paiement de la Serbie à la
République fédérale, ainsi que les revendications des Serbes vivant da ns le sud-ouest de la Croatie
15
et demandant un «Etat autonome» .

9. Le 3 juin 1990, la Serbie a approuvé la loi sur l’action des organes de la République dans
des circonstances spéciales au Kosovo . Le 5 juillet 1990, elle a adopt é la loi sur l’abrogation des
17
activités de l’Assemblée du Kosovo et de son gouvernement . Le 26juil18t1990, la Serbie a
adopté la loi sur les relations de travail dans des circonstances spéciales . Sur la base de cette
loi,135000travailleurs albanais ont été licenciés 19. Cumulées, ces lois ont eu pour effet

d’interdire la tenue d’activités publiques en langue albanaise, à commencer par l’éducation, la
culture, la science et les médias, et d’autoriser le licenciement massif des employés kosovars

albanais travaillant dans des établissements tels que les écoles, les universités, les établissements de
santé, les médias, la police et d’autres secteurs clés.

10. En réaction à la révocation de l’autonom ie par les autorités serbes, 114 des 118 membres

de l’Assemblée du Kosovo ont approuvé la déclaration d’indépendance du Kosovo
le 2 juillet 1990 . Cette déclaration a précédé la Cons titution de la République du Kosovo,

adoptée le 7septembre1990. Un référendum sur l’indépendance a également été organisé au
Kosovo du 26au 30septembre1991, suite à l’abolition du statut d’autonomie du Kosovo par la

Serbie en1989. Sur les 87% de la21opulatio n participant au référendum, 99,87% ont voté pour
l’indépendance du Kosovo . Bien que la police serbe ait fait tout ce qui était en son pouvoir pour
empêcher ce référendum, sur les 1 051 357 citoyens du Kosovo disposant du droit de vote, 914 802
22
ou 87,01 % ont voté, dont 913 705 ou 99,87 % en faveur .

11. Deux lois adoptées en1992 ont rendu obligat oire l’enseignement en langue serbe dans
23
les écoles primaires et secondaires du Kosovo . La Serbie a arrêté de financer l’enseignement en

15
A. Cassese, Self-Determination of Peoples : A Legal Reappraisal, Cambridge University Press, 1995, p. 268.
16Loi sur les actions des organes de la République dans des circonstances spéciales, 26 juin 1990, Gazette

officielle de la République socialiste de Serbie, dans Weller, supra, note 5, p. 60-61.
17
Loi abrogeant les activités de l’Assemblée et du C onseil exécutif de la Provi nce socialiste autonome du
Kosovo, 5juillet1990, dans Weller, supra, note5, p.61-62. Voir également le règlement de l’Assemblée serbe sur
l’application de la loi abrogeant les activités de l’Assemblée et du Conseil exécutif de la Province socialiste autonome du
Kosovo, 13 juillet 1990, Ibid., p. 62.
18
Loi sur les relations de travail dans des circonstances spéciales, Gazette officielle de la République de Serbie,
n°22/91, dans Weller, supra, note 5, p. 62-63.
19
TPIY, Le procureur c. Limaj et consorts, affaire IT-03-66, jugement du 30 novembre 2005, p. 16, par. 39.
20
Voir entre autres Weller, supra, note 5, p. 17 et 64-65.
21
Voir entre autres D.Bethlehem and M.Weller (éd.), The «Yugoslav» Crisis in International Law: General
Issues Part l , Cambridge International Documents Series Volume 5, Cambridge University Press, 1997, p. xxx ;
N. Malcolm, Kosovo: A Short History , Macmillan Publishers Ltd.: London,1998, p.347 (ci-après «Malcolm»). Voir
également, TPIY, Le procureur c. Limaj et consorts, affaire IT-03-66, jugement du 30 novembre 2005, p. 17, par. 42.

22Voir Weller, supra, note5, p.72. Le Bureau central du Ko sova pour la conduite du référendum a noté que
pour divers motifs et diverses raisons, 136 555 citoyens, soit 12,99 % des citoyens du Kosova en droit de voter, n’ont pas
participé au référendum.

23Voir la loi sur l’école primaire, Gazette officielle de la République de Serbie, no50/92 et la loi sur l’école
secondaire, Gazette officielle de la République de Serbie, n 50/92, dans Weller, supra, note 5, p. 63. Il est important de

tenir compte également de la loi sur le lycée, Ibid. - 7 -

langue albanaise. En mars1991, 21 000enseignants avaient été licenciés 24. De même,

1885médecins et autres membres du corps médica l avaient perdu leur emploi. La répression
systématique et la violation des droits de l’homme les plus élémentaires et des libertés
fondamentales étaient monnaie courante au Kosovo. Entre 1990 e1t995, plus de

troiscentmilleAlbanais kosovars auraient qu itté le Kosovo par crainte des persécutions ou en
raison de l’absence de perspectives économiques résu ltant des politiques discriminatoires mises en
place par l’Etat .5

12. De1992 à1998, l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité ont adopté de

nombreuses résolutions reconnaissant et conda26ant les violations persistantes des droits de
l’homme qui se produisaient au Kosovo . Dans sa résolution 48/153 du 20décembre1993, tout
en exprimant de vives inquiétudes concernant la situation des droits de l’homme au Kosovo,

l’Assemblée générale a condamné énergiquement :

«en particulier les mesures, les pratiques discriminatoires et les violations des droits de

l’homme infligées aux Albanais de souche du Kosovo ainsi que la répression à grande
échelle imputable aux autorités serbes, notamment: a)les brutalités de la police à
l’égard des Albanais de souche, les fouilles, saisies et arrestations arbitraires, les

tortures et les mauvais traitements inf ligés aux détenus et la partialité de
l’administration de la justice, qui engendre nt un climat d’illégalité tel que des actes
criminels sont commis en toute impunité, particulièrement quand ils visent des

Albanais de souche; b)l’exclusion discriminatoire des fonctionnaires albanais de
souche, qui ont été radiés notamment de la po lice et de la magistrature, le renvoi en
masse des Albanais de souche des postes de cadre et d’administrateur et autres

emplois qualifiés dans les entreprises d’Etat et les institutions publiques, ce qui vise
notamment les enseignants du système scolaire administré par les Serbes, et la
fermeture des écoles secondaires et des universités albanaises; c) l’emprisonnement

arbitraire des journalistes albanais de souc he, la fermeture des organes d’information
en langue albanaise et le renvoi discriminat oire du personnel albana is de souche des
stations locales de radio et de télévision; d)la répression exercée par la police et

l’armée serbes».

13. Dans cette même résolution, l’Assemblée générale a également pressé les autorités de la
République fédérale de Yougoslavie :

24
Voir entre autres D. Kostovieova, Parallel Worlds: Response of Kosovo Albanians to Loss of Autonomy in
Serbia, 1989-1996, Keele University Press, p. 33-35.
25
Voir entre autres International Crisis Group, Kosovo Spring Report, 20 mars 1998, p. 5, disponible à l’adresse :
http://www.crisisgroup.org/library/documents/report_archive/A400178_200… (d ernier accès le15avril 2009);
Minorities At Risk Project (University of Maryland’s Center for International Development and Conflict Management)
Chronology for Kosovo Albanians in Yugoslavi a, disponible à l’adr:esse
http://www.cidcm.umd.edu/mar/chronology.asp?groupld=34501 (dernier accès le15avril 2009). Selon le paragraphe
pertinent :

«Le licenciement abusif des Albanais de soucheemployés dans des entreprises publiques s’est
poursuivi au mois de mars. La milice serbe, commandée par Zeljko Raznjatovi ć, a intensifié le
harcèlement des Albanais du Kosovo au cours d’une campagne qualifiée par les dirigeants kosovars de
«nettoyage ethnique silencieux». Celle-ci devait a boutir à l’émigration de près de 500000 Albanais du
Kosovo».

26Pour les résolutions de l’Assemblée générale, voir entre autres Krieger, supra, note 5, p. 15-25, Weller, supra,
note5, p.125-132. Pour les résolutions du Conseil de sécuri té, voir entre autres Weller, p.185-193; les résolutions du
Conseil de sécurité concernant la s ituation conformément à la résolution11(1998) sont disponibles à l’adresse:
http://www.un.org/Docs/sc/committees/res1160/1160ResEng.htm (dernier accès le 15 avril 2009). - 8 -

«a)de prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre immédiatement un terme
aux violations des droits de l’homme dont sont victimes les Albanais de souche du
Kosovo, notamment aux mesures et prati ques discriminatoires, aux détentions

arbitraires et au recours à la torture et autres traitements cruels, inhumains ou
dégradants ainsi qu’aux exécutions sommaires ; b) de rapporter toutes les dispositions
législatives discriminatoires, en particulier celles qui sont entrées en vigueur
depuis 1989 ; c)de restaurer les institutions démocratiques du Kosovo, dont le

Parlement et l’appareil judiciaire ; d) de renouer le dialogue avec les Albanais de
souche du Kosovo, notamment sous les auspic es de la conférence internationale sur
l’ex-Yougoslavie».

14. Dans sa résolution49/204 du 23décembre 1994, l’Assemblée générale a pris acte que
des Albanais de souche étaient vi ctimes de brutalités policières, que celles-ci avaient entraîné la
mort de certains d’entre eux, qu’il était procédé à des perquisitions, saisies et arrestations

arbitraires, ainsi qu’à des expulsions de force, que des détenus subissaient des tortures et des
sévices et que la justice était administrée de manière discriminatoire; que des fonctionnaires
albanais de souche faisaient l’objet de renvois di scriminatoires et arbitraires, notamment ceux qui
appartenaient à la police ou étaient au service de la justice, que des Albanais de souche étaient

renvoyés en masse de leur emploi, que l’on saisi ssait leurs biens ou qu’on les expropriait, que les
élèves et les enseignants albanais étaient victimes de discrimination, que les écoles secondaires et
l’université de langue albanaise étaient fermées, de même que toutes les in stitutions culturelles et

scientifiques albanaises; que les partis politiques et associations des Albanais de souche faisaient
l’objet de vexations et de persécutions, de même que leurs activités, que l’on faisait subir de
mauvais traitements à leurs dirigeants et qu’on les emprisonnait, que des journalistes albanais de
souche étaient en butte à des actes d’intimidation et incarcérés et que les organes d’information de

langue albanaise faisaient systématiquement l’objet de brimades et de pratiques visant à perturber
leurs activités; que des médecins et membres d’autres professions médicales albanais de souche
étaient renvoyés des cliniques et hôpitaux ; que la langue albanaise était, dans la pratique, éliminée,
en particulier dans l’administration et les service s publics ; que les Albanais du Kosovo, dans leur

ensemble, faisaient massivement l’objet de pratiques gravement discriminatoires et répressives qui
provoquaient un mouvement généra lisé d’émigration involontaire; et a noté également que la
sous-commission de la lutte contre les mesures di scriminatoires et de la protection des minorités,
dans sa résolution1993/9 du 20août1993 avait estimé que ces mesures et pratiques constituaient

une forme de nettoyage ethnique.

15. Le 22décembre1995, l’Assemblée générale a adopté la résolution50/190, prenant acte

des diverses mesures discriminatoires prises dans les domaines législatif, administratif et judiciaire,
des actes de violence et des arrestations arbitraires dont faisaient l’objet les Albanais de souche au
Kosovo ainsi que de la dégradati on persistante de la situation d es droits de l’homme au Kosovo,
notamment que des Albanais de souche étaient vi ctimes de brutalités policières, que celles-ci

avaient entraîné la mort de certains d’entre eux, qu’il était procédé à des fouilles, saisies et
arrestations arbitraires ainsi qu’à des expulsions de force, que des détenus subissaient des tortures
et des sévices et que la justice était administrée de manière discriminatoire, ce qui avait été le cas
notamment lors de récents procès intentés à d’anciens policiers albanais de souche; que des

fonctionnaires albanais de souche faisaient l’objet de renvois discriminatoires et arbitraires,
notamment ceux qui appartenaient à la police ou étaien t au service de la justice, que des Albanais
de souche étaient renvoyés en masse de leurs em plois, que l’on saisissait leurs biens ou qu’on les
expropriait, que les élèves et les enseignants alba nais étaient victimes de discrimination, que les

écoles secondaires et l’université de langue alba naise étaient fermées, de même que toutes les
institutions culturelles et scientifiques albanaises ; que les partis politiques et associations des
Albanais de souche faisaient l’objet de vexations et de persécutions, de même que leurs activités,

que l’on faisait subir de mauvais traitements à le urs dirigeants et qu’on les emprisonnait ; que des - 9 -

journalistes albanais de souche étaient en butte à des actes d’intimidation et incarcérés et que les
organes d’information de langue albanaise faisaien t systématiquement l’objet de brimades et de
pratiques visant à perturber leurs activités; que des médecins et membres d’autres professions

médicales albanais de souche ét aient renvoyés des cliniques et hôpitaux; que la langue albanaise
était, dans la pratique, éliminée, en particulier dans l’administration et les services publics ; que les
Albanais du Kosovo, dans leur ensemble, faisai ent massivement l’objet de pratiques gravement
discriminatoires et répressives qui provoqua ient un mouvement généralisé d’émigration

involontaire.

16. Le 12 décembre 1996, l’Assemblée générale a adopté la résolution 51/111 sur la situation

des droits de l’homme au Kosovo. En expriman t son inquiétude concernant la gravité de la
situation des droits de l’homme au Kosovo, l’Assemblée générale a déclaré qu’elle :

«1. Condamna[ait] toutes les violations des droits de l’homme, en particulier les

mesures répressives et discriminatoires visant les Albanais de souche, et actes de
violence commis au Kosovo; 2. Exige[ait] que les autorités de la République
fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro): a)prennent toutes les mesures
nécessaires pour faire cesser immédiatement toutes les violations des droits de

l’homme des Albanais de souc he au Kosovo, en particulier les mesures et pratiques
discriminatoires, les fouilles et détentions arbitraires, le non-respect du droit à un
procès équitable et la pratique de la torture et autres traitements cruels, inhumains ou
dégradants, et rapportent toutes les dispositions législatives discriminatoires, en

particulier celles qui sont entrées en vigueur depuis1989; b)libèrent tous les
prisonniers politiques et cessent de persécuter les dirigeants politiques et les membres
d’organisations locales de défense des droits de l’homme ; c) permettent

l’établissement de véritables institutions démocratiques au Ko sovo, notamment le
parlement et l’appareil judiciaire, et r espectent la volonté de la population, ce qui
serait le meilleur moyen d’empêch er l’intensification du conflit; d) autorisent la
réouverture des établissement s d’enseignement et des institutions culturelles et

scientifiques des Albanais de souche ; e) poursuivent un dialogue constructif avec les
représentants des Albanais de souche du Kosovo...»

17. Dans la résolution 52/139 du12décemb re1997, l’Assemblée gé nérale s’est dite

préoccupée par toutes les violations des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en
particulier les mesures répressives et discriminatoires visant les Albanais de souche, ainsi que par
les actes de violence commis au Kosovo; elle a de mandé aux autorités de la République fédérale

de Yougoslavie : de prendre toutes les mesures n écessaires pour faire cesser immédiatement toutes
les violations des droits de l’homme des Albanais de souche au Kosovo, en particulier les mesures
et pratiques discriminatoires, les fouilles et détentions arbitraires, le non-respect du droit à un
procès équitable et la pratique de la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, et

de rapporter toutes les dispositions législatives di scriminatoires, en par ticulier celles qui sont
entrées en vigueur depuis 1989 ; de libérer tous le s prisonniers politiques et de cesser de persécuter
les dirigeants politiques et les membres d’organisa tions locales de défense des droits de l’homme ;
de permettre aux réfugiés albanais du Kosovo de regagner leurs foyers en toute sécurité et dans la

dignité; de permettre l’établissement de vé ritables institutions démocratiques au Kosovo,
notamment le parlement et l’appareil judiciaire, et de respecter la volonté de la population, ce qui
serait le meilleur moyen d’empêcher l’intensification du conflit; d’autoriser la réouverture des
établissements d’enseignement et des institutions culturelles et scientifiques des Albanais de

souche. - 10 -

18. En octobre 1997, le rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l’homme dans

l’ancienne Yougoslavie, Mme Elizabeth Rehn, s’est rendue au Kosovo pour enquêter sur les
allégations de mauvais traiteme nts infligés aux Albanais. A l’issue de sa visite, MmeRehn a
déclaré qu’elle avait découvert des éléments apporta nt la preuve que la police serbe s’était rendue
27
coupable de «brutalités, et avait eu fréquemment recours à la torture» sur des détenus Albanais .
A l’occasion d’audiences tenues respectivement les 6mai et 23juin1998, l’envoyé spécial du

président américain pour l’ancienne Yougoslavi e, MR . obert elbard, a déclaré à la
sous-commission des affaires européennes et à la Commission des relations internationales que les
agissements des forces serbes au Kosovo pouvaient être assimilés à du nettoyage ethnique . 28

19. Entre 1989 et 1997, la situation au Kosovo a continué à se détériorer. La persistance de

violations flagrantes et généralisées des droits de l’homme et la dureté des conditions économiques
auxquelles se trouvaient confrontés les Albanais du Kosovo ont eu pour effet de radicaliser leur

résistance aux autorités serbes. C’est dans ce contexte que le mouvement de libération organisé
sous le nom d’Armée de libération du Kosovo (ALK) a commencé à gagner du terrain. Comme l’a
exposé le Tribunal pour l’ancienne Yougoslavie: «Son but était de préparer les habitants du

Kosovo à une guerre de libération, de mobiliser la population dans tout le territoire, et de répondre
par les armes aux actes de violence commis par les autorités serbes.» 29 L’ALK est apparue sur le

devant de la scène publique pour la première fois en novembre1997 et a pour30ivi sa résistance
armée jusqu’au retrait des forces serbes du Kosovo en juin 1999 .

