Exposé écrit de l'Azerbaïdjan (traduction du Greffe)

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EXPOSÉ ÉCRIT DE LA RÉPUBLIQUE D ’AZERBAÏDJAN

[Traduction]

I. Introduction

1. Les institutions provisoires d’administration autonome du Kosovo ⎯ qui font partie de la
République de Serbie sous administration de l’ONU en application de la résolution 1244 (1999) du
10juin1999 du Conseil de sécurité des Natio ns Unies (ci-après dénommé le «Conseil de

sécurité») ⎯ ont déclaré unilatéralement leur indépendance le 17 février 2008.

2. Le 8octobre2008, l’Assemblée géné rale des Nations Unies (ci-après dénommée

«l’Assemblée générale») a adopté la résolution A/R ES/63/3 dans laquelle, se référant à l’article5
du Statut de la Cour internationa le de Justice (ci-après dénommée «l a Cour»), elle prie la Cour de
rendre un avis consultatif sur la question suivante : «La déclaration unilatérale d’indépendance des

institutions provisoires d’administration autonome du Kosovo est-elle conforme au droit
international ?»

3. Cette résolution a été approuvée, à l’issue d’un vote enregistré, par 77 voix, dont celle de

la République d’Azerbaïdjan (ci-après dénommée «l’Azerbaïdjan»), contre 6, avec 74 abstentions.

4. Dans son ordonnance datée du 17 octobre 2008, la Cour a décidé que «l’Organisation des

Nations Unies et ses Etats Membres sont…susceptibles de fournir des renseignements sur la
question soumise à la Cour pour av is consultatif». La Cour a fixé au 17avril2009 la date
d’expiration du délai dans lequel des exposés écrits sur la question pourront être présentés à la
Cour, et au 17 juillet 2009 la date d’expiration du délai dans lequel les Etats et organisations ayant

présenté des exposés écrits pourront soumettre des observations écrites sur les autres exposés.

5. Eu égard à l’ordonnance de la Cour du 17octobre2008, en tant qu’Etat Membre de

l’Organisation des NationsUnies et en vertu du pa ragraphe1 de l’article 93 de la Charte des
Nations Unies (ci-après dénommée la «Charte»), l’Azerbaïdjan est ipso facto partie au Statut de la
Cour et soumet le présent exposé écrit.

II. Compétence de la Cour

6. En application du paragraphe1 de l’artic le96 de la Charte, l’Assemblée générale «peut
demander à la Cour internationale de Justice un avis consultatif sur toute question juridique».

7. Sur cette base, l’Assemblée générale a été dûment autorisée à demander le présent avis
consultatif sur cette question juri dique relevant incontestablement de ses fonctions prévues par la

Charte. - 2 -

8. La question sur laquelle a été demandé l’avis consultatif de la Cour est incontestablement
une question juridique formulée en application du pa ragraphe1 de l’article96 de la Charte et de
l’article65 du Statut de la Cour. La question « est libellée en termes juridiques et soul[ève] des
1
problèmes de droit international» et [est] ... susceptible de recevoir une réponse fondée en droit» .

9. Par conséquent, la Cour est compétente pour rendre un avis consultatif sur la question qui

lui est posée. En outre, l’Azerbaïdjan considère qu’il n’existe pas de «raisons décisives» pour que
la Cour refuse de donner l’avis demandé. Dans le même temps, «[e]n prêtant son assistance à la
solution d’un problème qui se pose à l’Assemblée générale, la Cour s’acquitterait de ses fonctions
2
d’organe judiciaire principal des Nations Unies» .

III. Principes juridiques applicables

10. Le Conseil de sécurité, agissant conforméme nt au chapitre VII de la Charte, a adopté le
10 juin 1999 la résolution 1244 (1999) selon laquelle le Kosovo est administré par une présence
internationale civile (MINUK), tandis que la sécurité est assurée par une présence internationale de

sécurité (KFOR).

11. Cette résolution expose les lignes directri ces ainsi que les mesures futures qui seront
prises afin de déterminer le statut définitif du Kosovo sur la base d’un règlement politique, dans le
cadre d’un processus politique et par des négociations.

12. Selon ladite résolution, le Conseil de sécurité a décidé d’inclure notamment dans les
principales responsabilités de la présence internationa le civile la mesure suivante: «[f]aciliter, en

attendant un règlement définitif, l’instaura tion au Kosovo d’une autonomie et d’une
auto-administration substantielles» (par. 11 a)).

13. En décidant de l’administration internationale du Kosovo, le Conseil de sécurité a
réaffirmé «l’attachement de tous les Etats Membres à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de
la République fédérale de Yougoslavie [/République de Serbie] et de tous les autres Etats de la

région» (préambule par. 10 de la résolution 1244 (1999) et annexes 1 et 2 de celle-ci).

14. Il existe des interprétations divergentes de la résolution 1244 (1999) et aucune unanimité

n’a été obtenue au sein du Conseil de sécurité, ni parmi les Etats Membres des NationsUnies en
général quant à la question examinée par la Cour.

15. L’Azerbaïdjan estime toutefois que seul le C onseil de sécurité peut modifier le régime
juridique pertinent établi pour le Kosovo par la résolution 1244 (1999) ou y mettre fin.

16. Ni les divergences relatives à l’interprétation de la résolution 1244 (1999) ni l’absence de
progrès dans les négociations politiques entre les parties intéressées ne peuvent servir à justifier des

actions unilatérales.

