Exposé écrit de la Serbie (traduction du Greffe)

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Lettre en date du 17 avril 2009 adressée au greffier par M. Saša Obradović, chef de l’équipe
juridique de la République de Serbie

[Traduction]

Me référant à la demande d’av is consultatif soumise à la Cour internationale de Justice par
l’Assemblée générale des Nations Unies sur la question de la Conformité au droit international de

la déclaration unilatérale d’indépendance des in stitutions provisoires d’administration autonome
du Kosovo , ainsi qu’à l’ordonnance de la Cour en da te du 17octobre2008, j’ai l’honneur de
transmettre à la Cour l’exposé écrit du Gouvernemen t de la République de Serbie, conformément
au paragraphe 2 de l’article 66 du Statut de la Cour.

o
Comme suite à votre communication en date du 20 octobre 2008 (n 133310), j’ai l’honneur
de vous informer que cet exposé écrit, rédigé en anglais ⎯ l’une des langues officielles de la

Cour ⎯, est fourni en trente exemplaires papier, accompagnés d’une version électronique. En cas
d’écart entre la version papier et la version él ectronique, c’est cette dernière qui devra être
considérée comme faisant foi.

J’ai en outre l’honneur de vous info rmer que l’exposé écrit est accompagné de
quatre-vingt-trois documents pertinents. Lorsque certains de ces documents n’ont pas été rédigés
dans l’une des langues officielles de la Cour, leurs passages pertinents sont accompagnés d’une
traduction en langue anglaise. Conformément au paragraphe 1 de l’article 50 et au paragraphe 3 de

l’article51 du Règlement, je certifie que tous les documents fournis à la Cour sont des copies
conformes des documents originaux et que toutes les traductions effectuées à partir de leur langue
originale sont exactes.

Veuillez agréer, etc.

___________ EXPOSE ECRIT DE LA R EPUBLIQUE DE S ERBIE

[Traduction]

Table des matières

Chapitre 1 Introduction........................................................................
.................................... 15

A. Origine de la demande d’avis consultatif...............................................
15......................

B. Libellé de la demande d’avis consultatif ...............................................17......................

C. L’ordonnance de la Cour du 17 octobre 2008 .............................................17................

D. Portée de la demande d’avis consultatif...............................................
.18.......................

E. Continuité entre la RFY/Serbie-et-Monténégro et la Serbie...............................19.........

F. Structure de l’exposé écrit ............................................................20..........
.....................

Première partie Questions de compétence et d’opportunité.........................................22...............

Chapitre 2 La Cour a compétence pour donner l’avis consultatif demandé........................22..

A. L’avis a été demandé par un organe dûment habilité à cet effet..........................22........

B. L’organe ayant demandé l’avis consultatif a agi dans les limites de sa compétence..... 23

C. La question posée est une question juridique ...........................................25...................

D. Conclusion........................................................................
.......................................... ... 26

Chapitre 3 Il n’existe aucune raison décisive faisant obstacle à l’exercice de la compétence

consultative dans la présente procédure............................................27...................

A. La question relève de la compétence de l’Organisation des Nations Unies ................28

B. Le consentement de la Serbie, l’Etat intéressé, n’est pas nécessaire et, en tout état
de cause, la Serbie l’a donné..........................................................28............
..................

C. La Cour dispose de suffisamment de renseignements pour donner l’avis consultatif... 30

D. L’avis consultatif aidera l’ONU et les Etats Membres dans leur action ultérieure........30

E. Conclusion........................................................................
.......................................... ... 33

Deuxième partie Les éléments de fait pertinents..................................................35....................
...

Chapitre 4 Le cadre géographique et historique................................................35....................

A. Présentation de la Serbie...............................................................35.......
........................

B. Présentation du Kosovo..................................................................35....
.........................

I. Situation géographique du Kosovo...................................................35...................
.. II. Données concernant la population du Kosovo ...........................................36...........

C. Le Kosovo dans l’histoire.................................................................38.....
......................

Chapitre 5 La crise du Kosovo – contexte juridique et factuel...................................41...........

A. Statut juridique du Kosovo................................................................41......
....................

I. Le Royaume de Serbie (1912-1918)......................................................41................

II. Le Royaume des Serbes, Croates et Slovènes/Yougoslavie (1918-1941)............... 41

III. La Yougoslavie après la seconde guerre mondiale (1945-1991)..........................42.

1. Décisions du conseil antifasciste de libération nationale de Yougoslavie......... 42

2. Etablissement du Kosovo en tant qu’unité territoriale .............................43.......

3. La Constitution yougoslave de 1946 et la Constitution serbe de 1947.............. 44

4. La Constitution yougoslave de 1963, la Constitution serbe de 1963 et les
amendements y relatifs............................................................45..........
..............

IV.Modifications ultérieurement apportées à la Constitution serbe et à la

Constitution of Kosovo................................................................48......
....................

5. Les Constitutions de 1974 et leurs amendements.....................................48.......

IV. La République fédérale de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) (1992-1999)....... 54

V. Résolution 1244 du Conseil de sécurité (depuis 1999)...................................55.......

VI. La Constitution serbe de 2006.........................................................55.............
.........

B. Normes de protection des minorités applicables au Kosovo .................................55......

I. La protection des minorités dans la RFSY .............................................55...............

1. Les constitutions de 1974..........................................................55............
..........

2. La Constitution serbe de 1990......................................................56................
...

II. Garanties des droits des minorités dans la RFY (Serbie et Monténégro).................57

1. La Constitution de la RFY..........................................................57............
.........

2. Les engagements internationaux relatifs aux droits de l’homme pris par la
RFY (Serbie et Monténégro)........................................................57..............
.....

3. La Constitution serbe de 1990......................................................58................
...

4. La loi de 2002 sur la protection des droits et libertés des minorités
nationales........................................................................
................................... 58 5. La charte constitutionnelle de la Communauté étatique de
Serbie-et-Monténégro et la Charte de s droits de l’homme, des droits des

minorités et des libertés civiles de Serbie-et-Monténégro de 2004...................59

III. Garanties des droits des minorités actu ellement en vigueur dans la République
de Serbie........................................................................
......59..................................

1. La Constitution serbe de 2006........................................................59..............
...

2. Les engagements internationaux pris pa r la Serbie dans le domaine des

droits de l’homme et des droits des minorités.......................................60..........

C. Le Kosovo et les Albanais du Kosovo 1981-1991...............................................61........

I. 1981-1986........................................................................
........................................... 61

II. Les amendements de 1989 à la Constitution serbe de 1974.................................64...

III. L’escalade de la crise en 1990 et la proclamation d’une «République du

Kosovo»........................................................................
........................................... 66

IV. La dissolution de la RFSY et la situation au Kosovo.....................................68.......

D. Le Kosovo au cours de la période 1992-1997..................................................70............

I. Institutions parallèles..................................................................70....
..........................

II. Les élections........................................................................
...................................... 72

III. L’implication internationale dans la crise du Kosovo et les tentatives de
dialogue (1992-1997) ...................................................................73...
......................

E. Le conflit de 1997/1999.....................................................................76.
..........................

I. L’«armée de libération du Kosovo»........................................................76..............
...

II. Le conflit armé : février-octobre 1998..................................................77..................

III. Février-mars 1999: la conférence de Rambouillet et le nouveau cycle de
violence........................................................................
............................................ 84

IV. Le bombardement de la RFY par l’OTAN, 1999..............................................86....

V. Les conséquences du conflit .............................................................88.........
.............

F. Depuis l’adoption de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité....................89

I. La situation des Serbes et des autres non-Albanais au Kosovo depuis 1999 ............. 89

II. Les normes pour le Kosovo...............................................................94.......
...............

III. Les négociations concernant le statut futur et leur résultat...........................96.........

1. Les négociations Ahtisaari ..........................................................96............
........

2. La mission envoyée par le Conseil de sécurité dans la région en avril 2007 .... 98 3. Les négociations de la Troïka........................................................................99...

4. La déclaration unilatérale d’indépendance (DUI) ............................................. 99

Chapitre 6 La déclaration unilatérale d’indépendance est en contradiction avec le principe du
respect de l’intégrité territoriale des Etats.............................................................. 100

A. La nature et l’importance du principe de l’intégrité territoriale..................................... 100

B. L’Organisation des Nations Unies a maintes fois affirmé le principe de l’intégrité
territoriale ........................................................................
.............................................. 104

I. D’une façon générale........................................................................
.......................... 104

II. En ce qui concerne les conflits internes en particulier.............................................. 106

1. Les conflits en Bosnie-Herzégovine et en Croatie ............................................ 107

2. La situation en Somalie........................................................................
............. 109

3. La situation en Géorgie ........................................................................
............. 110

4. La situation en République démocratique du Congo......................................... 111

5. La situation au Soudan ........................................................................
.............. 112

6. Autres situations........................................................................
........................ 114

C. Le droit conventionnel régional a lui aussi toujours défendu le principe de
l’intégrité territoriale........................................................................
.............................. 115

D. Principes dérivés........................................................................
.................................... 119

E. La DUI est en contradiction avec l’intégr ité territoriale internationalement affirmée
de la Serbie ........................................................................
............................................ 120

A. Autodétermination : un principe général de droit international..................................... 128

B. Le droit à l’autodétermination est soigneusement circonscrit en droit........................... 130

I. Territoires sous mandat et sous tutelle et territoires non autonomes.......................... 130

II. Occupation ........................................................................
........................................ 132

III. L’autodétermination en tant que principe des droits de l’homme ........................... 133

1. Considérations générales........................................................................
........... 133

2. Droits des minorités........................................................................
................... 134

3. Droits des peuples autochtones ........................................................................
. 136

C. L’autodétermination n’autorise pas la sécession............................................................ 137D. Le Kosovo ne constitue pas une unité territoriale concernée par l’autodétermination
et les Albanais du Kosovo ne constituent pas un «peuple»ayant droit à disposer de

lui-même........................................................................
................................................ 140

E. L’interprétation dans le sens de la «séce ssion à titre de recours» de la «clause de
sauvegarde» figurant dans la résolution2625 (XXV) de l’Assemblée générale est

erronée et, en tout état de cause, ne s’applique pas au Kosovo ..................................... 145

I. Le paragraphe7 du principe d’égalité de droits des peuples et de leur droit à
disposer d’eux-mêmes s’inscrit dans le cadre d’une pratique bien ancrée

consistant à assurer la sauvegarde de l’unité politique et de l’intégrité
territoriale des Etats indépendants........................................................................
... 145

II. Une interprétation a contrario de la «clause de sauvegarde»tendant à reconnaître

un droit à une «sécession à titre de recours»n’est pas validée par les moyens
juridiques d’interprétation ........................................................................
............... 148

1. Une interprétation de bonne foi de la «clause de sauvegarde» ne reconnaît

pas un droit à une «sécession à titre de recours»............................................... 148

2. Les travaux préparatoires ne valident pas une interprétation a contrario de
la «clause de sauvegarde» qui reconnaîtrait un droit à une «sécession à titre

de recours» ........................................................................
................................ 150

3. La pratique ultérieurement suivie ne valide pas une interprétation
a contrario de la «clausede sauvegarde» qui reconnaîtrait un droit à une

«sécession à titre de recours» ........................................................................
.... 152

III. La résolution2625 (XXV) ne fait pas d’ une minorité victime de violations de
ses droits fondamentaux un peuple ayant droit à disposer de lui-même.................. 156

IV. La théorie de la «sécession à titre de recours» n’
est validée ni par la
jurisprudence nationale ni par les conclusions des commissions des droits de
l’homme et des tribunaux ........................................................................
................ 158

V. Même si la «clause de sauvegarde» ét ait interprétée comme conférant un droit à
une «sécession à titre de recours» ( quod non), la présente affaire ne répondrait
pas aux exigences de cette clause........................................................................
.... 159

VI. Aucun organe international n’a jama is donné acte de l’applicabilité de la
prétendue «sécession à titre de recours» au Kosovo................................................ 162

F. Conclusions ........................................................................
............................................ 163

A. La pratique du Conseil de sécurité, en particulier la résolution 1244 (1999),
reconnaît et garantit l’intégrité territoriale de la RFY/Serbie........................................ 165

I. La pratique préalable à l’adoption de la résolution 1244 (1999) du Conseil de
sécurité........................................................................
............................................. 1 65

II. La pratique ayant débouché sur l’ adoption de la résolution1244 (1999) du

Conseil de sécurité........................................................................
........................... 167

1. La déclaration du président de la réunion des ministres des affaires
étrangères du G-8 tenue au Centre de Petersberg le 6 mai 1999....................... 167 2. L’accord militaro-technique entre la Force internationale de sécurité au
Kosovo («KFOR») et les Gouvernements de la RFY et de la République de

Serbie du 9 juin 1999........................................................................
................. 168

III. La résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité garantit l’intégrité territoriale
de la RFYet contredit le droit de la prétendue «République du Kosovo» de

déclarer unilatéralement son indépendance............................................................. 169

IV. La pratique ultérieurement suivie par les organes de l’ONU réaffirme l’intégrité
territoriale de la Serbie ........................................................................
.................... 172

B. La création d’une administration civile internationale (MINUK).................................. 173

C. L’établissement d’une présence de sécurité (KFOR)..................................................... 177

D. Le rôle de la Serbie au Kosovo........................................................................
.............. 177

E. Les notions d’autonomie substantielle et d’auto-administration substantielle dans la
résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité .............................................................. 178

I. Le sens de la notion d’«autonomie»........................................................................
... 179

II. Le sens de la notion d’«auto-administration»........................................................... 179

F. Le processus politique visant à déterminer le statut futur du Kosovo............................ 182

I. Les paramètres procéduraux prescrits par le Conseil de sécurité dans sa

résolution 1244 (1999)........................................................................
..................... 182

1. Processus et négociations politiques..............................................................
.... 182

2. Toute action unilatérale est interdite ................................................................. 183

3. Obligations des parties à la négociation............................................................ 185

II. Les paramètres techniques prescrits par le Conseil de sécurité dans sa résolution

1244 (1999)........................................................................
...................................... 187

1. Principes de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Serbie ............... 187

2. Accords de Rambouillet........................................................................
............ 187

3. Pratique suivie par le Conseil de sécu rité dans d’autres affaires confirme
cette interprétation de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité .......... 188

G. Seul le Conseil de sécurité peut mettre fin au régime juridique international créé
par la résolution 1244 (1999) du Conseil....................................................................... 190

I. Compétence du Conseil de sécurité pour créer une administration territoriale

intérimaire en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies..................... 190

II. Résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité demeure valide............................... 191

1. Texte de la résolution 1244 (1999) et pratique ultérieure.................................. 191

2. Vues exprimées dans le contexte du «Plan Ahtisaari»...................................... 193 3. Pratique suivie par les organes de l’ONU après le plan Ahtisaari et la DUI..... 195

4. Déclarations de membres du Conseil de sécurité.............................................. 199

5. Déclarations faites par d’autres Etats ................................................................ 200

6. L’accord militaro-technique du 9 juin 1999 demeure applicable...................... 202

H. Conclusions........................................................................
............................................ 203

A. La déclaration est un acte ultra vires des institutions provisoires d’administration

autonome........................................................................
................................................ 205

I. La DUI........................................................................
..........................................205

II. L’étendue des pouvoirs des institutions provisoires d’administration autonome,
en particulier de l’Assemblée ........................................................................
.......... 206

III. La DUI est un acte ultra vires qui viole le droit international................................. 208

B. La déclaration va à l’encontre de l’autorité administrative suprême créée par la
résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité .............................................................. 210

C. La DUI nie les compétences du Conseil de sécurité ...................................................... 212

D. La DUI est une tentative faite pour d écider unilatéralement de l’issue d’un
processus politique prévu par la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité........... 213

I. La DUI va à l’encontre des paramètres procéduraux prescrits par le Conseil de
sécurité dans sa résolution 1244 (1999)................................................................... 213

II. La DUI porte atteinte à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de la Serbie...... 215

E. Conclusion........................................................................
.......................................... ... 217

A.Aucune des situations exceptionnelles qui pourraient déboucher sur un droit de

sécession n’existe dans le cas du Kosovo...................................................................... 219

I. Le droit interne n’a jamais conféré et ne confère pas au Kosovo un droit de
sécession........................................................................
.......................................... 220

II. Le Kosovo n’a pas été rattaché illégalement à la Serbie ......................................... 222

III. L’Etat originel n’a jamais accepté la sécession....................................................... 223

B. Le statut d’Etat ne saurait se justifier par la seule effectivité ........................................ 224

I. La présence effective de ce qu’il est convenu d’appeler les éléments constitutifs
de l’Etat n’est pas suffisante, en droit international actuel, pour créer un nouvel

Etat........................................................................
................................................... 225

II. En tout état de cause, il n’existe pas de gouvernement indépendant effectif au
Kosovo........................................................................
............................................. 226

C. La reconnaissance par des Etats tiers n’est pas décisive à elle seule............................. 229 I. En elle-même, la reconnaissance pa r des Etats tiers ne vaut pas licéité
rétroactive et n’élimine pas l’illicéité...................................................................... 229

1. La reconnaissance n’est pas constitutive du statut d’Etat.................................. 229

2. Reconnaissance et affirmations illicites du statut d’Etat................................... 231

3. La reconnaissance ne peut légitimer l’illicéité .................................................. 231

II. Kosovo : le bilan disparate de la reconnaissance et de la non-reconnaissance........ 233

III. Conclusion........................................................................
....................................... 234

D.Le droit international actuel ne r este pas «neutre» à l’égard des tentatives
sécessionnistes illicites ........................................................................
.......................... 234

I. Le «principe de liberté» (« Lotus principle») ne s’applique pas au cas du
Kosovo........................................................................
............................................. 236

II. Ex injuria jus non oritur : un Etat ne peut pas ête créé dans l’illicéité.................... 239

E. Conclusions........................................................................
......................................... ... 240

A. Position de la Serbie ........................................................................
.............................. 242

B. Conclusions........................................................................
......................................... ... 244

Annexes ........................................................................
...................................................... 245

Annexe 1 La Serbie, section de cartographie du dé partement des opérations de
maintien de la paix de l’ONU........................................................................
...

Annexe 2 La Serbie-et-Monténégro , carte des divisions administratives, carte
magique, Smederevska Palanka........................................................................

Annexe 3 L’ex-Yougoslavie, section de cartographie du département des
opérations de maintien de la paix de l’ONU.....................................................

Annexe 4 Le Royaume de Yougoslavie ⎯ 1930, Institut géographique militaire,

Belgrade........................................................................
....................................
Annexe 5 Le Royaume des Serbes, Croates et Slovènes ⎯ 1924 , Institut

géographique militaire, Belgrade......................................................................

Annexe 6 Les Balkans en 1914 , Charles Jelavich & Barbara Jelavich, «The
Balkans», Englewood Cliffs, Prentice-Hall, inc 1965 ......................................

Annexe 7 Le vilayet du Kosovo, 1877-1912 , Dušan T. Batakovi ć, «Kosovo and
Metohija, Living in the Enclave», Institute for Balkan Studies, Belgrade
2008 ........................................................................
.......................................... P IECES ET DOCUMENTS SOUMIS A L ’APPUI DE L ’EXPOSE ECRIT DU
G OUVERNEMENT DE LA REPUBLIQUE DE SERBIE

A. Documents de base

1. Résolution 63/3 de l’Assemblée générale.

2. La déclaration unilatérale d’indépe ndance adoptée par l’Assemblée du Kosovo le
17 février 2008, http://www.assembly-kosova.org/?cid=2,128,1635.

o
3. Cadre constitutionnel de l’autono mie provisoire au Kosovo, Règlement n 2001/9
(15 mai 2001) de la MINUK, avec modifications.

4. Résolution de l’Assemblée nationale de la République de Serbie relative à la confirmation de

la décision du Gouvernement de la République de Serbie portant annulation des actes
illégitimes des institutions provisoires d’admi nistration autonome du Kosovo-Metohija
concernant la déclaration unilatérale d’indépe ndance, Journal officiel de la République de
o
Serbie, n 19/2008 [original et traduction].

5. Lettre datée du 17 février 2008, adressée au Secrétaire général par M. Boris Tadi ć, président
de la République de Serbie, Nations Unies, docA. /62/703-S/2008/111, annexe

(19 février 2008).

B. Traités et autres accords internationaux

6. Traité de Paix conclu à Londres le dix-sept (t rente) mai mil neuf cent treize entre la Turquie
et les Alliés balkaniques.

7. Traité de paix conclu et signé à Bucarest le 28juillet1913 entre la Serbie, la Grèce, le
Monténégro et la Roumanie, d’une part, et la Bulgarie, d’autre part.

8. Accord intervenu entre le Royaume de Serb ie et le Royaume de Grèce concernant la

frontière serbo-grecque [3/16 août 1913].

9. Accord intervenu entre le Royaume de Serbie et le Royaume de Monténégro concernant la
frontière serbo-monténégrine [30 octobre 1913 (calendrier julien)].

10. Accord militaro-technique entre la Force internationale de sécurité au Kosovo («KFOR») et
les Gouvernements de la République fédérale de Yougoslavie et de la République de Serbie
du 9 juin 1999, Nations Unies, doc. S/1999/682 (15 juin 1999).

11. Echange de lettres entre le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix et
le représentant permanent de la Serbie-e t-Monténégro auprès de l’Organisation des
NationsUnies au sujet du Bureau des Nations Unies à Belgrade, lettres datées des23 et

24 décembre 2003.

12. Document commun République fédérale de Yougoslavie-MINUK (5 novembre 2001).

13. Conclusions dont sont convenues la Serbie et la MINUK à l’issue de la réunion bilatérale du
20 octobre 2006 consacrée à l’élargissement de l’accord de libre-échange d’Europe centrale
(CEFTA). C. Conseil de sécurité : résolutions, déclarations
du président et autres documents

14. Résolution 1031 (1995) du Conseil de sécurité.

15. Résolution 1088 (1996) du Conseil de sécurité.

16. Résolution 1160 (1998) du Conseil de sécurité.

17. Résolution 1199 (1998) du Conseil de sécurité.

18. Résolution 1203 (1998) du Conseil de sécurité.

19. Résolution 1239 (1999) du Conseil de sécurité.

20. Résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité.

21. Résolution 1423 (2002) du Conseil de sécurité.

22. Résolution 1491 (2003) du Conseil de sécurité.

23. Résolution 1551 (2004) du Conseil de sécurité.

24. Résolution 1575 (2004) du Conseil de sécurité.

25. Résolution 1639 (2005) du Conseil de sécurité.

26. Résolution 1722 (2006) du Conseil de sécurité.

27. Résolution 1785 (2007) du Conseil de sécurité.

28. Résolution 1845 (2008) du Conseil de sécurité.

29. Déclaration du président du Conseil de sécurité, NationsUnies, doc.S/PRST/1998/25
(24 août 1998).

30. Déclaration du président du Conseil de sécurité, NationsUnies, doc.S/PRST/1999/2

(19 janvier 1999).

31. Déclaration du président du Conseil de sécurité, NationsUnies, doc.S/PRST/1999/5
(29 janvier 1999).

32. Déclaration du président du Conseil de sécurité, NationsUnies, doc.S/PRST/2001/34
(9 novembre 2001).

33. Déclaration du président du Conseil de sécurité, NationsUnies, doc.S/PRST/2008/44
(26 novembre 2008).

34. Nations Unies, doc. S/PV.4011 (10 juin 1999).

35. Projets de résolution 1244 du Conseil de sécurité adoptés par le G-8 les 7 et 8 juin 1999.

36. Projet de résolution sur le Kosovo, 17 juillet 2007.

37. Déclaration publiée le 20 juillet 2007 par l’Allemagne, la Belgique, les Etats-Unis, la France,
l’Italie et le Royaume-Uni, coauteurs du pr ojet de résolution sur le Kosovo présenté au Conseil de sécurité de l’ONU le 17juille t 2007, http ://www.unosek.org/docref/2007-

07-20%20-%20Statement%20issued%20by%20the%20co-sponsors%20of%20the%20draft
%20resolution%20.doc.

D. Avis de la commission d’arbitrage de la
conférence sur la Yougoslavie

o
38. Avins 1 de la commission d’arbitrage de la conférence sur la Yougoslavie, ILM, vol.31,
1494 (1992).

o
39. Avins 2 de la commission d’arbitrage de la conférence sur la Yougoslavie, ILM, vol.31,
1497 (1992).

o
40. Avins 3 de la commission d’arbitrage de la conférence sur la Yougoslavie, ILM, vol.31,
1499 (1992).

o
41. Avins 8 de la commission d’arbitrage de la conférence sur la Yougoslavie, ILM, vol.31,
1521 (1992).

E. Constitutions, textes législatifs et autres décisions relatives
au statut du Kosovo en Serbie et en Yougoslavie

42. Décision de la deuxième session du Con seil antifasciste de libération nationale de
Yougoslavie relative à la construction de la Yougoslavie basée sur le principe fédéral,
Conseil antifasciste de libération nationale de Yougoslavie, décision n o3 du

29 novembre 1943 [original et traduction].

43. Loi sur les divisions administratives de la Serbie, Journal officiel de Serbie, n o28/1945
[original et traduction].

44. Loi sur la création et l’organisation de la région autonome du Kosovo-Metohija, Journal
officiel de Serbie, n 28/1945 [original et traduction].

45. Constitution de la République fédérative populaire de Yougoslavie, Journal officiel de la
République fédérative populaire de Yougoslavie, n o10/1946, art.1, 2, 53, 54, 103 à 106

[original et traduction].

46. Constitution de la République populaire de Serbie, Journa l officiel de la République
populaire de Serbie, n 3/1947, art. 3, 13, 106 à 118, 152 [original et traduction].

47. Constitution de la République fédérative socia liste de Yougoslavie, Journal officiel de la
RFSY, n 14/1963, préambule, art. 1, 2, 108, 111, 112 [original et traduction].

48. Constitution de la République socialiste de Serbie, Journal officiel de la République
socialiste de Serbie, n 14/1963, art. 129, 135-139, 161 [original et traduction].

o
49. Amendements constitutionnels, Journal officiel de la RFSY, n 55/1968, amendements VII et
XVIII [original et traduction].

50. Amendements constitutionnels, Journal officiel de la Républ ique socialiste de Serbie,
n 5/1969, amendement V [original et traduction].

o
51. Amendements constitutionne ls XX à XLII, Journal officiel de la RFSY, n 29/1971,
amendements XX, XXXII, XXXVIII, XL [original et traduction].52. Constitution de la République fédérative socia liste de Yougoslavie, Journal officiel de la
RFSY, n 9/1974, art.1, 2, 273, 281, 286, 291, 292, 321, 348, 370, 398 à 402 [original et
traduction].

53. Constitution de la République socialiste de Serbie, Journal officiel de la République
socialiste de Serbie, n o8/1974, art.226, 293-296, 300-301, 343, 427 à 431 [original et

traduction].

54. Constitution de la province socialiste autonom e du Kosovo, Journal officiel de la province
socialiste autonome du Kosovo, n o4/1974, art.283, 300, 339, 349, 372, 390 [original et

traduction].

55. Amendements IX à XLIX à la Constitution de la République socialiste de Serbie, Journal
o
officiel de la République socialiste de Serbie, n 11/1989, amendements XXIX, XXXI, XLIII
et XLVII [original et traduction].

56. Cour constitutionnelle do Yougoslavie, arrêt du 19 févrie r 1991, II-U-broj 87/90, Journal
officiel de la RFSY, n 37/1991, p. 618 [original et traduction].

o
57. Constitution de la République de Serbie, Journal officiel de la République de Serbie, n 1/90,
art. 1 à 6, 108 à 113 [original et traduction].

58. Charte constitutionnelle de lo Serb ie-et-Monténégro, Journal officiel de
Serbie-et-Monténégro, n 1/2003, préambule et art. 60 [original et traduction].

59. Coostitution de la République de Serbie, Journal officiel de la République de Serbie,
n 98/2006, préambule et art. 182 [original et traduction].

F. Documents de la présidence et du conseil exécutif fédéral de
la République fédérative socialiste de Yougoslavie

e
60. Procès-verbal et notes sténographiques de la 253 réunion de la présidence de la RFSY du
22 mars 1989 [extraits ; original et traduction].

e
61. Procès-verbal de la 254 réunion de la présidence de la RFSY du 24mars1989 [extraits;
original et traduction].

o
62. Décision de la présidence de la RFSY n 51 du 12 juillet 1989 [original et traduction].

63. La position du Conseil exécutif fédéral en ce qui concerne les questions temporaires liées à
la situation politique et à la sécurité dans le pays, 29janvier1990 [extraits; original et

traduction].

64. Décision de la présidence de la RFSY n 1 du 31 janvier 1990 [original et traduction].

65. Décision de la présidence de la RFSY n 13 du 18 avril 1990 [original et traduction].

e
66. Procès-verbal de la 77 réunion de la présidence de la RFSY du 10octobre1990 [extraits:
original et traduction]. G. Déclarations d’Etats et d’organisations régionales

67. Le Bureau des Etats-Unis appuie le «Document commun MINUK-RFY», communiqué de
presse du Bureau des Etats-Unis à Pristina (6 novembre 2001), http://pristina.usembassy.gov
/press20011106a.html.

68. Déclaration du Conseil de l’Union européenne, C/02/210; 10945/02 (Presse 210)
(22 juillet 2002), p. 10, http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?reference=PRES/02/
210&format=HTML&aged=0&lg=hu&guiLanguage=fr.

69. Déclaration de la présidence de l’Union européenne du 3j0 uille002,
http://www.europa-eu-un.org/articles/es/article_1529_es.htm.

70. Action commune 2008/124/PESC du Conseil du 4 février 2008 relative à la Mission «Etat de
droit» menée par l’Union européenne au Kosovo, EULEX KOSOVO, Journal officiel de
l’Union européenne L 42/92 (16 février 2008).

e
71. Conseil de l’Union européenne, 2851 Conseil relations extérieures, communiqué de presse
6496/08 (18 février 2008), p. 7, http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_data/docs/
pressdata/en/gena/98818.pdf.

72. Déclaration du sommet de Bucarest publiée par les chefs d’Etat et de gouvernement
participant à la réunion du Conseil de l’Atla ntique Nord tenue à Bucarest le 3avril2008,
doc. OTAN PR/CP(2008)049 (3 avril 2008), par. 7.

73. Communiqué commun sur les résultats de la ré union des ministres des affaires étrangères de
la Fédération de Russie, de la République de l’Inde et de la République populaire de Chine
(15 mai 2005), http://www.meaindia.nic.in/.

74. Deutscher Bundestag Drucksache 16/92 87 [Parlement allemand, doc 1.6/9287]
(27 mai 2008) [original et traduction].

H. Autres documents

75. Déclaration constitutionnelle sur le Kosovo en ta nt qu’unité autonome et égale au sein de la
fédération (confédération) de Yougoslavie et en tant que sujet de droit bénéficiant de

l’égalité avec les autres unités composant lo fédération (confédération), Journal officiel de la
province socialiste autonome du Kosovo, n 21/1990 [original et traduction].

76. Lettre de M. Rugova à Lord Carrington, conférence pour la paix en Yougoslavie,

22décembre1991, reprise dans Marc Weller (dir. publ.), Crisis in Kosovo 1989-1999
(1999), p. 81.

77. Lettre de Lord Carrington, président de la conférence pour la paix en Yougoslavie, à
M. Rugova, 17 août 1992, reprise dans Marc Weller (dir. publ.), Crisis in Kosovo 1989-1999
(1999), p. 86.

78. Lettre de la délégation du Kosovo à la mi nistre des affaires étrangères des Etats-Unis
Albright, 23 février 1999, reprise dans Marc Weller (dir. publ.), Crisis in Kosovo 1989-1999
(1999), p. 471.

79. Accoer sur l’éducation signé sous l es auspices de la Communauté Sant’Egidio,
1 septembre1996 [original et traduction] et Mesures concertées pour l’application de
l’accord sur l’éducation, 23 mars 1998 [originaux anglais et serbe].80. UNMIK/PR/740 (23 mai 2002).

81. Proposition de la République de Serbie relative au statut du Kosovo, 26 avril 2007.

82. «Kosovo again opposes EULEX plan; Albani a airs doubts», Thomson Reuters Foundation,
25 novembre 2008, http://www.alertnet.org/thenews/newsdesk/LP686174.htm.

83. Echange de lettres entre S.Exc.Boris Tadi c, président de la République de Serbie, et
S.Exc.Javier Solana, Secrétaire général du Conseil de l’Union européenne et haut
représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune, datées du

28 novembre 2008.

___________ - 15 -

C HAPITRE 1

INTRODUCTION

1. Le présent exposé écrit est soumis en application l’ordonnance de la Cour datée du
17octobre2008 concernant la dema nde d’avis consultatif formulée par l’Assemblée générale des
1
Nations Unies dans sa résolution 63/3 du 8 octobre 2008 .

2. Le présent chapitre introductif se propose d’examiner l’origine ainsi que le libellé et la
portée de la demande d’avis consultatif. Il traitera également de certaines questions de procédure et
de terminologie et présentera la structure de l’exposé écrit qui suit.

A. O RIGINE DE LA DEMANDE D ’AVIS CONSULTATIF

3. La demande de l’Assemblée générale porte sur la licéité, en droit international, de la

déclaration unilatérale d’indépend2nce adoptée par l’Assemblée du Kosovo le 17février2008
(ci-après dénommée la «DUI») .

4. Le Kosovo-Metohija (ci-après dénommé le «Kosovo») est une province autonome de la
République de Serbie qui se trouve sous administ ration internationale en application de la

résolution1244 (1999) du Conseil de sécurité et av ec le plein accord de la République de Serbie
(ci-après dénommée la «Serbie») . 3

5. L’Assemblée du Kosovo est l’une des institutions provisoires d’administration autonome

du Kosovo créées en vertu du Cadre constitutionnel de l’autonomie provisoire au Kosovo (ci-après
dénommé «Cadre constitutionnel») 4 promulgué par le représentant spécial du Secrétaire général
(RSSG), qui dirige la présence internationale civile au Kosovo en application de la résolution 1244

(1999) du Conseil de sécurité.

6. La prétendue «déclaration d’indépe ndance» présente le Kosovo comme un «Etat
indépendant et souverain» . La Serbie a maintenu et continue de maintenir que la DUI constitue

une tentative de sécession unilatérale du Kosovo de la Serbie, qu’elle est nulle et non avenue et

1Voir pièce 1 des pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit.
2
Voir pièce 2 des pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit.
3
Voir la résolution1244 (1999) du Cons eil de sécurité, neuvième alinéa du préambule, pièce20 des pièces et
documents soumis à l’appui du présent exposé écrit.
4 o
Voir Cadre constitutionnel de l’autonomie provisoire au Kosovo, Règlement de la MINUK n 2001/9,
UNMIK/REG/2001/9 (15 mai 2001), pièce 3 des pièces et documen ts soumis à l’appui du présent exposé écrit (ci-après
dénommé: «Cadre constitutionnel»). Pour une analyse détaile de la présence internati onale civile au Kosovo, voir
chap. 8, sect. B.
5
DUI, art. 1. - 16 -

qu’elle est dépourvue de tout effet juridique, tant en Serb ie que pour l’ordre juridique
international .6

7. La DUI, tout comme les mesures prises depuis par les institutions provisoires

d’administration autonome du Kosovo, viole de façon flagrante la résolution1244 (1999) du
Conseil de sécurité et le régime juridique international qu’elle a créé, ainsi que la souveraineté et

l’intégrité territoriale de la Serbie et d’autres principes du droit international. La Serbie,
pleinement consciente de la nécessité de maintenir la paix internationale et la stabilité dans la
région, a réagi avec retenue et de façon responsable à ces v
iolations. Comme l’a déclaré le

président de la Serbie dans l’allocution qu’il a prononcée devant l’Assemblée générale :

«[d]epuis le début même de cette grave crise, la Serbie a exclu l’emploi de la force. Et
nous n’avons pas eu recours à d’autres op tions unilatérales, comme l’imposition de
sanctions économiques contre notre province sécessionniste. Au lieu de cela, nous

avons choisi une approche pacifique et diplomatique, qui a pour résultat que
l’immense majorité des Etats Membres de l’ONU se sont abstenus de reconnaître la
déclaration unilatérale d’indépendance du Kosovo.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

7
Nous avons choisi de faire appel au droit.»

8. En conséquence, la Serbie a proposé à l’ Assemblée générale de demander à la Cour un
avis consultatif quant à la licéité, en droit international, de la DUI , exposant que

«la manière la plus respectueuse des principes établis et la plus raisonnable de
surmonter les conséquences déstabilisan tes que pourrait avoir la déclaration

unilatérale d’indépendance consiste à ne plus examiner la question d’un point de vue
politique, mais sur le plan juridique» . 9

9. Le 8 octobre 2008, à la 22 séance de sa soixante-troisième session, l’Assemblée générale

a adopté la résolution63/3, par laquelle elle de mandait à la Cour de donner un avis consultatif,
seuls six Etats Membres ayant voté contre cette demande . 10

6Voir lettre datée du 17 février 2008, adressé e au Secrétaire général par M. Boris Tadi ć, président de la

République de Serbie, NationsUnies, doc. A/62/703-S/2008/111, annexe (19 février 2008), pièce 5 des pièces et
documents soumis à l’appui du présent exposé écrit, et Odluka Narodne Skupštine Republike Srbije o potvrđivanju odluke
Vlade Republike Srbije o poništavanju pr otivpravnih akata privremenih organa samouprave na Kosovu i Metohiji o
proglašenju jednostrane nezavisnosti [Résolution de l’Assemblé e nationale de la République de Serbie relative à la
confirmation de la décision du Gouvernement de la République de Serbie portant annulation des actes illégitimes des
Institutions provisoires d’administration autonome du Kos ovo-Metohija concernant la déclaration unilatérale
d’indépendance], Službeni glasnik Republike Srbije [Journal officiel de la République de Serbie], n 19/2008, pièce 4 des

pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit.
7Nations Unies, doc. A/63/PV.5 (23 septembre 2008), p. 32.

8Voir Nations Unies, doc. A/63/195 (22 août 2008) et A/63/L.2 (23 septembre 2008).

9Nations Unies, doc. A/63/195 (22 août 2008), annexe, pièce jointe – Mémoire explicatif, p. 3.
10
Le projet de résolution a été adopté par 77 voix c ontre 6, avec 74 abstentions. Voir NationsUnies,
doc. A/63/PV.22 (8 octobre 2008), p. 11. - 17 -

B. L IBELLE DE LA DEMANDE D ’AVIS CONSULTATIF

10. Dans la résolution 63/3, l’Assemblée générale a décidé, conformément à l’article 96 de la

Charte des Nations Unies, de demander à la Cour internationale de Justice, en application de
l’article65 du Statut de celle-ci (ci-après dé nommé «Statut de la Cour»), de donner un avis

consultatif sur la question suivante: «La déclar ation unilatérale d’indé pendance des institutions
provisoires d’administration autonome du Kosovo est-elle conforme au droit international ?»

11. En faisant cette demande, l’Assemblée géné rale «[t]en[ait] compte des buts et principes
des Nations Unies» 11. Elle était par ailleurs consciente que la DUI avait suscité des «réactions

diverses de la part des Membres de l’Organisati on des Nations Unie12quant à la question de savoir
s[i elle] était conforme à l’ordre juridique international actuel» .

C. L’ ORDONNANCE DE LA C OUR DU 17 OCTOBRE 2008

12. La résolution a13té transmise à la Cour sous le couvert d’une lettr e du Secrétaire général
datée du 9 octobre 2008 . Le 10 octobre 2008, le greffier a notifié la requête à tous les Etats admis
à ester devant la Cour .4

13. Par son ordonnance du 17 octobre 2008, la Cour a décidé que l’Organisation des

Nations Unies et ses Etats Membres étaient jugés susceptibles de fournir des renseignements sur la
question soumise à la Cour, et a fixé au 17 avril 2009 la date d’expiration du délai de présentation
d’exposés écrits et au 17 juillet 2009 la date d’e xpiration du délai de présentation d’observations
15
écrites sur les exposés écrits .

14. La Cour ayant par ailleurs décidé que «les auteurs» de la DUI «[étaient] jugés
susceptibles de fournir des renseignements sur la qu estion», elle les a invités à lui soumettre des
«contributions écrites» dans les délais sus-indiqués . 16

15. Avant l’ordonnance de la Cour du 17 oc tobre 2008, la Serbie avait communiqué ses

premières observations sur le déroulement de la pr océdure dans la présente affaire dans une lettre
datée du 14 octobre 2008. L’une des questions soulevées concernait l’éventuelle participation de la
prétendue «République du Kosovo» à la procédure de vant la Cour. A cet égard, la Serbie a adopté

la position sans équivoque selon laquelle «la «Ré publique du Kosovo» prétendument indépendante
ne peut pas participer à la procédure devant la Cour en vertu des dispositions pertinentes de la

Charte des Nations Unies et du Statut de la Cour».

11
Résolution 63/3 de l’Assemblée générale, préambule, pièce 1 des pièces et documents soumis à l’appui du
présent exposé écrit.
12
Ibid.
13
Conformité au droit international de la déclaration unilatérale d’indépendance des institutions
provisoires d’administration autonome du Kosovo (requête pour avis consultati, ordonnance du 17octobre2008
[ci-après dénommée : l’ordonnance du 17 octobre 2008].
14
Ibid.
15Ibid., par. 1-3.

16Ibid., par. 4. - 18 -

16. La Serbie relève que l’ordonnance de la Cour du 17 octobre 2008 n’a pas autorisé la
participation de la prétendue «République du Kos ovo» à la procédure. La Cour a simplement

invité les «auteurs» de la DUI à lui soumettre des «contributions écrites».

17. Les «auteurs» de la DUI sont les memb res de l’Assemblée du Kosovo qui ont adopté le
document le 17 février 2008. L’Assemblée, en tant que l’une des institutions provisoires

d’administration autonome du Kosovo, ne dispose da ns le domaine des affaires étrangères que de 17
pouvoirs limités, qui doivent toujours être exercés en coordination avec le RSSG . De plus, ce
dernier s’est vu conférer un large pouvoir s’agissan t de conduire les «[r]elations extérieures,

notamment avec les Etats et les organisations internationales, qui ser[ai]nt nécessaires à l’exécution
de son mandat» . Il convient de noter qu’en applicati on de la résolution 1244 (1999) du Conseil

de sécurité, la M19UK a agi au nom du Kos ovo dans les organisations et conférences 20
internationales ainsi que devant le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie , tant
avant qu’après la DUI.

18. Il s’ensuit que les renseignements en provenance des «auteurs» de la DUI doivent être

soumis à la Cour sous les auspices de la MINUK. La participation des «auteurs» de la DUI à la
présente procédure rompt de manière très nette avec la pratique antérieure de la Cour, et soulève

d’importantes questions au regard de l’article 93 de la Charte, ainsi que des articles 34 et 35 et du
paragraphe2 de l’article 66 du St atut de la Cour. La Serbie réserve ses droits à l’égard de toute
participation des «auteurs» de la DUI qui serait incompatible avec la résolution 1244 (1999) du

Conseil de sécurité, le droit international général et le Statut de la Cour.

D. P ORTEE DE LA DEMANDE D ’AVIS CONSULTATIF

19. Aux termes de la demande, la Cour est invitée à donner son avis sur la question de savoir
si la DUI est «conforme au droit international». La demande se limite donc à des questions
juridiques et porte sur la licéité de la DUI au rega rd des règles applicables du droit international.

Rien de plus, rien de moins.

17
Cadre constitutionnel, art. 5.6, pièce 3 des pi èces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit.
18
Ibid., art. 8.1 o).
19Par exemple, la MINUK a représenté le Kosovo lors de réunions de l’OIT (voir, par exemple, conférence

internationale du travail, supplément au compte rendu provisoire, quatre-vi ngt-dix-septième seseion, 12 juin 2008, «Liste
définitive des délégations», p.106; compte rendu provisoire, quatre-vinet-quinzièmesession, 6 séance, 7 juin 2006,
p.38-39; compte rendu provisoire, quatre-vingt-seizièmesession, 12 séance, 12juin 2007, p.16; disponibles à
l’adresse : http://www.ilo.org/global/lang--fr/index.htm) ; la MINUK a également représenté le Kosovo devant le Comité
des droits économiques, sociaux et culturels, par exemple à sa quarante et unièmesession tenue le 10novembre2008,
(voirhttp://www2.ohchr.org/french/bodies/cescr/cescrs41.htm ; elle l’a également représenté lors de réunions régionales,
comme lors de la création du Conseil de coopération régionale (CCR), voir Joint Declaration on the Establishment of the

Regional Co-operation Council (RCC) , 27 février 2008, par.1, disponible à l’adresse: http://www.stabilitypact.org
/rt/RCC%20Joint%20Declaration%20-%20Final.pdf ).
20Par exemple, le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (ci-après dénommé «TPIY») s’est toujours

tourné, pour demander et obtenir des garanties en ce qui con cerne la mise en liberté provisoire d’accusés originaires du
Kosovo, uniquement vers la MINUK, non vers l’une quelconoue des institutions provisoires d’administration autonome.
Voir, par exemple, Le Procureur c. Limaj et al , affaire nT-03-66-A, décision portant sur la requête de mise en liberté
provisoire présentée au nom de Hara din Bala, 14 février 2008, par. 8-9 ; Le Procureur c. Haradinaj et al , affaire
noIT-04-84-T, décision portant sur la requête de mise en liberté provisoire présentée au nom de Ramush Haradinaj,
14 décembre 2007, par. 16 (indiquant qu’en vertu de la résolution 1244, «la MINUK est chargée d’assurer la sécurité et
de maintenir l’ordre public au Kosovo/Kosova, et (que), de ce fait, elle est l’autorité appropriée pour fournir de telles
o
garanties»). Voir également Le Procureur c. Haraqija et Morina , affaire n IT-04-84-R77.4-A, décision portant sur la
requête de mise en liberté provisoire présentée au nom de Ba jrush Morina, 9février2009, par. 6 et 12, toutes décisions
disponibles à l’adresse : http://www.icty.org/action/cases/4. - 19 -

20. La Cour, ainsi qu’elle l’a indiqué dans une autre affaire, «doit déterminer les principes et
règles existants, les interpréter et les appliquer…apportant ainsi à la question posée une réponse
fondée en droit» .1

21. Comme on le verra dans les troisième et quatrième parties du présent exposé écrit, il
convient, en l’espèce, d’appliquer à la DUI des normes juridiques internationales qui peuvent,

théoriquement au moins, être classées en deux catégories. Il y a, d’abord, les normes qui relèvent
du droit international général et, ensuite, le ré gime juridique créé par la résolution1244(1999),
lequel englobe les règlements et décisions de l’administration civile internationale au Kosovo.

C’est à l’aune de ces deux séries de principes et règl es que la Cour devra déterminer la licéité de la
DUI.

22. Il convient de noter que la demande d’avis consultatif ne porte pas directement sur la
question de la reconnaissance de la prétendue «République du Kosovo» par certains Etats, même si

l’avis de la Cour quant à la licéité de la DUI ne peut que revêtir un grand intérêt pour les Etats qui
ont reconnu cette entité en tant qu’Etat.

23. Enfin, on notera également que la demande d’avis consultatif ne vise pas en premier lieu
à établir les faits se rapportant à la situation et à l’histoire du Kosovo. La Serbie a axé son présent

exposé écrit sur la question juridique posée à la Cour. Cela étant, les faits relatifs à la situation au
Kosovo, ainsi que le statut juridique du Kos ovo jusqu’à ce jour, seront évoqués, mais uniquement
dans la mesure où il le faudra pour fournir à la Cour les informations générales nécessaires. La

Serbie réserve sa position à l’égard de toutes ques tions non expressément abordées dans le présent
exposé écrit.

E. C ONTINUITE ENTRE LA RFY/S ERBIE -ET -M ONTENEGRO ET LA SERBIE

24. Comme on le sait, la Serbie assume sur le plan international la personnalité juridique de

la République fédérale de Yougoslavie (ci-ap rès dénommée «RFY»), qui a été proclamée le
27 avril 1992 et a été rebaptisée Communauté étatique de Serbie-et-Monténégro en 2003.

25. La continuité assumée au regard du droit international entre la RFY/Communauté
étatique de Serbie-et-Monténégro, d’une part, et la Serbie, d’autre part, a été confirmée dans
22
l’article60 de la Charte constitutio nnelle de la Serbie-et-Monténégro , qui a également confirmé
expressément qu’au cas où le Monténégro viendrait à se séparer de la Communauté étatique de
Serbie-et-Monténégro, «les instruments internati onaux applicables à la République fédérale de

Yougoslavie, en particulier la résolution 1244 du Conseil de sécurité de l’Org23isation des
Nations Unies, se rapporteraient et s’appliqueraient intégralement à la Serbie...»

26. Par ailleurs, la Charte constitutionnelle de la Serbie-et-Monténégro a confirmé dans son
préambule que c’était l’Etat serbe, en tant que l’une des entités constitutives de la Communauté

étatique, qui

21
Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996, p. 234, par. 13,
ci-après dénommé Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires.
22 Ustavna povelja Državne zajednice Srbija i Crna Gora [«Charte constitutionnelle de la
Serbie-et-Monténégro»], Službeni list Srbije i Crne Gore [Jourofficiel de la Serbie-et-Monténégro»]1/2003,

pièce 58 des pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit.
23Ibid., art. 60. - 20 -

«compren[ait] la province autonome de Voivoïdine et la province autonome du
Kosovo-Metohija, laquelle, conformément à la résolution 1244 du Conseil de sécurité
de l’Organisation des Nations Unies, [é tait] momentanément administrée par la
24
communauté internationale...»

27. La continuité entre la RFY/Communauté étatique de Serbie-et-Monténégro, d’une part,
et la Serbie, d’autre part, a également été acceptée dans la pratique de l’ONU en la matière. Nul

n’a contesté, après que le Monténégro s’est séparé de la Communauté étatique de
Serbie-et-Monténégro, que la Serbie continuait d’ exercer tous les droits et obligations que la
RFY/Communauté étatique de Serbie-et-Monténég ro avait antérieurement exercés en tant que

Membre de l’Organisation des Nations Unies.

28. En outre, la Cour a, dans l’arrêt qu’e lle a rendu en2007 dans l’affaire concernant
l’Application de la Convention sur la prév ention et la répression du crime de génocide
(Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), pr is acte du fait que la Serbie avait accepté cette
25
continuité et, pour cette raison, a également cons idéré que la Serbie était demeurée le
gouvernement défendeur dans cette affaire . 26

29. La Cour a récemment réaffirmé cette opini on dans l’arrêt qu’elle a rendu dans l’affaire
concernant l’Application de la Convention sur la préven tion et la répression du crime de génocide
27
(Croatie c. Serbie) .

30. Il découle de cette continuité juridique que toute référence à l’intégrité territoriale de la
RFY (Serbie et Monténégro)/Communauté étatique de Serbie-et-Monténégro dans la pratique des
organes de l’Organisation des Nations Unies et de chaque Etat doit s’entendre en tant que référence

à l’intégrité territoriale de la Serbie.

F. STRUCTURE DE L ’EXPOSE ECRIT

31. Le présent exposé écrit comprend cinq parties.

32. La première partie examine les questions concernant la compétence et la recevabilité et

démontre, au chapitre 2, que la Cour a compéten ce pour donner l’avis consultatif que l’Assemblée
générale a demandé dans la présente affaire, tandi s que le chapitre 3 démontre que la requête est

recevable.

33. La deuxième partie aborde les éléments de fait pertinents. Le chapitre 4 traite du cadre

géographique et historique de la Serbie et de sa province autonome du Kosovo. Le chapitre5
examine le contexte juridique et factuel de la cr ise du Kosovo. Les sections A et B du chapitre 5

sont consacrées au statut juridique du Kosovo en Serbie et en Yougoslavie, ainsi qu’aux normes de

24
Ibid., préambule.
25 Affaire concernant l’Application de la Convention su r la prévention et la répression du crime de génocide
(Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), arrêt du 26 février 2007, rôle général n 31, par. 75.

26Ibid., p. 32, par. 77.

27 Affaire concernant l’Application de la Convention su r la prévention et la répression du crime de génocide
(Croatie c. Serbie), arrêt du 18 novembre 2008, rôle général n 118, par. 32. - 21 -

protection des droits des minorités applicabl es au Kosovo. Vient ensuite un examen du
déroulement de la crise du Kosovo depuis 1981 jusqu’à la DUI intervenue en 2008.

34. La troisième partie examine la licéité de la DUI sous l’angle du droit international
général. Elle comprend deux chapitres. Le prem ier chapitre (chap.6) expose le principe de

l’intégrité territoriale des Etats et ses conséquences sur la licéité de la DUI, tandis que le second
chapitre (chap. 7) aborde la question du droit à l’autodétermination.

35. La quatrième partie étudie l’impact de la résolution1244(1999) du Conseil de sécurité

sur la question posée à la Cour. En particulier, le chapitre 8 examine en détail le régime juridique
international créé pour le Kosovo par la résoluti on 1244 (1999) du Conseil de sécurité, tandis que
le chapitre 9 se demande si la DUI est conforme à ce régime juridique.

36. La cinquième partie, à savoir le chapitr e 10, passe en revue divers raisonnements qui
pourraient servir à justifier la DUI sous l’angle du droit intern ational et conclut qu’aucun ne
s’applique à la présente affaire.

37. L’exposé écrit se clôt sur le chapitre 11, qu i contient les conclusions et les allégations
présentées à la Cour.

38. Sept annexes contenant des cartes sont jointes à l’exposé écrit.

39. Un volume de 83 pièces et documents, reproduits pour la commodité de la Cour, est
annexé au présent exposé écrit.

40. Une dernière précision: il convient de noter que le présent exposé écrit porte sur des
événements qui se sont déroulés sur une très longue période et à la faveur desquels certaines
désignations ⎯ comme, par exemple, la «Yougoslavie» ⎯ ont souvent changé de sens. Par souci
de clarté, les désignations utilisées dans le présen t exposé écrit doivent, sauf indication contraire,

être rapportées au contexte historique dans lequel elles sont évoquées. - 22 -

PREMIERE PARTIE

QUESTIONS DE COMPETENCE ET D’OPPORTUNITE

C HAPITRE 2

L A C OUR A COMPETENCE POUR DONNER L ’AVIS CONSULTATIF DEMANDE

41. Le présent chapitre montrera que la C our a compétence pour donner un avis consultatif
dans la présente affaire.

42. En vertu du paragraphe 1 de l’article 65 du Statut de la Cour,

«La Cour peut donner un avis consu ltatif sur toute question juridique, à la
demande de tout organe ou institution qu i aura été autorisé par la Charte des
Nations Unies, ou conformément à ses dispositions, à demander cet avis.»

43. A cet égard, la Cour a déclaré que

«pour que la Cour ait compétence, il faut que l’avis consultatif soit demandé par un
organe dûment habilité à cet effet conformé ment à la Charte, qu’il porte sur une
question juridique et que, sauf dans le cas de l’Assemblée généra le et du Conseil de
28
sécurité, cette question se pose dans le cadre de l’activité de cet organe» .

44. Ainsi, la Cour ne peut-elle exercer sa compétence consultative dans la présente affaire

que si i)l’avis consultatif estdemandé par un organe dûment ha bilité à cet effet et que ii)la
question posée à la Cour est une question juridique. La question de savoir si la première condition
est remplie en l’espèce est examinée dans les sections A et B, tandis que la section C traite de la

question de savoir si l’avis demandé porte sur une question juridique.

A. L’AVIS A ETE DEMANDE PAR UN ORGANE DUMENT HABILITE A CET EFFET

45. S’agissant de la première condition à remplir ⎯ l’avis doit être demandé par un organe

dûment habilité à cet effet ⎯, la disposition pertinente en l’espèce est le paragraphe1 de
l’article 96 de la Charte des Nations Unies, ainsi libellé : «L’Assemblée gé nérale ou le Conseil de
sécurité peut demander à la Cour international de Justice un avis consultatif sur toute question
juridique.»

46. En conséquence, étant donné que la Charte autorise expressément l’Assemblée générale

à demander un avis consultatif à la Cour, il est clair que l’Assemblée générale est, comme l’a
déclaré la Cour, «un organe dûment habilité [à demander un avis consultatif] conformément à la

28 Demande de réformation du jugement273 du Tribunal administratif des Na tions Unies, avis consultatif,
C.I.J. Recueil 1982 , p.333-334, par. 21; voir égConséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le
territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004, p. 144, par. 14, ci-après dénommé Mur ; Licéité de la
menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, p. 232 à 234, par. 10 à 13. - 23 -

29
Charte» . De ce fait, la première condition préalable nécessaire à l’exercice de la compétence
consultative fixée par le paragraphe 1 de l’article 65 du Statut de la Cour est remplie.

B. L’ORGANE AYANT DEMANDE L ’AVIS CONSULTATIF A AGI DANS LES LIMITES
DE SA COMPETENCE

47. En vertu du paragraphe 1 de l’article 96 de la Charte, l’Assemblée générale et le Conseil
de sécurité ont une compétence étendue s’agissant de demander à la Cour un avis consultatif «sur
toute question juridique». En revanche, les autres or ganes de l’ONU et les institutions spécialisées

n’ont le droit de demander un avis consultatif que sur des «questions juridiques qui se poseraient
dans le cadre de leur activité» (paragraphe 2 de l’article 96 de la Charte). Au vu de ces
dispositions, il est allégué que la compétence de l’Assemblée générale pour ce qui est de demander

un avis consultatif ne peut être mise en doute dès lors que la question posée à la Cour est une
question juridique.

48. Par ailleurs, la Charte confère à l’Assemb lée générale de larges pouvoirs qui l’autorisent
clairement à discuter la question faisant l’objet de la requête pour avis consultatif de la Cour. En

vertu de l’article 10 de la Charte, l’Assemblée générale est habilitée à «discuter toutes questions ou
affaires rentrant dans le cadre de la présente Charte ou se rapportant aux pouvoirs et fonctions de
l’un quelconque des organes prévus dans la présente Charte…».

49. Comme la Cour l’a noté, l’article 10 de la Charte «a conféré à l’Assemblée générale une
30
compétence à l’égard de ‘toutes questions ou affaires’ entrant dans le cadre de la Charte...»

50. En sus des pouvoirs généraux que lui confèr e l’article 10, l’Assemblée générale dispose

de compétences spécifiques découlant de la Charte, notamment les compétences pour i) étudier les
principes généraux de coopération pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales
(paragraphe 1 de l’article 11) ; ii) discuter toutes questions se rattachant au maintien de la paix et de

la sécurité internationales (paragraphe 2 de l’article 11); et se prononcer sur l’admission de
nouveaux Membres (paragraphe 2 de l’article 4).

51. La demande d’avis consultatif pour avis consultatif concerne une prétendue «déclaration
d’indépendance» des institutions provisoires d’ administration autonome d’un territoire qui est

administré par les NationsUnies aux fins de main tenir et de rétablir la paix et la sécurité
internationales en vertu d’une résolution contrai gnante du Conseil de sécurité. Cette prétendue
«déclaration d’indépendance» a porté directement atte inte à l’autorité de l’ ONU en général et de

son administration au Kosovo en particulier. Comme l’a déclaré le Secrétaire général, «[c]ette
déclaration et les événements qui se sont déroulés par la suite ont mis à rude épreuve la capacité de
la MINUK à exercer son autorité administrative (au Kosovo)» . 31

52. Il apparaît clairement que la question de la licéité d’un acte qui «a mis à rude épreuve»

l’autorité de la MINUK et, d’une façon géné rale, de l’ONU relève spécifiquement de la
compétence de l’Assemblée générale et la concerne directement. De même, le fait que le Conseil

29 o
Demande de réformation du jugement n 273 du Tribunal administratif des Na tions Unies, avis consultatif,
C.I.J. Recueil 1982, p. 333, par. 21.
30Mur, p. 145, par. 17, Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, p. 233, par. 11.

31Rapport du Secrétaire général sur la Mission d’admnistration intérimaire des Nations Unies au Kosovo,
Nations Unies, doc. S/2008/211 (28 mars 2008), par. 30. - 24 -

de sécurité n’ait pas été en mesure de décider de la manière de relever le défi ainsi posé à
l’Organisation est également une question qui concerne directement l’Assemblée générale et relève
manifestement de sa compétence, notamment par ce qu’elle se rapporte «aux pouvoirs et fonctions

de l’un quelconque des organes prévus dans la présente Charte» (article 10 de la Charte).

53. De surcroît, la DUI a soulevé des questions concernant le respect de la Charte, en
particulier les buts et principes qu’elle énonce ; le respect des décisions des organes de l’ONU et le

respect des normes du droit international général. Toutes ces questions relèvent manif32tement de
la compétence de l’Assemblée générale, qui s’y intéresse depuis longtemps .

54. En particulier, l’Assemblée générale s’ occupe depuis longtemps de la situation au
Kosovo, notamment dans le contexte du maintien de la sécurité internationa le dans la région de
33
l’Europe du Sud-Est . A cet égard, l’Assemblée générale a maintes fois réaffirmé la nécessité de
respecter pleinement la Charte, et notamment les principes d’intégrité territoriale et de
souveraineté, et souligné l’importance d’une mise en Œuvre intégrale de la résolution 1244 (1999)

du Conseil de sécurité, ainsi que le rôle et les responsabilités qui incombent à la MINUK à cet
égard .34

55. Par principe, l’Assemblée générale est directement concernée par toutes les situations
dans lesquelles des violations de la Charte des Na tions Unies et du droit international général, ainsi

que des atteintes à l’autorité de l’ONU sont au centre du débat, parce qu’elles constituent une
menace grave et directe pour le fonctionnement de l’Organisation et de l’ensemble de la

communauté internationale. La prétendue «déclar ation d’indépendance» ressortit manifestement à
l’une de ces situations. Il est allégué que l’ Assemblée générale non seulement a légitimement
intérêt à remédier à cette situation, mais est tenue de le faire et, dans cette perspective, de demander

l’avis de la Cour en tant que principal organe judiciaire de l’Organisation des Nations Unies.

56. Enfin, en exerçant son autorité en vue de demander à la Cour un av is consultatif dans la
présente affaire, l’Assemblée générale est fidè le à sa propre position selon laquelle l’ONU et ses
organes devraient utiliser davantage les services de la Cour en lui demandant son avis sur des
35
questions juridiques .

57. En conclusion, l’Assemblée générale a clai rement agi dans le cadre de sa compétence en
adoptant la demande pour avis consultatif. Le fait que, dans le même temps, la situation au Kosovo

32 Voir, par ex., leDocument final du Sommet mondial de 2005 , résolution 60/1 de l’Assemblée générale,
par.2-6, 69-80, 134, 149-151. Voir également, par ex, Question du Timor oriental, résolution 37/30 de l’Assemblée
générale et ses résolutions précédentes sur le statut du Timor oriental; Politique d’apartheid du Gouvernement

sud-africain – Le Transkei prétendum ent «indépendant» et autres bantoustans , résolution 31/6 de l’Assemblée générale
sur la nullité de l’indépendance des prétendus bantoustans en Afrique du Sud ; Question de Chypre, résolution 37/253 de
l’Assemblée générale et ses résolutions précédentes affirmant la s ouveraineté de Chypre et infirmant la validité de
l’indépendance de la prétendue République turque de Chypre-Nord.
33
Voir, par ex., les résolutions de l’Assemblée générle 54/62; 55/27; 56/18; 57/52; 59/59, et 61/53 sur le
maintien de la sécurité internationale – relations de bon voisinage, stabilité et développement en Europe du Sud-Est.
34
Voir la résolution de l’Assemblée générale 54/62, cinquième alinéa du préambule et paragraphe3 du
dispositif; la résolution 55/27, septième alinéa du préambuleet paragraphes3 et4 du dispositif; la résolution 56/18,
cinquième alinéa du préambule et paragraphes1 et2 du dispositif; la résolution 57/52, cinquième alinéa du
préambule et paragraphes 1 et 2 du dispositif ; la résolution 59/59, huitième alinéa du préambule et paragraphes 1, 2
et 5 du dispositif ; et la résolution 61/53, premier et neuvième alinéas du préambule et paragraphes 1 et 2 du dispositif.
35
Voir résolution 171 (II) de l’Assemblée générale. Voir également les rapports du Secrétaire général de l’ONU,
Agenda pour la paix, Nations Unies, doc. S/24111 (17 juin 1992), par. 38 ; A/45/1 (16 septembre 1990), p. 7 ; et A/46/1
(6 septembre 1991), p. 4. - 25 -

ait été examinée par le Conseil de sécurité n’a en rien diminué le pouvoir de l’Assemblée générale
à cet égard. Si l’article 12 de la Charte limite la compétence de l’Assemblée générale s’agissant de
faire des recommandations sur un différend ou une s ituation à l’égard duquel ou de laquelle le

Conseil de sécurité remplit les fonctions qu’il tient de la Charte, cette limitation, selon une
jurisprudence constante de la Cour, ne s’applique pas, en tout état de cause, aux requêtes pour avis
36
consultatif .

C. L A QUESTION POSEE EST UNE QUESTION JURIDIQUE

58. La Cour a compétence pour se prononcer sur une requête pour avis consultatif aux

termes de l’article 65 de son Statut si une deuxième condition préalable est remplie : la requête doit
porter sur une «question juridique». De même, en vertu du paragraphe 1 de l’article96 de la
Charte, l’Assemblée générale ne peut demander un avis consultatif que sur une question juridique.

59. Selon la Cour, les questions juridiques sont celles qui «ont été libellées en termes

juridiques et soulèvent des problèmes de droit international...» et qui «sont, par leur nature même,
susceptibles de recevoir une réponse fondée en droit ; elles ne seraient guère susceptibles d’ailleurs
de recevoir une autre réponse ... [et elles] appara[issent] ... [avoir] un caractère juridique» . 37

60. La Cour a également expliqué que

«[l]a question que l’Assemblée générale a posée à la Cour constitue effectivement une
question juridique, car la Cour est priée de se prononcer sur le point de savoir si la

menace ou l’emploi d’armes nucléaires est compatible avec les principes et règles
pertinents du droit international. Pour ce faire, la Cour doit déterminer les principes et
règles existants, les interpréter et les appliquer à la menace ou à l’emploi d’armes
38
nucléaires, apportant ainsi à la question posée une réponse fondée en droit.»

61. La question posée à la Cour en l’espèce est celle de savoir si la DUI est «conforme au
droit international». C’est manifestement une ques tion juridique. Elle a été «libellée en termes
39
juridiques» et elle «soulève des problèmes de droit international» . Afin d’y répondre, la Cour
devra accomplir une tâche essentiellement juridique ⎯ évaluer la compatibilité de la DUI avec les
principes et règles pertinents du droit international. A cette fin, elle devra déterminer ces principes
40
et règles, les interpréter et, enfin, les appliquer à la DUI . Ce processus doit déboucher sur
«réponse fondée en droit». D’ailleurs, la question posée en l’espèce ne serait, pour citer la Cour,
«guère susceptible de recevoir une autre réponse» . 41

62. En conséquence, la question qui est l’objet de la présente procédure consultative est une

question qui a un caractère juridique. En ce qui concerne cette question, l’Assemblée générale
avait compétence pour demander un avis consultatif à la Cour et celle-ci a compétence pour donner

cet avis.

36Mur, p. 150, par. 28.

37Sahara occidental, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1975, p. 18, par. 15, ci-après dénommé «Sahara occidental».
38
Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, p. 234, par. 13.
39
Voir Sahara occidental, p. 18, par. 15.
40Voir Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, p. 234, par. 13.

41Voir Sahara occidental p. 18, par. 15. - 26 -

63. Comme beaucoup d’autres questions juridiqu es pertinentes, cette question a bel et bien
une forte dimension politique. Mais celle-ci ne lui ôte pas son caractère juridique et n’enlève pas à
la Cour sa compétence consultative 42. Ainsi que la Cour l’a déjà déclaré dans une procédure

consultative antérieure et l’a réaffirmé de façon positive dans des avis c onsultatifs récents, «[e]n
fait, lorsque des considérations politiques jouent un rôle marquant, il peut être particulièrement

nécessaire à une organisation internationale d’obt enir un a43s consultatif de la Cour sur les
principes juridiques applicables à la matière en discussion...»

D. C ONCLUSION

64. Dans la présente affaire, la requête pour avis consultatif a été formulée par l’Assemblée
générale, qui y est dûment habilitée par le paragraphe1 de l’articl e96 de la Charte. La requête
porte sur une question juridique, ainsi que l’exigent la même disposition et l’article 65 du Statut de

la Cour. En conséquence, la Cour a compétence pour donner l’avis consultatif demandé.

42Voir Demande de réformation du jugement n o 158 du Tribunal administratif des Nations Unies, avis
consultatif, C.I.J. Recueil 1973, p. 171-172, par. 14.

43Interprétation de l’accord du 25 mars 1951 entre l’OMS et l’Egypte, C.I.J. Recueil 1980 , p. 87, par.33, voir
également, Mur, p. 155, par. 41 ; Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, p. 234, par. 13. - 27 -

C HAPITRE 3

IL N ’EXISTE AUCUNE RAISON DECISIVE FAISANT OBSTACLE A L ’EXERCICE
DE LA COMPETENCE CONSULTATIVE DANS LA PRESENTE PROCEDURE

65. Lorsque la Cour, comme c’est le cas en l’espèce, a compétence pour donner un avis
consultatif, l’article65 de son Statut lui reconnaît le pouvoir discrétionnaire de refuser d’exercer
44
cette compétence . Le présent chapitre se propose de dé montrer qu’il n’existe aucune raison
susceptible d’amener la Cour à refuser de donner un avis consultatif dans la présente procédure en
s’appuyant sur ce pouvoir discrétionnaire.

66. Par principe, la Cour considère qu’une requête pour avis consultatif «constitue une

participa45on de la Cour...à l’ action de l’Organisation et, en prin cipe, elle ne devrait pas être
refusée» .

67. En conséquence, le pouvoir discrétionna ire d’opposer un refus à une demande d’avis
consultatif ne doit être utilisé qu’à titre excepti onnel, uniquement lorsqu’existent des «raisons
46
décisives» de le faire . Ces «raisons décisives» sont liées à l’opportunité pour la Cour d’exercer
sa fonction judiciaire .7

68. Comme on le sait, la présente Cour n’a jamais refusé d’examiner une demande d’avis
consultatif en se prévalant de ce pouvoir discrétionnaire.

69. Il est allégué que, dans la présente affaire, il n’existe aucune raison décisive qui devrait

amener la Cour à refuser d’examiner la demande d’ avis consultatif. Bien au contraire, comme elle
l’a indiqué dans l’avis donné au sujet de l’affaire du Sahara occidental, «En prêtant son assistance
à la solution d’un problème qui se pose à l’Asse mblée générale, la Cour s’acquitterait de ses
48
fonctions d’organe judiciaire principal des Nations Unies.»

70. De surcroît, étant donné que l’ONU a une responsabilité spéciale en ce qui concerne la
situation au Kosovo, il existe en fait des raisons décisives pour que la Cour, en sa qualité d’«organe
judiciaire principal des NationsUnies» (article 92 de la Charte), prenne sa part de cette

responsabilité en fournissant, en l’espèce, un avis ju ridique à l’Assemblée générale et à l’ensemble
de l’Organisation.

44
Mur, p. 156, par. 44 ; Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, p. 234, par. 14.
45Interprétation des traités de paix conclus avec la Bul garie, la Hongrie et la Roumanie, première phase, avis
consultatif, C.I.J.Recueil1950 , p. 71 ; Différend relatif à l’immunité ddiction d’un rapporteur spécial de la

Commission des droits de l’homme, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1999 (I), p. 78-79, par. 29.
46 Certaines dépenses des Nations Un ies (article 17, paragraphe 2, de la Charte), avis constulatif,
C.I.J. Recueil 1962, p. 155 ; Différend relatif à l’immunité de juridiction d’un rapporteur spécial de la Commission des

droits de l’homme, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1999, p. 78-79, par. 29.
47Voir Mur, p. 157, par. 45.

48Sahara occidental, p. 21, par. 23. - 28 -

A. LA QUESTION RELEVE DE LA COMPETENCE DE
L ’O RGANISATION DES N ATIONS U NIES

71. Dans l’affaire relative au Mur, la Cour a estimé ce qui suit :

«[c]ompte tenu des pouvoirs et responsabilit és de l’Organisation des NationsUnies à
l’égard des questions se rattachant au maintien de la paix et de la sécurité
internationales, la Cour est d’avis que la construction du mur doit être regardée
49
comme intéressant directement l’Organisation des Nations Unies.»

72. De la même façon, la question dont la Cour est saisie en l’espèce intéresse directement
l’ONU «compte tenu des pouvoirs et responsabilités de (cette dernière) à l’égard des questions se

rattachant au maintien de la paix et de la sécurité internationales». De fait, la présente procédure
consultative porte sur une question qui, manifest ement, «intéresse tout particulièrement les
Nations Unies» .50

73. Comme le Secrétaire général de l’ONU l’a indiqué, la DUI a mis à rude épreuve
51
l’autorité de l’Organisation et de son administration au Kosovo , laquelle avait été mise en place
par la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité adoptée en vertu de chapitre VII de la Charte.

74. Par ailleurs, la DUI soulève d’importantes questions dans la perspective du maintien de
la paix et de la sécurité internationales dans l’ensemble de la région de l’Europe du Sud-Est, auquel
52
l’Assemblée générale et le conseil de sécurité s’intéressent depuis longtemps .

75. Il est clair que la question de la licéité de la DUI a de multiples répercussions et soulève
des questions qui intéressent directement et tout particulièrement les Nations Unies. Cette question

revêt également une importance générale pour l’en semble du système international. Il est donc
légitime que la Cour exerce sa compétence consultative au sujet d’une question telle que celle-ci.

B. L E CONSENTEMENT DE LA SERBIE ,L’E TAT INTERESSE ,N ’EST PAS
NECESSAIRE ET ,EN TOUT ETAT DE CAUSE ,LA SERBIE L ’A DONNE

76. La présente Cour a considéré que sa co mpétence pour donner des avis consultatifs ne
dépendait pas du consentement des Etats intéressés 53. Le consentement d’un Etat intéressé ne
54
conserve son importance que «pour apprécier s’il est opportun de rendre un avis consultatif» .

49Mur, p. 159, par. 49.
50
Ibid., p. 159, par. 50.
51
Voir le Rapport du Secrétaire général sur la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo,
Nations Unies, doc. S/2008/211 (28 mars 2008), par. 30.
52
Pour l’activité de l’Assemblée gé nérale, voir, par exemple, les réso lutions 54/62 ; 55/27 ; 56/18 ; 57/52 ;
59/59; 61/53 sur le maintien de la sécurité internati– relations de bon voisinage, st abilité et développement en
Europe du Sud-Est; pour les mesures prispar le Conseil de sécurité en ce concerne les différe nts conflits dans
l’ex-Yougoslavie, voir, par exemple, les résolutions 713 (1991); 808 (1993); 827 (1993); 1031 (1995); 1088 (1996);
1160 (1998) ; 1199 (1998) ; 1203 (1998) ; 1244 (1999) ; 1423 (2002) ; 1491 (2003) ; 1551 (2004) ; 1639 (2005) ; et 1845
(2008) reprises dans les pièces14 à18, 20 à 23, 25 et s pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé
écrit.

53Interprétation des traités de paix conclus avec la Bul garie, la Hongrie et la Roumanie, première phase, avis
consultatif, C.I.J. Recueil 1950, p. 71 ; voir aussi Sahara occidental, p. 24, par. 31.

54Ibid., p. 25, par. 32. - 29 -

Comme la Cour l’a expliqué, «Tel serait le cas si les faits montraient qu’accepter de répondre aurait
pour effet de tourner le principe selon lequel un Etat n’est pas tenu de soumettre un différend au
règlement judiciaire s’il n’est pas consentant.» 55

77. Toutefois, l’application du principe susv isé est bien circonscrite. Comme la Cour l’a

indiqué dans son plus récent avis consultatif,

«L’objet de la requête dont la Cour est saisie est d’obtenir de celle-ci un avis

que l’Assemblée générale estime utile pour exercer comme il convient ses fonctions.
L’avis est demandé à l’égard d’une question qui intéresse tout particulièrement les

NationsUnies et qui s’inscrit dans un cadre bien plus large que celui d’un différend
bilatéral. Dans ces conditions, la Cour estime que rendre un avis n’aurait pas pour
effet de tourner le principe du consentement au règlement judiciaire et qu’elle ne

saurait dès lors, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, refuser de donner un
avis pour ce motif.» 56

78. Ainsi, le consentement d’un Etat intéressé perd-il son importance s’agissant d’apprécier
s’il est opportun de rendre un avis consultatif si la question dont la Cour est saisie est également

une question «intéressant tout particulièrement» les Nations Unies, comme c’est le cas en l’espèce.
Inversement, le consentement est beaucoup pl us important s’il s’agit d’une question apparue
«indépendamment, dans le cadre des relations bilatérales» 57. C’était effectivement le cas dans

l’affaire Carélie orientale , dans laquelle l’objet de la demande d’avis consultatif était
exclusivement un litige en instance opposant la Finla nde et la Russie, qui n’était pas une question
58
intéressant à proprement parler la Société des Nations en l’absence du consentement de la Russie .

79. En conclusion, le consentement d’un Etat intéressé n’est pas nécessaire dans la présente
procédure, car cette affaire soulève des questions qui intéressent directement et tout
particulièrement les Nations Unies et l’ensemble du système international.

80. Si la question du consentement de l’Etat ne se pose pas en l’espèce, il n’en est pas moins

clair ⎯et il convient de noter ⎯ que la présente procédure intéresse d’une manière directe et
impérieuse la Serbie car elle concerne un acte de sécession illicite d’une partie de son territoire. La
Serbie est donc l’Etat intéressé. Ainsi, si le c onsentement de l’Etat inté ressé était nécessaire pour

que la Cour puisse exercer sa compétence consultative (quod non) , cette condition serait-elle
remplie car la Serbie consent expressément à la pr ésente procédure. D’ailleurs, c’est elle qui a

proposé à l’Assemblée géné59le d’adopter la réso
lution63/3 et de demander un avis consultatif
dans la présente affaire .

55
Ibid., p. 25, par. 33.
56Mur, p. 159, par. 50.

57Sahara occidental, p. 25, par. 34 ; voir aussi Mur, p. 158-159, par. 49.
58
La Russie «a nettement et à maintes reprises déclaré qu’elle n’accepte aucune intervention de la Société des
Nations Unies dans son différend avec la Finlande. Les refus que la Russie av ait déjà opposés aux démarches suggérées
par le Conseil ont été renouveléslorsque la requête d’avis lu i a été notifiée. Par consé quent, la Cour se voit dans
l’impossibilité d’exprimer un avis sur un différend de cet ordre.» Statut de la Carélie orie ntale, avis consultatif,
C.P.J.I série B, n 5, p. 28, ci-après dénommé «Carélie orientale»).

59Voir Nations Unies, doc. A/63/L.2 (23 septembre 2008). - 30 -

C. L A C OUR DISPOSE DE SUFFISAMMENT DE RENSEIGNEMENTS
POUR DONNER L ’AVIS CONSULTATIF

81. L’un des éléments à prendre en considéra tion en ce qui concerne l’exercice par la Cour
de son pouvoir discrétionnaire de donner un av is consultatif peut être le nombre suffisant

d’éléments de fait mis à sa disposition. Il s’agit donc de savoir «si la Cour dispose de
renseignements et d’éléments de preuve suffisan ts pour être à même de porter un jugement sur
toute question de fait contestée et qu’il lui faudrait établir pour se prononcer d’une manière
60
conforme à son caractère judiciaire» .

82. Le manque de renseignements a été l’une des principales raisons du refus de la Cour 61
permanente de justice internationale de donner un avis consultatif dans l’affaire Carélie orientale .

83. A la différence de l’affaire Carélie orientale , la présente procédure ne soulève pas
d’importantes questions de fait. Il est également a llégué qu’en tout état de cause, la plupart des

faits pertinents ne sont pas contestés. De plus, la situation au Kosovo retient l’attention de la
communauté internationale depuis des années et tous les faits pertinents s’étant produits dans cette
province ou s’y rattachant sont bien établis. Cela a été plus particulièrement le cas après juin 1999,

lorsque le Kosovo a été placé sous administration des NationsUnies. Il est allégué que les
éléments de preuve disponibles sont plus que suffisants pour permettre à la Cour de donner un avis
consultatif dans la présente affaire .

D. L’AVIS CONSULTATIF AIDERA L ’ONU ET LES E TATS

M EMBRES DANS LEUR ACTION ULTERIEURE

84. La Cour a décrit comme suit sa fonction consultative :

«La fonction de la Cour est de donner un avis fondé en droit, dès lors qu’elle a

abouti à la conclusion que les questions qui lui sont posées sont pertinentes, qu’elles
ont un effet pratique à l’heure actuelle et que, par conséquent, elles ne sont pas
dépourvues d’objet ou de but.» 63

85. Toutefois, la Cour a également bien fixé les limites de ce qu’elle doit savoir de l’objet ou

du but de la question qui lui est posée :

«il n’appartient pas à la Cour de préte ndre décider si l’Assemblée a ou non besoin

d’un avis consultatif pour s’acquitter de ses fonctions. L’Assemblée générale est 64
habilitée à décider elle-même de l’utilité d’un avis au regard de ses besoins propres.»

86. La Cour a réitéré cette position dans son pl us récent avis consultatif : «La Cour ne peut
substituer sa propre appréciation de l’utilité de l’avis demandé à celle de l’organe qui le sollicite, en
65
l’occurrence l’Assemblée générale.»

6Sahara occidental, p. 28-29, par. 46.
61
Voir Carélie orientale, p. 28-29.
62
Voir Mur, p. 161, par. 56.
6Sahara occidental, p. 37, par. 73.

6Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, p. 237, par. 16. - 31 -

87. La pertinence de la question posée à la C our en l’espèce ressort clairement de l’analyse
précédente: la DUI a eu un impact direct sur le terrain, au Kosovo, en mettant à rude épreuve
l’autorité de l’ONU et de son administration au Kosovo 66. De plus, elle a soulevé des questions

concernant le respect de la Charte des Nations Uni es, en particulier des buts et principes qui y sont
énoncés, ainsi que le respect des décisions des organes de l’ONU et des normes du droit

international général.

88. La pertinence de la question dont la Cour est saisie découle également du fait que,
comme l’a noté l’Assemblée générale dans sa résolution63/3, la DUI «a suscité des réactions
diverses de la part des Membres de l’Organisati on des Nations Unies quant à la question de savoir

s(i elle) était conforme à l’ordre juridique international actuel».

89. La question posée à la Cour non seule ment n’est que trop pertinente, mais a
manifestement «un effet pratique à l’heure actuelle». Ce que la Cour a indiqué dans une affaire
antérieure vaut également pour la situation présente : «L’objet de la présente demande d’avis est
67
d’éclairer les Nations Unies dans leur action propre.»

90. En outre, comme la Cour l’a indiqué dans l’affaire du Mur,

«La tâche de la Cour consisterait à déterminer l’ensemble des conséquences

juridiques de l’édification du mur, alors que l’Assemblée générale – et le Conseil de
sécurité – pourraient ensuite tirer des conclusions de ces déterminations de la Cour.» 68

91. En l’espèce, la réponse que la Cour apportera à la question posée par l’Assemblée
générale fournira à l’Organisation des NationsUnies ainsi qu’à ses Etats Membres des éléments

juridiques concernant l’attitude à adopter actuellement face à la situation au Kosovo et les actions à
mener à ce sujet ⎯ elle leur apportera ce qui pourra «[ les] éclairer dans [leur] action propre» 69, ce

qui est notamment confirmé par le fait que cer tains des Etats qui ont reconnu la p70tendue
«République du Kosovo» n’en ont pas moins appuyé la demande d’avis consultatif .

92. Dans l’exercice des compétences que lu i reconnaît la Charte, l’Assemblée générale
pourra s’inspirer de l’avis consultatif. Comme on l’a déjà indiqué, la question à l’examen

l’intéresse directement l’Assemblée car elle conc erne un grave problème pour l’autorité de l’ONU
et de son administration au Kosovo, ainsi que le r espect de la Charte, des décisions des organes de
l’Organisation et du droit international en général.

93. Le Conseil de sécurité recevra de son côté des avis juridiques éclairés et sera peut-être en

mesure de forger la volonté politique nécessaire à l’adoption d’une position sur la question. Dans
l’état actuel des choses, le Secrétaire général a été contraint, en l’absence des orientations du

65Mur, p. 163, par. 62.
66
Voir le Rapport du Secrétaire général sur la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo,
Nations Unies, doc. S/2008/211 (28 mars 2008), par. 30.
67
Réserves à la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, avis consultatif du
28 mai 1951, C.I.J. Recueil 1951, p. 19.
68
Mur, p. 163, par. 62.
69Interprétation des traités de paix, p. 71.

70C’est le cas de la Norvège et du Costa Rica, voir Nations Unies, doc. A/63/PV.22 (8 octobre 2008), p. 10 et 14. - 32 -

Conseil de sécurité au sujet de la prétendue «d éclaration d’indépendance» et des événements qui
s’en sont suivis, de reconfigurer la présence internationale civile au Kosovo afin, notamment,
«d’assurer la paix et la sécurité internationales» . 71

94. Le Secrétaire général, ainsi que son repr ésentant spécial au Kosovo, qui entretient des

relations directes avec les institutions proviso ires d’administration autonome du Kosovo, ne
pourront que tirer avantage des orientations juridiques fournies par la Cour dans la présente affaire.

95. De plus, comme l’indique le mémoire exp licatif accompagnant le projet de résolution
63/3 demandant un avis consulta tif dans la présente affaire, «[d]e nombreux Etats Membres

tireraient avantage de l’orientation juridique qu’u n avis consultatif de la Cour i72ernational de
Justice fournirait. Un tel avis éclairerait en effet leur jugement sur cette question.»

96. Qui plus est,

«un avis consultatif de la Cour intern ationale de Justice, rendu de manière
incontestable et non contentieuse, contribuerait grandement à calmer les tensions
provoquées par la déclaration unilatérale d’indépendance du Kosovo, à éviter une

nouvelle détérioration de la situ ation dans la région et73u-delà et à appuyer les efforts
de réconciliation entre toutes les parties prenantes» .

97. En d’autres termes, l’avis de la Cour au ra un impact diplomatique et politique bénéfique
non seulement pour les parties intéressées, mais au ssi pour l’ensemble de la région de l’Europe du

Sud-Est, qui reste en proie aux tensions politiqu es et garde en mémoire les souvenirs des guerres
récentes.

98. Toutefois, d’aucuns ont considéré que l’av is consultatif de la C our ne serait d’aucune
utilité en l’espèce. Par exemple, selon le re présentant permanent du Royaume-Uni auprès de

l’Organisation des Nations Unies,

«Le Royaume-Uni a reconnu l’indépendance du Kosovo et estime que la réalité

pratique de ces circonstances justifie une reconnaissance plus large de ce statut. Si
une question est renvoyée à la Cour pour qu’elle rende un avis consultatif, le
Royaume-Uni participera de manière constr uctive aux délibérations, comme il l’a fait

par le passé. Le Royaume-Uni n’est toutefois pas persuadé pour le moment de l’utilité
de la proposition, ni convaincu que certains des points de détail qu’il juge importants
ont été pleinement pris en compte.» 74

99. A cet égard, il convient de noter que la «République du Kosovo» est loin d’exercer un

pouvoir gouvernemental indépendant. C’est un territoire gouverné par une administration
internationale, laquelle conserve, en dernier ressort, le pouvoir dans la province.

71
Rapport du Secrétaire général sur la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo,
Nations Unies, doc. S/2008/354 (12 juin 2008), par. 18.
72Nations Unies, doc. A/63/195 (22 août 2008), annexe.

73Ibid.

74Lettre datée du 1 octobre 2008, adressée au président de l’Assemb lée générale par le Représentant permanent
du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord aupr ès de l’Organisation des Nations Unies, Nations Unies,
doc. A/63/461 (2 octobre 2008), annexe, par. 10 (les italiques sont de nous). - 33 -

100. La présence internationale de sécurité, la KFOR, a été créée par la
résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité . Comme le précise la Cour européenne des droits
76
de l’homme, la KFOR a pour mandat «d’exer cer un contrôle militaire total au Kosovo» . Même
après la DUI, la KFOR «reste prête à réagir à tout trouble ou manifestation de violence, d’où qu’ils
77
viennent» . Autrement dit, la KFOR demeure investie de l’autorité suprême en matière militaire
et de sécurité dans la province.

101. La présence internationale civile au Kosovo conserve le pouvoir d’annuler tous les actes

des institutions provisoires d’administration autonome du Kosovo qui ne sont pas conformes à la 78
résolution 1244 (1999) et au Cadre constitutionnel pour le Kosovo promulgué par le RSSG .

102. De plus, le mandat de la Mission Etat de droit menée par l’Union européenne au

Kosovo (EULEX) montre bien, lui aussi, la mesure dans laquelle les pouvoi rs des institutions du
Kosovo sont limités. EULEX «s urveille, encadre et conseille les institutions compétentes du
Kosovo dans tous les domaines liés à l’Etat de droit en général» 79 et peut infirmer ou annuler les

décisions des autorités kosovares «en consulta tion avec les autorités internationales civiles
compétentes au Kosovo» 80. Il convient de noter qu’EULEX opè re «sous l’autorité générale de

l’ONU et dans le cadre d’une in itiative unique des NationsUnies c onduite par [le] représe81ant
spécial [du Secrétaire général], et conformément à la résolution 1244 (1999)...»

82
Cet arrangement a été approuvé par le Conseil de sécurité .

103. Il est donc clair que le Kosovo est une partie du territoire serbe placée sous
administration internationale et que cette admini stration internationale dispose à la fois du pouvoir

juridique et des instruments de contrôle effectif lui permettant d’agir en pleine conformité avec
l’avis de droit de la Cour.

E. C ONCLUSION

104. En conclusion, la Cour a compétence pour donner l’avis consultatif que lui a demandé
l’Assemblée générale dans sa résolution63/3 et il n’existe aucune raison décisive susceptible

d’amener la Cour à refuser d’émettre un avis cons ultatif dans la présente affaire. En fait,
l’Organisation des NationsUnies et ses Etats Memb res pourront tirer de son avis consultatif des

75
Pour une analyse plus détaillée de la présence internationale de sécurité au Kosovo, voir le chapitre 8, sect. C.
76
Cour européenne des droits de l’homme, Behrami c. France et Saramati c. France, Allemagne et Norvège ,
décision sur la recevabilité du 2 mai 2007, par. 70.
77
Rapport mensuel sur les opérations de la For ce de paix au Kosovo adressé à l’Organisation des
Nations Unies, Nations Unies, doc. S/2008/638, annexe (8 octobre 2008), par. 28.
78
Voir le chapitre 12 du Cadre constitutionnel, pièce 3 des pièces et documents soumis à l’appui du présent
exposé écrit. Pour une analyse plus dé taillée des pouvoirs de la présence interna tionale civile au Kosovo, voir chap.8,
sect. B.
79
Action commune du Conseil 2008/124/PESC du 4 février 2008 sur la Mission Etat de droit menée par l’Union
européenne au Kosovo, EULEX KOSOVO, J.O. L 42/92 (16février2008), art.3, par.1 a), pièce70 des pièces et
documents soumis à l’appui du présent exposé écrit.
80
Ibid., art. 3, par. 1 b).
81
Rapport du Secrétaire général sur la mission d’admi nistration intérimaire des NationsUnies au Kosovo,
Nations Unies, doc. S/2008/692 (24 novembre 2008), par. 23 ; voir aussi par. 50.
82
Voir la déclaration du président du Conseil de sécurité, NationsUnies, doc. S/PRST/2008/44
(26 novembre 2008), pièce 33 des pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit. - 34 -

orientations juridiques éclairées et essentielles en ce qui concerne une question revêtant une grande
importance pratique à l’heure actuelle. - 35 -

DEUXIEME PARTIE

LES ELEMENTS DE FAIT PERTINENTS

C HAPITRE 4

L E CADRE GEOGRAPHIQUE ET HISTORIQUE

A. P RESENTATION DE LA SERBIE

105. La Serbie est un pays continental d’Europe du Sud-Est. Située dans la partie centrale de

la péninsule des Balkans, la Serbie couvre la par tie méridionale de la plaine pannonienne. Elle est
frontalière de la Hongrie au nord, de la Roumanie et de la Bulgarie à l’est, de la Macédoine et de
l’Albanie au sud, et de la Croatie, de la Bosnie-Herzégovine et du Monténégro à l’ouest.

106. La Serbie a deux provinces autonomes: la Voïvodine, dans le nord du pays, et le
Kosovo, dans le sud. La capitale de la Serbie est Belgrade. Les centres administratifs des

provinces autonomes sont Novi Sad et Priština, r espectivement. La Serbie couvre une superficie
d’environ 88 500 km² : la région de la Serbie centrale s’étend sur quelque 56 000 km², tandis que la
superficie de la Voïvodine est de 21 500 km² et celle du Kosovo de 11 000 km² .

107. La Serbie compte environ 940000 0 habitants, dont environ 6350 000 Serbes,
1 700 000 Albanais, 300 000 Hongrois, 160 000 Bo sniaques, 140 000 Roms et de nombreux autres

groupes ethniques. Les Serbes constituent la majorité de la population dans les régions de la Serbie
centrale et de la Voïvodine, mais les Albanais sont majoritaires au Kosovo. Ces chiffres sont des
estimations. Du fait du boycottage des recensements officiels de 1991 et de 2002 par les Albanais
84
du Kosovo, des chiffres précis n’existent que pour la Voïvodine et la Serbie centrale .

B. PRESENTATION DU K OSOVO

I. Situation géographique du Kosovo

108. Le Kosovo est situé dans la partie méridi onale de la République de Serbie et il est
frontalier du Monténégro au nord-ouest, de l’Albani e à l’ouest et de la Macédoine au sud. Il
couvre une superficie d’environ 11000km 2. Le centre administratif est Priština et les autres

principaux centres urbains sont Pec, Prizren, Kosovska Mitrovica et Gnjilane.

109. La Metohija est une région qui englobe la partie méridionale et occidentale de la
province autonome du Kosovo-Metohija. Le nom de Metohija est dérivé du mot grec «metokhia»,
qui signifie «domaines monastiques» ⎯en référence aux grands domaines que les monastères

orthodoxes serbes possèdent dans cette région depuis le Moyen Âge.

83
Pour une carte de la Serbie, voir annexe 1.
84Recensement officiel de la Serbie 2002, p.2, disponible à l’ahttp://webrzs.statserb.sr.gov.yu/
axd/Zip/eSn31.pdf - 36 -

II. Données concernant la population du Kosovo

110. Aucun recensement complet de la populati on n’a été effectué au Kosovo depuis1981,
en raison d’un boycottage des institutions publiques organisé par les Albanais du Kosovo. Selon
une évaluation réalisée par la MINUK à partir de2003, le Kos ovo compterait entre 1700 000 et

1900000 habitants, dont 88% d’Albanais de s ouche, 6% de Serbes de souche, 3% de Slaves
musulmans (Bosnjaci, Gorani), 2% de Roms et 1% de Turcs 85. Depuis 1999, plus de
200000Serbes et autres non-Albanais ont fui le Kosovo et vivent toujours en Serbie centrale en
86
tant que personnes déplacées dans leur propre pays .

111. Au cours des siècles, la composition démographique du territoire qui englobe le Kosovo
d’aujourd’hui a beaucoup changé.

112. Selon plusieurs sources, le territoire de ce qui est aujourd’hui le Kosovo était peuplé en
e e 87
majorité de Serbes aux XIV et XV siècles .

e
113. Vers le XVII siècle, on signale la présence d’une popul ation albanaise de plus en plus
visible, concentrée au départ dans la Metoh ija. La guerre de1683-1 699, dans laquelle les
principaux bélligérants étaient les Ottomans et l’Autriche, a fait fuir une partie importante de la

population serbe du Kosovo en direction du sud de la Hongrie sous do mination autrichienne
(Voïvodine) et de la Frontière militaire. Par la suite, la région a connu un afflux d’Albanais

musulmaes venus de la région montagneuse de la Malësia. Ce processus s’est po88suivi jusqu’au
XVIII siècle, époque de la «deuxième migration des Serbes» (1737) .

114. Une étude réalisée en1871 par un colone l autrichien pour les besoins de l’armée
austro-hongroise a montré que le mutesarifluk de Prizren (zone qui co rrespond pour l’essentiel au

Kosovo actuel) comptait environ 500 000 habitants, dont 318 000 Serbes (64 %), 161 000 Albanais
(32 %), 10 000 Roms et Circassiens, et 2000 Turcs . 89

115. Dans le cadre des hostilités qui ont abouti au congrès de Berlin en1878, la violence
ethnique a éclaté à la fois dans le territoire du Kosovo actuel, qui est demeuré intégré à l’empire

ottoman, et dans les régions de Nis et de Vranje, qui ont été cédées à la Serbie par les accords de
Berlin. Cette violence a entraîné une double migration forcée : les Albanais ont dû fuir la région de

Nis et de Vranje et les Serbes ont dû fuir le Kosovo.

«Avant et après le retrait de l’armé e [serbe], le nouveau sultan ottoman,

AbduhHamidII, a lancé ses auxiliaires albanais kosovars contre les Serbes encore
présents. Des déprédations commises par les deux parties ont obligé peut-être

85
Fiche d’information de la MINUK 2003, disponible à l’adresse : http://www.unmikonline.org/eu/index_fs.pdf.
86Source HCR du 1er juillet 2008, disponible à l’adresse : http://www.unhcr.org.yu/utils/File.aspx?id=321.

87Voir Esref Kovačević et. al., Oblast Brankovića - Opširni katastarski popis iz 1455 (1972).

88Voir Gustav Weigand, Ethnographie von Makedonien (1924); voir aussi Dusan Batakovic, «Kosovo and
Metohija – Identity, Religions & Ideologies», in Kosovo and Metohija – Living in the Enclave (2007), p. 26-28.
89
Voir Peter Kukolj, Das Fürstenthum Serbien und Türkisch-Serbien , eine militärisch- geographische Skizze
(1871). - 37 -

30 000 Serbes à quitter les quatre villayets du Kosovo et un nombre égal d’Albanais à
quitter le triangle de Nis.» 90

116. Immédiatement après les guerres balkaniques de 1912-1913 et le rattachement du territoire

du Kosovo actuel à la Serbie, la violence ethnique a repris, forçant des milliers d’Albanais à quitter le
Kosovo, tandis qu’au cours de la première guerre mondiale, des milliersSd erbes ont été contraints à leur

tour de le quitter. Entre 1918 et 1929, c’est-à-dire pendant la période du Royaume des Serbes, Croates et
Slovènes, la population serbe du Kosovo a augmenté.

