Observations écrites des Etats-Unis d'Amérique (traduction du Greffe)

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Lettre en date du 17 juillet 2009 adressée au greffier par le conseiller juridique du
Département d’Etat des Etats-Unis

[Traduction]

Conformément à l’ordonnance de la Cour en date du 17octobre2008, j’ai l’honneur de
vous faire parvenir 30exemplaires des observa tions écrites des Etats-Unis d’Amérique
concernant la demande d’avis consultatif de l’Assemblée générale des NationsUnies sur la
question de la Conformité au droit international de la déclaration unilatérale d’indépendance

des institutions provisoires d’administration autonome du Kosovo. Je joins également une
disquette contenant le te xte de ces observations.

Veuillez agréer, etc.

Pièces jointes : Comme indiqué.

___________ O BSERVATIONS ECRITES DES E TATS -U NIS D ’AMERIQUE

[Traduction]

TABLE DES MATIERES

Page

CHAPITRE I. INTRODUCTION ........................................................................
............................ 1

CHAPITRE II. Evolution récente de la situation ........................................................................
..... 4

CHAPITRE III. Comment la Cour peut envisager la question posée ............................................. 7

CHAPITRE IV. La déclaration d’indépend ance du Kosovo est conforme au droit
international général ........................................................................
............................................. 9

Section I. La déclaration d’indépendance du Kosovo est conforme au principe juridique
du respect de l’intégrité territoriale, qui opère entre Etat.................................................. 10

A. Le principe juridique de l’intégrité territoriale n’empêche pas les acteurs non

étatiques de déclarer l’indépendance........................................................................
........ 11

B. Les exemples historiques de conflits «internes» n’établissent pas que le principe
juridique de l’intégrité territoriale interdit à des acteurs non étatiques de déclarer

pacifiquement l’indépendance ........................................................................
................. 13

Section II. La Cour n’a pas à décider si le Kosovo a validement exercé un droit à
l’autodétermination pour répondre à la question que lui pose l’Assemblée générale............ 15

o
CHAPITRE V. La Déclaration d’indépendance est conforme à la résolution n 1244................. 18

Section I. Les références à l’intégrité territoriale dans la résolution 1244 et les documents

connexes anticipaient la possibilité de la déclaration d’indépendance du Kosovo............... 19

Section II. La résolution 1244 mentionnait «l ’autonomie» et «l’auto-administration»
comme des principes devant s’appliquer uniquement durant la période intérimaire ......... 24

Section III. Rien dans la résolution1244 n’ex ige que le statut futur du Kosovo soit
déterminé uniquement par un accord........................................................................
............. 24

A. La résolution 1244 ne mentionne nulle part un «accord» en ce qui concerne le
statut futur du KOSOVO ........................................................................
......................... 25

B. La résolution 1244 n’exige d’aucune autre manière la conclusion d’un accord ........... 26

1. La déclaration d’indépendance n’a pas empêché la présence civile
internationale de s’acquitter de son mandat .............................................................. 27

2. Le Kosovo n’a pas négocié de mauvaise foi................................................................. 28

Section IV. Les arguments relatifs au cadre c onstitutionnel et aux autres règlements de la
MINUK ne démontrent pas que la déclara tion du Kosovo est contraire au droit

international ........................................................................
................................................... 29 - ii -

A. L’Assemblée du Kosovo n’a pas outrepa ssé ses pouvoirs cons titutionnels en
violation du droit international ........................................................................
................ 29

B. La déclaration d’indépendance n’est pas incompatible avec la poursuite par la
MINUK de l’exercice des responsabilité s que lui confie la résolution 1244 ................ 30

C. Le cadre constituti onnel et les autres règlements de la MINUK relèvent du droit
interne, non du droit international ........................................................................
........... 30

Section V. Les efforts déployés en 2007 pour obtenir du Consei l de sécurité qu’il

adopte une résolution ne prouvent pas qu e la déclaration d’indépendance du Kosovo
a violé le droit international ........................................................................
.......................... 33

Section VI. La Cour devrait respecter la décision des responsables de l’Organisation des
Nations Unies de ne pas déclarer la déclaration d’indépendance illicite............................... 34

CHAPITRE VI. CONCLUSION ........................................................................
............................ 36 CHAPITRE I

INTRODUCTION

En application de l’ordonnance de la Cour datée du 17octobre2008, les Etats-Unis

soumettent les présentes observations écrites sur les exposés écrits présentés le 17 avril 2009.
Dans leur exposé écrit du 17avril, les Etats-Unis expliquaient, premièrement, pourquoi la

déclaration d’indépendance pacifique du Kosovo était nécessaire, inévitable et stabilisante et,
deuxièmement, pourquoi la Cour ⎯si elle décide de répondre a la question que lui a adressée
l’Assemblée générale ⎯ devrait juger que cette déclaration est pleinement conforme au droit

international. Aucun des arguments avancés dans les divers exposés écrits ne jette un doute sur
cette conclusion.

Depuis sa déclaration d’indépendance du 17février2008, le Kosovo fonctionne comme un
Etat indépendant, jouissant d’un appui multilatéral et bilatéral augmentant régulièrement. Tout
récemment, 109Etats ont approuvé l’admission du Kosovo à la Banque mondiale, au Fonds

monétaire international ou à ces de ux organisations. Le s Etats-Unis ont relaté dans leur exposé
écrit comment la déclaration d’indépendance du Kosovo était devenue à la fois nécessaire et
inévitable :

⎯ L’indépendance du Kosovo a été la dernière étap e de la dissolution de l’ex-Yougoslavie, qui a
duré des décennies. Belgrade a recouru à la force et agi illicitement pour priver le Kosovo de

son autonomie, le forçant à rechercher son indépendance pour échapper à une répression brutale
et intolérable. Avant de se libérer finalement de cette répression, le peuple du Kosovo a subi
une campagne d’épuration ethnique comme on n’en avait pas vu en Europe depuis la seconde

guerre mondiale, excepté peut-être celle qu’a subie le peuple de Bosnie. Cette campagne a fini
par arracher 90 % de la populati on majoritaire à ses foyers, une grande proportion des habitants
ayant été expulsés du pays et ceux qui restaient s’efforçant de survivre dans des conditions
épouvantables. A toutes fins utiles, en raison de ces événements horribles, oppresseurs et

oppressés ne peuvent plus partag er un espace politique commun.

⎯ En juin1999, le Conseil de sécurité a reconnu la réalité de cette fracture et fait preuve de
prévoyance en décidant d’adopter la résolution 1244, qui avait trois fonctions essentielles.
Premièrement , le Conseil a fait face à la crise politique immédiate en mettant fin au conflit
armé au Kosovo et en empêchant la reprise de la violente campagne d’épuration ethnique.

Deuxièmement, si officiellement la résolution1244 considère le Kosovo co mme faisant partie
de la République fédérale de Yougoslavie (RFY) 1 pendant une période intérimaire, le Conseil de
sécurité a créé les conditions permettant au peuple du Kosovo de s’auto-administrer et d’exercer

son autonomie, avec l’appui de la communauté internationale et soulagé du contrôle de la
RFY/Serbie qui avait bloqué son développement politique. Ce faisant, le Conseil a
délibérément et globalement em pêché Belgrade d’exercer son autorité sur le Kosovo,
substituant à celle-ci une nouvelle administration internationale. Troisièmement, et c’est le plus

important dans la présente affaire, la résolu tion1244 visait à promouvoir une solution à long
terme pour la «question du Kosovo» afin d’empêcher que des conflits dans ce territoire ne
génèrent de nouvelles menaces contre la paix et la sécurité internationales. A cette fin, le
Conseil de sécurité a autorisé que des mesures soient prises pour faciliter un processus sous

supervision internationale visant à déterminer le statut futur du Kosovo, processus auquel
Belgrade n’était qu’un de s nombreux participants.

⎯ La résolution1244 a atteint son but. Dans les jours qui ont suivi son adoption, les forces de
sécurité de la RFY/Serbie se sont retirées du Kosovo, la campagne militaire a pris fin et les

forces internationales autorisées par le Conseil de sécurité ont pris le contrôle de la situation.
La force de sécurité internationale a progressivement ramené ses effectifs, qui avaient atteint
50000 en1999, à 14000 aujourd’hui (ce chiffre devrait tomber à 2500 dans les deux ans).

1
Mais pas nécessairement de la Serbie. Voir infra, chapitre V(I). - 2 -

Pendant plus de dixans, d’abord sous la superv ision des NationsUnies et aujourd’hui dans le

cadre d’un Etat indépendant, les structures politiques du Kosovo ont mûri et ont mené leurs
activités quotidiennes sans en référer à Belg rade. Sous l’administration intérimaire des
NationsUnies, appuyée par l’Organisation pour la sécurité et la c oopération en Europe,
l’Unioneuropéenne et d’autres organisations in ternationales, un ensemble complet d’organes

gouvernementaux, politiques et administratifs, on t été créés, ce qui a permis au peuple du
Kosovo, toutes ethnies confondues, d’assume r progressivement la responsabilité de sa
gouvernance.

⎯ Enfin, conformément à la résolution1244, tout était en place pour un règlement durable de la

«question du Kosovo», fondé sur la proposition globale élaborée par l’Envoyé spécial du
Secrétaire général M.Ahtisaari et approuvée par le Secrétaire général, qui prévoyait l’accession
du Kosovo à l’indépendance en tant qu’Etat multiethnique. Bien que la Serbie et le Kosovo
n’aient pu se mettre d’accord sur le statut futu r du Kosovo, le processus s’est déroulé en grande

partie comme l’avait prévu la résolution1244. L’Envoyé spécial a supervisé un processus
politique équilibré et approfondi, ne ménagean t aucun effort pour élaborer une solution qui
serait acceptable pour les deux parties, et a finalement conclu que la poursuite des pourparlers,

sous quelque forme que ce soit, ne permettrait jamais de surmonter le désaccord entre la Serbie
et le Kosovo au sujet de l’indépendance. Les «possibilités de parvenir à une issue négociée du
commun accord des parties [sur le statut du Kosovo ayant été] épuisées», l’Envoyé spécial a

conclu que l’indépendance du Kosovo était devenue la seule solution viable pour le Kosovo, la
Serbie et le monde.

⎯ En février2008, il n’y avait aucune option viable à un Kosovo indépendant. Comme le
concède la Serbie elle-même, la population albanaise de souche du Kosovo dans son ensemble,
ainsi que ses dirigeants, étaient irrévoca blement décidés à accéder à l’indépendance 2. Comme

l’a déclaré le Secrétaire géné r3l de l’ONU, «la restauration du pouvoir serbe au Kosovo...est
tout simplement intenable» . En outre, en2008, l’administration internationale qui avait
beaucoup accompli au Kosovo après1999 ne pouv ait plus s’y maintenir. La déclaration

d’indépendance du Kosovo a apporté une stabilité nouvelle à une région troublée. Elle a libéré
non seulement le Kosovo mais aussi la Serbie, qu i avait déployé, pour ma intenir son pouvoir au
Kosovo, des efforts illusoires qui avaient pendant des années faussé sa politique et entravé son
développement. La transition a été pacifique, et les violences ethniques généralisées et

mouvements de populations que certains craignaien t ne se sont pas produits. Le Kosovo s’est
investi de l’ensemble des fonctions étatiques et les exerce effectivement, et son comportement
réfléchi et responsable depuis l’indépendance a mont ré qu’il était une source de stabilité dans la

région et lui a gagné l’acceptation de plus en plus large de la communauté internationale en tant
qu’Etat. Il s’agit là d’un succès éclatant pou r l’Organisation des NationsUnies, et d’une
réussite dont elle peut être tr ès fière. Tant le Kosovo que la Serbie peuvent maintenant
envisager un avenir européen qui est la voie la plus assurée vers la paix et la sécurité durables

que tous deux souhaitent.

L’application de la résolution1244 a été l’un e des entreprises les plus complexes, longues,

intenses et ambitieuses jamais menées par l’Organisation des NationsUnies. Son succès traduit
une préscience exceptionnelle de la part de l’Organisation, et un engagement exceptionnel de ses
Etats Membres. Le Secrétariat de l’ONU ⎯notamment deux secrétaires généraux, des

représentants spéciaux successifs et l’Envoyé spécial, qui a structuré et guidé le processus politique
conçu pour déterminer le statut du Kosovo ⎯ a fait montre d’une déterm ination et d’une inventivité

2
Voir, par exemple, exposé écrit du Gouvernement de la République de Serbie («exposé de la Serbie»), par.339
(concédant qu’il était clair qu’un référendum au Kosovo «ne po uvait aboutir qu’à un seul résultat, à savoir la sécession du
Kosovo de la RFY et de la Serbie»).
3Lettre datée du 26 mars 2007, adressée au pr ésident du Conseil de sécurité par le Secrétaire général, transmettant le
rapport de l’envoyé spécial du Secrétaire général sur le stat ut futur du Kosovo, S/2007/168, 26 mars2007, par.7 [dossier,
o
n 203]. - 3 -

constantes et d’un professionnalisme remarquabl e pour réaliser les objectifs fondamentaux qui

étaient ceux du Conseil lorsqu’il a adopté la résolution 1244.
Pour élaborer sa réponse à la demande dont elle est aujourd’hui saisie, la Cour devrait avoir

cette histoire à l’esprit et tenir compte du fait que l’avis qu’elle rendra peut contribuer soit à
cimenter cette réalisation historique soit à la défair e. Ceux qui contestent aujourd’hui la licéité de
la déclaration d’indépendance du Kosovo voudraient que la Cour leur fournisse des arguments pour

retourner presque dix ans en arrière, en invers ant les progrès que la résolution1244 a rendu
possibles et en revenant à la situation juridique qui prévalait en2005 avant que ne commence le
processus politique . Ce faisant, ils n’offrent aucune suggestion plausible quant à la manière dont

l’acceptation de leur position serait plus conforme aux objectifs de la résolution 1244 ou permettrait
de les réaliser, ou aboutirait à un meilleur règlement de la situation au Kosovo. Ils n’expliquent pas
non plus pourquoi l’issue d’une reprise des pourpar lers serait différente de celle du processus
politique et de l’action ultérieurement menée par la troïka de 2005 à 2007.

En dernière analyse, la Cour peut contribue r à l’effet stabilisateur de l’accession du Kosovo à

la qualité d’Etat à l’issue d’un processus mené avec succès par l’ONU en refusa nt de répondre à la
question dont elle est saisie ou, conformément à des principes bien établis, en confirmant que la
déclaration est conforme au droit international. La Cour pourrait constater que la déclaration
d’indépendance soulève des questions de fait qui ne sont ni autorisées ni interdites par le droit

international sans battre en brèche le principe fondamental de l’intégrité territoriale, réduire les
droits universellement reconnus des Etats ni porter atteinte au processus d’élaboration et
d’application du dr oit international . Comme les Etats-Unis l’expliquent dans leur exposé écrit et

au chapitreIV ci-après, les déclarations d’indépendance qui sont liées à des événements ou des
actes constituant de graves violations du droit in ternational continueront à être condamnées comme
elles l’ont été par le passé. Repousser l’attaque visant la déclaration d’indépendance du Kosovo ne

favorisera pas une telle désintégration nationale. La déclaration d’indépendance du Kosovo n’a été
liée à aucune violation du droit international, mais a au contraire été précédée par des négociations
pacifiques et de vastes consulta tions internationales sous l’admi nistration de l’Organisation des
NationsUnies, lesquelles ont abouti à une décl aration consacrant l’engagement du Kosovo à,

notamment, «respecter les droits de l’homme et les libertés fondamen tales de tous [ses] citoyens»,
constituer «une République démocratique, laïque et multiethnique, guidée par les principes de
non-discrimination et de protection égale devant la loi», et d’»agir en accord avec les principes du

droit international et avec les résolutions du C6nseil de sécurité de l’Organisation des
Nations Unies, y compris la résolution 1244 (1999)» . Parce qu’aussi bien la genèse que le contenu
de la déclaration d’indépendance du Kosovo ont pleinement respecté le droit international en
général et la résolution1244 en particulier, repousser l’attaque qui vise aujourd’hui cette

déclaration d’indépendance et l’accession pacifique du Kosovo à la qualité d’Etat indépendant, loin
d’affaiblir le droit international, le renforcera.

Il y a plus de 200 ans, les Etats-Unis d’Amérique ont rompu avec l’histoire de la répression
coloniale en déclarant leur indépendance, indiquant qu’ils étaient motivés par «le respect dû à
l’opinion de l’humanité». Cette Déclaration d’in dépendance, qui a donné naissance à une nouvelle
nation conçue dans la liberté et reposant sur le principe de l’égalité de tous, est depuis lors un phare

pour les peuples épris de liberté. En s’abstenant de troubler la réalité que constitue la déclaration
d’indépendance du Kosovo, qui repose sur la volonté incontestée du peuple kosovar, la Cour
contribuera de même à la réalisation d’un but es sentiel du droit international et d’un objectif

essentiel de la résolution 1244 du Cons eil de sécurité : le rétablissement et le maintien de la paix et
de la sécurité internationales.

4Voir, par exemple, exposé de la Serbie, par. 775 (arguant que la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité exige
du Kosovo qu’il recommence à négocier avec la Serbie); Exposé de la République de Chypre («Exposé de Chypre»), par. 98
(idem) ; exposé écrit de la Fédération de Russie («exposé de la Fédération de Russie»), par. 59-64 (idem).
5
Voir, par exemple, exposé de Chypre, par. 77. - 4 -

CHAPITRE II

E VOLUTION RECENTE DE LASITUATION

Durant la période de trois mois qui s’est écoulée depuis le dépôt des exposés écrits dans la
présente procédure, l’acceptation du Kosovo par la communauté internationale a progressé, des

avancées ont été faites dans la situation sur le te rrain et la dynamique devant faire du Kosovo une
démocratie européenne pluriethnique intégrée dans les institutions mondiales et régionales s’est

renforcée.

Comme on l’a déjà indiqué, lors du vote des Etats membres du Fonds monétaire international
et du Groupe de la Banque mondiale qui a eu lieu pendant ce trimestre, un total de 109Etats ont

voté pour que le Kosovo devienne un Etat membre à part entière de l’une ou des deux institutions 7
de BrettonWoods, contre seulemen t 12Etats qui ont voté contre lors de l’un ou l’autre scrutin .
Comme une mission du FMI menée récemment à Pristina l’a fait observer, l’»admission rapide [du

Kosovo] dans ces institutions témoigne des efforts inlassables et de la détermination des autorités
s’agissant d’améliorer la stabilité et le bien-être de ce jeune Etat» [traduction du Greffe] 8.

Le 29 juin, le Kosovo a signé et remes ses instrume nts d’acceptation de s9accords avec le Fonds et la
Banque, devenant ainsi le 186 membre de chaque institution .

Les reconnaissances individuelles du Kosovo se sont poursuivies, les plus récentes étant
celles de l’Arabie saoudite, des Comores, du Bahreïn, de la République dominicaine et de la
10
Jordanie. A la mi-juillet2009, 62Etats avaient officiellement reconnu le Kosovo . D’autres
indices montrent que l’acceptation du Kosovo en qualité de membre de la communauté

internationale, y compris pa r des pays qui ont pour politique nationale de ne pas faire de déclaration
officielle de reconnaissance, s’élargit. En juin, la Nouvelle-Zélande est devenue le dernier pays

parmi ceux qui n’ont pas officiellement reconnu11. Kosovo à accepter les passeports ordinaires et
diplomatiques délivrés par le Kosovo L’Organisation de la Conférence islamique, qui compte

6Déclaration d’indépendance, par. 1, 4 et 12 [dossier, n 192].
7
Au FMI, 96 pays ont voté pour l’admission du Kosovo, et 10 ont voté contre. A la Banque mondiale, 96 pays ⎯ y
compris 13 qui n’avaient pas voté pour le Kosovo au FMI ⎯ ont voté pour admettre le Kosovo, contre 7 qui ont voté contre.
Avec un décompte de voix similaires, le Kosovo a aussi été admis dans les autr es organisations du Groupe de la Banque

mondiale ⎯la Société financière internationale (SFI), l’Association international de développement (AID) et l’Agence
multilatérale de garantie des investissements (MIGA).
8République de Kosovo, déclaration finale de la missi on du FMI à Pristina, 24juin2009, disponible à l’adresse:

http://www.imf.org/externallnp/ms/2009/062409.htm.
9Communiqué de presse du FMI N0o9./240, 2 ju2009, disponible à l’adres:se
o
http://www.imf.org/external/country/UVK/index.htm ; communiqué de presse de la Banque mondiale n 2009/448/ECA,
29juin2009, disponible à l’adresse: http://www.worldbank.org/ko sovo. Seuls les Etats peuvent devenir membres du FMI.
Voir statuts du Fonds monétaire interna tional, art. 2, Nations Unies, Recueil des Traités, 2, p.39. Le FMI a déjà décidé à
l’occasion de la demande d’ admission du Kosovo, en juillet2008, que le Kosovo était un nouvel Etat indépendant.
Communiqué de presse n 08/179 du FMI, 15juillet2008, disponible à l’ adresse : http://www.imforg/external/np/sec/pr/
2008/pr08179.htm. Il faut être membre du FMI pour être admis à la Banque mondiale.

