Exposé écrit de la République tchèque (traduction du Greffe)

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Lettre en date du 14 avril 2009 adressée au greffier par l’ambassadeur de la

République tchèque auprès du Royaume des Pays-Bas

[Traduction]

J’ai l’honneur de vous faire tenir ci-joint l’ exposé écrit de la République tchèque (en langue

anglaise), comme suite à l’ordonnance que la C our a rendue le 17octobre2008 au sujet d’une
requête de l’Assemblée générale des Nations Unies pour avis consultatif sur la Conformité au droit
international de la déclaration unilatérale d’indépendance des institutions provisoires

d’administration autonome du Kosovo.

Veuillez agréer, etc.

___________ E XPOSÉ ÉCRIT DE LA R ÉPUBLIQUE TCHÈQUE

[Traduction]

I. INTRODUCTION

Dans sa résolution 63/3 du 8 octobre 2008, l’A ssemblée générale des Nations Unies a décidé

de demander à la Cour internati onale de Justice de rendre un avis consultatif sur la question
suivante: «La déclaration unilatérale d’indépenda nce des institutions provisoires d’administration
autonome du Kosovo est-elle conforme au droit international ?»

Dans son ordonnance du 17octobresuivant, la Cour a invité les Etats Membres de
l’Organisation des NationsUnies et les auteurs de cette déclaration, à savoir les institutions
provisoires d’administration autonome du Kosovo, à soumettre leurs exposés écrits respectifs.

La République tchèque estime pour sa part que cette requête doit s’apprécier dans le contexte
plus général d’un processus politique au long cours, dont le but ultime est d’ancrer durablement la
paix, la stabilité et la prospérité économique dans les Balkans occidentaux. A cette fin,

l’Union européenne a plusieurs fois 1xprimé son s outien plein et entier à l’intégration des Etats de
cette région au sein de l’Europe . Saluant le processus de stabilisation et d’association, la
République tchèque espère ainsi des progrès importants sur la voie de l’intégration européenne. En

même temps, elle considère que, les négociations sur le statut du Kosovo s’étant soldées par un
échec, seul un Kosovo indépendant, initialement en cadré par la communauté internationale, peut
permettre l’avènement d’une paix, d’une stabilité et d’une prospérité économique pérennes dans la
région tout entière.

C’est pour cette raison, et parce qu’elle avait conclu qu’il remplissait les critères requis pour
accéder à la qualité d’Etat, que la République tchèque a reconnu le Kosovo en tant qu’Etat

indépendant le 21 mai 2008. Pour elle, le fait de demander et de rendre un avis consultatif sur cette
situation particulière met un frein au développe ment démocratique et économique du Kosovo ainsi
qu’à la paix et à la stabilité de toute la région. Dès lors, bien que très attachée à la primauté du
droit et à l’utilisation des avis consultatifs lorsqu ’il y a lieu, la République tchèque s’est abstenue

de voter lorsque la résolution susvisée a été mise aux voix.

La République tchèque a décidé de soumettre un exposé écrit afin d’attirer l’attention de la
Cour sur les conséquences négatives qu’aurait un avis consultatif en l’espèce. Aussi débutera-t-elle

son exposé écrit avec des questions d’opportunité judiciaire (dans la deuxième partie). La
République tchèque a également décidé d’y envisager certaines considérations touchant au fond,
dans l’éventualité où la Cour voudrait tout de même rendre son avis. Il s’agit de rappeler que la

Cour doit se confiner aux aspects juridiques nécessaires pour répondre à la question posée dans la
résolution63/3 de l’Assemblée générale. Sel on la République tchèque, les seules règles du droit
international à identifier et à examiner sont celles qui risquent d’entrer en conflit avec la

déclaration unilatérale d’indépendance (tel sera le sujet de la troisième partie).

II. QUESTIONS D ’OPPORTUNITÉ JUDICIAIRE

La République tchèque fait gra nd cas du rôle de la Cour intern ationale de Justice en tant
qu’organe judiciaire principal de l’Organisati on des Nations Unies, et elle est pleinement
déterminée à l’appuyer dans son action. Ainsi, les avis consultatifs constituent un instrument

1Voir, par exemple, les conclusions du Conseil de l’Union européeles Balkans occidentaux, Bruxelles,

8-9 décembre 2008. - 2 -

important, dont il doit être fait usage dans toute la mesure nécessaire et opportune. «La finalité de
la fonction consultative n’est pas de régler ⎯du moins pas directement ⎯ des différends entre

Etats, mais d2 donner des conseils d’ordre juridi que aux organes et institutions qui en font la
demande.» La République tchèque reconnaît tout à fait le caractère juridique de la question posée,
et la compétence de la Cour pour y répondre, mais voit toutefois dans le contexte général certaines

raisons décisives qui devraient conduire la Cour à s’en abstenir.