20. Le 27 février 1998, des forces serbes, notamment des unités blindées et un soutien aérien,
ont attaqué plusieurs villages da ns la région de Drenica. Un rapport de Human Rights Watch a

conclu qu’un grand nombre de civils, y compris des douzaines de femmes et d’enfants, avaient péri
dans l’attaque . De nombreux rapports réalisés par des organes et des agences des Nations Unies

fournissent des informations sur l’échelle et la portée des opérations policières et militaires menées
par la police et les forces militaires et paramilitaires serbes au Kosovo. Ils offrent un récit détaillé
des graves violations des droits de l’homme et du droit humanitaire infligées à la population
32
civile .

27 Rapport du Haut Commissaire aux droits de l’homme sur la situation des droits de l’homme au Kosovo, en
République fédérale de Yougos lavie, NationsUnies, do c. A/52/490, dans Weller, supra, note5, p.177-180. En se
fondant sur ce rapport, la Commission des droits de l’homme, dans sa résolution 1998/79, a invité les autorités de la RFY

à mettre fin aux tortures et aux mauvais traitements à l’encontre de détenus, dont le rapporteur spécial a fait état dans ses
rapports, et à traduire les responsables en justice.
28
Pour plus de détails, voir DR 2086 U751998 U.S. CongressthSenate Commindee on Foreign Relations:
Subcommittee on European Affairs, The Crisis in Kosovo , Hearings,105 Congress, 2 Session. Washington: GPO,
6 mai et 24 juin 1998. Voir également Kosovo : Current Situation And Future Options, Hearing before the Committee on
International Relations House of Representatives, 23 juillet 1998, témoins : ambassadeur Robert S. Gelbard, représentant
spécial du président et du secrétaire d’Etat, département d’Etat, l’honorable Walter B. Slocombe, sous-secrétaire d’Etat à
la défense, département de la défense, disponible à l’adresse http://commdocs.house.gov/committees/intlrel/
hfa50674.000/hfa50674_0f.htm (dernier accès le 15 avril 2009).

29 TPIY, Le procureur c. Limaj et consorts, affaire IT-03-66, jugement du 30 novembre 2005, p. 19, par. 45.

30 Ibid., p. 21, par. 48.
31
Voir Humanitarian Law Violations in Kosovo, rapport de Human Rights Watch, octobre 1998.
32
Pour les rapports de la Commission des droits de l’homme des Nations Unies, du Haut Commissaire aux droits
de l’homme et du rapporteur spécial pour l’ancienne Yougoslavie, voir entre autres, Weller, supra, note5, p.158-185;
Krieger, supra, note 5, p. 25-45 et 46-65 ; pour les rapports des ONG, voir Krieger, supra, note 5, p. 90-118. - 11 -

21. La décision218 sur la situation au Kosovo, adoptée à la session extraordinaire du
Conseil permanent de l’Organisation pour la sécu rité et la coopération en Europe, le 11 mars 1998

a condamné l’utilisation de manière excessive et sans discernement de la force au cours
d’opérations de police menées au Kosovo, provoquant la mort d’environ 80 personnes au cours de
33
la semaine précédant l’adoption de la décision . Le Haut Commissaire des Nations Unies pour les
réfugiés (ci-après le «HCR») a signalé début juin 1998 que l’opération avait contraint plus de
40 000 Albanais de souche à quitter leur foyer et à fuir pour sauver leur vie . 34

22. La détérioration de la situation humanitaire au Kos ovo a déclenché l’intervention du

Conseil de sécurité. Dans la résolution1160 ( 1998), le Conseil de sécurité agissant en vertu du
chapitre VII, s’est dit préoccupé par la situati on au Kosovo et a décidé d’imposer un embargo sur

les armes, tout en demandant aux autorités de Belgrade et aux dirigeants de la communauté
albanaise kosovare d’engager sans délai et sans conditions préalab les un dialogue constructif sur
les questions touchant au statut politique 35. Dans un avertissement adressé aux autorités de

Belgrade, le Conseil de sécurité a souligné qu’en l’absence de progrès constructifs vers un 36
règlement de la situation au Kosovo, la possibilité de prendre d’autres mesures serait examinée .

23. Au moment de l’adoption de sa résolution suivante, à savoir la résolution 1199(1998), la
situation au Kosovo s’était encore détériorée. Le Conseil de sécurité s’est dit sérieusement

préoccupé par les combats intenses qui se sont récemment déroulés au Kosovo et en particulier par
l’usage excessif et indiscriminé de la force par les unités de sécurité serbes et l’armée yougoslave

qui ont causé de nombreuses victimes civiles et, selon l’estimation du Secrétaire général, 37
déplacement de plus de 230 000 personnes qui ont dû abandonner leurs foyers . Il s’est également
dit profondément préoccupé par la détérioration rapi de de la situation humanitaire dans l’ensemble

du Kosovo, par l’imminence d’une catastrophe humanita ire, décrite dans le rapport du Secrétaire
général, ainsi que par les informations faisant état de la multiplication des violations des droits de

33 Décision218 sur la situation au Kosovo adoptée à la session extraordinaire du Conseil permanent de
l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, 11 mars1998, disponible à l’adres:e
http://www.un.org/peace/kosovo/s/998246.pdf (dernier accès le 15 avril 2009). Dans cette décision, l’OSCE a invité les
autorités de la RFY à :

⎯ mettre un terme à l’emploi excessif de la force, à enquêter avec diligence et à accepter l’enquête
internationale sur les exécutions sommaires signal ées et à traduire en justice les responsables

présumés ;
⎯ entamer un dialogue constructif avec les représ entants des Albanais kosovars, qui aboutira à

l’adoption de mesures concrètes en vue de la résolution des problèmes politiques actuels dans la
région ;

⎯ autoriser l’entrée au Kosovo du Comité international de la Croix-Rouge et d’autres organisations
humanitaires ;
⎯ appliquer sans retard l’accord sur l’éducation et à parvenir à des accords sur d’autres mesures de

confiance ;
⎯ accepter sans conditions préalables, le retour immédiat des missions de l’OSCE de longue durée au

Kosovo, au Sandjak et en Voïvodine, étant entendu que le retour de ces missions est essentiel à la
participation future à l’OSCE de la République fédérale de Yougoslavie.
34
UNHCR , Kosovo Crisis Update. The Exodus ,avr1l 99, disponible à l’adr:es
http://www.unhcr.org/news/NEWS/3ae6b80eb.html (dernier accès le 15 avril 2009).
35 S/RES/1160(1998) du 31 mars 1998, par. 4 et 8.

36 Ibid., par. 19.

37 S/RES/1199(1998) du 23 septembre 1998. - 12 -

l’homme et du droit international humanitaire 38. Le Conseil de sécurité a en outre exigé que la

République fédérale de Yougoslavie applique immédiatement le s mesures concrètes suivantes en
vue de parvenir à un règlement politique de la situation au Kosovo :

«a) mettre fin à toutes les actions des forces de sécurité touchant la population civile et
ordonner le retrait des unités de sécurité utilisées pour la
répression des civils ;

b) permettre à la Mission de vérification de la Communauté européenne et aux
missions diplomatiques accréditées en République fédérale de Yougoslavie
d’exercer une surveillance internationale efficace et continue au Kosovo, y

compris en accordant à ces observateurs l’ accès et la liberté totale de mouvement
afin qu’ils puissent entrer au Kosovo, s’y déplacer et en sortir sans rencontrer
d’obstacles de la part des autorités gouve rnementales, et délivrer rapidement les

documents de voyage appropriés au personnel international contribuant à la
surveillance ;

c) faciliter, en accord avec le HCR et le Comité international de la Croix-Rouge
(CICR), le retour en toute sécurité des réfugiés et personnes déplacées dans leurs
foyers et permettre aux organisations humanitaires d’accéder librement et sans

entrave au Kosovo et d’y acheminer leurs fournitures ;

d) progresser rapidement vers un calendrier précis, dans le cadre du dialogue avec la

communauté albanaise du Kosovo visé au pa ragraphe 3 ci-dessus et réclamé dans
la résolution1160 (1998), afin de s’ente ndre sur des mesures de confiance et de
trouver une solution politique aux problèmes du Kosovo» . 39

24. Devant l’escalade observée sur le terrain, le Conseil de sécurité a adopté seulement un
mois plus tard, à savoir le 24 octobre 1998, la r ésolution 1203 dans laquelle, tout en soulignant sa

responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales aux termes de la
Charte des NationsUnies, il affirmait que la situation au Kosovo continuait de faire peser une
menace sur la paix et la sécurité dans la région 40. Le Conseil de sécurité exigeait que la

République fédérale de Yougoslavie se conforme st rictement et rapidement aux résolutions1160
(1998) et 1199 (1998) et coopère pleinement avec la Mission de vérification de l’OSCE au Kosovo
et la Mission de vérification aérienne de l’OTAN au Kosovo 41. En outre, il réaffirmait le droit de

tous les réfugiés et de toutes les personnes déplacées de retourner dans leurs foyers en toute
sécurité, et soulignait que c’était à la République fédérale de Yougoslavie qu’il incombait de créer
les conditions nécessaires à cette fin .42

C) Les accords de Rambouillet de février-mars 1999

25. Alors que la situation sur le terrain atte ignait un point critique et que des violations
flagrantes des droits de l’homme persistaient, une conférence internationale a été convoquée à

Rambouillet, en France, en février1999. Son ob jectif était de trouver une solution politique, ou
comme le document lui-même le suggère, un accord intérimaire pour la paix et l’autonomie au

38Ibid.

39Ibid., par. 4.
40
S/RES/1203(1998) du 24 octobre 1998.
41
Ibid., par. 3.
42Ibid., par. 12. - 13 -

Kosovo . Le mécanisme de règlement définitif défi ni dans ce document prévoyait que trois ans

après l’entrée en vigueur des accords, une réunion internationale serait convoquée en vue de définir
un mécanisme pour un règlement définitif pour le Ko sovo, sur la base de la volonté du peuple, de
l’avis des autorités compétentes, des efforts ac complis par chacune des parties dans la mise en
44
Œuvre des accords, et de l’acte final de Helsinki . Le18mars1999, l’accord a été signé par les
représentants albanais mais pas par leurs homologues serbes. Il convient de noter que cet accord a
été conclu sous l’égide des membres du groupe de contact et de l’Union européenne, et que les

parties signataires s’engageaient envers ces membres et l’Union européenne à respecter cet accord.

26. Les accords de Rambouillet prévoyaient un accord intérimaire de trois ans qui

proposerait un gouvernement démocratique autonome, la paix et la sécurité à tous les habitants du
Kosovo. Il disposait que le règlement définitif du statut du Kosovo serait défini sur la base de la
volonté du peuple du Kosovo. Bien que cet acco rd n’ait pas été signé par la Serbie, la

résolution1244 (1999) du Conseil de sécurité s’y réfère. Les ministres des affaires étrangères du
G-8, réunis au Centre de Petersberg le 6ma i1999, ont adopté un certain nombre de principes
généraux pour parvenir à une solu tion politique à la crise du Kosovo. Ces derniers, énumérés à

l’annexe 1 de la résolution, prévoyaient notamment ce qui suit :

«[un] processus politique menant à la mise en place d’un accord-cadre politique

intérimaire prévoyant pour le Ko sovo une autonomie substantielle, qui tienne
pleinement compte des accords de Rambouillet et des principes de souveraineté et
d’intégrité territoriale de la République fédé rale de Yougoslavie et des autres pays de
45
la région, et la démilitarisation de l’ALK» .

La corrélation logique entre ces documents intern ationaux et la déclaration d’indépendance des
représentants démocratiquement élus du peuple du Kosovo est traitée dans la partie V du présent

document.

D) L’intervention militaire de l’OTAN au Kosovo ⎯ l’opération «Force alliée»,
24 mars-10 juin 1999

27. En dernier recours et compte tenu de la catastrophe humanitaire alors en cours au
Kosovo, une intervention de l’OTAN a débuté le 24 mars 1999, après que les efforts diplomatiques
prolongés de la communauté internationale, au nombre desquels la conférence de Rambouillet, se

sont soldés par un échec. Les forces yougoslaves av aient déjà incité plus de 400 000 personnes à
quitter leurs maisons, détruites pour la plupart par des bombardements et des incendies criminels.
Le Conseil de sécurité des NationsUnies, invoquant le chapitreVII de sa Charte, avait adopté la

résolution1199 (1998), dans laque lle il exigeait un retrait des unités de sécurité «utilisées pour la
répression des civils» et décidait «au cas où les mesures concrètes exigées dans la présente
résolution et la résolution1160 (1998) ne seraient p as prises, d’examiner une action ultérieure et
des mesures additionnelles pour maintenir ou rétablir la paix et la stabilité dans la région». Dans la

résolution1160 (1998), le Conseil de sécurité av ait déjà souligné «qu’en l’absence de progrès
constructifs vers un règlement de la situation au Kosovo, la possibilité de prendre d’autres mesures
serait examinée».

43
Le texte intégral de l’accord de Rambouillet est disponible en ligne à l’adress:e
http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/pays-zones-geo_833/kosovo_650/colonne-…
mbouillet-27.05.99_5375.html (dernier accès le 15 avril 2009).
44Articlepremier: amendements et évaluation d’ensemble, accord de Rambouillet: amendements, évaluation

d’ensemble et dispositions finales.
45Annexe 1 à la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité (déclaration publiée par le président de la réunion
des ministres des affaires étrangères du G-8 tenue au Centre de Petersberg le 6 mai 1999). - 14 -

28. La campagne brutale de persécutions à l’encontre des Albanais kosovars par les autorités
serbes s’est poursuivie tout au long des opérations militaires de l’OTAN. Elle a été marquée par de

nombreux cas d’agressions sexuelles et de viols commis sur des femmes par les forces policières,
militaires et paramilitaire serbes 46. Plus de 800000personnes ont été expulsées de force ou ont
quitté leur foyer par crainte des forces policièr es, militaires et paramilita ires serbes. D’après

«Under Orders : War Crimes in Kosovo», un rapport de Human Rights Watch,

«les assassinats volontaires et illégaux de civ ils (exécutions extrajudiciaires) ont joué
un rôle clé dans la campagne de «nettoyage». Dans toute la province, des civils, qui
n’étaient manifestement pas des combattant s, y compris des femmes et des enfants,

ont été assassinés par la police serbe, des soldats de l’armée yougoslave, et autres
forces paramilitaires au cours d’exécutions sommaires.» 47

29. D’après une commission internationale d’experts, ces méthodes constituaient la politique
48
connue sous le nom de «nettoyage ethnique» . Par une campagne générali sée et systématique de
terreur et de violence, la population albanaise du Kosovo devait être déplacée de force à l’intérieur
et à l’extérieur du Kosovo 49. La finalité commune était d’en déplacer un nombre suffisant pour

faire pencher la balance dé mographique dans le sens de l’égalité ethnique et de «faire rentrer dans
le rang» les Albanais du Kosovo 50. L’intention de réduire la population albanaise au Kosovo à

environ 600000personnes en tuant des membres du groupe ou en les expulsant de force, était 51
connue des délégués étrangers, et aurait été exprimée publiquement par des fonctionnaires serbes .

46Voir entre autres le rapport de Human Rights Watch, Kosovo: Rape as a Weapon of "Ethnic Cleansing" ,
mars2000, disponible à l’adresse: http ://www.hrw.org/legacy/reports/2000/fry/index.htm#TopOfPage (dernier accès
le 15 avril 2009) ; TPIY, Le Procureur c. Milutinović et consorts, affaire n°IT-05-87, jugement du 26 février 2009, vol. 2,
p. 228, 251, et 318 ; The Kosovo Report : Conflict, International Response, Lessons Learned, Commission internationale

indépendante sur le Kosovo, Oxford University Press, 2000, p.308-309, également disponible à l’adresse:
http://www.reliefweb.int/library/documents/thekosovoreport.htm (dernier accès le 15 avril 2009).
47Rapport de Human Rights Watch, Under Orders: War Crimes in Kosovo , 2001, p.6, disponible à l’adresse:

http://www.hrw.org/legacy/reports/2001/kosovo/part_two.pdf (dernier accès le 15 avril 2009).
48Voir The Kosovo Report: Conflict. Inter national Response, Lessons Learned, Commission internationale

indépendante sur le Kosovo, Oxford University Press, 2000, disponible en ligne à l’adress:e
http://www.reliefweb.int/library/documents/thekosovoreport.htm (dernier accès le 15 avril 2009). Extrait de la synthèse ;
les principales conclusions du rapport sont les suivantes :

«Les origines de la crise sont à replacer da ns le contexte d’une nouvelle vague de nationalisme,
qui a conduit à l’avènement de Milosevic et à l’a doption officielle d’un progr amme nationaliste serbe
extrême. Suite à la révocation de l’autonomie du Kosovo en 1989, Belgrade a mis en Œuvre une politique
dont l’objectif était de changer la composition ethnique du Kosovo et de créer une société semblable à
l’apartheid.»

