Exposé écrit de l'Espagne (traduction du Greffe)

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15644
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GOBIERNO DE ESPANA
MINISTERIO DE ASUNTOS EXTERIORES Y DE COOPERACIÔN

COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

CONFORMITÉ AU DROIT INTERNATIONAL DE LA
DÉCLARATION UN/LATÉRALE D'INDÉPENDANCE DES

INSTITUTIONS PROVISOIRES D'ADMINISTRATION
AUTONOME DU KOSOVO

(REQUÊTE POUR AVIS CONSULTATIF)

EXPOSÉ ÉCRIT DU ROYAUME D'ESPAGNE

Avril 2009 SOMMAIRE

1.- REQUÊTE POUR AVIS CONSULTATIF : QUESTIONS GÉNÉRALES

1.- Introduction
2.- La portée de la question
3.- La compétence de la Cour

Il.- LA CONFORMITÉ AU DROIT INTERNATIONAL DE LA DÉCLARATION

UNILATÉRALE D'INDÉPENDANCE: APPROCHE GÉNÉRALE

Ill.- LE PRINCIPE DE SOUVERAINETÉ ET INTÉGRITÉ TERRITORIALE
DE L'ÉTAT:
1.- Souveraineté et intégrité territoriale de l'État dans le droit

international contemporain
1.1. Reconnaissance normative et portée du principe
1.2.- La pratique du Conseil de sécurité
2.- Souveraineté et intégrité territoriale dans le cas du Kosovo :
2.1.- Souveraineté et intégrité territoriale dans la résolution 1244
(1999) du Conseil de sécurité

2.2.- Souveraineté et intégrité territoriale dans la pratique de la
« présence internationale en vertu de la résolution 1244
(1999) » au Kosovo
2.2.1.-MINUK
2.2.2.- OTAN
2.2.3.- OSCE
2.2.4.- Union européenne

2.3.- Souveraineté et intégrité territoriale dans le cas du Kosovo
selon d'autres organisations et organes internationaux

IV.- LE RÉGIME PROVISOIRE D'ADMINISTRATION AUTONOME DU
KOSOVO

1.- La résolution 1244 (1999) en tant que base juridique et cadre du
régime d'administration provisoire internationale incluant le régime
provisoire d'administration autonome du Kosovo
2.- Le régime provisoire d'administration autonome du Kosovo « au
sein de »la Serbie :
2.1.- Les institutions provisoires d'auto-administration au Kosovo

(PISG)
2.1.1.-Nature
2.1.2.- Compétences
2.2.- La présence civile internationale en tant que limite des
compétences des PISG

2 2.3.- Le processus de détermination du statut futur du Kosovo en
tant que limite du régime provisoire d'administration
internationale et des compétences des PISG

V.- LE PROCESSUS DE DÉTERMINATION DU STATUT FUTUR DU

KOSOVO : UN PROCESSUS OUVERT
1.- La Résolution 1244 (1999) en tant que cadre et base juridique du
processus de détermination du statut futur du Kosovo
2.- Caractères et conditions du processus
3.- Le rôle du Conseil de sécurité
4.- Validité de la résolution 1244 (1999) et continuité du processus

VI.- CONCLUSIONS

3 1.- REQUÊTE POUR AVIS CONSULTATIF: QUESTIONS GÉNÉRALES

1.- INTRODUCTION

1.- Le 8 octobre 2008, l'Assemblée générale des Nations Unies a adopté la

résolution 63/3, dans laquelle, conformément aux dispositions de l'article 96 de
la Charte des Nations Unies et en application de l'article 65 du Statut de la Cour
internationale de Justice, il a été décidé de demanderà la Cour de justice un
avis consultatif sur la question suivante :

« La déclaration unilatérale d'indépendance des institutions provisoires
d'administration autonome du Kosovo est-elle conforme au droit
international ? »

La résolution 63/3 a été approuvée par 77 voix pour, 6 voix contre et 74
abstentions. L'Espagne a voté pour et a ainsi expliqué son vote :« fi]/ est bien
connu que le Gouvernement espagnol considère Je respect de la légalité

internationale comme un principe fondamental qui doit régir les actions des
États et des organisations internationales et, en particulier, de l'ONU dans les
relations internationales. C'est pourquoi l'Espagne a fait de ce principe l'axe
fondamental de toute son action sur Jeplan international, en octroyant dans le

même temps à l'Organisation des Nations Unies un rôle sans précédent à cet
égard». L'Espagne a également souligné l'importance qu'elle attribue« au bon
fonctionnement des organes principaux de l'Organisation, dont l'Assemblée
générale et la Cour internationale de Justice, ainsi qu'à l'interaction entre ces

organes afin de promouvoir la réalisation des buts et principes de l'Organisation
conformément à la Charte des Nations Unies», en concluant ainsi: « dans
l'intérêt général de l'Organisation et de la communauté internationale dans son

ensemble, il serait souhaitable que [1Assemblée {générale] dispose d'un avis
autorisé, rendu par l'organe judiciaire principal de l'ONU sur les aspects
juridiques des questions qui, à l'instar de la question dont nous sommes saisis
concernant Je Kosovo, ont fait l'objet de diverses interprétations par les États
1
Membres. »

2.- Le 17 octobre 2008, la Cour internationale de justice a adopté une
ordonnance par laquelle elle décide que les Nations Unies et leurs États

membres peuvent fournir des renseignements à la Cour dans le cadre de cette
procédure consultative. Elle a fixé au 17 avril 2009 la date d'expiration du délai
pour la présentation d'exposés écritspar les États souhaitant le faire.

Le 20 octobre 2008, le greffier de la CIJ, en vertu de l'article 62.2 du
Statut de la Cour, a officiellement notifié ladite ordonnance au gouvernement de
l'Espagne.

En réponse à cette communication, le gouvernement de l'Espagne,
profondément attaché au droit international et ayant une confiance totale en la
Cour internationale de justice en sa qualité d' organe judiciaire principal des
Nations Unies, fournit le présent exposé écrit dans lequel il détaille son avis sur

Cf. N63/PV.22, pp.7-8 Déclaration de !'Ambassadeur Yaiiez-Barnuevo.

4 les questions juridiques contenues dans la requête pour avis consultatif
formulée par l'Assemblée générale.

3.- Dans son ordonnance du 17 octobre 2008, la Cour internationale de justice

«[d]écide par ailleurs que, compte tenu du fait que la déclaration unilatérale
d'indépendance des institutions provisoires d'administration autonome du
Kosovo du 17 février 2008 fait l'objet de la question soumise à la Cour pour avis
consultatif, les auteurs de la déclaration précitée sont jugés susceptibles de
fournir des renseignements sur la question ; et décide en conséquence de les
inviter à soumettre à la Cour des contributions écrites 2 dans les délais sus­

indiqués».

Le gouvernement de l'Espagne ne juge pas nécessaire de formuler ici
une quelconque observation au sujet de cette invitation et de son adéquation
aux règles de la procédure consultative. Il souhaite néanmoins rappeler sa

conviction selon laquelle ladite invitation n'introduit, ni ne peut introduire,
aucune modification relative au statut juridique des institutions provisoires
d'administration autonome du Kosovo, et qu'elle ne peut être interprétée en
aucune façon comme une modification du statutjuridique du Kosovo.

2.- LA PORTÉE DE LA QUESTION

4.- L'Assemblée générale a formulé à la Cour internationale de justice une
question rédigée en des termes simples, clairs et précis, énonçant les trois
éléments-clés de la consultation, à savoir:
i) la déclaration unilatérale d'indépendance (OUI)du Kosovo ;

ii) les institutions provisoires d'administration autonome (PISG, selon
son acronyme anglais) du Kosovo ayant formulé ladite
déclaration ; et
iii) le droit internationaà,la lumière duquel doit être évaluée la OUI.

5.- Ces trois éléments, qui doivent être pris en considération ensemble,
définissent la portée de la consultation qui, de l'avis de l'Espagne, doit se limiter
à deux aspects essentiels :
i) l'identification et l'interprétation des normes et des principes de
droit international applicables ; et
ii) la qualification de la déclaration unilatérale d'indépendance du

Kosovo en fonction des effets qu'elle prétend produire ainsi que
de la nature et de la portée des compétences des institutions
provisoires d'administration autonome du Kosovo, ceci dans le
cadre du processus visant à déterminer le futur statut du Kosovo
mis en oeuvre en vertu de la résolution 1244 (1999) du Conseil de
sécurité.

6.- Pour répondre aux deux aspects de la consultation mentionnés
précédemment, il convient de prendre en compte trois critères essentiels, à
savoir:

2Souligné par les auteurs.

5i) La référence audroit international doit être comprise dans un sens

large. Elle doit renvoyer aux normes et aux principes du droit
international général, mais aussi aux normes conventionnelles,
aux résolutions et autres actes et normes émanant des
organisations internationales. L'Espagne considère ainsi que les

instruments consacrant le principe de souveraineté et d'intégrité
territoriale des États, et notamment la Charte des Nations Unies,
la résolution 2625 (XXV) de l'Assemblée générale, du 24 octobre
1970, et l'Acte final d'Helsinki, du 1er août 1975, doivent occuper

une place de premier plan. Par ailleurs, l'avis consultatif doit en
particulier tenir compte de la résolution 1244 (1999) du Conseil de
sécurité, du 10 juin 1999, sur laquelle se fonde l'action de la
communauté internationale au Kosovo.

ii) Les normes de droit international applicables doivent être
analysées par rapport à la déclaration unilatérale d'indépendance
des institutions provisoires d'administration autonome du Kosovo.
Par conséquent, la réponse à la consultation de l'Assemblée

générale doit se faire en tenant compte de la pratique, en lien
avec la situation du Kosovo, notamment en ce qui concerne
l'établissement d'une présence internationale et d'une
administration provisoire internationale sur ce territoire, ainsi que

la définition d'un régime d'administration autonome pour le Kosovo
et d'un processus politique visant à déterminer le futur statut du
Kosovo. Toutefois, cela ne signifie pas que la question du Kosovo

doive être étudiée comme un cas éminemment spécifique, pour
lequel il pourrait être exclu apriori et de façon automatique
d'appliquer les normes et les principes du droit international
général.

iii) La consultation de l'Assemblée générale porte uniquement sur la
compatibilité de la déclaration unilatérale d'indépendance avec le
droit international, et elle ne fait référence à aucun autre acte
découlant, directement ou indirectement, de cette même

déclaration. C'est d'ailleurs ce que semble avoir compris la Cour
elle-même dans son ordonnance du 17 octobre 2008, où elle
signale que « la déclaration unilatérale d'indépendance des
institutions provisoires d'administration autonome du Kosovo du

17 février 2008 fait l'objet de la question soumise à la Cour pour
avis consultatif». Le rôle central que l'Assemblée générale
attribue, dans sa consultation, à la déclaration unilatérale
d'indépendance des institutions provisoires d'administration

autonome du Kosovo, détermine la « date critique » qui devra être
prise en considération par la Cour pour répondre à la question.
Cette « date critique » doit nécessairement être le 17 février 2008,
date à laquelle les institutions provisoires d'administration

autonome du Kosovo ont émis ladite déclaration. Par conséquent,
en se fondant sur les principes définis par la CIJ elle-même dans
l'avis consultatif sur le Sahara occidental pour fixer les délais de la
consultation3, l'Espagne considère que les actes et les

3Sahara occidental, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1975, p. 38, par. 76, 77 et 78.

6 événements s'étant produit après cette date, sur la base de la
déclaration unilatérale d'indépendance ou dans le cadre de sa

mise en oeuvre, ne présentent pas d'intérêt significatif pour la
présente consultation.

3.- LA COMPÉTENCE DE LA COUR

7. En vertu de l'article 96.1 de la Charte des Nations Unies et de l'article 65.1 de
son propre Statut, « l'Assemblée générale ou le Conseil de sécurité peut

demander à la Cour internationale de Justice un avis consultatif sur toute
question juridique». Partant de ce principe, la CIJ a constamment réitéré

qu'elle peut « donner un avis consultatif sur toute question juridique, abstraite
ou non » 4.

La Cour a défini au cas par cas l'expression « question juridique», mais
toujours en identifiant comme telle une question qui a « étélibelllée] en termes
juridiques et [qui] soulèv[e] des problèmes de droit international » ; qui "vise les

conséquences juridiques d'une situation de fait donnée, compte tenu des règles
et des principes du droit international »'6; ou plus généralement une question

qui « est, par sa nature même, susceptible de recevoir une réponse fondée en
droit ; elle ne serait guère susceptible d'ailleurs de recevoir une autre
réponse » 7.

À la lumière de cette jurisprudence réitérée, et compte tenu de la portée
de la question formulée par l'Assemblée générale dans les termes

précédemment mentionnés, il ne fait aucun doute que la Cour se trouve face à
une question juridique, et qu'elle devra exercer à son égard une activité

correspondant pleinement à la nature même de la compétence consultative et
définie par la CIJ elle-même dans l'avis qu'elle a rendu sur les Conséquences
juridiques de l'édification d'un mur dans le territoire palestinien occupé, avis

consultatif: « La Cour n'aura à faire que ce qu'elle a souvent fait par le passé,
c'est-à-dire "déterminer les principes et règles existant, les interpréter et les
appliquer..., apportant ainsi à la question posée une réponse fondée en droit »

(Licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J.
Recueil 1996(/), p. 234, par. 13) » 8•

4Conséquences juridiques de l'édification d'un mur dans Jeterritoire palestinien occupé,

avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004,154, par. 40. Dans cet avis consultatif, la CIJ ne fait que
réaffirmer sa jurisprudence antérieure, qu'elle cite expressément :éité de la menace ou de
l'emploi d'armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (/), par. 15 ; Conditions
de l'admission d'un Etat comme Membre des Nations Unies (article 4 de la Charte), avis
consultatif, 1948, C.I.J. Recueil 1947-194p.61 ; Effet de jugements du Tribunal administratif
des Nations Unies accordant indemnité, avis consultatif, C./.J. Recueil 1954, p. 54;
Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l'Afrique du Sud en

Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis
consultatif, C.I.J. Recueil 1971, p. 27, par. 40.
5Sahara occidental, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1975, p. 18, par. 15.
6Conséquences juridiques de l'édification d'un mur dans le territoire palestinien occupé,
avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004, p. 153, par. 37.
7Ibid.
8
Ibid., p. 154, par. 38.

78.- L'on pourrait avancer, cependant, que la question faisant l'objet de la
consultation comprend des éléments politiques indéniables. Certes, cela est

évident, mais ne suffit pas pour invalider la compétence de la Cour. L'Espagne
souhaite donc rappeler ici la jurisprudence constante de la Cour, selon laquelle
la présence de composantes politiques dans une question juridique 9 n'altère

pas la nature juridique de la question ni n'empêche la CIJ d'exercer sa
compétence consultative 10.

Dans le cas présent, la question fait référence à l'interprétation des
normes et des principes significatifs du droit international général et aux
normes, non moins importantes, qui régissent le processus visant à déterminer

le statut futur du Kosovo, adoptées par la Conseil de sécurité des Nations Unies
ou sous son autorité. La dimension juridique de ces deux éléments ne peut être
sous-estimée, et elle mérite que I' organe judiciaire principal des Nations Unies

se prononce à son égard. Cela est d'autant plus nécessaire que, pour diverses
raisons et à différents niveaux d'intensité, les États membres de l'Organisation

affichent, en son sein même, des positions nettement différenciées concernant
ces éléments juridiques. En ce sens, l'affirmation suivante, prononcée par la
Cour, revêt un intérêt capital : « lorsque des considérations politiques jouent un

rôle marquant il peut être particulièrement nécessaire à une organisation
internationale d'obtenir un avis consultatif de la Cour sur les principes juridiques
applicables à la matière en discussion » 11.

9.- En conséquence, l'Espagne considère que la Cour internationale de justice
a toute compétence pour émettre un avis consultatif sur la question qui lui a été

soumise par l'Assemblée générale, et qu'il n'existe pas de « raisons décisives »
(campe/Jing reasons) pour lesquelles, en vertu du pouvoir discrétionnaire que lui
reconnaît l'article 65.1 de son Statut, la Cour pourrait renoncer à l'exercice de

cette compétence, en avançant des critères d'opportunité ou l'inutilité éventuelle
de l'avis qu'elle pourrait émettre.

Au contraire, lesdits arguments ne peuvent être pris en considération si
l'on tient compte de la jurisprudence réitérée de la Cour, qui a établi les

principes suivants :
i) « La Cour n'en garde pas moins présent à l'esprit que sa réponse
à une demande d'avis consultatif "constitue [sa] participation ... à

l'action de l'Oraanisation et [que], en principe, elle ne devrait pas
être refusée"» r2 ;

9 Ce qui, comme la Cour elle-même l'a signalé « est, par la nature des choses, le cas
de bon nombre de questions qui viennent à se poser dans la vie internationaleDemande de
réformation du jugement n° 158 du Tribunal administratif des Nations Unies, avis consultatif,
C.I.J. Recueil 1973,. 172, par. 14.
1
°Cf. à titre d'exemple : Conséquences juridiques de l'édification d'un mur dans Je
territoirepalestinien occupé, avis consultatif, C./.J. Recueil 2004,-156, par. 41.
11 Interprétation de l'accord du 25 mars 1951 entre/'OMS et l'Egypte, avis consultatif,
C./.J. Recueil 1980,. 87, par. 33
12 Conséquences juridiques de l'édification d'un mur dans Je territoire palestinien
occupé, avis consultatif, C./.J. Recueil 2004,156, par. 44. Voir également dans ce même
paragraphe les références détailléesà d'autres avis consultatifs.

8 ii) « Les avis consultatifs servent à fournir aux organes qui les

sollicitentles éléments de caractère juridique qui leur sont
nécessaires dans le cadre de leurs activités »13 ;et
iii) « [L]a Cour ne saurait refuser de répondre à la question posée au

motif que son avis ne serait d'aucune utilité. La Cour ne peut
substituer sa propre appréciation de l'utilité de l'avis demandé à
celle de l'organe qui le sollicite, en l'occurrence l'Assemblée
générale » 14.

À cet égard, et sous réserve du pouvoir de la CIJ de décider ou non
d'exercer sa compétence consultative, il convient de rappeler que l'Assemblée
générale a déjà étudié la nécessité et l'utilité de l'émission par la Cour d'un avis

consultatif sur la question contenue dans la résolution 63/3. Et, comme l'a déjà
signalé l'Espagne en expliquant son vote, « il incombe en dernier ressort à
l'Assemblée et aux autres organes de l'ONU de tirer les conclusions qu'ils

jugent opportunes concernant l'avis consultatif qui sera rendu, en temps voulu,
par la Cour internationale de Justice» 15.

11.- LA CONFORMITÉ AU DROIT INTERNATIONAL DE LA
DECLARATION UNILATERALE D'INDEPENDANCE: APPROCHE

GENERALE

10.- La question soumise par l'Assemblée générale est axée sur la
« déclaration unilatérale d'indépendance des institutions prov1so1res

d'administration autonome du Kosovo». Toutefois, la référence à cette
déclaration contenue dans la résolution 63/3 ne peut être comprise
correctement que si l'on considère l'effet que la OUI prétend produire, c'est-à­
dire la constitution d'un nouvel État à partir d'un État souverain préexistant,

sans le consentement de ce dernier et par une déclaration unilatérale émanant
d'institutions sans statut juridique international.

Autrement dit, il faut considérer la OUI et les effets qui, selon ses
auteurs, doivent en découler, dans leur ensemble. Et cet ensemble constitue le
miroir en face duquel la Cour internationale de justice doit se placer pour
répondre à la question qui lui a été soumise par l'Assemblée générale.

Il n'est ni simple ni facile de répondre, mais l'Espagne considère qu'une
réponse négative, c'est-à-dire la non-conformité au droit international de la OUI

du Kosovo, ne fait aucun doute.

11.- Dans l'absolu, pour répondre à la question faisant l'objet de la présente
procédure de consultation, il est donc pour le moins nécessaire de se situer à

trois niveaux différents, et néanmoins complémentaires, en l'abordant sous les
trois angles suivants :
i) la question constitutionnelle ;

13Jbidp. 162, par. 60, ainsi que la jurisprudence citée dans ce paragraphe.
14Ibidp. 163, par. 62. Voir aussi par. 61.
15Cf. A/63/PV.22, p. 8.

9 ii) le droit international général, et en particulier ses principes

fondamentaux ; et
iii) l'existence éventuelle d'un régime juridique spécial applicable au
cas qui nous intéresse.

Nous pourrons conclure que la déclaration unilatérale d'indépendance
est conforme au droit international en vigueur uniquement s'il est possible de lui
trouver une base juridique à l'un de ces niveaux. Pour ce faire, nous devrons

répondre aux questions suivantes:

i) La Constitution de l'État affecté par la déclaration unilatérale

d'indépendance permet-elle son démembrement ou la sécession de
l'un de ses territoires ?
ii) Existe-t-il des normes ou des principes de droit international sur
lesquels puisse valablement se fonder une déclaration unilatérale

d'indépendance qui soit opposable en soi à l'État affecté par ladite
déclaration ?
iii) Est-il possible que la déclaration unilatérale d'indépendance se fonde

sur un régime juridique ad hoc permettant, dans un cas concret,
d'exclure l'application des normes et des principes du droit
international généralement applicables ?

12.- La première question peut sembler inutile. En effet, et il ne pouvait en être
autrement, l'Assemblée renvoie uniquement au droit international pour évaluer
la légalité de la OUI. Cependant, l'examen de l'hypothèse constitutionnelle,

même s'il se limite au présent paragraphe, ne manque pas d'intérêt. Si la
Constitution de la Serbie (ou, auparavant, celles de la République fédérale de
Yougoslavie ou de Serbie-et-Monténégro) reconnaissait un droit de sécession

aux provinces de Serbie, susceptible d'être réclamé par le Kosovo, il va de soi
que le droit international ne pourrait nullement s'opposer à une manifestation de
souveraineté, reconnue dans la Constitution elle-même, qui donnerait lieu à
l'exercice d'une sorte de « droit de sécession constitutionnel ». Par conséquent,

dans cette hypothèse, même de façon indirecte, une éventuelle déclaration
unilatérale d'indépendance du Kosovo serait compatible avec le droit
international, car elle n'entrerait pas en conflit avec la souveraineté et l'intégrité

territoriale de la Serbie.

Cette approche de la question n'est d'ailleurs pas éloignée de la réalité,
notamment si l'on pense au processus d'indépendance du Monténégro, qui a

précisément trouvé sa justification dans cette formule constitutionnelle, sans
opposition formelle de la Serbie et avec le consentement général de la
communauté internationale 16.

1La Charte constitutionnelle approuvée le 4 février 2003 a procédé à une
restructuration de la République fédérale de Yougoslavie, qui a adopté le noSerbie-et­
Monténégro, et a reconnu au Monténégro le droit de sécessionà partir de trois ans après
l'entrée en vigueur de la réforme. L'indépendance du Monténégro a été proclamée par son

Parlement le 3 juin 2006, suite au référendum du 21 mai 2006, en vertu de la réforme
constitutionnellede 2003. L'indépendancedu Monténégroa été officialisée le 5juin, et le nouvel
Étata été reconnu par la Serbie le 15juin de cette même année.

10 Toutefois, cette formule n'est pas applicable au Kosovo, puisque la
Constitution de la République fédérale de Yougoslavie de 1990 17, la réforme de
celle-ci réalisée en 2003 pour créer l'État de Serbie-et-Monténégro ainsi que,
19
la Constitution de Serbie de 2006 , approuvée après l'indépendance du
Monténégro, considèrent toutes les trois que le Kosovo n'est qu'une province
serbejouissant d'un régime d'autonomie constitutionnellement reconnu.

13.- Étant donné qu'il est impossible de trouver une réponse au niveau
constitutionnel, il convient de voir, pour commencer, si les normes et les
principes du droit international applicables dans ce cas de figure peuvent de

leur côté nous en apporter une autre.

Compte tenu de la nature de la déclaration unilatérale d'indépendance et

des effets que celle-ci prétend produire, il est évident que les paramètres
juridiques de référence doivent être cherchés dans les normes régissant la
souveraineté et l'intégrité territoriale de l'État, et plus particulièrement dans le

principe de l'égalité souveraine des États,proclamé solennellement dans la
Charte des Nations Unies et dans la résolution 2625 (XXV) de l'Assemblée
générale, et réitéré dans bon nombre d'instruments internationaux de portée
générale, notamment l'Acte final d'Helsinki. Il s'agit là, sans aucun doute, d'un

principe fondamental du droit international contemporain, qui constitue l'un des
fondements du système juridique et politique international en vigueur, et qui
contribue décisivement à garantir la paix et la sécurité dans les relations

internationales.

Logiquement, ce principe a été au coeur de la question du Kosovo, et,

comme nous aurons l'occasion de le développer plus loin dans ces pages, sa
sauvegarde apparaît comme une constante dans les différentes actions mises
en oeuvre par la communauté internationale pour apporter une réponse à la

crise qui, depuis les années quatre-vingt-dix du siècle dernier, secoue cette
province serbe. Ainsi, l'on ne peut oublier que le Conseil de sécurité lui-même a
réitéré les références au respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale
de la Serbie et des autres États de la région dans les différentes déclarations

qu'il a faites dans le cadre de ses efforts constants pour régler la situation au
Kosovo.

17 Cf. notamment l'article 6 de la Constitution de la République fédérale de Yougoslavie,

qui se réfère uniquement à la province autonome du Kosovo-Metohija (« Autonomous Province
of Kosovo and Metohia ») comme une forme d'autonomie territoriale (« form of territorial
autonom~ »).
1 Comme cela a été signalé plus haut, cette Constitution reconnaît bien un système de
sécession constitutionnelle, mais seulement pour le Monténégro.
19 Cf. notamment les articles 181 et 182 de la Constitution de 2006, qui doivent être lus
ensemble. En vertu de l'article 182, le Kosovo n'est qu'une province autonome, dont«[t]he
substancial autonomy [of the Autonomous province of Kosovo and Metohija) shall be regulated
by the special law which shall be adopted in accordance whith the proceedings envisaged for
amending the Constitution». Il convient d'y ajouter, en raison de sa signification, la déclaration
suivante, contenue dans le préambule de la Constitution:« (... ) the Province of Kosovo and

Metohija is an integral part of the territory of Serbia, that it has the status of a substancial
autonomy whithin the sovereing state of Serbia and that from such status of the Province of
Kosovo and Metohija follow constitutional obligations of all state bodies to uphold and protect
the state interest of Serbia in Kosovo and Metohija in all internai and foreign political relations

1114.-Toutefois, iln'est pas moins vrai que le même Conseil de sécurité a modulé
l'application de ce principe à la Serbie (auparavant République fédérale de
Yougoslavie, puis Serbie-et-Monténégro), en décidant, dans le cadre du

chapitre VII de la Charte, de mettre en place un régime d'administration
internationale du Kosovo, tel que prévu dans la résolution 1244 (1999).

