284
DÉCLARATION DE M. LE JUGE KOROMA
[Traduction]
Conclusion de la Cour confirmant que l’Ouganda a violé un grand nombre
d’instruments juridiques auxquels il est partie — Rejet de l’argument de la légi-
time défense — Article 3 g) de la définition de l’agression de 1974
(XXIX) — Non-imputabilité des attaques de groupes rebelles: conclusion réaf-
firmant la jurisprudence antérieure de la Cour et conforme à l’article 51 de la
Charte — Caractère de droit coutumier de la résolution 1803 (XVII) de
l’Assemblée générale du 14 décembre 1962 — Article 21 de la Charte africaine
des droits de l’homme et des peuples de 1981 — Conclusions de la Cour s’accor-
dant pour l’essentiel avec les constatations formulées par le Conseil de sécurité
dans ses résolutions sur le présent différend — Principe pacta sunt servanda.
1. La présente affaire, eu égard aux circonstances qui l’entourent et à
ses conséquences — la mort de trois à quatre millions de personnes et
bien d’autres souffrances —, est l’une des plus tragiques et des plus dif-
ficiles dont la Cour ait eu à connaître.
2. La République démocratique du Congo (RDC) accuse l’Ouganda
d’avoir commis un acte d’agression au sens de l’article 1 de la définition
de l’agression énoncée par l’Assemblée générale dans sa résolution 3314
(XXIX) du 14 décembre 1974, en violation du paragraphe 4 de l’article 2
de la Charte des Nations Unies. Elle l’accuse également d’avoir à maintes
reprises violé les conventions de Genève de 1949 et leurs protocoles addi-
tionnels de 1977 au mépris flagrant des règles élémentaires du droit inter-
national humanitaire et d’avoir commis des violations massives des droits
de l’homme dans les zones de conflit, en violation du droit international
relatif aux droits de l’homme.
3. La Cour a conclu que:
— en se livrant à des actions militaires à l’encontre de la RDC et en sou-
tenant activement, sur les plans militaire, logistique, économique et
financier, des forces irrégulières qui opéraient sur le territoire congo-
lais, la République de l’Ouganda avait violé le principe du non-
recours à la force dans les relations internationales et le principe de
non-intervention;
— par le comportement de ses forces armées — qui ont commis des
meurtres et des actes de torture et autres formes de traitement inhu-
main contre la population civile congolaise, qui ont détruit des vil-
lages et des bâtiments civils, qui n’ont pas fait de distinction entre les
cibles civiles et les cibles militaires et n’ont pas protégé la population
civile lors de leurs affrontements avec d’autres combattants, qui ont
entraîné des enfants-soldats, qui ont incité au conflit ethnique et se
sont abstenues de prendre des mesures visant à y mettre un terme —,
120 ACTIVITÉS ARMÉES (DÉCL . KOROMA ) 285
et parce qu’elle a négligé de prendre des mesures en vue de respecter
et faire respecter les droits de l’homme et le droit international huma-
nitaire au Congo, la République de l’Ouganda avait violé les obliga-
tions découlant pour elle du droit international relatif aux droits de
l’homme et du droit international humanitaire; et
— par les actes de pillage et d’exploitation des ressources naturelles
congolaises commis par des membres des forces armées ougandaises
sur le territoire de la RDC, et pour n’avoir pas respecté les obliga-
tions qui lui incombaient, en tant que puissance occupante dans le
district de l’Ituri, d’empêcher les actes de pillage et d’exploitation des
ressources naturelles congolaises, la République de l’Ouganda avait
violé les obligations qui étaient les siennes, en vertu du droit interna-
tional, envers la RDC.
4. Ces violations constatées par la Cour constituent de très graves
infractions au droit international et elles sont encore amplifiées par la
gravité de la présente affaire et la tragédie humaine qui la sous-tend. Ce
que les conclusions de la Cour confirment, en effet, c’est que l’Ouganda a
manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des instruments juri-
diques internationaux suivants: le paragraphe 4 de l’article 2 de la Charte
des Nations Unies, qui interdit aux Etats de recourir à la force dans leurs
relations internationales; la Charte de l’Organisation de l’unité africaine
(OUA), qui oblige tous les Etats à respecter mutuellement leur souverai-
neté et leur intégrité territoriale, à régler leurs différends par des moyens
pacifiques et à s’abstenir de toute ingérence dans les affaires intérieures
des autres Etats; le règlement concernant les lois et coutumes de la guerre
sur terre qui est annexé à la quatrième convention de La Haye du
18 octobre 1907; la quatrième convention de Genève relative à la protec-
tion des personnes civiles en temps de guerre du 12 août 1949; le premier
protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949; le
Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 dé-
cembre 1966; la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples
du 27 juin 1981; la convention relative aux droits de l’enfant du 20 no-
vembre 1989 et le protocole facultatif à la convention relative aux droits
de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés —
tous instruments qui lient l’Ouganda.
5. Plus précisément, la Cour a conclu que les actes commis par les
Forces de défense du peuple ougandais (UPDF) elles-mêmes et par leurs
officiers et soldats étaient manifestement contraires aux dispositions des
instruments relatifs au droit international humanitaire et aux droits
de l’homme auxquels l’Ouganda et le Congo sont tous deux parties,
ainsi qu’à celles du droit international coutumier, en particulier:
— dans le règlement de La Haye, les articles 25, 27, 28, 43, 46 et 47
concernant les obligations d’une puissance occupante;
— dans la quatrième convention de Genève, les articles 27, 32 et 53
concernant aussi les obligations d’une puissance occupante;
121 ACTIVITÉS ARMÉES (DÉCL .KOROMA ) 286
— dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, les
articles 6, paragraphe 1, et 7;
— dans le premier protocole additionnel aux conventions de Genève
du 12 août 1949, les articles 48, 51, 52, 57, 58 et 75, paragraphes 1
et 2;
— dans la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, les ar-
ticles 4 et 5;
— dans la convention relative aux droits de l’enfant, l’article 38, para-
graphes 2 et 3;
— dans le protocole facultatif à la convention relative aux droits de
l’enfant, les articles 1, 2, 3, paragraphe 3, 4, 5 et 6.
En résumé, l’Ouganda a été jugé coupable d’emploi illicite de la force, de
violation de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la RDC,
d’intervention militaire, de violation des droits de l’homme et du droit
international humanitaire, de pillage et d’exploitation des ressources
naturelles congolaises, portant atteinte au Congo ainsi qu’à ses ressortis-
sants. La Cour a ainsi conclu qu’il avait violé un grand nombre d’instru-
ments juridiques auxquels il est partie et que, selon les éléments de preuve
versés au dossier, ces violations ont eu les plus terribles conséquences. Et
tout manquement d’un Etat à ses obligations engage la responsabilité
internationale de cet Etat.
6. Non seulement les conventions internationales ainsi violées lient
l’Ouganda, mais elles visent à maintenir l’état de droit entre Etats voisins
et constituent les assises de l’ordre juridique international existant. Elles
obligent les Etats à conduire leurs relations selon les règles d’un compor-
tement civilisé et dans le respect des valeurs modernes — non-recours à la
force armée, respect de l’intégrité territoriale des autres Etats, règlement
des différends internationaux par des moyens pacifiques et respect des
droits de l’homme, de la dignité humaine et du droit international huma-
nitaire. En vertu des instruments relatifs au droit international humani-
taire et au droit international des droits de l’homme qui sont énumérés
plus haut, l’Ouganda avait l’obligation de s’abstenir de mener des at-
taques contre des civils, d’assurer un traitement humain à ceux-ci et même
aux combattants pris dans un conflit militaire, et de respecter le plus fon-
damental des droits de ces personnes: le droit à la vie. A cet égard, l’ar-
ticle premier de la quatrième convention de Genève dispose que: «Les
Hautes Parties contractantes s’engagent à respecter et à faire respecter la
présente convention en toutes circonstances .» (Les italiques sont de moi.)
