Arrêt du 26 novembre 1984

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070-19841126-JUD-01-00-EN
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INTERNATIONAL COURT OF JUSTICE

REPORTS OF JUDGMENTS,
ADVISORY OPINIONS AND ORDERS

CASE CONCERNING MILITARY AND
PARAMILITARY ACTIVITIES IN AND

AGAINST NICARAGUA

(NICARAGUA v. UNITED STATES OF AMERICA)

JURISDICTION OF THE COURT AND
ADMISSIBILITY OF THE APPLICATION

JUDGMENT OF 26 NOVEMBER1984

COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

RECUEIL DES ARRÊTS,
AVIS CONSULTATIFS ET ORDONNANCES

AFFAIRE DES ACTIVITÉS MILITAIRES

ET PARAMILITAIRES AU NICARAGUA
ET CONTRE CELUI-CI

(NICARAGUA c. ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE)

COMPÉTENCE DE LA COUR
ETRECEVABILITÉ DE LA REQUÊTE

ARRÊT DU 26 NOVEMBRE 1984 Officia1citat:on
Military and Paramilitary Activities in and against Nicaragua
(Nicaraguv.United States of America), Jurisdictionand
Admissibility, Judgment,J. Reports 1984, p. 392.

Mode officiel de cit:tion
Activitésmilitaires etparamilitaires au Nicaraguaet contrecelui-ci
(Nicaraguac. Etats-Unis d'Amérique),compétence et recevabilité,
arrêt,C.I.J. Recueil 1984, p. 392.

Salenuiliber
NOde vent: 506 1 COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

1984
26 novembre
Rôle général
26 novembre1984 no70

AFFAIRE DES ACTIVITÉS MILITAIRES

ET PARAMILITAIRES AU NICARAGUA

ET CONTRE CELUI-CI

(NICARAGUA c. ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE)

COMPÉTENCE DE LA COUR
ET RECEVABILITÉ DE LA REQUETE

CompétencedelaCour-Article 36,paragraphes2 et5, duStatut - Déclaration
en vertude l'article duStatut delaCour Dermanenteémanantd'Etatsn'avantoas
ratifiéleprotocoledesignaturede ce~tatLt - Déclaration validme aisnonbinding
- Effet del'article36,paragraphe5,duStatut delaCourinternationaledeJustice -
Portée destravauxpréparatoires - ConduitedesEtats intéressé s Importancedes
publications de la Cour etde l'organisation des Nations Unies.
Thèseselon laquellel'estoppelempêcherait d'invoquer lacompétence résud lteant

l'article 36, paragraphe2,du Statut.
Natureeteffetdesdéclarations - Modificationoudénonciationd'unedéclaration
faite en vertu de la clausefacultative etprévoyant unpréadveisdénonciationdesix
mois - Effet de la réciprocité sur des déclaratiocnosmportant des clausesde
dénonciationdifférentes - Déclaration faite sanlsimite de duré- Nécessité d'un
préavis raisonnable.
Sens de laréservejointeà la déclaration d'acceptatione la clausefacultativà,

l'effet d'exclureles différendsrésultantde traités multilatéraàxmoins que ((al/
parties to the treatyaffectedby thedecisionare beforethe Court» - Impossibilité
d'identifier lesEtats(affectés»pendant laphasejuridictionnelle- Applicationde
l'article79,paragraphe 7, du Règlement dela Cour.
Compétenceconféréepau rntraitébilatéralpoucronnaître d'undifférendqui« ne
pourraitpas êtreréglé d'unm e anière satisfaisante parla voie diplomatique -
Possibilité de s'appuyer sur la clause compromissoire sans négociatpir onsa-

lables.
Recevabilitéde la requête - Allégationsuivant laquelletoutes les ((parties
indispensables» devraient êtreprésentes devant laCour - Allégationsuivant
laquellelademandeconcernerait l'emploi illiciteelaforcearmée - CompétenceduConseilde sécurité deNsations Unies - Droit de légitimedéfense individuelle ou
collectiv- Déroulementparallèle d'instances devantla CouretdevlaenCtonseilde
sécurit- Thèseselonlaquellelafonctionjudiciairenepermettrait pasderéglerdes
situationsde confliten cour- Preuve desfaits etpossibilitd'exécuterI'arrê-t
L'épuisement desprocédurd esnégociation n'est pasneconditionpréalable de la
saisinede la Cour.

Présents: M. ELIASP ,résident; M. SETTE-CAMAR VAic,e-PrésidetMM. LACHS,
Mo~ozov, NAGENDRASINGH, RUDA, MOSLER,ODA, AGO,
EL-KHANIS , CHWEBEL si,rRobert JENNINGS,MM. DE LACHARRIÈRE,
MBAYEB , EDJAOUjIu,ges ;M. COLLIARD ju,ge ad hoc ;M. TORRES
BERNARDEG Z,reffier.

En l'affaire des activités militaireset paramilitaires au Nicaragua et contre
celui-ci,

entre
la Républiquedu Nicaragua,

représentéepar
S. Exc. M. Carlos Argüello Gomez, ambassadeur,

comme agent et conseil,
M. Ian Brownlie, Q.C., F.B.A., professeur de droit international public à
l'universitéd'Oxford, titulaire de la chaire Chichele,Fellowde l'Al1Souls

College,Oxford,
l'honorableAbram Chayes, professeur àla facultéde droit de Harvard, titu-
laire de la chaire Felix Frankfurter,owde 1'AmericanAcademyof Arts
and Sciences,
M.Alain Pellet,professeur àl'université deParis-Nord etàl'Institut d'études
politiques de Paris,
M. Paul S. Reichler, Reichler and Appelbaum, Washington, D.C., avocat
à la Cour suprêmedes Etats-Unis, membre du barreau du district de

Columbia,
comme conseilset avocats,

M. Augusto Zamora Rodriguez, conseillerjuridique du ministère desaffaires
étrangèresde la Républiquedu Nicaragua,
MmeJudith C. Appelbaum, Reichler and Appelbaum, Washington, D.C.,
membre du barreau du district de Columbia et du barreau de 1'Etatde
Californie,
M. Paul W. Khan, Reichler and Appelbaum, Washington, D.C., membre du
barreau du district de Colombia,

comme conseils,les Etats-Unis d'Amérique,

représentéspar
l'honorable DavisR. Robinson, conseillerjuridique, département d'Etat des
Etats-Unis,

comme agent et conseil,
M. Daniel W. McGovern, premier conseillerjuridique adjoint, département
d'Etat des Etats-Unis,
M. Patrick M. Norton, assistant du conseillerjuridique, départementd'Etat
des Etats-Unis,

comme agents adjoints et conseils,
M. Ted A. Borek, conseillerjuridique adjoint, départementd'Etat des Etats-
Unis,
M. Myres S. McDougal, professeur de droit emeritus, titulaire de la chaire
Sterling, facultéde droit de l'université Yale, New Haven, Connecticut,
Disfinguished VisitingProfessorofLaw, facultéde droit de New York, New

York,
M. John Norton Moore, professeur de droit, titulaire de la chaire Walter
L. Brown, faculté de droit à l'université de Virginie, Charlottesville,
Virginie,
M. Fred L. Morrison, professeur de droit, facultéde droit de l'universitédu
Minnesota, Minneapolis, Minnesota,
M. Stefan A. Riesenfeld, professeur à la facultéde droit de l'université de
Californie, Berkeley,Californie, et à la faculté de droit Hastings, San
Francisco, Californie,
M. Louis B. Sohn, professeur de droit international, titulaire de la chaire
Woodruff, facultéde droit de l'université deGéorgie,Athens, Géorgie,

professeuremeritusde droit international, chaire Bemis,facultéde droit de
l'université Harvard,Cambridge, Massachusetts,
comme conseillers,

MmeFrances A.Armstrong, avocat-conseiller,bureau du conseillerjuridique,
départementd'Etat des Etats-Unis,
M. Michael J. Danaher, membre du barreau de 1'Etatde Californie,
MmeJoan E. Donoghue, avocat-conseiller, bureau du conseillerjuridique,
départementd'Etat des Etats-Unis,
MmeMary W. Ennis, avocat-conseiller,bureau du conseillerjuridique, dépar-
tement d'Etat des Etats-Unis,
M. Peter M. Olson, avocat-conseiller,bureau du conseillerjuridique, dépar-
tement d'Etat des Etats-Unis,
M. Jonathan B. Schwartz, avocat-conseiller,bureau du conseillerjuridique,
départementd'Etat des Etats-Unis,

MmeJamison M. Selby, avocat-conseiller, bureau du conseiller juridique,
départementd'Etat des Etats-Unis,
M. George Taft, avocat-conseiller, bureau du conseillerjuridique. départe-
ment d'Etat des Etats-Unis,
MmeGayle R. Teicher, avocat-conseiller, bureau du conseiller juridique,
départementd'Etat des Etats-Unis,
comme avocats-conseillers, ainsi composée,

rend Iarrêtsuivant :
1. Le9avril 1984l'ambassadeurde la Républiquedu Nicaragua aux Pays-Bas

a déposé au Greffe de la Cour une requêteintroduisant une instance contre les
Etats-Unis d'Amériqueau sujet d'un différendrelatif à la responsabilité encou-
rue du fait d'activités militaireset paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci.
La requêteindique, comme fondement de la compétencede la Cour, les décla-
rations par lesquelleslesParties ont acceptélajuridiction obligatoirede la Cour
en application de l'article 36 de son Statut.
2. Conformément à l'article 40,paragraphe 2, du Statut, la requête a été
immédiatement communiquéeau Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique.
Conformémentau paragraphe 3 du même article, lesautres Etats admis à ester

devant la Cour ont été informéd se la requête.
3. En même tempsque sa requête la République du Nicaragua a déposé une
demande en indication de mesures conservatoires en vertu de l'article 41 du
Statut. Dans une lettre du 13avril 1984,adresséepar l'ambassadeur des Etats-
Unis d'Amérique à La Haye au Greffier, et au cours de la procédure orale sur la
demande en indication de mesures conservatoires du Nicaragua, les Etats-Unis
d'Amériqueont soutenu en particulier que la Cour n'avait pas compétencepour
connaître de la requêteet demandéqu'il soit misfin à la procédureen rayant
l'affairedu rôle.Par ordonnance prise le 10mai 1984la Cour arejetéla demande
des Etats-Unis d'Amériquetendant à ce que l'affairesoit rayéedu rôle, indiqué

certaines mesuresconservatoires et décidéque,jusqu'à cequ'ellerende son arrêt
définitif enl'espèce,elle demeurerait saisie des questions faisant l'objet de
l'ordonnance.
4. La Cour a décidé en outre par cette mêmeordonnance du 10mai 1984que
lespiècesécritesporteraient d'abord surlaquestion de lacompétencede la Cour
pour connaître du différend et surcelle de la recevabilitéde la requête. Par
ordonnance du 14mai 1984lePrésidentde la Cour a fixéladate d'expiration des
délaispour le dépôt d'unmémoirede la République du Nicaragua et d'un
contre-mémoiredes Etats-Unis d'Amériquesur les questions de compétence et
de recevabilité. Ces piècesont étédûment déposéesdans les délais ainsi

fixés.
5. La République du Nicaragua a affirmédans son mémoire qu'enplus de la
base de compétenceinvoquée dansla requête untraitéd'amitié,de commerceet
de navigation signé en1956par les Parties constitue un titre indépendant de
compétence en vertude l'article 36, paragraphe 1, du Statut de la Cour.

6. Le 15août 1984,avant l'expirationdu délaiimparti pour laprésentation des
piècesde la procédure écriterelatives à la compétenceet àla recevabilité,la
Républiqued'ElSalvadoradéposé une déclarationd'interventionenl'affaire sur

labasedel'article63du Statut. Dans unelettrede l'agentd'El Salvadordatéedu
10 septembre 1984, qu'El Salvador a demandé de considérer comme partie
intégrantedesa déclaration d'intervention,il étaitdit que, sila Cour sedéclarait
compétenteetjugeait larequêterecevable, ElSalvador seréservait ledroit,<<à la
faveurd'une phaseultérieuresurlefond de l'affaire,de sefaire entendreau sujet
de l'interprétation etde l'application des conventions auxquelles il est partie etqui auraient trait àcette phase ))Au vu des observations écritesque les Parties
ont présentées au sujed te cette déclaration conformément à l'article 83du
Règlement,la Cour,par ordonnance du 4 octobre 1984,a décidé de ne pas tenir
audiencesur la déclaration d'intervention et décidé enoutre quecettedéclaration

était irrecevableence qu'elle serapportait àla phase de l'instance encours.
7. Au cours d'audiencespubliques tenues du 8 au 10et du 15au 18octobre
1984la Cour a entendu les représentantsci-aprèsdes Parties :
Pour la Républiquedu Nicaragua : S. Exc. M. Carlos Argüello Gomez,

l'honorable Abram Chayes,
M. Ian Brownlie,
M. Paul S. Reichler,
M. Alain Pellet.
Pour les Etats-Unis #Amérique : l'honorable Davis R.Robinson,

M. Patrick M. Norton,
M. Myres McDougal,
M. Louis B. Sohn,
M. John Norton Moore.

8. Dans laprocédureécrite, les conclusionsci-aprèsont été présentéep sar les
Parties :

Au nom de la Républiquedu Nicaragua,
à la fin du mémoire :

((le Nicaragua présenterespectueusement à la Cour les conclusions sui-
vantes :
A. La compétencede la Cour pour connaître du différend exposé dans
la requêteest établiepar les termes de la déclaration du Nicaraguadu
24 septembre 1929,en vertu de l'article 36, paragraphe 5, du Statut de la

Cour internationale de Justice, et par ceuxde la déclaration desEtats-Unis
du 14août 1946,en vertu de l'article 36, paragraphe 2, dudit Statut.
B. La déclaration duNicaragua du 24 septembre 1929est en vigueuren
tant qu'acceptation régulièreet contraignante de lajuridiction obligatoire
de la Cour.
C. La tentative des Etats-Unis pour modifier les termes de leur décla-
ration du 14août 1946ou pour y mettre fin par la lettre en datedu 6 avril
1984du secrétaired'Etat George Shultz au Secrétairegénérad le l'organi-
sation des Nations Unies est de nul effet à l'une et l'autre fin.

D. En vertu de l'article XXIV, paragraphe 2, du traité d'amitié,de
commerceet de navigation entre les Etats-Unis et leNicaragua, du 24mai
1958,la Cour est compétentepour connaître des demandes figurant dans la
présente requête qurielèventde ce traité.
E. Aucuneconsidérationde recevabiliténefait obstacleau pouvoir dela
Cour de statuer sur ledifférendd'ordrejuridique exposédans la requête,et
ladite requêteest recevable. )>

Au nom des Etats-Unis d'Amérique,

à la fin du contre-mémoire :
<<Plaise àla Cour dire etjuger,par les motifs qui précèdent,tant séparés
queconjoints,quelesdemandes formuléesdansla requêtedu Nicaragua du 9 avril 1984: 1) ne relèventpas de la compétencede la Cour ; 2) sont
irrecevables.

9. Dans la procédure orale,lesconclusionsci-aprèsont été présentép esr les
Parties :

Au nom de la Républiquedu Nicaragua,

à l'audience du 10octobre 1984 :
«Réitérantles arguments et conclusions figurant dans le mémoiredu
30 juin 1984 ainsi que les arguments avancésen plaidoirie au nom du
Nicaragua :

LeGouvernementduNicaraguaprielaCourdedirequ'elleacompétence
pour connaître de la requêteintroduite par le Nicaragua le 9 avril 1984et
que ladite requêteest recevabledans tous ses chefs de demande. ))

Au nom des Etats-Unis d'Amérique,

à l'audiencedu 16octobre 1984 :
Plaise à la Cour dire et juger que, par les motifs tant séparés que

conjoints exposésdans Iesplaidoiries des Etats-Unis et dans leur contre-
mémoiredu 17août 1984,les demandes formuléesdans la requête nicara-
guayennedu 9avril 1984 : 1)ne relèventpas de lacompétencede laCour et
2) sont irrecevables.1)

10. Conformément à l'article60,paragraphe 2,du Règlement, lesdeuxParties
ont communiqué à la Cour le texte écritde leurs conclusions finales, telles
qu'énoncéep slus haut.

11. La présenteaffaire portesur un différendentre le Gouvernement de
la République du Nicaragua et le Gouvernement des Etats-Unis d'Amé-
rique résultant, selon le Nicaragua, d'activités militaires et paramilitaires

menéesau Nicaragua et dans leseaux au large de ses côtes, activitésdont le
Nicaragua impute la responsabilité aux Etats-Unis. En la phase actuelle,
elle concerne la compétence de la Cour pour connaître du différend et le
trancher, ainsi que la recevabilité de la requêtepar laquelle la Cour a été
saisie. La question étant ainsi limitée,la Cour s'abstiendra non seulement

d'exprimer une opinion sur des points de fond, mais aussi de se prononcer
d'une manière qui pourrait préjuger ou paraître préjuger toute décision
qu'elle pourrait rendre sur le fond.
12. Pour établir la compétence de la Cour en la présente instance, le

Nicaragua s'estfondé,dans sa requête,sur l'article 36 du Statut de la Cour
et sur les déclarations, examinées ci-après, acceptant la juridiction obli-
gatoire en vertu de cet article (requête,préambule et par. 13). Rappelant
qu'il avait réservédans sa requête(par. 26) le droit de compléter ou
modifier celle-ci, le Nicaragua a soutenu d'autre part dans son mémoireque la Cour a compétence envertu de l'article XXIV,paragraphe 2, d'un
traité d'amitié,de commerce et de navigation entre les Parties signéle
21janvier 1956 à Managua.
13. L'article 36, paragraphe 2, du Statut de la Cour dispose :

<Les Etats parties au présent Statut pourront, à n'importe quel
moment,déclarerreconnaître commeobligatoire deplein droit et sans
convention spéciale, à l'égardde tout autre Etat acceptant la même
obligation, la juridiction de la Cour sur tous les différends d'ordre
juridique ayant pour objet :

a) l'interprétation d'un traité ;
b) tout point de droit international ;
c) la réalitéde tout fait qui, s'ilétaitétabli, constituerait la violation
d'un engagement international ;

d) la nature ou l'étenduede la réparation due pour la rupture d'un
engagement international. ))
En vertu de cette disposition, les Etats-Unis ont fait, le 14août 1946,une

déclarationcomportant des réserves,qui seront examinéesplus loin, où il
étaitprécisé :
<(cette déclaration demeure en vigueur pour une duréedecinq ans ...
ellereste envigueurde plein droitjusqu'à l'expiration d'undélaide six

mois à compter de la dateoù notification est donnéede l'intention d'y
mettre fin ».
Le 6 avril 1984,le Gouvernement des Etats-Unis d'Amériquea déposé

auprès du Secrétairegénéralde l'organisation des Nations Unies une
notification signéepar le secrétaired'Etat, M. George Shultz, qui se réfé-
rait à la déclaration déposée le 26 août 1946et stipulait :
((queladitedéclarationne serapasapplicableauxdifférends avecl'un

quelconque des Etats de l'Amériquecentrale ou découlant d'événe-
ments en Amérique centrale ou s'y rapportant, tous différendsqui
seront réglésde la manière dont les parties pourront convenir.
Nonobstant lestermes de ladéclaration susmentionnée,laprésente
notification prendra effet immédiatement et restera en vigueur pen-
dant deux ans, de manière à encourager le processus continu de
règlementdes différendsrégionauxqui vise à une solution négociée

des problèmes interdépendants d'ordre politique, économiqueet de
sécurité qui se posenten Amérique centrale. )>
Pour plus de commodité, cette notification sera dénomméeci-après la
<<notification de 1984 o.

14. Afin de pouvoir invoquer la déclaration américaine de 1946 de
manière à établir la compétencede la Cour dans la présenteespèce,le
Nicaragua doit prouver qu'ilest un Etat acceptant la mêmeobligation ))
au sens de l'article 36, paragraphe 2, du Statut. A cet effet, le Nicaraguainvoque la déclarationqu'ila faite le 24 septembre 1929en application de
l'article 36, paragraphe 2, du Statut de la Cour permanente de Justice

internationale, aux termes duquel :
<Les Membres de la Sociétéet Etats mentionnés à l'annexe au
Pacte pourront, soit lors de la signature ou de la ratification du
Protocole, auquel leprésentActe estjoint, soit ultérieurement,décla-

rer reconnaître dès àprésentcomme obligatoire, de plein droit et sans
convention spéciale,vis-à-visdetoutautre Membre ou Etat acceptant
la mêmeobligation, lajuridiction de la Cour ))
pour en fait toutes les catégoriesde différendsénumérée sl'article 36 du
Statut de la Cour instituéeaprèsla guerre qui ont étécitées ci-dessus.Le

Nicaragua invoque en outre l'article 36, paragraphe 5, du Statut de la
présente Cour,lequel dispose que :
Lesdéclarationsfaitesen application del'article36du Statutde la
Cour permanente de Justice internationalepour une durée quin'est
pas encore expiréeseront considéréesd , ans les rapports entre parties

au présent Statut, comme comportant acceptation de la juridiction
obligatoire dela Courinternationalede Justice pour la duréerestant à
courir d'après ces déclarations et conformément àleurs termes. ))
15. La déclaration nicaraguayenne de 1929a étéfaitedans les circons-

tances suivantes. Les Membres de la Sociétédes Nations et les Etats
mentionnés dans l'annexe au Pacte de la Sociétédes Nations étaient
habilitésà signerleprotocole de signaturedu Statut dela Courpermanente
deJustice internationale établi àGenèvele16décembre1920.Leprotocole
stipulait qu'il serait ratifiéet que chaque Puissance adresserait sa ratifi-
cation au Secrétariatgénéralde la Société des Nations. Le 24 septembre
1929,en sa qualitéde Membre de la Société des Nations, le Nicaragua a
signéleprotocole etfait, en vertu de l'article36,paragraphe 2,du Statutde
la Cour permanente, une déclaration ainsi libellée :

<Au nom de la République de Nicaragua je déclare reconnaître
commeobligatoireet sans condition lajuridiction de la Cour perma-

nente de Justice internationale.
Genève, le24 septembre 1929.

(Signé) T. F. MEDINA.
16. Il ressort des documents produits par les deux Parties devant la
Cour que, le 4 décembre1934,une proposition concernantnotamment la
ratification du Statut de laCourpermanentede Justice internationale etdu
protocole de signature du 16décembre1920aétéapprouvép ear 17Ejecutivo

(l'exécutif) nicaraguayen. Le 14 février1935, le Sénatdu Nicaragua a
décidéde ratifier ces instruments et sa décisiona étépubliéedans La
Gaceta,journal officieldu Nicaragua, le 12juin 1935 ;le 1ljuillet 1935,la
Chambre desdéputésdu Nicaragua apris une décisiondans lemême sens,elleaussi publiéele 18septembre 1935.Le 29 novembre 1939,le ministère

desrelations extérieuresdu Nicaragua a envoyéle télégrammesuivant à la
Sociétédes Nations :
<ESTATUTO Y PROTOCOLO CORTE PERMANENTE JUSTICIA INTERNA-
CIONAL LA HAYA YA FUERON RATIFICADOS PUNTO ENVIARSELE OPOR-

TUNAMENTE INSTRUMENT0 RATIFICACION-RELACIONES. >)
[Traduction]
(Statut et protocole Cour permanente Justice internationale La

Haye déjàratifiés.Instrument de ratification sera envoyé entemps
voulu. Relations.)
Les archives de la Sociétédes Nations ne renferment toutefois aucune
pièceattestant qu'un instrument de ratification eût étéreçu. La preuve

qu'un instrument de ratification avait bien étéenvoyé à Genèven'apas été
administrée.Le 16décembre1942,le conseillerjuridique par intérimdu
Secrétariatde la Société des Nations avait écritau ministre des relations
extérieuresdu Nicaragua pour lui signaler qu'il n'avaitpas reçu l'instru-
ment de ratification <<dont le dépôtest nécessairepour faire naître effec-
tivement l'obligation o. Dans le mémoiredu Nicaragua, il est indiquéque
le <Nicaragua n'ajamais parachevélaratification de l'ancienprotocole de
signature ));l'agentdu Nicaragua aexpliquéenplaidoirie que les archives
de son pays étaientfort peu fournies et qu'il ne pouvait êtreaffirmatif ni

dans un sens ni dans l'autre, ajoutant cependant que, siles instrumentsde
ratification ont étéenvoyés, ils l'ontprobablement étépar courrier mari-
time et que les événementsde la secondeguerre mondiale, alors en cours,
peuvent expliquer qu'apparemment les instruments ne sontjamais parve-
nus à destination. Aprèsla guerre,leNicaragua apris part à SanFrancisco
à la conférencedesNations Unies sur l'organisation internationale ;il est
devenu Membre originaire de l'organisation des Nations Unies, ayant
ratifiéla Charte le 6 septembre 1945 ;le 24 octobre 1945,le Statut de la

Cour internationalede Justice, qui fait partie intégrante de la Charte, est
entréen vigueur.
17. Sur la base de ces faits, les Etats-Unis allèguent d'abord que le
Nicaragua n'estjamais devenu partie au Statut de la Courpermanente de
Justice internationale et qu'il n'a par conséquentjamais acceptéeffecti-
vementlajuridiction obligatoire de laCour permanente, cequ'ilnepouvait
d'ailleurs faire; la déclaration d'acceptation de 1929 n'étaitpar consé-
quent pas << still in force)au sens de la version anglaise de l'article 36,
paragraphe 5, du Statut de la présente Cour. D'aprèsles Etats-Unis, l'ex-

pression <<pour une durée qui n'est pas encore expirée )) qui, dans la
version française du Statut, correspond à la formule << still in forc1)du
texte anglais, signifie elleaussi qu'une déclaration devait avoirforce obli-
gatoire en vertu du Statut de la Cour permanente pour être considérée
comme portant acceptation de lajuridiction de la présenteCour en vertu
de l'article 36, paragraphe 5, de son Statut.
18. Le Nicaragua ne prétend pasque sa déclarationde 1929ait été enelle-mêmesuffisante pour constituer une acceptation de la juridiction
obligatoire de la Courpermanente de Justice internationalede nature à le

lier, car il aurait fallu, pour ce faire, qu'il parachève la ratification du
protocole de signature du Statut de ladite Cour. Il rejette toutefois l'in-
terprétation de l'article 36, paragraphe 5, du Statut de la présenteCour
avancéepar lesEtats-Unis :leNicaragua affirme que l'expression << which
are stillin force ou <(pour une duréequi n'estpas encore expirée )n'avait
qu'un but, exclure du champ d'application de l'article lesdéclarationsqui
étaientdéjàexpirées,et qu'ellen'a aucun effet surdes déclarations,comme
celledu Nicaragua, non encore venues à expiration et qui, pour une raison
quelconque, n'ont pas étéparachevées.Conformément à l'intention des

auteurs de la disposition qui, pour le Nicaragua, était de maintenir la
situation existante en ce qui concerne les déclarations d'acceptation de la
juridiction obligatoire, la situation du Nicaragua était strictement iden-
tique au regard du nouveau Statut à ce qu'elle était sous le régimede
l'ancien.Dans l'unetl'autre cas,laratification du Statutde la Cour rendait
parfaite sa déclaration de 1929.Pour le Nicaragua, le bien-fondéde son
interprétation du Statut sur ce point est confirmépar la façon dont les
publications de la Cour et du Secrétariat de l'organisation des Nations
Unies présententla déclaration nicaraguayenne ;parla conduite des Par-

tiesà laprésenteaffaireetpar celledu Gouvernement du Honduras lorsdu
différend intervenu en 1957-1960 entre le Honduras et le Nicaragua à
propos de la sentence arbitrale rendue par leroi d'Espagne en 1906,affaire
quiafinalement été tranchéepar la Cour ;par l'opinion despublicistes ;et
par la pratique des Etats-Unis eux-mêmes.
19. Ausujet desarguments que leNicaragua tire despublications de la
Cour, on noteratout d'abord que,dans leseizièmeetdernier rapport de la
Cour permanente de Justice internationale, portant sur la période du
15juin 1939au 31 décembre1945,le Nicaragua figurait au <<Tableau des

Etats ayant souscrit à la Disposition facultative ))(p. 348) ;une autre page
(p.43)indiquait cependantque leNicaragua n'avaitpasratifiéleprotocole
de signature du Statut, et le Nicaragua n'étaitpas mentionné parmi les
<Etats liés 1(par la disposition facultative), énuméré sla page suivante.
Lepremier Annuaire de la Cour actuelle, portant sur lapériode1946-1947,
contenait une liste intitulée Membres des Nations Unies, autres Etats
parties auStatut et Etats auxquelslaCour estouverte(L'astérisqueindique
que 1'Etatdont il s'agit est liépar la <Disposition facultative O) )),et le
Nicaragua y figurait avec un astérisqueet une note de bas de page (com-

mune à plusieurs des Etats énumérési)ndiquant :<<Déclaration faite en
application de l'article 36 du Statut de la Cour permanente et considérée
comme étant encore en vigueur (article 36, 5, du Statut de la présente
Cour) ))(p. 105).Sur une autre page, le texte de la déclarationde 1929du
Nicaragua était reproduit avec la note de bas de page suivante :

(<Suivant un télégramme du 29novembre 1939,adressé àla Société
des Nations, le Nicaragua avait ratifiéle Protocole de signature du
Statut de la Courpermanente de Justice internationale (16 décembre 1920),l'instrument de ratification devant suivre. Cependant, ledépôt
de cet instrument n'a pas été notifié au Greffe. (P. 206.)

L'Annuaire 1946-1947comportait aussi une liste intitulée : ((Liste des
Etats qui ont reconnu comme obligatoire lajuridiction de la Cour inter-

nationale de Justice ou qui sont encore liéspar leur adhésion à la Dispo-
sitionfacultative du Statutde laCourpermanente deJustice internationale
(article 36 du Statut de la Cour internationale de Justice) (p. 217) où
figurait leNicaragua (avecune note de bas de page renvoyant à la page où
la déclaration de 1929étaitreproduite).
20. LesAnnuaires suivants de la Cour,jusques et y compris l'Annuaire
1954-1955,citent le Nicaragua parmi les Etats pour lesquels des déclara-
tions d'acceptation de lajuridiction obligatoire de la Cour, faites confor-
mémentaux termes du Statut de la Cour permanente de Justice interna-
tionale ou du Statut de la Cour actuelle, étaient en vigueur (voir par

exemple l'Annuaire 1954-1955,p. 35).Il est néanmoinsfait aussi référence
à la page de l'Annuaire 1946-1947où le texte de la déclaration nicara-
guayenne de 1929est reproduit (ibid.,p. 181).Le Nicaragua a également
continué à être inscrit surla liste des Etats reconnaissant la juridiction
obligatoire (ibid., p. 189). Dans l'Annuaire 1955-1956, la mention du
Nicaragua dans cette liste (à la page 188)s'accompagned'une note de bas
de page ainsi conçue :

<<Par télégrammedatédu 29 novembre 1939,adressé à la Société
des Nations, le Nicaragua avait ratifié le protocole de signature du
Statut de la Cour permanente de Justice internationale (16 décembre
1920), et l'instrument de ratification devait suivre. Cependant, il
semble que ledit instrument de ratification ne soitjamais arrivé à la
Sociétédes Nations. ))

Une note de mêmeeffet figure dans lesAnnuaires de la Cour qui ont suivi
jusqu'à aujourd'hui.
21. En 1968.la Cour a inaugurélapratique, poursuivie depuis lors, qui
consiste à présenterun Rapport àl'Assembléegénérale desNations Unies
pour l'annéeécoulée.On trouve dans chacun de ces Rapports un para-
graphe indiquant combien d'Etats reconnaissent actuellement comme
obligatoire lajuridiction de laCour,et leNicaragua y est compris. Pendant

plusieurs années,le mêmeparagraphe précisaitque les Etats en question
avaient acceptélajuridiction de la Cour <(en vertu de déclarationsdépo-
séesaux termes de l'article 36, paragraphe 2,du Statut D. Les Rapports ne
font aucune mention de la question de la ratification du protocole de
signature du Statut de la Cour permanente.
22. Le Nicaragua se fonde aussi sur le fait que son nom figure dans
diverses publications paraissant sous la responsabilité du Secrétariatde
l'organisation des Nations Unies, qui le citent toutes comme Etat dont la
déclarationd'acceptation de lajuridiction de la Cour permanente a fait
jouer l'article 36, paragraphe 5, du Statut de la Cour actuelle. Ces publi-cations sont le second Rapport annuel du Secrétaire généra l l'Assemblée
générale ; le volume annuel intitulé Signatures, ratifications, acceptations,
adhésions, etc., relativesaux conventionset accords multilatérauxpour les-
quelsleSecrétairegénéraelxercelesfonctions dedépositaire ; l'Annuairedes
Nations Unies ; et certaines publications officielles secondaires.
23. La position desEtats-Unis au sujet decespublications estque, dans
cellesqui proviennent du Greffe de la Cour, celui-ciprendgrand soin dene
présenter aucune des listes comme faisant foi ; les Etats-Unis appellent
l'attention sur la mise en garde figurant dans la préface à l'Annuairede la
Cour selon laquelle celui-ci (<n'engage en aucune façon la Cour O, sur les

notes de bas de page citées auxparagraphes 19et 20 ci-dessus et sur un
texte apparaissant pour la première fois dans l'Annuaire 1956-1957
(p. 205), où il est dit:

<Les textes des déclarationsénoncéesdans ce chapitresont repro-
duits uniquement pour la commodité du lecteur. L'inclusion de la
déclarationémanantd'un Etat quelconque ne saurait êtreconsidérée
comme l'indication des vues du Greffe ni, à fortiori, cellesde la Cour,
sur la nature, la portée et la validité de l'instrument en question. ))

Ils en concluent qu'on voit ainsi nettement que les Greffiers et les An-
nuaires successifs de la Cour n'ont jamais adoptéet ont même expressé-
ment rejeté les thèsesdu Nicaragua sur l'effetde l'article 36,paragraphe 5,
du Statut. Pour ce qui est des publications des Nations Unies, les Etats-
Unis soulignent que, là où lessources sont citées,il s'agitinvariablement de
l'Annuaire de la Cour et qu'aucune de ces publications ne prétend faire
autorité.

24. Afin de déterminer si les dispositions de l'article 36, paragraphe 5,
ont pujouer au bénéfice de ladéclaration nicaraguayenne de 1929,la Cour
doit établir les caractéristiques juridiques de cette déclaration puis les
comparer aux conditions énoncéespar le texte de l'article en question.

25. S'agissant des caractéristiques de la déclaration du Nicaragua, la
Cour constate que celle-ci, au moment où se posait la question de l'ap-
plication du nouveau Statut, c'est-à-dire à son entrée en vigueur, était
certainement valide. En effet, dans le systèmede la Cour permanente de

Justice internationale, une déclaration était valide à condition qu'elle fût
faite par un Etat <<lors de la signature ou de la ratificatio>)du protocole
de signature du Statut, ou ultérieurement, alors que, sous le régimedu
Statut actuel, les déclarations en vertu de l'article 36, paragraphe 2, ne
peuvent êtrefaites que par (<les Etats parties au présent Statut D. Le
Nicaragua ayant signéleprotocole enquestion, sadéclaration relative àla
compétence obligatoire de la Cour permanente, qui n'étaitpas soumise àratification, était indubitablement valide dèssaréceptionpar le Secrétaire
générad l e la Sociétdes Nations (voir Droitdepassagesur territoire indien,
C. 1J. Recueil1957,p. 146).Le Statut de la Courpermanente ne prescrivait
pour ces déclarations aucune forme ou procédureparticulière, et dans la
pratique les Etats employaient des méthodes différentes. Toutefois cette
déclaration valide n'avait pas acquis force obligatoire en application du
Statut de la Cour permanente. Sans doute la Cour admet-elle que la
ratification du protocole de signature du Statut de la Courpermanente de
Justice internationale a fait l'objet des décisions nécessairessur le plan
interne. Mais le Nicaragua n'a pas étéen mesure de prouver qu'il s'était
acquitté de l'indispensable envoi de son instrument de ratification au
Secrétaire générad le la SociétédesNations. Il a certes annoncécet envoi.
Mais rien ne prouve que l'envoiait suivi. Dûment informépar leconseiller
juridique par intérimdu Secrétariatde la Sociétédes Nations des consé-
quences que ce fait pouvait avoir pour sa situation au regard de la com-

pétencede la Cour permanente, le Nicaragua n'a pas pris la seule mesure
qui lui aurait aisémentpermisd'être incontestablementcomptéaunombre
des Etats ayant accepté sajuridiction obligatoire. Cepoint a été admisen
fait par le Nicaragua.
26. La Cour constate donc que le Nicaragua, du fait qu'il n'a pas
déposé son instrumentde ratification du protocole de signature du Statut
de la Cour permanente de Justice internationale, n'étaitpas partie à ce
traité. En conséquence, la déclaration faite par le Nicaragua en 1929
n'avait pas acquis force obligatoire, antérieurement à l'effet éventuelde
l'article 36, paragraphe 5, du Statut de la Cour internationale de Justice.
27. Mais, sicettedéclaration n'avait pas acquiscette force obligatoire, il
n'est pas contesté qu'elle aurait pu l'acquérir,par exemple au début de
1945,si le Nicaragua avait ratifié leprotocole de signature du Statut de la
Cour permanente. La correspondance, que les Parties ont signalée à la
Cour, entre le Secrétariat de la Sociétédes Nations et divers gouverne-

ments dont celui du Nicaragua, ne laisse aucun doute sur le fait que, à
n'importe quelmoment depuis que le Nicaragua a fait sa déclaration et au
moinsjusqu'au jour où la nouvelle Cour a commencé à exister, une rati-
fication du protocole de signature aurait suffi à transformer en engage-
ment obligatoire le contenu de la déclarationde 1929 ; personne n'aurait
demandé au Nicaragua une déclaration nouvelle. Ainsi une déclaration
telle que celle du Nicaragua avait un certain effet potentiel pouvant être
maintenu indéfiniment. Cette permanence de l'effetpotentiel d'une décla-
ration découlait d'une certaine caractéristique propre à la déclaration du
Nicaragua :faite <purement et simplement D, elle était valablepour une
duréeillimitée. Eût-elle prévu,par exemple, qu'elle ne s'appliquait que
pendant cinq ans aux litiges nésaprèssa signature qu'on eût dû admettre
qu'à partir du 24 septembre 1934 son effet potentiel avait disparu. En
résumé, ladéclaration nicaraguayenne de 1929étaitvalide au moment où
le Nicaragua est devenu partie au Statut de la Cour nouvelle ;elle avait

conservé son effet potentiel en raison de ce que le Nicaragua, qui eût pu
limiter dans le temps cet effet, s'en étaitexpressément abstenu. 28. Lescaractéristiquesde cette déclarationdu Nicaragua doivent être
maintenant comparées aux conditions auxquelles l'article 36, para-
graphe 5,subordonne lebénéfice du traitement qu'ildéfinit.Une première
condition a trait aux rapports entre lesdéclarationset leStatut. L'article36,
paragraphe 5, s'abstient de spécifierque les déclarations doivent avoir été
faites par des Etats parties au Statut de la Cour permanente de Justice
internationale : il suffit qu'elles aient étéfaites en application )de l'ar-
ticle 36 de ce Statut (en anglais << under D). Or il était bien connu des
rédacteursde ce texte qu'en vertude l'article 36 un Etat pouvait faire une
telle déclaration tsoit lors de la signature ou de la ratification du proto-
cole ..soit ultérieurement D, c'est-à-dire alors qu'il n'avaitpas ratifiémais
seulement signé leprotocole de signature du Statut. La rédactionchoisie

n'exclutdonc pas, mais au contraire couvre, une déclaration faitedans les
conditions de celles du Nicaragua. En dehors de cette relation avec le
Statut de la Courpermanente de Justice internationale, la seule condition
exigéedesdéclarationsest qu'ellessoient << faites pour une duréequi n'est
pas encore expirée )>(en français) ou still in force)>(en anglais). Les
Parties ont abondamment débattu de cette apparente divergence entre les
deux versions, de sa signification réelleet de lajuste interprétation que la
Cour devrait retenir. Ellesont commenté.dans dessenscontradictoires. les
arguments que lajurisprudence de la cour, notamment dans l'affaire de
l'Incident aériendu 27.juillet1955(Israël c. Bulgarie), pouvait, selon elles,
apporter à leurs thèses respectives.

29. La Cour tient en premier lieu à noter que c'est la première fois
qu'elle se trouve avoir à prendre position sur le point de savoir si une
déclaration n'ayant pas acquis force obligatoire du temps de la Cour
permanente de Justice internationale fait bien partie de cellesqui peuvent
bénéficier de l'article36,paragraphe 5,du Statut de la Courinternationale
de Justice. Dans l'affaire de l'Incident aériendu27juillet 1955,la question
qui seposait étaittoutautre :elleseramenait aupoint de savoir si, àpropos
d'un déclaration ayant incontestablement acquis force obligatoire du
temps de la Cour permanente de Justice internationale, l'effet de cette
déclaration pouvait être reportésur la Cour internationale de Justice
quand cettedéclaration avaitété faite par un Etatqui n'étaitpas représenté
à la conférencede San Francisco et n'était devenupartie au Statut de la

Cour internationale de Justice que longtemps après la disparition de la
Cour permanente. Compte tenu de cette différencedans les questions en
litige, la Cour ne considèrepas que sa décisiondans l'affaire de l'Incident
aérien, quelleque soit sa pertinence à d'autres égards,lui fournisse des
élémentsconduisant à des conclusions précisessur le point limitéen
question ici. Tout au plus les débats auxquels a donné lieu l'affaire de
l'Incident aérienamèneraient-ils à souligner que la séparabilité d'une
déclaration facultative et de son support institutionnel a été alors conçue
d'une manière particulièrement large par les Etats-Unis puisqu'ils ont
soutenu qu'une déclaration facultative (ayant force obligatoire) pouvait
avoir longtemps survécu à la disparition de lajuridiction qu'elle concer-nait. Or la présente affaire pose égalementun problème de séparabilité
puisqu'il s'agitde déterminerdans quelle mesure une déclarationfaculta-
tive (sans force obligatoire) peut êtreséparéedu support institutionnel
qu'elle aurait dû primitivement trouver pour êtregrefféesur un support
institutionnel nouveau.
30. Etant donc souIignéque le problème poséest nouveau, la Cour
entend s'aider des considérations suivantes pour parvenir à sa solution :
Premièrement,il ne lui paraît pas possible de réaliserune conciliation des

deux textes de l'article36, paragraphe 5, en considérantque les deux ver-
sions se réfèrent à des déclarationsobligatoires (<binding )>).Selon cette
interprétation, soutenue par les Etats-Unis, il conviendrait de lire l'ar-
ticle 36,paragraphe 5,comme s'ilmentionnait des déclarations <(binding D.
Le texte français, seloncette opinion, serait en fait l'équivalentde l'anglais
car logiquement il impliquerait que les déclarationsdont la duréen'estpas
encore expiréesont exclusivement celles qui ont acquis un caractère

obligatoire. La Cour, pour sa part, considère qu'elle doitinterpréterl'ar-
ticle 36, paragraphe 5, à partir des expressions qu'il utilise etparmi les-
quellesle mot <binding )>ne figure pas. D'aprèsles travaux préparatoires,
le mot <binding n'a jamais été suggér ;és'il l'avaitété pour le texte
anglais il ne fait pas de doute que les rédacteurs n'eussentjamais laissé
le texte français en l'état.D'autre part, la Cour ne pense pas que le texte
français implique que la duréenon expirée soit celle d'un engagement
ayant valeur obligatoire. Sans doute est-il exact de faire valoir que, pour

qu'une duréese poursuive ou expire, il faut qu'un effet d'ordre juridique
ait pris naissance. Mais cet effet ne doit pas nécessairementêtred'unena-
ture obligatoire. Une déclarationfaite valablement sous l'empirede l'arti-
cle 36du Statut de la Cour permanente de Justice internationale avait une
certaine valeur susce~tibled'être réservéeou détruiteet on Deutfort bien
comprendre le texte français comme impliquant seulement cette valeur.
31. Deuxièmement,la Cour ne peut manquer d'être frappéepar le fait
que la délégation française à la conférencede San Francisco a demandé

que l'expression «still in force ))soit traduite, non pas par << encore en
vigueur i),mais par les termes : <<pour une durée qui n'est pas encore
expirée o. Compte tenu de l'excellente équivalenceentre les expressions
(<encoreen vigueur )et still in forceO,le choix délibéré de l'expression
<(pour une duréequi n'estpasencore expirée ))paraît dénoter une volonté
d'élargir le bénéfic dee l'article 36,paragraphe 5, aux déclarationsn'ayant
pas acquis force obligatoire. D'autres interprétations de cette proposition
ne sont pas à exclure, mais on notera que les expressions <(encore en

vigueur et <pour une durée qui n'est pas encore expirée )>écarteraient
l'une et l'autre une déclaration, commecelle de la France. qui avait lié
auparavant 1'Etatconcerné maisétaitdevenue caduque. On peut seule-
ment admettre que, pas plus que le texte français, le texte anglais n'exige
que lesdéclarationsvisées aientété faites par des Etats parties au Statut de
la Cour permanente de Justice internationale et qu'il nefait pas état du
caractère obligatoire que devraient avoir les déclarationspour bénéficier
du régimeinstituépar la disposition en question. En conséquence,la Cour est d'avis que le texte anglais n'exclut nullement de manière expresseune
déclarationvalide, deduréenon expirée,émanantd'un Etat non partie au
protocole de signature du Statut de la Cour permanente de Justice inter-

nationale et n'ayant donc pas force obligatoire.
32. La Cour est donc amenée, avant d'arrêter soninterprétation, à
examiner dans quelle mesure les préoccupations généralesayant présidé à
la transmission des compétences de l'ancienne Cour à la nouvelle et défi-
nissant donc l'objet et le but des dispositions adoptées peuvent projeter
quelque lumière sur l'interprétation correcte du paragraphe en question.
Comme la Cour a déjà eu l'occasion de le dire dans l'affaire de l'Incident
aériendu 27juillet 1955(Israël c.Bulgarie),lesouci essentiel des rédacteurs
du Statut de la Cour internationale de Justice a été demaintenir la plus
grande continuité possible entre la Cour permanente de Justice interna-

tionale et la Cour internationale de Justice. La Cour s'est exprimée ainsi:
(<l'intention bien certaine qui ainspiréI'article 36,paragraphe 5,a été
de continuer ce qui existait, de maintenir les acceptations existantes,
d'éviterque la création d'une Cour nouvelle ne rendît caduc un
progrès accompli ))(C.I.J. Recueil 1959, p. 145).

33. Dans la présente affaire les Parties, dans leurs écritures et en plai-
doirie, ont rappelé quelquestémoignagesde cettepréoccupation générale,
par exemple le rapport à son gouvernement du présidentde la délégation
de la Nouvelle-Zélande à la conférence de San Francisco, où il était
soulignéque le souci majeur avait étéde (<maintenir autant qu'il est pos-

sible leprogrèsvers lajuridiction obligatoireo. Si,pour un ensemble de rai-
sons circonstancielles, il apparaissait nécessaire d'abolir l'ancienneCour
et de lui substituer la nouvelle, au moins les délégués à la conférencede
San Francisco étaient-ils décidés à faire en sorte que cette opérationne se
traduise pas par un reculpar rapport aux progrès accomplisdans la voie de
l'adoption d'un systèmedejuridiction obligatoire. Dans cesconditions, la
question qui se pose est de savoir si cette préoccupation est de nature à
éclairerle présent problèmed'interprétationde l'article 36, paragraphe 5.
34. A cet égardil est indéniableque la déclarationpar laquelle un Etat
accepte la compétence obligatoire de la Cour existe, au sens plus haut

défini, etque toute déclaration de ce genre constitue un certain progrès
dans la voiede l'extension à l'ensembledu monde du systèmede règlement
judiciaire obligatoire des différends internationaux. Certes, ce progrès ne
s'est pasencore solidifiésous la forme d'un engagement ayant force obli-
gatoire, mais, pour autant, il n'est nullement négligeable. Rien ne permet
dedire que lesrédacteursdu Statut entendaient revenir surce progrès-làet
le placer dans une catégorie l'opposant au progrès marquépar des décla-
rations ayant force obligatoire. Sans aucun doute leur objectif essentiel
étaitde sauvegarder celles-ci, mais l'intention d'annuler le progrès dont
témoigne une déclaration comme celle du Nicaragua cadrerait fort mal
avec leur souci général.Comme la Cour l'adit dans la matière très voisine

des rapports existant pour ce qui est de lajuridiction obligatoire conven-
tionnelle,ilétait«dela nature ducompromis ))(alors acceptéparrapport àl'idéaldejuridiction obligatoire universelle)<(que l'on viseà conserver le
maximum et non pas simplement une partie, mêmeimportante, de ces

rapports >>(affaire de la Barcelona Traction,Light and Power Company,
Limited, C.I.J. Recueil 1964, p. 32). En outre, si les rédacteurs fort
expérimentésdu Statut avaient eu sur ce point une intention restric-
tive contrastant avec leur souci général, ils n'eussentpas manquéde la
traduire dans une rédaction fort différente de celle qu'ils ont en fait
adoptée.
35. Par contre la logique d'un systèmesubstituant une nouvelle Cour à
l'ancienne sans que la cause de lajuridiction obligatoire en souffre aucu-
nement conduisait à faire produire à la ratification du nouveau Statut
exactement les effets qu'aurait produit la ratification du protocole de

signature de l'ancien, c'est-à-dire,dans le cas du Nicaragua, le passage de
l'engagement potentiel à l'engagement effectif. Le système générad le la
dévolutiondescompétencesentre l'ancienneCour etla nouvelle tend donc
à conforter l'interprétation selon laquelle le bénéficede I'article36, para-
graphe 5, est assurémêmeaux déclarationsn'ayant pas acquis antérieu-
rement force obligatoire. A cet égard,il ne faut pas oublier que le Nica-
ragua était représenté àla conférencede San Francisco et qu'il a dûment
signéet ratifié laCharte des Nations Unies. A l'époque,le consentement
donnéparlui à lajuridiction de la Cour en 1929n'étaitpas encore devenu
pleinement effectif, fautede ratification du protocole de signature;mais,
vu l'interprétationdonnéeci-dessus,la Cour peut appliquer au Nicaragua

ce qu'elle disait dans l'affaire de l'Incident aériendu 27juillet 195:
(<Le consentement au transfert à la Cour internationalede Justice
d'unedéclaration acceptantlajuridiction de la Courpermanente peut
êtreconsidéré commeeffectivement donnépar un Etat qui,représenté
à la Conférencede SanFrancisco, a signéet ratifiélaCharte et a ainsi

acceptéle Statut où figure l'article 36,paragraphe 51)(C.I.J. Recueil
1959, p. 142.)
36. Cette conclusion relative à l'inter~rétation de l'article 36. Dara-
graphe 5, doit enfin être comparée à la conduite des Etats et des organes
internationaux par rapport à cette interprétation. A cet égard,un poids

particulier doit être attribuà ces publications officielles que sont l'An-
nuairedelaCour(depuis 1946-1947),lesRapportsde laCour àl'Assemblée
généraledes Nations Unies (depuis 1968) et les recueils, édités chaque
année,des Signatures, ratifications, acceptations, adhésionst,c., relatives
aux conventions et accordsmultilatéraux pour lesquels le Secrétaire général
exerce lesfonctionsde dépositaire.La Cour constate que ces publications
ont toutes classéconstamment, et depuis le début de leur parution, le
Nicaragua parmi les Etats ayant acceptéla compétence obligatoire de la
Cour au titre de l'article36,paragraphe 5,du Statut. Mêmesil'Annuairede
la Cour contient, dans l'édition1946-1947et depuis l'édition1955-1956,
une note rappelant certains faits relatiàsla ratification par le Nicaragua

du Statut de la Cour permanente de Justice internationale, cette publica-
tion n'estjamais revenue sur le classement attribuéau Nicaragua et sur lavaleurobligatoirereconnue à sadéclarationde 1929 - defait lesAnnuaires
citent leNicaragua parmi lesEtats <encore liéspar )leurs déclarationsen
vertu de l'article 36 du Statut de la Cour permanente (voir paragraphe 19
ci-dessus). Il en va de mêmepour le recueil du Secrétariat Signatures,
rutijicutions, acceptations, adhésions, etc.qui tire ses données,y compris
pour lesnotes debas depage, de l'Annuairedela Cour.Quant auxrapports
de la Couret àlapublication du Secrétairegénéralo ,n sait qu'ilsindiquent
de façon tout à fait catégoriqueque le Nicaragua a accepté lajuridiction
obligatoire, mêmes'ilsne précisentpasladistinction entre lesacceptations
faites en vertu de l'article 36, paragraphe 2, et celles simplement <consi-

dérées comme telles.
37. La Cour n'entend pasfairejouer àcespublications un rôle qui serait
contraire à leur nature. Elleseborne à constater qu'ellestémoignentd'une
certaine interprétation de l'article 36, paragraphe 5 (admettant la décla-
ration du Nicaragua au bénéficede cet article), et du rejet d'une interpré-
tation contraire (refusant de classer le Nicaragua parmi les Etats bénéfi-
ciaires de cet article). Sans doute ce témoignage neporte-t-il que sur le
résultat et non surle raisonnementjuridique qui y conduit. Mais l'inclu-
sion du Nicaragua dans la liste des Etats qui ont reconnu comme obliga-
toire lajuridiction de la Cour internationale de Justice ou qui sont encore

liéspar leur adhésion à la disposition facultative du Statut de la Cour
permanente de Justiceinternationale, dèsla parution du premier Annuaire
de la Cour internationale de Justice (Annuaire 1946-1947),fait contraste
avec son exclusion de la liste des <<Etats liés (par la disposition facul-
tative) que l'on trouve dans le dernier rapport de la Cour permanente de
Justice internationale. Il est donc difficile d'échappeà la conclusion que
cette innovation trouve son fondement dans le fait qu'une déclaration
n'ayant pas force obligatoire, mais toujoursvalide et d'une duréenon en-
core expirée,pouvait permettre l'application de l'article 36, paragraphe 5,
pour autant que 1'Etatconsidérép , ar sa ratification du Statut de la Cour
internationale de Justice, lui fournissait le support institutionnel qui lui

manquaitjusque-là. A partir de cemoment, leNicaragua eût été <(lié)par
sadéclarationde 1929,et aurait pu, enpratique, figurer à bon droit dans la
même listede l'Annuaireque les Etatsqui étaientliésavant mêmel'entrée
en vigueur du Statut d'après-guerre.
38. L'importance de ce fait tient à la signification attribuable aux
conduitesdes Etats intéressés, lesquellesdépendent destémoignages ainsi
fournis par ces publications. Le point n'est pas que la Cour, dans sa
fonction administrative, a adoptéune décisionsur la situation du Nica-
ragua qui la lierait dans sa fonction judiciaire, puisqu'il est clair qu'ilne
saurait en êtreainsi. Il est plutôt que les mentions relatives au Nicaragua
qui avaient été jugéesappropriées ont constitué au fil des ans toute une

sériede témoignagestout à fait officiels,publics, extrêmement nombreux
et étendus surune périodede presque quarante ans,et que par conséquent
les Etats intéressés,au premier rang desquels le Nicaragua, ont donc eu
tout loisir d'accepter ou de rejeter l'application ainsi proclaméede l'ar-
ticle 36, paragraphe 5, au cas de la déclarationnicaraguayenne de 1929. 39. Sans doute le Nicaragua n'a-t-ià aucun moment, d'après les infor-
mations soumises àla Cour, reconnu lui-mêmeexpressémentqu'ilétaitlié
par son acceptation delacompétenceobligatoirede laCour, maisiln'apas

niénon plus l'existence de cet engagement. La Cour constate que le
Nicaragua, mêmesi sa conduite dans l'affaire de la Sentence arbitrale
rendue par le roi d'Espagne le 23 décembre1906 n'a pas étéexempte
d'ambiguïté,n'ajamais déclaréqu'il n'étaitpas liépar sa déclarationde
1929.Or, compte tenu de la nature publique et constante desaffirmations
officielles portant sur l'engagement du Nicaragua selon le systèmede la
clause facultative, le silence du gouvernement de cet Etat ne peut s'inter-
préterque comme une acceptation du classement qui lui étaitainsi attri-
bué. Il ne peut êtresupposéque ce gouvernement ait pu croire que son
silence aurait une valeur autre que celle d'un acquiescement. Du reste, la
Cour observe que si, dans une instance qui aurait étéengagéecontre luià
un moment quelconque durant ces dernières années, le Nicaragua avait
voulu contester que, par lejeu de l'article36,paragraphe,il avait accepté
la compétenceobligatoire, cette argumentation aurait probablement été

rejetéepar la Cour. Or la compétencede la Cour à l'égardd'un Etat ne
dépendpasde la situation de défendeurou demandeurque cet Etat occupe
dans laprocédure.Sila Cour estime qu'elleaurait décidé que leNicaragua
étaitliédans une affaire où il auraitétéledéfendeur,elledoit conclure que
sa compétenceest identiquement établiedans le casoù leNicaragua est le
demandeur.
40. Quant aux Etatsautresque leNicaragua, ycompris ceux qu'on peut
supposer lesplus intéresséspar la situationjuridique de cet Etat au regard
de lacompétencede la Cour, ilsn'ontjamais contesté l'interprétationdont
témoignaientles publications des Nations Unies, c'est-à-dire l'admission
duNicaragua au bénéfice de l'article36,paragraphe 5.Pour autant que ces
Etats publiaient eux-mêmesdes listes des Etats liéspar la compétence
obligatoire de la Cour, ils ont inscrit le Nicaragua sur ces listes. Certes, la
Cour est bien consciente de ceque cespublications nationales ne fontque
reproduire, sur le point considéré, celles desNations Unies. Toutefois le

fait de lesreproduire peut difficilement s'interpréter commeune objection
à l'interprétationainsi donnée;plutôt cette reproduction contribue-t-elle
à la généralitde l'opinion qui paraît avoiréténourriepar les Etats parties
au Statutquant à la manièredont l'article36,paragraphe 5,s'appliquait au
Nicaragua.
41. Enfin la conviction des Etats àl'égardde la situation juridique du
Nicaragua relativement à la compétence obligatoire de la Cour peut res-
sortir des conséquences tiréepar certains gouvernements quant à la pos-
sibilitéd'attraire le Nicaragua devant la Cour ou de se soustraireà une
action intentéepar lui. La Cour rappellera donc que le Honduras a pré-
sentésa requêtedans l'affaire de la Sentence arbitrale rendue par leroi
d'Espagne le23 décembre1906sur le doublefondement du compromis de
Washington et de ladéclaration d'acceptation de la clausefacultative faite
par leNicaragua. Enfin la Courne peut s'empêcherde penser que la lettre
des Etats-Unis en date du 6 avril 1984paraît dénoter que les Etats-Unis,comme les autres Etats, considéraient bien àcette date que le Nicaragua
étaitliépar la compétencede la Cour selon lestermes de sa déclarationde
1929.
42. Ainsi la Cour est-elle parvenue à la conclusion que l'interprétation
de l'article 36, paragraphe 5, admettant le Nicaragua au bénéficede ses
dispositions, aétéconfirméepar laconduite ultérieuredes Parties au traité
en question,en l'occurrence leStatut. Toutefoisla conduitedesEtatsqui a
été prise en considérationse rapportait aux publications de la Cour et du
Secrétariatde l'organisation des Nations Unies qui, comme on l'avu au
paragraphe 37 ci-dessus, n'indiquent pas par quels motifsjuridiques il est
conclu que leNicaragua entre dans la catégoriedesEtats aux déclarations
desquels l'article 36,paragraphe 5,s'appliquait. On pourrait être parti de

l'idéequ'il en étaitainsi parce que le télégrammenicaraguayen du 29 no-
vembre 1929portait en lui-mêmeratification du protocole de signature. Il
convient donc de relever que l'attitude du Nicaragua à l'égarddes publi-
cations en question tend aussi à ccnfirmer que la Cour a compétence en
vertu de l'article 36,paragraphe 2, du Statut,indépendamment de l'inter-
prétation et del'effet du paragraphe 5 dudit article.
43. Le Nicaragua a en outre affirmé en fait que la validité de son
acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour se fonde, de façon
autonome,sur lecomportement des Parties. Cetargument reposesur l'idée
que le comportement du Nicaragua pendant une période de trente-huit
annéesconstitueun consentement clair à êtreliépar lajuridiction obliga-
toire de laCour, car iléquivautà reconnaître que l'article36,paragraphe 5,

du Statut s'applique àla déclaration nicaraguayenne de 1929.De mêmel,e
comportement des Etats-Unis pendant une périodede trente-huit années
constitue luiaussilaclairereconnaissance delavaliditéfondamentalede la
déclaration du Nicaragua de 1929par lejeu de l'article 36,paragraphe 5,
du Statut. Lesdeux Parties ont donc reconnu qu'aucun défautformel de la
ratification par leNicaragua du protocole de signature du Statut de laCour
permanente ne remettait en question la validité fondamentale de son
consentement à lajuridiction obligatoire. La validitéfondamentale de la
déclarationdu Nicaragua commeacceptation de lajuridiction obligatoire
est confirméepar une longue sériede documents publics, par l'opinion
généraledes Etats et par celle des publicistes qualifiés.