En effet, suite à la suspension, par le président Milosevic, du statut

d'autonomie de la province du Kosovo en 1989, les mesures parallèles qui ont
touché plus particulièrement la population albano-kosovare ont gravement
déstabilisé ce territoire. Les faits qui s'ensuivirent, notamment les graves
attentats contre la minorité albano-kosovare commis par les autorités et l'armée

de la République fédérale de Yougoslavie, ainsi que la déclaration
d'indépendance de 1991 et la création de l'Armée de libération du Kosovo
(UÇK), ont engendré une spirale de confrontation et de violence qui a débouché
sur un conflit armé intérieur, pouvant être qualifié de menace contre la paix et la
sécurité internationales. Inutile ici d'insister ou de se prononcer sur la réaction

de la communauté internationale, et notamment sur l'usage de la force par un
groupe d'États. Il est nécessaire en revanche d'attirer l'attention sur le fait que,
en réponse à cette situation constituant une grave violation du droit
international, en particulier des droits de l'homme, du droit international

humanitaire et des droits des minorités, le Conseil de sécurité a mis en place un
régime d'administration internationale du Kosovo, dont le mandat et les objectifs
sont multiples.

Ce régime d'administration internationale a sensiblement limité les

compétences souveraines que les autorités de ce qui était alors la RFY
(aujourd'hui la Serbie) pouvaient exercer sur le territoire du Kosovo. Ces
autorités ont même été remplacées par un système institutionnel complexe, au
sommet duquel se trouve la présence internationale, civile et de sécurité,

constituée à cet effet. Parallèlement, un système provisoire d'administration
autonome a été créé, au centre duquel se trouvent les institutions provisoires
d'administration autonome du Kosovo, qui exercent leurs fonctions
d'administration autonome sous la supervision et le contrôle de la communauté

internationale, représentée par laprésence internationale civileconduite par la
Mission d'administration intérimaire des Nations Unies pour le Kosovo (MINUK).

Quoi qu'il en soit, il s'agit là d'un régime transitoire d'administration
internationale, qui inclut un régime provisoire d'administration autonome mis en

place par le Conseil de sécurité des Nations Unies et soumis à la supervision
de cet organe international, qui a répondu de la sorte à la grave rupture de la
paix et de la sécurité internationales constatée au Kosovo, et qui a donc agi
dans le cadre du chapitre VII de la Charte. Il en ressort que le Conseil de

sécurité joue un rôle central et que, par conséquent, les décisions
fondamentales qu'il a adoptées dans ce contexte (cf. notamment résolution
1244 et suivantes) deviennent les principaux instruments juridiques à prendre
en compte pour évaluer la conformité au droit international de la OUI du Kosovo
dans le cadre de notre troisième approche, à savoir : l'existence possible d'un

régime juridique ad hoc applicable à la situation du Kosovo, qui permettrait
éventuellement d'exclure l'application des normes et des principes de droit
international généralement applicables.

12 15.- Or, là encore nous ne voyons pas que de cette perspective la situation au
Kosovo puisse se bénéficier d'une exception concernant l'obligation de
respecter la souveraineté et l'intégrité territoriale de la Serbie. Au contraire,
même s'il est vrai que l'exercice des compétences souveraines par la Serbie est

limité au maximum, il n'en est pas moins vrai que la reconnaissance de la
souveraineté et de l'intégrité territoriale de la Serbie est maintenue à tout
moment et qu'elle constitue, comme nous le verrons par la suite, un prius pour
l'établissement d'un régime d'administration internationale et d'un régime
provisoire d'administration autonome du Kosovo. Cette exigence, expressément

mentionnée dans la résolution 1244 (1999), a été prise en compte de façon
constante et répétée par la communauté internationale dans le cadre de son
action au Kosovo, et cela s'est traduit non seulement en termes des normes
adoptées, mais aussi, plus important encore, dans les activités mises en oeuvre

par la MINUK et les autres composantes de la présence internationale au
Kosovo bénéficiant de l'aval du Conseil de sécurité.

Par conséquent, cette troisième approche ne nous permet pas non plus

de reconnaître, de prime abord, la conformité au droit international de la OUI
des PISG, puisque l'effet que poursuit ladite OUI (soit la constitution d'un État
indépendant au Kosovo) contredit clairement la reconnaissance de la
souveraineté et de l'intégrité territoriale de la Serbie, auxquelles le Conseil de

sécurité et d'autres instances internationales font référence de façon réitérée.

16.- C'est un fait, pourtant, que le Conseil de sécurité lui-même, dans le cadre
du chapitre VII de la Charte, a souhaité octroyer aux institutions provisoires

d'administration autonome du Kosovo, ou a approuvé que leur soit octroyé, un
large ensemble de compétences. Et il a agi de la sorte en vue d'atteindre deux
objectifs clairement définis : en premier lieu, permettre au régime
d'administration autonome de rendre possible sur le territoire du Kosovo la

cohabitation pacifique de toutes les communautés y étant traditionnellement
installées ; en second lieu, favoriser un processus d'institutionnalisation de
l'administration autonome de cette province serbe, afin de lancer un processus
de négociation entre les parties concernées en vue de déterminer le statut futur

du Kosovo. Le Conseil de sécurité souhaitait ainsi mettre un terme au conflit
existant sur ce territoire, conflit susceptible, sans aucun doute, de déstabiliser la
région et de menacer la paix et la sécurité internationales dans les Balkans
occidentaux.

Il s'agit là de la dernière dimension, finaliste celle-ci, qu'il nous reste à
analyser afin de pouvoir répondre à la question formulée par l'Assemblée
générale. À cet égard, l'Espagne tient à rappeler que, sur ce point également, la

conformité au droit international de la OUI doit être évaluée en fonction des
normes et des principes auxquels il a été fait référence précédemment, et plus
particulièrement la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité et ses
développements ultérieurs.

17.- En ce sens, il est indéniable que les PISG du Kosovo sont mises en place
comme des « institutions » ou des « autorités» opérant dans une province
serbe, avec l'aval de la communauté internationale et du Conseil de sécurité,

13en vue de parvenir à l'établissement d'un régime d'administration autonome du
Kosovo le plus large possible. Les compétences qui leur sont attribuées en
vertu de la résolution 1244 (1999) sont définies, pour l'essentiel, dans un large
cadre de normes approuvées par la MINUK, ainsi que dans le Cadre
constitutionneldu Kosovo. Nous pouvons déduire de cet ensemble de normes
qu'il s'agit de compétences appelées à opérer exclusivement à un niveau
interne, et il convient de souligner que, même si elles couvrent un champ

d'action très large, elles correspondent en général aux compétences qui sont
reconnues aux autorités, aux institutions et aux pouvoirs d'administration
autonome territoriale dans les États dotés d'une structure complexe. Il faut
ajouter par ailleurs que ces institutions exercent les compétences qui leur sont
attribuées sous le contrôle et la supervision de la MINUK, à laquelle revient
l'ultime décision.

En revanche, il est important de souligner que les PISG sont dépourvues
de compétences à portée internationale, qui pourraient permettre de déduire
qu'on leur suppose une capacité juridique et internationale ou qu'un certain
statut international leur est accordé, ne serait-ce qu'à l'état embryonnaire. Cette
absence de compétence pour réaliser une activité (entretenir des relations
internationales) qui est le propre d'un État souverain a été par ailleurs soulignée

à plusieurs reprises par la MINUK et par d'autres organismes internationaux.

En conséquence, l'attribution de compétences aux PISG ne permet pas
non plus de conclure que la communauté internationale, et en particulier le
Conseil de sécurité, aient voulu exclure l'intégrité territoriale et la souveraineté
de la Serbie dans la question du Kosovo, ce pour deux raisons fondamentales :
i) les compétences attribuées aux PISG sont des compétences

internes, sans aucune portée internationale ;
ii) ces compétences sont exercées par les PISG dans le cadre du
régime d'administration internationale et d'administration autonome
défini dans la résolution 1244 (1999). Cela signifie que ces
compétences sont exercées au sein de la Serbie, seul sujet de droit
international défini comme cadre de référence dans ladite résolution
et dans tout le système articulé autour de celle-ci.

18.- Toutefois, bien que ces institutions soient clairement et exclusivement
constituées comme des autorités internes, il est indéniable que le Conseil de
sécurité a légitimé la participation des PISG au processus visant à déterminer le
statut futur du Kosovo de façon définitive. Nous devons donc nous demander si
cela confère à ces institutions une quelconque compétence ou un pouvoir
spécifique à prendre en compte afin d'évaluer la conformité au droit

internationalde la OUI.

La réponse à cette question doit être négative, compte tenu de la nature
et de la structure du processus défini en vertu de la résolution 1244 (1999),
fondé sur la négociation entre les parties concernées et sur la nécessité de
parvenir à une solution communément acceptée par lesdites parties, ce qui
requiert nécessairement l'accord entre les parties, indépendamment de la façon

dont il pourrait être exprimé, et exclut toute solution unilatérale, quelle que soit
la partie prenant cette décision. Par conséquent, ce n'est parce que la

14participation des PISG au processus est légitimée que le pouvoir d'y mettre fin

de façon unilatérale leur est reconnu, et, partant, cela ne suffit pas non plus
pour exclure l'application du respect de la souveraineté et de l'intégrité
territoriale de la Serbie dans la question du Kosovo.

19.- Ainsi, même si l'on considère l'existence d'un régime juridique ad hoc
applicable au Kosovo, il est impossible de conclure que ce même régime puisse
permettre d'exclure, dans ce cas concret, l'application des normes et des
principes généraux, d'où l'impossibilité de conclure à la conformité au droit

international de la OUI. Au contraire, ce régime spécial se limiteà mettre en
place un processus rendant possible, par le biais de négociations entre les
parties concernées, la détermination d'une solution communément acceptée sur
le statut futur du Kosovo. En attendant de parvenir à cette solution, le régime

juridiquead hoc défini par la résolution 1244 (1999) pour le Kosovo, n'offre une
couverture juridique que pour le maintien d'un régime intérimaire
d'administration international et d'un régime provisoire d'administration
autonome du Kosovo au sein de la Serbie et, partant, dans le respect total de la

souveraineté et de l'intégrité territoriale de cet État.

Enfin, il convient d'ajouter que ce processus, mis en place par le Conseil

de sécurité et soumis à la supervision de cet organe international, ne peut être
modifié ni altéré de façon unilatérale par aucune des parties sans le
consentement préalable du Conseil de sécurité, ce qui nous permet encore de
remettre en question la conformité de la OUI au droit international, dans la

mesure où, en voulant mettre fin de façon unilatérale au processus visant à
déterminer le statut futur du Kosovo, celle-ci entre en contradiction avec les
décisions adoptées par le Conseil de sécurité et que, dans ce cadre, elle remet
en cause le rôle du Conseil en tant qu'organe auquel la communauté

internationale attribue « la responsabilité principale du maintien de la paix et de
la sécurité internationales20.

111.- LE PRINCIPE DE SOUVERAINETÉ ET D'INTÉGRITÉ TERRITORIALE
DE L'ETAT

1.- SOUVERAINETÉ ET INTÉGRITÉ TERRITORIALE DE L'ÉTAT DANS LE
DROIT INTERNATIONAL CONTEMPORAIN

1.1.- Reconnaissance normative et portée du principe

20.- Comme nous l'avons souligné précédemment, le respect de la

souveraineté et de l'intégrité territoriale de la Serbie et des autres États de la
région constitue un axe directeur de la résolution 1244 (1999), sur laquelle le
Conseil de sécurité base son action dans l'affaire du Kosovo.

2°Cf. art. 24.1 de la Charte des Nations Unies.

15 Or, la DUI des PISG du Kosovo prétend produire un effet ayant une
incidence négative sur la souveraineté et l'intégrité territoriale de la Serbie. Il
convient donc d'analyser tout d'abord la façon dont le droit international général
fait référence à ces deux éléments, et de rar.peler la valeur normative, dans ce

système juridique, du (ou des) principe(s) sur lequel (ou lesquels) lesdits
éléments s'appuient.

Cet exercice est sans aucun doute d'une grande importance et d'une
grande utilité. Il nous renvoie en effet à laCharte des Nations Unies, ainsi qu'à
la Déclaration relative aux principes de droit international touchant les relations

amicales et la coopération entre les États conformément à la Charte des
Nations Unies, approuvée par la résolution 2625 (XXV) de l'Assemblée
générale du 24 octobre 1970, qui, au paragraphe 3 de ses dispositions
générales, proclame formellement que « [l)es principes de la Charte qui sont
inscrits dans la Déclaration constituent des principes fondamentaux de droit
international, et demande en conséquence à tous les Etats de s'inspirer de ces

principes dans leur conduite internationale et de développer leurs relations
mutuelles sur la base du respect rigoureux desdits principes».

21.- Certes, la Charte des Nations Unies ne mentionne pas explicitement « un
principe de souveraineté et d'intégrité territoriale de l'État», mais il n'est pas

moins vrai qu'elle proclame, en son article 2.1 que «[l]'Organisation est fondée
sur le principe de l'égalité souveraine de tous ses membres». Or, le respect de
la souveraineté et de l'intégrité territoriale des États s'inscrit nécessairement
dans le contenu de cet article, et, il est habituel que le principe générique de
l'égalité souveraine des États, réduit à son essence, puisse aussi être énoncé
comme le principe qui défend la souveraineté et l'intégrité territoriale de l'État.

22- Par ailleurs, la Déclaration annexée à la résolution 2625 (XXV) rend
parfaitement compte de l'importance que le droit international contemporain
accorde au respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de l'État. Il
suffit ainsi de signaler que ces deux éléments y sont explicitement mentionnés

à quatre reprises, comme indiqué ci-dessous :
i) Dans le Préambule de la Déclaration,l'Assemblée générale réaffirme
« conformément à la Charte, l'importance fondamentale de l'égalité
souveraine». Elle y rappelle également « le devoir des Etats de
s'abstenir, dans leurs relations internationales, d'user de contrainte
d'ordre militaire, politique, économique ou autre, dirigée contre

l'indépendance politique ou l'intégrité territoriale de tout État», et se
montre convaincue que « que toute tentative visant à rompre
partiellement ou totalement l'unité nationale et l'intégrité territoriale d'un
État ou d'un pays ou à porter atteinte à son indépendance politique est
incompatible avec les buts et principes de la Charte».
ii) Proclamation du principe de l'égalité souveraine des États,dont le

contenu substantif est développé comme suit:

21
l'appellation de principes peut être justifiée en raison de leur caractère plus général et plus
fondamental» : Délimitation de la frontière maritime dans la région du golfe du Maine
(Canada/États-Unis d'Amérique), arrêt du 12 octobre 198C.I.JRecueil 1984par. 79.

16 « Tous les États jouissent de l'égalité souveraine. Ils ont des droits
et des devoirs égaux et sont des membres égaux de la

communauté internationale, nonobstant les différences d'ordre
économique, social, politique ou d'une autre nature.
En particulier,l'égalité souveraine comprend les éléments
suivants:

a. Les États son juridiquement égaux ;
b. Chaque État jouit des droits inhérents à la pleine
souveraineté ;
c. Chaque État a le devoir de respecter la personnalité des
autres États ;

d. L'intégrité territoriale et l'indépendance politique de l'État sont
inviolables ; (...) ».
iii) Proclamation du principe sur Je devoir de s'abstenir de recourir à la
menace ou à l'emploi de la force, avec une référence expresse à

l'interdiction « de recourià la menace ou à l'emploi de la force, soit
contre l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique de tout État».
iv) Proclamation du principe de l'égalité des droits des peuples et de leur
droità disposer d'eux-mêmes, où est il expressément précisé que « [t]out

État doit s'abstenir de toute action visant à rompre partiellement ou
totalement l'unité nationale et l'intégrité territoriale d'un autre Etat ou d'un
autre pays». Une clause de sauvegarde est ajoutée, en vertu de laquelle
« [r]ien dans les paragraphes précédents ne sera interprété comme
autorisant ou encourageant une action, quelle qu'elle soit, qui

démembrerait ou menacerait, totalement ou partiellement, l'intégrité
territoriale ou l'unité politique de tout État souverain et indépendant».

Il faut enfin ajouter à ces références explicites la référence implicite au

respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale contenue dans la
résolution 2625, qui, quand elle proclame le principe de non-intervention
commence ainsi : « [a)ucun État ni groupe d'États n'a le droit d'intervenir
directement ou indirectement, pour quelque raison que ce soit, dans les affaires

intérieures ou extérieures d'un autre État. En conséquence, non seulement
l'intervention armée, mais aussi toute autre forme d'ingérence ou toute menace,
dirigées contre la personnalité d'un État ou contre ses éléments politiques,
économiques et culturels, sont contraires au droit international ».

23.- L'importance de ces références constantes à la souveraineté et à l'intégrité
territoriale de l'État dans cette déclaration se révèle dans toute son ampleur si
l'on considère que les principes proclamés par la résolution 2625 (XXV)
expriment des valeurs juridiques et des règles d'organisation incontournables

qui, en raison de leur contenu normatif coutumier, occupent une place centrale
dans le système juridique international, et qui non seulement constituent le
cadre normatif général du droit international contemporain mais en sont
également le principal signe d'identité.

Par ailleurs, la valeur essentielle reconnue à la souveraineté et à
l'intégrité territoriale dans cette déclaration se voit renforcée si l'on tient compte
du fait que ces éléments sont intégrés de façon transversale dans l'ensemble
de ses principes fondamentaux. En effet, comme le précise la résolution 2625

17(XXV), tous les principes proclamés dans la Déclaration« sont liés entre eux et
chaque principe doit être interprété dans le contexte des autres principes » 22.

24.- De ce point de vue, la reconnaissance explicite de la souveraineté et de
l'intégrité territoriale revêt une signification particulière quand elle est reliée au
principe de l'égalité des droits et de l'autodétermination des peuples, un

principe profondément novateur, qui a été amplement et progressivement
développé dans le cadre de la résolution 2625 (XXV), et qui, pourtant, proclame
et garantit expressément ces deux éléments. Certes, le respect de la

souveraineté et de l'intégrité territoriale est relié dans ce paragraphe de la
Déclaration à une référence à « tout État souverain et indépendant se
conduisant conformément au principe de l'égalité de droits et du droit des

peuples à disposer d'eux-mêmes énoncé ci-dessus et doté ainsi d'un
gouvernement représentant l'ensemble du peuple appartenant au territoire sans
distinction de race, de croyance ou de couleur». Mais cela ne réduit en rien
l'importance et le contenu essentiel de cette proclamation.

En effet, si l'on analyse cette clause en s'appuyant sur les travaux
préparatoires de la résolution 2625(XXV) et sur l'interprétation contextuelle de

cette dernière en fonction des autres dispositions de la Déclaration, y compris
celles faisant référence au principe spécifique dont il est ici question, il est
impossible de conclure que le respect de la souveraineté et de l'intégrité

territoriale de l'État doive céder face à un hypothétique droit à
l'autodétermination exercé dans le cadre d'un acte unilatéral, et que l'exercice
de ce droit hypothétique ait des répercussions sur le plan de la subjectivité

internationale.

Cette idée se trouve en outre renforcée par la doctrine sur la portée du

droit à l'autodétermination des peuples, définie par divers comités chargés de la
protection des droits de l'homme au sein du système des Nations Unies,
notamment le Comité des droits de l'homme et le Comité pour l'élimination de la

discrimination raciale. Cette doctrine peut être résumée ainsi :

i) « Ce droit [à l'autodétermination], et les obligations correspondantes

qui ont trait à sa mise en oeuvre, sont indissociables des autres
dispositions du Pacte et des règles de droit international » 23,et il doit
être rattaché aux autres instruments internationaux relatifs à

l'autodétermination des peuples, notamment la Déclaration relative
aux principes de droit international touchant les relations amicales et
la coof?,érationentre les États conformément à la Charte des Nations
4
Unies .

22
Il faut en outre tenir compte du fait que la CIJ a elle-même conclu que les principes
d'égalité souveraine, d'interdiction de l'emploi de la force ou de la menace de la force et de non­
intervention se superposent jusqu'à un certain point et qu'ils doivent être interprétés ensemble.
Cf.Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. ttats-Unis
d'Amérique), arrêt du 27 juin 1986 (fond),.J. Recueil 1986, par. 202 et sq., 212 et sq., et
242.
23Comité des droits de l'homme :Observation générale n° 12, Arlicle premier (Droità
l'autodétermination),par. 2, in fine, 1984. Cf. aussi par. 6, in fine.
24lbid.par.2. C'est également ainsi que doit être compRecommandation générale

XXI concernant le droit à l'autodétermination, approuvée en 1996 par le Comité pour

18 ii) Le droit à l'autodétermination présente un double aspect, intérieur et
extérieur2 5.

iii) « [L]e droit international ne reconnaît pas de droit général des
peuples de déclarer unilatéralement faire sécession par rapport à un
26
État » .

Il faut enfin ajouter, en raison de l'importance qu'il revêt dans la question qui

nous intéresse, l'avis exprimé par la Commission Badinter qui, concernant le
droit à l'autodétermination des anciennes républiques de la fédération

yougoslave, a déclaré ceci : « Il est toutefois bien établi que, quelles que soient
les circonstances, le droit à l'autodétermination ne peut entraîner une
modification des frontières existant au moment des indépendances (uti

possidetis juris) sauf en cas d'accord contraire de la part des États
concernés » 27.

25.- En résumé, il ne fait aucun doute que le respect de la souveraineté et de
l'intégrité territoriale de l'État fait partie du noyau substantiel et indérogeable

des principes fondamentaux du droit international proclamés dans la Charte des
Nations Unies et dans la résolution 2625 (XXV).

Par ailleurs, la résolution 2625 n'est pas un élément isolé. Au contraire,
elle s'inscrit dans une pratique consolidée des Nations Unies substantiellement

cohérente avec son contenu. Nous pouvons ainsi rappeler, à titre d'exemple,

l'élimination de la discriminationraciale, qui renvoie constamment à la Charte des Nations
Unies et à la résolution 2625 (XXV). Cf. par.2, 3 et 6.
2Cf. en particulier la Recommandation générale XXIdu CEOR, qui, au paragraphe 4,
affirme ceci : « En ce qui concerne l'autodétermination des peuples, deux aspects doivent être
distingués. Le droit l'autodétermination comporte un aspect intérieur, qui est le droit de tous
les peuples de poursuivre librement leur développement économique, social et culturel sans

ingérence extérieure. À cet égard, il existe un lien avec le droit de tout citoyen de prendre part
la conduite des affaires publiques à tous les échelons, conformément au paragraphe c) de
l'article 5 de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination
raciale. En conséquence, les gouvernements doivent représenter l'ensemble de la population,
sans distinction de race, de couleur, d'origine ou d'appartenance nationale ou ethnique.
L'aspect extérieur de l'autodétermination est que tous les peuples ont le droit de déterminer

librement leur statut politique et leur place dans la communauté internationale sur la base du
principe de l'égalité des droits et ainsi que l'illustrent la libération des peuples du colonialisme et
l'interdictiode la soumission des peuples à la sujétion, la domination et l'exploitation
étrangères ». C'est dans le cadre de l'aspect intérieur du concept d'autodéterminatique doit
être comprise la référence faite par le Comité des droits de l'homme au paragraphe 4 de son
Observation généralen° 12, quand il affirme que les États parties, quand ils informent le Comité
sur l'application de l'article 1.2 du Pacte, « devraient décrire les procédures constitutionnelles et

politiques qui permettent d'exercer ce droit dans les faits ». Cf. aussi par. 6 de !'Observation
générale.
26CERD: Recommandation générale XXI,par. 6. Cette conclusion est particulièrement
significative, car le CERD émet cette recommandation générale après avoir constaté que «les
groupes ou minorités ethniques ou religieuses mentionnent fréquemment le droit à
l'autodétermination comme fondement de la revendication d'un droit à la sécession»(par.1). Il

convient également de considérer que!'Observation généralen° 12 du Comité des droits de
l'homme précise par ailleurs ceci : «en particulier,les États doivent s'abstenir de toute
ingérence dans les affaires intérieures d'autres États et, ainsi, de compromettre l'exercice du
droità l'autodétermination » (par.6).
27 Commission d'arbitrage sur l'ex-Yougoslavie, Avis n° 2, 11 janvier 1992, in RGDIP,
1992, p. 266.

19les résolutions de l'Assemblée générale, citées dans son Préambule, ou encore
d'autres résolutions préalables, comme la résolution 2131 (XX) 28, du 21
décembre 1965 et la résolution 2160 (XXl) 29,du 30 novembre 1966. D'autres

résolutions postérieures, contenant des déclarations de principes, vont
également dans le même sens. C'est le cas, notamment, de la résolution 50/6,

du 9 novembre 1995, contenant la « Déclaration du cinquantième anniversaire
de l'Organisation des Nations Unies», qui, bien entendu, réaffirme, vingt-cinq
ans plus tard, les principes énoncés en 1970.

26.- De plus, la reconnaissance de la souveraineté et de l'intégrité territoriale en
tant qu'éléments fondamentaux du système international apparaît également

dans des instruments d'origines diverses, émis en dehors de l'Organisation des
Nations Unies, parmi lesquels il convient tout d'abord de citer, en raison de leur
importance, les instruments émanant de la Conférence sur la sécurité et la

coopération en Europe.

De ce point de vue, il suffit de rappeler ici que l'Acte final d'Helsinki, du

1er août 1975, a confirmé l'opinio juris selon laquelle la reconnaissance de la
souveraineté et de l'intégrité territoriale de l'État est un principe en vigueur dans

les relations mutuelles entre les États participant à cette Conférence (tous
européens, à l'exception du Canada et des États-Unis d'Amérique), en
confirmant que « [l]es États participants respectent mutuellement leur égalité

souveraine et leur individualité ainsi que tous les droits inhérents à leur
souveraineté et englobés dans celle-ci, y compris, en particulier, le droit de
chaque État à l'égalité turidique, à l'intégrité territorialeà la liberté et à
0
l'indépendance politique » .