Aux termes de l’article 2 de la convention:
«En dehors des dispositions qui doivent entrer en vigueur dès le
temps de paix, la présente convention s’appliquera en cas de
guerre déclarée ou de tout autre conflit armé surgissant entre deux
ou plusieurs des Hautes Parties contractantes, même si l’état de
guerre n’est pas reconnu par l’une d’elles.» (Les italiques sont de
moi.)
122 ACTIVITÉS ARMÉES (DÉCL .KOROMA ) 287
L’article 27 précise que:
«Les personnes protégées ont droit, en toutes circonstances, au
respect de leur personne, de leur honneur, de leurs droits familiaux ...
Elles seront traitées, en tout temps, avec humanité et protégées ...
contre tout acte de violence...
Les femmes seront spécialement protégées contre toute atteinte à
leur honneur, et notamment contre le viol ... et tout attentat à leur
pudeur.»
Et, aux termes de l’article 51 du premier protocole additionnel aux
conventions de Genève de 1949:
«1. La population civile et les personnes civiles jouissent d’une
protection générale contre les dangers résultant d’opérations
militaires...
2. Ni la population civile en tant que telle ni les personnes civiles
ne doivent être l’objet d’attaques. Sont interdits les actes ou menaces
de violence dont le but principal est de répandre la terreur parmi la
population civile.
.............................
4. Les attaques sans discrimination [contre des civils] sont inter-
dites... »
En d’autres termes, au cours d’un conflit militaire, il faut épargner aux
civils toute violence gratuite, y compris les massacres et autres atrocités
tels que ceux que les UPDF sont accusées d’avoir perpétrés. En outre,
selon l’article 3 de la convention de 1989 relative aux droits de l’enfant,
à laquelle l’Ouganda est également partie, dans toutes les décisions
concernant l’enfant, c’est l’intérêt supérieur de ce dernier qui doit être
la considération primordiale . L’article 19 prévoit que les Etats parties
conviennent de prendre toutes les mesures appropriées pour pro-
téger l’enfant contre toute forme de violence physique ou mentale et, à
l’article 38, ils s’engagent à respecter et à faire respecter les règles du
droit international humanitaire qui leur sont applicables en cas de conflit
armé et qui protègent les enfants. Les Etats parties à la convention
doivent prendre toutes les mesures possibles dans la pratique pour que
les personnes n’ayant pas atteint l’âge de quinze ans ne participent pas
directement aux hostilités. Or, à en juger par les éléments de preuve sou-
mis à la Cour, ces obligations ont été violées sans vergogne pendant la
campagne militaire des UPDF au Congo, des enfants ayant été enrôlés
comme enfants-soldats pour prendre part aux combats.
7. Aussi la Cour a-t-elle légitimement conclu que l’Ouganda avait à
plusieurs reprises et de manière flagrante transgressé aussi bien le jus ad
bellum que le jus in bello, qu’il avait fait illicitement usage de la force et
qu’il avait violé les règles du droit international humanitaire.
8. Et surtout, pour des raisons extrêmement puissantes, la Cour a
rejeté, en vertu à la fois de l’article 51 de la Charte des Nations Unies et
du droit international coutumier, l’allégation de l’Ouganda selon laquelle
123 ACTIVITÉS ARMÉES (DÉCL .KOROMA ) 288
il aurait recouru à la force armée au Congo en état de légitime défense.
L’Ouganda soutenait, notamment, que le Congo était responsable des
attaques armées menées par divers groupes rebelles et qu’il s’était donc
rendu coupable d’agression selon les critères formulés au paragraphe g)
de l’article 3 de la définition de l’agression de 1974 (XXIX), aux termes
duquel:
«L’un quelconque des actes ci-après, qu’il y ait eu ou non déclara-
tion de guerre, réunit, sous réserve des dispositions de l’article 2 et en
conformité avec elles, les conditions d’un acte d’agression:
.............................
g) L’envoi par un Etat ou en son nom de bandes ou de groupes
armés, de forces irrégulières ou de mercenaires qui se livrent
à des actes de force armée contre un autre Etat d’une gra-
vité telle qu’ils équivalent aux actes énumérés ci-dessus, ou le
fait de s’engager d’une manière substantielle dans une telle
action.»
La Cour a rejeté cet argument, faisant observer que: l’Ouganda n’avait
jamais soutenu avoir été victime d’une agression de la part des forces
armées de la RDC; l’«agression armée» dont il avait été question était
plutôt le fait des FDA; il n’y avait pas de preuve satisfaisante d’une
implication directe ou indirecte du Gouvernement de la RDC dans les
attaques; celles-ci n’étaient pas le fait de bandes armées ou de forces irré-
gulières envoyées par la RDC ou en son nom, au sens de l’article 3 g) de
la résolution 3314 (XXIX) de l’Assemblée générale sur la définition de
l’agression, adoptée en 1974. La Cour a conclu, au vu des éléments de
preuve dont elle disposait, que ces attaques répétées et déplorables, même
si elles pouvaient être considérées comme présentant un caractère cumu-
latif, n’étaient pas attribuables à la RDC.
9. Cette conclusion est également conforme à la jurisprudence de la
Cour. En l’affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua
et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique) , la Cour avait
mis l’accent sur la nécessité d’opérer une distinction entre des cas d’agres-
sion armée et «d’autres modalités moins brutales» de l’emploi de la force
(fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986 , p. 101, par. 191). Cette distinction, la
Cour l’a réaffirmée en 2003, dans l’affaire des Plates-formes pétrolières
(République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique) . Selon elle, il est
nécessaire de distinguer entre le cas d’un Etat qui accorde un soutien
massif à des groupes armés, notamment en leur laissant de manière délibé-
rée l’accès à son territoire, et celui d’un Etat qui permet à de tels groupes
d’agir contre un autre Etat. Seule la première hypothèse pourrait être
qualifiée d’«agression armée» au sens de l’article 51 de la Charte, et jus-
tifiant donc une riposte unilatérale. Bien que la seconde hypothèse puisse
engager la responsabilité internationale de l’Etat en cause, elle n’est rien
de plus qu’une «rupture de la paix», qui autorise le Conseil de sécurité à
prendre des mesures en application du chapitre VII de la Charte, sans
pour autant donner naissance à un droit unilatéral de riposte au titre de
124 ACTIVITÉS ARMÉES DÉCL . KOROMA ) 289
la légitime défense. Autrement dit, si un Etat est impuissant à mettre fin
aux activités armées de groupes rebelles bien qu’il s’oppose à eux, on est
en présence non pas d’un emploi de la force armée par cet Etat, mais
d’une menace pour la paix requérant l’intervention du Conseil de sécu-
rité. De mon point de vue, cette interprétation est conforme à l’article 51
de la Charte et reflète le droit en vigueur.
10. Cela étant, aux termes de la déclaration relative aux principes du
droit international touchant les relations amicales et la coopération entre
les Etats conformément à la Charte des Nations Unies (résolu-
tion 2625 (XXV) de l’Assemblée générale):
«[t]ous les Etats doivent ... s’abstenir d’organiser, d’aider, de fomen-
ter, de financer, d’encourager ou de tolérer des activités armées sub-
versives ou terroristes destinées à changer par la violence le régime
d’un autre Etat ainsi que d’intervenir dans les luttes intestines d’un
autre Etat».
