Note: Cette traduction a été établie par le Greffe à des fins internes et n’a aucun caractère officiel
17507
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
CERTAINS ACTIFS IRANIENS
(RÉPUBLIQUE ISLAMIQUE D’IRAN C. ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE)
DUPLIQUE DES ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE
17 mai 2021
[Traduction du Greffe]
TABLE DES MATIÈRES
Page
PREMIÈRE PARTIE. LA THÈSE DES ETATS-UNIS.................................................................................. 1
Chapitre 1. Introduction ................................................................................................................ 1
Chapitre 2. L’arrêt de la Cour sur les exceptions préliminaires et ce qu’il laisse subsister
des demandes de l’Iran............................................................................................................. 5
Chapitre 3. Le parrainage du terrorisme par l’Iran ...................................................................... 10
Section A. Le comportement de l’Iran dénoncé par les Etats-Unis est directement en
rapport avec ses demandes en l’espèce ............................................................................. 10
Section B. Les preuves du comportement de l’Iran produites par les Etats-Unis ne sont
pas contestées .................................................................................................................... 11
i) Le silence de l’Iran sur les attentats qui sont au coeur de la présente affaire et dont
la justice l’a déclaré responsable ................................................................................ 11
ii) L’Iran persiste dans son odieux comportement .......................................................... 14
Section C. Conclusions finales .............................................................................................. 17
DEUXIÈME PARTIE. ARGUMENTS PRÉLIMINAIRES ............................................................................ 19
Chapitre 4. L’Iran se présente devant la Cour avec les mains sales ............................................ 19
Section A. Résumé de la thèse des Etats-Unis ....................................................................... 19
Section B. Les arguments de l’Iran contre la doctrine des mains sales sont infondés ........... 20
i) L’Iran s’appuie sur une interprétation erronée de l’arrêt sur les exceptions
préliminaires ............................................................................................................... 20
ii) L’Iran dénature le caractère du lien requis pour invoquer la doctrine des mains
sales et voudrait que la Cour applique des critères supplémentaires qui sont
étrangers à cette doctrine ............................................................................................ 21
iii) Les critiques que fait l’Iran de l’analyse américaine de la jurisprudence sont mal
fondées ........................................................................................................................ 22
iv) La Cour devrait rejeter la tentative de l’Iran visant à minimiser l’importance de
la fréquente invocation par les Etats de la doctrine des mains sales, y compris
l’approbation sans réserve de ladite doctrine par l’Iran lui-même ............................. 23
v) Les autres arguments de l’Iran sont tout aussi peu convaincants ............................... 24
Section C. Pertinence et application de la doctrine en l’espèce ............................................. 28
Chapitre 5. La banque Markazi n’est pas une «société» aux fins du traité d’amitié ................... 30
- ii -
Section A. L’Iran n’a pas produit de faits nouveaux qui démontreraient que la banque
Markazi exerçait des activités de nature commerciale pertinentes aux fins de la
présente espèce ................................................................................................................. 30
Section B. Les textes iraniens cités par l’Iran constituent une nouvelle preuve que la
banque Markazi est chargée de fonctions traditionnelles de banque centrale
impliquant une activité régalienne qui n’a pas d’équivalent commercial ......................... 31
i) Les activités spécifiques en cause dans la présente affaire concernent l’exercice
de fonctions souveraines par la banque Markazi ........................................................ 33
ii) Le caractère régalien des activités de la banque Markazi en cause dans la présente
espèce est le facteur décisif permettant d’établir que cette banque n’est pas une
«société» au sens du traité .......................................................................................... 34
Section C. Observations finales ............................................................................................. 38
Chapitre 6. Les sociétés au bénéfice desquelles l’Iran a formé ses demandes n’ont pas
épuisé les recours internes ..................................................................................................... 39
Section A. L’épuisement des recours internes est requis en l’espèce .................................... 39
i) Les éléments indirects des demandes de l’Iran sont prépondérants ........................... 39
ii) La présente espèce est différente des affaires Avena et Ukraine c. Fédération de
Russie .......................................................................................................................... 41
iii) Conclusion .................................................................................................................. 43
Section B. Chercher à épuiser les recours internes n’est pas une entreprise futile ................ 43
i) Des recours internes sont disponibles ......................................................................... 44
ii) Les recours internes offrent une possibilité raisonnable d’obtenir réparation ............ 46
Section C. L’obligation d’épuiser les recours internes réduit à néant les demandes de
l’Iran ................................................................................................................................. 49
Section D. L’Iran ne peut soutenir sa cause sans épuiser au préalable les recours internes
.......................................................................................................................................... 50
Chapitre 7. Le paragraphe 1 de l’article XX exclut les demandes de l’Iran relatives au
décret présidentiel no 13599 ................................................................................................... 52
Section A. Le décret présidentiel no 13599 relève de l’alinéa c) du paragraphe 1 de
l’article XX en ce qu’il réglemente la production et le commerce des armes par l’Iran
.......................................................................................................................................... 52
i) Le décret présidentiel no 13599 est un élément essentiel d’une réglementation
qui vise à empêcher le commerce des armes par l’Iran .............................................. 52
ii) L’alinéa c) du paragraphe 1 de l’article XX n’est pas limité à la réglementation
de la production intérieure et de l’exportation d’armes .............................................. 54
- iii -
Section B. Le décret présidentiel no 13599 entre dans le champ d’application de
l’alinéa d) du paragraphe 1 de l’article XX parce qu’il est nécessaire à la protection
des intérêts vitaux des Etats-Unis sur le plan de la sécurité.............................................. 56
i) Un respect important est dû à l’Etat qui invoque l’exception de sécurité .................. 56
ii) La norme alternative proposée par l’Iran ne trouve aucun appui ............................... 58
iii) Selon le critère prévu à l’alinéa d) du paragraphe 1 de l’article XX, le décret
présidentiel no 13599 était nécessaire à la protection des intérêts vitaux des Etats-
Unis sur le plan de la sécurité ..................................................................................... 59
Section C. Les conséquences pour la cause iranienne d’une décision qui établirait que
le décret présidentiel no 13599 est valide au regard des alinéas c) et/ou d) du
paragraphe 1 de l’article XX du traité d’amitié ................................................................ 64
TROISIÈME PARTIE. LES MESURES AMÉRICAINES N’EMPORTENT PAS VIOLATION DU TRAITÉ
D’AMITIÉ ..................................................................................................................................... 65
Chapitre 8. Les mesures américaines .......................................................................................... 65
Section A. Les mesures législatives et exécutives américaines constituaient une réponse
raisonnable au soutien apporté au terrorisme par l’Iran et d’autres Etats ......................... 66
Section B. Les juridictions américaines ont traité de manière raisonnable l’Iran et les
entités iraniennes et n’ont pas exercé de discrimination à leur encontre dans les
procédures d’exécution de jugements ............................................................................... 70
i) Procédures dans lesquelles les entités iraniennes ont comparu .................................. 70
ii) Procédures dans lesquelles les entités iraniennes n’ont pas comparu......................... 79
iii) Conclusion .................................................................................................................. 85
Section C. La Cour a débouté l’Iran de ses demandes relatives aux jugements faisant
suite aux attentats du 11 septembre, et en tout état de cause ses griefs concernant ces
jugements sont dépourvus de fondement .......................................................................... 86
i) L’Iran a été dûment avisé ........................................................................................... 87
ii) Les demandeurs ont été tenus au même critère de la preuve qui aurait été exigé
pour tout autre défaut de comparution d’un souverain, y compris un défaut par
les Etats-Unis eux-mêmes........................................................................................... 88
iii) Les conclusions de la Cour sur la responsabilité et les dommages-intérêts ............... 91
iv) L’Iran aurait pu demander que soient infirmés les jugements par défaut rendus
contre lui par les juridictions américaines .................................................................. 92
v) Les procédures qui ont fait suite aux attentats du 11 septembre ne donnent prise
à aucune demande contre les Etats-Unis .................................................................... 92
Section D. Observations finales ............................................................................................. 93
Chapitre 9. L’Iran n’a pas établi le bien-fondé de ses demandes au titre de l’article III du
traité d’amitié ......................................................................................................................... 94
- iv -
Section A. L’Iran n’a pas établi qu’il y ait eu violation des dispositions du paragraphe 1
de l’article III .................................................................................................................... 94
i) L’interprétation du paragraphe 1 de l’article III par l’Iran est contredite à la fois
par le texte et par l’historique des négociations de cette disposition .......................... 95
ii) Les mesures américaines respectent l’obligation de reconnaître le «statut
juridique» des sociétés iraniennes appartenant à l’Etat qui est énoncée au
paragraphe 1 de l’article III ........................................................................................ 98
Section B. L’Iran n’a pas établi qu’il y ait eu violation du paragraphe 2 de l’article III ..... 100
i) L’interprétation excessivement large que fait l’Iran du paragraphe 2 de
l’article III est contredite par le texte du traité ainsi que par l’analyse que la Cour
elle-même a faite de ce texte .................................................................................... 101
ii) Les sociétés iraniennes ont eu libre accès aux tribunaux des Etats-Unis ................. 103
Section C. Observations finales ........................................................................................... 104
Chapitre 10. L’Iran n’a pas établi le bien-fondé de sa demande au titre du paragraphe 1 de
l’article IV ............................................................................................................................ 105
Section A. Le paragraphe 1 de l’article IV du traité d’amitié comprend toutes les règles
du standard international minimum du traitement juste et équitable prévu par le droit
international coutumier qui ne sont pas énoncées ailleurs dans le traité ........................ 105
Section B. Le standard international minimum du traitement juste et équitable peut
évoluer, mais l’Iran n’a pas apporté la preuve que, tel qu’il figure dans le traité, il ait
évolué au-delà de l’obligation de ne pas refuser de rendre justice ................................. 109
Section C. Les Etats-Unis n’ont commis de déni de justice envers aucune société
iranienne ......................................................................................................................... 113
i) Désignation de l’Iran comme Etat soutenant le terrorisme ....................................... 114
ii) Décret présidentiel no 13599 ..................................................................................... 115
iii) La levée du voile social autorisée par le paragraphe a) de l’article 201 de la TRIA
et le paragraphe g) de l’article 1610 de la FSIA ....................................................... 115
iv) Article 8772 du titre 22 du code des Etats-Unis (codification de l’article 502 de
la loi de 2012 sur la réduction de la menace iranienne et les droits de l’homme
en Syrie) .................................................................................................................... 118
v) Article 1226 de la loi sur le budget de la défense nationale pour l’exercice 2020 ... 121
Section D. Même si l’on applique la norme juridique foncièrement erronée proposée par
l’Iran, les Etats-Unis n’ont pas violé le paragraphe 1 de l’article IV .............................. 122
i) La norme juridique proposée par l’Iran est foncièrement erronée ............................ 122
ii) En tout état de cause, même selon la norme iranienne, les Etats-Unis n’ont pas
violé les dispositions du paragraphe 1 de l’article IV ............................................... 123
Section E. Observations finales ........................................................................................... 128
- v -
Chapitre 11. L’Iran n’a pas établi le bien-fondé de sa demande au titre du paragraphe 2 de
l’article IV ............................................................................................................................ 129
Section A. Obligation d’assurer la protection et la sécurité des biens de la manière la
plus constante .................................................................................................................. 130
i) L’Iran n’a pas établi que l’obligation d’assurer «la protection et la sécurité des
biens de la manière la plus constante» s’étende au-delà de la simple sécurité
physique, de sorte que ses demandes fondées sur des violations de cette
disposition doivent être rejetées................................................................................ 130
ii) Même si la formule «la protection et la sécurité seront assurées de la façon la
plus constante» devait inclure une forme ou une autre de «sécurité juridique», il
conviendrait de rejeter les demandes iraniennes ....................................................... 133
Section B. Expropriation ...................................................................................................... 135
i) L’interprétation iranienne des restrictions imposées aux mesures d’expropriation
par le paragraphe 2 de l’article IV du traité est viciée .............................................. 136
ii) Les demandes de l’Iran fondées sur la disposition relative à l’expropriation du
paragraphe 2 de l’article IV du traité ne sauraient prospérer .................................... 140
Section C. Observations finales ........................................................................................... 143
Chapitre 12. Demandes subsidiaires de l’Iran ⎯ Paragraphe 1 de l’article X, paragraphe 1
de l’article V et paragraphe 1 de l’article VII ...................................................................... 144
Section A. L’Iran n’a pas établi qu’il y ait eu violation du paragraphe 1 de l’article X ...... 144
i) Les Parties entendaient donner le sens de «commerce maritime» au terme
«commerce» employé au paragraphe 1 de l’article X .............................................. 146
ii) A titre subsidiaire, le «commerce» ne saurait être élargi au-delà du commerce de
marchandises ............................................................................................................ 147
iii) La demande iranienne fondée sur le paragraphe 1 de l’article X ne satisfait pas à
la condition des territoires ........................................................................................ 149
iv) Le paragraphe 1 de l’article X ne saurait être interprété de façon plausible
comme incluant des «entraves juridiques» telles que les règles régissant les
procès liés au terrorisme devant les juridictions américaines ................................... 155
v) Observations finales ................................................................................................. 156
Section B. L’Iran n’a pas établi qu’il y ait eu violation du paragraphe 1 de l’article V ...... 156
i) Portée limitée de la question ..................................................................................... 157
ii) Il est significatif que l’Iran n’ait cité aucune tentative d’aliénation de biens ........... 157
iii) Norme de la nation la plus favorisée ........................................................................ 158
iv) Application du paragraphe 1 de l’article V aux mesures contestées ........................ 160
Section C. L’Iran n’a pas établi qu’il y ait eu violation du paragraphe 1 de l’article VII .... 161
- vi -
i) Rien dans sa réplique n’étaye l’interprétation improbable et décontextualisée que
fait l’Iran du paragraphe 1 de l’article VII ................................................................ 161
ii) L’improbable interprétation que fait l’Iran du paragraphe 1 de l’article VII est
viciée par l’absence de tout principe restrictif .......................................................... 163
Chapitre 13. Abus de droit ........................................................................................................ 166
Section A. Introduction et présentation générale ................................................................. 166
Section B. L’abus de droit constitue un moyen de défense distinct de l’abus de
procédure ........................................................................................................................ 167
Section C. Les circonstances dans lesquelles la doctrine de l’abus de droit s’applique ...... 169
Section D. Application à l’espèce ........................................................................................ 170
QUATRIÈME PARTIE. CONCLUSION ET DEMANDE DE RÉPARATION ................................................ 173
Chapitre 14. Résumé de l’argumentation des Etats-Unis .......................................................... 173
Chapitre 15. Observations concernant les mesures de réparation ............................................. 175
Chapitre 16. Conclusions .......................................................................................................... 177
LISTE DES ANNEXES ....................................................................................................................... 179
APPENDICE 1. PROCÉDURES D’EXÉCUTION ÉNUMÉRÉES DANS LA PIÈCE JOINTE 2 DE LA
RÉPLIQUE DE L’IRAN ................................................................................................................. 188
PREMIÈRE PARTIE
LA THÈSE DES ETATS-UNIS
CHAPITRE 1
INTRODUCTION
1.1. La présente affaire concerne la tentative de l’Iran de se soustraire aux jugements de
juridictions américaines qui l’ont condamné à verser des dommages-intérêts compensatoires à raison
d’actes de terrorisme commis contre des ressortissants américains et dont l’Iran est responsable. Les
mesures législatives américaines que l’Iran attaque ont été adoptées dans le but d’ouvrir devant les
juridictions américaines des recours contre les Etats soutenant le terrorisme — y compris l’Iran, ses
établissements, ses organismes et ses représentants. Parmi les actes les plus odieux de la politique
iranienne systémique de soutien aux actes terroristes dirigés contre des ressortissants et des intérêts
américains que ces recours visent à réparer figure l’attentat terroriste à la bombe d’octobre 1983
contre le casernement de fusiliers marins [«Marines»] américains, qui a tué 241 soldats de la paix et
en a blessé de nombreux autres. L’affaire Peterson, qui est au coeur des demandes dont l’Iran a saisi
la Cour, a été introduite par les victimes de cet attentat et les membres des familles des soldats de la
paix américains qui y ont perdu la vie. D’autres procès cités par l’Iran dans ses demandes ont
également été engagés par de nombreuses victimes d’autres actes odieux commis par l’Iran qui n’ont
pas été indemnisées.
1.2. L’Iran tente de se dissocier de la réalité qui est au coeur de la présente espèce. Pendant la
phase préliminaire, il s’est dispensé de réagir aux allégations des Etats-Unis et a déclaré à plusieurs
reprises qu’il y répondrait lorsqu’on aborderait la phase du fond1. Or, dans sa réplique, l’Iran ne traite
toujours en aucune façon les allégations des Etats-Unis. Il affirme même que ces allégations de fait
ne sont pas pertinentes, au motif que les demandes iraniennes découlent du traité d’amitié, alors que
les moyens de fait et de droit soulevés par les Etats-Unis qui sont fondés sur son comportement
terroriste ne font état d’aucune violation du traité par lui. L’Iran soutient en conséquence qu’il doit
être statué sur ses demandes sans prendre en considération le comportement iranien qui se trouve
pourtant au coeur des mesures adoptées par les Etats-Unis ainsi que des jugements des juridictions
américaines donnant effet auxdites mesures. A l’appui de sa thèse, l’Iran avance une interprétation
très large de l’arrêt de la Cour sur les exceptions préliminaires et soutient que celui-ci exige la preuve
d’un lien direct entre le comportement iranien dénoncé par les Etats-Unis et le traité d’amitié. Il
affirme qu’en l’absence d’un tel lien direct le comportement dénoncé par ces derniers est sans
pertinence en l’espèce.
1.3. Une telle interprétation ne peut pas être correcte. Les mesures américaines visées par les
demandes iraniennes ont été prises pour répondre directement à l’odieux comportement que l’Iran et
d’autres Etats soutenant le terrorisme ont adopté contre des ressortissants et des intérêts américains.
Le traité d’amitié ne contient aucune disposition concernant le comportement terroriste ou les
mesures susceptibles d’être prises par les parties à cet instrument pour répondre à un tel
comportement. Il présuppose au contraire des relations pacifiques entre les deux parties. Même sans
tenir compte des exceptions prévues à l’article XX du traité, le fait qu’une partie ait adopté un
comportement aussi fondamentalement contraire à l’essence même de ce que le traité entend
promouvoir a nécessairement un rôle important à jouer dans l’examen de toute demande présentée
en application dudit traité. Les mesures américaines contestées sont inextricablement liées aux choix
que l’Iran a faits, à savoir : premièrement, soutenir des actes de terrorisme contre des ressortissants
1 Certains actifs iraniens (République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), exceptions préliminaires,
audience du 12 octobre 2018, 15 heures, p. 37, par. 5 (Mohsen Mohebi) ; ibid., p. 38, par. 10.
1
2
- 2 -
et des intérêts américains ; deuxièmement, refuser de comparaître devant les juridictions américaines
pour contester sa responsabilité à l’égard de tels actes ; et troisièmement, refuser de payer les
dommages-intérêts accordés par les jugements définitifs rendus contre lui ou d’indemniser d’une
façon ou d’une autre les victimes de ces actes. C’est dans le contexte de ces choix et non, comme le
voudrait l’Iran, de façon purement abstraite, que la Cour doit apprécier les mesures américaines
contestées.
1.4. Plutôt que de regarder en face le caractère odieux de son comportement, l’Iran relègue à
un bref appendice inséré à la fin de sa réplique sa réponse à cet argument fondamental de la thèse
américaine. Or, cet appendice est insuffisant pour répondre aux graves accusations qui le visent et
aux preuves produites par les Etats-Unis à l’appui de ces accusations. C’est en outre un véritable
trompe-l’oeil. En effet, il s’agit d’un simple copier-coller d’un appendice que l’Iran a soumis en 2017
dans ses observations et conclusions sur les exceptions préliminaires soulevées par les Etats-Unis.
Cela fait pourtant longtemps que la phase préliminaire est terminée. La réticence manifeste de l’Iran
à apporter une réponse un tant soit peu consistante aux allégations des Etats-Unis — alors même
qu’il a dit à la Cour qu’il le ferait lors de la phase de l’examen au fond — est éloquente et devrait
être accablante pour sa cause.
1.5. De fait, ce qu’il y a de plus remarquable dans cet appendice de l’Iran, ce sont ses silences.
L’Iran n’a rien à dire sur l’attentat à la bombe d’octobre 1983 contre le casernement des fusiliers
marins américains, bien que celui-ci soit au coeur de l’affaire. En effet, l’indemnité de loin la plus
importante qui ait été adjugée à des demandeurs ayant obtenu gain de cause dans des procès pour
terrorisme engagés contre l’Iran l’a été aux victimes de cet attentat et aux membres de leur famille,
en l’affaire Peterson. Or, la mesure à laquelle l’Iran consacre le plus d’attention dans sa réplique2
concerne uniquement les voies d’exécution du jugement dans cette affaire, et par conséquent
l’attentat contre le casernement. Alors que cet attentat se trouve au coeur de l’affaire Peterson, l’Iran
ne tente pas même de répondre aux éléments de preuve qui établissent sa responsabilité.
1.6. Plutôt que de regarder en face le comportement de sa part qui a conduit les Etats-Unis à
adopter les mesures en cause, l’Iran fait diversion en passant longuement en revue des procédures
qui n’ont pas grand-chose à voir avec ses demandes subsistantes, à savoir les procédures qui trouvent
leur origine dans les attentats du 11 septembre 2001. Les demandes de l’Iran concernant ces
procédures sont dépourvues de tout fondement. Plus important encore, depuis l’arrêt de la Cour sur
les exceptions préliminaires, celles de ses demandes qui se rapportaient à des jugements faisant suite
aux attentats du 11 septembre sont devenues caduques. L’Iran avait prétendu jusque-là que ces
jugements avaient été rendus en violation de ses immunités souveraines. Or, la Cour l’a débouté de
ces demandes en ce qu’elles n’entraient pas dans le champ d’application du traité d’amitié. De plus,
aucune des procédures d’exécution mentionnées dans sa réplique qui ont entraîné la remise d’actifs
iraniens ne concernait des jugements faisant suite aux attentats du 11 septembre3.
1.7. Sans doute conscient de l’effet produit sur ses arguments par l’arrêt de la Cour sur les
exceptions préliminaires, l’Iran tente de sauver au moins une partie de ces arguments dans sa
réplique. En affichant des versions révisées de quatre tableaux joints à l’origine à son mémoire et
énumérant plusieurs centaines de procédures judiciaires, il voudrait accréditer l’idée que, au-delà des
affaires qui sont expressément examinées dans ses écritures, il existerait une multitude d’actions en
justice qui contreviendraient selon lui au traité d’amitié. Mais la réalité est très différente. Comme
2 Loi de 2012 sur la réduction de la menace iranienne et les droits de l’homme en Syrie, art. 502, code des
Etats-Unis, titre 22, article 8772 (2012).
3 Réplique de l’Iran, par. 2.60, note de bas de page 161 (énumérant les jugements qui font l’objet des mesures
d’exécution visées dans la réplique).
3
- 3 -
les Etats-Unis l’ont montré dans leur contre-mémoire au sujet des versions originales de ces tableaux,
et comme c’est toujours le cas en ce qui concerne leurs versions révisées, les pièces jointes 1, 3 et 4
de l’Iran n’ont absolument aucune pertinence en l’espèce parce que, s’agissant des instances
énumérées dans ces trois pièces jointes, l’Iran n’a présenté que des demandes relatives à l’immunité
souveraine. Pour ce qui est de la pièce jointe restante (pièce jointe 2), qui recense les actions en
exécution de jugements rendus contre l’Iran, la réplique précise clairement que les demandes
iraniennes concernent en réalité seulement 8 des 106 actions qui y sont énumérées4. Et même en ce
qui concerne ces 8 actions, plus de 98,5 % des dommages-intérêts adjugés aux demandeurs l’ont été
dans le cadre d’une seule affaire (l’affaire Peterson I) qui, comme on l’a fait observer plus haut,
portait sur l’exécution d’un jugement déclarant l’Iran responsable de l’attentat à la bombe contre le
casernement des fusiliers marins à Beyrouth en 1983.
1.8. Ce seul fait montre clairement que la présente espèce concerne fondamentalement le rôle
de l’Iran dans l’attentat à la bombe de 1983 contre le casernement des fusiliers marins, son refus
d’indemniser les victimes de cet attentat et sa tentative d’utiliser un traité d’amitié, de navigation et
de commerce pour contester les mesures raisonnables prises par les Etats-Unis afin de le tenir
comptable de ses actes en rapport avec l’attentat et d’aider les victimes et leurs familles à obtenir les
dommages-intérêts qui leur sont dus par l’Iran. Et nonobstant les protestations de celui-ci invoquant
le caractère sacré du droit des sociétés, les actifs en cause dans l’affaire Peterson I — qui, une fois
encore, constituent la grande majorité des actifs qui ont été remis — sont manifestement des actifs
de l’Etat iranien, qui étaient détenus par sa banque centrale, la banque Markazi.
1.9. Soucieux de se soustraire à sa responsabilité et au paiement de dommages-intérêts à raison
de son soutien au terrorisme, l’Iran se présente devant la Cour avec les mains sales et pour le compte
d’une entité qui n’est pas fondée à invoquer le traité d’amitié (à savoir la banque Markazi) et de
sociétés qui n’ont pas épuisé les recours internes, et ce, en s’appuyant sur des interprétations erronées
de dispositions du droit national et international que les Etats-Unis n’ont pas violées. La Cour devrait
rejeter ses demandes dans leur intégralité. Il existe de multiples motifs, tant cumulatifs qu’alternatifs,
pour lesquels celle-ci peut et doit parvenir à ce résultat. Premièrement, la Cour devrait conclure que
le fait que l’Iran a les mains sales fait obstacle à l’ensemble de ses demandes et à la réparation qu’il
sollicite. Deuxièmement, la Cour devrait conclure que la banque Markazi n’est pas une «société» au
sens du traité d’amitié et, en conséquence, rejeter les demandes de l’Iran invoquant ses articles III,
IV et V et se rapportant au traitement réservé à cette banque, qui, comme on l’a dit, représente la part
du lion des actifs susceptibles d’être saisis aux Etats-Unis. Troisièmement, en ce qui concerne les
entités qui peuvent être considérées comme des sociétés, la Cour devrait conclure que l’Iran n’a pas
démontré qu’elles ont épuisé les recours internes — à vrai dire, dans la plupart des cas, ces sociétés
se sont totalement abstenues de comparaître devant les juridictions américaines — et rejeter les
demandes qui portent sur le traitement réservé à ces entités. Quatrièmement, la Cour devrait exclure
de la présente espèce, en vertu des alinéas c) et d) du paragraphe 1 de l’article XX du traité d’amitié,
les demandes de l’Iran relatives au décret présidentiel no 13599. Cinquièmement, la Cour devrait
rejeter comme erronées les interprétations que fait l’Iran des dispositions en cause du traité et
conclure qu’en tout état de cause les Etats-Unis n’ont violé aucune de ces dispositions, mais qu’ils
ont au contraire agi de manière raisonnable et conforme à leurs obligations au titre du traité en
adoptant et appliquant les mesures contestées. Sixièmement, si elle devait conclure que l’une ou
l’autre des mesures américaines contestées a porté atteinte à des droits reconnus à l’Iran par le traité,
la Cour devrait néanmoins rejeter comme abusive l’invocation par l’Iran de ces droits en vue de se
soustraire à sa responsabilité et à l’indemnisation des innombrables morts et blessés qu’il a causés
par son soutien à ces odieux actes de terrorisme visant spécifiquement des ressortissants et des
intérêts américains.
4 Réplique de l’Iran, chapitre 2, section 2. Voir le chapitre 8 ci-après de la présente duplique.
4
- 4 -
1.10. Le plan de la duplique des Etats-Unis est le suivant : dans le reste de la première partie,
le chapitre 2 précise l’effet que l’arrêt de la Cour sur les exceptions préliminaires et l’extinction du
traité d’amitié produisent sur la portée de l’affaire introduite par l’Iran. Le chapitre 3 traite du
parrainage passé et persistant du terrorisme par l’Iran.
1.11. Dans la deuxième partie, les Etats-Unis développent les quatre moyens de défense
brièvement évoqués plus haut, en montrant que chacun d’eux conclut à rejeter tout ou partie des
demandes de l’Iran : le chapitre 4 est consacré au fait que l’Iran a les mains sales, le chapitre 5, à
l’impuissance de l’Iran à établir que la banque Markazi est une «société» aux fins du traité d’amitié,
le chapitre 6, au non-épuisement des recours internes et le chapitre 7, à l’application du paragraphe 1
de l’article XX du traité d’amitié au décret présidentiel no 13599.
1.12. Dans la troisième partie, les Etats-Unis corrigent tout d’abord la description que fait
l’Iran des mesures contestées (chapitre 8), avant de passer aux demandes de l’Iran au titre des
paragraphes 1 et 2 de l’article III (chapitre 9), du paragraphe 1 de l’article IV (chapitre 10) et du
paragraphe 2 de l’article IV (chapitre 11) ; ils traitent ensuite des demandes subsidiaires de l’Iran au
titre du paragraphe 1 de l’article X, du paragraphe 1 de l’article V et du paragraphe 1 de l’article VII
(chapitre 12). Les Etats-Unis montrent également, au chapitre 13, que l’abus de droit de l’Iran fait
obstacle à ses demandes, quelles que soient les conclusions de la Cour sur les articles spécifiques en
cause.
1.13. Dans la quatrième partie, les Etats-Unis fournissent un bref résumé de leurs arguments
(chapitre 14), quelques observations sur les conclusions erronées de l’Iran concernant les mesures de
réparation qu’il sollicite (chapitre 15) et un rappel de leur propre demande de réparation
(chapitre 16)5.
5 Les documents annexés au contre-mémoire et à la présente duplique des Etats-Unis sont désignés ci-après comme
suit : «(annexe ____)». Les documents annexés au mémoire de l’Iran sont désignés ci-après comme suit : «(mémoire de
l’Iran, annexe ___)». Les documents annexés à la réplique de l’Iran sont désignés ci-après comme suit : «(réplique de l’Iran,
annexe ___). Enfin, les documents annexés aux exceptions préliminaires des Etats-Unis sont désignés ci-après comme suit :
«(exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe ___)».
5
- 5 -
CHAPITRE 2
L’ARRÊT DE LA COUR SUR LES EXCEPTIONS PRÉLIMINAIRES
ET CE QU’IL LAISSE SUBSISTER DES DEMANDES DE L’IRAN
2.1. La réplique de l’Iran occulte les conséquences de l’arrêt de la Cour sur les exceptions
préliminaires6, passe sous silence l’extinction du traité d’amitié et veut accréditer l’idée que la
présente affaire aurait pour objet plusieurs centaines de procédures judiciaires en cours devant les
juridictions américaines. La question des conséquences de l’arrêt de la Cour sur les exceptions
préliminaires a été traitée aux paragraphes 2.1 à 2.18 du contre-mémoire des Etats-Unis. La réplique
de l’Iran repose sur quatre pièces jointes dites «révisées» (les pièces jointes 1 à 4 mentionnées plus
haut) qui énumèrent des affaires dont l’Iran considère qu’elles «restent pertinentes», «fond[e]nt [s]es
demandes spécifiques … contre les Etats-Unis» ou «constituent encore un réel problème pour [lui]
et les sociétés iraniennes»7. Comme cela a été indiqué plus haut, ces pièces jointes sont délibérément
trompeuses, puisque presque toutes les affaires qui y sont recensées n’ont aucune pertinence pour la
présente espèce. Elles sont un écran de fumée dressé par l’Iran. Ce point sera traité plus loin.
2.2. En ce qui concerne l’extinction du traité d’amitié, les Etats-Unis ont notifié sa
dénonciation le 3 octobre 2018, et l’extinction a donc pris effet au plus tard le 3 octobre 20198. Les
Etats-Unis admettent que la question de l’extinction du traité ne met pas en cause la compétence,
mais l’Iran, dans sa réplique, a tenté d’élargir ses prétentions en introduisant des demandes nées après
la date d’extinction effective du traité. Or, il ne saurait le faire. Les obligations mises à la charge des
Etats-Unis par le traité d’amitié ont cessé après l’extinction de celui-ci. Les Etats-Unis n’étaient donc
plus tenus à aucune obligation découlant du traité par rapport aux mesures qu’ils ont adoptées
postérieurement à son extinction. Il s’ensuit que l’Iran n’est pas admis à faire valoir des demandes
fondées sur les prétendues violations du traité que constitueraient des mesures législatives et
exécutives adoptées par les Etats-Unis après son extinction9, y compris le National Defense
Authorization Act for Fiscal Year 2020 (ci-après la «loi sur le budget de la défense nationale pour
l’exercice 2020») adopté le 20 décembre 201910. De même, les jugements et décisions des
juridictions américaines rendus postérieurement à l’extinction du traité ne sauraient servir de base à
une demande fondée sur une violation du traité, et cela concerne aussi bien l’ordonnance du 24 avril
2020 en l’affaire Bennett c. Islamic Republic of Iran ordonnant la remise d’actifs appartenant à la
banque Melli que les développements subséquents en l’affaire Peterson II, dans laquelle aucune
ordonnance de remise d’actifs iraniens n’a été rendue à ce jour11. Aussi les demandes iraniennes
relatives auxdites mesures doivent-elles être rejetées non seulement sur le fond, mais encore parce
6 L’Iran se méprend sur la façon dont l’arrêt sur les exceptions préliminaires doit guider l’interprétation de certains
articles du traité, notamment les articles III et IV, mais ses erreurs et ses approximations seront traitées dans les chapitres
de la duplique consacrés à ses demandes au titre des articles concernés.
7 Réplique de l’Iran, par. 1.21-1.23.
8 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 4.9. Voir également Certains actifs iraniens (République islamique d’Iran
c. Etats-Unis d’Amérique), exceptions préliminaires, audience du 8 octobre 2018, 10 heures, p. 24, par. 35
(Richard Visek) ; communiqué de presse sur les menaces contre le personnel et les installations américaines en Iraq,
secrétaire d’Etat Michael R. Pompeo (28 septembre 2018) ; déclaration à la presse, secrétaire d’Etat Michael R. Pompeo
(3 octobre 2018) ; communiqué de presse sur la comparution des Etats-Unis devant la Cour internationale de Justice,
secrétaire d’Etat Michael R. Pompeo (8 octobre 2018) ; Edward Wong, «Blaming Iran, U.S. Evacuates Consulate in
Southern Iraq», New York Times, 28 septembre 2018 (annexe 427).
9 Nations Unies, Commission du droit international, projet d’articles sur la responsabilité de l’Etat pour fait
internationalement illicite et commentaires y relatifs, chapitre III, article 13, doc. A/CN.4/SER.A/2001/Add.1 (Part 2)
(2001) (annexe 254) : «Le fait d’un Etat ne constitue pas une violation d’une obligation internationale à moins que l’Etat
ne soit lié par l’obligation en question au moment où le fait se produit.»
10 Réplique de l’Iran, par. 2.103-107.
11 Au 7 mai 2021.
6
7
- 6 -
qu’elles ont été adoptées postérieurement à l’extinction du traité d’amitié, à un moment où les Etats-
Unis n’étaient plus liés par les obligations en découlant.
2.3. Les Etats-Unis examineront maintenant les pièces jointes révisées de l’Iran, qui
constituent la charpente de son dossier. La pièce jointe 1 énumère les jugements obtenus par des
demandeurs qui concluent à la responsabilité de l’Iran au motif de son soutien à des actes de
terrorisme. Les demandes de l’Iran relatives à ces jugements étaient fondées sur des violations
alléguées de son immunité souveraine. Or, la Cour a rejeté cette catégorie de demandes dans son
arrêt sur les exceptions préliminaires12, résumant sa décision comme suit :
«[La Cour] constate que les demandes de l’Iran qui sont fondées sur la violation
alléguée des immunités souveraines garanties par le droit international coutumier ne se
rapportent pas à l’interprétation ou à l’application du traité d’amitié et, en conséquence,
ne se trouvent pas dans le champ de la clause compromissoire du paragraphe 2 de
l’article XXI. Il en résulte que la Cour n’a pas compétence pour examiner les demandes
de l’Iran en ce qu’elles concernent la prétendue violation des règles de droit
international en matière d’immunités souveraines.»13
2.4. L’Iran prétend dans sa réplique que les décisions de justice énumérées dans la pièce
jointe 1 «restent pertinentes» en ce qu’elles constitueraient «un élément important du contexte factuel
des mesures américaines dont [il] tire grief»14. Il soutient plus précisément que ces décisions sont
pertinentes i) «parce qu’elles constituent des exemples des mesures de blocage et de saisie d’actifs
iraniens prises en violation des dispositions [du] traité» et ii) «dans la mesure où, bien que prononcées
uniquement contre l’Iran, elles ont été appliquées contre les sociétés iraniennes au mépris de leur
statut juridique distinct, en violation des droits conférés à l’Iran par le traité d’amitié»15.
2.5. En ce qui concerne le premier de ces deux arguments, le prononcé d’un jugement contre
l’Iran n’entraîne pas par lui-même le blocage ou la saisie d’actifs ; ce sont les procédures
éventuellement engagées par les créanciers judiciaires en vue d’obtenir l’exécution desdits jugements
sur des actifs iraniens qui peuvent entraîner la saisie de ces actifs ou leur remise aux créanciers. Quant
au deuxième argument, il ne fait que confirmer que ce dont l’Iran tire grief est la manière dont les
créanciers judiciaires ont poursuivi l’exécution des jugements plutôt que le fond proprement dit de
ces jugements ou la procédure qui les a précédés. Le fait demeure que, en ce qui concerne les
jugements énumérés dans la pièce jointe 1, l’Iran a présenté uniquement des demandes excipant de
ses immunités, et que ce sont précisément les demandes dont la Cour a dit qu’elle n’était pas
compétente pour en connaître16.
2.6. La pièce jointe 2, qui énumère les procédures d’exécution engagées par des demandeurs
ayant obtenu gain de cause dans des procès pour terrorisme contre l’Iran, est en partie pertinente,
mais elle est également trompeuse. Comme il a été dit plus haut, l’Iran n’a présenté des demandes
12 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 2.7.
13 Arrêt sur les exceptions préliminaires, par. 80.
14 Réplique de l’Iran, par. 1.21.
15 Ibid.
16 L’Iran concède qu’«il n’invoque[ra] pas les affaires citées en pièce jointe 1 dans le cadre de son ancienne
demande en immunité souveraine, dont la Cour a déclaré qu’elle ne relevait pas de sa compétence par son arrêt du
13 février 2019 sur les exceptions préliminaires». Réplique de l’Iran, par. 1.21.
8
- 7 -
détaillées que pour une petite partie des plus de cent procédures énumérées dans cette pièce jointe.
Ses demandes détaillées, qui sont au nombre de 8, sont les suivantes :
No Mode de citation de l’affaire Numéro de l’affaire Citation dans la
réplique
1 Peterson v. Islamic Republic of
Iran (Peterson I)
10-cv-4518
(S.D.N.Y.)
par. 2.84-96
2 Peterson v. Islamic Republic of
Iran (Peterson II)
13-cv-9195
(S.D.N.Y.)
par. 2.97-108
3 Weinstein v. Islamic Republic
of Iran
02-mc-00237
(E.D.N.Y.)
par. 2.63-69
4 Bennett v. Islamic Republic of
Iran
11-cv-05807
(N.D. Cal.)
par. 2.70-78
5 Levin v. Bank of New York 09-cv-5900
(S.D.N.Y.)
par. 2.79-83
6 Heiser v. Islamic Republic of
Iran
00-cv-2329
(D.D.C.)
par. 2.109-112, 2.117
7 Heiser v. Bank of Baroda,
New York Branch
11-cv-1602
(S.D.N.Y.)
par. 2.114
8 Heiser v. Bank of Tokyo
Mitsubishi UFJ, New York
Branch
11-cv-1601
(S.D.N.Y.)
par. 2.115
2.7. Ce sont ces huit demandes — et seulement elles — qui sont pertinentes aux fins de la
présente instance.
2.8. La grande majorité des autres entrées de la pièce jointe 2 concerne des affaires dont le
traitement judiciaire a peu ou pas progressé et dans lesquelles aucun élément ne pourrait donner lieu
à un grief de violation du traité17. En outre, l’Iran y a inclus des affaires qui semblent n’avoir rien à
voir avec les violations du traité qu’il allègue. Ainsi, la toute première entrée de la pièce jointe 2 est
une affaire qui concerne, comme le concède le demandeur, «des actifs appartenant à l’Iran
lui-même»18, et non les actifs d’une société iranienne. Or, cette affaire — Ministry of Defense and
Support for Armed Forces of the Islamic Republic of Iran v. Cubic Defense Systems — n’est pas
visée par la demande de l’Iran relative aux mesures américaines permettant l’exécution sur les actifs
de sociétés iraniennes de jugements rendus contre l’Iran dans des affaires de terrorisme. L’Iran a
également inclus dans la pièce jointe 2 une affaire — Heiser v. Mashreqbank PSC, no 46 — au sujet
de laquelle il a affirmé que des «fonds iraniens» avaient été remis aux demandeurs, mais sans dire à
quelle entité iranienne ces fonds auraient appartenu, et en omettant même de mentionner l’affaire
dans sa réplique. Une fois de plus, comme le montrent ces exemples, la pièce jointe 2 de l’Iran ne
dresse pas un tableau fidèle de ses demandes en la présente espèce, lesquelles se limitent en réalité
aux huit affaires répertoriées ci-dessus.
2.9. En outre, comme les Etats-Unis le montreront au chapitre 6, les entités iraniennes
concernées ont choisi de ne pas comparaître dans quatre de ces huit affaires — l’affaire Levin et les
trois affaires Heiser — pour contester la remise de leurs actifs aux demandeurs, alors qu’elles avaient
été citées à comparaître et qu’il leur était largement possible de participer à la procédure. Les entités
concernées n’ont donc pas épuisé les recours internes qui leur sont ouverts, et l’Iran devrait se désister
de ses demandes en ce qui concerne ces quatre affaires. De plus, l’affaire Peterson II est toujours
17 Voir chapitre 6, section C.
18 Réplique de l’Iran, par. 2.3.
9
- 8 -
pendante devant les juridictions américaines, de sorte que, dans cette affaire-là non plus, les recours
internes n’ont pas été épuisés. Il s’ensuit que les demandes de l’Iran concernent tout au plus trois des
huit affaires précitées.
2.10. En tout état de cause, ainsi que les Etats-Unis l’expliqueront au chapitre 8 de la présente
duplique, le déroulement des huit procédures d’exécution américaines que l’Iran conteste n’a été ni
arbitraire ni discriminatoire et, comme la partie III le montrera amplement, n’offre aucune prise à
des accusations de violation du traité d’amitié.
2.11. La pièce jointe 3, qui énumère les procédures d’exécution engagées hors des Etats-Unis
par des bénéficiaires de jugements de juridictions américaines contre l’Iran, n’est pas pertinente parce
que les décisions de juridictions étrangères appelées à statuer sur la reconnaissance et l’exécution de
jugements rendus par des juridictions américaines ne sont pas des actes des Etats-Unis et ne sauraient
donc servir de base à des demandes présentées contre eux19. L’Iran allègue que les actions intentées
par ces bénéficiaires en vue de faire exécuter des jugements de juridictions américaines hors des
Etats-Unis sont «une conséquence directe, prévisible et voulue des mesures américaines»20, mais il
n’explique pas pourquoi ce prétendu rapport de causalité suffirait à légitimer ses demandes alors que
la Cour a déjà conclu que le seul acte des Etats-Unis dans cette chaîne d’événements, à savoir le
prononcé de jugements contre l’Iran, ne constituait pas en soi une violation du traité d’amitié.
2.12. En ce qui concerne la pièce jointe 4, qui énumère les actions en responsabilité en cours
contre l’Iran et certaines entités publiques iraniennes devant des juridictions américaines, l’Iran
concède en réalité que ces actions n’ont aucun lien direct avec aucune de ses demandes, avant
d’expliquer que ladite pièce jointe serait cependant pertinente «en ce qu’elle montre concrètement à
quel point les mesures américaines dont [il] tire grief constituent encore un réel problème pour [luimême]
et les sociétés iraniennes»21. L’Iran ne conteste pas — et ne peut d’ailleurs pas contester — le
fait que, comme les Etats-Unis l’ont expliqué dans leur contre-mémoire22, ses demandes relatives
aux actions en responsabilité intentées devant des juridictions américaines resteraient fondées sur
une prétendue violation de son immunité souveraine et ne relèveraient par conséquent pas du traité,
même si lesdites actions avaient abouti à un jugement avant l’extinction du traité d’amitié.
2.13. En résumé, les pièces jointes 1, 3 et 4 ne sont absolument pas pertinentes en l’espèce,
tout comme la plus grande partie de la pièce jointe 2. Les demandes de l’Iran relatives à des
procédures judiciaires se limitent aux huit procédures d’exécution qui font l’objet de demandes
détaillées dans ses écritures. Et même s’agissant de ces huit procédures, les recours internes n’ont
pas été épuisés dans cinq d’entre elles, et les demandes iraniennes relatives aux procédures Bennett
et Peterson II ne sauraient prospérer, car, dans la première, l’ordonnance aux fins de remise des actifs
aux demandeurs a été rendue postérieurement à l’expiration du traité d’amitié et, dans la seconde,
aucune ordonnance de ce type n’a encore été rendue.
2.14. Deux conclusions doivent être tirées des exagérations de la thèse exposée par l’Iran dans
sa réplique. Premièrement, la portée de cette thèse ou de ce qu’il en reste est beaucoup plus étroite
19 Ce qu’il importe de retenir, c’est que, même si l’Iran présentait des demandes viables relativement aux affaires
énumérées dans la pièce jointe 3, ces demandes resteraient entièrement dépourvues de fondement. Le demandeur ne
mentionne sa pièce jointe 3 que dans deux paragraphes de sa réplique et ne produit aucun élément susceptible de justifier
sa présentation des affaires énumérées dans ladite pièce jointe.
20 Réplique de l’Iran, par. 1.22.
21 Réplique de l’Iran, par. 1.23.
22 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 2.7.
10
- 9 -
que ce que prétend le demandeur et se limite aux huit procédures qu’il commente spécifiquement
dans la réplique. C’est à ces huit procédures et aux questions de droit et de fait qu’elles soulèvent
que répond la présente duplique. Deuxièmement, les Etats-Unis soutiennent respectueusement que la
Cour ne saurait accepter la thèse iranienne telle qu’elle lui est présentée. En effet, l’Iran s’emploie
activement à occulter la portée et la réalité de ce qui subsiste de cette thèse après l’arrêt de la Cour
sur les exceptions préliminaires.
11
- 10 -
CHAPITRE 3
LE PARRAINAGE DU TERRORISME PAR L’IRAN
3.1. L’Iran a parrainé des actes de terrorisme dirigés contre des ressortissants et des intérêts
américains. Comme les Etats-Unis l’ont montré clairement tout au long de l’instance, c’est en
réaction à ces attentats parmi d’autres qu’ils ont adopté les mesures qui font l’objet des demandes de
l’Iran, ce qui n’empêche pas celui-ci de prétendre aujourd’hui que ces mesures emportent violation
du traité d’amitié. Pendant la phase préliminaire, les Etats-Unis ont présenté des informations
détaillées sur le soutien apporté par l’Iran au terrorisme, et ils ont largement décrit le comportement
de cet Etat dans leur contre-mémoire. L’Iran quant à lui, alors qu’il avait déclaré qu’il traiterait ces
questions pendant la phase de l’examen au fond, s’est abstenu, dans sa réplique, de les aborder et de
répondre de façon substantielle aux allégations qui constituent le fondement des mesures américaines
qu’il conteste. Pour l’essentiel, ce que dit sa réplique à cet égard est que les Etats-Unis n’ont pas
apporté la preuve de ce qu’ils avancent et que l’Iran n’a aucune intention de «dévier» de son
argumentation contre eux23.
3.2. En réalité, la Cour a expressément renvoyé au fond la question de savoir si l’odieux
comportement de l’Iran dénoncé par les Etats-Unis pourrait leur servir, le cas échéant, de défense au
fond24. Ainsi, tout en relevant que les Etats-Unis n’avaient pas soutenu que, par son comportement,
l’Iran aurait violé le traité d’amitié, elle laissait ouverte pour la phase de l’examen au fond la question
de la pertinence et de l’importance du lien entre le comportement illicite de l’Iran dénoncé par les
Etats-Unis et les demandes dont l’Iran avait saisi la Cour. C’est dans ce contexte que les Etats-Unis
traiteront maintenant plus avant la question du parrainage du terrorisme par l’Iran, sachant que c’est
cette question qui a motivé les mesures qu’ils ont adoptées et dont l’Iran tire grief, et qu’elle se trouve
au coeur même de ces mesures.
3.3. Le comportement de l’Iran dénoncé par les Etats-Unis est pertinent pour leurs conclusions
relatives, respectivement, aux mains sales de l’Iran, à l’abus de droit commis par celui-ci vis-à-vis
du traité, aux standards de traitement prévus notamment aux articles III et IV du traité et aux
exceptions ménagées aux alinéas c) et d) du paragraphe 1 de l’article XX, qui font obstacle aux
demandes de l’Iran concernant le décret présidentiel no 13599.
SECTION A
LE COMPORTEMENT DE L’IRAN DÉNONCÉ PAR LES ETATS-UNIS EST DIRECTEMENT
EN RAPPORT AVEC SES DEMANDES EN L’ESPÈCE
3.4. L’Iran se contente de rejeter d’une seule phrase les allégations américaines dénonçant son
implication dans des attentats terroristes. Ce faisant, et c’est là un point essentiel, il refuse de répondre
aux questions et de réagir aux preuves concernant ces attentats, même dans des cas comme celui de
l’attentat à la bombe de 1983 contre le casernement des fusiliers marins qui a donné naissance à
l’affaire Peterson, laquelle se trouve au coeur de l’instance dont l’Iran a saisi la Cour25. Celui-ci
défend la position selon laquelle son comportement tel que l’invoquent les Etats-Unis n’a aucun
rapport avec sa demande. Or, ce comportement constitue le contexte essentiel qui permettra à la Cour
d’établir si les mesures américaines en cause, destinées à lutter contre les activités terroristes
parrainées par l’Iran et d’autres Etats, peuvent emporter violation du traité d’amitié. Le fait que l’Iran
23 Réplique de l’Iran, appendice A, par. A.1 et A.11.
24 Arrêt sur les exceptions préliminaires, par. 123.
25 Réplique de l’Iran, par. A.1 ; voir aussi contre-mémoire des Etats-Unis, par. 5.26-5.27 ; Peterson v. Islamic
Republic of Iran, 264 F. Supp. 2d 46, 47-48 (D.D.C. 2003) (annexe 36).
12
13
- 11 -
refuse d’échanger sur ce point met en évidence le véritable objectif de sa demande, qui est de le
soustraire aux conséquences des jugements le condamnant au paiement de dommages-intérêts pour
des actes illicites qui ont tué ou blessé des ressortissants américains.
3.5. Ainsi qu’on le verra plus loin, et comme les Etats-Unis l’expliquent de manière
approfondie dans leur contre-mémoire26, les preuves du parrainage du terrorisme par l’Iran
comprennent notamment des déclarations de fonctionnaires et d’agents publics iraniens, des
décisions de juridictions américaines et des décisions de tribunaux belges, allemands, azerbaïdjanais
et d’autres pays, ainsi que des rapports et des conclusions publiés par des Etats et diverses
organisations internationales, dont l’Organisation des Nations Unies (ONU).
SECTION B
LES PREUVES DU COMPORTEMENT DE L’IRAN PRODUITES
PAR LES ETATS-UNIS NE SONT PAS CONTESTÉES
3.6. Le déni catégorique par l’Iran du comportement que lui reprochent les Etats-Unis prend
la forme de déclarations assurant par exemple que le Hezbollah et le Hamas «ne sont pas des
supplétifs de l’Iran»27. Face aux éléments de preuve produits par les Etats-Unis, des assertions aussi
sommaires ne sont guère convaincantes. En l’absence de toute preuve contradictoire de la part de
l’Iran, les preuves avancées par les Etats-Unis sont incontestées.
3.7. Il est révélateur que les dénégations de l’Iran soient contredites par les aveux de ses
propres fonctionnaires et agents qui confirment leur soutien aux actes de terrorisme. Ces dénégations
présentent aussi un contraste saisissant avec les preuves sur lesquelles de nombreuses juridictions,
tant aux Etats-Unis qu’à l’étranger, se sont appuyées pour établir la complicité de l’Iran dans des
actes de terrorisme, ainsi qu’avec les déclarations de nombre d’Etats et d’organisations
internationales qui ont reconnu les agissements coupables du régime iranien28. Les Etats-Unis ont
traité ce sujet en profondeur dans leur contre-mémoire et s’abstiendront donc de le refaire ici, hormis
dans les brèves observations qui suivent.
3.8. Deux points essentiels méritent cependant d’être soulignés. Le premier est le silence de
l’Iran sur les odieux attentats dont il a été déclaré responsable par des tribunaux et qui sont au coeur
même de la présente instance. Le second est que l’Iran persiste dans son comportement répréhensible,
avec des exemples frappants et dont la Cour a certainement connaissance, qui sont survenus même
après le dépôt du contre-mémoire des Etats-Unis.
i) Le silence de l’Iran sur les attentats qui sont au coeur de la présente affaire
et dont la justice l’a déclaré responsable
3.9. L’Iran observe un silence assourdissant sur l’attentat qui est au coeur même de la présente
instance, à savoir l’attentat à la bombe de 1983 contre le casernement des fusiliers marins à Beyrouth,
et ce, en dépit des preuves établissant clairement sa responsabilité29. Après cet attentat, le ministre
iranien chargé du corps des gardiens de la révolution islamique a admis que les explosifs utilisés dans
26 Contre-mémoire des Etats-Unis, chapitre 5.
27 Réplique de l’Iran, par. A.1, A.6 et A.11.
28 Voir à ce sujet le chapitre 5 du contre-mémoire.
29 Ibid., par. 5.20-21, 5.26 ; Peterson, 264 F. Supp. 2d 47-48 (annexe 36).
14
- 12 -
l’attentat avaient été fournis par l’Iran30, et le président du Majlis de l’époque et futur président de
l’Iran Akbar Hachemi Rafsandjani a reconnu la responsabilité de l’Iran dans l’attentat31. En outre,
les déclarations du Gouvernement iranien et du Hezbollah affirment l’alliance «profonde, stratégique
et indéfectible» qui existe entre eux, et le Hezbollah a confirmé publiquement qu’il recevait de l’Iran
une assistance, notamment sous forme d’entraînement et d’armes, dont le coût est estimé à au moins
100 millions de dollars par an32. Les Etats-Unis ont exposé en détail les preuves sur lesquelles s’est
appuyé le tribunal américain saisi de l’affaire Peterson, notamment le contenu de messages iraniens
interceptés qui ordonnaient d’organiser des attentats contre les soldats de la paix américains. Ils ont
également produit le témoignage d’un membre du groupe terroriste auteur de l’attentat qui déclarait
que l’ambassadeur de l’Iran avait donné l’ordre de commettre des attentats, et ils ont fourni des
preuves que l’Iran avait acheté les explosifs utilisés dans l’attentat33.
3.10. L’Iran reste muet sur ces déclarations de ses représentants. Il n’a rien à dire non plus sur
les autres preuves relatives à cet attentat et aux nombreux autres actes commis avec son soutien ou
sous sa direction que les Etats-Unis ont évoqués en détail dans leurs pièces précédentes. Parmi ces
preuves, on rappellera par exemple les aveux de Manssor Arbabsiar, qui a admis avoir ourdi un
complot avec des responsables militaires iraniens pour faire assassiner l’ambassadeur d’Arabie
saoudite aux Etats-Unis34. Cette preuve est d’autant plus remarquable qu’Arbabsiar, après son
arrestation, a passé des appels téléphoniques sous écoute avec un membre iranien de la force Al-Qods
du corps des gardiens de la révolution islamique qui lui a confirmé qu’il devait poursuivre le projet
d’assassinat. Cette tentative d’assassinat a conduit le conseil de la Ligue des Etats arabes à
«condamner cette tentative criminelle de la part de l’Iran», l’Union européenne à prendre des
sanctions et l’Assemblée générale des Nations Unies à exhorter l’Iran à «respecter toutes les
obligations que lui impos[ait] le droit international, notamment la convention sur la prévention et la
répression des infractions contre les personnes jouissant d’une protection internationale, y compris
les agents diplomatiques»35.
3.11. L’Iran n’a rien à dire non plus sur les témoignages d’experts et de témoins oculaires
entendus par les juridictions américaines au sujet du soutien de l’Iran à des enlèvements tels que
celui de Terry Anderson, qui a déclaré avoir vu des militaires iraniens en tenue entraîner des recrues
du Hezbollah au Liban et avoir été interrogé par un agent du Gouvernement iranien pendant sa
captivité36. De même, l’Iran n’a rien à opposer aux dépositions et preuves citées par des juridictions
30 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 5.23 (citation extraite de l’«allocution de notre frère Rafiq Doust dans l’une
des usines des industries de défense du pays», Resalat (20 juillet 1987) (exceptions préliminaires des Etats-Unis,
annexe 27)).
31 Ibid., par. 5.24 (citation extraite de «Hashemi Rafsanjani on Alleged McFarlane Visit» [Hachemi Rafsandjani
s’exprime sur une prétendue visite de McFarlane], Radio Téhéran, programmes nationaux, in VII Foreign Broadcast
Information Service Daily Reports 11 (5 novembre 1986) (exceptions préliminaires de Etats-Unis, annexe 26)).
32 Ibid., par. 5.25, 11.13 (citation extraite de «Finding that the Islamic Republic of Iran is a Jurisdiction of Primary
Money Laundering Concern» [Notice désignant l’Iran comme un pays présentant une situation particulièrement
préoccupante du point de vue du blanchiment de capitaux], 76 Fed. Reg. 72756, 72757-72758 (25 novembre 2011)
(exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 152)).
33 Ibid. par. 5.27 (citation extraite de Peterson, 264 F. Supp. 2d 54-58 (annexe 36)).
34 Exceptions préliminaires des Etats-Unis, par. 3.19 (avec citation du communiqué de presse du ministère de la
justice des Etats-Unis intitulé «Man Pleads Guilty in New York to Conspiring with Iranian Military Officials to Assassinate
Saudi Arabian Ambassador to the United States» [Un homme reconnaît sa culpabilité, à New York, après avoir été accusé
d’avoir ourdi un complot avec des responsables militaires iraniens pour assassiner l’ambassadeur d’Arabie saoudite aux
Etats-Unis] (17 octobre 2012) (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 61) ; lettre du ministère de la justice des
Etats-Unis, procureur fédéral, district sud de l’Etat de New York, United States v. Manssor Arbabsiar, S1 11 Cr 897 (JFK),
accord de plaider-coupable de Manssor Arbabsiar (17 octobre 2012) (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 62)).
35 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 5.63.
36 Ibid., par. 5.48 ; Chris Hedges, «The Last U.S. Hostage ; Anderson, Last U.S. Hostage, Is Freed By Captors in
Beirut», New York Times, 5 décembre 1991 (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 54).
15
- 13 -
françaises, allemandes, kenyanes, azerbaïdjanaises et autres concernant les assassinats et autres actes
criminels soutenus par lui37. Entre autres conclusions, ces juridictions ont jugé que certains de ces
attentats avaient été «organisé[s] et exécuté[s] par des responsables du Gouvernement iranien»38 ;
qu’un autre n’était pas «un crime commis par des tireurs isolés … [mais] organisé par le régime
iranien»39 ; et que, dans une autre affaire encore, les terroristes «s’étaient préalablement entendus
avec des membres d’entités des services spéciaux de la République islamique d’Iran en vue de se
livrer avec eux à des activités illicites»40.
3.12. Une seule fois, l’Iran risque une réponse, mais les «preuves» qu’il avance sont loin d’être
convaincantes. Au sujet de l’attentat à la bombe de 1996 contre les tours de Khobar qui a tué
19 militaires américains, il cite une unique dépêche d’agence, datant de 199841, qui ne peut donc tenir
compte ni des déclarations ultérieures, ni des développements de l’enquête, ni des procédures
judiciaires engagées aux Etats-Unis42. L’acte d’accusation dressé ultérieurement par les autorités
judiciaires américaines décrit comment des éléments du Gouvernement iranien ont inspiré, soutenu
et encadré des membres du Hezbollah saoudien dans l’exécution de l’attentat, notamment en leur
offrant un entraînement parrainé par l’Iran en territoire iranien et en dirigeant leurs opérations de
surveillance des lieux43. La procédure judiciaire américaine s’est appuyée sur les dépositions du
directeur du Federal Bureau of Investigation (FBI) et du chef adjoint de la lutte contre le terrorisme
à l’époque de l’attentat, qui ont communiqué des informations fournies par des participants à
l’attentat. Ces participants avaient préparé les rapports de surveillance destinés à des responsables du
corps des gardiens de la révolution islamique et reçu de l’argent, des explosifs et des armes du
Gouvernement iranien44.
3.13. Hormis l’attentat à la bombe contre les tours de Khobar, l’Iran n’a commenté aucun des
autres actes dont les Etats-Unis ont souligné qu’ils avaient motivé les mesures américaines qui se
trouvent aujourd’hui au coeur de ses demandes. Comme on l’a vu, en niant sans aucune preuve avoir
soutenu ces actes, l’Iran demande en réalité à la Cour de faire abstraction non seulement des
conclusions des Etats-Unis et de leurs juridictions, ainsi que des preuves sur lesquelles ils se sont
appuyés, mais aussi des conclusions des juridictions de nombreux autres pays, ainsi que des
conclusions d’organismes et d’organisations internationaux comme le groupe d’action financière
(GAFI), l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et l’ONU.
37 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 5.3, 5.53, 5.55 et 5.56.
38 Ibid., par. 5.53 (citant Elahi v. Islamic Republic of Iran, tribunal fédéral du district de Columbia, 124 F. Supp.
2d 97, 105 (D.D.C. 2000) (annexe 46)).
39 Ibid., par. 5.3 (citant l’arrêt de la Cour supérieure de justice de Berlin dans le procès Mykonos [Kammergericht:
Urteil im «Mykonos»-Prozess], p. 188 (10 avril 1997) (annexe 5)).
40 Ibid., par. 5.55 (citant l’arrêt de la Cour suprême d’Azerbaïdjan, affaire no 63, p. 18 (14 avril 1997) (exceptions
préliminaires des Etats-Unis, annexe 69)).
41 Observations et conclusions de l’Iran sur les exceptions préliminaires des Etats-Unis, appendice A, par. A.10.
42 Voir Blais v. Islamic Republic of Iran, tribunal fédéral du district de Columbia, 459 F. Supp. 2d 40, 48 (2006)
(annexe 40) ; voir également l’acte d’accusation en l’affaire United States of America v. Al-Mughassil, tribunal fédéral du
district est de la Virginie, affaire no 01-228-A (E.D. Va.) (1er juin 2001) (annexe 255).
43 Communiqué de presse, ministère de la justice des Etats-Unis, déclaration de l’Attorney General (21 juin 2001)
(annexe 256) ; acte d’accusation, United States of America v. Al-Mughassil, tribunal fédéral du district est de la Virginie,
affaire no 01-228-A (E.D. Va.) (1er juin 2001) (annexe 255).
44 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 5.37-5.38 ; voir également Blais v. Islamic Republic of Iran,
459 F. Supp. 2d, 48, 49 (annexe 40).
16
- 14 -
ii) L’Iran persiste dans son odieux comportement
3.14. Le fait que l’Iran ait continué, même après avoir déposé sa requête, de faire preuve du
même type de comportement qui caractérise sa politique étrangère depuis plus de quarante ans
confirme la nécessité dans laquelle se trouvaient les Etats-Unis d’adopter des mesures qui
répondissent au soutien apporté par lui à des actes de terrorisme. Ce comportement illicite persistant
de l’Iran constitue un élément de contexte important pour comprendre les raisons qui l’ont poussé à
saisir la Cour. En effet, comme ce comportement le montre clairement, l’Iran ne cherche pas tant à
obtenir réparation de la violation de ses droits qu’à se prémunir contre les conséquences de ses actes.
3.15. Tout récemment encore, l’Iran a réaffirmé une fois de plus la solidité de son alliance
avec le Hezbollah45. Comme l’a déclaré un commandant du corps des gardiens de la révolution
islamique d’Iran, Amir-Ali Hajizadeh, c’est à l’Iran que le Hezbollah doit de posséder un arsenal de
missiles46. Le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, s’est vanté quant à lui de ce que le Hezbollah
avait doublé en un an son arsenal de missiles à guidage de précision47.
3.16. Il importe de noter que, alors même que la présente affaire était en instance, les services
de police européens ont déjoué un projet d’attentat à la bombe organisé contre un rassemblement
d’un groupe d’opposition politique iranien, le conseil national de la résistance iranienne, qui devait
se tenir en juillet 2018 à Villepinte, dans la banlieue de Paris en France48. Ce rassemblement a réuni
environ 25 000 personnes, dont de nombreuses personnalités politiques internationales49. Des
personnalités et responsables politiques américains éminents, ainsi que des personnalités d’autres
pays (parmi lesquels le Canada50, le Royaume-Uni51 et la Colombie52), ont assisté au
rassemblement53. Au nombre de ces personnalités figuraient notamment l’ancien directeur du FBI
Louis J. Freeh, qui avait dirigé l’enquête menée par celui-ci sur l’attentat contre les tours de Khobar,
l’ancien représentant des Etats-Unis auprès de l’ONU Bill Richardson, l’ancien premier ministre du
Canada Stephen Harper et la femme politique colombienne et ancienne candidate à la présidence de
la République Ingrid Betancourt54.
45 Dale Gavlak, «Lebanese Bristle Over Iran Commander’s Comments Regarding Hezbollah Missile Capabilities»
[Les déclarations d’un commandant iranien sur l’arsenal de missiles du Hezbollah scandalisent les Libanais], Voice of
America, 4 janvier 2021 (annexe 257).
46 Ibid.
47 Ibid.
48 Tribunal de première instance d’Anvers, Ct. AC8, 4 février 2021, 20A003763, p. 24 (traduction anglaise)
(annexe 258).
49 Steven Erlanger, «Iranian Diplomat Is Convicted in Plot to Bomb Opposition Rally in France» [Un diplomate
iranien est condamné pour participation à un projet d’attentat à la bombe contre un rassemblement de l’opposition en
France], New York Times, 4 février 2021 (annexe 259).
50 Ibid.
51 Daniel Boffey, «Belgian Court Sentences Iranian Diplomat to 20 Years Over Bomb Plot» [Un tribunal belge
condamne un diplomate iranien à vingt années d’emprisonnement pour sa participation à un projet d’attentat à la bombe],
The Guardian, 4 février 2021 (annexe 260).
52 Steven Erlanger, «Iranian Diplomat Is Convicted in Plot to Bomb Opposition Rally in France» [Un diplomate
iranien est condamné pour sa participation à un projet d’attentat à la bombe contre un rassemblement de l’opposition en
France], New York Times, 4 février 2021 (annexe 259).
53 Samuel Petrequin, «Iranian diplomat convicted of planning attack on opposition» [Un diplomate iranien
condamné pour un projet d’attentat contre l’opposition], Associated Press, 4 février 2021 (annexe 261).
54 Steven Erlanger, «Iranian Diplomat Is Convicted in Plot to Bomb Opposition Rally in France» [Un diplomate
iranien est condamné pour sa participation à un projet d’attentat à la bombe contre un rassemblement de l’opposition en
France], New York Times, 4 février 2021 (annexe 259).
17
- 15 -
3.17. Ce projet d’attentat à la bombe a été décrit avec force détails par les services de sécurité
et le parquet de l’Etat belge, ainsi que dans le jugement du tribunal belge qui a condamné ses auteurs.
Un diplomate iranien accrédité en Autriche, Assadollah Assadi, dirigeait le complot55. Les autorités
et les procureurs belges ont expliqué qu’Assadi a transporté la bombe dans la valise diplomatique
dans un vol commercial allant de Téhéran à Vienne56. Il s’est ensuite rendu en voiture au
Luxembourg, où il a remis l’explosif, une clef USB, 18 000 euros et un nouveau téléphone à un
couple irano-belge57. Ce couple — qui comparaissait également comme accusé au procès — a été
appréhendé alors qu’il se dirigeait en voiture vers Bruxelles, et les services de police ont ensuite
arrêté Assadi alors qu’il transitait par l’Allemagne58. Les services de sécurité de l’Etat belge ont
déclaré que les responsables du renseignement avaient établi que l’attentat prévu était une opération
approuvée par l’Iran et sanctionnée par l’Etat iranien59. Assadi lui-même, au cours d’un
interrogatoire, «a prévenu qu’il présumait que des groupes armés seraient prêts à faire quelque chose
en Belgique s’il était condamné»60 [traduction du Greffe].
3.18. Le procès d’Assadi et des trois autres Iraniens s’est ouvert en Belgique en novembre
2020. Assadi a refusé de comparaître à l’audience. Le procès s’est terminé fin janvier 2021 et, le
4 février 2021, le tribunal a déclaré Assadi et les trois autres accusés coupables de cette tentative
d’attentat meurtrier à la bombe61. Il a également établi qu’Assadi et les autres accusés constituaient
un groupe terroriste relevant du «département 312» du ministère iranien du renseignement et de la
sécurité, qu’ils avaient utilisé des informations fournies par ce ministère pour organiser l’attentat à
la bombe et qu’ils avaient prémédité de commettre un attentat meurtrier62. Le tribunal a encore établi
que la bombe avait été «mise au point … et testée à plusieurs reprises» en Iran63. Il a conclu
qu’Assadi avait «mené ses opérations en bénéficiant d’une couverture politique iranienne» et qu’il
«n’exerçait aucune activité diplomatique», mais «encadrait un réseau d’informateurs en Europe»64.
Comme l’a jugé le tribunal, «[t]ravailler sous statut diplomatique sans exercer effectivement de
fonctions diplomatiques n’[était] possible qu’avec l’assentiment des responsables de l’Etat
iranien»65. Du fait qu’il était le «cerveau opérationnel de l’attentat» et en raison de son indifférence
face à la perspective de faire des victimes, Assadi a été condamné à vingt ans de prison, soit la peine
la plus lourde parmi les accusés66.
55 Tribunal de première instance d’Anvers, Ct. AC8, 4 février 2021, 20A003763, p. 8, 11, 33 (traduction anglaise)
(annexe 258).
56 Ibid., p. 33 ; Steven Erlanger, «Iranian Diplomat Is Convicted in Plot to Bomb Opposition Rally in France» [Un
diplomate iranien est condamné pour sa participation à un projet d’attentat à la bombe contre un rassemblement de
l’opposition en France], New York Times, 4 février 2021 (annexe 259).
57 Tribunal de première instance d’Anvers, Ct. AC8, 4 février 2021, 20A003763, p. 39 (traduction anglaise)
(annexe 258).
58 Ibid., p. 27-28.
59 Ibid., p. 43-45 ; voir également Steven Erlanger, «Iranian Diplomat Is Convicted in Plot to Bomb Opposition
Rally in France» [Un diplomate iranien est condamné pour sa participation à un projet d’attentat à la bombe contre un
rassemblement de l’opposition en France], New York Times, 4 février 2021 (annexe 259).
60 Tribunal de première instance d’Anvers, Ct. AC8, 4 février 2021, 20A003763, p. 32 (traduction anglaise)
(annexe 258).
61 Ibid., p. 45-46.
62 Ibid., p. 44-45.
63 Ibid., p. 33.
64 Ibid., p. 44.
65 Ibid.
66 Ibid., p. 48 et 57.
18
19
- 16 -
3.19. Comme dans la présente espèce, l’Iran n’a pas tenté de réfuter les preuves de sa
participation à ce projet d’attentat devant le tribunal belge et s’est efforcé de se soustraire à sa
responsabilité en faisant valoir l’immunité diplomatique d’Assadi. Le tribunal a rejeté cette défense
au motif que l’intéressé avait été arrêté en Allemagne, où il faisait un voyage qui ne relevait pas de
l’exercice de ses prétendues fonctions diplomatiques, et non en Autriche, seul pays où il pouvait se
réclamer de ce statut67. Comme on pouvait s’y attendre, et comme il l’avait fait en réaction à d’autres
procédures pénales dans lesquelles ses fonctionnaires et agents avaient été jugés responsables d’actes
de terrorisme, l’Iran a refusé de reconnaître le verdict du tribunal belge.
3.20. D’autres affaires pénales continuent d’illustrer les pratiques iraniennes. En novembre
2019, dans une affaire aux implications alarmantes si on la rapproche du projet d’attentat à la bombe
de 2018 en Europe, deux hommes accusés d’avoir mené pour le compte de l’Iran des activités de
surveillance visant notamment des dissidents iraniens aux Etats-Unis ont plaidé coupable devant un
tribunal américain68. Le même mois, en Suède, les autorités ont mis en examen un homme accusé
d’avoir espionné des communautés dissidentes et d’avoir transmis ces informations aux services de
sécurité iraniens69. Sept mois plus tard, un tribunal danois condamnait un citoyen norvégien pour
espionnage au profit d’un service de renseignement iranien et pour complicité dans un projet présumé
d’assassinat d’une personnalité de l’opposition iranienne arabophone au Danemark70.
3.21. L’exécution par l’Iran du journaliste Rouhollah Zam en décembre 2020 constitue un
nouveau rappel du mode de fonctionnement du régime iranien. Des agents iraniens ont enlevé Zam
en Iraq, où ils l’avaient attiré en lui faisant miroiter la perspective d’un entretien avec le grand
ayatollah Ali al-Sistani, un religieux iraquien ayant des liens étroits avec l’Iran et connu pour être un
rival de Khomeini, afin de discuter d’un soutien financier à une chaîne de télévision71. Une fois en
Iran, Zam a été déclaré coupable de «corruption sur terre» et condamné à mort72. Dans une
déclaration publiée par le ministère fédéral allemand des affaires étrangères, on peut lire ce qui suit :
«Le Gouvernement fédéral est horrifié par l’exécution du blogueur Rouhollah Zam qui a eu lieu
aujourd’hui en Iran … Nous sommes choqués par les circonstances qui ont entouré sa condamnation,
et en particulier par le fait qu’il ait été d’abord enlevé à l’étranger.»73 La France, pays dans lequel
Zam avait le statut de réfugié, a publié une déclaration décrivant son exécution comme «un acte
barbare et inacceptable, contraire aux engagements internationaux» de l’Iran74. L’Union européenne
a elle aussi publié une déclaration, dans laquelle elle «condamn[ait] cet acte avec la plus grande
fermeté»75. Des rapporteurs spéciaux du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de
67 Tribunal de première instance d’Anvers, Ct. AC8, 4 février 2021, 20A003763, p. 9-11 (traduction anglaise)
(annexe 258).
68 Communiqué de presse, ministère fédéral de la justice, «Two Individuals Plead Guilty for Working on Behalf of
Iran» [Deux accusés plaident coupable d’activités menées pour le compte de l’Iran] (6 novembre 2019) (annexe 262).
69 «Sweden Charges Man with Spying on Ahwazi Community for Iran» [La Suède met en examen un homme
accusé d’espionner la communauté ahwazi], Reuters, 6 novembre 2019 (annexe 263).
70 «Norwegian Found Guilty of Spying for Iran in Denmark» [Un citoyen norvégien déclaré coupable d’espionnage
pour l’Iran au Danemark], Reuters, 26 juin 2020 (annexe 264).
71 Elian Peltier, «Iran Issues Death Sentence for Opposition Journalist» [L’Iran prononce la condamnation à mort
d’un journaliste d’opposition], New York Times, 30 juin 2020 (annexe 265).
72 Ibid.
73 Communiqué de presse du ministère fédéral des affaires étrangères de l’Allemagne sur l’exécution du blogueur
Rouhollah Zam (12 décembre 2020) (annexe 266).
74 Déclaration de la porte-parole du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, ambassade de France à Londres,
Iran — Exécution de Rouhollah Zam (12 décembre 2020) (annexe 267).
75 Communiqué de presse, service européen pour l’action extérieure, Iran : déclaration de la porte-parole sur
l’exécution de M. Rouhollah Zam (12 décembre 2020) (annexe 268).
20
- 17 -
l’homme ont qualifié les agissements de l’Iran de «grave violation des obligations de l’Iran au titre
du Pacte international relatif aux droits civils et politiques»76.
3.22. L’Iran est toujours inscrit sur la liste des juridictions à haut risque ayant fait l’objet d’un
appel à l’action que maintient le GAFI. Ce fait est particulièrement digne de mention parce que, dans
ses plaidoiries, l’Iran a répondu aux accusations américaines, et notamment à celle qui lui reprochait
de fournir un soutien financier à des groupes et activités terroristes, en affirmant que son parlement
avait «voté pour que [le pays] devienne partie à la convention internationale pour la répression du
financement du terrorisme»77. Près de deux années se sont écoulées depuis cette déclaration, et l’Iran
n’a toujours pas signé ou ratifié cet instrument comme le prévoyait le plan d’action du GAFI visant
à corriger les défaillances stratégiques de son régime de lutte contre le blanchiment de capitaux et le
financement du terrorisme. En février 2020, le GAFI a adopté la déclaration suivante :
«[L]’Iran n’ayant pas adhéré à la convention de Palerme ni à la convention sur le
financement du terrorisme conformément aux normes du GAFI, ce dernier lève
entièrement la suspension des contre-mesures et appelle ses membres et exhorte toutes
les juridictions à appliquer des contre-mesures efficaces»78 [traduction du Greffe].
Pas plus tard qu’en octobre 2020, le GAFI publiait une déclaration sur «ce qui est souvent appelé à
l’extérieur la «liste noire»», dans laquelle il appelait
«tous les membres et exhort[ait] toutes les juridictions à appliquer une diligence
raisonnable renforcée et, dans les cas les plus graves, [invitait] les pays … à appliquer
des contre-mesures afin de protéger le système financier international contre les risques
de blanchiment d’argent, de financement du terrorisme et de financement de la
prolifération émanant des [pays inscrits sur la liste]»,
l’Iran figurant au nombre de ces pays79.
3.23. L’Iran persiste à n’apporter aucune réponse substantielle aux allégations et aux preuves
figurant dans le contre-mémoire qui mettent en évidence son parrainage d’attentats terroristes dirigés
tant contre les Etats-Unis que contre d’autres Etats. Par son silence, il continue de faire comme si ses
propres actes n’étaient pas à l’origine des mesures adoptées par les Etats-Unis pour y répondre. La
Cour devrait donc prendre son silence pour ce qu’il est : l’aveu que l’Iran est impuissant à réfuter les
accusations des Etats-Unis contre lui.
SECTION C
CONCLUSIONS FINALES
3.24. Le comportement de l’Iran tel qu’il a été décrit en détail dans les paragraphes précédents,
ainsi que dans le contre-mémoire des Etats-Unis et dans les autres écritures et plaidoiries en l’espèce,
intéresse directement l’instance dont est saisie la Cour. Point n’est besoin pour les Etats-Unis
76 Déclaration, Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, «Iran : UN Experts condemn
execution of Ruhollah Zam» [Des experts de l’Organisation des Nations Unies condamnent l’exécution de Rouhollah Zam]
(14 décembre 2020) (annexe 269).
77 Certains actifs iraniens (République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), exceptions préliminaires,
audience du 12 octobre 2018, 15 heures, p. 38-39, par. 11 (Mohsen Mohebi).
78 GAFI, High-Risk Jurisdictions Subject to a Call for Action — 21 February 2020 (21 février 2020) (annexe 270).
79 GAFI, High-Risk Jurisdictions Subject to a Call for Action — 23 October 2020 (23 octobre 2020) (annexe 271).
21
- 18 -
d’affirmer que ce comportement emporte violation du traité d’amitié pour qu’il soit pertinent aux
fins de l’examen par la Cour des demandes de l’Iran.
3.25. Force est de conclure que la réparation que l’Iran cherche à obtenir en l’espèce vise à
l’exonérer des mesures que les Etats-Unis ont adoptées pour répondre à son comportement tel qu’il
est décrit ici. Nul ne saurait contester que les mesures américaines en cause ont été adoptées pour
faire pièce au comportement des Etats soutenant le terrorisme, y compris l’Iran, et pour offrir aux
victimes d’attentats terroristes un recours contre l’Iran et les autres Etats concernés. Face à la
demande de l’Iran tendant à l’exonérer des conséquences de son odieux comportement, il ne devrait
exister aucun doute sur le fait que ce comportement intéresse tant l’interprétation et l’application du
traité d’amitié que le droit qu’a l’Iran de faire valoir ses demandes plus généralement.
- 19 -
DEUXIÈME PARTIE
ARGUMENTS PRÉLIMINAIRES
Dans cette deuxième partie, les Etats-Unis répondront aux arguments que l’Iran a opposés
dans sa réplique aux quatre moyens de défense initialement formulés dans le contre-mémoire, qui
imposent le rejet de tout ou partie des demandes iraniennes. Le chapitre 4 s’appuiera sur l’examen
effectué au chapitre 3 des preuves du rôle joué par l’Iran dans de nombreux attentats terroristes contre
des ressortissants américains, ainsi que sur le fait que cet Etat n’a pas véritablement répondu à ces
preuves dans sa réplique, pour établir qu’il se présente devant la Cour avec les mains sales et, partant,
que ses demandes doivent être rejetées. Le chapitre 5 soulignera le fait que l’Iran n’a fourni dans sa
réplique aucun élément de preuve nouveau qui permettrait de qualifier la banque Markazi de
«société» au sens du traité d’amitié. Le chapitre 6 montrera que c’est en vain que l’Iran s’efforce
d’échapper à l’application de la règle de l’épuisement des recours internes et que dans de nombreuses
affaires les recours n’ont pas été épuisés. Enfin, le chapitre 7 répondra à l’interprétation erronée que
fait l’Iran des alinéas c) et d) du paragraphe 1 de l’article XX, qui s’appliquent incontestablement
tous les deux au décret présidentiel no 13599.
CHAPITRE 4
L’IRAN SE PRÉSENTE DEVANT LA COUR AVEC LES MAINS SALES
SECTION A
RÉSUMÉ DE LA THÈSE DES ETATS-UNIS
4.1. Au chapitre 8 de leur contre-mémoire, les Etats-Unis ont opposé aux demandes iraniennes
un moyen de défense tiré des mains sales de l’Iran. Ce moyen consiste, pour l’essentiel, à montrer
que l’odieux comportement de cet Etat se trouve au coeur de ses demandes. En effet, les demandes
de l’Iran visent précisément et à tort les mesures que les Etats-Unis ont prises pour remédier aux
effets de son odieux comportement. Comme cela a été exposé aux chapitres 1 et 3, la fondamentale
affaire Peterson a été l’un des recours grâce auxquels les victimes de l’attentat à la bombe de 1983
contre les fusiliers marins américains — qui est un acte de terrorisme dont l’Iran doit répondre —
ont pu obtenir réparation de leur préjudice. L’Iran voudrait maintenant se soustraire au paiement des
indemnités dues à ces victimes en accusant les Etats-Unis de violations du traité d’amitié. Il existe
donc un lien indéniable entre l’objet des demandes de l’Iran et son comportement, avec pour
conséquence que la doctrine des mains sales devrait empêcher l’Iran de demander à la Cour de
l’exonérer de sa responsabilité.
4.2. Comme le précise le contre-mémoire80 et comme le chapitre 3 de la présente duplique
l’expose plus en détail, l’Iran a parrainé de 1983 jusqu’à nos jours un vaste programme d’actes de
terrorisme visant des ressortissants américains. C’est là un fait auquel l’Iran n’apporte aucune
contradiction crédible dans sa réplique81. Il préfère essayer de minimiser la pertinence juridique de
ce fait en prétendant que l’arrêt sur les exceptions préliminaires exige qu’il existe un lien direct entre
son comportement et ses demandes. Cependant, comme cela sera traité plus loin, il n’existe aucune
exigence de ce type dans l’arrêt. En outre, tous les critères pertinents que l’on peut trouver tant dans
la jurisprudence que dans la doctrine sont remplis en l’espèce. Dans ces conditions, l’Iran ne peut se
soustraire à l’examen par la Cour de son comportement illicite et de ses conséquences juridiques.
80 Voir le contre-mémoire des Etats-Unis, chapitre 5.
81 Voir la réponse de l’Iran, annexe A.
22
23
- 20 -
4.3. Les Etats-Unis invoquent la doctrine des mains sales comme un bouclier et non comme
une épée. Elle est pour eux un moyen de défense et non une base permettant de faire valoir une
demande. Ce moyen de défense leur est nécessaire parce que l’Iran invoque le traité d’amitié en tant
que demandeur, pour tenter d’obtenir réparation de mesures américaines qui visent à corriger et
atténuer les effets de sa campagne de terrorisme soutenu par l’Etat. L’Iran sollicite l’aide de la Cour
pour échapper aux conséquences de son propre comportement illicite. C’est pourquoi il est essentiel
que celle-ci reconnaisse la réalité de l’affaire dont elle est saisie et déboute l’Iran de ses demandes
relatives aux mesures que les Etats-Unis ont prises en réponse à son comportement. La doctrine des
mains sales offre à la Cour un moyen de parvenir à ce résultat juste et satisfaisant.
4.4. Sur cette toile de fond, le présent chapitre sera structuré comme suit : la section B
examinera les divers arguments de l’Iran contre l’application de la doctrine des mains sales et la
section C exposera brièvement l’application de cette doctrine aux faits de l’espèce.
SECTION B
LES ARGUMENTS DE L’IRAN CONTRE LA DOCTRINE DES MAINS SALES SONT INFONDÉS
4.5. La contestation par l’Iran de l’invocation de la doctrine des mains sales par les Etats-Unis
méconnaît complètement les faits et dénature la position américaine. Les Etats-Unis répondront
d’abord aux prétentions centrales de l’Iran (sous-sections i) à iv)), puis à différents points soulevés
par l’Iran à titre subsidiaire (sous-section v)).
i) L’Iran s’appuie sur une interprétation erronée
de l’arrêt sur les exceptions préliminaires
4.6. L’Iran prétend que les Etats-Unis «méconnaissent … le fait crucial»82 que la Cour se serait
déjà prononcée sur la doctrine des mains sales dans son arrêt sur les exceptions préliminaires. Selon
son interprétation de cet arrêt, la Cour serait parvenue à «une conclusion déterminante pour le rejet
de l’argument des Etats-Unis fondé sur la doctrine des mains propres … au fond»83.
4.7. L’Iran fait erreur en lisant l’arrêt comme il le fait. Les Etats-Unis admettent, bien entendu,
que la Cour a rejeté, au paragraphe 122 de son arrêt, leur exception préliminaire fondée sur les mains
sales. Cependant, cette conclusion de la Cour était expressément sans préjudice de sa position au
fond. La Cour l’a déclaré sans ambiguïté dans le paragraphe qui suit immédiatement celui sur lequel
l’Iran se fonde. Au paragraphe 123, elle précise en effet ceci : «Une telle conclusion ne préjuge
toutefois pas la question de savoir si les allégations des Etats-Unis … pourraient servir, le cas
échéant, de défense au fond.» C’est précisément en raison de cette déclaration sans ambiguïté que
les Etats-Unis avancent cette défense au fond au présent stade de la procédure84. Rien dans l’arrêt sur
les exceptions préliminaires de la Cour ne limite leur faculté de le faire85.
82 Réplique de l’Iran, par. 11.4.
83 Ibid., par. 11.6.
84 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 8.4.
85 Il convient également de noter que, dès le départ, les Etats-Unis se sont expressément réservé le droit d’invoquer
la doctrine des mains sales comme défense au fond ; voir leurs exceptions préliminaires, par. 6.38, note 251.
24
- 21 -
ii) L’Iran dénature le caractère du lien requis pour invoquer la doctrine
des mains sales et voudrait que la Cour applique des critères
supplémentaires qui sont étrangers à cette doctrine
4.8. Comme on l’a noté plus haut, l’un des principaux arguments de l’Iran est que la doctrine
exigerait que les Etats-Unis fassent valoir une violation du traité d’amitié, ce qu’ils n’ont pas fait. Le
demandeur s’appuie spécifiquement sur dictum prononcé par la Cour au paragraphe 122 de l’arrêt
sur les exceptions préliminaires (dictum que la Cour a repris depuis en l’affaire Jadhav86) :
«La Cour commence par relever que les Etats-Unis n’ont pas soutenu que, par
son comportement, l’Iran aurait violé le traité d’amitié sur lequel il fonde sa requête.
Sans avoir à prendre position sur la doctrine des «mains propres», la Cour considère
que, même s’il était démontré que le comportement du demandeur n’était pas exempt
de critique, cela ne suffirait pas pour accueillir l’exception d’irrecevabilité soulevée par
le défendeur sur le fondement de la doctrine des «mains propres» (Avena et autres
ressortissants mexicains (Mexique c. Etats-Unis d’Amérique), arrêt,
C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 38, par. 47 ; Délimitation maritime dans l’océan Indien
(Somalie c. Kenya), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2017, p. 52,
par. 142).»
4.9. La Cour n’a pas laissé entendre qu’un lien direct avec le traité fût une condition nécessaire.
Elle n’aurait d’ailleurs pas pu le faire. Il n’y a aucune raison logique ou de principe pour laquelle un
tel lien serait nécessaire quand la doctrine est invoquée comme moyen de défense au fond. L’équité
n’exige pas un tel lien87. La Cour ne devrait pas non plus l’exiger. En réalité, lorsque la doctrine est
invoquée comme un bouclier, tout ce qu’il faut prouver est l’existence d’un lien avec l’objet du
différend88. C’est ce que demande une approche de la causalité respectueuse des principes et
conforme aux considérations d’équité et de bonne foi qui sous-tendent la doctrine.
4.10. Pour tout observateur raisonnable, il existe dans la présente affaire un lien manifeste avec
l’objet du différend. Comme l’expliquent les Etats-Unis dans leur contre-mémoire89, les actes de
l’Iran sont directement en cause dans l’affaire dont celui-ci a saisi la Cour. Cette affaire concerne en
effet les mesures prises par les Etats-Unis pour répondre directement à ces actes illicites, comme
nous le montrerons plus en détail dans la section C ci-après. De fait, toute l’argumentation de l’Iran
consiste à mobiliser les prétendues violations du traité d’amitié pour aider cet Etat à ne pas répondre
du comportement même qui a conduit aux mesures américaines dont il tire grief.
4.11. L’Iran soutient en outre que de stricts critères supplémentaires encadrent l’application
de la doctrine des mains sales dans les cas où aucune atteinte à un traité n’est alléguée, à savoir : i)
l’atteinte doit porter sur une violation persistante ; ii) le remède poursuivi doit être une protection
contre des violations futures (c’est-à-dire une obligation spécifique, plutôt que des dommages-
86 Affaire Jadhav (Inde c. Pakistan), arrêt, C.I.J. Recueil 2019 (II), p. 435, par. 61. Voir également ibid., déclaration
de M. le juge Iwasawa, p. 520, par. 3.
87 Voir Snell’s Equity, par. 5-010, trente-troisième édition, 2018 (annexe 84). Voir plus généralement le lien décrit
en l’affaire Frierdich & Co, opinion du surarbitre, Recueil des sentences arbitrales (RSA), vol. 10, p. 50, 54 (31 juillet
1905) (annexe 99) (où la société en question était «la cause première et effective de ses propres déboires» et a été déboutée
de sa demande de réparation pour ce motif). Voir aussi l’Affaire Jadhav (Inde c. Pakistan), arrêt, C.I.J. Recueil 2019 (II),
déclaration de M. le juge Iwasawa, p. 520, par. 3 (où une exception d’irrecevabilité était soulevée dans une affaire faisant
intervenir une clause compromissoire).
88 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 8.13 ; voir aussi le paragraphe 8.8.
89 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 8.16-8.23.
25
- 22 -
intérêts) ; et iii) il doit exister une relation de réciprocité entre les obligations des Etats en question90.
Il prétend en conséquence appliquer les critères énoncés par le juge Hudson dans l’exposé de
l’opinion individuelle qu’il a joint à l’arrêt de la Cour permanente de Justice internationale (CPJI) en
l’affaire des Prises d’eau à la Meuse, tels qu’ils ont été résumés par le tribunal saisi de l’affaire Niko
Resources.
4.12. Comme cela a été énoncé dans le contre-mémoire91, les critères dégagés par le juge
Hudson ne trouvent pas à s’appliquer en l’espèce. Ils s’appliquent à la maxime spécifique de
l’exceptio non adimpleti contractus (l’exception d’inexécution du contrat, codifiée à l’article 60 de
la convention de Vienne sur le droit des traités)92. L’Iran n’a apporté aucune réponse à ce point et a
simplement fait totalement abstraction des conclusions des Etats-Unis.
iii) Les critiques que fait l’Iran de l’analyse américaine
de la jurisprudence sont mal fondées
4.13. En outre, s’efforçant de discréditer la thèse des Etats-Unis, l’Iran s’attaque de façon très
générale à leur analyse de la jurisprudence. Il qualifie cette analyse de «mauvaise» et affirme que les
Etats-Unis l’ont étayée sur «des citations tronquées des décisions sélectionnées» (on notera que l’Iran
s’abstient de donner les références des citations supposément tronquées). Il décrit ensuite en ces
termes la conclusion des Etats-Unis : «le défendeur parvient à la conclusion que, bien que nombre
d’Etats se soient appuyés sur la doctrine des mains sales, «[c]elle[-ci] n’a jamais … fait l’objet d’un
rejet de principe»»93, ce qui donne l’impression que les Etats-Unis ont ajusté leur analyse de la
jurisprudence aux besoins de cette large proposition de fait.
4.14. C’est là une présentation inexacte de la thèse des Etats-Unis. Dans leur contre-mémoire,
ceux-ci ont expressément reconnu les controverses qui entourent le champ d’application et le
statut de cette doctrine94. Ils ont en outre reconnu que la Cour ne l’a jamais appliquée95. Ils ne sont
pas allés plus loin, malgré l’impression que l’Iran tente de donner. Comme le précisent les Etats-
Unis dans leur contre-mémoire, «si elle n’a à ce jour jamais été admise comme moyen de défense,
[la doctrine] n’a pas non plus fait l’objet d’un rejet de principe par la Cour»96. Résolu à discréditer
la thèse des Etats-Unis, l’Iran a cité leur argument de façon erronée.
4.15. Contrairement à l’impression que veut donner l’Iran, les Etats-Unis ont présenté et
analysé clairement les précédents sur lesquels ils s’appuient. Ils invitent donc respectueusement la
Cour à examiner leurs conclusions telles qu’ils les ont exposées, et non telles que les représente
l’Iran.
90 Réplique de l’Iran, par. 11.27-11.28, 11.30 b).
91 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 8.14.
92 Ibid.
93 Réplique de l’Iran, par. 11.9.
94 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 8.5.