Cette approche a été réitérée dans la Charte de Paris pour une nouvelle

Europe, dans laquelle les États participants de l'OSCE déclarent : « [n]ous
sommes résolusà coopérer pour défendre les institutions démocratiques contre
des activités menées en violation de l'indépendance, de l'égalité souveraine ou

de l'intégrité territoriale des Etats participants »31.

Enfin, nous ne pouvons pas non plus oublier que le Traité de l'Union
européenne, bien que de façon implicite, a également ratifié ces principes en
définissant les objectifs de la PESC, parmi lesquels se trouvent notamment « le

maintien de la paix et le renforcement de la sécurité internationale,

28
« Déclaration sur l'inadmissibilité de l'intervention dans les affaires intérieures des
États et la protection de leur indépendance et de leur souveraineté ».
29 « Stricte observation de l'interdiction de recourir à la menace ou l'emploi de la force
dans les relations internationales et du droit des peuples à l'autodétermination ».
3° Cf. a).I. Également: a).11(« Non-recourà la menace ou à l'emploi de la force»),
a).11I(Inviolabilité des frontières ») et a«.Intégrité territoriale des États »), de l'Acte final
d'Helsinki. Il est inutile de préciser plus amplement l'importance de l'Acte final d'Helsinki,
puisqu'il suffit de rappeler que la CIJfait référence pour prouver l'existence des principes

d'interdiction de l'emploi de la menace ou de la force et de non-intervention dans l'affaire
Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. l=tats-Unis
d'Amérique), arrêt du 27 juin 1986 (fond), C./.J. Recueil 1,ar. 204 et 292. 5), 189 et 264.
Tout aussi important, le Conseil de sécurité, dans sa résolution 1244 (1999), a aussi fait
référence à cet instrument pour renforcer l'obligation de respecter la souveraineté et l'intégrité
territoriale de la République fédérale de Yougoslaviemeparagraphe du Préambule).
31p. 8, http://www.osce.org/documents/mcs/1990/11/4045_fr.pdf.

20conformément aux principes de la Charte des Nations Unies, ainsi qu'aux
principes de l'Acte final d'Helsinki et aux objectifs de la Charte de Paris, y
32
compris ceux relatifs aux frontières extérieures » .

27.- Au vu de ces considérations, nous devons conclure que la souveraineté et
les droits qui lui sont inhérents, l'intégrité territoriale, l'indépendance politique et
l'égalité formelle représentent bien le statut juridique de l'État dans le système

juridique international contemporain, un statut juridique qui perdure et d'une
grande consistance 33 , auquel l'on ne peut renoncer dans les relations

internationales et dont, par conséquent, l'on doit tenir pleinement compte dans
la présente procédure consultative.

1.2.- La pratique du Conseil de sécurité

28.- Compte tenu de ce qui précède, il est particulièrement important de
comparer ces conclusions avec la réalité de la pratique internationale. Il est
notamment utile et opportun d'analyser la pratique du Conseil de sécurité dans

d'autres situations semblables à celles qui, pendant les années quatre-vingt-dix
du siècle dernier, ont conduit le Conseil de sécurité à se saisir de la question du
Kosovo afin d'exercer « la responsabilité principale du maintien de la paix et de

la sécurité internationales » que lui reconnaît la Charte des Nations Unies
(art.24.1). Cette analyse s'avère en outre particulièrement intéressante pour

définir la place qui revient à la souveraineté et à l'intégrité territoriale de l'État
dans le système international, puisque, en vertu de l'article 24.2 de la Charte
« [d]ans l'accomplissement de ces devoirs, le Conseil de sécurité agit

conformément aux buts et principes des Nations Unies».

29.- D'un point de vue général, nous devons affirmer que, quand le Conseil de

sécurité s'est vu confronté à des situations de nature à menacer la paix et la
sécurité internationales, il s'est montré respectueux du principe de souveraineté
et d'intégrité territoriale de l'État. C'est ce qui s'est produit dans les cas où

l'emploi de la force par un autre État était flagrant, comme à Chypre, dans les
territoires arabes occupés, au Nicaragua ou au Koweït. À chaque fois, le
Conseil de sécurité a appliqué ce principe de façon constante et uniforme 34.

32
33 Traité de l'Union européenne, Art. 11.
Ces éléments ont en effet été définis il y a très longtemps, comme le montre la
jurisprudence internationale. Cf. à titre d'exemple :nd of Palmas Case (Netherlands/United
States of America), Award of 4 April 1928,.S.A., vol. Il, p. 838: "Sovereignty in the relations
between States signifies independence. lndependence in regard to a portion of the globe is the
right to exercise therein, to the exclusion of any other State, the functions of a State. The
development of the national organisation of States during the last few centuries and, as a
corollary, the development of international law, have established this principle of the exclusive

competence of the State in regard to its own territory in such a way as to make it the point of
departure in settling most questions that concern international relatioCf. aussiDétroit de
Corfou (Royaume-Uni c. Albanie), arrêt du 9 avril 1949 (fond), C.I.J.Recueil 1949, p. 35:
« Entre États indépendants, le respect de la souveraineté territoriale est l'une des bases
essentielles des rapports internationaux».
34 Voir les références suivantes (liste non exhaustive) : A) Pour les territoires arabes
occupés :Conséquences juridiques de l'édification d'un mur dans le Territoire palestinien

occupé, avis consultatif du 9 juillet 2004, C.I.J. Recueil 2004,.71-78, 120-122 et 162. B)

2130.- Dans le cadre de l'étude de la question du Kosovo, étant donné qu'il s'agit
d'un conflit non international, il est particulièrement intéressant d'examiner la
pratique du Conseil de sécurité à l'égard des conflits armés internes qui, de

l'avis de celui-ci, ont mis en danger la paix et la sécurité internationales,
l'obligeant de la sorte à intervenir et à s'impliquer dans la recherche d'une
solution. Ces cas ne sont pas rares, et, parfois, la détérioration de la situation a

valu aux États concernés leur inclusion dans la liste des États défaillants, au
sein desquels le principe de la souveraineté et de l'intégrité territoriale est mis à
dure épreuve.

Ainsi, au cours des deux dernières décennies, le Conseil de sécurité a
suivi de près plusieurs conflits armés non internationaux qui ont coïncidé dans
le temps avec les différentes phases du conflit de l'ex-Yougoslavie. C'est le cas

de l'Afghanistan, de la République démocratique du Congo, de la Somalie et du
Soudan. Dans tous ces conflits, le Conseil de sécurité a constaté et condamné
les graves atteintes aux droits de l'homme et au droit international humanitaire

commises par les parties, les groupes et les factions en lutte, qui se sont livrés,
entre autres, à toutes sortes d'abus et de crimes contre la population civile, en
particulier à l'encontre des personnes les plus vulnérables, ou encore qui ont
35
perpétré des actes de terrorisme aveugle . Il a également constaté et dénoncé
les crises et les catastrophes humanitaires, qui se traduisent essentiellement
par d'énormes pertes en vies humaines et des dommages matériels

généralisés, et qui sont la conséquence de la prolongation sine die de ces
conflits, des obstacles dressés par les partis en lutte pour empêcher l'accès et

Pour l'affaire du NicaraguActivités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci
(Nicaragua c. États-Unis d'Amérique), arrêt du 27juin 1986 (fond), C.I.J. Recueil 1986,
et 292. 5), 189 et 264. C) Pour la question du Koweït: les résolutions 660 (1990), 661 (1990),

665 (1990) et 678 (1990) du Conseil de sécurité des Nations Unies. D) Sur la question de
Chypre, la position du Conseil de sécurité reste inchangée depuis 1964 : préserver la
souveraineté, l'indépendance et l'intégrité territoriale de l'île ; rejeter toute tentative de division
de l'île ou d'unification avec un autre pays, quel qu'il soit ; ne pas reconnaître leé
par l'invasion turque de l'île ; et défendre l'idée d'un État chypriote doté d'une souveraineté,
d'une personnalité internationale et d'une citoyenneté uniques, dont l'indépendanceet l'intégrité
territoriale soient garanties en excluant l'union totale ou partielle avec tout autre État, ainsi que
toute forme de partition ou de sécession (résolution 186 (1964). Cf. aussi les résolutions 939
(1994), 1217 (1998), 1251 (1999), 1818 (2008) et 1847 (2008).
35Voir les résolutions et déclarations du président du Conseil (liste non exhaustive) : A)
Pour l'Afghanistan: résolutions 1193 (1998), 1214 (1998), 1267 (1999), 1333 (2000) et 1806

(2008) ; déclarations du 6 avril 1998 (S/PRST/1998/9), du 14juillet 1998 (S/PRST/1998/22) et
du 23 août 2005 (S/PRST/2005/40). B) Pour la République démocratique du Congo:
résolutions 1355 (2001), 1417 (2002), 1445 (2002), 1493 (2003) et 1565 (2004); déclarations
du 13 juillet 1998 (S/PRST/1998/20), du 31 août 1998 (S/PRST/1998/26), du 11 décembre
1998 (S/PRST/1998/36), du 18 octobre 2002 (S/PRST/2002/27) et du 13 juillet 2005
(S/PRST/2005/31).C) Pour la Somalie: résolutions 794 (1992), 897 (1994), 923 (1994), 1814
(2008) et 1863 (2009) ; déclarations du 29 juin 2000 (S/PRST/2000/22), du 30 avril 2007
(S/PRST/2007/13), du 14 juin 2007 (S/PRST/2007/19) et du 30 octobre 2008
(S/PRST/2008/41). D) Pour le Soudan : résolutions 1556 (2004), 1564 (2004), 1590 (2005),
1591(2005), 1593 (2005), 1663 (2006), 1713 (2006), 1714 (2006) et 1828 (2008); déclarations
du 25 mai 2004 (S/PRST/2004/18), du 13 octobre 2005 (S/PRST/2005/48), du 25 avril 2006

(S/PRST/2006/17),du 2 octobre 2007 (S/PRST/2007/35),du 16juin 2008 (S/PRST/2007/21)et
du 16juillet 2008 (S/PRST/2008/27).

22 l'assistance humanitaire aux populations civiles, ainsi que de l'accumulation de
graves violations du droit international humanitaire 36.

De même, le Conseil de sécurité a constaté à maintes reprises

l'incapacité des autorités de ces Étatsà exercer un réel contrôle sur la totalité
de leur territoire et à y garantir l'ordre et la sécurité 37.Il n'a cessé de solliciter la
coopération des États membres de l'Organisation, ainsi que des organisations

régionales concernées, pour assurer le maintien de la paix et de la sécurité
internationales dans les zones concernées, leur demandant notamment de

contribuer, avec des moyens économiques, matériels et humains,à la création
d'autorités locales et au renforcement des capacités de celles-ci, en leur

sollicitant aussi d'apporter d'autres contributions 38.

31.- Quand il s'est vu confronté à ces situations, le Conseil de sécurité a
défendu à outrance, comme un prius irréfutable, le principe de souveraineté,

d'intégrité territoriale, d'indépendance politique et d'unité, tant pour les États
plongés dans ces conflits, que pour les États voisins quand cela est apparu
39
nécessaire . Il s'agit presque d'une formule de style dans la pratique du

36
Voir les résolutions et les déclarations du président du Conseil (liste non exhaustive) :
A) Pour l'Afghanistan : résolutions 1193 et 1214 (1998) ; déclarations du 23 mars 1994
(S/PRST/1994/12), du 16 avril 1997 (S/PRST/1997/55), du 6 avril 1998 (S/PRST/1998/9), du 6
août 1998 (S/PRST/1998/24), du 25 octobre 1999 (S/PRST/1999/29) et du 7 avril 2000
(S/PRST/2000/12). B) Pour la République démocratique du Congo : résolutions 1468 (2003) et

1856 (2008). C) Pour la Somalie: résolutions 733 (1992), 746 (1992), 1801 (2008), 1814 (2008)
et 1863 (2009); déclarations du 15 mars 2006 (S/PRST/2006/11) et du 19 décembre 2007
(S/PRST/2007/49). D) Pour le Soudan: résolution 1556 (2004); déclarations de la Présidence
du 25 mai 2004 (S/PRST/2004/18), du 21 décembre 2005 (S/PRST/2005/67) et du 11 janvier

2008 (S/PRST/2008/1 ).
37Voir les résolutions et les déclarations du président du Conseil (liste non exhaustive) :
A) Pour l'Afghanistan: résolutions 1536 (2004), 1563 (2004), 1623 (2005), 1806 (2008) et 1817
(2008); déclarations du 18 juin 2003 (S/PRST/2003/7) et du 6 avril 2004 (S/PRST/2004/9). B)
Pour la République démocratique du Congo : résolutions 1399 (2002) et 1756 (2007) ;

déclarations du 7 juin 2004 (S/PRST/2004/19) et du 25 janvier 2006 (S/PRST/2006/4). C) Pour
le Soudan: résolution 1556 (2004); déclarations du 25 mai 2004 (S/PRST/2004/18) et du 13
octobre 2005 (S/PRST/2005/48).
38Voir les résolutions et les déclarations du président du Conseil (liste non exhaustive) :

A) Pour l'Afghanistan: résolutions 1076 (1996), 1378 (2001), 1401 (2002), 1471 (2003) et 1746
(2007). B) Pour la République démocratique du Congo: résolution 1671 (2006). C) Pour la
Somalie: résolutions 733 (1992), 746 (1992), 794 (1992), 1772 (2007) et 1863 (2009);
déclaration du 28 mars 2002 (S/PRST/2002/8).
39
Voir les résolutions et les déclarations du Président du Conseil (liste non exhaustive):
A) Pour l'Afghanistan: cf. résolutions 1076 (1996) à 1833 (2008) portant sur ce conflit;
déclarations du 11 août 1994 (S/PRST/1994/43), du 30 novembre 1994 (S/PRST/1994/77), du
15 février 1996 (S/PRST/1996/6), du 30 septembre 1996 (S/PRST/1996/40), du 6 avril 1998
(S/PRST/1998/9), du 14 juillet 1998 (S/PRST/1998/22) et du 11 juillet 2008 (S/PRST/2008/26).

B) Pour la République démocratique du Congo: cf. résolutions 1234 (1999) à 1857 (2008)
portant sur ce conflit; déclarations du 19 novembre 2003 (S/PRST/2003/21), du 14 mai 2004
(S/PRST/2004/15) et du 21 octobre 2008 (S/PRST/ 2008 /38). C) Pour la Somalie: cf.
résolution 897 et résolutions 1744 (2007) à 1863 (2009) portant sur ce conflit ; déclarations du

15 mars 2006 (S/PRST/2006/11) et du 19 décembre 2007 (S/PRST/2007/49). D) Pour le
Soudan : cf. résolutions 1547 (2004) à 1841 (2008) ; déclarations du 2 août 2005
(S/PRST/2005/38), du 11 avril 2006 (S/PRST/2006/16), du 25 avril 2006 (S/PRST/2006/19) et
du 13 mai 2008 (S/PRST/2008/15). Voir également le Rapport de la mission du Conseil du 15
juillet 2008 (S/2008/460). Ce document reflète très bien les tensions sécessionnistes qui

s'exercent historiquement au Soudan, et l'insistance du Conseil de sécurité à obtenir
l'avènement d'un Soudan uni et en paix.

23Conseil, un élément habituel du préambule de ses résolutions, mais qui
conserve toutefois une parfaite cohérence avec leur dispositif. En défendant la

souveraineté et l'intégrité territoriale des États touchés par ces conflits, le
Conseil de sécurité a fait abstraction de toute autre considération sur les

causes ou l'origine des conflits, leur caractère endémique, la fragilité et
l'incapacité des États impliqués dans ces conflits à exercer les compétences
inhérentes à la souveraineté, et il n'a pas tenu compte non plus des risques que

représentent ces conflits pour le maintien de la paix et de la sécurité
internationales.

À chaque fois, le Conseil de sécurité a soutenu qu'il fallait préserver le
principe de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de l'État, et il n'a pas

manqué de rappeler aux États voisins l'obligation de non-ingérence dans les
affaires intérieures des États concernés 40.Sous son égide, toutes sortes de
processus pacifiques de transition politique et d'accords de paix inclusifs ont été

mis en place, fondés sur le dialogue, la conciliation des intérêts de toutes les
parties en présence et l'instauration d'institutions démocratiques, l'objectif étant
41
la stabilisation et la reconstruction de ces États . Le Conseil a par ailleurs
autorisé un nombre appréciable de missions de paix, qu'il a lui-même
déployées ou qui ont été mises en place par les organisations régionales

concernées, afin surtout d'accompagner ces processus de paix, d'accroître la
sécurité sur le terrain, de fournir toute l'assistance possible et d'éviter des

catastrophes humanitaires.

32.- Le Conseil de sécurité a suivi cette pratique dans tous les conflits internes

survenus en Europe depuis les années quatre-vingt-dix du siècle dernier, et il a
proclamé le principe de souveraineté et d'intégrité territoriale dans un nombre

élevé de résolutions portant sur ces conflits.

Il a procédé de même, en général, dans le cadre du conflit de l'ex­

Yougoslavie, soulignant, dans la résolution 855(1993) son adhésion « à
l'intégrité territoriale et à l'indépendance politique de tous les États de la
région », et réaffirmant, dans la résolution 1022 (1995),« son attachement à

40Voir les résolutions et les déclarations du président du Conseil (liste non exhaustive) :
A) Pour l'Afghanistan: résolutions 1076 (1996), 1193 (1998), 1214 (1998), 1453 (2002) et 1662
(2006); déclarations du 15 février 1996 (S/PRST/1996/6), du 30 septembre 1996

(S/PRST/1996/40), du 9 juillet 1997 (S/PRST/1997/35) et du 14 juillet 1998 (S/PRST/1998/22).
B) Pour la République démocratique du Congo: résolutions 1468 (2003), 1484 (2003) et 1493
(2003); déclaration du 22 juin 2004 (S/PRST/2004/21). C) Pour la Somalie: résolutions 1425
(2002), 1474 (2003), 1519 (2003) et 1863 (2009). D) Pour le Soudan: résolutions 1556 (2004),
1574 (2004), 1590 (2005) et 1651 (2005).
41Voir les résolutions et les déclarations du président du Conseil (liste non exhaustive) :

A) Pour l'Afghanistan: résolutions 1076 (1996), 1193 (1998), 1214 (1998), 1378 (2001), 1662
(2006), 1659 (2006) et 1746 (2007); déclarations du 16 avril 1997 (S/PRST/1997/20), du 15
juillet 2004 (S/PRST/2004/25), du 12 octobre 2004 ((S/PRST/2004/35), du 23 août 2005
(S/PRST/2005/40) et du 17juillet 2007 (S/PRST/2007/27). B) Pour la République démocratique
du Congo : résolutions 1417 (2002), 1445 (2002), 1635 (2005), 1693 (2006) et 1711 (2006). C)
Pour la Somalie: résolutions 746 (1992), 751 (1992), 767 (1992), 1725 (2006), 1744 (2007),

1772 (2007), 1801 (2008), 1814 (2008) et 1863 (2009); déclarations du 11 novembre 2003
(S/PRST/2003/19), du 7 mars 2005 (S/PRST/2005/11), du 13 juillet 2006 (S/PRST/2006/31) et
du 22 décembre 2006 (S/PRST/2006/59). D) Pour le Soudan: résolutions 1564 (2004), 1574
(2004), 1590 (2005) et 1812 (2008).
42Cf. également les résolutions 871 (1993) et 970 (1995).

24un règlement politique négocié des conflits dans l'ex-Yougoslavie préservant

l'intégrité territoriale de tous les États qui s'y trouvent, à l'intérieur de leurs
frontières internationalement reconnues » 43• Fidèle à son approche, le Conseil a

en particulier souligné la validité et l'application du principe de souveraineté et
d'intégrité territoriale dans les différentes expressions de ce conflit, notamment
44 45 46
dans le cas de la Bosnie-Herzégovine ,de la Croatie et de la Macédoine •

33.- C'est encore cette position qu'a adoptée le Conseil à l'égard des conflits

internes survenus dans certains des États nés de la dissolution de l'Union
soviétique. Ainsi, concernant le Haut-Karabakh, les résolutions 822 (1993), 874

(1993) et 884 (1993) réaffirment « la souveraineté et l'intégrité territoriale de la
République azerbaïdjanaise et de tous les autres États de la région », ainsi que
47
« l'inviolabilité des frontières internationales » . Pour ce qui est du Tadjikistan,
dans la résolution 999 (1995), le Conseil réaffirme son attachement « à la

souveraineté et à l'intégrité territoriale de la République du Tadjikistan, ainsi
qu'à l'inviolabilité de ses frontières», principe qu'il réitère dans un grand
nombrede résolutions 48 .

Quant au conflit de la Géorgie, nombreuses sont les résolutions du

Conseil dans lesquelles celui-ci défend la souveraineté et l'intégrité territoriale
de l'État. Déjà dans la résolution 896 (1994), il « [d)emande à tous les

43Le Conseil de sécurité s'exprime dans des termes semblables dans les résolutions

983 (1995), 994 (1995), 1009 (1995), 1003 (1995), 1015 (1995), 1074 (1996) et 1088 (1996).
44En effet, dans le cas de la Bosnie-Herzégovine, à partir de la résolution 787 (1992), le
Conseil s'est montré « profondément préoccupé par les menaces contre l'intégrité territoriale de
la République de Bosnie-Herzégovine qui, en tant qu'État membre de l'Organisation des
Nations Unies, jouit des droits prévus par la Charte des Nations Unies », et il a fait appel à

toutes les parties et aux autres intéressés pour qu'ils respectent strictement l'intégrité
territoriale» de cet État (cf. rés. 770 (1992), 752 (1992) et 838 (1993)), affirmant « que les
frontières de la Bosnie-Herzégovine sont inviolables » (rés. 757 (1992)). Dans la résolution 859
(1993), il a de nouveau affirmé « la souveraineté, l'intégrité territoriale et l'indépendance
politique de la République de Bosnie-Herzégovine et la responsabilité du Conseil de sécuritéà

cet égard» (souligné par les auteurs). Le Conseil de sécurité a continué de se prononcer dans
des termes semblables dans de nombreuses résolutions ultérieures: 819 (1993), 820 (1993),
836 (1993), 900 (1994), 913 (1994), 959 (1994), 982 (1995), 1004 (1995) et 1010 (1995).
45En ce qui concerne la Croatie, dans la résolution 815 (1993), le Conseil a réaffirmé
« son engagement à assurer le respect de la souveraineté et l'intégrité territoriale de la Croatie

et des autres républiques dans lesquelles la FORPRONU est déployée» (cf. rés. 847 (1993)) et
« son attachement à la souveraineté et à l'intégrité territoriale de la République de Croatie »
(résolutions 958 (1994), 1009 (1995), 1037 (1996), 1038 (1996), 1066 (1996), 1079 (1996)), en
insistant sur la souveraineté et l'intégrité territoriale de tous les États conceà l'intérieur de
leurs frontières internationalement reconnues » (rés. 981 (1995)).
46
En ce qui concerne la Macédoine, le Conseil signale, dans la résolution 1082 (1996)
« son attachement à l'indépendance, à la souveraineté età l'intégrité territoriale » de cet État,
et, dans la résolution 1371 (2001), il réaffirme « son attachement à la souveraineté et à
l'intégrité territoriale de l'ex-République yougoslave de Macédoine et des autres États de la
région». De même, à l'occasion de la célébration de I'« Accord sur la démarcation de la

frontière entre l'ex-République yougoslave de Macédoine et la République fédérale de
Yougoslavie » (2001), « [l]e Conseil rappelle qu'il est impératif de respecter la souveraineté et
l'intégrité territoriale de l'ex-République yougoslave de Macédoine. cet égard, il souligne que
l'accord sur la démarcation de la frontière, signéà Skopje le 23 février 2001 et ratifié par le
Parlement macédonien le 1er mars 2001, doit être respecté par tous » (S/PRST/2001/7).
47
Cf. aussi résolution 853 (1993).
48Cf. résolutions 1030 (1995), 1089 (1996), 1061 (1996), 1099 (1997), 1113 (1997),
1128 (1997), 1138 (1997), 1167 (1998), 1206 (1998), 1240 (1999) et 1274 (1999).

25intéressés de respecter la souveraineté et l'intégrité territoriale de la République
de Géorgie, et souligne l'importance qu'il attache à un tel respect». Par ailleurs,

le Conseil a défendu de façon réitérée l'instauration d'un statut politique pour
!'Abkhazie, mais ce « dans le plein respect de la souveraineté et de l'intégrité
territoriale de la République de Géorgie » 49, ce qu'il précise dans la résolution

1096 (1997), où il fait référence au « statut politique de !'Abkhazie au sein de
l'État géorgien », une expression qu'il reprendra dans nombre de textes
ultérieurs50.

34.- À la lumière de cette pratique, nous devons donc nécessairement conclure
que, de façon constante et réitérée, le Conseil de sécurité a indéniablement

soutenu et respecté la souveraineté et l'intégrité de l'État, ce même dans le
cadre de conflits armés graves, ne revêtant pas un caractère international, qui
ont conduit à de graves violations du droit international et représentaient une

menace grave pour la paix et la sécurité internationales.

Il convient ici de souligner que les tensions sécessionnistes, la dimension
ethnique et religieuse d'une partie des graves atteintes aux droits de l'homme
commises à l'encontre de la population civile dans le cadre de ces conflits, voire

l'irruption de la Cour pénale internationale et d'autres tribunaux pénaux
internationaux dans ces conflits internes, n'ont pas modifié la pratique ferme du
Conseil de sécurité visant à préserver la souveraineté et l'intégrité territoriale

des États impliqués dans les conflits en question.

2.- SOUVERAINETÉ ET INTÉGRITÉ TERRITORIALE DANS LE CAS DU
KOSOVO

2.1.- Souveraineté et intégrité territoriale dans la résolution 1244 (1999) du
Conseil de sécurité

35.- Compte tenu de la pratique examinée ci-dessus, il n'est pas surprenant

que le respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de la Serbie ait été
au cŒur des activités du Conseil de sécurité en relation avec le Kosovo, depuis
l'adoption des premières résolutions en la matière, en vertu du chapitre VII de la

Charte.