La Cour a précisé à plusieurs reprises que le paragraphe 1 de l’article 65 de son Statut, selon

lequel «[elle] peut donner un avis consultatif» (les italiques sont de nous), «lui laisse aussi le
pouvoir discrétionnaire de décider si elle doit ou non donner l’avis consultatif qui lui a été
demandé, une fois qu’elle a établi sa compétence pour ce faire» 3. Elle n’a cependant jamais

manqué de souligner que sa réponse à une dema nde d’avis consulta tif «constitu[ait] une
participation de [sa part] à l’action de l’Organisation et [que], en pr incipe, elle ne devrait pas être
4 5
refusée» . Seules des «raisons décisives» doivent la cond6ire à refuser de rendre l’avis consultatif
demandé. Bien que la Cour n’ait encore jamais fait usage du pouvoir discrétionnaire ménagé au
paragraphe1 de l’article65 de son Statut, sa ju risprudence offre certains éclaircissements sur ce

que pourraient être ces «raisons décisives». Un argument particulièrement intéressant en l’espèce 7
est que l’avis consultatif risque de faire obstacle à un règlement politique du problème .

La demande d’avis consultatif et la déclaration unilatérale d’indépendance à laquelle elle fait
suite doivent être replacées dans le contexte histor ique des vingt dernières années. La situation du
Kosovo résulte en définitive des événements dé clenchés par la dissolution de l’ex-République

fédérative socialiste de Yougoslavie, avec leur cortège de violences. Le Kosovo était une province
autonome située au sein de la République de Serbie, l’une des ré publiques constitutives de

l’ex-République fédérative socialis te de Yougoslavie, un statut qu’il perdit en1989. Durant les
dixannées qui suivirent, les Alba nais du Kosovo furent la proie d’une répression de plus en plus
forte, qui conduisit l’OTAN à intervenir en 1999.

Dans le sillage de cette intervention, le 10 juin 1999, le Conseil de sécurité de l’Organisation
des NationsUnies adopta sa résolution1244 (ci-après, la «résolution1244»), qui plaça le Kosovo

sous l’administration provisoire de la Mission d’administration intérimaire des NationsUnies
(ci-après, la «MINUK»). Cette résolution, qui n’attribuait à la République fédérale de Yougoslavie
(ci-après, la «RFY») aucun rôle dans l’admini stration du Kosovo, prévoyait l’instauration d’un

processus politique visant à déterminer le futur stat ut de cette province. En2005, à l’issue d’un
examen global de la situation du Kosovo, il fu t conclut que, malgré des progrès inégaux dans la
mise en Œuvre des conditions requises, le processus de détermination du statut définitif devait
8
désormais débuter .

2
Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996, p. 236.
3 Ibid., p. 234.

4 Interprétation des traités de paix conc lus avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie, première phase, avis
consultatif, C.I.J. Recueil 1950, p. 71, et avis consultatifs suivants.

5 Certaines dépenses des Nations Un ies (article17, paragraphe2, de la Charte), avis consultatif,
C.I.J. Recueil 1962, p. 155 et avis consultatifs suivants.
6
Seule la Cour permanente de Justice internationale refusa à une occasion de rendre un avis parce que la question
se rapportait directement à un différend exis tant déjà et que l’une des parties, qu i n’avait adhéré ni au Pacte ni à son
Statut, était opposée à la procédure (Statut de la Carélie orientale, avis consultatif, 1923, C.P.J.I. série B n° 5).
7
Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nuc léaires, avis consulta tif, C.I.J. Recueil 1996, p. 237.
Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dan s le territoire palestinien occupé, avis consultatif,
C.I.J. Recueil 2003, p. 159-160.
8
Voir le rapport de Kai Eide, annexé à la lettre edate du 7octobre2005 adressée au président du Conseil de
sécurité par le Secrétaire général,Nations Unies, doc.S/2005/635 (2005). Le Conseil de sécurité approuva les
conclusions ainsi formulées le 24 octobre 2005, Nations Unies, doc. S/PRST/2005/51 (2005). - 3 -

En novembre2005, le Secrétaire général de l’Organisation des NationsUnies fit de
M.MarttiAhtisaari son envoyé spécial sur le st atut futur du Kosovo. Ce dernier multiplia les

consultations et explora toutes les possibilités pour parvenir à un règlement négocié sur la question
du statut. En dépit de ces efforts et de plusieurs tours de négociations entre les Albanais du Kosovo
et la Serbie, les négociations sur le statut défi nitif achoppèrent sur les positions inconciliables des

parties. Dans son rapport transmis au Conseil de sécurité le 26 mars 2007, l’envoyé spécial conclut
qu’une réintégration du Kosovo au sein de la Serbie ne constituait pas une solution viable, pas plus
9
que le maintien d’une administration internationale . Aussi recommanda-t-il l’indépendance pour
le Kosovo, sous la direction de la communauté internationale, et présenta la proposition globale de
règlement portant statut du Kosovo 10 pour mettre en Œuvre cette indépendance encadrée. Le

Secrétaire général approuva la recommandation de l’envoyé spécial en tous points, y compris la
proposition globale . L’envoyé spécial basait ses conclusions sur les constats ci-après, auxquels la
République tchèque adhère pleinement 12:

«L’incertitude quant [au] statut futur [du Kosovo] est devenue un obstacle

majeur à son évolution démocratique, à l’ avènement du principe de responsabilité, à
son relèvement économique et à la réconcilia tion interethnique. Cette incertitude qui
ne fait que prolonger le marasme éloignant les communautés les unes des autres, est

un ferment d’agitation sociale et économique. Prétendre le contraire, sinon refuser ou
différer le règlement du statut du Kosovo, c’est risquer de remettre en cause non
seulement sa propre stabilité mais aussi la paix et la stabilité de la région tout
13
entière.»