95 Ibid., par. 8.5 et 8.9.
96 Ibid., par. 8.9 (les italiques sont de nous).
26
- 23 -
iv) La Cour devrait rejeter la tentative de l’Iran visant à minimiser l’importance
de la fréquente invocation par les Etats de la doctrine des mains sales,
y compris l’approbation sans réserve de ladite doctrine
par l’Iran lui-même
4.16. L’Iran ne conteste pas que la doctrine des mains sales ait fait l’objet, comme il le dit, «de
nombreuses invocations par les Etats»97. Il fait toutefois valoir que «les cours et tribunaux
internationaux n’ont pas appliqué la doctrine des mains propres»98. En fait, le demandeur va jusqu’à
écrire qu’«il n’existe pas de doctrine dite des mains propres»99 qui soit susceptible d’application.
4.17. Cette position de l’Iran contredit l’approbation sans réserve qu’il a lui-même donnée à
ladite doctrine dans ses plaidoiries devant le Tribunal des réclamations Iran/Etats-Unis100 et devant
la Cour101. Il convient de noter en particulier que l’Iran s’appuie sur l’observation de
M. Edwin Borchard — également invoquée par les Etats-Unis dans la présente espèce102 — selon
laquelle «le fait que nul ne saurait profiter de sa propre faute est une maxime reconnue de tout droit,
interne et international, et un demandeur ou requérant doit avoir les mains propres pour saisir la
justice»103 [traduction du Greffe]. Tout aussi révélatrices sont les conclusions finales de l’Iran en
l’affaire Aryeh v. Iran, qui contiennent le passage suivant :
«La demande devrait être rejetée en vertu de la doctrine universelle et équitable
des «mains propres». Cette doctrine, qui s’appuie sur un corpus ample et varié de
doctrine juridique internationale, de pratique des Etats et de jurisprudence
internationale, veut que celui qui souhaite saisir un tribunal international d’une
demande doit avoir agi correctement et convenablement avant le dépôt de celle-ci,
notamment en ce qui regarde les lois de l’Etat défendeur. L’équité exige que celui qui a
eu un comportement illégal dans un Etat particulier ne soit pas admis à poursuivre en
justice les actions prétendument illégales de cet Etat.»104
97 Réplique de l’Iran, p. 23[6] (intertitre A).
98 Ibid.
99 Réplique de l’Iran, par. 11.13.
100 Voir Aryeh v. Iran, affaires nos 842, 843 et 844, mémoire et éléments de preuve écrits du défendeur pour
l’audience, vol. III, appendice C, 23 mars 1993, doc. 80, Iran-U.S. Claims Tribunal [Tribunal des réclamations
Etats-Unis/Iran], exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 187.
101 Voir les plaidoiries de l’Iran devant la Cour en l’affaire des Plates-formes pétrolières, dans lesquelles l’Iran luimême
a semblé invoquer la doctrine des mains sales en réponse à la demande reconventionnelle des Etats-Unis.
Plates-formes pétrolières (République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), pièce additionnelle portant
exclusivement sur la demande reconventionnelle des Etats-Unis d’Amérique, par. 7.41-7.43, 24 septembre 2001. L’Iran a
également semblé admettre la pertinence de cette doctrine au stade du fond : voir Plates-formes pétrolières (République
islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 2003, p. [177], par. 28, 6 novembre 2003 («Selon l’Iran,
dans les réclamations [directes d’Etat à Etat], ce principe ne peut avoir de signification juridique qu’au stade du fond, et
uniquement à celui de la fixation du montant de la réparation, mais ne prive pas un Etat de son droit à se présenter en
justice.»)
102 Exceptions préliminaires des Etats-Unis, par. 6.33, citant Edwin Borchard, Diplomatic Protection of Citizens
Abroad, p. 713 (1915).
103 Aryeh v. Iran, mémoire et éléments de preuve écrits du défendeur pour l’audience, vol. III, appendice C, p. 34,
(exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 187).
104 Ibid., p. 44 (les italiques sont de nous).
27
- 24 -
4.18. Le fait que l’affaire Aryeh — comme les autres affaires dans lesquelles l’Iran a invoqué
la doctrine des mains propres105 — soit née dans un contexte factuel différent n’explique en rien la
volte-face de l’Iran106. Son approbation de cette doctrine était générale et sans réserve.
4.19. Même si l’on ne tient pas compte de l’invocation par l’Iran lui-même de la doctrine des
mains sales, le recours répété des Etats à cette doctrine est important en ce qu’il atteste qu’elle est
reconnue comme l’un des principes généraux de droit applicables sur le plan international visés à
l’alinéa c) du paragraphe 1 de l’article 38 du Statut de la Cour. Comme l’indiquait le contre-mémoire,
cette pratique est substantielle et continue de se développer107.
v) Les autres arguments de l’Iran sont tout aussi peu convaincants
4.20. Outre ses principaux arguments auxquels il a été répondu plus haut, l’Iran a avancé dans
sa réplique cinq arguments supplémentaires — que les Etats-Unis examineront ci-après — par
lesquels il entend s’opposer à l’application de la doctrine des mains sales. Aucun de ces arguments
n’est fondé.
4.21. Premièrement, l’Iran soutient que cette doctrine ne saurait passer pour un principe
général de droit au sens de l’alinéa c) du paragraphe 1 de l’article 38 au motif que la liste des
juridictions nationales avancée par les Etats-Unis, «on le notera, se limite à des pays de common
law»108. Ce faisant, il oublie qu’il a lui-même déclaré devant la Cour que «la notion de «mains
propres» trouv[ait] son origine dans le droit romain, en tant que doctrine de l’équité, dans le droit
105 Mohtadi v. Iran, affaire no 271, sentence no 573-271-3, 2 décembre 1996, Iran-US Claims Tribunal Reports
[Recueil du Tribunal des réclamations Etats-Unis/Iran], vol. 32, p. 124, par. 34, exceptions préliminaires des Etats-Unis,
annexe 188 ; Karubian v. Iran, affaire no 419, sentence no 569-419-2, 6 mars 1996, Iran-U.S. Claims Tribunal Reports
[Recueil du Tribunal des réclamations Etats-Unis/Iran], vol. 32, p. 3, par. 148 (exceptions préliminaires des Etats-Unis,
annexe 189). Voir Plates-formes pétrolières (République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), pièce additionnelle
portant exclusivement sur la demande reconventionnelle des Etats-Unis d’Amérique, par. 7.41-7.43, 24 septembre 2001.
106 Réplique de l’Iran, par. 11.15. La Cour ne devrait pas non plus céder à l’impression que le Tribunal des
réclamations Etats-Unis/Iran aurait rejeté l’existence de la doctrine dans l’une ou l’autre de ces trois affaires. Au
paragraphe 92 de sa sentence en l’affaire Mohtadi v. Iran, le Tribunal a estimé «inutile d’examiner cette question». Au
paragraphe 161 de sa sentence en l’affaire Karubian v. Iran, paragraphe 161, il a rejeté la demande du requérant en se
fondant sur la doctrine de l’abus de droit. En l’affaire Aryeh v. Iran, il a refusé d’appliquer la doctrine des mains sales au
motif qu’il n’existait «aucun élément de preuve à l’appui des assertions du défendeur selon lesquelles la demande devrait
être rejetée sur la base des théories des mains propres, de l’estoppel, de la fausse déclaration, de la bonne foi ou de la
responsabilité de l’Etat». Affaire no 266, sentence no 583-266-3, 25 septembre 1997, Iran-US Claims Tribunal Reports
[Recueil du Tribunal des réclamations Etats-Unis/Iran], vol. 33, p. 368, 386-387, par. 62 (annexe 274).
107 Au moins 25 Etats ont invoqué cette doctrine dans des différends internationaux. Comme les Etats-Unis l’ont
rappelé dans la note 187 de leur contre-mémoire, au moins 13 Etats (Allemagne, Australie, Belgique, Canada, Grèce, Israël,
Kenya, Nicaragua, Pakistan, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni et, bien entendu, Etats-Unis) ont soulevé devant la Cour
une exception fondée sur la doctrine des mains sales. Comme le précise la note 193 du même contre-mémoire, 8 Etats
(Bangladesh, Bolivie, Equateur, Indonésie, [Italie,] Philippines, Russie et Venezuela) ont invoqué la doctrine dans des
affaires les opposant à des investisseurs. Depuis la rédaction du contre-mémoire, 5 autres Etats l’ont invoquée : la
République démocratique populaire lao en l’affaire Sanum v. Lao People’s Democratic Republic, CPA, affaire no 2013-
13, sentence, par. 99 et 104, 6 août 2019 (annexe 275) ; la République de Colombie dans Glencore International AG v.
Republic of Colombia, CIRDI/ICSID, affaire no ARB/16/6, sentence, par. 566, 27 août 2019 (annexe 276) ; la Pologne dans
GPF GP Sàrl v. Republic of Poland, chambre de commerce de Stockholm, arbitrage SCC V 2014/168, sentence définitive,
par. 197, 29 avril 2020 (annexe 277) ; le Mozambique en l’affaire Patel Engineering v. Mozambique, affaire CPA
no 2020-21, Respondent’s Motion for Bifurcation [demande de disjonction déposée par le défendeur], p. 5, (20 novembre
2020) (annexe 278) ; l’Espagne dans Landesbank Baden-Württemberg and others v. Kingdom of Spain, affaire
CIRDI/ICSID no RB/15/45, décision sur la deuxième proposition tendant à la récusation de tous les membres du tribunal,
par. 40, 15 décembre 2020 (annexe 279).
108 Réplique de l’Iran, par. 11.18.
28
- 25 -
anglais et aussi dans le droit islamique»109 [traduction du Greffe]. Il passe aussi complètement sous
silence la référence des Etats-Unis à la manifestation de cette doctrine dans les droits de tradition
civiliste110. En réalité, sa diffusion est telle que le juge Weeramantry, alors vice-président de la Cour,
a décrit la doctrine des mains sales comme un «principe d’équité et de procédure judiciaire
parfaitement admis dans tous les systèmes de droit»111. En tout état de cause, un principe n’exige pas
d’être universellement appliqué pour être reconnu au sens de l’alinéa c) du paragraphe 1 de
l’article 38112.
4.22. Deuxièmement, l’Iran conteste l’importance des décisions pourtant fondamentales des
deux commissions mixtes des réclamations sur lesquelles les Etats-Unis s’appuient, dans les affaires
Frierdich & Co et Good Return and the Medea. Il fait valoir que l’équité était l’«unique base» de ces
deux commissions113 et qu’elle «n’est pas une source du droit international public»114. Si l’argument
de l’Iran est que ces décisions n’appliquent pas le droit international, mais ont été prises ex aequo et
109 Plates-formes pétrolières (République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), réplique et réponse à la
demande reconventionnelle des Etats-Unis d’Amérique déposée par la République islamique d’Iran, par. 8.6, 10 mars 1999.
Comme le signalent les Etats-Unis au paragraphe 8.7 de leur contre-mémoire, cette doctrine trouve également son origine
dans le droit coutumier chinois.
110 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 8.7. La note 184 du contre-mémoire renvoie à la Suisse, avec l’article 66
du code civil suisse (livre cinquième : droit des obligations) du 30 mars 1911 (état au 1er avril 2017) (annexe 85), et à
l’Allemagne, avec l’article 817 du Bürgerliches Gesetzbuch (BGB) [code civil allemand] (annexe 86). Voir aussi
République tchèque, code civil, 3 février 2012, art. 6, par. 2 (annexe 280) ; Québec : Bertout c. Saffran, Cour supérieure
du Québec, 2019 QCCS 4367, par. 52, 22 octobre 2019 (annexe 281) ; contre-mémoire, par. 18.4, note 537.
111 Licéité de l’emploi de la force (Yougoslavie c. Belgique), mesures conservatoires, ordonnance du 2 juin 1999,
C.I.J. Recueil 1999 (I), p. 184, opinion dissidente du juge Weeramantry, vice-président de la Cour (les italiques sont de
nous).
112 M. Cherif Bassiouni, «A Functional Approach to General Principles of International Law», 11 Michigan Journal
of International Law 768, p. 788-789, 1990 (annexe 282).
113 Réplique de l’Iran, par. 11.10, note 826. Dans cette note, le demandeur fait aussi observer en passant que ces
affaires sont citées «de manière très lacunaire» et que, en réalité, elles «coïncident beaucoup moins avec la thèse américaine
que les Etats-Unis ne le prétendent». Cette critique trop générale n’est ni utile ni exacte.
114 Réplique de l’Iran, par. 11.10.
29
- 26 -
bono, il est faux115. Quoi qu’il en soit, l’Iran néglige le fait que l’équité peut être en soi une source
matérielle de droit116.
4.23. Troisièmement, l’Iran donne une vision déformée des arguments que, dans leur
contre-mémoire, les Etats-Unis tirent des sentences arbitrales rendues en application de traités
d’investissement. Après avoir lu sa réplique, on pourrait pardonner à la Cour de croire que
l’argumentation américaine sur les mains sales reposerait en grande partie sur un groupe restreint de
ces sentences. L’Iran prétend en effet que les Etats-Unis «s’appuient … sur différentes autres affaires
d’investissement dans lesquelles des Etats ont soulevé une objection relative aux mains propres»117.
Il passe sous silence le fait que les Etats-Unis disent expressément que, s’ils mentionnent les
sentences rendues dans ces affaires, c’est seulement pour montrer que des Etats ont invoqué la
doctrine des mains sales devant des tribunaux arbitraux, et non pour prouver une proposition plus
115 Frierdich & Co. est une décision de la commission mixte de réclamations France-Venezuela. Cette commission
était régie par un protocole entre le Venezuela et la France signé le 27 février 1903. Celui-ci stipulait en son article premier
que «[l]es commissaires, ou, dans le cas où ils se trouveraient en désaccord, le surarbitre, trancher[aie]nt toutes les
réclamations sur la base de l’équité absolue, sans égard pour les objections d’une nature technique, ni pour les dispositions
de la législation locale». RSA, vol. X, p. 3 (annexe 283). En l’affaire Aroa Mines dont était saisie la commission mixte de
réclamations Royaume-Uni-Venezuela, qui était régie par un protocole identique, le surarbitre Plumley a donné
l’explication suivante :
«[L]e surarbitre comprend et interprète le terme «équité absolue» utilisé dans les protocoles comme
signifiant une équité qu’aucune règle artificielle ne restreint dans son application à une affaire donnée.
Puisqu’il s’agit ici d’un tribunal international établi par l’accord des nations, il ne saurait être régi, de l’avis
du surarbitre, par un autre droit que le droit des gens ; et il est, en vérité, à peine nécessaire de dire que les
protocoles doivent être interprétés et le tribunal de céans, régi, par ce droit, car il n’en est pas d’autre ; et
dire que la justice et l’équité doivent être invoquées et qu’elles doivent primer ne contredit pas cette
position, le droit international étant présumé se conformer à la justice et trouver son inspiration dans les
principes de l’équité.» Aroa Mines (Limited) Case — Supplementary Claim, RSA, vol. IX, p. 402, 444
(1903) (annexe 284) [traduction du Greffe].
La décision en l’affaire Good Return and the Medea a été rendue par un surarbitre d’une commission établie par
voie de convention conclue entre les Etats-Unis d’Amérique et l’Equateur le 18 janvier 1862. L’article premier de cette
convention ne mentionne pas l’équité, mais précise que les commissaires «prêteront solennellement serment d’examiner
avec soin et de régler avec impartialité, suivant la justice et les stipulations de la présente convention, toutes les
réclamations.» (annexe 285). Les commissaires considéraient eux-mêmes qu’ils étaient tenus de trancher «suivant le droit
et la justice» les questions qui leur étaient soumises. Affaire Good Return and the Medea, opinion de M. Hassaurek,
commissaire, RSA, vol. 29, p. 99, 102, 8 août 1865 (annexe 98). On fera observer que cette décision est citée par
M. Bin Cheng, qui ne mentionne nullement la distinction que prétend faire l’Iran. Voir Bin Cheng, General Principles of
Law as Applied by International Courts and Tribunals, 1953, p. 156-157 (annexe 286).
116 Voir Prises d’eau à la Meuse, arrêt, 1937, C.P.J.I. série A/B no 70, 28 juin 1937, opinion individuelle du juge
Hudson, p. 76 :
«Les règles bien connues sous le nom de principes d’équité ont depuis longtemps été considérées
comme faisant partie du droit international, et, à ce titre, elles ont souvent été appliquées par des tribunaux
internationaux … Une démarcation nette entre le droit et l’équité, telle que la prévoient certains Etats dans
l’administration de la justice, ne doit pas trouver place dans la jurisprudence internationale» ;
voir également ibid., p. 77 :
«On doit donc conclure que, selon l’article 38 du Statut, sinon indépendamment de cet article, la
Cour a quelque liberté d’examiner les principes d’équité comme une partie du droit international qu’elle
doit appliquer.»
En outre et en tout état de cause, la notion de mains sales fait partie du «concept juridique d’équité», que la Cour a
reconnu comme un principe général.
Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne), arrêt, C.I.J. Recueil 1982, p. 60, par. 71, 24 février
1982 : «la notion juridique d’équité est un principe général directement applicable en tant que droit». Voir aussi Différend
frontalier (Burkina Faso/République du Mali), arrêt, C.I.J. Recueil 1986, par. 149.
117 Réplique de l’Iran, par. 11.16.
30
- 27 -
large118. Quoi qu’il en soit, si elle trouve quelque utilité à ces sentences, la Cour devra garder à l’esprit
que la formulation des points de détail que soulève l’Iran au sujet de ces affaires n’est ni complète ni
exacte119. Quant aux sentences sur lesquelles le demandeur s’appuie effectivement, elles ne sont
d’aucune utilité pour la Cour120.
4.24. Quatrièmement, l’Iran insiste sur le fait que, dans son projet d’articles, la Commission
du droit international (CDI) n’a pas inclus la doctrine des mains sales dans les «circonstances
excluant l’illicéité»121. Cet argument ne va pas très loin. L’invocation et l’application de la doctrine
ont été reconnues, mais il a été jugé en dernière analyse qu’il n’y avait pas lieu de l’ajouter122.
4.25. Cinquièmement et dernièrement, selon l’Iran, c’est à tort que les Etats-Unis considèrent
que la doctrine des mains propres est transposable sur le plan international123. Or, le demandeur ne
118 Voir le contre-mémoire, note 193 («La doctrine a été expressément invoquée par huit Etats au moins.» Cette
phrase est suivie d’une liste de sentences rendues en matière d’investissement et des Etats concernés par ces sentences).
119 Premièrement, l’Iran mentionne la sentence rendue en l’affaire Al-Warraq v. Indonesia, que les Etats-Unis ont
citée comme exemple de la pratique des Etats, et il écrit que le tribunal arbitral «a fondé son utilisation de la doctrine des
mains propres non sur un principe général de droit, mais sur le texte exprès de l’article 9 de l’accord de l’OCI [Organisation
de la conférence islamique]». Réplique de l’Iran, par. 11.16. Il omet cependant de préciser que la doctrine des mains propres
était un motif supplémentaire de la décision d’irrecevabilité rendue par ce tribunal. Voir Hesham Talaat M. Al-Warraq
v. Republic of Indonesia, Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI), sentence
finale, par. 647 (15 décembre 2014) (annexe 91). Aux fins du présent raisonnement, on rappellera que M. Patrick Dumberry
avait qualifié de «fallacieux» le résumé de la sentence du tribunal constitué en l’affaire Al-Warraq qui figure dans la
sentence du tribunal arbitral en l’affaire South American Silver v. Bolivia et est cité par l’Iran au paragraphe 11.16 de sa
réplique. Patrick Dumberry, «The Clean Hands Doctrine as a General Principle of International Law», Journal of World
Investment and Trade, vol. 21, p. 489, 515 (2020) (annexe 288). Deuxièmement, l’Iran cite l’affaire Copper Mesa
v. Ecuador, en affirmant qu’elle «n’est d’aucun secours aux Etats-Unis». Réplique de l’Iran, par. 11.17. Il prétend en effet
que «le défendeur avait invoqué la doctrine des mains propres[, ]mais [que] le tribunal n’a pas considéré cet argument»
Ibid. En réalité, le tribunal avait constaté un certain nombre de défauts dans la manière dont l’argument avait été présenté,
avant de conclure qu’il «préf[érait] prendre en considération l’argumentation du demandeur non pas sous la forme de la
doctrine des mains sales en tant que telle, mais plutôt sous la forme des doctrines analogues de la causalité adéquate et de
la faute contributive» [traduction du Greffe]. Copper Mesa Mining Corporation v. Republic of Ecuador, affaire CPA
no 2012-2, sentence, par. 5.62-5.65 (15 mars 2016) (annexe 92).
120 L’Iran s’appuie sur le raisonnement de deux sentences découlant de traités d’investissement pour avancer que
la doctrine ne s’applique pas en l’absence de clause conventionnelle expresse, à savoir les sentences rendues dans les
affaires South American Silver v. Bolivia et Yukos v. Russia. Réplique de l’Iran, par. 11.20-11.23. Ces affaires ne sont pas
d’une grande utilité pour la Cour, voire lui sont inutiles. Aucun des deux tribunaux concernés n’a procédé à une analyse
adéquate de la pratique des Etats ou de leur droit interne pour savoir si cette doctrine bénéficiait de la reconnaissance
voulue. Le tribunal constitué en l’affaire South American Silver a expressément déploré l’insuffisance des preuves
présentées par l’Etat défendeur. Voir South American Silver Limited v. The Plurinational State of Bolivia, affaire CPA
no 2013-15, sentence, par. 445-446 (22 novembre 2018). Quant au tribunal constitué en l’affaire Yukos, il semble n’avoir
accordé aucune attention au droit interne, que ce soit sur une base comparative ou sur une autre base. Voir Yukos Universal
Limited v. Russia, affaire CPA no AA 227, sentence finale, par. 1357-1363 (10 juillet 2014) ; voir aussi, dans le même sens,
Hulley Enterprises Limited (Cyprus) v. The Russian Federation, CPA, affaire no AA 226, sentence finale, par. 1358-1363
(18 juillet 2014) (annexe 81). En outre, dans aucune de ces deux sentences, la doctrine n’est examinée en tant que défense
au fond, alors que c’est de cela qu’il s’agit en l’espèce pour la Cour à ce stade. Qui plus est, aucune de ces deux sentences
ne semble avoir été accueillie favorablement ou citée par la suite ; c’est même le contraire qui s’est produit, leur
raisonnement et leur méthode ayant été sévèrement critiqués. Voir Dumberry, Journal of World Investment and Trade,
vol. 21, p. 501-16 (annexe 288). Il est significatif que la décision du tribunal constitué en l’affaire Glencore v. Bolivia ne
cite à aucun moment la sentence rendue en l’affaire Yukos. Voir Glencore Finance (Bermuda) Limited v. The Plurinational
State of Bolivia, affaire CPA no 2016-39, ordonnance de procédure no 2 (ordonnance de disjonction), par. 45-47 (31 janvier
2018) (annexe 95).
121 Réplique de l’Iran, par. 11.10.
122 Voir James Crawford, The International Law Commission’s Articles on State Responsibility: Introduction, Text
and Commentaries, p. 162, par. 9, 2002 (annexe 88) : «La doctrine dite des «mains propres» a été invoquée principalement
dans le contexte de la recevabilité des demandes devant les cours et tribunaux internationaux, bien que rarement appliquée.
Il n’est pas nécessaire de l’inclure ici». Voir aussi James Crawford, Brownlie’s Principles of Public International Law,
p. 675, neuvième édition, 2019 (annexe 289), où la même position est présentée.
123 Réplique de l’Iran, par. 11.19.
31
- 28 -
mentionne aucune raison pour laquelle cette doctrine ne serait pas parfaitement transposable aux
réclamations interétatiques. S’il ne mentionne aucune raison, c’est parce qu’il n’en existe pas.
Comme les maximes d’équité auxquelles elle est étroitement liée, cette doctrine s’adapte facilement
aux réclamations interétatiques. Le fait que les Etats l’aient si constamment invoquée devant les
cours et tribunaux internationaux l’atteste, tout comme le fait que les juges et les commentateurs
aient reconnu qu’elle fait partie du droit international124.
SECTION C
PERTINENCE ET APPLICATION DE LA DOCTRINE EN L’ESPÈCE
4.26. Les Etats-Unis sont conscients que la doctrine des mains sales n’a pas encore été
appliquée par la Cour. Cela ne devrait pas dissuader celle-ci de l’appliquer à l’espèce, compte tenu
des circonstances irrésistibles qui la caractérisent.
4.27. Comme les Etats-Unis l’ont exposé dans leur contre-mémoire125 et expliqué ci-dessus,
cette doctrine a de longs et sérieux antécédents dans toute une série de juridictions nationales, tant
de droit civiliste que de common law. Elle est étroitement liée à des maximes d’équité que la Cour a
reconnues et appliquées, à savoir ex turpi causa non oritur actio («un acte illégal ne peut servir de
base à une action en justice») et nullus commodum capere potest de sua injuria propria («nul ne peut
se prévaloir de sa propre turpitude»)126. Elle a été expressément admise par des membres de la Cour127
et reconnue par des Etats devant des juridictions internationales128, ce qui atteste son caractère de
principe général du droit. Si l’on retient les propres critères de la Cour, la doctrine des mains sales
autorise celle-ci à débouter un Etat de sa demande en réparation lorsqu’il a commis des fautes ou des
actes illicites graves ayant un lien suffisamment étroit avec la réparation recherchée129.
4.28. Ces conditions sont manifestement remplies dans les circonstances extraordinaires de
l’espèce. L’Iran mène depuis longtemps un vaste programme d’actions terroristes visant
spécifiquement les ressortissants et les installations des Etats-Unis. Ce programme a provoqué, entre
autres, la mort de 241 soldats de la paix américains dans l’attentat contre le casernement des fusiliers
marins américains à Beyrouth, attentat qui a donné lieu à la principale affaire sur laquelle l’Iran
s’appuie dans sa réplique, l’affaire Peterson. Dans leur contre-mémoire, les Etats-Unis expliquent
que les juridictions américaines ont conclu, sur la base de preuves factuelles et d’expertises
approfondies, que l’Iran avait parrainé cet attentat130. Comme le déclare un jugement d’une
juridiction américaine, la complicité de cet Etat a été «établie de manière concluante», puisqu’il ne
124 Voir, par exemple, Gerald G. Fitzmaurice, «The General Principles of International Law Considered from the
Standpoint of the Rule of Law», Recueil des cours de l’Académie de droit international de La Haye, vol. 92, p. 119
(annexe 106).
125 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 8.5-8.15.
126 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 8.7. Ce principe a été reconnu par au moins un membre de la Cour comme
pertinent pour l’interprétation des traités. Voir Admissibilité de l’audition de pétitionnaires par le Comité du Sud-Ouest
africain, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1956, opinion individuelle de sir Hersch Lauterpacht, p. 27 :
«C’est un principe sain de droit que si un instrument juridique de validité continue ne peut
s’appliquer littéralement, du fait de la conduite de l’une des parties, il faut, sans permettre à celle-ci de se
prévaloir de sa propre conduite, l’appliquer d’une manière s’approchant le plus possible de son but primitif.
Agir ainsi est interpréter et donner effet à l’instrument, et non le modifier.»
127 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 8.9.
128 Ibid.
129 Ibid., par. 8.13.
130 Ibid., note 212 en particulier. Voir également le chapitre 5.
32
- 29 -
fait «pas de doute» que le Gouvernement iranien a apporté un «soutien matériel et technique
considérable» au Hezbollah et à ses agents131. Ces faits sont intimement liés aux demandes que l’Iran
fait maintenant valoir devant la Cour. Non seulement les mesures législatives et exécutives
américaines en cause étaient justifiées par les attentats à la bombe contre le casernement et d’autres
attentats similaires, mais encore le cadre judiciaire et législatif que les Etats-Unis ont
consciencieusement mis au point pour permettre aux victimes du terrorisme d’obtenir réparation
n’aurait jamais été nécessaire si ce n’étaient les agissements odieux de l’Iran et les agissements
d’autres Etats soutenant le terrorisme. Le lien qui existe entre ces agissements et les demandes de
l’Iran est clair et manifeste.
4.29. Pour toutes ces raisons, les Etats-Unis prient la Cour de débouter l’Iran de ses demandes
au motif qu’il a les mains sales.
131 Voir Peterson v. Islamic Republic of Iran, 264 F. Supp. 2d 46, 54, 58 (tribunal fédéral du district de Columbia,
2003) (annexe 36).
- 30 -
CHAPITRE 5
LA BANQUE MARKAZI N’EST PAS UNE «SOCIÉTÉ»
AUX FINS DU TRAITÉ D’AMITIÉ
5.1. Les demandes de l’Iran relatives à la banque Markazi invoquent des violations de
dispositions du traité (à savoir ses articles III, IV et V) dont les protections ne s’appliquent qu’aux
«ressortissants» et «sociétés» d’une partie. Ces demandes ne peuvent donc prospérer que si ladite
banque est considérée comme une «société» au sens du traité. Or, les faits présentés par l’Iran, qui
n’ont pas substantiellement changé depuis le stade des exceptions préliminaires, ne permettent pas
de considérer qu’elle en est une.
5.2. Selon le demandeur, la seule activité pertinente que la banque Markazi aurait exercée aux
Etats-Unis est le placement de fonds en dollars américains dans des droits sur titres. L’Iran ne
conteste pas les déclarations faites à de multiples reprises par cette banque devant des juridictions
américaines à l’effet que ces placements faisaient partie de sa gestion des réserves monétaires
iraniennes. Il ne conteste pas non plus que la gestion de ses réserves monétaires par la banque
Markazi soit une mission de nature régalienne. Par conséquent, la seule question qui se pose encore
à la Cour est celle de savoir si les activités de la banque en question relatives à sa gestion des réserves
monétaires de l’Iran peuvent néanmoins être considérées comme étant de nature commerciale. Elles
ne le peuvent pas. Compte tenu du caractère souverain des responsabilités d’une banque centrale
dans la gestion des réserves monétaires d’un Etat, fonction qui n’a pas d’équivalent dans le secteur
commercial, la banque Markazi n’est pas une «société» au sens du traité et ne saurait donc bénéficier
de la protection des dispositions spécifiques de cet instrument invoquées par l’Iran.
SECTION A
L’IRAN N’A PAS PRODUIT DE FAITS NOUVEAUX QUI DÉMONTRERAIENT QUE LA BANQUE
MARKAZI EXERÇAIT DES ACTIVITÉS DE NATURE COMMERCIALE PERTINENTES
AUX FINS DE LA PRÉSENTE ESPÈCE
5.3. Dans son arrêt sur les exceptions préliminaires, la Cour a établi qu’une entité appartenant
à l’Etat et exerçant exclusivement des activités de souveraineté, liées aux fonctions régaliennes de
l’Etat, ne saurait être qualifiée de «société» aux fins du traité132. Elle a toutefois reconnu la possibilité
que des entités puissent «exerce[r] à la fois des activités de nature commerciale (ou, plus largement,
des activités d’affaires) et des activités souveraines»133. Dans de telles situations, l’entité dont il s’agit
peut être regardée comme une «société» au sens du traité, mais seulement «dans la mesure où elle
exerce des activités de nature commerciale, même si ce n’est pas à titre principal»134.
5.4. La Cour a estimé, aux fins de son arrêt sur les exceptions préliminaires, qu’elle ne
disposait pas de tous les éléments nécessaires pour déterminer si la banque Markazi exerçait, à
l’époque pertinente, des activités de nature commerciale qui lui permettraient d’être qualifiée de
«société» au sens du traité135. On notera que, pendant la phase des exceptions préliminaires, le fait
que la banque Markazi, en tant que banque centrale, ait exercé des fonctions souveraines de banque
centrale n’a pas été contesté. La Cour a reconnu que l’Iran avait admis ce point136. Elle a également
132 Arrêt sur les exceptions préliminaires, par. 91.
133 Ibid., par. 92.
134 Ibid.
135 Ibid., par. 97.
136 Ibid., par. 94.
33
34
- 31 -
noté que l’Iran n’avait pas démontré, au stade des exceptions préliminaires, que la banque Markazi
eût exercé d’autres activités, de nature commerciale celles-là, susceptibles de lui valoir la
qualification de société aux fins du traité et lui a accordé la possibilité de «démontrer que la banque
Markazi exer[çait], à côté de fonctions souveraines qu’il admet[ait], des activités de nature
commerciale»137.
5.5. Il s’agit maintenant de savoir si l’Iran a profité de cette deuxième chance pour démontrer
à suffisance que la banque Markazi exerçait des activités de nature commerciale, de sorte qu’elle
pourrait être qualifiée de «société» dans la présente affaire. Pour ce faire, l’Iran devait prouver que
les activités de ladite banque sur le territoire des Etats-Unis à l’époque des mesures américaines
étaient des activités commerciales, et non des activités souveraines de banque centrale138.
5.6. L’Iran ne l’a pas fait dans sa réplique. Il n’a produit aucun élément nouveau et matériel
sur les pouvoirs ou les activités de la banque qu’il n’eût déjà présenté à la Cour pendant la phase des
exceptions préliminaires. Plutôt que de produire des éléments de fait qui attesteraient l’exercice
d’activités commerciales pertinentes aux Etats-Unis à l’époque des mesures américaines, l’Iran tente
de requalifier en activités commerciales ses principales activités de banque centrale. Sa tentative
s’appuie sur une interprétation erronée de l’arrêt de la Cour sur les exceptions préliminaires et des
autres précédents qu’il invoque. Les éléments factuels avancés par l’Iran ne sont pas plus
convaincants aujourd’hui qu’ils ne l’étaient au stade des exceptions préliminaires, et ils ne permettent
pas d’établir que les activités de la banque Markazi étaient de celles qui permettraient de la qualifier
de «société» au sens du traité d’amitié.
SECTION B
LES TEXTES IRANIENS CITÉS PAR L’IRAN CONSTITUENT UNE NOUVELLE PREUVE
QUE LA BANQUE MARKAZI EST CHARGÉE DE FONCTIONS TRADITIONNELLES
DE BANQUE CENTRALE IMPLIQUANT UNE ACTIVITÉ RÉGALIENNE
QUI N’A PAS D’ÉQUIVALENT COMMERCIAL
5.7. A l’appui de sa thèse selon laquelle les activités de la banque Markazi pertinentes en
l’espèce étaient de nature commerciale, l’Iran fait d’abord valoir que la loi monétaire et bancaire
iranienne de 1972 habilite ladite banque à exercer des activités commerciales139. Or, même si la
banque Markazi était autorisée à exercer des activités de nature commerciale, cela ne serait pas
suffisant dans le contexte de la présente espèce. En effet, l’Iran doit également démontrer qu’elle
exerçait effectivement des activités commerciales aux Etats-Unis à l’époque des mesures américaines
pertinentes.
5.8. L’Iran ne franchit pas même cette étape préliminaire. Tout en reconnaissant que la loi
monétaire et bancaire de 1972 attribue sans ambiguïté à la banque Markazi de vastes fonctions
souveraines ainsi que les pouvoirs spécifiques voulus pour exercer ces fonctions140, il s’appuie sur
l’article 12 de la loi, qui désigne ladite banque comme «le banquier du gouvernement», pour faire
valoir qu’en cette qualité elle exerce certaines activités bancaires identiques à celles d’une banque
commerciale141. Cette description qu’en fait l’Iran sous-estime considérablement le rôle
137 Arrêt sur les exceptions préliminaires, par. 94, 97.
138 Ibid., par. 93.
139 Réplique de l’Iran, par. 3.15-22.
140 Ibid., par. 3.17.
141 Ibid., par. 3.18.
35
- 32 -
essentiellement régalien que joue la banque Markazi en tant que «banquier du gouvernement». Outre
la comptabilité des entités publiques iraniennes et le traitement de toutes leurs transactions bancaires,
l’article 12 lui attribue les fonctions suivantes :
⎯ vendre les obligations d’Etat et bons du trésor et rembourser le principal et les intérêts, en qualité
d’agent du gouvernement (paragraphe b) de l’article 12) ;
⎯ assurer la garde de l’ensemble des réserves de change et d’or du pays (paragraphe c) de
l’article 12) ;
⎯ assurer la garde des fonds en rials pour le Fonds monétaire international, la Banque internationale
pour la reconstruction et le développement, la Société financière internationale, l’Association
internationale de développement et les entités similaires (paragraphe d) de l’article 12) ;
⎯ conclure des accords de paiement dans le respect des accords monétaires, financiers,
commerciaux et de transit entre l’Etat iranien et les Etats étrangers (paragraphe e) de
l’article 12)142.
Les activités assignées à la banque Markazi en tant que «banquier du gouvernement» telles que les
décrit l’article 12 de la loi monétaire et bancaire de 1972 sont loin d’être identiques à celles exercées
par les banques commerciales et ne font que mettre en évidence l’ampleur des activités
exclusivement gouvernementales qu’elle mène du fait de ses fonctions de banque centrale.
5.9. L’Iran relève ensuite que la banque Markazi est chargée d’autres activités financières et
commerciales, «les mêmes que celles qu’effectue toute société privée intervenant sur un «marché
libre et concurrentiel»»143. C’est là un argument qu’il a déjà fait valoir en avançant que ladite banque
se livrait à des activités professionnelles qui étaient également exercées par des sociétés privées144.
Les Etats-Unis ne contestent pas que la loi iranienne autorise la banque Markazi à ouvrir des comptes
auprès de banques étrangères, à effectuer des opérations bancaires autorisées, à conclure des contrats,
à acheter et vendre de l’or et de l’argent, et à mener toutes autres activités spécifiques nécessaires à
l’accomplissement des fonctions souveraines prévues par la loi monétaire et bancaire de 1972. En
effet, comme toute entité gouvernementale, la banque Markazi serait incapable d’accomplir ses
fonctions souveraines si elle n’était pas en mesure de mener certaines activités de base, comme
conclure un contrat, que les parties privées exercent également. Mais l’Iran doit encore démontrer
que ces activités répondent à une autre fin que celle de réaliser les missions et les objectifs régaliens
de la banque Markazi. Et dans ce contexte, celle-ci exerce ses activités avec des prérogatives uniques
de banque centrale, qui sont très différentes de celles des sociétés opérant sur un marché libre et
concurrentiel.
5.10. A supposer même que l’argument de l’Iran selon lequel la banque Markazi paierait des
impôts sur le revenu à l’Etat iranien soit exact, comme l’affirme le demandeur, cet argument souffre
d’un défaut similaire en ce qu’il n’établit pas que les activités sous-jacentes de la banque sont de
nature commerciale. L’Iran admet que les bénéfices sur lesquels la banque Markazi est imposée
proviennent de transactions en devises effectuées «dans le cadre des opérations courantes de [celle-
142 Loi monétaire et bancaire de 1972, modifiée en 2016 (mémoire de l’Iran, annexe 73).
143 Réplique de l’Iran, par. 3.19.
144 Observations et conclusions de l’Iran sur les exceptions préliminaires des Etats-Unis, par. 4.34.
36
- 33 -
ci] afin de répondre aux besoins du marché en devises»145. Dans cette déclaration sous serment citée
par l’Iran, un représentant de la banque Markazi explique ensuite que tout excédent résultant de ces
transactions est incorporé dans les réserves de ladite banque, que celle-ci place d’une manière
analogue à celle des autres banques centrales et qu’elle utilise «pour renforcer la confiance du marché
et réaliser l’objectif principal de la banque centrale, qui est la stabilité des prix»146 [traduction du
Greffe]. Ce représentant déclare encore que le type de titres en cause dans l’affaire en question fait
partie intégrante de la politique de placement des réserves de la banque Markazi, les revenus produits
par ces placements étant incorporés aux réserves de la banque et utilisés «uniquement à des fins de
banque centrale», parmi lesquelles «la bonne conduite de la politique monétaire en vue de réaliser
les objectifs économiques nationaux»147. Peu importe par conséquent que la loi iranienne assujettisse
ou non ces transactions à l’impôt sur le revenu, puisque la banque Markazi a expressément déclaré
qu’elles doivent servir ses buts et objectifs en tant que banque centrale. Aucun impôt sur le revenu
prévu par la loi iranienne ne saurait modifier le caractère fondamentalement régalien des activités de
la banque Markazi.
i) Les activités spécifiques en cause dans la présente affaire concernent
l’exercice de fonctions souveraines par la banque Markazi
5.11. Passant ensuite aux activités spécifiques de la banque Markazi en cause dans la présente
affaire, l’Iran ne parvient pas à démontrer que les activités de ladite banque aux Etats-Unis au
moment où les mesures américaines ont été adoptées étaient différentes des fonctions souveraines
qui lui ont été attribuées par la loi monétaire et bancaire de 1972. Selon lui, la seule activité aux
Etats-Unis qui soit en cause en l’espèce est l’achat par la banque Markazi de 22 titres de créance
consistant en droits sur des obligations dématérialisées émises par des gouvernements étrangers et
des organisations intergouvernementales148. Dans sa réplique, l’Iran ne tente pas de lier ces activités
de placement aux pouvoirs que la loi monétaire et bancaire de 1972 a conférés à ladite banque, mais,
en l’affaire Peterson, celle-ci a expressément déclaré qu’elle se servait de ces actifs «pour placer
[s]es réserves en devises …, ce qui est un but classique pour une banque centrale»149, et que, comme
les autres banques centrales, elle «dét[enai]t des réserves de change destinées à lui permettre de
mettre en oeuvre des politiques monétaires, notamment en vue du maintien de la stabilité des prix»150.
5.12. L’Iran ne conteste pas que les transactions en cause ici aient été effectuées par la banque
Markazi dans le but de placer ses réserves en devises. Il ne conteste pas non plus que la gestion par
ladite banque de ses réserves en devises visait à faciliter l’exécution de ses politiques monétaires. En
réalité, il ne conteste pas même que la gestion des réserves en devises par une banque centrale soit
une fonction régalienne. On ne s’en étonnera pas, puisqu’il est largement reconnu que les réserves
en devises et la gestion de ces réserves par une banque centrale ont un caractère régalien151.
145 Réplique de l’Iran, par. 3.21 (citant la déclaration sous serment d’Ali Asghar Massoumi, par. 10, Peterson
v. Islamic Republic of Iran, document 815, no 1:10-Civ.-4518-KBF (district sud de l’Etat de New York, 31 août 2017)
(annexe A02 des exceptions préliminaires) (ci-après la «déclaration sous serment de M. Massoumi»)). La suite du passage
de cette déclaration cité par l’Iran note que ces opérations sont également effectuées pour «stabiliser le taux de change dans
le cadre du régime iranien de taux de change flottant contrôlé».
146 Déclaration sous serment de M. Massoumi, par. 11.
147 Ibid., par. 29.
148 Réplique de l’Iran, par. 3.25.
149 Mémoire de la banque Markazi (défenderesse-appelante), 35-36, Peterson v. Islamic Republic of Iran,
no 13-2952 (deuxième circuit, 19 novembre 2013) (exceptions préliminaires, annexe 233).
150 Requête en ordonnance d’autorisation de recours extraordinaire [petition for a writ of certiorari] 7-8, Bank
Markazi v. Peterson, no 14-770 (29 décembre 2014) (annexe 117) ; voir aussi contre-mémoire, chapitre 9.C.
151 Voir les sources citées aux notes 166 et suiv.
37
38
- 34 -
ii) Le caractère régalien des activités de la banque Markazi en cause
dans la présente espèce est le facteur décisif permettant d’établir
que cette banque n’est pas une «société» au sens du traité
5.13. Puisqu’il ne lui est guère possible de prétendre que la banque Markazi effectuait ses
transactions à un autre titre que dans l’exercice de ses fonctions souveraines, l’Iran soutient
maintenant que le fait que cette banque exerçait des fonctions souveraines n’a tout simplement
aucune importance pour ce qui est de déterminer si elle est une société au sens du traité. Il déclare
que, du moment que la transaction considérée peut être qualifiée de commerciale, le fait que la
banque Markazi ait exercé une fonction souveraine dans le cadre de cette transaction ne doit pas
entrer en ligne de compte152. Or, cette tentative de requalifier les activités de ladite banque en activités
commerciales plutôt que souveraines n’est ni compatible avec l’arrêt de la Cour sur les exceptions
préliminaires, ni étayée par le seul autre précédent que l’Iran cite à l’appui de sa position.
5.14. L’Iran fait erreur lorsqu’il prétend, comme il l’a fait au stade des exceptions
préliminaires, que la qualité de «société» au sens du traité de la banque Markazi peut être établie
indépendamment de la question de savoir si cette banque exerce ou non des fonctions souveraines.
La Cour a rejeté cet argument dans son arrêt sur les exceptions préliminaires153, où elle a fait observer
que, «[s]elon l’Iran, qu’une entité exerce des fonctions de caractère régalien, c’est-à-dire de
souveraineté ou de puissance publique, …, est sans pertinence quant à sa qualification de
«société»»154. La Cour s’est inscrite en faux contre une analyse qui ne tenait pas compte des fonctions
exercées par l’entité. Elle a expressément relevé qu’une entité ne saurait être considérée comme une
«société» au sens du traité dans la mesure où ladite entité exercerait des activités de souveraineté
liées à une fonction régalienne155. Ainsi, contrairement à ce qu’affirme l’Iran, la Cour a
spécifiquement approuvé l’idée d’examiner la fonction d’une entité pour établir si cette entité peut
être qualifiée de «société» au sens du traité.
5.15. L’Iran se méprend également sur la raison pour laquelle la Cour a renvoyé au fond la
question du statut de la banque Markazi. Cette raison n’est pas, comme il le prétend, que la Cour
n’était pas d’accord avec la thèse des Etats-Unis selon laquelle les fonctions souveraines de ladite
banque étaient pertinentes pour l’examen de la question156. En réalité, elle tient au fait que la Cour a
rejeté l’argument de l’Iran selon lequel la nature des activités de la banque était sans pertinence pour
l’examen de la question. En rejetant cet argument, la Cour a relevé que l’Iran «ne s’[était] guère
employé à démontrer que la banque Markazi exer[çait], à côté de fonctions souveraines qu’il
admet[ait], des activités de nature commerciale»157. Elle lui a donc donné une occasion
supplémentaire de démontrer que cette banque exerçait des activités de nature commerciale aux
Etats-Unis à l’époque pertinente.
5.16. Une fois de plus, l’Iran ne s’est guère employé à démontrer que la banque Markazi, outre
ses fonctions souveraines, exerçait des activités de nature commerciale aux Etats-Unis. Il a préféré
ressusciter et réviser son argument antérieur selon lequel il conviendrait de distinguer entre les
fonctions souveraines de la banque Markazi, qu’il semble admettre, et les actes spécifiques
qu’accomplit cette banque dans l’exercice de ces fonctions. Mais cette distinction ne trouve aucun
152 Réplique de l’Iran, par. 3.6.
153 Arrêt sur les exceptions préliminaires, par. 90.
154 Ibid.
155 Ibid., par. 91.
156 Réplique de l’Iran, par. 3.8.
157 Arrêt sur les exceptions préliminaires, par. 94.
39
- 35 -
appui crédible dans l’arrêt sur les exceptions préliminaires, qui montre que la Cour considère que les
fonctions d’une entité sont étroitement liées à ses activités. C’est en vain que l’Iran cite la phrase
suivante de l’arrêt : «rien ne permet d’exclure a priori qu’une même entité exerce à la fois des
activités de nature commerciale (ou, plus largement, des activités d’affaires) et des activités
souveraines»158. Les Etats-Unis réaffirment ici leur accord avec l’idée qu’une banque centrale peut
être autorisée à entreprendre des activités qui débordent le cadre de ses fonctions souveraines, comme
apporter une aide à des sociétés privées dans leurs activités d’affaires, et que ces activités
supplémentaires peuvent être de nature commerciale159. Dans la phrase de l’arrêt citée par l’Iran, la
Cour évoque clairement deux activités distinctes : «à la fois» des activités commerciales «et» des
activités souveraines. Elle n’évoque pas, comme semble l’affirmer l’Iran, une activité unique dans
laquelle elle ferait une distinction entre la nature et la fonction de ladite activité160. Et les activités de
la banque Markazi en cause ici concernent son activité souveraine de gestion des réserves en devises
et ne constituent pas un ensemble d’activités distinctes qui seraient exercées en sus des activités
menées par cette banque dans l’exercice de ses fonctions de banque centrale.
5.17. L’Iran poursuit en alléguant que les activités qui ne supposent pas l’exercice de
prérogatives de puissance publique ne sont pas des activités «souveraines». Loin de servir sa thèse
selon laquelle la banque Markazi devrait être qualifiée de «société» au sens du traité, cette déclaration
met à mal les tentatives iraniennes visant à établir une distinction entre fonctions et activités dans le
contexte des activités fondamentales de banque centrale. L’Iran invoque une unique sentence de
tribunal arbitral à l’appui de cette distinction entre la nature et le but des activités de banques
contrôlées par l’Etat161. Or, les faits de l’affaire en question ne confortent guère sa position. En réalité,
cette sentence oppose utilement le type d’activité commerciale qu’une banque détenue ou contrôlée
par l’Etat pourrait être amenée à exercer aux activités fondamentales qu’une banque centrale mène
dans l’exercice de ses prérogatives souveraines.
5.18. Cette affaire portait sur la question de savoir si la Ceskoslovenska Obchodni Banka, A.S.
(ci-après la «CSOB») pouvait être qualifiée de «ressortissante d’un autre Etat contractant» aux fins
du mécanisme de règlement des différends prévu au paragraphe 1) de l’article 25 de la convention
pour le règlement des différends relatifs aux investissements entre Etats et ressortissants d’autres
Etats (ci-après la «convention CIRDI»). Le tribunal arbitral a adopté le critère suivant en ce qui
concerne cette convention : «une société appartenant à un Etat ne devrait pas perdre sa qualité de
«ressortissante d’un autre Etat contractant», sauf si elle agit en qualité d’agent de cet Etat ou exerce
158 Réplique de l’Iran, par. 3.9 (citant le paragraphe 92 de l’arrêt sur les exceptions préliminaires).
159 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 9.16.
160 L’Iran fait également erreur lorsqu’il renvoie aux audiences en l’affaire des Plates-formes pétrolières, lors
desquelles les Etats-Unis ont fait valoir que, quelles que soient leurs fonctions normales, les plates-formes pétrolières de
ladite affaire étaient utilisées pour diriger des attaques armées contre des navires dans le Golfe (réplique de l’Iran, note 296).
Cet exemple illustre simplement, dans un contexte différent, le point soulevé par la Cour, et admis par les Etats-Unis, selon
lequel les banques centrales peuvent mener des activités qui débordent le cadre de leurs fonctions souveraines normales de
banques centrales. Il n’est toutefois d’aucun secours à l’Iran dans sa tentative d’établir une distinction entre fonction et
activité lorsque l’activité en cause est menée dans l’exercice d’une fonction souveraine.
161 Réplique de l’Iran, par. 3.11. L’Iran consacre aussi un assez long développement à la définition de l’activité
commerciale dans la loi américaine sur l’immunité des Etats étrangers (Foreign Sovereign Immunities Act, ci-après la
«FSIA»), et à la jurisprudence interprétant cette définition, avant de conclure que ni le code des Etats-Unis ni la
jurisprudence fédérale relative à l’immunité des Etats ne s’appliquent à la présente procédure. Ibid. par. 3.12-3.13. Les
Etats-Unis conviennent que la définition statutaire de la FSIA ne s’applique pas pour déterminer si la banque Markazi peut
être qualifiée de «société» au sens du traité et notent que la Cour n’a pas fait de distinction entre l’objet et la nature d’une
activité dans son arrêt sur les exceptions préliminaires.
40
- 36 -
une fonction essentiellement étatique»162 [traduction du Greffe]. Il a ensuite appliqué ce critère à
deux séries distinctes d’activités de la CSOB, toutes deux sensiblement différentes de la gestion des
réserves en devises en cause dans la présente affaire.
5.19. Premièrement, le tribunal a examiné le rôle joué par la CSOB dans «la facilitation ou
l’exécution des transactions bancaires internationales et des opérations commerciales à l’étranger
que l’Etat souhaitait promouvoir» [traduction du Greffe]. En particulier, la CSOB avait mené des
activités de crédit, qui étaient conduites par l’Etat à l’époque où le pays avait une économie dirigée.
Le tribunal a conclu que le simple fait qu’elles fussent conduites par l’Etat n’avait pas fait perdre
leur nature commerciale à ces activités de crédit163. Les Etats-Unis souscrivent à cette conclusion :
les activités de prêt à des parties privées menées par une banque contrôlée par l’Etat ne sauraient
devenir souveraines par nature du simple fait qu’elles sont conduites par un Etat dans une économie
dirigée. Ce type d’activités est essentiellement différent des fonctions fondamentales d’une banque
centrale, lesquelles sont la définition de la politique monétaire et la gestion des réserves monétaires
de l’Etat. L’octroi de prêts à des entités commerciales est le type d’activité supplémentaire, très
différent des fonctions souveraines fondamentales d’une banque centrale en cause dans la présente
affaire, qui pourrait être considéré comme une activité de nature commerciale au sens de l’arrêt de
la Cour sur les exceptions préliminaires.
5.20. Deuxièmement, le tribunal a relevé que, depuis le début des années 1990,
«la CSOB a[vait] pris diverses dispositions qui devaient lui permettre de se défaire
progressivement de sa dépendance économique exclusive à l’égard de l’Etat et
d’adopter les mesures voulues pour fonctionner comme une banque commerciale
indépendante dans son nouvel environnement économique» [traduction du Greffe],
et que, dans le cadre de cette transition, elle s’était employée à renforcer son bilan164. En ce qui
concerne les activités en cause dans l’affaire Ceskoslovenska Obchodni Banka, le tribunal arbitral a
estimé que «les mesures prises par la CSOB pour consolider sa position financière afin d’attirer des
capitaux privés pour ses opérations bancaires ainsi restructurées ne diffèrent pas dans leur nature des
mesures qu’une banque privée pourrait prendre pour renforcer sa position financière» [traduction du
Greffe], même si les gouvernements en cause avaient un intérêt dans la CSOB et dans sa survie au
sein d’une économie de marché165. Là encore, les Etats-Unis ne contestent nullement la conclusion
du tribunal selon laquelle c’est à bon droit que les activités de ce type sont réputées commerciales,
et ils font observer que les activités en cause dans l’affaire Ceskoslovenska Obchodni Banka n’ont
rien à voir avec la gestion de réserves en devises par la banque Markazi.
5.21. Si la sentence arbitrale citée par l’Iran portait sur des activités bien différentes de celles
de la banque Markazi en la présente espèce, il est cependant une autre sentence arbitrale qui répond
plus directement à la question de savoir si les activités exercées par une banque centrale dans le cadre
de sa gestion des réserves en devises peuvent néanmoins être considérées comme des activités
commerciales. En l’affaire Sergei Paushok, CJSC Golden East Company and CJSC Vostokneftegaz
Company v. The Government of Mongolia, le tribunal arbitral s’est demandé si les activités exercées
par la banque centrale de Mongolie, MongolBank, dans le cadre de sa gestion des réserves en devises
162 Ceskoslovenska Obchodni Banka, A.S. v. The Slovak Republic, CIRDI, affaire no ARB/97/4, décision du tribunal
sur les exceptions d’incompétence, par. 17 (24 mai 1999) (citant Aron Broches, «The Convention on the Settlement of
Investment Disputes between States and Nationals of Other States», Recueil des cours de l’Académie de droit international
de La Haye, vol. 135, p. 331, 354-355 (1972)) (annexe 290).
163 Ibid., par. 20-21 (annexe 290).
164 Ibid., par. 21 (annexe 290).
165 Ibid., par. 25 (annexe 290).
41
- 37 -
pouvaient être attribuées à l’Etat166. Il a relevé que les prérogatives de banque centrale de
MongolBank lui permettaient de jouer un rôle que seul un Etat pouvait jouer, l’une de ces
prérogatives étant la détention et la gestion des réserves en devises de l’Etat167. La Mongolie a avancé
un argument très semblable à celui de l’Iran dans la présente espèce, soutenant que l’activité
spécifique de MongolBank qui consistait à exporter et affiner de l’or et à en déposer la valeur sur un
compte était une «transaction purement commerciale», tout en reconnaissant que MongolBank
exerçait des fonctions de gestion des réserves nationales en devises168. Le tribunal a rejeté l’argument
de la Mongolie et «conclu sans aucune hésitation que MongolBank a[vait] agi de jure imperii» en
exerçant les activités en question dans le but d’augmenter les réserves nationales169. Bien que les
activités spécifiques envisagées dans cette affaire — à savoir des transactions portant sur de l’or
confié en dépôt à la banque —appartinssent assurément au type d’activité que des sociétés privées
pouvaient exercer, le tribunal a estimé que les actes accomplis par MongolBank n’en restaient pas
moins des acta jure imperii, car ils avaient été accomplis dans l’exercice des prérogatives souveraines
spécifiques de cette banque.
5.22. Des juridictions nationales ont elles aussi jugé qu’une banque centrale exerçait une
activité souveraine lorsqu’elle gérait des réserves en devises et s’acquittait d’autres missions
fondamentales de banque centrale. A titre d’exemple, un tribunal britannique a statué qu’il ne
suffisait pas que la banque nationale du Kazakhstan eût placé dans des titres détenus par une tierce
partie des fonds qui faisaient partie du fonds national du Kazakhstan pour que ces fonds fussent
réputés avoir été employés à des fins commerciales170. Répondant à l’argument selon lequel les
activités de courtage en cause dans cette affaire étaient manifestement des transactions financières
ayant pour but de réaliser des profits et ne pouvaient donc pas être des transactions effectuées «dans
le cadre de l’exercice de l’autorité souveraine», le juge a déclaré que ces transactions devaient être
replacées dans leur contexte : elles portaient sur des actifs faisant partie du fonds national et
relevaient donc de l’exercice général par le Kazakhstan de son autorité souveraine171. Les tribunaux
d’autres juridictions ont admis d’une manière similaire le caractère souverain qui s’attache à une
banque centrale administrant des réserves en devises et exerçant d’autres activités traditionnelles de
banque centrale172.
166 Sergei Paushok, CJSC Golden East Company and CJSC Vostokneftegaz Company v. The Government of
Mongolia, CNUDCI, sentence sur la compétence et la responsabilité, par. 574 et suiv. (28 avril 2011) (annexe 291).
167 Ibid., par. 582 (annexe 291).
168 Ibid., par. 587 (annexe 291).
169 Ibid., par. 592 (annexe 291).
170 AIG Capital Partners v. Kazakhstan, [2005] England and Wales High Court (Commercial Court) 2239, par. 92
(annexe 292).
171 Ibid. On notera que la banque nationale du Kazakhstan touchait une commission du gouvernement de ce pays
sur ses opérations de placement et que ce fait n’a pas modifié l’analyse du juge, qui a fait observer qu’«il [fallait] bien faire
travailler les avoirs pour obtenir des revenus qui [étaient] ensuite réinvestis dans le fonds national, et ce, pour faciliter des
actions de souveraineté».
172 NV Exploitatie-Maatschappij Bengkalis v. Bank Indonesia, International Law Reports, vol. 65, p. 348 (Pays-
Bas, cour d’appel d’Amsterdam, 1963) (annexe 293) (où la cour d’appel a conclu que la banque centrale d’Indonésie
exerçait une fonction spécifiquement souveraine lorsqu’elle gérait la position monétaire de ce pays) ; Blagojevic v. Bank
of Japan, International Law Reports, vol. 65, p. 63, France, Cour de cassation, 1976 (annexe 294) (où la Cour de cassation
conclut que la banque du Japon exerçait une activité souveraine dans l’exercice de ses prérogatives en matière de contrôle
des changes).
42
- 38 -
SECTION C
OBSERVATIONS FINALES
5.23. Dans son arrêt sur les exceptions préliminaires, la Cour a donné à l’Iran une deuxième
occasion de «démontrer que la banque Markazi exer[çait], à côté de fonctions souveraines qu’il
admet[tait], des activités de nature commerciale»173. Le demandeur n’a pas réussi à démontrer que
tel était le cas. Les éléments factuels de l’affaire restent essentiellement les mêmes qu’au stade des
exceptions préliminaires. Cela confirme ce que les Etats-Unis ont affirmé tout au long de l’instance,
et ce que la banque Markazi elle-même a déclaré à maintes reprises devant les juridictions
américaines, à savoir que, s’agissant de ses activités aux Etats-Unis à l’époque des mesures
américaines en cause dans la présente espèce, ladite banque agissait uniquement dans le but
d’accomplir «la mission classique d’une banque centrale qui [étai]t de placer [ses] réserves en
devises»174 [traduction du Greffe]. La banque Markazi n’est donc pas une «société» au sens du traité
d’amitié, et les demandes formées par l’Iran au titre des articles III, IV et V de cet instrument doivent
être rejetées dans la mesure où elles sont liées au traitement réservé à la banque Markazi. Ce rejet
inclut nécessairement toutes les demandes se rapportant aux affaires Peterson I et Peterson II, qui
concernent l’une et l’autre les actifs de la banque Markazi, y compris les demandes liées aux mesures
législatives appliquées dans ces procédures.
173 Arrêt sur les exceptions préliminaires, par. 94.
174 Mémoire de la banque Markazi (défenderesse-appelante), 35-36, Peterson v. Islamic Republic of Iran,
no 13-2952 (deuxième circuit, 19 novembre 2013) (exceptions préliminaires, annexe 233).
43
- 39 -
CHAPITRE 6
LES SOCIÉTÉS AU BÉNÉFICE DESQUELLES L’IRAN A FORMÉ SES DEMANDES
N’ONT PAS ÉPUISÉ LES RECOURS INTERNES
SECTION A
L’ÉPUISEMENT DES RECOURS INTERNES EST REQUIS EN L’ESPÈCE
6.1. Dans sa réplique, l’Iran soutient que ses demandes «sont des demandes d’Etat à Etat
concernant des manquements par les Etats-Unis à des obligations qui lui sont dues directement au
titre du traité d’amitié» et que ses «droits … relatifs au traitement devant être accordé à l’Etat iranien
existent parallèlement à ses droits relatifs au traitement devant être accordé à ses sociétés et à ses
ressortissants en vertu du traité»175. C’est pourquoi, affirme-t-il, il ne s’agit pas ici d’une affaire de
protection diplomatique nécessitant l’épuisement des recours internes176. Et même si l’épuisement
des recours internes était requis, affirme encore l’Iran, les société iraniennes seraient dispensées de
cette condition en raison de «l’absence de toute possibilité raisonnable de recours effectif» devant
les juridictions américaines177.
6.2. L’Iran fait erreur sur les deux points. Comme on le verra ci-après, les preuves montrent
que le prétendu préjudice subi par les sociétés iraniennes du fait de prétendues violations du traité
d’amitié par les Etats-Unis constitue l’élément central de ses demandes. Les assertions de l’Iran
faisant état d’un préjudice qu’il aurait subi sont vagues et non étayées. A cela s’ajoute que le
demandeur n’a prouvé ni qu’aucun recours devant les juridictions américaines n’était disponible ni
que les recours disponibles n’offraient aucune possibilité d’obtenir une réparation efficace.
6.3. Pour ces raisons, la Cour devrait juger que la règle de l’épuisement des recours internes
s’applique en l’espèce et que, hormis dans trois affaires, lesdits recours ne sont pas encore épuisés.
i) Les éléments indirects des demandes de l’Iran sont prépondérants
6.4. L’Iran affirme que la règle de l’épuisement des recours internes ne s’applique pas, au
motif que sa demande «ne concerne … que la situation de l’Iran et les protections auxquelles celuici
a droit, de même que les sociétés iraniennes, en vertu du traité d’amitié de 1955»178. Il va de soi
que les Etats-Unis ne contestent pas la règle bien établie de droit international coutumier selon
laquelle il n’est pas nécessaire d’épuiser les recours internes dans les affaires fondées sur un préjudice
direct causé à l’Etat lui-même. Dans la présente espèce, cependant, l’Iran affirme avoir subi à la fois
un préjudice direct qui l’aurait atteint lui-même et un préjudice indirect qui l’aurait atteint à travers
ses ressortissants. La Commission du droit international a fait observer que, dans le cas d’une
réclamation «mixte» comme celle-ci, «il incombe au tribunal d’en examiner les différents éléments
pour décider si c’est l’élément direct ou l’élément indirect qui est prépondérant» et par conséquent
s’il faut que les recours internes soient épuisés179. Les principaux facteurs à prendre en considération
175 Réplique de l’Iran, par. 9.3.
176 Ibid.
177 Ibid., par. 9.5.
178 Ibid., par. 9.19.
179 Nations Unies, Commission du droit international, projet d’articles sur la protection diplomatique et
commentaires y relatifs, commentaire 11 de l’article 14, doc. A/CN.4/SER.A/2006/Add.1 (Part 2) (2006) (annexe 125)
[ci-après «le projet d’articles de la CDI»]. Ce commentaire mentionne aussi le critère voisin de la condition sine qua non,
ou «en l’absence de», qui pose la question de savoir si la réclamation «mixte» aurait été introduite sans la demande pour le
compte du national lésé. Il relève également qu’il n’y a pas grand-chose qui distingue le critère de la prépondérance du
critère «en l’absence de».
44
45
- 40 -
pour ce faire sont «l’objet du différend, la nature de la réclamation et la réparation demandée»180.
Les recours internes doivent être épuisés même lorsqu’un Etat présente une demande de jugement
déclaratif reposant de façon prépondérante sur un préjudice causé à ses ressortissants181.
6.5. Un simple examen des éléments de preuve en l’espèce montre clairement que la
réclamation de l’Iran est fondée de façon prépondérante sur les prétendus préjudices subis par ses
ressortissants. Premièrement, l’Iran a soutenu dans son mémoire que la Cour devrait interpréter
certains articles du traité d’amitié «à la lumière des règles pertinentes de droit international coutumier
relatives aux immunités auxquelles ont droit les Etats, banques centrales et autres sociétés détenues
par l’Etat dans le cadre de procédures civiles»182. Cependant, après avoir étudié de près les
dispositions pertinentes du traité d’amitié concernant le contexte, l’objet et le but de celuici
— encourager les activités économiques entre les parties —, la Cour a conclu, dans son arrêt sur
les exceptions préliminaires, qu’elle n’avait pas compétence pour examiner les demandes de l’Iran
concernant des violations alléguées des règles de droit international en matière d’immunités
souveraines183.
6.6. En conséquence, la Cour ayant ainsi exclu toutes les demandes fondées sur les protections
accordées par les immunités souveraines, l’objet principal et la nature de ce qui subsiste des
demandes présentées par l’Iran au titre du traité concernent le prétendu préjudice subi par des sociétés
iraniennes, dont cet Etat demande réparation sous forme pécuniaire. C’est là un parfait exemple de
demande indirecte. Dans sa réplique, l’Iran s’est efforcé de reformuler ses arguments de façon à
mettre davantage l’accent sur le préjudice qu’il aurait subi lui-même, ce qui constitue une tentative
à peine déguisée de se dérober à l’obligation d’épuiser les recours internes. Or, non seulement son
invocation d’un «préjudice «immatériel» ou «moral»»184 est vague, mais encore elle ne s’appuie sur
aucune disposition du traité. De plus, l’Iran s’est abstenu de décrire avec l’exactitude voulue la façon
dont il a été lésé et n’a produit aucune preuve dudit préjudice.
6.7. Deuxièmement, l’un des piliers majeurs de l’argumentation de l’Iran est le «statut juridique
distinct» des sociétés iraniennes visées par les juridictions américaines, statut qu’il a souligné tout au
long de ses écritures et plaidoiries. L’Iran tire grief de ce que les actifs de la banque Melli, société
appartenant à l’Etat, aient été saisis «bien qu’»elle n’ait été défenderesse dans aucune des affaires
concernées185 et il prie la Cour de conclure que les Etats-Unis ont manqué à diverses obligations que
leur impose le traité envers des sociétés iraniennes spécifiques et leurs biens186. De surcroît, il allègue
que ses demandes «ne se limitent nullement à une société ou à un incident donné»187. Ce qui ressort
clairement de l’argumentation de l’Iran, c’est que ce sont des biens appartenant à des sociétés
iraniennes — et non des biens appartenant à l’Etat — qui ont été saisis. C’est le prétendu préjudice
causé à ces sociétés qui «colore et imprègne»188 la demande de l’Iran tout entière.
180 Commentaire 12 de l’article 14 du projet d’articles de la CDI (annexe 125).
181 Ibid., commentaire 13 (annexe 125).
182 Mémoire, par. 3.20.
183 Arrêt sur les exceptions préliminaires, par. 80.
184 Réplique de l’Iran, par. 9.26.
185 Ibid., par. 9.7.
186 Ibid., par. 9.30, où l’Iran cite les conclusions formulées au paragraphe 33 de sa requête, et pièce jointe 2.
187 Ibid., par. 9.30.
188 Elettronica Sicula S.p.A. (ELSI) (Etats-Unis d’Amérique c. Italie), arrêt, C.I.J. Recueil 1989, par. 52.
46
- 41 -
6.8. L’Iran a montré une réticence marquée à contester les demandes présentées contre lui
devant les juridictions américaines. Il s’est régulièrement abstenu de comparaître dans les procès en
responsabilité, ce qui a conduit ces juridictions à prononcer de nombreux jugements par défaut, et
les sociétés iraniennes n’ont comparu que lorsque leurs actifs étaient menacés de saisie dans des
procédures d’exécution. Ce n’est qu’après que les biens de quelques sociétés iraniennes eurent été
saisis en exécution de jugements prononcés contre l’Iran que celui-ci a introduit la présente instance
devant la Cour. Cela est un signe manifeste que ce n’est pas le préjudice subi directement par l’Iran
qui se trouve au coeur de la réclamation iranienne, mais le préjudice subi par des sociétés iraniennes
spécifiques. Puisque tel est le cas, la règle de l’épuisement des recours internes s’applique.
ii) La présente espèce est différente des affaires Avena et Ukraine c. Fédération de Russie
6.9. L’Iran cite les affaires Avena et Ukraine c. Fédération de Russie189 à l’appui de sa thèse
selon laquelle la présente espèce appartiendrait «à la catégorie de demandes dans lesquelles des
préjudices interdépendants sont causés à un Etat et à des entreprises ressortissantes de cet Etat»190.
Or, ces deux affaires concernent des traités multilatéraux qui créent des obligations en matière
consulaire et de droits de l’homme fort différentes des obligations bilatérales en matière de relations
économiques prévues par le traité d’amitié qui sont en cause en l’espèce.
a) Contrairement aux droits du Mexique en l’affaire Avena, les demandes de l’Iran
n’impliquent pas de «droits interdépendants»
6.10. En l’affaire Avena, le Mexique soutenait que les Etats-Unis avaient violé les obligations
qui leur incombaient envers lui au titre du paragraphe 1 de l’article 36 de la convention de Vienne
sur les relations consulaires parce qu’ils ne lui avaient pas notifié l’arrestation et la détention sur leur
territoire de ressortissants mexicains, ce qui l’avait empêché d’exercer son droit de communiquer
avec ceux-ci par l’entremise de ses autorités consulaires191. La Cour a tout d’abord confirmé
l’obligation d’épuisement des recours internes en relevant que chaque ressortissant mexicain devait
en premier lieu chercher la réalisation des droits individuels qu’il tirait de 1’alinéa b) du paragraphe 1
de l’article 36 de la convention dans le cadre du système juridique interne des Etats-Unis et jusqu’à
épuisement des voies de recours, avant que le Mexique ne pût faire siennes ses demandes
189 Voir Avena et autres ressortissants mexicains (Mexique c. Etats-Unis d’Amérique), arrêt,
C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 12 ; et Application de la convention internationale pour la répression du financement du
terrorisme et de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Ukraine c.
Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J Recueil 2019 (II).
190 Réplique de l’Iran, par. 9.21.
191 Le paragraphe 1 de l’article 36 se lit comme suit :
«Afin que l’exercice des fonctions consulaires relatives aux ressortissants de l’Etat d’envoi soit
facilité : a) les fonctionnaires consulaires doivent avoir la liberté de communiquer avec les ressortissants
de l’Etat d’envoi et de se rendre auprès d’eux. Les ressortissants de l’Etat d’envoi doivent avoir la même
liberté de communiquer avec les fonctionnaires consulaires et de se rendre auprès d’eux ; b) si l’intéressé
en fait la demande, les autorités compétentes de l’Etat de résidence doivent avertir sans retard le poste
consulaire de l’Etat d’envoi lorsque, dans sa circonscription consulaire, un ressortissant de cet Etat est
arrêté, incarcéré ou mis en état de détention préventive ou toute autre forme de détention. Toute
communication adressée au poste consulaire par la personne arrêtée, incarcérée ou mise en état de détention
préventive ou toute autre forme de détention doit également être transmise sans retard par lesdites autorités.
Celles-ci doivent sans retard informer l’intéressé de ses droits aux termes du présent alinéa ; c) les
fonctionnaires consulaires ont le droit de se rendre auprès d’un ressortissant de l’Etat d’envoi qui est
incarcéré, en état de détention préventive ou toute autre forme de détention, de s’entretenir et de
correspondre avec lui et de pourvoir à sa représentation en justice. Ils ont également le droit de se rendre
auprès d’un ressortissant de l’Etat d’envoi qui, dans leur circonscription, est incarcéré ou détenu en
exécution d’un jugement. Néanmoins, les fonctionnaires consulaires doivent s’abstenir d’intervenir en
faveur d’un ressortissant incarcéré ou mis en état de détention préventive ou toute autre forme de détention
lorsque l’intéressé s’y oppose expressément.»
47
- 42 -
individuelles192. La Cour est ensuite passée aux demandes de celui-ci relatives aux préjudices qu’il
prétendait avoir subis directement du fait des violations par les Etats-Unis de leurs obligations envers
lui. Reprenant la qualification de «régime dont les divers éléments sont interdépendants» qu’elle
avait attribuée aux trois alinéas du paragraphe 1 de l’article 36 dans son arrêt en l’affaire LaGrand,
la Cour a déclaré que le fait que les Etats-Unis n’avaient pas respecté leur obligation de notification,
visée à l’alinéa b) du paragraphe 1 de l’article 36, avait empêché le Mexique d’exercer ses droits, en
vertu des alinéas a) et c) du paragraphe 1 du même article, de communiquer avec ses ressortissants,
de se rendre auprès d’eux et de prendre des dispositions pour leur représentation en justice193. En
effet, le Mexique ne pouvait réaliser son droit d’exercer les fonctions consulaires d’assistance et de
protection de ses ressortissants que si les Etats-Unis avaient satisfait à leur obligation de l’avertir
sans retard de l’arrestation ou de la détention de ressortissants mexicains.
6.11. En revanche, les articles III, IV et V du traité d’amitié ne concernent que les protections
qui doivent être accordées aux ressortissants et aux sociétés des parties. Ils ne confèrent en aucune
manière des protections aux parties elles-mêmes, en conséquence de quoi il n’existe aucune
interdépendance des droits des parties et des droits de leurs ressortissants et sociétés. Les prétendus
manquements des Etats-Unis à leur obligation de se conformer à ces articles ainsi qu’aux articles VII
et X du traité n’empêchaient nullement l’Iran d’exercer ses droits propres. Il n’y a rien de commun
entre les «circonstances toutes particulières d’interdépendance des droits de 1’Etat et des droits
individuels» en vertu de la convention de Vienne194 que la Cour a décrites en l’affaire Avena et les
demandes que l’Iran a présentées au titre du traité d’amitié en l’espèce.
b) Les demandes de l’Iran sont fondées sur des préjudices qui auraient été causés à des entités
iraniennes spécifiques, et non sur un comportement systématique dirigé contre des groupes
ethniques tout entiers comme dans l’affaire Ukraine c. Fédération de Russie
6.12. Contrairement aux demandes iraniennes, qui reposent sur un traité d’amitié visant les
relations économiques, les demandes de l’Ukraine sont fondées sur des manquements allégués de la
Russie aux obligations que lui impose un traité relatif aux droits de l’homme, à savoir la convention
internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (CIEDR)195. A la
différence du traité d’amitié, qui se rapporte aux protections que les ressortissants d’un Etat se verront
accorder dans l’autre Etat, la CIEDR engage ses Etats parties à agir en vue d’éliminer toutes les
formes de discrimination raciale et de protéger les droits de l’homme, les libertés fondamentales et
l’égalité devant la loi sur leur propre territoire.
6.13. L’argumentation de l’Ukraine repose sur des manquements allégués de la Russie à
certaines dispositions de la CIEDR qui imposent à ses parties, entre autres obligations, de poursuivre
des politiques tendant à éliminer la discrimination raciale, de garantir l’égalité devant la loi et
d’assurer à toute personne soumise à leur juridiction des voies de recours effectives contre tous actes
de discrimination raciale196. Comme l’a précisé la Cour, l’Ukraine tirait grief de ce que, selon elle, la
Russie aurait mené une campagne soutenue de discrimination raciale contre les communautés
ukrainienne et tatare de Crimée, et avait produit des éléments attestant des cas individuels pour
192 Avena et autres ressortissants mexicains (Mexique c. Etats-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 2004 (I),
par. 40.
193 Ibid., par. 99, citant LaGrand (Allemagne c. Etats-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 2001, p. 492, par. 74.
194 Avena et autres ressortissants mexicains (Mexique c. Etats-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 2004 (I),
par. 40.
195 L’Ukraine a également présenté, en se réclamant de la convention internationale pour la répression du
financement du terrorisme, des demandes qui n’intéressent pas la présente espèce.
196 Voir en particulier les articles 2, 4, 5, 6 et 7 de la CIEDR.
48
- 43 -
illustrer le comportement qu’elle prêtait à la Russie197. La Cour a jugé que l’Ukraine ne prenait pas
fait et cause pour l’un ou l’autre de ses ressortissants, mais mettait directement en cause le
comportement systématique d’un autre Etat partie198. Elle en a conclu que la règle de l’épuisement
des voies de recours internes ne s’appliquait pas dans les circonstances de l’espèce199.
6.14. Dans la présente affaire, en revanche, l’Iran soutient que les Etats-Unis auraient violé le
traité d’amitié en ce qui concerne une liste spécifique de sociétés iraniennes citées comme
défenderesses dans un nombre restreint de procès conduits aux Etats-Unis200, ce qui est fort différent
des allégations de l’Ukraine dénonçant une campagne générale menée sans discrimination par la
Russie contre deux minorités ethniques en Crimée. Cette affaire n’est donc d’aucun secours à l’Iran
dans sa tentative de présenter ses demandes comme l’expression d’un préjudice direct envers lui,
dans le but de soustraire ses sociétés à l’obligation d’épuiser les recours internes.
iii) Conclusion
6.15. Pour toutes les raisons exposées ci-dessus, la Cour devrait conclure que les éléments
indirects des demandes de l’Iran sont prépondérants : ils concernent un prétendu préjudice subi par
des sociétés iraniennes et non un préjudice subi directement par l’Iran lui-même. Elle devrait par
conséquent rejeter les demandes de celui-ci fondées sur un préjudice qui aurait été causé à ses
ressortissants ou à ses sociétés chaque fois que les voies de recours internes n’ont pas été
complètement épuisées.
SECTION B
CHERCHER À ÉPUISER LES RECOURS INTERNES N’EST PAS UNE ENTREPRISE FUTILE
6.16. L’Iran exhorte la Cour à le dispenser de la règle de l’épuisement des voies de recours
internes sous prétexte de «l’absence de toute possibilité raisonnable de recours effectif auprès des
tribunaux nationaux [des Etats-Unis], que ce soit pour [lui-même] ou pour l’une quelconque des
sociétés lui appartenant»201. Or, le commentaire de l’article 15 du projet d’articles de la CDI place
manifestement très haut la barre des exceptions à cette règle :
«Il ne suffit pas que la personne lésée établisse que la probabilité d’obtenir gain
de cause est faible ou qu’il serait difficile ou coûteux d’interjeter appel. Il ne s’agit pas
de savoir si un résultat favorable est probable ou possible mais si l’ordre juridique
interne de l’Etat défendeur est raisonnablement en mesure d’offrir une réparation
efficace.»202
6.17. Le commentaire de l’article 15 donne comme exemples de circonstances justifiant une
exception à la règle de l’épuisement des voies de recours internes les affaires dans lesquelles il serait
197 Application de la convention internationale pour la répression du financement du terrorisme et de la convention
internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Ukraine c. Fédération de Russie), exceptions
préliminaires, arrêt, C.I.J Recueil 2019 (II), par. 130.
198 Ibid.
199 Ibid.
200 Voir la réplique de l’Iran, appendice 2.
201 Réplique de l’Iran, par. 9.5 et 9.8, avec citation de l’alinéa a) de l’article 15 du projet d’articles de la CDI sur la
protection diplomatique.
202 Article 15 du projet d’articles de la CDI sur la protection diplomatique, par. 4 du commentaire (annexe 295).
49
- 44 -
futile de chercher à épuiser ces recours parce que les tribunaux internes sont incompétents à l’égard
du différend considéré, parce que ces tribunaux ne peuvent pas connaître de la législation interne
justifiant les actes attaqués par l’étranger ou parce qu’une jurisprudence constante et bien établie est
défavorable à l’étranger203. Comme on le verra plus loin, l’Iran n’a nullement démontré que, pour
l’une ou l’autre des raisons susmentionnées, il serait futile de la part des sociétés iraniennes de
chercher à épuiser leurs recours internes aux Etats-Unis.
i) Des recours internes sont disponibles
6.18. L’Iran allègue que la banque Markazi et la banque Melli ont «tenté d’utiliser les recours
internes pour obtenir justice» et que leur expérience «confirme» qu’il n’existe ni pour lui-même ni
pour «l’une quelconque des sociétés lui appartenant» la moindre possibilité raisonnable de recours
effectif devant les juridictions américaines204. Trois vices rédhibitoires entachent cet argument.
Premièrement, l’Iran fait erreur en confondant la faculté qu’ont les sociétés iraniennes de défendre
leurs intérêts devant les juridictions américaines avec une garantie qu’elles y obtiendront gain de
cause. Ni le traité d’amitié ni le droit international en général ne prévoient une telle garantie. Comme
les Etats-Unis l’ont montré aux chapitres 13 et 14 de leur contre-mémoire et comme ils le
confirmeront aux chapitres 9 et 10 de la présente duplique, les sociétés iraniennes ont l’entière liberté
d’accès aux tribunaux américains prévue au paragraphe 2 de l’article III, et elles se sont vu accorder
le traitement juste et équitable prévu au paragraphe 1 de l’article IV. De plus, comme cela a été relevé
plus haut, la CDI a expliqué que les exceptions à la règle de l’épuisement des voies de recours
internes ne dépendaient pas du point de savoir s’il est «probable ou possible» qu’une société obtienne
gain de cause, mais seulement du point de savoir si les tribunaux sont «raisonnablement en mesure»
d’accorder une réparation. L’Iran n’a nullement démontré que les tribunaux américains n’étaient pas
en mesure d’accorder une réparation. D’ailleurs, dans certains cas, des sociétés ou des tierces parties
iraniennes sont parvenues à faire obstacle à des actions en justice de demandeurs qui voulaient saisir
des biens iraniens dans le cadre de procédures d’exécution de jugements rendus contre l’Iran205.
6.19. Deuxièmement, c’est par extrapolation à partir d’un tout petit nombre de procès que l’Iran
parvient à cette conclusion très générale qu’aucune société iranienne ne pourrait obtenir réparation
et que toutes les sociétés iraniennes devraient par conséquent être exemptées de la règle de
203 Ibid., par. 3 du commentaire de l’article 15 (annexe 295), avec mention d’affaires pertinentes. Y sont également
mentionnées des affaires dans lesquelles l’exception à la règle de l’épuisement a été retenue parce que les tribunaux internes
manquaient notoirement d’indépendance ou n’ouvraient pas à l’étranger un recours approprié et suffisant, ou encore parce
que l’Etat défendeur n’avait pas de système adéquat de protection judiciaire.
204 Réplique de l’Iran, par. 9.5.
205 Voir la section suivante et le chapitre 8.
50
- 45 -
l’épuisement des voies de recours internes206. C’est méconnaître le fait que, par exemple, l’article 502
de la loi de 2012 sur la réduction de la menace iranienne et les droits de l’homme en Syrie (codifiée
à l’article 8772 du titre 22 du code des Etats-Unis) s’applique aux seuls actifs de la banque Markazi ;
il ne concerne aucune autre entité iranienne207. A cela s’ajoute que cette disposition n’impose pas en
elle-même la remise de ces actifs, mais laisse aux tribunaux le soin de décider si une éventuelle
remise desdits actifs est appropriée208. Autrement dit, l’issue des procès contestant cette disposition
n’était pas prédéterminée209. Il en est de même des actions en saisie intentées en application de
l’article 201 de la loi de 2002 sur l’assurance contre les risques associés au terrorisme [Terrorism
Risk Insurance Act] (ci-après la «TRIA»), qui est une disposition complexe imposant aux tribunaux
d’examiner attentivement la question de savoir si les actifs visés jouissent de l’immunité de saisie ou
relèvent de l’une des exceptions à la saisie210.
6.20. Enfin, un nombre important d’affaires énumérées dans la pièce jointe 2 ont été
introduites bien avant le prononcé du jugement sur les affaires que cite l’Iran à l’appui de son
argument de la «futilité» des recours internes211. En ce qui concerne ces dernières affaires, la Cour
suprême des Etats-Unis a rendu son arrêt en l’affaire Bank Markazi v. Peterson le 20 avril 2016, a
débouté la banque Melli de sa requête en ordonnance d’autorisation de recours extraordinaire
[petition for a writ of certiorari] en l’affaire Bennett v. Iran le 30 mars 2020 et a débouté la même
banque Melli de sa requête en ordonnance d’autorisation de recours extraordinaire en l’affaire
Weinstein v. Iran le 25 juin 2012. Or, environ la moitié des affaires énumérées dans la pièce jointe 2
206 Les circonstances de l’espèce sont différentes de celles de l’affaire Ambiente v. Argentina, que l’Iran invoque à
l’appui de son assertion selon laquelle «une loi américaine spécifique ainsi qu’un arrêt de la Cour suprême ont rendu vains
les recours internes» (réplique de l’Iran, par. 9.12, qui cite Ambiente Ufficio S.p.A. v. Argentine Republic, CIRDI, affaire
no ARB/08/09, décision sur la compétence et la recevabilité, 8 février 2013) (annexe 296). Cette affaire concernait des
demandes introduites en application du traité bilatéral d’investissement Argentine-Italie par des détenteurs italiens
d’obligations émises par le Gouvernement argentin. Le tribunal a conclu qu’il était futile d’essayer d’épuiser les recours
internes, au motif qu’une loi argentine imposait aux tribunaux de rejeter toutes les demandes introduites par des détenteurs
d’obligations (tels que les demandeurs à l’instance visée) qui n’avaient pas accepté une offre antérieure d’échange
d’obligations, compte tenu de ce que la Cour suprême argentine saisie d’un recours en constitutionalité avait déclaré ladite
loi conforme à la Constitution. L’Iran cite aussi un passage de la sentence arbitrale rendue le 29 mars 1933 en l’Affaire des
forêts du Rhodope central (fond) (Grèce contre Bulgarie), RSA 1933, vol. III, p. 1405-1436 (reprise sous le titre
d’Arbitration under Article 181 of the Treaty of Neuilly dans l’American Journal of International Law (AJIL), 1934, p. 789)
dans lequel il est dit que la règle de l’épuisement ne s’applique pas «contre les actes des organes les plus autorisés de l’Etat»
(réplique de l’Iran, par. 9.11, qui cite la sentence arbitrale (fond), à la page 1420 du RSA et à la page 789 de l’AJIL)
(annexe 297). Cette affaire concerne un différend relatif aux droits de plusieurs ressortissants grecs sur des forêts situées
dans une région ⎯ le Rhodope central ⎯ qui avait été transférée de l’Empire ottoman à la Bulgarie en 1913, à la fin de la
première guerre des Balkans. Au titre du traité de Constantinople de 1913, la Bulgarie s’obligeait à respecter les droits
acquis [antérieurement à l’annexion des territoires] et les titres de propriété tels que ceux relatifs aux forêts en cause
«jusqu’à la preuve légale du contraire» (RSA, p. 1395, AJIL, p. 787). En 1918, cependant, le ministère bulgare de
l’agriculture s’est appuyé sur la loi bulgare de 1904 relative aux forêts pour déclarer que les forêts en cause devaient être
considérées comme domaines d’Etat. L’arbitre a conclu que, «étant donné que cette loi n’a[vait] pas été modifiée de façon
à admettre l’application d’un régime spécial dans les territoires annexés [c’est-à-dire les territoires transférés aux termes
du traité de 1913], les réclamants [avaient] eu des raisons de considérer une action devant les tribunaux bulgares contre le
fisc bulgare comme inutile» (RSA, p. 1420, AJIL, p. 789). Ces deux affaires concernent des lois qui touchent les demandes
d’un groupe restreint et spécifique de demandeurs. Compte tenu de leur portée limitée, elles n’étayent guère l’assertion très
générale de l’Iran selon laquelle il serait futile pour une société iranienne de chercher à épuiser les recours internes.
207 On se dispensera de faire observer que les citations que fait l’Iran de l’exposé de l’opinion dissidente du président
de la Cour suprême, M. Roberts, en l’affaire Bank Markazi v. Peterson et al., à laquelle seule la juge Sotomayor s’est
associée, ne confortent en rien l’argument tiré de la futilité des recours internes, puisque cette affaire ne concernait que
l’article 8772 et n’avait aucune conséquence plus large. Voir la réplique de l’Iran, par. 9.14-9.16.
208 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 6.16.
209 Voir aussi l’examen de l’affaire Peterson au chapitre 8 ci-après, section B i) a).
210 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 6.19 ; voir également ci-après, sections A et B du chapitre 8. Voir encore
l’examen ci-après de l’affaire Rubin v. Iran.
211 Réplique de l’Iran, par. 9.6-9.7.
51
- 46 -
ont été introduites avant 2012212 ; il est donc improbable que les affaires qui viennent d’être
mentionnées aient eu une incidence collective réelle sur les décisions rendues par les tribunaux dans
les autres affaires. Mais en généralisant l’issue d’un très faible nombre de procès, l’Iran se réfugie
derrière son argument d’une sorte de «futilité rétroactive» pour absoudre les sociétés iraniennes qui
se sont abstenues de contester les procédures d’exécution forcée engagées contre elles devant les
tribunaux. Pour toutes ces raisons, la Cour devrait rejeter l’assertion de l’Iran selon laquelle des
recours internes ne seraient pas disponibles.
ii) Les recours internes offrent une possibilité raisonnable d’obtenir réparation
6.21. L’Iran n’a pas non plus démontré que les mesures dont il tirait grief avaient créé un
«régime discriminatoire et global» qui, en pratique, ne pouvait pas être remis en question par les
juridictions américaines ou qui privait celles-ci de tout moyen d’accorder des réparations
appropriées213. Alors même qu’il n’a que très rarement comparu devant les tribunaux américains pour
défendre ses intérêts au stade de l’action en responsabilité, l’Iran n’en proclame pas moins que ces
tribunaux auraient «reconnu ouvertement» qu’ils étaient empêchés de remplir leur mission214, et
invoque la décision du tribunal fédéral de district en l’affaire Levinson v. Iran215. Le passage qu’il
cite figure à la fin de cette décision, ce qui crée faussement l’impression que les conclusions retenues
contre l’Iran étaient arrêtées d’avance. Une lecture du texte intégral de la décision montre pourtant
que :
⎯ le tribunal a tout d’abord rappelé l’existence de «politiques vigoureuses qui privilégi[ai]ent le
règlement judiciaire des différends sur le fond, si bien que les jugements par défaut ne devaient
normalement être considérés comme une possibilité que lorsque la procédure contradictoire avait
dû être interrompue en raison de l’absence essentielle de réponse d’une partie», puis il a examiné
de près les principes juridiques qui encadrent les jugements par défaut, notamment ceux selon
lesquels le jugement par défaut n’est pas «automatique» et le tribunal saisi de l’affaire a
«l’obligation positive de déterminer s’il est compétent ratione materiae»216 ;
⎯ le tribunal a tenu une audience d’une durée de deux jours consacrée aux éléments de preuve, au
cours de laquelle trois témoins ont déposé à titre d’experts ;
⎯ le tribunal a déclaré qu’il devait parvenir aux «constations de fait et conclusions de droit que lui
inspiraient les témoignages recevables en se conformant aux règles fédérales d’administration
de la preuve» et que «les allégations de faits non contestées qui étaient étayées par des preuves
recevables pouvaient être tenues pour vraies»217 ; et
⎯ le tribunal a procédé à un examen approfondi des moyens de preuve pour s’assurer que les
demandeurs remplissaient les quatre conditions fixées par l’exception de terrorisme prévue par
la loi fédérale sur l’immunité des Etats étrangers [Foreign Sovereign Immunities Act] (ci-après
212 Ibid., pièce jointe 2, colonne 5, date d’introduction de l’instance.
213 Réplique de l’Iran, par. 9.13.
214 Ibid.
215 Voir Levinson et al. v. Islamic Republic of Iran, 443 F. Supp. 3d 158 (D.D.C. 2020) (réplique de l’Iran,
annexe 82). Cette action a été intentée par la famille de l’agent spécial du FBI à la retraite Robert Levinson, en application
de l’exception de terrorisme prévue à l’article 1605A de la FSIA, du chef d’enlèvement, de torture et d’assassinat de
M. Levinson.
216 Levinson, 443 F. Supp. 3d, p. 166 (réplique de l’Iran, annexe 82) (le texte cité omet de signaler par des guillemets
les citations à l’intérieur de la citation).
217 Ibid. (réplique de l’Iran, annexe 82).
52
- 47 -
la «FSIA») (article 1605A du titre 28 du code des Etats-Unis), et notamment qu’ils avaient fait
une offre d’arbitrage à l’Iran et soumis des preuves suffisantes à l’appui de leurs allégations218.
6.22. Ce n’est qu’après s’être assuré que les demandeurs avaient satisfait à toutes les conditions
légales pour établir sa compétence, y compris en assignant l’Iran en bonne et due forme et en lui
donnant signification de leur réclamation, et après avoir examiné attentivement le bien-fondé de la
cause, que le tribunal a conclu à la responsabilité de l’Iran et au droit des demandeurs d’obtenir
réparation. L’Iran a beau dire que la décision du tribunal saisi de l’affaire Levinson prouve que
lui-même et les sociétés iraniennes «n’ont aucun espoir d’avoir gain de cause» en raison de la
législation américaine219, cette décision met en évidence le fait que, même en l’absence du défendeur,
les demandeurs ont dû étayer par des preuves chacun de leurs moyens de défense, conformément aux
lois et aux règles de procédure en vigueur. Il n’était nullement entendu d’avance qu’ils obtiendraient
gain de cause, et cela vaut pour tous les autres procès. L’Iran ne peut pas prétendre aujourd’hui que
le jugement rendu dans cette unique affaire — en laquelle il a été statué en mars 2020 — prouve qu’il
aurait été futile pour lui-même et les sociétés iraniennes de comparaître devant les tribunaux
américains, et ce, d’autant plus qu’il n’a pas même tenté de défendre ses intérêts dans ladite affaire.