49TPIY, Le Procureur c. Milutinovi ć et consorts, affaire n°IT-05-87, jugement du 26 février 2009, vol. 3, p. 41,
par. 95.

50Ibid.
51
Voir entre autres, Steven Erlanger, Diplomat Says Serbs Want Some Albanians in Kosovo , New York Times,
25 avril 1999, p. 14. - 15 -

30. Le fait que certains des plus hauts responsables serbes, à savoir NikolaSainovi ć,
Dragoljub Ojdanić, NebojsaPavkovi ć, VladimirLazarevi ć, et SretenLuki ć aient été déclarés

coupables par le Tribunal pénal in ternational pour l’ex-Yougoslavi e (TPIY) de crimes contre
l’humanité et de crimes de guerre commis au Kosovo entre les1 erjanvier et 20juin1999, montre

que la campagne de violence généralisée à l’encontre des Albanais kosovars faisait partie d’une
politique gouvernementale de recours à la violen ce et à la terreur destinée à forcer un nombre
considérable d’Albanais du Kosovo à fuir de chez eux et à traverser les fr ontières, et à permettre
52
aux autorités gouvernementales serbes de maintenir leur mainmise sur le Kosovo .

31. La Cour elle-même dans l es affaires relatives à la licéité de l’emploi de la force s’est
déclarée profondément préoccupée par le drame humain qui se déroulait alors au Kosovo. Comme

indiqué dans son ordonnance sur les mesures conservatoires du 2 juin 1999 :

«la Cour est profondément préoccupée par le drame humain, les pertes en vies

humaines et les terribles souffrances que c onnaît le Kosovo et qui constituent la toile
de fond du présent différend, ainsi que par les victimes et les souffrances humaines
que l’on déplore de façon continue dans l’ensemble de la Yougoslavie» . 53

Ce drame humain, ces pertes en vies humaines et ces terribles souffrances représentaient le
paroxysme des politiques répressives et discrimin antes des autorités serbes à l’encontre des

Albanais de souche au Kosovo et ont servi de justification à l’intervention militaire de l’OTAN.

52
TPIY, Le Procureur c.Milutinovi ć et consorts , affaire n°IT-05-87, jugement du 26février2009. A cette
époque, Nikola Sainovi ć était vice-premier ministre de la République fédérale de Yougoslavie, ou RFY;
Dragoljub Ojdanić était le chef de l’état-major général de l’armée yougoslave, ou VJ; NebojsaPavkovi ć était le
commandant de la 3 armée de la VJ; Vladimir Lazarević était le commandant du corps de Pristina de la VJ; et
Sreten Lukić était le chef d’état-major du Ministère serbe de l’inté rieur chargé du Kosovo, appe lé l’état-major du MUP.

Pour un résumé de ce jugement, voir http:// www.icty.org/x/cases/milutinovic/tjug/fr/090226resume.pdf (dernier accès
le16avril 2009). Voir également le témoignage du Général Wesley Clark au procès Milosevic les15
et16décembre2003, cité en fonction du numéro de page et des colonnes de la transcription, respectivement
p. 30407 :13-19, p. 30506 :1-25, p. 30507 :1-6 and 1925, p. 30508 :1-14, p. 30510 :6-19, p. 30521 :16-22, p. 30522 :2-25,
p.30524 :1-20, p. 30525 :24-25, p. 30526 :1-5 and 21-25, p. 30527 :1-14, p. 30528 :12-20, p. 30530 :12-25, et
p.30531:1-2. Ces événements choquants évoquent les pogr oms de1914 dirigés contre la population albanaise du
Kosovo. A ce propos, une commission d’enquête internationale mise en place par le Carnegie Endowment en 1914 avait

constaté :
«des maisons et des villages entiers réduits en cendres, des populations sans armes et innocentes
massacrées… Tels ont été les moyens employés nagu ère et toujours employés par la soldatesque des

Serbes monténégrins en vue de la transformation complète du caractère ethnique ou des régions habitées
exclusivement par des Albanais», dans Carnegie Endowment for International Peace, Report of the
International Commission to Inquire into the Causes and Conduct of the Balkan Wars, Washington
DC 1914, citation de Malcolm, supra, note 21, p. 254.
53
Affaire relative à la Licéité de l’emploi de la force (Yougoslav ie c.Belgique), mesures conservatoires,
ordonnance du 2 juin 1999, C.I.J. Recueil 1999 (I), p.131, par16. La même préoccupation a été exprimée par la Cour
dans les neuf autres affaires relatives à la Licéité de l’emploi de la force. - 16 -

E) La résolution 1244 (1999) et la création de la Mission intérimaire des
Nations Unies au Kosovo

32. Le 10 juin 1999, le gouvernement serbe a ac cepté de retirer les forces serbes du Kosovo,
rendant possible l’adoption de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité. Ladite résolution

autorisait la création d’une mission d’administra tion intérimaire des NationsUnies au Kosovo
(MINUK) et le déploiement d’une force de sécurité (KFOR) sous l’égide de l’OTAN. Le Kosovo a
ensuite été placé sous tutelle transitoire des Nations Unies, dans l’attente d’une solution définitive

sur son futur statut politique.

33. Après l’examen par le Conseil de sécurité de son rapport sur la Mission d’administration

intérimaire des NationsUnies au Kosovo (MINUK) daté du 23mai 2005, le Secrétaire général a
nommé M. Kai Eide (Norvège) son envoyé spécial et l’a chargé d’un examen global de la situation
54
au Kosovo . Dans son rapport, M.Eide55 conclu que le moment était venu de passer à la phase
suivante du processus politique . Compte tenu de l’évaluation donnée dans le rapport et des
consultations complémentaires, le Secrétaire général a accepté la conclusion de M. Eide . 56

En outre, il a indiqué son intention de commencer à préparer la nomination d’un envoyé spécial qui
serait chargé de diriger le processus de définition du statut futur.

34. Dans une déclaration du 24 octobre 2005 du président du Conseil de sécurité au nom du
Conseil, le Conseil de sécurité a accepté l’év aluation de l’ambassadeurEide et a noté avec

satisfaction que le Secrétaire général s’ap57êtait à désigner un envoyé spécial chargé de diriger le
processus devant aboutir au futur statut .

F) Le processus de négociation sur le statut définitif sous l’égide de
la communauté internationale

35. Le Secrétaire général a nommé MM . artti Ahtisaari son envoyé spécial en
novembre2005 pour diriger le processus devant aboutir au futur statut envisagé dans la

résolution1244 (1999) du Conseil de sécurité des NationsUnies. Son mandat devait être mené

54Voir le Nations Unies, Doc. S/2005/335 et Corr.1 du 23 mai 2005.
55
Voir le Nations Unies, Doc. S/2005/635 du 7 octobre 2005.
56Ibid.

57Déclaration du Président du Conseil de sécurité, S/PRST/2005/51, 24 octobre 2005. - 17 -

58
conformément aux dix principes directeurs adoptés par le groupe de contact . Dans une
déclaration datée du 31janvier2006, les minist res du groupe de contact ont affirmé qu’ils

attendaient de Belgrade qu’elle garde à l’esprit que le règlement du statut devrait, entre autres, être
acceptable pour la population du Kosovo et que les pratiques désastreuses du passé se trouvaient au
cŒur des problèmes actuels . 59

36. Après quinze mois de négociations sous l’égide des Nations-Unies, M.Ahtisaari a
préparé une proposition globale de règlement portant statut du Kosovo, dans laquelle il
recommandait pour le Kosovo un statut d’«indépen dance sous supervision». L’envoyé spécial a

signalé au Secrétaire général vers la mi-mars 2007 que bien que lui-même et son équipe aient «tenu
au cours de l’année écoulée d’intenses négociations avec les dirigeants de la Serbie et du Kosovo»
pour parvenir «à un règlement politique qui décide rait du statut futur du Kosovo», «il lui [était]

devenu évident que les parties n’étaient pas en mesure de s’entendre sur le statut futur du
Kosovo» . L’envoyé spécial a observé que «les deux parties [avaient] réaffirmé à de nombreuses

occasions leurs positions catégoriques, diamétraleme nt opposées» et plus loin «[qu’il avait] la

58
Voir les «Principes directeurs du groupe de cont act en vue d’un règlement du statut du Kosovo» de
novembre 2005. Les trois points principaux garantissent que le Kosovo ne retournera pas à la situation qui prévalait avant
mars 1999, qu’il n’y aura pas de partition du Kosovo ni d’union du Kosovo avec quelque pays ou partie de pays que ce
soit. Le groupe de contact était composé de la France, de l’Allemagne, de l’Ital ie, de la Russie, du Royaume-Uni et des

Etats-Unis. Les dix principes directeurs étaient les suivants :
«1. Le règlement de la question du Kosovo devr a être pleinement comp atible avec les normes
internationales en matière de droits de l’homme, la démocratie et le droit international, et devra contribuer

à la sécurité de la région. 2.Le règlement du statut du Kosovo devra êt re conforme aux valeurs
démocratiques et aux normes europ éennes et contribuer à donner corps à la perspective européenne du
Kosovo, en particulier lui permettre de progresse r dans le cadre du processus de stabilisation et
d’association, de même qu’à l’intégration de l’en semble de la région au sein des institutions
euro-atlantiques. 3.Le règlement devra assurer un cadre multi-ethnique durable au Kosovo. Il devra
apporter des garanties constitutionnelles effectives etdes mécanismes appropriés en vue d’assurer le
respect des droits de l’homme pour l’ensemble des citoyens du Ko sovo et l’exercice des droits des

membres de toutes les communautés du Kosovo, y compris le droit pour les réfugiés et les personnes
déplacées de regagner leurs foyers en toute sécurité. 4. Le règlement devra comporter des mécanismes en
vue d’assurer la participation aux affaires publiques de l’ensemble de s communautés du Kosovo, tant au
niveau central qu’au niveau local. Des structures effectives d’autonomie locale mises en place grâce à un
processus de décentralisation devront favoriser la co existence des différentes communautés et assurer un
accès équitable et plus large aux services publics. 5. Le règlement du statut du Kosovo devra comprendre
des garanties spécifiques pour la protection du patrimoine culturel et reli gieux au Kosovo. Ces garanties

devront comporter des dispositions qui spécifieront le statut des institutions, sites et autres éléments du
patrimoine de l’Eglise orthodoxe serbe au Kosovo. 6. Le règlement du statut du Kosovo devra renforcer
la sécurité et la stabilité régional es. Il garantira, en conséquence, que le Kosovo ne retournera pas à la
situation qui prévalait avant mars1999. Toute soluti on unilatérale ou résultant du recours à la force ne
sera pas acceptée. Il n’y aura pas de changement dans le territoire act uel du Kosovo, c’est-à-dire pas de
partition du Kosovo ni d’union du Kosovo avec quelque pays ou partie de pays que ce soit. L’intégrité
territoriale et la stabilité interne des pays voisins seront pleinement respectées. 7. Le règlement du statut

assurera la sécurité du Kosovo. Il assurera également que le Kos ovo ne constituera pas pour ses voisins
une menace sur le plan militaire ou sur celui de la sécurité. Il comprendra des dispositions spécifiques
portant sur des arrangement s de sécurité. 8.Le règlement du statut du Kosovo devra favoriser des
mécanismes effectifs en vue de renforcer la capacité du Kosovo à faire respecter l’Etat de droit, à lutter
contre la criminalité organisée et le terrorisme et à garantir le caractère multi-ethnique de la police et de la
justice. 9. Le règlement devra faire en sorte que le Kosovo puisse se développer de manière durable, tant
sur le plan économique que sur le plan politique, et coopérer efficacement avec les organisations

internationales et les institutions financières interna tionales. 10.Le Kosovo aura encore besoin pendant
un certain temps d’une présence civi le et militaire internationale pour exercer la supervision appropriée
du respect des dispositions du règlement de son statut, assurer la sécurité, en particulier la protection des
minorités, ainsi que pour superviser la poursuite de la mise en Œuvr e des normes et pour apporter son
concours aux autorités dans ce domaine.»

59Déclaration du groupe de contact sur l’avenir du Kos ovo, Londres, 31janvier 2006, disponible à l’adresse:
http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/IMG/pdf/GC_31_01_06_Londres_Fr.pdf (dernier accès le 15 avril 2009).
60
Voir Nations Unies, Doc. S/2007/168, par. 1. - 18 -

ferme conviction que toutes les possibilités de parvenir à une issue négociée du commun accord
des parties [avaient] été épuisées. La poursuite des p ourparlers, sous quelque forme que ce soit, ne
61
saurait permettre de sortir de cette impasse» .

37. Remarquant ensuite que «le Kosovo ne saurait rester dans son actuel état
d’indétermination» dans la mesure où «l’incertitude quant à son statut futur est devenue un obstacle
majeur à son évolution démocratique, à l’av ènement du principe de responsabilité, à son

relèvement économique et à la réconciliation interethnique», l’en voyé spécial a déclaré que «le
moment [était] venu de régler le statut du Kosovo» . 62

Il a ainsi conclu :

«Ayant interrogé attentivement l’histoire récente du Kosovo et ses réalités

présentes et tenu des négociations avec les par ties, je suis parvenu à la conclusion que
la seule option viable pour le Kosovo est l’indépendance, en un premier temps sous la

supervision de la communauté internationa le. Ma proposition gl obale de règlement
portant statut du Kosovo, qui trace les struct ures de cette supervision internationale,
jette les bases d’un futur Kosovo indépendant viable, durable et stable, où toutes les
63
communautés et leurs membres pourraient vivre dans la paix et la dignité.»

38. Le Secrétaire général des NationsUnies, au moment de transmettre le rapport de son
envoyé spécial au Conseil de sécurité, a déclaré: «Je souscris pleinement aux recommandations

formulées par mon envoyé spécial dans son rapport sur 64 statut futur du Kosovo et à la proposition
globale de règlement portant statut du Kosovo» .

39. Après des discussions au C onseil de sécurité, le groupe de contact (France, Allemagne,
Italie, Russie, Royaume-Uni et Etats-Unis) a proposé qu’une «troïka» de représentants de l’UE, des

Etats-Unis et de la Russie mène de nouvelles négociations entre Belgrade et Pristina sur le statut
futur du Kosovo, «dernière grande question re lative à l’effondrement de la Yougoslavie».
Le 1 août2007, le Secrétaire général s’est félicité de cette in
itiative, a réaffirmé que le statu quo

ne pouvait être indéfini et a demandé que le groupe de contact lui présente un rapport sur ses
travaux le10décembre au plus tard. Bien que l es parties aient mené directement le dialogue de

haut niveau, «le plu65soutenu et le plus inten se qu’elles aient tenu depuis la fin des hostilités au
Kosovo en1999» , les représentants de la troïka ont c onclu qu’«après120 jours de négociations
intenses, elles n’ont pu parvenir à un accord sur le statut du Kosovo» . 66

61
Ibid., par. 3.
62
Ibid., par. 5.
63Ibid.

64 Voir la lettre datée du 26mars 2007 adressée au président du Conseil de s écurité par le Secrétaire général,
Nations Unies, Doc. S/2007/168.

65 Rapport de la Troïka pour le Kosovo constituée de l’Un ion européenne, des Etats-Unis d’Amérique et de la
Fédération de Russie du 4 décembre 2007, Nations Unies, doc. S/2007/723, p. 4, par. 12.

66Ibid., p. 4, par. 11. - 19 -

G) La déclaration d’indépendance du Kosovo du 17 février 2008

40. Au bout de neuf ans sous tutelle provi soire des NationsUnies et après une série de
pourparlers infructueux sous la médiation de la communauté internationale, une réunion

extraordinaire a été convoquée le 17février 2008 au cours de laquelle les représentants
démocratiquement élus du peuple du Kosovo ont d éclaré que le Kosovo était un Etat indépendant
et souverain. Ils ont souligné que cet acte «reflé t[ait] la volonté du peuple et [était] en pleine

conformité avec les recommandations de l’envoyé spécial des Nations Unies, M. Ma67ti Ahtisaari,
et avec sa proposition globale de rè glement portant statut du Kosovo» . Au moment de la
rédaction du présent exposé écrit, cinquante-sept (57) Etats souverains et indépendants ont reconnu
l’indépendance et la souveraineté de la Républiq ue du Kosovo. Il est considéré que le cadre

juridique de l’Etat indépendant du Kosovo est compatible avec les principes directeurs du
processus de négociation sur le statut en général ainsi qu’avec le respect des droits de l’homme, des
droits des minorités, la participation démocratique et la paix et la sécurité dans les Balkans en

particulier.

P ARTIE III

E XCEPTIONS D ’INCOMPÉTENCE

A) La déclaration d’indépendance est une question nationale qui n’est pas régie
par le droit international

41. Il résulte de l’article 96 de la Charte des Nations Unies et de l’article 65 du Statut de la

CIJ que la question sur laquelle l’ avis consultatif de la Cour est demandé doit remplir un certain
nombre de conditions. La CIJ a observé que la question qui lui était posée devait avoir un effet
pratique à l’heure actuelle et, par conséque nt, ne pas être dépourvue d’objet ou de but 68. En

l’espèce, la demande concerne une question inte rne et la prérogative ultime, exercée uniquement
par les parties concernées, à savoir d’un côté l’ expression de la volonté du peuple du Kosovo et de
l’autre, la reconnaissance ou non des autres Etats. Il est considéré que l’examen de la validité d’un

acte interne, exprimant la volonté souveraine du peuple du Kosovo, se situe en dehors du champ de
compétence de la Cour. Dans les paragraphes suivants, les raisons d’une telle position seront
expliquées.