«De la même façon que les autorit és ottomanes avaient, jusqu’en1912,
encouragé la colonisation du Kosovo par des musulmans albanais venus d’autres

régions des Balkans, le régime yougoslave 91 a, pendant les années 1920, parrainé la
migration de Serbes et de Monténégrins.»

117. Selon le recensement de population réalisé en 1931 par le Royaume de Yougoslavie, on
comptait à l’époque 552064 habitants dans le te rritoire correspondant au Kosovo actuel. Le

recensement de 1931 a enregistré l’appartenance relig ieuse et la langue maternelle des habitants du
Royaume. La répartition obtenue pour la région est la suivante : s’agissant de la langue maternelle,

60,1 % (331 549) ont déclaré l’albanais, 32,6 % (180 170) le serbe, le croate ou le slovène, et 7 %
(38907) une autre langue; en ce qui concerne la religion, les membres de la foi musulmane
(Albanais et Slaves) représentaient 68,8% (379981) de la population, les membres de l’Eglise
92
orthodoxe serbe 27,3 % (150 745) et les membres de l’Eglise catholique romaine 3,7 % (20 568) .

118. Pendant la seconde guerre mondiale, des milliers de Serbes ont été chassés du Kosovo
par des groupes d’Albanais de souche armés 93. Les mesures administratives adoptées après la
94
guerre par les autorités communistes ont grandement entravé le retour des personnes déplacées .

119. Selon le recensement de population yougoslave de 1961, le Kosovo comptait
963988habitants, dont 646805Albanais (67,2%), 227016Serbes (23,6%) et 37588 (3,9%)
Monténégrins . 95

120. Entre 1960 et 1990, ce sont encore 70 000 Serbes qui ont quitté le Kosovo 96. Selon le

recensement de population yougoslave de 1981, le Kosovo compta it 1584558 habitants:
1 226 736 Albanais (77,4 %), 209 498 Serbes (13,2 %) et 27 028 Monténégrins (1,7 %) . 97

90Voir John R. Lampe, Yugoslavia as History : Twice There Was a Country (2000), p. 55.

91Voir Leonard J. Cohen. Serpent in the Bosom : The Rise and Fall of Slobodan Milosevic (2001), p. 11.
92
Voir Milan Vuckovic et Goran Nikolic, Stanovnistvo Kosova u razdoblju 1918-1991.godine (1996), p. 80-82 ;
voir aussi Julie A. Mertus, Kosovo, How Myths and Truths Started a War (1999), p. 315-316.
93
Voir Noel Malcolm, Kosovo A short history (2002), p.293-294. Selon une estimation, entre 70000 et
100 000 Serbes ont été chassés du Kosovo pendant la seconde guerre mondiale, tandis que 11 000 environ mouraient des
suites immédiates de persécutions et d’atrocités, voir M. Bjelajac, «Migra tions of Ethnic Albanians in Kosovo»,
38 Balcanica 219, 227 (2007).

94Voir Batakovic, op. cit., p. 58-59.
95
Voir Momcilo Pavlovic, Kosovo Under Autonomy 1974-1990 , p. 10, disponible à l’adr:sse
http://www.cla.purdue.edu/academic/history/facstaff/Ingrao/si/Team1Repo…
96
Ibid., p. 26, voir aussi Hivzi Islami, Conflict or dialogue (1994), l’auteur estime qu’environ 52 000 Serbes ont
quitté le Kosovo entre 1966 et 1981 et qu’après 1981, 20 000 autres Serbes l’ont fait. - 38 -

121. En 1991, les Albanais constituaient la gra nde majorité de la population dans les parties
méridionale et occidentale du Kosovo. Dans ses pa rties centrale et orientale, ils constituaient

également la majorité de la population, bien que ces régions abritent également une population
serbe importante. Dans la partie septentrionale du Kosovo, frontaliè re de la Serbie centrale, les
Serbes représentaient la majorité de la population.

122. Les Albanais du Kosovo ont boycotté le recensement yougoslave de 1991. Le bureau

fédéral de statistique a effectué des corrections et des projections en se basant sur les résultats des
recensements précédents (1948-1981), et a estimé que le Kosovo comptait au total

1956196habitants: 1596 072 Albanais (81,6 %), 194 190 Serbes (9,9 %), 66189musulmans
(3,4 %), 45 760 Roms (2,34 %), 20 365 Monténégrins (1 %), 10 445 Turcs (0,5 %), 8062 Croates
(Janjevci) (0,4 %), 3457 Yougoslaves (0,2 %) et 11 656 autres (0,6 %) 98. Toutefois, il ne s’agit là

que d’estimations.

123. Depuis juin 1999, plus de 200 000 Serbes et autre non-Albanais ont fui leurs foyers au
Kosovo. La plupart d’entre eux ont gagné la Serbie centrale, tandis que certains se sont réinstallés
dans quelques enclaves serbes de différentes parties du Kosovo, en particulier dans le nord du

Kosovo.

C. L E K OSOVO DANS L ’HISTOIRE

e
124. Les Slaves sont arrivés dans les territoires qui forment le Kosovo actuel au VII siècle.
L’afflux de migrants le plus important s’est produit au cours de la décennie ayant commencé
en 630. Les Serbes ont été christianisés en plusieurs vagues p
endant les VII , VIII et IX siècles, la
e
dernière vague de christianisation ayant eu lieu pendant la seconde moitié du IX siècle, c’est-à-dire
à l’époque où la partie nord-ouest du Kosovo a été rattachée à la principauté serbe de Rascia,

théoriquement en tant que fief byzantin, tandis que la partie méridionale ⎯ également peuplée
essentiellement de Slaves ⎯ continuait de faire partie intégran te de l’Empire byzantin proprement
dit .

125. Vers la fin de la première moitié du IX esiècle, l’Empire bulgare s’est emparé du

territoire du Kosovo actuel. A l’issue d’un conflit de près de 250ans ayant opposé les Empires
bulgare et byzantin, les forces byzantines ont repris le contrôle de ce territoire dans la seconde
e 100
moitié du XI siècle .

e 126. Aerès une série de conflits entre Rascia et l’Empire byzantin qui se sont produits du
XI au XIII siècles, le Kosovo a été ratt aché à l’Etat serbe. En 1217, la Serbie a été reconnue en
tant que royaume. Au XIII siècle, le Kosovo est devenu le centre de la vie politique et religieuse

serbe.

97Voir «Popis stanovništva, domaćinstava i stanova u 1981. godini», Statistički bilten SFRJ br. 1295 , p. 16-17;
certains auteurs affirment que les Albanais du Kosovo ont considérablement surestim é l’effectif de leur population, voir

Pavlovic, op.cit., p. 10.
98«Procena za Kosovo i Metohiju – podaci po naseljima i opstinama», Popis stanovnistva, domacinstava i
stanova i poljoprivrednih gazdinstava 1991. godine, vol. 17 (1997), p. 68-69.

99Voir Vladimir Corovic, Istorija Srba (2000), p. 85-88.

100Ibid., p. 96-100. - 39 -

127. En1389, pendant l’avance ottomane à trav ers les Balkans, les Ottomans ont envahi la

Serbie et affronté l’armée serbe au Kosovo, à Kosovo Polje, près de Priština. Les chefs des
deuxarmées sont morts au cours de la bataille, laquelle s’est achevée sans véritable vainqueur.
Après une autre grande bataille ayant opposé les troupes hongroises et ottomanes en1448, le

Kosovo a été directement rattaché à l’Empire ottoman à la suite d’une défaite décisive de la Serbie
en 1459.

128. Le Kosovo est resté pendant près de 500 ans sous la domination ottomane. Pendant
cette période, l’Empire ottoman a représenté la plus grande puissance politique et commerciale
e
dans les Balkans, bien qu’elle ait connu un déclin considérable à partir du XIX siècle.

129. Pendant les siècles de la domination ottomane, le Ko sovo a connu différents régimes

administratifs. Pendant les premiers siècles de cette domination, le territoire du Kosovo actuel a
été gouverné par plusieurs divisions administratives, appelées»sanjaks».

e
130. Dans la seconde moitié du XIX siècle, une nouvelle organisation administrative a vu le
jour dans l’Empire ottoman, les vilayets devenant les nouvelles divisions administratives.

Jusqu’en1912, le vilayet du Kosovo a été une entité territoriale au sein de l’Empire ottoman.
Toutefois, ce vilayet représentait un territoire bien plus étendu que le Kosovo actuel
et qui était
également connu sous le nom de Vieille Serbie («A lt-Serbien»). C’est ainsi que le territoire du
vilayet du Kosovo englobait également des parties de ce qui est aujourd’hui le nord-ouest de la

Macédoine, et notamment la capitale du vilayet, Skopje (l’ancienne Üsküb), et des parties de la
région actuelle du Sanjak (Sandzak) et de la Serb ie centrale et du Monténégro actuels (ancien
Sanjak de Novi Bazar), ainsi que la municipalité de Kukes et la région environnante dans ce qui est
101
aujourd’hui le nord de l’Albanie .

131. Les limites du vilayet ont été modifiées lorsque le Traité de Berlin (1878) a fait perdre à
l’Empire ottoman des territoires au profit des Etats voisins, tandis que, dans le cadre d’un transfert
interne, certaines des parties du vilayet étaient cédé es au vilayet de Monastir et qu’il en recevait

d’autres du vilayet de Salonica. En 1878, le Sanj ak de Novi Bazar, une subdivision du vilayet du
Kosovo, est placé sous administration militaire austro-hongroise, comme le stipulait le Traité de
Berlin.

132. En1912, pendant la première guerre balkanique, da ns laquelle la Serbie, le
Monténégro, la Grèce et la Bulgarie ont affronté l’ Empire ottoman, ce dernier a perdu la plupart de

ses territoires européens. La plus grande par tie du territoire du Kosovo actuel a été rattaché au
Royaume de Serbie, tandis que la région de la Metohija était rattachée au Monténégro. Les
nouvelles frontières de la Serbie et du Monténégro ont été déterminées dans une série de traités, à

savoir le Traité de Londres du 17/30 mai 1913, le Traité de Bucarest du 28 juillet/10 août 1913 et 102
les accords frontaliers entre la Grèce et la Se rbie ainsi qu’entre le Monténégro et la Serbie . En
vertu de l’article3 du Traité de Londres, les frontières de l’Albanie, notamment la frontière

serbo-albanaise, devaient être déterminées par les grandes puissances, ce qui a été fait après la

101Pour une carte du vilayet du Kosovo, voir annexe 7.
102
Voir Traité de Paix conclu à Londres le dix-sept (trente) mai mil neuf cent treize entre la Turquie et les Alliés
balkaniques; Traité de Paix conclu et signé à Bucarest28 juillet 1913 entre la Serbie, la Grèce, le Monténégro et la
Roumanie, d’une part, et la Bulgarie, d’autre part ; Accord intervenu entre le Royaume de Serbie et le Royaume de Grèce
concernant la frontière serbo-grecque [3/16 août 1913] ; Accord intervenu entre le Royaume de Serbie et le Royaume de
Monténégro concernant la frontière serbo-monténégrine [30 octobre 1913 (calendrier julien)]; pour tous ces traités et
accords, voir les pièces 6 à 9 des pièces et documents souà l’appui du présent exposé écrit. Pour une carte de la
Serbie et des Balkans en 1914, voir annexe 6. - 40 -

103
Première Guerre mondiale . Il s’ensuit que le rattachement du territoire du Kosovo actuel à la
Serbie a été internationalement reconnu et gara nti par les traités et décisions internationaux

susvisés.

133. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, en 1918, le Monténégro est devenu un
territoire de la Serbie, avant que celle-ci ne devie nne le Royaume des Serbes, Croates et Slovènes.
Celui-ci a été rebaptisé Royaume de Yougoslavie en 1929 104.

134. Pendant la seconde guerre mondiale, l’occupation et la partition de la Yougoslavie par

les puissances de l’Axe entre 1941 et 1945 ont abouti au rattachement de la plus grande partie du
territoire actuel du Kosovo à l’Albanie sous occu pation italienne. La Serbie (sous occupation

allemande) a conservé une petite partie du nord du Kosovo, avec M itrovica, tandis que la partie
occidentale du Kosovo, avec Kacanik, a été occupée par la Bulgarie.

135. A l’issue de la seconde guerre mondiale, l’ occupation de la Yougoslavie a pris fin et un
nouveau gouvernement conduit par le chef de la guérilla communiste Josip Broz (Tito) a été

constitué. Une constitution adoptée en1946 a fondé la République fédérative populaire de
Yougoslavie, rebaptisée par la suite République fédérative socia liste de Yougoslavie (ci-après
dénommée «RFSY» ou «ex-Yougoslavie»). Le Kosovo est devenu une province (région) autonome
105
de la Serbie .

136. Après la dissolution de la RFSY, la Serbie et le Monténégro ont formé la République
fédérale de Yougoslavie (RFY) le 27avril1992. Le Kosovo a continué d’être une province

autonome de la Serbie. Après deux années de conflit entre les forces gouvernementales serbes et
les rebelles albanais du Kosovo et 78 jours de bomba rdements de la Serbie par l’OTAN, le Conseil
de sécurité de l’ONU a, le 10 juin 1999, adopté sa résolution 1244, qui a placé le Kosovo sous
106
administration des Nations Unies .

103Voir Question du monastère de Saint-Naoum (frontière albanaise), avis consulta tif du 4 septembre 1924,
C.P.J.I. série B n, en particulier p. 9 à 15.

104Voir Zakon o nazivu i podeli Kraljevine na upravna podru čja [Loi sur le nom du Royaume et sa division en
régions administratives], Službene novine Kral jevine Jugoslavije [Journal officiel du Royaume de Yougoslavie],
no 233/1929, par. 2-3.

105Voir infra chap. 5, sect. A.

106Voir infra chap. 8, par. 705 et suiv. - 41 -

C HAPITRE 5

L A CRISE DU K OSOVO – CONTEXTE JURIDIQUE ET FACTUEL

A. S TATUT JURIDIQUE DU K OSOVO

I. Le Royaume de Serbie (1912-1918)

137. Le territoire du Kosovo actuel a été gouvern é par l’Empire ottoman jusqu’en1912.
Pendant la période de domination ottomane, il a fa it partie intégrante du vilayet du Kosovo, une

division administrative de l’Empire ottoman ; ce vilayet était beaucoup plus étendu que le territoire
du Kosovo actuel car il englobait d’autres parties de ce qui est aujourd’hui la Serbie, ainsi que des
parties des Etats du Monténégro, de la Macédoine et de l’Albanie actuels 107.

138. Comme il a déjà été indiqué, à la suite des guerres balkaniques de 1912-1913, le
Royaume de Serbie a pris le contrôle, notamment, de la plus grande partie du territoire actuel du
Kosovo, tandis que le Royaume du Monténégro prenait le contrôle du reste de ce territoire. A cette

époque, la Serbie était un Etat divisé en districts («okrug») ; les districts étaient divisés en comtés
(«srez»), qui étaient eux-mêmes divisés en municipalités («opština») 108. Les municipalités et les
109
districts étaient des collectivités locales . En sus de leurs compétences en matière d’autonomie 110
locale, ces collectivités locales exerçaient des pouvoirs qui leur étaient conférés par l’Etat .
Après son rattachement à la Serbie, le territo ire actuel du Kosovo a également été divisé en
111
districts, comtés et municipalités . Toutefois, les dispositions constitutionnelles et législatives de
Serbie ont été appliquées progressivement au territo ire et les garanties de l’autonomie locale n’ont
112
été mises en place qu’après la première guerre mondiale, c’est-à-dire en 1919 .

II. Le Royaume des Serbes, Croates et Slovènes/Yougoslavie (1918-1941)

139. Après la première guerre mondiale, le Royaume de Serbie est devenu le Royaume des
Serbes, Croates et Slovènes. La Constitution de 1921 divisait l’Etat en unités administratives
⎯les municipalités («opštine»), les comtés («srez»), les districts («okrug») et, enfin, les régions
113
(«oblasti») . Elle a également institué des organe s d’administration autonome élus pour les
municipalités, les comtés et les régions en les dotant de certaines compétences en matière

107Pour une carte du vilayet du Kosovo, voir l’annexe 7.

108Ustav Kraljevine Srbije [Constitution du Royaume de Serbie], Srpske novine [Journal officiel serbe],
n (7 juin 1903), art. 5.

109Ibid., art. 160-161.
110
Ibid., art. 164.
111
Uredbo o uređenju oslobođenih oblasti [Décret sur l’organisation des régions libérées], Srpske novine [Journal
officiel serbe], n 181/1913 (21 août 1913); Administrativna podela oslobodjenih kra[Division administrative des
zones libérées], Srpske novine [Journal officiel serbe], n3 (27 août 1913).
112
Voir Dragoslav Janković et Mirko Mirković, Državnopravna istorija Jugoslavije (1997), p. 157-158.
113
Ustav Kraljevine Srba, Hrvata i Slovenaca[Constitution du Royaume des Serbes, Croates et Slovènes],
Službene novine Kraljevine Srba, Hrvata i Slovenaca [Journal officiel du Royaume dSerbes, Croates et Slovènes],
n 142 a/1921, art. 95. Pour une carte du Royaume des Serbes, Croates et Slovènes, voir l’annexe 5. - 42 -

114
d’autonomie locale . Le préfet de région («župan») et une Haute Cour administrative (Conseil
d’Etat) ont été chargés de contrôler la légalité des actes des autorités locales 115.

140. Le territoire du Koso116actuel a été divisé en trois régions (région de Raška, région du
Kosovo et région de Vranje) .

141. En 1929, le Royaume des Serbes, Croates et Slovènes a pris le nom de Yougoslavie et a
été divisé en neuf provinces («banovina»), qui ont été elles-mêmes divisées en unités
117
administratives appelées comtés (« srez») et municipalités («opština») . Les limites
administratives des provinces ont été délibérément tracées de façon à éviter les frontières fixées

selon des critères ethniques ou les fron tières d’avant la première guerre mondiale. Le territoire du
Kosovo actuel a été divisé entre la province de Zeta à l’est, la province de Vardar au sud-est et la

province de Morava au nord-est.

142. La division administrative du Royaume de Yougoslavie a été consacrée par la nouvelle
constitution yougoslave de1931, qui a incorporé de légères modifications des limites
administratives 118. Cette constitution a également prévu l’autonomie des provinces et des

municipalités, à charge pour les préfets de province (« ban») et la Haute Cour administrative
(Conseil d’Etat) de contrôler la légalité de leurs actes 119. Au niveau des provinces, les institutions

d’administration autonome se composaient de cham bres directement élues, qui étaient habilitées à
adopter des décrets ayant force de loi, et d’un conseil, qui était un organe exécutif élu par la
120
chambre .

143. En avril 1941, la Yougoslavie a été occupée par les puissances de l’Axe.

III. La Yougoslavie après la seconde guerre mondiale (1945-1991)

1. Décisions du conseil antifasciste de libération nationale de Yougoslavie

144. L’ordre constitutionnel de la Yougosla vie d’après la seconde guerre mondiale 121 a pris

naissance dans les décisions du conseil antifas ciste de libération nationale de Yougoslavie
(«Antifašističko veće narodnog oslobođenja Jugoslavije» – AVNOJ) qui ont été adoptées pendant
la seconde guerre mondiale. En application de sa décision sur «l’édification de la Yougoslavie

selon le principe fédéral» adoptée le 29 novembre 1943,

114Ibid., art. 96.

115Ibid., art. 99 et 101.

116Voir Uredba o podeli zemlje na oblasti [Décret sur la division du pays en régions], Službene novine Kraljevine
Srba, Hrvata i Slovenaca [Journal officiel du Royaume des Serbes, Croates et Slovènes], n 92/1922.

117Zakon o nazivu i podeli Kraljevine na upravna područja [Loi sur le nom du Royaume et sa division en régions
administratives], Službene novine Kraljevine Jugoslavije [Journal officiel du Royaume de Yougoslavie], n o 233/1929,
par. 2-3. Pour une carte du Royaume de Yougoslavie, voir l’annexe 4.

118Ustav Kraljevine Jugoslavije [Constitution du Royaume de Yougoslavie], Službene novine Kraljevine
Jugoslavije [Journal officiel du Royaume de Yougoslavie], n 207/1931, art. 82-83.

119Ibid., art. 9 et 93.

120Ibid., art. 89, par. 1-2, et art. 90, par. 1.
121
Pour une carte de l’ex-Yougoslavie, voir l’annexe 3. - 43 -

«afin de mettre en oeuvre le principe de souveraineté des nations de la
Yougoslavie...la Yougoslavie est et sera édifiée selon le principe fédéral, qui

garantira véritablement l’égalité des Se rbes, des Croates, des Slovènes, des
Macédoniens et des Monténégrins, à savoir les nations de la Serbie, de la Croatie, de
la Slovénie, de la Macédoine, du Monténégro et de la Bosnie-Herzégovine» 122.

145. Par ailleurs, cette décision prévoyait que «[l]es minorités nationales de Yougoslavie se
123
voient garantir l’ensemble des droits nationaux» .

146. Ainsi, le nouvel ordre constitutionnel de vait-il être établi par les cinq «nations»
(«narodi») de la Yougoslavie (Serbes, Croates, Slovènes, Macédoniens et Monténégrins) selon le

principe fédéral et sur la base de six unités fédérales (Serbie, Croatie, Slovénie, Macédoine,
Monténégro et Bosnie-Herzégovine). Les minorit és nationales vivant sur le territoire de la
Yougoslavie, notamment les Albanais du Kosovo, de vaient se voir accorder tous les droits, mais

sans être considérées comme des éléments constitutifs de la fédération yougoslave.

2. Etablissement du Kosovo en tant qu’unité territoriale

147. Le territoire de l’actuel Kosovo a été pour la première fois établi en tant qu’unité

territoriale unique en1945 par deux lois adoptées par la présidence de l’Assemblée nationale de
Serbie. Tout d’abord, en vertu de la loi sur la division administrative de la Serbie 124, cette dernière

se composait de districts administratifs, ainsi que de la province autonome de Voïvodine et de la
région autonome du Kosovo-Metohija (art. 1). Ensu ite, la loi sur l’établissement et l’organisation
de la région autonome du Kosovo-Metohija 125 a fixé les limites territoriales de cette région en

précisant les districts administratifs qui lui appart enaient (art.1). Elle a également défini la
structure et les pouvoirs des organes régionaux (art. 3 et 5 à 9), et énoncé le principe de l’égalité de
toutes les nationalités («narodnosti») 126 et de tous les citoyens, ainsi que leur droit à une éducation

dans leur propre langue (art. 4-5).

122
Deklaracija drugog zasedanja Antifašisti čkog veća narodnog oslobođenja Jugoslavije o izgradnji Jugoslavije
na federativnom principu [ Décision de la deuxième réunion du Conse il antifasciste de libération nationale de
Yougoslavie sur l’édification de la Y ougoslavie selon le principe fédéral] , Conseil antifasciste de libération nationale de
Yougoslavie, décision n 329 novembre 1943, pièce 42 des pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit.

123Ibid., par. 4.
124
Zakon o administrationoj podeli Srbije [Loi sur la division administrative de la Serbie], Službeni glasnik Srbije
[Journal officiel de la Serbie], n/1945, pièce 43 des pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit.
125
Zakon o ustanovljenju i ustrojstvu Autonomne kosovsko-metohijske oblasti [Loi sur l’établissement eto
l’organisation de la région autonome du Kosovo-Metohija], Službeni glasnik Srbije [Journal officiel de la Serbie], n
28/145, pièce 44 des pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit.
126
Pour le sens du terme «nationalité» (« narodnost») dans la pratique constitutionnelle de l’ex-Yougoslavie, voir
infra par. 0. - 44 -

3. La Constitution yougoslave de 1946 et la Constitution serbe de 1947

La Constitution yougoslave de 1946

127
148. Une constitution fédérale adoptée en 1946 a défini la République fédérative populaire
de Yougoslavie comme une république fédérale et populaire et une communauté de nations égales
qui, par le jeu de l’exercice de leur droit à l’aut odétermination, et notamment de leur droit à la

sécession, avaient exprimé leur volonté de vivre ensemble dans un Etat fédéral (art. 1). Les nations
de la Yougoslavie étaient les Serbes, les Croates, les Slovènes, les Macédoniens et les
Monténégrins, comme l’avaient indiqué le Conseil antifasciste de libération nationale de

Yougoslavie dans ses décisions du 29 novembre 1943. Par la suite, les musulmans de souche (les
Bosniaques) ont également été reconnus comme formant une nation en Yougoslavie.

149. La République fédérative populaire de Yougoslavie se composait de six républiques : la
Serbie, la Croatie, la Slovénie, la Macédoine, le Monténégro et la Bosnie-Herzégovine (art.2,
par. 1).

150. La Constitution fédérale de1946 a confir mé que la Serbie comprenait notamment la

province autonome de Voïvodine et la région auto nome du Kosovo-Metohija (art.2, par.2). Il
convient de noter qu’à la différence de la Voïvodine, qui ét ait une province autonome, le
Kosovo-Metohija était une région autonome et, de ce fait, disposait d’une moindre autonomie
qu’une province autonome. Cette Constitution a ég alement prévu que l’étendue de l’autonomie de

ces deux territoires devait être déterminée par la constitution républicaine (art.103). L’acte
juridique de rang le plus élevé que puisse adopt er une province autonome ou une région autonome
était une loi, qui devait être c onforme aux constitutions fédérale et républicaine et devait être

approuvée par le parlement républicain (art. 104). L’Assemblée nationale fédérale se composait de
deux chambres, à savoir la Chambre fédérale, élue sur la base de l’égalité des voix de tous les
citoyens, et la Chambre des peuples, dans laquelle les citoyens de chaque république, province

autonome et région autonome élisaient 30, 20 et 15 représentants, respectivement (art. 53-54).

La Constitution serbe de 1947

151. En 1947, la Serbie a adopté sa constitu tion. La Constitution serbe de 1947 précisait que
le territoire de la Serbie comprenait notamment la région autonome du Kosovo-Metohija (art. 3) 12.

Elle garantissait le droit à l’autonomie tant du Kosovo-Metohija que de la Voïvodine, auxquels elle
conférait le droit d’adopter leurs propres lois s ous réserve de leur a pprobation par l’Assemblée
nationale de Serbie (art. 13).

152. Par ailleurs, la Constitution serbe de 1947 ré glementait la structure administrative et les

compétences en matière d’autonomie de la Vo ïvodine (art.90 à105) et du Kosovo-Metohija
(art.106 à118). S’agissant du Kosovo-Metohija, ces compétences concernaient la gestion du
développement économique et culture l de la région, compte tenu du respect de la loi et des droits

des citoyens; la protection de l’égalité et des droits culturels des nationalités de la région; la

127Ustav Federativne Nar odne Republike Jugoslavije [Constitution de la République fédérative populaire de
Yougoslavie], Službeni list Federativne Narodne Republike Jugoslavij[Journal officiel de la République fédérative
populaire de Yougoslavie], n 10/1946, pièce 45 des pièces et documents soumis à l’a ppui du présent exposé écrit
[ci-après dénommée : «Constitution fédérale de 1946].

128Ustav Narodne Republike Srbije [Constitution de la République populaire de Serbie],Službeni glasnik
Narodne Republike Srbije [Journal officiel de la Républ ique populaire de Serbie], n947, pièce 46 des pièces et
documents soumis à l’appui du présent exposé écrit. - 45 -

gestion des services de protection sociale et de santé, ainsi que la gestion des établissements
d’enseignement primaire et secondaire dans le cadre du plan d’éducation serbe (art. 106).

153. En vertu de la Constitution serbe de 1947, le Kosovo-Metohija était doté d’un organe
représentatif qui, notamment, adoptait son règlemen t, son budget et ses décisions en tant que

réglementations contraignantes (art.107), ainsi que d’un organe exécutif et administratif élu
(art.116). Les décisions adoptées par les orga nes provinciaux devaient être conformes aux
constitutions et aux lois de la Yougoslavie et de la Serbie, ainsi qu’aux décisions des présidiums

des parlements fédéral et serbe, faute de quoi elles pouvaient être annulées par les autorités
centrales (art. 152). A la différence de la Voïvodine, le Kosovo n’avait pas ses propres tribunaux.

154. A la suite des modifications apportées à la Constitution fédérale en 1953, les lois de la
province autonome de Voïvodine et de la ré gion autonome du Kosovo-Metohija ont cessé d’être
129
soumises au contrôle du parlement serbe .

4. La Constitution yougoslave de 1963, la Co nstitution serbe de 1963 et les amendements y
relatifs

La Constitution yougoslave de 1963

155. Adoptée en 1963, la nouvelle Constitution fé dérale yougoslave a donné à la Fédération
130
le nouveau nom de République fédérative socialiste de Yougoslavie (ci-après dénommée RFSY) .

156. Dans son préambule, la Constitution fédéra le de 1963 a réaffirmé que les nations de la

Yougoslavie, par le jeu de l’exercice de leur droit à l’autodétermination, et notamment de leur droit
à la sécession, s’étaient unies dans «une répub lique fédérative de na tions et nationalités

[«narodnosti»] libres et égales et avaient créé une communauté fédérative socialiste des travailleurs
⎯ la République fédérative socialiste de Yougoslavie» (préambule, I).

157. En sus des «nations» de la Yougoslavie, il y avait donc des «nationalités». Le terme de
«nationalités» («narodnosti») mérite un examen plus détaillé, car il est important pour la suite de

l’analyse du système constitutionnel yougoslave. C’est un terme difficile à traduire dans des
langues étrangères. Il signifie au départ «le fait d’appartenir à un peuple», mais, dans le langage
juridique et politique de la RFSY, il a servi à désigner les minorités nationales 131. Le présent

exposé utilise de façon interchangeable le terme «nationalité» et l’expression «minorité nationale».

158. En vertu de l’article 1 de la Constitu tion fédérale de1963, la RFSY était un «Etat
fédéral constitué de nations librement unies et ég ales» et «une communauté sociale démocratique
s’appuyant sur le pouvoir des travailleurs et l’autogestion». Comme auparavant, la RFSY se

129 Ustavni zakon o osnovama društvenog i politi čkog uređenja Federativne Narodne Republike Jugoslavije i
saveznim organima vlasti [Loi constitutionnelle sur le fondement de l’ ordre social et politique de la République
fédérative populaire de Yougoslavie et sur les organes du pouvoir fédéral], Službeni list Federativne Narodne Republike
Jugoslavije [Journal officiel de la République fédérative populaire de Yougoslavie], n 3/1953, art. 114.

130Ustav Socijalističke Federativne Republike Jugoslavije [Constitution de la République fédérative socialiste de
Yougoslavie], Službeni list Socijalističke Federativne Republike Jugoslavije [Journal officiel de la RFSY14/1963,
pièce 47 des pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit [ci-après dénommée : «Constitution fédérale de
1963»].

131Voir Vojin Dimitrijevi ć, «Nationalities and Minorities in the Yugoslav Federationin Yoram Dinstein &
Mala Tabory (eds.), The Protection of Minorities and Human Rights (1992), p. 423-424. - 46 -

composait de la Bosnie-Herzégovine, de la Macédoine, de la Slovénie, de la Serbie, de la Croatie et
du Monténégro (art. 2, par. 1). Ces républiques étaient définies comme une «communauté étatique
démocratique et socialiste [«državna demokratska socijalistička zajednica»]» (art. 108, par. 1).

159. La Constitution fédérale de1963 prévoya it la possibilité générale de constituer des
provinces autonomes au sein des républiques et déterminait que la Voïvodine et le

Kosovo-Metohija étaient deux provinces autonomes au sein de la Serbie (art. 111). Les provinces
autonomes étaient définies co mme «des communautés socio-politiques dans une république» («u
sastavu republike», art. 112, par. 1). A l’instar de la Constitution fédérale de 1946, la Constitution

fédérale de 1963 disposait que les pouvoirs des provinces autonomes et l’organisation de leurs
organes devaient être déterminés par les constitutions des républiques (art. 112, par. 2).

La Constitution serbe de 1963

160. En vertu de la nouve lle Constitution serbe adoptée en 1963, les provinces autonomes
étaient dotés des pouvoirs suivants: réglementer l es questions d’intérêt général pour la province
dans les domaines de l’éc onomie, de l’éducation, de la culture , de la santé et de la protection

sociale; appliquer la législation de la Fédérati on et de la r132blique dans les cas où ces dernières
les y autorisaient ; et maintenir l’ordre public (art. 129) .

161. Les provinces autonomes étaient dotées d’un organe représentatif ⎯ une assemblée ⎯
et d’un conseil exécutif (art.136 à138). Un e province pouvait également créer ses propres

organismes dans les domaines relevant de sa compétence (art. 135). L’assemblée de province était
habilitée à adopter un règlement provincial et à publier des décisions en tant que textes
réglementaires de caractère généra l (art.129 et139). Ces décisions devaient être conformes à la

constitution et aux lois de la Serbie (art. 161).

Les modifications apportées en 1968 à la Constitution yougoslave de 1963

162. La Constitution fédérale de 1963 a été modifiée en 1968 133. L’un des amendements
modifiait le paragraphe1 de l’article 2 de la Constitution fédérale de 1963 en remplaçant le mot

«Serbie» par le membre de phrase suivant: «Répub lique socialiste de Serbie et, en son sein («u
njenom sastavu»), la région socialiste autonome de Voïvodine et la région socialiste autonome du
Kosovo.» 134

163. Les modifications apportées en 1968 à la c onstitution fédérale ont élargi les droits des

provinces autonomes. Aspect le plus important, ces dernières se sont vu accorder le droit d’adopter
une loi constitutionnelle qui définirait leurs pouvoi rs (amendment XVIII, par. 2-1). Cette loi
constitutionnelle provinciale devait être conforme aux principes de la Constitution yougoslave ainsi

qu’à la constitution de la république concernée (ibid., par. 2-2).

132Ustav Socijalističke Republike Srbije [Constitution de la République socialiste de Serbie], Službeni glasnik
o
Socijalističke Republike Srbije [Journal officiel de la République socialiste de Serbie], n pièce 48 des pièces et
documents soumis à l’appui du présent exposé écrit.
133Ustavni amandmani [Amendements constitutionnels], Službeni list Socijalisti čke Federativne Republike
Jugoslavije [Journal officiel de la RFSY], 55/1968, pièce 49 des pièces et documents soumis à l’appui du présent

exposé écrit.
134Ibid., amendement VII. - 47 -

164. Les provinces autonomes se sont également vu reconnaître le droit de créer leur propre
appareil judiciaire, dirigé par une cour suprême (ibid., par. 4).

Les modifications apportées en 1969 à la Constitution serbe de 1963

165. A la suite de ces modifications, la Constitution serbe de 1963 a été amendée pour mettre
en application les amendements à la constitution fédérale 135. Le principe selon lequel le pouvoir de

légiférer était exercé a également été modifié, de sorte que les provinces ont acquis une compétence
générale leur perme ttant de légiférer dans t ous les domaines, tandis que les lois applicables à
l’ensemble du territoire de la Serbie ne pouvaient être adoptées par le parlement serbe que dans les
136
domaines énumérés par la Constitution elle-même . Le même principe s’appliquait aux autorités
exécutives 137.

166. En 1969, l’assemblée du Kosovo a adopté une loi constitutionnelle dans laquelle elle
138
précisait les pouvoirs de la province .

Les modifications apportées en 1971 à la Constitution yougoslave de 1963

167. De nouveaux amendements à la Cons titution fédérale de 1963 ont été adoptés
139
en 1971 . La RFSY était définie comme suit :

«un Etat fédéral revêtant la forme d’une communauté étatique constituée par des

nations librement unies et leurs républiques socialistes, ainsi que les provinces
socialistes autonomes de Voïvodine et du Ko sovo, qui font partie de la République

socialiste de Serbie...» (Amendement XX, par. 2.)

Les républiques étaient définies comme

«[des] Etat[s] reposant sur la souveraineté du peuple et le pouvoir et l’autogestion de
la classe ouvrière et de l’ensemble d es travailleurs, et [des] communauté[s]

démocratiques de travailleurs et de citoyens pratiquant l’autogestion socialiste et de
nations et nationalités égales en droits» (ibid., amendement XX, par. 3).

Les provinces autonomes étaient définies comme

«des communautés socio-politiques autonomes démocratiques pratiquant l’autogestion

socialiste dans lesquelles les travailleurs, les nations et les nationalités réalisent leurs
droits souverains et, lorsque la Constitution de la République socialiste de Serbie le

spécifie pour défendre les intérêts communs des travailleurs, des nations et des

135 Ustavni amandmani [Amendements constitutionnels], Službeni glasnik Socijalisti čke Republike Srbije
[Journal officiel de la République socialiste de Serbie], n969, pièce 50 des pièces et documents soumis à l’appui du
présent exposé écrit.

136Ibid., amendement V, par. 4.
137
Ibid., amendement V, par. 10.
138
Ustavni zakon Socialisti čke Autonomne Pokrajine Kosova [Loi constitutionnelle de la province socialiste
autonome du Kosovo], Službeni list Socijalističke Autonomne Pokrajine Kosova [Journal officiel de la province socialiste
autonome du Kosovo], n 6/1969.
139
Ustavni Amandmani XX do XLII [Amendements constitutionnels XX à XLII], Službeni list Socijalističke Fe-
derativne Republike Jugoslavije [Journal officiel de la RFSY], n29/1971, pièce 51 des pièces et documents soumis à
l’appui du présent exposé écrit. - 48 -

nationalités de l’ensemble de la République , le font également au sein de la
république» (ibid., amendement XX, par. 4).

168. La comparaison de ces définitions montre la différence séparant les républiques des
provinces autonomes : alors que celles-là étaient des «Etats» qui «reposa[ie]nt sur la souveraineté

du peuple», celles-ci n’en étaient pas. Ainsi, une province autonome n’était-elle pas un «Etat» et
ne «reposa[it-elle pass ]ur la souve raineté du peuple», mais était-elle une

«communaut[é]» ... autonome...» dans laquelle «les travailleurs, les nations et les nationalités
réalisent leurs droits souverains».

169. En vertu des amendements de 1971, les provinces autonomes se sont vu accorder le
droit de se faire représenter non plus seulement au parlement fédéral, mais aussi dans d’autres

organes fédéraux, à savoir la présidence, le gouve rnement (conseil exécutif fédéral) et la cour
constitutionnelle fédérale ( ibid., amendements XXXVI, par. 1; XXXVIII, par. 1; et XL). De
surcroît, la Constitution fédérale ne pouvait être amendée qu’avec le consentement de toutes les

républiques et provinces autonomes (ibid., amendement XXXII).

IV. Modifications ultérieurement apportées à la Constitution
serbe et à la Constitution of Kosovo

170. A la suite des modifications apportées à la Constitution fédérale, la Serbie a adopté des
amendements à sa constitution en1972 140. Ces amendements ont notamment énuméré les
domaines qui pouvaient être réglementés par des lois applicables à l’ensemble du territoire de la

république et ont institué la possibilité d’adopter de telles lois également dans d’autres domaines,
sur la base d’un accord avec les provinces autonomes (amendement IX, par. 1 et 2).

171. De son côté, la province du Kosovo a amendé sa loi constitutionnelle en 1972 141. Ces

amendements ont notamment précisé les pouvoirs de la province et de ses organes, et créé la
Banque nationale du Kosovo en tant qu’«ins titution du système monétaire unifié de la
Yougoslavie», ainsi que la C our constitutionnelle du Kosovo (a mendementIV, par.1,

amendement X).

5. Les Constitutions de 1974 et leurs amendements

172. Une nouvelle Constitution de la RFSY a été adoptée en 1974 142; les nouvelles
143
Constitutions des républiques, et notamment celle de la Serbie 144, et celles des provinces
autonomes, notamment celle du Kosovo, l’ont été peu de temps après .

140
Ustavni amandmani IX do XVI [Amend ements constitutionnel IX-XVI], Službeni list Socijalisti čke
Republike Srbije [Journal officiel de la République socialiste de Serbie], n 8/1972.
141
Amandmani I-X na Ustavni zakon SAP Kosova [Amendeme nts I-X à la loi constitutionnelle de la province
socialiste autonome du Kosovo], Službeni list Socijalističke Autonomne Pokrajine Kosova [Journal officiel de la province
socialiste autonome du Kosovo], n4/1972.
142
Ustav Socijalističke Federativne Republike Jugoslavije [Constitution de la République fédérativo socialiste de
Yougoslavie], Službeni list Socijalisti čke Federativne Republike Jugoslavije [Journal officiel de la RFSY], n74
(ci-après dénommée: Constitution fédéra le de 1974), pièce 52 des pièces edocuments soumis à l’appui du présent
exposé écrit [ci-après dénommée : «Constitution fédérale de 1974»].
143
Ustav Socijalisti čke Republike Srbije [Consti tution de la République socialiste de SeSlužbeni glasnik
Socijalističke Republike Srbije [Journal officiel de la République socialiste de Serbie], n (ci-après dénommée:
Constitution serbe de 1974), pièce 53 des pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit. - 49 -

La Constitution fédérale de 1974

173. La Constitution fédérale de 1974 a conservé la définition de la fédération adoptée à la

suite des amendements de 1971 (Constitution fédérale de 1974, art. 1, et supra par. 167). Comme
auparavant, les deux provinces autonomes de Vo ïvodine et du Kosovo ont été décrites comme
145
faisant partie intégrante de la Serbie («u njenom sastavu») .

174. Le préambule de la Constitution fédérale de 1974 a repris le lib ellé des constitutions

yougoslaves postérieures à la seconde guerre m ondiale, à savoir que «les nations de la
Yougoslavie» jouissaient du droit à l’autodéte rmination, y compris du droit à la sécession 146.

Comme il a été expliqué plus haut, les nations de la Yougoslavie étaient les Serbes, les Croates, les
Slovènes, les Macédoniens et les Monténégrins, ai nsi qu’il était indiqué dans les décisions du
Conseil antifasciste de libération nationale de Yougoslavie en date du 29novembre1943 14. En

outre, les musulmans de souche (Bosniaques) avaient ultérieurement été reconnus comme une
nation de la Yougoslavie et comme l’un des trois peuples constitutifs de la Bosnie-Herzégovine,
avec les Croates et les Serbes 148.

175. La Constitution fédérale de 1974 a préci sé les domaines relevant de la compétence

législative fédérale (art. 281). Dans certains cas, qui concernaient surtout la sphère de l’économie,
les lois fédérales étaient adoptées avec le consente ment des républiques et des provinces (art. 286).
Sauf disposition contraire de la Constitution fédé rale de1974, la législation fédérale était en

principe appliquée par les autorités des républiques et des provinces (art. 273, par. 1).

176. Les amendements à la Constitution fédéra le de 1974 devaient être adoptés à l’issue
d’une procédure complexe. Les décisions étaient prises par la chambre fédérale du parlement de la
149
RFSY, avec le consentement d es assemblées de toutes les répub liques et provinces autonomes .
Le consentement des républiques et des provinces autonomes était requis à deux stades: d’abord,
celui de la décision d’engager la procédure d’amendement et, ensuite, celui de la décision d’adopter

un amendement, qui était prise à la majorité des de ux tiers des membres de la chambre fédérale du
parlement de la RFSY (art. 400-402).

177. Les organes fédéraux étaient composés sur la base d’une participation égale des
républiques. Quant aux provinces, leur particip ation était en principe moindre que celle des

républiques. Par exemple, chaque république avait 30 délégués et chaque province 20 délégués à la
chambre fédérale de l’Assemblée de la RFSY (Cons titution fédérale de 1974, art. 291, par. 1). La
Chambre des républiques et des provinces de l’Assemblée de la RFSY était composée de

12délégués de chaque assembée de république et de huit délégués de chaque assemblée de

144Ustav Socijalisti čke Autonomne Pokrajine Kosova [Constitution de la province socialiste autonome du

Kosovo], Služoeni list Socijalisti čke Autonomne Pokrajine Kosova [Journal offi ciel de la province socialiste autonome
du Kosovo], n 4/1974, (ci-après dénommée : Constitution du Kosovo de 1974), pièce 54 des pièces et documents soumis
à l’appui du présent exposé écrit.
145
Constitution fédérale de 1974, art. 2.
146Le principe fondamental I de la Constitution fédérale de 1974 s’ouvre sur les mots suivants: «[e]n vertu du
droit de chaque nation à l’autodétermination, y compris du droit à la sécession, les nations de la Yougoslavie ...».

147Voir supra par. 144-146.

148Voir article 1 de la Constitution de la Bosnie-Herzégovine, Službeni list Bosne i Hercegovine [Journal officiel
de la Bosnie-Herzégovine], n 4/1974.
149
Si les changements proposés concer naient les relations entre république s ou entre les républiques et la
fédération, ils ne nécessitaient que le consentement des assembl ées des républiques, et non celui des assemblées des
provinces, voir la Constitution fédérale de 1974, art. 398. - 50 -

province (art. 292, par. 1). Le Conseil exécutif fé déral (gouvernement fédéral) et la Cour fédérale
étaient composés sur la base d’une participation égale des républiques et de la représentation
appropriée («odgovaraju će») des provinces (art. 348, par. 1, et art. 370, par. 2). La Cour

constitutionnelle de Yougoslavie était composée de deux membres originaires de chaque
république et d’un membre originaire de chaque province autonome. La présidence de la RFSY
comprenait un membre originaire de chaque république et province (art. 321).

178. En dépit de leur participation aux organes fédéraux et de leur rôle dans la fédération
yougoslave, les provinces autonomes n’étaient pas d es entités fédérales. Les définitions de la

république et de la province autonome données par la Constitution fédérale de1974 demeuraient
presque identiques à celles qui avaient ét é inscrites dans les amendements de1971 15. Comme
expliqué plus haut, la principale différence existant entre les républiques et les provinces

autonomes (dans les amendements de 1971 et, partan t, dans la Constitution fédérale de 1974) était
que les républiques étaient définies comme des «Eta ts» «reposant sur la souveraineté du peuple»,
tandis que les provinces autonomes n’en étaient pas (voir supra par.168) et étaient expressément

présentées comme faisant partie intégrante de la Serbie.

179. La cour Constitutionnelle de Yougoslavie a confirmé que les provinces autonomes
n’étaient pas des entités fédérales de la fédération yougoslave lorsqu’elle a j ugé qu’«en vertu de la
Constitution de la RFSY, la PSA [province soci aliste autonome] de Voïvodine et la PSA du

Kosovo ne sont pas des entités fédérales comme les républiques , mais qu’elles sont des
communautés sociopolitiques autonomes au sein de la RS [République socialiste] de Serbie» 151.

180. En conclusion, tout en étant des élém ents importants de la RFSY, les provinces
autonomes du Kosovo et de Voïvodine n’étaient pas des entités fédérales. Il n’en reste pas moins

qu’elles ont invariablement désigné des parties constitutives de la Serbie.

La Constitution serbe de 1974

181. La Constitution serbe de 1974 a défini l es provinces autonomes de la même façon que
la Constitution fédérale de 1974.

182. Par ailleurs, elle a adopté le principe selon lequel les pouvoirs législatifs devaient être

exercés au 152eau des provinces à moins que la Constitution elle-même n’en dispose expressément
autrement . Les domaines dans lesquels l’Assemblée serbe pouvait adopter des lois applicables à
l’ensemble du territoire serbe, y compris aux pr ovinces autonomes, ont été expressément énumérés

(ibid., art. 300). D’autres domaines pouvaient également être réglementés par des lois applicables à
l’ensemble du territoire serbe en vert u d’un accord avec les provinces autonomes ( ibid., art. 301).
Dans d’autres cas, des lois étaient adoptées pour l’ensemble du territoire serbe à l’exclusion du

territoire des provinces autonomes (ibid., art. 343).

150A une exception près : il était également dit qu’une région autonome «reposait sur le pouvoir et l’autogestion
de la classe ouvrière et de l’ensemble des travailleurs» (ibid., art. 3-4 et supra par. 167).

151«To znači da, po ustavu SFRJ, SAP Vojvodina i SAP Kosovo nisu federalne jedinice, kao što su republike,
već su to autonomne društveno-političke zajednice u sastavu SR Srbije.» Cour constitutionnelle de Yougoslavie, arrêt du
19février 1991, II-U-broj 87/90, [Odluka o ocenjivanju usvnosti Ustavne deklaracije o Kosovu kao samostalnoj i
ravnopravnoj jedinici u okviru federacije (konfederacije) Jugoslavije kao ravnopravnog subjekta sa ostalim jedinicama u
federaciji (konfederaciji)], Journal officiel de la RFSY, n 37/1991, p. 618 ; les italiques sont de nous, pièce 56 des pièces
et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit.

152Constitution serbe de 1974, art. 293, par. 1, voir pièce 53 des pièces et documents soumis à l’appui du présent
exposé écrit. - 51 -

183. La Constitution serbe de 1974 disposait que l’application des lois sur le territoire d’une
province autonome relevait en principe de la co mpétence des autorités de la province en question
(ibid., art. 294, par. 1).

184. La Constitution serbe de1974 pouvait être modifiée par l’Assemblée serbe. Le

consentement des assemblées des provinces autonomes était requis tant pour l’engagement de la
procédure d’amendement que pour l’adoption d’un amendement si ce dernier concernait
l’ensemble de la Serbie (ibid., art. 427-428 et 430). Les amendements devaient être adoptés par les

deux tiers des membres de l’Assemblée serbe (ibid., 430, par. 2).

La Constitution du Kosovo de 1974

185. La Constitution du Kosovo de 1974 a réglementé le système d’administration autonome
153
de la province. Elle a défini les pouvoirs de la province . Comme indiqué plus haut, la
Constitution fédérale de 1974 et la Constitution serbe de 1974 ont énuméré les pouvoirs de la
fédération et de la république, respectivement, en se fondant sur le principe selon lequel tout ce qui

n’était pas assigné à la fédération et à la république relevait de la compétence de la province.

186. En vertu de la Constitution du Kosovo de 1974, les organes provinciaux se composaient
de l’assemblée, de la présidence et du gouvernement (conseil exécutif) ( ibid., chapitres X, XI
etXIII). Etaient également prévus une cour constitutionnelle et un appareil judiciaire ( ibid.,

chapitres XV et XVI).

187. Les amendements à la Constitution étaien t adoptés à la majorité des deux tiers des
membres de l’assemblée de la province, qui devaient également donner leur consentement aux
amendements à la Constitution de la RFSY et à la Constitution serbe ( ibid., art.397, par.2,

art. 399 ; cf. supra par.176 et 184).

Amendements constitutionnels de 1988-1989

188. En 1988, des amendements à la Constitu tion fédérale de 1974 ont été adoptés, avec le
154
consentement de toutes les républiques et provinces autonomes . Ils ont essentiellement porté sur
des questions économiques et sur un certain renforcement des pouvoirs fédéraux.

189. A la suite de ces amendements de 1988 à la Constitution fédérale, la Constitution serbe
de 1974 a été amendée en 1989 155, les modifications apportées ayant été dûment adoptées avec le
consentement des assemblées des provinces autonomes du Kosovo et de Voïvodine 15.

153Constitution du Kosovo de 1974, art. 283, voir pièce 54 des pièces et documents soumis à l’appui du présent
exposé écrit.
154
Amandmani na Ustav Socijalističke Federativne Republike Jugoslavije [Amendements à la Constitution de la
République fédérative socialiste de Yougoslavie], Službeni list Socijalističke Federativne Republike Jugoslavije [Journal
officiel de la RFSY], n 70/1988.
155
Amandmani IX do XLIX na Ustav Socijalističke Republike Srbije [Amendements IX à XLIX à la Constitution
de la République socialiste de Serbie], Službeni glasnik Socijalističke Republike Srbije [Journal officiel de la République
socialiste de Serbie], n 11/1989 (ci-après dénommés : amendements de 1989 à la Constitution serbe), pièce 55 des pièces
et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit. - 52 -

190. Les amendements de 1989 à la Constitution serbe ont introduit des changements

importants dans les relations entre les institutions de la République de Serbie et celles des
provinces autonomes. Ces changements ont été pr ovoqués par le mécontentement suscité par le
dispositif, inscrit dans la Constitution serbe de 1974, suivant leque l la compétence des institutions

de la République de Serbie (où siégeaient des re présentants des provinces autonomes) s’arrêtait à
ce qui concernait la Serbie proprement dite, ta ndis que les provinces autonomes étaient dirigées
presque exclusivement par leurs propres institutions 157. Même dans les rares domaines dans

lesquels la République pouvait adopter des lois applicables à l’ensemb le de son territoire, elle ne
pouvait pas en garantir l’application sur le terr itoire des provinces autonomes si celles-ci se
montraient peu coopératives à cet égard (cf. art. 294 à 296 de la Constitution serbe de 1974). Qui

plus est, si les constitutions des provinces contrevenaient à la Constitution serbe de1974, en
violation de son article 226, aucun mécanisme juri dique n’avait été prévu pour faire prévaloir cette
dernière 158.

191. S’agissant des relations entre la République de Serbie et ses provinces autonomes, les
amendements de 1989 à la Constitution serbe ont notamment institué les changements suivants :

⎯ l’Assemblée serbe pouvait, en se fondant sur un av is de la Cour constitutionnelle de Serbie, se
prononcer sur la question de savoir si une cer taine disposition d’une constitution provinciale

était contraire à la Constitution serbe ; si l’assemblée provinciale concernée ne modifiait pas la
disposition inconstitutionnelle dans un délai d’un an, elle cesserait d’être appliquée
(amendement XXIX) ;

⎯ le rôle des organes administratifs de la République en ce qui concerne l’application des lois
républicaines applicables à l’ensemble du territoire de la Serbie a été élargi, et notamment leur

pouvoir d’appliquer ces lois sur le territoire d’un e province autonome si celle-ci négligeait de
le faire (amendement XXXI, en particulier le paragraphe 7) ;

⎯ la présidence serbe pouvait prescrire aux autorités républicaines de mettre en place ou
d’exécuter directement des mesures de protection de l’ordre constitutionnel sur le territoire de
la Serbie ou une partie de ce territoire si cel a était nécessaire pour assurer la sécurité de la

République, afin de mettre un terme à des ac tivités visant à saper ou à détruire l’ordre
constitutionnel (amendement XLIII, par.3). En d’autres termes, les autorités républicaines
pouvaient exercer directement leurs pouvoirs su r le territoire d’une province autonome dans

des situations d’urgence de ce type, ce qui n’était pas le cas auparavant ;

⎯ l’amendement de la Constitution serbe ne requé rait plus le consente ment des assemblées

provinciales; ces dernières avaient le droit de faire connaître leurs opinions sur les
amendements constitutionnels et, si ces opinions n’étaient pas acceptées par l’Assemblée serbe,
de demander que ces amendeme nts soient adoptés par la vo ie d’un référendum serbe

(amendement XLVII).

192. Les amendements de 1989 à la Constitution serbe ne pouvaient modifier que

partiellement les relations entre la République de Serbie et ses provinces autonomes, car
l’autonomie de ces provinces était également garan tie au niveau de la RFSY, par la Constitution
fédérale de 1974.

156
Odluka o proglašenju amandmana IX do XLIX na Ustav Socijalističke Republike Srbije [Décision concernant
l’adoption des amendements IX à XLIX à la Constitution de la République socialiote de Serbie],Službeni glasnik
Socijalističke Republike Srbije [Journal officiel de la République socialiste de Serbie], n 11/1989.
157
Voir Dimitrijević op. cit., p. 425.
158Voir, par exemple, Pavle Nikolić, «Prilog pitanju odnosa Ustava SR Srbije i ustava pokrajina», Anali Pravnog
Fakulteta u Beogradu, 4/1998, p. 459-461. - 53 -

193. La Cour constitutionnelle (fédérale) de Yougoslavie a examiné les amendements
de1989 à la Constitution serbe (ainsi que les am endements constitutionels adoptés dans d’autres

républiques de la RFSY) pour déterminer s’ils ét aient compatibles avec la Constitution fédérale
de1974 (modifiée en 1988). La Cour constitutio nnelle de Yougoslavie a jugé que certains des
amendements étaient incompatibles avec la constitution fédérale, mais que cela n’était pas le cas de

ceux qui concernaient le statut et les pouvoirs des provinces autonomes, dont il a été question au
paragraphe précédent 159.

«La déclaration constitutionnelle sur le Kosovo»

194. L’année suivante, le 3juillet1990, 11 1membres de l’Assemblée provinciale du
Kosovo ont publié une «déclaration constitutionnell e sur le Kosovo en tant qu’entité autonome

(«samostalnoj») et égale au sein de la fédération (confédération) de You160lavie et en tant que
sujet de droit égal aux autres entités de la fédération (confédération)» . Il n’y avait pas un seul
membre serbe de l’Assemblée provinciale du Kos ovo parmi les auteurs de cette «déclaration».

Cette dernière a, entre autres, proclamé le Ko sovo «entité égale au sein de la Yougoslavie» et
exprimé une aspiration à ce que cela soit confirmé dans la constitution yougoslave (par.2). Il y

était également indiqué161e les Albanais devr aient être considérés non comme une nationalité
(minorité nationale) , mais comme une nation en Yougoslavie (par. 3). En outre, la «déclaration»
précisait que, «jusqu’à l’application juridi que définitive de la présente déclaration

constitutionnelle», l’Assemblée et les autres autor ités du Kosovo devraient travailler sur la base de
la constitution fédérale, non sur celle des amendements de1989 à la Constitution serbe (par.4).
Enfin, la déclaration prétendait «annuler» le consentement que l’Assemblée du Kosovo avait

antérieurement donné à ces amendements (par. 4).

195. Cette «déclaration» a été par la suite annulée dans son intégralité par la Cour
constitutionnelle yougoslave, qui l’a jugée incompatible avec la constitution fédérale 162. La Cour a

notamment déclaré que le Kosovo n’était pas une entité fédérale et que son statut 163stitutionnel ne
pouvait être modifié qu’en amendant les constitutions fédérale et serbe . De l’avis de la Cour, si
le Kosovo devait devenir une entité autonome et égale aux autres républiques de la RFSY, cela

modifierait le territoire et les frontières de la Se rbie, ce qui était contraire à la constitution de la
RFSY 164. Enfin, la Cour a précisé que les Albana is du Kosovo étaient une nationalité (minorité
nationale) et que, de ce fait, ils ne pouvaient pas ex ercer le droit à l’autodétermination et proclamer

le Kosovo une entité fédérale car le droit à l’ autodétermination appart enait exclusivement aux
nations de la Yougoslavie, et non aux nationalités 165.

159Cour constitutionnelle de Yougoslavie, avis du 18 janvier 1990, IU-broj 105/1-89, Službeni list Socijalističke
Federativne Republike Jugoslavije [Journal officiel de la RFSY],10/1990.

160Ustavna deklaracija o Kosovu kao sa mostalnoj i ravnopravnoj jedinici u okviru federacije (konfederacije)
Jugoslavije kao ravnopravnog subjekta sa ostalim jedinicama u federaciji (konf ederaciji) [Déclaration constitutionnelle
sur le Kosovo en tant qu’entité autonome (« samostalnoj») et égale au sein de la fédération (confédération) de
Yougoslavie et en tant que sujet de droit égal aux autres entités de la fédération (confédération)] Službeni list
o
Socijalističke Autonomne Pokrajine Kosova [Journal officiel de la province socialiste autonome du Kosovo], n/1990,
pièce 75 des pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit.
161Pour le terme de «nationalité», voir supra par. 157.

162Cour constitutionnelle de Yougoslavie, arrêt du 19 février 1991, II-U-broj 87/90, [Odluka o ocenjivanju
ustavnosti Ustavne deklaracije o Kosovu kao samostalnoj i ra vnopravnoj jedinici u okviru federacije (konfederacije)

Jogoslavije kao ravnopravnog subjekta sa os talim jedinicama u federaciji (konfederac iji)], Journal officiel de la RFSY,
n 37/1991, p. 618, pièce 56 des pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit.
163Ibid.

164Ibid., p. 619.

165Ibid. - 54 -

La Constitution serbe de 1990

196. Une nouvelle constitution serbe a été adoptée en 1990 166 après qu’elle eut été approuvée

lors d’un référendum par 75,76 % de l’ensemble de l’électorat serbe, y compris des électeurs des
provinces autonomes du Kosovo et de Voïvodine 167.

197. Selon la Constitution serbe de 1990, la province autonome du Kosovo-Metohija et la
province autonome de Voïvodine étaient des unit és territoriales autonomes (art. 6). Les provinces

autonomes étaient notamment habilitées à réglementer les questions intéressant leurs citoyens dans
les domaines de l’éducation, de la culture, de l’usage officiel des langues minoritaires, de

l’information, de la santé et de la protection sociale, de la protection des enfants, de
l’environnement et de l’urbanism e (art.109, par.1-3)). La loi pouvait étendre la compétence
provinciale à d’autres questions ( ibid., par. 3). Les autorités provinciales étaient habilitées à

appliquer les textes réglementaires provinciaux et pouvaient également appliquer la législation
serbe si les autorités centrales leur déléguaient ce pouvoir (art. 109, par. 1-4)).

198. L’acte juridique occupant le rang le pl us élevé dans une province était une loi qui
énonçait les pouvoirs de cette province et précisa it l’organisation de ses organes (art.110). Les

organes provinciaux se composaient d’une assembl ée, directement élue au scrutin secret, d’un
gouvernement (conseil exécutif) et d’une administration (art. 111).

IV. La République fédérale de Yougoslavie
(Serbie et Monténégro) (1992-1999)

199. Au cours du processus de dissolution de la RFSY, les républiques constitutives de
Serbie et du Monténégro ont créé la République fédérale de Yougoslavie (RFY) le 27 avril 1992 168.
169
Sa constitution ne se référait pas à des provinces autonomes, mais uniquement aux deux
républiques constitutives de la RFY. Cependant, pendant toute la durée de l’existence de la

RFY/Serbie et Monténégro, la Constitution serbe de1990 et ses dispositions concernant les
provinces autonomes ont continué de s’appliquer.

170
200. En 2003, la RFY a été rebaptisée Communauté étatique de Serbie-et-Monténégro . A
cette époque, le Kosovo était déjà administré par l’Organisation des NationsUnies en vertu de la

résolution1244(1999) du Conseil de sécurité. La Charte constitutionnelle de la Communauté
étatique déclarait expressément que la Serbie englobait notamment les provinces autonomes de
Voïvodine et du Kosovo, tout en indiquant que ce tte dernière était administrée par la communauté
171
internationale . Elle précisait également que si le Monténégro devait quitter la Communauté
étatique, les documents internationaux concernant la RFY, en particulier la résolution 1244 (1999)
du Conseil de sécurité, continueraient de s’appliquer à la Serbie (art. 60, par. 4).

166
Ustav Republike Srbije [Constitution deola République de Serbie], Službeni glasnik Republike Srbije [Journal
officiel de la République de Serbie], n 1/90. Traduction en anglais disponible à l’adress:e
http://unpan1.un.org/intradoc/groups/public/documents/UNTC/UNPAN019071…, voir aussi pièce57 des pièces et
documents soumis à l’appui du présent exposé écrit.
167 o
Voir Sluzbeni glasnik Republike Srbije [Journal officiel de la République de Serbie], n 35/1990.
168
Pour une carte de la RFY (Serbie et Monténégro), voir annexe 2.
169Ustav Savezne Republike Jugoslavije, [Constituti on de la République fédérale de Yougoslavie], Službeni list
o
Savezne Republike Jugoslavije [Journal officiel de la RFY], n 1/1992 (ci-après dénommée : Constitution de la RFY).
170Voir chap. I, sect. E.

171Préambule, repris en tant que pièce 58 des pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit. - 55 -

V. Résolution 1244 du Conseil de sécurité (depuis 1999)

201. En juin 1999, le Kosovo a été placé sous ad ministration internationale en application de
la résolution1244(1999) du Conseil de sécurité. Ce régime international est analysé en détail au

chapitre 8.

VI. La Constitution serbe de 2006

202. En 2006, la Serbie a adopté une nouvelle constitution par voie de référendum 17. Il n’a
pas été possible d’organiser un référendum pour l’adoption de cette constitution sur l’ensemble du

territoire du Kosovo. La Constitution serbe de 2006 réaffirme que le Kosovo fait partie intégrante
de la Serbie et jouit d’un statut d’autonomie substantielle (préambule). En outre, elle stipule que le
Kosovo et la Voïvodine constituent des provinces au tonomes et elle laisse ouverte la possibilité de

créer de nouvelles provinces autonomes (art. 182).

203. La Constitution serbe de 2006 réglemente le statut et les pouvoirs de la Voïvodine, mais
pas du Kosovo (art. 182-187). Ce dernier jouit de ce qui est défini comme un statut d’«autonomie
substantielle», dont la teneur précise doit être réglementée par une loi constitutionnelle spéciale

(art.182, par.2). Etant donné que la Cons titution serbe de2006 a été adoptée alors que des
négociations sur le statut du Kosovo étaient en cours, la teneur précise de l’«autonomie
substantielle» doit être déterminée dans le cadre d’un règlement négocié pour le Kosovo.

B. N ORMES DE PROTECTION DES MINORITES APPLICABLES AU K OSOVO

I. La protection des minorités dans la RFSY

1. Les constitutions de 1974

204. La Constitution fédérale de 1974 contenait une liste de droits fondamentaux
(chapitreIII), ainsi que des garanties spécifiqu es des droits des personnes appartenant à des
nationalités (minorités nationales) qui apparaissaient plus élevées que les normes internationales de
173
protection des minorités applicables à l’époque . Dans le domaine institutionnel, les droits des
minorités atteignaient également une norme très élevée. Selon Vojin Dimitrijevi ć, qui était alors
vice-président du Comité des droits de l’homme de l’ONU,

«Dans le domaine institutionnel, les na tionalités ont véritablement la possibilité
de préserver leur langue et leur culture. Il ex iste des stations de télévision et de radio

qui ne fonctionnent qu’en albanais (P riština), hongrois (Novi Sad) et italien
(Koper-Capodistria). Les autres nationalités se voient garantir un temps d’antenne par
les stations de télévision et de radio pour la diffusion de nouvelles et d’autres

émissions. L’instruction dispensée dans l es langues des nationalités est garantie dans
les écoles ordinaires et les écoles secondaires fi nancées par les Etats. Priština compte
l’une des plus grandes universités de Yougos lavie, qui est aussi la plus grande
université albanaise qui existe. Dans les universités de Priština et de Novi Sad, les

cours sont dispensés simultanément et séparément en serbo-croate, en albanais et en
hongrois, même si l’immense majorité des étudiants de Priština sont albanais. Les

172Ustav Republike Srbije [Constitution de la République de Serbie], Službeni glasnik Republike Srbije [Journal
officiel de la République de Serbie], n06 (ci-après dénommée : Constitution serbe de 2006). Traduction en anglais

disponible à l’adresse: http://www.parlament.sr.gov.yu/content/eng/akta/ustav/ustav_1.asp, pièce59pièces et
documents soumis à l’appui du présent exposé écrit.
173Voir Dimitrijević, op. cit., p. 427. - 56 -

deux provinces autonomes ont leurs propres acad émies des arts et des sciences, et la
174
majorité des membres de l’Académie du Kosovo sont albanais.»

205. La RFSY était partie à la plupart des principaux instruments relatifs aux droits de
l’homme conclus sous les auspices de l’ONU, à savoir, notamment, la convention pour la
prévention et la répression du crime de génocide, la convention internationale sur l’élimination de

toutes les formes de discrimination raciale, le pa cte international relatif aux droits civils et
politiques, le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la convention
sur l’élimination de toutes les formes de di scrimination à l’égard des femmes, la convention

internationale sur l’élimination et la répression d175rime d’apartheid, la convention contre la torture
et la convention relative aux droits de l’enfant .

206. Toutefois, en dépit de ces garanties étendues, de nombreuses violations des droits
individuels ont été commises dans la pratique, mê me à la fin des années80, lesquelles ont été
caractérisées par la progression du pluralisme politique dans la RFSY. Selon Vojin Dimitrijević :

«On peut en inférer que la situation générale des droits de l’homme en
Yougoslavie a laissé à désirer et que cel a a eu un impact non seulement sur les

membres des minorités nationales, mais sur tous les citoyens de la Yougoslavie. Par
exemple, la plupart des «dissidents» qui ont été persécutés en raison de leurs
déclarations publiques ou privées, en viola tion des lois sur la liberté d’opinion et

d’expression, ont appartenu aux nations yougoslaves, mais le grand nombre des
membres de celles-ci a empêché de considér er ces persécutions comme étant dirigées
contre une nation en particulier. Lorsque la victime était un Albanais, une connotation

de discrimination devenait inévitable.

Malheureusement, le cours des événements au Kosovo a créé une impression de
discrimination dans le pays et à l’étranger, et c’est ce qui explique pourquoi la plupart

des Yougoslaves raisonnables pensent que le premier pas sur la voie d’un règlement
du problème du Kosovo (qui affecte tant les Albanais que les non-Albanais) devrait
consister à garantir, renforcer et respec ter les droits fondame ntaux de toutes les
176
personnes vivant en Yougoslavie.»

2. La Constitution serbe de 1990

207. Les articles11 à 50 de la Constitution serbe de 1990 présentaient une liste de droits
fondamentaux et de libertés civiles d’application générale. En outre, l’article 8-2 de la Constitution

prévoyait l’utilisation officielle des langues des minorités nationales dans les parties de la Serbie où
vivent ces minorités. L’article 32-4 protégeait le droit des minorités nationales de recevoir une
instruction dans leur propre langue, tandis que l’article49 garantissait à chaque citoyen le droit

d’exprimer son origine et sa culture nationales, et celui d’utiliser librement sa langue et son
alphabet.

174
Ibid., p. 430.
175L’état de la ratification de chac un de ces instruments, avec les réfé rences aux instruments spécifiques de

ratification déposés par l’ex-Yougoslavie, est disponible dans la Collection des Traités des Nations Unies, «chapitre IV :
Droits de l’homme», à l’adresse : http://treaties.un.org/Pages/Treaties.aspx?id=4&subid=A&lang=en.
176Voir Dimitrijević, op. cit., p. 433. - 57 -

II. Garanties des droits des minorités dans
la RFY (Serbie et Monténégro)

1. La Constitution de la RFY

208. Une partie importante de la Constitution de la RFY de1992 était consacrée à la
protection des droits de l’homme en général et à celle des droits des minorités en particulier.

L’article 10 de cette Constitution s tipulait que la RFY «reconna[issai]t et garanti[ssai]t les libertés
et les droits de l’homme et du citoyen qui étaient reconnus par le droit international». L’article 11
disposait en outre que la RFY «reconnaît et garantit les droits des minorités nationales de préserver,

promouvoir et exprimer leurs particularités ethniques, culturelles, linguistiques et autres, ainsi que
d’utiliser leurs symboles nationaux, conformément au droit international».

209. Les articles 19 à 68 de la Constitution énum éraient et protégeaient des droits civils,
politiques et socioéconomiques très divers. Quatre de ces articles étaient expressément consacrés
aux droits des minorités nationales ou ethniques. L’article 45 protégeait la liberté d’expression des

sentiments et de la culture nationa ux, et l’utilisation de la langue ma ternelle et de l’écriture d’une
minorité. L’article 46 garantissait aux membres de s minorités nationales le droit à l’éducation,
ainsi que le droit d’avoir accès à des médias u tilisant leur langue. L’article 47conférait aux

membres des minorités nationales le droit de créer des organisations ou associations à vocation
éducative ou culturelle. Enfin, l’article48 gara ntissait aux membres des minorités nationales le
droit d’établir et de renforcer librement leurs relations avec les personnes de même appartenance

ethnique au sein de la RFY comme au-delà de ses frontières, et de participer aux travaux
d’organisations internationales non gouvernementales.

2. Les engagements internationaux relatifs aux dr oits de l’homme pris par la RFY (Serbie et
Monténégro)

210. Comme on le sait, la RFY avait initialeme nt revendiqué la succession de la RFSY et,
partant, elle se considérait liée par les traités signés par celle-ci. Après avoir renoncé, en2001, à

cette revendication, la RFY a déposé des notifications de succession et d’adhésion à to177les
instruments relatifs aux droits de l’hom me auxquels la RFSY avait été partie . Elle a également
assumé des obligations supplémentaires. Elle est devenue partie au deuxième protocole facultatif

se ra178rtant au pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de
mort . Elle a reconnu que tous les organes conventionnels de l’ONU avaient compétence pour
examiner des communications émanant de partic uliers, notamment le Comité des droits de

l’homme (en adhérant au premi179protocole facultatif se rapportant au pacte international relatif aux
droits civils et politiques) , le Comité contre la torture (en acceptant la compétence du Comité
découlant de la convention contre la torture et en ratifiant le protocole facultatif se rapportant à la

177La RFY a fait le 12 mars 2001 des notifications de su ccession ou d’adhésion aux traités multilatéraux déposés
auprès du Secrétaire général. Voir , par exemple, la communication du Secr étaire général concernant le pacte
international relatif aux droits civils et politiques, C.N.233.2001.TREATIES-4, 23 2001, disponible à l’adresse:
http://treaties.un.org/doc/Treaties/1976/03/19760323%2006-17%20AM/Relat… et
la même communication concernant le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels,

C.N.175.2001.TREATIES-1, 16 mars 2001, disponible à l’adresse : http://treaties.un.org/doc/Treaties/2002/01
/20020103%2009-57%20PM/Related%20Documents/CN.175.2001-Eng.pdf .
178La RFY a adhéré au protocole le 6 septembre 2001. Etat des ratifications disponible à l’adresse:
http://treaties.un.org/Pages/ViewDetails.aspx?src=TREATY&id=137&chapter….

179Etat des ratifications disponible à l’adress:e http://treaties.un.org/Pages/ViewDetails.aspx?
src=TREATY&id=323&chapter=4&lang=en. - 58 -

convention contre la torture) 180, le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des
181 182
femmes et le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale .

183
211. En 2003, la Serbie-et-Monténégro est devenue membre du Conseil de l’Europe et,
en 2004, partie à la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales
184
(CEDH), ainsi qu’à ses protocoles additionnels . Depuis2001, elle était partie à la
convention-cadre pour la protection des minorités na tionales et à la Charte européenne des langues
régionales ou minoritaires 185. La RFY a également signé des ac cords bilatéraux sur la protection

des minorités avec quatre pays voisins, à savoir la Roumanie, la Hongrie, la Croatie et la
Macédoine 186. En sa qualité d’Etat participant de l’Or ganisation pour la sécurité et la coopération

en Europe (ci-après dénommée: «OSCE»), la RFY s’est engagée à se conformer aux normes de
l’OSCE concernant les droits des minorités.

3. La Constitution serbe de 1990

212. La Constitution serbe de1990 est restée en vigueur pendant la période de la
RFY/Serbie-et-Monténégro. Les dispositions de cette Constitution qui se rapportent aux droits des

minorités sont présentées au paragraphe 0 plus haut.

4. La loi de 2002 sur la protection des droits et libertés des minorités nationales

187
213. La loi sur la protection des droits et libertés des minorités nationales a été adoptée au
niveau fédéral de la RFY; cette loi a fourni un cadre pour la protection des minorités nationales

même après que la RFY fut devenue la Serbie-et-Monténégro. Elle a fourni des précisions sur les
garanties constitutionnelles énoncées plus haut. Son dispositif institutionnel le plus important a été

la création d’un Conseil fédéral pour les minorités, ainsi que de conseils nationaux pour chaque

180La Serbie a adhéré au protocole facultatif se rapportant à la convention contre la torture le 26 septembre 2006.

Etat des ratifications disponible à l’adress:e http://treaties.un.org/Pages/ViewDetails.aspx?src=TREATY&id
=131&chapter=4&lang=en .
181
La Serbie-et-Monténégro a adhéré au protocole faculta tif se rapportant à la convention sur l’élimination de
toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes le 31 juillet 2003. Etat des ratifications disponible à l’adresse :
http://treaties.un.org/Pages/ViewDetails.aspx?src=TREATY&id=128&chapter….
182
La RFY a accepté la compétence du Comité pour l’élim ination de la discrimina tion raciale lorsqu’elle a
succédé à la RFSY. Etat des ratifications disponible à l’adresse: http://treaties.un.org/Pages/ViewDetails.
aspx?src=TREATY&id=319&chapter=4&lang=en .

183La Serbie-et-Monténégro a adhéré au Statut du Conseil de l’Europe le 3 avril 2003. Etat des ratifications
disponible à l’adresse: http://conventions.coe.int/Treaty/Commun/ChercheSig.asp?NT=001&CM=8&DF=…
&CL=ENG.

184La Serbie-et-Monténégro a ratifié la CEDH le 3 mars 2004. Etat des ratifications disponible à l’adresse:
http://conventions.coe.int/Treaty/Commun/ChercheSig.asp?NT=005&CM=8&DF=….

185La RFY a adhéré à la convention-cadre pour la prot ection des minorités nationales le 11 mai 2001 et a ratifié
la Charte européenne des langues régiona les ou minoritaires le 5 septembre 2001, voir http://conventions.coe.int/Treaty/

EN/v3MenuTraites.asp.
186Voir Službeni list Srbije i Crne Gore [Journal officiel de la Serbie-et-Monténégro], n os14/2004, 3/2005

et 6/2005.
187Zakon o zaštiti prava i sloboda nacionalnih manjina [Loi sur la protection des droits et libertés des minorités
o
nationales], Službeni list Savezne Republike Jugoslavije [Journal officiel de la RFY], n1/2002. Traduction en anglais
disponible à l’adresse : http://www.osce.org/documents/fry/2002/03/124_en.pdf. - 59 -

minorité nationale. L’188ption de la loi a été sal uée, notamment, par le Comité des droits de
l’homme de l’ONU .

5. La charte constitutionnelle de la Communauté étatique de Serbie-et-Monténégro et
Charte des droits de l’homme, des droits des minorités et des libertés civiles de

Serbie-et-Monténégro de 2004

214. La Charte constitutionnelle a fait de la RFY la Communauté étatique de

Serbie-et-Monténégro. La Charte des droits de l’homme, des droits des minorités et des libertés
civiles faisait partie intégrante de la Charte constitutionnelle de la Communauté étatique. En sus
d’une très longue liste de libertés et de droits fondamentaux d’application générale, elle garantissait
189
aux minorités nationales un grand nombre de libertés et droits individuels et collectifs .

215. Les instruments internationaux rela tifs aux droits de l’homme auxquels la
Serbie-et-Monténégro était partie étaient directement applicables dans le droit interne (art. 7), les
tribunaux étant de leur côté tenus d’interpréte r la Charte conformément à la jurisprudence

internationale relative aux droits de l’homme (art. 10).

216. La Charte a été saluée par les institutions internationales. Par exemple, son ad190ion été
particulièrement appréciée par le Co mité des droits de l’homme de l’ONU , tandis que la
Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) a jugé cette
191
Charte «excellente» et «s’est vivement félicitée de sa grande qualité» .

III. Garanties des droits des minorités actuellement en
vigueur dans la République de Serbie

1. La Constitution serbe de 2006

217. La Constitution serbe de 2006, qui est actue llement en vigueur, a adopté la plupart des

dispositions de la Charte des droits de l’homme, des droits des minorités et des libertés civiles de
Serbie-et-Monténégro, incluses dans sa liste de dro its de l’homme et de libertés civiles qui figure
dans ses articles 18 à 81. L’article 75 de la Cons titution contient une clause générale relative à la

protection des droits individuels et collectifs des minorités nationales, et prescrit la création d’un
conseil national élu par les membres de cha que minorité, par l’intermédiaire duquel ceux-ci
puissent exercer leur droit à l’autonomie dans le s domaines de la culture, de l’éducation, des

médias et de l’utilisation officielle de leur langue parlée et de leur écriture. Les articles 76 à 81 de
la Constitution interdisent notamment toute discr imination à l’égard des membres des minorités
nationales et leur assimilation forcée, protègent leur droit à l’identité et leur droit de s’associer

librement avec d’autres personnes appartenant au même groupe, et énoncent l’obligation de l’Etat

188
Nations Unies, doc. CCPR/CO/81/SEMO (12 août 2004), par. 5.
189Povelja o ljudskim i manjinskim pravima i gradjanski m slobodama [Charte des droits de l’homme, des droits
des minorités et des libertés civilesSluzbeni list Srbije i Crne Gore[Journal officiel de la Serbie-et-Monténégro],
n 1/2003, art. 48-56.

190Nations Unies, doc. CCPR/CO/81/SEMO (12 août 2004), par. 4.

191Commission de Venise, observations sur le projet de Charte des droits de l’homme, des droits des minorités et
des libertés civiles de Serbie-et-Monténégro, avis n4/2003, CDL (2003) 10 fin, 2 avril 2003, disponible (en anglais
seulement) à l’adresse : http://www.venice.coe.int/docs/2003/CDL(2003)010fin-e.asp, par. 2 et 3. - 60 -

de promouvoir un esprit de tolérance. La Commissi on de Venise a là encore jugé dignes d’éloges
les garanties offertes par la Constitution serbe de 2006 en matière de droits de l’homme 192.

2. Les engagements internationaux pris par la S erbie dans le domaine des droits de l’homme
et des droits des minorités

218. En tant qu’Etat successeur de la Communauté étatique de Serbie-et-Monténégro, la
Serbie demeure partie à tous les instruments rela tifs aux droits de l’homme et aux droits des
193
minorités auxquels la Communauté étatique de Serbie-et-Monténégro était partie . S’agissant en
particulier des droits des minorités, elle est par tie aux deux principaux instruments du Conseil de
l’Europe sur la question, à savoir la convention- cadre pour la protection des minorités nationales et
194
la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires . La Serbie a conclu des accords
bilatéraux sur la protection des minorités avec quatre pays voisins: la Roumanie, la Hongrie, la
195
Croatie et la Macédoine . En sa qualité d’Etat participant de l’Organisation pour la sécurité et la
coopération en Europe (OSCE), la Serbie s’est engagée à se conformer aux normes de l’OSCE
concernant les droits des minorités.

219. Les organes de suivi des instruments in ternationaux ont généralement bien accueilli les
progrès que la Serbie a accomplis pour ce qui est de se conformer aux normes internationales de
protection des droits de l’homme et des droits des minorités 196. En ce qui les droits des minorités,

en particulier, on a su gré à la Serbie d’avoir pris «des mesures décisives pour protéger les
minorités nationales» 197. Les principaux sujets de préoccupation abordés par les organes

internationaux concernaient pour l’essentiel cer taines des difficultés soulevées par l’application
concrète des normes juridiques impératives, s’agissan t en particulier de la situation économique et
sociale des membres de la minorité rom, problème qui n’est pas limité à la Serbie, mais existe dans
198
toute l’Europe orientale .

220. La situation des droits de l’homme et des droits des minorités en Serbie en dehors de la
province du Kosovo soutient avantageusement la comparaison, depuis huit ans, avec celle du

Kosovo administré par la MINUK et les institutions provisoires d’administration autonome. C’est
ainsi, par exemple, qu’en 2006, le Comité des dr oits de l’homme a «not[é] avec préoccupation que

les membres de communautés minoritaires n’ont qu’ un accès restreint à la conduite des affaires
publiques [au Kosovo], ainsi qu’à la fonction publique, et que la discrimination à l’égard des
minorités, dont les Roms, est courante au Kosovo» 199. De même, le Comité consultatif de la

convention-cadre pour la protection des minorités nationales a relevé que «[l
]a mise en Œuvre de la

192Commission de Venise, «Observations sur la C onstitution de la République de Serbie», avis no405/2006,
CDL-AD (2007) 004, 19 mars 2007, disponible à l’adresse: http://www.venice.coe.int/docs/2007/CDL-AD
(2007)004-e.asp, para. 105.

193Voir supra par. 200-211. Sur la continuité entr e la Serbie et la RFY/Serbie et Monténégro, voir le chapitre 1,
sect. E.

194Voir supra note 185.
195
Voir supra par. 211.
196
Voir Nations Unies, doc. CCPR/CO/81/SEMO (12 août 2004) ; E/C.12/1/Add.108 (23 juin 2005) ;
CRC/C/SRB/CO/1 (20 juin 2008).
197
Comité consultatif de la convention-cadre pour la protection des minorités nationales, avis sur la
Serbie-et-Monténégro, ACFC/INF/OP/I (2004) 002 (2004), p. 3.
198
o Voir, par exemple, Cour européenne des droits de l’homme, D. H. et autres c. la République tchèque, requête
n 57325/00, arrêt du 13 novembre 2007; Nati onsUnies, doc. CERD/C/CZE/CO/7 (11 avril 2007), CERD/C/65/CO/7
(10 décembre 2004), CERD/C/60/CO/4 (20 mars 2002).
199
Nations Unies, doc. CCPR/C/UNK/CO/1 (14 août 2006), par. 21. - 61 -

quasi-totalité des principes de la convention-cadre est rendue extrêmement difficile par le fait que

la violence interethnique a gravement sapé la c onfiance intercommunautaire» et qu’«en dehors des
zones compactes où ils sont installés, les Serbes voient leurs droits fondamentaux, y compris la
liberté de circulation et la liberté d’expression, menacés, et la discrimination et l’intolérance
200
continuent de viser les personnes appartenant à des communautés minoritaires» .

C. LE K OSOVO ET LES A LBANAIS DU K OSOVO 1981-1991

I. 1981-1986

221. Les amendements constitutionnels adoptés en 1974, dont il a été question à la section A
plus haut, ont donné au Kosovo une large autonomie 20. Toutefois, dans la pratique, la situation a
été dépeinte comme étant la suivante :

«La nouvelle constitution a mis l’accent sur l’ égalité des droits et des devoirs.
Il s’agissait notamment du droit au dével oppement et à la libre expression de la

langue, de la culture et de l’histoire nationales, et sa reconnaissance a donné naissance
à deux tendances, à savoir une avalanche de traductions, en principe depuis le
serbo-croate, et l’exigence de la connaissance à la fois de l’albanais et du serbo-croate

sur le lieu de travail, même si cette connaissance n’était pas, en réalité, nécessaire.
Les choses se sont aggravées lorsque cette te ndance a reçu la sanction officielle de la
ligue des communistes du Kosovo et des responsables éducatifs et culturels, et

notamment de l’Université de Pristi na. La nouvelle politique a gravement
désavantagé l’ensemble du groupe serbe et monténégrin dans la mesure où seuls
quelques-uns de ses membres parlaient à la fois le serbo-croate et l’albanais. Un

grand nombre des membres de ce groupe ont commencé à envoyer leurs enfants dans
des écoles situées en dehors de la province en raison d’une pression nationaliste
présumée et des nouvelles règles relatives à l’égalité linguistique adoptées par les
écoles. La Constitution de 1974 a provoqué une «discrimination positive» en faveur

des Albanais du Kosovo : le bilinguisme est devenu une condition d’accès à un emploi
dans les services publics, les quatre cinquièm es des postes existants ont été réservés
aux Albanais sur une base paritaire et des quotas nationaux ont été strictement

appliqués dans la fonction publique. C’est ainsi qu’a commencé l’albanisation
virtuelle de la vie politique au Kosovo.»202

222. Cette situation a amené un grand nombre de Serbes à quitter le Kosovo, ce qui a encore
accentué une tendance au départ qui existait depuis 1960. La situation a été décrite comme suit :

«Au moins 50000 Serbes sont partis pendant les années soixante-dix. Un
nombre analogue d’Albanais sont revenus d’autres parties de la Yougoslavie
entre1966 et1986. En1978, ces allées et ve nues et le fort taux de natalité albanais

avaient porté la majorité kosovare officielle ment enregistrée dans la province à 78 %.
A ce moment-là, la proportion de Kosovars employée dans les entreprises sociales
étaient encore plus élevée.»203

20Comité consultatif de la convention-cadre pour lprotection des minorités nationales, avis sur la
Serbie-et-Monténégro, ACFC/INF/OP/I (2004) 002 (2004).

20Voir supra par. 173-187.
202
Voir Vickers, op. cit., p. 179-180.
20Voir Lampe, op. cit., p. 303-304. - 62 -

223. La situation au Kosovo s’est dégradée av ec le soulèvement albanais de 1981. D’abord
émeute estudiantine, ce soulèvement s’est poursuiv i avec des rassemblement s dans lesquels les
principales exigences étaient notamment une «Ré publique du Kosovo» et l’«union étatique avec

l’Albanie». L’ampleur et l’inte nsité des manifestations ont amené la présidence de la RFSY à
proclamer l’état d’urgence. Les affrontements entr e les manifestants et la police ont causé la mort
de 11 personnes, dont deux policiers, et en ont grièvement blessé 57 autres 204.

224. Cette crise a entraîné un nouvel exode de Serbes et de Monténégrins du Kosovo :

«L’intensification des tensions ethniques entre Slaves et Albanais à la suite des
manifestations de 1981 a provoqué un nouvel exode de Serbes et de Monténégrins du

Kosovo. On estime, par exemple, qu’entre mars et octobre, quelque 10 000 personnes
ont quitté la province, et bien que les autorités aient condamné cette tendance et sa
cause, on a continué de signaler des cas d’ém igration de Serbes et de Monténégrins
205
jusqu’à la fin des années quatre-vingt.»

225. La crise politique est allée de pair avec la violence à caractère ethnique dirigée contre
les Serbes :

«Il est indéniable que les Serbes quittaient le Kosovo et que, surtout après 1981,
ils étaient souvent en butte à de l’hostilité . Certaines églises et certains cimetières
serbes ont été saccagés et beaucoup de Serb es se sont bel et bien sentis obligés de
206
partir.»

226. Warren Zimmermann, le dernier ambassadeu r des Etats-Unis avant la dissolution de la
RFSY, a écrit dans son livre :

«Des journalistes américains m’ayant prévenu que je ne devais ajouter foi à rien
de ce j’entendais dire au Kosovo, j’ai décidé de soumettre Rugova à un test de vérité.
Faisant allusion aux exactions commises par les Serbes contre les Albanais, exactions

invariablement niées en bloc par les respon sables serbes, je lui ai demandé comment
les Albanais avaient traité les Serbes quand ils étaient en position de force, avant la
période de Milosevic. «Malheureusement», m’a-t-il répondu sans hésiter, «de
207
nombreux crimes ont été commis contre les Serbes».»

227. On relève un grand nombre de réactions officielles et de tentatives faites à ce niveau
pour trouver une solution à l’escalade de la cris e du Kosovo qui s’est produite au début des
années quatre-vingt.

228. Le 13 Congrès de la ligue des communistes de Yougoslavie, tenu en 1986, s’est penché

sur la question. Les documents du Congrès montrent clairement que la situation au Kosovo avait
commencé à se dégrader avant 1986. La déclaration officielle du Congrès s’achevait ainsi :

204
Voir Tim Judah, War and Revenge (2002), p. 40.
205
Voir Lenard J Cohen, Serpent in the Bosom : The Rise and Fall of Slobodan Milosevic (2000), p. 31.
206Voir Judah, op. cit., p. 43.

207Voir Warren Zimmermann, Origins of a Catastrophe: Yugoslavi a and Its Destroyers —America’s Last
Ambassador Tells What Happened and Why (1996), p. 80. - 63 -

«La fuite des Serbes et des Monténégrins du Kosovo sous la contrainte vise à la

réalisation progressive des objectifs stra tégiques de l’ennemi qu’expriment les
exigences d’un «Kosovo ethniquement purifié», d’une «République du Kosovo» et de
la «Grande Albanie». Il importe de se demander pourquoi les mesures qui ont été

prises et les activités qui ont été déployées pour neutraliser les raisons de cette
expulsion n’ont pas débouché sur les résultats souhaités…C’est la raison pour

laquelle le parti communiste doit mobiliser toutes les forces sociales au Kosovo, en
Serbie et dans tout l’Etat afin d’empêcher toute expulsion sous la contrainte.» 208

229. En août 1988, l’Assemblée de la RFSY a adopté ses «Conclusions» sur les conditions

de sécurité au Kosovo, où il était indiqué que :

«La situation politique et sécuritaire au Kosovo est très complexe et difficile.

Les Serbes et les Monténégrins continuent de quitter le Kosovo, et l’une des
principales raisons de cet état de choses est la pression au départ exercée par les
209
séparatistes albanais.»

230. Etant donné que la situation ne s’était guère améliorée depuis le soulèvement de 1981,
l’Assemblée de la RFSY a, entre1988 et1990, adopté différentes mesures visant à prévenir
210
l’exode des Serbes et Monténégrins du Kosovo et à inciter ceux qui étaient partis au retour . Les
représentants des Albanais du Kosovo ont pris part à l’adoption de ces mesures.

231. Les actes de l’Assemblée de la RFSY ont été suivis par des actes analogues de

l’Assemblée serbe, qui a adopté en mars1990 le «P rogramme de réalisation de la paix, de la
liberté, de l’égalité, de la démocratie et de la prospérité de la province socialiste autonome du
211
Kosovo» .

20813. Kongres SKJ – Dokumenti (25-28 juin 1986), (Izdavacki centar Komunist, Beograd 1986), p.191
[XIIIeCongrès du Parti communiste yougoslave ⎯ Documents (25-28 juin 1986), centre d’édition Communist, 1986,

p. 191].
209Zaključci Savezne Skupštine [Conclusions de l’Assemblée fédérale], Službeni glasnik SFRJ, [Journal officiel
o
de la RFSY], n 46/88 ; à l’époque, le président de la Chambre des Républiques et des Provinces de l’Assemblée fédérale
(Vece Republika I Pokrajina) était Abaz Kabazi, un Albanais du Kosovo de souche.
210
Jugoslovenski program mera i aktivnosti za zausta vljanje iseljavanja Srba i Crnogoraca s Kosova, brzi
povratak onih koji su ga napustili i dolazak svih koji zele da zive i rade na Kosovu [Programme yougoslave de mesures et
d’activités visant à empêcher les Serbes et les Monténégrins de quitter le Kosovo, à accélérer le retour des personnes qui
l’ont quitté et à réinstaller toutes les personnes qui sont disposées à vivre et à travailler au Kosovo], Sluzbeni list SFRJ
[Journal officiel de la RFSY], n2/1988 ; Zakon o programu pribavljanja stanova za potrebe kadrova i povratak iseljenih
lica u SAP Kosovo u periodu od 1989. do 1993. godine [Loi sur le programme de financement des locaux à mettre à la

dosposition des personnes rentrées au Kosovo entre 1989 et 1993], Sluzbeni list SFRJ , [Journal officiel de la RFSY],
n 83/89 ; Zakon o programu pribavljanja stanova za potrebe kadrova i povratak iseljenih lica u SAP Kosovo u periodu
od 1989. do 1993.godine [Loi sur le progr amme de financement des locaux destinés aux ressources humaines et aux
rapatriés au Kosovo entre 1989 et 1993], Sluzbeni list SFRJ, [Journal officiel de la RFSY], n90 ; Program pribavljanja
stanova za potrebe kadrova i povretak iseljenih lic a u SAP Kosovo u periodu od 1989. do 1990.godine [Programme
d’acquisition des locaux destinés aux ressources humaines et aux rapatriés au Kosovo entre 1989 et 1993],
Sluzbeni list
o
SFRJ, [Journal officiel de RFSY], n 9/90.
211Program za ostvarivanje mira, slobode, ravnopravnosti, de mokratije i prosperiteta SAP Kosova [Programme

de réalisation de la paix, de la liberté, de l’égalité, de la démocratie et de la prospéritéode la province socialiste autonome
du Kosovo], Sluzbeni glasnik Rebublike Srbije, [Journal officiel de la République de Serbie], n 15/90. - 64 -

II. Les amendements de 1989 à la Constitution serbe de 1974

232. La fin des années 80 a été caractérisée par la poussée du nationalisme sur l’ensemble du

territoire de la RFSY. C’est aussi l’époque où toutes les républiques se sont de plus en plus
considérées comme des entités souveraines et où la RFSY a commencé à montrer des signes de
dissolution.

233. En Serbie, Slobodan Milosevic, devenu en 1987 le nouveau chef de la ligue des

communistes de Serbie, a immédiatement entrepris d’étendre son contrôle sur l’ensemble des
institutions d’Etat de la Serbie, y compris dans les provinces autonomes.

212
234. Comme indiqué plus haut , la Constitution de la RFSY a été amendée en1988. Les
constitutions des républiques l’ont elles-mêmes été par la suite.

235. Au début de 1989, le processus d’amendeme nt de la Constitution serbe a également été

engagé. Le 24 février 1989, l’Assemblée serbe a adopté à l’unanimité un projet d’amendements à 213
la Constitution serbe de 1974; aucun représen tant du Kosovo n’a voté contre ce projet .
Conformément à la procédure, le projet devait ensuite être accepté par les assemblées des provinces

autonomes, après quoi il serait soumis à l’Assemblée serbe pour adoption.

236. La séance de l’Assemblée du Kosovo au cour s de laquelle le projet d’amendements à la

Constitution serbe devait être examiné devait se teni r en mars 1989. Au Kosovo, les amendements
constitutionnels ont suscité de nombreuses prot estations pendant la période précédant cette
214
séance .

237. Le 27 février 1989, la présidence de la R FSY, c’est-à-dire la direction collective de la
215
RFSY, a proclamé l’état d’urgence au Kosovo . Cette décision a été suivie par l’imposition du
travail obligatoire dans certains secteurs industr iels au Kosovo. L’Assemblée de la RFSY a
216
souscrit à ces mesures .

238. Le 22 mars 1989, une réunion de la prési dence de la RFSY s’est tenue à Belgrade, en

présence de tous ses membres: le président de la présidence de la RFSY, M. RaifDizdarevic
(Bosnie-Herzégovine), M. Nikola Ljubicic (Serbie), M. Radovan Vlajkovic (Voïvodine),
M.LazarMojsov (Macédoine), M. Josip Vrhovec (Croatie), M. Stane Dolanc (Slovénie),

M. Sinan Hasani (Kosovo), M. Branko Kostic (Monténégro) et M. Stipe Suvar (le représentant de
la ligue des communistes de Yougoslavie). Etaien t également présents d’autres hauts responsables

fédéraux, et notamment le premier ministre fédéral, M. Ante Markovic, et les ministres fédéraux de
l’intérieur, de la défense et des affaires étra ngères. La présidence a abouti à la conclusion
suivante :

212Supra par. 188.
213
Marc Weller, Crisis in Kosovo 1989-1999 (1999), p. 47.
214
Voir Judah, op. cit., p. 55-56.
215Voir Vickers, op. cit., p. 236 ; Batakovic, op. cit., p. 73.

