Mémoire du Gouvernement de la République française

Document Number
9229
Document Type
Date of the Document

SECTION B. - MÉMOIRES

SECTION B.-PLEADINGS I. MEMOIR E U GOUVERNEMENTDE LA RÉPUBLIQUE
FRANÇAISE

Par requete déposéeau Greffe de la Cour internationale de
Justice le 13 février 1959, le Gouvernement de la République
française a introduit devant la Cour une instance relative à un
différend qui l'oppose au Gouvernement de la République du
Liban. Ce différend concerne des concessions pour l'exploitation
de services publics au Liban octroyées par le Gouvernement

libanais à la Compagnie du Port, des Quais et des Entrepôts de
Beyrouth et à la Société Radio-Orient.
La Cour a étésaisie conformément aux articles 36 et 40 de
son Statut et aux termes de l'article 23 d'un accord conclu le
24 janvier 1948 entre le Gouvernement français et le Gouver-
nement libanais (annexe I).
Le présent mémoire contient, en premier lieu, un exposé des
faits touchant les mesures prises par le Gouvernement libanais
contrairement aux conventions de concession conclues par lui
avec la Compagnie du Port, des Quais et des Entrepôts de Bey-
routh et l'exposé de droit relatif à ce différend. Une seconde
partie, établie selon le mêmeplan, sera consacrée au litige con-
cernant la SociétéRadio-Orient.

1. - La Compagnie du Port, des Quais et des Entrepôts
de Beyrouth

EXPOSÉ DES FAITS

I. Nature de la Compagnie du Port, des Qnais et des Entrepots de
Beyrouth

L'actuelle Compagnie du Port, des Quais et des Entrepôts de
Beyrouth a étéconstituée le 20 juin 1888 sous forme de société
anonyme ottomane par MM. Joseph Moutran et ses associés, la
Banque impériale ottomane, la Compagnie ottomane de la Route
de Beyrouth à Damas, le Comptoir d'Escompte de Paris. la
Banque de Paris et des Pays-Bas et la Compagnie des Messageries
maritimes. Son objet était de construire, administrer et exploiter
le port, les quais et les entrepôts de Beyrouth (an2).eRI.Mou-
tran et -s associés apportaientà la Sociétéune concession de
60 annéesqui leur avait étéaccordée le18 juin 1887 par le Gouver-
nement impérial ottoman (annexe 3). Un iradé impérial du
25 juillet 1892 porta la duréede la concession à gg ans. A la suite MÉMOIRE DU GOUVERNElIEXT FRAKÇAIS (AOÛT 1959)
14
de la guerre de 1984-1918, et eu vertu du Protocole no 12 annexé
au Traité de Lausanne, les contrats de concession passés avant
le zg octobre 1g14dans les territoires détachésde l'Empire ottoman

furent maintenus. En conséquence, une convention provisoire de
remise en possession de la Compagnie du Port, des Quais et des
Entrepôts de Beyrouth fut signéele 28 mai 1921 entre la direction
des Travaux publics du Haut-Conimissariat de la République
française en Syrie et au Liban et le directeur de la Compagnie.
Il était toutefois nécessairede réadapter les actes concessionnels
de la Compagnie aux circonstances économiques nouvelles. Une
convention fut signéeen ce sens le 7 décembre 1925 (annexe 4).
L'article 3 de la Convention portait à 103 ans et deux mois la

durée de la concession, qui doit ainsi prendre fin le ~g août 1990.
La Convention n'entra en vigueur qu'après approbation par le
Haut-Commissaire de la République française en Syrie et au
Liban, donnée le Ij décembre 1925 par M. de Jouvenel. En
application du Protocole 12 annexé au Traité de Lausanne, la
Sociétéfut rattachée à la nationalité française le g février 1926.
A cette époque le capital social fut fixé à 10,666,500 francs,
diviséen actions de 500 frs chacune, dont 1o.ooo représentant le
capital originaire de 5 millions de francs et les 11.333 antres les
trois augmentations de capital successives votées par les assem-
blées généralesextraordinaires de 1894, 1924 et 1927. Le fonds

social comprenait en outre 7.joo.000 frs d'obligations amortis-
sables en 75 ansà partir de 1910, dont l'émissionavaitétéautorisée
en 1899. Le capital social est actuellement de gj3.4oo.000 frs
divisé en 1go.000 actions de 5.000 francs de valeur nominale.
L'objet social de la Compagnie est l'administration, la cons-
truction et l'exploitation du port, des quais et des entrepôts
de Beyrouth. Une convention en date du 15 août 1934 lui a en
outre concédé lestravaux d'extension du port.
Après l'accession du Liban à l'indépendance, le Gouvernement

libanais s'est engagéà respecter les actes concessionnels des sociétés
françaises ou à capital français. La lettre annexe no12 à l'accord
monétaire franco-libanais du 24 janvier 1948 (annexe r), après
avoir disposé qu'en raison de la fin du mandat et de la procla-
mation de l'indépendance libanaise, il peut y avoir intérêt à
apporter certains aménagements, par voie contractuelle, aux actes
et annexes qui régissent les concessionsdes sociétés françaiseson
à capitaux français, prévoit en effet que: ICJusqu'à la mise en
application de ces aménagements, les actes, annexes et textes qui
régissaient les concessions de ces sociétésau janvier 1944
demeureront en vigueur. D

Afalgréde longues négociations, aucun aménagement des actes
concessionnels n'a étéréalisé.
Ce sont donc les textes mentionnés plus haut qui régissent
seuls, à l'heure actuelle, les rapports de la Compagnie et du
Gouvernement libanais. ~ÉMOIRE DU GOUVERXEAIEST FRASÇAIS (AOÛT 19j9) 15

*
* *
II. Activitésde la Compagnie de sa création6 1959

1" Lorsqu'en 1888 fut fondéela Compagnie du Port, des Quais
et des Entrepôts de Beyrouth, il n'y avait pas de port à Beyrouth.
Les navires jetaient i'ancre dans la rade et seul existait un petit
abri construit par les Turcs, de IOO mètres sur 150 pour les
mahonnes et les petits voiliers.
La Compagnie du Port inaugura en 1894 un port, très moderne
pour i'époque, constitué essentiellement par un plan d'eau de
20 hectares, protégépar une jetée de 800 mètres et une digue
de zoo mètres, et comptant 500 mètres de quais fondés de moins
2 à moins 7 mètres de profondeur.
A la mêmeépoqueétaient mis en activité la route de Beyrouth
à Damas et le chemin de fer du Dama-Hama et prolongement.

Grâce à cet ensemble la ville de Beyrouth, petite cité de 25.000
habitants, enserrée dans ses vieilles murailles, commença à se
développer et son commerce prit une extension considérable.
En 1910, à la veille de la guerre des Balkans et de la Grande
Guerre, le tonnage de jauge parti de 750.000 tonnes en 1894.
atteignait déjà 1.6jo.ooo tonnes, et celui des marchandises, parti
de 18o.ooo tonnes en 1894, avait atteint 280.000 tonnes. La
population de la ville avait doublé.

2" Après le coup d'arrét de la Grande Guerre et grâce à l'instal-
lation du mandat français au Liban, l'essor économique reprit
avec rapidité. En 1<.4 les chiffres du trafic du port de IQIO
étaient dépassés.
Aussi la Compagnie du Port entreprit-elle d'élargirla traverse
constituée à la base de la dirue abri. En 1031 nouvel effort avec
achèvement de cette traverse bordée de q~g à moins 10 mètres
de profondeur.
Devant le développement du trafic, la Compagnie du Port
décida de construire un deuxième bassin. Celui-ci fut inauguré
en 1938. .

Un nouveau plan d'eau de 19 hectares était mis à la disposition
du commerce. La jetée du large était prolongée de 500 mètres,
une nouvelle digue abri de 300 mètres était construite pour fermer
le bassin. La longueur des quais se trouvait portée à 2.300 mètres
dont plus de la moitiéà une profondeur de moins 10 à II mètres.
Les plus grands navires pouvaient mouiller le long du brise-lames
fondé à moins 20 mètres. En mêmetemps 27j.000 mètres carrés
de terre-pleins étaient crééspermettant l'installation d'entrepôts
nouveaux nécessitéspar le développement du commerce et par
l'accroissement de la ville.
A la veille de la guerre de 1939 le tonnage de jauge était de
2.600.000 tonnes et celui des marchandises de 6oo.000 tonnes.16 MÉMOIRE DU GOUVERXEMEXT FRANÇAIS (AOÛT 1959)

Le développement de la ville avait suivi celui du port, et la
population de Beyrouth dépassait ~oo.ooo habitants.

3' La guerre de 1939-1945 fut pour le port de Beyrouth un
coup très dur, marqué par un arrêt presque total du trafic, par
l'occupation militaire et par un certain nombre de dégàts.
Les bouleversements politiques de l'après-guerre pouvaient
d'autre part faire craindre pour l'avenir de la Compagnie du Port.
Les dirigeants et les actionnaires de la Compagnie, dans l'état

d'incertitude où ils se trouvaient, auraient pu légitimement se
borner à exécuter strictement leurs obligations concessionnelles
en attendant d'êtrefixéssur le sort de la Compagnie.
Au lieu de cela, faisant un acte de confiance dans les destinées
du Liban, ils sont résolument allés de l'avant, n'hésitant pas à
procéder à des investissements importants et entraînant par leur
exemple tout le commerce libanais, en lui donnant les moyens por-
tuaires nécessaires à son développement.
Les principales manifestations de cette activitk furent les
suivantes:

a) Dès 1933 la Compagnie du Port avait organisé à Beyrouth
la première zone franche du Proche-Orient, zone franche destinée
à travailler surtout avec les pays de l'hinterland: Syrie, Jordanie,
Irak, Perse, Arabie séoudite. En 1947, la zone franche fut portée
de 8.000 mZà 25.000 mètres carrés. En 1949, devant son succès
grandissant, elle fut portéeà 47.000 mètres carrés. Elle atteignait
106.000 mètres carrés en 1952. Elle est aujourd'hui de 130.000 mZ.
Ce succès est dû aux mesures prises par la Compagnie du Port
qui facilita l'installation en zone franche d'entrepôts privés pour
les commerçants et celle d'industries ou d'ateliers de transforma-

tion. A l'heure actuelle 140 commerçants, industriels et artisans
ont pu ainsi s'installer en zone franche, à l'intérieur du port, et
font travailler plus de 1.500 ouvriers et employés. Se sont ainsi
fixésen zone franche une usine de conditionnement de légumes
secs, une usine de préparation de boyaux, des usines de con-
ditionnement de produits pharmaceutiques, un centre de mélange
et de préparation de tabacs, des ateliers de montage de véhicules
automobiles, des centres de parfumerie, de fourrure, et toute une
série d'ateliers de confection, de vêtements et de lingerie. C'est
toute une activité nouvelle qui a ainsi étéouverte au commerce
libanais par la Compagnie du Port de Beyrouth.

b) Pendant la guerre de 1939-1945, les Britanniques avaient
construit une voie ferréelarge reliant Tripolià Haifa. Cette ligne
passait à l'intérieur de Beyrouth à environ 4 kilomètres du port.
La Compagnie du Port a construit, en pleine ville, à ses frais,
une voie de raccordement de cette ligne au port. Ceci a nécessité
50.000 m3 de terrassements, la pose de zo kilomètres de rails,
lancement d'un pont métallique et 600 tonnes d'acier. ~~ÉMOIRE DU GOUVERNE~~EST FRANÇAIS (AOUT 1959) 17

Gràce à ce raccordement, le commerce de transit avec la Syrie
du Nord et avec l'Irak a pris un grand développement au bénéfice
des commerçants, des courtiers et des agents maritimes libanais.
C) Jusqu'à la guerre de 1939, le commerce des tapis persans
se faisait par Stamboul, à travers la Russie. La Compagnie du

Port a déplacéce commerce vers Beyrouth, en construisant dans
le port un vaste CIBazar à tapis Doù se sont installés12 marchands
iraniens et où se font maintenant des transactions sur les tapis
pour le monde entier.
d) Le débarquement des passagers se faisait dans un entrepôt
baptisé e Salon de la Douane a dans des conditions très sommaires.
La Compagnie du Port a construit une élégantegare maritime
avec salle de visite des bagages, salon d'attente, patio, bassin,

restaurant et magasins, gare qui est la seule dans son genre dans
le Proche-Orient.
e) Pour entreposer les marchandises dont le tonnage ne cessait
de croître, la Compagnie du Port a construit 140.000 m2 d'entre-
pôts couverts, en m&me temps qu'elle aménageait 2g.ooo m2
d'entrepôts découvertset 42.000m2de terre-pleins pour le stockage.
Parmi ces entrepôts elle a construit un entrepôt pour la réception

des marchandises dangereuses et explosibles, un vaste entrepôt
à étages pour le stockage des voitures automobiles et, par l'inter-
médiaire de sa filiale, la Compagnie généraledu Levant, le plus
vaste entrepôt frigorifique du Proche-Orient.
/) Pour la manutention des marchandises et des colis, la Com-
pagnie du Port a acheté tout un outillage métallique de grues
automobiles de z à 27 tonnes, de chariots élévateurs de 2 à 8
tonnes, de remorques et de plateformes, de tracteurs jusqu'à

45 tonnes, de palettes, etc.
Grâce à cet outillage, la rotation des navires dans le port de
Beyrouth est la plus rapide de celle de tous les ports du Moyen-
Orient.
g) Pour faciliter les opérations de la clientèle, la Compagnie du
Port a construit de nouveaux bureaux spécialiséset a acquis
une sériede matériels électroniques decomptabilité qui permettent
une grande rapidité dans les opérations administratives.

h) Malgré l'incertitude de son sort, la Compganie du Port, de
1946 à 1958, n'a pas hésitéà dépenser I milliard et demi de francs
pour l'aménagement et l'équipementdu port de Beyrouth.

4' Gràce aux dispositions ainsi prises, le tonnage de jauge qui
était en 1939 de 2.6oo.000 tonnes est passéen 1958 à 3.775.254
tonnes. Le tonnage des marchandises est passéde 6oo.000 tonnes
en 1939 à 2.100.000 tonnes en 1957 A la suite de la crise libanaise
de 1958 il est revenu à 1.400.000tonnes.
Le commerce de transit, qui était'de 60.000 tonnes en 1949,

a atteint 587.000 tonnes en 1957.
316 ~~É~~oIREDU GOUVERNEMENT FRASÇAIS (AOÛT 1959)

Le trafic de la zone franche est passéde xoo.ooo tonnes en 1949
à 570.000tonnes en 1957.Le nombre de compagnies de navigation
touchant régulièrementBeyrouth,quiétait de 30 en 1939,est passé
à 104 en 1959.
Sans l'activité déployéepar la Compagnie du Port, le commerce
libanais tout entier n'aurait jamais pu se développer avec une
telle rapidité. La ville de Beyrouth toute entière en a profitéet sa
population dépasse aujourd'hui 3oo.000 habitants, tandis que les
routes du pays sont sillonnéesde camions amenant ou enlevant
des marchandises du port.

