Essais nucléaires (Nouvelle-Zélande c. France) - Arrêt de la Cour

Document Number
11670
Document Type
Number (Press Release, Order, etc)
1974/13
Date of the Document

COURINTERNATIONAL ûE E JUSTICE

,PalaisdelaPaix,LaHaye Tel.9244 41 Télegr.Intercou?,La.Haye :.-.'. .

. . nonofficiel I
.-.. . . .. . pourpubliCetImrnédiete
NO 74/13
Le 20 décembre 1974

Essais nucléaires
(~ustralie c . France;
Nouvelle-Zélande c . mance)

Arrêts de la Cour
l
Le Greffe de la Cour internationale de Justice met à la disposition
de la presse 1% renseignements suivants :

~ujourd'hui, 20 décembre 1974, la Cour internationale de Justice a
rendu son arrêt en l'affaire des Essais nucléaires (~ouvelle- élan de.

c;. mance ).

Par 9 voix contre 6, la Cour a dit que la demande de la Nouvelle-Zélande
est désormais sans objet et qu'il n'y a dès lors pas lieu à statuer.'

Dans son arrêt, la Cour a motivé ce prononcé notamment par les consi-
dérations suivantes : avant meme les questions de compdtence et de receva-
bilité, la Cour doit examiner la question essentiellement préliminaire de
l'existence du différend et analyser la dermide qui lui a été présentée
(par. 22-24 de l'arrêt),; l'instance introduite devant la Cour le
g mai 1973 vise la lég~lité des essais d'armes nucléaires effectués en
atmosphère par la France dans le Pacifique Sud (par. 16 de l'arrêt);

la Nouvelle-Zélande a eu pour objectif initial et conserve pour objectif
ultime la cessation desdits essais (par. 25-31 de l'arrêt); par plusieurs
déclarations publiques faites en 1974, la k'rance a annoncé son intention
de cesser de procéder à des essais atmosphériques une fofs terminée la
campagne de 1974 (par. 33-44 de l'arrêt); la Cour constate que l'objectif
de la Nouvelle-Zélande a été effectivement atteint du fait que la France a
pris l'engagement de ne plus procéder à des essais nucléaires en atmosphère
dans le Pacifique Sud (par. 50-55 de 1 'arrêt); 'le différend ayant ainsi
a disparu, la demande n..t plus d'objet et il n'y a rienà juger (par. 58-62
de l'arrêt). .

Au prononcé de l'arrêt, 1'ordoGance du 22 juin 1973 portant indication
de mesures conservatoires a cessé de produire ses effets et ces mesures,
conservatoires ont pris fin (par. 64 de l'arrêt). ,'

Aux fins de l'arrêt, la Cour était composée comme suit : M. Lachs,
président; E@I. Fcrster, Gros, Bengzon, Petrén, Onyearna, ~illabd, '
Ignacio-Pinto, deQastro, Morozov, Jiménez de Aréchaga, sir Mimphrey Waldock,
. Nagendra Singh, Ruda, juges; sir ~arfieid Barwick, juge .ad hoc.

Parmiles 9 membres de la Cour ayant voté pour 13. d6cision; m. Forster,
Gros, Petrzn et Ignacio-Pinto ont joint les exposés de leur opinion
individuelle.

Jiménez .de Jréc ch aga et sironHumphrey Waldock,ion, ont jointyeal'expo36arddc leur
.. .
opinion.dissidente commune et M. de Castro et sir Garfield Barwick les
exposés de leur opinion dissidente.

ce's ,opinions d6finissent la position prise par les juges intéressés
et en développent les motifs. Auparavant la Cour., avait rendu un arret dans l'a~faire des Essais
nucléaires (~ustralie c. ??ran'ce), qui a été annoncé par le communiqué
de presse no 74/12.
. .
'.. '
.En ce qui concerne les requêtes à fin d'intervention présentées
par le Gouvernement de Fidji dans chacune des deux affaires des Essais
nucléaires (Australie c . France; Nouvelle-Zélande c . rance) , la Cour
a rendu le mêmejour deux ordonnances qui n'ont pas été lues en audience
publique et qui constatent qu'en raison des arrêts-lesdites requêtes
tombent et qu'il n'y a plus aucune suite à leur donner. Ces ordonnances
ont été rendues à l'unanimité, dans la mêmecomposition que pour les
deux arrêts. MPI. Gros, Onyeama, Jiménez de Aréchaga et sir Garfield Barwick

y ont joint des déclarations; M. Dillard et sir ~um~&e~ Waldock y
ont joint une déclaration commune:. . .