216Zakljucci Savezne Skupstine SFR J 3. mart 1989.godine [Assemblée de la RFSY, Conclusions du
3 mars 1989], Sluzbeni glasnik SFRJ, [Journal officiel de la RFSY], n 13/89, p. 321. - 65 -

«[La] présidence de la RFSY a jugé que toutes les conditions politiques
nécessaires étaient en train d’être créées pour que l’Assemblée de la province

socialiste autonome du Kosovo puisse déci der, le 23mars, dans les conditions
normales et selon la procédure ordinaire, de donner son consentement au projet
d’amendements à la Constitution de la République socialiste de Serbie. A cet égard, la

présidence a souligné qu’il importait de faire prendre par les organes d’Etat
compétents toutes les mesur es nécessaires pour créer, notamment dans le domaine de

la sécurité, les conditions propices au déroulement normal des travaux de l’Assemblée
de la province socialiste autonome du Kosovo. Au cours de la discussion, il a été
déterminé que l’on pouvait s’attendre à ce que la décision de cette Assemblée, quelle

qu’en soit la nature, suscite des réactions ; il appartenait donc à tous les organes en
question de faire preuve de la plus grande vigilance.» 217

239. Pendant la discussion, le membre de la présidence qui représentait le Kosovo,
M. SinanHasani, un Albanais de souche, a déclar é que les amendements constitutionnels seraient

acceptés par l’Assemblée du Kosovo car: «toutes les structures de la province ont voté en faveur
de ces amendements; c’est aussi le cas de l’ ensemble des structures sociales, politiques et
218
étatiques, et les municipalités ont adopté la même position» .

240. Le jour même de la réunion de la présidence de la RFSY, le Gouvernement du Kosovo
(conseil exécutif) a approuvé les amendements constitutionnels. Le 23 mars 1989, l’Assemblée
provinciale du Kosovo a adopté ces amendements par 177 voix contre 10 219.

241. Le même jour, des émeutes ont éclaté au Kosovo et 22 manifestants et deux policiers
220
ont été tués . Il convient de noter que les deux policiers assassinés étaient un Albanais et un
Serbe.

242. Lors de la réunion que la présidence de la RFSY a tenue le 24 mars 1989, une nouvelle

«Conclusion» sur la situation au Kosovo a été adoptée :

«[la] présidence de la RFSY a fait observer que les événements qui s’étaient produits à

partir de 23 mars 1989 ⎯ à savoir les manifestations à Urosevac et parmi les étudiants
de Pristina, qui avaient sauvagement troublé l’ordre public et donné lieu à des

agressions violentes contre les forces de sécurité ⎯ étaient une tentative pour
s’opposer directement à la décision légitime de l’Assemblée de la province socialiste
autonome du Kosovo, et ils compromettaient la situation dans la province et portaient
221
préjudice au statut de celle-ci» .

217Zapisnik sa 253. sednice Pred sednistva SFRJ odrzane 22.marta 1989 [Procès-verbal de la 253e réunion de la
présidence de la RFSY, tenue le 22 mars 1989], p. 2-3, pièc e 60 des pièces et documents soumis à l’appui du présent
exposé écrit.

218Stenografske beleske sa 253. sednice od 22.marta 1989 [Notes sténographiques de la 253 eréunion de la
présidence de la RFSY, tenue le 22 mars 1989], p. 35, reprises dans la pièce 60 des pièces et documents soumis à l’appui
du présent exposé écrit.

219Odluka o proglasenju Amandmana IX do XLIX na Usta v Socijalisticke Republike Srbije [Décision relative à
l’adoption des amendements IX à XLIX], Sluzbeni glasnik Srbije, [Journal officiel],11/89, et Weller, op. cit., p. 47.

220Voir Judah, op. cit., p. 55.
221 e
Zapisnik sa 245. sednice Pred sednistva SFRJ odrzane 24.marta 1989 [Procès-verbal de la 245 réunion de la
présidence de la RFSY, tenue le 24 ma rs 1989], p. 2, pièce 61 des pièces et documents soumis à l’appui du présent
exposé écrit. - 66 -

243. Le 28 mars 1989, l’Assemblée serbe a proclamé les amendements à la Constitution
serbe 222.

244. En juillet 1989, une fois retombées les tens ions au Kosovo, la présidence de la RFSY a

adopté une décision qui abrogeait la décision de fé223er1989 sur la mise en place d’une gestion
d’urgence de certains secteurs industriels au Kosovo .

III. L’escalade de la crise en 1990 et la proclamation
d’une «République du Kosovo»

245. Les manifestations violentes ont repris au Kosovo au début de 1990. Les manifestants
exigeaient que le Kosovo se voie accorder le stat ut d’une république. Le 29janvier1990, le

Conseil exécutif fédéral (Savezno izvrsno vece) , dirigé par M. Ante Markovic, de la Croatie, a
déclaré ce qui suit :

«Les événements récents survenus da ns la province socialiste autonome du
Kosovo ⎯ poursuite de l’activité séparatiste attestée par la tendance à la séparation de

cette province d’avec la République socialiste de Serbie et de la République fédérative
socialiste de Yougoslavie ⎯ constituent, de l’avis du Conseil exécutif fédéral, la

menace la plus directe pour l’intégrité du pa ys, la lib224é et les droits des citoyens,
ainsi que la mise en Œuvre du Programme de réforme.»

Le Conseil exécutif fédéral a également exig é qu’il soit mis immédiatement fin à tous
rassemblements et grèves, actes de violence et autres menaces contre la sécurité individuelle des
citoyens. Cela, estimait-il, créerait les conditions nécessaires à des discussions politiques.

246. Pendant la réunion que la présidence de la RFSY a tenue le 29 janvier 1990, en

présence de tous ses membres, l’examen de la s ituation politique et sécuritaire au Kosovo a fait
apparaître un large consensus quant à la gravité de la poussée de violence. La présidence a

déterminé que l’intégrité territoriale et les frontières du Kosovo, ainsi que l’ordre constitutionnel de
la RFSY, étaient menacés et devaient être protégés par tous les moyens. Le 31janvier, la
présidence de la RFSY a pris la décision de recourir aux forces armées au Kosovo 225. Cette

décision a été signée par le président de la présidenc
e de la RFSY, M. Janez Drnovsek, qui
représentait la Slovénie au sein de la présidence.

222
Amandmani IX do XLIX na Ustav Socijalističke Republike Srbije [Amendements IX-XLIX à la Constitution
de la République socialiste de Serbie], Službeni glasnik Socijalističke Republike Srbije [Journal officiel de la République
socialiste de Serbie], n 11/1989, pièce 55 des pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit.
223 o
Odluka Predsednistva SFRJ O. br. 51 od 12. jula 1989. godine [Décision de la présidence de la RFSY n 51 du
12 juillet 1989]. Cette décision a été signée par le prés ident de la présidence et par le membre slovène,
M. Janez Drnovsek], pièce 62 des pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit.
224
Ocene SIV-a o aktuelnoj politicko-bezbednosnoj situaciji u zemlji od 29. januara 1990. godine [Evaluation par
le Conseil exécutif fédéral de la situation politique actuelle du pays et des questions qu’elle pose en matière de sécurité,
29 janvier 1990], p. 111, pièce 63 des pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit.
225 o
Odluka Predsednistva SFRJ O. br. 1 od 31. januara 1990 . godine [Décision de la présidence de la RFSY n 1
du 31 janvier 1990], pièce 64 des pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit. - 67 -

247. Les tensions ayant diminué en mars, la présidence de la RFSY a mis fin à l’état
226
d’urgence le 18 avril 1990 .

248. Ce recul des tensions n’a duré que jus qu’en mai 1990, lorsque tous les Albanais de
souche membres du gouvernement de la province du Kosovo ont démissionné pour protester contre
227
ce qu’ils appelaient l’ingérence serbe .

249. Le 26 juin 1990, l’Assemblée serbe a a dopté la loi sur les activités des organes de la
République dans les circonstances exceptionnelles 228 et, parallèlement, la décision sur l’existence
229
de circonstances exceptionnelles sur le territoire du Kosovo .

250. Le 3 juillet 1990, 111 membres de l’Assemb lée provinciale du Kosovo (qui étaient tous
des Albanais du Kosovo) ont publié une «déclara tion constitutionnelle sur le Kosovo en tant

qu’entité autonome et égale au sein de la fédérati on (confédération) de Yougoslavie et en tant que
sujet de droit égal aux autres entités de la fédération (confédération)». Cette «déclaration» a été par

la suite annulée dans son intégr alité par la Cour constitutionnelle de Yougoslavie, qui l’a jugée
incompatible avec la constitution fédérale 230.

251. En réaction à cette volonté inconstitutionn elle d’assumer des pouvoirs dont les organes

provinciaux du Kosovo n’étaient pas investis, l’Assemblée serbe a adopté le 5 juillet 1990 la loi sur
l’arrêt des activités de l’Assemblée provinciale du Kosovo et du Conseil exécutif du Kosovo 231.

252. A la suite de ces événements et vu l’at mosphère générale de tensions au Kosovo,

tensions qui mettaient en danger la sécurité et l’économie de la région, l’Assemblée serbe a adopté
le 26 juillet 1990 la loi sur les relations du travail dans des circonstances exceptionnelles 232.

253. Ces mesures ont abouti au remplacement de la direction des institutions d’Etat et des
entreprises publiques, notamment au licenciement de nombreux Albanais. Human Rights Watch a
décrit la situation comme suit :

226 o
Odluka Predsednistva SFRJ br. 13 od 18. aprila 1990. godine [Décision de la présidence de la RFSY n 13 du
18 avril 1990], pièce 65 des pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit.
227
Voir Alan Day, Eastern Europe and the Commonwealth of Independent States (1999), p. 946 ; voir aussi
International Crisis Group, Kosovo Spring Report (1998), p. 10 disponible à l’adresse: http://www.crisisgroup.org/
home/index.cfm?id=1601&l=1.
228
Zakon o postupanju republickih orga na u posebnim okolnostima [Loi sur les activités des organes de la
République dans les circonstances exceptionnelles], Sluzbeni glasnik Republike Srbije [Journal officiel de la République
de Serbie], no30/90.

229Odluka o postojanju posebnih okolnos ti na teritoriji Kosova i Metohi je [Décision sur l’existence de
circonstances exceptionnelles sur le territoire de la province socialiste autonome du Kosovo-Metohija], Sluzbeni glasnik
o
Republike Srbije [Journal officiel de la République de Serbie], n30/90.
230Voir supra par. 194-195.

231Zakon o prestanku rada Skupstine SAP Kosova i pokrajin skog Izvrsnog veca [Loi sur l’arrêt des activités de
l’Assemblée de la province soci aliste autonome du Kosovo et du Conseil exécutif du Kosovo], Sluzbeni glasnik
o
Republike Srbije [Journal officiel de la République de Serbie], n33/1990.
232Zakon o radnim odnosima u posebnim okolnostima [Loi sur les relations du travail dans des circonstances
o
exceptionnelles], Sluzbeni glasnik Republike Srbije [Journal officiel de la République de Serbie], n 40/90. - 68 -

«Depuis que le gouvernement serbe a pris le contrôle direct de l’administration
du Kosovo en 1990, des milliers de fonctionnaires ou d’employés d’entreprises
publiques de souche albanaise ont été révoqu és parce que les autorités serbes avaient

mis en doute leur loyauté envers le gouvernement serbe ou leurs compétences
professionnelles. D’autres ont été licenciés parce qu’ils refusa ient de reconnaître
l’autorité de Belgrade ou d’accepter l’impos ition de «mesures spéciales» au Kosovo.

D’autres Albanais de souche ont été lice nciés en raison d’un prétendu «excédent de
main-d’Œuvre» dans un établissement donné ou parce qu’ils avaient fait une
déclaration désobligeante à la presse. B eaucoup d’Albanais ayant perdu leur emploi

ont été remplacés par des Serbes ou des Monténégrins.

Le 3 septembre 1990, les Albanais de souche ont participé à une grève générale

pour protester contre l’imposition de «mesure s spéciales» au Kosovo. Beaucoup de
ces grévistes ont été licenciés. Les propriétaires privés qui avaient fermé leur magasin
pour soutenir la grève se sont vu infliger des amendes et certains se sont vu interdire

de le rouvrir pendant un an. Des mesures disciplinaires ont été prises contre d’autres
employés qui avaient participé à la manifestation (une réduction de salaire temporaire,
par exemple).» 233

254. Par la suite, d’anciens membres de l’A ssemblée provinciale du Kosovo ont, lors d’une
réunion secrète tenue dans le villa ge de Kacanik, le 7 septembre 1990, adopté une «Constitution»

pour la prétendue «République du Kosovo». A ce moment-là, ils militaient pour que le Kosovo
soit la septième République yougoslave, non un Etat indépendant.

234
255. Le 28 septembre 1990, l’Assemblée serbe a adopté une nouvelle Constitution serbe .

256. En octobre 1990, la présidence de la RFSY a réexaminé la situation politique et
sécuritaire du Kosovo et conclu qu’elle était diffi cile et complexe. Il a été souligné que la

présidence était déterminée à combattre ceux qui proclamaient une «République du Kosovo», car
cette proclamation était incompatible avec la Cons titution de la RFSY et allait à l’encontre des
intérêts vitaux de la nationalité albanaise 235.

IV. La dissolution de la RFSY et la situation au Kosovo

257. En juin 1991, la Slovénie et la Croatie se sont déclarées indépendantes de la RFSY.
Après un bref conflit armé en Slovénie en juin 1991 et le repli de l’armée fédérale hors de
Slovénie, un conflit qui devait s’avérer beaucoup plus long a éclaté en Croatie en juillet1991.

L’accord de Brioni du 7 juillet 1991 a reporté de trois mois la mise en Œuvre des décisions prises
par la Croatie et la Slovénie au sujet de leur indépendance.

258. Pendant cette période, les Albanais du Kosovo ont lancé une vaste campagne de
boycottage des institutions publiques et ont entrep ris de mettre en place des institutions parallèles

en matière de gouvernance, d’éducation et de protection sociale.

233
Human Rights Watch, Human Rights Abuses in Kosovo 1990-1992 (octobre 1992), p.21, disponible à
l’adresse http://www.hrw.org/legacy/reports/1992/yugoslavia/.
234Pour plus d’informations, voir supra par. 196-198.

235Zapisnik sa 77. sednice Predsednistva SFRY odr zane 10. oktobra 1990. godine [Procès-verbal de la
77eréunion de la présidence de la RFSY, tenue le 10 octobre 1990], p. 2, pièce 66 des pes et documen ts soumis à
l’appui du présent exposé écrit. - 69 -

259. Le 22 septembre 1991, les anciens membr es albanais de l’Assemblée provinciale du
Kosovo ont adopté une «résolution sur l’indépendance» 236qui a été appuyée par un vote non
officiel organisé parmi les Albanais du Kosovo. Selon un observateur, le programme des dirigeants

albanais du Kosovo était le suivant :

«[p]as de «statut spécial», pas de troisième république, mais uniquement
l’indépendance ! est le programme officiel de la LDK [ligue démocratique du Kosovo
⎯le principal parti albanais du Kosovo à l’époque] depuis le référendum de1991 et
237
est actuellement la seule interprétation de «Kosova Republika»».

260. Cette «résolution d’indépendance» n’a étéreconnue par aucun gouvernement à l’exception
de celui de l’Albanie. De plus, elle n’a été acceptée par aucune des conférences internationales ou des
initiatives diplomatiques og ranisées ou lancées pour réglerles conflits ayant éclaté su r le territoire de la

RFSY.

261. Afin de régler ces conflits, la Communauté européenne (CE) et ses Etats membres ont
organisé une conférence sur la Yougoslavie, qui comprenait notamment une commission
d’arbitrage, connue également sous le nom de «commission Badinter» d’après le nom de son
238
président .

262. Le 16 décembre 1991, la CE a publié pour la première fois des lignes directrices sur la
reconnaissance de nouveaux Etats en Europe orientale et en Union soviétique, et, dans une autre

déclaration publiée le même jour, elle a invité toutes les anciennes Républiques yougos239es à
déclarer si elles souhaitaient être re connues en tant qu’Etats indépendants . La Slovénie, la
Croatie, la Bosnie-Herzégovine et la Macédoine ont présenté leur demande. Les Albanais du
240
Kosovo ont essayé de présenter leur demande de reconnaissance , mais l’invitation de la CE à
soumettre une telle demande ne s’adressait qu’aux républiques de la RFSY.

263. Les demandes de reconnaissance soumi ses par des Républiques de la RFSY ont été
examinées par la commission d’arbitrage. La demande soumise par les Albanais du Kosovo n’a

même pas été prise en considération.

236Assemblée du Kosovo, Résolution sur l’indépendance (7 septembre 1999), reprise dans Weller, op. cit., p. 72.

237Voir Stefan Troebst, Conflict in Kosovo: Failure of prevention(1998), p. 23-24, disponible à l’adresse:
http://ecmi.de/download/working_paper_1.pdf .
238
Déclaration de la Communauté européenne, adoptée lors de la Réunion ministérielle extraordinaire de CPE
tenue à Bruxelles le 27 août 1991 (communiqué de presse CPE P.82/91), reprise dans Snezana Trifunovska, Yugoslavia
through documents from its creation to its dissolution (1994), p. 333-334.
239
Déclaration de la Communauté européenne sur la Yougoslavie, 16 décembre 1991, NationsUnies,
doc.S/23293 (17 décembre 1991), annexe 1 ; déclaration de laCE sur les «Lignes directrices sur la reconnaissance de
nouveaux Etats en Europe orientale et en Union soviétique», 16 décembre 1991, NationsUnies, doc. S/23293
(17 décembre 1991), annexe 2.

240Lettre de M. Rugova à Lord Carrington, 22 décembre 1991, pièce 76 des pièces et documents soumis à l’appui
du présent exposé écrit. - 70 -

D. L E K OSOVO AU COURS DE LA PERIODE 1992-1997

I. Institutions parallèles

264. En sus de la politique de boycottage d es institutions publiques dans la République de
Serbie, les Albanais du Kosovo on t essayé, en 1992, de mettre en place des institutions parallèles

de gouvernance, et notamment un cabinet du prét endu «président du Kosovo», une «assemblée du
Kosovo», un «gouvernement du Kosovo», ainsi que des institutions parallèles dans les domaines de
l’éducation et de la santé, et un système distinct de recouvrement des impôts.

265. Cela a été toléré par le Gouvernement serbe. Selon un observateur,

«Les autorités de Belgrade ont toléré la plupart des structures parallèles mises
en place par les Albanais du Kosovo. Elles n’ont ni imposé le recouvrement des

impôts, ni exigé l’enrôlement des Albanais dans l’armée. Cette séparation profonde
des sociétés et des «Etats» serbes et albanais a contribué à limiter les frictions
politiques. Toutefois, les questions sensibles n’ont pas disparu, à savoir la délivrance

d’actes de naissance, de passeports ou de pe rmis de conduire, et d’autres questions 241
juridiques telles que la vente, l’achat et l’héritage de biens fonciers et immobiliers.»

266. On notera toutefois que, dans bien des domaines de la vie sociale et publique du
Kosovo, des relations fonctionnelles ont subsisté entre les «structures parallèles» et les institutions
publiques. Les Albanais du Kosovo n’ont pas boycotté l’ensemble du système public de soins de

santé, non plus que d’autres parties du secteur public, telles que les entreprises publiques, dans
lesquelles ils ont continué de trav ailler pendant toute la période exam inée dans la présente section.
En bref, les Albanais du Kosovo ont bel et bien accepté, même si c’est avec réticence, un certain
242
nombre d’institutions de l’Etat serbe .

267. Dans le domaine de l’éducation, le boycottage s’est produit après l’adoption par
l’Assemblée serbe, en août 1990, de programmes d’études uniformes pour l’enseignement primaire
et secondaire sur l’ensemble du territoire de la Serbie. Avant l’adoption de ces nouveaux

programmes, en juin 1990, toutes les minorités nationales avaient été invitées à proposer leurs
propres programmes d’enseignement. Les représen tants des autres groupes ethniques ont soumis
leurs propositions, mais les Alba nais du Kosovo ne l’ont pas fait 243. La réforme des programmes

de1990 a précipité le boycottage de l’enseigne ment public par les Albanais du Kosovo. Les
éducateurs albanais du Kosovo ont choisi de démissionner et de créer un système éducatif parallèle.

268. Les autorités publiques se sont employées à régler le problème de l’éducation au
Kosovo pendant toute la période allant de 1992 à 19 98. Par exemple, le premier ministrePanic,

en1992, et le président Milo244ic, en 1996, ont essayé de trouver une solution avec l’aide de
médiateurs internationaux . En l’absence d’un règlement, l’enseignement supérieur et une partie
de l’enseignement secondaire dispensés aux Albanais du Kosovo ont été organisés et financés

241
Voir Stefan Troebst, op. cit., p. 19-20, disponible à l’adresse : http://ecmi.de/download/working_paper_1.pdf.
242
International Crisis Group, «Kosovo Spring Report» (1998), p. 12.
243Nations Unies, doc. E/CN.4/1994/47 (17 novembre 1993), p. 30, par. 202.

244Pour d’autres informations sur les négociations de 1992, voir, par exemple, le rapport d’étape de la Mission de
la CSCE au Kosovo, au Sandjak et en Voï vodine, 17 novembre 1992, repris dans Weller, op.cit. ; pour d’autres
informations sur les négociations qui se sont déroulées entre 1996 et 199r International Crisis Group, «Kosovo
Spring Report» (1998), p. 22-24. - 71 -

uniquement par le prétendu «gouvernement du Kosovo». Toutefois, l’enseignement primaire et la

plus grande partie de l’enseignement secondair e dispensés aux écoliers albanais du Kosovo ont été
largement financés par les autorités publiques. En particulier, les fonds publics ont financé les
dépenses afférentes au fonctionnement des écoles primaires et secondaires, notamment les

dépenses liées au personnel d’appui et les dépenses opérationnelles (électricité, etc.). Le prétendu
«gouvernement du Kosovo» a versé le traitement des enseignants qui refusaient de suivre les
nouveaux programmes.

269. Comme pour celui du système public d’enseignement, le boycottage du système de
santé publique par les Albanais du Kosovo nécessite d es explications supplémentaires. Il ne fait

aucun doute que les dirigeants des Albanais du Kosovo ont investi des ressources considérables
dans la création et le fonctionnement d’institutions sanitaires parallèles, mais, dans le même temps,
la communauté des Albanais du Kosovo a continué d’utiliser le système de santé publique de l’Etat

pendant toute la période en question. Comme pour l’éducation, les autorités publiques n’ont pas
purement et simplement cessé de financer le sy stème de santé sur le territoire du Kosovo en
réponse au boycottage. En fait, le nombre d’empl oyés rémunérés par les établissements de santé,
qui étaient tous fonctionnaires, est demeuré stable entre 1989 et 1999, et il n’y a pas eu de
245
démissions en masse des prestataires de soins de santé albanais du Kosovo .

270. Pendant la période considérée (1992-1997) , la situation des droits de l’homme au
Kosovo a été très grave. On a signalé de multiples cas de harcèlement, de violence et de tortures
pratiqués par la police. Il y a eu des procès engagés contre des Albanais du Kosovo qui ne
respectaient pas les droits de la défense. Il convient toutefois de noter que la situation des droits de

l’homme n’était pas, à l’ époque, nettement meilleure dans le reste de la Serbie et dans la RFY.
Selon le rapport de pays établi par Amnesty International pour 1994,

«[o]n a signalé de nombreux cas de violence et de tortures aux mains de la police. La
majorité des victimes étaient des Albanais de souche de la province du Kosovo, mais
il y avait également parmi elles des Serbes et des Monténégrins en désaccord avec le

gouvernement. Au moins trois personn es sont mortes des suites des mauvais
traitements infligés par la police pendant leur détention. Une trentaine, et
probablement davantage, d’Albanais de souche condamnés à des peines
d’emprisonnement d’une durée maximale de 60 jours pour des activités politiques non

violentes étaient des prisonniers de conscience. Plus de 90 autres Albanais de souche
ont été placés en détention pour avoir cherché à ré
aliser la sécession du Kosovo par la
violence.» 246

271. Conformément à leur politique de boyc ottage des institutions de l’Etat serbe, les
Albanais du Kosovo ont refusé d’essayer de défendre leurs droits en ayant recours aux procédures

déjà en place. Selon un rapport de la mission de la conférence sur la sécurité et la coopération en
Europe (ci-après dénommée «CSCE») publié en novembre 1992,

245Voir, d’une façon générale, International Crisis Group, op. cit., p. 25-26. Voir aussi Mission de la CSCE

au Kosovo, Substantial Deduction of Djakovica Hospital, repris dans Weller, op. cit., p. 114.
246Rapport d’Amnesty International de 1994 pour la Yougoslavie, doc.d’AI EUR 01/02/95, disponible à
l’adresse : http://www.unhcr.org/refworld/country,,AMNESTY,,SRB,,3ae6aa0d4,0.html ; voir aussi Rapport d’Amnesty
International de 1995 pour la Yougoslavie, doc. d’AI EUR 01/01/96, disponible à l’adress:e
http://www.unhcr.org/refworld/country,,AMNESTY,,SRB,,3ae6aa1263,0.html. - 72 -

«Nous pouvons confirmer que les Alba nais répugnent à jouer le jeu des

autorités, croyant souvent, à tort, qu’une a pproche officielle étayée par des documents
revient d’une certaine manière à reconnaître la légitimité du régime.» 247

272. Il convient d’examiner de près ce tte conséquence du boycottage des institutions
publiques. Les autres minorités vivant en Serbie, notamment les Hongrois de Voïvodine, les

musulmans du Sandjak et les Turcs du Kosovo, ont choisi de participer aux institutions publiques
et, ce faisant, ont obtenu satisfaction en ce qui concerne certaines de leurs revendications. C’est
dire qu’une politique de par ticipation aux institutions publiques a fourni à ces communautés

l’occasion d’améliorer leur situation. En choisissant au contraire de boycotter les institutions et, ce
faisant, en pratiquant une politique de désenga gement, les dirigeants albanais du Kosovo ont
renoncé à utiliser des moyens d’améliorer la situation des droits de l’homme.

II. Les élections

273. Les Albanais du Kosovo ont systématiqueme nt boycotté les élections officielles, à
commencer par les élections de 1990. Ils ont a ppliqué ce boycott aux élections organisées à tous
les échelons de l’administration (fédéral, républicain et local).

274. Les Albanais du Kosovo ont organisé leurs propres élections le 24 mai 1991; ces
élections ont été considérées comme illégales par les autorités fédérales et républicaines 24.

275. En dépit de l’attitude d es Albanais du Kosovo, les institutions publiques ont continué

d’organiser des élections au Kosovo en 1989 (élections aux Assemblées provinciale et
républicaine), en 1990 (Assemblée républicaine), en 1992 (élections aux Assemblées fédérale et
républicaine, élection présidentielle et électi ons locales), en 1993 (Assemblée républicaine),

en1996 (élection à l’Assemblée fédérale et élec tions locales) et en 1997 (élection à l’Assemblée
républicaine et élection présidentielle).

276. Les Albanais du Kosovo et leurs partis politiques pouvaient prendre part à toutes ces
élections dans les mêmes conditions que tous les autres citoyens et partis politiques de Serbie, mais
ont refusé de le faire. Selon la Mission de la CSCE au Kosovo,

«[l]es Albanais semblent camper plus que jamais sur leurs positions et vouloir rester
en dehors du système politique en vigueur au Kosovo, ce qu’atteste leur perception
249
négative des prochaines élections fédérales et républicai
nes (1992)» .

277. Même lorsque les dirigeants démocrati ques serbes se présentant aux élections contre

Milosevic les ont invités à y participer, les Alba nais du Kosovo s’y sont refusés. Selon le rapport
de 1992 de la Mission de la CSCE,

247
Rapport d’étape de la Mission de la CSCE au Kosovo, au Sandjak et en Voï vodine, 17 novembre 1992,
repris dans Weller, op. cit., p. 108-110.
248Rapport de la Mission préliminaire de la CSCE au Kosovo, en Voïvod ine et au Sandjak, 2-8août1992,

par. (I) (2), repris dans Weller, op. cit., p. 104-106.
249Rapport d’étape de la Mission de la CSCE au Kosovo, au Sandjak et en Voï vodine, 17 novembre 1992,
repris dans Weller, op. cit.), p. 108-110. - 73 -

«[t]out en reconnaissant que certains membres du gouvernement fédéral avaient de

bonnes intentions, ils ne croient guère un gouvernement quel qu’il soit capable de
mettre en oeuvre des changements au Kosovo. Certains dirigeants albanais donnent
l’impression de ne considérer les élections comme importantes que dans la mesure où

une victoire du régime serbe actuel250 de ses partisans pourrait hâter le moment où la
Serbie sombrera dans le chaos.»

278. De même, s’agissant de la participation au processus électoral, l’observation ci-après
met en lumière plusieurs points importants :

«Ces Kosovars qui prônaient la pa rticipation albanaise aux élections
yougoslaves «croupion» se sont fait qualifier de traîtres par la LDK, qui a justifié en
ces termes sa non-participation aux élections de décembre (1992) :

«Le résultat des élections en Serbie-et-Monténégro a confirmé
notre pronostic concernant la victoire de Milosevic et de Seselj et le fait
que les voix albanaises n’auraient eu aucune influence sur le résultat

final, car Milosevic aurait fabriqué les voix dont il avait besoin de la
même façon que son régime imprimait autant d’argent qu’il lui fallait.»

En réalité, le million de voix albanai ses auraient incontestablement pu chasser

Milosevic du pouvoir, mais, comme les dirigeants kosovars l’ont reconnu à l’époque,
ils ne voulaient pas qu’il s’en aille. Il s ne pourraient sans doute atteindre leurs
objectifs que si la Serbie continuait d’être présentée comme le mal absolu et si

eux-mêmes continuaient, par le fait même qu’ils étaient anti-Serbes, d’être perçus
comme les bons. Il aurait été désastreux pour eux qu’un pacifiste comme Panic [le
premier ministre de la RFY à l’époque et l’adversaire de Milosevic aux élections]

rétablisse les droits de l’homme, car cela au rait fait perdre toute consistance 251eur
programme politique, qui n’aurait plus porté que un ajustement de frontières.»

III. L’implication internationale dans la crise du Kosovo
et tentatives de dialogue (1992-1997)

279. Comme indiqué plus haut, la demande in stante de reconnaissance de la province du
Kosovo en tant qu’Etat indépendant présentée par les Albanais du Kosovo n’a même pas été prise
en considération lors de la conférence de paix pour la Yougoslavie organisée par la CE en 1991.
Toutefois, à partir de 1992, ils n’ont pas cessé de réitérer cette même demande. En mai 1992, une

mission d’information de la CSCE s’est rendue en RFY et a abouti à la conclusion suivante :

«Le problème principal est la relati on entre la population albanaise très

largement majoritaire et l’administration ser be existante. Le but des Albanais de
souche, qui refusent tout contact direct avec les autorités serbes, est un Kosovo
indépendant. Les autorités fédérales et serbes soutiennent que le Kosovo doit
252
continuer de faire partie intégrante de l’Etat serbe.»

250Ibid.
251
Voir Vickers, op. cit., p. 267-268.
252CSCE, rapport de la mission d’information au Kosovo du centre de prévention des conflits, 5 juin 1992, repris
dans Weller, op. cit., p. 102. - 74 -

280. En août 1992, il y a eu, avec la c onférence de Londres, une nouvelle tentative
diplomatique faite pour trouver une solution à la crise dans l’ex-Yougoslavi e. Les représentants
des Albanais du Kosovo n’ont pas été invités à cette conférence.

281. Les dirigeants des Albanais du Kosovo ont présenté à la conférence de Londres un

mémor253um dans lequel ils faisaient valoir leur droit de par ticiper à la conférence, mais en
vain . Dans ce mémorandum, ils ont également rappelé qu’ils aspiraient non à une forme
quelconque d’autonomie ou d’administration autonome à l’intérieur de la Serbie ou de la RFY,

mais uniquement à l’indépendance complète :

«Toute mesure allant au-delà de la protection temporaire de la population du

Kosovo qui pourrait lui être imposée, te lle qu’une fusion avec la nouvelle entité
«yougoslave» sur la base d’une prétendue au tonomie, ne peut qu’être rejetée par
elle…» 254

282. Contrairement à la demande inconditionn elle d’indépendance des Albanais du Kosovo,

les conclusions de la conférence de Londres ont rappelé les principes de base d’un règlement
négocié des problèmes existant dans la région de l’ex-Yougoslavie. Deux principes revêtaient une
importance cruciale s’agissant d’aplanir les tensions dans la région. Le premier était la nécessité

d’un règlement négocié. Le second rappelait les règles fondamentales du droit international qui
étaient applicables :

«viii) le respect de l’indépendance, de la souveraineté et de l’intégrité territoriale
de tous les Etats de la région est une obligation fondamentale, ainsi que le
respect de l’inviolabilité de toutes les frontières conformément à la Charte

des NationsUnies, à l’acte final de la CSCE et à la Charte de Paris. Sont
rejetés tous les efforts faits pour acquérir du territoire ou modifier les
frontières par la force.» 255

283. A l’issue de la conférence de Londres, le 27 août 1992, il a été décidé que la conférence

internationale sur l’ex-Yougoslavi e continuerait de s’employer ac tivement à obtenir un règlement
définitif des problèmes dans l’ex-Yougoslavie et que les activités de la conférence seraient
poursuivies par six groupes de travail. La ques tion du Kosovo a été traitée par un groupe spécial,

celui de ces six groupes de travail qui était ch argé des communautés et minorités ethniques et
nationales 256.

284. Les représentants des Albanais du Kosovo ont accepté de participer au groupe de travail
sur les communautés et minorités ethniques et nationales, le groupe spécial sur le Kosovo. Ce

faisant, ils n’en ont pas moins maintenu leur position antérieure, selon la quelle les Albanais du
Kosovo n’étaient pas une minorité nationale 257.

253
Mémorandum présenté par les Albanais du Kosovo à la conférence internationale sur l’ex-Yougoslavie,
26 août 1992, repris dans Weller, op. cit., p. 86-88.
254
Ibid., p. 88.
255Déclaration de principes, 26 août 1992, reprise dans B.G. Ramcharan (dir. publ.), The International

Conference on Former Yugoslavia (1997), p. 33-34.
256Voir le programme de travail de la conférence, 26 août 1992, repris dans ibid., p. 34-37.

257Lettre adressée par les Albanais du Kosovo à la confér ence de Genève, sans date, reprise dans Weller, op. cit.,
p. 90. - 75 -

285. Le groupe spécial sur le Kosovo a commencé ses travaux en septembre 1992, à Genève,
et des échanges de vues ont ultérieurement eu lieu à Pristina et à Belgrade. Etant donné que les

représentants des Albanais du Kosovo n’ont modifi é en rien leur position selon laquelle il n’était
question de reconnaître ni les institutions de l’Etat serbe ni l’autorité du Gouvernement serbe au
Kosovo, le groupe spécial a entrepris de se foca liser sur des domaines dans lesquels des progrès

pouvaient être accomplis. C’est ainsi qu’il s’est c oncentré sur l’éducation et les soins médicaux.
Malheureusement, même dans ces domaines, le s représentants des Albanais du Kosovo ont campé
258
sur leurs positions et les négociations ont eu tôt fait de se trouver dans une impasse .

286. A la suite d’une mission d’information envoyée en août 1992, la CSCE a, en 259
septembre1992, établi une Mission de longue durée au Kosovo, en Voïvodine et au Sandjak .
Les principaux objectifs de la Mission de la CSCE étaient de promouvoir le dialogue entre les

communautés ethniques, de réunir des informations sur les atteintes aux droits de l’homme et de
défendre les droits des minorités 260. La Mission de la CSCE a créé des bureaux au Kosovo et
favorisé le dialogue entre les institutions publiq ues et les Albanais du Kosovo. La Mission a

achevé ses travaux en juillet 1993, en raison du re fus du Gouvernement de la RFY de proroger la
validité des titres de séjour de ses membres. Cette décision s’explique notamment par le fait que la
261
CSCE avait, à partir de juillet 1992, suspendu la participation de la RFY à ses travaux .

287. Le rapport final du chef de la Mission de la CSCE, en date du 29 juin 1993, explique la
position des Albanais du Kosovo :

«Les dirigeants albanais ne se sont guère sentis concernés par les efforts faits
par la CSCE pour promouvoir le dialogue avec la Serbie. Lors des interminables
négociations sur l’éducation et, plus r écemment, dans la négociation engagée pour

conserver une presse indépendante, ils ont fait preuve de moins de souplesse que leurs
homologues serbes. Ceux-ci se sont dits prêts à faire des concessions importantes,

mais ont demandé en échange une forme de reconnaissance de l’ordre public serbe.
Ceux-là rejettent toutes les conditions qui, dans l’optique étroite et parfois incohérente
de leur population, pourraient être interprétées comme une acceptation de la
262
souveraineté serbe sur le Kosovo.»

288. Entre le milieu de 1993 et la fin de 1995, la communauté internationale s’est focalisée
non sur le Kosovo, mais sur les conflits armés en Bosnie-Herzégovine et en Croatie. En
novembre1995, l’accord-cadre général pour la paix en Bosnie-Herzégovine (également appelé
263
«accord de Paris-Dayton») a été signé; il mettait fin au conflit en Bosnie-Herzégovine. Par la
suite, le Conseil de mise en oeuvre de la paix a été créé 264. Il s’occupait de faire appliquer l’accord

de Paris-Dayton en Bosnie-Herzégovine et, partant, n’accordait que très peu d’attention aux autres
régions de l’ex-Yougoslavie. Il convient de not er que ce Conseil assumait également certaines
fonctions de la conférence internationale sur l’ex-Yougoslavie.

258
Voir Ramcharan, op. cit., p. 1602-1614.
259
Nations Unies, doc. A/47/392-S/24461 (14 août 1992), annexes I, II et III.
260Ibid., annexe III.

261CSCE, Comité des hauts fonctionnaires, décision du 8 juillet 1992, reprise danRev. of Int’l Aff . (Belgrade)
n 1005-1006 (1992), p. 22.

262Rapport spécial : Le Kosovo ⎯ Problèmes et perspectives , de Tore Bogh, chef de la Mission (29 juin 1993),
repris dans Weller, op. cit,, p. 117-120.

263Nations Unies, doc. S/1995/999 (30 novembre 1995).
264
Conclusion de la conférence sur la mise en oeuvr e de la paix, Londres, 9 décembre 1995, reprise dans
Trifunovska, Yugoslavia through documents from its creation to its dissolution (1994) p. 531-541, par. 21. - 76 -

289. Après la signature de l’accord de Paris-Dayton, il y a eu une autre tentative pour mener
des négociations sur les questions relatives à l’ enseignement. En septembre 1996, un accord a été
signé entre M. Ibrahim Rugova et M. Slobodan Milo sevic, qui était l’époque le président de la

Serbie, sur la normalisation de l’éducation au Kos ovo. En vertu de cet accord, un groupe composé
de trois personnes de nationalité serbe, de trois personnes de nationalité albanaise et de trois
265
médiateurs a été créé pour suivre la mise en Œuvre de l’accord (plan 3+3) . Toutefois, la
rébellion armée au Kosovo a commencé avant que l’accord n’ait pu être intégralement mis en
Œuvre 266.

E. L E CONFLIT DE 1997/1999

I. L’«armée de libération du Kosovo»

290. Avant d’analyser les événements qui se sont produits entre la seconde moitié de 1997 et
le début de 1998, il importe de présenter un nouv el élément apparu dans la crise du Kosovo

pendant ce267 période, à savoir la prétendue «armée de libération du Kosovo» (ci-après dénommée
«ALK») .

291. Dans plusieurs de ses déclarations, l’ALK a indiqué qu’elle se voyait comme une
organisation militaire des Albanais du Kosovo et qu’elle se proposait d’atteindre les objectifs

ultimes de l’indépendance du Kosovo et de son ra ttachement à ce qu’elle considérait comme la
patrie albanaise. En conséquence, l’ALK était basée au Kosovo, mais elle a également conduit des
opérations en Macédoine et au Monténégro, dans le but de créer une «Grande Albanie» 268.

292. Il convient de noter que l’entrée en scène de l’ALK a constitué un défi direct à la

politique de boycottage pacifique menée alors par les partis politiques des Albanais du Kosovo.

293. L’une des premières déclarations publiques de l’ALK a été un communiqué dans lequel
elle a revendiqué la responsabilité d’une acti on terroriste contre des camps de réfugiés
enfévrier1996. Ces camps étaient habités par des réfugiés serbes, qui figuraient parmi les

200 000 personnes environ à avoir été expulsées de Croatie en août 1995 dans le cadre de ce qu’on
a appelé l’«opération Storm» de l’armée croate. Moins de 10 000 de ces réfugiés s’étaient installés

au Kosovo, mais ils ont été presque immédiatem ent pris pour cible par des groupes extrémistes
albanais.

294. Dans ses déclarations publiques, l’ALK a également invité les autres pays, en
particulier les Etats-Unis d’Amérique, à reconnaîtr e l’indépendance du Kosovo. A défaut, assurait

265 er
Accord sur l’éducation Sant’Egidio, 1 septembre 1996, et Mesures concertées pour appliquer l’accord sur
l’éducation, 23 mars 1998, pièce 79 des pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit.
266
Au cours du premier semestre de 1998, conformément à l’accord susvisé, les autorités ont transféré des
bâtiments appartenant aux Facultés de l’Université de Pristina à des egnants et étudiants albanais du Kosovo, voir
Rapport du Secrétaire général, Nations Unies, doc. S/1008/470 (4 juin 1998), par. 44. Toutefois, du fait du
déclenchement de la rébellion armée, l’année scolaire 1998/99 a été reportée et n’a jamais commencé, et, à ce moment-là,
les exigences des Albanais du Kosovo dépassaient largement le domaine de l’éducation.

267En albanais: «Ushtria Çlirimtare e Kosovës» ou «UÇK» ; en serbe: «Oslobodila čka vojska Kosova» ou
«OVK». Pour d’autres informations sur la création de l’ALK, voir, par exemple, TPIY, Le procureur c. Fatmir Limaj
et al., affaire n-03-66, jugement du 30 novembre 2005, par. 43-44.

268 Der Spiegel, 6 juillet 1998, «Reality is war», entretien avJakup Krasnici, porte-parole de l’armée de
libération du Kosovo, p. 122-123. - 77 -

l’ALK, le conflit armé ne pouvait manquer d’éclater au Kosovo. L’ALK a également proféré des
menaces de mort contre les dirigeants albanais du Kosovo qui signeraient avec la Serbie un accord
quelconque concernant l’autonomie du Kosovo 269.

295. On voit que le but de l’ALK consistait à mener des opérations non seulement contre la

population serbe vivant au Kosovo, mais aussi c ontre les Albanais qui «collaboraient» d’une
manière ou d’une autre avec les ins titutions de l’Etat serbe. En lançant des attaques contre les

Albanais considérés comme «coopérant» avec la Serb ie et en déclarant que tout Albanais qui
signerait un accord d’autonomie serait considéré comme un traître, l’ALK ne laissait aucune
possibilité de négocier autre chose que l’indépendance.

296. Les attaques menées contre les «collaborateurs» se sont poursuivies pendant toute la

période du conflit armé ; elles visaient manifestement à dissuader les Albanais du Kosovo de nouer
le dialogue avec les Serbes habitant le Kosovo ou avec le Gouvernement serbe.

297. Selon des sources officielles, en févr ier 1998, l’ALK avait assassiné 10policiers et
24 civils 270. L’envoyé des Etats-Unis dans les Balkans, M. Robert Gelbard, a défini l’ALK comme
271
une organisation terroriste pendant la visite qu’il a effectuée au Kosovo le 23 février 1998 .

II. Le conflit armé : février-octobre 1998

298. Le 28 février 1998, quatre policiers ont été tués dans une embuscade menée par l’ALK

dans le village de Likosane (centre du Kosovo). Dans le cadre des opérations de police conduites
du 28février au 5mars, deux policiers et plus de 80Albanais du Kosovo ont été tués dans les
villages de Likosane, Cirez et Prekaz 272.

299. Presque aussitôt après ces hostilités, le 5mars1998, l’OTAN a déclaré qu’elle

«s’intéress[ait] légitimement à l’évolution de la situation au Kosovo, notamment en raison de son
impact sur la stabilité de l’ensemble de la région, laquelle préoccupe l’Alliance» 273.

300. En mars, tant les Serbes du Kosovo que les Albanais du Kosovo ont organisé des
manifestations de grande ampleur à travers tout le Kosovo. Parallèlement, des affrontements armés

ont eu lieu dans le centre et l’ouest du Kosovo entre les forces de police et l’ALK, tandis que cette
dernière continuait de prendre pour cible les «colla borateurs» serbes et albanais à la faveur d’une
274
série d’actions terroristes .

269
Voir Judah, op. cit., p. 131.
270
Elle a mené 31 attaques terroristes en 1996, 55 en 1997 et 66 en janvier et février 1998 seulement ; voir, d’une
façon générale, ministère des affaires étrangères de la RFY, White book- Terrorism on Kosovo and Metohija and Albania,
(1998) ; voir aussi International Crisis Group, «Kosovo Spring Report» (1998), p. 30.
271
Agence France-Presse, 23 février 1998.
272Voir Judah, op. cit., p. 138-140.

273Déclaration de l’OTAN, 5mars1998, communiqué de presse de l’OTAN (98)29, disponible à l’adresse:
http://www.nato.int/docu/pr/1998/p98-029e.htm.

274Bureau des affaires étrangères et des affaires du Commonwealth, Kosovo chronology: 1997 to the end of the
conflict (1999), disponible à l’adresse : http://www.fco.gov.uk/resources/en/pdf/pdf5/fco_pdf_kosovochronolgy. - 78 -

301. Le 9mars1998, le groupe de contact (Allemagne, Etats-Unis, France, Italie,
Royaume-Uni et Russie) a publié une déclaration sur la crise du Kosovo. Il a réaffirmé sa
détermination à défendre les valeurs des droits de l’homme et réité ré sa condamnation à la fois de

la répression violente de l’expression non vi olente d’opinions politiques, notamment de
manifestations pacifiques, et de l’activité terroriste, notamment de celle de la prétendue Armée de
275
libération du Kosovo .

302. Le 10 mars 1998, le Gouvernement de la République de Serbie a invité les représentants
des Albanais du Kosovo à des négociations et a nommé ses négociateurs en vue de «[p]ourparlers
sans condition au sujet de toutes les questions re latives au Kosmet [Kosovo-Metohija], à n’importe
276
quel moment et en n’importe quel lieu du territoire de la Serbie» .

303. Les représentants des Albanais du Kosovo ont rejeté cette invitation et ne se sont pas
rendus à la réunion prévue pour le 12mars1998. M.Ibrahim Rugova a, de nouveau, exposé la
position des Albanais du Kosovo : «[l]’ex-Yougosla vie a cessé d’exister. Le Kosovo a ses propres

frontières et nous n’avons pas demandé de modifica tion de frontières. La Serbie ne le pense
peut-être pas, mais un Kosovo indépendant est une bonne chose pour elle.» 277

304. Malgré l’échec des négociations directes en mars 1998, certaines mesures constructives
ont été prises dans le domaine de l’enseignement. Les commissions serbe et albanaise chargées de

mettre en Œuvre le plan «3+3» ont signé le 23mars1998 un accord visant à ouvrir les
établissements et facultés albanais. A la suite de cet accord, l’Institut d’albanologie a rouvert ses
278
portes à Pristina le 31 mars .

305. Le 22 mars 1998, de prétendues élections «législatives» et «présidentielle» des Albanais

du Kosovo ont été organisées au Kosovo. Les autori tés de l’Etat serbe n’ont pris aucune mesure
pour empêcher par la force la tenue de ces élections, mais elles n’en ont pas non plus reconnu les

résultats. Les Albanais du Kosovo ont réélu M. Ibrahim Rugova «président».

306. Le 31 mars 1998, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 1160 (1998), qui portait
sur la dégradation de la situation au Kosovo. Dans le préambule, le Conseil de sécurité

«[a] condamn[é] l’usage excessif de la force par les forces de police serbes contre des
civils et des manifestants pacifiques au Kosovo, ainsi que tous les actes de terrorisme
commis par l’armée de libération du Kosovo ou par tout autre groupe ou des

individus, et tout appui extérieur aux activ ités terroristes au Kosov279notamment sous
la forme de ressources financières, d’armes et de formation» .

Dans la résolution 1160 (1998), le Conseil de sécurité a également affirmé l’attachement de tous les
Etats Membres de l’Organisation des Nations Unies «à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de
la République fédérale de Yougoslavie» et a exprimé son appui à un «statut renforcé pour le

275
Nations Unies, doc. S/1998/223 (9 mars 1998).
276Déclarations des 13 et 14 mars 1998 du Gouvernement de la RFY, reprises dans Weller, op. cit., p. 351.

277Agence de presse Reuters, 12 mars 1998 ; voir aussi International Crisis Group, Kosovo Spring Report, 1998,
p. 11, disponible à l’adresshttp://www.crisisgroup.org/home/index.cfm?id=1601&l=1.

278Rapport du Secrétaire général établi en application de la résolution 1160(1998) du Conseil de sécurité,
Nations Unies, doc. S/1998/470 (4 juin 1998), par. 44.

279Voir préambule de la résolution 1160(1998) du Conseil de sécurité, 3 ealinéa, pièce16 des pièces et
documents soumis à l’appui du présent exposé écrit. - 79 -

Kosovo qui comprendrait une autonomie sensibl ement accrue et une véritable autonomie
administrative» 280.

Dans cette résolution, le Conseil de sécurité a également

«[d]emand[é] à la République fédérale de Yougoslavie de prendre sans délai les

mesures supplémentaires nécessaires pour pa rvenir à une solution politique de la
question du Kosovo par le dialogue…» 281.

et

«[d]emand[é] … aux dirigeants albanais du Kosovo de condamner toutes les actions
terroristes, et soulign[é] que tous les él éments de la communauté albanaise kosovare
doivent s’employer à réaliser leurs objectifs par des moyens uniquement
282
pacifiques» .

307. Le paragraphe 8 du dispositif de la même résolution a imposé un embargo sur les armes
à la RFY, y compris le Kosovo. La décision de lever ou non cet embargo dépendrait de la façon
dont il aurait été répondu aux exigences substantiell es suivantes: dialogue substantiel, prévoyant

également une participation internationale, retrait des unités de police spéciale, qui devraient cesser
leurs actions contre les civils, possibilité pour les organisations à vocation humanitaire et de
surveillance du respect des droits de l’homme de se rendre au Ko sovo, et établissement d’une

nouvelle présence de l’OSCE.

308. Entre-temps, la situation sur le terrain s’est dégradée du fait d’ affrontements entre les
forces gouvernementales et l’ALK. Selon le rappor t du 30 avril 1998 de l’opération sur le terrain
pour les droits de l’homme dans l’ex-Yougosla vie, le HCR a estimé qu’il y avait environ

17 500 personnes déplacées à l’intérieur du Kosovo et qu’entre 5000 et 6000 autres avaient fui au
Monténégro et en Albanie 283.

309. A la suite d’une intensité activité diplomatique menée par la communauté

internationale, en particulier le représentant spécial des Etats-Unis Robert Gelbard, une rencontre
entre M.Slobodan Milosevi ć et M.Ibrahim Rugova a eu lieu le 15mai1998 et un accord a été
conclu sur l’engage ment de négociations 284. Le même jour, et conformément au plan «3+3», les

autorités285rbes ont transféré trois facultés de l’Université de Pristina au personnel albanais
kosovar .

280
Ibid., septième alinéa du préambule et par. 5 du dispositif.
281
Ibid., par. 1.
282Ibid., par. 2.

283Haut commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Opération sur le terrain dans l’ex-Yougoslavie ,
30 avril 1998, par. 52, disponible à l’adreshttp://www.unhchr.ch/html/menu2/5/ex_yug/yug_pr12.htm.

284 Déclaration sur l’entretien qui a eu lieu entre le président de la RFY Slobodan Milosevi ć et
M. Ibrahim Rugova et sa délégation, 15 mai 1998, reprise dans Weller, op. cit., p. 353.

285 Rapport du Secrétaire général établi en application de la résolution 1160(1998) du Conseil de sécurité,
Nations Unies, doc. S/1998/470 (4 juin 1998), par. 44. - 80 -

310. La première rencontre entre les équipes de négociati on du Gouvernement serbe et des
Albanais kosovars s’est tenue le 22mai1998. Ap rès cette rencontre, les deux parties ont publié
286
des déclarations positives sur l’avenir des négociations .

311. Toutefois, la délégation al banaise kosovare ne s’est pas présentée lors de la rencontre
suivante, qui devait se tenir le 5juin19 98, ce qui a donné un nouveau coup d’arrêt aux
négociations. Selon l’explication officielle qu’e lle a donnée, la délégation albanaise a refusé de

participer à de nouvelles négociations en raison d es opérations militaires et de police qui avaient
été engagées dans le sud-ouest du Kosovo à la fin de mai et au début de juin 287.

312. Auparavant, à l’approche des négociations et, en particulier, à la suite de la rencontre de

M. Milosević et de M.Rugova le 15mai1998, l’AL K avait publiquement déclaré désapprouver
cette rencontre et toute forme de négociation. Ses représentants ont fermement réitéré que leur
objectif était l’indépendance du Kosovo 288.

313. Au printemps de 1998, l’ALK a entrepris de bloquer les principaux axes de transp
ort du

Kosovo, et a attaqué des positions occupées par les forces de police (Ministère de l’intérieur) et des
unités de l’armée fédérale (VJ). Ces opérati ons de l’ALK ont fait beaucoup de victimes.
Réagissant à ces attaques, les forces gouvernementa les ont lancé une offensive dans la région du

centre-ouest du Kosovo, notamment dans les muni cipalités de Decani, Orahovac, Djakovica, Klina
et Glogovac 289.

314. Après l’échec des négociations directes entre les équipes de négociateurs de l’Etat serbe

et des Albanais kosovars en mai et juin1998, la reprise des négociations indirectes s’est amorcée
lors de la réunion que le groupe de contact a te nue à Berlin le 8juillet1998, laquelle a permis
d’engager ce que l’on devait appeler le processus de négociation Hill (du nom de l’envoyé des
290
Etats-Unis Christopher Hill) .

315. M. Hill a mis en Œuvre une diplomatie itinérante entre les représentants de l’Etat et des
Albanais kosovars, et a fini par obtenir un accord-cadre qui prévoyait une période de stabilisation et
291
de normalisation de trois ans pour permettre le rétablissement des institutions démocratiques .

316. Dans l’intervalle, vers la fi n de mai et le début de juin, la situation sur le terrain s’était
de nouveau dégradée. L’ALK contrôlait une zone de 3000 kilomètres carrés (soit environ 30 % du
territoire du Kosovo), comprenant quelque 250villages abritant une population de 700 à
292
800 000 personnes, pour la plupart dans la région de Drenica .

286La RFY et les négociations à Pristin a, y compris une déclaration de la partie albanais kosovare, 22 mai 1998,
repris dans Weller, op. cit., p. 353.

287Nations Unies, doc. S/1998/608 (2 juillet 1998), par. 3, annexe V.
288
Voir Judah, op. cit., p. 154-156.
289 o
TPIY, Procureur c. Fatmir Limaj et al., affaire n IT-03-66, jugement du 30 novembre 2005, par. 144-158.
290Déclaration du groupe de contact, Bonn, 8 juillet 1998, reprise dans Weller, op. cit., p. 238.

291Nations Unies, doc. S/1998/912 (3 octobre 1998), par. 4, annexe.
292
Informations sur la situation au Kosovo et les mesures prises par l’OSCE, Nations Unies, doc. S/1998/608,
annexe V (2 juillet 1998), par. 3. - 81 -

317. A partir de la mi-juin1998, l’ALK a cha ngé de tactique et entrepris de prendre le
contrôle de certaines installations industrielles stratégiques :

«Vers le 23juin1998, l’ALK a pris le contrôle d’une mine de charbon et du
village de Bardhi-i-Madh/Veliki Belacevac, à 10km à l’ouest de Prishtina/Pristina.

Des coups de feu se sont fait entendre dans le secteur pendant toute la journée et l’on a
signalé que des civils albanais kosovars s’étaient réfugiés à
Prishtina/Pristina… Environ une semaine pl us tard, les forces serbes ont essayé de
293
reprendre la mine.»

318. Un mois plus tard, entre le 18 et le 22 ju illet, l’ALK a, pour la première fois, attaqué un
grand centre urbain du Kosovo, Orahovac, dont il s’est emparé en l’espace de quelques jours :

«Le 19juillet1998, l’ALK a lancé une offensive contre Rahovec/Orahovac,
opération décrite comme la première attaque d’envergure qu’elle ait menée contre une
grande ville… Elle a fait prisonniers enviro n 85Serbes de souche. D’après diverses
294
informations, 40 d’entre eux n’ont jamais été revus.»

319. Ces actions de l’ALK ont entraîné une violence réaction de la part des forces
gouvernementales (à la fois celles du ministère de l’ intérieur de la République de Serbie (MUP) et
de l’armée fédérale (VJ)), lesquelles ont lancé une offensive qui s’est étalée sur le mois d’août et

une partie du mois de septembre1998. La zone concernée était le centre, l’ouest et le sud du
Kosovo, et représentait entre 40 et 50 % du territoire de la province.

320. A la suite de la prise d’Orahovac par l’ ALK et du lancement de la contre-offensive des
forces gouvernementales à la fin de juillet1998, on a assisté à une augmentation considérable du

nombre de réfugiés et de personnes déplacées. Selon le rapport de l’ONU, quelque 150000
personnes se sont enfuies de chez elles à partir de 29juillet1998, dont 100000 se sont trouvées

déplacées à l’intérieur du Kosovo, tandis qu’entre 295 35000 et 40000 autres étaient déplacées en
Serbie centrale, au Monténégro ou en Albanie .

321. Entre juin et septembre1998, le Gouvernement de l’Etat serbe et son équipe de
négociation ont adressé plusieurs autres invitations à l’équipe de négociation des Albanais kosovars
296
en vue de poursuivre les négociations. Ces invitations ont toutes été rejetées .

322. A la fin de septembre 1998, les forces gouvernementales avaient pour l’essentiel achevé
leurs importantes activités offensives. Selon cer taines estimations, les hostilités qui ont eu lieu
entre mars et septembre 1998 ont causé la mort de plus de 600 civils des deux camps 297. Ce cycle

de combats a également provoqué dans les de ux camps une forte augmentation du nombre des

293TPIY, Procureur c. Fatmir Limaj et al., affaire n IT-03-66, jugement du 30 novembre 2005, par. 159.

294 TPIY, Procureur c. Fatmir Limaj et al., affaire n .IT-03-66, jugement du 30novembre2005, par.159,
par. 162.

295Point sur la situation au Kosovo fait par divers organismes des Nations Unies, Rapport de situation48,
29 juillet 1998, repris dans Weller op. cit., p.264, disponible à l’adresse : http://www.reliefweb.int/rw/rwb.nsf/
0/75b905c83c260125c125665100338975?OpenDocument&Click .

296Communiqué de presse du ministère de l’intérieur de la République de Serbie, 5 juin 1998, repris dans Weller,
op. cit., p. 354 ; voir aussi Kosovo chronology: 1997 to the end of the conflict (1999)

297Rapport du Secrétaire général présenté conformément à la résolution 1160(1998) du Conseil de sécurité,
Nations Unies, doc. S/1998/834 (4 septembre 1998), par. 7. - 82 -

réfugiés et des personnes déplacées. Selon l’ONU, le nombre total de réfugiés et de personnes
déplacées s’établissait, au début d’octobr e 1998, à 280 000 personnes environ, dont
200 000 personnes déplacées à l’intérieur du Kosovo et 80 000 en Serbie centrale ou dans les pays
298
voisins .

323. Les événements qui se sont déroulés au Kosovo entre août et septembre ont amené le
Conseil de sécurité de l’ONU à adopter, le 24 septembre1998, la résolution 1199 (1998), dans

laquelle il a une fois de plus exigé de toutes l es parties qu’elles mettent immédiatement fin aux
hostilités. La résolution exigeait également que les autorités de la RFY et les dirigeants albanais du
Kosovo prennent immédiatement des mesures en vue d’améliorer la situation humanitaire et leur

demandait d’engager un dialogue constructif sans conditions préalables. Dans les derniers
paragraphes de la résolution, il était de nouveau demandé aux autorités de la RFY de mettre fin à
toutes les actions des forces de sécurité touchant la population civile, de permettre aux missions de

surveillance internationale, telles que la mission de vérification de la Communauté européenne,
ainsi qu’au HCR et au CICR, de s’acquitter effi cacement de leur mandat, et de faire avancer
rapidement le dialogue avec les Albanais du Kosovo 29.

324. Un jour seulement après l’adoption de cette résolution par le Conseil de sécurité,

l’OTAN a agité la menace d’une action militaire contre la RFY et relevé à cette fin son niveau de
préparation militaire 300.

325. Au début d’octobre 1998, l’envoyé spécial des Etats-Unis, M. Richard Holbrooke, s’est

rendu à Belgrade pour trouver une solution diplomatique à la crise. Le 13 octobre 1998, l’OTAN a
donné un ordre d’activation concernant à la fois des frappes aériennes li mitées et une campagne
aérienne échelonnée devant commencer à l’expiration d’un délai de 96 heures.

326. A la suite des négociations menées entre l’envoyé spécial et le gouvernement, l’OSCE

et la RFY301t signé le 16octobre1998 un accord sur la Mission de vérification au Kosovo de
l’OSCE . Le même jour, un accord a été conclu concernant la surveillance aérienne au
Kosovo 302. Dans la résolution1203 du 24octobre19 98, le Conseil de sécurité de l’ONU s’est
303
félicité de ces accords .

327. Entre-temps, le processus de négoeration H ill avait encore avancé. Les parties ont reçu
leur première proposition officielle le 1 octobre 1998. Il y était question d’un système complexe
d’autorités publiques au Kosovo, selon lequel le Kosovo se verrait accorder le degré d’autonomie

298
Rapport du Secrétaire général, Nations Unies, doc. S/1998/912 (3 octobre 1998), par. 11.
299
Voir la résolution 1199(1998) du Conseil de sécurité, pièce17 des pièces et documents soumis à l’appui du
présent exposé écrit.
300Déclaration du Secrétaire général de l’OTAN faisant suite à la décision concernant un avertissement

d’activation (ACTWARN), 24 septembre 1998, dis ponible à l’adresse : http://www.nato.int/docu/pr/1998/
p980924e.htm.
301Accord OSCE/RFY, 16 octobre 1998, Nations Unies, doc. S/1998/978 (16 octobre 1998).

302Accord OTAN/RFY, 16 octobre 1998, Nations Unies, doc. S/1998/991 (23 octobre 1998).

303Voir résolution1203(1998) du Conseil de sécurité, pièc e18 des pièces et documents soumis à l’appui du
présent exposé écrit. - 83 -

le plus élevé possible, mais pas l’indépendance. Fait important, la dispos ition finale stipulait que
l’accord ne pourrait être modifié qu’avec l’agrément des deux parties 304.

328. En novembre et décembre1998, l’e nvoyé spécial Hill a présenté deux nouveaux

projets, tandis que le Gouvernement serbe présen tait ses propres propositions de modification du
plan 305.

329. Ce sont leurs déclarations qui donnent la meilleure idée de la position des Albanais du

Kosovo à l’égard des propositions de Hill. Dans sa déclaration du3 novembre1998, le prétendu
«Gouvernement de la République du Kosovo» a demandé la reconnaissance du droit à
l’autodétermination et à l’indépendance complète, qui serait facilitée par la conclusion d’un accord
306
provisoire .

330. M.Fehmi Agani, le chef de l’équipe de négociation des Albanais du Kosovo, a
réaffirmé le 1 décembre 1998 que la question de l’indépendance n’était pas négociable 307.

331. Les représentants de l’ALK étaient encore plus déterminés que les négociateurs albanais

du Kosovo. Dans une déclaration du 5décemb re1998, l’ALK a annoncé qu’elle n’était pas
disposée à accepter ne serait-ce qu’une coexistence temporaire avec la Serbie avant que
308
l’indépendance complète du Kosovo ne puisse être obtenue .

332. Sans tenir compte de ces déclaratio309 l’équipe Hill a poursuivi ses travaux et établi un
projet supplémentaire le 27 janvier 1999 , deux jours avant que le groupe de contact ne décide de
convoquer les parties pour des pourparlers à Rambouillet (France).

333. La période allant d’octobre1998 à janvi er1999 a été marquée par le retour d’un

nombre croissant de personnes au Kosovo et une réduction des forces gouvernementales sur le
terrain, associée à la volonté des unités de l’ALK de reprendre le contrôle d’une partie encore plus

importante du territoire d’où les forces gouvernem entales s’étaient retirées conformément à
l’accord. Sur le territoire qu’elle contrôlait, l’ALK a établi sa propre autorité, ainsi que ses propres
postes de contrôle dans de nombreux endroits 310.

304
Premier projet de proposition de règlement de la crise du Kosovo, 1er octobre1998, repris dans Weller,
op. cit., p. 359-362.
305
Deuxième projet de proposition de règlement de la crise du Kosovo, 2 novembre1998, repris dans Weller,
op. cit., p.362-369; Troisième projet de pr oposition de règlement de la crise du Kosovo, 2décembre1998, repris dans
Weller, op. cit., p. 376-382 ; Proposition conjointe concernant un cadre politique d’administration autonome du Kosovo,
20 novembre 1998, reprise dans Weller, op. cit., p. 372-375.

306Déclaration du Kosovo sur les principes fondamentaux d’un règlement, 3 novembre 1998, reprise dans Weller,
op. cit., p. 369.

307Communiqué de presse du Kosovo, 1er décembre 1998, repris dans Weller, op. cit., p. 375.
308
Communiqué de presse du Kosovo, 5 décembre 1998, repris dans Weller, op. cit., p. 382.
309
Projet final de proposition de règlement de la cr ise du Kosovo, 27 janvier 1999, repris dans Wellerop. cit.,
p. 383-393.
310
Rapport du Secrétaire général, Nations Unies, doc. S/1998/1068 (12 novembre 1998), par. 11-17 ; Rapport du
Secrétaire général, Nations Unies, doc.S/1998/1147 (4 décembre 1998), pa r.7-12; Rapport du Secrétaire général,
Nations Unies, doc. S/1998/1221 (24 décembre 1998), par. 5-16. - 84 -

334. L’envoyé spécial Holbrooke a confirmé que, pendant toute cette période,311ALK a pris
des mesures très provocantes dans le but d’entraîner l’OTAN dans la crise .

335. Un point sur la situation au Kosovo fa it par divers organismes des Nations Unies le
11janvier1999 a signalé des affrontements entr e les forces gouvernementales et l’ALK dans la
région de Podujevo, dans le nord-est du Kosovo. Cette région était jusqu’alors restée en dehors de

la principale zone de conflit. Le rapport de situation en question présentait également des
informations sur un grand nombre d’incidents et d’ actes de violence qui s’étaient produits dans les
centres urbains à travers tout le Kosovo.

III. Février-mars 1999 : la conférence de Rambouillet

et le nouveau cycle de violence

336. Le 29janvier1999, le groupe de contact a publié une déclaration dans laquelle il

condamnait l’escalade de la violence, dont les forces de sécurité de Belgrade et l’ALK partageaient
la responsabilité. Il a également décidé de

«convoquer les représentants des Gouvernemen ts de la République fédérale de
Yougoslavie et de la République serbe et les représentants des Albanais du Kosovo à
Rambouillet, [en] février, sous la c oprésidence de MMH . ubert Vedrine et

Robin Cook, e312ue d’entamer les négociations avec la participation directe du groupe
de contact» .

337. Le 30janvier1999, l’OTAN s’est dite «prête à prendre toutes les dispositions
nécessaires compte tenu de la façon dont les de ux parties se seront acquittées des engagements qui
leur incombent envers la communauté internationale…» 313. Le Secrétaire général de l’OTAN a été
314
autorisé à recourir à des frappes aériennes contre la RFY .

338. Les négociations de Rambouillet ont commencé le 6février1999 et ont duré jusqu’au
23février1999. Pendant ces négociations, trois projets d’accord intérimaire pour la paix et
l’autonomie au Kosovo ont été proposés par trois négociateurs du groupe de contact:
315
l’ambassadeur Hill (Etats-Unis), M. Petritsch (Union européenne) et M. Mayorski (Russie) . Mis
à part de nombreux désaccords sur diverses questions mineures (par exemple l’utilisation du terme
«constitution»), des divergences fondamentales se sont fait jour au sujet de la présence de forces de

l’OTAN sur l’ensemble du territoire de la RFY et du processus selon lequel un règlement définitif
serait obtenu.

339. En ce qui concerne la question d’un règlem ent définitif, la position de la délégation des
Albanais du Kosovo a été très claire dès le début d es négociations et est restée la même de bout en

bout: le règlement définitif devait être obtenu par la voie d’un référendum organisé au Kosovo.
Compte tenu de la composition ethnique de la pr ovince, il était évident que ce référendum ne
pouvait produire qu’un seul résultat, à savoir la sécession du Kosovo de la RFY et de la Serbie.

311Voir Judah, op. cit., p. 191.

312Voir Nations Unies, doc. S/1999/96 (29 janvier 1999), par. 3 d).
313
Voir Nations Unies, doc. S/1999/107 (2 février 1999), p. 4.
314Ibid.

315Projets d’accord intérimaire pour la paix et l’autonomie au Kosovo : 6février, 18février, 23février1999,
repris dans Weller, op. cit., p. 421, 434, 453. - 85 -

340. Le paragraphe 3 de l’artic le I du chapitre 8 du projet d’accords de Rambouillet stipulait
qu’une conférence internationale serait convoquée

«en vue de définir un mécanisme pour un règl ement définitif pour le Kosovo, sur la
base de la volonté du peuple, de l’avis des autorités compét entes, des efforts

accomplis par chacune d316Parties dans la mise en Œuvre du présent accord et de l’acte
final d’Helsinki…» .

Cette disposition est le seul passage où le texte des accords de Rambouillet utilise le terme317
«peuple». Partout ailleurs, il ne fait référence qu’à la «population du Kosovo» . Il s’ensuit que
les auteurs de ce texte ont délibérément établi une distinction entre la «population du Kosovo» et le

«peuple».

341. En outre, aucun accord n’a été obtenu à Rambouillet sur la question de savoir si
l’expression «volonté du peuple» ne se rapportait qu’à la seule population du Kosovo. On notera
que la délégation du Kosovo avait, pendant les négociations, déclaré unilatéralement qu’elle

croyait comprendre que la «volonté du peuple» dont il était question dans la disposition susvisée
faisait référence à «la volonté de la population du Kosovo» 318.

342. Or, cette interprétation n’était celle ni de la RFY, le souverain territorial, ni d’autres
Etats participant aux négociations . En fait, il ne s’est trouvé qu’une seule tierce partie participant

au processus de négociation qui

«a pu se déclarer disposée à donner certaines assurances bilatérales que cette

formulation [c’est-à-dire celle qui fait référence à la volonté du peuple] visait
effectivement un droit de la population du Kosovo de manifester sa volonté en ce qui
319
concerne le statut futur du territoire» .

343. Après l’expiration du délai fixé pour l’ achèvement des négociations de Rambouillet,
aucune des deux parties n’était prête à signer l’ accord; elles ont toutes les deux reporté leur
décision au 15 mars 1999. Par la suite, la déléga tion de la RFY a soumis un nouveau projet révisé
320
d’accord tandis que les Albanais du Kosovo acceptaient le plan .

344. La lettre d’acceptation de l’accord signée par la délégation des Albanais du Kosovo a
une fois de plus souligné son inte rprétation (unilatérale) de l’accord: «La délégation du Kosovo
confirme à nouveau qu’à l’issue d’une période intérimaire de trois ans, le peuple du Kosovo
321
exercera sa volonté dans le cadre d’un référendum…»

316
Voir Nations Unies, doc. S/1999/648 (7 juin 1999).
317
Ibid., Cadre, art. II, par. 6 ; chapitre I, art. II, par. 1, b i) et ii), par. 3 ; chapitre II, art. VI, par. 1, a ii).
318 Lettre de la délégation du Kosovo à la ministre des affaires étrangères des Etats-Unis Albright,
23 février 1999, pièce 78 des pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit.

319Marc Weller, The Rambouillet Conference on Kosovo, International Affairs (1999), p. 211, 232 (c’est nous qui
soulignons).

320Projet revisé d’accord soumis par la RFY, 15mars1999, repris dans Weller, Crisis in Kosovo 1989-1999
(1999), p.480; déclaration de la délégation des Albanais du Kosovo sur la signature officielle de l’accord intérimaire,
18 mars 1999, reprise dans Weller, op. cit., p. 490-491.

321Déclaration de la délégation des Albanais du Kosovo, 18 mars 1999, reprise dans Weller, op. cit., p. 490. - 86 -

345. Les événements qui se sont produits su r le terrain pendant les négociations de
Rambouillet ont fait écho à ceux de la période pr écédente. Les affrontements militaires entre
l’ALK et les forces gouvernementales sont demeurés peu intenses, mais les principales cibles du

conflit ont été les civils. Selon le rapport du Secrétaire général de l’ONU en date du
31 janvier 1999, la violence a gagné des régions du Kosovo qui avaient jusqu’alors été relativement
épargnées ⎯ telles que celles de Podujevo et de Stimlje ⎯, ce qui a conduit 20000 personnes de
322
plus à s’enfuir de chez elles . Le rapport du Secrétaire général en date du 17 mars 1999 décrit le
même cycle de violence, les provocations de l’ALK étant suivies d es ripostes des forces
gouvernementales 323.

346. Dans la lettre qu’il a adressée le 20mars1999 au Secrétaire général, le président en

exercice de l’OSCE a indiqué ce qui suit :

«D’autres meurtres ont eu lieu; il est impossible d’en déterminer les auteurs,

mais la plupart des victimes sont des Albana is de souche. Le récent enlèvement d’un
civil albanais employé par la police de Prizren est attribué à une «force de sécurité»
centralisée de l’ALK... Cette année, da ns l’ouest de la province, dans la région

située entre Pec et Prizren, plusieurs té moins oculaires ont donné des descriptions
semblables d’incidents où une unité de l’AL K a appréhendé des Albanais de souche
fidèles aux autorités serbes. Il n’est plus guère plausible maintenant d’attribuer ces

meurtres à des éléments incontrôlés de l’ALK; la conclusion semble s’imposer au
contraire que certaines de ces «exécutions punitives» sont ordonnées au plus haut
niveau du commandement de l’ALK.» 324

347. De plus, ce rapport de l’OSCE donne d es informations sur la situation au Kosovo
quelques jours seulement avant l’intervention de l’OTAN. Selon ce rapport, «[l]es attaques non

provoquées de l’ALK contre la po lice ont continué et le nombre des victimes parmi les forces de
sécurité a augmenté… Les actes de terrorisme aveugle en milieu urbain, visant les civils, ont
continué…» 325

348. Le rapport de l’OSCE présente égal ement l’estimation du HCR selon laquelle, en

mars 1999 ⎯avant le début du bombardement de la RFY par l’OTAN ⎯,il y avait au moins
230000personnes déplacées au Kosovo, tandis que 170000 autres avaient quitté la province. Le
HCR a également signalé que les Serbes avaien t abandonné plus de 90villages du Kosovo à

population serbe et albanaise. La Croix-Rouge yougoslave a estimé à plus de 30 000 le nombre des
non-Albanais déplacés ayant besoin d’aide au Kosovo : c’étaient des Serbes pour la plupart 326.

IV. Le bombardement de la RFY par l’OTAN, 1999

349. Après la fin de la conférence de Paris le 18mars et après une dernière ⎯ et
infructueuse ⎯ tentative faite par M. Richard Holbrooke pour convaincre M. Milosevic d’accepter
l’accord, le Secrétaire général de l’OTAN, M. Javier Solana, a ordonné, le 23mars1999, le

322Rapport du Secrétaire général, Nations Unies, doc. S/1999/99 (30 janvier 1999), par. 8-10 et 25-28.

323Rapport du Secrétaire général, Nations Unies, doc. S/1999/293 (17 mars 1999), par. 4-15.
324
Voir Nations Unies, doc. S/1999/315 (20 mars 1999), p. 5.
325Ibid., p. 4.

326Rapport du Secrétaire général, Nati ons Unies, doc. S/1999/293 (17 mars 1999), par. 26 ; voir aussi Nations
Unies, doc. S/1999/315 (20 mars 1999), p. 7. - 87 -

déclenchement d’opérations aériennes offensives sur le territoire de la RFY. Le bombardement
aérien de la RFY par l’OTAN a duré entre le soir du 24 mars 1999 et le 10 juin 1999.

350. Le bombardement de la RFY par l’OTAN a constitué un recours illicite à la force et a
327
violé à bien d’autres titres le droit international .

351. Pendant l’intervention de l’OTAN, un conf lit armé sauvage a éclaté au Kosovo. Le
début du bombardement par l’OTAN et les accroc hages de plus en plus nombreux opposant les
forces gouvernementales et l’ALK ont provoqué un déplacement massif de la population du

Kosovo; enjuin1999, on comptait notamment plus de 800000réfugiés, dont un grand nombre
avaient été forcés de fuir leur domicile 328. Tant les forces gouvernementales que les paramilitaires
329
ont commis de graves crimes contre les Albanais du Kosovo .

352. Les ministres des affaires étrangères du G-8 se sont rencontrés le 6mai1999 à
Petersberg (Allemagne) et ont adopté les principes généraux pour un règlement politique de la crise
du Kosovo et les conditions de la cessation des hostilités 330.

353. Le 3juin1999, l’Assemblée nationale de la République de Serbie a approuvé un plan
331
de paix qui confiait officiellement à l’ONU la responsabilité du Kosovo .

354. Le 9 juin 1999, la force internationale de sécurité au Kosovo (KFOR), d’une part, et la
RFY et la République de Serbie, d’autre part, ont signé un accord militaro-technique 332, qui
réglementait le retrait des forces yougoslaves et l’entrée de la KFOR au Kosovo.

355. Le 10juin1999, le Conseil de sécurité a adopté la résolution1244, qui plaçait le

Kosovo sous administration internationale (MINUK).

356. Le même jour, le bombardement aérien de la RFY par l’OTAN a pris fin, après 78 jours
de bombardements, en même temps que commençait le retrait des forces armées yougoslaves du

Kosovo, qui s’est achevé le 20 juin 1999.

327Voir, d’une façon générale, Affaires concernant la licéi té du recours à la force (Yougoslavie c. Etats-Unis
d’Amérique, Serbie-et-Monténégro c. Royaume-Uni, Yougoslavie c. Espagne , Serbie-et-Monténégro c. Portugal ,
Serbie-et-Monténégro c. Pays-Bas , Serbie-et-Monténégro c. Italie , Serbie-et-Monténégro c. Allemagne ,
Serbie-et-Monténégro c. France, Serbie-et-Monténégro c. Canada, Serbie-et-Monténégro c. Belgique) , Mémoire de la

République fédérale de Yougoslavie, 5 janvier 2000.
328HCR, Kosovo Refugee Crisis, fév2 ri0r0, disponible à l’adresse :
http://www.unhcr.org/cgi-bin/texis/vtx/home/opendoc.pdf?tbl=RESEARCH&id….

329Voir OSCE, Kosovo/Kosova As seen as told, and Vol. I October 1998/June 1999.

330Conclusion de la réunion du G-8 tenue au Centre de Petersberg le 6mai1999, résolution1244 (1999) du
Conseil de sécurité, annexe 1.

331Résolution de l’Assemblée serbe du 3juin1999, Sluzbeni glasnik Republike Srbije, [Journal officiel de la
République de Serbie], n° 25/99.
332
Voir NationsUnies, doc.S/1999/682 (15juin1999), pi èce10 des pièces et docum ents soumis à l’appui du
présent exposé écrit. - 88 -

357. Peu de temps après la fin de l’interv ention de l’OTAN, les réfugiés et personnes
déplacées albanais du Kosovo sont rentrés chez eux. Parallèlement, et en particulier entre juin et
333
novembre 1999, plus de 200 000 Serbes et autres non-Albanais ont fui le Kosovo .

V. Les conséquences du conflit

358. Le conflit qui a fait rage au Kosovo en 1998-1999 a tué des milliers de personnes, en a

blessé un nombre encore plus grand et a causé d’énormes destructions. Le Gouvernement
démocratique de Serbie se déclare sincèrement aff ligé par tous les malheurs et souffrances qui ont
été causés par les personnes agissant au nom de la RFY pendant le conflit. Ce qui importe tout

particulièrement à l’heure qu’il est, c’est de traduire en justice, dans le cadre de procédures pénales
internationales et nationales, tous les responsables des méfaits qui ont été commis.

359. Le Procureur du Tribunal pénal internati onal pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) a poursuivi

M.Slobodan Milosevic (président de la RFY à l’ époque), M.Milan Milutinovic (président de la
Serbie à l’époque), M.Nikola Sainovi ć (Vice-Premier Ministre de la RFY à l’époque), les
généraux de l’armée yougoslave M.Dragoljub Ojdanic, M.Nebojsa Pavkovic et M.Vladimir

Lazarevic, ainsi que M.Sreten Lukic (haut fonctionnaire du Ministère de l’intérieur de la Serbie)
pour le décès d’au moins 1000 Albanais du Koso vo et pour les crimes d’expulsion, de transfert

forcé et de persécution commis dans 13municipalités du Kosovo entre le 23mars et l334
10juin1999. M.Slobodan Milosevic est mort pendant son procès . Dans une procédure
distincte, M.Milan Milutinovic a été acquitté de tous les chefs d’accusation retenus contre lui,

tandis que les autres accusés étaient condamnés à des peines d’emprisonnement d’une durée
comprise entre 15 et 22 ans 335. Il a été fait appel de ce jugement.

360. Le procureur du TPIY a poursuivi les membre s de l’ALK M. Fatmir Limaj, M. Haradin
Bala et M. Isak Musliu pour d es crimes contre l’humanité. Les accusés ont été poursuivis en tant

que commandants de l’ALK et gardiens de prison de l’ALK dans la région de Lapusnik en 1998.
M.Haradin Bala a été condamné à une peine de 13ans d’emprisonnement, tandis que M.Fatmir
336
Limaj et M. Isak Musliu ont été acquittés .

361. Par ailleurs, le Procureur du TPIY a poursuiv i M. Ramush Haradinaj, M. Idriz Balaj et
M.Lahmi Brahimaj pour des crimes de guerre co mmis contre les Serbes. M.Ramush Haradinaj
était le premier ministre du Kosovo à l’époque de sa mise en accusation. Il a été acquitté, de même

que M.Idriz Balaj, tandis que M.Lahi Brah imaj a été condamné à une peine de six ans
d’emprisonnement 337. Au moment où le présent exposé écrit était rédigé, les procédures d’appel
étaient en cours. Il convient de noter que, dans cette dernière affaire, le TPIY a attiré l’attention sur
338
le fait qu’il s’était heurté à de sérieux obstacl es s’agissant de citer des témoins pour le procès .

333Voir infra par 0 à 0.
334 o
TPIY, Procureur c. Slobodan Milosevic , affaire n IT-02-54), ordonnance mettant fin à la procédure,
14 mars 2006.
335 o
TPIY, Procureur c. Milan Milutinovic et al., n . IT-05-87, jugement du 26 février 2009.
336TPIY, Procureur c. Fatmir Limaj et al., affaire n . IT-03-66, jugement du 30 novembre 2005.

337TPIY, Procureur c. Ramush Haradinaj et al., affaire n IT-04-84, jugement du 3 avril 2008.

338Ibid., par. 6. - 89 -

Deux personnes ont été reconnues coupables d339tra ge au Tribunal pour avoir fait pression sur un
témoin protégé dans l’affaire Haradinaj .

362. Le comportement de l’OTAN pendant le bombardement de la RFY a également été
examiné par le TPIY mais, malheureusement, le procur eur a décidé de ne pas ouvrir d’instruction.
Un comité créé par le Bureau du procureur du TPIY le 14 mai 1999 a conclu que, dans toutes les

affaires qu’il avait examinées, «ou bien la loi n’est pas suffisamment claire, ou bien les enquêtes
ont peu de chances de permettre de rassembler de s preuves suffisantes pour étayer des accusations
portées contre des accusés haut placés ou non pour des crimes particulièrement monstrueux», et il a
340
recommandé au procureur du TPIY de n’ouvrir aucune instruction .

363. En outre, par suite du conflit, un gr and nombre de procédures engagées contre des
personnes accusées d’infractions motivées par l’or igine ethnique sont en instance devant les
tribunaux de droit interne serbes.

F. Depuis l’adoption de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité

364. La résolution1244(1999) du Conseil de sécurité a créé un régime juridique
international pour le Kosovo, qui est présenté de façon détaillée au chapitre 8. La présente section

traite de la situation des droits de l’homme au Kosovo depuis qu’il est administré par la
communauté internationale et des négociations qui ont précédé l’adoption de la DUI en 2008.

I. La situation des Serbes et des autres non-Albanais au Kosovo depuis 1999

365. Après le 10 juin 1999, plus de 200 000 non- Albanais (en majorité des Serbes) ont fui le

Kosovo. En outre, depuis cette date, les non- Albanais du Kosovo doivent faire face à des
agressions et à d’autres problèmes de sécurité, à des limitations de leur liberté de circulation et à
l’absence de protection de leurs droits de propriété, et doivent subir bien d’autres graves violations

de leurs droits fondamentaux. Certaines amélio rations mineures ont été apportées entre1999 et
2008, mais, près de 10 ans après le conflit, la primau té du droit et la liberté complète de circulation
n’existent toujours pas pour les Serbes dans la province du Kosovo. Victimes du nettoyage

ethnique, les Serbes ont été forcés de quitter un certain nombre de villes du Kosovo, notamment la
capitale de la province, Pristina.

366. Les statistiques du ministère de l’intérieu r de la République de Serbie indiquent que
662 non-Albanais ont été assassinés et que 1 091 ont disparu au Kosovo entre le 10 juin 1999 et la

fin de 2006.

367. Parallèlement à la persécution visant la population non albanaise, de nombreuses églises

orthodoxes serbes sont devenues la cible d’attaques. Pour la seule année 1999, on a recensé plus de
70 églises et monastères pillés, profanés ou complètement détruits 341. Aujourd’hui encore, les plus

339TPIY , Procureur c. Astrit Haraqija & Bajrush Morina , affaireIT-04-84-R77.4, jugement du

17 décembre 2008 (en appel).
340Rapport final remis au Procureur du TPIY par le Comité créé pour examiner la campagne de bombardement
de la République fédérale de Yougos lavie par l’OTAN, [sans date], par. 90-91, disponible à l’adresse :
http://www.un.org/icty/pressreal/nato061300.htm

341Fr. Sava Janjic, Crucified Kosovo: Destroyed and Desecrated Serbian Orthodox Churches in Kosovo and
Metohija (1999), disponible à l’adresse : http://kosovo.net/sk/crucified/default.htm. - 90 -

importants monastères médiévaux, tels que le patria rcat de Pec, Visoki Decani et Gracanica, ont
besoin de la protection continue de la KFOR.

368. Dès juillet 1999, le HCR et l’OSCE ont signalé ce qui suit :

«Les semaines qui ont suivi le retrait des forces yougoslaves et l’arrivée de la
KFOR ont vu un exode des groupes ethniques mi noritaires, en particulier des Serbes
du Kosovo. La situation en matière de sécu rité demeure très tendue et totalement

imprévisible pour ceux qui sont restés, un gr and nombre d’entre eux devant faire face
à des actes incendiaires, faisant l’objet de menaces et, dans des cas extrêmes, risquant
d’être assassinés.» 342

369. En novembre1999, l’OSCE et le HCR ont signalé que: «La situation générale des

minorités ethniques au Kosovo reste précaire»...«il règne un climat de violence et d’impunité, et
les non-Albanais font l’objet de multiples actes de discrimination, de harcèlement et
d’intimidation.» 343

370. Dans leur rapport de février2000, l’OSCE et le HCR ont indiqué que la situation ne

s’était pas améliorée depuis leur rapport de novembre et qu’elle s’était en fait détériorée dans de
nombreux cas : «Les minorités restent exposées aux attaques et ne jouissent pas de la même qualité
de vie que la majorité de la population.» 344

371. Le rapport de février 2000 s’est fait l’écho des événements suivants :

«Il y a eu des incidents atroces, tels que celui qui s’est produit pendant la
Journée du drapeau albanais, le 28novembre1999, au cours duquel un Serbe du

Kosovo âgé a été arraché de sa voiture au cen tre de Pristina/Prishtina et tué par la
foule pendant que sa femme et sa belle-mère étaient violemment agressées; le meurtre
d’une famille de quatre Slaves musulmans (d es Torbesh) à leur domicile à Prizren le

12 janvier; le triple meurtre de trois Serbes du Kosovo près de Pasjane/Pasjan (dans la
municipalité de Gnjilane/Gjilan) le 16janvier; et, le15 janvier, le double meurtre, à
Djakovica/Gjakove, de deux Roms qui tentaient de protéger des biens roms contre une

attaque injustifiée; tous ces incidents sont un rappel terrifiant des dangers auxquels
sont exposées les minorités au Kosovo. On signale quotidiennement un grand nombre
d’autres attaques et actes de harcèlement et d’intimidation plus ou moins graves. Dans

un contexte aussi hostile, les minorités du Kosovo ont bien du mal à mener une vie
normale.» 345

372. La situation de la minorité serbe du Kosovo est demeurée inchangée en 2000 :

342
HCR/OSCE, Évaluation préliminaire de la situation des minorités ethniques au Kosovo, 10juillet1999, p.1,
par. 1, disponible à l’adresse : http://www.osce.org/documents/html/pdftohtml/1119_en.pdf.html.
343HCR/OSCE, Aperçu de la situation des minorités et hniques au Kosovo, 3novembre1999, p.1, par.2,
disponible à l’adresshttp://www.osce.org/documents/html/pdftohtml/1117_en.pdf.html.

344HCR/OSCE, Évaluation de la situation des minorités ethniques au Kosovo, 11 février 2000, p. 1, disponible à
l’adresse : http://www.osce.org/documents/html/pdftohtml/1116_en.pdf.html.

345HCR/OSCE, Évaluation de la situation des minorités ethniques au Kosovo, 11 février 2000, p. 2, disponible à
l’adresse : http://www.osce.org/documents/html/pdftohtml/1116_en.pdf.html. - 91 -

«L’absence de sécurité et de liberté de circulation reste le principal problème
des communautés minoritaires au Kosovo ... Il a été déterminé que les Serbes, qui sont

le plus durement touchés, ont été victim es de 105 actes incendiaires, de 49 agressions
caractérisées et de 26 cas de meurtre signalés à travers le Kosovo entre le 30 janvier et
le 27 mai 2000.» 346

373. En 2002, les communautés minorités au Kos ovo ont continué de devoir faire face à des

actes de harcèlement, d’intimidation et de provocation de gravité diverse, et de voir leur liberté de
circulation limitée 347.

374. Le HCR a signalé que 12Serbes du Kosovo ont été assassinés entre janvier et
348
novembre 2003 . Au milieu de 2004, le HCR a évalué la situation comme suit :

«Les Serbes du Kosovo sont restés les princi pales cibles de la violence interethnique,

non seulement quant au nombre d’incidents ou de victimes, mais quant à la gravité et à
la cruauté des crimes. Les Serbes ont été victimes de fusillades et de meurtres,
simples ou aggravés, dans les régions de Prishtine/Pristina, de Peje/Pec et de

Gjilan/Gnjilane, et d’attaques à la grenad e et à la bombe dans la région de
Gjilan/Gnjilane.» 349

375. En mars 2004, la situation s’est consid érablement dégradée pour les Serbes du Kosovo,

qui ont dû subir une aggravation de la violence à leur encontre : «[e]ntre le 16 et le 18 mars 2004,
le Kosovo a été le témoin d’une flambée de violence ethnique dirigée contre les communautés non
albanaises et contre la MINUK.» 350

«Le caractère généralisé et systématique de la violence a pris les autorités
civiles et militaires du Kosovo au dépourvu. Dans un premier temps, la KFOR, la

police de la MINUK et le SPK ont donc eu du mal à contrôler la situation. En bien
des endroits, ils n’ont pas pu protéger les minorités, leurs biens et l’infrastructure

municipale, et ne sont pas parvenus à empêcher le déplacement de très no351eux
membres des communautés minoritaires qui craignaient pour leur vie.»

«La campagne de violence ethnique a duré pendant trois jours et a fait 19morts et
954 blessés; 4100 personnes ont été déplacées, 550 maisons et 27 églises et

346
HCR/OSCE Point sur la situation des minorités ethniques au Kosovo, 31 mai 2000, p. 1, par. 2, disponible à
l’adresse :ttp://www.osce.org/documents/html/pdftohtml/1115_en.pdf.html.
347
Voir HCR/OSCE, Dixième évaluation de la situation des minorités ethniques au Kosovo (couvrant la période
allant de 2ai2 à décem2 bre02), mars 2003,5,p.disponible à l’adresse :
http://www.osce.org/documents/html/pdftohtml/903_en.pdf.html
348
«Kosovo minorities still need inter national protection, says UNHCR », 24août2004, disponible à l’adresse:
http://www.unhcr.org/cgi-bin/texis/vtx/home/opendoc.htm?tbl=NEWS&id=412….
349
HCR au Kosovo, Point sur les communautés rom, ashkali, égyptienne, serbe, bosniaque, gorani et albanaise en
situation de minorité en2ju0n,,pi.sponible à l’adresse :
http://www.unhcr.org/cgi-bin/texis/vtx/home/opendoc.pdf?tbl=SUBSITES&id….
350
Conseil de l'Europe, Commission de Venise, Avis sur les droits de l'homme au Kosovo, octobre2004, p.8,
par. 28, disponible à l’adresse :p://www.venice.coe.int/docs/2004/CDL-AD(2004)033-e.asp.
351
HCR au Kosovo, Point sur les communautés rom, ashkali, égyptienne, serbe, bosniaque, gorani et albanaise en
situation de minorité en2j0un,4 32,p. isponible à l’adresse :
http://www.unhcr.org/cgi-bin/texis/vtx/home/opendoc.pdf?tbl=SUBSITES&id…. - 92 -

monastères orthodoxes ont été brûlés et 182 autres maisons et deux églises/monastères
ont été endommagées» 352.

376. Certaines hommes politiques albanais du Kosovo de premier plan ont cautionné la

violence ou ne l’ont pas condamnée. Selon Human Right Watch, M. Nexhat Daci, le président de
l’Assemblée du Kosovo, «s’exprimant au nom du Pa rlement», a présenté les Albanais blessés et

tués dans le cadre de la violence ethnique dirigée contre les non-Albanais le 17 mars co353 «des
personnes [qui] sont mortes en combattant pour la démocratie et la liberté».

377. M. Hasim Thaci, l’actuel «premier ministre» de la prétendue «République du Kosovo»,
a déclaré ce qui suit :

«Les Serbes abusent de la bienveillan ce des Albanais, qui entendent créer une

société égale pour tous. Ils ne veulent pas s’intégrer à la société kosovare. C’est ce
qu’attestent les événements d’hier [noyade d’enfants] et d’aujourd’hui [les violences à
Mitrovica]. Tout ce qu’ils veulent depuis cinq ans, c’est la violence pour les Albanais.
354
On ne peut plus le tolérer.»

378. L’appareil judiciaire n’a pas réagi comme il aurait convenu à la violence. Selon la
mission de l’OSCE au Kosovo, les auteurs d’actes de violence qui ont été traduits devant les
355
tribunaux locaux ont été remis en liberté ou condamnés à des peines par trop légères .

379. En2004, la commission de Venise du Con seil de l’Europe a signalé que:«[d]e graves
menaces continuent à peser de manière persistante sur la sécurité des communautés non albanaises
du Kosovo (serbe, rom, ashkalie, égyptienne, bosniaque et goranie). De nombreux incidents, dont
356
plusieurs mortels, se sont produits depuis 1999» .

Par ailleurs, la Commission de Venise a rendu compte de l’absence de liberté de circulation
pour les membres des communautés non albanaises du Kosovo, de l’insuffisante protection de leurs
droits de propriété, du fait que les enlèvements et autres crimes graves ne font pas l’objet

d’enquêtes, du climat d’impunité qui sévit au Kosovo, du fait que les procédures judiciaires ne sont
pas équitables, de la corruption et de la traite des êtres humains 357.

380. En 2006, la situation ne s’était guère améliorée par rapport à la période précédente :

«Le nombre d’infractions graves motivées par l’origine ethnique signalées a
diminué, mais la communauté serbe continue d’être éprouvée par un nombre

352 OSCE, Human Rights Challenges – following the March riots, 25mai2004, p.4, disponible à l’adresse:
http://www.osce.org/documents/html/pdftohtml/2939_en.pdf.html.

353 HRW, The Response of the Kosovar Leadership to the Violence , p.1, disponible à l’adresse :
http://199.173.149.140/reports/2004/kosovo0704/8.htm.
354
Ibid.
355
Voir Mission de l’OSCE au Kosovo, Four Years LaterFollow up of March 2004 Riots, Cases before the Kosovo
Criminal Justice Sy(2teM8.), p. 14-16, disponible à l’adresse :
http://www.osce.org/documents/html/pdftohtml/32022_en.pdf.html
356
Conseil de l'Europe, Commission de Venise, Avis sur les droits de l'homme au Kosovo, octobre2004,
n 280/2004, CDL-AD (2004) 033, p. 8, par. 27.
357
o Conseil de l'Europe, Commission de Venise, Avis sur les droits de l'homme au Kosovo, octobre2004,
n 280/2004, CDL-AD (2004) 033, par. 24-50. - 93 -

considérable d’incidents. Les membres des minorités ethniques continuent d’être
victimes d’incidents de sécurité motivés par l’origine ethnique «mineurs», tels que les
violences physiques et verbales ou les menaces, les actes incendiaires, les jets de

pierres, le harcèlement et le pillage, et d’in cidents «majeurs», tels que les fusillades et
les assassinats. Un grand nombre de ces incidents ne sont pas signalés, les victimes

craignant les représailles que pourraient ex ercer contre 358es les membres de la
communauté majoritaire qui commettent ces infractions.»

381. Le HCR a estimé en 2006 que :

«l[a] Serbie (le Kosovo mis à part) accue ille à l’heure actuelle quelque 225000PDI
[déplacés intérieurs] venus du Kosovo et e nviron 115000refugiés, dans un contexte
général de difficultés socioéconomiques liées à un taux de chômage élevé et aux
359
sollicitations considérables dont le système de protection sociale fait l’objet» .

382. En 2007, l’OSCE a signalé que :

«le fait que les retours demeurent une prior ité huit ans après le conflit est bien la

preuve qu’aucun des mécanismes ni aucune des stratégies mis en place n’a permis
d’assurer une protection adéquate des droits des rapatriés» 360.