5" Devant cet essor du trafic, la Compagnie du Port a envisagé
la construction d'un troisième bassin. Dès 1953 elle a saisi le Gou-
vernement de ses projets. De sa propre initiative elle a déjà rem-
blayé 47.000 m2 de terrain dans la mer. Le projet d'extension

prévoit un nouveau bassin de 20 hectares, protégépar le prolon-
gement de la jetée du large sur 525 mètres et par une digue abri
de zoo mètres, comportant 800 mètres de quais en eau profonde
fondés à moins 13 mètres avec remblaiement de la mer, donnant
une superficie de 376.000m2pour les futurs entrepôts et terre-pleins.
Ce projet a étéentièrement mis au point et les soumissions ont
étéreçues par la Compagnie. Malheureusement les événements
politiques et l'indécision du Gouvernement libanais n'ont pas
permis sa réalisation.
Ceciest d'autant plus dommage pour le Liban que si la Compagnie
avait étélibre d'agir, le nouveau bassin serait aujourd'hui terminé
et en service. Ilconcurrencerait par sa valeur technique les ports
syrien de Lattaquiéh, jordanien d'Akaba et irakien de Bassorah,

au bénéficedu Liban.
6" La Compagnie du Port ne s'est pas contentée d'exploiter
techniauement le uort de Bevrouth. Elle n'a uas oublié sonversonnel
libana&.

En 1947, première de toutes les sociétésd'exploitants au Liban,
elle a crééun service médico-social.En 1947 ce service a reçu 9.180
visiteurs, en1958 il en a reçu ~4.000. De même, la Compagniea
construit des logements pour les familles nombreuses de ses agents.
Elle a aidé le personnel à créer une caissed'entr'aide et a fondé
une association sportive et culturelle pourlaquclle elle a construit
et aménagéun pavillon de réunion, des bains, des tennis et basket-
ball.

7' Toutes ces activités, la Compagnie les a lancéesde sa propre
initiative, sans que le Gouvernement lui ait jamais rien demandé.
Toujours elle a cherchéà devancer les besoins du commerce libanais
gràce à des contacts constants avec la Chambre de commerce,
l'Association des industriels et celle des commerçants.
Les chefs d'Etat et les chefs de Gouvernement ont eux-mêmes
tenu à maintes reprises à manifester leur estime pour la Compagnie ~IEMOIRE DU GOUVERNEMEXT FRANÇAIS (AOÛT 1959) 19

et pour ses réalisations en venant eux-mêmesles inaugurer ou les
visiter.
Nous citerons seulement :

- la visite généraledu port le 3 août 1946 par le Président de
la République, S. Exc. Béchara El Khoury;
- l'inauguration de la gare maritime le IO avril 1947 par le
Président du Conseil, S. Exc. Riad Bey Sohl;
- l'inauguration du bazar à tapis le 15 novembre 1948 par le

ministre des Finances, S. Exc. Hussein Bey Ouéni;
- la pose du premier boulon de la voie de raccordement, le 12
mars 1949, par le Président du Conseil, S. Exc. Riad Bey Sohl;
- l'inauguration des nouveaux bureaux de la Compagnie, le
3 février 1950, par le directeur généraldu Contrôle et les présidents
des Chambres et Associations commerciales;

- l'inauguration du raccordement à la voie Nakoura-Tripoli le
17 juin 1950 par le Président de la République, S. Exc. Béchara
el Khoury ;
- l'inauguration du pavillon sportif le II mai 1953par le ministre
de l'Éducation nationale, S. Exc. Pierre Eddé ;
- la visite de la zone franche le 29 avril 1954 par le Président
de la République, S. Exc. Camille Chamoun;

- la visite du port, en vue des travaux d'extension, le 14 décem-
bre 1955, par le Président de la République, S. Exc. Camille Cha-
moun.
Au cours de ces visites, les chefs d'État comme les ministres ont
tenu à souligner les efforts de la Compagnie et à la remercier de
ce qu'elle faisait pour le Liban, lui apportant ainsi le meilleur des

encouragements.
8" On voit par ce qui précèdeque le développement du Liban
a étéen corrélation constante avec celui du port de Beyrouth.
C'est que la Compagnie du Port, constamment préoccupéedu
développement économique du Liban (production agricole d'agru-
mes, de pommes, progrès de l'industrialisation) et des pays de

l'hinterland grâce aux ressources apportées aux pays arabes par
la production et le transit du pétrole, constatant l'accroissement
rapide de la population et de ses besoins a, à tout moment; mis à
la disposition des usagers du port de Beyrouth les moyens néces-
saires au développement de leurs activités.
II est courant au Liban de dire que le port de Beyrouth est
CIle poumon du Liban >, ,u encore sle baromètre 11de son activité.
Il est courant aussi de dire que squand le port de Beyrouth va,
tout va ».

Ce r6le du port dans l'économielibanaise est nettement marqué
par les recettes douanières. Celles-ci sont passéesde 26 millions de
livres en 1950 à 78.0oo.000 de livres en 1957. Or plus de la moitié
des recettes douanières viennent du port de Beyrouth. On est donc en droit de dire que la Compagnie du Port de Bey-
routh a plus que largement satisfait ses obligations concessionnel-
les et qu'elle a toujours Œuvréau bénéficedu pays qui lui a confié
la construction et l'exploitation de son port principal. Les autorités
libanaises ont d'ailleurs reconnu l'importance de l'action de la
Compagnie en faveur du Liban et n'ont jamais tenté de lui imputer
des fautes dans l'exécution de ses obligations concessionnelles
(cf. extrait du Rapport de la Commission interministérielle chargée
d'étudier l'aménagement de la concession, annexe 65).

* *

III. Tentatives poz~rnzodifierles actes concessionnels

La lettre annexe no 12 à l'accord monétaire franco-libanais de
1948 réservait au Gouvernement libanais le droit d'entamer avec
les sociétés concessionnaires françaises ou à capital français des
négociations en vue d'apporter certains aménagements aux actes
concessionnels. Une telle mesure était justifiée par les conditions
nouvelles crééespar la fin du mandat et l'accession du Liban à
l'indépendance.
Pendant quatres années,cependant, le Gouvernement libanais ne
se prévalut pas de cette stipulation. Loin de chercher un accord

avec les sociétésconcessionnaires par la voie contractuclle, ce qui
eût étélégitime, il tenta de leur imposer des modifications unila-
térales des conditions d'exploitation de leur concession. II ne se
décida à proposer l'ouverture de négociations qu'en 1952, c'est-à-
dire à un moment où l'opinion publique était extrêmement hostile
aux sociétés concessionnaireset où le conflit de l'État aveccertaines
d'entre elles (SociétéÉlectricité de Beyrouth) avait pris un carac-
tère particulièrement aigu.
a) L'ouverture et l'abandon en 1952 des négociations.
A la fin de décembre 1951, à la suite d'une campagne exception-
nellement violente contre les sociétés concessionnaires, le ministre

des Finances indiqua que certaines d'entre elles étaient formelle-
ment exonérées del'impôt par leur Cahier des charges, mais que
le Gouvernement libanais allait tenter de les y soumettre en usant
du droit de reviser les actes concessionnels qu'il s'était réservépar
le Traité de 1948. Ainsi était engagéela procédure d'aménagement
des concessions.
Le 16 janvier 1952 (annexe 5), le Gouvernement libanais indiqua
à la Compagnie du Port qu'il était désireux d'entrer en pourparlers
avec elle. La Compagnie donnaimmédiatement son accord parlettre
du 21 janvier (annexe 6) et, le 13 février(annexs 7), elle désignait
son représentant, hl. de Dumast, administrateur-délégué.
Un mois plus tard, le 14 mars 1952, une Commission supérieure
d'enquête sur les concessions était crééeauprès du ministère des
Travaux publics libanais (annexe 8). Cette Commission devait en IIÉMOIRE DU GOUVERNEMENT FRANÇAIS (AOÛT 1959) 21

principe achever ses travaux dans les six mois. Elle avait en
particulier pour objet «d'entrer en pourparlers avec les sociétés
pour la même modification du Cahier des charges, d'une façon
qui s'harmonise avec les conjonctures actuelles, économiques,
financières et politiques>i.
Au mois de mai 1952 le président de la Commission supérieure
d'enquête sur les concessions demanda à deux reprises à la Com-
pagnie de recevoir des experts. Chaque fois la Compagnie se
déclara prête à faciliter autant que possible la tâche de ceux-ci
(annexes 9,IO, II et12).
L'année 1952 et une partie de l'année1953 passèrent cependant
sans que la Commission ait déposéde rapport et sans que le
Gouvernement ait pris aucune décision.
Le directeur du contrôle des Sociétés,qui estimait pour sa part
nécessaire d'aboutir à un aménagement contractuel des conces-
sions. demanda au Gouvernement, en octobre 1953. d'organiser
une nouvelle Commission. Il préconisait d'y faire siéger, à ses
côtés, le directeur général desFinances et le directeur du Con-
tentieux de l'État. Mais le Gouvernement ne donna pas suite à

cette proposition, et aucune décision n'intervint, ni en 1953. ni
en 1954.
b) Réouverture des négociations, élaboration et abandon de la
Convention de 1957.
En 1955. le trafic du port de Beyrouth ne cessait de se déve-
lopper; il devenait nécessaire de l'agrandir. Au mois de mars, la
Compagnie du Port, désireusede pouvoir entreprendre les travaux
indispensables, appela une nouvelle fois l'attention du Gouver-
nement sur l'urgence de l'aménagement des actes concessionnels.
Le directeur généraldu contrôle des Sociétés,qui partageait sur
ce point les vues de la Compagnie, élabora un projet de décret
(annexe 13) instituant une Commission chargée de résoudre les
questions pendantes. Ce n'est pourtant que le 8 septembre que
le Gouvernement déféra i sa demande en créant une Commission
qui avait pour mission d'étudier en mêmetemps l'aménagement
des textes coucessionnels et l'expansion du port. A la demande
de la Commission, la Compagnie du Port établit immédiatement

un projet de convention. Mais les pourparlers qui devaient aboutir
à la rédaction du texte définitif ne furent engagés qu'au mois de
février 1956. Enfin, le19 avril, la Commission remettait au GOU-
vernement son rapport accompagné du projet de Convention qui
réglait les litiges passés, fixait les conditions d'exploitation du
port pour l'avenir et arrêtait les modalités d'extension du port
dans lequel devait étre construit un troisième bassin. Une solution
paraissiit proche.
Cependant. ..auela.es iours avant le dépôt du rappor.. de la
~ombission un changeAcnt de rninistèk était intervenu au
Liban. Le nouveau ministre des Travaux publics était hostile à
la poursuite de l'exploitation du port par une compagnie étrangère.22 \IDMOIR EU GOUVERSEMEST FRASÇAIS (AOÙT 1959)

Aussi, le 24 avril, transmit-il au Gouvernement le rapport de la
Commission, mais en l'assortissant d'un avis défavorable. II
indiquait que, pour sa part, il était partisan du rachat de 1ü
concession par l'État libanais. En conséquence, le 22 mai 1956,

le Gouvernement adopta le principe du rachat de la concession.
Il ne put toutefois entreprendre aucune action en se sens car il
fut renversé le 6 juin.
Le Gouvernement suivant renonça à racheter la concession. Il
ne se rallia cependant pas exactement aux conclusions de la
Commissionet proposa à la Compagnie du Port d'étudierà nouveau
le projet de convention, en modifiant notamment les clauses
relatives à l'extension du port. Il faut se rappeler que, pendant
que ces négociations étaient en cours, le différend entre la Com-
pagnie et le Gouvernement était arrivé à une phase aiguë en
raison de la promulgation de la loi du 26 juillet 1956 (cf. ci-dessous

p. 23). Un changement ministériel intervint à nouveau le 18 no-
vembre 1956. Le Gouvernement successeur reprit purement et
simplement le projet établi par la Commission en 1955, qui fut
derechef étudiépoint par point avec les représentants de la Com-
pagnie. II est à noter que ceux-ci, estimant que désormais les
litiges en cours avaient une chance d'êtrerésoluspar une convention
générale,interrompirent momentanément la procédure d'arbitrage
qu'ils avaient entamée sur les divers points qui les séparaient du
Gouvernement libanais.
Les événementsdc Suez firent surscoir à toute décision,et les
négociationsen vue de l'aménagement contractuel de la concession
ne reprirent qu'en février 1957. Elles devaient aboutir, le 5 août

1957, à la signature d'une iConvention d'extension du port de
Beyrouth et d'aménagement de la concession de la Compagnie du
Port. des Quais et des Entrepôts de Beyrouth »(annexe 16).
Aux termes de son article 24, cette Convention devait être
approuvéepar l'Assemblée généraleextraordinaire des actionnaires
de la Compagnie du Port et par le Parlement libanais. La première
de ces formalités fut accomplie dès le IO octobre 1957. De son
côté le Gouvernement libanais avait transmis au Parlement le
9 août 1957(annexe 17) un projet de loi approuvant la Convention.
A l'heure actuelle, le Parlement ne s'est pas encore prononcé et
le Gouvernement libanais a remis en cause certaines clauses de
l'accord susvisé. Lesautorités de Beyrouth n'en soutiennent pas

moins un étrange raisonnement selon lequel la Compagnie du Port
serait liéepar les dispositions de la Convention de 1957, puisque
toutes les formalités nécessairesà sa mise en Œuvre ont étéaccom-
plies par elle, alors que ce texte leur demeurerait inopposable, le
Parlement libanais ne l'ayant pas approuvé (annexe 62).
La Cour ne manquera pas d'apprécierla valeur d'une semblable
thèse qui est très révélatrice dela méconnaissance des principes
juridiques fondamentaux dont a fait preuve dans cette affaire la
yartie adverse. ~IÉMOIRE DU GOUVERNEDIENT FRANÇAIS (AOÛT 1959) 23

En conclusion, le Gouvernement de la République française ne
fait pas grief au Gouvernement libanais de ne pas avoir réalisé
l'aménagement contractuel des actes concessionnels, puisqu'il
s'agissait là d'une simple faculté réservéepar le Traité de 1948,
et non d'une obligation. Mais il observe que, pendant sept années,
la Compagnie du Port, des Quais et des Entrepôts de Beyrouth
s'est efforcéede faciliter la réadaptation de la concession; que le
Gouvernement libanais lui a constamment laissé espérer qu'il
serait mis fin par la voie contractuelle aux litiges en cours; que,

croyant toujours prochaine l'issue favorable des pourparlers entre-
pris, la Compagnie hésitait à mettre en Œuvre les moyens de
recours que lui avaient attribués ses actes concessionnels, cepen-
dant que le Gouvernement de la République française retardait
le moment où, en application de l'accord monétaire franco-libanais
de 1948, il prendrait en main les intérêtsde son ressortissant:
qu'au surplus, alors que les négociationsétaient en cours, l'autorité
concédante laissait s'accréditer l'opinion que la Compagnie du
Port refusait de se sonmettre aux lois du pays et a laissé se
développer contre elle de violentes campagnes de presse qui se
sont répercutéessur la tenue en Bourse des titres de la Société;
que, enfin, les tergiversations du Gouvernement libanais, hésitant
entre la poursuite de la concession et le rachat, l'application ou
la non-application de telle ou telle mesure législative ouadminis-
trative, ont donné lieu à des spéculations nuisibles aux intérêts

de la Compagnie.