10La Serbie déforme la position des pays qui n’ont pas o fficiellement reconnu le Kosovo à ce jour, en déclarant que
ceci témoigne d’un «refus de reconnaître». Exposé de la Se rbie, chapitre10-C-II. Dans le même esprit, M.VukJeremi ć,

ministre des affaires étrangères, a décl aré que la reconnaissance de 60 des 192 Etats Membres de l’ONU «signifie qu’une
grande majorité de pays reconnaissent l’ intégrité territoriale de la SerbiVoir «Pristina will have to start dialogue with
Belgrade», 27 juin 2009 (ci-après, «Commentaires Jeremi ć du 27 juin»), disponible sur le site web du Gouvernement serbe :
http://www.srbija.gov.rs/vesti/vest.php?id=56994. Ces opinions ne tiennent toutefoi s pas compte de la nature de la
reconnaissance ⎯ l’absence d’une expression affirmative de reconnaissance ne signifie pas qu’un Etat a décidé qu’une entité
ne constitue pas un Etat ou qu’il refuse de la traiter comme tel. C’est ce que reflètent les majorités écrasantes lors des

scrutins au FMI et à la Banque mondiale, lors desquels plus de cinquante Etats de chaque région du monde, outre ceux qui
avaient officiellement reconnu le Kosovo, ont voté pour l’admission de la République du Kosovo.
11
o Voir ministère du travail de Nouvelle-Zélande, Immi gration Nouvelle-Zélande, ci rculaire administrative
interne n 90-03, 5 juin 2009, disponible à l’adresse : http://www.immigration.govt.nz/NR/rdonlyres/17997B01-AA5A-
42B3-B33F-D1A07FDC6C5E/MAC0903KosovoPassports.pdf. - 5 -

57Etats membres, a adopté le 25mai une résolutio n constatant «les progrès réalisés dans le
renforcement de la démocratie au Kosovo, qui contribuent à la paix et à la stabilité au Kosovo et
12
dans toute la région» [ traduction du Greffe ] .

Sur le terrain au Kosovo, la MINUK a continué de réduire ses effectifs et de reconfigurer sa
présence pour être à même de favoriser le dialogue politique et les activités dans certains domaines,

tandis que la mission état de dr oit de l’Unioneuropéenne (EULEX) a intensifié ses activités en 13
supervisant, inspirant et conseillant les institutions du Kosovo liées à l’état de droit .
L’amélioration régulière de la sécurité a amené les ministres de l’OTAN, le 11 juin, à approuver des

plans qui ramèneront les effectifs actuels de la KFOR, 14000hommes, à 10000 d’ici à
janvier 2010 et à 2 500 dans les deux ans, à co ndition qu’une série de critères soient satisfaits 14.

Au plan interne, le premier anniversaire de l’entrée en vigueur de la Constitution du Kosovo

a été célébré à Pristina le 15 juin. Les nominations à la Cour constitutionnelle se sont achevées en
juin avec la nomination de trois juges internationaux qui ont rejoint leurs six homologues kosovars
nommés en mai. Les juges internationaux ont été nommés par le Représentant civil international à

Pristina, conformément à la Constitution du Ko sovo et aux dispositions pertinentes de la
Proposition globale, à l’issue de consultations étroites avec le bureau du Président de la Cour
15
européenne des droits de l’homme . Des élections municipales ⎯les premières élections
nationales organisées au Kosovo depuis l’indépendance ⎯ sont prévues pour le 15 novembre. Les

autorités du Kosovo ont continué à encourager les Serbes du Ko16vo déplacés à rentrer dans leurs
foyers, bien que le rythme des retours demeure lent .

Les progrès constants du Kosovo ont été confirmés ces derniers mois par divers acteurs
internationaux, qui ont tous évoqué les contributions du Kosovo à la stabilité régionale, son avenir

européen, la nécessité de maintenir et de renforcer le bien-être de la minorité serbe et des autres
minorités du pays, et l’irréve rsibilité de son indépendance 17. Comme l’a déclaré le vice-président

des Etats-Unis, M.Biden, aux parlementaires kosovar s le 21mai à Pristina: «Je crois en l’action
que nous menons pour créer un Etat moderne, un Etat qui ouvrira à tous ses citoyens un avenir

européen commun. C’est l’avenir de toutes les communautés du Kosovo.» [Traduction du
Greffe ] . Pour les Etats-Unis, cet avenir du Kosovo est aussi l’avenir de le Serbie et de tous les

12Organisation de la Conférence islamique, résolution n o14/36-POL sur la situation au Kosovo, 23-25mai2009,

disponible à l’adresse : http://www.oic-oci.org/36cfm/w/en/res/36CFM-POL-RES-FINAL.pdf.
13Voir rapport du Secrétaire général sur la Mission d’admini stration intérimaire des Na tionsUnies au Kosovo,
S/2009/300, 10 juin 2009, par. 18 et annexe I.

14Voir «NATO endorses drawdown of Kosovo force», Agence France Presse, 11 juin 2009 ; voir également les
actualités de l’OTAN, disponibles à l’adresse : http://www.nato.int/cps/en/SID-6AA00B76-1B5CEE0B/natolive/

news_55445.htm.
15Voir communiqué de presse du BCI n o18/2009, 12 juin 2009, disponible à l’adresse: http://www.ico-

kos.org/c1/090612_CC_international_judges.pdf.
16Conseil de sécurité, 6144 eséance, S/PV.6144, 17 juin 2009, p. 4 (observations du Représentant spécial du
Secrétaire général et chef de la MINUK); rapport du Secrét aire général sur la Mission d’ administration intérimaire des

Nations Unies au Kosovo, S/2009/300, 10 juin 2009, par. 30-33.
17Voir, par exemple, les observations du vice-président JoeBiden, 21mai2009 (ci-après, «Observations du 21mai

du vice-président Biden»), disponibles à l’adresse: http://www.whitehouse.gov /thepress_office/Remarks-By-The-Vice-
President-To-The-Assembly-Of-Kosovo/ («L’indépendance du Kosovo a été et demeure aujourd’hui, selon moi et de l’avis
de mon gouvernement, la seule option viable pour la stabilité de la région»aduction du Greffe] ) ; déclaration faite lors de
la huitième réunion du Groupe international pour le Koso vo, 15juin2009, disponible àl’adresse: http://vvww.ico-
kos.org/d/090615%20Eighth%20ISG%20meeting%20ENG.pdf («Durant l’annéeécoulée, le peuple du Kosovo a progressé
de manière significative dans l’édification d’un Etat pluriethnique et démocratique reposant sur les principes de la démocratie
et des droits de l’homme conforme à son avenir européen» [traduction du Greffe] ) ; observations de Martti Ahtisaari pour

l’anniversaire de l’entrée en vigueur de la Constitu tion du Kosovo, 15juin2009, disponibles à l’adresse:
http://www.setimes.com/cocoon/setimes/Atml/enGB/features/setimes/featur… («L’ indépendance du
Kosovo est irréversible et ceci ressort à l’évidence des reconnaissances qui con tinuent d’arriver du monde
entier....L’acceptation par tous de cett e réalité contribuerait beaucoup à assurer la stabilité non seulement au Kosovo, mais
aussi dans l’ensemble de la région des Balkans occidentaux et en Europe.»).
18
Observations du vice-président Biden du 21 mai. - 6 -

pays d’Europe du sud-est. Comme l’a déclaré le vice-présidentBiden durant la même visite,
prenant la parole avec le président serbe, M.BorisTadi ć, à Belgrade, les Etats-Unis souhaitent
«approfondir [leur] coopération avec la Serbie pour contribuer à la solution des problèmes de la

région, et pour aider la Serbie à devenir un memb 19re démocratique, prospère et puissant de la
communauté euro-atlantique» [traduction du Greffe] .

En ce qui concerne la présente procédure consultative, la Serbie a affirmé publiquement
qu’un avis consultatif de la Cour obligerait à la réouverture des négociations qui aboutiraient à une
forme de «compromis» sur le statut du Kosovo 20. Selon le ministre des affaires étrangères Jeremi ć,

«pour que la solution soit acceptable pour la Serbie, les Al banais du Kosovo do ivent dire que leur
déclaration d’indépendance était illégitime et accepter la Serbie comme étant leur pays» [traduction
du Greffe] 21. Cette position n’est ni raisonnable ni réal iste, mais elle confirme qu’il n’y a pas de

possibilités plausibles de réouverture de «négociations» sur le statut du Kosovo.

Il ne serait pas non plus da ns l’intérêt de l’Organisation des NationsUnies ou de la Cour
qu’un avis consultatif soit utilisé pour entraver le développement économique du Kosovo, faire

obstacle à de nouvelles reconnaissances, bloquer l’admission du Kosovo dans des institutions
internationales et peut-être retracer les frontières dans la région d’Europe la plus déchirée par les
conflits . Il existe toutefois une pers pective plus positive, car aussi bien la Serbie que le Kosovo

ont indiqué qu’ils étaient fermement résolus à devenir membres de l’Union européenne, ce qui leur
permettrait de trouver une nouvelle identité et un modus vivendi en tant qu’entités constitutives non

plus de la Yougoslavie fédérale mais d’une unio n d’Etats européens libr es et démocratiques.

En résumé, l’image du Kosovo qui continue de se faire jour est celle d’un nouvel Etat
renforçant régulièrement ses instit utions de gouvernance, contribu ant à la stabilité régionale et

consolidant sa présence sur la scène internationale. Au total, 115 pays ont à ce jour soit reconnu la
République du Kosovo, soit voté pour l’admettre en tant qu’Etat membre d’une des institutions
financières mondiales, et l’acceptation internationa le du Kosovo est donc générale et croissante.

L’évolution de la situation depuis un an et demi n’a fait que renforcer la certitude que la déclaration
d’indépendance du Kosovo du 17février2008 a apporté une solution rais onnable et finalement
irréversible à la «question du Kosovo», un problème déchirant qui a pesé sur les Balkans et au-delà

pendant les deux décennies précédentes. Pour les raisons énoncées dans l’exposé écrit des
Etats-Unis du 17 avril 2009 et dans les chapitres qui suivent des présentes observations écrites, une
telle solution est pleinement conforme au droit international.

19
Observations du vice-président Biden dans une décl aration commune à la presse , 20 mai 2009, disponible à
l’adresse : http://www. whitehouse.gov/the_press_office/Remarks-By-The-Vice-President-At-The-Palace-Of-Serbia/.
20
Voir, par exemple, «Government success in addressing foreign policy priorities», 24juin2009, disponible à
l’adresse : http://wvvw.srbija.gov.rs/vesti/vest.php?id=56860 («Nous comptons qu’une solution de la question du Kosovo
acceptable pour toutes les parties sera trouvée une fois que la CIJ aura rendu son avis...a expliqué Jereć.») (ci-après
«Observations Jeremi ć du 24juin»); Observations Jeremić du 27juin («Le ministre serbe des affaires étrangères
Vuk Jeremić se déclare convaincu que la Cour internationale de Justice (CIJ) de LaHaye conclura que la déclaration
unilatérale d’indépendance du Kosovo est cont raire au droit international et a souli gné que Pristina devrait alors ouvrir un
dialogue avec Belgrade s’ils veulent clarifier une situation qui ne l’est pas.»tion du Greffe.] )
21
Observations Jeremić du 24 juin.
22
Voir Observations Jeremić du 27juin («Nous sommes sûrs que le verdict de la Cour montrera que le droit
international a été violé dans le cas du Kosovo. Pristina sera alors dans une position di fficile puisque plus aucune
reconnaissance ne sera possible. Après un te l verdict, le Kosovo ne sera certaineme nt pas en mesure de devenir membre de
certaines organisations internationales. Pristina devra engager un dialogue et dnégociations avecBelgrade pour régler
cette situation, a déclaré Jeremi ć.») Voir également Branka Trivić, «Serbia ChartsKosovo Strategy Ahead of ICJ Ruling»
4 mai 2009, disponible à l’adresse : http://balkaninsight.com/en/mainianalysis/18496/ (enregistrement nécessaire)
(mentionnant les remarques de responsables serbes concernant une éventuelle par tition du Kosovo et les considérations de
politique interne associées à la saisine de la CIJ). - 7 -

CHAPITRE III

C OMMENT LA C OUR PEUT ENVISAGER LAQUESTION POSEE

Dans leur exposé écrit, les Etats-Unis 1) ont souligné le caractère limité de la question que

l’Assemblée générale a posée à la Cour, et 2) se sont demandés s’il conv enait que dans cette23ffaire
la Cour exerce son pouvoir discrétionnaire de refuser de rendre un avis consultatif .

Quant au caractère limité de la question, les exposés écrits ⎯ y compris celui de la Serbie ⎯
conviennent d’une manière générale que la question dont la Cour est saisie concerne uniquement la
licéité de la déclaration d’indépendance, et le dossier montre que cette question a été délibérément

libellée de cette manière pour trouver le «plus petit dénominateur commun» pour recueillir un appui
suffisant à l’Assemblée générale pour que la question soit posée à la Cour 24. Ainsi, il n’est pas
demandé à la Cour de dire si des Etats pouvaient re connaître le Kosovo, si les activités menées par

la MINUK pour faciliter une transition sans heurts après la déclaration ont été licites, ou si le
Kosovo est aujourd’hui un Etat. La Serbie note que la réponse à la question posée par l’Assemblée
25
générale revêtira néanmoins «un grand intérêt» pour les Etats s’agissant des décisions concernant
la reconnaissance. Ceci n’est guère compatib le avec la position du Gouvernement serbe selon
laquelle il «ne reconnaîtra pas le Kosovo, à aucun prix, même si la décision est favorable à
26
Pristina» [traduction du Greffe] . Mais l’essentiel est que la première série d’exposés écrits
confirme qu’une question de portée particulièrement limitée a été posée à la Cour, et que l’avis que
rendra celle-ci devrait être limité à la question posée.

Une vraie question demeure toutefois, celle de savoir s’il conviendrait en l’espèce que la

Cour exerce son pouvoir discrétionnaire et s’abstienne de rendre un avis.

La fonction fondamentale des avis consultatifs est de «fournir aux organes qui les sollicitent
les éléments de caractère juridique qui leur sont nécessaires dans le cadre de leurs activités» 2. Les

Etats-Unis ont exposé les raisons permettant de se demander si l’Assemblée générale a en fait
besoin d’un éclaircissement juridique sur la questio n posée pour s’acquitter de ses fonctions et, en
conséquence, si la Cour servirait l’objectif de sa compétence consultative en rendant un avis en
28
l’espèce . Lorsque, comme en l’espèce, un avis est demandé parce que certains Etats Membres
souhaitent obtenir des conseils juridiques, la Cour pourrait légitimement ne pas appliquer sa
présomption traditionnelle selon laquelle il lui est nécessaire de répondre aux demandes d’avis
29
parce que cela constitue sa «participa tion à l’action de l’Organisation» . Dans de précédentes
affaires, les Etats Membres (ou les résolutions elles-mêmes) visaient fréquemment une activité
future concrète de l’Assemblée général aux fins de laquelle l’avis de la Cour serait utile. En

l’espèce, par contre, la résolution63/3 n’indique pa s comment l’avis de la Cour intéresserait une
activité prévue de l’Assemblée générale. Et aucun Etat n’a non plus à l’époque spécifié l’usage que

l’Assemblée générale pourrait faire d’un avis. En fait, il ressort du dossier que le seul objet de la
question semble être d’aider certains Etats en leur qualité d’Etats et non d’aider l’Assemblée
générale à s’acquitter des foncti ons que lui confie la Charte.

23
Voir exposé écrit des Etats-Unis d’Amérique («Exposé E.-U.»), p. 41-49.
24
Voir ibid., p. 45. Comme la Serbie le déclare dans son exposé écr it, la question «porte sur la licéité de la DUI au
regard des règles applicables du droit international. Rien de plus, rien de moins.» Exposé de la Serbie, par. 19.
25
Exposé de la Serbie, par. 22.
26«Jeremić : Whatever ICJ Decides, Serbia Will Not Recognize Kosovo», 22avril2009, Daily Press
Summam ri,istère du Kosovo-Metohija, République de Serbie, disponible à l’adre:sse

http://www.kim.sr.gov.yu/cms/iteminews/en.html?view—story&id=11615&sectionId--11.
27 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoie palestinien occupé, Avis consultatif,
C.I.J. Recueil 2004, p. 156, par. 60.

28Voir, de manière générale, exposé E.-U., p. 41-45.

29 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoie palestinien occupé, Avis consultatif,
C.I.J. Recueil 2004, p. 156, par. 44. - 8 -

La Serbie et ses partisans font néanmoins va loir aujourd’hui que l’Assemblée a besoin d’un
tel avis pour exercer ses fonctions. Mais, en fa it, la résolution semble reposer sur l’hypothèse

erronée selon laquelle, comme l’a dit le seul Etat en ayant parrainé le projet, qu’il existe un «droit
de tout Etat Membre de l’Organisation des NationsUnies de poser une question simple et
30
élémentaire» à la Cour .

Le fait le plus révélateur est peut-être que la résolution 63/3 n’a pas été adoptée au titre d’un
point de l’ordre du jour portant sur l’une des questi ons au sujet desquelles les partisans de la Serbie
arguent maintenant que l’Assemblée générale a besoin de l’avis consultatif. Elle a été adoptée au

titre d’un point de l’ordre du jour créé ad hoc dans le seul but de demander un avis consultatif à la
Cour . Sur ce point particulier, la demande semble différente de chacune des précédentes
32
demandes d’avis consultatif adressées par l’Assemblée générale à la Cour . Par exemple, dans
l’affaire des Armes nucléaires , l’Assemblée a débattu de la demande d’avis consultatif au titre du
point de l’ordre du jour intitulé «Désarmement général et complet» 33. De même, dans l’affaire

relative à l’ Edification d’un mur , la raison immédiate de la demande d’avis consultatif aété le
rapport du Secrétaire général sur l’application par Israël de la résolution ES-10/13 34. Le fait qu’en

l’espèce la demande n’est liée à aucune question inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée générale
montre à quel point la question a été posée non po ur obtenir un avis au bénéfice de l’Assemblée
générale, mais pour répondre au besoin d’avis juridiques invoqué par certains Etats Membres.