44. Les Etats-Unis objectent cependantque cette thèsenicaraguayenne
est, en définitive, inconciliable avec leStatut, en vertu duquel le consen-
tement àlajuridiction doit semanifester d'une manièrebien déterminée ;
un (titre de compétenceindépendant )>selon les termes du Nicaragua,
est tout simplement impossible. Le Statut définitles seules bases sur les-
quelles la Cour peut avoir compétence,dans les articles 36 et 37. Dans
le cas particulier de l'article 36, paragraphe 5, les Statuts des deux Cours
donnent aux Etats le moyen d'exprimer leur consentement, et le Nica-
ragua n'en a pas fait usage. LesEtats-Unis avancent ce qu'ilsappellent des
considérationsde principe d'une importance fondamentale : que la juri-
diction obligatoire, étant un engagement majeur, doit reposer sur unemanifestation de volontéde 1'Etatd'une absolue clarté ; que la thèsedu
Nicaragua introduit dans le systèmeune incertitude intolérable ; et que

cette thèseimplique lerisque d'un consentement par lesilence,avectoutes
les conséquences nuisiblesqui en résulteraient.Les Etats-Unis contestent
aussil'importance despublications et du comportement dont leNicaragua
fait étatà l'appui de sa thèse.
45. La Cour tient à souligner tout d'abord que, en ce qui concerne
l'exigencedu consentement comme fondement de sa compétence et plus
particulièrement les formalitésexigibles pour que ce consentement soit
expriméconformémentaux dispositions de l'article 36, paragraphe 2, du
Statut, la Cour s'estdéjàexprimée,notamment dans l'affairedu Templede
PréahVihéar.Elle a alors indiquéque (<la seule formalitéprescrite est la
remise de l'acceptation au Secrétairegénéraldes Nations Unies, confor-
mémentau paragraphe 4 de l'article 36 du Statut M(C.I.J. Recueil 1961,
p. 31).
46. La Cour doit se demander si les circonstances particulières dans
lesquelles s'est trouvé placé le icaragua l'amènent à adapter les conclu-

sions auxquelles elle était alorsparvenue. En effet, la réalité duconsen-
tement du Nicaragua 6êtreliépar sadéclarationde 1929est attestée,ainsi
qu'il a étédit plus haut, par l'absence de toute protestation contre la
situationjuridique qui luiétaitattribuéepar lespublications de laCour,du
Secrétaire général deN sations Unies et desprincipaux Etats. La question
qui se pose est donc de savoir si, pour réelque soit le consentement du
Nicaragua, la Cour peut admettre qu'ilait étévalablementexprimé, même
dans l'hypothèse oùla déclarationde 1929serait sans valeur, étant donné
qu'aucune autre déclarationn'a été déposé par le Nicaragua depuis qu'il
est devenu partie au Statut de la Cour internationale de Justice. A cet
égard,la Cour constate que la situation du Nicaragua était tout à fait
unique. En effetcesont lespublications dela Cour elle-même (dès1947,les
Annuaires, depuis 1968,les Rapports à l'Assemblée générald ees Nations
Unies) et celles du Secrétaire général (entant que dépositaire desdécla-
rations en vertudu Statut de la Cour actuelle) qui affirmaient (et du reste
affirment encore aujourd'hui) que le Nicaragua s'étaitacquitté de la for-

malitéen question. En objectant au Nicaragua qu'ilaurait dû faire, dans le
cadre du nouveau Statut, une déclaration surla base de l'article 36,para-
graphe 2, la Cour tiendrait donc rigueur à cet Etat d'avoir attribué aux
informations donnéessur cepoint par la Cour et le Secrétairegénérad l es
Nations Unies un poids qu'elles neméritaientpas et en somme de lesavoir
(à raison du patronage dont elles bénéficiaient)tenues pour plus fiables
qu'elles ne l'étaient en réalité.
47. La Cour reconnaît donc que le Nicaragua, du point de vue de
l'accomplissementdelaformalitédu dépôtd'une déclarationfacultative,a
étémis dans une situation exceptionnelle, puisque les organes internatio-
naux habilités à connaître de telles déclarations affirmaient qu'il avait
accompli la formalité en question. La Cour en conclut que cette situation
exceptionnelle ne peut êtresansconséquencesursesexigencesen matière
de formalités indispensables pour que le consentement d'un Etat à sacompétenceobligatoiresoitvalablement donné.Elle s'estimedonc fondée
à admettre que,compte tenu de l'origineet delagénéralitédesaffirmations

selon lesquellesleNicaragua étaitliépar sa déclarationde 1929,l'acquies-
cement constant de cet Etat à ces affirmations constitue un mode valable
de manifestation de savolontéde reconnaître lacompétenceobligatoire de
la Cour au titre de l'article 36, paragraphe 2, du Statut, et qu'en consé-
quence le Nicaragua est, vis-à-vis des Etats-Unis, un Etat acceptant la
mêmeobligation ))au sens de cet article.

48. Les Etats-Unis maintiennent en outre que, même si leNicaragua
étaitfondépar ailleurs à invoquer contre eux lajuridiction de la Cour en
vertu de l'article 36,paragraphes 2 et 5, du Statut, son comportement à

l'égarddes Etats-Unis durant de nombreusesannéesaurait pour effet de le
lui interdire. L'argument est que, ayant fait croire aux Etats-Unis qu'il
n'étaitpas liépar la juridiction obligatoire sous le régimede la clause
facultative, le Nicaragua se trouve empêchépar estoppel d'invoquer la
juridiction obligatoireen vertu de cette clausà l'encontre desEtats-Unis.
SelonlesEtats-Unis, depuis 1943leNicaragua lesaconstammentinduits à
penser qu'il n'était pasliépar la clause facultative, et ils se sont fiés aux
indications ainsi fournies par le Nicaragua dans des cas où le fait était
important pour leur activitédiplomatique.

49. LesEtats-Unis sesont fiésauxindications du Nicaragua dans lescas
suivants. En 1943l'ambassadeur des Etats-Unis au Nicaragua a demandé

au ministre nicaraguayen des affaires étrangèressi le protocole de signa-
ture du Statut de la Cour permanente avait étératifiépar le Nicaragua.
Selonunedépêchequle'ambassadeur aenvoyée àWashington, ilaurait été
trouvétraced'un décretsignépar leprésidentdu Nicaragua datédejuillet
1935où mention étaitfaitede l'approbation de la ratification par le Sénat
et la Chambre des députés,ainsi que d'une copie du télégramme envoyé
au Secrétariatde la Société desNations le 29 novembre 1939(voir para-
graphe 16ci-dessus). Le décret stipulaitqu'ilentrerait en vigueurà la date
de sa publication dans La Gaceta.L'ambassadeur faisait part à son gou-
vernement de ce qui suit :

Le ministre des relations extérieures m'informeque le décretn'a
jamais étépublié dans La Gaceta.Ildéclareenoutre qu'iln'ya aucune
trace d'une transmission à Genèvede l'instrument de ratification. Il
semble donc que les mesures législativesappropriées aient été prises
au Nicaragua pour approuver l'adhésionau protocole, mais que le
Nicaragua ne soit pas liéen droit par celui-ci,dans la mesure où iln'a
pas déposé son documentofficiel de ratification auprèsde la Société
des Nations. ))

D'après lesEtats-Unis, la seule conclusion que les Etats-Unis et le Nica-raguapouvaient entirer àl'époqueétaitqueleNicaragua n'était pasliépar
la clause facultative, conclusion qui n'ajamais étéinfirmée.
50. D'autre part de 1955 à 1958des contacts diplomatiques ont eu lieu
entre leHonduras, leNicaragua et lesEtats-Unis au sujetdu différend qui,
par la suite,a ététranché par la Cour dans l'affaire de la Sentencearbitrale
renduepar leroid'Espagne le23décembre1906(C.I.J. Recueil1960,p. 192).

L'une des questions examinéesen cette affaire était de savoir si le Hon-
duras était en droit d'introduire une instance contre le Nicaragua en
invoquant ladéclaration de 1929et l'article 36,paragraphe 5,du Statut, et
le Gouvernement du Honduras a fait appel aux bons offices du Gouver-
nement des Etats-Unis pour l'aider àla résoudre.Au cours d'une conver-
sation avecdesfonctionnaires des Etats-Unis, le21décembre1955, <(ilfut
fait mention du faitque laquestion n'avaitjamais été posée àla Courparce
que le Nicaragua n'avait jamais acceptéde se soumettre à la juridiction

obligatoire ))et l'ambassadeur du Nicaragua à Washington aurait ((indi-
qué qu'unaccord entre les deux pays devrait êtreconclu pour surmonter
cette difficultéj)ce qui, pour les Etats-Unis, équivalaità reconnaître que
(<le Nicaragua ne se considérait pas comme obligé j);le 2 mars 1956,
l'ambassadeur aurait dit

<(qu'il existe cependant des doutes sur la question de savoir si le
Nicaragua serait officiellement obligéde se soumettre à lajuridiction
de la Cour internationale, car l'instrument de ratification de l'accep-
tation de lajuridiction de la Cour n'ajamais étéenvoyé j).

Les Etats-Unis affirment s'être fiés auixndications données par le Nica-
ragua. Ils ont soumis àla Cour desdocuments à l'appui de leur thèse selon
laquelleleurseffortsdiplomatiquesreposaiententièrement sur l'idéequele
Nicaragua n'étaitpas partie à la clause facultative et font observer que,
devant l'éventualitéd'une affaire qui l'opposerait au Honduras devant la

Cour, leNicaragua s'estmontréhostile à lajuridiction obligatoire de cette
dernière.LeNicaragua n'apas répondudirectement à l'argumentation des
Etats-Unis relative à l'estoppel,qui n'a étpleinement exposéequedurant
la procédure orale ; toutefois la position du Nicaragua au sujet de son
attitude est,commeonl'avu,que loin de s'être présentécommen'étantpas
liépar laclause facultative, cet Etat a eu un comportement sans équivoque
dont il résultaitau contraire qu'il consentait à êtreliéde la sorte.

51. Pour la même raison,la Cour n'a pas à s'arrêter longuement à la
thèse fondée sur l'estoppel.La Cour a conclu que le comportement du
Nicaragua, vu les circonstances trèsparticulières dans lesquelles il s'ins-
crivait, revenaià manifester un consentement à êtreliéde façon tellequ'il
y avait là un mode valable d'acceptation de lajuridiction (paragraphe 47
ci-dessus). Il est ainsi évidentque la Cour ne peut considérer le rensei-
gnement obtenu par lesEtats-Unis en 1943,nilesdoutes exprimésen 1955
lors de contacts diplomatiques, comme suffisant à infirmer cette conclu-

sion, et encore moins à établirI'estoppel.La thèsedu Nicaragua suivant
laquelle, depuis 1946,il s'estdéclaréconstamment soumis àlajuridiction de la Cour repose sur des preuves substantielles. De plus, et ainsi que la
Cour l'a soulignédans les affairesdu Plateau continentaldela mer duNord
(C.I.J. Recueil1969,p. 26), l'estoppelpeut êtreinféréd'un comportement,

de déclarations,etc., d'un Etat qui n'auraient pas seulement attestéd'une
manière claire et constante l'acceptation par cet Etat d'un régimeparti-
culier, mais auraient également amené un autre ou d'autres Etats, se
fondant sur cette attitude,à modifier leur positionà leur détriment ou à
subir un préjudice. LaCour ne saurait considérerque l'invocation par le
Nicaragua delaclausefacultative soitenaucunefaçon contraire àlabonne
foiou àl'équité;on nepeut pas dire non plus que lecritèreadoptédans les
affaires du Plateau continentaldelamerduNordvaillepour leNicaragua, et
l'estoppelinvoqué par les Etats-Unis d'Amérique ne lui est donc pas
applicable.

52. L'acceptation de lajuridiction par les Etats-Unis que le Nicaragua
invoque est,commeindiquéplushaut, cellequi datedu 14août 1946.Mais

les Etats-Unis soutiennent qu'ilfaut égalementdonner effet à la notifica-
tion de 1984,c'est-à-dirà la déclarationenvoyée auSecrétairegénérad le
l'organisation des Nations Unies le6 avril 1984.LeNicaragua admet que,
sicettedéclarationétaiteffectiveen tant quemodificationoudénonciation
de la déclaration du 14 août 1946opposable au Nicaragua à la date du
dépôtde larequêteintroduisant la présenteinstance (9 avril 1984),la Cour
n'aurait pas compétence pour connaître de l'affaire, du moins sur la base
de l'article 36, paragraphes 2 et 5, du Statut. Le Nicaragua affirme néan-
moins que la notification de 1984est dépourvue d'effet parceque le droit
internationalne prévoitaucune possibilitéde modification unilatérale des
déclarationsfaitesenvertu de l'article36du Statutde la Cour, àmoins que
ce droit n'ait étéexpressément réservé.
53. Les Etats-Unis plaident que la notification de 1984a pour effet de
modifier et non de dénoncerladéclarationde 1946.Ilsfont valoir que,bien
que leur déclaration de 1946 ne réservepas expressément un droit de

modification (à la différence des déclarations faites en application de
l'article36 par divers autres Etats), leur notification de 1984modifie vala-
blement la déclarationde 1946en suspendant temporairement le consen-
tement des Etats-Unis à ce que la Cour se prononce sur les demandes
formuléespar le Nicaragua. Les Etats-Unis considèrent que les déclara-
tions faites en application de l'article ont un caractère sui generis, ne
constituent pas des traités et ne sontpas régiespar ledroit des traités,que
lesEtats ont ledroit souverain d'assortir de réservesleuracceptation de la
juridiction obligatoire de la Cour, et qu'il y a la une caractéristiqueinhé-
rente au régimede laclausefacultative, dont témoignelapratique suivieet
développée par lesEtats. SelonlesEtats-Unis la Cour areconnu l'existence
d'un droit inhérent et extrastatutaire de modifier les déclarations d'une
façonqui ne soitpas incompatible avecleStatut, àtout moment précédantle dépôt d'unerequête.Les Etats-Unis soulignent en outre que leur décla-
ration remonte à 1946et que des changements radicaux sont intervenus
depuis lors dans la pratique des Etats pour ce qui est de la clause facul-
tative; vucette évolutionde lapratique, ilestinéquitable etinjustifié selon
eux de dénierle droit de modification à un Etat qui, dans une déclaration
aussi ancienne, ne se l'est pas réservé.
54. Le Nicaragua maintient en outre que la notification de 1984peut
êtreinterprétéecomme visant à mettre fin à la déclaration de 1946 des

Etats-Unis et à y substituer en réalitéune nouvelle déclaration, et qu'une
telle tentative est elle aussi inopérante. Ainsi qu'il est rappelé au para-
graphe 13 ci-dessus, la déclaration de 1946 devait demeurer en vigueur
<<pour une duréede cinq ans et [rester] en vigueur de plein droit jusqu'à
l'expiration d'un délaide sixmois àcompter de la date où notification est
donnéedel'intention d'ymettre fin o.En conséquence,silanotification de
1984était une dénonciationde la déclaration de 1946(accompagnéeou
non, en fait, d'une déclaration revisée)elle ne pouvait prendre effet que
le 6 octobre 1984et n'étaitdonc pas en vigueur le 9 avril 1984,date du
dépôtde la requêtedu Nicaragua. Les deux Parties admettent apparem-

ment qu'une modification d'une déclaration qui ne prend effet qu'au
moment où la Cour est valablement saisie d'une affaire n'affecte pas la
compétencede la Cour, wrnme celle-ci l'a dit dans l'affaire Norrebohm :
<(Une fois la Cour régulièrement saisie,la Cour doit exercer ses
pouvoirs telsqu'ilssont définispar leStatut. Aprèscela,l'échéance du
terme fixépour l'une des déclarations sur lesquelles se fonde la

requêteest un événementsans rapport avec l'exercice des pouvoirs
que le Statut confèreà la Cour et que celle-cidoit exercer lorsqu'elle a
étérégulièrement saisieetqu'il ne luiapas étédémontré, su urne autre
base, qu'elle est incompétente ou que la demande est irrecevable. ))
(C.I.J. Recueil 1953, p. 122).

Le mêmeraisonnement s'applique au retrait ou à la modification d'une
déclaration.
55. Les Etats-Unis répondent tout d'abord à cette assertion du Nica-
ragua que, par son libellé même, lanotification de 1984 n'est pas une
<<dénonciation ))et que la clause de préavisde six mois nejoue donc pas.
Ils ajoutent que, mêmesi l'on suppose, aux fins du raisonnement, que le
préavisde sixmois s'applique àlanotification de 1984,lamodification que
cette lettre apporteàla déclarationn'en est pas moins valable à l'égarddu
Nicaragua, mêmesiellene l'estpas ergaommes.Comme on l'avuplus haut
(paragraphe53), l'undesarguments avancéspar lesEtats-Unis à propos de

leur déclarationde 1946est que les Etats ont un droit souverain, inhérentet
extrastatutairede modifier à tout moment lesdéclarationsfaites en appli-
cation de l'article 36, pour autant que la modification en question ne soit
pas incompatible avec le Statut. De même, ladéclaration nicaraguayenne
de 1929étantde duréeindéfinie,et non illimitée, ellesuppose un droit de
dénonciation immédiate, sans que le Nicaragua soit tenu à préavis. En
revanche, si les Etats-Unis ont intrinsèquement le droit de modifier uni-latéralement leur déclaration, ils se sont engagéspar la réservefigurant
dans leurdéclarationde 1946 ànedénoncercelle-cique moyennant préavis
de six mois. Ilsen concluent que leNicaragua n'a pas acceptéla (même )>
obligation (au sens de l'article 36, paragraphe 2, du Statut) que les Etats-
Unis par leur clause de préavisde six mois et n'est donc pas fondé àleur
opposer cette clause. Les Etats-Unis affirment que les principes de la
réciprocité,de la mutualité et de l'égalité des Etats devant la Cour leur
permet d'exercer leur droit de dénonciation avec l'effet immédiat dont
bénéficiait implicitement le Nicaragua, nonobstant la clause de préavis de
six mois que comporte leur propre déclaration.Les Etats-Unis ne préten-

dent pas qu'ils pourraient exercer le mêmedroit de dénonciation immé-
diate erga omnes ; ils soutiennent cependant qu'il leur est loisible de
l'exercer à l'égarddu Nicaragua.
56. Le Nicaragua nie pour commencer que les déclarations faites en
application de l'article 36soient toujours intrinsèquement dénonçables ;
l'opinion générale serait plutôt que les déclarations qui ne comportent
aucune clause de dénonciation restent indéfiniment envigueur, sur une
base contractuelle ; la question de savoir dans quelle mesure il peut y être
mis fin est régiepar lesprincipes du droit des traités applicables aux liens
consensuels résultant du systèmede la clause facultative. Le Nicaragua

conclut que sa déclaration a été faite sans limitede durée et que rien
n'autorise, en droit, a la considérer comme susceptible de modification
unilatérale. D'après leNicaragua la thèse selon laquelle il n'aurait pas
accepté la << même ))obligation que les Etats-Unis est dénuée de tout
fondement. Pour ce qui est de la réciprocité,le Nicaragua conclut de son
examen de ladoctrine que laréciprocitéestpar hypothèseinapplicable aux
délaiseux-mêmes,par opposition aux réserves expressesdu pouvoir de
modifier les déclarations oud'y mettre fin, et qu'elle ne peut jouer qu'au
moment où un acte précisde modification ou de retrait est notifiéen vertu
de telles réserves.
57. Le texte de la notification de 1984,par laquelle des changements

substantiels étaient apportés à la déclaration d'acceptation américainede
1946, a étécité plushaut ; il constitue un élémentimportant dans le
raisonnement de la Cour. La notification de 1984présente deux aspects
marquants :d'unepart elleénoncequela déclaration d'acceptationne sera
pas applicable aux différends avec l'un quelconque des Etats de 1'Amé-
rique centrale ou découlant d'événementsen Amérique centrale ou s'y
rapportant ;de l'autre elle spécifie qu'elleprendra effet immédiatement,
nonobstant les termes de la déclaration de 1946, et restera en vigueur
pendant deux ans.
58. Ledébatentre les Parties sur lepoint de savoir si la notification de

1984doit êtrequalifiéede modification ou de retrait de la déclarationde
1946paraît enfait ne tirer a aucune conséquenceaux finsdu présentarrêt.
A vrai dire cette notification vise a réaliserune dénonciation partielle et
temporaire,afind'affranchir, aveceffet immédiat,lesEtats-Unisde l'obli-
gation de se soumettre à la juridiction de la Cour pour toute requête
concernant desdifférendsavecdesEtatscentraméncains oudesdifférendsenrapport aveclesévénements d'Amérique centrale.Pendant laprocédure
orale, le conseil des Etats-Unis a soutenu que la notification serait tout
aussi valide contre le Nicaragua, que la note soit considérée commeune
(<modification ))ou comme une << dénonciation ))de la déclaration d'ac-
ceptation.
59. Les déclarations d'acceptation de la juridiction obligatoire de la
Cour sont des engagements facultatifs, de caractère unilatéral, que les

Etats ont toute libertéde souscrire ou de ne pas souscrire. L'Etat est libre
enoutre soit defaireune déclarationsans condition etsanslimite de durée,
soit de l'assortir de conditions ou de réserves.Il peut en particulier en
limiter l'effet auxdifférendssurvenant aprèsunecertainedate, ou spécifier
la durée pour laquelle la déclaration elle-mêmereste en vigueur ou le
préavis qu'ilfaudra éventuellementdonner pour y mettre fin. Lecaractère
unilatéraldes déclarations n'implique pourtant pas que 1'Etatdéclarant
soit libre de modifier à son grél'étendue et la teneurde ses engagements
solennels. Dans l'affaire des Essaisnucléaires,la Cour s'estexprimée très

clairement a ce sujet :
Il est reconnu que des déclarations revêtant laforme d'actes
unilatérauxet concernant des situations de droit ou de fait peuvent
avoir pour effet de créerdes obligationsjuridiques. Des déclarations
de cette nature peuvent avoir et ont souvent un objet très précis.

Quand I'Etat auteur de la déclarationentendêtreliéconformément à
ses termes, cette intention confère à sa prise de position le caractère
d'un engagement juridique, 1'Etatintéresséétantdésormaistenu en
droit de suivre une ligne de conduite conforme à sa déclaration.
(C.I.J. Recueil 1974, p. 267, par. 43 ; p. 472, par. 46.)
60. En fait lesdéclarations,bien qu'étant desactes unilatéraux, établis-

sent une sériede liens bilatéraux avec les autres Etats qui acceptent la
mêmeobligation par rapport à la juridiction obligatoire, en prenant en
considérationles conditions, réserveset stipulations de durée.Dans l'éta-
blissement de ce réseau d'engagementsque constitue le système de la
clause facultative, le principe de la bonne foijoue un rôle essentiel ;et la
Cour a soulignéla nécessité de respecter, dans lesrelationsinternationales,
les règles dela bonne foi et de la confiance en des termes particulièrement
nets, encore une fois dans l'affaire des Essais nucléaires :

(L'un des principes de base qui président à la création et à l'exé-
cution d'obligationsjuridiques, quelle qu'en soitla source, est celuide
la bonne foi. La confiance réciproque est une condition inhérente de
lacoopération internationale, surtout à une époqueoù, dans bien des
domaines, cette coopération est de plus en plus indispensable. Tout
comme la règledu droit des traitéspacta sunt sewanda elle-même, le
caractère obligatoire d'un engagement international assumé par

déclaration unilatéralerepose sur la bonne foi. Les Etats intéressés
peuvent donc tenir compte des déclarations unilatérales et tablersur
elles; ils sont fondés àexiger que l'obligation ainsi créée soit respec-
tée.))(Ibid., p. 268, par. 46 ;p. 473, par. 49.) 61. La question la plus importante qui se pose à propos de la notifica-
tion de 1984est de savoir s'ilétaitloisibleaux Etats-Unis de ne tenir aucun
compte de la clause de préavisde six mois qu'ils avaient librement choisi

d'insérerdans leur déclarationde 1946.Ce faisant, ils avaient assuméune
obligationcontraignante à l'égarddesautres Etats parties au systèmede la
clause facultative. Les Etats-Unis ont certes le droit, inhérenà tout acte
unilatérald'un Etat,de changerla teneur de leurdéclaration oud'y mettre
fin ;ils ont néanmoins assuméune obligation irrévocable à l'égarddes
autresEtatsqui acceptent la clause facultative, endéclarant formellement
et solennellement que tout changement semblable ne prendrait effet
qu'aprèsl'expiration des six mois de préavis.

62. Les Etats-Unis ont fait valoir que la déclaration nicaraguayenne de
1929,étantd'une duréeindéfinie,était dénonçable sanspréavis ;en con-
séquence leNicaragua n'avait pas acceptéla <<mêmeobligation ))qu7eux-
mêmesaux fins de l'article36,paragraphe 2, et ne pouvait leur opposer la

clause de préavisde sixmois. La Courne considèrecependantpasque cet
argument autorise les Etats-Unis à passer outre à la clause de préavis
figurant dans leur déclarationde 1946.La notion de réciprocitéporte sur
l'étendue etla substance des engagements, y compris les réservesdont ils
s'accompagnent, et non sur les conditions formelles relatives à leur créa-
tion, leur duréeou leur dénonciation. Il apparaît nettement que la réci-
prociténe peut êtreinvoquéepar un Etat pour ne pas respecter les termes
de sapropre déclaration,quel qu'en soit lechamp d'application, leslimites
ou les conditions. Pour reprendre les termes utiliséspar la Cour dans
l'affaire de l'lnterhande:

<<La réciprocitépermet à1'Etatqui a acceptéle plus largement la
juridiction de la Cour de se prévaloirdes réservesàcette acceptation
énoncées par l'autre partie. Là s'arrêtel'effetde la réciprocité. nele
saurait autoriser un Etat, en l'espèce lesEtats-Unis, à se prévaloir
d'unerestriction dont l'autre partie,la Suisse,n'apasaffectésapropre
déclaration.))(C.I.J. Recueil 1959, p. 23.)

Le maintien en vigueur de la déclaration des Etats-Unis pendant les six
moisde préavis estun engagement positif, découlantde laclause de durée,
mais la déclaration nicaraguayenne ne comporte quant à elle aucune
restriction expresse. Il est donc clair que les Etats-Unis ne peuvent pas
invoquer la réciprocitécomme base de l'initiative qu'ilsont prise en pro-
cédant à la notification de 1984par laquelle ils entendaient modifier la

teneur de leurdéclarationde 1946.C'est aucontraire leNicaragua quipeut
leuropposerla clausedepréavis desixmois - non pas, certes, au titre de la
réciprocité, maisparce qu'elle constitue un engagement faisant partie
intégrante de l'instrument où elle figure.
63. De plus, puisque les Etats-Unis entendaient, le 6 avril 1984,modi-
fier leur déclarationde 1946avec un effet suffisamment immédiat pour
faire obstacle àla requêtedu 9 avril 1984,il faudrait, pour invoquer laréciprocité,que la déclaration nicaraguayenne soit dénonçablesans préa-
vis. Or le droit de mettre fin immédiatement à des déclarationsde durée
indéfinie est loind'êtreétabli.L'exigencede bonne foi paraît imposer de
leur appliquer par analogie le traitement prévupar le droit des traités,qui
prescrit un délairaisonnablepour leretrait oula dénonciationde traitésne
renfermant aucune clause de durée.Puisque leNicaragua n'a manifestéen
fait aucuneintention de retirer sa propre déclaration la question de savoir
quel délairaisonnable devrait êtrerespectén'a pas à être approfondie :il

suffira d'observer que le laps de temps du 6 au 9 avril ne constitue pas un
<délairaisonnable o.

64. La Cour rappelle aussi que, dans desaffairesantérieuresoù ellea eu
àconsidérerl'effet réciproquede déclarations faites en application de la
clause facultative, elle a déterminési la <mêmeobligation )existait au
moment de la saisine de la Cour, en comparant l'effet, à ce moment, des

dispositions, etnotamment desréserves,figurant dans cesdéclarations.La
Cour n'estpas convaincue qu'il seraitapproprié,ni possible, de chercher à
établirsi un Etat contre lequel aucune action n'est encore entaméepeut
s'appuyer surla déclaration d'unautreEtatpour révoquerou modifier ses
obligationsavant que la Courne soit saisie.Les Etats-Unisattribuent àla
notion de réciprocité, consacrép ear l'article36du Statut, en particulier ses
paragraphes 2 et 3, un sens différentde celui que lui donne la Cour selon
unejurisprudence constante. Cettejurisprudence confirme que l'existence

de la tmêmeobligation ))ne peut êtredéterminéeque si deuxparties sont
en cause et s'opposent sur un problème bien défini,condition quine peut
êtreremplie qu'une fois l'instance introduite. Dans l'affaire du Droit de
passage sur territoire indien,la Cour a soulignéque :

t<quand une affaire est soumise à la Cour, il est toujours possible de
déterminerquelles sont, à cemoment, lesobligationsréciproquesdes
Partiesen vue de leurs déclarationsrespectives ))(C.Z. Recueil1957,

p. 1431,

et que :
<Il n'est pas nécessaireque <<la mêmeobligation )>soit définiede

façon irrévocableau moment du dépôtdela déclarationd'acceptation
pour toute la duréede celle-ci.Cette expression signifie simplement
que, dans les rapports entre Etats qui adhèrent à la disposition facul-
tative, tous et chacun sont liéspar les obligations identiques qui
existeraientà tout moment tant que l'acceptation les lie réciproque-
ment. )(Ibid., p. 144.)

La coïncidence ou connexitéde ces obligationsreste donc fluidejusqu'au
dépôtd'une requêteintroductive d'instance.LaCour doit alors vérifier si,

à cemoment, lesdeux Etats ont accepté t<lamêmeobligation )parrapport àl'objetdu procès ;lefait qu'auparavant l'un aiteuplus quel'autre ledroit
de modifier son obligation est sans incidence sur la question.

65. En résumé,la clause de préavis est une partie intégrante de la
déclaration américainede 1946,dont elle est un élémentimportant ;elle
introduit une condition qui doit êtresans aucun doute respectéeen cas de
retrait ou de modification. Par conséquent la notification de 1984 ne
saurait abolir l'obligation des Etats-Unis de se soumettre àlajuridiction
obligatoire de la Cour internationale de Justice vis-à-vis du Nicaragua,
Etat acceptant la mêmeobligation.

66. La conclusion qui vient d'être formulée dispensela Cour de se
prononcer sur un autre motif avancépar leNicaragua pour démontrer que
la notification de 1984 est sans effet. Une acceptation de la juridiction
obligatoire de la Cour, étantrégie à bien des égards par les principes du
droit destraités, nepeut, selonleNicaragua, être souscriteni modifiéepar
une simple lettre du secrétaire d'Etat des Etats-Unis. Rappelant les dis-
positions de la Constitution des Etats-Unis relatives au pouvoir de con-
cluredestraités,leNicaragua affirmeque,selonledroit desEtats-Unis, la
notification de 1984 est nulle, et qu'elle l'est également au regard des
principes du droit des traités, ayant étéfaiteen violationmanifeste d'une
règle de droit interne d'une importance capitale (voir l'article 46 de la
convention de Vienne sur le droit des traités). Toutefois, la Cour ayant

conclu que, en admettant mêmeque la notification de 1984soit valide et
effective à d'autres égards, soneffet reste subordonné au préavisde six
mois stipulé en 1946, de sorte qu'elle est inapplicable en l'espèce, la
question de l'effetdesprocéduresconstitutionnellesinternes sur savalidité
internationale n'a pas à être tranchée.

67. Reste à savoir si,bien que les effets de la déclaration américainede
1946ne soientpas suspendus à l'égarddu Nicaragua par la notification de
1984,cettedéclarationétablitlenécessaireconsentementdesEtats-Unis à
la compétencede la Cour en la présenteespèce,étant donnéles réserves
qu'ellecomporte. Plusprécisémentl,es Etats-Unis ont invoquélaréserve c)
jointe à cette déclaration, qui stipule que l'acceptation par les Etats-Unis
de lajuridiction obligatoire de la Cour ne s'applique pas aux

((disputes arising under a multilateral treaty, unless (1) al1parties to
the treaty affected by the decision are also parties to the case before the Court, or (2) the United States of America specially agrees to
jurisdiction )).
(O différends résultant d'untraitémultilatéral, à moins que 1)toutes

lesparties au traitéqueladécisionconcernesoient égalementparties à
l'affaire soumise à la Cour, ou que 2) les Etats-Unis d'Amérique
acceptent expressémentla compétencede la Cour O). [Traduction du
Secrétariatde l'organisation desNations Unies reproduitedans l7An-
nuairede la Cour.]

Cette réserveseraci-aprèsdénomméep ,ar commodité,la (<réserve relative
aux traités multilatéraux )).A propos des deux autres réservesdont la
déclarationest assortie, il n'a pas étéavancéque la réservea), visant les
différendsdont la solution est confiée àd'autres tribunaux, ait la moindre
pertinence en l'espèce.Pour ce qui est de la réserveb), qui exclut la
compétenceen ce qui concerne les « différendsrelatifs à des questions
relevant essentiellement de la compétence nationale des Etats-Unis

d'Amérique,telle qu'elle est fixéepar les Etats-Unis d'Amérique O,les
Etats-Unis ont indiqué àla Cour qu'ilsavaient décidéde ne pas invoquer
cette réserve,mais sans préjudice de leur droit [de l']invoquer ultérieu-
rement à propos de tout acte de procédure etde toute instance ou affaire
devant la Cour )).
68. LesEtats-Unis soulignent queleNicaragua s'appuie dans sarequête
sur quatre traités multilatéraux,la Charte des Nations Unies, la charte de
l'Organisation des Etats américains, la convention de Montevideo du

26 décembre1933concernant les droits et devoirs des Etats et la conven-
tion de La Havane du 20 février1928concernant les droits et devoirs des
Etats en cas de luttes civiles.Dans lamesure oùla Cour est ainsi saisied'un
différend (résultant )>de ces traités multilatéraux,et puisque les Etats-
Unis n'ont pas en l'espèceacceptéexpressément sa compétence, il est
alléguéque la Cour ne pourrait exercer sa juridiction que si toutes les
parties aux traitésaffectéespar une éventuelle décisionde la Cour étaient
aussi parties à l'instance. D'après les Etats-Unis la raison d'êtrede leur

réserverelativeaux traités multilatérauxest qu'elleprotègeles Etats-Unis
et les Etats tiers contre leseffets inévitablementpréjudiciablesqu'aurait le
règlementjudiciaire partiel d'un différendcomplexe intéressantplusieurs
parties.Soulignant quela réserveviseseulement lesEtats << affected by )la
décisionetnon lesEtatsayant un droit ou un intérêd t'ordrejuridique dans
l'instance, les Etats-Unis concluent que les Etats parties aux quatre traités
multilatéraux précitésqui seraient << affectésO, juridiquement et concrè-
tement, si la Cour faisait droit aux demandes qui lui sont soumises, sont

trois Etats d'Amériquecentrale voisins du Nicaragua - le Honduras, le
Costa Rica et El Salvador.
69. Les Etats-Unis reconnaissent que la réserve relative aux traités
multilatéraux ne s'applique textuellement qu'aux <<différends résultant
d'un traité multilatéral 1)et relèvent que, dans sa requête, le Nicaragua
affirme aussi que les Etats-Unis ont <<violé ..des règlesfondamentales du
droit international générae ltcoutumier o.Ilsn'enmaintiennent pasmoins que toutes lesdemandes présentées dansla requêtedu Nicaragua sont hors
du champ de compétencede la Cour. Selon la thèsedes Etats-Unis, les
demandes du Nicaragua portant sur de prétendues violations du droit
international généralet coutumier ne font que reprendre ou paraphraser
ses demandes et allégations expressémentfondées surles traitésmultila-

térauxprécitésl,e Nicaragua ayant déclaréd , ans son mémoire mêmeq,ue
son <argument fondamental ))est que les Etats-Unis, par leur comporte-
ment, violent laChartedesNations Unieset lachartedel'organisation des
Etats américains. Les moyens de preuve relatifs au droit international
coutumier offerts par le Nicaragua consistent en des résolutionsde l'As-
semblée générale qui ne font que réitérerou éclairerle contenu de la
Charte, et la Cour ne pourrait statuer sur les demandes du Nicaragua
fondées sur ledroit international général et coutumier sansinterpréteret
appliquer la Charte des Nations Unies et la charte de l'organisation de\
Etats américains ; il s'ensuit que, puisque la réserve relative auxtraités
multilatéraux interdià la Cour de connaître des demandes fondées surces
traités, cette interdiction s'appliàutoutes les demandes du Nicaragua.

70. Le Nicaragua affirme en revanche que, si l'on donne à la réserve
relative aux traités multilatéraux son interprétation exacte, en tenant
compteenparticulier destravauxpréparatoires quiont amenéle Sénatdes
Etats-Unis àinsérerlaréservedans leprojet de déclarationde 1946,ladite
réservene peut faire obstaclà lacompétencede la Coursuraucun chef de
demande du Nicaragua. Selon le Nicaragua, le dossier montre que la
réserveest en fait purement surajoutée et qu'elle n'apporte aucune res-
trictionà l'acceptation de la juridiction obligatoire par les Etats-Unis.
L'amendement par lequel la réservefut introduite était conçu et a été
adopté pour répondre à une situation précise - une affaire opposant
plusieurs parties aux Etats-Unis, dans laquelle certaines parties n'auraient
pasacceptélajuridiction obligatoire dela Cour. LeNicaragua affirme, non
pas quelaréserveestnulleet non avenue, maisque, sion lacomprend bien,

elleapparaît commeune simpleredondance. Rien àson avisdansla genèse
de la réserve ne vientétayerl'interprétation qu'endonnent les Etats-Unis,
laquelle instaurerait une règleabsolument inapplicable en ce qu'elle exi-
gerait que l'on déterminedans quelles conditions un Etat qui n'est pas
partie àune affairedoit êtreconsidérécomme (<affecté par une décision
que la Cour n'aurait pas encore prise. Le Nicaragua soutient que les
intérêts supposés deE stats qui, selon les Etats-Unis, pourraient êtretou-
chéspar une décisiondans la présenteespècesont, soit inexistants, soit
totalement hors du cadre d'une telle décision,et que les communications
quecesEtats ont adressées àla Cour n'établissentnullement qu'ilsseraient
ainsi affectés.

71. De plus, le Nicaragua conteste que ses griefs fondés surle droit
coutumier ne soient que la paraphrase de sesallégationsde violation de la
Charte des Nations Unies, et il souligne que les mêmesfaits peuvent
justifier plusieurs motifs distincts d'action en justice. En particulier, les
dispositions de la Charte des Nations Unies qui concernent l'usagede la
forcepar lesEtats, siellespeuvent toujours êtreconsidérées àcertainesfinscomme des dispositions conventionnelles, relèvent à présent du droit
international général, et leuapplication ne pose pas seulement la question
del'interprétation d'untraitémultilatéral.Le droit relatif à l'emploide la
force ne se résume pas à la Charte ;dans la pratique des Etats, la respon-
sabilitéd'un Etat à raison d'actes de violencepeut êtreet est fréquemment
mise en cause sans que la Charte soit invoquée. LeNicaragua en conclut
que,mêmesilaréserverelativeaux traitésmultilatérauxétaip t ertinente ou
valide, elle demeurerait sans effet pour ce qui est des demandes du Nica-
ragua fondées sur ledroit international coutumier.

72. La réserve relative auxtraités multilatéraux figurantdans la décla-
ration des Etats-Unis présente diverses obscuritésqui ont donné lieu à
commentaire depuis son adoption en 1946. On peut interpréter de deux
façons la condition suivant laquelle, pour que l'acceptation de lajuridic-
tion obligatoire par les Etats-Unis ait effet, les Etats parties aux traités
multilatéraux concernésdoiventêtreprésents àl'instance devant la Cour.
Le texte de la réserven'indique pas clairement si le terme (<affected ))
s'applique aux traités ou aux parties àcesderniers. Des réserves similaires

que l'on trouve dans certaines déclarations d'acceptation - comme celles
de l'Inde, d'El Salvador et des Philippines - mentionnent sans ambiguïté
aucune (<toutes lesparties aux traités.Lesmots <tal1parties to the treaty
affected by the decision )>sont au centre des incertitudes actuelles. Les
Etats-Unis interprètent en la présente espècela réservecomme s'appli-
auant aux Etats ~arties affectésDarla décisionde la Cour. et sebornent à
mentionner l'autre interprétation, selon laquelle c'est le traité qui est
<(affected O, de sorte qu'il faudrait, à plus forte raison, que toutes les
parties au traité participentà l'instance. Il n'y a doncpas lieu d'examiner

cette seconde interprétation. La thèsedes Etats-Unis vise directement El
Salvador, le Honduras et le Costa Rica, Etats voisins du Nicaragua, qui
seraient prétendument touchéspar la décisionde la Cour.
73. On notera tout d'abord que la réserve relative auxtraitésmultila-
térauxne saurait empêcherla Cour de statuersur toutes les demandes du
Nicaragua puisque celui-ci, dans sa requête,ne limite pas ses griefs aux
seules violations des quatre conventions multilatérales susmentionnées
(paragraphe 68).Au contraire, il invoque un certain nombre de principes
du droitinternational général ec toutumierqui,d'après larequête,auraient

été vioIéspar les Etats-Unis. La Cour ne peut rejeter les demandes nica-
raguayennes fondéessur les principes du droit international général et
coutumier au seul motif que ces principes sont repris dans les textes des
conventions invoquéespar leNicaragua. Lefaitque lesprincipes susmen-
tionnés,et reconnus comme tels, sont codifiésou incorporés dans des
conventions multilatérales ne veut pas dire qu'ils cessent d'exister etde
s'appliquer en tant que principes de droit coutumier, même à l'égardde
pays qui sont parties auxdites conventions. Des principes comme ceux du
non-recours à la force, de la non-intervention, du respect de l'indépen-

dance et de l'intégritéterritoriale des Etats et de la libertéde navigation
conservent un caractère obligatoire en tant qu'éléments du droit interna-
tional coutumier, bien que les dispositions du droit conventionnel aux-quelles ils ont étéincorporés soient applicablesI .l s'ensuit que,puisque la
Cour n'est pas uniquement saisie en l'espècede la violation des disposi-
tions des conventions multilatérales invoquées,la réserve relative aux
traitésmultilatérauxinsérée dans la déclaration desEtats-Unis de 1946ne
permettrait pas, de toute façon, de rejeter la demande.
74. Il convient d'abord de relever que les trois Etats susmentionnésont
fait des déclarations d'acceptation de lajuridiction obligatoire de la Cour

etqu'ilssont libres à tout moment, surlabase de l'article36,paragraphe 2,
de saisirla Cour d'unerequêteintroductive d'instancecontre leNicaragua
- Etat lui aussi liépar lajuridiction obligatoire de la Cour en vertu d'une
déclaration faite sans condition et sans limite de durée -, s'ils pensent
pouvoir êtreaffectéspar la décisionfuture de la Cour. De plus, il leur est
aussi loisible de recourir aux procédures incidentes de l'intervention en
vertu desarticles 62et 63du Statut, dont la secondea étédéjà utiliséesans
succèspar El Salvador pendant la présente phasejuridictionnelle de l'ins-
tance, et à laquelle il pourrait avoir recoursà nouveau lors de la phase au

fond. On ne peut donc soutenir que ces Etats seraient désarméscontre les
éventuels effetsd'une décisionde la Cour ni qu'ils auraient besoin d'être
protégéspar la réserve des Etats-Unis relative aux traités multilaté-
raux.
75. La déclaration des Etats-Unis emploie le terme <affected ))sans
préciserqui aura à décidersi les Etats envisagéssont, ou ne sont pas,
affectés.Les Etats eux-mêmesauraient le choix entre engager une action
ou intervenir pour protégerleurs intérêtsp , our autant que l'article 59 du

Statut ne les protège pas déjà.Quant à la Cour, ce n'est qu'à partir du
moment où lesgrandes lignesde son arrêtsedessineraient qu'ellepourrait
déterminerquels Etats seraient <affectés )).Ainsi, dans l'hypothèseoù la
Cour décideraitde rejeter la requêtedu Nicaragua sur la base des faits
alléguésa,ucunEtat tiers nepourrait sedire <affecté )>.Ilest certain quela
détermination desEtats <<affectés ))ne peut êtrelaisséeauxparties ;c'està
la Cour d'en décider.
76. En tout étatde cause c'estlà une question qui touche des points de
substance relevant du fond de l'affaire : de toute évidence,la question de

savoir quels Etat pourraient être<< affectés))par la décisionau fond n'est
pas en soijuridictionnelle. Bien que la décisionde consacrer la présente
phase à l'examen des questions d'ordre juridictionnel ait étéprise par la
Cour dans son ordonnance du 10mai 1984sans que les Etats-Unis aient
soulevé d'exception préliminaire formelle, il convient d'examiner les
moyens avancéspar les Etats-Unispour prouver le défautde compétence
allégué à la lumière des dispositions procédurales relatives à de telles
exceptions. Cela étant,et puisqu'il n'est plus possibled'ordonner lajonc-

tion des exceptions préliminairesaufond depuis la revision du Règlement
de 1972, la Cour n'a d'autre choix que d'appliquer l'article 79, para-
graphe 7,de son Règlementactuel,et de déclarerque l'objection tiréede la
réserverelativeaux traités multilatéraux figurantdans ladéclarationd'ac-
ceptation des Etats-Unis n'a pas, dans les circonstances de l'espèce,un
caractère exclusivement préliminaire et qu'en conséquencerien ne s'op-pose à ce que la Cour connaisse de l'instance introduite par le Nicaragua
dans sa requêtedu 9 avril 1984.

77. Etant parvenue à cette conclusion sur la réservedes Etats-Unis
relativeaux traitésmultilatéraux,laCourdoitmaintenant examinerl'autre
base decompétenceinvoquéepar leNicaragua, bien qu'ellesoit à première
vue plus étroite dans sa portéeque la compétencerésultant des déclara-
tionsfaites par lesdeux Parties envertu de laclausefacultative. Ainsi qu'il
est rappeléauxparagraphes 1et 12ci-dessus,pour établirla compétencele
Nicaragua se fondait exclusivement dans sa requête surles déclarations

des Parties acceptant lajuridiction obligatoire de la Cour, alors que dans
sonmémoireilinvoque aussi, àtitrecomplémentaire,un traitéd'amitié,de
commerce et denavigation de 1956entre lui-mêmeet lesEtats-Unis. Etant
donnéque la réserve relativeaux traités multilatérauxn'affecte manifes-
tement pas lacompétencede la Cour en vertu du traitéde1956,ilconvient
de s'assurer de l'existence de cette compétence, aussi limitée soit-elle.
78. Les Etats-Unis s'opposent à ce que le Nicaragua fasse ainsi état
d'une base de compétencequi n'a pas étéindiquéedans la requêteintro-
ductived'instance, aumotif que, dans lesactions introduites par requête,la
compétence de la Cour est fondée sur les moyens de droit qui y sont
spécifiés. Selon lesEtats-Unis, un demandeur n'est pas autorisé,dans la
suite de laprocédure,à fonder la compétencesurdesmoyens de droit dont
il était censé avoirconnaissance à la date du dépôt de sa requête.Le
Nicaragua, ayantindiquédans sarequête(par. 26)qu'ilseréservait ledroit
de modifier ultérieurementcelle-ci,fait étatde cette réserve pourajouter
une autre base de compétence ;les Etats-Unis répondent à cela que cette

réserveestsans effet, car ellene saurait changer lesprescriptions du Statut
et du Règlement de la Cour.
79. Le Nicaragua n'a rienopposé à l'affirmation des Etats-Unis selon
laquelle il n'estpas possible d'invoquer tardivement le traitéde 1956.Au
cours de la procédure orale, l'agent du Nicaragua s'est bornéà indiquer
que, pour respecter les directives de concision de la Cour, le Nicaragua
s'abstenait de développerdans les plaidoiries présentéesen son nom un
certain nombre d'arguments exposés dans le mémoire, mais qu'iln'y
renonçait pas pour autant. L'agent a déclaréque le Nicaragua maintenait
que le traitéde 1956constitue une base subsidiaire de compétencede la
Cour en la présenteespèce,et lesconclusions finales du Nicaragua repren-
nent indirectement la conclusion D du mémoirede cet Etat, affirmant la
compétence sur la base du traité.
80. La Cour considère que le fait de ne pas avoir invoquéle traitéde
1956comme titre de compétencedans la requêten'empêchepas en soi de
s'appuyer sur cet instrument dans le mémoire. LaCour devant toujours
s'assurer de sa compétence avant d'examiner une affaire au fond, il estcertainement souhaitable que <les moyens dedroit sur lesquels le deman-
deur prétend fonder la compétencede la Cour )soient indiquésdans les
premiers stades de laprocédure, etl'article38du Règlement spécifiequ'ils
doivent l'être <autant que possible dans la requête.Un autre motif de
compétence peut néanmoinsêtre portéultérieurement à l'attention de la
Cour, et celle-ci peut en tenir compte à condition que le demandeur ait
clairement manifesté l'intention de procéder sur cette base (Certains
emprunts norvégiens,C.I.J. Recueil 1957,p. 25), à condition aussi que le
différendportédevant la Cour par requêtene setrouve pas transformé en

un autre différenddont le caractère ne serait pas le même (Société com-
mercialedeBelgique, C.P.J.I. sérieA/ B no78,p. 173).Cesdeux conditions
sont satisfaites en l'espèce.
81. L'articleXXIV, paragraphe 2,du traitéd'amitié,de commerce et de
navigation entre les Etats-Unis d'AmériqueetleNicaragua, signé à Mana-
gua le 21janvier 1956,est ainsi conçu :

Tout différend qui pourrait s'éleverentre les parties quant à
l'interprétationou à l'application du présenttraitéet qui ne pourrait

pas êtrerégléd'une manière satisfaisante par la voie diplomatique
sera porté devant la Cour internationale de Justice, à moins que
les parties ne conviennent de le réglerpar d'autres moyens paci-
fiques.