383. En2008, l’OSCE a signalé que les ret ours au Kosovo étaient peu nombreux, bien que
les autorités du Kosovo les encouragent officiellement 361, et elle a conclu que «[l]e processus de

retour est principalement desservi par un sentiment général d’insécurité parmi les personnes
déplacées, leurs difficultés d’accès aux biens et le blocage ou le retard des procédures de restitution
des biens.»

et

«[l]e cadre juridique et institutionnel réglementant et protégeant les droits de propriété
au Kosovo laisse encore à désirer. Toutes les communautés, en particulier la

communauté serbe du Kosovo, en souffrent car beaucoup de leurs membres ne sont
toujours pas rentrés chez eux ou attendent de se voir restituer des biens immeubles,
agricoles ou commerciaux.» 362

384. Dans leur grande majorité, les Serbes du Kosovo vivent dans ce que l’on appelle des

enclaves, à savoir des poches de territoire où ils demeurent l’ethnie majoritaire. Les principales
enclaves se trouvent dans le nord du Kosovo (dans les municipalités de Leposavic, Zubin Potok et

358UNHCR’s Position on the Continued International Prot ection Needs of Individuals from Kosovo (Position du
HCR relative aux besoins de protection internationale des particuliers au Kosovo), juin 2006, p. 3, par. 9-10, disponible à
l’adresse :ttp://www.unhcr.org/cgi-bin/texis/vtx/home/opendoc.pdf?tbl=SUBSITES&id=4492bd…

359Ibid., p. 9, par. 33.

360OSCE Eight years after ⎯ Minority returns and housing and property restitution in Kosovo, juin2007, p.6,
disponible à l’adresse : http://www.osce.org/documents/html/pdftohtml/25813_en.pdf.html.
361
Mission de l’OSCE au Kosovo, Human Rights, Ethnic Relati ons and Democracy in Kosovo
(été 2007-été 2008), septembre 2008, p. 12,3p,a.isponible à l’adresse :
http://www.osce.org/documents/html/pdftohtml/32879_en.pdf.html.
362
Mission de l’OSCE au Kosovo, Human Rights, Ethnic Relati ons and Democracy in Kosovo
(été 2007-été 2008), septembre 2008, p. 12,3p,a.isponible à l’adresse :
http://www.osce.org/documents/html/pdftohtml/32879_en.pdf.html, p. 13. - 94 -

Zvecan) et les plus petites dans le centre du Kosovo (Gracanica et Strpce, par exemple) 363. Les

Serbes du nord du Kosovo ne reconnaissent pas les autorités kosovares et la nouvelle structure de la
prétendue «République du Kosovo» . Toutefois, ils reconnaissent la MINUK et entretiennent des
liens étroits avec Belgrade :

«Dans le nord du Kosovo, où la popul ation est majoritairement composée de
Serbes, la séparation a en fait progressé par le biais de l’extension des institutions
administratives parallèles dans la sphère politique. Dans le reste du Kosovo, les

résultats des efforts faits pour intégrer la communauté serbe demeurent incertains. En
dépit de certains efforts déployés par le Gouvernement kosovar pour encourager les
Serbes du Kosovo à participer aux structures administratives et politiques, on observe

parmi cette communauté un sentiment très répandu d’insécurité et de méfiance qui
empêche tous contacts à l’extérieur des en claves. Les demandes de restitution de
biens en souffrance concernent surtout les Serbes du Kosovo. Les deux systèmes

éducatifs distincts ⎯les écoles kosovares et les écoles parallèles des Serbes du
Kosovo ⎯ne dispensent pas d’enseignement dans la langue de l’autre communauté,
ce qui contribue à séparer un peu plus les deux communautés.» 364

385. En conclusion, après juin1999, l’immense majorité des membres de la communauté
serbe et des autres communautés non albanaises du Kosovo ont été déplacés ou expulsés de la

province du Kosovo. Selon le HCR, il y aurait act uellement plus de 200 000 déplacés intérieurs en
provenance du Kosovo qui sont enregistrés dans d’autres parties de la Serbie.

386. Après juin1999, plus de 600Serbes et autres non-Albanais ont été assassinés, tandis
que plus de 1000 Serbes et autres non-Albanais ont disparu. La plupart de ces crimes motivés par
l’origine ethnique n’ont pas fait l’objet d’une enquête sérieuse et, partant, leurs auteurs n’ont jamais

été traduits en justice.

387. Au Kosovo, les Serbes ne vivent que dans le nord ou dans plusieurs enclaves. Les
conditions de vie dans les enclaves sont telles qu’en core aujourd’hui, près de 10 ans après l’arrivée
de la force internationale de maintien de la pa ix, leurs habitants continuent de recevoir l’aide

humanitaire et la protection armée de la KFOR, tandis que leur liberté de circulation et leur droit à
la vie ne sont pas garantis.

II. Les normes pour le Kosovo

388. Le représentant spécial du Secrétaire général au Kosovo a mentionné ce qu’il est
convenu d’appeler des repères, qui sont par la suite devenus des normes, pour la première fois lors

de la réunion que le Conseil de sécurité a tenue le 24 avril 2002 :

«Ces repères doivent être atteints av ant de lancer le débat sur le statut,

conformément à la résolution1244(1999). Les repères sont les suivants: existence
d’institutions efficaces, repr ésentatives et opérationnelles; application de la primauté
du droit; liberté de circulation pour tous; r espect du droit de tous les Kosovars de

rester ou de rentrer au Kosovo; déve loppement d’une base solide permettant
d’instaurer une économie de marché; mise en place d’un dispositif de protection précis

363
Voir Carte ethnique du Kosovo en 2005 dans mission de l’OSCE au Kosovo, Background report Human
Rights, Ethnic Relations and Democracy in Kosovo (été2007-été2008), annexe I, p.32, disponible à l’adresse :
http://www.osce.org/documents/html/pdftohtml/32879_en.pdf.html.
364Ibid. - 95 -

de la propriété privée; dialogue normali sé avec Belgrade; réduction et transformation
du Corps de protection du Kosovo en harmonie avec son mandat». 365

389. Le 10décembre2003, un document intitu lé «Normes pour le Kosovo» a été publié; il

énonçait les normes ci-après, que le Kosovo était censé mettre en oeuvre: institutions
démocratiques opérationnelles; Etat de droit; liberté de circulation; retours durables et droits des
communautés; économie; droits de propriété; dialogue; Corps de protection du Kosovo 36.

390. Le Conseil de sécurité a approuvé les «N ormes pour le Kosovo» dans une déclaration

de son président en date du 12 décembre 2003 : «Le Conseil de sécurité appuie les «Normes pour le
Kosovo» presentées le 10 décembre 2003.» 367

391. Les normes pour le Kosovo de2003 ont été développées dans un certain nombre de

documents, tels que le plan d’application des normes pour le Kosovo (KSIP) du 31mars2004, le
plan d’action et programme de sensibilisation de juin2005, le plan d’action en 46points de
décembre 2005 et le Plan d’action sur trois mois de janvier 2006 36.

392. En juin2005, le Secrétaire général a décidé de nommer un Envoyé spécial, M.Kai

Eide, qui serait chargé d’évaluer la situation au Kosovo s’agissant de l’application des normes et
les conditions dans lesquelles les phases suivantes du processus pourraient avoir lieu 369.

393. Dans le cadre de l’établissement de son rapport, M. Eide a eu des consultations avec des
responsables politiques à Belgrade et Pristina, des dirigeants de l’ensemble des communautés du

Kosovo, ainsi que des représentants des pays memb res du Conseil de sécurité, de divers Etats
Membres de l’ONU et d’organisations régionales (UE, OSCE, OTAN et Conseil de l’Europe) 370.

394. Dans son rapport, M.Eide s’est concentr é sur deux questions principales. La première

avait trait à la situation en ce qui concerne les normes pour le Kosovo. Selon M. Eide,

«[L’application des normes] a connu jusqu’à présent des résultats

contrastés…Les Serbes du Kosovo ont choisi de rester à l’écart des institutions
politiques centrales et d’entretenir des appareils parallèles de santé et d’enseignement.
Ils redoutent de ne devenir qu’un élément décoratif de toute institution politique

centrale mise en place, sans possibilité d’obte nir des résultats tangibles. Les Albanais
du Kosovo n’ont pas fait grand-chose pour dissiper ces craintes... Le taux de chômage

demeure élevé, la pauvreté est générale... A l’heure actuelle, le droit ne prime pas
parce qu’il n’y a ni capacité ni désir de faire respecter la législation à tous les

365
Nations Unies, doc. S/PV. 4518 (24 avril 2002), p. 4.
366Document «Standards for Kosovo» (normes pour le Kosovo), 10décembre2003, disponible à l’adresse :
http://www.unmikonline.org/standards/docs/leaflet_stand_eng.pdf .

367Nations Unies, doc. S/PV.4880 (12 décembre 2003).

368Kosovo Standards Implementation Plan (KSIP) (Plan d’application de s normes pour le Kosovo), 31 mars
2004, disponible à l’adresse :http://www.unmikonline.org/pub/misc/ksip_eng.pdf,; voir aussi le Processus relatif aux
normes pour le Kosovo 2003-2007, rapport de la MINUK, disponible à l’adresse :
http://www.unmikonline.org/standards/docs/KSP2003-2007.pdf.

369Nations Unies, doc. S/2005/364 (3 juin 2005).

370Nations Unies, doc. S/2005/635 (7 octobre 2005), par. 2. - 96 -

niveaux... La police et la justice du Kosovo so nt des institutions fragiles. Il faut user
de la plus grande circonspection avant d’ envisager de poursuivre le transfert de
compétences dans ces domaines… Pour ce qui est de l’édification d’une société

pluriethnique, la situation est sombre ... Globalement, les retours sont pratiquement au
point mort… Il y a de multiples incidents, dont des violences interethniques relevant
de la petite délinquance, qui ne sont pas signalés. Or, cela retentit sur la liberté de

circulation… A l’heure actuelle, (les) dro its (de propriété) ne sont ni respectés ni
garantis…Il y a là un obstacle de taille aux retours et aux moyens d’existence
durables.» 371

395. Dans la seconde partie de son rapport, M. Eide s’est focalisé sur la question du statut du

Kosovo : «Il n’y aura pas de moment privilégié pour aborder la question du statut futur du Kosovo.
La question demeurera particulièrement sensible. Pourtant, une évaluation d’ensemble porte à
conclure qu’il est temps d’entamer ce processus...» 372

396. Le 7 octobre 2005, le Secrétaire général de l’ONU a présenté le rapport de M. Eide au

Conseil de sécurité. Dans la lettre qui accompagnait le rapport, le Secrétaire général a résumé le
rapport de M. Eide et indiqué les dispositions qu’il comptait prendre de son côté :

«Compte tenu de l’évaluation donnée dans le rapport et des consultations
complémentaires que j’ai tenues, notamment avec mon représentant spécial,
M. Soren Jessen-Petersen, j’accepte la conclusion de M. Eide. J’ai donc l’intention de

commencer à préparer…l’éventuelle nomination d’un envoyé spécial qui serait
chargé de diriger le processus de définition du statut futur.» 373

397. Le 24octobre2005, le président du Conse il de sécurité a publié une déclaration dans
laquelle il approuvait le rapport de M. Eide 374.

III. Les négociations concernant le statut futur et leur résultat

1. Les négociations Ahtisaari

398. Le10 novembre2005, le Secrétaire général de l’ONU a nommé l’ancien président
finlandais, M. Martti Ahtisaari, son envoyé spécial ch argé de diriger le processus sur le statut futur
375
du Kosovo . Avant que les négociations ne s’engage nt, le groupe de contact a publié des
principes directeurs, selon lesquels, notamment,

«6. Le règlement du statut du Kosovo devra renforcer la sécurité et la stabilité
régionales, garantissant ainsi que le Kosovo ne reviendra pas à la situation d’avant
mars1999. Toute solution unilatérale r ésultant de l’emploi de la force sera

inacceptable. Le territoire actuel du Kosovo ne sera pas modifié; il n’y aura donc ni

371Ibid., p. 2-4.

372Ibid., p. 5.
373
Ibid.
374Nations Unies, doc. S/PRST/2005/51 (24 octobre 2005).

375Nations Unies, doc. S/2005/708 (10 novembre 2005). - 97 -

partition ni union avec un pays ou une partie d’un pays. L’intégrité t376itoriale et la
stabilité interne des voisins régionaux seront pleinement respectées.»

399. M.Ahtisaari a organisé les négociations dans le cadre d’une série de réunions de
négociation portant sur différentes questions, en co mmençant par les questions les moins difficiles,
telles que la décentralisation et la protection du patrimoine culturel, pour aborder ensuite les

questions plus litigieuses, telles que les questions économiques, et la question du statut final du
Kosovo.

400. Les négociations directes sur la question du statut se sont déroulées le 24juillet2006.
La Serbie et le Kosovo y avaient envoyé des délé gations du plus haut niveau. Après une journée

complète de négociation, M.Ahtisaari a tiré la conclusion suivante: «[i]l est évident que les
positions des deux parties demeurent très éloignées : Belgrade accepterait presque tout en dehors de
l’indépendance, tandis que Pristina n’accepterait qu’une indépendance complète» 377.

401. Le 2 février 2007, M. Ahtisaari a soumis aux parties sa proposition de règlement global
378
concernant le statut futur du Kosovo, en les invitant à se consulter à ce sujet .

402. La dernière session de négociations a eu lieu à Vienne (Autriche) du 21février au

10mars2007. Pendant cette session, la déléga tion serbe a présenté des modifications à la
proposition de règlement global qui prévoyaient à la fois la souveraineté de la Serbie et
l’autonomie la plus large possible pour le Kosovo 37. Ces modifications n’ont pas été acceptées,

mis à part certains détails techniques concernant la question du patrimoine culturel et celle des
limites des municipalités. Il convient toutefois de noter que la plus grande partie de la proposition
de règlement global n’a pas été examinée.

403. Le 26 mars 2007, M. Ahtisaari a présenté au Secrétaire général de l’ONU sa proposition

globale de règlement portant statut du Kosovo. Dans sa lettre de couverture, il indiquait ce qui
suit: «Recommandation: Le Kosovo devrait a ccéder à un statut d’indépendance sous la
supervision de la communauté internationale».

404. La Serbie n’a jamais accepté la propos ition globale de M.Ahtisaari. Le Parlement

serbe a adopté une résolution dans laquelle il constatait que la pr oposition globale portait atteinte
aux principes fondamentaux du droit international dans la mesure où elle ne prenait pas en
considération la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Serbie. Dans le même temps, la Serbie

376
Nations Unies, doc. S/2005/709 (10 novembre 2005).
377
NationsUnies, Bureau de l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour le processus concernant le statut futur
du Kosovo, communiqué de presse du 24 juillet 2006, UNOSEK PR/11.
378UNOSEK PR/16 (2 février 2007).

379Modifications à la proposition de règlement global concernant le statut futur du Kosovo apportées par l’équipe
de négociation de la République de Serbie, 2mars2007, disponible à l’adresse : http://www.media.srbija.sr.gov.
yu/medeng/documents/amendments_eng.pdf. - 98 -

a plaidé pour une solution consensuelle reposan t sur un compromis pour le règlement de la
question du statut futur du Kosovo 380.

2. La mission envoyée par le Conseil de sécurité dans la région en avril 2007

405. Après que le Secrétaire général lui eu t présenté la proposition globale, le Conseil de
sécurité a envoyé une mission à Belgrade et au Ko sovo pour obtenir des informations de première
main sur les progrès accomplis au Kosovo depuis l’ adoption de sa résolution 1244 (1999). Le chef

de la mission, l’ambassadeur Verbeke, ainsi que 15autres diplomates ont séjourné dans la région
entre le25 et le 28avril et ont présenté un rapport au Conseil de sécurité le 4mai2007 381. A

Belgrade, la délégation du Gouvernement serbe a présenté à la mission une proposition tendant à 382
engager de nouvelles négociations et contenant un projet de règlement de la question du statut .

383
406. La mission a présenté son rapport au Conseil de sécurité le 4mai2007 . Le rapport
tirait la conclusion suivante :

«Les positions des parties sur la proposition de règlement pour le Kosovo
demeurent très éloignées. Les autorités de Belgrade et tous les interlocuteurs serbes

du Kosovo…ont appelé de leurs vŒux une solution fondée sur un authentique
compromis, qui serait obtenu à l’issue de nouvelles négociations entre les
parties… Les représentants des Albanais du Kosovo et des autres communautés non

serbes, pour leur part, ont manifesté leur appui clair et sans équivoque à la proposition
de règlement pour le Kosovo et à la reco mmandation concernant le statut futur du

Kosovo. La population albanaise majoritair e espérait vivement que l’on trouve une
solution à la question du statut futur du Kosovo dans les plus brefs délais. Ses
représentants attendaient du Conseil de sécurité qu’il agisse sans tarder en vue

d’apporter une solution à cette question, estimant qu’il n’était pas nécessaire de
poursuivre les négociations entre les deux parties.»

407. En mai et juin2007, un certain nombre de projets de résolution concernant la
proposition globale ont été examinés, avant que, le 17 juillet 2007, l’Allemagne, la Belgique, les

Etats-Unis d’Amérique, la France, l’Italie et le Royaume-Uni ne finissent par présenter leur projet
de résolution au Conseil de sécurité 384. Toutefois, ils n’y ont pas obtenu l’appui nécessaire à un
vote en faveur de ce projet. Le 20juillet2007, ses coauteurs ont publié une déclaration dans

380Voir Rezolucija Narodne skupstine Re publike Srbije povodom «Predloga za sveobuhvatno resenje statusa

Kosova» Specijalnog izaslanika general nog sekretara UN Martija Ahtisarija i nastavko pr egovora o buducem statusu
Kosova i Metohije , Sluzbeni glasnik RS [Journal officiel de la République de Serbie]18/2007 ; traduction anglaise
disponible à l’adresse : http://www.srbija.gov.rs/kosovo-metohija/index.php?id=31735
381
Nations Unies, doc. S/2007/220 (20 avril 2007).
382Proposition de la République de Serbie relative austatut du Kosovo, 26avril2007, pièce81 des pièces et
documents soumis à l’appui du présent exposé écrit.

383Nations Unies, doc. S/2007/256 (4 mai 2007), par. 59.

384NationsUnies, doc.S/2007/437 (17 juillet 2007), pièce 36 des pièces et documents soumis à l’appui du
présent exposé écrit. - 99 -

laquelle ils indiquaient qu’il avait été impossibl385e faire adopter une résolution du Conseil de
sécurité qui appuierait la proposition globale .

3. Les négociations de la Troïka

er
408. Le 1 août2007, le président du Conseil de sécurité a appris du groupe de contact
qu’une nouvelle initiative en vue de négociations sur le Kosovo avait été lancée et il a déclaré
appuyer pleinement cette initiative. Une équipe de négociation tripartite, composée de

représentants des Etats-Unis d’Amérique, de la Fédé ration de Russie et de l’UE, a été constituée.
Les négociations de la Troïka ont été menées dans le cadre d’une série de réunions et ont pris fin au
début de décembre 2007 386.

409. Le 10 décembre 2007, la Troïka a présenté son rapport au Secrétaire général de l’ONU.

Ce rapport aboutissait à la conclusion suivante :

«les parties n’ont pu parvenir à un accord sur le statut final du Kosovo. Ni l’une ni

l’autre n’était prête à modifier sa position sur la question fondamentale de la
souveraineté sur le Kosovo, ce qui est regr ettable, un règlement négocié étant dans
l’intérêt supérieur des deux parties.»

4. La déclaration unilatérale d’indépendance (DUI)

410. Le 17 février 2008, l’Assemblée du Kosovo a adopté la DUI. Les députés représentant
la minorité nationale serbe du Kosovo ont boycotté la séance de l’Assemblée du Kosovo lors de
387
laquelle la DUI a été adoptée . Par la suite, une prétendue «constitution du Kosovo» a été
adoptée le 8 avril 2008.

er
1A11. avril2009, sur un total de 192Etats Membres de l’ONU, la prétendue
«République du Kosovo» n’avait été reconnue que par 56 Etats.

385Déclaration publiée le 20 juillet 2007 par l’Allemagnela Belgique, les Etats-Unis d’Amérique, la France,
l’Italie et le Royaume-Uni, coauteurs du projet de résolution sur le Kosovo présenté au Conseil de sécurité de l’ONU le
17juillet, disponible à l’adresse : http://www.unosek.org/docref/2007-07-20%20-%20Statement%20issued%20by%
20the%20co-sponsors%20of%20the%20draft%20resolution%20.doc , pièce 37 des pièces et documents soumis à l’appui

du présent exposé écrit.
386Nations Unies, doc. S/2007/723 (10 décembre 2007).

387Voir la déclaration du Secr étaire général lors de la réunion du Cons eil de sécurité sur le Kosovo tenue le
18 février 2008, Nations Unies, doc. S/PV.5839 (18 février 2008), p. 2. - 100 -

TROISIEME PARTIE

AUCUNE DISPOSITION DU DROIT INTERNATIONAL GÉNÉRAL NE PEUT
ÊTRE INVOQUÉE POUR JUSTIFIER L’INDÉPENDANCE DU KOSOVO

C HAPITRE 6

LA DECLARATION UNILATERALE D INDEPENDANCE EST EN CONTRADICTION

AVEC LE PRINCIPE DU RESPECT DE L INTEGRITE TERRITORIALE DES E TATS

412. Le principe du respect de l’intégrité territoriale des Etats est un principe fondamental du

droit international. C’est l’un des éléments essentiels du concept prééminent de la souveraineté des
Etats et il génère une série de normes. Le fa it pour la communauté internationale d’accepter une
règle de droit international énonçant un droitnon consensuel de sécession d’entités constitutives
d’Etats souverains reviendrait à rompre le con sensus international antérieurement bien établi

concernant l’intégrité territoriale des Etatsd’une manière qui pourrait avoir de très graves
conséquences. C’est ce qui ne manquerait pas de se produire si elle acceptait la DUI des
institutions provisoires d’administration autonome du Kosovo.

413. Dans la présente section, il est allégué que :

i) Le principe de l’intégrité territoriales Etats est l’un des éléments essentiels du droit

international;

ii) Il garantit la définition spatiale des Etats d’une façon qui s’impose à tous les membres de
la communauté internationale;

iii) Ce principe alimente une très importante pratique internationale et régionale;

iv) Tous les Etats sont tenus de respecter l’intégrité territoriale des autres Etats;

v) L’obligation de respecter l’intégrité territo riale s’étend au-delà des Etats et s’impose aux
acteurs non étatiques dans des situations caractérisées par des tentatives non consensuelles
de porter atteinte à l’intégrité territoriale d’Etats indépendants;

vi) Le fait que le principe de l’intégrité te rritoriale puisse s’imposer aux acteurs non étatiques
s’appuie sur des exemples auxquels renvoient un certain nombre de résolutions du Conseil
de sécurité;

vii) En outre, la série des résolutions du Coseil de sécurité traitant de l’ex-Yougoslavie en
général et du problème du Kosovo en particu lier montre bien qu’il s’agit de lier les

dirigeants et la communauté des Albanais du Kosovo par le principe de l’intégrité
territoriale de la Serbie.

A. L A NATURE ET L ’IMPORTANCE DU PRINCIPE

DE L’INTEGRITE TERRITORIALE

414. Le droit international repose sur la centralité de l’indépendance, de la souveraineté et de

l’égalité des Etats. Au centre de la doctrine de la souveraineté des Etats, on trouve le principe
d’égalité souveraine, qui a été défini comme suit en termes faisant autorité :

«a) Les Etats sont juridiquement égaux ; - 101 -

b) Chaque Etat jouit des droits inhérents à la pleine souveraineté ;

c) Chaque Etat a le devoir de respecter la personnalité des autres Etats ;

d) L’intégrité territoriale et l’indépendance politique de l’Etat sont inviolables ;

e) Chaque Etat a le droit de choisir et de développer librement son système politique,
social, économique et culturel ;

f) Chaque Etat a le devoir de s’acquitter pleinement et de bonne foi de ses
obligations internationales et de vivre en paix avec les autres Etats.» 388

415. Les Etats sont les principaux sujets du dr oit international et la souveraineté des Etats

traduit à la fois l’exercice de l’autorité suprêm e de l’Etat sur son territoire et la protection
extérieure de l’existence et des limites territorial es de l’Etat vis-à-vis des autre Etats et des autres

acteurs du système politique et juridique interna tional. Oppenheim, par exemple, a relevé que
«[l’]autorité exclusive d’un Etat sur son territoire est la pierre angulaire du système
international» 389. Cette autorité exclusive existe et est reconnue comme constituant le fondement

du droit international. Sans elle, le droit interna tional ne serait pas le système basé sur l’Etat qu’il
est depuis l’Antiquité. Ce serait en fait un système bien différent, très éloigné des conceptions et
réalités contemporaines.

416. Les attributs de la qualité d’Etat sont ax és sur les critères de population, de territoire et
390
de gouvernance . Mais quelle que soit la façon dont on dé finit ces attributs et quel que soit le
poids relatif de chacun d’entre eux, le critère territorial est indispensable. Comme Oppenheim l’a
391
fait observer, «il n’est pa s d’Etat sans territoire» . Le territoire est le cadre indispensable à
l’exercice de la souverainetéde l’Etat. Il représentele contexte spatial de l’existence même de l’Etat
et se trouve de ce fait aucŒur du droit international.

417. Dans tout système de droit international fondé sur des Etats souverains et indépendants,

le principe de la protection de l’intégrité de l’ expression territoriale de ces Etats ne peut que revêtir
une grande importance. Oppenheim a confirmé que «l’importance du territoire de l’Etat tient au fait

qu’il s’agit 392l’espace au sein duquel l’Etat ex erce son autorité suprême et en principe
exclusive» . Bowett a jugé ce principe fondamental en droit international et y a vu un fondement
essentiel des relations juridiques entre les Etats 393.

418. Avec les principes dérivés de compétence in terne, de non-ingérence et d’interdiction de

l’emploi de la force, la norme fondamentale du respect de l’intégrité te rritoriale des Etats est

388Résolution 2625 (XXV) de l’Assemblée générale.

389R.Y. Jennings et A.D. Watts (eds.), Oppenheim’s International Law (1992), p.564. Voir, d’une façon
générale, M.G. Kohen, Posession Contestée et Sou veraineté Territoriale (1997); J.Castellino et S.Allen, Title to
Territory in International Law: A Temporal Analysis (2002); G. Distefano, L’Ordre international entre légalité et
effectivité : Le titre juridique dans le contentieux territor(2002) ; R. Y. Jennings, The Acquisition of Territory in

International Law (1963); M.N. Shaw, «Territory in Internationa l Law», 13NetherlandsYIL(1982), p.61; N. Hill,
Claims to Territory in In ternational Law and Relations (1945); J. Gottman, The Significance of Territory (1973); et S.
P. Sharma, Territorial Acquisition, Disputes and International Law (1997).
390 e
Voir J. Crawford, The Creation of States in International Law (2 éd., 2006).
391Op cit., p. 563.

392Op. cit., p. 564.

393D. W. Bowett, Self-Defence in International Law (1958), p. 29. - 102 -

déterminante pour l’élaboration des principes liés au maintien de la paix et de la sécurité
internationales. Elle souligne également le car actère axé sur l’Etat et décentralisé du système
politique international, et traduit et exprime l’ég alité souveraine des Etats en tant que principe

juridique. On voit que l’intégrité territoriale et la souveraineté de l’Etat sont des principes
indissolublement liés du droit international.

419. Dans l’affaire de l’Île de Palmas, point de départ de toute analyse de cette branche du

droit international, il a été souligné 394: «[l]a s ouveraineté territoriale implique le droit exclusif
d’exercer des activités Etatiques» ,

tandis que :

«[l]a souveraineté, dans les relations entre Etats, signifie l’indépendance

L’indépendance, relativement à une partie du globe, est le droit d’y exercer, à
l’exclusion de tout autre Etat, les fonctions étatiques. Le développement de
l’organisation internationale des Etats durant les derniers siècles et, comme corollaire,

le développement du droit international ont établi le principe de la compétence
exclusive de l’Etat en ce qui concerne son propre territoire, de manière à en faire le
point de départ du règlement de la plupart des questions qui touchent aux rapports
395
internationaux.»

420. En conséquence, le concept de souveraineté de l’Etat ne peut être exercé que par le biais
d’un contrôle exclusif du territoire, de sorte que ce contrôle devient la pierre angulaire du droit

international, tandis que l’exclus ivité du contrôle signifie qu’aucun autre Etat ne peut exercer sa
compétence à l’intérieur du territoire d’un autre Etat sans le consentement exprès de celui-ci.
Autrement dit, l’évolution du droit international su r la base de l’autorité exclusive de l’Etat à

l’intérieur d’un cadre territorial accepté396gnifie que le territoire est devenu «peut-être le concept
fondamental du droit international» . Ce principe comporte deux aspects: il établit à la fois la
compétence prééminente de l’Etat sur son territo ire et l’absence de comp étence d’autres Etats sur

ce même territoire. La reconnaissance de la s ouveraineté d’un Etat sur son territoire entraîne
également la reconnaissance de la souveraineté des autres Etats sur leur propre territoire. Dans
l’affaire du Détroit de Corfou, la Cour internationale de Justi ce a clairement souligné «qu’[e]ntre

Etats indépendants, le respect de la souveraineté territoriale est l’une des bases essentielles des
rapports internationaux» 397.

421. Ces principes ont été développés par les juridictions mondiales. C’est ainsi, par

exemple, que, dans l’affaire du «Lotus», la Cour permanente de Justice internationale a relevé que :
«la limitation primordiale qu’impose le droit international à l’Etat est celle d’exclure ⎯ sauf
l’existence d’une règle permissive contraire ⎯tout exercice de sa puissance sur le territoire d’un
398
autre Etat» , tandis que la Cour internationale de Justice a, dans l’affaire du Détroit de Corfou,
insisté sur «l’obligation, pour tout Etat, de ne pas laisser utiliser son territoire aux fins d’actes
399
contraires aux droits d’autres Etats» et a relevé, dans l’affaire du Droit d’asile , qu’une

394Affaire de l’île de Palmas (Pays-Bas c. Etats-Unis d’Amérique), 1 RSA 829, 839 (1928).

395Ibid., p. 838.
396 e
D. P. O’Connell, International Law (2 éd., 1970), vol. I, p. 403.
397
L’Affaire du Détroit de Corfou (Royaume-Uni c. Albanie), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1949, p. 35.
398L’affaire du Lotus, arrêt n 9, 1927, C.P.J.I. série A n 10, p. 18.

399L’affaire du Détroit de Corfou (Royaume-Uni c. Albanie), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1949, p. 22. - 103 -

«dérogation à la souveraineté territoriale ne saurait être admise, à moins que leo fndement juridique
n’en soit établi dans chaque cas particulier» . 400

422. L’obligation que le droit impose aux Etats est donc de respecter l’intégrité territoriale

des autres Etats, ce sur quoi la Cour a insisté dans l’affaire du 401 Nicaragua, en réaffirmant
«l’obligation de tout Etat de respecter l’intégrité territoriale des autres» . Il s’agit d’une obligation qui
découle de la souveraineté des Etats ainsi que de le ur égalité. Cela a été confirmé par la doctrine.

Vattel a souligné que «[n]on seulement on ne doit point usurper le territoire d’autrui, il faut encore le
respecter et s’abstenir de tout acte contraire aux droits du souverain» . Un auteur a noté que «[p]our

les Etats, le respect de leur intégrité territoriale revêt une importan403primordiale… Cette règle
joue un rôle fondamental dans les relations internationales» . Il a été dit aussi que «[r]ares sont
les principes du droit international contemporain qui sont aussi solidement établis que celui de
404
l’intégrité territoriale des Etats» .

423. Il importe naturellement de noter que ce tte obligation n’a pas simplement pour but de
protéger le territoire en tant que tel ou le droit d’ exercer une juridiction sur le territoire ou même la
souveraineté territoriale: le respect de l’ intégrité territoriale des Etats comporte une obligation

supplémentaire, qui est de préserver le territoire comme un tout ou la définition ou la délimitation
d’un Etat donné. Tous les Etats ont l’obligation de reconnaître que la structure territoriale et la

configuration mêmes d’un Etat doivent être resp ectées. Tandis que le principe de souveraineté
territoriale concerne la nature de la relation entre l’Etat et son territoire et en définit le caractère
juridique essentiel, le principe d’intégrité territori ale va plus loin en affirmant que cette relation

doit être protégée au plan international, en tant que question de droit international et dans un
contexte spatial défini.

424. Pour dire les choses autrement, tous l es Etats ont l’obligation non seulement d’éviter de

violer les frontières internationales, mais aussi de reconnaître et de protéger la composition
territoriale des autres Etats. C’ est le volet positif de l’impératif négatif de non-ingérence. Comme
nous le verrons plus loin, cette obligation incombe également aux acteurs non étatiques intéressés.

425. Le principe d’intégrité territoriale a un important corollaire, à savoir une forte
405
présomption à l’encontre d406émembrement , comme l’illustre, par exemple, le concept de
stabilité des frontières . Ce concept a été validé par un très grand nombre de décisions de justice.
La Cour internationale de Justice, par exemple, s’ est référée en particulier à «la permanence et la

400Affaire du Droit d’asile (Colombie/Pérou), arrêt, C.I.J. Recueil 1950, p. 275.

401Affaire des Activités militaires et paramili taires au Nicaragua et contre ce lui-ci (Nicaragua c.Etats-Unis
d’Amérique), fond, arrêt, C.I.J.Recueil 1986, p.111, par. 213, et p. 128, par. 251-252 (ci-après dénommée : « Affaire du
Nicaragua»).

402E.deVattel, Le Droit des Gens, réimpression de l’édition de 1758 (W ashington, 1916), volumeI, livreII,
p. 323, par. 93.

403M. G. Kohen, «Introduction» dans M. G. Kohen (éd.), Secession: International Law Perspectives (2006), p. 6.
404
Voir l’opinion des professeurs Franck , Higgins, Pellet, Shaw et Tomuschat concernant l’«Intégrité territoriale
du Québec en cas d’accession à la souveraineté», 8 a1i992, par2..16, disponible à l’adress:e
http://www.uni.ca/library/5experts.html.
405
Crawford, The Creation of States, op .cit., p. 415.
406
M.N.Shaw, «The Heritage of States: The Principle of Uti Possidetis Juris Today», 67 British Year Book of
International Law (1996), p.75, 81; voir aussi K.H. Kaikobad, «Some Observations on the Doctrine of Continuity and
Finality of Boundaries», 54 British Year Book of International Law (1983), p.119 et S. Lalonde, Determining
Boundaries in a Conflicted World (2002), chapitre 5. - 104 -

407
stabilité de la frontière terrestre» dans l’affaire du Plateau continental Tunisie408bye et à la
nécessité de «stabilité et de finalité» dans l’affaire du Temple de Preah Vihear .

426. Dans l’affaire Libye/Tchad, la Cour a souligné que «[l]a fixation d’une frontière dépend
de la volonté des Etats souverains directement intéressés» 409et a noté ensuite qu’«[u]ne fois

convenue, la frontière demeure, car toute autre approche priverait d’effet le principe fondam410al
de la stabilité des frontières, dont la Cour a souligné à maintes reprises l’importance» .

427. L’importance de ce concept dans les circonstances présentes tient à ce qu’il sert à
mettre en évidence le principe selon lequel aucune modification territoriale ne peut se faire sans le

consentement de l’Etat intéressé. En conséquence, si la communauté internationale devait accepter
telle quelle la DUI des institutions proviso ires d’administration autonome du Kosovo, cela
reviendrait à proposer une réorientation radicale du droit international, qui porterait sérieusement

atteinte au principe de stabilité des frontières. Pour citer la Cour, ce tte réorientation rendrait
«précaire» le tracé des frontières sur la base d’ une «procédure constamment ouverte», à savoir un
droit international de sécession d’Etats souverains étendu à une sécession non consensuelle.

428. Ainsi, l’importance du principe du respect de l’intégrité territoriale des Etats a-t-elle été

affirmée à maintes reprises par l’autorité judiciaire et confirmée par la doctrine.

B. L’O RGANISATION DES N ATIONS U NIES A MAINTES FOIS AFFIRME
LE PRINCIPE DE L ’INTEGRITE TERRITORIALE

I. D’une façon générale

429. La communauté internationale a, par l’inte rmédiaire des organisations internationales et

régionales, mis en relief l’importance du principe de l’intégrité territoriale. Par exemple,
l’article10 du Pacte de la Société des Nations se lisait comme suit: «Les Membres de la Société

s’engagent à respecter et à maintenir contre tout e agression extérieur411’intégrité territoriale et
l’indépendance politique présente de tous les Membres de la Société.»

430. Par ailleurs, les dispositions ci-après de la Charte des Nations Unies sont
particulièrement pertinentes. Le paragraphe1 de l’article2 s tipule que l’Organisation elle-même
«est fondée sur le principe de l’égalité souveraine de tous ses Membres», et le paragraphe 4 du

même article dispose que «[l]es Membres de l’Or ganisation s’abstiennent, dans leurs relations
internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale

ou l’indépendance politique de tout Etat…». Ce dernier principe est naturellement l’un des
principes fondamentaux de l’Organisation des Nations Unies.

407
Affaire du Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne), arrêt, C.I.J. Recueil 1982 , p. 66, par. 84.
Voir aussi l’Affaire Grisbadarna, Scott, The Hague Court Reports, 1916, p. 122, 130.
408
Affaire du Temple de Préah Vihéar (Cambodge c. Thaïlande), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1962, p. 34.
409Différend territorial (Jamahiriya arabe libyenne/Tchad), arrêt, C.I.J. Recueil 1994, p. 23, par. 45.

410Ibid., p. 37, par. 72.
411
Voir aussi le dernier des 14poi nts exposés par le président Woodr ow Wilson devant le Congrès le
8janvier1918, qui se référait à la nécssité de créer une association générades nations, sur la base d’un pacte
spécifique, dans le but d’«offrir des garanties mutuelles d’indépendance politique et d’intégrité territoriale aux petits Etats
comme aux grands», disponible à l’adresse :p://wwi.lib.byu.edu/index.php/President_Wilson%27s_Fourteen_Points. - 105 -

431. Si la norme imposant le respect de l’ intégrité territoriale s’applique aux Etats

indépendants, ils ne sont pas les seuls concernés. La communauté internationale a cherché à
préserver la configuration territoriale spécifique des territoires coloniaux lorsque le mouvement de
décolonisation a commencé à prendre de l’ampleur et elle a fait de plus en plus souvent référence
aux acteurs non étatiques dans le contexte du resp ect de l’intégrité territoriale. Ainsi, au

paragraphe 4 de sa résolution 1514 (XV) (la déclarat ion sur l’octroi de l’indépendance aux pays et
aux peuples coloniaux) adoptée le 14décembre1960, l’Assemblée générale a expressément
demandé qu’il soit mis fin à toute action armée diri gée contre les peuples dépendants et a souligné
412
que «l’intégrité de leur territoire national sera respectée» .

432. L’Organisation des Nations Unies, tout en insistant sur le principe de l’intégrité

territoriale dans le mouvement qui devait mener les territoires coloniaux à l’indépendance, a été
tout aussi claire en ce qui concerne la nécessité de respecter l’intégrité territoriale des Etats. Le
paragraphe 6 de la déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux est

ainsi libellé: «[t]oute tentative visant à détruire partiellement ou totalement l’unité nationale et
l’intégrité territoriale d’un pays est incompatible avec les buts et les principes de la Charte des
Nations Unies.»

433. La résolution2625(XXV) de l’Asse mblée générale, adoptée le 24octobre1970
(déclaration relative aux principes du droit interna tional touchant les relations amicales et la
coopération entre les Etats conformément à la Char te des Nations Unies) a souligné l’importance

du respect de l’intégrité territoriale, en premier lieu au paragraphe7 du pr incipe de l’égalité de
droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes, à savoir la «clause de sauvegarde» 413,
et, en second lieu, dans la disposition suivante : «[ t]out Etat doit s’abstenir de toute action visant à

rompre partiellement ou totalement l’unité nationale et l’intégrité territori ale d’un autre Etat ou
d’un autre pays».

434. A l’article5 de la déclaration sur le droit au développement, adoptée le
4 décembre 1986 dans sa résolution 41/128, l’Assemb lée générale a demandé aux Etats de prendre
des mesures décisives pour éliminer «[les] menaces contre la souveraineté nationale, l’unité

nationale et l’intégrité territoriale». Au para graphe3 de sa résolution48/182 relative au
renforcement de la coordinati on de l’aide humanitaire d’urgence de l’Organisation des Nations
Unies, adoptée le 19 décembre 1991, l’Assemblée a déclaré que

«[l]a souveraineté, l’intégrité territoriale et l’unité nationale des Etats doivent être
pleinement respectées en conformité avec la Charte des Nations Unies. Dans ce
contexte, l’aide humanitaire devrait être fournie avec le consentement du pays touché
et en principe sur la base d’un appel du pays touché».

435. En outre, dans sa résolution 52/112 relative à l’utilisation de mercenaires comme moyen

de violer les droits de l’homme et d’ empêcher l’exercice du droit des peuples à
l’autodétermination, adoptée le 12 décembre 1997, l’Assemblée générale a expressément réaffirmé
«les buts et principes consacrés dans la Charte des Nations Unies concernant l’observation
rigoureuse des principes de l’égalité souveraine, de l’indépendance politique, de l’intégrité

territoriale des Etats . . .».

412
Résolution1514(XV) de l’Assemblée générale; voir aussi la résolution2625(XXV) de l’Assemblée
générale, «Le principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes», par. 6.
413
Voir plus loin, chapitre 7, par. 0 et suiv. - 106 -

414
436. La déclaration du Millénaire, adoptée pa r l’Assemblée générale le 8 septembre 2000 ,
a réaffirmé la volonté des chefs d’Etat et de gouvernement rassemblés sous les auspices de
l’Organisation des Nations Unies d’appuyer, entre autres, tous les efforts visant à assurer «l’égalité

souveraine de tous les Etats, le respect de leur intégrité territoriale et de leur indépendance
politique...». Cette déclaration a été réaffirmée dans le document final du sommet mondial
de2005, dans lequel les dirigeants mondiaux ont ré itéré leur volonté de tout faire «pour défendre

l’égalité souveraine et le respect de l’intégrité territoriale et de l’indépendance politique de tous les
Etats» 415. A son tour, cette disposition du document final du sommet mondial a été expressément
réaffirmée dans la Stratégie antiterroriste mondial e de l’Organisation des Nations Unies, adoptée
416
par l’Assemblée générale en 2006 .

437. L’approche consistant à reconnaître les droits particuliers de sujets du droit international
autres que des Etats tout en réaffirmant le princi pe d’intégrité territoriale a trouvé une expression
dans la déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, adoptée le
417
7 septembre 2007 . L’article 46 de cette déclaration stipule notamment ce qui suit :

«Aucune disposition de la présente déclar ation ne peut être interprétée comme

impliquant pour un Etat, un peuple, un groupement ou un individu un droit
quelconque de se livrer à une activité ou d’accomplir un acte contraire à la Charte des
Nations Unies, ni considérée comme autorisant ou encourageant aucun acte ayant pour

effet de détruire ou d’amoindrir, totalement ou partiellement, l’intégrité territoriale ou
l’unité politique d’un Etat souverain et indépendant.»

438. On remarquera que cette disposition vise expressément «un Etat, un peuple, un
groupement ou un individu» en ce qui concerne l’in terdiction de toute activité de nature à porter

atteinte, entre autres, à l’intégr ité territoriale d’un Etat. Elle montre donc que l’obligation de
respecter la norme de l’intégrité territoriale ne concerne pas uniquement les Etats et elle indique les

différents acteurs non étatiques auxquels cette norme peut s’imposer.

439. En conséquence, il est incontestable que l’Organisation des Nations Unies a, en

précisant les principes fondamentaux du droit intern ational, réaffirmé à maintes reprises que le
respect de l’intégrité territoriale des Etats fait partie intégrante de ce corpus de droit.

II. En ce qui concerne les conflits internes en particulier

440. Toutefois, l’Organisation des Nations Unies ne s’en est pas tenue à la réaffirmation du
droit des Etats au respect de leur intégrité terr itoriale. Elle a également fait valoir expressément
que le principe de l’intégrité territoriale s’app lique aux acteurs non étatiques impliqués dans des

situations de guerre civile ou de sécession.

414Résolution 55/2 de l’Assemblée générale.

415Résolution 60/1 de l’Assemblée générale, par. 5.
416
Résolution 60/288 de l’Assemblée générale. Voir égal ement les résolutions de l’ Assemblée générale 57/337,
relative à la prévention des conflits armés, dans laquelll’Assemblée a réaffirmé son attachement aux principes de
l’indépendance politique, de l’égalité souveraine et de l’inté grité territoriale de tous les Etats; 59/195, concernant les
droits de l’homme et le terrorisme, au paragraphe1 de laquelle l’Assemblée s’est référée à l’intégrité territoriale des
Etats ; et 53/243, contenant la déclaration et le programme d’ action sur une culture de la paix, dans laquelle, à l’alinéa h)
de l’article 15, l’Assemblée a invité les Etats à s’abstenir de toute forme de coercition militaire, politique ou autre, dirigée
contre l’indépendance politique ou l’intégrité territoriale d’un Etat.

417Résolution 61/295 de l’Assemblée générale. - 107 -

441. La norme de l’intégrité territoriale a également été mentionnée et réaffirmée dans un

grand nombre de résolutions de l’ONU adoptées en 418 réponse à des situations spécifiques, des
conflits internes dans la quasi-totalité des cas . Quelques exemples suffiront à montrer à quel
point le principe de l’intégrité territoriale es t essentiel pour la communauté internationale et à
mettre en évidence le fait qu’il est réputé s’appliquer non seulement aux Etats tiers, mais aussi aux

groupes internes.

1. Les conflits en Bosnie-Herzégovine et en Croatie

442. Dans le cas de la Bosnie-Herzégovine, une série de résolutions du Conseil de sécurité
ont combiné la réaffirmation de l’intégrité territori ale de l’Etat avec un appel à régler le différend

lancé à toutes les parties. Par exemple, au paragraphe 1 du dispositif de la résolution 752 (1992), le
Conseil de sécurité :

«Exige que toutes les parties et les autres intéressés en Bosnie-Herzégovin
e

arrêtent immédiatement les combats, respectent immédiatement et pleinement le
cessez-le-feu signé le 12avril1992 et c oopèrent aux efforts de la Communauté
européenne pour parvenir d’urgence à une so lution politique négociée en respectant le

principe selon lequel toute modification de frontières par la force est inacceptable.»

443. La résolution770(1992) a également réaffirmé la nécessité de respecter l’intégrité

territoriale de la Bosnie-Herzégovine et exigé à nouveau que «toutes les parties et les autres
intéressés en Bosnie-Herzégovine arrêtent immédiatement les combats».

444. Dans la résolution 787 (1992), le Conseil s’est déclaré profondément préoccupé par «les
menaces contre l’intégrité territoriale de la République de Bosnie-Herzégovine». En particulier, au
paragraphe 3 du dispositif de cette résolution, le Conseil :

«Réaffirme avec force son appel lancé à toutes les parties et aux autres
intéressés pour qu’ils respectent strictement l’ intégrité territoriale de la République de
Bosnie-Herzégovine et affirme qu’aucune entité unilatéralement proclamée ni aucun

arrangement imposé en violation de ladite in tégrité ne seront admis.» (C’est nous qui
soulignons.)

445. Cet appel pressant lancé à toutes les parties, qui englobe manifestement les groupes
internes, pour quelles respectent strictement l’intégrité territoriale de la Bosnie-Herzégovine revêt
une importance particulière dans le cadre de la présente procédure.

446. Dans sa résolution836(1993), le Conseil a réaffirmé «la souveraineté, l’intégrité
territoriale et l’indépendance politique de la République de Bosnie-Herzégovine et la responsabilité

du Conseil de sécurité à cet égard» et a condamn é «les attaques militaires, et les actes portant
atteinte au respect de la souverain eté, de l’intégrité territoriale et de l’indépendance politique de la
République de Bosnie-Herzégovine», tandis que dans sa résolution847(1993), il a condamné
énergiquement

418Les situations concernant une agression extérieurmenée par un Etat contre un autre ne seront pas
examinées dans la présente section, voir, par exemple, la résolution 687(1991) du Conseil de sécurité sur l’invasion
du Koweït par l’Iraq, qui prétendait annexer ce pays, et le s résolutions 3212(XXIX) et37/ 253 de l’Assemblée générale
sur Chypre; non plus que les situations coloniales, voir, par exemple, la ré solution 389(1976) du Conseil de sécurité

demandant à tous les Etats de respecter l’intégrité territoriale du Timor oriental. - 108 -

«les attaques militaires qui continuent d’être lancées dans le te rritoire des Républiques

de Croatie et de Bosnie-Herzégovine, et [a ] réaffirm[é] sa volonté résolue d’assurer le
respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la République de Croatie et
des autres Etats Membres où la FORPRONU est déployée».

Dans sa résolution 859 (1993), il a, au paragraphe 6 du dispositif, affirmé

«[qu’]une solution du conflit dans la Répub lique de Bosnie-Herzégovine doit être
conforme à la Charte des Nations Unies et aux principes du droit international; et

affirme également que, dans ce contexte, continuent d’être pertinent[e]s: a) la
souveraineté, l’intégrité territoriale et l’ indépendance politique de la République de
Bosnie-Herzégovine».

447. Dans la résolution942(1994), le Conseil de sécurité, affirmant son «engagement en
faveur d’un règlement négocié du conflit dans l’ex-Yougoslavie, qui préserve l’intégrité territoriale

de tous les Etats concernés à l’intérieur de leurs frontières internationalement reconnues», a
condamné énergiquement «la partie des Serbes de Bosnie pour son refus d’accepter le règlement
territorial proposé, et exig[é]qu’elle accepte ce règlement inconditionnellement et dans son

intégralité», et a imposé des sanctions contre elle.

448. Dans la résolution 982 (1995), le Conseil, affirmant de nouveau

«son engagement en faveur de la recher che d’un règlement négocié d’ensemble des
conflits dans l’ex-Yougoslavie, qui garantisse la souveraineté et l’intégrité territoriale
de tous les Etats concernés à l’intérieu r de leurs frontières internationalement

reconnues, et soulignant l’importance qu’il attache à leur reconnaissance mutuelle»,

a réaffirmé en particulier «son attachement à l’in dépendance, à la souveraineté et à l’intégrité
419
territoriale de la Républiq ue de Bosnie-Herzégovine» et a demandé «à toutes les parties et aux
autres intéressés de respecter pleinement toutes les résolutions du Conseil de sécurité concernant la
situation dans l’ex-Yougoslavie, afin de cr éer les conditions propres à faciliter le plein
accomplissement du mandat de la FORPRONU».

449. Une démarche analogue a été appliquée à la question de la Croatie et de la Krajina,
région du sud de la Croatie peuplée de Serbes. Dans la résolution981(1995), par exemple, le

Conseil de sécurité a affirmé, d’une manière générale,

«son engagement en faveur de la recher che d’un règlement négocié d’ensemble des

conflits dans l’ex-Yougoslavie, qui garantisse la souveraineté et l’intégrité territoriale
de tous les Etats concernés à l’intérieu r de leurs frontières internationalement
reconnues, et soulignant l’importance qu’il attache à leur reconnaissance mutuelle».

et, d’une manière spécifique, «son attachement à l’indépendance, à la souveraineté et à l’intégrité
territoriale de la République de Croatie». Dans ce contexte, le Conseil a demandé «au
Gouvernement de la République de Croatie et aux autorités serbes locales de s’abstenir de recourir
à la menace ou à l’emploi de la force et de réaffirmer leur engagement en faveur du règlement
420
pacifique de leurs différends» .

419
Voir aussi la terminologie analogue utilisée en ce qui concerne la Croa tie dans la résolution1009(1995) du
Conseil de sécurité.
420
Voir aussi les résolutions 990 (1995), 994 (1995) et 1009 (1995) du Conseil de sécurité. - 109 -

450. Dans ses résolutions 1088 (1996), 1423 (2002), 1491 (2003), 1551 (2004), 1575 (2004),
421
1639 (2005), 1722 (2006), 1785 (2007) et 1845 (2008) , le Conseil de sécurité a appuyé l’accord-
cadre général pour la paix en Bosnie-Her zégovine (également dénommé «Accord de
Paris-Dayton») 422et l’accord de Dayton sur la mise en place de la Fédération de
423
Bosnie-Herzégovine du 10novembre1995 . Cet appui a été exprimé au premier paragraphe du
dispositif de la résolution, immédiatement après la mention du fait que le Conseil agissait en vertu
du Chapitre VII de la Charte. Il était également demandé aux parties à ces accords de s’acquitter

strictement des obligations qui en découlaient, notamment, bien entendu, celle de respecter
l’intégrité territoriale de la Bosnie-Herzégovine. De fait, le but même de ces accords était de
garantir l’intégrité territoriale et la souveraineté de la Bosnie-Herzégovine.

451. Les parties à l’accord-cad re général étaient la Bosnie-H erzégovine, la Croatie et la

République fédérale de Yougoslavi e, tandis que les obligations visées dans ses annexes étaient
également assumées par le gouvernement central et les entités de la Bosnie-Herzégovine. Les
parties à l’accord de Dayton sur la mise en plac e de la Fédération de Bosnie-Herzégovine étaient
les autorités centrales de la Bosnie-Herzégovine et les autorités de l’une des entités de celle-ci, à

savoir la Fédération de Bosnie-Herzégovine, tandis que l’annexe à l’accord a été signé par les deux
maires de la ville de Mostar et son administrateur de l’UE.

452. Les parties ⎯y compris les entités de la Bosnie-Herzégovine ⎯doivent donc être
considérées comme doublement tenues de respecter les frontières existantes, en application à la fois

des accords de paix et des résolutions contraignantes du Conseil de sécurité.

2. La situation en Somalie

453. Face à la guerre civile qui dure essentiellement depuis 1991 en Somalie, la communauté
internationale s’est toujours focalis ée sur l’intégrité territoriale de cet Etat, en dépit des pressions

sécessionnistes exercées, par exemple, par le «Soma liland» et le «Puntland», et la poursuite d’un
conflit armé interne débouchant sur l’absence d’un gouvernement in ternationalement reconnu qui
exercerait un contrôle effectif sur le territoire de l’Etat. Par exemple, dans sa

résolution1766(2007), le Conseil de sécurité a ré affirmé «l’importance de la souveraineté, de
l’intégrité territoriale, de l’indépendance politique et de l’unité de la Somalie», tout en prorogeant
le mandat du Groupe de contrôle vi sé au paragraphe 3 de la résolution 1558 (2004) concernant un

embargo sur les armes et en soulignant que les ins titutions fédérales de transition doivent continuer424
«de s’employer à mettre en place un véritable système de gouvernance nationale en Somalie» .

454. Dans la résolution 1772 (2007), le Conseil de sécurité a réaffirmé «son attachement à la
souveraineté, à l’intégrité territoriale, à l’indé pendance politique et à l’unité de la Somalie»,
cherché à encourager le processus de réconciliatio n nationale et autorisé les Etats membres de

l’Union africaine à maintenir une mission en Somalie pour une nouvelle période de six mois. Dans
une déclaration de son président en date du 19d écembre, le Conseil de sécurité a réaffirmé son
appui énergique à la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM) tout en réaffirmant

«respecter la souveraineté, l’intégrité territoriale, l’indépendance politique et l’unité de la

421Voir pièces 15 et 21-28 des pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit.
422
Nations Unies, doc. S/1995/999, annexe (30 novembre 1995).
423
Nations Unies, doc. S/1995/1021, annexe (8 décembre 1995).
424Voir aussi les résolutions733(1992), 1519(2003), 1558(2004), 1587(2005) et 1744(2007) du Conseil de
sécurité. - 110 -

425
Somalie» . Dans le cadre de la poursuite de sa mission, l’Union africaine a réaff426é «sa volonté
de respecter l’unité, l’intégrité territoriale et la souveraineté de la Somalie» .

427
455. L’autorisation du Conseil de sécurité concernant l’AMISOM a été renouvelée depuis ,
comme le mandat du groupe de contrôle 428, dans les deux cas dans des résolutions réaffirmant

expressément l’attachement à la souveraineté, à l’intégrité territoriale et à l’unité de la Somalie. En
outre, dans ses résolutions où il invite les Etat s à prendre, en coopération avec le gouvernement
fédéral de transition, des mesures contre les pirat es qui sévissent au large des côtes somaliennes, le

Conseil de sécurité a réaffirmé «son attachement à la souveraineté, à l’intégrité territoriale, à
l’indépendance politique et à l’unité de la Somali e, y compris aux droits de la Somalie sur les
ressources naturelles se trouvant au large de ses côtes, notamment les pêcheries, conformément au
429
droit international» .

456. Il apparaît clairement qu’en insistant en permanence comme il l’ a fait sur l’intégrité
territoriale de la Somalie face aux pressions séce ssionnistes et au conflit interne, le Conseil
s’adressait non seulement aux Etats, mais aussi aux acteurs non étatiques intéressés.

3. La situation en Géorgie

457. Dans le cas de la Géorgie, le Conseil de sécurité a adopté le 8 avril 1994 une déclaration
de son président dans laquelle le Conseil a inv ité «les deux parties à respecter strictement le

cessez-le-feu et à s’acquitter scrupuleusement des enga gements pris dans le cadre des accords» qui
avaient été signés. Une nouvelle déclaration du pr ésident a été adoptée le 2 décembre 1994, dans
laquelle il était indiqué ce qui suit :

«Le Conseil de sécurité a pris conna issance avec une profonde préoccupation
d’un rapport du Secrétariat concernant une déclaration du 26 novembre 1994 attribuée

au Soviet suprême d’Abkhazie (République de Géorgie). Il exprime sa conviction que
tout acte unilatéral prétendant établir un e entité abkhaze souveraine constituerait une
violation des engagements pris par la pa rtie abkhaze de rechercher un règlement

politique global du conflit géorgeo-abkhaze. Le Conseil de sécurité réaffirme son
attachement à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de la République de Géorgie.

Le Conseil de sécurité demande à toutes l es parties, en particulier à la partie
abkhaze, d’accomplir des progrès substantiels dans les négociations menées sous les
auspices des Nations Unies avec le concours de la Fédération de Russie en tant que

facilitateur et avec la participation de repr ésentants de la CSCE en vue de parvenir à
un règlement politique global, y compris sur le statut politique de l’Abkhazie, dans le
plein respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la République de

Géorgie, et sur la base des principes énoncés dans toutes ses résolutions
pertinentes.» 430

425Nations Unies, doc. S/PRST/2007/49 (19 décembre 2007).

426 Voir la décision du Conseil de paix et de sécuritéde l’Union africaine, Communiqué publié à l’issue de
163e réunion, décembre 2008, par. 3.

427Voir, par ex., les résolutions 1801 (2008), 1816 (2008) et 1831 (2008) du Conseil de sécurité.
428
Voir, par ex., les résolutions 1811 (2008) et 1853 (2008) du Conseil de sécurité.
429Voir les résolutions 1846 (2008) et 1851 (2008) du Conseil de sécurité.

430Nations Unies, doc. S/PRST/1994/78 (2 décembre 1994). - 111 -

458. Le Conseil de sécurité a ultérieureme nt adopté des résolutions réaffirmant «la

souveraineté, l’indépendance et l’ intégrité territoriale de la Géorgie à l’intérieur de ses frontières
internationalement reconnues» et invitant «les deux parties» au conflit géorgeo-abkhaze à régler
leur différend uniquement par des moyens pacifiques «et dans le cadre fixé par les résolutions du
431
Conseil de sécurité» . De plus, dans la résolution1781( 2007), le Conseil a appelé «la partie
abkhaze à faire preuve de retenue» et «les deux parties» à mettre à profit les mécanismes existants
en vue de parvenir à un règlement pacifique, et, dans la résolution1808(2008), il a noté que

l’ONU «continue(rait) de soutenir le processus de règlement du conflit entre les parties abkhaze et
géorgienne», mais il a réaffirmé l’intégrité territoriale de la Géorgie et a appuyé tout ce que font les
Nations Unies pour régler le différend géorgeo-abkhaze «uniquement par des moyens pacifiques et
dans le cadre fixé par ses résolutions».

4. La situation en République démocratique du Congo

459. En ce qui concerne la guerre civile qui se poursuit dans la République démocratique du
Congo («RDC»), au cours de laquelle se sont également manifestées de nombreuses tendances
sécessionnistes, l’Organisation des Nations Unies a mi s le plus grand soin, dans ses résolutions, à

réaffirmer «son attachement à la souveraineté, à l’intégrité territoriale et à l’indépendance
politique» de cet Etat. Ces résolutions ont prorogé le mandat et le déploiement de la Mission de
l’Organisation des Nations Unies en Républi que démocratique du Congo (MONUC), qui est

notamment responsable de la sécurité territoriale de la RDC, tandis que tous les gouvernements de
la région (en particulier ceux du Burundi, de l’ Ouganda et du Rwanda, ainsi que celui de la RDC
elle-même) ont été exhortés à régler d’une manièr e positive leurs problèmes communs de sécurité
432
et de frontières .

460. Par exemple, dans la résolution1756( 2007), le Conseil de sécurité a réaffirmé son

attachement au respect «de la souveraineté, de l’ intégrité territoriale et de l’indépendance politique
de la République démocratique du Congo», en rappelant l’importa nce, pour la stabilisation à long
terme de la République démocratique du Congo, de mener à bien de façon urgente la réforme du

secteur de la sécurité et de désarmer, démobiliser, réinstaller ou rapatrier, selon qu’il convient, et de
réinsérer les groupes armés congolais et étrangers; en réaffirmant sa grave préoccupation devant la
présence «de groupes armés et de milices»; en déplorant les violations des droits de l’homme et du
droit international humanitaire commises par ces «milices et groupes armés»; en notant que la

MONUC avait, entre autres fonctions, celles d’obs erver et de rendre compte de la position des
«mouvements et groupes armés» et de dissuader toute tentative de recours à la force qui menacerait
le processus politique de la part de «tout groupe armé, étranger ou congolais» ; en exigeant que les

«milices et groupes armés» qui sont encore présents dans l’est de la République démocratique du
Congo déposent leurs armes et en exhortant tous les gouvernements de la région à faire cesser
l’utilisation de leurs territoires respectifs «en soutien aux activités des groupes armés présents dans
433
la région» .

461. Dans la résolution1771(2007), le Conse il de sécurité a réaffirmé son attachement au

respect de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’indépendance politique de la RDC,
réitéré la préoccupation que lui inspirait la pr ésence de «groupes armés et de milices», rappelé
l’importance, «pour la stabilisation à long term e (du pays),...de réinsérer les groupes armés

congolais et étrangers» et exigé que «toutes les parties et tous les Etats» coopèrent aux travaux du
Groupe d’experts créé par la résolution 1533.

431Voir, par ex., les résolutions 1752 (2007), 1781 (2007) et 1808 (2008) du Conseil de sécurité.
432
Voir, par ex., la résolution1756(2007) du Conseil de sécurité; voir aussi ses résolutions1316(2000),
1493 (2003), 1565 (2005) et 1711 (2006).
433Voir résolution 1756 (2007) du Conseil de sécurité. - 112 -

462. Dans la résolution1804(2008), le Conseil de sécurité, réaffirmant son attachement au

respect de l’intégrité territoriale de la RDC (et d’ ailleurs de celle du Rwanda et de tous les autres
Etats de la région), a souligné que :

«l’embargo sur les armes imposé par la r ésolution1493(2003), tel qu’étendu par la

résolution1596(2005), interdit la fourniture d’armes et de matériel connexe ou de
formation et d’assistance techniques à tous les groupes armés étrangers et aux milices
congolaises illégales en République démocratique du Congo…»,

tandis que la résolution1807(2008) a, entre autres, imposé une interdiction de voyager et un gel
des avoirs à certaines personnes et entités, notamment celles qui entravaient la démobilisation et la
réinsertion des combattants.

463. En outre, la résolution60/170 de l’A ssemblée générale, adoptée le9 mars2006, après
avoir fait expressément référence (au paragraphe4) aux «milices» et aux «groupes liés à

l’extraction et au commerce de ... ressources», dispose ce qui suit :

«5. Demande instamment à toutes les parties, y compris celles qui n’ont pas
signé l’Accord global et inclusif sur la transition, en République démocratique du

Congo :

a) De respecter et de continuer d’appliquer l’accord global et inclusif sur la transition

et de cesser immédiatement toute action entravant la consolidation de la
souveraineté, de l’unité et de l’intégrité territoriale de la République démocratique
du Congo ;

b) D’apporter leur appui au Gouvernement de transition et à ses institutions, afin de
permettre le rétablissement de la st abilité politique et économique et le
renforcement progressif des structures de l’Etat sur l’ensemble du territoire de la

République démocratique du Congo…»

5. La situation au Soudan

464. La guerre civile au Soudan, elle aussi, est aujourd’hui encore un sujet de préoccupation
pour l’ONU et l’Union africaine. Dans la résolution 1556 (2004), le Conseil de sécurité a approuvé
le «déploiement d’observateurs internationaux, y compris la force de protection envisagée par

l’Union africaine, dans la région du Darfour sous la direction de l’Union africaine», tout en
réaffirmant «son attachement à la souveraineté, à l’unité, à l’intégrité territoriale et à
l’indépendance du Soudan».

465. Dans la résolution1769(2007), le Conseil de sécurité a réaffirmé son «ferme
attachement à la souveraineté, à l’unité, à l’indé pendance et à l’intégrité territoriale du Soudan» 43,

a rappelé en particulier la déclaration de son président approuvant les accords d’Addis-Abeba et
d’Abuja et a demandé «à toutes l es parties d’appliquer intégralement ces accords sans délai et de
faciliter le déploiement immédiat des dispositifs d’appui initial et d’appui renforcé des Nations
Unies à la mission de l’Union africaine au Soudan (MUAS) ainsi que d’une opération hybride au
435
Darfour» .

434
Voir résolution 1769 (2007) du Conseil de sécurité, deuxième alinéa du préambule.
435
Ibid. - 113 -

466. Dans cette résolution, le Conseil de sécurité a autorisé et prescrit la mise en place d’une

opération hybride UA/ONU au Darfour (MINUAD) selon les modalités prévues dans un rapport du
Secrétaire général et du président de la Comm ission de l’Union africaine et compte tenu de
violations flagrantes des droits de l’homme 436. Par ailleurs, le Conseil de sécurité a exhorté «toutes

les parties» au conflit au Darfour à s’abstenir de tout acte susceptible d’en traver l’application de
l’accord de paix pour le Darfour et a, au paragr aphe4 du dispositif, engagé «toutes les parties» à
faciliter d’urgence le déploiement intégral des dispositifs d’appui initial et d’appui renforcé des

Nations Unies à la Mission de l’Union africaine au Soudan (MUAS) ainsi que la constitution de la
MINUAD. Au paragraphe13 du dispositif, le Con seil de sécurité a également lancé un appel à
«toutes les parties au conflit au Darfour pour qu’elles cessent immédiatement toutes les hostilités et

adhèrent durablement à un cessez-le-feu permanent».

467. Par ailleurs, au paragraphe 18 du dispositif, le Conseil :

« Souligne qu’il ne saurait y avoir de solution militaire au conflit du Darfour, se
félicite de l’engagement pris par le Gouvernement soudanais et d’autres parties au

conflit d’entamer des pourparlers et le processus politique sous la médiation ⎯ et dans
le respect des délais fixés dans la feuille de route ⎯de l’envoyé spécial des Nations

Unies pour le Darfour et de l’envoyé spécial de l’Union africaine pour le Darfour, qui
jouissent de son soutien total, attend avec intérêt de voir ces parties concrétiser cet
engagement, demande aux autres parties au conflit de faire de même et presse toutes

les parties, en particulier les mouvements non signataires, de conclure leurs préparatifs
pour ces pourparlers.»

468 Le Secrétaire général a été prié de rendre compte au Conseil des progrès accomplis,
notamment, dans «la mise en Œuvre de l’accord de paix pour le Darfour et le respect par les parties
de leurs obligations internationales et des engagements qu’elles ont pris dans les accords
437
pertinents» .

469. Enfin, au paragraphe 22 du dispositif, le Conseil: « Exige des parties au conflit du

Darfour qu’elles s’acquittent de le urs obligations internationales et des engagements qu’elles ont
pris dans les accords pertinents, ainsi que des obliga tions découlant de la présente résolution et des
autres résolutions pertinentes du Conseil.»

470. L’un des accords pertinents en question est bien évidemment l’Accord de paix pour le
438
Darfour, qui affirme expressément «la souveraineté, l’unité et l’intégrité territoriale du Soudan» .

471. L’attachement au respect de l’intégrité territoriale du Soudan a été mentionné dans
439
toutes les résolutions du Conseil de sécurité sur la question . Dans la résolution 1784 (2007), par
exemple, le Conseil a invité «toutes les parties» à accepter immédiatement que la MINUS mène en
toute liberté ses activités de contrôle et de vérification dans la région de l’Abyei (entre le nord et le

sud du Soudan). En conséquence, le fait que le Conseil de sécurité ait fait à plusieurs reprises
référence à «toutes les parties», ce qui, au vu des circonstances, incluait manifestement les acteurs

436Nations Unies, doc. S/2007/307/Rev.1 (5 juin 2007).
437
Nations Unies, doc. S/2007/307/Rev.1 (5 juin 2007), alinéa d) du paragraphe 21 du dispositif.
438
Accord de paix pour le Darfour, disponible à l’adresse :
http://allafrica.com/peaceafrica/resources/view/00010926.pdf, préambule.
439Voir les résolutions 1590 (2005), 1828 (2008) et 1841 (2008) du Conseil de sécurité. - 114 -

non étatiques au Soudan, constitue un point essentiel s’agissant de l’obligation dans laquelle ces
acteurs non étatiques se trouvent de respecter l’intégrité territoriale de l’Etat intéressé.

472. De plus, en évoquant la question du débo rdement, sur les territoires du Soudan, de la
République centrafricaine et du Tchad, des guerres civiles nées dans ces trois pays, le Conseil de

sécurité a, dans la résolutio n1778(2007), réaffirmé «son attachement au respect de la
souveraineté, de l’unité, de l’intégrité territorial e et de l’indépendance po litique du Tchad et de la

République centrafricaine» et, après avoir signalé le rôle incombant à ces deux Etats, a demandé à
«toutes les parties» de coopérer pleinement au déploiement et aux activités de la Mission des
Nations Unies en République centrafricaine et au Tchad (MINURCAT) et de l’opération de

l’Union européenne, et a réaffirmé l’obligation pour «toutes l440parties» d’appliquer pleinement les
règles et principes du droit international humanitaire .

6. Autressituations

473. Dans d’autres situations, l’Organisati on des Nations Unies a également réaffirmé
systématiquement son attachement à l’intégrité terr itoriale d’Etats en proie à des différends et des
conflits internes. Dans le cas de l’Iraq, par exempl e, le Conseil de sécurité, en établissant, puis en

prorogeant le mandat de la Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Iraq (MANUI) et
s’agissant de la force multinationale en Iraq, a régulièrement réaffirmé «l’indépendance, la
souveraineté, l’unité et l’intégrité territoriale» de cet Etat 441.

474. En ce qui concerne l’Afghanistan, le Conseil, au moment d’imposer des sanctions

contre le régime des Taliban en1999, s’est déclaré à nouveau «résolument attaché à la
souveraineté, à l’indépendance, à l’intégrité territoriale et à l’unité nationale» de ce pays et a insisté
442
pour que les Taliban «se conforme[nt] sans attendre aux résolutions antérieures du Conseil» ,
comme il l’a fait par la suite dans des résolutions concernant la Mission d’assistance des Nations
Unies en Afghanistan (MANUA) et la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS) 443.

475. En outre, l’intégrité territoriale d’un certain nombre d’autres Etats aux prises avec des
444
conflits ou des différends internes a été expressément réaffirmée . Dans le cas du Liban, par
exemple, le Conseil de sécurité a, dans la réso lution 1701 (2006), après avoir réaffirmé son «ferme

440Voir résolution 1778 (2007) du Conseil de sécurité, paragraphes 13 et 17 du dispositif.

441Voir les résolutions1500(2003), 1546(2004), 1557(2004), 1619(2005), 1700(2006), 1770(2007),
1790 (2007) et 1830 (2008) du Conseil de sécurité. Dans la résolution 1770 (2007), par exemple, le Conseil de sécurité a,
après avoir réaffirmé l’intégrité territori ale de l’Iraq, souligné «la nécessité pour toutes les communautés iraquiennes de
rejeter le sectarisme, de participer au processus politique de s’associer à un dialogue politique ouvert à tous et à la

réconciliation nationale dans l’intérêt de la stabilité politique et de l’unité de l’Iraq». Cette formulation a été reprise dans
la résolution 1830 (2008).
442Voir résolution 1267 (1999) du Conseil de sécurité.

443Voir, par ex., les résolutions1386(2001), 1510(2003), 1707(2006), 1746(2007) et 1776(2007) du Conseil
de sécurité.

444Voir, par ex., les résolutions1780(2007) et 1840(2008) du Conseil de sécurité concernant Haïti; sa
résolution 1796(2008) du Conseil de sécurité concerna nt le Népal; les résolutions1719(2006) et 1791(2007)
concernant le Burundi; ses résolutions1782(2007), 1765(2007), 1795(2008) et 1826(2008) concernant la Côte
d’Ivoire; la résolution 1268(1999) du Conseil de sécurité et la résolution52/211 de l’Assemblée générale concernant

l’Angola; la résolution 1306(2000) du Conseil de sécurité concernant la Sierra Leone; la résolution37/43 de
l’Assemblée générale concernant les Comores; la déclar ation du président du Conseil de sécurité en date du
20juillet1993, S/26118, concernant l’Ukraine; les résolu tions822(1993), 853(1993), 874(1993) et 884(1993) du
Conseil de sécurité et la résolution 62/243 de l’Assemblée générale conc ernant l’Azerbaïdjan et tous les autres Etats de
la région. - 115 -

attachement … à l’intégrité territoriale, à la souve raineté et à l’indépendance politique» de ce pays
compte tenu du conflit ayant opposé Israël et le He zbollah cette année-là, affirmé que «toutes les
parties sont tenues de veiller à ce que ne soit menée aucune action» qui pourrait être préjudiciable à
445
la recherche d’une solution à long terme .

476. Nul ne peut donc contester que la prati que internationale a systématiquement affirmé
l’intégrité territoriale des Etats, tant dans l’ab solu que dans les cas spécifiques d’Etats en proie à
des conflits ou différends internes. Cette pratique, qui confirme et renforce la norme fondamentale

de l’intégrité territoriale, montre qu’il existe une règle internationale à cet effet qui s’applique non
seulement aux Etats voisins et aux autres Etats, mais aussi aux groupes qui, dans l’Etat en question,
aspirent à une sécession non consensuelle.

C. L E DROIT CONVENTIONNEL REGIONAL A LUI AUSSI TOUJOURS DEFENDU

LE PRINCIPE DE L ’INTEGRITE TERRITORIALE

477. L’intégrité territoriale est très souvent me ntionnée dans les traités et autres instruments

régionaux. En voici quelques exemples.

478. En ce qui concerne l’Europe, le Principe IV de la déclaration sur les principes régissant
les relations mutuelles des Etats participants, laque lle figure dans l’acte final d’Helsinki adopté le
1er août 1975 pendant la conférence sur la sécurité et la coopération en Europe, se lit comme suit :

«Les Etats participants respectent l’in tégrité territoriale de chacun des autres
Etats participants.

En conséquence, ils s’abstiennent de tout acte incompatible avec les buts et
principes de la Charte des Nations Unies c ontre l’intégrité territoriale, l’indépendance

politique ou l’unité de tout Etat participant, et en particulier de toute action de ce genre
représentant une menace ou un emploi de la force.

De même, les Etats participants s’abstiennent chacun de faire du territoire de
l’un d’entre eux l’objet d’une occupation militaire ou d’autres mesures comportant un
recours direct ou indirect à la force contrevenant au droit international, ou l’objet

d’une acquisition au moyen de telles mesure s ou de la menace de telles mesures. 446
Aucune occupation ou acquisition de cette nature ne sera reconnue comme légale.»

479. Dans la charte de Paris pour une nouvelle Europe, adoptée par la nouvellement
rebaptisée Organisation pour la sécurité et la c oopération en Europe en novembre1990, les Etats

participants ont réaffirmé ce qui précède dans les termes suivants :

445Voir aussi les résolutions347(1974), 425(1978), 436(1978), 444(1979), 467(1980), 490(1981),
508(1982), 509(1982), 520 (1982), 542(1983), 564(1985), 587(1986), 1052(1996), 1559(2004), 1655(2006) et

1757 (2007) du Conseil de sécurité. Voir aussi la résolution 36/226 de l’Assemblée générale.
446Déclaration sur les principes régissant les relations mutuelles des Etats participants figurant dans l’acte final
d’Helsinki adopté le 1eaoût1975. A noter également qu’aux termes du PrincipeI, les Etats participants «respectent

mutuellement leur égalité souveraine et leur individualité ainsi que tous les oits inhérents à leur souveraineté et
englobés dans celle-ci, y compris, en particulier, le droit de chaque Etat à l’égalité juridique, à l’intégrité territoriale, à la
liberté et à l’indépendance politique». Selon le PrincipeIIles Etats participants «s’abs tiennent dans leurs relations
mutuelles, ainsi que dans leurs relations internationales en général, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit
contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un Etat, soit de toute autre manière incompatible avec les buts
des Nations Unies et la présente déclaration». Conformé ment au PrincipeIII, les Et ats participants «tiennent
mutuellement pour inviolables toutes leurs frontières ainsi que celles de tous les Etats d’Europe». - 116 -

«Conformément à nos obligations aux term es de la Charte des Nations Unies et
à nos engagements en vertu de l’acte final d’Helsinki, nous réitérons notre

détermination à nous abstenir de recourir à la menace ou à l’emploi de la force contre
l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout Etat, ou d’agir de toute autre
manière incompatible avec les principes ou les buts de ces documents.» 447

480. Le Conseil de l’Europe, pour sa part, a adopté deux conventions particulièrement

pertinentes. Premièrement, la charte européenne des langues régionales ou minoritaires, adoptée le
5 novembre 1992, dispose, à son article 5 que :

«[r]ien dans la présente charte ne pourra êt re interprété comme impliquant le droit
d’engager une quelconque activité ou d’accomplir une quelconque action contrevenant

aux buts de la Charte des Nations Unies ou à d’autres obligations du droit
international, y compris le principe de la souveraineté et de l’intégrité territoriale des
Etats» 448.

481. Deuxièmement, la convention-cadre pour la protection des minorités nationales,
er
adoptée le 1 février1995, souligne la nécessité d’ assurer une coopération entre Etats qui soit
«respectueuse de la constitution et de l’intégrité territoriale de chaque Etat» et: «la protection

effective des minorités nationales et des droits et libertés des personnes appartenant à ces dernières
dans le respect de la prééminence du droit, de l’intégrité territoriale et de la souveraineté nationale»

tandis que l’article 21 dispose qu’

«[a]ucune des dispositions de la présente convention-cadre ne sera interprétée comme

impliquant pour un individu un droit que lconque de se livrer à une activité ou
d’accomplir un acte contraire aux principes fondamentaux du droit international et
notamment à l’égalité souveraine, à l’intégrité territoriale et à l’indépendance politique
449
des Etats» .

482. La charte de la Communauté d’Etats indépendants, adoptée à Minsk le
22 janvier 1993 450, énumère à son article 3, parmi les principes sur lesquels repose la Communauté,

l’inviolabilité des frontières des Etats, la rec onnaissance des frontières existantes et le rejet
d’annexions illicites de territoires, l’intégrité territoriale des Etats et le rejet de toute action visant à
démembrer un territoire étranger.

447Charte de Paris pour une nouvelle Europe ( 19-20 novembre 1990), disponible à l’adresse :
www.osce.org/documents/mcs/1990/11/4045_en.pdf; voir aussi la déclaration de Li sbonne sur un modèle de sécurité
e
commun et global pour l’Europe du XXI siècle (1996), point 6; la Charte de s écurité européenne (1999), point 16, et
l’accord d’adaptation du Traité sur les forces conventionnelle s en Europe (1999), dans leque l les Etats participants ont
réaffirmé «leur obligation de s’abstenir da ns leurs relations mutuelle s, ainsi que dans leurs relations internationales en
général, de recourir à la menace ou à l’em ploi de la force, contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de
tout Etat, ou de toute autre manière incompatible avec les buts et les principes énoncés dans la Charte des Nations
Unies».

448Charte européenne des langues régi onales ou minoritaires (ouverte à la si gnature le 5 novembre 1992, entrée
en vigueur le 1rmars 1998), STCE n° 148.

449Convention-cadre pour la protection des minorités nationales (ouverte à la signature le 1 f évrier 1995, entrée
en vigueur le 1 février 1998), STCE n° 157.
450
Charte de la Communauté d’Etats indé pendan(s993), disponible à l’adresse :
http://therussiasite.org/legal/laws/CIScharter.html. - 117 -

483. La charte de l’Organisation du traité de sécurité collective(2002) (qui a remplacé le
traité de sécurité collective de la CEI) a pour but, comme indiqué dans son préambule, de garantir
«la sécurité, la souveraineté et l’intégrité territoriale» des Etats parties. Aux termes de l’article 3 de

la Charte, les buts de l’Organisation sont «de renforcer la paix,
la sécurité et la stabilité
internationales et régionales et de défendre collectivement l’indépendance, l’intégrité territoriale et
la souveraineté des Etats membres, buts que les Et ats membres s’efforcent d’atteindre avant tout
451
par des moyens politiques» .

452
484. Hors d’Europe, l’article 1 de la charte de l’Organisation des Etats américains (1948)
stipule que les Etats américains parties à la char te établissent une organisation internationale «en
vue … de maintenir leur solidarité, de renforcer le ur collaboration et de défendre leur souveraineté,

leur intégrité territoriale et leur indépendance».

485. Le traité-453re sur la sécurité démocratique en Amérique centrale, adopté le
15 décembre 1995 , stipule à son article26 que le modèle centraméricain de sécurité
démocratique est régi par les principes suivants en matière de sécurité régionale : la renonciation à

la menace ou à l’usage de la force contre la souveraineté, l’intégrité territoriale et l’indépendance
politique de tout Etat de la région ; la défense collective et solidaire en cas d’agression armée par
un Etat situé hors de la région contre l’intégrité te rritoriale, la souveraineté et l’indépendance d’un

Etat centraméricain; et l’unité nationale et l’in tégrité territoriale des Etats dans le cadre de
l’intégration centraméricaine. L’article 46 stipule en outre que «[t]oute agression armée ou menace
d’agression armée d’un Etat situé à l’extérieur de la région contre l’intégrité territoriale, la

souveraineté ou l’indépendance d’un Etat centraméricain est considérée comme un acte d’agression
contre les autres Etats centraméricains».

486. Le paragraphe1 c) de l’articleII de la charte de l’Organisation de l’unité africaine
(1963) 454 stipule que les buts de l’Organisation sont notamment de «défendre la souveraineté,

l’intégrité territoriale et l’indépendance» des Etats africains, tandis qu’aux termes de son article III,
les Etats membres de l’OUA, pour atteindre les objectifs de l’Organisation, affirment

solennellement un certain nombre de principes qui so nt notamment l’égalité souveraine de tous les
Etats membres, la non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats et le «respect de la
souveraineté et de l’intégrité territoriale de chaque Etat et de son droit inaliénable à une existence

indépendante». L’OUA est devenue l’U455n africai ne lors de l’adoption, en2000, de l’acte
constitutif de l’Union africaine . L’article 3 stipule que les objectifs de l’Union sont notamment
de «défendre la souveraineté, l’intégrité territo riale et l’indépendance de ses Etats membres», et

l’article4 dispose que l’Union africaine f onctionne conformément à un certain nombre de
principes, dont «l’égalité souveraine et interdépendante de tous les Etats membres de l’Union» et le
«respect des frontières existant au moment de l’accession à l’indépendance».

451Voir aussi la charte du Groupe GUAM (Géorgie, Ukraine, Azerbaïdjan et Moldova)(2006), dont l’articleII

prévoit que les pays membres c oopèrent sur la base «des principes de resp ect de la souveraineté et de l’intégrité
territoriale des Etats, d’inviolabilité de leurs frontièrternationalement reconnues et de non-ingérence dans leurs
affaires intérieures ainsi que des autres principes et normes universellement reconnus du droit international».
452
Charte de l’Organisation des Etats américains (1948), telle que modifiée en1967, 1985, 1992 et 1993,
disponible à l’adresse : http://www.oas.org/juridico/English/charter.html.
453 Traité-cadre sur la sécurité démocratique en Amérique central e(1995), disponible à l’adresse :
http://www.state.gov/p/wha/rls/70979.htm.

454 Charte de l’Organisation de l’unité africaine(1963), disponible à l’adresse : http://www.africa-
union.org/root/au/Documents/Treaties/text/OAU_Charter_1963.pdf.

455 Acte constitutif de l’Union afri cain(e2000), disponible à l’adresse : http://www.africa-
union.org/root/AU/Documents/Treaties/List/Constitutive%20Act%20of%20the%20African%20Union.pdf . - 118 -

487. La norme d’intégrité territoriale est e xpressément mentionnée aussi dans les actes
constitutifs de diverses organisations sous-régionales. C’est ainsi par exemple que les chefs d’Etat
et de gouvernement des Etats membres de la Communauté économique des Etats d’Afrique de

l’Ouest (CEDEAO) ont réaffirmé à l’article II du Pr otocole relatif au mécanisme de prévention, de
gestion et de règlement des conflits et de main tien de la paix et de la sécurité, adopté le
10 décembre 1999 45, une série de «principes fondamentaux», dont «l’intégrité territoriale et

l’indépendance politique des Etats membres».

488. Le préambule du protocole sur la coopération dans le domaine politique ainsi qu’en

matière de défense et de sécurité, adopté par les chefs d’Etat et de gouvernement des Etats
membres de la Communauté de développement de l’Afrique australe le 14 août 2001 457, a reconnu
et réaffirmé les principes de «respect rigoureux de la souveraineté, de l’ égalité souveraine, de

l’intégrité territoriale et de l’indépenda nce politique des Etats, de bon voisinage,
d’interdépendance, de non-agression et de non-ingére nce dans les affaires intérieures des autres
Etats». Aux termes du paragraphe1 a) de l’article11 du protocole, «[l]es Etats parties

s’abstiennent de recourir à la menace ou à l’emploi de la force contre l’intégrité territoriale ou
l’indépendance politique de tout Etat si ce n’est dans l’exercice légitime du droit de légitime
défense individuelle ou collective contre une attaque armée».

489. La charte de l’Organisati on de la conférence islamique(1972) 458stipule que les

principes de l’Organisation, tels qu’ils sont énoncés à l’article II, sont notamment «le respect de la
souveraineté nationale, de l’indépe ndance et de l’intégrité territori ale de chaque Etat membre» et
«l’abstention du recours à la menace ou à l’emploi de la force contre l’intégrité territoriale, l’unité

nationale ou l’indépendance politi que de tout Etat membre». Dans son préambule, la déclaration
d’Islamabad, adoptée lors de la session extraordinaire du Sommet islamique de 1997, a réaffirmé le
respect des principes «de souveraineté, d’intégrité territoriale et de non-ingérence dans les affaires
459
intérieures des Etats» . La charte de l’Organisation de la conférence islamique a été remplacée
par un document amendé, daté du 14mars2008 460, qui se réfère à deux reprises, dans son
préambule, à la détermination de l’Organisation de promouvoir «l e respect, la protection et la

défense de la souveraineté nationale, de l’indépendance et de l’intégrité territoriale de tous les Etats
membres». L’article1 de ce texte stipule que l’un des objectifs de l’Organisation est de
promouvoir le respect «de la souveraineté, de l’indé pendance et de l’intégrité territoriale de chaque

Etat membre», un autre étant d’«appuyer le rétablissement de la pleine souveraineté et de l’intégrité
territoriale de tout Etat membre occupé à la suite d’une agression, sur la base du droit international
et de la coopération avec les organisations intern ationales et régionales compétentes». L’article2

énonce les principes de l’Organisation, y compris le principe selon lequel tous les Etats membres
«s’engagent à respecter la souveraineté nationale, l’indépendance et l’intégrité territoriale des
autres Etats membres et s’abstiennent de s’ingérer dans leurs affaires intérieures».

456Protocole relatif au mécanisme de prévention, de gestion et de règlement des conflits et de maintien de la paix
et de la sécurité (1999), disponible à l’adresse : http://www.oecd.org/dataoecd/55/62/38873520.pdf.
457
Protocole sur la coopération dans le domaine politiqainsi qu’en matière de défense et de sécurité(2001),
disponible à l’adresse : http://www.iss.co.za/Af/RegOrg/unity_to_union/pdfs/sadc/1Protocol_on_De….
458
Disponible à l’adresse : http://www.oic-oci.org/is11/english/Charter-en.pdf.
459Voir Nations Unies, doc. A/51/915, annexe (6 juin 1997).

460Charte de l’Organisation de la Conférence islamique, modifiée le 14 mars 2008, disponible à l’adresse :
www.oic-oci.org/35cfm/english/res/35CFM-DW-RES-FINAL.pdf. - 119 -

490. L’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE) a été créée le 8461t1967.
Dans le traité d’amitié et de coopération dans l’Asie du Sud-Est, conclu en 1976 , les Etats parties
sont convenus d’être liés par un certain nombre de «principes fondamentaux» énoncés à l’article 2,

dont leur «respect mutuel de l’indépendance, de la souveraineté, de l’ égalité, de l’intégrité
territoriale et de l’identité nationale de toutes l es nations». L’article10 du traité stipule que
«[c]hacune des Hautes Parties contractantes s’abstient de participer de quelque manière que ce soit

à toute activité constituant une menace pour la stabilité politique et économique, la souveraineté ou
l’intégrité territoriale d’une autre Haute Partie contractante». La charte de l’ANASE a été signée le
20novembre2007, et son préambule relève l’importance du respect des «principes de

souveraineté, d’égalité, d’intégrité territoriale,
de non-ingérence, de consensus et d’unité dans la
diversité» 462. Le paragraphe2 de l’article2 dispose que l’ANASE et ses Etats membres agissent

conformément à un certain nombre de principes, dont «le respect de l’indépendance, de la
souveraineté, de l’égalité, de l’intégrité territori ale et de l’identité nati onale de tous les Etats
membres de l’ANASE» 463.

491. La récapitulation présentée ci-dessus de certains des traités régionaux incorporant le

principe d’intégrité territoriale suffit à montrer à quel point ce principe, que l’on retrouve dans
toutes les principales régions, cultures et civilisations, est essentiel pour les relations internationales
de tous les membres de la communauté internationale.

D. P RINCIPES DERIVES

492. Cette norme fondamentale de l’intégrité territoriale a généré une série de principes
dérivés pertinents dont il convient de faite Etat. La Cour internationale de Justice, par exemple, a
relevé que le principe de respect de la souveraineté des Etats était

«étroitement lié à celui de la prohibition de l’emploi de la force et à celui de
non-intervention» 464 et fait observer que les «effets du principe de respect de la

souveraineté territoriale et ceux des principes de l’interdiction de l’emploi de la force
et de la non-intervention se recouvrent inévitablement jusqu’à un certain point» 465.

493. Ces principes engloberaient celui de la compétence nationale, selon lequel, en
conséquence directe des normes de souveraineté des Etats, d’éga lité des Etats et d’intégrité

territoriale, il existe, dans le cadre territorial de chaque Etat, un ensemble d’activités qui sont
présumées ne relever que de la compétence nationale.

461Traité d’amitié et de coopération dans l’As ie du Sud-Es(t1976), disponible à l’adresse :
http://www.aseansec.org/1217.htm.

462Charte de l’ANASE(2007); les Etats membres sont actuellement le Brunéi Darussalam, le Cambodge,
l’Indonésie, la Malaisie, le Myanmar, les Philippines, la République démocratique populaire lao, Singapour, la Thaïlande
et le Viet NaM. Disponible à l’adresse :w.aseansec.org/ASEAN-Charter.pdf.

463Voir aussi la Charte de l’Association de coopérat ion régionale dans le sud de l’Asie (Inde, Pakistan,
Bangladesh, Maldives, Népal, Sri Lanka et Bhoutan) qui, adoptée le 8 décembre 1986, a affirmé «le respect des principes
d’égalité souveraine, d’intégrité territoriale, d’indépendance nationale, de non-recours à la force et de non-ingérence dans
les affaires intérieures des autres Etats et de règlementcifique de tous les différends»et, au paragraphe1 de son
articleII, souligné que «[l]a coopération da ns le cadre de l’Association est fondée sur le respect des principes d’égalité
souveraine, d’intégrité territori ale, d’indépendance politique, de non-ingérence dans les affaires intérieures des autres

Etats et des avantages mutuels.»
464Affaire d’ Activités militaires et paramilita ires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c.Etats-Unis
d’Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 111, par. 212.

465Ibid., p. 128, par. 251. - 120 -

494. Un deuxième principe dérivé est celui de non-intervention. La Cour internationale de
Justice a indiqué ce qui suit :

«Le principe de non-intervention met en je u le droit de tout Etat souverain de
conduire ses affaires sans ingérence extérieu re; bien que les exemples d’atteinte au
principe ne soient pas rares, la Cour estime qu’il fait partie intégrante du droit

international coutumier. Comme la Cour a eu l’occasion de le dire: ‘Entre Etats
indépendants, le respect de la souverainet é territoriale est l’une des bases essentielles
des rapports internationaux’ (C.I.J. Recueil 1949, p. 35), et le droit international exige

aussi le respect de l’intégrité politique… L’existence du principe de non-intervention
dans l’opinio juris des Etats est étayée par une pratique importante et bien établie. On
a pu d’ailleurs présenter ce principe comme un corollaire du principe d’égalité
466
souveraine des Etats.»

495. La pratique de l’Organisation des Nations Unies a également été claire et cohérente à
cet égard. L’obligation de ne pas intervenir dans les affaires relevant de la compétence nationale
d’un Etat a été réaffirmée dans la résolution2131 (XX)(1965) de l’Assemblée générale ainsi que
467
dans sa résolution 2625 (XXV), adoptée en octobre 1970 .

496. Un troisième principe dérivé est l’interdic tion de la menace ou de l’emploi de la force
contre l’intégrité territoriale des Etats, qui est é noncée au paragraphe4 de l’article2 de la Charte
des Nations Unies. Cette interdiction est acceptée non seulement en tant que règle consacrée par la

Charte des Nations Unies et le droit international coutumier, mais aussi en tant qu’elle relève du jus
cogens, c’est-à-dire en tant qu’elle constitue une norme impérative à laquelle aucune dérogation
n’est permise 468.

497. Un corollaire de cette règle de jus cogens est le principe selon lequel les frontières d’un

Etat ne peuvent légalement être modifiées par l’em ploi de la force. Dans sa résolution 242 (1967),
le Conseil de sécurité a souligné «l’inadmissibilité de l’acquisition de territoire par la guerre» 469.

E. L A DUI EST EN CONTRADICTION AVEC L ’INTEGRITE TERRITORIALE
INTERNATIONALEMENT AFFIRMEE DE LA S ERBIE

498. L’intégrité territoriale de la Républiq ue de Serbie ayant été systématiquement
réaffirmée, toute violation non consensuelle de son intégrité territoriale doit être considérée comme

incompatible avec le droit international et la pratique internationale.

466Affaire d’ Activités militaires et paramilita ires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c.Etats-Unis
d’Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 106, par. 202 ; voir aussi p. 126, par. 246.

467Voir la résolution 36/103 de l’Assemblée générale et sa résolution 2734 (XXV) contenant la déclaration sur le
renforcement de la sécuritéinternationale ; sa résolution 3314 (XXIX) contenant la définition de l’agression; et ses
résolutions 31/91, 32/153, 33/74, 34/101 et 35/159 sur la non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats.
468
Voir Annuaire de la Commission du droit international (1966), vol.II, p.247-248 et J. CrawforThe
International Law Commission’s Articles on State Responsibility (2002), p. 246 ; voir aussi l’article 53 de la Convention
de Vienne sur le droit de s traités et l’Affaire d’ Activités militaires et paramilitaire s au Nicaragua et contre celui-ci
(Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 14, 100-101.

469Voir la déclaration de1970 relative aux principes du dro it international touchant les relations amicales et la
coopération entre les Etats conformément à la Charte des Nations Unies, résoluti on 662 (1990) du Conseil de sécurité et
avis consultatif Mur, p. 171, par. 87. - 121 -

499. Quand on lui a demandé si la population serbe vivant en Croatie et en
Bosnie-Herzégovine avait le droit à l’autodétermination, la commission d’arbitrage de la
Conférence européenne sur la Yougoslavie a déclar é dans son avis n°2 du 11janvier1992 que

«quelles que soient les circonstances, le droit à l’autodétermination ne peut entraîner une
modification des frontières existant au moment des indépendances (uti possidetis juris) sauf en cas
470
d’accord contraire de la part des Etats concernés» . Cet avis a donc affirmé et confirmé
l’intégrité territoriale des répub liques issues de l’ex-Yougoslavie so cialiste, notamment, de façon
explicite, la Croatie et la Bosnie-Herzégovine et , de façon implicite, la République de Serbie

actuelle. Cette position a été réitérée et réaffirmée constamment depuis 1991.

500. Dans la résolution 1031 (1995), le Conseil de sécurité a réaffirmé «son attachement à un
règlement politique négocié des conflits dans l’ex-Y ougoslavie, qui préserve l’intégrité territoriale
de tous les Etats à l’intérieur de leur s frontières internationalement reconnues 471 et s’est en

particulier félicité de la signature à la Conféren ce de paix de Paris, le 14décembre1995, de
l’accord-cadre général pour la paix en Bosnie -Herzégovine (également dénommé l’«Accord de
Dayton-Paris») 472, ainsi que de l’accord de Dayton sur la mise en place de la Fédération de
473
Bosnie-Herzégovine, en date du 10novembre1995 et des conclusions de la Conférence sur la
mise en oeuvre de la paix, tenue à Londres les 8 et 9 décembre 1995. L’article 1 de l’accord-cadre

général dispose en particulier ce qui suit :

«elles [les Parties] respecteront pleinement l’égalité souveraine d es unes et des autres,

elles régleront leurs différends par des moyens pacifiques et elles s’abstiendront de
toute action, utilisant la force, la men ace de la force ou d’autres moyens, dirigée
contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de la Bosnie-Herzégovine ou
474
de tout autre Etat» .