30VoirExposé E.-U., pp. 43-44.
31
Ordre du jour de la soixante-troisième session de l’Assemblée générale de l’ONU, A/63/251, 19 septembre 2008.
32
VoirDocuments officiels de la deuxième session de l’Assemblée générale, séances plénières de
l’Assemblée générale, vol. 2 (13 novembre-29 novembre 1947), p. 1043-1080 (Admission d’un Etat à
l’Organisation des NationsUnies) (s ur la question de fond de l’admission de l’Irla nde, du Portugal, de la
Cisjordanie, de la Finlande, de l’Italie et de l’Autriche) ;Document officiels de la quatrième session de l’Assemblée
générale, séances plénières (20 septembre-10 décembre 1949), p. 130-150 (Interprétation des traité s de paix avec la
Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie) (concernant l’action menée pour amener les partie s au litige à «se présenter
devant l’Assemblée générale pour expo ser individuellement leur thèse»); ibid., p.312-329 (Compétence de

l’Assemblée en ce qui concerne l’admi ssion à l’Organisation des NationsUnie s) («Ces trois dernières années, le
problème a été examiné sous tous ses aspects».) ; ibid., p. 523-537 (Statut international du Sud-Ouest africain) (sur
«la question du Sud-Ouest africain, dont l’Assemblée générale s’occupe déjà depuis quatre sessions») ; Documents
officiels de l’Assemblée générale , vol.1 (19septembre-15décembre1950), cinquième session, séances plénières,
p.383-388 (Réserves à la Convention sur le génocide) (indiquant que la qu estion a «acquis une certaine urgence
pratique eu égard aux circonstances particulières créées par l’entrée en vigueur de la Convention pour la prévention
et la répression du crime de génocide» et que «ces circonstances font qu’il est impératif de décider si les Etats qui

ont fait des réserves auxquelles des obj ections ont été formulées devaient être comptés pa rmi ceux dont l’accession
est eécessaire pour l’entrée en vigueur de la Convention».); Assemblée générale, quarante-deuxième session,
104 séance, A/42/PV.104, 2 mars 1988 (Acco rd de Siège) (en ce qui concerne le différend entre l’Organisation des
Nations Unies et les Etats-Unis au sujet de l’application et de l’interprétation de certaines dispositions de l’Accord
sur le Siège de l’Organisation des Na tionsUnies). Pour certaines demandes d’avis consultatifs, la résolution
elle-même indique que le fond du problème est à l’examen. Voir, par exemple, résolution A/RES/258 de
l’Assemblée générale, en date du 3décembre1948 (Rép aration pour dommages subis au service de l’ONU)

(relevant une «série d’incidents tragiques» et prenant acte d’une volonté d’assurer «la réparation des dommages
subis») ; résolution 785 de l’Assemblée générale, A/RES/785, 9 décemb re 1953 (Effet des jugements accordant des
indemnités) («Considérant que dans son rapport le Secrétaire général a dema ndé l’ouverture d’un crédit
supplémentaire de 179 420 dollars ...») ; résolution 904 de l’Assemblée générale, A/RES/904, 23novembre1954
(Procédure de vote sur les questions to uchant les rapports et les pétitions relatifs au Territoire du Sud-Ouest
africain) (relevant l’adoption d’un «artic le spécial F quant à la procédure de vote») ; résolution 942 de l’Assemblée
générale, A/RES/942, 3 décembre 1955 (Recevabilité des demandes d’audience présentées au Comité du Sud-Ouest

africain) (examinant la questio n soulevée par le Comité du Sud-Ouest afri cain en ce qui concerne la procédure);
résolution1731 de l’Assemblée générale, A/RES/1731, 20 décembre1961 (Certaines dépenses) (visant la question
du «financement des opérations des NationsUnies au Congo»); résolution3292 de l’Assemblée générale,
A/RES/3292, 13 décembre 1974 (Sahara occidental) (prenant no te des déclarations de diverses délégations et visant
expressément «l’examen de cette question à [la] trentième session»).

33Voirrapport de la Première Commission, Désarmement général et complet, A/49/699 , 7 décembre 1994 ;
Assemblée générale, quara nte-neuvième session, 90 e séance, A/49/PV.90, 15 décembre 1994.
34 e
VoirAssemblée générale, session extraordinaire d’urgence, 23 séance, A/ES-10/PV.23, 8 décembre 2003. - 9 -

CHAPITRE IV

L ADECLARATION D ’INDEPENDANCE DU K OSOVO EST CONFORME
AU DROIT INTERNATIONAL GENERAL

Dans leur exposé écrit, les Etats-Unis ont expliqué que le droit international, de manière
générale, ne réglemente pas les déclarations d’indépendance, et qu’il n’y a rien dans la déclaration

d’indépendance du Kosovo en particulier qui fait qu’elle ne serait pas «conforme au droit
international». Ceci est confirmé par la pratique des Etats relative à l’ex-Y ougoslavie, dans le cas

de laquelle les déclarations d’indépendance des républiques n’ont pas été considérées comme des
violations du droit international, qu’elles aient ou non ⎯comme de telles dé clarations le font
souvent ⎯ violé le droit interne 35. Le droit international ne régit les situations de déclaration

d’indépendance que dans la mesure où il s’applique pour une autre raison, par exemple lorsque la
déclaration est associée à la mise en place d’un régime d’apartheid ou à une intervention armée à
36
l’étranger . Comme un commentateur éminent l’a résumé :

Il est vrai que la communauté internationale est très prudente face aux tentatives

de sécession, en particulier lo rsque la situation est telle que des menaces à la paix et à
la sécurité internationales sont manifestes. Toutefois, en droit, le système international
n’autorise ni ne condamne de telles tentatives ; il reste neutre. La sécession en tant que

telle, donc, n’est pas contraire au droit inte rnational ... Cette conclu sion, toutefois, vaut
à moins que certaines autres circonstances ne se manifestent et jusqu’à ce qu’elles le

fassent. Si, par exemple, des tiers interviennent dans la situation, le droit international
entre directement en jeu et des normes partic ulières s’appliquent. Les règles relatives à
l’agression, à l’intervention, au recours à la force et au droit humanitaire deviennent
37
alors pertinentes. [Traduction du Greffe.]

Certains des exposés écrits do nnent à penser que les tentativ es de sécession sont d’une

manière générale illicites au regard du droit international parce qu’elles violent le principe de
l’intégrité territoriale38. Ils affirment que ce principe opère non seulement entre Etats (c’est-à-dire

en tant que principe interdisant aux Etats d’accomplir des actes qui violent l’intégrité territoriale
d’autres Etats) mais s’applique aussi aux acteurs à l’intérieur d’un Etat, de manière à empêcher
ceux-ci d’agir pour accéder à l’indépendance ou de proclamer leur indépendance 39. La Section I du
40
présent chapitre explique pourquoi, de l’ avis des Etats-Unis, ceci n’est pas exact . La SectionII

35
Exposé E.-U., p. 50-55.
36
Ibid., p. 56 ; voir égalementGeorgesAbi-Saab, «The Effectivity Requir ed of an Entity that Declares its
Independence in Order for it to be Consid ered a State in International Law», dans Self-determination in
International La: Quebec and Lessons Learned (ci-après, «Quebec and Lessons Learned» ), p. 72
(Anne Bayefsky, 2000).
37
Malcolm Shaw, «Re : Order in Council P.C. 1996-1497 du 30 septembre 1996», dans Quebec and Lessons
Learned, p. 136 (italiques non reproduites).
38
Voir, par exemple, exposé de la Serbie, par. 423-128 et 524 ; exposé de Chypre, par. 82-90 ; exposé de la
Fédération de Russie, par. 76-78; exposé écrit du Royaume d’Espagne («Exposé de l’Espagne»), par. 20-22 et 27.
39
Exposé de la Serbie, par. 412-524.
40Ainsi, la tentative que fait la Serbie pour définir trois «cas exceptionnels» dans lesquels un Etat peut licitement être

créé par sécession (peut-être pour tenir co mpte du fait incontestable que d’autres Et ats se sont créés pa r sécession durant la
période postcoloniale) repose sur une hypothèse erronée. Voir exposé de la Serbie, par. Parce que les déclarations
d’indépendance ne sont pas, prises isolément, interdites par le droit internatil, la Cour n’a pas besoin de trouver
une «exception» pour conclure que la déclaration d’indépendance du Kosovo est conforme au droit international. - 10 -

examine diverses affirmations faites dans les exposés écrits au sujet du droit à l’autodétermination,
mais explique que la Cour n’a pas besoin de trancher ces questions pour conclure que la déclaration

d’indépendance du Kosovo est conforme au droit international.

SECTION I. LADECLARATION D ’INDEPENDANCE DU K OSOVO EST CONFORMEAU PRINCIPE
JURIDIQUE DU RESPECT DE L ’INTEGRITE TERRITORIALE ,QUI OPERE ENTRE E TATS

Certains des exposés écrits font valoir que le principe de l’intégrité territoriale s’applique aux
acteurs non étatiques à l’intérieur d’un Etat et qu’il rend la décl aration d’indépe ndance du Kosovo
41
internationalement illicite . Dans leur exposé écrit, les Etats-Unis ont souligné que le principe de
l’intégrité territoriale des Etats est axio matique et s’applique à tous les Etats 42. Toutefois,

contrairement à ce qu’affirme la Serbie, l’intégrité territoriale est un principe du droit international
qui régit la conduite des Etats entre eux, et non le s actes des acteurs non étatiques à l’intérieur des
Etats . Comme un commentateur l’a expliqué :

Ceci dit, il convient de noter que les trois catégories nesont pas évidentes. Par exemple, l’affirmation selon
laquelle le droit internat ional permet la sécession unique ment si elle est permise par le droit interne est elle-même
problématique car, au moins dans un cas comme celui-ci, il est fort difficile pour la communauté internationale de

déterminer ce que le droit interne d’un pays autorise. Ains i, si la Serbie affirme maintenant que la Constitution de
la RFSY envisageait la possibilité de faire sécession pour les ex-Républiques de la RF SY mais non po ur le Kosovo
(voir exposé de la Serbie, par.945-48), à l’époque, la RFSY arguait vigoureusement que les déclarations
d’indépendance des ex-Républiques violaient effectivement sa Constitution, étaient illég ales au regard du droit
interne et n’avaient aucune validité constitutionnelle ou juridique. VoirPositions et conclusions de la présidence de
la RFSY concernant la situation en Youg oslavie, 27juin1991 (reproduite dans Yugoslavia Through Documents:
From Its Creation to Its Dissolution (Snebna Trifunovska, 1994) (ci-après, «T rifunovska»), p.305) («il s’agissait

d’actes inconstitutionnels et unilatéraux dépourvus de léga lité et de légitimité sur les plans externe et interne
et...comme tels ils ne pouvaient avoir aucune validité constitutionnelle et juridique»). Luttant contre
l’indépendance de la Croatie et de la Slovénie, la RFSY citait entre autres l’article5 de sa Constitution, qui
disposait que toutes modifications des frontières de la RFSY ou des limites entre le s républiques et les provinces
doivent s’effectuer par accord mutuel. Constitution de la République soci aliste fédérative de Yougoslavie,
21février1974, art.5 (reproduit dans Trifunovska, p. 226). La RFSY affirmait que «seules les décisions
collectives issues d’un accord sur la réalisation du droit des peuples à l’autodé termination sont conformes au

principe de notre ordre constitutionnel et juridique» [traduction du Greffe] . Evaluation et position de la présidence
de la RFSY en ce qui concerne les proclamations d’indépendance des Républiques de Croatie et de Slovénie,
Belgrade, 11octobre1991, par.5 (reproduit dans Trifunovska, p.355). De plus, malgré la position qui est la
sienne, Belgrade a recouru à la forc e armée sur une grande échelle pour tenter d’empêcher la sécession des
Républiques de la RFSY et la sépa ration de parties de son territoire.

L’affirmation de la Serbie selon laquelle la Constitution de la RFSY interdisait la séces sion du Kosovo est
également contestable. Par exem ple, écrivant sur le statut du Kosovo au regard de la Constitution de la RFSY l’an
dernier, le président de l’un des Etats successeurs de la RFSY, la Cr oatie, notait que «les républiques et les
provinces se sont unies pour former la Youg oslavie dans l’exercice de leur volon té libre, et ceci implique clairement

qu’elles ne pouvaient être maintenue s à l’intérieur du cadre étatique contre leur volonté», Stjepan Mesi ć,
«Kosovo ⎯problem koji ne trpi odgadanje» («Le Koso vo – un problème à traiter d’urgence»), Večerni List,
16 février 2008 [exposé E.-U., annexe 1] (les italiques sont de nous).
41
Voirexposé de la Serbie, par. 413, 476 et 498; voir également exposé de la Fédération de Russie, par. 76 et
82-88; exposé écrit de la République d’Argent ine («exposé de l’Argentine»), par. 75-82.
42
Exposé E.-U., p. 69.
43Voir 1 Oppenheim’s Inte rnational Law , par. 119 (6 édition, 1992) («L’obligation de chaque Etat de

s’abstenir, et d’empêcher ses agents et , dans certains cas, ses nationaux, de violer l’indépendance et l’intégrité
territoriale ou l’autorité personnelle d’un autre Etat est un corollaire du droit correspondant que possèdent les
autres Etats », [traduction du Greffe]) (les italiques sont de nous); voir également affaire du Détroit de Corfou,
arrêt du 9 avril 1949, C.I.J. Recueil 1949, p. 35 (« Entre Etats indépendants, le respect de l’intégrité territoriale est
un fondement essentiel des relations internationales») (les italiques sont de nous); ThomasBaty, The Canons of
International Law (1930), p.87-88 («Une nation, pour être une nation, doit être libre de toute ingérence
étrangère.») [traduction du Greffe] ; Convention de Montevideo sur les droits et devoirs des Etats (1933), article 11

(«Le territoire des Etats est inviolable et il ne peut pas faire l’objet d’occupations militaires, ni d’autres mesures de
force imposées par un autre Etat , ni directement ni indirectement, ni pour un motif quelconque, ni même de
manière temporaire.») (Les italiques sont de nous.) - 11 -

«il serait erroné de dire que la sécession vi ole le principe de l’intégrité territoriale de
l’Etat, puisque ce principe ne s’applique que dans les relations internationales,
c’est-à-dire qu’il est opposable aux autres Etats qui sont tenus de respecter cette

intégrité et de ne pas empiéter sur le territoire de leurs voisins; il ne s’applique pas à
l’intérieur de l’Etat» 44. [Traduction du Greffe.]

De même, dans un rapport établi en réponse à des questions relati ves à une éventuelle
sécession du Québec en 1992, cinq publicistes internationaux ont conclu :

«Le droit international et, en particulier, le pr incipe de l’intégrité territoriale n’interdit
pas aux peuples non coloniaux d’acquérir leur indépendance...» 45 [Traduction du
Greffe.]

A. Le principe juridique de l’intégrité territoriale n’empêche pas les acteurs

non étatiques de déclarer l’indépendance

Les documents que la Serbie et d’autres citent dans leurs exposés écrits ne font que souligner

que le principe de l’intégrité territoriale est un principe établi de longue date du droit international
coutumier régissant la conduite des Etats, qui a été codifié dans de nombreux traités et instruments
internationaux et régionaux, et qui n’est pas en litige en l’espèce. Par exemple, le premier

instrument que la Serbie cite est le Pacte de la Société des Nations. A l’issue de la première guerre
mondiale, les principes de l’intégrité territoriale et de la non-intervention ont été consacrés dans
l’article 10 du Pacte, qui dispose : « Les Membres de la Société s’engagent à respecter et à maintenir

contre toute agression extérieure l’intégrité territoriale et l’indépendance politique présente de tous
les Membres de la Société.» 46 Il s’agit là de l’énoncé traditionnel du principe juridique
international de l’intégrité territoriale mais, comme il ressort clairement du texte, ce principe

s’applique entre Etats, et il interdit l’emploi de la force par un Etat contre l’intégrité territoriale
d’un autre Etat.

La Serbie cite ensuite la Charte des Nations Unies, notant que l’article 2, paragraphe 4 de la
Charte dispose que « [L]es Membres de l’Organisation s’abstiennent , dans leurs relations

internationales, de recourir à la menace ou à l’em47oi de la force, soit contre l’intégrité territoriale
ou l’indépendance politique de tout Etat.» Comme le Pacte, la Charte souligne que le principe de
l’intégrité territoriale est un principe qui opère dans les «relations internationales», contre la

menace ou l’emploi de la force par un autre Etat. La Déclaration relative aux principes du droit
international touchant les relations amicales et la coopération entre les Etats conformément à la
Charte des NationsUnies adoptée par l’Assemblée générale proclame de même l’engagement des

Etats Membres de respecter l’intégrité territoriale des autres Etats, indiquant que « [t]out Etat doit

44
Georges Abi-Saab, «Conclusion», dans Secessio: International Law Perspectives, p. 474
(Marcelo Kohen, 2006).
45
Thomas Franck, Rosalyn Higgins, Alain Pellet, Malcolm Shaw et Christian Tomuschat, «The Territorial
Integrity of Quebec in the Event of the Attainment of Sovereignty», dans Quebec and Lessons Learned, p. 284-285.
Voir également Alain Pellet, «Legal Opinion on Certain Questions of International Law Raised by the Reference»,
dans Quebec and Lessons Learned, p. 98 («Premièrement, le principe de l’intégrité territoriale ne concerne pas les
relations entre l’Etat et sa propre population,mais les relations entreles Etats eux-mêmes.») [traduction du Greffe] ;
Malcolm Shaw, «Re : Order in Council P.C. 1996-1497 du 30 septembre 1996», dans Quebec and Lessons Learned,
p.136 («il faut reconnaître que le droit international ne met pas d’obligation analogue [de respecter l’intégrité
territoriale] à la charge des individus ou groupes à l’inté rieur des Etats. Les dispositions figurant dans les
instruments internationaux pertinents lient les Etats qui y sont parties et non s individus et les peuples à l’intérieur
des Etats») [traduction du Greffe] .

46 Pacte de la Société des Nations , article10, disponible à l’adresse : http://avalon.lavv.yale.edu/20th_century/
leagcov.asp (les italiques sont de nous).

47 Charte des NationsUnies, Article 2, paragraphe4) (les italiques sont de nous) [Dossier, No.210]. Voir
exposé de la Serbie, par. 430; expo sé de Chypre, par. 87; et exposé de la Fédération de Russie, par. 77. - 12 -

s’abstenir de toute action visant à rompre partiellement ou totalement l’unité nationale et l’intégrité
territoriale d’un autre Etat ou d’un autre pays» 48.

La Serbie cite ensuite la Déclaration sur l’octr oi de l’indépendance aux pays et aux peuples
coloniaux adoptée par l’Assemblée générale da ns sa résolution1514 co mme attestant que le
49
principe de l’intégrité territoriale ne se limite pas aux relations entre Etats . Pourtant, cette
déclaration, adoptée dans le contexte de la décolonisation, vise à empêcher les puissances

coloniales ⎯ c’est-à-dire des Etats ⎯ de maintenir leur autorité sur les territoires placés sous leur
administration dans le cadre du processus de décolonisation 50et elle n’énonce pas une obligation à
51
la charge des acteurs non étatiques de respecter ce principe .

Les arguments de la Serbie reposant sur des tr aités ou arrangements régionaux souffrent tous

de la même carence ⎯ ils ne font que confirmer que le principe bien établi de l’intégrité territoriale
est un principe qui s’applique entr e Etats. Par exemple, l’Acte fi nal d’Helsinki de 1975 dispose que

«[L]es Etats participants respectent mutuellement leur égalité souveraine et leur individualité ainsi
que tous les droits inhérents à leur souveraineté et englobés dans celle-ci, y compris, en particulier,
le droit de chaque Etat à l’égalité juridique, à l’intégrité territoriale, à la liberté et à l’indépendance

48
Résolution 2625 de l’Assemblée générale, A/RES/2625, 24 octobre 1970 (Déclaration relative aux
principes du droit international touchant les rela tions amicales et la c oopération entre les Etats
conformément à la Charte des Nations Unies) [Dossier, No. 226].

49Exposé de la Serbie, par. 431.