42. Si l’Assemblée générale, en tant que l’un des principaux organes des Nations Unies, a le
droit de demander un avis consultatif sur une question juridique, c’est à la Cour qu’il revient de

déterminer si la question posée remplit les critèr es nécessaires. Entre autres, la demande ne doit
pas revêtir de caractère abstrait et doit aider l’Assemblée générale dans l’exercice de ses fonctions.
Toutefois, l’évaluation de la déclaration d’indé pendance dépasse le cadre de l’exercice normal de

ses fonctions.

43. La déclaration d’indépendance adoptée par les représentants du peuple du Kosovo

le 17 février 2008, constituait un acte officiel basé sur la volonté souveraine du peuple du Kosovo.

67Voir la déclaration d’indépendance du Kosovo, Annexe1, disponible à l’adrsse : http://www.assembly-
kosova.orgicommonidocs/Dek_Pav_e.pdf (dernier accès le15avril 2009). Le paragr aphe entier est le suivant: «Nous,

les représentants de notre peuple, mocratiquement élus, déclarons par lprésente que le Kosovo est un Etat
indépendant et souverain. Cette déclaration reflète volonté du peuple et est en pleine conformité avec les
recommandations de l’envoyé spécial des NationsUnies, Mart tiAhtisaari, et avec sa Proposition globale de Règlement
portant statut du Kosovo».
68Sahara occidental, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1975, p. 37, par. 73. - 20 -

La question soumise par l’Assemblée générale c oncernant la déclaration d’indépendance adoptée

le17février2008 par les autorités kosovares se mble présupposer l’existence dans le droit
international de certaines règles définissant une déclaration d’indépendance. J’estime cependant
que ce n’est pas le cas. Tout au long du dével oppement du droit international, les déclarations

d’indépendance ont eu un effet important sur l’ordre juridique international. Il n’en reste pas moins
que le droit international ne co mporte pas de règles particulière s régissant la forme ou le contenu
d’une déclaration d’indépendance. A fortiori, il ne comporte pas de règles interdisant ou excluant

le recours à une déclaration d’indépendance.

44. Après que les Etats-Unis ont déclaré leur indépendance vis-à-vis de la Grande-Bretagne,

une longue discussion s’est ensuivie pour savoir dans quelle mesure cette déclaration était valable
et pouvait donner lieu à la création d’un nouvel Etat . La question n’a été résolue que lorsque les
Etats d’Amérique latine ont déclaré leur indépendance et qu’il a été établi que des Etats tiers

pouvaient reconnaître de nouveaux Etats après une déclaration d’indépendance, si le nouvel Etat
était devenu effectif . Les règles du droit international concernent les critères de reconnaissance
des nouveaux Etats ainsi que les conditions pour l’exercice du droit à l’autodétermination.

Toutefois, le droit international ne régit pas une déclaration d’indépendance.

o
45. Dans son avis n 1 sur la question de savoir si les républiques constituantes de la RFSY
étaient engagées dans un processus de sécession, auquel cas la RFSY continuerait à exister, ou dans
un processus de dissolution, auquel cas la RFSY cesserait d’exister, la Commission d’arbitrage
créée par la conférence de paix pour la Yougosla vie, également appelée «Commission Badinter», a

déclaré ce qui suit :

«La Commission considère :

a) que la réponse à la question posée doit être faite en fonction des principes du droit
international public qui permettent de définir à quelles conditions une entité

constitue un Etat; qu’à cet égard, l’exis tence ou la disparition de l’Etat est une
question de fait; que la reconnaissance pa r les autres Etats a des effets purement
déclaratifs ;

b) que l’Etat est communément défini comme une collectivité qui se compose d’un
territoire et d’une population soumis à un pouvoir politique organisé; qu’il se
caractérise par la souveraineté» . 70

46. Comme le montre l’avis susmentionné, lequ el fait autorité dans le contexte de la

dissolution de la Yougoslavie, le fait de savoir si une déclaration d’indépendance marque ou pas la
naissance d’un nouvel Etat est principalement une question de fait. La progression du nombre des
Etats Membres initialement de 51 en1945 à 159 en1990 est essentiellement imputable au
71
processus de décolonisation mené sous l’égide des Nations Unies . L’accroissement de ce chiffre
de 159Etats en1990 à 192Etats actuellement s’ explique principalement par la sécession,

69
Pour des détails, voir entre autres J. A. Frowein, Die Entwicklung der Anerkennung von Staaten und
Regierungen im Volkerrecht, Der Staat II,1972, p.145-159; J.Crawford,The Creation of States in International Law ,
2nd ed., Oxford University Press: New Yo rk, 2007, p.376-383, notamment p.379; The Territorial Integrity of Quebec
in the Event of the Attainment of Sovereignty , par4..0(1iv), disponible en ligne à l’adress:e
http://www.uni.ca//ibrary/5experts.html (dernier accès le 15 avril 2009).
70
31 ILM, 1495 (1992).
71Pour une description détaillée de la progr ession du nombre des Etats Membres, consulter
http://www.un.org/fr/members/growth.shtml (dernier accès le 15 avril 2009). - 21 -

unilatérale ou non, de parties ancie nnement intégrées à des Etats souverains 72. Le cas de la

Yougoslavie est à cet égard représentatif, tout comme celui de l’Union soviétique.

47. Une déclaration d’indépendance, si elle produit des effets au niveau international et a des
conséquences internationales, n’en est pas pour autant régie par le droit international. Il n’est donc
pas possible de répondre normalement à la question et de dire si une déclaration d’indépendance est

conforme au droit international. A ce titre, la question de savoir si une déclaration d’indépendance
marque la naissance d’un Etat souverain est une affaire qui relève essentiellement de la compétence
nationale d’un Etat, au sens de l’article2, paragra phe7, de la Charte des NationsUnies. Un avis

consultatif ne peut se préoccuper de la validité d’un acte constitutionnel interne, exprimé par les
plus hauts organes nationaux d’un Etat. En rép ondant à la question posée, la Cour assumerait les
fonctions d’une cour constitutionn elle nationale. La déclaratio n d’indépendance en tant qu’acte

constitutionnel national n’est pas régie par le droit international. Partant, la demande exprimée par
l’Assemblée générale ne concerne pas une question juridique relevant de ses compétences au titre
de la Charte des Nations Unies.

B) Au titre de l’article 12, paragraphe 1, de la Charte des Nations Unies, l’Assemblée

générale n’était pas habilitée à faire une requête pour avis consultatif

48. L’article 12, paragraphe 1, de la Charte dispose que

«Tant que le Conseil de sécurité re mplit, à l’égard d’un différend ou d’une
situation quelconque, les fonctions qui lui sont attribuées par la présente Charte,
l’Assemblée générale ne doit faire aucune recommandation sur ce différend ou cette

situation, à moins que le Conseil de sécurité ne le lui demande.»

49. Comme la Cour l’a confirmé, une requête p73r avis consultatif ne constitue pas en soi
une recommandation de l’Assemblée générale . Toutefois, la Cour a jugé opportun d’examiner le
sens qu’il convient de donner à cet article dans l’avis consultatif sur les conséquences juridiques de

l’édification d’un mur dans le territoire palestinie n occupé, compte tenu des textes pertinents et de
la pratique des NationsUnies. Dans cet avis, la Cour a conclu que l’interprétation de l’article12
avait évolué dans la pratique des organes des Nations Unies de sorte que l’Assemblée générale et le

Conseil de sécurité pouvaient examiner parallèlement une même question relative au maintien de la
paix et de la sécurité internationales . La requête de l’Assemblée générale n’a donc pas outrepassé
les compétences de celle-ci en l’espèce.

50. Toutefois, les circonstances concernant la présente requête sont complètement

différentes. Cette dernière, relative à la déclara tion d’indépendance exprimée par les représentants
librement élus du Kosovo le17février 2008, n’a pu que soulever une question de droit
international concernant sa compatibilité avec la résolution1244 du Conseil de sécurité

72Pour une liste détaillée de la création des Etats et leur admission aux Nations Un ies de 1945 à 2005, voir entre
autres, J. Crawford, The Creation of States in International Law, 2nd edition, Oxford University Press : New York, 2007,
p.187. Depuis2005, un seul Etat a ét é admis aux NationsUnies, portant le nombre global d’ Etats Membres des
Nations Unies à 192. Il s’agissait du Monténégro, admis en qualité de Membre des Nations Unies le 28 juin 2006. Une

liste complète est disponible en ligne sur le site Inet officiel des NationsUnie s : http://www.un.org/fr/members/
(dernier accès le 15 avril 2009).
73 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans lterritoire palestinien occ upé, avis consultatif du
9 juillet 2004, CIJ Recueil 2004, p. 136-148, par. 25.

74 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans lterritoire palestinien occ upé, avis consultatif du
9 juillet 2004, CIJ Recueil 2004, p. 149-150, par. 27-28. - 22 -

du 10 juin 1999 relative à l’administration du Kosovo après l’intervention armée de l’OTAN. Dans
cette résolution, fondée sur le chapitreVII de la Charte des NationsUnies, le Conseil a considéré
que la situation dans la région continuait de constituer une menace pour la paix et la sécurité
75
internationales . Après avoir présenté le cadre de l’administration du Kosovo et de la mission de
la présence internationale civile et militaire sur place, le Conseil de sécurité a décidé de rester
activement saisi de la question . 76

51. La compétence du Conseil de sécurité en vertu du chapitre VII est une expression de la

responsabilité principale du Conseil de sécurité pour le maintien de la paix et de la sécurité
internationales. L’article12 de la Charte des NationsUnies a vocation à sauvegarder cette

primauté. En raison de leur composition complè tement différente, le Conseil de sécurité et
l’Assemblée générale risquent d’évaluer des situ ations différemment et de tirer des conclusions
contradictoires .77

52. C’est pour cette raison que l’article 12 tente d’éviter toute contradiction entre les actions

du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale. Si une requête d’avis c onsultatif ne risque pas
directement d’entraîner des conclusions potentiellement contradictoires, il est nécessaire d’évaluer
quelles peuvent en être les conséquences à cet égar d. Une telle requête pourrait amener la Cour à

examiner la compatibilité avec la Charte d’une r ésolution du Conseil de sécurité adoptée en vertu
du chapitreVII ainsi que ses conséquences sur un problème particulier, comme la déclaration
d’indépendance. Le cas échéant, elle pourrait en trer en contradiction avec l’action du Conseil de

sécurité. Dès lors, en interprétant correctement l’article12, une requête de l’Assemblée générale
concernant un avis consultatif ne doit pas entraver la compétence du Conseil de sécurité en vertu du
78
chapitre VII .

53. Sans aller jusqu’à affirmer que l’Assemblée outrepasse ses compétences en demandant à
la Cour un avis consultatif, il est néanmoins impé ratif que la Cour veille à éviter des résultats
contradictoires dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en vertu de l’article 65, paragraphe 1,

de son Statut. Cette question fera l’objet de plus amples clarifica tions dans la section ci-après,
consacrée au pouvoir discrétionnaire de la Cour en l’espèce.

75 Résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, Nations Unies, Doc. SIRES/1244 (1999) , p. 2. Le paragraphe

entier dispose que: «Considérant que la situation dans la rgion continue de constituer une menace pour la paix et la
sécurité internationales». Le texte intégral de la résolution est disponibl e en ligne à l’adress:e
http://www.un.org/french/docs/sc/1999/99s1244.htm (dernier accès le 15 avril 2009).
76
Résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, p. 5, par. 21.
77 Voir Hailbronner/Klein, dans : Simma and others (eds.), The Charter of the United Nations, A Commentary ,
o
2nd ed., Oxford University Press, 2002, vol. l, art. 12, n
78 Voir entre autres R. Higgins, A Comment on the Current Health of Advisory Opinions, dans : A.V. Lowe (ed.),
Fifty years of the International Court of Justice: Essays in Honour of Robert Jennings , Cambridge University

Press, 1996, p. 577 ; M. S. M Amr, The Role of the International Court of Jus tice as the Principal Judicial Organ of the
United Nations, Kluwer Law International : The Hague/London/New York, 2003, p.73 et notede bas de page101;
M. M. Aljaghoub, The Advisory Function of the Inte rnational Court of Justice1946-2005 , Springer-Verlag: Berlin,
Heidelberg, 2006, p. 76-86 ; G. Zyberi, The Humanitarian Face of the International Court of Justice : Its Contribution to
Interpreting and Developing International Human Rights and Humanitarian Law Rules and Principles, School of Human
Rights Research Series Vol. 26, Intersentia : Antwerpen -Oxford -Portland, 2008, p. 34-41. - 23 -

PARTIE IV

J USTESSE ET EXERCICE DU POUVOIR DISCRÉTIONNAIRE

A) La Cour doit exercer son pouvoir discrétionnaire et ne pas rendre d’avis consultatif

54. Il est constant que la Cour estime qu ’elle dispose d’un pouvoir discrétionnaire lui
permettant de refuser de donner un avis consultatif même lorsque sont remplies les conditions pour

qu’elle soit compétente. La Cour a fréquemment souligné qu’elle ne doit, en principe, pas refuser
de donner un avis consultatif mais que seules des «r aisons décisives» peuvent l’amener à le faire . 79
Bien que la Cour n’ait pas énuméré les motifs qui s’apparenteraient à des raisons décisives, il a été

évoqué que la Cour doit s’abstenir de rendre un avis si elle vient à constater i) que le prononcé d’un
avis est susceptible de compliquer l’affaire ou de créer des difficultés à l’Organisation des
NationsUnies dans l’accomplissement de ses obligati ons; ou ii)qu’il aura une incidence sur le

caractère judiciaire de la Cour en sa qualité de juridiction; ou iii)que son avis est vain ou sans
objet .0

B) Il ne doit pas y avoir contradiction entre l’exercice de la compétence de l’Assemblée
générale et l’exercice de la compétence du Conseil de sécurité

55. En l’espèce, il existe en effet des raisons décisives pour lesquelles la Cour devrait
s’abstenir de donner un avis consultatif. La première raison importante a déjà été discutée ci-dessus
dans le cadre des exceptions d’incompétence. Le prononcé d’un avis consultatif par la Cour

risquerait de voir potentiellement survenir une contradiction entre l’exercice de la compétence du
Conseil de sécurité conformément à la résoluti on1244 (1999) et l’avis consultatif. Dans ces
circonstances, il convient de laisser au Conseil de sécurité le soin de demander un avis consultatif

si le Conseil en décide ainsi. L’Assemblée géné rale ne doit pas entraver la responsabilité première
du Conseil, qui est le maintien de la paix et de la sécurité internationales.

C) Le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale ont laissé les Etats libres
de reconnaître le Kosovo

56. Il existe une deuxième raison pour la quelle la Cour ne devrait pas donner l’avis
consultatif qui lui est demandé. Ni l’Assemblée gé nérale ni le Conseil de sécurité n’ont, après la
déclaration d’indépendance du Kosovo, demandé à ce que les Etats ne reconnaissent pas le nouvel

Etat. Ce faisant, ils ont indiqué que la situ ation s’écartait résolument des cas dans lesquels
l’Assemblée générale ou le Conseil de sécurité av ait demandé aux Etats de ne pas reconnaître des
Etats fantoches. L’un des premiers cas a été cel ui du Katanga, pour lequel le Conseil de sécurité a

demandé à tous les Etats de ne prendre aucune m esure quelle qu’elle soit susceptible de saper la

79
La Cour a souligné à plusieurs repr ises qu’elle s’estime tenue de particip er aux activités de l’Organisation et
qu’elle ne doit, en principe, pas refuser de donner un avis consultatif sauf si des «raisons décisives» l’y obligent. Voir
respectivement Interprétation des traités de paix conclus avec la Bu lgarie, la Hongrie et la Roumanie, première phase,
avis consultatif, C.I.J.Recueil19, p. 65-72 ; Jugements du Tribunal administratif de l’OIT sur requêtes contre
l’Unesco, avis consultatif, . ecuel956 , p. 86-87 ; Certaines dépenses des Na tions Unies (article 17,
paragraphe2, de la Charte), avis consultatif, C.I. J. Recueil 1962, p. 151-155 ; Différend relatif à l’immunité de
juridiction d’un rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme, av is consultatif, C.I.J. Recueil 1999 (I),
p. 78-79, par. 29 ; et Conséquences juridiques de l’ édification d’un mur dans litoire palestinien occupé, avis

consultatif du 9 juillet 2004, CIJ Recueil 2004, p. 136-156, par. 44.
80M. S. M Amr, The Role of the International Court of Justice as the Principal Judicial Organ of the United
Nations, Kluwer Law International : The Hague/London/New York, 2003, p. 108-109 (notes de bas de page omises). - 24 -

81
souveraineté territoriale et l’indépenda nce politique de la République du Congo . Un autre cas a
été celui de la déclaration d’indé pendance de la Rhodésie du Sud en1965 82. La même attitude a

été adoptée ap83s que l’Afrique du Sud a déclar é l’indépendance du Transkei en tant que
«homeland» . Lorsque les autorités turques chypriotes ont proclamé la création d’un Etat
indépendant en Chypre du Nord en1983, le Con seil de sécurité a appelé tous les Etats à ne pas
84
reconnaître d’autre Etat chypriote que la République de Chypre .