Or, l’Ouganda a reconnu en cours d’instance qu’il avait soutenu l’un des
mouvements rebelles congolais, expliquant notamment qu’il n’avait
accordé à ce mouvement qu’un soutien militaire «suffisant» pour que ce
dernier l’aide à réaliser ses objectifs, qui consistaient à chasser les forces
soudanaises et tchadiennes du Congo et à prendre les aérodromes situés
entre Gbadolite et la frontière ougandaise, et que ce soutien ne visait pas
au renversement du président du Congo. La Cour a relevé que, quand
bien même les activités ougandaises auraient répondu à ce que l’Ouganda
estimait être ses besoins en matière de sécurité, elles n’en étaient pas
moins nécessairement contraires aux principes du droit international.
11. Une autre question soulevée devant la Cour a trait à la souverai-
neté permanente sur les ressources naturelles. La reconnaissance par la
Cour du caractère coutumier de la résolution 1803 (XVII), adoptée le
14 décembre 1962 par l’Assemblée générale au sujet de la souveraineté
permanente sur les ressources naturelles, n’est pas dénuée d’importance
car, si la Cour a certes considéré le règlement de La Haye de 1907 et la
quatrième convention de Genève de 1949 comme l’expression des règles
au regard desquelles le comportement ougandais devait être jugé, la réso-
lution 1803 (XVII) n’en a pas moins confirmé, rappelons-le, «[l]e droit de
souveraineté permanent des peuples et des nations sur leurs richesses et
leurs ressources naturelles», précisant clairement que ces ressources
devaient être exploitées «dans l’intérêt du ... bien-être de la population de
l’Etat intéressé». Ces droits et intérêts doivent être respectés en tout
temps, y compris en temps de conflit armé ou d’occupation . Dans sa réso-
lution 1291 (2000), le Conseil de sécurité a réaffirmé la souveraineté de la
RDC sur ses ressources naturelles et a pris note avec préoccupation des
informations faisant état de l’exploitation illégale des richesses du pays et
des conséquences que ces activités risquaient d’avoir sur la sécurité et la
poursuite des hostilités. Dès lors, l’exploitation des ressources naturelles
d’un Etat par les forces d’occupation contrevient, selon moi, au principe
de la souveraineté permanente sur les ressources naturelles ainsi qu’au
125 ACTIVITÉS ARMÉES (DÉCL .KOROMA ) 290
règlement de La Haye de 1907 et à la quatrième convention de Genève
de 1949. En outre, la RDC et l’Ouganda sont tous deux parties à la
Charte africaine des droits de l’homme et des peuples de 1981, selon
laquelle:
«Les peuples ont la libre disposition de leurs richesses et de leurs
ressources naturelles. Ce droit s’exerce dans l’intérêt exclusif des
populations. En aucun cas, un peuple ne peut en être privé.» (Art. 21,
par. 1; les italiques sont de moi.)
12. Il est intéressant de noter que les conclusions de la Cour, organe
judiciaire, s’accordent pour l’essentiel avec les constatations formulées
par le Conseil de sécurité dans ses résolutions antérieures sur le présent
différend. Dans sa résolution 1234 (1999), le Conseil de sécurité a impli-
citement considéré que c’était le Congo et non l’Ouganda qui se trouvait
en état de légitime défense. Dans cette résolution, non content de rappe-
ler le droit naturel de légitime défense individuelle ou collective prévu à
l’article 51 de la Charte des Nations Unies, le Conseil de sécurité a éga-
lement déploré la poursuite des combats ainsi que la présence de forces
d’Etats étrangers en RDC dans des conditions incompatibles avec les
principes de la Charte des Nations Unies, et il a exhorté les Etats concer-
nés à mettre fin à la présence des forces non invitées. Dans sa résolu-
tion 1291 (2000), le Conseil de sécurité a demandé le retrait ordonné de
toutes les forces étrangères du Congo conformément à l’accord de cessez-
le-feu de Lusaka (1999). Il a également demandé à toutes les parties au
conflit en RDC de protéger les droits de l’homme et de respecter le droit
international humanitaire ainsi que la convention de 1948 pour la préven-
tion et la répression du crime de génocide. Dans sa résolution 1304 (2000),
le Conseil de sécurité, agissant en vertu du chapitre VII de la Charte, a
confirmé que l’Ouganda et le Rwanda avaient violé la souveraineté et
l’intégrité territoriale de la RDC et exigé que ces Etats retirent immédia-
tement toutes leurs forces du territoire congolais, demandant à nouveau à
toutes les parties au conflit de protéger les droits de l’homme et de res-
pecter le droit international humanitaire.
13. D’autre part, la Cour a conclu que la RDC avait manqué aux obli-
gations qui lui incombaient vis-à-vis de l’Ouganda en vertu de la conven-
tion de Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques, en raison des
mauvais traitements infligés par ses forces à des diplomates et d’autres
ressortissants ougandais. En d’autres termes, même lorsqu’il agit en état
de légitime défense, le Congo
«n’est pas dégagé des obligations qui lui incombent:
.............................
b) de respecter l’inviolabilité des agents, locaux, archives et docu-
ments diplomatiques ou consulaires.» (Responsabilité de l’Etat
pour fait internationalement illicite, Nations Unies, Documents
officiels de l’Assemblée générale, cinquante-sixième session, sup-
126 ACTIVITÉS ARMÉES (DÉCL .KOROMA ) 291
plément n 10, doc. A/56/10 (2001), projet d’article 50, par. 2,
al. b), et commentaire.)
Les conclusions de la Cour ont donc été soigneusement pesées et moti-
vées. Si l’Ouganda avait respecté l’obligation que la Charte des
Nations Unies lui fait de ne pas recourir à la force dans ses différends
— politiques ou autres — avec la RDC, l’obligation qui découle pour lui
de la Charte de l’OUA de régler ses différends par des moyens pacifiques,
ainsi que les obligations qui lui incombent en vertu des instruments rela-
tifs au droit international des droits de l’homme et du droit international
humanitaire de respecter les droits de l’homme et la dignité des citoyens
congolais sans traiter de manière inhumaine la population civile pendant
son incursion militaire, et si les UPDF avaient respecté leur obligation de
ne pas exploiter les richesses et ressources naturelles du territoire sous
occupation, la tragédie humaine qui s’est ensuivie aurait pu être empê-
chée ou, au moins, ne pas être aggravée.
14. Si l’Ouganda, surtout, avait respecté le principe pacta sunt ser-
vanda — principe fondamental du droit coutumier qui impose à un Etat
de se conformer à ses obligations conventionnelles —, la tragédie qui a
été dépeinte avec tant de force à la Cour ne se serait du moins pas aggra-
vée. L’observation des obligations conventionnelles n’est pas seulement
un devoir moral, elle joue aussi un rôle capital dans le maintien de la paix
et de la sécurité entre Etats voisins et dans la prévention des conflits mili-
taires entre eux. Le respect du présent arrêt devrait contribuer à mettre
un terme à cette tragédie.
15. Telles sont, entre autres considérations, les raisons qui m’ont porté
à voter en faveur de l’arrêt.
(Signé) Abdul G. K OROMA .
127
284
DECLARATION OF JUDGE KOROMA
The Court has found Uganda in violation of a wide range of legal instruments
to which it is a party — Rejection of claim of self-defence — Article 3 (g)ofthe
Definition of Aggression of 1974 (XXIX) — Non-attributability of attacks by
rebel groups reaffirms the Court’s earlier jurisprudence and is consistent with
Article 51 of the Charter — Customary law character of General Assembly
resolution 1803 (XVII) of 14 December 1962 — Article 21 of the African
Charter on Human and Peoples’ Rights of 1981 — Findings of the Court are in
general accordance with determinations made by the Security Council in its
resolutions on this dispute — Principle of pacta sunt servanda.
1. The circumstances and consequences of this case involving the loss
of between three and four million human lives and other suffering have
made it one of the most tragic and compelling to come before this Court.