En raison de difficultés matérielles exceptionnelles, le texte
polycopié des arrêts et des déclarations, opinions individuelles et
opinions dissidentes qui.y sont jointes ne sera pas distribué comme
il l'est d'habitude.
. . ... . . .

Le texte imprimé sera disponible dans le courant du mois de janvier 1975.
(stadre.sser à la Section de la distribution et des ventes, Office
des Nations Unies, 1211 Genève 10; à la Section des ventes, Nations
Unies, New York, N.Y. 10017; ou à toute librairie spécialisée.)

Bien que la Cour ait rendu un arrêt distinct pour'chacune des
deux affaires, on trouvera ci-après une analyse de ces arrêts valable
pour l'un ou l'autre.
Cette analyse, établie par le Greffe aux fins
de la presse, n'engage nullement 'la Cour. Elle ne saurait être citée
à l'encontre du texte mêmedes arrêts, dont elle ne constitue pas
une interprétation.

~naGse des deux arrêts

Procédure (par. 1-20 de chaque arrêt) . .

Dans son arrêt, la Cour rappelle que, le 9 mai 1573, le demandeur
a introduit une instance contre la France au sujet d'essais d'armes
nucléaires effectués en atmosphère par la France dans le Pacifique
Sud. Pour établir la compétence de la Cour, la requête invoquait
1'Acte général pour le règlement pacifique des différends internationaux
conclu à Genève en 1928 et les articles 36 et 37 du Statut de la Cour.

Par lettre du 16 mai 1973, la France a fait savoir qu'elle estimait
que la Cour n'avait manifestement pas compétence en l'espèce, qu'elle
ne pouvait accepter sa juridiction et qu'elle lui demandait de rayer
l'affaire du rôle.

Le demandeur ayant prié la Cour d'inaiquer des mesures conservatoires,
celle-ci a indiqué, par ordonnance du 22 juin 1973, des mesures tendant
nota.ment à ce qu'en attendant l'arrêt définitif la France s'abstienne
de procéder à des essais..n.ucléaires provoquant le dépôt de retombées
radioactives sur le terri'toire du demandeur. Par diverses comrmications,

le demandeur a informé la Cour que de nouvelles séries d'essais en
atmosphère avaient eu lieu en juillet-août 1973 et en juin-septembre 1974.
..
'Par la 'mem oedonnance du 22 juin 1973, la Cour, considérant qu'il
était nécessaire de régler en prehier lieu les qucstions relatives à sa ,
compétence et à la recevabilité de la requête, a décidé que la procédure-
porterait d'abord sur ces questions. Le demandeur a déposé un mémoire et
plaidé en audiences publiques. 11 a conclu que la Cour est compétente et
que la requête est recevable. La France n'a pas déposé de contre-mémoire

et n'était p4s .e-rés,nté,/ .ux-,mm-,nces; son attitude a été définie dans S'agissant de la demande de la France tendant à la radiation de
l'affaire du r61e - dont l'ordonnance du 22 juin 1973 avait dûment pris
acte sans pouvoir alors y faire droit -, la Cour constate qu'elle a eu la
possibilité d'examiner cette demande compte teni! de la suite de la
procédure. Elle estime que la présente affaire n'est pas de celles
auxquelles il convient d' appliquer la procédure sommaire de radiation du
Il est regrettable que la France ne se soit pas présentée pour .
développer ses arguments mais la Cour doit poursuivre 1' affaire pour

aboutir à une conclusion, sur la base des preuves et arguments présentés
par :le demandeur ainsi que de toute documentation ou preuve pertinente,

Objet de la demande (par. 21-41 de 1' arré't australien et 21-44 de l1arr6%
' néo-zélandais)