IV. Le diffév8nd

A. - Les tentatives d'assujettissement de la
Compagnie à l'impôt
Avant mêmeque ne s'ouvrent les négociations ci-dessusdécrites,

et pendant que se déroulaient ces conversations dans l'atmosphère
qui vient d'êtreévoquée,le Gouvernement libanais a tenté à de
nombreuses reprises d'assujettir la Compagnie du Port au paiement
d'impàts dont la dispensaient cependant ses actes concessionnels.
Ces tentatives, menées d'abord sur le plan administratif, ont
trouvé leur expression législative dans la loi du 26 ,juillet 1956
dont le libellémeme indique clairement la volonté de1'Etat libanais
de faire table rase des engagements qu'il avait antérieurement
souscrits vis-à-vis des entreprises en cause (cf. annexe181.
Conformémentà une attitude arrêtéede longue date, le Gouver-
nement libanais a décidéde soumettre, ou de laisser soumettre,
la Compagnie du Port:

- à l'impôt sur le revenu;
- 3 l'impôt foncier;
- à la taxe municipale sur la valeur locative;
- aux droits de douane.24 MÉMOIRE DU GOUVERNEMENT FRANÇAIS (AOÛT 1959)
a) Tentatives pour assujettir la Compagnie du Port à l'impôt
sur le revenu.
La Compagnie du Port, des Quais et des Entrepôts de Beyrouth

n'a jamais acquitté l'impôt sur les bénéficesde son exploitation.
En effet, les divers Gouvernements qui se sont succédédepuis
l'attribution de la concession jusqu'en 1947 ont estimé que les
dispositions de l'article 8 de la Convention d'origine exemptaient
la Compagnie de toute forme d'impôt sur le revenu. Ainsi le Gouver-
nement ottoman ne lui a-t-il jamais appliqué l'impôt dit du
r temettu 11institué par une loi du 30 novembre 1914 (annexe ~gj,
qui visait cependant particulièrementen son article 4les compagnies
exploitant une concession de ports, de quais et de «tous autres

travaux d'utilité publique se référant à des services publics ».
Après la guerre de 1914-1918, le Gouvernement libanais, à son tour,
considéra que la Compagnie du Port échappait à l'imposition du
temettu. De même,lorsquefut promulguéela loi du 4 décembre1944
(annexe 20) instituant au Liban l'impôt sur le revenu, le Gouverne-
ment ne notifia pas d'imposition à la Compagnie. Il s'y décida
soudain en 1947. soit trois ans après la promulgation de la loi
précitée,contestant pour la première fois l'interprétation donnée
jusqu'alors à l'article8 de la Convention d'origine, et affirmant
que, de toutes façons, la loi du 4 décembre 1944 avait abrogé les

dispositions relatives à l'impôt contenues dans la convention de
concession.
En 1950 et en 1951, la Compagnie du Port se vit réclamer l'impôt
sur le revenu (annexe 21). Estimant qu'en vertu de l'accord moné-
taire franco-libanais qui stipulait que les sociétésconcessionnaires
resteraient régiespar les textes en vigueur azi xerjanvier 1944, une
loi du 4 décembre de cette mêmeannéene pouvait lui êtreapplica-
ble. La Compagnie protesta auprès du Gouvernement par lettre du
j juin 1950 Le 30 janvier 1951(annexe 23), elle exposait à nouveau
sa thèse, et prévenait le Gouvernement que si satisfaction ne lui

était pas donnée, elle serait obligéede recourir à l'arbitrage, confor-
mément aux dispositions de l'article 7 de la Convention de réadap-
tation de 1925 (annexe 4). Le Gouvernement libanais attendit plus
d'un an pour opposer à la Compagnie, le 14 mars 1952. une fin de
non-recevoir (annexe 24). La Compagnie renouvela immédiatement
ses protestations et sa demande de recours àl'arbitrage(annexe z j).
Cependant, ainsi qu'il a étéindiqué plus haut, le Gouvernement
libanais avait fait connaître à la Compagnie son intention de pro-
céder à la revision des actes concessionnels prévue par l'accord
monétaire de 1948. La Compagnie ne crut donc plus utile d'exiger

l'arbitrage et proposa que la question de l'impôt sur le revenu soit
résoluedans l'aménagement contractuel. A la demande du contrôle
des Sociétés concessionnaires (annexe 26), le ministère des Finances
accepta, le 16 décembre 1952(annexe 27), de suspendre l'exécution
des sommations qui avaient étéadressées à la Compagnie pour le
paiement de l'impôt sur le revenu. Ses services n'en continuèrent ~ÉMOIRE DU GOUVERNEDIEST FRANÇAIS (AOÛT 1959) 25

pas moins à envoyer chaque année des avis d'imposition à la
Compagnie. Celle-ci en accuse régulièrement réception,tout en
précisantque la question devait ou bien être traitée dansl'ensemble
des aménagements concessionnels, ou bien êtrerégléepar un arbi-
trage. Elle ne reçut aucune réponse. Après la promulgation de la
loi du 26 juillet1956 (annexe 18) qui supprime toute exemption
d'impôt accordéeantérieurement, lacompagnie maintint sa position.
Aucune décisionn'est intervenue, et le Gouvernement libanais ne

donne toujours pas suite aux demandes réitéréed se la Compagnie
d'aller à l'arbitrage.
b) Tentatives pour assujettir la Compagnie du Port à l'impôt
foncier.
L'article8 de la Convention de 1887 exempte la Compagnie du
Port, pendant toute la durée de la concession, de tous impôts
fonciers.
Néanmoins, àplusieursreprises, et notamment en1938, le Gouver-
nement libanais prétendit soumettre la Compagnie du Port à

l'impôt foncier sur le domaine public concédé.La Compagnie,
s'appuyant sur ses actes concessionnels, refusa de se plier aux
exigences du Gouvernement, qui reconnut son bon droit.
Le II avril 1947 (annexe 28),le Gouvernement libanais réclama
le versement de l'impôt foncierà la Compagnie qui, le25 avril1947
(annexe 29). rappela qu'elle était exempte de cet impôt. Une longue
discussion avec les pouvoirs publics libanais s'ensuivit, au terme
de laquelle, le zo novembre 1948, la Compagnie demanda au
ministère des Finances libanais de faire procéder à un nouvel
examen de la question. Le 24 septembre 1949 (annexe 30).le minis-
tère des Finances reconnut que le ministère dc la Justice, consolté,
avait estiméque les biens-fonds, bâtis et non bàtis, situés dans la
zone de la concession, et utilisés pour les travaux d'exploitation
prévus à l'articlI de la Convention de 1887 étaient exempts de
tout impôt par l'articl8 de la Convention précitée.Le ministre des

Finances priait la Compagnie de prendre note de cette décision.
L'affaire paraissait donc régléelorsqueà la suite de la promul-
gation de la loi di126 juille1956 (annexe 18). le Gouvernement
libanais réclama à la Compagnie, le14janvier 1957,le versement de
l'impôt foncier pour l'année1953. La Compagnie protesta aussitôt
contre cette prétention (annexe 31).Elle rappelait les dispositions
de l'accord franco-libanais d1948 et exprimait son étonnement de
voir le Gouvernement rompre avec une pratique d'exonération qui
remontait aux origines de la concession, au moment précisoù les
négociations en vue de l'aménagement descontrats et la solution
des problèmespendants paraissaient devoir prochainement aboutir.
L'avis du ministère de la Justice fut à nouveau en tous points
conforme àla thèsesoutenue par la Compagnie du Port (annexe 32).
11 reconnaissait notamment que les exonérations d'impôt dont
bénéficiaitla Compagnie du Port étaient garanties par l'accord

monétaire franco-libanais de 1948 (cl.annexe 32). Malgrécet avisformel du ministère de la Justice, le Gouvernement ne crut pas
devoir répondre aux protestations de la Compagnie. Bien plus, le
ministère des Finances lui adressa, le26 mars 1958, des sommations
pour l'impôt foncier de 1954, et le rgjanvier 1959, des sommations
pour l'impôt foncier de 1955. La Compagnie formulason opposition
à cette imposition:
- lej avril 1958, en souhaitant qu'aucune position ne soit prise

avant que le Parlement ait approuvé la Convention de 1957 (annexe
--, :
-- le6 février 1959, tout espoir de voir mettre ladite Convention
en vigueur étant perdu, en demandant expressément le bénéfice
de la clause d'arbitrage prévue dans les actes concessionnels (an-
nexe 34).
Passant outre à ces oppositions et à l'avis précitédu ministère
de la Justice, le7 juin 1958, le ministère des Finances fit saisir une
somme de 5,250 L.L. dues à la Compagnie par les P. T. T. pour la
location d'un entrepôt. La somme saisie était à valoir sur les sommes
prétendument dues par la Compagnie. Cette saisie représentait une

première mesure d'exécution de la loi du 26 juillet1956. La Corn.-
pagnie tint, par lettre du 1er octobre 1958 (annexe 35). à exprimer
(ilesplus amples réservessur le non paiement du loyer de l'entrepôt
des P. T. T.D.
c) Tentatives pour assujettir la Compagnie du Port aux taxes
municipales.
Depuis le jour de sa fondation, la Compagnie du Port n'a jamais
relevé de la municipalité de Beyrouth pour son domaine public
affecté à l'exploitation du port. De ce fait elle n'a jamais payé
d'impôts ni de taxes à la municipalité. Celle-ci a toutefois tentéà
plusieurs reprises de s'immiscer dans les affaires de la Compagnie
du Port, mais, chaque fois, le contrôle des sociétés concessionnaires
lui a rappelé le statut particulier de la Compagnie (cf.titre d'exem-

ple les annexes 36 et 37 : lettre en date du 14 février1951 du
Contrôle des sociétésà l'administrateur de Beyrouth, lettre en date
du 19 février1951 du chef des Services techniques à i'administra-
teur de la Ville, décision en date du 21 février 1951 de l'admiuis-
trateur de la Ville).
Jusqu'en 1gj6 la muuicipalité ne songea pas à réclamer à la
Compagnie le versement des taxes municipales relatives à la valeur
locative. Il était en effet avéré quel'artic8ede la Convention d'ori-
gine l'en dispensait. Cependant, le 30 août 1956 la municipalité
de Beyrouth demandait à la Compagnie du Port d'acquitter une
taxe municipale sur certains entrepôts. Par la suite, se fondant sur
un décretdu 3 mars 1942 (annexe 36)modifiépar une loi du 22 jan-
vier 1951, elle exigea à plusieurs reprises le versement de la taxe
municipale sur tous les locaux utilisés par la Compagnie. Sur pro-
testation verbale de celle-ci, la municipalité de Beyrouth ne contesta
pas les liens de la taxe avec la propriétéimmobilière, mais elle ~IÉMOIRE DU GOUVERSE~IENT FRASÇAIS (AOÛT1959) 27
prétendit que les taxes municipales n'étaient pas des impôts, et
qu'en conséquence la Compagnie du Port n'en était pas exemptée

par ses actes concessionnels. La Compagnie exposa à la municipalité,
par lettre du IO décembre 1956 (ailnene 39), les motifs pour lesquels
elle ne s'estimait pas redevable des taxes municipales, et formula
expressément sou opposition à la taxation. Afin de suspendre I'exé-
cution Ljusqu'à la solution définitive de l'affaire soit par l'arbitrage
tel que prévu dans les actes concessionnels, soit par la voie des
négociations qui seront entreprises pour le réaménagementcontrac-
tuel ID,elle versait sous toutes réserves la somme de 1oo.000 L.L.
en un chèque barrésur la Banque de Syrie et du Liban. En même
temps, elle saisissait de l'affaire la direction du Contrôle des Sociétés

concessionnaires, en l'avertissant que, si la municipalité persistait
dans son intention de percevoir les taxes municipales sur les locaux
du port, elle se verrait contrainte de demander l'arbitrage sur ce
point.
La municipalité de Beyrouth, invoquant la loi du 26 juillet 1956,
refusa de prendre en considération les arguments de la Compagnie
(annexe 41). Le 17octobre 1957. elle prenait une ordonnance de
saisie sur les biens de la Compagnie (annexe 42). Les locataires
des immeubles loués par celle-ci étaient en mêmetemps priés de
verser désormais à la municipalité le montant de leur loyer. Le

directeur du Contrôle des Sociétéss'inquiétade voir la municipalité
de Beyrouth prendre de telles mesures trois mois à peine après la
signature de la Convention du 5 août 1957 qui exonérait totalement
la Compagnie du Port des taxes municipales. Il écrivit donc le
19 novembre 1957(annexe 43) au Premier Ministre pour lui signaler
que l'argumentation juridique présentée par la Compagnie lui
paraissait i.alable et qu'au surplus «il serait peut-être prématuré >I
que la municipalité de Beyrouth prenne desdispositions contraires à
la Convention d'août 1957 avant que le Parlement ne se soit pro-
noncé sur celle-ci. II estimait donc souhaitable de soumettre le

différend au ministère de la Justice. La Compagnie qui, pour sa
part, n'avait aucun motif de penser que la mise en vigueur de la
Convention d'aménagement de la concession pût tarder, crut
suffisant de prier, le2 décembre 1957. la municipalité de Beyrouth
de suspendre les saisies exercées à son encontre (annexe 44). Mais
le Gousernement ne donna aucune suite à la proposition di1direc-
teur du Contrôle des Sociétés,et la municipalité, malgré un arran-
gement aux termes duquel la Compagnie avait consenti à consigner
1oo.000 L.L. jusqu'à l'intervention d'une solution définitive,
continua à menacer la Compagnie du Port. Celle-ci demanda donc

expressément, le 2 janvier 1958, que le litige soit réglépar voie
d'arbitrage (annexe 45). Le Gouvernement libanais ne répondit pas
à la demande de la Compagnie. Bien plus, pendant toute l'année
1958, la municipalité de Beyrouth saisit les loyers des locataires
de la Compagnie, à qui elle fit ainsi tort de plus de 6oo.000 L.L.28 ~~ÉMOIREDU GOUT'ERSEMEST FHASÇAIS (AOÛT 1959)
d) Tentatives pour assujettir la Compagnie du Port aux droits
de douane.
L'article 8 de la Convention de 1887 exonère formellement des

droits de douane les matériels de la Compagnie du Port. Aucune
contestation ne s'est élevéesur ce point jusqu'à la promulgation de
la loi du 26 juillet 1956. Fin juillet 1956, la Compagnie du Port
reçut quelques tracteurs. Ainsiqu'ellel'avait toiijours fait jusqu'alors
elle adressa un certificat de franchise douanière au directeur général
du Contrôle des SociétésC. elui-citransmit le certificat à la direction
générale desDouanes qui devait donner l'autorisation du retrait
du matérielen franchise (annexe46). Le 6 août (annexe471ladouane
renvoyait le certificat au Contrôle des Sociétésavec Sindication
suivante: « Prière d'annuler le certificat de franchise ci-joint après