Ce traitéest entréen vigueur le 24 mai 1958,date de l'échangedes ins-
truments de ratification ; et a étéenregistrépar les Etats-Unis au Secré-
tariat de l'organisation des Nations Unies le Il juillet 1960.Des dispo-
sitions comme celles de l'article XXIV,paragraphe 2, sont très courantes
dans les traités bilatérauxd'amitiéou d'établissement ;en acceptant une
telle clause, lesparties entendent clairement seréserver ledroit de s'adres-

ser unilatéralement à la Cour si elles ne conviennent pas de recourir à un
autre mode de règlementpacifique (voir Personnel diplomatique et consu-
laire desEtats-Unis a TéhéranC , .I.J. Recueil 1980,p. 27,par. 52). En la
présenteespèce,lesEtats-Unis necontestent ni queletraité soitenvigueur,
ni que l'article XXIV puissede façon généraleêtresource de compétence
pour la Cour ;mais ils affirment que, si la base de compétenceest limitée
au traité,le fait que la requêtedu Nicaragua ne formule aucun grief fondé
sur son éventuelle violationa pour corollaire que la Cour n'est régulière-
ment saisie d'aucune demande sur laquelle ellepuisse statuer. Pour que le
Nicaragua établisselacompétencedelaCour dans laprésenteespècesurla

base du traité,ildoit prouver l'existenced'un rapport raisonnable entre ce
traitéet les demandes présentées à la Cour ;mais, selon les Etats-Unis,
c'est ce que le Nicaragua n'est pas en mesure de faire. En outre, les
Etats-Unis rappellent que l'article XXIV serapporte à tout différend <(qui
ne pourrait pas êtreréglé d'unemanière satisfaisante par la voie diplo-
matique et soutiennent qu'une tentative'de règlementpar cette voie est
donc une condition préalable à la saisine de la Cour. Puisque, selon eux, le
Nicaragua n'ajamais seulement soulevé,dans ses entretiens avec lesEtats-Unis, la question de l'application du traitéaux allégationsde fait ou de
droit contenues dans sa requête,ni de l'interprétation dudit traité à cet
égard,il n'apas satisfaitaux conditions stipuléesdans letraitémêmepour
fairejouer la clause compromissoire.
82. Dans son mémoire, leNicaragua fait valoir queletraitéde 1956aété
et est violédu fait des activités militaireset paramilitaires des Etats-Unis
au Nicaragua etcontre luidont larequêtefait ladescription ;enparticulier

ces activités violeraientdirectement les articles suivants du traité :

L'articleXIX, selonlequel ily aura libertéde commerce et de navigation
et les navires de I'unedes deux partiespourront librement (<serendre avec

leur cargaison dans tous les ports, mouillages et eaux decetteautre partie
qui sont ouverts au commerce international et à la navigation internatio-
nale ))et bénéficieront,dans les ports, les mouillages et les eaux, du trai-
tement national et du traitement de la nation la plus favorisée.
L'article XIV, qui empêchede restreindre ou d'interdire l'importation
d'un produit de l'autre partie ou l'exportation d'un produit destiné aux
territoires de l'autre partie.
L'article XVII, qui interdit les mesures de caractère discriminatoire
ayant pour effet d'empêcherdirectement ou indirectement les importa-

teurs ou les exportateurs de produits originaires de l'un ou l'autre pays
d'assurer lesdits produits contre les risques maritimes auprèsdes compa-
gnies de I'une ou l'autre partie.
L'articleXX, qui garantit la libertéde transit à travers les territoires de
chacune des deux parties.
L'articlepremier,envertuduquelchacunedesdeuxparties accordera, en
toustemps,un traitement équitableaux nationaux etaux sociétéd sel'autre
partie, ainsi qu'à leurs biens, entreprises et autres intérêts.

83. Vu ces dispositions du traité de 1956,et notamment celles de l'ar-
ticle XIX, prévoyantla libertéde commerce et de navigation, et les men-
tions de lapaix et de l'amitiéque l'ontrouve dans lepréambule,il n'estpas
douteux que, dans lescirconstancesoù leNicaragua aprésenté sarequête à
laCour et d'aprèslesfaitsqui y sont alléguési,lexisteun différendentre les

Parties, notammentquant à l'interprétation ouà l'application )du traité.
Ilest clair aussi que cedifférend (ne pourrait pasêtrerégléd'une manière
satisfaisante par la voie diplomatique ))au sens de l'article XXIVdu traité
de 1956(voir PersonneldiplomatiqueetconsulairedesEtats-Unis à Téhéran
C.I.J. Recueil 1980, p. 26-28,par. 50-54).De l'avisde la Cour, parce qu'un
Etat ne s'estpas expressément référé da,ns desnégociationsavecun autre
Etat, àun traité particulierquiaurait été violépar la conduite de celui-ci,il
n'en découlepas nécessairement que le premier ne serait pas admis à
invoquer la clause compromissoire dudit traité.Les Etats-Unis savaient
avant l'introduction de laprésente instanceque leNicaragua affirmait que

leur comportement constituait une violation de leurs obligations interna-
tionales ; ils savent maintenant qu'il leur est reproché d'avoirviolédes
articles précisdu traitéde 1956.Il n'y aurait aucun sens à obliger main-tenant leNicaragua à entamerune nouvelleprocédure surlabase du traité
- ce qu'il aurait pleinement le droit de faire. Pour citer la Cour perma-
nente :
<La Cour ne pourrait s'arrêter à un défaut de forme qu'il dépen-

drait de la seule Partie intéresséede faire disparaître ))(Certains
intérêts allemands e Hnaute-Silésiepolonaise, compétence, arrêt no6,
1925, C.P.J.Z.sérieA no6, p. 14.)
En conséquence la Cour conclut que, dans la mesure où les demandes

formuléesdansla requêtedu Nicaragua révèlent l'existence d'undifférend
sur l'interprétation ou l'application desarticles du traitéde 1956mention-
nésauparagraphe 82,la Cour acompétencepour en connaître envertu de
ce traité.
* * *

84. La Cour en vient maintenant à la question de la recevabilitéde la

requêtedu Nicaragua. Les Etats-Unis d'Amériqueont soutenu dans leur
contre-mémoireque la requêtedu Nicaragua est irrecevable pour cinq
motifs distincts dont chacun, disent-ils, suffit établirl'irrecevabilité,que
ce soità titre d'empêchement à statuer ou en raison de la (nécessité de se
montrer prudent pour protégerl'intégrité de la fonction judiciaire)>.Cer-
tains de ces motifs étaient enfait exposésen des termes donnant àpenser
qu'il s'agissaitplus de questions de compétenceou dejuridiction que de
recevabilité ;toutefois leur classement à cet égardneparaît pasêtred'une

importance décisive.LaCour va examiner ces motifs ;mais, pour plus de
clarté,il y aura avantage a rappeler d'abord brièvementsur quelles allé-
gations le Nicaragua fonde les demandes qu'il présentecontre les Etats-
Unis.
85. Dans sa requête introductive d'instance, le Nicaragua affirme que :
<LesEtats-Unis d'Amériquefont usagede la forcemilitaire contre

le Nicaragua et interviennent dans les affaires intérieuresde ce pays
en violation de sa souveraineté,de son intégrité territorialeet de son
indépendance politiqueainsique desprincipes lesplus fondamentaux
et lesplus universellement reconnus de droitinternational. Les Etats-
Unis ont créé une (<armée ))de plus de 10000 mercenaires ..les ont
installésdans plus de dix camps de base au Honduras, le long de la
frontièreavecleNicaragua, lesont entraînés,payés,équipésenarmes,

pourvus de munitions, de nourriture et de médicamentset ont dirigé
leurs attaques contre des objectifs humains et économiques àl'inté-
rieur du Nicaragua )),
etque leNicaragua a subiet continue de subir lescruellesconséquencesde
ces activités.Leur but serait de

(<harceler et déstabiliser leGouvernement du Nicaragua, pour qu'il
soit finalement renverséou, du moins, contraint de changer sespoli-
tiques intérieure et étrangèrequi déplaisent auxEtats-Unis )). 86. Lepremier motif d'irrecevabilitéinvoque par les Etats-Unis est que
leNicaragua n'apas citédevantla Cour certainesparties, dont la présence
et laparticipation seraient indispensables pour laprotection deleurs droits
et pour le règlement des questions soulevéesdans la requête.Les Etats-
Unis affirment tout d'abord que,pour statuer surlarequête du Nicaragua,
la Cour devrait nécessairement seprononcer sur les droits et obligations
d'autres Etats, notamment ceux du Honduras, qui, selon le Nicaragua,
aurait permis que son territoire servede point de départ àl'emploi illicite
de la force contre leNicaragua. De plus, pour statuer sur lesdemandes du
Nicaragua il faudrait nécessairement seprononcer sur les droits des Etats

tiers quant aux mesures qu'ilsprennent, conformément àl'article 51 de la
Charte des Nations Unies, pour se protégercontre l'emploi illicitede la
force par le Nicaragua. Les Etats-Unis affirment en second lieu que c'est
unprincipe fondamental de lajurisprudence de laCour quecelle-cinepeut
statuer sur lesdroits etobligations desEtats sansleurconsentement exprès
et sans qu'ils participent à l'instance. Le Nicaragua conteste qu'il soit
contraire à la pratique de la Cour de laisser poursuivre une instance en
l'absence des parties indispensables ))et souligne que, dans la présente
espèce,le Nicaragua exerce une action contre les seuls Etats-Unis, et non
contre tel ou tel Etat absent, si bien qu'il n'est pas demandé à la Cour
d'exercersajuridiction àl'égardd'un tel Etat. La requêtedu Nicaragua ne
met pas en cause le droit d'El Salvador de recevoir une aide, militaire ou
économique, des Etats-Unis ou de toute autre source. Les Etats-Unis

avancent également, commeautre considération en faveur de l'indispen-
sable participation des Etats tiers, l'argument suivant lequel, dans ce
domaine, les faits relatifs aux activitésentreprises par ces Etats ou contre
euxpeuvent nepasêtreenla possession ou àladisposition d'une Partie. Le
Nicaragua renvoie à ce propos aux pouvoirs que confèrent à la Cour
l'article4 de son Statut et l'article 66 de son Règlement, etfait observer
au'il serait de l'intérêdtes Etats tiers de fournir aux Etats-Unis toute
donnée de fait en leur possession.
87. Le mêmeargument avait déjà été avancé au stade des mesures
conservatoires par les Etats-Unis, qui avaient alors soutenu que :

<<lesautres Etats d'Amérique centraleont fait savoir que la demande
du Nicaragua en indication de mesures conservatoires mettait direc-
tement enjeu leurs droits et leurs intérêts, tue l'indication de telles
mesures ferait obstacle aux négociationsde Contadora. Ces autres
Etats d'Amérique centrale sont des parties indispensables, en l'ab-
sence desquelles la Cour ne saurait véritablement statuer. ))(C.I.J.
Recueil 1984,p. 184,par. 35.)

Les Etats-Unis visaient alors les communications adressées àla Cour par
les Gouvernements du Costa Rica et d'El Salvador et un message télex
adresséau Secrétairegénéralde l'Organisation desNations Unies par le
Gouvernement du Honduras, qui,d'aprèsles Etats-Unis, montrent clai-
rement que les demandes du Nicaragua sont inextricablement liéesauxdroits et aux intérêts d'autresEtats )); les Etats-Unis ajoutaient que
<toute décisiond'indiquer lesmesures conservatoires demandéesoutoute

décisionaufond porterait nécessairementatteinte aux droits des Etats non
parties à l'instance (ibid. Il)aut toutefois souligner qu'aucune des
communications émanant des trois Etats mentionnéspar les Etats-Unis
n'indiquait uneintention d'intervenir dans l'instance pendante devant la
Courentre leNicaragua et lesEtats-Unis d'Amérique,et que l'un d'eux (le
Costa Rica) spécifiaitque sa communication ne devait pas êtreconsidérée
comme révélant une telle intention. Bien entendu El Salvadora cherché à
intervenir par la suite.
88. Ilne fait pas dedoute que, quand lescirconstances l'exigent,la Cour
déclinera l'exercicede sa compétence,comme elle l'afait dans l'affaire de
l'Ormonétairepris à Romeen 1943, lorsque lesintérêtsjuridiquesd'un Etat
qui n'est pas partieà l'instance <seraient non seulement touchéspar une

décision, maisconstitueraient l'objet mêmede ladite décision (C.I.J.
Recueil 1954, p. 32).En revanche lorsquedesprétentions d'ordrejuridique
sont formuléespar un demandeur contre un défendeurdans une instance
devant laCour et setraduisent par desconclusions, laCour,enprincipe, ne
peut que se prononcer sur ces conclusions, avec effet obligatoire pour les
parties et pour nul autre Etat, en vertu de l'article59du Statut. Comme la
Cour l'a déjà indiqué (auparagraphe 74 ci-dessus), les autres Etats qui
pensent pouvoir êtreaffectésparla décisionontla facultéd'introduire une
instance distincte ou de recourirà la procédurede l'intervention. Dans le
Statut comme dans la pratique destribunaux internationaux, on ne trouve
aucune trace d'une règleconcernant les << parties indispensables )comme
celle que défendentles Etats-Unis, qui ne serait concevable que parallè-

lement à un pouvoir, dont la Cour est dépourvue,de prescrire la partici-
pation à l'instance d'un Etat tiers. Les circonstances de l'affaire de l'Or
monétairemarquent vraisemblablement la limite du pouvoir de la Cour de
refuser d'exercersajuridiction ;aucundes paysmentionnés enla présente
espèce ne peut êtreconsidérécomme étant dans la mêmesituation que
l'Albanie dans cette affaire, au point que sa présenceserait véritablement
indispensable à la poursuite de la procédure.

89. Le deuxièmeargument invoqué par les Etats-Unis contre la rece-
vabilitéde la requêteest que chacune des allégationsdu Nicaragua ne fait

quereformuler etréaffirmerune seuleetuniqueaffirmation fondamentale,
à savoir que les Etats-Unis font un usage illicite de la force armée qui
constitue une menace contre la paix, une rupture de la paix ou un acte
d'agression contre le Nicaragua, ce qui relève dela compétence d'autres
organes, et plus particulièrement du Conseil de sécuritédesNations Unies,
en vertu de la Charte et de lapratique. Toute allégationdecettenature est
du ressort des organes politiques de l'organisation pour examen et déci-
sion ;lesEtats-Unis citent àcepropos l'article 24de la Charte, qui confère
au Conseil de sécurité<<laresponsabilitéprincipale du maintien de lapaixet de la sécuritéinternationaleso.Les dispositions de la Charte relativeà
l'emploide la forcearméen'admettent nullement la possibilitéd'un règle-
ment judiciaire, par opposition au règlementpolitique. En vertu de I'ar-
ticle 52 de la Charte, la responsabilité du maintien de la paix et de la
sécuritéinternationalesest également confiée à desaccordsou organismes
régionauxet, d'aprèsles Etats-Unis, le processus de Contadora est préci-
sémentle genre d'accord ou d'organismerégional qu'envisage cet article.
90. LeNicaragua fait valoir quel'argumentation des Etats-Unis ne tient
pas comptede la distinction fondamentale entre l'article 2, paragraphe 4,
dela Charte, où est posée l'obligationde s'abstenir de recouràrlamenace
ou à l'emploide la force, et l'article39quiinstaure un processus politique.
La responsabilité conférée au Conseilde sécuritépar l'article 24 de la

Charte en matière de maintien de la paix et de la sécuritéinternationales
est <principale et non pas exclusive.Tant que le Conseil n'a pas fait la
constatation visée àl'article 39, les différends doivent êtrerésoluspar les
modes de règlementpacifique prévus à l'article 33,y compris le règlement
judiciaire;d'ailleurs, même aprèsuneconstatationfaite en application de
l'article39,iln'ypasforcémentincompatibilitéentre l'actiondu Conseilde
sécuritéetune décisionjudiciaire prise par la Cour. Sur le planjuridique,
lesdécisionsde la Cour et lesmesures prises par leConseil de sécuritsont
entièrement distinctes.
91. Il y aura avantageà examiner ce motif d'irrecevabilité avec le troi-
sièmemotif avancépar les Etats-Unis, selon qui la Cour devrait décider
que la requêtedu Nicaragua est irrecevable en raison de sonobjet même et
de la place que tient la Cour dans le systèmedesNations Unies, eu égard

notamment aux effets qu'aurait une instance devant la Cour sur l'exercice
actuel du droit naturel de légitime défense, individuelleou collectivO,
prévu à l'article51delaCharte. Pour cetteraison, ilest soutenu quelaCour
ne devrait pas exercer sa compétencerationemateriae pour connaître des
demandes du Nicaragua. A ce propos, les Etats-Unis réaffirment que la
requête nicaraguayenneoblige en fait la Cour à établirque les activitésdu
défendeurconstituent un emploi illicitede laforce armée,une violation de
la paix ou un acte d'agression;ils s'attachent ensuità démontrer que les
organes politiques des Nations Unies auxquels la Charte confiela respon-
sabilité enpareille matière ont déjàdonnésuite, et continuent à donner
suite, aux requêtes presque identiquesdont les a saisis le Nicaragua. Les
Etats-Unis rappellent que leNicaragua s'estadresséau Conseil de sécurité

le4 avril 1984,quelquesjours avant l'introduction de laprésente instance.
Le projet de résolutionalors présenté, qui correspondait aux demandes
soumises à la Cour par le Nicaragua, n'a pas obtenu la majoritérequise
pour êtreadoptéconformément à l'article 27,paragraphe 3, de la Charte.
Mais ce fait, tout comme la probabilité que des demandes analogues
n'obtiendraient probablement pas la majoritévoulue, ne confère pas à la
Cour compétence rationemateriaepour connaître des demandes du Nica-
ragua. La requêtedu Nicaragua demandant en fait à la Cour derendre un
arrêtquiseraitidentique,surtous lespoints importants, àladécisionquele
Conseil de sécurité n'apas prise, équivauten réalitéà un appel devant laCour d'une conclusiondéfavorabledu Conseil de sécuritéD . e plus, afin de
faire une constatation à propos de ce qui est en définitiveune accusation
d'< a<ressionO,la Cour devrait dire si lesactions des Etats-Unis et d'autres
Etats non parties à l'instance sont ou non illicites :plus précisément,
elle devrait dire si l'article 51 de la Charte, relatif au droit de légitime
défense,estapplicable. Une telledécisiondela Cournepeut êtreconforme
aux termes de l'article 51, qui confère en la matière un rôle exclusif au
Conseil de sécuritéC. e n'estd'ailleurs pas le seulcas où ily aurait atteinte
au droit naturel de légitimedéfense :le fait mêmeque de telles demandes
soient soumises àexamenjudiciaire alors que le conflit qui les motive se

poursuit peut suffire à constituer une telle atteinte.

92. Le Nicaragua fait observer à cet égard qu'il n'ypas de droit géné-
ralisédelégitimedéfense :l'article51de laCharte concerne ledroitnaturel
de légitimedéfense <dans le cas où un Membre des Nations Unies est
l'objet d'une agression armée ))Mêmes'ilsse révélaient exacts, lesfaits
alléguép sar les Etats-Uniscontre leNicaragua ne constitueraient pas une
<<agression armée ))au sensdel'article51.Cetarticle exigeque lesmesures
prises soient <immédiatement portées à la connaissance du Conseil de
sécurité))- cequi n'apasétéfait-, mais ilnepermet pas de soutenir pour

autant qu'il appartient exclusivement au Conseil de sécuritéde se pro-
noncer sur la légitimitéde mesures prises en alléguant lalégitime défense.
L'argumentation développéepar les Etats-Unis au sujet des attributions
du Conseil de sécuritéet dela Cour tend à transposer au plan international
des notions internes de séparation despouvoirs, alors que ces notions ne
s'appliquent pas aux relations entre institutions internationales chargées
de règlerdes différends.
93. Les Etats-Unis soutiennent ainsi que la question relève essentielle-
ment du Conseil de sécuritép , arce qu'elle concerne une plainte du Nica-
ragua mettant encause l'emploide la force. Eu égardcependant à l'affaire

du Personnel diplomatique et consulaire desEtats-Unis à Téhéranl,a Cour
est d'avisque lefait qu'une question est soumise au Conseil de sécuriténe
doit pas empêcherla Cour d'en connaître, et que les deux procédures
peuvent êtremenéesparallèlement. Dans l'affaire citée,la Cour a dit :
<<Dans le préambule de cette seconde résolution, le Conseil de

sécurité tenaitexpressémentcompte de l'ordonnance de la Cour en
indication de mesures conservatoires du 15 décembre 1979 ; il ne
semble êtrevenu à l'esprit d'aucun membre du Conseil qu'ily eût ou
pût y avoir rien d'irrégulierdans l'exercicesimultanépar la Cour et
par le Conseil de sécuritéde leurs fonctions respectives. Le fait n'est
d'ailleurs pas surprenant.))(C.I.J. Recueil 1980, p. 21, par.40.)

Et la Cour a même précisé que :
Alors que l'article 12de la Charte interdit expressément à l'As-
semblée générald ee faire une recommandation au sujet d'un diffé-

rend ou d'une situation à l'égard desquels le Conseil remplitses fonctions, ni la Charte ni le Statut n'apportent de restriction sem-
blable à l'exercicedes fonctions de la Cour. Les raisons en sont évi-
dentes :c'estàlaCour,organejudiciaire principal des Nations Unies,
qu'ilappartientde résoudretoute questionjuridique pouvant opposer
desparties à un différend ;etla résolutionde cesquestionsjuridiques
par la Cour peutjouer un rôle important et parfois déterminant dans
le règlementpacifique du différend. C'estd'ailleurs ce que reconnaît
l'article 36, paragraphe 3, de la Charte, qui prévoit expressément :

<(En faisant les recommandations prévuesau présentarticle, le
Conseil de sécuritédoit aussi tenir compte du fait que, d'une
manière générale, lesdifférends d'ordre juridique devraient être
soumis par les parties à la Cour internationale de Justice confor-
mément aux dispositions du Statut de la Cour. ))(C.I.J. Recueil
1980, p. 22, par. 40.)

94. L'argumentation des Etats-Unis repose d'autre part sur une inter-
prétation,que la Cour ne peut partager, des griefs du Nicaragua visant la
menace ou l'emploi de la force par les Etats-Unis contre son intégrité
territoriale et son indépendance nationale en violation de l'article 2,para-
graphe 4, de la Charte des Nations Unies. Les Etats-Unis soutiennent que

le Nicaragua invoque par là une agression ou un conflit armétels que les
envisagel'article39de la Charte desNations Unies, dont seulleConseilde
sécuritépeut connaître conformément aux dispositionsdu chapitre VI1de
laCharte, etnon surlabasedu chapitre VI.La manièredont lesEtats-Unis
présentent la question fait du différendentre le Nicaragua et eux-mêmes
un cas de conflit armérelevant exclusivementdu Conseil de sécurité etnon
de la Cour, qui, en vertu de l'article 2, paragraphe 4, du chapitre VI de la
Charte, est compétentepour lerèglementpacifique de tout différendentre
Etats Membres des Nations Unies. Mais, s'ilen est ainsi, il faut constater
que, si la question a bien étésoumise au Conseil de sécurité,aucune
notification n'aété adressée à celui-ciconformémentauchapitre VI1de la

Charte, pour que le Conseil puisse ouvrirun débatgénéralsur la question
etprendre une décisionautorisant lesmesurescoercitivesnécessaires.11est
évidentque la plainte du Nicaragua ne concerne pas un conflit arméen
cours entre ce pays et les Etats-Unis, mais une situation qui appelle, et
mêmeexige,le règlementpacifique d'un différendentre les deux Etats. Il
s'ensuitque c'est àjuste titre que cette plainte a éportéedevant l'organe
judiciaire principal de l'organisation aux fins d'un règlement pacifique.
95. Il faut ici souligner que l'article 24 de la Charte des Nations Unies
dispose que :

<< fin d'assurer l'action rapide et efficace de l'organisation, ses
Membresconfèrent au Conseil de sécurité la responsabilitéprincipale
du maintien de la paix et de la sécurité internationales...>)

Cen'estdonc pasune responsabilitéexclusiveque la Charte confère à cette
fin au Conseil de sécurité.Certes l'article 12 départage nettement lesfonctions de l'Assemblée générale e dtu Conseil de sécurité en précisant
que, àl'égardd'un différendou d'une situation quelconque,lapremière ne

doit faire aucune recommandation sur ce différend ou cette situation, à
moins queleConseilde sécurité neleluidemande,maisaucunedisposition
semblable ne figure dans la Charte sur leConseil de sécurité et la Cour. Le
Conseil a des attributions politiques ; la Cour exerce des fonctions pure-
ment judiciaires. Les deux organes peuvent donc s'acquitter de leurs
fonctions distinctes mais complémentaires à propos des mêmes événe-
ments.
96. Il convient égalementde rappeler que,comme en témoigne l'affaire
du Détroit decorfou (C.I.J. Recueil 1949, p. 4), la Cour ne s'estjamais
dérobée devantl'examen d'une affaire pour la simple raison qu'elle avait

desimplications politiques ou comportaitde sérieux éléments d'emplo die
la force. La Cour s'est penchéesur une <<démonstration de force ))(ibid.,
p. 31)ou la <<violation de la souveraineté ))d'un pays (ibid.);elle a même
conclu que :
(L'intervention est peut-être moins acceptable encore dans la

forme particulière qu'elle présenterait ici, puisque, réservéepar la
nature des choses aux Etats lesplus puissants, elle pourrait aisément
conduire à fausser l'administration de la justice internationale
elle-même ))(ibid., p. 35).

Il est également significatifqu'en cette affaire le Conseil de sécuritélui-
même<< entendait indubitablement que ledifférendtout entier fût tranché
par la Cour ))(p. 26).
97. Il est égalementpertinent de relever que les Etats-Unis tiennent
aujourd'hui que, du fait du prétendu conflit arméen cours entre les deux
Etats, la question ne pourrait êtresoumise à la Cour internationale de
Justice maisdevrait êtrerenvoyéeau Conseilde sécuritéa ,lorsque, dans les
annéescinquante,ilsont saisila Courde sept affaires mettant encausedes
attaques arméesde l'aviation militaire d'autres Etats contre des avions
militaires des Etats-Unis ;l'unique raison pour laquelle la Cour n'a pas

statuédanscesaffaires est que chacun des Etats défendeursaindiquéqu'il
n'avait pas acceptésa juridiction et n'étaitpas disposé à le faire en la
circonstance. Les Etats-Unis n'ont pas contredit l'argument du Nicaragua
suivant lequel les Etats-Unis sesont alors effectivement adressés à la Cour
plutôt qu'au Conseil de sécurité. Ilsont par ailleurs fait valoir que, aussi
bien dans l'affaire du Détroit de Corfouque dans celles des incidents
aériens, laCour étaitinvitée à seprononcer sur lesdroits et obligationsdes
parties àpropos d'événements qui appartenaient exclusivement au passé.
C'est là, dans une très large mesure, une question qui se rattache au
quatrième motif d'irrecevabilité misen avant par les Etats-Unis, lequel

sera examinéci-après. Mais lesEtats-Unis soutiennent aussi que l'affaire
du Détroitde Corfoumontre àtout le moins que c'estparce que l'incident
en question ne relevait pas d'un emploien cours de la force arméeque le
Conseil de sécuritéapu conclure à son incompétence.De l'avisde la Cour,
cet argument n'est pas pertinent. 98. La Courne peut pas non plus accepter l'objection suivant laquelle la
présente instance serait en fait un appel devant la Cour d'une décision
défavorabledu Conseil de sécurité.Il n'estpas demandé àla Cour de dire
que le Conseil de sécuritéacommis une erreur, ni que la manièrede voter
desmembres du Conseil ait été en rien contraire audroit. La Cour est priée
de se prononcer sur certains aspectsjuridiques d'une question qui a été
aussi examinéepar le Conseil, ce qui est parfaitement conforme à sa
situation d'organejudiciaire principal des Nations Unies. Quant au droit

naturel de légitime défense, lefait précisémentquela Charte le qualifie de
droit ))indique une dimensionjuridique ;si dans la présente instance la
Cour devait avoir à statuer à cet égardentre les Parties - car les droits
d'aucun autre Etat ne peuvent faire l'objet d'une décision - l'existence
d'une procédure par laquelle les Etats intéressésdoivent informer le
Conseil de sécurité à cet égardne saurait l'empêcherde le faire.

99. Le quatrième motif d'irrecevabilitéde la requête invoquépar les
Etats-Unis est que la fonction judiciaire ne permettrait pas de faire face
aux situations de conflit arméen cours. L'affirmation, que les Etats-Unis
attribuent au Nicaragua, selon laquelle un conflit comportant l'emploide
la force armée en violation de la Charte serait en cours, est présentée
comme une pièce maîtresse de la requêtedans son ensemble, dont elle
serait indissociable, et dont la Cour ne saurait connaître efficacement sans
sortir des limites d'une activitéjudiciaire normale. Le recours à la force

durant un conflit arméne présentepas descaractéristiquesqui seprêtent à
l'application de la procédure judiciaire, à savoir l'existence de faits juri-
diquement pertinents que les moyens dont dispose le tribunal saisi per-
mettent d'apprécier, pouvant êtreétablis conformémentaux règles de
l'administration de lapreuve, et qui nerisquent pas d'évoluerradicalement
en cours d'instance ou après celle-ci. C'est pour des raisons semblables
qu'ilya lieu de s'enremettre aux rouages politiquespour régler lesconflits
armésen cours. La situation invoquéedans la requêtedu Nicaragua, en

particulier, ne se prêtenià unjugement ni à une solutionjudiciaire ;il est
crucial de pouvoir donner en permanence des directives pratiques aux
parties quant aux mesures qu'ellesdoivent prendre pour mettre effective-
ment fin aux conflits armés comme celui dont l'existence est alléguée en
l'espèce. Maisla Cour areconnu que donner auxparties de tellesdirectives
sort du domaine propre de la fonctionjudiciaire. Les Etats-Unis ne sou-
tiennent pasque larequêtedoitêtrerejetéeparce qu'elle poseune question
politique ))plutôt qu'une question ((juridique >> , ais plus exactement
qu'il n'estjamais entrédans les intentions des rédacteursde la Charteque

l'article36, paragraphe 2, du Statut s'applique à une allégationd'emploi
illicite en cours de la force armée.Les Etats-Unis rappellent aussi que la
situation miseencause dans larequêtedu Nicaragua impliquelesactivités
de (groupes autochtones ))de ce pays, qui obéissent à leurs propresmobiles et échappent à l'autoritéde tout Etat. Les Etats-Unis soulignent
cependantque lefait de conclure que la Cour ne peut statueraufondsur la

requêtedu Nicaragua ne signifie pas que le droit international ne soit ni
directement pertinent ni d'une importance fondamentale pour régler les
différendsinternationaux, mais simplement qu'en la matière l'application
des principes du droit international incombe aux autres organes institués
par la Charte.
100. Le Nicaragua fait valoir que, dans la mesure où les Etats-Unis
mettent en doute que la Cour disposerait des preuves essentielles néces-
saires au règlement du différend,le problème n'est pas tant la nature du
différend que la question de savoir si le défendeur est prêt à informer
pleinement la Cour des activitésqu'on lui impute. Le Nicaragua rappelle

aussi que l'affairedu Détroitde Corfoudémontre, commelaCour l'a relevé
plus haut (paragraphe 96), que la Cour exerce effectivement ses fonctions
judiciaires dans des situations de conflit armé. La Cour se prononcera
d'aprèsles preuves produites par les Parties, et elle dispose de pouvoirs
considérables pour obtenir ces preuves. Le Nicaragua conteste que la
fonctionjudiciaire, régiepar leprincipe de lachosejugée,soit <(par nature
rétrospective et donc inapplicable dans une situation changeante. Le
Nicaragua concède qu'un arrêt rendupar la Cour doit pouvoir êtreexé-
cuté,mais il souligne qu'un tel arrêtne résout paspar lui-même - et n'est
pas destiné à résoudre - toutes les difficultésentre les Parties. Il n'estpas

demandé à la Cour demettre fin à un conflit armépar le seul pouvoir des
mots.
101. La Cour ne peut manquer d'observer que tout arrêtau fond en la
présenteespèce sebornera à faire droit aux conclusions des Parties qui
auront étéétayées par des preuves suffisantesdes faitspertinents et que la
Cour aura considéréescomme fondées endroit. Une situation de conflit
armén'est pas la seule où l'on puisseéprouverdes difficultés à établirles
faits, et la Cour, dans lepassé,a reconnu l'existencede cet élémene tt en a
tenu compte (Détroitde Corfou, C.I.J. Recueil 1949, p. 18 ; Personnel

diplomatique et consulaire desEtats-Unis à TéhéranC , .I.J. Recueil 1980,
p. 10, par. 13). Toutefois, c'est en définitiveau plaideur qui cherche à
établirun fait qu'incombe lachargede la preuve ; lorsque celle-cin'estpas
produite, une conclusion peut êtrerejetéedans l'arrêtcomme insuffisam-
ment démontrée,mais elle ne saurait êtredéclarée irrecevable in limine
parce qu'on prévoitque les preuves feront défaut. Quant à la possibilité
d'exécuterl'arrêt, laCour devra apprécieraussi cette question en fonction
de chaque conclusion concrète et compte tenu des faits qui auront été
établis; ellenepeut, à cestade, rejeteràpriori toutecontributionjudiciaire
au règlementdu différend en déclarant la requête irrecevable. Il convient
du reste de noter que la Cour <ne peut ni doit envisager l'éventualitéque

l'arrêt resteraitinexécuté)(Usinede Chorzbw,C.P.J.I. sérieA no17,p. 63).
Les deux Parties se sont engagées à respecter les décisionsde la Cour
conformément à l'article 94de la Charte, et:
Dès lorsque la Cour a constatéqu'un Etat a pris un engagement quant à son comportement futur, il n'entre pas dans sa fonction
d'envisagerque cet Etat ne le respecte pas. (Essaisnucléaires,C.Z.J.
Recueil 1974, p. 272, par. 60;p. 477, par. 63.)

102. Le cinquième et dernier motif d'irrecevabilitéinvoquépar les
Etats-Unis se rapporte au fait que le Nicaragua n'aurait pas épuisétoutes
les voiesétabliespour résoudreles conflits qui se déroulent en Amérique
centrale. Selon les Etats-Unis les <<consultations de Contadora O,aux-

quelles le Nicaragua prend part, sont reconnues, par les instances poli-
tiques des Nations Unies et l'Organisation des Etats américains,comme le
moyen approprié pour résoudreles problèmes d'Amérique centrale.Ces
consultations ont permis un accord entre les Etats de la région,dont le
Nicaragua, sur certains objectifs qui touchent au cŒur mêmedes griefs et
des questions énoncés dans la requêtedu Nicaragua. Les Etats-Unis réitè-
rent leur thèse(paragraphe 89ci-dessus) suivant laquelle lesconsultations
de Contadora constituent un <<accord régional au sensde l'article 52,
paragraphe 2, de la Charte, de sorte qu'aux termes de ce mêmearticle le
Nicaragua est tenu de faire tous ses efforts pour régler lesproblèmes de
sécurité en Amérique centralepar le moyen des consultations de Conta-
dora. La Chartefaitde l'épuisementdesprocéduresrégionalesune condi-
tion préalablede l'examend'un différendpar le Conseil de sécurité,vu la
responsabilité principale de celui-ci en la matière,et cette restriction doit
s'appliquer à plus forte raisonà la Cour, à laquelle la Charte ne confère

aucune responsabilitéspécialede cegenre. LeNicaragua, d'après lesEtats-
Unis, est tenu par uneobligation de mêmecaractèreenvertu desarticles 20
et 21 de la charte de l'organisation des Etats américains. Il prie d'autre
part la Cour de ne statuer que sur certaines des questions qui font l'objet
des travaux de Contadora, ce qui aboutirait inévitablement à les faire
échapper engrandepartie à de nouveaux ajustements dans le cadre de ces
négociationset romprait ainsi l'équilibredu processus de négociation.
Larequêtedu Nicaraguaest incompatible aveclesconsultations deConta-
dora ;vu lesengagements desdeux Parties àl'égardde celles-ci,l'approba-
tion internationale dont ellesjouissent et leur caractère global et intégré,
la Cour devrait s'abstenir de statuer au fond sur les allégations du Nica-
ragua et déclarersa requêteirrecevable.
103. LeNicaragua souligneque lesEtats-Unis neprennent pas part aux
travaux de Contadora et ne sauraient s'abriter derrière des négociations
menéesentre des Etats tiers dans un forum auquel ils ne participent pas.
L'appui accordé par la communauté internationale au processus de

Contadora nefaitpas obstacle à l'exercicedelacompétencede laCour ;ni
la Charte des Nations Unies, ni la charte des Etats américains n'impose
l'épuisementde négociations régionales préalables. En réponse à cette
objection des Etats-Unis et au troisième motif d'irrecevabilité (para-
graphes 91 et suivants ci-dessus), le Nicaragua appelle l'attention sur la
compétenceparallèledes organes politiques des Nations Unies. La Courpeut se prononcer sur un différend qui est examinépar d'autres organes

politiques des Nations Unies, car elle exerce des fonctions différentes.
104. Cette question a aussi étésoulevée austade de la demande en
indication de mesures conservatoires présentéepar le Nicaragua, et la
Cour a pris note de ce que :

(iLes Etats-Unis constatent que les allégations du Gouvernement
du Nicaragua ne visent qu'un seul aspectde tout un ensemble inter-
dépendantde questions politiques, sociales, économiquesetde sécu-
ritéqui seposent dans la régionde l'Amériquecentrale. Cesquestions
font l'objet d'un effort diplomatique régional, connu comme les

(travaux du groupe de Contadora O,qui a reçu l'approbation de
l'organisation des Etats américainset auquel le Gouvernement du
Nicaragua participe. ))(C.I.J. Recueil 1984, p. 183,par. 33.)

A cela, le Nicaragua a alors répondu

Le Nicaragua participe activement aux consultations de Conta-
dora, et continuera à y participer, mais nosdemandesjuridiques contre
les Etats-Unis ne peuvent trouver de solution, ni mêmede réponse,
dans le cadre de ce processus. ))(Ibid., p. 185,par. 38).

Le Nicaragua a niéen outre que la présenteinstance puisse porter pré-
judice aux droits légitimesd'autres Etats ou perturber les travaux de
Contadora ;il a invoquéla jurisprudence de la Cour comme posant le
principe que rien n'obligela Cour à refuser deconnaître d'un aspect d'un
différendpour la seule raison que ce différend encomporte d'autres, ni à

refuser de s'acquitter d'une tâche essentiellement judiciaire pour la seule
raison que la question dont elle est saisie est étroitement liée à des ques-
tions politiques.
105. Sur ce dernierpoint, la Cour rappelle que, dans l'affaire du Per-
sonnel diplomatique et consulairedes Etats-Unis à Téhérane,lle s'est expri-
méeainsi :

(iLa Cour a souligné enoutre qu'aucune disposition du Statut ou
du Règlement ne luiinterdit de se saisir d'un aspect d'un différend
pour la simple raison que ce différend comporterait d'autres aspects,

si importants soient-ils. 1)(C.I.J. Recueil 1980, p. 19,par. 36.)

Et elle a ajouté,un peu plus loin :

(iNul n'a cependant jamais prétendu que, parce qu'un différend
juridique soumis à la Cour ne constitue qu'un aspect d'un différend
politique, la Cour doit se refuser à résoudredans l'intérêt desparties
les questionsjuridiques qui les opposent. La Charte et le Statut ne
fournissent aucun fondement à cette conception des fonctions ou de
lajuridiction de la Cour ;sila Cour, contrairement à sajurisprudence
constante, acceptait une telle conception, il en résulterait une restric- tion considérable et injustifiéede son rôle en matière de règlement

pacifique des différends internationaux. >>(C.I.J. Recueil 1980,p. 20,
par. 37.)
106. Au sujet de l'argument des Etats-Unis d'Amérique suivantlequel
laquestion soulevéepar larequêtedu Nicaraguarelève desnégociationsde
Contadora, laCour considèreque l'existence même de négociationsactives
auxquelles les deux Parties pourraient participer ne doit empêcherni le

Conseil de sécuriténi la Cour d'exercer les fonctions distinctes qui leur
sont conféréespar la Charte et par leStatut. On serappellera en outre que,
dans l'affaire du Plateau continentalde la mer Egée,la Cour a dit :
(L'attitude du Gouvernement de la Turquiepourrait donc s'inter-

préter commesous-entendant que la Courne devrait pasconnaîtrede
l'affairetantque lesparties continuent à négocieret que l'existencede
négociations activement menéesempêchela Cour d'exercer sa com-
pétenceenl'espèce.LaCourne saurait partager cettemanière de voir.
La négociation et le règlementjudiciaire sont l'une et l'autre cités
comme moyens de règlementpacifiquedesdifférends à l'article 33de
la Charte des Nations Unies. La jurisprudence de la Cour fournit
divers exemples d'affaires dans lesquelles négociationset règlement
judiciaire se sont poursuivis en même temps. Plusieursaffaires, dont
la plus récenteest celle du Procèsdeprisonniersdeguerrepakistanais
(C.I.J. Recueil 1973, p. 347), attestent qu'il peut êtremis fin à une

instance judiciaire lorsque de telles négociations aboutissent à un
règlement.Par conséquent, lefaitque desnégociationssepoursuivent
activement pendant la procédureactuelle ne constitue pas, en droit,
un obstacle à l'exerciceparla Cour de sa fonction judiciaire.n (C.I.J.
Recueil 1978, p. 12,par. 29.)

107. LaCour ne pense pas que leprocessus de Contadora, quel que soit
son intérêtp,uisse êtreconsidéré commeconstituant à proprement parler
un <accord régional aux fins du chapitre VI11de la Charte desNations
Unies. Il importe aussi de ne pas perdre de vue que tous les accords
régionaux,bilatéraux etmêmemultilatéraux,que les Parties àla présente
affairepeuvent avoir conclus au sujet du règlementdesdifférendsoude la
juridiction de la Courinternationale de Justice, sont toujours subordonnés
aux dispositions de l'article 103de la Charte ainsi conçu :

(En cas de conflit entre les obligations des Membres des Nations
Unies en vertu de la présenteCharte et leurs obligations en vertu de
tout autre accord international, les premières prévaudront. >)

108. Vu ce qui précède,la Cour n'est en mesure d'admettre, ni qu'il
existe une obligation quelconque d'épuisement desprocéduresrégionales
de négociationpréalable à sa saisine, ni que l'existence du processus de
Contadora empêche laCour en l'espèce d'examinerla requête nicara-
guayenneet de seprononcer lemoment venu surlesconclusions présentéespar les Parties en l'espèce.La Cour ne peut donc déclarer la requête
irrecevable,commele demandent lesEtats-Unis, pour l'un quelconquedes
motifs avancéspar eux comme imposant une telle décision.

109. La Cour a ainsi conclu que le Nicaragua a fait, le 24 septembre
1929,ainsi quel'yautorisait l'article36,paragraphe 2,du Statutde la Cour
permanente de Justice internationale, et après avoir signé leprotocole
auquel le Statut étaitjoint, une déclaration reconnaissant la juridiction
obligatoire de la Cour permanente sans condition, notamment de ratifi-
cation, et sans limite de durée,bien qu'il nesoit pasà cejour établique
l'instrument deratification duprotocole soitjamais parvenu au Secrétariat
de la Sociétédes Nations. La Cour n'estpas convaincue par les arguments

qui lui ont étéprésentés, selon lesquels l'absenced'une telle formalité
exclurait l'application de l'article 36, paragraphe 5, du Statut de la Cour
actuelle, et empêcherait letransfertàcelle-cide la déclaration, auquel le
Nicaragua a par ailleurs consentilorsque, étantreprésentéà la conférence
de San Francisco, il a signé etratifiéla Charte, acceptant par là même le
Statut et son article 36, paragraphe 5. La Cour a aussi conclu que l'ac-
quiescement constant du Nicaragua aux affirmations, faites dans les
publications des Nations Unies, parmi d'autres, suivant lesquelles il était
liépar la clausefacultative constitue une manifestation appropriéedeson
intention de reconnaître lajuridiction obligatoire de la Cour.

110. La Cour tient en conséquencepour valide la déclaration nicara-
guayenne du 24 septembre 1929et en conclut qu'aux fins de l'article 36,

paragraphe 2, du Statut le Nicaragua étaitun Etat acceptant la même
obligation >)que les Etats-Unis d'Amérique à la date du dépôt de la
requête,ce qui l'autorisaità invoquer la déclaration des Etats-Unis du
26 août 1946.La Cour conclut aussi que, nonobstant la notification faite
par lesEtats-Unis d'Amériquele 6avril 1984,larequêten'estpas excluedu
champ de l'acceptation, par les Etats-Unis d'Amérique,de lajuridiction
obligatoire de la Cour. La Cour décideen conséquence que les deux
déclarations établissent unfondement à sa compétence.

111. Au surplus, ilest touàfait clairpour la Cour que, surla seulebase
du traitéd'amitié,de commerce et de navigation de 1956,le Nicaragua et
les Etats-Unis d'Amériquesont tenus d'accepter lajuridiction obligatoire

de la Cour quant aux demandes présentéespar le Nicaragua dans sa
requête,dans la mesure ou ellesimpliquent desviolationsdesdispositions
de ce traité. 112. Dans l'ordonnance susmentionnée du 10 mai 1984la Cour a indi-
quédes mesures conservatoires <en attendant son arrêtdéfinitif dans
l'instance introduitele 9avril 1984par la Républiquedu Nicaraguacontre
les Etats-Unis d'Amérique >)Il en résulteque ladite ordonnance et les
mesures conservatoires qui y sont indiquées continueront d'avoir effet

jusqu'au prononcé de l'arrêt définitif en l'espèce.

113. Par ces motifs,

1) a) dit,par onzevoixcontre cinq, qu'elleacompétencepour connaître
dela requêtedéposée parla Républiquedu Nicaragua le9avril 1984,surla
base de l'article 36,paragraphes 2 et 5, de son Statut ;

POUR :M. Elias, Président; M. Sette-Camara, Vice-Présiden;t MM. Lachs,
Morozov,Nagendra Singh,Ruda, El-Khani,de Lacharnère,Mbaye, Bed-
jaoui,juges ; M. Colliard,juge ad hoc ;
CONTRE : MM. Mosler,Oda, Ago, Schwebelet sir Robert Jennings, juges ;

b) dit, par quatorze voix contre deux, qu'elle a compétencepour con-
naître delarequêtedéposée parla Républiquedu Nicaragua le9avril 1984,
dans la mesure où elle se rapporte à un différend concernant l'interpré-
tation ou l'application du traité d'amitié,de commerce et de navigation

entre les Etats-Unis d'Amériqueet la République du Nicaragua signé à
Managua le 21janvier 1956, sur la base de l'article XXIV de ce traité ;

POUR :M. Elias, Président; M. Sette-Camara, Vice-président ;MM. Lachs,
Morozov,Nagendra Singh, Mosler,Oda, Ago, El-Khani, sir Robert Jen-
nings, MM.de Lacharnère,Mbaye, Bedjaoui uges ; M. Colliard, juge ad

hoc ;
CONTRE : MM. Ruda, Schwebel, juges ;

c) dit,par quinze voix contre une, qu'ellea compétencepour connaître
de l'affaire ;
POUR :M. Elias, Président; M. Sette-Camara, Vice-Président ;MM. Lachs,
Morozov,Nagendra Singh,Ruda, Mosler,Oda,Ago,El-Khani,sirRobert
Jennings,MM.de Lacharrière,Mbaye, Bedjaoui, juges ;M. Colliard, juge
ad hoc ;

CONTRE : M. Schwebel, juge ;
2) dit, àl'unanimité,que ladite requêteest recevable. Fait en anglais et en français,le texte anglais faisant foi, au palais de la
Paix,à La Haye, levingt-sixnovembre mil neuf cent quatre-vingt-quatre,
en trois exemplaires, dont l'un restera déposéaux archives de la Cour et

dont lesautresseronttransmis respectivement au Gouvernement du Nica-
ragua et au Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique.

Le Président,
(Signé)Taslim O. ELIAS.

Le Greffier,
(Signé)Santiago TORRES BERNARDEZ.

MM. NAGENDRA SINGH,RUDA,MOSLERO , DA,AGO,sir Robert JEN-
NINGSj,uges, joignentà l'arrêt l'expode leur opinion individuelle.

M. SCHWEBEjL u,ge, joiàtl'arrêtl'exposéde son opinion dissidente.

(Paraphé)T.O.E.

(Paraphé)S.T.B.

Bilingual Content

INTERNATIONAL COURT OF JUSTICE

REPORTS OF JUDGMENTS,
ADVISORY OPINIONS AND ORDERS

CASE CONCERNING MILITARY AND
PARAMILITARY ACTIVITIES IN AND

AGAINST NICARAGUA

(NICARAGUA v. UNITED STATES OF AMERICA)

JURISDICTION OF THE COURT AND
ADMISSIBILITY OF THE APPLICATION

JUDGMENT OF 26 NOVEMBER1984

COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

RECUEIL DES ARRÊTS,
AVIS CONSULTATIFS ET ORDONNANCES

AFFAIRE DES ACTIVITÉS MILITAIRES

ET PARAMILITAIRES AU NICARAGUA
ET CONTRE CELUI-CI

(NICARAGUA c. ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE)

COMPÉTENCE DE LA COUR
ETRECEVABILITÉ DE LA REQUÊTE

ARRÊT DU 26 NOVEMBRE 1984 Officia1citat:on
Military and Paramilitary Activities in and against Nicaragua
(Nicaraguv.United States of America), Jurisdictionand
Admissibility, Judgment,J. Reports 1984, p. 392.

Mode officiel de cit:tion
Activitésmilitaires etparamilitaires au Nicaraguaet contrecelui-ci
(Nicaraguac. Etats-Unis d'Amérique),compétence et recevabilité,
arrêt,C.I.J. Recueil 1984, p. 392.

Salenuiliber
NOde vent: 506 1 INTERNATIONAL COURT OF JUSTICE

26 November YEAR 1984
General List
No. 70
26 November1984

CASE CONCERNING MILITARY AND

PARAMILITARY ACTIVITIES IN AND

AGAINST NICARAGUA

(NICARAGUA v. UNITED STATES OF AMERICA)

JURISDICTION OF THE COURT AND
ADMISSIBILITY OFTHE APPLICATION

Jurisdiction of the Court - Article 36, paragraphs 2 and 5, of the Statute -
DeclarationunderArticle 36 of Permanent Court Statute by State whichdid not
ratify Protocolof Signature of that Statute- Declarationvalidbut not binding -

Effect of Article 36, paragraph 5, of International Court of Justice Statute -
Significance of travaux préparatoires - Conductof States concerned - Signifi-
cance ofpublications of the Court and of the United Nations.
Claimofestoppel barringinvocationofjurisdictionunderArticle 36,paragraph2,
of the Statute.
Nature andeffectof Optional-Clausedeclarations - Modificationortermination
of Optional-Clause declarations containingproviso forsix months' noticeof termi-

nation - Effect of reciprocity on declarations containingdifferingprovisionsfor
termination - Declaration made without limit of time - Reasonable noticeof
termination required.
Reservation attached to Optional-Clause declarationexcluding disputes arising
undermultilateraltreatyunless"allparties to thetreatyaffectedby thedecisionare
beforethe Court" - Meaning - Impossibilityof identificationof States "affected"
at jurisdictional phase - Application of Article 79, paragraph 7, of Rules of

Court.
Bilateral treaty conferringjurisdictionover "dispute not satisfactorily settledby
diplomacy" - Reliance oncompromissoiyclausenot necessarilypreceded bynego-
tiations.

Admissibility of application- Alleged requirement that al1"indispensablepar-
ties"must be beforethe Court - Claim allegedto be oneof unlawfuluseof armed
force - Competenceof UnitedNations Security Council - Right of individualor COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

1984
26 novembre
Rôle général
26 novembre1984 no70

AFFAIRE DES ACTIVITÉS MILITAIRES

ET PARAMILITAIRES AU NICARAGUA

ET CONTRE CELUI-CI

(NICARAGUA c. ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE)

COMPÉTENCE DE LA COUR
ET RECEVABILITÉ DE LA REQUETE

CompétencedelaCour-Article 36,paragraphes2 et5, duStatut - Déclaration
en vertude l'article duStatut delaCour Dermanenteémanantd'Etatsn'avantoas
ratifiéleprotocoledesignaturede ce~tatLt - Déclaration validme aisnonbinding
- Effet del'article36,paragraphe5,duStatut delaCourinternationaledeJustice -
Portée destravauxpréparatoires - ConduitedesEtats intéressé s Importancedes
publications de la Cour etde l'organisation des Nations Unies.
Thèseselon laquellel'estoppelempêcherait d'invoquer lacompétence résud lteant

l'article 36, paragraphe2,du Statut.
Natureeteffetdesdéclarations - Modificationoudénonciationd'unedéclaration
faite en vertu de la clausefacultative etprévoyant unpréadveisdénonciationdesix
mois - Effet de la réciprocité sur des déclaratiocnosmportant des clausesde
dénonciationdifférentes - Déclaration faite sanlsimite de duré- Nécessité d'un
préavis raisonnable.
Sens de laréservejointeà la déclaration d'acceptatione la clausefacultativà,

l'effet d'exclureles différendsrésultantde traités multilatéraàxmoins que ((al/
parties to the treatyaffectedby thedecisionare beforethe Court» - Impossibilité
d'identifier lesEtats(affectés»pendant laphasejuridictionnelle- Applicationde
l'article79,paragraphe 7, du Règlement dela Cour.
Compétenceconféréepau rntraitébilatéralpoucronnaître d'undifférendqui« ne
pourraitpas êtreréglé d'unm e anière satisfaisante parla voie diplomatique -
Possibilité de s'appuyer sur la clause compromissoire sans négociatpir onsa-

lables.
Recevabilitéde la requête - Allégationsuivant laquelletoutes les ((parties
indispensables» devraient êtreprésentes devant laCour - Allégationsuivant
laquellelademandeconcernerait l'emploi illiciteelaforcearmée - Compétenceducollectiveself-defenc- Pursuanceofproceedings before the Coura tnd Security
Councilpari passu - Judicialfunction claimedtobe unabletodealwith situations
involving ongoing conflict- Proof of facts and possibility of impiemenrationof
Judgment - Priorexhaustionofnegotiatingprocesses noa t preconditionfor seising
the Court.

JUDGMENT

Present : President ELIAS ; Vice-President SETTE-CAMA RA Judges LACHS,
Mo~ozov, NAGENDRA SINGH,RUDA, MOSLER,ODA, AGO, EL-
KHANI,SCHWEBES Li,r Robert JENNINGS DE LACHARRIÈRM E,BAYE,
BEDJAOU ;IJudge ad hoc COLLIAR;DRegistrarTORRES BERN~EZ.