501. L’attachement expressément affirmé par le Conseil de sécurité à un règlement des
conflits yougoslaves «qui préserve l’intégrité territo riale de tous les Etats à l’intérieur de leurs
frontières internationalement reconnues» a ét é réaffirmé dans les résolutions1088(1996),

1423 (2002), 1491 (2003), 1551 (2004), 1575 (2004), 1639 (2005), 1722 (2006), 1785 (2007) et
1845 (2008) 475. Comme on l’a déjà indiqué 476, chacune de ces résolutions invitait également les

parties à l’accord-cadre général (accord de Dayton-Paris) à s’acqu itter strictement des obligations
qui leur incombaient en vertu de cet accord et dont l’une était le respect de l’intégrité territoriale de
la Bosnie-Herzégovine et de «tout autre Etat». On voit que l’obligation de respecter l’intégrité

territoriale découle à la fois de l’accord de Da yton-Paris et des résolutions contraignantes du
Conseil de sécurité. Ce qui a été régulièrement souligné dans une réso lution contraignante du
Conseil en tant que s’imposant aux parties aux accords de paix ne peut pas être considéré comme

n’entraînant aucune conséquence en droit intern ational pour tous les Etats Membres de l’ONU et
pour tous les sujets de droit international.

470Avis n°2 de la Commission d’arbitrage de la Confér ence sur la Yougoslavie, International Legal Materials,
vol. 31, 1497 (1992), pièce 39 des pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit.

471Résolution 1031 (1995) du Conseil de s écurité, pièce 14 des pièces et documents soumis à l’appui du présent
exposé écrit.

472Nations Unies, doc. S/1995/999 (30 novembre 1995).
473
Nations Unies, doc. S/1995/1021 (8 décembre 1995).
474
Nations Unies, doc. S/1995/999 (30 novembre 1995).
475Voir pièce 15 et pièces 21-28 des pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit.

476Voir supra par. 0 à 0. - 122 -

502. Cette confirmation maintes fois réitérée de l’intégrité territoriale de la République de
Serbie dans le contexte généra l du règlement des conflits apparu s dans l’ex-Yougoslavie a été de
nouveau exprimée dans les résolutions concernant spécifiquement le Kosovo.

503. Dans la résolution 1160 (1998) 477, le Conseil de sécurité, tout en condamnant «l’usage

excessif de la force par les forces de police serbes co ntre des civils et des manifestants pacifiques
au Kosovo, ainsi que tous les actes de terrori sme commis par l’armée de libération du Kosovo», a
expressément affirmé l’«attachement de tous les Etats Membres à la souveraineté et à l’intégrité

territoriale de la République fédé rale de Yougoslavie». Par ailleurs, la résolution préconisait une
solution politique du problème qui était survenu et imposait un embargo sur les armes contre la
République fédérale de Yougoslavie. Tous les Etat s et toutes les organisations internationales et

régionales étaient invités à se conformer strictement à la résolution. En outre, au paragraphe 5 de
son dispositif, la résolution soulignait que le Conseil :

«Souscrit, sans préjuger de l’issue de ce dialogue, à la proposition contenue
dans les déclarations du groupe de contact en date des 9 et 25 mars 1998 selon laquelle
le règlement du problème du Kosovo doit repo ser sur le principe de l’intégrité

territoriale de la République fédérale de Yougoslavie et être conforme aux normes de
l’OSCE, y compris celles qui figurent dans l’acte final d’Helsinki de la conférence sur
la sécurité et la coopération en Europe de197 5, et à la Charte des Nations Unies, et

considère que cette solution doit également respecter les droits des Albanais kosovars
et de tous ceux qui vivent au Kosovo, et exprime son appui à un statut renforcé pour le

Kosovo qui comprendrait une autonomie se nsiblement accrue et une véritable
autonomie administrative.»

504. L’«attachement de tous les Etats Membres à la souveraineté et à l’intégrité territoriale
de la République fédérale de Y ougoslavie» a été expressément souligné dans les déclarations du
478 479 480
président du Conseil de sécurité du 24 août 1998 , du 19 janvier 1999 et du 29 janvier 1999 .
Le même attachement a été expressément r éaffirmé dans les résolutions1199(1998) et
1203(1998) du Conseil de sécurité, tandis que sa r ésolution 1239 (1999) réaffirmait «l’intégrité
481
territoriale et la souveraineté de tous les Etats de la région» .

505. Toutefois, cette obligation ne doit pas être considérée comme incombant uniquement

aux Etats Membres de l’ONU. La résolution1203(1998), par exemple, tout en réaffirmant
l’intégrité territoriale de la République fédérale de Yougoslavie, a exigé que «les dirigeants

albanais du Kosovo et tous les autres éléments de la communauté albanaise du Kosovo respectent
strictement et rapidement les résolutions1160 (1998) et 1199(1998)». Voilà qui est important.
Comme on l’a indiqué plus haut, la résolution 1160 (1998) a expressément souscrit à l’idée de faire

reposer une solution politique du problème du Kos ovo sur l’intégrité 482ritoriale de la République
fédérale de Yougoslavie, tandis que la résolution 1199 (1998) a pour sa part réaffirmé à la fois le

477Résolution1160 (1998) du Conseil de sécurité, pièce 16 des pièces et documents soumis à l’appui du présent
exposé écrit.
478
NationsUnies, doc.S/PRST/1998/25 (24 août 1998), pièce29 des pièces et documents soumis à l’appui du
présent exposé écrit.
479
Nations Unies, doc. S/PRST/1999/2 (19 janvier 1999), pi èce 30 des pièces et documents soumis à l’appui du
présent exposé écrit.
480
NationsUnies, doc.S/PRST/1999/5 (29janvier1999), pièce31 des pièces et documents soumis à l’a ppui du
présent exposé écrit.
481Voir pièces 17 à 19 des pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit.

482Pièce 16 des pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit. - 123 -

principe de l’intégrité territoriale et «les objectif s de la résolution1160(1998), dans laquelle le

Conseil exprime son soutien à un règlement p acifique du problème du Kosovo qui prévoirait un
statut renforcé pour le Kosovo». Le paragraphe 3 du dispositif a demandé

«aux autorités en République fédérale de Y ougoslavie et aux dirigeants albanais du
Kosovo d’engager immédiatement un dialogue constructif sans conditions préalables
et avec une implication internationale, d’ adopter un calendrier précis conduisant à la
fin de la crise et à une solution politique négociée de la question du Kosovo».

506. Cette constance dans la réaffirmation de l’intégrité territoriale de la République fédérale

de Yougoslavie, en dépit d’allé gations concernant sa façon de traiter la population albanaise du
Kosovo, a débouché sur la résolution1244(1999) adoptée le 10juin1999 et d’une importance
décisive 483. Cette résolution, il faut le souligner, a réaffirmé le titre de souveraineté de la
République fédérale de Yougoslavie sur le Kosovo, tout en établissant une présence internationale

en ce qui concerne certaines questions administratives.

507. La résolution1244(1999) a commencé 484 par rappeler les résolutions1160(1998),
1199 (1998), 1203 (1998) et 1239 (1999) . De la sorte, le Conseil de sécurité a mis en exergue
les résolutions antérieures qui avaient préconisé une solution politique fondée sur l’intégrité
territoriale de la République fé dérale de Yougoslavie et l’autonomie pour le Kosovo et avaient

également exigé que les dirigeants albanais du Kosovo et la communauté albanaise du Kosovo
acceptent cette solution.

508. La résolution 1244 (1999) a également réaffirmé

«l’attachement de tous les Etats Membres à la souveraineté et à l’intégrité territoriale

de la République fédérale de Yougoslavie et de tous les autres Etats de la région, au
sens de l’acte final d’Helsinki et de l’annexe 2 à la présente résolution».

Le PrincipeIV de la déclaration sur les prin cipes régissant les relations mutuelles des Etats
participants, laquelle figure dans l’acte final d’He lsinki adopté en1975, stipulait que les Etats
participants respecteraient l’intégrité territoriale des Etats participants et s’abstiendraient de tout

acte incompatible avec les buts et principes de la Charte des Nations Unies 485tre l’intégrité
territoriale, l’indépendance politique ou l’unité de tout Etat participant . L’annexe2 à la
résolution 1244 (1999) énonce un certain nombre de principes sur lesquels il convenait de conclure
un accord afin de trouver une solution à la crise du Kosovo ; le principe 8 stipule notamment ce qui

suit :

«[u]n processus politique en vue de l’ établissement d’un accord-cadre politique

intérimaire prévoyant pour le Kosovo une autonomie substantielle, qui tienne
pleinement compte des accords de Rambouillet et du principe de la souveraineté et de
l’intégrité territoriale de la République fédé rale de Yougoslavie et des autres pays de

la région, et la démilitarisation de l’ALK [Armée de libération du Kosovo]».

509.En outre, au 11ealinéa du préambule, le Conseil de sécurité a réaffirmé «l’appel qu’il

a[vait] lancé dans des résolutions antérieures en vue d’une autonomie substantielle et d’une
véritable auto-administration au Kosovo».

483Pièce 20 des pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit.
484
Pièces 16-18 et 19 des pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit.
485Voir plus haut, par. 0. - 124 -

510. Ces alinéas du préambule, qui énonçaient si clairement les deux principes généraux du

respect de l’intégrité territoriale de la République fédérale de Yougoslavie et de la nécessité d’une
autonomie pour le Kosovo, ont été renforcés par les dispositions des paragraphes du dispositif de la
résolution 1244 (1999), insérées après l’affirmati on du Conseil de sécurité selon laquelle il agissait

en vertu du Chapitre VII de la Charte, rendant ainsi la résolution contraignante.

511. Le paragraphe1 du dispos itif stipule que le Conseil de sécurité: «[d]écide que la

solution politique de la crise au Kosovo reposera sur les principes généraux énoncés à l’annexe 1 et
les principes et conditions plus détaillés figurant à l’annexe 2».

512. Comme il a déjà été indiqué, le principe de la souveraineté et de l’intégrité territoriale
de la RFY est mentionné à l’annexe2 de la r ésolution1244(1999). L’annexe1, quant à elle,
reproduit la déclaration publiée par le président de la réunion des ministres des affaires étrangères

du G-8 tenue au Centre de Petersberg le 6 mai 1999. Il y est indiqué que les ministres des affaires
étrangères du G-8 ont adopté un certain nombre de principes généraux pour un règlement politique
de la crise du Kosovo. L’un de ces principes généraux est le suivant :

«Un processus politique menant à la mi se en place d’un accord-cadre politique
intérimaire prévoyant pour le Kosovo une autonomie substantielle, qui tienne
pleinement compte des accords de Rambouillet et des principes de souveraineté et

d’intégrité territoriale de la République fédé rale de Yougoslavie et des autres pays de
la région, et la démilitarisation de l’ALK.»

513. Le débat qui s’est déroulé au Conseil de sécurité le 10juin1999 et qui a mené à
l’adoption de la résolution1244(1999) a égalemen t mis en évidence l’appui dont bénéficiait le
principe de l’intégrité territoriale en ce qui concerne la République fédérale de Yougoslavie 486
. Il
ne s’est trouvé aucun Etat pour donner un démen ti aux déclarations dépourvues d’ambiguïté de la
Russie, de la Chine et de l’Argentine selon lesque lles la résolution réaffirm erait l’attachement des
Etats et, en vérité, du Conseil de sécurité, à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de la

République fédérale de Yougosla vie. Aucun Etat n’a entrepris d’infléchir ces vues ou d’en
contester la justesse. Force est donc de conclure que les Etats Membres du Conseil de sécurité ne
pouvaient ignorer que l’ensemble de mesures adopt é au sujet du Kosovo reposait sur l’affirmation

et la réaffirmation de l’intégrité territoriale de ce territoire.

514. En d’autres termes, pendant toute la durée des crises concernant l’ex-Yougoslavie et le

Kosovo, la pratique internationale n’a pas varié dans la réaffirmation de l’intégrité territoriale de
l’Etat dont le nom actuel est la République de Serb ie. Selon une pratique constante, les Etats ont
affirmé qu’aucune modification des frontières rec onnues n’était possible sans le consentement des

parties intéressées. De quelque façon que l’on caractérise la dissolution de l’ex-Yougoslavie au
cours de la période visée, les accords internationaux qui ont mis fin aux conflits ont mis en relief le
principe de l’intégrité territoriale des Etats issus de l’ex-Yougoslavie (y compris, bien entendu, la

République fédérale de Yougoslavie, qui est devenue la communauté étatique de
Serbie-et-Monténégro en2003, puis la République de Serbie après la séparation consensuelle du
Monténégro intervenue en 2006 487).

486
Voir Nations Unies, doc.S/PV.4011 (10juin1999), pièce34 des pièces etdocuments soumis à l’appui du
présent exposé écrit. Pour une analyse plus détaillée de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité et du processus
ayant débouché sur son adoption, voir infra chapitre 8, section A (III).
487Sur la continuité entre la RFY et la République de Serbie, voir supra chap. 1, sect. E. - 125 -

515. En outre, de quelque façon que l’on car actérise les événements de1999 concernant le

Kosovo, un élément était tout à fait incontestable , à savoir le fait que tout règlement du problème
reposerait sur le respect de l’intégrité territoriale de la RFY (Serbie) et, pour le Kosovo, sur une
forme d’autonomie dans la RFY (Serbie). La constante réaffirmation de l’intégrité territoriale de la
République fédérale de Yougoslavie était particulièrement nette. Quelle que soit la nature de la

situation postérieure à1999, il était internationale ment convenu que l’intégrité territoriale de la
République fédérale de Yougoslavie n’était pas affectée. Une longue série de résolutions
contraignantes du Conseil de sécurité, qui a débouché sur la décisive résolution1244(1999),

affirme et réaffirme cette idée et le fait d’une ma nière qui était et demeure impérative pour tous les
Etats Membres de l’ONU.

516. L’affirmation, dans les résolutions dont il a été question plus haut, de l’intégrité
territoriale de la République fédérale de Yougoslavie n’a à aucun moment dépendu d’un événement
ou d’une circonstance quelconque et à aucun moment cette affirmation n’a été subordonnée à une

circonstance non consensuelle quelle qu’elle soit.

517. C’est ce que confirme l’examen du «document commun» MINUK-RFY signé

le5novembre2001 par le représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU pour le Kosovo,
M.Hans Haekkerup, et le représentant spécial du président de la Ré publique fédérale de
Yougoslavie et des Gouvernements de la République fédérale de Yougoslavie et de la République
de Serbie, M.Nebojša Čović. Le point1 de ce document «réaffi rme le principe de base de la

résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité de l’ONU et la conviction commune selon laquelle la
résolution ne pourra être appliquée de façon satisfa isante que grâce aux efforts conjoints de toutes
les parties intéressées» 48.

518. Le point 4 du document prévoit :

«la protection des droits et des intérêts des Serbes du Kosovo et des autres
communautés au Kosovo, sur la base des principes énoncés dans la résolution 1244 du
Conseil de sécurité de l’ONU, notamment la souveraineté et l’intégrité territoriale de
la République fédérale de Yougoslavie, ai nsi que [dans] le ca dre constitutionnel pour

l’auto-administration provisoire du Kosovo».

519. Le point5 du document est explicite : «[ r]éaffirme que la position concernant le statut

futur du Kosovo demeure telle qu’elle est énoncée dans la résolution1244 du Conseil de sécurité
de l’ONU, et qu’elle ne peut pas être modi fiée par une mesure que pourraient prendre les
institutions provisoires d’administration autonome».

520. Dans une déclaration de son président en date 9 novembre 2001, le Conseil de sécurité
de l’ONU s’est félicité de la signature de ce document commun 489. Ce document a également été

appuyé par des Etats et par d’autres organisations internationales. Les Etats-Unis, par exemple, ont
déclaré ce qui suit :

«Le Bureau des Etats-Unis à Pristina se félicite de la signature à Belgrade le

5novembre du «document commun MINUK-RFY», qui réaffirme les principes et le

488
MINUK-RFY, Document commun (5 novembre 2001), pi èce12 des pièces et documents soumis à l’appui
du présent exposé écrit.
489Nations Unies, doc.S/PRST/2001/34 (9novembre2001), pièce32 des pièces et doc uments soumis à l’appui

du présent exposé écrit. - 126 -

processus énoncés dans la résolution1244 du Conseil de sécurité de l’ONU. Ce
document est en tous points conforme à ce tte résolution. Il montre que les deux
parties sont bien déterminées à intensifier leurs efforts pour atteindre les objectifs fixés

dans la résolution1244. Dans cette op tique, nous soulignons l’importance des
prochaines élections, s’agissant notamment de l’édification de l’auto-administration
490
démocratique du Kosovo.»

521. Le docume491a également été bien accueilli pa r le Conseil de l’UE dans une déclaration
du 22 juillet 2002 .

522. Comme l’indique Orakhelashvili, «[a]u cours de la période écoulée entre l’attaque de la
RFY par l’OTAN en 1999 et le Plan Ahtisaari, rien dans la pratique des Etats ou de l’Organisation

des Nations Unies n’a jamais dénoté une attitu492visant à porter atteinte à l’intégrité territoriale de
la RFY et, ultérieurement, de la Serbie» .

523. Enfin, il est à noter que M.Ahtisaari lui-même, en présentant en2007 son plan sur le
statut politique futur du Kosovo, a considéré que pour qu’il puisse être mis en Œuvre, le Conseil de

sécurité devrait prendre d’autres dispositions. Da ns la lettre accompagnant sa ‘proposition globale
de Règlement portant statut du Kosovo’, il a relevé qu’«[e]n adoptant à l’unanimité la
résolution 1244 (1999), le Conseil de sécurité ré pondait aux interventions de Milosevic au Kosovo
493
en retirant la gouvernance de celui-ci à la Serbie» . L’emploi du terme ‘gouvernance’ était
important en ce qu’il montrait que, pour lui, la résolution n’avait aucune incidence sur la

souveraineté ou l’intégrité territoriale de la Ré publique fédérale de Yougoslavie. M Ahtisaari a 494
conclu en exhortant «le Conseil de sécurité à approuver cette propos ition [de Règlement]» . Ce
faisant, il reconnaissait qu’il faudrait modifier la résolution 1244 (1999) pour que le Kosovo puisse

être déclaré indépendant. La Se rbie rejette l’idée que cela aurait pu arriver sur le plan juridique,
mais ce qu’il importe de noter, à ce stade, est l’ affirmation selon laquelle la résolution 1244 (1999)
représentait un empêchement absolu à toute décl aration d’indépendance du Kosovo à laquelle la

Serbie n’aurait pas consenti.

524. En conséquence, la DUI adoptée le 17février2008 par les institutions provisoires
d’administration autonome du Kosovo porte atteinte à l’intégrité territoriale internationalement
reconnue et réaffirmée de la République de Serbie. Une telle déclaration unilatérale contrevient au

droit applicable, le droit interne de la Serbie, et au droit international, main tes fois réaffirmé par le

490
Voir U.S. Office Supports «UNMIK-FRY Common Document», communiqué de presse du Bureau des Etats-
Unis à Pristina (6 novembre 2001), disponible à l’adresse :tp://pristina.usembassy.gov/press20011106a.html, pièce 67
des pièces et documents soumis à l’appui du présent expos é écrit. Voir aussi les références au document commun
figurant dans le Mémorandum du Bureau des affaires étrangères et des affaires du Commonwealth sur le rapport de la
Commission des affaires étrangères intitulé «Federal Republic of Yugoslavia an d the Wider Region following the fall of
Milosevic: an update» (La République fé dérale de Yougoslavie et l’ensemble de la région après la chute de Milosevic:
éléments nouveaux), dis ponible à l’adresse : http://www.publications.parliament.uk/pa/cm200102/cmselect/cmfaff/
/826/826ap06.htm .

491Déclaration du Conseil de l’Union européenne, C/02/210 ; 10945/02 (Presse 210) (22 juillet 2002), disponible
à l’adresse : http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?reference=PRES/02/210&for…;
&aged=0&lg=hu&guiLanguage=en, pièce68 des pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit; voir

aussi Déclaration de la présidence de l’Union eu ropéenne du 30 juillet 2002, disponible à l’adresse ://www.europa-
eu-un.org/articles/es/article_1529_es.htm, pièce 69 des pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit.
492A. Orakhelashvili, Statehood, Recognition and the Un ited Nations System: A Unilateral Declaration of

Independence in Kosovo, 12 Max Planck Yearbook of United Nations Law (2008), p. 1, 17.
493Nations Unies, doc. S/2007/168 (26 mars 2007), p. 4, par. 15.

494Nations Unies, doc. S/2007/168 (26 mars 2007), p. 5, par. 16. - 127 -

Conseil de sécurité. Elle constitue également une violation des résolutions contraignantes du
Conseil de sécurité, en particulier la résolution1244(1999). Cette résolution ne peut pas être

annulée par une action unilatérale, en particulier ce lle d’une entité non étatique, et ne peut pas non
plus être court-circuitée par un ensemble disparate de reconnaissances accordées par divers Etats. - 128 -

C HAPITRE 7

L’AUTODETERMINATION NE SAURAIT ETRE UN TREMPLIN POUR
UNE DECLARATION UNILATERALE D ’INDEPENDANCE

525. Dans le présent chapitre, il est allégué que :

i) Le droit à l’autodétermination a fait son entrée dans le droit international en tant que droit

juridiquement protégé, mais il y est soigneusement limité ;

ii) Le droit à l’autodétermination ne confère pas le droit de faire sécession d’une manière non

consensuelle d’un Etat indépendant ;

iii)Le Kosovo ne constitue pas en droit inte rnational une unité territoriale valablement
concernée par l’autodétermination ;

iv) Les Albanais du Kosovo ne constituent pas un «peuple» aux fins de l’autodétermination
en droit international ;

v) L’interprétation dans le sens d’une «sécession autorisée à titre de recours» de la «clause de
sauvegarde» figurant dans la résolution 2625 (XXV) de l’Assemblée générale est erronée
et, en tout Etat de cause, dénuée de pertinence.

A. AUTODETERMINATION : UN PRINCIPE GENERAL
DE DROIT INTERNATIONAL

526. Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes est devenu un principe de droit
international d’une importance considérable. Il a été l’élément moteur de la décolonisation et de
l’indépendance dans les empires européens avant de devenir un principe des droits de l’homme

produisant ses effets dans les systèmes juridiques internes des Etats souverains. Toutefois, il ne
constitue pas un principe de droit internationa l qui donnerait le droit de faire sécession d’Etats
indépendants reconnus en tant que tels et il ne confère pas non plus de droit de sécession à des

groupes, communautés ou peuples à l’intérieur de ces Etats, pas plus qu’il ne saurait légitimer les
revendications irrédentistes formulées par des Etats voisins à l’occasion de revendications
ethniques, nationales ou de l’autodétermination.

527. Le droit des peuples à disposer d’e ux-mêmes est incontestablement une norme
importante au sein de la communauté internationale 49. Le paragraphe 2 de l’ article 1 de la Charte
des Nations Unies stipule que le développement en tre les nations de relations amicales fondées sur

le respect du principe de l’égalité de droits des pe uples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes est
l’un des buts des Nations Unies, et l’article55 reprend cette formul ation. Bien qu’il ne soit pas
question d’un droit juridiquement protégé, l’ inclusion dans la Charte d’une référence à

l’autodétermination, en particulie r dans le contexte de la définition des buts des Nations Unies,
ménageait la possibilité d’une interprétation ultérieure de ce principe. Il faut aussi noter que les
chapitres XI et XII de la Charte traitent des te rritoires non autonomes et des territoires sous tutelle
et peuvent être considérés comme pertinents dans le contexte du développement et de la définition

du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, enco re qu’ils utilisent une formulation légèrement
différente.

495Voir, d’une façon générale, par ex. A. Cassese, Self-Determination of Peoples (1995) et C. Tomuschat (éd.),

Modern Law of Self-Determination (1993). - 129 -

528. On peut estimer en dernière analyse que c’est la pratique suivie par l’ONU depuis 1945,
tant de manière générale qu’en ce qui concerne d es cas spécifiques, qui a établi la valeur juridique
de ce droit en droit international. Les instrument s pertinents dans ce contexte sont notamment la

résolution 1514 (XV), intitulée «Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples
coloniaux», adoptée en1960, dans laquelle l’Asse mblée générale a indiqué, au paragraphe2, que
«[t]ous les peuples ont le droit de libre détermin ation; en vertu de ce droit, ils déterminent

librement leur statut politique et poursuivent libre ment leur développement économique, social et
culturel», tout en soulignant au paragraphe6 qu e toute tentative visant à détruire partiellement ou
totalement l’unité nationale ou l’intégrité territo riale d’un pays était réputée incompatible avec la

Charte des Nations Unies.

529. La déclaration sur l’octroi de l’indé pendance aux pays et aux peuples coloniaux

définissait le cadre du débat sur l’ autodétermination en insistant sur le contexte colonial et son
opposition à la sécession et, pour certains, constitu ait une règle d’interprétation de la Charte 496. La
Cour internationale de Justice a renvoyé expressément à la déclaration en parlant d’«étape

importante» du développement du droit international concernant les territoires non autonomes et de
«base du processus de décolonisation» 497.

530. La déclaration de1970 relative aux prin cipes du droit international touchant les
relations amicales et la coopération entre les Etats conformément à la Charte des Nations Unies a

également indiqué ce qui suit :

«[e]n vertu du principe de l’égalité de dro its des peuples et de leur droit à disposer

d’eux-mêmes, principe consacré dans la Charte des Nations Unies, tous les peuples
ont le droit de déterminer leur statut politique, en toute liberté et sans ingérence
extérieure, et de poursuivre leur développem ent économique, social et culturel, et tout

Etat a le devoir de respecter ce droit conformément aux dispositions de la Charte».

531. A côté de cette approc he générale, les organes des Nations Unies ont abondamment
traité de l’autodétermination da ns une série de résolutions spécifiques concernant des situations
précises 498. En outre, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le pacte

international relatif aux droits économiques, soci aux et culturels de1966 ont un article premier
commun, qui prévoit notamment ce qui suit: «[t]ous les peuples ont le droit de disposer
d’eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils détermin ent librement leur statut politique et assurent

librement leur développement économique, social et culturel.»

532. Les tribunaux ont eu relativement peu l’occasion de débattre du principe

d’autodétermination et quand ils l’ont fait, cela a été dans le contexte soit de la décolonisation, soit
de l’occupation étrangère. Dans l’avis c onsultatif qu’elle a rendu dans l’affaire des Conséquences
juridiques pour les Etats de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest
499
africain) nonobstant la résolution 276(1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif , la Cour
internationale de Justice a insisté sur le fait que «l’évolution ultérieure du droit international à

496
Voir, par ex., O. Asamoah, The Legal Significance of the Declarations of the General Assembly of the United
Nations (1966), p. 177–185.
497
Sahara occidental, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1975, p. 31, par. 57.
498Voir les résolutions 1755 (XVII), 2138 (XXI), 2151 (XXI), 2379 (XXIII) et 2383(XXIII) de l’Assemblée
générale et les résolutions 183 (1963), 301 (1971), 377 (1975) et 384 (1975) du Conseil de sécurité.

499Conséquences juridiques pour les Etat s de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest
africain) nonobstant la résolution276(1970) du Conseil de sécurité, avis consul tatif, C.I.J. Recueil 1971, p.31, par.52
(ci-après dénommée : «Namibie»). - 130 -

l’égard des territoires non autonomes, tel qu’il est co nsacré par la Charte des Nations Unies, a fait
de l’autodétermination un principe applicable à tous ces territoires» 500. Dans l’affaire du Timor
oriental (Portugal c. Australie), la Cour a affirmé que le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes
501
est un droit opposable erga omnes dans le contexte colonial .

533. Comme il ne fait aucun doute que le princi pe d’autodétermination est devenu une règle
juridique 502, on peut s’interroger sur sa portée et son application. Bien que la formule usuelle
503
employée dans les instruments internationaux , de la déclaration de1960 sur l’octroi de
l’indépendance à la déclaration de1970 sur pr incipes du droit international en passant par les
pactes internationaux relatifs aux droits de l’homme de 1966, renvoie au droit de «tous les peuples»

de déterminer «librement leur st atut politique», la pratique internationale est claire: le droit
international ne reconnaît pas à tous les «pe uples» entendus au sens politico-sociologique du
terme 504la faculté de déterminer librement leur statut politique au point de faire sécession d’un Etat

indépendant reconnu. En fait, il ressort de la pratique que ce droit a été reconnu aux «peuples»
dans des conditions strictement définies. En par ticulier, une différence essentielle a été établie
entre les peuples et les minorités.

B. L E DROIT A L ’AUTODETERMINATION EST

SOIGNEUSEMENT CIRCONSCRIT EN DROIT

534. La pratique et la doctrine internationales ont bien mis en évidence les domaines

d’application de la règle juridique d’autodétermina tion ainsi que les domaines où elles ne sont pas
applicables. En bref, en tant qu’elle confère des dr oits en droit international, cette règle s’applique

aux territoires sous mandat et sous tutelle, aux territoires coloniaux des empires européens et, sans
doute, aux territoires placés sous occupation étrangèr e. Elle s’applique également en tant que
principe des droits de l’homme dans les Etats indé pendants. Elle ne s’applique manifestement pas

en tant que règle générale perme ttant de faire sécession d’Etats indépendants ou conférant le droit
de sécession à des groupes, entités ou peuples dans lesdits Etats indépendants.

I. Territoires sous mandat et sous tutelle
et territoires non autonomes

535. Le droit à l’autodétermination a d’ abord été reconnu internationalement comme
s’appliquant aux territoires sous mandat et sous tutelle. Le pacte de la Société des Nations

disposait que ces territoires devaient être diri gés par les «nations développées qui, en raison de
leurs ressources, de leur expérience ou de leur position géographique», étaient le mieux à même

d’assumer cette responsabilité et selon le principe qui veut que «le bien-être et le développement de

500Voir Sahara occidental, avis consultatif, p. 31, par. 54.

501 Timor oriental (Portugal c.Aust ralie), arrêt, C.I.J.Recueil1995 , p. 102, par. 29 ; voir aussi Conséquences
juridiques de l’édification d’un Mur dans le territoire pal estinien occupé, avis cons ultatif, C.I.J. Recueil 2004, p.172,
par. 88, et p. 199, par. 156.

502Voir aussi Renvoi relatif à la sécession du Québec, [1998] 2 R.C.S. 217, par. 115.
503
Voir également l’article 20 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples de 1981, qui prévoit ce
qui suit : «Tout peuple a droit à l’existence. Tout peuple droit imprescriptible et inaliénable à l’autodétermination.
Il détermine librement son statut politique et assure son développement économique et social selon la voie qu’il a
librement choisie».

504Voir, par ex., la question des «Communautés» gréco-bulgares, avis c onsultatif, 1930, C.P.J.I. série17,
p. 4. - 131 -

505
ces peuples forment une mission sacrée de civilisation» . A l’issue de la seconde guerre
mondiale et à la suite de la dissolution de la Société des Nations, le régime des tutelles des
Nations Unies s’est substitué à celui des mandats en vertu des chapitres XII et XIII de la Charte des
506
Nations Unies .

536. Le droit à l’autodétermination a été r econnu ultérieurement comme applicable à tous
les territoires non autonomes visés dans la Charte des Nations Unies. La déclaration sur l’octroi de

l’indépendance de1960, qui revendi quait le droit à l’autodétermination pour tous les pays et
peuples coloniaux qui n’avaient pas accédé à l’indépendance, a représenté un progrès important en
ce sens, confirmé par la Cour internationa le de Justice dans deux avis consultatifs 507. L’ONU a

fondé sa politique sur l’idée que «le territoire d’une colonie ou d’un autre territoire non autonome
possède, en vertu de la Charte, un statut séparé et distinct de celui du territoire de l’Etat qui
l’administre» et que ce statut devait durer jusqu’ à ce que le peuple dudit territoire ait exercé son
508
droit à l’autodétermination . La Cour suprême du Canada a conclu dans l’affaire Renvoi relatif à
la sécession du Québec que «[l]e droit des peuples colonisés d’exercer leur droit à
l’autodétermination en se détachant de la puissance «impériale» est maintenant incontesté» 509.

537. La question de la définition de «p euple» a été traitée dans l’affaire du Sahara

occidental. La Cour a déclaré ce qui suit :

«La validité du principe d’autodéterm ination, défini comme répondant à la

nécessité de respecter la volonté librement exprimée des peuples, n’est pas diminuée
par le fait que dans certai ns cas l’Assemblée générale n’a pas cru devoir exiger la

consultation des habitants de tel ou tel territo ire. Ces exceptions s’expliquent soit par
la considération qu’une certaine population ne constituait pas un ‘peuple’ pouvant
prétendre à disposer de lui-même, soit pa r la conviction qu’une consultation eût été
510
sans nécessité aucune, en raison de circonstances spéciales.»

538. Il ressort de ces importantes observations de la Cour qu’une définition du «peuple» aux
fins de la reconnaissance du droit à l’autodéte rmination s’est dégagée et que, s’agissant de
déterminer si tel ou tel groupe constitue un «peuple» aux fins de l’autodétermination en droit

international, la reconnaissance par une organisation internationale compétente est prescrite.

505
Voir article 22 du Pacte de la Société des Nations ; voir aussi Statut international du Sud-Ouest africain, avis
consultatif, C.I.J. Recueil 1950, p. 132 ; Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l’Afrique du
Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolutio n276(1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif,
C.I.J. Recueil 1971, p. 28–29, par. 45-46 ; Certaines terres à phosphates à Nauru (Nauru c.Australie), exceptions
préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1992, p.256, par.41, etFrontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le
Nigéria (Cameroun c. Nigéria ; Guinée équatoriale (intervenant)), arrêt, C.I.J. Recueil 2002, p. 409.

506Voir Certaines terres à phosphates à Nauru (Nauru c. Australie), arrêt, C.I.J. Recueil 1992, p. 257, par. 44, et
Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Camerounc.Nigéria; Guinée équatoriale
(intervenant)), arrêt, C.I.J. Recueil 2002, p. 409, par. 212.

507 Voir Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie
(Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution276(1970) du C onseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J.Recueil1971 ,
p. 31, par. 52, et Sahara occidental, avis cons ultatif, C.I.J. Recueil 1975, p.31-33, par.54-59; voir aussi Conséquences
juridiques de l’édification d’un Mur dans le territoire pal estinien occupé, avis cons ultatif, C.I.J. Recueil 2004, p.172,
par. 88.

508 Déclaration de1970 relative aux principes du droit in ternational touchant les relations amicales et la
coopération entre les Etats conformément à la Charte des Nations Unies. On notera également que la
résolution1541(XV) de l’Assemblée géné rale énonçait l’obligation de communi quer des renseignements à l’égard d’un

‘territoire géographiquement séparé et ethniquement ou culturellement distinct du pays qui l’administre’.
509Affaire Renvoi relatif à la sécession du Québec [1998] 2 R.C.S. 217, par. 132.

510Voir Sahara occidental, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1975, p. 33, par. 59. - 132 -

L’ONU a donc été amenée à mettre au point une mé thode permettant d’identifier les «territoires
non autonomes» et de définir les modalités spécifiques à mettre en Œuvre pour en finir avec la
situation coloniale, notamment sur la base de l’applicabilité du principe d’autodétermination 511.

539. Le principe d’autodétermination lui-même prévoyait que le peuple de l’unité territoriale

colonisée en question peut déterminer librement son propre statut politique. Cette détermination
peut aboutir à l’indépendance, à l’intégration avec un Etat voisin, à une libre association avec un
Etat indépendant ou à tout autre statut politique librement choisi par le peuple intéressé 512.

II. Occupation

540. Il est noté dans la déclaration relative a ux principes du droit international touchant les
relations amicales et la coopération entre les Etats conformément à la Charte des Nations Unies

de 1970 que «soumettre des peuples à la subjugation, à la domination ou à l’exploitation étrangères
constitue une violation de ce principe [d’aut odétermination], ainsi qu’un déni des droits
fondamentaux de l’homme, et est contraire à la Charte».

541. Le paragraphe4 de l’ article premier du protocole a dditionnel aux conventions de

Genève de 1949, adopté en 1977, renvoie aux

«conflits armés dans lesquels les peuples lu ttent contre la domination coloniale et

l’occupation étrangère et contre les régi mes racistes dans l’exercice du droit des
peuples à disposer d’eux-mêmes, consacré dans la Charte des Nations Unies et dans la
déclaration relative aux principes du droit inte rnational touchant les relations amicales

et la coopération entre les Etats conformément à la Charte des Nations Unies».

542. La Cour suprême du Canada a elle aussi évoqué le droit à 513utodétermination dans le
cas des peuples soumis à une occupation militaire étrangère . Pour déterminer s’il y a occupation
étrangère, les éléments d’appréciation fournis pa r les organisations internationales compétentes

sont requis ou à tout le moins extrêmement utiles.

543. On a reconnu en particulier le droit à l’ autodétermination au peuple palestinien sous 514
occupation israélienne depuis la guerre de 1967. Un certain nombre de résolutions de l’ONU et
l’avis consultatif de la Cour in ternationale de Justice sur les Conséquences juridiques de
515
l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé en ont pris acte .

511
Voir, par ex., les résolutions 9 (I), 66 (I), 1541 (XVI) et 1654 (XVI) de l’Assemblée générale.
512Voir Sahara occidental, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1975 , p. 32-33, par. 57-58, et p. 68, par. 161-162 ; voir

aussi juge Dillard, ibid., p.122; voir aussi la résolution1541(XV) de l’Assemblée générale et la déclaration de1970
relative aux principes du droit international.
513Affaire Renvoi relatif à la sécession du Québec [1998] 2 RCS 217, par. 138.

514Voir les résolutions 3236 (XXIX), 55/85, 58/163 de l’Asse mblée générale. Voir aussi ses résolutions 38/16 et
41/100, et Cassese, Self-Determination, op. cit., p. 92 et suiv.

515Voir Conséquences juridiques de l’édification d’un Mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif,
C.I.J. Recueil 2004, p.183, par.118, p.197, par.149, et p.199, par.155. Voir aussi, par ex. A.Cassese, Self-
Determination, op. cit., p. 90-99 et suiv. - 133 -

III. L’autodétermination en tant que
principe des droits de l’homme

1. Considérations générales

544. En dehors des situations liées à un mandat ou une tutelle, à la domination coloniale ou à
une occupation étrangère, le droit à l’autodéterm ination a été reconnu internationalement comme

s’appliquant en tant que principe des droits de l’homme, mais uniquement dans les limites
territoriales de l’Etat indépendant. Cet asp ect de l’autodétermina tion (parfois dénommé
‘autodétermination interne’) s’entend pour l’essentie l du droit permanent d’un peuple vivant dans
516
un Etat souverain de participer librement à la gouvernance de cet Etat . Cela suppose toutefois
que la population en question soit reconnue en tant que «peuple», par opposition à une minorité ou

à un autre groupe de personnes.

545. Le Comité des droits de l’homme de l’ONU a examiné cet aspect de
l’autodétermination à propos de l’article premier du Pacte internationa l relatif aux droits civils et
politiques 517. Dans son observation générale sur l’aut odétermination adoptée en 1984, le Comité a

souligné que la réalisation de ce droit était «une condition essentielle de la garantie et du respect
effectif des droits individuels de l’homme» 518. A propos de ce droit, le Comité a encouragé les

Etats parties 519ournir dans leurs rapports des préci sions sur la participation aux structures sociales
et politiques . A l’occasion du dialogue engagé avec les représentants des Etats parties, il pose
régulièrement des questions sur le mode de fonctionnement des institutions politiques et le mode de
520
participation de la population de l’Etat intéressé à la gouvernance . La question va
nécessairement de pair avec l’examen d’autres artic les du pacte, concernant par exemple la liberté
d’expression (article 19), la liberté de réunion (article 21), la liberté d’association (article 22) et le

droit de prendre part à la conduite des affaires publiques et de voter (article25). Le droit à
l’autodétermination assure donc le cadre généra l de l’examen des principes touchant à la

gouvernance démocratique.

546. En1996, le Comité pour l’éliminati on de la discrimination raciale a adopté la
recommandation générale21 dans la quelle il faisait lui aussi la distinction entre deux aspects de
l’autodétermination, extérieur et intérieur. Le premier impliquait que :

«tous les peuples [avaient] le droit de déterm iner librement leur statut politique et leur
place dans la communauté internationale sur la base du principe de l’égalité des droits

516A. Cassese, Self-Determination, op. cit., p. 101.

517Voir en particulier D. McGoldrick, The Human Rights Committee, (1994), chap5 .; Cassese,
Self-Determination, op cit., p. 59 et suiv. et M. Nowak, UN Covenant on Civil and Political Rights, CCPR Commentary
(2 éd. 2005), 1 partie.

518Observation générale 12 : voir HRI/GEN/1/Rev.1, p. 12, 1994. Cependant, ce principe est considéré comme
un principe de caractère collectif et n on comme un principe dont des individus pourraient vouloir assurer la réalisation

en se prévalant des procédures de communications individuelles prévues dans le premier Protocole facultatif se
rapportant au pacte, voir, par ex, l’affaire Kitok , rapport du Comité des droits de l'homme, Nations Unies,
doc. A/43/40 (1988), p. 221, 228 ; l’affaire de la bande du lac Lubicon, Nations Unies, doc. A/45/40 (1990), vol. II, p. 1,
27 ; et R.L. et cons.c. Canada , Nations Unies, doc. A/47/40 (1992), p. 358, 365; voir aussi R. Higgins, «Postmodern
Tribalism and the Right to Secession» dans C. Brölmann, R. Lefeber and M.Zieck (eds.), Peoples and Minorities in
International Law (1993), p. 31.

519Voir, par ex., le rapport de la Colombie, CCPR/C/64/Add.3, p.9 et suiv.(1991). Voir aussi le troisième
rapport périodique du Pérou, CCPR/C/83/Add.1, 1995, p. 4.
520
Voir par ex., s’agissant du Canada, Nations Unies, doc.A/46/40 (10octobre1991), p.12. Voir aussi
Nations Unies, doc. A/45/40 (4 octobre 1991), p. 120–121, en ce qui concerne le Zaïre. - 134 -

et ainsi que l’illustr[ai]ent la libération des peuples du colonialisme et l’interdiction de
la soumission des peuples à la sujétion, la domination et l’exploitation étrangères»,

tandis que le second renvoyait au : «521it de tout cito yen de prendre part à la conduite des affaires
publiques à tous les échelons...» .

547. La Cour suprême du Canada a a bordé la question dans l’affaire du Renvoi relatif à la
sécession du Québec et a conclu que «le droit d’un peuple à disposer de lui-même est normalement
réalisé par voie d’autodétermination interne ⎯à savoir la poursuite par ce peuple de son
522
développement politique, économique, social et culturel dans le cadre d’un Etat existant» .

548. Cette conception de la signification de l’autodétermination da ns le cadre d’Etats
indépendants, selon laquelle le principe renvoie essentiellement à un ensemble de droits de
l’homme à réaliser sur le territoire de l’Etat, et non pas, en aucun cas, au droit de faire sécession de

cet Etat pour soit créer un nouvel Etat, soit s’associer à un Etat tiers, est confirmée par l’examen de
l’approche de la question des minorités et des peuples autochtones en droit international.

2. Droits des minorités

549. En ce qui concerne les minorités, il est admis en droit international qu’elles possèdent
un statut distinct et qu’elles peuvent bénéficier directement de droits internationaux soigneusement
limités. Diverses tentatives faites après la première guerre mondiale pour institutionnaliser la

protection internationale523 certaines minorités d’Europe centrale et orientale n’ont pas été
couronnées de succès . Au lendemain de la seconde guerre mondiale, l’attention s’est reportée
sur la protection internationale des droits de l’homme individuels à l’échelle universelle, encore

que plusieurs instruments traitant de situati524 particulières aient bien repris des dispositions se
rapportant à la protection des minorités .

550. Toutefois, l’article 27 du pacte internationa l relatif aux droits civils et politiques (1966)
prévoit ce qui suit :

«Dans les Etats où il existe des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques,
les personnes appartenant à ces minorités ne peuvent être privées du droit d’avoir, en
commun avec les autres membres de leur groupe, leur propre vie culturelle, de

professer et de pratiquer leur propre religion, ou d’employer leur propre langue.»

Il convient de noter que cette disposition pr évoyait que les droits des minorités étaient

attachés aux membres de ces groupes et non aux gro upes eux-mêmes, et que le cadre dans lequel
cette disposition était mise en oeuvre était l’Etat lui-même.

551. En 1994, le Comité des droits de l’homme a adopté une observation générale sur
l’article 27. Il y mettait en avant la distinction à faire entre les droits des personnes appartenant aux

521 er
Nations Unies, doc. A/51/18 (1 janvier 1996).
522
Affaire Renvoi relatif à la sécession du Québec [1998] 2 RCS 217, par. 126.
523Voir, d’une façon générale, Thornberry, International Law and Minorities (1991), p. 38 et suiv.

524Voir, par ex., l’annexeIV du Traité de paix avec l’Italie (1947) ; le Traité indo-pakistanais (1950), et
l’article7 du Traité d’Etat autrichien(1955). Voir aussles dispositions des documents concernant l’indépendance de
Chypre, Cmnd 1093, 1960. - 135 -

minorités, d’une part, et le droit à l’autodéte rmination et le droit à l’égalité et à la

non-discrimination, d’autre part. Il relevait en particulier ce qui suit :

«2. Dans certaines communications présen tées au Comité en application du

Protocole facultatif, le droit consacré à l’ article27 a été confondu avec le droit des
peuples à disposer d’eux-mêmes, énoncé à l’article premier du Pacte.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

3.1. Une distinction est faite dans le Pacte entre le droit des peuples à disposer
d’eux-mêmes et les droits consacrés à l’article27. Le premier droit est considéré

comme un droit appartenant aux peuples et fa it l’objet d’une partie distincte du Pacte
(première partie). Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes n’est pas susceptible
d’être invoqué en vertu du Protocole faculta tif. Par ailleurs, l’article27 confère des

droits à des particuliers et, à ce titre, il figur e, comme les articles concernant les autres
droits individuels conférés à des particuliers , dans la troisième pa rtie du Pacte et peut
faire l’objet d’une communication en vertu du Protocole facultatif.

3.2. La jouissance des droits énoncés à l’article27 ne porte pas atteinte à la
souveraineté et à l’intégrité territoriale d’un Etat partie.» 525

552. Cette approche, selon laquelle les dro its des minorités consacrés par le droit
international étaient strictement limités à la juridiction interne des Etats et n’étaient pas applicables

en dehors de leurs frontières, a été réaffirmée dans la déclaration sur les droits des personnes
appartenant à des minorités nationales ou ethn iques, religieuses ou linguistiques de1992 526, dont
l’article1 prévoit ce qui suit: «Les Etats protègen t l’existence et l’identité nationale ou ethnique,

culturelle, religieuse et linguistique des minorités sur leurs territoires respectifs» (les italiques sont
de nous) et adoptent les mesures législatives ou autres qui sont nécessaires pour parvenir à ces fins.
La déclaration se conclut expressément, au paragraphe 4 de l’article 8, par la disposition qui suit :

«Aucune des dispositions de la présente déclaration ne peut être interprétée
comme autorisant une quelconque activité contraire aux buts et principes des

NationsUnies, y compris à l’égalité souve527ne, à l’intégrité territoriale et à
l’indépendance politique des Etats.»

553. Dans le même ordre d’idée, dans son préambule, la Convention-cadre pour la protection
des minorités nationales, adoptée en 1995 par le Conseil de l’Europe, se donne pour objectif

«la protection effective des minorités nationales et des droits et libertés des personnes
appartenant à ces dernières dans le respect de la prééminence du droit, de l’intégrité
territoriale et de la souveraineté nationale»,

en prévoyant expressément qu’

«[a]ucune des dispositions de la présente convention-cadre ne sera interprétée comme

impliquant pour un individu un droit que lconque de se livrer à une activité ou
d’accomplir un acte contraire aux principes fondamentaux du droit international et

525 o
Observation générale n 23 : Les droits des minorités (art. 27) CCPR/C/21/Rev.1/Add.5 (1994).
526Résolution 47/135 de l’Assemblée générale.

527Ibid. - 136 -

notamment à l’égalité souveraine, à l’intégrité territoriale et à l’indépendance politique
des Etats» 528.

3. Droits des peuples autochtones

554. La situation juridique internationale concernant les peuples autochtones est à l’image de
celle qui concerne les minorités en général 529. Tout en reconnaissant la spécificité de cette
situation à l’égard du territoire auquel les peuples en question sont associés de longue date, les

instruments internationaux pertinents ont toujours assujetti les droits acceptés ou accordés à la
nécessité de respecter l’intégrité territoriale de l’Etat dans lequel ces peuples vivent.

555. La Convention n o69 concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays

indépendants, adoptée par l’Organisation internationale du Travail en1989, soulignait dans son
préambule l’aspiration de ces peuples

«à avoir le contrôle de leurs instituti ons, de leurs modes de vie et de leur
développement économique propres et à conser ver et développer leur identité, leur
langue et leur religion dans le cadre des Etats où ils vivent » (les italiques sont de

nous).

556. L’530emblée générale a adopté en2007 une déclaration sur les droits des peuples
autochtones , dans laquelle elle note que les peuples au tochtones ont le droit, à titre collectif ou
individuel, de jouir pleinement de l’ensemble d es droits de l’homme et des libertés fondamentales

reconnus par la Charte des NationsUnies, la décl aration universelle des droits de l’homme et le
droit international des dro its de l’homme et reconnaît expressément leur droit à
l’autodétermination 53. Les peuples autochtones, dans l’exercice de leur droit à

l’autodétermination, ont le droit d’être d’autonomes et de s’administrer eux-mêmes pour tout ce qui
touche à leurs affaires intérieures et locales, ainsi que de disposer des moyens de financer leurs
532
activités autonomes . Tout en définissant essentiellement le sens à donner à l’autodétermination
des peuples autochtones, la déclaration précise bien au paragraphe 1 de son article 46 qu’

«[a]ucune disposition de la présente décl aration ne peut être interprétée comme
impliquant pour un Etat, un peuple, un groupement ou un individu un droit
quelconque de se livrer à une activité ou d’accomplir un acte contraire à la Charte des

Nations Unies, ni considérée comme autorisant ou encourageant aucun acte ayant pour
effet de détruire ou d’amoindrir, totalement ou partiellement, l’intégrité territoriale ou
l’unité politique d’un Etat souverain et indépendant».

557. En conséquence, il est possible, à ce stade, de faire le résumé ci-après :

i) Dans le cas des territoires sous mandat et sous tutelle, le droi t à l’autodétermination
s’entend, en droit international, du droit de la population de chacun de ces territoires de

528
er Article21 de la Conventioneradre pour la protectoon des minorités nationales (ouverte à la signature le
1 février 1995, entrée en vigueur le 1 février 1998), STCE n 157.
529
Voir, par ex., P. Thornberry, Indigenous Peoples and Human Rights (2002) ; S. Marquardt, «International Law
and Indigenous Peoples», 3 International Journal on Group Rights (1995), p.47; et J.Anaya, Indigenous Peoples in
International Law (2004).
530
Résolution 61/295 de l’Assemblée générale.
531
532Ibid., articles 1 et 3.
Ibid., article 4. - 137 -

déterminer son propre statut politique, que cela débouche ou non sur l’indépendance,
l’association avec un autre Etat ou un autre statut ;

ii)Le droit international considère que les territoires coloniaux désignés en tant que
territoires non autonomes par l’organe des Nations Unies approprié (l’Assemblée générale
et le Comité spécial de la décolonisation) peuvent prétendre à exercer le droit à

l’autodétermination. Il incombe alors à l’Assemblée générale de déterminer si les
habitants de ces territoires constituent ou non un «peuple» ayant le droit à
l’autodétermination ;

iii)En pareil cas, l’autodétermination a été in terprétée comme signifiant le droit de la
population de chacun de ces territoires de déterm iner son propre statut politique, que cela
débouche ou non sur l’indépendance, l’association avec un autre Etat ou un autre statut ;

iv) Le droit international considère que le dr oit à l’autodétermination s’applique dans les cas
d’occupation étrangère établis par les organisations internationales compétentes et, en
pareil cas, l’autodétermination serait présum ée impliquer la fin de cette occupation
étrangère ;

v) En droit international, le droit à l’autodé termination d’un peuple vi vant sur le territoire
d’un Etat indépendant s’entend du droit de ce peuple de participer à la gouvernance de cet
Etat et, d’une façon générale, de bénéficier de l’expression collective des droits de

l’homme pertinents, mais strictement et uniqueme nt dans le cadre territorial de l’Etat en
question ;

vi) Le droit international reconnaît aux pers onnes appartenant à des minorités vivant sur le

territoire d’Etats indépendants certains droits, mais considère que ces droits doivent être
exercés strictement et uniquement dans le cadre territorial des Etats en question ;

vii)Dans le cas des peuples autochtones, le droit à l’autodétermination prend, en droit

international, la forme de droits collec tifs et de droits liés à l’autonomie et à
l’administration autonome, mais à exercer strictement et uniquement dans le cadre
territorial de l’Etat en question ;

viii) En dehors des cas des territoires sous manda t et sous tutelle et des territoires placés sous
occupation étrangère, le principe d’autodétermination renforce le concept d’intégrité
territoriale des Etats. Dans le cas des aspec ts du principe qui ont trait aux droits de
l’homme, aux minorités et aux peuples autochtones, cela été expressément affirmé.

C. L’AUTODETERMINATION N ’AUTORISE PAS LA SECESSION

558. Le droit international est clair dans la mesure où il ne prévoit pas le droit de faire

sécession d’un Etat indépendant. La pratique examin ée plus haut au chapitre 6 concernant la règle
fondamentale de l’intégrité territoriale en est l’illust ration. De fait, une telle règle aurait bien peu
de valeur s’il fallait reconnaître en droit international un droit de sécession applicable aux Etats
indépendants.

559. L’ONU s’est toujours opposée catégori quement à toute tentative de détruire
partiellement ou totalement l’unité nationale et l’in tégrité territoriale d’un Etat. Le point6 de la

déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux, par exemple, souligne
que - 138 -

«[t]oute tentative visant à détruire partielle ment ou totalement l’unité nationale et
l’intégrité territoriale d’un pays est incompatible avec les buts et principes de la Charte
des Nations Unies».

Le préambule de la déclaration relative aux prin cipes du droit international de1970, quant à lui,
prévoit notamment ce qui suit :

«Rappelant le devoir des Etats de s’abstenir, dans leurs relations internationales,
d’user de contrainte d’ordre militaire, po litique, économique ou autre, dirigée contre

l’indépendance politique ou l’intégrité territoriale de tout Etat,

Considérant qu’il est essentiel que tous les Etats s’abstiennent, dans leurs

relations internationales, de recourir à la me nace ou à l’emploi de la force, soit contre
l’intégrité territoriale ou l’indépendance po litique de tout Etat, soit de toute autre
manière incompatible avec les buts des Nations Unies,

Convaincue en conséquence que toute tentative visant à rompre partiellement ou
totalement l’unité nationale ou l’intégrité territoriale d’un Etat ou d’un pays ou à

porter atteinte 533on indépendance politique est incompatible avec les buts et principes
de la Charte.»

560. Par ailleurs, la déclaration stipule expressément que

«[t]out pays doit s’abstenir de toute action visant à rompre partiellement ou totalement
534
l’unité nationale ou l’intégrité territoriale d’un autre Etat ou d’un autre pays» .

561. Cette approche a également été soulignée dans des instruments de caractère régional.
Ainsi, le paragraphe 3 de l’article III de la Charte de l’OUA insiste-t-il sur le principe du «respect
de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de chaque Etat et de son droit inaliénable à une

existence indépendante», comme le fait l’article 3 b) de l’Acte constitutif de l’Union africaine
de 2001, tandis que le Pr incipe VIII de l’acte final d’Helsi nki, dont l’énoncé revêt une importance
et un intérêt considérables aux fins de la procédure en cours, note que

«Les Etats participants resp ectent l’égalité de droits des peuples et leur droit à
disposer d’eux-mêmes, en agissant à tout moment conformément aux buts et aux

principes de la Charte des NationsUnies et aux normes pertinentes du droit 535
international y compris celles qui ont trait à l’intégrité territoriale des Etats.»

562. En outre, la Charte de Paris de 1990 a insi sté sur cette approche et déclaré que les Etats
participants réaffirment

533Déclaration relative aux principes du droit international to uchant les relations amicales et la coopération entre
les Etats conformément à la Charte des Nations Unies (1970), préambule.

534Ibid.

535Le PrincipeIV relatif à l’intégrité territoriale des Etats a insisté sur la nécessité de respecter ce principe, en
faisant observer que les Etats participants «s’abstiennent de tout acte incompatible avec les buts et principes de la Charte
des Nations Unies contre l’intégrité territoriale, l’indépendance politique ou l’unité de tout Etat participant». - 139 -

«l’égalité de droits des peuples et leur dro it à l’autodétermination conformément à la
Charte des NationsUnies et aux normes pertinentes du droit international dans ce
domaine, y compris celles qui ont trait à l’intégrité territoriale des Etats» 536.

563. La pratique internationa le montre que l’autodétermination n’a pas été interprétée

comme signifiant qu’un groupe se définissant comme tel puisse décider pour lui-même de son
propre statut politique au point de fa ire sécession d’un Etat déjà indépendant 537. Le Secrétaire

général de l’ONU a souligné qu’

«[e]n tant qu’organisation internationale, l’ONU n’a jamais accepté, et n’accepte pas,

et je doute 538elle l’accepte jamais, le principe de sécession d’une partie d’un Etat
Membre» .

o
564. Dans son avis n 2, la Commission d’arbitrage de la Conférence sur la Yougoslavie
souligne que

«[q]uelles que soient les circonstances, le droit à l’autodétermination ne doit pas
apporter de changements aux frontières qui existent au moment de l’indépendance
539
(uti possidetis juris), à moins que les Etats intéressés n’en conviennent autrement» .

Pour sa part, la Cour suprême du Canada a, dans l’affaire du Renvoi relatif à la sécession du

Québec, conclu qu’

«en droit international, le droit à l’aut odétermination est censé être exercé par des

peuples, à l’intérieur d’Etats souverains exis tants, et conformément au principe du
maintien de l’intégrité territoriale de ces Et ats ... Le principe de l’autodétermination
en droit international a évolué dans le r espect de l’intégrité territoriale des Etats

existants. Les divers documents internationaux qui étayent l’existence du droit d’un
peuple à l’autodétermination renferment égal ement des formulations en soutien de la

conclusion selon laquelle l’exercice d’un tel droit doit être suffisamment limité pour
prévenir les menaces contre l’intégrité territo riale d’un Etat existant ou la stabilité des
relations entre Etats souverains.» 540

565. De grands auteurs sont parvenus à la même conclusion générale. D’après Cassese,

«[d]epuis l’apparition du principe politique d’autodétermination sur la scène
internationale, les Etats ont rejeté catégor iquement ne serait-ce que la possibilité

d’accorder aux nations, groupes et minorités un droit de faire sécession du territoire
sur lequel ils vivent. L’intégrité territorial e et les droits souverains ont toujours été

536
Charte de Paris, disponible à l’adresse : http://www.osce.org/documents/mcs/1990/11/4045_en.pdf.
537
Voir par ex. H. Hannum, Autonomy, Sovereignty and Self-Determination (1990), p.469 et Cassese,
Self-Determination, op. cit., p. 122.
538
UN Monthly Chronicle (février1970), p.36. Voir aussi l’observa tion faite par le mini stre britannique des
affaires étrangères, pour qui «il est largement admis à l’ ONU que le droit d’autodétermination ne donne pas à chaque
groupe distinct ou à chaque subdivision territoriale d’un Etat le droit de faire sécession et par conséquent de démembrer
l’intégrité territoriale ou l’unité politique d’Etats souverains indépendants»British Yearbook of International Law
(1983), p. 409. Voir aussi infra par. 0 et suiv.

539Avis n 2 de la Commission d’arbitrage de la conférence sur la Yougoslavie, ILM, vol.31 (1992) 1497,
pièce 39 des pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit.

540Affaire Renvoi relatif à la sécession du Québec [1998] 2 R.C.S. 217, par. 122 et 127. - 140 -

considérés comme de la plus haute541portance; de fait, ils ont été considérés comme
mettant un point final au débat.»

566. Cet auteur conclut en relevant qu’

«[o]n ne trouve pas, dans l’ensemble de règles juridiques internationales sur
l’autodétermination, de règle qui reconna îtrait à un groupe ou à une minorité ethnique
le droit de faire sécession en vue de de venir une entité internationale séparée et
542
distincte» .

567. Crawford écrit ce qui suit :

«Depuis1945, la communauté internati onale a manifesté la plus grande

réticence à accepter la sécession unilatérale de parties d’Etats indépendants si le
gouvernement de l’Etat considéré s’y opposait. Dans ce cas, le principe de l’intégrité
territoriale a constitué une sérieuse contra inte. Depuis1945, aucun Etat créé des

suites d’une sécession unilatérale n’a été admis à l’Organisat543 des Nations Unies si
l’Etat prédécesseur avait exprimé clairement son désaccord.»

568. Il en tire la conclusion suivante :

«En résumé, en dehors de la décolonisation, il n’est pas admis que le principe

d’autodétermination engendre un dro it de sécession de parties d’Etats
indépendants…Depuis1945, il ressort de la pratique des Etats que ceux-ci sont

extrêmement réticents à reconnaître la sécession unilatérale si ce n’est dans le contexte
de la décolonisation. Cette pratique n’ a pas évolué depuis19 89 malgré l’émergence
au cours de cette période de 23nouveaux Etat s. Au contraire, elle s’est en fait
544
considérablement renforcée.»

569. On peut donc en conclure que le droit in ternational ne reconnaît assurément pas le droit
de faire sécession d’un Etat indépendant et qu’aucune formulation du principe d’autodétermination
n’autorise semblable interprétation 54. De surcroît, l’importance accor dée par le droit international

et la pratique internationale à la règle de l’in tégrité territoriale doit être entendue comme rendant
illégitime en soi toute sécession non consensuelle.

D. LE K OSOVO NE CONSTITUE PAS UNE UNITE TERRITORIALE CONCERNEE PAR
L’AUTODETERMINATION ET LES A LBANAIS DU K OSOVO NE CONSTITUENT

PAS UN «PEUPLE » AYANT DROIT A DISPOSER DE LUI -MEME

570. Il découle de l’analyse qui précède du droit à l’autodétermination tel qu’il s’est

développé et a été reconnu en droit international que le territoire du Kosovo n’est pas en droit de
bénéficier en tant que tel du droit à l’autodéte rmination dès lors qu’il p ourrait être interprété
comme un droit de sécession.

541
Cassese, Self-Determination, op. cit., p. 122.
542
Ibid., p. 339.
54Crawford, The Creation of States, op. cit., p. 390.

54Ibid., p. 415.

54En ce qui concerne l’argument lié à la «clause de sauvegarde», voir supra sect. E. par. 0 et suiv. - 141 -

571. Le Kosovo n’a été ni un territoire sous ma ndat ou sous tutelle, ni un territoire colonial
extra-européen au sens de l’ONU 546; il n’a été ni enregistré en tant que territoire non autonom
e
auprès de l’ONU, ni reconnu par elle en tant que tel, et aucune demande d’acceptation en tant que

territoire non autonome n’a été présentée en son nom à l’ONU et aucune organisation
internationale ou régionale ne l’a jamais rec onnu en tant que tel; et aucune organisation

internationale compétente n’a déterminée ou établi qu’il avait été placé sous occupation étrangère.

572. Le Kosovo faisait partie intégrante de la RFY (Communa547 étatique de
Serbie-et-Monténégro). Il fait touj ours partie intégrante de la Serbie et, à ce titre, la population
de ce territoire a été et demeure un élément cons titutif du «peuple» de Serbie. Les personnes

appartenant à une minorité vivant sur le territoire de la Serbie, notamment au Kosovo, ont droit à la
protection des droits des minorités énoncés aux articles14 et75 à81 de la Constitution de la
République de Serbie de 2006 548.

573. En tant que partie d’un Etat indépendant internationalement reconnu, le Kosovo n’est

pas une unité territoriale concernée par l’autodétermination selon l’interprétation donnée à cette
expression par le droit international et la pratique internationale. Par définition, la reconnaissance
internationale systématique de l’intégrité territori ale de la RFY (et, partant, de la République de

Serbie qui en assure la continuité) exclut l’acceptation du droit à l’autodétermination dont
jouiraient les habitants de la province du Kosovo.

574. En dépit des controverses qu’il a suscitées, le processus de dissolution de la RFSY a été

conduit d’une manière conforme à la règle qui voulait que les républiques constitutives de cet Etat
accèdent à l’indépendance dans le cadre des limites territoriales qui étaient antérieurement les leurs.
Comme on le sait, le Kosovo n’était pas une république constitutive de la RFSY, mais faisait partie
549
de la République de Serbie .

o
575. Dans son avis n 1, la Commission d’arbitrage de la Conférence sur la Yougoslavie a
relevé que les républiques constitutives de la RFSY (l’ex-Yougoslavie) avaient exprimé leur
volonté d’indépendance par le biais de divers réfé rendums ou résolutions parlementaires et que la

composition et le fonctionnement des princi paux organes fédéraux de l’ex-Yougoslavie ne
répondaient plus aux critères de participation ou de représentativité spécifiques d’un Etat fédéral.
La Commission d’arbitrage a donc conclu que l’ ex-Yougoslavie était entrée dans un «processus de
550
dissolution» .

o
Dans son avis n 2, la Commission d’arbitrage s’est vu poser la question suivante: «En tant que
l’un des peuples constitutifs de la Yougoslavie, la population serbe vivant en Croatie et en
Bosnie-Herzégovine a-t-elle le droit à l’autodéte rmination?» La Commission a fait la réponse

suivante :

546Voir plus haut, par. 11.

547Sur la continuité entre la RFY et la République de Serbie, voir supra chap. 1, sect. E.

548Constitution de la République de Serbie, Journal officiel de la République de Serbie, n 98/2006.

549Voir supra chap. 5, sect. A III) (5), en particulier les par. 0 à 0.
550 o
Avis n 1 de la Commission d’arbitrage de la Conférence sur la Yougoslavie, ILM, vol. 31 (1992) 1494, 1497,
pièce 38 des pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit. - 142 -

«1. La Commission considère qu’en l’état actuel des choses, le droit international

n’explicite pas toutes les implications du droit à l’autodétermination.

Cela étant, il est bien établi que, quelles que soient les circonstances, le droit à

l’autodétermination ne peut entraîner une modification des frontières au moment
des indépendances ( uti possidetis juris ) sauf en cas d’accord contraire de la part
des Etats concernés.

2. Lorqu’il existe dans un Etat un ou pl usieurs groupes constituant une ou plusieurs
communautés ethniques, religieuses ou linguistiques, ils ont le droit à la
reconnaissance de leur identité en droit international.

o
Comme la Commission l’a souligné dans son avis n 1 du 29novembre1991,
publié le 7 décembre, les normes ⎯ devenues impératives ⎯ de droit international

font obligation aux Etats de faire respecter les droits des minorités. Cette
obligation s’applique à toutes les Républiques à l’égard des minorités vivant sur
leur territoire.

Il s’ensuit que la population serbe de Bosnie-Herzégovine et de Croatie doit se voir
accorder tous les droits reconnus par les conventions internationales aux minorités
ainsi que les garanties nationales et internationales en harmonie avec les principes

du droit international et les dispositions du chapitreII 551projet de convention du
4 novembre 1991, que ces Républiques ont accepté.»

576. De quelque façon que l’on caractérise la dissolution de l’ex-Yougoslavie, ce que la

pratique internationale a bien mis en évidence, c’est que les Etats successeurs sont parvenus à
l’indépendance dans le cadre des limites terr itoriales des anciennes républiques et de la
réaffirmation de leur droit à l’intégrité territoriale. L’avis n o2 a précisé que les territoires

composant les républiques constitutives n’avaient pas le droit de faire sécession et que les
populations de ces territoires avaient le droit de jouir de tous les droits fondamentaux et, en
particulier, des droits des minorités. Ce princi pe s’applique manifestement au Kosovo, qui fait

partie de la République de Serbie.

577. Par ailleurs, la Commission a indiqué clairement que quel que soit le sens qui puisse lui

être donné, le droit à l’autodétermination ne pouva it pas prévaloir sur l’intégrité territoriale de
l’Etat reconnu. De plus, la Commission a, dans son avis n 3, souligné ce qui suit :

«A défaut d’un accord contraire, les limites antérieures acquièrent le caractère
de frontières protégées par le droit interna tional. Telle est la conclusion à laquelle
conduit le principe de respect du statu quo te rritorial et particulièrement celui de

l’uti possideti juris qui, bien qu’initialement reconnu dans le règlement des problèmes
de décolonisation en Amérique et en Afrique, constitue aujourd’hui un principe
présentant un caractère général, comme l’a d éclaré la Cour internationale de Justice
dans son arrêt du 22 décembre 1986 dans l’affaire du Différend frontalier (Burkina

Faso/République du Mali (1986) C.I.J. Recueil 554, 565) :

«Néanmoins, ce principe n’est pas une règle particulière, inhérente

à un système déterminé de droit intern ational. Il constitue un principe
général, logiquement lié au phénom ène de l’accession à l’indépendance,
où qu’il se manifeste. Son but évident est d’éviter que l’indépendance et

551Avis n 2 de la Commission d’arbitrage de la conférence sur la Yougoslavie, ILM, vol. 31 (1992) 1497, 1498. - 143 -

la stabilité de552ouveaux Etats ne soient mises en danger par des luttes
fratricides...»

578. Il est bon de noter que M.Rugova, qui était alors le chef des Albanais du Kosovo, a
écrit le 22 décembre 1991 à Lord Carrington, président de la conférence sur la Yougoslavie, dans le

but d’obtenir la reconnaissance de la «553ublique du Kosovo» en tant qu’Etat indépendant après
l’adoption des Directives des CE . Il n’a pas été fait droit à cette demande. La Commission
d’arbitrage a examiné les demandes présentées par les anciennes républiques yougoslaves de

Slovénie, de Croatie, de Bosnie-Herzégovine et de Macédoine, mais non celle présentée par le chef
des Albanais du Kosovo. On remarquera égalem ent que la Conférence sur la Yougoslavie,
organisée par la Communauté européenne en199 1, a refusé d’autoriser les représentants des
554
Albanais du Kosovo à y participer sur un pied d’égalité avec les républiques yougoslaves .

579. Aux fins du présente exposé, il convient de souligner que le processus de gestion de la
dissolution de l’ex-Yougoslavie à la lumière du droit international faisait du «respect de
l’inviolabilité de toutes les frontières» un élément crucial, les questions relatives à

l’autodétermination, à la protection des minor ités et aux droits de l’homme, pour essentielles
qu’elles soient, devant être réglées dans le ca dre des limites territoriales des républiques de
l’ex-Yougoslavie. En d’autres termes, la dissolutio n de cette dernière a été accomplie sur la base

de la reconnaissance et de la réaffirmation de l’ intégrité territoriale des républiques constitutives et
des nouveaux Etats qui leur ont succédé.

580. De leur côté, les instruments intern ationaux entérinant la fin du conflit dans
l’ex-Yougoslavie se caractérisent par la réaffirmation expresse et claire de l’intégrité territoriale de

tous les Etats successeurs, y compris la République de Serbie. Ces instruments sont notamment la
résolution 1031 (1995) du Conseil de sécurité, dans laquelle ce dernier réaffirme «son attachement
à un règlement politique négocié des conflits dans l’ex-Yougoslavie, qui préserve l’intégrité

territoriale de tous les Etats à l’intérieur de le urs frontières internationalement reconnues», et de
l’article premier de l’accord-cadre général pour la paix en Bosnie-Herzégovine (Accord de

Paris-Dayton), qui prévoit la reconnaissance mutu elle de l’égalité souveraine et de l’intégrité
territoriale de la Croatie, de la Bosnie-Herzégovine et de la RFY. L’attachement exprès du Conseil
de sécurité à un règlement des conflits yougoslaves qui «préserve l’intégrité territoriale de tous les

Etats à l’intérieur de leurs frontières internationalement reconnues» a été réaffirmé dans les
résolutions1088 (1996), 1423 (2002), 1491 (2003), 1551 (2004), 1575 (2004), 1639 (2005),
1722 (2006), 1785 (2007) et 1845 (2008) 555.

552 o
Avis n 3 de la Commission d’arbitrage de la Conférence sur la Yougoslavie, ILM, vol. 31 (1992) 1499, 1500,
pièce 40 des pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit.
553
Voir la lettre adressé par M.Rugova à Lord Ca rrington, Conférence pour la paix en Yougoslavie,
22 décembre 1991, pièce 76 des pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit.
554
Dans une lettre à M.Rugova en date du 17août1992, Lord Carrington, le président de la Conférence, a
indiqué ce qui suit au sujet de la participation d’une délégation du Kosovo à la Conférence :

«Si vous prévoyez d’être à Londres au moment de la Conférence (du 26 au 28 août), j’ai le plaisir
de vous informer que vous pourrez, ainsi que votre délégation, avoir accès au QueenElizabethII
Conference Centre pour des entretiens avec moi, le MinistreVance et les autres participants. Comme il
ne sera pas possible, pour des raisons pratiques et autres, de perm ettre à votre délégation d’accéder à la
salle de la Conférence elle-même, les organisateurs mettront en place une «salle d’écoute» pour une
retransmission en direct des débats officiels de la Conférence.» Pièce 77 des pièces et documents soumis
à l’appui du présent exposé écrit.

555Voir pièces15 et 21 à 28 des pièces et documents s oumis à l’appui du présent exposé écrit. Pour plus
d’informations, voir supra chapitre 6, section E, par. 0 à 0. - 144 -

581. Cette affirmation de l’intégrité territori ale des Etats successeurs de l’ex-Yougoslavie a

été réitérée de façon spécifique dans le cas de la RFY (devenue depuis la République de Serbie)
pendant la crise du Kosovo. Dans une longue série de résolutions et de déclarations de son
président, le Conseil de sécurité a expressément réaffirmé l’«attachement de tous les Etats
556
Membres à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de la République fédérale de Yougoslavie» .

582. Cela a débouché sur la résolution1244(1 999) du Conseil de sécurité, qui, après avoir
réaffirmé cet attachement à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de la RFY compte tenu de ses
résolutions antérieures, s’est référé à l’acte final d’Helsinki, qui avait prôné le respect de l’intégrité

territoriale de chacun des Etats participant au pr ocessus d’Helsinki, et à l’ensemble de principes
devant régir le règlement des crises du Kosovo, fi gurant dans les annexes1 et2, qui mettaient
expressément et spécifiquement l’accent sur la souveraineté et l’intégrité territoriale de la RFY 557.

583. Cette réaffirmation permanen te de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la
Serbie pendant toute la durée du processus de règlement des conflits dans l’ex-Yougoslavie et en ce

qui concerne la crise du Kosovo cadre avec la conception du droit à l’autodétermination d’une
population vivant en Serbie déjà analysée dans la présente section. Elle n’est absolument pas
compatible avec toute conception de ce droit qui, dépassant le cadre des droits de l’homme exercés

au plan national, engloberait un prétendu droit de sécession.

584. Non seulement le Kosovo n’a été reconnu par aucun instrument international comme

constituant une unité territoriale aux fins de l’exer cice du droit à l’autodétermination, mais encore
les Albanais du Kosovo n’ont été en tant que tels reconnus par aucune orga nisation internationale
en tant que «peuple» pouvant prétendre exercer ce droit en dehors du contexte de l’intégrité

territoriale internationalement reconnue et affirmée de la République de Serbie.

585. Cette reconnaissance internationale dans le contexte de l’autodétermination a été
essentielle pour faire accepter l’application de ce droit à certaines catégories de «peuples».

586. Ainsi qu’on l’a vu plus haut, le droit à l’autodétermination au sens plein du terme
⎯ permettant au peuple concerné de décider par lu i-même de son statut politique futur, y compris

l’indépendance ⎯ ne s’applique aux territoires sous mandat ou sous tutelle (il n’existe plus aucun
de ces territoires) et aux territoires non autonomes (ou coloniaux), tels qu’ils ont été soigneusement
définis dans la pratique des Nations Unies et dont il a été question plus haut 55.

587. L’ONU n’a jamais reçu d’informations selon lesquelles le Kosovo était un de ces
territoires non autonomes. Aucun Etat Membre n’a jamais fait valoir que le Kosovo devrait être

désigné comme tel. Jamais l’intégrité territoriale de la RFY (la République de Serbie actuelle) n’a
été contestée au motif que le Kosovo était un te rritoire non autonome ou pour tout autre motif.
Aucune résolution de l’ONU n’a jamais déclaré que le Kosovo était ou devrait être désigné comme

territoire non autonome auquel le droit à l’aut odétermination au sens plein du terme pourrait

556Voir résolutions 1160 (1998), 1199 (1998), 1203 (1998) et 1239 (1999) du Conseil de sécurité, reprises dans
les pièces 15 à 19 des pièces et docu ments soumis à l’appui du présent exposé ; et Nations Unies, doc. S/PRST/1998/25

(24 août 1998), S/PRST/199/2 (19 janvier 1999) et S/PRST/199/5 (29 janvier 1999), reproduits dans les pièces29 à31
des pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé. Voir aussi supra chapitre 6, section E, par. 0 à 0.
557Voir aussi chapitre 6, section E, par. 0 à 0.

558Voir supra par. 0 à 0. - 145 -

s’appliquer. Aucune autre orga nisation internationale ou régionale ne s’est jamais exprimée en ce

sens.

588. Dans ces conditions, il n’existe à l’évidence aucun élément permettant d’étayer

l’assertion selon laquelle le Kosovo aurait jamais constitué une unité territoriale concernée par
l’autodétermination en tant que territoire non autonome reconnu ou celle selon laquelle les
Albanais du Kosovo, en tant qu’ils représentaient une partie (même majoritaire) de la population du

Kosovo, constituaient un peuple pouvant prétendre exercer le droit à l’autodétermination au sens où
il serait totalement libre de déterminer son statut politique, y compris de faire sécession.

E. L’INTERPRETATION DANS LE SENS DE LA «SECESSION A TITRE DE RECOURS »DE LA
«CLAUSE DE SAUVEGARDE » FIGURANT DANS LA RESOLUTION 2625 (XXV) DE
L’A SSEMBLEE GENERALE EST ERRONEE ET ,EN TOUT ETAT

DE CAUSE ,NE S’APPLIQUE PAS AU K OSOVO

589. Tentant de justifier juridiquement la prétendue sécession de la province serbe du

Kosovo, ceux qui se sont faits les promoteurs de cette sécession se sont notamment appuyés sur
une interprétation particulière de la «clause de sauvegarde» qui figure au paragraphe 7 du principe
de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes énoncé par la
résolution2625(XXV) de l’Assemblée générale (Déclaration relative aux principes du droit

international) adoptée en1970. La présente secti on se penche sur cette inte rprétation particulière
de la «clause de sauvegarde» afin de démontrer le caractère erroné de la prétendue justification de
ce qui est présenté comme une «sécession à titre de recours». Elle comprend trois
parties.

Premièrement, on se propose de mettre en évidence le fa it que la «clause de sauvegarde» relève
d’une solide pratique consistant à assurer la sau vegarde de l’unité politique et de l’intégrité
territoriale des Etats indépendants(1). Deuxièmement, il sera démontré qu’une interprétation

a contrario de la «clause de sauvegard e» visant à faire accepter un droit de «sécession à titre de
recours» n’est pas validé par les dispositions du paragraphe, non plus que par son contexte, son
objet et son but, les travaux préparatoires et la pratique ultérieure (2). Troisièmement, il sera établi

que la résolution 2625 (XXV) ne transforme pas une minorité en proie à des violations de ses droits
fondamentaux en un peuple jouissant d’un droit à l’autodétermination (3). Quatrièmement, même
s’il existe un prétendu droit à la «sécession à titre de recours(quod non), il ne s’applique pas au
cas du Kosovo (4).

I. Le paragraphe 7 du principe d’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer

d’eux-mêmes s’inscrit dans le cadre d’une pratique bien ancrée consistant à
assurer la sauvegarde de l’unité politique et de l’intégrité
territoriale des Etats indépendants

590. Comme indiqué plus haut, l’ONU a touj ours accordé beaucoup d’importance au respect
de l’intégrité territoriale de ses Etats Membres 55. Même dans le contexte de la décolonisation
⎯ qui n’est pas un cas de sécession ⎯ et après avoir affirmé le droit des peuples à disposer d’eux

mêmes, l’Organisation prenait soin d’indiquer que l’intégrité territoriale devait être sauvegardée.
C’est ainsi que la résolution1514(XV) de l’A ssemblée générale, dans laquelle la Cour a vu un
jalon important dans l’évolution du droit coutumier dans ce domaine 560, dispose en son

paragraphe 6 que «[t]oute tentative visant à détruire partiellement ou totalement l’unité nationale et

559
Voir chapitre 6 du présent exposé écrit.
560Namibie, p. 31, par. 52-53, Sahara occidental, p. 31, par. 55. - 146 -

l’intégrité territ561ale d’un pays est incompatible avec les buts et les principes de la Charte des
Nations Unies» .

591. Il est bon de rappeler qu’au cours d es débats qui ont précédé l’adoption de la
résolution 1514 (XV), le Guatemala a présenté un amendement au projet afro-asiatique, dans lequel

il était proposé d’insérer un nouveau paragra phe qui disposerait que le principe
d’autodétermination ne pouvait pas affecter l’intégrité territoriale des Etats. Jugeant l’amendement
guatémaltèque inutile, les auteurs du projet ont bi en précisé que ce point était déjà traité au
562
paragraphe 6 .

592. Un autre instrument important pour la détermination du champ d’application du droit à
l’autodétermination est la résolution 2625 (XXV) de l’Assemblée générale. De nouveau, dans cette
résolution, l’Assemblée générale a jugé nécessai re de déclarer expressément que l’intégrité

territoriale des Etats devait être respectée lorsqu’e lle a traité du droit à l’autodétermination. Le
paragraphe7 du principe d’éga lité de droits et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes,
dénommé la «clause de sauvegarde», est ainsi libellé :

«Rien dans les paragraphes précédents [ceux qui concernent
l’autodétermination] ne sera interprété co mme autorisant ou encourageant une action,

quelle qu’elle soit, qui démembrerait ou me nacerait, totalement ou partiellement,
l’intégrité territoriale ou l’unité politique de tout Etat souverain et indépendant se
conduisant conformément au principe de l’ég alité de droits et du droit des peuples à

disposer d’eux-mêmes énoncé ci-dessus et doté ainsi d’un gouvernement représentant
l’ensemble du peuple appartenant au territoire sans distinction de race, de croyance ou
de couleur.» 563

593. L’insertion de la «clause de sauvegarde» s’est expliquée par la volonté de nombreux

Etats, pendant la rédaction de la résolution 2625 (XXV), de faire expressément référence au respect
de l’intégrité territoriale des Etats compte tenu du principe de l’égalité de droits et du droit des
peuples à disposer d’eux-mêmes. Un certain nombre de propositions de textes peuvent être

mentionnées à cet égard.

564
594. Tant le paragraphe2 c), partieVI, du texte du Royaume-Uni que le paragraphe2 c)
du texte proposé par l’Algérie, la Birmanie, le Came roun, le Dahomey, le Ghana, l’Inde, le Kenya,
le Liban, Madagascar, le Nigéria, la Répub lique arabe unie, la Syrie et la Yougoslavie 565

comportait la disposition suivante: «Chaque Etat s’abstient de toute action visant à détruire
partiellement ou totalement l’unité nationale et l’intégrité territoriale d’un autre Etat.» Le
paragraphe 2 a) du texte proposé par la Pologne, la Roum anie, la Tchécoslovaquie et l’Union des

561Résolution 1514 (XV) de l’Assemblée générale.

562NationsUnies, doc.A/PV.947 (14 décembre 1960), p.1271-1272. Voir aussi Yearbook of the
United Nations 1960, p. 48.

563Résolution 2625 (XXV) de l’Assemblée générale.
564
NationsUnies, doc.A/AC.125/L. 44 (19 juillet 1967), partieVI, repr is dans Documents officiels de
l’Assemblée générale, vingt-deuxième session, annexes, point87 de l’ordr e du jour, NationsUnies, doc.A/6799
(26 septembre 1967), par. 176.
565
Nations Unies, doc. A/AC.125/L.48 (27 juillet 1967), repris dans Documents o fficiels de l’Assemblée
générale, vingt-deuxième session, annexes, point 87 de l’ordre du jour, Nations Unies, doc. A/6799 (26 septembre 1967),
par. 177. - 147 -

Républiques socialistes soviétiques contenait une disposition 566s générale, simplement libellée
comme suit : «L’intégrité du territoire nationale est respecté
e.»

595. Le paragraphe 7 de la section concernant le principe de l’égalité de droits et du droit des
peuples à disposer d’eux-mêmes figurant dans la résolution2625(XXV) de l’Assemblée générale
et le paragraphe6 de sa résolution1514(XV) s ont des exemples d’une pratique ancienne de la

communauté internationale s’agissant de mettre l’accent sur l’intégrité territoriale des Etats
Membres. L’importance de l’ engagement de l’ONU en République du Congo au début des
années 60 en vue de sauvegarder l’intégrité territorial e de l’Etat contre le séparatisme katangais, et

la dénonciation par l’Organisation de l’unité africaine de la tentative du Biafra de faire sécession du
Nigéria en 1967 sont des exemples significatifs de ce tte pratique déjà ancienne de la communauté
internationale vers l’époque de l’adoption de la résolution 2625 (XXV).

596. En ce qui concerne le séparatisme katangais , en1960, le président et premier ministre

congolais a adressé au Secrétaire général un télégramme dans lequel il demandait «l’envoi 567
d’urgence d’une assistance militaire» pour faire face à la prétendue sécession du Katanga . Le
Secrétaire général a répondu en demandant une intervention des Nations Unies dans le rapport qu’il
568
a présenté au Conseil de sécurité . Le 14juillet1960, le Conseil de sécurité a adopté la
résolution 143 (1960). Au paragraphe 2 du dispositif de cette résolution, le Conseil

« Décide d’autoriser le Secrétaire général à prendre les dispositions
nécessaires… pour fournir au Gouvernement [de la République du Congo]
l’assistance militaire qui pourra être nécessaire jusqu’à ce que ... les forces nationales

de sécurité puissent être en mesure ... de remplir pleinement leur mission.»

Elle a été suivie par la résolution 145 (1960) du Co nseil de sécurité, en date du 22 juillet 1960, qui,

au paragraphe2 de son dispos itif, demandait à tous les Etats «de s’abstenir de toute action
susceptible de porter atteinte à l’intégrité territoriale et à l’indépendance politique de la République
du Congo», et par la résolution 146 (1960) du Conseil de sécurité, en date du 9 août 1960.

597. Les mesures prises par le Conseil de sécur ité contre le mouvement séparatiste katangais
au Congo ont été appuyées par l’Assemblée gé nérale dans la résolution 1474(ES-IV)

du 20 septembre 1960, dont le paragraphe 5 a) du dispositif demandait à tous les Etats «de
s’abstenir de toute action susceptible de porter a tteinte à l’unité, à l’intégrité territoriale et à
l’indépendance politique de la République du Congo».

598. En ce qui concerne la tentative faite par le Biafra pour faire sécession du Nigéria,

l’Organisation de l’unité africaine a fermemen t condamné cette tentative de sécession dans une
résolution dans laquelle les dirigeants des Etats me mbres ont réaffirmé leur fidélité au principe de
l’intégrité territoriale des Etats69.

566Nations Unies, doc. A/AC.125/L.74.

567Documents officiels du Conseil de sécurité , quinzième année, Supplément de juillet, août et septembre1960,
Nations Unies, doc. S/4382.

568Documents officiels du Conseil de sécurité, quinzième année, 873 réunion, par. 18 à 29.
569
Résolution de l’OUA sur la situati on au Nigéria, OUA, doc. AHG/Res.51 (IV), adoptée lors de la quatrième
session ordinaire de l’Assemblée des chefs d’Etat de gouvernement de l’OUA, Ki nshasa, 11-14 septembre 1967,
par. 1-2, reprise dans ILM, vol.6 (1967), p.1243. Voir D. A.Ijalaye, «Was Biafra at An y Time a State in International
Law?» 65 AJIL (1971), p. 551-568. - 148 -

599. L’année qui a vu l’adoption de la déclaration relative aux principes du droit

international(1970) a également été celle où le S ecrétaire généralUThant a, en janvier, fait la
célèbre déclaration suivante :

«En ce qui concerne la question de la sécession d’une partie d’un Etat, la
position de l’Organisation des NationsUnies est claire. En tant qu’organisation
internationale, l’ONU n’a jamais accepté, n’accepte pas et, selon moi, n’acceptera
570
jamais le principe de la sécession d’une partie de l’un de ses Etats Membres.»

600. L’environnement juridique internationa l dans lequel la résolution2625(XXV) a été

adoptée était donc caractérisé par la pratique bien établie et continuellement réaffirmée consistant à
mettre en relief l’intégrité territoriale et l’unité politique des Etats indépendants 57.

II. Une interprétation a contrario de la «clause de sauvegarde» tendant à reconnaître
un droit à une «sécession à titre de recours» n’est pas validée par

les moyens juridiques d’interprétation

1. Une interprétation de bonne foi de la «cla use de sauvegarde» ne reconnaît pas un droit à

une «sécession à titre de recours»

601. Une interprétation de bonne foi de la «clause de sauvegarde» de la résolution2625
(XXV) de l’Assemblée générale 572, qui soit conforme au sens ordinaire à donner aux termes dans

leur contexte et qui tienne compte de l’objet et du but de la clause en question, amène à conclure
que le principe d’autodétermina tion ne peut pas être interprété comme autorisant ou encourageant
d’une manière quelconque des actions qui iraient à l’en contre de l’intégrité territoriale et de l’unité

politique d’un Etat.

602. La «clause de sauvegarde» est le sep tième paragraphe de la section traitant du
cinquième principe intitulé «principe de l’égalité de droits et du droit des peuples à disposer
d’eux-mêmes» énoncé dans la résolution2625 (XXV) de l’Assemblée générale, et elle doit être
interprétée dans ce contexte. Premièrement, les six premiers paragraphes de la section en question

portent sur le principe d’autodétermination, la te neur de ce droit, les résultats éventuels de son
exercice, l’obligation de mettre fin à toute situation allant à l’encontre de ce droit et de promouvoir
le respect de celui-ci, et, enfin, la nature juridique différente des territoires coloniaux par rapport au

territoire des puissances administrantes. Deuxièmement, au paragraphe 7, le texte dispose que rien
dans ces sixparagraphes précédents ne sera interprété comme autorisant ou encourageant une
action, quelle qu’elle soit, qui démembrerait ou menacerait, tota lement ou partiellement, l’intégrité

territoriale ou l’unité politique de tout Etat souverain et indépendant. Une action, quelle qu’elle
soit, est une formule exhaustive. Elle englobe nécessairement les actions entreprises non seulement
par les Etats, mais aussi par tout organe, entité, organisation ou groupe de quelque nature que ce

soit. En conséquence, aucune tentative de séc ession faite par une entité, un organe, une

5707 UN Monthly Chronicle (1970), p. 36.

571Voir supra chapitre 6, par. 0 à 0.

572Comme l’a fait remarquer le juge Lauterpacht, les Etats Membres de l’ONU sont tenus d’examiner de bonne
foi les résolutions de l’Assemblée générale, vProcédure de vote applicable aux questions touchant les rapports et
pétitions relatifs au Territoire du Sud-est africain, avis consultatif du 7in 1955, C.I.J. Recueil 1955, opinion
individuelle du juge Lauterpacht, p. 119. - 149 -

organisation ou un groupe quel qu’il soit ne peut être juridiquement justifiée sous le prétexte de
573
l’exercice du droit à l’autodétermination .

603. La fin du paragraphe7 rappelle que les Etats, que la clause de sauvegarde vise à

protéger, doivent se conduire d’une façon conforme au principe du droit des peuples à disposer
d’eux-mêmes et que, par conséquent, leurs gouvernements respectifs doivent représenter
l’ensemble du peuple appartenant au territoire sans di stinction de race, de croyance ou de couleur.
Toutefois, ce libellé ne peut être interprété de bonne foi comme signifiant que, si un gouvernement

ne représente pas l’ensemble du peuple appartenan t au territoire sans distinction de race, de
croyance ou de couleur, la sécession d’une partie du territoire de cet Etat est soit autorisée, soit
encouragée par la résolution2625(XXV) de l’A ssemblée générale, comme le prétendent les

partisans de ce que l’on appelle la «sécession à titr e de recours». Si le lib ellé du paragraphe 7 qui
sauvegarde l’unité politique et l’intégrité territoriale
de chaque Etat doit produire ses effets, le droit
à l’autodétermination ne peut pas comprendre un droit à la sécession. Au demeurant, le

paragraphe7 précise bien qu’ une action, quelle qu’elle soit , qui démembrerait ou menacerait,
totalement ou partiellement, l’intégrité territoriale ou l’unité politique d’un Etat n’est pas conforme
au principe de l’égalité de droits et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes énoncé dans les
six paragraphes précédents.

604. Ceux qui interprètent le texte de la clause de sauvegarde comme reconnaissant une
«sécession à titre de recours» se méprennent sur la résolution 2625 (XXV) de l’Assemblée générale

en lisant le paragraphe en commençant par la fin et en lui donnant un sens qui ne figure pas dans le
texte. La déclaration relative aux principes du droit international con tient un énoncé positif, à
savoir qu’il doit y avoir respect de l’unité politique et de l’intégrité territoriale des «Etats se

conduisant conformément au principe de l’égalité de droits et du droit des peuples à disposer
d’eux-mêmes». Elle ne dit pas que «les Etats qui ne se conduisent pas conformément au principe
de l’égalité de droits et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes pourraient être visés par une
action qui démembrerait ou menacerait, totalement ou partiellement, leur intégrité territoriale ou

leur unité politique».

605. Le seul élément avancé pour justifier cette le cture de ce paragraphe allant dans le sens
d’une prétendue «sécession à titre de recours» es t une interprétation fondée sur un raisonnement
a contrario. Or, ce type de raisonnement n’aboutit pas nécessairement à une conclusion correcte.
En fait, un raisonnement a contrario n’est pas en soi parfaitement explicite. L’énoncé de la clause

de sauvegarde contient une affirmation et une conséquence. L’interprétation dans le sens d’une
«sécession à titre de recours» suppose l’affirmation contraire (les Etats qui ne se conduisent pas
conformément au principe du droit des peuples à dis poser d’eux-mêmes) et prétend lui appliquer la

conséquence contraire (aucune sauvega rde de leur intégrité territoriale et de leur unité politique).
Or, de nombreuses autres conséquences sont applic ables à l’affirmation contraire : la conséquence
avancée (la sécession) n’en est qu’une parmi bien d’autres et, comme il sera démontré plus loin, ce
n’est ni la plus raisonnable, ni la plus logique.

606. On considère généralement que le paragraphe7 a pour but d’établir une «clause de
sauvegarde» (safeguard clause). De fait, c’est l’expression couramment employée pour se référer à
574
ce paragraphe . Elle est clairement reprise des travaux préparatoires: le texte des différents
projets présentés par les Etats qui ont proposé d’insérer ce paragraphe dans la

573
Voir supra par. 0 à 0.
574Crawford, The Creation of States , op. cit., p.118. D’autres expresanalogues sont employées pour se
référer à ce paragraphe, telles que «saving clause» (clause de sauvegarde), voir Steven Wheatley, Democracy, Minorities
and International Law (2005), p. 93. - 150 -

575
résolution 2625 (XXV) était dénommé la «clause de sauvegarde» . Par définition, une clause de
sauvegarde n’ajoute aucun élément particulier au ch amp d’application du droit considéré. Elle a
pour but de déclarer ou de réaffirmer expressément un point de façon claire, afin d’éviter tout

confusion ou toute interprétation erronée du droit en question. C’est ce qu’expriment clairement
les premiers mots du paragraphe 7: «Rien dans les paragraphes précédents ne sera interprété

comme…» On pourrait dire que même si la clause de sauvegarde n’avait pas été insérée dans la
résolution 2625 (XXV), une interprétation de bonne foi des six paragraphes précédents ne devrait
être en rien différente.

2. Les travaux préparatoires ne valident pas une interprétation a contrario de la «clause de

sauvegarde» qui reconnaîtrait un droit à une «sécession à titre de recours»

607. S’ajoutant à une interprétation de bonne foi de la «cla use de sauvegarde», les travaux

préparatoires concernant la résolution2625(XXV) de l’Assemblée générale viennent confirmer
que le champ d’application de la «clause de sauve garde» est limité à la sauvegarde de l’intégrité
territoriale et de l’unité politique des Etats. Au lieu de prévoir un prétendu «droit à une sécession à

titre de recours» au cas où un Etat ne se conformerait pas au libellé de la seconde partie de la clause
de sauvegarde, les travaux préparatoires précisent bien que la clause vise l’accomplissement de la

mission opposée, à savoir celle de protéger l’intégrité territoriale et l’unité politique des Etats.

608. La «clause de sauvegarde» est issue d’ une proposition de l’Italie visant à insérer un

énoncé «sauvegardant» l’intégrité te rritoriale des Etats en relation avec le principe de l’égalité de
droits et du droit des peuples à disposer d’eux-mê mes. En réponse à un paragraphe libellé en
576
termes généraux que le Royaume-Uni avait proposé , l’Italie a recommandé un texte de nature à

«garantir que le principe [de l’égalité de droits et du droit des peuples à disposer

d’eux-mêmes] ne serait pas interprété d’ une manière préjudiciable à l’intégrité
territoriale d’Etats indépendants, dont la Charte considérait la sauvegarde comme
fondamentale» 57.

609. Certains Etats ont même jugé inutile d’insérer une telle «sauvegarde» 578, mais l’Italie

était déterminée, et l’on pourrait dire aujour d’hui qu’elle a fait preuve d’une très grande
prévoyance. Le représentant de l’Italie, M. Gaetano Arangio-Ruiz, a expliqué comme suit le
raisonnement ayant présidé à la proposition italienne :

«Une fois clairement établi que c’étaient les peuples qui étaient les bénéficiaires
du principe d’autodétermination, il s’en est logiquement suivi qu’il fallait prévoir la

575
Voir Rapport du Comité spécial des principes du droit inte rnational touchant les relations amicalesoet la
coopération entre les Etats ,erocuments officiels de l’ Assemblée générale, vingt-ci nquième session, Supplément n 18,
Nations Unies, doc. A/8018 (1 mai 1970), p. 51, par. 78, et p. 99, par. 177.
576
Le texte proposé par le Royaume-Uni se lisait comme su it : «Les Etats pleinement souverains et indépendants
qui sont dotés d’un gouvernement représentatif fonctionnant effectivement en tant que tel pour les différents peuples
vivant sur leur territoire sont considérés comme se conduisa nt conformément à ce principe à l’égard de ces peuples.»:
Nations Unies, doc. A/AC.125/L.44, partieVI, repris dans les Documents officiels de l’A ssemblée générale,
vingt-deuxième session, annexes, point 87 de l’ordre du jour, Nations Unies, doc. A/6799 (19 juillet 1967), par. 176.
577
Rapport du Comité spécial des principes du droit inte rnational touchant les relations amicales ot la
coopération entre les Etats, Documents officiels de l’Assemblée générale, vingt-quatrième session, Supplément n 19,
Nations Unies, doc. A/7619, p. 67, par. 187.
578
Déclaration de M.Allaf au nom de la Syrie, Comité spécial des principes du droit international touchant les
relations amicales et la coopération entre les Etats: comptes reneranalytiques des cent dixi ème à cent quatorzième
séances, tenues au Palais des Nati ons, à Genève, du 31mars au 1 mai 1970, Nations Unies, doc.A/AC.125/SR.110
à 114, p. 18. - 151 -

sauvegarde de l’intégrité territoriale et de l’unité politique des Etats. Et c’était un
problème qui devait être traité au niveau international. Les dispositions du droit
constitutionnel ne pouvaient pas protéger l’ intégrité territoriale ou l’unité politique

d’un Etat à ce niveau, qui était précisément le niveau auquel la déclaration serait
élaborée. En l’absence d’une telle sauvegarde de droit international, il serait possible
de se prévaloir du principe d’autodéterminati on afin de détruire l’intégrité territoriale

d’un Etat ou d’en saper l’unité politique.