que toutes les sociétéconcessionnaires aient étésoumises aux droits
et impôts conformément à la loi du 26 juillet 1956.» Ainsi était
engagéle différend relatifau paiement des droits de douane.
Pour pouvoir utiliser le matérieldont elle avait un besoin urgent,
la Compagnie du Port dut remettre à l'administration des Douanes
une lettre de garantie bancaire. Entre temps le Contrôle des Sociétés
demanda son avis surla question au ministère de la Justice, qui,
ainsi qu'il a étéindiqué précédemment,signala que la Com-
pagnie du Port pouvait à bon droit s'opposer au fait que la loi du
26 juillet 1956 lui soit appliquée(annexe 32) Forte de I'opinion

exprimée par le ministère de la Justice, la Compagnie du Port
écrivit le 4 novembre 1957 (annexe 48) à la direction généraledu
Contrôle des Sociétés,pour demander que les lettres de garantie
bancaire lui soient restituées et que le matériel de la Compagnie
soit considérécomme exempté des droits de douane, ainsi qu'il
l'était précédemment.Le 14 mars 1948 (annexe 49). la direction
généraledu Contrôle des Sociétés fitsavoir à la Compagnie du Port
que le ministère des Finances avait soumis l'affaire au Conseil des
Ministres. Sans attendre la décisionde celui-ci, la douane, ne se
contentant plus dc lettres de garantie bancaire, exigea que la Com-

pagnie du Port verse effectivement en consignation les droits de
douane pour pouvoir retirer les matériels importés indispensables
à son exploitation. La Compagnie, obligéede seplierà cette exigence,
écrivitle 21 mars 1958 au directeur du Contrôle des Sociétéspour
maintenir ses réservesconcernant la taxation douanière (annexejo).
Depuis cette époquele Gouvernement n'a pris aucune décision
de principe, mais la Compagnie du Port a dû continuer de verser à
la douane des sommes importantes.
Le IO février1959, à la demande du Gouvernement de la Répu-
blique française, le ministre des Finances libanais ordonnait de

suspendre ~ijusqu'à nouvel ordre iiles mesures d'exécution apour
le recouvrement des impôts et taxes liquidks à l'encontre de la
Sociétédu Port, des Quais et des Entrcpôts de Beyrouth n.Mais
cette mesure n'avait qu'un caractère temporaire.Le différendn'était
pas régléau fond, et au surplus le produit des saisies effectuées MÉMOIRE DU GOUVERNEMENT FRAKÇAIS (AoÙT1959) 29

antérieurement et des impôts versés n'était pas restitué à la
Compagnie.

B. - Le refus d'allerà l'arbitrage

L'article 7 de la Convention de réadaptation des actes conces-
sionnels de la Compagnie du Port, des Quais et des Entrepôts de

Beyrouth, en date du I jdécembre 1925. stipule: «Les contestations
qui s'élèrlerontentre la Compagnie du Port de Beyrouth et I'ad-
ministration au sujet de l'exécution et de l'interprétation des
clauses des actes concessionnels de la Compagnie seront portées
devant les juridictions administratives compétentes. à n~oinsqrie
la Compagnie concessionnairen'usedz~droit yzl'ellese réserve,toute-
fois, desoziinettrelesdifirendà uneConzntissiond'arbitragecomposée
de trois arbitres nommés, l'un par le Gouvernement, l'autre par
le concessionnaire, et le troisième par les deux premiers, ou, à
défaut d'entente, par le vice-président du Conseil d'État de la
République française »(c'est nous qui soulignons).

Ainsi qu'il a été indiqué à plusieurs reprises au cours de ce
mémoire, la Compagnie du Port a maintes fois demandé l'appli-
cation des dispositions du texte précitéaux différends qui l'oppo-
saient au Gouvernement libanais. Celui-ci n'a en fait jamais accepté
de se soumettre à cette procédure.
En 1933 un premier litige était né entre le Gouvernement liba-
nais et la Compagnie au sujet du calcul de la participationde l'État
aux bénéficesdc la Compagnie. Celitige avait fait l'objet d'une pro-
cédure d'arbitrage, engagée en 1937, et qui n'avait pu êtremenée à
son terme du fait de la guerre. Un règlement provisoire intervint
liquidant le litige jusqu'au 2 septembre 1939 et prévoyant que la
question serait reprise après la fin des hostilités. Le 3 mai 1950, la

Compagnie fit une proposition transactionnelle (annexe 51). Le
4 nocembre 1950 (annexi 52).le Gouvernement fit savoir qu'il pré-
férait revenirà l'arbitrage. La Com~aenie (annexe <'?)acce~ta cette
procédure et, à l'issue-de pourp~rl~rs, 1e texte %n cokpromis
d'arbitrage fut remis au Gouvernement le 3 décembre 1950 Quel-
ques modifications y furent apportées et un projet accepté par les
deux Parties fut transmis au Conseil des Ministres le 2 juillet 1951,
11ne fut jamais signéparce que le Gouvernement prétendit vouloir
inscrire la question litigieuse dans la future convention de réaména-
gement des actes concessionnels. Le Gouvernement de la liépublique
française donne ci-dessous un rappel des autres demandes d'arbi-
trage présentées par la Compagnie au Gouvernement libanais à

propos du différend actuellement soumis à la Cour.
1) En ce qui concerne le litige relatif à l'imposition sur le revenu:

Dès le 30 janvier 19j1, la Compagnie du Port demandait que ce
litige soit soumisà l'arbitrage (annexe 23). Le Gouvernement liba-
nais lui adressa le 14 mars1gj2 une fin de non-recevoir (annexe24).30 YEYOIRE DU GOUVERSEIIEXT FRASÇAIS (AO~T 1959)

La Compagnie devait renouveler ses demandes:
- le 26 mars 1952 (annexe 25) ;
- le z décembre 1952 (annexe 54) ;
- le II juillet1953 (annexe 55) ;
- le 28 janvier 1956 (annexe 56) ;

- le 15 septembre 1956 (annexe 57).
Aucune réponse à ces propositions ne fut jamais donnée par le
Gouvernement libanais.

2) En ce qui concerne le litige relatif à l'impôt foncier: la Com-
pagnie a demandé que la question soit soumise à I'arbitrage
- le 5 avril1958 (annexe 33) ;
-- le 6 février1959 (annexe 34).
Elle n'a reçu aucune réponse.

3) En ce qui concerne le litige relatif aux taxes municipales:
La Compagnie a demandéexplicitement l'arbitrage par lettre du
z janvier 1956 (annexe 45). Tenant sa concession de l'État, c'est
évidemmentà celui-ci qu'elle s'est adressée,et non à la municipalité
à qui ne la liait aucun accord. Aucune réponsene lui est parvenue.

Devant le silence despouvoirs publics, l'approche de la date d'ex-
piration de l'accord monétaire franco-libanais de 1948 et l'abandon
du projet de convention de 1957, la Compagnie demanda le 22 dé-
cembre 1958 (annexe 58) un arbitrage pour toutes les questions en
cours. Elle invita le Gouvernement à désigner son représentant
pour la rédaction en commun du compromis d'arbitrage. Le Gou-
vernement libanais n'accusa m&mepas réception de la lettre de la
Compagnie. En conséquence,le 17 janvier 1959 (annexe 59) celle-ci
renouvela ses propositions. En mêmetemps elle choisissait pour
arbitre M. Pierre Josse, président de section au Conseil d'État
français, et remettait au Gouvcrnemcnt libanais un projet de com-
promis d'arbitrage (annexe 60).

Le II février1959. à cinq jours de l'expiration de l'Accord franco-
libanais de 1948, la Compagnie fit une ultime tentative (annexe 61).
Elle signala qu'au cas où la désignation du représentant libanais
chargé de rédiger le compromis d'arbitrage n'interviendrait pas
avant le 26 février,eue se verrait obligéede considérerque le Gou-
vernement libanais refusait d'aller à l'arbitrage et manquait ainsi
à ses engagements contractuels.
Le 15 février 1959, l'accord monétaire de 1946 était prorogéjus-
qu'au 30 juin 1959. Le 27 février(antzexe62) le Gouvernement ré-

pondait à la dernière requêtede la Compagnie du Port. Estimant
que la Convention du 5 août Igj7 avait réglétous les différcnds,il
déclaraitne pouvoir accepter le recoiirs àl'arbitrage,à moins que la
Compagnie ne irdénonçât i,la Convention. Le Gouvernement de
la liépublique française a déjà souligné (cf.infra) le caractère
irrelevant de cette argumentation. Cependant, toujours désireuse de parvenir à un accord, la Compagnie demanda, le 9 mars 1959
(annexe 63), la rédaction rapide du compromis d'arbitrage. Un fois
encore elle ne reçut aucune réponse. Nonobstant le silence du Gou-
vernement, elle renouvela ses propositions le 5 mai 1959(annexe641,
mais cette démarche ne fut suivie d'aucun effet.

Ch. 1. Le difirend entre la Contpagnie dzi Port, des Quais et des
Enlrepdts de Beyroz~thet le Go~wernem~tiltibanais

Dans le différend qui oppose depuis 1947 la Compagnie au
Gouvernement libanais, deux auestions doivent être distin-uées.
cellt: dei tenr;irives ~I';issuj~ctisseniàt l'imp0t. et culle ilii rt.fiis
<I'rill<r I'arl>itraç<1.t:C;iiii\.crri<:rntc In République fr:inç:iisu
montrera que sur ces deux points le Gouvernement libanais a
commis un grand nombre d'actes illicites qui sont des violations
des actes concessionnels de la Compagnie du Port, des Quais et des
Entrepôts de Beyrouth.

A) Aux termes de l'article 8 précitéde la Convention de 1887,
la Compagnie du Port, des Quais et des Entrepôts de Beyrouth
était formellement exonéréedes droits de douane (sLe matériel et
les matériaux, pierres, bois de charpente, fers, houilles, machines
et autres nécessairesau premier établissement desouvrages du port,
des quais et de ses dépendances, que les concessionnaires achète-
raient dans l'Empire ou qu'ils feraient venir de l'étranger, seront
exempts de tous droits de douane II)ainsi que de l'impôt foncier
(c pendant toute la durée de la concession, le sol, fonds des ports,
quais et dépendancesne seront passibles d'aucun impôt D). (C'est
nous qui soulignons.)
Aucune contestation ne s'est d'ailleurs élevéeau sujet de l'inter-
prétation de l'article 8 relativement à ces impôts. Le ministère des
Finances qui, en 1947, avait réclamé à la Compagnie le versement
de I'impôt foncier, reconnut son erreur. L'assujettissemeiit de la
Compagnie du Port à l'impôt foncier et aux droits de douane, en

application de la loi du 26 juillet 1956, constituait donc incontesta-
blement une modification unilatérale de la concession. Le ministère
des Finances libanais ne le contesta pas. La Compagnie du Port de
Beyrouth est en conséquence fondée à soutenir que lesmesuresd'exé-
cution prises à son encontre (saisie du loyer d'un local loué aux
P. T. T., exigence du versement effectif des droits de douane) sont
des violations pures et simples de son contrat d'origine dont les
dispositions étaient garanties par l'accord monétaire franco-libanais
de 1948.
Le texte de l'article 8 a donné lieu cependant à controverse
- tout au moins le Gouvernement libanais et la municipalité de
Beyrouth ont-ils cru pouvoir en soulever une - en ce qui concerne
l'impôt sur le revenu et les taxes municipales. 32 ~IÉMOIRE DU GOUVERNEBIENT FRANÇAIS (AOÛT 1959)

1) L'impot sur le revenu
L'article 8 de la Convention d'origine ne vise pas formellement

l'impôt sur le revenu, pour unmotif d'ailleurs trèssimple, c'est qu'au
moment de la signature du contrat un tel impôt n'existait pas.
L'intention de l'autorité concédante n'en était pas moins d'exeinp-
ter la Compagnie de toute forme d'imposition, ainsi qu'il appert
de l'attitude adoptée par le Gouvernement ottoman, puis par le
Gouvernement libanais jusqu'en 1947. Ainsi le versement de l'im-
pôt, dit du temettu, crééen 1914, ne fut-il pas demandé à la Com-
pagnie. Le Gouvernement ottoman estimait qu'en vertu de ses actes
concessionnels la Compagnie en était exonérée.En effet, le terme
Ifonds des ports iqui figure à l'article 8 avait étéinterprétécomme

désignant les ssommes d'argent n, le 1capital » de la Compagnie.
Le Gouvernement libanais s'avisa en 1947 qu'il pouvait aussi bien
avoir le sens d' simmeuble ».En fait, peu importe de savoir laquelie
rie ces deux interprétations est la plus justifiée. Seule doit êtrerete-
nue celle qu'avait adoptée le Gouvernement ottoman, d'abord parce
qu'il convient de toujours rechercher les intentions des auteurs d'un
contrat, ensuite et surtout parce que la Convention de réadaptation
de 1925 stipule, en son article 2, que e tous les actes, conventions,
arrangements ou accords intervenus avec le Gouvernement ottoman,
les administrations publiques ottomanes ..poz~rpriciser mcinter-

préterles droitsquela Compagnie tient de sa concession et des actes
concessio~inels sont intégralement maintenus 1).(C'est nous qui
soulignons.) Quand bien même lebut poursuivi dans la Convention
d'origine n'aurait-il pas étéd'exonérer la Compagnie de tout impôt,
la Convention de 1925 garantissait le maintain du statu qzconnte
sur le point particulier del'impôt sur le revenu, ou impôt équivalent,
qui avait donnélieu à une interprétation de l'article 8de la Conven-
tion de 1887 de la part de l'administration ottomane. Le Gouverne-
ment libanais, du reste, lorsque fut institué par une loi du 4 décem-

bre 1944 un impôt sur le revenu, estima que la Compagnie en était
exemptée.
Il faut noter qu'en fait, an moment où, en 1947, il modifia sa
position, le Gouvernement libanais n'affirma pas que le texte de
l'article 8 n'impliquait pas exemption de l'impôt sur le revenu. Il
signala seulement que l'interprétation donnée jusqu'alors pouvait
êtrecontestée. Ilais il fonda principalement ses réclamations sur la
loi du 4 décembre 1944 qui, àson sens, abrogeait l'exemption anté-
rieurement accordée, m&me si celle-ci l'avait étévalablement en
application des actes concessionnels.

Or, en vertu de la lettre annexe no 12 à l'accord monétaire franco-
libanais de 1948, la loi de décembre 1944 ne pouvait s'appliquer à
la Compagnie. En effet ce texte prévoit que, jusqu'à la mise en
vigueur des aménagements contractuels, «les actes, annexes et
.textequi régissent les concessionsde ces sociétés au le' janvier I944
demeureront en vigueur i>(c'est nous qui soulignons). La Compagnie
pouvait donc refuser le servement de l'impôt sur le revenu, tant MÉMOIRE DU GOUVERNEMEKT FRANÇAIS (AO~T1 T959)
33
qu'il n'avait pas étéprouvé que ses actes concessionnels ne l'en dis-
pensaient pas. Or, s'agissant d'une contestation sur l'interprétation
d'une clause des actes concessionnels, cette preuve aurait pu être
apportée par un arbitrage, que réclamala Compagnie.