In the case concerning rnilitary and paramilitary activities in and against
Nicaragua,

between

the Republic of Nicaragua,
represented by

H.E. Mr. Carlos Argüello Gomez, Ambassador,
as Agent and Counsel,

Mr. Ian Brownlie, Q.C., F.B.A., Chichele Professor of Public International
Law in the University of Oxford ; Fellow of Al1Souls College,Oxford,

Hon. Abram Chayes, Felix Frankfurter Professor of Law, Harvard Law
School ; Fellow, American Academyof Arts and Sciences,

Mr. Alain Pellet, Professor at the University of Paris-Nord and the Institut

d'EtudesPolitiquesde Paris,
'r. Paul S.Reichler, Reichlerand Appelbaum, Washington, D.C. ; Member
of the Bar of the United States Supreme Court ; Member of the Bar of the
District of Columbia,

as Counsel and Advocates,
Mr. AugustoZamora Rodriguez, Legal Adviserto the Foreign Ministry of the
Republic of Nicaragua,
Miss Judith C. Appelbaum, Reichler and Appelbaum, Washington, D.C. ;
Member of the Bars of the District of Columbia and the State of Califor-

nia,
Mr. Paul W. Khan, Reichlerand Appelbaum, Washington, D.C., Member of
the Bar of the District of Columbia
as Counsel

andConseilde sécurité deNsations Unies - Droit de légitimedéfense individuelle ou
collectiv- Déroulementparallèle d'instances devantla CouretdevlaenCtonseilde
sécurit- Thèseselonlaquellelafonctionjudiciairenepermettrait pasderéglerdes
situationsde confliten cour- Preuve desfaits etpossibilitd'exécuterI'arrê-t
L'épuisement desprocédurd esnégociation n'est pasneconditionpréalable de la
saisinede la Cour.

Présents: M. ELIASP ,résident; M. SETTE-CAMAR VAic,e-PrésidetMM. LACHS,
Mo~ozov, NAGENDRASINGH, RUDA, MOSLER,ODA, AGO,
EL-KHANIS , CHWEBEL si,rRobert JENNINGS,MM. DE LACHARRIÈRE,
MBAYEB , EDJAOUjIu,ges ;M. COLLIARD ju,ge ad hoc ;M. TORRES
BERNARDEG Z,reffier.

En l'affaire des activités militaireset paramilitaires au Nicaragua et contre
celui-ci,

entre
la Républiquedu Nicaragua,

représentéepar
S. Exc. M. Carlos Argüello Gomez, ambassadeur,

comme agent et conseil,
M. Ian Brownlie, Q.C., F.B.A., professeur de droit international public à
l'universitéd'Oxford, titulaire de la chaire Chichele,Fellowde l'Al1Souls

College,Oxford,
l'honorableAbram Chayes, professeur àla facultéde droit de Harvard, titu-
laire de la chaire Felix Frankfurter,owde 1'AmericanAcademyof Arts
and Sciences,
M.Alain Pellet,professeur àl'université deParis-Nord etàl'Institut d'études
politiques de Paris,
M. Paul S. Reichler, Reichler and Appelbaum, Washington, D.C., avocat
à la Cour suprêmedes Etats-Unis, membre du barreau du district de

Columbia,
comme conseilset avocats,

M. Augusto Zamora Rodriguez, conseillerjuridique du ministère desaffaires
étrangèresde la Républiquedu Nicaragua,
MmeJudith C. Appelbaum, Reichler and Appelbaum, Washington, D.C.,
membre du barreau du district de Columbia et du barreau de 1'Etatde
Californie,
M. Paul W. Khan, Reichler and Appelbaum, Washington, D.C., membre du
barreau du district de Colombia,

comme conseils,the United States of America,

represented by
Hon. Davis R. Robinson, Legal Adviser, United States Department of
State,

as Agent and Counsel,
Mr. Daniel W. McGovern, Principal Deputy Legal Adviser, United States
Department of State,
Mr. Patrick M.Norton, Assistant LegalAdviser,United StatesDepartment of
State,

as Deputy-Agents and Counsel,
Mr. Ted A. Borek, Assistant Legal Adviser, United States Department of
State,
Mr. MyresS.McDougal,SterlingProfessorof LawEmeritus, Yale University,
Yale Law School, New Haven, Connecticut ;Distinguished Visiting Pro-

fessor of Law, New York Law School, New York, New York,

Mr. John Norton Moore, Walter L. Brown Professor of Law, University of
Virginia Schoolof Law, Charlottesville, Virginia,

Mr. Fred L. Morrison, Professor of Law, the Law Schoolof the Universityof
Minnesota, Minneapolis, Minnesota,
Mr. Stefan A. Riesenfeld, Professor of Law, Universityof California, School
of Law, Berkeley,California, and Hastings Collegeof the Law, San Fran-
cisco, California,
Mr. Louis B. Sohn. Woodruff Professorof International Law, University of

Georgia Schoolof Law,Athens,Georgia ; BemisProfessorof International
Law Emeritus, Harvard Law School, Cambridge, Massachusetts,

as Counsel,

Ms. Frances A. Armstrong, Attorney-Adviser, Officeof the Legal Adviser,
United States Department of State,
Mr. Michael J. Danaher, Member of the Bar of the State of California,
Ms.Joan E.Donoghue, Attorney-Adviser, Officeof the LegalAdviser,United
States Department of State,
Ms. Mary W. Ennis, Attorney-Adviser, Officeof the Legal Adviser, United
States Department of State,
Mr. Peter M. Olson, Attorney-Adviser, Officeof the Legal Adviser, United
States Department of State,

Mr. Jonathan B. Schwartz, Attorney-Adviser, Officeof the Legal Adviser,
United States Department of State,
Ms.Jamison M. Selby,Attorney-Adviser, Officeof the Legal Adviser,United
States Department of State,
Mr. GeorgeTaft, Attorney-Adviser, Officeofthe LegalAdviser,United States
Department of State,
Ms. Gayle R. Teicher, Attorney-Adviser, Officeof the LegalAdviser, Ucited
States, Department of State,

as Attorney-Advisers.les Etats-Unis d'Amérique,

représentéspar
l'honorable DavisR. Robinson, conseillerjuridique, département d'Etat des
Etats-Unis,

comme agent et conseil,
M. Daniel W. McGovern, premier conseillerjuridique adjoint, département
d'Etat des Etats-Unis,
M. Patrick M. Norton, assistant du conseillerjuridique, départementd'Etat
des Etats-Unis,

comme agents adjoints et conseils,
M. Ted A. Borek, conseillerjuridique adjoint, départementd'Etat des Etats-
Unis,
M. Myres S. McDougal, professeur de droit emeritus, titulaire de la chaire
Sterling, facultéde droit de l'université Yale, New Haven, Connecticut,
Disfinguished VisitingProfessorofLaw, facultéde droit de New York, New

York,
M. John Norton Moore, professeur de droit, titulaire de la chaire Walter
L. Brown, faculté de droit à l'université de Virginie, Charlottesville,
Virginie,
M. Fred L. Morrison, professeur de droit, facultéde droit de l'universitédu
Minnesota, Minneapolis, Minnesota,
M. Stefan A. Riesenfeld, professeur à la facultéde droit de l'université de
Californie, Berkeley,Californie, et à la faculté de droit Hastings, San
Francisco, Californie,
M. Louis B. Sohn, professeur de droit international, titulaire de la chaire
Woodruff, facultéde droit de l'université deGéorgie,Athens, Géorgie,

professeuremeritusde droit international, chaire Bemis,facultéde droit de
l'université Harvard,Cambridge, Massachusetts,
comme conseillers,

MmeFrances A.Armstrong, avocat-conseiller,bureau du conseillerjuridique,
départementd'Etat des Etats-Unis,
M. Michael J. Danaher, membre du barreau de 1'Etatde Californie,
MmeJoan E. Donoghue, avocat-conseiller, bureau du conseillerjuridique,
départementd'Etat des Etats-Unis,
MmeMary W. Ennis, avocat-conseiller,bureau du conseillerjuridique, dépar-
tement d'Etat des Etats-Unis,
M. Peter M. Olson, avocat-conseiller,bureau du conseillerjuridique, dépar-
tement d'Etat des Etats-Unis,
M. Jonathan B. Schwartz, avocat-conseiller,bureau du conseillerjuridique,
départementd'Etat des Etats-Unis,

MmeJamison M. Selby, avocat-conseiller, bureau du conseiller juridique,
départementd'Etat des Etats-Unis,
M. George Taft, avocat-conseiller, bureau du conseillerjuridique. départe-
ment d'Etat des Etats-Unis,
MmeGayle R. Teicher, avocat-conseiller, bureau du conseiller juridique,
départementd'Etat des Etats-Unis,
comme avocats-conseillers,395 MILITARYAND PARAMILITARYACTIVITIES(JUDGMENT)

composed as above,

delivers thefollowing Judgment
1. On 9 April 1984 the Ambassador of the Republic of Nicaragua to the
Netherlands filed in the Registry of the Court an Application instituting pro-

ceedingsagainst theUnited States of Americain respect of a dispute concerning
responsibility for military and paramilitary activitiesin and against Nicaragua.
In order to found thejurisdiction of the Court the Application relied on decla-
rations made by the Parties accepting the compulsoryjurisdiction of the Court
under Article 36 of its Statute.
2. Pursuant to Article 40,paragraph 2, of the Statute, the Application was at
once communicated to the Government of the United States of America. In
accordance with paragraph 3 of that Article, al1other States entitled to appear
before the Court were notified of the Application.
3. At the same time as the Application was filed,the Republic of Nicaragua
alsofileda request for the indication ofprovisionalmeasuresunder Article41of

the Statute. Bya letter from the United StatesAmbassador at The Hague to the
Registrar dated 13April 1984,and in the courseof the oral proceedings heldon
the requestby Nicaragua for the indication of provisional measures,the United
States ofAmerica contended (interalia) that the Court waswithoutjurisdiction
to deal with the Application, and requested that the proceedings be terminated
by the removal of the case from the list. By an Order dated 10 May 1984,the
Court rejected the request of the United States for removal of the casefrom the
list, indicated, pending its final decision in the proceedings, certain provisional
measures,and decidedthat, until theCourt deliversitsfinaljudgment in thecase,
it would keep the matters covered by the Order continuously under review.
4. By the said Order of 10 May 1984, the Court further decided that the
written proceedingsin the caseshould first be addressed to the questions of the

jurisdiction of the Court to entertainthe dispute and of the admissibilityof the
Application. Byan Order dated 14May 1984,the President of the Court fixed
time-limits for the filing of a Memorial by the Republic of Nicaragua and a
Counter-Memorial by the United States of America on the questions ofjuris-
diction and admissibility and these pleadings wereduly filed within the time-
limits fixed.
5. In the Memorial, theRepublic ofNicaragua contended that, in addition to
the basis of jurisdiction relied on in the Application, a Treaty of Friendship,
Commerce and Navigation signedby the Parties in 1956provides an indepen-
dent basis forjurisdiction under Article 36, paragraph 1,of the Statute of the
Court.

6. On 15August 1984,prior to the closure of the written proceedings on the
questions ofjurisdiction and admissibility, the Republic of El Salvador filed a
Declaration of Intervention in the caseunder Article63of the Statute. In aletter
from the Agent of El Salvador dated 10 September 1984,which El Salvador
requested should be considered as a part of its Declaration of Intervention, El
Salvadorstated that, if the Court weretofind that ithasjurisdiction and that the
Application is admissible,it reservedtheright "in alater substantivephaseof the
caseto address the interpretation and application of the conventionsto which it
is a party relevant to that phase". Having beensupplied with the written obser- ainsi composée,

rend Iarrêtsuivant :
1. Le9avril 1984l'ambassadeurde la Républiquedu Nicaragua aux Pays-Bas

a déposé au Greffe de la Cour une requêteintroduisant une instance contre les
Etats-Unis d'Amériqueau sujet d'un différendrelatif à la responsabilité encou-
rue du fait d'activités militaireset paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci.
La requêteindique, comme fondement de la compétencede la Cour, les décla-
rations par lesquelleslesParties ont acceptélajuridiction obligatoirede la Cour
en application de l'article 36 de son Statut.
2. Conformément à l'article 40,paragraphe 2, du Statut, la requête a été
immédiatement communiquéeau Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique.
Conformémentau paragraphe 3 du même article, lesautres Etats admis à ester

devant la Cour ont été informéd se la requête.
3. En même tempsque sa requête la République du Nicaragua a déposé une
demande en indication de mesures conservatoires en vertu de l'article 41 du
Statut. Dans une lettre du 13avril 1984,adresséepar l'ambassadeur des Etats-
Unis d'Amérique à La Haye au Greffier, et au cours de la procédure orale sur la
demande en indication de mesures conservatoires du Nicaragua, les Etats-Unis
d'Amériqueont soutenu en particulier que la Cour n'avait pas compétencepour
connaître de la requêteet demandéqu'il soit misfin à la procédureen rayant
l'affairedu rôle.Par ordonnance prise le 10mai 1984la Cour arejetéla demande
des Etats-Unis d'Amériquetendant à ce que l'affairesoit rayéedu rôle, indiqué

certaines mesuresconservatoires et décidéque,jusqu'à cequ'ellerende son arrêt
définitif enl'espèce,elle demeurerait saisie des questions faisant l'objet de
l'ordonnance.
4. La Cour a décidé en outre par cette mêmeordonnance du 10mai 1984que
lespiècesécritesporteraient d'abord surlaquestion de lacompétencede la Cour
pour connaître du différend et surcelle de la recevabilitéde la requête. Par
ordonnance du 14mai 1984lePrésidentde la Cour a fixéladate d'expiration des
délaispour le dépôt d'unmémoirede la République du Nicaragua et d'un
contre-mémoiredes Etats-Unis d'Amériquesur les questions de compétence et
de recevabilité. Ces piècesont étédûment déposéesdans les délais ainsi

fixés.
5. La République du Nicaragua a affirmédans son mémoire qu'enplus de la
base de compétenceinvoquée dansla requête untraitéd'amitié,de commerceet
de navigation signé en1956par les Parties constitue un titre indépendant de
compétence en vertude l'article 36, paragraphe 1, du Statut de la Cour.

6. Le 15août 1984,avant l'expirationdu délaiimparti pour laprésentation des
piècesde la procédure écriterelatives à la compétenceet àla recevabilité,la
Républiqued'ElSalvadoradéposé une déclarationd'interventionenl'affaire sur

labasedel'article63du Statut. Dans unelettrede l'agentd'El Salvadordatéedu
10 septembre 1984, qu'El Salvador a demandé de considérer comme partie
intégrantedesa déclaration d'intervention,il étaitdit que, sila Cour sedéclarait
compétenteetjugeait larequêterecevable, ElSalvador seréservait ledroit,<<à la
faveurd'une phaseultérieuresurlefond de l'affaire,de sefaire entendreau sujet
de l'interprétation etde l'application des conventions auxquelles il est partie etvations of the Parties on the Declaration pursuant to Article 83of the Rules of
Court, the Court, by an Order dated 4 October 1984,decided not to hold a
hearing on the Declaration of Intervention, and decided that that Declaration
was inadmissible inasmuch as it related to the current phase of the proceed-
ings.
7. On 8-10and 15-18October 1984the Court held public sittings at which it
was addressed by the following representatives of the Parties : -

For Nicaragua : H.E. Mr. Carlos Argüello Gomez,
Hon. Abram Chayes,
Mr. Ian Brownlie,
Mr. Paul S. Reichler,

Mr. Alain Pellet.
For the UnitedStates of America : Hon. Davis R. Robinson,
Mr. Patrick M. Norton,
Mr. Myres McDougal,
Mr. Louis B. Sohn,
Mr. John Norton Moore.

8. In the course of the written proceedings the following Submissions were
presented by the Parties :

On behalf of Nicaragua,

at the end of the Memorial
"Nicaragua subrnits that:

A. Thejurisdiction of the Court to entertain the dispute presented in the
Application isestablishedbythe termsofthedeclaration ofNicaragua of 24
September 1929 under Article 36 (5) and the declaration of the United
States of 14August 1946 under Article 36 (2) of the Statute of the Inter-
national Court of Justice.
B. Nicaragua's declarationof24September 1929isinforce asavalidand
binding acceptance of the compulsory jurisdiction of the Court.

C. The attempt by the United States to modify or terminate theterms of
its declaration of 14 August 1946 by a letter dated 6 April 1984 from

Secretary of State George Shultz to the Secretary-General of the United
Nations was ineffective to accomplish either result.
D. The Court has jurisdiction under Article XXIV (2) of the Treaty of
Friendship, Commerce and Navigation between the United States and
Nicaragua of 24May 1958overclaimspresentedby thisApplication falling
within the scope of the Treaty.
E. The Court is not precluded from adjudicating the legal dispute pre-
sented in the Application by any considerations of admissibility and the
Application is admissible."

On behalf of the UnitedStates of America,

at the end of the Counter-Memonal :
"May itplease the Court,on behalf of the United States of America, to
adjudge and declare, for each and al1of the foregoing reasons, that thequi auraient trait àcette phase ))Au vu des observations écritesque les Parties
ont présentées au sujed te cette déclaration conformément à l'article 83du
Règlement,la Cour,par ordonnance du 4 octobre 1984,a décidé de ne pas tenir
audiencesur la déclaration d'intervention et décidé enoutre quecettedéclaration

était irrecevableence qu'elle serapportait àla phase de l'instance encours.
7. Au cours d'audiencespubliques tenues du 8 au 10et du 15au 18octobre
1984la Cour a entendu les représentantsci-aprèsdes Parties :
Pour la Républiquedu Nicaragua : S. Exc. M. Carlos Argüello Gomez,

l'honorable Abram Chayes,
M. Ian Brownlie,
M. Paul S. Reichler,
M. Alain Pellet.
Pour les Etats-Unis #Amérique : l'honorable Davis R.Robinson,

M. Patrick M. Norton,
M. Myres McDougal,
M. Louis B. Sohn,
M. John Norton Moore.

8. Dans laprocédureécrite, les conclusionsci-aprèsont été présentéep sar les
Parties :

Au nom de la Républiquedu Nicaragua,
à la fin du mémoire :

((le Nicaragua présenterespectueusement à la Cour les conclusions sui-
vantes :
A. La compétencede la Cour pour connaître du différend exposé dans
la requêteest établiepar les termes de la déclaration du Nicaraguadu
24 septembre 1929,en vertu de l'article 36, paragraphe 5, du Statut de la

Cour internationale de Justice, et par ceuxde la déclaration desEtats-Unis
du 14août 1946,en vertu de l'article 36, paragraphe 2, dudit Statut.
B. La déclaration duNicaragua du 24 septembre 1929est en vigueuren
tant qu'acceptation régulièreet contraignante de lajuridiction obligatoire
de la Cour.
C. La tentative des Etats-Unis pour modifier les termes de leur décla-
ration du 14août 1946ou pour y mettre fin par la lettre en datedu 6 avril
1984du secrétaired'Etat George Shultz au Secrétairegénérad le l'organi-
sation des Nations Unies est de nul effet à l'une et l'autre fin.

D. En vertu de l'article XXIV, paragraphe 2, du traité d'amitié,de
commerceet de navigation entre les Etats-Unis et leNicaragua, du 24mai
1958,la Cour est compétentepour connaître des demandes figurant dans la
présente requête qurielèventde ce traité.
E. Aucuneconsidérationde recevabiliténefait obstacleau pouvoir dela
Cour de statuer sur ledifférendd'ordrejuridique exposédans la requête,et
ladite requêteest recevable. )>

Au nom des Etats-Unis d'Amérique,

à la fin du contre-mémoire :
<<Plaise àla Cour dire etjuger,par les motifs qui précèdent,tant séparés
queconjoints,quelesdemandes formuléesdansla requêtedu Nicaragua du397 MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVITIES (JUDGMENT)

claimssetforthinNicaragua'sApplicationof9April1984(1)arenotwithin
thejurisdictionof this Court and (2) are inadmissible."

9. In the course of the oral proceedings thefollowing Submissionswere
presentedby the Parties :
On behalf of Nicaragua

(hearingof 10October 1984) :
"Maintaining theargumentsand submissionscontained intheMemorial
presented on 30 June 1984and also the arguments advancedin the oral
hearings onbehalf of Nicaragua :

The Governmentof Nicaragua requeststhe Court to declarethatjuris-
diction existsin respect of the Applicationof Nicaragua filed on 9 April
1984,and that the subject-matterof the Applicationis admissiblein its
entirety."
On behalfof the UnitedStates of Arnerica,

(hearingof 16October 1984) :
"Mayit pleasethe Court, on behalfof the United Statesof America,to
adjudgeand declare,for each andal1of the reasons presentedin the oral
argumentofthe United Statesandin the Counter-Memorialof the United
Statesof 17August 1984,that the claimsset forth in Nicaragua's Appli-
cationof9Apnl 1984,(1)arenot withinthejurisdictionoftheCourt and (2)
are inadmissible."

10. In accordancewithArticle60,paragraph 2,oftheRulesofCourt, thetwo
Partiescornrnunicatedto the Court the writtentextof theirfinal submissionsas
set out above.

11. The present caseconcerns a dispute between theGovernment of the
Republic of Nicaragua and the Government of the United States of
America occasioned, Nicaragua contends, by certain military and para-
military activities conducted inNicaragua and in thewaters off its coasts,
responsibility for which isattributed byNicaragua totheUnited States. In
thepresent phase the case concerns thejurisdiction of the Court to enter-
tain and pronounce upon this dispute, and the admissibility of the Appli-
cation by which it was brought before the Court. The issue being thus
limited, the Court willavoid not only al1expressions of opinion on matters
ofsubstance, butalso any pronouncement which might prejudge or appear
to prejudge any eventual decision on the merits.
12. To found the jurisdiction of the Court in the present proceedinps.

Nicaraguain itsApplication relied on Article 36of the Statute of theCourt
and the declarations, described below, made by the Parties accepting
compulsoryjurisdiction pursuant to that Article. In its Memorial, Nica-
ragua, relyingon areservation contained in itsApplication (para. 26)of the
right to "supplement or to amend this Application", also contended that 9 avril 1984: 1) ne relèventpas de la compétencede la Cour ; 2) sont
irrecevables.

9. Dans la procédure orale,lesconclusionsci-aprèsont été présentép esr les
Parties :

Au nom de la Républiquedu Nicaragua,

à l'audience du 10octobre 1984 :
«Réitérantles arguments et conclusions figurant dans le mémoiredu
30 juin 1984 ainsi que les arguments avancésen plaidoirie au nom du
Nicaragua :

LeGouvernementduNicaraguaprielaCourdedirequ'elleacompétence
pour connaître de la requêteintroduite par le Nicaragua le 9 avril 1984et
que ladite requêteest recevabledans tous ses chefs de demande. ))

Au nom des Etats-Unis d'Amérique,

à l'audiencedu 16octobre 1984 :
Plaise à la Cour dire et juger que, par les motifs tant séparés que

conjoints exposésdans Iesplaidoiries des Etats-Unis et dans leur contre-
mémoiredu 17août 1984,les demandes formuléesdans la requête nicara-
guayennedu 9avril 1984 : 1)ne relèventpas de lacompétencede laCour et
2) sont irrecevables.1)

10. Conformément à l'article60,paragraphe 2,du Règlement, lesdeuxParties
ont communiqué à la Cour le texte écritde leurs conclusions finales, telles
qu'énoncéep slus haut.

11. La présenteaffaire portesur un différendentre le Gouvernement de
la République du Nicaragua et le Gouvernement des Etats-Unis d'Amé-
rique résultant, selon le Nicaragua, d'activités militaires et paramilitaires

menéesau Nicaragua et dans leseaux au large de ses côtes, activitésdont le
Nicaragua impute la responsabilité aux Etats-Unis. En la phase actuelle,
elle concerne la compétence de la Cour pour connaître du différend et le
trancher, ainsi que la recevabilité de la requêtepar laquelle la Cour a été
saisie. La question étant ainsi limitée,la Cour s'abstiendra non seulement

d'exprimer une opinion sur des points de fond, mais aussi de se prononcer
d'une manière qui pourrait préjuger ou paraître préjuger toute décision
qu'elle pourrait rendre sur le fond.
12. Pour établir la compétence de la Cour en la présente instance, le

Nicaragua s'estfondé,dans sa requête,sur l'article 36 du Statut de la Cour
et sur les déclarations, examinées ci-après, acceptant la juridiction obli-
gatoire en vertu de cet article (requête,préambule et par. 13). Rappelant
qu'il avait réservédans sa requête(par. 26) le droit de compléter ou
modifier celle-ci, le Nicaragua a soutenu d'autre part dans son mémoirethe Court hasjurisdiction under Article XXIV,paragraph 2,of a Treaty of
Friendship, Commerce and Navigation between the Parties signed at
Managua on 21 January 1956.
13. Article 36, paragraph 2, of the Statute of the Court provides
that :

"The States parties to the present Statute may at any time declare
that they recognize as compulsory ipso facto and without special
agreement, in relation to any other State accepting the same obliga-
tion, thejurisdiction of the Court in al1legal disputes concerning :

(a) the interpretation of a treaty ;
(b) any question of international law :
(c) the existenceof any fact which. if established. would constitute a
breach of an international obligation :
(d) the nature or extent of thereparation to be madefor thebreach of
an international obligation."

The United States made a declaration. pursuant to this provision. on 14
August 1946,'containingcertain reservations. to be examined below. and
expressed to
"remain in force for a period of five years and thereafter until the
expiration of six months after notice may be given to terminate this
declaration".

On 6 April 1984 the Government of the United States of America de-
posited with theSecretary-General of the United Nations a notification.
signed by the United States Secretary of State. Mr. George Shultz. refer-
ring to the Declaration deposited on 26 August 1946.and stating that :

"the aforesaid declaration shallnot applyto disputeswith any Central
American State or arising out of or related to events in Central
America. any of which disputes shall besettled in such manner as the
parties to them may agree.
Notwithstanding the terrns of the aforesaid declaration. this pro-
viso shall take effect immediately and shall remain in force for t\vo
years, so as to foster the continuing regional dispute settlement pro-
cess which seeksa negotiated solution to the interrelated political.
economic and security problems of Central America."

This notification will be referred to. for convenience. as the "1984 noti-
fication".
14. In order to be able to rely upon the United States Declaratio~lof
1946tofoundjurisdiction inthepresent case.Nicaraguahas to sho\vthat it
isa "State accepting the sameobligation" within themeaningofArticle 36.
paragraph 2. of the Statute. For this purpose. Nicaragua relies on aque la Cour a compétence envertu de l'article XXIV,paragraphe 2, d'un
traité d'amitié,de commerce et de navigation entre les Parties signéle
21janvier 1956 à Managua.
13. L'article 36, paragraphe 2, du Statut de la Cour dispose :

<Les Etats parties au présent Statut pourront, à n'importe quel
moment,déclarerreconnaître commeobligatoire deplein droit et sans
convention spéciale, à l'égardde tout autre Etat acceptant la même
obligation, la juridiction de la Cour sur tous les différends d'ordre
juridique ayant pour objet :

a) l'interprétation d'un traité ;
b) tout point de droit international ;
c) la réalitéde tout fait qui, s'ilétaitétabli, constituerait la violation
d'un engagement international ;

d) la nature ou l'étenduede la réparation due pour la rupture d'un
engagement international. ))
En vertu de cette disposition, les Etats-Unis ont fait, le 14août 1946,une

déclarationcomportant des réserves,qui seront examinéesplus loin, où il
étaitprécisé :
<(cette déclaration demeure en vigueur pour une duréedecinq ans ...
ellereste envigueurde plein droitjusqu'à l'expiration d'undélaide six

mois à compter de la dateoù notification est donnéede l'intention d'y
mettre fin ».
Le 6 avril 1984,le Gouvernement des Etats-Unis d'Amériquea déposé

auprès du Secrétairegénéralde l'organisation des Nations Unies une
notification signéepar le secrétaired'Etat, M. George Shultz, qui se réfé-
rait à la déclaration déposée le 26 août 1946et stipulait :
((queladitedéclarationne serapasapplicableauxdifférends avecl'un

quelconque des Etats de l'Amériquecentrale ou découlant d'événe-
ments en Amérique centrale ou s'y rapportant, tous différendsqui
seront réglésde la manière dont les parties pourront convenir.
Nonobstant lestermes de ladéclaration susmentionnée,laprésente
notification prendra effet immédiatement et restera en vigueur pen-
dant deux ans, de manière à encourager le processus continu de
règlementdes différendsrégionauxqui vise à une solution négociée

des problèmes interdépendants d'ordre politique, économiqueet de
sécurité qui se posenten Amérique centrale. )>
Pour plus de commodité, cette notification sera dénomméeci-après la
<<notification de 1984 o.

14. Afin de pouvoir invoquer la déclaration américaine de 1946 de
manière à établir la compétencede la Cour dans la présenteespèce,le
Nicaragua doit prouver qu'ilest un Etat acceptant la mêmeobligation ))
au sens de l'article 36, paragraphe 2, du Statut. A cet effet, le Nicaragua Declaration made by it on 24 September 1929 pursuant to Article 36,
paragraph 2, of the Statute of the Permanent Court of International
Justice. That Article provided that :

"The Members of the League of Nations and the Statesmentioned
in theAnnex to theCovenant may,either when signingorratifyingthe
Protocol to which the present Statute is adjoined, or at a later
moment, declare that they recognize as compulsory ipso facto and
without special agreement, in relation to any other Member or State
accepting the same obligation, thejurisdiction of the Court"
in any of the same categories of dispute as listed in paragraph 2 of Article
36 of the Statute of the postwar Court, set out above. Nicaragua relies

further on paragraph 5 of Article 36 of the Statute of the present Court,
whch provides that :
"Declarations made under Article 36 of the Statute of the Perma-
nent Court of International Justice and which are stillin force shallbe
deemed, as between the parties to the present Statute, to be accep-
tances of the compulsory jurisdiction of the International Court of
Justice for the period which they still have to run and in accordance
with their terms."

15. The circumstances of Nicaragua's Declaration of 1929were as fol-
lows.The Members of the Leagueof Nations(and the Statesmentioned in
the Annex to the League of Nations Covenant) were entitled to sign the
Protocol of Signature of the Statute of the Permanent Court of Interna-
tional Justice, which wasdrawn up at Geneva on 16December 1920.That
Protocol provided that it was subject to ratification, and that instruments
of ratification were to be sent to the Secretary-General of the League
of Nations. On 24 September 1929, Nicaragua, as a Member of the
League, signed this Protocol and made a declaration under Article 36,
paragraph 2, of the Statute of the Permanent Court which read :

[Translation from the French]
"On behalf of the Republic ofNicaragua 1recognizeas compulsory
unconditionally thejurisdiction of the Permanent Court of Interna-
tional Justice.

Geneva, 24 September 1929.
(Signed) T. F. MEDINA."

16. According to the documents produced by both Parties before the
Court,on 4 December 1934,aproposa1for theratification of (interalia)the
Statute of the Permanent Court of International Justice and of the Proto-
col of Signature of 16 December 1920 was approved by the "Ejecutivo"
(executive power) of Nicaragua. On 14 February 1935, the Senate of
Nicaragua decided to ratify theseinstruments, its decision beingpublished
in La Gaceta,the Nicaraguan officia1journal, on 12June 1935,and on 11
July 1935the Chamber of Deputies of Nicaragua adopted a similar deci-invoque la déclarationqu'ila faite le 24 septembre 1929en application de
l'article 36, paragraphe 2, du Statut de la Cour permanente de Justice

internationale, aux termes duquel :
<Les Membres de la Sociétéet Etats mentionnés à l'annexe au
Pacte pourront, soit lors de la signature ou de la ratification du
Protocole, auquel leprésentActe estjoint, soit ultérieurement,décla-

rer reconnaître dès àprésentcomme obligatoire, de plein droit et sans
convention spéciale,vis-à-visdetoutautre Membre ou Etat acceptant
la mêmeobligation, lajuridiction de la Cour ))
pour en fait toutes les catégoriesde différendsénumérée sl'article 36 du
Statut de la Cour instituéeaprèsla guerre qui ont étécitées ci-dessus.Le

Nicaragua invoque en outre l'article 36, paragraphe 5, du Statut de la
présente Cour,lequel dispose que :
Lesdéclarationsfaitesen application del'article36du Statutde la
Cour permanente de Justice internationalepour une durée quin'est
pas encore expiréeseront considéréesd , ans les rapports entre parties

au présent Statut, comme comportant acceptation de la juridiction
obligatoire dela Courinternationalede Justice pour la duréerestant à
courir d'après ces déclarations et conformément àleurs termes. ))
15. La déclaration nicaraguayenne de 1929a étéfaitedans les circons-

tances suivantes. Les Membres de la Sociétédes Nations et les Etats
mentionnés dans l'annexe au Pacte de la Sociétédes Nations étaient
habilitésà signerleprotocole de signaturedu Statut dela Courpermanente
deJustice internationale établi àGenèvele16décembre1920.Leprotocole
stipulait qu'il serait ratifiéet que chaque Puissance adresserait sa ratifi-
cation au Secrétariatgénéralde la Société des Nations. Le 24 septembre
1929,en sa qualitéde Membre de la Société des Nations, le Nicaragua a
signéleprotocole etfait, en vertu de l'article36,paragraphe 2,du Statutde
la Cour permanente, une déclaration ainsi libellée :

<Au nom de la République de Nicaragua je déclare reconnaître
commeobligatoireet sans condition lajuridiction de la Cour perma-

nente de Justice internationale.
Genève, le24 septembre 1929.

(Signé) T. F. MEDINA.
16. Il ressort des documents produits par les deux Parties devant la
Cour que, le 4 décembre1934,une proposition concernantnotamment la
ratification du Statut de laCourpermanentede Justice internationale etdu
protocole de signature du 16décembre1920aétéapprouvép ear 17Ejecutivo

(l'exécutif) nicaraguayen. Le 14 février1935, le Sénatdu Nicaragua a
décidéde ratifier ces instruments et sa décisiona étépubliéedans La
Gaceta,journal officieldu Nicaragua, le 12juin 1935 ;le 1ljuillet 1935,la
Chambre desdéputésdu Nicaragua apris une décisiondans lemême sens, sion,sirnilarlypublished on 18September 1935.On 29November 1939,the
Ministry of ExternalRelations of Nicaragua sentthe following telegram to
the Secretary-General of the League of Nations :

"ESTATUTO Y PROTOCOLO CORTE PERMANENTE JUSTICIA INTERNA-
CIONAL LA HAYA YA FUERON RATIFICADOS PUNTO ENVIARSELE OPOR-
TUNAMENTE INSTRUMENT0 RATIFICACION-RELACIONES."

[Translation]
(Statute and Protocol Permanent Court International Justice The
Hague have already been ratified. Willsend you in due courseInstru-
ment Ratification. Relations.)

The files of the League of Nations however contain no record of an
instrument ofratification everhaving been received.No evidencehas been
adduced before the Court to show that such an instrument of ratification
was everdespatched to Geneva. On 16December 1942,the Acting Legal
Adviser of the Secretariat of the League of Nations wrote to the Foreign
Minister of Nicaragua topoint outthathe had not receivedthe instrument

of ratification "dont ledépôtest nécessairepourfairenaître effectivement
l'obligation" (the deposit of which is necessary to cause the obligation to
come into effective existence). In the Nicaraguan Memorial, it was stated
that "Nicaragua never completed ratification of the old Protocol of Sig-
nature" ; at the hearings, the Agent of Nicaragua explained that the
records are veryscanty, and hewas therefore unable to certify thefacts one
wayor theother. He added howeverthat ifinstruments ofratification were
sent, they would most likelyhave been sent by sea, and, the Second World
War being then in progress, the attacks on commercial shipping may
explain why the instruments appear never to have arrived. After the war,

Nicaragua took part in the United Nations Conference on International
Organization at San Francisco and became an original Member of the
United Nations, having ratified the Charter on 6 September 1945 ;on 24
October 1945the Statute of the InternationalCourt of Justice, which is an
integral part of the Charter, came into force.
17. On the basis of these facts, the United States contends, first, that
Nicaragua never became a party to the Statute of the Permanent Court of
International Justice, and that accordingly it could not and did not make
an effective acceptance of the compulsory jurisdiction of the Permanent
Court ;the 1929acceptance was therefore not "still in force" within the

meaning of the Englishversion of Article 36,paragraph 5,of the Statute of
the present Court. In the contention of the United States,the expression in
the French version of the Statute corresponding to "still in force" in the
English text, namely "pour une durée quin'est pas encore expirée", also
requires that a declaration be binding under the Statute of the Permanent
Court in order to be deemed an acceptance of the jurisdiction of the
present Court under Article 36, paragraph 5, of its Statute.

18. Nicaragua does not contend that its 1929Declaration was in itselfelleaussi publiéele 18septembre 1935.Le 29 novembre 1939,le ministère

desrelations extérieuresdu Nicaragua a envoyéle télégrammesuivant à la
Sociétédes Nations :
<ESTATUTO Y PROTOCOLO CORTE PERMANENTE JUSTICIA INTERNA-
CIONAL LA HAYA YA FUERON RATIFICADOS PUNTO ENVIARSELE OPOR-

TUNAMENTE INSTRUMENT0 RATIFICACION-RELACIONES. >)
[Traduction]
(Statut et protocole Cour permanente Justice internationale La

Haye déjàratifiés.Instrument de ratification sera envoyé entemps
voulu. Relations.)
Les archives de la Sociétédes Nations ne renferment toutefois aucune
pièceattestant qu'un instrument de ratification eût étéreçu. La preuve

qu'un instrument de ratification avait bien étéenvoyé à Genèven'apas été
administrée.Le 16décembre1942,le conseillerjuridique par intérimdu
Secrétariatde la Société des Nations avait écritau ministre des relations
extérieuresdu Nicaragua pour lui signaler qu'il n'avaitpas reçu l'instru-
ment de ratification <<dont le dépôtest nécessairepour faire naître effec-
tivement l'obligation o. Dans le mémoiredu Nicaragua, il est indiquéque
le <Nicaragua n'ajamais parachevélaratification de l'ancienprotocole de
signature ));l'agentdu Nicaragua aexpliquéenplaidoirie que les archives
de son pays étaientfort peu fournies et qu'il ne pouvait êtreaffirmatif ni

dans un sens ni dans l'autre, ajoutant cependant que, siles instrumentsde
ratification ont étéenvoyés, ils l'ontprobablement étépar courrier mari-
time et que les événementsde la secondeguerre mondiale, alors en cours,
peuvent expliquer qu'apparemment les instruments ne sontjamais parve-
nus à destination. Aprèsla guerre,leNicaragua apris part à SanFrancisco
à la conférencedesNations Unies sur l'organisation internationale ;il est
devenu Membre originaire de l'organisation des Nations Unies, ayant
ratifiéla Charte le 6 septembre 1945 ;le 24 octobre 1945,le Statut de la

Cour internationalede Justice, qui fait partie intégrante de la Charte, est
entréen vigueur.
17. Sur la base de ces faits, les Etats-Unis allèguent d'abord que le
Nicaragua n'estjamais devenu partie au Statut de la Courpermanente de
Justice internationale et qu'il n'a par conséquentjamais acceptéeffecti-
vementlajuridiction obligatoire de laCour permanente, cequ'ilnepouvait
d'ailleurs faire; la déclaration d'acceptation de 1929 n'étaitpar consé-
quent pas << still in force)au sens de la version anglaise de l'article 36,
paragraphe 5, du Statut de la présente Cour. D'aprèsles Etats-Unis, l'ex-

pression <<pour une durée qui n'est pas encore expirée )) qui, dans la
version française du Statut, correspond à la formule << still in forc1)du
texte anglais, signifie elleaussi qu'une déclaration devait avoirforce obli-
gatoire en vertu du Statut de la Cour permanente pour être considérée
comme portant acceptation de lajuridiction de la présenteCour en vertu
de l'article 36, paragraphe 5, de son Statut.
18. Le Nicaragua ne prétend pasque sa déclarationde 1929ait été ensufficient to establish a binding acceptance of the compulsoryjurisdiction
of the Permanent Court of International Justice, for which it would have
been necessary that Nicaragua completethe ratification of the Protocol of
Signature of the Statute of that Court. It rejectshowever theinterpretation
ofArticle 36,paragraph 5,of the Statute of thepresent Court advanced by
the United States :Nicaragua argues that the phrase "which are still in

force" or "pour une durée qui n'est pas encore expirée" was designedto
exclude from the operation of the Article only declarations that had
already expired,and has no bearing whatever on a declaration, like Nica-
ragua's, that had not expired,but which, for somereason or another, had
not been perfected.Consistently with theintention of theprovision, which
in Nicaragua's view was to continue the pre-existingsituation as regards
declarations of acceptance of compulsoryjurisdiction, Nicaragua was in
exactlythe same situation under the new Statute as it wasunder the old. In
either case, ratification of the Statute of the Court would perfect its
Declaration of 1929. Nicaragua contends that the fact that this is the
correct interpretation of the Statute is borne out by the way in which the
Nicaraguan declaration was handled in the publications of the Court and
of the United Nations Secretariat ; by the conduct of the Parties to the
present case, and of the Government of Honduras, in relation to the
disputein 1957-1960between Honduras and Nicaraguain connection with

the arbitral award made by the King of Spain in 1906,which dispute was
eventuallydetermined by the Court ;by theopinions ofpublicists ;and by
the practice of the United States itself.

19. With regard to Nicaragua's reliance on the publications of the
Court, it may first be noted that in the Sixteenth Report (the last) of the
Permanent Court of International Justice, covenng the period 15 June
1939to 31 December 1945,Nicaragua was included in the "List of States
having signed the Optional Clause" (p. 358), but it was recorded on
another page (p. 50) that Nicaragua had not ratified the Protocol of
Signature of the Statute, and Nicaragua was not included in the list of
"States bound by the Clause" (i.e.,the Optional Clause)on the samepage.
The first Yearbook,that for 1946-1947,of the present Court contained
(p. 110) a list entitled "Members of the United Nations, other States
parties to the Statute and States to whch the Court is open. (An asterisk

denotes a State bound by the compulsoryjurisdiction clause)", and Nica-
ragua was included in that list, with an asterisk against it, and with a
footnote (common to several States listed) reading "Declaration made
under Article 36 of the Statute of the Permanent Court and deemed to be
still in force (Article 36, 5, of Statute of the present Court)". On another
page (p. 210), the text of Nicaragua's 1929Declaration was reproduced,
with the following footnote :

"According toa telegram dated November 29th, 1939,addressed to
the League of Nations, Nicaragua had ratified the Protocol of Sig-
nature of the Statute of the Permanent Court of International Justiceelle-mêmesuffisante pour constituer une acceptation de la juridiction
obligatoire de la Courpermanente de Justice internationalede nature à le

lier, car il aurait fallu, pour ce faire, qu'il parachève la ratification du
protocole de signature du Statut de ladite Cour. Il rejette toutefois l'in-
terprétation de l'article 36, paragraphe 5, du Statut de la présenteCour
avancéepar lesEtats-Unis :leNicaragua affirme que l'expression << which
are stillin force ou <(pour une duréequi n'estpas encore expirée )n'avait
qu'un but, exclure du champ d'application de l'article lesdéclarationsqui
étaientdéjàexpirées,et qu'ellen'a aucun effet surdes déclarations,comme
celledu Nicaragua, non encore venues à expiration et qui, pour une raison
quelconque, n'ont pas étéparachevées.Conformément à l'intention des

auteurs de la disposition qui, pour le Nicaragua, était de maintenir la
situation existante en ce qui concerne les déclarations d'acceptation de la
juridiction obligatoire, la situation du Nicaragua était strictement iden-
tique au regard du nouveau Statut à ce qu'elle était sous le régimede
l'ancien.Dans l'unetl'autre cas,laratification du Statutde la Cour rendait
parfaite sa déclaration de 1929.Pour le Nicaragua, le bien-fondéde son
interprétation du Statut sur ce point est confirmépar la façon dont les
publications de la Cour et du Secrétariat de l'organisation des Nations
Unies présententla déclaration nicaraguayenne ;parla conduite des Par-

tiesà laprésenteaffaireetpar celledu Gouvernement du Honduras lorsdu
différend intervenu en 1957-1960 entre le Honduras et le Nicaragua à
propos de la sentence arbitrale rendue par leroi d'Espagne en 1906,affaire
quiafinalement été tranchéepar la Cour ;par l'opinion despublicistes ;et
par la pratique des Etats-Unis eux-mêmes.
19. Ausujet desarguments que leNicaragua tire despublications de la
Cour, on noteratout d'abord que,dans leseizièmeetdernier rapport de la
Cour permanente de Justice internationale, portant sur la période du
15juin 1939au 31 décembre1945,le Nicaragua figurait au <<Tableau des

Etats ayant souscrit à la Disposition facultative ))(p. 348) ;une autre page
(p.43)indiquait cependantque leNicaragua n'avaitpasratifiéleprotocole
de signature du Statut, et le Nicaragua n'étaitpas mentionné parmi les
<Etats liés 1(par la disposition facultative), énuméré sla page suivante.
Lepremier Annuaire de la Cour actuelle, portant sur lapériode1946-1947,
contenait une liste intitulée Membres des Nations Unies, autres Etats
parties auStatut et Etats auxquelslaCour estouverte(L'astérisqueindique
que 1'Etatdont il s'agit est liépar la <Disposition facultative O) )),et le
Nicaragua y figurait avec un astérisqueet une note de bas de page (com-

mune à plusieurs des Etats énumérési)ndiquant :<<Déclaration faite en
application de l'article 36 du Statut de la Cour permanente et considérée
comme étant encore en vigueur (article 36, 5, du Statut de la présente
Cour) ))(p. 105).Sur une autre page, le texte de la déclarationde 1929du
Nicaragua était reproduit avec la note de bas de page suivante :

(<Suivant un télégramme du 29novembre 1939,adressé àla Société
des Nations, le Nicaragua avait ratifiéle Protocole de signature du
Statut de la Courpermanente de Justice internationale (16 décembre 402 MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVITIES (JCJDGMENT)

(December 16th, 1920), and the instrument of ratification was to
follow.Notification concerningthedeposit of the said instrumenthas
not, however, been received in the Registry."

The Yearbook 1946-1947 alsoincludesa list(p. 221)entitled "List of States
which have recognized the compulsoryjurisdiction of the International
Court of Justice or which are still bound by their acceptance of the
Optional Clause of the Statute of the Permanent Court of International
Justice(Article 36of theStatute of the InternationalCourt ofJustice)" and
this list includes Nicaragua (with a footnote cross-reference to the page
where its 1929Declaration is reproduced).
20. Subsequent Yearbooks of the Court, up to and including Z.C.J.
Yearbook 1954-1955, listNicaragua amongthe States with regard to which

there were "in force" declarations of acceptance of the compulsory juris-
diction of the Court, made in accordance with the terms either of the
Permanent Court of International Justice Statute or of the Statute of the
present Court (see,e.g., Yearbook 1954-1955, p. 39) ;however, a reference
was also given to the page of the Yearbook 1946-1947 at which the text of
Nicaragua's 1929Declaration was printed (ibid, p. 187).Nicaragua also
continued to be included in the list of States recognizing compulsory
jurisdiction (ibid., p. 195). In the Yearbook1955-1956, the reference to
Nicaragua in this list (p. 195)had a footnote appended to it reading as
follows :

"According to a telegram dated November 29th, 1939,addressed to
the League of Nations, Nicaragua had ratified the Protocol of Sig-
nature of the Statute of the Permanent Court of International Justice
(December 16th, 1920), and the instrument of ratification was to
follow.Itdoesnotappear, however,thattheinstrument of ratification
was ever received by the League of Nations."

A note to the sameeffect has been included in subsequent Yearbooksupto
the present time.
21. In 1968theCourt began thepractice, which has continued upto the
present time, of transmitting a Report to the General Assembly of the
United Nations for the past year. Each of these Reports has included a
paragraph recording thenumber of States which recognizethejurisdiction
of the Court as compulsory, and Nicaragua has been mentioned among
these. For a number of years the paragraph referred to such States as
having so recognized the Court's jurisdiction "in accordance with decla-
rations filed under Article 36, paragraph 2, of the Statute". No reference
has been madein theseReportsto the issueof ratification of theProtocol of
Signature of the Statute of the Permanent Court.

22. Nicaragua also places reliance on the references made to it in a
number ofpublications issued by the Secretariat of the United Nations, al1
of whch include it as a State whose declaration of acceptance of the
jurisdiction of the Permanent Court has attracted theoperation of Article
36,paragraph 5,of the Statute of the present Court. Thesepublications are 1920),l'instrument de ratification devant suivre. Cependant, ledépôt
de cet instrument n'a pas été notifié au Greffe. (P. 206.)

L'Annuaire 1946-1947comportait aussi une liste intitulée : ((Liste des
Etats qui ont reconnu comme obligatoire lajuridiction de la Cour inter-

nationale de Justice ou qui sont encore liéspar leur adhésion à la Dispo-
sitionfacultative du Statutde laCourpermanente deJustice internationale
(article 36 du Statut de la Cour internationale de Justice) (p. 217) où
figurait leNicaragua (avecune note de bas de page renvoyant à la page où
la déclaration de 1929étaitreproduite).
20. LesAnnuaires suivants de la Cour,jusques et y compris l'Annuaire
1954-1955,citent le Nicaragua parmi les Etats pour lesquels des déclara-
tions d'acceptation de lajuridiction obligatoire de la Cour, faites confor-
mémentaux termes du Statut de la Cour permanente de Justice interna-
tionale ou du Statut de la Cour actuelle, étaient en vigueur (voir par

exemple l'Annuaire 1954-1955,p. 35).Il est néanmoinsfait aussi référence
à la page de l'Annuaire 1946-1947où le texte de la déclaration nicara-
guayenne de 1929est reproduit (ibid.,p. 181).Le Nicaragua a également
continué à être inscrit surla liste des Etats reconnaissant la juridiction
obligatoire (ibid., p. 189). Dans l'Annuaire 1955-1956, la mention du
Nicaragua dans cette liste (à la page 188)s'accompagned'une note de bas
de page ainsi conçue :

<<Par télégrammedatédu 29 novembre 1939,adressé à la Société
des Nations, le Nicaragua avait ratifié le protocole de signature du
Statut de la Cour permanente de Justice internationale (16 décembre
1920), et l'instrument de ratification devait suivre. Cependant, il
semble que ledit instrument de ratification ne soitjamais arrivé à la
Sociétédes Nations. ))

Une note de mêmeeffet figure dans lesAnnuaires de la Cour qui ont suivi
jusqu'à aujourd'hui.
21. En 1968.la Cour a inaugurélapratique, poursuivie depuis lors, qui
consiste à présenterun Rapport àl'Assembléegénérale desNations Unies
pour l'annéeécoulée.On trouve dans chacun de ces Rapports un para-
graphe indiquant combien d'Etats reconnaissent actuellement comme
obligatoire lajuridiction de laCour,et leNicaragua y est compris. Pendant

plusieurs années,le mêmeparagraphe précisaitque les Etats en question
avaient acceptélajuridiction de la Cour <(en vertu de déclarationsdépo-
séesaux termes de l'article 36, paragraphe 2,du Statut D. Les Rapports ne
font aucune mention de la question de la ratification du protocole de
signature du Statut de la Cour permanente.
22. Le Nicaragua se fonde aussi sur le fait que son nom figure dans
diverses publications paraissant sous la responsabilité du Secrétariatde
l'organisation des Nations Unies, qui le citent toutes comme Etat dont la
déclarationd'acceptation de lajuridiction de la Cour permanente a fait
jouer l'article 36, paragraphe 5, du Statut de la Cour actuelle. Ces publi-403 MILITARY AND PARAMILITARY AC~VITIES (JUDGMENT)

the SecondAnnual Reportof the Secretary-General to theGeneral Assem-
bly ; the annual volume entitled Signatures, Ratifications, Acceptances,
Accessions,etc.,concerningtheMultilateral Conventions andAgreements in
respectof whichthe Secretary-General actsasDepositary ;the Yearbookof
the United Nations ;and certain ancillary officia1publications.
23. The United States contention asto these publications is, as to those
issuedby the Registry of the Court,that the Registry took great care not to
represent any of its listings as authoritative ; the United States draws
attention to the caveat in the Preface to the Z.C.J. Yearbookthat it "in no
way involves the responsibility of the Court", to the footnotes quoted in
paragraphs 19and 20 above, and to a disclaimer appearing for the first
time in the Yearbook 1956-19.57(p. 207) reading as follows :

"The textsofdeclarations setout in this Chapterare reproduced for

convenience of reference only.The inclusion of adeclarationmade by
any State should not be regarded as an indication of the view enter-
tained by the Registryor,afortiori,bytheCourt, regardingthenature,
scope or validity of the instrument in question."

It concludesthat it isclear that successiveRegistrars and the Yearbooksof
the Court never adopted, and indeed expressly rejected, Nicaragua's con-
tention as to the effect of Article 36,paragraph 5, of the Statute. Sofar as
the United Nations publications are concerned, the United States points
out that where they cite their source of information, they invariably refer
to the Z.C.J. Yearbook, and none of them purport to convey any au-
thority.

24. In order to determine whether the provisions of Article 36, para-
graph 5, can have applied to Nicaragua's Declaration of 1929,the Court
must first establish the legal characteristics of that declaration and then
compare them with the conditions laid down by the text of that para-
graph.
25. So far as the characteristics of Nicaragua's declaration are con-
cerned, the Court notes that, at the time when the question of the appli-
cability of the new Statute arose, that is, on its corning into force, that
declaration was certainly valid, for under the system of the Permanent
Court of International Justice a declaration was valid on condition that it
had been made bya State "either when signingor ratifying" the Protocolof
Signature of the Statute "or at a later moment", whereas under thepresent
Statute, declarations under Article 36, paragraph 2, can only be made by
"States parties to the present Statute". Since Nicaragua had signed that
Protocol, its declaration concerning the compulsory jurisdiction of the

Permanent Court, which was not subject to ratification, was undoubtedlycations sont le second Rapport annuel du Secrétaire généra l l'Assemblée
générale ; le volume annuel intitulé Signatures, ratifications, acceptations,
adhésions, etc., relativesaux conventionset accords multilatérauxpour les-
quelsleSecrétairegénéraelxercelesfonctions dedépositaire ; l'Annuairedes
Nations Unies ; et certaines publications officielles secondaires.
23. La position desEtats-Unis au sujet decespublications estque, dans
cellesqui proviennent du Greffe de la Cour, celui-ciprendgrand soin dene
présenter aucune des listes comme faisant foi ; les Etats-Unis appellent
l'attention sur la mise en garde figurant dans la préface à l'Annuairede la
Cour selon laquelle celui-ci (<n'engage en aucune façon la Cour O, sur les

notes de bas de page citées auxparagraphes 19et 20 ci-dessus et sur un
texte apparaissant pour la première fois dans l'Annuaire 1956-1957
(p. 205), où il est dit:

<Les textes des déclarationsénoncéesdans ce chapitresont repro-
duits uniquement pour la commodité du lecteur. L'inclusion de la
déclarationémanantd'un Etat quelconque ne saurait êtreconsidérée
comme l'indication des vues du Greffe ni, à fortiori, cellesde la Cour,
sur la nature, la portée et la validité de l'instrument en question. ))

Ils en concluent qu'on voit ainsi nettement que les Greffiers et les An-
nuaires successifs de la Cour n'ont jamais adoptéet ont même expressé-
ment rejeté les thèsesdu Nicaragua sur l'effetde l'article 36,paragraphe 5,
du Statut. Pour ce qui est des publications des Nations Unies, les Etats-
Unis soulignent que, là où lessources sont citées,il s'agitinvariablement de
l'Annuaire de la Cour et qu'aucune de ces publications ne prétend faire
autorité.