2. Uganda stands accused by the Democratic Republic of the Congo
(DRC) of an act of aggression within the meaning of Article I of the
Definition of Aggression set out in General Assembly resolution 3314
(XXIX) of 14 December 1974, and in contravention of Article 2, para-
graph 4, of the United Nations Charter. Uganda is further accused of
committing repeated violations of the Geneva Conventions of 1949 and
their Additional Protocols of 1977 in flagrant disregard of the elementary
rules of international humanitarian law and of committing massive viola-
tion of human rights in the conflict zones in breach of international
human rights law.
3. The Court has found that the Republic of Uganda:
— by engaging in military activities against the DRC and by actively
extending military, logistic, economic and financial support to irregu-
lar forces having operated on the territory of the Congo, violated the
principle of non-use of force in international relations and the prin-
ciple of non-intervention;
— by the conduct of its armed forces, which committed acts of killing,
torture and other forms of inhumane treatment of the Congolese
civilian population, destroyed villages and civilian buildings, failed to
distinguish between civilian and military targets and to protect the
civilian population in fighting with other combatants, trained child
soldiers, incited ethnic conflict and failed to take measures to put an
end to such conflict, as well as by its failure to take measures to
respect and ensure respect for human rights and international humani-
120 284
DÉCLARATION DE M. LE JUGE KOROMA
[Traduction]
Conclusion de la Cour confirmant que l’Ouganda a violé un grand nombre
d’instruments juridiques auxquels il est partie — Rejet de l’argument de la légi-
time défense — Article 3 g) de la définition de l’agression de 1974
(XXIX) — Non-imputabilité des attaques de groupes rebelles: conclusion réaf-
firmant la jurisprudence antérieure de la Cour et conforme à l’article 51 de la
Charte — Caractère de droit coutumier de la résolution 1803 (XVII) de
l’Assemblée générale du 14 décembre 1962 — Article 21 de la Charte africaine
des droits de l’homme et des peuples de 1981 — Conclusions de la Cour s’accor-
dant pour l’essentiel avec les constatations formulées par le Conseil de sécurité
dans ses résolutions sur le présent différend — Principe pacta sunt servanda.
1. La présente affaire, eu égard aux circonstances qui l’entourent et à
ses conséquences — la mort de trois à quatre millions de personnes et
bien d’autres souffrances —, est l’une des plus tragiques et des plus dif-
ficiles dont la Cour ait eu à connaître.
2. La République démocratique du Congo (RDC) accuse l’Ouganda
d’avoir commis un acte d’agression au sens de l’article 1 de la définition
de l’agression énoncée par l’Assemblée générale dans sa résolution 3314
(XXIX) du 14 décembre 1974, en violation du paragraphe 4 de l’article 2
de la Charte des Nations Unies. Elle l’accuse également d’avoir à maintes
reprises violé les conventions de Genève de 1949 et leurs protocoles addi-
tionnels de 1977 au mépris flagrant des règles élémentaires du droit inter-
national humanitaire et d’avoir commis des violations massives des droits
de l’homme dans les zones de conflit, en violation du droit international
relatif aux droits de l’homme.
3. La Cour a conclu que:
— en se livrant à des actions militaires à l’encontre de la RDC et en sou-
tenant activement, sur les plans militaire, logistique, économique et
financier, des forces irrégulières qui opéraient sur le territoire congo-
lais, la République de l’Ouganda avait violé le principe du non-
recours à la force dans les relations internationales et le principe de
non-intervention;
— par le comportement de ses forces armées — qui ont commis des
meurtres et des actes de torture et autres formes de traitement inhu-
main contre la population civile congolaise, qui ont détruit des vil-
lages et des bâtiments civils, qui n’ont pas fait de distinction entre les
cibles civiles et les cibles militaires et n’ont pas protégé la population
civile lors de leurs affrontements avec d’autres combattants, qui ont
entraîné des enfants-soldats, qui ont incité au conflit ethnique et se
sont abstenues de prendre des mesures visant à y mettre un terme —,
120285 ARMED ACTIVITIES DECL . KOROMA )
tarian law in the Congo, violated its obligations under international
human rights law and international humanitarian law; and
— by acts of looting, plundering and exploitation of Congolese natural
resources committed by members of Ugandan armed forces in the
territory of the DRC, and by its failure to comply with its obligations
as an occupying Power in Ituri District to prevent acts of looting,
plundering and exploitation of Congolese natural resources, violated
obligations owed to the DRC under international law.
4. These violations found by the Court are very serious breaches of
international law and are compounded by the gravity of this case and the
human tragedy underlying it. In effect, the Court’s findings confirm that
Uganda has been in violation of its obligations under the following inter-
national legal instruments: Article 2, paragraph 4 , of the United Nations
Charter, prohibiting the use of force by States in their international rela-
tions; the Charter of the Organization of African Unity (OAU), which
obliges all States to respect the sovereignty and territorial integrity of one
another, to resolve disputes between them by peaceful means, and to
refrain from interfering in each other’s internal affairs; the Regulations
respecting the Laws and Customs of War on Land annexed to the Fourth
Hague Convention of 18 October 1907; the Fourth Geneva Convention
relative to the Protection of Civilian Persons in Time of War of 12 August
1949; Protocol I Additional to the Geneva Conventions of 12 August
1949; the International Covenant on Civil and Political Rights of
19 December 1966; the African Charter on Human and Peoples’ Rights
of 27 June 1981; the Convention on the Rights of the Child of 20 Novem-
ber 1989; and the Optional Protocol to the Convention on the Rights of
the Child on the Involvement of Children in Armed Conflict, all of which
are binding on Uganda.
5. More specifically, the Court found that acts committed by the
Uganda Peoples’ Defence Forces (UPDF) itself and by officers and
soldiers in it were in clear violation of the provisions of international
humanitarian law and human rights instruments to which both Uganda
and the Congo are parties, as well as of international customary law, in
particular:
— the Hague Regulations, Articles 25, 27, 28, 43, 46 and 47, with regard
to the obligations of an occupying Power;
— the Fourth Geneva Convention, Articles 27, 32 and 53, also with
regard to the obligations of an occupying Power;
121 ACTIVITÉS ARMÉES (DÉCL . KOROMA ) 285
et parce qu’elle a négligé de prendre des mesures en vue de respecter
et faire respecter les droits de l’homme et le droit international huma-
nitaire au Congo, la République de l’Ouganda avait violé les obliga-
tions découlant pour elle du droit international relatif aux droits de
l’homme et du droit international humanitaire; et
— par les actes de pillage et d’exploitation des ressources naturelles
congolaises commis par des membres des forces armées ougandaises
sur le territoire de la RDC, et pour n’avoir pas respecté les obliga-
tions qui lui incombaient, en tant que puissance occupante dans le
district de l’Ituri, d’empêcher les actes de pillage et d’exploitation des
ressources naturelles congolaises, la République de l’Ouganda avait
violé les obligations qui étaient les siennes, en vertu du droit interna-
tional, envers la RDC.
4. Ces violations constatées par la Cour constituent de très graves
infractions au droit international et elles sont encore amplifiées par la
gravité de la présente affaire et la tragédie humaine qui la sous-tend. Ce
que les conclusions de la Cour confirment, en effet, c’est que l’Ouganda a
manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des instruments juri-
diques internationaux suivants: le paragraphe 4 de l’article 2 de la Charte
des Nations Unies, qui interdit aux Etats de recourir à la force dans leurs
relations internationales; la Charte de l’Organisation de l’unité africaine
(OUA), qui oblige tous les Etats à respecter mutuellement leur souverai-
neté et leur intégrité territoriale, à régler leurs différends par des moyens
pacifiques et à s’abstenir de toute ingérence dans les affaires intérieures
des autres Etats; le règlement concernant les lois et coutumes de la guerre
sur terre qui est annexé à la quatrième convention de La Haye du
18 octobre 1907; la quatrième convention de Genève relative à la protec-
tion des personnes civiles en temps de guerre du 12 août 1949; le premier
protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949; le
Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 dé-
cembre 1966; la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples
du 27 juin 1981; la convention relative aux droits de l’enfant du 20 no-
vembre 1989 et le protocole facultatif à la convention relative aux droits
de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés —
tous instruments qui lient l’Ouganda.