49Résolution 896 (1994). Dans les résolutions suivantes, il a défendu ce principe et
insisté sur son respe«ten vue de parvenir à un règlement politique global du conflit, y compris
sur le statut politique de !'Abkhazie,espectant pleinement la souveraineté et l'intégrité
territoriale de la Républiquede Géorgie, sur la base des principes énoncés dans ses
résolutions antérieur»,(rés. 937 (1994), (souligné par les auteurs), ce qu'il réitérera dans

d'autres résolutions (rés. 906 (1994), 993 (1995), 971 (1995), 1077 (1996) et 1036 (1996)), en
réaffirmant, comme dans la résolution 1065 (1996) « son attachement la souveraineté eà
l'intégrité territoriale de la Géorgie,à l'intérieur de ses frontières internationalement reconnues,
ainsi que la nécessité de définir le statut de !'Abkhazie dans le strict respect de ces principes».
Cf. aussi les résolutions 1666 (2006), 1716 (2006), 1752 (2007), 1781 (2007) et 1808 (2008).
50Résolutions 1124 (1997), 1150 (1998), 1255 (1999), 1287 (2000), 1462 (2003), 1494
(2003), 1524 (2004), 1554 (2004), 1582 (2005) et 1615 (2005).

26 Ainsi, il suffira de rappeler ici la déclaration figurant au préambule de la

résolution 1160 (1998) qui souligne « l'attachement de tous les États Membres
à la souveraineté et à l'intégrité territoriale de la République fédérale de
Yougoslavie». Cette déclaration se répète dans les mêmes termes dans les
résolutions 1190 (1998) et 1203 (1998) ; et, dans la résolution 1239 (1999), elle

se réaffirme dans l'expression « l'intégrité territoriale et la souveraineté de tous
les États de la région ».

36.- Toutefois, le texte déterminant pour comprendre la place que le Conseil de
sécurité a attribué à la souveraineté et à l'intégrité territoriale dans le cas du

Kosovo est sans aucun doute la résolution 1244 (1999), du 10 juin 1999.

Cette résolution a été adoptée dans un contexte historique complexe
qu'il convient de rappeler : suite aux négociations de Rambouillet,

immédiatement après le déploiement de l'action militaire en Serbie par les États
membres de l'OTAN, et sur la base de deux documents importants figurant en
annexe de ladite résolution, à savoir, les propositions pour la solution du conflit
adoptées lors de la réunion des ministres des Affaires étrangères du G-8, le 6

mai 1999 (Annexe 1) et les principes contenus dans le document présenté à
Belgrade le 2 juin 2009 et accepté par la République fédérale de Yougoslavie
(Annexe 2).

Cette résolution ainsi adoptée constitue le fondement sur lequel reposent
toutes les actions ultérieures du Conseil de sécurité concernant le Kosovo, tant
du point de vue de la mise en place d'un régime provisoire international chargé
de l'administration du territoire, que de l'établissement et de la promotion d'un

processus politique permettant de définir le statut futur du Kosovo.

37.-À ce propos, il convient de souligner, premièrement, que la résolution 1244
(1999) réaffirme de façon explicite, au paragraphe 10 du préambule,

« l'attachement de tous les États Membres à la souveraineté et à l'intégrité
territoriale de la République fédérale de Yougoslavie et de tous les autres États
de la région, au sens de l'Acte final d'Helsinki». Cette affirmation figure
également dans les deux annexes de la résolution, qui font partie intégrante de

celle-ci, et où le besoin de tenir « pleinement compte des Accords de
Rambouillet et des principes de souveraineté et d'intégrité territoriale de la
République fédérale de Yougoslavie et des autres pays de la région» est
également rappelé. Ces allégations, présentes dans les deux annexes, sont

particulièrement significatives, étant donné que la référence à la souveraineté et
à l'intégrité territorialede ce qui était alors la République fédérale de
Yougoslavie est liée à la mise en place d'un « processus politique en vue de
l'établissement d'un accord-cadre politique intérimaire prévoyant pour le

Kosovo une autonomie substantielle».

Toutefois, s'il est vrai que ces références explicites sont importantes,
elles ne constituent pas les seules occasions où la souveraineté et l'intégrité

territoriale de la RFY sont mentionnées dans la résolution 1244 (1999). Au
contraire, il faut souligner que dans ce texte figurent d'autres affirmations, y
compris dans les paragraphes du dispositif de la résolution, qui ne peuvent être
comprises que comme une reconnaissance de ces deux principes, à savoir :

27 i) La dénomination du territoire comme « Kosovo (République fédérale
de Yougoslavie)» au paragraphe 4 du préambule;

ii) La décision selon laquelle « la solution politique de la crise au
Kosovo reposera sur les principes généraux énoncés à l'annexe 1 et

les principes et conditions plus détaillés figurant à l'annexe 2 » (o.p.
1), qui incluent, comme cela a déjà été signalé, le respect de la
souveraineté et de l'intégrité territoriale de la RFY ;

iii) La décision d'établir « une administration intérimaire dans le cadre
de laquelle la population du Kosovo pourra jouir d'une autonomie
substantielle au sein de la République fédérale de Yougoslavie»
51
(o.p.10) .
iv) La référence expresse à l'acceptation de la part de la République
fédérale de Yougoslavie des principes permettant d'aboutir à une

solution politique à la crise du Kosovo, figurant à l'annexe 2 de la
résolution (p.p. 9), ainsi que du déploiement de la présence
internationale civile au Kosovo (o.p. 5) ; et

v) La prévision d'un retour sur ce territoire, après le retrait des troupes
de la RFY du Kosovo, d'un nombre restreint de militaires et de

membres de la police yougoslaves et serbes pour exercer des
fonctions étroitement liées à la souveraineté, en particulier celles d'
« [a]ssurer la liaison avec la présence internationale civile et la

présence internationale de sécurité » et« [m]aintenir une présence
aux principaux postes frontière » 52.

Par ailleurs, le fait de mentionner le besoin de « tenir pleinement compte
(...) des Accords de Rambouillet (S/1999/648) » dans la définition des éléments
constituant la fonction principale de la « présence internationale civile »,

notamment celui de « faciliter, en attendant un règlement définitif, l'instauration
au Kosovo d'une autonomie et d'une auto-administration substantielles » et de
« faciliter un processus Eolitique visant à déterminer le statut futur du Kosovo»

est tout aussi important 3. Et cela, en raison du contenu même des Accords de
Rambouillet, qui prévoient que la souveraineté et l'intégrité territoriale de la

République fédérale de Yougoslavie constituent la base du système
d'administration autonome du Kosovo et sous-tendent le projet de Constitution
pour le Kosovo. Cette référence est également présente dans la définition du

régime de l'application des accords, y compris dans le déploiement de l'OTAN.
Elle apparaît dans de nombreux domaines qui, comme le contrôle des
frontières ou des douanes, font partie du noyau dur de la souveraineté d'un
54
État .

51Souligné par les auteurs. La même affirmation figure au paragraphe 5 de l'annexe 2
de la résolution.
52 Op.4 et Op. 9, a) a contrario. Les conditions du retour, ainsi que les fonctions sont
établies à l'annexe 2 de la résolution, en particulier aux paragraphes 6 et
53
540p. 11,a) et e)
A ce propos, le préambule de l'Accord intérimaire pour la paix et /'autonomie au
Kosovo réaffirme non seulement « leur adhésion aux objectifs et aux principes des Nations
Unies, ainsi qu'aux principes de l'OSCycompris ceux de l'Acte final d'Helsinki et de la Charte
de Paris pour une nouvelle Europe » mais rappelle également « l'attachement de la
communauté internationale à la souveraineté età l'intégrité territoriale de la République
fédérale de Yougoslavie». Le préambule de la Constitution prévue pour le gouvernement

28.,

38.- Cette position de plein respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale

de la Serbie, en vertu de la résolution 1244 (1999), s'est vue renforcée par les
déclarations formulées à maintes reprises par les États membres au cours des
55
débats du Conseil de sécurité, tant lors de l'adoption de ladite résolution qu'à
posteriori 56. Cette position a été ratifiée par le Conseil lui-même qui, dans les

autonome du Kosovo indique que celui-ci sera « fond[é] dans le respect de l'intégrité territoriale
et de la souveraineté de la République fédérale de Yougoslavie». En ce qui concerne les
dispositions de l'article 1.2 du Cadre, relatif aux principes, celles-ci établissent que les
communautés nationales « ne doivent pas utiliser leurs droits complémentaires pour porter

préjudice [...] à la souveraineté et à l'intégrité territoriale de la République fédérale de
Yougoslavie ». De même, l'article 1.3 de la Constitution, relatif aux Principes pour un Kosovo
autonome et démocratique établit que la République fédérale de Yougoslavie est compétente
sur le territoire du Kosovo en matière d' « intégrité territoriale ». Pour sa part, le chapitre 7,
relatif la Mise en Œuvre Il, mentionne à l'article 1.aà,propos du déploiement des forces de

l'OTAN, que les parties«( ...) réaffirment également la souveraineté et l'intégrité territoriale de la
République fédérale de Yougoslavie (RFY) ». Le respect de la souveraineté et de l'intégrité
territoriale de la Yougoslavie établi dans les Accords de Rambouillet se manifeste de manière
spécifique en matière de contrôle des frontières de la République fédérale de Yougoslavie.

Ainsi, l'article Vl.1 du chapitre 2, intituléolice et sécurité publique civile,signale que « le
Gouvernement de la RFY maintiendra des points de passage officiels le long de ses frontières
internationales (Albanie et ARYM) ». Au chapitre 4, portant sur les Questions économiques,
l'articl1.4 signale que la République fédérale de Yougoslavie « sera chargée de percevoir la

totalité des droits de douane aux frontières internationales du Kosovo ». Enfin, au chapitre 7,
l'article V.1 signale que les autres forces présentes au Kosovo, autres que la KFOR, devront
« respecter les frontières internationales de la RFY ».
55En effet, lors de l'adoption de la résolution 1244 (1999), il a été souligné que le texte

réaffirme « nettement l'attachement de tous les États à la souveraineté et à l'intégrité territoriale
de la République fédérale de Yougoslavie» (Fédération de Russie, 4011e séance (10 juin
1999), S/PV.4011, p. 8). La Chine s'est prononcée dans des termes semblables (Ibid., p.10).
L'Argentine, pour sa part, a souligné l'importance de la résolution 1244 (1999), entre autres

parce qu'elle « pose les bases d'une solution politique définitive à la crise du Kosovo qui
respecte la souveraineté et l'intégrité territoriale de la République fédérale de Yougoslavie»
(ibid.p. 20).
56 Lors de diverses séances ultérieures, les membres du Conseil ont insisté sur le

respect du principe de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de la Yougoslavie. Ainsi, il
convient de citer, à titre d'exemples, les interventions suivantes : « Le Conseil de sécurité a
fourni un moyen spécifique de résoudre la crise, sur la base des principes fondamentaux de la
souveraineté et de l'intégrité territoriale de la République fédérale de Yougoslavie » (Fédération
de Russie, 4153e séance (9 juin 2000), S/PV.4153, p. 14); « Quant à mon pays, sa seule

interprétation des dispositions pertinentes de la résolution 1244 (1999) et de ses annexes est
que la population du Kosovo peut jouir d'une autonomie substantielle au sein de la République
fédérale de Yougoslavie, dont la souveraineté et l'intégrité territoriale devraient être pleinement
respectées» (Ukraine, ibid., p. 27); « Je réitère le souhait de ma délégation de voir l'application

intégrale de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, ainsi que le respect par tous de
l'intégrité territoriale et la souveraineté de la République fédérale de Yougoslavie » (Namibie,
4200e séance (27 septembre 2000), S/PV.4200, p. 22) ; « Mais il nous faut souligner que le
règlement final de la question du Kosovo devrait être fondé sur le respect et la défense de la

souveraineté et de l'intégrité territoriale de la République fédérale de Yougoslavie » (Chine,
4296e séance (16 mars 2001), S/PV.4296, p. 13); L'Union européenne rappelle son « ferme
attachement au principe de l'inviolabilité des frontières de la région» (Suède, ibid., p. 26);
« notre objectif devrait être un processus politique menant à la mise en place d'un accord-cadre

politique intérimaire prévoyant pour le Kosovo une autonomie substantielle, qui tienne
pleinement compte des Accords de Rambouillet et des principes de souveraineté et d'intégrité
territoriale de la République fédérale de Yougoslavie et des autres pays de la région »
(Singapour, 4309e séance (9 avril 2001), S/PV.4309, p. 15) ; « Il est donc nécessaire de

parvenir à une solution durable au problème du Kosovo, en appliquant pleinement le principe
de l'intégrité territoriale» (Argentine, 5373e séance (14 février 2006), S/PV.5373, p. 15).

29 57
résolutions adoptées par la suite de même que dans de très nombreuses
déclarations du Président sur la question du Kosovo « réaffirme son
attachement à la souveraineté et à l'intégrité territoriale de la République
58
fédérale de Yougoslavie» et continue de se référer de manière constante à
cette région comme « Kosovo (République fédérale de Yougoslavie) »59 ou
comme« Kosovo (Serbie-et-Monténégro) »60.

2.2.- Souveraineté et intégrité territoriale dans la pratique de la« présence

internationale en vertu de la résolution 1244(1999) » au Kosovo

39.- S'il est utile d'analyser la position du Conseil de sécurité sur la

souveraineté et l'intégrité territoriale de la Serbie au Kosovo, il est tout aussi
utile d'analyser celle des différents intervenants et organisations ayant participé
et participant encore, dans le réseau complexe de la présence internationale,

civile et de sécurité, déployée en vertu et sous les auspices de la résolution
1244 (1999). Surtout si l'on considère que ce sont ces intervenants qui, au
travers de leur activité quotidienne, accomplissent les fonctions établies dans la

résolution 1244 (1999) et mettent en pratique les principes qui, en vertu de
ladite résolution, doivent animer la présence internationale au Kosovo.

Étant donné l'étendue de la pratique, il n'est pas possible de l'analyser
de façon exhaustive à ce stade. Mais il est utile d'attirer l'attention, ne fût-ce
que sur les manifestations les plus importantes de la pratique mise en oeuvre

par les principaux intervenants de la présence internationale au Kosovo, ainsi
que par d'autres organes des Nations Unies et d'autres organisations
internationales.

2.2.1.- MINUK

40.- Il convient d'analyser tout d'abord la pratique mise en oeuvre par la
MINUK, en raison de son rôle prépondérant dans le régime d'administration
internationale du Kosovo instauré par le Conseil de sécurité. De toutes les

occasions, très nombreuses, où la MINUK a affirmé, de manière explicite ou
implicite, la souveraineté et l'intégrité territoriale de la Serbie, nous retiendront

les cas suivants, qui sont particulièrement significatifs.

41.- Premièrement, la MINUK a réaffirmé le principe de souveraineté et

d'intégrité territoriale de la Serbie dans le Document conjoint MINUK-

57Voir, à ce propos, la résolution 1345 (2001).
58
Cf. Déclarations du Président du 24 août 1998 (S/PRST/1998/25), 19 janvier 1999
(S/PRST59999/2) et 29 janvier 1999 (S/PRST/1999/5).
Cf. Déclarations du Président du 29 janvier 1999 (S/PRST/1999/5), 5 octobre 2001
(S/PRST/2001/27), 9 novembre 2001 (S/PRST/2001/34), 13 février 2002 (S/PRST/2002/4), 24
avril 2002 (S/PRST/2002/11), 24 mai 2002 (S/PRST/2002/16) et 24 octobre 2002
(S/PRST/2002/29).
°Cf. Déclarations du 12 décembre 2003 (S/PRST/2003/26), 18 mars 2004
(S/PRST/2004/5), 30 avril 2004 (S/PRST/2004/13) et 24 octobre 2005 (S/PRST/2005/51).

30République fédérale de Yougoslavie ,igné le 5 novembre 2001 61,dans lequel
les parties font part de leur intention de :

4. « Souligne[r] la nécessité de garantir les droits et les intérêts
des Serbes du Kosovo et des autres communautés du Kosovo sur
la base des principes énoncés dans la résolution 1244 (1999) du

Conseil de sécurité, y compris la souveraineté et l'intégrité
territoriale de la République fédérale de Yougoslavie, ainsi que
dans le cadre constitutionnel pour un gouvernement autonome

provisoire ».

42.- Deuxièmement, la MINUK a également réaffirmé la souveraineté et

l'intégrité territoriale de la Serbie, lorsque le Représentant spécial du Secrétariat
général (RSSG) a exercé le pouvoir exclusif, lui ayant été conféré, de
promulguer les lois adoptées par l'Assemblée du Kosovo conformément aux
62
dispositions du Cadre constitutionnel approuvé par la MINUK .

En ce sens, l'analyse de la pratique des « promulgations » législatives

montre que le RSSG a évité à plusieurs reprises, de façon ferme et expresse,
que les institutions provisoires d'administration autonome du Kosovo
n'outrepassent les limites formellement fixées par la résolution 1244 (1999) et

par le Cadre constitutionnel, en veillant spécialement à ce que les PISG no
modifient pas le principe de souveraineté et d'intégrité territoriale de la
République fédérale de Yougoslavie sur le territoire du Kosovo.

La preuve en est le soin particulier avec lequel est choisie la terminologie
utilisée, en évitant toute expression qui pourrait laisser entendre que le Kosovo

est un État indépendant. À ce propos, il faut souligner que dans les projets de
loi approuvés par l'Assemblée, le RSSG :

i) a modifié à plusieurs reprises l'utilisation de « State » ou « country»,
pour qualifier le Kosovo 6 ;
a éliminé les termes « nation » ou « national » pour qualifier une
ii)

61
« Document conjoint MINUK-République fédérale de Yougoslavie», adopté par le
Représentant spécial du Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies pour le
Kosovo, M. Hans Haekkerup, et le Représentant spécial du Président de la République fédérale
de Yougoslavie ainsi que du Gouvernement de la République fédérale de Yougoslavie et du
Gouvernement de la République de Serbie, M. Nebojsa Covic, qui est également Président du
Centre de coordination pour le Kosovo-Metohija, (pièce n° 171, du dossier établi par le
Secrétaire général). Dans la déclaration présidentielle du 9 novembre 2001, le Conseil de
sécurité a déclaré que ce« document commun» est conforme à la résolution 1244 (1999) et au
« cadre constitutionnel » (S/PRST/2001/34).

62La section 9.1.45 du « Cadre constitutionnel » établit que : « Sauf dispositions
d'espèce, les lois prennent effet le jour de leur promulgation par le Représentant spécial du
Secrétaire général ». Au préalable, selon les termes de la section 9.1.44, « le Président (de
l'Assemblée] signe chaque loi adoptée par l'Assemblée et en transmet le texte au Représentant

spécial du Secrétaire général pour promulgation ».
63Voir, entre autres, les règlements suivants de la MINUK: UNMIK/REG/2003/24,
UNMIK/REG/2004/25, UNMIK/REG/2004/30, UNMIK/REG/2006/16, UNMIK/REG/2006/31,

UNMIK/REG/2006/38, UNMIK/REG/2006/42, UNMIK/REG/2007/13, UNMIK/REG/2007/33,
UNMIK/REG/2008/10, UNMIK/REG/2008/15, UNMIK/REG/ 2008/23 ou UNMIK/REG/2008/30.

31 institution kosovare 64 (y compris les parcs qui nefseuvent être qualifiés
5
de « national parks » mais de « public parks » ou la radio ou la
télévision qui, de la même manière, ne sont pas « national » mais
66
« public » , ou le « National Centre for Blood Transfusion in Kosovo»,
qui doit être dénommé « Kosovo Centre for Blood Tranfusion ») 67 ;
iii) a toujours fait la distinction entre les « borders » et les « boundaries » du

Kosovo, en se référant aux frontières extérieures du territoire et les
délimitations administratives internes entre la Serbie et le Kosovo 68 ;

iv) a remplacé toute référence aux« citizens » du Kosovo par« residents in
69
Kosovo » .

Cette pratique s'est poursuivie, y compris après la déclaration unilatérale
d'indépendance, de telle sorte que lors de la promulgation des textes de loi de
l'Assemblée, les termes « country», « citizens » ou « State » ont dû être

remplacés par « Kosovo», « residents » (résidents habituels du Kosovo}, ou
« competent authority » (les autorités compétentes hors du Kosovo),

respectivement7°.

43.- Troisièmement, la MINUK a affirmé ce même principe dans le domaine des
relations extérieures, d'une part, en refusant toute allusion à une personnalité
juridique internationale du Kosovo distincte de celle de la Serbie et, d'autre part,

en reconnaissant explicitement la souveraineté et l'intégrité territoriale de la
Serbie.

Ainsi, afin d'éviter toute confusion pouvant faire penser que le Kosovo

dispose d'une personnalité propre, le RSSG :

i) a éliminé l'adjectif « foreign », et l'a remplacé par « external », à

64Voir, entre autres, les règlements suivants de la MINUK: UNMIK/REG/2003/33, du 6
novembre 2003; UNMIK/REG/2003/39, du 17 décembre 2003; UNMIK/REG/2004/25, du 28

juillet 2004 ; UNMIK/REG/2004/26, du 28 juillet 2004 ; UNMIK/REG/2006/14, du 11 avril 2006 ;
UNMIK/REG/2006/24, du 25 avril 2006 ; et UNMIK/REG/2008/8, du 8 février 2008.
65
UNMIK/2003/30 ; ou UNMIK/2006/22.
66UNMIK/REG/2006/14.

67UNMIK/2008/7.

68De façon générale, le RSSG a fait la distinction suivante :« (a) « Boundary » means
the line of division between Kosovo and Serbia, and between Kosovo and Montenegro; (b)
« Border » means the Kosovo section of the internationally recognized border between the

Federal Republic of Yugoslavia and the former Yugoslav Republic of Macedonia (FYROM), and
between the Federal Republic of Yugoslavia and the Republic of Albania [...]
(UNMIK/REG/2001/10, du 24 mai 2001, Sec. 1). Voir, dans le même ordre d'idées,
UNMIK/REG/2003/25, du 6 juillet 2003; ou UNMIK/REG/2007/35, du 19 décembre 2007.

69 Voir, entre autres, les règlements suivants de la MINUK: UNMIK/REG//20 ;
MINUK/REG/2003/24 ; UNMIK/REG/2003/30 ; UNMIK/REG/2004/20 ; UNMIK/REG/2004/25 ;

UNMIK/REG/2004/26 ; UNMIK/REG/2006/7 ; UNMIK/REG/2006/13 ; UNMIK/REG/2007/33 ;
UNMIK/REG/2008/23; UNMIK/REG/ 2008/25.
70
UNMIK/REG/2008/10, du 19 février; UNMIK/REG/2008/14, du 17 mars;
UNMIK/REG/2008/15, du 17 mars; UNMIK/REG/2008/23, du 15 mai; UNMIK/REG/2008/25, du
16 mai; ou UNMIK/ REG/2008/33, du 14juin.

32 plusieurs reprises 71 ;
ii) n'a pas admis d'expressions impliquant la subjectivité internationale

du Kosovo 72 ;
iii) a évité d'affirmer la personnalité juridique du Kosovo dans les

accords internationaux signés par la MINUK, parmi lesquels nous
citerons, à titre d'exemples, les deux accords techniques signés par

la MINUK et le Conseil de l'Europe sur les modalités techniques pour
l'application au Kosovo des Conventions du Conseil de l'Europe sur

la protection des minorités et sur la prévention de la torture et autres
peines ou traitements inhumains et dégradants 73 ; ainsi que le Traité

instituant une Communauté de l'énergie, signé à Athènes le 25
octobre 2005, dans lequel la MINUK déclare que sa participation

dans cet accord doit être entendue sans préjudice du statut futur du
Kosovo 74 ·
'

71
Ainsi, parmi les définitions énoncées dans la loi sur« External Trade Activity » (Loi
No. 2006/6), dûment promulguée, figurent les expressions suivantes : « « Externat area » shall
mean any area outside the territory of Kosovo. « Externat trade activity » shall include trade,
commerce, contracts, transactions and other activities involving the movement of goods, other

tangible property, intangible assets, intangible property rights, and services between an external
area and the territory of Kosovo. « Foreign state » shall mean (i) any state or separate foreign
customs territory, and (ii) any territorial or political subdivision of such a state or separate foreign
customs territory » (Sec. 2). En outre, « If there is in effect a bilateral or multilateral international

agreement that International law requires Kosovo to observe, and such agreement obligates
Kosovo to accord most-favored-nation treatment to the export of goods destined for a specified
external area or areas, then, except as specifically otherwise provided in the present law or a
normative act authorized by the present law, Kosovo shall accord most-favored-nation

treatment to such exportations» (sec. 27.1) (Voir: UNMIK/REG/2003/15, du 12 mai 2003). Voir
également les références à « import» et « export» dans UNMIK/REG/2004/1, du 20 janvier
2004; ou les références à« foreign persans» dans UNMIK/REG/2006/28, du 28 avril 2006.