24. Afin de déterminer si les dispositions de l'article 36, paragraphe 5,
ont pujouer au bénéfice de ladéclaration nicaraguayenne de 1929,la Cour
doit établir les caractéristiques juridiques de cette déclaration puis les
comparer aux conditions énoncéespar le texte de l'article en question.

25. S'agissant des caractéristiques de la déclaration du Nicaragua, la
Cour constate que celle-ci, au moment où se posait la question de l'ap-
plication du nouveau Statut, c'est-à-dire à son entrée en vigueur, était
certainement valide. En effet, dans le systèmede la Cour permanente de

Justice internationale, une déclaration était valide à condition qu'elle fût
faite par un Etat <<lors de la signature ou de la ratificatio>)du protocole
de signature du Statut, ou ultérieurement, alors que, sous le régimedu
Statut actuel, les déclarations en vertu de l'article 36, paragraphe 2, ne
peuvent êtrefaites que par (<les Etats parties au présent Statut D. Le
Nicaragua ayant signéleprotocole enquestion, sadéclaration relative àla
compétence obligatoire de la Cour permanente, qui n'étaitpas soumise à404 MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVITIES (JUDGMENT)

valid from the moment it was received by the Secretary-General of the
Leagueof Nations (cf. Right ofPassageoverIndian Territory,1. C.J. Reports
1957,p. 146).The Statute of thePermanentCourtdid not lay down any set
form or procedure to be followed for the making of such declarations, and
in practice a number of different methods were used by States. Neverthe-
less this declaration, though valid, had not become binding under the
Statute of the Permanent Court. It may begranted that the necessary steps
had been taken at national levelfor ratification of the Protocol of Signature
of the Statute. But Nicaragua has not been able to prove that it accom-
plished the indispensable step of sending its instrument of ratification to
the Secretary-General of the League of Nations. It did announce that the
instrument would be sent : but there isno evidence to showwhether it was.
Even after having been duly informed, by the Acting LegalAdviser of the

League of Nations Secretariat, of the consequences that this might have
upon its position vis-à-vis thejurisdiction of the Permanent Court, Nica-
ragua failed to take the one step that would have easily enabled it to be
counted beyond question as one of the States that had recognized the
compulsoryjurisdiction of the Permanent Court of International Justice.
Nicaragua has in effect admitted as much.
26. The Court therefore notes that Nicaragua, having failed to deposit
its instrument of ratification of the Protocol of Signature of the Statute of
the Permanent Court, was not a party to that treaty. Consequently the
Declaration made by Nicaragua in 1929had not acquired binding force
prior to such effect as Article 36, paragraph 5, of the Statute of the
International Court of Justice might produce.
27. However, whilethe declaration had not acquired binding force, it is
not disputed that it could have done so, for example at the beginning of
1945,if Nicaragua had ratified the Protocol of Signature of the Statute of
the Permanent Court. The correspondence brought to the Court's atten-

tion by the Parties, between the Secretariat of the League of Nations and
various Governments including the Government of Nicaragua, leaves no
doubt as to the fact that, at any time between the making of Nicaragua's
declaration and the day on which the new Court came into existence,ifnot
later, ratification of the Protocol of Signature would have sufficed to
transform the content of the 1929 Declaration into a binding commit-
ment ;no one would have asked Nicaragua to make a new declaration. It
follows that such a declaration as that made by Nicaragua had a certain
potential effect which could be maintained indefinitely. This durability of
potential effect flowed from a certain characteristic of Nicaragua's decla-
ration : being made "unconditionally", it was valid for an unlimited
period. Had itprovided, for example, that itwould apply for only fiveyears
to disputes arising after its signature, its potential effect would admittedly
have disappeared as from 24 September 1934.In sum, Nicaragua's 1929
Declaration was valid at the moment when Nicaragua became a party to
the Statute of the new Court ; it had retained its potential effect because

Nicaragua, which could have limited the duration of that effect, had
expressly refrained from doing so.ratification, était indubitablement valide dèssaréceptionpar le Secrétaire
générad l e la Sociétdes Nations (voir Droitdepassagesur territoire indien,
C. 1J. Recueil1957,p. 146).Le Statut de la Courpermanente ne prescrivait
pour ces déclarations aucune forme ou procédureparticulière, et dans la
pratique les Etats employaient des méthodes différentes. Toutefois cette
déclaration valide n'avait pas acquis force obligatoire en application du
Statut de la Cour permanente. Sans doute la Cour admet-elle que la
ratification du protocole de signature du Statut de la Courpermanente de
Justice internationale a fait l'objet des décisions nécessairessur le plan
interne. Mais le Nicaragua n'a pas étéen mesure de prouver qu'il s'était
acquitté de l'indispensable envoi de son instrument de ratification au
Secrétaire générad le la SociétédesNations. Il a certes annoncécet envoi.
Mais rien ne prouve que l'envoiait suivi. Dûment informépar leconseiller
juridique par intérimdu Secrétariatde la Sociétédes Nations des consé-
quences que ce fait pouvait avoir pour sa situation au regard de la com-

pétencede la Cour permanente, le Nicaragua n'a pas pris la seule mesure
qui lui aurait aisémentpermisd'être incontestablementcomptéaunombre
des Etats ayant accepté sajuridiction obligatoire. Cepoint a été admisen
fait par le Nicaragua.
26. La Cour constate donc que le Nicaragua, du fait qu'il n'a pas
déposé son instrumentde ratification du protocole de signature du Statut
de la Cour permanente de Justice internationale, n'étaitpas partie à ce
traité. En conséquence, la déclaration faite par le Nicaragua en 1929
n'avait pas acquis force obligatoire, antérieurement à l'effet éventuelde
l'article 36, paragraphe 5, du Statut de la Cour internationale de Justice.
27. Mais, sicettedéclaration n'avait pas acquiscette force obligatoire, il
n'est pas contesté qu'elle aurait pu l'acquérir,par exemple au début de
1945,si le Nicaragua avait ratifié leprotocole de signature du Statut de la
Cour permanente. La correspondance, que les Parties ont signalée à la
Cour, entre le Secrétariat de la Sociétédes Nations et divers gouverne-

ments dont celui du Nicaragua, ne laisse aucun doute sur le fait que, à
n'importe quelmoment depuis que le Nicaragua a fait sa déclaration et au
moinsjusqu'au jour où la nouvelle Cour a commencé à exister, une rati-
fication du protocole de signature aurait suffi à transformer en engage-
ment obligatoire le contenu de la déclarationde 1929 ; personne n'aurait
demandé au Nicaragua une déclaration nouvelle. Ainsi une déclaration
telle que celle du Nicaragua avait un certain effet potentiel pouvant être
maintenu indéfiniment. Cette permanence de l'effetpotentiel d'une décla-
ration découlait d'une certaine caractéristique propre à la déclaration du
Nicaragua :faite <purement et simplement D, elle était valablepour une
duréeillimitée. Eût-elle prévu,par exemple, qu'elle ne s'appliquait que
pendant cinq ans aux litiges nésaprèssa signature qu'on eût dû admettre
qu'à partir du 24 septembre 1934 son effet potentiel avait disparu. En
résumé, ladéclaration nicaraguayenne de 1929étaitvalide au moment où
le Nicaragua est devenu partie au Statut de la Cour nouvelle ;elle avait

conservé son effet potentiel en raison de ce que le Nicaragua, qui eût pu
limiter dans le temps cet effet, s'en étaitexpressément abstenu. 28. The characteristics of Nicaragua's declaration have now to be com-
pared with theconditions ofapplicability ofArticle 36,paragraph 5,aslaid
down in that provision. The first condition concerns the relationship
between the declarations and the Statute. Article 36,paragraph 5,refrains

from stipulating that declarations must have been made by States parties
tothe Statuteof thePermanent Court :it issufficient forthemto have been
made "under" (in French, "en application de") Article 36 of that Statute.
But those who framed the new text were aware that under that Article, a
State could make such a declaration "either when signing or ratifying the
Protocol ... or at a later moment7',i.e., that a State could make a decla-
ration when it had not ratified the Protocol of Signature of the Statute,
but only signed it. The chosen wording therefore does not exclude but,
on the contrary, covers a declaration made in the circumstances of
Nicaragua's declaration. Apart from this relationship with the Statute of
the Permanent Court, the only condition which declarations have to
fulfil is that they should be "still in force7'(in English) or "faites pour
une durée qui n'est pas encore expirée" (inFrench). The Parties have
devoted much argument to this apparent discrepancy between the two

versions, its real meaning and the interpretation which the Court
should adopt as correct. Drawing opposite conclusions from the juris-
prudence of the Court, as contained in particular in the case concerning
the Aerial Incidentof 27July 1955 (Israelv. Bulgaria),they haveexpatiated
on the respective arguments by which, they allege, it supports their own
case.
29. The Court must in the first place observe that this is the first time
that it has had to take a position on the question whether a declaration
whichdid not have binding forceat the time of the Permanent Court isor is
not to be numbered among those to which Article 36,paragraph 5, of the
Statute of the InternationalCourt ofJustice applies. The case of theAerial
Incident of 27 July 1955 featured quite a different issue - in a nutshell,
whether the effect of a declaration that had unquestionably become bind-
ing at the time of the Permanent Court could be transposed to the Inter-
national Court of Justice when the declaration in question had been made

bya State whichhad not been represented at theSanFranciscoConference
and had not become a party to the Statute of the present Court until long
after the extinction of the Permanent Court. In viewof this difference in
the issues, the Court does not consider that its decision in the Aerial
Incident case,whatever may be its relevancein other respects, provides any
pointers to precise conclusions on the limited point now in issue.The most
that could be pointed out on the basis of the discussions surrounding the
Aerial Incident case is that, at that time, the United States took a parti-
cularly broad view of the separability of an Optional-Clause declaration
and its institutional foundation by contending that an Optional-Clause
declaration (of abinding character) could have outlived by many years the
court to which it related. But the present case also involves a problem of
separability, since the question to be decided is the extent to which an
Optional-Clause declaration (without binding force) can be separated 28. Lescaractéristiquesde cette déclarationdu Nicaragua doivent être
maintenant comparées aux conditions auxquelles l'article 36, para-
graphe 5,subordonne lebénéfice du traitement qu'ildéfinit.Une première
condition a trait aux rapports entre lesdéclarationset leStatut. L'article36,
paragraphe 5, s'abstient de spécifierque les déclarations doivent avoir été
faites par des Etats parties au Statut de la Cour permanente de Justice
internationale : il suffit qu'elles aient étéfaites en application )de l'ar-
ticle 36 de ce Statut (en anglais << under D). Or il était bien connu des
rédacteursde ce texte qu'en vertude l'article 36 un Etat pouvait faire une
telle déclaration tsoit lors de la signature ou de la ratification du proto-
cole ..soit ultérieurement D, c'est-à-dire alors qu'il n'avaitpas ratifiémais
seulement signé leprotocole de signature du Statut. La rédactionchoisie

n'exclutdonc pas, mais au contraire couvre, une déclaration faitedans les
conditions de celles du Nicaragua. En dehors de cette relation avec le
Statut de la Courpermanente de Justice internationale, la seule condition
exigéedesdéclarationsest qu'ellessoient << faites pour une duréequi n'est
pas encore expirée )>(en français) ou still in force)>(en anglais). Les
Parties ont abondamment débattu de cette apparente divergence entre les
deux versions, de sa signification réelleet de lajuste interprétation que la
Cour devrait retenir. Ellesont commenté.dans dessenscontradictoires. les
arguments que lajurisprudence de la cour, notamment dans l'affaire de
l'Incident aériendu 27.juillet1955(Israël c. Bulgarie), pouvait, selon elles,
apporter à leurs thèses respectives.

29. La Cour tient en premier lieu à noter que c'est la première fois
qu'elle se trouve avoir à prendre position sur le point de savoir si une
déclaration n'ayant pas acquis force obligatoire du temps de la Cour
permanente de Justice internationale fait bien partie de cellesqui peuvent
bénéficier de l'article36,paragraphe 5,du Statut de la Courinternationale
de Justice. Dans l'affaire de l'Incident aériendu27juillet 1955,la question
qui seposait étaittoutautre :elleseramenait aupoint de savoir si, àpropos
d'un déclaration ayant incontestablement acquis force obligatoire du
temps de la Cour permanente de Justice internationale, l'effet de cette
déclaration pouvait être reportésur la Cour internationale de Justice
quand cettedéclaration avaitété faite par un Etatqui n'étaitpas représenté
à la conférencede San Francisco et n'était devenupartie au Statut de la

Cour internationale de Justice que longtemps après la disparition de la
Cour permanente. Compte tenu de cette différencedans les questions en
litige, la Cour ne considèrepas que sa décisiondans l'affaire de l'Incident
aérien, quelleque soit sa pertinence à d'autres égards,lui fournisse des
élémentsconduisant à des conclusions précisessur le point limitéen
question ici. Tout au plus les débats auxquels a donné lieu l'affaire de
l'Incident aérienamèneraient-ils à souligner que la séparabilité d'une
déclaration facultative et de son support institutionnel a été alors conçue
d'une manière particulièrement large par les Etats-Unis puisqu'ils ont
soutenu qu'une déclaration facultative (ayant force obligatoire) pouvait
avoir longtemps survécu à la disparition de lajuridiction qu'elle concer-from the institutional foundation which it ought originally to have pos-
sessed, so as to be grafted ont0 a new institutional foundation.

30. Having thus stressed the novelty of theproblem, the Court willrefer
to the following considerations in order to reach a solution. First, it does
not appear possible toreconcile thetwo versionsofArticle 36,paragraph 5,
by consideringthat both versions refer to binding declarations. According
to this interpretation, upheld by theUnited States, Article 36,paragraph 5,
should be read as if it mentioned "binding" declarations. The French text,
in this view, would be the equivalent of the English text, for logically it
would imply that declarations dont la durée n'est pas encoreexpiréeare

solely those which have acquired binding force. The Court, however,
considers that it must interpret Article 36,paragraph 5,on the basis of the
actual terms used, which do not includethe word "binding". According to
thetravauxpréparatoirestheword "binding" wasneversuggested ; and ifit
had been suggested for the English text, there is no doubt that the drafters
would neverhavelet the French text stand asfinally worded. Furthermore,
the Court does not consider the French text to imply that la durée non
expirée (the unexpired period) is that of a commitment of a binding
character. It may be granted that, for a period to continue or expire, it is
necessary for somelegal effect to have come into existence. But this effect
does not necessarily have to be of a binding nature. A declaration validly
made under Article 36of the Statute of the Permanent Court had acertain
validity which couldbe preserved or destroyed, andit is perfectly possible
to read the French text as implying only this validity.

31. Secondly, the Courtcannotbut bestruck by thefact that the French
Delegation at the SanFranciscoConference called for the expression "still

in force" to be translated, not by "encore en vigueur" but by the term :
"pour une duréequi n'est pas encore expirée".In view of the excellent
equivalence of the expressions "encore en vigueur" and "still in force", the
deliberate choice of the expression "pour une durée quin'est pas encore
expirée" seemsto denote an intention to widen the scope of Article 36,
paragraph 5, so as to cover declarations which have not acquired binding
force.Otherinterpretations of thisproposa1arenot excluded, but it may be
noted that both "encore en vigueur" and "pour une durée qui n'est pas
encore expirée" wouldexclude a declaration, like that of France, which
had been binding but which had expired by lapse of time. It can only be
said,on theother hand,that the Englishversiondoes not require(any more
than does the French version) that the declarations concerned should have
been made by States parties to the Statute of the Permanent Court and
does not mention the necessity of declarations having any binding char-
acter for the provision to be applicable to them. It is therefore the Court's
opinion that the English version in no way expressly excludes a validnait. Or la présente affaire pose égalementun problème de séparabilité
puisqu'il s'agitde déterminerdans quelle mesure une déclarationfaculta-
tive (sans force obligatoire) peut êtreséparéedu support institutionnel
qu'elle aurait dû primitivement trouver pour êtregrefféesur un support
institutionnel nouveau.
30. Etant donc souIignéque le problème poséest nouveau, la Cour
entend s'aider des considérations suivantes pour parvenir à sa solution :
Premièrement,il ne lui paraît pas possible de réaliserune conciliation des

deux textes de l'article36, paragraphe 5, en considérantque les deux ver-
sions se réfèrent à des déclarationsobligatoires (<binding )>).Selon cette
interprétation, soutenue par les Etats-Unis, il conviendrait de lire l'ar-
ticle 36,paragraphe 5,comme s'ilmentionnait des déclarations <(binding D.
Le texte français, seloncette opinion, serait en fait l'équivalentde l'anglais
car logiquement il impliquerait que les déclarationsdont la duréen'estpas
encore expiréesont exclusivement celles qui ont acquis un caractère

obligatoire. La Cour, pour sa part, considère qu'elle doitinterpréterl'ar-
ticle 36, paragraphe 5, à partir des expressions qu'il utilise etparmi les-
quellesle mot <binding )>ne figure pas. D'aprèsles travaux préparatoires,
le mot <binding n'a jamais été suggér ;és'il l'avaitété pour le texte
anglais il ne fait pas de doute que les rédacteurs n'eussentjamais laissé
le texte français en l'état.D'autre part, la Cour ne pense pas que le texte
français implique que la duréenon expirée soit celle d'un engagement
ayant valeur obligatoire. Sans doute est-il exact de faire valoir que, pour

qu'une duréese poursuive ou expire, il faut qu'un effet d'ordre juridique
ait pris naissance. Mais cet effet ne doit pas nécessairementêtred'unena-
ture obligatoire. Une déclarationfaite valablement sous l'empirede l'arti-
cle 36du Statut de la Cour permanente de Justice internationale avait une
certaine valeur susce~tibled'être réservéeou détruiteet on Deutfort bien
comprendre le texte français comme impliquant seulement cette valeur.
31. Deuxièmement,la Cour ne peut manquer d'être frappéepar le fait
que la délégation française à la conférencede San Francisco a demandé

que l'expression «still in force ))soit traduite, non pas par << encore en
vigueur i),mais par les termes : <<pour une durée qui n'est pas encore
expirée o. Compte tenu de l'excellente équivalenceentre les expressions
(<encoreen vigueur )et still in forceO,le choix délibéré de l'expression
<(pour une duréequi n'estpasencore expirée ))paraît dénoter une volonté
d'élargir le bénéfic dee l'article 36,paragraphe 5, aux déclarationsn'ayant
pas acquis force obligatoire. D'autres interprétations de cette proposition
ne sont pas à exclure, mais on notera que les expressions <(encore en

vigueur et <pour une durée qui n'est pas encore expirée )>écarteraient
l'une et l'autre une déclaration, commecelle de la France. qui avait lié
auparavant 1'Etatconcerné maisétaitdevenue caduque. On peut seule-
ment admettre que, pas plus que le texte français, le texte anglais n'exige
que lesdéclarationsvisées aientété faites par des Etats parties au Statut de
la Cour permanente de Justice internationale et qu'il nefait pas état du
caractère obligatoire que devraient avoir les déclarationspour bénéficier
du régimeinstituépar la disposition en question. En conséquence,la Courdeclaration of unexpired duration, made by a State not party to the
Protocol of Signature of the Statute of the Permanent Court,and therefore
not of a binding character.

32. TheCourt willtherefore, before deciding on its interpretation, have
to examine to what extent the general considerations governing the trans-
fer of the powers of the former Court to the new one, and thus serving to

define the object and the purpose of the provisions adopted, throw light
upon the correct interpretation of the paragraph in question. As the Court
has alreadyhad occasion to state in the caseof the AeriaIIncident of27July
1955 (Israel v. Bulgaria), the primary concern of those who drafted the
Statute of the present Court was to maintain the greatest possible con-
tinuity between it and its predecessor. As the Court then observed :

"the clear intention which inspired Article 36, paragraph 5, was to
continue in being something which was in existence, to preserve
existing acceptances, to avoid that thecreation of a new Court should
frustrate progress already achieved" (I.C.J. Reports 1959, p. 145).
33. In the present case, the Parties, in their pleadings and in the course
of the hearings, havedrawnattention to certain statements bearing witness
to this general preoccupation ;for example the report to his Government
of the Chairman of the New Zealand delegation to the San Francisco

Conference, who stressed that the primary concern had been "to maintain
so far as possible the progress towards compulsory jurisdiction". If, for a
number of circumstantial reasons, it seemed necessary to abolish the
former Court and to put the new one in its place, at least the delegates to
the San Francisco Conference were determined to see that this operation
should not result in a step backwards in relation to the progress accom-
plished towards adopting a system of compulsoryjurisdiction. That being
so, the question is whether this intention sheds any light upon the present
problem of interpretation of Article 36, paragraph 5.
34. In this connection it is undeniable that a declaration by whch a
State recognizes the compulsoryjurisdiction of the Court is "in existence",
in the sense given above, and that each such declaration does constitute a
certain progress towards extending to the world in general the system of
compulsoryjudicial settlement of international disputes.Admittedly, this
progress has not yet taken the concrete form of a commitment having

binding force, but nonetheless, it is by no means negligible. There are no
grounds for maintaining that those who drafted the Statute meant to go
back on this progress and place it in a category in opposition to the
progress achieved by declarations having binding force. No doubt their
main aim was to safeguard these latter declarations, but the intention to
wipeout the progress evidenced by adeclaration such as that ofNicaragua
would certainly not square well with their general concern. As the Court
said in the verysimilar matter of the already existing field of conventional
compulsoryjurisdiction, it was "a natural element of this compromise" est d'avis que le texte anglais n'exclut nullement de manière expresseune
déclarationvalide, deduréenon expirée,émanantd'un Etat non partie au
protocole de signature du Statut de la Cour permanente de Justice inter-

nationale et n'ayant donc pas force obligatoire.
32. La Cour est donc amenée, avant d'arrêter soninterprétation, à
examiner dans quelle mesure les préoccupations généralesayant présidé à
la transmission des compétences de l'ancienne Cour à la nouvelle et défi-
nissant donc l'objet et le but des dispositions adoptées peuvent projeter
quelque lumière sur l'interprétation correcte du paragraphe en question.
Comme la Cour a déjà eu l'occasion de le dire dans l'affaire de l'Incident
aériendu 27juillet 1955(Israël c.Bulgarie),lesouci essentiel des rédacteurs
du Statut de la Cour internationale de Justice a été demaintenir la plus
grande continuité possible entre la Cour permanente de Justice interna-

tionale et la Cour internationale de Justice. La Cour s'est exprimée ainsi:
(<l'intention bien certaine qui ainspiréI'article 36,paragraphe 5,a été
de continuer ce qui existait, de maintenir les acceptations existantes,
d'éviterque la création d'une Cour nouvelle ne rendît caduc un
progrès accompli ))(C.I.J. Recueil 1959, p. 145).

33. Dans la présente affaire les Parties, dans leurs écritures et en plai-
doirie, ont rappelé quelquestémoignagesde cettepréoccupation générale,
par exemple le rapport à son gouvernement du présidentde la délégation
de la Nouvelle-Zélande à la conférence de San Francisco, où il était
soulignéque le souci majeur avait étéde (<maintenir autant qu'il est pos-

sible leprogrèsvers lajuridiction obligatoireo. Si,pour un ensemble de rai-
sons circonstancielles, il apparaissait nécessaire d'abolir l'ancienneCour
et de lui substituer la nouvelle, au moins les délégués à la conférencede
San Francisco étaient-ils décidés à faire en sorte que cette opérationne se
traduise pas par un reculpar rapport aux progrès accomplisdans la voie de
l'adoption d'un systèmedejuridiction obligatoire. Dans cesconditions, la
question qui se pose est de savoir si cette préoccupation est de nature à
éclairerle présent problèmed'interprétationde l'article 36, paragraphe 5.
34. A cet égardil est indéniableque la déclarationpar laquelle un Etat
accepte la compétence obligatoire de la Cour existe, au sens plus haut

défini, etque toute déclaration de ce genre constitue un certain progrès
dans la voiede l'extension à l'ensembledu monde du systèmede règlement
judiciaire obligatoire des différends internationaux. Certes, ce progrès ne
s'est pasencore solidifiésous la forme d'un engagement ayant force obli-
gatoire, mais, pour autant, il n'est nullement négligeable. Rien ne permet
dedire que lesrédacteursdu Statut entendaient revenir surce progrès-làet
le placer dans une catégorie l'opposant au progrès marquépar des décla-
rations ayant force obligatoire. Sans aucun doute leur objectif essentiel
étaitde sauvegarder celles-ci, mais l'intention d'annuler le progrès dont
témoigne une déclaration comme celle du Nicaragua cadrerait fort mal
avec leur souci général.Comme la Cour l'adit dans la matière très voisine

des rapports existant pour ce qui est de lajuridiction obligatoire conven-
tionnelle,ilétait«dela nature ducompromis ))(alors acceptéparrapport à(then accepted by comparison with the ideal of universal compulsory
jurisdictioil) "that the maximum, and not some merely quasi optimum
preservation of this field should be aimed at" (Barcelona Traction,Light
and Power Company, Limited, I.C.J. Reports 1964,p. 32). Furthermore, if
thehighly experienced drafters of the Statute had had a restrictive inten-
tion on thispoint,incontrast to their overall concern, theywould certainly
have translated itinto a verydifferent formulafrom the one which they in
fact adopted.
35. On theotherhand,the logicof asystemsubstituting a newCourt for
the former one without the cause of compulsoryjurisdiction in any way
suffering in the process resulted in the ratification of the new Statute
having exactly the same effects as the ratification of the Protocol of
Signature of the former one would have had, that is to Say,in the case of
Nicaragua, the stepfrom potential cornmitment to effectivecommitment.

The general systemof devolution from the old Court to the new thus lends
support to the interpretation whereby Article 36,paragraph 5,even covers
declarations that had not previously acquired binding force. In this con-
nection, it shouldnot be overlooked that Nicaragua wasrepresented at the
SanFrancisco Conference, and duly signed and ratified the Charter of the
UnitedNations. At that time, theconsent whichit had givenin 1929to the
jurisdiction of the Permanent Court had not become fully effective in the
absence of ratification of the Protocol of Signature ;but taking into
account the interpretation givenabove, the Court may apply to Nicaragua
what it stated in the case of the Aerial Incident of 27 July 1955:

"Consent to the transfer to the International Court of Justice of a
declaration acceptingthejurisdiction of the Permanent Court may be
regarded as effectively given by a State which, having been repre-
sented at the San Francisco Conference, signed and ratified the
Charter and thereby accepted the Statute in which Article 36, para-
graph 5, appears." (I.C.J. Reports 1959,p. 142.)
36. Thisfindingasregardsthe interpretation ofArticle 36,paragraph 5,
must, finally, be compared to the conduct of States and international

organizations in regard to this interpretation. In that respect, particular
weight must be ascribed to certain officia1publications, namely the I.C.J.
Yearbook (since 1946-1947), the Reports of the Court to the General
Assembly of the United Nations (since 1968)and the annually published
collection of Signatures, Ratifications, Acceptances, Accessionse ,tc., con-
cerningthe Multilateral Conventions andAgreements in respectof whichthe
Secretary-General actsasDepositary.The Court notes that, ever since they
first appeared, al1these publications have regularly placed Nicaragua on
the list of those States that have recognized the compulsoryjurisdiction of
the Court by virtue of Article 36, paragraph 5, of the Statute. Even if the
I.C.J. Yearbookhas, in the issue for 1946-1947and as from the issue for
1955-1956onwards, contained a note recalling certain facts concerning
Nicaragua's ratification of the Protocol of Signature of the Statute of the
PermanentCourt of International Justice, thispublication has nevermodi-l'idéaldejuridiction obligatoire universelle)<(que l'on viseà conserver le
maximum et non pas simplement une partie, mêmeimportante, de ces

rapports >>(affaire de la Barcelona Traction,Light and Power Company,
Limited, C.I.J. Recueil 1964, p. 32). En outre, si les rédacteurs fort
expérimentésdu Statut avaient eu sur ce point une intention restric-
tive contrastant avec leur souci général, ils n'eussentpas manquéde la
traduire dans une rédaction fort différente de celle qu'ils ont en fait
adoptée.
35. Par contre la logique d'un systèmesubstituant une nouvelle Cour à
l'ancienne sans que la cause de lajuridiction obligatoire en souffre aucu-
nement conduisait à faire produire à la ratification du nouveau Statut
exactement les effets qu'aurait produit la ratification du protocole de

signature de l'ancien, c'est-à-dire,dans le cas du Nicaragua, le passage de
l'engagement potentiel à l'engagement effectif. Le système générad le la
dévolutiondescompétencesentre l'ancienneCour etla nouvelle tend donc
à conforter l'interprétation selon laquelle le bénéficede I'article36, para-
graphe 5, est assurémêmeaux déclarationsn'ayant pas acquis antérieu-
rement force obligatoire. A cet égard,il ne faut pas oublier que le Nica-
ragua était représenté àla conférencede San Francisco et qu'il a dûment
signéet ratifié laCharte des Nations Unies. A l'époque,le consentement
donnéparlui à lajuridiction de la Cour en 1929n'étaitpas encore devenu
pleinement effectif, fautede ratification du protocole de signature;mais,
vu l'interprétationdonnéeci-dessus,la Cour peut appliquer au Nicaragua

ce qu'elle disait dans l'affaire de l'Incident aériendu 27juillet 195:
(<Le consentement au transfert à la Cour internationalede Justice
d'unedéclaration acceptantlajuridiction de la Courpermanente peut
êtreconsidéré commeeffectivement donnépar un Etat qui,représenté
à la Conférencede SanFrancisco, a signéet ratifiélaCharte et a ainsi

acceptéle Statut où figure l'article 36,paragraphe 51)(C.I.J. Recueil
1959, p. 142.)
36. Cette conclusion relative à l'inter~rétation de l'article 36. Dara-
graphe 5, doit enfin être comparée à la conduite des Etats et des organes
internationaux par rapport à cette interprétation. A cet égard,un poids

particulier doit être attribuà ces publications officielles que sont l'An-
nuairedelaCour(depuis 1946-1947),lesRapportsde laCour àl'Assemblée
généraledes Nations Unies (depuis 1968) et les recueils, édités chaque
année,des Signatures, ratifications, acceptations, adhésionst,c., relatives
aux conventions et accordsmultilatéraux pour lesquels le Secrétaire général
exerce lesfonctionsde dépositaire.La Cour constate que ces publications
ont toutes classéconstamment, et depuis le début de leur parution, le
Nicaragua parmi les Etats ayant acceptéla compétence obligatoire de la
Cour au titre de l'article36,paragraphe 5,du Statut. Mêmesil'Annuairede
la Cour contient, dans l'édition1946-1947et depuis l'édition1955-1956,
une note rappelant certains faits relatiàsla ratification par le Nicaragua

du Statut de la Cour permanente de Justice internationale, cette publica-
tion n'estjamais revenue sur le classement attribuéau Nicaragua et sur lafied the classification of Nicaragua or the binding character attributed to
its 1929 Declaration - indeed the Yearbaoks list Nicaragua among the
States "still bound by" their declarations under Article 36of the Statute of
the Permanent Court (see paragraph 19,above). The same observation is
valid for the Secretariatpublication Signatures, Ratifications,Acceptances,
Accessions, etc.,whichderived itsdata, includingfootnotes, from the I.C.J.

Yearbook. As for the reports of the Court, they are quite categorical in
stating that Nicaragua had accepted compulsoryjurisdiction, even if the
distinction between acceptancesmade under Article 36,paragraph 2, and
those "deemed" to be such acceptances, is not spelled out.

37. TheCourt has no intention of assigning these publications any role
that would be contrary to their nature but will content itself with noting
that they attest acertain interpretation ofArticle 36,paragraph 5(whereby
that provision would coverthe declaration ofNicaragua), and the rejection
of an opposite interpretation (which would refuse to classify Nicaragua
among the States covered by that Article). Admittedly, this testimony
concerns only the result and not the legal reasoning that leads to it.
However, the inclusion of Nicaragua in the "List of States which have
recognized the compulsoryjurisdiction of the International Court of Jus-

tice,or which are stillbound by their acceptance of the Optional Clause of
the Statute of the Permanent Court of International Justice", as from the
appearance of the first I.C.J. Yearbook (1946-1947), contrasts with its
exclusion from the list in the last Report of the Permanent Court of
International Justice of "States bound by the [optional] clause7'.It is
therefore difficult to escape the conclusion that the basis of thisinnovation
was to be found in the possibility that a declaration which, though not of
binding character, was still valid, and was sofor a period that had not yet
expired, permitted theapplication ofArticle 36,paragraph 5,solong asthe
State in question, by ratifying the Statute of the International Court of
Justice, provided it with the institutional foundation that it had hitherto
lacked. From that moment on, Nicaragua would have become "bound" by
its 1929Declaration, and could, for practical purposes, appropriately be
included in the same YearbooklistastheStates whichhad been bound even
prior to the coming into force of the post-war Statute.

38. Theimportance of this lies in the significance to be attached to the
conduct of the Statesconcerned, whichisdependent on the testimony thus
furnished by these publications. The point is not that the Court in its
administrative capacity took a decision as to Nicaragua's status which
wouldbebinding upon it in itsjudicial capacity, sincethisclearlycould not
be so. It is that the listing found appropriatefor Nicaragua amounted over
the years to a seriesof attestations which wereentirely officia1and public,
and extremelynumerous, and ranged over aperiod of nearly 40years ;and
that hence the States concerned - first and foremost, Nicaragua - had
every opportunity of accepting or rejecting the thus-proclaimed applica-
bility of Article 36, paragraph 5, to the Nicaraguan Declaration of
1929.valeurobligatoirereconnue à sadéclarationde 1929 - defait lesAnnuaires
citent leNicaragua parmi lesEtats <encore liéspar )leurs déclarationsen
vertu de l'article 36 du Statut de la Cour permanente (voir paragraphe 19
ci-dessus). Il en va de mêmepour le recueil du Secrétariat Signatures,
rutijicutions, acceptations, adhésions, etc.qui tire ses données,y compris
pour lesnotes debas depage, de l'Annuairedela Cour.Quant auxrapports
de la Couret àlapublication du Secrétairegénéralo ,n sait qu'ilsindiquent
de façon tout à fait catégoriqueque le Nicaragua a accepté lajuridiction
obligatoire, mêmes'ilsne précisentpasladistinction entre lesacceptations
faites en vertu de l'article 36, paragraphe 2, et celles simplement <consi-

dérées comme telles.
37. La Cour n'entend pasfairejouer àcespublications un rôle qui serait
contraire à leur nature. Elleseborne à constater qu'ellestémoignentd'une
certaine interprétation de l'article 36, paragraphe 5 (admettant la décla-
ration du Nicaragua au bénéficede cet article), et du rejet d'une interpré-
tation contraire (refusant de classer le Nicaragua parmi les Etats bénéfi-
ciaires de cet article). Sans doute ce témoignage neporte-t-il que sur le
résultat et non surle raisonnementjuridique qui y conduit. Mais l'inclu-
sion du Nicaragua dans la liste des Etats qui ont reconnu comme obliga-
toire lajuridiction de la Cour internationale de Justice ou qui sont encore

liéspar leur adhésion à la disposition facultative du Statut de la Cour
permanente de Justiceinternationale, dèsla parution du premier Annuaire
de la Cour internationale de Justice (Annuaire 1946-1947),fait contraste
avec son exclusion de la liste des <<Etats liés (par la disposition facul-
tative) que l'on trouve dans le dernier rapport de la Cour permanente de
Justice internationale. Il est donc difficile d'échappeà la conclusion que
cette innovation trouve son fondement dans le fait qu'une déclaration
n'ayant pas force obligatoire, mais toujoursvalide et d'une duréenon en-
core expirée,pouvait permettre l'application de l'article 36, paragraphe 5,
pour autant que 1'Etatconsidérép , ar sa ratification du Statut de la Cour
internationale de Justice, lui fournissait le support institutionnel qui lui

manquaitjusque-là. A partir de cemoment, leNicaragua eût été <(lié)par
sadéclarationde 1929,et aurait pu, enpratique, figurer à bon droit dans la
même listede l'Annuaireque les Etatsqui étaientliésavant mêmel'entrée
en vigueur du Statut d'après-guerre.
38. L'importance de ce fait tient à la signification attribuable aux
conduitesdes Etats intéressés, lesquellesdépendent destémoignages ainsi
fournis par ces publications. Le point n'est pas que la Cour, dans sa
fonction administrative, a adoptéune décisionsur la situation du Nica-
ragua qui la lierait dans sa fonction judiciaire, puisqu'il est clair qu'ilne
saurait en êtreainsi. Il est plutôt que les mentions relatives au Nicaragua
qui avaient été jugéesappropriées ont constitué au fil des ans toute une

sériede témoignagestout à fait officiels,publics, extrêmement nombreux
et étendus surune périodede presque quarante ans,et que par conséquent
les Etats intéressés,au premier rang desquels le Nicaragua, ont donc eu
tout loisir d'accepter ou de rejeter l'application ainsi proclaméede l'ar-
ticle 36, paragraphe 5, au cas de la déclarationnicaraguayenne de 1929. 39. Admittedly, Nicaragua itself, according to the information fur-
nished to theCourt, did not atany moment explicitly recognizethat it was
bound by its recognition of the Court's compulsory jurisdiction, but
neither did it denythe existence of this undertaking. The Court notes that
Nicaragua, even if its conduct in the case concerning the Arbitral Award

Made bytheKingof Spainon23 December 1906was not unambiguous, did
not at any time declare that it was not bound by its 1929 Declaration.
Having regard to the public and unchanging nature of the officia1state-
ments concerning Nicaragua's commitment under the Optional-Clause
system, the silence of its Government can only be interpreted as an
acceptance of the classification thus assigned to it. It cannot be supposed
that that Government could have believed that its silence could be tanta-
mount to anything other than acquiescence. Besides, the Court would
remark that if proceedings had been instituted against Nicaragua at any
timein these recent years, and it had sought todenythat, by theoperation
ofArticle 36,paragraph 5,it had recognizedthe compulsoryjurisdiction of
theCourt, the Court would probably have rejected that argument. But the
Court's jurisdiction in regard to a particular State does not depend on
whether that State isin the position of an Applicant or a Respondent in the
proceedings. If the Court considers that it would have decided that Nica-
ragua would have beenbound in a casein which it wasthe Respondent, it
must conclude that itsjurisdiction isidenticallyestablished in acase where
Nicaragua is the Applicant.
40. As for States other than Nicaragua, including those which could be
supposed to have the closestinterest in that State'slegalsituation in regard

tothe Court'sjurisdiction, they haveneverchallenged theinterpretation to
which the publications of the United Nations bear witness and whereby
the case of Nicaragua iscovered byArticle 36,paragraph 5.Such States as
themselves publish listsof States bound by the compulsoryjurisdiction of
theCourt have placed Nicaragua on their lists. Of course, the Court is well
aware that such national publications simply reproduce those of the Uni-
ted Nations where that particular point is concerned. Nevertheless, it
would bedifficult tointerpretthe factof suchreproductionas signifyingan
objection to the interpretation thus given ;on the contrary, this reproduc-
tion contributes to the generality of the opinion which appears to have
been cherished by States parties to the Statute as regards the applicability
to Nicaragua of Article 36, paragraph 5.
41. Finally, what States believe regarding the legal situation of Nica-
ragua sofar asthe compulsoryjurisdiction of the Court is concerned may
emergefrom the conclusionsdrawn by certain governments as regards the
possibility of obligingNicaragua to appear before the Court or of escaping
any proceedings it may institute. The Court would therefore recall that in
the case concerning the Arbitral Award Made by the King of Spain on 23
December 1906Honduras founded its application both on a special agree-
ment, the Washington Agreement, and on Nicaragua's Optional-Clause

declaration. It isalso difficult fortheCourt not to consider that the United
States letter of 6April 1984implies that at that date the United States, like 39. Sans doute le Nicaragua n'a-t-ià aucun moment, d'après les infor-
mations soumises àla Cour, reconnu lui-mêmeexpressémentqu'ilétaitlié
par son acceptation delacompétenceobligatoirede laCour, maisiln'apas

niénon plus l'existence de cet engagement. La Cour constate que le
Nicaragua, mêmesi sa conduite dans l'affaire de la Sentence arbitrale
rendue par le roi d'Espagne le 23 décembre1906 n'a pas étéexempte
d'ambiguïté,n'ajamais déclaréqu'il n'étaitpas liépar sa déclarationde
1929.Or, compte tenu de la nature publique et constante desaffirmations
officielles portant sur l'engagement du Nicaragua selon le systèmede la
clause facultative, le silence du gouvernement de cet Etat ne peut s'inter-
préterque comme une acceptation du classement qui lui étaitainsi attri-
bué. Il ne peut êtresupposéque ce gouvernement ait pu croire que son
silence aurait une valeur autre que celle d'un acquiescement. Du reste, la
Cour observe que si, dans une instance qui aurait étéengagéecontre luià
un moment quelconque durant ces dernières années, le Nicaragua avait
voulu contester que, par lejeu de l'article36,paragraphe,il avait accepté
la compétenceobligatoire, cette argumentation aurait probablement été

rejetéepar la Cour. Or la compétencede la Cour à l'égardd'un Etat ne
dépendpasde la situation de défendeurou demandeurque cet Etat occupe
dans laprocédure.Sila Cour estime qu'elleaurait décidé que leNicaragua
étaitliédans une affaire où il auraitétéledéfendeur,elledoit conclure que
sa compétenceest identiquement établiedans le casoù leNicaragua est le
demandeur.
40. Quant aux Etatsautresque leNicaragua, ycompris ceux qu'on peut
supposer lesplus intéresséspar la situationjuridique de cet Etat au regard
de lacompétencede la Cour, ilsn'ontjamais contesté l'interprétationdont
témoignaientles publications des Nations Unies, c'est-à-dire l'admission
duNicaragua au bénéfice de l'article36,paragraphe 5.Pour autant que ces
Etats publiaient eux-mêmesdes listes des Etats liéspar la compétence
obligatoire de la Cour, ils ont inscrit le Nicaragua sur ces listes. Certes, la
Cour est bien consciente de ceque cespublications nationales ne fontque
reproduire, sur le point considéré, celles desNations Unies. Toutefois le

fait de lesreproduire peut difficilement s'interpréter commeune objection
à l'interprétationainsi donnée;plutôt cette reproduction contribue-t-elle
à la généralitde l'opinion qui paraît avoiréténourriepar les Etats parties
au Statutquant à la manièredont l'article36,paragraphe 5,s'appliquait au
Nicaragua.
41. Enfin la conviction des Etats àl'égardde la situation juridique du
Nicaragua relativement à la compétence obligatoire de la Cour peut res-
sortir des conséquences tiréepar certains gouvernements quant à la pos-
sibilitéd'attraire le Nicaragua devant la Cour ou de se soustraireà une
action intentéepar lui. La Cour rappellera donc que le Honduras a pré-
sentésa requêtedans l'affaire de la Sentence arbitrale rendue par leroi
d'Espagne le23 décembre1906sur le doublefondement du compromis de
Washington et de ladéclaration d'acceptation de la clausefacultative faite
par leNicaragua. Enfin la Courne peut s'empêcherde penser que la lettre
des Etats-Unis en date du 6 avril 1984paraît dénoter que les Etats-Unis,other States, believed that Nicaragua was bound by the Court'sjurisdic-
tion in accordance with the terms of its 1929Declaration.

42. TheCourt thus findsthat the interpretation whereby the provisions
5,coverthecase of Nicaragua has been confirmed
of Article 36,paragraph
by the subsequent conduct of the parties to the treaty in question, the
Statute of the Court. However, the conduct of States which has been
considered has been in relation to publications of the Court and of the
United Nations Secretariat which, asnoted in paragraph 37above, do not
indicate the legal reasoning leading to the conclusion that Nicaragua fell
within the category ofStates to whosedeclarations Article 36,paragraph 5,
applied. The view might have been taken that that paragraph applied
because the Nicaraguan telegram of 29 November 1929in itself consti-
tuted ratification of the Protocol of Signature. It should therefore be
observed that the conduct of Nicaragua in relation to the publications in
questionalso supports afinding ofjurisdiction under Article 36,paragraph
2, of the Statute independently of the interpretation and effect of para-
graph 5 of that Article.
43. Nicaragua has in fact also contended that the validity of Nicara-
gua's recognition of the compulsory jurisdiction of the Court finds an
independent basis in the conduct of the Parties. The argument is that
Nicaragua's conduct over a period of 38 years unequivocally constitutes
consent tobebound by thecompulsoryjurisdiction of the Court bywayof
arecognition of theapplication ofArticle 36,paragraph 5,of the Statute to
the Nicaraguan Declaration of 1929.Likewise the conduct of the United

States overa period of 38years unequivocally constitutes its recognition of
the essential validity of the Declaration of Nicaragua of 1929asa result of
theapplication of Article 36,paragraph 5,of the Statute. Asa consequence
it was recognized by both Parties that any forma1 defect in Nicaragua's
ratification of the Protocol of Signature of the Statute of the Permanent
Court did not in any way affect the essential validity of Nicaragua's
consent to the compulsoryjurisdiction. The essential validity of the Nica-
raguan declaration as an acceptance of the compulsory jurisdiction is
confirmed by the evidence of a long series of public documents, by the
general opinion of States and by the general opinion of qualified publi-
cists.
44. The United States however objects that this contention of Nicara-
guaisflatly inconsistent with the Statute of the Court, whichprovides only
for consent tojurisdiction to be manifested in specified ways ;an "inde-
pendent title ofjurisdiction, asNicaragua callsit, is an impossibility". The
Statute provides the sole bases on which the Court can exercisejurisdic-
tion, under Articles 36 and 37. In the particular case of Article 36, para-
graph 5, the Statutes of the two Courts provide a means for States to
express their consent, and Nicaragua did not use them. The United States
urges what it describes as policy considerations of fundamental impor-

tance : that compulsory jurisdiction, being a major obligation, must be
based on the clearest manifestation of the State's intent to accept it; thatcomme les autres Etats, considéraient bien àcette date que le Nicaragua
étaitliépar la compétencede la Cour selon lestermes de sa déclarationde
1929.
42. Ainsi la Cour est-elle parvenue à la conclusion que l'interprétation
de l'article 36, paragraphe 5, admettant le Nicaragua au bénéficede ses
dispositions, aétéconfirméepar laconduite ultérieuredes Parties au traité
en question,en l'occurrence leStatut. Toutefoisla conduitedesEtatsqui a
été prise en considérationse rapportait aux publications de la Cour et du
Secrétariatde l'organisation des Nations Unies qui, comme on l'avu au
paragraphe 37 ci-dessus, n'indiquent pas par quels motifsjuridiques il est
conclu que leNicaragua entre dans la catégoriedesEtats aux déclarations
desquels l'article 36,paragraphe 5,s'appliquait. On pourrait être parti de

l'idéequ'il en étaitainsi parce que le télégrammenicaraguayen du 29 no-
vembre 1929portait en lui-mêmeratification du protocole de signature. Il
convient donc de relever que l'attitude du Nicaragua à l'égarddes publi-
cations en question tend aussi à ccnfirmer que la Cour a compétence en
vertu de l'article 36,paragraphe 2, du Statut,indépendamment de l'inter-
prétation et del'effet du paragraphe 5 dudit article.
43. Le Nicaragua a en outre affirmé en fait que la validité de son
acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour se fonde, de façon
autonome,sur lecomportement des Parties. Cetargument reposesur l'idée
que le comportement du Nicaragua pendant une période de trente-huit
annéesconstitueun consentement clair à êtreliépar lajuridiction obliga-
toire de laCour, car iléquivautà reconnaître que l'article36,paragraphe 5,

du Statut s'applique àla déclaration nicaraguayenne de 1929.De mêmel,e
comportement des Etats-Unis pendant une périodede trente-huit années
constitue luiaussilaclairereconnaissance delavaliditéfondamentalede la
déclaration du Nicaragua de 1929par lejeu de l'article 36,paragraphe 5,
du Statut. Lesdeux Parties ont donc reconnu qu'aucun défautformel de la
ratification par leNicaragua du protocole de signature du Statut de laCour
permanente ne remettait en question la validité fondamentale de son
consentement à lajuridiction obligatoire. La validitéfondamentale de la
déclarationdu Nicaragua commeacceptation de lajuridiction obligatoire
est confirméepar une longue sériede documents publics, par l'opinion
généraledes Etats et par celle des publicistes qualifiés.

44. Les Etats-Unis objectent cependantque cette thèsenicaraguayenne
est, en définitive, inconciliable avec leStatut, en vertu duquel le consen-
tement àlajuridiction doit semanifester d'une manièrebien déterminée ;
un (titre de compétenceindépendant )>selon les termes du Nicaragua,
est tout simplement impossible. Le Statut définitles seules bases sur les-
quelles la Cour peut avoir compétence,dans les articles 36 et 37. Dans
le cas particulier de l'article 36, paragraphe 5, les Statuts des deux Cours
donnent aux Etats le moyen d'exprimer leur consentement, et le Nica-
ragua n'en a pas fait usage. LesEtats-Unis avancent ce qu'ilsappellent des
considérationsde principe d'une importance fondamentale : que la juri-
diction obligatoire, étant un engagement majeur, doit reposer sur uneNicaragua's thesisintroduces intolerableuncertainty into the system ;and
that that thesis entails the risk of consenting to compulsoryjurisdiction
through silence,with al1the harmful consequences that would ensue. The
United States also disputes the significance of the publications and con-
duct on which Nicaragua bases this contention.

45. The Court would first observe that, as regards the requirement of
consent as a basis of itsjurisdiction, and more particularly as regards the
formalities required forthat consent to be expressedin accordance with the
provisions of Article 36,paragraph 2,of the Statute, the Court has already
made known its viewin, interalia,the caseconcerning the TempleofPreah
Vihear. On that occasion it stated :"The only formality required is the
deposit of the acceptance with the Secretary-General of the United
Nations under paragraph 4 of Article 36 of the Statute." (I.C.J. Reports
1961, p. 31.)
46. The Court must enquire whether Nicaragua's particular circum-
stances afford any reason for it to modify the conclusion it then reached.
After all, the reality of Nicaragua's consent to be bound by its 1929
Declaration is,aspointed out above, attested by the absence of any protest
against the legal situation ascribed to it by the publications of the Court,
the Secretary-General of the United Nations and major States. The ques-
tion is therefore whether, evenif theconsent ofNicaragua isreal, the Court
can decide that it has been given valid expression even on the hypothesis

that the 1929Declaration was without validity, and given that no other
declaration has been depositedbyNicaragua sinceit became aparty to the
Statute of the International Court of Justice. In this connection the Court
notes that Nicaragua's situation has been wholly unique, in that it was the
publications of the Court itself (since 1947, the I.C.J. Yearbook ; since
1968,the Reports to the General Assembly of the United Nations), and
those of the Secretary-General (as depositary of thedeclarations under the
Statute of the present Court) which affirmed (and still affirm today, for
that matter) that Nicaragua had accomplished the formality in question.
Hence, if the Court were to object that Nicaragua ought to have made a
declaration under Article 36,paragraph 2, it would be penalizing Nicara-
gua for having attached undue weight to the information given on that
point by the Court and the Secretary-General of the United Nations and,
in sum, having (on account of the authority of their sponsors) regarded
them as more reliable than they really were.

47. TheCourt therefore recognizesthat, sofar astheaccomplishment of
the formality of depositing an optional declaration is concerned, Nicara-

gua was placed in an exceptional position, since the international organs
empowered to handle such declarations declared that the formality in
question had been accomplished by Nicaragua. The Court finds that this
exckptional situation cannot be without effect on the requirements obtain-
ing as regards the formalities that are indispensable for the consent of amanifestation de volontéde 1'Etatd'une absolue clarté ; que la thèsedu
Nicaragua introduit dans le systèmeune incertitude intolérable ; et que

cette thèseimplique lerisque d'un consentement par lesilence,avectoutes
les conséquences nuisiblesqui en résulteraient.Les Etats-Unis contestent
aussil'importance despublications et du comportement dont leNicaragua
fait étatà l'appui de sa thèse.
45. La Cour tient à souligner tout d'abord que, en ce qui concerne
l'exigencedu consentement comme fondement de sa compétence et plus
particulièrement les formalitésexigibles pour que ce consentement soit
expriméconformémentaux dispositions de l'article 36, paragraphe 2, du
Statut, la Cour s'estdéjàexprimée,notamment dans l'affairedu Templede
PréahVihéar.Elle a alors indiquéque (<la seule formalitéprescrite est la
remise de l'acceptation au Secrétairegénéraldes Nations Unies, confor-
mémentau paragraphe 4 de l'article 36 du Statut M(C.I.J. Recueil 1961,
p. 31).
46. La Cour doit se demander si les circonstances particulières dans
lesquelles s'est trouvé placé le icaragua l'amènent à adapter les conclu-

sions auxquelles elle était alorsparvenue. En effet, la réalité duconsen-
tement du Nicaragua 6êtreliépar sadéclarationde 1929est attestée,ainsi
qu'il a étédit plus haut, par l'absence de toute protestation contre la
situationjuridique qui luiétaitattribuéepar lespublications de laCour,du
Secrétaire général deN sations Unies et desprincipaux Etats. La question
qui se pose est donc de savoir si, pour réelque soit le consentement du
Nicaragua, la Cour peut admettre qu'ilait étévalablementexprimé, même
dans l'hypothèse oùla déclarationde 1929serait sans valeur, étant donné
qu'aucune autre déclarationn'a été déposé par le Nicaragua depuis qu'il
est devenu partie au Statut de la Cour internationale de Justice. A cet
égard,la Cour constate que la situation du Nicaragua était tout à fait
unique. En effetcesont lespublications dela Cour elle-même (dès1947,les
Annuaires, depuis 1968,les Rapports à l'Assemblée générald ees Nations
Unies) et celles du Secrétaire général (entant que dépositaire desdécla-
rations en vertudu Statut de la Cour actuelle) qui affirmaient (et du reste
affirment encore aujourd'hui) que le Nicaragua s'étaitacquitté de la for-

malitéen question. En objectant au Nicaragua qu'ilaurait dû faire, dans le
cadre du nouveau Statut, une déclaration surla base de l'article 36,para-
graphe 2, la Cour tiendrait donc rigueur à cet Etat d'avoir attribué aux
informations donnéessur cepoint par la Cour et le Secrétairegénérad l es
Nations Unies un poids qu'elles neméritaientpas et en somme de lesavoir
(à raison du patronage dont elles bénéficiaient)tenues pour plus fiables
qu'elles ne l'étaient en réalité.
47. La Cour reconnaît donc que le Nicaragua, du point de vue de
l'accomplissementdelaformalitédu dépôtd'une déclarationfacultative,a
étémis dans une situation exceptionnelle, puisque les organes internatio-
naux habilités à connaître de telles déclarations affirmaient qu'il avait
accompli la formalité en question. La Cour en conclut que cette situation
exceptionnelle ne peut êtresansconséquencesursesexigencesen matière
de formalités indispensables pour que le consentement d'un Etat à saState to its compulsoryjurisdiction to have been validly given.It considers
therefore that, having regard to the origin and generality of the statements
tothe effect that Nicaragua wasbound byits 1929Declaration, it isright to
conclude that the constant acquiescence of that Statein those affirmations

constitutes a valid mode of manifestation of its intent to recognize the
compulsoryjurisdiction of the Court under Article 36,paragraph 2,of the
Statute, and that accordingly Nicaragua is, vis-à-vis the United States, a
State accepting "the same obligation7'under that Article.