5. Plus précisément, la Cour a conclu que les actes commis par les
Forces de défense du peuple ougandais (UPDF) elles-mêmes et par leurs
officiers et soldats étaient manifestement contraires aux dispositions des
instruments relatifs au droit international humanitaire et aux droits
de l’homme auxquels l’Ouganda et le Congo sont tous deux parties,
ainsi qu’à celles du droit international coutumier, en particulier:
— dans le règlement de La Haye, les articles 25, 27, 28, 43, 46 et 47
concernant les obligations d’une puissance occupante;
— dans la quatrième convention de Genève, les articles 27, 32 et 53
concernant aussi les obligations d’une puissance occupante;
121286 ARMED ACTIVITIES (DECL .KOROMA )
— the International Covenant on Civil and Political Rights, Articles 6,
paragraph 1, and 7;
— the First Protocol Additional to the Geneva Conventions of 12 August
1949, Articles 48, 51, 52, 57, 58 and 75, paragraphs 1 and 2;
— the African Charter on Human and Peoples’ Rights, Articles 4 and 5;
— the Convention on the Rights of the Child, Article 38, paragraphs 2
and 3;
— the Optional Protocol to the Convention on the Rights of the Child,
Articles 1, 2, 3, paragraph 3, 4, 5 and 6.
In a nutshell, Uganda has been found responsible for illegal use of force,
violation of sovereignty and territorial integrity, military intervention,
violation of human rights and international humanitarian law, looting,
plunder and exploitation of the Congo’s natural resources, causing injury
to the Congo as well as to Congolese citizens. Thus Uganda has been
found in breach of a wide range of legal instruments to which it is a party
and, according to the evidence before the Court, the violations gave rise
to the most egregious of consequences. The non-fulfilment of obligations
by a State entails international responsibility.
6. Not only are the international Conventions violated by Uganda
binding on it, but they are intended to uphold the rule of law between
neighbouring States and constitute the foundation on which the existing
international legal order is constructed. They oblige States to conduct
their relations in accordance with civilized behaviour and modern
values — to refrain from the use of military force, to respect territorial
integrity, to solve international disputes by peaceful means, and to respect
human rights, human dignity, and international humanitarian law. Under
the international humanitarian law and international human rights instru-
ments mentioned above, Uganda was obliged to refrain from carrying
out attacks against civilians, to ensure humane treatment of them and
even of combatants caught up in military conflict, and to respect the most
basic of their rights, the right to life. In this regard, Article 1 of the
Fourth Geneva Convention stipulates that: “The High Contracting
Parties undertake to respect and to ensure respect for the present Con-
vention in all circumstances.” (Emphasis added.) Article 2 of the Conven-
tion provides that:
“In addition to the provisions which shall be implemented in
peace-time, the present Convention shall apply to all cases of declared
war or of any other armed conflict which may arise between two or
more of the High Contracting Parties, even if the state of war is not
recognized by one of them.” (Emphasis added.)
122 ACTIVITÉS ARMÉES (DÉCL .KOROMA ) 286
— dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, les
articles 6, paragraphe 1, et 7;
— dans le premier protocole additionnel aux conventions de Genève
du 12 août 1949, les articles 48, 51, 52, 57, 58 et 75, paragraphes 1
et 2;
— dans la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, les ar-
ticles 4 et 5;
— dans la convention relative aux droits de l’enfant, l’article 38, para-
graphes 2 et 3;
— dans le protocole facultatif à la convention relative aux droits de
l’enfant, les articles 1, 2, 3, paragraphe 3, 4, 5 et 6.
En résumé, l’Ouganda a été jugé coupable d’emploi illicite de la force, de
violation de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la RDC,
d’intervention militaire, de violation des droits de l’homme et du droit
international humanitaire, de pillage et d’exploitation des ressources
naturelles congolaises, portant atteinte au Congo ainsi qu’à ses ressortis-
sants. La Cour a ainsi conclu qu’il avait violé un grand nombre d’instru-
ments juridiques auxquels il est partie et que, selon les éléments de preuve
versés au dossier, ces violations ont eu les plus terribles conséquences. Et
tout manquement d’un Etat à ses obligations engage la responsabilité
internationale de cet Etat.
6. Non seulement les conventions internationales ainsi violées lient
l’Ouganda, mais elles visent à maintenir l’état de droit entre Etats voisins
et constituent les assises de l’ordre juridique international existant. Elles
obligent les Etats à conduire leurs relations selon les règles d’un compor-
tement civilisé et dans le respect des valeurs modernes — non-recours à la
force armée, respect de l’intégrité territoriale des autres Etats, règlement
des différends internationaux par des moyens pacifiques et respect des
droits de l’homme, de la dignité humaine et du droit international huma-
nitaire. En vertu des instruments relatifs au droit international humani-
taire et au droit international des droits de l’homme qui sont énumérés
plus haut, l’Ouganda avait l’obligation de s’abstenir de mener des at-
taques contre des civils, d’assurer un traitement humain à ceux-ci et même
aux combattants pris dans un conflit militaire, et de respecter le plus fon-
damental des droits de ces personnes: le droit à la vie. A cet égard, l’ar-
ticle premier de la quatrième convention de Genève dispose que: «Les
Hautes Parties contractantes s’engagent à respecter et à faire respecter la
présente convention en toutes circonstances .» (Les italiques sont de moi.)
Aux termes de l’article 2 de la convention:
«En dehors des dispositions qui doivent entrer en vigueur dès le
temps de paix, la présente convention s’appliquera en cas de
guerre déclarée ou de tout autre conflit armé surgissant entre deux
ou plusieurs des Hautes Parties contractantes, même si l’état de
guerre n’est pas reconnu par l’une d’elles.» (Les italiques sont de
moi.)
122287 ARMED ACTIVITIES (DECL .KOROMA )
Article 27 states:
“Protected persons are entitled, in all circumstances, to respect for
their persons, their honour, their family rights . . . They shall at all
times be humanely treated, and shall be protected . . . against all acts
of violence . . .
Women shall be especially protected against any attack on their
honour, in particular against rape . . . or any form of indecent
assault.”
According to Article 51 of Additional Protocol I to the 1949 Geneva
Conventions:
“1. The civilian population and individual civilians shall enjoy
general protection against dangers arising from military opera-
tions . . .
2. The civilian population as such, as well as individual civilians,
shall not be the object of attack. Acts or threats of violence the pri-
mary purpose of which is to spread terror among the civilian popu-
lation are prohibited.
.............................
4. Indiscriminate attacks [against civilians] are prohibited . . .”
In other words, in the course of a military conflict, civilians should be
spared unnecessary violence, including massacres and other atrocities
such as those allegedly perpetrated by the UPDF. Furthermore, accord-
ing to Article 3 of the 1989 Convention on the Rights of the Child, to
which Uganda is also a party, in all actions concerning children, the pri-
mary consideration must be the best interests of the child. Article 19 pro-
vides that States parties agree to take all appropriate measures to protect
the child from all forms of physical and mental violence, while Article 38
of the Convention provides that States parties undertake to respect and
to ensure respect for the rules of international humanitarian law appli-
cable to them in armed conflicts which are relevant to the child. States
parties to the Convention must take all feasible measures to ensure that
persons who have not attained the age of 15 years do not take part in
direct hostilities. Yet, according to the evidence before the Court, these
obligations were wantonly flouted during the UPDF’s military campaign
in the Congo, as children were recruited as child soldiers to take part in
the fighting.