72Cf., ad ex., UNMIK/REG/2004/20, du 30 juin 2004, où le RSSG élimine l'expression:
« International agreements to which Kosovo is a party or an associated member », à l'article

4.1 de la Law Adopted by the Assembly of Kosovo on the Energy Regulator. Dans le même
ordre d'idées: UNMIK/REG/2004/21 et UNMIK/REG/2004/22.
73
Accord entre la Mission d'administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo
(MINUK) et le Conseil de l'Europe sur les modalités techniques relativesà la Convention-cadre
pour la protection des minorités nationales, 23 août 2004 (CM/Del/Dec
(2004)890/2.1 b/annexe2F/02 juillet2004). Et Accord entre la Mission d'administration

intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK) et le Conseil de l'Europe sur les modalités
techniques relatives à la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines
ou traitements inhumains et dégradants, du 23 août 2004 (CM/Del/Dec
(2004)890/2.1 b/annexe3F/02 juillet 2004). Concernant ces deux accords, voir infra chapitre

111.2.3.
74Les parties audit traité sont, d'une part, la Communauté européenne, et, d'autre part,
l'Albanie, la Bulgarie, la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, la Macédoine, le Monténégro, la
Roumanie, la Serbie et la MINUK, conformément à la résolution 1244 (1999) du Conseil de

sécurité. Lors de la signature du traité, la MINUK a déclaré que«[/]a conclusion du Traitépar la
MINUK est sans préjudice du statut futur du Kosovo. ». La Serbie, pour sa part, a émis la
déclaration suivante : «[/Je Gouvernement de la République de Serbie tient à déclarer que la
signature du Traité instituant la Communauté de l'énergie par le Représentant spécial du

Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies, Chef de la Mission d'administration
intérimaire des Nations Unies au Kosovo, ne préjuge aucunement du statut final du Kosovo­
Metohija. Le Gouvernement de la République de Serbie rappelle la résolution 1244 du Conseil
de sécurité de l'ONU, qui souligne l'attachement de tous lesÉtats Membres à la souveraineté et

à l'intégrité territoriale de la Serbie-et-Monténégro».Ces deux déclarations ont été acceptées

33 iv) Chaque fois que l'Assemblée du Kosovo a donné l'impression de
vouloir revendiquer une certaine compétence des PISG en matière

de signature d'accords internationaux pour le Kosovo, ou de
représentation du Kosovo auprès d'organisations ou d'organismes

internationaux, le RSSG a corrigé ces déviations. Ainsi, le RSSG a
corrigé l'Assemblée du Kosovo lorsqu'elle prétendait que la Kosovo
Standardization Agency (KSA) puisse, entre autres, « [r]epresent

Kosovo at International, European and regional organisations » ou
« [c]onclude cooperative agreements with homologous organizations
of other countries [...] »75. Le RSSG a réagi de manière similaire en

1999, lors de la création duPost and Telecommunications Enterprise
in the territory of Kosovo (PTK) 76;
v) Enfin, n'oublions pas que le RSSG n'a reconnu aux PIGS aucune

compétence pour l'exercice du ius /egationis. Ainsi, il convient de
rappeler qu'il a établi les « bureaux de liaison au Kosovo » comme

des « bureaux de liaison des gouvernements étrangers au Kosovo
qui contribuent à l'exécution du mandat conféré aux présences civile
et de sécurité par la résolution » Et.lorsque l'Assemblée a prétendu

exercer un quelconque pouvoir en matière de ius /egationis, le RSSG
a corrigé une telle décision : ainsi, en adoptant la Law on the
Administrative Procedure (Law N° 02-L/28) établissant les

compétences en matière de « diplomatie or consular offices» ou
« diplomatie mail», le RSSG a remplacé ces expressions par

« bureaux dési~nés hors du Kosovo » ou « courrier officiel »,
respectivement. 8

44.- Enfin, il convient de souligner, car elle est spécialement significative, la
reconnaissance de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de la Serbie sur la
province du Kosovo (de la part de la MINUK en particulier, et des Nations Unies

en général) à l'occasion de la signature de I'« Accord de démarcation de la
frontière entre la République de Macédoine et la République fédérale de

Yougoslavie», signé en marge du Sommet des Balkans tenu à Skopje le 23

par les autres parties, y compris la Commission européenne, en tant que partie intégrante du
traité (voir doc. 175 de la note remise par le SG au Tribunal).
75
Article 17(f), (g) et (h) de la Law on Standardization (Law No. 2004/12) adopted by
the Assembly of Kosovo, 29 April 2004. En promulguant cette loi, le RSSG a décidé que :
article7((),the wording « Represent Kosovo at » sha/1be replaced by « Participate in», and, in
articles 17(g) and (h), the word « Conclude » sha/1be replaced by « Enter into » and the
wording « of other countries» sha/1 be replaced by « outside Kosovo»;[. ..]» (cf.
UNMIK/REG/2004/15, du 28 mai 2004).

76À cette occasion, le RSSG a souligné que : «PTK sha/1not take any action with
respect to international postal and telecommunications services without the specific written
consent of the Special Representative of the Secretary-General. » (UNMIK/REG/1999/12, du 14

octobre 1999). Voir aussi la promulgation de la Law on Postal Services, adopted by the
Assembly of Kosovo (UNMIK/REG/2003/37), ainsi que l'alinéa (c) de l'acte de promulgation de
la Law on Transport of Dangerous Goods (UNMIK/REG/2004/17, du 4 juin 2004).
77
UNMIK/REG/2000/42, du 10juillet 2000, Sec. 1.1.
78UNMIK/REG/2006/33, du 13 mai 2006.

34février 2001 79. En signe de protestation pour la signature de cet accord,

l'Assemblée du Kosovo a adopté, le 23 mai 2002, une « résolution sur la
protection de l'intégrité territoriale du Kosovo», dans laquelle elle déclarait,
80
entre autres, la non-compétence de la Serbie pour signer cet accord . Les
réactions à cette résolution, approuvée par l'Assemblée du Kosovo, furent

immédiates et radicales, le RSSG et le Secrétaire général des Nations Unies
lui-même ayant manifesté qu'une telle déclaration était « nulle et non
avenue » 81•

2.2.2.- OTAN

7UNDOC: A/56/60-S/2001/234 de 16 mars 2001 : lettre datée du 15 mars 2001,

adressée au Secrétaire général par le Représentant permanent de l'ex-République yougoslave
de Macédoine auprès de l'Organisation des Nations Unies.
80 Résolution de l'Assemblée du Kosovo, Commission des affaires judiciaires et
législatives et des affaires concernant le cadre constitutionnel, Commission de la coopération
internationale, du 23 mai 2002 (pièce n° 178 du dossier du Secrétaire général).
81
Le jour même de son adoption, le Représentant spécial du SG, déclarait de façon
catégorique : « [e]n vertu des pouvoirs qui me sont conférés par la résolution 1244 (1999) du
Conseil de sécurité et le Cadre constitutionnel, je déclare nulle et non avenue la « résolution sur
la protection de l'intégrité territoriale du Kosovo » adoptée ce jour par l'Assemblée du Kosovo»
(pièce. n° 179 du dossier du Secrétaire général: « Décision » prise par le Représentant spécial

du Secrétaire général concernant la « résolution sur la protection de l'intégrité territoriale du
Kosovo » du 23 mai 2002). Pour sa part, le Secrétaire général des Nations Unies, dans une
lettre adressée au Ministre des Affaires étrangères de Macédoine, maintenait avec fermeté :
« J'ai l'honneur de me référeà votre lettre du 23 mai 2002 relatàvl'adoption par l'Assemblée
du Kosovo d'une résolution concernant /'Accord sur la démarcation et le tracé de la frontière

entre l'ex-République yougoslave de Macédoine et la République fédérale de Yougoslavie. La
position de l'Organisation des Nations Unies sur cette question est claire. L'action de
l'Assemblée du Kosovo est ultra vires et donc nulle et non avenue. Mon Représentant spécial
pour le Kosovo, M. Michael Steiner, a rendu une décision formelle à cet effet et reçu l'appui
sans réserve du Conseil de sécurité» (pièce n°. 181 du dossier du Secrétaire général: lettre

datée du 3 juin 2002, adressée au Ministre des affaires étrangères de l'ex-République
yougoslave de Macédoine par le Secrétaire général). La déclaration de l'Assemblée du Kosovo
a également suscité une réaction de rejet de la part de la Macédoine(«L'Assemblée souligne
que l'accord frontalier conclu entre la République de Macédoine et la République fédérale de
Yougoslavie a été ratifié par les Parlements de ces deux États ea reçu l'appui de toutes les

organisations internationales compétentes et reconnues par l'ONU, sous la juridiction de qui se
trouve le protectorat du Kosovo.... Cf. Doc. S/2002/609, du 31 mai 2002). Cette déclaration a
été ratifiée par une déclaration du Conseil de sécurité sur l'obligation de respecter la
souveraineté et l'intégrité territoriale de la République de Macédoine (Conseil rappelle qu'il
est impératif de respecter la souveraineté et l'intégrité territoriale de l'ex-République yougoslave

de Macédoine. À cet égard, il souligne que l'accord sur la démarcation de la frontière, signé
Skopje le 23 février 2001 et ratifié par le Parlement macédonien le 1er mars 2001, doit être
respecté par tous »: Cf. S/PRST/2001/7). Pour sa part, la présidence de l'Union européenne, a
exprimé sa préoccupation et prié les membres de l'Assemblée du Kosovo de respecter la
résolution 1244. Enfin, il convient de mentionner en particulier la protestation de la République

fédérale de Yougoslavie, qui a déclaré que «/'Accord de démarcation de la frontière entre la
République de Macédoine et la République fédérale de Yougoslavie a été signé par deux États
souverains et que de ce fait, sa validité ne peut en aucune manière être contestée. Cet accord
a été appuyé par le Président du Conseil dans sa déclaration dumars 2001 (S/PRST/200117).
Cela vaut également pour le document commun République fédérale de Yougoslavie-MINUK,

qui jette les bases de la coopération entre les parties en ce qui concerne l'application de la
résolution 1244 (1999) (Cf. S/PRST/2001/34).» (S/2002/585 du 28 mai 2002)).

3545.- Pour sa part, l'OTAN, en tant qu'axe principal de la présence internationale
de sécurité au Kosovo (KFOR), a également affirmé le respect de la

souveraineté et de l'intégrité territoriale de la Serbie dès le début de ses
activités.

Ainsi, dans l'Accord de Kumanovo, signé entre l'OTAN et la Serbie et
prévoyant la fin de l'action armée de l'OTAN en territoire serbe, le retrait des
forces militaires et policières serbes du Kosovo et le déploiement de la KFOR,

l'OTAN reconnaît aussi bien la souveraineté de la Serbie au Kosovo que
l'intégrité territoriale de la Serbie, en incluant le territoire du Kosovo. Cette
reconnaissancese manifeste, en particulier,dans les dispositions suivantes :

i) d'une part, dans la demande faite par l'OTAN à la Serbie d'accepter
l'immunité de la KFOR et de son personnel « pour tous dommages à des

biens publics ou privés qu'ils pourraient causer dans l'exercice des
fonctions liées à la mise en Œuvre du présent Accord » 82,reconnaissant
de ce fait la souveraineté de la Serbie sur le Kosovo, et

ii)d'autre part, dans l'affirmation, figurant dans cet accord, que « [l]a force
internationale de sécurité au Kosovo (KFOR) assurera au Kosovo le
contrôle des frontières de la République fédérale de Yougoslavie avec

l'Albanie et l'ex- République yougoslave de Macédoine jusqu'à l'arrivée
de la mission civile de l'ONU »83,reconnaissantainsi l'intégrité territoriale
de la RFY.

En outre, rappelons que depuis 1999, l'OTAN n'a eu cesse d'affirmer
avec fermeté son engagement et son adhésion a la « full implementation of
United Nations Security Council Resolution 1244 », y compris « the territorial

integrityand sovereignty of all countries in the Balkans » 84.

82 Accord militaro-technique entre la Force internationale de sécurité au Kosovo (KFOR)
et les Gouvernements de la République fédérale de Yougoslavie et de la République de Serbie
(S/1999/682, 15 juin 1999), appendice B, alinéa 3. L'immunité des forces de l'OTAN se base
ainsi sur l'Accord de Kumanovo, ainsi que sur le Règlement n° 2000147, relatif au statut,
privilèges et immunités de la KFOR, de la MINUK et de leur personnel au Kosovo, comme l'a
reconnu l'OTAN.

83 Ibid., art. I1.2.h).
84 Statement on the Balkans, lssued at the Meeting of the North Atlantic Council in
Defence Ministers Session held in Brussels on 6 June 2002. Voir également ce propos : Final
Communiqué. Meeting of the North Atlantic Council in Defence Ministers Session held in
Brussels on 2 December; Final Communiqué. Ministerial Meeting of the North Atlantic Council

held in Florence on 24 May 2000; Statement on the situation in the Balkans lssued at the
Meeting of the North Atlantic Council in Defence Ministers Session held in Brussels on 8 June
2000; Statement on the situation in the Balkans, lssued at the Meeting of the North Atlantic
Council in Defence Ministers Session held in Brussels on 7 June 2001; Final Communiqué.
Ministerial Meeting of the North Atlantic Council Held at NATO Headquarters, Brussels, on 6
December 2001; Statement on the Situation in the Balkans. lssued at the Meeting of the North
Atlantic Council in Defence Ministers Session held in Brussels on 18 December 2001; Final
Communiqué - Ministerial Meeting of the North Atlantic Council Held ln Reykjavik on 14 May
2002; Final communiqué - Ministerial Meeting of the North Atlantic Council held at NATO
Headquarters, Brussels, On 4 December 2003; Istanbul Summit Communiqué - lssued by the

Heads of State and Government participating in the meeting of the North Atlantic Council; Final
Communiqué - Ministerial Meeting of the North Atlantic Council held at NATO Headquarters,

362.2.3.- OSCE

46.- La pratique de l'OSCE dans le domaine qui nous occupe n'est pas

comparable à celles examinées précédemment. Il convient toutefois de
souligner que cette organisation a affirmé en termes généraux, tant au niveau
85 86
de l'Assemblée parlementaire que du Conseil ministériel , son adhésion aux
principes énoncés dans la résolution 1244 (1999), y compris ceux portant sur la
souveraineté et l'intégrité territoriale de la Serbie.

2.2.4.- Union européenne

47.- L'Union européenne a contribué sans relâche aux efforts de la

communauté internationale pour résoudre la crise du Kosovo, tant de manière
concrète, en participant à la présence civile internationale, en vertu de la
résolution 1244 (1999), et en particulier au Pilier IV, que d'un point de vue

politique en général. En conséquence, il serait également intéressant d'analyser
la pratique de ses institutions.

48.- En ce sens, il convient tout d'abord de souligner que ces institutions se
réfèrent au Kosovo - et les références sont nombreuses - comme faisant partie

de la Serbie, et emploient des expressions telles que la Serbie « y compris le
Kosovo » ou « le Kosovo au sein de l'ancienne République fédérale de

Yougoslavie». Ces expressions impliquent incontestablement une
reconnaissance de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de la Serbie.

Brussels, on 9 December 2004; Statement issued by the Heads of State and Government

participating in a meeting of the North Atlantic Council in Brussels; Final Communiquéing
of the North Atlantic Council ln Defence Ministers Session Held in Brussels on Thursday, 9
June 2005; Meeting of the North Atlantic Council ln Defence Ministers session held in Brussels
on Thursday, 8 June 2006; Final Communique - Meeting of the North Atlantic Council in
Defence Ministers Session; Final Communiqué - Ministerial meeting of the North Atlantic

Council held at NATO headquarters, Brussels; Bucharest Summit Declaration - lssued by the
Heads of State and Government participating in the meeting of the North Atlantic Council in
Bucharest on 3 April 2008.
85 Cf., à titre d'exemple, la Déclaration de Bruxelles de l'Assemblée parlementaire de
l'OSCE (15e session annuelle, Bruxelles, du 3 au 7 juillet 2006), au cours de laquelle
l'Assemblée a réaffirmé« la nécessité de respecter la souveraineté, l'intégrité territoriale et les

frontières internationalement reconnues des États, comme un des piliers du maintien de la
sécurité internationale(par. 7) et invi«toutes les parties concernées à s'engager dans un
dialogue constructif visant régler la question du futur statut du Kosovo par la voie d'une
solution négociée, sur la base des principes susmentionnés» (par. 8).
86 Cf., à titre d'exemple, la Déclaration du 10e Conseil ministériel, adoptée lors de la
réunion de Porto, les 6 et 7 décembre 2002, dans laquelle le Conseil décl« 2. Réaffirmant

notre attachement à l'Acte final de Helsinkà,la Charte de Paris età la Charte de sécurité
européenne adoptée à Istanbul en 1999, nous soutenons pleinement l'intégrité territoriale et
l'inviolabilité des frontières des États d'Europe du Sud-Est. Nous nous félicitons des efforts
accomplis par les gouvernements, en coopération avec l'OSCE et d'autres organisations
internationales, pour préserver la paix et renforcer la sécurité et la stabilité dans d'anciennes
zones de crise. Nous espérons qu'ils respecteront pleinement toutes les obligations

internationales et réaffirmons notre attachementl'application intégrale de la résolution 1244
du Conseil de sécurité des Nations Unies. Nous sommes prêts continuer de jouer un rôle actif
au sein de la Mission d'administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo etter notre
concours aux institutions provisoires d'auto-administration au Kosovo (République fédérale de
Yougoslavie).»

37 L'utilisation de ces expressions revêt une signification particulière dans

les actes de droit dérivé, portant de manière spécifique sur la relation de l'Union
européenne avec la Serbie ou avec la province du Kosovo, parmi lesquels,
nous pouvons citer :

i) La Décision du Conseil 2004/520/CE, du 14juin 2004, relative aux
principes, priorités et conditions figurant dans le partenariat européen

avec la Serbie-et-Monténégro, y compris le Kosovo selon le statut
défini par la résolution 1244 du Conseil de sécurité de l'Organisation
87
des Nations unies du 10 juin 1999 . À cet égard, il convient de
souligner que, dans la dernière modification, adoptée au lendemain
de la déclaration unilatérale d'indépendance du Kosovo, la référence

à « la Serbie y compris le Kosovo selon le statut défini par la
résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations unies » subsiste.
Par ailleurs, à l'annexe 1,il est fait référence à un pays, au singulier 88.

ii) Règlement (CE) n° 1085/2006 du Conseil du 17 juillet 2006
établissant un instrument d'aide de préadhésion (IAP)8 9.

iii) Décision du Conseil 2006/880/CE, du 30 novembre 2006, portant
attribution d'une aide financière exceptionnelle de la Communauté au
Kosovo 90 .

49.- Par ailleurs, la reconnaissance que le Kosovo continue de faire partie de la
Serbie, même s'il est soumis à un Régime transitoire d'administration

internationale, apparaît également dans l'utilisation des expressions « le
Kosovo en vertu de la résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations

unies » et « le Kosovo selon le statut défini par la résolution 1244 du Conseil de
sécurité». L'utilisation de ces expressions est particulièrement significative
compte tenu du fait que, comme nous l'avons déjà signalé, la résolution 1244

(1999) proclame la souveraineté et l'intégrité territoriale de la Serbie.

En ce sens, il convient de citer le Règlement (CE) n° 2008/2006 de la

Commission,du 22 décembre 2006 établissantpour l'année 2007 les modalités
d'application pour les contingents tarifaires pour les produits de la catégorie

baby beef originaires de Croatie, de Bosnie-et-Herzégovine, de l'ancienne

87JO L 227, 26.06.2004, p. 21-34. Cf. également, laDécision 2006156/EC du Conseil
du 30 janvier 2006 relative aux principes, aux priorités et aux conditions figurant dans le
partenariat européen avec la Serbie-et-Monténégro, y compris JeKosovo selon le statut défini
par la résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations unies du 10juin 1999, et abrogeant la

décision 2004/520/CE (JO L 35, 7.2.2006, p. 32); et la Décision 2008/213/EC du Conseil du 30
janvier 2006 relative aux principes, aux priorités et aux conditions figurant dans le partenariat
européen avec la Serbie-et-Monténégro, y compris Je Kosovo selon le statut défini par la
résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations unies du 10 juin 1999, et abrogeant la
décision 2006/56CE (JO L 80, 19.3.2008, p. 46).
88JO L 80, du 19 mars 2008, p. 46.
89JO L 210, 31.7.2006, p. 82, art. 2 et annexe Ill.
90
JO L 339, 6.12.2006, p. 36. Cf. également laDécision 2000/140/EC du Conseil, du 14
février 2000, portant attribution d'une aide financière exceptionnelle de la Communauté au
Kosovo (JO L 47, 19.2.2000, p.28) et la Décision 2001/511/EC du Conseil, du 27 juin 2001
portant attribution d'une nouvelle aide financière exceptionnelle au Kosovo (JO83, 6.7.2001,
p. 42).

38République yougoslave de Macédoine, de Serbie, du Monténégro et du
Kosovo 91 ;ou même, l'Action commune 2008/124/PESC du Conseil du 4 février

2008 relative à la mission «État de droit» menée par l'Union européenne au
Kosovo, EULEX KOSOVO, qui, pour définir « les institutions, organes et entités
du Kosovo visés par la présente action commune», déclare que « [ils] sont les

institutions, ci-après dénommées « institutions du Kosovo», créées sur la base
de la résolution 1244 » 92.

Cette même pratique a été suivie, cette fois dans des actes non
normatifs, par la Commission, qui, dans divers documents concernant le

Kosovo en particulier, ou les Balkans occidentaux en général, se réfère à cette
province serbe comme « le Kosovo [e]n vertu de la résolution 1244 du Conseil
de sécurité des Nations unies». Tel est le cas, par exemple, des rapports

intitulés« Commission Staff Working Document, Kosovo (under UNSCR 1244)
2006 Progress Report 93 ; 2007 Progress Reporf 4, du 6 novembre 2007, et
5
2008 Progress Reporf , du 5 novembre 2008. L'utilisation de cette expression
dans les communications de la Commission ci-après est encore plus
intéressante : Un avenir européen pour Je Kosovo 96, du 20 avril 2005 ; Les
97
Balkans occidentaux sur la voie de l'UE : renforcer la stabilité et la prospérité ,
du 27 janvier 2006 ; Document de stratégie pour l'élargissement et principaux
défis pour 2007-2008 98 ; et Balkans occidentaux: renforcer la perspective

européenne, du 5 mars 2008 9.

50.- La reconnaissance de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de la
Serbie, ainsi que la reconnaissance de la compétence des Nations Unies à
l'égard du Kosovo, peut également se déduire,a contrario, du processus de

signature d'accords internationaux avec divers États de la région des Balkans
occidentaux aux fins de promouvoir la stabilisation et le développement
économique de la région. Bien que tous ces accords sont appelésà être

appliqués directement au Kosovo, il convient de souligner qu'aucun de ces
accords n'a été signé directement avec les PISG mais avec la MINUK, en tant

qu'institution administratrice du Kosovo en vertu de la résolution 1244 (1999).
Ce fut le cas du Energy Community Treaty, du Central European Free Trade
Agreement, de !'Agreement Amendment of an Accession to the Central

European Free Trade Agrement, et de !'Agreement on the European Common
Aviation Area (ECAA). Dans le même sens et comme l'indique la Commission

91JO L 379, 28.12.2006, p. 105. Ce même modèle se répète dans leRèglement CE n°
1577/2007 de la Commission, du 27 décembre 2007 (JO L 344, 28.12.2007, p.1) et dans le

Règlement (CE) n° 1189/2008 de la Commission, du 25 novembre 2008 (JO L 322 du 2
décembre 2008, p. 11).
92JO L 42, 16.2.2008, p. 92, p.p. 2.
93COM (2006) 649 final.
94SEC (2007) 1433.
95SEC (2008) 2697.
96COM (2005) 156 final.
97
98COM (2006) 27 final.
COM (2007) 663 final. Dans le même esprit, la Communication portant sur la période
2008-2009 (COM (2008) 674 final, du 5 novembre 2008). La référence au« Kosovo en vertu de
la résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations Unies», apparaît même sur le portail de
laCommission européenne. Élargissement (http://ec.europa.eu/enlargement/press_corner/key­
documents/reports_nov_2008_fr.htm).
99COM (2008) 127 final.

39dans le Kosovo (under UNSCR 1244) 2008 Progress Report, la négociation du
Western Balkans Transport Community Treaty, compte sur la participation de la

« MINUK/Kosovo ».

51.- Enfin, d'un point de vue politique en général, rappelons également que le

respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de la Serbie et des autres
États de la région ainsi que le respect des frontières préétablies, ont contribué à

définir la position de l'Union européenne sur la solution finale au conflit du
Kosovo. Ainsi, Il suffira de souligner ici, à titre d'exemple, que le Conseil
européen de Berlin, tenu les 24 et 25 mars 1999, a affirmé de façon expresse

que « [la communauté internationale] a pour seul objectif d'assurer au Kosovo
un avenir politique fondé sur la souveraineté et l'intégrité territoriale de la
République fédérale de Yougoslavie ... » 100•En outre, le Conseil européen de

Cologne, dont les Conclusions soulignent « l'urgente nécessité de l'adoption
d'une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies autorisant la création
de la force internationale de sécurité et la mise en place d'une administration

civile internationale provisoire», se réfèreexpressis verbis à la « province» du
Kosovo 101• Pour sa part, le Conseil européen de Lisbonne de 2000 déclarait,

toujours à propos de la crise du Kosovo, que « [u]ne stabilité durable dans la
région ne peut être assurée qu'en prenant en considération les intérêts
légitimes des pays voisins de la RFY dans le plein respect de l'intégrité
102
territoriale et des frontières existantes» • Cette même référence à la
nécessité de respecter les frontières préexistantes dans la région a été faite lors
du Conseil européen de Stockholm en 2001, dont les conclusions mentionnent

expressément que « [i]I rappelle qu'il est fermement attaché aux principes de
l'inviolabilité des frontières, de l'intégrité territoriale et de la souveraineté des
103
pays de la région» • Cette reconnaissance générale de l'importance du
principe de souveraineté et d'intégrité territoriale n'a pas été exclue, pas même
après le renforcement de l'engagement de l'Union européenne en faveur d'une

solution de la crise au Kosovo, ni après la définition d'une perspective
européenne pour les Balkans, qui s'est traduite, en termes politiques, par
diverses déclarations de soutien à la proposition Ahtisaari.

Le Parlement européen avait lui aussi mentionné, dans diverses

résolutions, le besoin de respecter les frontières existantes et l'exercice de

10°Conclusions de la Présidence, Conseil européen de Berlin, 24 et 25 mars, 1999,
Partie Ill. Déclaration du Conseil européenà propos du Kosovo. Dans les mêmes conclusions,
à propos des Accords de Rambouillet, le Conseil européen affirmait :« Le projet d'accord qui a
été signé par les Albanais du Kosovo à Paris va dans ce sens: partant du principe de la

souveraineté et de l'intégrité territoriale de la Yougoslavie, il assure au Kosovo un degré élevé
d'autonomie, garantit à tous les habitants du Kosovo la jouissance des droits individuels de
l'homme, conformément aux critères européens les plus élevés, envisage de larges droits pour
toutes les communautés nationales vivant au Kosovo et jette les fondements de la nécessaire
reconstruction de cette région déchirée par la guerre. »
101Conclusions de la Présidence, Conseil européen de Cologne, 3 et 4 juin 1999, par.
65 et Annexe V : Déclaration du Conseil européen sur le Kosovo.
102
Conclusions de la Présidence, Conseil européen extraordinaire de Lisbonne23 et
24 mars 2000, par. 53.
103Conclusions de la Présidence, Conseil européen de Stockholm, 23 et 24 mars 2001,
par. 65 et annexe Ill. Le respect de l'intégrité territoriale des pays voisins a également été
proclamé lors du Conseil européen de Bruxelles, tenu les 16 et 17 juin 2005 : Conclusions de la
Présidence, Annexe Ill, Déclaration sur le Kosovo.