On ne pouvait pas se contenter d’affirmer que l’intégrité territoriale des Etats

était sauvegardée en vertu des principes de non-recours à la force et de
non-intervention. Etant donné que le principe de l’égalité de droits et du droit des
peuples à disposer d’eux-mêmes conférait des droits aux peuples et non aux Etats, il

serait très facile de détruire l’intégrité politique d’un Etat en se fondant sur ce
principe. Le terme «peuple» n’était pas défini et il serait possible d’invoquer le
principe d’autodétermination au nom d’ un groupe quelconque, ce qui risquait de

rendre une garantie ad hoc ,579lle que celle qui figure dans la proposition italienne,
absolument nécessaire.»

610. Le Gouvernement indien a exposé une c onception analogue des limites du principe de
l’égalité de droits et du droit des peuples à dis poser d’eux-mêmes. Il a exprimé ses vues comme
suit :

«le droit à l’autodétermination ne s’a ppliqu[e] pas aux Etats souverains et
indépendants ni à des parties constitutives de leur territoire ni à une section d’un

peuple ou d’une nation. S’il n’était pas conç u ainsi, le principe d’autodétermination
déboucherait sur la fragmentation, la dési ntégration et le démembrement d’Etats
souverains et de Membres de l’Organisation des NationsUnies. Les risques dans ce

contexte seraient particulièrement graves da ns le cas des Etats dont la population est
multiraciale et multilingue.» 580

611. En conséquence, plutôt que de prévoi r un droit à une prétendue «sécession à titre de
recours», la «clause de sauvegarde» a été insérée dans la résolution 2625 (XXV) en vue de protéger

l’intégrité territoriale et l’unité politique des Etats en relation avec le principe de l’égalité de droits
et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. De fait, comme un auteur l’a fait remarquer, la
dernière partie de la «clause de sauvegarde» a eu pour origine la lutte entre les différents groupes

d’Etats en ce qui concerne le renforce581t de l’idée de l’élément interne de l’autodétermination à
l’époque de la guerre froide . Ce libellé ne renvoie pas à l’élément externe de
l’autodétermination, encore moins à un prétendu droit de sécession.

579Déclaration de M.Arangio-Ruiz au nom de l’Italie , Assemblée générale des Nations, Comité spécial des
principes du droit international touchanles relations amicales et la coopération entre les Etats: comptes rendus
analytiques des cent dixième à cent quatorzième séances, tenues au Palais des Nations, à Genève, du 31mars au
1 mai 1970, Nations Unies, doc. A/AC.125/SR.110-114, p. 22.

580Ibid, p. 110, par. 221.

581Voir Cassese, Self-Determination, op. cit., p.109-110. Le même auteur a conclu que «l’éventualité de voir
des groupes raciaux faire sécession dans les circonstances extrêmes susvisées ne s’est pas transformée en droit
coutumier». Ibid., p. 121. - 152 -

3. La pratique ultérieurement suivie ne valide pas une interprétation a contrario de la
«clause de sauvegarde» qui reconnaîtrait un droit à une «sécession à titre de recours»

612. Aucun événement postérieur à l’adoption de la résolution 2625 (XXV) de l’Assemblée
générale n’est venu infléchir la politique constamment suivie par l’ONU consistant à chercher à
préserver l’intégrité territoriale et l’unité politique des Etats. En fait, la pratique ultérieure

confirme que la «clause de sauvegarde» ne reconnaît pas de droit à une «sécession à titre de
recours».

613. On ne peut, à ce jour, citer aucun exem ple d’Etat qui ait été créé par sécession d’une
partie du territoire d’un Etat existant dans des circonstances où la sécession soit officiellement
justifiée sur la base de l’exercice du droit à l’autodétermination par la voie d’une «sécession à titre

de recours». Les exemples de sécession à titre de recours qui sont parfois présentés sont les cas du
Bangladesh et de l’Erythrée. Toutefois, comme on le verra plus loin, les Etats desquels ils ont fait
sécession, à savoir le Pakistan et l’Ethiopie, respectivement, ont tous les deux accepté la sécession
582
de ces parties de leur territoire .

614. L’acte final d’Helsinki(1975) a réaffirmé à la fois le principe d’autodétermination et
celui d’intégrité territoriale. Non seulement il ne fait aucune référence à un prétendu droit à une
«sécession à titre de recours», mais il insiste au contraire fortement sur le respect de l’intégrité
583
territoriale des Etats . Le principe d’intégrité territoriale des Etats tient également une place
importante dans la formulation du principe «de l’ég alité de droits et du droit des peuples à disposer
d’eux-mêmes», qui dispose notamment ce qui suit :

«Les Etats participants resp ectent l’égalité de droits des peuples et leur droit à
disposer d’eux-mêmes, en agissant à tout moment conformément aux buts et aux

principes de la Charte des NationsUnies et aux normes pertinentes du droit 584
international, y compris celles qui ont trait à l’intégrité territoriale des Etats.»

615. Les Etats ont constaté l’existence de ce tte situation juridique dans le passé. Par
exemple, le ministre britannique chargé du Bure au des affaires étrangères et des affaires du
Commonwealth a, en réponse à une question, écrit en 1983 qu’

«il est largement accepté à l’ONU que le dr oit à l’autodétermination ne donne pas à
chaque groupe ou à chaque subdivision territoriale au sein d’un Etat le droit de faire

sécession de ce dernier et, partant, de détruire l’intégrité territoriale ou l’unité
politique d’Etats souverains indépendants» 585.

582Voir infra chapitre 10, par. 947.

583Voir l’acte final d’Helsinki, Déclaration sur les pr incipes régissant les relations mutuelles des Etats
participants, Principe IV ; voir aussi, Principes I et VIII ; pour d’autres instruments internationaux réaffirmant le principe
de l’intégrité territoriale des Etats, voir chapitre 6, sections B & C.

584Ibid, Principe VIII.

585H. L. Debs., vol. 446, colonnes 93-4 : 12 décembre 1983, repris dans British Year Book of International Law,
1983, p. 409. - 153 -

616. De même, en1996, le porte-parole du gouvernement à la Chambre des Lords,
LordChesham, a déclaré que «[l]e droit à l’aut odétermination n’équivaut pas automatiquement à
586
un droit de sécession» .

617. Lorsqu’il a présenté la réaction du G ouvernement britannique à la situation au
Haut-Karabakh en ce qui concerne l’Azerba ïdjan et l’Arménie en1997, LordWhitty a
expressément mentionné les principes énoncés dans l’ acte final de la conférence d’Helsinki sur la

sécurité et la coopération en Europe de1975. Répondant à une question de la baronneCox qui
avait demandé au Gouvernement britannique de donner des précisions sur «sa position au sujet de
587
la relation entre les principes d’autodé termination et d’intégrité territoriale» , LordWhitty a
indiqué ce qui suit :

«Le huitième principe de l’OSCE concerne l’autodétermination. Il convient de
le mentionner s’agissant des buts et principes de la Charte des NationsUnies qui est
applicable en ce qui concerne les règles pertinentes du droit international. On y trouve

des références non seulement aux droits de l’homme, mais aussi à l’intégrité
territoriale des Etats. Notre position sur la question ne vaut pas simplement pour le

Haut-Karabakh. Elle s’applique au monde entier, mais plus particulièrement, dans
cette région du monde, à l’Abkhazie, où nous avons apporté notre soutien à l’intégrité
territoriale de la Géorgie.» 588

618. En ce qui concerne spécifiquement la province serbe du Kosovo, le ministre français

des affaires étrangères a déclaré en 1998, à la su ite d’une rencontre avec son homologue albanais,
que si la province du Kosovo doit jouir d’un large degré d’autonomie et si les droits de l’homme
doivent être respectés, l’intégrité territoriale de la RFY doit également être respectée 589. Cette

nécessité de respecter les frontières internationa lement reconnues en ce qui concerne le Kosovo a
été réitérée le 12mars1998 par le président français 590. De même, là encore selon le ministre

français des affaires étran591es qui s’est exprimé en 1998, l’indépendance du Kosovo
déstabiliserait la région .

619. L’Allemagne a exprimé un avis analogue dans la lettre qu’elle a adressée avec la France
à la RFY et dans laquelle les deux Etats faisaient observer que seule une solution négociée entre la

586
H.L. Debs., vol.569, col. 971 : 20 février 1996, repris dans British Year Book of International Law , 1996,
p. 720.
587 er
Texte de Lord Hansard pour le 1 juilet997, co. 4, disponible à l’adress:e
http://www.publications.parliament.uk/pa/pahansard.htm.
588
Ibid., col. 169, disponible à l’adresse http://www.publications.parliament.uk/pa/pahansard.htm.
589
«J’ai rappelé à cette occasion la position de la Fr ance qui est très claire, qui s’appuie sur quelques
principes et qui sont les suivants: il faut respecter l’intégrité territoriale de la République fédérale de
Yougoslavie. En même temps, la démocratisation et le respect des droits de l’homme sont nécessaires
dans ce pays, ce qui favorisera sa réintégration dans la communauté internationale. Nous demandons que
l’on revienne à ou que l’on obtienne un statut de large autonomie pour le Kosovo», déclaration du
ministre français des affa ires étrangères, 5mars1998, repris da ns Jean-FrançoisD obelle, «Pratique

française du droit international ⎯ 1998» 44 Annuaire français de droit international (1998), p. 735.
590«En revanche, il faut que Belgrade sache que cette at titude de très grande fermeté doit le conduire à une

solution aimable, c’est-à-dire une grande autonomie du Kosovo comme ce fut le cas dans le passé, mais dans le respect
des frontières internationalement reconnue s», déclaration du président français lors d’une conférence de presse tenue à
Londres, 12 mars 1998, reprise dans ibid..
591
Déclaration du ministre français des affaires étrangères faite pendant un entretien donné à RadioFrance,
13 mars 1998, reprise dans ibid. - 154 -

RFY, la République de Serbie et592 communauté albanaise du Kosovo pourrait jeter les bases d’une
paix durable dans la région .

620. De son côté, le Comité pour l’élimina tion de la discrimination raciale a donné de
l’autodétermination une interp rétation qui renvoie à un droit n’ouvrant pas la voie à la sécession

d’avec un Etat :

«6. Le Comité souligne que, conformément à la déclaration sur les relations amicales,

aucune de ses initiatives ne doit être interprétée comme autorisant ou encourageant
une action quelconque de nature à porter atteinte, en tout ou en partie, à l’intégrité
territoriale ou à l’unité politique d’Etat s souverains et indépendants qui se

conduisent de façon conforme au princi pe de l’égalité de droits et de
l’autodétermination des peuples et sont dotés d’un gouvernement représentant
l’ensemble de la population du territoire, sans distinction de race, de croyance ou

de couleur. De l’avis du Comité, le dr oit international ne reconnaît pas de droit
général des peuples de déclarer unilaté ralement faire sécession par rapport à un
Etat. A cet égard, le Comité adhère aux opinions exprimées dans l’Agenda pour la

paix (par. 17 et suiv.), à savoir que toute fragmentation d’Etats risque de nuire à la
protection des droits de l’homme, ainsi qu’ à la préservation de la paix et de la
sécurité. Cela n’exclut pas cependant la possibilité de conclure des arrangements
593
par libre accord entre toutes les parties concernées.»

621. Il est significatif qu’après avoir analysé le champ d’application du droit à
l’autodétermination, le Comité a it repris le libellé du paragraphe7 de la déclaration relative aux
principes du droit international pour immédiatement conclure que, «[d]e l’avis du Comité, le droit

international ne reconnaît pas de droit général des peuples de déclarer unilatéralement faire
sécession par rapport à un Etat». L’analyse approfondie que le Comité a consacrée à

l’autodétermination en général et au paragraphe7 en particulier ne mentionne à aucun moment la
possibilité de l’existence d’un droit à une «sécession à titre de recours».

622. De la même façon, l’Observation géné rale12 du Comité des droits de l’homme
concernant l’article premier du Pacte international re latif aux droits civils et politiques ne contient
aucune remarque se rapportant à une «c lause de sauvegarde» ni à la sécession 594. Se référant au

paragraphe 1 de l’article premier du Pacte, le Comité estime que «les Etats parties devraient décrire
les procédures constitutionnelles et politiques qui permettent d’exercer ce droit dans les faits» 595.

Tous les Etats parties doivent le faire, quelle que soit la composition de leur population, c’est-à-dire
que l’Etat regroupe des minorités nationales, linguistiques, religieuses ou autres. L’analyse
ci-après du paragraphe 3 de l’article premier du Pacte présente un intérêt particulier :

592
Lettre datée du 19novembre1997, adressée au présiden t de la République fédérale de Yougoslavie par
les ministres allemand et français des affaires étrangères, reprise dans Jean-Fra nçois Dobelle, «Pratique française du
droit international – 1998» 43 Annuaire français de droit international (1997), p. 930.
593
Comité pour l’élimination de la discriminati on raciale, Recommandation générale XXI, Droit à
l’autodétermination (23août 1996), disponible à l’adresse:ttp://www.unhchr.ch/tbs/doc.nsf/(Symbol)/dc598941c9e68a
1a8025651e004d31d0?Opendocument.
594
Comité des droits de l’homme, Observation généra le12, article premier (vingt et unième session,
13 mars 1984), R écapitulation des observations générales ou recommandations générales adoptées par les organes créés
en vertu d’instruments internationaux re latifs aux droits de l’homme, Nations Unies, doc. HRI/GEN/1/Rev.1, p. 14
(1994), disponible à l’adre:se http://www.unhchr.ch/tbs/doc.nsf/(Symbol)/f3c99406d528f37fc12563ed00496…?
Opendocument.

595Ibid., par. 4. - 155 -

«De l’avis du Comité, le paragraphe3 revêt une importance particulière en ce
sens qu’il impose des obligations précises aux Etats parties, non seulement à l’égard
de leurs peuples, mais aussi à l’égard de tous les peuples qui n’ont pas pu exercer leur

droit à l’autodétermination, ou qui ont été privés de cette possibilité. Le caractère
général de ce paragraphe se trouve confirmé par les travaux préparatoires de son texte.
Aux termes de ce paragraphe,

«[l]es Etats parties au présent Pacte, y compris ceux qui ont la
responsabilité d’administrer des territoires non autonomes et des

territoires sous tutuelle, sont tenus de faciliter la réalisation du droit des
peuples à disposer d’eux-mêmes, et de respecter ce droit, conformément
aux dispositions de la Charte des Nations Unies».

Ces obligations sont les mêmes, que le peuple ayant droit à disposer de
lui-même dépende ou non d’un Etat partie au Pacte. Il s’ensuit que tous les Etats
parties doivent prendre des mesures positives pour faciliter la réalisation et le respect

du droit des peuples de disposer d’eux-mêmes. Ces mesures positives doivent être
conformes aux obligations qui incombent aux Etats en vertu de la Charte des
NationsUnies et du droit international: en pa rticulier, les Etats doivent s’abstenir de

toute ingérence dans les affaires intérieures d’autres Etats et, ainsi, de compromettre
l’exercice du droit à l’autodétermination. Les rapports doive nt contenir des
596
renseignements sur l’exécution de ces obligations et les mesures prises à cette fin.»

623. A l’évidence, le Comité estime que le paragraphe3 est axé sur les territoires non

autonomes et les territoires sous tutelle et il s ouligne que les mesures positives prises par les Etats
parties ne doivent pas constituer une ingérence dans les affaires intérieures d’autres Etats. Le fait
d’appuyer des tentatives de sécession représente l’exemple le plus évident d’une telle ingérence.

624. Les autres instruments internationaux adoptés dans les deux décennies ayant suivi celle

qui a vu l’adoption de la déclaration relative aux principes du droit international (1970) ont repris la
clause de sauvegarde. C’est notamment le cas de la déclaration et du Programme d’action de
Vienne adoptés le 25juin1993 par la Conf érence mondiale sur les droits de l’homme 597et de la

596Ibid., par. 6.

597 «Tous les peuples ont le droit de disposer d’eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils déterminent
librement leur statut politique et poursuivent librement leur développement économique, social et
culturel. Compte tenu de la situation particulièredes peuples soumis à la domination coloniale ou à
d’autres formes de domination ou d’occupation étrangères, la Confér ence mondiale sur les droits de
l’homme reconnaît que les peuples ont le droit de prendre tout mesure légitime, conformément à la Charte
des NationsUnies, pour réaliser leur droit inaliénable à l’au todétermination. Elle considère que le déni

du droit à l’autodétermination est une violation des dr oits de l’homme et sou ligne qu’il importe que ce
droit soit effectivement réalisé. En application de la déclaration relative aux principes du droit
international touchant les relations amicales et la coopération entre les Etats conformément à la Charte
des NationsUnies, ce qui précède ne devra pas être interprété comme autorisant ou encourageant toute
mesure de nature à démembrer ou compromettre, en totalité ou en partie, l’intégrité territoriale ou l’unité
politique d’Etats souverains et indépendants respectueux du principe de l’égalité de droits et de
l’autodétermination des peuples et, partant, dotés d’un gouvernement représentant la totalité de la
population appartenant au territoire, sans distintion aucune.» NationsUnies, doc.A/CONF.157/23
(12 juillet 1993), par. 2. - 156 -

déclaration du cinquantième anniversaire de l’Organisation des NationsUnies adoptée par
l’Assemblée générale 59.

625. En résumé, le paragraphe 7 du principe de l’égalité de droits et du droit des peuples à
disposer d’eux-mêmes énoncé dans la déclaration relative aux principes du droit international

contient une clause de sauvegarde qui vise à préciser que le droit à l’autodétermination n’autorise
ni n’encourage la prise d’aucune mesure à l’en contre de l’intégrité territoriale ou de l’unité

politique des Etats.

III. La résolution 2625 (XXV) ne fait pas d’une minorité victime de violations de
ses droits fondamentaux un peuple ayant droit à disposer de lui-même

626. Malgré l’absence d’équivoque quant au but de la «clause de sauvegarde», dont il a été
question plus haut, le paragraphe7 du principe de l’égalité de droit et du droit des peuples à
disposer d’eux-mêmes a été interprété par certains auteurs et par certains Etats comme

encourageant ou autorisant la DUI du 17 fév599r 2008, sur la base de ce qu’ils appellent un droit à
une «sécession à titre de recours» . L’existence d’un tel droit est très controversée et cette
interprétation n’a pas reçu le soutien de l’ONU.

627. De fait, la sécession n’est pas un effet juridique du non-respect des droits de l’homme

par un Etat ou du fait qu’il ne se conduit pas confor mément au principe d’autodétermination. La
première conséquence juridique qui découle du cas d’un Etat qui ne se conduit pas conformément à
ce principe et aux normes internationales en mati ère de droits de l’homme est que cet Etat doit

mettre fin à la situation et se conduire conformément à ce principe et à ces normes. Telle est la
façon normale de réagir à des actes illicites persis tants, notamment des violations des droits de

l’homme.

628. La deuxième conséquence juridique relè ve du domaine de la réparation. Or, la
«sécession à titre de recours» va beaucoup plus loin qu’une demande de répa ration. Elle revient à

598 «[L’Organisation des Nations Unie s s’engage à]…[c]ontinuer à réaffirmer le droit de tous les
peuples à disposer d’eux-mêmes, en tenant compte de la situation particulière des peuples soumis à la
domination coloniale ou à d’autres formes de domination ou d’occupati on étrangères, et reconnaître le

droit des peuples de prendre des mesures légitimes conformément à la Charte des NationsUnies pour
réaliser leur droit inaliénable à l’autodéterminatiCela ne devra pas être in terprété comme autorisant
ou encourageant toute mesure de nature à démembrer ou compromettre, en totalité ou en partie, l’intégrité
territoriale ou l’unité politique d’Etats souverains et i ndépendants respectueux du principe de l’égalité de
droits et de l’autodétermination de s peuples et, partant, dotés d’un gouve rnement représentant la totalité
de la population appartenant au territoire, sans dstinction aucune.» Résolution50/6 de l’Assemblée
générale, en date du 24 octobre 1995, par. 1.

599Pour une analyse de cette position doctrinale, voir C.Tomuschat, «Secession and Self-Determination» dans
M. G. Kohen (ed.)S, ecession. International Law Perspectis006), p. 48; J. Dugard et D.a,i«The Role of Recognition in the
Law and Practice of Secession» daisid., p. 28 ; A. Cass,elf-Determinatio,nop. cit,. p. 118.

La reconnaissance par la Suisse de la prétendue «République du Kosovo» a été expliquée comme suit par
sa ministre des affaires étrangères :

«Un Etat qui se comporte en conformité avec le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et qui
dispose d’un gouvernement qui représen te et respecte toutes les personnes faisant partie de son pays se
voit garantir son intégrité territorial e et sa souveraineté par le drternational. En revanche, cette
garantie échoit si l’Etat en qu estion ne protège plus ses citoye ns, viole le droit des peuples à

l’autodétermination de façon systématique et flagrante, comme l’a fait la Serbie à l’égard de la très grande
majorité des habitants du Kosove”. «Les priorités de la politique étrangère de la Suisse», discours de
Mme Micheline Calmy-Rey, 10 anniversaire du «Forum Suisse de politique internationale», Genève,
mars008. Disponible à l’adresse: http://www.eda.admin.ch/etc/medialib/downloads/edazen/
dfa/head/speech0.Par.0013.File.tmp/080307_Discours%20MCR_fr.pdf. - 157 -

imposer un type de sanction qui est tout à fait en dehors du domaine de la responsabilité de l’Etat
pour fait internationalement illicite. La «sécession à titre de recours» signifie qu’à la suite de
violations des droits de l’homme, l’Etat auteur de l’acte illicite est sanctionné par la perte de son

territoire. Ce type de sanction, même en réaction à de graves violations de normes impératives, est
inédit en droit international 600.

629. Selon une autre perspective, la «sécession à titre de recours» impliquerait que si une
minorité nationale, religieuse ou linguistique était vi ctime de graves discrimina tions de la part de

l’Etat, cette minorité deviendrait un «peuple» fondé à exercer son droit à l’autodétermination en
faisant sécession d’avec l’Etat intéressé. Toutefois, cette prétendue nouvelle «catégorie» de
peuples n’a jamais été mentionnée dans aucun instru ment international ni dans la pratique. La

distinction solidement établie entre les droits des peuples et les droits des minorités prend tout son
sens ici. Seuls les «peuples» sont fondés à exer cer leur droit à l’autodétermination. Le fait
d’appliquer ce droit à des minorités revient non seulement à estomper cette distinction, mais aussi à

lui faire perdre toute signification. De fait, cette approche conduit à nier la distinction clairement
établie en droit international entre les peuples ⎯ fondés à exercer leur droit à

l’autodétermination ⎯ et les minorités ⎯titulaires d’autres droits, mais non du droit à
l’autodétermination. Les règles conventionnelles ou coutumières du droit international régissant
les droits des minorités, au niveau tant individu el que collectif, ne reconnaissent pas les minorités
601
comme titulaires du droit à l’autodétermination .

630. En fait, une façon plus appropriée de régl er la question des graves violations des droits
de l’homme, qu’elles soient collectives ou individuelles, est de rétablir le respect de ces droits et de
réparer le préjudice causé. Les violations de ce genre sont souvent dues à l’existence de tel ou tel

gouvernement mettant en Œuvre des politiques discriminatoires. Par définition, il s’agit d’une
situation temporaire, qui dure ce que dure la vie politique du gouvernement concerné. En
revanche, une «solution» radicale telle que la sécession est permanente. La création d’Etats n’est

pas destinée à être une mesure tem poraire. Les Etats sont créés pour durer. Il n’y a aucune raison
de réagir à une situation temporaire par une dést abilisation permanente. Qui plus est, il existe de
nombreuses autres façons que la création d’un Etat indépendant de permettre à une population d’un

territoire donné de poursuivre son développement politique, économique , social et culturel. Le
monde entier offre des exemples de formes et de degrés différents d’administration autonome et

d’autonomie.

631. Aucune disposition du dro it international n’appuie l’interprétation de la «clause de

sauvegarde» allant dans le sens de la «sécession à titre de recour s». On ne s’étonnera pas de
constater qu’à ce jour, aucun aute ur préconisant l’interprétation a contrario de cette clause n’a

fourni la moindre justif602tion juridique de cette interprétation qui reposerait sur des règles
positives applicables .

600
Voir l’article41 des Articles de la CDI sur la reponsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite,
Annuaire de la Commission du droit international, 2001, vol. II, deuxième partie.
601
Voir l’article 27 du Pacte international relatif auoits civils et politiques ; la déclaration des droits des
personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et nguistiques, adoptée par l’Assemblée
générale danersa résolution47/135; la Conventioercadre pour la protecoion des minorités nationales (ouverte à la
signature le 1février 1995, entrée en vigueur le 1 février 1998), STCE n 157.
602
Voir, par ex., Allen Buchanan, Justice, Legitimacy, and Self-Determination , (2004), p.357-359; Lee
Buchheit, Secession: The Legitimacy of Self-Determination (1978), p.223; T.M.Franck, «Postmodern Tribalism and
the Right to Secede» dans Brölmann, Lefeber, Ziek, Peoples and Minorities (1993), p. 13-14 ; T. D. Musgrave,
Self-Determination and National Minorities (1997), p. 188-192. - 158 -

632. De plus, le paragraphe7 ne se réfère pas à de graves graves violations des droits de

l’homme ou du droit international humanitaire. Il évoque l’«Etat ... se conduisant conformément au
principe de l’égalité de droits et du droit d es peuples à disposer d’eux- mêmes énoncé ci-dessus et
doté ainsi d’un gouvernement représentant l’ensem ble du peuple appartenant au territoire sans

distinction...». Même si l’on adme t le bien-fondé de l’interprétation a contrario (quod non), la
«sécession à titre de recours» ne s’applique rait qu’au cas de l’Etat qui ne se conduit pas
«conformément au principe de l’égalité de droits et du droit des peuples à disposer

d’eux-mêmes ... et [n’est pas] doté ... d’un gouvernement représentant l’ensemble du peuple
appartenant au territoire sans distinction de race, de croyance ou de couleur». Par voie de
conséquence, toutes les violations graves des droits de l’homme et du droit humanitaire
international ne créeraient pas les conditions d’une prétendue «sécession à titre de recours».

633. Pour les raisons susvisées, ni la clause de sauvegarde ni aucune règle juridique existante

n’apporte un soutien juridique à la théorie de la «sécession à titre de recours».

IV. La théorie de la «sécession à titre de recours» n’est validée ni par la

jurisprudence nationale ni par les conclusions des commissions
des droits de l’homme et des tribunaux

634. Les juridictions supérieures de certains Etats fédéraux ont traité de la question de la

sécession et ont analysé leurs situations concrètes au niveau tant du droit constitutionnel que du
droit international. Dans cet esprit, la Cour suprême de la Fédération de Russie et la Cour suprême
du Canada se sont penchées sur la question de la sécession en ce qui concerne le Tatarstan et le

Québec, respectivement.

635. Dans son avis sur le Québec, la Cour suprême du Canada a analysé la position de

certains observateurs concernant un droit à la sécession unilatérale dans une situation «où un
peuple est empêché d’exercer effectivement son dro it à l’autodétermination au plan interne [et la
question de savoir s’]il est fondé, en dernier recours, à l’exercer par voie de sécession». La Cour

suprême du Canada a jugé que «rien n’indiquait si cette tierce proposition était conforme à une
règle établie de droit international» 603.

636. La Cour suprême de la Fédération de Russie a analysé le lien entre l’autodétermination
et l’intégrité territoriale compte tenu de la Constitution de la Fédération de Russie et s’est
expressément référée au paragraphe 7 du prin cipe d’autodétermination énoncé dans la

résolution2625(XXV). Sans qu’il soit question de dé nier le droit à l’autodétermination en tant
qu’expression de la volonté du peuple, selon la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie,
toute action unilatérale qui viserait à détruire l’unité nationale et l’intégrité territoriale de la

Fédération de Russie ne serait pas confor604aux rè gles du droit international applicables aux droits
de l’homme et aux droits des peuples .

603Affaire Renvoi relatif à la sécession du Québec, [1998] 2 R.C.S. 217, par. 134-135.

604N 3-P du 13mars1992 dans l’affaire concernant la constitutionnalité de la déclarati on de souveraineté de la
République socialiste soviétique tatare du 30août1990, de la Loi de la République socialiste soviétique tatare du
18 avril 1991 modifiant et complétant la Constitution (Loi fondamentale) de la République socialiste soviétique tatare, de
la Loi de la République socialiste soviétique tatare du 29novembre1991 sur référendum de la République socialiste
soviétique tatare, du Décret du Soviet suprême de la République du Tatarstan du 21 février 1992 sur l’organisation d’un
référendum de la République du Tatarstan sur la question du st atut d’Etat de la République du Tatarstan, disponible en
russe à l’adresse : http://ks.rfnet.ru. - 159 -

637. Dans l’avis consultatif qu’elle a donné en 2007 sur la d éclaration des Nations Unies sur
les droits des peuples autochtones, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples a
synthétisé comme suit sa position à l’égard de la sécession et du lien entre l’autodétermination et

l’intégrité territoriale en général :

«Dans sa jurisprudence concernant le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes,

la Commission, saisie de communications/plain tes revendiquant l’exercice de ce droit
au sein d’Etats parties, a toujours insisté sur le fait que ces populations pouvaient
exercer leur droit à l’autodétermination conformément à toutes les formes et variantes

qui sont compatibles avec l’intégrité territoriale des Etats parties [voir
communication 75/92 de 1995 – le Congrès du peuple katangais c. le Zaïre , dont il est
rendu compte dans le 8 rapport annuel d’activité de la Commission].

A cet égard, le rapport du groupe de travail sur les populations autochtones de la
Commission indique que «les droits collectifs que l’on appelle les droits des peuples
devraient être applicables à certaines cat égories de la population des Etats-nations,

notamment les populations autochtones, mais que … le droit à l’autodétermination tel
qu’il est énoncé dans la charte de l’OUA et la charte africaine ne doit pas être
interprété comme cautionnant des aspirations sécessionnistes. Le droit des

populations à l’autodétermination doit donc s’exercer à l’intéri eur des frontières
nationales inviolables d’un Etat, compte dûment tenu de la souveraineté de
605
l’Etat-nation (rapport d’experts de la Commission, p. 83/88).»

638. Cette distinction entre les droits d’un peuple et les droits d’une minorité a été établie par

la Commission interaméricaine des dr oits de l’homme dans l’affaire Miskitos, qui concernait la
population autochtone des Miskitos du Nicaragua. T out en reconnaissant le principe du droit des
peuples à disposer d’eux-mêmes, la Commission a fait observer ce qui suit: «[c]eci ne veut pas

dire, cependant, qu’elle reconnaît le droit à l’autodé termination de tout groupe ethnique en tant que
tel»606. La Commission a estimé que la population miskito était une minorité ethnique du
Nicaragua et qu’elle jouissait d’une protection juri dique spéciale en vertu de ce statut, mais que

cette protection juridique n’englobait p as de «droit à l’autonomie politique et à
l’autodétermination» 607.

V. Même si la «clause de sauvegarde» était interprétée comme conférant un droit à
une «sécession à titre de recours» (quod non), la présente affaire

ne répondrait pas aux exigences de cette clause

639. Le problème insoluble auquel sont confrontés ceux qui tentent de justifier juridiquement

la DUI par le biais d’une «sécession à titre de recour s» est que même si cette théorie était devenue
une règle de droit international établie (quod non), les conditions présentées comme nécessaires
dans le cadre de l’interprétation a contrario de la déclaration relative aux principes du droit

international ne seraient, en toute hypothèse, pas réunies dans la présente affaire.

605Avis consultatif donné par la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples sur la déclaration des
NationsUnies sur les droits des peuples autochtones, adopté à sa 41esession ordinaire tenue en mai2007 à Accra
(Ghana), par. 23-24.

606Affaire Miskito, affaire 7964 (Nicaragua), Commission interaméricaine des droits de l’homme, Rapport sur la
situation d’un segment de la population nicaraguayenne d’or igine miskito, OEA/Ser.L./V .II.62, doc.10 rev.3,
29 novembre 1983, deuxième partie B), par. 9.

607Ibid., par. 15. - 160 -

640. La situation présentée comme justifiant une «sécession à titre de recours» serait celle
dans laquelle l’Etat ne se conduit p as conformément au principe de l’égalité de droits et du droit
des peuples à disposer d’eux-mêmes et, ainsi, n’est pas doté d’un gou vernement représentant

l’ensemble de la population appartenant au territoire sans distinction.

641. En ce qui concerne le Kosovo, son statut de province autonome accordé par la

Constitution de la RFSY de1974 et la Constitution serbe de1974 a été modifié en1989. Cette
modification a été apportée par la voie d’amende ments à la Constitution serbe, selon la procédure
prescrite par la Constitution et avec le consente ment du Kosovo et d’une autre province autonome
608
serbe, la Voïvodine . Ces deux provinces autonomes ont conservé ce statut dans les constitutions
fédérale et serbe, mais avec des pouvoirs aut onomes amoindris, en partic ulier dans le domaine
législatif609. A aucun moment la minorité albanaise, que ce soit au Kosovo ou dans d’autres parties

de la Serbie, ne s’est trouvée exclue ou victim e d’actes de discrimination en ce qui concerne la
participation aux affaires publiques de l’Etat 610.

642. Depuis lors, cependant, les Albanais du Kosovo ont mis sur pied des institutions
parallèles, organisant des élections au cours desquelles ils élisent leurs propres «président» et
611
«parlement», et mettant en place leurs propres systèmes éducatif, sanitaire et fiscal . La majorité
de la population albanaise du Kosovo a systématiquement boycotté toute participation aux
structures d’Etat de la RFY (Serbie et Monténégro) et de la Serbie, notamment les élections. Le

but de la majorité des Albanais du Kosovo étan t l’indépendance, ils ont refusé de coopérer non
seulement avec le Gouvernement serbe d’alors, mais aussi avec l’opposition démocratique serbe 612.
Si les Albanais du Kosovo avaient agi d’une autre façon, leur présence au Parlement national aurait

permis de constituer une majorité différente de celle qu’ont formée M.Milosevic et ses alliés, et
d’épargner non seulement au Kosovo, mais à l’ensemble de la Serbie les effets des politiques mises
en Œuvre par son régime.

643. Il apparaît que si les Albanais du Kosovo n’ont pas participé à l’appareil d’Etat de la

Serbie et de la Yougoslavie pendant les années 90, c’est parce qu’ils ont choisi eux-même de ne pas
le faire et parce qu’ils cherchaient à réaliser leur indépendance comme l’indique la création de leurs
propres institutions parallèles. En conséquence, on ne saurait rendre la RFY et la République de

Serbie responsables de l’absence de participation des Albanais du Kosovo aux institutions étatiques
nationales. On est donc en présence non d’un cas de non-respect du principe d’autodétermination
par un Etat, mais de la décision d’une partie de la population de ne pas participer au

fonctionnement de l’Etat.

644. Pendant cette période et jusqu’à aujourd’ hui, on ne peut citer aucune résolution de

l’ONU ou d’une organisation régionale qui aurait reconnu aux Albanais du Kosovo un droit à
«sécession à titre de recours», ou à cette partie de la population de la Serbie un droit à

l’autodétermination externe permettant de créer un Etat indépendant.

645. De fait, la Conférence pour la paix en Yougoslavie n’a à aucun moment reconnu au

Kosovo le droit de constituer son propre Etat souverain, à la différence de ce qu’elle a fait pour les

608
Voir supra, par. 0.
609
Voir supra, par. 0 à 0.
610Voir supra, chapitre 5, section D II).

611Voir supra, chapitre 5, section D I).

612Voir supra, chapitre 5, par. 0. - 161 -

républiques constitutives de l’ex-RFSY. Elle a agi de la sorte en dépit des exigences présentées par
les dirigeants des Albanais du Kosovo aux fins defaire reconnaître le Kosovoen tant que république
indépendante 613. En fait, la Conférence n’a même pas permis aux représentants des Albanais du
614
Kosovo de participer à ses travaux sur un pe id d’égalité avec les républiques yougoslaves .

646. De plus, il reste deux importantes raison s de rejeter catégori quement la prétendue
justification en droit international de la DUI fondée sur la «sécession à titre de recours».
Premièrement, au moment où cette tentative de sécession était faite par les institutions provisoires

d’administration autonome, larégion du Kosovo jouissait⎯ et continue de jouir⎯ d’une autonomie
substantielle au sein de la Serbie et sous admi nistration des NationsUnies. Il est difficile de
concevoir une situation plus éloignée de celle qui pourrait justifier un e «sécession à titre de recours».

Deuxièmement, l’autonomie substantielle du Kosovo est également garantiepar la Constitution de la
République de Serbie , qui, depuis 2000, est un Etat entièrementdémocratique dans lequel les droits

de l’homme sont largement respectés et tous les habitants, quelle quesoit leur origine nationale, leur
langue ou leur religion, peuvent participer à la vie publique. Les minorités nationales réalisent
librement leurs droits fondamentaux et le principe d’autodétermination est pleinement respecté sur le

territoire serbe à l’égard de tous les membres de chacune d’entre elles. La Serbie est partie à tous les
instruments d’application universelle ou régionale pertinents qui garanitssent les droits de l’homme et
les droits des minorités .616

647. Comme Crawford l’a indiqué,

«les obstacles à la reconnaissance internationale des mouvements de sécession
unilatérale vont plus loin et sont même pl us grands que ce qu’implique la «clause de

sauvegarde» figurant dans les déclarations de 1970 et de 1993. Si l’on considère que
la clause conditionnelle de 1970/1993 signifie que la sécession unilatérale est légitime
lorsque le gouvernement est formé sur une base discriminatoire, il n’est pas du tout

certain que cette clause conditionnelle soit conforme à la pratique internationale. Mais
en tout état de cause, un Etat qui est bel et bien gouverné démocratiquement et
respecte les droit fondamentaux de sa popula tion a droit au respect de son intégrité
617
territoriale.»

648. Enfin, il convient de noter qu’en dépit de la présence internationale civile et de sécurité
mise en place sur le territoire, les Serbes et au tres groupes nationaux du Kosovo ont été victime de
graves violations de leurs droits fondamentaux infligées par la minorité albanaise duKosovo au

cours des neuf dernières années. Plus de 200 0 00 non-Albanais du Kosovo ont dû chercher refuge
dans d’autres parties de la Serbie ou dans d’autres pays, et les conditions de leur retour chez eux ne

613Lettre de M. Rugova à Lord Carrington, Conférence pour la paix en Yougoslavie, 22 décembre 1991, pièce 76
des pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit.

614Lettre de LordCarrington, président de la c onférence pour la paix en Yougoslavie, à M.Rugova,
17 août 1992, pièce 77 des pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit.

615Constitution de la République de Serbie, préambule et ar ticle182, par.2, pièce59 des pièces et documents
soumis à l’appui du présent exposé écrit.
616
Sur les garanties des droits de l’homme et des droits des minorités en Serbie, voir chap. 5, sect. B III).
617
JamesCrawford, «State Practice a nd International Law in Relation to Unilateral Secession», rapport, avis
d’experts accompagnant l’exposé du Procureur géné ral du Canada, dans: A nne Bayefsky (ed.), Self-Determination in
International Law. Quebec and Lessons Learned. Legal opinions Selected and Introduced by Anne Bayefsky (2000),
p. 61, par. 71. - 162 -

618
sont toujours pas réunies . Ce serait assurément un bien étrange droit à une «sécession à titre de
recours» que celui qui accorderait à une minorité pe rsécutée le droit de créer un nouvel Etat alors
que, dans le même temps, les dirigeants de cette même minorité portent la responsabilité de

semblables violations infligées à d’autres groupes nationaux vivant sur le même territoire.

649. En somme, la décision des Albanais du Ko sovo de ne participer à la vie d’aucune
institution publique you goslave ou serbe, afin de proclamer leur «souveraineté» et leur
«indépendance» en1990 et de créer effectivemen t leurs propres institutions parallèles pendant

toute la décennie ayant précédé l’adoption de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, rend
la théorie de la «sécession à titre de recours» co mplètement inapplicable à la présente affaire,
même en admettant que cette théorie cons titue une règle de droit international ( quod non). Qui

plus est, du fait de l’adoption de la résolution susvisée, le Kosovo connaît aujourd’hui encore un
régime d’autonomie substantielle sous administration des Nations Unies, cette autonomie étant
également garantie par la Constitu tion de la République de Serbie, ce qui veut dire que la DUI ne

peut en aucune façon être justifiée par la prétendue théorie de la «sécession à titre de recours».

VI. Aucun organe international n’a jamais donné acte de l’applicabilité
de la prétendue «sécession à titre de recours» au Kosovo

650. Un autre élément démontrant l’inanité de la revendication de «sécession à titre de
recours» en tant que fondement juridique de la déclaration unilatérale d’indépendance du
17février2008 est le fait que cette revendicati on n’a été entérinée par aucune résolution d’un

organe de l’ONU, d’une organisa tion régionale ou d’un or gane international compétent quel qu’il
soit. Tel a été le cas pendant la période la plus noire du conflit entre l’armée yougoslave et les
forces de sécurité serbes, d’une part, et l’organisation terroriste des Albanais du Kosovo, la

prétendue ALK, d’autre part. Comme indiqué plus haut, les forces serbe s comme les forces de
l’ALK ont commis de graves violations des droits humains fondamentaux et des règles du droit
619
international humanitaire . Pourtant, toutes les résolutions du Conseil de sécurité adoptées
en1998-1999 concernant la situation au Kosovo ont souligné la nécessité de respecter l’intégrité
territoriale de la RFY, ce qui revient à rejeter toute possibilité
de sécession 620.

651. Tentant de gommer ce fait incontestable, la DUI prétend que la sécession du Kosovo
«met fin au processus de dissolution violente de la Yougoslavie» 621. Cette assertion est clairement

en contradiction des conclusions de la Commission d’arbitrage de la Conférence sur la Yougoslavie
(Commission Badinter). Dans son avis n 8 du 4 juillet 1992, la Commission d’arbitrage a estimé
622
que le processus de dissoluti on de la RFSY avait pris fin . Elle n’a à aucun moment évoqué la
possibilité de l’indépendance du Kosovo, qui aurait fait suite à l’application de la théorie de la
«sécession à titre de recours» ou à une autre mesure . Si l’abrogation du statut d’autonomie du

Kosovo par le régime de Milosevic en1989 ava it créé sur le terrain une situation déclenchant
l’applicabilité de la théorie de la «sécession à titre de recours», la Commission d’arbitrage n’aurait
pas pu ne pas tenir compte de ce fait important. D’ailleurs, la Conférence ne lui a même pas

618Pour d’autres informations sur le s actes de persécution à l’égard de non-Albanais du Kosovo, voir chapitre 5,
section F.I.

619Voir chap. 5, sect. E.

620Voir les résolutions1199 (1998), 1203 (1998) et 1244 ( 1999) du Conseil de sécuri té, reprises dans les
pièces17, 18 et20 des pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit. Pour plus d’informations, voir
supra chap. 6, sect. E.

621Voir la pièce 2 des pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit.

622Avis n 8 de la Commission d’arbitrage de la Conférence sur la Yougoslavie, ILM, vol. 31, 1521, 1523 (1992),
pièce 41 des pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit. - 163 -

demandé de se pencher sur la question d’une év entuelle indépendance du Kosovo. On notera que,
dans son premier avis, la Commission a énuméré les déclarations d’indépendance publiées par les
Républiques yougoslaves, mais n’a même pas mentionné celle du «Kosovo», alors que les
623
dirigeants des Albanais du Kosovo avaient demandé à la Conférence d’examiner la question .

652. De plus, l’Union européenne et l’Orga nisation pour la sécurité et la coopération en
Europe(OSCE) n’ont pas invoqué l’applicabilité de l’élément externe de l’autodétermination à la

population624 Kosovo, et ont encore moins rec onnu un prétendu droit à une «sécession à titre de
recours» .

653. Il serait extraordinaire d’admettre l’application du principe d’autodétermination à la
population du Kosovo en se fondant sur une «sécessi on à titre de recours» alors qu’au rebours de

toute l’histoire de l’application du droit des pe uples à disposer d’eux-mêmes dans le cadre de
l’Organisation des NationsUnies, l’applicabilité du principe à la situation du Kosovo n’a pas une
seule fois été reconnue.

F. C ONCLUSIONS

654. En conclusion, il est allégué que

i)Le droit à l’autodétermination est de venu un droit juridiquement protégé en droit
international, mais d’une manière soigneusement limitée ;

ii) Le droit international a élaboré une défi nition particulière d’un «peuple» ayant droit à
disposer de lui-même et qui doit être reconnu par une organisation régionale ou
internationale compétente. En particulier, l’ONU a mis au point une méthode pour

recenser les «territoires non autonomes» et dé finir des mesures spécifiques permettant de
mettre fin aux situations coloniales, notamment l’applicabilité du principe

d’autodétermination ;

iii)Le droit à l’autodétermination n’auto rise pas à faire sécession d’une façon non

consensuelle d’un Etat indépendant ;

iv)Le Kosovo ne constitue pas en droit inte rnational une unité territoriale valablement

concernée par l’autodétermination ;

v) Les Albanais du Kosovo ne constituent pas un «peuple» aux fins de l’autodétermination

en droit international ;

623Voir l’avis no 1, ILM, vol.31, 1494, 1496 (1992), pièce 38 des pièces et documents soumis à l’appui du
présent exposé écrit et la lettre de M.Rugova à Lord Carrington, Conférence pour la paix en Yougoslavie,

22 déce624e 1991, pièce 76 des pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit.
Pour ce qui est du Conseil de l’Union européenne, voirles Conclusions de la Présidence (19/20juin2008),
Bruxelles, 20juin2008, 11018/08. En ce qui concerne la Mission de l’OSCE au Kosovo, voir OSCE, Décision n o263,
193 séance plénière, PC.D EC/263 (25octobre1998); OSCE, Evaluation pr éliminaire de la situation des minorités
ethniques au Kosovo (j1u0le9t99), disponible à l’adres:se http://www.osce.org/documents/
html/pdftohtml/1119_en.pdf.html ; OSCE, Deuxième évaluati on de la situation des mi norités ethniques au Kosovo,

26juillet 1999, disponible à l’adresse: http://www.osce.org/documents/html/pdftohtml/1118_en.pdf.html ; OSCE,
Aperçu de la situation des minorités ethniques au Kosovo, 3novembre1999, disponible à l’adres:e
http://www.osce.org/documents/html/pdftohtml/1117_en.pdf.html. Voir aussi HuoanRightsWatch, «Federal Republic
of Yugoslavia: Humanitarian Law Violations in Kosovo», vol.0, n 9 (D), octobre1998, disponible à
l’adresse :http://www.hrw.org/legacy/reports/reports98/kosovo/. - 164 -

vi) Le paragraphe7 du principe de l’égalité de droits et du droit des peuples à disposer
d’eux-mêmes énoncé dans la déclaration re latives aux principes du droit international

garantit la préservation de l’unité politique et de l’intégrité territoriale des Etats
indépendants ;

vii)L’interprétation a contrario de ce paragraphe consistant à reconnaître un droit à une

«sécession à titre de recours» n’est pas va lidée par les dispositions du paragraphe, non
plus que par son contexte, son objet et son but, les travaux pr éparatoires et la pratique
ultérieure ;

viii) Les minorités nationales ne peuvent pas devenir des «peuples» ayant droit à disposer
d’eux-mêmes du fait de violations de leurs droits fondamentaux ;

ix) Même en admettant l’existe nce juridique de la théorie de la «sécession à titre de recours»

(quod non), les conditions de son application ne seraient pas réunies dans le cas du
Kosovo ;

x) Les Albanais du Kosovo ont décidé eux-même de ne pas participer à l’appareil d’Etat de

la Yougoslavie et de la Serbie, mais plutôt de créer leurs propres institutions parallèles ;

xi) En conséquence, la Yougoslavie et la Serbie ne peuvent pas être considérées comme
n’ayant pas respecté le principe de l’égalité de droits et d’autodétermination et, partant,

comme n’étant pas dotés d’un gouvernement re présentant l’ensemble de la population
appartenant au territoire de la Serbie «sans distinction de race, de croyance ou de
couleur» ;

xii) Ni la Commission d’arbitrage de la Conférence sur la Yougoslavie ni aucune résolution de
l’ONU ou d’une organisation régionale n’ont entériné la revendi cation d’indépendance
des Albanais du Kosovo ni n’ont reconnu le ur prétendu droit à l’autodétermination
externe, que ce soit par le biais d’une «sécession à titre de recours» ou d’une autre mesure.

Le Kosovo continue de jouir d’un régime d’au tonomie substantielle sous administration des
NationsUnies, cette autonomie étant également reconnue par la Constitution de la République de
Serbie. - 165 -

QUATRIEME PARTIE

LES RETOMBÉES DE LA RÉSOLUTION 1244 (1999) DU CONSEIL
DE SÉCURITÉ SUR LA QUESTION POSÉE A LA COUR

CHAPITRE 8

L A RESOLUTION 1244 (1999)DU CONSEIL DE SECURITE A ETABLI
UN REGIME JURIDIQUE INTERNATIONAL POUR LE K OSOVO

655. Les précédents chapitres ont établi que la DUI a violé les principes généraux du droit
international. Le présent chapitre se focalise sur la non-conformité de la DUI au régime juridique
spécial qui s’applique au Kosovo, tel qu’il a ét é mis en place par le Conseil de sécurité de l’ONU
dans une résolution contraignante. Le présent chapitre se propose de démontrer que

i) Le Conseil de sécurité de l’ONU a, en adoptant la résolution1244(1999) en vertu de
Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, établi un régime juridique international pour
le Kosovo, régime qui s’impose aux parti es ainsi qu’à tous les Etats Membres de

l’Organisation des Nations Unies ;

ii)Le régime juridique international pour le Kosovo garantit l’intégrité territoriale de la
625
Serbie en attendant que les parties concluent un règlement définitif sous les auspices du
Conseil de sécurité ;

iii)es notions d’«auto-administration» et d’«autonomie» figurant dans la

résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité excluent l’indépendance pour le Kosovo, en
particulier une déclaration unilatérale d’indépendance ;

iv) La résolution 1244 (1999) du Conseil de sécu rité exige que le statut futur du Kosovo soit
déterminé dans le cadre d’un processus po litique, de manière pacifique et par la
négociation ;

v)Seul le Conseil de sécurité peut mettre fin au régime juridique international pour le
Kosovo.

A. L A PRATIQUE DU C ONSEIL DE SECURITE ,EN PARTICULIER LA RESOLUTION 1244 (1999),
RECONNAIT ET GARANTIT L ’INTEGRITE TERRITORIALE DE LA RFY/S ERBIE

I. La pratique préalable à l’adoption de la résolution 1244
(1999)

du Conseil de sécurité

656. Bien avant l’adoption de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, le Conseil de

sécurité et les Membres de l’ONU pris individuellement avaient déjà réaffirmé l’intégrité
territoriale de la RFY et rejeté l’idée d’un droit du Kosovo de faire unila téralement sécession. En
outre, le Conseil de sécurité avait souligné qtout règlement devait s’appuyer sur un accord à
conclure entre les parties au sujet d’un statut d’autonomie du Kosovo à l’intérieur de la RFY.

657. De fait, en 1995, 1996 et 1997, respectiv ement, le Conseil de sécurité, dans ses

résolutions 1031 (1995), 1088 (1996) et 1144 (1997) ⎯ après avoir réaffirmé son attachement à un

62Sur la continuité entre la RFY et la République de Serbie, voir supra chapitre 1, section E. - 166 -

règlement négocié de tous les conflits dans l’ex-Yougoslavie ⎯ s’est référé à la préservation de
l’intégrité territoriale et à celle de la souverainet é et de l’intégrité territoriale de tous les Etats
626
concernés à l’intérieur de leurs frontières internationalement reconnues .

658. De son côté, le Groupe de contact, com posé de l’Allemagne, des Etats-Unis, de la
France, de l’Italie, du Royaume-Uni et de la Russi e, a appuyé «un statut renforcé pour le Kosovo
àl’intérieur de la République fédérale de Yougoslavie » 627, y compris une «véritable
628
auto-administration» .

659. Au début de 1999, le pr ésident du Conseil de sécurité, s’exprimant au nom du Conseil,
a indiqué dans deux déclarations présidentielles que le Conseil «réaffirme son attachement à la
629
souveraineté et à l’intégrité territoriale de la République fédérale de Yougoslavie» .

660. Dans sa résolution 1239 (1999), adoptée que lques semaines seulement avant l’adoption
de la résolution1244(1999), le Conseil non seu lement a de nouveau réaffirmé «l’intégrité
territoriale et la souveraineté de tous les Etats de la région» 630, mais a, aux paragraphes2 et3 du

dispositif, expressément désigné le Kosovo comme l’un e des «parties de la République fédérale de
Yougoslavie» 631.

661. Le 8 mai 1999, pendant une réunion du Co nseil de sécurité consacrée à l’examen de la

question du bombardement de l’amba ssade de Chine à Belgrade, le représentant de la France s’est
référé au processus engagé dans le cadre duG-8 et qui a préparé le terrain pour ce qui devait
devenir la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité. Il a sou ligné que le but de toute décision

du Conseil de sécurité serait

«un processus politique menant à l’établissement, à titre provisoire, d’un accord-cadre

politique prévoyant une autonomie subs tantielle pour le Kosovo, qui tienne
pleinement compte des acco rds de Rambouillet et des principes de souveraineté et

d’intégrité territoriale de la République fédérale de Yougoslavie et des autres 632s de
la région, et la démilitarisation de l’Armée de libération du Kosovo» .

626Voir résolution1031(1995) du Conseil de sécurité , deuxième alinéa du préambule, ainsi que sa
résolution 1088 (1996), deuxième alinéa du préa mbule, reprises dans les pièces 14 et 15 des pièc es et documents soumis
à l’appui du présent exposé écrit. Voir aussi sa réso lution1144 (1997), deuxième alinéa du préambule. Pour plus

d’informations, voir chapitre 6, section E.
627
Voir la déclaration du groupe de contact sur le Kosovo du 24septembre1997 (c’est nous qui soulignons),
reprise dansWeller, op.cit., p.234. Cette formule a été réitérée dans des déclarations ultérieures du groupe de contact
sur le Kosovo, voit les déclarations du 25 février 1998 (Moscou) et du 9 mars 1998 (Londres), reprises dans ibid., p. 235.
628
Voir les déclarations du groupe de contact sur le Kosovo du 25février1998 (Moscou) et du 9mars1998
(Londres), ibid., p. 235-236.
629
Voir NationsUnies, doc.S/PRST /1999/5 (29 janvier 1999), par. 4, et NationsUnies, doc.S/PRST/1999/2
(19 janvier 1999), par. 10, repris dans les pièces 31 & 30, respectivement.
630
Résolution1239 (1999) du Conseil de sécurité; se ptième alinéa du préambule, pièce19 des pièces et
documents soumis à l’appui du présent exposé écrit.
631
Ibid., par. 2 et 3 du dispositif et quatrième et sixième alinéas du préambule.
632
Déclaration de M. Dejammet (France), Nations Unies, doc. S/PV.4000 (8 mai 1999), p. 5 (les italiques sont de
nous). - 167 -

662. Les représentants d’un nombre important de pays ont repris ce point de vue à leur
compte pendant les délibérations du Conseil de sécu rité. C’est ainsi que le représentant de Cuba a

déclaré que le Conseil de sécurité devrait

«trouver la voie menant à une solution politique, juste et digne, qui respecte la

souveraineté et l’intégrité territoriale de la République fédérale de Yougoslavie et de
tous les Etats de la région» 633.

663. L’Argentine, à son tour, a évoqué

«la nécessité de créer les conditions propi ces à une paix durable, dans le cadre du
respect des droits de l’homme et des principes de l’intégrité teritoriale et de la
634
souveraineté de la République fédérale de Yougoslavie…» .

664. Dans le même esprit, la Chine a estimé que tout règlement de la question du Kosovo
devrait s’appuyer «sur le respect de la souverainet é et de l’intégrité teritoriale de la République
fédérale de Yougoslavie» 635, opinion à laquelle se sont associés les représentants de l’Ukraine 636et
637
du Bélarus .

665. De même, l’Inde a réaffirmé «le caractère i nviolable de la souveraineté et de l’intégrité
territoriale de la frontière internationale de la République fédérale de Yougoslavie» 638.

666. De son côté, l’Ambassadeur d’Allemagne a présumé que toute solution politique future
serait obtenue «sur la base de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la République fédérale
639
de Yougoslavie» .

II. La pratique ayant débouché sur l’adoption de la
résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité

1. La déclaration du président de la réunion des ministres des affaires étrangères du G-8
tenue au Centre de Petersberg le 6 mai 1999

667. L’une des premières initiatives ay ant débouché sur l’adoption de la
résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité a été une déclaration du G-8, en date du 6 mai 1999,

qui exprimait également les vues des membres duG-8 qui étaient alors Membres du Conseil de

633
Déclaration de M. Rodriguez Parrilla (Cuba), Nations Unies, doc. S/PV.4000 (8 mai 1999), p. 11 (les italiques
sont de nous).
634
M. Petrella (Argentine), Nations Unies, doc. S/PV.3988 (24 mars 1999), p. 11 (les italiques sont de nous).
635
Voir la déclaration du représenta nt de la Chine, M.QinHuasun (Chi ne), NationsUnies, doc.S/PV.3989
(26 mars 1999), p. 9.
636
M. Yel’chenko (Ukraine) : «Il faut revenir dès que possible à un règlement politique pacifique sur la base de la
préservation de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la République fédérale de Yougoslavie…» Ibid., p. 10.
637
M. Sychou (Bélarus): «La République du Bélarus réitè re sa position concernant le règlement du conflit au
Kosovo: il doit être fondé sur le respect inconditionnel de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la
Yougoslavie…» Ibid., p. 12.
638
M. Sharma (Inde), Nations Unies, doc. S/PV.3988 (24 mars 1999), p. 16.
639
M. Kastrup (Allemagne), ibid., p. 18. - 168 -

sécurité sur la situation au Kosovo et son règlemen t. L’un des principes qui étaient au cŒur de

cette déclaration était la mise en route d’un

«processus politique en vue de l’établissement, à titre provisoire, d’un accord-cadre

politique prévoyant une autonomie subs tantielle pour le Kosovo, qui tienne
pleinement compte des accords de Rambouillet et des principes de souveraineté et
d’intégrité territoriale de la République fédérale de Yougoslavie et des autres pays de
la région...» 64.

2.L’accord militaro-technique entre la Fo rce internationale de sécurité au Kosovo

(«KFOR») et les Gouvernements de la RFY et de la République de Serbie du 9 juin 1999

668. L’accord militaro-technique conclu le 9 ju in 1999 entre la Force internationale de
sécurité au Kosovo («KFOR») et les Gouvernements de la RFY et de son entité constitutive, la

République de Serbie, dont le Kosovo faisait partie intégrante, réaffirme également le fait que le
statut juridique du Kosovo en tant que province re levant de la souveraineté de la RFY demeurait
inchangé et ne pouvait pas, vu le caractère cont ractuel de l’engagement, être ultérieurement

modifié de façon unilatérale.

669. A cet égard, il convient tout d’abord de noter que cet accord mentionne fréquemment le

«Kosovo», d’un côté, et des «localités serbes à l’extérieur (du Kosovo)» de l’autre, ce qui implique
clairement que les parties à l’accord ont considéré que le Kosovo fait partie intégrante de la Serbie
(en tant qu’unité constitutive de la RFY) et, partan t, de la RFY également. En conséquence, le

paragraphe 2 de l’article II de l’Accord militaro-technique dispose que «[l]a RFY accepte un retrait
échelonné de toutes ses forces présentes au Kosovo en direction de localités serbes à l’extérieur de
la province» 641.

670. Si, en revanche, elles avaient considéré que le Kosovo ne faisait plus partie de la RFY,
les parties auraient simplement indiqué que les forces de la RFY se retireraient «du Kosovo en

direction de localités serbes».

671. De plus, tout en limitant le droit de la RFY de stationner des troupes au Kosovo, le

paragraphe 4 a) de l’article premier de l’accord stipulait que ces dispositions étaient «sans
préjudice du retour de l’effectif convenu de personnel yougoslave et serbe [au Kosovo]...».

672. Enfin, le fait que l’accord laissait intact e la souveraineté de la RFY sur le Kosovo est
confirmé par le paragraphe 2 h) de l’article II de l’accord, ainsi libellé :

«La Force internationale de sé curité au Kosovo (KFOR) assurera au Kosovo le
contrôle des frontières de la République fédérale de Yougoslavie avec l’Albanie et
l’ex-République yougoslave de Macédoine ju squ’à l’arrivée de la mission civile de

l’ONU.» (Les italiques sont de nous.)

640Nations Unies, doc. S/1999/516 (6 mai 1999) (les italiques sont de nous), également repris dans l’annexe 1 à la
résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, voir pièce 20 de s pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé
écrit.

641Art. II, par. 2 de l’accord militaro-technique entre la Force internationale de sécurité au Kosovo («KFOR») et
les Gouvernements de la République fédérale de Yougoslavie et de la République de Serbie du 9juin1999,
Nations Unies, doc. S/1999/682 (15 juin 1999) (les italiques sont de nous), pièce10 des pièces et documents soumis à
l’appui du présent exposé écrit. - 169 -

673. Il ressort clairement de la formule «au Kosovo...les frontières de la République
fédérale de Yougoslavie» que les frontières du Kosovo avec l’Albanie et l’ex-République
yougoslave de Macédoine constituent également les frontières extérieures de la RFY.

674. L’Accord militaro-technique demeure en vigueur, en dépit de la DUI 642.

III. La résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité garantit l’intégrité territoriale
de la RFY et contredit le droit de la prétendue «République du Kosovo»

de déclarer unilatéralement son indépendance

675. C’est sur cette toile de fond que la r ésolution1244(1999) du Conseil de sécurité

réaffirme de même la souveraineté territoriale de la RFY. De plus, elle énonce les principes de tout
règlement politique futur. Ces principes excluent manifestement toute possibilité de modification
unilatérale du statut juridique du territoire et prévoient la conclusion d’un règlement négocié par les

deux parties intéressées.

676. En premier lieu, la résolution1244( 1999) du Conseil de sécurité réaffirme la

souveraineté et l’intégrité territoriale de la RFY.

677. Le deuxième alinéa du préambule rappe lle les résolutions1160 (1998), 1199 (1998),
1203 (1998) et 1239 (1999) du Conseil de sécurité , qui avaient toutes réaffirmé l’intégrité
territoriale de la RFY 643.

678. Le quatrième alinéa du préambule de la résolution1244(1999) désigne le territoire

concerné sous le nom de «Kosovo (République fédérale de Yougosla vie)», indiquant par là même
clairement la conviction du Conseil de sécurité que le Kosovo fait partie intégrante de la RFY.

679. C’est d’autant plus important que les pr ojets antérieurs de résolution1244(1999) du
Conseil de sécurité et, en particulier, les projet s adoptés par leG-8 les7 et 8juin1999 avaient
simplement, dans l’alinéa C de leur préambule, évoqué la situation au «Kosovo» 644.

680. On voit donc que la formule «Kosovo (République fédérale de Yougoslavie)» a été

délibérément insérée et était censée faire plus que donner une simple description du cadre
géographique du «Kosovo».

681. Le Conseil de sécurité a ensuite, une fo is de plus et conformément à sa pratique
antérieure 645, réaffirmé, au dixième alinéa du pr éambule de sa résolution 1244 (1999),

l’attachement de tous les Etats Membres à la souveraineté et à l’intégrité territoriale
de la RFY «au
sens de l’acte final d’Helsinki».

642Voir infra par. 0 à 0.
643
Pour la teneur de ces résolutions, vosupra par.0 et suiv. Quant à l’identité juridique de la RFY et de la
République de Serbie, voir supra chapitre 1, section E.
644
Voir pièce 35 des pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit.

645Voir supra section A-I). - 170 -

682. Ce faisant, le Conseil de sécurité a incorpor é la teneur de l’acte final d’Helsinki dans la
résolution. Conformément au PrincipeIII de l’ acte final, «[l]es Etats participants tiennent
mutuellement pour inviolables toutes leurs frontières ainsi que celles de tous les Etats
646
d’Europe...» .

683. De plus, conformément au Principe I, t out changement de frontières ne peut avoir lieu
que «dans le respect du droit international , par des moyens pacifiques et aux termes d’un accord»

(les italiques sont de nous).

684. En même temps, le dixièm647linéa du préambule de la résolution 1244 (1999) renvoie à
l’annexe2 à ladite résolution , qui énonce les «principes (devant permettre) de trouver une
solution à la crise du Kosovo». Ces principes fi guraient dans une proposition de paix présentée au

Gouvernement de la RFY par l’ancien président finl andais Ahtisaari et l’ancien premier minis648
russe Tchernomyrdine, proposition qui a été officiellement acceptée par la RFY .

685. L’annexe2 de la résolution non seulement fait référence à l’intégrité territoriale de la
RFY, en tant que l’un des principes dont il convien t de tenir pleinement compte au moment de

l’établissement d’un accord-cadre politique intérima ire pour le Kosovo (paragraphe8), mais aussi
prévoit la mise en place d’une administration inté rimaire permettant «à la population du Kosovo
[«the people of Kosovo» dans la version anglaise] de jouir d’une autonomie substantielle au sein de
649
la République fédérale de Yougoslavie» .

686. L’intégrité territoriale de la RFY est également réaffirmée dans l’annexe1 à la
résolution1244, qui reproduit la déclaration publi ée à l’issue de la réuni on des ministres des
affaires étrangères du G-8 tenue le 6mai1998 sur «les principes généraux pour un règlement
650
politique de la crise du Kosovo» .

687. Selon l’un des principes généraux arrêtés lors de cette réunion, un processus politique
menant à la mise en place d’un accord politique in térimaire devait tenir pleinement compte «des

principes de souveraineté et 651ntégrité territoriale de la République fédérale de Yougoslavie et des
autres pays de la région» .

688. L’idée selon laquelle le Kosovo puisse jouir d’une autonomie substantielle au sein de la
RFY est ensuite, à nouveau, réaffirmée au paragraphe 10 du dispositif de la résolution, qui autorise

le Secrétaire général à établir une présence inte rnationale civile au Kosovo afin d’y assurer une
administration intérimaire.

646Acte final d’Helsinki (les italiques sont de nous).

647Annexe2 à la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, pièce20 des pièces et documents soumis à
l’appui du présent exposé écrit.

648Annexe 2 à la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, ibid.

649Ibid., par. 5 (les italiques sont de nous).

650Annexe 1 à la résolution1244 (1999) du Conseil de sécurité, pièce20 des pièces et documents soumis à
l’appui du présent exposé écrit.

651Ibid. - 171 -

689. Le principe du respect de l’intégrité territoriale de la RFY est réaffirmé au paragraphe 1

du dispositif de la résolution, qui se réfère expressément aux annexes1 et2. Le Conseil de
sécurité, agissant en vertu du ChapitreVII de la Charte, a décidé que la solution politique de la
crise au Kosovo «reposera sur les principes géné raux énoncés à l’annexe1 et les principes et

conditions plus détaillés figurant à l’annexe 2».

690. Comme indiqué plus haut, les principes généraux énoncés dans les annexes1 et2
comprennent les principes de souveraineté et d’intégrité territoriale de la RFY.

691. L’idée selon laquelle la résolution1244(1999) du Conseil de sécurité exige que tout
règlement futur tienne compte de l’intégrité terr itoriale de la RFY est également exprimée par des
déclarations faites par les membres du Conseil i mmédiatement avant ou après l’adoption de cette

résolution, et notamment des déclarations des me mbres permanents du Conseil, dont l’accord était
nécessaire à l’adoption de la résolution.

692. C’est ainsi que le représentant de la Fédé ration de Russie a souligné la réaffirmation de
l’attachement de tous les Etats à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de la RFY en déclarant

ce qui suit :

«Tout en réaffirmant nettement l’attachement de tous les Etats à la souveraineté
et à l’intégrité territoriale de la République fédérale de Yougoslavie, le projet de

résolution autorise le déploiement au Kos ovo, sous l’égide de l’ONU, de présences
internationales civile et de sécurité dot ées de mandats concrets et clairement
définis.» 652

693. Le représentant de la Chine a lui aussi souligné que tout règlement de la question du

Kosovo doit respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale de la RFY. Il a indiqué ce qui suit :

«Nous préconisons un règlement pacifique de la question du Kosovo sur la base
du respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la République fédérale de

Yougoslavie et de la garantie des droits et in térêts légitimes de tous les groupes
ethniques de la région du Kosovo.» 653

694. Il a également souligné que les vues du Gouvernement de la RFY sont particulièrement
importantes : «Nous estimons que toute solution envisagée devra tenir pleinement compte des vues
654
de la République fédérale de Yougoslavie.»

695. De fait, la préservation de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la RFY était

une condition sine qua non pour que la Chine n’oppose pas son veto au projet de
résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité. Ce n’est qu’à cette condition que la Chine a accepté
de s’abstenir et, ce faisant, de permettre au proj et de résolution d’être adopté. Comme l’a indiqué

le représentant de la Chine,

652
M. Lavrov (Fédération de Russie), Na tions Unies, doc. S/PV.4011 (10 juin 1999), p. 8, pièce 34 des pièces et
documents soumis à l’appui du présent exposé écrit.
653M. Shen Guofang (Chine), ibid., p. 9 (les italiques sont de nous).

654Ibid. - 172 -

«Le projet de résolution dont nous sommes saisis n’a pas pleinement pris en
considération la position de principe et les préoccupations justifiées de la Chine. En
particulier, ce texte ne fait pas mention du désastre causé par les bombardements de

l’OTAN en République fédérale de Yougosla vie, de même qu’il n’impose pas les
restrictions nécessaires à l’invocation du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies.
Nous avons donc d’importantes réticences à l’égard de ce projet de résolution .

Cependant, étant donné que la République fédérale de Yougoslavie a déjà accepté le
plan de paix et que l’OTAN a suspendu ses bombardements en République fédérale de
Yougoslavie, et dans la mesure où le pr ojet de résolution réaffirme les buts et

principes énoncés dans la Charte des Nations Unies, la responsabilité principale du
Conseil de sécurité en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales,
et l’attachement de tous les Etats Memb res à la souveraineté et à l’intégrité

territoriale de la République fédérale de Yougoslavie, la dé655ation chinoise ne fera
pas obstacle à l’adoption de ce projet de résolution.»

696. Le représentant de l’Argentine a expressé ment évoqué un statut final possible pour le
Kosovo. Il a déclaré ce qui suit :

«Deuxièmement, cette résolution [la résolution1244(1999) du Conseil de
sécurité] pose les bases d’un e solution politique définitive à la crise du Kosovo qui
respecte la souveraineté et l’intégrité te rritoriale de la République fédérale de
656
Yougoslavie.»

IV. La pratique ultérieurement suivie par les organes de l’ONU
réaffirme l’intégrité territoriale de la Serbie

697. La pratique ultérieure des organes de l’ONU réaffirme également l’opinion selon
laquelle la résolution 1244 (1999) repose sur la garantie de l’intégrité territoriale de la RFY.

698. C’est ainsi, notamment, que les rapports présentés par le Secrétaire général au Conseil
de sécurité sur la Mission d’administration intérimaire des NationsUnies au Kosovo à partir
de1999 ont indiqué que le Kosovo faisait partie intégrante de la Serbie en ayant recours aux

formules ci-apr:ès«Kosovo (République fédérale de Yougoslavie)», «Kosovo
(Serbie-et-Monténégro)», et enfin «Kosovo (Serbie)» 657.

o
699. De plus, le règlement n 1999/3 de la MINUK du 31 août 1999 sur la mise en place de
services des douanes et de services connexes au Kosovo établissait une distinction entre les

frontières extérieures du Kosovo, d’une part, et la limite administrative séparant le Kosovo du reste
de la RFY, d’autre part, en prévoyant l’établissement de services douaniers «aux bureaux de
douane intérieurs et aux bureaux de douane situés aux frontières internationales du Kosovo» 658.

655Ibid., p. 9 et 10 (les italiques sont de nous).

656M. Petrella (Argentine), ibid., p. 20.

657Voir par ex. NationsUnies, doc.S/1999/ 1250 (23 décembre 1999), p.1, S/2002/1126 (9 octobre 2002), p.1
(«Kosovo (République fédérale de Yougoslavie)»), S/2003/996 (15 octobre 2003), p. 1, S/2004/907 (17 novembre 2004),
p.1, S/2005/335 (23mai2005), p.1 («Kosovo (Serbie-et -Monténégro)»), et S/2007/768 (3janvier2008), p.1
(«Kosovo (Serbie)»).

658Préambule du règlement 1999/3 de la MINUK (31 août 1999) ; voir aussi son article 5. Les règlements de la
MINUK sont disponibles à l’adresse : http://www.unmikonline.org/regulations/unmikgazette/index.htm. - 173 -

700. En outre, le Conseil de sécurité et le représentant spécial du Secrétaire général au
Kosovo ont tous deux reconnu le droit de la RFY de délimiter sa frontière, y compris les parties de
cette frontière qui concernent le Kosovo.

701. C’est la raison pour laquelle le représentant spécial du Secrétaire général a, en2002,

déclaré nulle et non avenue la «Résolution relativ e à la prote659on de l’intégrité territoriale du
Kosovo» adoptée par l’Assemblée du Kosovo le 23mai2002 . Cette résolution avait tenté de
contester la licéité de l’accord frontalier conclu le 23 février 2001 entre la Macédoine et la RFY 660.

Cet accord avait notamment délimité la partie de la frontière entre les deux pays qui concerne le
Kosovo.

661
702. Dans une déclaration de son président , le Conseil de sécurité a confirmé cette
décision du représentant spécial et rappelé que pa reilles résolutions de l’Assemblée du Kosovo ne

relèvent pas du domaine de compétence de cette dernière. S’agissant de la même question, le
Conseil avait antérieurement souligné que ladite frontière, déterminée par l’accord conclu entre la
Macédoine et la RFY, «doit être respecté[e] par tous» 662.

703. Lues en parallèle, ces déclarations confirment de façon incontestable l’opinion du

Conseil de sécurité selon laquelle, dans le cadre du régime qu’il a établi dans la
résolution 1244 (1999), le Kosovo continue de faire pa rtie intégrante de la RFY/Serbie et que c’est
la Serbie, et uniquement la Serbie, qui peut aliéner une quelconque partie du territoire faisant partie

du «Kosovo».

704. Le Secrétaire général a été du même avis . C’est ainsi que, dans l’échange de lettres qui
a eu lieu les 23 et 24 décembre 2003 entre le Secrét aire général adjoint aux opérations de maintien
de la paix et le Représentant permanent de la Serbie-et-Monténégro auprès de l’Organisation des

Nations Unies sur le Bureau des Nations Unies à Belgrade, le Secrétaire général adjoint s’est référé
à la teneur de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité

«par laquelle le Conseil de sécurité de l’ONU, agissant en vertu du chapitre VII de la
Charte des Nations Unies, a décidé du déploiement au Kosovo (République fédérale de
Yougoslavie, dénommée actuellement la Serbie-et-Monténégro) ... de la Mission
663
d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK)» .

B. L A CREATION D ’UNE ADMINISTRATION
CIVILE INTERNATIONALE (MINUK)

705. Agissant en vertu du ChapitreVII de la Charte, le Conseil de sécurité a, dans la
résolution1244(1999), autorisé le Secrétai re général à établir au Kosovo une présence

659Voir UNMIK/PR/740 (23 mai 2002), pièce 80 des pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé
écrit.

660Accord de démarcation de la frontière entre la République de Macédoine et la République fédérale de
Yougoslavie (signé le 23 février 2001, entré en vigueur le 16 juin 2001) (Recueil des traités des NationsUnies,

vol. 2174, p. 4).
661Nations Unies, doc. S/PRST/2002/16 (24 mai 2002).

662Nations Unies, doc. S/PRST/2001/7 (12 mars 2001).

663Pièce 11 des pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit (les italiques sont de nous). - 174 -

internationale civile (ci-après dénommée «Missi on d’administration intérimaire des Nations Unies

au Kosovo» (MINUK)), chargée

«d’y assurer une administration intérimaire da ns le cadre de laque lle la population du

Kosovo pourra jouir d’une autonomie substantie lle au sein de la République fédérale
de Yougoslavie, et qui assurera une administration transitoire de même que la mise en
place et la supervision des institutions d’auto-administration démocratiques
provisoires nécessaires pour que tous les habitants du Kosovo puissent vivre en paix et
664
dans des conditions normales» .

706. Au paragraphe 11 de la même résolution, le Conseil de sécurité a décidé que la MINUK
aurait notamment les responsabilités suivantes :

⎯ exercer les fonctions d’administration civile là où cela sera nécessaire et tant qu’il y aura lieu

de le faire ;

⎯ organiser et superviser la mise en place d’in stitutions provisoires pour une auto-administration

autonome et démocratique ;

⎯ transférer ses responsabilités administratives à ces institutions tout en continuant de superviser

et de faciliter le renforcement des institutions locales provisoires du Kosovo ;

⎯ faciliter la reconstruction des infrastructures et le relèvement de l’économie ;

⎯ faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire ;

⎯ maintenir l’ordre public ;

⎯ défendre les droits de l’homme ; et

⎯ veiller à ce que les réfugiés et les personnes déplacées puissent rentrer chez eux.

707. En conséquence, comme l’a expliqué le Secrétaire général dans le rapport sur la
MINUK qu’il a présenté au Conseil de sécurité le 12 juillet 1999, peu de temps après l’adoption de
la résolution 1244 (1999),

«Dans sa résolution 1244(1999), le Conseil de sécurité a confié à
l’administration civile intérimaire le soin d’ administrer le territoire et la population du
Kosovo. La MINUK sera donc investie de t ous les pouvoirs législatifs et exécutifs,
665
pouvoirs judiciaires compris.»

708. Cela a été réaffirmé par le Règlem ent1999/1 de la MINUK sur l’autorité de

l’administration intérimaire au Kosovo, adopté le 25juillet1999, qui est toujours en vigueur et
stipule que

664Résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, par. 10 du dispositif (les italiques s ont de nous), pièce 20 des

pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit.
665Nations Unies, doc. S/1999/779 (12 juillet 1999), par. 35. - 175 -

«[l’]ensemble des prérogatives du législatif et de l’exécutif concernant le Kosovo,
ainsi que le pouvoir d’administrer le système judiciaire, sont entre les mains de la
MINUK et sont exercés par le représentant spécial du Secrétaire général» 666.

709. L’autorité administrative et législa tive suprême de la MINUK au Kosovo a été

ultérieurement réaffirmée, notamment par la promulgation du Cadre constitutionnel de l’autonomie
provisoire du Kosovo par le représentant spécial du Secrétaire général, agissant expressément en
667
vertu des pouvoirs que lui conférait la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité .

710. Par le biais du Cadre constitutionnel, le RSSG a mis en place les institutions provisoires
d’administration autonome et défini leurs compétences et les principes devant régir leurs activités.
Toutefois, il s’est attribué un certain nombre de pouvoirs et de responsabilités, et notamment les

suivants :

⎯ «[d]issoudre l’assemblée et appeler à de nouve lles élections dans les situations où les

institutions provisoires d’administration autonome sont réputées agir d’une manière non
conforme aux dispositions de la résolution124 4(1999) du Conseil de sécurité de l’ONU, ou
dans l’exercice des responsabilités que cette résolution confie au RSSG» 668 ;

⎯ «[d]éfinir la politique monétaire» 669 ;

⎯ «[e]xercer des pouvoirs et des responsabilités de caractère internati onal dans le domaine
juridique» 670 ;

⎯ «[c]onclure des accords avec d es Etats et des organisations internationales sur toutes les
questions relevant du champ d’application de la résolution1244(1999) du Conseil de
671
sécurité» ;

⎯ «[c]onduire, notamment avec des Etats et des organisations intern672onales, les relations
extérieures nécessaires à l’exécution de son mandat» .

711. En plus de se réserver certains pouvoirs, le RSSG a réaffirmé son autorité législative et
administrative suprême au Kosovo en veillant à ce que le fait pour lui de conférer des pouvoirs aux

institutions provisoires d’administration autonome n’ affecte ni ne diminue en aucune manière son
autorité pour ce qui d’appliquer dans son intégralité la résolution 1244 (1999) :

«L’exercice des responsabilités des in stitutions provisoires d’administration
autonome aux termes du présent Cadre constitutionnel n’affecte ni ne diminue en
aucune manière l’autorité du RSSG pour ce qui est d’appliquer dans son intégralité la

résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité , s’agissant notamment de superviser

666UNMIK/REG/1999/1 (25 juillet 1999). Les modifications ultérieurement apportées à ce règlement ont

conservé la disposition citée, voir UNMIK/REG/2000/54 (27 septembre 2000).
667Voir Cadre constitutionnel, deuxième alinéa du préambule, repris dans pièce 3 des pièces et documents soumis

à l’appui du présent exposé écrit.
668Ibid., art. 8.1 b).

669Ibid., art. 8.1 d).

670Ibid., art. 8.1 i).

671Ibid., art. 8.1 m).

672Ibid., art. 8.1 o). - 176 -

lesdites institutions, leurs responsables et leurs organes et de prendre les mesures
appropriées quand leurs actions ne sont pas conformes à la résolution 1244 (1999) du
Conseil de sécurité ou au présent Cadre constitutionnel.» 673

712. L’une des façons dont le RSSG exerce son autorité pour ce qui est d’appliquer la
résolution1244(1999) du Conseil de sécurité cons iste à adopter des règlements. Ces règlements

non seulement donnent une interprétation de la réso lution, mais encore développent cette dernière,
en établissant de la sorte une série de text es législatifs qui, avec la résolution1244(1999),
constituent le régime juridique international applicable au Kosovo.

713. Toujours dans la même optique, l’autor ité suprême du RSSG est confirmée par le fait

que ses règlements priment toutes les autres lois du Kosovo. Le Règlement 1999/1 de la MINUK
disposait déjà que les règlements de la MINUK

«resteront en vigueur jusqu’à ce qu’ils soient abrogés par la MINUK ou remplacés par
les règles ultérieurement éd ictées par les institutions qui auront été établies dans le
cadre d’un règlement politique, ainsi que le prévoit la résolution1244(1999) du
674
Conseil de sécurité de l’ONU» .

714. De plus, le Cadre constitutionnel, qui a ét é publié sous la form e d’un règlement du
RSSG et ne peut être modifié que par l’adoptio n d’un nouveau règlement par le RSSG, prime les
lois adoptées par l’Assemblée du Kosovo. Il stipule expressément ce qui suit : «En cas de conflit

entre le prés675 Cadre constitutionnel et une loi de l’Assemblée, c’est le Cadre constitutionnel qui
l’emporte.»

715. On trouve une réaffirmati on récente de l’autorité administ rative et législative suprême
de la MINUK au Kosovo dans la décision rendue pa r la Cour européenne des droits de l’homme
dans les affaires Behrami c.France et Saramati c.Allemagne, France et Norvège , dans lequel la

Cour a déclaré que la MINUK devait assurer

«une mission d’administration internationa le intérimaire et son premier règlement

confirma que l’autorité qui lui était conférée par le Conseil de sécurité comprenait
l’ensemble des prérogatives du législatif et de l’exécutif ainsi que le pouvoir
d’administrer le système judiciaire…» 676

716. Ce constat de la Cour européenne des droits de l’homme lui a été inspiré par une

déclaration que l’Organisation des NationsUnies a faite dans le cadre de cette procédure.
L’Organisation estime que la MINUK est «un organe subsidiaire de l’ONU investi de tous les

673Ibid., chapitre 12 (les italiques sont de nous). Par ailleurs, le Cadre constitutionnel stipule que rien n’influence
l’autorité que la KFOR tire de la résolution1244(1999) du Conseil de sécurité et de l’Accord militaro-technique, ibid.,

chapitre 13.
674UNMIK/REG/1999/1 (25 juillet 1999), article 4 (les italiques sont de nous).

675UNMIK/REG/2001/9 (15 mai 2001), article 14.1.

676Cour européenne des droits de l’homme, Behrami c. France et Saramati c. Allemagne, France et Norvège ,
décision sur la recevabilité du 2 mai 2007, par. 70 (les italiques sont de nous). - 177 -

677
pouvoirs législatifs et administratifs au Kosovo , y compris l’administration de la justice» . Cette
déclaration est conforme à l’article 1 du Règlement 1999/1 de la MINUK.

717. En conséquence, comme l’a prescrit le Conseil de sécurité au paragraphe11 du
dispositif de la résolution 1244 (1999), et jusqu’à ce qu’un règlement définitif ait été conclu par les

parties sous la supervision du Conseil de sécu rité, c’est la MINUK qui exerce l’ensemble des
fonctions législatives et administratives au Kosovo et en ce qui concerne le Kosovo, tandis que les
institutions provisoires du Kosovo ne peuvent s’ac quitter que des fonctions d’auto-administration

autonome et ne peuvent pas, ce faisant, agir de façon non conforme à la résolution 1244 (1999), au
Cadre constitutionnel et aux autres règlements et décisions du RSSG.

C. L’ ETABLISSEMENT D ’UNE PRESENCE DE SECURITE (KFOR)

718. Agissant en vertu du Chapitre VII, le Con seil de sécurité a également autorisé les Etats
Membres et les organisations internationales compétentes à établir une présence de sécurité au
Kosovo, c’est-à-dire la KFOR. C’ est la KFOR qui, dans l’exercice du mandat que lui a confié le

Conseil de sécurité dans la résolution 1244 (1999), est habilitée à prévenir les hostilités, à é
tablir un
environnement sûr, à assurer le maintien de l’ordr e public, à superviser le déminage, à appuyer la
MINUK et à exercer des fonctions de surveillance des frontières 678.

719. Ainsi, comme l’a également bien expliqué la Cour européenne des droits de l’homme,
679
la KFOR est chargée «d’exercer un contrôle militaire total au Kosovo» .

720. En d’autres termes, la KFOR a été établie en vue d’exercer l’autorité militaire et de
sécurité suprême au Kosovo, et elle conserve ce mandat. Il en est ainsi même après la DUI, car la
KFOR «reste prête à réagir à tout trouble ou manifestation de violence, d’où qu’ils viennent» 68.

D. L E ROLE DE LA SERBIE AU K OSOVO

721. Que la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité repose sur le principe selon lequel
le Kosovo continue de faire partie intégrante de la Serbie est également confirmé par le fait que

cette dernière s’est vu reconnaître certains droits ad ministratifs en ce qui concerne son territoire du
Kosovo ainsi que la souveraineté sur ce territoire.

722. Le paragraphe4 du dispositif de la résolution confirme que la RFY est autorisée à
stationner au Kosovo un nombre convenu de militaires et de fonctionnaires de police afin d’assurer
la liaison avec la MINUK et la KFOR, de baliser le s champs de mines et de déminer, mais aussi de

maintenir une présence dans les lieux du patrimoine serbe et aux principaux postes frontière. C’est

677Ibid., par. 118 (les italiques sont de nous), renvoyadéclaration faite par l’ONU dans le cadre de la
procédure engagée devant la Cour.

678Résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, par. 9, pièce20 des pièces et documents soumis à l’appui du
présent exposé écrit.
679
Cour européenne des droits de l’homme, Behrami c. France et Saramati c. Allemagne, France et Norvège ,
décision sur la recevabilité du 2 mai 2007, par. 70.
680
Rapport mensuel sur les opérations de la Force de paix au Kosovo adresssé à l’Organisation des
Nations Unies, Nations Unies, doc.S/2008/638 du 8 octobre 200[c’est-à-dire après l’adoption de la DUI], annexe,
par. 28. - 178 -

d’autant plus important qu’un projet antérieur de ce qui devait devenir la résolution 1244 (1999) du
681
Conseil de sécurité, établi par le G-8 et daté du 7 juin 1999, ne contenait pas cette disposition.

723. En particulier, les deux dernières tâches, à savoir le stationnement de troupes sur

certains sites et aux postes frontière, attestent non seulement que la Serbie peut exercer des
prérogatives officielles sur le territoire du Kosovo, mais aussi que cette possibilité est reconnue en
droit. L’insertion de ces deux tâches montre que le Conseil de sécurité, tout en limitant
sensiblement le droit de la RFY d’exercer un cont rôle effectif sur le Kosovo, n’en estimait pas

moins que le Kosovo continuait de faire partie inté grante de la RFY en attendant que les parties
s’accordent sur un règlement définitif sous la supervision du Conseil de sécurité.

724. Cette approche est encore confirmée par le fait que le Conseil de sécurité n’a pas
réglementé la question de la nationalité des personnes vivant au Kosovo.

725. C’est ainsi que, même après l’adoption de la résolution1244(1999) du Conseil de
sécurité, les habitants du Kosovo ont conservé leur nationalité antérieure, c’est-à-dire ont continué
d’être des nationaux de la RFY.

726. Ainsi, l’article 1.2. du Règlement 2000/18 de la MINUK, en date du 29 mars 2000, sur
les documents de voyage a-t-il expressément prévu qu’un document de voyage délivré par la

MINUK «ne confère pas une nationalité à son titulaire ni n’affecte en aucune manière la nationalité
de celui-ci».

727. Conformément à cette situation juridique, depuis l’adoption de la
résolution1244(1999) du Conseil de sécurité, plus de244843personnes appartenant à toutes les
communautés ethniques du Kosovo se sont vu délivre r des passeports de la RFY/Communauté

étatique de Serbie-et-Monténégro/Serbie, sel on les cas, ou ont demandé à abandonner leur
nationalité yougoslave/serbe conformé ment à la législation interne de la RFY/Serbie. C’est
notamment le cas de 2 228 personnes qui l’ont fait après l’adoption de la DUI.

E. L ES NOTIONS D ’AUTONOMIE SUBSTANTIELLE ET D ’AUTO -ADMINISTRATION
SUBSTANTIELLE DANS LA RESOLUTION 1244 (1999)

DU C ONSEIL DE SECURITE

728. Le paragraphe10 du di spositif de la résolution1244 (1999) du Conseil de sécurité
stipule que la présence internationale civile assurera au Kosovo une administration intérimaire dans

le cadre de laquelle la population [«the people» da ns la version anglaise] du Kosovo pourra jouir
d’une autonomie substantielle au sein de la Républ ique fédérale de Yougos lavie et, par la suite,
mettra en place et supervisera des institutions d’ auto-administration démo cratiques provisoires.

Defait, les deux expressions, à savoir «autonomie au sein de la République fédérale de
Yougoslavie» et «auto-administration», excluent toute forme d’indépendance, et à plus forte raison
une déclaration unilatérale d’indépendance.

68Voir pièce 35 des pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit. - 179 -

I. Le sens de la notion d’«autonomie»

729. En ce qui concerne la notion d’«autonomie», il convient de noter que c’est la Cour

permanente de Justice internationale qui a insist é sur le fait que l’octroi de l’autonomie n’annule
pas la souveraineté de l’Etat territorial intéressé. Ainsi a-t-elle, en examinant le statut de Memel,
déclaré ce qui suit :

«Lorsque ... la Lituanie s’est engagée à assurer à ce territoire l’autonomie ... les
Parties à la convention n’ont certainement pas cherché à partager la souveraineté entre

deux organismes devant coexister sur le même territoire. Elles ont voulu, tout
simplement, assurer au territoire transféré un certain degré de large décentralisation
législative, judiciaire, administrative et financière, devant se réaliser en harmonie avec

l’unité de l’Etat lituanien et dans le cadre de sa propre souveraineté.

Tandis que la Lituanie devait avoir la jouissance de toute sa souveraineté sur le

territoire cédé, sauf les limitations apportées à l’exercice de cette souveraineté,
l’autonomie de Memel ne devait se mouvoi r que dans les limites ainsi fixées et
spécifiées.» 682

730. De plus, elle a défini le but de l’aut onomie comme la «gestion de ses [du Territoire de
683
Memel] affaires locales exercée librement» .

731. S’agissant en particulier du Kosovo, ce tte limitation de la notion d’«autonomie» est
également corroborée par le fait qu’aux termes de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité,
cette autonomie doit être accordée «au sein de la République fédérale de Yougoslavie», ce qui

confirme que le Conseil de sécurité n’entendait pas, en prévoyant une telle autonomie, remettre en
cause l’intégrité territoriale et la souveraineté globale de la RFY 684.

II. Le sens de la notion d’«auto-administration»

685
732. Comme l’a fait remarquer un éminent observateur , l’article76 b) de la Charte des
NationsUnies distingue soigneusement les deux notions de «capacité à s’administrer» et
d’indépendance. Il est donc évident que les notions d’auto-administration, d’un côté, et

d’indépendance, de l’autre, s’excluent mutuellement.

733. L’auto-administration doit être comp rise comme la capacité d’une communauté donnée
de s’administrer elle-même sur le plan intérieur, ce qu’indique bien la version française de
l’article76 de la Charte, qui voit dans l’auto-a dministration «(des territoires sous tutelle) la

capacité à s’administrer eux-mêmes».

734. S’agissant plus spécifiquement de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité,
c’est encore la version française qui précise que l’auto-administration est synonyme d’autonomie et

682Interprétation du statut du Territoir e de Memel (Grande-Bretagne, France , Italie, Japon/Lituanie), arrêt du
11 août 1932, C.P.J.I. série A/B, n 49, p. 313 (les italiques sont de nous).

683Ibid., p. 314 (les italiques sont de nous).

684Voir supra, par. 0 à 0.

685Voir C.Tomuschat, «Yugoslavia’s Damaged Sovereignty over the Provin ce of Kosovo», dans G.Kreijen
et al. (eds.), State, Sovereignty and International Governance (2002), p. 323 et seq., p. 328. - 180 -

n’implique rien d’autre que le droit de la population du Kosovo de s’administrer elle-même. En

conséquence, la version française de la résoluti on parle, au paragraphe10 du dispositif et au
paragraphe5 de l’annexe2, d’«institutions d’auto-administr ation», et, au paragraphe11 c),
d’«auto-administration substantielle» ou si mplement d’«une autonomie substantielle» 686. Toutes

ces variantes ne renvoient à rien d’autre qu’à la réglementation des affaires intérieures.

735. Il s’ensuit que l’auto-administration s’en tend d’un régime juridique dans le cadre

duquel une communauté humaine a compétence pour administrer ses affaires intérieures tout en
restant privée du droit, par exemple, de conduire ses affaires extérieures, qui est une prérogative
constitutionnellement dévolue ailleurs 687.

736. Ainsi, l’auto-administration ne peut-elle en soi s’appliquer qu’à l’administration d’un
territoire. Elle ne peut pas conférer le pouvoir de déterminer et, à plus forte raison, de modifier le

statut juridique international du territoire en question.

737. Cela est confirmé par le paragraphe11 a) de la résolution, dans lequel le Conseil de

sécurité a décidé que la présence internationale civile aurait notamment pour responsabilité de
faciliter l’instauration d’une aut onomie et d’une auto-administr ation substantielles, «compte
pleinement tenu de l’annexe 2 et des accords de Rambouillet...».

738. L’annexe2 à la résolution, quant à elle, indique qu’un accord politique intérimaire

prévoyant pour le Kosovo une autonomie substantie lle devra tenir pleinement compte des accords
de Rambouillet et du principe de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la RFY. C’était dire
une fois encore que l’autonomie (substantielle) ne devait être en aucune façon interprétée comme
affectant la souveraineté et l’intégrité territoriale de la RFY.

739. De plus, le nom officiel des accords dits de Rambouillet était «Accord provisoire pour

la paix et l’autonomie au Kosovo», ce qui indique également que la teneur de ce document cadre
avec ce que les parties à la négociation du texte interprétaient comme englobant
l’«auto-administration».

740. En particulier, les accords de Ram bouillet ont considéré que certaines compétences
réservées à la RFY n’entraient pas dans le champ d’application de la notion

d’«auto-administration»; il s’agissait notamment de l’intégrité territoriale et de la défense, ainsi
que de la politique étrangère, à l’exception des questions relevant des compétences du Kosovo en
matière d’autonome prévues par les accords 68.

741. Par ailleurs, l’auto-administration au Ko sovo est limitée par le fait qu’elle est soumise
au contrôle de la présence internationale civile, dont l’une des responsabilités est, conformément au

paragraphe 11 c) de la résolution 1244 (1999),

686
Voir l’annexe 1 et le paragraphe 8 de l’annexe 2 de la résolution 1244 ( 1999) du Conseil de sécurité, pièce 20
des pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit.
687Tomuschat, op. cit., p. 328.

688Voir les Accords de Rambouillet, NationsUnies, doc.S/1999/648 (7 juin 1999), chapitre I, article premier,
par. 3 & 6 c). - 181 -

«[d’]organiser et de superviser la mise en place d’institutions provisoires pour une
auto-administration autonome et démocrati que en attendant un règlement politique,
notamment la tenue d’élections» (les italiques sont de nous).

742. La pratique suivie par le représentant spécial du Secrétaire général dans l’application de

la résolution a également été conforme à cette interprétation limitée du terme
«auto-administration».

743. En particulier, le RSSG a adopté le Cadre constitutionnel pour le Kosovo «en vue de
développer l’auto-administration au Kosovo» 689et a décidé que «dans les limites définies par la

résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, l690responsabilités seront transférées aux institutions
provisoires d’administration autonome...» .

744. Ainsi les compétences des institutions provisoires d’administration autonome leur
ont-elles été déléguées par le RSSG et, en outre, cela a-t-il été fait «dans les limites définies» par la

résolution susvisée.