Etant donné le climat particulier qui régnait au sein du Conseil de sécurité, la recommandation de
l’envoyé spécial ne put être approuvée. Un e troïka du groupe de contact, composée de
l’Unioneuropéenne, des Etats-Unis et de la Fédé ration de Russie, tenta également de faciliter la

conclusion d’un accord entre Belgrade et Pristina, là encore en pure perte. Début décembre 2007,
la troïka conclut que les parties n’étaient guère susceptibles de s’entendre sur le statut définitif du
Kosovo . Après plus de deux années d’intenses négociations, il était devenu clair qu’un règlement

négocié était exclu. Le 17 février 2008, les in stitutions provisoires d’administration autonome ont
déclaré l’indépendance du Kosovo et accepté de se soumettre à la proposition globale de règlement
15
portant statut du Kosovo qui avait été mise au point par l’envoyé spécial .

Une fois l’indépendance déclarée, les auto rités du Kosovo ont enchaîné les mesures pour

conforter celui-ci dans son statut d’Etat. Ai nsi l’Assemblée du Kosovo a-t-elle adopté une
constitution entrée en vigueur le 15juin2008, et un ministère des affaires étrangères, ainsi qu’un
ministère des forces de sécurité, ont été établis; en outre, les autorités kosovares ont annoncé

l’ouverture de missions diplomatiques à l’étranger et demandé l’admission du Kosovo à certaines
organisations internationales 16. Plus d’un quart des Etats Membres de l’Organisation des

9
Rapport de l’envoyé spécial du Secrétaire général sur lstatut futur du Kosovo, annexé à la lettre en date du
26 mars 2007 adressée au président du Conseil de sécurité par le Secrétaire général, Nations Unies, doc. S/2007/168.
10
Proposition globale de règlement portant statut du Kosovo, Nations Unies, doc. S/2007/168/Add.1.
11 Nations Unies, doc. S/2007/168.

12 Déclaration faite le 6 février 2007 par le ministère des affaires étrangères de la République tchèque au sujet de
la proposition relative au statut définitif du Kosovo.

13 Nations Unies, doc. S/2007/168, par. 4.
14
Rapport sur le Kosovo de la troïka formée par l’Union eu ropéenne, les Etats-Unis et la Fédération de Russie,
annexé à la lettre en date du 10décembre2007 adressée au président du Conseil de sécurité par le Secrétaire général,
Nations Unies, doc. S/2007/723.

15 Déclaration d’indépendance du 17 février 2008, en particulier ses paragraphes 1, 3 et 12.
16
Rapport du Secrétaire général du 24novembre2008 sur la mission d’administration intérimaire des
NationsUnies au Kosovo, Nations Un ies, doc.S/2008/692; voir également le rapport du 18mars2009, NationsUnies,
doc. S/2009/149. - 4 -

NationsUnies, y compris la République tchè que, ont reconnu le Kosovo en tant qu’Etat
indépendant. A contre-courant de cette tendance, cependant, de nombreux Etats n’ont toujours pas
reconnu le Kosovo, certains s’opposant même farouchement à son indépendance.

Pourtant, la République tchèque ne voit guère d’autre issue que d’accepter l’indépendance du
Kosovo en tant que réalité politique. Les négociations sur son statut ont clairement démontré qu’un

retour au status quo ante n’était guère réaliste. En même temp s, ne pas régler définitivement la
question du statut mettrait gravement en péril la pa ix et la stabilité de la région, ainsi qu’observé
par l’envoyé spécial.

Dans ce contexte particulier, la demande d’av is consultatif est contre-productive puisqu’elle
jette artificiellement le doute sur le statut du Kosovo en tant qu’Etat indépendant. Si elle devait

décider d’examiner la question posée au fond et de rendre un avis consultatif, la Cour contribuerait
à ces atermoiements, vu le temps nécessaire pour examiner les questions factuelles et juridiques
pertinentes. Quoique la Cour d écide, le sort du Kosovo est scellé 17. De plus, la Cour ne peut

décider du statut kosovar dans le cadre d’un avis consultatif puisque ce type d’avis n’est pas
contraignant sur le plan juridique.

La République tchèque pense dès lors que le fait de demander et de rendre un avis consultatif
fait obstacle au développement démocratique et éc onomique du Kosovo ainsi qu’à la paix et à la
stabilité de toute la région 18, ce qui constitue une raison décisive devant amener la Cour à refuser

de répondre à la question posée.