La présente phase de la procédure concerne la compétence de la Cour '
et la recevabilité de la requ&e. Quand. elle examine de telles questions,
la Cour a le droit et, dans certaines circonstances, peut avoir 1' obli-

gation de prendre en considération d'autres questions qui, sans qu'on .
puisse les classer peut-&re à strictement parier parmi .les probl&mes de
compétence ou de recevabilité, appellent cependant une étude préalable.
En vertu d'un pouvoir inhérent qu' elle possgde en t.ant qu' organe JudiciâLre,
la Cour doit exLaminer d?abord une question qu'elle estime essentiel~ement
préliminaire, à savoir- l'existence d'un différend, car que la Cour ait ou
non compétence en 1' espkce la solutioi~ de cette question pourrait exercer
une influence décisive sur la suite de l'instance. Il incombe donc à la
Cour :d'analyser de façon précise la demande contenue dans la re.qu&e,

laquelle doit, d' aprhs l'article 40 du Statut, indiquer l'objet du
différend.

La requ&e tend à ce que la Cour :

. . - dise et juge que "la poursuite des essais atmosphériques d'armes
nucléaires dans l'océan~,Pacif'ique Sud n'est pas compatible avec les r&gles
applicables du.droit international" et ordonne "à la République française
de ne plus faire de tels essals" (~ustralie);

- dise et 'juge "que les essais nucléaires provoquant des $etombées
radioactives effectués par .le Gouvernement français dans la ré-gion du
Pacifique Sud constituent une, violation des droits de la Nouvelle-Zélande
au regard du droit international et que ces drpits seront enfreints ,
par tout 'nouvel essai" (~ouvelle- élan de). . . ..
,.
Il est essentiel d' examiner si. le demandeur Sollicite un jugement ne
faisant que préciser .le lien 'juridique entre les Parties ou un jugement
obligeant l'une des Parties à prendre certdnes. mesures. La Cour a en

effet le pouvoir d' interpré-ter les conclusions des. PartJes et d'écarter, si
nécessaire, certains 6lénicnts lorsclu 'ellc y v.oit,,Don point' ilCs indicetions
sur ce qu' on lui demande de décider mais des motifs invoiués à 1'appui de
la décision sollicitée. En llespQce, si 1'on considère l'ensemble de la
requ&e, les échanges diplomatiques des dernieres années entre les Parties,
les arguments développés .devant la Cour par le demandeur et les déclaations
publiques faitcs ~n son non] ponilmt ot aprh .la prôcédyro orde, il zpp,c-'i't
nettement que le demandeur a eu, pour objectif initial et ,conserve pour .
objectif ultime la4cessation des essais nucléaires français en atmosph&re. .
dam le Pacifique Sud.

Dam ces conditions, la Cour est tenue de prendre en, considération
des .f aLts nouveaux survenus tant avant 'c1uapràs la cl8ture de,la procédure
orale, à: savoir des déclarations publiques émanant d' autorités françaises,
les unes mentionr~ées devaht la Cour en audience publique, les autres
ultérieures. Si la Cour avait estimé que llintér& de la justice l'exigeait,
elle aurait donné aux .Pai.ties la possibilité de lui présenter leurs obser-
vatio:~ sur les déclarations ultérieures ,.par exemple en rouvrant la
procédure orale'. Mais cette façon de procéder n'.aurait été justi,fiée que

si le su jet des: déclarations avait été-entièrement nouveau ou nt avait pas .
été évoquéen cours d'instance, ce qui n' est manifestement pas le cas. La
Cour est en possession non seulement des déclarations françaises dont il
s'agit mais aus,si des vues exprimées par le demandeur à leur sujet. La premikre de ces déclarztions est contenue dans un communiquépublié
le 8 juin 1974 par la présidence de la République française et transmis
notamment au demandeur : "au point où en est parvenue 1' exécution de son
la France sera en mesure de passer
programme de défense en moyens nucléaires
au stade des tirs souterrains aussit6t que la série d'expériences prévues
pour cet été sera achevée". A cela sont venues s'ajouter les déclaratioriç
contenues dans une note de l'ambassade de France à Wellington (10 juin),
dans une lettre Cu président de la République au premier ministre de
Nouvelle-Zélande (ler juillet), dans une réunion de presse du président ee
la République (25 juillet), dans un discours du ministre des Affaires
étrangères l'Assemblée générale des Nations Unies (25 septembre) et dans
une interview télévisée et une confGrence de presse du ministre de la
Défense (16 ao& et 11 octobre). La Cour estime que la France a ainsi

annoncé son intention de cesser de procéder à des expériences nucléaires en
atmosphkre une fois terminée la campagne d'essais de 1974.