57. Mis à part la Serbie et la Russie, au cun autre Etat présent à la séance d’urgence du
Conseil de sécurité du 18 février 2008 n’a fait valoir que la déclaration d’indépendance du Kosovo
constituait un acte internationalement illégal à l’encontre duquel devait être opposée une politique
85
collective de non reconnaissance . En outre, la demande dépo sée par le représentant serbe, à
savoir que le Secrétaire général donne des instructions claires et sans équivoque à son représentant

spécial afin qu’il déclare nul et non avenu l’acte unilatéral et illégal de sécession du Kosovo de la
République de Serbie et qu’il dissolve l’Assemblée du Kosovo, n’a pas été satisfaite.

58. Il ressort clairement que ni le Conseil de sécurité ni l’Assemblée générale n’ont eu le
sentiment, après la déclaration d’indépendance du Kosovo, que la situation était similaire à celles

mentionnées ci-dessus. Ils ont laissé aux Etats Membres toute liberté de reconnaître ou non le
nouvel Etat. A l’heure actuelle, 57Etats Membres de l’Organisation des NationsUnies ont

reconnu le Kosovo en tant qu’Etat indépendant. Un avis consultatif ne pourrait parvenir à la
conclusion que la reconnaissance faite par ces 57 Etats violait le droit international. Il ne serait pas
possible de parvenir à une telle conclusion au vu des circonstances. L’Albanie estime que la Cour

doit veiller à ne pas entraver la décision d’Etats souverains de reconnaître le Kosovo en tant qu’Etat
indépendant.

D) Le Secrétaire général des Nations Unies et le Conseil de sécurité ont reconnu la
nouvelle situation au Kosovo

59. Depuis la déclaration d’indépendance du Kosovo du17février 2008, le Secrétaire
général des NationsUnies a présenté cinq rapports au Conseil de sécurité portant sur les activités

81
Voir les résolutions145 (1960)t 46 (1960) du Conseil de sécurité, di sponibles à l’adresse
http://www.un.org/french/documents/sc/res/1960/cs60.htm (dernier accès le 15 avril 2009) ; et la résolution 1474 (ES-IV)
de l’Assemblée générale.
82
Voir les résolutions216 (1965)t 17 (1965) du Conseil de sécurité, di sponibles à l’adresse
http://www.un.org/french/documents/sc/res/1965/cs65.htm (dernier accès le 15 avril 2009).
83
Voir la résolut402 (1976) du Conseil de sécurité, disponible à l’adresse
http://www.un.org/french/documents/sc/res/1976/cs76.htm (dernier accès le 15 avril 2009).
84
Voir la résolut541 (1983) du Conseil de sécurité, disponible à l’adresse
http://www.un.org/french/documents/sc/res/1983/cs83.htm (dernier accès le 15 avril 2009).
85 e
Voir, entre autres, la 5839séance du Conseil de sécurité, Nations Unies, Doc. SC/9252 du 18 février 2008,
disponible à l’adresse http://www.un.or g/News/Press/docs/2008/sc9252.doc.htm (dernier accès le15avril 2009); Vera
Gowlland-Debbas, Collective responses to ille gal acts in international law: United Nations action in the question of
Southern Rhodesia, Nijhoff Publishers : Dordrecht, 1990. - 25 -

86
de la MINUK et l’évolution de la situation . Dans son rapport du 28mars2008, le Secrétaire
général a déclaré :

«Il est évident que la déclaration d’indépendance du Kosovo a eu de profondes
répercussions sur la situation dans le pays. Cette déclaration et les événements qui se
sont déroulés par la suite ont mis à rude épreuve la capacité de la MINUK à exercer

son autorité administrative dans le territoire. Pour faire face à ce défi, et guidée par la
nécessité d’assurer la paix et la sécurité au Kosovo, la MINUK a agi et continuera

d’agir de faç87 réaliste et pragmatique en tenant compte de l’évolution de la
situation.»

Le Secrétaire général a reconnu que les nouvelles réalités se dessinant au Kosovo auraient sans
doute des conséquences opérationnelles importantes pour la MINUK. Il a indiqué que dans
l’attente de directives du Conseil de sécurité, il faudrait peut-être que la Mission adapte son

déploiement opérationnel à l’évolution et aux changements enregistrés sur le terrain selon des 88
modalités compatibles avec le cadre opérationnel défini dans la résolution 1244 (1999) .

60. Dans son deuxième rapport présenté après la déclaration d’indépendance, celui
du12juin2008, le Secrétaire général a fait remarquer une évolution importante, à savoir que

l’Assemblée du Kosovo avait promulgué une constitu tion le 9avril, dont l’entrée en vigueur était
prévue pour le 15 juin 2008. Il a informé le Con seil de sécurité que la Constitution était conçue de
manière à retirer de manière effective à la MI NUK ses pouvoirs actuels en tant qu’administration

civile intérimaire. A cet égard, il a fait part du fait que le gouvernement du Kosovo avait indiqué
qu’il accueillerait favorablement la poursuite de la présence des NationsUnies au Kosovo à
89
condition que seules des tâches limitées et résiduelles soient accomplies .

61. Le Secrétaire général a admis que les év énements survenus au Kosovo avaient eu et 90
continueraient d’avoir un impact opérationnel important sur le fonctionnement de la MINUK . Il
a fait remarquer que depuis ses débuts en1999, la Mission avait avancé dans l’accomplissement

des tâches énoncées au paragraphe 11 de la résolution 1244 (1999), mais que la portée des activités
qu’elle avait réalisées s’était sensiblement réduite. Se lon lui, à la suite de l’entrée en vigueur de la
Constitution du Kosovo, la MINUK ne serait plus en mesure de s’acquitter effe ctivement de la plus

86 Voir respectivement: rapport du Secrétaire géné ral sur la Mission d’admini stration intérimaire des
Nations Unies au Kosovo, Nations Unies, doc. S/2008/211 du 28 mars 2008 ; rapport du Secrétaire général sur la Mission

d’administration intérimaire des NationsUnies au Kosovo, NationsUnies, doc.S/2008/354 du12juin 2008; rapport du
Secrétaire général sur la Mission d’administration inté rimaire des NationsUnies au Kosovo, NationsUnies,
doc.S/2008/458 du15juillet 2008; rapport du Secrétaire général sur la Mission d’admi nistration intérimaire des
Nations Unies au Kosovo, Nations Unies, doc. S/2008/692 du 24 novembre 2008 ; et rapport du Secrétaire général sur la
Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo, Nations Unies, doc. S/2009/149 du 17 mars 2009.
87
Rapport du Secrétaire général sur la Mission d’admi nistration intérimaire des NationsUnies au Kosovo,
Nations Unies, doc. S/2008/211 du 28 mars 2008, p. 7, par. 30.
88
Ibid., p. 7, par. 32.
89 Rapport du Secrétaire général sur la Mission d’admi nistration intérimaire des NationsUnies au Kosovo,

Nations Unies, doc. S/2008/354 du 12 juin 2008, p. 2, par. 7.
90 Ibid., p. 5, par. 17. - 26 -

91
grande partie de ses tâches en tant qu’administration intérimaire . Des propos simila92es ont été
réitérés dans son troisième rapport, présenté au Conseil de sécurité le 15 juillet 2008 .

62. Dans une lettre datée du 12 juin 2008 adressée à S. Exc. M. Fatmir Sejdiu, le Secrétaire
général s’est exprimé ainsi :

«N’ayant pas d’autres directives du Conseil de sécurité et ayant tenu des
consultations nombreuses, j’ai l’intention de ré aménager la structure et le profil de la

présence civile internationale pour les adapte r à l’évolution de la situation au Kosovo
et permettre à l’Union européenne de jouer dans le pays un rôle opérationnel plus
affirmé conformément à la résolution 1244 (1999).» 93

L’ensemble des documents susmentionnés témoigne à l’évidence du fait qu’après la déclaration

d’indépendance, la nature et la portée des activités de la MINUK ont progressivement été réduites.

63. L’indépendance revendiquée par les autorités kosovares vis-à-vis de la MINUK ressort

clairement du rapport du 24novemb re2008 présenté par le Secrét aire général au Conseil de
sécurité. Selon les termes du Secrétaire général :

«Les autorités du Kosovo ont continué d’Œuvrer pour affirmer le statut d’Etat
du Kosovo, comme en témoigne l’entrée en vigueur de la Constitution de la

République du Kosovo à la date du15juin. Une fois le ministère des affaires
étrangères en place, les autorités du Kosovo ont annoncé l’ouverture de missions
diplomatiques auprès de10pays et la nomination des chefs de ces missions. Au

31octobre, 52pays avaient reconnu le Kosovo en tant qu’Etat indépendant.
Déployant des efforts incessants en vue d’exercer les prérogatives et les
responsabilités de tout Etat souverain, le Kosovo a demandé son admission au Fonds

monétaire international et à la Banque mondi ale, décidé de recenser sa population,
créé un ministère des forces de sécurité, et nommé une nouvelle commission

électorale centrale, composée de11membres. L’Assemblée du Kosovo continue de
voter les lois, qui sont désormais adoptées sans avoir à se préoccuper des pouvoirs
conférés à mon représentant spécial par la résolution1244 (1999) ni du cadre
94
constitutionnel.»

64. Le dernier rapport du Secrétaire au Conseil de sécurité, daté du17 mars 2009, constate
que le processus de réorganisation de la MINUK devrait aboutir à une mission considérablement
réorganisée, avec des fonctions adaptées à l’évolution profonde des circonstances sur le terrain 95.

A propos de la situation politique, le Secrétaire général a indiqué :

91Ibid.

92Dans ce rapport, le Secrétaire général a déclaré: «J’estime [que] la MINUK ne sera plus en mesure de
s’acquitter effectivement de la plus grande partie de ses tâches en tant qu’administration intérimaire». Voir Rapport du
Secrétaire général sur la Mission d’administration inté rimaire des NationsUnies au Kosovo, NationsUnies,
Doc. S/2008/458 du 15 juillet 2008, p. 9, par. 29.

93Rapport du Secrétaire général sur la Mission d’admi nistration intérimaire des NationsUnies au Kosovo,
Nations Unies, doc. S/2008/354 du 12 juin 2008, annexe 2, p. 8.

94Rapport du Secrétaire général sur la Mission d’admi nistration intérimaire des NationsUnies au Kosovo,
Nations Unies, doc. S/2008/692 du 24 novembre 2008, p. 1, par. 2.

95Rapport du Secrétaire général sur la Mission d’admi nistration intérimaire des NationsUnies au Kosovo,
Nations Unies, doc. S/2009/149 du 17 mars 2009, p. 9-10, par. 35. - 27 -

«Au cours de la période considérée, les autorités du Kosovo ont continué d’agir

sur la base de la «Constitution de la Ré publique du Kosovo». Lors des sessions
plénières tenues les 15 et 16 décembre 2008, l’Assemblée du Kosovo a adopté des lois
sur la Cour constitutionnelle, sur le service diplomatique et sur les services consulaires

des missions diplomatiques et consulaires au Kosovo. Ces lois ne font nullement
référence aux pouvoirs de mon représenta nt spécial nommé en vertu de la
résolution1244 (1999) ni au cadre constitutionnel. Depuis mon dernier rapport au

Conseil de sécurité en date du 24 novembre 2008 (S/2008/692), quatre autres Etats ont96
reconnu le Kosovo, ce qui porte à 56 le nombre total des Etats qui l’ont fait.»

Il ressort assez clairement que depuis l’entrée en vigueur de la Constitution du Kosovo, les

autorités kosovares exercent les prérogatives et les responsabilités d’un Etat souverain. Cette ligne
de conduite n’a pas été entravée, condamnée ou déclarée illégale par le Conseil de sécurité ou
l’Assemblée générale, ni par quelque organe des NationsUnies que ce soit, y compris le

représentant spécial du Secrétaire général au Kosovo.

E) L’objet de l’avis consultatif concerne un différend bilatéral entre le Kosovo et la Serbie

65. Il existe une autre raison, très importante, pour laquelle la Cour devrait faire usage de son

pouvoir discrétionnaire et s’abstenir de prononcer un avis consultatif. L’affaire portée devant la
Cour, à la différence de toutes les autres affaires dans lesquelles des avis consultatifs ont été
donnés, concerne deux Etats, à savoir la Serbie et le Kosovo. Comme dans tous les autres cas où
une partie d’un Etat a déclaré son indépendance et a été reconnue par d’autres Etats en tant qu’Etat

indépendant, le différend concerne la relation entre l’ancien Etat mère et l’Etat nouvellement
indépendant. Telle était la situation lorsque les Etats-Unis ont déclaré leur indépendance, lorsque
les Etats d’Amérique latine sont devenus des Et ats indépendants et dans de nombreux autres cas

contemporains. Un différend de ce type entre l’anci en Etat mère et le nouvel Etat est de nature
bilatérale. Il peut être définitivement résolu si la communauté internationale reconnaît qu’un
nouvel Etat est né.

66. A la lumière de ces éléments, l’Albanie fa it valoir que le prononcé d’un avis consultatif

dans la présente affaire aurait pour effet de tourner le principe selon lequel un Etat n’est pas tenu
d’autoriser la soumission de ses différends au règl ement judiciaire s’il n’est pas consentant. La
Cour a jugé dans des avis consultatifs antérieurs que la procédure de demande d’un avis consultatif
97
ne pouvait être utilisée pour tourner ce principe . De toute évidence, le Kosovo n’a pas donné son
consentement à ce que le différend avec la Serbie soit porté devant la Cour internationale de
Justice. A cet égard, il y a déjà eu une situation similaire, lorsque la Cour permanente de Justice
internationale s’est abstenue de donner un avis consultatif sur le statut de la Carélie orientale.

67. Dans cette affaire, la question concerna it directement un différend déjà né auquel était

partie un Etat qui n’avait pas adhéré au Statut de la Cour permanente et n’était pas membre de la
Société des Nations. Cet Etat s’opposait à la pr océdure et refusait d’y prendre part de quelque
manière que ce fût . De même, en l’espèce, le Kosovo n’est pas membre des Nations Unies et n’a

96
Ibid., p. 1, par. 2.
97Voir Sahara occidental, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1975, p. 12-25, par. 32-33 ; Conséquences juridiques de
l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif du 9juillet 2004, CIJRecueil2004 , p.136,
p. 157-158, par47; comparer avec J. A. Frowein/K. Oellers-Frahm, dans: A.Zimmermann et autres (éds.The Statute

of the ICJ, A Commentary, 2006, p. 1412 s.
98Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans lterritoire palestinien occ upé, avis consultatif du
9 juillet 2004, CIJ Recueil 2004, p. 156-157, par. 44. - 28 -

pas adhéré au Statut de la Cour internationale de Justice. Le Kosovo n’ayant pas clairement donné
son consentement à ladite compétence, l’Albanie s’oppose vivement à ce que la Cour exerce sa

compétence eu égard à une affaire qui est d’importance capitale pour le Kosovo.

68. A cet égard, le fait que la demande d’avis consultatif ait été votée par l’Assemblée

générale à 77voix contre6, avec 74abstentions, est assez éloquent. Autrement dit, une grande
partie des Etats disposant d’un droit de vote n’ ont pas jugé qu’il était nécessaire ou opportun de
demander à la Cour internationale de Justice de rendre un avis cons ultatif sur cette question. De

toute évidence, les Etats qui se sont abstenus n’ont pas estimé l’avis consultatif nécessaire ou utile.
Il serait judicieux que la Cour tienne compte de ce fait lorsqu’elle décidera de rendre ou non un
avis consultatif dans la présente affaire.

F) L’avis consultatif ne peut contribuer à l’exercice de sa compétence
par l’Assemblée générale

69. Il convient également de relever dans ce c ontexte que, à la différence de toutes les autres
demandes d’avis consultatif émises par l’Assemblée générale, il est difficile de voir, en l’espèce,
quel usage l’Assemblée générale pourrait faire d’un avis consultatif rendu par la Cour. Ce n’est

pas l’Assemblée générale qui décide de la reconnaissance du Kosovo par d’autres Etats. Cinquante
septEtats, parmi lesquels plusieurs membres perm anents du Conseil de sécurité, ont déjà exercé
leur droit de reconnaître le Kosovo en tant qu’Etat indépendant.

70. Il se peut fortement qu’un jour le Kosovo entame une procédure d’admission aux
NationsUnies. L’admission est sanctionnée par une décision de l’Assemblée générale, sur
99
recommandation du Conseil de sécurité . Même à supposer que la Cour vienne à conclure que la
déclaration d’indépendance du Kosovo puisse soul ever des questions au regard du droit
international, cette conclusion serait dépourvue de toute pertinence dans le cadre d’une procédure
d’admission. Dans la procédure d’admission, la question décisive serait de savoir si, au moment de

l’admission, l’Etat existe et remplit les conditions prévues à l’article4 de la Charte des
NationsUnies. A supposer qu’il y ait eu des problèmes d’ordre juridique au moment de la
déclaration d’indépendance, ils n’auraient pas pour effet de rendre illégale la procédure

d’admission. Dès lors, l’avis consultatif ne pe ut avoir quelque importance que ce soit, à l’heure
actuelle, pour la pratique de l’A ssemblée générale, ni, à une date indéterminée dans le futur, pour
l’éventuelle demande d’admission aux Nations Unies.

PARTIE V

LA DÉCLARATION D INDÉPENDANCE DU KOSOVO EST -ELLE CONFORME
AU DROIT INTERNATIONAL ?