2) Les taxes nttinicipales

La municipalité de Beyrouth, se fondant sur le décretno 148 NI
du 3 mars 1942modifiépar la loi du 22 janvier 1951, a prétendu ob-
tenir de la Compagnie du Port le versement de la taxe municipale
sur la valeur locative, et,devant le refus de la Compagnie de se sou-
mettre à cette imposition, elle a procédé à son encontre à une saisie
de loyers.
Les taxes municipales fondéessur la valeur locative constituent
un impôt étroitement liéà la possession d'immeubles, puisque leur
assiette repose sur la valeur locative de ceux-ci. Elles sont en consé-
quence viséespar l'article 8 de la Convention de 1887 qui exonèrede
tout impôt la propriétéimmobilière de la Compagnie. La munici-
palité de Beyrouth, sans contester les liens de sa taxe avec la

propriétéimmobilière, prétend que l'article 8 ne prévoit qu'une
exonération d'impôts, et, par suite, ne couvre pas les taxes munici-
pales qui, à son sens, ne sont pas des impôts. Cette interprétation
restrictive ne saurait être admise. Dans toutes les législations u la
notion de taxe stricto sensu ...se distingue de la notion générale
d'impôt dans la mesure où la taxe est assisesur les avantages accor-
dés à un usager I(L. Trotabas, Précisde Scienceet Législationfinan-
cières - lome édition, p. 163). La taxe est donc la rémunération
d'une prestation assuréepar la collectivitéqui la perçoit, tandis que
l'impôt est un procédé de répartition descharges publiques d'après
les facultés contributives » (même ouvrage,p. 163). C'est &idem-
ment à cette dernière définitionque répondla taxe municipale sur

la valeur locative,qui présenteles caractères d'un véritableimpôt.
Le Gouvernement libanais était tenu, en tant qu'autorité concé-
dante, de faire respecter par la municipalité de Beyrouth, sur la-
quelle s'exerce son autorité. les termes de la convention d'origine.
II ne pouvait pas, ainsi qu'il sera montréplus loin, permettre sur ce
point encore l'application àla Compagnie de la loi du 26 juillet 1956
sans violer ses engagements.
Au surplus, indépendamment meme du fait que les dispositions
des actes concessionnels de la Compagnie du port de Beyrouth
interdisaient de l'assujettirà l'impôt, l'État libanais ne pouvait,
au regard des principes générauxdu droit administratif, agir ainsi
qu'il l'a fait envers la Compagnie. En ce qui concerne le droit des

concessions de service public, le droit du Liban est en effet sem-
blable au droit français. Il connaît également la théorie de I'équa-
tion financière du contrat. Par le n fait du prince ill'autorité pu-
blique peut parfois, dans un intérêtpublic, modifier les conditions
d'exécutiond'un contrat après sa conclusion. Elle peut notamment
procéder à des créations et à des relèvements d'impôts. Mais c'est
434 MÉ~IOIRE DU GOUVERKEMENT FRAKÇAIS (AOÛT 1959)

seulement dans la mesure où ils ont vraiment un caractère général,
ne bouleversent pas l'économiedu contrat et ne sont pas le fait de
la collectivitémêmequi avait contracté, que ces actes de l'autorité
publique ne donnent pas lieu à indemnisation (cf. Waline, Traitéde
droit adminislralif- 7meédition, p. 543). Or, il est certain: a) que
la loi du 26juillet 1956,étantdonnéses termes memes, visespéciale-

ment les sociétés concessionnaireset les sociétés pétrolièresqui
étaient antérieurement exemptées d'impôts; b) que l'exemption
d'impôt était un des élémentsessentiels de l'équilibrefinancier du
contrat; c) qu'en conséquence, même si l'imposition avait étélicite
au point de vue du droit international, la Compagnie eût dû obtenir
de l'État, responsable de ce déséquilibre,une juste indemnisation.
B) Il est évidentqu'en s'abstenant de répondreaux demandes que
lui présentait la Compagnie en vue de résoudretous les litiges par

voie d'arbitrage, ou en lui opposant des fins de non-recevoir, le
Gouvernement libanais a violé lesdispositions de l'article 7 de la
Convention de réadaptation de 1925.
Le litige portait en effet incontestablement sur l'interprétation
des clauses de la Convention de 1887 et entrait dans la catégorie
de ceux formellement viséspar l'article 7 précité.Le Gouvernement
libanais ne pouvait donc, ainsi qu'il l'a fait le 14 mars 1952(annexe
24). refuser l'arbitrage sous prétexte que i'interprétation donnée
par luià l'article 8 de la convention d'origine luiparaissait certaine.
La Compagnie du Port était, de son côté,dans le mêmecas, et c'est
précisémentpour régler les litigesde cette nature que la Convention

de 1925avait prévul'arbitrage. Il n'appartenait pas à une seule des
Parties de juger s'iy avait ou non matière à arbitrage. Du fait de ce
déni de justice, la Compagnie a subi de graves préjudices. Ne
pouvant obtenir une décisionpar la voie d'arbitrage à laquelle elle
avait droit, elle a dû, pour être à mêmede continuer son exploi-
tation, verser au Trésor libanais des sommes importantes.
Au surplus, en admettant que l'arbitrage lui ait étédéfavorable
et qu'elle sefût trouvéeobligéed'acquitter des impôts, la Compagnie
eût pu, en vertu de ses actes concessionnels, compenser dans une
certaine mesure l'augmentation de ses charges par un relèvement
des tarifs. Si un arbitrage défavorable intervenait maintenant, la

Compagnie, à moins de recevoir une large indemnisation, subirait
seule les conséquences des lenteurs du Gouvernement libanais,
puisqu'elle ne pourrait procéder à une majoration rétroactive des
tarifs (cf. Arrêt Sociétédu journal Il'Aurore », Recueil Dalloz,
1948,p. 437 Note de M. Waline).
Enfin, en conséquencedu refus du Gouvernement libanais d'aller
à l'arbitrage pour la question de la participation de l'État aux béné-
fices, les comptes de la Compagnie n'ont pas étéapprouvés depuis
1940, et elle se trouve de ce fait depuis dix-neuf ans dans l'impossi-
bilitéd'arrêterleurcomptabilité.
Il résulte de cet exposé que le Gouvernement libanais, mécon-
naissant ses engagement les plus formels: - en faisant traîner indéfiniment en longueur les négociations
relatives à l'aménagement de ses actes concessionnels;
- en refusant l'arbitrage sur les points où lesdits actes pouvaient
donner lieu àinterprétation;
- en modifiant unilatéralement, par voies législative ou admi-
nistrative, le régimeauquel elle était soumise,
a placé la Compagnie du Port dans une situation difficile et qui

paraissait sans issue.
Telle est la raison pour laquelle le Gouvernement de la Répu-
blique française s'est décidéà user du droit qu'il tenait de l'accord
franco-libanais de 1948.

Ch. II. Le diférendentrele Gouvernenaend te la Rkpubliquefrançaise
et leofluernemenltibanais

I'osilion du problèmedevant LiiCozlr

En vertu de la lettre annexe no 12 au Traité franco-libanais de
1948, le Gouvernement libanais était tenu de respecter les actes
annexes et textes qui régissaient les concessionsdes sociétésfran-
çaises ou à capital français au lerjanvier 1944. Il s'agit ici d'une
obligation de l'État libanais envers l'État français. Le Gouverne-
ment de la République française est donc en droit d'intervenir
pour demander la réparation du préjudice à lui causépar la viola-
tion ci-dessus décrite des actes concessionnels, qui, du fait même
des dispositions de l'accord de 1948, constitue un acte illicite inter-
national. Or, comme l'a estiméla Cour permanente de Justice inter-
nationale: «C'est unprincipe de droit international que la violation
d'un engagement entraine l'obligation de réparer dans une forme
adéquate. >I
Le Gouvernement de la République française pourrait soutenir
quela violation d'un contrat passépar un État avec un ressortissant
étranger entraîne ipso facto la responsabilité de cet État envers

l'État dont relèvecet étranger. La jurisprudence internationale et la
doctrine considèrent la violation par les États des contrats qu'ils
concluent avec les étrangers comme un manquement au droit
international. Ce point a d'ailleurs fait l'objet de développements
dans la plaidoirie de l'agent de la République françaisedans l'affaire
relative à certains emprunts norvégiens (15mai 1957). état est
tenu de respecter les engagements qu'il prend envers les nationaux
d'autres États, individus ou sociétés,et il met en cause sa respon-
sabilité internationale par des actes qui dépouillent l'étranger des
droits que celui-ci tient d'un contrat.
Dans l'affaire hlavrommatis, la Cour a soulignéle devoir qui in-
combait à l'État mandataire, successeur de la Turquie en Palestine,
de respecter les droits acquis et en particulier les concessions accor-
déespar l'État ottoman. Mais, en l'espèce, iln'est pas nécessaire
d'insister sur cette argumentation. Une fois établique le Gouverne-36 IÉMOIRE DU GOUVERXEMEXT FRASÇAIS (AOÛT 1959)

ment libanais n'a pas respectélesengagements qu'il avait contractés,
sa responsabilitéinternationale apparaît clairement. Or, le Gouver-
nement de la République française a exposéque le Gouvernement
libanais avait violéles actes concessionnels de la Compagnie du
Port, des Quais et des Entrepôts de Beyrouth sur deux points:

- en essayant de l'assujettir à des impôts dont elle était
exemptée;
- en lui refusant le recours à l'arbitrage.

I" Le 26 juillet 1gj6, le Gouvernement libanais a promulgué une
loi assujettissant à l'impôt sur le revenu, à tous autres impôts, aux
taxes financières et municipales les sociétésqui en étaient exemp-
tées a en vertu de conventions approuvées par des lois spéciales II.
Cette mesure visait les sociétés pétrolièreset les sociétésconcession-
n:iires franraises oii inpit:iux francais,crip;irtic~ilit:rInComp,a~nie
(Iiil'urt de Beyrouth. 131t:coiisritiiait ilne iiiodilicatii>iiiinil;itcr:ilc
du contrat de concessiou. Or, aucun aménagement contractuel
n'ayant étéapporté aux actes concessionnels, le Gouvernement li-
banais devait, en application de l'accord de 1948, respecter ces

derniers sous la formequ'ils avaient au janvier 1944.Dans l'arrêt
sur le fond relatif à l'affaire de la Compagnie d'Électricité deVar-
sovie (sentence du 23 III 1936: Recueil des sentencesarbitrales,
volume III, p. 1697).l'arbitre $1. Asser a déclarénqu'un traité régu-
lièrement conclu est source du droit objectif dans les États con-
tractants. ayant force obligatoire tant dans chacun desdits États
quesur le terrain international, mêmedans les cas ou les règlesdu-
dit traité seraient en contradiction avec des lois nationales antérieu-
res ou postérieures à sa conclusion IILe Gouvernement de la Répu-
blique française ne saurait omettre de citer l'avis semblable donné
par le ministère de la Justice libanais (annexe 32). e Nous avons
remarqué que l'exonérationdont profitait la Compagnie du Port est

garantie par l'accord financier libano-français et que ledit accord,
qui a laqualitéd'une convention internationale, lieleGouvernement
libanais, étant donné quela jurisprudence du Tribunalinternational
de Justice incline àdonner la préférenceaux conventions intematio-
nales en cas de contradiction entre les dispositions de ces accords et
celles d'une loi interne et que le fondement de cette jurisprudence
suppose que tout législateur respecte le droit international et que
cette supposition ne tombe que s'il se trouve dans le texte de la loi
interne une référence expresse à cela. En conséquence,nousestimons
qu'il est du devoir du Gouvernement de prendre àce sujet une atti-
tude préciseet généralee ,nadmettant que lesconventions internatio-
nales ne peuvent êtredénoncées par une loi interne, notamment par

la loi du 26juillet 1956et,par suite, de proscrire aux administrations
intéressées tellesles administrations financières,douanières. muni-
cipales et autres de devoir se conformer aux dispositions des con-
ventions internationales. » Le sens général dece texte est certaine-
ment conforme à la thèse du Gouvernement français. ~~IÉMOIREDU GOUVERNEMENT FRANÇAIS (AOÛT 1959)
37
Il est inutile, pour établir la responsabilité internationale de
l'État libanais, de trancher la question de savoir si, et à quelles
conditions, la promu!gation d'une loi contraire aux engagements
internationaux d'y Etat entraîne ipso facto la responsabilité inter-
nationale de cet Etat.
Pourtant, d'après la doctrine soutenue par certains auteurs, le

Gouvernement français eût pu êtrefondé à intervenir dès 1956.
Sir Gerald Fitzmaurice a ainsi évoquéle cas où un État adopte une
législation contraire à ses obligations internationales («General
principles of international law n, Recueil des Cours de l'Académie
de Droit international de La Haye, rg57, tome II, p. 89). Il écrit:
(Dans cette éventualité, d'autresGouvernements n'attendent
généralementpas pour se croire autorisés à se plaindre qu'un cas
particulier se produise. Il arrive que la législationmêmeconstitue
sans aucun doute une violation - comme par exemple lorsqu'une
loi d'expropriation est adoptée concernant la propriété étrangère
sans prévoirune équitablecompensation. » '

M. Guggenheim estime au contraire que nla responsabilité inter-
nationale d'un Rtat se trouve déjà engagéedu fait d'unelégislation
interne incompatible avec les obligations internationales mais que,
pour que les Gouvernements étrangers l'invoquent, il faut que
leurs ressortissants ou eux-mêmesaient subi un dommage en appli-
cation de cette législation ». (Recueil des Cours de l'Académie de
Droit international de La Haye, 1952. tome 1,p. 136.) Dans l'affaire

de la Compagnie du Port de Beyrouth, l'on se trouve incontestable-
ment dans ce dernier cas, puisque le Gouvernement libanais a pris
des mesures d'exécution de la loi du 26 juillet 1956.
En ce qui concerne la loi du 4 décembre 1944 qui, d'une manière
générale,en elle-même,n'avait pas le caractére d'un acte illicite
international, le Gouvernement de la République française soutient
que son application à la Compagnie du,Port de Beyrouth a engagé
la responsabilité internationale de l'Etat libanais. M. Anzilotti
(sLa responsabilité internationale des États à raison des dommages
soufferts par des étrangers n,Revue généralede Droit international
public, 1906, III, p. 288) cite parmi les actes entraînant la respon-
sabilité internationale de l'État ceux qui sont ccontraires au droit

international, bien que légauxau point de vue interne IILe Gouver-
nement libanais pouvait certes créer uii iiiipôt sur le revenu, mais
il n'avait aucunement le droit d'appliquer cette loi àla Compagnie
du port de Beyrouth puisque les actes concessionnels excluaient
toute imposition de ce genre, sauf négociationavec leconcessionnaire
pour rétablir l'équilibrefinancier de la concession.
De ce qui précède,il résulte que la mise à exécution à l'égardde
la Compagnie du Port de la loi du 4 décembre 1944 et de la loi du
26 juillet 1956 (et pour cette dernière la seule promulgation) consti-
tuent des actes illicites selon le droit international.