Enfin, que la déclaration unilatérale d’ indépendance du Kosovo soit ou non conforme au

droit international, un avis concret sur la ques tion resterait dépourvu d’effet juridique, que ce soit
pour le statut du Kosovo ou pour le droit international d’une ma nière générale. La

Républiquetchèque considère que, dans la pratique, un avis de la Cour n’aiderait nullement
l’Assemblée générale à s’acquitter de la mission dont elle est investie par la Charte.

III. Q UESTIONS DE FOND

Dans l’hypothèse où, en dépit des arguments avan cés ci-dessus, la Cour déciderait tout de

même de donner un avis consultatif sur la question posée par l’Assemblée générale, la
République tchèque la prie de bien vouloir songer aux éléments suivants.

Avant toute chose, il est nécessaire de circonscrire les questions juridiques qui sont en jeu.
La Cour a bien précisé dans sa jurisprudence que , nonobstant le libellé expr ès de la demande, elle
doit rechercher «les questions juridiques véritabl ement en jeu» et envisager «tous les aspects
19
juridiques pertinents» —ce qui signifie à rebours qu’elle ne peut aller au-delà de ces aspects

17Comme les représentants respectifs des Etats-Unis et du Royaume-Uni l’ont déclaré lors des débats de
l’Assemblée générale, «l’indépendance du Kosovo est irréversible» et «restera une réalité» (NationsUnieDocuments
e
officiels de l’Assemblée générale , soixante-troisième session, 22 séance plénière, 8 octobre 2008, doc. A/63/PV.22, p. 2
et p. 5, respectivement).
18Lors du débat intervenu au sein de l’Assemblée généra le avant et après l’adoption de sa résolution63/3, les
Etats abstentionnistes ou hostiles à la résolution avaient, comme la République tchèque dans le présent exposé, exprimé

certaines craintes pour le développement démocratique et éc onomique du Kosovo ainsi que pour la paix et la stabilité de
la région entière, tandis que les Etats favorables à la résolution n’avaient présenté aucun argument de fond
(Nations Unies, doc. A/63/PV.22). Des références d’ordre général concernant par exemple le besoin de clarté juridique,
le règlement pacifique des différends et la primauté du droit sont loin de faire le poids face aux arguments spécifiques
avancés dans le cadre du débat de l’Assemblée générale et du présent exposé écrit.
19
Interprétation de l’accord du 25mars1951 entre l’OMS et l’Egypte, avis consultatif , C.I.J. Recueil 1980,
p. 88-89, où il est fait référence à la jurisprudence antérieure. S’agissant des questions juridiques empêchant de répondre
à la question posée, voir Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie
(Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Cons eil de sécurité, avis cons ultatif, C.I.J. Recueil 1971,
p. 45. - 5 -

juridiques pertinents. La Cour a elle-même déclaré devoir se confiner à la question expressément

formulée par l’organe demandant son avis, avant d’ajouter qu’e lle «ne tiendrait compte d’autres
éléments que dans la mesure où ceux-ci seraient nécessaires aux fins de l’examen de cette
question» .20

Bien que le cas unique du Kosovo soulève une pléthore de questions juridiques,
l’Assemblée générale a décidé de se borner à demander si la déclaration unilatérale d’indépendance
des institutions provisoires d’administration au tonome du Kosovo était ou non conforme au droit

international. Aux cours des déba ts de l’Assemblée générale, il fu t relevé que, ainsi libellée, la
question «représent[ait] le plus petit dénominate ur commun des positions des Etats Membres … et
[qu’]il n’[était] donc pas nécessaire de l[a] modifier ou d’y ajouter des éléments» 21. Partant, la
Cour doit se limiter strictement à cette question pr écise, telle qu’exprimée dans la résolution 63/3

de l’Assemblée générale.

Au regard de cette question, seule la déclar ation d’indépendance est en jeu. Aussi faut-il

commencer par examiner la nature d’une telle déclaration. Toute déclaration d’indépendance
constitue l’expression de la volonté d’un peuple ou simplement d’un groupe, d’où son caractère
nécessairement politique. A elle seu le, la déclaration ne peut violer le droit international;
l’éventuelle violation découlerait plutôt des actes accomplis pour lui donner effet ou pour la mettre

en Œuvre, par exemple en usant de la force. Point n’est besoin de se demander si tel ou tel acte est
lié à la déclaration d’indépendance qui nous occupe ici, puisque la question posée à la Cour est
limitée à la déclaration elle-même. En ce sens, la République tchèque soutient que, par son essence

même, la déclaration d’indépendance des institutio ns provisoires d’administration autonome du
Kosovo ne peut être contraire au droit international, la Cour pouvant donc arrêter là son examen.

A supposer que la Cour n’adhère pas à cet argument et qu’elle juge la déclaration

d’indépendance virtuellement susceptible en elle-même d’enfreindre le droit international, la
République tchèque tient à rappeler les limites qu’impose le libellé pa rticulier de la question posée
par l’Assemblée générale. Cette question est fo rmulée en termes positifs, puisqu’elle demande la

conformité de la déclaration d’indépendance avec le droit international. Cela ne signifie toutefois
pas qu’il faille sonder le droit international à la recherche d’une règle positive autorisant cette
déclaration d’indépendance. Il s’agit au contraire d’y rechercher une éventuelle règle qui proscrive
une telle déclaration. Ainsi, pour la Républi que tchèque, la Cour doit se borner strictement à

identifier les normes juridiques internationales su sceptibles d’avoir été violées par la déclaration
d’indépendance, et à vérifier si elles l’ont effectivement été.