745. Le Cadre constitutionnel a également affirmé que

«l’exercice des responsabilités des instituti ons provisoires d’administration autonome
au Kosovo n’affecte ni ne diminue en au cune manière l’autorité suprême du RSSG
691
pour ce qui est d’appliquer la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité»

et que, par conséquent,

«[l]es institutions provisoires d’administration autonome et leurs responsables :

Exercent leurs compétences conformément aux dispositions de la
résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité et aux conditions fixées dans le présent
Cadre constitutionnel...» 692.

746. En conséquence, l’exercice par les in stitutions provisoires d’administration autonome

d’une quelconque des responsabilités visées par le Cadre constitutionnel ne peut

«ni affecter ni diminuer l’autorité du RSSG pour ce qui est d’appliquer dans son

intégralité la résolution1244(1999) du Con seil de sécurité, s’agissant notamment de
superviser les institutions provisoires d’administration autonome, leurs responsables et
leurs organes» 693.

747. De surcroît, chaque fois que les in stitutions provisoires d’administration autonome

n’agissent pas de façon conforme aux dispositions de la résolution124 4(1999) et du Cadre

689
Cadre constitutionnel, préambule, par. 6, pièce 3 des pi èces et documents soumis à l’appui du présent exposé
écrit (les italiques sont de nous).
690
Ibid., préambule, par. 7.
691Ibid., préambule, par. 10.

692Ibid., chapitre 2.

693Ibid., chapitre 12. - 182 -

constitutionnel, le RSSG peut prendre des mesures appropriées 694. En particulier, il peut, et même

doit, défendre l’intégrité du régime juridique étab li par le Conseil de sécurité en vertu de la
résolution 1244 (1999) et veiller à ce que ces institutions ne franchissent pas les bornes qui leur ont
été fixées695.

748. Il ressort de ces dispositions que les pouvoirs des institutions provisoires
d’administration autonome sont soumis au contrôle du chef de la MINUK, ce qui confirme bien

que la notion d’auto-administration utilisée dans la résolution1244(1999) du Conseil de sécurité
n’autorise en aucune manière ces institutions à proclamer uni latéralement l’indépendance du
Kosovo.

749. Il s’ensuit qu’il ne peut exister et qu’il n’existe aucun lien entre l’«auto-administration»
accordée aux institutions provisoires d’administration autonome en vertu de la

résolution1244(1999) du Conseil de sécurité et le statut juridique international du Kosovo.
L’auto-administration représente le droit des ha bitants du Kosovo d’administrer eux-mêmes leurs
affaires intérieures en attendant un accord défin itif sur le statut permanent du Kosovo, que les

parties devront conclure sous la supervision du Conseil de sécurité . Cela est confirmé dans le
préambule du Cadre constitutionnel lui-même, qui rappelle que la résolution 1244 (1999) «prévoit
la mise en place et le développement au Kosovo d’une véritable auto-administration en attendant

un règlement définitif» (c’est nous qui soulignons).

F. L E PROCESSUS POLITIQUE VISANT A DETERMINER

LE STATUT FUTUR DU K OSOVO

750. La résolution 1244 (1999) fournit les paramètres essentiels concernant

⎯ la procédure à suivre par les parties pour parvenir à un règ
lement définitif ; et

⎯ les critères techniques applicables à la recherche de ce règlement définitif.

I. Les paramètres procéduraux prescrits par le Conseil de

sécurité dans sa résolution 1244 (1999)

1. Processusetnégociationspolitiques

751. La résolution1244(1999) présuppose que les parties parviendront à un accord sur un
règlement définitif concernant le statut juridiqu e du Kosovo par des moyens pacifiques et par la
négociation.

752. C’est pour cette raison qu ’au paragraphe 11 de sa résolution 1244 (1999), le Conseil de
sécurité a décidé que l’une des principales responsabilités de la présence internationale civile serait

de «e) Faciliter un processus politique visant à déterminer le statut futur du Kosovo» (les italiques
sont de nous).

694
Ibid.
69Voir supra par. 0 et suiv. - 183 -

753. L’expression même de «processus politique» implique que toutes les parties intéressées
doivent y participer et qu’elles doivent dégage r une solution mutuelleme nt acceptable par la

négociation.

754. L’impératif fixé par le Conseil de sécurité selon lequel un règlement concernant le statut

futur du Kosovo doit résulter d’un accord entre les pa rties est encore confirmé par le fait que la
situation intérimaire créée par la résolution1244(1999) ne prendra fin que lorsque l’autorité aura
été transférée des institutions provisoires du Kosovo à des institutions «qui auront été établies dans
696
le cadre d’un règlement politique» , aux termes duquel les parties s’entendront sur les questions
non réglées qui concernent le statut définitif du Kosovo. A l’évidence, le mot «règlement» ne peut
pas vouloir dire autre chose qu’un accord, et non une mesure prise unilatéralement par l’une des
parties.

755. Il convient tout particulièrement de noter que la deuxième phrase du paragraphe8 de
l’annexe2 de la résolution susvisée est ainsi libellée: «[ l]es négociations entre les parties en vue

d’un règlement ne devraient pas retarder ni perturber la mise en place d’institutions
d’auto-administration démocratiques» (les italiques sont de nous).

756. En conséquence, le Conseil de sécurité a présumé que des négociations se dérouleraient
entre les parties afin de dégager un règlement définitif. Il a également supposé que ces
négociations prendraient du temps. C’est seulem ent en attendant l’achèvement des négociations
que les institutions d’administration autonome devaient continuer d’exercer leurs droits dans le

cadre et les limites fixés par la résolution 1244 (1999).

2. Toute action unilatérale est interdite

757. Que le Conseil de sécurité ait été bien conscient que le statut intérimaire, en attendant
une solution mutuellement acceptable, puisse contin uer d’exister pendant une assez longue période
est attesté par le fait qu’il n’a pas, à la différe nce de ce qu’il avait fait dans beaucoup d’autres cas,

limité le mandat des présences internationales civile et de sécurité. De fait, il a stipulé que «la
présence internationale civile et la présence in ternationale de sécurité sont établies pour une
période initiale de 12mois, et se poursuivront ensuite tant que le Conseil n’en aura pas décidé

autrement» (les italiques sont de nous).

758. Il est donc clair que le Conseil de sécu rité a estimé qu’en attendant l’achèvement des

négociations devant déboucher sur un règlement politique mutuellement acceptable, le mandat des
présences civile et militaire se poursuivrait et qu’aucune des deux parties au conflit ne pourrait
imposer unilatéralement une solution à l’autre.

759. Cette opinion a été expressément réaffirmée dans un «Document commun
RFY-MINUK», daté du 5 novembre 2001 et signé au nom de l’ONU par le RSSG, document qui,
notamment,

«[r]éaffirme que la position con cernant le statut futur du Kosovo reste celle qui est
énoncée dans la résolution1244 (1999) du Conseil de sécurité et qu’elle ne saurait

696Voir résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, par. 11 f) du dispositif, pièce20 des pièces et documents

soumis à l’appui du présent exposé écrit. - 184 -

être modifiée par aucune mesure 697 se par les institutions provisoires
d’administration autonome» (les italiques sont de nous).

760. Le Conseil de sécurité a, par le biais d’une déclaration de son président, pris acte de cet
accord et insisté pour que toutes les parties re spectent la résolution1244(1999) dans son

intégralité. Il a notamment déclaré ce qui suit :

« Le Conseil de sécurité se félicite que le représentant spécial du Secrétaire

général et le représentant spécial du président de la Répub lique fédérale de
Yougoslavie et du Gouvernement de la Répub lique fédérale de Yougoslavie ainsi que
du Gouvernement de la République de Serbie aient signé le 5novembre2001 le

document commun MINUK-RFY . Ce document est conforme à la
résolution1244 (1999) et au cadre constitutionnel pour l’auto-administration
provisoire du Kosovo.»

«Le Conseil confirme la déclaration de son président en date du 5 octobre 2001
(S/PRST/2001/27). Il encourage la poursu ite d’un dialogue constructif entre la

Mission d’administration intérimaire des NationsUnies au Kosovo (MINUK) et les
autorités de la République fédérale de Y ougoslavie. Il souligne qu’il incombe aux
institutions provisoires d’administration autonome et à tous les intéressés d’appliquer

intégralement les dispositions de la réso lution1244 (1999) concernant le statut
définitif. Il réaffirme son engagement en fa veur de la pleine application de cette
résolution, qui reste la base sur laquelle l’avenir du Kosovo sera bâti.» 698

761. En somme, le document commun RFY-MIN UK rappelle et confirme l’obligation qui

incombe aux parties en vertu de la résolution1244 (1999) du Conseil de sécurité de poursuivre la
négociation et de ne pas tenter de modifier unilatéralement le statu quo.

762. Le document commun RFY-MINUK a également été bien accueilli et approuvé par les
Etats-Unis 699et les Etats membres de l’Union européenne 700.

763. Cette opinion a été partagée par les membres du Groupe de contact lorsqu’ils ont adopté

les «Princ701s directeurs établis par le Groupe de contact en vue d’un règlement du statut du
Kosovo» , à la suite du rapport sur l’examen global de la situation au Kosovo que
l’ambassadeurEide avait présenté au Conseil de sécurité le 7octobre2005. Dans sa partie

liminaire, ce document disposait notamment que «[l]e Conseil de sécurité demeurera activement
saisi de la question et devra approuver la décision finale sur le statut du Kosovo» 702.

697Paragraphe 5, repris dans pièce 12 des pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit.

698Nations Unies, doc. S/PRST/2001/34 (9 novembre 2001) (les italiques sont de nous), pièce32 des pièces et
documents soumis à l’appui du présent exposé écrit.

699Voir http://pristina.usembassy.gov/press20011106a.html, pièce67 des pièces et doc uments soumis à l’appui
du présent exposé écrit.

700Voir la déclaration de la présidence de l’Union européenne du 30juillet2002, pièce69 des pièces et
documents soumis à l’appui du présent exposé écrit.

701Nations Unies, doc. S/2005/709, annexe (10 novembre 2005).

702Ibid., p. 2 (les italiques sont de nous). - 185 -

764. En outre, le principe6 renvoie expresséme nt à la question d’une éventuelle solution
unilatérale, c’est-à-dire une solution non fondée su r le consensus des parties. Il stipulait
notamment ce qui suit :

«6. Le règlement du statut du Kosovo devra renforcer la sécurité et la stabilité
régionales, garantissant ainsi que le Kosovo ne reviendra pas à la situation d’avant

mars 1999. Toute703lution unilatérale ou résultant de l’emploi de la force
sera
inacceptable.»

765. Toutes ces déclarations relèvent d’une conception commune selon laquelle les mesures
prises unilatéralement pour régler le stat ut du Kosovo ne sont pas autorisées par la
résolution1244(1999), qui présuppose que toute so lution doit faire l’objet d’un accord entre les

parties et être approuvée par le Conseil de sécu rité. De plus, dans le cas du document commun
MINUK-RFY, cette conception a été non seulement expressément acceptée par le RSSG, qui est
directement chargé d’appliquer ladite résolution, mais aussi avalisée par le Conseil de sécurité

lui-même.

3. Obligations des parties à la négociation

766. Il convient de noter que l’impératif d’engager des négociations et le «processus

politique» prévu par le Conseil de sécurité entr aînent certaines obligations pour les parties
intéressées.

767. Selon la jurisprudence de la Cour, l’obligation de négocier présuppose, en droit
international, que les négociations soient «menées de bonne foi» 704.

768. De plus, la Cour a, dans sa jurisprudence, formulé certains autres impératifs que les
parties à un processus de négociation sont tenues de respecter. C’est ainsi que, dans les affaires du

Plateau continental de la mer du Nord, la Cour a jugé que les parties à la négociation «ont
l’obligation de se comporter de telle manière que la négociation ait un sens, ce qui n’est pas le cas
lorsque l’une d’elles insiste sur sa propre position sans envisager aucune modification» 705.

769. La Cour a réitéré cette position dans l’affaire relative au Projet Gabčíkovo-Nagymaros,

dans la quelle elle a de nouveau souligné, avant de répéter l’observation ci-dessus, que

«[c]e sont les Parties elles-mêmes qui doivent trouver d’un commun accord une

solution qui tienne compte des objectifs du traité ⎯ qui doivent être atteints de façon
conjointe et intégrée ⎯ de même que des normes du droit international de
l’environnement et des principes du droit relatif aux cours d’eau internationaux» 70.

703Ibid., p. 3 (les italiques sont de nous).

704Affaire de la Frontière terrestre et maritime entre le Camer oun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria ; Guinée
équatoriale (intervenant)), arrêt du 10 octobre 2002, C.I.J. Recueil 2002, p. 424, par. 244.

705 Affaires du Plateau continental de la mer du Nord (Répub lique fédérale d’Allemagne c.Danemark;
République fédérale d’Allemagne c. Pays-Bas), arrêt du 20 février 1969, C.I.J. Recueil 1969, p. 47, par. 85.

706Affaire relative au Projet Gab číkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), arrêt du 25septembre1997,
C.I.J. Recueil 1997, p. 78, par. 141 (les italiques sont de nous). - 186 -

770. S’agissant de la situati on du Kosovo, cela veut dire que les deux parties au conflit

doivent prendre en considération toutes les normes pertinentes du droit international, énoncées dans
la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, et ne peuvent pas passer purement et simplement
outre aux arguments juridiques de base avancés par la partie adverse. Il est encore moins justifié

que l’une des parties, en l’absence d’une solution trouvée d’un commun accord, tente
unilatéralement d’imposer ses vues et de faire prévaloir sa position en essayant de créer un fait
accompli sur le terrain.

771. C’est de cette opinion que semble se faire l’écho une déclaration du représentant de la

Chine, qui, après l’adoption de la résolution1244(1999) du Conseil de sécurité, a indiqué que
«toute solution proposée doit tenir pleinement co mpte des vues de la République fédérale de
Yougoslavie» 707.

772. Ce n’est qu’en tenant sérieusement comp te des vues de la partie adverse et en
n’essayant pas d’imposer unilatéralement ses propres vues et de créer un fait accompli qu’une

partie aux négociations en cours remplit son obligation de négocier de bonne foi.

773. D’un autre côté, la jurisprudence de la Cour confirme également qu’il ne découle pas de 708
cette obligation de négocier de bonne foi que les négociations doivent être menées à bien ni
même aboutir à un certain résultat. Il convient t outefois de noter qu’en attendant que soit trouvée,
sous la supervision du Conseil de sécurité, une solution concertée concernant le statut du Kosovo,

le statu quo demeure inchangé, c’est-à-dire que le Kosovo continue de relever de la souveraineté de
la Serbie tout en étant administré par la présence in ternationale civile et la présence internationale
de sécurité prévues par la résolution 1244 (1999).

774. Il convient de noter que même après le rapport du président Ahtisaari et jusqu’en

décembre2007, les parties ont poursuivi les négociations sur le statut futur du Kosovo. Ces
négociations ont ensuite été unilatéralement inte rrompues par la DUI, un mois seulement après le
dernier examen de la question par le Conseil de sécurité lors de sa 5821 eséance. Toutefois, la

Serbie est prête, conformément aux obligations qui lui incombent en vertu du droit international
général et de la résolution12 44(1999) du Conseil de sécurité, à reprendre à tout moment les
négociations en vue d’un règlement définitif du statut du Kosovo.

775. En conclusion, au regard du droit interna tional général et de la résolution1244(1999)
du Conseil de sécurité, les deux parties à la négociation sur le statut futur du Kosovo ont

l’obligation permanente de négocier de bonne foi et de tenir compte du droit international en vue de
parvenir à une solution mutuellement acceptable con cernant le statut définitif du Kosovo, sous la
supervision du Conseil de sécurité. Aucune des deux parties n’est autorisée, en attendant qu’une

solution concertée soit trouvée, à tenter d’impo ser unilatéralement ses propres vues en essayant de
créer un fait accompli. Dans l’attente d’une solution concertée, le statut juridique créé par la
résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité demeure inchangé.

707NationsUnies, doc. S/PV.4011 (10 juin 1999), p. 8, èce 34 des pièces et docu ments soumis à l’appui du
présent exposé écrit.

708Voir mutatis mutandis les Affaires du Plateau continental de la mer du Nord (République fédérale
d’Allemagne c. Danemark ; République fédérale d’Allemagne c. Pays-Bas), arrêt du 20 février 1969, C.I.J. Recueil 1969,
p. 47, par. 85. - 187 -

II. Les paramètres techniques prescrits par le Conseil
de sécurité dans sa résolution 1244 (1999)

776. En dehors des paramètres procéduraux qu’elle énonce pour régler la situation, la
résolution1244(1999) du Conseil de sécurité c ontient des critères techniques que les parties
doivent respecter lorsqu’elles s’acquittent de leur obligation fondamentale de négocier de bonne foi

en vue de dégager un accord concernant le statut définitif du Kosovo.

777. Ces critères sont indiqués au paragraphe 1 de la résolution1244(1999), dans lequel le

Conseil «1.Décide que la solution politique de la crise au Kosovo reposera sur les principes
généraux énoncés à l’annexe 1 et les principes et conditions plus détaillés figurant à l’annexe 2».

1. Principes de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Serbie

778. Comme on l’a déjà indiqué, les annexes 1 et 2 de la résolution 1244 (1999) renvoient à
un processus politique qui, entre autres, doit également tenir pleinement compte des «principes de
la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la République fédérale de Yougoslavie» 709.

779. Ce sont donc les principes de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Serbie qui
revêtent une importance essentielle pour la détermination du statut dé finitif du Kosovo. Le sens et

la teneur de ces deux principes fondamentaux du droit international, qui figurent dans la
résolution 1244 (1999), ont été expliqués plus haut dans le présent exposé écrit 710.

780. L’appel à respecter la souveraineté et l’in tégrité territoriale de la Serbie qui est lancé
dans la résolution 1244 (1999) indique clairement qu’en attendant que les parties parviennent d’un

commun accord à un règlement définitif sous l’égide du Conseil de sécurité, la Serbie est «en droit
de préserver l’unité de son territoire et d’ exercer des prérogatives gouvernementales sur ce
territoire et sur ses ressortissants» 711 sous réserves des seules limites fixées par la

résolution 1244 (1999) et le droit international général.

2. Accords de Rambouillet

781. En dehors des références expresses à la prot ection de la souveraineté et de l’intégrité
territoriale de la RFY, la résolution 1244 (1999) renvoie aux accords de Rambouillet.

782. Toutefois, il importe tout particulièrement de noter que ces accords eux-mêmes ont

«[r]appel[é] l’attachement de la communauté internationa712à la souveraineté et à l’intégrité
territoriale de la République fédérale de Yougoslavie» .

783. De plus, les accords de Rambouillet, auxquels renvoie la résolution1244(1999), ont
également incorporé l’acte final d’Helsinki en tant que paramètre juridique aux fins de la

709Voir supra section A-III).

710Voir supra chapitre 6.

711V. Santori, «The United Nati ons Interim Administration Mission in Kosovo and the Sovereignty and
Territorial Integrity of the Federal Republic of Yugoslavia», daStudi di diritto internazionale in onore di Gaetano
Arangio-Ruiz, vol. 3 (2003), p. 1689, 1702.

712Accords de Rambouillet, Nations Unies, doc. S/1999/648 (7 juin 1999), quatrième alinéa du préambule. - 188 -

détermination du statut définitif du Kosovo. Il s’ ensuit qu’en insérant cette référence à l’acte final
d’Helsinki, le Conseil de sécurité a considéré une nouvelle fois (à l’instar des auteurs du texte des
accords de Rambouillet) qu’aucune solution ne devait porter atteinte à l’intégrité territoriale de la

RFY, étant donné q713l’acte final d’Helsinki stipule que les frontières de tous les Etats européens
sont inviolables , et que, partant, toute modification de frontière présuppose l’accord de l’Etat
territorial intéressé714.

784. En conclusion, les accords de Rambouillet, qui sont le document dont il doit être tenu
compte dans le processus politique appelé à dé terminer le statut futur du Kosovo, adoptent

clairement le principe du maintien de l’intégrité territoriale de la RFY et de sa souveraineté sur
le Kosovo.

3.Pratique suivie par le Conseil de sécu rité dans d’autres affaires confirme cette
interprétation de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité

785. La conclusion selon laquelle la résolu tion1244(1999) impose que toute solution non
seulement soit obtenue par voie de négociation entre l es parties, mais encore ne porte pas atteinte à

l’intégrité territoriale et à la souveraineté de la RFY est confirmée par la pratique constante suivie
par le Conseil de sécurité dans d’autres situations. C’est ainsi que le Conseil a soit,

⎯ comme dans le cas de la Namibie et du Timo r oriental, et à la différence du cas du Kosovo,
expressément reconnu un droit d’oeuvrer en faveur de l’indépendance ; soit,

⎯ comme dans le cas de la Slavonie orientale, expr essément réaffirmé l’intégrité territoriale et la
souveraineté de l’Etat territorial et prévu une administration temporaire par l’ONU en attendant
la mise en oeuvre d’un règlement négocié entre les parties au conflit.

786. Dans le cas de la Namibie, le Conseil de sécurité a, dans ses résolutions435(1978)

et632(1989), rappelé qu’il visait à obtenir le retrai t de l’administration sud- africaine illégale et à
assurer «dans un proche avenir l’indépendance de la Namibie» et «dans un proche avenir
l’indépendance du territoire» 715, respectivement, avec le concours du Groupe des NationsUnies

pour la période de transition.

787. Une comparaison avec le cas du Timor oriental est encore plus ré vélatrice. Ce cas

contraste nettement avec la résolution1244(1999) du Conseil de sécurité sur le Kosovo, car sa
résolution 384 (1975) du 22 décembre 1975 non seulement s’est référé e expressément au « peuple
du Timor oriental», mais aussi a reconnu «le droit inaliénable du peuple du Timor oriental à
716
l’autodétermination et à l’indépendance» et, à cette fin, a demandé à tous les Etats de «respecter
l’intégrité territoriale du Timor oriental ainsi que le droit inaliénable de son peuple à
l’auto-détermination» 717.

788. La résolution 1246 (1999) du Conseil de sécurité, adoptée le 11 juin 1999, c’est-à-dire

un jour seulement après l’adoption de la résolution 1244 (1999) sur le Kosovo, est particulièrement

713
Acte final d’Helsinki, Principe III.
714
Ibid., Principe I.
715Résolutions du Conseil de sécurité 435 (1978), par. 3 du dispositif, et 632 (1989), par. 2 du dispositif.

716Résolution 384 (1975) du Conseil de sécurité, quatrième alinéa du préambule.

717Ibid., par. 1 du dispositif (les italiques sont de nous). - 189 -

frappante. Dans cette résolution, le Conseil a décidé de créer la Mission des NationsUnies au
Timor oriental (MINUTO), chargée d’organiser et de mener à bien une consultation populaire

«visant à déterminer si la population du Timor oriental accepte le cadre constitutionnel
proposé, lequel prévoit une autonomie spéciale pour le Timor oriental au sein de la
République unitaire d’Indonésie, ou rejette l’autonomie spéciale proposée pour le
718
Timor oriental, ce qui entraînerait la sécession du Timor oriental de l’Indonésie...» .

789. Il est évident que le Conseil de sécurité, s’il avait considéré que la population du
Kosovo était pareillement en droit de faire unilatéralement sécession de la RFY, aurait utilisé dans
la résolution1244(1999) un libellé analogue, si non identique, à celui qu’il a utilisé seulement un

jour plus tard dans le cas du Timor oriental. Or, il ne l’a pas fait.

790. Il n’est donc pas surprenant que, dans sa résolution 1272 (1999), le Conseil de sécurité
ait, là encore dans un contraste saisissant avec sa résolution 1244 (1999), pris note de la volonté de
la population du Timor oriental «d’engager un processus de transition vers l’indépendance, sous
719
l’autorité de l’Organisation des Nations Unies» .

791. En conséquence, il incombait à l’Administration transitoire des Nations Unies au Timor
oriental (ATNUTO), contrairement au cas de la MINUK , «de soutenir pleinement la transition [du
Timor oriental] vers l’indépendance» (c’est nous qui soulignons) 720.

792. Les exemples de la Namibie et du Timor oriental forment un contraste saisissant avec la

pratique suivie par le Conseil de sécurité dans le cas de la Slavonie orientale, dans lequel le Conseil
a, tout comme dans le cas du Kosovo, insisté sur l’in tégrité de l’Etat territorial intéressé, à savoir la
Croatie, et prévu une Administration transitoire des NationsUnies pour la Slavonie orientale

(ATNUSO). La seule différence avec le cas présent est que, dans celui de la Slavonie orientale, les
parties étaient déjà parvenues à un accord sur le statut définitif du territoire concerné avant la
création de l’ATNUSO.

793. Comme sa résolution 1244 (1999), la résolu tion 1037 (1996) du Conseil de sécurité, en

date du 15 janvier 1996, concernant la Slavonie or ientale a réaffirmé «[l’] attachement [du Conseil
de sécurité] à l’indépendance, à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de la République de
Croatie», avant de se référer à l’«Accord fondamental concernant la région de la Slavonie orientale,

de la Baranja et du Srem occide721al signé par le Gouvernement de la République de Croatie et la
communauté serbe locale» , conclu par les parties en tant que mécanisme devant conduire à un
règlement politique du différend.

718
Résolution 1246 (1999) du Conseil de sécurité, par. 1 du dispositif (les italiques sont de nous).
719Résolution 1272 (1999) du Conseil de sécurité, troisième alinéa du préambule (les italiques sont de nous).

720 oir par ex. la résolution 1338 (2001) du Conseil de sécurité, par. 3 et 4 du dispositif :

«3.Prie le représentant spécial du Secrétaire géné ral de continuer à prendre des mesures pour déléguer
progressivement, au sein de l’Ad ministration transitoire au Timor oriental, de nouveaux pouvoirs au
peuple est-timorais jusqu’à ce que tous les pouvoi rs soient transférés au Gouvernement d’un Timor
oriental indépendant, comme indiqué dans le rapport du Secrétaire général ;

4. Encourage l’ATNUTO, compte tenu de la nécessité d’aider au renforcement des capacités de
gouvernement autonome, à continuer de soutenir pleinement la transition vers l’indépendance…»

721Nations Unies, doc. S/1995/951, annexe (15 novembre 1995). - 190 -

G. SEUL LE C ONSEIL DE SECURITE PEUT METTRE FIN AU REGIME JURIDIQUE
INTERNATIONAL CREE PAR LA RESOLUTION 1244 (1999) DU CONSEIL

794. Etant donné la teneur et le libellé de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité et
les compétences que la Charte confère à ce dernier, il n’y a que le Conseil de sécurité lui-même qui
puisse mettre fin au régime juridique international créé par sa résolution 1244 (1999).

I. Compétence du Conseil de sécurité pour créer une administration territoriale

intérimaire en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies

795. Lorsqu’il a adopté sa résolution 1244 (1999), le Conseil de sécurité agissait en vertu du

Chapitre VII de la Charte des Nations Unies et a, dans l’exercice des pouvoirs qui lui étaient ainsi
conférés, décidé de déployer au Kosovo à la fois une présence internationale civile et une présence
internationale militaire, dont les responsabilités s ont définies aux paragraphes9 à11 de ladite

résolution, en attendant que les parties parvienne nt à un accord sur le statut définitif sous la
supervision du Conseil de sécurité.

796. Au début, des doutes ont pu s’exprimer au sujet de la question de savoir si le Conseil de
sécurité était habilité à faire assurer par l’ONU une administration sur un territoire donné en vertu
722
du ChapitreVII de la Charte , mais un consensus semble s’723e dégagé pour considérer que le
Conseil peut le faire lorsqu’il agit en vertu du Chapitre VII .

797 Cette opinion a été confirmée par la Cour européenne des droits de l’homme, qui a
spécifiquement jugé que non seulement la résolutio n1244(1999) du Conseil de sécurité avait été

valablement adoptée, mais que le Conseil pouvait également déléguer ses pouvoirs à la MINUK et
à la KFOR. La Cour a estimé

«que le Chapitre VII fournit le cadre de l’opération de délégation susmentionnée par le
Conseil de sécurité de ses pouvoirs de sécurité à la KFOR et de ses pouvoirs
d’administration civile à la MINUK» 724.

798. Cette opinion a été ultérieurement rec onfirmée par la même Cour, qui, à propos de

l’administration internationale de la Bosnie-Herzégovine, a déclaré qu’

«[é]tant donné que le Conseil de sécurité avait, comme il était tenu de le faire, constaté

l’existence d’une «menace contre la paix et la sécurité internationales» au sens de

722Voir H. Kelsen, The Law of the United Nations (1951), p. 651 («la Charte n’autorise pas l’Organisation à
exercer sa souveraineté sur un territoire qui n’a pas le statut juridique d’un territ oire sous tutelle»). De plus, en1947,
l’Australie a soutenu que l’article24 de la Charte ne t valider l’exercice par le Conseil de sécurité de fonctions

gouvernementales en ce qui concerne Trieste, voir Répertoire de la pratique du Conseil de sécurité, 1946-1951, p. 482.
723Voir par ex. M. J. Matheson, «United Nations Governance of Postconflict SocietiesAJIL (2001), p.76,
83-84 ; M. Bothe/T. Marauhn, «UN Administration of Kosovo and East Timor: C oncept, Legality and Limitations of

Security Council-Mandated Trusteeship Admi nistration” dans C. Tomuschat (ed.), Kosovo and the International
Community. A Legal Assessment (2002), p.217, 231-232; C.Stahn, «Inter national Territorial Administration in the
former Yugoslavia : Origins, developments and challenges ahead», 61 ZaöRV (2001), p. 107, 129-131 ; M. Ruffert, «The
Administration of Kosovo and East Timo r by the International Community», 50 ICLQ (2001), p.613, 620-622;
J. Frowein/N. Krisch, dans B. Simma (ed.), The Charter of the United Nations: A Commenta(2nded. 2002), vol.I,
art. 41, par. 20 à 22.

724Cour européenne des droits de l’homme, Behrami c.France et Saramati c.Allemagne, France et Norvège ,
décision sur la recevabilité du 2 mai 2007, par. 130. - 191 -

l’article39 de la Charte des NationsUnies, il avait le pouvoir d’autoriser une
725
administration internationale civile en Bosnie-Herzégovine» .

II. Résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité demeure valide

799. La section qui va suivre montrera que la validité constante de la résolution 1244 (1999)
du Conseil de sécurité tant que le Conseil n’en aura pas décidé autrement est explicitement

prescrite par le texte de la résolution et confirm ée dans la pratique internationale tant avant
qu’après l’adoption de la DUI.

1. Texte de la résolution 1244 (1999) et pratique ultérieure

800. En attendant un accord au Kosovo, à l’ occasion duquel le Conseil de sécurité mettrait

fin, le moment venu, au mandat des présences civile et militaire, le régime juridique international
pour le Kosovo, mis en place par la résolution1244(1999), reste et, au demeurant, doit rester
inchangé.

801. Seul le Conseil de sécurité peut modifier ce statu quo provisoire. C’est ainsi qu’en
attendant qu’une résolution du C onseil de sécurité n’en dispose au trement, le Kosovo continue de

relever de l’administration de l’ONU, en exerçant un droit à l’auto-administration, et la Serbie
conserve parallèlement sa souveraineté sur le territoire.

802. La durée illimitée de la résolutio n1244(1999) du Conseil de sécurité est
principalement confirmée par le fait que le mandat des présences civile et militaire est,
conformément au libellé on ne peut plus clair du paragraphe19 du dispositif de ladite résolution,

non limité dans le temps.

803. Cela tranche avec la pratique suivie pa r le Conseil dans d’autres situations où il avait

d’emblée limité à six ou douzemois la durée des mandats respectifs, lesquels devaient donc être
prorogés afin de demeurer en vigueur.

804. En outre, au paragraphe 21 de ladite résolu tion, le Conseil de sécurité a décidé de rester
activement saisi de la question.

805. En conséquence, comme le représentant des Etats-Unis au Conseil de sécurité l’a
expressément indiqué en ce qui concerne la résolution 1244 (1999) du Conseil,

«[i]l importe de relever qu’il est prévu dans cette résolution [ c’est-à-dire la
résolution1244(1999) du Conseil de sécurité] que les missions civile et militaire
devront rester en place jusqu’au moment où le Conseil de sécurité aura décidé
726
expressément que les conditions de l’aboutissement de leur mission sont remplies» .

725Cour européenne des droits de l’homme, Berić et al. c.Bosnie-Herzégovine , décision sur la recevabilité du
16 octobre 2007, par. 27.

726M. Burleigh (Etats-Unis d’Amérique), Nations Unies, doc. S/PV.4011 (10 ju in 1999), p. 14 (les italiques sont
de nous), pièce 34 des pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit. - 192 -

806. De fait, l’une des responsabilités qui incombent à la MINUK en vertu du

paragraphe 11 a) de la résolution1244(1999), consiste à faciliter, «en attendant un règlement
définitif», l’instauration au Kosovo d’une autonomi e et d’une auto-administration substantielles.
Cette formulation montre et réaffirme une fois de plus que le régime juridique créé par la

résolution 1244 (1999) ne peut prendre fin que moyennant un règlement défini tif à conclure par les
parties, qui, le moment venu, proposeraient au Conseil de sécurité d’abroger ladite résolution.

807. De même, le Conseil de sécur ité a, en vertu du paragraphe 11 c) de la même résolution,
chargé la MINUK d’organiser et de superviser la mise en place d’institutions provisoires pour une
auto-administration autonome et démocratique «en attendant un règlement politique».

808. Il convient également de noter que le Conseil charge la MINUK, aux termes du
paragraphe 11 f) du dispositif de la résolution1244(1999), de superviser le transfert des pouvoirs

des institutions provisoires du Kosovo aux institutions qui auront été établies dans le cadre «d’un
règlement politique»).

809. On voit que tout transfert des pouvoirs des institutions provisoires du Kosovo (qui ne
peuvent, en tout état de cause, agir que dans l es limites fixées par la résolution 1244 (1999)) à des
institutions dont l’autorité ne sera pas limitée de cette manière dépend d’un règlement politique, qui

présuppose nécessairement un accord entre les deux parties intéressées, dont l’une est l’Etat
territorial, c’est-à-dire la République de Serbie.

810. Entre-temps, c’est-à-dire en attendant que les parties soient parvenues à un règlement
politique et que le Conseil de sécurité ait appro uvé ce règlement, la résolution1244(1999) du
Conseil de sécurité et le régime juridique international qu’elle a créé demeurent en vigueur dans

leur intégralité.

811. Cette opinion est également confirmée pa r la pratique du RSSG, étant donné que le
Règlement 1999/1 de la MINUK stipule que les règlements de la MINUK

«demeureront en vigueur jusqu’à ce qu’ils soient abrogés par la MINUK ou remplacés

par les règles qui seront ultérieurement publiées par les institutions qui auront été
établies dans le cadre d’un règlement politique, comme le prévoit la
résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité de l’ONU» 727.

812. De même, le RSSG a, pendant la visite effectuée par une mission du Conseil de sécurité
au Kosovo, déclaré que c’était «le Conseil de sécurité qui déciderait du statut futur [du Kosovo] et
728
aucune partie n’avait le droit de préjuger de celui-ci» .

813. Cette opinion a été réaffirmée au nom du C onseil de sécurité par le chef de la Mission

du Conseil de sécurité lorsqu’il a déclaré que «[ l]e statut final du Kos ovo ne sera pas déterminé

727UNMIK/REG/1999/1 (25 juillet 1999), article 4 (les italiques sont de nous).

728Rapport de la Mission du Conseil de sé curité au Kosovo et à Belgrade (R épublique fédérale de Yougoslavie),
14-17 décembre 2002, Nations Unies, doc. S/2002/1376 (19 décembre 2002), p. 4 (les italiques sont de nous). - 193 -

unilatéralement. C’est au Conseil de sé729ité qu’il appartiendra de le déterminer, en consultation
avec toutes les parties concernées» .

814. De plus, cette position selon laquelle un règlement définitif quel qu’il soit ne peut pas
être imposé unilatéralement et que, par conséque nt, il présuppose que les parties parviennent à un
règlement négocié dans le cadre général du Conseil de sécurité a également été réaffirmée par les

«Conclusions concertées de la réunion bilatérale tenue le 20octobre2006 entre la Serbie et la
MINUK consacrée à l’élargissement de l’Accord de libre-échange d’Europe centrale». Ce
document dispose notamment que

«5. La conclusion de l’Accord ne devra pa s porter atteinte au statut actuel du Kosovo
découlant de la résolution1244 du Conseil de sécurité du 10juin1999 ni à la
730
détermination de son statut définitif sous l’égide du Conseil de sécurité» .

815. Cela confirme une fois de plus la conviction commune de la Serbie et de l’ONU,
représentée par la MINUK, selon laquelle la détermination d’un règlement définitif est
subordonnée à la mesure que pourrait prendre le C onseil de sécurité et qu’en attendant une telle

mesure, aucune partie ne peut modifier le statut juridique international du Kosovo qui a été défini
par la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité.

2. Vues exprimées dans le contexte du «plan Ahtisaari»

816. La validité constante de la résolution1 244(1999) et du régime juridique international

qu’elle a créé pour le Kosovo, en attendant un actus contrarius du Conseil de sécurité lui-même,
est également confirmée par le fait que l’envoyé spéci al du Secrétaire général sur le statut futur du
Kosovo, l’ancien président finlandais Ahtisaari, a «exhort[é] le Conseil de sécurité à approuver [sa]
731
proposition [de Règlement]» lorsqu’il la lui a présentée, ce qui impliquait qu’une telle
approbation était effectivement nécessaire à la mise en Œuvre de cette proposition.

817. De fait, l’envoyé spécialAhtisaari avait déjà adopté cette position au lendemain de sa
toute première visite au Kosovo en 2005. Dans un point de presse organisé après sa visite, il avait

notamment déclaré ce qui suit :

«En dernière analyse, ce n’est pas moi, je l’ai également dit très clairement, ce

n’est pas moi ni nous qui déciderons du mo ment, le Secrétaire général a un rôle
important, et finalement c’est au Conseil de sécurité qu’il appartient de décider à quoi
ressemblera le statut futur.» 732

818. Encore plus révélateur est le fait qu’un certain nombre d’Etats avaient, en juillet 2007,

présenté officiellement un projet de résolution du Conseil de sécurité qui aurait remplacé la

729Ibid., annexe I, p. 17.

730Pièce 13 des pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit.

731Nations Unies, doc. S/2007/168 (26 mars 2007), par. 16.

732Point de presse de l’envoyé spécialde l’ONU MarttiAhtisaari et de s on adjoint AlbertRohan après leur
première visite au Kosovo, 23novembre 2005, p.2 (les italiques sont de nous), disponible à l’adresse:
www.unmikonline.org. - 194 -

733
résolution 1244 (1999) et aurait mis fin au statut juridique actuel du Kosovo au bout d’une
période donnée. Toutefois, le projet de résolution avait été retiré lorsqu’il était apparu clairement
qu’il ne recevrait pas un appui suffisant au sein du Conseil de sécurité.

819. S’il avait été adopté, ce projet de résolution aurait stipulé que le mandat de la présence
internationale (MINUK) et de la présence intern ationale de sécurité (KFOR) aurait pris fin
734
120jours après son adoption . Il aurait également pris acte de «la déclaration de l’Assemblée
du Kosovo du 5 avril 2007 concernant les propositions de l’envoyé spécial» 735par laquelle cette
Assemblée avait accepté la proposition de l’envoyé spécial.

820. Le fait même que ce projet de résolution a it été jugé nécessaire confirme que le statut

juridique intérimaire du Kosovo, défini dans la résolution 1244 (1999), et notamment les pouvoirs
de la MINUK et de la KFOR en ce qui concerne ce territoire, ne pouvaient être modifiés que par
une nouvelle résolution du Conseil de sécurité.

821. Cela a été expressément réaffirmé par les auteurs de ce projet de résolution, à savoir

l’Allemagne, la Belgique, les Etats- Unis, la France, l’Italie et le Royaume-Uni, qui ont considéré
qu’un nouveau projet de résolution serait nécessaire pour fournir un fondement juridique à la mise
en Œuvre du plan Ahtisaari prévoyant l’indépendance du Kosovo. Dans une «déclaration publiée le

20juillet2007 par les coauteurs du projet de résolution sur le Kosovo présenté au Conseil de
sécurité le 17 juillet»,ces derniers ont indiqué que

«L’envoyé spécial de l’ONU MarttiAhtisaari a présenté au Secrétaire général,
le 26mars, sa proposition globale de Règl ement portant statut du Kosovo... Depuis
cette date, nous travaillons intensivement pour aboutir à une résolution qui permettrait

de donner une impulsion à cette proposition... Nous déplorons toutefois qu’il n’ait736s
été possible de faire adopter une telle résolution par le Conseil de sécurité.»

822. Une décision d’une partie au conflit ne peut pas, a fortiori, réduire unilatéralement à
néant les prescriptions contenues dans la r ésolution1244(1999) du Conseil de sécurité. Une
conclusion différente mettrait en da nger le système même de sécurité collective qui a été mis en

place par la Charte des Nations Unies et mettrait par la même occasion en question le rôle essentiel
du Conseil de sécurité pour ce qui est du maintien de la paix et de la sécurité internationales.

823. De fait, accepter que les institutions provisoires d’administration autonome puissent
modifier le statut juridique du Kosovo reviendr ait à rejeter les prérogatives que le Conseil de

sécurité tient de la Charte, car c’est le Conse il qui a adopté la résolution1244(1999) en vertu du
Chapitre VII de la Charte et qui a, ce faisant, mis en place le régime juridique international pour le
Kosovo et prévu que ce régime et le mandat de s présences internationales au Kosovo seraient

maintenus jusqu’à ce que le Conseil de sécurité en décide autrement sous la forme d’une autre
résolution.

733
S/2007/437 (17 juillet 2007) (provisoire), voir pièce36 de s pièces et documents s oumis à l’appui du présent
exposé écrit.
734Ibid., par. 5 et 8 du dispositif, respectivement.

735Ibid., par. 2 du dispositif.

736Pièce 37 des pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit (les italiques sont de nous). - 195 -

3. Pratique suivie par les organes de l’ONU après le plan Ahtisaari et la DUI

824. Cette opinion selon laquelle le statut du Kosovo, qui fait partie intégrante de la

République de Serbie, continue d’être régi par la résolution1244(1999) du Conseil de sécurité et
ne peut pas être unilatéralement modifié est partagée par les organes de l’ONU et divers Etats

Membres, y compris les Etats qui ont reconnu la prétendue indépendance de ce qui se fait appeler
«République du Kosovo».

825. Dans sa résolution1785 (2007) adoptée le 21novembre2007, c’est-à-dire quelques
semaines avant l’adoption de la DUI, et, tout récemment, dans sa résolution1845(2008) adoptée

le 20 novembre 2008, c’est-à-dire après l’adoption de la DUI, le Con seil de sécurité a réaffirmé en
termes identiques «son attachement à un règlement politique des conflits dans l’ex-Yougoslavie qui
sauvegarderait la souveraineté et l’intégrité territoriale de tous les Etats à l’intérieur de leurs
737
frontières internationalement reconnues» , ce qui, au vu de la suite d’événements dont il a été
question plus haut, ne peut s’interpréter que co mme la réaffirmation de la reconnaissance de
l’intégrité territoriale de la République de Serbie, y compris le Kosovo.

826. Dans le même esprit, le «Rapport du S ecrétaire général sur la Mission d’administration
738
intérimaire des NationsUnies au Kosovo» du 15juillet2008 , présenté au Conseil de sécurité,
porte sur la période allant du 1 ermars au 25 juin 2008, c’est-à-dire une période postérieure au
17 février 2008, date de l’adoption de la DUI. Ce rapport se réfère à «l’exécution du mandat», dont
739
il rend compte sans solution de continuité en ce qui concerne la période en question , comme le
fait le rapport du Secrétaire général daté du 17mars2009 pour la période allant du
er 740
1 novembre 2008 au 9 mars 2009 .

827. En conséquence, le Secrétaire général estimait et continue d’estimer que le mandat de la
MINUK, fondé sur la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, n’a pas été annulé par la DUI.

828. Dans un geste encore plus explicite, le Secrétaire général a, dans son «Rapport sur la
Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo» du 28 mars 2008, qui porte sur
er 741
la période allant du16décembre2007 au 1 mars 2008 , appelé l’attention du Conseil de
sécurité sur la DUI, puis a «réaffirmé qu’ en attendant un avis du Conseil, l’ONU considérerait que
la résolution1244(1999) restait en vigueur et constituait le cadre juridique de l’exercice du
742
mandat de la MINUK...» .

829. Dans son rapport du 24 nove mbre 2008, ainsi que dans son rapport le plus récent, daté
du17mars2009, le Secrétaire général a réité ré cette même position en réaffirmant que la
résolution1244(1999) continuait de régir le stat ut juridique du Kosovo. En conséquence, le

Kosovo continue de faire partie intégrante de la Serbie, nonobstant la DUI.

737Voir la résolution1785(2007) du Conseil de sécurité, deuxième alinéa du préambule, et sa
résolution 1845 (2008), deuxième alinéa du préambule ; reprises dans les pièces 27 et 28 des pièces et documents soumis
à l’appui du présent exposé écrit.

738Nations Unies, doc. S/2008/458 (15 juillet 2008).

739Ibid., par. 1.

740Rapport du Secrétaire général sur la Mission d’admini stration intérimaire des Nations Unies au Kosovo,
Nations Unies, doc. S/2009/149 (17 mars 2009), par. 1.

741Nations Unies, doc. S/2008/211 (28 mars 2008).

742Ibid., par. 4 (les italiques sont de nous). - 196 -

830. C’est ainsi que ses rapports commencent par indiquer qu’ils sont soumis en application
de la résolution1244(199 9) du Conseil de sécurité 743. Tout récemment, le Secrétaire général a

également fait observer que, bien qu’elle «ait de pl us en plus de mal à s’acquitter de son mandat»,
ce qui tient notamment à la position des autorités provisoires du Kosovo selon laquelle la
résolution 1244 (1999) «n’était plus pertinente et...les institutions du Kosovo n’étaient pas
744
légalement tenues de s’y conformer» , la MINUK

«continuera d’Œuvrer à la stabilité et à la prospérité régionales, sur la base du mandat

qui continue d’être le sien au titre de la résolution 1244 (1999), en étroite coordination
avec l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et la KFOR,
745
et en coopération avec les autorités de Pristina et de Belgrade»
.

831. Le rapport du Secrétaire général daté du 24novembre2008 désigne la ligne de
démarcation entre le Kosovo et les autres partie s de la Serbie sous le nom de «frontière
administrative» 746qui, naturellement, est tout autre chose qu’une frontière internationale entre deux

Etats indépendants. Cette distinction est confirmé e par le fait que, lorsqu’il se réfère au mandat de
la KFOR, le Secrétaire général mentionne d’au tres «frontières» qui n’ont tien à voir avec la

«frontière administrative» susvisée.

832. En ce qui concerne la MINUK, le Secrétaire général confirme que son représentant
spécial est «toujours officiellement inv esti d’un pouvoir exécutif, en vertu de
résolution 1244 (1999)» 747, tandis que la Mission Etat de droit menée par l’Union européenne au

Kosovo (EULEX) prendra des responsabilités «sous l’au torité générale de l’ONU et dans le cadre
d’une initiative unique des Nations Unies conduite par mon représentant spécial, et conformément
à la résolution1244(1999)» 74, et, par là même, tiendra exclusivement son autorité de la

résolution 1244 (1999).

833. Cette opinion selon laquelle le Kosovo fait partie intégrante de la Serbie et relève
toujours de l’administration internationale créée par la résolution 1244 (1999), nonobstant la DUI,

est également confirmée par le fait que la MINUK a continué d’Œuvrer dans le cadre du mandat
que lui avait confié la résolution susvisée après la DUI.

834. En dépit du fait que la déclaration a mi s à rude épreuve la capacité de la MINUK
d’exercer son autorité administrative 749, c’est après son adoption que la Mission a approuvé le
750 751
budget du Kosovo pour 2008 et adopté 25 autres règlements .

743Nations Unies, doc. S/2008/692 (24 novembre 2008), par. 1, et S/2009/149 (17 mars 2009), par. 1.

744Nations Unies, doc. S/2009/149 (17 mars 2009), par. 4.

745Ibid., par. 17.

746Nations Unies, doc. S/2008/692 (24 novembre 2008), par. 19.

747Ibid., par. 21.

748Ibid., par. 23.
749
Voir par ex., le rapport du Secrétaire général sur la Mission d’ administration intérimaire des Nations Unies au
Kosovo, Nations Unies, doc. S/2008/211 (28 mars 2008), par. 30.
750
UNMIK/REG/2008/13 (29 février 2008). - 197 -

835. De plus, s’agissant plus particulièrement du statut extérieur du Kosovo, c’est la MINUK

qui, agissant au nom du Kosovo et dans l’exercice du mandat que lui avait confié la
résolution 1244, a notamment

⎯ adressé, le 21 juillet 2008, un rapport d’activité au Conseil de l’Europe sur l’application de la
Convention-cadre pour la protection des minorités nationales au Kosovo 752;

⎯ conduit des pourparlers de haut niveau avec les représentants du Comité européen pour la

prévention de la torture et des peines ou traite ments inhumains ou dégradants (CPT) à Pristina
du 9 au 11 décembre 2008 753 ;

⎯ représenté le Kosovo en intervenant devant le Comité des droits économiques, sociaux et

culturels, lors de sa quarante et unièmesession tenue le 10 novembre 2008, au sujet de
l’application au Kosovo du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et
culturels 754 ;

⎯ représenté le Kosovo lors de la première série de consultations bilatérales sur le commerce des

produits agricoles en janvier2009, suite à une invitation de la présidence en exercice de
l’Accord de libre-échange d’Europe centrale (CEFTA) 755 ; ainsi

⎯ qu’au Conseil de coopération régionale, au sein duquel le Kosovo est représenté par un
756
coordonnateur de la MINUK et un coordonnateur du Kosovo .

836. De plus, ainsi que le Secrétaire général l’a relevé dans son dernier rapport en date sur la
MINUK,

«la participation du Kosovo aux réunions de la Communauté de l’énergie et à celles de
l’accord de libre-échange d’Europe centrale at (CEFTA) a été irrégulière, les

représentants du ministère du Kosovo ayant tenté, en vain, de participer à certaines de
ces réunions sans la MINUK» 757.

751 o o
Voir Regulation N 2008/10 (19 février 2008) ; Regulation n 2008/11(22 février 2008);
Regulation N 2008/12 (27 février 200;8) Regulation N o 2008/14 (17 mars 200;8)
Regulation N 2008/15 (17 mars 2008) ; Regulation N 2008/16 (20 mars 2008) ; Regulation N 2008/17 o
o o
(26 mars 2008) ; Regulation N 2008/18(26 mars 2008); Regulation N 2008/19 (31 mars 2008);
Regulation N 2008/20 (21 avril 2008) ; Regulation N 2008/21 (6 mai 2008) ; Regulation N 2008/22 (6 mai
2008) ; Regulation N o2008/23 (15 mai 2008) ; Regulation N o2008/24 (16 mai 2008) ;
o o o
Regulation N 2008/25 (16mai 2008); Regulation N 2008/26 (27 mai 2008) ; Regulation N 2008/27
(27 mai 2008) ; Regulation N o 2008/28 (29 mai 2008) ; Regulation N 2008/29 (31 mai 2008;)
Regulation N 2008/30 (5 juin 2008); Regulation N 2008/31 (5 juin 2008); Regulation N 2008/32
o o
(14 juin 2008) ; Regulation N 2008/33 (14 juin 2008) ; Regulation N 2008/34 (14 juin 2008), tous
disponibles à l’adress:e http://www.unmikonline.org/regulations/unmikgazette/02english/E2008regs/
E2008regs.htm .

752Doc. du Comité consultatif de la convention-cadre de la Convention pour la protection des minorités
nationales ACFC (2008) 001 (10 décembre 2008), dis ponible à l’adress:ehttp://www.coe.int/t/dghl/

monitoring/minorities/3_FCNMdocs/Table_en.asp.
753
Voir http://www.cpt.coe.int/documents/srb/2008-12-15-eng.htm.
754
Voir http://www2.ohchr.org/english/bodies/cescr/cescrs41.htm.
755
Voir Nations Unies, doc. S/2009/149 (17 mars 2009), par. 28.
756
Ibid.
757
Ibid. (Les italiques sont de nous.) - 198 -

837. Il convient également de noter que le Comité des droits de l’enfant, examinant le
rapport de la République de Serbie le 20 juin 2008, a mentionné le fait qu’il avait demandé à la
MINUK de lui fournir des «renseignements sur la mise en oeuvre de la Convention [relative aux
758
droits de l’enfant] au Kosovo-Metohija» .

838. Dans la même optique, à sa quarante et unièmesession, tenue en novembre2008 , le
Comité des droits économiques, sociaux et culturels a recommandé «à la MINUK d’inscrire le
Pacte sur la liste des instruments internationa ux relatifs aux droits de l’homme directement

applicables figurant au chapitre3.1 du Cadre constitutionnel de l’autonomie provisoire au
Kosovo...» 759.

839. Ce faisant, le Comité est parti du prin cipe que c’est le Cadre constitutionnel adopté par
le représentant spécial du Secrétaire général, qui y avait été habilité par la résolution 1244 (1999),

qui continue de régir l’exercice de l’autorité gouvernementale au Kosovo.

840. Le fait que c’est la MINUK qui continue de représenter le Kosovo dans les affaires
extérieures relevant de ses pouvoirs en matière d’administration du territoire est également
confirmé par la pratique du Tribunal pénal international pour l’ ex-Yougoslavie (TPIY). Ainsi,

lorsqu’une mesure de mise en liberté provisoir e subordonnée à certaines conditions est prise en
faveur d’un accusé du Kosovo, c’est à la MINUK qu’ il est demandé de garantir le respect desdites
conditions. En conséquence, le 9 février 2009, c’est-à-dire près d’un an après la DUI, la Chambre

d’appel du TPIY a demandé à la MINUK d’accueillir l’accusé BajrushMorina à l’aéroport de
Pristina, de l’accompagner jusqu’à son domicile, de lui indiquer les conditions de sa mise en liberté
provisoire, auxquelles il devait se conformer, et de s’assurer qu’il remettrait son passeport à la

MINUK et se présenterait régulièrement à la police de la Mission, et, enfin, de le raccompagner
jusqu’à l’aéroport de Pristina afin qu’il retourne à La Haye 76.

841. Enfin, et tout récemment, c’est le Conse il de sécurité lui-même qui, par l’intermédiaire
de son président, après avoir accueilli avec satisfaction, le 26 novembre 2008, le rapport du

Secrétaire général en date du 24 novembre 2008, s’est félicité «de la coopération qui existe, dans le
cadre de sa résolution1244(1999) , entre l’ONU et les autres intervenants internationaux» 761, ce
qui, là encore, présuppose l’applicabilité constante de ladite résolution dans son intégralité.

842. Les organes de l’ONU ont appliqué, mutatis mutandis, la même approche à l’égard de

la présence de sécurité constituée par la KFOR.

843. C’est ainsi que, dans une lettre762tée du 16 mai 2008, adressée au président du Conseil
de sécurité par le Secrétaire général , celui-ci a fait tenir à celui-là, «[e]n application de la

758Nations Unies, doc. CRC/C/SRB/CO/1 (20 juin 2008), par. 6.

759Nations Unies, doc. E/C.12/UNK/CO/1 (19 novembre 2008), par. 9 (les italiques sont de nous).

760TPIY, Le Procureur c.Haraqija et Morina , affaire n IT-04-84-R77.4-A, décision portant sur la requête de
mise en liberté provisoire présentée au nom de Bajrush Morina, 9 février 2009, par. 12.

761NationsUnies, doc. S/PRST/2008/44 (26 novembre 2008), par.2 (les ita liques sont de nous), pièce33 des
pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit.

762 Nations Unies, doc. S/2008/331 (16 mai 2008). - 199 -

763
résolution1244(1999) du Conseil de sécurité» , le texte d’un rapport sur la présence
internationale de sécurité au Kosovo portant sur la période allant du 1 au 29 février 2008. Dans ce
rapport, la KFOR a présenté la manière dont elle s’était acquittée depuis la DUI du mandat que lui

avait confié la résolution1244(1999), confirmant par là même une fois de plus la validité
constante de ladite résolution, nonobstant la DUI.

844. Cela a été réitéré dans une lettre dat ée du 8juillet2008 adressée au Secrétaire général

de l’ONU par le Secrétaire général de l’Organisa tion du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) à
laquelle celui-ci joignait, «[e]n application du paragraphe 20 de la résolution 1244 (1999) du
Conseil de sécurité», un rapport sur les opérations de la Force de paix au Kosovo portant sur la
er 764
période allant du 1 au 30 avril 2008 .

845. Depuis, le Secrétaire général de l’ONU a adressé plusieurs autres lettres au Conseil de
sécurité dans lesquelles, agissant expressément en application de la résolution1244(1999), il lui
faisait tenir le texte de rapports sur l’exécution par la KFOR du mandat qu’elle tenait du Conseil de
765
sécurité , ce qui confirme une fois de plus que ladite résolution reste en vigueur sous tous ses
aspects.

846. Le Secrétaire général de l’ONU a tout récemment confirmé cette position dans son
rapport du 24 novembre 2008, dans lequel il a mentionné le fait que la KFOR continue d’assurer la

sécurité dans tout le Kosovo, y compris en ce qui concerne les frontières, conformément à la
résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité 766.

847. Par ailleurs, dans son rapport du 17 mars2009, le Secrétaire général a noté
«l’engagement pris par EULEX de respecter pleinement la résolution1244(1999)» 767. De fait,
768
EULEX rend compte de ses activités au Secrétaire général de l’ONU .

4. Déclarations de membres du Conseil de sécurité

848. Les membres du Conseil de sécurité ont, à différentes occasions, estimé que la

résolution 1244 (1999) demeure pleinement applicable et valide, nonobstant la DUI.

849. C’est ainsi qu’immédiatement après la DUI, le représentant de la Fédération de Russie a
déclaré que

«la résolution 1244 (1999) demeure pleinement en vigueur et que c’est conformément
à cette dernière que le représentant spécial du Secrétaire général et chef de la Mission

d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK) doit continuer

763 Ibid., p. 1.

764 Nations Unies, doc. S/2008/477 (22 juillet 2008), p. 2.

765Voir par ex. NationsUnies, doc.S/2008/549 (12 a oût 2008), p.1; S/2008/600 (12 septembre 2008), p.1;
S/2008/638 (8 octobre 2008), p. 1.

766Voir Nations Unies, doc. S/2008/692 (24 novembre 2008), par. 44.

767Nations Unies, doc. S/2009/149 (17 mars 2009), par. 37.

768Ibid., annexe I. - 200 -

d’exercer les fonctions et les responsabilités qui ont été confiées à la Mission, pour ce
qui concerne l’administration provisoire du Kosovo…» 769.

850. Le représentant de la Chine a adopté a même position et a confirmé que

«[l]a résolution 1244 (1999) du Conseil de sé curité demeure le fondement politique et
juridique du règlement de la question du Kosovo. Avant l’adoption d’une nouvelle
résolution du Conseil, tous les efforts et ac tions visant au règlement de cette question
770
doivent se conformer aux dispositions pertinentes de la résolution 1244 (1999).»

851. Cette opinion a été partagée par le représentant de l’Indonésie, qui a déclaré au cours de la
même séance du Conseil que «[l]e Conselide sécurité doit veiller à ce queles dispositions de la Charte
771
des Nations Unies et de la ré solution 1244 (1999)du Conseil soient pleinement respectées».

5. Déclarations faites par d’autres Etats

852. Une démarche analogue confirma nt l’applicabilité constante de la

résolution 1244 (1999) a été adoptée par différents Etats, parmi lesquels des Etats qui ont reconnu
la prétendue «République du Kosovo». Ainsi, par exemple, le Gouvernement allemand a-t-il
déclaré en mai 2008 que «la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité de l’ONU demeurera en
772
vigueur jusqu’à l’adoption d’une nouvelle résolution par le Conseil de sécurité» .

853. De plus, l’Inde a, dans une déclaration fa ite avec la Fédération de Russie et la Chine le
15 mai 2008, déclaré sans ambages que

«[l]a déclaration unilatérale d’indépenda nce du Kosovo est incompatible avec la
résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité de l’ONU, qui doit demeurer le
fondement juridique d’un règlement de la question du Kosovo jusqu’à ce que l’ONU
773
ait pris de nouvelles décisions.»

854. Le fait que la résolution 1244 (1999) deme ure en vigueur a également été confirmé par
la déclaration du sommet de Bu carest publiée par les chefs d’Et at et de gouvernement ayant
participé à la réunion du Conseil de l’Atlantiq ue Nord tenue le 3 avril 2008 à Bucarest et

représentant l’immense majorité des pays qui fournissent des contingents à la présence de sécurité
au Kosovo. Les chefs d’Etat et de gouvernement des Etats membres de l’OTAN ont notamment

déclaré ce qui suit :

«Nous réaffirmons que la KFOR restera au Kosovo sur la base de la

résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité de l’ONU afin d’y assurer un

769M. Churkin (Fédération de Russie), Nations Unies, doc. S/PV.5839 (18 février 2008), p. 6 et 7.

770M. Wang Guangya (China), ibid., p. 8.

771M. Natalegawa (Indonésie), ibid., p. 12.
772
Voir Deutscher Bundestag Drucksache 16/9287 [Par lement allemand, doc. 16/9287] (27 mai 2008), p.2,
pièce74 des pièces et documents soumis à l’appui du pr ésent exposé écrit. Tra duction de l’original allemand, libellé
comme suit : «Bis zum Beschluss einer Folgeresolution durch den VN-Sicherheitsrat gilt die
Sicherheitsratsresolution 1244 (1999) fort.»
773
Communiqué commun sur les résultats de la réunion des ministres des affaires étrangères de la Fédération de
Russie, de la République populaire de Chin e et de la République de l’Inde (15 ma i 2005), par. 17, pièce 73 des pièces et
documents soumis à l’appui du présent exposé écrit, disponible à l’adresse : http: //www.meaindia.nic.in/. - 201 -

environnement sûr, et notamment la liberté de circulation, à tous 774 habitants du
Kosovo à moins que le Conseil de sécurité n’en décide autrement.»

855. De même, dans une déclaration adopt ée en février 2008, le Conseil de l’Union
européenne a fait savoir qu’il «se félicite de la présence permanente de la communauté
internationale [au Kosovo] sur la base de la résolution1244(1 999) du Conseil de sécurité de
775
l’ONU» .

856. Les deux textes réaffirment la convic tion d’un nombre non négligeable d’Etats, parmi
lesquels plusieurs membres du Conseil de sécur ité, que la résolution 1244(1999) demeure en
vigueur, nonobstant la DUI, car s’il n’en était pas ainsi, cette résolution ne pourrait plus régir le

déploiement de troupes au Kosovo.

857. C’est aussi l’avis de la Commiss ion européenne, qui a estimé que la
résolution 1244 (1999) demeure pleinement envigueur, nonobstant la DUI. Dans son rapport
d’activité de 2008 sur le Kosovo en date du 5 novembre 2008 (c’est-à-dire plusieurs mois après la

DUI), la Commission européenne déclare donc que :

«la résolution 1244/99 du Conseil de sécur ité de l’ONU définit le régime juridique

international applicable au Kosovo. E lle prévoit le déploiement d’une présence
internationale civile et d’une présence internationale militaire au Kosovo, sous l’égide
de l’ONU. Elle autorise le Secrétaire général de l’ONU à établir une présence civile
776
internationale pour assurer une administration intérimaire pour le Kosovo.»

858. Cela étant, cette applicabilité constante des dispositions de la résolution 1244 (1999) qui

concernent la KFOR ou la MINUK présuppose que t outes les autres parties de ladite résolution
demeurent en vigueur, y compris le statut d’auto -administration intérimaire que le Conseil de
sécurité a créé pour le Kosovo dans cette résolution.

859. S’il en était autrement, les Etats ou grou pes d’Etats seraient libres de déterminer de

façon sélective les parties d’une résolution du Conseil de sécurité qui resteraient en vigueur tandis
que les autres cesseraient de l’être, nonobstant l’ob ligation qui leur incombe en vertu de la Charte
de se conformer aux résolutions contraignantes du Conseil de sécurité.

860. L’importance fondamentale de se conformer aux décisions contraignantes du Conseil de
sécurité a été soulignée par la Cour dans son avis consultatif sur les Conséquences juridiques pour

les Etats de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant
la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité . Après avoir établi que la résolution du Conseil à

l’examen était juridiquement contraignante en vertu de la Charte, la Cour a poursuivi comme suit :

774Déclaration du sommet de Bucares t publiée par les chefs d’Etat et de gouvernement ayant participé à la
réunion du Conseil de l’Atlantique Nord tenue le 3 aril 2008 à Bucarest, doc. de l’OTAN PR/CP(2008)049 (3 avril
2008), par. 7 ; les italiques sont de nous, pièce 72 des pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit.

775Conseil de l’Union européenne, 2851 e communiqué de presse (rela tions extérieures) 6496/08
(18février2008), p.7; les italiques sont de nous, piècedes pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé
écrit.

776Commission des Communautés européennes, rapport d’activité de 2008 sur le Kosovo (au regard de la
résolution 1244/99 du Conseil de sécurité), doc. SEC (2008) 2697, p. 4, disponible à l’adresse: http:
//ec.europa.eu/enlargement/pdf/press_corner/key-documents/reports_nov_2008/kosovo_progress_report_en.pdf. - 202 -

«Ainsi, lorsque le Conseil de sécurité adopte une décision aux termes de
l’article 25 conformément à la Charte, il incombe aux Etats Membres de se conformer
à cette décision, notamment aux membres du Conseil de sécurité qui ont voté contre

elle et aux Membres des Nations Unies qui ne siègent pas au Conseil. Ne pas
l’admettre serait priver cet organe principal des fonctions et pouvoirs essentiels qu’il
tient de la Charte.» 777

6. L’accord militaro-technique du 9 juin 1999 demeure applicable

861. La conception selon laquelle la résolutio n 1244 (1999) demeure pleinement en vigueur
et juridiquement contraignante est également confirmée par le fait qu’aucune des parties à l’accord

militaro-technique du 9 juin 1999, conclu entre la Force internationale de sécurité au Kosovo
(KFOR), d’une part, et la RFY et la République de Serbie, d’autre part, n’a adopté une quelconque
mesure pour mettre fin à cet accord, bien que celui-c i ait pris comme point de départ fondamental
778
le fait que le Kosovo fait partie intégrante de la RFY .

862. C’est ainsi que le fait que les parties continuent d’appliquer cet accord, lequel est
lui-même étroitement lié à l’applicabilité cons tante de la résolution1244(1999), montre et
confirme une fois de plus que le Kosovo continue de faire partie inté grante de la Serbie et que son

statut juridique intérimaire est toujours régi par les paramètres de ladite résolution, nonobstant la
DUI.

863. Il est également révélateur que même les Etats qui ont reconnu l’indépendance du
Kosovo considèrent toujours que l’accord militaro -technique, qui prévoit le stationnement de

troupes au Kosovo en tant que partie de la RFY/République de Serbie, reste en vigueur et
représente un fondement juridique supplémentaire du déploiement de troupes au Kosovo.

864. C’est ce qu’atteste, par exemple, le fait que le Gouvernement de la République fédérale
d’Allemagne a demandé au Parlement allemand de maintenir la participation de troupes allemandes
779
à la KFOR, ce le 27 mai 2008, c’est-à-dire après la DUI . Cette demande visait la poursuite de la
participation allemande à la KFOR en s’autorisant

«de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité et de l’accord militaro-technique
conclu le 9 juin 1999 entre la présence internationale de sécurité (KFOR) et les
gouvernements de la République fédérale de Yougoslavie (devenues depuis la
780
République de Serbie) et de la République de Serbie» .

777
Namibie, p. 54, par. 116 ; les italiques sont de nous.
778Sur la continuité entre la RFY et la République de Serbie, voir supra chap. 1, sect. E.

779Voir Deutscher Bundestag Drucksache 16/9287 [Parleme nt allemand, doc. 16/9287] (27 mai 2008), pièce74
des pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit.

780Ibid., p. 1 ; les italiques sont de nous. L’original allemand se lit comme suit :

«Antrag der Bundesregierung Fortsetzung der deutschen Beteiligung an der internationalen
Sicherheitspräsenz im Kosovo auf der Grundlage de r Resolution 1244 (1999) des Sicherheitsrates der
Vereinten Nationen vom 10. Juni 1999 und des Militä risch-Technischen Abkommens zwischen der
internationalen Sicherheitspräsenz (KFOR) und den Regierungen der Bundesrepublik Jugoslawien (jetzt :
Republik Serbien) und der Republik Serbien vom 9. Juni 1999.» - 203 -

H. C ONCLUSIONS

865. On peut tirer des considérations qui précèdent les conclusions suivantes :

i)Le Conseil de sécurité a, agissant en vertu du chapitre VII de la Charte, adopté sa
résolution1244(1999) et créé pour le Kosovo un régime juridique international en vertu

duquel ce territoire serbe est administré par une présence internationale civile, tandis que
la sécurité y est assurée par une présence internationale de sécurité.

ii) L’intégrité territoriale et la souveraineté de la RFY en ce qui concerne le territoire du

Kosovo ont été réaffirmées dans la résolutio n1244(1999) du Conseil, ainsi que dans la
pratique de l’ONU et de ses Etats Membres av ant et après l’adoption de ladite résolution.
Le principe de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de la RFY 781fait partie

intégrante du régime juridique international pour le Kosovo.

iii) Le régime juridique international pour le Kosovo comprend la résolution1244(1999) et
d’autres textes du Conseil de sécurité concerna nt le Kosovo, ainsi que les actes juridiques

adoptés par le RSSG, la MINUK et la KFOR, notamment le cadre constitutionnel.

iv)La résolution1244(1999) dispose que la pr ésence internationale civile assurera au
Kosovo une administration intérimaire dans le cadre de laquelle la population du Kosovo

pourra jouir d’une autonomie substantielle et qui organisera et supervisera la mise en
place d’institutions provisoires pour une auto-administration démocratique.

v) Les termes d’«autonomie substantielle» et d’«auto-administration» excluent tous les deux

une quelconque forme d’indépendance pour le Kosovo et, à plus forte raison, une
déclaration unilatérale d’indépendance.

vi) La résolution 1244 (1999) prévoit un processus politique qui déterminera le statut futur du

Kosovo, ce qui présuppose que tout règlement dé finitif entre les parties devra être obtenu
par des moyens pacifiques et par la négociation. A cet égard, la résolution1244(1999)
définit des paramètres procéduraux et des paramètres techniques spécifiques.

vii) En ce qui concerne les aspects procéduraux, les parties à cette négociation sont tenues, au
regard à la fois du droit international généra l et de la résolution 1244 (1999), de négocier
de bonne foi et de tenir compte du droit interna tional, et elles ne peuvent pas, en attendant

une solution concertée, tenter unilatéralement d’imposer leurs propres vues en essayant de
créer un fait accompli.

viii) Pour ce qui est des aspects techniques du règlement définitif, le Conseil de sécurité a

prévu que ce règlement devrait reposer, nota mment, sur le principe de l’intégrité
territoriale et de la souveraineté de la RFY.

xi) En attendant un règlement, la situation ju ridique reste inchangée : le Kosovo continue de

faire partie intégrante de la Serbie. Seul un règlement défi nitif, auquel les parties doivent
parvenir d’un commun accord sous l’égide du Conseil de sécurité, peut modifier cette
situation.

x)La résolution1244(1999) du Conseil et le régime juridique international créé en
application de cette résolution restent contrai gnants et applicables dans leur intégralité
jusqu’à ce que le Conseil de sécurité en décide autrement. La validité constante de cette

résolution est confirmée par la pratique des organes de l’ONU, et notamment du Conseil

781
Sur la continuité entre la RFY et la République de Serbie, voir supra chap. 1, sect. E. - 204 -

de sécurité, ainsi que par celle des Etats Membres, tant avant qu’après l’adoption de la
DUI. - 205 -

C HAPITRE 9

L A DUI EST INCOMPATIBLE AVEC LE REGIME JURIDIQUE INTERNATIONAL
CREE PAR LA RESOLUTION 1244 (1999) DU CONSEIL DE SECURITE

866. Le présent exposé écrit a montré que la DUI est incompatible avec le principe du
respect de l’intégrité territoriale des Etats (chapitre 6), tandis que le droit à l’auto-détermination ne
fournit strictement aucune base pour cette déclaration (chapitre 7). Il s’agit à présent de montrer

que celle-ci est également incompatible avec le ré gime juridique international créé pour le Kosovo
par la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, régime qui a fait l’objet du chapitre précédent.
En particulier, il s’agit de démontrer que la DUI

i) est un acte ultra vires des institutions provisoires d’administration autonome ;

ii) va à l’encontre de l’autorité administrative suprême de la MINUK au Kosovo ;

iii) nie les compétences et les pouvoirs que le Conseil de sécurité tient du chapitre VII de la

Charte des Nations Unies ; et

iv)est une tentative faite pour décider unilatéralement du statut du Kosovo, ce qui est

contraire aux prescriptions de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité.

A. LA DECLARATION EST UN ACTE ULTRA VIRES DES INSTITUTIONS
PROVISOIRES D ’ADMINISTRATION AUTONOME

I. La DUI

867. La DUI a été adoptée le 17 février 2008 par l’Assemblée du Kosovo 782. Aux fins du

présent exposé, on en rappellera succinctement certaines des dispositions.

868. La DUI proclame le Kosovo

«Etat indépendant et souverain.» 783

869. L’Assemblée du Kosovo a également assumé les pouvoirs constitutionnels dans la DUI,
en indiquant son intention d’

784
«adopter aussitôt que possible une Constitution...» .

785
De fait, une «constitution du Kosovo» a été ultérieurement adoptée le 9 avril 2008 .

870. Par ailleurs, l’Assemblée a prétendu agir en qualité de représentante d’un Etat souverain
et indépendant, notamment en invitant des missions internationales et en prétendant établir des

782
Pièce 2 des pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit.
783
Ibid., par. 1.
78Ibid., par. 4.

78Voir «Kosovo adopts constitution; U.N. handover June 1Reuters, 9 avril 2008, disponible à l’adresse:
http: //www.reuters.com/article/homepageCrisis/idUSL09435803._CH_.2400. - 206 -

relations internationales dans le domaine de l’ application de la résolution1244(1999). Elle a
déclaré ce qui suit :

«Nous invitons et accueillerons avec plaisir une présence internationale civile
pour superviser la façon dont nous mettons en oeuvre le plan Ahtisaari, ainsi qu’une
mission Etat de droit dirigée par l’Union européenne. Nous invitons également

l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord à conserver son rôle de premier plan au
sein de la présence internationale militaire au Kosovo et à s’acquitter des
responsabilités qui lui ont été assignées par la résolution 1244 (1999) du Conseil de

sécurité et le plan Ahtisaari, jusqu’à ce 786 que les institutions du Kosovo soient en
mesure d’assumer ces responsabilités.»

871. De même, l’Assemblée a prétendu assumer des obligations internationales au nom du
Kosovo :

«L’indépendance entraîne l’obligation d’être un membre responsable de la
communauté internationale. Nous acceptons pleinement cette obligation et nous nous
conformerons aux principes énoncés dans la Charte des Nations Unies, à l’
acte final

d’Helsinki, aux autres instruments de l’Organisation pour la sécurité et la coopération
en Europe, et aux obligations et principes juridiques internationaux de la communauté
internationale qui caractérisent les relations entre Etats…» 787

«Nous déclarons solennellement assumer les obligations internationales du
Kosovo, notamment celles que remplit en notre nom la Mission d’administration

intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK), et les obligations
conventionnelles et autres obligations de l’ex-République fédérative socialiste de
Yougoslavie par lesquelles nous sommes liés en tant qu’ex-partie constitutive de ce

pays, et notamment la convention de Vienne sur les relations diplomatiques et la
convention de Vienne sur les relations consulaires… Nous comptons demander à ce
que le Kosovo devienne membre d’organisations internationales, au sein desquelles il
788
s’emploiera à contribuer à la défense de la paix et de la stabilité internationales.»

872. L’Assemblée a également prétendu établir les «frontières internationales» du Kosovo en
déclarant que

«Les frontières internationales du Kosovo seront celles que prévoit

l’annexeVIII du plan Ahtisaari, et nous respecterons pleinement la souveraineté et
l’intégrité territoriale de tous nos voisins.» 789

II. L’étendue des pouvoirs des institutions provisoires d’administration
autonome, en particulier de l’Assemblée

873. Comme on l’a déjà indiqué dans la section B du chapitre 8, l’étendue des pouvoirs des
institutions du Kosovo a été déterminée par la résolution1244(1999) et les règlements

ultérieurement publiés par le RSSG dans le cadre de l’application de la résolution, et, surtout, par le
cadre constitutionnel.

786DUI, par. 5, pièce 2 des pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit.
787
Ibid., par. 8.
788
Ibid., par. 9.
789Ibid., par. 8 - 207 -

874. En vertu de la résolution1244(1999), l’étendue des pouvoirs des institutions du
Kosovo est délimitée par les notions d’«autonomie substantielle» et d’«auto-administration».
Comme il a été démontré dans la section E du chapitre 8, ces notions excluent toute forme

d’indépendance. De même, elle s excluent l’exercice par les in stitutions du Kosovo de toute
compétence liée à son statut juridique international: elles ne visent qu’à fournir un système
permettant aux habitants du Ko sovo de gérer par-eux- mêmes leurs affaires intérieures d’une

manière efficace.

875. Conformément aux pouvoirs que lui a conférés la résolution 1244 790, le représentant

spécial du Secrétaire général au Kosovo a a dopté le cadre constitutionnel qui a établi les
institutions provisoires d’administration autonome et leur a transféré certains pouvoirs limités 791.
Ces pouvoirs doivent être exercés «d’une ma nière conforme aux dispositions de la
792
résolution 1244 (1999) et aux conditions fixées dans [le] cadre constitutionnel» .

876. Il s’ensuit que les institutions provisoires d’administration autonome ont été créées dans
le cadre du régime juridique intern ational prévu par la résolution1244 (1999), et elles tiennent de
ce fait tous leurs pouvoirs de cette résolution et du cadre constitutionnel adop té en application de

cette même résolution. En conséquence, les pouvoirs de ces institutions ne peuvent pas être
exercés d’une manière incompatible avec ce régime juridique tel qu’il est interprété par le
représentant spécial du Secrétaire général au Ko sovo et, en dernier ressort, par le Conseil de

sécurité.

877. Les compétences des institutions provisoires d’administration autonome sont
expressément énoncées dans le cadre constitutionnel, pour l’essentiel dans son chapitre 5. Ces
compétences portent sur divers domaines d’activité relevant des affaires intérieures à l’exclusion,

notamment, de la défense, du maintien de l’ordre et de la gestion des questions frontalières.

878. Dans le domaine des affaires étrangères, les institutions provisoires d’administration

autonome disposent de compétences limitées, an alogues à celles exercées par d’autres entités
autonomes ou fédérées au sein d’un grand nombre d’Etats :

«Par ailleurs, les institutions provisoires d’administration autonome ont, dans le
domaine des relations extérieures, les responsabilités ci-après :

⎯ coopération internationale et extérieure , notamment la conclusion d’accords. Ces
activités sont coordonnées avec le RSSG [représentant spécial du Secrétaire
général].» 793

A cet égard, l’Assemblée du Kosovo est habilitée à étudier et approuver «les projets d’accords
internationaux dans les limites de son champ de compétence» 794.

790Cadre constitutionnel, deuxième alinéa du préambule, pièce 3 des pièces et documents soumis à l’appui du
présent exposé écrit.

791Voir supra chap. 8, sect. B.
792
Ibid., chap. 2, par. 1 a).
793
Ibid., art. 5.6.
794Ibid., art. 9.1.26 f) ; les italiques sont de nous. - 208 -

879. L’Assemblée du Kosovo a également compétence pour adopter des lois et des
résolutions relevant des domaines de responsab ilité des institutions provisoires d’administration
autonome 795.

880. Comme on l’a déjà indiqué 796, le RSSG s’est attribué certaines compétences, ainsi que

le pouvoir général d’assurer l’application intégral e de la résolution1244(1999), notamment la
supervision des institutions provisoires d’admini stration autonome et la prise de «mesures
appropriées» lorsqu’elles agissent d’une manière incompatible avec la ré solution ou le cadre
797
constitutionnel .

III. La DUI est un acte ultra vires qui viole le droit international

881. En adoptant la DUI, les institutions pr ovisoires d’administration autonome ont agi en

dehors des limites de leur champ de compétence tel qu’il est défini par le cadre constitutionnel, qui
tire lui-même sa force de la résolution1244(1999). Leurs actes ultra vires n’ont donc pas été
conformes au droit international, dont la résolution 1244 et les règlements de la MINUK font

partie.

882. Dans la DUI, l’Assemblée du Kosovo a proclamé le Kosovo «Etat indépendant et
souverain» (paragraphe 1), prétendant par là même déterminer le statut juridique international du
Kosovo. Ce faisant, elle a violé la résolution1244(1999) du Conseil de sécurité et le cadre

constitutionnel.

883. En tant qu’«institution provisoire pour une auto-administration autonome et
démocratique», aux termes du paragraphe 11 c) de la résolution 1244 (1999), l’Assemblée, de par
sa nature même , n’a pas le pouvoir de prendre des décisions concernant le statut juridique

international du Kosovo, notamment de faire une déclaration d’indépendance. En adoptant la DUI,
elle a donc agi ultra vires au regard de la résolution 1244 (1999).

884. En prétendant déterminer le statut ju ridique international du Kosovo, l’Assemblée a
directement empiété sur les compétences du Conseil de sécurité qui, en vertu des pouvoirs que lui

reconnaît le chapitre VII de la Charte des Nations Unies, est la seule auto798é habilitée à modifier le
régime juridique international établi par sa résolution 1244 (1999) .

885. Comme nous le verrons plus loin, en tentant unilatéralement de déterminer le statut du
Kosovo, l’Assemblée a agi à l’encontre de la résolution 1244 (1999), qui dispose que ce statut sera

déterminé par799 «règlement définitif» auquel les parties devront parvenir par la voie de la
négociation .

886. De plus, l’Assemblée a agi ultra vires au regard du cadre c onstitutionnel lorsqu’elle a
déclaré que le Kosovo était un Etat souverain et i ndépendant. En effet, le cadre constitutionnel ne

795Ibid., art. 9.1.26 a).

796Voir supra chap. 8, sect. B, par. 710.
797
Cadre constitutionnel, chap. 12, pièce 3 des pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit.
798Voir infra par. 904-912.

799Voir infra par.913-927. - 209 -

confère pas à l’Assemblée le pouvoir de traiter de questions se rapportant au statut juridique
international du Kosovo, et encore moins de d éclarer son indépendance. Qui plus est, cette
declaration va à l’encontre d’une disposition expresse du cadre constitutionnel selon laquelle «[l]e

Kosovo est une entité placée sous administration internationale intérimaire».

887. Dans la DUI, l’Assemblée a également tenté d’assumer les pouvoirs consti800ionnels en
déclarant son intention d’«adopter aussitôt que possible une Constitution» .

888. Or, l’Assemblée ne possède pas de tels pouvoirs à l’égard du Kosovo car, en vertu du
régime juridique international établi par la réso lution 1244 (1999), seul le RSSG est compétent en

la matière et il a exercé cette compétence en adoptant notamment le cadre constitutionnel. Ce
dernier stipule qu’il ne peut être amendé que par le RSSG, l’Assemblée ayant seulement le droit de
demander des amendements 801. Ainsi l’Assemblée du Kosovo a-t-elle agi ultra vires lorsqu’elle a

tenté d’assumer les pouvoirs constitutionnels dans la DUI, en prétendant abolir et amender de facto
le cadre constitutionnel.

889. Par ailleurs, l’Assemblée a invité des missions internationale à exercer des
responsabilités à l’égard du Kosovo ; elle a notamment invité l’OTAN à continuer de s’acquitter de

ses responsabilités en tant que présence intern ationale militaire au regard de la
résolution1244(1999). L’Assemblée a préte ndu agir en qualité de représentante d’un Etat
souverain et indépendant et, ce faisant, elle est manifestement sortie du champ de ses compétences
802
au regard de ladite résolution et a défié le Conseil de séc
urité .

890. Elle a, par la même occasion, agi claire ment à l’encontre du cadre constitutionnel, qui
stipule que les institutions provisoires d’admi nistration autonome disposent de compétences
limitées dans le domaine des affaires étrangère s, lesquelles doivent toujours être exercées en
803
coordination avec le RSSG . Le fait d’inviter des missions inte rnationales et, en particulier, de
les inviter à participer à la mise en oeuvre de la résolution1244(1999) ne relève pas de la
compétence de l’Assemblée, qui n’a aucun pouvoir à cet égard. Cela relève au contraire de la

compétence exclusive du RSSG, qui a autorité pour conduire les relations extérieures «nécessaires
à l’exécution de son mandat» 804et, en particulier, le pouvoir d’assurer l’application intégrale de la
résolution 1244 (1999). De fait, «l’exercice des responsabilités des institutions provisoires

d’administration autonome ... n’affecte ni ne dimi nue le pouvoir du RSSG [représentant spécial du
Secrétaire général] d’assurer l’application intégr ale de la résolution1244 (1999) du Conseil de
sécurité...»805.

891. De plus, l’Assemblée a prétendu établir les «frontières internationales» du Kosovo

(par.8), ce qui était également sortir du cham p de ses compétences en tant qu’institution
d’«auto-administration autonome» au regard du paragraphe 11 c) de la résolution 1244 (1999). Le
cadre constitutionnel n’investit lui non plus les in stitutions provisoires d’administration autonome

d’aucun pouvoir en matière de détermination des fron tières internationales. En ce qui concerne les
frontières, leurs seuls pouvoirs concernent «les activités douanières administratives et

800DUI, par. 4, pièce 2 des pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit.

801Cadre constitutionnel, art. 14.3, pièce 3 des pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit.

802Voir infra sect. C.
803
Voir supra par. 878.
804Cadre constitutionnel, art. 8.1 o), pièce 3 des pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit.

805Ibid., chap. 12. - 210 -

opérationnelles» 80, dans le cadre desquelles le Service des douanes relève de la MINUK et est

placé sous le «contrôle et [l]’autorité» du RSSG, qui exerce également un «contrôle sur le transit
transfrontalier de marchandises» 80.

808
892. Comme indiqué au chapitre 8 , le RSSG avait déjà empêché l’Assemblée du Kosovo
de traiter de questions relatives aux frontières in ternationales lorsqu’en 2002, il avait déclaré nulle

et non avenue une résolution par laquelle l’Asse mblée tentait de contester un accord frontalier
conclu entre la Macédoine et la RFY qui portait, notamment, sur la pa rtie de la frontière entre les
deux Etats qui touchait le Kosovo. Cette interven tion du RSSG avait été approuvée par le Conseil

de sécurité, qui avait déclaré partager l’avis du représentant spécial selon lequel la résolution 809
l’Assemblée ne relevait pas de son domaine de compétence et était donc nulle et non avenue .

893. Aux paragraphes 8 et 9 de la DUI, l’Assemblée a également prétendu assumer des
obligations internationales au nom du Kosovo et déclaré son intention de demander à ce que le
Kosovo devienne membre d’organisations internationales. Là encore, elle est manifestement sortie

du champ de ses compétences en tant qu’institution d’«auto-administration autonome» au regard du
paragraphe 11 c) de la résolution 1244 (1999). De même, le cadre constitutionnel ne confère pas à
l’Assemblée le pouvoir d’assumer des obligations inte rnationales ni celui de demander à ce que le

Kosovo, en tant qu’Etat, devienne membre d’organisations internationales.

894. En conclusion, l’ensemble de la DUI prétend élever le Kosovo au statut d’Etat

indépendant et souverain et gérer différents aspects de l’indépendance, ce qui constitue à l’évidence
un acte ultra vires de l’Assemblée au regard de la résolution1244(1999) et du cadre
constitutionnel. De plus, comme on l’a montré pl us haut, chacune des dispositions de la DUI,

notamment celles qui concernent les pouvoirs constitu tionnels, les frontières internationales, les
relations internationales et l’application de la résolution 1244 (1999), constituent en elle-même un
acte ultra vires de l’Assemblée, qui va à l’encontre de la résolution1244(1999) et du cadre

constitutionnel.

B. L A DECLARATION VA A L ’ENCONTRE DE L ’AUTORITE ADMINISTRATIVE SUPREME
CREEE PAR LA RESOLUTION 1244 (1999) DU C ONSEIL DE SECURITE

895. En adoptant la DUI, l’Assemblée du Kosovo non seulement a agi ultra vires, mais aussi

a contesté et transgressé l’autorité administrative suprême de la MINUK et, ce faisant, enfreint la
résolution 1244 (1999), le cadre constitutionnel et les autres règlements de la MINUK.

896. En proclamant le Kosovo «Etat indépenda nt et souverain», l’Assemblée a prétendu
exercer les fonctions d’une entité souveraine agissant comme si elle était l’autorité suprême au

Kosovo, investie des pouvoirs législatifs originair es. C’est aller à l’encontre du régime juridique
international créé par la résolution 1244 (1999), selon laquelle la MINUK, placée sous la direction
du RSSG, est l’autorité suprême au Kosovo et la MINUK ⎯ et elle seule ⎯ est investie de tous les

pouvoirs législatifs et administratifs. Le RSSG a transféré certains pouvoirs énumérés aux
institutions provisoires d’administration autonome en adoptant le cadre constitutionnel, mais il ne

806Ibid. art. 5.1 c).

807Ibid., art. 8.1 f) et p).
808
Voir supra par. 701-702.
80S/PRST/2002/16 (24 mai 2002). - 211 -

leur a pas ⎯ et il ne pouvait d’ailleurs pas le faire ⎯ transféré le pouvoir de modifier le régime
juridique international créé par la résolution 1244 (1999) et les règlements de la MINUK.

897. Par ailleurs, la DUI remet en question l’ autorité législative suprême de la MINUK en

abrogeant le cadre constitutionnel que le RSSG avait adopté en vertu des pouvoirs que lui avait
conférés la résolution 1244 (1999). C’est aller à l’ encontre du régime juridique international légal
créé par cette résolution et de la primauté du cadre constitutionnel sur les décisions de l’Assemblée
810
du Kosovo . A cet égard, il convi811 de rappeler que les dispositions de ce cadre priment la DUI
en application du cadre lui-même et du principe général selon lequel tous les pouvoirs législatifs
et administratifs au Kosovo appartiennent à la MINUK et au RSSG 812qui a adopté le cadre

constitutionnel.

898. De plus, la DUI empiète sur les pouvoirs exclusifs du RSSG de deux manières.

899. En premier lieu, la DUI va à l’encontre du pouvoir de superv ision des institutions
provisoires d’administration autonome que possède le RSSG. Aux termes de la
résolution 1244 (1999), la présence internationale ci vile est notamment chargée de «la supervision

des institutions d’auto-administration démocra tiques provisoires» (par.10, voir également le
paragraphe 11 c)).

900. En conséquence, le chapitre 12 du cadre constitutionnel attribue expressément au RSSG
le pouvoir de «superviser [entre autres] les institutions provisoires d’administration autonome» et

de «prendre les mesures appropriées quand leurs actions ne sont pas conformes à la
résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité ou au présent cadre constitutionnel».

901. La prétention de l’Assemblée d’être l’ autorité souveraine et suprême au Kosovo

transgresse a limine ce pouvoir de contrôle ainsi que le pouvoir du RSSG de prendre les mesures
appropriées contre les autorités récalcitrant es. La DUI viole donc les dispositions des
paragraphes10 et 11 c) de la résolution1244(1999), ainsi que celles du chapitre 12 du cadre

constitutionnel.

902. En second lieu, comme on l’a déjà indiqué, les pouvoirs exclusifs que le RSSG tient du
cadre constitutionnel sont notamment ceux d’«exe rcer des pouvoirs et des responsabilités de
caractère international dans le domaine juridique» 813et de «conclure des accords avec des Etats et

des organisations internationales sur toutes les que stions relevant du champ d’application de la
résolution1244(1999) du Conseil de sécurité» 814, et de conduire les relations extérieures
nécessaires à l’exécution de son mandat 815. De plus, le cadre constit utionnel stipule expressément

que l’exercice des responsabilités des institutions provisoires d’administration autonome «n’affecte

810Voir supra par. 875-876.

811Cadre constitutionnel, article 14.1, pièce 3 des pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit.
812
Voir UNMIK/REG/1991/1 (25 juillet 1999) et UNMIK/REG/2000/54 (27 sept. 2000), par. 1.1.
813
Cadre constitutionnel, article 8.1 i), pièce 3 des pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit.
814Ibid., art. 8.1 m).

815Ibid., art. 8.1 o). - 212 -

ni ne diminue en aucune manière l’autorité du RSSG pour 816qui est d’appliquer dans son
intégralité la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité» .

903. En adoptant la DUI, l’Assemblée a préte ndu agir en qualité de représentante d’un Etat
souverain et indépendant dans l es relations internationales, notamment en tentant d’établir les

«frontières internationales» du Kosovo, en «invitant et accueillant avec plaisir» des missions
internationales au Kosovo pour mettre en oeuvre la résolution1244(1999) et en assumant des
obligations internationales et en demandant à ce que le Kosovo devienne membre d’organisations

internationales. Ce faisant, elle a empiété sur les pouvoirs exclusifs du RSSG dans les domaines
des relations extérieures, de la conclusion de traités et de l’application de la résolution 1244 (1999),
et a, ce faisant, transgressé l’autorité qu’ il tient de la résolution1244(1999) et du cadre

constitutionnel.

C. L A DUI NIE LES COMPETENCES DU C ONSEIL DE SECURITE

904. Comme on l’a montré plus haut, c’est le Conseil de sécurité qui, agissant en vertu du

chapitreVII de la Charte et dans le souci de parer à la menace pour la paix et la sécurité
internationales existant dans la région, a adopté la résolution 1244 (1999) et a, précisément à cette
fin, créé une administration intérimaire au Kosovo 817.

905. Etant donné que la résolution 1244 (1999) n’est assortie d’aucune limite de durée 818, ce

statut intérimaire continue jusqu’à ce que les par ties soient parvenues à un accord sur le statut
définitif sous l’égide du Conseil de sécurité ou jusqu’à ce que le Conseil mette fin à
l’administration internationale du Kosovo et au régime juridique créé par ladite résolution.

906. En dépit des efforts assidus que la Répub lique de Serbie n’a cessé de déployer pour

trouver un tel accord, notamment les nombreuses p819positions d’une grande portée qu’elle a faites
pour ce qui est de l’autonomie du Kosovo , les parties n’ont pas à ce jour été en mesure de
parvenir au règlement définitif prévu par la résolution 1244 (1999).

907. Face à cette situation, il appartient au Conseil de sécurité
⎯ et uniquement au Conseil

de sécurité ⎯ de décider s’il souhaite ou non abroger sa résolution1244(1999) et le régime
juridique international qu’elle a créé, notamment le mandat des présences internationales. En
attendant cette abrogation, toute tentative faite par l’une ou l’autre des parties de modifier le statu

quo juridique du territoire relève d’une volonté flag rante de neutraliser le rôle du Conseil de
sécurité en niant les compétences qu’il tient du chapitre VII de la Charte des Nations Unies.

908. Comme on l’a montré plus haut 820, la pratique du Conseil de sécurité et des autres
organes de l’ONU en matière d’application de la résolution1244 (1999), ainsi que la pratique des

816
Ibid., chap. 12.
817
Voir chap. 8, sect. B.
818Voir chap. 8, sect. G II).

819Voir la proposition relative au statut présentée par la République de Serbie, 26 avril 2007, pièce 81 des pièces
et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit. Voir aussi les amendements à la proposition globale de règlement
concernant le statut du Kosovo présentés par l’équipe de négociation de la République de Serbie, 2 mars 2007, annexe I,
art. 1.2., disponible à l’adresse ://www.media.srbija.sr.gov.yu/medeng/documents/amendments_eng.pdf.

820Voir chap. 8, sect. G. - 213 -

Etats Membres pris individuellement confirment cet te interprétation, à savoir l’idée que le statut

juridique intérimaire créé par la résolution 1244 (1999) n’a pas changé, nonobstant la DUI.

909. A contrario , en proclamant le Kosovo Etat souverain, la DUI prétend mettre

unilatéralement fin au statut intérimaire du Kos ovo, que le Conseil de sécurité a établi dans
l’exercice des prérogatives que lui reconnaît le chapitre VII de la Charte.

910. Cette tentative illégale ressort claireme nt du paragraphe 1 de la DUI, par laquelle
l’Assemblée proclame le Kosovo «Etat indépendant et souverain». De même, au paragraphe 5 de
la DUI, ses auteurs « invit[ent] et accueill[eront] avec plaisir une présence internationale civile…»

et «invit[ent] l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord à conserver son rôle de premier plan au
sein de la présence internationale militaire au Kosovo». Ce libellé laisse présumer que, selon
l’Assemblée, c’est l’«invitation» du Kosovo qui ser t de fondement juridique aux deux présences
internationales, et non le mandat que le Conseil de sécurité leur a donné en vertu du chapitreVII

dans la résolution 1244 (1999).

911. Cet empiétement sur les pouvoirs du Conseil de sécurité est mis encore un peu plus en

évidence par le fait que, selon le paragraphe 5 de la DUI, la présence internationale de sécurité
n’est supposée exercer ses fonctions que «jusqu’ à ce que les institutions du Kosovo soient en
mesure d’assumer ces responsabilités», sans qu’il soit même fait mention d’un rôle pour le Conseil

de sécurité pour ce qui de mettre fin, le moment venu, au mandat de la KFOR.

912. Ainsi la DUI fait-elle preuve d’une i ndifférence flagrante à l’égard des fondements

mêmes non seulement de la résolution1244(1999) du Conseil de sécurité, mais aussi du système
de sécurité collective créé par la Charte des Nations Unies, dans la mesure où elle prétend mettre
fin à une situation juridique spécifique et à un mandat spécifique qui découlent d’une résolution

contraignante du Conseil de sécurité.

D. L A DUI EST UNE TENTATIVE FAITE POUR DECIDER UNILATERALEMENT DE L ’ISSUE

D’UN PROCESSUS POLITIQUE PREVU PAR LA RESOLUTION 1244 (1999)
DU C ONSEIL DE SECURITE

913. Comme on l’a montré plus haut 821, la résolution1244(1999) définit des paramètres

procéduraux spécifiques concernant la manière de parvenir à un règlement définitif de la situation
au Kosovo, ainsi que les paramètres techniques sur lesquels le règlement doit reposer. La DUI va à
l’encontre de ces deux séries d’impératifs.