50 Voir, par exemple, Documents officiels de l’Assemblée générale, quinzième session (première partie)
séances plénières, vol.2 (27 octobre-20 décembre 1960) , p.1271 (représentant de l’Indonésie) («Lors de
l’élaboration du document, ma délégation était parmi les auteurs du paragraphe6, et en l’insérant dans l projet de
résolution nous songions que le colonialisme hollandais en Irian occidental est une rupture partielle de l’unité

nationale et l’intégrité terr itoriale de notre pays.») ;Ibid., p. 1284 (représentant du Maroc) (décrivant des situations
d’intervention de puissances coloniales et notant que «le paragraphe6 expliq ue très bien ce que notre délégation
entend par intégrité territoriale. Lorsque nous avons exam iné ce document et accepté de nous en porter co-auteurs,
nous avions à l’esprit une longue liste d’exemples de partitions et de ruptures de l’unité de territoires nationaux.») ;
Annuaire des NationsUnies (1960), p. 45 et 47 ; voir également Thomas Franck, Rosalyn Higgins, Alain Pellet,
MalcolmShaw et Christian Tomuschat, «The Territorial Integrity of Quebec in the Event of the Attainment of
Sovereignty», dans Quebec and Lessons Learned, p.282-283 («La préoccupation concernant la préservation

simultanée de l’intégrité territoriale des «pays», c’est-à-dire des colonies elles- mêmes, s’explique pa r le désir de la
majorité des Etats Membres de l’Organisation des NationsUnies de faire ob stacle aux tentatives de certaines
puissances coloniales de démembrer à leur pr ofit les territoires sous leur tutelle.» [Traduction du Greffe.] )
51
Les autres résolutions de l’Assemblée générale citées par la Serbie renforcent également l’obligation des Etats, en
application de la Charte, de respecter l’intégrité territoriale des autres Etats ; aucune de ces résolutions n’élargit ni ne mo difie
cette obligation pour qu’elle s’app lique aux acteurs non étatiques. Voir par exemple , résolution55/2 de l’Assemblée
générale, A/RES/55/2, 18 septembre 2000 (Déclar ation du Millénaire), par.4 [dossier, n o229] (réaffirmant
l’engagement de tous les Etats de resp ecter l’»intégrité territoriale et l’indépendance politique» des autres Etats).
La Serbie cite plusieurs résolutions de l’Assemblée générale qui indiquent que rien dans le document en question ne
peut être interprété comme au torisant ou encourageant les actes qui portera ient atteinte ou détruiraient l’intégrité

territoriale d’un Etat. Voir exposé de la Serbie, par. 430-439 (citant la résolution 2625 de l’Assemblée générale,
A/RES/2625, 24 octobre 1970) (Déclara tion relative aux principes du droit in ternational touchant los relations
amicales et la coopération entre les Etats conformé ment à la Charte des NationsUnies) [dossier, n 226] («Rien
dans les paragraphes précédents ne sera interprété comme autorisant ou encourageant une action, quelle qu’elle
soit, qui démembrerait ou menacerait, totalement ou partiellem ent, l’intégrité territoriale oul’unité politiq ue de tout
Etat souverain et indépendant se conduisant conformément au principe de l’égalité de dr oits et du droit des peuples
à disposer d’eux-mêmes et doté d’un gouvernement représen tant l’ensemble du peuple appartenant au territoire sans

distinction de race, de croyance ou de couleur.»); ré solution61/295 de l’Assemblée générale, A/RES/o1/295,
13septembre2007 (déclaration sur les droits des peuples autochtones, art.46) [dossier, n 231] («Aucune
disposition de la présente Déclaration ne peut être interprétée comme impliquant pour un Etat, un peuple, un groupement
ou un individu un droit quelconque de se livrer à une activité ou d’accomplir un acte contraire à la Charte des Nations Unies,
ni considérée comme autorisant ou encourageant aucun acte ayant pour effet de détruire ou d’amoindrir, totalement ou
partiellement, l’intégrité territoriale ou l’unité politique d’un Etat souverain et indépendant .»). Dans chaque cas, ces
résolutions n’ajoutent ni ne retirent rien aux dispositions juridiques internationale s concernant l’intégrité

territoriale: elles n’énoncent pa s de règle du droit international régissant la conduite des acteurs non étatiques, ni
n’établissent une règle juridique empêchant les déclarations d’indépendance; elles ne font qu’indiquer que leurs
dispositions ne confèrent à cet égard pas de droits ou d’ obligations autres que ceux qui existaient antérieurement. - 13 -

52
politique» . Les autres traités et arrangements cités par la Serbie confirment également ce
principe . En bref, une lecture ordinaire des textes des documents cités n’établit aucune règle de

droit international qui interdirait aux acteurs non étatiques de déclarer l’indépendance.

B. Les exemples historiques de conflits «internes» n’établissent pas que le principe
juridique de l’intégrité territoriale interdit à des acteurs non étatiques de déclarer

pacifiquement l’indépendance

Certains des exposés écrits citent également une série de situations particulières de conflits

armés internes (Bosnie-Herzégovine, Croatie, République démocratique du Congo, Géorgie,
Somalie et Soudan) à l’appui de la thèse selon laquelle le principe de l’intégrité territoriale interdit
54
aux acteurs non étatiques de déclar er pacifiquement l’indépendance . Or, bien au contraire, ces
cas ne prouvent qu’une chose, à savoir que le Cons eil de sécurité a adopté des dispositions visant à
promouvoir le maintien de l’unité d’Etats particulie rs lorsqu’il a conclu que ce faisant il servait la

paix et la sécurité internationales. Aucune des résolutions citées n’affirme qu’une entité
sécessionniste a violé le droit international en déclarant l’indépendance, ni n’énonce une règle
généralement applicable du droit international qui interdirait à des acteurs non étatiques de déclarer

pacifiquement l’indépendance, ni même ne déclare que l’action du Conseil de sécurité visant à
maintenir l’unité d’un Etat sera nécessairement, dans d’autres circonstances, le meilleur moyen de
55
promouvoir la paix et la sécurité internationales .

L’invocation par la Serbie des résolutions adopt ées par le Conseil de sécurité durant les
56
conflits en Bosnie-Herzégovine et en Croatie dans les années 90 est particulièrement révélatrice.
En Bosnie et en Croatie, il ne s’agissait pas simplement de conflits internes. Le Conseil de sécurité

a adopté ces résolutions face à la menace des efforts militaires concertés que déployait la RFY

52Acte final d’Helsinki, 1 eraoût 1975, Déclaration sur les principes régissant les relations mutuelles des Etats
participants [Dossier, No. 219].
53 o
Voir, par exemple, la charte de Paris pour une nouvelle Europe, 21novembre1990 [dossier, n 219]
(«Conformément à nos obligations aux termes de la Charte des Nations Unies et à nos engagements en vertu de l’Acte final
de Helsinki, nous [chefs d’Etat ou de gouvern ement des Etats participant à la Conférence sur la sécurité et la coopération en
Europe] réitérons notre détermination à nous abstenir de recourir à la menace ou à l’emploi de la force contre l’intégrité

territoriale ou l’indépendance politique de to ut Etat, ou à agir de touteautre manière incompatible avec les principes ou les
buts de ces documents.») ; Charte de la Communautéd’Etats indépendants, 22janvier1993, articleIII, disponible à
l’adresse : http://untreaty.un.org/unts/120001_144071/ 6/8/00004863.pdf («les Etats membres bâtiront leurs
relations dans le respect des principes équivalents et concordants ci-après: l’intégrité territoriale des Etats et le
non-recours à tout acte visant la sé paration de territoires étrangers»); Charte de l’Organisation des Etats
américains, 1948, article1, disponible à l’adresse: http ://www.oas.org/juridico/English/charter.html («Les Etats
américains consacrent dans la présente Charte l’Organisation internationale qu’ ils ont établie en vue de parvenir à

un ordre de paix et de justice, de maintenir leur solida rité, de renforcer leur collabo ration et de défendre leur
souveraineté, leur intégrité te rritoriale et leur indépendance.») ; Charte de l’Organisation de l’unité africaine, 1963,
artIiIcIl,edisponible à l’asttp://www .africa-union.org/root/au/Documents/Treaties/text
/OAU_Charter_1963.pdf («Les Etats Membres, pour atte indre les objectifs énoncés à l’Article II, affirment
solennellement les principes suivants:... Respect de la souveraineté et de l’inté grité territoriale de chaque Etat et
de son droit inaliénable à une existen ce indépendante.»); Charte de l’Orga nisation de la Conférence islamique,
1972, disponible à l’adresse: http://www.oic-oci.org/isl l/english/Charter-en.pdf («Le s membres s’engagent, pour

réaliser les objectifs énoncés à l’article premier, à agir conformément aux principes suivants...Tous les Etats
Membres s’engagent à respecter la souvera ineté nationale, l’indépendance et l’in tégrité territoriale des autres Etats
Membres.»)
54
Voirexposé de la Serbie, par. 440-476 ; voir également exposé de l’Argentine, par. 80.
55Voir Michael C. Wood, «The Interpretatio n of Security Council Resolutions», Max Planck Yearbook of

United Nations Law, vol. 2 (1998), p. 77-78 (notant que le Conseil de sécurité «peut imposer des obligations (qui en
vertu de l’Article103 de la Charte priment toutes autres obligations conventionnelles), qu’il peut réaffirmer des
règles existantes, qu’il peut ap pliquer des règles existantes , qu’il peut s’écarter de règles existantes ou en écarter
l’application dans des cas particuliers, mais [qu’]il n’énonce pas de nouvel les règles d’application générale .»
[Traduction du Greffe.]) (Les italiques sont de nous.)
56
Voirexposé de la Serbie, par. 442-449. - 14 -

elle-même pour détacher, dominer, voire annexer, de s parties des territoire s bosniaque et croate,
dans le cadre de campagnes accompagnées d’une épuration ethnique généralisée et d’autres
57
violations graves des droits de l’homme . A maintes reprises le Conseil de sécurité a souligné que
ces campagnes étaient bien plus que, comme la Serbie voudrait maintenant les qualifier dans son
58
exposé écrit , des «situations de guerre ci vile ou de sécession». De fa it, l’histoire montre très
clairement que ce n’étaient pas des conflits internes, mais bien l’ingérence extérieure de la RFY
dans ces deux pays, qui était au cŒur de la menace contre la paix et la sécurité internationales qui a
59
amené le Conseil de sécurité à agir .

57
Voir, par exemple, Affaire relative à l’ Application de la Convention pour la prévention du crime de
génocide (Bosnie-Herzégovine c.Serbie et Monténégro), arrêt du 26février2007, par. 386 (« Il existe, certes, de
nombreuses preuves d’une participation, directe ou indirecte, de l’armée officielle de la RFY, conjointement avec les forces
armées des Serbes de Bosnie, à des opérations militaires en Bosnie-Herzégovine au cours des années précédant les
événements de Srebrenica. Cette part icipation a été à plusieurs reprises dénoncée par les orga nes politiques des
Nations Unies qui ont demandé à la RFY d’y mettre fin (voir, par exemple, les résolutions du Conseil de sécurité 752 (1992),

757 (1992), 762 (1992), 819 (1993), 838 (1993). ») ; ibid., par. 241 (« La Cour constate qu’il est établi que le défendeur
mettait ainsi des ressources militaires et financières considérab les à la disposition de la Repub lika Srpska et que s’il avait
décidé de retirer ce soutien, cela aura it grandement limité les options ouvertes aux autorités de la Republika Srpska .») ;
MarcWeller, «The International Response to the Dissolution of the Socialist Federal Republic of
«Yugoslavia»« Am. J. Int’l L., vol. 86 (1992), p. 600 («Les deux interventi ons serbes [en Bosnie-Herzégovine et en
Croatie] furent assez analogues: dans les deux cas, les forces armées antérieurement contrôlées par les autorités
yougoslaves centrales ont apparemment été utilisées pour aider une minorité serbe à s’empare r du contrôle d’un

territoire, peut-être dans le but d’intégrer ces régions dans une grande Serbie.») [traduction du Greffe] ;
Noel Malcolm, Kosovo: A Short History (1998), p.350 (notant «le lancement par la Serbie d’une guerre
d’expansion territoriale contre la Bosnie en avril 1992»).
58
Exposé de la Serbie, par. 440.
59 Voir par exemple, résolution 752 (1992) du Conseil de sécurité, S/RES/752, par.3 (« Exige que cessent

immédiatement toutes les formes d’ingérence extérieure en Bosnie-Herzégovine, y compris de la part d’unités de
l’armée populaire yougoslave, de même que d’élémen ts de l’armée croate, et que les voisins de la
Bosnie-Herzégovine agissent très rapidement pour mettre un terme à toute ingérence et respectent l’intégrité
territoriale de la Bosnie-Herzégovine.»); résolution7 87 (1992) du Conseil de sécurité, S/RES/787, par.5 (« Exige
que toutes les formes d’ingérence prove nant de l’extérieur de la Républi que de Bosnie-Herzégovine, y compris
l’infiltration d’unités et d’éléments i rréguliers, cessent immédiatement...»); résolution757 (1992) du Conseil de
sécurité, S/RES/757 (condamnant «les autorités de la République fédé rative de Yougoslavie (Serbie et

Monténégro), y compris l’armée populai re yougoslave, pour ne pas avoir pr is de mesures efficaces en vue de
satisfaire aux exigences de la résolution752 (1992)» et décidant d’imposer des sancti ons à la RFY et à l’Armée
populaire yougoslave) ; voir également Conseil de sécurité, 3522 séance, S/PV/3522, 21 avril 1995 (Ambassadeur
des Etats-Unis) («les autorités de Belgrade devraient co mprendre que la suspension de nouvelles sanctions sera
tributaire de leur volonté de prendre de nouvelles mesures en faveur de la paix, notamment en reconnaissant la
République de Croatie et la République de Bosnie-Herzé govine à l’intérieur de leurs frontières internationalement
reconnues.») ; résolution 836 (1993) du Conseil de sécurité, S/RES/836 (« Condamnant les attaques militaires, et les

actes portant atteinte au respect de la souveraineté, de l’intégrité territorial e et de l’indépendance politique de la
République de Bosnie-Herzégovine qui, en tant qu’Etat Membre de l’Organisation des NationsUnies, jouit des
droits prévus par la Charte des Nations Unies».) - 15 -

En résumé, le principe juridique international de l’intégrité territoriale, qui a toujours été
formulé en tant que principe applicable entre Etats, ne rend pas les déclarations d’indépendance
60
d’acteurs non étatiques illicites au regard du droit international .

SECTION II. LA C OUR N ’A PAS A DECIDER SI LE K OSOVO A VALIDEMENT EXERCE
UN DROIT A L ’AUTODETERMINATION POUR REPONDRE A LA QUESTION

QUE LUI POSE L ’A SSEMBLEE GENERALE

La Serbie fait valoir qu’il n’existe pas de droit à l’autodétermination hors du contexte

colonial, des territoires sous mandat ou tute lle ou des situations d’occupation étrangère 61. Bien
qu’elle affirme ensuite que ni la population du Kosovo ni les Albanais du Kosovo ne peuvent être
62
«un peuple» habilité à exercer un tel droit , la Serbie fait valoir que, même s’ils l’étaient, il ne peut
jamais y avoir de droit à l’autodétermination à titre de recours ou externe qui s’applique dans toute
situation , même dans les circonstances les plus extrêmes 64. Il s’agit là de questions complexes et
65
extrêmement contestées , bien éloignées de celle posée à la C our. Leur complexité est encore plus
grande en ce qui concerne le Kosovo, car les mesure s prises par le Conseil de sécurité en vertu du
Chapitre VII n’ont pas seulement affecté le paysag e juridique mais ont aussi traduit l’opinion de la

communauté internationale selon laquelle le peuple du Kosovo avait été traité de manière
particulièrement choquante, ce qui justifiait que la communauté internationale prenne des mesures

spéciales pour le protéger, y compris en plaçant le Kosovo sous administration internationale. De
fait, même certains des partisans les plus ardents de la Serbie font valoir qu’il existe en pratique,

60 Les arguments sur les principes de la stabilité des frontières et l’ uti possidetis (voir, par eexposé de la
Serbie, par.574-579 et exposé de Chypre, par. 82-89) ne sont pas non plus pertinents, puisque ces principes ne
s’appliquent pas aux acteurs non étatiques ni n’interdis ent les déclarations d’indépendance. Le principe de l’ uti
possidetis juris(«ce que vous possédez, vous posséderez») est un principe qui pose que « les Etats acceptent leurs

frontières héritées de la colonisation.» Rosalyn Higgins, Problems & Process : International Law and How We Use
It,p.125 (1994) (les italiques sont de nous); voir également MarceloKohen, «Introduction,» dans Secession :
International Law Perspectives, p.14-15 (Kohen, 2006) («L’uti possidetis, en tant que règle coutumière prévoyant
le respect des limites territoriales qui existent au moment de l’indépendance, n’intervient pas durant le processus de
sécession.»); Steven Ratner, «Drawing a Better Line : Uti Possidetis and the Borders of New States,» Am. Int’l L.,
vol.90, p. 590-591 (1996) («Ainsi, l’ uti possidetis est neutre sur la question de savoir si les sécessions ou
désintégrations doivent se produire et ce principe n’est pas simplement la consécration juridique d’une politique les

condamnant») [ traduction du Greffe ]. Des commentateurs ont sérieuseme nt contesté l’invocation par la
Commission Badinter de ce principe issu du processus de colonisation, pour re fuser de modifier les frontières entre
les ex-Républiques yougoslaves lorsqu’elle a reçu de la Croatie et de la Bosnie-Herzégovine des demandes de
reconnaissance en tant que nouveaux Etats. Voir, par exemple, Hurst Hannum, «Self-Dete rrnination, Yugoslavia,
and Europe: Old Wine in New Bottles?», Transnat’l L. & Contemp. Probs., vol. 57, p.66 (1993) («Cet avis est
douteux s’il prétend identifier une règle du droit international qui exige le maintien des frontières administratives
existantes hors du co ntexte colonial.») [traduction du Greffe ]; SusanLalonde, Determining Boundaries in a

Conflicted World: The Role of Uti Possidetis, p.240 (McGill-Queen’s 2002) («En bref, la solution territoriale
adoptée en Yougoslavie a été le résultat d’une décision politi que qui était peut-être tout àfait justifiée. Elle n’était
toutefois par requise par ledroit international.») [ traduction du Greffe ]; Peter Radan, «Post- Secession International
Borders: A Criticai Analysis of the Opinions of the Badinter Arbitration Commission,» Melb. U. L. Rev., vol. 24,
p.62 (2000) («Ce principe n’est pas, comme l’affirme la Commission Badinter, reconnu en tant que principe
général applicable dans tous les cas.»). Toutefois, même la Commission Badint er a reconnu que ce principe n’était
censé s’appliquer qu’»une fois que le processus en RFSY [aboutirait] à la création d’un ou plusieurs Etats

indépendants.» Conférence pour la paix en Yougoslavie, Commission d’arbitrage: Avis No.3, 11janvier1992
(reproduit dans I.L.M., vol. 31, p. 1499-1500 (1992)).
61
Exposé de la Serbie, par. 557.
62 Ibid., par. 588, 653 et 654 v).

63 Ibid., par. 589-625.

64 Ibid., par. 626-633.
65
Voir, par exemple, James Crawford, «The Right of Peoples : «Peoples» or «Governments»?» dans The
Rights of Peoples, p. 58 (James Crawford, 1988). - 16 -

dans certaines circonstances, un droit à l’autodéte rmination à 66tre de recours ou externe, s’opposant
ainsi directement à la position de la Serbie en l’espèce .

Les Etats-Unis demeurent convaincus qu’il peut être répondu à la question pos67 à la Cour
sans examiner les normes du droit inte rnational concernant l’autodétermination . Les présentes
observations n’avancent aucune opinion sur les questi ons de savoir qui est un «peuple», s’il existe

un droit à l’autodétermination à titre de recours ou externe dans certaines circonstances extrêmes,
ou qui pourrait posséder un tel droit. La déclaration d’indépendance du Kosovo n’a pas besoin
d’être un exercice du droit à l’autodétermination externe pour être compatible avec le droit

international. Comme l’a déclaré le juge Higgins :

Même si, contrairement aux présu pposés politiques contemporains,

l’autodétermination n’est pas une autorisation de sécession au béné fice des minorités,
il n’y a rien en droit international qui interdise la sécession ou la formation de
nouveaux Etats. [Traduction du Greffe.] 68

Ainsi, pour répondre à la question posée à la Co ur, il suffit de juger que le droit international

n’interdisait pas la déclaration d’indépendance ⎯ il n’est pas nécessaire pour ce faire de trancher
des questions d’autodétermination.