Il faut donc déterminer si le droit intern ational général renferme une quelconque norme
interdisant une déclaration d’indépendance, et si la déclaration transgresse quelque autre norme
internationale qui, elle, existe de manière cer taine et s’applique spécifiquement au cas du
Kosovo—la plus pertinente à analyser dans ce contexte étant la résolution1244 du Conseil de

sécurité de l’Organisation des Nations Unies.

Le droit international général

Il est largement admis dans la doctrine que le droit international moderne ne conçoit aucune
règle proscrivant une déclaration d’indépendance ou, plus généralement, une sécession. Le droit

international n’interdit pas la sécession, pas plus qu’il n’en fait l’apologie; cela étant, il tient
compte des nouveaux états de fait et reconnaît la réalité politique d’une sécession réussie. En ce

20
Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dansle territoire palestinien o ccupé, avis consultatif,
C.I.J. Recueil 2003, p. 160.
21Présentation du projet de résolution par le représentant de la République de Serbie, NationsUnies,

doc. A/63/PV.22, p. 2. - 6 -

sens, la sécession est considérée co22e «un acte juridiquement neutre dont les conséquences sont
régies à l’échelle international» .

Etant donné que la déclaration d’indépendance ⎯ car il ne s’agit ici que d’elle seule — fait
partie du processus de sécession et que la sécession elle-même n’est pas interdite par le droit
international, la République tc hèque conclut que la déclarati on d’indépendance des institutions

provisoires d’administration autonome du Kosovo n’est pas contraire au droit international.

La République de Serbie ayant, en particu lier, clamé que la «sécession unilatérale» portait
23
atteinte à son intégrité territoriale , la République tchèque estime nécessaire de formuler deux
observations à ce sujet.

Tout d’abord, bien qu’essentiel à la souveraineté de l’Etat, le principe de l’intégrité
territoriale ne constitue pas une règle absolue et do it être interprété à la lumière de l’évolution
récente du droit international . 24

Ensuite, ce principe protège le territoire et les frontières internationales des Etats
indépendants, en particulier contre la menace ou l’emploi de la force et l’intervention d’autres

Etats. Bien ancré dans le droit internationa l, il est notamment consacré au paragraphe4 de
l’article2 de la Charte des NationsUnies ains i que dans plusieurs résolutions charnières de
25
l’Assemblée générale et dans l’acte final de la conférence sur la sécurité et la coopération en
Europe. La sécession, par contre, puise avant tout ses ferments à l’intérieur des frontières de l’Etat
lui-même et, sauf emploi de la force contre ce dernier ou intervention d’un autre Etat dans ses

affaires intérieures, elle ne peut violer son intégrité territoriale.

Pour conclure, la déclaration d’indépendan ce des institutions provisoires d’administration

autonome du Kosovo n’a enfreint aucune règle du droit international général, y compris le principe
de l’intégrité territoriale, et elle n’est contraire à aucune.

La résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies

Les événements qui ont conduit à la sécession, dans le cas spécifique du Kosovo, doivent

être appréciés dans un contexte international plus général, compte tenu en particulier du rôle joué
par la communauté internationale. Dans sa résolution 1160 (1998), le Conseil de sécurité considéra

la situation au Kosovo comme une menace pour la pa ix et la sécurité internationales et, après
l’intervention de l’OTAN, il établit une administrati on internationale par sa résolution 1244. Dans
la présente affaire, il est donc nécessaire de déterminer si la déclaration unilatérale d’indépendance

entre en conflit avec les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, en particulier la 1244.

Dans le cadre de la question posée par l’Assemblée générale, les passages pertinents de la

résolution 1244 sont les suivants :

22 J. Crawford, The Creation of States in International Law, 2 éd., Oxford 2006, p. 390. Dans le même sens, voir
C. Haverland, «Secession», EPIL, vol.IV, p.354-359. S’agissant de la jurisp rudence nationale, voir, en particulier, la
décision concernant le Renvoi relatif à la sécession du Québec, 1998, Recueil de la Cour suprême, vol. 2, p. 217.

23 Lettre en date du 17février2008 adressée au Secrétaire général par le représentant permanent de la Serbie
auprès de l’Organisation des Nations Unies, Nations Unies, doc. A/62/703-S/2008/111.
24
Voir, par exemple, le document final du sommet m ondial de 2005 (NationsUnies, doc.A/RES/60/1),
par. 138-139 ; rapport du Secrétaire général du 12 janvier 2009 intitulé «Mise en Œuvre de la responsabilité de protéger»,
Nations Unies, doc. A/63/677.
25
Voir, par exemple, la déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et
la coopération entre les Etats conforméme nt à la Charte des Nations Unies (ré solution 2625 (XXV)), la définition de
l’agression (résolution 3314 (XXIX)), la déclaration sur l’inadmissibilité de l’intervention dans les affaires intérieures des
Etats et la protection de leur indépendance et de leur souveraineté (résolu tion 2131 (XX)), et la déclaration sur
l’inadmissibilité de l’intervention et de l’ingérence dans les affaires intérieures des Etats (A/RES/36/103). - 7 -