I. La DUI va à l’encontre des paramètres procéduraux prescrits par
le Conseil de sécurité dans sa résolution 1244 (1999)

914. La résolution1244(1999) présuppose que les parties au conflit engagent un processus
politique soutenu sous l’égide du Conseil de sécurité afin de trouver une solution mutuellement
acceptable.

821
Voir chap. 8, sect. F. - 214 -

915. En particulier, elle exige des parties qu’elles négocient de bonne foi de façon à parvenir,
le moment venu, à un accord sur le statut défin itif du Kosovo en s’en tenant aux paramètres
techniques également définis dans la résolution 1244 (1999) 822.

916. Par là même et en prévoyant ce mécanisme, la résolution1244(1999) exclut toute
tentative de modifier unilatéralement le statut juridique intérimaire actuel du Kosovo et, de ce fait,

exclut également toute tentative de créer un fait accompli.

917. La Serbie a participé de façon active et constructive au processus politique prévu par la
résolution1244(1999), notamment aux négociations présidées par l’envoyé spécial du Secrétaire
général sur le statut futur du Kosovo, l’an cien président finlandais Martti Ahtisaari 82, et aux

négociations qui se sont déroulées sous l’égide de la Troïka pour le Kosovo constit824 de l’Union
européenne, des Etats-Unis d’Amérique et de la Fédération de Russie . La Serbie a toujours
négocié de bonne foi avec les représentants des Albanais du Kosovo et les médiateurs

internationaux afin de trouver une solution mutuellement acceptable.

918. En particulier, conformément aux para mètres énoncés dans la résolution1244(1999),
elle a proposé de conférer au Kosovo un large de gré d’autonomie. Les propositions de la Serbie
prévoyaient une autonomie substantielle pour le Kosovo, dans le cadre de laquelle celui-ci

disposerait de pouvoirs législatifs, exécutifs et judiciaires autonomes, à l’exclusion des
compétences suivantes: politique étrangère, cont rôle frontalier, politique monétaire, politique
douanière, dernière instance en matière de prot ection des droits de l’homme et protection du
825
patrimoine religieux et culturel serbe .

919. En revanche, les représentants des Alba nais du Kosovo participant au processus de

négociation ont d’entrée de jeu affirmé avec force que la seule solution acceptable serait
l’indépendance et l’abolition de toute forme de souveraineté de la Serbie sur le territoire. Or, aux
antipodes de cette solution, la résolution1244(1999) part du principe que la souveraineté et

l’intégrité territoriale de la Serbie doivent être sauvegardées.

920. L’approche adoptée pendant les négociati ons par les représentants des Albanais du
Kosovo, qui n’ont laissé aucune marge pour un compromis au sujet du statut juridique international
du Kosovo, cadre avec la tentative faite depuis la fin des années 80 par le mouvement en faveur de

l’indépendance du Kosovo pour que ce territoire fasse sécession de la Serbie.

921. Malgré cela, la Serbie, se conformant aux prescriptions de la résolution 1244 (1999) et à
l’obligation générale de négocier de bonne foi, était et est toujours disposée à négocier sur le statut
définitif du Kosovo.

822
Voir supra chap. 8, sect. F II).
823Voir rapport de l’envoyé spécial du Secrétaire général sur le statut futur du Kosovo, NationsUnies,
doc. S/2007/168 (26 mars 2007).

824Voir le rapport de la Troïka pour le Kosovo constituée de l’Union européenne, des Etats-Unis d’Amérique et
de la Fédération de Russie en date du 4 décembre 2007, Nations Unies, doc. S/2007/723 (10 décembre 2007).
825
Voir la proposition relative au statut présentée par la République de Serbie, 26 avril 2007, pièce 81 des pièces
et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit. Voir aussi les Amendements à la proposition globale de
règlement concernant le statut du Kosovo présentés par l’équipe de négociation de la République de Serbie, 2 mars 2007,
annexe I, article 1.2., disponible à l’adresse :p:
//www.media.srbija.sr.gov.yu/medeng/documents/amendments_eng.pdf. - 215 -

922. De leur côté, les autorités de Priština non seulement ont tenté, par leur déclaration
d’indépendance, de modifier unilatéralement et illégalement le statu quo , mais continuent de
refuser de reprendre les négociations 82.

923. L’opinion selon laquelle la résolution1244(1999) n’autorisait pas des mesures

unilatérales de ce type a été notamment partagée par le représentant de l’Afrique du Sud pendant un
débat que le Conseil de sécurité a eu après la DUI ; le représentant a dit regretter que cette mesure
«n’ait pas été prise de façon conforme au processus juridique et politique prévu dans la
827
résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité» .

924. De même, le représentant de la Fédération de Russie a estimé que «la
résolution 1244 (1999) … ne prévoit manifestement pas la possibilité pour le Kosovo de déclarer
unilatéralement son indépendance, dans la mesu re où il est placé sous le contrôle de l’ONU,
828
contrôle qui existe toujours aujourd’hui en vertu de ladite résolution…» .

925. Il s’ensuit que toute action unilatérale, telle que la DUI, va à l’encontre de la
résolution1244(1999) et de son principe de base selon lequel tout règlement définitif doit être
obtenu à l’issue d’un processus politique impliquant à la fois les deux parties au conflit et le

Conseil de sécurité.

926. De fait, une action unilatérale comme celle -là non seulement défie l’autorité du Conseil
de sécurité, mais aussi a, plus généralement, des incidences sur les fondements mêmes du droit
international, comme le représentant de la Chine au Conseil l’a fait observer après l’adoption de la

DUI : «mettre fin aux négociations, renoncer à chercher une solution qui agrée aux deux parties et
remplacer ces efforts par des actions unilatérales constitueront de toute évidence un grand défi pour
les principes fondamentaux du droit international» 829.

927. Outre le fait qu’elle constitue un acte in compatible avec les impératifs procéduraux

énoncés dans la résolution1244(1999), la DUI va à l’encontre des paramètres techniques définis
dans ladite résolution et, en particulier, elle porte atteinte à la souveraineté et à l’intégrité
territoriale de la Serbie.

II. La DUI porte atteinte à la souveraineté et

à l’intégrité territoriale de la Serbie

928. Comme on l’a montré plus haut 830, la résolution1244(1999) contient non seulement

des paramètres procéduraux, mais aussi des para mètres techniques en vue du règlement définitif

826
Voir, par exemple, les récentes déclarations du prem ier ministre et du président de l’Assemblée du Kosovo,
qui ont indiqué qu’ils ne seraient di sposés à négocier avec la Serbie qu’ une fois que cell e-ci aurait reconnu
l’indépendance du Kosovo. – «Furore over customs st amp overshadows Kosovo's independence anniversary», Financial
Times, 17 février 2009, disponible à l’adress:e http: //www.ft.com/cms/s/0/8a20145e-fc93-11dd-aed8-
000077b07658.html; «Kosovo: No Talks Before Serbia Recogniti on», Balkan Insight, 11 février 2009, disponible à
l’adresse : http: //balkaninsight.com/en/main/news/16600/.
827
Nations Unies, doc. S/PV. 5839 (18 février 2008), p. 16 M. Kumalo (Afrique du Sud) ; les italiques sont de
nous.
828
M. Churkin (Fédération de Russie), Nations Unies, doc. S/PV.5969 (28 août 2008), p. 17.
829Nations Unies, doc. S/PV. 5839 (18 février 2008), p. 8, M. Wang Guangya (Chine).

830Voir chap. 8, sect. F. II. - 216 -

auquel les parties doivent parvenir sous l’égide du Conseil de sécurité. En particulier, la résolution
mentionne spécifiquement la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Serbie.

929. La résolution1244(1999) part du principe que le Kosovo continue de faire partie
intégrante de la Serbie, en dépit du fait que ce territoire relève de l’administration des présences

internationales civile et militaire, à savoir la MINUK et la KFOR, respectivement.

930. Il convient également de rappeler que cett e résolution ne contient aucune disposition ni

même la moindre indication pouvant donner à penser que le Conseil de sécurité ait eu l’intention
d’abroger la souveraineté de la Serbie en ce qui concerne le Kosovo. En fait, cette résolution prend
comme point de départ la souverainet é et l’intégrité territoriale de la Serbie en ce qui concerne le

Kosovo et les garantità plusieurs reprises.

931. Comme on l’a déjà indiqué 831, le paragraphe 1 du dispositif de la
résolution1244(1999) dispose que «la solution politique de la crise au Kosovo reposera sur les

principes généraux» énoncés aux annexes 1 et 2 de la résolution, et notamment les principes de la
souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Serbie.

932. En outre, c’est uniquement dans le cadr e de la résolution 1244 (1991) et, partant, en
respectant la souveraineté générale et l’intégrité territoriale de la Serbie que les institutions
provisoires d’administration autonome peuvent exercer les pouvoirs limités qu’ils tirent de ceux de

l’ONU.

933. En contradiction flagrante de ces lim itations, la DUI a proclamé le Kosovo «Etat

indépendant et souverain».

934. Ce faisant, les auteurs de la DUI ont allégué que le Kosovo ne ferait plus partie

intégrante de la Serbie. Cette allégation est réitérée au paragr aphe 11 du même document, dans
lequel les auteurs parlent de la Serbie comme étant l’un des Etats limitrophes du Kosovo,
impliquant par là même que le territoire du Kosovo ne ferait plus partie du territoire serbe.

935. La DUI prétend donc enlever à la Serbie environ 15% de son territoire, ce qui est
incompatible avec la résolution1244(1999), et le fait sans y avoir été autorisé d’une façon ou
d’une autre par le Conseil de sécurité et sans que celui-ci ait eu son mot à dire; la DUI est donc

diamétralement opposée à la garantie de l’intégrité territoriale de la Serbie donnée dans cette même
résolution adoptée en vertu du chapitre VII de la Ch arte. En outre, comme indiqué plus haut au
chapitre 6, cette DUI constitue une violation du droit international général.

936. Cette prétendue sécession du Kosovo de la Se rbie n’a été acceptée ni par la Serbie, le
souverain légitime, ni par le Conseil de sécurité , qui a établi l’administration internationale du
Kosovo.

937. En conséquence, la situation juridique pr évue dans la résolution1244(1999) doit être
considérée comme étant demeurée inchangée. S’il en était autrement, l’une des parties concernées,

831
Voir supra par. 776 et suiv. - 217 -

contrairement au dispositif procé dural prévu dans cette même résolution, non seulement aurait pu
modifier unilatéralement le statu quo, mais encore aurait contesté la compétence principale du

Conseil de sécurité pour ce qui est du maintien de la paix et de la sécurité internationales qui
découle de l’article 24 de la Ch arte des Nations Unies sur un plan général et les prérogatives qu’il
tient plus spécifiquement du chapitre VII de la Charte.

938. Ainsi la situation juridique demeure-t-elle celle que prévoyait la résolution 1244 (1999),
c’est-à-dire que le Kosovo continue de faire partie intégrante de la Serbie et, à ce titre, relève de la
souveraineté serbe tout en étant administré par une présence internationale civile et militaire.

939. Cette situation juridique créée par la r ésolution 1244 (1999) ne prendra fin qu’une fois
que les parties seront parvenues à un règlement définitif concerté sous l’égide du Conseil de
sécurité ou que le Conseil de sécurité aura, pour une autre raison, décidé de mettre fin à cette

administration intérimaire

940. Il s’ensuit que la DUI porte atteinte à l’in tégrité territoriale et à la souveraineté de la

Serbie, qui sont garanties par la résolution 1244 (1999).

E. C ONCLUSION

941. Il a été démontré que l’UDI est incompa tible avec le régime juridique établi par la
résolution 1244 (1999).

i) L’UDI constitue un acte ultra vires de la part de l’Assemblée du Kosovo. En particulier,

⎯ en proclamant le Kosovo «Etat indépenda nt et souverain», l’Assemblée a agi ultra
vires et violé la résolution1244(1999) et le cadre constitutionnel qui stipulent que

l’Assemblée est une institution provisoire d’administration autonome qui ne dispose
pas du pouvoir de décider du statut juridique international du territoire ;

⎯ en assumant les pouvoirs constitutionnels, l’Assemblée a agi ultra vires au regard du

cadre constitutionnel ;

⎯ en invitant des missions international es au Kosovo, en prétendant établir les
«frontières internationales» du Kosovo, conduire les relations internationales, assumer

les obligations internationales et demande r à ce que le Kosovo devienne membre
d’organisations internationales, l’Assemblée a agi ultra vires au regard de la
résolution 1244 (1999) et du cadre constitutionnel.

ii) La DUI va à l’encontre de l’autorité administrative suprême au Kosovo établie par la
résolution1244(1999) en proclamant le Kos ovo «Etat indépendant et souverain», et en
empiétant sur les pouvoirs exclusifs que le RSSG tient du cadre constitutionnel.

iii) La DUI nie les compétences du Conseil de sécurité en ce qui concerne la situation au
Kosovo en mettant fin unilatéralement au st atut intérimaire du Kosovo et au mandat des
présences internationales, statut et mandat qui ont été établis par la
résolution 1244 (1999).

iv) La DUI passe outre aux impératifs procé duraux concernant la conduite des négociations
définis dans la résolution12 44(1999), en tentant de faç on unilatérale et illégale de
modifier le statut juridique intérimaire en vigueur au Kosovo. - 218 -

v)La DUI méconnaît également les impératifs techniques concernant la conduite des
négociations et un règlement définitif définis dans la résolution 1244 (1999), en particulier

l’intégrité territoriale et la souveraineté de la Serbie qui sont garanties par ladite
résolution. - 219 -

CINQUIEME PARTIE

AUCUNE AUTRE DISPOSITION DU DROIT INTERNATIONAL NE JUSTIFIE
LA DECLARATION UNILATERALE D’INDEPENDANCE

C HAPITRE 10

NI UN «DROIT DE SECESSION » NI LA «NEUTRALITE JURIDIQUE »NE PEUVENT
ETRE INVOQUES A L ’APPUI DE LA LICEITE DE LA DECLARATION
UNILATERALE D ’INDEPENDANCE

942. Les chapitres précédents ont montré que la DUI n’est conforme ni aux principes
fondamentaux du droit international, tels que le principe du respect de l’intégrité territoriale des
Etats et le droit des peuples à l’auto-détermination, ni au régime juridique international établi par la

résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité. Il a également été montré que ce que l’on appelle la
sécession à titre de recours ne peut pas valablemeêtre invoqué pour établir la conformité de la
DUI au droit international. Le présent chapitre se propose de montrer pourquoi la prétention de la

DUI a constitué une sécession du Kosovo de la Serbie ne peut pas se justifier en droit international
par l’application d’une autre règle concernant la question de la sécession :

i)Une distinction sera établie entre la sitation au Kosovo et les situations où le droit

international admet la sécession, à savoir lorsque

⎯ le droit interne confère ce droit à une partie constitutive de l’Etat intéressé ;

⎯ les territoires cherchant à faire sécession avaient antérieurement été illégalement annexés ;

⎯ l’Etat intéressé accepte la sécession d’une partie de son territoire et de sa population, soit avant,

soit après la tentative de sécession.

ii) On examinera la pertinence de la question de l’effectivité afin de montrer que la prétendue

présence de ce qu’il est convenu d’appeler les él éments constitutifs du statut d’Etat n’est
pas le seul facteur décisif qui intervienne dans la détermination de l’existence d’un nouvel
Etat.

iii) En tout état de cause, les «éléments constitutifs du statut d’Etat» ne sont pas présents dans
le cas du Kosovo.

iv) La reconnaissance par certains Etats d’un e prétendue «République du Kosovo» ne confère

pas une légalité rétroactive à la DUI ni n’efface son illicéité ab initio.

v) Le système juridique international contemporain ne reste pas neutre quant à la question de

la sécession non consensuelle, si bien qu’ il n’est pas possible aujourd’hui de créer
illicitement de nouveaux Etats.

A. AUCUNE DES SITUATIONS EXCEPTIONNELLES QUI POURRAIENT DEBOUCHER
SUR UN DROIT DE SECESSION N ’EXISTE DANS LE CAS DU K OSOVO

943. On a relevé un certain nombre de tent atives de faire sécession d’Etats indépendants

dans diverses parties du monde. La plupart de ces tentatives ont échoué et seules quelques-unes
ont abouti à la création d’un nouvel Etat. Dans certains cas, cet échec a été dû à une cause
purement factuelle: une partie ou la totalité des éléments constitutifs créant la possibilité de - 220 -

l’existence d’un Etat faisaient purement et simplement défaut. Dans d’autres cas une partie, voire
la totalité des éléments matériels étaient présents, et un semblant d’appareil d’Etat avait même fait

son apparition. Néanmoins, la création d’un nouvel Etat s’est heurtée à l’obstacle insurmontable de
sa non-conformité au droit international, et aucun +nouvel Etat n’a été créé. Cette création n’a été
possible que dans des cas exceptionnels, et la pr atique montre que la raison du succès était la

conformité au droit internationa l. Cette conformité peut se ma nifester de plusieurs façons
différentes: 1) le droit de sécession est conféré par le droit interne, 2) la s ituation particulière de

territoires qui avaient été illicitement annexés à l’Etat duquel ils font ultérieurement sécession, ou
3) l’acceptation par l’Etat intéressé de la sécession d’une partie de son territoire et de sa population,
cette acceptation intervenant soit avant, soit peu de temps après la sécession.

944. Comme on le verra plus loin, aucune de ces situations n’existe dans le cas du Kosovo.

I. Le droit interne n’a jamais conféré et ne confère

pas au Kosovo un droit de sécession

945. Le premier cas dans lequel le droit international reconnaît le droit de sécession d’une

partie du territoire d’un Etat est celui dans le quel la constitution de l’Etat intéressé elle-même
prévoit cette possibilité. De fait, très peu de c onstitutions d’Etats indépendants reconnaissent aux

populations ou aux unit832constitutives de l’Eta833e droit de faire sécession. A l’h834e actuelle, c’est
le cas de l’Ethiopie , de l’Ouzbékistan et de Saint-Kitts-and-Nevis . Cela a également été le
cas de l’ex-Union soviétique 835. De même, la constitution fédérale de l’ex-RFSY prévoyait le droit
836
des nations de la Yougoslavie de faire sécession . La séparation du Monténégro d’avec la
Communauté étatique de Serbie-et-Monténégro en 2006 avait également été prévue dans la
Constitution de cette Communauté 837.

946. Le cas d’une sécession liée à l’octroi du droit correspondant par le droit interne de l’Etat

intéressé ne soulève aucune difficulté en droit international. Cette sécession est conforme au droit
international car elle ne porte atteinte à aucun desprincipes fondamentaux qui sont en jeu dans le cas

de la création de nouveaux Etats en droit international actuel. Si la C onstitution elle-même reconnaît
que l’Etat est constitué de pl usieurs peuples dont chacun a comp étence pour exercer son droit à
l’autodétermination externe, le droit international nepeut qu’en prendre acte. De même, le respect

832Article 47 de la Constitution éthiopienne, disponible en anglais sur le site Internet du Parlement de la
République fédérale démocratiq ue d’Ethiopie à l’adresse: h ttp: //www.ethiopar.net. Le pa ragraphe 2 de l’article 47

dispose ce qui suit: «Les nations, nationa lités et peuples des Etats énumérés au paragraphe 1 du présent article ont le
droit de créer à tout moment leur propr e Etat.» Ce droit peut être exercé c onformément aux procédures énoncées au
paragraphe 3 de l’article 47.
833
Article 74 de la Constitution ouzbèke, ainsi libellé : «La République du Karakalpakstan a le droit de se séparer
de la République d’Ouzbékistan si le peuple du Karakalp akstan en exprime le souhait par voie de référendum.»
Disponible à l’adresse : http: //www.umid.uz/Main/Uzbekistan/Constitution/constitution.html.
834 o
Article 113 de l’ordonnance constitutionnelle de la Fédération of Saint-Kitts-et-Nevis de 1983, 1983 881,
disponible sur le site Internet du cabinet du premier mi nistre de Saint-Kitts-et-Nevis à l’adresse: http:
//www.cuopm.com. Cet artic le stipule ce qui suit : «Le Parlement de l’îl e de Nevis peut décide r que l’île de Nevis
cessera d’être fédérée à l’île de Saint-Christophe et que, pa r conséquent, la présente Constitution ne produira plus ses
effets dans l’île de Nevis.» Cela doit être accompli dans le respect d’autres dispositions de l'article 113.
835
L’article 72 de la Constitution de l’URSS de 1977 dis pose que «(c)haque République de l’Union a le droit de
faire librement sécession de l’URSS».
836
Le principe fondamental I de la Constitution de la RFSY de 1974 stipulait que «[l]es nations de la
Yougoslavie, sur la base du droit de chaque nation à l’auto-détermination, y compris le droit de sécession…». Voir pièce
52 des pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit.
837
Article 60 de la Charte constituti onnelle de la Communauté étatique de Serbie-et-Monténégro, pièce58 des
pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit. - 221 -

de l’intégrité territoriale des Etats n’est pas non plusen jeu, puisque l’Etat lui-même considère qu’une
partie de son territoire peut se séparer légalement du reste du pays pour former un nouvel Etat. En
d’autres termes, l’Etat a lui-mêmeprévu dans sa constitution de consentir à la sécession d’une partie

de son territoire.

947. Le droit de sécession n’a été conféré aux Albanais du Kosovo ou à la province du
Kosovo ni pendant l’existence de la RFSY ni pa r la suite. A l’époque de la RFSY, seules les

nations constitutives de la Yougoslavie ét aient re838nues comme titulaires du droit à
l’autodétermination, y compris le droit de sécession . Les Albanais du Kosovo étaient une
minorité nationale («narodnost», «nationalité») et non l’une des nati ons de la Yougoslavie, et, à ce

titre, la Constitution fédérale de 1974 ne leur a pas reconnu le droit 839’autodétermination. Cela a
été confirmé par la Cour constitutionnelle yougoslave en 1991 .

948. En outre, alors que la Serbie, République socialiste, était définie comme un «Etat» à
l’article 3 de la Constitution de la RFSY de 1974, la province so cialiste autonome du Kosovo était

définie, aux termes de l’article 4, comme une «communaut[é] socio-politique démocratique
autogérée socialiste autonome». La différence entre les deux a égalemen t été confirmée par la
Cour constitutionnelle yougoslave lorsqu’elle a, en 1991, déclaré inconstitutionnelle une

déclaration faite par certains membres de l’Assemblée du Kosovo qui cherchaient à obtenir pour le
Kosovo le statut d’entité fédérale. La Cour constitutionnelle a jugé que la Serbie était une entité

fédérale de la fédération yougos lave (comme l’étaient la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, la
Macédoine, le Monténégro et la Slovénie), à la différence du Kosovo, qui était une province
autonome relevant de la Serbie. La Cour a ég alement jugé que toute modification du statut

juridique du Kosovo nécessitait le con840tement de la République de Serbie et l’amendement des
constitutions yougoslave et serbe .

949. De plus, la conférence internationale sur la Yougoslavie, mise en place par la
Communauté européenne et coprésidée par la suite par l’ONU au début du processus de

démembrement de la RFSY, n’a pas considéré que le Kosovo disposait du droit de créer son propre
Etat souverain 841, ce en dépit de la demande présentée par les dirigeants des Albanais du Kosovo
aux fins d’obtenir une reconnaissance en tant que république disposant des mêmes droits que la
842
Bosnie-Herzégovine, la Croatie, la Macédoine, le Monténégro, la Serbie et la Slovénie . De fait,
la conférence n’a même pas autorisé les représentants des Albanais du Kosovo à y participer sur un

838Voir, par exemple, supra par. 195.

839Voir la décision de la cour constitutionnelle yougosla ve en date du 19 1991, II-U-broj 87/90, Službeni list
SFRJ [Journal officiel de la RFSY], n 37/1991, p. 618, pièce 56 des pièces edocuments soumis à l’appui du présent
exposé écrit.

840Ibid. Pour plus d’informations, voir chap. 5, sect. A, par. 194-195.
841 o
Dans son avis n 1, la commission d’arbitrage ne s’est référée qu’à l’indépendance des Républiques existant au
sein de la RFSY, non à celle des provinces. Avis n° 1 de la commission d’arbitrage de la conférence sur la Yougoslavie,
ILM, vol. 31 1494 (1992), pièce 38 des pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit.
842
Lettre adressée par M. Rugova à lord Carrington, président de la conférence pour la paix en Yougoslavie,
conférence pour la paix en Yougoslavie, 22 décembre 1991, pièce 76 des pièces et documents soumis à l’appui du présent
exposé écrit. - 222 -

843
pied d’égalité avec les républiques yougoslaves . Les discussions auxquels une délégation des
Albanais du Kosovo a participé n’ont traité que de questions relatives aux droits économiques,
sociaux et culturels 844.

950. Les constitutions qui ont été adoptées après la dissolution de la RFSY ⎯ Constitution
serbe de 1990, Constitution de la RFY de 1992, Charte constitutionnelle de la Communauté
étatique de Serbie-et-Monténégro de 2003 et Co nstitution de la Républi que de Serbie de 2006,

actuellement en vigueur ⎯ n’ont pas non plus conféré de droit de sécession au Kosovo.

951. En conséquence, le Kosovo ne peut pas se prévaloir d’un droit de faire sécession que lui
aurait reconnu le droit interne au moment de l’e ffondrement de la RFSY ou à tout autre moment
par la suite.

II. Le Kosovo n’a pas été rattaché illégalement à la Serbie

952. Il y a eu des cas de sécession intervenant après une période d’incorporation illégale de
certaines entités dans un autre Etat. Telle a été la perception dominante de la situation des Etats

baltes lorsqu’ils ont déclaré leur indépendance en 1990. Il s’ensuit qu’ils sont devenus Membres de
l’ONU et ont été largement reconnus comme Etats indépendants avant l’effondrement de l’Union

soviétique et, partant, avant les autres républiques.

953. Dans le cas de l’Erythrée, un organe de l’ONU qui était habilité à décider du sort du

territoire a pris la décision de rattacher l’Erythrée à l’Ethiopie en tant qu’Etat fédéré et
autonome 845. Après plusieurs décennies pendant le squelles les conditions énoncées dans la

résolution 390 (V) n’ont pas été remplies, l’ONU a participé au processus final qui a abouti à
l’organisation d’un référendum dans lequel les Erythréens ont opté pour l’indépendance.

954. Les deux situations qui viennent d’être décrites ont ceci de frappant que, dans les deux
cas, l’Etat intéressé (l’Union soviétique et l’Et hiopie, respectivement) a reconnu l’indépendance

des nouveaux Etats. Dans le cas de l’Ethiopie, le gouvernement a accepté la tenue d’un
référendum, c’est-à-dire l’éventualité d’une sécession avant même que celle-ci ne se produise dans
les faits846.

843
Dans une lettre à M. Rugova, Lord Carrington a indiqué ce qui suit au sujet de la participation d’une
délégation du Kosovo à la conférence :
«Si vous prévoyez d’être à Londres au moment de la conférence (du 26 au 28 août), j’ai le plaisir

de vous informer que vous pourrez, ainsi que votre délégation, avoi r accès au Queen ElizabethII
Conference Centre pour des entretiens, par exemple avec moi, le ministre Vance et les autres participants.
Comme il ne sera pas possible, pour des raisons pratiques et autres , de permettre à votre délégation
d’accéder à la salle de la conférence elle-même, les organisateurs mettront en place une «salle d’écoute»
pour une retransmission en direct des débats officiels de la conférence.» (Lettre adressée par
lordCarrington, président de la conférence pour la paix en Yougoslavie, à M. Rugova, 17août1992,
pièce 77 des pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit.)

844Déclaration de la République du Kosovo à la confér ence internationale sur la Yougoslavie, Genève,
16 septembre 1992, reprise dans Weller, op. cit., p. 89. Voir aussi supra chap. 5, sect. D.

845Résolution 390 (V) de l’Assemblée gé nérale, dont l’article 1 dispose que l’«Erythrée constitue une unité
autonome fédérée à l’Ethiopie sous la souveraineté de la Couronne d’Ethiopie.»
846
Commission des réclamations entre l’Erythrée et l’Et hiopie, Sentence partielle, «Mauvais traitements des
populations civiles, Réclamations de l’Erythrée», 17 décembre 2004, disponible sur le site Internet de la Cour permanente
d’arbitrage à l’adresse : http: //www.pca-cpa.org/showpage.asp?pag_id=1151, par. 7. - 223 -

955847l n’y a aucune analogie entre ces cas et la situation du Kosovo. Comme on l’a expliqué
plus haut , la plus grande partie du territoire qui constitue le Kosovo d’aujourd’hui a été rattachée
à la Serbie, la partie restante étant rattach ée au Monténégro, pendant les guerres balkaniques

de1912-1913, c’est-à-dire 34 ans après que la Serbie (et le Monténégro) eurent été reconnus
comme des Etats indépendants. Ce rattachement a été une décision valide reconnue par des traités
internationaux valides et non assortie de conditions particulières. De plus, il a été prescrit au

niveau international et a été internationalement reconnu. Depuis lors, et en dépit de tous les
changements qui se sont produits dans la région, le Kosovo a fait partie intégrante de la Serbie, à la
fois lorsque celle-ci était une partie constitutive d’un Etat souverain (Royaume des Serbes, Croates

et Slovènes, Royaume de Yougoslavie, République fédérative populai re de Yougoslavie,
République fédérative socialis te de Yougoslavie, République fédérale de Yougoslavie,
Serbie-et-Monténégro) et lorsqu’elle est devenue un Etat souverain elle-même. La seule exception

a été l’annexion juridiquement nulle de la plus grande partie du territoire du Kosovo à la «Grande
Albanie» sous l’occupation nazi-fasciste pendant la Seconde Guerre mondiale.

956. En somme, la situation du Kosovo n’est en rien comparable à celle d’un territoire
illégalement annexé et aspirant à recouvrer son indépendance ou devenant indépendant par suite du
refus de respecter les conditions internationales mises au rattachement antérieur d’un territoire à un

Etat existant.

III. L’Etat originel n’a jamais accepté la sécession

957. La sécession est conforme au droit interna tional lorsque l’Etat intéressé y consent. Un

débat de doctrine a été engagé sur un point de te rminologie, concernant la question de savoir si,
dans le cas où ce consentement est donné avant l’accession à l’indépendance, il convient de parler
de «sécession» ou de «transfert des pouvoirs» 848, mais nul ne conteste que la création d’un nouvel

Etat dans de telles circonstances est conforme au droit international.

958. Il en va de même lorsque ce consenteme nt est accordé après la déclaration unilatérale
d’indépendance d’une entité posséd ant tous les éléments constitutifs d’un Etat. Toutefois, ce
consentement n’est pas accordé lorsque l’Etat in téressé considère que la tentative de sécession est

un acte qui porte atteinte à son intégrité territorial e ou n’est pas conforme au principe de l’égalité
de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes.

959. Le consentement de l’Etat intéressé re nd la sécession conforme au droit international.
C’est un point sur lequel il n’y a pas de divergen ce de vues. On peut citer comme exemples la
quasi-totalité des phénomènes sécessionnistes ayant abouti à la création effective de nouveaux
849
Etats . C’est notamment le cas du Bangladesh, dont l’indépendance a été reconnue par le
Pakistan le 22 février 1974 850.

847
Voir supra par. 132.
848
Crawford, The Creation of States, op.cit., p. 330.
849Voir la liste établie dans ibid., p. 391, et dans J. Crawford, State Practice and International Law in Relation to
Unilateral Secession: Report to Government of Canada concerning unilateral secession by Quebec , 19février1997,
par. 30-48.

850Le Bangladesh est devenu Membre de l’ONU le 17 septembre 1974, voir résolution 3203 (XXIX) de
l’Assemblée générale. - 224 -

960. Nous excluons ici tous les cas de déco lonisation. En effet, les Etats nouvellement

indépendants créés dans le cadre de la décolonisation ne constituent pas des cas de sécession,
puisque, comme l’a rappelé la déclaration relative aux principes du droit international,

«[l]e territoire d’une colonie ou d’un autre territoire non autonome possède, en vertu
de la Charte, un statut séparé et distin ct de celui du territoire de l’Etat qui
l’administre ; et ce statut doit durer jusqu’à ce que le peuple de ladite colonie ou dudit
territoire ait exercé son droit à l’autodétermination conformément à la Charte et, en

particulier, aux buts et principes qui y sont énoncés».

961. Dans le cas du Kosovo, l’Etat originel n’a jamais donné son consentement, ni avant la
DUI, ni par la suite. Tout au contraire, avant que les institutions provisoires ne prennent leur
mesure unilatérale, la Serbie a bien précisé que le Kosovo faisait partie intégrante de son territoire.
Et elle a déclaré la DUI nulle et non avenue lorsque celle-ci a été adoptée 851. La Serbie ne pouvait

faire savoir plus clairement qu’elle ne consentait pas à la sécession du Kosovo.

962. Comme indiqué plus haut, ni la Serbie (la RFY/Serbie-et-Mont énégro) ni l’ex-RFSY
n’ont jamais accepté de considérer que les habitants du Kosovo relevaient de la catégorie de
«peuple» pouvant exercer son droit à l’auto-déter mination externe, option qui aurait permis à ces
habitants de faire sécession 852.

963. En résumé, on ne peut pas justifier la DUI en droit international en arguant du

consentement de l’Etat titulaire de la souveraineté territoriale, celui-ci n’ayant été donné ni avant ni
après la DUI, que ce soit de façon expresse ou par induction.

B. L E STATUT D ’ETAT NE SAURAIT SE JUSTIFIER
PAR LA SEULE EFFECTIVITE

964. La présente procédure consultative porte su r la question juridique de la «conformité au
droit international» de la DUI, non sur la question matérielle de savoir si le Kosovo a un
gouvernement effectif. Cela étant, la question de l’effectivité sera également examinée dans le
présent exposé écrit car elle a été invoquée pour justifier la DUI.

965. S’il est difficile de concevoir qu’un Et at puisse être créé en l’absence des éléments

matériels constitutifs de l’Etat (un gouvernement exerçant une autorité souveraine sur un territoire
donné et sa population), c’est une chose tout à fait différente que d’affirmer que la simple existence
de ces éléments entraîne automatiquement celle d’un Etat. S’agissant de cette dernière affirmation,
on se propose de démontrer plus loin que l’effectiv ité ne suffit pas en elle-même à justifier la

création d’un Etat aujourd’hui. Quoi qu’il en so it, on montrera qu’il n’existe pas au Kosovo de
gouvernement indépendant effectif. En conséquence, l’effectivité ne saurait servir à justifier la
licéité de la DUI, que ce soit avant ou après l’adoption de la déclaration.

851La déclaration unilatérale d’indépe ndance a été déclarée nulle et non av enue par le Gouvernement serbe et

l’Assemblée nationale de la République de Serbie. Voir pièce 4 des pièces et documents soumis à l’appui du présent
exposé écrit ; voir aussi la lettre datée du 17 février 2008, adress ée au Secrétaire général par M. Boris Tadic, président de
la République de Serbie, Nations Unie s, doc. A/62/703-S/2008/111, reprise danpièce 5 des pièces et documents
soumis à l’appui du présent exposé écrit.
852Voir supra chap. 5, en particulier les par. 194-203. - 225 -

I. La présence effective de ce qu’il est convenu d’appeler les éléments constitutifs
de l’Etat n’est pas suffisante, en droit international
actuel, pour créer un nouvel Etat

966. Il est courant de rappeler l’article 1 de la convention de Montevideo concernant les
droits et devoirs des Etats (1933) adoptée par la 7 e conférence internationale américaine afin de

déterminer les éléments constitutifs d’un Etat indépendant: «En tant que sujet de droit
international, l’Etat doit posséder les attributs suivants: a) une population permanente; b) un
territoire défini ; c) un gouvernement ; et d) la capacité d’établir des relations avec les autres Etats.»

967. Peu de temps avant la convention de Montevideo, un tribunal arbitral avait avancé une
idée analogue: «un Etat n’existe qu’à la cond ition de posséder un territoire, une collectivité

d’hommes habitant ce territoire, une puissance publi que s’exerçant sur cette collectivité et ce
territoire. Ces conditions sont reconnues indispen sables et l’on ne peut concevoir un Etat sans
elles» 853.

968. Quelques décennies plus tard, la commission d’arbitrage de la conférence sur la

Yougoslavie a également défini ces éléments, en considérant : «que l’Etat est communément défini
comme une communauté composée d’un territoire et d’une population sur lesquels s’exerce une
autorité politique organisée, qu’un tel Etat est caractérisé par la souveraineté» 854.

969. Comme on l’a dit plus haut, les «éléments constitutifs» doivent nécessairement être

présents pour que l’on puisse alléguer l’existence d’un nouvel Etat. Toutefois, ils ne représentent 855
pas en eux-mêmes une base suffisante pour admettre ipso facto l’existence d’un nouvel Etat . Ce
sont des conditions nécessaires, mais non suffisantes du statut d’Etat.

970. La pratique internationale offre un certain nombre d’exemples d’entités prétendant être
des Etats indépendants qui sont capables de faire la preuve d’une véritable effectivité de leurs

éléments constitutifs, mais ne sont néanmoins pas considérées comme des Etats souverains. La
raison en est que leur création et leur existence sont entachées par une infraction à la loi. Le
«Mandchoukouo» a été un exemple classique de l’ entre-deux-guerres, la «Rhodésie du Sud» en a

été un autre de l’époque de la guerre froide. A l’époque actuelle, on peut citer, entre autres, les
exemples de la «République turque de Chypre-Nord» et le «Somaliland».

971. La raison pour laquelle ces entités n’existent pas en tant qu’Etats en dépit de leur
effectivité est que leur création ou leur existence même porte atteinte au droit international. Ces

entités ne peuvent donc pas acquérir le statut d’un Etat, qui est le principal sujet de droit
international. C’est d’autant plus vrai aujourd’ hui que le droit international actuel contient des
principes fondamentaux qui se rapportent à la création des Etats. Ces principes sont l’interdiction

de l’emploi de la force dans les relations in ternationales, le droit des peuples à disposer
d’eux-mêmes, le respect de l’intégrité territoriale des Etats, la non-ingérence dans les affaires
intérieures des Etats et le respect des droits humains fondamentaux.

853 o e
Deutsche Continental Gas Ge sellschaft c. Etat polonais , cause n 1877, 2 (1/2) ZaöRV (1930), 2partie :
documents, p. 22.
854Avis n 1, ILM, vol. 31, 1494 (1992), pièce 38 des pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé
écrit.

855Sur ce point, voir Theodore Christakis, «L’Etat en tant que «fait primaire»: réflexions sur la portée du
principe d’effectivité» dans M. G. Kohen (dir. publ.), Secession. International Law Perspectives (2006), p. 138 à 170. - 226 -

972. L’assertion selon laquelle «la création des Etats est purement et simplement une

question de fait, non de droit» est erronée. La pratique constante va manifestement dans la
direction opposée, montrant que la création et la disparition des Etats ne sont pas une simple
situation factuelle: le droit international interv ient soit pour laisser l’une ou l’autre situation se
produire, soit pour l’empêcher de se produire. S’agissant d’autoriser la création de nouveaux Etats

⎯voir de la favoriser activement ⎯, le droit international offre notamment l’exemple de la
création d’un nombre impressionnant d’Etats par le biais de la décolonisation. Quant à empêcher
des entités de devenir de nouveaux Etats, on doit au droit international la non-existence en tant

qu’Etats indépendants du «Kata nga», de la «Rhodésie du Sud», de la «République turque de
Chypre-Nord», de «Bougainville», de la «Répub lique d’Anjouan», du «Somaliland», du «Kosova»
et du «Haut-Karabakh», entre autres exemples. Viennent corroborer l’assertion selon laquelle la

création d’Etats est une question de droit, non de fait, les situations dans lesquelles le droit
international a empêché la disparitio n d’un Etat existant en dépit de son absence d’effectivité. On
peut notamment citer l’exemple de l’annexion illégale du Koweït en 1990, ainsi que l’effondrement
du Gouvernement somalien vers la même époque et dans les années qui ont suivi.

973. On voit que le droit international actuel ne se contente pas de constater l’existence
d’une situation de facto d’une entité contrôlant effectivem ent un territoire et sa population pour

considérer automatiquement cette entité comme un Etat. La création d’un nouvel Etat est
également subordonnée au respect des règles applicables du droit international.

II. En tout état de cause, il n’existe pas de gouvernement
indépendant effectif au Kosovo

974. Outre sa non-conformité au droit intern ational, la prétendue «République du Kosovo»
ne répond pas aux conditions c onstitutives d’un Etat, car il n’existe pas de gouvernement
indépendant effectif au Kosovo.

975. Ce fait est établi sur la base des considérations suivantes :

⎯ La MINUK continue d’opérer sur le territoire, conjointement avec EULEX.

⎯ La KFOR reste l’autorité militaire et de sécurité suprême sur le territoire.

⎯ La Serbie conserve ses droits souverains sur le Kosovo dans la mesure où ils sont compatibles
avec la résolution 1244 (1999).

⎯ Tout en prétendant être devenues les organes d’un Etat indépendant, les institutions provisoires
d’administration autonome exercent en fait des pouvoirs sensiblement équivalents à ceux
qu’elles ont exercés auparavant sur la base de la résolution 1244 (1999).

976. Conformément à ce que prévoit la réso lution1244(1999), le Secrétaire général de
l’ONU a indiqué que la MINUK reste déployée au Kosovo 85. Il en va de même de la KFOR 85.

856
Voir rapports du Secrétaire général sur la Mission d’ administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo,
Nations Unies, doc. S/2008/692 (24 novembre 2008) et S/2009/149 (17 mars 2009).
857
Ibid., p. 2 et 12. - 227 -

858
N’en déplaise aux prétendues autorités «indépendantes» 859 , EULEX a été déployée dans le cadre de
la résolution 1244 (1999) et avec l’appui de la Serbie .

977. Afin d’évaluer le degré d’indépendance des autorités d’une entité sécessionniste, il faut
partir de la situation existant au moment de la DUI. Une déclaration de ce genre est censée
impulser un changement majeur dans la situation factuelle et juridique. Dans le cas du Kosovo, les

institutions provisoires d’administration autonome ont pu exercer des pouvoirs substantiels,
quoiqu’ils n’aient pas eu le caractère de pouvoirs souverains, sur la base de la
résolution 1244 (1999). Aucun changement significatif n’a été apporté à ce statut depuis l’adoption

de la DUI. Le renforcement des pouvoirs d’ad ministration substantiels conférés par l’ONU ne
suffit pas à faire de ces institutions les institutions d’un Etat indépendant. Il convient de noter que
l’administration internationale est habilitée à annuler les actes des autorités du Kosovo.

978. De même, les auteurs de la DUI ne peuve nt pas prétendre avoir le pouvoir de dessaisir

la Serbie de l’exercice de sa souveraineté sur le territoire. Si la Serbie n’administre pas le territoire,
cela est dû à la résolution que le Conseil de sécurité a adoptée en vertu du chapitre VII de la Charte
des Nations Unies et au fait que la Serbie a accepté la mise en place d’une administration
860
internationale du territoire , et n’a rien à voir avec la DUI ou les mesures ultérieures prises par ses
auteurs. Tout au contraire, la Serbie continue d’ agir au niveau international en tant que titulaire de
la souveraineté sur le territoire du Kosovo et est reconnue en tant que telle par la majorité des

membres de la communauté intern ationale. Même les Etats qui ont appuyé l’indépendance ont dû
négocier avec la Serbie en vue du déploiement d’EULEX, qui s’est finalement fait conformément à
la résolution 1244 (1999), contrairement au voeu du prétendu «Gouvernement de la République du
861
Kosovo» .

979. Il est bien évident également que les autorités de la prétendue «République du Kosovo»
n’ont pas pu mettre fin au régime international établi par la résolution1244(1999), bien qu’elles
aient prétendu le faire en adoptant la DUI. En fait, la MINUK et EULEX disposent de pouvoirs

substantiels sur le territoire, qui prévalent sur ceux du prétendu «Gouvernement du Kosovo».

980. Tous les éléments susvisés suffisent à reje ter l’allégation selon laquelle la DUI traduit

une «réalité» factuelle ou a abouti à la création d’un Etat.

981. Toutefois, il existe d’autres éléments en core qui font apparaître l’absence d’effectivité
d’une «République du Kosovo». Après l’adoption de la DUI, certaines parties de la population du
Kosovo ont refusé de reconnaître la légitimité des institutions provi soires d’administration

autonome, car ces dernières ont agi ultra vires et ont invoqué une capacité qu’elles ne possèdent
pas. En conséquence, certaines zones restent co mplètement en dehors du ressort de la prétendue
autorité exercée par le «Gouvernement du Kosovo», et dans d’autres zones, les tentatives faites

858
«Kosovo again opposes EULEX plan ; Albania airs doubts», Thomson Reuters Foundation ,
25novembre2008. Disponible à l’adresse : http: //www.alertnet.org/thenews/newsdesk/LP686174.htm. Voir pièce 32
des pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit.
859
Voir lettre datée du 28 novembre 2008, adressée à M. Javi er Solana, Secrétaire général du Conseil de l’Union
européenne et haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune, par le président de la République de
Serbie, reprise dans la pièce 83 des pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit.
860Voir annexe 2 de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, pièce 20 des pièces et documents soumis à

l’appui du présent exposé écrit.
861Voir supra par. 976. - 228 -

pour exercer cette autorité sont sérieusement entravées par le boycottage des institutions
«indépendantes» par certaines parties de la population.

982. Le «gouvernement indépendant» n’exerce pas de contrôle politique sur l’ensemble du

territoire du Kosovo et n’est pas reconnu par l’ensemble de la population du territoire comme ayant
le pouvoir d’exercer ce contrôle. Alors que l’Assemblée du Kosovo prétend adopter des lois sans
avoir à se préoccuper des pouvoirs confér és au RSSG par la résolution1244(1999) 862, pour la

«majorité des Serbes du Kosovo, la MINUK reste l’unique interlocuteur civil légitime au niveau
international ..., ce qui a des répercussions non nég ligeables, notamment sur les secteurs de la
863
police, des douanes et de la justice, où la Miss ion continue de jouer un rôle de premier plan» .
Certaines parties du nord du Kosovo échappent comp lètement au contrôle politique des institutions
provisoires. Comme le Secrétaire général l’a noté dans son rapport du 24 novembre 2008,

«Dans le nord [du Kosovo], quatre structures municipales parallèles serbes
fonctionnent selon les dispositions législatives régissant l’autonom ie des collectivités

locales de la Serbie. La communauté serbe du Kosovo résiste à tous les efforts réels
ou apparents déployés par les autorités du Kosovo pour exercer un contrôle au nord de

l’Ibër (Ibar). Ainsi, elle s’est opposée à l’action menée par la municipalité de
Mitrovicë (Mitrovica), dans le sud, pour lancer des projets dans le nord, surtout parce
que ni la MINUK ni la communauté elle-même n’avaient été consultées.» 864

983. Les institutions provisoires n’exercent pas non plus de contrôle sur l’appareil judiciaire

de l’ensemble du territoire du Kosovo. A Mitrovica, le tribunal n’a pas fonctionné pendant
sixmois et n’a rouvert, des magistrats et des procureurs internationaux y ayant été affectés à titre
provisoire pour s’occuper des affaires pénales les plus urgentes, qu’à la suite de consultations entre
865
le RSSG, M. Zannier, et le Gouvernement serbe . Le tribunal municipal et le tribunal de police
de la municipalité de Leposavic fonctionnent dans le cadre du sy stème judiciaire de la Serbie 866et,

à Zubin Potok, les activités de ces tribunaux so nt suspendues à la suite de la dé867sion de
l’ensemble du personnel d’appui recruté parmi la communauté serbe du Kosovo .

984. Même dans les régions censées être c ontrôlées par le «gouvernement indépendant»,
celui-ci a beaucoup de mal à faire fonctionner un ap pareil judiciaire digne de nom et des services

de police efficaces, c’est-à-dire deux des éléments fondamentaux dont dépend l’existence d’un Etat
quel qu’il soit 868. La corruption et la criminalité, notamment les trafics en tous genres, sont très
répandus 869en raison de l’absence d’une véritable autorité étatique.

985. De fait, vu la forte présence internationale civile et de sécurité sur le territoire dans le

cadre de la résolution1244(1999); le fait que même les Etats qui ont poussé à l’adoption de la

862Rapport du Secrétaire général sur la Mission d’admini stration intérimaire des Nations Unies au Kosovo,
Nations Unies, doc. S/2008/692 (24 novembre 2008), p. 1, par. 2.

863Ibid. p. 2, par. 4.
864
Ibid.
865
Ibid. p. 3, par. 8.
866Ibid. Voir aussi le rapport du Secrétaire général sur la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies

au Kosovo, Nations Unies, doc. S/2008/458 (15 juillet 2008), p. 4, par. 9, et S/2009/149 (17 mars 2009), par. 14.
867Ibid.

868Commission des Communautés européennes, «K osovo (Under UNSCR 1224/99) 2008 Progress Report.
Document de travail des services de la Commission», Bruxelles, 5 novembre 2008, SEC(2008) 2697, p. 13, 15 et 53.

869Ibid., p. 15 et 54. - 229 -

DUI de la prétendue «République du Kosovo» ont dû négocier avec la Serbie sur des questions

concernant le Kosovo (comme EULEX) ; la vive résistance opposée par une partie de la population
à la tentative faite par les institutions d’exercer un pouvoir ultra vires ; et le fait que ces institutions
ne sont pas en mesure d’assurer le fonctionnement des rouages essentiels de l’Etat, on voit mal

comment l’on pourrait assimiler le prétendu «Gouvernement du Kosovo» au gouvernement effectif
d’un Etat indépendant.

C. L A RECONNAISSANCE PAR DES E TATS TIERS N ’EST PAS DECISIVE A ELLE SEULE

I. En elle-même, la reconnaissance par des Etats tiers ne vaut pas

licéité rétroactive et n’élimine pas l’illicéité

986. Le présent exposé écrit a établi que la DUI est incompatible avec le droit international

et le droit interne de la Républiq ue de Serbie. Il fait à présent valoir que la reconnaissance par un
certain nombre d’Etats ne peut annuler cette situa tion juridique ni légitimer la DUI. En particulier
et dans le cadre de cet argument, la résolution 1244 (1999), qui affirme clairement la souveraineté

et l’intégrité territoriale de la RFY dans le contex te de la situation du Kosovo, ne peut pas être
annulée ou éludée par la reconnaissance accordée par un certain nombre d’Etats. Au demeurant, ce
qui est manifestement illégal en droit internationa l ne saurait être rendu unilatéralement valide par

un ou plusieurs Etats.

1. La reconnaissance n’est pas constitutive du statut d’Etat

987. La reconnaissance des nouveaux Etats tient une place importante dans le processus
d’acceptation ou de confirmation du statut d’Etat des entités qui aspirent à devenir membres de la

communauté internationale, mais il ne faut pa s la confondre avec la création du statut d’Etat
proprement dite, qui est un processus bien distinct.

988. Que la thèse «constitutive» de la reconnai ssance du statut d’Etat ne soit pas acceptée
comme relevant du droit international est attesté par le fait que les Etats considèrent dans leur
immense majorité que l’octroi de la reconnaissance est un acte politique (bien qu’accompli dans un

cadre juridique) et, partant, laissé à la discrétion de l’Etat qui l’envisage. Dès l’instant que l’on
n’est en présence d’aucune illicéité, les Etats disposent d’un large pouvoir d’appréciation s’agissant
de reconnaître une entité en tant que nouvel Etat ou de ne pas le faire 87. Dugard et Raič ont conclu

qu’ «il faut bien comprendre que des considérations politiques influent bel et bien sur la décision
[de reconnaître] et peuvent amener un Etat à reconnaître une entité de façon prématurée ou de
refuser de le faire» 87.

989. La commission d’arbitrage de la conférence sur la Yougoslavie a souligné dans son avis
o 872
n 1 que «les effets de la reconnaissance par d’autres Etats ont un caractère purement déclaratif» .

990. En d’autres termes, le statut juridique préex istant ne peut pas être modifié sur le plan

juridique par l’acte de reconnaissance. Cela s oulève deux questions distinctes: premièrement,
celle de savoir si une nouvelle entité s’est établie d’une manière conforme au droit international et,

870
Voir, par exemple, M. Whiteman, Digest of International Law (1968), vol. II, p. 10 et Digest of US Practice in
International Law (1976), p. 19-20.
871
«The Role of Recognition in the Law and Practice of Secession» dans Secession: International Law
Perspectives (dir. publ. M. G. Kohen, 2006), p. 94, 98.
872ILM, vol. 31, 1494 (1992), pièce 38 des pièces et documents soumis à l’appui du présent exposé écrit. - 230 -

deuxièmement, celle de savoir si des Etats tiers ont décidé d’accepter les conséquences juridiques

de cette situation dans la mesure où c’est l’acte politique de reconnaissance qui leur importe. Nous
ne traiterons ici que la première question, en constatant simple ment que l’acte de reconnaissance
par un Etat tiers ne peut, sur le plan juridique et en tant que tel, constituer ou créer un nouvel Etat.

991. En d’autres termes, la pratique interna tionale se refuse systématiquement à accepter la
thèse suivant laquelle un nouvel Etat est créé uniquement par le biais et au moment de sa
reconnaissance par les Etats existants. Crawford développe comme suit l’argument essentiel :

«Si les Etats étaient libres de déterminer la dimension juridique ou les
conséquences juridiques de situations données et de le faire de façon définitive, le

droit international serait réduit à un mode de communication imparfait, à un système
d’enregistrement de l’assentiment ou de l’opposition des Etats sans aucune perspective
de règlement.» 873

992. Il poursuit ainsi :

«si la reconnaissance de l’Etat est définitive, il est difficile de concevoir une

reconnaissance illicite et impossible d’en concevoir une qui soit invalide ou nulle.
Pourtant, la nullité de certains actes de rec onnaissance a été acceptée dans la pratique,
et à juste titre ; s’il en était autrement, la reconnaissance constituerait une autre forme

d’ingérence,874tentiellement disponible à volonté et apparemment impossible à
contester.»

993. Un calcul politique de ce genre tient assurément compte d’un certain nombre de
caractéristiques de la situation donnée, mais il ne peut pas faire abstraction du contexte général du
droit international. La reconnaissance peut être accordée ou refusée pour des raisons politiques par

les Etats, mais elle ne peut l’être d’une façon qui transgresse le droit international. Surtout, dans le
cas qui nous occupe, la reconnaissance ne peut p as rendre valide un acte illicite. Elle n’est pas un
mécanisme créateur de droit dans le domaine du droit international.

994. Il est clair que la reconnaissance par un certain nombre d’Etats n’est pas en elle-même
constitutive du statut d’Etat en droit internationa l, sauf, naturellement, dans l’ordre juridique
interne de l’Etat qui accorde sa reconnaissance. Oppenheim résume la situation comme suit :

«L’octroi de la reconnaissance par un Etat est un acte unilatéral ayant des
incidences sur des relations bilatérales essen tielles et ne constitue pas l’Etat reconnu

en tant que membre de l’ensemble de la communauté internationaleni ne le déclare
comme tel… En vertu d’une large prati que des Etats, le simple fait qu’une
communauté prétend être un Etat indépendant ne lui donne pas automatiquement le
droit d’être considérée comme tel… Les Etats ont toute discrétion pour octroyer la

reconnaissance, mais celle-ci ne relève pas d’une décision arbitraire ou d’un
compromis politique: elle est octroyée ou refusée conformément à un principe
juridique. En vertu de ce principe…lors que l’on établit l’existence de certaines

873
Crawford, The Creation of States, op. cit., p. 20.
874
Ibid., p. 21. Note de bas de page omise. - 231 -

conditions de fait (qui ne sont pas en elles-mêmes incompatibles avec le droit 875
international), la reconnaissance est licite et compatible avec le droit international.»

2. Reconnaissance et affirmations illicites du statut d’Etat

995. Il s’ensuit que lorsque la situation ou l’affirmation du statut d’Etat est incompatible

avec le droit international, la reconnaissance devien t difficile. Toutefois, la question dont la Cour
est saisie ne porte pas sur le caractère licite ou illicite des reconnaissances de la prétendue
«République du Kosovo» qui ont été octroyées à cel le-ci, mais plutôt sur l’affirmation de

l’indépendance et l’argument dérivé qui peut être avancé en vertu duquel la reconnaissance a soit
montré la licéité de la DUI, soit en a éliminé l’illicéité. Or, la reconnaissance ne peut ni atténuer ni
légitimer en droit international ce qui constitue un acte illicite.

996. Il est acquis qu’un acte unilatéral illicite ne peut pas produire d’effets juridiques (ex
876
injuria jus non oritur) . En conséquence, la tentative fa ite par certains Etats pour appuyer la
création d’un nouvel Etat sur le territoire de la Serbie par le biais d’une reconnaissance est
dépourvue de toute importance juridique pour la présente procédure consultative.

3. La reconnaissance ne peut légitimer l’illicéité

997. On peut considérer que le principe ex injuria jus non oritur peut avoir trois
conséquences. En premier lieu, il entraînerait l’obligation de ne pas reconnaître la nouvelle
situation créée par l’acte illicite. Par exemple, le paragraphe 2 de l’article 41 des articles de la
877
Commission du droit international sur la responsabilité de l’Etat dispose qu’aucun Etat «ne doit
reconnaître comme licite une situation créée par une violation grave au sens de l’article40
[c’est-à-dire la violation grave d’une obliga tion découlant d’une norme impérative du droit
878
international général], ni prêter aide ou assistance au maintien de cette situation» . Une
obligation générale de non-reconnaissance peut, pa r exemple, découler de situations créées par
l’emploi illicite de la force. En deuxième lieu, le principe susvisé peut avoir pour conséquence de

créer, qu’il y ait ou non obligation de non-reconna issance, une obligation de ne pas accepter
comme valide cet acte illicite originel. En troisième lieu, et en liaison avec le deuxième point, le
principe ex injuria jus non oritur doit impliquer, au nom de la crédibilité, que la reconnaissance

d’une situation illicite ne peut pas en soi rendre licite ce qui ne l’est pas.

998. Cela revêt une importance particulière s’agi ssant de la présente affaire, dans laquelle la
Serbie fait valoir que les reconnaissances qui ont eu lieu ne peuvent pas avoi r pour effet de rendre
juridiquement valide l’acte illicite initial (c’est-à -dire la sécession non consensuelle du Kosovo de

la République de Serbie). C’est le point essentiel sous l’angle de la question posée à la Cour.

999. Il importe, aux fins de la présente affaire, de ne pas perdre de vue la distinction entre
l’acte initial et la question des événements ultéri eurs, et la question posée à la Cour concerne

875 e
Oppenheim’s International Law (dir. publ. R. Y. Jennings and A .D. Watts), (9 éd., 1992), p. 130 ; les
italiques sont de nous. Notes de bas de page omises.
876
Voir, par exemple, affaire relative au Projet Gabčíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), arrêt,
C.I.J. Recueil 1997, p. 76, par. 133, et opinion individuelle du juge Elaraby dans Conséquences juridiques de l’édification
d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif du 9 juillet 2004, C.I.J. Recueil 2004, p. 254, par. 3.1.
877Voir la résolution 56/10 de l’Assemblée générale ; voir aussi sa résolution 56/83.

878Voir aussi, par exemple, Conséquences juridiques de l’édificati on d’un mur dans le territoire palestinien
occupé, avis consultatif du 9 juillet 2004, C.I.J. Recueil 2004, p. 200, par. 159. - 232 -

manifestement l’acte initial lui-même. La question posée à la Cour est bel et bien celle de savoir si

«la déclaration unilatérale d’indépendance des in stitutions provisoires d’administration autonome
du Kosovo [est] conforme au droit international»; elle ne concerne pas la licéité ou l’illicéité des
actes ultérieurs de tierces parties. Il s’ensuit que la reconnaissance n’est pertinente du point de vue

de la question posée à la Cour que dans la mesure où elle éclaire l’acte initial de la déclaration
d’indépendance. A cet égard, l’élément important du principe ex injuria jus non oritur est le
troisième point qui établit, fait-on valoir, que l’illic éité de l’acte illicite ne peut pas être rendue

valide ou licite par la reconnaissance d’une tierce pa rtie. En tant que telles, les conséquences
politiques ou autres de la série de reconnaissances n’ont pas à entrer en ligne de compte.

1000. Dans l’affaire Renvoi relatif à la sécession du Québec , la Cour suprême du Canada a
examiné de façon détaillée et très minutieuse d es questions qui présentent de l’intérêt pour la
présente affaire. Elle a déclaré ce qui suit :

«Si la reconnaissance par les autres Et ats n’est pas, en théorie du moins,
nécessaire pour instaurer un Etat, la viabilité d’un Etat en puissance au sein de la
communauté internationale dépend, d’un point de vue pratique, de la reconnaissance

par les autres Etats. Ce processus de reconnaissance s’appuie sur des normes
juridiques. Toutefois, la reconnaissance internationale n’est pas à elle seule
constitutive du statut d’Etat et, surtout, elle ne s’appuie pas sur la date de la sécession

pour constituer à titre rétroactif la source d’un droit ‘licite’ de sécession. La
reconnaissance n’intervient qu’une fois qu’une unité territoriale est politiquement
parvenue à faire sécession.» 879

1001. La Cour suprême a poursuivi comme suit :

«Il pourrait se faire qu’une sécession unilatérale du Québec finisse par se voir
accorder un statut juridique par le Canada et les autres Etats et, de ce fait, produise des
effets juridiques; mais cela ne valide pas la thèse plus radicale selon laquelle la
reconnaissance ultérieure d’une situati on créée par une déclaration unilatérale

d’indépendance pourrait impliquer que la séce ssion a été obtenue sous le couvert d’un
droit juridiquement protégé.» 880

1002. La Cour suprême a développé comme suit cet argument :

«Bien que ni la Constitution ni le droit international ne prévoie de droit à une

sécession unilatérale, on ne peut écarter l’éventualité qu’une déclaration
inconstitutionnelle de sécession débouche sur une sécession de facto. En dernière
analyse, le succès d’une telle sécession dépendrait de la reconnaissance par la

communauté internationale, qui prendrait probablement en considération la licéité et la
légitimité de la sécession, au vu, not amment, du comportement du Québec et du
Canada, pour décider d’accorder ou de refuser la reconnaissance. Même si elle était

accordée, cette reconnaissance n’apporterait t outefois aucune justification rétroactive
de l’acte de sécession, que ce soit au regard de la Constitution ou du droit
international.» 881

879Affaire Renvoi relatif à la sécession du Québec [1998] 2 RCS, p. 217, par. 142.
880
Ibid., par. 144 ; les italiques sont de nous.
881Ibid., par. 155 ; les italiques sont de nous. - 233 -

1003. La Cour suprême du Canada a présenté trois arguments essentiels. Premièrement, le
processus intérieur est important et ne peut, à tout le moins, qu’influer sur le point de vue et le

comportement de la communauté internationale. En d’autres termes, le fait qu’une sécession a été
accomplie dans le respect de normes internes vali des et est, de ce fait, constitutionnellement
légitime sera probablement une considération importante dans le processus de reconnaissance et,

partant, incitera les Etats tiers à accorder une reconnaissance jugée politiquement et juridiquement
acceptable. Inversement, et de façon tout aussi importante, une sécession obtenue en violation du
droit applicable se heurtera à des difficultés accr ues dans le cadre du processus de reconnaissance
politique et soulèvera la question de l’illicéité. La conformité ou l’absence de conformité aux

procédures constitutionnelles doit donc être un aspect méthodologiquement important du processus
de reconnaisance par les Etats tiers, bien qu’il s’agisse là d’une question foncièrement différente de
celle de l’illicéité qui est posée à la Cour.

1004. Deuxièmement, l’affaire Renvoi relatif à la sécession du Québec souligne que la
reconnaissance par des Etats tiers constitue un processus qui a des incidences sur la viabilité et
l’effectivité sur la scène internationale, mais elle ne peut en elle-même modifier la licéité ou

l’illicéité de l’acte initial d’indépendance ou de sécession. La reconnaissance en droit international
concerne la conduite de relations internationales, non la modification de règle juridiques ou de
situations juridiques existantes.

1005. Troisièmement, l’affaire est l’occasion de rappeler que la reconnaissance ne peut pas
légitimer en droit à titre rétroactif ce qui est déjà établi comme illicite. La reconnaissance ne

saurait se reporter à l’ordre juridique interne d’un Etat donné pour en modifier les normes
juridiques et leur application, et elle ne peut p as non plus reclasser rétroactivement le statut d’un
acte illicite au regard du droit interne ou du droit international.

II. Kosovo : le bilan disparate de la reconnaissance
et de la non-reconnaissance

er
1006. Au 1 avril 2009, 56 Etats ont reconnu l’indépendance du Kosovo. Pour dire les
choses autrement, 136 Etats Membres de l’ONU n’ont pas reconnu le Kosovo. Ces Etats sont la
Fédération de Russie, la Chine, l’Inde, le Pakistan, le Brésil, l’Argentine, l’Afrique du Sud,
l’immense majorité des Etats d’Afrique et d’Asie et la plupart des Etats d’Amérique latine. Non

seulement on relève un manque de cohérence dans la reconnaissance, mais les reconnaissances qui
ont été accordées l’ont surtout été en Europe. La reconnaissance du Kosovo par une minorité
d’Etats ne prouve pas grand-chose sur la scène internationale et ne peut assurément pas être utilisée

pour démontrer l’existence d’une pr atique internationale de l’accep tation du statut d’Etat pour le
Kosovo. On ne peut certainement pas souten ir qu’un tel déséquilibre géographique de la
reconnaissance constitue une pratique permettant de légitimer la déclaration illicite
d’indépendance en droit international.

1007. Surtout, cette reconnaissance du Kosovo n’a pas englobé la qualité de membre de
l’ONU, qui confirmerait de façon décisive l’existence du statut d’Etat. Comme l’a relevé Dugard,

l’ONU «est pour ainsi dire devenue l’arbit882colle ctif du statut d’Etat par le biais du processus
d’admission et de non-reconnaissance» .

882
J. Dugard, Recognition and the United Nations (1987), p. 102. - 234 -

III. Conclusion

1008. On peut donc tirer les conclusions suivantes :

i) La reconnaissance en tant que telle n’est pas, en droit international général, constitutive du

statut d’Etat ;

ii) la reconnaissance est en substance un acte politique et discrétionnaire d’un Etat qui n’a
d’effets déterminants que dans l’ordre juridique interne et sur le plan des relations

bilatérales avec l’Etat reconnu ;

iii) en conséquence, la reconnaissance ne peut établir le caractère licite de l’affirmation de

l’indépendance d’un prétendu Etat d’une ma nière qui soit contraignante en droit
international ;

iv)un acte illicite ne peut pas, pour une ques tion de principe, être créateur de droits

juridiquement protégés ;

v) la reconnaissance en tant que telle ne pe ut pas légitimer un acte illicite ni le reclasser
comme acte licite ;

vi)d’ailleurs, la longue liste d’Etats n’ ayant pas reconnu le Kosovo et le fait qu’ils
représentent toutes les régions du monde décréd ibilisent la thèse de la légitimation de la

déclaration d’indépendance juridiquement viciée des institutions provisoires
d’administration autonome du Kosovo ;

vii) le fait que l’ONU n’a pas admis le Kos ovo en qualité de membre est un autre exemple

d’un comportement international traduisant le caractère inacceptable de la thèse selon
laquelle un nouvel Etat a été valablement créé.

D. LE DROIT INTERNATIONAL ACTUEL NE RESTE PAS « NEUTRE »
A L ’EGARD DES TENTATIVES SECESSIONNISTES ILLICITES

1009. Certains auteurs ont soutenu que le dro it international ne régl emente pas la sécession
883
et que, partant, celle-ci n’est ni autorisée ni interdite par le droit international . Cette soi-disant
neutralité du droit international peut amener certa ins à soutenir que la question que l’Assemblée
générale a posée à la Cour ne pourrait pas recevoir de réponse ou, tout au moins, serait dénuée de

toute conséquence pratique. D’aucuns peuvent considérer que la question à l’examen a un
caractère purement politique. Tel n’est pas le cas, comme le présent exposé écrit en apporte la
preuve.

1010. En fait, l’allégation de «neutralité» du droit international en ce qui concerne la
sécession n’est que le dernier effort fait pour justifier sur le plan juridique ce qui est une tentative

illicite de faire sécession d’un Etat reconnu et d’un Membre des Nations Unies. Une telle
allégation revient à affirmer que le droit international ne s’applique pas aux tentatives de sécession,
que l’acte à l’examen n’est ni illicite ni licite.

883Par exemple, Thomas Franck considère que «[le droit international postcolonial] semb le ne pas prendre parti ;
il essaie plutôt, modestement, de ne réglementer et de n’atténuer d’une façon humanitaire que les effets les plus délétères
d’un sécessionnisme tribal postmode rne omniprésent», T. Franck, Fairness in International Law (1995), p. 159. Pour
une analyse critique de cette conception, voir Olivier Corten, «L e droit international est-il lacunaire sur la question de la

sécession ?» dans M. G. Kohen (dir. publ.), Secession. International Law Perspectives (2006), p. 231-254. - 235 -

1011. Dans un but d’exhaustivité, la présente sectio n traite de la doctrine de la «neutralité»,
compte tenu en particulier des positions prises par certa ins Etats. En fait, les Etats qui appuient un
Kosovo «indépendant» et qui ont reconnu un Kosovo «indépendant» en un délai record ont pris

soin d’éviter de procéder à une analyse juridique de la DUI, la raison en étant naturellement sa
non-conformité au droit international. Les ar guments de ces Etats reposent donc uniquement sur

des considérations politiques.

1012. A cet égard, on peut mentionner la position du Royaume-Uni lorsqu’il a estimé que la
requête pour avis consultatif de la Cour était mue «essentiellement par des raisons politiques, et
non juridiques» 884. De même, Mme DiCarlo a, au nom des Etats-Unis d’Amérique, déclaré que

«[n]ous pensons qu’il n’est ni approprié ni juste de demander à la Cour de donner 885avis sur une
question qui relève essentiellement du jugement des Etats Membres» . Dans le même esprit,
M.McNee a, au nom du Canada, indiqué que «[ n]ous pensons toutefois que ce cas soulève des
886
questions éminemment politiques qui se prêtent mal à un examen judiciaire» .

1013. Même si la «neutralité» n’est mani festement pas la position défendue par le
Royaume-Uni, comme il ressort d’une lettre du 1er octobre 2008 distribuée à l’Assemblée générale
dans laquelle le Gouvernement britannique a affirmé que la licéité de la DUI ne fait pour lui aucun
887
doute , ce gouvernement semble ne pas avoir tranché la question de la possibilité d’avancer un tel
argument. Il a déclaré que «[d]e nombreux Etats ont accédé à l’indépendance dans des
888
circonstances qui, à l’époque, étaient controversées» . On ne voit pas bien de quels Etats le
Gouvernement britannique veut parler. En fait, depuis la création de l’ONU, tous les nouveaux
Etats sont nés dans des circonstances licites, soit à la faveur de la décolonisation, d’une résolution

de l’Assemblée générale ou de la dissolution de l’Etat originel, soit avec le consentement de ce
dernier. On ne peut citer aucun cas dans lequel la création de l’Etat ait eu une autre cause.

1014. De plus, le Gouvernemen t britannique évoque, dans la lettre susvisée, «la réalité
pratique de ces circonstances» qui «justifie(rait) une reconnaissance plus large» de l’indépendance
889
du Kosovo . Cette allégation semble étayer l’a ffirmation selon laquelle la question de
l’indépendance du Kosovo doit être traitée avec «pra gmatisme» et compte tenu de la «réalité». Le
droit semble entièrement oublié.

1015. Les chapitres précédents ont apporté la preuve que le droit international est loin d’être

«neutre». Bien au contraire, le système juridique international énonce de la façon la plus claire des
prescriptions rigoureuses en matière de sécession, en la considérant comme illicite dans la plupart

des circonstances et comme licite dans quelques cas limités seulement. Ces chapitres ont
également démontré que la DUI n’est pas conforme à ces prescriptions et, partant, n’est pas
conforme au droit international.

884
Déclaration de sir John Sawers au nom du Royaume-Uni, Nations Unies, doc. A/63/PV.22 (8octobre2008),
p. 3.
885
Déclaration de Mme DiCarlo au nom des Etats-Unis d’Amérique, ibid., p. 6.
886Déclaration de M. McNee au nom du Canada, ibid., p. 12.

887Lettre datée du 1 octobre 2008, adressée au président de l’Assemblée générale par le représentant permanent
du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord aupr ès de l’Organisation des Nati ons Unies, NationsUnies,
doc. A/63/461 (2 octobre 2008).

888Annexe à la lettre du 1eroctobre 2008, adressée au président de l’ Assemblée générale par le représentant
permanent du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord auprès de l’Organisation des Nations Unies, ibid.,
par. 8.

889Ibid., par. 10. - 236 -

1016. La première sous-section suivante expliquera pourquoi ce que l’on appelle le «principe
de liberté» (ou « Lotus principle» en anglais), selon lequel «tout ce qui n’est pas i
nterdit est
autorisé», n’est pas applicable au cas de la DUI. La seconde sous-section montrera ensuite qu’en

revanche, le principe ex injuria jus non oritur est manifestement applicable à la question à
l’examen, et il découle de l’appli cation de ce principe que la créa tion d’un nouvel Etat ne peut pas

intervenir si elle n’est pas conforme au droit international.

I. Le «principe de liberté» («Lotus principle») ne
s’applique pas au cas du Kosovo

1017. Le principe selon lequel «tout ce qui n’est pas interdit par la loi est réputé être
autorisé» est souvent appelé « Lotus principle» («principe de liberté») depuis que la Cour
permanente de Justice internationale l’a appliqué dans l’affaire du Lotus ayant opposé la France et
890
la Turquie . Ceux qui essaient de transplanter cette notion dans le domaine de la sécession
soutiennent que, puisque la sécession n’est pas inte rdite par le droit international, elle doit être
autorisée. Cette thèse débouche sur deux conclusions l’une et l’autre peu plausibles : a) soit le droit

de sécession existe, soit b) la question n’est pas traitée par le droit international et, par conséquent,
il existerait, sinon un droit, au moins une sorte d’autorisation de faire sécession 891.

Indépendamment du champ d’application controversé et des questions concernant la validité et
l’application de ce principe en droit internati onal, on se propose ici de montrer qu’il n’existe
aucune possibilité d’appliquer le principe de liberté au cas du Kosovo.

1018. On peut dire d’emblée que dans l’arrêt du «Lotus», la CPJI a fait observer que «[l]es
892
limitations de l’indépendance des Etats ne se présument ... pas» . Comme l’a relevé Crawford,
«[l]a Cour n’avait pas à s’occuper de la positi on d’entités non étatiques, tels que les groupes
sécessionnistes» 893. On voit que, même si le principe de liberté s’applique dans le cadre décrit plus

haut, on ne peut pas l’invoquer en ce qui concerne la sécession.

1019. Les chapitres précédents ont amplement démontré que les règles du droit international
s’appliquent manifestement aux cas de sécession et que la sécession n’est donc pas exclusivement
déterminée par la «force normative des faits». Bien au contraire, le droit international joue un rôle

de plus en plus important en matière d’interdic tion de la création d’un Etat même dans les cas où
un «Etat» semble effectivement exister, lorsque la création et l’existence de cette entité sont
incompatibles avec les principes et règles applicables.

1020. Nul ne conteste que certaines questions ne sont pas régies par le droit international.

En pareil cas, les Etats et les autres sujets de dro it international ont toute latitude pour adopter le
comportement qu’ils jugent approprié. Toutefois, les choses ne s’arrêtent pas là. Si une question

ne relève pas du droit international, le système juridique international peut considérer qu’elle relève
du droit interne. Les exemples sont légion. La détermination de la nationalité et les mécanismes et
compétences internes en matière de conclusion des traités sont deux de ces exemples.

890Affaire du Lotus, arrêt n 9, 1927, C.P.J.I. série A n 10.

891Voir Thomas Franck, «Opinion Directed at Question 2 of the Reference» dans Anne F. Bayefsky (dir. publ.),
Self-Determination in International Law. Quebec and Lessons Learned. Legal Opinions Selected and Introduced by
Anne F. Bayefsky (2000), p. 77-79.

892Affaire du Lotus, arrêt n 9, 1927, C.P.J.I. série A n 10, p. 18.
893
«Response to Experts Reports of the Amicus Curiae», dans Anne F. Bayefsky (dir. pub.), Self-Determination
in International Law. Quebec and Less ons Learned. Legal Opinions Select ed and Introduced by AnneF.Bayefsky
(2000), p. 162. - 237 -

1021. Le fait qu’une question soit régie par le droit interne ne veut pas dire que le droit

international lui demeure complètement étranger. Le droit international joue un rôle à deux
niveaux : premièrement, en offrant un cadre au droit interne (les réglementations internes doivent
respecter le droit international), et deuxièmement, en considérant qu’une question peut devenir

internationale à un certain stade ⎯ ce qui est généralement détermin é par le droit international.
Cette classification vaut également pour la sécession. En dehors des exceptions déjà
mentionnées 894, le droit international considère que la sécession relève du domaine de la

compétence interne des Etats. C’est la raison pour laquelle il est largement admis, même par les
partisans de la sécession, que les autorités centrales ont le droit de recourir à tous les moyens

⎯ tout en respectant les règles internationales app licables, telles que celles relatives aux droits de
l’homme et les règles du droit humanitaire applicables dans les conflits internes ⎯ pour s’opposer
à une tentative de sécession. On peut citer un certain nombre d’exemples de cette conception.

1022. C’est ainsi que le Royaume-Uni a reconnu et appuyé la souveraineté et l’intégrité
territoriale de la Fédération de Russie lorsque le mouvement sécessionni ste armé dirigé par

M.Dzhokhar Dudayev dans la provi nce russe de Tchetchénie a prét endu déclarer unilatéralement
l’indépendance. Le Royaume-Uni a fait observer que

«l’exercice du droit [à l’autodétermination] doit également tenir compte ... du respect
du principe [de l’] intégrité territoriale de l’Etat unitaire. Dans le cas de la
Tchetchénie … nous avons à maintes repri ses demandé aux Russes d’élaborer une

solution politique qui permettrait au 895ple tc hetchène d’exprimer son identité dans le
cadre de la Fédération de Russie.»

1023. Pour sa part, le Conseil européen a déclaré qu’il

«ne remet en question ni le droit de la Russie de préserver son intégrité territoriale ni

celui de combattre le terrorisme. Toutefois, la lutte contre le terrorisme ne saurait,
quelles que soient les circonstances, justifier la destruction de villes, ni le fait de les
vider de leurs habitants ou de considérer toute une population comme terroriste.» 896

1024. De même, les Etats-Unis d’Amérique ont déclaré ce qui suit :

«Nous appuyons la souveraineté et l’inté grité territoriale de la Fédération de
Russie… Nous dénonçons les tentatives faites pour modifier les frontières
internationales par la force, que ce soit sous la forme d’une agression menée par un

Etat contre un autre ou sous la forme de mouvements sécessionnistes armés tels que
celui que dirige Dzhokhar Dudayev. C’est la raison pour laquelle nous avons dit que
nous considérons la Tchetchénie comme une question que le Gouvernement russe et le

peuple tchetc897e devront régler de concert et par des moyens pacifiques et
politiques.»

1025. D’une façon générale, le cas de l’indépendance du Kosovo est une question qui relève
du droit interne. D’un autre côté, elle est égalem ent régie par le droit international, du fait de

894Voir supra par. 952 et suiv.
895
563 HL Deb Col. 476, 18 avril 1995, repris dans 66 British Year Book of International Law (1995), p. 621.
896
Conseil européen d’Helsinki, 10 et 11 décembre 1999, conclusions de la présidence, annexe II, déclaration sur
la Tchetchénie, par. 2. Disponible à l’adresse ://www.ena.lu/.
897Ministre adjoint des affaires étrangères Talbott (1995) 6 US Department of State Dispatch 119, p. 120. - 238 -

l’existence d’un régime international établi par la résolution1244(1999) du Conseil de sécurité.
Les institutions provisoires d’administration auto nome sont une création internationale et sont
tenues de respecter le cadre juridi que international qui a présidé à leur création et dans lequel elles

exercent leurs fonctions. A ce titre,898les doivent notamment, comme indiqué plus haut, respecter
l’intégrité territoriale de la Serbie .

1026. Le cas du Kosovo peut être distingué des questions dont la Cour a déterminé qu’elles
ne relevaient pas du droit interna tional. Il s’agit, par exemple ⎯ en l’absence d’une obligation

conventionnelle spécifique liant les Etats concernés ⎯, de la détermination du régime d’une zone
franche, de la manière de mettre fin à un asile di plomatique qui n’a pas été accordé conformément
au droit international, de la question de savoir à qui attribuer une priorité s’agissant d’assurer une

protection fonctionnelle ou une protection diplomatique dans le cas d’un fonctionnaire international
qui a la nationalité d’un Etat donné, et du niveau d’armements d’un Etat.

1027. Dans l’affaire du Nicaragua, par exemple, la Cour a jugé que la mesure dans laquelle
le niveau d’armements d’un Etat pe ut être limité n’était pas une question réglementée par le droit

international, à moins que les Etats n’aient accepté d’être liés par des règles limitant leurs actions
sous la forme d’un traité ou sous une autre forme. La situation au Kosovo est très différente en ce
qu’elle est spécifiquement régie par la résolution12 44(1999) du Conseil de sécurité, qui est une

résolution contraignante.

1028. Dans l’affaire des Zones franches de la Haute-Savoie et du Pays de Gex , la Cour a

refusé de déterminer le régime applicable aux zones en question, car, selon son interprétation du
compromis d’arbitrage, les parties comptaient conclure un accord entre elles à ce sujet 899.

1029. Dans la «situation nouvelle» à laquelle elle se trouvait confrontée dans l’affaire de la
Réparation des dommages subis , la Cour a estimé que l’ONU avait la capacité de présenter des

réclamations int900ationales à la fois contre des Etats Membres et des Etat non membres de
l’Organisation . Il restait toutefois à trancher la ques tion de savoir qui, de l’Etat national de la
victime ou de l’Organisation qui employait celle -ci, avait priorité s’agissant d’assurer une

protection soit diplomatique soit fonctionnelle. La Cour a déclaré ce qui suit :

«En pareil cas, il n’existe pas de règle de droit qui attribue une priorité à l’un ou

à l’autre, ou qui oblige soit l’Etat soit l’ Organisation à s’abstenir de présenter une
réclamation internationale. La Cour ne c onçoit pas pourquoi les parties intéressées ne
pourraient trouver des solutions inspirées par la bonne volonté et le bon sens ; et, pour

les rapports entre l’Organisation et ses Membres, elle attire l’attention sur le devoir de
ceux-ci de donner ‘pleine assistance’, devoir prév u par l’article 2, paragraphe 5, de la
Charte.» 901

1030. Dans l’affaire Haya de la Torre , la Cour a estimé qu’il convenait de mettre fin à
l’asile, même si le Gouvernement colombien n’étai t pas obligé de remettre l’intéressé aux autorités

péruviennes. La Cour ne s’est pas prononcée sur la manière de résoudre concrètement la situation,
en indiquant qu’

898Voir supra par. 728 et suiv.
899 o
Zones franches de la Haute-Savoie et du Pays de Gex, arrêt, 1932, C.P.J.I. série A/B n 46, p. 152.
900
Réparation des dommages subis au service des Nations Unies, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1949, p. 185.
901Ibid., p. 185-186. - 239 -

«[e]lle ne saurait donner aucun conseil pra tique quant aux voies qu’il conviendrait de

suivre pour mettre fin à l’asile, car, ce faisant, elle sortirait du cadre de sa fonction
judiciaire. Toutefois, il est à présumer que, leurs rapports juridiques réciproques se
trouvant désormais précisés, les Parties seront en mesure de trouver une solution

pratique satisfaisante, en s’inspirant des considérations de courtoisie et de bon
voisinage qui, en matière d’asile, ont toujours tenu une très large place dans les
relations entre les républiques de l’Amérique latine.» 902

La Cour a donc laissé aux deux pa rties le soin de s’entendre pour trouver une solution pratique au
litige.

1031. Aucune des situations desquelles la C our a eu à connaître dans les quatre affaires
susvisées ne se retrouve dans la présente procédure consultative. L’affaire dont la Cour est saisie
met en jeu à la fois des principes de droit international général et des résolutions spécifiques du

Conseil de sécurité adoptées en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies.

1032. La question posée par l’Assemblée générale soulève celle de la licéité ou de l’illicéité
d’un certain acte. En l’espèce, la Cour est manifestement en mesure de déterminer si la DUI est ou
n’est pas conforme à la résolution1244(1999) du Conseil de sécurité en ce qui concerne le
principe du respect de l’intégrité territorial e des Etats, de l’égalité de droits et de

l’autodétermination des peuples, et de toute autre règle réputée applicable.

II. Ex injuria jus non oritur : un Etat ne peut
pas ête créé dans l’illicéité

1033. On voit que non seulement le droit intern ational ne demeure pas «neutre» dans le cas

de la sécession, mais il régit la question et impose comme condition de l’existence d’un nouvel Etat
la licéité de sa création. A cet égard, le principe ex injuria jus non oritur est manifestement
applicable.

1034. La Cour a appliqué le principe ex injuria jus non oritur dans l’affaire relative au Projet
Gabčíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), lorsqu’elle a affirmé l’ap plicabilité du traité de1977

en dépit du fait qu’il avait été violé par les deux parties. S’agissant des actes et omissions des
parties, elle a indiqué ce qui suit :

«[c]ela ne signifie pas que les faits ⎯ en l’occurrence, des faits qui découlent de
comportements illicites ⎯ déterminent le droit. La Cour fait droit au principe ex
injuria jus non oritur lorsqu’elle conclut que les relations juridiques créées par le traité

de 1977 subsistent et ne s903aient en l’espèce être considérées comme annulées par un
comportement illicite.»

1035. Ainsi que le juge Elaraby l’a affirmé da ns l’exposé de son opinion individuelle qu’il a
joint à l’avis consultatif de la Cour sur les Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans

902
Affaire Haya de la Torre (Colombie/Pérou), arrêt, C.I.J. Recueil 1951, p. 83.
903Affaire relative au Projet Gab číkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaqui e), arrêt, C.I.J.Recueil199, p.76,
par. 133. - 240 -

le territoire palestinien occupé, «[l]e principe général selon leque l un acte illicite ne peut créer de
904
droits ⎯ ex injuria jus non oritur ⎯ est un principe reconnu du droit international» .

1036. La Cour suprême du Canada a également appliqué ce principe en ce qui concerne la
sécession :

«On peut également dire que si la tentative de sécession devait aboutir, un

nouvel ordre juridique serait créé dans cette province, qui serait alors considérée
comme un Etat indépendant. Pareille affirmation est une constata tion de fait, non un
énoncé du droit. Elle peut être vraie ou fau sse ; en tout état de cause, elle n’a aucun

rapport avec les questions de droit qui nous occupent. Si, d’un autre côté, elle est
présentée comme un énoncé du droit, elle revient simplement à dire que la loi peut être
violée dès l’instant qu’elle peut l’être avec succès. Une telle opinion est contraire à la
905
prééminence du droit et doit être rejetée.»

1037. De plus, un acte illicite qui prétend créer un Etat en violation du droit international ne

peut pas être légitimé par l’affirmation selon laquelle une situation de facto a été créée qui modifie
le statut du territoire du point de vue du droit. L’«Etat» s’entend d’un sujet de droit international ;
il ne s’agit pas simplement d’un terme que l’on applique à des faits sur le terrain. Comme on l’a vu

plus haut, l’effectivité doit être assortie de la licé ité avant qu’une revendication de statut d’Etat ne
puisse être acceptée comme conforme au droit international.

1038. En résumé, l’application du droit international amène à conclure que la DUI n’était pas
conforme au droit international et qu’elle ne produit pas les effets que ses auteurs lui attribuent.

E. C ONCLUSIONS

1039. Le présent chapitre a montré qu’il n’existe pas d’autre argument juridique pouvant être

invoqué pour justifier la validité de la DUI. En particulier :

i) Le droit interne n’a pas accordé de droit de sécession au territoire du Kosovo.

ii) Le Kosovo n’est pas un territoire qui a été placé sous souveraineté serbe sous certaines
conditions ou sur la base d’un acte illicite, telle qu’une annexion.

iii)L’Etat originel et souverain juridi que reconnu n’a jamais consenti à la sécession du
Kosovo, que ce soit avant ou après la DUI.

iv) On ne peut pas invoquer l’effectivité pour ju stifier la DUI, que ce soit au moment de la

déclaration ou par la suite.

v) En tout état de cause, la soi-disant «R épublique du Kosovo» ne répond pas aux conditions

matérielles d’un Etat indépendant.

vi) La reconnaissance, qui n’est pas constitutive du statut d’Etat en droit international général,
ne saurait faire disparaître le caractère illicite de la sécession.

904
Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palesti nien occupé, avis consultatif du 9
juillet 2004, C.I.J. Recueil 2004, opinion individuelle du juge Elaraby, p. 254, par. 3.1.
905Affaire Renvoi relatif à la sécession du Québec [1998] 2 RCS 217, 20 août 1998, par. 107-108. - 241 -

vii) En conséquence, la reconnaissance ne peut pas, en droit international, déterminer d’une
manière contraignante le caractère licite de l’affirmation d’indépendance d’un prétendu

Etat et elle ne peut pas non plus, en tant que telle, rendre légitime un acte illicite ni le
définir comme licite.

viii)D’ailleurs, la longue liste d’Etats n’ ayant pas reconnu le Kosovo et le fait qu’ils

représentent toutes les régions du monde décréd ibilisent la thèse de la légitimation de la
déclaration d’indépendance juridiquement viciée des institutions provisoires
d’administration autonome du Kosovo.

ix) Le droit international ne demeure pas «neutre» en matière de sécession, mais stipule plutôt
qu’elle est illicite à moins que certaines conditions n’aient été remplies ⎯ conditions qui,
à l’évidence, ne sont pas réunies dans le cas du Kosovo.

x) En conséquence, on a de toute évidence affaire, dans le cas du Kosovo, à une sécession
dépourvue de tout fondement juridique. - 242 -

C HAPITRE 11

POSITION DE LA SERBIE ET CONCLUSIONS

A. P OSITION DE LA SERBIE

1040. Pour les raisons indiquées dans le pr ésent exposé écrit, la République de Serbie
soutient respectueusement ce qui suit :

i) Conformément à l’article 65 de son St atut, la Cour a compétence pour donner l’avis

consultatif demandé par l’Assemblée générale dans la présente affaire, car la demande lui
a été adressée par un organe dûment habilité au sens du paragraphe 1 de l’article 96 de la
Charte des Nations Unies et porte sur une question juridique.

ii) Il n’existe aucune raison décisive suscep tible d’empêcher la Cour de donner son avis
consultatif.

iii) Le Kosovo demeure placé sous le régime juridique international établi par le Conseil de

sécurité en vertu du chapitre VII de la Char te des Nations Unies; seul le Conseil de
sécurité peut modifier ce régime juridique international ou y mettre fin.

iv)La résolution1244(1999) du Conseil de sécurité est la pierre angulaire du régime

juridique international pour le Kosovo, lequel comprend également les décisions et
règlements adoptés par le représentant spécial du Secrétaire général au Kosovo, en
particulier le cadre constitutionnel qui a créles institutions provisoires d’administration
autonome du Kosovo et réglementé leurs pouvoirs.

v) Le principe de l’intégrité territoriale des Etats est l’un des éléments fondamentaux du droit
international :

⎯ il ressort de la pratique du Conseil de sécur ité que l’obligation de respecter l’intégrité
territoriale s’étend au-delà des Etats et lie les acteurs non étatiques dans des situations
marquées par des tentatives non consensuelles de violer l’intégrité territoriale d’Etats
indépendants ;

⎯ En outre, les résolutions du Conseil de sécur ité qui traitent de la situation dans
l’ex-Yougoslavie d’une façon générale et du Kosovo en particulier démontrent

clairement l’intention du Conseil de lier les dirigeants et la communauté des Albanais
du Kosovo par le principe de l’intégrité territoriale de la Serbie.

⎯ En particulier, l’intégrité territoriale de la RFY/Serbie a été réaffirmée dans la

résolution 1244 (1999) du Conseil.

vi) En prétendant créer un Etat indépendant sur le territoire de la Serbie, la DUI porte atteinte
à l’intégrité territoriale de la Serbie, réaffirm ée au plan international et garantie par les

normes du droit international.

vii) Le droit à l’autodétermination n’autorise pas à faire sécession d’un Etat indépendant de
manière non consensuelle.

viii)En tout état de cause, le Kosovo ne constitue pas une unité territoriale valablement
concernée par l’autodétermination en droit international, et la population du Kosovo ne
constitue pas un «peuple» aux fins de l’autodétermination en droit international. - 243 -

ix) La DUI est un acte ultra vires de l’Assemblée du Kosovo qui est incompatible avec le
régime juridique international établi pour le Kosovo. En particulier,

⎯ en proclamant le Kosovo «Etat indépendant et souverain», l’Assemblée du Kosovo a
agi ultra vires et violé la résolution1244(1999) et le cadre constitutionnel selon
lesquels l’Assemblée est une institution pr ovisoire d’administration autonome qui n’a

pas le pouvoir de décider du statut juridique international du territoire ;

⎯ en assumant des pouvoirs constitutionnels, l’Assemblée a agi ultra vires au regard du
cadre constitutionnel ;

⎯ en «invitant» des missions internationales au Kosovo, en prétendant établir les
«frontières internationales» du Kosovo, conduire les relations internationales, assumer

des obligations internationales et demander à ce que le Kosovo devienne membre
d’organisations internationales, l’Assemblée a agi ultra vires au regard de la
résolution 1244 (1999) et du cadre constitutionnel.

x) La DUI remet en question les compétences que le Conseil de sécurité tient de la Charte des
Nations Unies d’une façon générale et les pouvoi rs que lui confère le chapitre VII de la
Charte en particulier en prétendant mettre fin unilatéralement au statut intérimaire du
Kosovo établi en vertu du chapitre VII et au mandat des présences internationales défini

par la résolution1244(1999), violant par là même ladite résolution et le cadre
constitutionnel qui définit le Kosovo comme «une entité placée sous une administration
internationale intérimaire».

xi)La DUI transgresse l’autorité administrative suprême au Kosovo créée par la
résolution 1244 (1999) et empiète sur les pouvoi rs exclusifs que le cadre constitutionnel a
conférés au représentant spécial du Secrétaire général.

xii) En tentant d’une façon unilatérale et illic ite de modifier le statut juridique intérimaire
actuel du Kosovo, la DUI passe outre aux im pératifs procéduraux de la conduite des
négociations fixés par la résolution 1244 (1999) ; elle passe également outre aux impératifs
techniques de la conduite des négociations et d’un règlement final énoncés dans ladite

résolution, en particulier l’intégrité territoriale et la souveraineté de la Serbie, garanties par
la résolution.

xiii) La situation du Kosovo ne relève d’aucune des situations exceptionnelles dans lesquelles

un «droit de sécession» pourrait exister en droit international général puisque

⎯ le Kosovo n’a jamais disposé d’un droit de sécession en vertu du droit interne de la
Serbie (qui a succédé à la RFY et à la Communauté étatique de Serbie-et-Monténégro)

ou de celui de la RFSY ;

⎯ le Kosovo n’a pas été illicitement annexé par la Serbie ; au contraire, son rattachement
à la Serbie est internationalement garanti depuis 1913 ;

⎯ la Serbie, en tant qu’Etat originel et s ouverain juridique reconnu, n’accepte pas la
sécession du Kosovo, qui continue de faire partie intégrante de son territoire.

xiv) La prétendue existence d’un «gouvernement» effectif au Kosovo (nié par la Serbie) n’est
pas suffisante pour assurer le statut d’Etat. De plus, il n’a pas été satisfait, dans la présente
affaire, à l’impératif du respect des règles applicables du droit international.

xv) Le droit international actuel n’est pas «neu tre» dans les affaires de sécession et exige que
soit remplie, pour qu’un nouvel Etat puisse exister, la condition de la licéité de sa création. - 244 -

xvi) En tout état de cause, il n’existe pas de gouvernement indépendant effectif au Kosovo, qui
reste un territoire sous administration internationale: la KFOR continue d’assurer la

sécurité au Kosovo, tandis que la MINUK continue d’y opérer conjointement avec
EULEX, la Mission de l’Union européenne, qui ag it sous l’autorité générale de l’ONU et
conformément à la résolution 1244 (1999).

xvii)Le fait que le Kosovo ait été reconnu par un certain nombre d’Etats ne peut effacer ou
légitimer en aucune manière l’illicéité de la DUI au regard du droit international, en raison
des caractéristiques inhérentes du principe de r econnaissance en droit international et eu
égard au principe ex injuria jus non oritur. En tout état de cause, il ne saurait être affirmé

que l’ensemble de la communauté internati onale a reconnu le Kosovo en tant qu’Etat
indépendant, comme en témoigne la longue liste des Etats de toutes les régions du monde
qui ne l’ont pas reconnu. Toute affirmation sel on laquelle il y aurait eu «légitimation» de
la DUI illicite s’en trouve encore davantage fragilisée et contredite.

B. C ONCLUSIONS

1041. Pour les raisons indiquées dans le présent exposé écrit, la Serbie soumet
respectueusement les conclusions suivantes :

i) La Cour a compétence pour donner l’avis consultatif demandé par l’Assemblée générale

dans sa résolution 63/3 du 8 octobre 2008, et il n’existe aucune raison décisive susceptible
d’empêcher la Cour de donner cet avis ;

ii)la déclaration unilatérale d’indépe ndance adoptée par l’Assemblée du Kosovo le

17 février 2008 n’est pas conforme au droit international.

Le Chef de l’équipe juridique de
la République de Serbie,

Saša O BRADOVIC .

___________ - 245 -

A NNEXES

Annexe 1 La Serbie, section de cartographie du départemen t des opérations de maintien de la
paix de l’ONU

Annexe 2 La Serbie-et-Monténégro , carte des divisions administratives, carte magique,
Smederevska Palanka

Annexe 3 L’ex-Yougoslavie, section de cartographie du département des opérations de
maintien de la paix de l’ONU

Annexe 4 Le Royaume de Yougoslavie ⎯ 1930, Institut géographique militaire, Belgrade

Annexe 5 Le Royaume des Serbes, Croates et Slovènes ⎯ 1924, Institut géographique
militaire, Belgrade

Annexe 6 Les Balkans en 1914 , Charles Jelavich & Barbara Jelavich, «The Balkans»,

Englewood Cliffs, Prentice-Hall, inc 1965
Annexe 7 Le vilayet du Kosovo, 1877-1912 , Dušan T. Batakovi ć, «Kosovo and Metohija,

Living in the Enclave», Institute for Balkan Studies, Belgrade 2008

___________

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Exposé écrit de la Serbie (traduction du Greffe)

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