Ce n’est pas aux tribunaux qu’il appartient de défendre l’Iran, et la décision que celui-ci a prise de
ne pas comparaître explique le nombre élevé de jugements par défaut220. Et lorsque des sociétés
iraniennes finissent par comparaître dans les procédures de saisie en exécution d’un jugement, il est
généralement trop tard pour qu’elles puissent contester les constatations de fait sur lesquelles repose
le jugement en cause, en conséquence de quoi elles en sont réduites à soutenir que l’exécution dudit
jugement est contraire au droit applicable.
6.23. En réalité, il est arrivé que l’Iran et d’autres Etats aient gain de cause dans des procédures
d’exécution, ce qui contredit davantage encore l’argument iranien de la cause entendue d’avance.
L’affaire Rubin v. Iran, par exemple, est une procédure d’exécution d’un jugement par défaut
condamnant l’Iran à indemniser à hauteur de 71 500 000 dollars les victimes des attentats-suicides à
la bombe commis par le Hamas à Jérusalem en 1997. Les demandeurs prétendaient saisir, en
application des paragraphes a) et g) de l’article 1610 de la FSIA et de l’article 201 de la loi de 2002
sur l’assurance contre les risques associés au terrorisme, la collection archéologique Persépolis que
l’Iran avait prêtée en 1937 à l’université de Chicago221. L’Iran a déposé une requête en référé222 à
laquelle le tribunal fédéral de district a fait droit223 et que la cour d’appel a confirmée224 en statuant
que la collection en cause jouissait de l’immunité de saisie pour les raisons suivantes : 1) l’Iran ne
l’utilisait pas à des fins commerciales aux Etats-Unis au sens du paragraphe a) de l’article 1610 de
la FSIA ; 2) la collection ne constituait pas un «bien bloqué» au sens de l’article 201 de la TRIA ; et
3) le paragraphe g) de l’article 1610 de la FSIA ne créait pas en lui-même une exception à l’immunité
de saisie et d’exécution dont jouissait la collection. Les demandeurs se sont alors pourvus devant la
218 Ibid., p. 167-176 (réplique de l’Iran, annexe 82). Les deux autres conditions sont les suivantes : 1) l’Etat étranger
doit avoir été désigné comme Etat soutenant le terrorisme ; et 2) les demandeurs doivent être des ressortissants américains.
219 Réplique de l’Iran, par. 9.14.
220 Voir le chapitre 8 ci-après, et en particulier ses sections B ii) et C, s’agissant du principe du contradictoire qui
caractérise le système judiciaire américain et des protections accordées par les juridictions américaines aux entités
souveraines qui s’abstiennent de comparaître.
221 Les demandeurs avaient inclus trois autres collections d’objets d’art ou archéologiques dans leur requête, mais
le tribunal les a déboutés de ces demandes au motif que lesdites collections ne relevaient pas de son ressort judiciaire ou
ne constituaient pas des avoirs iraniens.
222 Les musées qui hébergeaient ces collections et étaient eux aussi mis en cause ont également déposé une requête
en référé.
223 Rubin v. Islamic Republic of Iran, 33 F. Supp. 3d 1003 (tribunal fédéral du district nord de l’Illinois, 2014)
(annexe 184).
224 Rubin v. Islamic Republic of Iran, 830 F.3d 470 (septième circuit, 2016) (annexe 185).
53
54
- 48 -
Cour suprême des Etats-Unis pour soutenir que le paragraphe g) de l’article 1610 de la FSIA privait
ce bien de son immunité. En confirmant la décision de la juridiction inférieure, la Cour suprême a
clairement indiqué que tous les biens d’un Etat étranger n’étaient pas susceptibles d’être frappés de
mesures de saisie et d’exécution par les demandeurs bénéficiaires de jugements rendus en application
du paragraphe a) de l’article 1605 de la FSIA225. De plus, comme cela sera examiné au chapitre 8
ci-après et comme il ressort du tableau de l’appendice 1, il existe un certain nombre d’affaires dans
lesquelles d’autres parties à la procédure ont comparu et fait valoir des moyens de défense
qu’auraient pu elles aussi faire valoir les sociétés iraniennes si elles avaient choisi de défendre leurs
intérêts226.
6.24. En l’affaire Harrison v. Sudan, les victimes de l’attaque lancée en 2000 contre le navire
USS Cole ont intenté contre le Soudan une action fondée sur l’alinéa 1) du paragraphe a) et le
paragraphe c) de l’article 1605A de la FSIA, faisant valoir que le Soudan avait apporté un soutien
matériel à Al-Qaida pour cette attaque. Après qu’ils eurent obtenu un jugement par défaut à hauteur
de 314 millions de dollars, les demandeurs ont engagé une procédure d’exécution dont l’issue leur a
été favorable pour se faire remettre des actifs soudanais détenus par plusieurs banques new-yorkaises.
A ce stade, le Soudan a interjeté appel et contesté la compétence du tribunal, affirmant que le
jugement par défaut était vicié du fait que l’assignation en justice ne lui avait pas été signifiée dans
les formes prévues par l’alinéa 3 du paragraphe a) de l’article 1608 de la FSIA. Après avoir
succombé devant les juridictions inférieures, le Soudan s’est pourvu devant la Cour suprême des
Etats-Unis, qui a tranché en sa faveur et cassé le jugement de première instance227.
6.25. De même, dans plusieurs instances qu’ils avaient introduites contre Cuba, les
demandeurs n’ont pas pu obtenir l’exécution de jugements prononcés par défaut. On citera par
exemple les affaires Alejandre v. Republic of Cuba228 (les actifs visés n’étaient pas saisissables) ;
Hausler v. Cuba229 (au regard du droit de l’Etat de New York, les transferts électroniques de fonds
n’étaient pas réputés appartenir à Cuba ou à ses établissements ou organismes et ne pouvaient donc
pas être saisis sous le régime de la TRIA) ; Villoldo v. Castro Ruz230 (confirmation de la règle
générale voulant que les juridictions américaines ne confèrent pas d’effet extraterritorial aux lois de
confiscation d’un Etat étranger) ; et Jerez v. Republic of Cuba231 (Cuba n’avait pas été désigné
comme Etat soutenant le terrorisme à la date de l’acte de torture en cause). Pour résumer, l’Iran n’a
pas démontré que les juridictions américaines ne donnent pas aux ressortissants et aux sociétés
iraniennes une possibilité raisonnable de recours effectif. Bien au contraire, dans les faits, ces
juridictions ont offert à l’Iran et à d’autres Etats comme le Soudan et Cuba de substantielles garanties
225 Rubin v. Islamic Republic of Iran, 138 S. Ct. 816 [Cour suprême des Etats-Unis] ; 583 U.S. ___ (2018)
(annexe 75). Plus spécifiquement, la Cour suprême a statué que
«le paragraphe g) de l’article 1610 du titre 28 du code des Etats-Unis [28 U.S.C. §1610(g)] n’offr[ait] pas
aux parties bénéficiaires d’un jugement prononcé sous le régime du paragraphe a) de l’article 1605 un
fondement indépendant qui leur permettrait d’obtenir des mesures de saisie et d’exécution contre un Etat
étranger, sauf lorsque l’immunité qui s’attach[ait] à un bien [étai]t annulée par une autre disposition de
l’article 1610». Ibid., p. 827 ; 15.
226 Voir, par exemple, les affaires nos 3, 4 et 19, dans lesquelles le tribunal a fait droit aux requêtes en annulation
d’ordonnances de saisie conservatoire introduites par l’Internet Corporation of Assigned Names and Numbers (ICANN)
[société pour l’attribution des noms de domaine et des numéros sur Internet] ; et l’affaire no 7, dans laquelle la cour d’appel
a confirmé la décision de la juridiction de première instance de faire droit à la requête de l’administration américaine tendant
à l’annulation de l’ordonnance de saisie conservatoire et d’exécution forcée.
227 Sudan v. Harrison, 139 S. Ct. 1048 [Cour suprême des Etats-Unis] (2019) (annexe 298).
228 Alejandre v. Telefonica Larga Distancia de Puerto Rico, 183 F.3d 1277 (onzième circuit, 1999) (annexe 71).
229 Hausler v. J.P. Morgan Chase Bank N.A., 770 F.3d 207 (deuxième circuit, 2014) (annexe 299).
230 Villoldo v. Castro Ruz., 821 F.3d 196 (premier circuit, 2016) (annexe 300).
231 Jerez v. Republic of Cuba, 775 F.3d 419 (cour d’appel fédérale du circuit du district de Columbia, 2014)
(annexe 301).
55
- 49 -
de procédure. Comme, de surcroît, l’Iran n’a pas démontré que des recours internes n’étaient pas
disponibles, la Cour devrait juger que celui-ci n’a pas démontré qu’il aurait été futile de sa part de
chercher à épuiser les recours internes.
SECTION C
L’OBLIGATION D’ÉPUISER LES RECOURS INTERNES
RÉDUIT À NÉANT LES DEMANDES DE L’IRAN
6.26. Pour mettre en évidence les affaires dans lesquelles les recours internes ont été épuisés
et celles dans lesquelles ils ne l’ont pas été, les Etats-Unis ont dressé un tableau des procédures
d’exécution énumérées dans la pièce jointe 2 de l’Iran. Ce tableau, qui constitue l’appendice 1 de
notre duplique, contient cinq colonnes dont les en-têtes sont les suivants : 1) numéro de l’affaire dans
la pièce jointe 2 de l’Iran (nos 1 à 106) ; 2) intitulé de l’affaire et numéro d’inscription au rôle ;
3) entités iraniennes ayant comparu ; 4) état de l’affaire (au 15 février 2021) ; et 5) actifs remis aux
demandeurs par décision de justice. Les Etats-Unis ont rassemblé les informations figurant dans les
trois dernières colonnes en examinant pour chaque affaire le rôle de la juridiction concernée. Il ressort
des colonnes 3 et 4 que les entités iraniennes n’ont épuisé les recours internes que dans trois affaires :
Peterson v. Islamic Republic of Iran (no 38 du tableau) ; Bennett v. Islamic Republic of Iran (no 54
du tableau) ; et Weinstein v. Islamic Republic of Iran (no 63 du tableau)232. Certaines affaires ont été
classées, mais c’était suite aux arguments avancés par des tierces parties, y compris les Etats-Unis233.
Les entités iraniennes n’ont fait aucun effort pour défendre leurs intérêts, et a fortiori épuiser les
recours internes, dans aucune des affaires restantes, à l’exception de l’affaire Peterson II, qui est
pendante et dans laquelle les recours internes ne sont donc pas épuisés.
6.27. Ce qui ressort tout aussi clairement de ce tableau est que plus de 70 % des procédures
d’exécution énumérées ne vont pas au-delà du simple enregistrement par les demandeurs des
décisions rendues en leur faveur. Les entrées de la colonne 4 le montrent bien, puisqu’elles précisent,
par exemple, que les décisions ont été enregistrées, que les ordonnances de saisie conservatoire ont
été rendues ou signifiées ou que les avis d’instance en cours [notice of lis pendens] ont été notifiés,
mais qu’aucun autre acte n’a été effectué. L’enregistrement d’une décision234 ou la notification d’un
232 Le Gouvernement iranien a comparu dans deux affaires, Ministry of Defense and Support for Armed Forces of
the Islamic Republic of Iran v. Cubic Defense Systems (no 1 du tableau) et Rubin v. Islamic Republic of Iran (no 12 du
tableau). Il n’a pas épuisé ses recours dans la première, mais l’a fait dans la seconde.
233 Voir, par exemple, les affaires nos 3 et 4 (les tribunaux ont fait droit à la requête de l’ICANN tendant à
l’annulation de l’ordonnance de saisie conservatoire rendue contre elle) et l’affaire no 7 (les tribunaux ont fait droit à la
requête du Gouvernement des Etats-Unis en annulation de l’ordonnance de saisie conservatoire).
234 Aux Etats-Unis, les procédures d’exécution d’un jugement sont régies par le droit des Etats et non le droit
fédéral, mais en général elles comportent les étapes suivantes :
1) Le bénéficiaire du jugement fait enregistrer ce jugement par un tribunal de chaque district judiciaire où
peuvent se trouver des actifs.
2) Une fois les actifs localisés, le bénéficiaire du jugement doit désigner tous les tiers susceptibles de
détenir un intérêt réel ou potentiel dans lesdits actifs.
3) Le bénéficiaire du jugement peut demander au tribunal de rendre des ordonnances de saisie ou
d’autoriser la constitution d’une sûreté sur les actifs afin d’empêcher que ceux-ci ne soient vendus ou
transférés avant la décision du tribunal sur le fond.
4) Le bénéficiaire du jugement doit signifier à toutes les parties l’ouverture de la procédure d’exécution et
déposer au tribunal les actes attestant que cette signification a été faite.
5) Le débiteur du jugement et les tiers détenant un intérêt dans les actifs en cause ont le droit d’intervenir
dans la procédure d’exécution et de contester le titre du bénéficiaire du jugement sur ces actifs par
plusieurs moyens, par exemple en sollicitant l’annulation d’un jugement par défaut, en contestant le titre
de propriété du bénéficiaire ou en produisant une sûreté sur les actifs en cause.
56
- 50 -
avis d’instance en cours235 ne sont qu’une première étape dans une procédure d’exécution ; l’Iran ne
saurait fonder une demande sur des affaires qui en sont à un stade aussi préliminaire et dans lesquelles
n’est intervenu aucun développement important, et encore moins une remise d’actifs. Il n’a d’ailleurs
pas même tenté de formuler une demande se rapportant à ces affaires.
6.28. En résumé, la Cour devrait faire abstraction de toutes ces affaires, à l’exception des trois
susmentionnées, au motif que l’Iran et les sociétés iraniennes n’ont pas épuisé les voies de recours
internes.
SECTION D
L’IRAN NE PEUT SOUTENIR SA CAUSE SANS ÉPUISER
AU PRÉALABLE LES RECOURS INTERNES
6.29. La thèse de l’Iran telle que celui-ci l’a reformulée dans sa réplique repose sur des
fondations instables. A la suite du rejet par la Cour des prétentions iraniennes à l’immunité
souveraine et sur la base de l’issue d’un nombre très limité de procédures d’exécution, l’Iran a
déplacé le centre de gravité de ses demandes et invoque maintenant le préjudice considérable
qu’aurait subi son économie pour éviter d’être débouté. Il existe toutefois un vide béant au beau
milieu de sa thèse, à savoir que des actifs n’ont été remis aux demandeurs que dans un tout petit
nombre des affaires énumérées dans la pièce jointe 2 de sa réplique. De surcroît, et bien qu’il affirme
dans cette pièce que les affaires citées dans ladite pièce jointe 2 «fond[ent s]es demandes
spécifiques … contre les Etats-Unis»236, l’Iran n’a formulé de demandes qu’à l’égard de huit affaires,
parmi lesquelles l’affaire en instance Peterson II dans laquelle aucun actif n’a encore été remis. Pour
ce qui est des affaires restantes, il s’est montré totalement incapable de donner une consistance au
préjudice supposément subi par les sociétés iraniennes. La Cour doit donc fonder son analyse du
préjudice allégué de l’Iran sur les seules affaires dans lesquelles des actifs ont effectivement été
remis, puisque dans les autres affaires le préjudice allégué n’est que pure spéculation.
6.30. L’ampleur du préjudice prétendument causé à l’économie iranienne est donc très loin
d’avoir été établie. Ce n’est pas là une question susceptible d’être renvoyée à une phase de la
procédure qui serait consacrée au préjudice. La Cour ne saurait tout simplement pas présumer que
les demandeurs américains l’emporteront dans les affaires en cause, si tant est qu’ils persistent dans
leurs procédures d’exécution. Les demandeurs peuvent être déboutés ou les jugements, être infirmés,
pour des motifs juridictionnels, et la TRIA est d’une grande complexité ; il est impossible de
6) Une fois épuisés tous les appels de la décision de la juridiction de première instance et si la décision
définitive est favorable au bénéficiaire du jugement, la cour ordonne la remise des actifs.
Ces affaires peuvent faire intervenir plusieurs dizaines de tierces parties et se dérouler sur plusieurs années. Par
exemple, l’affaire Levin v. Bank of New York, qui sera examinée plus en détail au chapitre 8, impliquait des centaines de
défendeurs, de tiers défendeurs, de demandeurs reconventionnels, de demandeurs entre demandeurs et de défendeurs
reconventionnels. Voir Levin v. Bank of New York, affaire no 09-cv-5900, 2011 WL 812032, à *1-4 (district sud de l’Etat
de New York, 4 mars 2011) (annexe 323) (où sont décrites les étapes de la procédure qui vont de l’enregistrement du
jugement en avril 2009 à l’ordonnance définitive de remise concernant les actifs de la «phase 1») ; Levin v. Bank of New
York, affaire no 09-cv-5900, 2013 WL 5312502, à *2 (district sud de l’Etat de New York, 23 septembre 2013) (annexe 331)
(où sont décrites les étapes supplémentaires menant à la remise des actifs de la «phase 2»). Voir aussi Heiser v. Bank of
Tokyo Mitsubishi UFJ, New York Branch, 919 F. Supp. 2d 411, 413-15 (district sud de l’Etat de New York, 2013)
(annexe 334) (où sont décrites les étapes similaires commençant par l’enregistrement des jugements des bénéficiaires en
septembre 2008 et décembre 2010 et se terminant par la décision de janvier 2013 par laquelle le tribunal a ordonné la remise
des actifs).
235 A la différence de l’enregistrement d’un jugement, l’avis d’instance en cours sert à notifier officiellement que
les actifs concernés sont en cause dans un différend. Elle a généralement pour fonction d’informer le propriétaire de ces
actifs (ou un acquéreur éventuel) qu’il devra assumer les risques associés à ce différend.
236 Réplique de l’Iran, par. 1.22.
57
- 51 -
présumer de façon générale si un actif spécifique est saisissable ou s’il serait protégé par l’une des
exceptions prévues par cette loi tant qu’une décision définitive n’aura pas été rendue.
6.31. L’Iran tente d’avoir le beurre et l’argent du beurre : il invoque les dispositions du traité
d’amitié relatives aux droits des sociétés et ressortissants iraniens pour alléguer que des préjudices
ont été causés à ces sociétés sans montrer, dans la grande majorité des cas, comment elles ont été
lésées, tout en s’appuyant sur ces préjudices supposés pour faire valoir qu’il lui a directement été
porté atteinte afin de tourner l’obligation d’épuiser les recours internes. L’Iran ne peut prouver le
bien-fondé de sa thèse dans l’abstrait. Il doit le faire en produisant des éléments spécifiques qui
attestent le préjudice subi.
6.32. Pour toutes les raisons exposées ci-dessus, la Cour devrait conclure que la demande de
l’Iran est indirecte et que des recours raisonnablement disponibles lui sont ouverts devant les
juridictions américaines. En conséquence, la Cour doit rejeter tous les éléments de la demande
iranienne relatifs à des préjudices prétendument causés à des sociétés qui n’ont pas épuisé les recours
internes.
- 52 -
CHAPITRE 7
LE PARAGRAPHE 1 DE L’ARTICLE XX EXCLUT LES DEMANDES DE L’IRAN
RELATIVES AU DÉCRET PRÉSIDENTIEL NO 13599
7.1. Dans leur contre-mémoire, les Etats-Unis ont montré que le décret présidentiel no 13599
relevait de deux des exceptions visées au paragraphe 1 de l’article XX du traité d’amitié, ce qui exclut
de son champ d’application les demandes iraniennes relatives à ce décret. Premièrement aux termes
de l’alinéa c), le décret présidentiel «[r]églement[e] la production ou le commerce des armes, des
munitions et du matériel de guerre, ou le commerce d’autres produits lorsqu’il a pour but direct ou
indirect d’approvisionner des unités militaires». Deuxièmement, aux termes de l’alinéa d), le décret
présidentiel était «nécessaire … à la protection des intérêts vitaux [des Etats-Unis] sur le plan de la
sécurité». Comme cela sera expliqué ci-après, rien dans la réplique de l’Iran ne démontre le contraire.
SECTION A
LE DÉCRET PRÉSIDENTIEL NO 13599 RELÈVE DE L’ALINÉA C) DU PARAGRAPHE 1
DE L’ARTICLE XX EN CE QU’IL RÉGLEMENTE LA PRODUCTION ET
LE COMMERCE DES ARMES PAR L’IRAN
7.2. L’Iran doit succomber en ses demandes relatives au décret présidentiel no 13599 parce
que ce décret relève de l’exception visée à l’alinéa c) du paragraphe 1 de l’article XX, du fait qu’il
constitue une mesure réglementant la production et le commerce des armes. Le demandeur soutient
que le décret présidentiel no 13599 ne réglemente pas la production ou le commerce des armes237.
Comme nous l’avons expliqué dans le contre-mémoire et comme nous le répéterons ci-après, cela
n’est tout simplement pas vrai. L’Iran laisse également entendre que cet alinéa ne s’appliquerait qu’à
la réglementation par une partie de sa production nationale et de ses exportations d’armes238, assertion
que rien dans le texte et l’historique du traité ne vient étayer.
i) Le décret présidentiel no 13599 est un élément essentiel d’une réglementation
qui vise à empêcher le commerce des armes par l’Iran
7.3. L’alinéa c) du paragraphe 1 de l’article XX précise que le traité ne fera pas obstacle à
l’application de mesures «[r]églementant la production ou le commerce des armes, des munitions et
du matériel de guerre, ou le commerce d’autres produits lorsqu’il a pour but direct ou indirect
d’approvisionner des unités militaires». La Cour n’a pas encore été amenée à clarifier le sens de cet
alinéa. Le traité ne donne aucune définition du terme «réglementer». Cela dit, le sens ordinaire de
«regulate» [«réglementer»] est «to control or supervise by means of rules and regulations»
[«contrôler ou encadrer par des règles et règlements»]239. Quant au terme «traffic» [«commercer» ou
«trafiquer»], il désigne «the commercial movement of goods or people» [«la circulation marchande
de biens ou de personnes»] ou signifie «to deal or trade in something illegal» [«faire le commerce ou
le trafic de biens illicites»]240. L’exception prévue à l’alinéa c) vise donc à garantir que le traité
n’exclue pas l’adoption de mesures destinées notamment à encadrer ou à contenir, par une règle ou
un règlement, la production, le commerce ou le trafic illicites des armes.
237 Réplique de l’Iran, par. 10.5 et 10.9.
238 Ibid., par. 10.13.
239 Concise Oxford English Dictionary, p. 1212 (onzième édition, 2008) (annexe 302).
240 Ibid., p. 1528 (annexe 302).
58
59
- 53 -
7.4. Dans leur contre-mémoire, les Etats-Unis mettent en évidence les efforts déployés par
l’Iran pour se doter de missiles balistiques et sa longue pratique de la fourniture d’armes et d’autres
formes de soutien à des groupes militants et terroristes à l’étranger241. Le demandeur ne conteste pas
que la recherche de capacités en missiles balistiques et la fourniture d’armes à des groupes militants
et des groupes terroristes à l’étranger soient assimilables à la «production ou [au] commerce des
armes, des munitions et du matériel de guerre». Il préfère soutenir que le décret présidentiel no 13599
ne réglemente pas la production ou le commerce des armes242. Or, il suffit de replacer ce décret dans
son contexte pour voir clairement que l’argument de l’Iran est dépourvu de fondement.
7.5. Les Etats-Unis cherchent depuis longtemps à contenir par la voie réglementaire le
commerce international d’armes auquel se livre l’Iran, sa production de missiles balistiques et son
soutien financier au terrorisme. Ils le font par une réglementation qui prévoit notamment le gel des
actifs d’entités publiques, d’institutions financières et d’autres entités iraniennes qui se trouvent sur
le territoire américain ou en la possession ou sous le contrôle d’une personne américaine et sont
frappées de sanctions en raison d’activités illicites telles que la fourniture d’armes à des groupes
terroristes243.
7.6. Le décret présidentiel no 13599 faisait suite à des conclusions du département du trésor
des Etats-Unis selon lesquelles l’Iran et les institutions financières iraniennes avaient recours à des
pratiques financières trompeuses dans le but de contourner les sanctions américaines et
internationales, y compris celles qui visaient la prolifération des armes et la fourniture d’un soutien
à des groupes terroristes244. Ces conclusions dénonçaient des pratiques telles que la constitution de
sociétés écrans pour obtenir des biens à double usage qui risquaient d’être utilisés dans les
programmes balistiques iraniens, l’usage de faux dans les formulaires d’exportation pour faciliter
l’exportation de biens interdits vers l’Iran par l’inscription d’un prête-nom à la place de l’utilisateur
final, et le virement de fonds à des banques locales pour dissimuler l’origine iranienne des fonds ainsi
virés245. Le département du trésor expliquait que ces pratiques financières trompeuses faisaient courir
à toute institution financière en rapport avec des entités iraniennes le risque de faciliter à son insu
des transactions liées au terrorisme, à la prolifération ou au contournement de sanctions américaines
et multilatérales246. Compte tenu de ce risque, le Congrès a adopté l’article 1245 de la loi sur le budget
de la défense nationale pour l’exercice 2012 [National Defense Authorization Act for Fiscal Year
2012], qui donnait instruction au président de bloquer les actifs des institutions financières iraniennes
se trouvant aux Etats-Unis ou en la possession ou sous le contrôle de personnes américaines247. C’est
ce que fit le président avec le décret présidentiel no 13599 dans lequel il dénonçait «les pratiques
trompeuses de la banque centrale d’Iran et d’autres banques iraniennes pour dissimuler des
transactions de parties faisant l’objet de sanctions»248. Ce décret visait à empêcher les entités
241 Voir, par exemple, le contre-mémoire des Etats-Unis, par. 11.12-11.14.
242 Réplique de l’Iran, par. 10.5 et 10.9.
243 Voir, par exemple, la loi fédérale de 2010 sur les sanctions globales visant l’Iran (obligations redditionnelles et
désinvestissement) [Comprehensive Iran Sanctions, Accountability, and Divestment Act of 2010], P.L. 111-195 (exceptions
préliminaires des Etats-Unis, annexe 198). Voir aussi les paragraphes 11.16 et 11.17 du contre-mémoire des Etats-Unis.
244 Voir, par exemple, les paragraphes 11.16 et 11.17 du contre-mémoire des Etats-Unis.
245 Finding that the Islamic Republic of Iran is a Jurisdiction of Primary Money Laundering Concern [Notice
désignant l’Iran comme un pays présentant une situation particulièrement préoccupante du point de vue du blanchiment de
capitaux], 76 Fed. Reg. 72756, 72756-63 (18 novembre 2011) (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 152).
246 Ibid., p. 72760 (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 152).
247 Loi sur le budget de la défense nationale pour l’exercice 2012, par. a) et b) de l’article 1245, Pub. L. No. 112-239,
126 Stat. 2006 (mémoire de l’Iran, annexe 17).
248 Par. 11.9 du contre-mémoire des Etats-Unis ; décret présidentiel no 13599, 77 Fed. Reg. 6659 (5 février 2012)
(mémoire de l’Iran, annexe 22).
60
- 54 -
sanctionnées de se livrer au commerce international d’armes en les coupant de leurs sources
dissimulées ou clandestines de financement déguisé en transactions d’apparence légitime.
7.7. L’Iran prétend que le décret présidentiel n’a rien à voir avec l’alinéa c) du paragraphe 1
de l’article XX parce qu’il ne s’y trouve aucune référence expresse à des «armes», des «munitions»
ou du «matériel de guerre»249. Or, point n’est besoin que les mesures américaines reprennent les
termes exacts de l’exception prévue dans le traité d’amitié pour être couvertes par cette exception. Il
ressort clairement de son historique, qui est décrit en détail dans le contre-mémoire250, que le décret
présidentiel vise, en association avec d’autres mesures, à contrer la production et le commerce par
l’Iran d’armes mises au service du terrorisme iranien251. Insérer dans le décret une référence expresse
aux armes, par exemple, n’ajouterait rien à l’effet produit par ce texte, qui est d’entraver les efforts
de l’Iran visant à financer ses activités internationales de trafic d’armes au moyen de pratiques
financières trompeuses.
ii) L’alinéa c) du paragraphe 1 de l’article XX n’est pas limité à la réglementation
de la production intérieure et de l’exportation d’armes
7.8. L’Iran affirme que l’alinéa c) du paragraphe 1 de l’article XX ne concerne que le droit
qu’a chaque partie de réglementer sa propre production ou ses propres exportations ou importations
d’armes252. A l’appui de cette thèse, il avance à tort une loi américaine qui aurait été en vigueur quand
le traité d’amitié a été adopté253, et cite l’arrêt de la Cour en l’affaire des Activités militaires et
paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique)254. Ce qu’il ne
fait pas, cependant, c’est de fournir des éléments textuels pour étayer sa thèse, pour la bonne raison
qu’il n’en existe pas. Comme l’Iran, les Etats-Unis considèrent que l’alinéa c) du paragraphe 1 de
l’article XX s’applique aux contrôles imposés par eux sur les exportations et réexportations d’armes
et de biens à double usage vers l’Iran, mais, correctement interprété, cet alinéa ne se limite pas à la
réglementation de la production intérieure ou au commerce des armes. Cela ressort clairement de son
libellé qui, contrairement à l’exception prévue à l’alinéa a) du même paragraphe pour «l’importation
ou l’exportation» de l’or ou de l’argent, ne se limite pas à «l’importation ou l’exportation» d’armes.
Il vise en fait «le commerce des armes», terme qui renvoie au commerce international d’armements
au sens large, y compris les transactions qui rendent possible ou facilitent leur commerce
international et entraînent leur prolifération à travers les frontières au bénéfice d’acteurs dangereux,
et non au simple franchissement physique par ces armements de la frontière entre les parties au traité.
Dans ce contexte, une interprétation du terme «production», placé juste à côté de «commerce des
armes», qui limiterait ce terme à la production intérieure ne serait pas naturelle. Il s’ensuit que le
libellé de l’alinéa peut également s’appliquer aux sanctions et autres outils financiers conçus pour
réglementer la production ou le commerce des armes.
7.9. L’Iran allègue que l’alinéa c) du paragraphe 1 de l’article XX ne concerne que le droit
qu’ont les Etats-Unis de réglementer leurs propres production, fabrication ou exportation d’armes,
au motif qu’il s’agirait d’un simple emprunt à la loi de 1947 sur le contrôle des munitions255. C’est
faux. Pour commencer, la loi mentionnée par l’Iran, dont celui-ci prétend qu’elle tendait à «contrôler
249 Réplique de l’Iran, par. 10.8 et 10.9.
250 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 11.7 à 11.18.
251 Décret présidentiel no 13599, 7 Fed. Reg. 6659 (5 février 2012), préambule (mémoire de l’Iran, annexe 22).
252 Réplique de l’Iran, par. 10.13 et 10.15.
253 Ibid., par. 10.12.
254 Ibid., par. 10.15.
255 Réplique de l’Iran, par. 10.12.
61
- 55 -
le trafic et le commerce des armes et des munitions de guerre par ce pays»256, est restée à l’état de
projet et n’a jamais été adoptée. Quoi qu’il en soit, l’Iran ne produit ni historique des négociations ni
aucun autre élément qui montrerait que la portée de l’alinéa c) du paragraphe 1 de l’article XX était
censée se limiter à ces seules mesures.
7.10. Au contraire, la législation américaine en vigueur à l’époque de la négociation du traité
d’amitié visait à contrôler le commerce des armes par les Etats-Unis et par les autres pays. Ainsi,
quatre ans seulement avant l’entrée en vigueur du traité, le Congrès adoptait la loi de 1951 relative
au contrôle de l’assistance mutuelle en matière de défense [Mutual Defense Assistance Control Act
of 1951]257, plus connue sous le nom de «loi Battle» [Battle Act], afin «d’obtenir la coopération des
nations étrangères amies à l’application d’un embargo multilatéral sur les exportations stratégiques
à destination des pays communistes»258. Cette loi créait un poste d’administrateur chargé de publier
une liste de biens placés sous embargo tels que des armes, des munitions et du matériel de guerre259
et donnait la possibilité de mettre fin à certaines formes d’assistance à toute nation qui permettrait en
connaissance de cause que des armes, des munitions, du matériel de guerre ou d’autres biens sous
embargo, quelle que soit leur origine, soient expédiés vers une nation constituant une menace pour
la sécurité des Etats-Unis260. Compte tenu du contexte de l’époque, il serait extrêmement surprenant
que les Etats-Unis aient alors négocié et conclu une exception à un traité centrée uniquement sur la
production intérieure d’armes ou leur exportation.
7.11. Un autre exemple corrobore cette analyse. Deux ans avant l’entrée en vigueur du traité
d’amitié, les Etats-Unis avaient publié un règlement d’application de la loi de 1917 sur le commerce
avec l’ennemi [Trading with the Enemy Act of 1917]. Ce règlement interdisait à toute personne
relevant de leur juridiction de procéder, hors du territoire des Etats-Unis, à des opérations d’achat,
de transport, d’importation ou de toute autre nature visant des marchandises dont le pays d’origine
était la Chine ou la Corée du Nord261. Ainsi, à l’époque de la négociation et de la conclusion du traité,
le législateur américain s’employait activement à réglementer les opérations touchant la sécurité
nationale des Etats-Unis qui étaient effectuées à l’extérieur du territoire national par des personnes
relevant de la juridiction américaine, et pas seulement à réglementer les opérations intérieures
d’exportation.
7.12. L’Iran cite l’affaire des Activités militaires et paramilitaires à l’appui de sa thèse selon
laquelle l’alinéa c) du paragraphe 1 de l’article XX «s’appliqu[erait] uniquement aux mesures
portant sur la production ou le commerce des armes — et non à toute mesure susceptible d’avoir un
impact sur» la production d’armes par le Nicaragua (et par analogie par l’Iran)262. Cependant, en
l’affaire des Activités militaires et paramilitaires, la Cour ne formulait nullement des conclusions
d’application générale sur la portée de l’exception relative aux armes. Au contraire, son analyse
portait spécifiquement sur les faits de la cause, et elle a conclu qu’elle n’avait pas besoin d’examiner
plus avant l’exception en question, puisqu’en premier lieu elle n’avait pas considéré la fourniture
256 Réplique de l’Iran, par. 10.12.
257 Pub. L. 213, 22 U.S.C. 1611 et suiv. (1964) [ci-après la «loi Battle»] (annexe 303 des Etats-Unis).
258 Harold J. Berman et John R. Garson, «United States Export Controls — Past, Present, and Future», Columbia
Law Review, vol. 67, p. 810 (1967) (annexe 304).
259 Loi Battle, par. 102 et 103 (annexe 303).
260 Loi Battle, art. 103 b) (annexe 303).
261 18 Fed. Reg. 2079 (14 avril 1953) (annexe 305) ; voir aussi Berman et Garson, p. 793 (annexe 304).
262 Réplique de l’Iran, par. 10.15.
62
- 56 -
alléguée d’armes aux contras par les Etats-Unis comme une violation du traité263. Rien dans l’affaire
des Activités militaires et paramilitaires ne fait donc obstacle à l’application de l’alinéa c) du
paragraphe 1 de l’article XX au décret présidentiel no 13599.
SECTION B
LE DÉCRET PRÉSIDENTIEL NO 13599 ENTRE DANS LE CHAMP D’APPLICATION DE L’ALINÉA D)
DU PARAGRAPHE 1 DE L’ARTICLE XX PARCE QU’IL EST NÉCESSAIRE À LA PROTECTION
DES INTÉRÊTS VITAUX DES ETATS-UNIS SUR LE PLAN DE LA SÉCURITÉ
7.13. L’alinéa d) du paragraphe 1 de l’article XX stipule que le traité ne fera pas obstacle à
l’application par une partie de mesures «nécessaires … à la protection [de ses] intérêts vitaux … sur
le plan de la sécurité». Le décret présidentiel no 13599 est considéré comme une mesure nécessaire
à la protection des intérêts vitaux des Etats-Unis en ce qu’il permet de lutter contre le soutien apporté
par l’Iran au commerce des armes, au terrorisme et aux capacités balistiques, et entre par conséquent
dans le champ d’application de l’alinéa d) du paragraphe 1 de l’article XX. L’Iran conteste que le
décret présidentiel no 13599 ait été suffisamment justifié à cette date et ajusté à la situation pour être
«nécessaire» à la protection des intérêts vitaux sur le plan de la sécurité tels que décrits par les
Etats-Unis. Comme le confirmera cependant l’analyse ci-après de son texte et de son contexte, ce
décret était «nécessaire» au sens de l’exception pour intérêts vitaux sur le plan de la sécurité prévue
par le traité, en conséquence de quoi l’alinéa d) du paragraphe 1 de l’article XX réduit à néant les
demandes iraniennes relatives au décret.
i) Un respect important est dû à l’Etat qui invoque l’exception de sécurité
7.14. L’exception pour intérêts vitaux sur le plan de la sécurité est large. Les Etats-Unis
admettent qu’il est loisible à la Cour d’interpréter cette exception en l’espèce, mais cela n’empêche
pas qu’un respect important est dû à l’Etat qui l’invoque. Ainsi que la Cour l’a fait observer dans sa
jurisprudence antérieure, «la notion d’intérêts vitaux en matière de sécurité déborde certainement la
notion d’agression armée et a reçu dans l’histoire des interprétations fort extensives»264. De leur côté,
les Etats-Unis ont clairement fait savoir, pendant les négociations du traité d’amitié, que celui-ci
reconnaissait le «droit supérieur» qu’a un Etat de «prendre des mesures pour se protéger et pour
protéger la sécurité publique»265. Comme d’autres exceptions similaires au titre des intérêts vitaux
de sécurité, l’alinéa d) du paragraphe 1 de l’article XX accorde une «considérable liberté
d’action … à chacun des partenaires conventionnels»266.
7.15. L’exception pour intérêts vitaux sur le plan de la sécurité qui est en cause en l’espèce
accorde à chaque Partie, agissant de bonne foi, un large pouvoir discrétionnaire de décider quelles
mesures sont nécessaires pour protéger ses intérêts de sécurité. C’est pour cette raison que la Cour a
admis qu’elle devait respecter largement l’appréciation d’un Etat partie selon laquelle une mesure
263 Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique),
fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, par. 280 (27 juin 1986).
264 Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique),
fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 14, par. 224.
265 Télégramme en date du 15 février 1955 adressé à l’ambassade des Etats-Unis à Téhéran par le département
d’Etat des Etats-Unis (annexe 133).
266 Charles H. Sullivan, département d’Etat des Etats-Unis, «Standard Draft Treaty of Friendship, Commerce and
Navigation: Analysis and Background» [Projet type de traité d’amitié, de commerce et de navigation : analyse et contexte],
p. 308 (1981) (description des exceptions au titre des intérêts vitaux sur le plan de la sécurité figurant à la même époque
dans des instruments semblables au traité d’amitié) (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 214).
63
- 57 -
donnée était «nécessaire à la protection de ses intérêts vitaux sur le plan de la sécurité»267. En l’affaire
relative à Certaines questions concernant l’entraide judiciaire, la Cour a considéré que la disposition
relative aux intérêts vitaux sur le plan de la sécurité du traité d’amitié et de coopération en cause en
l’espèce «accorda[i]t un large pouvoir discrétionnaire»268. Dans ces conditions, le terme «nécessaire»
ne signifie pas que la mesure en cause soit le seul moyen pour les Etats-Unis d’exercer le pouvoir
discrétionnaire que leur confère le traité, mais il impose à la Cour d’examiner avec attention et
d’accorder un poids approprié à l’appréciation de leur situation que font de bonne foi les Etats-Unis.
7.16. Dans sa réplique, l’Iran tente de contester la pertinence de l’arrêt rendu en l’affaire
relative à Certaines questions concernant l’entraide judiciaire en matière pénale (Djibouti
c. France). Il reproche en particulier aux Etats-Unis de «ne reten[ir] que trois mots dans le passage
en question [de l’arrêt] : «large pouvoir discrétionnaire»»269. Ce reproche est sans fondement.
L’expression «large pouvoir discrétionnaire» qu’a employée la Cour pour qualifier les dispositions
relatives aux intérêts vitaux sur le plan de la sécurité figurant dans le traité d’amitié [entre les Etats-
Unis et l’Iran] et dans le traité d’amitié, de commerce et de navigation entre les Etats-Unis et le
Nicaragua appartient au volet de l’arrêt Djibouti c. France qui s’applique au présent différend270.
Mais cet arrêt analysait principalement une disposition qui avait un libellé différent271.
7.17. L’Iran relève les différences existant dans le libellé des exceptions au titre des intérêts
vitaux sur le plan de la sécurité qui figurent, respectivement, dans le traité en cause dans l’affaire
relative à Certaines questions concernant l’entraide judiciaire et dans notre traité d’amitié, pour
essayer d’établir une distinction272. La différence entre ces dispositions n’est cependant pertinente
aux fins du présent différend que dans la mesure où la Cour a retenu le libellé plus succinct de la
disposition relative aux intérêts vitaux sur le plan de la sécurité pour en faire un exemple de «la
compétence de la Cour à l’égard de dispositions accordant un large pouvoir discrétionnaire»273.
Autrement dit, l’expression «large pouvoir discrétionnaire» employée dans l’affaire relative à
Certaines questions concernant l’entraide judiciaire s’applique entièrement à notre traité d’amitié et
aux circonstances de la présente espèce. L’interprétation donnée par la Cour en l’affaire relative à
Certaines questions concernant l’entraide judiciaire était sans ambiguïté et n’a pas été contredite par
sa jurisprudence ultérieure.
267 Ibid., p. 308 (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 214).
268 Certaines questions concernant l’entraide judiciaire en matière pénale (Djibouti c. France), arrêt,
C.I.J. Recueil 2008, p. 229, par. 145.
269 Réplique de l’Iran, par. 10.23.
270 L’alinéa d) du paragraphe 1 de l’article XXI du traité entre les Etats-Unis et le Nicaragua stipule que «le présent
traité ne fera pas obstacle à l’application de mesures : … nécessaires à l’exécution des obligations de l’une ou l’autre Partie
relatives au maintien ou au rétablissement de la paix et de la sécurité internationales ou à la protection des intérêts vitaux
de cette partie en ce qui concerne sa sécurité».
271 La clause pertinente de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale de 1986 est différente de celle de
l’alinéa d) du paragraphe 1 de l’article XX du traité d’amitié en ce qu’elle prévoit que «[l]’entraide judiciaire pourra être
refusée … [s]i l’Etat requis estime que l’exécution de la demande est de nature à porter atteinte à sa souveraineté, à sa
sécurité, à son ordre public ou à d’autres de ses intérêts essentiels».
272 Réplique de l’Iran, par. 10.23.
273 Certaines questions concernant l’entraide judiciaire en matière pénale (Djibouti c. France), arrêt,
C.I.J. Recueil 2008, par. 145.
64
- 58 -
7.18. Enfin, c’est à tort que l’Iran laisse entendre que les Etats-Unis cherchent à faire de
l’alinéa d) du paragraphe 1 de l’article XX une disposition à caractère discrétionnaire274. Comme
l’ont fait valoir les Etats-Unis pendant la phase des exceptions préliminaires,
«si la clause de sécurité vitale du présent traité n’est pas de nature performative, son
histoire et son contexte, examinés conjointement avec l’analyse que la Cour en a ellemême
donnée dans son arrêt en l’affaire relative à Certaines questions concernant
l’entraide judiciaire … indiquent qu’une invocation de la clause implique une
interprétation large»275.
Les Etats-Unis maintiennent leur position.
ii) La norme alternative proposée par l’Iran ne trouve aucun appui
7.19. Rien ne vient étayer la norme alternative proposée par l’Iran selon laquelle le critère à
appliquer est celui de savoir si une mesure est «objectivement indispensable pour assurer cette
protection [des intérêts essentiels de l’Etat sur le plan de la sécurité], compte tenu de l’existence ou
non pour l’Etat d’autres possibilités raisonnables, moins en contradiction ou plus compatibles avec
ses obligations internationales»276. Le soutien que l’Iran croit trouver pour cette norme dans la
sentence arbitrale rendue en l’affaire Deutsche Telekom v. India qui opposait un investisseur à l’Etat
présente plusieurs vices rédhibitoires.
7.20. Premièrement, la citation tendancieuse de la sentence Deutsche Telekom occulte le
respect que le tribunal arbitral a effectivement témoigné, dans cette affaire, à l’égard de l’Etat qui
invoquait l’exception [pour intérêts essentiels sur le plan de la sécurité]. Dans le paragraphe qui
précède immédiatement celui qui est cité par l’Iran, le tribunal offre d’importants éléments de
contexte qui se lisent comme suit :
«Dans son examen, le tribunal témoignera sans aucun doute un certain respect à
la détermination par l’Etat d’accueil du caractère nécessaire [de la protection de ses
intérêts vitaux sur le plan de la sécurité], en raison de l’expertise et de la compétence de
cet Etat et de sa proximité à la situation en cause. Il ne procédera donc pas à un examen
de novo de cette détermination et n’adoptera pas un critère de la nécessité qui imposerait
à l’Etat de prouver que la mesure qu’il a prise était «le seul moyen» de réaliser son
objectif déclaré. En revanche, le respect dû à l’Etat ne saurait être illimité, car si tel était
le cas, des invocations déraisonnables [de l’exception pour intérêts vitaux sur le plan de
la sécurité] priveraient de tout effet les protections substantielles prévues par le
traité.»277 [Traduction du Greffe]
L’importance accordée par le tribunal au respect dû à l’Etat ainsi qu’à «l’expertise … et la
compétence de cet Etat et … sa proximité à la situation en cause» est occultée dans le raisonnement
274 Voir, par exemple, la réplique de l’Iran, par. 10.19. L’Iran consacre plusieurs pages de sa réplique à expliquer
que, si les Etats-Unis «n’affirment pas expressément» que cette disposition est discrétionnaire, les arguments qu’ils
avancent dans leur contre-mémoire «revien[nen]t à le soutenir».
275 Exceptions préliminaires des Etats-Unis, par. 7.30.
276 Réplique de l’Iran, par. 10.24 (citant Deutsche Telekom v. India, affaire CPA no 2014-10, sentence intérimaire
du 13 décembre 2017, par. 239 (les italiques ont été ajoutées par l’Iran dans sa réplique)).
277 Deutsche Telekom v. India, sentence intérimaire, par. 238.
65
- 59 -
de l’Iran, alors qu’elle est fondamentale et largement admise dès lors qu’il s’agit d’examiner
l’application de l’exception pour intérêts essentiels sur le plan de la sécurité278.
7.21. Deuxièmement, lorsqu’il a appliqué sa règle, le tribunal arbitral constitué en l’affaire
Deutsche Telekom v. India n’a pas repris l’expression «objectivement indispensable». Il n’a pas non
plus examiné d’éventuelles autres possibilités que les mesures contestées279. Il a préféré concentrer
son examen de l’exception invoquée sur la question de savoir si les mesures en cause étaient
«principalement destinées à protéger» des intérêts en matière de sécurité. Après avoir conclu que
l’Inde était motivée par une conjonction d’intérêts divers, parmi lesquels certains intérêts essentiels
sur le plan de la sécurité, il a résumé ainsi la situation : «La question est donc de savoir si la décision
[de l’Inde] était «nécessaire» pour protéger ces intérêts, c’est-à-dire si elle était principalement
destinée à protéger «dans la mesure nécessaire» les besoins en matière de défense et autres besoins
stratégiques qui entrent dans le cadre des «intérêts essentiels de sécurité»»280. Le tribunal a finalement
conclu que l’Inde n’avait pas démontré à suffisance l’existence d’un lien entre la mesure adoptée et
les intérêts à protéger281.
7.22. Troisièmement, le tribunal arbitral n’a étayé son assertion sur aucun précédent. En
résumé, la sentence Deutsche Telekom v. India ne saurait être invoquée comme faisant autorité, et a
fortiori comme faisant incontestablement autorité, pour l’application du critère de la «nécessité
objective» à la disposition du traité d’amitié concernant les intérêts vitaux sur le plan de la sécurité.
De plus, à supposer même que la Cour prenne la sentence Deutsche Telekom v. India pour argent
comptant, l’application que le tribunal arbitral a faite du critère de la «nécessité objective» n’est pas
celle que l’Iran voudrait voir adopter par la Cour.
iii) Selon le critère prévu à l’alinéa d) du paragraphe 1 de l’article XX, le décret
présidentiel no 13599 était nécessaire à la protection des intérêts vitaux
des Etats-Unis sur le plan de la sécurité
7.23. Le décret présidentiel no 13599 a bloqué tous les biens de l’Etat iranien et des institutions
financières iraniennes se trouvant sous la juridiction des Etats-Unis (c’est-à-dire se trouvant en
possession ou sous le contrôle d’une personne américaine) afin de contrer les «pratiques trompeuses
de la banque centrale d’Iran et d’autres banques iraniennes pour dissimuler les transactions de parties
faisant l’objet de sanctions»282. L’Iran ne saurait contester, et d’ailleurs ne conteste pas, que la
prévention du terrorisme et du financement du terrorisme et l’interruption des progrès du programme
balistique d’un Etat hostile entrent dans le cadre des intérêts vitaux des Etats-Unis sur le plan de la
sécurité. Il soutient plutôt que «la question est de savoir si les intérêts essentiels de sécurité des
Etats-Unis étaient en cause en 2012 lorsqu’ils ont adopté le décret présidentiel no 13599 pour bloquer
les actifs de tous les établissements financiers iraniens»283. Il concède ainsi que c’est aux Etats-Unis
qu’il appartient de définir leurs intérêts vitaux sur le plan de la sécurité, et se contente de contester
que le décret présidentiel ait été «nécessaire» compte tenu des circonstances.
7.24. Quel que soit le sens du terme «nécessaire» tel qu’il est employé dans le traité, le décret
présidentiel no 13599 était et reste nécessaire à la protection des intérêts vitaux des Etats-Unis sur le
278 Deutsche Telekom v. India, sentence intérimaire, par. 238.
279 Le tribunal ne se réfère qu’une seule fois, à titre incident, à d’autres solutions raisonnables. Ibid., par. 290.
280 Deutsche Telekom v. India, sentence intérimaire, par. 284 (les italiques sont de nous).
281 Ibid., par. 288.
282 Décret présidentiel no 13599, 77 Fed. Reg. 6659 (5 février 2012) (mémoire de l’Iran, annexe 22).
283 Réplique de l’Iran, par. 10.29 [italiques omis].
66
- 60 -
plan de la sécurité. Il représentait un renforcement progressif et méthodique de l’action menée par
les Etats-Unis pour protéger leurs intérêts vitaux sur le plan de la sécurité contre les menaces que
constituaient le soutien apporté par l’Iran au terrorisme, son financement du terrorisme et son
programme de missiles balistiques. Il ne faisait qu’élargir et compléter des sanctions internationales
et américaines antérieures visant les activités illicites de l’Iran, les Etats-Unis ayant constaté que les
mesures alors en vigueur ne faisaient pas suffisamment barrage à la menace que représentaient les
efforts concertés de l’Iran. Comme ils l’ont fait valoir devant la Cour en de nombreuses occasions,
les Etats-Unis et la communauté internationale ont noté avec inquiétude au fil des années le soutien
de l’Iran au terrorisme et son programme balistique. Il n’est nul besoin de répéter ici la longue série
de faits qui s’est constituée avec le temps, mais on trouvera ci-après quelques-uns des principaux
événements qui ont précipité la promulgation du décret présidentiel no 13599284.
7.25. L’ONU a exhorté les Etats à prendre les mesures voulues pour éliminer le terrorisme et,
en particulier, pour mettre fin au financement des actes de terrorisme285. En ce qui concerne l’Iran,
durant les années précédant la promulgation du décret présidentiel no 13599, le Conseil de sécurité
des Nations Unies l’a mis en garde contre le développement de son programme de missiles
balistiques et a engagé les Etats à «faire preuve de vigilance» à l’égard des transactions effectuées
par les institutions financières sises sur leur territoire avec «toutes les banques domiciliées en Iran»,
y compris la banque Markazi et la banque Melli, «afin d’éviter que ces transactions ne concourent à
des activités posant un risque de prolifération, ou à la mise au point de vecteurs d’armes
nucléaires»286. Le GAFI a inscrit l’Iran sur sa liste restreinte de «juridictions à haut risque et non
coopératives», et en a fait un des deux seuls pays inscrits sur sa liste des «juridictions ayant fait
l’objet d’un appel du GAFI» et à l’égard desquelles celui-ci invite les Etats à prendre des contremesures287.
7.26. Une série de développements intervenus pendant les mois qui ont précédé la
promulgation du décret présidentiel no 13599 en février 2012 a confirmé la nécessité de prendre cette
mesure. A la fin du mois d’octobre 2011, le GAFI avait exprimé l’«urgente préoccupation» que lui
inspiraient les risques de financement du terrorisme par le secteur financier iranien et s’était dit
«particulièrement et exceptionnellement préoccupé par l’absence de réaction de l’Iran face au risque
de financement du terrorisme et par la grave menace que cela constitu[ait] pour l’intégrité du système
financier international»288.
7.27. Le 21 novembre 2011, le département américain du trésor, agissant en consultation avec
le département d’Etat et le département de la justice, a ensuite conclu que l’Iran était une juridiction
284 Contre-mémoire des Etats-Unis, chapitres 5, 6 et 11.
285 Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 1373 du 28 septembre 2001, doc. S/RES/1373, préambule et par. 5
du dispositif (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 81).
286 Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 1929, 9 juin 2010, doc. S/RES/1929, préambule et par. 23 du
dispositif (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 110) ; Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 1803,
3 mars 2008, doc. S/RES/1803, par. 10 du dispositif (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 102).
287 GAFI, juridictions à haut risque et sous surveillance (annexe 134).
288 GAFI, juridictions à haut risque et sous surveillance, déclaration publique du 28 octobre 2011 (exceptions
préliminaires des Etats-Unis, annexe 222).
67
- 61 -
«particulièrement préoccupante du point de vue du blanchiment de capitaux»289. La notice publiée à
l’appui de cette conclusion précisait que :
«Du fait du régime de sanctions américain renforcé et de mesures similaires
adoptées par l’Organisation des Nations Unies et d’autres membres de la communauté
mondiale, l’Iran doit désormais faire face à des obstacles importants dans la conduite
de transactions internationales. En réponse, l’Iran a eu recours à des pratiques
financières trompeuses pour déguiser la nature de ses transactions et dissimuler ses liens
avec celles-ci dans le but de contourner les sanctions. Cette conduite fait courir à toute
institution financière en rapport avec des entités iraniennes le risque de faciliter à son
insu des transactions liées au terrorisme, à la prolifération ou au contournement de
sanctions américaines et multilatérales. Les institutions financières iraniennes, et
notamment la banque centrale d’Iran et d’autres entités contrôlées par l’Etat, ont, de leur
plein gré, eu recours à des pratiques trompeuses pour déguiser leur conduite illicite, se
soustraire aux sanctions internationales et saper les efforts d’autorités de régulation
responsables du monde entier.»290 [Traduction du Greffe]
7.28. Le département du trésor des Etats-Unis a également déclaré que le corps des gardiens
de la révolution islamique (CGRI) et la force Al-Qods du CGRI continuaient à user de pratiques
financières trompeuses pour se soustraire aux sanctions et se livraient «à des activités d’apparence
légitime destinées à offrir une couverture à des opérations de renseignement et de soutien à des
groupes terroristes tels que le Hezbollah, le Hamas et les talibans»291.
7.29. De plus, le département du trésor a conclu que
«[l]’Iran continu[ait] également de défier la communauté internationale par ses efforts
pour se doter de capacités nucléaires et développer des missiles balistiques en violation
de sept résolutions du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies … A ce
jour, il ne s’est pas conformé aux résolutions du Conseil de sécurité concernant ses
activités nucléaires et balistiques.»292
7.30. Le département du trésor a encore conclu que l’Iran avait fourni des armes et des fonds
aux talibans pour qu’ils s’en prennent aux forces de la coalition, y compris les militaires américains.
Plus précisément, depuis 2006, l’Iran a «organisé de fréquents envois aux talibans de chargements
d’armes légères et de munitions associées, de grenades propulsées par roquette, d’obus de mortier,
de roquettes de 107 millimètres et d’explosifs à liant plastique»293. En avril 2011, les forces afghanes
ont intercepté une livraison de munitions fournies aux talibans par l’Iran294. En août 2011, trois mois
avant la publication de la notice du département du trésor, un commandant taliban a déclaré avoir
289 Finding that the Islamic Republic of Iran is a Jurisdiction of Primary Money Laundering Concern [Notice
désignant l’Iran comme juridiction particulièrement préoccupante du point de vue du blanchiment de capitaux],
76 Fed. Reg. 72756, 72757-72758 (21 novembre 2011) (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 152) («L’Iran
demeure le plus actif des Etats figurant sur la liste des Etats soutenant le terrorisme ; il fournit régulièrement des ressources
et des conseils substantiels à de multiples organisations terroristes … Il est de notoriété publique que l’Iran a utilisé des
banques appartenant à l’Etat pour faciliter le financement du terrorisme.») [Traduction du Greffe]
290 Ibid.
291 Ibid., p. 72762.
292 Ibid.
293 Ibid., p. 72758.
294 Nations Unies, Conseil de sécurité, rapport final du groupe d’experts créé par la résolution 1929 (2010), 4 juin
2012, doc. S/2012/395, p. 29 (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 114).
68
- 62 -
suivi un entraînement en Iran et s’être vu proposer 50 000 dollars par des fonctionnaires iraniens
pour détruire un barrage en Afghanistan295.
7.31. Suite à ces conclusions, le Congrès des Etats-Unis a adopté la loi sur le budget de la
défense nationale pour l’exercice 2012 après avoir appris que la banque centrale iranienne avait
transféré plusieurs milliards de dollars pour contourner les sanctions et que «l’ensemble du secteur
bancaire iranien, et notamment … la banque centrale, … [créait] des risques en matière de
financement du terrorisme, de financement de la prolifération et de blanchiment de capitaux pour le
système financier mondial»296. C’est pourquoi le paragraphe c) de l’article 1245 de cette loi donne
instruction au président de bloquer tous les actifs des institutions financières iraniennes se trouvant
aux Etats-Unis ou en possession ou sous le contrôle de personnes américaines.
7.32. Le décret présidentiel a rapidement fait suite à cette loi. Il comprenait des dispositions
répondant à la menace que constituent le Gouvernement iranien et les institutions financières
iraniennes pour les Etats-Unis. L’ONU admet que le gel d’avoirs est un moyen important de
«prévenir et réprimer le financement des actes de terrorisme», comme les Etats sont tenus de le faire
en application de la résolution 1373 du Conseil de sécurité, «même en l’absence d’un lien avec un
acte terroriste précis»297. En l’occurrence, le décret présidentiel no 13599 visait le Gouvernement
iranien et les institutions financières iraniennes, qui avaient concouru à cette menace contre les
intérêts essentiels des Etats-Unis sur le plan de la sécurité et contourné les sanctions américaines en
vigueur.
7.33. Compte tenu de ces développements, les arguments de l’Iran selon lesquels le décret
présidentiel n’était ni suffisamment justifié à cette date ni suffisamment approprié à la situation pour
être «nécessaire» sont indéfendables. A l’appui de son argument selon lequel les Etats-Unis
n’auraient pas démontré pourquoi le décret était nécessaire en 2012, l’Iran invoque l’arrêt rendu par
la Cour en l’affaire des Activités militaires et paramilitaires, qui précise que, en principe, «[p]our
que les activités des Etats-Unis entrent dans le cadre de l’article XXI du traité, elles auraient dû
consister, au moment où elles ont été prises, en mesures nécessaires à la protection de leurs intérêts
vitaux de sécurité»298. Les événements dont la Cour est aujourd’hui saisie sont toutefois beaucoup
plus proches temporellement de la promulgation du décret présidentiel no 13599 que ceux dont elle
était saisie en l’affaire des Activités militaires et paramilitaires, dans laquelle elle avait fait observer
que les Etats-Unis avaient critiqué certaines politiques pendant quatre ans avant d’adopter leurs
mesures. Dans la présente espèce, en revanche, c’est de manière très progressive que les Etats-Unis
ont répondu pendant de nombreuses années aux menaces constantes de l’Iran. Les semaines qui ont
précédé immédiatement la promulgation du décret présidentiel no 13599 ont été marquées par une
avalanche de nouvelles déclarations du GAFI, du département du trésor des Etats-Unis et du Congrès
mettant en évidence les progrès de la menace présentée par l’Iran (avec notamment le trafic illicite
d’armes iraniennes cette année-là) et la nécessité de renforcer la réponse américaine. De fait,
contrairement à ce qu’affirme l’Iran, c’est immédiatement après que le Gouvernement américain eut
295 Notice désignant l’Iran comme juridiction particulièrement préoccupante du point de vue du blanchiment de
capitaux, 76 Fed. Reg., p. 72757 et 72758 (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 152).
296 Loi sur le budget de la défense nationale pour l’exercice 2012, art. 1245 a), Pub. L. 112-239, 126 Stat. 2006
(mémoire de l’Iran, annexe 17).
297 Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 1373, 28 septembre 2001, doc. S/RES/1373, par. 1 du dispositif
(exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 81) ; Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 2253, 17 décembre
2015, doc. S/RES/2253, alinéa 24 du préambule (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 182).
298 Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique),
fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, par. 281.
69
- 63 -
conclu que cet Etat persistait dans l’utilisation de pratiques trompeuses pour contourner une série de
sanctions plus ciblées que le décret a été promulgué.
7.34. A cela s’ajoute que, contrairement à ce que voudrait faire accroire l’Iran, la large portée
du décret présidentiel ne le disqualifie nullement. S’il a cette large portée, c’est parce que les Etats-
Unis ont conclu qu’elle était nécessaire pour contrer le comportement trompeur de l’Iran qui était en
cause. Après avoir tenté des mesures plus limitées, ils ont en effet été contraints d’élargir leur cible
à toutes les institutions financières iraniennes par les tentatives répétées de l’Iran d’éluder ces
mesures plus limitées299. Celui-ci prétend que le décret présidentiel «s’applique aux actifs
d’institutions iraniennes non ciblées et non pertinentes»300, alors qu’en réalité il vise toutes les
institutions financières iraniennes, parce qu’il a été décidé que l’ensemble de ce secteur posait un
risque cumulatif.
7.35. L’Iran fait également valoir dans sa réplique qu’«aucun Etat et aucune organisation
internationale n’a jugé nécessaire (et encore moins licite et approprié) de prendre des mesures
équivalentes à celles indiquées dans le décret présidentiel no 13599»301. Or, même selon le critère ou
la norme conventionnelle qu’emprunte l’Iran à la sentence arbitrale rendue en l’affaire Deutsche
Telekom v. India, il n’est pas indispensable qu’une mesure soit la seule option disponible pour qu’elle
remplisse les conditions de l’exception pour intérêts essentiels de sécurité302. De même, les
Etats-Unis ne sont nullement tenus de montrer qu’un autre Etat ou une organisation internationale a
adopté des mesures identiques à celles qu’ils ont jugées nécessaires pour protéger leurs intérêts
essentiels de sécurité dans les circonstances uniques qui sont les leurs. L’alinéa d) du paragraphe 1
de l’article XX donne aux parties toute latitude pour adopter des mesures, y compris des mesures
progressivement plus énergiques, ajustées selon leurs intérêts vitaux sur le plan de la sécurité. Il ne
leur impose pas de suivre les décisions d’agir ou de ne pas agir que peuvent prendre d’autres Etats.
7.36. Ainsi, l’alinéa d) du paragraphe 1 de l’article XX exclut les demandes iraniennes
concernant le décret présidentiel no 13599. L’exception pour intérêts vitaux sur le plan de la sécurité
est large et prévoit qu’il sera témoigné un respect important à l’Etat qui l’invoque. L’Iran avance une
norme conventionnelle par trop restreinte qui contredit la jurisprudence actuelle de la Cour relative
à l’interprétation de l’alinéa d) du paragraphe 1 de l’article XX. Et pourtant, même avec cette norme
restrictive, il est manifeste que le décret présidentiel no 13599 était nécessaire en ce qu’il constituait
un renforcement progressif et stratégique de l’action menée par les Etats-Unis pour protéger leurs
intérêts essentiels de sécurité contre les menaces que représentent le soutien persistant de l’Iran au
terrorisme, son financement de la prolifération des armes nucléaires et la poursuite de son programme
de missiles balistiques, toutes activités financées par le blanchiment de capitaux.
299 Dans sa résolution 1803, le Conseil de sécurité demande aux Etats de faire preuve de vigilance à l’égard des
activités menées avec «toutes les banques domiciliées en Iran». Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 1803 du
3 mars 2008, doc. S/RES/1803, par. 1 du dispositif (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 102).
300 Réplique de l’Iran, par. 10.34 [italiques omis].
301 Ibid., par. 10.32.
302 Voir Deutsche Telekom v. India, sentence intérimaire, par. 238.
70
- 64 -
SECTION C
LES CONSÉQUENCES POUR LA CAUSE IRANIENNE D’UNE DÉCISION QUI ÉTABLIRAIT
QUE LE DÉCRET PRÉSIDENTIEL NO 13599 EST VALIDE AU REGARD DES ALINÉAS C)
ET/OU D) DU PARAGRAPHE 1 DE L’ARTICLE XX DU TRAITÉ D’AMITIÉ
7.37. Si la Cour devait conclure que l’Iran ne saurait exciper du traité d’amitié pour faire valoir
des demandes mettant en cause le décret présidentiel no 13599, la première conséquence qui
s’ensuivrait concernerait l’assertion iranienne, faite dans le contexte de certains articles du traité,
selon laquelle le blocage d’actifs opéré sous la seule autorité de ce décret constituerait une violation
du décret, même si les actifs en cause n’étaient pas effectivement remis aux demandeurs bénéficiaires
de jugements rendus contre l’Iran303. Celui-ci n’a pas décrit en détail ses demandes à cet égard (en
indiquant par exemple des actifs spécifiques qui seraient couverts par lesdites demandes), ce qui est
une raison suffisante pour qu’elles ne puissent prospérer. En concluant que le décret
présidentiel no 13599 entre dans le champ d’application des alinéas c) et/ou d) du paragraphe 1 de
l’article XX du traité d’amitié, la Cour donnerait une raison supplémentaire de rejeter cette catégorie
de demandes.
303 Voir, par exemple, le paragraphe 10.2 de la réplique de l’Iran :
«Seuls quelques-uns de ses griefs sont liés au décret présidentiel no 13599, qui bloque ses biens et
ceux des établissements financiers iraniens. En refusant de reconnaître le statut juridique distinct des
sociétés iraniennes, ce décret viole le paragraphe 1 de l’article III, l’article V et le paragraphe 1 de
l’article X du traité d’amitié, sans parler des nombreuses autres violations dont l’Iran tire grief.»
71
- 65 -
TROISIÈME PARTIE
LES MESURES AMÉRICAINES N’EMPORTENT PAS VIOLATION
DU TRAITÉ D’AMITIÉ
Dans cette troisième partie de leur duplique, les Etats-Unis expliqueront en quoi l’Iran se
trompe dans son interprétation de chacun des articles en cause du traité d’amitié et dans la façon dont
il applique ces articles aux mesures qu’il conteste, et pourquoi sa réplique ne corrige en rien les vices
entachant ses demandes. Ils commenceront, au chapitre 8 ci-après, par un examen approfondi des
mesures contestées. Ils montreront ensuite que ces mesures n’emportent pas violation des
paragraphes 1 et 2 de l’article III (chapitre 9), du paragraphe 1 de l’article IV (chapitre 10), du
paragraphe 2 de l’article IV (chapitre 11) et du paragraphe 1 de l’article X, du paragraphe 1 de
l’article V et du paragraphe 1 de l’article VII (chapitre 12). Pour finir, au chapitre 13, les Etats-Unis
répondront à la vaine tentative que fait l’Iran dans sa réplique pour se soustraire à la conclusion qu’il
a abusé des droits que lui confère un traité d’amitié et de commerce en invoquant les dispositions de
ce traité contre un ensemble de mesures qui visent à offrir un recours aux victimes du soutien qu’il a
apporté au terrorisme.
CHAPITRE 8
LES MESURES AMÉRICAINES
8.1. Ce chapitre a pour objet d’apporter un complément d’information sur les mesures
législatives, exécutives et judiciaires contestées par l’Iran sur le fondement du traité d’amitié, et ce,
afin de dissiper toute doute sur la nature de ces mesures et de préciser lesquelles d’entre elles restent
en cause en l’espèce. Il fournit des éléments de contexte indispensables pour les chapitres suivants,
qui sont consacrés aux demandes présentées par l’Iran au titre de différents articles du traité.
8.2. Dans la section A du présent chapitre, les Etats-Unis s’appuieront sur l’examen de leurs
mesures législatives et exécutives figurant au chapitre 6 de leur contre-mémoire pour montrer que
lesdites mesures constituaient une réponse raisonnable au soutien apporté au terrorisme par l’Iran et
d’autres Etats. Ils montreront également que, en ce qui concerne les huit procédures d’exécution de
jugement sur lesquelles l’Iran fonde ses demandes, seul un petit nombre de mesures intéressent
plusieurs procédures, tandis que certaines mesures n’intéressent qu’une seule procédure.
8.3. Dans la section B, les Etats-Unis procéderont à un examen approfondi des huit procédures
d’exécution de jugement mentionnées par l’Iran dans sa réplique. Sur la base des dossiers détaillés
et publics de ces procédures, ils établiront que, lorsqu’elles ont choisi de comparaître, les entités
iraniennes concernées ont eu toute possibilité de présenter leurs moyens de défense, et notamment
de contester les mêmes lois que l’Iran essaie de contester devant la Cour. De plus, même dans les
procédures où les entités iraniennes ont choisi de ne pas comparaître, les juridictions américaines
n’ont négligé aucun effort pour s’assurer que les griefs des demandeurs leur avaient été signifiés et
qu’elles avaient la possibilité de comparaître. Au surplus, d’autres parties à ces procédures, agissant
parfois avec le soutien du Gouvernement américain, ont fait valoir, entre autres arguments, des
interprétations des lois en cause qui étaient favorables aux intérêts des entités iraniennes.
8.4. Dans la section C, les Etats-Unis répondront aux demandes — dépourvues à la fois de
pertinence et de fondement — que présente l’Iran dans sa réplique en ce qui concerne les jugements
rendus contre lui à la suite des attentats du 11 septembre 2001. Comme cela a été rappelé au
chapitre 2, les demandes de l’Iran concernant ces jugements et d’autres jugements en responsabilité
rendus contre lui étaient fondées sur de prétendues violations de son immunité souveraine, et la Cour
72
73
- 66 -
les a rejetées dans son arrêt sur les exceptions préliminaires. En conséquence, il ne subsiste dans la
présente espèce aucune demande se rapportant aux jugements faisant suite aux attentats du
11 septembre, et l’examen de ces jugements auquel procède l’Iran dans sa réplique est donc sans
objet pour l’affaire telle qu’elle se présente aujourd’hui. Les Etats-Unis se sentent néanmoins obligés
de répondre aux griefs de l’Iran concernant les jugements faisant suite aux attentats du 11 septembre,
afin de combler certaines omissions importantes dans sa façon de présenter les faits et de montrer
pourquoi ces griefs sont sans fondement.
SECTION A
LES MESURES LÉGISLATIVES ET EXÉCUTIVES AMÉRICAINES CONSTITUAIENT
UNE RÉPONSE RAISONNABLE AU SOUTIEN APPORTÉ AU TERRORISME
PAR L’IRAN ET D’AUTRES ETATS
8.5. C’est en réponse au vaste et persistant soutien que l’Iran et, dans certains cas, d’autres
Etats soutenant le terrorisme apportent à des attentats terroristes contre des citoyens et des intérêts
américains que les Etats-Unis ont mis en oeuvre les mesures dont l’Iran tire grief en l’espèce. Comme
nous l’avons déjà expliqué, celui-ci cherche à éviter d’avoir à rendre compte devant la Cour de son
soutien au terrorisme, comme il a évité de le faire devant les juridictions américaines. L’Iran est
certes libre de faire valoir ses demandes comme il l’entend, mais la Cour ne saurait méconnaître le
contexte factuel des mesures américaines.
8.6. Il importe au plus haut degré, en particulier, que la Cour garde les deux points suivants à
l’esprit au sujet des trois mesures législatives qui restent en cause304, ces mesures étant l’article 201
de la TRIA, le paragraphe g) de l’article 1610 de la FSIA et l’article 502 de la loi de 2012 sur la
réduction de la menace iranienne et les droits de l’homme en Syrie, codifié dans l’article 8772 du
titre 22 du code des Etats-Unis305.
8.7. Le premier de ces deux points est que les mesures en question ne peuvent être appliquées
aux établissements et organismes de l’Etat iranien que si les demandeurs ont d’abord obtenu d’une
juridiction américaine une décision exécutoire contre l’Iran en vertu de l’exception pour terrorisme
prévue par la FSIA. L’article 201 de la TRIA, adoptée en 2002, autorise les bénéficiaires de
jugements obtenus sous le régime de l’exception pour terrorisme prévue par la FSIA à saisir «les
actifs bloqués d’[une] partie terroriste (y compris ceux de tout établissement ou organisme de
celle-ci)»306. Le paragraphe g) de l’article 1610 de la FSIA, adoptée en 2008, autorise les demandeurs
bénéficiaires d’un jugement pour terrorisme à saisir les biens d’une administration ou d’une agence
publique d’un Etat étranger en exécution d’un jugement prononcé contre cet Etat, que
l’administration ou l’agence publique en question soit ou non juridiquement distincte de l’Etat et que
ses actifs soient bloqués ou non307. Enfin, l’article 8772 autorise la saisie de certains actifs qui sont
304 Les Etats-Unis traiteront plus loin la seule mesure exécutive qui reste en litige, à savoir le décret présidentiel
no 13599.
305 Dans son mémoire, l’Iran a également tenté de contester l’exception pour terrorisme mise en place par la TRIA,
consacrée à l’article 1605 a) 7) du titre 28 du code des Etats-Unis, et certaines modifications apportées à l’exception
promulguée en 2008 en tant qu’article 1605A du titre 28 du code des Etats-Unis, mais ses demandes relatives aux mesures
en question se fondaient sur des violations supposées de son immunité souveraine et ont par conséquent été rejetées par la
Cour dans son arrêt sur les exceptions préliminaires. Arrêt sur les exceptions préliminaires, par. 80.
306 Loi fédérale de 2002 sur l’assurance contre les risques associés au terrorisme, art. 201 a) [Pub. L. No. 107-297,
116 Stat. 2322 (2002)] (mémoire de l’Iran, annexe 13). Voir aussi les paragraphes 6.11 et 6.12 du contre-mémoire des
Etats-Unis.
307 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 6.13 à 6.15. Voir aussi la loi sur le budget de la défense nationale pour
l’exercice 2008, article 1083 b) 3) D) [National Defense Authorization Act for Fiscal Year 2008, §1083(b)(3)(D),
Pub. L. No. 110-181, 122 Stat. 206 (2008)] (mémoire de l’Iran, annexe 15).
74
- 67 -
en cause dans une procédure d’exécution de jugements faisant principalement suite à l’attentat à la
bombe de 1983 contre le casernement de fusiliers marins américains — Peterson v. Islamic Republic
of Iran — à condition que le tribunal juge que l’actif en cause :
« A) est détenu aux Etats-Unis pour un intermédiaire en valeurs mobilières étranger
exerçant une activité aux Etats-Unis ;
B) est un actif bloqué (qu’il soit ou non débloqué par la suite) … ; et
C) est égal en valeur à un actif financier de l’Iran, y compris un actif de la banque
centrale, d’une autre autorité monétaire de l’Etat iranien ou d’un établissement
ou organisme de celui-ci, que ledit intermédiaire en valeurs mobilières étranger
ou un intermédiaire affilié détient à l’étranger»308. [traduction du Greffe]
8.8. Le deuxième point est que, comme nous l’avons déjà vu, l’Iran n’a pas contesté les
nombreux jugements que les demandeurs ont obtenus contre lui devant les juridictions américaines,
que ce soit au stade des procès en responsabilité ou au stade des procédures d’exécution
subséquentes, et de la même façon il n’a presque rien à dire dans la présente instance sur le fond de
ces jugements ou sur son rôle dans les attentats terroristes en cause dans ces affaires309.
8.9. La Cour doit donc apprécier si les mesures américaines sont raisonnables au regard des
jugements exécutoires mais non exécutés qui ont été rendus contre l’Iran. Plus précisément, elle doit
se demander si le traité d’amitié autorise une partie qui a apporté son soutien à des attentats terroristes
contre des ressortissants de l’autre partie à se dispenser d’indemniser les victimes de ces attentats en
plaçant ses actifs dans des entités juridiques distinctes. En d’autres termes, la Cour doit décider si les
dispositions du traité qui étaient censées favoriser l’amitié et le commerce entre les parties mettent
en place un voile social [corporate veil] si inviolable qu’au nom de l’«amitié» il mette l’Iran à l’abri
de procédures engagées en réponse à son terrorisme soutenu par l’Etat.
8.10. En ce qui concerne la seule mesure exécutive qui reste en litige, à savoir le décret
présidentiel no 13599, le choix qui s’offre à la Cour est tout aussi tranché. Ce décret précise en effet
qu’il trouve sa source dans
«les pratiques trompeuses de la banque centrale d’Iran [c’est-à-dire la banque Marzaki]
et d’autres banques iraniennes pour dissimuler des transactions de parties faisant l’objet
de sanctions, les insuffisances du dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux
de l’Iran et les faiblesses de sa mise en oeuvre, ainsi que le risque permanent et
intolérable que les activités de l’Iran font courir au système financier international»310.
8.11. Ce sont donc les graves préoccupations suscitées par le système financier iranien,
préoccupations partagées alors comme aujourd’hui par de nombreux autres membres de la
communauté internationale, qui sont à l’origine du décret présidentiel no 13599311. On trouvera un
exposé plus détaillé des motifs de ce décret dans d’autres sections de la présente duplique, notamment
308 Loi de 2012 sur la réduction de la menace iranienne et les droits de l’homme en Syrie, art. 502 (Pub.
L. No. 112-158, 126 Stat. 1214 (2012)), reprise dans le code des Etats-Unis à l’article 8772 du titre 22 (mémoire de l’Iran,
annexe 16). Voir aussi le paragraphe 6.16 du contre-mémoire des Etats-Unis.
309 Les seuls jugements que l’Iran examine de plus près dans sa réplique — jugements qui font tous suite aux
attentats du 11 septembre — sont sans pertinence pour ses demandes à ce stade, comme on le verra à la section C.
310 Décret présidentiel no 13599, 77 Fed. Reg. 6659 (5 février 2012) (mémoire de l’Iran, annexe 22).
311 Voir, par exemple, les paragraphes 11.7 à 11.10 du contre-mémoire des Etats-Unis.
75
- 68 -
au chapitre 7, qui traite de l’application du paragraphe 1 de l’article XX. Le principal point à retenir,
cependant, est que l’Iran invite une nouvelle fois la Cour à dire qu’une mesure adoptée par les
Etats-Unis en réponse à un comportement qui ne saurait en aucun cas bénéficier de la protection du
traité d’amitié emporte violation de cet instrument.
8.12. Il importe non seulement que la Cour garde à l’esprit les faits qui sont à l’origine des
mesures contestées, mais encore qu’elle examine la façon dont ces mesures ont été appliquées à des
actifs spécifiques dans des affaires spécifiques. Comme cela a été examiné plus haut, l’Iran n’a
présenté de demandes que relativement à huit procédures d’exécution, et les mesures législatives et
exécutives qu’il conteste n’intéressent que certaines de ces procédures. Le tableau ci-après montre la
relation entre les procédures d’exécution qui sont en cause dans la présente espèce et les mesures
contestées :
No Mode de citation de l’affaire Numéro de l’affaire Mesures concernées
1 Peterson v. Islamic Republic of
Iran (Peterson I)
10-cv-4518 (S.D.N.Y.) Art. 201, TRIA
[Tribunal fédéral du district
sud de l’Etat de New York]
Décret présidentiel no 13599
Art. 8772, code des Etats-Unis
2 Peterson v. Islamic Republic of
Iran (Peterson II)
13-cv-9195 (S.D.N.Y.)
Art. 201, TRIA
[Tribunal du district sud de
l’Etat de New York]
Décret présidentiel no 13599312
3 Weinstein v. Islamic Republic of
Iran
02-mc-00237 (E.D.N.Y.) Art. 201, TRIA
[Tribunal fédéral du district
est de l’Etat de New York]
4 Bennett v. Islamic Republic of
Iran
11-cv-05807 (N.D. Cal.) Art. 201, TRIA
[Tribunal fédéral du district
nord de Californie]
Art. 1610 g), FSIA
5 Levin v. Bank of New York 09-cv-5900 (S.D.N.Y.)
Art. 201, TRIA
[Tribunal fédéral du district
sud de l’Etat de New York]
Art. 1610 g), FSIA
6 Heiser v. Islamic Republic of Iran 00-cv-2329 (D.D.C.)
Art. 201, TRIA
[Tribunal fédéral du district
de Columbia]
Art. 1610 g), FSIA
7 Heiser v. Bank of Baroda, New
York Branch
11-cv-1602 (S.D.N.Y.) Art. 201, TRIA
[Tribunal fédéral du district
sud de l’Etat de New York]
Art. 1610 g), FSIA
8 Heiser v. Bank of Tokyo
Mitsubishi UFJ, New York Branch
11-cv-1601 (S.D.N.Y.) Art. 201, TRIA
[Tribunal fédéral du district
sud de l’Etat de New York]
Art. 1610 g), FSIA
312 L’article 1226 de la loi sur le budget de la défense nationale pour l’exercice 2020, adoptée en décembre 2019,
produit ses effets sur l’affaire Peterson II, mais comme la loi a été adoptée postérieurement à l’extinction du traité d’amitié,
cet article ne peut faire l’objet de demandes en l’espèce. Voir le chapitre 2 plus haut. De plus, l’affaire Peterson II reste
pendante, et les juridictions américaines n’ont pas encore statué sur le point de savoir si le décret présidentiel no 13599 et
l’article 201 de la TRIA s’appliquaient aux actifs en cause. Voir, par exemple, Peterson v. Islamic Republic of Iran, affaire
no 15-0690, slip opinion [version électronique provisoire de la décision], p. 67-70 (deuxième circuit, 21 novembre 2017)
(réplique de l’Iran, annexe 58).
76
- 69 -
8.13. Quatre observations importantes peuvent être tirées de ce tableau. Premièrement, les
actifs en cause dans les affaires Weinstein et Bennett — actifs qui appartenaient à la banque Melli —
ont été bloqués et mis sous main de justice en application non pas du décret présidentiel no 13599
que l’Iran dénonce en la présente espèce, mais d’un décret antérieur pris en 2007, le décret
présidentiel no 13382313. Or, l’Iran ne conteste pas ce décret en l’espèce (il ne le mentionne pas même
dans son mémoire et s’y réfère une seule fois à titre incident dans une note de bas de page de sa
réplique). Par conséquent, la seule question dont la Cour est saisie en l’espèce est celle de savoir si
un jugement obtenu contre l’Iran pourrait être exécuté sur les actifs d’une banque d’Etat (la banque
Melli) bloqués en application du décret présidentiel no 13382.
8.14. Corollairement, les procès Levin et Heiser ont tous été ouverts avant la promulgation du
décret présidentiel no 13599 et visaient des actifs qui soit n’étaient pas bloqués, soit étaient bloqués
sur d’autres fondements. Même si certains de ces actifs ont pu entrer dans le champ d’application du
décret présidentiel no 13599 après sa promulgation, celui-ci ne les a pas rendus saisissables ni exposés
à des mesures d’exécution.
8.15. Deuxièmement, l’article 8772 ne s’applique qu’à l’affaire Peterson I. De plus, comme
nous le verrons plus en détail ci-après, cet article n’avait à l’époque et n’a aujourd’hui rien
d’exceptionnel. Il permettait de saisir des actifs i) dont la banque Markazi a dit à plusieurs reprises
qu’ils lui appartenaient et ii) qui ont été bloqués en raison des pratiques trompeuses de cette banque.
L’Iran tente certes d’accréditer l’idée que l’article 8772 était un moyen pour le Congrès des
Etats-Unis de faire en sorte que les demandeurs à cette instance gagnent par la voie législative un
procès qu’ils auraient perdu autrement, mais les demandeurs ont fait valoir de leur côté que les actifs
en cause étaient également saisissables par application d’une loi déjà en vigueur, à savoir la TRIA.
L’article 8772 constituait pour eux un autre moyen de saisir ces actifs au cas où le tribunal de district
aurait statué que la TRIA ne s’appliquait pas en l’espèce au motif que la banque Markazi avait
interposé des intermédiaires entre lesdits actifs et elle (et ce, alors même qu’elle persistait à s’en dire
la propriétaire). Finalement, cependant, le tribunal de district a décidé que les demandeurs pouvaient
saisir les actifs en invoquant aussi bien la TRIA que l’article 8772.
8.16. Troisièmement, les deux mesures législatives qui intéressent plusieurs procès — à savoir
l’article 201 de la TRIA et le paragraphe g) de l’article 1610 de la FSIA — s’appliquent à tous les
Etats soutenant le terrorisme, et non à l’Iran seulement.
8.17. Quatrièmement, si les demandeurs ont effectivement invoqué à la fois l’article 201 de la
TRIA et le paragraphe g) de l’article 1610 de la FSIA dans un certain nombre de procès, tous ces
procès concernaient des biens bloqués, à l’exception du procès Levin dans le cadre duquel ils tentaient
de saisir une dette contractée par Sprint envers une société iranienne de télécommunications (qui fera
l’objet d’un examen plus approfondi ci-après). En conséquence, le fait que l’article 201 de la TRIA
et le paragraphe g) de l’article 1610 de la FSIA s’appliquent indépendamment de la question de
savoir si les actifs en cause sont ou non bloqués n’a de pertinence qu’aux fins d’une seule des
procédures d’exécution en cause.
313 Voir section B i) c) et d).
77
- 70 -
SECTION B
LES JURIDICTIONS AMÉRICAINES ONT TRAITÉ DE MANIÈRE RAISONNABLE L’IRAN
ET LES ENTITÉS IRANIENNES ET N’ONT PAS EXERCÉ DE DISCRIMINATION
À LEUR ENCONTRE DANS LES PROCÉDURES
D’EXÉCUTION DE JUGEMENTS
8.18. Dans cette section, les Etats-Unis examineront les huit procédures d’exécution de
jugement dont l’Iran dit dans sa réplique qu’elles sont au fondement de ses demandes en l’espèce.
Ils commenceront par i) les quatre procès dans lesquels les entités iraniennes ont comparu, à savoir
les deux procès Peterson (qui ont vu comparaître la banque Markazi) et les procès Weinstein et
Bennett (qui ont vu comparaître la banque Melli), et poursuivront avec ii) les quatre procès dans
lesquels les entités iraniennes ont choisi de ne pas comparaître, à savoir le procès Levin et les trois
procès Heiser.
8.19. Comme le montrera cet examen, dans chacun des procès de la catégorie i), les entités
iraniennes qui ont comparu ont disposé de la plus grande latitude pour présenter leurs moyens de
défense contre la saisie de leurs actifs, et les juridictions américaines ont étudié ces moyens avec un
soin extrême. Les Etats-Unis combleront également dans cette section certaines lacunes et
corrigeront certaines inexactitudes dans la description que fait l’Iran de ces procès.
8.20. En ce qui concerne les procès de la catégorie ii), les Etats-Unis montreront que les
juridictions américaines ont déployé des efforts considérables pour s’assurer que les entités
iraniennes ayant un intérêt dans les actifs en cause avaient reçu signification de l’ouverture de la
procédure et s’étaient vu donner la possibilité de comparaître. Contrairement à la banque Markazi et
à la banque Melli, qui ont comparu dans les procès de la catégorie i), les entités iraniennes impliquées
dans les procès de la catégorie ii) ont choisi de ne pas comparaître. Comme cela a été expliqué au
chapitre 6, cette décision exclut les demandes de l’Iran qui portent sur les affaires de la catégorie ii)
parce que, en refusant de s’opposer à la saisie de leurs actifs devant les juridictions américaines, les
entités concernées se sont interdit d’épuiser leurs voies de recours internes. Quoi qu’il en soit, les
Etats-Unis montreront également que les juridictions américaines, face au défaut de comparution des
entités iraniennes, ont eu à coeur d’analyser les éléments de preuve produits par les demandeurs et
d’étudier les arguments développés contre leurs requêtes par d’autres parties à la procédure, y
compris des arguments que les entités iraniennes auraient pu faire valoir elles-mêmes si elles avaient
choisi de comparaître.
i) Procédures dans lesquelles les entités iraniennes ont comparu
8.21. Deux des quatre procès examinés dans cette section concernent la banque Markazi
(Peterson I et II) et deux autres, une autre banque iranienne appartenant à l’Etat, la banque Melli
(Weinstein et Bennett). Nous examinerons les procès Peterson I et II sans préjudice du fait, que nous
avons établi plus haut, que la banque Markazi n’est pas une «société» au sens du traité d’amitié et
qu’en conséquence la Cour est dispensée d’examiner au fond les demandes présentées par l’Iran au
titre du paragraphe 1 de l’article III, du paragraphe 2 de l’article III, du paragraphe 1 de l’article IV,
du paragraphe 2 de l’article IV et du paragraphe 1 de l’article V en ce qu’elles se rapportent à ces
deux affaires. De même, notre examen de ces deux procès sera sans préjudice d’un autre point, à
savoir que l’Iran ne saurait présenter des demandes concernant des décisions de justice qui ont été
ou seront rendues postérieurement à l’extinction du traité d’amitié, telles que l’ordonnance d’avril
78
- 71 -
2020 en l’affaire Bennett organisant la remise des fonds en cause et les futures ordonnances de remise
de fonds qui pourraient être rendues en l’affaire Peterson II314.
a) Peterson I
8.22. Comme nous l’avons vu plus haut, les demandeurs au procès Peterson v. Islamic
Republic of Iran sont des victimes de l’attentat à la bombe de 1983 contre le casernement des fusiliers
marins américains à Beyrouth (Liban) et leurs familles. En leur donnant gain de cause, le tribunal a
jugé, sur le fondement de nombreux éléments de preuve et témoignages, que
«le ministère du renseignement et de la sécurité, agissant en qualité d’agent de la
République islamique d’Iran, a[vait] commis des actes, le 23 octobre 1983, ou
approximativement à cette date …, ces actes ayant causé la mort de plus de
241 membres des forces armées chargés du maintien de la paix au casernement des
fusiliers marins américains à Beyrouth, au Liban. Spécifiquement, la mort de ces
militaires a été le résultat direct d’une explosion de matériau qui avait été transporté au
quartier général de la 24e MAU dont la détonation a été provoquée de manière
intentionnelle vers 6 h 25 du matin, heure de Beyrouth, par un agent du ministère iranien
du renseignement et de la sécurité.»315 [Traduction du Greffe]
8.23. Après avoir obtenu un jugement contre l’Iran pour son rôle dans cet attentat, les
demandeurs à l’affaire Peterson ont cherché à faire saisir le montant des obligations appartenant à la
banque Markazi qui étaient détenues dans un compte ouvert par Clearstream Banking, S.A. (ci-après
«Clearstream») à New York316. En 2008, la banque Markazi a viré le montant de ces obligations sur
un compte qu’une banque italienne, Banca UBAE, avait ouvert chez Clearstream, ce qui ne l’a pas
empêchée de continuer de se déclarer seule propriétaire de ces obligations317.
8.24. Les demandeurs ont d’abord invoqué les dispositions de la FSIA, avant de modifier leur
requête en 2012 pour faire valoir leurs demandes sous l’autorité de la TRIA après que les actifs de la
banque Markazi, parmi lesquels ceux qui étaient en cause dans l’affaire Peterson I, eurent été bloqués
en application du décret présidentiel no 13599318. Comme cela a été expliqué ailleurs, les actifs de
ladite banque avaient été bloqués en raison de ses pratiques trompeuses, et en particulier de l’action
qu’elle avait menée pour faciliter des transactions avec des parties frappées de sanctions319.
8.25. La banque Markazi a opposé plusieurs moyens de défense aux prétentions des
demandeurs fondées sur la TRIA, plaidant notamment que les actifs en cause ne constituaient pas
des «actifs bloqués d’un établissement ou organisme iranien» comme le prévoyait cette loi, parce
314 Voir le chapitre 2 plus haut.
315 Peterson v. Islamic Republic of Iran, 264 F. Supp. 2d 46, 61 (tribunal fédéral du district de Columbia, 2003)
(annexe 36). Voir aussi les paragraphes 5.22-5.33 du contre-mémoire des Etats-Unis (où sont exposées les preuves de la
participation de l’Iran à cet attentat).
316 D’autres groupes de demandeurs bénéficiaires de jugements non exécutés rendus contre l’Iran ont fini par se
joindre à la procédure d’exécution Peterson, mais, comme l’a relevé la Cour suprême des Etats-Unis, «la majorité [d’entre
eux] demandaient réparation pour préjudice corporel subi en liaison avec l’attentat de 1983 contre le casernement des
fusiliers marins américains à Beyrouth, au Liban» [traduction du Greffe]. Bank Markazi v. Peterson, 136 S. Ct. 1310,
1319-20 (2016) [Cour suprême] (annexe 109).
317 Peterson v. Islamic Republic of Iran, affaire no 10-cv-4518, 2013 WL 1155576, à **2-5 (district sud de l’Etat
de New York, 13 mars 2013) (annexe 108).
318 Bank Markazi v. Peterson, 136 S. Ct. 1310, 1320 n.10 (2016) [Cour suprême] (annexe 109).
319 Voir plus haut, section B iii) du chapitre 7.
79
80
- 72 -
qu’ils étaient détenus dans un compte administré par Clearstream, et non par elle-même, à
New York320. Autrement dit, loin de contester qu’elle était le «seul propriétaire réel des actifs» — la
banque Markazi a affirmé à plusieurs reprises au cours de l’instance que ces actifs lui «appartenaient»
et les a régulièrement qualifiés d’«avoirs de la banque Markazi» —, ce qui ne l’a pas empêchée de
prétendre qu’ils ne tombaient pas sous le coup de la TRIA et restaient donc insaisissables, à cause de
la façon dont elle avait structuré leur détention321.