40l'autonomie du Kosovo, au sein de la RFY ou à propos de la souveraineté et de
l'intégrité territoriale de la Serbie 104. Il avait é~alement demandé que soit
strictement respectée la résolution 1244 (1999) 10 ,qui de toute évidence inclut
ledit principe. Ce n'est qu'après la déclaration unilatérale d'indépendance qu'il a

adopté des résolutions incompatibles avec le respect total de la souveraineté et
de l'intégrité territoriale de la Serbie.

Néanmoins, il convient d'attirer l'attention sur le fait que même après la
déclaration unilatérale d'indépendance du Kosovo, l'Union européenne a
continué de reconnaître l'importance du principe de souveraineté et d'intégrité

territoriale. Ainsi, dans les Conclusions du Conseil de l'Union du 18 février
2008, adoptées au lendemain de l'indépendance du Kosovo, « [l]e Conseil
réaffirme l'attachement de l'UE aux principes de la Charte des Nations unies et
de l'Acte final d'Helsinki, et notamment aux principes que sont la souveraineté

et l'intégrité territoriale, ainsi qu'à toutes les résolutions du Conseil de sécurité
des Nations unies» ; et d'affirmer ensuite que « le Kosovo constitue un cas sui
generis qui ne remet pas en question ces principes et résolutions » 106.

En tout cas, cette affirmation ne peut être interprété eerse comme une
contestation de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de la Serbie. Surtout
si l'on considère que le Conseil de l'Union se base sur la reconnaissance des

différentes positions maintenues par les États membres sur le sujet, en
affirmant que « [l]e Conseil prend acte de ce que les États membres prendront
une décision, conformément à leurs pratiques nationales et au droit

international, sur leurs relations avec le Kosovo».

2.3.- Souveraineté et intégrité territoriale dans le cas du Kosovo selon d'autres

organisations et organes internationaux

52.- Enfin, même s'il s'agit d'organisations internationales et d'organes et

institutions ne faisant pas partie de la présence civile internationale, et n'ayant
pas de relation directe avec elle, il est intéressant de mentionner ici certaines
activités du Conseil de l'Europe et du Comité des droits de l'homme des

Nations Unies impliquant, dans le cas du Kosovo, la reconnaissance expresse
de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de la Serbie. Dans les deux cas, il
convient de souligner en particulier le fait que la reconnaissance de la
souveraineté et de l'intégrité de la Serbie se produit dans le cadre de la

protection internationale des droits de l'homme et des droits des minorités au
Kosovo. Un contexte qui constitue, comme chacun sait, une des raisons de

104Cf.,àtitre d'exemples, les résolutionsdu 18juin (JO8C 210, du 6 juillet 1998, p.
225), du 10juillet 1998JO C 292, du 21 septembre 1998, p. 134), et du 15 avril 1(JO C
219, du 20juillet 1999).
105 Résolution du 15 février 2000(JO C 276, 1.10.2000, p. 277). D'une manière
similaire, la résolution du Parlement européen du 15 mars 2001 :« 13. demande que les

frontières actuelles des États du sud-est de l'Europe soient respectées et, partant, que la
résolution n° 1244 du Conseil de sécurité de l'ONU soit rigoureusement appliquée dans tous
ses éléments.» (JO C 343, 5.12.2001, p.265). Cf. également les résolutions du 18 juin 1998
(JO C 210, du 6 juillet 1998, p. 225), du 10juillet(JO9C 292, du 21 septembre 1998, p.
134),et du 15avril 1999JO C 219, du 20juillet 1999).
106Doc. 6496/08 (Presse 41).

41l'adoption de la résolution 1244 (1999) et de l'établissement du régime

international d'administration sur ce territoire.

53.- En ce qui concerne le Conseil de l'Europe, il y a lieu de souligner les points

suivants:

i) Le Secrétariat du Comité européen pour la Prévention de la torture et
des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) a établi en

2003 un document sur l'éventuelle extension des activités du CPT au
Kosovo. Il y affirme tout d'abord que « [c]onformément à la
Résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité des Nations Unies, le

Kosovo fait toujours partie du territoire de la Serbie-Monténégro», et
se prononce ensuite en faveur de la possibilité d'un accord entre le
Conseil de l'Europe et la MINUK permettant au CPT d'exercer ses
fonctions sur ledit territoire. Cette position n'affecte toutefois pas la

reconnaissance préalable de l'intégrité territoriale de la Serbie, étant
donné qu'il mentionne expressément, que cet accord n'est qu' « [u]n
moyen permettant au CPT de remplir de manière effective ses

obligations en vertu de la Convention sur tout Je territoire de la
Serbie-Monténégro» 107.
ii) En ligne avec les considérations ci-dessus, signalons les deux
accords techniques signés par la MINUK et le Conseil de l'Europe sur

les modalités techniques pour l'application au Kosovo des
Conventions du Conseil de l'Europe pour la protection des
minorités 108 et pour la prévention de la torture et des peines ou
109
traitements inhumains et dégradants .Durant la négociation de ces
deux accords, y compris lors des discussions avec la Serbie-et­
Monténégro, il a été convenu d'inclure au paragraphe 3 de chacun

des préambules une modification portant sur la reconnaissance de la
souveraineté et de l'intégrité territoriale de la Serbie-et-Monténégro,
en vertu de la résolution 1244du Conseil de sécurité 110.

107
Doc. CPT (2003) 57 du 24 juin 2003 : Comité européen pour la prévention de la
torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT). Extension éventuelle des
activités du CPT au Kosovo. Document préparé par le Secrétariat. Partie en italique soulignée
par les auteurs

10Accord entre la Mission d'administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo
(MINUK)et le Conseil de l'Europe sur les modalités techniques relatives Convention-cadre
pour la protection des minorités nationales,23 août 2004 (texte du Conseil de l'Europe
Document CM/Del/Dec (2004)890, 2 juillet 2004, Annexe 2 (point 2.1 b).

109Accord entre la Mission d'administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo
(MINUK) et le Conseil de l'Europe sur les modalités techniques relativesà la Convention
européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains et
dégradants, 23 août 2004 (texte du Conseil de l'Europe Document CM/Del/Dec (2004)890, 2
juillet 2004, annexe 3 (point 2.1b).

11°Cf. à ce propos: Conseil de l'Europe Document GR-EDS(2004)18, 30 juin 2004. En

ce qui concerne ces deux accords techniques, il faut souligner qu'aucun d'eux n'a considéré la
MINUK comme partie auxdits accords, dont elle assure l'application ; le seul État partie
l'accord étant toujours la Serbie.

4254.- Enfin, il convient de signaler que le Comité des droits de l'homme des
Nations Unies, à l'occasion de l'étude du rapport présenté par la Serbie en
2004 en vertu de l'art.40 du Pacte international relatif aux droits civils et
politiques, a affirmé :

« Le Comité note que, conformément à la résolution 1244 (1999) du
Conseil de sécurité, le Kosovo continue à faire partie de la Serbie-et­

Monténégro en sa qualité de successeur de la République fédérale de
Yougoslavie, bien que sous administration internationale intérimaire, et
que défendre et promouvoir les droits de l'homme est l'une des

principales responsabilités de la présence civile internationale (par. 11
j) de la résolution) ».

* * *

55.- En résumé, après avoir analysé le cadre normatif ainsi que la pratique qui

nous intéresse, tant d'un point de vue général que dans le cas du Kosovo, nous
devons conclure que le respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de
l'État constitue un pilier essentiel du droit international contemporain. En outre,
dans le cas du Kosovo, le respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale

de la Serbie constitue une condition préalable à l'action du Conseil de sécurité
et de la communauté internationale sur ce territoire, dont la validité et
l'exigibilité n'ont pas été exclues en raison de la décision du Conseil de sécurité

d'établir un régime provisoire d'administration internationale au Kosovoà titre
de sanction, en réponse à la gravité des événements survenus dans la province
serbe pendant les années 90.

IV.- LE RÉGIME PROVISOIRE D'ADMINISTRATION AUTONOME DU
KOSOVO

1.- LA RÉSOLUTION 1244 (1999) EN TANT QUE BASE JURIDIQUE ET

CADRE DU RÉGIME D'ADMINISTRATION PROVISOIRE
INTERNATIONALE INCLUANT LE RÉGIME PROVISOIRE
D'ADMINISTRATION AUTONOME DU KOSOVO

56.- Comme nous l'avons souligné précédemment, la résolution 1244 (1999)
constitue la réponse immédiate du Conseil de sécurité aux événements graves

qui se sont produits au Kosovo dans les années 90. Par cette résolution, le
Conseil se déclare « [r]ésolu à remédier à la situation humanitaire grave qui

11CCPR/CO/81/SEMO, du 12 août 2004. Rappelons que le Comité des droits de
l'homme a émis cette déclaration parce que'État partie [la Serbie] a expliqué qu'il n'était
pas en mesure de faire rapport sur la façon dont il s'acquitte de ses responsabilités concernant

la situation des droits de l'homme au Kosovo et a émis l'idée que, le pouvoir civil au Kosovo
étant exercé par la Mission d'administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK),
le Comité pourrait inviter cette dernièreprésenter un rapport complémentaire sur la
situation des droits de l'homme au Kosovo

43existe au Kosovo (République fédérale de Yougoslavie) et à faire en sorte que
tous les réfugiés et personnes déplacées puissent rentrer chez eux en toute

sécurité et liberté » (p.p. 4) ; il ratifie ses appels réitérés en faveur d'une
« autonomie substantielle et d'une véritable auto-administration au Kosovo »
(p.p. 11) ; et décide « que la solution politique de la crise au Kosovo reposera
sur les principes généraux énoncés à l'annexe 1 et les principes et conditions

plus détaillés figurant à l'annex2 » de la résolution (o.p1).

En vertu de ladite résolution, le Conseil de sécurité met en place un
régime spécial pour le Kosovo qui repose sur deux piliers complémentaires : i)

l'administration provisoire internationale du Kosovo ; et ii) le processus politique
de détermination du statut futur du Kosovo. Ces deux piliers matérialisent
l'exercice de la responsabilité principal du Conseil de sécurité dans le maintien
de la paix et de la sécurité internationales dans le cas du Kosovo. Et tous deux

sont conçus, en termes téléologiques, en tant qu'instruments nécessaires à
l'atteinte d'un objectif commun défini par le Conseil de sécurité, à savoir la
solution politique définitive de la crise au Kosovo.

La déclaration unilatérale d'indépendance formulée par les institutions
provisoires d'administration autonome du Kosovo a une incidence sur ces deux
piliers ; dès lors, il est nécessaire d'analyser chacun d'eux pour déterminer si
ladite OUI peut trouver un quelconque fondement dans le régime spécial établi

par la résolution 1244 (1999), tant du point de vue de la définition des
compétences des PISG que de celui des éléments qui définissent le processus
de détermination du statut futur du Kosovo.

57.- Par rapport au premier pilier, le Conseil de sécurité « décide du
déploiement au Kosovo, sous l'égide de l'Organisation des Nations Unies, de
présences internationales civile et de sécurité» (o.p. 5) ; et« [a]utorise le
Secrétaire général, agissant avec le concours des organisations internationales
compétentes, à établir une présence internationale civile au Kosovo afin d'y

assurer une administration intérimaire dans le cadre de laquelle la population
du Kosovo pourra jouir d'une autonomie substantielle au sein de la République
fédérale de Yougoslavie, et qui assurera une administration transitoire de
même que la mise en place et la supervision des institutionsd'auto­

administration démocratiques provisoires nécessaires pour que tous les
habitants du Kosovo puissent vivre en paix et dans des conditions normales »
(o.p. 10).

Cette présence internationale, notamment la présence civile dirigée par
la MINUK, constitue désormais l'instrument utilisé par le Conseil de sécurité
pour la mise en place du régime d'administration internationale du Kosovo. Ses
principales missions sont les suivantes (o.p. 11):

i) Faciliter, en attendant un règlement définitif, l'instauration au Kosovo
d'une autonomie et d'une auto-administration substantielles, compte
pleinement tenu de l'annexe 2 et des Accords de Rambouillet

(S/1999/648) ;

44ii) Exercer les fonctions d'administration civile de base là où cela sera
nécessaire et tant qu'il y aura lieu de le faire;

iii) Organiser et superviser la mise en place d'institutions provisoires pour
une auto-administration autonome et démocratique en attendant un
règlement politique, notamment la tenue d'élections;

iv) Transférer ses responsabilités administratives aux institutions susvisées,

à mesure qu'elles auront été mises en place, tout en supervisant et en
facilitant le renforcement des institutions locales provisoires du Kosovo,
de même que les autres activités de consolidation de la paix;

v) Faciliter un processus politique visant à déterminer le statut futur du

Kosovo, en tenant compte des Accords de Rambouillet ;

vi) À un stade final, superviser le transfert des pouvoirs des institutions
provisoires du Kosovo aux institutions qui auront été établies dans le
cadre d'un règlement politique ;

vii) Faciliter la reconstruction des infrastructures essentielles et le
relèvement de l'économie;

viii) En coordination avec les organisations internationales à vocation

humanitaire, faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire et des secours
aux sinistrés;

ix) Maintenir l'ordre public, notamment en mettant en place des forces de
police locales et, entre-temps, en déployant du personnel international de

police servant au Kosovo ;

x) Défendre et promouvoir les droits de l'homme;

xi) Veiller à ce que tous les réfugiés et personnes déplacées puissent

rentrer chez eux en toute sécurité et sans entrave au Kosovo.

58.- Le régime d'administration internationale du Kosovo se caractérise, par
conséquent, par les éléments suivants:

i) Il s'agit d'un régime spécial qui confère à des institutions
internationales (celles qui composent la présence civile
internationale, en particulier la MINUK) de très larges compétences
en matière d'administration civile, y compris dans le domaine de la
reconstruction économique et de la restauration des infrastructures

du territoire, ainsi que des compétences pour garantir à la population
du Kosovo la possibilité d'une cohabitation pacifique, pour protéger et
promouvoir les droits de l'homme, et pour garantir l'accès d'initiatives
humanitaires au Kosovo.
ii) Ce régime spécial inclut, comme partie intégrante, la mise en place

d'un système d'administration autonome qui devra être exercée« au

45 sein de la République fédérale de Yougoslavie» 112(actuellement la
Serbie). Ce régime d'administration autonome doit être mis en Œuvre
par la présence internationale civile, par le lancement, notamment,
d'un processus d'institutionnalisation aboutissant à la constitution des

« institutions locales provisoires du Kosovo » (PISG) chargées de
l'exercice de l'administration autonome, sous la direction, la
surveillance et le contrôle de la présence internationale civile.
iii) Ce régime spécial ne porte pas atteinte au régime de souveraineté et
d'intégrité territoriale de la Serbie sur le Kosovo, dans la mesure où
l'administration autonome est exercée au sein de la République

fédérale de Yougoslavie (actuellement la Serbie).
iv) Ce régime spécial ne préjuge pas du statut futur du Kosovo, dans la
mesure où ce statut doit être déterminé d'une manière autonome
conformément à un processus établi à cet effet en vertu de la
résolution 1244 (1999). En conséquence, le régime d'administration

internationale et le régime provisoire d'administration autonome qui
en découle doivent être exercés de sorte qu'il ne puisse être préjugé
de la forme concrète que devra revêtir le statut futur du Kosovo.
v) Il s'agit d'un régime spécial conçu pour demeurer en vigueur jusqu'à
la détermination finale du statut futur du Kosovo. Par conséquent, il
s'agit - par définition - d'un régime provisoire.

2.- LE RÉGIME PROVISOIRE D'ADMINISTRATION AUTONOME DU
KOSOVOAU SEIN DE LA SERBIE

2.1.- Les institutions provisoires d'auto-administration du Kosovo (PISG)

59.- Compte tenu des antécédents de la résolution 1244 (1999), la mise en
place d'un régime provisoire d'auto-administration du Kosovo et, en tant
qu'instrument dudit régime, la création et l'établissement d'institutions
provisoires d'auto-administration(les PISG) étaient nécessairement appelés à

constituer l'un des éléments centraux du régime d'administration internationale
instauré par le Conseil de sécurité.

En conséquence, ce régime d'administration provisoire international
représente le cadre dans lequel le régime provisoire d'administration autonome
doit être mis en place et dans lequel l'activité des PISG doit se dérouler. Par

conséquent, son cadre normatif doit déterminer la nature et les compétences
des PISG, devenant dès lors la référence pour évaluer la légalité de toute
action réalisée par les lesdites institutions provisoires. Cette circonstance est
pleinement applicable à la OUI émanant de l'Assemblée du Kosovo, laquelle,
par conséquent, sera mise en conformité au droit uniquement si elle se révèle

compatible avec le régime spécial défini par le Conseil de sécurité dans la
résolution 1244 (1999) et appliqué par la MINUK. Une compatibilité qui ne peut
être évaluée qu'à la lumière de la nature et des compétences desdites PISG.

112
Résolution 1244 (1999), o.p. 10, souligné par les auteurs.

462.1.1.-Nature

60.- En effet, la résolution 1244 (1999) se réfère constamment aux dénommées
institutions d'auto-administration démocratiques provisoires, institutions
provisoires pour une auto-administration autonome et démocratique, institutions

locales provisoires du Kosovo, et institutions provisoires du Kosovo.

Conformément à ces dispositions, la MINUK a encouragé la constitution

des dénommées Institutions provisoires d'auto-administration (PISG) du
Kosovo, qui ont été créées en vertu du Cadre constitutionnel pour un
13
gouvernement autonome provisoire au Kosovo 1 .

Ces Institutions provisoires sont principalement l'Assemblée, le Président

du Kosovo, le gouvernement et le système judiciaire. A ces institutions viennent
s'ajouter une autre série d'organes et bureaux indépendants 114 et la figure du
Médiateur. 115

En conséquence, l'Assemblée du Kosovo, qui a approuvé la OUI le
17 février 2008, fait partie des PISG, et est assujettie au régime juridique

général applicable à ces institutions.

61.- Les PISG sont tenues d'exercer leur mandat dans le cadre de la résolution
1244 (1999) et du Cadre constitutionnel, qui constituent la référence normative
pour déterminer la validité ou non des actes adoptés par celles-ci.

En ce sens, il y a lieu de souligner que, lors des débats qui se sont tenus
au sein du Conseil de sécurité, il a été établi, de façon réitérée et continue, que

les PISG étaient soumises à la résolution 1244 (1999) et au Cadre
constitutionnel, ainsi que les organes élus des PISG. À titre d'exemple, il y a
lieu de mentionner la déclaration selon laquelle « les élus (... ) jouent tout leur

rôle dans le Gouvernement autonome (...). Ils ont cette responsabilité à l'égard
de leurs électeurs, mais aussi à l'égard du Kosovo tout entier, qui doit trouver
son épanouissement dans l'application de la résolution 1244 (1999) et du Cadre

constitutionnel( ...)» 11• De même, il a été établi que« l'Assemblée du Kosovo
et les institutions autonomes doivent agir à tout moment conformément à la

113 UNMIK/REG/2001/9, 15 mai 2001.
114 Les organes et bureaux indépendants sont la Commission électorale centrale, le
Conseil de la magistrature du Kosovo, le Bureau de !'Auditeur général, l'Office des services
bancaires et des paiements du Kosovo, la Commission indépendante des médias, le Conseil de
la radiotélévision publique et la Direction du logement et des biens immeubles et Commission
des litiges relatifs aux logements et aux biens immeubles. Ibid., ch. 11.
115
Le Médiateur, conformémentà la législation en vigueur de la MINUK, est compétent
pour recevoir les plaintes et enquêterleur sujet, suivre le dossier, prendre des mesures
préventives, formuler des recommandations et prodiguer des conseils au sujet de violations des
droits de l'homme ou des mesures constituant un abus de pouvoir de la part d'une autorité
publique du Kosovo. Ibid., ch. 10.
116France, 4498 séance (27 mars 2002), (S/PV.4498, p. 22). Au cours de la même
séance, la Norvège a affirmé que «[l]es élus de l'Assemblée du Kosovo, ainsi que le
Gouvernement provisoire doivent respecter strictement la résolution 1244 (1999) du Conseil de

sécurité et le Cadre constitutionnelbid., p. 25).

47résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité et au Cadre constitutionnel » 117.

Ces deux affirmations revêtent incontestablement une importance particulière
pour la présente procédure consultative.

62.- Finalement, il convient d'observer que les PISG revêtent un caractère
provisoire et ne peuvent être confondues, en aucune façon, avec les
« institutions qui auront été établies dans Jecadre d'un règlement politique »,

dont le statut n'est pas défini dans la résolution 1244 (1999) puisque celui-ci
doit être le fruit du processus de détermination du statut futur du Kosovo.

Le caractère provisoire des PISG est explicitement proclamé dans la
résolution 1244 (1999) - le mot « provisoire » y est employé au moins à quatre
reprises - ainsi que dans les annexes 1 et 2 de la résolution, qui se référent
respectivement à « un accord-cadre politique intérimaire prévoyant pour le

Kosovo une autonomie substantielle» et aux« institutions d'auto-administration
démocratiques provisoires». Par ailleurs, la différenciation avec les
« institutions qui auront été établies dans Jecadre d'un règlement politique »

figure également dans la résolution 1244, puisqu'elle prévoit que l'un des
éléments du mandat de la présence civile internationale (MINUK) sera
précisément, de « superviser le transfert des pouvoirs des institutions

provisoires du Kosovo aux institutions qui auront été établies dans le cadre d'un
règlement politique ».

En conséquence, force est de conclure que les PISG revêtent, et
revêtaient à la date d'approbation de la OUI par l'Assemblée de Kosovo, le
caractère d'institutions provisoires soumises au régime d'administration

internationale, et ne peuvent, en aucune façon, être confondues avec les
« institutions qui auront été établies dans le cadre d'un règlement politique »
conformément au processus mis en Œuvre par le Conseil de sécurité, et placé
sous l'autorité de celui-ci. Cette conclusion est appuyée, par ailleurs, par

plusieurs déclarations du Président du Conseil de sécurité, dans lesquelles
celui-ci affirme explicitement que « [l]e Conseil (...) souligne la responsabilité
qu'ont les dirigeants élus du Kosovo d'appliquer intégralement les dispositions
118
de la résolution 1244 (1999) relatives au statut final » . Une responsabilité
qu'ils n'assumeraient certainement pas dans le cas des «institutions qui auront
été établies dans le cadre d'un règlementpolitique ».

2.1.2.- Compétences

63.- Les compétences attribuées aux PISG sont les compétences propres à un
régime d'autonomie et d'auto-administration. Ces deux expressions font l'objet
de références réitérées dans la résolution 1244 (1999) et ses annexes : les

« institutions d'auto-administration démocratiques provisoires» pour le Kosovo

117Royaume-Uni, 4559 séance (26 juin 2002), (S/PV.4559, p. 18). D'après le Mexique :
« le processus de transfert des responsabilités additionnelles au Gouvernement autonome
provisoire du Kosovo( ...) Il est également fondamental que ceci s'effectue conformément
résolution 1244 (1999) et au Cadre constitutionnel»2 séance (3 juillet 2003), S/PV.4782,

p.11). 118
S/PRST/2001/27 et S/PRST/2001/34.

48(o.p. 10), I'« autonomie et (...) auto-administration substantielles » pour le

Kosovo (o.p. 11.a), I'« auto-administration autonome et démocratique» du
Kosovo (o.p. 11.c), I'« autonomie substantielle » (annexe 1), les « institutions
d'auto-administration démocratiques » 119 et I'« autonomie substantielle » du
Kosovo (annexe 2).

Il faut ajouter que pour délimiter la portée de ce régime d'administration
autonome, le paragraphe 11 a) de la résolution 1244 (1999) affirme « compte
pleinement tenu de l'annexe 2 et des Accords de Rambouillet». De ce point de

vue, il convient de rappeler que le principe 8 de la liste des principes qui
figurent dans l'annexe 2 définit clairement la limite en faisant référenceà « une
autonomie substantielle, qui tienne pleinement compte des Accords de
Rambouillet et du principe de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de la

République fédérale de Yougoslavie et des autres pays de la région». Comme
nous l'avons souligné précédemment, lesdits principes sont établis dans les
Accords de Rambouillet.

64.- Sur ces bases, les principales compétences des PISG ont été définies
dans le Cadre constitutionnel en termes très généraux, qui peuvent se résumer
comme suit:

i) Les PISG sont responsables des matières suivantes : politique
économique et financière, affaires fiscales et budgétaires,
dispositions administratives et douanières, commerce extérieur et
intérieur, industrie et investissements, éducation, science et

technologie, jeunesse et sport, culture, santé, protection
environnementale, bien-être social et professionnel, politique en
matière de famille, de genre et de mineurs, transport, services de

la poste, technologie des télécommunications et de l'information,
services d'administration publique, agriculture, développement
rural et forestier, statistiques, planification urbanistique, tourisme,
bonne gouvernance, droits de l'homme et égalité des chances,
120
affaires de non-résidents .
ii) Sur le plan de l'administration locale, les PISG assument des
responsabilités dans les domaines suivants : soutien à la
coopération inter-municipale ; promotion du développement d'un

fonctionnariat municipal professionnel ; assistance aux mairies
dans la mise en place de leurs propres systèmes de gestion
budgétaire et financière, dans le contrôle de la qualité des
services municipaux, l'identification des canaux et des moyens

pour les activités de formation des mairies ; assistance aux
mairies en vue de la transparence de leurs activités à l'égard du
public ; services d'assistance légale aux mairies ; coordination des
activités des agences internationales et des ONGD dépendant

des mairies ; et contrôle de l'accomplissement des responsabilités
et des compétences déléguées aux mairies, fondé sur les
structures d'organisation résultant des élections municipales, ainsi

11Principes 5 et 8 de l'annexe 2.
1°Cf. UNMIK/REG/2001/9, ch. 5.1.