Néanmoins, si la Cour juge nécessaire d’ex aminer la déclaration d’indépendance du Kosovo
à travers le prisme du droit à l’autodétermination et notamment de se demander, par exemple, si le
Kosovo est une «unité d’autodétermination» aux fins de l’application des principes

d’autodétermination, alors la Cour doit tenir compte de la situation juridique et factuelle particulière
du Kosovo, notamment du fait que :

⎯ De multiples résolutions adoptées par le Conseil de sécurité en vertu du ChapitreVII ont
reconnu la gravité de la situation au Kosovo ;

⎯ Une résolution adoptée par le Conseil de sé curité en vertu du ChapitreVII a créé une
administration des Nations Unies au Kosovo pour que cessent des violations graves dont on ne
voyait pas la fin et parce qu’il craignait continuellement pour la sécurité de la population ;

⎯ La résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité elle-même vise le «peuple du Kosovo», et le
cadre constitutionnel promulgué par le Représenta nt spécial du Secrétaire général reconnaissait

le Kosovo comme une entité distincte et comme ayant «un territoire uni», et reconnaissait que
le Kosovo et son peupl e présentaient «des caractéristiques historiques, juridiques, culturelles et
69
linguistiques uniques» ;

66 Voir, par exemple, exposé de la Fédération de Russie, par. 88 («La clause peut certes être interprétée dans
le sens qu’elle autorise la sécession dans certaines circonstances. Ces cas doivent être limités à ceux où les
circonstances sont tout à fait extrêmes telles qu’une attaque armé e directe menée par l’Etat parent et mettant en

danger l’existence même du peuple en question.»).
67 Voir également exposé écrit du Royaume-Uni («exposé du Royaum e-Uni»), par. 5.33 et 6.65 ; exposé écrit
de la République française («exposé de la France»), par. 23 et contributi on écrite de la République du Kosovo
(«contribution du Kosovo»), par. 8.38-8.41.

68 VoirRosalyn Higgins, Problems and Process: International Law and How We Use It (1994), p.125 (les
italiques sont dans l’original).

69Règlement N 2001/9 de la MINUK, Cadre constitutionnel pour un gouvernement autonome provisoire au
Kosovo, MINUK/REG/2001/9, 15 mai 2001, Art. 1.1 [Dossier, N o156]. - 17 -

⎯ Des jugements du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, comme le jugement
Milutinović et consorts du 26février2009 70, confirment que le Kosovo a été privé de son
71
autonomie substantielle , ce qui a abouti à des atrocités gé néralisées contre la population du
Kosovo ;

⎯ Des représentants de la population du Kosovo ont participé de bonne foi à un processus
politique sous supervision internationale, mené conformément à la résolution1244 et aux

directives du Conseil de sécurité, jusqu’à ce que les fonctionnaires intern ationaux qui en étaient
responsables déclarent qu’il était arrivé à son terme et que le maintien du statu quo serait
inacceptable ;

⎯ Les dirigeants démocratiquement élus du Kosovo, appuyés par la population, ont pacifiquement

déclaré l’indépendance, s’engageant à respecter les résolutions antérieures du Conseil de
sécurité et à faire bénéficier tous les habitants du pays des protections juridiques
internationales ; et

⎯ Ni le Conseil de sécurité, ni ses représenta nts autorisés n’ont invoqué leurs pouvoirs pour
modifier ou annuler les mesures prises pa r le Kosovo pour accéder à l’indépendance.

70
Le Procureur cM. ilan Milutinovi ć, Nicola Šainovi ć, Dragoljub Ojdani ć, Nebojša Pakcovi ć,
Vladimir Lasarevi ć et Sreten Luki ć, Jugement, f2vrie0r09, disponible à l’adres:se
http://www.icty.org/case/milutinovic/4#tjug.
71
La version du Tribunal de l’abolition de l’autonomie du Ko sovo est extrêmement différente de celle de la Serbie.
La Serbie décrit les événements comme se déroulant de manièr e très ordinaire, comme s’ils n’étaient pas différents des
activités quotidiennes et de routine auxquelles se livrent les législatures :

«[L]a Constitution serbe de 1974 a été modifiée en 1989. Cette modification a été apportée par la
voie d’amendements à la Constitution serbe, selon la pr océdure prescrite par la Constitution et avec le
consentement du Kosovo et d’une autre province autonome serbe, la Vojvodine. Ces deux provinces
autonomes ont conservé ce statut dans les constitut ions fédérale et serbe, mais avec des pouvoirs
autonome amoindris, en particulier dans le domaine législatif. A aucun moment la minorité
albanaise, que ce soit au Kosovo ou dans d’autres parties de la Serbie, ne s’est trouvée exclue ou
victime d’actes de discrimination en ce qui concer ne la participation aux affaires publiques de

l’Etat.»
Exposé de la Serbie, par. 641. Le Tribunal décrit ces événements d’une manière tout à fait différente. Il cite les
preuves de la contrainte extrême sous laquelle l’Assemblée du Kosovo était placée lors de sa séance du

23 mars 1989 lors de laquelle les amendements ont été «adoptés» et conclut :
«La Chambre ne doute pas que lesAlbanais du Kosovo ont perçu ces amendements comme retirant

au Kosovo et à la Voïvodine l’autonomie substantielle dont ils jouissaient auparavant, et tel a bien été leur
effet. Par exemple, la réglementation des systèmes é ducatif et fiscal a été placée sous la compétence du
Gouvernement serbe et la responsabilité des services de sécurité publique sous l’autorité de la République.
Tous relevaient auparavant de la compétence excl usive des autorités provinciales. Deux amendements
étaient particulièrement importants: la suppressi on de l’obligation d’obtenir le consentement des
assemblées provinciales à tout nouvel amendement c onstitutionnel affectant l’ensemble de la République
et l’accroissement des pouvoirs de la présidence serb e s’agissant d’utiliser les forces MUP au Kosovo pour
«protéger l’ordre constitutionnel». Après l’adoption de ces amendements constitutionnels, la situation au

Kosovo s’est détériorée et des manifestati ons publiques ont abouti à des violences.» [Traduction du
Greffe.]
Le Procureur c.Milutinovi ć, et consorts, Jugement, 26février2009, vol. 1, p.86-87, disponible à l’adresse:

http://www.icty.org/case/milutinovic/4#tjug. Ce n’est pas un hasard si la MINUK a choisi le 22mars1989 – la
veille du jour où l’Assemblée du Kosovo a «adopté» les ame ndements – comme la date à pa rtir de laquelle les lois
adoptées par Belgrade ne s’a ppliqueraient pas au Kosovo. Voir Règlement 1999/24 de la MINUK
(12 décembre 1999). - 18 -

CHAPITRE V

L A D ECLARATION D ’INDEPENDANCE EST CONFORMEALARESOLUTION N O1244

Dans leur exposé écrit, les Etats-Unis ont e xpliqué comment la déclaration d’indépendance
du Kosovo était conforme à la lettre, à l’objectif général et à l’approche de la résolution1244

(1999) du Conseil de sécurité. Cett e résolution 1244 visait essentie llement à protéger le peuple du
Kosovo, à créer un environnement dans lequel le Kosovo pourrait élaborer ses propres institutions
politiques et, à un stade ultérieur, faciliter un pr ocessus conçu pour déterminer le statut futur du

Kosovo. Dans l’élaboration de ses propres ins titutions politiques, le Kosovo serait libre de
l’influence de la RFY, dont l’autorité serait rempl acée par une présence civile internationale conçue
pour aider le peuple du Kosovo à créer de nouvelle s institutions de gouvernance, et qui transférerait

progressivement ses responsabilités à ces institutions. Dans le même temps, une présence
internationale de sécurité, la KFOR, empêcherait le retour des forces et de l’appareil de sécurité de
Belgrade, et assurerait la sécurité à leur place. Le Kosovo demeurerait officiellement au sein de la
RFY, mais ce serait pendant une période «intérimaire».

Il est clair que la résolution1244 anticipait qu e l’indépendance pourrait être la solution la
plus appropriée s’agissant du statut futur du Kos ovo, et elle n’a pas cherché à l’exclure. Elle

autorisait la présence civile internationale à «faciliter un processus politique visant à déterminer le
statut futur du Kosovo, en tenant compte des accor ds de Rambouillet», mais elle n’exigeait pas que
le statut futur soit déterminé par un «accord» entre la Serbie et le Kosovo ⎯ elle donnait seulement

à la présence civile internationale l’autorisation de faciliter un processus. Lorsque le Kosovo a
déclaré son indépendance en février 2008, le processu s de détermination du statut futur avait atteint
son terme, «toutes les possibilit és de parvenir à une issue négociée du commun accord des parties
72
[avaient été] épuisées» , il était universellement admis que le statu quo était intenable, et l’Envoyé
spécialAhtisaari, avec l’appui du Secrétaire général, avait reconnu que «la seule option vi able pour
le Kosovo [était] l’indépendance» 73.

Les exposés écrits présentés par la Serbie et ses partisans contestent cette thèse, affirmant que
la résolution 1244 excluait l’indépe ndance. Mais leurs principaux arguments soit sont erronés soit

ne modifient en rien la conclusion selon laque lle la déclaration d’indépendance du Kosovo était
conforme à la résolution 1244.

72Lettre datée du 26mars2007 adressée au Président du Conseil de sécurité par le Secrétaire général avec

en annexe le rapport de l’Envoyé spécial du Secrétaire général sur le statut futur du Kosovo, S/2007/168,
26 mars 2007, p. 2 [Dossier, No. 203].
73Ibid. - 19 -

SECTION I. LES REFERENCES A L ’INTEGRITE TERRITORIALE DANS LA RESOLUTION 1244 ET LES
DOCUMENTS CONNEXES ANTICIPAIENT LA POSSIBILITE DE LA DECLARATION

D’INDEPENDANCE DU K OSOVO

Certains des exposés écrits contiennent des arguments fondés sur les références à l’«intégrité
territoriale» figurant dans la résolution1244 et divers autres documents. Les positions des

Etats-Unis en ce qui concerne ces arguments sont en grande partie formulées dans l’exposé écrit
qu’ils ont soumis à la Cour en avril. Les Etat s-Unis souhaitent néanmoins faire des informations
additionnelles ici pour répondre à certains des arguments avancés dans d’autres exposés écrits.

Les références à l’intégrité territoriale dans la résolution 1244 et les résolutions précédentes.

Dans son exposé écrit, la Serbie décrit les ré solutions du Conseil de sécurité relatives au
Kosovo qui ont précédé la résolution1244 et fait valo ir que, «dans ce contexte», la référence à la

souveraineté et à la territorialité de la Républi que fédérative de Yougoslavie à l’alinéa10 du
préambule de la résolution 1244 «garantit l’intégrité territoriale de la RFY et contredit tout droit de
la prétendue «République du Kosovo» de dé clarer unilatéralement son indépendance» 74. Le

«contexte» ⎯les résolutions relatives au Kosovo qui ont précédé la résolution1244 ⎯ est
effectivement important pour comprendre la résolution, mais de l’avis des Etats-Unis, les
implications de ce contexte sont tout à fa it différentes de ce qu’affirme la Serbie.

Comme expliqué au ChapitreIV, le principe de l’intégrité territoriale n’empêche pas une
entité d’essayer de se constituer ou de se constituer effectivement en nouvel Etat sur le territoire

d’un Etat existant, et ainsi n’interdit pas plus l’a pparition d’un nouvel Etat sur le territoire de la
RFY qu’il n’avait empêché l’apparition de nouveaux Etats sur le territoire de la RFSY au début des
années90. Le principe du respect de l’intégrité territoriale est un principe qui s’applique entre

Etats. De fait, l’alinéa10 du préambule es t lui-même rédigé comme une affirmation de
l’attachement des «Etats Membres» à ces principes et ne dit rien d’un éventuel attachement
d’entités non étatiques (n i, d’ailleurs, d’Etats non membres) à l’intégrité territoriale de la RFY 75.

Cet alinéa10 ne constitue donc pas un obstac le juridique à la déclaration d’indépendance du
Kosovo. Cette affirmation se trouvant dans le pr éambule et ne visant pas à créer des obligations
juridiques internationales même pour les Etats Memb res, il est d’autant plus difficile de voir

comment l’inclusion de cette expression pourrait constituer une «garantie» par le Conseil de
sécurité de l’intégrité territoriale de la RFY.

Même si des questions résiduelles demeuraient sur ce point, les résolutions mêmes visées par
la Serbie comme importantes pour comprendre la résolution1244 démontrent précisément le
contraire de ce qu’affirme la Serbie. Il est effectivement exact que les résolutions antérieures du

Conseil de sécurité sur le Kosovo contenaient des passages réaffirmant l’76tachement des Etats
Membres à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de la RFY . Mais comme les Etats-Unis
l’ont indiqué dans leur exposé écrit 77, le fait que l’alinéa10 du préambule de la résolution1244

conditionne cette réaffirmation de manière qu’elle s’applique seulement «au sens de l’Acte final
d’Helsinki et de l’annexe 2» constitue une différence d’une importance critique.

74
Exposé de la Serbie, p. 249.
75
Le texte de l’alinéa 10 du préambule se lit comme suitRéaffirmant l’attachement de tous les Etats Membres
à la souveraineté et à l’intégrité territorial e de la République fédérale de Yougoslavie et de tous les autres Etats de la régi on,
au sens de l’Acte final d’Helsinki et de l’annexe 2 à la présente résolution.»
76 Voir résolutions du Conseil de sécurité1160 (1998), S/RES/1160 [Dossier, N o9] ; 1199 (1998),
o o
S/RES/1199 [dossier, n 17]; 1203 (1998), S/RES/1203 [dossier, n20].
77Exposé E.-U., p. 68-74. - 20 -

S’agissant de l’annexe 2, le seul passage qui mentionne les principes de la souveraineté et de
l’intégrité territoriale est le paragraphe 8, qui décrit :

«8.Un processus politique en vue de l’ établissement d’un accord-cadre politique
intérimaire prévoyant pour le Kosovo une autonomie substantielle, qui tienne
pleinement compte des accords de Rambouillet et du principe de la souveraineté et

de l’intégrité territoriale de la Républiqu e fédérale de Yougoslavie et des autres
pays de la région, et la démilitarisati on de [l’Armée de libération du Kosovo].»

Ainsi, le paragraphe 8 décrit un accord-cadre politique qui s’appliquerait pendant une période

intérimaire, et c’est cet accord portant sur cette période intérimaire qui doit tenir compte des
principes de la souveraineté et de l’intégrité territoriale. On voit donc qu’à la différence des
résolutions antérieures du Conseil de sécurité relatives au Kosovo, dans lesquelles l’alinéa10 du

préambule vise l’intégrité territoriale de la RFY, il le fait seulement dans le contexte d’une période
intérimaire.

La référence à l’intégrité territoriale à l’alinéa10 du préambule est soumise à une condition
supplémentaire du fait que les principes sont visés uniquement «au sens de l’Acte final d’Helsinki».
Comme expliqué plus en détail dans l’exposé écrit des Etats-Unis, cette référence à l’Acte final

d’Helsinki mettait en lumière l’importance cruciale de la dimension droits de l’homme de la
situation au Kosovo et le fait que ces principes continuaient d’être pertinents alors même que le
droit de la RFY de participer à l’OSCE avait été suspendu. En outre, cette référence soulignait le

fait que le principe devait être entendu non comme absolu, mais comme un parmi de nombreux
principes qui ⎯aux termes du PrincipeX d’Helsinki ⎯ devaient être appliqués également,
78
«chacun d’entre eux s’interprétant en tenant compte des autres» .

En résumé, bien que le texte de l’alinéa 10 du préambule ne crée pas d’obligations
contraignantes en droit international, le fait que les références à l’intégrité territoriale qu’il contient

sont assorties de réserves montre comment le Conseil de sécurité voyait la situation à l’époque : le
Kosovo était pour le moment partie de la RFY ⎯mais il pourrait ne pas le rester ⎯ et de
79
nombreux autres principes influeraient de mani ère appropriée sur le statut futur du Kosovo .

Références à l’intégrité territoriale dans des documents de l’époque

Outre qu’elle invoque certains passages de ré solutions antérieures du Conseil de sécurité
relatives au Kosovo, la Serbie ci te également d’autres documents liés à la résolution1244: les

principes Ahtisaari-Tchernomyrdine (annexe 2 de la résolution 1244) ; la déclaration du 6 mai 1999
des ministres des affaires étrangères du G-8 (a nnexe1 de la résolution1244); et l’accord
militaro-technique du 9 juin 1999 (AMT) 80. Le texte de l’annexe 2 a déjà été examiné ci-dessus, et

les termes utilisés dans l’annexe 1 sont en fait identiques à ceux utilisés dans l’annexe2. Dans les
deux cas, ces documents mentionnen t l’intégrité territoriale de la RFY uniquement dans le cadre

78
Ibid., p. 72.
79La Serbie cite également des résolu tions adoptées par le Cons eil de sécurité sur la Bosnie-Herzégovine dont des

dispositions du préambule réaffirment l’attachement du Conseil «au règlement politiq ue des conflits dans l’ex-Yougoslavie,
préservant la souveraineté et l’intégrité territoriale detous les Etats concernés à l’intérieur de leurs frontières
internationalement reconnues». En partic ulier, elle cite l’adoption de la dern ière de ces résolutions, la résolution 1845 du
20novembre2008, pour montrer que le Conseil de sécurité considérait l’indépendance du Kosovo comme illicite.
Voir exposé de la Serbie, par.825. Si l’inclusion d’une telle disposition ⎯aussi bien avant qu’après
l’indépendance du Kosovo ⎯ prouve quoi que ce soit, c’est bien que le principe de l’intégrité territoriale est
axiomatique et n’empêche pas des entités d’essayer de se constituer ou de se constituer effectivement en nouveaux
Etats sur le territoire d’un Etat existant. Il semble d’tant plus difficile d’arguer que cette disposition montre que
la déclaration d’indépendance du Kosovo était consid érée comme illicite que neuf des membres du Conseil de

sécurité étaient, lorsque la ré solution 1845 a été adoptée, dEtats ayant reconnu le Kosovo.
80Voirexposé de la Serbie, par. 656-674. - 21 -

d’une période intérimaire. Les arguments se rbes fondés sur certains passages de l’AMT
⎯notamment ce que la Serbie appelle des référenc es au «Kosovo» d’un côté et à des «localités

serbes à l’extérieur du Kosovo» de l’autre ⎯ sont de même dénués de pertinence. Il n’est pas
contesté que le Kosovo n’était pas i ndépendant lorsque l’AMT a été conclu 81. L’important n’est
pas la situation qui existait au début de la période intérimaire, mais bien que le Conseil ait limité
82
l’application des dispositions à cette période intérimaire .

Références à l’intégrité territoriale dans les accords de Rambouillet

La Serbie avance des arguments comparables au sujet des références à l’intégrité territoriale à

l’alinéa4 du préambule des accords de Rambouill et, que la Serbie décrit dans son exposé écrit
comme «le document dont il doit être tenu compte dans le processus politique appelé à déterminer
le statut futur du Kosovo» 83. Mais comme les références à l’intégrité territoriale figurant dans la

résolution1244, la déclaration des ministres de s affaires étrangères du G-8 et les principes
Ahtisaari-Tchernomyrdine, celles qui figurent dans les accords de Rambouillet sont limitées à la

période intérimaire.

De fait, la Serbie elle-même souligne ce point ⎯ à savoir que les accords de Rambouillet ne

devaient s’appliquer que pendant une période intérimaire ⎯ lorsqu’elle tente de conforter ses
arguments au sujet du sens de divers termes. A cet égard, elle insiste sur le fait que «le nom officiel

des accords d84s de Rambouillet était «Accord provisoire pour la paix et l’autonomie au
Kosovo».» Les Etats-Unis ont décrit, dans leur exposé, les implications générales des références,
dans la résolution1244, aux accords de Rambouillet 85. L’essentiel aux fins des présentes

observations est que la structure même des accords, ainsi que leur titre, montre clairement qu’ils ne
devaient s’appliquer que durant une période de transition, et qu’il ne faut pas donner une
interprétation plus large à la référence à l’intégrité territoriale qui figure dans leur préambule.