8.26. La banque Markazi a également fait valoir qu’autoriser les demandeurs à saisir ces actifs
emporterait violation du traité d’amitié322, au motif que lesdits actifs jouissaient de l’immunité
d’exécution visée au paragraphe b) de l’article 1611 de la FSIA parce qu’ils constituaient «un
placement des réserves de change de la banque, ce qui est une mission classique des banques
centrales», et que les demandeurs n’avaient pas apporté la preuve du contraire323. Comme cela a déjà
été relevé au chapitre 5, la position de la banque Markazi dans le procès Peterson contredit à tous
points de vue la position de l’Iran en la présente espèce, puisque, dans un vain effort pour faire entrer
cette banque dans la définition que le traité d’amitié donne du terme «société», cet Etat prétend que
les actifs en cause étaient détenus à des fins commerciales324.
8.27. Alors que les demandes présentées en application de la TRIA étaient encore pendantes,
le Congrès des Etats-Unis a adopté l’article 8772, qui a ouvert aux demandeurs une autre possibilité
de saisir les actifs en cause. Les demandeurs ont donc également invoqué cette nouvelle disposition
pour obtenir que ces actifs leur soient remis325.
8.28. A tous les degrés du système judiciaire américain, les juridictions saisies ont donné à la
banque Markazi toute latitude de faire valoir ses moyens de défense contre la tentative des
demandeurs de saisir les fonds en cause en s’autorisant de la TRIA et de l’article 8772326, et elles ont
examiné ces moyens avec tout le soin voulu avant de finalement les rejeter. Quant aux arguments de
ladite banque selon lesquels le traité d’amitié lui donnait «droit à un statut juridique distinct de celui
de l’Iran et qu’en conséquence ses actifs ne pouvaient être saisis en exécution d’un jugement rendu
contre un Etat souverain», tant le tribunal de district que la cour d’appel ont conclu que ledit traité
320 Peterson v. Islamic Republic of Iran, affaire no 10-cv-4518, 2013 WL 1155576, à **23-24 (district sud de l’Etat
de New York, 13 mars 2013) (annexe 108).
321 Ibid., à *23 et note 10.
322 Mémoire de la banque Markazi (défenderesse) à l’appui de l’exception d’incompétence ratione materiae
soulevée par elle contre la deuxième requête modifiée, p. 22-24, Peterson v. Islamic Republic of Iran, affaire no 10-4518
(district sud de l’Etat de New York, 15 mars 2012) (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe A05).
323 Mémoire de la banque Markazi (défenderesse) à l’appui de l’exception d’incompétence ratione materiae
soulevée par elle contre la deuxième requête modifiée, p. 3, Peterson v. Islamic Republic of Iran, affaire no 10-4518 (district
sud de l’Etat de New York, 15 mars 2012) (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe A05). Voir aussi le mémoire de
la banque Markazi (défenderesse-appelante), p. 35-36, Peterson v. Islamic Republic of Iran, no 13-2952 (deuxième circuit,
19 novembre 2013) (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 233) («toutes les pièces du dossier confirment la
position constante de la banque Markazi en la présente instance, à savoir que les actifs en cause étaient mis au service de
cette mission classique des banques centrales qui consiste à placer les réserves de change») [traduction du Greffe] ; contremémoire
des Etats-Unis, par. 9.12-9.13.
324 Voir aussi les paragraphes 9.10-9.15 du contre-mémoire des Etats-Unis.
325 Bank Markazi v. Peterson, 136 S. Ct. 1310, 1320 (2016) (annexe 109).
326 Clearstream et la Banca UBAE se sont joints à la banque Markazi pour contester les demandes de remise d’actifs
introduites devant le tribunal de district, mais elles ont préféré transiger avec les demandeurs avant que la cour d’appel ne
rende l’arrêt par laquelle elle confirmait le jugement du tribunal de district. Bank Markazi v. Peterson, 136 S. Ct. 1310,
1322 n.15 (2016) (annexe 109).
81
- 73 -
n’opposait pas un obstacle absolu à une éventuelle levée du voile social dont la banque cherchait à
se couvrir sous la qualité de «société»327.
8.29. Devant la Cour suprême, la banque Markazi a avancé comme principal argument que
l’article 8772 violait le principe de la séparation des pouvoirs consacré par la Constitution
américaine328. Rédigeant l’opinion majoritaire au nom de six des membres de la Cour suprême,
Mme la juge Ginsburg a cependant conclu que l’article attaqué «ne transgress[ait] pas les contraintes
imposées par la Constitution au Congrès et au président»329. Dans sa description de l’affaire
Peterson I, l’Iran n’en a pas moins mis en avant l’opinion dissidente du président de la Cour suprême,
M. Roberts, alors que la majorité de la Cour avait rejeté, après les avoir dûment examinés, les
arguments du président concluant à l’inconstitutionnalité supposée de cette disposition330. Au sujet
du point souligné par l’Iran dans sa réplique, à savoir que l’article 8772 «garanti[t] la victoire des
[demandeurs]»331, la juge Ginsburg a relevé que «le tribunal de district, qui a suivi l’affaire de près,
n’en était pas d’accord», et a cité cette constatation de la juridiction inférieure que les diligences
prévues par l’article 8772 n’étaient pas «de simples feuilles de vigne», mais qu’elles lui avaient
imposé de répondre aux questions contradictoires posées par la banque Markazi, Clearstream et la
Banca UBAE concernant la propriété des actifs, et notamment celles de savoir s’il était possible que
d’autres parties détiennent un intérêt dans lesdits actifs et si lesdits actifs «étaient situés au
Luxembourg et non à New York»332.
8.30. Pour conclure sur la procédure Peterson I, bien que l’Iran invoque l’article 8772 à
plusieurs reprises dans sa réplique pour appuyer ses demandes relatives à cette procédure, le tribunal
de district a statué que les demandeurs auraient aussi bien pu saisir les actifs en cause en invoquant
la TRIA, laquelle avait été en vigueur pendant une dizaine d’années avant la promulgation de
l’article 8772. Premièrement, le tribunal a conclu que «la banque Markazi [était] seule propriétaire»
des actifs, comme elle l’avait «à plusieurs reprises admis en de multiples occasions»333. Ainsi, du fait
que les Etats-Unis avaient bloqué ces actifs en application du décret présidentiel no 13599334, ils
constituaient des actifs bloqués d’un établissement ou organisme d’une partie terroriste et, de ce fait,
étaient susceptibles d’être saisis en application du paragraphe a) de l’article 201 de la TRIA335.
Deuxièmement, comme l’a relevé le tribunal de district, «la clause «nonobstant» de la
TRIA … l’emporte sur l’immunité attachée à une banque centrale» prévue à l’alinéa 1) du
paragraphe b) de l’article 1611 de la FSIA, indépendamment de toute disposition de l’article 8772336.
La cour d’appel et la Cour suprême des Etats-Unis ont finalement renoncé à se prononcer sur
l’applicabilité de la TRIA et préféré asseoir les motifs de leurs décisions sur l’article 8772337, mais
327 Peterson v. Islamic Republic of Iran, affaire no 10-cv-4518, 2013 WL 1155576, à *25 (district sud de l’Etat de
New York, 13 mars 2013) (annexe 108). Voir aussi Peterson v. Islamic Republic of Iran, 758 F.3d 185, 190-91 (deuxième
circuit, 2014) (annexe 233) («[N]ous ne voyons aucune contradiction entre l’article 8772 et le traité d’amitié.») [Traduction
du Greffe]
328 Bank Markazi v. Peterson, 136 S. Ct. 1310, 1317 (2016) [Cour suprême] (annexe 109).
329 Ibid., p. 1317 (annexe 109).
330 Voir, par exemple, Bank Markazi v. Peterson, 136 S. Ct. 1326 (2016) [Cour suprême] (annexe 109).
331 Réplique de l’Iran, par. 2.96 c).
332 Bank Markazi v. Peterson, 136 S. Ct. 1310, 1325 et note 20 (2016) [Cour suprême] (annexe 109).
333 Peterson v. Islamic Republic of Iran, affaire no 10-cv-4518, 2013 WL 1155576, à *23 (district sud de l’Etat de
New York, 13 mars 2013) (annexe 108).
334 Ibid., à *22 (annexe 108).
335 Ibid., à *23 (annexe 108).
336 Ibid., à *25 (annexe 108).
337 Bank Markazi v. Peterson, 136 S. Ct. 1310, 1322 n. 16 (2016) [Cour suprême] (annexe 109) ; Peterson v.
Islamic Republic of Iran, 758 F.3d 185, 188 (deuxième circuit, 2014) (annexe 233).
82
- 74 -
l’analyse à laquelle a procédé le tribunal de district montre que, s’il était vrai que l’article 8772 aurait
pu réduire l’incertitude quant à la question de savoir si les actifs en cause étaient saisissables, l’Iran
n’a cependant pas pu et ne peut toujours pas établir qu’il aurait changé le résultat final.
b) Peterson II
8.31. L’Iran fait également valoir des demandes concernant une procédure distincte engagée
par les demandeurs en l’affaire Peterson, procédure qu’il désigne sous le nom de Peterson II. Comme
il l’admet lui-même, cette procédure est en cours et n’a encore abouti à aucune remise d’actifs aux
demandeurs338. Si les juridictions américaines devaient ordonner à l’avenir la remise d’actifs aux
demandeurs à la procédure Peterson II, cela ne pourrait intervenir que longtemps après l’extinction
du traité d’amitié et ne pourrait donc pas donner lieu à une accusation de violation du traité339. En
tout état de cause, les demandes de l’Iran sont aussi infondées en ce qui concerne la procédure
Peterson II qu’en ce qui concerne la procédure Peterson I. Les juridictions américaines ont procédé
à un examen approfondi des arguments de la banque Markazi et des autres parties défenderesses au
cours des plus de sept années écoulées depuis que les demandeurs ont introduit l’instance340.
c) Weinstein
8.32. L’affaire Weinstein v. Islamic Republic of Iran concerne des demandes présentées par la
famille d’Ira Weinstein, un citoyen américain décédé des suites de graves blessures subies à
Jérusalem dans un attentat-suicide à la bombe commis contre un autobus par le Hamas qui, selon le
tribunal, avait reçu un «soutien matériel et technique massif» de l’Iran341. Comme l’a expliqué le
tribunal,
«les défendeurs [à savoir l’Iran, le ministère iranien du renseignement et de la
sécurité et trois hauts fonctionnaires iraniens] n’ont pas seulement procuré aux
terroristes les connaissances techniques nécessaires pour commettre l’attentat du
2[5] février 1996 contre l’autobus no 18 de la société de transports Egged, mais ils ont
également fourni au Hamas les fonds nécessaires à leur entreprise.»342 [Traduction du
Greffe]
8.33. La description que fait l’Iran des efforts déployés par les demandeurs pour obtenir
l’exécution du jugement en l’affaire Weinstein est lacunaire. En effet, l’Iran se concentre sur la remise
d’actifs qui a eu lieu en 2012, mais omet de mentionner l’échec subi à une date antérieure par les
demandeurs dans leur tentative de saisir des fonds appartenant à trois banques iraniennes (la banque
Melli, la banque Sepah et la banque Saderat) détenus dans des comptes ouverts à la Bank of
New York. Dans sa décision de janvier 2004, le tribunal de district a considéré, conformément aux
arguments avancés par les banques iraniennes, que les fonds en cause n’étaient pas des «actifs
bloqués» en application de la TRIA et n’étaient par conséquent pas susceptibles d’être saisis en
338 Réplique de l’Iran, par. 2.108.
339 Voir le chapitre 2 plus haut. De même, l’Iran ne peut présenter aucune demande en vertu du traité qui
concernerait l’article 1226 de la loi sur le budget de la défense nationale pour l’exercice 2020, quel que soit l’effet que cet
article pourrait avoir sur la procédure Peterson II, puisqu’il a été adopté en décembre 2019, soit postérieurement à
l’extinction du traité.
340 Voir, par exemple, l’exposé des motifs et la décision de la procédure Peterson v. Islamic Republic of Iran,
affaire no 13-cv-9195 (district sud de l’Etat de New York, 20 février 2015), ECF 166 (réplique de l’Iran, annexe 50) ;
Peterson v. Islamic Republic of Iran, affaire no 15-0690, slip opinion, p. 67-70 (deuxième circuit, 21 novembre 2017)
(réplique de l’Iran, annexe 58).
341 Weinstein v. Islamic Republic of Iran, 184 F. Supp. 2d 13, 21 (district de Columbia, 2002) (annexe 53).
342 Weinstein v. Islamic Republic of Iran, 184 F. Supp. 2d 13, 21-22 (district de Columbia, 2002) (annexe 53).
83
- 75 -
application de ladite loi343. Il importe de noter à cet égard que le Gouvernement américain a soumis
au tribunal une déclaration d’intérêt, que le tribunal a largement citée dans sa décision, par laquelle
il soutenait l’interprétation de la TRIA par les banques iraniennes344.
8.34. En 2007, les demandeurs à la procédure Weinstein ont de nouveau tenté d’obtenir
l’exécution du jugement en leur faveur, cette fois sur des biens immobiliers appartenant à la banque
Melli à Forest Hills (New York). Du fait que les Etats-Unis avaient désigné l’Iran comme «acteur de
la prolifération des armes de destruction massive en vertu du décret présidentiel no 13382»345
— désignation que la banque Melli n’a pas contestée devant le tribunal de district346 et qu’elle ne
conteste pas ici — tous les «biens immobiliers et intérêts dans des biens» de cette banque aux
Etats-Unis ont été bloqués, y compris ses biens sis à Forest Hills347. La banque Melli fournissait à
des entités impliquées dans les programmes nucléaire et de missiles balistiques iraniens et dans le
terrorisme international des services bancaires qui l’amenaient à dissimuler des transactions avec des
entités figurant dans la liste jointe à la résolution 1747 du Conseil de sécurité de l’ONU348. La banque
Melli a admis que ses biens de Forest Hills étaient des «actifs bloqués» susceptibles d’être saisis en
application de la TRIA et qu’elle était un «établissement ou organisme» iranien, mais s’est opposée
à la tentative faite par les demandeurs pour saisir lesdits biens en arguant, entre autres moyens, qu’une
telle mesure constituerait une violation du traité d’amitié et de la Constitution des Etats-Unis.
8.35. Le tribunal de district a rejeté les arguments de la banque Melli. En ce qui concerne le
paragraphe 1 de l’article III du traité, il a expliqué que, comme la Cour suprême l’avait reconnu, les
dispositions de ce type avaient pour «principal objectif» de «conférer aux sociétés de chacun des
signataires du traité un statut légal sur le territoire de l’autre partie et de leur permettre de mener des
activités dans l’autre pays dans des conditions comparables à celles des entreprises nationales»349.
En conséquence, «rien dans le libellé ou l’objet du paragraphe 1 de l’article III du traité
d’amitié … n’empêche la levée du voile social, comme l’autorise le paragraphe a) de l’article 201 de
la TRIA»350.
8.36. Le tribunal a également examiné et rejeté l’argument de la banque Melli selon lequel la
saisie et la vente de ses biens sis à Forest Hills constitueraient une «expropriation» qui n’aurait pas
été faite pour cause d’utilité publique et moyennant une juste indemnité, en violation du paragraphe 2
343 Weinstein v. Islamic Republic of Iran, 299 F. Supp. 2d 63, 76 (district est de l’Etat de New York, 2004)
(annexe 307).
344 Ibid., p. 71 (annexe 307) («Le Gouvernement [des Etats-Unis] souscrit à la déclaration de la banque [Melli]
selon laquelle les actifs en cause de ladite banque ne sont pas des «actifs bloqués» en application de la TRIA et qu’en
conséquence ils ne sont pas susceptibles d’être saisis en application de cette loi») ; ibid., p. 73 («Le Gouvernement [des
Etats-Unis] conteste les arguments des demandeurs et souscrit largement aux arguments de la banque Melli.») [Traduction
du Greffe]
345 Weinstein v. Islamic Republic of Iran, 624 F. Supp. 2d 272, 273 (district est de l’Etat de New York, 2009)
(annexe 306).
346 Ibid., p. 278 (annexe 306).
347 Ibid., p. 273 (annexe 306).
348 Département du trésor des Etats-Unis, Fact Sheet: Designation of Iranian Entities and Individuals for
Proliferation Activities and Support for Terrorism [fiche d’information : désignation d’entités et de personnes physiques
iraniennes en relation avec des activités de prolifération et de soutien au terrorisme], hp-644 (25 octobre 2007) (exceptions
préliminaires des Etats-Unis, annexe 147).
349 Weinstein v. Islamic Republic of Iran, 624 F. Supp. 2d 272, 275 (district nord de l’Etat de New York, 2009)
(annexe 306) (avec citation de l’affaire Sumitomo Shoji Am., Inc. v. Avagliano, 457 U.S. 176, 185-86 (1982)).
350 Ibid., p. 275 (annexe 306). Le tribunal a également noté qu’en cas de conflit entre la TRIA et le traité d’amitié
la première prévaudrait en sa qualité d’acte législatif ultérieur. Cette observation n’était cependant pas nécessaire pour
motiver sa décision, puisque le tribunal avait déjà conclu qu’il n’y avait pas de conflit entre la TRIA et le traité. Ibid.
84
- 76 -
de l’article IV du traité d’amitié et du cinquième amendement de la Constitution des Etats-Unis351. Il
s’est appuyé pour ce faire sur une décision antérieure de la cour d’appel du circuit fédéral qui
expliquait que
«des mesures valablement adoptées par la voie réglementaire pour promouvoir
d’importants intérêts de sécurité nationale [pouvaient] produire sans doute des effets
négatifs sur certains intérêts et attentes d’origine conventionnelle, mais que ces effets
n’étaient pas réputés constituer des expropriations ouvrant droit à indemnisation aux
fins du cinquième amendement»352.
Le tribunal a également relevé que,
«[s]i les biens de la banque Melli aux Etats-Unis se trouvent aujourd’hui placés
sous main de justice, c’est parce que cette banque a participé à la prolifération des armes
de destruction massive, ce qui a entraîné sa désignation [comme acteur de la
prolifération] et le blocage de ses actifs … La banque Melli a pris le risque de voir sa
participation à l’entreprise iranienne de prolifération des armes de destruction massive
entraîner pour elle les exactes conséquences auxquelles elle est confrontée aujourd’hui
dans le cadre du programme de sanctions contre l’Iran.»353
8.37. Après avoir rendu son jugement, le tribunal de district a suspendu la procédure afin de
permettre à la banque Melli de faire appel de sa décision devant la cour d’appel du deuxième circuit,
puis de se pourvoir en cassation devant la Cour suprême des Etats-Unis. Même si la cour d’appel a
confirmé la décision du tribunal de district, il ne fait aucun doute qu’elle a permis à la banque Melli
d’être équitablement entendue. La cour d’appel a notamment examiné deux arguments que la banque
Melli n’avait pas fait valoir devant le tribunal de district, le premier concernant la compétence ratione
materiae du tribunal et le second concernant la constitutionnalité de la TRIA354.
8.38. Après que la cour d’appel eut confirmé la décision du tribunal de district, ce dernier a
fait droit à une nouvelle requête en suspension de procédure de la banque Melli pour que celle-ci
puisse saisir la Cour suprême d’une requête en ordonnance d’autorisation de recours extraordinaire.
Cette suspension de procédure a duré près de dix-huit mois, du 3 janvier 2011 jusqu’à peu après la
décision de la Cour suprême de rejeter la demande de la banque Melli, qui a été rendue le 25 juin
2012 ; le tribunal de district a ordonné le 20 décembre 2012 que les fonds en cause soient distribués
aux demandeurs355.
351 Ibid., p. 276 (annexe 306).
352 Ibid., p. 277 (annexe 306) (avec citation de l’affaire Paradissiotis v. United States, 304 F.3d 1271, 1274-75
(cour d’appel du circuit fédéral, 2002)).
353 Ibid., p. 278 (annexe 306). Voir aussi Weinstein v. Islamic Republic of Iran, 609 F.3d 43, 54 (deuxième circuit,
2010) (annexe 308) («Dans la présente procédure, où le jugement en cause contre l’Iran n’a pas été contesté, la saisie des
biens de la banque Melli en sa qualité d’organisme iranien et en exécution du jugement en cause ne constitue pas une
«expropriation» au sens du [cinquième amendement à la Constitution] relatif à l’expropriation … Au contraire, les
agissements de la banque Melli en tant qu’elle finançait des armes de destruction massive ont engagé sa responsabilité dans
l’exécution de jugements déjà rendus contre l’Iran.») [Traduction du Greffe]
354 Weinstein v. Islamic Republic of Iran, 609 F.3d 43, 47, 50 (deuxième circuit, 2010) (annexe 308).
355 Extraits du dossier de l’affaire Weinstein v. Islamic Republic of Iran, affaire no 12-cv-03445 (district [est] de
l’Etat de New York.), p. 15-18 (annexe 309).
85
- 77 -
d) Bennett
8.39. Comme l’affaire Weinstein, l’affaire Bennett concernait un attentat à la bombe commis
par le Hamas, cette fois dans une cafétéria de l’Université hébraïque de Jérusalem, avec le soutien
matériel de l’Iran et de son ministère du renseignement et de la sécurité356. Cinq ressortissants
américains figuraient au nombre des morts qu’a faits cet attentat, dont une étudiante de 24 ans
originaire de Californie, Marla Ann Bennett357.
8.40. Comme cela a déjà été relevé, l’affaire Bennett est sans pertinence pour les demandes de
l’Iran en la présente espèce, parce que ce n’est que le 24 avril 2020 que le tribunal a ordonné que les
actifs en cause soient remis aux demandeurs358, soit longtemps après la dénonciation du traité
d’amitié par les Etats-Unis, intervenue le 3 octobre 2018.
8.41. Mais à supposer même que la procédure d’exécution du jugement en l’affaire Bennett
soit pertinente aux fins de l’une quelconque des demandes dont est saisie la Cour, la réplique de
l’Iran donne de cette procédure une description lacunaire et fallacieuse. Bien qu’il ait refusé de
comparaître au procès qui a précédé le jugement, l’Iran a reçu signification dudit jugement le
26 novembre 2007359. Après avoir tenté sans succès d’obtenir l’exécution dudit jugement dans le
district de Columbia, les demandeurs en l’affaire ont engagé une procédure d’exécution devant le
tribunal du district nord de la Californie afin de saisir les actifs bloqués de la banque Melli détenus
par des établissements financiers américains, dont Visa et Franklin Templeton360. Comme les biens
en cause dans la procédure Weinstein, ces actifs ont été bloqués en application du décret présidentiel
no 13382 du 28 juin 2005, en raison du rôle joué par ladite banque dans la prolifération d’armes de
destruction massive361. Les établissements financiers qui détenaient les actifs bloqués de la banque
Melli ont rapidement pris les dispositions voulues pour inclure celle-ci dans la procédure
d’exécution. Le 12 mars 2012, la banque Melli a reçu une assignation à comparaître dans la procédure
d’exécution engagée devant le tribunal fédéral de première instance du district nord de la
Californie362.
8.42. Tant la juridiction de première instance que la juridiction d’appel ont procédé à nombre
d’accommodements raisonnables pour s’assurer que la cause de la banque Melli était pleinement
entendue et que la défenderesse avait pu développer pleinement ses moyens de défense au fond.
Ladite banque s’est dans un premier temps abstenue de comparaître dans la procédure d’exécution
356 Bennett v. Islamic Republic of Iran, 604 F. Supp. 2d 152, 154 (district de Columbia, 2009) (annexe 310).
357 Ibid. (annexe 310).
358 Ordonnance, Bennett v. Islamic Republic of Iran, affaire no 11-cv-5807 (district nord de la Californie, 24 avril
2020), ECF 210 (annexe 311).
359 Procès-verbal de signification, Bennett v. Islamic Republic of Iran, affaire no 03-cv-1486 (district de Columbia,
24 janvier 2011), ECF 51-1 (annexe 312).
360 Demande, Bennett v. Islamic Republic of Iran, affaire no 11-cv-5807 (district nord de la Californie, 2 décembre
2011), ECF 1 (annexe 313).
361 Voir 72 Fed. Reg. 62520 (5 novembre 2007) (annexe 314). Les actifs de la banque Melli relevant de la juridiction
des Etats-Unis ont été bloqués le 25 octobre 2007, au motif que cette banque fournissait des services bancaires à des entités
impliquées dans les programmes nucléaire et de missiles balistiques iraniens et dans le terrorisme international, notamment
par la dissimulation de transactions avec des entités visées par la résolution 1747 du Conseil de sécurité des Nations Unies
qui facilitaient leurs activités nucléaires ou balistiques. Département du trésor des Etats-Unis, Fact Sheet: Designation of
Iranian Entities and Individuals for Proliferation Activities and Support for Terrorism, hp-644 (25 octobre 2007)
(exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 147).
362 Assignation à comparaître, Bennett v. Islamic Republic of Iran, affaire no 11-cv-5807 (district nord de la
Californie, 21 mars 2012), ECF 45 (annexe 315).
86
- 78 -
Bennett363. Passant outre les objections des demandeurs364, le tribunal de première instance a annulé
son jugement par défaut contre la banque Melli365, ce qui a permis à cette dernière de participer
pleinement à la procédure. La cour d’appel a fait droit à toutes les demandes de prorogation de délai
de la banque, ainsi qu’à ses demandes d’autorisation de dépasser le nombre maximum de pages prévu
pour les mémoires et de déposer des écritures supplémentaires non prévues par son règlement
intérieur366.
8.43. En sus de ces accommodements ménagés par le pouvoir judiciaire fédéral, le pouvoir
exécutif a participé à la procédure d’exécution en l’affaire Bennett en maintes occasions et dans un
sens favorable à l’Iran. Le 31 mars 2009, par exemple, une ordonnance de saisie conservatoire de
cinq biens iraniens sis dans le district de Columbia obtenue par les demandeurs à la procédure Bennett
a été annulée par les tribunaux avec le soutien des Etats-Unis tant en première instance qu’en appel367.
Les Etats-Unis avaient centré leur argumentation sur leurs obligations internationales à l’égard de
biens diplomatiques368. Ils ont comparu à l’audience malgré les critiques et les pressions des
demandeurs, qui ont été suffisamment importantes pour valoir à ces derniers des remontrances du
juge369. Paradoxalement, les Etats-Unis sont aujourd’hui attraits devant la Cour par l’Iran
— c’est-à-dire l’autre partie intéressée à la procédure Bennett —, qui les accuse sans fondement
d’avoir manqué à leurs obligations internationales à cause d’actions en exécution visant le même
jugement.
8.44. Les Etats-Unis ont persisté dans leur impartialité quand ils ont été invités à participer à
la phase de la procédure d’exécution Bennett dont l’Iran tire aujourd’hui grief devant la Cour. A titre
d’exemple, lors de l’appel de la décision d’exécution rendue par le tribunal du district nord de la
Californie, ils ont soumis un avis sur l’interprétation correcte du paragraphe g) de l’article 1610 de
la FSIA qui concordait avec les arguments de la banque Melli370 et a finalement convaincu la Cour
suprême des Etats-Unis371. Ceux-ci ont également fait part des préoccupations que leur inspirait
l’application du droit californien pour apprécier si les actifs en cause pouvaient être saisis en vertu
de la TRIA et/ou du paragraphe g) de l’article 1610372. L’Iran peut ne pas apprécier l’issue de la
363 Avis d’enregistrement du défaut par le greffier, Bennett v. Islamic Republic of Iran, affaire no 11-cv-5807
(district nord de la Californie, 26 avril 2012), ECF 79 (annexe 316).
364 Bennett v. Islamic Republic of Iran, affaire no 11-cv-5807 (district nord de la Californie, juin 2012), ECF 100,
101, 103, 106, 107 (annexe 317).
365 Ordonnance, Bennett v. Islamic Republic of Iran, affaire no 11-cv-5807 (district nord de la Californie, 5 juillet
2012), ECF 109 (annexe 318).
366 Voir, par exemple, ordonnances, Bennett v. Islamic Republic of Iran, 13-15442 (neuvième circuit), ECF 16, 46,
87 (annexe 319).
367 Voir Bennett v. Islamic Republic of Iran, 604 F. Supp. 2d 152 (district de Columbia, 2009) (annexe 310) ; voir,
par exemple, la requête des Etats-Unis en annulation des ordonnances de saisie, Bennett v. Islamic Republic of Iran, affaire
no 03-cv-1486 (district de Columbia, 18 juillet 2008), ECF 34 (annexe 320) ; mémoire rectifié des Etats-Unis (intimé),
Bennett v. Islamic Republic of Iran, affaire no 09-5147 (cour d’appel du circuit du district de Columbia, 1er décembre 2009),
doc. 1218295 (annexe 321).
368 Voir Bennett v. Islamic Republic of Iran, 604 F. Supp. 2d, p. 156 (annexe 310).
369 Ibid., p. 168 (annexe 310) («La cour de céans est consciente que les demandeurs estiment que les Etats-Unis
font erreur dans la conduite de leur politique étrangère en la présente affaire. Cette conduite doit certainement donner
l’impression à toutes les victimes dans les procédures en cours que les Etats-Unis se sont retournés contre elles pour prendre
le parti d’Etats soutenant le terrorisme. Il n’en demeure pas moins que la rhétorique de leur avocat n’est ni exacte ni juste»).
[Traduction du Greffe]
370 Voir, par exemple, le mémoire déposé par les Etats-Unis en qualité d’amicus curiae, Bennett v. Islamic Republic
of Iran, 825 F.3d 949 (neuvième circuit, 2016) (no 13-15442), ECF 82 (annexe 322).
371 Voir Rubin v. Islamic Republic of Iran, 138 S. Ct. 816 (2018) [Cour suprême] (annexe 75).
372 Voir, par exemple, le mémoire des Etats-Unis en qualité d’amicus curiae, Bennett v. Islamic Republic of Iran,
825 F.3d 949 (neuvième circuit, 2016) (no 13-15442), ECF 82 (annexe 322).
87
- 79 -
procédure d’exécution Bennett (qui est postérieure à l’extinction du traité d’amitié), mais il n’a
aucune raison de se plaindre des facilités accordées à la banque Melli pour lui permettre de présenter
ses moyens de défense devant les juridictions américaines ou des positions défendues par les
Etats-Unis pendant le procès, qui ont valu à ces derniers d’être accusés par les demandeurs de
défendre les intérêts iraniens.
ii) Procédures dans lesquelles les entités iraniennes n’ont pas comparu
8.45. Même dans les procédures d’exécution dans lesquelles les entités iraniennes ont décidé
de ne pas comparaître — soit plusieurs actions intentées par les demandeurs aux procédures Heiser
et Levin v. Bank of New York —, le système judiciaire américain s’est employé à défendre les intérêts
des entités concernées. Les demandeurs à la procédure Heiser étaient les familles de militaires morts
dans l’attentat contre les tours de Khobar que les Etats-Unis ont longuement traité dans leur contremémoire373.
Quant à la procédure Levin, elle concernait l’enlèvement et la torture du chef du bureau
de CNN à Beyrouth par le Hezbollah à une époque où, devait conclure le tribunal, l’Iran «utilisait
directement et indirectement le Hezbollah … pour commettre des actes de terrorisme contre des
civils américains»374.
8.46. Les Etats-Unis soulignent trois points importants concernant les procédures Heiser et
Levin. Premièrement, leurs juridictions ont veillé à ce que l’Iran et les sociétés iraniennes dont les
biens étaient susceptibles de saisie et autres mesures d’exécution soient dûment avisés des actions
engagées contre eux et se voient accorder d’amples délais pour comparaître. Deuxièmement, alors
même que les sociétés iraniennes avaient choisi de ne pas le faire, il est souvent arrivé que d’autres
parties à la procédure — dans nombre de cas les banques détenant les actifs dont les demandeurs
sollicitaient la saisie — fassent valoir des moyens de défense qu’auraient pu avancer elles-mêmes
les sociétés en cause. Troisièmement, et malgré le défaut de comparution des sociétés iraniennes, les
juridictions ont exigé que les demandeurs produisent les preuves voulues à l’appui de leurs
prétentions sur les actifs en cause.
8.47. Les Etats-Unis ont déjà montré que l’Iran ne saurait faire valoir devant la Cour des
demandes se rapportant aux affaires Heiser et Levin, puisque les entités iraniennes en cause ont choisi
de ne pas comparaître et qu’elles n’ont pas épuisé les voies de recours internes375. Mais même si les
entités iraniennes avaient comparu ou qu’elles ne fussent pas tenues d’épuiser leurs recours internes,
l’Iran succomberait néanmoins en ses demandes, comme cela sera démontré ci-après et dans les
chapitres suivants.
a) L’Iran et les sociétés iraniennes ont été dûment avisés des procédures engagées et ont
bénéficié d’amples délais pour comparaître
8.48. En ce qui concerne le premier point, le paragraphe c) de l’article 1610 de la FSIA dispose
que la saisie conservatoire et l’exécution ne peuvent avoir lieu que «si le tribunal a rendu une
ordonnance de saisie conservatoire et d’exécution après avoir déterminé qu’un délai raisonnable
s’était écoulé entre le prononcé du jugement et la signification du jugement prévue au paragraphe e)
de l’article 1608 du présent chapitre»376. Le paragraphe e) de l’article 1608 dispose en sa partie
373 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 5.34-5.43.
374 Levin v. Bank of New York, affaire no 09-cv-5900, 2011 WL 812032, à *1 (district sud de l’Etat de New York,
4 mars 2011) (annexe 323).
375 Voir plus haut, section C du chapitre 6.
376 Paragraphe c) du titre 28 de l’article 1610 du code des Etats-Unis (28 U.S.C. 1610 c)) (mémoire de l’Iran,
annexe 6).
88
89
- 80 -
pertinente que «[c]opie du … jugement par défaut est adressée à l’Etat étranger ou à sa subdivision
politique dans les formes prescrites pour les notifications dans le présent article»377. En conséquence,
avant de poursuivre l’exécution forcée d’un jugement, les demandeurs sont tenus non seulement de
signifier ce jugement à l’Iran, mais encore d’obtenir d’un tribunal une ordonnance confirmant qu’un
délai suffisant s’est écoulé depuis la signification.
8.49. Le tribunal saisi de l’affaire Levin v. Bank of New York a souligné l’importance qu’il
attachait au respect de la procédure. Dans cette affaire, plusieurs groupes de demandeurs
revendiquaient un rang prioritaire dans la distribution d’un même lot d’actifs détenus par plusieurs
banques new-yorkaises. Le tribunal a statué que les titres exécutoires d’un groupe de demandeurs
étaient sans effet parce que lesdits demandeurs n’avaient pas obtenu l’ordonnance judiciaire prévue
au paragraphe c) de l’article 1610 avant de solliciter l’exécution de leur jugement378. Il a motivé sa
décision en ces termes :
«Plusieurs juridictions saisies de demandes de saisie d’actifs d’Etats étrangers ont
statué que l’ordonnance visée au paragraphe c) de l’article 1610 était obligatoire. Selon
un rapport de la Chambre [des représentants], les formalités prévues audit paragraphe c)
de l’article 1610 visent à faire en sorte que les Etats étrangers susceptibles d’être cités
comme défendeurs dans des actions devant les juridictions américaines jouissent de
garanties suffisantes[.]»379 [Traduction du Greffe]
8.50. A l’inverse, le tribunal a confirmé les ordonnances de saisie-exécution obtenues par deux
autres groupes de demandeurs, au motif qu’ils avaient priorité dans la distribution des actifs en cause
parce qu’ils avaient obtenu en temps voulu l’ordonnance prévue au paragraphe c) de l’article 1610380.
8.51. Il en est de même des procédures d’exécution en l’affaire Heiser. Cette affaire avait
donné lieu à deux jugements, que les demandeurs ont fait signifier l’un et l’autre à l’Iran en
application du paragraphe e) de l’article 1608381.
8.52. Non contents de veiller à ce que l’Iran ait reçu signification des jugements rendus contre
lui avant d’autoriser les demandeurs à en solliciter l’exécution, les tribunaux saisis des affaires
Levin v. Bank of New York et Heiser ont pris les dispositions voulues pour signifier lesdits jugements
à toutes les parties — y compris les parties iraniennes — susceptibles d’avoir un intérêt dans les
actifs que les demandeurs cherchaient à faire saisir à l’appui de l’exécution.
8.53. En l’affaire Levin v. Bank of New York, la procédure a été divisée en plusieurs phases.
Les actifs de la phase 1 étaient détenus par trois établissements financiers : JPMorgan Chase Bank,
N.A., Bank of New York Mellon (la «BNY Mellon») et Citibank, N.A. (désignées collectivement
les «banques new-yorkaises»). Le 11 janvier 2010, quelques semaines à peine après que les
377 Paragraphe e) du titre 28 de l’article 1610 du code des Etats-Unis (28 U.S.C. 1610 c)) (mémoire de l’Iran,
annexe 6).
378 Levin v. Bank of New York, affaire no 09-cv-5900, 2011 WL 812032, à *11 (district sud de l’Etat de New York,
4 mars 2011) (annexe 323). Les demandeurs avaient pourtant fait signifier le jugement à l’Iran le 14 octobre 2009 «par les
voies judiciaire et diplomatique». Ibid., à *2.
379 Levin, 2011 WL 812032, à *7 (citations omises) (annexe 323).
380 Levin, 2011 WL 812032, à *13 (annexe 323).
381 Ordonnance, par. 2, Heiser v. Islamic Republic of Iran, 00-cv-2329 (district de Columbia, 7 février 2008),
ECF 137 (annexe 324) ; ordonnance, par. 2, Heiser v. Islamic Republic of Iran, 00-cv-2329 (district de Columbia, 10 mai
2010), ECF 158 (annexe 325).
90
- 81 -
demandeurs eurent intenté leur action, le tribunal a rendu une ordonnance par laquelle il autorisait
les trois banques new-yorkaises à introduire des «recours tendant à faire comparaître devant le
tribunal en qualité de tiers défendeurs certaines personnes qui n’[étaient] pas actuellement parties à
l’instance … mais qui [étaient] susceptibles d’avoir un intérêt dans [les actifs en cause]»382. Selon la
BNY Mellon, ces recours contre tiers visaient à garantir que les personnes physiques et morales ayant
un intérêt dans les actifs de la phase 1
«recevraient notification de la procédure et auraient la possibilité de comparaître et de
soulever devant la Cour toutes objections qu’elles pourraient opposer à la remise des
fonds … de la phase 1 aux demandeurs ou à d’autres bénéficiaires de jugements rendus
contre la République islamique d’Iran»383.
8.54. Bien que les banques new-yorkaises aient signifié des «recours contre tiers à toutes les
personnes physiques ou morales dont elles avaient des raisons de croire qu’elles avaient un intérêt
dans les actifs de la phase 1»384, aucune entité iranienne n’a comparu pour contester les dispositions
prises par les demandeurs en vue de saisir les actifs en cause ou les preuves produites par lesdits
demandeurs à l’appui de ces dispositions385. Ce schéma s’est répété au cours de la phase 2 de la
procédure d’exécution Levin, avec le même résultat386. Bien qu’aucune entité iranienne n’ait comparu
pour s’opposer à la requête des demandeurs en remise des actifs de la phase 2, la banque centrale
d’un autre Etat (le Nigéria) — qui était le donneur d’ordre de l’un des transferts électroniques de
fonds que les demandeurs essayaient de saisir — a comparu387 et, comme nous le verrons ci-après,
obtenu gain de cause dans sa contestation de la saisie.
8.55. Les entités iraniennes ont également reçu notification de la procédure d’exécution Heiser
avant la remise des actifs. En l’affaire Heiser v. Bank of Tokyo Mitsubishi UFJ, New York Branch,
par exemple, Bank of Tokyo Mitsubishi a déposé en août 2011, conjointement avec les demandeurs,
382 Ordonnance de notification et signification de procédure, p. 1-2, Levin v. Bank of New York, affaire no 09-cv-
5900 (district sud de l’Etat de New York, 25 janvier 2010), ECF 40 (annexe 326) ; Levin, 2011 WL 812032, à *2
(annexe 323). Voir aussi l’ordonnance de notification et signification de procédure, p. 3-6, Levin v. Bank of New York,
affaire no 09-cv-5900 (district sud de l’Etat de New York, 25 janvier 2010), ECF 40 (annexe 326) (où sont précisés les
actes à signifier et les modes de signification admis).
383 Déclaration de J. Kelley Nevling, Jr. appuyant la réponse de Bank of New York Mellon à la requête des
demandeurs en ordonnance de référé partielle, par. 7, Levin v. Bank of New York, affaire no 09-cv-5900 (15 septembre
2010), ECF 264 (annexe 327). Voir aussi le recours contre tiers de JP Morgan contre des parties à des transferts
électroniques de fonds, par. 28-29, Levin v. Bank of New York, affaire no 09-cv-5900 (31 décembre 2009), ECF 61
(annexe 328) (où il est expliqué que ces recours contre tiers étaient nécessaires parce que les tiers concernés pourraient être
en mesure d’établir, par exemple, qu’ils n’étaient pas «des établissements ou des organismes» de l’Iran ou que les actifs en
cause «n’étaient pas susceptibles d’être saisis selon la loi applicable») ; recours contre tiers de Bank of New York Mellon
contre des parties à des transferts électroniques de fonds, par. 19-20, Levin v. Bank of New York, affaire no 09-cv-5900
(31 décembre 2009), ECF 62 (annexe 329) (ibid.).
384 Mémoire de Citibank, N.A. et JPMorgan Chase Bank, N.A. en réponse à la requête des demandeurs en
ordonnance de référé partielle, 10-11, Levin v. Bank of New York, affaire no 09-cv-5900 (15 septembre 2010), ECF 265
(annexe 330). Voir aussi la déclaration de J. Kelley Nevling, Jr. appuyant la réponse de Bank of New York Mellon à la
requête des demandeurs en ordonnance de référé partielle, par. 7, Levin v. Bank of New York, affaire no 09-cv-5900
(15 septembre 2010), ECF 264 (annexe 327) ; Levin, 2011 WL 812032, à *4 (annexe 323).
385 Levin, 2011 WL 812032, à *4 (annexe 323) ; mémoire de Citibank, N.A. et JPMorgan Chase Bank, N.A. en
réponse à la requête des demandeurs en ordonnance de référé partielle, 10-11, Levin v. Bank of New York, affaire
no 09-cv-5900 RPP (15 septembre 2010), ECF 265 (annexe 330).
386 Levin v. Bank of New York Mellon, affaire no 09-cv-5900, 2013 WL 5312502, à *1 (district sud de l’Etat de
New York, 23 septembre 2013) (annexe 331) (Les banques new-yorkaises, agissant de concert avec la Société Générale,
qui détenait elle aussi des actifs en cause dans la phase 2, ont désigné «plus de deux cents … personnes physiques ou
morales ayant des droits ou des intérêts potentiels sur [les actifs de la phase 2]» et ont fait procéder à la «signification de la
procédure en cours à chacun de ces tiers défendeurs potentiels»).
387 Ibid. (annexe 331).
91
- 82 -
une requête tendant à définir les formalités de signification des documents et actes pertinents (y
compris leur traduction en persan) aux tierces parties susceptibles de détenir des droits sur les actifs
en cause388. Comme le juge l’a déclaré dans une décision de janvier 2013, «[c]es entités ont toutes
reçu notification des prétentions des demandeurs, mais elles n’ont ni répondu à ces notifications ni
comparu devant le tribunal»389.
b) Même si les sociétés iraniennes ont choisi de ne pas comparaître, d’autres parties ont
souvent fait valoir des moyens de défense que ces sociétés auraient pu faire valoir
elles-mêmes
8.56. En ce qui concerne le deuxième point, même si les sociétés iraniennes ont choisi de ne
pas comparaître dans ces procédures d’exécution, les détenteurs des actifs en cause (ou d’autres
parties intéressées) ont fait valoir des moyens de défense qu’auraient aussi bien pu faire valoir les
sociétés iraniennes elles-mêmes, et ils l’ont parfois fait avec le soutien du Gouvernement américain.
Ces détenteurs d’actifs ont souvent prié instamment le tribunal à examiner si les demandeurs avaient
satisfait à toutes les conditions auxquelles était subordonnée la remise des actifs en cause ou soutenu
qu’ils ne l’avaient pas fait. Bank of Baroda, par exemple, a déclaré que «le tribunal devrait examiner
la question de savoir si les demandeurs [avaie]nt produit tous les éléments nécessaires pour exercer
un recours en application de la [TRIA]» et que «[l]e tribunal devrait établir si les jugements [avaie]nt
été prononcés par défaut et, lorsque tel [étai]t le cas, si copies en avaient été signifiées à l’Iran dans
388 Ordonnance de notification et signification à tierces parties, p. 2, Heiser v. Bank of Tokyo Mitsubishi UFJ,
New York Branch, affaire no 11-cv-1601 (district sud de l’Etat de New York, 24 août 2011), ECF 25 (annexe 333).
389 Heiser v. Bank of Tokyo Mitsubishi UFJ, New York Branch, 919 F. Supp. 2d 411, 414 (district sud de l’Etat de
New York, 2013) (annexe 334). En ce qui concerne les autres procédures Heiser : i) dans la procédure Heiser v. Bank of
Baroda, New York Branch, la banque a essayé en avril 2011 d’obtenir l’intervention de personnes morales (y compris des
institutions financières iraniennes) et physiques susceptibles de détenir un intérêt dans les transferts électroniques de fonds
bloqués que les demandeurs prétendaient saisir et, en août 2011, le tribunal a rendu une ordonnance décrivant les formalités
de signification des actes correspondants. Demande en intervention forcée de tiers, par. 6-7, Heiser v. Bank of Baroda,
New York Branch, affaire no 11-cv-1602 (district sud de l’Etat de New York, 11 avril 2011), ECF 11 (annexe 335) ; Heiser
v. Bank of Baroda, New York Branch, affaire no 11-cv-1602, 2013 WL 4780061, à *1 (district sud de l’Etat de New York,
17 juillet 2013) (annexe 336) ; ordonnance de notification et signification à tierces parties, par. 1-2, Heiser v. Bank of
Baroda, New York Branch, affaire no 11-cv-1602 (district sud de l’Etat de New York, 9 août 2011), ECF 39 (annexe 337) ;
ii) dans la procédure engagée contre Bank of America, N.A. et Wells Fargo, N.A. dans le cadre de l’affaire Heiser v. Islamic
Republic of Iran, le tribunal a fait droit à la demande en intervention forcée présentée par ces deux banques contre des
entités iraniennes susceptibles de détenir un intérêt dans les actifs en cause et, à la suite de cette décision, les parties ont
procédé à une complexe campagne de signification à ces entités qui s’est terminée en mai 2015. Ordonnance faisant droit
à la demande non contestée de jugement contre Bank of America, N.A. et Wells Fargo Bank, N.A. (tiers saisis) pour qu’ils
remettent les fonds en cause et de recours en intervention forcée par voie d’«interpleader» pour ces tiers saisis, à 2-3 Heiser
v. Islamic Republic of Iran, affaire no 00-cv-2329 (district de Columbia, 9 juin 2016), ECF 275 (annexe 130) ; et iii) dans
la procédure contre la Sprint Communications Company LP (ci-après «Sprint»), également engagée dans le cadre de
l’affaire Heiser v. Islamic Republic of Iran, les demandeurs ont cherché à obtenir la saisie de la dette contractée par Sprint
envers la Telecommunication Infrastructure Company of Iran (ci-après la «TIC»). Tout en rejetant la demande en
intervention forcée présentée par Sprint contre la TIC au motif que cette procédure n’était pas prévue par le droit applicable,
le tribunal a fait observer que la TIC était en tout état de cause certainement informée de la procédure en cours, puisque
Sprint avait cessé en janvier 2010 de lui rembourser les sommes qu’elle lui devait. Heiser v. Islamic Republic of Iran, 807
F. Supp. 2d 9, 24 (district de Columbia, 2011) (annexe 338).
92
- 83 -
les formes prévues au paragraphe a) de l’article 1608 de la FSIA pour satisfaire aux conditions
prévues au paragraphe e) du même article»390.
8.57. Tant dans la procédure Heiser que dans la procédure Levin, les banques ont également
fait valoir que nombre des transferts électroniques de fonds en cause étaient insaisissables selon le
droit applicable. Dans la procédure Levin, les banques new-yorkaises ont défendu sans succès cette
thèse pendant la première phase du procès391, avant de la réaffirmer pendant la deuxième phase, en
soutenant que les développements intervenus dans la loi imposaient une issue différente392. Alors que
le tribunal de district avait rejeté une nouvelle fois la thèse des banques new-yorkaises dans une
décision rendue en septembre 2013393, la cour d’appel du deuxième circuit a eu l’occasion, l’année
suivante, d’examiner dans quelles conditions des transferts électroniques de fonds en transit
[midstream EFT’s] pourraient être saisis et, dans deux décisions rendues en 2014 dans les affaires
Calderon-Cardona et Hausler394, elle est parvenue à une conclusion différente de celle du tribunal
qui avait statué dans la procédure Levin. La cour d’appel a en effet conclu que les transferts
électroniques de fonds ne pouvaient être saisis que «si l’Etat lui-même ou un établissement ou
organisme de l’Etat … les avait transmis directement à la banque où ils étaient détenus en application
de la mesure de blocage»395. Cette décision de la cour d’appel emportait trois conséquences
importantes pour la procédure Levin.
8.58. Premièrement, si les banques new-yorkaises ont choisi de ne pas faire appel de la
décision de septembre 2013 du tribunal de district, la banque centrale du Nigéria — qui, comme cela
a été relevé plus haut, était l’initiatrice de l’un des transferts électroniques de fonds en cause — a en
390 Mémoire en réponse de Bank of Baroda, par. 41-42, Heiser v. Bank of Baroda, New York Branch, affaire no 11-
cv-1602 (district sud de l’Etat de New York, 8 avril 2011), ECF 10 (annexe 339). Voir aussi le mémoire en réponse de
Sprint, par. 9, Heiser v. Islamic Republic of Iran, affaire no 00-cv-2329 (district de Columbia, 21 juin 2010), ECF 165
(annexe 340) (Sprint a fait valoir que «la TIC n’était ni un établissement ou organisme du Gouvernement iranien ni l’un
des défendeurs assimilés au Gouvernement iranien à la date de la signification de l’ordonnance [de saisie], à la date où la
dette dont la saisie [était] demandée avait été contractée ou à la date où l’action en justice sous-jacente [avait été] engagée,
et que par conséquent la FSIA l’exonér[ait] de toute contribution au paiement des sommes dues par les défendeurs»). La
Société Générale, Citibank, JPMorgan et BNY Mellon ont toutes soulevé des moyens de défense arguant que les
demandeurs n’avaient pas satisfait aux conditions posées par la TRIA et la FSIA. Mémoire en réponse de Citibank, par. 64-
65, Levin v. Bank of New York, affaire no 09-cv-5900 (district sud de l’Etat de New York, 23 octobre 2009), ECF 44
(annexe 341) ; mémoire en réponse de la Société Générale, par. 61-62, Levin v. Bank of New York, affaire no 09-cv-5900
(district sud de l’Etat de New York, 23 octobre 2009), ECF 45 (annexe 342) ; mémoire en réponse de JP Morgan, par. 63-
65, Levin v. Bank of New York, affaire no 09-cv-5900 (district sud de l’Etat de New York, 23 octobre 2009), ECF 54
(annexe 343) ; mémoire en réponse de BNY Mellon, par. 63-65, Levin v. Bank of New York, affaire no 09-cv-5900 (district
sud de l’Etat de New York, 23 octobre 2009), ECF 56 (annexe 344).
391 Levin v. Bank of New York, affaire no 09-cv-5900, 2011 WL 812032, à *14 (district sud de l’Etat de New York,
4 mars 2011) (annexe 323) («Dans leur mémoire en réponse conjoint ainsi qu’à l’audience, Citibank et JP Morgan laissent
entendre que, selon le précédent applicable constitué par la décision de la cour d’appel du deuxième circuit et selon le droit
de l’Etat [de New York], ces transferts électroniques de fonds en transit n’appartiennent ni au donneur d’ordre ni au
bénéficiaire, et ne sont par conséquent pas saisissables.»), à *18 («Selon l’interprétation que fait le tribunal de céans de la
loi sur l’assurance des risques associés au terrorisme, du sous-alinéa A) de l’alinéa 1) du paragraphe f) de l’article 1610 et
des règlements applicables relatifs aux sanctions, les [transferts électroniques de fonds] sont susceptibles d’être saisis.»).
392 Levin v. Bank of New York Mellon, affaire no 09-cv-5900, 2013 WL 5312502, à *3 (district sud de l’Etat de
New York, 23 septembre 2013) (annexe 331) («Les banques font valoir que le tribunal devrait revoir la conclusion à
laquelle il était parvenu dans sa décision de la phase 1, pour tenir compte de la décision ultérieure de la Cour suprême en
l’affaire Board of Trustees of the Leland Stanford Junior University v. Roche Molecular Systems, Inc., 131 S.Ct. 2188
(2011) («Stanford»), et de l’application de cette jurisprudence par d’autres tribunaux de district.»).
393 Levin v. Bank of New York Mellon, affaire no 09-cv-5900, 2013 WL 5312502, à *8 (district sud de l’Etat de
New York, 23 septembre 2013) (annexe 331).
394 Calderon-Cardona v. Bank of New York Mellon, 770 F.3d 993 (deuxième circuit, 2014) (annexe 345) ; Hausler
v. JP Morgan Chase Bank, N.A., 770 F.3d 207 (deuxième circuit, 2014) (annexe 299).
395 Calderon-Cardona v. Bank of New York Mellon, 770 F.3d 993, 1002 (deuxième circuit, 2014) (annexe 345) ;
Hausler v. JP Morgan Chase Bank, N.A., 770 F.3d 207, 212 (deuxième circuit, 2014) (annexe 299).
93
- 84 -
revanche interjeté appel, et celui-ci était toujours pendant lorsque la cour d’appel a rendu ses
décisions dans les affaires Calderon-Cardona et Hausler. Sur la base de ces décisions, elle a infirmé
le jugement du tribunal de district, ce qui a empêché les demandeurs de saisir les transferts
électroniques de fonds dont la banque centrale du Nigéria était le donneur d’ordre396.
8.59. Deuxièmement, en août 2015, le tribunal de district s’est appuyé sur les décisions
Calderon-Cardona et Hausler pour débouter les demandeurs de leur requête en référé concernant
l’unique actif de la phase 2 qui restait en litige397. Il importe de noter que le Gouvernement américain
a porté les deux décisions de 2014 de la cour d’appel à l’attention du tribunal de district dans le cadre
de l’examen de la requête des demandeurs398.
8.60. Troisièmement, en octobre 2017, le tribunal de district a rejeté une requête des
demandeurs tendant à modifier leur demande en y incluant un transfert électronique de fonds dans
lequel ils alléguaient que la banque Saderat avait un intérêt. Il a considéré que la modification
demandée serait futile (comme l’avait d’ailleurs fait valoir JP Morgan, banque qui détenait le
transfert électronique de fonds en cause), puisque, selon les décisions Calderon-Cardona et Hausler,
le montant de ce transfert électronique de fonds n’appartenait pas à la banque Saderat, même si
celle-ci pouvait avoir dans ledit transfert un intérêt, lequel n’était de toute façon pas suffisant pour
faire d’elle un bénéficiaire effectif. En fin de compte, la propriété du transfert électronique de fonds
a été attribuée à l’entité — Lloyd’s Bank — qui avait transmis les fonds à JP Morgan399. La cour
d’appel a confirmé la décision du tribunal de district400.
8.61. Dans l’affaire Heiser, Bank of America et Wells Fargo ont fait valoir de façon
convaincante un argument similaire au sujet de certains des transferts électroniques en cause dans
cette affaire. Le Gouvernement fédéral a également soumis une déclaration d’intérêt qui le rangeait
du côté de ces banques sur la question de savoir si le paragraphe a) de l’article 201 de la loi sur
l’assurance des risques associés au terrorisme et le paragraphe g) de l’article 1610 de la FSIA
exigeaient que le débiteur du jugement (l’Iran en l’occurrence) ou l’un de ses établissements ou
organismes soit propriétaire des actifs que les demandeurs avaient désignés aux fins de saisie ou
autre mesure d’exécution401. En fin de compte, le tribunal de district a tenu compte de la déclaration
d’intérêt du Gouvernement fédéral402 et statué en faveur des banques, en disant que les demandeurs
ne pouvaient saisir les transferts électroniques de fonds contestés au motif que l’intérêt des entités
396 Levin v. Bank of New York, 602 F. Appendix 37 (11 mai 2015) (annexe 346).
397 Ordonnance, par. 3, Levin v. Bank of New York Mellon, affaire no 09-cv-5900 (district sud de l’Etat de
New York, 20 août 2015), ECF 1065 (annexe 347).
398 Lettre adressée au juge Robert P. Patterson par le ministère fédéral de la justice, Levin v. Bank of New York
Mellon, affaire no 09-cv-5900 (district sud de l’Etat de New York, 28 octobre 2014), ECF 1035 (annexe 348).
399 Levin v. Bank of New York Mellon, affaire no 09-cv-5900, 2017 WL 4863094, à **3-4 (district sud de l’Etat de
New York, 27 octobre 2017) (annexe 349).
400 Levin v. JPMorgan Chase Bank, N.A., 751 F. Appendix 143 (deuxième circuit, 2018) (annexe 350).
401 Déclaration d’intérêt des Etats-Unis, Heiser v. Islamic Republic of Iran, 00-cv-2329 (tribunal du district de
Columbia, 3 août 2012), ECF 230 (annexe 351). Les demandeurs ont soutenu qu’«il ne [fallait] guère accorder de crédit
aux assertions du Gouvernement fédéral concernant la loi sur l’assurance des risques associés au terrorisme et l’alinéa 1)
du paragraphe g) de l’article 1610, compte tenu de la campagne amplement documentée que m[enait] la branche exécutive
pour contrarier les actions engagées de bonne foi par les victimes du terrorisme pour obtenir l’exécution des jugements en
leur faveur». Mémoire en réponse à la déclaration d’intérêt des Etats-Unis, p. 2, Heiser v. Islamic Republic of Iran, 00-cv-
2329 (tribunal du district de Columbia, 17 août 2012), ECF 231 (annexe 352).
402 Heiser v. Islamic Republic of Iran, 885 F. Supp. 2d. 429, 441 (tribunal du district de Columbia, 2012)
(annexe 353).
94
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iraniennes dans ces fonds n’était pas suffisant pour faire d’elles des bénéficiaires effectifs403. La cour
d’appel du circuit du district de Columbia a confirmé par la suite la décision du tribunal de district404.
c) Les demandeurs ont été tenus de produire des preuves à l’appui des divers éléments de leurs
demandes
8.62. En ce qui concerne le troisième et dernier point, les juridictions américaines ont
clairement fait savoir que les demandeurs étaient tenus de produire des preuves à l’appui des divers
éléments de leurs demandes de réparation, et ce, même quand aucune banque ou autre tierce partie
ne s’opposait à leurs actions en exécution. A titre d’exemple, lorsque les demandeurs à la procédure
Heiser v. Bank of Tokyo Mitsubishi ont déposé une requête en référé par laquelle ils sollicitaient un
jugement en leur faveur ainsi qu’une ordonnance enjoignant à Bank of Tokyo Mitsubishi de leur
remettre les fonds en cause, le tribunal a rappelé qu’«il incomb[ait] à l’auteur d’une assignation en
référé de produire des preuves de chaque élément matériel de sa demande ou de sa défense qui
[fuss]ent suffisantes pour démontrer qu’il a[vait] droit à réparation selon la loi»405. En conséquence,
«[l]e tribunal doit apprécier les éléments de preuve sous l’éclairage le plus favorable à
la partie non requérante et procéder à toutes déductions raisonnables en sa faveur, et il
ne peut rendre un jugement en référé que lorsqu’aucun juge des faits raisonnable ne
saurait conclure en faveur de la partie non requérante»406.
Le tribunal a encore souligné que les demandeurs devaient s’acquitter de cette obligation même
lorsque leur requête n’était pas contestée :
«Bien que le défendeur ne soulève pas d’exceptions à la requête, les demandeurs
doivent quand même établir qu’ils ont un titre légal à obtenir un jugement. Si les
éléments qu’ils produisent à l’appui de leur requête en référé ne satisfont pas à la charge
de la preuve qui incombe au requérant, le jugement en référé leur sera refusé, même si
aucun élément de preuve contraire n’est produit.»407 [Traduction du Greffe]
iii) Conclusion
8.63. Comme nous l’avons montré dans les sections précédentes, les juridictions américaines
ont traité les entités iraniennes de manière équitable chaque fois qu’elles ont choisi de comparaître
et, lorsque ces entités n’ont pas comparu, lesdites juridictions ont pris les dispositions voulues pour
dûment les aviser des procédures engagées contre elles et s’assurer que des éléments de preuve
suffisants étayaient les prétentions des demandeurs. En outre, dans plusieurs affaires dans lesquelles
les entités iraniennes avaient choisi de ne pas comparaître, d’autres parties à la procédure ont pu faire
pièce à la remise d’actifs en avançant des arguments que les entités iraniennes défaillantes auraient
pu avancer elles-mêmes. Ces points intéressent plusieurs aspects de la thèse des Etats-Unis, parmi
lesquels l’obligation d’épuiser les voies de recours internes, que nous avons examinée plus haut, et
403 Heiser v. Islamic Republic of Iran, 885 F. Supp. 2d. 429, 437-49 (tribunal du district de Columbia, 2012)
(annexe 353). En l’espèce, les entités iraniennes agissaient en qualité de banques pour le compte des bénéficiaires des
transferts de fonds bloqués. Ibid., p. 447-448.
404 Heiser v. Islamic Republic of Iran, 735 F.3d 934 (cour d’appel du circuit du district de Columbia, 2013)
(annexe 354).
405 Heiser v. Bank of Tokyo Mitsubishi UFJ, New York Branch, 919 F. Supp. 2d 411, 415 (district sud de l’Etat de
New York, 2013) (annexe 334).
406 Ibid. (annexe 334).
407 Ibid. (annexe 334). Voir aussi Levin v. Bank of New York, affaire no 09-cv-5900, 2011 WL 812032, à *19
(district sud de l’Etat de New York, 4 mars 2011) (annexe 323) ; Levin v. Bank of New York Mellon, affaire no 09-cv-5900,
2013 WL 5312502, à *9 (district sud de l’Etat de New York, 23 septembre 2013) (annexe 331).
95
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les demandes formées par l’Iran au titre des articles III et IV du traité d’amitié, que nous examinerons
dans les chapitres qui suivent.
8.64. Avant de clore le sujet des procédures judiciaires fédérales, les Etats-Unis souhaitent
commenter les procédures relatives aux attentats du 11 septembre, car l’Iran leur a fait une large
place dans sa réplique, alors qu’elles sont entièrement étrangères à celles de ses demandes dont la
Cour reste saisie.
SECTION C
LA COUR A DÉBOUTÉ L’IRAN DE SES DEMANDES RELATIVES AUX JUGEMENTS FAISANT SUITE
AUX ATTENTATS DU 11 SEPTEMBRE, ET EN TOUT ÉTAT DE CAUSE SES GRIEFS
CONCERNANT CES JUGEMENTS SONT DÉPOURVUS DE FONDEMENT
8.65. Comme nous l’avons rappelé au début de ce chapitre, les demandes subsistantes de l’Iran
concernent les actions — analysées dans la section B ci-dessus — que les demandeurs bénéficiaires
de jugement ont engagées pour obtenir l’exécution de ces jugements sur les actifs d’établissements
et organismes iraniens. Cela n’a pas empêché l’Iran de consacrer une large part de sa réplique à ses
griefs concernant un sous-ensemble particulier de jugements rendus contre lui, à savoir ceux qui se
rapportent aux attentats terroristes du 11 septembre 2001. La Cour devrait faire abstraction de ces
griefs, puisqu’ils n’ont rien à voir avec les demandes subsistantes de l’Iran. En tout état de cause, ils
sont sans fondement.
8.66. Pour commencer, certains des griefs de l’Iran concernent moins des éléments spécifiques
de tel ou tel procès que le système judiciaire américain en général, qui est un système de common
law où «les tribunaux sont contraints par le principe de la liberté des parties, qui est «au fondement
de notre système contradictoire»»408. L’Iran s’est abstenu de comparaître et de présenter ses moyens
de défense dans les procès qui ont fait suite aux attentats du 11 septembre ainsi que dans tous les
procès qui ont abouti à ce que des jugements pour terrorisme soient rendus contre lui. Or, lorsqu’il
dénonce les procédures judiciaires américaines, il ne s’interroge jamais sur les conséquences de son
défaut de comparution.
8.67. L’examen par l’Iran des procès qui ont fait suite aux attentats du 11 septembre 2001 est
principalement axé sur l’affaire Havlish v. bin Laden409, qui a été introduite par des parents et des
représentants de victimes contre diverses personnes et Etats étrangers, y compris l’Iran et plusieurs
entités iraniennes, pour avoir fourni un soutien matériel à Al-Qaida410.
408 Maalouf v. Islamic Republic of Iran, 923 F.3d 1095, 1109 (2019) (annexe 355) (citant Wood v. Milyard,
566 U.S. 463, 472 (2012)) ; voir également Greenlaw v. United States, 554 U.S. 237, 243-44 (2008) (annexe 356) (citant
Castro v. United States, 540 U.S. 375, 386 (2003)) (Scalia, J., opinion en partie concordante et concordante avec l’arrêt)
(«[N]ous confions aux parties le soin de définir les questions à trancher et assignons aux tribunaux le rôle d’arbitres
neutres … Notre système contradictoire repose sur le principe que c’est aux parties … qu’il appartient de présenter les faits
et les arguments qui prouvent leur droit à réparation.») [Traduction du Greffe]
409 Affaire no 03-cv-9849-GBD-SN (district sud de l’Etat de New York) ; voir aussi In re Terrorist Attacks on
September 11, 2001, affaire no 03-md-01570-RCC (district sud de l’Etat de New York).
410 L’Iran se réfère également à titre incident à d’autres procès ayant fait suite aux attentats du 11 septembre,
principalement pour dire qu’ils étaient en quelque sorte viciés parce que les tribunaux avaient permis aux demandeurs de
s’appuyer sur les mêmes preuves qui avaient établi sa culpabilité en l’affaire Havlish. Voir le paragraphe 2.55 de la réplique
de l’Iran. Celui-ci n’explique pas en quoi cette façon de procéder était problématique ni comment elle a pu affecter ces
procès, compte tenu de sa décision de ne pas comparaître.
96
- 87 -
8.68. Contrairement aux assertions de l’Iran, les juridictions américaines n’ont pas conclu à sa
responsabilité comme auteur et parrain des attentats du 11 septembre411. D’abord, et toujours
contrairement aux assertions de l’Iran412, les juges américains ne lancent pas d’accusations. Ce sont
les parties qui intentent les actions et présentent leurs arguments. En l’affaire Havlish, un tribunal
fédéral a rendu un jugement par défaut qui concluait à la responsabilité civile de l’Iran, sur la base
d’éléments non contestés attestant que celui-ci avait fourni à Al-Qaida un soutien matériel dont le
lien avec les attentats du 11 septembre pouvait être raisonnablement établi413. Ce soutien variait selon
l’entité iranienne concernée, mais incluait des activités telles que l’organisation d’entraînements pour
les agents d’Al-Qaida et la dissimulation de leurs déplacements en provenance et à destination de
l’Afghanistan414. Non content de dénaturer le jugement de ce tribunal, l’Iran se sert de sa réplique
pour attaquer de biais le procès Havlish en critiquant la signification des actes de procédure, le régime
de la responsabilité civile ainsi que le type et le caractère suffisant des éléments de preuve admis par
les juridictions américaines. Nous examinerons ci-après chacun de ces griefs.
i) L’Iran a été dûment avisé
8.69. Les griefs que l’Iran tire de prétendus défauts de signification ou de significations
irrégulières dans nombre des procès sont à la fois fallacieux et déplacés415. En réalité, les assignations
en justice et autres actes de procédure lui ont été signifiés en anglais et en persan, par messagerie
internationale et par la voie diplomatique. Ces assignations en justice étaient accompagnées d’une
expédition de la demande et avisaient l’Iran qu’un éventuel «défaut de comparution et de présentation
de ses moyens de défense [l’]exposera[it] … à ce qu’un jugement accordant la réparation
demandée soit rendu contre lui»416. En application des règles extraordinaires que les Etats-Unis ont
adoptées pour protéger les Etats étrangers défendeurs contre un défaut de comparution
involontaire417, la section des intérêts étrangers de l’ambassade de Suisse à Téhéran a notifié le
9 octobre 2002 à l’Iran et à ses subdivisions politiques l’assignation en justice et l’exposé des motifs
de la demande en l’affaire Havlish418. Signification en a de nouveau été faite en 2005, par la voie
diplomatique419.
411 Réplique de l’Iran, par. 2.42.
412 Ibid.
413 Havlish v. bin Laden (In re Terrorist Attacks on September 11, 2001), affaire no 03-cv-9849-GBD-SN, 2011
WL 13244047, à **39-41 (district sud de l’Etat de New York, 22 décembre 2011) (annexe 357).
414 Ibid.
415 Voir, par exemple, le paragraphe 2.48 de la réplique de l’Iran.
416 Article 4 a) 1) E) du règlement fédéral de procédure civile (annexe 428). Voir aussi Havlish v. bin Laden (In re
Terrorist Attacks on September 11, 2001), affaire no 03-cv-9849-GBD-SN, 2011 WL 13244047, à **37-39 (district sud de
l’Etat de New York, 22 décembre 2011) (annexe 357) (où sont décrites les mesures prises par les demandeurs pour signifier
les actes de procédure aux défendeurs iraniens).
417 Le règlement fédéral de procédure civile dispose que l’«Etat étranger ou ses subdivisions politiques,
établissements ou organismes doivent recevoir signification des actes conformément à l’article 1608 du titre 28 du code
des Etats-Unis [28 U.S.C. § 1608]», qui est un article de la loi sur l’immunité des Etats étrangers. Fed. R. Civ. P. 4(j)(1)
(annexe 428). Aux termes du paragraphe a) de l’article 1608 de cette loi, l’assignation en justice et l’exposé des motifs de
la demande doivent être signifiés au souverain étranger : 1) par voie d’arrangements extraordinaires auxquels le souverain
étranger a consenti ; 2) conformément à une convention internationale applicable ; 3) par courrier recommandé avec avis
de réception signé adressé au ministre des affaires étrangères du souverain étranger par le greffier du tribunal ; ou 4) par la
voie diplomatique entre le département d’Etat des Etats-Unis et le souverain étranger. Voir le paragraphe a) de l’article
1608 du titre 28 du code des Etats-Unis [28 U.S.C. § 1608] (mémoire de l’Iran, annexe 6).
418 Procès-verbal de signification, pièce C., Havlish v. bin Laden, affaire no 1:02-cv-00305-JR (district de
Columbia, 1er novembre 2002), ECF 35-3 (annexe 358).
419 Certificat d’expédition postale de l’assignation en justice et de la demande par le greffier, Havlish v. bin Laden,
affaire no 03-cv-09848-GBD-SN (district sud de l’Etat de New York, 18 mars 2005), ECF 21 (annexe 359).
97
- 88 -
8.70. Pour se conformer à une autre mesure de protection des Etats étrangers défendeurs dans
des actions civiles intentées aux Etats-Unis420, les demandeurs au procès Havlish ont envoyé le
15 novembre 2012, par messagerie internationale (DHL), le jugement par défaut et la notification du
droit d’appel, en anglais et en persan, à l’Iran et aux entités iraniennes (en y joignant le dispositif de
la décision, qui avait été publié antérieurement, du jugement du tribunal ainsi que le rapport et la
recommandation du magistrate judge [juge de première instance]421, avant de les renvoyer par la voie
diplomatique les 14 et 15 janvier 2013422, après que l’Iran et les entités iraniennes eurent décidé de
ne pas accepter la signification par messagerie internationale.
8.71. Outre qu’elles sont entachées d’erreurs de fait, les assertions de l’Iran dénonçant des
irrégularités dans la signification des actes sont malvenues. En effet, l’Iran aurait pu engager devant
les juridictions américaines une procédure pour vice de signification contre le jugement Havlish,
mais il a choisi de ne pas le faire. Dans la mesure où l’Iran considère qu’une telle procédure aurait
été vaine, des précédents récents montrent qu’il n’en est rien. En 2019, après que le Soudan eut
reconsidéré sa décision de ne pas comparaître et commencé à participer à la procédure, la Cour
suprême fédérale lui a donné gain de cause dans une action qu’il avait engagée contre un jugement
rendu par défaut au motif que son assignation en justice ne lui avait pas été signifiée régulièrement
par les demandeurs423. En résumé, compte tenu du surcroît de garanties offertes aux Etats étrangers
en matière de signification des actes de procédure, ce n’est pas le vice de signification qui pose
problème quand un souverain étranger s’abstient de comparaître. Bien au contraire, comme le montre
le cas du Soudan, le système judiciaire américain protège amplement les Etats défaillants si leur
assignation en justice ne leur a pas été dûment signifiée.
ii) Les demandeurs ont été tenus au même critère de la preuve qui aurait été exigé
pour tout autre défaut de comparution d’un souverain, y compris
un défaut par les Etats-Unis eux-mêmes
8.72. Là encore, contrairement aux assertions de l’Iran424, le critère de la responsabilité dans
la procédure Havlish n’a pas été substantiellement et rétroactivement affaibli par l’adoption de
l’article 1605A de la loi fédérale sur l’immunité des Etats étrangers. L’Iran prétend que les
différences entre les deuxième et troisième requêtes modifiées dans la procédure Havlish montrent
que l’adoption de cet article a permis aux victimes des attentats du 11 septembre d’y ajouter des
demandes invoquant des infractions comme «le sabotage d’aéronefs, la prise d’otages et, de manière
générale, la fourniture d’un soutien matériel ou de ressources à des actes de terrorisme» qui n’étaient
420 Voir le paragraphe e) de l’article 1608 du titre 28 du code des Etats-Unis [28 U.S.C. § 1608] (mémoire de l’Iran,
annexe 6) (qui dispose que le jugement par défaut doit être signifié par les mêmes voies que l’assignation en justice avant
qu’il puisse être exécuté) ; voir aussi plus haut le paragraphe 8.48.
421 Voir les certificats d’expédition postale par le greffier, Havlish v. bin Laden, affaire no 03-cv-09848-GBD-SN
(district sud de l’Etat de New York, 15 novembre 2012), ECF 319-334 (annexe 359).
422 Voir les certificats d’expédition postale par le greffier, Havlish v. bin Laden, affaire no 03-cv-09848-GBD-SN
(district sud de l’Etat de New York, 14 janvier 2013), ECF 340-354 (annexe 359).
423 Voir Republic of Sudan v. Harrison, 139 S. Ct. 1048 (2019) (Cour suprême) (annexe 298). A la date de cet arrêt,
le Soudan était encore désigné par la législation américaine comme Etat soutenant le terrorisme et dirigé par un dictateur
connu de longue date pour son animosité à l’égard des Etats-Unis. Le Solicitor General de ces derniers a soumis au juge
des mémoires qui étaient généralement en accord avec les positions soutenues par le Soudan tant au stade de la requête en
ordonnance d’autorisation de recours extraordinaire (22 mai 2018) qu’au stade du fond (22 août 2018) de la procédure
devant la Cour suprême. Voir le mémoire d’amicus curiae des Etats-Unis, Harrison, 139 S. Ct. 1048 (2019) (no 16-1094)
(Cour suprême) (annexe 360) ; mémoire d’amicus curiae des Etats-Unis à l’appui du demandeur, Harrison, 139 S. Ct. 1048
(2019) (no 16-1094) (Cour suprême) (annexe 360). Les Etats-Unis ont aussi soutenu à l’audience la position soudanaise sur
la juste interprétation de l’article 1608 du titre 28 du code des Etats-Unis. Voir la demande du Solicitor General tendant à
être admis à participer à la procédure orale en qualité d’amicus curiae et à plaider sur le temps réservé à une partie [divided
argument], Harrison, 139 S. Ct. 1048 (no 16-1094) (Cour suprême) (annexe 361).
424 Réplique de l’Iran, par. 2.42-2.47.
98
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pas envisagées par la loi sur la protection des victimes de torture425. Mais il se garde bien de
reconnaître que la deuxième requête modifiée contient des demandes fondées expressément sur «la
fourniture d’un soutien matériel et de moyens à Al-Qaida, à Ben Laden et aux auteurs des
détournements d’aéronefs» et la «piraterie aérienne», ainsi que d’autres demandes couvrant
largement les mêmes infractions que l’article 1605A, mais invoquant d’autres lois fédérales et des
Etats426. A supposer même, pour les besoins de l’argumentation, que son interprétation des
différences entre les deuxième et troisième requêtes modifiées soit correcte, l’Iran n’explique
nullement pour quelle raison elles emporteraient violation du traité d’amitié.
8.73. L’Iran laisse également entendre que la reconnaissance par les tribunaux d’un
chevauchement substantiel entre les éléments de preuve prévus à l’article 1605A pour établir la
compétence et la responsabilité dans les affaires de terrorisme montre que le critère d’attribution de
la responsabilité était faible ou insuffisant427. Cependant, ce chevauchement substantiel met au
contraire en évidence la solidité des garanties offertes par le niveau de preuve requis pour établir la
compétence et non, comme le prétend l’Iran, la faiblesse des garanties offertes par le niveau de preuve
requis pour établir la responsabilité. Indépendamment de la méconnaissance des niveaux de preuve
requis dont témoigne ainsi l’Iran, les critiques qu’il formule passent généralement sous silence les
preuves factuelles — qu’il n’a guère contestées ⎯ sur lesquelles était fondé un jugement rendu
contre lui pour soutien matériel au terrorisme.
8.74. Contrairement à ce que laisse entendre l’Iran428, le tribunal a conclu que les demandeurs
avaient produit des preuves recevables suffisantes pour fonder le jugement par défaut dans la
procédure Havlish. Une fois de plus, dans sa description des procès qui ont fait suite aux attentats du
11 septembre, l’Iran omet de mentionner sa décision de ne pas comparaître, laquelle, en temps
normal, vaudrait acceptation des allégations des demandeurs si elles étaient correctement soutenues
425 Ibid., par. 2.47.
426 Voir, par exemple, la deuxième requête modifiée, par. 384, 404, Havlish v. bin Laden, affaire
no 03-cv-09848-GBD-SN (district sud de l’Etat de New York, 7 septembre 2006), ECF 214 (annexe 362). Dans sa
confusion, l’Iran établit un lien entre ce qu’il décrit comme la faculté qu’ont les demandeurs «de se prévaloir [dans leur
requête modifiée] de l’article 1605A du titre 28 du code des Etats-Unis, plus avantageux», et les dicta formulés par un
magistrate judge dans sa recommandation sur l’évaluation des dommages, et il prétend que par ces dicta le juge en question
«salu[ait]» l’«impact» dudit article. Voir le paragraphe 2.46 de la réplique de l’Iran. Outre le fait que les demandes
présentées dans la nouvelle requête chevauchaient largement celles de l’ancienne requête, la description que donne le
magistrate judge de l’effet produit par l’article 1605A met tout au plus en évidence l’efficacité judiciaire que permet
d’obtenir le fait d’avoir une cause d’action fédérale unique pour toutes les demandes. Voir le rapport et la recommandation
adressés au juge George B. Daniels, p. 5, Havlish v. bin Laden, affaire no 03-cv-09848-GBD (district sud de l’Etat de New
York, 30 juillet 2012), ECF 314 (annexe 363).
427 Réplique de l’Iran, par. 2.50, note no 129.
428 Voir, par exemple, le paragraphe 2.53 de la réplique de l’Iran. Au centre de la thèse iranienne selon laquelle ces
jugements n’étaient pas fondés sur des preuves se trouve le fait que l’Iran contestait que les preuves produites fussent
adéquates ou suffisantes. Il trouvait particulièrement problématique que les juridictions américaines fussent disposées à
accepter des déclarations sous serment et des témoignages d’experts. Voir ibid., par. 2.52. S’il avait comparu, l’Iran aurait
pu contester ces aspects de la procédure, ainsi que d’autres qu’il trouvait également problématiques. Le système judiciaire
américain a mis en place des règles transparentes qui encadrent le régime de la preuve, et notamment les témoignages
d’experts. Le règlement fédéral d’administration de la preuve, qui régit la recevabilité générale des preuves devant les
juridictions américaines, est de large diffusion et facilement accessible à l’adresse https://www.uscourts.gov/. L’article VII
de ce règlement régit la qualité de témoin expert, la recevabilité du témoignage d’expert et la divulgation par l’expert des
informations susceptibles d’être irrecevables qui ont pu entrer dans son témoignage. Voir aussi la règle 602 du règlement
fédéral d’administration de la preuve (annexe 428).
99
- 90 -
à la barre429. En effet, même si les jugements prononcés contre l’Iran n’étaient pas étayés par des
preuves, cette acceptation des allégations des demandeurs serait d’usage en cas de défaut de
comparution. Quoi qu’il en soit, la proposition de l’Iran selon laquelle les jugements rendus dans les
procédures qui ont fait suite aux attentats du 11 septembre n’étaient pas étayés par des preuves est
incorrecte. Le paragraphe e) de l’article 1608 de la loi sur l’immunité des Etats étrangers ménage un
surcroît de garanties aux Etats étrangers défaillants, tels que l’Iran, en alourdissant le fardeau de la
preuve pesant sur les demandeurs qui sollicitent un jugement par défaut430. Les garanties
supplémentaires offertes aux Etats étrangers par le paragraphe e) de l’article 1608 répondent «aux
mêmes critères qui s’appliquent aux jugements par défaut rendus contre les Etats-Unis en vertu du
paragraphe d) de l’article 55 [du règlement fédéral de procédure civile]»431.
8.75. Des preuves écrites ont été déposées au tribunal de première instance le 19 mai 2011,
le 13 juillet 2011 et le 19 août 2011432. Le tribunal les a examinées en audience le 15 décembre
2011433. Elles sont résumées et largement citées dans les conclusions du tribunal sur les faits. Dans
la mesure très limitée où, dans sa réplique, l’Iran réagit au volume considérable de preuves qui ont
été produites de son soutien matériel au terrorisme, les griefs qu’il exprime semblent concentrés sur
le fait que le tribunal ait admis comme éléments de preuve des déclarations sous serment et des
témoignages de personnes qui n’étaient pas immédiatement impliquées dans la fourniture dudit
soutien matériel à des terroristes434. Il ne dénonce toutefois aucune partialité ni autre irrégularité dans
la procédure qui a conclu à la recevabilité des preuves produites. Conformément à la pratique
ordinaire des juridictions américaines lorsqu’elles examinent la recevabilité des éléments de preuve
429 Aux termes de l’alinéa 6) du paragraphe b) de l’article 8 du règlement fédéral de procédure civile, «[u]ne
allégation … sera reçue si elle appelle une plaidoirie en réponse et si elle n’est pas contestée». Cette règle n’est pas
particulière au système judiciaire américain ; dans la procédure ordinaire des juridictions de common law, l’enregistrement
du défaut est réputé valoir acceptation par la partie défaillante des allégations correctement présentées dans la requête. Voir,
par exemple, D.H. Blair & Co., Inc. v. Gottdiener, 462 F.3d 95, 107 (deuxième circuit, 2006) (annexe 364) («L’article 55
«reprend l’ancien axiome de common law selon lequel le défaut de comparution vaut acceptation de toutes les allégations
formulées contre la partie défaillante du moment qu’elles ont été présentées en bonne et due forme»» (citant Vt. Teddy Bear
Co. v. 1-800 Beargram Co., 373 F.3d 241, 246 (deuxième circuit, 2004)). Les tribunaux ont expliqué que le traitement
ainsi réservé aux parties défaillantes visait à «empêcher les défendeurs absents à la procédure de se soustraire à leur
responsabilité en refusant de comparaître à un procès». Voir, par exemple, Amaya v. Logo Enterprises, LLC, 251 F.
Supp. 3d 196, 199 (district de Columbia, 2017) (annexe 365).
430 Le paragraphe e) de l’article 1608 de la loi sur l’immunité des Etats étrangers dispose qu’«[a]ucun jugement par
défaut ne sera prononcé par un tribunal des Etats-Unis ou d’un Etat des Etats-Unis … contre un Etat étranger ou l’une de
ses subdivisions politiques, établissements ou organismes … à moins que le demandeur n’ait appuyé sa demande ou son
droit à réparation sur des preuves propres à emporter la conviction du tribunal») (mémoire de l’Iran, annexe 6). Comme
l’ont fait observer les juridictions américaines, «[l]a garantie qu’offre cette disposition contre un jugement par défaut qui
serait mal fondé n’exonère pas l’Etat de son obligation de se défendre, mais impose au demandeur de produire des «preuves
recevables» suffisantes pour corroborer les principaux éléments de sa demande». Force v. Islamic Republic of Iran,
464 F. Supp. 3d 323, 357 (district de Columbia, 2020) (annexe 366). Le renforcement du critère de la preuve au bénéfice
des Etats étrangers défaillants que met en oeuvre le paragraphe e) de l’article 1608 du titre 28 du code des Etats-Unis
«n’impose pas au tribunal de se substituer à la partie défaillante et de résoudre tous les problèmes possibles d’administration
de la preuve» (voir Owens v. Republic of Sudan, 864 F.3d 751, 785 (cour d’appel du district de Columbia, 2017)
(annexe 367)) ; il exige toutefois des demandeurs qu’ils produisent des éléments de preuve recevables avant d’obtenir leur
jugement par défaut, ce qui n’est pas le cas lorsque la partie défaillante n’est pas un Etat.
431 Force v. Islamic Republic of Iran, 464 F. Supp. 3d 323, 336 (tribunal du district de Columbia, 2020)
(annexe 366) ; voir aussi Jerez v. Republic of Cuba, 775 F.3d 419, 423 (cour d’appel du district de Columbia, 2014)
(annexe 301) (le paragraphe e) de l’article 1608 «offre aux Etats étrangers une garantie extraordinaire qui est voisine de
celle accordée au Gouvernement fédéral»). Le paragraphe d) de l’article 55 du règlement fédéral de procédure civile [Fed.
R. Civ. P. 55 d)] dispose qu’«[u]n jugement par défaut ne peut être rendu contre les Etats-Unis, ses agents ou ses organismes
que si le demandeur fonde sa demande ou son droit à réparation sur des preuves propres à emporter la conviction du
tribunal» (annexe 428).
432 Voir, par exemple, la liste des pièces jointes au premier mémoire des demandeurs à l’appui de leur demande
d’inscription de jugement par défaut contre des Etats défendeurs, Havlish v. bin Laden, affaire no 03-cv-09848-GBD-SN
(district sud de l’Etat de New York, 19 mai 2011), ECF 276 (annexe 368).
433 Havlish, 2011 WL 13244047, à *2 (annexe 357).
434 Voir, par exemple, les paragraphes 2.50-2.52 de la réplique de l’Iran.
100
- 91 -
en matière civile, le tribunal a formulé des conclusions spécifiques sur la recevabilité des déclarations
sous serment et des témoignages d’experts. L’Iran n’a donc pas reçu à cet égard un traitement
différent de celui qui aurait été réservé à n’importe quel autre justiciable435. Et si le tribunal n’a pas
examiné toutes les exceptions que l’Iran prétend maintenant soulever dans la présente instance, c’est
uniquement parce que celui-ci a choisi de ne pas comparaître devant lui pour les soulever.
iii) Les conclusions de la Cour sur la responsabilité et les dommages-intérêts
8.76. Non content de critiquer la procédure Havlish du point de vue de sa recevabilité, l’Iran
prétend que les demandeurs à l’instance n’ont pas mentionné ou suffisamment démontré le soutien
matériel que les établissements et organismes iraniens jugés responsables civilement avaient fourni
au terrorisme436. En réalité, ces demandeurs ont produit d’amples preuves de l’appui matériel apporté
au terrorisme par les entités iraniennes, et, dans le cas d’entités non ministérielles et d’agents publics,
vérifié si ces entités et fonctionnaires avaient agi ou non en qualité d’établissements ou d’organismes
de l’Iran437.
8.77. La question du jugement sur la responsabilité étant maintenant réglée, l’assertion de
l’Iran selon laquelle les dommages-intérêts accordés dans la procédure Havlish sont mal fondés en
fait et en droit est manifestement fausse elle aussi et ne saurait servir de base à une demande présentée
au titre du traité d’amitié438. Le magistrate judge qui a procédé à l’évaluation initiale des dommagesintérêts
a expressément déclaré qu’il avait fondé sa recommandation sur «les principes juridiques
énoncés dans le Restatement of Torts [traité américain de droit de la responsabilité civile] et d’autres
ouvrages faisant autorité en la matière»439. En ce qui concerne la base factuelle, l’Iran mentionne
certes les ordonnances des 3 et 12 octobre 2012 relatives aux dommages-intérêts accordés aux
victimes des attentats du 11 septembre440, mais il se garde bien de rappeler que la décision et
l’ordonnance du 3 octobre 2012 — sur le fondement desquelles l’ordonnance et le jugement du
12 octobre 2012 ont été élaborés — reprenaient en la résumant la teneur d’un rapport de 19 pages
assorti d’une recommandation établi par un magistrate judge qui expliquait pourquoi les éléments de
preuve produits devraient conduire le tribunal à accepter ledit rapport et sa recommandation441. Le
rapport et la recommandation de ce juge étaient eux-mêmes étayés par une analyse juridique et par
435 Voir, par exemple, Havlish, 2011 WL 13244047, à *36 (annexe 357) («1. Le tribunal déclare recevables en tant
que témoignages d’experts conformément aux articles 702 et 203 du règlement fédéral d’administration de la preuve [Fed.
R. Evid. 702 et 703] les déclarations sous serment produites par les demandeurs. Les témoins convoqués sont des experts
dont les connaissances, les compétences, l’expérience, la formation et/ou les études font des spécialistes des questions de
terrorisme, de la filière Iran-Hezbollah-Al-Qaida et des attentats du 11 septembre.»).
436 Réplique de l’Iran, par. 2.50-2.51.
437 Voir, par exemple, Havlish, 2011 WL 13244047, p.3-4, par. 6-20, 34 (annexe 357) (personnes agissant en qualité
de fonctionnaires, employés ou agents) ; ibid., p. 4-7, par. 22-37, 39-43 (subdivisions politiques) ; ibid., p. 6-9, par. 38, 44-
56 (autres entités agissant en qualité d’établissements et d’organismes de l’Iran).
438 Réplique de l’Iran, par. 2.54.
439 Rapport et recommandation adressés au juge George B. Daniels, p. 5, Havlish v. bin Laden, affaire
no 03-cv-09848-GBD (district sud de l’Etat de New York, 30 juillet 2012), ECF 314 (annexe 363).
440 Réplique de l’Iran, par. 2.54, note 147. Ces ordonnances ont été rendues dans le cadre des nombreux procès qui
ont fait suite aux attentats du 11 septembre dans plusieurs districts judiciaires, dont le procès Havlish.
441 Décision et ordonnance, Havlish v. bin Laden, p. 2, affaire no 03-cv-09848-GBD (district sud de l’Etat de
New York, 3 octobre 2012), ECF 316 (annexe 369) ; voir rapport et recommandation adressés au juge George B. Daniels,
Havlish v. bin Laden, affaire no 03-cv-09848-GBD (district sud de l’Etat de New York, 30 juillet 2012), ECF 314
(annexe 363).
101
- 92 -
plusieurs centaines de pages de preuves décrivant les épreuves subies par les victimes, y compris leur
préjudice économique et le pretium doloris442.
iv) L’Iran aurait pu demander que soient infirmés les jugements par défaut
rendus contre lui par les juridictions américaines
8.78. Même après qu’un jugement accordant des dommages-intérêts a été rendu contre eux,
les défendeurs défaillants à l’instance ont la possibilité de demander à un tribunal d’infirmer un
jugement par défaut en faisant valoir des moyens de défense sur le fond, parce qu’en général, dans
les juridictions américaines, «de solides politiques privilégient le règlement des différends sur le
fond»443. Une fois encore, les Etats étrangers défaillants tels que l’Iran bénéficient de la part du
système judiciaire américain de garanties renforcées, du fait que «les [tribunaux] font de grands
efforts … pour faciliter l’infirmation [de jugements par défaut prononcés contre des Etats
étrangers]»444. Etant donné l’accueil relativement bienveillant accordé aux arguments des parties
défaillantes qui introduisent un recours contre un jugement par défaut et les nombreux griefs que
l’Iran tire des jugements en cause dans la présente espèce, il est remarquable qu’il n’ait cherché à
faire infirmer aucun desdits jugements rendus par des juridictions américaines, comme l’ont fait
utilement d’autres Etats, y compris des Etats désignés comme soutenant le terrorisme. De même que
les efforts que l’Iran déploie dans la présente espèce pour éluder toute discussion de la procédure
Peterson sur le fond révèlent qu’il n’a aucun argument à opposer à des demandes fondées sur sa
complicité dans l’attentat à la bombe contre le casernement des fusiliers marins, de même le fait qu’il
n’a déposé aucune requête aux fins d’infirmer les autres jugements par défaut rendus contre lui met
en évidence la futilité de ses attaques indirectes [collateral attacks] contre la régularité de ces
jugements445.
v) Les procédures qui ont fait suite aux attentats du 11 septembre ne donnent
prise à aucune demande contre les Etats-Unis
8.79. En résumé, les griefs que tire l’Iran des procédures qui ont fait suite aux attentats du 11
septembre ne sont ni fondés ni pertinents. Le demandeur brosse à la Cour un tableau de l’affaire
Havlish et des autres affaires consécutives aux attentats du 11 septembre qui ne décrit pas fidèlement
la nature de sa responsabilité et occulte les conséquences pratiques et juridiques de sa décision de ne
pas comparaître. En réalité, l’Iran a bénéficié des garanties renforcées généralement accordées par le
système judiciaire américain aux Etats étrangers défaillants, garanties qui sont similaires à celles dont
jouissent les Etats-Unis eux-mêmes lorsqu’ils choisissent de ne pas comparaître devant une
442 Rapport et recommandation adressés au juge George B. Daniels, Havlish v. bin Laden, affaire
no 03-cv-09848-GBD (district sud de l’Etat de New York, 30 juillet 2012), ECF 314 (annexe 363). Voir aussi le projet de
conclusions des demandeurs sur les faits et le droit relativement aux dommages-intérêts, le mémoire modifié des
demandeurs pour l’enquête sur les dommages-intérêts et son addendum, Havlish v. bin Laden, affaire no 03-cv-09848-GBD
(district sud de l’Etat de New York, février 2012), ECF 302, 303 et 306 (annexe 370). Le rapport et la recommandation du
magistrate judge et une grande partie des éléments de preuve à l’appui peuvent être aisément consultés dans le dossier, où
ils sont chronologiquement et spatialement placés près des pièces que l’Iran a annexées à sa réplique.