7. The Court thus reached the justifiable conclusion that Uganda
repeatedly and egregiously transgressed both the jus ad bellum and jus in
bello, illegally used force and violated the rules of international humani-
tarian law.
8. Crucially and for very cogent reasons, the Court has rejected, under
both Article 51 of the United Nations Charter and customary interna-
tional law, Uganda’s contention that it acted in self-defence in using mili-
123 ACTIVITÉS ARMÉES (DÉCL .KOROMA ) 287
L’article 27 précise que:
«Les personnes protégées ont droit, en toutes circonstances, au
respect de leur personne, de leur honneur, de leurs droits familiaux ...
Elles seront traitées, en tout temps, avec humanité et protégées ...
contre tout acte de violence...
Les femmes seront spécialement protégées contre toute atteinte à
leur honneur, et notamment contre le viol ... et tout attentat à leur
pudeur.»
Et, aux termes de l’article 51 du premier protocole additionnel aux
conventions de Genève de 1949:
«1. La population civile et les personnes civiles jouissent d’une
protection générale contre les dangers résultant d’opérations
militaires...
2. Ni la population civile en tant que telle ni les personnes civiles
ne doivent être l’objet d’attaques. Sont interdits les actes ou menaces
de violence dont le but principal est de répandre la terreur parmi la
population civile.
.............................
4. Les attaques sans discrimination [contre des civils] sont inter-
dites... »
En d’autres termes, au cours d’un conflit militaire, il faut épargner aux
civils toute violence gratuite, y compris les massacres et autres atrocités
tels que ceux que les UPDF sont accusées d’avoir perpétrés. En outre,
selon l’article 3 de la convention de 1989 relative aux droits de l’enfant,
à laquelle l’Ouganda est également partie, dans toutes les décisions
concernant l’enfant, c’est l’intérêt supérieur de ce dernier qui doit être
la considération primordiale . L’article 19 prévoit que les Etats parties
conviennent de prendre toutes les mesures appropriées pour pro-
téger l’enfant contre toute forme de violence physique ou mentale et, à
l’article 38, ils s’engagent à respecter et à faire respecter les règles du
droit international humanitaire qui leur sont applicables en cas de conflit
armé et qui protègent les enfants. Les Etats parties à la convention
doivent prendre toutes les mesures possibles dans la pratique pour que
les personnes n’ayant pas atteint l’âge de quinze ans ne participent pas
directement aux hostilités. Or, à en juger par les éléments de preuve sou-
mis à la Cour, ces obligations ont été violées sans vergogne pendant la
campagne militaire des UPDF au Congo, des enfants ayant été enrôlés
comme enfants-soldats pour prendre part aux combats.
7. Aussi la Cour a-t-elle légitimement conclu que l’Ouganda avait à
plusieurs reprises et de manière flagrante transgressé aussi bien le jus ad
bellum que le jus in bello, qu’il avait fait illicitement usage de la force et
qu’il avait violé les règles du droit international humanitaire.
8. Et surtout, pour des raisons extrêmement puissantes, la Cour a
rejeté, en vertu à la fois de l’article 51 de la Charte des Nations Unies et
du droit international coutumier, l’allégation de l’Ouganda selon laquelle
123288 ARMED ACTIVITIES (DECL. KOROMA )
tary force in the Congo. Uganda argued, inter alia, that the Congo was
responsible for the armed attacks by various rebel groups and was there-
fore guilty of aggression under the conditions set forth in the Definition
of Aggression of 1974 (XXIX) in Article 3, paragraph (g), which pro-
vides that:
“Any of the following acts, regardless of a declaration of war,
shall, subject to and in accordance with the provisions of article 2,
qualify as an act of aggression:
.............................
(g) The sending by or on behalf of a State of armed bands, groups,
irregulars or mercenaries, which carry out acts of armed force
against another State of such gravity as to amount to the acts
listed above, or its substantial involvement therein.”
The Court rejected the contention, observing that: Uganda never claimed
that it had been the victim of an armed attack by the armed forces of the
DRC; the “armed attacks” to which reference was made came rather
from the ADF; there was no satisfactory proof of the involvement in
these attacks, direct or indirect, of the Government of the DRC; and the
attacks did not emanate from armed bands or irregulars sent by the
DRC, or on behalf of the DRC, within the meaning of Article 3 (g) of
General Assembly resolution 3314 (XXIX) of 1974 on the Definition of
Aggression. The Court concluded that, on the basis of the evidence
before it, even if the series of deplorable attacks could be regarded
as cumulative in character, they still remained non-attributable to the
DRC.
9. This finding is also consistent with the jurisprudence of the Court.
In the case concerning Military and Paramilitary Activities in and against
Nicaragua (Nicaragua v. United States of America) , the Court stressed
the need to recognize a distinction between cases of armed attack and
“other less grave forms” of the use of force (Merits, Judgment, I.C.J.
Reports 1986, p. 101, para. 191). This distinction was reaffirmed by the
Court in 2003 in the case concerning Oil Platforms (Islamic Republic of
Iran v. United States of America) . According to the Court, it is necessary
to distinguish between a State’s massive support for armed groups,
including deliberately allowing them access to its territory, and a State’s
enabling groups of this type to act against another State. Only the first
hypothesis could be characterized as an “armed attack” within the mean-
ing of Article 51 of the Charter, thus justifying a unilateral response.
Although the second would engage the international responsibility of the
State concerned, it constitutes no more than a “breach of the peace”,
enabling the Security Council to take action pursuant to Chapter VII
of the Charter, without, however, creating an entitlement to unilateral
response based on self-defence. In other words, if a State is powerless
124 ACTIVITÉS ARMÉES (DÉCL .KOROMA ) 288
il aurait recouru à la force armée au Congo en état de légitime défense.
L’Ouganda soutenait, notamment, que le Congo était responsable des
attaques armées menées par divers groupes rebelles et qu’il s’était donc
rendu coupable d’agression selon les critères formulés au paragraphe g)
de l’article 3 de la définition de l’agression de 1974 (XXIX), aux termes
duquel:
«L’un quelconque des actes ci-après, qu’il y ait eu ou non déclara-
tion de guerre, réunit, sous réserve des dispositions de l’article 2 et en
conformité avec elles, les conditions d’un acte d’agression:
.............................
g) L’envoi par un Etat ou en son nom de bandes ou de groupes
armés, de forces irrégulières ou de mercenaires qui se livrent
à des actes de force armée contre un autre Etat d’une gra-
vité telle qu’ils équivalent aux actes énumérés ci-dessus, ou le
fait de s’engager d’une manière substantielle dans une telle
action.»
La Cour a rejeté cet argument, faisant observer que: l’Ouganda n’avait
jamais soutenu avoir été victime d’une agression de la part des forces
armées de la RDC; l’«agression armée» dont il avait été question était
plutôt le fait des FDA; il n’y avait pas de preuve satisfaisante d’une
implication directe ou indirecte du Gouvernement de la RDC dans les
attaques; celles-ci n’étaient pas le fait de bandes armées ou de forces irré-
gulières envoyées par la RDC ou en son nom, au sens de l’article 3 g) de
la résolution 3314 (XXIX) de l’Assemblée générale sur la définition de
l’agression, adoptée en 1974. La Cour a conclu, au vu des éléments de
preuve dont elle disposait, que ces attaques répétées et déplorables, même
si elles pouvaient être considérées comme présentant un caractère cumu-
latif, n’étaient pas attribuables à la RDC.