48. The United States, however,further contends that evenifNicaragua
isotherwiseentitled to invokeagainst theUnited States thejurisdiction of
the Court under Article 36,paragraphs 2 and 5,of the Statute, Nicaragua's
conduct in relation to the United States over the course of many years
estops Nicaragua from doing so. Having, it is argued, represented to the
United States that it wasnot itself bound under the systemof the Optional
Clause, Nicaragua is estopped from invoking compulsory jurisdiction
under that clause against the United States. TheUnited States asserts that
since 1943Nicaragua has consistently represented to the United States of
America that Nicaragua was not bound by the Optional Clause, and when
the occasion arose that this was material to the United States diplomatic
activities, the United States relied upon those Nicaraguan representa-
tions.

49. The representations by Nicaragua relied on by the United States
wereasfollows.First,in 1943,theUnitedStates Ambassador to Nicaragua
consulted the Nicaraguan Foreign Minister on the question whether the
Protocol of Signature of the Statute of the Permanent Court had been
ratified by Nicaragua. According to a despatch from the Ambassador to
Washington, a decree of July 1935signed by the President of Nicaragua,
mentioning the approval of the ratification by the Senate and Chamber of
Deputies, wastraced,as wasacopy of the telegram to theSecretariat of the
League of Nations dated 29 November 1939(see paragraph 16, above).
The decree stated that it was to become effective on the date of its
publication in La Gaceta. The Ambassador informed his Government
that :

"The Foreign Minister informs me that the decree was never pub-
lished in La Gaceta.He also declared that there is no record to the
instrument of ratification having been transmitted to Geneva. It
would appear that, while appropriate legislative action was taken in
Nicaragua to approve adherence to the Protocol, Nicaragua is not
legally bound thereby, in as much as it did not deposit its officia1
document of ratification with the League of Nations."

According to the United States, the United States and Nicaragua couldcompétenceobligatoiresoitvalablement donné.Elle s'estimedonc fondée
à admettre que,compte tenu de l'origineet delagénéralitédesaffirmations

selon lesquellesleNicaragua étaitliépar sa déclarationde 1929,l'acquies-
cement constant de cet Etat à ces affirmations constitue un mode valable
de manifestation de savolontéde reconnaître lacompétenceobligatoire de
la Cour au titre de l'article 36, paragraphe 2, du Statut, et qu'en consé-
quence le Nicaragua est, vis-à-vis des Etats-Unis, un Etat acceptant la
mêmeobligation ))au sens de cet article.

48. Les Etats-Unis maintiennent en outre que, même si leNicaragua
étaitfondépar ailleurs à invoquer contre eux lajuridiction de la Cour en
vertu de l'article 36,paragraphes 2 et 5, du Statut, son comportement à

l'égarddes Etats-Unis durant de nombreusesannéesaurait pour effet de le
lui interdire. L'argument est que, ayant fait croire aux Etats-Unis qu'il
n'étaitpas liépar la juridiction obligatoire sous le régimede la clause
facultative, le Nicaragua se trouve empêchépar estoppel d'invoquer la
juridiction obligatoireen vertu de cette clausà l'encontre desEtats-Unis.
SelonlesEtats-Unis, depuis 1943leNicaragua lesaconstammentinduits à
penser qu'il n'était pasliépar la clause facultative, et ils se sont fiés aux
indications ainsi fournies par le Nicaragua dans des cas où le fait était
important pour leur activitédiplomatique.

49. LesEtats-Unis sesont fiésauxindications du Nicaragua dans lescas
suivants. En 1943l'ambassadeur des Etats-Unis au Nicaragua a demandé

au ministre nicaraguayen des affaires étrangèressi le protocole de signa-
ture du Statut de la Cour permanente avait étératifiépar le Nicaragua.
Selonunedépêchequle'ambassadeur aenvoyée àWashington, ilaurait été
trouvétraced'un décretsignépar leprésidentdu Nicaragua datédejuillet
1935où mention étaitfaitede l'approbation de la ratification par le Sénat
et la Chambre des députés,ainsi que d'une copie du télégramme envoyé
au Secrétariatde la Société desNations le 29 novembre 1939(voir para-
graphe 16ci-dessus). Le décret stipulaitqu'ilentrerait en vigueurà la date
de sa publication dans La Gaceta.L'ambassadeur faisait part à son gou-
vernement de ce qui suit :

Le ministre des relations extérieures m'informeque le décretn'a
jamais étépublié dans La Gaceta.Ildéclareenoutre qu'iln'ya aucune
trace d'une transmission à Genèvede l'instrument de ratification. Il
semble donc que les mesures législativesappropriées aient été prises
au Nicaragua pour approuver l'adhésionau protocole, mais que le
Nicaragua ne soit pas liéen droit par celui-ci,dans la mesure où iln'a
pas déposé son documentofficiel de ratification auprèsde la Société
des Nations. ))

D'après lesEtats-Unis, la seule conclusion que les Etats-Unis et le Nica-only have understood at that point in time that Nicaragua was not bound
by the Optional Clause, and that understanding never changed.
50. Secondly,in 1955-1958there was diplomatic contact between Hon-
duras, Nicaragua and the United States over the dispute which was even-
tually determined by the Court as the case of the ArbitralAward Made by
the KingofSpainon23December1906(1.C.J. Reports1960,p. 192).One of
the questions then under examination was whether Honduras would be
entitled to institute proceedings against Nicaragua in reliance upon the

1929Declaration and Article 36, paragraph 5, of the Statute, and in this
connection the Government of Honduras requested the good officesof the
Government of the United States. In a conversation between the Nicara-
guan Ambassador in Washington and United States officials on 21
December 1955."reference was made to the fact that the matter had not
been previously referred to the Court because Nicaragua had never agreed
to submit to compulsoryjurisdiction", and the Ambassador was recorded
to have "indicated that an agreement between the two countries would
have to be reached to overcome this difficulty". The United States inter-
prets this as a statement of Nicaragua's understanding that it was not
bound by the Optional Clause. Further, on 2March 1956the Ambassador
is alleged to have observed that there was

"some doubt astowhether Nicaragua would be officiallyobligated to
submit to the International Court because an instrument of ratifica-
tion of the Court'sjurisdiction was never sent".

It is contended that the United States relied on these representations by
Nicaragua ;the United States has produced documents to support the

claims that the entire prernise of United Statesdiplomatic efforts was that
Nicaragua wasnot a party to the Optional Clause, and observes that in the
eventual proceedings before the Court between Nicaragua and Honduras,
Nicaragua manifested its hostility to the compulsory jurisdiction of the
Court. Nicaragua has made no direct reply to the United States argument
of estoppel, which was only fully developed during the oral proceedings ;
however, the position of Nicaragua as to its own conduct is, as indicated
above, that so far from having represented that it was not bound by the
Optional Clause, on the contrary its conduct unequivocally constituted
consent to be so bound.
51. For the same reason, the Court does not need to deal at length with
thecontention based on estoppel. The Courthasfound that theconduct of
Nicaragua, having regard to the very particular circumstances in which it
wasplaced, was such asto evinceits consent tobe bound in such awayasto
constitute a valid mode of acceptance of jurisdiction (paragraph 47,
above). It is thus evident that the Court cannot regard the information
obtained by the United States in 1943,or the doubts expressed in diplo-
matic contacts in 1955,as sufficient to overturn that conclusion, let alone

to support an estoppel. Nicaragua's contention that since 1946 it has
consistentlymaintained that it is subject to thejurisdiction of the Court, israguapouvaient entirer àl'époqueétaitqueleNicaragua n'était pasliépar
la clause facultative, conclusion qui n'ajamais étéinfirmée.
50. D'autre part de 1955 à 1958des contacts diplomatiques ont eu lieu
entre leHonduras, leNicaragua et lesEtats-Unis au sujetdu différend qui,
par la suite,a ététranché par la Cour dans l'affaire de la Sentencearbitrale
renduepar leroid'Espagne le23décembre1906(C.I.J. Recueil1960,p. 192).

L'une des questions examinéesen cette affaire était de savoir si le Hon-
duras était en droit d'introduire une instance contre le Nicaragua en
invoquant ladéclaration de 1929et l'article 36,paragraphe 5,du Statut, et
le Gouvernement du Honduras a fait appel aux bons offices du Gouver-
nement des Etats-Unis pour l'aider àla résoudre.Au cours d'une conver-
sation avecdesfonctionnaires des Etats-Unis, le21décembre1955, <(ilfut
fait mention du faitque laquestion n'avaitjamais été posée àla Courparce
que le Nicaragua n'avait jamais acceptéde se soumettre à la juridiction

obligatoire ))et l'ambassadeur du Nicaragua à Washington aurait ((indi-
qué qu'unaccord entre les deux pays devrait êtreconclu pour surmonter
cette difficultéj)ce qui, pour les Etats-Unis, équivalaità reconnaître que
(<le Nicaragua ne se considérait pas comme obligé j);le 2 mars 1956,
l'ambassadeur aurait dit

<(qu'il existe cependant des doutes sur la question de savoir si le
Nicaragua serait officiellement obligéde se soumettre à lajuridiction
de la Cour internationale, car l'instrument de ratification de l'accep-
tation de lajuridiction de la Cour n'ajamais étéenvoyé j).

Les Etats-Unis affirment s'être fiés auixndications données par le Nica-
ragua. Ils ont soumis àla Cour desdocuments à l'appui de leur thèse selon
laquelleleurseffortsdiplomatiquesreposaiententièrement sur l'idéequele
Nicaragua n'étaitpas partie à la clause facultative et font observer que,
devant l'éventualitéd'une affaire qui l'opposerait au Honduras devant la

Cour, leNicaragua s'estmontréhostile à lajuridiction obligatoire de cette
dernière.LeNicaragua n'apas répondudirectement à l'argumentation des
Etats-Unis relative à l'estoppel,qui n'a étpleinement exposéequedurant
la procédure orale ; toutefois la position du Nicaragua au sujet de son
attitude est,commeonl'avu,que loin de s'être présentécommen'étantpas
liépar laclause facultative, cet Etat a eu un comportement sans équivoque
dont il résultaitau contraire qu'il consentait à êtreliéde la sorte.

51. Pour la même raison,la Cour n'a pas à s'arrêter longuement à la
thèse fondée sur l'estoppel.La Cour a conclu que le comportement du
Nicaragua, vu les circonstances trèsparticulières dans lesquelles il s'ins-
crivait, revenaià manifester un consentement à êtreliéde façon tellequ'il
y avait là un mode valable d'acceptation de lajuridiction (paragraphe 47
ci-dessus). Il est ainsi évidentque la Cour ne peut considérer le rensei-
gnement obtenu par lesEtats-Unis en 1943,nilesdoutes exprimésen 1955
lors de contacts diplomatiques, comme suffisant à infirmer cette conclu-

sion, et encore moins à établirI'estoppel.La thèsedu Nicaragua suivant
laquelle, depuis 1946,il s'estdéclaréconstamment soumis àlajuridiction415 MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVITIES (JUDGMENT)

supported by substantial evidence. Furthermore, as the Court pointed out
in the North Sea Continental Shelf cases (I.C.J. Reports 1969, p. 26),
estoppelmay beinferred fromthe conduct, declarations and the like made
by a State which not only clearly and consistently evinced acceptance by

that State of a particular régime,but also had caused another State or
States, in reliance on such conduct, detrimentally to change position or
suffer some prejudice. The Court cannot regard Nicaragua's relianceon
the optional clauseas in any waycontrary to good faith or equity :nor can
Nicaragua be taken to come within the criterion of the North Sea Conti-
nental Shelf case, and the invocation of estoppel by the United States of
America cannot be said to apply to it.

52. The acceptance ofjurisdiction by the United States which is relied
on by Nicaragua is,asnoted above,that dated 14August 1946.The United
States contends however that effect must also be given to the "1984
notification" - the declaration deposited with the Secretary-General of

the United Nations on6April 1984.It isconceded byNicaragua that if this
declaration iseffectiveasamodification or termination of the Declaration
of 14August 1946,and valid as against Nicaragua at the date ofits filingof
theApplicationinstituting the present proceedings (9April 1984),then the
Court iswithoutjurisdiction to entertain those proceedings, at least under
Article 36, paragraphs 2 and 5, of the Statute. It is however contended by
Nicaragua that the 1984notification is ineffective because international
law provides no basis for unilateral modification of declarations made
under Article 36of the Statute of theCourt, unless aright to do sohasbeen
expressly reserved.
53. The United States insists that the effect of the 1984notification was
a modification and not a termination of its 1946 Declaration. It argues
that, notwithstanding the fact that its 1946Declaration did not expressly
reserve a right of modification (as do the declarations made under Article
36 by a number of other States), the 1984 notification effected a valid

modification of the 1946Declaration temporarily suspending the consent
of the United Statesto theadjudication of theclaims of Nicaragua. For the
United States,declarations under Article 36aresuigeneris,are not treaties,
and are not governed by the law of treaties, and States have the sovereign
right to qualify an acceptance of the Court's compulsory jurisdiction,
which isan inherent feature of the Optional-Clause system as reflected in,
and developed by, State practice. It is suggested that the Court has re-
cognized the existence of an inherent, extra-statutory, right to modify
declarations in any manner not inconsistent with the Statute at any time
until the date of filing of an Application. The United States also draws
attention to the fact that its declaration dates from 1946, since when, it de la Cour repose sur des preuves substantielles. De plus, et ainsi que la
Cour l'a soulignédans les affairesdu Plateau continentaldela mer duNord
(C.I.J. Recueil1969,p. 26), l'estoppelpeut êtreinféréd'un comportement,

de déclarations,etc., d'un Etat qui n'auraient pas seulement attestéd'une
manière claire et constante l'acceptation par cet Etat d'un régimeparti-
culier, mais auraient également amené un autre ou d'autres Etats, se
fondant sur cette attitude,à modifier leur positionà leur détriment ou à
subir un préjudice. LaCour ne saurait considérerque l'invocation par le
Nicaragua delaclausefacultative soitenaucunefaçon contraire àlabonne
foiou àl'équité;on nepeut pas dire non plus que lecritèreadoptédans les
affaires du Plateau continentaldelamerduNordvaillepour leNicaragua, et
l'estoppelinvoqué par les Etats-Unis d'Amérique ne lui est donc pas
applicable.

52. L'acceptation de lajuridiction par les Etats-Unis que le Nicaragua
invoque est,commeindiquéplushaut, cellequi datedu 14août 1946.Mais

les Etats-Unis soutiennent qu'ilfaut égalementdonner effet à la notifica-
tion de 1984,c'est-à-dirà la déclarationenvoyée auSecrétairegénérad le
l'organisation des Nations Unies le6 avril 1984.LeNicaragua admet que,
sicettedéclarationétaiteffectiveen tant quemodificationoudénonciation
de la déclaration du 14 août 1946opposable au Nicaragua à la date du
dépôtde larequêteintroduisant la présenteinstance (9 avril 1984),la Cour
n'aurait pas compétence pour connaître de l'affaire, du moins sur la base
de l'article 36, paragraphes 2 et 5, du Statut. Le Nicaragua affirme néan-
moins que la notification de 1984est dépourvue d'effet parceque le droit
internationalne prévoitaucune possibilitéde modification unilatérale des
déclarationsfaitesenvertu de l'article36du Statutde la Cour, àmoins que
ce droit n'ait étéexpressément réservé.
53. Les Etats-Unis plaident que la notification de 1984a pour effet de
modifier et non de dénoncerladéclarationde 1946.Ilsfont valoir que,bien
que leur déclaration de 1946 ne réservepas expressément un droit de

modification (à la différence des déclarations faites en application de
l'article36 par divers autres Etats), leur notification de 1984modifie vala-
blement la déclarationde 1946en suspendant temporairement le consen-
tement des Etats-Unis à ce que la Cour se prononce sur les demandes
formuléespar le Nicaragua. Les Etats-Unis considèrent que les déclara-
tions faites en application de l'article ont un caractère sui generis, ne
constituent pas des traités et ne sontpas régiespar ledroit des traités,que
lesEtats ont ledroit souverain d'assortir de réservesleuracceptation de la
juridiction obligatoire de la Cour, et qu'il y a la une caractéristiqueinhé-
rente au régimede laclausefacultative, dont témoignelapratique suivieet
développée par lesEtats. SelonlesEtats-Unis la Cour areconnu l'existence
d'un droit inhérent et extrastatutaire de modifier les déclarations d'une
façonqui ne soitpas incompatible avecleStatut, àtout moment précédantasserts, fundamental changes have occurred in State practice under the
Optional Clause, and argues that to deny a right of modification to a State
which had, in such an olderdeclaration, not expresslyreserved such a right
would be inequitable and unjustified in the light of those changes in State
practice.

54. Nicaragua argues further, in the alternative, that the 1984notifica-
tion may be construed as a purported termination of the United States
Declaration of 1946and, in effect, the substitution of a new declaration,
and that such an attempt at termination is likewiseineffective. Asnoted in
paragraph 13 above, the 1946Declaration was to remain in force "for a
period of fiveyears and thereafter until the expiration of six months after
notice maybe giventoterminate this declaration". Accordingly, if the 1984
notification constituted a termination of the 1946Declaration (whether or
not accompanied in effect by the making of a revised declaration) it could
only take effect on 6 October 1984,and was as yet ineffective when the
Application of Nicaragua was filed on 9 April 1984.Both Parties appar-
ently recognizethat amodification of adeclaration whichonly takes effect
after the Court has been validly seised does not affect the Court's juris-
diction : as the Court found in the Nottebohmcase,

"Once the Court has been regularly seised, the Court must exercise
its powers, as these aredefined in the Statute. After that, the expiry of
theperiod fixedfor one of the Declarations on which theApplication
was founded is an event which is unrelated to the exercise of the
powers conferred on the Court by the Statute, which the Court must
exercisewheneverit has been regularly seisedand whenever it has not
been shown, on some other ground, that it lacksjurisdiction or that
the claim is inadmissible" (I.C.J. Reports 1953, p. 122),

and the same reasoning applies to a supervening withdrawal or modifica-
tion of a declaration.
55. The first answer given by the United States to this contention of
Nicaragua is that the 1984notification was, on its face, not a "termina-
tion", and the six months' notice proviso was accordingly inapplicable.
However,in theviewof theUnited States, evenifit be assumed for the sake
of argument that the sixmonths' noticeproviso was applicable to the 1984
notification, the modification made by that letter was effective vis-à-vis
Nicaragua, even if not effective erga omnes. As already explained, one
contention of the United States in relation toits ownDeclaration of 1946is
that States have a sovereign, inherent, extra-statutory right to modify at
any time declarations made under Article 36of the Statute in anymanner
not inconsistent with the Statute (paragraph 53, above). Similarly Nica-
ragua's 1929 Declaration, being indefinite in duration, not unlimited, is
subject to a right of immediate termination, without previous notice by

Nicaragua. The United States, on the other hand, while enjoying the
inherent right of unilateralmodification of its declaration,has bound itselfle dépôt d'unerequête.Les Etats-Unis soulignent en outre que leur décla-
ration remonte à 1946et que des changements radicaux sont intervenus
depuis lors dans la pratique des Etats pour ce qui est de la clause facul-
tative; vucette évolutionde lapratique, ilestinéquitable etinjustifié selon
eux de dénierle droit de modification à un Etat qui, dans une déclaration
aussi ancienne, ne se l'est pas réservé.
54. Le Nicaragua maintient en outre que la notification de 1984peut
êtreinterprétéecomme visant à mettre fin à la déclaration de 1946 des

Etats-Unis et à y substituer en réalitéune nouvelle déclaration, et qu'une
telle tentative est elle aussi inopérante. Ainsi qu'il est rappelé au para-
graphe 13 ci-dessus, la déclaration de 1946 devait demeurer en vigueur
<<pour une duréede cinq ans et [rester] en vigueur de plein droit jusqu'à
l'expiration d'un délaide sixmois àcompter de la date où notification est
donnéedel'intention d'ymettre fin o.En conséquence,silanotification de
1984était une dénonciationde la déclaration de 1946(accompagnéeou
non, en fait, d'une déclaration revisée)elle ne pouvait prendre effet que
le 6 octobre 1984et n'étaitdonc pas en vigueur le 9 avril 1984,date du
dépôtde la requêtedu Nicaragua. Les deux Parties admettent apparem-

ment qu'une modification d'une déclaration qui ne prend effet qu'au
moment où la Cour est valablement saisie d'une affaire n'affecte pas la
compétencede la Cour, wrnme celle-ci l'a dit dans l'affaire Norrebohm :
<(Une fois la Cour régulièrement saisie,la Cour doit exercer ses
pouvoirs telsqu'ilssont définispar leStatut. Aprèscela,l'échéance du
terme fixépour l'une des déclarations sur lesquelles se fonde la

requêteest un événementsans rapport avec l'exercice des pouvoirs
que le Statut confèreà la Cour et que celle-cidoit exercer lorsqu'elle a
étérégulièrement saisieetqu'il ne luiapas étédémontré, su urne autre
base, qu'elle est incompétente ou que la demande est irrecevable. ))
(C.I.J. Recueil 1953, p. 122).

Le mêmeraisonnement s'applique au retrait ou à la modification d'une
déclaration.
55. Les Etats-Unis répondent tout d'abord à cette assertion du Nica-
ragua que, par son libellé même, lanotification de 1984 n'est pas une
<<dénonciation ))et que la clause de préavisde six mois nejoue donc pas.
Ils ajoutent que, mêmesi l'on suppose, aux fins du raisonnement, que le
préavisde sixmois s'applique àlanotification de 1984,lamodification que
cette lettre apporteàla déclarationn'en est pas moins valable à l'égarddu
Nicaragua, mêmesiellene l'estpas ergaommes.Comme on l'avuplus haut
(paragraphe53), l'undesarguments avancéspar lesEtats-Unis à propos de

leur déclarationde 1946est que les Etats ont un droit souverain, inhérentet
extrastatutairede modifier à tout moment lesdéclarationsfaites en appli-
cation de l'article 36, pour autant que la modification en question ne soit
pas incompatible avec le Statut. De même, ladéclaration nicaraguayenne
de 1929étantde duréeindéfinie,et non illimitée, ellesuppose un droit de
dénonciation immédiate, sans que le Nicaragua soit tenu à préavis. En
revanche, si les Etats-Unis ont intrinsèquement le droit de modifier uni-by the proviso in its 1946Declaration to terminate that declaration only on
six months' notice. On this basis, the United States argues that Nicaragua
has not accepted "the same obligation" (for the purposes of Art. 36,para.

2,of the Statute) as the United States sixmonths' notice proviso, and may
not therefore oppose that proviso as against the United States. According
to the United States contention, the principles of reciprocity, mutuality
and equality of Statesbefore the Court permit the United Statesto exercise
the right of termination with the immediate effect implicitly enjoyed by
Nicaragua, regardless ofthe sixmonths' noticeproviso in theUnited States
Declaration. The United States does not claim on this ground to exercise
such a right of immediate termination erga omnes, but it does claim to
exercise it vis-à-vis Nicaragua.

56. Nicaragua first denies that declarations under Article 36are always
inherently terminable ; the general view is said to be that declarations
which contain no provision for termination continue in force indefinitely,
in contractual terms ; the question how far they may be terminable is
governed by the principles of the law of treaties applicable to consensual

legalrelations arising within the system of the Optional Clause. Nicaragua
concludes that its declaration was made without limit of time, and that
there can be no legaljustification forthe viewthat it issubject to unilateral
modification. The thesis that Nicaragua has not accepted "the same obli-
gation" as the United States is, Nicaragua suggests. completely baseless.
So far as reciprocity is concerned, Nicaragua concludes from its exami-
nation oftheviews ofpublicists that reciprocity isexhypothesiinapplicable
to time-limits, as opposed to express reservations reserving the power to
modify or terminate declarations, and that in respect of such express
reservations reciprocity can only operate when a specific act of modifica-
tion or termination is notified by virtue of the express reservation.

57. The terms of the 1984notification, introducing substantial changes
in the United States Declaration of Acceptance of 1946,have been quoted
above ; they constitute an important element for the development of the

Court's reasoning. The 1984notification has two salient aspects :on the
onehand it states that the 1946Declaration of acceptance shall not apply
to disputes with any Central American State or arising out of or related to
events in Central America ; on the other hand it states that it is to take
effect immediately, notwithstanding the terms of the 1946 Declaration,
and is to remain in force for two years.

58. The argument between the Parties asto whether the 1984notifica-
tion should becategorized asamodificationor asa termination of the 1946
Declaration appears in fact to be without consequencefor the purpose of
this Judgment. The truth is that it is intended to secure a partial and
temporary termination, namely to exempt, with immediate effect, the
United States from the obligation to subject itself to the Court's jurisdic-
tion with regard to any application concerning disputes with Centrallatéralement leur déclaration, ils se sont engagéspar la réservefigurant
dans leurdéclarationde 1946 ànedénoncercelle-cique moyennant préavis
de six mois. Ilsen concluent que leNicaragua n'a pas acceptéla (même )>
obligation (au sens de l'article 36, paragraphe 2, du Statut) que les Etats-
Unis par leur clause de préavisde six mois et n'est donc pas fondé àleur
opposer cette clause. Les Etats-Unis affirment que les principes de la
réciprocité,de la mutualité et de l'égalité des Etats devant la Cour leur
permet d'exercer leur droit de dénonciation avec l'effet immédiat dont
bénéficiait implicitement le Nicaragua, nonobstant la clause de préavis de
six mois que comporte leur propre déclaration.Les Etats-Unis ne préten-

dent pas qu'ils pourraient exercer le mêmedroit de dénonciation immé-
diate erga omnes ; ils soutiennent cependant qu'il leur est loisible de
l'exercer à l'égarddu Nicaragua.
56. Le Nicaragua nie pour commencer que les déclarations faites en
application de l'article 36soient toujours intrinsèquement dénonçables ;
l'opinion générale serait plutôt que les déclarations qui ne comportent
aucune clause de dénonciation restent indéfiniment envigueur, sur une
base contractuelle ; la question de savoir dans quelle mesure il peut y être
mis fin est régiepar lesprincipes du droit des traités applicables aux liens
consensuels résultant du systèmede la clause facultative. Le Nicaragua

conclut que sa déclaration a été faite sans limitede durée et que rien
n'autorise, en droit, a la considérer comme susceptible de modification
unilatérale. D'après leNicaragua la thèse selon laquelle il n'aurait pas
accepté la << même ))obligation que les Etats-Unis est dénuée de tout
fondement. Pour ce qui est de la réciprocité,le Nicaragua conclut de son
examen de ladoctrine que laréciprocitéestpar hypothèseinapplicable aux
délaiseux-mêmes,par opposition aux réserves expressesdu pouvoir de
modifier les déclarations oud'y mettre fin, et qu'elle ne peut jouer qu'au
moment où un acte précisde modification ou de retrait est notifiéen vertu
de telles réserves.
57. Le texte de la notification de 1984,par laquelle des changements

substantiels étaient apportés à la déclaration d'acceptation américainede
1946, a étécité plushaut ; il constitue un élémentimportant dans le
raisonnement de la Cour. La notification de 1984présente deux aspects
marquants :d'unepart elleénoncequela déclaration d'acceptationne sera
pas applicable aux différends avec l'un quelconque des Etats de 1'Amé-
rique centrale ou découlant d'événementsen Amérique centrale ou s'y
rapportant ;de l'autre elle spécifie qu'elleprendra effet immédiatement,
nonobstant les termes de la déclaration de 1946, et restera en vigueur
pendant deux ans.
58. Ledébatentre les Parties sur lepoint de savoir si la notification de

1984doit êtrequalifiéede modification ou de retrait de la déclarationde
1946paraît enfait ne tirer a aucune conséquenceaux finsdu présentarrêt.
A vrai dire cette notification vise a réaliserune dénonciation partielle et
temporaire,afind'affranchir, aveceffet immédiat,lesEtats-Unisde l'obli-
gation de se soumettre à la juridiction de la Cour pour toute requête
concernant desdifférendsavecdesEtatscentraméncains oudesdifférends418 MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVITIES (NDGMENT)

American States, and disputes arising out of events in Central America.
Counsel for the United States during the hearings claimed that the notifi-
cation was equally valid against Nicaragua whether it was regarded as a
"modification" or as a "termination" of the Acceptance Declaration.

59. Declarations of acceptance of the compulsoryjurisdiction of the
Court are facultative, unilateral engagements, that States are absolutely
free to make or not to make. In making the declaration a State is equally
free either to do so unconditionally and without lirnit of time for its
duration, or to qualify it with conditions or reservations. In particular, it
may limitits effect to disputes arising after acertain date;orit may specify
howlongthedeclaration itself shallremain in force, or what notice (if any)
will be required to terminate it. However, the unilateral nature of decla-
rations does not signify that the State making the declaration is free to
amend the scope and the contents of its solemn commitments asit pleases.
In the Nuclear Tests cases the Court expressed its position on this point
very clearly :

"It is well recognized that declarations made by way of unilateral
acts, concerning legal or factual situations, may have the effect of
creating legalobligations.Declarations of thiskind may be, and often
are, very specific. When it is the intention of the State making the
declaration that it should become bound according to its terms, that
intention confers on the declaration the character of a legal under-
taking, the State being thenceforth legallyrequired to follow acourse
of conduct consistent with the declaration." (I.C.J. Reports 1974,
p. 267, para. 43 ; p. 472, para. 46.)

60. In fact, the declarations, even though they are unilateral acts,
establish a series of bilateral engagements with other States accepting the
sameobligation of compulsoryjurisdiction, in which the conditions, reser-
vations and time-limit clauses are taken into consideration. In the estab-
lishment of this network of engagements, which constitutes the Optional-
Clause system, the principle of good faith plays an important role ;the
Court has emphasized the need in international relations for respect for
good faith and confidence in particularly unambiguous terms, 8lso in the
Nuclear Tests cases :

"One of the basic principles governing the creation and perfor-
mance of legal obligations, whatever their source, is the principle of
good faith. Trust and confidence are inherent in international co-
operation, in particular in an age when this co-operation in many
fieldsisbecoming increasingly essential.Just as the very rule ofpacta
suntservandain the lawof treaties isbased on good faith, so alsois the
binding character of an international obligation assumed by unila-
teral declaration. Thus interested States may take cognizance of uni-
lateral declarations and place confidence in them, and are entitled to
require that the obligation thus created be respected." (Ibid p .,68,
para. 46 ; p. 473, para. 49.)enrapport aveclesévénements d'Amérique centrale.Pendant laprocédure
orale, le conseil des Etats-Unis a soutenu que la notification serait tout
aussi valide contre le Nicaragua, que la note soit considérée commeune
(<modification ))ou comme une << dénonciation ))de la déclaration d'ac-
ceptation.
59. Les déclarations d'acceptation de la juridiction obligatoire de la
Cour sont des engagements facultatifs, de caractère unilatéral, que les

Etats ont toute libertéde souscrire ou de ne pas souscrire. L'Etat est libre
enoutre soit defaireune déclarationsans condition etsanslimite de durée,
soit de l'assortir de conditions ou de réserves.Il peut en particulier en
limiter l'effet auxdifférendssurvenant aprèsunecertainedate, ou spécifier
la durée pour laquelle la déclaration elle-mêmereste en vigueur ou le
préavis qu'ilfaudra éventuellementdonner pour y mettre fin. Lecaractère
unilatéraldes déclarations n'implique pourtant pas que 1'Etatdéclarant
soit libre de modifier à son grél'étendue et la teneurde ses engagements
solennels. Dans l'affaire des Essaisnucléaires,la Cour s'estexprimée très

clairement a ce sujet :
Il est reconnu que des déclarations revêtant laforme d'actes
unilatérauxet concernant des situations de droit ou de fait peuvent
avoir pour effet de créerdes obligationsjuridiques. Des déclarations
de cette nature peuvent avoir et ont souvent un objet très précis.

Quand I'Etat auteur de la déclarationentendêtreliéconformément à
ses termes, cette intention confère à sa prise de position le caractère
d'un engagement juridique, 1'Etatintéresséétantdésormaistenu en
droit de suivre une ligne de conduite conforme à sa déclaration.
(C.I.J. Recueil 1974, p. 267, par. 43 ; p. 472, par. 46.)
60. En fait lesdéclarations,bien qu'étant desactes unilatéraux, établis-

sent une sériede liens bilatéraux avec les autres Etats qui acceptent la
mêmeobligation par rapport à la juridiction obligatoire, en prenant en
considérationles conditions, réserveset stipulations de durée.Dans l'éta-
blissement de ce réseau d'engagementsque constitue le système de la
clause facultative, le principe de la bonne foijoue un rôle essentiel ;et la
Cour a soulignéla nécessité de respecter, dans lesrelationsinternationales,
les règles dela bonne foi et de la confiance en des termes particulièrement
nets, encore une fois dans l'affaire des Essais nucléaires :

(L'un des principes de base qui président à la création et à l'exé-
cution d'obligationsjuridiques, quelle qu'en soitla source, est celuide
la bonne foi. La confiance réciproque est une condition inhérente de
lacoopération internationale, surtout à une époqueoù, dans bien des
domaines, cette coopération est de plus en plus indispensable. Tout
comme la règledu droit des traitéspacta sunt sewanda elle-même, le
caractère obligatoire d'un engagement international assumé par

déclaration unilatéralerepose sur la bonne foi. Les Etats intéressés
peuvent donc tenir compte des déclarations unilatérales et tablersur
elles; ils sont fondés àexiger que l'obligation ainsi créée soit respec-
tée.))(Ibid., p. 268, par. 46 ;p. 473, par. 49.) 61. The most important question relating to the effect of the 1984
notification iswhether the United States wasfree to disregardthe clauseof
six months' notice which, freely and by its own choice, it had appended to
its 1946Declaration. In so doing the United States entered into an obli-
gation which is binding upon it vis-à-vis other States parties to the
Optional-Clause system. Although the United States retained the right to
modify the contents of the 1946Declaration or to terminate it, a power
which is inherent in any unilateral act of a State, it has, nevertheless
assumed an inescapable obligation towards other States accepting the

Optional Clause, by stating formally and solemnly that any such change
should take effect only after six months have elapsed as from the date of
notice.
62. The United States has argued that the Nicaraguan 1929 Declara-
tion, being of undefined duration, is liable to immediate termination,
without previous notice, and that therefore Nicaragua has not accepted
"the same obligation" as itself for the purposes of Article 36,paragraph 2,
and consequently may not rely on the six months' notice proviso against
the United States.The Court does not howeverconsider that thisargument
entitlesthe United States validly to act in non-application of the time-limit
proviso included in the 1946 Declaration. The notion of reciprocity is
concerned with the scope and substance of thecomrnitments entered into,
including reservations, and not with the forma1conditions of their crea-
tion, duration or extinction. It appears clearly that reciprocity cannot be
invoked in order to excuse departure from the terms of a State's own
declaration, whatever its scope, limitations or conditions. As the Court
observed in the Interhandel case :

"Reciprocity enables the State whch has made the wider accep-
tance of thejurisdiction of the Court to rely upon the reservations to
the acceptance laid down by the other party. There the effect of
reciprocity ends. It cannot justify a State, in thisinstance, the United
States, in relying upon a restriction which the other party, Switzer-
land, has not included in its own Declaration." (I.C.J. Reports 1959,
p. 23.)

The maintenance in force of the United States Declaration for sixmonths
after notice of termination is a positive undertaking, flowing from the
time-limit clause, but the Nicaraguan Declaration contains no express
restriction at all. It is therefore clear that the United States is not in a
position to invoke reciprocity as a basis for its action inmaking the 1984
notification which purported to modify the content of the 1946Declara-
tion. On thecontrary itisNicaragua that can invoke the sixmonths' notice
against the United States - not of course on the basis of reciprocity, but
because it isan undertaking whichisan integral part of theinstrument that
contains it.
63. Moreover, since the United States purported to act on 6April 1984
insuch awayasto modify its 1946Declaration with sufficiently immediate

effect to bar an Application filed on 9April 1984,it would be necessary, if 61. La question la plus importante qui se pose à propos de la notifica-
tion de 1984est de savoir s'ilétaitloisibleaux Etats-Unis de ne tenir aucun
compte de la clause de préavisde six mois qu'ils avaient librement choisi

d'insérerdans leur déclarationde 1946.Ce faisant, ils avaient assuméune
obligationcontraignante à l'égarddesautres Etats parties au systèmede la
clause facultative. Les Etats-Unis ont certes le droit, inhérenà tout acte
unilatérald'un Etat,de changerla teneur de leurdéclaration oud'y mettre
fin ;ils ont néanmoins assuméune obligation irrévocable à l'égarddes
autresEtatsqui acceptent la clause facultative, endéclarant formellement
et solennellement que tout changement semblable ne prendrait effet
qu'aprèsl'expiration des six mois de préavis.

62. Les Etats-Unis ont fait valoir que la déclaration nicaraguayenne de
1929,étantd'une duréeindéfinie,était dénonçable sanspréavis ;en con-
séquence leNicaragua n'avait pas acceptéla <<mêmeobligation ))qu7eux-
mêmesaux fins de l'article36,paragraphe 2, et ne pouvait leur opposer la

clause de préavisde sixmois. La Courne considèrecependantpasque cet
argument autorise les Etats-Unis à passer outre à la clause de préavis
figurant dans leur déclarationde 1946.La notion de réciprocitéporte sur
l'étendue etla substance des engagements, y compris les réservesdont ils
s'accompagnent, et non sur les conditions formelles relatives à leur créa-
tion, leur duréeou leur dénonciation. Il apparaît nettement que la réci-
prociténe peut êtreinvoquéepar un Etat pour ne pas respecter les termes
de sapropre déclaration,quel qu'en soit lechamp d'application, leslimites
ou les conditions. Pour reprendre les termes utiliséspar la Cour dans
l'affaire de l'lnterhande:

<<La réciprocitépermet à1'Etatqui a acceptéle plus largement la
juridiction de la Cour de se prévaloirdes réservesàcette acceptation
énoncées par l'autre partie. Là s'arrêtel'effetde la réciprocité. nele
saurait autoriser un Etat, en l'espèce lesEtats-Unis, à se prévaloir
d'unerestriction dont l'autre partie,la Suisse,n'apasaffectésapropre
déclaration.))(C.I.J. Recueil 1959, p. 23.)

Le maintien en vigueur de la déclaration des Etats-Unis pendant les six
moisde préavis estun engagement positif, découlantde laclause de durée,
mais la déclaration nicaraguayenne ne comporte quant à elle aucune
restriction expresse. Il est donc clair que les Etats-Unis ne peuvent pas
invoquer la réciprocitécomme base de l'initiative qu'ilsont prise en pro-
cédant à la notification de 1984par laquelle ils entendaient modifier la

teneur de leurdéclarationde 1946.C'est aucontraire leNicaragua quipeut
leuropposerla clausedepréavis desixmois - non pas, certes, au titre de la
réciprocité, maisparce qu'elle constitue un engagement faisant partie
intégrante de l'instrument où elle figure.
63. De plus, puisque les Etats-Unis entendaient, le 6 avril 1984,modi-
fier leur déclarationde 1946avec un effet suffisamment immédiat pour
faire obstacle àla requêtedu 9 avril 1984,il faudrait, pour invoquer lareciprocity is to be relied on, for the Nicaraguan Declaration to be ter-
minable with immediate effect. But the right of immediate termination of
declarations with indefinite duration is far from established. It appears
from the requirements of good faith that they should be treated, by ana-
logy,according to the law of treaties, which requires a reasonable time for
withdrawal from or termination of treaties that contain no provision
regarding the duration of their validity. Since Nicaragua has in fact not
manifested any intention to withdraw its own declaration, the question of
what reasonable period of notice would legallybe required does not need
to be further examined : it need only be observed that from 6 to 9 April
would not amount to a "reasonable time".

64. TheCourt would alsorecall that inprevious casesin whichithashad
to examine the reciprocal effect of declarations made under the Optional
Clause, it has determined whether or not the "same obligation" was in
existenceat the moment of seisingof the Court, by comparing the effect of
theprovisions, inparticular the reservations, of the twodeclarations at that
moment. The Court is not convinced that it would be appropriate, or
possible,to try todetermine whether aState against whichproceedings had
not yet been instituted could rely on a provision in another State's decla-
ration to terminate or modify its obligations before the Court was seised.
The United States argument attributes to the concept of reciprocity, as
embodied in Article 36 of the Statute, especially in paragraphs 2 and 3, a
meaning that goes beyond the way in which it has been interpreted by the
Court, according to its consistentjurisprudence. That jurisprudence sup-
ports the view that a determination of the existence of the "same obliga-
tion" requires the presence of two parties to a case, and a defined issue
between them, which conditions can only be satisfied when proceedings
have been instituted. In the case of Right of PassageoverIndian Terrirory,
the Court observed that

"when a case is submitted to the Court, it is always possible to
ascertain what are, at that moment, the reciprocal obligations of the
Parties in accordance with their respective Declarations" (I.C.J.
Reports 1957, p. 143).

"It is not necessary that the 'sameobligation' shouldbe irrevocably
defined at the timeof thedeposit of the Declaration of Acceptance for
the entire period of its duration. That expression means no more than
that, as between States adhering to the Optional Clause, each and
al1of them are bound by such identical obligations as may exist at
any time during which the Acceptance is mutually binding." (Ihid,
p. 144.)

The coincidence or interrelation of those obligations thus remain in a state
of flux until the moment of the filing of an application instituting pro-
ceedings.The Court has then to ascertain whether, at that moment, the tworéciprocité,que la déclaration nicaraguayenne soit dénonçablesans préa-
vis. Or le droit de mettre fin immédiatement à des déclarationsde durée
indéfinie est loind'êtreétabli.L'exigencede bonne foi paraît imposer de
leur appliquer par analogie le traitement prévupar le droit des traités,qui
prescrit un délairaisonnablepour leretrait oula dénonciationde traitésne
renfermant aucune clause de durée.Puisque leNicaragua n'a manifestéen
fait aucuneintention de retirer sa propre déclaration la question de savoir
quel délairaisonnable devrait êtrerespectén'a pas à être approfondie :il

suffira d'observer que le laps de temps du 6 au 9 avril ne constitue pas un
<délairaisonnable o.

64. La Cour rappelle aussi que, dans desaffairesantérieuresoù ellea eu
àconsidérerl'effet réciproquede déclarations faites en application de la
clause facultative, elle a déterminési la <mêmeobligation )existait au
moment de la saisine de la Cour, en comparant l'effet, à ce moment, des

dispositions, etnotamment desréserves,figurant dans cesdéclarations.La
Cour n'estpas convaincue qu'il seraitapproprié,ni possible, de chercher à
établirsi un Etat contre lequel aucune action n'est encore entaméepeut
s'appuyer surla déclaration d'unautreEtatpour révoquerou modifier ses
obligationsavant que la Courne soit saisie.Les Etats-Unisattribuent àla
notion de réciprocité, consacrép ear l'article36du Statut, en particulier ses
paragraphes 2 et 3, un sens différentde celui que lui donne la Cour selon
unejurisprudence constante. Cettejurisprudence confirme que l'existence

de la tmêmeobligation ))ne peut êtredéterminéeque si deuxparties sont
en cause et s'opposent sur un problème bien défini,condition quine peut
êtreremplie qu'une fois l'instance introduite. Dans l'affaire du Droit de
passage sur territoire indien,la Cour a soulignéque :

t<quand une affaire est soumise à la Cour, il est toujours possible de
déterminerquelles sont, à cemoment, lesobligationsréciproquesdes
Partiesen vue de leurs déclarationsrespectives ))(C.Z. Recueil1957,

p. 1431,

et que :
<Il n'est pas nécessaireque <<la mêmeobligation )>soit définiede

façon irrévocableau moment du dépôtdela déclarationd'acceptation
pour toute la duréede celle-ci.Cette expression signifie simplement
que, dans les rapports entre Etats qui adhèrent à la disposition facul-
tative, tous et chacun sont liéspar les obligations identiques qui
existeraientà tout moment tant que l'acceptation les lie réciproque-
ment. )(Ibid., p. 144.)

La coïncidence ou connexitéde ces obligationsreste donc fluidejusqu'au
dépôtd'une requêteintroductive d'instance.LaCour doit alors vérifier si,

à cemoment, lesdeux Etats ont accepté t<lamêmeobligation )parrapportStates accepted "the same obligation" in relation to the subject-matter of
the proceedings ; the possibility that, prior to that moment, the one
enjoyed awider right to modify itsobligation than did theother, iswithout
incidence on the question.
65. In sum, the six months' notice clause forms an important integral
part of the United States Declaration and it is a condition that must be
complied within caseofeitherterrnination ormodification.Consequently,
the 1984notification, in thepresent case,cannot override the obligation of
the United States to subrnit to the compulsory jurisdiction of the Court
vis-à-vis Nicaragua, a State accepting the same obligation.

66. The conclusionjust reached renders it unnecessary for the Court to
pass upon a further reason advanced by Nicaragua for the ineffectiveness
of the 1984notification. An acceptance of the compulsoryjurisdiction of
the Court, governed in many respects by the principles of treaty law,
cannot, Nicaragua argues,becontracted or variedbya mere letter from the
United States Secretaryof State.Drawing attention to theprovisions of the
Constitution of the United States as to the power of making treaties,
Nicaragua contends that the 1984notification is, as a matter of United
Stateslaw,anullity, and isequallyinvalid under the principles of the lawof
treaties, because it was issued in manifest violation of an internal rule of
law of fundamental importance (cf. Art. 46 of the Vienna Convention on
the Law of Treaties). However, since the Court has found that, even
assuming that the 1984notification is othenvise valid and effective, its
operation remains subject to the sixmonths' notice stipulated in 1946,and
hence it is inapplicable in this case, the question of the effect of internal

constitutional procedures on the international validity of the notification
does not have to be determined.

67. The question remains to be resolved whether the United States
Declaration of 1946,though not suspended in its effects vis-à-visNicara-
gua by the 1984 notification, constitutes the necessary consent of the
United States to thejurisdiction of the Court in the present case, taking
into account the reservations which were attached to the declaration.

Specifically,the United States has invoked proviso (c)tothat declaration,
which provides that the United States acceptance of the Court's compul-
soryjurisdiction shall not extend to
"disputes arising under a multilateral treaty, unless (1) al1parties to
the treaty affected by the decision are also parties to the case before àl'objetdu procès ;lefait qu'auparavant l'un aiteuplus quel'autre ledroit
de modifier son obligation est sans incidence sur la question.

65. En résumé,la clause de préavis est une partie intégrante de la
déclaration américainede 1946,dont elle est un élémentimportant ;elle
introduit une condition qui doit êtresans aucun doute respectéeen cas de
retrait ou de modification. Par conséquent la notification de 1984 ne
saurait abolir l'obligation des Etats-Unis de se soumettre àlajuridiction
obligatoire de la Cour internationale de Justice vis-à-vis du Nicaragua,
Etat acceptant la mêmeobligation.

66. La conclusion qui vient d'être formulée dispensela Cour de se
prononcer sur un autre motif avancépar leNicaragua pour démontrer que
la notification de 1984 est sans effet. Une acceptation de la juridiction
obligatoire de la Cour, étantrégie à bien des égards par les principes du
droit destraités, nepeut, selonleNicaragua, être souscriteni modifiéepar
une simple lettre du secrétaire d'Etat des Etats-Unis. Rappelant les dis-
positions de la Constitution des Etats-Unis relatives au pouvoir de con-
cluredestraités,leNicaragua affirmeque,selonledroit desEtats-Unis, la
notification de 1984 est nulle, et qu'elle l'est également au regard des
principes du droit des traités, ayant étéfaiteen violationmanifeste d'une
règle de droit interne d'une importance capitale (voir l'article 46 de la
convention de Vienne sur le droit des traités). Toutefois, la Cour ayant

conclu que, en admettant mêmeque la notification de 1984soit valide et
effective à d'autres égards, soneffet reste subordonné au préavisde six
mois stipulé en 1946, de sorte qu'elle est inapplicable en l'espèce, la
question de l'effetdesprocéduresconstitutionnellesinternes sur savalidité
internationale n'a pas à être tranchée.

67. Reste à savoir si,bien que les effets de la déclaration américainede
1946ne soientpas suspendus à l'égarddu Nicaragua par la notification de
1984,cettedéclarationétablitlenécessaireconsentementdesEtats-Unis à
la compétencede la Cour en la présenteespèce,étant donnéles réserves
qu'ellecomporte. Plusprécisémentl,es Etats-Unis ont invoquélaréserve c)
jointe à cette déclaration, qui stipule que l'acceptation par les Etats-Unis
de lajuridiction obligatoire de la Cour ne s'applique pas aux

((disputes arising under a multilateral treaty, unless (1) al1parties to
the treaty affected by the decision are also parties to the case before422 MILITARYAND PARAMILITARYACTIVITIES (NDGMENT)

the Court, or (2) the United States of America specially agrees to
jurisdiction".

This reservation will be referred to for convenience as the "multilateral
treaty reservation". Of the tworemaining provisos to the declaration, it has
not been suggested that proviso (a), referring to disputes the solution of
which isentrusted toother tribunals, has any relevance to the present case.
As for proviso (b),excluding jurisdiction over "disputes with regard to
matters whichare essentiallywithin the domesticjurisdiction of the United
States of America as determined by the United States of America", the
United Stateshas informed the Court that it has determined not to invoke
thisproviso, but "without prejudice to the rights of theUnited States under
that proviso in relation to any subsequent pleadings,proceedings, or cases
before this Court".

68. The United Statespoints out that Nicaragua reliesin itsApplication
on four multilateral treaties, namely theCharter of theUnitedNations, the

Charter of the Organization of American States, the Montevideo Conven-
tion on Rights and Duties of States of 26 December 1933,and the Havana
Convention on the Rights and Duties of States in the Event of Civil Strife
of 20 February 1928.In so far as the dispute brought before the Court is
thus one "arising under" those multilateral treaties, sincetheUnited States
has not specially agreed tojurisdiction here, the Court may, it isclaimed,
exercisejurisdiction only if al1 treaty parties affected by a prospective
decision of the Court are also parties to the case. The United States
explains the rationale of its multilateral treaty reservation as being that it
protects the United States and third States fromthe inherently prejudicial
effects of partial adjudication of complex multiparty disputes. Emphasiz-
ing that the reservation speaksonly of States "affected by" a decision, and
not of States having a legalright or interest in the proceedings, the United
States identifies, as States parties to the four multilateral treatiesabove
mentioned which would be "affected", in a legal and practical sense, by

adjudication of the claims submitted to the Court, Nicaragua's three
Central American neighbours, Honduras, Costa Rica and El Salvador.

69. The United States recognizesthat themultilateral treaty reservation
applies in terms only to "disputes arising under a multilateral treaty", and
notes that Nicaragua in itsApplication asserts also that the United States
has "violated fundamental rules of general and customary international
law". However, itis nonetheless the submission of the United States that the Court, or (2) the United States of America specially agrees to
jurisdiction )).
(O différends résultant d'untraitémultilatéral, à moins que 1)toutes

lesparties au traitéqueladécisionconcernesoient égalementparties à
l'affaire soumise à la Cour, ou que 2) les Etats-Unis d'Amérique
acceptent expressémentla compétencede la Cour O). [Traduction du
Secrétariatde l'organisation desNations Unies reproduitedans l7An-
nuairede la Cour.]

Cette réserveseraci-aprèsdénomméep ,ar commodité,la (<réserve relative
aux traités multilatéraux )).A propos des deux autres réservesdont la
déclarationest assortie, il n'a pas étéavancéque la réservea), visant les
différendsdont la solution est confiée àd'autres tribunaux, ait la moindre
pertinence en l'espèce.Pour ce qui est de la réserveb), qui exclut la
compétenceen ce qui concerne les « différendsrelatifs à des questions
relevant essentiellement de la compétence nationale des Etats-Unis

d'Amérique,telle qu'elle est fixéepar les Etats-Unis d'Amérique O,les
Etats-Unis ont indiqué àla Cour qu'ilsavaient décidéde ne pas invoquer
cette réserve,mais sans préjudice de leur droit [de l']invoquer ultérieu-
rement à propos de tout acte de procédure etde toute instance ou affaire
devant la Cour )).
68. LesEtats-Unis soulignent queleNicaragua s'appuie dans sarequête
sur quatre traités multilatéraux,la Charte des Nations Unies, la charte de
l'Organisation des Etats américains, la convention de Montevideo du

26 décembre1933concernant les droits et devoirs des Etats et la conven-
tion de La Havane du 20 février1928concernant les droits et devoirs des
Etats en cas de luttes civiles.Dans lamesure oùla Cour est ainsi saisied'un
différend (résultant )>de ces traités multilatéraux,et puisque les Etats-
Unis n'ont pas en l'espèceacceptéexpressément sa compétence, il est
alléguéque la Cour ne pourrait exercer sa juridiction que si toutes les
parties aux traitésaffectéespar une éventuelle décisionde la Cour étaient
aussi parties à l'instance. D'après les Etats-Unis la raison d'êtrede leur

réserverelativeaux traités multilatérauxest qu'elleprotègeles Etats-Unis
et les Etats tiers contre leseffets inévitablementpréjudiciablesqu'aurait le
règlementjudiciaire partiel d'un différendcomplexe intéressantplusieurs
parties.Soulignant quela réserveviseseulement lesEtats << affected by )la
décisionetnon lesEtatsayant un droit ou un intérêd t'ordrejuridique dans
l'instance, les Etats-Unis concluent que les Etats parties aux quatre traités
multilatéraux précitésqui seraient << affectésO, juridiquement et concrè-
tement, si la Cour faisait droit aux demandes qui lui sont soumises, sont

trois Etats d'Amériquecentrale voisins du Nicaragua - le Honduras, le
Costa Rica et El Salvador.
69. Les Etats-Unis reconnaissent que la réserve relative aux traités
multilatéraux ne s'applique textuellement qu'aux <<différends résultant
d'un traité multilatéral 1)et relèvent que, dans sa requête, le Nicaragua
affirme aussi que les Etats-Unis ont <<violé ..des règlesfondamentales du
droit international générae ltcoutumier o.Ilsn'enmaintiennent pasmoinsal1the claims set forth in Nicaragua's Application are outside the juris-
diction of the Court. According to the argument of the United States,
Nicaragua's claims styledas violations of general and customary interna-
tional law merely restate or paraphrase its claims and allegations based
expressly on the multilateral treaties mentioned above, and Nicaragua in
its Memorial itself States that its "fundamental contention" is that the
conduct of the United States is a violation of the United Nations Charter
and the Charter of the Organization of American States. The evidence of
customary law offered by Nicaragua consists of General Assembly reso-
lutions that merely reiterate or elucidate the United Nations Charter ;nor
can the Court determine the merits of Nicaragua's claims formulated
under customary and general international law without interpreting and
applying the United Nations Charter and the Organization of American
States Charter, and since the multilateral treaty reservation bars adjudi-
cation of claims based on those treaties, it bars al1Nicaragua's claims.