443 Republic of Kazakhstan v. Stati, 325 F.R.D. 507, 509 (district de Columbia, 2018) (annexe 371) (citant l’arrêt
Jackson v. Beech, 636 F.2d 831, 835 (cour d’appel du circuit du district de Columbia, 1980)). Le règlement fédéral de
procédure civile prévoit expressément qu’«un tribunal peut annuler pour des motifs sérieux l’enregistrement du défaut de
comparution du demandeur» et infirmer des jugements par défaut pour, entre autres, «tout motif qui justifie l’introduction
d’un recours». Voir le règlement fédéral de procédure civile [Fed. R. Civ. P.], art. 55 c) et art. 60 b) 6) (annexe 428). Le
tribunal appelé à décider si un jugement par défaut doit être infirmé a pour principal critère l’existence ou non de moyens
de défense valables, et «tout doute sur ce point doit bénéficier à la partie qui a introduit un recours contre ledit jugement».
Republic of Kazakhstan v. Stati, 325 F.R.D., p. 509 (citant l’arrêt Jackson v. Beech, 636 F.2d, p. 837).
444 First Fidelity Bank, N.A. v. Government of Antigua & Barbuda-Permanent Mission, 877 F.2d 189, 196
(deuxième circuit, 1989) (annexe 372).
445 Voir Friends Christian High School v. Geneva Financial Consultants, 321 F.R.D. 20, 22 (district de Columbia,
2017) (annexe 373).
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- 93 -
juridiction américaine. Correctement présentées et replacées dans leur contexte, les procédures qui
ont fait suite aux attentats du 11 septembre ne donnent prise à aucune accusation de violation du
traité d’amitié par les Etats-Unis.
SECTION D
OBSERVATIONS FINALES
8.80. Au chapitre précédent, les Etats-Unis ont démontré que les mesures législatives,
exécutives et judiciaires qu’ils avaient prises étaient raisonnables. Premièrement, ils ont montré que
l’adoption et l’application des mesures législatives en cause dans la présente affaire étaient
raisonnables, compte tenu des nombreux jugements non contestés et non exécutés que les
demandeurs avaient obtenus contre l’Iran au motif du soutien apporté par celui-ci au terrorisme.
Deuxièmement, la seule mesure exécutive en cause, à savoir le décret présidentiel no 13599,
constituait une réponse raisonnable à la conduite trompeuse de la banque Markazi et d’autres
institutions financières iraniennes. Troisièmement, les Etats-Unis ont largement analysé les huit
procédures d’exécution de jugement visées par la demande de l’Iran pour démontrer que les entités
iraniennes concernées, qu’elles aient choisi ou non de comparaître à l’audience, ont été traitées
équitablement par les juridictions américaines. Quatrièmement, les Etats-Unis ont répondu aux griefs
formulés par l’Iran contre les jugements faisant suite aux attentats du 11 septembre, en montrant que
ces griefs n’avaient absolument rien à voir avec aucune de ses demandes subsistantes et qu’ils étaient
dépourvus de tout fondement.
- 94 -
CHAPITRE 9
L’IRAN N’A PAS ÉTABLI LE BIEN-FONDÉ DE SES DEMANDES
AU TITRE DE L’ARTICLE III DU TRAITÉ D’AMITIÉ
9.1. Les vices des demandes introduites par l’Iran au titre de l’article III sont caractéristiques
de ses interprétations du traité d’amitié, lesquelles sont non seulement erronées, mais aussi contraires
aux termes de cet instrument. Selon l’Iran, le paragraphe 1 de l’article III imposerait aux Etats-Unis
de reconnaître que les sociétés iraniennes sont «distinctes de leurs actionnaires, notamment l’Etat
iranien», et les Etats-Unis auraient manqué à leur prétendue obligation d’opérer une telle
«distinction» en autorisant la saisie d’actifs de sociétés iraniennes en exécution de jugements rendus
contre l’Etat iranien446. De même, invoquant le paragraphe 2 de l’article III, l’Iran prétend que, en
«priv[ant] [les] sociétés iraniennes de moyens de défense qu’elles auraient normalement pu faire
valoir» — à savoir la défense tirée de l’immunité —, les Etats-Unis auraient violé le droit de ces
sociétés au «libre accès» aux tribunaux américains447. Or, dans leur contre-mémoire, les Etats-Unis
ont expliqué qu’il ressort clairement de son texte et de l’historique de ses négociations que le traité
ne confère pas ces droits à un «caractère distinct» et à l’immunité dont l’Iran prétend qu’ils ont été
violés au mépris des paragraphes 1 et 2, respectivement, de l’article III448. Une interprétation correcte
de cet article en ce qu’il s’applique aux faits non contestés de l’espèce doit dès lors conduire à rejeter
les demandes de l’Iran.
9.2. En réponse à l’analyse approfondie du sens de l’article III à laquelle ont procédé les
Etats-Unis, l’Iran tente dans sa réplique de justifier ses demandes en avançant des interprétations
nouvelles et plus larges encore de cet article, ce qui ne fait que mettre en évidence la vanité des efforts
qu’il déploie pour lire dans le texte du traité des mots qui ne s’y trouvent pas. Au lieu de procéder à
une analyse du libellé ou de l’historique des négociations pour justifier sa création des nouveaux
droits à un statut juridique «distinct» et à l’«indépendance» qu’il tire du paragraphe 1 de l’article III,
l’Iran défend dans sa réplique une vague norme autoréférencée selon laquelle le droit iranien serait
en quelque sorte la source de ces droits. Quant à l’interprétation laborieuse qu’il donne du
paragraphe 2 de l’article III, elle est plus improbable encore, puisque la norme large et absente du
texte du traité qu’il propose, à savoir celle d’un accès «réel» aux tribunaux, contredit l’interprétation
que la Cour elle-même a faite de cette disposition. Aucun des nouveaux arguments de l’Iran ne vient
donc étayer ses demandes au titre de l’article III.
SECTION A
L’IRAN N’A PAS ÉTABLI QU’IL Y AIT EU VIOLATION DES DISPOSITIONS
DU PARAGRAPHE 1 DE L’ARTICLE III
9.3. Dans son mémoire, l’Iran a fait valoir que la demande qu’il présentait au titre du
paragraphe 1 de l’article III reposait sur un prétendu droit à la reconnaissance du «statut juridique
distinct de ses sociétés»449. Dans leur contre-mémoire, les Etats-Unis ont démontré, en analysant le
texte du traité et l’historique des négociations, que le paragraphe 1 de l’article III exigeait simplement
que le «statut juridique» de ces «sociétés» fût reconnu afin de leur permettre de bénéficier des
protections accordées par les autres dispositions substantielles du traité ; de même, ils ont démontré
que l’interprétation de l’Iran était viciée parce que celui-ci inventait — sans citer aucune référence —
446 Réplique de l’Iran, par. 4.11 et 4.13.
447 Ibid., par. 5.39.
448 Contre-mémoire des Etats-Unis, chapitre 13.
449 Mémoire de l’Iran, par 4.1 (les italiques sont de nous).
104
105
- 95 -
une «distinction» qui n’était nullement prévue au paragraphe 1 de l’article III450. Enfin, ils ont
également expliqué que le paragraphe 1 de l’article III contenait une disposition expressément
restrictive qui excluait la création de droits implicites tels que le droit à la supposée «distinction»
revendiqué par l’Iran. Cette disposition se lit comme suit : «II est entendu toutefois qu’en elle-même
la reconnaissance de ce statut juridique ne donnera pas aux sociétés le droit de se livrer à l’activité
en vue de laquelle elles sont organisées»451.
9.4. Dans sa réplique, l’Iran, loin de désavouer son invention de cette «distinction», va plus
loin encore dans l’invention de nouvelles dispositions. Il soutient maintenant que non seulement
l’expression «statut juridique» garantit qu’une société et ses biens seront traités comme s’ils étaient
distincts et indépendants de leurs propriétaires, mais encore qu’elle inclut en quelque sorte toute la
gamme des droits que le droit iranien confère aux sociétés iraniennes. Cette extension arbitraire
montre que l’Iran est prêt à avancer n’importe quel argument, aussi étranger soit-il au texte du traité,
pour faire prospérer sa cause.
i) L’interprétation du paragraphe 1 de l’article III par l’Iran est contredite à la fois
par le texte et par l’historique des négociations de cette disposition
9.5. C’est dans sa réplique que l’Iran présente pour la première fois l’argument selon lequel le
paragraphe 1 de l’article III prévoirait en quelque sorte que
«les sociétés iraniennes jouir[aie]nt de la reconnaissance de leur statut juridique, c’està-
dire du statut juridique qu’elles possèdent en vertu de la législation et de la
réglementation iraniennes, sur le territoire des Etats-Unis, autrement dit qu’il sera[it]
conféré à cette reconnaissance un effet juridique sur ce territoire»452.
L’Iran se repose aujourd’hui sur cette assertion — plutôt que sur le texte du traité — pour étayer sa
thèse selon laquelle le paragraphe 1 de l’article III exigerait que ses sociétés soient traitées comme si
elles étaient «distinctes de leurs actionnaires, notamment l’Etat iranien»453. Cette tentative de se
servir du droit interne pour contourner les dispositions du traité, contrairement aux termes mêmes de
celui-ci, défie les principes fondamentaux de l’interprétation des traités et n’étaye nullement la thèse
iranienne.
9.6. Développant ce nouvel argument central qui mobilise le droit iranien au service de sa
cause, l’Iran prétend, dans sa réplique, que les Etats-Unis font erreur sur «quatre points
fondamentaux»454 dans leur interprétation du paragraphe 1 de l’article III. Aucun de ces quatre
arguments interdépendants ne résiste toutefois à l’examen.
9.7. Pour commencer, l’Iran recourt à un sophisme — et s’écarte du texte du paragraphe 1 de
l’article III — lorsqu’il avance que les Etats-Unis confondraient «statut juridique» et «personnalité
juridique»455. Or lui-même parle de la «distinction entre les personnalités juridiques» lorsqu’il
450 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 13.13-13.17.
451 Traité d’amitié, art. III, par. 1 (les italiques sont de nous).
452 Réplique de l’Iran, par. 4.7 (les italiques sont dans l’original).
453 Ibid., par. 4.11.
454 Ibid., par. 4.6.
455 Ibid., par. 4.6 a).
106
- 96 -
examine la question du «statut juridique» dans son mémoire456. Ce qui est plus grave encore, c’est
que cet argument de l’Iran fondé sur la terminologie passe complètement sous silence le contexte
dans lequel les Etats-Unis ont situé leur explication du sens de «statut juridique» ; ce contexte est
celui des travaux préparatoires du traité — et plus particulièrement une dépêche adressée directement
par les Etats-Unis à leur ambassade en Iran pendant les négociations —, qui montrent bien que les
parties convenaient que le «statut juridique» impliquait seulement la reconnaissance d’«entités
sociales» ou de «sociétés» dotées de la personnalité juridique sur un pied d’égalité avec les personnes
physiques457. L’Iran se garde bien de faire mention de cet important élément de contexte.
9.8. L’Iran se contente ensuite de mentionner à titre incident la négociation de traités d’amitié,
de commerce et de navigation contemporains, pour faire valoir que ces derniers «ne trouvent guère
leur place dans l’application d’une méthode rigoureuse d’interprétation des traités au traité d’amitié
[entre les Etats-Unis d’Amérique et l’Iran]»458. Outre qu’elle est erronée, cette assertion abrupte est
contredite par certains arguments avancés antérieurement par l’Iran lui-même. En effet,
conformément à l’article 32 de la convention de Vienne sur le droit des traités, tant les Etats-Unis
que l’Iran se sont déjà appuyés sur des éléments de ce type pour interpréter le traité d’amitié459, et la
Cour elle-même l’a fait460. En l’affaire des Plates-formes pétrolières plus précisément, la Cour a
mentionné un mémorandum du département d’Etat des Etats-Unis concernant le traité d’amitié, de
commerce et de navigation avec la Chine et évoqué les «débats au Sénat américain ayant précédé la
ratification» de traités de ce type avec la Chine, l’Ethiopie, l’Iran et Oman et Mascate461. La décision
de la Cour de faire référence à ces éléments dans l’arrêt qu’elle a rendu en l’affaire des Plates-formes
pétrolières permet de conclure qu’ils sont également pertinents aux fins de son analyse du même
traité en la présente espèce.
9.9. Quoi qu’il en soit, c’est l’Iran qui malmène les principes d’interprétation en faisant
largement abstraction du texte et du contexte du traité d’amitié, alors même qu’il invoque des traités
internationaux totalement différents et indépendants censés étayer son interprétation. Les vices de
son argumentation sont manifestes. Tout en reprochant aux Etats-Unis de se référer aux travaux
préparatoires du traité d’amitié et aux négociations d’autres traités d’amitié, de commerce et de
navigation contemporains dont les termes sont très proches de celui-ci, l’Iran cite lui-même la
convention de 1951 relative au statut des réfugiés ainsi que le droit international de la mer462. Il ne
tente pas même d’expliquer en quoi des branches du droit si incongrues pourraient aider à interpréter
un traité d’amitié bilatéral. Il va de soi que le «statut juridique» des réfugiés selon un traité
multilatéral — où sont abordées des questions telles que la «propriété intellectuelle» — ou encore le
«statut juridique des eaux» et «la zone économique exclusive» en droit international de la mer n’ont
pas grand-chose à voir avec l’interprétation correcte du paragraphe 1 de l’article III d’un traité
d’amitié désormais éteint. Le silence à peu près complet de l’Iran sur l’historique des négociations
456 Mémoire de l’Iran, par. 4.23.
457 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 13.8 et 13.9.
458 Réplique de l’Iran, par. 4.2.
459 Voir, par exemple, le mémoire de l’Iran en l’affaire des Plates-formes pétrolières (Iran c. Etats-Unis
d’Amérique), par. 2.25-2.27 et note 190 ; les observations et conclusions de l’Iran sur l’exception préliminaire des Etats-
Unis, Plates-formes pétrolières (Iran c. Etats-Unis d’Amérique), par. 1.27, 3.09 et 3.14 ; et Plates-formes pétrolières (Iran
c. Etats-Unis d’Amérique), exception préliminaire, arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 882 (opinion dissidente de M.
Schwebel).
460 Plates-formes pétrolières (Iran c. Etats-Unis d’Amérique), exception préliminaire, arrêt,
C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 814-815, par. 29.
461 Ibid.
462 Réplique de l’Iran, par. 4.6 a) i).
107
- 97 -
du traité d’amitié en cause dans la présente instance jette un jour cruel sur la faiblesse de ses
arguments.
9.10. Les deuxième, troisième et quatrième points ou arguments de l’Iran concernent sa
nouvelle théorie qui veut que le paragraphe 1 de l’article III impose aux Etats-Unis de «conférer un
effet juridique sur leur territoire aux lois iraniennes en matière d’établissement des sociétés
iraniennes»463. Or, le traité ne dit rien de tel. Ni ses travaux préparatoires ni aucun élément de son
contexte n’étayent une telle interprétation. L’Iran en est donc réduit, une fois de plus, à inventer de
toutes pièces de nouvelles dispositions. Il assure que «le statut juridique d’une entité reconnue
comme sujet de droit en droit national est plus étendu que le simple établissement de sa personnalité
juridique, puisqu’il entraîne en outre les droits et devoirs essentiels que la loi confère à cette
personne morale»464. Le paragraphe 1 de l’article III ne mentionne nulle part, pas même par
implication, une quelconque protection de tels «droits essentiels». Au contraire, il déclare
expressément que «la reconnaissance de ce statut juridique ne donnera pas aux sociétés le droit de
se livrer à l’activité en vue de laquelle elles sont organisées» (les italiques sont de nous). L’Iran
prétend voir dans cette phrase une «précision» nécessaire pour la seule raison que le terme «statut
juridique» n’aurait pas le même sens que celui de «personnalité juridique»465, mais il ne fait ainsi que
prouver le bien-fondé de la position des Etats-Unis : le refus exprès de conférer le moindre droit qui
fasse partie intégrante du «statut juridique» ne permet pas de douter que, comme le montre
l’historique des négociations, la reconnaissance du «statut juridique» ne suppose pas toute une série
d’autres droits. Autrement dit, le traité précise que le «statut juridique» ne confère pas de droits aux
sociétés, qu’il s’agisse de «droits essentiels», de «droits fondamentaux» ou de «caractéristiques
juridiques fondamentales» selon les différents termes employés par l’Iran. Loin de poser une limite
à l’exclusion expresse de droits supplémentaires énoncée au paragraphe 1 de l’article III, la formule
«se livrer à l’activité en vue de laquelle elles sont organisées» englobe une vaste gamme d’activités
assignées aux sociétés.
9.11. L’Iran allègue également que l’adjectif possessif «their» qui qualifie le terme «juridical
status» dans la version anglaise du traité plutôt que le simple article indéfini «a» signifierait en
quelque sorte que «les Etats-Unis s’engagent à conférer un effet juridique sur leur territoire aux lois
iraniennes en matière d’établissement de sociétés iraniennes»466. Or, si les parties avaient voulu
incorporer leur droit interne dans le traité d’une manière aussi radicale que le prétend l’Iran, elles
auraient pu le faire aisément en termes exprès. Ce n’est certainement pas en substituant dans le texte
anglais du traité le seul adjectif possessif «their» à l’article indéfini «a» qu’elles l’ont fait, ce qui veut
dire qu’elles n’ont pas confié au droit interne d’une partie le soin de définir unilatéralement le sens
du traité, et plus particulièrement les droits des sociétés. De même, le fait que les sociétés en question
doivent être constituées selon le droit iranien est hors sujet : cette condition élémentaire ne saurait
être transformée en une disposition fourre-tout qui «suppose[rait] … le caractère indépendant et
distinct»467 de ces sociétés, et encore moins en une garantie qui les protégerait contre les procédures
d’exécution des jugements rendus contre elles.
9.12. L’Iran s’appuie à nouveau sur les arrêts Barcelona Traction et Diallo, mais il omet
entièrement de répondre aux Etats-Unis, qui ont fait valoir que ces affaires n’avaient aucun rapport
avec aucun traité, et a fortiori avec le traité en cause ici. Les Etats-Unis ont déjà expliqué — et l’Iran
refuse largement de le voir — que les circonstances des affaires Barcelona Traction et Diallo sont
463 Ibid., par. 4.6 b)-d).
464 Ibid., par. 4.6 a) ii) (les italiques sont de nous).
465 Réplique de l’Iran, par. 4.6 a) iii).
466 Ibid., par. 4.6 b)-c).
467 Ibid., par. 4.8.
108
- 98 -
fort différentes de celles de la présente espèce et n’ont absolument aucun rapport avec l’interprétation
iranienne du paragraphe 1 de l’article III. Ces affaires concernaient les conditions dans lesquelles un
Etat était habilité, au regard du droit international, à exercer sa protection diplomatique au bénéfice
de sociétés ou de particuliers. La principale question examinée par la Cour dans ces affaires était
celle de savoir si le droit invoqué était effectivement un droit d’un ressortissant ou d’une société de
l’Etat requérant, dans des circonstances où la composition de l’actionnariat et l’organisation de la
société en cause se caractérisaient par une grande complexité et impliquaient plusieurs Etats. Ni
l’affaire Barcelona Traction ni l’affaire Diallo n’avaient leur origine dans une disposition
conventionnelle analogue à celle du paragraphe 1 de l’article III. Elles ne concernaient pas non plus
la question beaucoup plus simple de savoir ce que signifie reconnaître la personnalité juridique des
sociétés. Ces deux affaires n’éclairent donc nullement le sens de cette disposition.
9.13. A cela s’ajoute que l’Iran n’a pas prouvé que le droit iranien étayerait le raisonnement
générique et vicié qui est le sien. Il ne produit que des citations hâtives à l’appui de sa position selon
laquelle la banque Markazi et l’Export Development Bank of Iran seraient des institutions
«indépendantes»468. Il soutient également, sans offrir d’analyse ou de documents à l’appui, que
«toutes les autres sociétés iraniennes concernées» auraient le même statut les dotant de la
«personnalité juridique» en vertu du code iranien du commerce469. Il s’agit là d’une assertion hors de
propos et qui ne saurait modifier le sens du traité.
9.14. En résumé, l’Iran n’a offert dans sa réplique aucun argument susceptible de sauver sa
tentative d’ajouter au paragraphe 1 de l’article III de nouveaux termes tels que ceux de «caractère
indépendant et distinct». Au contraire, ses nouveaux arguments montrent bien à quel point il est prêt
à faire fi du texte et du contexte du traité.
ii) Les mesures américaines respectent l’obligation de reconnaître le «statut juridique»
des sociétés iraniennes appartenant à l’Etat qui est énoncée
au paragraphe 1 de l’article III
9.15. Une fois écartée l’interprétation erronée du paragraphe 1 de l’article III que fait l’Iran, la
seule question qui subsiste est celle de savoir si les Etats-Unis ont respecté leur obligation de
reconnaître le «statut juridique» des sociétés iraniennes sur le territoire américain. La réponse est
affirmative : les Etats-Unis ont respecté cette obligation. Comme ils l’ont expliqué dans leur
contre-mémoire, aucune des mesures américaines ne fait obstacle ou n’oppose un refus à la
reconnaissance du statut juridique des sociétés iraniennes en tant que sociétés470.
9.16. Dans sa réplique, l’Iran n’offre aucun argument propre à réfuter cette simple application
du paragraphe 1 de l’article III et se contente de répéter son interprétation erronée de cette disposition
en affirmant que les sociétés iraniennes n’ont pas été traitées comme des entités «indépendantes et
distinctes» de lui471. En d’autres termes, la thèse de l’Iran est que les Etats-Unis violeraient les
dispositions du paragraphe 1 de l’article III chaque fois qu’ils considèrent une société iranienne
comme «responsable et tenue de faire face à l’exécution d’une décision judiciaire contre ses
actionnaires, même quand elle a pour actionnaire l’Etat iranien»472. Or, comme cela a été expliqué
468 Réplique de l’Iran, par. 4.12.
469 Ibid., par. 4.12 et note 367.
470 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 13.20.
471 Réplique de l’Iran, par. 4.11-4.17.
472 Ibid., par. 4.13.
109
- 99 -
plus haut, on ne peut pas dénaturer le traité pour lui faire décréter une telle interdiction contre
l’exécution d’un jugement.
9.17. De même, l’Iran n’a rien opposé au fait qu’aucune disposition de l’article III n’interdisait
ou ne restreignait la pratique solidement établie autorisant à lever le voile social dans l’intérêt de la
justice. Il n’a pas réellement répondu aux précédents que les Etats-Unis avaient cités dans leur
contre-mémoire pour confirmer l’existence de cette pratique. Il prétend que l’arrêt Bancec de leur
Cour suprême est sans pertinence en la présente espèce, sauf pour dire que les mesures américaines
visaient à «contourner les cinq «facteurs Bancec»»473. L’Iran se trompe de cible. En effet, il n’y a
pas de différence de principe entre, d’une part, des mesures américaines qui entendent rendre justice
aux victimes du terrorisme en autorisant directement l’exécution de jugements sur les actifs de
sociétés iraniennes, et, d’autre part, l’application des facteurs Bancec par les tribunaux pour obtenir
le même résultat. La question, comme le dit le sénateur Specter cité par l’Iran lui-même, est celle de
«la norme légale qui fonde la doctrine Bancec» et qui permettra désormais «aux familles des
valeureux soldats tués lors de l’attentat contre le casernement des fusiliers marins à Beyrouth (Liban)
d’obtenir des dommages-intérêts prononcés par les tribunaux contre des Etats soutenant le terrorisme
tels que l’Iran»474. Le point fondamental reste le même : les mesures américaines ont été prises dans
l’intérêt de la justice, pour indemniser les victimes d’actes de terrorisme de l’Iran et conformément
aux principes établis qui autorisent à lever le voile social, ce à quoi le paragraphe 1 de l’article III
n’impose aucune restriction.
9.18. L’Iran ne parvient pas non plus à répondre à l’ouvrage doctrinal exhaustif cité dans le
contre-mémoire des Etats-Unis et qui fait le point sur le droit international relatif à la levée du voile
social. Cet ouvrage ne saurait pourtant être écarté, comme le voudrait l’Iran, au motif qu’il porterait
«sur une pratique qui est sans rapport avec celle des Etats-Unis vis-à-vis des sociétés iraniennes»475.
Plutôt que d’analyser véritablement ce principe de droit international, l’Iran se contente de soutenir,
dans sa réplique, que la conclusion à laquelle est parvenue la Cour en l’affaire de la
Barcelona Traction se limitait à l’opportunité de ««lever le voile social» ou de «faire abstraction de
la personnalité juridique» lorsque «la forme de la société anonyme et sa personnalité morale»
n’a[v]aient] pas été «employées aux seules fins initialement prévues»»476. La Cour n’avait toutefois
nul besoin, dans son analyse, de s’occuper des autres circonstances dans lesquelles il pourrait être
opportun de lever le voile social, et elle s’est contentée d’énoncer simplement, comme un principe
général, que «le droit a[vait] reconnu que l’existence indépendante de la personnalité morale ne
saurait être considérée comme un absolu»477. Dans les procédures qui sont en cause en la présente
espèce, et conformément à ce principe général, les actifs des sociétés iraniennes ont été saisis à raison
du soutien fourni par l’Iran à des activités terroristes478. Aucune disposition du paragraphe 1 de
l’article III n’empêchait de prendre les mesures propres à faciliter les saisies en question, lesquelles,
comme on l’expliquera dans la section B ci-après, étaient raisonnables dans ces conditions.
9.19. Compte tenu de ce principe d’équité et des faits de l’espèce, il est clair que l’article III
ne fait nullement obstacle à ce que les Etats-Unis prennent des mesures ordonnant de passer outre la
473 Réplique de l’Iran, par. 4.23.
474 Ibid., par. 4.24 (citant l’annexe 5 de la réplique).
475 Ibid., note 376.
476 Ibid., par. 4.28.
477 Barcelona Traction, Light and Power Company, Limited (nouvelle requête : 1962) (Belgique c. Espagne),
deuxième phase, arrêt, C.I.J. Recueil 1970, p. 39, par. 56.
478 Comme les Etats-Unis l’ont rappelé dans leurs exceptions préliminaires, le GAFI a publié une série
d’avertissements concernant le risque de financement du terrorisme présenté par l’Iran. Exceptions préliminaires des Etats-
Unis, par. 4.9-4.11.
110
111
- 100 -
forme sociale des sociétés iraniennes appartenant à l’Etat, afin de faciliter le règlement des
indemnités dues aux victimes du terrorisme soutenu par l’Iran. En définitive, la réplique ne fait que
mettre en évidence le caractère raisonnable des mesures américaines, parce qu’elle passe
complètement sous silence le soutien apporté par l’Iran au terrorisme qui est à l’origine desdites
mesures.
SECTION B
L’IRAN N’A PAS ÉTABLI QU’IL Y AIT EU VIOLATION
DU PARAGRAPHE 2 DE L’ARTICLE III
9.20. Du fait de l’arrêt de la Cour sur les exceptions préliminaires, l’Iran ne saurait prospérer
en la demande qu’il a fondée sur le paragraphe 2 de l’article III, et sa réplique ne contient aucun
élément susceptible de modifier cette inéluctable conclusion. Dans le mémoire qu’il a soumis avant
cet arrêt, il a essayé d’accréditer l’idée que le paragraphe 2 de l’article III — avec sa clause de «libre
accès aux tribunaux» — était une disposition de caractère «essentiellement procédural» visant à
garantir le droit des sociétés iraniennes de faire valoir leur immunité «en vertu du droit international
coutumier»479. S’appuyant sur cette interprétation, il a prétendu que «[t]oute abolition du droit des
sociétés iraniennes i) d’invoquer des immunités de juridiction ou d’exécution applicables en droit
international coutumier et ii) de s[’en] voir reconnaître le bénéfice» violerait leur droit à un libre
accès aux tribunaux480. Dans leur contre-mémoire, les Etats-Unis ont exposé les vices de la thèse
iranienne, en s’appuyant sur la conclusion tirée par la Cour dans son arrêt sur les exceptions
préliminaires selon laquelle le paragraphe 2 de l’article III «ne vis[ait] pas à garantir des droits
substantiels, ni même des droits procéduraux qu’une société d’une partie contractante entendrait
faire valoir devant les tribunaux et autorités de l’autre partie»481. Compte tenu du fait incontesté que
les sociétés iraniennes n’ont pas seulement eu accès aux tribunaux américains, mais sont également
comparu et ont fait valoir leurs moyens de défense devant eux, la demande présentée par l’Iran au
titre du paragraphe 2 de l’article III perd donc tout fondement.
9.21. Dans sa réplique, l’Iran tente d’échapper aux conséquences de l’arrêt de la Cour sur les
exceptions préliminaires en alléguant que la jurisprudence internationale autorise une interprétation
extensive du paragraphe 2 de l’article III selon laquelle il est «interdi[t] aux Etats-Unis d’entraver
[l’]accès [des sociétés iraniennes aux tribunaux], et notamment de priver lesdites sociétés iraniennes
de moyens de défense qu’elles auraient normalement pu faire valoir»482. L’Iran reste toutefois
remarquablement muet sur la question de savoir de quels moyens de défense ces sociétés auraient
été privées, le seul moyen de défense pertinent étant l’immunité, dont la Cour a déjà conclu qu’elle
n’est pas prévue par le traité. En outre, la jurisprudence évoquée par l’Iran est soit dépourvue de
pertinence en l’espèce, soit favorable en réalité à l’interprétation du paragraphe 2 de l’article III que
favorisent les Etats-Unis, comme on le verra plus loin. Le fait est que les sociétés iraniennes en cause
ont eu «libre accès aux tribunaux» des Etats-Unis et ont comparu devant ceux-ci, de sorte que l’Iran
doit être débouté de sa demande.
479 Mémoire de l’Iran, par. 5.6.
480 Ibid., par. 5.9.
481 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 13.25 (citant le paragraphe 70 de l’arrêt sur les exceptions préliminaires)
(les italiques sont de nous).
482 Réplique de l’Iran, par. 5.39.
112
- 101 -
i) L’interprétation excessivement large que fait l’Iran du paragraphe 2 de l’article III
est contredite par le texte du traité ainsi que par l’analyse
que la Cour elle-même a faite de ce texte
9.22. L’Iran méconnaît en réalité le raisonnement que la Cour a tenu dans son arrêt sur les
exceptions préliminaires. En retenant l’exception des Etats-Unis selon laquelle le paragraphe 2 de
l’article III n’offre aucune base sur laquelle asseoir des demandes fondées sur le refus d’accorder une
immunité souveraine, la Cour a conclu que cette disposition
«ne vis[ait] pas à garantir des droits substantiels, ni même des droits procéduraux qu’une
société d’une partie contractante entendrait faire valoir devant les tribunaux et autorités
de l’autre partie, mais seulement à protéger la possibilité pour une telle société d’accéder
à ces tribunaux ou autorités en vue de faire valoir les droits (substantiels ou
procéduraux) qu’elle prétend[ait] posséder»483.
9.23. Dans sa réplique, l’Iran tente de limiter cette interprétation à un «contexte spécifique et
limité»484, mais l’analyse de la Cour a manifestement une portée plus large puisque celle-ci a d’abord
expliqué, puis conclu, que le paragraphe 2 de l’article III «ne vis[ait] pas à garantir des droits
substantiels, ni même des droits procéduraux» d’une société — quels que fussent les droits que cette
société entendrait faire valoir485. Comme les Etats-Unis l’ont précisé dans leur contre-mémoire, ce
raisonnement ne laisse aucun doute sur le fait que le paragraphe 2 de l’article III accorde simplement
à ladite société le droit d’avoir accès aux tribunaux pour y défendre d’autres droits qu’elle prétend
posséder, et il ne lui accorde rien de plus486.
9.24. Dans un vain effort pour contourner le texte du paragraphe 2 de l’article III et le
raisonnement de la Cour, l’Iran invoque maintenant dans sa réplique certaines sentences arbitrales et
décisions judiciaires internationales pour soutenir que le «libre accès [aux tribunaux] ne peut être
réel» que s’il comprend en quelque sorte une «interdiction … d’entraver cet accès, et notamment de
priver [les] sociétés iraniennes de moyens de défense qu’elles auraient normalement pu faire
valoir»487. Or, aucune de ces décisions n’accrédite l’interprétation de l’Iran.
9.25. Premièrement, les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) sont
manifestement dépourvus de pertinence en l’espèce. La disposition applicable dans les affaires qui
ont donné lieu à ces décisions est le paragraphe 1 de l’article 6 de la convention européenne des droits
de l’homme, dont la première phrase se lit comme suit :
«Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement,
publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial,
établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de
caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre
elle» (les italiques sont de nous).
Le paragraphe 2 de l’article III du traité d’amitié ne mentionne toutefois aucun des droits de type
procédural visés à l’article 6 de la convention, tels que le droit de toute personne «à ce que sa cause
soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable». A cela s’ajoute que, à
483 Arrêt sur les exceptions préliminaires, par. 70.
484 Réplique de l’Iran, par. 5.13, note 401.
485 Arrêt sur les exceptions préliminaires, par. 70.
486 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 13.25-13.27.
487 Réplique de l’Iran, par. 5.39.
113
- 102 -
supposer même que ces arrêts soient pertinents, ils n’étayent guère la thèse iranienne. En l’affaire
National & Provincial Building Society, par exemple, la CEDH a conclu à l’absence de violation de
la convention parce que l’Etat poursuivi avait d’«impérieux motifs d’intérêt général»488, tout comme
les Etats-Unis en l’espèce, quoi qu’en dise l’Iran, qui s’emploie assidûment à faire oublier les faits
qui sont à l’origine des mesures américaines. En l’affaire des Raffineries grecques Stran et Stratis
Andreadis c. Grèce, la CEDH a jugé que l’adoption par la Grèce d’une loi tendant à annuler une
sentence arbitrale définitive rendue contre elle violait la convention. Elle a considéré qu’une telle
mesure servant les intérêts propres de son auteur ne s’accordait pas avec la «notion de procès
équitable consacré[e] par l’article 6 [de la convention]»489. L’instance introduite par l’Iran n’a rien à
voir avec une mesure de complaisance prise pour se soustraire à sa responsabilité ou avec la notion
de «procès équitable» consacrée par la convention européenne des droits de l’homme, comme c’était
le cas en l’affaire des Raffineries grecques Stran et Stratis Andreadis c. Grèce. Il s’ensuit que les
décisions de la CEDH n’étayent nullement l’interprétation erronée du paragraphe 2 de l’article III
faite par l’Iran.
9.26. Deuxièmement, les décisions rendues dans les affaires Van Bokkelen et Ambatielos
concernent des traités différents et des faits sans rapport avec la présente espèce, et sont donc
largement ou entièrement dépourvues de pertinence pour elle. La sentence en l’affaire Van Bokkelen
pourrait tout au plus être invoquée comme exemple du caractère extrême des circonstances
susceptibles d’emporter violation de la disposition relative au «libre accès aux tribunaux». Cette
affaire concernait un particulier qui avait subi «des mauvais traitements et un emprisonnement de
longue durée» parce que les tribunaux haïtiens avaient fait erreur dans le choix du droit applicable à
son cas490. A l’inverse, dans la présente espèce, les juridictions américaines ont appliqué le droit
américain comme il se doit, après avoir dûment examiné les arguments exposés par les entités
iraniennes au cours de la procédure chaque fois que ces entités avaient choisi de comparaître. Quant
à l’analyse à laquelle a procédé la commission d’arbitrage dans la sentence Ambatielos, elle confirme
l’interprétation du paragraphe 2 de l’article III par les Etats-Unis et met en évidence le caractère
erroné de l’interprétation iranienne, car elle rappelle que le «libre accès aux tribunaux» n’offre
aucune assurance quant au résultat qui sera obtenu ni aucune garantie qu’une société bénéficiera de
l’immunité d’exécution. En réalité, comme l’a expliqué la commission d’arbitrage, «la notion
moderne de «libre accès aux tribunaux» est une réaction contre une certaine pratique consistant à
entraver et empêcher la comparution des étrangers devant les tribunaux» ; la commission explique
encore que cette «comparution» recouvre des droits aussi fondamentaux que celui de «soumettre des
écritures… de désigner un conseil ; de produire des éléments de preuve… ; [et] d’interjeter appel»491.
L’Iran se garde bien d’inclure dans sa citation de la sentence Ambatielos ces précisions pourtant
essentielles qui confirment que l’interprétation des Etats-Unis est correcte et que ceux-ci ont respecté
les dispositions du paragraphe 2 de l’article III.
9.27. En résumé, les nouveaux arguments que l’Iran tire de la jurisprudence ne peuvent valider
son interprétation erronée du paragraphe 2 de l’article III, en particulier à la lumière de la décision
de la Cour concernant cette disposition dans son arrêt sur les exceptions préliminaires.
488 Affaire National & Provincial Building Society, Leeds Permanent Building Society et Yorkshire Building Society
c. Royaume-Uni, requête no 21319/93, par. 112 (23 octobre 1997), https://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-58109.
489 Affaire Raffineries grecques Stran et Stratis Andreadis c. Grèce, requête no 13427/87, par. 49 (9 décembre
1994), https://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-62469.
490 J.B. Moore, History and Digest of the International Arbitrations to Which the United States Has Been a Party,
p. 1852 (1898) (réplique de l’Iran, annexe 112).
491 The Ambatielos Claim (Greece, United Kingdom of Britain, and Northern Ireland), RSA, vol. XII, p. 111 (6 mars
1956) (annexe 121).
114
- 103 -
ii) Les sociétés iraniennes ont eu libre accès aux tribunaux des Etats-Unis
9.28. En ce qui concerne l’accès des sociétés iraniennes aux tribunaux américains, il n’y a pas
de contestation sur les faits. L’Iran n’a jamais nié et ne saurait nier que les sociétés iraniennes non
seulement ont eu accès aux tribunaux américains, mais aussi que, dans nombre de cas, elles ont
participé activement aux procédures en question. Même si l’on applique la norme de l’accès «réel»
inventée par l’Iran, les sociétés iraniennes ont eu «réellement» accès aux tribunaux, puisqu’elles ont
comparu dans les procédures en se faisant représenter par des conseils et ont soumis des exposés
écrits et oraux conformément aux règles de procédure applicables.
9.29. Nonobstant ces faits qui ne sont pas contestés, l’Iran avance dans sa réplique que les
Etats-Unis auraient en quelque sorte violé le paragraphe 2 de l’article III du traité d’amitié en
«entrav[ant]» cet accès492. Ce nouvel argument est sans fondement. Premièrement, le traité n’établit
aucun droit contre de supposées «entraves». L’Iran tente tout simplement, une fois de plus, d’ajouter
de façon détournée de nouveaux éléments à la disposition du traité relative au «libre accès».
Deuxièmement, les Etats-Unis n’ont nullement entravé l’accès des sociétés iraniennes aux tribunaux
américains, comme nous l’avons montré au chapitre 8 et comme le prouve le fait que ces sociétés
ont continué de participer aux procédures après l’adoption des mesures américaines en cause. Si des
entités iraniennes ont choisi de ne pas comparaître malgré les efforts considérables déployés par les
juridictions américaines pour leur signifier les procédures engagées contre elles et pour les
convaincre d’y participer, il va de soi que leur défaut de comparution ne saurait être imputé aux
Etats-Unis. Les griefs que l’Iran tire de certaines dispositions substantielles du droit américain et de
l’issue de certaines procédures d’exécution de jugement échappent au champ d’application du
paragraphe 2 de l’article III parce que, comme l’a expliqué la Cour, ledit paragraphe «ne garantit pas
les droits substantiels ou les droits procéduraux» des sociétés iraniennes.
9.30. Enfin, l’Iran cherche à se dérober à un examen de ses activités terroristes en affirmant
que l’application à ses sociétés de la clause de la nation la plus favorisée ne devrait pas dépendre
d’une comparaison avec des sociétés se trouvant «dans des circonstances analogues», mais avec des
sociétés sans distinction d’aucune sorte. Cet argument n’a aucun sens. Si l’Iran avait raison, le traité
interdirait aux Etats-Unis d’accorder aux sociétés un traitement différent indépendamment de la
question de savoir si elles se distinguent de manière fondamentale, pareille distinction pouvant par
exemple être établie entre les sociétés qui se livrent à des activités frauduleuses ou criminelles et les
sociétés respectueuses de la loi493. De plus, l’idée avancée par l’Iran que la banque Markazi aurait
reçu un traitement différent des autres banques centrales ne tient pas compte des faits494. En effet, la
TRIA et le paragraphe g) de l’article 1610 de la FSIA s’appliquent aux banques centrales, entre autres
établissements et organismes, de tous les Etats soutenant le terrorisme, et pas seulement à la banque
Markazi495. Certes, l’article 8772 ne s’applique qu’aux actifs de celle-ci qui sont en cause dans la
procédure Peterson I, mais c’est parce que ce sont des actifs dont cette banque a maintes fois déclaré
qu’ils lui appartenaient, tout en essayant de les soustraire à la saisie en se réfugiant derrière la façon
dont elle avait structuré leur propriété496. L’article 8772 ne constitue par conséquent pas une rupture
fondamentale avec le dispositif établi par la TRIA et le paragraphe g) de l’article 1610 de la FSIA. Il
vise seulement à élargir ce dispositif pour garantir que certains actifs de la banque Markazi ne
conserveraient pas leur immunité de saisie et d’exécution sous prétexte qu’ils étaient détenus par un
intermédiaire, car ce serait contraire aux objectifs visés par ces deux lois. En tout état de cause, l’Iran
492 Réplique de l’Iran, par. 5.39.
493 Voir ci-après, section B iii) du chapitre 12.
494 Réplique de l’Iran, par. 5.40.
495 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 6.11-6.15. Voir plus haut, chapitre 8, section A.
496 Voir plus haut, chapitre 8, sections A et B i) a). Voir aussi le paragraphe 6.16 du contre-mémoire des Etats-
Unis.
115
- 104 -
n’a cité aucun autre cas d’une banque centrale d’un Etat soutenant le terrorisme qui aurait cherché
de manière analogue à soustraire ses actifs à la saisie et à l’exécution d’un jugement. Faute de pouvoir
citer le cas d’une autre banque centrale se trouvant dans une situation similaire, il ne peut établir qu’il
y ait eu violation de la clause de la nation la plus favorisée.
SECTION C
OBSERVATIONS FINALES
9.31. En résumé, l’interprétation iranienne du paragraphe 1 de l’article III est indéfendable et
n’est pas corroborée par le texte du traité. Ce paragraphe impose à chaque partie de reconnaître le
statut juridique des sociétés de l’autre partie, mais stipule expressément que cette reconnaissance du
statut ne confère aucun droit, et encore moins le supposé droit à un «caractère distinct» sur lequel
reposent les demandes de l’Iran. La réplique de celui-ci ne remédie nullement et ne peut remédier
aux vices des demandes qu’il formule sur le fondement du paragraphe 1 de l’article II. Le droit que
l’Iran prétend tirer du paragraphe 1 de l’article III n’existe pas, et ses demandes doivent donc être
rejetées.
9.32. Les demandes de l’Iran au titre du paragraphe 2 de l’article III présentent des vices
similaires. Là encore, cet Etat tente d’élargir la portée de cette disposition au-delà du sens ordinaire
de ses termes. Comme le déclare la Cour, la disposition en question garantit l’accès des sociétés aux
tribunaux, mais «ne garanti[t pas] des droits substantiels, ni même des droits procéduraux qu’une
société d’une partie contractante entendrait faire valoir devant les tribunaux et autorités de l’autre
partie»497. L’Iran ne saurait contourner cette déclaration décisive. Les sentences arbitrales et les
décisions de la CEDH qu’il a citées dans sa réplique, mais qui concernaient des traités et des faits
différents, ne sont pas non plus d’un grand secours pour sa cause. Il s’ensuit que les demandes de
l’Iran fondées sur le paragraphe 2 de l’article III du traité d’amitié doivent elles aussi être rejetées.
497 Arrêt sur les exceptions préliminaires, par. 70.
116
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CHAPITRE 10
L’IRAN N’A PAS ÉTABLI LE BIEN-FONDÉ DE SA DEMANDE
AU TITRE DU PARAGRAPHE 1 DE L’ARTICLE IV
10.1. Il existe entre les Parties deux différends fondamentaux concernant l’interprétation du
paragraphe 1 de l’article IV. Le premier porte sur la question de savoir si ce paragraphe s’assimile
au standard international minimum de traitement selon le droit international coutumier ou s’il
constitue une norme autonome. Si la norme applicable est le standard international minimum, le
deuxième différend porte sur la question de savoir si ce standard inclut d’autres obligations que
l’obligation de ne pas refuser de rendre justice et les autres obligations découlant du standard
international minimum de traitement expressément énoncées au paragraphe 2 de l’article III et au
paragraphe 2 de l’article IV du traité d’amitié.
10.2. Les Etats-Unis présenteront dans la section A ci-après leur réponse à la première
question. Dans cette réponse, ils montreront que la norme applicable selon le paragraphe 1 de
l’article IV est le standard international minimum de traitement, et que l’Iran n’a pas réussi à prouver
le contraire dans sa réplique. Dans la section B, ils répondront à l’argument de l’Iran voulant que le
standard international minimum de traitement ait évolué jusqu’à englober toute une série
d’obligations qui vont au-delà de l’obligation de ne pas refuser de rendre justice. Ils démontreront
que le demandeur n’a pas produit d’exemples de pratique des Etats et d’opinio juris suffisants pour
prouver la réalité de cette prétendue évolution. Dans la section C, ils montreront qu’aucune des
mesures contestées par l’Iran ne constitue un déni de justice et que, par conséquent, aucune n’enfreint
les dispositions du paragraphe 1 de l’article IV.
10.3. Dans la section D, les Etats-Unis mettront en évidence les nombreux défauts du standard
autonome en huit points que l’Iran prétend tirer des trois dispositions que contient le paragraphe 1
de l’article IV. Ils montreront ensuite que, en tout état de cause, les mesures contestées ne violent pas
les dispositions de ce paragraphe, même si l’on applique le standard proposé par l’Iran.
10.4. Enfin, dans la section E, les Etats-Unis présenteront leurs observations finales sur
l’interprétation et l’application correctes du paragraphe 1 de l’article IV.
SECTION A
LE PARAGRAPHE 1 DE L’ARTICLE IV DU TRAITÉ D’AMITIÉ COMPREND TOUTES LES RÈGLES
DU STANDARD INTERNATIONAL MINIMUM DU TRAITEMENT JUSTE ET ÉQUITABLE
PRÉVU PAR LE DROIT INTERNATIONAL COUTUMIER QUI NE SONT PAS
ÉNONCÉES AILLEURS DANS LE TRAITÉ
10.5. L’obligation d’assurer un traitement juste et équitable énoncée au paragraphe 1 de
l’article IV du traité d’amitié inclut toutes les règles du standard international minimum de traitement
prévu par le droit international coutumier qui existaient à la date où le traité a été conclu et qui ne
sont pas énoncées ailleurs dans le traité, ainsi que toute règle relevant dudit standard dont il est établi
qu’elle s’est cristallisée en droit international coutumier par la pratique des Etats et l’opinio juris
postérieurement à la conclusion de cet instrument. S’il est vrai que l’obligation de ne pas refuser de
rendre justice s’était cristallisée de manière à faire partie intégrante du standard international
minimum de traitement prévu par le droit international coutumier à la date où le traité a été conclu,
l’Iran n’a toutefois pas montré qu’il en serait allé de même d’autres obligations. Plus précisément,
bien qu’il prétende que l’obligation d’assurer un traitement juste et équitable comporte quatre
nouvelles obligations distinctes en plus de l’interdiction de commettre un déni de justice, l’Iran n’a
117
118
- 106 -
produit aucune preuve tirée de la pratique des Etats ou de l’opinio juris qui lui permette de démontrer
la réalité de ces nouvelles obligations.
10.6. La Cour a déjà jugé que l’article IV concernait le standard international minimum du
traitement juste et équitable498, puisqu’elle le mentionne à deux reprises dans son arrêt sur les
exceptions préliminaires499. Pour rappel, lorsqu’elle s’est penchée sur la question de savoir si
l’immunité souveraine était incluse dans le champ d’application du terme «droit international» tel
qu’il était employé à l’article IV, la Cour a rejeté la thèse de l’Iran voulant qu’elle le fût et a expliqué
que «[l]e «droit international» dont il [étai]t question dans cette disposition [était] celui qui
défini[ssai]t le standard minimum de protection des biens qui appart[enai]ent aux «ressortissants» et
aux «sociétés» de l’une des parties exerçant des activités économiques sur le territoire de l’autre»500.
Il s’agit indubitablement d’une référence au standard international minimum du traitement juste et
équitable. Peu après cette explication, la Cour a réaffirmé que «l’article IV vis[ait] à garantir certains
droits et protections minimales au bénéfice des personnes physiques ou morales qui se livr[ai]ent à
des activités de nature commerciale»501. En réponse à ces explications, l’Iran allègue hâtivement que
la Cour ne se référait pas au standard international minimum du traitement juste et équitable, mais à
des protections autonomes prévues par le traité502. Il ne fournit aucune justification de cette
interprétation, nonobstant le fait que la Cour ait expressément précisé que le «droit international»
dont il était question dans cette disposition était celui qui définissait «le standard minimum de
protection des biens». Ce que la Cour voulait dire est clair : l’article IV énonce le standard
international minimum de traitement prévu par le droit international coutumier.
10.7. Des documents historiques confirment que la disposition relative au traitement juste et
équitable qui figure dans la première clause du paragraphe 1 de l’article IV désigne le standard
international minimum de traitement, tandis que les autres clauses du même paragraphe visent à
éclairer l’interprétation des règles entrant dans le champ d’application de l’obligation de traitement
juste et équitable, mais non à énoncer des obligations autonomes.
10.8. Peu après la conclusion du traité d’amitié, l’Organisation de coopération et de
développement économiques (OCDE) publiait un projet de convention sur la protection des biens
étrangers, dans une première version en 1963 et dans une version révisée en 1967. Le commentaire
de l’article premier de ce projet de convention, qui consacrait la norme du «traitement juste et
équitable», précisait que «[l]e respect et la protection qu’un Etat d[eva]it aux biens des ressortissants
des autres Etats constitu[ai]ent un principe général bien établi du droit international»503 :
«L’expression «traitement juste et équitable» … désigne le régime que chaque
Etat doit normalement réserver, d’après le droit international, aux biens des
ressortissants étrangers … [C]ette «norme» exige que la protection assurée en vertu de
la Convention soit celle qui est généralement accordée par la Partie en question à ses
propres ressortissants, mais du fait qu’elle est fixée par le droit international, cette
«norme» peut dépasser le traitement des propres ressortissants si le droit national ou les
pratiques administratives nationales sont d’un niveau inférieur à celui qu’exige le droit
498 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 14.7.
499 Arrêt sur les exceptions préliminaires, par. 57 et 58.
500 Ibid., par. 57 (les italiques sont de nous).
501 Ibid., par. 58.
502 Réplique de l’Iran, par. 6.8.
503 OCDE, projet de convention de 1967 sur la protection des biens étrangers, repris dans International Law
Materials (ILM), vol. 7, p. 117, 119 (1968) (annexe 374). Page 14 de la version française sur le site de l’OCDE à l’adresse
suivante : https://www.oecd.org/fr/daf/inv/accordssurlinvestissementinternational/….
119
- 107 -
«international». La norme exigée est conforme en fait à la «norme minimum» du droit
international coutumier.»504
10.9. Le comité de l’investissement international et des entreprises multinationales de l’OCDE
a interrogé en 1984 les Etats membres de cette organisation sur le sens à donner à l’expression
«traitement juste et équitable». Cette enquête lui a permis de confirmer que les membres continuaient
de considérer que cette expression renvoyait aux principes du droit international coutumier505.
10.10. Ainsi, historiquement, l’expression «traitement juste et équitable» telle qu’elle est
employée dans les accords internationaux relatifs aux investissements était censée renvoyer
succinctement au droit international coutumier régissant la responsabilité de l’Etat dans le traitement
qu’il accorde aux droits et intérêts économiques des ressortissants d’un autre Etat. Elle n’était pas
censée désigner une quelconque notion autonome inédite au contenu indéterminé. C’est d’ailleurs en
lui donnant ce premier sens que les Etats-Unis ont incorporé la notion de «traitement juste et
équitable» non seulement dans leurs traités d’amitié, de commerce et de navigation, mais aussi dans
les chapitres sur l’investissement qui figurent dans un certain nombre de leurs traités bilatéraux
d’investissement et de leurs accords commerciaux.
10.11. Les documents internationaux, tant historiques que plus récents, qui traitent de la
question des «voies d’exécution efficaces»506 vont eux aussi dans le sens de l’interprétation des
Etats-Unis voulant que cette clause ne constitue pas une obligation autonome, mais relève de
l’obligation de ne pas refuser de rendre justice, laquelle fait elle-même partie intégrante de la
disposition relative au traitement juste et équitable. L’Iran n’avait tout simplement aucun argument
à opposer à la plupart des preuves que les Etats-Unis avaient produites dans leur contre-mémoire
pour démontrer ce point507.
10.12. Au lieu de répondre à ces documents qui font autorité, l’Iran ergote sur la formulation
utilisée par une autre source similaire, à savoir un rapport de 1926 du Comité d’experts pour la
codification progressive du droit international réuni sous les auspices de la Société des Nations. Il
allègue que ce comité envisageait une obligation différente de celle des «voies d’exécution efficaces»
504 Ibid., p. 15 de la version française (annexe 374) (les italiques sont de nous).
505 OCDE, comité de l’investissement international et des entreprises multinationales, accords
intergouvernementaux relatifs aux investissements dans les pays en développement, par. 36, doc. no 84/14 du 27 mai 1984
(annexe 375) («Selon tous les pays Membres qui ont exprimé un avis sur la question, le traitement juste et équitable a
introduit une norme proprement dite renvoyant aux principes généraux du droit international, même si cela n’est pas énoncé
expressément»).
506 Les Etats-Unis relèvent, pour commencer, que l’Iran a dénaturé leur position sur l’interprétation correcte à
donner aux clauses du paragraphe 1 de l’article IV relatives aux «voies d’exécution efficaces» et aux «mesures arbitraires
ou discriminatoires». Le demandeur prétend que «les Parties s’accordent à considérer que la protection garantie par
l’obligation d’assurer des voies d’exécution efficaces pour les droits contractuels légitimement nés» et «la protection contre
les «mesures arbitraires ou discriminatoires»» incluent toutes les deux l’obligation de ne pas refuser de rendre justice.
Réplique de l’Iran, par. 6.50, 6.45. La position des Etats-Unis est l’exact contraire de cette assertion. L’obligation de ne
pas refuser de rendre justice n’entre pas dans le champ d’application des clauses relatives aux mesures arbitraires ou
discriminatoires et aux voies d’exécution efficaces ; au contraire, ces clauses, qui ne prévoient pas d’obligations autonomes,
encadrent l’interprétation correcte des règles de droit international coutumier entrant dans le champ d’application de la
disposition concernant le traitement juste et équitable.
507 On se rappellera que les Etats-Unis ont produit à titre d’éléments de preuve le traité publié par Alwyn Freeman
en 1938 sous le titre de The International Responsibility of States for Denial of Justice [La responsabilité internationale des
Etats pour déni de justice], ainsi que le rapport de 2002 du rapporteur spécial sur la protection diplomatique de la
Commission du droit international et l’avis consultatif de 1987 de la Cour interaméricaine des droits de l’homme ; ces trois
documents étayent la position américaine selon laquelle les «voies d’exécution efficaces» font partie intégrante de
l’obligation de ne pas refuser de rendre justice. Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 14.29 et 14.30.
120
- 108 -
parce que son rapport employait l’expression «moyens nécessaires à la défense de leurs droits» au
lieu de «voies d’exécution efficaces». Il avance le même argument au sujet des vues exprimées par
le Royaume-Uni, qui utilisait l’expression «un moyen raisonnable de faire appliquer ses droits» dans
ses observations sur le rapport publié par le comité en 1930508. Mais «moyen raisonnable» renvoie à
la même idée que «voies d’exécution efficaces». Dans certains cas, des notions intéressant le standard
international minimum du traitement juste et équitable sont exprimées avec des mots légèrement
différents sans que le sens en soit modifié. L’Iran lui-même cite des sentences arbitrales interprétant
l’expression «protection et sécurité pleines et entières» pour interpréter l’expression légèrement
différente de «protection et sécurité constantes» employée au paragraphe 2 de l’article IV du traité
d’amitié509, ce qui ne l’empêche pas de reprocher — à tort — aux Etats-Unis de ne pas avoir
interprété la disposition relative aux «mesures arbitraires et discriminatoires» [«arbitrary and
discriminatory measures»] de leur traité d’amitié, de commerce et de navigation avec l’Italie de
manière cohérente avec la disposition relative aux «mesures arbitraires ou discriminatoires»
[«unreasonable and discriminatory measures»] du paragraphe 1 de l’article IV du traité, où le mot
anglais «unreasonable» est employé au lieu du mot «arbitrary»510. L’argument de l’Iran selon lequel
le rapport du Comité d’experts de 1926 et les observations formulées par le Royaume-Uni sur ce
rapport en 1930 portaient sur une autre notion que celle des «voies d’exécution efficaces» est
dépourvu de fondement.
10.13. En ce qui concerne la clause relative aux «mesures arbitraires [unreasonable] ou
discriminatoires» du paragraphe 1 de l’article IV du traité d’amitié avec l’Iran, celui-ci soutient que
la thèse américaine voulant que cette clause soit incluse dans l’obligation de traitement juste et
équitable contredirait en quelque sorte l’interprétation, également américaine, de la clause des
«mesures arbitraires [arbitrary] et discriminatoires» en l’affaire Elettronica Sicula S.p.A. (ELSI)511.
C’est faux. En l’affaire Elettronica Sicula S.p.A. (ELSI), les Etats-Unis interprétaient leur traité
d’amitié, de commerce et de navigation avec l’Italie, lequel ne comporte pas de disposition générale
sur le «traitement juste et équitable» des investissements. En effet, ce traité conclu avec l’Italie
comporte trois dispositions relatives au traitement juste et équitable, qui s’appliquent chacune à des
domaines spécifiques : deux se rapportent à des domaines dans lesquels une partie possède un
monopole ou un organisme chargé d’activités spécifiques, et la troisième concerne l’attribution de
concessions, la passation de contrats et l’achat de fournitures512. Ainsi, la disposition du traité
d’amitié, de commerce et de navigation avec l’Italie relative aux mesures arbitraires et
discriminatoires ne pouvait pas passer pour une obligation générale de traitement juste et équitable
de l’ensemble des investissements, puisqu’il n’existait aucune obligation de ce type dans ledit traité.
508 Réplique de l’Iran, par. 6.55 a).
509 Voir, par exemple, p. 176, note 616 de la réplique de l’Iran (citant le paragraphe 482 de la sentence arbitrale en
l’affaire Anglo American PLC v. Bolivarian Republic of Venezuela, qui interprète le paragraphe 2 de l’article 2 du traité
bilatéral d’investissement entre le Royaume-Uni et le Venezuela, et renvoie à la notion de «protection et sécurité pleines et
entières»).
510 Réplique de l’Iran, par. 6.48.
511 Réplique de l’Iran, par. 6.48.
512 Traité d’amitié, de commerce et de navigation entre les Etats-Unis d’Amérique et la République italienne, par. 1
et 2 de l’art. XVIII, 2 février 1948, Treaties and Other International Acts Series (TIAS) du département d’Etat des
Etats-Unis, 1965 ; Nations Unies, Recueil des traités, vol. 79, p. 171 (annexe 376).
121
- 109 -
SECTION B
LE STANDARD INTERNATIONAL MINIMUM DU TRAITEMENT JUSTE ET ÉQUITABLE
PEUT ÉVOLUER, MAIS L’IRAN N’A PAS APPORTÉ LA PREUVE QUE, TEL
QU’IL FIGURE DANS LE TRAITÉ, IL AIT ÉVOLUÉ AU-DELÀ DE
L’OBLIGATION DE NE PAS REFUSER DE RENDRE JUSTICE
10.14. Le droit international coutumier, y compris le standard international minimum du
traitement juste et équitable, est susceptible d’évoluer. Comme la Cour l’a constaté, de nouvelles
règles de droit se forment ou se «cristallisent» au fil du temps, inspirées par une pratique générale et
constante des Etats accompagnée du sentiment de se conformer à une obligation juridique (opinio
juris)513. S’il se révèle que de nouvelles règles concernant le standard international minimum de
traitement se sont cristallisées dans le cadre de ce processus, ces règles entreront dans le champ
d’application de l’obligation d’assurer un traitement juste et équitable énoncée au paragraphe 1 de
l’article IV.
10.15. En conséquence, l’Iran se trompe lorsqu’il affirme que, selon les Etats-Unis, la clause
du traitement juste et équitable «doit» s’interpréter telle qu’elle était comprise à l’époque de la
conclusion du traité514. Ce n’est nullement la position des Etats-Unis. Leur position est que cette
clause doit s’interpréter comme incluant la règle qui interdit le déni de justice, laquelle entrait déjà
dans le champ d’application de la clause lorsque le traité a été conclu, ainsi que toute nouvelle règle
relevant du standard international minimum du traitement juste et équitable dont il est démontré
qu’elle s’est cristallisée en droit international coutumier par la pratique des Etats et l’opinio juris
depuis la conclusion du traité.
10.16. C’est au demandeur qu’il incombe d’établir l’existence d’une règle de droit
international coutumier515. En effet, «[l]a Partie qui invoque une coutume … doit prouver qu’elle
s’est constituée de telle manière qu’elle est devenue obligatoire pour l’autre Partie»516. C’est
513 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 14.16 et 14.17.
514 Réplique de l’Iran, par. 6.25. Tentant d’accréditer sa fausse description de la position des Etats-Unis, l’Iran
renvoie à deux passages du contre-mémoire, mais les cite de façon tronquée, ce qui en déforme le sens. Premièrement, il
se réfère à un passage dans lequel les Etats-Unis décrivent le standard international minimum du traitement juste et équitable
tel qu’il existait à l’époque où le traité a été conclu, mais il n’est précisé nulle part dans ce passage que ce standard ne
pouvait pas évoluer. Les Etats-Unis y expliquent simplement comment le traité en est venu à inclure les obligations
convenues entre les Parties, mais nulle part ils ne nient que le droit international coutumier pertinent puisse évoluer. Ibid.
(où est cité le paragraphe 14.3 du contre-mémoire des Etats-Unis). Deuxièmement, l’Iran allègue que les Etats-Unis
auraient dit que le standard international minimum de traitement s’était «cristallisé» et ne pouvait donc plus évoluer. Ibid.,
par. 6.29 (où est cité le paragraphe 14.8 du contre-mémoire des Etats-Unis). Les Etats-Unis n’ont rien dit de tel. Ce qu’ils
ont affirmé au sujet de la «cristallisation» renvoyait simplement à la formation progressive de règles individuelles de droit
international coutumier relevant de cette notion générique qu’est le standard international minimum de traitement, et non
à la notion globale de standard international minimum de traitement en tant que telle.
515 Droits des ressortissants des Etats-Unis d’Amérique au Maroc (France c. Etats-Unis d’Amérique), arrêt,
C.I.J. Recueil 1952, p. 200.
516 Droit d’asile (Colombie/Pérou), arrêt, C.I.J. Recueil 1950, p. 276.
122
- 110 -
également au demandeur qu’il incombe de démontrer que l’Etat a eu un comportement qui a enfreint
cette règle517.
10.17. Un demandeur ne peut pas se contenter d’affirmer qu’une nouvelle règle de droit
international coutumier s’est cristallisée. Comme l’a expliqué le tribunal saisi de l’affaire Cargill,
Inc. v. Mexico, par exemple,
«il n’est pas aisé d’établir qu’une coutume a évolué. Cela dit, c’est manifestement
au demandeur qu’il appartient de démontrer une éventuelle évolution. Si le demandeur
n’apporte pas au tribunal la preuve de cette évolution, ce dernier ne saurait se substituer
à lui pour ce faire. En pareil cas, il devrait au contraire considérer que le demandeur
n’est pas parvenu à établir l’existence de la norme particulière qu’il avançait.»518
[traduction du Greffe].
10.18. Les Etats-Unis ont examiné dans leur contre-mémoire la description détaillée que la
Cour a faite en d’autres occasions des conditions à remplir pour établir l’existence de nouvelles règles
de droit international coutumier519. En résumé, les Etats doivent avoir dans le domaine considéré une
pratique générale et constante, ainsi que le sentiment de se conformer à une obligation juridique. Ces
conditions doivent toutes deux être remplies pour que l’on puisse conclure qu’une règle pertinente
de droit international coutumier est née520.
10.19. Comme nous le verrons plus loin, l’Iran a pour thèse principale que la disposition du
traité d’amitié relative au traitement juste et équitable est autonome, mais il soutient aussi, à titre
subsidiaire, que si l’on devait conclure que cette disposition reflète le droit international coutumier,
ce dernier contiendrait alors exactement les mêmes obligations que celles qui existeraient en vertu
du standard autonome que propose l’Iran521. Plus précisément, ce dernier prétend qu’en droit
international coutumier la disposition relative au traitement juste et équitable comprend des règles
qui interdisent les types de comportement suivants : a) arbitraires, manifestement inéquitables,
injustes ou singuliers ; b) discriminatoires ; c) i) impliquant une absence de procédure régulière et
conduisant à un résultat contraire à une bonne administration de la justice, y compris mais sans s’y
limiter, sous forme de ii) déni de justice ; et d) contraires aux attentes légitimes522. Or, en l’espèce, il
517 Voir, par exemple, Tradex Hellas S.A. (Greece) v. Republic of Albania, affaire CIRDI no ARB/94/2, sentence,
par. 74 (29 avril 1999) (annexe 377) («[C]’est au demandeur qu’incombe la charge de prouver que les conditions requises
par les règles de droit matériel applicables pour établir sa demande sont remplies … la partie sur laquelle repose la charge
de la preuve doit non seulement produire des éléments à l’appui de ses allégations, mais aussi convaincre le tribunal de leur
véracité, faute de quoi ces allégations seront écartées pour défaut ou insuffisance de preuves» (guillemets internes omis))
[traduction du Greffe] ; Bin Cheng, General Principles of Law as Applied by International Courts and Tribunals, p. 334
(1987) (annexe 378) («[L]e principe général [est] que la charge de la preuve pèse sur le demandeur[.]») ; Marvin Roy
Feldman Karpa v. United Mexican States, affaire ALENA/CIRDI no ARB(AF)/99/1, sentence, par. 177 (16 décembre
2002) (annexe 379) («un critère de la preuve généralement admis en régime de «code civil», en régime de «common law»
et, en fait, dans la plupart des systèmes juridiques, est que la charge de la preuve incombe à la partie, qu’elle soit
demanderesse ou défenderesse, qui établit, par voie d’affirmation, une allégation ou un moyen de défense particulier»
(citant Etats-Unis — Mesures affectant les importations de chemises, chemisiers et blouses de laine tissés en provenance
de l’Inde, rapport de l’organe d’appel de l’Organisation mondiale du commerce adopté le 23 mai 1997, WT/DS33/AB/R,
p. 16)).
518 Cargill Inc. v. United Mexican States, affaire ALENA/CIRDI no ARB(AF)/05/2, sentence, par. 273
(18 septembre 2009) (annexe 380) (les italiques sont de nous).
519 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 14.16, 14.17.
520 Ibid., par. 14.16.
521 Comparer le paragraphe 6.9 de la réplique de l’Iran, où celui-ci décrit son standard juridique autonome, au
paragraphe 6.21 de la même pièce, où il décrit son standard juridique en vertu du droit international coutumier.
522 Réplique de l’Iran, par. 6.21.
123
- 111 -
n’a fait aucun effort pour produire des exemples de pratique des Etats ou d’opinio juris susceptibles
d’étayer ces règles alléguées. L’Iran s’efforce au contraire d’éluder les arrêts de la Cour qui décrivent
les moyens de déterminer le droit coutumier.
10.20. Les Etats-Unis conviennent volontiers que l’obligation de ne pas refuser de rendre
justice fait partie du standard international minimum de traitement, mais l’Iran n’a produit aucune
preuve de l’existence d’une pratique des Etats ou d’une opinio juris à l’appui de ses quatre autres
règles supposées, faisant ainsi fi non seulement des décisions de la Cour concernant les moyens de
déterminer le droit international coutumier, mais encore du Statut de celle-ci523. En réalité, l’Iran
tente d’échapper aux conséquences de son incapacité de produire des preuves en renvoyant à des
sentences arbitrales censées corroborer son critère des cinq obligations524. Dans sa présentation de la
sentence arbitrale Waste Management II, il concède de lui-même que les arbitres n’ont pas examiné
si les deux conditions permettant de vérifier qu’il y a eu changement dans la coutume internationale
étaient remplies, mais il tente d’escamoter cette omission en disant que la conclusion du tribunal
«reposait sur une analyse approfondie des sentences arbitrales rendues par des tribunaux de
l’ALENA»525. Ce n’est pas une réponse. Renvoyer à des sentences arbitrales qui ne citent aucun
exemple de pratique des Etats ou d’opinio juris, mais se contentent de renvoyer elles-mêmes à
d’autres sentences arbitrales qui, elles non plus, ne citent aucun exemple de pratique des Etats ou
d’opinio juris, ne fait qu’aggraver le problème. Une telle approche ne peut que dévaluer les arrêts de
la Cour qui prescrivent les moyens de prouver la coutume et signifierait que des arbitres ad hoc
seraient en fait habilités à établir des règles de droit liant les Etats au nom de la coutume.
10.21. L’Iran tente de justifier cette approche en alléguant qu’elle entrerait dans le champ
d’application de l’alinéa d) du paragraphe 1 de l’article 38 du Statut de la Cour, qui considère les
«décisions judiciaires» comme un «moyen auxiliaire de détermination des règles de droit». Il renvoie
également au paragraphe 1 de la conclusion 13 du projet de conclusions de la Commission du droit
international sur la détermination du droit international coutumier qui précise, conformément à
l’alinéa d) du paragraphe 1 de l’article 38 du Statut de la Cour, que les décisions de juridictions
internationales «constituent un moyen auxiliaire de détermination des[] règles [de droit international
coutumier]»526. Cependant, il est précisé, au paragraphe 1 du commentaire de la conclusion 13, que
ces décisions ne peuvent constituer un moyen auxiliaire que «lorsqu’elles sont elles-mêmes relatives
à l’existence et au contenu de règles de droit international coutumier»527. De même, le paragraphe 3
du commentaire fait observer que
«leur valeur varie considérablement en fonction tant de la qualité du raisonnement
juridique suivi (et notamment, au premier chef, de la mesure dans laquelle ce
raisonnement résulte d’un examen approfondi des éléments tendant à prouver qu’une
pratique générale supposée est acceptée comme étant le droit)»528.
523 Article 38 1 b) du Statut de la Cour.
524 Réplique de l’Iran, par. 6.22-24.
525 Ibid., par. 6.24 b).
526 Ibid., par. 6.24 c).
527 Nations Unies, Commission du droit international, projet de conclusions sur la détermination du droit
international coutumier et commentaires y relatifs, projet de conclusion 13, par. 1 du commentaire, doc. A/73/10 (2018)
(annexe 381).
528 Nations Unies, Commission du droit international, projet de conclusions sur la détermination du droit
international coutumier et commentaires y relatifs, projet de conclusion 13, par. 3 du commentaire, doc. A/73/10 (2018)
(annexe 381) (les italiques sont de nous).
124
- 112 -
10.22. Les sentences arbitrales qui s’appuient sur d’autres sentences arbitrales ne vérifiant pas
l’existence d’une pratique des Etats ou d’une opinio juris ne sauraient passer pour des sources
auxiliaires de droit au sens de l’alinéa d) du paragraphe 1 de l’article 38 du Statut de la Cour, tandis
que les sentences arbitrales qui, elles, produisent des preuves directes et adéquates d’une pratique
des Etats et d’une opinio juris constituent des sources auxiliaires de droit529. Une conception
différente, qui laisserait les tribunaux arbitraux déterminer le droit international coutumier sans
vérifier l’existence des deux éléments constitutifs de la coutume énoncés par la Cour, non seulement
viderait de leur substance et la jurisprudence de la Cour et lesdits éléments constitutifs, mais encore,
d’un point de vue pratique, ouvrirait la porte à un nombre considérable de décisions à prendre en
considération. A l’inverse, exiger des preuves de l’existence d’une pratique des Etats et d’une opinio
juris, comme l’a fait la Cour jusqu’à maintenant, permet d’avoir des paramètres concrets dans le
cadre desquels les Parties et la Cour peuvent agir.
10.23. L’Iran étant incapable de produire la moindre preuve de l’existence d’une pratique des
Etats et d’une opinio juris qui étayerait ses quatre autres règles supposées de droit international
coutumier, la Cour devrait rejeter les demandes qu’il fonde sur lesdites règles supposées530.
10.24. A cet égard, en l’affaire relative à l’Obligation de négocier un accès à l’océan Pacifique
(Bolivie c. Chili), la Cour a notamment conclu qu’il ne suffisait pas que des tribunaux arbitraux aient
jugé que la prétendue règle des «attentes légitimes» faisait partie du droit international général pour
qu’elle en fît partie531. Cela n’empêche pas l’Iran d’interpréter cette conclusion dans un sens
contraire, à savoir que la Cour devrait appliquer le principe des attentes légitimes à la présente espèce
comme s’il s’agissait d’un principe établi de droit international532. En réalité, la Cour devrait rejeter
l’invitation que lui fait l’Iran de contredire sa première conclusion sur cette question.
10.25. Cependant, même si la Cour devait se pencher de nouveau sur la question et conclure
que les «attentes légitimes» font partie du droit international général, il ne lui faudrait pas moins dire
que ces «attentes légitimes» ne sont pas opposables aux Etats-Unis, cet Etat ayant été un «objecteur
persistant» à cette prétendue règle. Ce point a été démontré dans le contre-mémoire des Etats-Unis
et n’a suscité aucune réponse de la part de l’Iran533.
10.26. En outre, les Etats-Unis ne sont pas le seul Etat à élever des objections à la proposition
de l’Iran voulant que la règle alléguée des «attentes légitimes» fasse partie du droit international
529 Voir The Statute of the International Court of Justice, p. 854 (Andreas Zimmerman et al. (sous la dir. de),
deuxième édition, 2012) (annexe 382) («Contrairement aux sources énumérées dans les alinéas précédents, la jurisprudence
et la doctrine ne sont pas des sources de droit [law] — non plus, d’ailleurs, que des sources de droits [rights] et
d’obligations — pour les Etats en litige ; ce sont des «sources» documentaires qui sont indiquées quand la Cour peut y
trouver une preuve de l’existence des règles qu’elle est tenue d’appliquer au titre des trois autres alinéas.»).
530 Au cas où la Cour conclurait que l’Iran a établi que ces quatre règles font partie du standard international
minimum de traitement, les Etats-Unis présentent leur défense dans la section D ci-après.
531 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 14.20.
532 Réplique de l’Iran, par. 6.43.
533 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 14.22.
125
126
- 113 -
coutumier. L’Argentine534, le Canada535, le Costa Rica536, El Salvador537, le Honduras538 et le
Mexique539, par exemple, ont tous avancé l’argument (en qualité soit de partie défenderesse soit de
tierce partie) qu’une telle obligation n’existait pas en droit international coutumier. En outre, onze
Etats — l’Australie, le Brunei, le Canada, le Chili, le Japon, la Malaisie, le Mexique, la Nouvelle-
Zélande, le Pérou, Singapour et le Vietnam — ont signé l’accord de partenariat transpacifique global
et progressiste, qui rejette expressément l’idée que le simple fait qu’un Etat agisse d’une manière qui
ne réponde pas aux attentes d’un investisseur emporterait violation du standard international
minimum de traitement540. Le Royaume-Uni a officiellement demandé à entamer des négociations
d’adhésion à cet accord541.
SECTION C
LES ETATS-UNIS N’ONT COMMIS DE DÉNI DE JUSTICE
ENVERS AUCUNE SOCIÉTÉ IRANIENNE
10.27. Les Etats-Unis ont procédé dans leur contre-mémoire à une analyse approfondie du
critère du déni de justice. En résumé, il s’agit d’un critère exigeant qui requiert, pour qu’une violation
soit établie, la présence de faits notoirement injustes ou scandaleux dans l’administration de la
justice542. Il n’y a toutefois rien d’arbitraire, et encore moins d’injuste ou de scandaleux, dans une loi
qui permet de lever le «voile social» en garantissant que les victimes innocentes de violents actes de
terrorisme pourront obtenir l’exécution de jugements valides sur les actifs d’un Etat complice de ces
actes, y compris les actifs d’établissements et organismes de cet Etat terroriste qui possèdent une
personnalité morale distincte.
10.28. Or, dans les affaires dans lesquelles l’Iran se plaint d’un déni de justice au détriment de
ses sociétés, celles-ci ont pu participer sans entrave aux mêmes procédures que tous les autres
justiciables aux Etats-Unis. Les lois dont l’Iran tire grief n’ont pas empêché les sociétés iraniennes
d’interroger des témoins, de produire des preuves documentaires, d’engager des conseils ou de faire
appel. L’Iran lui-même ne prétend pas le contraire. En effet, les tribunaux ont examiné et apprécié
534 National Grid PLC v. Argentine Republic, CNUDCI/accord de promotion et protection des investissements
conclu entre le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et le Gouvernement de la
République argentine, sentence, par. 163 (3 novembre 2008) (annexe 383).
535 Eli Lilly and Company v. Government of Canada, affaire CIRDI no UNCT/14/2, mémoire en défense du Canada,
par. 275 (27 janvier 2015) (annexe 384).
536 David R. Aven and others v. Republic of Costa Rica, affaire CIRDI no UNCT/15/3, mémoire du défendeur
postérieur à l’audience, par. 742-747 (13 mars 2017) (annexe 385).
537 Spence International Investments v. Republic of Costa Rica, affaire CIRDI no UNCT/13/2, mémoire du
Salvador, par. 8-12 (17 avril 2015) (annexe 386).
538 TECO Guatemala Holdings, LLC v. Republic of Guatemala, affaire CIRDI no ARB/10/23, soumission du
Honduras en qualité de tierce partie, par. 10 (2012) (annexe 387).
539 Eli Lilly and Company v. Government of Canada, affaire CIRDI no UNCT/14/2, soumission du Mexique, par. 15
(18 mars 2016) (annexe 388).
540 Accord de partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP), chapitre 9 (investissement), alinéas 2) et
4) du paragraphe 6) de l’article 9, 8 mars 2018 (annexe 389). Le paragraphe 6) de l’article 9 de l’accord précise
expressément que la disposition du traité relative au standard minimum de traitement est censée couvrir le même champ
que le standard minimum de traitement fixé par le droit international coutumier. L’accord est en vigueur pour l’Australie,
le Canada, le Japon, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, Singapour et le Vietnam. Commission des Nations Unies pour le
commerce et le développement (CNUCED), Investment Policy Hub, Status of CPTPP (consulté le 25 mars 2021)
(annexe 390).
541 Demande officielle d’ouverture de négociations en vue de l’adhésion du Royaume-Uni à l’accord de partenariat
transpacifique global et progressiste, 1er février 2021 (annexe 391).
542 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 14.33-14.37.
127
- 114 -
systématiquement les preuves produites, et souvent pris les dispositions voulues pour s’assurer que
les droits de l’Iran étaient préservés, et ce, même quand l’Iran ou une entité iranienne avaient décidé
de ne pas participer à la procédure, comme cela a été abondamment expliqué au chapitre 8. Et bien
entendu, lorsque l’Iran ou des entités iraniennes ont choisi de participer, ils ont remporté quelques
succès543.
10.29. L’Iran ne reproche pas aux juridictions américaines d’avoir en quelque sorte fait une
mauvaise application, et encore moins une mauvaise application flagrante, de la loi– argument
fréquemment invoqué dans les affaires de déni de justice – et concède qu’il ne peut plus fonder ses
allégations de déni de justice sur un prétendu défaut de reconnaissance de l’immunité souveraine par
lesdites juridictions544. Au lien de cela, il énonce les «trois points» subsistants de sa plainte en déni
de justice : les sociétés iraniennes a) se seraient vu dénier un prétendu droit d’invoquer un moyen de
défense fondé sur leur statut juridique distinct ; b) auraient été visées par des procédures d’exécution
et des mesures d’exécution forcée de jugements rendus contre l’Etat iranien dans des procédures en
responsabilité auxquelles elles n’auraient pas été parties et dans lesquelles aucune conclusion mettant
en cause leur responsabilité n’avait été formulée contre elles ; et c) se seraient vu refuser
rétroactivement le droit d’invoquer trois moyens de défense (règle de l’autorité de la chose jugée
pour l’ensemble d’une affaire [res judicata], prescription des recours [limitations of actions] et
autorité de la chose jugée pour un point particulier d’une affaire [collateral estoppel])545. Les deux
points sont des variations sur un thème connu, à savoir qu’il serait interdit aux Etats-Unis de lever le
voile social.
10.30. Les mesures dont l’Iran tire grief ne se rapportent pas toutes à l’ensemble de ces points,
pas plus que chacune d’elles n’était pertinente aux fins de toutes les affaires énumérées dans la pièce
jointe 2 de sa réplique. Au contraire, comme cela a été exposé plus en détail dans les chapitres 2 et 8
de la présente duplique, les griefs de l’Iran ne visent que huit procédures d’exécution et, comme le
montre le tableau au paragraphe 8.12, aucune de ces procédures ne mettait en cause l’ensemble des
mesures que l’Iran conteste. Certaines ne concernent d’ailleurs qu’une seule de ces mesures. En
outre, l’Iran n’a pas dit clairement à la Cour sur quelles affaires porte sa demande au titre du
paragraphe 1 de l’article IV546. Lorsqu’elle examinera la question de savoir s’il y a eu déni de justice
dans une affaire donnée, la Cour devra établir i) si l’une ou l’autre des mesures en cause a été
appliquée et ii) si ces mesures ont effectivement changé l’issue de la procédure au point d’entraîner
un déni de justice. Si la réponse à l’une ou l’autre de ces questions est négative, cela veut dire qu’il
n’y a pas eu déni de justice. Pour faciliter cet examen, les Etats-Unis analyseront ci-après chacune
des mesures dont l’Iran tire grief et montreront qu’elles n’ont entraîné, individuellement ou
solidairement, aucun déni de justice.
i) Désignation de l’Iran comme Etat soutenant le terrorisme
10.31. En janvier 1984, les Etats-Unis ont désigné l’Iran comme Etat soutenant le terrorisme,
après que leur secrétaire d’Etat eut déterminé qu’il avait apporté à plusieurs reprises un appui à des
543 Voir la section B i) c) du chapitre 8 de la présente duplique (affaire Weinstein) et le paragraphe 14.41 du contremémoire
des Etats-Unis (affaire Rubin).
544 Réplique de l’Iran, par. 1.2.
545 Réplique de l’Iran, par. 6.60.
546 Répondant aux Etats-Unis qui citent l’affaire Rubin comme exemple d’une affaire dans laquelle il a engagé des
avocats, participé à la procédure et obtenu gain de cause (contre-mémoire des Etats-Unis, par. 14.41), l’Iran déclare que
cet exemple n’est pas pertinent parce que «la référence à la pièce jointe 2 dans [son] mémoire … est sans rapport avec ses
demandes au titre du paragraphe 1 de l’article IV du traité d’amitié» (réplique de l’Iran, par. 6.67, note 572). Or, aucune
des quatre pièces jointes n’est mentionnée dans l’examen des violations alléguées du paragraphe 1 de l’article IV auquel
procède l’Iran dans son mémoire. Mémoire de l’Iran, par. 5.42-5.51.
128
- 115 -
actes de terrorisme international547. Cette mesure ne s’appliquait qu’à l’Etat iranien, et non aux
ressortissants ou sociétés iraniens. Comme le paragraphe 1 de l’article IV ne s’applique pas à l’Etat
iranien, l’Iran ne saurait fonder aucune de ses allégations de déni de justice sur l’application de cette
mesure.
ii) Décret présidentiel no 13599
10.32. En 2012, le président des Etats-Unis promulguait le décret présidentiel no 13599 qui
constituait une nouvelle réponse à l’urgence nationale déclarée à l’égard de l’Iran et faisait suite au
comportement trompeur de la banque Markazi et d’autres banques iraniennes qui dissimulaient des
transactions interdites par les sanctions internationales et américaines. Ce décret bloque tous les biens
et droits réels de l’Etat iranien, y compris ceux de la banque Markazi et des institutions financières
iraniennes relevant de la juridiction des Etats-Unis548. Du fait qu’il s’applique à l’Iran, y compris la
banque Markazi, le décret présidentiel no 13599 ne saurait servir de fondement à aucun des griefs de
déni de justice de cet Etat, parce que ladite banque n’est pas une «société» au sens du paragraphe 1
de l’article IV et que cette disposition du traité n’impose aux Etats-Unis aucune obligation envers
l’Etat iranien. En outre, comme cela a été expliqué au chapitre 7, dans la mesure où l’Iran fonde le
reste de ses griefs sur le décret présidentiel no 13599, il convient de rappeler que ce décret traite de
questions relevant des exceptions prévues à l’alinéa c) du paragraphe 1 de l’article XX du traité,
puisqu’il réglemente la production d’armes, le commerce des armes et les fournitures militaires, et à
l’alinéa d) de la même disposition parce qu’il est nécessaire à la protection des intérêts vitaux des
Etats-Unis sur le plan de la sécurité.
10.33. Il existe trois autres raisons pour lesquelles le décret présidentiel no 13599 ne saurait
servir de fondement à une allégation de déni de justice. Premièrement, cette mesure n’entend pas
nier le droit des institutions iraniennes de faire valoir leurs moyens de défense, que ce soit au motif
de leur statut juridique ou pour un autre motif. Au contraire, elle a simplement bloqué (c’est-à-dire
gelé provisoirement) les actifs des institutions financières concernées. Si l’Iran avait mis fin au
comportement qui était à l’origine de cette mesure, sa désignation comme Etat soutenant le terrorisme
aurait pu être levée sans qu’il ait à subir les conséquences de cette désignation. Deuxièmement, et
bien que l’Iran affirme que cette mesure «vise» les sociétés iraniennes549, il convient de préciser que
les Etats-Unis ont également imposé des sanctions financières à d’autres personnes, non iraniennes
celles-là, soutenant des terroristes étrangers, et ils ont rappelé ce point dans leur contre-mémoire550,
sans que l’Iran juge bon d’y répondre. Troisièmement, il n’y a rien dans le blocage des avoirs d’entités
présentant un risque intolérable de financement du terrorisme, de financement de la prolifération et
de blanchiment d’argent qui porte atteinte de manière notoirement injuste ou scandaleuse à la bonne
administration de la justice et répondrait de ce fait aux critères du déni de justice. En réalité, le décret
présidentiel no 13599 n’a absolument rien à voir avec l’administration de la justice.
iii) La levée du voile social autorisée par le paragraphe a) de l’article 201
de la TRIA et le paragraphe g) de l’article 1610 de la FSIA
10.34. Le paragraphe a) de l’article 201 de la TRIA autorise à soumettre à saisie conservatoire
et exécution des avoirs bloqués — y compris les avoirs bloqués d’établissements ou d’organismes
de parties terroristes —, aux fins de payer les dommages-intérêts accordés par des jugements rendus
547 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 6.3-6.6.
548 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 6.7 et 6.8 et chapitre 11.
549 Réplique de l’Iran, par. 6.85 a).
550 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 6.7.
129
- 116 -
contre des «parties terroristes»551. La définition des «parties terroristes» comprend non seulement les
Etats soutenant le terrorisme comme l’Iran, mais aussi les terroristes individuels et les organisations
terroristes. Par conséquent, on ne peut pas dire que cette mesure «vise» les sociétés iraniennes,
puisqu’elle s’applique à un large éventail d’acteurs du terrorisme. Et de plus, elle n’est pas
rétroactive.
10.35. Le paragraphe g) de l’article 1610 de la FSIA a été adopté dans le cadre de la loi sur le
budget de la défense nationale pour l’exercice 2008552. Il facilite l’exécution des jugements rendus
contre un Etat soutenant le terrorisme, notamment en autorisant leur exécution sur les actifs des
établissements ou organismes de l’Etat incriminé. Comme il s’applique à tous les Etats désignés
comme soutenant le terrorisme, on ne saurait dire qu’il «vise» les entreprises iraniennes. De même,
il n’est pas rétroactif. Cette mesure permet simplement de lever le voile social dans des circonstances
analogues à celles prévues au paragraphe a) de l’article 201 de la TRIA. Il n’y a rien d’illicite dans
cet aspect des mesures considérées, pour les raisons exposées ci-après.
10.36. Bien que les mesures consistant à lever le voile social553 soient attestées dans de
nombreux contextes, l’Iran ne cite aucun précédent qui indiquerait seulement qu’une telle mesure ait
jamais donné naissance à un grief de déni de justice dans quelque contexte que ce soit. Il allègue
qu’il incombe aux Etats-Unis de prouver, comme condition préliminaire, qu’il existe «une base
établie pour l’application [du] principe» de la levée du voile social à l’espèce554. Cet argument n’est
pas convaincant pour deux raisons. Premièrement, il renverse la charge de la preuve. Comme on l’a
vu plus haut, c’est à l’Iran, en sa qualité de demandeur, qu’il incombe d’apporter la preuve de ses
allégations, et notamment de démontrer que telle ou telle mesure dont il tire grief est contraire au
droit international applicable. Il n’incombe nullement aux Etats-Unis de prouver que leurs mesures
sont licites. Deuxièmement, cet argument de l’Iran dénature totalement le fonctionnement du droit
international. En effet, les Etats sont libres d’adopter tout comportement qui n’est pas interdit par le
droit international applicable. Ils ne sont pas obligés de trouver d’abord «une base établie» sur
laquelle asseoir un comportement donné pour pouvoir ensuite adopter ce comportement en toute
licéité. Au contraire, dès lors qu’un comportement n’est pas interdit, il est licite555.
10.37. Lorsqu’ils entendent lever le voile social, les Etats le font dans toutes sortes de contextes
sans que cela paraisse constituer un déni de justice. En l’affaire de la Barcelona Traction, la Cour a
statué que la levée du voile social était licite dans le contexte de la protection diplomatique556. Elle
est également licite dans des circonstances constitutives, entre autres, de : i) fraude, illégalité,
violation de contrat, infraction déclenchant l’action publique, iniquité ; ii) manquement à l’obligation
de respecter les personnalités juridiques distinctes de la société et de ses propriétaires ou
actionnaires ; iii) manquement à l’obligation d’assurer une capitalisation adéquate de la société ; et
551 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 6.11 et 6.12.
552 Ibid., par. 6.13-6.15.
553 Plutôt que «lever le voile social», on écrit parfois «faire abstraction de la personnalité juridique» (Barcelona
Traction, Light and Power Company, Limited (nouvelle requête : 1962) (Belgique c. Espagne), deuxième phase, arrêt,
C.I.J. Recueil 1970, par. 56) (5 février 1970).
554 Réplique de l’Iran, par. 6.76 ; voir également le paragraphe 6.71.
555 Voir, par exemple, projet d’articles sur la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite et
commentaires y relatifs, article 2 b) et par. 1 de son commentaire (2001) (annexe 254) (où il est dit qu’un Etat ne peut
commettre un fait illicite en l’absence d’une obligation) ; Methanex Corp. v. United States of America, ALENA/CNUDCI,
sentence finale sur la compétence et le fond, partie IV, chapitre C, p. 11, par. 25 (3 août 2005) (annexe 392) («En l’absence
de règle de droit international liant les Etats parties, qu’elle soit d’origine conventionnelle ou coutumière, qui irait en sens
contraire, l’Etat peut réserver un traitement différent à ses ressortissants et aux étrangers.» [Traduction du Greffe]).
556 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 14.43 (où est cité le passage pertinent de l’arrêt Barcelona Traction).
130
- 117 -
iv) défaut d’accomplissement de formalités sociales557. Dans les arbitrages internationaux conduits
sous les auspices du centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements
(CIRDI), les arbitres ont également recouru à la levée du voile social pour vérifier qu’est remplie la
condition — à laquelle est subordonnée leur compétence — du contrôle exercé sur l’investissement
en cause par des intérêts étrangers, prévue à l’article 25 de la convention pour le règlement des
différends relatifs aux investissements entre Etats et ressortissants d’autres Etats (ci-après la
«convention du CIRDI»), ce qui les a parfois amenés à lever plus d’un voile couvrant la forme
sociale558. Tant dans les arbitrages internationaux559 que dans les arbitrages nationaux560, la levée du
voile social peut être utilisée dans certaines circonstances pour obliger des entités à participer à
l’arbitrage de litiges alors même qu’elles ne sont pas parties au compromis d’arbitrage. Comme le
fait observer l’auteur d’un des principaux ouvrages traitant de l’arbitrage international, «[l]a notion
de levée du voile social relève fondamentalement de l’équité, et les tribunaux sont résolus à lever le
voile social pour réaliser la justice, parvenir à l’équité, empêcher ou réparer la fraude et les infractions
ou imposer de justes dommages-intérêts»561. Pour donner un autre exemple, la Cour de justice de
l’Union européenne (CJUE) a jugé, en l’affaire Vantaan kaupunki, que le règlement des dommagesintérêts
pour infraction au droit de la concurrence de l’Union incombait à un groupe de sociétés qui
n’avaient pas elles-mêmes enfreint ce droit, mais qui avaient acquis certaines autres sociétés qui
avaient été dissoutes à la suite d’une procédure de liquidation volontaire et qui, elles, avaient enfreint
le droit de la concurrence de l’Union562. La CJUE en a décidé ainsi alors même que les sociétés
acquéreuses étaient juridiquement indépendantes des sociétés qu’elles avaient acquises et que la
demande d’indemnisation n’avait pas été présentée dans le cadre des procédures de liquidation563.
10.38. Au vu de tant d’exemples, on ne s’étonnera pas que l’auteur d’un traité sur la levée du
voile social des entreprises publiques ait conclu que ce principe était suffisamment répandu pour
pouvoir être considéré comme un principe général de droit international au sens de l’alinéa c) du
paragraphe 1 de l’article 38 du Statut de la Cour564. Dans ces conditions, l’Iran tente de justifier son
incapacité de citer un seul cas de déni de justice résultant de la levée du voile social en déclarant que
«l’absence d’autorités directes ne fait que souligner le caractère extrême des mesures
américaines»565. Or, c’est à cause de la conduite extrême de l’Iran, qui a apporté à plusieurs reprises
son soutien à de violents attentats terroristes contre des citoyens américains et des ressortissants
d’autres pays — avec des attentats à la bombe comme ceux du casernement des fusiliers marins au
Liban et des tours de Khobar en Arabie saoudite, des enlèvements, des assassinats et des
détournements d’avion566 —, que les Etats-Unis ont été forcés de chercher d’autres moyens pour les
victimes d’obtenir justice, en leur permettant de demander aux juridictions américaines l’exécution
forcée des jugements leur attribuant des dommages-intérêts. Loin d’être «extrême», comme l’affirme
557 Fletcher Cyclopedia of the Law of Corporations, par. 41 (2020) (annexe 393).
558 Voir, par exemple, TSA Spectrum de Argentina S.A. v. Argentine Republic, affaire CIRDI no ARB/05/05,
sentence, par. 147-48, 160 (19 décembre 2008) (annexe 394).