71. Le fait de qualifier la déclaration d’ indépendance du Kosovo d’«unilatérale» prête à

confusion puisque, avant de prendre cette déci sion, le Kosovo a consulté un certain nombre
d’acteurs internationaux impliqués dans le proces sus de négociation. De plus, dans tous ses
rapports sur la situation au Kosovo présentés au Conseil de sécurité après le17février2008, le
Secrétaire général des NationsUnies a employé la formule «déclaration d’indépendance». Par

ailleurs, d’un point de vue technique, l’expression «déclaration unilaté
rale d’indépendance» n’est
pas une formule consacrée. Il convient également de faire observer que les autorités kosovares, en
adoptant la déclaration d’indépendance, n’agissai ent pas en tant qu’institutions provisoires

99Voir, entre autres, Article 4 de la Charte des Nations Unies, et Admission d’un Etat aux Nations Unies (Charte,

art. 4), avis consultatif, C.I.J. Recueil 1948, p. 64. - 29 -

d’administration autonome mais en leur qualité de représentants démocratiquement élus du peuple
du Kosovo.

72. La déclaration d’indépendance du Ko sovo, en tant qu’acte de sécession, doit être
considérée dans le contexte général de l’éclat ement non consensuel de l’ancienne Yougoslavie, 100

d’un bilan tristement célèbre de discriminations et de répressions institutionnalisées des Albanais
de souche résidant au Kosovo entre 1989 et 1999, de l’administration provisoire du territoire par les
Nations Unies pendant plus de 8 ans, de négociations vaines sur le statut final du Kosovo menées

sous supervision internationale et, enfin et surtout, de la volonté du peuple du Kosovo. Tous ces
éléments pris dans leur ensemble font du Kosovo un cas visiblement unique; sa déclaration
d’indépendance ne viole aucun principe pertinent du droit international. En effet, l’indépendance

était l’issue nécessaire et logique d’un différend intense qui divise le Kosovo et la Serbie depuis
longtemps.

73. L’Albanie ne prétend aucunement qu’il ex iste un droit de sécession général. Toutefois,
dans les circonstances spéciales qui ont été celles du Kosovo, après la longue pé
riode

d’administration internationale de son territoire, la déclaration d’ indépendance ne violait en aucun
cas le droit international. L’Albanie souhaiterait r éaffirmer que le droit international ne comporte
aucune règle concernant la déclaration d’indépendance. Comme l’a déclaré un auteur reconnu:

«Le point de vue est que la sécession n’est ni légale ni illégale en vertu du droit international, mais
qu’il s’agit d’un acte légalement neutre dont les conséquences sont ré glementées au niveau
international.» 101

74. Comme indiqué dans un mémoire en qualité d’ amicus curiae préparé par un groupe

d’auteurs reconnus à l’attention de la Cour suprême du Canada :

«dans un contexte non colonial, l’accession d’un territoire à la souveraineté n’est

qu’une question de fait au regard du droit international: le nouvel Etat est considéré
comme tel si son existence est effective. La reconnaissance par des Etats tiers (et par
l’Etat duquel le territoire concerné a été séparé) est un critère de ce caractère
102
effectif.»

La reconnaissance de la République du Kosovo par 57 Etats à ce jour atteste de l’existence d’un

nouvel Etat. Comme l’a déclaré un commentateur,

«le droit international n’interdit pas le s écessionnisme : la séparation d’une nation ou

d’un groupe ethnique n’est ni autorisée ni in terdite par des règles juridiques ; elle est
simplement considérée comme une réalité de la vie, hors du domaine du droit, à
laquelle le droit peut attacher des conséquences juridiques selon les circonstances de

100
Pour une chronologie du conflit yougoslave, voir, entre autres, D.Bethlehem et M.Weller (éds.), The
«Yugoslav» Crisis in International Law: General Issues Part1, Cambridge International Documents Series vol.5,
Cambridge University Press, 1997, p.xix-lvii; pour une chronologie de s évènements survenus au Kosovo entre1990
et 1999, voir Krieger, supra, note 5, p. xx-xxx ; une chronologie générale est donnée par Weller, supra, note 5, p. 15-23.
101 nd
J.Crawford, The Creation of States in International Law , edition, Oxford University Press: New York,
2007, p. 390.
102
Voir L’Intégrité territoriale du Québec dans l’hypothèse de l’accession à la souveraineté, par. 4.01 (iv), texte
anglais disponible à l’adresse http://www.uni.ca/libraryxperts.html (dernier accès le15avril 2009). Le groupe
d’experts se composait de Thomas M. Fr anck, Rosalyn Higgins, Alain Pellet, Malcolm N. Shaw et Christian Tomuschat.
Pour consulter le texte intégral original de leur rapport, L’Intégrité territoriale du Qu ébec dans l’hypothèse de
l’accession à la souveraineté , Commission d’étude des questions afférentes à l’accession du Québec à la souveraineté,
Assemblée nationale, Exposés et Etudes, vol. 1 (1992), p. 377-461. - 30 -

l’espèce (par exemple, le droit peut imposer le retrait de la reconnaissance de la
nouvelle entité si la création de celle-ci porte gravement atteinte aux droits de
l’homme ; ou peut subordonner sa reconnaissance à un respect formel et réel des droits
103
des personnes et des minorités)» .

Au travers de la déclaration d’indépendan ce, le peuple du Kosovo a exercé son droit à

l’autodétermination.

A) Le droit à l’autodétermination est solidement établi dan
s le droit international et
dans la jurisprudence de la Cour

75. En termes de population, les Albanais du Kosovo représentaient la troisième nation de la
104
République fédérale socialiste de Yougoslavie . Toutefois, leur droit à l’autodétermination
interne a été constamment nié par les autorités serbes après la révocation unilatérale de son

autonomie en1989. Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes est un droit de groupe
inaliénable qui, en vertu du droi t international, est opposable erga omnes. Son importance est
parfaitement illustrée par la place qu’il tient dans la Charte des NationsUnies, article1,

paragraphe2, et sa place à part, en tant qu’a rticlepremier, dans deux pactes internationaux
de1966, le pacte relatif aux droits civils et po litiques et le pacte relatif aux droits économiques,
sociaux et culturels. Ledit article est libellé comme suit : «Tous les peuples ont le droit de disposer

d’eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent
librement leur développement économique, social et culturel». Le droit à l’autodétermination est
traité de manière similaire dans deux autres inst ruments internationaux importants, à savoir l’acte

final de la conférence sur la sécurité et la coopéra tion en Europe de 1975 et la Charte africaine des
droits de l’homme et des peuples de1981 105. Plusieurs institutions inte rnationales ont reconnu et
souligné dans leurs travaux l’importance du droit à l’autodétermination pour la paix, la sécurité et

le maintien de relations amicales entre les nations.

76. La Cour internationale de Justice (CIJ), principal organe judiciaire des Nations Unies, a
souligné a plusieurs reprises le fait que ce droit était opposable erga omnes, ce qui signifie que tous
les Etats ont un intérêt à promouvoir la réalisation du droit à l’autodétermination et ont l’obligation
106
de le faire . Ainsi, dans son arrêt de 1995 dans l’affaire du Timor oriental, la Cour a indiqué qu’il
n’y avait «rien à redire» à l’affirmation sel on laquelle «le droit des peuples à disposer
d’eux-mêmes, tel qu’il s’est développé à partir de la Charte et de la pratique des Nations Unies, est

103A. Cassese, Self-Determination of Peoples : A Legal Reappraisal, Cambridge University Press, 1995, p. 340.
104
Bien qu’au 31mars1971, date du dernier recensement, plus de 1 300 000 Albanais fussent présents dans
l’ensemble de la Yougoslavie, ce qui en faisait la troisième nation de la Yougoslavie en termes de population, le droit au
statut d’Etat leur a été refusé danla constitution yougoslave de1974. Ce s informations sont issues de Slobodan
Stankovic, Yugoslavia 1974, p.23, disponible à l’adresse http://files .osa.ceu.hu/holdings/300/8/3/text/81-3-1.shtml
(dernier accès le 15 avril 2009).

105Voir respectivement le principe VIII Égalité de droits des peuples et droit des peuples à disposer d’eux-mêmes
de l’acte final de la conférence sur la sécurité et la coopération en Europe, disponible à l’adresse
http://www.osce.org/documents/mcs/1975/08/4044_fr.pdf (dernier accès le15avril 2009), et l’article20 de la Charte
africaine des droits de l’homme et des peuples, disponible à l’adresse http://www.achpr.org/francais/_info/charter_fr.html
(dernier accès le 15 avril 2009).

106Voir, entre autres, G. Zyberi, The Humanitarian Face of the International Court of Justice : its Contribution to
Interpreting and Developing International Human Rights and Humanitarian Law Rules and Principles, School of Human
Rights Research Series Vol. 26, Intersentia : Antwerpen ⎯ Oxford ⎯ Portland, 2008, p. 102-134. - 31 -

un droit opposable erga omnes» 107. Elle a également souligné que l’autodétermination était «[l]’un
108
des principes essentiels du droit international contemporain» .

77. Dans l’avis consultatif rendu en2004 sur l’édification d’un mur dans le territoire
palestinien occupé, la Cour a relevé que

«le principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes a été consacré dans la
Charte des NationsUnies et réaffirmé pa r la résolution2625(XXV) de l’Assemblée
générale déjà mentionnée, selon laquelle «[t]out Etat a le devoir de s’abstenir de

recourir à toute mesure de coercition qui priverait de leur droit à
l’autodétermination ... les peuples mentionnés [dans ladite résolution]». L’article1
commun au pacte international relatif aux dr oits économiques, sociaux et culturels et

au pacte international relatif aux droits civils et politiques réaffirme le droit de tous les
peuples à disposer d’eux-mêmes et fait oblig ation aux Etats parties de faciliter la
réalisation de ce droit et de le respecter, conformément aux dispositions de la Charte
109
des Nations Unies.»

o
78. Dans son observation générale n 12 intitulée «Articlperemier (Droit à
l’autodétermination)» et datée du13mars1984, le Comité des droits de l’homme, l’organe de
surveillance de l’application du pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP),

déclare :

«Ce droit revêt une importance particu lière, parce que sa réalisation est une
condition essentielle de la garantie et du respect effectif des droits individuels de

l’homme ainsi que de la promotion et du re nforcement de ces droits. C’est pour cette
raison que les Etats ont fait du droit des pe uples de disposer d’eux-mêmes, dans les
deux pactes, une disposition de droit positif, qu’ils ont placée, en tant

qu’articlepremier, séparément et en tête de tous les autres droits énoncés dans ces
pactes».

A titre de conclusion, le Comité indique que «l’histoire montre que la réalisation et le respect du
droit des peuples de disposer d’eux-mêmes contri buent à l’établissement de relations et d’une
coopération amicales entre les Etats et à la consol idation de la paix et de la compréhension
110
internationales.»

79. Cette observation générale formulée par l’ un des plus importants organes des droits de
l’homme souligne l’importance du respect du dro it à l’autodétermination comme condition d’une
pleine jouissance des droits de l’homme. Il ne fait aucun doute qu’un système d’abus délibérés et

généralisés des droits de l’homme ou de recours sy stématique à l’oppression, tel que celui subi par
les Albanais du Kosovo entre1989 et1999, est très certainement en deçà de l’ordre qui serait
nécessaire pour permettre aux humains de vivre dans la dignité. Par conséquent, la légitimité de la

déclaration d’indépendance du Kosovo est encore renforcée par les années d’oppression et

107
Timor oriental (Portugal c. Australie), arrêt, C.I.J. Recueil 1995, p. 102, par. 29.
108
Ibid.
109Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dansle territoire palestinien o ccupé, avis consultatif du
9 juillet 2004, CIJ Recueil 2004, p. 171-172, par. 88.

110Observation générale n°12 du13mars1984, Article premier (Droit à l’autodé termination), disponible à
l’adresse http://www.unhchr.ch/tbs/doc.nsf/0/a7e1ab5acb7fa94480256523004775bd?Ope… (dernier accès
le 15 avril 2009). - 32 -

d’exclusion de la vie politique et sociale subies par les Albanais du Kosovo, qui ont abouti à la

campagne de nettoyage ethnique perpétrée entre 1998 et 1999.

80. Comme mentionné ci-dessus, l’obligation fa ite aux Etats de faciliter la réalisation du

droit des peuples de disposer d’eux-mêmes et de respecter ce dernier a été réitérée en plusieurs
occasions par la Cour internationale de Justice, le Conseil de sécurité, l’Assemblée générale des
Nations Unies, le Comité des droits de l’homme et d’autres organes internationaux.

81. A maintes reprises, ceux-ci ont observé que la partie de la d éclaration touchant les
relations amicales, adoptée par l’A ssemblée générale en1970, traita nt de l’autodétermination est

formulée de sorte qu’elle exclue l’argument sel on lequel, en cas de répression, un peuple n’est pas
en mesure de faire unilatéralement sécession de l’ Etat oppresseur. En effet, ce paragraphe admet
clairement la sécession lorsqu’il n’existe auc un gouvernement représentant l’ensemble du peuple
111
appartenant au territoire sans distinction de race, de croyance ou de couleur . Le dernier
paragraphe portant sur l’égalité de droits des peuples et leur dr oit à disposer d’eux-mêmes est
libellé ainsi :

«Rien dans les paragraphes précédents ne sera interprété comme autorisant ou
encourageant une action, quelle qu’elle soit, qui démembrerait ou menacerait,
totalement ou partiellement, l’intégrité te rritoriale ou l’unité politique de tout Etat

souverain et indépendant se conduisant conformément au principe de l’égalité de
droits et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes énoncé ci-dessus et doté ainsi
d’un gouvernement représentant l’ensembl e du peuple appartenant au territoire sans
112
distinction de race, de croyance ou de couleur.»

82. Une position similaire a été adoptée dans la déclaration et le programme d’action de

Vienne de1993, adoptés par consensus par le s représentants des171Etats participant à la
deuxième conférence mondiale sur les droits de l’ homme. La déclaration indique, dans sa partie
pertinente :

«2. Tous les peuples ont le droit de disposer d’eux-mêmes. En vertu de ce droit,
ils déterminent librement leur statut politique et poursuivent librement leur
développement économique, social et culturel.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

En application de la déclaration rela tive aux principes du droit international
touchant les relations amicales et la coopé ration entre les Etats conformément à la
Charte des NationsUnies, ce qui précède ne devra pas être interprété comme
autorisant ou encourageant toute mesure de nature à démembrer ou compromettre, en

totalité ou en partie, l’intégrité territorial e ou l’unité politique d’Etats souverains et
indépendants respectueux du principe de l’égalité de droits et de l’autodétermination

111Voir, entre autres, K. Doehring, Self-Determination, in : B. Simma (éd.), The Charter of the United Nations, A

Commentary, 2nd ed., Vol.1, 2002, p.57s; J. Crawford, loc. cit. 118 ss ; voir également C. Tomuschat,
Self-Determination in a Post-Colonial World, in : C. Tomuschat (éd.), Modern Law of Self-Determination, 1993, 1, 8-11,
y compris renvois.
112A/RES/2625 (XXV) du 24octobre1970,1883 eséance plénière (les italiques sont de nous). Dans
M. D. Evans, International Law Documents, 6th edition, Oxford University Press : New York, 2003, p. 161-162. - 33 -

des peuples et, partant, dotés d’un gouvernem ent représentant la totalité de la
113
population appartenant au territoire, sans distinction aucune.»

83. Dans l’affaire concernant une éventuelle sécession par la province de Québec, la Cour
suprême du Canada a clairement reconnu le droit de sécession en cas d’oppression. Ladite Cour a
jugé que :

«En résumé, le droit à l’autodétermination en droit international donne tout au
plus ouverture au droit à l’autodétermination externe dans le cas des anciennes

colonies; dans le cas des peuples opprimés, comme les peuples soumis à une
occupation militaire étrangère; ou encore dans le cas où un groupe défini se voit
refuser un accès réel au gouvernement pour assurer son développement politique,

économique, social et culturel. Dans ces tr ois situations, le peuple en cause jouit du
droit à l’autodétermination externe parce qu’on lui refuse la faculté d’exercer, à
l’interne, son droit à l’autodétermination.» 114

Ce faisant, la Cour suprême du Canada a clairement reconnu le droit d’un peuple à faire
unilatéralement sécession lorsqu’il lui est refusé le droit d’exercer, à l’interne, son droit à

l’autodétermination, comme c’est le cas pour le Kosovo.

84. Le cadre constitutionnel pour un gouvernement autonome provisoire au Kosovo,

promulgué par le représentant spécial du Secrét aire général des NationsUnies le15mai 2001,
déclare que «le Kosovo est une entité sous admini stration internationale provisoire qui, ainsi que
son peuple, présente des caractéristiques historiq ues, juridiques, culturelles et linguistiques
115
uniques» . Cette déclaration montre que le systèm e des Nations Unies a clairement reconnu que
le Kosovo est une entité spécifique, avec un peup le spécifique. Ce fait a été accepté depuis
longtemps puisque l’identité de la population majo ritaire est nettement différente de celle de la

population de la Serbie.

85. La résolution1244 (1999) recourt à différe ntes notions qui indiquent que le statut final
du Kosovo n’y est pas déterminé. La résolution parle de «règlement définitif», de «règlement
politique» et de «statut futur du Kosovo». A l’évid ence, pour parvenir à ce règlement définitif, il

était nécessaire de tenir compte de la volonté exprimée par le peuple du Kosovo. Dès lors, la
déclaration d’indépendance faite par les représentants démocratiquement élus du Kosovo en date
du 17 février 2008 était pleinement conforme au droit international.