Nature et portée des déclarations f'ra~çaises (par. 42-60 de ll&r&
wstralien et 45-63 de 1' arr& néo-zélandais)

, 11'est reconnu que des déclarations rev&ant la forme d'actes uni-
latéraux et concernant des situations de droit ou de fait peuvent avoir pour
effet de créer des obligations juridiques. Aucune contrepartie, aucune
acceptation ultérieure, aucune réaction d'autres Et ats n' est nécessaire pour

qu'une telle déclaration prenne effet. La forme 'non plus n'est pas décisive.
L'intention de se lier doit' &re déterminée par l'interprétation de l'a~ke.
Le caract8re obligatoire de l'engagement résulte des termes de' 1' acte et
repose sur la bonne foi; les Etats intéressés sont fondés à en exiger le
respect.

En llesp&ce, tout en admettant que le différend pourrait are résolu
par une déclaration unilatérale de la France, le demandeur a déclaré estimer
que la possibilité d'une reprioe des essais atmosphériques demeure, mêhie
apres les déclarations françaises précitées. Il appartient cependant à la

Cour de se faire sa propre opini'on sur le sens et la portée que l'on a
entendu confier à ces déclarations. Etant donné leur intention et les
circonstances dans lesquelles elles sont intervenues, il convient de les
considérer corne un engagement de 1'Etat fiançais. Celui-ci a signifié à
tous les Etats du monde, y compr!is le demandeur, son intention de mettre
effectivement fin 2.ses essais atmosph6riques. Il ne pouvait manquer de
supposer que d'autres Etats pourraient prendre acte de ses déclarations et
compter sur leur efficacité. Certes la France n'a pas reconnu qu'elle f&
tenue de mettre fin à ses expériences par une regle de droit international
mais cela ne change rien aux co~équences juridiques des déclarations;
l'engagement unilatéral qui en est résulté ne saurait &re interprété comme

ayant comporté 1'invocation d'un pouvoir arbitraire de revision.
I
La Cour est donc en présenJe d'une situation où l'objectif du demandeur
a été effectivement atteint, du ,fait que la Cour constate que la France a
pris 1' engagement de ne plus procéder h des essais nucldaires en atmosphère
dans le Pacifique Sud. Le demaddeur a cherché à obtenir de la Frmce
l'assurance que les essais prendraient finet la Fra;lce a, de sa propre
initiative, fait une série de déclarations d'où il résulte que les essais
prendront fin. La Cour conclut ,que la mance a assumé une obligation de
comportement sur la cessation effective des essais et le fait que le

demandeur n'ait pas exercé son droit de se désister nlempf?che pas la Cour
de parvenir sa propre conclusion. En tant qu' organe juridictionnel, elle
a pour t$che de résoudre des différends existant entre Etats; ces diffCreilds
doivent persister au moment où elle statue. En llesp&ce, le diff4rend ayant
disparu, la demande n' a plus d' objet et il n'y a rien à juger.
l
DBs lors que la Cour a constaté qu'un Etat a pris un engagement quant
à son comportement futur, il n'entre pas dans sa fonction d1envis=er que
cet Et at ne le respecte pas. Si le fondement di: présent arre était mis en
cause, le demandeur pourrait rbclamer un examen de la situation conformément

aux dispositions du Statut .
x.
Pm ces motifs, la Cour dit que la demande ost désormais sans. objet et
'il n'v a d3s lors Das lieu & statuer (par. 62 de 1'arr& australien

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Essais nucléaires (Nouvelle-Zélande c. France) - Arrêt de la Cour

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