1
Sahara occidental, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1975, p. 18, par. 15.
2Ibid., p. 21, par. 23. - 3 -

17. De plus, ni les circonstances spécifiques am enant clairement à considérer cette affaire

comme étant sui generis ou, en d’autres termes, unique, ni la résolution 1244 (1999) ne légitiment
d’actions qui ne reposeraient pas sur un règlement mutuellement acceptable.

18. Il est essentiel de souligner que les Etats sont au cŒur du système juridique international
et les sujets principaux du droit international, tandis que le principe de protection de l’intégrité de
l’expression territoriale des Etats doit revêtir une importance majeure . 3

19. L’intégrité territoriale ainsi que la souveraineté des Etats sont d
es concepts
inextricablement liés en droit international. Ce sont des principes fondateurs. Contrairement à

beaucoup d’autres normes du droit international, ils ne peuvent être modifiés qu’à la suite d’un
changement conceptuel dans l’interprétation classique et contemporaine du droit international.

20. La Cour a clairement souligné que «[e] ntre Etats indépendants, le respect de la
souveraineté territoriale est l’une des bases essentielles des rapports internationaux» . 4

21. L’obligation juridique incombant ainsi aux Etats est de respecter l’intégrité territoriale
des autres Etats. Celle-ci découle de la souveraineté des Etats et de l’égalité entre ces derniers.

22. Il est bien entendu important de noter que cette obligation ne consiste pas seulement à
protéger le territoire en tant que tel ou bien le droit d’exercer sa compétence sur le territoire ni

même la souveraineté territoriale; le respect de l’intégrité territoriale comporte l’obligation
additionnelle de préserver l’indivisibilité territori ale ou encore la définition ou la délimitation de
certains Etats. Tous les Etats ont l’obligation de reconnaître que la structure et la configuration

territoriales proprement dites d’un Etat doivent être respectées.

23. Le principe du respect de l’intégrité terr itoriale des Etats constitue un élément fondateur

du droit international étayé par de nombreux exempl es de la pratique intern ationale, régionale et
bilatérale. Cet élément est c onsacré dans des inst ruments internationaux, obligatoires et
nonobligatoires, allant des résolutions des Nati onsUnies à caractère général ou spécifique aux

accords multilatéraux internationaux, régionaux et bilatéraux.

24. Le droit international écarte sans ambiguïté tout droit de sécession d’Etats indépendants.

Le principe fondamental de l’intégrité territori ale aurait autrement peu de valeur si le droit
international devait reconnaître un droit de sécession applicable aux Etats indépendants.

25. Le droit international n’ouvre pas la voi e à la légitimation d’une sécession unilatérale ou
nonconsensuelle quelle qu’elle soit. La sécession d’ un Etat souverain existant ne découle pas de
l’exercice d’un droit conféré en droit international et, partant, ne relève pas des normes et principes

juridiques internationaux généralement admis, applicables selon des critères précisément définis.

3 Voir, généralement, J. Castellino and S. Allen, Title to Territory in International Law: A temporal Ana,ysis
Aldershot, 2002 ; G. Distefano, L’Ordre international entre Légalité et Effectivité : Le Titre juridique dans le contentieux

territorial, Paris, 2002 ; R. Y. Jennings, The Acquisition of Territorin International Law , Manchester, 1963;
M.N.Shaw, «Territory in International Law», 13 Netherlands YIL, 1982, p. 61; N.Hill, Claims to Territory in
International Law and Relations , Londres, 1945; J.Gottman, The Significance of Territory, Charlottesville, 1973; et
S. P. Sharma, Territorial Acquisition, Disputes and International Law, La Haye, 1997.
4 Affaire du Détroit de Corfou. - 4 -

26. Les NationsUnies se sont toujours fe rmement opposées à toute tentative de rupture

partielle ou totale de l’unité nationa le et de l’intégrité territoriale d’un Etat. Le Secrétaire général
des NationsUnies a souligné que «[e]n tant qu’organisation internationale, l’ONU n’a jamais
accepté et n’accepte pas, et je doute qu’elle l’accepte jamais, le principe de sécession d’une partie
5
d’un Etat Membre» .

Comme l’a écrit un grand auteur,

«[d]epuis1945, la communauté internationa le a manifesté la plus grande réticence à
accepter la sécession unilatérale de parties d’Etats indépendants si le gouvernement de

cet Etat s’y opposait. Dans ce cas, le princi pe de l’intégrité territoriale a constitué une
sérieuse contrainte. Depuis1945, aucun Etat créé des suites d’une sécession
unilatérale n’a été admis à l’Organisation des NationsUnies si l’Etat prédécesseur
6
avait exprimé clairement son désaccord.»

27. Dans ce contexte, il y a lieu de prendre très au sérieux la tentative de solution unilatérale

du problème du Kosovo que constitue la déclaration d’indépendance de ses institutions provisoires
d’administration autonome.

28. Tous les Etats sont liés par les norme s et principes généralement admis du droit
international, y compris notamment en ce qui concerne le respect de la souveraineté et de l’intégrité
territoriale des Etats, l’inviolabilité de leurs frontières internationalement reconnues et la

non-ingérence dans leurs affaires internes.

29. L’Azerbaïdjan estime que le respect fidèle des normes et principes généralement admis
du droit international concernant les relations amicales et la coopération entre les Etats ainsi que
l’exécution de bonne foi des obligations contract ées par les Etats revêtent la plus grande

importance pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales.

L’Azerbaïdjan se réserve le droit de compléter le présent exposé écrit en tant que de besoin
et de participer à la suite de la procédure.

___________

5
Chronique mensuelle des Nations Unies (février 1970), p. 36.
6J. Crawford, Creation of States in International Law, Oxford, 2 éd., 2006, p. 390.

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