113Voir déclaration et programme d’action de Vienne, adoptés le 25 juin 1993 lors de la conférence mondiale des
NationsUnies sur les droits de l’homme tenue à Vi enne, Autriche, NationsUn ies Doc. /CONF.157/23

du 12 juillet 1993 ; les italiques sont de nous.
114Renvoi relatif à la sécession du Québec, [1998] 2 R.C.S. 217, par. 138; également dInternational Legal
Materials, 1998, 1340, 1373.

115Articl1.1 du cadre constitutionnel pour un gouvernement autonome provisoire au Kosovo,
UNMIK/REG/20m 01i952d0u01, text e anglais disponible à l’adresse
http://www.unmikonline.org/constframework.htm (dernier accès le 15 avril 2009). - 34 -

B) La politique institutionnalisée de répression et les violations caractérisées et généralisées
des droits de l’homme contre les Albanais du Kosovo

86. Au fil de l’histoire, les déclarations d’in dépendance se sont justifiées par la répression
exercée par l’Etat duquel il était fait sécession 116. Le peuple des Pays-Bas a justifié ses actions
dans la déclaration de1581 en mentionnant la tyrannie exercée à son encontre par les rois

espagnols. Un autre exemple nous est fourni par une déclaration similaire faite quelque 40 ans plus
tard, lorsque les catholiques de la Valteline, dans le nord de l’Italie, ont déclaré leur indépendance

vis-à-vis de117risons protestants qui, selon leur s dires, réprimaient leur peuple de manière
tyrannique . Lorsque les Etats-Unis ont déclaré leur indépendance vis-à
-vis de la
Grande-Bretagne, une correspondan ce célèbre s’est déve loppée entre la Grande-Bretagne et la

France au sujet de la légalité, au regard du droit in ternational, de la décision prise par la France de
reconnaître les Etats-Unis. Les arguments de la France constituent un curieux mélange. Ils font
référence au caractère effectif de l’indépendance établie par les Etats-Unis, mais mentionnent

également l’oppression abusivement exercée par le roi d’Angleterre dans les colonies
américaines 118.

87. Entre1981 et1988, des mesures prises par les autorités serbes ont permis à la minorité
serbe du Kosovo de contrôler les ressources économiques les plus importantes de la province : les

centres miniers d’Obilic et de Titova Mitrovica (Mitrovica) et les agro-industries de Kosovo-Polje
(Fushë-Kosovë) 119. Les renvois en masse mentionnés plus haut et la privation des droits électoraux

des Albanais du Kosovo, à commencer par ceux de 1990-1991, ont créé un régime d’apartheid de
fait. A partir de l’été 1990, la minorité serbe du Kosovo, avec le soutien des autorités serbes, s’est
emparée du pouvoir absolu au Kosovo. La politique officielle «d’unité et de fraternité» de la

RFSY a été abandonnée et remplacée par des politiques nationalistes extrêmes qui ont créé des
divisions.

88. Les actes juridiques adoptés par les autorités serbes pendant la période allant de1990
à1992, au total 36lois et 470décisions, témoignent des tentatives résolues visant à influencer la

vie publique des Albanais de souche dans t ous ses aspects, avec des conséquences dévastatrices
pour leur intégrité, leur dignité humaine et leur bien-être. Ces actes ont été précédés par le
Programme pour le Kosovo 120. En dépit de sa dénomination, ce programme prévoyait une série de

mesures discriminatoires destinées à forcer les Albanais à quitter le Kosovo et encourageait par
ailleurs les Serbes et les Monténég rins à s’installer au Kosovo. En résumé, ces mesures juridiques
121
discriminatoires et leurs conséquences ont été les suivantes :

116Selon les termes de la déclarat ion d’indépendance des Etats-Unis: «toutes les fois qu’une forme de
gouvernement devient destructive de ce but, le peuple a le doit de la changer ou de l’abolir et d’établir un nouveau
gouvernement, en le fondant sur les principes et en l’organisant en la forme qui lui paraîtront les plus propres à lui donner
la sûreté et le bonheur», déclaration d’indépendance des Etats-Unis d’Amérique du 4 juillet 1776, texte anglais disponible

à l’adresse http://www.archives.gov/exhibitslcharters/declaration_transcript.htm/ (dernier accès le 15 avril 2009).
117J. A. Frowein, Self-determination as a limit to ob ligations under international law, dans : C. Tomuschat (éd.),
Modern Law of Self-Determination, 1993, p. 211-223.

118J. A. Frowein, loc. cit.

119Voir, entre autres, R. Lukic et A. Lynch, Europe from the Balkans to the Urals: The Disintegration of
Yugoslavia and the Soviet Union , SIPRI, Oxford University Press : New York,1996, p.148; Malcolm, supra, note21,
p. 345-346.

120Programme pour l’avènement de la paix . Liberté, égalité. Démocratie et pr ospérité de la province du Kosovo,
gazette officielle de la République socialiste de Serbie, n° 15/90, 30 mars 1990.
121
Voir, entre autres, D. Kumbaro, The Kosovo Crisis in an International Law Perspective : Self-Determination,
Territorial integrity and the NATO Intervention , 2001,4p5.-46, disponible à l’adresse
http://www.nato.int/acadlfellow/99-01/kumbaro.pdf (dernier accès le 15 avril 2009). - 35 -

⎯ la loi sur les relations au travail dans des circonstances spéciales du 26 juillet 1990 a entraîné le

licenciement de 150 000 Albanais du Kosovo, soit 80 % des salariés albano-kosovars ;

⎯ des tentatives de recolonisation, avec l’attribution gratuite de terres agricoles ou des prêts à

long terme à des conditions privilégiées à des Serb es ou à d’autres ressortissants non albanais,
ont été prévues par la loi sur les conditions, la manière et la procédure relatives à la distribution
des terres agricoles du 20 juillet 1991 ;

⎯ la loi sur les conditions spéciales de transfert des biens immobiliers du 18 avril 1998 a interdit
de manière effective la vente de biens immobiliers et la possession de biens par les Albanais ;

⎯ le système bancaire du Kosovo, les fonds financ iers de la banque nationale du Kosovo et de
toutes les banques commerciales ont été complètement sapés et tous les fonds budgétaires

municipaux et du Kosovo ont été usurpés suite à l’ approbation de la loi sur la transmission des
fonds financiers du 29 mai 1991 ;

⎯ en dépit de la composition démographique de la population du Kosovo (90% d’Albanais de
souche), la langue albanaise a été officiellement interdite par la loi sur l’usage officiel de la
langue et des écritures du 27 juillet 1991 ;

⎯ les noms des rues, des places, des écoles et des centres culturels au Kosovo ont été remplacés
par des noms serbes, avec obligation d’apparaître en serbe et en alphabet cyrillique 122 ;

⎯ les activités du ministère public du Kosovo ont été suspendues, de même que celles de la Cour
suprême et des tribunaux municipaux, du bureau juridique et du secrétariat provincial des

affaires intérieures; par la suite, tous les magi strats, procureurs de la République, avocats et
fonctionnaires de police albanais de souche ont été congédiés et remplacés par des Serbes et
des Monténégrins 123;

⎯ les médias du Kosovo, qui se composaient de Radio Televizija Pristina, de six stations de radio
locales, de journaux et de magazines, ont été détruits après avoir été placés sous le contrôle

total des Serbes.

89. Ces mesures, conjuguées à l’abolition de l’autonomie, avaient pour but premier d’exclure

totalement les Albanais du Kosovo de la vi e publique du Kosovo. Elles ont donné lieu à une
oppression systématique et à une discrimination caractérisée, ainsi qu’à un déni clair et net du droit
à l’autodétermination interne des Albanais du Kos ovo. Ces mesures prises par les autorités serbes

violaient de toute évidence le droit international. Comme l’a reconnu la Cour :

«Le fait d’établir et d’imposer, au contraire, des distinctions, exclusions,

restrictions et limitations qui sont uniquement fondées sur la race, la couleur,
l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique et qui constituent un déni des droits
fondamentaux de la personne humaine, est une violation flagrante des buts et principes
de la Charte.» 124

122
La décision stipulant ces changements est publiée dans12numéros consécutifs de la gazette officielle de la
République de Serbie, 1992.
123Voir respectivement la loi sur l’abrogation du droit pénal, la loi sur le ministère public, la loi sur le bureau

juridique et la loi sur les affaires intérieures.
124Conséquences juridiques pour les Etat s de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest
africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1971, p. 57, par. 131. - 36 -

90. Pendant la période allant de1998 à 1999, plus de 700000personnes ont été déplacées
par la force ou ont fui sous la menace directe d’attaques. Le nombre de personnes tuées ou
disparues est estimé à environ15000. Dans de nombreux rapports, de célèbres organisations de

sauvegarde des droits de l’homme ont exprimé leurs vives inquiétudes quant à la physionomie de la
violence orchestrée par l’Etat contre les Albanais du Kosovo 125. Ces violations caractérisées et
systématiques des droits de l’homme ont été vérifiées sur le terrain par des observateurs
126
internationaux de la missi on de vérification de l’OSCE et la KDOM, la mission d’observation
diplomatique au Kosovo. Au cours de ces anné es, le Secrétaire général des NationsUnies a

adressé plusieurs rapports au Conseil de sécurité abordant la situation humanitaire grave sur le
terrain. L’intensification du conflit au Kosovo et le fait qu’il soit considéré comme une menace
pour la paix et la sécurité internationales ont été reconnus et réitérés dans plusieurs résolutions du

Conseil de sécurité.

91. Ainsi, dans la résolution1203 (1998) du 24octobre1998, le Conseil de sécurité a
exprimé sa vive inquiétude au sujet de la situa tion humanitaire grave qui persistait dans tout le
Kosovo et de l’imminence d’une catastrophe humanita ire, et a souligné à nouveau la nécessité de
127
prévenir cette éventualité . Dans la résolution 1239 (1999), le Conseil de sécurité a souligné que
la situation humanitaire continuera it de se détériorer en l’absence de solution politique à la crise
conforme aux principes adoptés par les ministre s des affaires étrangères de l’Allemagne, du

Canada, des Etats-Unis d’Amérique, de la Fédération de Russie, de la France, de l’Italie, du Japon
et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord le 6mai1999 (S/1999/516), et a
128
instamment demandé à tous les in téressés d’Œuvrer à cette solution . Le Conseil de sécurité a
demandé que fût menée à bien sans délai, sous une supervision et avec une participation
internationales, une enquête sur toutes les atrocités commises contre des civils, et qu’une

coopération pleine et entière soit apportée au Tri bunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie
(TPIY), notamment en donnant effet à ses ordonnances, en donnant suite à ses demandes
d’information et en respectant le déroulement de ses enquêtes 129. Plusieurs crimes perpétrés au

Kosovo ont été portés devant le TPIY. Il suffit de mentionner les procédures engagées contre les
plus hauts dirigeants de la Serbie, à savoir Miloševi ć (IT-02-54) et Milutinovi ć et consorts
130
(IT-05-87) .

92. Cette situation déplorable a déclenché l’intervention militaire pour raisons humanitaires

de l’OTAN en1999. Cette intervention a mis fin aux agressions directes commises à l’encontre

125Amnesty International ⎯Rapport1998, République fédérale de Yougoslavie: période de janvier à
décembre1997; Human Rights Watch, FRY: Humanitarian Law Violations in Kosovo , octobre1998; Médecins Sans
Frontières : Survey Data on Mass Expulsions from Kosovo, A Survey of the Kosovar Refugees at Rosaye, Montenegro,
Vincent Brown, Rosaye , 27avril1999, dans Krieger, supra, note5, p.90-118. Voir ég alement plusieurs rapports de

l’International Crisis Group disponibles à l’adresse http://www.crisisgroup.org/home/index.cfm?/=1&id=J243&sr=3
(dernier accès le 15 avril 2009).
126Mission de vérification de l’OSCE menée au Kosovo entre octobre1998 et juin1999, Human Rights in

Koso:vAs Seen, As Told , v1o,l.Oc19r98 Ju1n9e99, disponible à l’adresse
http://www.osce.org/item/17755.html (dernier accès le 15 avril 2009).
127
S/RES/1203 (1998) du 24 octobre 1998.
128S/RES/1239 (1999) du 14 mai 1999, p. 2, par. 5.

129S/RES/1203 (1998) du 24 octobre 1998.
130
Les affaires dites «du Kosovo» sont: Le Procureur c.Miloševi ć (affaire n°IT-02-54, fiche informative
disponible à l’adresse http://www.icty.o rg/x/cases/slobodan_milosevic/cis/fr/cis_milosevic_slobodan_fr.pdf, dernier
accès le15avril 2009), Le Procureur c.Milutinovi ć et consorts (affaire n°IT-05-87, fiche informative disponible à
l’adresse http://www.icty.org/x/cases/milutinovic/cis/fr/cis_milutinovic_et_al_fr…, dernier accès le15avril 2009), et
Le Procureur c/ Đorđević (affaire n° IT-05-87/1, fiche informative disponible à l’adresse

http://www.icty.org/x/cases/djordjevic/cis/fr/cis_djordjevic_fr.pdf, dernier accès le 15 avril 2009). - 37 -

des Albanais de souche et a permis aux personn es déplacées de force de retourner immédiatement
après à leur domicile.

C) Les négociations prolongées sous supervision internationale
n’ont pas donné lieu à un accord

93. Comme mentionné ci-dessus, le cadre constitutionnel pour un gouvernement autonome
provisoire au Kosovo reconnaît que «le Kosovo est une entité sous administration internationale

provisoire qui, ainsi que son peuple, présente des caractéristiques historiques, juridiques, culturelles
et linguistiques uniques». Le fait de le r econnaître était manifestement d’une importance
considérable pour le règlement po litique, quel qu’il fût, qui était envisagé dans la résolution1244
(1999). Le règlement politique devait respecter le droit à l’autodétermination du peuple du

Kosovo. Autrement dit, aucun règlement politi que définitif ne pouvait se faire sans une
participation du peuple kosovar. Que ce soit par référendum ou par l’organi sation d’élections, le
peuple du Kosovo devait donne r son consentement au règl ement politique, quel qu’il fût 131. Les

organes des NationsUnies ont tenté de parvenir à un règlement politique respectant le droit du
peuple kosovar à disposer de lui-même. Cela s’est toutefois avéré impossible.

94. Comme mentionné ci-dessus, le 17 févrie r 2008 les représentants du peuple du Kosovo,
élus le17novembre 2007, ont déclaré l’indépenda nce du pays sous la dénomination «République
du Kosovo». Cette mesure a été prise par des dirigeants kosovars en coopération et consultation

étroites avec un grand nombre d’acteurs internationa ux, suite à l’échec d’un accord avec la Serbie
et à l’impossibilité de parvenir à une solution au sein du Conseil de sécurité. La majeure partie de
la communauté internationale a réagi en approuvant de manière tacite, si ce n’est explicite, la
déclaration d’indépendance.

95. Il a parfois été exprimé la peur de voir le cas du Kosovo utilisé par des mouvements
séparatistes. Cette crainte repose sur des idées fausses et une non reconnaissance du caractère

sui generis (c’est-à-dire spécifique) du cas du Kosovo. Depuis sa déclaration d’indépendance, le
Kosovo a été reconnu par 57pays, la procédure de reconnaissance étant en cours pour d’autres
pays. Parmi ces pays, 22sont membres de l’Union européenne et trois sont des membres

permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies, à savoir les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la
France.

96. Il a été recouru à tous les moyens possibles avant que les autorités kosovares ne déclarent
l’indépendance du pays. Le représentant spécial du Secrétaire général pour les négociations sur le
statut final du Kosovo, M.MarttiAhtisaari, a indiqué en mars2007 que les parties avaient bien
précisé qu’elles n’étaient pas en mesure de se mettre d’accord sur le statut du Kosovo. Par la suite,

une troïka composée de représentants des Etats-Unis, de l’Union européenne et de la Russie a tenté,
pendant 90jours, d’agir en qualité de médiat eur pour mener des négociations sous forme de
navettes diplomatiques. Encore une fois, aucun rapprochement des positions campées par les

parties n’a pu être effectué. Le plan Ahtisaari a été présenté au Conseil de sécurité, qui en a pris
note sans toutefois l’approuver.

131Voir J. A. Frowein, The Protection of Human Rights in Europe and The Right to Self-Determination,

Studime 10, 2003, Academia Scientiarum et Artium Kosoviensis, 9, 16 s. - 38 -

D) La résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité ne déterminait pas la forme du règlement
définitif du statut ni son mode d’expression

97. D’aucuns affirment parfois que la déclaration d’indépendance du Kosovo est exclue en
vertu de la résolution1244 (1999). La résolu tion1244 (1999) autorisait le Secrétaire général à
établir une présence civile internationale, sous l’égide des NationsUnies, dont les fonctions

seraient d’encourager et de faciliter le développement des institutions démocratiques
d’administration autonome du Kosovo et d’emp êcher Belgrade d’exercer une autorité
gouvernementale au Kosovo.

98. Comme mentionné ci-dessus, la résolution 1244 (1999) prévoyait, en son paragraphe 11,
point e), un processus politique qui débouch erait sur un statut final «en tenant compte des Accords
de Rambouillet», et admettait dès lors la possibilité d’une indépendance du Kosovo, si telle était la

volonté du peuple. L’emploi de diverses expressions, telles que «règlement définitif», «règlement
politique» et «statut futur du Kosovo», confirme cette approche.