9. Cette conclusion est également conforme à la jurisprudence de la
Cour. En l’affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua
et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique) , la Cour avait
mis l’accent sur la nécessité d’opérer une distinction entre des cas d’agres-
sion armée et «d’autres modalités moins brutales» de l’emploi de la force
(fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986 , p. 101, par. 191). Cette distinction, la
Cour l’a réaffirmée en 2003, dans l’affaire des Plates-formes pétrolières
(République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique) . Selon elle, il est
nécessaire de distinguer entre le cas d’un Etat qui accorde un soutien
massif à des groupes armés, notamment en leur laissant de manière délibé-
rée l’accès à son territoire, et celui d’un Etat qui permet à de tels groupes
d’agir contre un autre Etat. Seule la première hypothèse pourrait être
qualifiée d’«agression armée» au sens de l’article 51 de la Charte, et jus-
tifiant donc une riposte unilatérale. Bien que la seconde hypothèse puisse
engager la responsabilité internationale de l’Etat en cause, elle n’est rien
de plus qu’une «rupture de la paix», qui autorise le Conseil de sécurité à
prendre des mesures en application du chapitre VII de la Charte, sans
pour autant donner naissance à un droit unilatéral de riposte au titre de
124289 ARMED ACTIVITIES (DECL . KOROMA )
to put an end to the armed activities of rebel groups despite the fact that it
opposes them, that is not tantamount to use of armed force by that State,
but a threat to the peace which calls for action by the Security Council.
In my opinion, this interpretation is consistent with Article 51 of the
Charter and represents the existing law.
10. However, according to the Declaration on Principles of Interna-
tional Law concerning Friendly Relations and Co-operation among States
in accordance with the Charter of the United Nations (General Assembly
resolution 2625 (XXV)):
“no State shall organize, assist, foment, finance, incite or tolerate
subversive, terrorist or armed activities directed towards the violent
overthrow of the régime of another State, or interfere in civil strife in
another State”.
Uganda, in the course of the proceedings, acknowledged that it had sup-
ported one of the Congolese rebel movements, explaining, inter alia, that
it gave “just enough” military support to the movement to help Uganda
achieve its objectives of driving out Sudanese and Chadian forces from
the Congo and of taking over the airfields between Gbadolite and the
Ugandan border and that its support was not directed at the overthrow
of the President of the Congo. The Court notes that even if Uganda’s
activities were in support of its perceived security needs, it necessarily still
violated the principles of international law.
11. Another issue that was pleaded before the Court relates to perma-
nent sovereignty over natural resources. The Court’s acknowledgment of
the customary law character of General Assembly resolution 1803 (XVII)
of 14 December 1962, on permanent sovereignty over natural resources,
is not without significance, for, although the Court has decided that it is
the Hague Regulations of 1907 as well as the Fourth Geneva Convention
of 1949 which lay down the rules according to which Uganda’s conduct
must be judged, resolution 1803 (XVII), it should be recalled, confirmed
the “right of peoples and nations to permanent sovereignty over their
natural wealth and resources”. It makes clear that such resources should
be exploited “in the interest of . . . the well-being of the people of the
State concerned”. These rights and interests remain in effect at all times,
including during armed conflict and during occupation . The Security
Council in resolution 1291 (2000) reaffirmed the sovereignty of the DRC
over its natural resources, and noted with concern reports of the illegal
exploitation of the country’s assets and the potential consequences of
these actions on the security conditions and continuation of hostilities.
Accordingly, in my view, the exploitation of the natural resources of a
State by the forces of occupation contravenes the principle of permanent
sovereignty over natural resources, as well as the Hague Regulations of
1907 and the Fourth Geneva Convention of 1949. Moreover, both the
125 ACTIVITÉS ARMÉES DÉCL . KOROMA ) 289
la légitime défense. Autrement dit, si un Etat est impuissant à mettre fin
aux activités armées de groupes rebelles bien qu’il s’oppose à eux, on est
en présence non pas d’un emploi de la force armée par cet Etat, mais
d’une menace pour la paix requérant l’intervention du Conseil de sécu-
rité. De mon point de vue, cette interprétation est conforme à l’article 51
de la Charte et reflète le droit en vigueur.
10. Cela étant, aux termes de la déclaration relative aux principes du
droit international touchant les relations amicales et la coopération entre
les Etats conformément à la Charte des Nations Unies (résolu-
tion 2625 (XXV) de l’Assemblée générale):
«[t]ous les Etats doivent ... s’abstenir d’organiser, d’aider, de fomen-
ter, de financer, d’encourager ou de tolérer des activités armées sub-
versives ou terroristes destinées à changer par la violence le régime
d’un autre Etat ainsi que d’intervenir dans les luttes intestines d’un
autre Etat».
Or, l’Ouganda a reconnu en cours d’instance qu’il avait soutenu l’un des
mouvements rebelles congolais, expliquant notamment qu’il n’avait
accordé à ce mouvement qu’un soutien militaire «suffisant» pour que ce
dernier l’aide à réaliser ses objectifs, qui consistaient à chasser les forces
soudanaises et tchadiennes du Congo et à prendre les aérodromes situés
entre Gbadolite et la frontière ougandaise, et que ce soutien ne visait pas
au renversement du président du Congo. La Cour a relevé que, quand
bien même les activités ougandaises auraient répondu à ce que l’Ouganda
estimait être ses besoins en matière de sécurité, elles n’en étaient pas
moins nécessairement contraires aux principes du droit international.
11. Une autre question soulevée devant la Cour a trait à la souverai-
neté permanente sur les ressources naturelles. La reconnaissance par la
Cour du caractère coutumier de la résolution 1803 (XVII), adoptée le
14 décembre 1962 par l’Assemblée générale au sujet de la souveraineté
permanente sur les ressources naturelles, n’est pas dénuée d’importance
car, si la Cour a certes considéré le règlement de La Haye de 1907 et la
quatrième convention de Genève de 1949 comme l’expression des règles
au regard desquelles le comportement ougandais devait être jugé, la réso-
lution 1803 (XVII) n’en a pas moins confirmé, rappelons-le, «[l]e droit de
souveraineté permanent des peuples et des nations sur leurs richesses et
leurs ressources naturelles», précisant clairement que ces ressources
devaient être exploitées «dans l’intérêt du ... bien-être de la population de
l’Etat intéressé». Ces droits et intérêts doivent être respectés en tout
temps, y compris en temps de conflit armé ou d’occupation . Dans sa réso-
lution 1291 (2000), le Conseil de sécurité a réaffirmé la souveraineté de la
RDC sur ses ressources naturelles et a pris note avec préoccupation des
informations faisant état de l’exploitation illégale des richesses du pays et
des conséquences que ces activités risquaient d’avoir sur la sécurité et la
poursuite des hostilités. Dès lors, l’exploitation des ressources naturelles
d’un Etat par les forces d’occupation contrevient, selon moi, au principe
de la souveraineté permanente sur les ressources naturelles ainsi qu’au
125290 ARMED ACTIVITIES (DECL . KOROMA )
DRC and Uganda are parties to the African Charter on Human and
Peoples’ Rights of 1981, which stipulates that:
“All peoples shall freely dispose of their wealth and natural
resources. This right shall be exercised in the exclusive interest of the
people. In no case shall a people be deprived of it.” (Art. 21, para. 1;
emphasis added.)