70. Nicaragua on the other hand contends that if themultilateral treaty
reservation is given its correct interpretation,taking into account in par-
ticular the travauxpréparatoiresleading to the insertion by the United
States Senate of the reservation into the draft text of the 1946Declaration,
the reservation cannot precludejurisdiction over any part of Nicaragua's
Application. According to Nicaragua, the record demonstrates that the
reservation is pure surplusage and does not impose any limitation on
acceptance of compulsoryjurisdiction by the United States. The amend-
ment whereby the reservation wasintroduced wasconceived,intended and
enacted to deal with a specific situation : a multiparty suit against the
United States that included parties that had not accepted the Court's
compulsoryjurisdiction. Nicaragua contends, not that the reservation is a
nullity, but that when itsmeaning isproperly understood, it turns outto be
redundant. The United States interpretation of the reservation finds no
support, according to Nicaragua, in its legislative history, and would
establish a thoroughly unworkable standard inasmuch as it would be
necessary to ascertain in what circumstances a State not party to a case
should be deemed "affected" by the decisionwhichisyet to be taken by the
Court. Nicaragua argues that thesupposedinterests of those States that the

United States allegesmight be affected by a decision in this case are either
non-existentor plainly beyond thescope of any such decision, and that the
communicationssent by those States to the Court fail to establish that they
would be so affected.

71. Furthermore, Nicaragua denies that its claims based on customary
law are no more than paraphrases of its allegations of violation of the
United Nations Charter, and emphasizes that the same facts mayjustify
invocation of distinct causes of action. Specifically, the provisions of the
United Nations Charter relating to the use of force by States, while they
may stillrank as provisions of a treaty for certain purposes, are now within que toutes lesdemandes présentées dansla requêtedu Nicaragua sont hors
du champ de compétencede la Cour. Selon la thèsedes Etats-Unis, les
demandes du Nicaragua portant sur de prétendues violations du droit
international généralet coutumier ne font que reprendre ou paraphraser
ses demandes et allégations expressémentfondées surles traitésmultila-

térauxprécitésl,e Nicaragua ayant déclaréd , ans son mémoire mêmeq,ue
son <argument fondamental ))est que les Etats-Unis, par leur comporte-
ment, violent laChartedesNations Unieset lachartedel'organisation des
Etats américains. Les moyens de preuve relatifs au droit international
coutumier offerts par le Nicaragua consistent en des résolutionsde l'As-
semblée générale qui ne font que réitérerou éclairerle contenu de la
Charte, et la Cour ne pourrait statuer sur les demandes du Nicaragua
fondées sur ledroit international général et coutumier sansinterpréteret
appliquer la Charte des Nations Unies et la charte de l'organisation de\
Etats américains ; il s'ensuit que, puisque la réserve relative auxtraités
multilatéraux interdià la Cour de connaître des demandes fondées surces
traités, cette interdiction s'appliàutoutes les demandes du Nicaragua.

70. Le Nicaragua affirme en revanche que, si l'on donne à la réserve
relative aux traités multilatéraux son interprétation exacte, en tenant
compteenparticulier destravauxpréparatoires quiont amenéle Sénatdes
Etats-Unis àinsérerlaréservedans leprojet de déclarationde 1946,ladite
réservene peut faire obstaclà lacompétencede la Coursuraucun chef de
demande du Nicaragua. Selon le Nicaragua, le dossier montre que la
réserveest en fait purement surajoutée et qu'elle n'apporte aucune res-
trictionà l'acceptation de la juridiction obligatoire par les Etats-Unis.
L'amendement par lequel la réservefut introduite était conçu et a été
adopté pour répondre à une situation précise - une affaire opposant
plusieurs parties aux Etats-Unis, dans laquelle certaines parties n'auraient
pasacceptélajuridiction obligatoire dela Cour. LeNicaragua affirme, non
pas quelaréserveestnulleet non avenue, maisque, sion lacomprend bien,

elleapparaît commeune simpleredondance. Rien àson avisdansla genèse
de la réserve ne vientétayerl'interprétation qu'endonnent les Etats-Unis,
laquelle instaurerait une règleabsolument inapplicable en ce qu'elle exi-
gerait que l'on déterminedans quelles conditions un Etat qui n'est pas
partie àune affairedoit êtreconsidérécomme (<affecté par une décision
que la Cour n'aurait pas encore prise. Le Nicaragua soutient que les
intérêts supposés deE stats qui, selon les Etats-Unis, pourraient êtretou-
chéspar une décisiondans la présenteespècesont, soit inexistants, soit
totalement hors du cadre d'une telle décision,et que les communications
quecesEtats ont adressées àla Cour n'établissentnullement qu'ilsseraient
ainsi affectés.

71. De plus, le Nicaragua conteste que ses griefs fondés surle droit
coutumier ne soient que la paraphrase de sesallégationsde violation de la
Charte des Nations Unies, et il souligne que les mêmesfaits peuvent
justifier plusieurs motifs distincts d'action en justice. En particulier, les
dispositions de la Charte des Nations Unies qui concernent l'usagede la
forcepar lesEtats, siellespeuvent toujours êtreconsidérées àcertainesfinsthe realm of general international law and their application is not a
question exclusivelyof interpreting a multilateral treaty. The law relating
to the use of force is not contained wholly in the Charter, and in the
practice of States claims of State responsibility involving violence may be
and frequently are formulated without relying on the Charter. Accor-
dingly,Nicaragua submits thatthe multilateraltreaty reservation, evenifit
has any relevance or validity, hasno application to the claims ofNicaragua
based upon customary international law.

72. The multilateral treaty reservation in the United States Declaration
has someobscure aspects,whichhavebeen the subject ofcomment sinceits
making in 1946.There are twointerpretations of the need for the presence
of the parties to the multilateral treaties concerned in the proceedings
before the Court as a condition for the validity of the acceptance of the
compulsoryjurisdiction by the United States. It is not clear whether what

are "affected", according to the terms of the proviso, are the treaties
themselves or the parties to them. Similar reservations to be found in
certain other declarations of acceptance, such as those of India, El Sal-
vador and the Philippines, refer clearly to "al1parties" to the treaties. The
phrase "al1parties to the treaty affected by the decision" is at the centre of
the present doubts. The United States interprets the reservation in the
present caseas referring to the Statesparties affectedby the decision of the
Court, merely mentioning the alternative interpretation, whereby it is the
treaty which is"affected", sothat al1parties to the treaty would have to be
before the Court, as "an afortiori case". This latterinterpretation need not
therefore be considered. The argument of the United States relates speci-
fically to El Salvador, Honduras and Costa Rica, the neighbour States of
Nicaragua, which allegedly would be affected by the decision of the
Court.
73. It may first be noted that the multilateral treaty reservation could
not bar adjudication by the Court of al1 Nicaragua's claims, because
Nicaragua, in its Application, does not confine those claims only to vio-
lations of the four multilateral conventions referred to above (paragraph
68). On the contrary, Nicaragua invokes a number of principles of cus-
tomary and general international law that, according to the Application,

have been violated by the United States. The Court cannot dismiss the
claims of Nicaragua under principles of customary and general interna-
tional law,simply because such principles have been enshrined in the texts
of the conventions relied upon by Nicaragua. The fact that the above-
mentioned principles, recognized as such, have been codified or embodied
in multilateral conventions does not mean that they cease to exist and to
apply as principles of customary law, even as regards countries that are
parties to such conventions. Principles such as those of the non-use of
force, non-intervention, respect for theindependence and territorial integ-
rity of States, and thefreedom of navigation, continue tobebinding aspart
of customary international law, despite the operation of provisions of
conventional law in which they have been incorporated. Therefore, sincecomme des dispositions conventionnelles, relèvent à présent du droit
international général, et leuapplication ne pose pas seulement la question
del'interprétation d'untraitémultilatéral.Le droit relatif à l'emploide la
force ne se résume pas à la Charte ;dans la pratique des Etats, la respon-
sabilitéd'un Etat à raison d'actes de violencepeut êtreet est fréquemment
mise en cause sans que la Charte soit invoquée. LeNicaragua en conclut
que,mêmesilaréserverelativeaux traitésmultilatérauxétaip t ertinente ou
valide, elle demeurerait sans effet pour ce qui est des demandes du Nica-
ragua fondées sur ledroit international coutumier.

72. La réserve relative auxtraités multilatéraux figurantdans la décla-
ration des Etats-Unis présente diverses obscuritésqui ont donné lieu à
commentaire depuis son adoption en 1946. On peut interpréter de deux
façons la condition suivant laquelle, pour que l'acceptation de lajuridic-
tion obligatoire par les Etats-Unis ait effet, les Etats parties aux traités
multilatéraux concernésdoiventêtreprésents àl'instance devant la Cour.
Le texte de la réserven'indique pas clairement si le terme (<affected ))
s'applique aux traités ou aux parties àcesderniers. Des réserves similaires

que l'on trouve dans certaines déclarations d'acceptation - comme celles
de l'Inde, d'El Salvador et des Philippines - mentionnent sans ambiguïté
aucune (<toutes lesparties aux traités.Lesmots <tal1parties to the treaty
affected by the decision )>sont au centre des incertitudes actuelles. Les
Etats-Unis interprètent en la présente espècela réservecomme s'appli-
auant aux Etats ~arties affectésDarla décisionde la Cour. et sebornent à
mentionner l'autre interprétation, selon laquelle c'est le traité qui est
<(affected O, de sorte qu'il faudrait, à plus forte raison, que toutes les
parties au traité participentà l'instance. Il n'y a doncpas lieu d'examiner

cette seconde interprétation. La thèsedes Etats-Unis vise directement El
Salvador, le Honduras et le Costa Rica, Etats voisins du Nicaragua, qui
seraient prétendument touchéspar la décisionde la Cour.
73. On notera tout d'abord que la réserve relative auxtraitésmultila-
térauxne saurait empêcherla Cour de statuersur toutes les demandes du
Nicaragua puisque celui-ci, dans sa requête,ne limite pas ses griefs aux
seules violations des quatre conventions multilatérales susmentionnées
(paragraphe 68).Au contraire, il invoque un certain nombre de principes
du droitinternational général ec toutumierqui,d'après larequête,auraient

été vioIéspar les Etats-Unis. La Cour ne peut rejeter les demandes nica-
raguayennes fondéessur les principes du droit international général et
coutumier au seul motif que ces principes sont repris dans les textes des
conventions invoquéespar leNicaragua. Lefaitque lesprincipes susmen-
tionnés,et reconnus comme tels, sont codifiésou incorporés dans des
conventions multilatérales ne veut pas dire qu'ils cessent d'exister etde
s'appliquer en tant que principes de droit coutumier, même à l'égardde
pays qui sont parties auxdites conventions. Des principes comme ceux du
non-recours à la force, de la non-intervention, du respect de l'indépen-

dance et de l'intégritéterritoriale des Etats et de la libertéde navigation
conservent un caractère obligatoire en tant qu'éléments du droit interna-
tional coutumier, bien que les dispositions du droit conventionnel aux-the claim before the Court in this case is not confined to violation of the
multilateral conventional provisions invoked, it would not in any event be
barred by the multilateral treaty reservation in the United States 1946
Declaration.

74. The Court would observe, further, that al1three States have made
declarations of acceptance of thecompulsoryjurisdiction of the Court,and
are free, at any time, tocome before the Court, on the basis of Article 36,
paragraph 2, with an application instituting proceedings against Nicara-

gua - a State which is also bound by the compulsoryjurisdiction of the
Court by an unconditional declaration without limit of duration -, if they
should findthat they might be affected by the future decision of the Court.
Moreover, these States are also free to resort to the incidental procedures
of intervention under Articles 62 and 63 of the Statute, to the second of
which ElSalvador has already unsuccessfully resorted in thejurisdictional
phase of the proceedings, but to whch it may revert inthe merits phase of
the case. There is therefore no question of these States being defenceless
against any consequences that may arise out of adjudication by the Court,
or of their needing the protection of the multilateral treaty reservation of
the United States.
75. The United States Declaration uses the word "affected", without
making it clearwho isto determinewhether the States refered to are, or are
not, affected. The States themselveswould have the choice of either insti-
tuting proceedings orinterveningfor theprotection of their interests, in so
far as theseare not alreadyprotected byArticle 59of the Statute. Asfor the

Court, it is only when the general linesof thejudgment tobe givenbecome
clear that the States "affected" could be identified. Byway of example we
may take the hypothesis that if the Court were to decide to reject the
Application of Nicaragua on the facts, there would be no third State's
claim to be affected. Certainly the determination of the States "affected"
could not be left to the parties but must be made by the Court.
76. At any rate, this is a question concerning matters of substance
relating to the merits of the case :obviously the question of what States
may be "affected" by the decision on the merits is not in itself ajurisdic-
tional problem. The present phase of examination ofjurisdictional ques-
tions was opened by the Court itself by its Order of 10May 1984,not by a
forma1 preliminary objection submitted by the United States ; but it is
appropriate to consider the grounds put forward by the United Statesfor
allegedlack ofjurisdiction in the light of theprocedural provisions for such

objections. That being so, and since the procedural technique formerly
available ofjoinder of preliminary objections to the merits has been done
away with since the 1972revision of the Rules of Court, the Court has no
choice but to avail itself of Article 79,paragraph 7,of the present Rules of
Court, and declare that the objection based on the multilateral treaty
reservation of the United States Declaration of Acce~tance does not
possess, in the circumstances of the case, an exclusivelypreliminary char-
acter, and that consequentlyit doesnot constitute an obstaclefor the Courtquelles ils ont étéincorporés soient applicablesI .l s'ensuit que,puisque la
Cour n'est pas uniquement saisie en l'espècede la violation des disposi-
tions des conventions multilatérales invoquées,la réserve relative aux
traitésmultilatérauxinsérée dans la déclaration desEtats-Unis de 1946ne
permettrait pas, de toute façon, de rejeter la demande.
74. Il convient d'abord de relever que les trois Etats susmentionnésont
fait des déclarations d'acceptation de lajuridiction obligatoire de la Cour

etqu'ilssont libres à tout moment, surlabase de l'article36,paragraphe 2,
de saisirla Cour d'unerequêteintroductive d'instancecontre leNicaragua
- Etat lui aussi liépar lajuridiction obligatoire de la Cour en vertu d'une
déclaration faite sans condition et sans limite de durée -, s'ils pensent
pouvoir êtreaffectéspar la décisionfuture de la Cour. De plus, il leur est
aussi loisible de recourir aux procédures incidentes de l'intervention en
vertu desarticles 62et 63du Statut, dont la secondea étédéjà utiliséesans
succèspar El Salvador pendant la présente phasejuridictionnelle de l'ins-
tance, et à laquelle il pourrait avoir recoursà nouveau lors de la phase au

fond. On ne peut donc soutenir que ces Etats seraient désarméscontre les
éventuels effetsd'une décisionde la Cour ni qu'ils auraient besoin d'être
protégéspar la réserve des Etats-Unis relative aux traités multilaté-
raux.
75. La déclaration des Etats-Unis emploie le terme <affected ))sans
préciserqui aura à décidersi les Etats envisagéssont, ou ne sont pas,
affectés.Les Etats eux-mêmesauraient le choix entre engager une action
ou intervenir pour protégerleurs intérêtsp , our autant que l'article 59 du

Statut ne les protège pas déjà.Quant à la Cour, ce n'est qu'à partir du
moment où lesgrandes lignesde son arrêtsedessineraient qu'ellepourrait
déterminerquels Etats seraient <affectés )).Ainsi, dans l'hypothèseoù la
Cour décideraitde rejeter la requêtedu Nicaragua sur la base des faits
alléguésa,ucunEtat tiers nepourrait sedire <affecté )>.Ilest certain quela
détermination desEtats <<affectés ))ne peut êtrelaisséeauxparties ;c'està
la Cour d'en décider.
76. En tout étatde cause c'estlà une question qui touche des points de
substance relevant du fond de l'affaire : de toute évidence,la question de

savoir quels Etat pourraient être<< affectés))par la décisionau fond n'est
pas en soijuridictionnelle. Bien que la décisionde consacrer la présente
phase à l'examen des questions d'ordre juridictionnel ait étéprise par la
Cour dans son ordonnance du 10mai 1984sans que les Etats-Unis aient
soulevé d'exception préliminaire formelle, il convient d'examiner les
moyens avancéspar les Etats-Unispour prouver le défautde compétence
allégué à la lumière des dispositions procédurales relatives à de telles
exceptions. Cela étant,et puisqu'il n'est plus possibled'ordonner lajonc-

tion des exceptions préliminairesaufond depuis la revision du Règlement
de 1972, la Cour n'a d'autre choix que d'appliquer l'article 79, para-
graphe 7,de son Règlementactuel,et de déclarerque l'objection tiréede la
réserverelativeaux traités multilatéraux figurantdans ladéclarationd'ac-
ceptation des Etats-Unis n'a pas, dans les circonstances de l'espèce,un
caractère exclusivement préliminaire et qu'en conséquencerien ne s'op-toentertain the proceedings instituted byNicaragua under the Application
of 9 April 1984.

77. It is in viewof this finding on the United States multilateral treaty
reservation that the Court has to turn to the other ground ofjurisdiction
reliedonbyNicaragua, eventhough itisprimafacie narrower in scopethan
thejurisdiction deriving fromthedeclarations of the two Parties under the
Optional Clause. Asnoted in paragraphs 1and 12above, Nicaragua in its

Application relies on the declarations of the Parties accepting the com-
pulsoryjurisdiction of the Court in order to found jurisdiction, but in its
Memorial it invokes also a 1956 Treaty of Friendship, Commerce and
Navigation between Nicaragua and theUnited States as a complementary
foundation for the Court'sjurisdiction. Sincethe multilateral treaty reser-
vation obviously does not affect the jurisdiction of the Court under the
1956Treaty, it isappropriate to ascertain the existenceof suchjurisdiction,
limited as it is.
78. The United States objects to this invocation of ajurisdictional basis
not specified in the Application instituting proceedings : it argues that in
proceedings instituted by means of an application, thejurisdiction of the
Court is founded upon the legal grounds specified in that application. An
Applicant is not permitted, in the view of the United States, to assert in
subsequent pleadings jurisdictional grounds of which it was presumably
aware at the time it filed its Application. While Nicaragua in its Appli-
cation purported to reserve the right to amend that Application, and
invokes that reservation to justify adding an alternative jurisdictional
basis, the United States contends that it isineffective,asit cannot alter the
requirements of the Statute and Rules of Court.

79. Nicaragua has not advanced any arguments to refute the United
States contention that the belated invocation of the 1956Treaty is imper-
missible. During the oral proceedings the Agent of Nicaragua merely
explained that in order to respect the Court's indications regarding the
necessity of being as concise as possible, Nicaragua had omitted from the
oral arguments presented on its behalf a number of arguments developed
in the Memorial, and still asserted by Nicaragua. The Agent stated that
Nicaragua does maintain that the 1956Treaty constitutes a "subsidiary
basis" for the Court'sjurisdiction in the present proceedings, and the final
submissions of Nicaragua incorporated by reference Submission D in the
Memorial of Nicaragua, assertingjurisdiction under the Treaty.
80. The Court considers that the fact that the 1956 Treaty was not
invoked in the Application as a title of jurisdiction does not in itself
constitute abar to reliancebeingplaced upon it in the Memorial. Sincethe
Court must always be satisfied that it hasjurisdiction beforeproceeding topose à ce que la Cour connaisse de l'instance introduite par le Nicaragua
dans sa requêtedu 9 avril 1984.

77. Etant parvenue à cette conclusion sur la réservedes Etats-Unis
relativeaux traitésmultilatéraux,laCourdoitmaintenant examinerl'autre
base decompétenceinvoquéepar leNicaragua, bien qu'ellesoit à première
vue plus étroite dans sa portéeque la compétencerésultant des déclara-
tionsfaites par lesdeux Parties envertu de laclausefacultative. Ainsi qu'il
est rappeléauxparagraphes 1et 12ci-dessus,pour établirla compétencele
Nicaragua se fondait exclusivement dans sa requête surles déclarations

des Parties acceptant lajuridiction obligatoire de la Cour, alors que dans
sonmémoireilinvoque aussi, àtitrecomplémentaire,un traitéd'amitié,de
commerce et denavigation de 1956entre lui-mêmeet lesEtats-Unis. Etant
donnéque la réserve relativeaux traités multilatérauxn'affecte manifes-
tement pas lacompétencede la Cour en vertu du traitéde1956,ilconvient
de s'assurer de l'existence de cette compétence, aussi limitée soit-elle.
78. Les Etats-Unis s'opposent à ce que le Nicaragua fasse ainsi état
d'une base de compétencequi n'a pas étéindiquéedans la requêteintro-
ductived'instance, aumotif que, dans lesactions introduites par requête,la
compétence de la Cour est fondée sur les moyens de droit qui y sont
spécifiés. Selon lesEtats-Unis, un demandeur n'est pas autorisé,dans la
suite de laprocédure,à fonder la compétencesurdesmoyens de droit dont
il était censé avoirconnaissance à la date du dépôt de sa requête.Le
Nicaragua, ayantindiquédans sarequête(par. 26)qu'ilseréservait ledroit
de modifier ultérieurementcelle-ci,fait étatde cette réserve pourajouter
une autre base de compétence ;les Etats-Unis répondent à cela que cette

réserveestsans effet, car ellene saurait changer lesprescriptions du Statut
et du Règlement de la Cour.
79. Le Nicaragua n'a rienopposé à l'affirmation des Etats-Unis selon
laquelle il n'estpas possible d'invoquer tardivement le traitéde 1956.Au
cours de la procédure orale, l'agent du Nicaragua s'est bornéà indiquer
que, pour respecter les directives de concision de la Cour, le Nicaragua
s'abstenait de développerdans les plaidoiries présentéesen son nom un
certain nombre d'arguments exposés dans le mémoire, mais qu'iln'y
renonçait pas pour autant. L'agent a déclaréque le Nicaragua maintenait
que le traitéde 1956constitue une base subsidiaire de compétencede la
Cour en la présenteespèce,et lesconclusions finales du Nicaragua repren-
nent indirectement la conclusion D du mémoirede cet Etat, affirmant la
compétence sur la base du traité.
80. La Cour considère que le fait de ne pas avoir invoquéle traitéde
1956comme titre de compétencedans la requêten'empêchepas en soi de
s'appuyer sur cet instrument dans le mémoire. LaCour devant toujours
s'assurer de sa compétence avant d'examiner une affaire au fond, il estexaminethe merits of acase,itiscertainlydesirable that "the legalgrounds
upon which thejurisdiction of the Court is said to be based" should be
indicated atan earlystagein theproceedings, and Article 38of the Rules of
Court therefore provides for these tobe specified "as far aspossible" in the
application.An additional ground ofjurisdiction may howeverbe brought

to the Court's attention later, and the Court may take it into account
provided the Applicant makes it clear that it intends to proceed upon that
basis (CertainNonvegian Loans, Z.C.J.Reports 1957,p. 25), and provided
alsothat the result isnot to transform the dispute brought before the Court
by the application into another dispute which is different in character
(SociétéCommercialede Belgique, P.C.I.J., Series A/B, No. 78, p. 173).
Both these conditions are satisfied in the present case.
81. Article XXIV, paragraph 2,of the Treaty of Friendship, Commerce
and Navigation between the United States of America and Nicaragua,
signed at Managua on 21 January 1956,reads as follows :

"Any dispute between the Parties as to the interpretation or appli-
cation of the present Treaty, not satisfactorilyadjustedbydiplomacy,
shall be submitted to the International Court of Justice, unless the
Parties agree to settlement by some other pacific means."

The treatyentered into force on 24May 1958on exchangeofratifications ;
it was registered with the Secretariat of the United Nations by the United
States on 11July 1960.The provisions ofArticle XXIV, paragraph 2,are in
terms which are very common in bilateral treaties of amity or of estab-
lishment, and the intention of the parties in accepting such clauses is
clearly to provide for such a right of unilateral recourse to the Court in the
absence of agreement to employ some other pacific means of settlement
(cf. UnitedStates Diplomaticand ConsularStaff in Tehran,I.C.J. Reports
1980,p. 27, para. 52).In the present case, the United States does not deny
either that the Treaty isin force, or that Article XXIV isin general capable
of conferringjurisdiction on the Court. It contends however that if the
basis ofjurisdiction islimited to the Treaty, sinceNicaragua's Application

presents no claims of any violations of it, there are no claims properly
before the Court for adjudication. In order to establish the Court's juris-
diction over the present dispute under the Treaty, Nicaragua must estab-
lish a reasonable connection between the Treaty and the claims subrnitted
to the Court ; but according to the United States, Nicaragua cannot
establish such a connection. Furthermore, the United States has drawn
attention to the reference in Article XXIV to disputes "not satisfactorily
adjusted by diplomacy", and argues that an attempt so to adjust the
dispute is thus aprerequisite of its subrnission to the Court. Since,accord-
ing to the United States,Nicaragua has never even raised in negotiations
with the United States the application or interpretation of the Treaty to
any of the factual or legal allegations in its Application, Nicaragua hascertainement souhaitable que <les moyens dedroit sur lesquels le deman-
deur prétend fonder la compétencede la Cour )soient indiquésdans les
premiers stades de laprocédure, etl'article38du Règlement spécifiequ'ils
doivent l'être <autant que possible dans la requête.Un autre motif de
compétence peut néanmoinsêtre portéultérieurement à l'attention de la
Cour, et celle-ci peut en tenir compte à condition que le demandeur ait
clairement manifesté l'intention de procéder sur cette base (Certains
emprunts norvégiens,C.I.J. Recueil 1957,p. 25), à condition aussi que le
différendportédevant la Cour par requêtene setrouve pas transformé en

un autre différenddont le caractère ne serait pas le même (Société com-
mercialedeBelgique, C.P.J.I. sérieA/ B no78,p. 173).Cesdeux conditions
sont satisfaites en l'espèce.
81. L'articleXXIV, paragraphe 2,du traitéd'amitié,de commerce et de
navigation entre les Etats-Unis d'AmériqueetleNicaragua, signé à Mana-
gua le 21janvier 1956,est ainsi conçu :

Tout différend qui pourrait s'éleverentre les parties quant à
l'interprétationou à l'application du présenttraitéet qui ne pourrait

pas êtrerégléd'une manière satisfaisante par la voie diplomatique
sera porté devant la Cour internationale de Justice, à moins que
les parties ne conviennent de le réglerpar d'autres moyens paci-
fiques.

Ce traitéest entréen vigueur le 24 mai 1958,date de l'échangedes ins-
truments de ratification ; et a étéenregistrépar les Etats-Unis au Secré-
tariat de l'organisation des Nations Unies le Il juillet 1960.Des dispo-
sitions comme celles de l'article XXIV,paragraphe 2, sont très courantes
dans les traités bilatérauxd'amitiéou d'établissement ;en acceptant une
telle clause, lesparties entendent clairement seréserver ledroit de s'adres-

ser unilatéralement à la Cour si elles ne conviennent pas de recourir à un
autre mode de règlementpacifique (voir Personnel diplomatique et consu-
laire desEtats-Unis a TéhéranC , .I.J. Recueil 1980,p. 27,par. 52). En la
présenteespèce,lesEtats-Unis necontestent ni queletraité soitenvigueur,
ni que l'article XXIV puissede façon généraleêtresource de compétence
pour la Cour ;mais ils affirment que, si la base de compétenceest limitée
au traité,le fait que la requêtedu Nicaragua ne formule aucun grief fondé
sur son éventuelle violationa pour corollaire que la Cour n'est régulière-
ment saisie d'aucune demande sur laquelle ellepuisse statuer. Pour que le
Nicaragua établisselacompétencedelaCour dans laprésenteespècesurla

base du traité,ildoit prouver l'existenced'un rapport raisonnable entre ce
traitéet les demandes présentées à la Cour ;mais, selon les Etats-Unis,
c'est ce que le Nicaragua n'est pas en mesure de faire. En outre, les
Etats-Unis rappellent que l'article XXIV serapporte à tout différend <(qui
ne pourrait pas êtreréglé d'unemanière satisfaisante par la voie diplo-
matique et soutiennent qu'une tentative'de règlementpar cette voie est
donc une condition préalable à la saisine de la Cour. Puisque, selon eux, le
Nicaragua n'ajamais seulement soulevé,dans ses entretiens avec lesEtats-failed to satisfy the Treaty's own terms for invoking the compromissory
clause.

82. Nicaragua in its Memorial submits that the 1956Treaty has been
and was being violated by the military and paramilitary activities of the
United States in and against Nicaragua, as described in the Application ;
specifically,it is submitted that these activities directly violate the follow-
ing Articles :
Article XIX : providing for freedom of commerce and navigation, and

for vesselsof either party to have liberty "to cornewith their cargoes to al1
ports, places and waters of such other partyopen to foreign commerce and
navigation", and to be accorded national treatment and most-favored-
nation treatment within those ports, places and waters.

Article XIV: forbidding the imposition of restrictions or prohibitions
on the importation of any product of the otherparty, or on the exportation
of any product to the territories of the other party.
Article XVII : forbidding any measure of a discriminatory nature that
hinders or prevents the importer or exporter of products of either country
fromobtaining marine insurance on such products in companies of either
party.

Article XX: providing for freedom of transit through the territories of
each party.

Article I : providing that each party shall at al1times accord equitable
treatment to the persons, property, enterprises and other interests of
nationals and companies of the other party.
83. Taking into account these Articles of the Treaty of 1956,particu-
larly the provision in, interalia,ArticleXIX, for thefreedom of commerce
and navigation, and the references in the Preamble to peace and friend-
ship, there can be no doubt that, in the circumstances in which Nicaragua
brought its Application to the Court, and on the basis of the facts there

asserted, there is a dispute between the Parties, inter alia, as to the "in-
terpretation or application" of the Treaty. That dispute is also clearly one
which is not "satisfactorily adjusted by diplomacy" withn the meaning of
Article XXIVof the 1956Treaty (cf. UnitedStates Diplomatic andConsular
Staffin Tehran I.C.J. Reports1980,pp. 26-28,paras. 50to 54).In the view
of the Court, it does not necessarily follow that, because a State has not
expressly referred in negotiations with another State to a particular treaty
as having been violated by conduct of that other State, it is debarredfrom
invokingacompromissoryclause in that treaty. The United States waswell
aware that Nicaragua allegedthat itsconduct wasabreach of international
obligations before thepresent case wasinstituted ; and it isnow aware that
specific articles of the 1956Treaty are alleged to have been violated. It
would make no sense to require Nicaragua now to institute fresh proceed-Unis, la question de l'application du traitéaux allégationsde fait ou de
droit contenues dans sa requête,ni de l'interprétation dudit traité à cet
égard,il n'apas satisfaitaux conditions stipuléesdans letraitémêmepour
fairejouer la clause compromissoire.
82. Dans son mémoire, leNicaragua fait valoir queletraitéde 1956aété
et est violédu fait des activités militaireset paramilitaires des Etats-Unis
au Nicaragua etcontre luidont larequêtefait ladescription ;enparticulier

ces activités violeraientdirectement les articles suivants du traité :

L'articleXIX, selonlequel ily aura libertéde commerce et de navigation
et les navires de I'unedes deux partiespourront librement (<serendre avec

leur cargaison dans tous les ports, mouillages et eaux decetteautre partie
qui sont ouverts au commerce international et à la navigation internatio-
nale ))et bénéficieront,dans les ports, les mouillages et les eaux, du trai-
tement national et du traitement de la nation la plus favorisée.
L'article XIV, qui empêchede restreindre ou d'interdire l'importation
d'un produit de l'autre partie ou l'exportation d'un produit destiné aux
territoires de l'autre partie.
L'article XVII, qui interdit les mesures de caractère discriminatoire
ayant pour effet d'empêcherdirectement ou indirectement les importa-

teurs ou les exportateurs de produits originaires de l'un ou l'autre pays
d'assurer lesdits produits contre les risques maritimes auprèsdes compa-
gnies de I'une ou l'autre partie.
L'articleXX, qui garantit la libertéde transit à travers les territoires de
chacune des deux parties.
L'articlepremier,envertuduquelchacunedesdeuxparties accordera, en
toustemps,un traitement équitableaux nationaux etaux sociétéd sel'autre
partie, ainsi qu'à leurs biens, entreprises et autres intérêts.

83. Vu ces dispositions du traité de 1956,et notamment celles de l'ar-
ticle XIX, prévoyantla libertéde commerce et de navigation, et les men-
tions de lapaix et de l'amitiéque l'ontrouve dans lepréambule,il n'estpas
douteux que, dans lescirconstancesoù leNicaragua aprésenté sarequête à
laCour et d'aprèslesfaitsqui y sont alléguési,lexisteun différendentre les

Parties, notammentquant à l'interprétation ouà l'application )du traité.
Ilest clair aussi que cedifférend (ne pourrait pasêtrerégléd'une manière
satisfaisante par la voie diplomatique ))au sens de l'article XXIVdu traité
de 1956(voir PersonneldiplomatiqueetconsulairedesEtats-Unis à Téhéran
C.I.J. Recueil 1980, p. 26-28,par. 50-54).De l'avisde la Cour, parce qu'un
Etat ne s'estpas expressément référé da,ns desnégociationsavecun autre
Etat, àun traité particulierquiaurait été violépar la conduite de celui-ci,il
n'en découlepas nécessairement que le premier ne serait pas admis à
invoquer la clause compromissoire dudit traité.Les Etats-Unis savaient
avant l'introduction de laprésente instanceque leNicaragua affirmait que

leur comportement constituait une violation de leurs obligations interna-
tionales ; ils savent maintenant qu'il leur est reproché d'avoirviolédes
articles précisdu traitéde 1956.Il n'y aurait aucun sens à obliger main-ings based on the Treaty, which it would be fully entitled to do. As the
Permanent Court observed,

"the Court cannot allow itself to be hampered by a mere defect of
form, the removal of which depends solely on the party concerner
(Certain GermanInterests in Polish UpperSilesia,Jurisdiction,Judg-
ment No. 6, 1925, P.C.I.J., Series A, No. 6, p. 14).
Accordingly, the Court finds that, to the extent that the claims in Nica-
ragua's Application constitute a dispute as to the interpretation or the
application of the Articles of the Treaty of1956described in paragraph 82
above, the Court has jurisdiction under that Treaty to entertain such
claims.
*
* *

84. The Court now turns to the question of the admissibility of the
Application of Nicaragua. The United States of America contended in its
Counter-Memorial that Nicaragua's Application is inadmissible on five
separate grounds, each of which, it is said, is sufficient to establish such
inadmissibility, whether considered as a legalbar to adjudication or as "a
matter requiring the exerciseof prudential discretion in the interest of the
integrity of thejudicial function". Someof these grounds have in fact been
presented in terms suggesting that they are matters of competence or
jurisdiction rather than admissibility, but it does not appear to be of
critical importance how they are classified in this respect. These grounds
willnow be examined ;but for the sake of clarity it willfirst be convenient
to recall briefly what are the allegations of Nicaragua upon which it bases
its claims against the United States.
85. In its Application instituting proceedings, Nicaragua asserts that :

"The United States of America is using military force against
Nicaragua and intervening in Nicaragua's interna1affairs, in violation
of Nicaragua's sovereignty,territorial integrity and politicalindepen-
dence and of the most fundamental and universally accepted princi-
ples of international law. The United States has created an 'army'of
more than 10,000mercenaries ...installed them in more than ten base
camps in Honduras along the border with Nicaragua, trained them,
paid them, supplied them with arms, ammunition, food and medical
supplies, and directed their attacks against human and economic
targets inside Nicaragua",

and that Nicaragua has already suffered and is now suffering grievous
consequences as a result of these activities. The purpose of these activities
is claimed to be

"to harass and destabilize the Government of Nicaragua so that
ultimately it will be overthrown, or, at a minimum, compelled to
change those of its domestic and foreign policies that displease the
United States".tenant leNicaragua à entamerune nouvelleprocédure surlabase du traité
- ce qu'il aurait pleinement le droit de faire. Pour citer la Cour perma-
nente :
<La Cour ne pourrait s'arrêter à un défaut de forme qu'il dépen-

drait de la seule Partie intéresséede faire disparaître ))(Certains
intérêts allemands e Hnaute-Silésiepolonaise, compétence, arrêt no6,
1925, C.P.J.Z.sérieA no6, p. 14.)
En conséquence la Cour conclut que, dans la mesure où les demandes

formuléesdansla requêtedu Nicaragua révèlent l'existence d'undifférend
sur l'interprétation ou l'application desarticles du traitéde 1956mention-
nésauparagraphe 82,la Cour acompétencepour en connaître envertu de
ce traité.
* * *

84. La Cour en vient maintenant à la question de la recevabilitéde la

requêtedu Nicaragua. Les Etats-Unis d'Amériqueont soutenu dans leur
contre-mémoireque la requêtedu Nicaragua est irrecevable pour cinq
motifs distincts dont chacun, disent-ils, suffit établirl'irrecevabilité,que
ce soità titre d'empêchement à statuer ou en raison de la (nécessité de se
montrer prudent pour protégerl'intégrité de la fonction judiciaire)>.Cer-
tains de ces motifs étaient enfait exposésen des termes donnant àpenser
qu'il s'agissaitplus de questions de compétenceou dejuridiction que de
recevabilité ;toutefois leur classement à cet égardneparaît pasêtred'une

importance décisive.LaCour va examiner ces motifs ;mais, pour plus de
clarté,il y aura avantage a rappeler d'abord brièvementsur quelles allé-
gations le Nicaragua fonde les demandes qu'il présentecontre les Etats-
Unis.
85. Dans sa requête introductive d'instance, le Nicaragua affirme que :
<LesEtats-Unis d'Amériquefont usagede la forcemilitaire contre

le Nicaragua et interviennent dans les affaires intérieuresde ce pays
en violation de sa souveraineté,de son intégrité territorialeet de son
indépendance politiqueainsique desprincipes lesplus fondamentaux
et lesplus universellement reconnus de droitinternational. Les Etats-
Unis ont créé une (<armée ))de plus de 10000 mercenaires ..les ont
installésdans plus de dix camps de base au Honduras, le long de la
frontièreavecleNicaragua, lesont entraînés,payés,équipésenarmes,

pourvus de munitions, de nourriture et de médicamentset ont dirigé
leurs attaques contre des objectifs humains et économiques àl'inté-
rieur du Nicaragua )),
etque leNicaragua a subiet continue de subir lescruellesconséquencesde
ces activités.Leur but serait de

(<harceler et déstabiliser leGouvernement du Nicaragua, pour qu'il
soit finalement renverséou, du moins, contraint de changer sespoli-
tiques intérieure et étrangèrequi déplaisent auxEtats-Unis )). 86. The first ground of inadmissibility relied on by the United States is
that Nicaragua has failed to bring before the Court parties whosepresence
and participation isnecessaryfor the rights of those parties to be protected
andfor the adjudication of the issuesraised in theApplication. The United
States first asserts that adjudication of Nicaragua's claim would neces-
sarily implicate the rights and obligations of other States, in particular
those of Honduras, since it is alleged that Honduras has allowed its
territory to be used as a stagingground for unlawful uses of force against
Nicaragua, and the adjudication of Nicaragua's claims would necessarily
involve the adjudication of the rights of third States with respect to mea-

sures taken to protect themselves, in accordance with Article 51 of the
United Nations Charter, against unlawful uses of force employed, accord-
ing to the United States, by Nicaragua. Secondly, it is claimed by the
United States that it isfundamental to thejurisprudence of the Court that
it cannot determine the rights and obligations of States without their
express consent or participation in the proceedings before the Court.
Nicaragua questions whether the practice of the Court supports the con-
tention that a case cannot be allowed to go forward in the absence of
"indispensable parties", and ernphasizes that in the present proceedings
Nicaragua asserts claims against the United States only, and not against
any absent State, so that the Court is not required to exercisejurisdiction
overany such State.Nicaragua's Application does not put in issuethe right
of a third State to receivemilitary or econornic assistance from the United
States (or from any other source). As another basis for the indispensable
status of third States, the United States contends that facts concerning
relevant activities by or against them may not be in the possession or
control of a Party. Nicaragua refers to the powers of the Court under
Article44 ofthe Statute and Article 66of the Rules of Court,and observes
that it would be in the third States'interest to provide the United States

with factual material under their control.

87. Thiscontention was already raised by the United States at the stage
of the proceedings on the request forprovisional measures when it argued
that
"the other States of Central America have stated their view that
Nicaragua's request for the indication of provisional measures
directly implicates their rights and interests, and that an indication of
such measures would interfere with the Contadora negotiations.
These other Central American States are indispensable parties in

whose absence this Court cannot properly proceed." (1.C.J. Reports
1984, p. 184,para. 35.)
The United States then referred tocommunicationsaddressed to the Court
by theGovernments of Costa Rica and El Salvador, and a telexmessageto
the United Nations Secretary-General addressed by the Government of
Honduras which, accordingto the United States, "make it quite clear that
Nicaragua's claims are inextricably linked to the rights and interests of 86. Lepremier motif d'irrecevabilitéinvoque par les Etats-Unis est que
leNicaragua n'apas citédevantla Cour certainesparties, dont la présence
et laparticipation seraient indispensables pour laprotection deleurs droits
et pour le règlement des questions soulevéesdans la requête.Les Etats-
Unis affirment tout d'abord que,pour statuer surlarequête du Nicaragua,
la Cour devrait nécessairement seprononcer sur les droits et obligations
d'autres Etats, notamment ceux du Honduras, qui, selon le Nicaragua,
aurait permis que son territoire servede point de départ àl'emploi illicite
de la force contre leNicaragua. De plus, pour statuer sur lesdemandes du
Nicaragua il faudrait nécessairement seprononcer sur les droits des Etats

tiers quant aux mesures qu'ilsprennent, conformément àl'article 51 de la
Charte des Nations Unies, pour se protégercontre l'emploi illicitede la
force par le Nicaragua. Les Etats-Unis affirment en second lieu que c'est
unprincipe fondamental de lajurisprudence de laCour quecelle-cinepeut
statuer sur lesdroits etobligations desEtats sansleurconsentement exprès
et sans qu'ils participent à l'instance. Le Nicaragua conteste qu'il soit
contraire à la pratique de la Cour de laisser poursuivre une instance en
l'absence des parties indispensables ))et souligne que, dans la présente
espèce,le Nicaragua exerce une action contre les seuls Etats-Unis, et non
contre tel ou tel Etat absent, si bien qu'il n'est pas demandé à la Cour
d'exercersajuridiction àl'égardd'un tel Etat. La requêtedu Nicaragua ne
met pas en cause le droit d'El Salvador de recevoir une aide, militaire ou
économique, des Etats-Unis ou de toute autre source. Les Etats-Unis

avancent également, commeautre considération en faveur de l'indispen-
sable participation des Etats tiers, l'argument suivant lequel, dans ce
domaine, les faits relatifs aux activitésentreprises par ces Etats ou contre
euxpeuvent nepasêtreenla possession ou àladisposition d'une Partie. Le
Nicaragua renvoie à ce propos aux pouvoirs que confèrent à la Cour
l'article4 de son Statut et l'article 66 de son Règlement, etfait observer
au'il serait de l'intérêdtes Etats tiers de fournir aux Etats-Unis toute
donnée de fait en leur possession.
87. Le mêmeargument avait déjà été avancé au stade des mesures
conservatoires par les Etats-Unis, qui avaient alors soutenu que :

<<lesautres Etats d'Amérique centraleont fait savoir que la demande
du Nicaragua en indication de mesures conservatoires mettait direc-
tement enjeu leurs droits et leurs intérêts, tue l'indication de telles
mesures ferait obstacle aux négociationsde Contadora. Ces autres
Etats d'Amérique centrale sont des parties indispensables, en l'ab-
sence desquelles la Cour ne saurait véritablement statuer. ))(C.I.J.
Recueil 1984,p. 184,par. 35.)

Les Etats-Unis visaient alors les communications adressées àla Cour par
les Gouvernements du Costa Rica et d'El Salvador et un message télex
adresséau Secrétairegénéralde l'Organisation desNations Unies par le
Gouvernement du Honduras, qui,d'aprèsles Etats-Unis, montrent clai-
rement que les demandes du Nicaragua sont inextricablement liéesaux43 1 MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVITIES (JUDGMENT)

those other States", and added "Any decision to indicate the interim
measures requested, or a decision on the merits, would necessarily affect
the rights of States not party to the proceedings" (ibid.). It should be
pointed out, however, that in none of the communicationsfrom the three
States mentioned by the United States was there any indication of an

intention to intervenein the proceedingsbefore the Court between Nica-
ragua and the United States of America, and one (Costa Rica) made it
abundantly clear that it was not to be regarded as indicating such an
intention. At a later date El Salvador did of course endeavour to inter-
vene.
88. There is no doubt that in appropriate circumstancesthe Court will
decline,as it did in thecaseconcerning Monetary GoldRemovedfrom Rome
in 1943, to exercise the jurisdiction conferred upon it where the legal
interests of a State not party to the proceedings "would not only be
affected by a decision, but would form the very subject-matter of the
decision" (I.C.J. Reports 1954, p. 32). Where however claims of a legal
nature are made by an Applicant against a Respondent in proceedings
before the Court, and made the subject of submissions,the Court has in
principle merely to decide upon those submissions, with binding forcefor

the parties only, and no other State, in accordance with Article 59 of the
Statute. As the Court has already indicated (paragraph 74, above) other
States which consider that they may be affected are free to institute
separate proceedings, or to employ theprocedure of intervention.There is
notrace,either in the Statute or inthepractice ofinternational tribunals, of
an "indispensableparties" rule of the kind argued for by theUnited States,
which would only be conceivablein parallel to a power, which the Court
does not possess, to direct that a third State be made a party to proceed-
ings.The circumstances of the Monetary Goldcaseprobably represent the
limit of the power of the Court to refuse to exercise itsjurisdiction ;and
none of the States referred to can be regarded as in the same position as
Albania in that case, soas to be trulyindispensable to thepursuance of the
proceedings.

89. Secondly, theUnited StatesregardstheApplication asinadmissible
because each of Nicaragua's allegationsconstitutes no more than a refor-
mulation and restatement of a single fundamental claim, that the United
States isengaged in anunlawful useof armedforce, or breach of the peace,
or acts of aggression against Nicaragua, a matter which is committed by
the Charter and by practice to the competence of other organs, in parti-
cular the United Nations SecurityCouncil. Al1allegations of this lund are
confided to the politicalorgans of the Organization for consideration and
determination ; the United States quotes Article 24 of the Charter, which
confers upon the Security Council "primary responsibility for the main-
tenance ofinternational peace and security". The provisions of theCharterdroits et aux intérêts d'autresEtats )); les Etats-Unis ajoutaient que
<toute décisiond'indiquer lesmesures conservatoires demandéesoutoute

décisionaufond porterait nécessairementatteinte aux droits des Etats non
parties à l'instance (ibid. Il)aut toutefois souligner qu'aucune des
communications émanant des trois Etats mentionnéspar les Etats-Unis
n'indiquait uneintention d'intervenir dans l'instance pendante devant la
Courentre leNicaragua et lesEtats-Unis d'Amérique,et que l'un d'eux (le
Costa Rica) spécifiaitque sa communication ne devait pas êtreconsidérée
comme révélant une telle intention. Bien entendu El Salvadora cherché à
intervenir par la suite.
88. Ilne fait pas dedoute que, quand lescirconstances l'exigent,la Cour
déclinera l'exercicede sa compétence,comme elle l'afait dans l'affaire de
l'Ormonétairepris à Romeen 1943, lorsque lesintérêtsjuridiquesd'un Etat
qui n'est pas partieà l'instance <seraient non seulement touchéspar une

décision, maisconstitueraient l'objet mêmede ladite décision (C.I.J.
Recueil 1954, p. 32).En revanche lorsquedesprétentions d'ordrejuridique
sont formuléespar un demandeur contre un défendeurdans une instance
devant laCour et setraduisent par desconclusions, laCour,enprincipe, ne
peut que se prononcer sur ces conclusions, avec effet obligatoire pour les
parties et pour nul autre Etat, en vertu de l'article59du Statut. Comme la
Cour l'a déjà indiqué (auparagraphe 74 ci-dessus), les autres Etats qui
pensent pouvoir êtreaffectésparla décisionontla facultéd'introduire une
instance distincte ou de recourirà la procédurede l'intervention. Dans le
Statut comme dans la pratique destribunaux internationaux, on ne trouve
aucune trace d'une règleconcernant les << parties indispensables )comme
celle que défendentles Etats-Unis, qui ne serait concevable que parallè-

lement à un pouvoir, dont la Cour est dépourvue,de prescrire la partici-
pation à l'instance d'un Etat tiers. Les circonstances de l'affaire de l'Or
monétairemarquent vraisemblablement la limite du pouvoir de la Cour de
refuser d'exercersajuridiction ;aucundes paysmentionnés enla présente
espèce ne peut êtreconsidérécomme étant dans la mêmesituation que
l'Albanie dans cette affaire, au point que sa présenceserait véritablement
indispensable à la poursuite de la procédure.

89. Le deuxièmeargument invoqué par les Etats-Unis contre la rece-
vabilitéde la requêteest que chacune des allégationsdu Nicaragua ne fait

quereformuler etréaffirmerune seuleetuniqueaffirmation fondamentale,
à savoir que les Etats-Unis font un usage illicite de la force armée qui
constitue une menace contre la paix, une rupture de la paix ou un acte
d'agression contre le Nicaragua, ce qui relève dela compétence d'autres
organes, et plus particulièrement du Conseil de sécuritédesNations Unies,
en vertu de la Charte et de lapratique. Toute allégationdecettenature est
du ressort des organes politiques de l'organisation pour examen et déci-
sion ;lesEtats-Unis citent àcepropos l'article 24de la Charte, qui confère
au Conseil de sécurité<<laresponsabilitéprincipale du maintien de lapaix432 MILITARY AND PARAMILITARY AC~VITIES (JUDGMENT)

dealing with the ongoing use of armed force contain no recognition of the
possibility of settlement byjudicial, asopposed to political, means. Under
Article 52 of the Charter there is also a commitment of responsibility for
the maintenance of international peace and security to regional agencies
and arrangements, and in the view of the United States the Contadora
process is precisely the sort of regional arrangement or agency that Article
52 contemplates.
90. Nicaragua contends that the United States argument fails to take

account of the fundamental distinction between Article 2,paragraph 4, of
the Charter which defines a legal obligation to refrain from the threat or
use of force, and Article 39, which establishes a political process. The
responsibility of the Security Council under Article 24 of the Charter for
the maintenance of international peace and security is "primary", not
exclusive.Until the Security Council makes a determination under Article
39, a dispute remains to be dealt with by the methods of peaceful settle-
ment provided under Article 33, includingjudicial settlement ;and even
after a determination under Article 39, thereis no necessary inconsistency
between Security Council action and adjudication by the Court. From a
juridical standpoint, the decisions of the Court and the actions of the
Security Council are entirely separate.

91. It will be convenient to deal with this alleged ground of inadmis-
sibility together with the third ground advanced by the United States
namely that the Court should hold the Application of Nicaragua to be
inadmissible in view of the subject-matter of the Application and the
position of the Court within the United Nations system, including the
impact of proceedings before the Court on the ongoing exercise of the
"inherent right of individual or collectiveself-defence" under Article 51of

the Charter. This is, it is argued,a reason why the Court may not properly
exercise "subject-matterjurisdiction" over Nicaragua's claims.Under this
head, the United Statesrepeats its contention that the Nicaraguan Appli-
cation requires the Court to determine that the activities complained of
constitute a threat to the Deace. a breach of the Deace. or an act of
agg!ession. and proceeds t0 demonstrate that the pilitical organs of the
United Nations. to which such matters are entrusted bv the Charter. have
acted, and are acting, in respect of virtually identical cfaimsplaced before
them by Nicaragua. The United States points to the approach made by
Nicaragua to the Security Council on 4 April 1984,a few days before the
institution of thepresent proceedings :the draft resolution then presented,
corresponding to the claimssubmitted by Nicaragua to the Court, failed to
achieve the requisite majority under Article 27, paragraph 3, of the Char-
ter. However, this fact, it is argued, and the perceived likelihood that
similar claims in future would fail to secure the required majority, does not
vest the Court with subject-matterjurisdiction over theApplication. Since
Nicaragua's Application in effect asks the Court for a judgment in al1
material respects identical to the decision which the Security Council did

not take, it amounts to an appeal to the Court from an adverse consid-et de la sécuritéinternationaleso.Les dispositions de la Charte relativeà
l'emploide la forcearméen'admettent nullement la possibilitéd'un règle-
ment judiciaire, par opposition au règlementpolitique. En vertu de I'ar-
ticle 52 de la Charte, la responsabilité du maintien de la paix et de la
sécuritéinternationalesest également confiée à desaccordsou organismes
régionauxet, d'aprèsles Etats-Unis, le processus de Contadora est préci-
sémentle genre d'accord ou d'organismerégional qu'envisage cet article.
90. LeNicaragua fait valoir quel'argumentation des Etats-Unis ne tient
pas comptede la distinction fondamentale entre l'article 2, paragraphe 4,
dela Charte, où est posée l'obligationde s'abstenir de recouràrlamenace
ou à l'emploide la force, et l'article39quiinstaure un processus politique.
La responsabilité conférée au Conseilde sécuritépar l'article 24 de la

Charte en matière de maintien de la paix et de la sécuritéinternationales
est <principale et non pas exclusive.Tant que le Conseil n'a pas fait la
constatation visée àl'article 39, les différends doivent êtrerésoluspar les
modes de règlementpacifique prévus à l'article 33,y compris le règlement
judiciaire;d'ailleurs, même aprèsuneconstatationfaite en application de
l'article39,iln'ypasforcémentincompatibilitéentre l'actiondu Conseilde
sécuritéetune décisionjudiciaire prise par la Cour. Sur le planjuridique,
lesdécisionsde la Cour et lesmesures prises par leConseil de sécuritsont
entièrement distinctes.
91. Il y aura avantageà examiner ce motif d'irrecevabilité avec le troi-
sièmemotif avancépar les Etats-Unis, selon qui la Cour devrait décider
que la requêtedu Nicaragua est irrecevable en raison de sonobjet même et
de la place que tient la Cour dans le systèmedesNations Unies, eu égard

notamment aux effets qu'aurait une instance devant la Cour sur l'exercice
actuel du droit naturel de légitime défense, individuelleou collectivO,
prévu à l'article51delaCharte. Pour cetteraison, ilest soutenu quelaCour
ne devrait pas exercer sa compétencerationemateriae pour connaître des
demandes du Nicaragua. A ce propos, les Etats-Unis réaffirment que la
requête nicaraguayenneoblige en fait la Cour à établirque les activitésdu
défendeurconstituent un emploi illicitede laforce armée,une violation de
la paix ou un acte d'agression;ils s'attachent ensuità démontrer que les
organes politiques des Nations Unies auxquels la Charte confiela respon-
sabilité enpareille matière ont déjàdonnésuite, et continuent à donner
suite, aux requêtes presque identiquesdont les a saisis le Nicaragua. Les
Etats-Unis rappellent que leNicaragua s'estadresséau Conseil de sécurité

le4 avril 1984,quelquesjours avant l'introduction de laprésente instance.
Le projet de résolutionalors présenté, qui correspondait aux demandes
soumises à la Cour par le Nicaragua, n'a pas obtenu la majoritérequise
pour êtreadoptéconformément à l'article 27,paragraphe 3, de la Charte.
Mais ce fait, tout comme la probabilité que des demandes analogues
n'obtiendraient probablement pas la majoritévoulue, ne confère pas à la
Cour compétence rationemateriaepour connaître des demandes du Nica-
ragua. La requêtedu Nicaragua demandant en fait à la Cour derendre un
arrêtquiseraitidentique,surtous lespoints importants, àladécisionquele
Conseil de sécurité n'apas prise, équivauten réalitéà un appel devant la eration in the Security Council. Furthermore, in order to reach a deter-
mination on what amounts to a claim of aggression the Court would have
to decide whether the actions of the United States, and theother States not

before the Court, are or are not unlawful :more specifically,it would have
to decide on the application of Article 51 of the Charter, concerning the
right of self-defence. Any such action by the Court cannot be reconciled
with the terms of Article 51,which provides arole in such matters onlyfor
the Security Council. Nor would it be only in case of a decision by the
Court that the inherent right of self-defencewould be impaired : the fact
that suchclaims are being subjected tojudicial examination in the midst of
the conflict that gives rise to them may alone be sufficient to constitute
such impairment.
92. Nicaragua observes in this connection that there is no generalized
right of self-defence :Article 51 of the Charter refers to the inherent right
of self-defence "if an armed attack occurs against a Member of the United
Nations". The factual allegations made against Nicaragua by the United
States, even if true, fa11short of an "armed attack" within the meaning of

Article 51. While that Article requires that actions under it "must be
immediately reported to the Security Council" - and no such report has
been made - it does not support the claim that the question of the
legitimacy of actions assertedly taken in self-defence is committed exclu-
sivelyto the Security Council. The argument of the United States as to the
powers of the Security Council and of the Court is an attempt to transfer
municipal-law concepts of separation of powers to the international plane,
whereas these concepts are not applicable to the relations among inter-
national institutions for the settlement of disputes.