Sutretraduction.38 >~É>~oIRE DU GOUVERSEllEST FRASÇAIS (AOÙT 1959)

.4u surplus, mêmedans l'hypothèse où le Gouvernement libanais
n'aurait pas violéd'engagements internationaux formels, il n'aurait
pas, en rompant sans indemnisation l'équation financièredu contrat
de concession, respectéle principe de droit international selon lequel
il n'est pas admis qu'un Etat détourne à son profit tout ou partie
des biens d'une sociétéétrangère située sur son territoire sans lui
offrir une juste compensation. Cette doctrine, élaborée à propos des
nationalisations et des expropriations de sociétésétrangères, doit
&treappliquée d'une façon générale à tous les cas où des étrangers

subissent du fait de l'État sur le territoire duquel ils résident une
restriction irréversible de leurs droits patrimoniaux. C'est à cette
nécessitéd'une indemnisation que fait allusion sir Gerald Fitz-
maurice dans le passage cité ci-dessus. M. Guggenheim indique,
dans le mêmesens: a On ne peut ...contraindre un État ...à ne
pas nationaliser ou ne pas exproprier une entreprise privée se
trouvant sur son territoire et appartenant à des étrangers. La pra-
tique coutumière exige dans ces cas le paiement d'une somme corres-
pondant à la valeur qu'aurait la restitution en nature » (op. cit.,
p. 146). L'on peut rappeler également les termes par lesquels
M. Freeman a résurnéla doctrine généralement acceptée:

aQuoique l'on puisse dire de la nature de l'obligation de 1'Etat
d'autoriser des etrangersà acquérirdes biens sur son territoire, il
est certain qu'une fois l'autorisation accordéele droit international
attache une protection certaine à ces droits aussi bien qu'aux
droitsprivésacquis d'uneautre manière.»' (DenialO/Justice,p. 516.)
Il ajoute plus loin:

aBien qu'il y ait quelque divergence parmi les auteurs, l'opinion
dominante est qu'aucun étrangerne peut être privéde sa propriété
étayéepar la pratique diplomatique et par la jurisprudence dest
tribunaux internationaux qu'une reglegénérale exigeanlta compen-
sation doit étre reconnue comme,faisant partie du droit positif
gouvernant les relations entre les Etats.' (Op. cil.,pp. 517-518.)

M. Levi Carneiro, à propos de l'arrst relatif à l'affaire de I'Anglo-
Iranian Oil Co., a souligné le devoir qui incombe à tout État de
ne pas soumettre à de trop lourds sacrifices les étrangers qui ont
investi leurs capitaux sur son territoire. II dit notamment: IIQuand
tant de pays ont bescin de capitaux étrangers pour le développe-
ment de leur économie, ce serait non seulement une injustice, mais
une erreurgrave de soumettre ces capitaux. sans aucune restriction
ni garantie, aux éventualités de la législation des pays où ils ont
étéappliqués. ,, (C.I. J. Recueil des Arréts, Avis consa~ltatifset
Ordon?tances, 1952. 1).162.)

Dans le cas de l'espèce,la question de savoir si les étrangers, aux
droitspatrimoniaux desquels une mesure législativea portéatteinte,

' Notre traduction. ne peuvent recevoir de compensation que dans l'hypothèse où les
nationaux eux-mêmesse la verraient attribuer, ou si, du seul fait
de leur condition d'étrangers, ils ont droit à une indemnisation,
est indifférente. Il a étéen effet indiqué plus haut que le droit
administratif français et le droit libanais contenaient des prescrip-
tions semblables relativement aux concessions de services publics.
Or, l'imposition, rompant l'équation financière du contrat de la
Compagnie du Port de Beyrouth, aurait ouvert à celle-ci un droit
à indemnisation, mêmeen droit interne.

2' Depuis 1952, la Compagnie du Port, des Quais et des Entre-
pôts de Beyrouth demande au Gouvernement libanais de régler les
diffbrends en cours par la voie que lui ouvrent ses actes concessiou-
nels. Le Gouvernement,libanais s'y refuse. Il s'est donc rendu cou-
pable d'un dénide justice, engageant ainsi sa responsabilité inter-
nationale.
Selon M. Charles De Visscher (Recueildes CozirsdeZ'Acadéniidee
Droit internationalde La Haye, 1935, tome II, p. 390) le déni de

justice peut êtredéfini n toute défaillance dans l'organisation ou
dans l'exercice de la fonction juridictionnelle qui implique manque-
ment de l'État à son devoir international de protection judiciaire
des étrangers >iDans l'affaire de la Compagnie du Port de Beyrouth,
le dénide justice se présente sous son aspect le plus simple: c'est
un déni de justice formel. La Compagnie du Port de Beyrouth n'a
pas étéadmise à faire valoir ses droits devant le juge auquel lui
donnait droit son contrat, dont les dispositions avaient étégaranties
par l'accord monétaire franco-libanais de 1948. Ce dénide justice
constitue à un double titre un acte illicite international, puisque se
trouvent violées non seulement l'obligation incombant à l'État
libanais de mettre tout étranger en mesure de faire valoir effective-
ment ses droits, mais encore les dispositions de la Convention de
1925 et celles de l'accord de 1948. Le Gouvernement libanais ne
saurait soutenir qu'il n'était pastenu d'assurer à la Compagnie le
recours accepté par lui-mêmecontre des mesures prises par les
autorités législatives. Lorsqu'un État a accordé une concession à
un étranger ou a conclu un contrat avec lui, il est tenu de mettreà
sa disposition les voies de droit interne propràsen assurer la réali-

sation, mêmeà l'encontre des décisionsdes autorités supérieures
de l'État. Or la Compagnie du Port, en vertu de l'article 7 de la
Convention de réadaptation de 1925.avait à sa disposition une voie
de recours contre les actes de ces autorités. C'est l'accèsà cette voie
qui luia étérefusé.
Le Gouvernement libanais a en effet refusé formellement I'ar-
bitrage par lettre du27 février 1959(annexe 61), se donnant raison
à soi-mêmeet en refusant le contrôle de ses prétentions par l'arbitre
dont, à l'avance, il avait reconnu la juridiction. Le Gouvernement
de la République française considère donc que par le simple fait de
ne pas avoir répondu,entre 1952 et 1959,aux demandes réitérées de40 MÉMOIRE DU GOUVERNEMENT FRAXÇAIS (AOÛT 1959)

la Compagnie d'aller A l'arbitrage, puis par son refus formel, le
Gouvernement libanais s'est rendu coupable de dénide justice.
La sentence arbitrale du 8 juin 1932. dans l'affaire Salem entre
les États-unis d'Amériqueet le Gouvernement égyptien, mention-
ne à la suite du dénide justice formel I(le retard inexcusable de
l'administration de la justice >iCe retard est d'autant plus grave
lorsque, en cas de violation d'un contrat, il y a danger de voir se
répéter l'actedommageable. Au surplus, le retard abusif doit être

condamnédans la mesure où il porte préjudice à l'activitééconomi-
que del'individu qui lesubit:Leprofesseur Ch.Durand, dans la Revzce
générale de Droit international, 1931, page 728, écrit:a l'activité
économiquede l'individu engagédans un procèspeut être entravée
par l'incertitude sur l'issue de ce procès, surtout s'il espère conti-
nuellement une solution prochaine ».Tel fut bien le cas pour la
Compagnie du Port de Beyrouth, qui, d'une part, vit se multiplier
les mesures d'exécution prises à son encontre, et, d'autre part, ne
put, pendant de longues années, obtenir de réponse formelle lui
indiquant que tout espoir de règlement par arbitrage des litiges qui
l'opposaient au Gouvernement libanais lui était fermé.

* * :

A. Ex~osÉ DES FAITS

1" iVatzrrede la SociétRadio-Orient
L'actuelle SociétéRadio-Orient, filiale de la Compagnie générale
de Télégraphiesans Fil, a étéconstituéedéfinitivement le 6décem-
bre 1922 (annexe 66). sous forme de sociétéanonyme française,
ayant son siègesocial & Paris,79, Bd. Haussmann.
Elle a pour objet Kla reprise de la Compagnie généralede Télé-
graphie sans Fil )>qui, par une convention du re' décembre 1921,

conclue avec le Haut-Commissaire de la République française au
Liban (annexe 67).s'était vu autorisée à construire et à exploiter
u des installations radio-électriques destinéesà permettre l'échan-
ge de communications avec toutes autres stations exploitées soitpar
des sociétésprivées,soit par des administrations d'État ».Ce droit
était concédé à la Compagnie pour une durée de cinquante années à
partir du janvier qui suivrait la mise en service des installations.
En 1922, Radio-Orient se substitua àla Compagnie de Télégraphie
Sans Fil conformément aux dispositions de l'article XXIX de la
Convention du dkcembre 1921, aux termes duquel:

«...La Compagniepourra céder à une autre sociétéétablieou
à établir.tout ou partie de son autorisation, màila conditiond'y
avoir préalablementétéautorisée par le Haut-Commissariat ...
Cette autorisation fut accordée à la Sociétéleg août 1922 par le
Haut-Commissaire de la Rkpublique française en Syrie et au Liban.
.L'article5 des Statuts fixaità 75 annéesla duréede la Sociétéqui

doit ainsi prendre fin le6 décembre 1997. MÉMOIRE DU GOUVERNEMENT FRANÇAIS (AOÛT 1959) 41
Le capital social initial de la Société,qui était de 8.ooo.000, a été
porté par augmentations successives à la somme de 141.o83.500

francs et diviséen 56.433 actions de 2.500 francs, dont:
12.000 dites actions KA »et
44.433 dites actions rB II.
4.000 actions aA Isur les12.000 ont étésouscrites -1orsdelacons-
titution de la Eociété - par la Compagnie généralede Télégraphie

sans Fil, fondatrice.
Les actions « A » nouvelles ne peuvent êtresouscrites que par des
personnes ou sociétésdenationalité française, syrienne ou libanaise,
ou attribuées qu'à des personnes ou sociétésde cestrois nationalités.
L'objet social de la société,outre l'exécutionaux lieu et place de
la Compagnie générale deTélégraphiesans Fil de son contrat inter-
venu le lerdécembre1921relatif à la construction et l'exploitation
du centre radio-électrique deBeyrouth, est éventuellement la cons-

truction et l'exploitation de toutes extensions aux installations
radioélectriques.
En application du protocole signéle 3 juin 1944entre les Gouver-
nements français et libanais au sujet du transfert à ce dernier des
services de i'inspection générale desPostes et Télégraphes,I'adminis-
tration libanaise a pris en charge les droits et obligations que com-
portait pour l'autorité concédante l'exécution dela Convention de
1921.

La Convention du rerdécembre 1921figure parmi les actes visés
par la lettre annexe no 12 à l'accord franco-libanais du 24 janvier
1948 (annexe I)citéplus haut. Le Gouvernement libanais n'ayant
pas jusqu'ici napporté certains aménagements aux notes et annexes
qui régissent les concessionsdes sociétés françaises ...exerçant sur
son territoire ainsi qu'aux textes qui en précisentles modalitésd'ap-
plication I,,seuls aujourd'hui les s actes, annexes et textes qui
régissaient les concessions de ces sociétésau lerjanvier 1944 de-
meurent en vigueur »;dans le cas d'espèce, c'estdonc la Convention

du lerdécembre1921qui régit seule lesrapports de la Société et du
Gouvernement libanais.

2" Activitésan Liban

Dès 1921, le Liban eut recours à la radiotélégraphiepour orga-
niser ses communicationsintercontinentales, assuréesindirectement
par l'intermédiaire des câbles télégraphiques sous-marinsbritanni-
ques atterrissant en Egypte.
La Convention du décembre 1921 fut signéeà cet effet avec
la Compagnie générale de Télégraphiseans Fil, qui se vit chargée de
la construction du Centre radio-électrique de Beyrouth. L'exploi-
tation de ce centre fut, comme il a étédit plus haut, confiéedès1922
à la SociétéRadio-Orient.

Lc Centre ra~li~CIe~triiliide Ilc~~ruiitli,qui ;issurc scul l'cxploi-
tation dcs t~li~coiiitiiunicati»njiiitt:riiatiuii;tl,:.;lib;~iiiiise;.compi~iid:42 MÉMOIRE DU GOUVERNEMENT FRANÇAIS (AOÛT 1959)

- un bureau central radioélectrique installéàl'Hôtel des P. T. T.
de Beyrouth où sont réunis les services de transmission et de
réception des télécommunications. Il est équipéd'ensembles
téléimprimeurs assurant le service eRelais de Bande ii;

- un centre d'émissionsitué à Khaldé, à 12 km au sud de Bey-
routh, où sont installés les antennes et les émetteurs télégra-
phiques commandés par les transmetteurs du bureau central,
et dotés de systèmes de manipulateurs électroniques par dé-
placement de fréquence. Les émetteurs téléphoniques sont
reliésau bureau central par des dispositifs assurant le secret
des conversations;
- un centre de réception situé à Hadeth, à 7 km au sud-est de
Beyrouth, où sont installés les antennes et les récepteurs,

dont la majorité permet la réception en diversité d'espace ou
de fréquence. Ces récepteurs sont reliés directement au
Rureau central radioélectrique, où la majorité des télégram-
mes est reçue directement au télétypesoit encaractères arabes,
soit en caractères latins.Les récepteurs téléphoniques com-
portent des dispositifs de secret et sont reliésau Central télé-
phonique interurbain de Beyrouth auquel les abonnés sont
rattachés;
- une station côtière assurant les communications avec les

navires en mer.
Ces différents centres et station sont reliésau Bureau central par
câbles souterrains.
L'exploitation des télécommunications libanaises est assurée
dans le cadre de la Convention internationale des Télécommunica-
tions à laquelle adhèrent tous les pays membres de 1'Union inter-

nationale des Télécommunications et selon les modalités prévues
par les règlements des radiocommunications télégraphique et
téléphonique,annexés à cette Convention.
Actuellement, les services de Radio-Orient permettent au Liban
d'êtrereliédirectement par radio à trente-deux pays étrangers et
assurent neuf liaisons radiotéléphoniques. En outre, Radio-Orient
attend de l'administration libanaise l'autorisation d'exploiter un
service de radiophototélégraphie avec l'Europe.
L'administration de la SociétéRadio-Orient est placée sous'le
contrôle du Gouvernement libanais. Le Trésor libanais participe
aux bénéficesde la Sociétésoit directement par le prélèvement
d'une importante auote- art de ceux-ci. soit indirectement par le

jeu de l'impôt.
Ainsi en 1958, les recettes totales pour l'exploitation de Radio-
Orient étaient de 5.o78.000 livres libanaises. La part du Trésor
libanais revenait à 1,484,000 E lib.- celle de Radio-Orient à
3,594,000 f lib., dont 2.148.ooo £ lib. de dépenses et 409.000 £ lib.
d'investissements, ce qui ne laisse comme part de la Sociétéque
1.037.000 Elibanaises. ~IE~IOIRE DU GOUVERNEAIENT FRASÇAIS (AO~T 1959) 43