12. It is noteworthy that the findings of the Court, a judicial organ, are
in the main in tandem with determinations made earlier by the Security
Council in its resolutions on this dispute. In its resolution 1234 (1999) the
Council implicitly considered the Congo, not Uganda, to be in a situation
of self-defence. In that resolution, the Council not only recalled the inher-
ent right of individual or collective self-defence under Article 51 of the
United Nations Charter, but also deplored the continuing fighting and
the presence of forces of foreign States in the DRC in a manner incon-
sistent with the principles of the United Nations Charter, and called upon
those States to bring to an end the presence of uninvited forces. In its
resolution 1291 (2000) the Council called for the orderly withdrawal of
all foreign forces from the Congo in accordance with the Lusaka Cease-
fire Agreement (1999). The Council also called on all parties to the con-
flict in the DRC to protect human rights and respect international
humanitarian law and the Convention on the Prevention and Punishment
of the Crime of Genocide of 1948. Acting under Chapter VII of the Char-
ter the Council, in resolution 1304 (2000), confirmed that Uganda and
Rwanda had violated the sovereignty and territorial integrity of the DRC
and demanded that they withdraw all their forces from the DRC without
further delay, and called on all parties to the conflict to protect human
rights and respect international humanitarian law.
13. On the other hand, the Court has found the DRC to have been in
breach of its obligations to Uganda under the Vienna Convention on
Diplomatic Relations of 1961 because of its maltreatment of Ugandan
diplomats and other individuals. In other words, the Congo, even when
acting in self-defence,
“is not relieved from fulfilling its obligations:
.............................
(b) To respect the inviolability of diplomatic or consular agents,
premises, archives and documents.” (Responsibility of States
for Internationally Wrongful Acts, United Nations, Official
Records of the General Assembly, Fifty-sixth Session, Supple-
126 ACTIVITÉS ARMÉES (DÉCL .KOROMA ) 290
règlement de La Haye de 1907 et à la quatrième convention de Genève
de 1949. En outre, la RDC et l’Ouganda sont tous deux parties à la
Charte africaine des droits de l’homme et des peuples de 1981, selon
laquelle:
«Les peuples ont la libre disposition de leurs richesses et de leurs
ressources naturelles. Ce droit s’exerce dans l’intérêt exclusif des
populations. En aucun cas, un peuple ne peut en être privé.» (Art. 21,
par. 1; les italiques sont de moi.)
12. Il est intéressant de noter que les conclusions de la Cour, organe
judiciaire, s’accordent pour l’essentiel avec les constatations formulées
par le Conseil de sécurité dans ses résolutions antérieures sur le présent
différend. Dans sa résolution 1234 (1999), le Conseil de sécurité a impli-
citement considéré que c’était le Congo et non l’Ouganda qui se trouvait
en état de légitime défense. Dans cette résolution, non content de rappe-
ler le droit naturel de légitime défense individuelle ou collective prévu à
l’article 51 de la Charte des Nations Unies, le Conseil de sécurité a éga-
lement déploré la poursuite des combats ainsi que la présence de forces
d’Etats étrangers en RDC dans des conditions incompatibles avec les
principes de la Charte des Nations Unies, et il a exhorté les Etats concer-
nés à mettre fin à la présence des forces non invitées. Dans sa résolu-
tion 1291 (2000), le Conseil de sécurité a demandé le retrait ordonné de
toutes les forces étrangères du Congo conformément à l’accord de cessez-
le-feu de Lusaka (1999). Il a également demandé à toutes les parties au
conflit en RDC de protéger les droits de l’homme et de respecter le droit
international humanitaire ainsi que la convention de 1948 pour la préven-
tion et la répression du crime de génocide. Dans sa résolution 1304 (2000),
le Conseil de sécurité, agissant en vertu du chapitre VII de la Charte, a
confirmé que l’Ouganda et le Rwanda avaient violé la souveraineté et
l’intégrité territoriale de la RDC et exigé que ces Etats retirent immédia-
tement toutes leurs forces du territoire congolais, demandant à nouveau à
toutes les parties au conflit de protéger les droits de l’homme et de res-
pecter le droit international humanitaire.
13. D’autre part, la Cour a conclu que la RDC avait manqué aux obli-
gations qui lui incombaient vis-à-vis de l’Ouganda en vertu de la conven-
tion de Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques, en raison des
mauvais traitements infligés par ses forces à des diplomates et d’autres
ressortissants ougandais. En d’autres termes, même lorsqu’il agit en état
de légitime défense, le Congo
«n’est pas dégagé des obligations qui lui incombent:
.............................
b) de respecter l’inviolabilité des agents, locaux, archives et docu-
ments diplomatiques ou consulaires.» (Responsabilité de l’Etat
pour fait internationalement illicite, Nations Unies, Documents
officiels de l’Assemblée générale, cinquante-sixième session, sup-
126291 ARMED ACTIVITIES (DECL .KOROMA )
ment No. 10, United Nations doc. A/56/10 (2001), Draft Art. 50,
para. 2 (b) and Commentary.)
Thus the findings of the Court have been carefully considered and
reasoned. Had Uganda respected its obligations under the United Nations
Charter not to resort to force in its disputes — political or otherwise —
with the DRC, its obligations under the OAU Charter to settle its dis-
putes by peaceful means, its obligations under international human rights
instruments and international humanitarian law to respect the human
rights and dignity of Congolese citizens and not to treat the civilian
population inhumanely during its military incursion, and had the UPDF
respected its obligation not to exploit the natural wealth and resources of
the territory under occupation, the ensuing human tragedy could have
been prevented or at least not aggravated.
14. If Uganda, above all, had respected the fundamental and custom-
ary law principle of pacta sunt servanda — requiring a State to comply
with its obligations under a treaty — the tragedy so vividly put before the
Court would not, at least, have been compounded. Observance of treaty
obligations is not only moral, but serves an important role in maintaining
peace and security between neighbouring States and in preventing mili-
tary conflicts between them. Respect for this Judgment should contribute
to putting an end to this tragedy.
15. It is, inter alia, against this background that I have voted in favour
of the Judgment.
(Signed) Abdul G. K OROMA .
127 ACTIVITÉS ARMÉES (DÉCL .KOROMA ) 291
plément n 10, doc. A/56/10 (2001), projet d’article 50, par. 2,
al. b), et commentaire.)
Les conclusions de la Cour ont donc été soigneusement pesées et moti-
vées. Si l’Ouganda avait respecté l’obligation que la Charte des
Nations Unies lui fait de ne pas recourir à la force dans ses différends
— politiques ou autres — avec la RDC, l’obligation qui découle pour lui
de la Charte de l’OUA de régler ses différends par des moyens pacifiques,
ainsi que les obligations qui lui incombent en vertu des instruments rela-
tifs au droit international des droits de l’homme et du droit international
humanitaire de respecter les droits de l’homme et la dignité des citoyens
congolais sans traiter de manière inhumaine la population civile pendant
son incursion militaire, et si les UPDF avaient respecté leur obligation de
ne pas exploiter les richesses et ressources naturelles du territoire sous
occupation, la tragédie humaine qui s’est ensuivie aurait pu être empê-
chée ou, au moins, ne pas être aggravée.
14. Si l’Ouganda, surtout, avait respecté le principe pacta sunt ser-
vanda — principe fondamental du droit coutumier qui impose à un Etat
de se conformer à ses obligations conventionnelles —, la tragédie qui a
été dépeinte avec tant de force à la Cour ne se serait du moins pas aggra-
vée. L’observation des obligations conventionnelles n’est pas seulement
un devoir moral, elle joue aussi un rôle capital dans le maintien de la paix
et de la sécurité entre Etats voisins et dans la prévention des conflits mili-
taires entre eux. Le respect du présent arrêt devrait contribuer à mettre
un terme à cette tragédie.
15. Telles sont, entre autres considérations, les raisons qui m’ont porté
à voter en faveur de l’arrêt.
(Signé) Abdul G. K OROMA .
127
Déclaration de M. le juge Koroma