49 que des responsabilités et des compétences transférées entre
temps 11.
iii) Dans le domaine des affaires judiciaires, les PISG exercent
également des responsabilités dans la prise de décisions

concernant la nomination des juges et des procureurs ; l'exercice
de responsabilités concernant l'organisation et le fonctionnement
corrects des tribunaux au sein de structuresjudiciaires existantes ;
la mise en place, le développement et le maintien des services
judiciaires et du ministère public ; la mise en place des

aménagements techniques et financiers ; la dotation de
ressources humaines et matérielles pour assurer le
fonctionnement effectif des systèmes judiciaires et du ministère
public; la formation, y compris la formation professionnelle et
vocationnelle du personnel judiciaire en coopération avec
l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe

(OSCE) ; l'organisation d'examens pour la qualification de juges,
procureurs, avocats et autres professionnels juristes par un
organe professionnel indépendant ; la nomination, la formation et
le pouvoir disciplinaire et de destitution des membres du
personnel de soutien judiciaire ; garantie de la coordination dans

des matières liées au système judiciaire et au service
disciplinaire ; coopération avec les organisations pertinentes en ce
qui concerne le contrôle du système judiciaire et du système
disciplinaire ; la misà disposition d'informations et de statistiques
sur le système judiciaire et le service disciplinaire, s'il y a lieu ; la

protection de données personnelles relatives au systèmejudiciaire
et au service disciplinaire ; la garantie de la coopération en
matière judiciaire et disciplinaire avec les organismes pertinents
au sein du Kosovo ; et l'assistance en matière de recrutement, de
formation et d'évaluation du personnel pour le service
122
disciplinaire .

65. Cependant, en vertu du Cadre constitutionnel, les compétences et les
responsabilités des PISG n'englobent pas certaines, à caractère réservé, qui
incombent exclusivement au RSSG. Ces compétences réservées comprennent

entre autres : le pouvoir de dissolution de l'Assemblée et la convocation de
nouvelles élections au cas où les PISG agiraient en contradiction avec la
résolution 1244 (1999), ou dans l'exercice des responsabilités du RSSG en
vertu de ladite résolution ; l'autorité finale en matière de politique monétaire et
l'approbation du budget consolidé du Kosovo ; l'exercice du contrôle d'autorité

sur le service des douanes de la MINUK ; l'autorité finale en matière de
nomination, destitution et sanction des juges et des procureurs ; l'exercice des
compétences et des responsabilités de nature internationale dans le domaine
juridique, les relations extérieures, le cas échéant, pour l'exercice de leur
mandat, y compris la conclusion d'accords avec des États et des organisations
internationales dans toutes les matières entrant dans le champ d'application de

la résolution 1244 (1999), et le contrôle de l'accomplissement des engagements
contractés dans les accords internationaux conclus au nom de la MINUK ; la

12Ibid. Ch. 5.2
12Ibid. Ch. 5.3

50préservation des délimitations territoriales municipales existantes ou la garantie
de fonctionnement effectif du système d'administration municipale locale sur la
123
base des principes internationaux acceptés et reconnus .

2.2.- La présence civile internationale en tant que limite des compétences des
PISG

66.- Dans tous les cas, conformément à ce qui est établi dans le Cadre
constitutionnel, il y a lieu de prendre en considération que « [!']exercice des
responsabilités des institutions provisoires du gouvernement autonome en

application du Cadre constitutionnel n'entame ni ne limite les pouvoirs du
Représentantspécial du Secrétaire général de garantir l'application intégrale de
la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations

Unies, notamment de superviser les institutions provisoires du gouvernement
autonome, ses responsables et ses représentations, et de prendre les mesures
appropriées dès qu'une décision prise par les institutions provisoires est en

contradiction avec la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité ou avec le
Cadre constitutionnel » 124.Partant, les PISG et l'exercice de leurs compétences
sont soumis à l'autorité du RSSG et à sa législation. En d'autres termes, elles

relèvent du régime d'administration international établi par le Conseil de
sécurité des Nations Unies dans la résolution 1244 (1999) et doivent s'y
soumettre.

67.- Dans ce contexte, il faut rappeler que certaines actions ultra vires des
PISG ont obligé le RSSG à intervenir à plusieurs reprises en lançant des

avertissements concernant les limites des compétences des PISG et en
annulant même certaines de leurs décisions. Tous ces actes se traduisent en
une pratique riche et significative, dont une grande partie a déjà été analysée

dans le chapitre Ill du présent exposé concernant les actes des PISG portant
atteinte à la souveraineté et à l'intégrité de la Serbie 125,chapitre auquel nous

renvoyons.

Néanmoins, en marge des secteurs concrets dans lesquels se sont
126
produites les interventions du RSSG , il convient, à ce stade, d'attirer

123Ibid. Ch.8
124UNMIK/REG/2001/9, ch. 12.
125Cf. supra, paragraphe 111.2.2.1.
126Outre les exemples cités précédemment, on peut en trouver beaucoup d'autres dans
les rapports du Secrétaire général sur la MINUK. Les plus récents sont particulièrement

significatifs: S/2006/45, annexe 1, par. 3 et 6 ; S/2006/707, par. 18 a, et annexe 1, par. 14 ;
S/2006/906, par. 5 et 63 ; S/2007/134, annexe 1, par. 28 et 33 ; S/2007/582, par. 4 et 23 ; et
annexe 1, par. 68; S/2007/768, annexe 1, par. 19. Dans le même sens, il convient de
mentionner la réaction provoquée par l'adoption par l'Assemblée du Kosovo de la Déclaration
sur le Kosovo - un état indépendant et souverain - du 3 février 2003. En réponseà ce qui
précède, le Représentant spécial adjoint principal du Secrétaire général a affirmé dans une
lettre du 7 février 2003 adressée au Président de l'Assemblée:[à]ce sujet, je tienà vous
aviser par écrit que l'examen de cette question par l'Assemblée serait contrairerésolution
1244 (1999) du Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations Unies, au Cadre

constitutionnel de l'autonomie provisoire au Kosovo et au Règlement intérieur provisoire de
l'Assemblée» (lettre datée du 7 février 2003, adressée au Président de l'Assemblée du Kosovo

51l'attention sur le fait que la pratique de contrôle susmentionnée souligne le

caractère limité des compétences des PISG. Ce caractère limité se trouve
d'autant plus renforcé que le Secrétaire général et le Conseil de sécurité ont
systématiquement soutenu les interventions du RSSG, et ce soutien apparaît
aussi bien dans les rapports du Secrétaire général relatifs à la MINUK que dans

les procès-verbaux du Conseil de sécurité, et même dans les déclarations de
son président.

68.- En effet, il y a lieu de rappeler tout d'abord que les rapports du Secrétaire
général sur laMINUK ont recueilli, à maintes reprises, diverses décisions du
Représentant spécial qui annulaient des actes ultra vires des PISG, décisions

partagées par le Secrétaire général lui-même. À titre d'exemple, on peut citer
les déclarations suivantes:

i) « On a constaté à plusieurs reprises que l'Assemblée avait

outrepassé ses compétences. Le 8 novembre, l'Assemblée a adopté
une résolution rejetant l'inclusion du Kosovo dans le préambule de la
Charte constitutionnelle de l'Union de la Serbie et du Monténégro

(...). En décembre, mon Représentant spécial a renvoyé à
l'Assemblée la loi sur les activités de commerce extérieur, qui
constituait une violation du Cadre constitutionnel. Toujours en
décembre, la MINUK a fait échec à un projet de résolution sur

l'indépendance établie par l'Alliance pour l'avenir du Kosovo »127.
ii) « [L]'Assemblée du Kosovo continue à l'occasion de manifester une
tendance à sortir de son rôle institutionnel, celui d'un organe qui

légifère, età adopter des positions sur des questions symboliques,
manifestement en dehors de ses compétences en vertu du Cadre
constitutionnel. Ainsi, le fait que cette assemblée a entériné une

résolution sur « les valeurs guerrières », hautement susceptible
d'accentuer les divisions, entrave les efforts de coopération entre les
représentants politiques des différentes communautés du Kosovo
auprès des institutions provisoires »128.

iii) « Je suis préoccupé aussi de voir que l'Assemblée du Kosovo refuse
une fois encore de prendre en considération les préoccupations
légitimes des minorités dans le cadre des processus législatifs et

qu'elle outrepasse ses compétences. Cela contrevient directement à
la résolution 1244 (1999), au Cadre constitutionnel et au droit
applicable au Kosovo. Je soutiens pleinement la li~ne d'action stricte
suivie par mon Représentant spécial à cet égard » 1 9.

iv) « S'il convient de se féliciter de la plus grande ouverture et de la plus
grande transparence manifestée par l'Assemblée du Kosovo dans
ses travaux, l'adoption par cette assemblée de tout un ensemble de

propositions de révision du Cadre constitutionnel ne fait clairement
pas partie de ses compétences, telles qu'elles sont énoncées dans la

par le Représentant spécial adjoint principal du Secrétaire général. Pièce n° 189 du dossier du

Secréta12S général).
128 /2003/113, p. 4, par. 12.
129/2003/675, p. 16, par. 62.
S/2004/71, p. 17, par. 55.

52 résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité et le Cadre
constitutionnel, et est de ce fait inacceptable » 130.

69.- Pour sa part, le Conseil de sécurité a également réag ài l'égard des actions
unilatérales des PISG du Kosovo à mesure que celles-ci se produisaient. Cette

réaction se reflète dans diverses interventions d'Etats membres qui se sont
produites lors des séances du Conseil qui ont traité lesdites actions. Il a ainsi
été affirmé que « des initiatives telles que la résolution sur la protection de

l'intégrité territoriale du Kosovo, outrepassant les compétences des institutions
autonomes, sont nulles et non avenues » 131,et que « [l]e Représentant spécial
a eu tout à fait raison de déclarer nulle et non avenue toute décision prise par
132
l'Assemblée en dehors de ses compétences» .

Par ailleurs, la position du Conseil, contraire aux actions unilatérales des

PISG, ressort explicitement de certaines déclarations de son Président. On peut
en citer quelques-unes :

i) « Le Conseil de sécurité déplore l'adoption par l'Assemblée du
Kosovo, à sa séance du 23 mai 2002, d'une« résolution relative à la
protection de l'intégrité territoriale du Kosovo». Il partage l'avis du

Représentant spécial du Secrétaire général, selon lequel pareilles
résolutions et décisions de l'Assemblée au sujet de questions qui ne
relèvent pas de son domaine de compétence sont nulles et non
133
avenues » .
ii) « Le Conseil de sécurité( ...) condamne toutes les tentatives visantà
créer ou maintenir des structures et des institutions ainsi que les

initiatives qui sont incompatibles avec la résolution 1244 et avec le
Cadre constitutionnel». L'accent est mis ultérieurement sur le fait que
« [l]e Conseil s'oppose fermement aux initiatives unilatérales qui

risquent de remettre en cause la stabilité et le processus de
normalisation non seulement au Kosovo mais aussi dans l'ensemble
de la région. Il prie instamment tous les dirigeants politiques du

Kosovo et de la région d'assumer la responsabilité de la
démocratisation, de la paix et de la stabilité dans la région en rejetant
134
toutes les tentatives contraires à la résolution 1244 (1999) » .

70.- Par conséquent, ily a lieu de conclure que les compétences attribuées aux

PISG, s'il est vrai qu'elles s'étendent à de vastes secteurs de la réalité, sont
toutefois limitées par le régime provisoire d'administration internationale et par
les compétences du RSSG, à qui sont réservés les pouvoirs les plus

directement liés à l'exercice des compétences souveraines et à qui il a été
conféré, de plus, le pouvoir de conditionner, limiter et exclure l'exercice des

130S/2004/613, P.16, par. 62.
131France, 4559èmeséance (26 juin 2002), (S/PV.4559, p. 16). Au cours de cette même
séance, la Norvège a déclaré ce qui suit: Nous réaffirmons notre appuià l'annulation par le
Représentant spécial des tentatives de l'Assemblée du Kosovo de traiter de questions
extérieures à son autorité(ibid., p. 18).
132Royaume-Uni, 4592èmeséance (30 juillet 2002), (S/PV.4592, p. 22).
133
134S/PRST/2002/16, Déclaration du 24 mai 2002.
S/PRST/2003/1, Déclaration du 6 février 2003.

53 compétences des PISG, toujours en vertu de l'autorité du Secrétaire général et
du Conseil de sécurité.

Le fait que le système de répartition des compétences et que le mandat
du RSSG n'aient pas toujours été respectés par les PISG est un simple élément

de fait qui ne peut produire un quelconque effet sur la validité du régime
juridique établi en vertu de la résolution 1244 (1999).

2.3.- Le processus de détermination du statut futur du Kosovo en tant que
limite du régime provisoire d'administration internationale et des

compétences des PISG

71.- Finalement, il y a lieu d'attirer l'attention sur un élément qui constitue une

limite incontournable pour l'exercice de l'administration autonome du Kosovo
par les PISG : le Régime d'administration internationale du Kosovo instauré par

le Conseil de sécurité est provisoire et ne préjuge pas de la solution définitive
sur le statut du Kosovo, solution qui devra être atteinte conformément au
processus politique établi à cette fin. En conséquence, ce Régime

d'administration internationale doit être mis en place de manière à ne pas
conditionner ou entraver le déroulement du processus, ni à conditionner la
solution finale qui pourrait être atteinte sur le statut futur du Kosovo.

Cette relation entre le Régime d'administration provisoire internationale
et le processus de détermination du statut futur du Kosovo a joué un rôle

essentiel à l'égard de laprésence internationale déployée au Kosovo,tant civile
que de sécurité,laquelle, en application de son mandat, s'est vue soumise au
principe de neutralité à l'égard de la solution politique finale13.

135
Le principe de neutralité a été réitéré par le Secrétaire général dans ses rapports au
Conseil de sécurité, notamment après l'autorisation par le Conseil, en 2005, de lancer le
processus politique pour la détermination du futur statut du Kosovo. Ainsi, celui-ci a déclaré que
tout le travail préparatoire pour la définition d'une future présence internationale au Kosovo ou
pour la modification de la structure ou de la portée de la MINUK a été réalisé préjudice
du résultat du processus futur concernant le statut » (voir, égard, les rapports suivants :
S/2006/45, par.14; S/2007/134, par. 21; S/2007/395, par. 28; S/2007/582;S/2007/768, par
28 ; S/2008/211, par. 28). De manière encore plus significative, le Secrétaire général a déclaré

dans son rapport S/2008/458 que« l'ONU a conservé une position de stricte neutralitéà l'égard
de la question du statut du Kosovo» (par. 29). Le principe de neutralité a été également
explicitement reconnu par d'autres membres de la présence internationale au Kosovo. Ainsi, le
29 octobre 2007, en sa qualité de Président en exercice de l'OSCE, le ministre espagnol des
Affaires étrangères, M. Miguel Angel Moratinos, a déclaré dans son discours au Comité de
Helsinki qu' au fil des années, nous avons réussià maintenir une position de neutralité et
d'impartialitél'égard de la question du statut du Kosovo ». Par conséquent, il est logique que

le même principe de neutralité régisse également le déploiement au Kosovo d'EULEX­
KOSOVO sous l'autorité générale des Nations Unies. Voir, cet égard, S/2008/354, par. 12;
S/2008/692, par. 26; et S/2009/149. Voir également laDéclaration de la Présidence au nom de
l'Union européenne sur le déploiement d'EULEX,du 2 décembre 2008; et l'Action commune
2006/304/PESC du Conseil du 10 avril 2006 sur la mise en place d'une équipe de planification
de l'UE (EPUE Kosovo) en ce qui concerne l'opération de gestion de crise que l'UE pourrait
mener au Kosovo dans le domaine de l'État de droit et, éventuellement, dans d'autres
domaines (JO L 112, 26 avril 2006, p. 19).

5472.- Si ces considérations sont importantes en ce qui concerne la présence

internationale et le Régime d'administration internationale, elles le sont d'autant
plus que la nécessité de respecter le processus de détermination du statut futur
du Kosovo prévu dans la résolution 1244 (1999) est reliée au régime provisoire
d'administration autonome et aux activités et aux compétences des PISG. Dans

ce cas, l'obligation de ne pas préjuger du résultat final dudit processus et de ne
pas adopter de mesures unilatérales qui pourraient le mettre en péril, constitue,
sans conteste, une limite au régime provisoire d'administration autonome et aux
compétences attribuées aux PISG.

Les Nations Unies se sont déclarées explicitement en ce sens, au travers
de la UNMIK, en insérant dans le document conjoint entre la MINUK et la RFY
136
un paragraphe en vertu duquel les parties :
5.« Réaffirme/nt] que la position en ce qui concerne le statut futur
du Kosovo demeure celle qui est reflétée dans la résolution 1244
(1999) du Conseil de sécurité et que des institutions provisoires de

l'Administration autonome ne peuvent rien faire qui puisse modifier
la situation cet égard».

V.- LE PROCESSUS DE DÉTERMINATION DU STATUT FUTUR DU

KOSOVO : UN PROCESSUS OUVERT

1.- LA RÉSOLUTION 1244 (1999) EN TANT QUE CADRE ET BASE

JURIDIQUE DU PROCESSUS DE DÉTERMINATION DU STATUT
FUTUR DU KOSOVO

73.- La résolution 1244 (1999) constitue, sans conteste, la base fondamentale

de référence pour la résolution du conflit et la détermination du statut futur du
Kosovo. Rappelons qu'après avoir accueilli « les principes généraux concernant
la solution politique de la crise du Kosovo adoptés le 6 mai 1999 (S/1999/516;
annexe 1 à la présente résolution) et se félicitant de l'adhésion de la

République fédérale de Yougoslavie aux principes énoncés aux points 1 à 9 du
document présenté à Belgrade le 2 juin 1999 (S/1999/649 ; annexe 2 à la
présente résolution), ainsi que de son accord quant à ce document», le

paragraphe 1 du dispositif de ladite résolution est déterminant en ce sens qu'il
prévoit que le Conseil« [d]écide que la solution politique de la crise au Kosovo
reposera sur les principes généraux énoncés à l'annexe 1 et les principes et
conditions plus détaillés figurant à l'annexe 2 ».

13« Document conjoint MINUK-République fédérale de Yougoslavie», adopté par le
Représentant spécial du Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies pour le
Kosovo, M. Hans Haekkerup, et le Représentant spécial du Président de la République fédérale
de Yougoslavie ainsi que du Gouvernement de la République fédérale de Yougoslavie et du
Gouvernement de la République de Serbie,Nebojsa Covic, qui est également Président du
Centre de coordination pour le Kosovo-Metohija, (pièce n° 171, du dossier élaboré par le
Secrétairegénéral).

55 Le caractère fondamental de la résolution 1244 (1999) a été proclamé
137
par divers membres du Conseil de sécurité lors de séances successives . On
peut citer, par exemple, les déclarations suivantes : « la résolution 1244 (1999)
du Conseil de sécurité demeure le fondement du statut final du Kosovo» 138;

« la résolution 1244 (1999) reste le cadre fondamental pour faire avancer le
processus politique au Kosovo » 139; ou encore la référence à « un processus

(...) pour déterminer le statut final, conformément à la résolution 1244
(1999) » 140 ;ainsi que l'avertissement concernant la nécessité de garantir que

« l'issue du statut futur du Kosovo ne sera déterminée que dans le contexte
général de la résolution 1244 (1999) »141. A tous ces commentaires viennent
142
s'ajouter de nombreuses déclarations d'« appui à la résolution 1244 (1999)» .

Ces affirmations obtiennent également l'aval du Conseil de sécurité qui,
dans diverses résolutions postérieures sur la situation du Kosovo, « [d]éclare à

nouveau ~u'il soutient fermement l'application intégrale de la résolution 1244
(1999) » 14 ; il fait valoir la résolution 1244 (1999) en tant que référent de
144
l'action ultérieure du Conseil de sécurité et se réfère à maintes reprises à sa
condition de base fondamentale sur laquelle repose la situation du Kosovo. Une

position qui a été réitérée par le biais des Déclarations du Président, dans
lesquelles celui-ci « réaffirme son engagement en faveur de la pleine

137 Séances: 4153ème (9 juin 2000), 4225ème(16 novembre 2000), 4249ème(19

décer:nbre2000), 4258ème(18janvier 2001), 4277ème(13 févr\er 2001),4296ème(16 mars.2001),
4335eme(22 juin _2001 ), 4430eme(27 novembre 2001), 4454eme(21_janvier 2002), 4518e~e(24
avril 2002),4702e~e(6 février 2003), 4742ème(23 avril 2003), 4770eme(10 juin 2003), 478eme(3
juillet_2003), 4853eme(30 octot?re 2003), 4886ème(17 décembre 2003),4910ème(6 février 2004),
4928eme(18 mars 2004), 4942eme(13 avril 2004), 4967ème(11 mai 2004), 5089ème(29 novembre

2004), 5130ème (24 février 2005),6025ème(26 novembre 2008).
138Chine, 4702èmeséance (6 février 2003), (S/PV.4702, p. 11). Le Canada s'est
exprimé en termes identiques lors de la 4153èmeséance (9 juin 2000) (S/PV.4153, p. 28).
Irlande: « nous continuons d'estimer que la mise en Œuvre intégrale de la résolution 1244

(1999) du Conseil de sécurité doit demeurer l'objectifprimordial de la communauté
internationale au Kosovo » (4277èmeséance (13 février 2001) (S/PV.4277, p. 14). Mali : « la
résolution 1244 (1999) de notre Conseil doit continuer à être le fil conducteur de toute politique
vis-à-vis du Kosovo» (4430èmeséance (27 novembre 2001) (S/PV.4430, p. 4). Île Maurice, « la

résolu_tion1244 (1999) ... demeure la base sur laquelle sera construit l'avenir du Kosovo»
(4518emeséance (24 avril 2002), S/PV.4518, p. 21). Chili: « nous considérons la résolution
1244 (1999) comme une base et un instrument utiles permettant la réalisation de l'objectif à
trois volets de son mandat : administrer le Kosovo, créer des institutions et, enfin, faciliter un
processus politique pour déterminer le statut final du Kosovo » (4702èmeséance (6 février

2003), S/PV.4702, p. 9).
139Royaume-Uni, 5089èmeséance (29 novembre 2004), (S/PV.5089, p. 11). Espagne:
« [l]a résolution 1244 (1999) et le cadre constitutionnel sont la pierre angulaire des actions de la
communauté internationale et de ce Conseil sur la question du Kosovo » (4702èmeséance (6

février 2003), S/PV.4702, p. 18). Grèce: « [l]e chemin que le Kosovo devra emprunter a été
tracé avec clarté, dans le respect des paramètres fixés dans la résolution 1244 (1999) du
Conseil de sécurité »(5130èmeséance (24 février 2005), S/PV.5130, p. 18).
140Royaume-Uni, 4910èmeséance (6 février 2004), (S/PV.4910, p. 8).
141États-Unis, 4886~meséance (17 décembre 2003), (S/PV.4886, p. 9).
142
États-Unis, 4853emeséance (30 octobre 2003), (S/PV.4853, p. 19). Dans le même
sens, l'Algérie a souligné que« [n]ous nous devons[ ...] de souligner avec force la nécessité de
la mise en Œuvre intégrale de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité»4967eséance
(11 mai 2004), S/PV.4967, p. 11).
143
Résolution 1345 (2001), o.p. 3.
14Résolutions 1345 (2001), 1367 (2001), 1371 (2001).

56application de la résolution 1244 (1999), qui reste la base sur laquelle l'avenir
145
du Kosovo sera bâti» ; « réaffirme son attachement continu à l'application
pleine et effective de la résolution 1244 (1999) du Conseil au Kosovo
(République fédérale de Yougoslavie) » 146,ou « réaffirme que la résolution

1244 reste intégralement valide dans tous ses aspects. Cette résolution
demeure la base de la politique de la communauté internationale concernant le
Kosovo » 147.

Il convient d'ajouter que dans les décisions les plus importantes qui ont
été adoptées pour mettre en place la solution finale de la crise du Kosovo, le

Conseil de sécurité et le Secrétaire général ont toujours signalé que le cadre
de l'arrangement et sa base juridique sont dans la résolution (1999).

74.- À l'égard de ce dernier constat, la nomination en 2005 de M. Ahtisaari en
qualité d'Envoyé spécial du Secrétaire général se révèle particulièrement

significative. À cet effet, il suffit de rappeler que la lettre de nomination signée
par le Secrétaire général communique explicitement à l'intéressé qu'« [e]n
votre qualité d'Envoyé spécial, vous dirigerez le processus politique visantà

déterminer le futur statut du Kosovo, conformément à la résolution 1244
(1999) du Conseil de sécurité et aux déclarations de son Président sur la

question », et que le mandat annexé à ladite lettre signale également que
l'objectif de celui-ci consiste à « [d]éterminer le futur statut du Kosovo, en
ayant à l'esprit la responsabilité de l'Organisation des Nations Unies au

Kosovo, conformément à la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité,
notamment en facilitant un processus politique visant à déterminer le statut

futur du Kosovo, et aux déclarations du Président du Conseil de sécurité sur la
question » 148.

75.- Finalement, il y a lieu de souligner que la résolution 1244 (1999), en tant
que base du processus pour atteindre une solution définitive sur le statut futur
du Kosovo, a également été reconnue par d'autres organisations dont certains

membres font partie de la présence internationale, ainsi que par des
organisations et des États qui ont occupé une place significative dans le

déroulement du processus politique lui-même.

Rappelons ici, à titre d'exemple, que l'Union européenne a déclaré à

plusieurs reprises devant le Conseil que la résolution 1244 ~1999) est la base
sur laquelle doit reposer la solution de la question du Kosovo 49 et que, pour sa

145Déclarations du Président des 5 octobre et 9 novembre 2001. Dans le même sens,
la déclaration du Président du 24 avril 2002.
146
147Déclaration du Président du 24 octobre 2002.
S/PRST/2003/1, Déclaration du Président du 6 février 2003.

148Lettre de nomination, datée du 14 novembre 2005, adresséeà Martti Ahtisaari par
le Secrétaire général et comportant en annexe son mandat (pièce n° 198 du dossier du

Secrétaire général).