Si, dans son exposé écrit, la Serbie défend ma intenant une interprétation des accords de
Rambouillet qui empêcheraient la sécession, à l’époque elle interprétait la formule en question de

manière diamétralement opposée. Quelques jours seulement après l’échec des négociations finales,
la RFY a expliqué au Conseil de sécurité qu’elle av ait rejeté les accords de Rambouillet parce qu’ils

constituaient «une tentative 86ossière et inédite d’imposer une solution qui souscrirait pleinement
aux visées séparatistes » . La RFY a ensuite déclaré expressément qu’elle ne pouvait accepter les
accords parce que «nous ne pouvons accepter la sécession du Kosovo -Metohija, que ce soit dans
87
l’immédiat ou au terme d’une période intérimaire de trois ans» . Lors d’une réunion ultérieure du
Conseil de sécurité, la RFY a décrit les accords de Rambouillet avec encore moins de ménagement,
comme exigeant qu’elle abandonne le Kosovo :

81
Accord militaro-technique entre la Forc e internationale de sécurité au Kosovo («KFOR») et les gouvernements
de la RFY et de la République de Serbie , conclu le 9 juin 1999 [Dossier, No. 32].
82La Serbie présente un argument comparable en ce qui concerne les termes du quatrième alinéa du préambule de la

résolution1244. Selon ce paragraphe, le Conseil de sécurité se déclare déterminer à «remédier à la situation
humanitaire grave qui existe au Kosovo, en République fédérale de Yougoslavie, et à fa ire en sorte que tous les réfugiés et
personnes déplacées puissent rentrer chez eux en toute sécurité et liberté». Toutefois, là encore, il n’est pas contesté que l
Kosovo demeurait partie de la RFY au début de la période inté rimaire; l’important est que les dispositions adoptées par le
Conseil se limitent à cette période, ce qui montre que le statut du Kosovo à plus long terme demeurait une question ouverte
83
Voirexposé de la Serbie, par. 781-84. Le quatrième alinéa du préambule des accord s de Rambouillet se lit
comme suit : « Rappelant l’attachement de la communauté internationale à la souveraineté et à l’intégrité territoriale
de la République fédé rale de Yougoslavie».
84
Exposé de la Serbie, par. 739 (les italiques sont de nous).
85
Exposé E.-U., p. 64-68.
86Conseil de sécurité, 3988 séance, S/PV.3988, 24 mars 1999, p. 14 (les italiques sont de nous).

87Ibid. (les italiques sont de nous). - 22 -

«On lui [la Yougoslavie] donne deux options : ou renoncer volontairement à une
partie de son territoire ou se la voir retirer par la force. Voilà, en résumé, la «solution»

proposée au Kosovo-Metohija sous forme d’ultimatum lors des «négociations» en
France.» 88

On voit mal, étant donné ces déclarations, comment la Serbie peut maintenant affirmer de
manière crédible devant la Cour que la référence aux accords de Rambouillet dans la

résolution1244 est importante parce qu’ils «adopt ent clairement le principe du maintien de
l’intégrité territoriale de la RFY et de sa souveraineté sur le Kosovo». 89

Références à l’intégrité territoriale de la «RFY» (par opposition à l’intégrité territoriale

de la «Serbie»)

Dans son exposé écrit, la Serbie indique, à juste titre: «La Serbie continue la per90nnalité
juridique internationale de la République fédérale de Yougoslavie.» Elle est par contre dans
l’erreur lorsqu’elle affi rme que «toute référence à l’intégrité territoriale de la [RFY] dans la

pratique des organes de l’Organisation des Nations Unies et de chaque Etat doit s’entendre en tant
que référence à l’intégrité territoriale de la Serbie» 91. En particulier, il n’est pas exact que la

référence à l’intégrité territoriale de la RFY à l’alinéa 192du préambule «doit s’entendre en tant que
référence à l’intégrité territoriale de la Serbie» .

Le droit et la pratique de la succession d’Et ats soulèvent de nombreuses questions complexes,
mais un point est clair : s’il peut exister une présomption que des dispositions juridiques demeurent

applicables à un Etat qui est la continuation d’un au tre Etat, l’application de cette présompti93 à un
droit particulier ou une obligation particulière dépend des circonstances particulières .

88 e
Conseil de sécurité, 3989 séance, S/PV.3989, 26 mars 1999, p. 11.
89
Exposé de la Serbie, par. 784. La Serbie fait aussi valoir que la référence à la «volonté du peuple» doit être
entendue comme visant autre chose que la volonté du pe uple du Kosovo. La «volonté du peuple» est une
expression tirée au moins en partie des traditions historiques des Etats-Un is, notamment la célèbre déclaration
figurant dans une lettre écrite en 1801 par le président des Etats-Unis, Thomas Jefferson, selon laquelle «la volonté
du peuple...est le seul fondement légiti me de tout gouvernement, et la protec tion de sa libre e xpression doit être
notre premier objectif». [Traduction du Greffe.] Lettre adressée par ThomasJefferson à BenjaminWaring

(reproduite dans The Writings of Thomas Jefferson, Memorial Edition, vol. 10 (Lipscomb et Bergh, 1904), p. 236).
La Serbie tire argument du fait que d’autres dispos itions des accords de Rambouille t visent «la population du
Kosovo» pour faire valoir que le term e «peuple», qui est différent, doit re nvoyer à autre chose que «la population
du Kosovo». Outre le fait que le contexte dans lequel les accords de Rambouillet visent «la population du Kosovo»
est tellement différent (par exemple dans diverses dispositions citant des pourcentages de «la population du
Kosovo» qu’il serait anormal en anglais d’utiliser le mo t «peuple»), la déduction que fa it la Serbie n’est tout

simplement pas valide et le peuple du Kosovo est bien le peuple dont il est oquestion dans les accords de
Rambouillet. Voir accords de Rambouillet, S/1999/648 , 18 février 1999 [Dossier, N 30].
90
Exposé de la Serbie, par. 24.
91Ibid., par. 30.

92Ibid.

93Différents auteurs définissent la portée de cette exception ⎯ à savoir les circonstan ces dans lesquelles la
présomption ne s’applique pas ⎯ de différentes manières. Par ex emple, s’agissant des obligations
conventionnelles, voir D. P. O’Connell, «Reflections on the State Succession Convention», Zeitschrift für

ausländisches öffentliches Recht und Völkerrecht, vol.39 (1979), p.737 (les obligations conventionnelles sont
inapplicables si «la situation est à tel point modifiée que le but du traité ne peut être réalisé ou serait déformé»
[traduction du Greffe] ) ; Rein Müllerson, «New Developments in the Former USSR and Yugoslavia,» Va. J. Int’l L.,
vol.33 (1993), p.317 («la plupart des traités ne peuvent être appliqués au tomatiquement tels quels» lorsqu’une
succession d’Etats se produit, «en raison du changement de circonstances»;)convention de
Vienne sur la succession d’Etats en matière de traités (1978), art.5 c), disponible à l’adress:

http://untreaty.un.org/i1c/texts/instruments/english/conventions/3_2_19… (le traité est inapplicable si son
application à l’Etat successeur serait «incompatible avec l’objet et le but du traité ou changerait radicalement les
conditions de l’exécution du traité »). - 23 -

S’agissant de la résolution1244, même si l’alinéa10 du préambule peut être interprété
comme exigeant que le Kosovo demeure partie intégr ante de la RFY indéfiniment, la situation a été

fondamentalement modifiée lorsque la Serbie et le Monténégro sont devenus des Etats distincts.
Interpréter cet alinéa comme substituant simplement la Serbie à la RFY ne tiendrait pas compte de

la logique inhérente à la situation et du contexte historique dans lequel la résolution1244 a été
adoptée.

La résolution1244 consacre un rejet délibéré de tout principe selon lequel le Kosovo doit
continuer de faire partie de la «Serbie». Comme expliqué plus en détail dans l’exposéE.-U. 94,
l’alinéa 10 du préambule a été délibérément formulé pour éviter d’impliquer que le Kosovo devait

demeurer partie intégrante de la «Serbie», afin de ne pas exclure ce qu’on a appelé la solution d’une
«troisième république» ou «dans la RFY, hors de la Serbie». La possibilité de telles solutions a été

longuement débattue à l’époque comme peut-être la seule manière plausible de maintenir les
frontières extérieures de la RFY tout en reconnai ssant simultanément qu’il devenait de plus en plus
intenable pour le Kosovo de demeurer au sein de la Serbie. 95

Assurément, la RFY et la Serbie se sont rigoureusement opposées à ces propositions, y
96
compris sous la forme d’objections officielles de la RFY à l’ONU . Les dirigeants de la RFY et de
la Serbie ont aussi formulé des objections dans de s déclarations publiques, exigeant, par exemple,
que l’on retire les propositions impliquant un e «troisième république» pour reprendre les
97
négociations qu’ils avaient rompues après Rambouillet . Selon les négociateurs de la RFY et de la
Serbie, la proposition de «faire du Kosovo-Metoh ija une entité fédérale distincte [était] le

stratagème le plus perfide auqu el la Serbie avait jamais été e 98xposée» et «la Serbie doit rejeter
catégoriquement de telles propositions» [traduction du Greffe] .

94
Exposé E.-U., p. 74-78.
95Voir, par exemple, «Hungarian Envoy Suggests Yugoslavia Should Becorne a «Loose Federation»», BBC

Monitoring Europe ⎯ Political, 10mai1999 (citant la radio hongroise, B udapest, le 9mai1999) (notant l’intérêt
de la Hongrie pour une solution comprenant une troisièm e république); «First Intern ational Protectorate, Then
Independence for Kosovo», Turkish Daily News, 11 avril 1999 (interview d’Enver Hasani, un conseille juridique de
la délégation du Kosovo à Ra mbouillet) («[l’]idée [des accords de Rambouillet] semb le être que le Kosovo
devienne une troisième république au sein de la fédération» [traduction du Greffe] ); Paul Williams, «Hour 2:
Professor Paul Williams of American University, Legal A dviser to the Kosovo Delegation, Talks of the Referendum
and the Possible Reactions in the Upcoming Three Years», All Things Considered, National Public Radio,

25 février 1999 (les Albanais du Kosovo «pourraient juger qu’ il est dans leur intérêt à lng terme de constituer une
troisième république au sein de la Ré publique fédérale de Yougoslavie» [traduction du Greffe] ); «Foreign Ministry
Spokesman Reiterates Russian Position on Kosovo», BBC Monitoring Former Soviet Union ⎯ Political,
6 février 1999 (citant une émission de la radio Ekho Moskovy sur un entretie n avec Vladimir Rakhmanin, directeur
de la direction de l’information de la presse du Ministère russe des affaires ét rangères) (indiquant que le désir de la
Russie de maintenir les frontières ex térieures n’excluait pas les options co mprenant une troisième république);

«Hungary ready to back military intervention in Balkans ⎯ Minister», BBC Summary of World Broadcasts,
26septembre1998 (citant la station satellitaireTV2, Budapest, en hongrois, 24septembre1998) (le ministre
albanais des affaires étrangères arguant que «la meilleure solution serait ma intenant que le Kosovo
soit une troisième république de la Yougoslavie» [traduction du Greffe] ); International Crisis Group,
The New Kosovo Protectorate, ICGBalkans Report No.69, 20juin1999, p.6, disponible à l’adresse:
http://www.crisisgroup.org/home/index.cfm?id=1594&1=1 (décrivant la constitution d’une troisième république

comme l’une de trois solutions possibles); «Outrage in Kosovo,» The Economist, 23 janvier 1999, p. 16 (arguant
que la meilleure solution pour le Kosovo serait d’en faire une troisième république yougoslave).
96VoirConseil de sécurité, 3868 e séance, S/PV.3868, 31 mars 1998, p. 18 [Dossier, N o 8].

97Voir, par exemple, la déclaration du vice-pr emier ministre Draskovi ć, BBC Monitoring Europe - Political,
27 mars 1999 (citant l’agence de presse Tanjug, Belgrade, en anglais, 26 mars 19 99) (le vice-premier ministre de la

RFY déclare que les pourparlers peuvent se poursuivre à tout moment dès qu’auront été supprimées «les
dispositions accordant au Kosovo-Met ohija le statut de troisième rpublique ou d’Etat indépendant» [traduction du
Greffe] ).
98
Voirdéclaration du vice-premier ministre Markovi ć, chef de l’équipe de négociation serbe «Accepter le
plan des USA pour le Kosovo sera it un «suicide politique» pour Milosević », BBC Summary of World Broadcasts,
28 novembre 1998 (citant l’agence de presse Be ta, Belgrade, en anglais, 26 novembre 1998). - 24 -

Dans ce contexte, la mention de l’intégrité territoriale de la «RFY » dans la résolution
représentait manifestement un rejet de la position de la RFY et de la Serbie. Comme indiqué dans
l’exposé E.-U. 9, les négociateurs de la RFY et de la Serbie ont formulé des objections lorsque

Ahtisaari et Tchernomyrdine ont présenté les princi pes devant régir la cess ation du conflit en 1999
et l’adoption de la résolution 1244, à Belgrade, au début de juin 1999, mais les tentatives qui ont pu
être faites pour faire figurer dans cette résolution des termes excluant les solutions du type

«troisième république» ou «au sein de la RFY, hors de la Serbie» ont échoué, et ceci est
compréhensible étant donné le sort qu’avait connu le peuple du Kosovo au sein de la Serbie.

Toutefois, avec la séparation de la Serbie et du Monténégro, il était impossible que le Kosovo
reste à l’intérieur des frontières extérieures d’un Etat commun mais non dans la Serbie elle-même.
Au final, si les Etats-Unis ne contestent pas la proposition générale selon laquelle la Serbie continue

la personnalité juridique internationale de la RFY, il n’en découle tout simplement pas que le sens
de l’alinéa 10 du préambule peut de ce fait être radicalement transformé pour exiger maintenant que

le Kosovo reste partie intégrante de la «Serbie».

S ECTION II. ARESOLUTION 1244 MENTIONNAIT «L’AUTONOMIE » ET

«L AUTO -ADMINISTRATION » COMME DES PRINCIPES DEVANT
S APPLIQUER UNIQUEMENT DURANT LAPERIODE

INTERIMAIRE

La Serbie fait valoir que les références dans la résolution1244 à «l’autonomie» et
«l’auto-administration» excluent toute forme d’indépendance et, à plus forte raison, une déclaration
100
unilatérale d’indépendance , mais cette thèse est contredite par le libellé et la structure de la
résolution elle-même. Comme on vient de l’expose r dans la Section I, les mentions en cause dans

chaque cas visent la situation qui prévaud101t durant la période intérimaire, et non la solution
politique finale qui pourrait se faire jour .

S ECTION III. RIEN DANS LA RESOLUTION 1244 N’EXIGE QUE LE STATUT FUTUR
DU K OSOVO SOIT DETERMINE UNIQUEMENT PAR UN ACCORD

Comme les Etats-Unis l’ont expliqué plus en détail dans leur exposé écrit, la résolution 1244
n’exige pas que la Serbie et le Kosovo s’accordent sur un statut futur. La Serbie s’est battue avec
acharnement pour une disposition lui garantissant un droit de veto dans le cadre des négociations

sur les accords précédant Rambouillet et à Rambouil let même, et a échoué, et aucune disposition de
ce type n’a été incluse dans la résolution1244 102. Les arguments de la Serbie selon lesquels le

libellé de passages particuliers de l’alinéa11 prévoit implicitement un tel droit de veto sont sans
fondement.

99
Exposé E.-U., p. 76-77.
100Exposé de la Serbie, par. 728 et suivants.

101Voir, par exemple, résolution1244 (1999) du Coeil de sécurité, S/RES/1244, annexe1 [Dossier,341
(prévoyant que l’accord-cadre politiintérimaire devait notamment instituer une «autonomie substantiIbid.,;
annexe 2, par. 8 (idem) ; Ibid., annexe2, par. 5 (idem s’agissant de l’auto-administration et de l’autonomie); Ibid., par.11
(qualifiant de « provisoires» les institutions d’auto-administration déIbid., par.10 (désignant «l’autonomie
substantielle» comme quelque chose dont le peuple du Kosovo doit jouir durant une administration intérimaire).

102Voirexposé E.-U., p. 65-68. - 25 -

A. La résolution 1244 ne mentionne nulle part un «a ccord» en ce qui concerne
le statut futur du KOSOVO

L’alinéa e) du paragraphe11 de la résolution1244 indique que les responsabilités de la
présence civile internationale consisteraient notamment à «faciliter un processus politique visant à
déterminer le statut futur du Kosovo, en tenant compte des accords de Rambouillet». La Serbie

plaide que l’utilisation de l’e xpression «processus politique» signi fie que le Conseil exigeait un
accord entre la Serbie et le Kosovo :

«L’expression même de «processus poli tique» implique que toutes les parties

intéressées doivent y participer et qu’elles doivent dégager une solution mutuellement
acceptable par la négociation.» 103

Si tel est à n’en pas douter le résultat qu’espéraient le Conseil de sécurité (et la communauté
internationale dans son ensemble), le Conseil connaissait aussi fort bien les divergences de vues
fondamentales opposant le Kosovo et la Serbie et les efforts déployés en vain au fil des ans pour

parvenir à un tel accord. Il n’a pas exigé un accor d dans la résolution 1244, et aucune explication
n’est fournie ni n’apparaît quant à la raison pour laquelle le fait que le Conseil a autorisé la
présence civile internationale à faciliter un «p rocessus politique» signifi erait ou même donnerait à

penser qu’il a ainsi exigé que la solution éventuelle fasse l’objet d’un commun accord.

La Serbie fait ensuite valoir que l’utilisation du mot règlement au paragraphe11 de la

résolution 1244 équivaut au mot accord, affirmant qu’«[à] l’évidence, le mot règlement ne peut pas
vouloir dire autre chose qu’un accord, et non pa s une mesure prise unilat éralement par l’une des
parties» et que la résolution1244 exige ainsi qu ’«un règlement concernant le statut futur du
104
Kosovo ... résulte … d’un accord entre les parties» . Mais cet argument est erroné pour au moins
deux raisons.

Premièrement, le mot accord n’est pas le mot utilisé. Ce fa it est d’autant plus remarquable
que d’autres dispositions de la réso lution1244 visent effectivement des accords, notamment des
accords de la RFY. C’est le cas en particulier du paragraphe4 de la résolution, qui envisage la

possibilité du retour d’un nombre «convenu» (en anglais agreed) d’agents serbes et yougoslaves au
Kosovo à des fins bien précises, ce qui montre que le Conseil est fort capabl e d’indiquer clairement
qu’un accord est nécessaire lorsque telle est son intention.

Deuxièmement, les conditions qui ont présidé aux négociations sur le statut futur conduites
par l’Organisation des Nations Unies ne prévoyaient pas un tel droit de veto au profit de la Serbie à

l’issue de ce processus. Ainsi, les principes dire cteurs adoptés par le Groupe de contact lorsque les
négociations sur le statut futur ont été lancées et approuvés lorsque le Conseil de sécurité s’est
félicité de la nomination du présidentAhtisaari comme Envoyé spécial en novembre2005, 105

précisent expressément qu’«une fois que le processu s sera engagé, il ne pourra plus être bloqué» et
le Groupe de contact a réaffirmé durant le processus sur le statut futur lui-même que les
négociations «ne peuvent être bloquées» 106. De fait, les déclarations du Groupe de contact

indiquent clairement que tout règlement doit «être acceptable pour le peuple du Kosovo», mais ne
disent pas la même chose en ce qui concerne Belgrade ou le peuple de Serbie, notant expressément,

103
Exposé de la Serbie, par. 753.
104
Ibid., par. 754.
105Lettre datée du 10 novembre 2005, adressée au Secrétaire général par le Présiden t du Conseil de sécurité,
S/2005/709, 10 novembre 2005 [dossier, n o197].