«Le Conseil de sécurité,

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Réaffirmant l’attachement de tous le s Etats Membres à la souveraineté et à
l’intégrité territoriale de la République fédé rale de Yougoslavie et de tous les autres
Etats de la région, au sens de l’Acte final d’Helsinki et de l’annexe2 à la présente

résolution,

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

1. Décide que la solution politique de la crise au Kosovo reposera sur les principes
généraux énoncés à l’annexe 1 et les princi pes et conditions plus détaillés figurant

à l’annexe 2 ;

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

3.Exige en particulier que la République fédérale de Yougoslavie mette
immédiatement et de manière vérifiable un terme à la violence et la répression au

Kosovo, entreprenne et achève le retra it vérifiable et échelonné du Kosovo de
toutes les forces militaires, paramilitaires et de police suivant un calendrier serré,
sur la base duquel il sera procédé au déploiement synchronisé de la présence

internationale de sécurité au Kosovo ;

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

11.Décide que les principales responsabilit és de la présence internationale civile
seront les suivantes :

a) Faciliter, en attendant un règlement définitif, l’instauration au Kosovo d’une
autonomie et d’une auto-administrati on substantielles, compte pleinement
tenu de l’annexe 2 et des Accords de Rambouillet (S/1999/648) ;

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

e) Faciliter un processus politique visant à déterminer le statut futur du Kosovo,
en tenant compte des Accords de Rambouillet.»

Pour déterminer si la déclaration unilaté rale d’indépendance va à l’encontre de la
résolution1244, il faut interpréter cette de rnière avec minutie. A cette fin, les règles
d’interprétation formulées aux articles31 à 33 de la convention de Vienne sur le droit des traités

(ci-après, la «convention d26Vienne»), dans les quelles la Cour a déclaré voir le reflet du droit
international coutumier , peuvent être appliquées mutatis mutandis. Cette application par analogie
de la convention de Vienne pour interpréter les résolutions du Con seil de sécurité a été proposée
27
par certains des plus grands experts du droit international . En outre, c’est également ainsi28ue le
Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie a procédé pour interpréter son Statut .

26
Affaire du Différend territorial (Jamahiriya arabe lib yenne/Tchad), arrêt, C.I.J.Recueil1994 , p.21-22,
par. 41.
27 M.C.Wood, «The Interpretation of Security Council Resolutions» , Max Planck Yearbook of UnitedNations
Law, 1998, p. 85-86.

28 Le procureur c.Dusko Tadi ć, affaire n IT-94-1-AR72, arrêt relatif à l’appel de la défense concernant
l’exception préjudicielle d’incompétence, 2 octobre 1995, par. 71-93. - 8 -

La règle générale d’interpré tation énoncée au paragraphe1 de l’article31 de la convention
de Vienne s’articule autour de quatre méthodes fondamentales: l’interprétation de bonne foi,

l’interprétation textuelle, l’interprétation contextuelle et l’interprétation téléologique. Le
paragraphe3 du même article énonce trois autr es critères à prendre en considération pour
interpréter un traité. Bien que ces critères ne soient pas tous parfaitement applicables à

l’interprétation d’une résolution du Conseil de sécurité, celui de la pratique ultérieure peut
également être utilisé en l’espèce.

Premièrement, le principe de la bonne foi, qui est aussi un «principe juridique général

reconnu par les nations civilisées», est assez diffi cile à cerner. D’après la jurisprudence,
l’interprétation de bonne foi ne doit pas conduire à «un résultat qui est manifestement absurde ou
déraisonnable» . En l’occurrence, il ne semble ni ma nifestement absurde ni déraisonnable —de
l’avis de la République tchèque — d’interpréter la résolution 1244 comme n’interdisant pas aux

institutions provisoires d’administration autonom e du Kosovo de déclarer unilatéralement
l’indépendance de ce dernier.

deuaxièmlintee rprétation textuelle— est foca lisée sur le «sens ordinaire à

attribuer aux termes du traité», en l’occurrence de la résolution 1244. Il convient de relever à cet
égard que, dans le préambule de cette résoluti on, le Conseil de sécurité a «[r]éaffirm[é]
l’attachement de tous les Etats Membres à la s ouveraineté et à l’intégrité territoriale de la

République fédérale de Yougoslavie» . S’il a certes gardé là le ton de la simple déclaration, le
Conseil de sécurité a en revanche employé des termes bien plus catégoriques dans le corps même
de sa résolution 1244. Au paragraphe 1, par ex emple, il «[d]écide» des fondements de la solution
politique et, au paragraphe 3, il «[e]xige» que la RFY fasse cesser les violences et la répression au

Kosovo et qu’elle en retire ses forces. En tant que tel, le préambule de la résolution 1244 ne crée
aucune nouvelle obligation juridique internati onale à la charge des Etats Membres ou des
institutions provisoires d’administration autonome du Kosovo. En outre, dans cette résolution, le

Conseil de sécurité réaffirme la souveraineté et l’intégrité territoriale de la RFY —un Etat qui,
entre-temps, a cessé d’ex ister—, la Serbie revendiquant à présent la souveraineté du terri
toire
kosovar. Enfin, le Conseil de sécurité ne formule dans aucun autre paragraphe de sa
résolution 1244 de disposition plus catégorique qui, par exemple, garantirait pour toute éventualité

future la souveraineté et l’intégrité territoriale de la RFY au Kosovo.