149La France a ainsi déclaré au nom de l'UE que« pour l'Union européenne, la mise en
Œuvre complète de la résolution 1244 (1999) doit être l'alpha et l'oméga de l'action de la
communauté internationale » (S/PV. 4249, p. 6). Et la Grèce, en cette même qualité,
« réaffirm[e] que la pleine mise en Œuvre de [la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité]

57part, le Rapport de la Troïka pour le Kosovo, constituée de l'Union européenne,
des États-Unis d'Amérique et de la Fédération de Russie, de décembre 2007,
relatif aux négociations entre Belgrade et Pristina sur le statut futur du Kosovo

engagées par ladite Troïka, signale que « nous avons réaffirmé que nous
continuerions d'opérer dans le cadre de la résolution 1244 (1999) et des
150
principes directeurs du Groupe de contact » .

2.- CARACTÈRES ET CONDITIONS DU PROCESSUS POLITIQUE

76.- La résolution 1244 (1999) ne définit pas, dans son dispositif, les caractères

ni les conditions que doit remplir le « processus politique visant à déterminer le
statut futur du Kosovo ». Cependant, ces éléments peuvent être identifiés
indirectement en vertu des dispositions prévues dans la résolution et dans ses

deux annexes, et moyennant le renvoi de la résolution et des annexes aux
Accords de Rambouillet.

La lecture intégrée de tous ces instruments permet, sans conteste, de
conclure que le « processus politique » soutenu par le Conseil de sécurité, et
151
dont la mise en place doit être facilitée par la présence civile internationale ,
se caractérise par la présence des éléments suivants :

i) Ila pour finalité de mettre fin à la crise du Kosovo, celle-ci étant
entendue en termes globaux 152.
ii) Ildoit être mis en Œuvreà l'aide de « négociations entre les parties
153
en vue d'un règlement » .
iii) La solution finale n'est ni prédéterminée, ni soumise à une
quelconque limite, mais cette solution devra être atteinte moyennant
154
un accord des parties intéressées, avec l'accompagnement, le cas
échéant, de la communauté internationale. Ce dernier élément est
sous-jacent à la résolution 1244 (1999) et à tout le système construit

à partir de celle-ci.

77.- Ces caractéristiques se sont répétées tout au long du processus mis en
Œuvre depuis l'adoption de la résolution 1244 (1999), moyennant l'aval et
l'orientation du Conseil de sécurité et l'aide et l'accompagnement de la

communauté internationale, à travers diverses formules que nous ne jugeons
pas nécessaire d'analyser ici.

demeure la pierre angulaire de la politique de l'Union européenne concernant le Kosovo »
(S/PV. 4770, p. 20).

15S/2007/723, p. 2-3.
15Cf. résolution 1244 (1999), o.p. 11.e).
152
153f. résolution 1244 (1999), o.p. 1.
Cf. résolution 1244 (1999), annexe 2, principe 8.
15A cet égard, il convient de prendre en compte que bien que la résolution 1244 (1999)
ne mentionne pas explicitement la nécessité d'accord, elle emploie cependant, à plusieurs
reprises, l'expression « en attendant un règlement définitif» (o.p. 11, paragraphes a) et c)) ou
évoque« un règlement politique» (o.p. 11, f)). Pour sa part, l'annexe 2 mentionne explicitement
« [l]es négociations entre les parties en vue d'un règlement » (principe 8).

58 Dans tous les cas, l'analyse de la pratique pertinente souligne
l'importance particulière attribuée dans le cadre de ce processus à I'« accord »

entre les parties en tant que base de toute solution définitive qui pourrait être
jugée conforme à la résolution 1244 (1999). Dès lors, tout acte unilatéral adopté
par l'une des parties prétendant décider sur le statut futur du Kosovo en marge

dudit accord, et par conséquent en marge du processus politique soutenu par le
Conseil de sécurité, sera jugé contraire à ladite résolution, et donc non

conforme au droit.

78.- A cet égard, la pratique est riche d'exemples à l'appui de cette conclusion.

Il convient de souligner tout d'abord que les débats du Conseil de
sécurité mettent en évidence des membres jugeant nécessaire une solution

négociée permettant un accord mutuellement accepté par les parties. En ce
sens, il a été déclaré qu'« [e]n définitive, ce sera à Belgrade et aux

représentants élus des communautés du Kosovo de parvenir à un accord final
entre eux en ce qui concerne le statut » 155 ;que « les clauses de tout règlement
final devront être acceptables par les deux parties» 156 ;qu'il est indispensable

« que Belgrade et Pristina ne relâchent pas leurs efforts pour trouver une
solution négociée viable et mutuellement acceptable » 157; ou que la solution
finale doit être « un plan mutuellement acceptable, convenu par les deux parties

concernées après des négociations sincères » 158,ce qui exclut évidemment les
décisions unilatérales. Il a été précisé à cet égard qu'« [a]ucun arrangement ou

mesure unilatérale visant à déterminer d'avance le statut du Kosovo- pour
l'ensemble ou une partie du Kosovo - ne peut être accepté» 159 ;et que« seule
une décision issue de négociations, et non pas imposée par une partie, peut
160
être appuyée par le Conseil de sécurité » .

De plus, dans l'exercice de ses fonctions, le RSSG a attiré l'attention sur

la non-conformité à la résolution 1244 (1999) de toute action unilatérale qui
prétendrait porter atteinte au statut futur du Kosovo ou le conditionner. En ce

sens, il convient de citer, à titre d'exemple, les déclarations suivantes :

i) « Bien qu'il y aura une séparation fonctionnelle et organisationnelle

claire entre la MINUK et les institutions autonomes provisoires, des
procédures seront mises en place pour assurer que l'Assemblée et le
Gouvernement respectent pleinement la résolution 1244 (1999) et le

Cadre constitutionnel de l'autonomie provisoire. La question d'une
éventuelle déclaration d'indépendance est donc dépassée, puisque

155Royaume-Uni, 4225èmeséance, 16 novembre 2000 (S/PV.4225, p. 13). Lors de la
même séance, le Canada s'est prononcé dans les termes suivants « : [l]e Canada appuie la
mise en Œuvre totale de la résolution 1244 (1999). Nous sommes toujours d'avis que la
question du statut futur doit être résolue par la voie de la négociation comme prévu dans la
résolution 1244 (1999)»(ibid., p. 14).
15États-Unis, 4258èmeséance, 18janvier 2001 (S/PV.4258, p. 9).
157
Fédération russe,5588èmeséance, 13 décembre 2006 (S/PV.5588, p. 12). Lors de la
5522èmeséance (13 septembre 2006), le Pérou a exprimé« son appui au processus politique
en vue de trouver une solution négociée sur le statut futur du Kosovo » (S/PV.5522, p. 13).
15Chine, 6025èmeséance, 26 novembre 2008 (S/PV.6025, p. 17).
15Allemagne, 4770èmeséance, 10 juin 2003 (S/PV.4770, pp. 13- 14).
16°Fédération russe,5373èmeséance, 14 février 2006 (S/PV.5373, p. 6).

59 cela ne relève en aucune manière des compétences du
gouvernement autonome » 16.
ii) « Le Kosovo est placé sous l'autorité de la résolution 1244 (1999) du

Conseil de sécurité. Ni Belgrade ni Pristina ne peuvent préjuger du
futur statut du Kosovo. Celui-ci reste à déterminer et le sera par le
Conseil de sécurité des Nations Unies. Toute déclaration unilatérale,

sous quelque forme que ce soit, qui n'est pas approuvée par Je
Conseil de sécurité n'a aucun effet juridique sur Je futur statut du
Kosovo. »162

Par ailleurs, l'importance d'un accord négocié est également manifeste
dans les rapports du Secrétaire général, lequel, à diverses reprises, après

l'engagement du processus politique, a attiré l'attention sur la nécessité que les
parties intéressées puissent participer au processus et qu'elles puissent le faire
moyennant une approche permettant un rapprochement des diverses positions

car « faute d'une telle approche, il sera difficile de réaliser des progrès et
aucune partie n'y gagnera » 163.Parallèlement, le Secrétaire général rappelait

qu'« [i]I leur incombe [aux parties à la négociation] de trouver un terrain
d'entente et une solution durable, acceptable pour chacune d'elles » 164 et « [il]
exhorte les deux parties à s'abstenir de toutes actions et déclarations
165
unilatérales» . Pour conclure, le Secrétaire général a affirmé qu'« [é]tant
donné le désaccord profond des parties sur la question du statut futur du
Kosovo, il faudrait s'interroger sur les mesures à prendre au cas où les parties
166
ne parviendraient pas à un accord » .

79.- Par ailleurs, cette conviction, selon laquelle seul l'accord peut constituer la

base de la solution définitive pour le statut futur du Kosovo, a également été
exprimée par d'autres acteurs internationaux qui ont joué un rôle important
dans le processus politique.

Ainsi, dans les Principes directeurs établis par JeGroupe de contact en
vue d'un règlement du statut du Kosovo, convenus par le Groupe de contact en

2005 et envoyés par le Président du Conseil de sécurité au Secrétaire général
à l'occasion de la nomination de M. Ahtisaari comme Envoyé spécial pour le
processus relatif au statut futur du Kosovo, « [l]e Groupe de contact demande

aux parties( ...) de s'abstenir de toute mesure unilatérale», et dans le Principe
6 proclame que « [t]oute solution unilatérale (...) sera inacceptable ».
Concernant ces déclarations, il importe de souligner que les Principes

directeurs ont été transmis au Secrétaire général en relation avec la nomination
de l'Envoyé spécial « à titre de référence »167.

161La déclaration a été prononcée devant le Conseil de sécurité lors de s4a387ème
séance, ~S/PV.4387, p. 6).
1 2« Déclaration » prononcée par le Représentant spécial du Secrétaire général, le 7
novembre 2002 (pièce n° 187 du dossier du Secrétaire général). Souligné par les auteurs.

163Cf. S/2006/361, par. 22.
164Cf. S/2006/707, par. 29. Cf. aussi S/2006/361, par. 22 in fine.
165S/2006/906, par. 22.
166Cf. S/2007/582, par.29.
167Lettre datée du 10 novembre 2005, S/2005/709.

603.- LE RÔLE DU CONSEIL DE SÉCURITÉ

80.- Par la résolution 1244 (1999), le Conseil de sécurité a exercé sa
« responsabilité principale aux fins du maintien de la paix et de la sécurité
internationale » en ce qui concerne la crise du Kosovo. Dès lors, sachant qu'il

agit dans le cadre du Chapitre VII de la Charte, il n'est pas étonnant que le
Conseil lui-même ait proclamé dans ladite résolution sa compétence ultime sur
la question. Il suffit de rappeler que, dans celle-ci, il « [d]écide de rester

activement saisi de la question» (o.p. 21), et qu'en ce qui concerne les
présences internationales, civile et de sécurité, il déclare qu'elles se

maintiendront à l'expiration du mandat initial de 12 mois, « tant que le Conseil
n'en aura pas décidé autrement» (o.p. 19).

Sur cette base, le Conseil de sécurité a continué de s'occuper
activement de la situation du Kosovo et de l'application de la résolution 1244
(1999), comme le démontrent, depuis mars 1998, les plus de soixante-dix

séances consacrées à la question et la vingtaine de déclarations prononcées
par son Président. Et, ce qui est encore plus important, les États membres ont

réaffirmé, de manière systématique, le pouvoir ultime du Conseil de sécurité
pour se prononcer sur l'application de la résolution 1244 (1999), sur le
processus politique pour la détermination du statut futur du Kosovo et sur le

statut en tant que tel.

Il suffira de rappeler, à titre d'exemple, que plusieurs États ont affirmé

qu'« il appartient maintenant au Conseil de prendre ses responsabilités pour
assurer le succès d'un processus qu'il a initié» 168 ;que « [s]eul le Conseil de
sécurité peut évaluer l'application de la résolution 1244 (1999) et ila le dernier

mot en matière de règlement de la question du statut » 169,et qu'« [i]I importe
également que ce processus soit mis en Œuvre sous l'égide de l'ONU et sous
170
la direction politique étroite du Conseil de sécurité» .

De plus, il ne faut pas oublier que ce fut le Conseil de sécurité lui-même
qui a décidé en 2005 de soutenir la proposition du Secrétaire général de mettre
171
en Œuvre le processus politique pour déterminer le statut futur du Kosovo , et
qu'il a également appuyé la proposition de nommer M. Ahtisaari comme Envo~é
spécial du Secrétaire général pour le processus sur le statut futur du Kosovo 1 ,

et que, dans ce contexte, le Conseil de sécurité lui-même a affirmé
explicitement à travers une déclaration de son Président que ce « processus
173
politique (...) sera conduit par l'ONU » .

168France, 5573èmeséance, 2 mai 2007 (S/PV.5673, p. 6).
169
Allemagne, 4770èmeséance, 10 juin 2003 (S/PV.4770, p. 14). Lors de la même
séance, la Bulgarie a affirmé qu« c'est l'Organisation des Nations Unies qui devrait trancher
sur le statut du Kosovo, conformément_à la résolution 1244 (19» (ibidp. 8).
17°Fédération de Russie, 491oemeséance, 6 février 2004, (S/PV.4910, p. 11).
171Cf. S/2005/635.
172Cf. Déclaration du Président du 24 octobre 2005 (S/PRST/2005/51).
173S/PRST/2005/51, p. 2.

6181.- Ce rôle central du Conseil de sécurité a été proclamé également par le
RSSG dans diverses déclarations. À titre d'exemple, on peut citer les

suivantes:

i) « Le statut futur du Kosovo reste à déterminer et le sera par le seul
174
Conseil de Sécurité. Aucune tierce partie ne saurait en préjuger » .
ii) « Ni Belgrade ni Pristina ne peuvent préjuger du futur statut du
Kosovo. Celui-ci reste à déterminer et le sera par le Conseil de

sécurité des Nations Unies.» 175

Le RSSG a ainsi exprimé une conviction, réitérée par le Secrétaire
général. Citons, à titre d'exemple, son rapport du 28 septembre 2008 dans
lequel il déclare que « [l]es Nations Unies (...) s'attendent à ce que les parties

et la Troïka fassent tout leur possible rour parvenir à un accord qui puisse être
entériné par le Conseil de sécurité »17 .Ce qui précède est corroboré, dans les
rapports du Secrétaire général sur la MINUK, par une longue liste de références

à l'implication et à la responsabilité du Conseil de sécurité à l'égard de la
solution de la crise du Kosovo, y compris après la déclaration unilatérale

d'indépendance prononcée par les institutions provisoires d'administration
autonome du Kosovo 177.

82. En ce sens, n'oublions pas non plus l'exemple donné par le Groupe de
contact, lequel affirme dans ses Principes directeurs établis en vue d'un
règlement du statut du Kosovo, adressés au Secrétaire général en octobre

2005, que « [l]e Conseil de sécurité demeurera activement saisi de la question
et devra approuver la décision finale sur le statut du Kosovo »178.

4.- VALIDITÉ DE LA RÉSOLUTION 1244 (1999) ET CONTINUITÉ DU

PROCESSUS

83.- En cohérence avec ce qui précède, force est de conclure à la pleine

validité de la résolution 1244 (1999), une validité incontestable à la date
d'adoption de la DUI par l'Assemblée du Kosovo, qui s'est maintenue

174
Lettre datée du 6 novembre 2002, adressée au Président de l'Assemblée du Kosovo
par le Représentant spécial du Secrétaire général (pièce n° 185 du dossier du Secrétaire
général). Dans le même document, le RSSG a ajouté ce qui suit: « Hier,ruxelles, j'ai pris la
parole devant le Comité politique et de sécurité de l'Union européenne et je me suis entretenu
avec le Commissaire de l'Union européenne, Chris Patten, le Secrétaire général de l'OTAN,
Lord Robertson, et le Haut-représentantde l'Union européenne, Javier Solana. Lors de ces

rencontres, j'ai clairement exposé ma position sur la question et mes trois interlocuteurs
souscrit.

175
« Déclaration » prononcée par le Représentant spécial du Secrétaire général, le 7
novembre 2002 (pièce n° 187 du dossier du Secrétaire général).

176
Paragraphe 26 du rapport, S/2007/582, p. 7.
177Cf. pour tous: S/2006/707;S/2006/906, par.23; S/2007/134, par.24; S/2007/395,
par.34 ; S/2007/768, par.33 ; S/2008/211, par.2contrario sensu;y S/2008/354, par. 14, 19
et 32.
178S/2005/709, annexe, p. 2.

62postérieurement, y compris après les changements opérationnels et
d'organisation qui se sont produits au deuxième semestre de l'année 2008 dans
la présence civile internationale afin de permettre le déploiement d'EULEX­

KOSOVO au sein de la MINUK.

Confirmation en est donnée, par exemple, dans la Déclaration de la

Présidence au nom de l'Union européenne sur le déploiement d'EULEXd , u 2
décembre 2008, dans laquelle il est affirmé que « [d]ans l'accomplissement de
son mandat, la mission EULEX Kosovo respectera pleinement la résolution
1244 (1999) du Conseil de sécurité et opérera sous l'autorité générale et dans

le cadre neutre des Nations unies en ce qui concerne le statut »179.De cette
façon, l'Union européenne reconnaît de nouveau la validité de la résolution
1244 (1999), reconnaissance qu'elle avait déjà exprimée dans les Conclusions
180
du Conseil du 18 février 2008 adoptées après l'élaboration de la DUl . Le
Secrétaire général des Nations Unies l'a également entendu de la sorte et a
déclaré qu'« EULEX respectera strictement les dispositions de la résolution

1244 (1999) du Conseil de sécurité et opérera sous l'autorité générale de l'ONU
et dans le contexte de la neutralité de l'Organisation à l'égard du statut du
Kosovo »181 ;à ce propos, il a affirmé : «U]'aidonc demandé à la MINUK de

coopérer avec l'Union européenne, (...) sous l'autorité générale de l'ONU,
conformément à la résolution 1244 (1999), sous l'égide de l'ONU et la direction
de mon Représentant spécial » 18. Le Conseil de sécurité, pour sa part, dans la
Déclaration de son Président du 26 novembre 2008, « se félicite de la

coopération qui existe, dans le cadre de sa résolution 1244 (1999), entre l'ONU
et les autres intervenants internationaux »183.

84.- Ladite validité de la résolution 1244 (1999) doit s'entendre également
comme relative à la totalité de la résolution dans la mesure où, s'agissant d'un
acte du Conseil de sécurité, il ne peut être modifié ou abrogé, totalement ou

partiellement, que par ledit organe. Par conséquent, étant donné que le Conseil
de sécurité, n'a adopté aucune décision en ce sens, il faut conclure que la
résolution 1244 (1999) régit aussi bien le Régime d'administration internationale

du Kosovo que le processus politique pour la détermination du statut futur du
Kosovo. À cet égard, le Secrétaire général a déclaré explicitement qu'« en
attendant un avis du Conseil, l'ONU considérerait que la résolution 1244 (1999)

restait en vigueur et constituait le cadre juridique de l'exercice du mandat de la
MINUK »184, et que «jusqu'à ce que le Conseil de sécurité n'en décide
autrement, la résolution 1244 (1999) continuera de constituer le cadre juridique
du mandat de l'ONU »185.

179Cf. Doc. 16482/1/08 REV 1 (Presse 348).
180Dans celles-ci, il est affirmé que« [l]e Conseil se félicite du maintien de la présence
de la communauté internationale [au Kosovo) fondée sur la résolution 1244 du Conseil de
sécurité des Nations Unies ».
181S/2008/692, par.50. Cf. également S/2008/354, par.14.
182S/2008/458, par.30.
183S/PRST/2008/44.
184 S/2008/211, par. 4. Cf. également par. 29: « Depuis la proclamation de

l'indépendance du Kosovo, la MINUK continue à fonctionner en partant du principe que la
résolution 1244 (1999) reste en vigueur tant que le Conseil de sécurité n'en a pas décidé
autrement».
185S/2008/354 par.14.

6385.- Cette conclusion revêt une importance spéciale pour la présente procédure
consultative, en particulier si elle est mise en relation avec la conclusion

précédemment formulée concernant la compétence ultime du Conseil de
sécurité pour trancher sur le processus politique et, le cas échéant, sur une

éventuelle solution relative au statut futur du Kosovo.

En effet, conformément auxdites conclusions, le processus politique ne

pourra être modifié que par décision du Conseil de sécurité et la solution sur le
statut futur du Kosovo devra être endossée par le Conseil, situation qui ne s'est
pas encore produite jusqu'à présent, ni même moyennant référence à l'activité

déployée par l'Envoyé spécial du Secrétaire général, M. Ahtisaari, qui a conclu
par la proposition connue d'ordinaire sous le nom de « Plan Ahtisaari » 186,plan
auquel les PISG renvoient en permanence pour justifier leur déclaration

unilatérale d'indépendance. Cependant, même en ce qui concerne ce« Plan»,
il faut rappeler que ce document n'est qu'une simple proposition, un acte
préparatoire, qui, à aucun moment, n'a reçu l'aval du Conseil de sécurité ; dès

lors, il est dépourvu de toute efficacité juridique pour mettre fin au processus
politique pour la détermination du statut futur du Kosovo 187.

De même, il en est manifestement ainsi puisque le Conseil de sécurité,
après avoir examiné le rapport du Secrétaire général qui incluait le Plan

Ahtisaari sans adopter de décision en la matière, a décidé de continuer de
s'occuper du processus politique relatif au statut futur du Kosovo par l'envoi
d'une Mission du Conseil de sécurité sur la question du Kosovo 188 et

moyennant la surveillance du travail effectué par la Troïka pour le Kosovo
constituée de l'Union européenne, des États-Unis d'Amérique et de la
Fédération de Russie,laquelle, dans son rapport final, a constaté le désaccord
189
absolu entre les parties au sujet dudit PlanAhtisaari .

86. En résumé, la pratique démontre que le Conseil de sécurité n'avait adopté

aucune des décisions susmentionnées le 17 février 2008, date d'adoption de la
OUI par l'Assemblée du Kosovo, ni postérieurement. Dès lors, il y a lieu de

186Cf. S/2007/168 et add. 1 et 2.
187A cet égard, le Secrétaire général a affirmé qe(...) [l]e Conseil n'a toutefois pas
approuvé cette proposition » (S/2008/354, par.3).
18Cf. S/2007/220, Lettre datée du 19 avril 2007, adressée au Secrétaire général par le
Président du Conseil de sécurité. Cf. également S/2007/256, du 4 mai 2007, Rapport de la

mission du Conseil de sécurité sur la question du Kosovo. Le rôle central accordé au Conseil de
sécurité dans le processus politique ressort des déclarations prononcées par l'une des
personnes rencontrées, à l'occasion, par la Mission. Ainsi, dans le cadre de l'UE « M. Rehn a
souligné la nécessité d'une résolution du Conseil de sécurité qui permettrait d'y voir clair sur les
plans tant juridique que politique » (par. 9). Pour sa part, les représentants de la population
albano-kosovare et d'autres communautés non serbes « attendaient du Conseil de sécurité qu'il
agisse sans tarder en vue d'apporter une solutionà cette question, estimant qu'il n'était pas

nécessa189 de poursuivre les négociations entre les deux parties » (par.59).
Cf. S/2007/723: « De ce fait, la proposition de M. Ahtisaari n'a pas été examinée,
pas plus qu'il n'a été question de l'opportunité de la modifier» (par.8)A l'égard de cette
déclaration, il y a lieu d'observer que la Troïka, décrivant son mandat devant les parties qui
participaient aux négociations, a déclaré :nous avons indiqué que nous serions disposés,
bien que la formule de règlement proposée par M. Ahtisaari soit toujours d'actualité,riner
tout accord auquel les parties réussiraientarvenir» (par. 5).

64conclure que le processus politique pour la détermination du statut futur du
Kosovo était ouvert à la date mentionnée, et demeure ouvert à l'heure actuelle,

dans les termes et les conditions citées précédemment, incluant notamment la
non-conformité d'une déclaration unilatérale pour mettre fin audit processus et
déterminer la solution finale et définitive sur le statut futur du Kosovo.

VI.- CONCLUSIONS

En vertu de tous les éléments de fait et des arguments juridiques
énoncés dans le présent exposé, l'Espagne, dans sa réponse à la requête pour
avis consultatif, prie la Cour de:

1.- Déclarer et exercer sa compétence pour trancher sur l'avis consultatif qui lui
a été requis par l'Assemblée générale des Nations Unies moyennant la
résolution 63/3, du 8 octobre 2008.

2.- Conclure que la déclaration unilatérale d'indépendance prononcée par les
institutions provisoires du Kosovo n'est pas conforme au droit international, en
particulier pour les motifs suivants:

i) La OUI fait abstraction du droit de la Serbieà la souveraineté et à
l'intégrité territoriale dérivé des normes et des principes du droit
international applicables et qui a été explicitement reconnu dans

les instruments spécifiques qui constituent la base du Régime
d'administration transitoire internationale et du Régime provisoire
d'administration autonome du Kosovo établi à partir de la
résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, et il n'existe

aucune circonstance particulière ni aucun régime juridique ad hoc
permettant d'exclure l'application des normes et principes
mentionnés au cas d'espèce.

ii) La OUI n'est pas conforme au Régime d'administration transitoire
internationale ni au Régime provisoire d'administration autonome
du Kosovo constitués par mandat du Conseil de sécurité en vertu
du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies; elle n'est

cohérente ni avec la nature des PISG, ni avec les compétences
qui leur ont été attribuées, lesquelles doivent être entendues dans
tous les cas comme limitées, provisoires et exercéesau sein de la
Serbie, et sous surveillance internationale.

iii) La OUI entre en conflit avec les normes et les prmcIpes qui
régissent le processus de détermination du statut futur du Kosovo,
mis en Œuvre par le Conseil de sécurité et qui ne peut être
validement modifié sans le consentement explicite de celui-ci.

Étant donné que ledit processus se fonde sur la négociation entre
les parties intéressées et sur le principe selon lequel toute solution
doit être acceptable pour toutes les parties, une déclaration

65unilatérale d'indépendance transgresse les normes et les
principes qui régissent le processus de détermination définitive du

statut futur du Kosovo, et ne peut, par conséquent, être jugée
conforme au droit international.

Madrid, le 14 avril 2009

Concepcién Escobar Hernandez
Représentante du Royaume d'Espagne

66

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Exposé écrit de l'Espagne (traduction du Greffe)

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