106Déclaration ministérielle du Groupe de contact, Vienne, 24juillet 2006, disponible à l’adresse:
http://www.unosek.org/docref/Statement of the Contact Group after first Pristina-Belgrde High-level meeting held
in Vienna.pdf. - 26 -

par contre, le fait que les «politique s désastreuses [menées par Belgrade] par le passé sont au cŒur
des problèmes actuels» 107.

A maintes reprises, le Groupe de contact a encouragé le Kosovo et la Serbie à s’entendre,
estimant que c’était l’issue la plus souhaitable, et cette entente aurait très bien pu prendre la forme

d’un accord bilatéral. Mais les déclarations du Groupe indiquaient aussi régulièrement que l’accord
de Belgrade risquait de n’être pas possible à obtenir, et à chaque fois il s’abstenait de dire qu’un tel
accord était requis. Par exemple, dans sa déclar ation du 20 septembre 2006, le Groupe de contact

décrivait ainsi la situation de cette manière :

«En ce qui concerne le statut politique du Kosovo, les ministres constatent que

les positions de Belgrade et Pristina demeurent éloignées, comme il est apparu
clairement lors de la réunion de haut niveau tenue à Vienne le 24 juillet. Les ministres
appuient les efforts faits par l’Envoyé spécial pour Œuvrer avec les parties en

coopération avec le Groupe de contact pour arri ver à un résultat réaliste qui renforce la
stabilité régionale, soit acceptable pour le peuple du Kosovo et préserve le caractère
multiethnique du Kosovo. La recherche d’un règlement négocié ne saurait faire

oublier qu’aucune des parties ne peut bloquer unilatéralement le processus de
détermination du statut.» [Traduction du Greffe] 108

B. La résolution 1244 n’exige d’aucune au tre manière la conclusion d’un accord

L’argument de la Serbie selon lequel un accord sur le statut futur du Kosovo était requis serait
erroné même si le paragraphe11 autorisait en fait la présence civile internationale à faciliter un

processus politique visant à déterminer le statut futur du Kosovo uniquement en vertu d ’un accord
entre le Kosovo et la Serbie . Autoriser la présence civile internationale à faciliter un processus
destiné à aboutir à un tel accord n’aurait pas signif ié que le Kosovo et la Serbie auraient été tenus

d’aboutir à un tel accord, ou qu’en l’absence d’acc ord la situation serait demeurée indéfiniment
sans solution.

107
Déclaration du Groupe de contact sur l’avenir du Kosovo, Londres, 31janvier2006, disponible à l’adresse :
http://www.unosek.org/docref/fevrier/STATEMENT%20BY%20THE%2000NTACT%2OG…
%20FUTURE%200F%20KOSOVO%20-%20Eng.pdf. Lorsqu’elle invoque les dispositions des principes directeurs
indiquant que les parties doivent s’absten ir de mesures unilatérales, la Serbie oublie qu’il s’agissait de déclarations
politiques conçues comme des règles de c onduite que les parties deva ient suivre lors des négociations sur le statut
futur elles-mêmes. L’essentie l est que ni la Serbie ni le Kosovo ne de vaient prendre, durant le processus, de
mesures risquant de compromettre le succès des négociations. L’idée qu’ il s’agissait d’une règle accordant ou

reconnaissant un droit de veto à la Se rbie si les négociations n’aboutissaient pas à un accord est fondamentalement
incompatible et avec les termes de la résolution1244 e lle-même, et avec les nombre uses autres déclarations du
Groupe de contact, y compris celles cit ées ci-dessus, qui affirment que le processus ne pouvait être bloqué. Le
Kosovo a participé à ce processus politique de bonne foi, et la déclaration d’indépendance n’a été faite qu’après que
le processus politique fut arrivé à son terme. De nombre uses semaines après la déclaration de septembre 2006 du
Groupe de contact, la Serbie a ad opté une nouvelle Constitution qui ⎯ unilatéralement ⎯ déclarait le Kosovo
«partie intégrante du terr itoire de la Serbie» et elle s’efforça d’empêcher ne serait-ce que l’on discute de

l’indépendance. Les témoignages de l’époque montrent clairement que le référendum mené à la hâte en vue
d’approuver la Constitution ne visait qu’à consacrer cette nouvelle dispositi on constitutionnelle et a en fait été
perçu comme tel. «Kosovo referendum results strengthens [sic] Serbia : PM,» Agence France Presse,
29octobre2006, disponible à l’adresse: http://www .kosovo.net/news/archive/2006/October_31/1.html. Voir aussi
exposé E.-U., note 109 et texte cité ; rapport du Secrétaire général sur la Mission d’administration intérimaire des
Nations Unies au Kosovo, 20 novembre 2006, S/2006/906, par. 6 [Dossier, No. 78].
108
Déclaration ministérielle du Groupe de contact, New York, 20septembre2006, disponible à l’adresse:
http://www.unosek.org/docref/2006-09-20_-_CG%20Ministerial Statement New%20 York.pdf (les italiques sont de
nous). - 27 -

1. La déclaration d’indépendance n’a pas empêché la présence civile internationale de
s’acquitter de son mandat

C’est l’article 25 de la Charte des Nations Unie s qui est le fondement de l’obligation, en droit
international, de respecter les décisions du Co nseil de sécurité. Il est ainsi libellé :

«Les Membres de l’Organisation convi ennent d’accepter et d’appliquer les
décisions du Conseil de sécurité conformément à la présente Charte.» 109

Bien qu’un doute soit permis, on peut suppos er aux fins des présentes observations que
l’obligation énoncée à l’ar ticle 25 s’applique aussi aux Etats non membres des Nations Unies et aux

entités qui ne sont pas des Etat s (c’est ainsi que la Serbie 110 définirait le Kosovo aussi bien
aujourd’hui qu’au moment où l’indépendance a été déclarée) . Dans ce cas, on pourrait dire que,
en déclarant son indépendance, le Kosovo a violé ses obligations juridiques internationales s’il a

empêché la présence civile internationale de faciliter «un processus politique visant à déterminer le
statut futur du Kosovo» au sens de l’alinéa e) du paragraphe11 ou de superviser le transfert des
pouvoirs des institutions provisoires du Kosovo aux in stitutions qui auront été établies dans le cadre

d’un règlement politique au sens de l’alinéa f) du paragraphe 11.

Mais lorsque le Kosovo a déclaré son indépendance, en février2008, la présence civile

internationale avait déjà achevé sa «facilitat[ion] [d’]un processus politique» envisagée dans la
résolution1244. Les longs efforts de l’Envoyé spécialAhtisaari, suivis de la tentative de dernière

minute de la «troïka» pour déterminer si un accord était possible ont montré que «toutes les
possibilités de parvenir à une issue négociée d’un commun accord des parties sur le statut du
Kosovo [avaient été] épuisées» 111et que «[l]a poursuite des pourparlers, sous quelque forme que ce
112
soit, ne saurait permettre de sortir de cette impasse» . En bref, il n’y avait plus de processus
politique en cours pour déterminer le statut futur du Kosovo. Le Kosovo avait accepté la
proposition globale formulée par Ahtisaari et approuvée par le Secrétaire général ⎯ une position

qui confortait les mesures prises par le Secrétaire général pour appliquer la résolution1244. Rien
n’exigeait que la présence civile internationale engage un nouveau processus de détermination du

statut ⎯ le paragraphe 11 e) de la résolution indique que la pr ésence civile internationale doit
faciliter «un» processus politique ⎯ et l’impossibilité de rapprocher les points de vue de la Serbie
et du Kosovo aurait rendu de nouvelles négociations inutiles. De fait, neuf des membres du Conseil

109 Voir également l’article48 de la Charte: « Les mesures nécessaires à l’exécu tion des décisions du Conseil de
sécurité pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales sont prises par tous les Membrs NationsUnies ou

certains d’entre eux, selon l’appréciation du Conseil» (les italiques sont de nous).
110 La proposition acceptée arguendo ci-dessus ⎯selon laquelle l’obligation d’accepter et d’exécuter les

décisions du Conseil de sécurité s’applique également aux Etats non membres des Nations Unies et aux entités non
étatiques ⎯ n’est pas évidente. De fait, des opinions largement divergentes ont été formulées sur le point de savoir
si les décisions du Conseil de sécurité créaient des oblig ations juridiques à la charge des Etats qui ne son pas
membres de l’ONU en relation avec le paragr aphe6 de l’article 2 de la Charte. Voir par exemple, The Charter of
the United Nations: A Commentary, vol. I, p. 141 (Bruno Simma, et al., 2002) («Le point de savoir si l’article2
paragraphe 6 qui vise les Etats qui ne sont pas membres de l’ONU peut avoir un quelconque effet juridique sur ces
Etats est controversé»). De plus, même si l’article2 paragraphe6 est interprété comme imposant aux Etats non
membres l’obligation juridique internatio nale d’exécuter les décisions du Conseil, demeure la question de savoir si

ces décisions imposent des obligations juridiques interna tionales aux acteurs non étatiques, au moins en l’absence
d’une indication précise du Conseil de sécurité, sous une forme ou sous une autre, qu’il vise ce résultat. Si
l’obligation d’«accepter et d’exécuter» les décisions du Conseil de sécurité ne s’applique pas aux acteurs non
étatiques, on voit mal comment la Serbie ⎯ dont la position fondamentale est que le Kosovo était et demeure un
acteur non étatique ⎯ peut considérer que la déclaration d’indépe ndance du Kosovo a violé le droit international,
même si les actes du Kosovo étaient incompatibles avec la résolution 1244.

111 Lettre datée du 26 mars 2007, adressée au Président du Conseil de sécu rité par le Secrétaire général, avec
en annexe le rapport de l’Envoyé spécial du Secrétaire général sur le statut futur du Kosovo, S/2007/168,
26 mars 2007, par. 3 [Dossier, N o 203].

112Ibid. - 28 -

de sécurité ⎯ y compris trois des cinq membres permanents ⎯ ont déjà reconnu le Kosovo, et il
n’y a aucune chance que le Conseil de sécuri té autorise un nouveau processus politique.

Le contraste entre la situation qui prévalait en février2008 et lors des périodes précédentes
⎯ spécialement en 2005, année ou le RSSG avait indiqué qu’il était prêt à annuler une déclaration

d’indépendance du Kosovo ⎯ est ainsi frappant. Une déclaration d’indépendance faite par un
groupe peut constituer une violation de la résolution uniquement si elle empêche la présence civile
internationale de faciliter «un processus politique visant à déterminer le statut futur du Kosovo».

Aussi longtemps que l’Organisation des NationsUn ies préparait ou menait activement des efforts
en vue de favoriser un accord entre le Kosovo et la Serbie, une déclaration d’indépendance aurait
pu être perçue comme empêchant ce processus de se poursuivre, et être de cette manière considérée

comme incompatible avec l’obligation d’accept er ou d’exécuter les décisions du Conseil de
sécurité. Mais en février2008 l’Organisation de s NationsUnies avait cessé ces efforts. C’est
pourquoi le Secrétaire général et le RSSG ont pu légitimement rejeter les exigences de la Serbie qui

demandait l’annulation de la déclaration d’indépe ndance du Kosovo en février2008, alors même
qu’ils avaient clairement indiqué qu’ils auraient annulé une telle déclaration si elle était intervenue
avant la fin du processus politique.

2. Le Kosovo n’a pas négocié de mauvaise foi

La Serbie fait valoir que durant les négociations le Kosovo a toujours cherché
l’indépendance, et elle oppose cette attitude à la bo nne foi dont elle-même a fait preuve tout au long
113
du processus . Elle qualifie la position du Kosovo en faveur de l’indépendance comme étant «aux
antipodes» de l’obligation qu’é nonce la résolution1244, qui exige que «la souveraineté et
l’intégrité territoriale de la Serbie doivent être sauvegardées» 114.

En fait, il ressort du dossier que c’est le comportement de la RFY et de la Serbie qui a fait
l’objet de critiques à l’époque, co mme le montrent les déclarations du Groupe de contact au sujet de

sa position. Ainsi, c’est de Belgrade que le Groupe de contact a dit qu’elle devait «montrait
beaucoup plus de flexibilité dans les pourparle rs qu’elle ne l’[avait] fait jusqu’à présent» 11,
Belgrade dont le Groupe de contact a dit qu’ell e devait «commençait à considérer des compromis
116
raisonnables et viables» , Belgrade qui devait «avoir à l’esprit que le règlement [devait], entre
autres, être acceptable pour le peuple du Kosovo» 117, et Belgrade à qui le Groupe de contact fit
118
savoir que ses «pratiques désastreuses du passé se trouv[aient] au cŒur des problèmes actuels» .

L’idée qu’il était d’une certaine manière inappr oprié ou «de mauvaise foi» pour le Kosovo de

rechercher l’indépendance est quoi qu’il en soit sans fondement. Aucun autre participant au
processus n’a considéré que la position du Kosovo lors des négo ciations était empreinte de
mauvaise foi. De fait, en novembre 2005, lors que l’Assemblée du Kosovo a adopté une résolution

mandatant les représentants du Kosovo aux négoc iations sur le statut futur pour demander
l’indépendance, le RSSG a expressément dit qu’en leur donnant un tel mandat «l’Assemblée s’est

113
Exposé de la Serbie, par. 917 (« La Serbie a toujours négocié de bon ne foi avec les représentants des
Albanais du Kosovo et les médiateurs internationaux afin de trouver une solution mutuellement acceptable»).
114
Ibid., par. 919.
115
Déclaration ministérielle du Groupe de contact, Vienne, 24juillet 2006, disponible à l’adresse:
http://www.unosek.org/docref/Statement of the Contact Group after first Pristina-Belgra de High-level meeting held
in Vienna.pdf.
116Ibid.

117Déclaration du Groupe de contact sur l’ avenir du Kosovo, Londres, 31janvier 2006, disponible à l’adresse:
http://www.unosek.org/docref/fevrier/STATEMENT%20BY%20THE%2000NTACT%2OG…
N%20THE%20FUTURE%200F%20KOSOVO%20-%20Eng.pdf.

118Ibid. - 29 -

119
dûment acquittée de ses responsabilités» . Si le fait que la Serbie considère que la position du
Kosovo dans les négociations était empreinte de ma uvaise foi démontre quelque chose, c’est bien
qu’il serait futile d’engager des nouvelles négociations.

S ECTION IV. L ES ARGUMENTS RELATIFS AU CADRE CONSTITUTIONNEL ET AUX AUTRES

REGLEMENTS DE LA MINUK NE DEMONTRENT PAS QUE LA DECLARATION
DU K OSOVO EST CONTRAIRE AU DROIT INTERNATIONAL

La Serbie affirme que la déclaration d’indépendance n’était pas conforme au droit
international parce qu’il s’agissait d’un acte ultra vires de l’Assemblée du Kosovo et qu’elle était

incompatible avec le rôle de la MINUK et les règlements de celle-ci. Ces arguments sont
également infondés. La déclaration d’indépendance elle-même indique clairement quelle est
l’expression de la volonté du peup le, non l’exercice d’une délégation officielle de pouvoir de la

MINUK. De plus, les règlements de la MINUK sont des textes de droit interne, et ne pas les
respecter n’aurait de toute façon pas cons titué une violation du droit international.

A. L’Assemblée du Kosovo n’a pas outrep assé ses pouvoirs constitutionnels
en violation du droit international

La Serbie affirme que :

«L’Assa emiblée ultra vires au regard du cadre constitutionnel lorsqu’elle a
déclaré que le Kosovo était un Etat souverai n et indépendant. En effet, le cadre
constitutionnel ne confère pas à l’Assembl ée le pouvoir de traiter de questions se

rapportant au statut juridique international du Kosovo, et encore moins de déclarer son
indépendance.» 120

L’essence de cet argument n’est pas que la déclaration d’indépendance n’était pas permise en
tant que telle, mais qu’elle n’était pas permise parce qu’elle a été adoptée par l’Assemblée du
121
Kosovo .

Ces arguments ne tiennent toutefois pas compte des nombreux documents produits par les

auteurs de la déclaration attestant que celle-ci n’a pas été faite par l’Assemblée du Kosovo agissant
en sa qualité d’institution provisoire d’administ ration autonome mais par les représentants du
peuple du Kosovo 12. Pour les Etats-Unis, le point crucial est que la déclaration était une

expression de la «volonté du peuple», et non l’exer cice d’un pouvoir officiellement délégué par la
MINUK 123. De plus, comme les Etats-Unis l’ont aussi indiqué dans leur exposé écrit, si l’on

119
Déclaration du RSSGosur la résoluti on adoptée par l’Assemblée du Kosovo, UNMIK/PR/1445,
17 novembre 2005 [Dossier, N 199].
120Exposé de la Serbie, par. 886.

121La Serbie semble formuler des argum ents pour l’essentiel similaires en ce qui concerne le document commun
MINUK -RFY, dont le point 5 réaffirmait «que la position cernant le statut futurKosovo demeure telle qu’elle
est énoncée dans la résolution 1244 du Cnseil de sécurité de l’ONU, et qu’ellne peut pas être modifiée par une

mesure que pourraient prendreles institutions provisoires d’administration autonome».id., par. 519. Il était bien
entendu clair à cette époque⎯au tout début du processus, et bien avan t que les négociations sur le statut futur
aient même commencé ⎯ que le RSSG n’accepterait pas une déclara tion d’indépendance. De toute manière, il
convient de noter que le document commun dit simplement que «la position concernant le statut futur du Kosovo
demeure telle qu’elle est énoncée dans la résolution1244» (sans expliquer ce que ce statut est) qu’«elle»
(c’est-à-dire le fait que position sur le statut du Kosovo demeure celle énoncée dans la résolution1244, par
opposition au statut particulier que le Kosovo avait à l’ép) ne peut être changée par les institutions provisoires

d’administration autonome.
122Contribution du Kosovo, chap. VI.

123Exposé E.-U., p. 45, note 231. - 30 -

insistait pour dire que la déclaration d’indépend ance était illicite uniqu ement parce qu’elle a été
adoptée par les institutions provisoires d’admini stration autonome et non par un organe sans lien
avec les institutions que la présence civile intern ationale avait contribué à mettre en place, on aurait

pu aisément remédier à ce vice technique en convoquant un nouvel organe constituant afin qu’il
redéclare l’indépendance 124. Le fait que la déclaration d’indépendance représente effectivement la
volonté de la grande majorité de la popula tion du Kosovo ne peut être mise en doute 125.

B. La déclaration d’indépendance n’est pas in compatible avec la poursuite par la MINUK

de l’exercice des responsabilités que lui confie la résolution 1244

La Serbie semble arguer que, que la déclaration d’indépendance soit ou non conforme à la

résolution 1244, elle n’en viole pas moins le droit international parce qu’elle est incompatible avec
les règlements qu e la MINUK a adoptés ou parce que, pour reprendre les term es qu’utilise la
Serbie, elle «a contesté et transgressé l’autorité administrative suprême de la MINUK». 126

Mais, en fait, la MINUK a continué d’opérer au Kosovo après l’adoption de la déclaration
d’indépendance, et elle continue de le faire aujourd’hui 127. De plus, s’il est tout à fait clair que le

Kosovo déclarait son indépendance de la Serbie, la déclaration d’indépendance ne rejetait ni la
MINUK ni la résolution1244, et en fait elle engageai t elle-même expresséme nt le Kosovo à agir
conformément à cette résolution 128. Il n’y a pas d’incompatibilité entre l’indépendance du Kosovo

de la Serbie et la pou rsuite par la MINUK de l’exercice de ses responsabil ités en vertu de la
résolution 1244. A l’évidence, le Conseil de sécurité peut autoriser des organes subsidiaires comme
la MINUK à fonctionner dans des Etats pleinement indé pendants comme le Kosovo (comme elle

l’a d’ailleurs fait pendant une décennie dans le co ntexte des revendications de souveraineté de la
Serbie). Le refus du RSSG ⎯le chef de la MINUK ⎯ et du Secrétaire général d’annuler la

déclaration d’indépendance est particulièrement significatif dans ce contexte, dans la mesure où ce
serait une atteinte à leur autorité qui, selon la Serbie, invaliderait la déclaration d’indépendance.