559 Gary Born, International Commercial Arbitration, chap. 10.02 D), p. 1431-1444 (deuxième édition, 2014)
(annexe 395).
560 Cour suprême des Etats-Unis, GE Energy Power Conversion France SAS Corp. v. Outokumpu Stainless USA,
LLC, 140 S. Ct. 1637, 1643-44 (2020) (annexe 396).
561 Gary Born, op. cit., p. 1431-1432 (annexe 395).
562 Affaire C-724/17, Vantaan kaupunki c. Skanska Industrial Solutions Oy, NCC Industry Oy, Asfaltmix Oy,
ECLI:EU:C:2019:204 (14 mars 2019) (annexe 397).
563 Ibid., par. 7-9, 11, 49-51 (annexe 397).
564 Albert Badia, Piercing the Veil of State Enterprises in International Arbitration, p. 48-49 (2014) («Nous
pouvons affirmer que, selon nous, la levée du voile social est un principe général du droit.») (annexe 186).
565 Réplique de l’Iran, par. 6.68.
566 Contre-mémoire des Etats-Unis, chapitre 5.
131
- 118 -
l’Iran, la réponse des Etats-Unis à ses multiples attentats contre des victimes innocentes et à son refus
d’indemniser celles-ci pour les morts et les blessures causées par sa conduite a été modérée.
iv) Article 8772 du titre 22 du code des Etats-Unis (codification de l’article 502
de la loi de 2012 sur la réduction de la menace iranienne
et les droits de l’homme en Syrie)
10.39. L’article 8772 a facilité la saisie sous certaines conditions, en exécution de certains
jugements dans des affaires de terrorisme, de certains actifs que la banque Markazi détenait par le
biais d’intermédiaires567. Du fait que cette mesure s’applique exclusivement à cette banque, laquelle
fait partie de l’Etat iranien568, l’Iran ne saurait fonder sur ledit article ses allégations de violation du
paragraphe 1 de l’article IV du traité d’amitié, parce que cette dernière disposition ne s’applique pas
à l’Etat iranien. En conséquence, la Cour devrait s’abstenir d’examiner l’article 8772 dans le contexte
du paragraphe 1 de l’article IV. L’Iran fonde également ses allégations de violation du paragraphe 1
de l’article IV sur l’idée que l’article 8772 et les autres mesures américaines qu’il conteste viseraient
à la fois l’Iran et les sociétés iraniennes569. Il fait erreur sur ces deux points. Cependant, même si une
mesure «ciblait» l’Iran, celui-ci ne pourrait pas appuyer ses allégations sur elle, puisque le
paragraphe 1 de l’article IV ne s’applique pas à l’Etat iranien. C’est pourquoi nous nous limiterons,
dans l’analyse ci-après de la prétendue prise pour cible des sociétés iraniennes, à expliquer pourquoi
celles-ci n’étaient pas ciblées.
a) L’article 8772 n’a exposé aucune entité iranienne à un déni de justice
10.40. Même si, ce qui n’est pas le cas, la banque Markazi pouvait être considérée comme une
société au sens du paragraphe 1 de l’article IV, le fait de lui appliquer l’article 8772 ne constituerait
pas pour autant un déni de justice. L’Iran est incapable de dénoncer un seul vice dans la procédure
suivie ; il déteste tout simplement les dispositions de la loi adoptée par le Congrès des Etats-Unis.
Cette loi prévoyait que le tribunal fédéral de district appliquât une norme juridique substantielle
différente pour déterminer si certains biens étaient saisissables. Elle ne lui imposait toutefois
nullement d’ordonner que les actifs en question fussent remis aux demandeurs. Elle lui prescrivait
simplement d’appliquer la loi aux faits en cause pour déterminer s’ils répondaient à la nouvelle norme
juridique570. Nous avons vu au chapitre 8 que cette loi renvoyait «nombre de» questions à la décision
des tribunaux, comme l’a conclu la Cour suprême des Etats-Unis. Des termes importants de la loi
— (tels que ceux de beneficial interest [intérêt ou droit de bénéficiaire] et equitable title [titre en
equity] — n’étaient pas définis, alors que la loi imposait au tribunal fédéral de district de déterminer
qui était le propriétaire des actifs en cause, si une autre partie que le propriétaire détenait un droit
constitutionnellement protégé à ces actifs et si les actifs étaient situés aux Etats-Unis571. Toutes ces
questions ont été débattues572, et bien que la banque Markazi ait finalement succombé en ses
demandes, il n’y a eu aucun vice de procédure qui pût donner à penser qu’un déni de justice avait été
commis. La loi n’a pas empêché ladite banque de citer des témoins à comparaître, de procéder à des
567 L’article 8722 est analysé au chapitre 8 ; voir également le paragraphe 6.16 du contre-mémoire des Etats-Unis.
568 Contre-mémoire des Etats-Unis, chapitre 9, et chapitre 5 de la présente duplique, où il est expliqué que la banque
Markazi ne remplit pas les conditions requises pour être considérée comme une «société» au sens du traité.
569 Réplique de l’Iran, par. 9.14, 9.31, 12.3 ; mémoire de l’Iran, par. 1.19, 6.20.
570 Cour suprême des Etats-Unis, Bank Markazi v. Peterson, 136 S. Ct. 1310, slip opinion, p. 18 (20 avril 2016)
(mémoire de l’Iran, annexe 66).
571 Voir plus haut, chapitre 8, section B i) a).
572 Cour suprême des Etats-Unis, Bank Markazi v. Peterson, 136 S. Ct. 1310, slip opinion, p. 17, note 20 (20 avril
2016) (mémoire de l’Iran, annexe 66).
132
133
- 119 -
contre-interrogatoires, de présenter des preuves documentaires, d’engager des conseils ou de faire
valoir des moyens de droit.
b) Il n’y a pas eu prise pour cible des entités iraniennes
10.41. L’Iran soutient que l’article 8772 était «spécifiquement dirigé» contre sa banque
centrale parce qu’il n’existe aucune disposition analogue qui s’applique aux banques centrales
d’autres Etats soutenant le terrorisme573. A cela on opposera que les mesures qui s’appliquent à une
seule entité ne constituent pas toutes une prise pour cible ou une discrimination illicite, et l’Iran n’a
avancé aucun argument à l’appui d’une telle proposition. Au contraire, un comportement différent
justifie un traitement différent, comme l’ont jugé divers tribunaux internationaux.
10.42. Ainsi que l’a dit le tribunal constitué en l’affaire Urbaser,
«[l]e Tribunal souscrit essentiellement à l’idée que des mesures touchant un
investisseur sont discriminatoires si elles sont manifestement moins favorables que
celles appliquées à d’autres investisseurs opérant dans des circonstances identiques ou
similaires, si elles visent à causer et causent effectivement un préjudice à l’investisseur
étranger et si elles ne sont pas justifiées par des motifs suffisants»574. [Traduction du
Greffe]
10.43. Un autre tribunal a précisé qu’«[a]ccorder un traitement différent à des catégories de
sujets différentes ne constitu[ait] pas une inégalité de traitement.»575 Et un troisième tribunal a suivi
le raisonnement ci-après pour rejeter une allégation de discrimination : «Le Tribunal considère qu’il
n’y a pas eu différenciation arbitraire, irrationnelle ou absurde dans le traitement accordé aux
requérants par rapport à celui accordé à d’autres entités ou secteurs.»576
10.44. En effet, même l’Iran a admis qu’un traitement différencié ne saurait être assimilé à la
discrimination577.
10.45. En l’espèce, l’Iran a continué de se soustraire à l’exécution de jugements définitifs
rendus contre lui, tandis que le Congrès avait pour objectif de s’assurer que les victimes du violent
terrorisme iranien auxquelles des jugements définitifs avaient donné gain de cause pussent obtenir
l’exécution forcée de ces jugements, ce qui permettait à la fois de faire répondre l’Iran de ses actes
et d’indemniser les victimes. Si un autre Etat avait commis les mêmes actes que lui — tuer et mutiler
des soldats de la paix et des civils, se soustraire à l’exécution des décisions de justice consécutives à
573 Réplique de l’Iran, par. 6.95.
574 Urbaser S.A. and Consorcio de Aguas Bilbao Bizkaia, Bilbao Biskaia Ur Partzuergoa v. The Argentine
Republic, traité bilatéral d’investissement Espagne-Argentine, affaire CIRDI no ARB/07/26, sentence, par. 1088
(8 décembre 2016) (annexe 398) (les italiques sont de nous).
575 Metalpar S.A. and Buen Aire S.A. v. The Argentine Republic, traité bilatéral d’investissement Chili-Argentine,
affaire CIRDI no ARB/03/5, sentence, par. 162 (6 juin 2008) (annexe 191).
576 Enron Creditors Recovery Corp. and Ponderosa Assets, L.P. v. The Argentine Republic, traité bilatéral
d’investissement Etats-Unis-Argentine, affaire CIRDI no ARB/01/3, sentence, par. 282 (22 mai 2007) (annexe 192).
577 Mémoire de l’Iran, par. 5.31.
134
- 120 -
ces actes et organiser ses placements de manière à échapper à ses créanciers578 —, il ne fait aucun
doute que les mêmes mesures lui auraient été appliquées.
c) La rétroactivité de l’article 8772 ne le rend pas contraire à l’interdiction du déni de justice
10.46. L’Iran est sans doute conscient de la fragilité de ses demandes, puisque, lorsqu’il
dénonce le caractère rétroactif de l’article 8772, il continue de les justifier en alléguant que son
immunité souveraine aurait été abrogée rétroactivement579. Or, la Cour a statué qu’elle n’était pas
compétente pour examiner les prétentions de l’Iran à l’immunité.
10.47. De plus, en ce qui concerne les trois moyens de défense procéduraux auxquels répond
l’article 8772 (à savoir les règles de la res judicata, de la prescription des recours et de l’estoppel
collatéral), la thèse iranienne en l’espèce veut que les Etats-Unis aient violé le droit international en
les abrogeant en cours d’instance, puisque, ce faisant, ils auraient «priv[é] [les entités iraniennes] de
la possibilité d’opposer des moyens de défense pertinents» «dont celle[s]-ci ne p[ouvai]ent être
dépouillée[s] en vertu du droit international»580. Cependant, et bien qu’il ait présenté ses demandes
sous le couvert des normes impératives du droit international général581, l’Iran n’a produit aucune
source affirmant que ces moyens de défense étaient garantis par le droit international ou ne pouvaient
être supprimés, et a fortiori qu’ils faisaient partie des normes impératives. L’arrêt rendu par la CEDH
en l’affaire National & Provincial Building Society contredit la thèse de l’Iran selon laquelle, une
fois qu’une procédure est en cours, il serait impossible de modifier le droit applicable.
10.48. Dans cette affaire, la CEDH a rejeté les allégations de trois building societies [caisses
mutuelles de dépôts] selon lesquelles une loi fiscale rétroactive imposée par le Royaume-Uni avait
enfreint diverses dispositions de la convention européenne des droits de l’homme (notamment en
privant ces building societies de leur droit d’accès à un tribunal en violation du droit à un procès
équitable)582. C’est en vain que l’Iran déploie des efforts considérables pour distinguer cette affaire
de la présente espèce en soulignant leurs différences583. En l’affaire National & Provincial Building
Society, les trois requérantes avaient bénéficié d’un traitement fiscal moins favorable qu’une
quatrième building society qui n’avait pas été soumise à la même loi fiscale rétroactive, ce qui n’a
pas empêché la CEDH de statuer qu’il n’y avait pas eu prise pour cible illicite desdites requérantes,
comme l’Iran est contraint de l’admettre584.
10.49. L’Iran tente également de distinguer l’affaire National & Provincial Building Society
de la présente espèce en faisant valoir que la mesure en cause dans cette affaire était un simple «vice
d’ordre technique» et qu’un «intérêt général impérieux», à savoir les finances du Royaume-Uni, était
en jeu585. Mais si un simple vice d’ordre technique dans les finances publiques peut donner naissance
à un intérêt général impérieux, le fait d’indemniser les victimes innocentes de violents attentats
578 Voir plus haut, chapitre 8, section B i) a).
579 Réplique de l’Iran, par. 6.81 a).
580 Mémoire de l’Iran, par. 5.33.
581 Nations Unies, convention de Vienne sur le droit des traités, signée le 23 mai 1969, Recueil des traités des
Nations Unies, art. 53, vol. 1155, p. 354 («une norme impérative du droit international général est une norme acceptée et
reconnue par la communauté internationale des Etats dans son ensemble en tant que norme à laquelle aucune dérogation
n’est permise»).
582 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 14.48-14.49.
583 Réplique de l’Iran, par. 6.82-6.85.
584 Ibid., par. 6.82.
585 Ibid., par. 5.20.
135
- 121 -
terroristes et d’amener les auteurs de ces attentats à répondre de leurs actes devra assurément être lui
aussi considéré comme satisfaisant à un intérêt général impérieux, et à bien plus juste titre. L’Iran
s’appuie également sur le fait que la CEDH a déclaré que les trois requérantes en l’affaire National
& Provincial Building Society tentaient de pervertir l’intention initiale du Parlement britannique
quand il a adopté la loi en cause586. Mais dans la présente espèce aussi, l’Iran tentait de pervertir
l’objectif visé par les jugements en cause en structurant ses opérations de façon à pouvoir se
soustraire au paiement d’indemnités. L’arrêt rendu en l’affaire National & Provincial Building
Society constitue donc un précédent extrêmement convaincant qui montre que, dans la présente
espèce, le caractère rétroactif de l’article 8772 n’entraîne pas un déni de justice.
10.50. Comme l’a également dit le tribunal constitué en l’affaire Mondev International Ltd. v.
United States, «c’est normalement aux juridictions locales qu’il appartient de déterminer si et dans
quelles conditions il convient d’appliquer rétroactivement un nouveau droit jurisprudentiel»587
[traduction du Greffe]. En l’affaire Peterson, l’Iran a pu contester le caractère rétroactif de
l’article 8772, et il l’a fait à toutes les étapes de la procédure, et ce, jusqu’à la Cour suprême des
Etats-Unis. Ainsi que l’a noté cette dernière, à quelques exceptions près fondées sur la Constitution
des Etats-Unis, «le pouvoir qu’a le Congrès d’adopter des lois qui s’appliquent rétroactivement à des
procédures pendantes a souvent été reconnu»588 [traduction du Greffe]. La Cour suprême a
également déclaré qu’«une loi n’empi[était] pas sur le pouvoir judiciaire lorsqu’elle impos[ait] aux
tribunaux d’appliquer une nouvelle norme juridique à des faits qui n[’étaie]nt pas contestés»589
[traduction du Greffe]. S’il en était autrement, les recueils de jurisprudence internationale
déborderaient d’affaires de déni de justice provenant des quatre coins du monde. La thèse de l’Iran
est donc indéfendable590.
v) Article 1226 de la loi sur le budget de la défense nationale pour l’exercice 2020
10.51. Dans sa réplique, l’Iran présente une nouvelle mesure dont il tire grief, à savoir
l’article 1226 de la loi sur le budget de la défense nationale pour l’exercice 2020591. Cette mesure
échappe à la compétence de la Cour parce que, comme il a été expliqué au chapitre 2, elle est entrée
en vigueur après l’extinction du traité. En outre, aucun tribunal n’a encore prescrit de remettre des
actifs iraniens aux demandeurs, ce qui ne pourrait nécessairement se produire que postérieurement à
l’extinction du traité, si tant est que cela doive jamais se produire592.
586 Réplique de l’Iran, par. 6.84.
587 Mondev International Ltd. v. United States of America, affaire ALENA/CIRDI no ARB(AF)/99/2, sentence,
par. 137 (11 octobre 2002) (annexe 176).
588 Cour suprême des Etats-Unis, Bank Markazi v. Peterson, 136 S. Ct. 1310, slip opinion, p. 16 (20 avril 2016)
(mémoire de l’Iran, annexe 66).
589 Ibid., p. 17 (mémoire de l’Iran, annexe 66).
590 En ce qui concerne les arguments de l’Iran relatifs à la levée du voile social, ils ne permettent pas de conclure
que l’article 8772 ait entraîné un déni de justice, pour les mêmes raisons que le paragraphe a) de l’article 201 de la TRIA
et le paragraphe g) de l’article 1610 de la loi sur l’immunité des Etats étrangers ne l’ont pas fait.
591 Réplique de l’Iran, par. 6.8[1] b) ; ibid., par. 2.103, 2.107 et 2.108.
592 Quoi qu’il en soit, même si le traité avait encore été en vigueur à la date de prise d’effet de l’article 1226, cet
article n’aurait pas entraîné un déni de justice pour les mêmes raisons que l’article 8772 ne l’a pas fait.
136
- 122 -
SECTION D
MÊME SI L’ON APPLIQUE LA NORME JURIDIQUE FONCIÈREMENT ERRONÉE
PROPOSÉE PAR L’IRAN, LES ETATS-UNIS N’ONT PAS VIOLÉ
LE PARAGRAPHE 1 DE L’ARTICLE IV
i) La norme juridique proposée par l’Iran est foncièrement erronée
10.52. L’interprétation du paragraphe 1 de l’article IV proposée par l’Iran contredit le sens
ordinaire de ses termes. Le demandeur prétend que cette disposition, qui compte trois clauses,
comporte en fait huit obligations distinctes, dont certaines font complètement ou largement double
emploi entre elles. Il est inconcevable que cela ait été voulu ou convenu par les parties.
10.53. Commençant par la première clause du paragraphe 1 de l’article IV (le «traitement juste
et équitable»), l’Iran soutient qu’elle comporte cinq obligations distinctes excluant les types de
traitement suivants : a) traitement arbitraire, manifestement inéquitable, injuste ou singulier ; b)
traitement discriminatoire ; c) i) absence de procédure régulière conduisant à un résultat contraire à
une bonne administration de la justice, y compris, mais sans s’y limiter, sous forme de c) ii) déni de
justice593 ; et d) traitement qui va à l’encontre d’attentes légitimes594. Ensuite, l’Iran soutient que la
deuxième clause du paragraphe 1 de l’article IV («aucune mesure arbitraire ou discriminatoire»)
comporte deux obligations distinctes : l’une interdisant tout comportement arbitraire et l’autre
interdisant tout comportement discriminatoire. Enfin, la huitième obligation avancée par l’Iran est
celle des «voies d’exécution efficaces» qui figure dans la troisième clause du paragraphe 1 de
l’article IV.
10.54. L’interprétation iranienne du paragraphe 1 de l’article IV est erronée pour plusieurs
raisons. Premièrement, l’Iran soutient que la prétendue obligation de ne pas commettre de
discrimination contenue dans la disposition relative au traitement juste et équitable est exactement la
même que l’obligation de ne pas commettre de discrimination contenue dans les dispositions relatives
aux mesures arbitraires ou discriminatoires595. Il n’y a toutefois aucune raison pour que les parties
aient décidé d’inclure exactement la même obligation dans deux clauses différentes.
10.55. Deuxièmement, l’Iran interprète la clause du traitement juste et équitable comme
comportant deux obligations relatives au pouvoir judiciaire, l’une étant celle de ne pas commettre de
déni de justice et l’autre, celle de s’abstenir de tout comportement «ne présentant pas nécessairement
le caractère de gravité» du déni de justice, mais «également [susceptible d’]engager la
responsabilité»596. Bien que l’Iran n’explique pas à partir de quel seuil le comportement ainsi décrit
pourrait emporter violation de la norme inférieure qu’il propose, il est clair que cette norme non
définie inclut des comportements qui ne sont pas assez graves pour constituer un déni de justice
proprement dit. Mais si tel était le cas, quel serait l’objet d’une obligation de ne pas commettre de
déni de justice ? Si un comportement moins flagrant des tribunaux emporte déjà violation de la norme
iranienne inférieure, il n’existe plus aucune raison d’avoir aussi une obligation de ne pas refuser de
rendre justice.
593 L’Iran a précisé dans sa réplique qu’il considérait que le volet c) comportait deux obligations distinctes. Réplique
de l’Iran, par. 6.34-6.36 et 6.58.
594 Ibid., par. 6.9.
595 Réplique de l’Iran, par. 6.33.
596 Ibid., par. 6.35 (les italiques sont de nous) (note de bas de page et citation interne omises).
137
- 123 -
10.56. Troisièmement, l’interprétation par l’Iran de la clause des «voies d’exécution efficaces»,
qui fait de celle-ci un nouveau critère indépendant en matière judiciaire, mais «peut-être moins
exigeant» que celui du «déni de justice«, signifie que cet Etat considère que le paragraphe 1 de
l’article IV comporte trois obligations judiciaires. Cela renforce encore l’idée qu’il n’y aurait tout
simplement aucune raison d’inclure l’obligation de ne pas refuser de rendre justice dans ce paragraphe
s’il comprenait déjà deux autres obligations judiciaires assorties de normes juridiques inférieures.
10.57. Quatrièmement et dernièrement, l’Iran interprète la prétendue obligation de ne prendre
aucune mesure «déraisonnable» [unreasonable dans le texte anglais du traité et «arbitraire» dans la
version française] contenue dans la deuxième clause du paragraphe 1 de l’article IV comme étant
moins stricte que l’obligation contenue dans la première clause et qui répondrait à une norme plus
stricte interdisant les mesures «arbitraires [arbitrary dans le texte anglais de la réplique de l’Iran],
manifestement inéquitables, injustes ou singulières»597. Mais si un comportement répondant à une
norme moins stricte devait déjà violer l’obligation de ne prendre aucune mesure «déraisonnable»
[unreasonable dans le texte anglais du traité et «arbitraire» dans la version française] telle que la
conçoit l’Iran, la norme supposément supérieure des mesures «arbitraires» [arbitrary dans les
écritures de l’Iran] serait complètement superflue.
10.58. L’interprétation que fait l’Iran du paragraphe 1 de l’article IV est foncièrement erronée.
La Cour devrait rejeter son invitation à revenir sur sa décision antérieure voulant que l’article IV
renvoie au standard international minimum de traitement.
ii) En tout état de cause, même selon la norme iranienne, les Etats-Unis n’ont pas violé
les dispositions du paragraphe 1 de l’article IV
10.59. L’Iran soutient à titre principal que le paragraphe 1 de l’article IV impose un standard
autonome en huit parties, et à titre subsidiaire que le droit international coutumier prévoit exactement
le même standard en huit parties598. Pour les raisons exposées plus haut, ces deux thèses sont
erronées. Cependant, au cas où la Cour adopterait l’une d’elles, les Etats-Unis démontrent ci-après
pourquoi il n’y a toujours pas violation du paragraphe 1 de l’article IV.
a) Traitement juste et équitable
10.60. Comme on l’a vu plus haut, l’Iran allègue que la première clause du paragraphe 1 de
l’article IV, qui contient la disposition relative au traitement juste et équitable, renferme cinq
obligations distinctes concernant les types de traitement suivants : a) traitement arbitraire,
manifestement inéquitable, injuste ou singulier ; b) traitement discriminatoire ; c) i) absence de
procédure régulière conduisant à un résultat contraire à une bonne administration de la justice, y
compris, mais sans s’y limiter, sous forme de ii) déni de justice599; et d) traitement qui va à l’encontre
d’attentes légitimes600.
597 Mémoire de l’Iran, par. 5.38 b).
598 Comparer le paragraphe 6.9 de la réplique, où l’Iran décrit sa proposition de standard juridique autonome, au
paragraphe 6.21 de la même pièce, où il décrit sa proposition de standard juridique selon le droit international coutumier ;
voir également le paragraphe 5.26 du mémoire, où l’Iran affirme que, «quelle que soit l’interprétation adoptée», la même
norme en cinq parties s’applique, que ce soit de manière autonome ou au titre du droit international coutumier.
599 L’Iran a précisé dans sa réplique qu’il considérait que le volet c) comportait deux obligations distinctes. Réplique
de l’Iran, par. 6.21, 6.34-6.36 et 6.58.
600 Ibid., par. 6.9.
138
- 124 -
1. Traitement arbitraire, manifestement inéquitable, injuste ou singulier
10.61. L’Iran a affirmé dans son mémoire que la définition du terme «arbitraire» que la Cour
avait donnée dans l’arrêt qu’elle a rendu en l’affaire Elettronica Sicula S.p.A. (ELSI) (Etats-Unis
d’Amérique c. Italie) était essentielle pour bien comprendre la prétendue obligation de s’abstenir
d’infliger tout traitement «arbitraire, manifestement inéquitable, injuste ou singulier»601. Il a
apparemment conclu par la suite que ses demandes ne répondaient pas au standard ainsi défini
puisque, dans sa réplique, il a renoncé audit standard pour en adopter un autre plus souple. En effet,
l’Iran soutient maintenant qu’il existe un critère de l’arbitraire subdivisé en deux branches, et qu’une
mesure n’est pas arbitraire «[1] si elle présente un lien raisonnable avec [2] une politique
rationnelle»602. Il soutient également que la Cour sera tenue de «déterminer le niveau considéré
comme proportionnellement approprié» à la mesure considérée lorsqu’elle examinera la première
branche du critère603. A l’appui de ce dernier critère de «proportionnalité», l’Iran cite des sentences
arbitrales rendues dans des affaires d’investissement, ainsi que des décisions de tribunaux
administratifs et de juridictions relatives aux droits de l’homme604.
10.62. D’abord et avant tout, les mesures dont l’Iran tire grief font toutes partie intégrante
d’une réponse au terrorisme mondial, et notamment au soutien persistant que cet Etat apporte à des
actes de terrorisme visant des ressortissants et des intérêts américains. Le demandeur affirme tout
d’abord que la politique américaine qui a présidé à ces mesures ne serait pas rationnelle parce qu’elle
serait «sous-tendue» par la désignation qui fait de lui un Etat soutenant le terrorisme, désignation
dont il dit qu’elle était «unilatérale et politique»605. Or, contrairement à ce que prétend l’Iran, une
mesure unilatérale n’est pas en soi arbitraire. En outre, la désignation de l’Iran comme Etat soutenant
le terrorisme était fondée sur une norme légale objective et sur des preuves accablantes. Cette
désignation et toutes les autres mesures adoptées par les Etats-Unis constituaient des réponses
parfaitement rationnelles au soutien persistant de l’Iran à des actes de terrorisme dirigés contre des
ressortissants et des intérêts américains. En ce qui concerne la deuxième branche de son critère, l’Iran
soutient que les mesures attaquées n’avaient pas de lien raisonnable avec la politique américaine,
puisqu’il n’avait pas été allégué que les sociétés iraniennes eussent été impliquées d’une façon ou
d’une autre dans des actes de terrorisme commis par l’Iran606. Cependant, les entités iraniennes en
question étaient toutes des établissements et organismes de l’Etat iranien. Les mesures en cause
n’autorisaient pas la saisie d’actifs de sociétés privées iraniennes en exécution des jugements
prononcés. Il s’ensuit que les actifs qui ont été saisis appartenaient indirectement (et, dans le cas de
la banque Markazi, directement) à l’Etat iranien. Dans ces conditions, il existait un lien raisonnable
entre les mesures en cause et la politique américaine, puisque l’Iran était le propriétaire ultime ou
effectif des actifs.
10.63. Enfin, s’agissant de la question de savoir si les mesures étaient proportionnées, l’Iran
n’a pas abordé cet aspect de son critère. Cependant, étant donné que les fonds en cause étaient
susceptibles de saisie en exécution de décisions de justice valides, et que ces décisions portaient sur
d’horribles actes de violence qui avaient entraîné la mort ou la mutilation de personnes, il ne fait
aucun doute que les mesures étaient proportionnées. La thèse iranienne de la violation du traité
601 Mémoire de l’Iran, par. 5.29 (citant l’arrêt Elettronica Sicula S.p.A. (ELSI) (Etats-Unis d’Amérique c. Italie)
selon lequel «[l]’arbitraire n’est pas tant ce qui s’oppose à une règle de droit que ce qui s’oppose au règne de la loi. … Il
s’agit d’une méconnaissance délibérée des procédures régulières, d’un acte qui heurte, ou du moins surprend, le sens de la
correction juridique»).
602 Réplique de l’Iran, par. 6.31.
603 Ibid.
604 Ibid., par. 6.32.
605 Ibid., par. 6.89.
606 Ibid., par. 6.91.
139
- 125 -
d’amitié repose sur l’idée que les Etats-Unis n’auraient pas dû réagir face à la persistance du soutien
iranien à des actes de terrorisme dirigés contre eux et qui ont fait des morts parmi leurs citoyens.
10.64. Pour toutes les raisons décrites ci-dessus, aucune des mesures contestées n’était
arbitraire, manifestement inéquitable, injuste ou singulière607.
2. i) Absence de procédure régulière conduisant à un résultat contraire à une bonne
administration de la justice, ii) y compris sous forme de déni de justice
10.65. Comme nous l’avons vu plus haut, l’Iran a précisé dans sa réplique qu’il estimait que
l’obligation de traitement juste et équitable contenait deux obligations distinctes associées à la
fonction judiciaire et concernant le respect d’une procédure régulière, dont les manquements à l’une
i) seraient des violations moins graves que le déni de justice, et dont les manquements à l’autre
ii) seraient des violations constitutives de déni de justice608.
10.66. Dans son examen de la moins stricte de ces deux obligations, l’Iran n’a donné quasiment
aucune indication sur les moyens de déterminer à quel moment il y était satisfait. Hormis son renvoi
à une sentence arbitrale rendue dans une affaire d’investissement dans laquelle il est dit qu’«[u]ne
conduite … qui entraverait l’exercice légitime des droits de l’individu protégé … peut également
engager la responsabilité»609, il ne fournit aucune orientation. Il n’explique pas non plus à quel
moment une telle conduite «peut» ou non engager la responsabilité. Il n’y a tout simplement aucun
moyen pour les Etats-Unis de répondre à une norme aussi peu explicitée, et la Cour devrait rejeter la
demande iranienne fondée sur cette norme en raison du flou qui la caractérise.
10.67. En tout état de cause, aucune des mesures en question n’a empêché les sociétés
iraniennes d’interroger des témoins, de présenter des preuves documentaires, d’engager les conseils
de leur choix ou de faire appel. Plutôt que de dénoncer des vices de procédure, la demande de l’Iran
porte sur le fond des lois en question. Par conséquent, la demande iranienne invoquant l’«absence de
procédure régulière» doit être rejetée comme étant sans fondement, quelle que soit la norme
appliquée, puisque les sociétés iraniennes n’ont été privées d’aucune voie de recours610.
3. Attentes légitimes
10.68. Comme cela a été relevé plus haut, il n’existe pas de doctrine des attentes légitimes qui
ferait partie intégrante de l’obligation de traitement juste et équitable. A supposer même que
l’évolution du droit international lui ait fait incorporer une telle règle, celle-ci s’est toujours heurtée
607 En ce qui concerne l’élément de la «discrimination» de sa demande fondée sur le traitement juste et équitable,
l’Iran soutient qu’il est identique à l’élément de la «discrimination» de sa demande fondée sur l’interdiction des mesures
«arbitraires ou discriminatoires» visée au paragraphe 1 de l’article IV du traité, et il n’a pas examiné séparément ces deux
éléments. C’est pourquoi les Etats-Unis traiteront cette dernière demande lorsqu’ils aborderont la deuxième clause du
paragraphe 1 de l’article IV. Réplique de l’Iran, par. 6.33.
608 Ibid., par. 6.34-6.36, 6.58.
609 Ibid., par. 6.35 (les italiques sont de nous).
610 L’examen du déni de justice auquel procèdent les Etats-Unis dans la présente section C du chapitre 10 de leur
duplique vaut pour les demandes iraniennes considérées tant selon le standard du droit international coutumier que selon
un standard autonome.
140
- 126 -
et se heurte encore à l’objection persistante des Etats-Unis611, qui échapperaient par conséquent à son
application. Dans sa réplique, l’Iran a préféré ne pas répondre à cet argument de l’«objection
persistante» des Etats-Unis, ce qui veut dire que la position de ces derniers n’est pas contestée. La
Cour pourrait donc rejeter l’argument iranien fondé sur les «attentes légitimes» pour ce seul motif.
10.69. Quoi qu’il en soit, l’Iran n’est pas parvenu à fonder sur des preuves suffisantes, même
suivant son propre standard supposé, sa demande relative aux «attentes légitimes». Selon la thèse
iranienne, cette demande comporte deux éléments : premièrement, les ressortissants iraniens ou les
sociétés iraniennes doivent avoir effectivement eu des attentes subjectives ; et, deuxièmement, ces
attentes doivent avoir été «légitimes» ou raisonnables compte tenu des circonstances612. L’Iran doit
succomber en sa demande pour deux raisons.
10.70. Premièrement, sur le plan des faits, l’Iran n’a pas établi que l’une ou l’autre des sociétés
concernées eût eu des attentes pertinentes concernant les mesures dont il tire aujourd’hui grief. Il
n’existe pas de documents contemporains exposant ces prétendues attentes. Le demandeur a certes
décrit dans un certain nombre de procès quelles pourraient être ces attentes, mais cela n’est pas
suffisant pour établir une demande613. Il succombe donc en cette demande faute de preuves.
10.71. Deuxièmement, les tribunaux arbitraux qui admettent la doctrine des attentes légitimes
ont décidé que, pour que cette doctrine s’applique, l’Etat hôte doit avoir fait à l’investisseur des
représentations spécifiques concernant la question particulière avec laquelle une mesure ultérieure
interfère. Selon cette doctrine, il ne saurait y avoir violation des attentes légitimes en l’absence de
telles représentations de la part de l’Etat614. En l’espèce, l’Iran n’a mentionné aucune représentation
de ce type qu’auraient faite les Etats-Unis, et par conséquent, à supposer même que les sociétés
iraniennes eussent produit des preuves de leurs attentes, ces attentes n’auraient pas été protégées par
la supposée doctrine.
b) Mesures arbitraires [unreasonable] ou discriminatoires
10.72. L’Iran considère que la deuxième disposition du paragraphe 1 de l’article IV prévoit
deux obligations distinctes interdisant : a) les mesures arbitraires [unreasonable] et b) les mesures
discriminatoires615. Ses demandes invoquant ces deux interdictions doivent être rejetées pour les
motifs exposés ci-après.
10.73. Dans sa réplique, l’Iran fait valoir que la règle permettant de déterminer si une mesure
est «raisonnable» comporte deux éléments : i) l’existence d’une politique rationnelle et ii) l’existence
611 L’Iran soutient que le traité a évolué aussi bien selon son standard du droit international coutumier que selon
son standard «autonome», de sorte que les attentes légitimes feraient partie de l’obligation de traitement juste et équitable
au regard de l’un et de l’autre standards. Réplique de l’Iran, par. 6.25-6.29. Il s’ensuit que l’argument américain de
l’objection persistante s’applique dans les deux cas. Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 14.22.
612 Saluka Investments BV v. Czech Republic, CNUDCI, sentence partielle, par. 304 (17 mars 2006) (annexe 399)
(où il est expliqué que les attentes subjectives d’un investisseur ne suffisent pas pour fonder une demande, mais que ces
attentes doivent aussi et surtout être raisonnables) (citée par l’Iran dans son mémoire, par. 5.36, note 274).
613 Mémoire de l’Iran, par. 5.36 et 5.47.
614 Voir, par exemple, PSEG Global Inc. v. Republic of Turkey, affaire TBI/CIRDI Etats-Unis-Turquie
no ARB/02/5, sentence, par. 241 (19 janvier 2007) (annexe 400) ; Micula v. Romania, affaire TBI/CIRDI Suède-Roumanie
no ARB/05/20, sentence, par. 688 (11 décembre 2013) (annexe 401) ; Total, S.A. v. Argentine Republic, affaire TBI/CIRDI
France-Argentine no ARB/04/01, décision sur la responsabilité, par. 121 (27 décembre 2010) (annexe 402).
615 Mémoire de l’Iran, par. 5.38 a).
141
- 127 -
d’un lien raisonnable entre les mesures américaines et cette politique616. Il s’agit de la même règle
qu’il propose comme critère de l’«arbitraire» [arbitrary] dans le cadre de la norme du traitement
juste et équitable, sauf que, contrairement à ce critère de l’arbitraire, il ne prétend pas que la
«proportionnalité» fasse partie du deuxième élément de sa règle617. En conséquence, et pour les
mêmes raisons que les mesures contestées ne sont pas arbitraires [arbitrary], comme il a été démontré
plus haut au paragraphe ii) a) 1) de la présente section D, ces mesures ne sont pas déraisonnables
[unreasonable].
10.74. Quant à la demande iranienne fondée sur la discrimination, les Etats-Unis ont expliqué
dans leur contre-mémoire pourquoi elle était dépourvue de fondement618. L’Iran leur a répondu en
trois brèves phrases, renonçant de fait à cette demande en ce qui concernait la plupart des mesures
contestées619. Les seules mesures que l’Iran mentionne expressément dans la section de sa réplique
où sont examinées les prétendues violations de l’obligation de ne pas commettre de discrimination
sont l’article 8772 du code des Etats-Unis et l’article 1226 de la loi sur le budget de la défense
nationale pour l’exercice 2020620. En ce qui concerne l’article 8772, les Etats-Unis ont exposé plus
haut, au point iv) de la section C, les raisons pour lesquelles cette mesure ne ciblait pas illicitement
l’Iran et n’était pas discriminatoire à son égard, et ces raisons s’appliquent ici. En ce qui concerne
l’article 1226 de la loi sur le budget de la défense nationale pour l’exercice 2020, comme les Etats-
Unis l’ont expliqué au chapitre 2 de la présente duplique, la Cour n’a pas compétence pour examiner
cette mesure, car elle est postérieure à l’expiration du traité d’amitié. En tout état de cause, comme
cela a été relevé plus haut, elle ne constituerait pas un traitement discriminatoire pour les mêmes
raisons que l’article 8772 du code des Etats-Unis ne constitue pas un traitement discriminatoire. En
outre, l’Iran dénonce de manière générale et sommaire, dans la section de sa réplique consacrée à la
discrimination, des mesures qui auraient «supprimé la présomption Bancec», mais omet de préciser
à l’intention de la Cour quelles sont les mesures incriminées. Plus haut dans sa réplique, il prétend
que le paragraphe a) de l’article 201 de la loi TRIA et le paragraphe g) de l’article 1610 de la FSIA
ont supprimé les facteurs Bancec621. Or, comme il a été expliqué au point iii) de la section C du
présent chapitre, ces mesures ne constituent pas une prise pour cible ou une discrimination illicite
parce qu’elles s’appliquent à tous les Etats se trouvant dans une situation similaire et qu’elles ne sont
pas limitées à l’Iran.
c) Les Etats-Unis n’ont pas refusé d’assurer des voies d’exécution efficaces à des droits
contractuels
10.75. Comme les Etats-Unis l’ont écrit dans leur contre-mémoire, l’Iran leur a fourni, à
eux-mêmes ainsi qu’à la Cour, fort peu d’indications sur le contenu du standard juridique autonome
qu’il prétend tirer de la troisième disposition du paragraphe 1 de l’article IV622. Dans sa réplique, il
ne donne quasiment aucune orientation supplémentaire à cet égard, alléguant que l’obligation
d’assurer des voies d’exécution efficaces est «un critère distinct du déni de justice en droit
international coutumier, et peut-être moins exigeant, qui nécessite à la fois que l’Etat hôte se dote
d’un système adapté de lois et d’institutions et que ces structures fonctionnent efficacement pour
toutes les affaires»623. A titre liminaire, on fera observer qu’il n’est tout simplement d’aucune utilité
616 Réplique de l’Iran, par. 6.31.
617 Voir plus haut, paragraphe ii) a) 1) de la section D.
618 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 14.54-14.59.
619 Réplique de l’Iran, par. 6.95-6.96.
620 Ibid.
621 Réplique de l’Iran, par. 2.74 b), 4.25.
622 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 14.60.
623 Réplique de l’Iran, par. 6.53 (les italiques sont de nous) (citations et renvois internes omis).
142
143
- 128 -
pour la Cour ou pour les Etats-Unis que l’Iran affirme que ce critère est «peut-être» moins exigeant,
mais se dispense d’expliquer dans quelles circonstances il serait moins exigeant et dans quelles
circonstances il ne le serait pas. Et s’il est moins exigeant, par rapport à quelle norme juridique le
serait-il ? Une fois encore, la demande de l’Iran devrait être rejetée en raison du flou qui entoure la
prétendue norme juridique sur laquelle elle reposerait.
10.76. En tout état de cause, et comme cela a été démontré au chapitre 8, les Etats-Unis sont
dotés d’un système de lois et d’institutions qui ont fonctionné efficacement dans les affaires que
l’Iran invoque comme fondement de ses demandes. Les tribunaux américains ont fait tout ce qu’ils
ont pu pour s’assurer que ses intérêts et ceux des entités iraniennes étaient protégés, même en cas de
non-comparution de ces derniers aux procédures.
10.77. En outre, et alors même que la clause relative aux voies d’exécution efficaces ne
s’applique expressément qu’aux «droits contractuels», l’Iran soutient que les Etats-Unis ont violé
cette disposition en permettant que soit levé le voile social des sociétés iraniennes et en refusant à
celles-ci le bénéfice de l’immunité souveraine624. Il n’avance toutefois nulle part que des sociétés
iraniennes aient été empêchées de recourir aux tribunaux américains pour faire valoir leurs droits
contractuels légitimement acquis ni même qu’elles aient seulement tenté de le faire. Au lieu de cela,
l’Iran fournit trois brefs paragraphes dans lesquels il affirme sommairement avoir présenté des
demandes au titre des voies d’exécution efficaces, mais sans en produire une seule preuve625. Cette
assertion n’est pas sérieuse.
SECTION E
OBSERVATIONS FINALES
10.78. Comme cela a été démontré plus haut, le paragraphe 1 de l’article IV et les autres parties
pertinentes du traité d’amitié reproduisent le standard international minimum de traitement prévu par
le droit international coutumier, ainsi que la Cour l’a déjà jugé. La disposition relative au «traitement
juste et équitable» contenue dans ce paragraphe est une façon simplifiée de renvoyer à ce standard et
impose donc aux parties d’adhérer à toutes les règles composant cette notion générale qui ne seraient
pas énoncées ailleurs dans le traité. Alors que toute obligation qui résulterait de l’évolution du droit
international coutumier entrerait dans le cadre de cette disposition, l’Iran n’est pas parvenu à établir
que le standard minimum de traitement irait au-delà de l’obligation de ne pas refuser de rendre
justice. Les Etats-Unis n’ont fait subir un déni de justice à aucune entité iranienne ; de plus, aucune
des mesures appliquées par eux à l’Etat iranien ne peut être invoquée pour valider les demandes de
l’Iran, le paragraphe 1 de l’article IV ne s’appliquant de toute façon pas à l’Etat iranien. Enfin, même
selon le prétendu standard juridique iranien, l’Iran n’a pu établir aucune violation du traité d’amitié
par les Etats-Unis.
624 Mémoire de l’Iran, par. 5.41 (où il est allégué que la disposition relative aux voies d’exécution efficaces crée
une «obligation de permettre l’exercice effectif de droits tels que les droits à la reconnaissance de la personnalité juridique
et à l’immunité souveraine dans le contexte de la protection de «droits contractuels légitimement nés»).
625 Réplique de l’Iran, par. 6.98-6.100. On fera observer, par exemple, que l’Iran n’a pas même versé au dossier les
contrats prétendument en cause.
144
- 129 -
CHAPITRE 11
L’IRAN N’A PAS ÉTABLI LE BIEN-FONDÉ DE SA DEMANDE AU TITRE
DU PARAGRAPHE 2 DE L’ARTICLE IV
11.1. L’Iran a dénoncé des violations tant de l’obligation d’assurer «[l]a protection et la
sécurité des biens … de la manière la plus constante» que des conditions prévues dans le reste de cet
article pour l’expropriation de biens. Les Etats-Unis ont démontré dans leur contre-mémoire que rien
ne justifiait la large interprétation que faisait l’Iran de cette obligation d’assurer «la protection et la
sécurité de la manière la plus constante», et que cette interprétation était erronée626. Dans sa réplique,
le demandeur tente certes d’étayer sa position en invoquant quelques sentences arbitrales, mais ces
sentences n’aident guère sa cause, comme on le verra dans la section A du présent chapitre.
L’interprétation de cette disposition par l’Iran doit donc être rejetée, de même que les demandes
iraniennes, puisque celles-ci reposent entièrement sur cette interprétation trop large.
11.2. En ce qui concerne les dispositions du paragraphe 2 de l’article IV relatives à
l’expropriation, les Etats-Unis ont démontré dans leur contre-mémoire que les mesures législatives
et exécutives contestées n’emportaient pas «expropriation» de biens iraniens et que, même si c’était
le cas, il s’agissait de textes non discriminatoires adoptés de bonne foi par eux dans l’exercice de
leurs pouvoirs de police et qui, par conséquent, ne contrevenaient pas au paragraphe 2 de
l’article IV627. Dans sa réplique, l’Iran semble reconnaître l’existence de la doctrine des pouvoirs de
police, mais soutient que les Etats-Unis n’ont pas satisfait aux conditions requises par celle-ci. Son
argumentation consiste cependant en de simples assertions, et non en des éléments de preuve. En
revanche, les Etats-Unis ont longuement expliqué pourquoi les mesures qu’ils avaient adoptées
constituaient une réponse justifiée et, comme cela a été exposé au chapitre précédent, non
discriminatoire au soutien que l’Iran apporte depuis longtemps au terrorisme et à d’autres menées
déstabilisatrices.
11.3. Pour ce qui est de l’allégation de l’Iran selon laquelle le système judiciaire américain
aurait exproprié des biens de sociétés iraniennes, les Etats-Unis ont expliqué dans leur contremémoire
que les décisions rendues par des tribunaux nationaux dans l’exercice de leurs fonctions
d’arbitres neutres et indépendants des droits légaux ne sauraient être considérées comme
constitutives d’expropriation628. Dans sa réplique, l’Iran cite quelques affaires dans lesquelles des
tribunaux arbitraux ont fait droit à des demandes contestant une expropriation judiciaire, mais omet
de préciser que ces rares exemples impliquaient tous un élément d’illicéité — entièrement absent en
l’espèce — soit dans la conduite du tribunal soit dans les événements qui ont motivé la décision de
ce dernier. En conséquence, même si la Cour devait admettre l’argument iranien voulant qu’il puisse
y avoir expropriation judiciaire dans certaines conditions, l’Iran n’a pas établi le bien-fondé d’une
telle allégation en l’espèce.
11.4. Comme nous le verrons plus en détail dans la section B de ce chapitre, les demandes
iraniennes contestant une expropriation, qu’elles concernent des mesures législatives, exécutives ou
judiciaires, doivent donc être rejetées.
626 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 14.64-14.73.
627 Ibid., par. 14.87-14.93.
628 Ibid., par. 14.81 et 14.94.
145
146
- 130 -
SECTION A
OBLIGATION D’ASSURER LA PROTECTION ET LA SÉCURITÉ DES BIENS
DE LA MANIÈRE LA PLUS CONSTANTE
11.5. En ce qui concerne l’obligation d’assurer «la protection et la sécurité des biens … de la
manière la plus constante» énoncée dans la première phrase du paragraphe 2 de l’article IV du traité
d’amitié, la question essentielle pour la Cour est celle de savoir si, comme le soutient l’Iran, cette
obligation impose à l’Etat d’offrir quelque chose de plus qu’une protection contre les atteintes
physiques. Si tel n’est pas le cas, les prétentions de l’Iran doivent être rejetées, car celui-ci n’a pas
allégué que les Etats-Unis n’avaient pas assuré la sécurité physique des biens de ses sociétés et de
ses ressortissants.
11.6. Mais à supposer même que la Cour admette que la première phrase du paragraphe 2 de
l’article IV puisse, dans certaines conditions, imposer à l’Etat d’offrir une certaine forme de sécurité
juridique en sus de la sécurité physique, cela n’empêcherait pas l’Iran de succomber en ses demandes,
puisque les mesures américaines contestées ne violent nullement les normes de la sécurité juridique
telles qu’elles peuvent ressortir des rares références qu’il a produites à l’appui de sa thèse.
i) L’Iran n’a pas établi que l’obligation d’assurer «la protection et la sécurité des biens
de la manière la plus constante» s’étende au-delà de la simple sécurité physique,
de sorte que ses demandes fondées sur des violations
de cette disposition doivent être rejetées
11.7. L’Iran soutient que la première phrase du paragraphe 2 de l’article IV impose davantage
qu’une simple protection contre les dommages matériels, soit parce que le standard minimum de
traitement du droit international prévoirait une protection de plus grande portée, soit parce que le
texte de l’article irait au-delà de ce qui est prévu par le droit international. L’Iran fait erreur sur les
deux points.
11.8. Si l’on considère, pour commencer, le standard minimum de traitement prévu par le droit
international, il est incontestable qu’il s’entend comme «visant la protection contre les préjudices
physiques»629. Il appartient à l’Iran d’établir, par des preuves tirées de la pratique des Etats et de
l’opinio juris, que ce standard va plus loin630. Or, le demandeur ne l’a manifestement pas fait.
11.9. L’Iran invoque trois sentences arbitrales à titre d’éléments censés attester une évolution
de ce standard vers une conception qui irait au-delà de la simple protection contre les préjudices
physiques631, mais ces décisions ne pèsent guère quand il s’agit d’évaluer l’état du droit international
629 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 14.65.
630 Voir plus haut, section B du chapitre 10.
631 Anglo American PLC v. Bolivarian Republic of Venezuela, affaire CIRDI no ARB(AF)/14/1, sentence, par. 482
(18 janvier 2019) ; AES Summit Generation Limited and AES-Tisza Erömü Kft v. Republic of Hungary, affaire CIRDI
no ARB/07/22, sentence, par. 13.3.2 (23 septembre 2010) ; Mohammed Ammar Al-Bahloul v. Republic of Tajikistan,
arbitrage de la chambre de commerce de Stockholm no V (064/2008), sentence partielle sur la compétence et la
responsabilité, par. 246 (2 septembre 2009). Voir également la note 616 du paragraphe 7.4 de la réplique de l’Iran.
- 131 -
coutumier. En effet, dans chacune d’elles le raisonnement est bref et sommaire, et on n’y trouve
aucune analyse de la pratique des Etats et de l’opinio juris632.
11.10. L’Iran s’appuie également sur l’arrêt rendu par la Cour en l’affaire Elettronica Sicula
S.p.A. (ELSI), mais à tort, comme l’ont montré les Etats-Unis dans leur contre-mémoire633.
Premièrement, dans son interprétation, il tire du texte de l’arrêt des inférences que rien ne justifie,
plutôt que de citer les déclarations expresses de la Cour sur la portée de l’obligation d’assurer «la
protection et la sécurité de la manière la plus constante». La Cour n’a pas admis que cette obligation
allât au-delà de la simple sécurité physique, rejetant d’ailleurs dans leur intégralité les griefs des
Etats-Unis relatifs à des manquements à cette obligation. Deuxièmement, pour rejeter ces griefs, la
Cour n’a nullement examiné la pratique des Etats ou l’opinio juris634. Considéré isolément, l’arrêt
ELSI ne saurait donc être invoqué comme preuve du droit international coutumier.
11.11. En tout état de cause, l’Iran lui-même ne se risque pas à affirmer que sa conception de
la portée de l’obligation d’assurer «la protection et la sécurité de la manière la plus constante» était
universellement admise au moment où les Parties ont signé le traité d’amitié ou qu’elle le soit
devenue aujourd’hui635. En effet, comme il le reconnaît636, les Etats-Unis ont cité dans leur contremémoire
les sentences de plusieurs tribunaux arbitraux qui ont rejeté l’idée d’étendre cette obligation
au-delà de la sécurité physique637. Etant donné que cette thèse bénéficie tout au plus d’un soutien
partiel de la part des tribunaux internationaux — et qu’elle n’est pas étayée par la pratique des Etats
et l’opinio juris —, la Cour ne saurait conclure qu’elle s’est cristallisée en droit international
coutumier.
11.12. Ainsi, l’Iran n’a pas établi que le standard minimum de traitement prévu par le droit
international s’étende au-delà de la sécurité physique. Les demandes qu’il a présentées au titre de la
632 Nations Unies, Commission du droit international, projet de conclusions sur la détermination du droit
international coutumier et commentaires y relatifs, conclusion 13, par. 3 du commentaire, doc. A/73/10 (2018)
(annexe 381) (la «valeur [des décisions de juridictions] varie considérablement en fonction tant de la qualité du
raisonnement juridique suivi (et notamment, au premier chef, de la mesure dans laquelle ce raisonnement résulte d’un
examen approfondi des éléments tendant à prouver qu’une pratique générale supposée est acceptée comme étant le droit)
que de la manière dont la décision est prise en compte, en particulier par les Etats et dans la jurisprudence postérieure»).
633 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 14.66-14.73.
634 Voir, par exemple, Elettronica Sicula S.p.A. (ELSI) (Etats-Unis d’Amérique c. Italie), arrêt, C.I.J. Recueil 1989,
par. 108 et 111.
635 L’échec des efforts déployés sous les auspices de la Société des Nations pendant les années 1920 et 1930 et de
la Commission du droit international pendant les années 1950 pour codifier le standard du traitement dû par les Etats aux
ressortissants étrangers présents sur leur territoire met plutôt en évidence l’absence persistante de consensus sur cet élément,
entre autres, dudit standard. Voir, par exemple, Pitman B. Potter, «International Legislation on the Treatment of
Foreigners», American Journal of International Law, vol. 24, p. 748 et 749 (1930) (annexe 403) («A Paris l’hiver dernier,
à La Haye en mars, à Genève ce printemps, c’est le même refrain : les nations trouvent presque impossible de codifier
l’ancien droit ou de le remplacer par un nouveau») ; Edwin M. Borchard, ««Responsibility of States» at the Hague
Codification Conference», American Journal of International Law, vol. 24, p. 517 et 540 (1930) (annexe 404) («Il faut
bien conclure que le sujet de la responsabilité internationale des Etats pour les dommages causés aux étrangers n’est pas
encore mûr pour la codification») ; James Crawford, State Responsibility: The General Part, p. 36 (2013) (annexe 405)
(«Les travaux ont commencé en 1956 … A l’époque, la Commission du droit international … s’intéressait surtout à la
responsabilité de l’Etat pour les dommages causés aux étrangers et à leurs biens, c’est-à-dire à la teneur des règles de droit
matériel dans ce domaine très particulier. Six rapports lui ont été présentés entre 1956 et 1961, mais c’est à peine si elle les
a examinés … Il lui semblait que les divisions et les désaccords que suscitait cette conception du champ de la responsabilité
l’empêcheraient d’avancer, et le sujet a été mis de côté … Ce faux départ a été oublié en 1962, lorsqu’une sous-commission
intersessionnelle de la Commission … lui a recommandé de se concentrer non pas sur les dommages causés aux étrangers
en particulier, mais sur «la définition des règles générales régissant la responsabilité internationale de l’Etat»»).
636 Réplique de l’Iran, par. 7.4.
637 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 14.65, note 450.
147
148
- 132 -
première phrase du paragraphe 2 de l’article IV doivent donc être rejetées, à moins qu’il ne puisse
démontrer que le libellé de cette disposition impose de lui accorder une protection supérieure à celle
du standard prévu par le droit international. L’Iran a certes tenté de le faire, mais, là encore, ses
arguments ne peuvent être retenus.
11.13. Le principal argument du demandeur repose sur le libellé de la première phrase du
paragraphe 2 de l’article IV. L’Iran note que la dernière proposition de cette phrase — qui déclare
que la protection accordée ne doit être «inférieure en aucun cas aux normes fixées par le droit
international» — signifie que le niveau de protection requis par le droit international est un niveau
«plancher» ; il fait également observer que la disposition déclarant que «la protection et la
sécurité … seront assurées de la manière la plus constante» n’est assortie d’aucune précision ou
réserve638.
11.14. Il n’y a cependant rien, dans la proposition déclarant que «la protection et la
sécurité … seront assurées de la manière la plus constante», qui exige ou suppose un standard de
traitement qui soit supérieur à celui du droit international. Au contraire, un télégramme envoyé
pendant la négociation du traité d’amitié, de commerce et de navigation avec l’Ethiopie — traité qui
a servi de modèle au traité d’amitié avec l’Iran639 — montre que les Etats-Unis considéraient alors
que cette disposition était simplement déclaratoire du droit international et qu’elle n’allait pas
au-delà :
«DEB. CIT. La protection et la sécurité les plus constantes FIN CIT. formule
conventionnelle consacrée par l’usage … [D]isposition à interpréter de façon
raisonnable et non de la façon la plus stricte. Selon le Département, disposition
déclaratoire du droit INTERNATIONAL, et non règle plus exigeante que le droit
INTERNATIONAL … En ce qui concerne la responsabilité, selon le Département, la
partie tenue par l’obligation doit exercer DEB. CIT. la diligence voulue FIN CIT. pour
rendre cette assurance effective, et le fait de ne pas exercer la diligence voulue met en
jeu la responsabilité.»640
11.15. Quant à l’argument de l’Iran selon lequel les parties auraient inséré dans le texte une
réserve expresse si elles avaient entendu limiter à la sécurité physique la protection assurée par la
première phrase du paragraphe 2 de l’article IV, il est dépourvu de tout fondement. Le sens de cette
phrase était clair et parfaitement compris quand le traité a été conclu. Ce sens parfaitement compris
correspondait à l’intention des parties. Or, l’Iran tente maintenant à toute force de changer
rétrospectivement le sens de cette phrase. Le débat sur la question de savoir si ce type de protection
comprend la sécurité juridique en sus de la sécurité physique est le fruit d’une évolution du
XXIe siècle641, et il n’y a rien à interpréter dans le fait que les parties n’aient pas prévu cette évolution
quand elles ont négocié le traité dans les années 1950.
638 Réplique de l’Iran, par. 7.2.
639 Traités de commerce avec l’Iran, le Nicaragua et les Pays-Bas : auditions devant la commission des affaires
étrangères du Sénat, 84e session du Congrès 3 (1956) (audition de M. Thorsten V. Kalijarvi, département d’Etat) (annexe 1).
640 Télégramme adressé à l’ambassade des Etats-Unis à Addis-Abeba par le département d’Etat des Etats-Unis, p. 2
(28 août 1951) (les italiques sont de nous) (annexe 406).
641 Voir, par exemple, Jeswald W. Salacuse, The Law of Investment Treaties, p. 236 (deuxième édition, 2015)
(annexe 197) («Les tribunaux ont traditionnellement interprété les dispositions garantissant la protection et la sécurité
comme protégeant les investisseurs et leurs investissements contre les dommages physiques causés par les actes des Etats
hôtes, de leurs agents ou de tiers … Au début du XXIe siècle, quelques sentences arbitrales ont cherché à élargir la portée
de cette expression pour y inclure la protection contre les actes injustifiés de l’Etat hôte qui portaient atteinte aux droits
légaux d’un investisseur mais ne causaient pas de dommages physiques» (les italiques du second passage sont de nous)).
149
- 133 -
11.16. Enfin, l’Iran allègue également que le fait d’avoir ajouté «les participations dans des
biens» aux «biens» mentionnés dans la première phrase du paragraphe 2 de l’article IV conforterait
l’idée que la protection prévue par cette phrase irait au-delà de la simple sécurité physique. Plus
précisément, il soutient que ces «participations dans des biens» seraient l’équivalent de «biens
incorporels» et que, du fait que ces derniers ne sauraient faire l’objet d’une intervention physique642,
la protection assurée par la première phrase du paragraphe 2 de l’article IV doit comprendre par
extension une certaine forme de sécurité juridique. Il ne produit cependant aucun élément qui
justifierait d’assimiler les «participations dans des biens» à des «biens incorporels» dans ce contexte.
Une participation dans un bien peut être une participation dans un bien physique, qui est à l’évidence
susceptible de faire l’objet d’une intervention physique. La sécurité physique reste donc une notion
pertinente, même quand il est question de «participations dans des biens». Et d’ailleurs, les travaux
préparatoires montrent que l’insertion de la formule «participations dans des biens» visait à garantir
que les investissements indirects étaient couverts, et pas seulement les investissements directs643.
Rien ne permet de penser que cette insertion répondait à une intention de modifier le type de
protection que les parties étaient tenues d’assurer aux biens.
11.17. Les sentences citées par les Etats-Unis dans leur contre-mémoire, dans lesquelles les
tribunaux arbitraux ont suivi l’interprétation «traditionnelle» voulant que l’obligation d’assurer «la
protection et la sécurité de la manière la plus constante» fût limitée à la sécurité physique, vont dans
le même sens. Toutes ces sentences se rapportent à des traités qui contiennent des définitions de
l’«investissement» incluant une large gamme de droits et d’actifs incorporels644. Il n’existe par
conséquent pas un lien décisif tel que celui que décrit l’Iran entre le type de biens protégés par un
traité donné et l’étendue de la protection que les Etats parties à ce traité sont tenus d’assurer.
11.18. Ainsi, l’Iran n’a pas établi que la garantie prévue par la première phrase du paragraphe 2
de l’article IV aille au-delà de la sécurité physique ; les demandes qu’il a présentées au titre de cette
disposition doivent donc être rejetées, puisqu’il ne s’est pas plaint que les Etats-Unis aient manqué à
leur obligation d’assurer la sécurité physique des sociétés et ressortissants iraniens.
ii) Même si la formule «la protection et la sécurité seront assurées de la façon
la plus constante» devait inclure une forme ou une autre de «sécurité
juridique», il conviendrait de rejeter les demandes iraniennes
11.19. A titre subsidiaire, si la Cour devait admettre que la première phrase du paragraphe 2
de l’article IV exige d’assurer plus que la simple sécurité physique, les rares sentences arbitrales que
l’Iran mentionne dans sa réplique n’étayent guère — voire, dans un cas au moins, contredisent —
cette norme inédite de la «sécurité juridique» proposée par lui qui interdirait «toute mesure exécutive
642 Réplique de l’Iran, par. 7.2.
643 Télégramme adressé à l’ambassade des Etats-Unis à Téhéran par le département d’Etat des Etats-Unis, p. 1
(13 novembre 1954) (annexe 407).
644 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 14.65, note 450. Les Etats-Unis se sont appuyés sur les arbitrages : i) en
l’affaire Suez, Sociedad General de Aguas de Barcelona S.A., and Vivendi Universal S.A v. Republic of Argentina, rendu
en application de l’accord du 3 juillet 1991 entre la France et l’Argentine sur l’encouragement et la protection réciproques
des investissements, par. 1 de l’article premier, Nations Unies, Recueil des traités, vol. 1728, p. 298, de l’accord
du 3 octobre 1991 entre l’Argentine et l’Espagne sur l’encouragement et la protection réciproques des investissements,
par. 2 de l’article premier, Nations Unies, Recueil des traités, vol. 1699, p. 202, et de l’accord du 11 décembre 1990 entre
le Royaume-Uni et l’Argentine pour l’encouragement et la protection des investissements, par. a) de l’article premier,
Nations Unies, Recueil des traités, vol. 1765, p. 34 ; ii) en l’affaire BG Group Plc v. Argentina, rendu en application du
traité bilatéral d’investissement Royaume-Uni-Argentine en cause dans l’affaire Suez ; et iii) en l’affaire Saluka Investments
B.V. v. Czech Republic, rendu en application de l’accord du 29 avril 1991 entre les Pays-Bas et la République fédérale
tchèque et slovaque sur l’encouragement et la protection réciproques des investissements, par. a) de l’article premier,
Nations Unies, Recueil des traités, vol. 2242, p. 224. Les extraits pertinents des traités en question sont reproduits dans
l’annexe 408.
150
- 134 -
ou législative spécifiquement conçue pour supprimer des protections d’ordre juridique»645. La
jurisprudence citée par l’Iran ne permet donc pas de conclure que les Etats-Unis aient violé la
disposition en cause.
11.20. Pour résumer la jurisprudence citée par l’Iran dans sa réplique : i) la sentence rendue
en l’affaire Anglo American PLC v. Venezuela ne prévoit aucun standard spécifique en matière de
sécurité juridique, et encore moins le standard voulu par l’Iran646 ; ii) la sentence rendue en l’affaire
AES Summit Generation Ltd. v. Hungary montre clairement que le principe de sécurité juridique
n’impose pas une stricte stabilité du régime juridique applicable, comme le prétend l’Iran, mais laisse
au contraire la porte ouverte à la possibilité de modifier la loi, notamment dans l’intérêt d’une
réglementation raisonnable647 ; iii) la sentence rendue en l’affaire Al-Bahloul v. Tajikistan suggère
qu’une «erreur judiciaire» pourrait emporter violation d’une obligation de sécurité juridique648 ; et
iv) l’arrêt Elettronica Sicula S.p.A. (ELSI) accrédite tout au plus l’idée que les délais excessifs subis
par un recours judiciaire dans une affaire d’atteinte à des biens physiques pourraient violer une telle
obligation.
11.21. La sentence rendue en l’affaire Anglo American n’est donc d’aucune utilité pour l’Iran,
pas plus que pour la Cour ; quant à l’analyse qui figure dans la sentence Al-Bahloul, elle est
contestable parce qu’elle semble impliquer qu’un déni de justice peut être porté devant les tribunaux
aussi bien sous le régime du paragraphe 1 de l’article IV que sous le régime de la première phrase du
paragraphe 2 du même article (en tout état de cause, dans leur propre analyse du paragraphe 1 de
l’article IV, les Etats-Unis ont établi qu’il n’y avait pas eu déni de justice) ; enfin, en ce qui concerne
l’arrêt Elettronica Sicula S.p.A. (ELSI), l’Iran n’a dénoncé aucune atteinte physique aux biens de ses
sociétés ni aucun délai indu dans le traitement par les tribunaux américains des griefs qui auraient pu
découler d’une telle atteinte physique, ce qui serait pourtant indispensable pour établir le type de
violation allégué (mais non établi) dans ledit arrêt.
11.22. Ce qui est plus problématique encore pour l’Iran, c’est que la sentence rendue en
l’affaire AES Summit Generation Ltd. contredit directement sa thèse. Comme l’a expliqué le tribunal
arbitral dans cette sentence, la clause de
«la protection et la sécurité les plus constantes … n’offre assurément aucune protection
contre le droit qu’a l’Etat … de légiférer ou réglementer d’une manière qui peut avoir
un effet défavorable sur l’investissement d’un demandeur, du moment que cet Etat agit
de façon raisonnable dans les circonstances et qu’il vise des objectifs de politique
publique objectivement rationnels»649 [traduction du Greffe].
Le même tribunal a également rejeté expressément la tentative des demandeurs de faire de cette
disposition une clause de stabilité :
645 Réplique de l’Iran, par. 7.10 (les italiques sont dans l’original ; citation du paragraphe 5.57 du mémoire de
l’Iran ; guillemets de la citation interne omis).
646 Anglo American PLC v. Bolivarian Republic of Venezuela, affaire CIRDI no ARB(AF)/14/1, sentence, par. 482
(18 janvier 2019).
647 AES Summit Generation Limited and AES-Tisza Erömü Kft. v. Republic of Hungary, affaire CIRDI
no ARB/07/22, sentence, par. 13.3.2 et 13.3.5 (23 septembre 2010).
648 Mohammed Ammar Al-Bahloul v. Republic of Tajikistan, arbitrage de la chambre de commerce de Stockholm
no V (064/2008), sentence partielle sur la compétence et la responsabilité, par. 246 (2 septembre 2009).
649 AES Summit Generation Limited and AES-Tisza Erömü Kft. v. Republic of Hungary, affaire CIRDI
no ARB/07/22, sentence, par. 13.3.2 (23 septembre 2010).
151
- 135 -
«Conclure que le droit à une protection et à une sécurité constantes exclut qu’il
puisse être apporté à la loi quelque modification que ce soit qui affecterait les droits de
l’investisseur reviendrait dans la pratique à reconnaître que le standard de la protection
et de la sécurité pleines et entières a pour conséquence l’existence d’un accord de
stabilité même en l’absence de celui-ci»650 [traduction du Greffe].
11.23. Par conséquent, même si l’on admettait que l’obligation d’assurer «la protection et la
sécurité de la manière la plus constante» impose aux Parties d’offrir une certaine forme de protection
juridique et si l’on prenait au pied de la lettre les précédents cités par l’Iran, les mesures contestées
ne violent nullement cette obligation. Comme nous l’avons vu ci-dessus au chapitre 10 en relation
avec le paragraphe 1 de l’article IV, les Etats-Unis ont agi de manière raisonnable lorsqu’ils ont voulu
mettre à la disposition des victimes d’actes de terrorisme soutenus par l’Iran une solution juridique
qui leur permettrait d’obtenir l’exécution forcée de jugements auxquels celui-ci refuse de se
conformer.
SECTION B
EXPROPRIATION
11.24. Suite au dépôt par l’Iran de sa réplique, la Cour doit maintenant se prononcer sur deux
questions relevant de la doctrine des pouvoirs de police qui concernent les dispositions du
paragraphe 2 de l’article IV du traité d’amitié relatives à l’expropriation : premièrement, la question
de la norme applicable à l’exercice par l’Etat d’un pouvoir de police n’ouvrant pas droit à
indemnisation ; et, deuxièmement, la question de savoir si des décisions de justice prononcées par
des tribunaux nationaux statuant en tant qu’arbitres neutres et indépendants sur des droits de caractère
civil peuvent être assimilées à une expropriation.
11.25. S’agissant de la première question, les Parties sont d’accord sur le fait que, pour être
conforme à la doctrine des pouvoirs de police, l’exercice par un Etat de son pouvoir de police doit
être non discriminatoire et viser un objectif politique légitime. En revanche, elles sont en désaccord
sur le point de savoir si la Cour devrait également tenir compte, dans son analyse, de la
proportionnalité de la mesure contestée. Comme nous le montrerons ci-après, l’Iran n’a pas établi
que la proportionnalité, quelque définition qu’on en donne, fît partie du critère de droit international
permettant de déterminer si une dépossession est indemnisable. En outre, il n’a fourni aucun élément
à l’appui d’une stricte conception de la proportionnalité qui n’appartient qu’à lui.
11.26. S’agissant de la deuxième question, l’Iran affirme que, pour déterminer s’il y a eu
expropriation, il n’y a pas lieu d’établir une distinction entre les actes du pouvoir judiciaire, d’une
part, et les actes des pouvoirs exécutif et législatif, d’autre part. Or, la jurisprudence citée par l’Iran
dans sa réplique conclut en sens contraire, à savoir que le demandeur qui dit avoir subi une
expropriation judiciaire doit apporter la preuve d’un élément d’illicéité — que ce soit dans la
procédure judiciaire elle-même ou dans les événements qui ont mené à la décision judiciaire
contestée — en sus des autres éléments nécessaires pour établir qu’il y a eu dépossession.
11.27. Au-delà de ces deux questions, les Parties sont également en désaccord sur l’application
de la doctrine des pouvoirs de police aux mesures contestées et sur le point de savoir si les décisions
judiciaires en cause présentaient un caractère d’expropriation. Comme les Etats-Unis l’ont démontré
dans leur contre-mémoire et le démontreront de nouveau ci-après, les thèses de l’Iran sur ces
650 Ibid., par. 13.3.5.
152
- 136 -
questions sont indéfendables. Les mesures américaines contestées ne violent pas les dispositions du
paragraphe 2 de l’article IV qui imposent certaines restrictions aux mesures d’expropriation.
i) L’interprétation iranienne des restrictions imposées aux mesures d’expropriation
par le paragraphe 2 de l’article IV du traité est viciée
11.28. Comme cela a été relevé, l’interprétation que fait l’Iran des dispositions du paragraphe 2
de l’article IV relatives à l’expropriation présente deux défauts majeurs : premièrement, l’Iran a une
conception erronée de la doctrine des pouvoirs de police ; et deuxièmement, l’Iran passe sous silence
les restrictions auxquelles les précédents qu’il cite lui-même soumettent les demandes relatives à une
expropriation judiciaire.
a) Doctrine des pouvoirs de police
11.29. Commençons par les conditions à remplir pour pouvoir invoquer la doctrine des
pouvoirs de police651. Les Parties conviennent que cette doctrine exige qu’il soit démontré que la
mesure contestée est non discriminatoire652 et qu’elle a «un objectif d’action publique légitime»653
(ou, comme les Etats-Unis l’ont écrit dans leur contre-mémoire, la mesure contestée doit être «une
réglementation non discriminatoire, prise de bonne foi»)654. Or, le demandeur tente d’établir
l’existence d’un élément supplémentaire : la proportionnalité. Il ne peut toutefois s’appuyer pour cela
que sur une série de sentences arbitrales qui remontent toutes à la même source, à savoir la sentence
rendue en l’affaire Técnicas Medioambientales Tecmed S.A. v. United Mexican States (ci-après la
651 L’Iran laisse vaguement entendre, au paragraphe 7.14 de sa réplique, qu’en vertu du paragraphe 2 de l’article IV
la doctrine des pouvoirs de police ne pourrait, en réalité, pas s’appliquer à l’expropriation. Les Etats-Unis ont toutefois
produit des exemples de la pratique des Etats et des citations de sentences arbitrales et d’articles spécialisés qui montrent
que cette doctrine est un élément essentiel du droit international de l’expropriation. Contre-mémoire des Etats-Unis,
par. 14.79. L’Iran n’a opposé aucun argument à ces exemples et citations ni produit aucun contre-exemple ou contre-citation
pour les contredire. Il a préféré arguer du fait que les représentants du département d’Etat seraient restés muets sur la
doctrine des pouvoirs de police lorsqu’ils ont été appelés à commenter devant le Congrès les dispositions des traités
d’amitié, de commerce et de navigation relatives à l’expropriation. C’est là faire abstraction du contexte dans lequel
s’inscrivaient leurs déclarations. Premièrement, Harold Linder s’est contenté de décrire dans leurs grandes lignes les
dispositions de ces traités qui organisaient la «protection contre la nationalisation», et il ne s’est guère attardé sur l’incidence
éventuelle de ce type de dispositions sur le droit qu’a un Etat de réglementer. Voir Treaties of Friendship, Commerce and
Navigation Between the United States and Colombia, Israel, Ethiopia, Italy, Denmark, and Greece: Hearing Before the
Subcommittee of the Senate Committee On Foreign Relations, 82nd Cong. 4 (1952) (déclaration d’Harold F. Linder, vicesecrétaire
adjoint aux affaires économiques) (annexe 2). Deuxièmement, dans leurs déclarations, Thorsten Kalijarvi et son
collègue Vernon Setser répondaient à des questions sur certaines formulations particulières du traité d’amitié, de commerce
et de navigation avec le Nicaragua, qui limitaient le droit d’exproprier des biens à la dépossession «aux fins d’intérêt public
et pour les motifs d’utilité sociale prévus par la loi». Ces questions portaient en particulier sur le sens de l’expression «utilité
sociale». Commercial Treaties with Iran, Nicaragua, and The Netherlands: Hearing Before the Senate Committee on
Foreign Relations, 84th Cong. 21 (1956) (déclaration de Thorsten V. Kalijarvi, département d’Etat) (annexe 1). Ces
déclarations n’étayent en rien la thèse de l’Iran.
652 Réplique de l’Iran, par. 7.14.
653 Ibid., par. 7.15 a) («La première question est celle de l’existence d’un objectif d’action publique légitime.»).
654 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 14.78.
153
- 137 -
«sentence Tecmed»)655, qui s’appuie elle-même exclusivement sur des décisions de la CEDH. La
sentence Tecmed et les décisions de la CEDH sur lesquelles elle repose exigeaient qu’il y eût «un
rapport de proportionnalité raisonnable entre la charge ou le fardeau imposé à l’investisseur étranger
et l’objectif poursuivi par la mesure d’expropriation»656.
11.30. Si tant est que ces sentences constituent des preuves de la pratique des Etats, elles
proviennent toutes d’une source unique, qui est la CEDH. Or, la pratique d’autres Etats, en particulier
celle d’Etats qui ne sont pas membres de la CEDH, ne permet pas de conclure que les décisions de
celle-ci ou la sentence Tecmed reposeraient sur un principe établi de droit international coutumier.
Au contraire, et alors même qu’elle témoigne d’un soutien constant aux conditions de «nondiscrimination
» et d’«objectif d’action publique légitime» auxquelles est subordonné l’exercice des
pouvoirs de police, la pratique de ces autres Etats n’offre aucun appui à la supposée condition de
proportionnalité. Ainsi, les sources que les Etats-Unis ont citées dans leur contre-mémoire, à savoir
la convention portant création de l’agence multilatérale de garantie des investissements et les
négociations de l’accord multilatéral sur l’investissement, sont conformes à cette approche et ne
mentionnent pas la proportionnalité657. De même, la formulation américaine déjà ancienne de ces
conditions ne comprend pas la proportionnalité : «[en] droit international, lorsqu’une mesure est prise
de bonne foi et n’est pas discriminatoire, elle n’est normalement pas réputée présenter un caractère
d’expropriation»658. C’est pourquoi les traités bilatéraux d’investissement types mis au point par les
Etats-Unis en 2004 et 2012 et les annexes consacrées à l’expropriation des chapitres sur
l’investissement des accords de libre-échange américains modernes précisent ce qui suit :
«Sauf dans de rares circonstances, les mesures réglementaires non
discriminatoires d’une Partie qui sont conçues et appliquées pour atteindre des objectifs
légitimes de bien-être public tels que la santé publique, la sécurité et l’environnement
ne constituent pas des expropriations indirectes.»659 [Traduction du Greffe]
655 Técnicas Medioambientales Tecmed S.A. v. United Mexican States, affaire CIRDI no ARB(AF)/00/2, sentence,
par. 122 (29 mai 2003). Voir également Fireman’s Fund Insurance Co. v. United Mexican States, affaire CIRDI
no ARB(AF)/02/01, sentence, par. 176 j) (17 juillet 2006) (citant la sentence Tecmed) ; Corn Products International, Inc.
v. United Mexican States, affaire CIRDI no ARB(AF)/04/01, décision sur la responsabilité, par. 87 (15 janvier 2008) (citant
la sentence Fireman’s Fund) ; Azurix Corp. v. Argentine Republic, affaire CIRDI no ARB/01/12, sentence, par. 311
(14 juillet 2006) (citant la sentence Tecmed) ; Occidental Petroleum Corp. and Occidental Exploration and Production Co.
v. Republic of Ecuador, affaire CIRDI no ARB/06/11, sentence, par. 404-409 (5 octobre 2012) (citant la sentence Tecmed,
mais examinant la question de la proportionnalité dans le contexte d’une demande au titre du traitement juste et équitable
et non d’une demande contestant une expropriation) ; Philip Morris Brands Sàrl, Philip Morris Products S.A. and Abal
Hermanos S.A v. Oriental Republic of Uruguay, affaire CIRDI no ARB/10/7, sentence, par. 305, note 404 (8 juillet 2016)
(citant la sentence Tecmed). L’Iran renvoie également à l’affaire Burlington Resources Inc. v. Republic of Ecuador, mais
le tribunal constitué pour connaître de cette affaire n’a pas considéré la question de la proportionnalité dans son application
de la doctrine des pouvoirs de police. Burlington Resources Inc. v. Republic of Ecuador, affaire CIRDI no ARB/08/5,
décision sur la responsabilité, par. 529 (14 décembre 2012).
656 Técnicas Medioambientales Tecmed S.A. v. United Mexican States, affaire CIRDI no ARB(AF)/00/2, sentence,
par. 122 (29 mai 2003).
657 Nations Unies, convention portant création de l’agence multilatérale de garantie des investissements conclue le
11 octobre 1985, Recueil des traités des Nations Unies, vol. 1508, TIAS 12089, art. 11 a) ii), p. 99 (annexe 206) ;
déclaration ministérielle concernant l’accord multilatéral sur l’investissement (28 avril 1998), citée dans le rapport de la
CNUCED intitulé «UNCTAD, Expropriation: A Sequel», p. 81-82 (2012) (annexe 202).
658 Lone Pine Resources Inc. v. Government of Canada, affaire ALENA/CIRDI no UNCT/15/2, soumission des
Etats-Unis d’Amérique, par. 16 (16 août 2017) (annexe 154).
659 Traité bilatéral d’investissement type des Etats-Unis de 2004, annexe B, expropriation, par. 4 b) (annexe 409) ;
traité bilatéral d’investissement type des Etats-Unis de 2012, annexe B, expropriation, par. 4 b) (annexe 410). Voir aussi
l’accord Etats-Unis-Mexique-Canada, annexe 14-B, expropriation, par. 3 b), Etats-Unis-Canada-Mexique, 30 novembre
2018 (annexe 411).
154
- 138 -
11.31. Ainsi, les décisions de la CEDH qui sous-tendent la série de sentences arbitrales citant
la sentence Tecmed ne sont pas suffisantes pour établir le type de pratique générale et constante des
Etats qui permettrait de conclure que la proportionnalité s’est cristallisée en tant que composante du
critère de droit international coutumier encadrant l’application de la doctrine des pouvoirs de
police660.
11.32. Le point le plus important à retenir est que l’analyse de la proportionnalité que fait la
CEDH dans ses arrêts est beaucoup plus respectueuse des prérogatives de l’Etat en matière de
réglementation que le critère de proportionnalité que l’Iran préconise en l’espèce. Celui-ci estime en
effet que, pour établir qu’une mesure donnée est proportionnée, la Partie qui invoque la doctrine des
pouvoirs de police doit pouvoir démontrer que cette mesure est «adaptée et nécessaire pour atteindre
l’objectif légitime d’action publique (c’est-à-dire notamment qu’il ne doit pas exister d’autres
mesures possibles)» et que les ressortissants et les sociétés de l’autre Partie ne sont pas «indûment
pénalisés» par elle 661. Cependant, l’élément de nécessité de ce critère est une pure invention, qui
repose sur une jurisprudence inappropriée interprétant des dispositions conventionnelles portant sur
un objet différent (telles que, par exemple, le paragraphe d) de l’article XX de l’accord général sur
les tarifs douaniers et le commerce (GATT) et l’alinéa d) du paragraphe 1 de l’article XX du traité
d’amitié)662. Comme dans le cas de la supposée «sécurité juridique» dérivée de la première phrase
du paragraphe 2 de l’article IV du traité d’amitié — et même dans le cas de la notion d’expropriation
judiciaire qui sera examinée dans la section suivante de la présente duplique —, un fossé
considérable sépare le droit tel que l’Iran l’imagine et le droit que la jurisprudence invoquée par lui
étaye réellement. Là encore, les décisions de la CEDH qui sous-tendent la série de sentences citant
la sentence Tecmed exigent seulement qu’il existe «un rapport raisonnable de proportionnalité entre
les moyens employés et le but visé»663.
11.33. Des traités d’investissement récents de l’Union européenne prévoient eux aussi des
critères très exigeants pour déclarer qu’une mesure donnée est disproportionnée :
«Il est entendu que, sauf dans de rares circonstances où l’impact d’une mesure ou
d’une série de mesures est si grave au regard de leur but qu’elles semblent
manifestement excessives, les mesures non discriminatoires d’une Partie qui sont
conçues et appliquées afin de protéger des objectifs légitimes de bien-être public,
notamment en matière de santé, de sécurité et d’environnement, ne constituent pas une
expropriation indirecte.»664
Le Canada a inclus une disposition similaire dans certains de ses traités récents665.
11.34. Il découle de ce qui précède que l’Iran n’a pas établi que la proportionnalité fît partie
des conditions d’application de la doctrine des pouvoirs de police ; à cela s’ajoute que, en tout état
660 Nations Unies, Commission du droit international, projet de conclusions sur la détermination du droit
international coutumier et commentaires y relatifs, paragraphe 1 de la conclusion 8, doc. A/73/10 (2018) (annexe 381).
661 Réplique de l’Iran, par. 7.15 b) (les italiques sont de nous).
662 Réplique de l’Iran, par. 7.15 b) et notes 641 et 642.
663 Técnicas Medioambientales Tecmed S.A. v. United Mexican States, affaire CIRDI no ARB(AF)/00/2, sentence,
par. 122 (29 mai 2003) (citant la CEDH, Affaire James et autres c. Royaume-Uni, arrêt du 21 février 1986, par. 50).
664 Accord économique et commercial global entre l’Union européenne et le Canada, annexe 8-A, expropriation,
par. 3, 30 octobre 2016 (annexe 412) (les italiques sont de nous). Voir aussi l’accord Union européenne-Singapour sur la
protection des investissements, chapitre 4, annexe 1, expropriation, par. 2, 19 octobre 2018 (annexe 413) ; modernisation
de la partie commerciale de l’accord global Union européenne-Mexique, annexe sur l’expropriation, par. 3 (annexe 414).
665 Accord de libre-échange Canada-Colombie, article 811, par. 2 b), 21 novembre 2008 (annexe 415).
155
- 139 -
de cause, même les précédents cités par l’Iran n’étayent pas la version extrême de la proportionnalité
que celui-ci presse la Cour d’adopter en l’espèce.
b) Expropriation judiciaire
11.35. Les Etats-Unis ont fait valoir dans leur contre-mémoire que «les décisions de justice
prononcées par des tribunaux nationaux statuant en tant qu’arbitres neutres et indépendants sur des
droits de caractère civil d[evai]ent être envisagées séparément des actes des branches législative et
exécutive» et qu’elles «ne p[ouvai]ent faire l’objet de demandes contestant une expropriation»666.
11.36. L’Iran tente d’effacer la distinction entre actes judiciaires, d’une part, et actes exécutifs
et législatifs, d’autre part, dans le contexte de l’expropriation, mais les sentences arbitrales sur
lesquelles il s’appuie ne confortent nullement sa thèse. Au contraire, en concluant à une expropriation
judiciaire, chacune de ces sentences a dénoncé un élément supplémentaire d’illicéité, soit dans la
décision de justice elle-même, soit dans la chaîne des événements qui a conduit à cette décision,
au-delà des éléments nécessaires pour conclure à une expropriation dans d’autres contextes667.
D’autres sentences arbitrales que celles mentionnées par l’Iran dans sa réplique ont également
666 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 14.81.
667 Saipem S.p.A. v. People’s Republic of Bangladesh, affaire CIRDI no ARB/05/7, sentence, par. 134, 155, 159
(30 juin 2009) (dans laquelle le tribunal arbitral relève que, en plus d’une «dépossession substantielle», «les deux parties
considèrent que les actes du Bangladesh ou à lui imputables doivent avoir été «illicites» pour ouvrir droit à un recours pour
expropriation» et conclut en fin de compte que la décision du tribunal bangladais en cause était illicite en ce qu’elle
constituait un abus de droit et une violation des obligations imposées au Bangladesh par la convention de New York) ;
Karkey Karadeniz Elektrik Uretim A.S. v. Islamic Republic of Pakistan, affaire CIRDI no ARB/13/1, sentence, par. 550-
61, 645, 649 (22 août 2017) (concluant que la décision du tribunal en cause était «arbitraire» et contraire au droit
international) ; Rumeli Telekom A.S. and Telsim Mobil Telekomunikasyon Hizmetleri A.S. v. Republic of Kazakhstan, affaire
CIRDI no ARB/05/16, sentence, par. 707-708 (29 juillet 2008) (concluant que «la procédure judiciaire qui a abouti à
l’expropriation des actions des demandeurs était le résultat d’une collusion illicite entre l’Etat, agissant par le truchement
de la commission d’investissement, et Telcom Invest» et que «la décision de la commission d’investissement
était … injuste et inéquitable en elle-même[.]») ; Sistem Mühendislik Insaat Sanayi ve Ticaret A.S. v. Kyrgyz Republic,
affaire CIRDI no ARB(AF)/06/1, sentence, par. 72, 74, 107, 112, 117-18 (9 septembre 2009) (concluant au caractère
d’expropriation des décisions d’une série de tribunaux kirghizes qui avaient invalidé un accord «valable et juridiquement
contraignant» conclu en vue de l’acquisition d’actions, conduisant à priver de ce fait les demandeurs de leurs droits dans la
propriété d’un hôtel).
156
- 140 -
reconnu la nécessité d’un élément d’illicéité supplémentaire pour conclure à une expropriation
judiciaire668, et divers auteurs ont fait de même669.
11.37. Il va de soi que le simple fait qu’un acte judiciaire ait eu une incidence négative sur les
intérêts économiques d’un demandeur ne suffit pas pour établir qu’il y a eu expropriation judiciaire,
et que cela exige davantage. En effet, les tribunaux affectent fréquemment des intérêts économiques
dans le cours ordinaire de leur activité, y compris en droit des contrats, droit de la responsabilité
civile et droit immobilier. Si toutes leurs décisions dans ces domaines étaient susceptibles de donner
lieu à des demandes d’indemnisation par l’Etat, le système judiciaire ne pourrait plus fonctionner670.
11.38. Cette tentative d’effacer la distinction entre actes judiciaires et actes exécutifs et
législatifs dans le contexte de l’expropriation n’étant nullement corroborée par la jurisprudence que
cite l’Iran, elle devrait être rejetée par la Cour.
ii) Les demandes de l’Iran fondées sur la disposition relative à l’expropriation
du paragraphe 2 de l’article IV du traité ne sauraient prospérer
11.39. Les Etats-Unis analyseront maintenant l’application aux mesures en cause de la
disposition relative à l’expropriation du paragraphe 2 de l’article IV, correctement interprétée. Ils
commenceront par les mesures législatives et exécutives contestées, avant de passer aux décisions
de justice. Comme ils le démontreront, ni ces mesures législatives ou exécutives ni ces décisions de
justice ne présentent un caractère d’expropriation.
668 Voir, par exemple, Krederi Ltd. v. Ukraine, affaire CIRDI no ARB/14/17, sentence, par. 713 (2 juillet 2018)
(annexe 416) («Afin d’éviter une situation dans laquelle n’importe quelle annulation de titre serait réputée constituer une
expropriation indirecte ou une mesure assimilable à une expropriation, il est nécessaire de vérifier si un élément
supplémentaire d’irrégularité de la procédure ou de déni de justice était présent. Ce n’est en effet qu’après cette vérification
qu’une décision judiciaire peut être qualifiée de mesure constitutive d’expropriation ou assimilable à une expropriation.»
[Traduction du Greffe]) ; Garanti Koza LLP v. Turkmenistan, affaire CIRDI no ARB/11/20, sentence, par. 365
(19 décembre 2016) (annexe 417) («La saisie d’un bien ordonnée par un tribunal à l’issue d’une procédure judiciaire
nationale régulière ne constitue pas une expropriation en droit international, à moins que cette procédure n’ait été entachée
d’un grave et fondamental élément d’irrégularité») [traduction du Greffe] ; Swisslion DOO Skopje v. Former Yugoslav
Republic of Macedonia, affaire CIRDI no ARB/09/16, sentence, par. 314 (6 juillet 2012) (annexe 213) («[L]e fait que les
tribunaux ont statué que le contrat de vente d’actions avait été rompu et la résiliation consécutive dudit contrat n’ont pas
emporté violation du traité et n’étaient donc pas illicites. La résiliation internationalement licite d’un contrat conclu entre
un organisme public et un investisseur ne saurait être assimilée à une expropriation de droits contractuels du seul fait que
les droits de l’investisseur ont été annulés ; sinon, un Etat ne pourrait pas exercer le droit reconnu à toute partie à un contrat
d’alléguer que son cocontractant a violé ledit contrat sans s’exposer à être convaincu de manquement à ses obligations
internationales. Les tribunaux n’ayant commis aucun acte illicite, le premier moyen du recours des demandeurs pour
expropriation n’est pas fondé.») [Traduction du Greffe]
669 Campbell McLachlan et al., International Investment Arbitration – Substantive Principles, par. 8.85 (deuxième
édition, 2017) (annexe 418) («[T]outes les décisions des tribunaux d’un Etat qui sont défavorables aux investisseurs qui les
ont saisis ne présentent pas nécessairement un caractère d’expropriation. Pour être constitutives d’expropriation, ces
décisions doivent être illicites.»). [Traduction du Greffe]
670 Krederi Ltd. v. Ukraine, affaire CIRDI no ARB/14/17, sentence, par. 709 (2 juillet 2018) (annexe 416) («S’il est
possible qu’un acte judiciaire constitue une expropriation, c’est toutefois l’exception plutôt que la règle. Dans tous les types
de différends de droit privé portant sur la propriété d’un bien meuble ou immeuble, les tribunaux doivent se prononcer sur
la question de savoir laquelle des parties se prétendant propriétaire de ce bien l’emportera. Ils décideront donc que l’une de
ces parties est la propriétaire légitime, tandis que l’autre (ou les autres) ne l’est pas. Pareilles décisions ne constituent pas
une expropriation. De même, lorsque les tribunaux concluent à l’invalidité d’un transfert de propriété, les transferts de
propriété qui en résultent ne sont pas constitutifs d’expropriation.») [Traduction du Greffe]
157
- 141 -
a) Mesures législatives et exécutives
11.40. Avant d’examiner les désaccords entre les Parties sur les mesures législatives et
exécutives en cause, nous rappellerons qu’il y a au moins trois points qui ne sont pas contestés.
Premièrement, l’Iran ne conteste pas que les mesures législatives et exécutives qui ont affecté son
immunité souveraine ou créé des droits d’action contre lui ont été écartées de l’espèce pour d’autres
raisons ou ne sont pas constitutives d’expropriation671. Deuxièmement, l’Iran ne conteste pas que, si
la Cour rejette son argument selon lequel la banque Markazi est une «société» au sens du traité, les
mesures qui visent cette banque, en tout ou en partie, doivent être exclues de l’analyse du
paragraphe 2 de l’article IV pour autant qu’elles s’appliquent à ladite banque672. Troisièmement, il
n’est pas contesté que si la Cour conclut que le décret présidentiel no 13599 entre dans le champ
d’application des alinéas c) ou d) du paragraphe 1 de l’article XX, la demande iranienne faisant valoir
une expropriation doit être rejetée en ce qu’elle concerne cette mesure.
11.41. Pour ce qui est des points de désaccord, l’Iran n’a pas grand-chose à opposer à
l’argument des Etats-Unis selon lequel les mesures législatives qui permettent aux bénéficiaires de
jugements rendus contre lui dans des affaires de terrorisme d’obtenir l’exécution de ces jugements
ne constituent pas, en elles-mêmes, une «expropriation» de biens iraniens. L’Iran fait valoir que «la
conséquence voulue des mesures américaines était que les biens de sociétés iraniennes devaient être
saisis»673, mais ce n’est pas là le critère. Quel que soit le motif que le demandeur tente d’attribuer
aux mesures qu’il conteste, il ne saurait établir une violation du paragraphe 2 de l’article IV que s’il
peut démontrer que ces mesures constituent «une forme de saisie réelle ou substantielle»674. Le fait
est, cependant, que les mesures législatives n’ont à aucun point de vue constitué une expropriation,
et que l’Iran est incapable de prouver le contraire. Cela met fin à l’examen de ces mesures.