Depuis 1921 et jusqu'en 1958, les investissements totaux effec-
tués au Liban par Radio-Orient se chiffrent à 2.160.ooo dollars.
Enfin, aux termes de l'article XVII de la Convention, Kadio-
Orient, à l'expiration de la concession, doit remettre gratuitement
à l'État libanais. en bon état d'entretien, les installations radio-
électriques énumérées à l'article2 de la Convention (il convient de
préciser que ces installations ont étéprogressivement perfection-
néesavec l'approbation de l'autorité concédante, celle-ci disposant
d'ailleurs de la faculté d'exigr I'exécutjon de tels trayaux -art.VI
de la Convention). Ainsi 1' tat libanais deviendra t ilproprietaire
du Centre radioélectrique de Beyrouth le rerjanvier 1973,

* * *

3' Le différend

Aux termes de l'article XXV de la Convention du rerdécembre
1921 qui régit les rapports de la Sociétéavec l'État libanais:
<<Toulsesimpôts générauxet locaux auxquels la Compagniepour-
rait être soumise à raison de l'exercice de son industrie ou qui
frapperaient lesmmeiibles servant à l'exploitation figureront dans
les comptes de cette exploitation.
Le Haut-Commissariat et les États s'engagent à nc soumettre la
Compagnie à aucun impôt spécial à la nature de son industrie.
Le matérielde premier établissementsera exonérbdes droils de
douane.i,(C'est nous qui soulignons.)
Le 26 juillet1956 le Gouvernement libanais promulguait une loi
(annexe 18) rédigéede la manière suivante:

«Sont assujettiesà compter du janvier 1gj2 et à l'avenirà
l'impôt sur le revenu et aux autres impôts et taxes d'État ou muni-
cipales, toutes les sociétés quibénéficiaientd'exemptions pour
lesditsimpôts ou taxes en vertu de conveutionspprouvees par des
lois particulières.
auxquelss'appliquent les dispositions de la présenteloi des conven-
tions spécialesaveceffetrétroactif enbasedesquellesilsera perçuune
part des bénéficesesdits contribuables en remplacement des impats
ou taxes dus, sous réserveque ces conventions soient approuvees
par les autorités législativeD.

En se fondant sur les dispositions de cette loi, l'administration
libanaise des Douanes décida de soumettre aux droits de douane,
dès janvier 1957. le matériel commandé par Radio-Orient depuis
plusieurs mois, en vue de réaliser l'extension des travaux de pre-
inier établissement prévue par le Gouvernement libanais en février
1954.
En effet, le 25 janvier 1957. au moment de prendre livraison du
matériel, débarqué du SIS Benidorm. les services compétents de
l'administration des Douanes firent savoir au mandataire de Radio-
Orient que la loi du 26 juille1956 avait retiré le bénéficede l'exoné-44 MÉ&IOIREDU GOUVERSEhlENT FRASÇAIS (AOÛT 1959)
ration à la Sociétéet que celle-ci ne pourrait prendre livraison du
matériel qu'après paiement des droits de douane.

La Société saisit alors de cette affaire le directeur général du
Service du Contrôle des Sociétéset des affaires hydrauliques, par
une lettre du 4 février 1957 (annexe 68), oh elle déclarait:
<...nous pensons qu'il s'agit là d'une erreur dans l'interprétation
de la loi: celle-ci a, en effet, souàil'impôt sur le revenu et aux
taxes les sociétésqui en étaient exonérées, maiselle ne peut pas
viser la Société Radio-Orient puisque,en vertu de l'article zj de la
Convention du Pldécembre 1921, notre Société est soumise à tous
les impôtsgénérauxet locaux et àtoutes les taxes de quelque nature
qu'elles soientet qu'elleen acquitte effectivement lemontant. Laseule
exemption est celle des droits de douane dans le cas particulier des
travaux complémentairesde premier établissementaayant pour objet
d'accroître la consistance ou la valeur des dépendances de l'entre-
prise. Nous vous rappelons que l'autorisation que vous nous avez
accordéeporte sur un programme de travaux complémentaires dont
le montant s'élève à L.L. 1.438.000, déduction faite des droits de
douane, et que ces travaux sont amortis au taux de 8% l'an sur
laduréerestant à courir pour la Convention du ICI décembre 1921
par déduction de l'annuité nécessaire sur les bénéficesavant le
calcul du taux de partage avec l'autorité concédante.
La décisiondes services douaniers, si elle était maintenue, condui-
rait donc, d'une part à majorer de 2j% environ le montant des
travaux non encore exécutéset, d'autre part, d'augmenter les
amortissements qui viendront grever les exercices ultérieurs, ce qui
pourra avoir pour effct de réduirele taux de partage au détriment
de l'autorité concédante.B
Le directeur généraldu Contrôle des Sociétéset des affaires hy-

drauliques et électriques, pour toute réponse, fit parvenir à la Société
une lettre du ministère des Finances (no 1269/S, anicexe 69) du
21 mars 1957, d'où il résultait que le ministère de la Justice, section
de Législation et de Consultation, interrogé, avait répondu:
n La loi du 26 juillet 1956 ... est globale et absolue et il n'est pas
possible en conséquence d'enexempter aucune société - parmi les
sociétésqu'elle vise- d'aucune taxe et impôt et elle s'étend à la
SociétéRadio-Orient. »

Un échange de correspondance s'ensuivit entre la Sociétéet le
directeur général du Contrôle des Sociétéset des affaires hydrau-
liques et électriques, d'une part, avec la directiongénérale desPostes
et Télégraphes, d'autre part.
Par lettre du 6 juin 1957 (annexe 70);
par lettres des 5 et 7 août 1957 (annexes 71, 72);
par lettre du 15 octobre 1957 (annexe 73) ;
par lettre du 6 juin 1957 (a)tne.re ij), la Sociétén'a cessé de
renouveler ses réserves quant à la validité juridique des mesures

qui lui étaient imposées. Elle écrivit notamment:
«Aussi, si notre Sociétéest amenée à payer ses taxes douanières,
elle persisteà considérerque ceUes-cilui sont indiment réclamées. RIÉMOIKEDU GOUVERNEMENT FRANÇAIS (AOÛT 19jg) 45

C'est donc contrainte et forcée one notre Sociétéen effectue le
~>:iiriiiet\.ec Ic sciilsoucid::üsurïr (I:~nsles rncillcurcscoii<litioiis
et aii I~Pnéficccoiijoint dc 1'Etat libanais[leR:iilio-Orienl'ex-
ploitation du service qui nous est confi.

Les protestations élevées par la Sociétéétant restées sans suite,
la Société, pour entrer en possession du matériel entreposé en
douane depuis plusieurs mois, procéda le 7 juin 1957 au paiement
entre les mains de l'administration des Douanes dc trois garanties
correspondant aux droits de douane sur divers matérielsimportés
par elle au titre de matériel de premier établissement, et notam-
ment:

I" Une somme de L.L. 27.425 pour un amplificateur à bandes
latérales indépendantes de 20 KW et une antenne fictive pour
ensembles B. L. I.,par chèque no 146.062, du 7 juin 1957, sur la
Banque de Syrie et du Liban, libellé à l'ordre du chef du service de
la comptabilité des Douanes de Beyrouth.
2" Une somme de L.L. 29.30 pour un transformateur triphasé à
bain d'huile, par chèque no 146.064, du 7 juin 1957, sur la Banque
deSyrie et du Liban, libelléàl'ordre du chef du service de la compta-
bilité desDouanes de Beyrouth.

3' Une somme de L.L. 1590 pour un jeu de lampes destiné à
un amplificateur à bandes latérales indépendantes, par chèque
no 146.063. du 7 juin 1957, sur la Banque de Syrie et du Liban,
libelléà l'ordre du chef de service de la comptabilité des Douanes de
Beyrouth.
Ces sommes, d;nt le montant total s'élèveà L.L. 2g.044.30,
furent payées sousles plus expresses réservesde tous les droits de
Radio-Orient qui, par requêtesdes 5 et 7 août 1957 (annexes 71 et
72) adressées respectivement au ministre des Travaux publics et

des Communications et au ministre des Postes, Télégraphes et
Téléphones, a lié le contentieux, sollicitant la restitution des droits
de douane indûment perçus. Dans ces deux requêtes, la Société
soutenait que:
I" la loi du 26 juillet 1956 qui dérogeaux principes de la non-
rétroactivitédes lois et de la force obligatoire des traités est une loi
exceptionnelle et doit, en conséquence, être interprétéerestric-
tivement ;

2"que, aux termes mêmesde la loi, les sociétésviséessont celles
qui ajouissaient d'exonération de ces impôts et taxes, c'est-à-dire
de l'impôt sur le revenu et autres impôts et taxes financiers et
municipaux >i;
3" que tel n'a jamais étéle cas de la Sociétéqui, ainsi qu'il
ressort de l'article XXV de la Convention de 1g21, a toujours été

expressément soumise à tous les impôts générauxet locaux;
4' que quant à l'exonération desdroits de douane dont béiiéficie
le seul matériel de premier établissement importé, elle n'entre pas46 ~IÉMOIRE DU GOUVERNEMENT FRANÇAIS (AOÛT 1959)

dans les prévisionsdu législateurqui vise les exonérationsgénérales
d'impôts et taxes, alors queledroit de douane ne constituà proprc-
ment parler ni un impôt, ni une taxe, financier ou municipal;
5' qu'en conséquence lesdroits de douane perçus par une préten-
due application de cette loi ont étéindûment perçus;

6' que la responsabilité de l'État est engagéepar l'effet donnéà
tort à sa législation.
Par conséquent, la Société Radio-Orientdemandait que lui soit
payée la somme de L.L. 2g.04.30 à titre de dommages-intérêts en
réparation du prkjudice qui lui avait étécausé.
N'ayant pas, dans le délaiimparti, reçu de réponse - dont le
défaut équivalait à une décision de rejet -, Radio-Orient a, le
4 décembre 1957, introduit deux recours devant le Conseil d'État
libanais ayant pour objet:

- la restitution des droits de douane L.L. 29.0++.30 indûment
perçus (recours no 1974);
- une demande de dommages et intérêtsfondéesur la responsa-
bilité de'État (recours no 1975).
Ces recours ont donnélieu à l'échange deconclusions en réponse

et en réplique. maisà la date du 20 juillet 1959 le Conseil d'État
n'avait pas encore statué.
Or, par une lettre du 6 février 1958, le chef du service de la
Comptabilité des Douanes de Beyrouth a invité Radio-Orient à
verser (annexe 76), au comptant ou en consignation, la somme de
L.L. 34.743 représentant le montant des droits de douane affé-
rents au matériel importé durant le premier semestre 1956 au titre
des travaux de premier établissement.
Cette demande a fait l'objet d'une lcttrc dc protestation de la
part de Me Algrin, avocat de Radio-Orient, adressée le 18 février
1958 au président du Conseil supérieur des Douanes de Beyrouth
pour lui demander de réexaminer les requêtes présentées jus-
qu'alors par Radio-Orient, conformément à l'avis no 143 donné le
19 mars 1957 au président du Conseil des Ministres par le ministre
de la Justice (annexe 32).

La protestation élevéepar l'avocat de la Sociétéest restéesans
suite, et Radio-Orient est toujours contraint à verser, en consigna-
tion, des droits de douane sur le matériel destinéaux travaux de
premier établissement du programme en cours. A la date du 30 avril
1959 le montant de ces droits dépassait z3g.ooo.000 de livres
libanaises.
B. EXPOSE DE DROIT

Ch. 1.-Le différendentrela SociétéRadio-Orientet le Goz~vernement
libanais
Le différendqui oppose la SociétéRadio-Orient et le Gouverne-
ment libanais porte sur l'application à la Sociédes dispositions de
la loi du 26 juillet 1956en ce qui concerne les droits de douane. MÉMOIRE DU GOUVERNEMENT FRANÇAIS (AOÛT 1959) 47

Aux termes de l'article 25. 3rnealinéa, de la Convention du rerdé-
cembre ,xgzx qui régit les rapports de la SociétéRadio-Orient
avec l'Etat libanais, rle matériel de premier établissement sera
exonéré desdroits de douane ». L'application de cette disposition
n'a soulevé aucune contestation tant pour le matériel nécessaire à
l'origine que pour le matériel complémentaire jusqu'au jour où le

Gouvernement libanais s'est prévalu de la loi du 26 juillet 1956 pour
soutenir que Ics droits de douane étaient désormaisduspar la Socié-
té pour le matériel de premier établissement qu'elle importait. Il
suffit de rappeler que, mêmeaprès la parution de la loi du 26 juillet
1956, le service compétent du Gouvernement libanais, c'est-à-dire
le service des Douanes, reconnaissait formellement que la Société
Radio-Orient était exempte des droits de douane pour l'importation
de ces matériels (cf. annexe 74, lettre du 18 mars 1957 des Douanes
libanaises reconnaissant l'exemption de droits).
Dans une lettre officielle du ministère des Postes et Télégraphes
libanais au directeur général des Douanes, le 3 octobre 1957, le

ministère déclare de la façon la plus nette que la SociétéRadio-
Orient est exempte des droits de douane: «...l'unique et exception-
nelle exonération dont elle (la Société) bénéficisee rapporte aux
taxes douanières afférentes à du matérielimportéau titre de travaux
complémentairesde eremier établissement,c'est-à-dire à des travaux
que la Société ne peut entreprendrequ'à la demande du Gouvernement
ou avecson autorisation, qui ont pour butdepourvoir au développement
des installations et à la modernisalion des équipementssuivant les
prcgrèsde la techniqc~e> (c~f. annexe 77). (C'est nous qui soulignons.)
Il est donc inutile de chercher si telle importation de matériel
rentre ou non dans la catégorie des produits exempts de droits de
douane; la lettre précitéemontre que le ministère de tutelle de la

Société Radio-Orient, le ministère des Postes et Télégraphes,n'au-
torisait d'importations que dans la mesure où il estimait des ma-
tri ~ i r i l fun(:ti,,nnemcnt (III sCrvic<:.Piir ct:tte
Icttn:. le niinistérc d<:tiit<:llcréclanicI'excrni~tionconiniiiii3vl)li-
cation de l'article 25 de la concession; si, p;>urdes raisons
nous appartient pas de rechercher, le Gouvernement libanais n'a
pas suivi l'avis du ministère chargé dela tutelle de la sociétéRadio-
Orient, l'avis motivé de ce ministère, compétent pour se prononcer
sur le sujet, constitue un aveu opposable au Gouvernement libanais
et qui suffità apporter la preuve du caractère illicite de la décision
de percevoir les droits de douane sur les matériels en question.