C. Le cadre constitutionnel et les autres règlements de la MINUK relèvent du droit interne,
non du droit international

Le cadre constitutionnel, comme les autres règlements que la MINUK a adoptés, a été conçu
pour s’appliquer en tant que droit interne, non en ta nt que droit international. Ce fait est critique

aux fins de la présente affaire parce que la question posée à la Cour est celle de savoir si la
déclaration d’indépendance «est conforme au droit international ».

La nature des règlements de la MINUK est reflétée dans la pratique et les pièces du dossier.
Ainsi, le premier règlement adopté par la MINUK en 1999 disposait :

124Ibid.

125Dans son exposé écrit, la Serbie ne déclare nulle part que la déclaon ne traduit pas la volonté du peuple du
Kosovo et, de fait, elle semble l’admettre. Voir, par exemple , exposé de la Serbie,par.339 (il était évident qu’un
référendum au Kosovo «ne pouvait produire qu ’un seul résultat, à savoir la sécession du Kosovo de la RFY et de la
Serbie»).

126Exposé de la Serbie, par. 895.

127 Voir, par exemple, rapport du Secrétaire général sur la Mi ssion d’administration intérimaire des
NationsUnies au Kosovo, S/2009/300, 10juin2009, par. 40 (« Suivant les paramètres établis dans mes rapports du
12juin (S/2008/354) et du 24novembre 2008 (S/2008/692) et conf ormément à la déclaration du Président du Conseil de
sécurité en date du 26 novembre 2008, la MINUK a procédé à sa restructuration dans le cadre ⎯ neutre quant au statut ⎯ de
la résolution244 (1999).»)

128Déclaration d’indépendance, par. 5 et 7 [dossier, no192]. - 31 -

«Tous les pouvoirs législatif et exécutif afférents au Kosovo, y compris
l’administration de l’ordre judiciaire, sont conférés à la MINUK et exercés par le
129
Représentant spécial du Secrétaire général.»

Les «pouvoirs législatif et exéc utif» ainsi visés sont claireme nt des pouvoirs internes, de

nature intrinsèquement interne, comme l’est l’administration de la justice, qui est le seul élément
spécifique que mentionne le règlement.

Le premier rapport du Secrétaire général sur la MINUK indique que ce dernier avait décidé
que les pouvoirs dont la MINUK ét ait investie seraient exercés par un Représentant spécial

(«RSSG»), et que :

«Ce faisant, il pourra modifier, abroger ou suspendre les lois existantes, dans la

mesure où il lui sera nécessaire de le faire pour s’acquitter de ses fonctions ou lorsque
ces lois seront incompatibles avec le mandat, les buts et les objectifs de
l’administration civile intérimaire.» 130

Les «lois existantes» que le Secrétaire général au torisait le RSSG à modi fier sont à l’évidence
les lois qui étaient alors en vigueur au Kosovo, à sa voir le droit interne yougoslave, et le droit qui

serait substitué à celui-ci s’appliquerait de même en tant que droit interne. Le rapport du Secrétaire
général précisait que la MINUK uti liserait ce pouvoir pour «enclenc her un processus de révision de

la législation actuelle du Kosovo» et que ceci comprendrait «les textes régissant les affaires internes
et ceux régissant le maintien de l’ordre» ⎯ indiquant une nouvelle fois clairement la nature de droit
interne des règlements que la MI NUK promulguerait. Les règlements de la MINUK se sont par la

suite appliqués sur le même plan que le droit interne préexistant et simultanément à celui-ci, de
manière à constituer avec ce droit préexistant le régime juridique interne applicable au Kosovo.
o
Ainsi le Règlement n 1999/24 de la MINUK di sposait expressément :

«Constituent la loi applicable au Kosovo :

a) Les règlements promulgués par le RSSG et les textes subsidiaires publiés en vertu
de ceux-ci; et

b) La législation en vigueur au Kosovo le 22 mars 1989.» 131

La RFY elle-même considérait qu e la décision d’inve stir la MINUK de pouvoirs législatif et
exécutif était une décision ⎯ selon elle contraire à la résolution1244 ⎯ d’investir la MINUK de

pouvoirs internes. Ainsi, la RFY se plaignait de ce que la décision d’investir la MINUK de
pouvoirs législatif et exécutif :

«retire aux autorités et organes gouvernementaux légitimes de la République fédérale
de Yougoslavie leur souveraineté inviolable sur les pouvoirs exécutif, législatif et
judiciaire au Kosovo-Metohija» 132.

129 o
Règlement N 1999/1 sur l’Autorité de l’Administration intérimaire au Kosovo, UNMIK/REG/1999/1,
25 juillet 1999, sec 1.1 (les italiques sont de nous) [dossier,138].
130
Rapport du Secrétaire général sur la Mission d’admi nistration intérimaire des Nations Unies au Kosovo,
S/1999/779, 12 juillet 1999, par. 39 [dossier, n37].
131 o
Règlement o 1999/24 sur la loi applicable au Kosovo, MINUK/RoG/19 99/24, 12décembre1999,
section3 [dossier, n 146] (ce règlement a remplacé le Règlement N 1999/1 pour modifier la date pertinente,
substituant au 24 mars 1999 le 22 mars 1989). - 32 -

En d’autres termes, la RFY a protesté contre l’ attribution de pouvoirs lé gislatif et exécutif à
la MINUK précis ément parce qu’elle usurpait les pouvoirs internes dont ⎯ selon elle ⎯ la RFY

aurait dû continuer à jouir.

133
Comme d’autres l’ont noté , le cadre constitutionnel a été lui-même promulgué en tant que
règlement, numéroté ⎯ 2001/9 ⎯ comme les autres règlements, et il est entré en vigueur lorsqu’il
a été signé par le RSSG précisément parce que la MINUK le considérait comme les autres
134
règlements . Son nom même, «cadre constitutionnel », indique qu’il était entendu qu’il
s’appliquerait comme s’applique normalement une co nstitution en droit interne. Les règlements de

la MINUK régissaient les activités ex ercées dans tous les aspects de la vie ordinaire, y compris par
exemple les activités bancaires («Nul n’exercera des activités de banque ou d’institution financière
sans autorisation valide») 135, l’enregistrement et le fonctionnement des organisations non
136
gouvernementales («[u]ne ONG ne peut distri buer de recettes nettes ni de bénéfices») , la
perception de la taxe à la valeur ajoutée (toute personne assujettie à la taxe «doit demander son

enregistrement aux fins de la taxe à la valeur aj outée auprès137 la l’admi nistration fiscale dans les
30jours de l’entrée en vigueur du présent règlement») et l’immatriculation des véhicules à
moteur («seuls les véhicules dont l’immatriculation et les plaques d’immatriculation sont valides
138
sont autorisés à circuler au Kosovo») . Il est clair qu’une personne se livrant à des opérations de
banque sans licence, une ONG distribuant des bénéfices, une société qui ne s’inscrivait pas pour la

taxe à la valeur ajoutée ou un automobiliste qui utilisait un véhicule dont l’immatriculation était
expirée ⎯tous s’exposaient à une peine en vertu du droit interne parce qu’ils avaient violé les
dispositions de règlements de la MINUK. Parce que les règlem ents de la MINUK étaient conçus

pour s’appliquer en tant que droit interne, aucun d’entre eux n’aurait pu être considéré comme
ayant agi d’une manière qui n’était pas «conforme au droit international».

Ainsi, même si l’on acceptait arguendo la proposition de la Ser bie selon laquelle la
déclaration d’indépendance du Kosovo était incomp atible avec le cadre constitutionnel ou d’autres

règlements de la MINUK, il n’en découlerait pas pour autant que cette déclaration n’était pas
«conforme au droit international».

132Lettre datée du 16 juillet1999, adressée au Secrétaire général par le Président du Gouvernement fédéral
de la République fédérale de Yougoslavie, annexée à la lettre datée du 19 juillet1999, adressée au Secrétaire
général par le Chargé d’affaires par intérim de la Mission permanente de la Yougoslavie auprès de l’Organisation

des Nations Unies, S/1999/800, 19 juillet 1999, p. 3.
133Voir, par exemple, contribution du Kosovo, par. 4.33.

134 Voir déclaration du RSSG Han Hsaekkerup, m3ai01, disponible à l’adres:se
http://www.umnikonline.org/press/2001/trans/tr030501a.html (expliquant que les représentants du Kosovo ne
signeraient pas le cadre constitutionnel parce qu’il avait le même statut que n’importe quel autre règlement de la

MINUK: «Je serai le seul à signer ce document parce qu’il n’est jamais rien d’autre qu’un règlement...»
[traduction du Greffe] ).
135
Règlement 1999/21 de la MINUK sur l’autorisation d’exercer des activités de banque et la supervision et
la réglementation de ces activités, MINUK/REG/1999/21, 15 novembre1999, section3.1, disponible à l’adresse:
http://www.unmikonline.org/regulations/unmikgazette/02english/E1999regs….
136
Règlement 1999/22 de la MINUK sur l’enregistrement et le fonctionnement des organisations
non gouvernementales au Kosovo, MINUK/REG/1999/22,n1 ovem1 br99, seci.n,
http://cso-ks.com/repository/docs/UNMIK_reg_99_22_eng.pdf.
137
Règlement 2001/11 de la MINUK sur la taxe à la valeur ajoutée au Kosovo, MINUK/REG/2001/11,
31 mai 2001, section 3.1, disponible à l’adresse : htp://www.unmikonline.org/regulations/2001/reg11-01.pdf.
138
Règlement 1999/15 de la MINUK sur l’immatriculation tem poraire des véhicules à moteur utilisés par des
personnes privées au Kosovo, MINUK/REG/1999/15, 21octobre1999, section3, disponible à l’adresse:
http://www.unmikonline.org/regulations/1999/re99_15.pdf. - 33 -

S ECTION V.L ES EFFORTS DEPLOYES EN 2007 POUR OBTENIR DU C ONSEIL DE SECURITE QU ’IL
ADOPTE UNE RESOLUTION NE PROUVENT PAS QUE LADECLARATION D ’INDEPENDANCE DU
K OSOVOAVIOLE LE DROIT INTERNATIONAL

Il n’est pas contestable qu’il aurait été préférable que le Conseil de sécurité adopte une
nouvelle résolution sur le Kosovo. La Serbie fait quan t à elle valoir que le fait que divers Etats se

sont efforcés d’obtenir l’adoption d’une telle réso lution «confirme» 139 l’indépendance ne pouvait
être déclarée sans une nouvelle résolution du Conseil de sécurité .

L’argument de la Serbie ne résiste pas à l’ex amen. Rien dans la résolution1244 n’exige

l’approbation du Conseil de sécurité pour l’indépendance du Kosovo ou tout autre statut futur pour
le Kosovo. Comme on l’a montré ci-dessus, cette résolution autorisait si mplement la présence
civile internationale à faciliter un processus politique visant à déterminer le statut futur du Kosovo.

L’objectif juridique central d’une nouvelle résolution aurait été de mettre fin au mandat de la
présence civile internat ionale établie en 1999 et d’organiser la fin de s activités de la MINUK au
Kosovo. De fait, la fin du mandat était cl airement envisagée dans la proposition Ahtisaari 140, mais,

aux termes du paragraphe19 de la résolution12 44, les opérations ne pouvaient s’achever que
lorsque le Conseil le déciderait. Une nouvelle résoluti on aurait mis fin au mandat de la MINUK et
l’on estimait aussi que c’était le meilleur moye n de définir des mandats clairs, au titre du

ChapitreVII, pour le représentant civil intern ational et les missions de l’Union européenne
envisagées dans la proposition Ahtisaari.

Toutefois, à aucun moment, le projet de ré solution n’aurait décidé que le Kosovo était
indépendant. Ainsi, il ne contenait aucune disposition visant à faire du Kosovo un Etat
indépendant, aucune disposition de mandant aux Etats, sur le plan politique, de reconnaître le

Kosovo ou de le traiter comme un Etat, ni même de dispositions approuvant la recommandation en
faveur de l’indépendance formulée par Ahtisaari et approuvée par le Secrétaire général. La
résolution aurait permis au régime de supervision international de l’indépendance du Kosovo de se
141
poursuivre de la manière prévue dans la proposition Ahtisaari , mais elle n’était pas un préalable à
l’indépendance elle-même. Il est indéniable qu ’une nouvelle résolution aurait pu aussi avoir une
importance symbolique et politique en contribuant à consolider l’ appui politique en faveur d’un

Kosovo indépendant, mais il s’agissait d’une considération politique et non juridique.

En l’absence d’une résolution, il était en fait nécessaire d’apporter des ajustements au régime

de supervision internationale après que les diri geants du Kosovo eurent déclaré l’indépendance,
notamment de définir un rôle approprié pour la MINUK dans le cadre de la résolution1244.
Comme les Etats-Unis l’ont indiqué dans leur exposé écrit, dans la pratique la coordination sur le
142
terrain a permis de procéder aux ajustements voulus . En particulier, la possibilité de mettre en
place d’autres arrangements satisfaisants a résulté en grande partie des efforts du Secrétaire général,
y compris de sa décision, après la déclaration d’indépendance, de reconfigurer la MINUK afin de

réduire ses opérations et de permettre à l’Union européenne de jouer un rôle croissant dans le

139Exposé de la Serbie, par. 820.

140Voir, par exemple, lettre datée du 26mars2007 adre ssée au Président du Conseil de sécurité par le
Secrétaire général, additif, proposition globale de règlement portant statut du Kosovo, S/2007/168/Add.1,
26 mars 2007, art. 15.1) [dossier, n 204].

141Le projet de résolution aurait contenu deux sériesdécisions ou autorisations exécutoires concernant les
mécanismes de supervision ou de l’indépendance du Kosovo. Prem ièrement, le paragraphe5 du projet de résolution aurait
contenu une décision du Conseil de sécurité mettant fin au mandat de la MINUK. Deuxièmement, lesgraphes 6 et 7
auraient défini les mandats des présences civilinternationales décrites dans le plan AhtisaaVoirexposé de la
Serbie, annexe36. La résolution n’ayant pas été adoptée, des dispositions ont été pres en ce qui concerne ces

présences en vertu de l’autorité que conserve la lution 1244 et à l’invitation du Gouvernement du Kosovo.
142Exposé E.-U., p. 30, note 116. - 34 -

143
domaine de l’état de droit . Pour sa part, le Kosovo a accepté sans réserve les obligations que le
plan Ahtisaari mettait à sa charge. Le fait que le régime de supervision de l’indépendance du
Kosovo ait été modifié avec succès sans que le Conseil doive adopter une nouvelle résolution ou

abroger la résolution1244 ne fait que souligner que la déclaration d’indépendance du Kosovo
n’était pas contraire à la résolution1244 et, partant, qu’elle est pleinement conforme au droit
international.

S ECTION VI. L A C OUR DEVRAIT RESPECTER LA DECISION DES RESPONSABLES DE
L ’O RGANISATION DES N ATIONS U NIES DE NE PAS DECLARER LA DECLARATION D ’INDEPENDANCE

ILLICITE

Comme toutes les parties qui ont abordé ce po int dans les exposés qu’elles ont présentés en

avril en conviennent, ni le Secrétaire général, ni le RSSG n’ont pris de mesures pour contester la
déclaration d’indépendance du Kosovo lorsque celle- ci a été adoptée. Le Secrétaire général et le
RSSG ont refusé de le faire nonobstant des demandes expresses du Président de la Serbie, et alors

même qu’ils avaient manifestement le pouvoir d’annuler tout acte des parties s’ils le jugeaient
nécessaire pour appliquer la résolution1244 (un p ouvoir qu’ils avaient exercé maintes fois par le
passé) 14. La situation sur le terrain a considérablement évolué depuis la déclaration, et le

Secrétaire général a pris avec diligence toutes les mesures voulues à la lumière de cette évolution, y
compris la décision d’ajuster les aspects opérationnels de la présence civile internationale et de
reconfigurer la MINUK pour que l’Union européenne joue un rôle croissan t dans le domaine de

l’état de droit par le biais de sa mission état de droit (EULEX). Tout ceci a été fait pour que la
MINUK puisse s’acquitter de l’esse ntiel de son mandat, à savoir, comme indiqué da ns le rapport
d’avril 2009 du Secrétaire général, « d’aider le Conseil de sécurité à atteindre un objectif général, qui

est de créer les conditions nécessaires pour que tous les habitants du Kosovo puissent vivre en paix et
dans des conditions normales et de promouvoir la stabilité et la prospérité dans les Balkans
occidentaux» 145.

Il est incontestable qu’une résolution mutuellement acceptable pour le Kosovo et la Serbie
aurait été souhaitable. Mais l’adoption d’une te lle résolution s’est révélée impossible, et le

Secrétaire général, le RSSG et les autres fo nctionnaires de l’Organisation des NationsUnies
chargés d’appliquer la résolution 1244 ont dû faire fa ce à la situation telle que celle-ci se présentait
effectivement. Au fur et à mesure que la situation évoluait, ces fonctionnaires ont été chargés de

prendre les décisions nécessaires sur la meilleure manière de procéder pour maintenir la paix et la
sécurité internationales dans le cadre de la ré solution1244. Leurs décisions, y compris, en
particulier, la décision de ne pas annuler la déclaration d’indépendance du Kosovo, ont été prises eu

égard au fait que cette déclaration réaffirm ait expressément que le Kosovo acceptait la
résolution1244 et les présences internationales cr éées par celle-ci, et qu’il s’engageait à agir
conformément à toutes les prescriptions du droit international et toutes les résolutions du Conseil de
146
sécurité . Etant donné que les Balkans ont été le th éâtre des guerres et des atrocités les plus
dévastatrices qu’ait connues l’Europe depuis la seco nde guerre mondiale, ce qui était en jeu lorsque
ces décisions ont été prises était évident.

Dans les affaires antérieures, la Cour a pris dûment en considération de telles décisions prises
par des organes ou fonctionnaires de l’Organisati on des Nations Unies dans l’exercice des pouvoirs

que leur attribue la Charte. Ce faisant, la Cour n’abdique pas son rôle, mais assure une relation

143
Rapport du Secrétaire général sur la Mission d’adnistration intérimaire des Nations Unies au Kosovo,
S/2008/458, 15 juillet 2008, par. 3 [dossier, n
144
Voirexposé E.-U., p. 85-88.
145Rapport du Secrétaire général (Budgt de la Mission d’administration intérimaire des NationsUnies au
er
Kosovo pour l’exercice allant du 1juillet 2009 au 30 juin 2010), A/63/803, 2 avril 2009, par. 2.
14Déclaration d’indépendance, par. 5 et 7 [dossier192]. - 35 -

appropriée entre elle et les autres organes du système des NationsUnies. En l’occurrence, les
fonctionnaires de l’Organisation des NationsUn ies quotidiennement appelés à faire face à une

situation changeante et explosive ont décidé de ne pas contester la déclaration d’indépendance du
Kosovo. Cette décision a entraîné une stabilisation croissante de la situation qui permet aussi bien
au Kosovo qu’à la Serbie d’accorder toute leur atte ntion à la poursuite d’un avenir commun au sein
de la communauté européenne. Les Etats-Unis espèrent que la Cour contribuera à cette évolution

soit en exerçant le pouvoir qui est le sien de re fuser de répondre à la question qui lui a été posée
soit, conformément à des principes juridiques bien établis, en confirmant que la déclaration
d’indépendance est conforme au droit international. - 36 -

CHAPITRE VI

CONCLUSION

Pour les raisons qui précèdent, les Etats-d’Amérique considèrent que, si la Cour choisit

de répondre à la question que lui a posée l’Assemblée générale, elle devrait conclure que la
déclaration d’indépendance du Kosovo est conforme au droit international.

Respectueusement,

(Signé) M. H AROLD HONGJU K OH,

Conseiller juridique
Département d’Etat des Etats-Uni.

Washington, D.C.

Le 17 juillet 2009.

___________

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Observations écrites des Etats-Unis d'Amérique (traduction du Greffe)

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