11.42. En ce qui concerne le décret présidentiel no 13599, dans leur contre-mémoire les
Etats-Unis ont renvoyé à de nombreuses décisions de juridictions américaines qui ont statué que des
décrets similaires emportant un blocage d’actifs ne présentaient pas un caractère d’expropriation
parce qu’ils étaient temporaires et n’entraînaient pas de changement du propriétaire des actifs
bloqués675. Dans sa réplique, l’Iran n’a ni répondu à ces décisions ni expliqué pourquoi la Cour
devrait remettre en question, et a fortiori renverser, cette série bien établie de précédents américains.
11.43. Quoi qu’il en soit, l’Iran doit succomber en ses demandes relatives à toutes les mesures
législatives et exécutives américaines, car ces mesures procèdent de l’exercice de bonne foi et non
discriminatoire par les Etats-Unis de leurs pouvoirs de police. L’Iran leur reproche de ne pas avoir
établi «de base sérieuse pour l’invocation des pouvoirs de police»676, mais n’explique nulle part
pourquoi i) la mise en place d’un cadre permettant aux bénéficiaires de jugements rendus dans des
affaires de terrorisme d’obtenir l’exécution de ces jugements lorsque le débiteur de ceux-ci, en
l’occurrence l’Iran, refuse de payer ; ou ii) le blocage d’actifs en réponse à des menaces telles que le
trafic d’armes, le soutien au terrorisme et l’acquisition de capacités en matière de missiles balistiques,
ne seraient pas de légitimes objectifs d’action publique. A cela s’ajoute que ces mesures législatives
671 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 14.86.
672 Ibid., par. 14.86 et 14.88. Voir également le paragraphe 7.19 de la réplique de l’Iran.
673 Réplique de l’Iran, par. 7.21 (les italiques sont de nous).
674 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 14.82 (citant le paragraphe 5.65 b) de la réplique ; guillemets de la citation
interne omis).
675 Ibid., par. 14.88, note 484.
676 Réplique de l’Iran, par. 7.23.
158
159
- 142 -
et exécutives ne sont ni discriminatoires ni arbitraires, pour les raisons exposées par les Etats-Unis
dans leur analyse du paragraphe 1 de l’article IV.
11.44. L’Iran soutient qu’il ne devrait pas être loisible aux Etats-Unis d’invoquer la doctrine
des pouvoirs de police au sujet des mesures contestées parce que celles-ci seraient disproportionnées,
mais, comme cela a été expliqué plus haut, il n’a pas établi que la proportionnalité fît partie du critère
applicable en l’espèce. En tout état de cause, les mesures américaines sont proportionnées, que ce
soit en vertu du critère du «rapport de proportionnalité raisonnable»677 des sentences et arrêts
Tecmed/CEDH ou du critère des «mesures manifestement excessives» figurant dans les récents
traités d’investissement de l’Union européenne. Grâce à ces mesures, les victimes de terrorisme
bénéficiaires de jugements valides contre l’Iran — mais que celui-ci a refusé d’indemniser —
peuvent obtenir l’exécution desdits jugements sur des biens détenus par des établissements et
organismes iraniens. Les Etats-Unis n’ont permis à ces bénéficiaires ni d’obtenir l’exécution de leurs
jugements contre des sociétés iraniennes sans lien avec l’Etat iranien, ni de percevoir davantage que
l’indemnité qui leur a été accordée dans leurs procès contre l’Iran. Compte tenu i) des conclusions
non contestées auxquelles sont parvenues les juridictions américaines sur le rôle joué par l’Iran dans
les actes de terrorisme qui ont donné lieu auxdits jugements, ii) de la résistance opposée par l’Iran à
ces jugements, iii) de l’absence d’actifs de l’Etat iranien sur le territoire américain et iv) des liens
étroits qui existent entre l’Iran et les sociétés en cause, les mesures américaines sont tout à fait
raisonnables et ne sont pas manifestement excessives.
b) Décisions de justice
11.45. Dans leur contre-mémoire, les Etats-Unis ont fait valoir que «les décisions de
justice[,] … prononcées par des tribunaux nationaux statuant en tant qu’arbitres neutres et
indépendants sur des droits de caractère civil … ne p[ouvai]ent faire l’objet de demandes contestant
une expropriation»678. L’Iran soutient dans sa réplique que les Etats-Unis ont tort parce que «les actes
de tous les organes étatiques exerçant des fonctions judiciaires sont automatiquement imputables à
l’Etat», de sorte que, «si ces organes agissent d’une manière contraire au droit international (y
compris aux dispositions du traité), la responsabilité internationale de l’Etat est engagée»679.
11.46. L’argument de l’Iran passe à côté de l’essentiel. Des tribunaux statuant en tant
qu’«arbitres neutres et indépendants sur des droits de caractère civil» n’agissent pas «d’une manière
contraire au droit international», même si leurs décisions ont une incidence négative sur les intérêts
économiques du demandeur. En effet, même dans les rares affaires mentionnées par l’Iran dans sa
réplique dans lesquelles un tribunal arbitral a fait droit à une demande fondée sur une expropriation
judiciaire, ce tribunal a statué soit sur la base d’un acte illicite commis par la juridiction saisie (la
décision «manifestement inéquitable» du tribunal saisi de l’affaire Saipem, par exemple)680, soit en
raison des circonstances illicites qui ont abouti à la décision de la juridiction (le caractère collusoire,
abusif et inéquitable de la conduite de l’Etat qui a informé les décisions du tribunal kazakh en l’affaire
Rumeli Telekom, par exemple)681.
677 Técnicas Medioambientales Tecmed S.A. v. United Mexican States, affaire CIRDI no ARB(AF)/00/2, sentence,
par. 122 (29 mai 2003).
678 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 14.81.
679 Réplique de l’Iran, par. 7.17.
680 Saipem S.p.A. v. People’s Republic of Bangladesh, affaire CIRDI no ARB/05/7, sentence, par. 134, 155, 159
(30 juin 2009).
681 Rumeli Telekom A.S. and Telsim Mobil Telekomunikasyon Hizmetleri A.S. v. Republic of Kazakhstan, affaire
CIRDI no ARB/05/16, sentence, par. 707-708 (29 juillet 2008).
160
- 143 -
11.47. En l’espèce, l’Iran n’a allégué aucune faute des juridictions américaines hormis le fait
qu’elles avaient appliqué des mesures législatives et exécutives qui emporteraient violation de divers
articles du traité d’amitié. Or, pour les raisons exposées dans la section précédente et dans d’autres
sections de la présente duplique, ces mesures législatives et exécutives des Etats-Unis n’enfreignent
nullement les dispositions du traité. Par conséquent, même si, comme le soutient l’Iran, des décisions
de justice peuvent présenter un caractère d’expropriation dans certaines conditions, les décisions des
juridictions américaines en l’espèce ne constituent pas une expropriation de biens iraniens.
SECTION C
OBSERVATIONS FINALES
11.48. Comme il ressort de l’analyse qui précède, l’interprétation que fait l’Iran des deux
branches du paragraphe 2 de l’article IV du traité n’est corroborée ni par leur libellé ni par les
précédents sur lesquels s’appuie cet Etat. Il n’existe tout simplement aucune raison d’étendre la
disposition de la première phrase de ce paragraphe, qui dit que «[la] protection et la sécurité … seront
assurées de la manière la plus constante», au-delà de ses limites traditionnelles, à savoir la protection
contre les dommages physiques. De même, en ce qui concerne ses demandes fondées sur
l’expropriation, l’Iran fait une interprétation erronée de la doctrine des pouvoirs de police, l’applique
de manière superficielle et ne reconnaît pas les limites que les propres précédents qu’il invoque
imposent à l’expropriation judiciaire. La Cour devrait donc rejeter dans leur intégralité les demandes
présentées par l’Iran au titre du paragraphe 2 de l’article IV.
- 144 -
CHAPITRE 12
DEMANDES SUBSIDIAIRES DE L’IRAN ⎯ PARAGRAPHE 1 DE L’ARTICLE X, PARAGRAPHE 1
DE L’ARTICLE V ET PARAGRAPHE 1 DE L’ARTICLE VII
12.1. Dans sa réplique, l’Iran ne s’étend guère sur ses demandes au titre des paragraphes 1 des
articles X, V et VII, demandes qui sont de toute évidence secondaires par rapport à l’élément central
de sa cause. Comme on le verra dans ce chapitre, il n’a pas réussi à justifier la très large interprétation
qu’il fait de chacun de ces articles et, dans bien des cas, il s’est également montré incapable d’asseoir
ses demandes sur une base factuelle. C’est pourquoi il doit succomber en ses demandes présentées
au titre des paragraphes 1 des articles X, V et VII.
SECTION A
L’IRAN N’A PAS ÉTABLI QU’IL Y AIT EU VIOLATION DU PARAGRAPHE 1 DE L’ARTICLE X
12.2. Le paragraphe 1 de l’article X se lit comme suit : «Il y aura liberté de commerce et de
navigation entre les territoires des deux Hautes Parties contractantes.»682 Dans leur contre-mémoire,
les Etats-Unis ont démontré que ce paragraphe, replacé dans son contexte, ne s’appliquait qu’au
commerce maritime ou, tout au plus, au commerce des marchandises, et qu’en tout état de cause
l’Iran n’avait pas réussi à établir, sur le plan des faits, que les mesures américaines qu’il contestait
eussent effectivement empêché tout «commerce» entre les territoires américain et iranien.
12.3. Dans sa réplique, l’Iran affirme que le terme «commerce» tel qu’il est employé au
paragraphe 1 de l’article X a un sens large, qu’il se garde bien de définir, mais qui pourrait inclure
682 L’article X dans son intégralité se lit comme suit :
«1) Il y aura liberté de commerce et de navigation entre les territoires des deux Hautes Parties contractantes.
2) Les navires battant pavillon de l’une des Hautes Parties contractantes et munis des documents que leur
législation exige comme preuve de leur nationalité seront considérés comme étant des navires de cette
Haute Partie contractante, en haute mer aussi bien que dans les ports, les mouillages et les eaux de l’autre
Haute Partie contractante.
3) Les navires de l’une des Hautes Parties contractantes pourront librement, dans les mêmes conditions
que les navires de l’autre Haute Partie contractante et les navires de tout pays tiers, se rendre avec leur
cargaison dans tous les ports, mouillages et eaux de cette autre Haute Partie contractante, qui sont
ouverts au commerce international et à la navigation internationale. Lesdits navires, ainsi que leur
cargaison, bénéficieront à tous égards, dans les ports, les mouillages et les eaux de cette autre Haute
Partie contractante, du traitement national et du traitement de la nation la plus favorisée ; mais chacune
des Hautes Parties contractantes pourra réserver à ses propres navires des droits et des privilèges
exclusifs en ce qui concerne le cabotage, la navigation fluviale et les pêcheries nationales.
4) Chacune des Hautes Parties contractantes accordera aux navires de l’autre Haute Partie contractante le
traitement national et le traitement de la nation la plus favorisée en ce qui concerne le droit de transporter,
à destination ou en provenance de ses territoires, tous les produits qui peuvent être acheminés par
bateau ; lesdits produits bénéficieront d’un traitement non moins favorable que celui qui est accordé aux
produits similaires transportés à bord de navires de la première Haute Partie contractante en ce qui
concerne : a) les droits et taxes de toute nature ; b) les formalités douanières ; et c) les primes, drawbacks
et autres avantages de même ordre.
5) Les navires en détresse de l’une des Hautes Parties contractantes pourront chercher refuge dans le port
ou havre le plus proche de l’autre Haute Partie contractante ; ils y bénéficieront d’un traitement amical
et recevront assistance.
6) Au sens du présent Traité, le terme «navires» doit s’entendre des navires de tous genres, qu’ils soient
propriété privée ou publique ou que leur exploitation soit privée ou publique ; ce terme ne vise cependant
pas, sauf en ce qui concerne l’application des paragraphes 2 et 5 du présent article, les bateaux de pêche
ou les bâtiments de guerre.»
161
- 145 -
les «dettes» et les «opérations financières modernes»683. Il prétend également, en une assertion très
générale, que les mesures américaines «ont rendu impossible le commerce entre les territoires des
deux parties au traité»684, et formule des allégations sur certaines mesures spécifiques, notamment
l’assujettissement de certains actifs aux voies d’exécution dans le procès Peterson685.
12.4. Sous les rubriques i) et ii) ci-après de la présente section A du chapitre 12 de leur
duplique, les Etats-Unis démontreront que l’interprétation iranienne du terme «commerce» est
erronée et qu’elle contredit le libellé pourtant sans ambiguïté du paragraphe 1 de l’article X ainsi que
son contexte. Ce terme, en effet, ne peut renvoyer qu’au commerce maritime, et même dans son
acception la plus large il se limite au commerce de marchandises. Sous la rubrique iii) de la même
section A, les Etats-Unis démontreront que, à supposer même que le sens du terme «commerce»
puisse être étendu au-delà du commerce maritime ou du commerce de marchandises, la demande
présentée par l’Iran au titre du paragraphe 1 de l’article X devrait encore être rejetée, l’Iran n’ayant
pas rempli et ne pouvant pas remplir la condition attachée aux territoires des Hautes Parties
contractantes. Il a en effet été incapable de mentionner un seul exemple de commerce bilatéral entre
les territoires iranien et américain qui aurait été touché par les mesures américaines spécifiques dont
il tire grief. Au contraire, comme les Etats-Unis l’ont démontré, il s’est employé à structurer ses
placements de manière à éviter tout «commerce» de ce type avec eux. Sous la rubrique iv) de la
même section A, les Etats-Unis montreront que la thèse sur laquelle l’Iran fonde son argumentation
est elle aussi erronée, puisque des «entraves juridiques» au commerce telles que les règles régissant
l’exécution de jugements de juridictions nationales n’ont rien à voir avec le paragraphe 1 de
l’article X. Enfin, sous la rubrique v), les Etats-Unis formuleront quelques observations finales.
12.5. Pour replacer dans son contexte l’analyse à laquelle ils procéderont dans la présente
section, les Etats-Unis rappelleront que la Cour s’est déjà penchée, en l’affaire des Plates-formes
pétrolières, sur le paragraphe 1 de l’article X et le sens du mot «commerce». Dans son arrêt sur
l’exception préliminaire en cette affaire, elle a interprété le mot «commerce» figurant au
paragraphe 1 de l’article X du traité «comme incluant des activités commerciales en général — non
seulement les activités mêmes d’achat et de vente, mais également les activités accessoires qui sont
intrinsèquement liées au commerce»686. Bien que la Cour ait conclu que le «commerce» ne se limitait
pas au commerce maritime687, il ressort de l’arrêt qu’elle a rendu en l’affaire des Plates-formes
pétrolières que le «commerce» doit néanmoins être sous-tendu par une forme ou une autre d’échange
de marchandises688. En outre, dans son arrêt sur le fond, la Cour a clairement fait savoir que la partie
qui alléguait une violation du paragraphe 1 de l’article X avait la charge de démontrer que la mesure
incriminée avait porté atteinte au commerce «entre les territoires» des parties689. L’arrêt rendu en
683 Réplique de l’Iran, par. 8.13, 8.28.
684 Ibid., par. 8.34.
685 Ibid., par. 8.34.
686 Plates-formes pétrolières (République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), exception préliminaire,
arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II), par. 49.
687 Ibid., par. 41-43. Comme cela a été relevé dans le contre-mémoire, et pour les raisons exposées aux
paragraphes 17.4 à 17.9 de celui-ci, les Etats-Unis demandent à la Cour de réexaminer cette conclusion.
688 Dans son raisonnement, la Cour a déclaré qu’«il fa[llait] considérer qu’elle [la liberté de commerce] pourrait
être effectivement entravée du fait d’actes qui emporteraient destruction de biens destinés à être exportés, ou qui seraient
susceptibles d’en affecter le transport et le stockage en vue de l’exportation». Plates-formes pétrolières (République
islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), exception préliminaire, arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II), par. 50. La Cour a
également examiné la question de savoir si le «commerce» pouvait inclure des activités en amont comme
l’approvisionnement et la production.
689Plates-formes pétrolières (République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 2003,
par. 119 et 123.
162
163
- 146 -
l’affaire des Plates-formes pétrolières établit par conséquent que l’on doit pouvoir citer des cas réels
d’entrave au commerce pour prouver une violation du paragraphe 1 de l’article X.
i) Les Parties entendaient donner le sens de «commerce maritime»
au terme «commerce» employé au paragraphe 1 de l’article X
12.6. Bien que, dans sa réplique, l’Iran fasse valoir que le «sens ordinaire» du paragraphe 1 de
l’article X impose une interprétation large et sans réserve du terme «liberté de commerce»690, une
telle interprétation, qui isole le paragraphe 1 du reste de l’article et du contexte général du traité, est
incorrecte et viciée.
12.7. L’article X concerne principalement l’accès non discriminatoire des navires et de leurs
marchandises aux ports de l’autre partie. Son paragraphe 3, par exemple, précise que les navires de
l’une des deux parties pourront se rendre «avec leur cargaison», sur une base non discriminatoire,
dans tous les ports et toutes les eaux de l’autre partie «qui sont ouverts au commerce international et
à la navigation internationale». Son paragraphe 4 stipule que les navires de l’une ou l’autre partie
bénéficieront d’un traitement non discriminatoire «en ce qui concerne le droit de transporter, à
destination ou en provenance de ses territoires, tous les produits qui peuvent être acheminés par
bateau»691. Considérés ensemble, les articles VIII, IX et X sont les articles du traité qui se rapportent
au commerce des marchandises entre les parties, l’article X visant plus précisément le traitement à
accorder aux navires et à leur cargaison.
12.8. Etant donné que le paragraphe 1 de l’article X a été placé au début d’un article consacré
au traitement des navires et de leur cargaison et l’article X, dans un groupe d’articles eux aussi
consacrés au commerce, la référence au «commerce» que l’on trouve au paragraphe 1 de l’article X
ne saurait être correctement interprétée comme visant autre chose que le seul commerce maritime de
marchandises692. Au contraire, si l’on interprète le terme «commerce» du paragraphe 1 de l’article X
«suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son
objet et de son but»693, on voit que les Parties entendaient qu’il fût limité au commerce maritime et
non qu’il eût un sens différent sans rapport aucun avec le commerce par navigation694.
12.9. Si le paragraphe 1 de l’article X avait été autre chose qu’une simple introduction à des
dispositions relatives au commerce maritime et si le terme «commerce» tel qu’il y est employé avait
eu un sens différent et sans rapport avec le commerce maritime, il n’est pas douteux que les travaux
préparatoires feraient état de discussions approfondies sur ledit sens et sur d’éventuelles restrictions
à l’octroi d’une liberté aussi considérable. Or, tel n’est pas le cas. Ces travaux montrent au contraire
690 Réplique de l’Iran, par. 8.14-8.17.
691 Aux termes du paragraphe 4 de l’article X, ces produits «bénéficieront d’un traitement non moins favorable que
celui qui est accordé aux produits similaires transportés à bord de navires» de l’autre Partie en ce qui concerne les droits et
taxes et les formalités douanières. Les paragraphes 2 et 6 de l’article X servent à définir les «navires» visés par cet article.
Le paragraphe 5 ne traite pas du commerce maritime de marchandises, mais concerne tout de même les navires et les ports
de refuge.
692 En outre, comme l’ont fait valoir les Etats-Unis au paragraphe 17.4 de leur contre-mémoire, le terme
«commerce» tel qu’il est employé au paragraphe 3 de l’article X ne peut désigner que le commerce maritime ; les rédacteurs
du traité ne pouvaient pas avoir eu l’intention de donner des sens différents au terme «commerce» à l’intérieur du même
article.
693 Nations Unies, convention de Vienne sur le droit des traités, conclue le 23 mai 1969, Recueil des traités des
Nations Unies, vol. 1155, paragraphe 1 de l’article 31, p. 331.
694 Si telle avait été l’intention, une disposition aussi générale concernant la «liberté de commerce» aurait
certainement mérité son propre article définissant les contours de cette liberté.
164
- 147 -
que les Parties voyaient dans l’article X une simple disposition relative à la navigation, et rien de
plus695. Si l’Iran prétend rejeter les travaux préparatoires sous prétexte qu’ils auraient été
«biaisé[s]»696, c’est parce qu’il ne peut rien trouver dans l’historique des négociations à opposer à ce
que cette preuve implique manifestement, à savoir que les Parties voyaient dans l’article X une
disposition relative à la navigation, et qu’en conséquence elles ne pouvaient avoir eu d’autre intention
que de donner au terme «commerce», tel qu’employé dans ce contexte, le sens de commerce
maritime.
12.10. Comme cela a été rappelé plus haut, les Etats-Unis admettent que, en l’affaire des
Plates-formes pétrolières, la Cour a considéré que le «commerce» n’était pas limité au commerce
maritime. Cependant, contrairement à ce qui se passait dans cette affaire, l’Iran conteste en la
présente espèce des mesures, ainsi que les opérations financières qui les sous-tendent, qui n’ont
aucun rapport avec la navigation. Les Etats-Unis estiment par conséquent que les dicta de la Cour en
l’affaire des Plates-formes pétrolières ne devraient pas faire autorité dans les circonstances de la
présente espèce, et prient la Cour de réexaminer son interprétation dans le contexte de l’espèce. Dans
sa réplique, l’Iran note que, en l’affaire des Plates-formes pétrolières, la Cour a tenu compte du fait
que le traité dans son ensemble se rapportait au commerce en général, et non au commerce purement
maritime697. C’est exact : le traité est un traité d’amitié, de commerce et de navigation. Toutefois, la
question qui se pose en l’espèce est celle de la signification du terme «commerce» tel qu’il est
employé au paragraphe 1 de l’article X. Le contexte et l’emplacement de cette disposition, ainsi que
l’historique des négociations, montrent que les Parties entendaient que le terme «commerce», tel
qu’il est employé dans ledit article, désignât uniquement le commerce maritime.
ii) A titre subsidiaire, le «commerce» ne saurait être élargi
au-delà du commerce de marchandises
12.11. Si la Cour considère que le terme «commerce», tel qu’il est employé au paragraphe 1
de l’article X, ne peut pas être restreint au commerce maritime, il doit à tout le moins l’être au
commerce des marchandises et à certaines activités accessoires intrinsèquement liées à celui-ci698.
Dans sa réplique, l’Iran soutient que si les Parties avaient entendu limiter le paragraphe 1 de
l’article X au commerce des marchandises, elles l’auraient fait «expressément», dans les mêmes
termes qu’aux articles VIII et IX, et accuse les Etats-Unis d’affirmer que le paragraphe 1 de
l’article X serait en quelque sorte «incompatible» avec les articles VIII et IX699. Au contraire, comme
695 Instruction du département d’Etat des Etats-Unis à l’ambassade des Etats-Unis à Téhéran, A-18, p. 7 (23 juillet
1954) (annexe 227) (indiquant que l’article X a été proposé par les Etats-Unis à l’Iran comme contenant «les dispositions
relatives à la navigation» du traité type d’amitié de commerce et de navigation, compte tenu des intérêts de l’Iran en tant
qu’«Etat maritime»). L’article X était intitulé «Navigation» dans la table des matières du projet initial. Ibid., p. 17. Dans sa
réplique, l’Iran fait valoir que la version définitive du traité d’amitié n’intitule pas l’article X «Navigation» ; cependant,
l’omission des titres dans la version définitive d’un traité ne change rien au fait qu’un projet initial qui intitulait
«Navigation» l’article X dudit traité tend fortement à montrer qu’il était entendu que cet article concernait la navigation.
Voir également les paragraphes 17.4-17.6 du contre-mémoire des Etats-Unis. Il ressort également d’autres sources
historiques que l’article X vise exclusivement la navigation et concerne le traitement non discriminatoire des navires et de
leur cargaison. Voir ibid., par. 17.7-17.8, et les sources citées dans les notes de bas de page.
696 Réplique de l’Iran, par. 8.21 (où il est dit que les Etats-Unis «livre[nt] leur vision biaisée de ce qu’ils avaient
compris lors de la négociation du traité»). Bien que les Etats-Unis n’aient pas retrouvé de correspondance écrite échangée
directement entre les Parties, si c’est là ce que l’Iran leur reproche, il n’en reste pas moins que la correspondance qu’ils
citent reflète les conversations et les communications entre l’Iran et les Etats-Unis, ainsi que les projets qu’ils ont échangés.
697 Réplique de l’Iran, par. 8.19 (citant Plates-formes pétrolières (République islamique d’Iran c. Etats-Unis
d’Amérique), exception préliminaire, arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II), par. 41-43).
698 Bien que l’Iran affirme dans sa réplique qu’il ne s’agit là que d’une «répét[ition]» de l’argument des Etats-Unis
voulant que le sens de ce terme soit restreint au commerce maritime (réplique, par. 8.24), cela est inexact. Comme le montre
notre analyse, il s’agit d’un argument différent, qui est présenté à titre subsidiaire.
699 Réplique de l’Iran, par. 8.26.
165
- 148 -
les Etats-Unis le montrent dans leur contre-mémoire, c’est l’interprétation extensive que fait l’Iran
du terme «commerce» tel qu’il est employé au paragraphe 1 de l’article X qui est incompatible avec
les restrictions au commerce des marchandises autorisées par les articles VIII et IX700, et qui n’est
pas non plus conforme au reste de l’article X, à sa terminologie ou à son emplacement dans le traité.
12.12. Comme nous l’avons dit, les articles VIII, IX et X considérés ensemble constituent la
partie du traité qui se rapporte au commerce de marchandises entre les Parties. Les articles VIII et
IX concernent, respectivement, le traitement non discriminatoire de l’importation et l’exportation de
produits entre les Parties et les formalités douanières d’importation et d’exportation de ces produits.
L’article X, quant à lui, précise que ce traitement non discriminatoire s’étend aux navires de l’autre
Partie et aux produits qu’ils transportent. Dans ce contexte, les Parties ne pouvaient pas avoir eu
l’intention de donner au terme «commerce» tel qu’il est employé partout dans l’article X un sens plus
large que celui de commerce de marchandises, lesquelles sont ce qui constitue les «produits» et les
«cargaisons». Les services et les biens incorporels tels que les instruments financiers ne sont pas des
cargaisons que peuvent transporter des navires. A cela s’ajoute qu’il ne serait pas logique de donner
au terme «commerce» tel qu’il est employé au paragraphe 1 de l’article X un sens plus large que
celui qu’il a ailleurs dans ces articles intéressant le commerce. Lorsqu’il est employé dans les autres
passages des articles VIII, IX ou X — à savoir au paragraphe 4 de l’article VIII701 et au paragraphe 3
de l’article X702 — ce terme ne désigne manifestement que le commerce des marchandises.
12.13. Bien que l’Iran prétende, dans sa réplique, que la Cour a interprété le terme «commerce»
figurant au paragraphe 1 de l’article X de manière suffisamment large pour y inclure les opérations
financières703, cette assertion est inexacte. Comme nous l’avons fait valoir dans le contre-mémoire
et sous la rubrique i) de la présente section A de la duplique, il doit exister un commerce sous-jacent
de marchandises si l’on veut que le «commerce» puisse être entravé704, et il s’ensuit que l’affaire des
Plates-formes pétrolières ne corrobore nullement la thèse iranienne voulant que le terme
«commerce» puisse s’appliquer à une transaction purement financière qui n’aurait aucun lien, ou
aurait seulement un lien très ténu, avec le commerce de marchandises705.
12.14. L’Iran se fourvoie quand il invoque la décision rendue par la Cour en l’affaire du
Différend relatif à des droits de navigation et des droits connexes à l’appui de sa thèse qui voudrait
que le terme «commerce» doive s’interpréter comme ayant un sens moderne susceptible d’englober
700 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 17.24.
701 «Chacune des [Hautes Parties contractantes] pourra imposer des interdictions ou des restrictions pour des motifs
d’ordre sanitaire ou pour d’autres raisons de caractère non commercial généralement admises, … à condition que ces
interdictions ou restrictions ne constituent pas des mesures discriminatoires arbitraires envers le commerce de l’autre [Haute
Partie contractante].»
702 «Les navires de l’une des deux [Hautes Parties contractantes] pourront librement … se rendre avec leur
cargaison dans tous les ports, mouillages et eaux de [l’autre Haute Partie contractante], qui sont ouverts au commerce
international et à la navigation internationale.»
703 Réplique de l’Iran, par. 8.27 (citant Plates-formes pétrolières (République islamique d’Iran c. Etats-Unis
d’Amérique), exception préliminaire, arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II), par. 45).
704 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 17.10 et notes de bas de page correspondantes.
705 L’Iran fait de nouveau observer que, en l’affaire des Plates-formes pétrolières, la Cour a considéré que le traité
d’amitié était «un traité relatif au commerce en général» et que d’autres articles de cet instrument ne concernaient pas le
commerce des marchandises. Réplique de l’Iran, par. 8.27 (citant Plates-formes pétrolières (République islamique d’Iran
c. Etats-Unis d’Amérique), exception préliminaire, arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II), par. 41). Comme cela a été relevé, les
Etats-Unis ne contestent pas que le traité dans son ensemble concerne les relations commerciales entre les parties.
Cependant, la question qui se pose en l’occurrence est celle de la portée du terme «commerce» tel qu’il est employé au
paragraphe 1 de l’article X ; le contexte de cette disposition indique qu’il existe une limite logique à la portée de ce terme
tel qu’il y est utilisé.
166
- 149 -
des opérations financières complexes706. Une présomption tirée de cette décision et selon laquelle les
parties à un traité auraient l’intention de conférer un sens évolutif aux termes de nature générique de
cet instrument lorsque celui-ci est conclu pour une très longue période ou sans limite de durée ne
saurait en effet s’appliquer à la présente espèce707. Le traité de limites de 1858 qui était en cause dans
l’affaire du Différend relatif à des droits de navigation et des droits connexes faisait suite à une
guerre entre le Costa Rica et le Nicaragua, avait fixé la frontière territoriale entre ces deux pays, avait
été conclu sans limite de durée et entendait créer un régime juridique «caractérisé par la pérennité»708.
Rien de cela ne s’applique au traité d’amitié. Nonobstant la rhétorique idéaliste de l’article premier
commun aux traités d’amitié, de commerce et de navigation, l’article XXIII attribue à cet instrument
une période initiale de dix ans, à l’expiration de laquelle chacune des parties peut y mettre fin sur
simple préavis. Il ne s’agit pas ici d’une affaire dans laquelle il serait loisible de présumer que les
Parties entendaient que le terme «commerce» eût une signification qu’il ne pouvait avoir quand le
traité a été conclu709. De plus, toute présomption en ce sens serait réfutée par l’abondance des preuves
indiquant que les Parties entendaient effectivement que le «commerce» dont il est question au
paragraphe 1 de l’article X fût limité au commerce de marchandises710.
iii) La demande iranienne fondée sur le paragraphe 1 de l’article X
ne satisfait pas à la condition des territoires
12.15. L’Iran s’est une fois de plus abstenu de commenter la restriction territoriale imposée
par le paragraphe 1 de l’article X. Alors que ce paragraphe garantit la «liberté de commerce»
seulement «entre les territoires des Hautes Parties contractantes», l’Iran n’a pu citer aucun commerce
«entre les territoires» américain et iranien qui ait été entravé par les mesures en cause. Il se borne à
nier que la Cour ait conclu «plus généralement que seuls les «échanges directs» ou le «commerce
direct» étaient visés par le paragraphe 1 de l’article X»711 et à soutenir — à tort — que les Etats-Unis
ont choisi de faire abstraction des supposées réponses iraniennes712. Mais, comme cela sera expliqué
706 Réplique de l’Iran, par. 8.28 (citant l’affaire du Différend relatif à des droits de navigation et des droits connexes
(Costa Rica c. Nicaragua), arrêt, C.I.J. Recueil 2009, par. 70-71).
707 Ibid., par. 66.
708 Ibid., par. 65-68. En plus de fixer la frontière entre les territoires du Costa Rica et du Nicaragua, frontière qui
établissait que le fleuve San Juan se trouvait au Nicaragua, le traité de limites de 1858 garantissait au Costa Rica un droit
de libre navigation à des fins de commerce sur le San Juan qui était qualifié de «perpétuel». Ibid. par. 44 et 69. La Cour a
relevé que ce traité avait pour objet de parvenir à un «règlement définitif» des différends territoriaux entre les parties et que
les règles territoriales définies par un tel traité possédaient «un caractère de permanence particulièrement marqué».
Ibid., par. 68.
709 Les Etats-Unis font observer que, à supposer même qu’il soit loisible de donner du terme «commerce» une
interprétation évolutive susceptible d’inclure, d’une manière ou d’une autre, les opérations financières modernes, on ne
voit pas du tout quel serait le sens de ce terme ni comment la Cour déciderait de ses contours en l’espèce. Faire entrer la
«liberté» des opérations financières dans les prévisions du traité nécessiterait d’y inclure des règles et dispositions bancaires
détaillées, de la même façon que de telles règles concernant le commerce des marchandises sont déjà incluses dans ses
articles VIII, IX et X. Or, ces règles et dispositions bancaires sont totalement absentes du traité, et il ne saurait être question
de les y introduire par voie d’interprétation.
710 Comme la Cour l’a relevé en l’affaire du Différend relatif à des droits de navigation et des droits connexes, les
termes employés dans un traité doivent être interprétés conformément à l’intention des parties telle qu’elle ressort du texte
du traité et d’autres facteurs pertinents, ce qui peut conduire à retenir la signification qu’un terme possédait au moment où
le traité a été rédigé. Différend relatif à des droits de navigation et des droits connexes (Costa Rica c. Nicaragua), arrêt,
C.I.J. Recueil 2009, par. 63.
711 Réplique de l’Iran, par. 8.30-8.31.
712 L’Iran affirme que les paragraphes 6.15-6.18 de son mémoire portaient précisément sur ce point. Réplique de
l’Iran, par. 8.30. Or, ces paragraphes ne corroborent nullement sa thèse. Au contraire, au paragraphe 6.15 du mémoire,
l’Iran concède à la fois que le paragraphe 1 de l’article X impose une limitation territoriale et, citant l’affaire des Platesformes
pétrolières, qu’une série de transactions effectuées entre l’Iran à une extrémité et les Etats-Unis à l’autre ne constitue
pas un «commerce» entre l’Iran et les Etats-Unis. Il ne mentionne cependant aucun commerce «entre les territoires» auquel
les mesures qu’il conteste en l’espèce auraient porté atteinte.
167
- 150 -
ci-après, la décision rendue par la Cour en l’affaire des Plates-formes pétrolières réduit à néant
l’argumentation de l’Iran sur ce point.
12.16. Dans cette affaire des Plates-formes pétrolières, la Cour a en effet clairement fait savoir
que la partie qui dénonçait une violation du paragraphe 1 de l’article X du traité devait montrer que
la mesure qu’elle incriminait avait porté atteinte au commerce «entre les territoires» des parties713. Il
importe de retenir que, dans cette affaire, celles-ci avaient toutes deux dénoncé des violations du
paragraphe 1 de l’article X, que la Cour a examiné chacun des actes dénoncés par chacune d’elles et
qu’elle a statué, sur la base des faits relatifs à chaque acte, que lesdits actes ne concernaient pas le
commerce entre les parties.
12.17. S’agissant des allégations de l’Iran selon lesquelles des attaques lancées par les Etats-
Unis contre des plates-formes pétrolières iraniennes le 19 octobre 1987 et le 18 avril 1988 avaient
porté atteinte au commerce des produits de ces plates-formes entre les parties, la Cour a conclu qu’un
tel commerce n’existait pas. Elle a constaté que, au moment des attaques du 18 avril, tout commerce
de produits pétroliers iraniens entre les parties avait cessé en raison d’un embargo américain714. Pour
ce qui est de l’attaque du 19 octobre 1987, qui avait précédé la proclamation de l’embargo, la Cour
a constaté que la plate-forme visée était déjà hors d’usage lorsqu’elle a eu lieu, en raison d’une
attaque iraquienne antérieure. Aucun pétrole n’y était produit au moment de l’attaque américaine, et
il n’y existait aucune perspective de production dans les dix jours ayant précédé la proclamation de
l’embargo qui devait, quoi qu’il en fût, interrompre tout commerce entre les parties715. Il n’existait
donc, au moment des attaques américaines, aucun commerce des produits de l’une ou l’autre plateforme
auquel ces attaques américaines auraient pu «porte[r] atteinte»716. En ce qui concerne les
demandes américaines, la Cour a analysé chacune des dix attaques iraniennes contre des navires
dénoncées par les Etats-Unis et conclu qu’aucun des navires attaqués «ne se livrait au commerce ou
à la navigation entre les territoires» des parties, de sorte que ces attaques iraniennes n’avaient pas
non plus violé le paragraphe 1 de l’article X717. Enfin, la Cour a rejeté la demande présentée «dans
un sens général» par les Etats-Unis qui soutenaient «qu’en dirigeant des attaques répétées contre des
navires … l’Iran [avait] rendu le Golfe périlleux et [avait] ainsi méconnu son obligation relative à la
liberté de commerce», considérant qu’une telle demande «ne [pouvait] être examinée sans tenir
compte des incidents précis» qui la motivaient718.
12.18. L’analyse à laquelle la Cour a procédé dans son arrêt en l’affaire des Plates-formes
pétrolières lui impose de parvenir à la même conclusion en la présente espèce.
713 Plates-formes pétrolières (République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 2003,
par. 119 et 123.
714 Plates-formes pétrolières (République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 2003,
par. 94. Le 29 octobre 1987, les Etats-Unis ont imposé un embargo sur l’importation de la plupart des biens (y compris le
pétrole) et services d’origine iranienne. A compter de cette date, a estimé la Cour, il avait été «m[is] fin au commerce direct
dans son ensemble» entre les territoires des parties. Ibid., par. 93.
715 Ibid., par. 92-93.
716 Ibid., par. 98.
717 Ibid., par. 121.
718 Ibid., par. 122-123.
168
- 151 -
a) Les allégations générales de l’Iran faisant état d’atteintes à un «commerce» non spécifié ne
sauraient établir qu’il y a eu violation du paragraphe 1 de l’article X
12.19. Ni dans son mémoire ni dans sa réplique, le demandeur n’explique en quoi l’une
quelconque des mesures spécifiques qu’il dénonce aurait porté atteinte au commerce entre les
territoires des Etats-Unis et de l’Iran. Au lieu de cela, il soutient de manière générale que «les mesures
américaines de «blocage» et/ou de saisie des actifs de sociétés iraniennes et de méconnaissance de
leur statut juridique distinct ont rendu impossible le commerce entre les territoires des deux parties
au traité»719. Analogue à l’argument «de caractère général» que la Cour a rejeté en l’affaire des
Plates-formes pétrolières, cet argument est condamné pour la même raison : l’Iran est incapable
d’identifier un seul cas spécifique de commerce auquel les mesures américaines auraient porté
atteinte720.
12.20. Le demandeur tente de contourner cette condition en proposant une analogie entre les
règles qui encadrent les procès liés au terrorisme devant les juridictions américaines et le mouillage
de mines dans les ports nicaraguayens en 1984, qui a fait l’objet de l’affaire des Activités militaires
et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci et qui, selon lui, démontre «l’éventail d’actes
susceptibles de porter atteinte … [au] commerce»721. L’Iran suggère que cette affaire permet de
soutenir que, en entravant physiquement l’accès aux ports, le mouillage de mines portait
intrinsèquement atteinte au commerce entre les parties, et que les mesures américaines entraînant le
blocage ou la saisie d’actifs iraniens sont analogues au mouillage de mines en ce qu’elles constituent
des entraves juridiques au commerce avec les Etats-Unis722.
12.21. La thèse iranienne méconnaît l’arrêt rendu par la Cour sur le fond dans l’affaire des
Plates-formes pétrolières. En rejetant la demande «de caractère général» des Etats-Unis fondée sur
les attaques de l’Iran contre des navires dans le golfe Persique, au motif que ceux-ci n’avaient pas
invoqué d’«incidents précis» ayant porté atteinte au commerce bilatéral, la Cour a nécessairement
rejeté l’argument voulant que la simple possibilité qu’une activité portât atteinte au commerce fût
suffisante pour mettre en jeu le paragraphe 1 de l’article X723. Compte tenu de l’arrêt rendu en
l’affaire des Plates-formes pétrolières, on doit nécessairement admettre que celui rendu en l’affaire
des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua repose sur une prémisse factuelle — non
contestée en l’espèce — selon laquelle il existait un commerce entre les territoires des Etats-Unis et
du Nicaragua au moment où les mines ont été mouillées724, et sur la conclusion factuelle expresse de
la Cour voulant que le minage de ports nicaraguayens constituât une atteinte à ce commerce725.
719 Réplique de l’Iran, par. 8.34.
720 Plates-formes pétrolières (République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 2003,
par. 122 et 123.
721 Réplique de l’Iran, par. 8.32.
722 Ibid.
723 Plates-formes pétrolières (République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 2003,
par. 123 («Il incombe aux Etats-Unis de démontrer qu’il y a eu une entrave effective au commerce ou à la navigation entre
les territoires») (les italiques sont dans l’original).
724 Le caractère factuel de cette prémisse de l’affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua ressort
clairement du fait que la Cour a relevé que les Etats-Unis avaient imposé un embargo commercial le 1er mai 1985, soit plus
d’un an après le minage des ports nicaraguayens, et du fait que le décret présidentiel imposant cet embargo interdisait
expressément l’entrée de navires nicaraguayens dans les ports américains, ce qui signifiait que ce commerce par voie de
mer existait alors. Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis
d’Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, par. 280.
725 Ibid., par. 253.
169
- 152 -
12.22. L’analogie avec l’affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua ne
s’applique donc pas à la présente espèce, la prémisse selon laquelle il existait entre les parties un
commerce auquel les mesures américaines contestées pouvaient porter atteinte n’étant nullement
attestée par les faits versés au dossier de l’espèce. Comme cela ressort clairement de l’affaire des
Plates-formes pétrolières, une mesure qui rend supposément «impossible» le commerce ne viole pas
le paragraphe 1 de l’article X si le commerce en cause est purement hypothétique726. Ainsi, comme
en l’affaire des Plates-formes pétrolières, il incombe à l’Iran de dénoncer une mesure spécifique qui
aurait porté atteinte au commerce bilatéral effectif entre les Parties. Or, il ne l’a pas fait.
b) Les seuls actes spécifiques dont l’Iran ait allégué qu’ils violaient le paragraphe 1 de
l’article X n’ont rien à voir avec le commerce entre les territoires des Parties
12.23. L’Iran n’a produit aucune preuve d’entrave effective au commerce bilatéral. Au
contraire, les efforts qu’il a déployés pour démontrer qu’il existait entre la banque Markazi et les
Etats-Unis un commerce bilatéral portant sur les actifs qui faisaient l’objet de la procédure
d’exécution du jugement Peterson — unique affaire pour laquelle il ait seulement tenté d’établir ce
lien ⎯ ne font que démontrer que pareil commerce n’existait pas727.
12.24. La demande de l’Iran relative à la banque Markazi concerne l’exécution sur certains
actifs financiers — représentant le produit en numéraire d’obligations échues — détenus dans un
compte ouvert auprès d’une banque établie à New York, Citibank, et appartenant à Clearstream
Banking, S.A. (ci-après «Clearstream»), qui est un intermédiaire luxembourgeois ni détenu ni
contrôlé par la banque Markazi728. Cette dernière avait un compte à la Banca UBAE S.p.A., qui est
une banque italienne, et l’UBAE avait un compte chez Clearstream au Luxembourg. Jusqu’à
l’échéance de ces obligations en 2012, Clearstream portait au crédit du compte de l’UBAE les
sommes correspondant aux intérêts produits par lesdites obligations ; et l’UBAE virait ces sommes
à la banque Markazi729. Ces activités ne constituent nullement un commerce «entre les territoires»
des Etats-Unis et de l’Iran.
12.25. Comme l’a expliqué la Cour en l’affaire des Plates-formes pétrolières, «[i]l ne s’agit
pas … de «commerce» entre l’Iran et les Etats-Unis» quand on a «une série de transactions
commerciales» ayant l’Iran à une extrémité et les Etats-Unis à l’autre730. Les faits en cause dans
l’affaire Peterson constituent précisément une telle «série de transactions», à cette différence près
que, comme il a déjà été relevé, des transactions effectuées à des fins souveraines telles que celleslà
ne sauraient passer pour «commerciales» à quelque point de vue que l’on se place731. La banque
Markazi a effectué des transactions avec l’UBAE en Italie ; l’UBAE a effectué des transactions
726 Plates-formes pétrolières (République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 2003,
par. 123.
727 De son propre aveu, les investissements en question étaient effectués non pas dans un but commercial, mais
dans «le but classique pour une banque centrale d’investir [ses] réserves en devises». Mémoire de la banque Markazi
(défenderesse-appelante), p. 45, Deborah Peterson et al. v. Islamic Republic of Iran et al. (no 13-2952) (deuxième circuit)
(19 novembre 2013) (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe 233). Voir plus haut le chapitre 5.
728 Requête en ordonnance d’autorisation de recours extraordinaire, p. 7-8, Bank Markazi v. Peterson, no 14-770
(29 décembre 2014) (annexe 117) ; voir Bank Markazi v. Peterson, 136 Cour suprême 1310, 1321 et note 11 (2016)
(annexe 109).
729 Requête en ordonnance d’autorisation de recours extraordinaire, p. 7-8, Bank Markazi v. Peterson, no 14-770
(29 décembre 2014) (annexe 117) ; Peterson v. Islamic Republic of Iran, affaire no 15-0690, slip opinion, p. 8-9 (deuxième
circuit, 21 novembre 2017) (réplique de l’Iran, annexe 58).
730 Plates-formes pétrolières (République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 2003,
par. 97.
731 Voir le chapitre 5 de la présente duplique.
170
171
- 153 -
intermédiaires avec Clearstream au Luxembourg ; et Clearstream a effectué des transactions avec
Citibank et/ou des dépositaires d’obligations à New York. A aucun moment la banque Markazi n’a
eu d’échanges avec Citibank ou avec les dépositaires d’obligations, n’a acquis de titres obligataires
ou n’a reçu de paiements d’aucune entité établie aux Etats-Unis.
12.26. L’Iran oppose trois réponses à cet argument : il soutient d’abord que cette situation est
différente de la «série de transactions commerciales» de l’affaire des Plates-formes pétrolières parce
que la banque Markazi avait pour intention d’effectuer des placements dans des titres américains et
qu’elle avait «donné des instructions à un agent spécifiquement pour réaliser cette transaction»732.
Cet argument ne saurait être retenu pour trois raisons.
12.27. Premièrement, il est incorrect sur le plan des faits. L’Iran a désigné, par leur numéro
international d’identification des titres (ISIN), les 22 titres sur lesquels la banque Markazi détenait
des droits733 et dont aucun n’émanait d’émetteurs américains. Cette banque a en effet placé ses
liquidités dans des titres d’Etats européens, d’institutions financières internationales comme la
Banque mondiale et de certaines banques publiques européennes734. Il n’existe aucun lien entre ces
émetteurs et les Etats-Unis, si ce n’est leur choix d’émettre des titres libellés en dollars. L’«intention»
de la banque Markazi en ce qui concerne ces 22 titres n’était pas de placer ses avoirs sur le marché
américain — ce qu’elle se gardait bien de faire —, mais de gérer son risque de change en les plaçant,
dans une certaine mesure, dans des titres libellés en dollars.
12.28. Deuxièmement, cette distinction ne repose sur aucune différence. En l’affaire des
Plates-formes pétrolières, la question de savoir si les acheteurs américains de produits pétroliers
avaient spécifiquement l’intention de se procurer, en passant par des intermédiaires, des produits
dérivés du pétrole iranien n’avait aucune incidence. Au contraire, comme l’a expliqué la Cour, c’était
«la nature des transactions commerciales successives» elles-mêmes qui était déterminante735.
12.29. Troisièmement, cette distinction occulte d’abord la raison pour laquelle la banque
Markazi a mis au point ce dispositif complexe impliquant deux intermédiaires étrangers : une
réglementation américaine, qui n’est pas en cause en l’espèce, lui interdisait d’avoir des relations
commerciales avec des émetteurs de titres ou des banques des Etats-Unis736. Depuis 2008 au moins,
lorsque les Etats-Unis ont mis fin au traitement des transactions dites «U-turn» ou «aller-retour»
— et à coup sûr à la date de l’ordonnance qui a imposé la remise des actifs en exécution du
jugement —, il est expressément interdit aux sociétés iraniennes d’effectuer directement ou
732 Réplique de l’Iran, par. 8.36.
733 Ibid., par. 3.25.
734 Ibid. ; voir également les extraits Bloomberg concernant les droits sur titre de la banque Markazi (annexe 419)
(captures d’écran des entrées du terminal Bloomberg pour chaque titre désigné par son ISIN au paragraphe 3.25 de la
réplique de l’Iran, avec tableau récapitulatif).
735 Plates-formes pétrolières (République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 2003,
par. 97.
736 Voir la requête en ordonnance d’autorisation de recours extraordinaire, p. 7-8, Bank Markazi v. Peterson,
no 14-770 (29 décembre 2014) (annexe 117). D’ailleurs, avant 2008, la banque Markazi avait un compte chez Clearstream.
La raison pour laquelle l’UBAE a été insérée dans ce dispositif est qu’une nouvelle réglementation adoptée par les Etats-
Unis en 2008 — et qui n’est pas en cause dans la présente espèce — interdisait à Clearstream d’effectuer avec le système
financier américain des transactions faisant intervenir l’Iran. Ibid., note 1 ; déclaration sous serment de M. Massoumi,
par. 22-23, Peterson v. Islamic Republic of Iran, no 10-4518 (district sud de l’Etat de New York, 31 août 2017) (exceptions
préliminaires des Etats-Unis, annexe A02).
172
- 154 -
indirectement des transactions avec des banques américaines737. Si Clearstream avait agi en qualité
d’«agent» de la banque Markazi, comme l’Iran le laisse maintenant entendre, ces transactions
n’auraient pas été possibles. Après avoir structuré ses placements spécifiquement pour éviter de
pratiquer avec les Etats-Unis un «commerce» qui lui était interdit, l’Iran ne peut pas aujourd’hui
prétendre de façon crédible que son intention était en réalité de pratiquer un tel commerce.
12.30. La deuxième réponse de l’Iran est que, «jusqu’en 2008, les Etats-Unis ont autorisé les
transactions commerciales entre les territoires des parties recourant au mécanisme
d’«aller-retour»»738, mais cela ne fait que fragiliser son argumentation. Les mesures américaines en
cause qui ont entraîné la remise des actifs visés par le jugement rendu en l’affaire Peterson ont été
prises en 2012 ou après739, à un moment où les Etats-Unis, de l’aveu même de l’Iran, n’autorisaient
plus de telles transactions entre eux et la banque Markazi740.
12.31. La troisième réponse de l’Iran est que les Etats-Unis ont traité les actifs visés par le
contentieux Peterson — c’est-à-dire le produit des obligations alors en la possession de Citibank aux
Etats-Unis — comme s’il s’agissait de biens de la banque Markazi, «sur la foi d’une déclaration des
tribunaux américains», et qu’en conséquence le fait que ladite banque était propriétaire de ces biens,
quels que fussent les intermédiaires utilisés, constituait un commerce entre cette banque et les
Etats-Unis741. Mais même si la banque Markazi avait un intérêt bénéficiaire dans ces actifs, il n’en
demeure pas moins que la méthode qu’elle a utilisée pour les placer — en passant par deux
intermédiaires étrangers — a été choisie précisément parce que la réglementation américaine lui
interdisait d’effectuer des opérations sur des valeurs mobilières émises et détenues aux Etats-Unis742.
Et la banque Markazi s’est appuyée sur ce dispositif pour soutenir devant les juridictions américaines
que lesdits actifs n’étaient pas les siens, mais ceux «d’un intermédiaire financier qui les détenait aux
Etats-Unis pour [son] compte»743. L’Iran a structuré ses placements spécifiquement pour contourner
l’interdiction de tout «commerce» entre lui-même et les Etats-Unis, et invite la Cour à faire
aujourd’hui abstraction de ce montage afin de pouvoir prétendre que sa demande concerne une forme
ou une autre de «commerce»744 ; la Cour devrait rejeter cette invitation.
12.32. L’Iran mentionne certains autres actifs prétendument «bloqués» ou «saisis» en
application des mesures américaines, mais il n’a pas cherché à démontrer que ces actifs étaient liés
au commerce «entre les territoires» des Parties ou que leur blocage ou leur saisie entravait ce
commerce. Il allègue plutôt, de manière générale, que les mesures américaines ont «rendu
impossible» le commerce «pour les sociétés iraniennes» touchées745. Faute d’avoir produit
des preuves qu’il existait «entre les Parties» un commerce susceptible d’être touché par les
mesures américaines — ce qu’il n’a même pas essayé de faire, sauf en ce qui concerne la banque
737 Règlement relatif aux transactions iraniennes, 73 Fed. Reg. 66541 (10 novembre 2008) (annexe 232). Voir aussi
la déclaration sous serment de M. Massoumi, par. 21, Peterson v. Islamic Republic of Iran, no 10-4518 (district sud de
l’Etat de New York, 31 août 2017) (exceptions préliminaires des Etats-Unis, annexe A02) ; contre-mémoire des Etats-Unis,
par. 1[7].16-17.17.
738 Réplique de l’Iran, par. 8.36.
739 Mémoire de l’Iran, par. 2.34 («Cette immunité [des biens d’une banque centrale contre l’exécution] a été
reconnue [en relation avec] la banque centrale de l’Iran jusqu’en 2012»).
740 Réplique de l’Iran, par. 8.36.
741 Ibid.
742 Voir le paragraphe 12.29 plus haut.
743 Bank Markazi v. Peterson, 136 S. Ct. 1310, 1318, note 3 (2016) (Cour suprême) (annexe 109).
744 Ibid., 136 S. Ct. 1310, 1321 (2016) (Cour suprême) (annexe 109).
745 Réplique de l’Iran, par. 8.34.
173
- 155 -
Markazi —, l’Iran ne peut toutefois pas prouver qu’il y ait eu violation du paragraphe 1 de l’article X
du traité746.
iv) Le paragraphe 1 de l’article X ne saurait être interprété de façon plausible
comme incluant des «entraves juridiques» telles que les règles régissant
les procès liés au terrorisme devant les juridictions américaines
12.33. Comme l’ont expliqué les Etats-Unis747, la thèse iranienne en l’espèce voudrait étendre
l’application du paragraphe 1 de l’article X au-delà des seules entraves physiques à la liberté de
commerce, pour lui faire couvrir également les règles et procédures juridiques qui régissent les procès
liés au terrorisme devant les juridictions américaines748, sous prétexte que ces règles entraveraient le
commerce entre les Parties en privant les banques et autres sociétés appartenant à l’Etat iranien
d’actifs susceptibles d’être employés dans ce commerce. L’Iran a la franchise de reconnaître que cet
argument est novateur749. Or, aucun tribunal n’a jamais interprété le paragraphe 1 de l’article X ou
les dispositions analogues des traités d’amitié, de commerce et de navigation comme s’appliquant à
de prétendues «entraves juridiques», et a fortiori aux «entraves juridiques» que constitueraient les
règles encadrant l’exécution de jugements impayés rendus par des tribunaux locaux. Mais l’Iran
refuse de répondre à l’objection selon laquelle sa thèse transformerait en violations du traité à peu
près toutes les règles et procédures susceptibles d’«entrave[r]» le commerce d’une façon ou d’une
autre. Au lieu de proposer un principe limitatif — probablement parce que n’importe quel principe
limitatif plausible exclurait sa demande en l’espèce —, il se contente d’accuser sommairement les
Etats-Unis de vouloir «détourner l’attention» par leur critique750. En réalité, l’interprétation
excessivement large du paragraphe 1 de l’article X par l’Iran ne saurait cependant survivre à cette
critique, comme le montrent les deux exemples ci-après.
12.34. Premièrement, ainsi que l’ont expliqué les Etats-Unis, si l’exécution d’un jugement
contre une société iranienne constitue une «entrave à la liberté de commerce», il importe peu qu’une
mesure d’exécution soit prise en application d’une loi visant spécifiquement des actes liés au
terrorisme ou en application d’un autre principe du droit américain751. L’effet produit sur la «liberté
de commerce» par cette mesure d’exécution sera le même dans l’un et l’autre cas. Dans ces
conditions, si l’interprétation iranienne était correcte, le paragraphe 1 de l’article X conférerait aux
sociétés iraniennes une immunité totale contre l’exécution des jugements, ce qui est un résultat
absurde et dont il n’est guère vraisemblable qu’il corresponde au sens que les Parties entendaient
donner à la proposition «il y aura liberté de commerce».
12.35. Deuxièmement, cette interprétation iranienne du paragraphe 1 de l’article X rendrait
illicites un certain nombre de règles et de restrictions que d’autres dispositions du traité prévoient et
autorisent expressément. Ainsi, les règlements douaniers (article IX), les restrictions à l’importation
746 Plates-formes pétrolières (République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 2003,
par. 119 et 123.
747 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 17.21-17.25.
748 Les demandes iraniennes subsistantes sont dirigées contre trois catégories de dispositions : 1) celles qui
permettent l’exécution forcée de jugements rendus par des tribunaux contre l’Iran sur les biens d’établissements,
d’organismes ou de sociétés appartenant à l’Etat nonobstant leur «personnalité juridique distincte» ; 2) celles qui permettent
de saisir les biens de ces entités avant le jugement ; et 3) celles qui «suppr[iment] des moyens de défense généralement
applicables» tels que l’autorité de la chose jugée pour l’ensemble d’une affaire [res judicata], la prescription et l’autorité
de la chose jugée pour un point de fait en particulier [collateral estoppel]. Mémoire de l’Iran, par. 6.19 c), d) et f) ; voir
également ibid., par. 2.26.
749 Réplique de l’Iran, par. 8.32.
750 Ibid., par. 8.32.
751 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 17.23.
174
- 156 -
de produits (article VIII) et les restrictions en matière de change (article VII) limitent la liberté du
commerce, ce qui ne les empêche pas d’être expressément autorisés par les termes exprès du traité
sous certaines conditions — parmi lesquelles celle de ne pas être imposés de façon discriminatoire.
Il doit en être de même pour des mesures telles que l’exécution de jugements valablement rendus,
qui ne sont pas expressément autorisées par le traité mais sont en harmonie avec ses dispositions plus
spécifiques. L’Iran concède certes ce point, mais cela ne l’empêche pas de proclamer qu’«aucune
interprétation de bonne foi du paragraphe 1 de l’article X» n’aboutirait à un tel résultat752. Là encore
cependant, il ne propose à la Cour aucun principe qui permettrait à celle-ci de conclure que le
paragraphe 1 de l’article X interdit une mesure qui ne contredit aucune autre disposition du traité.
Cet argument novateur de l’Iran devrait être rejeté.
12.36. En effet, le fait que, dans son arrêt sur les exceptions préliminaires, la Cour ait rejeté
les prétentions de l’Iran à l’immunité souveraine devrait conduire à rejeter l’argumentation iranienne
concernant ses demandes subsistantes. Car si, comme le prétend l’Iran, toute entrave juridique au
commerce, quelle qu’elle soit, emporte violation du paragraphe 1 de l’article X, il s’ensuit
nécessairement que le refus de reconnaître l’immunité souveraine d’administrations et d’agences
publiques iraniennes, avec pour conséquence le prononcé et l’exécution de jugements contre elles,
constituerait une telle entrave. Or, la Cour a rejeté cette conclusion et déclaré qu’elle n’était «pas
convaincue que la violation des immunités souveraines dont certaines entités publiques
bénéficieraient … [fû]t susceptible d’entraver la liberté de commerce, qui concern[ait] par définition
des activités d’une nature différente»753. Ce raisonnement s’applique également aux demandes de
l’Iran contestant les règles et procédures américaines qui permettent d’obtenir l’exécution de
jugements rendus contre l’Etat iranien sur les actifs d’entités contrôlées par l’Etat iranien. Comme la
demande iranienne relative à l’immunité souveraine, elles «présentent un lien trop ténu … avec les
relations commerciales entre les Etats parties au traité» pour entrer dans les prévisions du
paragraphe 1 de l’article X754.
v) Observations finales
12.37. Les intérêts prétendument compromis par les mesures américaines sont étrangers au
commerce maritime et au commerce de marchandises et, partant, n’entrent pas dans le champ
d’application du paragraphe 1 de l’article X tel que l’entendaient les Parties. A cela s’ajoute que ce
paragraphe restreint les obligations qu’il impose à celles-ci en matière de commerce et de navigation
entre leurs territoires ; or, les demandes de l’Iran ne concernent aucune transaction d’aucune sorte
entre les territoires des Parties. Le demandeur n’a donc pas établi qu’il y ait eu violation d’une
quelconque obligation au titre du paragraphe 1 de l’article X envers lui ou envers ses ressortissants
ou ses sociétés.
SECTION B
L’IRAN N’A PAS ÉTABLI QU’IL Y AIT EU VIOLATION DU PARAGRAPHE 1 DE L’ARTICLE V
12.38. Les arguments développés par l’Iran dans son mémoire pour étayer sa demande fondée
sur la violation du paragraphe 1 de l’article V étaient plutôt faibles, et sa réplique n’a rien fait pour
les renforcer. En effet, au lieu d’expliquer en détail le fondement de sa demande, l’Iran avançait sans
preuve, dans son mémoire, qu’«un régime spécifique et ciblé a[vait] été imposé en relation avec les
752 Réplique de l’Iran, par. 8.26.
753 Arrêt sur les exceptions préliminaires, par. 79.
754 Ibid., par. 79.
175
- 157 -
sociétés iraniennes»755. Dans leur contre-mémoire, les Etats-Unis, non contents de préciser certaines
questions concernant la portée de l’article V et la demande présentée par l’Iran au titre de cet article,
ont signalé deux vices rédhibitoires de la demande iranienne, qui sont l’un et l’autre symptomatiques
de l’attention insuffisante portée par l’Iran à cet article : premièrement, cet Etat n’a cité aucune
tentative d’aliéner des biens à laquelle auraient procédé ses sociétés; et, deuxièmement, il n’a pas cité
l’élément de comparaison requis pour justifier les demandes alléguant une violation de la clause de
la nation la plus favorisée756. Dans sa réplique, il accuse à tort les Etats-Unis d’avoir mal interprété
cette disposition du traité, en affirmant erronément, par exemple, que la première phrase du
paragraphe 1 de l’article V imposerait une obligation séparée et distincte de la clause de la nation la
plus favorisée énoncée dans sa deuxième phrase757. Ces assertions que l’Iran a formulées dans sa
réplique sont, comme on le verra plus loin, manifestement erronées.
i) Portée limitée de la question
12.39. A titre liminaire, la demande de l’Iran ne concerne que l’alinéa c) du paragraphe 1 de
l’article V, relatif à l’aliénation de biens, comme les Etats-Unis l’ont souligné dans leur contremémoire
sans que l’Iran juge bon de le contester758. En outre, le terme pivot employé dans cette
disposition, à savoir le mot «pourront», n’impose nullement aux Etats de faciliter les transactions ou
de les rendre aussi aisées que possible759. Comme l’Iran l’a concédé dans sa réplique, les mesures
susceptibles de réglementer ou d’encadrer l’aliénation de biens sans l’interdire catégoriquement
n’emportent pas violation de cette disposition du traité760.
ii) Il est significatif que l’Iran n’ait cité aucune tentative d’aliénation de biens
12.40. Pour présenter une demande ouvrant droit à indemnisation, l’Iran doit établir — ce qu’il
n’a pas fait — qu’un propriétaire iranien a tenté d’aliéner un bien et qu’il en a été empêché par l’une
des mesures contestées. Une assertion de caractère général affirmant que l’aliénation a été rendue
«impossible» ne suffit pas761. Parmi les procédures judiciaires énumérées par l’Iran dans la pièce
jointe 2 de sa réplique, l’on compte par exemple nombre de procédures dans lesquelles aucun bien
n’a fait l’objet d’une saisie ou autre mesure d’exécution qui ait abouti. De toute évidence, ces
procédures n’ont eu aucune incidence sur l’aliénation de biens iraniens, a fortiori selon des modalités
qui auraient violé le paragraphe 1 de l’article V, et l’Iran n’a produit aucune preuve du contraire, que
ce soit dans sa pièce jointe 2 ou ailleurs762.
755 Mémoire de l’Iran, par. 5.75-5.76.
756 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 15.1-15.10.
757 Réplique de l’Iran, par. 7.27.
758 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 15.3.
759 Cette disposition dans son intégralité se lit comme suit :
«Les ressortissants et les sociétés de l’une des Hautes Parties contractantes pourront, dans les
territoires de l’autre Haute Partie contractante : a) prendre à bail, pour des durées appropriées, les biens
immeubles dont ils ont besoin à des fins de résidence ou qui sont nécessaires à la bonne marche des activités
prévues par le présent Traité ; b) acquérir, par voie d’achat ou par tout autre moyen, des biens mobiliers de
toute nature ; et c) aliéner des biens de toute nature par voie de vente, de testament ou par tout autre moyen.
Le traitement dont ils bénéficient en ces matières ne sera, en aucun cas, moins favorable que celui qui est
accordé aux ressortissants et aux sociétés de tout pays tiers.»
760 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 15.4 ; réplique de l’Iran, par. 7.26.
761 Réplique de l’Iran, par. 7.26.
762 Voir plus haut, section C du chapitre 6.
176
- 158 -
iii) Norme de la nation la plus favorisée
a) Le traitement de la nation la plus favorisée est la norme principale du paragraphe 1 de
l’article V
12.41. C’est à tort que l’Iran affirme que le paragraphe 1 de l’article V exprime «deux
obligations voisines mais distinctes», à savoir une obligation de «permettre» et une obligation
d’accorder le traitement de la nation la plus favorisée763. Lire dans la première phrase de ce
paragraphe une obligation distincte et autonome fait fi de la formulation de la deuxième phrase
— «[l]e traitement dont ils bénéficient en ces matières» —, qui lie l’une à l’autre les deux phrases
du paragraphe 1 de l’article V. Cette formulation signifie que la seconde phrase précise la première,
l’explique et lui donne sa teneur spécifique : une norme mesurable, présentée comme un niveau
minimum à garantir. Les deux phrases sont donc liées, et la seconde, plutôt que de créer une nouvelle
obligation, offre un moyen concret de mesurer l’application de la première. L’interprétation iranienne
ne tiendrait pas compte de cet élément de contexte pourtant essentiel, ce qui contreviendrait aux
principes de l’interprétation des traités en droit international coutumier tels que les énonce l’article 31
de la convention de Vienne sur le droit des traités.
12.42. En outre, lire dans la première phrase une «obligation distincte» de la seconde, comme
y exhorte l’Iran, reviendrait à interpréter cette première phrase comme une injonction à autoriser les
opérations en question qui ne serait assortie d’aucun principe susceptible de les limiter. En réalité, si
elle était d’application aussi large que le prétend l’Iran, la première phrase rendrait superflue la
seconde et sa clause de la nation la plus favorisée, qui est plus étroite. Là encore, une telle
interprétation ne serait plausible qu’à condition de considérer que ces deux phrases sont
indépendantes l’une de l’autre, au lieu de les appréhender dans leur contexte, comme le veut le droit
international coutumier.
12.43. Le bon sens et la raison pratique suffisent pour appréhender immédiatement le vice
fondamental de l’interprétation iranienne. Si le terme «pourront» de la première phrase devait
s’interpréter comme une obligation absolue d’autoriser toute aliénation de biens de toute nature en
toutes circonstances, il refuserait aux Etats la prérogative largement reconnue d’adopter des règles
de droit des contrats d’application universelle et de réglementer le commerce, ainsi que la prérogative
qui est la leur d’interdire certains types d’opérations portant sur des biens lorsqu’elles sont entachées
d’illicéité, comme celles concernant des biens volés ou des articles de contrebande. Une
interprétation du traité qui contredirait les lois dans ce domaine et permettrait aux ressortissants
iraniens d’effectuer des opérations qui seraient illicites pour des ressortissants américains et d’autres
ressortissants étrangers serait un résultat absurde et délétère sur le plan social. Il s’ensuit que
l’interprétation iranienne selon laquelle la première phrase du paragraphe 1 de l’article V créerait une
obligation sans limites ne saurait prospérer.
12.44. Au contraire, si on lit les deux phrases en les éclairant l’une par l’autre, la clause de la
nation la plus favorisée de la seconde expose clairement le standard applicable à l’obligation énoncée
dans la première. Les sociétés et ressortissants iraniens aux Etats-Unis ont droit, dans les matières
considérées, au traitement de la nation la plus favorisée. La formule «en aucun cas» signifie qu’il
s’agit du traitement minimum devant leur être réservé, et qu’il est loisible aux Etats-Unis de leur
763 Réplique de l’Iran, par. 7.27.
177
- 159 -
accorder un traitement plus favorable. En résumé, le standard fondamental et mesurable prévu au
paragraphe 1 de l’article V est celui de la nation la plus favorisée visé dans sa seconde phrase764.
b) L’Iran doit désigner un élément de comparaison se trouvant dans une situation analogue à
la sienne
12.45. Dans toute demande relative à la clause de la nation la plus favorisée, le demandeur
doit désigner un élément de comparaison qui, dans une situation analogue à la sienne, a bénéficié
d’un traitement plus favorable. Au lieu de mentionner un tel élément pour étayer sa demande au titre
du paragraphe 1 de l’article V, l’Iran a présenté des arguments contestant qu’il fût tenu de le faire.
Ces arguments ne devraient pas prospérer.
12.46. Comme les clauses de traitement national, les clauses de la nation la plus favorisée sont
réputées être des «standard[s] relatif[s]» de traitement, le critère qu’elles prévoient étant fondé sur
une comparaison avec une autre personne ou entité, dite «élément de comparaison» ou «de
référence»765. Le sens ordinaire du texte du traité, et en particulier des mots «ne sera, en aucun cas,
moins favorable que», met en évidence le caractère comparatif du standard de la nation la plus
favorisée et impose donc de désigner un élément de comparaison permettant de déterminer le
traitement auquel les parties ont droit.
12.47. En outre, comme le veut la logique, un élément de comparaison ou de référence doit
être comparable et ne saurait être complètement différent. Pour prendre un exemple marqué au coin
du bon sens, les types et degrés de réglementation requis sont fort différents selon qu’il s’agisse d’une
grande usine de construction automobile dans une métropole ou d’une petite épicerie dans une
lointaine région rurale, si bien qu’un investisseur dans l’un de ces deux types d’entreprise ne saurait
se réclamer d’une clause de la nation la plus favorisée ou d’une clause de traitement national pour
exiger d’être soumis à la même réglementation que celle qui est prévue pour l’autre type d’entreprise.
12.48. L’Iran prétend que le fait que la clause de la nation la plus favorisée du traité d’amitié
ne contient pas l’expression «dans des circonstances analogues» ou une expression similaire le
dispense de désigner un élément de comparaison766. Au contraire, quantité de preuves permettent de
conclure que l’élément de comparaison retenu doit se trouver dans une situation similaire, même
lorsque la clause de la nation la plus favorisée du traité considéré ne contient pas l’expression «dans
des circonstances analogues». La pratique de nombreux Etats en matière de traités d’investissement
— mais qui n’est plus celle des Etats-Unis — est de ne pas inclure les termes «dans des circonstances
764 Cette interprétation est également confirmée par l’historique du traité, vu sous l’éclairage des autres traités de
la série des traités d’amitié, de commerce et de navigation. Les quelque deux douzaines de traités de ce type conclus par
les Etats-Unis après la Seconde Guerre mondiale comportent tous des dispositions analogues concernant les transactions
sur les biens, mais la structure du paragraphe 1 de l’article V, commandée par le mot «pourront», ne se retrouve que dans
un autre traité, conclu avec l’Ethiopie. Tous les autres traités associent soit le standard de la nation la plus favorisée soit le
standard du traitement national à chacune des dispositions relatives, respectivement, à la prise à bail, à l’acquisition par
voie d’achat ou par tout autre moyen et à l’aliénation de biens. Comme les Etats-Unis l’ont expliqué à l’époque, ses traités
avec l’Iran et l’Ethiopie étaient censés être des versions abrégées du «traité type d’amitié, de commerce et de navigation»
et prévoir moins d’obligations, mais sans modifier la nature de celles qu’ils conservaient. Commercial Treaties with Iran,
Nicaragua, and The Netherlands: Hearing Before the Senate Committee on Foreign Relations, 84th Cong. 21 (1956)
(déclaration de Thorsten V. Kalijarvi, département d’Etat) (annexe 1) ; Treaties of Friendship, Commerce and Navigation
Between the United States and Colombia, Israel, Ethiopia, Italy, Denmark, and Greece: Hearing Before the Subcommittee
of the Senate Committee On Foreign Relations, 82nd Cong. 4 (1952) (déclaration d’Harold F. Linder, vice-secrétaire
adjoint aux affaires économiques) (annexe 2). La juste interprétation du paragraphe 1 de l’article V compte tenu de son
historique veut qu’il constitue une clause de la nation la plus favorisée pour les opérations qui y sont mentionnées.
765 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 15.8 et note 490.
766 Réplique de l’Iran, par. 7.28.
178
179
- 160 -
analogues» dans leur clause de la nation la plus favorisée ; dans un document de travail publié en
2004, l’OCDE mentionne «les TBI [traités bilatéraux d’investissement] établis sur le modèle
européen» comme exemples de traités qui, à la différence des «TBI des Etats-Unis et du Canada»,
n’incluent pas la mention «dans des circonstances analogues» dans leur clause de la nation la plus
favorisée767. Pendant les négociations infructueuses de l’accord multilatéral sur l’investissement,
entre 1995 et 1998, les délégations de certains Etats ont déclaré qu’il était inutile d’insérer
l’expression «dans des circonstances similaires» dans la clause de la nation la plus favorisée du projet
d’accord, au motif qu’elle y était implicitement contenue768. La Commission du droit international,
dans son projet d’articles de 1978 sur les clauses de la nation la plus favorisée (en ce qui concerne le
commerce des marchandises)769, la CNUCED, dans des travaux réalisés sous ses auspices770,
plusieurs spécialistes universitaires de droit public771 et les tribunaux arbitraux chargés d’interpréter
les dispositions des TBI de 1992 entre la Norvège et la Lituanie772 et de 1995 entre la Turquie et le
Pakistan773 ont, eux aussi, tous conclu que l’expression «dans des circonstances similaires» était
implicite lorsqu’elle n’était pas expressément énoncée.
12.49. Il en découle que l’Iran est tenu de désigner un élément de comparaison se trouvant
dans des circonstances similaires ou analogues s’il entend présenter une demande au titre du
paragraphe 1 de l’article V.
iv) Application du paragraphe 1 de l’article V aux mesures contestées
12.50. Les demandes présentées par l’Iran au titre du paragraphe 1 de l’article V et motivées
par le traitement réservé à la banque Markazi doivent être rejetées non seulement parce que ladite
banque n’est pas une «société» au sens du traité d’amitié et n’entre donc pas dans le champ
d’application de cet article774, mais encore pour d’autres raisons, liées celles-là aux mesures
américaines spécifiques que l’Iran conteste. Les mesures américaines législatives, judiciaires et
exécutives en question sont traitées séparément ci-après.
12.51. Les mesures législatives en cause dans la présente affaire font partie d’un dispositif qui
vise à permettre aux victimes du terrorisme d’obtenir et d’exécuter des jugements contre des Etats
soutenant le terrorisme. Elles ont été appliquées par les juridictions américaines sous la forme de
procédures judiciaires — également contestées par l’Iran —, et en particulier de procédures engagées
par des créanciers judiciaires pour recouvrer leur créance à même les actifs d’établissements ou
d’organismes iraniens. Dans les circonstances de l’espèce, l’élément de comparaison approprié
767 OCDE, direction des affaires financières et des entreprises, Le traitement de la nation la plus favorisée dans le
droit international des investissements, documents de travail de l’OCDE sur l’investissement international, no 2004/2, p. 6
(2004) (annexe 420).
768 OCDE, groupe de négociation de l’accord multilatéral sur l’investissement (AMI), L’Accord multilatéral sur
l’investissement : Commentaire du texte consolidé, p. 11, par. 5, doc. DAFFE/MAI(98)8/REV1 (22 avril 1998)
(annexe 421).
769 Nations Unies, Commission du droit international, projet d’articles sur les clauses de la nation la plus favorisée,
articles 9 et 10, par. 18 du commentaire commun à ces deux articles, doc. A/33/10 (1978) (annexe 422).
770 CNUCED, collection de la CNUCED consacrée aux problèmes relatifs aux accords internationaux
d’investissement II : Traitement de la nation la plus favorisée, p. xiii, 25-26, 51-52, doc. UNCTAD/DIAE/IA/2010/1 (2010)
(annexe 423).
771 Kenneth J. Vandevelde, Bilateral Investment Treaties, p. 340-341 (2010) (annexe 424).
772 Parkerings-Compagniet AS v. Republic of Lithuania, affaire CIRDI no ARB/05/8, sentence, par. 362, 369, 430
(11 septembre 2007) (annexe 425).
773 Bayindir Insaat Turizm Ticaret Ve Sanayi A. Ş. v. Pakistan, affaire CIRDI no ARB/03/29, sentence (fond),
par. 386, 389-390, 411 (27 août 2009) (annexe 426).
774 Voir le chapitre 5 de la présente duplique.
180
- 161 -
devrait être un établissement ou un organisme d’un autre Etat soutenant le terrorisme. Or, l’Iran s’est
abstenu de désigner un élément de comparaison de cette nature, et a fortiori de montrer que cet
élément aurait bénéficié d’un traitement plus favorable qu’une société iranienne. Sa demande au titre
du paragraphe 1 de l’article V doit donc être rejetée en ce qu’elle se rapporte aux mesures législatives.
12.52. Pour en venir au décret présidentiel no 13599, cette mesure était notamment nécessaire
en raison des intérêts vitaux des Etats-Unis sur le plan de la sécurité à se prémunir contre les pratiques
trompeuses de la banque Markazi et d’autres institutions financières iraniennes775. Les demandes
iraniennes doivent être rejetées parce que l’Iran n’a désigné aucune institution financière étrangère
qui aurait bénéficié d’un traitement plus favorable que ses homologues iraniennes tout en se livrant
à des pratiques trompeuses similaires, telles que la dissimulation de transactions avec des parties
frappées de sanctions, ou encore des pratiques visant à faciliter des activités terroristes ou
l’acquisition de capacités en matière de missiles balistiques.
12.53. Pour conclure, l’Iran n’a pas établi que l’une quelconque des mesures qu’il conteste
emporte violation du paragraphe 1 de l’article V.
SECTION C
L’IRAN N’A PAS ÉTABLI QU’IL Y AIT EU VIOLATION
DU PARAGRAPHE 1 DE L’ARTICLE VII
12.54. Dans sa réplique, l’Iran ne fournit aucun élément susceptible d’étayer son allégation de
violation du paragraphe 1 de l’article VII du traité d’amitié. Il continue d’avancer une interprétation
improbable et décontextualisée de ce paragraphe. En outre, son assertion selon laquelle les effets
pratiques de certaines mesures violeraient l’article VII est non seulement complètement détachée de
toute interprétation ou analyse juridique de cette disposition, mais aussi indéfendable sur le plan
pratique. Ces vices compromettent irrémédiablement ses demandes, comme cela sera traité de
manière plus approfondie ci-après.
i) Rien dans sa réplique n’étaye l’interprétation improbable et décontextualisée
que fait l’Iran du paragraphe 1 de l’article VII
12.55. Dans leur contre-mémoire, les Etats-Unis ont montré que l’Iran faisait une mauvaise
interprétation de l’article VII parce qu’il ne tenait compte ni du contexte de cette disposition ni de
l’historique de sa négociation776. Ils ont également montré que, lorsqu’on le lisait dans le contexte
des exceptions prévues en son paragraphe 1 ainsi que des dispositions de ses paragraphes 2 et 3,
l’article VII ne concernait que les restrictions en matière de change, alors que les mesures contestées
par l’Iran n’étaient pas de telles restrictions777. Ils ont présenté nombre d’exemples tirés de
l’historique de la négociation du traité pour établir que les deux Parties étaient conscientes que
l’article VII ne portait que sur les restrictions de change778. Dans sa réplique, l’Iran s’abstient et de
répondre réellement aux preuves présentées par les Etats-Unis et de fournir des éléments de contexte
plausibles à l’appui de son improbable interprétation de l’article VII. La présente section de notre
duplique s’attachera d’abord à montrer que l’Iran n’interprète pas cette disposition suivant le sens
775 Voir, par exemple, contre-mémoire des Etats-Unis, par. 11.8-11.10, 11.16.
776 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 16.1.
777 Ibid., par. 16.5.
778 Ibid., par. 16.7-16.14.
181
- 162 -
ordinaire à attribuer à ses termes dans leur contexte, puis exposera les erreurs que fait l’Iran dans son
traitement de l’historique de la négociation.
a) L’Iran ne tient compte ni du sens ordinaire de l’article VII dans son contexte ni de
l’historique de sa négociation
12.56. Dans sa réplique, l’Iran n’explique pas comment son interprétation du paragraphe 1 de
l’article VII pourrait s’accorder avec les autres dispositions de cet article ou du traité. Il ne s’appuie
que sur un bref fragment de l’article en question, alors que le paragraphe 1 doit être lu dans son
contexte779, en même temps que le reste de l’article. L’article VII du traité est libellé comme suit :
«1. Aucune des Hautes Parties contractantes n’imposera de restrictions en matière de
paiements, remises et transferts de fonds à destination ou en provenance des
territoires de l’autre Haute Partie contractante sauf : a) dans la mesure nécessaire
afin que les ressources en devises étrangères soient suffisantes pour régler le prix
des marchandises et des services indispensables à la santé et au bien-être de sa
population ; et b) dans le cas d’un membre du Fonds monétaire international, s’il
s’agit de restrictions expressément approuvées par le Fonds.
2. Si l’une ou l’autre des Hautes Parties contractantes impose des restrictions en
matière de change, elle devra réserver sans délai des sommes suffisantes pour faire
face aux retraits normalement prévisibles, dans la monnaie de l’autre Haute Partie
contractante : a) des indemnités dont il est question au paragraphe 2 de l’article IV
du présent Traité ; b) des gains, qu’ils prennent la forme de traitements, d’intérêts,
de dividendes, de commissions, de redevances, de rétributions de services ou toute
autre forme ; et c) des sommes afférentes à l’amortissement d’emprunts, à la
dépréciation d’investissements directs et au transfert de capitaux, compte tenu des
besoins particuliers en vue d’autres opérations. Si plus d’un taux de change est en
vigueur, le taux applicable à ces retraits sera celui qui aura été expressément
approuvé par le Fonds monétaire international pour les opérations de cette nature
ou, à défaut d’un taux ainsi approuvé, un taux effectif qui, compte tenu de toute taxe
ou surtaxe imposée sur les transferts de devises, sera juste et raisonnable.
3. En règle générale, la Haute Partie contractante qui imposera des restrictions en
matière de change devra les appliquer de manière à ne pas porter préjudice au
commerce, aux transports et aux investissements de l’autre Haute Partie contractante
sur le marché par rapport au commerce, aux transports ou aux investissements d’un
pays tiers ; elle devra donner à l’autre Haute Partie contractante la possibilité de
discuter avec elle, à tout moment, l’application des dispositions du présent article.»
12.57. Dans sa réplique, l’Iran maintient sa thèse voulant que le paragraphe 1 interprété selon
le sens ordinaire de ses termes couvre toutes les restrictions en matière de transferts de fonds et que
son champ d’application ne soit nullement limité par les deux paragraphes suivants, qui ne traitent
que des restrictions en matière de change780. Il n’explique pas et n’offre aucun élément de contexte
qui expliquerait pourquoi les Parties n’envisagent que des restrictions de change dans les
paragraphes 2 et 3 de l’article VII, alors que son interprétation du paragraphe 1 ouvre la possibilité
d’un très large éventail de restrictions en matière de transferts de fonds. Il n’explique pas non plus
779 Comme la Cour l’a fait observer en l’affaire des Plates-formes pétrolières, lorsqu’elle interprète un traité, elle
doit se tourner vers les règles du droit international coutumier telles qu’elles sont exprimées aux articles 31 et 32 de la
convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités. Plates-formes pétrolières (République islamique d’Iran c. Etats-Unis
d’Amérique), exception préliminaire, arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II), par. 23.
780 Réplique de l’Iran, par. 8.2.
182
- 163 -
pourquoi, selon son interprétation, les éclaircissements apportés par les paragraphes 2 et 3 n’auraient
de sens que pour un sous-ensemble des restrictions autorisées par les alinéas a) et b) du paragraphe 1.
Plutôt que de proposer une interprétation qui tienne compte du contexte de l’article VII dans son
ensemble, l’Iran voudrait que sa lecture d’un bref extrait de cette disposition soit admise comme en
étant le sens ordinaire pour la seule raison qu’elle n’est pas absolument exclue par la logique, si
improbable qu’elle soit.
12.58. Toujours dans sa réplique, l’Iran n’offre pas non plus d’explication plausible de
l’historique des négociations du traité, qui conforte de toute évidence l’interprétation des Etats-Unis
et ne corrobore en rien l’interprétation excessivement large qu’il fait de l’article VII. Selon lui, le fait
que l’historique de la négociation ne contient aucun élément qui soutienne son interprétation de
l’article VII est sans conséquence et n’est pas surprenant781. A titre d’exemple, il ne tente pas même
d’expliquer pourquoi, pendant les négociations, les dispositions en question étaient placées sous le
titre de «Contrôle des changes». Il se contente de rappeler que cet intitulé n’a pas été retenu dans la
rédaction finale du traité. Or, c’est ce qui s’est passé avec tous les titres attribués aux sujets à discuter
pendant la négociation, et l’omission de l’intitulé n’explique en rien pourquoi la partie de la
négociation qui portait sur l’article VII était réputée traiter du contrôle des changes.
b) L’Iran ne donne aucune explication plausible de son improbable interprétation de
l’article VII
12.59. Quand on les considère dans leur ensemble, les efforts que fait l’Iran pour réfuter tel ou
tel aspect de l’interprétation américaine de l’article VII composent un tableau éminemment
improbable. Ses assertions supposent que, en dépit du fait que les Parties auraient décidé de conférer
une portée d’une ampleur extraordinaire aux restrictions et exceptions prévues au paragraphe 1, elles
n’auraient ressenti aucun besoin d’étendre cette portée extraordinaire aux paragraphes suivants. Le
demandeur relève simplement qu’aucune nécessité logique n’imposait de le faire. Il n’explique pas
pourquoi les Parties, qui avaient passé un temps hors de proportion avec la longueur de l’article VII
à discuter de ses dispositions pendant la négociation du traité782, n’avaient pas jugé nécessaire de
discuter de la portée extraordinaire qu’il attribue à son paragraphe 1. Il ne donne pas non plus
d’explication, raisonnable ou non, du fait que les Parties n’ont pas envisagé la possibilité de
dispositions analogues pour les restrictions concernant d’autres matières que le change pendant leur
discussion des paragraphes suivants de l’article VII, qui traitent en détail de l’application du traité
aux restrictions en matière de change.
12.60. En résumé, la lecture que fait l’Iran du paragraphe 1 de l’article VII n’est guère
plausible dans le contexte des autres dispositions de l’article et est contredite par l’historique de sa
négociation. Pour cette raison, la demande de l’Iran selon laquelle les Etats-Unis auraient violé
l’article VII du traité doit être rejetée.
ii) L’improbable interprétation que fait l’Iran du paragraphe 1 de l’article VII
est viciée par l’absence de tout principe restrictif
12.61. Dans leur contre-mémoire, les Etats-Unis ont fait observer que, même si le paragraphe 1
de l’article VII devait s’interpréter dans le sens préconisé par l’Iran, celui-ci n’en devrait pas moins
succomber en sa demande, pour la double raison que les mesures législatives qu’il dénonce ne sont
en aucune façon des restrictions aux transferts de fonds et que le décret présidentiel no 13599 échappe
à l’application du traité d’amitié par l’effet des alinéas c) et d) du paragraphe 1 de son article XX.
781 Réplique de l’Iran, par. 8.5.
782 Voir, par exemple, les paragraphes 16.7 à 16.12 du contre-mémoire des Etats-Unis.
183
- 164 -
Comme nous l’avons vu au chapitre 7, l’Iran a tenté, dans sa réplique, de répondre à la question de
l’application du paragraphe 1 de l’article XX au décret présidentiel no 13599, mais n’a guère fait
d’efforts pour expliquer en quoi les mesures législatives qu’il dénonce pourraient emporter violation
du paragraphe 1 de l’article VII, quelque interprétation que l’on donne à celui-ci. Son unique
argument est l’«évidence concrète» selon laquelle lesdites mesures législatives auraient supposément
pour effet de violer l’article VII. Cet argument ne trouve cependant aucun appui dans le texte du
traité et manque sa cible.
12.62. Il existe de nombreuses activités qui ont pour effet pratique de restreindre les transferts
de fonds et dont aucune personne raisonnable ne se risquerait à affirmer qu’elles violent l’article VII.
Comme les Etats-Unis l’ont déjà fait valoir dans leur contre-mémoire, l’évidence concrète dont se
réclame l’Iran empêcherait en toutes circonstances de procéder à l’exécution de tout jugement rendu
contre une société iranienne783. L’Iran prétend que les Etats-Unis «n’étayent nullement leur position»
en avançant un argument «hypothétique»784, mais l’argument des Etats-Unis est rien moins
qu’hypothétique. L’exécution forcée des jugements fait partie intégrante du système judiciaire
américain, mais si l’on devait retenir l’interprétation iranienne du paragraphe 1 de l’article VII, les
sociétés iraniennes échapperaient complètement et en toutes circonstances à cette procédure, quel
que soit le type de décision judiciaire concerné. Cela ne saurait être correct. Il existe de nombreux
autres exemples de l’absurdité de l’application du paragraphe 1 de l’article VII telle que la conçoit
l’Iran. Selon l’interprétation iranienne, l’article VII interdirait en effet toute sorte de réglementation
bancaire, y compris les lois incriminant le blanchiment d’argent qui ont pour effet pratique de
restreindre les transferts de fonds à destination de juridictions et de personnes que leurs dispositifs
de détection des opérations suspectes signalent à l’attention des banques lorsque celles-ci s’acquittent
de leur obligation de vigilance. Ce critère iranien des effets pratiques rendrait problématiques non
seulement la participation des Etats-Unis à la lutte contre le blanchiment d’argent menée par des
organismes intergouvernementaux comme le GAFI785, mais encore l’application des lois incriminant
le financement des crimes internationaux. L’Iran n’offre et ne peut offrir aucune justification pour
des restrictions aussi larges.
12.63. Dans la dernière phrase de la section pertinente de sa réplique, l’Iran fait un ultime
effort pour accréditer son interprétation du paragraphe 1 de l’article VII, en déclarant que cet article
n’interdit pas les restrictions générales aux transferts (c’est-à-dire ne visant pas spécifiquement
l’Iran)786. Or, l’Iran ne peut pas s’en sortir en se contentant de créer un principe restrictif ex nihilo
pour se libérer des conséquences absurdes de son interprétation. D’abord, l’article 201 de la TRIA et
le paragraphe g) de l’article 1610 de la FSIA s’appliquent à tous les Etats soutenant le terrorisme et
pas seulement à l’Iran, ce qui veut dire que le principe restrictif mis en avant par celui-ci les exclurait
du champ d’application du paragraphe 1 de l’article VII787. Plus important encore, rien dans le libellé
de ce paragraphe n’autorise à faire une distinction entre les mesures d’exécution des jugements qui
sont «d’application générale» et celles qui s’appliquent aux sociétés iraniennes. Soit les premières
comme les secondes sont des restrictions aux transferts de fonds et emportent par conséquent
783 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 16.16.
784 Réplique de l’Iran, par. 8.11.
785 Le GAFI a classé l’Iran parmi les juridictions à haut risque pour le blanchiment d’argent. GAFI, Juridictions à
haut risque visées par un appel à l’action (21 février 2020) (annexe 270). Le GAFI
«exhorte toutes les juridictions à appliquer des mesures renforcées de devoir de vigilance. Dans les cas les
plus graves, il est demandé aux pays d’appliquer des contre-mesures visant à protéger le système financier
international contre les risques de blanchiment de capitaux, de financement du terrorisme et de financement
de la prolifération qui émanent [des juridictions à haut risque]». Ibid.
786 Réplique de l’Iran, par. 8.11.
787 Voir plus haut, section A du chapitre 8.
184
- 165 -
violation du paragraphe 1 de l’article VII — ce qui ne peut pas être le cas, pour les raisons exposées
plus haut —, soit ni les premières ni les secondes ne le sont.
12.64. Pour toutes les raisons qui précèdent, les demandes de l’Iran relatives à une violation
alléguée de l’article VII du traité devraient être rejetées.
185
- 166 -
CHAPITRE 13
ABUS DE DROIT
SECTION A
INTRODUCTION ET PRÉSENTATION GÉNÉRALE
13.1. Comme les Etats-Unis l’ont expliqué dans leur contre-mémoire788, la doctrine de l’abus
de droit s’applique à l’espèce pour deux raisons. La première est que l’Iran prétend étendre les droits
que lui reconnaît le traité — un accord consulaire et commercial — à des circonstances dont les
Parties n’avaient manifestement pas l’intention qu’elles soient couvertes par cet instrument. La
deuxième est que les fins qu’il poursuit en cherchant à faire valoir ces droits sont inappropriées. En
effet, s’il invoque le traité, c’est pour échapper à son obligation d’indemniser les victimes
américaines de ses actes de terrorisme soutenus par l’Etat.
13.2. Au moyen de défense soulevé par les Etats-Unis, à savoir l’abus de droit, l’Iran oppose
des arguments limités. Il ne conteste pas l’existence de la doctrine ni son statut de principe général
du droit789. Il ne semble pas non plus contester l’analyse que font les Etats-Unis des conditions de
son application790, se contentant d’y ajouter quelques gloses de son cru791. Au lieu de cela, il
concentre ses efforts sur la manière dont les Etats-Unis invoquent et appliquent la doctrine de l’abus
de droit à l’espèce.
13.3. Les principaux arguments de l’Iran sont de deux ordres. Premièrement, celui-ci soutient
que l’abus de droit soulevé par les Etats-Unis comme moyen de défense est identique à leur exception
préliminaire fondée sur l’abus de procédure, exception que la Cour a rejetée792. Deuxièmement, il
allègue que les Etats-Unis sont incapables de satisfaire au strict critère de la preuve qui régit
l’application de la doctrine. Selon l’Iran, la défense de l’abus de droit serait «tout aussi infondée»
que l’exception préliminaire qui l’a précédée793. Ces deux arguments reposent expressément sur le
fait que le droit en question serait le «droit procédural» qu’aurait l’Iran de porter devant la Cour
certaines catégories spécifiques de différends au titre du paragraphe 2 de l’article XXI du traité
d’amitié794.