99. Après de longues négociations menées par le biais de l’envoyé spécial des Nations Unies
avec la participation d’autorités serbes et kos ovares, l’envoyé spécial a réaffirmé que le statu quo
ne pouvait être maintenu, que toutes les possib ilités de parvenir à une issue négociée du commun

accord des parti132avaient été épuisées et que la seule option viable pour le Kosovo était
l’indépendance . Après que le Secrétaire général des Nations Unies a exprimé son soutien total à
la position adoptée par l’envoyé spécial et après l’échec d’un ultime effort mis en Œuvre par la
troïka pour établir s’il existait une quelconque chance de parvenir à un accord, le Kosovo a déclaré

son indépendance, respectant et honorant ainsi pleinement le processus lancé par la résolution 1244
(1999) pour déterminer le statut du territoire.

100. A aucun moment par la suite le représentant spécial du Secrétaire général au Kosovo ou
tout autre organe des Nations Unies n’a déclaré que la déclaration d’indépendance était dépourvue
de validité ou nulle et non avenue. De fait, ni le Conseil de sécurité ni l’Assemblée générale n’a
pris aucune mesure à l’encontre de la déclarati on d’indépendance. Par ailleurs, aucun organe des

NationsUnies n’a recommandé aux Etats de s’ abstenir de reconnaître l’Etat nouvellement
indépendant du Kosovo. Cela mont re que la situation est complètement différente des cas dans
lesquels le Conseil de sécurité ou l’Assemblée gé nérale a recommandé ou décidé que les Etats ne

devaient pas reconnaître une nouvelle entité en tant qu’Etat indépendant.

101. La référence faite dans le préambule de la résolution 1244 (1999) à la «souveraineté et à

l’intégrité territoriale de la République fédérale de Yougoslavie» au sens de l’acte final d’Helsinki
et de l’annexe 2 réaffirmait un élément auquel étaient attachés les Etats Membres mais ne répondait
pas à la question de savoir si les représentants du peuple du Kosovo pouvaient déclarer
l’indépendance. En effet, le libellé de la résolution implique la possibilité que l’issue soit

l’indépendance; entre autres, l’annexe2 s’att ache uniquement à la période de l’administration
intérimaire et cette référence dans le préambule n’ a aucun rapport avec la question du statut final.
Il est vrai que la résolution 1244 (1999) ne mentionne pas le droit à l’autodétermination. Toutefois,
la référence à l’acte final d’Helsinki implique clairement le droit à l’autodétermination, qui est

exposé en détail au principe VIII de l’acte final.

102. Comme l’a fait remarquer un commentateur,

132
Rapport de l’envoyé spécial du Secrétaire généra l sur le statut futur du Kosovo, NationsUnies
Doc. S/2007/168 du 26 mars 2007. - 39 -

«tout compte fait, il semblerait que la résolution1244 n’encourage pas ni n’empêche

la sécession du Kosovo. Bien que le paragr aphe 1 du dispositif de la résolution 1244
dispose qu’une solution politique reposera sur les principes énoncés aux annexes1
et2, lesdites annexes sont muettes quant à la forme gouvernementale du statut final.

Les annexes ne font qu’indiquer qu’un « accord-cadre politique intérimaire» devra
prévoir une autogouvernance substantielle pour le Kosovo et tenir compte de
l’intégrité territoriale de la République fédérale de Yougoslavie. Le paragraphe11,

point a) énonce que la présence civile interna tionale facilitera «en attendant un
règlement définitif, l’instauration au Kosovo d’une autonomie et d’une
auto-administration substantielles...». La formule «autonomie substantielle» s’adresse

donc au statut provisoire du Kosovo. De plus, les références à l’intégrité territoriale
de la Serbie apparaissent uniquement dans le préambule et non dans le dispositif. Le
document reste donc muet quant à la forme du statut final du Kosovo.» 133

E) La déclaration d’indépendance a été adoptée par les représentants librement et

démocratiquement élus du Kosovo

103. Il est généralement admis que c’est le pe uple qui détient la souveraineté et que celle-ci

peut et doit être exprimée au travers de ses représentants dûment élus. La déclaration
d’indépendance du 17 février 2008 a été adoptée par 109 voix sur les 120 membres de l’Assemblée
du Kosovo. Cette assemblée a été démocratiquement élue en novembre2007, comme l’ont
134
confirmé des observa teurs internationaux . Son vote représente une majorité écrasante des
représentants du peuple du Kosovo.

104. En dépit des attentes fondées, la propositio n avancée par l’envoyé spécial du Secrétaire
général des NationsUnies, M.MarttiAhtisaari, n’ a pas été approuvée par le Conseil de sécurité.

En déclarant l’indépendance du pays, l’Assemblée du Kosovo a exercé les prérogatives qui lui sont
conférées en tant qu’organe dûment élu des représenta nts du peuple du Kosovo. Le président et le
premier ministre du Kosovo ont pris part à cette session spéciale de l’Assemblée et signé la

déclaration. Le fait que la déclaration d’indépendance ait été signée par toutes ces personnes
témoigne du fait qu’elles agissaient de concert dans l’expression de la volonté souveraine du peuple
du Kosovo.

105. Après quatre années d’administration du territoire du Kosovo par les Nations Unies, il a
été jugé qu’aucune solution finale ne pouvait être adoptée contre la volonté du peuple du
135
Kosovo . On pourrait également faire valoir que les organes des Nations Unies doivent aboutir à
un règlement politique respectueux du droit à l’autodé termination. Il serait contraire au droit à
l’autodétermination qu’une période d’administra tion internationale ne soit pas accompagnée de

quelque attente que ce soit envers une solution adéquate. La résolution1244 (1999) avait

133C. J. Borgen, «Kosovo’s Declaration of Independence : Self-Determination, Secession and Recognition», ASIL
Insights, vol.12, n2, 29février2008, disponible à l’adresse htt://www.asil.org/insights080229.cfm (dernier accès
le 15 avril 2009).

134Voir, entre autres, la déclaration préliminaire par la Mission du Conse il de l’Europe pour l’observation des
élections au Kosovo (CEEOM V), disponible à l’adre sse http://www.coe.int/t/dc/files/events/2007_kosovo/
prelim_statement_FR.asp ? (dernier accès le 15 avril 2009) ; la déclaration de l’Union européenne au sujet des élections
organisées au Kosovo (17 novembre 2007), texte anglais di sponible à l’adresse http://www.osce.org/documents/pc/2007/

11/28258_en.pdf (dernier accès le 15 avril 2009).
135J. A. Frowein, loc. cit., p. 16-18. - 40 -

clairement pour but de faciliter un processus politique visant à définir le statut futur du Kosovo 136.

Après plus de huit années de vaines tentativ es visant à négocier un règlement définitif, la
déclaration d’indépendance était la seule possibilité d’aboutir à une solution.

F) Respect et sauvegarde des droits de l’homme des minorités dans la Constitution et
le cadre juridique du Kosovo

106. Les dirigeants kosovars ont adopté une politique d’intégration de la population serbe du
Kosovo aux activités des entités politiques et de prise des décisions du pays. En plusieurs

occasions, les premiers ministres successifs et d’ autres représentants officiels du Kosovo se sont
adressés en albanais et en serbe au Parlement du Kosovo. Du point de vue du cadre juridique
existant, la Constitution récemment adoptée du Kosovo crée les conditions nécessaires pour la

représentation des minorités ethniques du Kosovo dans la vie politique du pays et la pleine
jouissance par ces minorités des normes les plus élevées en matière de droits de l’homme.

107. La Constitution dispose d’un chapitre dis tinct sur les «droits des communautés et de
leurs membres», à savoir les articles57 à62 137. Au travers de ces articles, d’autres droits ont été

reconnus aux minorités ethniques, le gouvernement du Kosovo ayant l’obligation qui en découle de
garantir des conditions appropriées permettant a ux communautés et à leurs membres de préserver,
de sauvegarder et de développer le ur identité. Par ailleurs, la Ré publique du Kosovo est tenue de

promouvoir la sauvegarde du patrim oine culturel et religieux de toutes les communautés comme
faisant partie intégrante du patrimoine du Kosovo. Des dispositions supplémentaires sont incluses
pour prévoir la participation des minorités ethniqu es au gouvernement local. Ainsi, dans les

municipalités où au moins dix pour cent (10%) de la population appartient à des communautés
minoritaires de ces municipalités, un poste de vi ce-président de l’assemblée municipale des
communautés est réservé à un représentant desdites communautés 138.

108. En plus de faire respecter les normes les plus élevées en matière de droits de l’homme,
en mettant en place les mesures de protection nécessaires pour les droits des minorités, la

déclaration d’indépendance du Kosovo observe les lignes directrices sur la reconnaissance des
nouveaux Etats en Europe de l’Est et en Union soviétique («lignes directrices sur la
reconnaissance»). Ces lignes directrices spécifiaient diverses conditions préalables pour la

reconnaissance de nouveaux Etats en Europe de l’Est et en Union soviétique, y compris le respect

136J. A. Frowein, loc. cit. p. 17, comparer également avec A. Zimmermann/Co Stahn, Yugoslav Territory, United

Nations Trusteeship or Sovereign State ? Reflections on the Current and Future Legal Status of Kosovo, Nordic Journal
of International Law 70, 423-460, 2001, 423, notamment 454-460.
137La version intégrale en anglais de ces articles, des di spositions fondamentales et des dispositions sur les droits
et libertés fondamentaux est dis ponible à l’adresse http://www.kosovoc onstitution.info/repository/docs/

Constitution.of.the.Republic.of.Kosovo.pdf (dernier accès le 15 avril 2009).
138Article 62 de la Constitution du Kosovo. - 41 -

139
des droits des minorités et le maintien des frontières existantes . Par ailleurs, le Kosovo a indiqué
qu’il s’estime contraint par les obligations inte rnationales découlant des principaux instruments

internationaux sur les droits de l’homme. Un grand nombre des instruments internationaux les plus
importants sur les droits de l’homme est d’application directe au Kosovo et prime les dispositions
législatives et autres actes émis par les institutions publiques 140.

G) Politiques du Kosovo en matière d’avenir et de relations amicales

109. Dans sa Constitution, le Kosovo a renon cé à quelque revendication territoriale que ce
soit à l’encontre d’autres Etats, ce qui devrait apaiser les craintes des autorités de l’ancienne

République yougoslave de Macédoine ou même de la Serbie. De plus, la République du Kosovo
s’est également engagée à ne pas chercher à s’un ir à tout Etat ou partie de tout Etat. Ces

engagements sont conformes aux principes de base adoptés en novembre2005 par le groupe de
contact pour le règlement du statut du Kosovo.

110. Les autorités kosovares ont souvent déclaré que le Kosovo est résolu
ment orienté vers
une adhésion à l’OTAN et à l’Un ion européenne. Elles ont exprimé l’attachement du Kosovo à la

paix, à la sécurité, au respect pour les droits de l’homme et au développement économique de la
région et à l’instauration de relations amicales avec ses voisins, y compris la Serbie. Comme l’ont

139
Déclaration sur les lignes directrices sur la reconnaissance des nouveaux Etats en Europe orientale et en Union
soviétique, 16 décembre 1991. Ils [c’est-à-dire les Etat s membres du Conseil européen] adoptent une position commune
pour le processus de reconnaissance de ces nouveaux Etats, qui implique : ⎯ le respect des dispositions de la Charte des
Nations Unies et des engage ments souscrits dans l’acte final d’Helsinki et dans la Charte de Paris, notamment en ce qui
concerne l’état de droit, la démocratie et les droits de l’homme ; ⎯ l’apport de garanties pour les droits des groupes et
minorités ethniques et nationaux conformément aux engagements souscrits dans le cadre de la conférence sur la sécurité
et la coopération en Europe (les itali ques sont de nous). Il convient de ment ionner les articles pr emier et3 de la
Constitution du Kosovo. L’article premier (définition de l’Etat) de la Constitution du Kosovo dispose :

«1. La République du Kosovo est un Etat indépendant, souverain, démocratique, unique et indivisible.

2. La République du Kosovo est l’Etat de ses citoyens. La République du Kosovo exerce son autorité en se
basant sur le respect des droits de l’homme et des libertés de ses citoyens et de tous les autres individus présents dans ses
frontières.

3. La République du Kosovo s’engage à ne faire aucune revendication terr itoriale à l’encontre de tout Etat ou
toute partie d’un Etat et à ne pas chercher à s’unir à tout Etat ou toute partie d’un Etat»; les italiques sont de nous.
L’article 3 (Egalité devant la loi) de la Constitution du Kosovo dispose :

«1. La République du Kosovo est une société multiethni que composée d’Albanais et d’autres communautés,
gouvernée de manière démocratique dans un respect total de l’ét at de droit au travers de ses institutions législative,
exécutive et judiciaire.

2. L’exercice de l’autorité publi que dans la République du Kosovo se base sur les principes de l’égalité de tous
les individus devant la loi et se fait dans un respect total des droits de l’homme et des libertés fondamentales reconnus au
niveau international, ainsi qu’en veillant à la sauvegarde des droits et à la participation de toutes les communautés et de
leurs membres». (italiques ajoutés)

140Voir article 22 de la Constitution du Kosovo. Celui-ci dispose :

«Les droits de l’homme et le s libertés fondamentales consacrés par les accords et instruments
internationaux suivants sont garantis par la présente constitution, sont d’application directe dans la
République du Kosovo et, en cas de conflit, priment toutes autres dispositions législatives et autres actes
des institutions publiques: 1)la déclaration univers elle des droits de l’homme; 2)la convention
européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et les protocoles s’y

rapportant ; 3) le pacte international relatif aux droits civils et politiques et les protocoles s’y rapportant ;
4)la convention-cadre du Conseil de l’Europe pour la protection des minorités nationales; 5)la
convention sur l’élimination de t outes les formes de discrimination raciale; 6)la convention sur
l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femme s; 7)la convention relative aux
droits de l’enfant ; 8)la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou
dégradants.» - 42 -

réitéré à plusieurs reprises les autorités kosovar es, le gouvernement du Kosovo adhère aux valeurs
de l’Union européenne: paix, développement économ ique et libre circulation de tous. De leur

côté, les représentants de l’Unio141uropéenne ont, en plusieurs occasions, exprimé leur soutien à un
avenir européen pour le Kosovo . Depuis le début de son existence, la République du Kosovo a
exprimé son engagement résolu en faveur du dé veloppement de relations amicales avec tous ses
voisins, y compris la Serbie.

PARTIE VI

C ONCLUSIONS ET OBSERVATIONS

111. Au vu des éléments qui précèdent, la République d’Albanie demande à ce qu’il plaise à
la Cour s’abstenir de rendre un avis consultatif da ns la présente affaire. Comme elle l’a expliqué

ci-dessus, la déclaration d’indépendance n’est pas ré glementée par le droit international. De plus,
cet avis consultatif n’aiderait pas l’Assemblée générale à exercer ses fonctions et ne serait pas
propice à de meilleures relations amicales entre les Etats.

112. Dans l’éventualité où la Cour jugerait néanmoins opportun et nécessaire de rendre un
avis consultatif, l’Albanie demande à ce qu’il pl aise à la Cour répondre à la question posée par

l’Assemblée générale de la manière suivante : la déclaration d’indépendance du Kosovo est
pleinement conforme au droit international puisqu’elle est l’expression du droit du peuple du
Kosovo à disposer de lui-même ou, à titre subs idiaire, la déclaration d’indépendance du Kosovo
n’est pas contraire à quelque règle applicable que ce soit du droit international.

113. Le peuple de la République du Kosovo est déterminé à bâtir un avenir meilleur pour les
générations à venir et à vivre en paix avec ses voi sins. Les autorités kosovares ont exprimé leur

engagement résolu en faveur d’une société qui respecte les droits de l’homme et les libertés
fondamentales de tous les cito yens du Kosovo. L’indépendance du Kosovo est et restera une
réalité. Il appartient à la Serbie de décider de la façon dont elle veut l’accepter. La République
d’Albanie aimerait souligner que les tentatives d’entrave au développement et au progrès du peuple

du Kosovo, en portant atteinte à ses choix légitim es, comme l’a fait la Serbie jusqu’à présent, ne
sont pas propices à la paix et à la sécurité dans les Balkans. Par ce motif, l’Albanie demande à ce
qu’il plaise à la Cour déclarer que la Serbie doit respecter le droit à l’au todétermination du Kosovo

et se conduire conformément aux principes généralement admis en matière de relations amicales et
de coopération entre les Etats, pour le bénéfice des deux peuples et dans l’intérêt du maintien et de
la consolidation de la paix et de la sécurité dans la région des Balkans.

___________

141Voir, entre autres, Commission européenne, Un avenir européen pour le Kosovo , IP/05/450 du
20avril 2005; M. Olli Rehn, Commissaire européen à l’élargissement,European Institutions’ reactions on
Kosovo independence, SPEECH/08/91 du 20 février 2008 ; Kosovo (Under UNSCR J244/99) 2008 Progress
Report, SEC(2008) 2697 du 5novembre 2008; Commission des Communautés européennes, Stratégie

d’élargissement et principaux défis 2008-2009, COM(2008) 674 final du 5 novembre 2008, p. 5.

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Exposé écrit de l'Albanie (traduction du Greffe)

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