93. The United States is thus arguing that the matter wasessentiallyone
for the Security Council since it concerned a complaint by Nicaragua
involving the use of force. However, having regard to the United States
Diplornaticand ConsularStaffin Tehrancase, the Court is of the viewthat
the fact that a matter is before the Security Council should not prevent it

being dealt with by the Court and that both proceedings could bepursued
pari pussu. In that case the Court held :
"In the preamble to this second resolution the Security Council
expressly took into account the Court's Order of 15December 1979
indicating provisional measures ; and it does not seem to have
occurred to any member of the Council that there was or could be
anything irregular in the simultaneous exercise of their respective

functions by the Court and the Security Council. Nor is there in this
any cause for surprise." (I.C.J. Reports 1980, p. 21, para. 40.)
The Court in fact went further, to Say :

"Whereas Article 12of the Charter expressly forbids the General
Assembly to make any recommendation with regard to a dispute or
situation while the Security Council is exercising its functions inCour d'une conclusiondéfavorabledu Conseil de sécuritéD . e plus, afin de
faire une constatation à propos de ce qui est en définitiveune accusation
d'< a<ressionO,la Cour devrait dire si lesactions des Etats-Unis et d'autres
Etats non parties à l'instance sont ou non illicites :plus précisément,
elle devrait dire si l'article 51 de la Charte, relatif au droit de légitime
défense,estapplicable. Une telledécisiondela Cournepeut êtreconforme
aux termes de l'article 51, qui confère en la matière un rôle exclusif au
Conseil de sécuritéC. e n'estd'ailleurs pas le seulcas où ily aurait atteinte
au droit naturel de légitimedéfense :le fait mêmeque de telles demandes
soient soumises àexamenjudiciaire alors que le conflit qui les motive se

poursuit peut suffire à constituer une telle atteinte.

92. Le Nicaragua fait observer à cet égard qu'il n'ypas de droit géné-
ralisédelégitimedéfense :l'article51de laCharte concerne ledroitnaturel
de légitimedéfense <dans le cas où un Membre des Nations Unies est
l'objet d'une agression armée ))Mêmes'ilsse révélaient exacts, lesfaits
alléguép sar les Etats-Uniscontre leNicaragua ne constitueraient pas une
<<agression armée ))au sensdel'article51.Cetarticle exigeque lesmesures
prises soient <immédiatement portées à la connaissance du Conseil de
sécurité))- cequi n'apasétéfait-, mais ilnepermet pas de soutenir pour

autant qu'il appartient exclusivement au Conseil de sécuritéde se pro-
noncer sur la légitimitéde mesures prises en alléguant lalégitime défense.
L'argumentation développéepar les Etats-Unis au sujet des attributions
du Conseil de sécuritéet dela Cour tend à transposer au plan international
des notions internes de séparation despouvoirs, alors que ces notions ne
s'appliquent pas aux relations entre institutions internationales chargées
de règlerdes différends.
93. Les Etats-Unis soutiennent ainsi que la question relève essentielle-
ment du Conseil de sécuritép , arce qu'elle concerne une plainte du Nica-
ragua mettant encause l'emploide la force. Eu égardcependant à l'affaire

du Personnel diplomatique et consulaire desEtats-Unis à Téhéranl,a Cour
est d'avisque lefait qu'une question est soumise au Conseil de sécuriténe
doit pas empêcherla Cour d'en connaître, et que les deux procédures
peuvent êtremenéesparallèlement. Dans l'affaire citée,la Cour a dit :
<<Dans le préambule de cette seconde résolution, le Conseil de

sécurité tenaitexpressémentcompte de l'ordonnance de la Cour en
indication de mesures conservatoires du 15 décembre 1979 ; il ne
semble êtrevenu à l'esprit d'aucun membre du Conseil qu'ily eût ou
pût y avoir rien d'irrégulierdans l'exercicesimultanépar la Cour et
par le Conseil de sécuritéde leurs fonctions respectives. Le fait n'est
d'ailleurs pas surprenant.))(C.I.J. Recueil 1980, p. 21, par.40.)

Et la Cour a même précisé que :
Alors que l'article 12de la Charte interdit expressément à l'As-
semblée générald ee faire une recommandation au sujet d'un diffé-

rend ou d'une situation à l'égard desquels le Conseil remplitses respect of thatdispute or situation, no suchrestriction isplaced on the
functioning of the Court by any provision of either the Charter or the
Statute of the Court. The reasons are clear. It is for the Court, the
principal judicial organ of the United Nations, to resolve any legal
questionsthat may be in issue between parties to the dispute ;and the
resolution of such legal questions by the Court may be an important,
and sometimes decisive,factor in promoting the peaceful settlement
of the dispute. This is indeed recognized by Article 36of the Charter,

paragraph 3 of which specifically provides that :
'In making recommendations under this Article the Security
Council should also take into consideration that legal disputes
should as a general rule be referred by the parties to the Interna-
tional Court of Justice in accordance with the provisions of the
Statute of the Court.' " (Z.C.J.Reports 1980, p. 22, para. 40.)

94. The United States argument is also founded on a construction,
which the Court is unable to share, of Nicaragua's complaint about the
United States use, or threat of the use, of force against its territorial
integrity and national independence, in breach ofArticle 2,paragraph 4,of
the United Nations Charter. The United States argues that Nicaragua has
thereby invoked a charge of aggression and armed conflict envisaged in
Article 39 of the United Nations Charter, which can only be dealt with by
the Security Council in accordance with the provisions of Chapter VI1of
the Charter,and not in accordance with the provisions of Chapter VI.This
presentation of the matter by the United States treats the present dispute
between Nicaragua and itself as a case of armed conflict which must be
dealt with only by the Security Council and not by the Court which, under

Article 2, paragraph 4, and Chapter VI of the Charter, deals with pacific
settlement of al1disputes between member States of the United Nations.
But,if so,it has tobe noted that, whilethe matter has been discussed in the
Security Council, no notification has been given to it in accordance with
Chapter VI1 of the Charter, so that the issue could be tabled for full
discussion before a decision were taken for the nec.essaryenforcement
measures to be authorized. It isclear that thecomplaint ofNicaragua isnot
aboutan ongoingarmed conflict between it and the United States,but one
requiring, and indeed demanding, the peaceful settlement of disputes
between the two States. Hence, it is properly brought before the principal
judicial organ of the Organization for peaceful settlement.
95. It is necessary to emphasize that Article 24 of the Charter of the
United Nations provides that

"In order to ensure prompt and effective action by the United
Nations, its Members confer on the Security Councilprimaty respon-
sibility for the maintenance of international peace and security ..."
TheCharter accordingly does not confer exclusiveresponsibility upon the
Security Council for the purpose. While in Article 12there is a provision fonctions, ni la Charte ni le Statut n'apportent de restriction sem-
blable à l'exercicedes fonctions de la Cour. Les raisons en sont évi-
dentes :c'estàlaCour,organejudiciaire principal des Nations Unies,
qu'ilappartientde résoudretoute questionjuridique pouvant opposer
desparties à un différend ;etla résolutionde cesquestionsjuridiques
par la Cour peutjouer un rôle important et parfois déterminant dans
le règlementpacifique du différend. C'estd'ailleurs ce que reconnaît
l'article 36, paragraphe 3, de la Charte, qui prévoit expressément :

<(En faisant les recommandations prévuesau présentarticle, le
Conseil de sécuritédoit aussi tenir compte du fait que, d'une
manière générale, lesdifférends d'ordre juridique devraient être
soumis par les parties à la Cour internationale de Justice confor-
mément aux dispositions du Statut de la Cour. ))(C.I.J. Recueil
1980, p. 22, par. 40.)

94. L'argumentation des Etats-Unis repose d'autre part sur une inter-
prétation,que la Cour ne peut partager, des griefs du Nicaragua visant la
menace ou l'emploi de la force par les Etats-Unis contre son intégrité
territoriale et son indépendance nationale en violation de l'article 2,para-
graphe 4, de la Charte des Nations Unies. Les Etats-Unis soutiennent que

le Nicaragua invoque par là une agression ou un conflit armétels que les
envisagel'article39de la Charte desNations Unies, dont seulleConseilde
sécuritépeut connaître conformément aux dispositionsdu chapitre VI1de
laCharte, etnon surlabasedu chapitre VI.La manièredont lesEtats-Unis
présentent la question fait du différendentre le Nicaragua et eux-mêmes
un cas de conflit armérelevant exclusivementdu Conseil de sécurité etnon
de la Cour, qui, en vertu de l'article 2, paragraphe 4, du chapitre VI de la
Charte, est compétentepour lerèglementpacifique de tout différendentre
Etats Membres des Nations Unies. Mais, s'ilen est ainsi, il faut constater
que, si la question a bien étésoumise au Conseil de sécurité,aucune
notification n'aété adressée à celui-ciconformémentauchapitre VI1de la

Charte, pour que le Conseil puisse ouvrirun débatgénéralsur la question
etprendre une décisionautorisant lesmesurescoercitivesnécessaires.11est
évidentque la plainte du Nicaragua ne concerne pas un conflit arméen
cours entre ce pays et les Etats-Unis, mais une situation qui appelle, et
mêmeexige,le règlementpacifique d'un différendentre les deux Etats. Il
s'ensuitque c'est àjuste titre que cette plainte a éportéedevant l'organe
judiciaire principal de l'organisation aux fins d'un règlement pacifique.
95. Il faut ici souligner que l'article 24 de la Charte des Nations Unies
dispose que :

<< fin d'assurer l'action rapide et efficace de l'organisation, ses
Membresconfèrent au Conseil de sécurité la responsabilitéprincipale
du maintien de la paix et de la sécurité internationales...>)

Cen'estdonc pasune responsabilitéexclusiveque la Charte confère à cette
fin au Conseil de sécurité.Certes l'article 12 départage nettement les435 MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVITIES (JUDGMENT)

for a clear demarcation of functions between the General Assembly and
the Security Council, in respect of anydispute or situation, that theformer
should not make any recommendation with regard to that dispute or

situation unless the Security Council so requires, there is no similar pro-
visionanywherein theCharter with respect to the SecurityCouncil and the
Court. The Council has functions of a political nature assigned to it,
whereas the Court exercises purely judicial functions. Both organs can
therefore perform their separate but complementary functions with res-
pect to the same events.
96. It must also be remembered that, as the Corfu Channelcase (I.C.J.
Reports 1949, p. 4) shows, the Court has never shied away from a case
brought before it merely because it had political implications or because it
involved serious elements of the use of force. The Court was concerned
with a question of a "demonstration of force" (cf. loc. cit., p. 31) or
"violation of a country's sovereignty" (ibid.);the Court, indeed, found
that

"Intervention is perhaps still lessadmissible in the particular form
it would take here ;for, from the nature of things, itwould be reserved
for the most powerful States, and might easily lead to perverting the
administration of international justice itself."(Ibid., p. 35.)

What is also significant is that the Security Council itself in that case had
"undoubtedly intended that the whole dispute should be decided by the
Court" (p. 26).
97. It is relevant also to observe that while the United States is arguing
today that because of the alleged ongoingarmed conflict between the two
Statesthe matter could not bebrought to the InternationalCourt ofJustice
but should be referred to the Security Council, in the 1950sthe United
Statesbrought sevencasesto theCourt involvingarmedattacks bymilitary
aircraft of other States against United States military aircraft ;the only
reason the cases were not dealt with by the Court was that each of the

Respondent Statesindicated that ithad not accepted thejurisdiction of the
Court,and wasnot willingtodo sofor the purposes of the case.TheUnited
States did not contradict Nicaragua's argument that the United States
indeed brought these suits against the Respondents in this Court, rather
than in the Security Council. It has argued further that in both the Corfu
Channelcase and the Aerial Incident cases, the Court was asked to adju-
dicate the rights and duties of the parties with respect to a matter that was
fully in the past. To a considerable extent this is a question relevant to the
fourth ground of inadmissibility advanced by the United States, to be
examined below. However the United States also contends that the Corfu
Channel case, at least, shows that it was the fact that the incident in
question wasnot part of an ongoinguseof armedforcethat led the Security
Council to conclude that its competence was not engaged. In the view of
the Court, this argument is not relevant.fonctions de l'Assemblée générale e dtu Conseil de sécurité en précisant
que, àl'égardd'un différendou d'une situation quelconque,lapremière ne

doit faire aucune recommandation sur ce différend ou cette situation, à
moins queleConseilde sécurité neleluidemande,maisaucunedisposition
semblable ne figure dans la Charte sur leConseil de sécurité et la Cour. Le
Conseil a des attributions politiques ; la Cour exerce des fonctions pure-
ment judiciaires. Les deux organes peuvent donc s'acquitter de leurs
fonctions distinctes mais complémentaires à propos des mêmes événe-
ments.
96. Il convient égalementde rappeler que,comme en témoigne l'affaire
du Détroit decorfou (C.I.J. Recueil 1949, p. 4), la Cour ne s'estjamais
dérobée devantl'examen d'une affaire pour la simple raison qu'elle avait

desimplications politiques ou comportaitde sérieux éléments d'emplo die
la force. La Cour s'est penchéesur une <<démonstration de force ))(ibid.,
p. 31)ou la <<violation de la souveraineté ))d'un pays (ibid.);elle a même
conclu que :
(L'intervention est peut-être moins acceptable encore dans la

forme particulière qu'elle présenterait ici, puisque, réservéepar la
nature des choses aux Etats lesplus puissants, elle pourrait aisément
conduire à fausser l'administration de la justice internationale
elle-même ))(ibid., p. 35).

Il est également significatifqu'en cette affaire le Conseil de sécuritélui-
même<< entendait indubitablement que ledifférendtout entier fût tranché
par la Cour ))(p. 26).
97. Il est égalementpertinent de relever que les Etats-Unis tiennent
aujourd'hui que, du fait du prétendu conflit arméen cours entre les deux
Etats, la question ne pourrait êtresoumise à la Cour internationale de
Justice maisdevrait êtrerenvoyéeau Conseilde sécuritéa ,lorsque, dans les
annéescinquante,ilsont saisila Courde sept affaires mettant encausedes
attaques arméesde l'aviation militaire d'autres Etats contre des avions
militaires des Etats-Unis ;l'unique raison pour laquelle la Cour n'a pas

statuédanscesaffaires est que chacun des Etats défendeursaindiquéqu'il
n'avait pas acceptésa juridiction et n'étaitpas disposé à le faire en la
circonstance. Les Etats-Unis n'ont pas contredit l'argument du Nicaragua
suivant lequel les Etats-Unis sesont alors effectivement adressés à la Cour
plutôt qu'au Conseil de sécurité. Ilsont par ailleurs fait valoir que, aussi
bien dans l'affaire du Détroit de Corfouque dans celles des incidents
aériens, laCour étaitinvitée à seprononcer sur lesdroits et obligationsdes
parties àpropos d'événements qui appartenaient exclusivement au passé.
C'est là, dans une très large mesure, une question qui se rattache au
quatrième motif d'irrecevabilité misen avant par les Etats-Unis, lequel

sera examinéci-après. Mais lesEtats-Unis soutiennent aussi que l'affaire
du Détroitde Corfoumontre àtout le moins que c'estparce que l'incident
en question ne relevait pas d'un emploien cours de la force arméeque le
Conseil de sécuritéapu conclure à son incompétence.De l'avisde la Cour,
cet argument n'est pas pertinent. 98. Nor can the Court accept that the present proceedings are objec-
tionable as being in effect an appeal to theCourt from an adverse decision
of the Security Council. The Court is not asked to Saythat the Security
Council waswronginits decision,nor that there wasanything inconsistent
with law in the way in which the members of the Council employed their

right to vote. The Court is asked to passjudgment on certain legal aspects
of a situation which has also been considered by the Security Council, a
procedure which is entirely consonant with its position as the principal
judicial organ of the United Nations. As to the inherent right of self-
defence,the fact that it isreferred to in the Charter as a "right" isindicative
of alegaldimension ;ifin thepresent proceedingsit becomes necessaryfor
the Court tojudge in this respect between the Parties - for the rights of no
other State may be adjudicated in these proceedings - it cannot be
debarred from doing so by the existence of a procedure for the States
concerned to report to the Security Council in this connection.

99. The fourth ground of inadmissibility put forward by the United

States isthat theApplication should be held inadmissible in consideration
of the inability of thejudicial function to deal with situations involving
ongoing conflict. The allegation, attributed by the United States to Nica-
ragua, of an ongoing conflict involving the use of armed force contrary to
the Charter is said to be central to, and inseparable from, the Application
as a whole, and is one with which a court cannot deal effectively without
overstepping proper judicial bounds. The resort to force during ongoing
armed conflict lacks the attributes necessary for the application of the
judicial process, namely a pattern of legally relevant facts discernible by
the means available to the adjudicating tribunal, establishable in confor-
mity with applicable norms of evidence and proof, and not subject to
further material evolution during the course of, or subsequent to, the
judicial proceedings. It is for reasons of this nature that ongoing armed
conflict must be entrusted to resolution by political processes. The situa-
tion alleged in the Nicaraguan Application, in particular, cannot bejudi-

ciallymanaged or resolved ;continuing practical guidance to the Partiesin
respect of the measures required of them is critical to the effective control
of situations of armed conflict such as is there alleged to exist. But the
Court has, it is said, recognized that giving such practical guidance to the
Parties lies outside the scope of thejudicial function. The United States
does not arguethat theApplication must be dismissedbecause itpresents a
"political" question rather than a "legal" question, but rather that an
allegation of an ongoing use of unlawful armed force was never intended
by the drafters of the Charter to be encompassed by Article 36,paragraph
2, of the Statute. It is also recalled that the circumstances alleged in the
Application involve the activities of "groups indigenous to Nicaragua"
that have their own motivations and are beyond the control of any State.
The United States emphasizes, however, that to conclude that the Court 98. La Courne peut pas non plus accepter l'objection suivant laquelle la
présente instance serait en fait un appel devant la Cour d'une décision
défavorabledu Conseil de sécurité.Il n'estpas demandé àla Cour de dire
que le Conseil de sécuritéacommis une erreur, ni que la manièrede voter
desmembres du Conseil ait été en rien contraire audroit. La Cour est priée
de se prononcer sur certains aspectsjuridiques d'une question qui a été
aussi examinéepar le Conseil, ce qui est parfaitement conforme à sa
situation d'organejudiciaire principal des Nations Unies. Quant au droit

naturel de légitime défense, lefait précisémentquela Charte le qualifie de
droit ))indique une dimensionjuridique ;si dans la présente instance la
Cour devait avoir à statuer à cet égardentre les Parties - car les droits
d'aucun autre Etat ne peuvent faire l'objet d'une décision - l'existence
d'une procédure par laquelle les Etats intéressésdoivent informer le
Conseil de sécurité à cet égardne saurait l'empêcherde le faire.

99. Le quatrième motif d'irrecevabilitéde la requête invoquépar les
Etats-Unis est que la fonction judiciaire ne permettrait pas de faire face
aux situations de conflit arméen cours. L'affirmation, que les Etats-Unis
attribuent au Nicaragua, selon laquelle un conflit comportant l'emploide
la force armée en violation de la Charte serait en cours, est présentée
comme une pièce maîtresse de la requêtedans son ensemble, dont elle
serait indissociable, et dont la Cour ne saurait connaître efficacement sans
sortir des limites d'une activitéjudiciaire normale. Le recours à la force

durant un conflit arméne présentepas descaractéristiquesqui seprêtent à
l'application de la procédure judiciaire, à savoir l'existence de faits juri-
diquement pertinents que les moyens dont dispose le tribunal saisi per-
mettent d'apprécier, pouvant êtreétablis conformémentaux règles de
l'administration de lapreuve, et qui nerisquent pas d'évoluerradicalement
en cours d'instance ou après celle-ci. C'est pour des raisons semblables
qu'ilya lieu de s'enremettre aux rouages politiquespour régler lesconflits
armésen cours. La situation invoquéedans la requêtedu Nicaragua, en

particulier, ne se prêtenià unjugement ni à une solutionjudiciaire ;il est
crucial de pouvoir donner en permanence des directives pratiques aux
parties quant aux mesures qu'ellesdoivent prendre pour mettre effective-
ment fin aux conflits armés comme celui dont l'existence est alléguée en
l'espèce. Maisla Cour areconnu que donner auxparties de tellesdirectives
sort du domaine propre de la fonctionjudiciaire. Les Etats-Unis ne sou-
tiennent pasque larequêtedoitêtrerejetéeparce qu'elle poseune question
politique ))plutôt qu'une question ((juridique >> , ais plus exactement
qu'il n'estjamais entrédans les intentions des rédacteursde la Charteque

l'article36, paragraphe 2, du Statut s'applique à une allégationd'emploi
illicite en cours de la force armée.Les Etats-Unis rappellent aussi que la
situation miseencause dans larequêtedu Nicaragua impliquelesactivités
de (groupes autochtones ))de ce pays, qui obéissent à leurs propres437 MILITARY AND PARAMILITARY AC~VITIES (JUDGMENT)

cannot adjudicate the merits of thecomplaints allegeddoes not require the
conclusion that international law is neither directly relevant nor of fun-
damental importance in the settlement of international disputes, but
merely that in this respect the application of international legalprinciples
is the responsibility of other organs set up under the Charter.

100. Nicaragua contends that, inasmuch asthe United Statesquestions
whether the Court would have at its disposa1vital evidence necessary to
resolvethe dispute, the problem is not so much the nature of the dispute as
the willingness of the Respondent fully to inform the Court about the
activitiesof whichit isaccused. Nicaragua also points to the CorfuChannel
case as showing, as the Court has noted above (paragraph 96), that the
Court does exercise itsjudicial functions in situations of armed conflict.
The Court will decide in the light of the evidence produced by the Parties,
and enjoys considerable powers in the obtaining of evidence. Nicaragua
disputes that thejudicial function, being governed by the principle of res
judicata, is "inherently retrospective", and therefore inapplicable to a fluid
situation.Nicaragua concedes that ajudgment deliveredby the Court must
be capable of execution, but points out that such ajudgment does not by
itself resolve- and isnot intended to resolve - al1the difficulties between
the parties. The Court is not being asked to bring an armed conflict to an

end by nothing more than the power of words.

101. The Court is bound to observe that anyjudgment on the merits in
the present case will be limited to upholding such submissions of the
Parties ashavebeen supported by sufficient proof of relevant facts, andare
regarded by the Court as sound in law.A situation of armed conflict isnot
theonly one in whichevidence of fact may be difficult to corneby, and the
Court has in the past recognized and made allowance for this (Corfu
Channel,I.C.J. Reports1949,p. 18 ;UnitedStates Diplomaticand Consular
Staffin Tehran,I.C.J. Reports1980,p. 10,para. 13).Ultimately, however,it
isthe litigant seekingtoestablishafactwhobearsthe burden ofproving it ;
and in caseswhere evidencemay not be forthcoming, a submission may in
the judgment be rejected as unproved, but is not to be ruled out as
inadmissible inlimineon the basis of an anticipated lack ofproof. As to the

possibility of implementation of the judgment, the Court will have to
assessthisquestion alsoon thebasis of each specificsubrnission,andin the
light of thefacts as then established ;it cannot at this stagerule out apriori
anyjudicial contribution to the settlement of the dispute by declaring the
Application inadmissible. It should be observed however that the Court
"neither can nor should contemplate the contingency of thejudgment not
beingcomplied with" (Factoryut Chorzow,P.C.I.J., SeriesA, No. 17,p. 63).
Both the Parties have undertaken to comply with the decisions of the
Court, under Article 94 of the Charter ;and

"Once the Court has found that a State has entered into a com-mobiles et échappent à l'autoritéde tout Etat. Les Etats-Unis soulignent
cependantque lefait de conclure que la Cour ne peut statueraufondsur la

requêtedu Nicaragua ne signifie pas que le droit international ne soit ni
directement pertinent ni d'une importance fondamentale pour régler les
différendsinternationaux, mais simplement qu'en la matière l'application
des principes du droit international incombe aux autres organes institués
par la Charte.
100. Le Nicaragua fait valoir que, dans la mesure où les Etats-Unis
mettent en doute que la Cour disposerait des preuves essentielles néces-
saires au règlement du différend,le problème n'est pas tant la nature du
différend que la question de savoir si le défendeur est prêt à informer
pleinement la Cour des activitésqu'on lui impute. Le Nicaragua rappelle

aussi que l'affairedu Détroitde Corfoudémontre, commelaCour l'a relevé
plus haut (paragraphe 96), que la Cour exerce effectivement ses fonctions
judiciaires dans des situations de conflit armé. La Cour se prononcera
d'aprèsles preuves produites par les Parties, et elle dispose de pouvoirs
considérables pour obtenir ces preuves. Le Nicaragua conteste que la
fonctionjudiciaire, régiepar leprincipe de lachosejugée,soit <(par nature
rétrospective et donc inapplicable dans une situation changeante. Le
Nicaragua concède qu'un arrêt rendupar la Cour doit pouvoir êtreexé-
cuté,mais il souligne qu'un tel arrêtne résout paspar lui-même - et n'est
pas destiné à résoudre - toutes les difficultésentre les Parties. Il n'estpas

demandé à la Cour demettre fin à un conflit armépar le seul pouvoir des
mots.
101. La Cour ne peut manquer d'observer que tout arrêtau fond en la
présenteespèce sebornera à faire droit aux conclusions des Parties qui
auront étéétayées par des preuves suffisantesdes faitspertinents et que la
Cour aura considéréescomme fondées endroit. Une situation de conflit
armén'est pas la seule où l'on puisseéprouverdes difficultés à établirles
faits, et la Cour, dans lepassé,a reconnu l'existencede cet élémene tt en a
tenu compte (Détroitde Corfou, C.I.J. Recueil 1949, p. 18 ; Personnel

diplomatique et consulaire desEtats-Unis à TéhéranC , .I.J. Recueil 1980,
p. 10, par. 13). Toutefois, c'est en définitiveau plaideur qui cherche à
établirun fait qu'incombe lachargede la preuve ; lorsque celle-cin'estpas
produite, une conclusion peut êtrerejetéedans l'arrêtcomme insuffisam-
ment démontrée,mais elle ne saurait êtredéclarée irrecevable in limine
parce qu'on prévoitque les preuves feront défaut. Quant à la possibilité
d'exécuterl'arrêt, laCour devra apprécieraussi cette question en fonction
de chaque conclusion concrète et compte tenu des faits qui auront été
établis; ellenepeut, à cestade, rejeteràpriori toutecontributionjudiciaire
au règlementdu différend en déclarant la requête irrecevable. Il convient
du reste de noter que la Cour <ne peut ni doit envisager l'éventualitéque

l'arrêt resteraitinexécuté)(Usinede Chorzbw,C.P.J.I. sérieA no17,p. 63).
Les deux Parties se sont engagées à respecter les décisionsde la Cour
conformément à l'article 94de la Charte, et:
Dès lorsque la Cour a constatéqu'un Etat a pris un engagement mitment concerningits future conduct it is not theCourt's function to
contemplate that it will not comply with it." (Nuclear Tests, I.C.J.
Reports 1974, p. 272, para. 60 ; p. 477, para. 63.)

102. The fifth and final contention of the United States under this head
isthat the Application shouldbe held inadmissible because Nicaragua has
failed to exhaust the established processes for the resolution of the con-
flicts occurring in Central America. In the contention of the United States,
the Contadora process, to which Nicaragua isParty, is recognized both by
the political organs of the United Nations and by the Organization of

American States,as the appopriate method for the resolution of the issues
of Central America. That process has achieved agreement among the
States of the region, including Nicaragua, on aims which go to the very
heart of the claims and issuesraised by theApplication. The United States
repeatsitscontention (paragraph 89,above) that the Contadora process is
a"regional arrangement" within the meaning ofArticle 52,paragraph 2,of
the Charter,and contends that under that Article, Nicaragua is obliged to
make everyeffort to achievea solution to the security problems of Central
America through the Contadora process. The exhaustion of such regional
processesislaid down in the Charter as aprecondition to the reference of a
dispute to the SecurityCouncil only,inviewofits primary responsibility in
this domain, but such a limitation must afortiori apply with even greater
force with respect to the Court, which hasno specificresponsibility under
the Charter fordealingwith suchmatters.Nicaragua is,it isclaimed, under
a similar obligation under Articles 20 and 21 of the Charter of the Orga-
nization of American States. Furthermore, Nicaragua is asking the Court
to adjudicate only certain of the issuesinvolved in the Contadora process,
and this would have the inevitable effect of rendering those issues largely

immune to further adjustment in the course of the negotiations, thus
disrupting the balance of the negotiating process. The Nicaraguan Appli-
cation is incompatible with the Contadora process and, given the com-
mitment of both Parties to that process, the international endorsement of
it, and its comprehensive, integrated nature, the Court should, it is con-
tended, refrain from adjudicating the merits of theNicaraguan allegations
and hold the Application to be inadmissible.
103. Nicaragua points outthat the United States isnot taking part in the
Contadora process, and cannot shelter behind negotiations between third
States in a forumin which it is not participating. The support givenby the
international community to the Contadora process does not constitute an
obstacle to the exercise by the Court of itsjurisdiction ;and the United
Nations Charter and the Charter of the Organization of American States
do not requiretheexhaustion ofprior regional negotiations.In reply tothis
objection of the United States as well as to the third ground of inadmis-
sibility (paragraphs 91 et seq., above), Nicaragua emphasizes the parallel
competence of the political organs of the United Nations. The Court may quant à son comportement futur, il n'entre pas dans sa fonction
d'envisagerque cet Etat ne le respecte pas. (Essaisnucléaires,C.Z.J.
Recueil 1974, p. 272, par. 60;p. 477, par. 63.)

102. Le cinquième et dernier motif d'irrecevabilitéinvoquépar les
Etats-Unis se rapporte au fait que le Nicaragua n'aurait pas épuisétoutes
les voiesétabliespour résoudreles conflits qui se déroulent en Amérique
centrale. Selon les Etats-Unis les <<consultations de Contadora O,aux-

quelles le Nicaragua prend part, sont reconnues, par les instances poli-
tiques des Nations Unies et l'Organisation des Etats américains,comme le
moyen approprié pour résoudreles problèmes d'Amérique centrale.Ces
consultations ont permis un accord entre les Etats de la région,dont le
Nicaragua, sur certains objectifs qui touchent au cŒur mêmedes griefs et
des questions énoncés dans la requêtedu Nicaragua. Les Etats-Unis réitè-
rent leur thèse(paragraphe 89ci-dessus) suivant laquelle lesconsultations
de Contadora constituent un <<accord régional au sensde l'article 52,
paragraphe 2, de la Charte, de sorte qu'aux termes de ce mêmearticle le
Nicaragua est tenu de faire tous ses efforts pour régler lesproblèmes de
sécurité en Amérique centralepar le moyen des consultations de Conta-
dora. La Chartefaitde l'épuisementdesprocéduresrégionalesune condi-
tion préalablede l'examend'un différendpar le Conseil de sécurité,vu la
responsabilité principale de celui-ci en la matière,et cette restriction doit
s'appliquer à plus forte raisonà la Cour, à laquelle la Charte ne confère

aucune responsabilitéspécialede cegenre. LeNicaragua, d'après lesEtats-
Unis, est tenu par uneobligation de mêmecaractèreenvertu desarticles 20
et 21 de la charte de l'organisation des Etats américains. Il prie d'autre
part la Cour de ne statuer que sur certaines des questions qui font l'objet
des travaux de Contadora, ce qui aboutirait inévitablement à les faire
échapper engrandepartie à de nouveaux ajustements dans le cadre de ces
négociationset romprait ainsi l'équilibredu processus de négociation.
Larequêtedu Nicaraguaest incompatible aveclesconsultations deConta-
dora ;vu lesengagements desdeux Parties àl'égardde celles-ci,l'approba-
tion internationale dont ellesjouissent et leur caractère global et intégré,
la Cour devrait s'abstenir de statuer au fond sur les allégations du Nica-
ragua et déclarersa requêteirrecevable.
103. LeNicaragua souligneque lesEtats-Unis neprennent pas part aux
travaux de Contadora et ne sauraient s'abriter derrière des négociations
menéesentre des Etats tiers dans un forum auquel ils ne participent pas.
L'appui accordé par la communauté internationale au processus de

Contadora nefaitpas obstacle à l'exercicedelacompétencede laCour ;ni
la Charte des Nations Unies, ni la charte des Etats américains n'impose
l'épuisementde négociations régionales préalables. En réponse à cette
objection des Etats-Unis et au troisième motif d'irrecevabilité (para-
graphes 91 et suivants ci-dessus), le Nicaragua appelle l'attention sur la
compétenceparallèledes organes politiques des Nations Unies. La Courpronounce on a dispute which is examined by other political organs of the
United Nations, for it exercises different functions.
104. This issue also was raised at the stage of the request by Nicaragua
for provisional measures, when the Court noted that

"The United Statesnotes that the allegations of the Government of
Nicaragua comprise but one facet of a complex of interrelated poli-
tical, social, economic and security matters that confront the Central
American region. Those matters are the subject of a regional diplo-
matic effort, known as the 'Contadora Process', which has been
endorsed by the Organization of American States, and in which

the Government of Nicaragua participates." (I.C.J. Reports 1984,
p. 183,para. 33.)
To this Nicaragua then replied that, while it was

"actively participating in theContadora Process, and willcontinue to
do so,our legalclaims against the United States cannot beresolved,or
even addressed, through that Process" (ibid., p. 185,para. 38).

Nicaragua further denied that the present proceedings could prejudice the
legitimate rights of anyother States or disrupt the Contadora Process, and
referred to previous decisionsof the Court asestablishing theprinciple that
the Court is not required to decline to take cognizance of one aspect of a
dispute merely because that dispute has other aspects and that the Court

should not decline its essentiallyjudicial task merely because the question
before the Court is intertwined with political questions.

105. On thislatter point, the Court would recall that in the UnitedStates
Diplomatie and ConsularStaff in Tehran case it stated :

"The Court, at the same time, pointed out that no provision of the
Statute or Rules contemplates that the Court should decline to take
cognizance of one aspect of a dispute merely because that dispute has
other aspects, however important." (I.C.J. Reports 1980,p. 19,para.
36.)

And, a little later, added :

"Yet never has the view been put forward before that, because a
legal dispute submitted to the Court is only one aspect of a political
dispute, the Court should decline to resolve for the parties the legal
questions at issuebetween them. Nor can any basis for such a viewof
the Court's functions or jurisdiction be found in the Charter or the
Statute of the Court ; if the Court were, contrary to its settledjuris-
prudence, to adopt such a view, it would impose a far-reaching andpeut se prononcer sur un différend qui est examinépar d'autres organes

politiques des Nations Unies, car elle exerce des fonctions différentes.
104. Cette question a aussi étésoulevée austade de la demande en
indication de mesures conservatoires présentéepar le Nicaragua, et la
Cour a pris note de ce que :

(iLes Etats-Unis constatent que les allégations du Gouvernement
du Nicaragua ne visent qu'un seul aspectde tout un ensemble inter-
dépendantde questions politiques, sociales, économiquesetde sécu-
ritéqui seposent dans la régionde l'Amériquecentrale. Cesquestions
font l'objet d'un effort diplomatique régional, connu comme les

(travaux du groupe de Contadora O,qui a reçu l'approbation de
l'organisation des Etats américainset auquel le Gouvernement du
Nicaragua participe. ))(C.I.J. Recueil 1984, p. 183,par. 33.)

A cela, le Nicaragua a alors répondu

Le Nicaragua participe activement aux consultations de Conta-
dora, et continuera à y participer, mais nosdemandesjuridiques contre
les Etats-Unis ne peuvent trouver de solution, ni mêmede réponse,
dans le cadre de ce processus. ))(Ibid., p. 185,par. 38).

Le Nicaragua a niéen outre que la présenteinstance puisse porter pré-
judice aux droits légitimesd'autres Etats ou perturber les travaux de
Contadora ;il a invoquéla jurisprudence de la Cour comme posant le
principe que rien n'obligela Cour à refuser deconnaître d'un aspect d'un
différendpour la seule raison que ce différend encomporte d'autres, ni à

refuser de s'acquitter d'une tâche essentiellement judiciaire pour la seule
raison que la question dont elle est saisie est étroitement liée à des ques-
tions politiques.
105. Sur ce dernierpoint, la Cour rappelle que, dans l'affaire du Per-
sonnel diplomatique et consulairedes Etats-Unis à Téhérane,lle s'est expri-
méeainsi :

(iLa Cour a souligné enoutre qu'aucune disposition du Statut ou
du Règlement ne luiinterdit de se saisir d'un aspect d'un différend
pour la simple raison que ce différend comporterait d'autres aspects,

si importants soient-ils. 1)(C.I.J. Recueil 1980, p. 19,par. 36.)

Et elle a ajouté,un peu plus loin :

(iNul n'a cependant jamais prétendu que, parce qu'un différend
juridique soumis à la Cour ne constitue qu'un aspect d'un différend
politique, la Cour doit se refuser à résoudredans l'intérêt desparties
les questionsjuridiques qui les opposent. La Charte et le Statut ne
fournissent aucun fondement à cette conception des fonctions ou de
lajuridiction de la Cour ;sila Cour, contrairement à sajurisprudence
constante, acceptait une telle conception, il en résulterait une restric- unwarranted restriction uDon the role of the Court in the ~eaceful
solution of international disputes." (I.C.J. Reports 1980,p. 50, para.
37.)

106. With regard to the contention of the United States of America that
the matter raised in theNicaraguan Application waspart of the Contadora
Process, the Court considers that even the existence of active negotiations
in which both parties might be involved should not prevent both the
Security Council and the Court from exercising their separate functions
under the Charter and the Statute of the Court. It may further be recalled
that in the Aegean Sea Continental Shelf case the Court said :

"The Turkish Government's attitude might thus be interpreted as
suggestingthat the Court ought not to proceed with thecase whilethe
parties continue to negotiate and that the existence of active nego-
tiations in progress constitutes an impediment to the Court's exercise
ofjurisdiction in the present case. The Court is unable to share this
view.Negotiation andjudicial settlement are enumerated together in
Article 33 of the Charter of the United Nations as means for the
peaceful settlement of disputes. The jurisprudence of the Court pro-
videsvarious examples of cases in whichnegotiations and recourse to
judicial settlement have been pursued pari passu. Several cases, the
most recent being that concerning the Trial of Pakistani Prisonersof
War(1.C.J. Reports 1973,p. 347),show thatjudicial proceedings may
bediscontinued when such negotiations result in the settlement of the
dispute. Consequently, the fact that negotiations are being actively
pursued during thepresent proceedings is not, legally,any obstacleto
theexerciseby the Court of itsjudicial function." (I.C.J. Reports 1978,

p. 12,para. 29.)
107. TheCourt does not consider that the Contadora process, whatever
its merits, can properly be regarded as a "regional arrangement7'for the
purposes of Chapter VI11of the Charter of the United Nations. Further-
more, it isalsoimportant alwaysto bear in mind that al1regional, bilateral,
and even multilateral, arrangements that the Parties to this case may have
made, touching on the issue of settlement of disputes or thejurisdiction of

the International Court of Justice, must be made always subject to the
provisions of Article 103of the Charter which reads as follows :
"In the event of a conflict between the obligations of the Members
of the United Nations under thepresent Charterand theirobligations
under any other international agreement, their obligations under the
present Charter shall prevail."

108. In the light of the foregoing, the Court is unable to accept either
that there is any requirement of prior exhaustion of regional negotiating
processes as a precondition to seising the Court ;or that the existence of
the Contadora process constitutes in this case an obstacle to the exami-
nation by the Court of the Nicaraguan Application and judicial determi- tion considérable et injustifiéede son rôle en matière de règlement

pacifique des différends internationaux. >>(C.I.J. Recueil 1980,p. 20,
par. 37.)
106. Au sujet de l'argument des Etats-Unis d'Amérique suivantlequel
laquestion soulevéepar larequêtedu Nicaraguarelève desnégociationsde
Contadora, laCour considèreque l'existence même de négociationsactives
auxquelles les deux Parties pourraient participer ne doit empêcherni le

Conseil de sécuriténi la Cour d'exercer les fonctions distinctes qui leur
sont conféréespar la Charte et par leStatut. On serappellera en outre que,
dans l'affaire du Plateau continentalde la mer Egée,la Cour a dit :
(L'attitude du Gouvernement de la Turquiepourrait donc s'inter-

préter commesous-entendant que la Courne devrait pasconnaîtrede
l'affairetantque lesparties continuent à négocieret que l'existencede
négociations activement menéesempêchela Cour d'exercer sa com-
pétenceenl'espèce.LaCourne saurait partager cettemanière de voir.
La négociation et le règlementjudiciaire sont l'une et l'autre cités
comme moyens de règlementpacifiquedesdifférends à l'article 33de
la Charte des Nations Unies. La jurisprudence de la Cour fournit
divers exemples d'affaires dans lesquelles négociationset règlement
judiciaire se sont poursuivis en même temps. Plusieursaffaires, dont
la plus récenteest celle du Procèsdeprisonniersdeguerrepakistanais
(C.I.J. Recueil 1973, p. 347), attestent qu'il peut êtremis fin à une

instance judiciaire lorsque de telles négociations aboutissent à un
règlement.Par conséquent, lefaitque desnégociationssepoursuivent
activement pendant la procédureactuelle ne constitue pas, en droit,
un obstacle à l'exerciceparla Cour de sa fonction judiciaire.n (C.I.J.
Recueil 1978, p. 12,par. 29.)

107. LaCour ne pense pas que leprocessus de Contadora, quel que soit
son intérêtp,uisse êtreconsidéré commeconstituant à proprement parler
un <accord régional aux fins du chapitre VI11de la Charte desNations
Unies. Il importe aussi de ne pas perdre de vue que tous les accords
régionaux,bilatéraux etmêmemultilatéraux,que les Parties àla présente
affairepeuvent avoir conclus au sujet du règlementdesdifférendsoude la
juridiction de la Courinternationale de Justice, sont toujours subordonnés
aux dispositions de l'article 103de la Charte ainsi conçu :

(En cas de conflit entre les obligations des Membres des Nations
Unies en vertu de la présenteCharte et leurs obligations en vertu de
tout autre accord international, les premières prévaudront. >)

108. Vu ce qui précède,la Cour n'est en mesure d'admettre, ni qu'il
existe une obligation quelconque d'épuisement desprocéduresrégionales
de négociationpréalable à sa saisine, ni que l'existence du processus de
Contadora empêche laCour en l'espèce d'examinerla requête nicara-
guayenneet de seprononcer lemoment venu surlesconclusions présentéesnation indue courseof the submissions of the Parties in thecase.TheCourt
istherefore unable to declare theApplicationinadmissible,as requested by
the United States, on any ofthegroundsit has advanced asrequiring sucha
finding.

109. The Court thus has found that Nicaragua, as authorized by the
second paragraph of Article 36 of the Statute of the Permanent Court of
International Justice, made, on 24September 1929,followingits signature
of the Protocol to which the Statute was adjoined, an unconditional
Declaration recognizing the compulsory jurisdiction of the Permanent
Court, in particular without conditions asto ratification and without limit
of time, though it has not been established that the instrument of ratifi-
cation of that Protocol ever reached the Secretariat of the League. Never-
theless,the Court hasnot been convinced by the arguments addressed to it
that the absence of such formality excluded the operation of Article 36,
paragraph 5,of the Statute of thepresent Court,and prevented the transfer
to the present Court of the Declaration as a result of the consent thereto

given by Nicaragua which, having been represented at the San Francisco
Conference, signed and ratified the Charter and thereby accepted the
Statute in whichArticle 36,paragraph 5,appears. It hasalso found that the
constant acquiescence of Nicaragua in affirmations, tobe foundin United
Nations and other publications, of its position as bound by the optional
clause constitutes a valid manifestation of its intent to recognize the
compulsoryjurisdiction of the Court.
110. Consequently,the Court finds that the Nicaraguan Declaration of
24 September 1929is valid, and that Nicaragua accordingly was, for the
purposes of Article 36,paragraph 2, of the Statute of the Court, a "State
acceptingthe sameobligation" as the United States of America at the date
of filing of the Application, so as to be able to rely on the United States
Declaration of 26 August 1946. The Court also finds that despite the
United States notification of 6 April 1984,the present Application is not
excluded from the scopeof theacceptance by the United States ofAmerica

of the compulsory jurisdiction of the Court. Accordingly the Court finds
that the two Declarations do afford a basis for the jurisdiction of the
Co- ~ - -
111. Furthermore, it is quite clear for the Court that, on the basis alone
oftheTreaty of Friendship,Commerce and Navigation of 1956,Nicaragua
and the United States of America are bound to accept the compul-
soryjurisdiction of this Court over claims presented by the Application
of Nicaragua in so far as they imply violations of provisions of this
treaty.par les Parties en l'espèce.La Cour ne peut donc déclarer la requête
irrecevable,commele demandent lesEtats-Unis, pour l'un quelconquedes
motifs avancéspar eux comme imposant une telle décision.

109. La Cour a ainsi conclu que le Nicaragua a fait, le 24 septembre
1929,ainsi quel'yautorisait l'article36,paragraphe 2,du Statutde la Cour
permanente de Justice internationale, et après avoir signé leprotocole
auquel le Statut étaitjoint, une déclaration reconnaissant la juridiction
obligatoire de la Cour permanente sans condition, notamment de ratifi-
cation, et sans limite de durée,bien qu'il nesoit pasà cejour établique
l'instrument deratification duprotocole soitjamais parvenu au Secrétariat
de la Sociétédes Nations. La Cour n'estpas convaincue par les arguments

qui lui ont étéprésentés, selon lesquels l'absenced'une telle formalité
exclurait l'application de l'article 36, paragraphe 5, du Statut de la Cour
actuelle, et empêcherait letransfertàcelle-cide la déclaration, auquel le
Nicaragua a par ailleurs consentilorsque, étantreprésentéà la conférence
de San Francisco, il a signé etratifiéla Charte, acceptant par là même le
Statut et son article 36, paragraphe 5. La Cour a aussi conclu que l'ac-
quiescement constant du Nicaragua aux affirmations, faites dans les
publications des Nations Unies, parmi d'autres, suivant lesquelles il était
liépar la clausefacultative constitue une manifestation appropriéedeson
intention de reconnaître lajuridiction obligatoire de la Cour.

110. La Cour tient en conséquencepour valide la déclaration nicara-
guayenne du 24 septembre 1929et en conclut qu'aux fins de l'article 36,

paragraphe 2, du Statut le Nicaragua étaitun Etat acceptant la même
obligation >)que les Etats-Unis d'Amérique à la date du dépôt de la
requête,ce qui l'autorisaità invoquer la déclaration des Etats-Unis du
26 août 1946.La Cour conclut aussi que, nonobstant la notification faite
par lesEtats-Unis d'Amériquele 6avril 1984,larequêten'estpas excluedu
champ de l'acceptation, par les Etats-Unis d'Amérique,de lajuridiction
obligatoire de la Cour. La Cour décideen conséquence que les deux
déclarations établissent unfondement à sa compétence.

111. Au surplus, ilest touàfait clairpour la Cour que, surla seulebase
du traitéd'amitié,de commerce et de navigation de 1956,le Nicaragua et
les Etats-Unis d'Amériquesont tenus d'accepter lajuridiction obligatoire

de la Cour quant aux demandes présentéespar le Nicaragua dans sa
requête,dans la mesure ou ellesimpliquent desviolationsdesdispositions
de ce traité. 442 MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVITIES (JUDGMENT)

112. In its above-mentioned Order of 10May 1984,the Court indicated
provisional measures "pending its final decision in the proceedings insti-
tuted on 9 April 1984by the Republic of Nicaragua against the United
States of America". It follows that the Order of 10 May 1984, and the
provisional measuresindicated therein, remain operativeuntil the delivery

of the final judgment in the present case.

113. For these reasons,

THECOURT,
(1) (a) finds, by eleven votes to five, that it hasjurisdiction to entertain

the Application filed by the Republic of Nicaragua on 9April 1984,on the
basis of Article 36, paragraphs 2 and 5, of the Statute of the Court ;
IN FAVOUR : President Elias ; Vice-President Sette-Camara ;Judges Lachs,
Morozov,Nagendra Singh,Ruda, El-Khani,de Lacharrière,Mbaye, Bed-
jaoui ;Judge ad hoc Colliard ;

AGAINST :Judges Mosler,Oda, Ago,Schwebeland Sir Robert Jennings.

(b) finds, by fourteen votes to two, that it has jurisdiction to entertain
the Application filed by the Republic of Nicaragua on 9 April 1984,in so
far as that Application relates to a dispute concerning theinterpretation or
application of the Treaty of Friendship, Commerce and Navigation
between the United States of America and the Republic of Nicaragua
signed at Managua on 21 January 1956,on the basis of Article XXIV of
that Treaty ;

IN FAVOUR :President Elias ; Vice-President Sette-Camara ;Judges Lachs,
Morozov,Nagendra Singh, Mosler,Oda, Ago, El-Khani,Sir Robert Jen-
nings,de Lacharrière, Mbaye,Bedjaoui ;Judge ad hoc Colliard ;

AGAINST :Judges Ruda and Schwebel.
(c)finds, by fifteen votes to one,that it hasjurisdiction to entertain the
case ;

IN FAVOUR :President Elias; Vice-President Sette-Camara ;Judges Lachs,
Morozov,NagendraSingh,Ruda, Mosler,Oda,Ago,El-Khani,SirRobert
Jennings, de Lacharrière,Mbaye, Bedjaoui ;Judge ad hoc Colliard ;

AGAINST :Judge Schwebel.
(2) finds, unanimously, that the said Application is admissible. 112. Dans l'ordonnance susmentionnée du 10 mai 1984la Cour a indi-
quédes mesures conservatoires <en attendant son arrêtdéfinitif dans
l'instance introduitele 9avril 1984par la Républiquedu Nicaraguacontre
les Etats-Unis d'Amérique >)Il en résulteque ladite ordonnance et les
mesures conservatoires qui y sont indiquées continueront d'avoir effet

jusqu'au prononcé de l'arrêt définitif en l'espèce.

113. Par ces motifs,

1) a) dit,par onzevoixcontre cinq, qu'elleacompétencepour connaître
dela requêtedéposée parla Républiquedu Nicaragua le9avril 1984,surla
base de l'article 36,paragraphes 2 et 5, de son Statut ;

POUR :M. Elias, Président; M. Sette-Camara, Vice-Présiden;t MM. Lachs,
Morozov,Nagendra Singh,Ruda, El-Khani,de Lacharnère,Mbaye, Bed-
jaoui,juges ; M. Colliard,juge ad hoc ;
CONTRE : MM. Mosler,Oda, Ago, Schwebelet sir Robert Jennings, juges ;

b) dit, par quatorze voix contre deux, qu'elle a compétencepour con-
naître delarequêtedéposée parla Républiquedu Nicaragua le9avril 1984,
dans la mesure où elle se rapporte à un différend concernant l'interpré-
tation ou l'application du traité d'amitié,de commerce et de navigation

entre les Etats-Unis d'Amériqueet la République du Nicaragua signé à
Managua le 21janvier 1956, sur la base de l'article XXIV de ce traité ;

POUR :M. Elias, Président; M. Sette-Camara, Vice-président ;MM. Lachs,
Morozov,Nagendra Singh, Mosler,Oda, Ago, El-Khani, sir Robert Jen-
nings, MM.de Lacharnère,Mbaye, Bedjaoui uges ; M. Colliard, juge ad

hoc ;
CONTRE : MM. Ruda, Schwebel, juges ;

c) dit,par quinze voix contre une, qu'ellea compétencepour connaître
de l'affaire ;
POUR :M. Elias, Président; M. Sette-Camara, Vice-Président ;MM. Lachs,
Morozov,Nagendra Singh,Ruda, Mosler,Oda,Ago,El-Khani,sirRobert
Jennings,MM.de Lacharrière,Mbaye, Bedjaoui, juges ;M. Colliard, juge
ad hoc ;

CONTRE : M. Schwebel, juge ;
2) dit, àl'unanimité,que ladite requêteest recevable.443 MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVITIE(JUDGMENT)

Done in English and in French, the English text being authoritative, at
the Peace Palace, The Hague, this twenty-sixth day of November, one
thousand nine hundred and eighty-four, in three copies, one of which will

be placed in the archivesof the Court and the others willbe transmitted to
the Government ofNicaragua and to theGovernment of the United States
of America, respectively.

(Signed) Taslim O. ELIAS,
President.

(Signed) Santiago TORRESBERNARDEZ,
Registrar.

Judges NAGENDRA SINGH,RUDA,MOSLERO , DA,AGOand Sir Robert
JENNINGS append separate opinions to the Judgment of the Court.

Judge SCHWEBE appends a dissenting opinion to the Judgment of the
Court.

(Initialled) T.O.E.

(Initialled) S.T.B. Fait en anglais et en français,le texte anglais faisant foi, au palais de la
Paix,à La Haye, levingt-sixnovembre mil neuf cent quatre-vingt-quatre,
en trois exemplaires, dont l'un restera déposéaux archives de la Cour et

dont lesautresseronttransmis respectivement au Gouvernement du Nica-
ragua et au Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique.

Le Président,
(Signé)Taslim O. ELIAS.

Le Greffier,
(Signé)Santiago TORRES BERNARDEZ.

MM. NAGENDRA SINGH,RUDA,MOSLERO , DA,AGO,sir Robert JEN-
NINGSj,uges, joignentà l'arrêt l'expode leur opinion individuelle.

M. SCHWEBEjL u,ge, joiàtl'arrêtl'exposéde son opinion dissidente.

(Paraphé)T.O.E.

(Paraphé)S.T.B.

ICJ document subtitle

Compétence de la Cour et recevabilité de la requête

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Document Long Title

Arrêt du 26 novembre 1984

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