La troisième méthode — l’interprétation contex tuelle — consiste à interpréter les termes de
la résolution 1244 «dans leur contexte». Par contexte, la convention de Vienne entend notamment,

au paragraphe 2 de son article 31, le texte du tra ité, préambule et annexes compris. Dans le cas de
la résolution1244, la déclaration réaffirmant la s ouveraineté et l’intégrité territoriale de la RFY
doit impérativement être lue en regard du paragra phe1, qui prévoit les principes sur lesquels

reposera «la solution politique de la crise au Ko sovo», et du paragraphe11 qui, en son alinéa a),
fixe les pouvoirs de la présence internationale civile «en attendant un règlement définitif» et, en son
alinéa e), charge celle-ci de faciliter «un processus po litique visant à déterminer le statut futur du
Kosovo». Face à ces dispositions, il est clair que le Conseil de sécurité n’a confirmé la

souveraineté et l’intégrité territoriale de la RFY que pour la durée du processus politique devant
intervenir entre le gouvernement de celle-ci et les institutions provisoires d’administration
autonome du Kosovo. La résolution1244 a donc laissé aux parties près de neuf ans ⎯ jusqu’au

17février2008— pour s’entendre sur une solution négociée. Ce processus politique était
manifestement enterré fin 2007. La résoluti on 1244 n’impose pas aux parties au différend de
négocier indéfiniment sans aucune chance d’ab outir à une solution concertée. Le processus
politique étant terminé, la réaffirm ation de la souveraineté et de l’ intégrité territoriale de la RFY

n’est plus pertinente pour répondre à la que stion posée par l’Assemblée générale des
Nations Unies.

29 e
A. Aust, Modern Treaty Law and Practice, 2 éd., Cambridge 2007, p. 234. - 9 -

La quatrième méthode — l’interprétation télé ologique — est basée sur l’«objet et…[le] but»

des termes du traité, en l’occurre nce de la résolution 1244. Celle-ci visait notamment à donner un
cadre juridique international au processus politique prévu entre les autorités de Belgrade et celles
de Pristina, et non à décider une fois pour toutes du statut du Kosovo. S’il avait voulu trancher la

question et écarter l’une des solutions — l’indépe ndance du Kosovo, par exemple —, le Conseil de
sécurité aurait sans nul doute inclus une dispos ition expresse en ce sens dans sa résolution1244,
comme il a notamment pu le faire dans ses résoluti ons relatives à la situation de Chypre. Le

29juin 1999, en effet, quelques jours à peine apr ès avoir adopté sa résolution1244, le Conseil de
sécurité a approuvé la résolution 1251, où était formulée une position catégorique sur le règlement
de la question chypriote 30 —une formulation qu’il a souvent reprise dans d’autres résolutions
consacrées à la situation de Chypre, tant avant qu’ après l’adoption de sa résolution 1251. Dans le

cas de sa résolution1244, au cont raire, le Conseil de sécurité n’a pas approuvé de paragraphe
similaire excluant une solution unilatérale, une issue qui ne devait pourtant pas avoir la faveur de
ses membres.

Cinquièmement, la pratique ultérieure de la MINUK et de certains Etats Membres dans la
région a elle aussi son importance pour compre ndre la résolution1244. Même avant le

17février2008, la souveraineté de la RFY et des Etats successeurs était déjà perçue de manière
restrictive, un bon exemple étant celui de l’applicabilité sur le territoire kosovar des accords
conclus à l’échelle internationale. Considérant que, d’après la résolution1244, la situation du
Kosovo sous administration provisoire était sui generis et que celui-ci n’était pas automatiquement

lié par les traités auxquels la Serbie était partie, la MINUK a en effet toujours estimé qu’il lui
incombait de déterminer leur applicabilité sur le sol kosovar. Les seuls traités liant le Kosovo
étaient les instruments relatifs aux droits de l’homme dont la liste figurait au chapitre3 du
o
règlement n 2001/9 promulgué par le représentant spécial du Secrétaire général, qui prévoyait un
cadre constitutionnel pour un gouvernement autonome provisoire du Kosovo. En fait, la MINUK a
même conclu certains accords sur le tran sfert des personnes condamnées avec l’Albanie,

l’ex-Républiqueyougoslave de Macé doine et la RFY. Il semble donc que, dans la pratique, la
réaffirmation de la souveraineté yougoslave sur le Kosovo qui était exprimée dans la résolution
1244 passait pour une simple déclaration de quelques Etats Membres, dont la RFY elle-même.