13.4. Ces arguments se trompent de cible. La défense des Etats-Unis concerne non pas la
portée ou l’application correcte du paragraphe 2 de l’article XXI du traité, mais uniquement le
prétendu exercice par l’Iran des droits substantiels qu’il tient de cet instrument. Une partie au traité
ne peut soulever une défense fondée sur l’«abus de droit» que si et dans la mesure où la Cour conclut
que l’autre partie possède des droits en vertu d’une disposition ou de toutes les dispositions qui
seraient en cause dans les circonstances de l’espèce795. Comme cela a été relevé plus haut, les deux
raisons qui autorisent les Etats-Unis à invoquer l’abus de droit comme moyen de défense imposent
à la Cour d’apprécier si l’affirmation par l’Iran de ses droits substantiels au titre du traité est
788 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 18.3, 18.10 et 18.12.
789 Réplique de l’Iran, par. 11.42-11.49.
790 Ibid., par. 11.51.
791 Voir en particulier les paragraphes 11.44 à 11.46 de la réplique de l’Iran, auxquels répond la section C ci-après.
792 Voir en particulier les paragraphes 11.33 et 11.34 de la réplique de l’Iran.
793 Réplique de l’Iran, par. 11.40.
794 Ibid., par. 11.39.
795 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 18.1 et 18.8.
186
187
- 167 -
compatible avec l’interdiction d’exercer un droit d’une manière ou à des fins pour lesquelles ce droit
n’était pas prévu. Ces questions «relève[nt] du fond de l’affaire»796.
13.5. Dans ce contexte, les Etats-Unis répondront dans les sections qui suivent aux arguments
limités que l’Iran a avancés. Dans la section B, ils répondront à l’argument voulant que leur moyen
de défense actuel ne se distingue en rien de leur exception préliminaire pour abus de procédure. Dans
la section C, ils répondront à l’analyse par l’Iran des circonstances dans lesquelles la doctrine de
l’abus de droit peut s’appliquer. Dans la section D, ils réfuteront l’argument selon lequel la Cour
devrait rejeter l’application de la doctrine en raison des faits de la cause.
SECTION B
L’ABUS DE DROIT CONSTITUE UN MOYEN DE DÉFENSE
DISTINCT DE L’ABUS DE PROCÉDURE
13.6. L’Iran voudrait faire passer le moyen de défense des Etats-Unis fondé sur un abus de
droit pour une simple «requalification»797de leur exception préliminaire relative à un abus de
procédure. Selon lui, les Etats-Unis avanceraient maintenant «exactement le même argument» que
celui que la Cour a rejeté à l’issue de la phase des exceptions préliminaires798. L’Iran cherche à établir
des parallèles entre les deux motifs sur lesquels les Etats-Unis fondent leur défense dans la présente
phase de l’espèce et les arguments qu’ils avaient initialement avancés dans leurs exceptions
préliminaires799. Il semble aussi contester la façon dont les Etats-Unis ont reformulé ces arguments
à l’audience en tenant compte de l’arrêt rendu par la Cour en l’affaire des Immunités et procédures
pénales800.
13.7. Une fois encore, c’est sur les arguments des Etats-Unis tels que ceux-ci les ont formulés
et non tels que l’Iran les a réécrits que devrait se prononcer la Cour. Comme celle-ci l’a reconnu dans
son arrêt sur les exceptions préliminaires801, les Etats-Unis ont soulevé une exception à l’invocation
par l’Iran de la clause compromissoire du traité d’amitié dans les circonstances extraordinaires de
l’espèce. Ils ont précisé, et la Cour a admis, qu’il s’agissait d’une exception fondée sur l’abus de
procédure802. A l’audience, ils ont qualifié de «question préliminaire la question de savoir si l’Iran
p[ouvait] à bon droit invoquer le traité comme base de compétence de la Cour à l’égard d’un différend
qui n’a[vait] pas de lien véritable avec ledit traité»803. La réponse à cette question dépend de la
796 Immunités et procédures pénales (Guinée équatoriale c. France), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 2018 (I), par. 151.
797 Réplique de l’Iran, par. 11.3[4].
798 Ibid., par. 11.34.
799 Ibid., par. 11.34.
800 Ibid., par. 11.35.
801 Arrêt sur les exceptions préliminaires, par. 100 («La Cour note que les Etats-Unis ont initialement soulevé deux
exceptions d’irrecevabilité de la requête, à savoir premièrement que, en s’appuyant sur le traité pour fonder la compétence
de la Cour en cette affaire, l’Iran aurait commis un abus de droit» (c’est ce que les Etats-Unis ont ultérieurement requalifié
en abus de procédure)) (les italiques sont de nous) et par. 104 («les Etats-Unis ont soutenu que le différend ne relevait pas
du traité d’amitié et que l’Iran ne pouvait dès lors pas entendre fonder la compétence de la Cour sur cet instrument») (les
italiques sont de nous).
802 Arrêt sur les exceptions préliminaires, par. 104.
803 Certains actifs iraniens (République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), exceptions préliminaires,
audience du 8 octobre 2018, 10 heures, CR 2018-28, p. 58, par. 90 (sir Daniel Bethlehem, QC).
188
- 168 -
définition du champ d’application de la clause compromissoire, comme les Etats-Unis l’ont
expressément reconnu dans leurs plaidoiries :
«Nous soutenons que le différend dont l’Iran a saisi la Cour est un différend qui
n’entre pas dans le champ d’application prévu de la clause compromissoire du traité. Le
fait que l’Iran invoque cette clause compromissoire afin de conférer à la Cour la
compétence voulue pour statuer sur ce différend constitue donc un abus de procédure.
En conséquence, sa requête devrait être rejetée dès ce stade préliminaire comme étant
irrecevable de ce chef.»804
13.8. Les Etats-Unis admettent que l’arrêt sur les exceptions préliminaires a confirmé la thèse
de l’Iran voulant que la Cour soit compétente en vertu de la clause compromissoire du traité. Mais
cela n’a rien à voir avec la question. En effet, le moyen de défense qu’ils tirent de l’abus de droit ne
concerne pas l’exercice par l’Iran de son droit de soumettre un différend à la Cour en vertu du
paragraphe 2 de l’article XXI du traité. Il concerne la thèse de l’Iran voulant que les paragraphes 1
et 2 de l’article III, les paragraphes 1 et 2 de l’article IV, le paragraphe 1 de l’article V, le
paragraphe 1 de l’article VII et le paragraphe 1 de l’article X du traité lui confèrent des droits à une
protection substantielle, alors qu’aucune de ces dispositions n’était visée par l’exception des Etats-
Unis pour abus de procédure805. L’une des raisons de cette position des Etats-Unis, et non la moindre,
est que c’est manifestement au stade du fond qu’il appartiendra à la Cour d’apprécier leur portée et
leurs modalités dans les circonstances de l’espèce806.
13.9. L’Iran insiste néanmoins sur le fait que «[l]es Etats-Unis n’arguent pas qu[’il] ait abusé
des dispositions substantielles qu’il invoque … et qu’il doive être tenu pour responsable de ces abus,
ni même qu[’il] devrait être privé du bénéfice de tels droits garantis par le traité»807. Il ressort de cette
assertion que l’Iran méconnaît à la fois la thèse des Etats-Unis et le véritable sens de la doctrine.
13.10. En effet, contrairement à ce que soutient l’Iran, les Etats-Unis affirment que
l’invocation de droits substantiels par lui est abusive, comme ils viennent de l’expliquer et comme le
précise parfaitement leur contre-mémoire. De même, ils affirment qu’il ne devrait pas être permis à
l’Iran de jouir du bénéfice de ces droits dans les circonstances de l’espèce. C’est un fait que les Etats-
Unis n’invoquent pas la doctrine de l’abus de droit à l’appui d’une demande contre lui. Si tant est
qu’il laisse entendre que ce fait rendrait en quelque sorte la doctrine de l’abus de droit non pertinente
ou inopérante, l’Iran se trompe.
13.11. Si, dans certaines circonstances, l’abus de droit peut engager la responsabilité
internationale, il n’a pas nécessairement cet effet dans tous les cas. Au lieu de cela, et il en va ainsi
en l’espèce, il peut fonctionner comme une restriction à l’exercice d’un droit ou d’un privilège
accordé par un traité, que ce soit en imposant de façon indépendante des limites à ce droit ou à ce
804 Certains actifs iraniens (République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), exceptions préliminaires,
audience du 8 octobre 2018, 10 heures, CR 2018-28, p. 59, par. 94 (sir Daniel Bethlehem, QC).
805 Ibid., p. 59, par. 92 (sir Daniel Bethlehem, QC) («Nous ne traitons pas ici des dispositions individuelles du
traité.»).
806 Voir Immunités et procédures pénales (Guinée équatoriale c. France), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 2018 (I), par. 151 («La Cour est d’avis que l’abus de droit ne peut être invoqué comme cause d’irrecevabilité
alors que l’établissement du droit en question relève du fond de l’affaire. Tout argument relatif à un abus de droit sera
examiné au stade du fond de la présente affaire.»).
807 Réplique de l’Iran, par. 11.38 (les italiques sont dans l’original).
189
- 169 -
privilège ou en encadrant l’exécution ou l’interprétation de bonne foi de l’instrument en cause808.
Aucune limite n’est posée à l’invocation de l’interdiction de l’abus de droit comme moyen de
défense, et le demandeur n’en a mentionné aucune809. En conséquence, il ne s’ensuit pas du fait que
les Etats-Unis n’ont pas cherché à invoquer la responsabilité internationale de l’Iran que cette
interdiction n’est pas directement pertinente dans les circonstances de l’espèce.
SECTION C
LES CIRCONSTANCES DANS LESQUELLES LA DOCTRINE DE L’ABUS DE DROIT S’APPLIQUE
13.12. Dans sa réplique, l’Iran ne conteste aucune des thèses que soutiennent les Etats-Unis
dans leur contre-mémoire sur le statut ou la portée de la doctrine de l’abus de droit810. Il se borne à
formuler brièvement quelques points à l’appui de la conclusion plus large — et non contestée — que
cette doctrine n’a encore jamais été appliquée dans un différend interétatique811. On notera en
particulier les points ci-après.
13.13. Premièrement, l’Iran ne conteste à aucun moment l’idée que la doctrine de l’abus de
droit est un principe général de droit812. En outre, il admet expressément qu’il s’agit d’une application
du principe général de bonne foi813.
13.14. Deuxièmement, quant à sa teneur, l’Iran reconnaît que l’abus de droit comprend
notamment l’exercice par un Etat d’un droit «à une fin différente de celle pour laquelle le droit a été
808 Voir, par exemple, Droits des ressortissants des Etats-Unis d’Amérique au Maroc (France c. Etats-Unis
d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 1952, p. 212 (où il est dit, au sujet des droits, qu’il faut «en user raisonnablement et de
bonne foi»). S’agissant du principe pacta sunt servanda, voir plus généralement Projet Gabčíkovo-Nagymaros
(Hongrie/Slovaquie), arrêt, C.I.J. Recueil 1997, par. 142.
809 Voir, par exemple, l’invocation par la France du principe de l’abus de droit comme moyen de défense contre la
demande de la Guinée équatoriale en l’affaire des Immunités et procédures pénales (Guinée équatoriale c. France), contremémoire
de la France, 6 décembre 2018, chapitre 4.
810 Si ce n’est qu’il fait observer que l’application de la doctrine de l’abus de droit dans deux affaires concernant
des différends entre un investisseur et un Etat (Philip Morris Asia Ltd. v. Commonwealth of Australia et Capital Financial
Holdings Luxembourg SA v. Cameroon) «ne démontre … nullement que cette doctrine ait évolué vers un champ
d’application plus étendu», argument que les Etats-Unis n’ont en réalité jamais avancé. Voir la réplique de l’Iran,
par. 11.48 ; contre-mémoire des Etats-Unis, par. 18.4, note 536.
811 Réplique de l’Iran, par. 11.43.
812 Au lieu de cela, il se réfère, apparemment en l’approuvant, à la conclusion d’un article dont l’auteur déclare que
«l’interdiction de l’abus de droit est un principe général de droit établi de longue date». Michael Byers, «Abuse of Rights:
An Old Principle, A New Age», McGill Law Journal, vol. 47, p. 389, 431 (2002) (annexe 238). Réplique de l’Iran,
par. 11.42, note 888.
813 Réplique de l’Iran, par. 11.43.
190
- 170 -
créé»814. C’est un principe qui a été reconnu par la Cour permanente815, par des membres de la Cour816
et par d’éminents auteurs817.
13.15. Troisièmement, l’Iran évoque les «strictes conditions» arrêtées par la Cour et renvoie à
l’arrêt que la CPJI a rendu en l’affaire relative à Certains intérêts allemands en Haute-Silésie
polonaise (fond)818. Les Etats-Unis admettent que les allégations de ce type doivent satisfaire à un
critère de la preuve exigeant, et ont par conséquent directement reconnu et appliqué dans leur contremémoire
les deux conditions des «preuves «manifestes» et des «circonstances exceptionnelles»819.
Ils admettent également que l’abus de droit ne se présume pas, mais doit être prouvé. En revanche,
ils n’admettent pas l’idée que la CPJI entendait établir un critère général dans le passage cité par
l’Iran, où elle se contente en réalité d’analyser les faits relatifs à l’affaire en cause820. De plus, le
caractère objectif de l’enquête à laquelle s’est livrée la CPJI dans cette affaire montre bien qu’il n’est
pas nécessaire d’apporter la preuve de la mauvaise foi ou de l’intention dolosive821.
SECTION D
APPLICATION À L’ESPÈCE
13.16. Le principal argument de l’Iran sous cette rubrique est que les Etats-Unis n’auraient
présenté ni «des «preuves manifestes» à l’appui de toute allégation factuelle sous-jacente» ni des
«circonstances exceptionnelles justifi[a]nt l’application de cette théorie»822.
814 Réplique de l’Iran, par. 11.42. Pour dissiper tout doute, les Etats-Unis rappellent qu’ils n’admettent pas, si cet
argument devait être avancé, que l’existence d’un préjudice soit dans toutes les affaires une condition préalable à
l’invocation par un Etat de la doctrine de l’abus de droit (et ce, par opposition aux affaires dans lesquelles une réparation
du préjudice causé par une violation de l’interdiction de l’abus de droit est demandée).
815 Zones franches de la Haute-Savoie et du Pays de Gex, arrêt, 1932, C.P.J.I. série A/B no 46, p. 167. Voir
également Certains intérêts allemands en Haute-Silésie polonaise, fond, arrêt no 7, 1926, C.P.J.I. série A no 7, p. 30, 37-38.
816 Voir, par exemple, Certaines questions concernant l’entraide judiciaire en matière pénale (Djibouti c. France),
arrêt, C.I.J. Recueil 2008 (déclaration du juge Keith, par. 6) («Ces principes imposent à l’organisme d’Etat en question
d’exercer le pouvoir aux fins pour lesquelles celui-ci lui a été conféré et non à des fins erronées ou au gré de facteurs sans
rapport avec les objectifs visés.»).
817 Voir, par exemple, Bin Cheng, General Principles of Law as Applied by International Courts and Tribunals,
p. 131 (1987) (annexe 87) («[l]’exercice raisonnable et de bonne foi d’un droit suppose que le droit en question soit
véritablement exercé au service des intérêts qu’il est censé protéger»).
818 Réplique de l’Iran, par. 11.46.
819 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 18.5-18.14. Voir Immunités et procédures pénales (Guinée équatoriale
c. France), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2018 (I), par. 150, et opinion individuelle de
Mme la juge Donoghue, par. 18 ; exceptions préliminaires, arrêt, par. 113 ; Affaire Jadhav (Inde c. Pakistan), arrêt,
C.I.J. Recueil 2019 (II), par. 49 ; Immunités et procédures pénales (Guinée équatoriale c. France), arrêt,
C.I.J. Recueil 2020, opinion individuelle de Mme la juge Sebutinde, par. 34 ; Violations alléguées du traité d’amitié, de
commerce et de droits consulaires de 1955 (République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), arrêt du 3 février
2021, par. 93 ; voir également l’opinion individuelle, en partie concordante et en partie dissidente, de
M. le juge ad hoc Brower, arrêt du 3 février 2021, par. 9-10, 13.
820 Réplique de l’Iran, par. 11.46, faisant référence à Certains intérêts allemands en Haute-Silésie polonaise, fond,
arrêt no 7, 1926, C.P.J.I. série A no 7, p. 37-38.
821 Voir également Philip Morris Asia Ltd. v. Commonwealth of Australia, affaire CPA no 2012-12, sentence sur la
compétence et la recevabilité, par. 539 (17 décembre 2015) (annexe 244) («Il est également admis que la notion d’abus
n’implique pas que l’on ait à démontrer la mauvaise foi. Selon la jurisprudence, en effet, l’abus est soumis à un critère
objectif») ; Michael Byers, «Abuse of Rights: An Old Principle, A New Age», McGill Journal of Law, vol. 47, p. 389, 412
(2002) (annexe 238).
822 Réplique de l’Iran, par. 11.51.
191
- 171 -
13.17. Cet argument surprenant fait entièrement fi des preuves manifestes et irréfragables des
violations du droit international commises par l’Iran que les Etats-Unis ont produites dans leur
contre-mémoire823. Il passe également sous silence les circonstances exceptionnelles que les
Etats-Unis ont spécifiquement invoquées à cet égard, à savoir que c’est le comportement illicite de
l’Iran qui a abouti aux mesures qu’ils ont adoptées et dont l’Iran tire maintenant grief devant la
Cour824.
13.18. L’Iran formule en revanche une série d’observations par lesquelles il tente de contredire
les deux arguments américains concernant l’abus de droit. Aucune d’elles n’atteint son but.
a. L’Iran commence par l’argument des Etats-Unis selon lequel il revendiquerait des droits
substantiels au titre du traité d’amitié dans des circonstances qui sont très étrangères à ce que les
Parties avaient envisagé. Il répète l’idée que les Etats-Unis chercheraient à soulever une exception
d’incompétence alors que l’affaire en est à la phase du fond. Il prétend que cet argument des
Etats-Unis ne fait que reprendre la thèse qu’ils ont défendue en l’affaire des Plates-formes
pétrolières, et non celle qu’ils ont défendue pendant la phase des exceptions préliminaires en la
présente espèce825. Cependant, notre réponse n’est pas différente. Comme nous l’avons expliqué
plus haut, l’abus de droit invoqué par les Etats-Unis comme moyen de défense sur le fond en
l’espèce présente un caractère totalement différent826.
b. L’Iran fait valoir que sa demande ne saurait être étrangère aux objectifs commerciaux du traité,
puisque la Cour a défini les «sociétés» aux fins du traité spécifiquement par rapport à leurs
activités commerciales et économiques827. La considération pertinente ici est toutefois non pas la
manière dont le traité pourrait être invoqué, mais la manière dont il l’est effectivement. Comme
cela a été expliqué en détail plus haut, les actifs qui se trouvent au coeur de la demande iranienne
étaient utilisés — comme la banque Markazi l’a expressément admis — «aux fins classiques
d’une activité de banque centrale, c’est-à-dire pour placer [ses] réserves de devises»828. L’Iran ne
dispose d’aucun fondement lui permettant d’étayer de façon un tant soit peu crédible son assertion
voulant que c’est à des fins commerciales qu’il invoque le traité.
c. L’Iran semble affirmer qu’une évaluation de l’exercice par lui de ses droits substantiels n’a rien
à voir avec la nature et l’objet des mesures américaines829. C’est à la fois artificiel et arbitraire.
On ne peut pas dissocier les mesures qui sont en cause et l’exercice par l’Iran de ses droits.
d. En ce qui concerne le deuxième argument des Etats-Unis, selon lequel c’est à des fins
inappropriées qu’il invoque les droits substantiels qu’il tient du traité, l’Iran fait valoir que «les
tribunaux américains qui ont été saisis par des sociétés iraniennes n’ont jamais laissé entendre
que l’intention de ces sociétés était de contourner les obligations de l’Iran vis-à-vis des Etats-
Unis»830. Cette réponse est hors sujet. C’est la responsabilité de l’Iran qui est engagée, et c’est lui
qui cherche à contourner ses obligations en se présentant devant la Cour.
823 Contre-mémoire des Etats-Unis, chapitre 5.B.
824 Ibid., par. 18.13.
825 Réplique de l’Iran, par. 11.54.
826 Voir les paragraphes 13.6 et 13.7 plus haut.
827 Réplique de l’Iran, par. 11.56.
828 Voir le paragraphe 5.11 du chapitre 5. Voir également le paragraphe 9.13 du contre-mémoire des Etats-Unis.
829 Réplique de l’Iran, par. 11.58.
830 Ibid., par. 11.61.
192
- 172 -
e. L’Iran tente d’établir une distinction entre l’Etat iranien et les actifs détenus par les sociétés en
cause831. Sa tentative n’est guère convaincante. Comme nous l’avons montré plus haut, les actifs
en cause dans le principal procès américain pertinent pour la demande iranienne, celui de l’affaire
Peterson I, étaient les réserves en devises de la banque centrale iranienne. L’Iran ne saurait faire
une tentative crédible de séparer l’Etat de ses organismes publics pour arriver à ses fins.
f. L’Iran conclut en prétendant que l’invocation par les Etats-Unis de la doctrine de l’abus de droit
ne serait qu’une tentative cynique d’éluder leurs propres violations du traité832. Cette conclusion
est totalement contredite par les faits de l’espèce. L’Iran a soutenu nombre d’attentats terroristes
commis contre des ressortissants américains. Il voudrait maintenant échapper aux conséquences
de ces actes en faisant valoir des droits qu’il tient du traité, mais dont il n’était de toute évidence
pas prévu qu’ils dussent jamais servir à cette fin. Il est difficile de concevoir un abus de droit plus
manifeste.
13.19. Pour toutes ces raisons, les Etats-Unis concluent que l’Iran est empêché d’exercer tout
droit à une protection substantielle dont la Cour pourrait conclure qu’il est en cause dans l’espèce.
831 Réplique de l’Iran, par. 11.62.
832 Ibid., par. 11.63.
193
- 173 -
QUATRIÈME PARTIE
CONCLUSION ET DEMANDE DE RÉPARATION
Dans cette quatrième partie de leur duplique, les Etats-Unis résumeront brièvement leur cause
(chapitre 14), montreront ensuite que, dans sa réplique, l’Iran n’a rien fait pour remédier aux défauts
de sa demande de réparation (chapitre 15) et, pour finir, réitéreront leur propre demande de réparation
(chapitre 16).
CHAPITRE 14
RÉSUMÉ DE L’ARGUMENTATION DES ETATS-UNIS
14.1. Au coeur de cette affaire se trouve le fait que, pendant plusieurs dizaines d’années, l’Iran
a apporté un soutien à des attentats terroristes contre des ressortissants américains, dont l’attentat à
la bombe de 1983 contre le casernement des fusiliers marins américains à Beyrouth. Lorsque les
victimes ont tenté de l’amener à répondre de son rôle dans ces attentats en le traduisant en justice
devant les juridictions américaines, l’Iran a choisi de ne pas comparaître. Lorsque les victimes ont
finalement obtenu des jugements contre lui et commencé à en demander l’exécution, l’Iran n’a jamais
cherché à faire annuler lesdits jugements. Enfin, lorsqu’il a introduit la présente instance — qui
allègue que le dispositif juridique sous-tendant les actions engagées par les victimes pour se faire
indemniser serait internationalement illicite —, l’Iran n’avait presque rien à dire sur son rôle dans
les attentats sur lesquels reposaient les jugements en faveur des victimes. Dans sa réplique, il n’a rien
changé à ce mutisme stratégique et, ce qu’il y a de plus remarquable, c’est qu’il n’a rien à dire sur
son rôle dans l’attentat à la bombe contre le casernement des fusiliers marins américains.
14.2. Ce n’est pas là le comportement d’une partie qui croit avoir été accusée à tort. C’est la
stratégie d’une partie qui entend éluder ses responsabilités. L’Iran veut tout simplement ne pas avoir
à répondre de ses actes, et il espérait témérairement, en introduisant la présente instance, recouvrer,
sans jamais avoir à défendre sa conduite sur le fond, les indemnités que les victimes d’actes de
terrorisme commis avec son soutien avaient obtenues devant les juridictions américaines. La Cour
ne doit pas laisser l’Iran s’en tirer à si bon compte.
14.3. La Cour n’a d’ailleurs aucune raison de le faire, car les demandes de l’Iran ne sauraient
prospérer pour de multiples raisons. Premièrement, celui-ci n’a formé de demandes concrètes qu’à
l’égard de huit procédures d’exécution de jugement, et la Cour devrait par conséquent faire
abstraction des nombreuses autres procédures judiciaires qu’il mentionne dans les pièces jointes 1 à
4 de sa réplique. Deuxièmement, sachant que l’Iran a tenté d’ajouter à ses demandes diverses mesures
postérieures à l’extinction du traité d’amitié, la Cour devrait rejeter cette tentative, puisque les
Etats-Unis ont cessé d’être liés par les obligations découlant du traité à partir du moment où son
extinction est devenue effective. Ainsi, les mesures adoptées par eux après l’extinction du traité ne
sauraient donner lieu à des allégations de violation de celui-ci. Troisièmement, selon la doctrine des
mains sales, le soutien apporté par l’Iran aux attentats terroristes qui sont à l’origine des jugements
dans les procédures Peterson et Weinstein ainsi que dans d’autres procédures compromet
fondamentalement ses demandes. Quatrièmement, les demandes présentées par l’Iran au titre des
articles III, IV et V du traité d’amitié et attaquant les procédures Peterson I et II ne sauraient
prospérer, puisque les procédures en cause portaient sur les actifs de la banque Markazi, laquelle
n’est pas une «société» au sens du traité et n’entre donc pas dans le champ d’application de ces
articles. Cinquièmement, les entités en cause dans cinq des huit procédures d’exécution en question
n’ont pas épuisé les recours internes qui leur sont ouverts. Sixièmement, les demandes iraniennes
visant le décret présidentiel no 13599 échappent à l’application du traité en vertu du paragraphe 1 de
son article XX. Septièmement et dernièrement, l’Iran fonde ses demandes sur une interprétation et
194
195
- 174 -
une application erronées des articles III, IV, V, VII et X du traité d’amitié (et, en tout état de cause,
même si la Cour devait conclure que les droits de l’Iran en vertu de ces articles ont été violés,
permettre à cet Etat d’invoquer lesdits droits dans ces circonstances reviendrait à autoriser un abus
de droit).
14.4. Pour toutes ces raisons, la Cour devrait rejeter la tentative que fait l’Iran d’invoquer un
traité de commerce et de droits consulaires pour contester les mesures raisonnables que les Etats-
Unis ont adoptées pour permettre aux victimes du terrorisme soutenu par l’Iran de mettre en cause la
responsabilité de ce dernier et d’obtenir réparation de leur préjudice.
- 175 -
CHAPITRE 15
OBSERVATIONS CONCERNANT LES MESURES DE RÉPARATION
15.1. Dans leur contre-mémoire, les Etats-Unis ont mis en évidence le flou entourant les
conclusions de l’Iran relatives à la réparation833. Or, celui-ci n’a rien fait depuis pour corriger les
défauts de son argumentation. Les Etats-Unis traiteront brièvement chacune des trois mesures de
réparation que l’Iran demande maintenant à la Cour : i) la cessation ; ii) l’indemnisation ; et iii) la
satisfaction.
15.2. Si l’on commence par la cessation, l’Iran reconnaît que les Etats-Unis ont dénoncé le
traité d’amitié, mais refuse d’admettre que l’extinction du traité l’empêche de demander à la Cour de
leur ordonner de rapporter les mesures américaines contestées834. Il soutient que les Etats-Unis
«doivent» mettre un terme à ces mesures prétendument illicites, et que «[c]ette obligation n’est pas
affectée par [l’]extinction du traité»835. Il fait erreur. L’unique source faisant autorité qu’il cite à
l’appui de sa thèse est l’article 30 du projet d’articles de la Commission du droit international sur la
responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite et son commentaire. Or, le paragraphe 1
dudit commentaire contredit totalement la thèse iranienne. En effet, il prévoit que
«[l]e maintien en vigueur de l’obligation sous-jacente doit être implicite dans les deux
cas [à savoir la cessation du comportement illicite et l’offre d’assurances et de garanties
de non-répétition], étant donné que si l’obligation a cessé d’exister du fait de sa
violation, la question de la cessation ne se pose pas et il ne saurait être question
d’assurances ni de garanties»836.
Cette conclusion découle naturellement de l’article 13 du même projet d’articles, qui précise que «le
fait de l’Etat ne constitue pas une violation d’une obligation internationale à moins que l’Etat ne soit
lié par ladite obligation au moment où le fait se produit». Les Etats-Unis ont cessé d’être liés par le
traité d’amitié après son extinction et, par conséquent, il n’y a aucune raison pour que la Cour leur
prescrive maintenant de rapporter les mesures contestées, quelle que soit la décision qu’elle prendra
sur le fond des demandes de l’Iran.
15.3. Quant à la demande de réparation présentée par l’Iran, elle reste entièrement vague et
infondée. L’Iran n’a fait aucun effort pour combler les lacunes de son argumentation que les
Etats-Unis ont signalées dans leur contre-mémoire, parmi lesquelles le fait qu’il ait «omis de désigner
la liste complète des entités dont il prétend qu’elles ont été affectées par les mesures américaines,
ainsi que les préjudices spécifiques qu’elles auraient subis»837. Tout au plus a-t-il dénoncé dans sa
réplique huit actions en justice intentées par des bénéficiaires de jugements pour faire exécuter ces
jugements sur les actifs de certaines entités iraniennes. Sans doute s’est-il «réserv[é] le droit
d’introduire et de présenter à la Cour, en temps utile, une évaluation précise des réparations dues par
833 Contre-mémoire des Etats-Unis, chapitre 19.
834 En revanche, l’Iran semble reconnaître qu’il n’a plus droit à l’assurance de non-répétition qu’il demandait dans
son mémoire. Mémoire de l’Iran, par. 7.15. En effet, il ne répète pas cette demande dans sa réplique.
835 Réplique de l’Iran, par. 12.13.
836 Nations Unies, Commission du droit international, projet d’articles sur la responsabilité de l’Etat pour fait
internationalement illicite et commentaires y relatifs, chapitre I, article 30, par. 1 du commentaire,
doc. A/CN.4/SER.A/2001/Add.1 (Part 2) (les italiques sont de nous). Voir également le paragraphe 3 du même
commentaire («Dans l’affaire du Rainbow Warrior, le Tribunal arbitral a souligné que deux conditions essentielles
étroitement liées entre elles devaient être réunies pour que naisse l’obligation de cessation du comportement illicite, à savoir
«que l’acte illicite ait un caractère continu et que la règle violée soit toujours en vigueur au moment de l’émission de cette
ordonnance»») (les italiques sont de nous).
837 Contre-mémoire des Etats-Unis, par. 19.3-19.5.
196
197
- 176 -
les Etats-Unis»838, mais cette évaluation, pour autant qu’elle se révèle nécessaire, devra se rapporter
aux seules violations, si tant est qu’il y en ait, que l’Iran aura décrites dans ses conclusions sur le
fond et que la Cour aura désignées dans son arrêt sur le fond (y compris en précisant la nature de la
violation, la ou les mesures en cause et la ou les entités iraniennes impliquées). Il n’est pas loisible à
l’Iran de se servir d’un éventuel mémoire sur le montant de la réparation pour tenter de prouver
l’existence de violations (y compris envers de nouvelles entités iraniennes) qui s’ajouteraient à celles
expressément désignées par la Cour pendant la présente phase de l’affaire. L’Iran a eu la possibilité
de produire les preuves des violations qu’il allègue, et il n’a pas droit à une nouvelle occasion.
15.4. En ce qui concerne la satisfaction, l’Iran soutient que cette forme de réparation lui est
due parce qu’il aurait «subi un lourd préjudice moral que ni la restitution ni l’indemnisation ne
sauraient corriger»839. Le demandeur ne saurait cependant substituer aux preuves et aux arguments
établissant la réalité d’un préjudice moral une simple déclaration de préjudice840. Là encore, il
importe au plus haut point que la Cour garde à l’esprit le contexte dans lequel s’inscrivent les mesures
américaines contestées. Les jugements des juridictions américaines dont les demandeurs ont obtenu
l’exécution forcée sur les biens d’établissements et organismes iraniens étaient la conséquence
d’actes de terrorisme soutenus par l’Iran. Celui-ci n’a pas contesté devant les juridictions américaines
qu’il ait apporté un soutien à ces actes et, comme nous l’avons vu plus haut, il ne s’engage guère sur
ce terrain dans la présente espèce. En conséquence, et quelles que soient les vues de la Cour sur le
bien-fondé des demandes iraniennes, il est inconcevable que les mesures législatives et exécutives
adoptées par les Etats-Unis pour aider les victimes du terrorisme à se faire indemniser par des
établissements et organismes iraniens quand l’Iran lui-même refuse de les indemniser aient causé à
celui-ci «un lourd préjudice moral».
838 Réplique de l’Iran, par. 12.16.
839 Ibid., par. 12.15.
840 L’Iran n’a pas étayé davantage cette assertion dans son mémoire, où une seule phrase lui a suffi pour justifier sa
demande de satisfaction. Mémoire de l’Iran, par. 7.25.
- 177 -
CHAPITRE 16
CONCLUSIONS
16.1. Sur la base des faits et arguments exposés ci-dessus, les Etats-Unis d’Amérique prient la
Cour, à titre cumulatif ou à titre subsidiaire :
1. De rejeter toutes les demandes fondées sur le traité d’amitié, au motif que l’Iran se présente devant
la Cour en ayant les mains sales.
2. De rejeter comme échappant à sa compétence toutes les demandes fondées sur les articles III, IV
et V du traité d’amitié qui reposent sur le traitement accordé à la banque Markazi.
3. De rejeter comme échappant à sa compétence toutes les demandes fondées sur les articles III, IV
et V du traité d’amitié qui reposent sur le traitement accordé aux sociétés qui n’ont pas épuisé les
recours internes.
4. De rejeter, sur le fondement des alinéas c) et d) du paragraphe 1 de l’article XX du traité d’amitié,
toutes les demandes alléguant que les mesures adoptées par les Etats-Unis avec pour effet de
bloquer les actifs de l’Etat iranien ou des institutions financières iraniennes (telles que définies
dans le décret présidentiel no 13599) contreviennent aux dispositions du traité.
5. De rejeter toutes les demandes fondées sur les articles III, IV, V, VII et X du traité d’amitié, au
motif que les Etats-Unis n’ont violé aucune des obligations envers l’Iran que ces articles mettent
à leur charge.
6. Au cas où la Cour conclurait que l’Iran, nonobstant les observations qui précèdent, a établi une
ou plusieurs de ses demandes fondées sur le traité d’amitié, de rejeter ces demandes au motif que
l’invocation par l’Iran de ses supposés droits fondés sur le traité constitue un abus de droit.
Avec l’expression de tout son respect,
Le 17 mai 2021.
L’agent des Etats-Unis d’Amérique,
(Signé) Richard C. VISEK.
___________
198
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- 178 -
ATTESTATION
Je soussigné, Richard C. Visek, agent des Etats-Unis d’Amérique, atteste par la présente que
les exemplaires de la présente duplique et tous les documents qui y sont annexés sont des copies
conformes des originaux, et que toutes les traductions présentées sont exactes.
Le 17 mai 2021.
L’agent des Etats-Unis d’Amérique,
(Signé) Richard C. VISEK.
___________
200
- 179 -
LISTE DES ANNEXES
17 MAI 2021
Annexe
Volume I
254 Commission du droit international, projet d’articles sur la responsabilité de l’Etat pour fait
internationalement illicite et commentaires y relatifs, Nations Unies,
doc. A/CN.4/SER.A/2001/Add.1 (Part 2) (2001) [extrait]
255 Criminal Indictment, United States of America v. Al-Mughassil, Case No. 01-228-A
(E.D. Va. June 1, 2001)
256 Press Release, U.S. Dep’t of Justice, Attorney General Statement (June 21, 2001)
257 Dale Gavlak, “Lebanese Bristle Over Iran Commander’s Comments Regarding
Hezbollah Missile Capabilities.” Voice of America (Jan. 4, 2021)
258 Corr. [Court of First Instance] Antwerp, Ct. AC8, Feb. 4, 2021, 20A003763 (U.S. Dep’t
of State trans., 2021)
259 Steven Erlanger, “Iranian Diplomat Is Convicted in Plot to Bomb Opposition Rally in
France,” N.Y. Times (Feb. 4, 2021)
260 Daniel Boffey, “Belgian Court Sentences Iranian Diplomat to 20 Years Over Bomb
Plot,” The Guardian (Feb. 4, 2021)
261 Samuel Petrequin, “Iranian Diplomat Co[n]victed of Planning Attack on Opposition,”
(Feb. 4, 2021)
262 Press Release, U.S. Department of Justice, Two Individuals Plead Guilty for Working
on Behalf of Iran (Nov. 6, 2019)
263 “Sweden Charges Man with Spying on Ahwazi Community for Iran,” Reuters (Nov. 6,
2019)
264 “Norwegian Found Guilty of Spying for Iran in Denmark,” Reuters (June 26, 2020)
265 Elian Peltier, “Iran Issues Death Sentence for Opposition Journalist,” N.Y. Times
(June 30, 2020)
266 Press Release, Federal Foreign Office of Germany, “Federal Foreign Office on the
Execution of the Blogger Ruhollah Zam,” (Dec. 12, 2020)
267 Statement by the Ministry for Europe and Foreign Affairs Spokesperson, French
Embassy in London, Iran – Execution of Ruhollah Zam (Dec. 12, 2020)
268 Press Statement, European External Action Service, “Iran: Statement by the
Spokesperson on the execution of Mr. Ruhollah Zam,” (Dec. 12, 2020)
269 Statement, U.N. Office of the High Commissioner for Human Rights, “Iran: UN Experts
condemn execution of Ruhollah Zam,” (Dec. 14, 2020)
270 Financial Action Task Force, High-Risk Jurisdictions Subject to a Call for Action –
21 February 2020 (Feb. 21, 2020)
271 Financial Action Task Force, High-Risk Jurisdictions Subject to a Call for Action –
23 October 2020 (Oct. 23, 2020)
272 U.N. Security Council, Eighth Report of the Secretary-General on the Implementation
of Security Council Resolution 2231 (2015), U.N. Doc. S/2019/934 (Dec. 20, 2019)
- 180 -
Annexe
273 U.N. Security Council, Ninth Report of the Secretary-General on the Implementation of
Security Council Resolution 2231 (2015), U.N. Doc. S/2020/531 (June 11, 2020)
274 Aryeh v. Iran, Case No. 266, Award No. 583-266-3 (Sep. 25, 1997), 33 Iran-U.S. Cl.
Trib. Rep. 368
275 Sanum Investments v. Lao People’s Democratic Republic, PCA Case No. 2013-13,
Award (Aug. 6, 2019) [excerpt]
276 Glencore International AG v. Republic of Colombia, ICSID Case No. ARB/16/6, Award
(Aug. 27, 2019) [excerpt]
277 GPF v. Republic of Poland, SCC Arbitration V 2014/168, Final Award (Apr. 29, 2020)
[excerpt]
278 Patel Engineering v. Mozambique, PCA Case No. 2020-21, Respondent’s Motion for
Bifurcation (Nov. 20, 2020)
Volume II
279 Landesbank Baden-Württemberg v. Kingdom of Spain, ICSID Case No. ARB/15/45,
Decision on the Second Proposal to Disqualify all Members of the Tribunal (Dec. 15,
2020) [excerpt]
280 Civil Code of the Czech Republic (Feb 3, 2012) [excerpt]
281 Bertout v. Saffran (2019) QCCS 4367 (Oct. 22) (Québec Superior Court)
282 M. Cherif Bassiouni, “A Functional Approach to General Principles of International
Law” 11 Mich. J. Int’l L. 768, 788-789 (1990)
283 Protocol, France-Venezuela, Feb. 27, 1903, Vol. X R.I.A.A. 3 (1903-1905)
284 Aroa Mines (Limited) Case – Supplementary Claim, Vol. IX R.I.A.A. 402 (1903)
[excerpt]
285 Convention on Adjustment of Claims, U.S.-Ecuador, Nov. 25, 1862, 13 Stat. 631
286 Bin Cheng, General Principles of Law as Applied by International Courts and Tribunals
(1987) [excerpt]
287 John Dugard, rapporteur spécial, Commission du droit international, sixième rapport sur
la protection diplomatique, Nations Unies, doc. A/CN.4/546 (11 août 2004)
288 Patrick Dumberry, “The Clean Hands Doctrine as a General Principle of International
Law,” 21 J. World Inv. & Trade 489 (2020)
289 James Crawford, Brownlie’s Principles of Public International Law (9th ed. 2019)
[excerpt]
290 Ceskoslovenska Obchodni Banka, a.s. v. The Slovak Republic, ICSID
Case No. ARB/97/4, Decision of the Tribunal on Objections to Jurisdiction (May 24,
1999) [excerpt]
291 Sergei Paushok, CJSC Golden East Company and CJSC Vostokneftegaz Company v.
The Government of Mongolia, UNCITRAL, Award on Jurisdiction and Liability
(Apr. 28, 2011) [excerpt]
292 AIG Capital Partners v. Kazakhstan, [2005] EWHC (Comm) 2239
293 NV Exploitatie-Maatschappij Bengkalis v. Bank Indonesia, 65 I.L.R. 348 (Netherlands,
Court of Appeal of Amsterdam 1963)
294 Blagojevic v. Bank of Japan, 65 I.L.R. 63 (France, Court of Cassation 1976)
- 181 -
Annexe
295 Projet d’articles sur la protection diplomatique et commentaires y relatifs, Annuaire de
la Commission du droit international, 2006, vol. II, Nations Unies,
doc. A/CN.4/SER.A/2006/Add.1 (Part 2) [extrait]
296 Ambiente Ufficio S.p.A. v. Argentine Republic, ICSID Case No. ARB/08/09, Decision
on Jurisdiction and Admissibility (Feb. 8, 2013) [excerpt]
297 Arbitration under Article 181 of the Treaty of Neuilly, Principal Question Judgment,
etc., 28 Am. J. Int’l L. 773 (1934)
298 Republic of Sudan v. Harrison, 139 S. Ct. 1048 (2019)
299 Hausler v. J.P. Morgan Chase Bank N.A., 770 F.3d 207 (2d Cir. 2014)
300 Villoldo v. Castro Ruz, 821 F.3d 196 (1st Cir. 2016)
301 Jerez v. Republic of Cuba, 775 F.3d 419 (D.C. Cir. 2014)
302 Concise Oxford English Dictionary 1212 (11th ed. 2008) [excerpt]
303 Mutual Defense Assistance Act of 1951, Pub. L. 213, 22 U.S.C. 1611 et seq. (1964)
304 Harold J. Berman and John R. Garson, “United States Export Controls – Past, Present,
and Future,” 67 Colum. L. Rev. 791 (1967)
Volume III
305 18 Fed. Reg. 2079 (Apr. 14, 1953)
306 Weinstein v. Islamic Republic of Iran, 624 F. Supp. 2d 272, 273 (district est de l’Etat de
New York, 2009)
307 Weinstein v. Islamic Republic of Iran, 299 F. Supp. 2d 63 (district est de l’Etat de
New York, 2004)
308 Weinstein v. Islamic Republic of Iran, 609 F.3d 43 (deuxième circuit, 2010)
309 Docket, Weinstein v. Islamic Republic of Iran, 12-cv-03445 (E.D.N.Y. Jul. 12, 2012)
[excerpt]
310 Bennett v. Islamic Republic of Iran, 604 F.Supp.2d 152 (district de Columbia, 2009)
311 Ordonnance, Bennett v. Islamic Republic of Iran, affaire no 11-cv-5807 (district nord de
Californie, 24 avril 2020), ECF 210
312 Affidavit of Service of Judgment upon Defendant, Bennett v. Islamic Republic of Iran,
Case No. 03-cv-1486 (D.D.C. Jan. 24, 2011), ECF No. 51-1
313 Demande, Bennett v. Islamic Republic of Iran, affaire no 11-cv-5807 (district nord de la
Californie, 2 décembre 2011)
314 Federal Register Notice, 72 Fed. Reg. 62,520 (Nov. 5, 2007)
315 Summons, Bennett v. Islamic Republic of Iran, Case No. 11-cv-5807 (N.D. Cal. Mar.
21, 2012), ECF No. 45
316 Clerk’s Notice of Entry of Default, Bennett v. Islamic Republic of Iran,
Case No. 11-cv-5807 (N.D. Cal. Apr. 26, 2012), ECF No. 79
317 Bennett v. Islamic Republic of Iran, Case No. 11-cv-5807 (N.D. Cal. June 2012), ECF
Nos. 100, 101, 103, 106, 107
318 Stipulation & Order Vacating Default, Bennett v. Islamic Republic of Iran,
Case No. 11-cv-5807 (N.D. Cal. July 5, 2012), ECF No. 109
319 Orders, Bennett v. Islamic Republic of Iran, 13-15442 (9th Cir.), ECF Nos. 16, 46, 87
- 182 -
Annexe
320 Motion to Quash Writs of Attachment by United States of America, Bennett v. Islamic
Republic of Iran, Case No. 03-cv-1486 (D.D.C. July 18, 2008), ECF No. 34
321 Corrected Brief for Appellee United States, Bennett v. Islamic Republic of Iran,
Case No. 09-5147 (D.C. Cir. Dec. 1, 2009), Doc. 1218295
322 Brief for the United States as Amicus Curiae, Bennett v. Islamic Republic of Iran, 825
F.3d 949 (9th Cir. 2016) (No. 13-15442), ECF No. 82
323 Levin v. Bank of New York, Case No. 09-cv-5900, 2011 WL 812032 (S.D.N.Y. Mar. 4,
2011)
324 Order Granting Motion Authorizing Judgment Creditors to Pursue Attachment in Aid of
Execution and Execution of December 22, 2006 Judgment, Heiser v. Islamic Republic
of Iran, 00-cv-2329 (D.D.C. Feb. 7, 2008), ECF No. 137
325 Order Granting Motion Authorizing Judgment Creditors to Pursue Attachment in Aid of
Execution of September 30, 2009 Judgment, Heiser v. Islamic Republic of Iran,
00-cv-2329 (D.D.C. May 10, 2010), ECF No. 158
326 Order Re Notice & Service of Process, Levin v. Bank of New York, Case No. 09-cv-5900
(S.D.N.Y. Jan. 25, 2010), ECF No. 40
327 Declaration of J. Kelley Nevling in Support of Bank of New York Mellon’s Response
to Plaintiffs’ Motion for Partial Summary Judgment, Levin v. Bank of New York,
Case No. 09-cv-5900 (Sep. 15, 2010), ECF No. 264
328 JP Morgan’s Third-Party Complaint Against Wire Transfer Parties, Levin v. Bank of
New York, Case No. 09-cv-5900 (Dec. 31, 2009), ECF No. 61
329 Bank of New York Mellon’s Third-Party Complaint against Wire Transfer Parties,
Levin v. Bank of New York, Case No. 09-cv-5900 (Dec. 31, 2009), ECF No. 62
330 Memorandum of Law of Citibank, N.A. and JPMorgan Chase Bank, N.A. in Response
to Plaintiffs’ Partial Motion for Summary Judgment, Levin v. Bank of New York,
Case No. 09-cv-5900 (Sep. 15, 2010), ECF No. 265
Volume IV
331 Levin v. Bank of New York Mellon, Case No. 09-cv-5900, 2013 WL 5312502 (S.D.N.Y.
Sep. 23, 2013)
332 Amended Scheduling Order Authorizing Additional Pleadings and Governing and
Scheduling Further Proceedings, Levin v. Bank of New York Mellon,
Case No. 09-cv-5900, (Sep. 16, 2011), ECF No. 764-1
333 Order Concerning Notice To and Service On Third-Parties, Heiser v. Bank of Tokyo
Mitsubishi UFJ, New York Branch, Case No. 11-cv-1601 (S.D.N.Y. Aug. 24, 2011),
ECF No. 25
334 Heiser v. Bank of Tokyo Mitsubishi UFJ, New York Branch, 919 F. Supp. 2d 411
(S.D.N.Y. 2013)
335 Third-Party Petition in Interpleader, Heiser v. Bank of Baroda, New York Branch,
Case No. 11-cv-1602 (S.D.N.Y. Apr. 11, 2011), ECF No. 11
336 Heiser v. Bank of Baroda, New York Branch, Case No. 11-cv-1602, 2013 WL 4780061
(S.D.N.Y. July 17, 2013)
337 Order Concerning Notice to and Service on Third-Parties, Heiser v. Bank of Baroda,
New York Branch, Case No. 11-cv-1602 (S.D.N.Y. Aug. 9, 2011), ECF No. 39
- 183 -
Annexe
338 Heiser v. Islamic Republic of Iran, 807 F. Supp. 2d 9 (D.D.C. 2011)
339 Answer of Bank of Baroda, Heiser v. Bank of Baroda, New York Branch,
Case No. 11-cv-1602 (S.D.N.Y. Apr. 8, 2011), ECF No. 10
340 Answer of Sprint, Heiser v. Islamic Republic of Iran, Case No. 00-cv-2329 (D.D.C.
June 21, 2010), ECF No. 165
341 Answer of Citibank, Levin v. Bank of New York, Case No. 09-cv-5900 (S.D.N.Y.
Oct. 23, 2009), ECF No. 44
342 Answer of Société Générale, Levin v. Bank of New York, Case No. 09-cv-5900
(S.D.N.Y. Oct. 23, 2009), ECF No. 45
343 Answer of JP Morgan, Levin v. Bank of New York, Case No. 09-cv-5900 (S.D.N.Y.
Oct. 23, 2009), ECF No. 54
344 Answer of BNY Mellon, Levin v. Bank of New York, Case No. 09-cv-5900 (S.D.N.Y.
Oct. 23, 2009), ECF No. 56
345 Calderon-Cardona v. Bank of New York Mellon, 770 F.3d 993 (2d Cir. 2014)
346 Levin v. Bank of New York, 602 F. App’x 37 (May 11, 2015)
347 Order, Levin v. Bank of New York Mellon, Case No. 09-cv-5900 (S.D.N.Y. Aug. 20,
2015), ECF No. 1065
348 Letter from U.S. Department of Justice to Hon. Robert P. Patterson, Levin v. Bank of
New York Mellon, Case No. 09-cv-5900 (S.D.N.Y. Oct. 28, 2014), ECF No. 1035
349 Levin v. Bank of New York Mellon, Case No. 09-cv-5900, 2017 WL 4863094 (S.D.N.Y.
Oct. 27, 2017)
350 Levin v. JPMorgan Chase Bank, N.A., 751 F. App’x 143 (2d Cir. 2018)
351 Statement of Interest of the United States, Heiser v. Islamic Republic of Iran,
00-cv-2329 (D.D.C. Aug. 3, 2012), ECF No. 230
352 Response to the Statement of Interest of the United States, Heiser v. Islamic Republic of
Iran, 00-cv-2329 (D.D.C. Aug. 17, 2012), ECF No. 231
353 Heiser v. Islamic Republic of Iran, 885 F. Supp. 2d 429 (D.D.C. 2012)
354 Heiser v. Islamic Republic of Iran, 735 F.3d 934 (D.C. Cir. 2013)
355 Maalouf v. Islamic Republic of Iran, 923 F.3d 1095 (D.C. Cir. 2019)
356 Greenlaw v. United States, 554 U.S. 237 (2008)
357 Havlish v. bin Laden (In re Terrorist Attacks on September 11, 2001), 2011 WL
13244047 (S.D.N.Y. 2011)
358 Affidavit of Service, Exhibit C, Havlish v. bin Laden, Case No. 1:02-cv-00305-JR
(D.D.C. Nov. 1, 2002), ECF No. 35-3
Volume V
359 Clerk’s Certificates of Mailing of Summons & Complaint, Havlish v. bin Laden,
Case No. 03-cv-09848-GBD-SN (S.D.N.Y. Mar. 18, 2005), ECF Nos. 21, 319-334,
340-354
360 Briefs for the United States as Amicus Curiae Supporting Petitioner, Sudan v. Harrison,
139 S. Ct. 1048 (2019) (No. 16-1094)
- 184 -
Annexe
361 Motion of the Solicitor General for Leave to Participate in Oral Argument as Amicus
Curiae and for Divided Argument, Sudan v. Harrison, 139 S. Ct. 1048 (No. 16-1094)
362 Second Amended Complaint, Havlish v. bin Laden, Case No. 03-cv-09848-GBD-SN
(S.D.N.Y. Sept. 7, 2006), ECF No. 214 [excerpt]
363 Report and Recommendation to the Hon. George B. Daniels, Havlish v. bin Laden,
Case No. 03-cv-09848-GBD (S.D.N.Y. July 30, 2012), ECF No. 314
364 D.H. Blair & Co., Inc. v. Gottdiener, 462 F.3d 95 (2d Cir. 2006)
365 Amaya v. Logo Enterprises, LLC, 251 F. Supp. 3d 196 (D.D.C. 2017)
366 Force v. Islamic Republic of Iran, 464 F. Supp. 3d 323, 357 (D.D.C. 2020)
367 Owens v. Republic of Sudan, 864 F.3d 751 (D.C. Cir. 2017)
368 List of Exhibits, Havlish v. bin Laden, Case No. 03-cv-09848-GBD-SN (S.D.N.Y.
2011), ECF No. 276
369 Memorandum Decision and Order, Havlish v. bin Laden, Case No. 03-cv-09848-GBD
(S.D.N.Y. Oct. 3, 2012), ECF No. 316
Volume VI
370 Havlish v. bin Laden, Case No. 03-cv-09848-GBD (S.D.N.Y. Feb. 2012),
ECF Nos. 302, 303, 306
371 Republic of Kazakhstan v. Stati, 325 F.R.D. 507 (D.D.C. 2018)
372 First Fidelity Bank, N.A. v. Government of Antigua & Barbuda-Permanent Mission, 877
F.2d 189 (2d Cir.1989)
373 Friends Christian High School v. Geneva Financial Consultants, 321 F.R.D. 20 (D.D.C.
2017)
374 OCDE, projet de convention de 1967 sur la protection des biens étrangers, repris dans
International Law Materials (ILM), vol. 7, p. 117, 119 (1968) [extrait]
375 OCDE, comité de l’investissement international et des entreprises multinationales,
accords intergouvernementaux relatifs aux investissements dans les pays en
développement, doc. no 84/14 du 27 mai 1984 [extrait]
376 Traité d’amitié, de commerce et de navigation entre les Etats-Unis d’Amérique et la
République italienne, 2 février 1948, Treaties and Other International Acts Series
(TIAS) du département d’Etat des Etats-Unis, 1965 ; Nations Unies, Recueil des traités,
vol. 79, p. 171 (entrée en vigueur le 26 juillet 1949)
377 Tradex Hellas S.A. (Greece) v. Republic of Albania, affaire CIRDI no ARB/94/2,
sentence (29 avril 1999) [extrait]
378 Bin Cheng, General Principles of Law as Applied by International Courts and Tribunals
(1987) [excerpt]
379 Marvin Roy Feldman Karpa v. United Mexican States, NAFTA/ICSID
Case No. ARB(AF)/99/1, Award (Dec. 16, 2002) [excerpt]
380 Cargill Inc. v. United Mexican States, NAFTA/ICSID Case No. ARB(AF)/05/2, Award
(Sep. 18, 2009) [excerpt]
381 Nations Unies, Commission du droit international, projet de conclusions sur la
détermination du droit international coutumier et commentaires y relatifs, doc. A/73/10
(2018) [extrait]
- 185 -
Annexe
382 The Statute Of The International Court Of Justice (Andreas Zimmerman et al. eds.,
2d ed. 2012) [excerpt]
383 National Grid PL.C v. Argentine Republic, UNCITRAL/Agreement between the
Government of the United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland and the
Government of the Argentine Republic for the Promotion and Protection of Investments,
Award (Nov. 3, 2008) [excerpt]
384 Eli Lilly & Co. v. Government of Canada, Case No. UNCT/14/2, Counter-Memorial of
Canada (Jan. 27, 2015) [excerpt]
385 Aven v. Costa Rica, ICSID Case No. UNCT/15/3, Respondent’s Post-Hearing Brief
(Mar. 13, 2017) [excerpt]
Volume VII
386 Spence Int’l Investments, et al. v. The Republic of Costa Rica, ICSID
Case No. UNCT/13/2, Submission of El Salvador, (Apr. 17, 2015)
387 TECO Guatemala Holdings, LLC v. Guatemala, ICSID Case No. ARB/10/23,
Non-Disputing Party Submission of Honduras, (Oct. 5, 2012) (U.S. Dep’t of State trans.,
2021) [excerpt]
388 Eli Lilly and Company v. Government of Canada, Case No. UNCT/14/2, Submission of
Mexico (Mar. 18, 2016)
389 Accord de partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP), 8 mars 2018
[extrait]
390 UNCTAD, Investment Policy Hub, Status of Comprehensive and Progressive
Agreement for Trans-Pacific Partnership
391 U.K. Department for International Trade, Formal Request to Commence U.K. Accession
Negotiations to Comprehensive and Progressive Agreement for Trans-Pacific
Partnership (Feb. 1, 2021)
392 Methanex Corporation v. United States of America, NAFTA/UNCITRAL, Final Award
on Jurisdiction and Merits, (Aug. 3, 2005) [excerpt]
393 1 Fletcher Cyclopedia of the Law of Corporations § 41 (2020)
394 TSA Spectrum de Argentina S.A. v. Argentine Republic, ICSID Case No. ARB/05/05,
Award (Dec. 19, 2008) [excerpt]
395 Gary Born, International Commercial Arbitration (2nd ed. 2014) [excerpt]
396 GE Energy Power Conversion France SAS Corp. v. Outokumpu Stainless USA, LLC,
140 S. Ct. 1637 (2020)
397 Vantaan Kaupunki v. Sansk Industrial Solutions Oy, NCC Industry Oy, Asfaltmix Oy,
Case C-724/17, Judgment of the European Court of Justice (Mar. 14, 2019)
398 Urbaser S.A. and Consorcio de Aguas Bilbao Biskaia, Bilbao Biskaia Ur Partzuergoa v.
Argentine Republic, Spain-Argentina BIT/ICSID Case No. ARB/07/26, Award (Dec. 8,
2016) [excerpt]
399 Saluka Investments BV (The Netherlands) v. The Czech Republic, UNCITRAL, Partial
Award (Mar. 17, 2006) [excerpt]
400 PSEG Global Inc. and Konya Ilgin Electrik Uretim ve Ticaret Sirketi v. Republic of
Turkey, U.S.-Turkey BIT/ICSID Case No. ARB/02/5, Award (Jan. 19, 2007) [excerpt]
- 186 -
Annexe
401 Ioan Micula, et al. v. Romania, Sweden-Romania BIT/ICSID Case No. ARB/05/20,
Award (Dec. 11, 2013) [excerpt]
402 Total, S.A. v. Argentine Republic, France-Argentina BIT/ICSID Case No. ARB/04/01,
Decision on Liability (Dec. 27, 2010) [excerpt]
Volume VIII
403 Pitman B. Potter, International Legislation on the Treatment of Foreigners, 24 Am. J.
Int’l L. 748 (1930)
404 Edwin M. Borchard, “Responsibility of States,” at the Hague Codification Conference,
24 Am. J. Int’l L. 517 (1930)
405 James Crawford, State Responsibility: The General Part (2013) [excerpt]
406 Telegram from U.S. Department of State to U.S. Embassy, Addis Ababa (Aug. 28, 1951)
407 Telegram from U.S. Department of State to U.S. Embassy, Tehran (Nov. 13, 1954)
408 Accord sur l’encouragement et la protection réciproques des investissements, France et
Argentine, 3 juillet 1991, RTNU, vol. 1728, p. 282, paragraphe 1 de l’article premier ;
accord relatif à l’encouragement et à la protection réciproque des investissements,
Espagne et Argentine, 3 octobre 1991, RTNU, vol. 1699, p. 209, paragraphe 2 de
l’article premier ; accord relatif à l’encouragement et à la protection des investissements,
Royaume-Uni et Argentine, 11 décembre 1990, RTNU, vol. 1765, p. 50, litt. a) de
l’article premier ; et accord relatif à l’encouragement et à la protection réciproque des
investissements, Pays-Bas et République fédérale tchèque et slovaque, 29 avril 1991,
RTNU, vol. 2242, p. 230, litt. a) de l’article premier
409 U.S. Model Bilateral Investment Treaty (2004) [excerpt]
410 U.S. Model Bilateral Investment Treaty (2012) [excerpt]
411 Accord Etats-Unis-Mexique-Canada, annexe 14-B, expropriation, Etats-Unis-Canada-
Mexique, 30 novembre 2018
412 Accord économique et commercial global entre l’Union européenne et le Canada,
annexe 8-A, expropriation, 30 octobre 2016, 2017 O.J. (L 11)
413 Accord Union européenne-Singapour sur la protection des investissements, chapitre 4,
annexe 1, expropriation, 19 octobre 2018, COM (2018) 194 final, 2019 O.J. (L 294)
414 Modernisation of the Trade Part of the EU-Mexico Global Agreement, Annex on
Expropriation, Apr. 21, 2018
415 Accord de libre-échange Canada-Colombie, article 811, 21 novembre 2008, Can.-Col.,
Can. T.S. 2011 No. 11
416 Krederi Ltd. v. Ukraine, ICSID Case No. ARB/14/17, Award (July 2, 2018) [excerpt]
417 Garanti Koza LLP v. Turkmenistan, ICSID Case No. ARB/11/20, Award (Dec. 19,
2016) [excerpt]
418 Campbell McLachlan et al., International Investment Arbitration — Substantive
Principles (2d ed. 2017) [excerpt]
419 Extracts from Bloomberg regarding Bank Markazi Security Entitlements
420 OCDE, direction des affaires financières et des entreprises, Le traitement de la nation la
plus favorisée dans le droit international des investissements, documents de travail de
l’OCDE sur l’investissement international, no 2004/2 (2004)
- 187 -
Annexe
421 OCDE, groupe de négociation de l’accord multilatéral sur l’investissement (AMI),
L’accord multilatéral sur l’investissement : commentaire du texte consolidé,
doc. DAFFE/MAI(98)8/REV1 (22 avril 1998)
422 Nations Unies, Commission du droit international, projet d’articles sur les clauses de la
nation la plus favorisée, doc. A/33/10 (1978) [extrait]
423 CNUCED, collection de la CNUCED consacrée aux problèmes relatifs aux accords
internationaux d’investissement II : Traitement de la nation la plus favorisée,
doc. UNCTAD/DIAE/IA/2010/1 (2010) [extrait]
424 Kenneth J. Vandevelde, Bilateral Investment Treaties (2010) [excerpt]
425 Parkerings-Compagniet AS v. Lithuania, ICSID Case No. ARB/05/8, Award (Sep. 11,
2007) [excerpt]
426 Bayindir Insaat Turizm Ticaret Ve Sanayi AS v. Pakistan, ICSID Case No. ARB/03/29,
Award (Aug. 27, 2009) [excerpt]
427 Press Statement on Threats to American Personnel and Facilities in Iraq, Secretary of
State Michael R. Pompeo (Sep. 28, 2018); Remarks to the Media, Secretary of State
Michael R. Pompeo (Oct. 3, 2018); Press Statement on U.S. Appearance before the
International Court of Justice, Secretary of State Michael R. Pompeo (Oct. 8, 2018);
Edward Wong, “Blaming Iran, U.S. Evacuates Consulate in Southern Iraq,” N.Y. Times,
Sep. 28, 2018
428 Excerpts from U.S. Federal Rules of Civil Procedure and Federal Rules of Evidence
- 188 -
APPENDICE 1
PROCÉDURES D’EXÉCUTION ÉNUMÉRÉES DANS LA PIÈCE JOINTE 2
DE LA RÉPLIQUE DE L’IRAN
Les huit procédures d’exécution qui font l’objet de demandes détaillées de la part de l’Iran
sont en caractères gras.
- 189 -
Numéro de
l’affaire dans la
pièce jointe 2
de l’Iran
Intitulé de l’affaire et numéro
d’inscription au rôle (tribunal)
Entités iraniennes
ayant comparu
Etat de l’affaire
(au 15 février 2021)
Actifs remis aux demandeurs
par décision de justice
1. Ministry of Defense and Support for
Armed Forces of the Islamic Republic of
Iran v. Cubic Defense Systems
3:98-cv-01165 (S.D. Cal.)
Ministère de la
défense
En mai 2016, la Cour suprême a
fait droit à la demande du
ministère de la défense tendant à la
prorogation du délai pour le dépôt
d’une requête en ordonnance de
certiorari. Aucune requête n’a
jamais été déposée.
Le tribunal a ordonné la remise
de la somme de
9 462 750,81 dollars, provenant
d’une sentence arbitrale en
faveur du ministère iranien de la
défense.
2. Heiser v. Islamic Republic of Iran
1:00-cv-02329 (D.D.C.)
Aucune Les entités iraniennes n’ont pas
fait appel.
Le tribunal a ordonné la remise
de la somme de
613 587,38 dollars que Sprint
Communications Company LP
devait à Telecommunications
Infrastructure Company of
Iran, ainsi que de
59 031,92 dollars en actifs
d’entités iraniennes (Iran
Marine and Industrial, Sediran
Drilling Company, Iran Air, et
Bank Melli PLC U.K.) et de
249 365,44 dollars en actifs de
la marine iranienne.
3. Stern v. Islamic Republic of Iran
1:00-cv-02602 (D.D.C.)
Aucune Le tribunal a fait droit à la requête
en annulation d’ordonnance de
saisie conservatoire introduite par
l’ICANN, décision confirmée par
la cour d’appel.
Aucun
4. Weinstein v. Islamic Republic of Iran
1:00-cv-02601 (D.D.C.)
Aucune Le tribunal a fait droit à la requête
en annulation d’ordonnance de
saisie conservatoire introduite par
Aucun
- 190 -
Numéro de
l’affaire dans la
pièce jointe 2
de l’Iran
Intitulé de l’affaire et numéro
d’inscription au rôle (tribunal)
Entités iraniennes
ayant comparu
Etat de l’affaire
(au 15 février 2021)
Actifs remis aux demandeurs
par décision de justice
l’ICANN, décision confirmée par
la cour d’appel.
5. Peterson v. Islamic Republic of Iran et al.
1:01-cv-02094 (D.D.C.)
Aucune De nombreux tiers saisis ont
déposé des requêtes en annulation
des ordonnances de saisie
conservatoire.
Aucun
6. Bakhtiar v. Islamic Republic of Iran
1:02-cv-00092 (D.D.C.)
Aucune Ordonnances de saisie-arrêt
rendues à l’égard de plusieurs
banques.
Aucun
7. Hegna v. Islamic Republic of Iran
5:02-mc-00042 (N.D. Tex.)
Aucune La cour d’appel a confirmé la
décision du tribunal fédéral de
district de faire droit à la requête de
l’administration américaine
tendant à annuler l’ordonnance de
saisie conservatoire et d’exécution
relativement à un bien détenu par
l’Iran et situé à Lubbock (Texas).
Aucun
8. Bennett v. Islamic Republic of Iran
4:12-mc-00633 (S.D. Tex.)
Aucune Enregistrement du jugement
uniquement ; pas d’autre mesure.
Aucun
9. Davis v. Islamic Republic of Iran
1:07-cv-01302 (D.D.C.)
Aucune Le tribunal a rendu une
ordonnance autorisant l’exécution
du jugement.
Aucun
10. Stern v. Islamic Republic of Iran
8:03-mc-00371 (D. Md.)
Aucune Enregistrement du jugement
uniquement ; pas d’autre mesure.
Aucun
11. Havlish v. Bin Laden
1:03-cv-09848 (S.D.N.Y.)
Aucune Le tribunal a rendu des
ordonnances d’exécution ; pas
d’autre mesure.
Aucun
- 191 -
Numéro de
l’affaire dans la
pièce jointe 2
de l’Iran
Intitulé de l’affaire et numéro
d’inscription au rôle (tribunal)
Entités iraniennes
ayant comparu
Etat de l’affaire
(au 15 février 2021)
Actifs remis aux demandeurs
par décision de justice
12. Rubin v. Islamic Republic of Iran
1:03-cv-09370 (N.D. Ill.)
Etat iranien
La Cour suprême a rendu une
décision le 21 février 2018
confirmant l’arrêt de la cour
d’appel fédérale indiquant que le
paragraphe g) de l’article 1610 du
titre 28 du code des Etats-Unis ne
saurait, à lui seul, habiliter les
parties à obtenir une saisie-arrêt
sur les biens d’un Etat étranger.
Aucun
13. Ellis v. Islamic Republic of Iran
1:05-cv-00220 (D.D.C.)
L’Iran identifie le demandeur en tant que
Goldberg-Botvin
Aucune Le tribunal a rendu une
ordonnance autorisant l’exécution
du jugement.
Aucun
14. Rubin v. Islamic Republic of Iran
2:05-mc-70974 (E.D. Mich.)
Aucune Enregistrement du jugement
uniquement ; pas d’autre mesure.
Aucun
15. Levin v. Bank of New York
1:09-cv-05900 (S.D.N.Y.)
Aucune Les entités iraniennes n’ont pas
fait appel.
Le tribunal a ordonné la
remise des actifs, mais les
montants et le nom des entités
iraniennes en cause sont
expurgés des documents du
tribunal.
16. Levin v. Islamic Republic of Iran
1:11-mc-00283 (S.D.N.Y.)
Aucune Ordonnances d’exécution
signifiées aux banques saisies ; pas
d’autre mesure.
Aucun
17. Murphy v. Islamic Republic of Iran
1:11-mc-00423 (S.D.N.Y.)
Aucune Enregistrement du jugement,
ordonnances d’exécution
Aucun
- 192 -
Numéro de
l’affaire dans la
pièce jointe 2
de l’Iran
Intitulé de l’affaire et numéro
d’inscription au rôle (tribunal)
Entités iraniennes
ayant comparu
Etat de l’affaire
(au 15 février 2021)
Actifs remis aux demandeurs
par décision de justice
signifiées aux banques saisies ; pas
d’autre mesure.
18. Leibovitch v. Syrian Arab Republic
1:08-cv-01939 (N.D. Ill.)
Aucune Le tribunal a fait droit aux requêtes
des banques saisies en annulation
des demandes de communication
des pièces (discovery) introduites
par les demandeurs ; le tribunal a
fait droit aux requêtes des
demandeurs en rejet des
assignations adressées à Boeing
Corp. en vue de la communication
des pièces (discovery).
Aucun
19. Ben Haim v. Islamic Republic of Iran
1:08-cv-00520 (D.D.C.)
Aucune Le tribunal a fait droit à la requête
en annulation d’ordonnance de
saisie conservatoire introduite par
l’ICANN, décision confirmée par
la cour d’appel.
Aucun
20. Bodoff v. Islamic Republic Of Iran
1:08-cv-00547 (D.D.C.)
Aucune Le tribunal a confirmé les
montants des dommages-intérêts
compensatoires et punitifs
précédemment adjugés ; il ne
s’agit pas d’une procédure
d’exécution.
Aucun
21. Peterson v. Islamic Republic of Iran
4:08-mc-00016 (N.D. Okla.)
Aucune Enregistrement du jugement
uniquement ; pas d’autre mesure.
Aucun
22. Ben-Rafael v. Islamic Republic of Iran
1:08-cv-00716 (D.D.C.)
Aucune Le tribunal a fait droit à la requête
des demandeurs autorisant
l’exécution du jugement ; pas
d’autre mesure.
Aucun
- 193 -
Numéro de
l’affaire dans la
pièce jointe 2
de l’Iran
Intitulé de l’affaire et numéro
d’inscription au rôle (tribunal)
Entités iraniennes
ayant comparu
Etat de l’affaire
(au 15 février 2021)
Actifs remis aux demandeurs
par décision de justice
23. Peterson v. Islamic Republic of Iran
2:08-mc-00098 (E.D. Cal.)
Aucune Enregistrement du jugement
uniquement ; pas d’autre mesure.
Aucun
24. Wamai v. Republic of Sudan
1:08-cv-01349 (D.D.C.)
Aucune Les demandeurs cherchent à faire
exécuter le jugement contre le
Soudan uniquement.
Aucun
25. Heiser v. Islamic Republic of Iran
2:08-mc-00109 (E.D. Cal.)
Aucune Enregistrement du jugement
uniquement ; pas d’autre mesure.
Aucun
26. Heiser et al v. Islamic Republic of Iran
1:08-mc-00212, reclassée sous le numéro
1:11-cv-00137 (D. Md.), no 40 ci-dessous
Aucune Les banques saisies sont dessaisies
de l’affaire ; suspension de la
procédure contre les autres tiers
saisis.
Aucun
27. Heiser v. Islamic Republic of Iran
3:08-mc-00491 (S.D. Cal.)
Aucune Enregistrement du jugement et
ordonnances de saisie
conservatoire rendues ; pas d’autre
mesure.
Aucun
28. Heiser v. Islamic Republic of Iran
3:08-mc-00323 (D. Conn.)
Aucune Enregistrement du jugement
uniquement ; pas d’autre mesure.
Aucun
29. Peterson v. Islamic Republic of Iran
0:08-mc-00062 (D. Minn.)
Aucune Enregistrement du jugement
uniquement ; pas d’autre mesure.
Aucun
30. Peterson v. Islamic Republic of Iran
3:08-mc-09256 (D. Or.)
Aucune Enregistrement du jugement
uniquement ; pas d’autre mesure.
Aucun
31. Acosta v. Islamic Republic of Iran Aucune Enregistrement du jugement ;
aucune activité depuis 2011.
Aucun
- 194 -
Numéro de
l’affaire dans la
pièce jointe 2
de l’Iran
Intitulé de l’affaire et numéro
d’inscription au rôle (tribunal)
Entités iraniennes
ayant comparu
Etat de l’affaire
(au 15 février 2021)
Actifs remis aux demandeurs
par décision de justice
2:09-mc-00101 (E.D. Cal.)
32. Greenbaum v. Islamic Republic of Iran
2:09-mc-00104 (E.D. Cal.)
Aucune Enregistrement du jugement
uniquement ; pas d’autre mesure.
Aucun
33. Heiser v. Islamic Republic of Iran
4:09-mc-00559 (S.D. Tex.)
Aucune Dépôt d’avis d’instance en cours
uniquement ; pas d’autre mesure.
Aucun
34. Heiser v. Islamic Republic of Iran
8:09-mc-00373 (D. Md.)
Aucune Dépôt d’avis d’instance en cours
uniquement ; pas d’autre mesure.
Aucun
35. Heiser v. Islamic Republic of Iran
3:09-mc-00941 (S.D. Cal.)
Aucune Dépôt d’avis d’instance en cours
uniquement ; pas d’autre mesure.
Aucun
36. Heiser v. Islamic Republic of Iran
2:09-mc-00105 (E.D. Cal.)
Aucune Dépôt d’avis d’instance en cours
uniquement ; pas d’autre mesure.
Aucun
37. Khaliq v. Republic of Sudan
1:11-mc-00036 (S.D.N.Y.)
Aucune Dépôt d’avis d’instance en cours et
de certificats de signification des
banques saisies ; pas d’autre
mesure.
Aucun
38. Peterson v. Islamic Republic of Iran
1:10-cv-04518 (S.D.N.Y.)
Banque Markazi La banque Markazi a déposé
une requête en ordonnance de
certiorari. La Cour suprême a
confirmé la décision du tribunal
inférieur le 20 avril 2016.
Le 6 juin 2016, le tribunal a
autorisé la distribution de
1 895 600 513 dollars aux
demandeurs.
39. Heiser v. Islamic Republic of Iran
1:10-mc-00005 (S.D.N.Y.)
Aucune Enregistrement du jugement et
ordonnances d’exécution
signifiées aux banques saisies ;
sont actuellement visés les mêmes
actifs que ceux en cause dans
l’affaire figurant au no 79 cidessous,
Peterson v. Iran, 1:13-cv-
09195 (S.D.N.Y.).
Impossible de savoir si des actifs
ont été remis, les documents du
tribunal étant scellés.
- 195 -
Numéro de
l’affaire dans la
pièce jointe 2
de l’Iran
Intitulé de l’affaire et numéro
d’inscription au rôle (tribunal)
Entités iraniennes
ayant comparu
Etat de l’affaire
(au 15 février 2021)
Actifs remis aux demandeurs
par décision de justice
40. Heiser v. Islamic Republic of Iran
1:11-cv-00137 (D. Md.)
(voir également no 26 ci-dessus)
Aucune Les banques saisies sont dessaisies
de l’affaire ; suspension de la
procédure contre les autres tiers
saisis.
Aucun
41. Heiser v. Islamic Republic of Iran
1:11-cv-00998 (S.D.N.Y.)
Aucune Les demandeurs se sont désistés de
l’instance le 3 juillet 2018.
Aucun
42. Owens v. Republic of Sudan
1:11-mc-00037 (S.D.N.Y.)
Aucune Dépôt d’avis d’instance en cours et
de certificats de signification des
banques saisies ; pas d’autre
mesure.
Aucun
43. Bennett v. Islamic Republic of Iran
1:11-mc-00035 (S.D.N.Y.)
Aucune Enregistrement du jugement et
ordonnances d’exécution rendues ;
pas d’autre mesure.
Aucun
44. Heiser v. Bank Of Baroda, New York
Branch
1:11-cv-01602 (S.D.N.Y.)
Aucune Les entités iraniennes n’ont pas
fait appel.
Le tribunal a ordonné la
remise de 119 827,68 dollars
en actifs d’entités iraniennes
(banque Saderat, Export
Development Bank of Iran,
Behran Oil Company, et
banque Melli).
45. Heiser v. The Bank Of Tokyo-
Mitsubishi UFJ, Ltd.
1:11-cv-01601 (S.D.N.Y.)
Aucune Les entités iraniennes n’ont pas
fait appel.
Le tribunal a ordonné la
remise de 359 689,75 dollars
en actifs d’entités iraniennes
(Bank Sepah International
PLC, Azores Shipping
Company LL FZE, Iranohind
Shipping Company, IRISL
Benelux NV, Export
Development Bank of Iran et
banque Melli).
- 196 -
Numéro de
l’affaire dans la
pièce jointe 2
de l’Iran
Intitulé de l’affaire et numéro
d’inscription au rôle (tribunal)
Entités iraniennes
ayant comparu
Etat de l’affaire
(au 15 février 2021)
Actifs remis aux demandeurs
par décision de justice
46. Heiser v. Mashreqbank PSC
1:11-cv-01609 (S.D.N.Y.)
Aucune Les entités iraniennes n’ont pas
fait appel.
Le tribunal a ordonné la remise
de la somme de
123 202,32 dollars, mais le nom
des entités iraniennes est
expurgé des documents du
tribunal.
47. Valore v. Islamic Republic of Iran
1:11-mc-00217 (S.D.N.Y.)
Aucune Enregistrement du jugement,
ordonnances signifiées ; pas
d’autre mesure.
Aucun
48. Heiser v. Islamic Republic of Iran
1:11-mc-00295 (S.D.N.Y.)
Aucune Le tribunal a fait droit à la requête
des demandeurs tendant à ce que
soient rendues des ordonnances
d’exécution ; pas d’autre mesure.
Aucun
49. Heiser v. Islamic Republic of Iran
3:11-mc-00116 (W.D.N.C.)
Aucune Enregistrement du jugement et
ordonnance d’exécution rendue ;
pas d’autre mesure.
Aucun
50. Greenbaum v. Islamic Republic of Iran
3:11-mc-80283 (N.D. Cal.)
Aucune Affaire liée à celle de Bennett
v. Iran, figurant au no 54
ci-dessous.
Aucun
51. Rimkus v. Islamic Republic of Iran
1:11-mc-00413 (S.D.N.Y.)
Aucune Enregistrement du jugement
uniquement ; pas d’autre mesure.
Aucun
52. Rimkus v. Islamic Republic of Iran
1:11-mc-00412 (S.D.N.Y.)
Aucune Enregistrement du jugement
uniquement ; pas d’autre mesure.
Aucun
53. Heiser v. Franklin Templeton Fiduciary
Trust
1:11-cv-08446 (S.D.N.Y.)
Aucune Suspension de la procédure dans
l’attente du jugement dans l’affaire
suivante qui porte sur les mêmes
actifs.
Aucun
54. Bennett v. Islamic Republic of Iran
3:11-cv-05807 (N.D. Cal.)
Banque Melli
(après que des tiers
saisis ont déposé
Le 30 mars 2020, la Cour
suprême a rejeté la requête de la
Le tribunal a ordonné la remise
de 17 324 832,16 dollars en
actifs de la banque Melli
- 197 -
Numéro de
l’affaire dans la
pièce jointe 2
de l’Iran
Intitulé de l’affaire et numéro
d’inscription au rôle (tribunal)
Entités iraniennes
ayant comparu
Etat de l’affaire
(au 15 février 2021)
Actifs remis aux demandeurs
par décision de justice
17,6 millions dollars
en actifs bloqués
auprès du tribunal)
banque Melli en ordonnance de
certiorari.
détenus par Visa, Inc. et
Franklin Resources, Inc. aux
demandeurs Bennett, Heiser
(no 53 ci-dessus), Greenbaum
(no 50 ci-dessus) et Acosta.
55. Bennett v. Islamic Republic of Iran
0:12-mc-00004 (D. Minn.)
Aucune Enregistrement du jugement
uniquement ; pas d’autre mesure.
Aucun
56. Rafii v. Islamic Republic of Iran
3:12-mc-00093 (S.D. Cal.)
Aucune Enregistrement du jugement
uniquement ; pas d’autre mesure.
Aucun
57. Marthaler v. Islamic Republic of Iran
3:12-mc-00003 (W.D. Wis.)
L’Iran identifie le demandeur en tant que
Heiser
Aucune Enregistrement du jugement ; le
tribunal a rendu une ordonnance
autorisant la saisie-arrêt ; pas
d’autre mesure.
Aucun
58. Bodoff v. Islamic Republic of Iran
1:12-mc-00154 (S.D.N.Y.)
Aucune Enregistrement du jugement
uniquement ; pas d’autre mesure.
Aucun
59. Rubin v. Islamic Republic of Iran
1:12-mc-00153 (S.D.N.Y.)
Aucune Enregistrement du jugement et
ordonnances d’exécution
signifiées ; pas d’autre mesure.
Aucun
60. Stern v. Iranian Ministry of Information
and Security
1:12-mc-00151 (S.D.N.Y.)
Aucune Enregistrement du jugement
uniquement ; pas d’autre mesure.
Aucun
61. Ben Haim v. Islamic Republic of Iran
1:12-mc-00152 (S.D.N.Y.)
Aucune Enregistrement du jugement
uniquement ; pas d’autre mesure.
Aucun
62. Stethem v. Islamic Republic of Iran
1:12-mc-00203 (S.D.N.Y.)
Aucune Enregistrement du jugement
uniquement ; pas d’autre mesure.
Aucun
63. Weinstein v. Islamic Republic of Iran
2:12-cv-03445 (E.D.N.Y.)
Voir également Weinstein v. Islamic
Republic of Iran,
Banque Melli ;
banque Saderat
Le 25 juin 2012, la Cour
suprême a rejeté la requête de la
banque Melli en ordonnance de
certiorari.
Le tribunal a ordonné la
distribution de
1 021 736,39 dollars aux
demandeurs Weinstein et de
333 776,67 dollars aux
- 198 -
Numéro de
l’affaire dans la
pièce jointe 2
de l’Iran
Intitulé de l’affaire et numéro
d’inscription au rôle (tribunal)
Entités iraniennes
ayant comparu
Etat de l’affaire
(au 15 février 2021)
Actifs remis aux demandeurs
par décision de justice
2:02-mc-00237 (E.D.N.Y.) ; affaire
convertie en 2:12-cv-03445 après le
rejet de la requête en ordonnance de
certiorari.
demandeurs Heiser, sommes
provenant du produit de la
vente d’un bien immobilier de
la banque Melli.
64. Owens v. Republic of Sudan
1:12-mc-00243 (S.D.N.Y.)
Aucune Dépôt d’avis d’instance en cours
uniquement ; pas d’autre mesure.
Aucun
65. Heiser v. Islamic Republic of Iran
2:12-mc-00391 (C.D. Cal.)
Aucune Enregistrement du jugement
uniquement ; pas d’autre mesure.
Aucun
66. Heiser v. Islamic Republic of Iran
2:12-mc-00392 (C.D. Cal.)
Aucune Enregistrement du jugement
uniquement ; pas d’autre mesure.
Aucun
67. Bland v. Islamic Republic of Iran
1:12-mc-00373 (S.D.N.Y.)
Aucune Enregistrement du jugement et
ordonnance d’exécution rendue
(mais pas signifiée) ; pas d’autre
mesure.
Aucun
68. Bakhtiar v. Islamic Republic of Iran
1:12-mc-00403 (S.D.N.Y.)
Aucune Enregistrement du jugement et
ordonnances d’exécution rendues ;
pas d’autre mesure.
Aucun
69. Holland v. Islamic Republic of Iran
1:13-mc-00149 (S.D.N.Y.)
Aucune Enregistrement du jugement
uniquement ; pas d’autre mesure.
Aucun
70. Davis v. Islamic Republic of Iran
1:13-mc-00046 (S.D.N.Y.)
Aucune La banque saisie a déposé un avis
de comparution ; pas d’autre
mesure.
Aucun
71. Brown v. Islamic Republic of Iran
1:13-mc-00113 (S.D.N.Y.)
Aucune Enregistrement du jugement et
ordonnance d’exécution signifiée à
la banque saisie ; pas d’autre
mesure.
Aucun
72. Havlish v. Royal Dutch Shell P.C.
1:13-cv-07074 (S.D.N.Y.)
Aucune Les demandeurs ont fait appel de
la décision du tribunal fédéral de
district de faire droit à la requête en
rejet de l’action pour défaut de
Aucun
- 199 -
Numéro de
l’affaire dans la
pièce jointe 2
de l’Iran
Intitulé de l’affaire et numéro
d’inscription au rôle (tribunal)
Entités iraniennes
ayant comparu
Etat de l’affaire
(au 15 février 2021)
Actifs remis aux demandeurs
par décision de justice
compétence personnelle introduite
par Shell ; conformément aux
stipulations entre les parties, la
cour d’appel a renvoyé l’affaire
devant le tribunal inférieur pour
que soit rejetée la requête des
demandeurs.
73. Brewer v. Islamic Republic of Iran
1:13-mc-00148 (S.D.N.Y.)
Aucune Enregistrement du jugement
uniquement ; pas d’autre mesure.
Aucun
74. Blais v. Islamic Republic of Iran
1:13-mc-00145 (S.D.N.Y.)
Aucune Enregistrement du jugement
uniquement ; pas d’autre mesure.
Aucun
75. Valencia v. Islamic Republic of Iran
1:13-mc-00150 (S.D.N.Y.)
Aucune Enregistrement du jugement
uniquement ; pas d’autre mesure.
Aucun
76. Botvin v. Islamic Republic of Iran
1:13-mc-00322 (S.D.N.Y.)
Aucune Enregistrement du jugement
uniquement ; pas d’autre mesure.
Aucun
77. Botvin v. Islamic Republic of Iran
1:13-mc-00323 (S.D.N.Y.)
Aucune Enregistrement du jugement
uniquement ; pas d’autre mesure.
Aucun
78. Wultz v. Islamic Republic of Iran
1:13-mc-00055 (S.D.N.Y.)
Aucune Enregistrement du jugement et
ordonnance d’exécution signifiée ;
pas d’autre mesure.
Aucun
79. Peterson v. Islamic Republic of Iran
1:13-cv-09195 (S.D.N.Y.)
Banque Markazi La Cour suprême a renvoyé
l’affaire devant la cour d’appel
qui l’a elle-même renvoyée
devant le tribunal fédéral de
district en juin 2020. Affaire
pendante.
Aucun
80. Goldberg-Botvin et al v. Islamic
Republic of Iran
1:14-cv-03002 (N.D. Ill.)
Aucune Enregistrement du jugement ;
injonctions à communiquer les
pièces relatives aux actifs
signifiées aux institutions
Aucun
- 200 -
Numéro de
l’affaire dans la
pièce jointe 2
de l’Iran
Intitulé de l’affaire et numéro
d’inscription au rôle (tribunal)
Entités iraniennes
ayant comparu
Etat de l’affaire
(au 15 février 2021)
Actifs remis aux demandeurs
par décision de justice
financières tierces ; pas d’autre
mesure.
81. Botvin v. Islamic Republic of Iran
1:14-cv-03010 (N.D. Ill.)
Aucune Enregistrement du jugement ;
injonctions à communiquer les
pièces relatives aux actifs
signifiées aux institutions
financières tierces ; pas d’autre
mesure.
Aucun
82. Levin v. Islamic Republic of Iran
1:14-mc-00041 (S.D.N.Y.)
Aucune Accueil de la requête des
demandeurs tendant à ce que
soient rendues des ordonnances
d’exécution ; signification des
ordonnances ; pas d’autre mesure.
Aucun
83. Relvas v. Islamic Republic of Iran
1:14-mc-00359 (S.D.N.Y.)
Aucune Dépôt d’avis d’instance en cours
uniquement ; pas d’autre mesure.
Aucun
84. Levin v. Islamic Republic of Iran
1:14-mc-01389 (E.D.N.Y.)
Aucune Affaire introduite et close le même
jour.
Aucun
85. Oveissi v. Islamic Republic of Iran
3:15-mc-00005 (D. Alaska)
Aucune Enregistrement du jugement
uniquement ; pas d’autre mesure.
Aucun
86. Oveissi v. Islamic Republic of Iran
2:15-mc-0050 (C.D. Cal.)
Aucune Enregistrement du jugement
uniquement ; pas d’autre mesure.
Aucun
87. Bakhtiar v. Islamic Republic of Iran
3:15-mc-00099 (W.D.N.C.)
Aucune Enregistrement du jugement
uniquement ; pas d’autre mesure.
Aucun
88. Havlish v. bin-Laden
1:15-cv-04055 (N.D. Ill.)
Aucune Enregistrement du jugement
uniquement ; pas d’autre mesure.
Aucun
89. Bodoff v. Islamic Republic of Iran
1:15-mc-00234 (S.D.N.Y.)
Aucune Enregistrement du jugement
uniquement ; pas d’autre mesure.
Aucun
90. Ben Haim v. Islamic Republic of Iran
1:16-mc-00094 (S.D.N.Y.)
Aucune Enregistrement du jugement et
ordonnance d’exécution rendue ;
pas d’autre mesure.
Aucun
- 201 -
Numéro de
l’affaire dans la
pièce jointe 2
de l’Iran
Intitulé de l’affaire et numéro
d’inscription au rôle (tribunal)
Entités iraniennes
ayant comparu
Etat de l’affaire
(au 15 février 2021)
Actifs remis aux demandeurs
par décision de justice
91. Leibovitch v. Syrian Arab Republic
1:16-mc-00097 (S.D.N.Y.)
Aucune Enregistrement du jugement,
ordonnances d’exécution rendues
et signifiées ; pas d’autre mesure.
Aucun
92. Havlish v. Clearstream Banking, S.A.
1:16-cv-08075 (S.D.N.Y.)
Aucune Affaire visant les mêmes actifs que
ceux en cause dans l’affaire
figurant au no 79 ci-dessus,
Peterson v. Iran, 1:13-cv-09195
(S.D.N.Y.).
Aucun
93. Wultz v. Islamic Republic of Iran
3:17-mc-00009 (D.V.I.)
Aucune Enregistrement du jugement
uniquement ; pas d’autre mesure.
Aucun
94. Bayani v. Islamic Republic of Iran
3:17-mc-00154 (D.P.R.)
Aucune Enregistrement du jugement
uniquement ; pas d’autre mesure.
Aucun
95. Wultz v. Islamic Republic of Iran
3:17-mc-00153 (D.P.R.)
Aucune Enregistrement du jugement
uniquement ; pas d’autre mesure.
Aucun
96. Heiser v. Islamic Republic of Iran
2:17-mc-00114 (W.D. Wash.)
Aucune Enregistrement du jugement
uniquement ; pas d’autre mesure.
Aucun
97. Gill v. Islamic Republic of Iran
1:17-mc-00500 (S.D.N.Y.)
Aucune Enregistrement du jugement
uniquement ; pas d’autre mesure.
Aucun
98. Braun v. Islamic Republic of Iran
1:18-cv-01681 (N.D. Ill.)
Aucune Enregistrement du jugement ;
injonction à communiquer les
pièces relatives aux actifs signifiée
à Boeing Corp. ; pas d’autre
mesure.
Aucun
99. Rubin v. Islamic Republic of Iran
1:18-cv-01689 (N.D. Ill.)
Aucune Enregistrement du jugement ;
injonction à communiquer les
pièces relatives aux actifs signifiée
à Boeing Corp. ; pas d’autre
mesure.
Aucun
100. Weinstein v. Islamic Republic of Iran
1:18-cv-01691 (N.D. Ill.)
Aucune Enregistrement du jugement ;
injonction à communiquer les
Aucun
- 202 -
Numéro de
l’affaire dans la
pièce jointe 2
de l’Iran
Intitulé de l’affaire et numéro
d’inscription au rôle (tribunal)
Entités iraniennes
ayant comparu
Etat de l’affaire
(au 15 février 2021)
Actifs remis aux demandeurs
par décision de justice
pièces relatives aux actifs signifiée
à Boeing Corp. ; pas d’autre
mesure.
101. Bodoff v. Islamic Republic of Iran
1:18-cv-01686 (N.D. Ill.)
Aucune Enregistrement du jugement ;
injonction à communiquer les
pièces relatives aux actifs signifiée
à Boeing Corp. ; pas d’autre
mesure.
Aucun
102. Khaliq v. Republic of Sudan
1:19-mc-00289 (S.D.N.Y.)
Aucune Enregistrement du jugement
uniquement ; pas d’autre mesure.
Aucun
103. Mwila v. Islamic Republic of Iran
1:19-mc-00290 (S.D.N.Y.)
Aucune Enregistrement du jugement
uniquement ; pas d’autre mesure.
Aucun
104. Owens v. Republic of Sudan
1:19-mc-00288 (S.D.N.Y.)
Aucune Enregistrement du jugement
uniquement ; pas d’autre mesure.
Aucun
105. Leibovitch v. Islamic Republic of Iran
1:19-mc-01590 (E.D.N.Y.)
1:19-mc-01586 (E.D.N.Y.)
Aucune Enregistrement du jugement
uniquement, dans les deux
affaires ; pas d’autre mesure.
Aucun
106. Braun v. Islamic Republic of Iran
1:19-mc-01618 (E.D.N.Y.)
Aucune Enregistrement du jugement
uniquement ; pas d’autre mesure.
Aucun
___________
Duplique des Etats-Unis d'Amérique