Ainsi, les actes concessionnels de la Société,tels qu'ils étaient en
vigueur le 26 juillet 1956 et tels qu'ils le sont encore aujourd'hui,
exemptent celle-ci du paiement de certains des droits de douane, et
le Gouvernement libanais ne peut modifier cette situation par un
acte unilatéral, fût-il de nature législative.
Enfin, l'application à la SociétéRadio-Orient de la loi du 26
juillet 1956 modifierait l'équation financière du contrat de conces-
sion. Or il a été montré, à propos du différend relatif àla Compagniedu Portde Beyrouth (Exposé de droit, chapitre 1,a), que le Gouver-
nement libanais ne peut, sans violer son droit interne aussi bien que
le droit international, bouleverser l'équilibrefinancier d'un contrat
de concession par une mesure unilatérale sans offrir à la société
victime de cette modification une juste compensation.

Ch. II. - Le différend entrlee Gouvernementde lu Képz6bliqnf eran-
çaise et leGoztvernementlibanais

Position du problèmedevantla Cour
Dans l'exposé relatif au différendconcernant la Compagnie du
Port, des Quais et des Entrepôts de Beyrouth, le Gouvernement de
la République française a établi que le Gouvernement libanais ne

pouvait, sans violer ses engagements internationaux, appliquer des
mesures législatives contraires aux dispositions figurant dans les
actes qui régissaient les sociétés concessionnairesfrançaises au
ler janvier 1944,
En appliquant à la SociétéRadio-Orient la loi du 26 juillet 1956,
nonobstant l'exonération desdroits de douane qu'elle tenait de ses
actes concessionnels, le Gouvernement libanais a commis un acte
illicite qui engage sa responsabilitéinternationale.
Le principe de la responsabilité internationale de l'État libanais
est ainsi établi. Le Gouvernement libanais, en tentant d'assujettir
à l'impôt la Compagnie du Port, des Quais et des Entrepôts de
Beyrouth et la Société Radio-Orient, aviolé lesactesconcessionne1s
de ces entreprises. Il s'est rendu coupable d'un acte analogue en
refusant àla Compagnie du Port l'arbitrage prévupar la Convention

de réadaptation du rj décembre192j. Ce faisant il a violé leTraité
franco-libanais du 24 janvier 1948, et plus précisémentla lettre
annexe no 12. En ce qui concerne la Compagnie du Port, il a, au
surplus, manqué à son devoir de protection judiciaire des étrangers.
Il doit donc au Gouvernement de la République française une ré-
paration adéquate pour les préjudices subis par la Compagnie du
Port. des Ouais et des Entrenôts de Bevrouth et var la Société
~adio-orient.
S'agissant d'un différend portant sur l'application de l'accord
franco-libanais de 1ad8. la com~étencede la Cour est établie var
l'article 23 de cet a&o;d: N~es'~autes Parties contractantes on-
viennent que les différendsque pourrait soulever l'application du
présent accord ou de ses annexes seront, à la requêtede la Partie

intéressée, soumisà l'arbitrage de la Haute Cour de Justice inter-
nationale. II(Cf.sur ce oint les développements au mémoire fran-
çais dans l'affaire de 2lecir. c~ée Beyroz~lh, C.I. J. Recueil Ig.54,
PP. 54 et S.)
La réparation demandée par le Gouvernement de la République
françaisecomprendra notamment :
a) en ce qui concerne le différendrelatif àla Compagnie du Port.
des Quais et des Entrepôts de Beyrouth: I. l'abandon par le Gouvernement libanais de l'exécution à
l'encontre de la Compagnie des dispositions de la loi du
26 juillet1956,
2. le remboursement de toutes les sommes indûment perçues
par saisie ou perception de l'impôt,

3. une indemnisation à dire d'expert pour les préjudicesqu'a
subis ou subira la Compagnie du Port, des Quais et des
Entrepôts de Beyrouth avant l'am& de la Cour.
h) en ce qui concerne le différend relatifàla SociétRadio-Orient:

I. la cessation immédiate des mesures d'exécution de la loi
du 26 juillet1956,
2. le remboursement des sommes indûment perçues,

3. une indemnisation à dire d'expert pour tous les préjudices
qu'a subis ou subira la Société Radio-Orientavant l'arrêt
de la Cour.
Sous réservede tout autre préjudice qui serait subi nltérieure-
ment, En conséquence

dire et juger

que le Gouvernement de la République libanaise a violéles enga-
gements qui le lient vis-à-vis du Gouvernement de la République
française et qu'il doit une réparation adéquate pour le préjudice
ainsi causé.

(Signe')André GROS,
Agent du Gouvernement de
la République française. Liste des annexes au mémoire du

Gouvernement de la Républiquefrançaise 1

1. - Accord franco-libanais du 24janvier 1948 et lettre annexe no 12.
2. - Statut de la Compagnie du Port, des Quais et des Entrepôts
de Beyrouth.
3. - Convention de concession de 1887.

4. - Convention de réadaptation des actes concessionnels de la Com-
pagnie.
5. - Lettre no 449du 16janvier 1952 du Contrôle des Sociétéconces-
sionnairesà la Compagnie du Port. des Quais et des Entrepôts
dc Beyrouth.

6. - Lettre no 33du 21 janvier 1952de la Compagnie du Port, des
Contrôle des Sociétés,ministère des Travaus publics.raldu

7. - Lettre no 93du 13février 1952de la Compagnie du Port, des
Quais et des Entrepôts de Beyrouth au directeur général du
Contrôle des Sociétés,ministère des Travaux publics.
8. - Décret no 7.830 du 14mars 1952instituant une Commission
supérieured'enquêtesur les concessionsau ministère des Travaux
publics.

9. - Lettre no 99 du mai 1952de la Commission supérieure
d'enquéte sur les concessions à la Compagnie du Port, des
Quais et des Entrepôts de Beyrouth.
10. - Lettre no 325du 2 mai 1952de la Compagnie du Port, des
Quais et des Entrepôts de Beyrouth à la Commission supérieure
d'enquête sur les concessions.
II. - Lettre no 117du 8 mai 1952 de la Commission supérieure d'en-
qurte sur les concessions à la Compagnie du Port, des Quais
et des Entrepôts de Beyrouth.

12. - Lettre no 360 du IO mai 19j2de la Compagnie du Port, des
Quais et des Entrepôts de Beyrouth à la Commission siipérieure
d'enquéte sur les concessions.
13. - Projet de décret constituant une Commission chargéed'étudier
les aménagements coiitractuels de la concession, niars 1955.
14. - Arrêténe 46du 8 septembre 19jjconstituant une Commission
chargéed'étudierles aménagements contractuels de la concession.

15. - Lettre du ministre des Travaux publics au Conseil des Ministres,
du 24avril 1956.
16. - Convention d'extension du port de Beyrouth et d'aménagement
de la concession de la Compagnie du Port, des Quais et des
Entrepôts de Beyrouth, du 5 août 1957.

' Annexes non reproduites. LISTE DES ASSEXES AU MÉMOIRE FRASÇAIS 51

17. - Décret no 16855 du 9 août 1957 transmettant Ala Chambre des
Députésle projet de loi approuvant la Convention du 5 août
'957.
18. - Loi du 26 juillet 1956 soumettant les sociétbs exemptées au
paiement des impôts, taxes financières et municipales.
19. - Loi provisoire sur le temettu, 30 novembre 1914.
20. - Loi du 6 décembre 1944 portant institution d'un impôt sur
le revenu.

21. - Lettre du 15 mai 1950 du contrôleur du revenu des sociétés
concessionnaires à la Compagnie du Port, des Quais et des
Entrepôts de Beyrouth.
22. - Lettre iiD4749 du 5 juin 1950 de la Compagnie du Port, des
Quais et des Entrepôts de Beyrouth au chef de la section de
1'Impôt sur le revenu, ministère des r'nances.
23. - Lettre no Io1 du 30 janvier 1951 de la Compagnie du Port,
des Quais et des Entrepôts de Beyrouth au chef de la section
de l'Impôt sur le revenu du ministere des Finances.
24. - Lettre no 93x/AS du 14 mars 1952 du ministère des Finances
àla Compagnie du Port, des Quais et des Entrepôtsde Beyrouth.
25. - Lettre no 220 du 26 mars 1952 de In Compagnie du Port, des
Quais et des Entrepôts de Beyrouth au miiiistre des Finances
à Beyrouth.
26. - Note du 13 décembre 1952 du Contrôle des sociétésconcession-
naires au ministre des Finances.

27. - Décisioiidu ministre des Finances du 16 décembre 19j2.
28. - Lettre no 836 du Contrôle financier des concessions à la Com-
pagiiie du Port, des Quais et des Entrepôts de Beyrouth.
29. - Lettre no 13.510 de la Compagnie du Port. des Quais et des
Entrepôts de Beyrouth au ministre des I'inances de la Répu-
blique libanaise.
30. - Lettre no 638412du ministère des Finances à la Compagnie du
Port, du 24 août 1949.
31. - Lettre no 075 du 22 janvier 1957 de la Compagnie du Port, des
Quais et des Entrepôts de Beyrouth au ministère des Finances.
32. - Lettre du 19 mars 1957 du ministre de la Justice du Liban au
président du Conseil des llinistres.

33. - des Finances.vril 1958 de la Compagnie du Port au ministre

34. - Lettre du 6 février1959 de la Compagnie du Port au ministère
des Finances du Liban.
35. - Lettre du le'octobre 1958de la Compagnie du Port au ministère
des I'inances du Liban.
36. - Lettre du 14 février 1951 du directeiir gfnCral rlu Contrôle des
Sociétésà l'administrateur de Bevrouth.
37. - Lettre no 722 du 19 février1951 (lu clief des Services techniques.
à l'administrateur de Bevrouth.38. - Décretlegislatif no 148 NI sur le régimefiscal des municipalités,
du 3 mars 1942.
39. - Lettre no 17.758 du IO décembre 1956 de la Compagnie du Port
à la municipalité de Beyrouth.
40. - Lettre no 1267 du II décembre 1956 de la Compagnie du Port
au directeur général du Contrôle des Sociétéset des affaires
hydrauliques et électriques.

41. - Lettre no 761 du IO mai 1957 du directeur général du Contrôle
des Sociétéset des affaires hydrauliques et électriques à la
Compagnie du Port.
42. - Décisionrendue par la Commission municipale dans sa réunion
du jeudi 17 octobre 1957.
43. - Lettre du ministre des Travaux publics et des Communications
à la présidencedu Conseil des Ministres. du IO novembre 10,",
44. - Lettre no 1038 du 12 décembre 1957 de la Compagnie du Port
au président du Conseil.

45. - Lettre no 004 du 2 janvier 1958 de la Compagnie du Port au
directeur généraldu Contrôle des Sociétés et des Affaireshydrari-
liques et électriques.
46. - Lettre no 1373 du 4 aoùt- 1956 de la direction généraledu
Contrôle des Sociétéset des Affaires hydrauliques et électriques
au directeur généraldes Douanes.
47. - Lettre no j595 du 6 août 1956 de la direction générale des
Douanes au Contrôle des Sociétés.
48. - Lettre no 232/PB du 4 novembre 1957 de la Compagnie du
Port au Contrôle des Sociétés.

49. - Lettre no 590 du 14 mars 1958 du Contrôle des Sociétés à la
Compagnie du Port.
50. - Lettre no 54/PB du 21 mars 1958 de la Compagnie du Port au
Contrôle des Sociétés.
51. - Lettre no 180du 3 mai 1950de la Compagnie du Port au ministre
de l'Économie nationale du Liban.
52. - Lettre no 3138 du 4 novembre 1950 du ministère de l'Économie
nationale du Liban à la Compagnie du Port.

53. - Lettre no 541 du II novembre 1950 de la Compagnie du Port
au ministre de l'Économie nationale du Liban.
54. - Lettre no 8-21 du 2 décembre 1952 de la Compagnie du Port
au ministère des Finances du Liban.
55. - Lettre no 0637 du II juillet 1953 de la Compagnie du Port au
ministre des Finances du Liban.
56. - Lettre no 124 du 28 janvier 1956 de la Compagnie du Port au
ministre des Finances du Liban.

57. - Lettre no 1001 du rj septembre 1956 de la Compagnie du Port
au ministre des Finances du Liban.
58. - Lettre no 844 du 22 décembre 1958de la Compagnie du Port
au ministre des Travaux publics du Liban. 59. - Lettre no 38 du 17 janvier 1959 de la Compagnie du Port au
ministre des Travaux publics du Liban.
60. - Projet de compromis d'arbitrage entre le Gouvernement libanais
et la Compagnie du Port, du 17 janvier 1959.

61. - Lettre no go du II février 1959 de la Compagnie du Port au
ministre des Travaux publics du Liban.
62. - Lettre no431 du 27 février1959du ministre des Travaux publics
du Liban à la Compagnie du Port.
63. - Lettre no 160 du 9 mars 1959 de la Compagnie du Port au
ministre des Travaux publics du Liban.
64. - Lettre no250 du 5 mai 1959de la Compagnie du Port au ministre
des Travaux publics du Liban.
65. - Extrait du rapport sur la Compagnie du Port présenté au
Gouvernement libanais le 19 avril 1958 par la Commission
interministérielle chargéed'étudier l'aménagement de la conces-
sion et l'extension du port de Beyrouth.
66. - Statuts de la SociétéRadio-Orient.
67. - Convention du décembre 1921 entre le haut-commissaire de
la République française en Syrie et au Liban et la Compagnie
généralede Télégraphiesans fil.
68. - Lettre de la SociétéRadio-Orient au Contrôle des Sociétés,du
4 février 1957.
69. - Lettre no 12691Sdu 21 mars 1957 du ministere des Finances
à la direction des Sociétéset des Affaires hydrauliques et élec-
triques du ministère des Travaux publics.
70. - Lettre no 3/4-1284 du 6 juin 1957 de la SociétéRadio-Orient
au Contrôle des Sociétés.
71. - Lettre no 4-1733 du 5 aoùt 1957 de la SociétéRadio-Orient
au ministre des Postes, Télégrapheset Téléphones;mêmelettre
adressée sous no 4-1734 au ministre des Travaux publics.

72. - au ministre des Travaux publics; mêmelettre adressée sous
no 411790 au ministre des Postes, Télégrapheset Téléphones.

73. - au Contrôle des Sociétés.tobre 1957 de la Société Radio-Orient

74. - Lettre no 1877 AB du 18 mars 1957 des Douanes libanaises
à la SociétéRadio-Orient.
75. - Lettre no 4-1231 du 6 juin 1957 de la SociétéRadio-Orient au
directeur généraldu ministere des Postes et Télégraphes.
76. - Lettre n" 57/8286 du 6 février 1958 du chef de la Comptabilité
des Douanes de Beyrouth au directeur de la SociétéRadio-
Orient.
77. - Lettre no 147157T du ministere des Postes et Télégraphes au
directeur général des Douanes.

Document file FR
Document
Document Long Title

Mémoire du Gouvernement de la République française

Links