Vu que l’interprétation de la résolution 1244, su r la base des grands principes définis dans la
convention de Vienne, ne «[l]aisse [pas] le sens ambigu ou obscur» ni ne «[c]onduit à un résultat
qui est manifestement absurde ou déraisonnable» 3, la République tchèque n’estime pas nécessaire

de s’engager dans une analyse des travaux préparatoires de la résolution.

La République tchèque pense dès lors que, lorsque la résolution1244 est interprétée

minutieusement en suivant les méthodes exposées dans la convention de Vienne, force est de
conclure qu’elle n’interdit pas aux institutions provisoires d’administration autonome du Kosovo
de déclarer unilatéralement l’indépendance de celui-ci sans le consentement de la République de
Serbie.

Bien que la résolution1244 reste la principale source juridique su r laquelle se fonder pour
répondre à la question de l’Assemblé e générale, il ne faut pas oub lier que le droit international

30La partie pertinente de la résolution 1251 du Conseil de sécurité est libellée en ces termes :

«Le Conseil de sécurité…

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
11. Réaffirme sa position selon laquelle le règlement du problème de Chypre doit être fondé sur
un Etat de Chypre doté d’une souve raineté, d’une personna lité internationale et d’une citoyenneté

uniques, son indépendance et son inté grité territoriale étant garanties, et composé de deux communautés
politiquement égales, telles qu’elles sont décrites dans les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité,
au sein d’une fédération bicommuna utaire et bizonale, et selon laquelle un tel règlement doit exclure
l’union, en totalité ou en partie, avec un autre pays, ou toute autre forme de partition ou de sécession.»
31Convention de Vienne sur le droit des traités, signée à Vienne le 23 mai 1969, article 32. - 10 -

pertinent ne s’est pas figé au 17février2008, date de la déclaration unilatérale d’indépendance.
Dans ce contexte, la République tchèque tient à atti rer l’attention de la Cour sur le fait que le

Conseil de sécurité n’a adopté aucune résolution sur la licéité de cet acte, contrairement à ce qu’il
avait pu faire par le passé dans les cas du Katanga, de la Rhodésie et de la République turque de
Chypre-Nord.

Tout d’abord, lorsque le Katanga tenta de faire sécession de la République du Congo, le
Conseil de sécurité adopta la résolution169 (1961) du 24novembre1961, dans laquelle il
«[d]éclare que toutes les activités sécessionnistes dirigées contre la République du Congo sont
contraires à la Loi fondamentale et aux décisions du Conseil de sécurité et exige expressément que

les activités de cette nature actuellement menées au Katanga cessent immédiatement».

Dans le deuxième cas, lorsque le gouvern ement de IanSmith déclara unilatéralement
l’indépendance de la Rhodésie le 11 novembre 1965, le Conseil de sécurité réagit dès le lendemain.

Ainsi, dans sa résolution216 (1965) du 12 novembre1965, non content de «condamner la
déclaration unilatérale d’indépendance proclamée par une minorité raciste en Rhodésie du Sud», il
décida aussi de «prier tous les Etats de ne pas reconnaître ce régime minoritaire raciste illégal».

Troisièmement, quand la République turque de Chypre-Nord déclara unilatéralement son
indépendance le 15 novembre 1983, le Conseil de sécurité répondit par sa résolution 541 (1983) du
18novembre suivant, dans laquelle il «[c] onsidère la proclamation susmentionnée comme
juridiquement nulle et demande son retrait», notamment, avant de «[d]emande[r] à tous les Etats de

ne pas reconnaître d’autre Etat chypriote que la République de Chypre».

Par opposition, jusqu’à ce mois d’avril 2009 où la République tchèque me t la dernière main
à son exposé écrit pour la Cour, le Conseil de sécurité est resté complètement muet sur la

déclaration unilatérale d’indépendance des institu tions provisoires d’administration autonome du
Kosovo — ce qui, d’après la République tchèque, montre clairement qu’il n’y voit aucune violation
du droit international.

IV. C ONCLUSIONS

Pour conclure, la République tchèque est d’avis que la déclaration unilatérale

d’indépendance des institutions provisoires d’ad ministration autonome du Kosovo ne transgresse
aucune règle existante du droit international.

La République tchèque estime que, les négociations relatives au statut s’étant soldées par un

échec, seul un Kosovo indépendant, initialement en cadré par la communauté internationale, peut
permettre l’avènement d’une paix, d’une stabilité et d’une prospérité économique pérennes dans la
région tout entière. L’heure n’est plus aux atermoie ments. En ce sens, la République tchèque prie
respectueusement la Cour de bien vouloir faire usage de son pouvoir discrétionnaire et de refuser

de rendre un avis consultatif.

Enfin, la République tchèque tient à souli gner une dernière fois à quel point il importe
d’ancrer durablement la paix, la stabilité et la prospérité économique dans les Balkans occidentaux,

une région qui a été rongée par les c onflits pendant près de vingt ans. Elle réaffirme là encore son
attachement à un avenir européen pour tous les pays de la région.

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Exposé écrit de la République tchèque (traduction du Greffe)

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